UNIVERSITE DE NICE-SOPHIA-ANTIPOLIS
FACULTE DE DROIT, DES SCIENCES ECO;';OMIQUES ET DE GEST10N
LE BANQUIER MANDATAIRE?
(LES MANDATS VISANT A REALISER UN MOUVEMENT DE FONDS)
Thèse pour le grade de Docteur d'Etat en Droit.
Soutenue le mercredi l ô décembre 1992, à 15 heures.
par Honoré BOGLER.
JURY:
PRESIDENT:
Mme VEAUX·FOURNERIE Paulette,
Professeur à la faeulté de droit, des sciences économiques et de gestion, Université de NICE-
SOPHlA-ANTIPOLlS,
.
SUFFRAGANTS:
M. Philippe PETEL,
Professeur à ta faculLé de droit et des sciences économiques de Montpellier,
M. Renaud DE BOTfINI,
Professeur à la faculté de droit, des sciences économiques et de gestion, Université de NICE-
SOPHlA-ANTIPOLlS,
M. Jean-Pierre :\\-IOCKERS,
Professeur à la faculLé de droit, des sciences économiques ct de gestion, Université de NICE-
SOPHIA-ANTIPOLlS,
M. Dominique VIDAL,
Professeur à la faculté de droit. des sciences économiques et de gestion, Université de NICE·
SOPHIA-ANTIPOLlS.

Toute ma gratitude à:
- Mme le Professeur Veaux-Fournerie Paulette pour ses conseils et pour sa
disponibilité,
- tous les amis, que je ne puis nommer ici, pour leur soutien el leurs encouragements.

A Catherine Simone! Paule-Camille et Marc Aristide.
A Joachim.
A tau te ma famille.

L'Université n'entend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans les thèses.
Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

l
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIüNS
A.L.D. ou Act. Lég. D.
Actualité législative Dalloz
Art.
Article
Ass. plén.
Assemblée plénière des chambres
de la Cour de Cassation
Banque
Revue Banque
Bull. civ.
Bulletin des arrêts des chambres
civiles de la Cour de cassation
Française
Casso civ.
Cour de cassation française,
chambre civile
Casso corn.
Chambre commmerciale de la
Courde cassation
Casso soc.
Chambre sociale de la
Cour de cassation
c. ctv.
Code civil
Ci corn.
Code de commerce
c. G. I.
Code général des impôts
C. pén.
Code pénal
Comp,
Comparer
Chrono
Chronique
Coud.
Conclusions
Cf.
Confer (reportez-vous à)
Contra
Opinion contraire
D.
Recueil Dalloz
D.C.
Recueil critique Dalloz
D.H.
Recueil hebdomadaire Dalloz
.
, , \\ - .
Doel.
--4)~
~oc.,-rLne...
D.P.
Recueil périodique Dalloz
D.S.
Recueil Dalloz Sirey
éd.
Edition
Egal.
Egalement
EDe. jur.
Encyclopédie juridique
Ex.
Exemple.
Fasc,
Fascicule
Gaz. Pal.
Gazette du Palais

I I
Ibid
Ibidem
In
A l'intérieur de, dans tel ouvrage
Infra
Ci-dessous
I.R
Inforrnaticns rapides
J.CP.
Jurisclasseur périodique
(La Semaine juridique)
(J.CP.) éd. C.I.
(lep.) Ed. Commerce et indus aie
(J.CP.) éd. E.
(J.CP.) éd. Entreprise
(J.CP.) éd. not.
(J.CP.) édition notariale
J.O.E.F.
Journal officiel de l'Etat Français
J.O.R.C.I.
Journal officiel de la République
de Côte d'Ivoire
J.O.RF.
Journal officiel de la République
Française
L.G.D.J.
Librairie Générale de Droit
et de Jurisprudence
Loc. cit.
A l'endroit préeédemment cité
N. C. pro civ.
Nouveau Code de procédure civile
Nol.
Notamment
N° ou nOs
Numéro(s)
Obs.
Observations
Op. cil.
Dans l'ouvrage cité
P. ou pp.
Page ou pages
Pan. ou paner.
Panorama (de jurisprudence)
QuoI. Jur.
Revue Le Quotidien juridique
Rappr.
Rapprocher
Reetif.
Rectificatif
Rép. Defénois
Répertoire Defrénois
Rêp. dr. dv.
Répertoire de droit civil
Rép. dr. corn.
Répertoire de droit commercial
Req.
Chambre des requêtes de la
Cour de cassation
Rev, jur, corn.
Revue de jurisprudence commerciale
Rev. proe. coll.
Revue des procédures collectives
RI.D.
Revue Ivoirienne de Droit
R.T.D.Civ.
Revue Trimestrielle de Droit civil
R.T.D.Corn.
Revue Trimestrielle de Droit
commercial

III
s.
Suivantes)
S.
Sirey
Spécial.
Spécialement
Som.
Sommaires commentés
Supra
Ci-dessus
T. ou l.
Tome
Trib. civ.
Tribunal civil
Trib. corn.
Tribunal commercial
T.G.I.
Tribunal de Grande Instance
Trtb. Inst ou (T.I.)
Tribunal d'Instance
v.
Voir
v~ouvis
Verbo (mot) ou verbis (mots)

r
SOMMAIRE
INTRODUCTION
p.l
1ère PARTIE.
LES MANIFESTATIONS DU MANDAT DANS
LE CADRE DES MOUVEMENTS BANCAIRES
DE FONDS.
p.32
TITRE Ier.
LES APPLICATIONS DU MANDAT,
COMMUNEMENT ADMISES.
p.34
SrrITRE 1.
LES MANDATS AYANT POUR OBJET UN
ENCAISSEMENT DE FONDS.
p.35
CHAPITRE 1. L'ACTE CONFERANT LE MANDAT D'ENCAISSER.
p.37
SECTION 1.
L'OUVERTURE DU COMPTE BANCAIRE.
p.38
SECTION II. LA REMISE DU TITRE DE CREANCE AU BANQUIER.
pAO
CHAPITRE II.
LA SITUATION JURIDIQUE DU BANQUIER ENCAISSEUR. pA7
SECTION 1.
LES OBLIGATIONS DU BANQUIER ENCAISSEUR.
pA7
SECTION II. LA RESPONSABILITE DU BANQUIER ENCAISSEUR.
p.81
S/TITRE II. LES MANDATS AYANT POUR OBJET UN VERSEMENT DE
FONDS PAR LE BANQUIER.
p.92
CHAPITRE 1. LES MANDATS RELEVANT DE LA TECHNIQUE BANCAIRE
FONDAMENTALE DE MOUVEMENTS DE FONDS.
p.93
SECTION 1. L'ORDRE DE PAYER DONNE PAR CHEQUE.
p.94
S/SECTION 1. LA QUALIFICATION DE MANDAT RECONNUE AU CHEQUE :
FONDEMENTS ET CONSEQUENCES QUANT A LA CONDITION
ruRIDIQUE DU BANQUIER TIRE.
p.94
S/SECTJON II.
LES LIMITES DE LA QUALIFICATION DE MANDAT
RECONNUE AU CHEQUE
p.248
SECTION II. L'ORDRE D'OPERER UN VIREMENT DE FONDS.
p.263
S/SECTION 1. LES FONDEMENTS DE LA QUALIFICATION DE MANDAT
ATTRIBUEE AU VIREMENT.
p.265
S/SECTION II.
LES REPERCUSSIONS DE LA QUALIFICATION DE
MANDAT SUR LA SITUATION JURIDIQUE DES
BANQUIERS AYANT EN CHARGE L'EXECUTION
DE L'ORDRE DE VIREMENT.
p.296
CHAPITRE II.
LES II:J.ANDATS CONFERES PAR
UNE DOMICILIATION DE PAIEMENTS
CHEZ UN BANQUIER.
p.321
SECTION 1.
LES ELEMENTS DE LA QUALIFICATION DE MANDAT
RECONNUE A LA DOMICILIATION.
p.323
S/SECTJON 1.
LA DOMICILIATION VOLONTAIRE.
p.324
S/SECTION II.
LA DOMICILIATION OBLIGATOIRE.
p.334
SECTION II. VINFLUENCE DE LA QUALIFICATION DE MANDAT
SUR LA SITUATION JURIDIQUE DU BANQUIER
DOMICILIATAIRE.
p.340

I I
TITRE Il.
LES APPLICATIONS DU l'IANDAT.
SUJETTES A CONTROVERSES.
p.365
S(fITREI.
L'APPLICATION DU MANDAT A LA TECHNIQUE DU
CREDIT DOCUMENTAIRE.
p.368
CHAPITRE 1.
LES FONDEMENTS DE LA QUALIFICATION
DE MANDAT CONSACREE PAR LA JURISPRUDENCE,
EN MATIERE DE REGLEMENT PAR
CREDIT DOCUMENTAIRE.
p.371
CHAPITRE Il.
LES ELEMENTS PERTURBATEURS DE
LA QUALIFICATION DE MANDAT
RETENUE EN MATIERE DE CREDIT DOCUMENT AJRE.
pAU6
SECTION 1.
LE DROIT DIRECT ET PERSONNEL RECONNU AU
BENEFICIAIRE D'UN CREDIT DOCUMENTAJRE
IRREVOCABLE, CONTRE LA BANQUE EMETTRICE OU
CONFIRMATRICE.
pAü6
SECTION Il.
L'INEXISTENCE DE LIENS mRIDIQUES
ENTRE LE DONNEUR D'ORDRE ET LES
CORRESPONDANTS DE LA BANQUE EMETTRICE.
pAU
S/TITRE Il.
L'APPLICATION DU MANDAT A LA TECHNIQUE
DU REGLEMENT PAR CARTE BANCAIRE.
p.42ü
CHAPITRE 1.
LES DIFFICULTES DE QUALIFICATION LIEES
A LA COMPLEXITE JURIDIQUE DU MECANISME
DU PAJEMENT PAR CARTE.
pA22
CHAPITRE IL
LA CONSECRATION DE LA QUALIFICATION DE
MANDAT PAR LA DOCTRh'Œ DOMINANTE.
pA26
SECTION L
LES FONDEMENTS DE LA QUALIFICATION
DE MANDAT
p.426
SECTION U.
LES FACTEURS D'INCERTITUDE DE
LA QUALIFICATION DE MANDAT
APPLIQUEE A LA TECHNIQUE DU
PAIEMENT PAR CARTE BAI'CAIRE.
p.439
2ème PARTIE.
L'INFLUENCE DU CARACTERE COMPLEXE DES
OPERATIONS BANCAIRES SUR LE l'IANDAT
DU BANQUIER.
p.458
TITRE Ier.
LES DIFFICULTES D'APPRECIATION DE LA
PRESENCE ET DES CONTOURS DU MANDAT
S'INSCRIVANT DANS LE CADRE DE
RELATIONS JURIDIQUES COMPLEXES.
p.458
CHAPITRE I.
LES DIFFICULTES SUSCITEES PAR LA
COMBINAISON DE PLUSIEURS CONTRATS
A L'OCCASION D'UNE SEULE OPERATION.
p.459
SECTION I.
LA COMBINAISON DE CONTRATS
INTERDEPENDANTS.
pA6U
SECTION Il.LA COMBINAISON DE CONTRATS INDEPENDANTS.
p.476

III
CHAPITRE II.
LES DIFFICULTES LIEES AU CUMUL,
PAR LE BANQUIER, DES QUALITES
DE MANDATAIRE PRIVE ET D'''AGENT
DE L'ETAT".
p.49!
SECTION I.
L'INCERTITUDE QUANT A L'EXISTENCE
D'UN MANDAT AU SEIN DES OPERATIONS
BANCAIRES IMPLIQUANT UNE MISSION
DE SERVICE PUBLIC A LA CHARGE DU BANQUIER.
p.493
SECTION II.
L'INDETERMINATION DES ACTES
TRIBUTAIRES DE LA QUALITE DE
MANDATAIRE PRIVE DU BANQUIER
AGISSANT CONCOMITAMMENT POUR
LE COMPTE DE L'ETAT.
p.497
TITRE II.
L'AGGRAVATION DE LA CONDITION
JURIDIQUE DU BANQUIER MANDATAIRE.
p.Sûû
CHAPITRE 1.
L'ALOURDISSEMENT DES OBLIGATIONS
DU BANQUIER MANDATAIRE.
p.Sû!
SECTION I.
L'ACCROISSEMENT DES OBLIGATIONS
DU BANQUIER.
p.Sû!
CHAPITRE II.
L'ALOURDISSEMENT DE LA RESPONSABILITE
DU BANQUIER /ooMNDATAlRE.
p.SlO
SECTION 1.
L'AUGMENTATION DE LA PROBABILITE DE
RETENTION DE LA RESPONSABILITE DU BANQUIER. p.Sll
SECTION II.
L'ALOURDISSEMENT DE LA SANCTION DE LA
RESPONSABILITE DU BANQUIER MANDATAIRE.
p.S16
CONCLUSION GENERAI,E.
p521
AN~l EXE5
P52/r
13 I:J':, LI 0 li R11r'i11 ::
p.53S
T+l3LE ])ES t-olATIEKES
pS53
1NDt.X ~,IJ;+lHnl QUi:
P'567
A:D.D E l'-Ill,b,
p·579

INTRODUCTION

1
1 - Le mandat est, dans la théorie générale des obligations, la technique juridique qui
permet à une personne qui ne peut elle-même prendre en charge ses intérêts, parce que se
trouvant sous l'effet d'un empêchement quelconque, que celui-ci soit d'ordre juridique (c'est le
cas des incapables), matériel (c'est le cas des personnes morales qui ne peuvent agir que par
l'intermédiaire de leurs organes) ou technique (c'est le cas des personnes inexpérimentées qui.
pour des actes dépassant leurs compétences, sont dans l'obligation de s'en remettre à un
professionnen(l), de les confier à une autre. laquelle se trouve autorisée, dès lors. à accomplir
des actes juridiques au nom el pour le compte de la première, par représentation. Cene
technique juridique, dont les effets ne dépendent, bien souvent, que de la volonté des
contractants, ne pouvait qu'être largement utilisée dans le domaine bancaire. En effet, la
propension des banques modernes à vouloir rendre à leurs clients un "service total" fait
d'elles, aujourd'hui plus que jamais, des prestataires de services, amenés dans presque cous les
domaines de l'activité humaine (honnis le domaine des droits extra-patrimoniaux), à se
substituer à leurs clients pour les différents actes juridiques que nécessitent la constitution, la
conservation de leurs droits ou l'extinction de leurs obligations(2).
2 - Les banquiers apparaissent ainsi, de nos jours, comme les Intermédiaires
indispensables de la circulation des richesses. Leur qualité de dépositaires des fonds de leurs
clients les a amenés naturellement à leur servir de "caissiers". Le client qui souhaite, par
exemple, régler une dette à l'égard d'autrui n'aura pas à se déranger pour retirer les fonds
auprès de son banquier avant de les reverser à son créancier. Il lui suffira, pour cela, de
confier à son banquier le soin de remettre les fonds à la personne qu'il aura désignée. Cette
instruction donnée au banquier prendra la forme soit d'un chèque (auquel cas le créancier
bénéficiaire pourra à sa guise l'échanger auprès du tiré contre du numéraire(3), ou en obtenir
le règlement par l'inscription d'un crédit à son compte, en le faisant encaisser par son propre
(1) Sur ces différents lYr'-'~ d'empêchements. v. Ph. Malaurie et L. Aynës. Cours de Droit Civil, Les contrats spéciaux.
Cujas. 4(> éd.(l990), n·.~ ~9. p.Zô l .
(Z) V. Ph. Mataurfe el L. Aynès. Cours de Droit Civil, Les conua« spéciaux. Cujas. 4è M.( 1990), n'S30. p.261.
(3) Sauf ~1. ainsi qu'il en devenu de règlc aujourd'hui. du l'ail tic la généralisuuon de l'uulis auon de chèques prébarrés, le
chèque ;\\ L'ail l'objet d'un barrement. Car. alors, t'encaissement don être nécessairement re:lIisli par l'mtennédiairc n'un
banquier.

2
banquier), soit d'un ordre de virement (le banquier étant dans ce cas invité à faire porter la
somme indiquée au crédit du compte de la personne désignée, après retrait Sur le compte du
donneur d'ordre), soit d'un avis de domiciliation d'effets (le titulaire du compte demandant
dans ce cas à son banquier de palier les effets spécifiés (effets de commerce ou autres effets),
qui lui seront présentés à des échéances qu'il précise), soit d'une autorisation de prélèvement
au profit d'un tiers (le banquier étant appelé, alors, à prélever une certaine sorrune sur te
compte du donneur d'ordre pour la verser à une tierce personne, au vu d'avis de prélèvements,
souvent périodiques, dom J'émission est laissée à l'initiative de cette dernière).
3 - De même, le client pourra charger son banquier du recouvrement des sorrunes dont
lui-même est créancier envers des tiers. en lui demandant de présenter à l'encaissement, chez
ses débiteurs ou. le plus souvent. chez les banquiers de ceux-ci, les chèques, effets de
commerce, factures, avis de prélèvement et aurres titres dont il est bénéficiaire, Ce service est
d'autant plus appréciable que le domicile de certains débiteurs peut se trouver très éloigné,
voire. quelquefois, dans un pays étranger (hypothèse fréquente en matière de eommerce
international).
4 - Au-delà du traditionnel service de caisse, et pour éviter à leurs clients les soucis de
rransport et de maniement de numéraire, les banquiers ont mis en circulation un nouvel
instrument de paiement et de retrait de fonds: les cartes de paiement (ou carres de crédit) (4).
A l'aide d'une telle cane le client pourra, auprès d'un grand nombre de fournisseurs agréés par
l'émetteur, se faire livrer des produits ou services. en signant simplement les factures y
afférentes. Le paiement de celles-ci sera fait par le banquier qui a délivré la carte, et le compte
de l'utilisateur sera débité soit immédiatement, à la réception de la preuve des dépenses, soit
de façon différée. Cette même carte permet de retirer des fonds dans des distributeurs
automatiques de billets. ainsi que dans un certain nombre de banques, sur le tenitoire
national, et même à I'érranger, pour certaines cartes.
(4) On distingue généralement la carte de paiement (encore appelée carte accréditive) dont la fonction est de garantir au
fournisseur un paiement par le débit du compte de l'utilisateur, de la carte de crédit qui ajoute à la fonction de paiement une
fonction de crédit au cas oü le: compte de l'utilis oteur ne serait pas suffisamment approvisionné. V. not. J.-L. Rives-Lange el
M. Contamine Raynaud, Droh bancaire, Précis Dalloz, Sè éd. 1990. u'JIO. p,437. Mais celle distinction ne rend pas
suffisamment compte de la réalité. De plus en plus sc répandent, en effet. des cartes reposant sur une ouverture de crédit. Il eu
est ainsi, par excrnple, de la cane bleue "SOFINCO".

3
5 - La position privilégiée des banquiers, "caissiers" et même quelquefois conseillers de
leurs clients, conduit l'Etat lui-même à solliciter leur concours, notamment à l'occasion
d'émissions d'emprunts, les banquiers se chargeant de placer, pour le compte de celui-ci, les
titres qu'il émet. Mais, la collaboration des banques avec l'Etat ne s'arrête pas à ce rôle de
placement d'effets publics. En effet, elles se sont vu confier, de manière permanente, certaines
missions d'intérêt publie(S), notamment en matière de contrôle des changes, où elles ont été
désignées comme intermédiaires agréés (er obligatoires), pour les relations monétaires et
commerciales avec l'étranger. Ce qui a pu faire dire que le banquier participait à un service
public(6). Par ailleurs, elles sont aujourd'hui un rouage indispensable pour la collecte de
l'impôt ou de taxes diverses au profit de l'Etat.
6 - Dans toutes ces situations, où le banquier est censé agir pour le compte d'autrui, à
l'occasion, notamment, des mouvements de fonds qui lui sont demandés, l'on est porté à lui
attribuer la qualité de mandataire. La qualification de mandat apparaît ainsi, très clairement,
par exemple, dans deux décisions de la chambre commerciale de la Cour de cassation, en date
des 19 avri]Ol et 17 janvier 1984(8).
Dans la première de ces décisions, une banque s'était mise, par sa faute, dans
l'impossibilité d'exécuter les instructions de son client, lequel avait affecté spécialement, au
paiement de certains sous-traitants, des sommes à provenir d'un encaissement donné. Les
sous-traitants lui en demandaient réparation, à la suite de la "faillite" du donneur d'ordre. La
Cour de cassation, rendant compte de la décision d'appel, ne la désavoue à aucun moment,
quant à l'analyse du contrat en causc(9). Elle relève, ainsi, que les juges d'appelant retenu que
le maître de l'ouvrage, en précisant à la banque les paiemenrs auxquels les chèques qu'il
(5) On peUl signaler, en dehors du domaine du contrôle des changes. le rôle joué par le banquier en matière de police des
chèques.
(6) V. Daniel Vignes. Org anisauon adrninistrarive du contrôle des changes, in Le contrôle des changes. Ses répercusslous sur
les institutions juridiques. Paris. Sirey t955. pp.l l et 19; Ch. Gavalda et J. Stoufftet. Droit de la banque. Thémis 1974,
n0567. p.781; J.•L, Rives-Lange el:\\1. COlilamine Raynaud. op. cit., n'336, p,476.
(7) Bull. civ .,IV,n'IIS. p. J0 t.
(8) Bull. civ.,IV,n'18, p.15.
(9) La décision est cassée, certes, mais seulement sur le poinl précis des effets du contnu à l'égard des tiers.

4
adressait étaient destinés, "avait donné à celle-ci un mandat spécial d'effectuer les paiements
qu'il visait", que "la banque avait accepté ce mandat" et que "ayant versé les sommes reçues
sur lUI sous-compte ouvert au nom de l'entreprise générale et ne pouvant ignorer qu'en cas (je
dépôt de bi/ail de celle-ci fa convention d'unicité de compte produirait son effet et qu'elle
serait dans l'impossibilité d'exécuter son mandat, elle avait commis une faute envers son
mandant dans l'exécution du mandat".
La deuxième de ces décisions intervint, quant à elle, dans le cadre d'une mission
d'encaissement confiée à une banque. Un litige s'étant élevé entre la banque et son client qui,
lui ayant remis à l'encaissement deux Jeures de change acceptées, se plaignait du retard mis
par celle-ci à l'aviser du non paiement desdits effets, la chambre commerciale approuva la
Cour d'appel d'avoir retenu la responsabilité de la banque. Pour cette dernière cour, "M.
Messina qui avait chargé la banque. en lui remettant les effets, d'en assurer le recouVrement
à la date convenue, était ell droit de penser que sa mandataire s'acquitterait exactement de la
mission qui lui avait été impartie et l'aviserait en cas de difficulté". La banque ne justifiait pas
avoir rempli ces obligations.
7 - Si la qualification de mandat est largement acceptée aujourd'hui, en matière de
services bancaires relatifs aux mouvements de fonds, tant il est vrai que le banquier qui
exécute soit un ordre de paiement, soit une mission d'encaissement qu'il a reçue de son client,
est amené à se substituer à ce dernier pour agir en son nom, c'est-à-dire, en ses lieu et place, il
faut savoir que pour la plupan des opérations visées, l'admission de la qualité de mandataire
du banquier n'a pas toujours été automatique. En effet, le rôle de mandataire du banquier,
dans le domaine des services concernant les mouvements de fonds, n'a fair l'objet d'un
consensus à peu près général, historiquement parlant, qu'à propos des opérations bancaires
ayant pour objet un encaissemem(lO). En revanche, en ce qui concerne la plupart des
opérations bancaires visant à assurer un paiement au profit de tierces personnes, une
incertitude évidente, quant à la nature juridique exacte du rôle accepté par le banquier, a
longtemps caractérisé aussi bien la jurisprudence que
la doctrine. Cette incertitude
no) v. par ex. Trib. C0m. Seine 21 juin [893, Gaz. Pal. 1893.2.69: Trib. corn. Seine 24 juin 1897. Gaz. Pal. 1897.2.::&9;
Adde. plus récemment, Paris 19 mars 19B7, D.1988.som.49, note M. Cabrillac; Paris 19 fév. 1987. D.1987,l.R.57.

5
transparaissait, dans la jurisprudence du début de ce siècle notamment, autant dans l'habitude
qu'avaient commodément prise la majorité des juges de trancher les problèmes qui leur étaient
soumis sans se risquer, auparavant, à la qualification du contrat en cause, que dans les
controverses suscitées par les fares analyses rentées(ll). Il n'est pas surprenant, à vrai dire, en
ce qui Concerne les techniques bancaires de paiement, qu'en présence d'opérations juridiques à
trois personnes(l2) Ou, plus précisément, d'opérations impliquant J'intervention d'une tierce
personne dans le cours d'une convention à laquelle elle n'a pas été partie, à l'origine. que l'on
ait hésité, pour l'essentiel, entre des qualifications reposant sur l'idée soit d'une transmission
d'obligation(l3), soit d'une relation de mandat. Mais il a bien fallu admettre qu'à l'occasion
des paiements qu'elles effectuent sur ordre des clients, les banques n'entendent souvent jouer
que le rôle d'un simple intermédiaire. et que ce n'est que de façon très exceptionnelle, à
l'occasion d'opérations bien spécifiques, telles que le crédit documentaire, ou le règlement par
earte bancaire, qu'elles acceptent de garantir. en nom propre, le paiement promis par leur
client.
8 - Cette idée allait donc s'imposer, au fil des ans, aussi bien en jurisprudence qu'en
doctrine, pour certaines des techniques bancaires de paiement du moins; à savoir celles qui
relèvent du service de caisse traditionnellement attaché au fonctionnement d'un compte
bancaire. De fair, selon que l'opération bancaire implique ou non une promesse de payer, prise
en nom propre, envers les tiers, par le banquier considéré, l'analyse de ladite opération en un
mandat fera ou non l'objet de contestations sérieuses. La thèse du mandat parviendra, ainsi, à
s'imposer en droit positif pour le chèque, le virement, la domiciliation, etc. tandis qu'au regard
des moyens particuliers de paiement que constituent le crédit documentaire et la carte
bancaire, les propositions d'analyse par la théorie du mandat demeureront largement
(U) Sur les controverses concernant la nature juridique des techniques bancaires dl.' paiement. V., pM ex, infra n'l20 et s. (à
propos du chèque), n'340 (à propos du virement].
(lZ) Pour une définition précise de cette expression. v. Ch, Larroumet. Les opérntions Juridiques à trois personnes en droit
privé. DIèse (ronéo). Bordeaux 196R, n·7, p.ll el s.; également. Ph, :\\-falaurif" et L. Aynês. Cours de Droit Civil. us
contrats spéciaux. Cujas. -1-è éJ.( 1990),n·'200. p.661.
(13) Le chèque a pu ainsi être ~l1aIY5é, notammcut. en U1\\<' cession de créanee ou en une délégauon imparfaite... V. infra
n"lll et s. 1:1 n·11J el s.; Y. é!,~lelnent pour les analyses proposées en ce qui eonce.rne le virement, infra n"34D: en ce qui
concerne le crédit docume.uuire. v. infra n '554.

6
controversées. C'est que, objecte-t-on généralement, à propos des techniques bancaires de
paiement cornportant un engagement pris personnellement par le banquier envers les tiers (le
crédit documentaire irrévocable, par exemple), en s'exécutant, le banquier n'agit pas comme
représentant d'un mandant, mais [raite, au contraire, en son nom personnel avec le tiers(l4).
9 - En somme, la reconnaissance de la qualité de mandataire du banquier qui se charge
d'opérer des mouvements de fonds, sur l'invitation de ses clients, serait tributaire des relations
juridiques qu'il est censé entretenir (ou ne pas entretenir) avec les tiers. Prétendrait-il n'agir
que par représentation d'autrui? Alors il sera traité comme un mandataire. Qu'au contraire il
s'implique personnellement dans l'action qu'il accomplit pour le compte d'autrui, et la qualité
de simple intermédiaire lui sera alors contestée.
10 - Ce clivage marque, aujourd'hui encore, le droit des opérations bancaires touchant
aux mouvemenrs de fonds. Encore que l'immixtion de plus en plus fréquente des pouvoirs
publics dans la vie des contrats bancaires, à l'effet de défendre les intérêts des tiers, imprime,
semble-t-il, une lente évolution vers une institutionnalisation du mandat. en la matière
étudiée. Cette évolution. si elle devait se confirmer, rapprocherait, à terme, la notion de
mandat admise en l'occurrence de celle consacrée par certains droits étrangers, tels le droit
anglais Cà travers le concept d"'agency") et le droit allemand (à travers le concept de
"Prokura,,)(l5), Dans ces systèmes juridiques. en effet, la notion de mandat se rattache à une
idée de statut plus qu'à une idée de contrat; du moins en ce qui concerne les rapports des
parties au mandat avec les tiers. Dans le système de ]'''agency'' de la common law, le Contrat
n'a pour objet, généralement, que de régir le domaine de I't'authcrity''. c'est-à-dire celui des
rapports entre le "principal" (le représenté) et l't'agent" (le représentant), tandis que le
domaine du "power", c'est-à-dire celui des rapports entre t'''agem'' et les tiers peut excéder
celui de l'authority, tributaire qu'il est des coutumes ou statuts professionnels ( 16). De même,
(14) V. J. Hamel. note sous Cass. req. 26janv. 1926, D.P. 1916.1.201 el S., § IV, in fine (p.203l. Adde \\1. Vasseur, obs. sur
Paris L8 nov. 1983. D.1984,I.R.267.
(15) ainsi que le croit suisse el le droit italien: V. Ph. Malcurle et L. Aynès, Cours ci,' Droit Civil. Les contrats
spéciaux.précité. note n'23 p.266; adde n'530, p.262.
(16) Sur ce point, v. Rene David el Davld Pugstey. Les contrms en droit anglais, 2è éd., L.G.D.J. 1985, n'316, p.114;
également. n'81, p.60. in fine.

7
dans le système de la "Prokura" allemande, le contrat de mandat ne concerne que les rapports
du mandant et du mandataire, dans la mesure où "le pouvoir conféré au mandataire est, à
t'égard des tiers, impérativement fixé par /a loi,,(l7).
11 - Pour le juriste français, les services offerts à sa clientèle (civile ou commerciale)
par le banquier, en dehors des opérations (de crédit ou autres) dans lesquelles le banquier agit
indiscutablement pour son propre compre(l8), relèvent essentiellement de l'activité d'un
"agent d'affaires", c'est-à-dire d'une personne s'occupant. à titre professionnel, des affaires
d'autnü(l9). La conséquence en sera le recours, pour qualifier cette activité, à la notion de
mandat, dans la mesure où le banquier va se trouver très souvent investi du pouvoir d'agir
pour aurrui(20). Mais n'est pas nécessairement un mandataire celui qui, à titre professionnel,
agit pour autrui. En témoignent les statuts juridiques du courtier et du commissionnaire.
12 - Le Contrat de courtage peut être défini comme le contrat par lequel un commerçant,
le courtier, s'oblige envers une personne, le donneur d'ordre, à la mettre en rapport avec une
autre personne, en vue de la conclusion d'un contrat déterminé. Son rôle se borne donc à
rapprocher deux personnes qui souhaitent contracter. sans participer lui-même à la conclusion
du contrat. il n'est pas, par conséquent, le représentant de son donneur d'ordre(2l). Le
courtier, bien qu'agissant pour le compte d'autrui, opère, en toute indépendance(22\\ en son
nom personneL
(17) Ph. Malaurie et L. Aynès, Cours de Droit Civil, Les contrats spéciaux, précité, n'S36, p.266. Adde, sur la notion de
Prokura, en général. Claude Girerdon, L'évolution du contrat de mandat. Thèse drou, Paris 194ï. n']OO. p.Sü; Mkbel
Fromont el Alfred Rteg (ouvrage collectif. sous la drrecuon de ...), Introduction au Droit allemand. Allemagne fédérale, t.lll.
2è partie, par Peler Srhlechtriem, Cuj.1.S 1991. pJHü.
(18) Son activité relève alors ou de la vente, ou du prêt, ou du crédit, ou du cautionnement, l'le.
(l9) Ph. ~alaurie el 1. Aynès. Cours de Droit Civil, Les coutrurs spéciaux, précité.n'ô jû, p.162.
(20) V. Ph. Malaurie et 1. Aynès, Les contrats spéciaux, précité. n'jJO. p.263; on y lit. en effel. que "le mandataire est .. un
intermediaire qui
il le pouvoir d'agir pour ùUlrui".
(21) Sauf. cependant. lorsque 1..: courtage se double d'un mandat, le couruer ayant été expressément chargé par l'une des
parties. de conclure le contrat. V. F. de Chusteigner, Contrat de courtage, Jurisc!. Com., Conrrns-distribntion. fascA9ü. n'S
el arrêts cités.
(22) En œla il se distingue du V-R.P. qui est un mterrnédiairc de commerce saJ.uii.

8
13 - Le commissionnaire, lui aussi, agit en son nom personnel, pour le compte
d'autrui(23). Mais à la différence du courtier, il doit conclure l'acre pour lequel il s'est
entremis. A la différence du mandataire. le commissionnaire est engagé à l'égard des tiers
avec lesquels il a traité. puisqu'il agit en son propre nom quoiqu'intervenant pour le compte de
son commettant. Le commissionnaire n'est donc pas un représentant, la représentation ayant
pour effet d'engager directement la personne pour laquelle l'action est entreprise. De fait, le
commettant reste, vis-à-vis des tiers, étranger au contrat passé par le commissionnaire et n'est,
en conséquence. pas soumis à l'acuou des cocontractants de ce dernier; réserve faite.
toutefois. de l'action oblique de l'article 1166 du Code civil(24).
14 - Les conséquences de l'intervention du banquier qui réalise un mouvement de fonds,
à la demande de son client, sont différentes de celles qui viennent d'être décrites. La
qualification qui lui est appliquée, également La jmisprudence(25) er la docrrine(26)
dominantes le considèrent, dans ce rôle, comme un mandataire, dans la mesure où il est censé
agir, non seulement pour le compte du donneur d'ordre, mais, également, au nom de ce
demier. par représentation. N'yœt-il pas là une confirmation de l'idée que la représentation est
l'élément qui caractérise le mandat? La réponse à cette interrogation passe par un rappel des
traits essentiels dn contrat de mandat (1). Mais la présente étude, consacrée à l'activité du
(23) L'art. 94 C. corn. le définir ainsi. en effet: "le commissionnaire est celui qui agir en son propre nom OfJ sous un nom
social pour le compte d'autrui",
(24) Sur ce point. v. par ex., G. Ripert et R. Roblot. Traitê de droit eommercial. 1.2. L.G.D.J., 12è éd.(l990), n'2658, p.659.
(25) V., par ex., Casso corn. 19 Avr. 1985, Bull. Civ.JV, n'U8 p.Iûj ; Casso corn. 23 Avr. 1985, Bull. Civ.,IV, n'12I.p.I04;
Cess. corn. 17 JElIlV. 1984, Bull. Civ .,IV,n'18,p.15; Paris, 19 Pév. 1987, D.1987,I.R.57; Paris 13 JElIlV. 1984, D.l984,I.R.306,
obs. M.. Vasseur; Pans 6 Mai 1983, D.1984,I.R.70. obs. M. Cabrtllac; Trib. Corn. Paris 26 Sept. 1984, D.1985,I.R.342, obs.
M. Vasseur; Trib. Com. Paris, 19 Sept. 1983, D.1984,I.R.307. obs. M. Vasseur.
(26) Malgré J'importance. dans J'activité des banques, des opérations faisant appel à J'idée de mander. très peu d'études
systêmanques onl été consacrées à cel aspect du métier de banquier. V., toutefois, O'Meara Patrick, Le banquier
mandataire. Thèse Droit. Paris TI. 1975. Par contre on rronve des développements consacrés an mandat en matière bancaire
dans la plupart des ouvrages de droit bancaire. V. nol. J.-L. Rives-Lange et :\\'1. Contumme-Raynuud, Droit bancaire, Précis
Dalloz, 5è éd., 1990, n" 267 CL s.. pp.365 ct s.; G. Rlpert el R. Roblot, Traité élémentaire de droit commercial, Paris
L.GD.J., 12è éd.,1990. n'244fi et s..p.482 cl s.: Ch. Gavalda et J. Stouâlet, Droit de la banqne. Thémis. 1974, Il'567 et s.,
Droit dn crédit. 1.2, Effets de commerce. Chèques. Carle de paiement et de crédit, 2è éd. Litcc 1991. n's 106. 109.201, et 211
et s.; François Grun. Contrats bancaires, 1.1. Contrats de services, Economica 1990, n' s 124 et s. et 207 et s.. pp.125 et s. et
19gets.

9
banquier, impose, d'autre part, pour une délimitarion précise du sujet abordé, la détermination
de la personne que désigne le terme "banquier" (II).
J. LES TRAITS ESSENTIELS DU CONTRAT DE MANDAT
15 - Les éléments qui caractérisent le mandat peuvent être relevés aussi bien au stade de
la formation du contrat (A), qu'au stade de son exécution, à travers ses effets (B).
A. LA FORMATION DU CONTRAT DE MANDAT
16 - Les traits marquants du contrat de mandat, envisagé au stade de sa formation,
résident beaucoup plus dans ses caractères essentiels (1) que dans ses conditions de validité
(2).
1. LES CARACTERES ESSENTIELS DU I\\.tA:'iD.'\\T.
L'art. 1984 du Code civil définit ainsi le mandat: "le mandat Olt procuration est LUI acte
partequet une personne donne à une autre le pouvoir de/aire quelque chose pour le mandant
et en son nom". Cette définition renferme rous les caractères du mandat, dont certains sont
néanmoins précisés expressément par les articles suivants. En premier lieu apparaît le
caractère représentatif.
a. Le caractère représentatif.
17 - Si l'on excepte quelques maladresses de rédaction du texte de l'an:. 1984 du Code
civil(27). la remarque principale qu'il autorise est que le mandat confère à une personne le
pouvoir d'accomplir un acte pour le compte du mandant. mais aussi et surtout, en son nom.
(27) - Les auteurs s'accordent en effet, d'une pan à dénoncer la confusion qui il été bile dans la rédaction du texte, entre la
procuration, gui cat le pouvoir donné par le mandant au mandataire (matérialisé souvent par un écrit), et le rnnndar qui est le
contrat dans le cadre duquel ce pouvoir est donné. el. d'autre part. li. préciser que, conrrairemenr 11. l'impression que peuvent

10
Action pour Je compte d'autrui, action au nom d'autrui, ce sont là les deux composantes
du concept de représemaüon(28); car "représenter, c'est agir au nom d'autrui; c'est aussi agir
pour le compte J'autrui: l'auteur de l'action est le représentant; le titulaire des droits, qui est
.
aussi la personne engagée, est le représenté"(29).
Le mandat suppose donc ta représentation; et on peut même aller plus loin et affmner
que la représentation est de l'essence de ce contrat. Si le mandat a un caractère essentiellement
représentatif, on doit admettre qu'il n'y a pas de mandat sans représentation(30), et que tes
mandats dits sans représentation, tels la convention de prête-nom ou le contrat de
commission, ne sont pas en réalité des mandats, même si leur réglementation a emprunté
beaucoup aux règles de ce dernier contrat. Dans ces deux types de convention, seule la
volonté de celui qui intervient entre en ligne de compte pour la personne avec qui il conclut
l'acte projeté. Celle du donneur d'ordre est totalement ignorée du tiers ou volontairement
écartée. La conséquence en sera une absence de lien de droit entre le donneur d'ordre et la
personne avec qui le prête-nom ou le commissionnaire aura traité; or, comme on le verra plus
loin, l'effet essentiel du mandat est de créer un rappon d'obligation direct entre le représenté
et le tiers, cocontractant du représentant(3l),
Du caractère représentatif il découle également que le mandat a pour objet des actes
juridiques et non des acres matériels(32), ce qui le distingue encore du louage d'ouvrage(33),
donner les expressions "pouvoir de [aire que/que chose", le mandat n'a pas pour objet des acres matériels, mais plutôt. des
actes juridiques, qui seuls, pellvent être faits "au rwm de quelqu'un", V, nDL René Rodiere, Enc. Jur. DaUM, rép. dr. civ.,
t, V, v' Mandat (1973). n'I et s.; Ph. le Tourneau, Enc. jur. Dalloz. rép. dr, civ. t. v, v' Mandai (1992), n'52 et s.
(28) V. Michel Storck. Essai sur le mécanisme de la représentaücn dans les actes juridiques, Paris, L.G.D.J., 1982, n'129,
p.9S.
(29) Michel Starck, op. cit., n0130, p.97,
(JO) V, dans le même sens, Michel Starck, Dp. cit., n-319 et 320, pp.236 el 237 et les acteurs cités; M, Srorck rejette
catégoriquement les concepts ùe représeutanon "indirecte" ou "imparfaite" el de mandat "sans représeuterion" défendus par
certains auteurs. V. cependant. contra, Auhry el Rau, Droit civil français. l. VI. 7è éd. par Ponsard et Dejean de la Batie, §
410, n'l64, p.236; Planjol el Rjpert Traité pratique de droit civil français. r. XI. L.G.D.J., 1932, Il'1427, p.765; Baudry-
Lacantinerle et Wahl, traité théorique ~l pratique de droit civil, 3è èd.. 1. XXIV. n'361, p.174, n'636, p,I?5 et n'SB, p.276;
R, Rodière, rép. dr, civ .. précité, v' Maudnt, nOs 4 et40 1; Ph. le Tourneau. rép. dr. civ. v' Mandat (1992) précité, n' 48 1"1 s.
(31) V. daus le même sens H., L. el J. Mazeaud. Leçons de Droit Civil. r. fit, Principaux contrats, 2è partie, Sè êd précité.
par :\\1, ùe Juglart, \\l'~ 13114 et 1427: Ph. Malaurie et L, Ayoës. Cours de droit civiL Le, obligations, n' s 664 el 666 in fine,
pp.362 et 363.
(32) V. supra note n':!7: également H" L., el J. Mazeaud, op. cit .. u'1384.

11
Les
autres
caractères
du
mandat démontrent
aUSSI
l'importance
du
caractère
représentatif dont ils constituent la suite logique: ce sont les caractères "consensuel" et intuiru
personœ.
b. Le caractère" consensuel" (34).
18 - Il ressort de l'art. 1984 du Code civil que le mandat trouve sa source dans la volonté
du mandant mais le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire. C'est mettre
l'accent sur le caractère conventionnel et donc volontaire(35) du mandat, volonté qui peut être
extériorisée par écrit ou verbalement (art. 1985 C. civ.), et dont l'existence seule suffit à
donner naissance au contrat, sans qu'il soit besoin de respecter une quelconque fonne(36), En
principe, le mandat tel qu'il est réglementé par le Code civil est conventionnel. U trouve son
origine dans un accord des volontés, et du mandant. et du mandataire. La volonté du mandant
doit être antérieure à l'intervention du mandataire; sinon il n'y aurait pas un mandat mais
plutôt un quasi-contrat de gestion d'affaires(37) qui, bien que produisant les mêmes effets que
le mandat, une fois ratifié par le maitre de l'affaire gérée. s'en distingue fondamentalement par
l'absence de la volonté de ce dernier à l'origine de la gestion. Pour autant, le Consentement des
(33) V. R. Rodlere. rép. dr. civ. précité,
O
V
Mandat, n'24 el s. et les références junsprudcmietles el doctrinales citées.
(J4) Le contrat consensuel est celui dont 1:1. ccnclnsion n'est soumise à aucun formalisme. Il se Iorrne par Je seul échange des
consentements des parties. L", caractère consensuel présuppose par conséquent le caractère volontaire de l'acte projeté. Le
mol consensuel exprune. selon nous, à la fois l'idée d'un engagement volontaire, librement consenti, et l'idée d'lin engagement
se formant par le seul échange des consentements.
(35) V. infra. n'I9 ct références citées.
(36) D'apr"'s l'art. 1985 C. csv., le mandat peut être donné sous quelque forme que ce sail, même verbalement. Mais sa preuve
est soumise aux rêgjes du droit commun de la preuve des comreu. Ce qUI a polir résultai, en pratique. et pour des raisons de
sécurité, d'inciter les parties J. rediger un écrit (v, R. Rodiere. rép. dr. civ. précité, v· Mandat, n'97 et 5.; Ph. le Tourneau,
rép. dr, civ., v' Mandat (1992) précité, n0126 el s.). Par excepticu à ce principe, cependant, la validité de certains mandats est
soumise à la rédaction d'un aere authentique. exigé, SOIt par un texte spécial, soit par le caractère solennel de l'acte pour
lequel le mandat est donné (par exemple pour unl' coustitution d'hypothèque). Pour les cas où lin acte authentique es! exigé,
". not. Aubry et Rau, précité § 411, n'16R: R, Rodtere, rép. Ur. eiv. précité. n'98 el S.; Pb. le TOurneau, rép. de. civ.. v'
Mandat (1992) précité, n'128 cr s.
{37) V. art. 1372 el s. C. civ.: également H., L. el J. Mazeaud. op. cir., n'1390.

12
punies ne doit pas obligatoirement être exprès. Il peut être tacite et se déduire,
éventuellement, de l'exécution du contrat, ou des circonstances d'une affaire donnée (38),
19 ~ Le principe selon lequel le mandat a un caractère conventionnel connaît deux
exceptions: d'une part. le mandat a quelquefois une origine légale ou judiciaire(39)(40),
d'autre part, une personne peut être tenue pour mandante, sans avoir donné son consentement,
uniquement sur le fondement de l'apparence(4l),
L'application de la théorie du mandat apparent est cependant soumise à deux
condirions : la participation du pseudo-mandant à la création de l'apparence(42) et une erreur
légitime de la victime de l'apparence, laquelle peut être un tiers. mais également le
mandataire(43) chargé, par exemple, d'effectuer des paiements(44).
c. Le caractère intuitu personee.
20 - Le mandat ayant pour effet principal d'entraîner la représentation d'une personne
par une au cre, on comprend que la personnalité du représentant revête une grande importance
(38) V. Aubry el Rau, op. cit., § 41 L o'L67; Baudry-Lacuntinerie et Wahl, op. cit., 0'481 el s.; Planiol el Riperl, op. cu.,
nOs 1440 et 1454.
(39) L'existence d'un mandat, dans ees cas. est discutée, eu égard! l'absence d'une convention des parties 11 son origine. v.
Ph, Malaurie el L, Aynès. connars spéciaux. précilê, n'540, et Les obligations, précité. n'665, p.363; v. aussi R. Savatler
qui, ! propos du mandat légal. éerir IJu, "l"'e~1 pur lUI ahUJ dl' /tmgagl' qu'on parle a/ors de mandai, puisqu'il n'y a pas de
contrat.faute de conserüemeru des intéressés",
in Planiol el Rlpert, op. CiL. nOl441.
(40) Sur l'origine légale de certains mandats bancaires, v; par ex.. à propos du paiement des chèques d'une valeur n'excédant
pas lm FF., infra, n'317 el s.
(41) Sur l'ensemble de la question, v, not. Jean CalaÎ5·Auloy, Essai sur b. notion d'apparence en matière eommerciale.
Thèse, Montpellier 1959, L.G.D.J. 1961. lIOL. n'54 et s., p.57 ct 5. et n'108 et 5.. p.95 el 5.; Jean-Pierre Arrigbi, Apparence
et réalité en droit privé. Contribution à l'étude de la protection des tiers contre les situations apparentes. Thèse, Nice 1974,
not. n'32 et s.. p.92 el s. et n'168 el s.. p.413 Cl s.; Leautê.fe mandat apparent dans ses rapports avec la théorie générale de
l'apparence. R.T.D,Civ.1947.288 et s.; P. Lescot, Le mandat apparent, J.C.P.1967.I.l826; R. Rodière. rép. dr, civ. précité, v'
Mandat. 0'349 et S.; Ph. le Tourneau, rép. dr. civ., VO Mandat (1992) précité, n'142 el".
(42) V. C5.Ss. Will. 27 mai 1974, D. 1977.421, note .J,·P. Arrighi; également. infra, n'34 el les références citées.
(43) SU[ l'application de la théorie de J'apparence au mandataire. v., en matière de paiement de chèques Faux par le banquier
tiré, F, Derrida, Enc. jur. Dalloz, rép. de. civ., 2è éd., v", Apparence (1970), n"42 el décisions citées: également Paulette
Veaux-Fournerie, obs. i\\ la Revue Ivoirienne de Droir (R.I.D.) 1978, )-4, p.145 et s.
(~) Sor le rôle de la théorie de l'apparence. dans le cadre du paiement des chèques, par ex.. v. infra n'305.

13
pour le représenté. Aussi. a-t-on toujours reconnu le caractère intuitu persone du mandat et
affirmé en conséquence, d'une pan, que le mandat était, en règle générale, révocable ad nutum
(art. 2004 C. civ.), c'est-à-dire par la seule volonré du mandant, et inversement, que le
mandataire pouvait renoncer au mandat (an. 2007 C. civ.}, d'autre part, que le mandataire ne
pouvait, en principe, se substituer une autre personne sans l'accord du mandant (art. 1994 C.
civ.)(45), et, enfin, que le mandat prenait fin avec le décès(46) ou, par extension, avec la
"faiUite,,(47) de l'une des parties au contrat(48). Mais ces principes résultant du caractère
intuitu persona: ne sont pas absolus: ce qui a fait dire à messieurs Malaurie et Aynès que
"I'intuitus persona: est sans doute de la nature du Contrat, pas de wn essence,,(49),
21 - Dans certaines hypothèses, en effet, le mandat peut survivre au décès de l'une des
panies(50). C'est te cas, par exemple, lorsque le mandat a été confié dans l'intérêt commun du
mandant et du mandataire; le mandataire peut poursuivre alors l'exécution de la mission
malgré le décès du mandant(51). Les articles 1991 al. 2, 2008 et 2009 du Code civil prévoient
d'autres cas de survivance dn mandat après le décès du mandant. De même, la "faillite'! du
mandant n'est pas un obstacle à la continuation du mandat(52), si l'administrateur choisit
(45) V, Ph. Malaur!e el L. Aynès. COlJr~ de Droit Civil. Les contrats spéciaux. précité, n'561. p.:84; v. également infra n'26
ers.
(46) L'an, 1991 al. 1 C. civ. précise cependant que le mandataire "est tenu d'achever la chose commercee 1111 décès du
mana...IU, s'il .v Cl pé'II...,., la demeure",
(47) Le texte de l'arl.10ü3 C. civ. vise la déccnfiuee el non la "faiihte". Sur l'assunilanon de 1J "Iaillherà la déconfiture. v,
G, Ripert el R. Rabiot, op. CIl" :.1L n' 3049, p.954.
(48) Sur le principe de la cuducué de J'ordre de virement. par exemple, suite au décès du donneur d'ordre ou de la survenance,
en sa personne, d'une incapacité on d'une mes are de dess aisissement de la gestion de ses bien>. v. infra n'393, De même, sur
la caducité de J'ordre de domiciliauon, par suitedu décès de '00 auteur. v. infra o'.:l-59.
(.:l-9) V. Pb. ~alaurie el L. Aynës, Cours de Droit Civil. Les contrats spéciaux, précité, n'551, p.:!76,
(50) [! en va souvent ainsi. dans .e cadre des mandats bancaires de paiement ou de recouvrement (v. infra n's 58 et 173).
(SI) En matière bancaire. en eIT"l. le mandai de recouvrement que renferme l'endossement de procuration d'un chèque ou
d'une lerne de change ne prend ~as fin avec le décès de l'endosseur, ce mandat apparaissant bien souvent comme un mandat
d'intérêt commun (v, mi"r,lll's 58 el 111.). La persistunce du mandat bancaire, malgré le décès du mandant, pevt être observée
égajcmenr en lOJ(ière de parement dc chèques. L'art. 33 du décret-loi du 30 ocr 1935 prévoit. en effet, que le déeès tlu tireur
d'un chèque, intervenant postérieurement à l'émission, n'empêche pas le paiement per :e banquier tiré (v. infra n'173),
(52) V. infra Jl'S 58 et 171.

14
d'exercer le droit, que lui reconnaît la loi, d'exiger l'exécution des contrats en cours(53).
Enfin, la révocabilité du contrat n'est pas d'ordre public. EUe peut être écartée(54), et le
mandat rendu irrévocable par la volonté des parties, exprimée expressément ou tacitement; ce
qui aura pour effet, non de maintenir les parties dans les liens du contrat malgré la révocation,
mais de faire peser sur le mandant, en cas de violation de la clause d'irrévocabilité, une
responsabilité dont il ne pourrait se dégager qu'en prouvant la force majeure ou la faute du
mandataire(55).
Les caractères qui viennent d'être exposés SOnt les signes qui permettent, au stade de la
formation de la convention, de s'assurer que les parties avaient bien en vue un contrat de
mandat. Mais, pour que celui-ci soit considéré comme valablement formé, il faut qu'aient été
respectées les conditions habituelles de validité des contrats.
2. LES CONDITIONS DE VALIDITE DU :\\tANDAT.
22 - La validité du mandat est soumise aux conditions exigées pour tout contrat par les
art. 1108 et s. du Code civil, à savoir un consentement sain et exempt de vices (art. 1108 à
1118), la capacité des contractants (art. 1123 er s.), un objet et une cause licites (art. 1126 et s.
et 1131 et s,;(56). La seule particularité intéressante à signaler sur ce terrain concerne la
capacité du mandataire. Il est de principe, en effet, du fait du caractère représentatif du
mandat. qu'un incapable puisse être choisi comme mandaw.ire(57). Cependant, il faut signaler
(53) V. an. 37 de la oi n' 85-98 du 25 Janv. 1985; faculté qui existait déjà pour le syndic dans la loi du 13 Juillet 1967, art.
38 al. 1er.
(54) V. infra n';; 500 el 592 et s.
(55) V. H., L el J. Mal.eaud, Principaux contrats. précité, n'1420-2, el n'1421; Ph. Malaurie et L, Aynès, Cours de Droit
Civil. Les contrats spéciaux. précité. ]\\'556. p.279; v. également infra n'592 er s.
(56) V. not. Jacques Ghf'slin. traité de droit civil, le.s obligations. Le contrat. n' s 357 et 5.. 509 et s., 629 el s.; G, Marly et
P. Rajneud, Les obligations. n's 85 et s.• 92 el s., 164 et 5. el 170 el s.: A. Weill el F. Terré. Les ob1igalions, Précis Dalloz,
4è éd., n's n et s.. ZUi et s., 224 et s.• 252 el s.; Ph. \\ofalaurie et L. Aynès, cours de droit civil. les obligations, précité, n'
400 ct s., 485 et s. Sur la soumission du mandat bancaire à ces conditions de validité des contrats, v. par ex. _i~a n·l64.
(57) L·MI. 1'l90 C. C1V. (rédaction de la loi du 13 Juillet 1965) vise spécialement le mineur non émancipé, er. précisant
aussitôt que 511 responsabilité envers ;;011 mandant est sonmise aJ..IX resmcuons qu'appelle sa condition d'incapable. Mais on
admet généralement le même principe pour tout incapable. V. nol. H., L, et J, :\\taz.eaud, principaux connats. précité
n' s 1397 et 1398,

15
que certaines catégories professionnelles disposent d'un monopole pour l'exercice d'une
activité donnée. Cela a pour conséquence de créer. pour les personnes étrangères à cette
profession, une véritable incapacité qui vient limiter ta liberté de choix du mandataire par le
mandant(58).
Si toutes les conditions précédemment évoquées sont respectées. le contrat est réputé
valablement formé et doit produire les effets envisagés par les parties.
B. LES EFFETS DU MANDAT.
23 - Les effets du mandat touchent non seulement les parties à ce contrat 0), mais aussi
les tiers avec qui le représentant aura été amené à contracter (2).
l. EFFETS A L'EGARD DES PARTlES.
Le mandat crée des obligations à la charge tant du mandataire que du mandant.
a. Les obligations du mandataire.
24 - Le mandat impose au mandataire l'obligation. en premier lieu, d'exécuter la mission
dont il a été chargé, et, en deuxième lieu, de rendre compte de cette exécution au mandant.
d.... L'obligation d'exécuter le mandat.
L'article 1991 du Code civil déclare que "le mandataire est tenu d'accomplir Je mandat
tant qu'il erl demeure chargé". Ce texte, enseigne-t-on généralement, ne me! pas à la charge
(58) C'est ainsr, par exemple. que [0111 transport de fonds 11 l'étranger doit nécessairement passer par une des banques
désignées par l'Etal comme imcnnédiaircs agrées. C'est ainsi, également. que toute négociation en bourse doit se Iaire par
l'uuerrnédiairc d'une société de bourse: v. R. Rodiêre, rép. dr. civ., "" Mandat. précité. n"66 el s.

16
du mandataire une obligation de résultat(59\\ le mandataire ayant, par définition, un pouvoir
d'appréciation (plus ou moins étendu selon la mission qui lui est confiée) quant à l'opportunité
de l'acre à entreprendre. Il peut, en effet, décider de ne pas exécuter le mandat ou de difféœr
le moment de son exécution, selon les circonstances. si l'intérêt du mandant l'exige. Il s'en
déduit que le mandataire n'assume qu'une obligation de moyens(60\\ et ne sera responsable
que s'il a commis une faute. Celle-ci peut consister, soit en une inexécution ou en une
mauvaise exécution du mandat, soit en un retard dans son exécution, soit en une négligence
ou une imprudence(6l), soir en la perte des objets confiés ou, plus grave. en leur
détournement (c'est le cas du dol expressément prévu par l'an. 1992 C. civ.)(62), soit en la
fourniture au mandant de renseignements erronés, etc(63). La faute sera plus ou moins
facilement admise selon que le mandat est salarié ou gratuit(64). Mais le mandataire peut, par
une clause contractuelle. limiter sa responsabilité ou l'exclure. Une telle clause, dont la
validité est reconnue, serait néanmoins impuissante à l'exonérer de sa faure lourde ou de son
dol.
25 - Mais, à notre sens, cette interprétation ne vaut que lorsqu'est en Cause l'appréciation
de la diligence mise en oeuvre par le banquier qui, par son comportement, révèle sa volonté
de s'acquitter de sa tâche; quand bien même il n'aurait pas déployé toute la diligence
(59) V. H., L el J. Mazeaud, Principaux contrats. précité. n·l·m2; J. Frnssart, La distinction des obligations de moyens et
des obligations de résultat. L.GDJ. 1965, [1'401, p.:no et s.: Paulette veaur-Fcuruerte, cbs. à la Revue Ivoirienne de Droit
(R.J.D.) 1977, \\-:. p.77. V. cependant, pour une approche plus sysuhétique. François Collarl-Dutilleul et Philippe
Delebecque. Contrats civils el commerciaux, Précis Dalloz (1991 I, n'644 et s., pA35 et s.; Ph. Malaurie et L. Aynès, Cours
de Droit Civil, Les contrats spéciaux. prêciJé.n'%6 el S., p.191 el s.
t60l1biJ.
(61) Sur l'affirmation de l'existence. 11. la charge du banquier, dans le cadre d'un mandat de paiement. d'une obligation,
contractuelle, de prudence cl de diligence, v. infra n"s 255, 283, 404 et 522. V. égal. Versailles, 18 ocr. 1979, Gaz. Pal.
1980.1.391. note J, Duptchot.
16Z) Et que réprime l'art. 408 du Code pénal.
(6Jl Pour des développements sur ces différents exemples Je taures, v. R. Rodiere, rëp. dr. civ., précité, v' Mandat. n' 191 et
s., Ph. le Tourneau, -ép. dt. civ.. v· Manda! (199:;) précité, n'249 et s.
(64) Si la gratuité a constitué il une certaine époque (avant le code civil) un des caracfêree fondamentaux du contrat de
mandat. eela n'est plus le cas d~ nos JOurs où le mandat esr au contraire généralement salarié et même présumé tellorsqu'il es!
accompli par un professionnel. V. Ph. Malaurie et L. Aynês. Les contrats spéciaux, précué, n·548, p.274 et les décisions
citées; R. Rodiere, rép. dl. civ., v· Mandat. n·295. Ph. le Tourneau, rép. dl. civ., ... • Mandat (1992) précité, n'72 et s.

17
nécessaire à cet effet. En revanche, en ce qui concerne la décision d'exécuter la mission qu'il a
acceptée ou non. l'obligation du mandataire est, pensons-nous, de résultat(65\\ car il n'est pas
concevable, en matière contractuelle. qu'une personne qui a pris un engagement donné, ait,
après coup. le choix. entre l'exécuter ou ne pas l'exécuter.
26 - Par ailleurs, le mandataire répond des fautes de celui qu'il s'est substitué pour
l'exécution de sa tâche, sans l'autorisation du mandant. Cela accrédite l'idée que la substitution
lui est interdite en principe, le mandat reposant beaucoup sur la confiance mise en la personne
du représentant. Mais il est vrai que la rédaction de l'article 1994 du Code civil peut conduire,
dans une interprétation a contrario. à admettre une autorisation implicite de cette substitution,
SOus réserve de la responsabilité du substituant envers le mandant, POUI les actes du
substitué(66). L'alinéa 2 de ce texte, qui donne au mandant le droit d'agir directement, dans
tous les cas, contre le mandataire substitué, renforce celte analyse.
Il faut préciser. cependant, Que cette action n'est possible qu'autant que le mandataire
substitué a eu connaissance de l'existence d'un mandant originaire, et n'a pas décliné, malgré
[out, le rôle de sous-mandataire, pour n'accepter, pour des raisons de sécurité tenant à la
solvabilité pius certaine de son interlocuteur, que la qualité de mandataire direct du
mandataire substituant(67).
Lorsque la substitution a été autorisée, le mandataire est tout de même responsable s'il a
choisi une personne notoirement incapable ou insolvable (an. 1994 al. 1. 2").
En cas de pluralité de mandataires, désignés pour la même affaire par une même
personne, il n'y fi pas de solidarité entre eux, sur le plan de la responsabilité, sauf stipulation
expresse (art. 1995 C. civ)(68J,
(65) Sur cene affirmation. v. infra n"283 el références citées: également, n's 404 et 464.
(66) Sur l'application dn principe de la subsuruuon de mandat. en matière d'opérations bancaires de paiement ou
d'encaissement, v.• par e;o;., infra n')51 cl s. el Jl'528.
(67) Sur ce pam1. V. infra Il '5 516 ct 554.
(68) On ~ail cepemluut qu'en matière commerciale la solidarité estla règle. V. nol. H" L el J. Mi.luaud, Principaux contrats,
précité. n '1405.

18
La deuxième obligation du mandataire est de rendre compte de l'exécution de sa
mission.
fi L'obligation de rendre compte.
27 - L'obligation de rendre compte, prévue par les articles 1993 et 1996 du Code civil.
consiste, pour le mandataire, non seulement à fournir au mandant des informations relatives à
J'exécution de la mission qui lui a été confiée. mais également à lui restituer, à la fin de son
intervention, fout ce qu'il a reçu en venu de la procuration, y compris même les éventuels
surplus qui n'étaient pas dûs au donneur d'ordre, a priori. Le mandataire doit aussi l'intérêt des
sommes qu'il a utilisées pour ses besoins personnels; ainsi que de celles dont il reste
reliquataire au jour où il est mis en demeure de les restituer (an. 1996 C. civ.). Plus
précisément, l'obligation de rendre compte se décompose en deux. éléments: l'obligation à un
compte-rendu, c'est-à-dire la fourniture, au mandant, d'informations sur le déroulement de la
mission confiée. et l'obligation à une reddition de compte, laquelle se ramène, en pratique, à
l'établissement d'un document comptable retraçant les créances et les dettes résultant des actes
entrepns(69).
De son côté, le mandant va supporter des obligations nées du contrat de mandat et
surtout de son exécution.
b. Les obligations du mandant.
D'une manière générale le mandat met à la charge du mandant quatre obligations.
tA "L'obligation de donner au manda/aire les moyens d'exécuter sa mission.
28 - Quoique non précisée par le Code civil, l'obligation pour le mandant de fournir au
mandataire les moyens de la mission qui lui a été confiée va sans dire. La raison en est, tout
(69) Sur ces points. v. infra n' s 196. 399 cl s. 454.

19
simplement.que ce dernier est censé agir dans l'intérêt exclusif (en principe) du premier, en
son nom et pour Son compte. Il est naturel. par conséquent, que ce soit la personne représentée
qui mette à la disposition de son chargé de mission les moyens de la mise en oeuvre de ses
instructions. Plus spécifiquement, c'est au mandant de fournir les fonds nécessaires à
l'exécution du mandat dont il charge autrui. Aussi ne serait-il pas fondé à reprocher au
mandataire son inertie, si celle-ci était justifiée par le défaut de mise à disposition des moyens
indispensables à son action(70). Mais le mandataire, s'il le souhaite, peut décider d'accomplir
sa tâche par ses propres moyens, quitte à se faire rembourser de ses débours, par la suite.
D'où, précisément, la deuxième obligation pesant sur le mandant.
ft L'obligation de rembourser au mandataire les avances et/rais qu'il a/ails pour
l'exécution du mandat.
29 - L'art. 1999 du Code civil précise qu'en l'absence de toute faute du mandataire, le
mandant doit lui rembourser les avances qu'il a consenties. ainsi que les frais qu'il a exposés,
sans pouvoir les faire réduire, même si l'affaire n'a pas réussi. Il doit également l'intérêt des
avances à lui faites, dans ces conditions, par le mandataire (an. 2001 C. civ.)(7l).
ry. L'obligation d'indemniser le mandataire des perles subies dans l'exécution du
mandat (OTt. 2000 C. civ.).
30 - Le mandant doit indemniser le mandataire
de
toutes les conséquences
préjudiciables de l'exécution du mandat qui ne seraient pas dues à une fame de ce dernier(72).
(70) Sm ces points. v. Baudry.Lacantinerte el wanl. op. cu., LXXIV, n'::i98, p.316; également infra n"395; adde Casso com.
18 mai 1978, D.1979,I.R.I40, 000. M, y.assellr.
(71) Pour uue application de ce principe. en matièr... de paiement de chèques, par e...emple. v. infra. n':!OO.
(72) Sur l'inclination des juges à préférer J'an.35 al. I'" du décret-loi du 30 octobre 1935 â Ltrl.2000 C. civ comme
fondement de j'indemnisation des perles subies par le banquier, en matière de paiement de chèques. par exemple. v. infra
n'20l.d ci_ 1 ~\\.~c.I"-1. "rl" 2.~3.

20
SL'obligation de payer le salaire convenu.
31- De nos jours, le mandat est le plus souvent salarié. contrairement à l'impression qpe
donne la rédaction de l'art. 1986 Code civil, qui dispose que "le mandat est gratuit s'ill/Y a
convention contraire", Le salaire promis est dû si aucune faute n'est imputable au mandataire,
et cela même si J'affaire n'a pas réussi (art. 1999 C. civ.). Mais les juges se réservent le droit
d'en modifier le montant, faisant ainsi échec au principe de la force Obligatoire des contrats,
prévu par l'article 1134 du Code civil (73),
L'article 2002 du Code civil, prévoyant le cas où plusieurs personnes ont confié à un
seul mandataire une affaire commune, dispose que chacune d'elles est tenue solidairement
envers lui de toutes les suites du mandat
Pour permettre au mandataire d'obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues par le
mandant, la jurisprudence lui reconnaît un droit de rétention sur les choses qui lui ont été
confiées pour l'exéeution de sa mission(74).
La représentation étant de l'essence du mandat, son exécution ne manquera pas de
mettre en relation les parties à ce contrat avec des personnes tierces, à l'égard desquelles il
convient, à présent, de préciser les effets du mandat.
2, EFFETS A L'EGARD DES TIERS,
32 - En traitant au nom de son mandant, le mandataire a entendu mettre en relation
directe les tiers et son donneur d'ordre, sans que lui-même n'ait de lien juridique avec eux.
(73) V. not. Ph. Mlllaurie el L. Aynès, Les contrats spéciaux précité. n'jjO; H., L et J. Mazeaud, principaux conrrae
précité, 0'1407; Aubry et Rau, précité, § 4!4, n'llB, spécialement nole n'19; R. Rodière, rép. dr. civ. précité, v' Mandat,
n'302 Cls.; Ph. le Tourneau, rép. dr. civ., v' Mandat (1992) précité. n'?,! et s.
(74) V. nol. Cess. civ. \\7 Janv. 1866, D.P. 1866.1.77: R. Rodiere. rép. dr. civ. précité, v' Mandat, n' 308 el 5. et décisions
citées; Ph. le Tourneau, rép. dr. civ.. ,,' Mandat 1[992) précité, IJ'277; Aubry el Rau, op. cit., § 414. n'185; Planiol el
Rfpert. op. cit., Il']487.

21
a. Les relations du mandant avec les tiers.
L'effet caractéristique du contrat de mandat, essentiellement représentatif. est de faire
porter directement sur le mandant, les effets des actes accomplis par le mandataire. En
conséquence, le mandant se trouve lié envers les tiers avec qui le mandataire a contracté,
comme s'il était intervenu lui-même au contrat, et il doit en exécuter les engagements (art.
1998 al. 1 C. civ.)C75l.
Le même texte précise. cependant, que cette obligation n'existe qu'autant que le
mandataire a agi "conformément au pouvoir qui lui a été donné", ou lorsque le mandant a
ratifié, expressément ou même tacitement, ce qui a été fair au delà du pouvoir qu'il a donné
(art. 1998 al. 2 C. civ.). C'est dire que le mandant n'est engagé par les actes du mandataire que
lorsque celui-ci a agi dans les limites de sa procuration. En dehors de ces limites. le
mandataire agit sans pouvoir. et les actes qu'il a pu conclure som alors nuls, et n'engagent pas
le mandanP6).
33 - De J'étendue des pouvoirs du mandataire dépendent donc les effets du mandat.
Aussi le législateur a-t-il pris soin, afin de prévenir les difficultés de délimitation de ces
pouvoirs. de poser des règles directrices, à travers les articles 1987, 1988 et 1989 du Code
civil. De ces textes il ressort que le manda! peut être soit spécial, c'est-à-dire pour une affaire
ou certaines affaires seulement. ou général. c'est-à-dire pour toutes les affaires du mandant
(art. 1987 C. civ.), soit conçu en termes généraux, et dans ce cas il n'embrasse que les actes
d'administration. ou exprès, s'il s'agit de faire un acte de disposition. comme, par exemple,
aliéner ou hypothéquer un bien (art. 1988 C. civ.)(77). Les juges du fond disposent, en la
matière, d'un pouvoir souverain d'appréciation.
(75) Pour une applicanon de ce principe, er. matière bancaire, v., par ex., infra n'152 el s.. el n0536 et s.
(76) V. I\\U!. Ph. Mulaurte el L. aynes, Les contrats spéciaux précité. Il' 572, p.298. Sur la mise en oeuvre de ce principe. à
l'occasion du paiement par une banque d'un chèque ou d'un ordre de virement apocryphe, v. infra, n'243 et 5.: n '411 el s. Pour
un exemple jnrisprudeüuel de l'afflnnarion de l'inopposabilité, au titulaire d'Un compte bancaire, du paiement effectué sur
l'ordre d'un laus saire. v. Paris 3 jand975, 0.1975.743, note J. vêzian: Banque 1975.325; R.T.D.Com. 1975.151, obs. M.
Cabrillac et J."l, Rives-Lange
(77) Pour plus de développements sur ces poiuts. \\/, Ptanlol el Ripert, précité. n' 1463; Aubry et Rau, précité, § 412. n'l72
et s.; H., L et J, Mazeaud. principaux connats. précité. n' 1385 cl 1J!l6; R. Rodiere. rép. dr. civ., v" Mandat. n' 132 et s.;
Ph. le Tourneau. rép. dr. ci...., v' Mandai (1992) précité. n'78 el S,

34 - Par exception aux. règles précédemment exposées. il est admis que le mandant
puisse être engagé à l'égard des tiers par les actes du mandataire qui a dépassé les limires de
sa procuration, par application de la théorie du mandat apparent(78), d'une part, lorsqu'on
pouvait considérer que c'est une faute du mandant qui est à l'origine de l'erreur des riers(79\\
d'autre part, lorsqu'en l'absence même de tome faute du mandant, on pouvait considérer
comme légitime la croyance des tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire; à condition
cependant que les circonstances aient autorisé les tiers à ne pas vérifier les limites exactes de
ces pouvoirs(80). Encore faut-il pour l'application de cette théorie, que "le prétendu mandant
[ne soit pas] resté complètement étranger à l'apparence,,(8l).
Le mandant qui a dû, contre sa volonté, exécuter un engagement pris, envers les tiers,
par le mandataire qui a excédé les limites de sa procuration. dispose contre ce dernier, si une
faute peut lui être reprochée, d'un recours en réparation du préjudice qu'il a subi.
Le mandataire, lui aussi, peut se trouver obligé, à l'égard des tiers, par le dépassement
de son mandat.
(78) Sur la fonction de l'apparence. en matière de paiement de chèques san~ provisions, par exemple. v. infra n'305.
(79) Crolle faute peut consister il avoir mal rédigé la procuration, DU il avoir révoqué le mandant sam en avertir les tiers. etc.
V. Ph. \\1alaurie et L. A}l1è~, Les contrats spéciaux, précité, n'576 el s.. p.300 el 5.; H. L. el J, Mazeaud, principaux
contrats. précité. n'lJ91. Mais le plus souvent le mandant est tenu en tant que commettant du mandataire. V. Aubry et Rau,
op. cit., § 415. n'lS8 el arrêts cités dans la uote n'18. V. toutefois, pour une contestation du rôle de la faute du mandant
comme fondement de l'application de la théorie de l'apparence, J.·P. Arrighi, Thèse précitée, n'252. p.596. Selon cel au leur,
en effet, "la légitùnité de leur croyance [croyance des tiers] ne résulte pas d'un.•' faute imputable au titulaire véritable ou au
titulaire apparem dans la creation de l'apparence. mais des circonstances qui (Jill contribué à asseoir celle croyance",
Précisant sa pensée, l'au leur ajoute que "fa faute n'intervient pas alors comme élément de mise en oeuvre de l'apparence,
mais seulement comme élément d'apprécialir>ll Je lu croeance permettant d'en atténuer la rigueur".
(80) V. Casso civ .. Ass. Plén.. 13 Déc. 1961. D. 1963.~77, note J. Calals-Auloy: J.c.P. 1963.n.13lOS, nOIe P, Esmetn: Gaz.
Pa1.l963.1.183; R.T.D.Com.1963.333. obs. R. Houin; R.T.D.Civ.1963.571, obs. G, Cornu. V., plus généralement sur les
conditions de mise en oeuvre de la théorie dc J'apparence, Ph. Malaurle et Laynës. Les contrats spéciaux. précité. n' 578 el
s.; H, L. etJ. Mazeaud. principaux contrats. précité, l1'IJ9 1 el lectures. pp. 861 el 863; Aubry et Rau, précité, § ~ 15. n' 188;
R. Rodlère, rép. dr. civ., v· Mandat, n'J-l.9 el s.; rh. le Tourneau. rép.dr. civ., v' Mandat (1992) précité, n'l46 et s.
(81) V. Casso com.17 utai I074.D. 1977.421, note J.-P. Arrighi.

23
b. Les relations du mandataire avec les tiers.
35 - En principe, l'exécution du mandat. par le mandataire, ne crée pas de liens
juridiques entre celui-ci et les tiers, le mandataire n'agissant pas en son nom propre. Il arrive,
cependant, que le mandataire souscrive, à l'égard des tiers, un engagement personnel, soit en
se ponant fan. soit en se portant caution pour son mandant. On peut même concevoir que,
dans le cadre d'une mission consistant en un acte de versement d'une somme d'argent.
l'engagement personnel du mandataire prenne la forme, inhabituelle, d'une promesse abstraite
et autonome de payer, concédée au tiers(82).
Par ailleurs. te mandataire est personnellement responsable envers les tiers pour les
fautes commises dans l'exécution de sa mission, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du
Code civi1(83) et, notamment, pour les cas de dépassement de pouvoirs, sauf, dans ees
derniers cas, s'il a donné à ces tiers "une suffisante connaissance de ses pouvoirs" (art 1997
C. civ.).
36 - Au terme de ce rapide rappel des règles du mandat on peut donner du mandataire
cette définition simple; le mandataire est la personne physique ou morale qui, se chargeant
par contrat d'accomplir un ou plusieurs actes juridiques au nom et pour le compte d'un
donneur d'ordre, engage directement ce dernier, par représentation.
Est-ce bien cette définition et les conséquences qu'elle implique gue les auteurs et les
juges ont à l'esprit, lorsqu'à l'occasion d'un cenain nombre d'opérations de banque, ils
qualifient te banquier de mandataire? Il nous faudra, pour répondre à celle question, étudier
les différentes opérations bancaires de mouvement de fonds reposant sur t'idée de mandat.
Mais il importe, auparavant. de déterminer ta personne qu'on désigne sous le vocable de
banquier.
(821 Sur l'engagement personnel irrévocablement conscnu par les banques, dans Je cadre des Techniques du crédit
documentaire et de la carle bancaire de paiement el/ou de crédit. v. infra n·542 el s. cl Il'sn.
(83) Le refus d'cxécuuou d'un ordre de paiement régulier, émanant de SOli client. engage ainsi la respons abihté délictuelle du
banquier concerné vis-à-vis des tiers. V. infra n"2.59 et 5.: node, par exemple, Casso com. 26 avr. 1984, Bull. c.:jv.,IV, n·336.
p.294: D.1985 ,I.R.3 l , obs. M. Cubrtllac; Casso corn. 5 nov. 198ü,I.R3ù3. 000. :\\1. Cabrillac. Sur la respousnbilitè dèlictuelle
de la banque tirée, vis-à-vis du porteur d'LIll chèque, victime de la rupture abusive des fadilé., de caisse consenties nu tireur.
v., par exemple, Cess. com. 26 avr. L984, Bull. civ ..IV, n'l33, p.112.

24
II - LA NOTION DE BANQUIER.
37 - D'une manière courante on appelle "banquier" la personne qui possède ou qui
dirige une maison de banque(84). Le législateur, quant à lui, ne fournil pas une définition du
banquier(85\\ mais consacre plutôt la notion de "banque"(86\\ sans toutefois la définir
clairement; notamment, dans la nouvelle loi française du 24 Janvier 1984 relative à l'activité
er au contrôle des établissements de crédit(87),
Contrairement à la loi du 13 Juin 1941, aujourd'hui abrogée, qui déclarait dans son
article 1er que: "son' considérées comme banques, les entreprises ou établissements qui font
profession habituelle de recevoir du public sous forme de dépôts ou autrement, des fonds
qu'ils emploient pour leur propre compte, en opérations d'escompte, ou opérations de crédit
ou en opérations lInancières"(88J, la nouvelle loi s'attache plutôt à définir les établissements
de crédit comme "des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des
opérations de banque" (an, 1er al. 1er), en précisant que "les opérations de banque
(84) Cf. Grand Larousse Universel, t.Z.v' Banquier. p.1033.
(85) Le ruor banquier eSI cependant utilisé quelquefois par le législateur: v, par exemple J'an. 632 C, Corn. qui considère
comme acte de commerce "Ioules tes obiigalw'lIi entre négociants, marchands et banquiers",
(86) L'an, 18 dc la loi du 24 janvier 198-1 prévoit ,ix cnégorics d'établissements de crédit qui som; les banques.Tes banques
mutualistes ou coopératives. les caisses d'épargne et de prévoyance, les caisses de crédit municipal, les sociétés financières el
les institutions financières spécialisée" V, pour la définition de ces différentes catégories d'établissements de crédit er pour
plus dt> développements à leur propos, J,·L, Rives-Lange et:\\1. Comamine-Raynaud. droit bancaire, précis Dalloz, Sè éc.,
1990, n' 43 et s. et 59 et 5,; G. Rtpert el R. Roblot, op, cit., 1.2. 12È' éd .. n' 22-16 et s.: Gedor et Garnier, Juriscl. Corn.,
Banque el Crédit, rase. "la, n' 82 et s. Par ailleurs, l'art. 632 C. Corn. répute acte de commerce "toute opération de change, de
banque et de courtage",
(87) J,O.R.F, 1984, p. 390. Pour le commentaire de celte loi, v. nor. Ch, Gavalda et J,Stoufllt>t, la loi bancaire du 24 Janvier
1984, J.c.P, 1985.1.3176: ,J.-}", Credct, la nouvelle loi bancaire, Act. Lég. Dalloz 1984,65: M. Cabrillac et B. Teyssié,
R.TD,Colll.1984.307.
(88) La loi n'
ÇJO-5'3;l d..R 2..5'J...jHJ-)0'30(]-O,R.,c.1.lu.3oaÂtA~~o J, portant réglernentation bancaire en Côte
d'Ivoire donne des banques la définition suivante: '".wnl considérées comme banques les en/reprises qui font profession
lIabiluel/e de recevoir des fonds doru il peut rire disposé par chèques ou virements el qu'elles emploient pour leur propre
compte ou pour le compte d'autrui, en opération de [,MiloU de placemeru", Celle loi distingue les banques des
élablissemcnrs financiers qui, aux termes de l'an. J, sont: "'les personnes physiques au morales, outres que les banques, qui
fiml profe.rsion habituelle d'effectuer pour leur propre compte des opéranons de crëdù, de \\,..me à crédit, de financemem de
vente il cràlj~t' changtjou qui reçoivent habituellement des fonds qu'elles elllp/oient pour leu, propre compte en opéraiions
de piacemeru 01/ qui servent habituellement J'inJernrédiair':1en tant que commissionnaires, courtiers ou aulrement dans ~
"'~hW~".

25
comprellnem la réception des fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à la
disposition de la clientèle Olt la gestion de moyens de paiement" (an. 1er al. 2),
C'est l'anicle 18 qui. catégorisant les établissements de crédit. va fournir les éléments de
définition de la banque. En effet, il déclare que "les établissements de crédit sont agréés en
qualité de banque, de banque mutualiste ou coopérative, de caisse d'épargne et de
prévoyance, de caisse de crédit municipal, de société financière ou d'institution financière
spécialisée" et que "SOli' seules habilitées d'une façon générale à recevoir du public des fonds
à vue ott cl moins de de/IX ans de terme: les banques, les banques mutualistes ou
coopératives, les caisses d'épargne et de prévoyance et les caisses de crédit municipal". Le
même texte poursuit en précisant que les banques peuvent effectuer toutes les opérations de
banque. tandis que la vocation des banques mutualistes ou coopératives. des caisses d'épargne
et de prévoyance et des caisses de crédit municipal à faire les mêmes opérations. dans leur
totalité, peut se trouver limitée par leurs statuts spécifiques respectifs, résultant de textes
législatifs ou réglementaires.
38 - Par conséquent. se trouve isolée. parmi les établissements de crédit. une catégorie
particulière, sous l'appellation de banque, Au sens strict, les banques sant les établissements
de crédit, autres que les banques mutualistes ou coopératives, les caisses d'épargne et de
prévoyance, les caisses de crédit municipal, les sociétés financières, les institutions
financières, qui, à titre de profession habituelle, effectuent des opérations de banque.
Il faut également distinguer des banques, certaines institutions au certains services.
publics tels que le Trésor Public, la Banque de France, les services financiers de la poste,
l'institut d'émission des départements d'outre-mer, l'institut d'émission d'outre-mer et la caisse
des dépôts et consignations, qui. bien que pouvant effectuer des opérations de banque, sont
expressément exclus du domaine de la lai du 24 janvier 1984 (art. 2)(89\\ et ne sont donc pas
considérés comme des établissements de crédit.
(89) Rapprocher l'art. 2 de la loi dll1.~~t.~9':W, précitée, portant réglementation bancaire en CÔIC d'Ivoire, (JI,1l écarte du
domaine c'applicanon de la lot, la iJanque Centrale de.• Euns de l'Afrique de l'Ouest. les institutions financières
intemauonales el insutuuons publiques étrangères d'Aide ou de Coopération. l'Office des Postes et Téfécommonicauons, er
prévoit des dérogations spéciales il la réglementation générale pour les banques cl établissements financiers public, 11 statut
spécial, voire Inême, la posxibilitè d'une exclusion partielle ou totnle de l'CS institutions du domaine d'application de l'l loi
bancaire

26
En définitive, ce qui permet de distinguer une banque, au sens strict, des autres
établissements de crédit, ce n'est pas tellement la faculté d'effectuer des opérations de banque,
mais plutôt "l'étiquette" qu'elle reçoit lors de son agrément; car seuls les établissements agréés
comme banques peuvent, sans aucune limitation, effectuer toutes les opérations de banque
(art. 18).
39 - A la réflexion, il ressort de la loi bancaire de 1984, deux notions de banque:
L'une, étroite, visant les banques stricto sensu, regroupées au sein d'un organisme
professionnel commun, l'Association française des banques, et qui peuvent effectuer toutes les
opérations de banque sans aucune limitation de caractère législatif ou réglementaire (art. 18);
ce qui leur vaut le qualificatif de "banques universelles" ou encore "banques de plein
exercice,,(90). Ce sont, en pratique, toutes les banques du secteur privé (y compris les
banques étrangères) et celles du secteur nationalisé (c'est-à-dire essentiellement les anciennes
banques de dépôt et banques d'affaires) qui som des entreprises commerciales régies
entièrement(91) par le droit commercial (92).
L'autre, plus large, visant tous les établissements de crédit habilités, d'une manière
générale, à effectuer toutes les opérations de banque (y compris surtout la réception, du
public, de fonds à vue à moins de deux ans de tenne). Ce SOnt, non seulement les banques
stricto sensu précéderrnnent évoquées, mais aussi les établissements soumis à un statut
particulier, d'origine réglementaire ou législative, susceptible de leur imposer une limitation
quant aux opérations qu'elles sont autorisées à réaliser, tels que les banques mutualistes ou
coopératives, les caisses d'épargne et de prévoyance, les caisses de crédit municipal.
(90) V. J.-F. Crëdor, La uouvelle loi bancaire, Act. Lég. Dalloz 1984, p. 69, n' 17. M. Crédot range parmi les banques dites
universelles, les banques mutualistes et coopératives, en annonçant, cependant, des limites qui s'imposent à eelles-ci el qui
sont relatives à l'aceês au bénéfice de leurs opérations, puisque "certaines opérations requièrent/a qualité de sociétaire [alors
que J d'autres SOI/1 ouvertes aux «usagers". V. par ex. Dëcr, n " 82-322 du 9 Avr. 1982 retanf au crédit agricole; L. l3 Mars
1917, arl. JO sur les banques populaires". Quant aux caisses d'épargne et de prévoyance et euisses de crédit municipal, le
caractère de banque de plein exercice ne leur es! pas reconnu par M. Crédol parce qu'elles "sonl limitees -quant à leurs
opérations_ par les dispo'iirions lésale'i el rés'e"U'JJlairesqui les régissent"
Pour illustration M. Crédo[ renvoi" 11. la loi n' 83-
557 du l er Juill. 1983 sur les caisses d'épargne, D. el Act. Lég. Dalloz 1983324, Reel. 481.
(91) D\\1 moins dans leurs rapports avec la clientèle, pour ce qui concerne les banques du secteur nationalisé.
(92) V. G. Ripert et R. Roblot, op. cu., t.2, n·2248; également Henry Cabrillac, Introduction ail droit bancaire, Dalloz,
1965. p.3.

27
40 - Dans la mesure où. en principe, les établissements de crédit dits à statut spécial ont
vocation à effectuer toutes les opérations de banque, à l'instar des banques stricto sensu, et
sont soumis intégralement à la loi bancaire(93), on doit les considérer comme des banques à
pan entière. Nous retiendrons, par conséquent, dans le cadre de notre élude. la notion de
banque laro sensu. Ce qui nous conduit, en fin de compte, à retenir la définition traditionnelle
de la banque. qui, à notre sens, n'a pas été remise en cause par la loi nouvelle(94). On peut
donc dire qu'une banque est une entreprise qui fait profession habituelle de recevoir du public
des fonds sous la forme de dépôts, ou autrement, "avec le droit d'en disposer pour les besoins
de 5011 activité propre, sous la charge d'assurer [au) déposant lUI service de caisse et
notamment de payer, à concurrence des fonds se trouvant en dépôt, tous ordres de disposition
donnés par lui, par chèques, virements ou de foute autre façon, en sa faveur ou en faveur de
tiers
et
de
recevoir,
pour
les
joindre
au
dépôt,
tolites
sommes
que
ladite
entreprise ...dépositaire aura à encaisser pour le déposant soit d'accord avec celui-ci, soit en
vertu de J'usage,,(95).
41 - Mais l'activité des banques ne s'est jamais limitée, en pratique, aux trois types
d'opérations visés par l'article 1er alinéa 2 de la loi du 24 Janvier 1984. Le législateur en a
tenu compte. C'est ainsi que l'article 5 de la nouvelle loi autorise les établissements de crédit à
effectuer les "opérations connexes" à leur activité, telles que les opérations de change, les
opérations sur or, métaux précieux et pièces, le placement, la souscription. l'achat, la gestion,
la garde ct la vente de valeurs mobilières et de tout produit financier, le conseil et l'assistance
en matière de gestion de patrimoine, le conseil et J'assistance en matière de gestion financière
et. d'une manière générale, tous les services destinés à faciliter la création et le développement
des entreprises, etc.
(93) v, J.-L. Rives-Lange fI M. Contamlne-Raynaud, op. cit., n'59 el s., p.73 el s.
(94) V. Dans le même seus F.l. Crédor (An. Lég. D.19M.150, n'57) pour lequel "la nouvelle régiemcreation ballf.<1i,e
intervenue à ce Jour l'Si pour tes.~<'/I(iella IrGlISpOlili011 el l'extension à tous les établissemerüs de crédit de dispositions qui
régissaient les ancienne b<1'I'/IU'" inscrites elle.' anciens établissements financiers", Crédot, L'application de la loi nouvelle
bancaire, Acl. Lég. D.19S4.\\4 ~ d s.
(95) Art. 4 de 10. loi du 1J Juin. 1941.1.0.E.F. 19-11, p.2830.

28
42 - Après toutes ces précisions, le banquier apparaît comme la personne morale (ou la
personne physique qui la représente) qui a pour activité professionnelle la réalisation
d'opérations de banque et éventuellement d'opérations considérées comme connexes ê-u
commerce de banque.
Au total, s'il est vrai que le fondement du commerce de banque est le crédit, et il en sera
toujours ainsi. pensons-nous, la définition de la banque fuir ressortir, également, l'importance
de l'aspect "services" du métier du banquier. Cet aspect conditionne d'ailleurs, dans une large
mesure, l'activité principale du banquier, étant donné qu'il prête généralement avec l'argent
reçu des déposants(96\\ et que la prestation de services de plus en plus diversifiée a pour but
d'attirer et de fidéliser la clientèle de déposants(97).
43 - A l'occasion de ces prestations de services, le banquier peut engager sa
responsabilité. D'où la nécessité de préciser sa situation juridique relativement aux différentes
opérations qu'il peut être amené à accomplir dans l'intérêt de ses clients.
Une distinction s'impose, alors, entre les opérations où le banquier agit pour son propre
compte et celles où il intervient pour le compte d'autrui. De fait cette différenciation se
retrouve dans la jurisprudence et dans les études doctrinales, et on s'accorde à appliquer au
banquier les règles soit du dépôt, soit du prêt, soit du cautionnement, etc, dans les cas où il
agit pour son propre compte, et, généralement, les règles du mandat dans les cas où il agit
pour autrui.
Seulement, une observation plus attentive de l'activité du banquier permet de se rendre
compte que les hypothèses où il intervient dans le seul intérêt du client ou, plus précisément,
pour le seul compte du client, se limitent pratiquement aux opérations de recouvrement des
créances de ce dernier (encore faut-il que cette mission ne soit pas liée à un crédit octroyé par
la banque) et, d'une manière générale, aux opérations de gestion de biens. En dehors de ces
cas, le mandat confié au banquier se trouve toujours associé à un autre contrat, et n'apparaît,
pour ainsi dire, jamais à l'état isolé. Cela se comprend lorsqu'on sait que. généralement, la
(96) V. Gilles Gabin, Les opération, bancaires ct leurs fondements écoonmiques, Paris. Dunod, 198o, pp. 87 1'188.
(97) V. Ch. Gavulda et J. stocrnet. Droit de la banque. Thénus, 1974. n·S67.

29
condition de l'acceptation du mandat par le banquier est constituée par la possession ou
l'ouverture d'un compte dans ses livres, lequel va servir de cadre à la totalité des opérations
faites pour le compte du client. C'est ainsi que lorsque le banquier exécute un ordre de
paiement donné par son client, il intervient pour le compte de celui-ci, mais s'acquitte, par la
même occasion, de l'obligation de restituer qu'il a contractée au moment du dépôt des sommes
entre ses mains(98), Dans cet exemple, le banquier agit. à la fois, pour le compte de son client
et pour son compte personnel. Dans d'autres cas, en revanche, le banquier agit, à la fois, pour
le compte de son client et pour le compte d'une autre personne. C'est ce qui se produit lorsque,
par exemple, le banquier opère un virement en qualité de banquier du donneur d'ordre et du
bénéficiaire; ou encore, lorsque, par exemple(99\\ en qualité d'intermédiaire agréé (ce qui
implique une action pour le compte de l'Etat)(lOO) il se charge d'un transfert de fonds à
l'étranger, pour le compte d'un de ses clients(lOl).
44 - Ces quelques exemples donnent un aperçu du caractère complexe des opérations
bancaires, conduisant bien souvent à une réunion, sur la tête du banquier, de plusieurs
qualités. conséquence d'une combinaison fréquente du mandat avec d'autres contrats ou
conventions; au point que, quelquefois, la détermination de la qualité en vertu de laquelle le
banquier intervient devient très difficile, tellement elle semble indissociable de chacun des
contrats combjnés(102). Ainsi en est-il, par exemple, en matière de paiement d'un chèque par
le banquier au profit d'un tiers. Agil-il alors en qualité de mandataire ou de dépositaire? Doit-
on. au contraire, considérer qu'il agit à la fois comme mandataire et comme dépositaire? cela
(98) V. par exemple. infra n's 251 el 649.
(99) JI vient aussi à l'esprit, le rôle de collecteur d'impôts cl taxes diverses pour le compte de l'Etat. également dévolu aux
banques; v. infra n'49.
(100) V. infra n'447 et s. el n'475. s.
(l011 Sur la consultation de ce que le banquier e5L quelquefois amené à agir, 11. la fois. dans l'intérêt de son client, soit comme
dépositaire. sou comme mandataire, el dans l'intérêt d'un tiers, l'Etal. en l'occurrence. v. R Roblot. réglementation des
changes el droit privé, in le cornrôle des changes, ses répercussions sur les institutions juridiques, Paris, Sirey. 1955. p.35,
n'1O et spécialement la note n' 11. V. également Ch. Gavalda, noie sous Casso rom. 9 AVr. [973 et Paris 7 Avr. ]973. l.C.P.
197J.II.17555; Toulouse lerJnillel1957, I.C.P. 1957,TI.10206.
(102) V. Jack vénan. La responsabilité du banquier en droit privé Irançais. Librairies Techniques Jè ëc., 1983. n' 106.

30
ne résout pas, pour autant, la difficulté de la délimitation du domaine d'application des règles
qu'appelle chacune de ces deux qualités(103),
Les juges ne semblent pas toujours avoir pris la mesure de la particularité de <:ts
situations et des conséquences qu'elles peuvent avoir sur la condition juridique du
banquier(104) (lOS).
Car, que Je banquier agisse au nom et pour le compte de ses clients, à l'oecasion de
certaines opérations, cela ne fait pas de doute; et dans ces cas, la qualité de mandataire qui lui
est reconnue ne souffre d'aucune contestation.
Mais dans d'autres opérations, au contraire, quoiqu'agissant sur l'ordre de son client, on
peur hésiter sur le point de savoir si le banquier intervient par représentation de celui-ci, ou
s'il agit pour son propre compte, ou même pour le compte d'un tiers (ce tiers pouvant être
l'Etat). Dans ces cas, la qualification de mandataire peut paraître incertaine. voire discutable,
Aussi n'est-elle pas clairement affirmée en jurisprudence,
Une étude des différentes manifestations du mandat, dans le domaine des mouvements
bancaires de fonds (l ère partie), devrait nous permettre de bien y situer la place réelle du
mandat, et de mettre en évidence l'influence que ne manquera certainement pas d'exercer le
caractère complexe des opérations concernées sur la situation juridique du banquier, pris en
sa qualité de mandataire (2ème parue).
(103) Sur le problème de la délimuarion des qualités (dépositaire ou mandataire) du banquier. en matière de paiement de
chèques. v. Paulette veaux-Fournerie, obs. 11. la Revue Ivoirienne de Droil (RJ.D.) 1977, 1-2. p.76 et s.; spécial. p.83. V.
égal. infra n '251 el n'649 Cl s.
(104) C'est le lieu de rappeler cc qu'écrivait René Savauer. i\\ propos de l'altitude des juges face 11. la combinaison du mandat
avec d'autres contrats : "Celle SilUa/ion semble avoir donné lieu li de nombreux malentendus. A/ortf que, dans certains cas.les
tribunaux reconnaisseru franchement celle combinaison de deru con/rais coexistants, il arrive, dans d'autres cas, qu'ils
oublient la possibilité de eetle coexistence en cherchant à ramener Ioule la convention, sou au mandat, soit au conlral qui y
est combiné. de manière à appliquer exclusivement les règles de l'lin ou de l'autre"
(in Planiol et Ripert, Traité pratique de
droit civil français. contrats civils, L.XI, n"142~
(103) Pour une illustration de cc constat, v. pour la jurisprudence ivoirienne. not .. Cour d'appel d'Abidjan, 28 fév. 1975 (arrêt
n"8S). 28 Fév. 1975 (arrêt n'S7) el 17 Janv. 1975, R.l.D. 1977, 1·2. pp. 85. 86 el 88. précédés des obs. de Mme Pauleue
Veaux-Fournerie. p. 76 et s.

31
1ère partie: Les manifestations du mandat dans le cadre des mouvements
bancaires de fonds.
2ème partie: l'Influence du caractère complexe des opérations bancaires
sur le mandat du banquier.

32
1ère PARTIE. LES MANIFESTATIONS DU MANDAT DANS LE CADRE DES
MOUVEMENTS BANCAIRES DE FONDS.
45 - Depuis les origines, les banques, dépositaires de l'argent de leurs clients. ont été
naturellement conduites à leur servir de caissiers(106), c'est-à-dire de préposées aux
paiements et aux. encaissements. Cette tradition s'est maintenue jusqu'à nos jours. A ces
opérations primitives se sont ajoutées, avec l'évolution des méthodes de financement des
entreprises. d'autres, telles que l'émission et la gestion de valeurs mobilières, tandis que se
développaient, par ailleurs, les prestations de services divers, tels que la fourniture de
renseignements commerciaux ou la souscription d'assurances au profit des clients. Ces
dernières années ont vu se créer. dans le sillage des instruments bancaires traditionnels de
mouvement de fonds, dont le niveau de fiabilité demandait à être amélioré(107), d'autres
techniques de paiement et d'encaissement. tels les règlements par carte accréditive ou par
crédit documentaire, dont les banques allaient devenir les principaux agents de vulgarisation.
Mais, contrairement aux apparences, l'évolution du métier du banquier, des origines à
nos jours, s'est orientée moins vers la création de techniques nouvelles que vers l'amélioration
de celles héritées de l'histoire. Il n'es! pas étonnant, dans ces conditions, de constater que
l'analyse juridique des opérations de banque n'ait pas évolué, elle non plus. Depuis toujours,
les services offerts par le banquier se sont bornés, en dehors des opérations de crédit, à des
prestations précises pour le compte des clients. sur un ordre de ceux-ci. Tirant les
conséquences de cette situation el aussi de ce que le banquier n'entend pas, généralement,
s'engager personnellement par ses interventions au profit de ses clients, les juristes ont eu
tendance, souvent, à recourir aux règles du mandat pour apprécier sa situation juridique.
46 - Cerre application du mandat au banquier n'allait pas de soi, pourtant, quand on y
réfléchit bien. Le mandat bancaire est, en effet, nécessairement enchâssé dans (es différents
contrats que permet un compte bancaire; situation qui ne manque pas d'influer sur la
(106) V. W. Baumgartner. Grand Larousse Universel. 1987. L.2, v' Banque. p.1027.
(107) Notamment par l'adjonction ,il l'obligation du débiteur de la dette, de la garantie du liers chargé de la payer.

33
physionomie des missions reçues par le banquier, à l'occasion du fonctionnement du compte.
Mais. quoique peu souvent démontrée, l'attribution de la qualité de mandataire, au banquier
prestataire de services, s'avère justifiée, à l'analyse, pour la majorité des opérations bancaires
assises sur l'idée de représentation du client par celui-ci. Aussi J'application du mandat n'est-
elie pas vraiment contestée dans ces cas (titre I). Pour d'autres opérations, au contraire,
notamment celles impliquant une garantie supportée par le banquier, cette applicatiot est
sérieusement controversée (tirre m.

34
TITRE 1er . LES APPLiCATIONS DU MANDAT, COMMUNEMENT
ADMISES.
47 - D'un point de vue historique, ce sont les opérations de paiement et d'encaissement
pour le compte des clients qui ont donné, en premier lieu, l'occasion aux juristes d'invoquer
les règles du mandat, en matière bancaire, dans la mesure où il est apparu que le banquier se
bornait à
agir pour le compte
de la clientèle,
sans
aucune intention
de
prendre
personnellement un engagement envers les tiers avec qui il entrait en relation. Sa qualité de
dépositaire des fonds de ses clie~ts l'y prédisposait, au demeurant. Aujourd'hui ces opérations
de paiement et d'encaissement sont tellement entrées dans les moeurs qu'elles constituent pour
le banquier une obligation attachée à l'ouverture d'un compte de dépôt d'espèces.
Les mandats se rattachant ainsi au service de caisse traditionnel des banques les
conduisent, le plus souvent, à effectuer, tantôt un recouvrement de sommes d'argent dont le
titulaire du compte est créancier à l'égard de personnes tierces, et qu'il désire généralement
faire inscrire au crédit de son compte (sous-titre 1), tantôt un versement de fonds, par
prélèvement sur le compte du client qui l'a ordonné (sous-titre II).

35
SOUS-TITRE I. LES MANDATS AYANT POUR OBJET UN ENCAISSEMENT
DE FONDS.
48 - C'est à propos des missions d'encaissement confiées aux banques que la qualité de
mandataire qui leur est attribuée est, en droit positif. le moins discutée. En effet, la situation
juridique du banquier encaisseur est, à tous égards, en harmonie avec le régime juridique
habituel du eontrat de mandat. Mais c'est, bien évidemment, à la condition que le banquier
n'intervienne pas de son propre chef, en tant qu'endossataire. en propriété. de l'effet dont il
réelame le paiement, par exemple, mais au contraire, sur une invitation effeerive de son client,
au nom de qui il se charge de recouvrer une eréance donnée. C'est, également, à la condition
que la situation d'encaisseur de créances pour le compte d'autrui dans laquelle il se trouverait
ne soit pas due à une contrainte légale ou réglementaire.
49 - S'il est de fait que les banques interviennent, en matière fiscale ou parafiscale, dans
le recouvrement des droits dus à l'Etat par leurs clients, à aucun moment elles n'apparaissent,
en cette matière, comme agissant au nom de l'Etat, en vertu d'un accord les liant à ce dernier.
Au contraire, leurs obligations dérivem tantôt d'un mandat de payer qu'elles tiennent de leurs
clients, tantôt d'un acte unilatéral des pouvoirs publics les désignant, généralement, comme
redevables de la créance d'impôt pesant sur le client; à charge pour elles d'en répercuter le
paiement sur ce dernier. Sur ce point, on peut citer en exemple la situation du banquier en
matière de règlement du droit de timbre, institué sur les formules de chèque ne répondant pas
aux
caractéristiques
de
barrement
d'avance
et
de
non
transmissibilité
par
VOIe
d'endossement(108). D'après la loi(109\\ c'est l'organisme émetteur (la banque, en réalité) qui
fait figure, aux yeux de t'administration, de redevable de ce droit (d'un montant actuel de 10
(108) V. art. 65-1 du décret-loi du Jû oct. 1935 sur le chèque, combiné avec l'art. 2 § vl de la 101 de finance n'78·);:39 du 29
déc. 1978. J.O.R.F. du 30 déc. 1978. pA339.
(lD9) An. 2 § VI de la loi de finance n'78-1239 du 29 déc. 1978 précitée, modifié réccrnrnenr par l'art. 48 la loi de Finance
rectificative pour 1991 (v. R.T.D.Com. 1992.423).

36
FF par formule de chèque), à charge pour lui de le répercuter, obligatoirement, sur le
demandeur des formules soumises au droit de timbre.
Au-delà des droits de timbre, on peut encore faire état de l'obligation dans laquelle ~e
trouvent généralement les banques d'opérer, au profit du Trésor public. une "retenue à la
source" ou un "prélèvement" d'impôts sur le revenu des obligations ou des capitaux
mobiliers(llO).
Comme le montrent les exemples qui précèdent, le banquier, en prélevant, au profit de
l'administration des impôts, les droits dont celle-ci est créancière vis-à-vis de ses clients,
n'agit nullement au nom de l'Etat, en vertu d'un mandat de recouvrement. Bien au contraire,
considéré généralement comme le redevable de cet impôt (quoique n'en étant pas le véritable
débiteur), le banquier, en s'exécutant, se décharge d'une obligation personnelle (111), à lui
imposée par les pouvoirs publics. généralement snr la base d'un acte
législatif ou
réglementaire unilatéral. En effet. ce n'est qu'après l'accomplissement, pal' le client. d'un acte
juridique particulier exprimant sa volonté de se faire représenter par son banquier. pour
l'encaissement de ses créances (chapitre I). que ce dernier se trouve investi du mandat dont on
retrouve, du resle, la confirmation à travers la condition juridique qui est la sienne (chapitre
II).
(110) v. not. articles 119 bis, 125 A, 1672, 1678 bis et quater, 75 (annexe Il) du Code géllér:l.l des impôts.
(lll) Ce qui exclut, par ailleurs, la possibilité d'un mandat de paycl confié par le client.

37
CHAPITRE I. L'ACTE CONFERANT LE MANDAT D'ENCAISSER.
50 - S'il n'est pas exclu qu'une banque se fasse remettre une procuration spéciale lui
permettant d'établir sa qualité de mandataire à l'encaissement d'une créance donnée.
appartenant à l'un de ses c1ients(112), il ressort cependant de la pratique bancaire que la
plupart des créances dont le recouvrement est confié aux banques som incorporées dans un
titre. La remise au banquier d'un tel titre (éventuellement endossé par le remettant) suffit alors
à le constituer mandataire à l'encaissement de la créance en cause (section II).
Mais. il ne faut pas oublier que l'ouverture d'un compte à une personne implique la
promesse, à celle-ci, de tous les services habituellement attachés à la possession d'un compte
bancaire(l13). Or, le service des encaissements des créances des clients entre dans le champ
de cette promesse. Aussi, doit-on considérer que le premier acte de formation des mandats
dont peut être chargé un banquier est précisément la conclusion de la convention d'ouverture
de compte (section 1).
(112) C'est notamment le cas, en matière de nantissement de marchés pnvés. où le banquier se fait douner mission. en vertu
d'un mandat irrévocable. consenti par le client. d'encaisser direcrement le prix du marché. Sur cette question, v. par exemple
J.-L, Rives-Lange el M. Conlamine-Raynaud, op. cit., n'561, p.611, G. Ripert el R, Roblot, op.cit., L2, n's 2441 et 2444,
p.475 CL s. En ce qui concerne le nantissement de marchés publics, par courre. l'art.190 du Code des marchés de l'Etat. en
reconnaissant au créancier nanti la qualité de mandataire à l'encaissement du prix du marché, a rendu inutile la preuve, par les
banques, du mandat dom le nnmissemeru les investir.
(113) V, ~,~h n'l33 et s ct n'3l!O.

38
SECT/ON I. L'OUVERTURE DU COMPTE BANCAIRE.
51 - L'acte d'ouverture d'un
compte
bancaire
(de
dépôt
ordinaire)
implique,
fondamentalement, entre le postulant et la banque sollicitée. ta conclusion d'un contrat de
dépôt(l14); ou à tout le moins, la promesse souscrite par ladite banque de recevoir les espèces
que ledit postulant se propose d'y mettre, ou celles qui pourraient y être versées par des
personnes rierces, au bénéfice du titulaire.
Mais, d'un autre côté, cet acte exprime, d'avance, l'acceptation, par le banquier qui
l'accomplit, des éventuels mandats que son client voudrait bien lui confier(115). On doit
même aller plus loin et dire que. du seul fait de l'ouverture du compte, Je banquier reçoit, du
titulaire de ce compte, le mandat spécial(l16) de recevoir et de porter audit compte, routes
sommes qui lui seraient destinées, même à son insu(l17). C'est ainsi que s'explique
l'obligation du banquier d'accepter toutes sommes destinées à son client et qui seraient
versées, par exemple. à l'un de ses guichets, par une tierce personne. Ainsi s'explique
également l'obligation qu'a le banquier de recevoir les sommes virées sur le compte de ses
clients.
En effet, dans rous les cas où l'encaissement envisagé ne demande au banquier aucune
initiative particulière, mais simplement un acte passif de réception de fonds au bénéfice de
son client, aucune manifestation supplémentaire de volonté des parties n'est nécessaire, en
(114) Dépôt irrégulier de somme. d'argent.
(115) On comprend dès lors l'obligation faite ;\\u~ banques de procéder. avant l'ouverture de tout compte de dépôt de fonds, à
la vénlicauon de l'identité cl du domicile du postulant. Le rôle que leur assigne la seule existence du compte exige eu effet,
de leur pan, la recherche d'un minimum d'infonuanons concernant le (mur client. li faut signaler, 11. ce propos, que le devoir
de vérification sus-évoqué concerne aussi les comptes sur livret. dons la mesure ou ceux-ci sont, eux aussi, susceptibles de
servir de cadre à des virements ou à l'encaissement de chèques barrés. V. Paris 17 rév. 1989, Gaz.Pa1.l989.1.521, nore A.
Piedelièvre, R.T.D.Com.1989.700, obs. M. Cabrillac el B. Tey5Sili.
(1l6) Ce mandat est spécial (et non général) parce qu'il ne poile pas sur toutes les affaires du mandant, mais se limite
uniquement aux actes d'encaissement de créances au bl'néf;ce de ce dernier. Sur celle distinction. v. art. 1987 C. civ.; v.
également, R. Rodier-e. rép. dr. civ. précité. v" Manda, non:?: el s. V. cependant. contra. J.-L. Rives-Langes et M.
Contamme-Rayncud. op.cit., n-274 p.375, pour lesquels le banquier serail ainsi porteur du "mandas séniraf dl' procéder
.. ncaissemems de son client".
(117) C'est. au demeurant, ce qui se déduit de J"J/l. .j de l'ancienne loi du 13 jnin 1941 (précitée).

39
dehors de celle qui se trouve à l'origine de la création du compte, à la perfection du mandat du
banquier. Il faut bien convenir. en conséquence, que la qualité de mandataire de celui-ci
s'attache. dans les hypothèses envisagées, à la seule convention de compte.
Mais la convention d'ouverture de compte ne suffit pas, seule, en présence d'une créance
incorporée. par exemple, dans un effet de commerce, à autoriser, de la part du banquier, une
initiative tendant à recouvrer la créance en cause, fût-ce au nom du client. Une telle
"intervention active" du banquier pour le compte de son client n'est d'ailleurs concevable que
si le titre lui est remis, éventuellement revêtu d'un endossement de procuration.s'Il s'agit d'un
effet de commerce.

40
SECTION II. LA REMISE DU TITRE DE CREANCE AU BANQUIER.
52 - Le mode de formation du mandat d'encaisser devient complexe lorsque la créance à
recouvrer est constatée dans un titre qu'il est nécessaire de produire au moment de la demande
de paiement. Dans un tel cas, la convention d'ouverture de compte unissant le banquier et son
client doit nécessairement être complétée par la remise, au premier. du titre représentant la
créance en cause. Cette remise est, en effet. l'acte qui révèle la volonté du titulaire de la
créance d'en confier l'encaissement audit banquier. C'est donc cet acte qui, en principe,
entraîne la perfection du mandat d'encaîsser(118). Et le banquier ne peut refuser de se plier à
la volonté de son client, puisque son consentement à un tel mandat, éventuel, est censé avoir
été donné, par avance, une fois pour toutes, avec l'ouverture du compte(l19).
Toutefois. la simple remise du titre de créance au banquier ne peut produire l'effet ci-
dessus évoqué que lorsqu'on se trouve en présence de titres non négociables tels que les
factures ou les ordres de virement(120), En ce qui concerne les chèques et les effets de
commerce, le mandat d'encaissement dont ils peuvent être l'objet ne peut se déduire que de
leur endossement à cette fin, Cet endossement, dont la forme est imposée par les textes en
vigueur (§ 1), traduit par lui-même, de par les effets propres qui lui sont attachés (§ II), le
mandat qui en découle, et que les obligations de l'endossataire(l21) confirmeront par la suite.
tIl8) La détention. par un banquier, d'un Litre de créance appanenan! à autrui, surtout lorsque le ture n'est pa~ négociable, ne
peut qu'emporter, en effet, la présomption, simple, qu'il a été chargé d'en assurer I'encaissemenr.
(119) Cette analyse veut aussi pour la remise ô'effets à l'cncaiss.ernent dans le cadre d'un compte courant. Une telle remise
aux fins d'encaissement n'est, en effet, pas exclue, dans le cadre d'un compte ccuranr. la ~'Ol.lr de cassation exigeanr seulement
que ces effets ne soient inscrits au crédit du compte qu'après les encaissements. V. casso corn. 20 av. 1948, D,1948.375;
S,1948.1.129; Casso COin. 17 nov. 1981, J.C.P 1982.II.19766, noie J, Sloufnet et Y. Chaput; 0.1982.257, nore M. Vasseur;
R.l'D.Com,1982.277, obs M, Cabrillac el B.Teyssié. comp. cm, corn, 17 fév.19g7, R.T.D,Coll1.1987.550, obs. M.
Cahrillac et Il.Teyssiê.
(120) Nous envisageons les onlres de virement écrits qui sent remis au créancier ou donL l'initiative de j'.!mission est laissée 11.
celui·ci eomme par exemple les avis de prélèvement.
(121) V. inrra. 1)'6{) ers.

41
§ 1. LA FORME PARTICULIERE DE L'ENDOSSEMENT DE PROCURATION.
53 - L'endossement de procuration résulte d'une mention spéciale apposée sur l'effet, en
accompagnement de la signature de j'endosseur (A). L'absence, fréquente en pratique, de cette
mention est à l'origine de difficultés qu'on ne peut manquer de signaler (B).
A. LA MENTION EXIGEE.
L'endossement de procuration est, aux termes des articles 12.2 alinéa 1er du code de
commerce (relatif à la lettre de change) el23 alinéa leT du décret-loi du 30 octobre 1935 sur
le chèque(l22\\
celui qui dérive de la mention
"valeur en recouvrement",
"pour
encaissement", "par procuration" ou route autre mention impliquant un simple mandat(l23).
A défaut, l'endossement est réputé translatif, une présomption dans ce sens étant admise en
jurisprudence(l24). De même, l'endossement est réputé translatif si la mention apposée sur le
titre apparaît comme ambiguë. Il en va ainsi. notamment, en présence d'un endossement
accompagné de la mention "valeur en compte", ayant donné lieu, de surcroît, à mise à
disposition immédiate des fonds au remettant(l25).
Mais
cette
présomption, quoiqu'irréfragable
dans
les
relations
des
parties
à
l'endossement avec les tiers, peut, au contraire, être combattue par la preuve contraire dans les
relations encre l'endosseur et l'endossataire(126). Cela explique peut être que, dans la pratique
(l22) v. également l'art. 185 C, corn qui fend applicables au billets à ordre les règles concernant la lettre de change,
notamment en matière d'endossement.
(123) Pour une application pratique de celte règle, v. Casso corn. 5 déc 1955. Bull. civ.,m.n')52,p.297.
(124) Sur Cl' point. V. H el M. Cabrillac, op.cit., n"160; M. jeannn. op.cit., n"48. p.24 el n']oo. p.159 el arrêts cités
notamment. ~ P'fOfX)S Je l'endossement d'un chèque, Casso corn. 16 el 23 mai 1977. Bull. civ.,tV.n' D8; D.1977 .l.R.397, cbs.
M.
Vasseur;
R.T.D
com.1977.750,
obs. M.Cabillac el
J.,L, Rives-Lange: Cass. corn. 13 mai 1981. Bull.
civ.IV.n"226,p.17 8; D.1982.l.R.171. obs. M. Cabrillac el 241. obs. M. Vasseur; R.T.D.Com.1981.802., obs. M. Cabriliac
el B. Teysslé: Paris t'" févr. 198). D.l983.I.R.409. obs M. Vasseur.
(125) V. Grenoble, ID mars 1977. Banque 1978S!4, note L-M, Martin; Paris. 9 juill. 1980, Rev. jur , corn 1981.301, note
Delebecque: Banque 1981.1--l51.lIote L·M. Martin.
(126) V. not. Paris 1er févr. 1983. D.19!D.L R.409. obs. M. Vasseur. Adde Mtchet jeannn. cp.en. n'48. p.38. V. également
les observurions Je M~!. M. Cabrillac el J..L, Rives-Lange à la R.T.D.Com.1976.768 el 1977.750.

42
bancaire, J'endossement soit souvent (pour ne pas dire toujours) donné en blanc(l27). Cette
pratique est à l'origine de nombreux litiges soumis régulièrement au tribunaux.
B. LES DIFFICULTES SUSCITEES PAR L'ENDOSSEMENT EN BLANC.
54 - Les difficultés suscitées par J'endossement en blanc proviennent de ce que les
banques ne sont pas toujours vouées au rôle de mandataires à l'encaissement. Elles ont aussi
la possibilité de prendre à l'escompte les effets de commerce remis par le client. Dans ce
dernier cas, le banquier qui demande l'encaissement de l'effet à son échéance agit en son nom
personnel, en tant que propriétaire du titre. Fondamentalement. la conséquence principale de
eette opération, à savoir la transmission de la propriété de J'effet escompté. est inconciliable
avec l'idée de représentation sous-jacente dans la remise à l'encaissement de tout effet. C'est
dire que la remise à l'escompte et la remise à l'encaissement sont deux opérations qui, étant
contradictoires quant à leurs effets, doivent être soigneusement distinguées quant à leurs
conditions de mise en oeuvre. Ce n'est pourtant pas ce que la pratique donne à observer,
l'endossement des effets remis au banquier étant le plus souvent donné en blanc. La
conséquence inéluctable en est, alors, la naissance, en cas de difficultés d'encaissement. de
différends opposant généralement le remeuam et son banquier (ou ce dernier et le tiré), à
propos de la nature véritable de l'opération que l'endossement litigieux avait pour objet de
réaliser.
55 - Sans qu'il soit nécessaire d'indiquer dans quel sens se situent les intérêts de chacune
de ces personnes(l28), on peut signaler que, dans les rapports du remettant et du banquier, le
renversement de la présomption de remise en propriété découlant de l'endossement en blanc
peut être obtenu, par exemple, à partir d'indices fournis, soit par les mentions portees sur le
bordereau de remise(l29)(130), soit par la date de valeur des sommes dont le compte du
(127) Sur cette affirmation, v. J.-L. Rives-Lange el M. Coruamine-Raynaud, cp.cit.. n'285. p.397 cr 293, pA J].
(128) L'une el l'autre pouvant d'ailleurs. au gre des circonstances, pbidcr pour la qualification de l'e ndosscmcnttamôr en une
remise de propriété, ranlfit en une sim flle remise 11. rencassemem.
(129) A noter toutefois que \\cs mentions du type "sauf bonne fin" ou "sous réserve d'encaissement" ne sont pas de nature 11
consuruer, aux yeux des jnges, une preuve de l'existence d'un mandat d'encaisser. V, Paris 7 nov, 1977, D. 1978,LRA 16; Paris

43
remettant se trouve crédité(l3l). Dans les rapports du banquier endossataire et du tiré
accepteur, ce dernier, pour pouvoir opposer au porteur les exceptions dom il dispose contre
l'endosseur, pourrait chercher à contester le caractère translatif de l'endossement. A priori, le
caractère irréfragable de la présomption de remise en propriété résultant de l'endossement en
blanc exclut une telle démarche. Mais à en croire certains auteurs ( 32), la théorie de la
simulation peut être invoquée en l'occurrence; ce qui contredirait le caractère irréfragable de
la présomption sus-évoquée et autoriserait les tiers à prouver, si tel est leur intérêt, que l'endos
litigieux n'est qu'une simulation qui cache en réalité un mandat d'encaisser. Mais cette
conception n'a jamais été entérinée par la jurisprudence(l33). Au contraire, s'appuyant sur le
caractère littéral des effets de commerce, les tribunaux continuent, ainsi que le montrent les
décisions les plus récentes, à refuser au tiers, sans aucune allusion à une quelconque réserve
constituée par la théorie de la simulation, la possibilité de contester la nature de l'endossement
telle qu'elle se déduit de la mention (ou de l'absence de mention) apposée sur le titre en
cause(l34).
Devant la fréquence des litiges suscités par l'endossement en blanc, on ne peut manquer
de s'étonner de ce que lcs banques ne cherchent pas à modifier leurs pratiques relatives à la
remise d'effets, en exigeant de leurs clients qu'ils précisent, par la mention appropriée, leur
intention de ne confier qu'un mandat d'encaissement au preneur du titre. Elles n'ignorent
1er fév. 1983. D.1983.I.R.4D9. cbs. \\1. Vasseur; Casso crim. 9 mai 1984. Bull. crun. n'160; R.T.D.eom.1985.334. obs. M.
Cabrillac et Il. Teyssté. V. également J .-L. Rives-Lange el M. Contamme-Raynaud. Op.CH.. n·293, p..41-4: :\\1. .Ieantm.
n'48. p.25.
(130) A condition cependant que ledit bordereau soir dûment signé par un des agents de la banque. C'est ce qui semble
résulter de l'arrêt précité de la Cour d'appel de Paris 1er Iév. 1983, D.1983.I.RA09. La mention "remise du chèque à
l'encaissement" n'a pu être prise en considération par les juges paree que le bordereau de remise était dépourvu de toute
signature.
(131) Idem; une dsre de valeur repoussée 11. uue période éloignée de la date de remise révèlerait une remise à l'encaissement et
non un escompte. V. J.-L, Rives-Lange et :\\1. Conlamine-Raynaud, op. cit.cIoc. cit.
(132) V. par exemple M. Cahrillac et j.-L. Rives-Lange, obs. R.T.D.Com. 1977.750; YI. .Ieantin. op.cir., n'315, p.168.
(133) V, \\1. Vasseur, obs. sous Paris 1er fév. 1983, précité.
(134) V. Paris 15 oct. 1986. D.1987.som.eç, obs. :\\1. Cabrillac.

44
pourtant pas qu'à la forme particulière de l'endossement de procuration sont attachés des
effets propres qui traduisent le mandat qui en dérive.
§ II. LES EFFETS PROPRES DE L'ENDOSSEMENT DE PROCURATION.
56 - La mention de procuration apposée sur un effel de commerce dont un banquier est
détenteur détermine les pouvoirs que celui-ci a sur le titre en cause. Le banquier ne peut alors
exercer sur l'effet dont il est porteur que les pouvoirs d'un mandataire agissant par
représentation de l'endosseur (A); quoique les principes gouvernant la fin de sa mission ne
correspondent pas aux prévisions de l'article 2003 du Code civil, portant sur la manière dont
le mandat finit (H).
A. L'ENDOSSATAIRE REPRESENTE L'ENDOSSEUR.
57 - L'endossement de procuration dont bénéficie un banquier réceptionnaire d'un effet
de commerce, l'investit dans la plupart des droits résultant du titre. Il peut en conséquence
exercer sur le titre les mêmes droits que l'endosseur au nom de qui il intervient. Il peut ainsi,
non seulement en réclamer le paiement mais, également, le pré semer à l'acceptarion (s'il s'agit
d'une lettre de change), le faire avaliser, ou faire dresser protêt au cas de refus d'acceptation
ou de non paiement. Toutefois les pouvoirs de l'endossataire à litre de procuration sont
expressément limités par l'article 122 alinéa 1er du Code de commerce qui exclut la
possibilité pour un tel endossataire d'endosser l'effet à eneaisser en pleine propriété à autrui. Il
ne peut que l'endosser à son tour à titre de procuration, s'il veut réaliser une substitution de
mandat.
Du fait qu'il représente l'endosseur de l'effet. le banquier endossataire peut se voir
opposer, pa.r le débiteur, toutes les exceptions dont ce dernier dispose COntre le représenté; à
l'exclusion toutefois de celles nées de ses rapports avec le débiteur, lesquels ne sont pas en
cause en l'occurrence, le banquier n'agissant pas en son nom personnel(135).
(135) SUT tous ces points. v. [1JT exempte. ~I. .Ieantlu. op.cit.. Il'317. p.169.

45
L'autre effet propre de l'endossement de procuration concerne la dérogation apportée
aux dispositions de l'article 2003 du Code civil, relatives à la fin du mandat.
B. LE MANDAT CONFERE PAR L'ENDOSSEMENT NE PREND PAS FIN
A VEC LE DECES DE L'ENDOSSEUR OU LA SURVENANCE DE SON
INCAPACITE.
58 - Dérogeant aux principes traditionnels sur J'extinction du contrat de mandat, dans
l'intérêt de la vie des affaires. les articles 122 alinéa 3 du code de commerce (relatif à la lettre
de change) et 23 alinéa 3 du décret-loi du 30 octobre 1935 sur le chèque énoncent
expressément que "je mandat renfermé dans lin endossement de procuration ne prend pas fin
par le décès du mandant ou la survenance de SOli incapacité'< 136), Au décès et à. l'incapacité,
seuls événements prévus par la loi. la jurisprudence assimile, par analogie, "la faillite" et
considère que Je mandat d'encaissement de traites reçu par un banquier survit à la "faillite" du
mandanc(l37), voire à la clôture définitive du compte courant dans le cadre duquel le mandat
d'encaisser a été donné(l38).
59 - A vrai dire, la solution, dérogatoire à J'article 2003 du Code civil, adoptée en
matière de recouvrement bancaire de titres de créance appartenant aux titulaires de comptes,
ne doit pas surprendre. Très souvent, en effet du fait de la relation de compte qu'il a avec son
client, le banquier est amené à accorder à ce dernier un crédit. Le mandat de recouvrement
qu'il peut obtenir de son client apparaît. dam ces conditions, comme un mandat d'intérêt
commun dont on admet, généralement, qu'il peut survivre au décès, à la survenance de
l'incapacité ou à la faillite du mandam(l39).
0361 Le même principe es{ applicable au billet à ordre. V. arU85 C. corn.
(137) Par conne, un tel mandat est nul sil est donné par une ~nonne sous le coup d'une procédure de redressement ou de
lrquidarion judiciaires. subséquemment à sen dessaisissement. Y. cass. rcq. 14 janv. 1&62, lJ.P.l862.1.l6&.
1138) V. casso corn. 20 nvr. 19-Hl, D.1948.375; S.l948.1.129: R.T.D.Com. :948.697. obs. R. Houle: égal. :\\>1. jenntin, op.
cit., n0316. p.168.
(139) v. R. Rodtère, rép. dr. civ. précité, v" mandai, n°:l82 et 393 Cl arrêts cités: Ph. le Tourneau, rép. dr. civ., v' Mandat
(1992) précité, n0370 el s.er n0383 et s.

46
Mais les textes précités ne visant que le décès ou l'incapacité du mandant, il faut en
déduire que la règle qu'ils énoncent ne joue pas au cas où les événements qu'ils évoquent
muchent la personne du mandataire. On doit donc considérer, conformément aux principes
traditionnels du mandat. que la "faillite" de la banque mandataire(l40) met fin au mandat
renfermé dans l'endossement de procuration d'un effet de commerce ou d'un chèque(l41).
C'est dire que les dispositions des articles 122 alinéa 3 du Code de commerce et 23 alinéa 3
du décret-loi du 30 octobre 1935, loin de susciter une remise en cause de l'application du droit
commun du mandat à l'endossement de procuration, confirment, au contraire. par la
dérogation expresse qu'elles consacrent, qu'en dehors des cas qu'elles visent, ce sont les règles
traditionnelles du mandat qui déterminent le régime juridique de l'endossement de procuration
et, plus généralement, de toute remise d'effet à l'encaissement.
De fait la situation juridique du banquier, au plan de la réalisation des encaissements à
lui confiés par ses clients, confirme, à tous égards, la prévalence de la théorie du mandat, en la
matière considérée.
(140) Il Faut réserver cependant le cas du mandataire qui ne sc trouvant que sous le coup d'un redressement judiciaire n'a pas
fait l'objet d'une mesure de dessaisissement. En outre il faut rappeller que depuis la loi du 25 janvier 1985. le règlement
judiciaire n'est plus une cause de résolution ou de résiliation (de plein droit) des contrats (cf art, 37 ~1.5).
(141) V, M. jeantm. op. cit.. n'316, p.168.

47
CHAPITRE II. LA SITUATION JURIDIQUE DU BANQUIER ENCAISSEUR.
L'empreinte de la théorie du mandat en matière d'encaissement d'effets confiés à un
banquier s'observe aussi bien au plan des obligations de celui-ci (section I) qu'à celui de sa
responsabilité (section II).
SECTION 1. LES OBLIGATIONS DU BANQUIER ENCAISSEUR.
60 - Sur le banquier encaisseur pèse, à l'instar de tout mandataire, deux obligations
principales: celle d'exécuter la mission confiée, à savoir procéder à J'encaissement projeté (§
I) et celle de rendre compte de cene exécution (§ II).
§ 1. L'OBLIGATION DE PROCEDER A L'ENCAISSEMENT.
Lorsque la creance à recouvrer est représentée par un titre, l'obligation qu'a le banquier
de procéder à son encaissement se dédouble, en réalité. en deux éléments: d'une part
l'obligation de présenter l'effet au paiemem CA) et, d'autre part, l'obligation de porter au
compte du créancier de l'effet, les sommes qu'il a reçues à la suite de cette présentation (B).
A. L'OBLIGATION DE PRESENTER L'EFFET AV PAIEMENT.
61 - Le banquier qui se charge de recouvrer des effets pour le compte d'autrui ne serait
pas excusable (d'autant moins qu'il est un professionnel) de n'avoir pas pris la précaution de
vérifier les droits ou les pouvoirs de son client (au nom de qui il prétend agir) sur le titre dont
l'encaissement lui est confié. Ayant eu tous apaisements sur la régularité du titre qui lui a été
remis, il se doit (d'autant plus qu'il agit pour le compte d'autrui), de déployer toute la diligence
nécessaire à assurer le succès de sa mission. Il se doit aussi. en cas de non paiement. de
prendre toutes dispositions utiles à la sauvegarde des recours (cambiaires notamment) de son
client. C'est dire que sur la question de la représentation proprement dite (2) se greffe.

48
immanquablement, celle des devoirs préliminaires à cette présentation (1) ainsi que celle des
obligations postérieures à ladite présentation, lorsqu'elle a été infructueuse (3).
1. Les devoirs préliminaires à la présentation au paiement.
62 - Avant la présentation d'un effet au paiement, voire avant l'acceptation de la remise
à J'encaissement. le banquier, outre l'obligation qui lui est faite de n'encaisser des chèques
barrés que pour le compte de ses clients, doit, s'il ne veut pas s'exposer aux poursuites des
tiers(142), s'assurer de la régularité formelle et même intellectuelle(l43) de l'effet dont le
recouvrement lui a été confié. La jurisprudence considère, en effet, qu'il est "le garant de la
régularité du titre,,(144)(l45). Ainsi se justifie l'obligation qu'a le banquier de ne prendre à
l'encaissement que des effets de commerce (ou des chèques) ne présentant aucune marque
(142) Cette vérification sen également les intérêts du remettant, dans la mesura où elle a également pour objet de rechercher
les irrégularités (formelles ou intellectuelles) pouvant affecter l'effet el entrainer un refus de paiement. Sur ce point v. H el
M, Cabrillac, Op.CiL, n"17L p.89, el décisions citées.
/143) V. par exemple, Paris, 7 févr. 1966, joum. des agrées 1966.170; R.T.D. Corn. 166.972., cbs. J, Becqué et M.
Cabt-illac, faisant état de la faute d'une bauque ayam pris il l'encaissement un chèque émis 11 l'ordre d'une U.R.S.S.A.F el
endossé à l'ordre d'un particulier, alors qu'il est de notoriété publique que CCI organisme n'endosse jamais qu'à des banques.
V. également T.G.r. Seine, 18 uov. 1967. J.C.P.1968.11.15438. note Ch. Gavalda, banque 1968.61, obs. X. Marin. R.T,D,
cOln.1968.102, faisant état de la faute d'une banque qui a pris 11 l'encaissement un chèque tué sur une banque imaginaire.
Dans le même ordre d'idée, sur la faute consistant pour une banque 11. tirer un chèque sur une société imaginaire (un banquier
aurait-il pris uu tel chèque 11 l'encaissement que sa faute aurait été retenue), v. en droit ivoirien, Cour d'appel d'Abidjan. 28
févr. 1915 (arrêt n'87), Revue Ivoirienne de Droit (R.I.D) 1977, 1-2, p.86. précédé de la note de Mme Paulette Veaux-
Fournerie. V. également Paris. 23 nov. 198!L R.T.D. com.ln9.276. obs. M. Cabrülec el B, Teysslê. D,1988J.R.3. qui il
propos d'nn nombre important de chèques détournés à son profit. au moyen de faux endos (l'affaire remonte à une époque où
les formules non endossables n'avaient pas encore été généralisées par la loi), par un clerc de notaire, au détriment de son
employeur, lui-même endossataire de ces effets. énonce que "le nombre el le caractère systémcaique de le/les écritures,
suivies rapidement par des débits presque correspondants, n'auraient pas d,i manquer d'attirer la vigilance de la banque
l'obligeant à opérer sans qu'elle puisse être taxée à cerre occasion d'immixtionfautive, quelques vérifications discrètes qui lui
auraient permis de d,écouvrir [acitemeru hl réalité",
(144) V. par exemple, Trib. civ. de Pontoise, 15 nov. 1977, Gaz. Pal. 1978.1.som.21O. C'est à MM. Vasseur el Marin que
l'on doit celle expression aujourd'hui consacrée. V. M. Vasseur cl X. Marin, op.cu., (,2, Il'195.
(145) Mais cela ne déehargc PHS, pour autant, le banquier tiré de son obligation de s'assurer, avant le paiement. de la
régularité formelle du litre qui lui est présenté par son eonâëre. Les deux banquiers pourraient, d'ailleurs, être déclarés
responsables lU solidunr. V. casso corn. 4 juill. 1978, D.1979,LR.275, obs. M. Cabrjuac, confirmant Rouen 26 nov. 1976,
D.l978.LR.307, obs M, Vasseur ct pJ09, cbs. M, Cabrillae; Paris 27 avr. 1984, Gaz. Pal. 1984.2.som.348. Rappr. Casso
corn. II oct. 1983. Bull. eiv.,IV ,n'257, p.222; D.1984.I.RJ06, obs. M, Vasseur,

49
apparente de surcharge, lavage ou grattage(l46\\ ou ne recelant pas une rupture dans la chaîne
des endossements(147),
Une fois les vérifications préalables effectuées, le banquier encaisseur qui a eu tous
apaisements quant à la légitimité des droits de son client peut envisager, alors, la présentation
au paiement proprement dite.
2. La présentation proprement dite.
63 - Le banquier qui reçoit à l'encaissement des titres de créance a le devoir de les
présenter à leur échéance(148), chez leur débiteur ou chez le domiciliataire désigné pour Je
paiement(l49)(150), Il doit le faire sans trop tarder afin de pas faire courir au créaneier le
risque de la survenance, toujours possible, surtout en matière commerciale, de l'insolvabilité
du débiteur. La célérité exigée du banquier sera d'ailleurs d'autant plus grande que sa mission
porte sur des effets de commerce. Dans ce cas, la préservation des recours cambiaires du
créancier appelle une présentation dans des délais, plus stricts, imposés par la loi O SI).
Encore que le respect de ces délais prévus dans les relations carnbiaires. n'interdise nullement
(146) V. par exemple, casso cam. 22 <;epl 1982, Gal. Pol. 1983.1. paner. 26. note A. Pfedelfèvre.
1147) V. par exemple Coss. corn. 11 oct. 1983, Bull. clv.,IV,n'257, p.22:?; D.1984,I.RJ06, 000. \\1. Vasseur. précité. Paris,
27 avr. 1984, précité
(148) La Cour d'appel de Paris a jugé le 17 mai 1988 Que la présentation d'Une lettre de change plusieurs JOurs avant la date
d'échéance "ne cons/ill/tûl pas une faille de la pari de l'organisme bancaire, Cel/l' possibilité n'étant exclue par aucun teste el
'li! modifiant pas la date d'l'.ligibili/é qui ft'si<' L'el/l' de I'éctusance". V, R.T.D.Corn. 19!19.272. obs. \\1. Cabrillac el B.
Teyssié.
(149) La préseruauon à cne autre agence que celle désignée pour le paiement constitue une faute à la charge du banquier
présentuteur . V. Trib. corn. Sâlle 10 mars 1958, R.T.D.Col11. 1958.588, obs. J.Decqué et M. Cabrlllac.
(I501 En fail celle présentation il lieu génémlcmcm en chambre de cmnpensntion.
(151) Ce d~1:Ii est de 8, 10 ou 70 josrs, pour Ie~ chèques. selon qlle le chèque, payable en France métropolitaine, eSI émis en
France, hors de Frunce (mais en Europe), al! hors d'Eurupc.ï v, art. 29 déerl.'l-Ioi dl! 30 l:et. 1935). Il est de 10 jours (à compter
du jour de l'échéance de ln traire) pour la lcnre de change elle billet ~ onjrc (~, un. 3, lui du 19 oct. 1940, validée par
ordonnance du 22 aoùr 19<14).

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TRAVAUX
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(LES MANVAf~ Vl~Al~f A tiLALl~~H UN MuUVEMENf DE FONVS).
(fhèse pour le aoctorat a'Etat en axait).
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:;i.l:C'l'!uN
) Visa du Recteur, Président
du Conseil de l'Université

50
la possibilité d'une mise en jeu de la responsabilité du banquier pour présentation tardive. sur
le terrain du mandat d'encaissement dont il est porteur(l52).
64 - Mais le banquier encaisseur n'a pas pour seule contrainte la présentation, dans Nil
certain délai, des effets qu'il reçoit de ses clients. S'imposent à lui, également. les instructions
de ces derniers. relatives notamment aux conditions de remise de documents {accompagnant
par exemple une traite documentaire) ou à la monnaie de paiement du titre à recouvrer,
lorsqu'il s'agit d'un effet tiré sur un débiteur étranger. En de telles circonstances. le banquier
faillirait à son mandat s'il se dessaisissait des documents sans a voir obtenu le paiement de la
traite les
accompagnant, dans une
monnaie transférable, et ce,
même
en l'absence
d'instructions particulières de son client(153),
Mais la présentation au paiement peut s'avérer infructueuse, El si l'on sait que la plupart
des titres de créance confiés au banquier pour recouvrement sont des effets de commerce (ou
des chèques), on ne peut manquer d'envisager les obligations du banquier encaisseur qui,
postérieures au refus de paiement d'un tel effet. sont destinées à préserver les recours
cambiaires de son client.
3. Les obligations postérieures à la présentation infructueuse d'un effet de
commerce.
65 - Lorsque l'effet de commerce (ou le chèque) n'est pas affecté de la clause "retour
sans frais" ou "sans protêt", le défaut de paiement auquel il donne lieu oblige, en principe, le
banquier présentateur, en sa qualité de mandataire, à prendre les mesures propres à la
préservation des intérêts de son client et. plus particulièrement, des recours carnbiaires de
(152) V, c ass. corn. 6 fév. 1978, BulL civ.lV,n'SO,pAO; OJ979,I.R.276, 000. M. Cabrillac el J,-L. Rives-Lange, En
présence d'un effel remis à l'enc aissemeru tardivement {c'est à dire peu de jours avant l'expiration du délai de prcscriptionj. le
banquier, en l'acceptant sans réserves, s'engage, à faire montre d'nne diligence exceptionnelle afin de réclamer le paiement
dans le délai fixé par la loi, Quille à aviser son client qu'il lui compterai! des frais spéciaux pour cette charge exceptionnelle,
Sm ce point. v, Paris, 8 juin 1935, Gaz. Pa1.l935.2.543; D,H,1935.-l65; 5.1936.2.51. Mais la respcrts ahiluè du banquier ne
saurai! être engagée dans l'hypothèse envisagée. s'il s'averan que le respect du délai de présentation était rendu impossible par
les circonstances de l'espèce. V, Rouen 15 ocLl951. Bunquc 1952.237 el sur pourvoi, cass. eom. 20 juill. 1954, Bull.
civ ..I11,n'278.
(1S3) V, Cess. rom. JO nov. 199 l, Bull. eiv.lV ,noJ87,p.306.

51
celui-ci. Il doit. à cet effet, faire dresser un protêt faute de paiement dans les délais requis par
la loi(l54) et faire parvenir à son client un avis de son(l55).
Lorsque l'effet impayé est un chèque, la formalité du protêt, qui demeure indispensable
à la sauvegarde des recours cambiaires du créancier, s'est trouvée doublée depuis une loi de
1985(156), de la possibilité laissée au porteur d'un chèque impayé pour absence de provision,
de se faire délivrer, par le tiré, sur une demande expresse, un "certificat de non paiement" sur
la base duquel il pourrait obtenir d'un huissier, sous certaines conditions(l57\\ un titre
exécutoire. En sa qualité de mandala ire. le banquier qui s'est heurté à un refus de paiement.
pour absence de provision, d'un chèque dont l'encaissement lui a été confié, a le devoir, si tel
est le désir du porteur, son mandant, de solliciter, au nom de ce dernier. afin de le lui
transmettre par la suite, l'établissement du certificat de non-paiement.
Par ailleurs, l'obligation d'envoi d'un avis de sort sera considérée comme acquittée, dans
l'hypothèse du rejet d'un chèque (pour défaut de provision ou pour tout autre motif) dès lors
que l'effet impayé a éré restitué au remettant, accompagné de "l'attestation de rejet" ou de
"l'avis" de rejet que le tiré est dans l'obligation d'établir et d'annexer au chèque impayé, à
l'intention du bénéficiaire(l58).
66 - Si, au contraire, la présentation a débouché sur le paiement escompté, cet acte ne
suffit pas, à lui seul, à mettre fin à l'acre d'encaissement par le banquier. En effet.
(154) Le protêt doiL être dressé dans un délai de 10 jours à compter de la dale d'échéance de la lettre de change, du billet 11.
ordre ou du warrant (v. G, Ripert ft R. Robkn, op. cir., n's 2091, 2117 et 2124.p,203,216 et 219). Pour le chèque, l'art. 41 du
décret-loi du 30 ocrobre 1935 l'nonce que le protêt doit être fait avant l'cxpirntion du délai de présentation.Soie 8, 20 ou 70
jours selon le eas. Sur ce dernier pcmt, v. supra. note n'~'5tt.
(155) Cet avis doit être donné dam les 4 jours ouvrables qui suivent le jour du protêt (ou celui de la présentation, en cas de
clause de retour sans frais). V. art. \\49 Cccom. el 42 du décret-loi du 30 ocL1935 sur le cheqire.
(156) V. an. 65-3. al.S du decret-loi du 30 oezcbre 1935 (texte issu de la loi n'85·695 du 11 JuiI1.1985). Sur cette réforme. v.
les oos de MM. M. Cabrülae et B. Teyssié, R.T.O. Corn. 1985.790 ct 1986.268; v. également Ch. Gavalda, commentaire de
quelques lois et décrets récents en matière de chè'1ue,J.C.P.l986. éd. E. 15560: F. Crédot. in "Les Petites affiches", 2L
fév.1986, n'23, p.25
(l57) Le certificat de non paiement d011 avoir été préalablement signifié au tireur (en réalité, Je titulaire du compte) par
ministère d'hursxier. Ce n'es! qu'nu bout Je 20 jours à compter de celle signification. el dans la mesure on l'huissier de justice
n'a pas reçu la justification du pruemeut dn montant du chèque, augmenté des frais qu'il en habilité à délivrer Il.' litre
exécutoire. V. Jr1:.65-J, :1.1.5.6 cl 7 du décret-loi du 30 octobre 1935.
(158) Sur ces points. v. arLJIl.'t32 du decret du 3 ocl.1975 (texte issu du décret Il'86-78 du 10 ;:UlV. 1986, J,O.R.F .• L8janv.
1986. p.895).

52
l'encaissement qui, en lui-même, se décompose en deux actes successifs, ne s'achève qu'avec
le reverscment du produit de la présentation au propriétaire des effets concernés. D'où
l'obligation faite au banquier encaisseur de porter au compte du client les sommes qu'il, a
reçues à l'issue de la présentation au paiement qu'il a effectuée.
B. L'OBLIGAnON DE PORTER AU COMPTE USUEL DU REMETTANT LES
SOMMES ENCAISSEES EN SON NOM.
67 - Etymologiquement parlant, le verbe encaisser fait allusion à une mise en caisse, un
dépôt dans une cassette(159). Encaisser un titre de créance c'est donc s'en faire remettre le
montant par le débiteur (c'est à cela que tend la présentation du titre au paiement) afin de le
"mettre en caisse", On le voit, l'encaissement des titres de créance implique la succession de
deux, voire de trois actes différents(l60) dom le but ultime n'est autre que l'encrée du montant
desdits titres dans les caisses du créancier. Lorsque c'est un banquier qui se charge d'une telle
mission, c'est l'écriture de crédit portée au compte du créancier qui marque cene entrée des
créances recouvrées dans les caisses de leur propriétaire. Cette écriture entre donc, a priori,
dans le champ du mandat d'encaissement confié par le titulaire d'un compte bancaire à son
banquier,
De fait, l'obligation qu'a le banquier encaisseur de porter aux comptes de ses clients les
sommes provenant des paiements qu'il a reçus en leur nom n'est pas contestée dans son
principe. La panée exacte de cette obligation demande cependant li être précisée (1). De
même, doit être souligné, le sort particulier réserve aux sommes ayant fait l'objet d'une
affectation spéciale (2).
(159) V. Grand Larousse de la langue française (Grand dictionnaire des lettres). Librairie Larousse 1986,1.3, y' encaisser;
égulemenr Le Grand Robert de 1" langue française. Zè éd.,LIII, y' encaisser.
(160) A savoir la présentation du tiuc au paiement. la réception du paiement el la rnise en caisse (ou l'inscription au crédit
d'un compte bancaire) des sommes reçues.

53
1. La portée de l'obligation du banquier encaisseur.
68 - Le compte fonctionnant entre le banquier et son clienr est le cadre normal de la
matérialisation des relations qu'ils entretiennent. C'est à l'intérieur de ce compte que s'opère le
règlement des créances ou dettes réciproques pouvant exister entre les deux parties. C'est
donc, tout naturellement, sur le compte principal du client que doivent être reversées. sauf
instruction contraire de celui-ci, les sommes provenant d'encaissementsréalisés au nom de ce
dernier. De l'obligation, ainsi faite au banquier, découle le droit qu'il a, a fortiori, de procéder
à l'inscription, au compte usuel du client, de routes sommes encaissées en son nom (a).
Toutefois ce droit n'est pas absolu. Il connaît certaines limites qu'il convient d'exposer (b).
a. Le droit d'inscrire au compte du client toutes Sommes encaissées en son nom,
conséquence de l'obligation du banquier.
69 . Tome obligation apparaît, selon le rôle dévolu à chacune des personnes qu'elle
implique (débiteur ou créancier), tantôt comme une charge (dette), tantôt comme un droit
(créance). De même toute dette emporte à la charge du débiteur, à la fois, l'obligation et le
droit. a fortiori, de fournir la prestation escomptée par le créancier. Ainsi, à l'obligation faite
au banquier encaisseur de merrre à la disposition de son client, par une écriture de crédit
panée au compte de ce dernier, les sommes recueillies à l'occasion de sa mission, correspond
le droit qu'il a d'utiliser ce compte comme cadre d'exécution de son obligation de rcversement
des sommes dont il est débiteur à l'égard dudit client
Le banquier a donc le droit. en l'absence d'instructions contraires. d'inscrire au compte
usuel de son cocontractant toutes sonunes lui étant destinées(161), On peut toutefois se
(161) ail peut même aU,,! plus loin el affirmer avec ~I.M. Ch. Gavatca el J. Stouîûet que "la créance enlre en compte de
plein droit même dans lm compte dl' dépôt non .WI1IJli.s au principe de généralité. dès lors qu'une partie ne manifeste pa;
/"intention de l'exclure du compte", V. Droit de la Banque, précité, n'354, pA57.

54
demander si cene affirmation vaut même au cas ou le compte en cause est un compte courant,
eu égard aux effets particuliers attachés à l'entrée d'une créance dans un tel compte(I62).
Le principe de l'affectation générale des créances au compre courant commande,.a
priori, une réponse positive à la question posée( 63). A cette première raison, on peut ajouter
que, malgré sa spécificité. le compte eourant fonctionne. à bien des égards, comme un compte
de dépôt ordinaire(l64) et est appelé, en conséquence, à l'instar de celui-ci. à recevoir tomes
sommes destinées à son titulaire, étant entendu que reste toujours ouverte la possibilité de
faire ressortir du compte, à J'aide d'une contre-passation, celles des sommes qui y auraient été
indûment inscrites( 165).
Avec la réserve qui précède s'annonce, on le voit, le signe d'une limitation du droit
reconnu au banquier encaisseur d'inscrire d'office, au compte de son client. les sommes
perçues en son nom.
b. Les limites apportées au droit du banquier.
70 - Le droit reconnu généralement au banquier d'inscrire, au compte de son client,
tomes sommes encaissées au nom de ce dernier. peut se trouver limité votre supprimé, dam
- - - - -
- . _ - - _ . - -
(162) Effel de fusion cl d'irufivisibilité des créances entrées au disponible du compte. Sur ces effets. v. not. J.-L Rlves-
Lange el M. Contamine-Raynaud. op. cir., n"212 el s., p.253 et s.;G. Riper! el R. Roblol, op. cit., 1.2. 1l·2330 el 5.. p.341 el
s. el n'2337 et s., p.3-t6 .:1 5., ~ddl' Jacques Belot, compte de dépôt et compte courant en matière banccue (de la dualité à
l'unité), Rev. jur. com. 1985.41, n·8 et s.
(163) A moins que le d;L'01 n'au, d'avance, affecté le produit des effets 11. encaisser au règlement de la créance d'une tierce
personne, par exemple. V, infra, n0 8'l et s..
(l64) Le. auteurs s'aceordenr aujourd'hui 11. reconnaître, qu'à l'exception du mécanisme de garantie qu'il implique, le compte
courant, dans SOlI fonctionnement, ne se différencie guère d'un compte de dépôt ordinaire. v. JA.... Rives-Lange el M.
Contamine-Raynaud.op. CiL, n'235, p.289. V. égakmrnt Jacques Belcr. article précité, Rev.jur. com.1985.41 passim, not.
nOs 3, 18 et 25.
(165) Une telle éveruualiré n'l'SI, en effet, pas exclue dans Ji: Ionctiouneruent d'Un compte courant (v. Ch. Gavalda fi J.
Srouûlet, op. cil. n'381, p.495). L'inscription au compte courant J pu notamment se faire en fraude aux droits d'Une tierce
personne (c'est le cas, par exemple, lorsque le titulaire du compte a reçu un paiement par l'intermédiaire de son compte. en
qualité de mandataire d'une autre personne). En pareille hypothèse. 'li! ne peut considérer les sommes portées au compte
courant comme une véritable remise affectée. ëventuellcmeru.ê l'apurement dudit compte, puisque leur dcsiiuatairc n'en a pas
la liber disposition. Aussi. l'entrée en compte de pareilles sommes doit-elle être annulée (sur certe idée, v. M. Vasseur, Un
grave problème d'application de la loi Dailly, 0.1986.73, nOs 14 ct 15), car "t'entrée d'une créance dans un l'ample courant n.e
couvre pas la nul/hé de crlle créance. Ile s'oppose pas à sa disparition par l'ejJt'l d'une résolulion de t'acte qui lui a donné
naissance ou à une rédnction de Sorl montant" (Ch. Gavalda el J. Srcuntet. Droit de la banque. n'381, p..495).

55
certaines hypothèses particulières. Il en va ainsi lorsque les sommes en cause proviennent
d'une part, du paiemenr de créances ayant fait l'objet d'une mobilisation auprès de tierces
personnes ~ et, d'autre pan, d'encaissements réalisés postérieurement à J'ouverture d'une
procédure de redressement judiciaire touchant le client (G).
cJ.. . De l'inscription, au compte du client, des sommes provenant du paiement de
créances ayant fait l'objet d'une mobilisation auprès de tierces personnes.
71 - A propos du droit du banquier encaisseur d'inscrire au compte de son client les
sommes provenant du paiement de créances susceptibles de mobilisation. il faut distinguer du
cas général Cl 0) la situation particulière où sont en cause des sommes ayant pour origine le
règlement de créances cédées selon les modalités de la loi Dailly du 2 janvier 1981 (166) (2°) .
I
Le régime général des sommes encaissées par un banquier en qualité de
0 _
mandataire de son client
72 - L'obligation (et par conséquent le droit) de principe qu'a le banquier. mandataire à
l'encaissement des créances de son client. de porrer au compte ordinaire de ce dernier. les
sommes reçues, a pour corollaire l'impossibilité pour les tiers de revendiquer lesdites sommes
entre ses mains {"). Toutefois ce banquier peut être condamné à restituer les sommes en cause
si son comportement apparaît comme une faute engageant sa responsabilité civile C*).
* L'impossibilité pour les tiers de revendiquer les sommes détenues par le
banquier mandataire.
73 - Les paiements qu'une banque est appelée à recevoir au nom et pour le compte de
ses clients, titulaires d'un compte ouvert dans ses livres, peuvenr avoir les causes les plus
(t66) Lai n'81·1 du 2janv. 1981 facilitant le crétlil JU.1. entreprises. LOKF. du 3 janv. 1981: J.C.P, J981.1l1.50734.

56
diverses, licites ou non. Le banquier, tenu par le principe de non-ingérence dans les affaires
de ses clients (principe solidement établi en droit positif)067), n'a pas à se préoccuper de
l'origine OL! de la destination véritable des sommes ou des effets qu'il reçoit de ses clients QU
pour leur compte(l68). Les sommes dont le banquier peut de la sorte se trouver détenteur
doivent, normalement, ainsi qu'il a déjà été dit, être déposées sur le compte du client. Agissant
ainsi (conformément, du reste, à sa double qualité de mandataire à l'encaissement des
créances de son client et de dépositaire attitré des fonds de ce dernier), le banquier encaisseur
ne saurait, en principe être l'objet de poursuites judiciaires. de la part de tierces personnes
cherchant à obtenir le reversernenr, à leur profit, des sommes provenant des encaissements
qu'il a réalisés; à moins que, conformément aux règles de la responsabilité civile, une faute
préjudiciable à autrui puisse lui être reprochée. Deux justifications peuvent être données à
cene affirmation.
Premièrement les fonds déposés chez un banquier deviennent sa propriété eu égard à
leurs caractères fongible el consomptible. De ce fair ils ne peuvent faire l'objet d'une
revendication de la part des tiers(l69) Cà moins qu'ils n'aient été déposés chez le banquier,
pour le compte de qui il appartiendra).
Deuxièmement, les sommes, dès leur entrée dans un compte (courant ou ordinaire),
perdent leur individualité pour se réduire, après fusion avec les autres éléments du compte, en
un solde qui, s'il est en faveur du client, constitue une créance de ce dernier sur le
banquier(170). Dès lors, le banquier qui se présente, par ailleurs, comme dépositaire des fonds
(167) v. Paris, 12 evr. 1976, joum. des agréés, 1976.425, n'783; R.T.D.Com. 1977. 143. obs. M. Cabrillac et J.-L. Rives-
Lange; Casso corn. 10 mars 1987, D.l987.som.3D6. V. également J.-L. Rives-Lange el M. Contamine-Raynaud, op. cil.
n'24S, p.31D; Ch. Gavalda et J. Stoufllel, Droit de [a banque, précité, n'319 el s. pADS (el décisions citées): Ch, Gavalda.
noie au LC.P.l967.1.153D6, §lll. Rappr. Paris 23 nov 1988. D.1988.I.R.3; R.T.D.=m.19fl9.276. obs. M, Cabrillac et B.
Teysslé.
(168) Sauf, toutefois. s'il se trouvait en présence d'une anomalie manifeste. qui devait auirer son attention. V. J.-L. Rives-
Lange el M. Contamine-Raynaud, op. cir., n'245, p.311.
(169) Sur ce peint. v. J.-L. Rives-Lange, obs. sm Pau. 25 mai 198:'\\, Banque 1985.1071; Ch. Gavalda et J. Srourüer.
chronique de droit bancaire LC.P. 1985.I.3221. Il'21 et S.; J.-L. Rives-Lange el M. Contamlae-Raynaud, op. Cil.. n'461,
p.Sgl. Comp. M. Va.ssseur. Un grave problème d'application de [a loi Dailly. D.1986.i3, n'Il, qui propose un distinction
entre la revendication d'une somme d'argent dont il reconnaît, l'unpossibihté, ct la simple demande du "reversemeni d'une
somme qui a pris une fausse direction" toujours pos sible J. ses yeur.
(170) Sur cc poinL V. J,.L. Rlves-Lange et M. Contamtne-Rajnaud. op. cit .. li"
186. 191 et 234, p.226, 231 et 2BB.

57
en sa possession, n'est obligé. relativement à la restitution du solde en dépôt dans ses caisses,
qu'à l'égard du seul titulaire du compte. Ce dernier est donc le seul qui puisse exiger le
reversement des sommes inscrites sur son compte, quelle que soit leur pravenance(17l).
De ce qui précède, on ne doit toutefois pas déduire que les tiers qui s'estiment victimes,
dans les circonstances évoquées. d'un comportement blâmable d'un banquier, n'aient pas la
possibilité d'obtenir, en justice, que les sommes encaissées à leur détriment leur soient
restituées. La situation précédemment envisagée demeure toujours régie, en effet, par les
principes du droit commun de la responsabilité civile.
:to La restitution des sommes encaissées, sanction de la responsabilité civile du
banquier mandataire.
74 - La condamnation à restitution des sommes encaissées (et inscrites au compre
ordinaire du client) qui peut frapper le banquier mandataire ne peut être prononcée que
comme sanction de la responsabilité de ce dernier. Une telle décision suppose, bien sûr, une
faute de la personne visée. Cette faute du banquier encaisseur peut notamment consister à
avoir délibérément ignoré les droits d'lin tiers (en réalité d'une banque tierce) sur la somme
qu'il a reçue et portée directement au compte usuel de son client Le caractère fautif du
comportement du banquier encaisseur suppose, naturellement, qu'il ait eu connaissance des
droits que les tiers avaient sur les fonds en cause, ou tout au moins qu'il se soit abstenu, alors
qu'il en avait l'obligation, de s'enquérir de l'origine et de la véritable destination des fonds qui
lui ont été versés, Autant dire, si l'on songe à la règle de non ingérence qui préside aux:
relations du banquier et de son client, que les chances de voir retenir la responsabilité du
banquier encaisseur, sur le terrain qui nous préoccupe sont quasiment nulles.
75 - On comprend alors pourquoi, pour la protection des banques mobilisatrices de
créances nées sur l'étranger, la Banque de France a éprouvé le besoin d'instaurer, par le biais
(171) Dans J..> même sens, Y. Dominique Schmidt, LoiDailly: le, droits du cessionnaire à l'encontre du banquier du
mandataire chargé de l'cncaisscrncru de la créance, J.C.P .. éd. E. [986.1.15465

58
d'un avis aux cédants daté du 12 juin 1967(172)(173), des règles de conduite particulières
lorsque sont en cause des fonds reçus par un banquier, suite à un virement en provenance d'un
pays étranger.
Depuis l'avènement de l'avis aux cédants sus-évoqué. tout banquier qui reçoit au nom
d'un de ses clients, exportateur, un virement en provenance de l'étranger, doit s'abstenir d'en
porter directement le montant au compte ordinaire de ce dernier. Les fonds reçus doivent,
après consultation de l'exportateur, être soit virés directement à la banque mobilisatrice (s'il
en existe une) de la créance ainsi réglée, soit inscrits dans un compte bloqué (au nom de
l'exportateur). Ils ne devraient être libérés pour être portés au compte usuel de l'exportateur
que si celui-ci "dol/ne au banquier réceptionnaire l'assurance formelle que les entrées de
fond!correspondanres ne concernent pas ulle opération en cours de mobilisation,,(l74).
L'avis aux cédants de la Banque de France ayant de la sorte édicté une nonne
professionnelle s'imposant à tous les établissements de crédü(175), ceux-ci ne peuvent
dorénavant inscrire directement au compte normal de leur client les sommes provenant d'un
virement étranger. La banque qui agirait contrairement à cette règle commettrait un faute qui,
si elle était préjudiciable à autrui, justifierait sa condamnation à restituer les sommes
indûment inscrites au compte (courant ou de dépôt) du bénéficiaire,
En revanche, toute faute et partant, toute restitution, doit être exclue, si les diligences
prescrites par la Banque de France ont été observées et que ce n'est que sur la base d'une
fausse déclaration de son client que le banquier réceptionnaire a débloqué les fonds provenant
d'un virement étranger'. 176),
(172) Avis dent les princip cs ont ..-'t~ plusieurs fais rappelés ultérieurement par la Banque de France, notammem dans un avis
du::!L mai L973.
(173) Sur la valeur juridique des avis aux cédant, et sur leur caractère obligataire, v. Cuss. cam. 2 avr. 1980, 0.1981.'l8:
Riom 14 déc. 1988, 0.J988.somJ14, obs. M. vasseur; M, vasseur. Le pouvoir de la Banque de France de prendre des
règlements el d'édicter des nonn cs prQI~ssiQnndks, D.1981.25, not. lI'18 (in Fine) et n'20 et s. Adde B. Bouloc, La
mobilis ancn des créances nées sur l'étranger en l'absence d'effets signés par l'acheteur étranger. J.C.P.1969.1.225R. 0·41 et ~.
(174) V. Banque 1967.645.
(175) V.supra nOlcn·ll~.
(176) v. D. Schmidt, article précité, lc'P, éd. E.1986.I.I5465, n·17.

59
76 - Au total, on doit retenir que l'obligation (et partant le droit) du banquier encaisseur
de porter d'office, au compte de san client les sommes qu'il reçoit en son nom, sans attendre
ses instructions ne peut, en pratique. être contestée par les tiers(l77) qu'en matière
d'opérations d'exportation, lorsqu'une créance née, sur l'étranger et mobilisée par une banque
tierce a fait l'objet d'un règlement par virerneru chez un banquier autre que le banquier
mobilisateur. Cette contestation et la restitution qu'elle implique ne se conçoivent d'ailleurs
que dans le cadre du droit commun de la responsabilité délictuette, une faute devant
nécessairement être imputable au banquier querellé.
Pourtant, depuis une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation,
rendue le 28 octobre 1986(178), dans le domaine de la cession des créances selon les
modalités de la loi Dailly du 2 janvier 1981(179), on peut se demander si les principes
précédemment exposés ne som pas aujourd'hui irrémédiablement battus en brèche. Cette
décision ne reconnaît-elle pas, en effet, au banquier cessionnaire, contre son confrère qui
reçoit des fonds en qualité de mandataire du cédant(180), un droit à la restitution des sommes
provenant du paiement des créances cédées?
2"- Le régime particulier des sommes provenant du règlement d'une créance cédée
selon les modalités de la loi Dailly.
77 - L'affaire qui douna lieu à la décision, précédemment évoquée. de la Cour de
cassation. opposait deux banques qui avaient pour client le même exportateur. A l'une, le
(177) Excepnon faite. toutefois. des tiers bénéficmrx d'une affectarion spéciale de ces Iouds, émanant du titulaire du romple
lui-même. Sur ce point. v. infra n'89 el s.
(178) V. casso corn. 18 oc1.1986. D.J9116.592. note M. vasseur; lC.P.• H. 20735, note J. Staumet; R.T.D.Com. 1987.89.
obs. M, Cabrillac el n. Teyssië: Bull. civ.l v.n'Tçd.p.l ôg, rejetant le pourvoi contre Pau 15 mai 1985. D.l986,74;
R.T.D.Com. 1986.133. obs. M. Cabrillac el n. Teysné: Banque 1985.1071, obs. j,-L. Rives-Lange. Comparer, pour la
même affaire, Trib. corn. Dax [1 Juin 1984. D.1986,74.
(179) J.o.R.F. 3janv. 198 I: J.c.P. 1981.1II.50734.
(1801 ll est admis cn droit positif qu~ le cessionnaire qui s'abstient de notifier. au débiteur cédé, la cession intervenue donne
tacitement mandat au cédant d'encaisser ladite eréance. V. pur exemple j.-L, Rives-Lange el M, Conlamine-Raynaud, op.
cit., nOs 451, 459 ct J.61.

60
commerçant avait cédé, selon les modalités de la loi Dailly (cession sur bordereau), la créance
qu'il avait acquise contre un acheteur étranger. L'acheteur se libéra de sa dette par un virement
sur le compte courant dont l'exportateur était titulaire auprès de la deuxième banque. Peu de
temps après. survenait la "faillite" de l'exportateur. Le banquier mobilisateur s'adressa alors à
la banque réceptionnaire du virement pour obtenir la restitution des fonds provenant ainsi du
règlement de la créance dont il était cessionnaire. Le refus opposé par la banque
réeeptionnaire (d'autant que le compre de l'exportateur était resté débiteur malgré le virement
intervenu) poussa le banquier cessionnaire à saisir la justice.
En première instance(l81) les juges rejetèrent la demande du banquier cessionnaire
pour deux raisons principales: d'une part parce que la monnaie. bien abstrait et fongible. est
insusceptible de revendication et que de surcroît. s'agissant de sommes inscrites sur un
compte bancaire "toute revendication est exclue de la part d'un tiers invoquant un droit sur la
somme entrée en compte"; d'autre part. parce qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la
banque réceptionnaire. relativement au non respect de l'avis aux cédants de la Banque de
France du 12 juin 1967. Selon le Tribunal. cet avis qui n'a pas un caractère réglementaire,
mais qui impose, néanmoins, une obligation de prudence et de diligence, peut être ignoré par
une banque sans, pour autant, que cela constitue une faute à sa charge.
La Cour d'appel de Pau(182\\ saisie par le banquier cessionnaire. infirma le jugement du
tribunal. estimant, pour sa part, que la banque mobilisatrice était "parfaitement en droit
d'exercer la revendication de la somme versée", étant donné que c'est à tort que les fonds
virés ont été versés, non point sur un compte de dépôt, comme cela aurait dû être mais, au
contraire, sur le compte courant du cédant; compte qui, à la date du virement, n'aurait plus dû
être en fonction, vu les circonstances de l'espèce.
Pour rejeter le pourvoi formé par le banquier réceptionnaire, contre l'arrêt de la cour
d'appel, la Cour de cassation, procédant à une substitution de motifs, rappelle. en ce qui
concerne l'argument essentiel, que "selon les dispositions de l'article 4, alinéa jer, de la loi
(181) v. Trib. com. Da}; 12jum 19&4, 0.1986.74.
(182) V. Pau 10 mai 1985, 0.1986.76.

61
du 2 janvier 1981, /a cession, qui transfère au cessionnaire la propriété de la créance
professionnelle cédée, prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date
portée sur le bordereau; il s'ensuit que le virement opéré par la caisse, organisme
réceptionnaire, sur le compte courant de la société a été effectué au préjudice de la banque
cessionnaire qui, n'ayant pas reçu paiement de la créance cédée à son profil, était dès lors
fondée à le réclamer".
78 - De cette décision de la haute Cour il découle que, dorénavant, toutes sommes qu'un
banquier encaisseur est amené à recouvrer, pour le compte de ses clients, peut faire l'objet
d'une demande de reversement, autrement dit d'une revendication, dès lors que cette
revendication est le fait d'une personne se prévalant, en qualité de cessionnaire, des
dispositions de la loi Dailly. Peu importe, alors, que l'établissement de crédit n'ait pas connu
l'origine des fonds qu'il encaisse en qualité de mandataire du cédant. titulaire du compte
récepteur. Peu importe, encore, que les fonds en cause aient été déjà portés sur le compte
usuel (compte courant ou compte ordinaire) du cédant et aient, en conséquence. subi l'effet de
fusion traditionnellement attaché aux comptes bancaires. Peu importe, enfin, que la banque
réceptionnaire, qui détient les fonds, en vertu d'un contrat de dépôt. n'ait aucune relation de
droit avec le cessionnaire de la créance en cause; du moins, aucune relation juridique directe.
Il est vrai. en effet, qu'on pourrait penser à attribuer au banquier réceptionnaire la qualité de
mandataire substitué du cessionnaire. Ce dernier aurait, de ce fait, un droit direct au
remboursement des sommes entrées dans le compte du cédant, mandataire primaire. Mais
l'existence de tout mandat est subordonnée à la conscience qu'a le mandataire d'agir pour le
compte d'autrui (le Code civil va même plus loin et exige une acceptation. ne serait-ce que
tacite. du mandataire). Or dans le cas présent le supposé mandataire substitué (la banque
réceptionnaire). s'il n'a eu aucune instruction paniculière concernant les fonds reçus, ne peut
être considéré
comme ayant eu conscience d'agir pour le compte du cessionnaire.
L'ignorance, par le supposé mandataire substitué. de la substitution de mandat, constitue, en
l'occurrence, un obstacle à la thèse de la substitution de mandat (183),
(183) Sur cette analyse, v. M. Cabrillac et 8. Teysslë, obs. sur Cess. cern. 28 ocr. 1986. R.TD.Com. 1987.89.

62
79 - Au-delà du caractère peu convaincant de la justification de la solution ainsi retenue
par la cour de cassation(l84), ce sont les répercussions qu'elle peut avoir sur la situation
juridique du banquier encaisseur qu'il convient de souligner. N'en arrive-t-on pas, ainsi.t à
créer, relativement à toute somme encaissée par un banquier, une insécurité générale dont la
conséquence se traduirait, infailliblement, en pratique, par le refus systématique des banques
d'inscrire aux comptes de leurs clients, en l'absence de toute garantie donnée par ces derniers,
toutes sommes reçues en leur nom? Certes, le risque d'avoir à restituer les sommes n'existe
véritablement que pour les fonds qui proviennem de créances cédées sur bordereau. Mais,
dans la pratique, la banque réceptrice n'a aucun moyen de déterminer parmi les fonds qu'elle
reçoit pour le compte de ses clients professionnels, celles des sommes qui concernent une
cession de créance relevant de la loi Dailly. L'interrogation du client lui-même n'offre aucune
couverture réelle et ne permet pas au banquier réceptionnaire d'échapper à la restitution, au
cas de fausse déclaration de son client. En effet, à s'en tenir à l'interprétation de la Cour de
cassation, "l'opposabilité de fa cession de créance ne dépend pas, dans fe système de fa foi
Dailly, d'une
information donnée par
fe cédant ma tiers,,(185)(l86).
Le droit de
(184) Il ne semble pas en effet qu'ou puisse déduire de l'an. 4, al. 1er de la loi Dailly, l'institution, au profit du cessionnaire
d'une créance professionnelle. contre les liers, d'un droit de suite sur les fonds à provenir de l'encaissement de III créance
cédée (car c'est bien le SOT! d'une somme d'argent eu dépôt dans une banque qui esr en cause dans le litige évoqué, et non.
eomme semble I'iusinuer la Cour de cassation. le droit de propriété relatif à la créance cédée). Il est vrai que la loi rend
opposable aux tiers la eession de créance survenue. Mais eeue opposabilité n'a pas pour objet de les rendre créanciers ou
débiteurs directs de la prestariou prevue au contrat. Elle a seulement pour objet de les rcudre responsables de la
méconnaissance volontaire, fautive donc, de la situation juridique résultant d'un contrat auquel ils ne sont pas partie (v. par
exemple A. Weill el F. Terré, Les obligations, précité. nOSI9, p.542). Seule la faute du banquier réceptionnaire peut douc
permettre une condamnation 11. rcversemenr des sommes litigieuses. en l'absence de tout droit de suite expressément accordé
par la loi au cessionnaire d'une créance cédée par bordereau Dailly. Or la Cour de cassation ne fait aucune référence 11. la faute
du banquier en l'espèce. Dès lors, on peut dire que la solution qu'elle retient va bien au delà des conséquences qu'implique
l'opposabilité de la cession de eréauce affirmée par l'an. 4. aL 1er. Ce texte ne peut donc servir de fondement 11. la
revendication, par la banqoe cessionnaire, des sommes encaissées au nom du cédant par le banquier de ce dernier. Sur la
critique de celte jurisprudence, v. not..J. Stourrlet, note sous casso corn. 28 oct. J986, J.C.P.1987.IUD735; M. Cabrfüec el
B. Teysstë, obs. 11. la R.T.D.Com. 1987.89 el 1986.133; D. Schmidt, Loi Dailly, les droits du cessionnaire à l'encontre du
banquier du mandataire ehargé de l'encaissement de Iii créance, J.c.P. éd. E. 1986.1.15465. Contra M. vasseur, uu grave
problème d'application de la loi Dailly, D.1986.73.
(185) Dominique scmutcr. article précité. J.C.P. éd.E. 1986.I.IS465, lI·17.
(186) Comparer M. vasseur, article précité, D.19H6.73. n'18 pour lequel "le banquier réceptionnaire qui reçoit les fonds
dont il ne cannait pas la provenance est placé devant une alternative: ou bien. afin de ne procéder qu'à bon escient, il
interroge son ctient, ou bien il estime que celle charge est insupportable. libre cl lui, mais alors il doit savoir que sur les
fonds ainsi reçus, pèse une éventuelle obligation de resritutiotl à première demande, au cas où. un banquier cessionnaire ou
mobilisateur viendrait à se révéler à Illi. Le risque est alors pour le banquier receptionnaire",

63
revendication que la cour de cassation reconnaît, ainsi. au banquier cessionnaire d'une créance
sur bordereau, eonduit, en fait, à faire peser sur toute banque réceprriee de fonds, "la
contrainte d'en vérifier l'origine avanT de les considérer comme élément du crédit de SOfl
dient n0 8?). C'csr la négation même du devoir de non-ingérence du banquier, admis
jusqu'alors en jurisprudence et en doctrine.
80 - La jurisprudence de la cour de cassation, en la matière qui nous occupe, est d'autant
plus regrettable que la protection. nécessaire, on en convient, du cessionnaire sur bordereau.
d'une créance professionnelle, peut être obtenue de manière beaucoup plus simple, sans
remise en cause de la situation des tiers. Il suffit, pour cela. de tirer la conséquence logique de
la possibilité offerte au cessionnaire, par la loi Dailly, d'inrerdire au débiteur, en lui notifiant
la cession intervenue, le paiement de la créance, en d'autres mains que les siennes(188). La
notification n'apparaît-elle pas, en effet, dans l'esprit de la loi Dailly, comme "ulle protection
exceptionnelle, motivée par la prochaine insolvabilité du cédant ou par des doutes sérieux sur
son hOllnêteré"(189)? La logique du système implique, par conséquent, que le banquier
mobilisateur, qui seul avait le moyen de se prémunir contre le risque de disparition des fonds
à provenir du paiement de la créance qu'il a acquise, assume, seul, ce risque. Ne l'a-t-il pas,
d'ailleurs, accepté, en toute connaissance de cause, en choisissant de ne pas user de la faculté
de notification que lui offre la loi, pour sa sécurité? En ne tirant pas les conséquences
qu'implique l'esprit de la loi Dailly, notamment à travers le système de la notification, la Cour
de cassation a adopté, au regard des intérêts en conflir, la solution la moins judicieuse, aussi
bien en droit qu'en équité. Pas plus judicieuse n'est, non plus, la décision de la Cour de
cassation, au regard des principes traditionnellement admis en matière de revendication de
sommes d'argent (de surcroît. en dépôt sur un compte bancaire), de même qu'au regard des
règles présidant habituellement aux relations du banquier et de son client. Négligeant le rôle
que pouvait jouer, en la matière étudiée, le droit commun de la responsabilité civile. la
(187) J. Srourüet. note sous Cuss. cern. 28 oct. 1986, J.C.P. 1987.n.20735, dernier paragraphe.
(188) V. an. 5 de la loi Dmlly. précnéc.
(189) M. Cabrillac el H, Teysslé. obs. il la R.T.D,Com. J9S5. 131 cl s.

64
chambre commerciale a préféré consacrer, malheureusement, sous prétexte de sanction d'une
opposabilité affirmée par la loi Dailly, un "véritable droit de suue sur une somme objet d'un
paiement réaiisé,,(190). li faut espérer qu'à l'occasion d'une autre affaire. elle révise sa

jurisprudence, en faisane jouer à la notification le rôle qui lui revient ou en soumettant la
restitution des sommes perçues par la banque réceptionnaire à une faute lui étant imputable,
c'est-à-dire. en fait. à la connaissance qu'elle a pu avoir de la cession intervenue.
Mais les circonstances qui entraînent des restrictions dans le droit du banquier
d'inscrire, au compte ordinaire de son client, tes sommes perçues en son nom, ne se limitent
pas aux seuls paiements de créances ayant fair l'objet d'une mobilisation auprès de tierces
personnes. L'ouverture d'une procédure de règlement judiciaire contre son client produit, pour
le banquier encaisseur, des effets similaires(l9l),
R. De l'inscription au compte du client des sommes encaissées en son nom,
postérieurement à sa "faillite".
81 - Lorsque survient la "faillite" corrunerciale du titulaire d'un compte bancaire, avant
que n'ait été achevé le recouvrement d'effets remis à l'encaissement, dans le cadre de ce
compte, la question se pose de savoir si le mandat dont est. de la sorte. porteur le banquier
peut survivre à ladite "faillite" et si. dans l'affirmative, les sommes ainsi recueillies peuvent
toujours être portées au compte du "failli",
On pressent. a priori. que la réponse à la deuxième au moins de ces questions ne peut
manquer d'être tributaire de la règle. importante en matière de procédure de règlement ou de
liquidation judiciaires. de l'interdiction de paiement des dettes antérieures à l'ouverture de la
procédure. De cette règle découle, pour le banquier encaisseur, une défense de principe de
compenser en compte les sommes éventuellement recouvrées au nom de son client.
postérieurement à la "faillite" de ce dernier ("). Mais il convient de préciser que certaines
(190) VI. Cabrutac el B. Tevsslé. obs. sur Casso com. 28 oct. 1986.R.T.D.Com. 1987.90.
(191) v. art. 33 el 37 de la loi n'85-98 du 25 janv. 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises.

65
circonstances particulières peuvent emporter, pour le banquier encaisseur, le droit d'invoquer,
exceptionnellement, la compensation, afin de conserver les sommes en sa possession (").
'" L'interdiction de principe pour le banquier de compenser en compte les sommes
encaissées postérieurement à l'ouverture d'une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaires touchant son client.
82 - Sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967. comme auparavant, il était de règle que le
prononcé du règlement judiciaire ou de la liquidation des biens entraînait, de plein droit, la
clôture des comptes bancaires du "failli", lesquels ne pouvaient plus, dès lors, enregistrer de
nouvelles remises( 92). Pour autant, la poursuite des encaissements en cours n'avait pas été
interdite(l93). Une telle survivance du mandat d'encaisser confié à un banquier trouve
d'ailleurs sa justification, au-delà du constat qu'il s'agit, bien souvent, d'un mandat d'intérêt
commune! 94). dans le fait que la mission d'encaissement du banquier concerne presque
toujours des effets de commerce ou des chèques. Or, en ce qui concerne ces effets, la loi
dispose expressément que "le mandat renfermé dans un endossement de procuration Ile prend
pas fin avec le décès du mandant 0/1 la survenance de son incapacité"(l95). La jurisprudence
assimilant généralement la "faillite" du mandant à son décès ou à son incapacité. on comprend
que les juges n'écartent pas la possibilité d'une survivance du mandat d'encaisser confié à un
banquier malgré la procédure de redressement ou de liquidation judiciaires frappant son
client(196). Seulement. la clôture du compte intervenant avec l'ouverture de la procédure
(192) V. Casso civ. 8 mars 1897. D.1897.1.321; Casso l'iv. 20 avr. 1948, D.1948.375; 5.1948.1.129; R.T.D.Com. R.T.D.Com.
1948.697. obs. R. Houin; Casso corn. [7 nov.1981,D.1982.257 nole M. Vasseur; J.C.P.1982.I!.19766. obs. J. Slournel el Y.
Chaput; R.T,D,Com. 1982.277, obs. M. Cabrillac el B. Tt)'s.~ié.
(19J) lt>id.
(194) L'jnl~rêl du hanquier encaisseur ré~idanl généralement dans l'opportunité qu'il acquiert ainsi de se couvrir, à l'aide des
sommes encaissées, d'une éventuelle position debitrice du compte donl JI assure la tenue.
(1951 V. C. corn. art.ll1, al.3 et ar1.23. nl.S décret-lei du JO octobre 1935 sur le chèque. V. également, snpra nOMI et s.
(1961 V. par exemple, Casso civ. 20 avr. 1948, précité: Trib. com. Belfort 5 oct. 1976, D.1977.168, noie M. vasseur: Amiens
3 mai [979, rapporté par J. Stourner. Jurisclasscur Banque el crédit, fasc. 35 bis, n·4J.

66
collective, les sommes encaissées ne pouvaient plus y être inscrites. Elles devaient être
tenues, dans un compte spécial, à la disposition du syndic représentant la masse des
créanciers(l97),
83 - Aujourd'hui. on peur se demander si J'interdiction d'inscrire, au compte du client,
les sommes encaissées postérieurement à l'ouverture d'une procédure de redressement le
visant ne se trouve pas levée par le principe nouveau dégagé par l'article 37 alinéa 5 de la loi
du 25 janvier 1985. Ce texte dispose, en effet. que "nonobstant toute disposition légale ou
toute clause contractuelle, aucune résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul
fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire". Il en résulte. en ce qui
concerne les comptes bancaires, que la procédure de redressement judiciaire dont est l'objet
leur titulaire n'entraîne plus automatiquement leur clôture(198). Le principe de la survivance
du mandat d'encaissement reçu par le banquier, antérieurement au jugement d'ouverture de
cette procédure. s'en trouve renforcé. Mais il faut bien se garder de succomber à la tentation
de déclarer, dans le même élan. que les sommes encaissées postérieurement à l'ouverture de la
procédure de règlement peuvent être incorporées par le banquier, sans aucune réserve, aux
autres éléments du compte. Une telle incorporation el la compensation qu'elle implique à
l'intérieur du
compte se
trouveraient en flagrante
incompatibilité
avec
le principe
(fondamental en matière de faillite), repris par l'article 33, alinéa 1er de la loi du 25 janvier
1985. de l'interdiction de payer toute créance née antérieurement au jngement d'ouverture.
Afin de concilier les principes des articles 37 alinéa 5 et 33 alinéa 1er on décide. en droit
positif, que la continuation du compte suppose que soit isolé, des opérations nouvelles du
(197) V., par exemple, Amiens 3 mai 1979, précité.
(198) l'applicabilité de ce principe dans le cadre du compte courent a suscité de vives controverses tant en doctrine qu'en
jurisprudence ( sur les différentes thèses en présence, y. par exemple F. Derrida. P. Godé. J,-P. Sortais et A. HonOTaI,
Redressement et liquidation judiciaires des entreprises. Së éd. Dalloz 1991. n' 399, p.270. spécialement les notes 1629 et
16]0. Adde M. Jeanlln. op. eit. n'655. p.]5]). Mais la solution semble bien acquise aujourd'hui. la Cour de Cassation s'étant
clairement prononcée dans le sens du maintien des conventions de compte courant après l'ouverture d'une procédure de
rêglemenr jndiciaire. V. Casso CQm. 8 déc. 1987. 2è espèce. D.1988.52. note F. Derrida; Banque L988.96 obs. J.-L. Rives-
Lange; J.c.P. 1988.11.20297note M. Jeantin; R.T.D.Colll. 1989.]07 er s. obs. Y. Chaput R.T.O.Gv. 1988.]47. n'7, obs. J.
Mestre; Rey. jur. corn. 1989.394 n'1264 nole J.-M. Cajendlni; Rcv. pree. coll. 1988.61 obs. J. Mestre et Ph. Delehecque.
La Cour de renvoi s'est. du reste, rangée à la position de la Cunr de Cassation. V. Lyon 5 déc. 1988. 0.1989.5001.174 obs. A.
Honorat; Banque 1989.213 obs. J.-L. Rives-Lange.

67
compte, un solde provisoire arrêté au jour du jugement d'ouverture de la procédure(199)(200).
Cene condition une fois remplie, rien n'empêche le banquier encaisseur de comptabiliser, au
titre des remises postérieures au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, les sommes
provenant des encaissements des effets dont il était porteur en qualité de mandataire de son
client, au moment de l'ouverture de la procédure sus-évoquée. En pratique. cependant, les
banques évitent d'agir ainsi et préfèrent, semble t-il, inscrire sur un nouveau compte les
sommes dont elles se trouvent, de la sorte, détentrices au nom du "failli". Encore qu'il ne soit
pas exclu que le banquier prétende exercer sur ces sommes le droit de compensation qui lui
est reconnu, dans certaines circonstances exceptionnelles, et que même le redressement ou la
liquidation judiciaires du client sont impuissants à faire disparaître .
• L'admission, exceptionnelle, d'un droit à compensation pour le banquier
encaisseur, sur les sommes recueillies postérieurement à la faillite de son client.
84 - L'interdiction, en matière de procédure de "faillite", du paiement des dettes
antérieures au jugement d'ouverture n'est pas absolue. La possibilité d'une compensation entre
deux créances en sens contraires, même après le déclenchement de la procédure, était admise
en jurisprudence, sous le régime de la loi du 13 juillet 1967. li suffisait, alors, qu'existe entre
les deux obligations en cause un lien d'interdépendance, un lien de connexité, et que la
personne qui oppose la compensation ait, au préalable, déclaré sa créance(20I). Cette
jurisprudence n'est pas abandonnée, semble-t-il, sous le régime nouveau des lois du 25 janvier
1985(202), en dépit de l'opinion selon laquelle la finalité des nouvelles lois {à savoir sauver
(199) V. Y. Chaput. Enc . .",ur Dalloz, rép. dr. com., 2è éd.,I.III, v' Faillite-Redressement judiciaire (période d'ohservation).
n'146 (In fine): G. Ripl'rl et R, Roblot, op. cit., L2., n'2347, p,352 et n'3049, p.B8!.
(200) Ce solde provisoire ne peut manquer d.. prendre en compte les opérations en cours au jour du jugement si les eréanees
qu'elles concemem figuraient nu différé du compte (compte courant ou compte de dépôt). V. J ••L. Rives-Lange el M.
Centamme-Raynaud. op. cu., n'225. p.269: G. Riper1: el R. Rchlot. op. cit., loc. cil. Mais eela suppose que ces créances
soient certaines lurs de leur remise (à défaut d'être liquides et exigibles) el non pas seulement éventuelles (v. Cass.civ. 20 an.
1948 et Cnss.ccm. 17 nov.. préc irés).
(201) V. par exemple G. Ripert el R. Rabiot, op. cit., 1.2, n')(1]9, p946 et les références citées.
(2(12) V. T'rib. corn. Paris 2 uvr. 1990, Banque 1990.871, obs. J.·L. Rives-Lange. Rennes 5 üçl, 1988, Rev. proe. coll.
1989.160, n016. obs. C. Saint-Alary-Houin. Adde G. Rlpert et R. Roblot. op. cit. {,2. n'3039. p.945; Y. Chaput, rép. dr.

68
l'entreprise en difficulté), voire la letrre de ces lois (v. an. 33 al. 1er qui interdit le paiement
des créances antérieures), condamnent désormals toute compensation, même en cas de
connexité(203),
Pour le banquier, c'est à j'occasion, notamment, d'un encaissement de créances, effectué
dans le cadre d'un crédit de mobilisation de créances commerciales (C.M.C.c.)(204),
postérieurement à la "faillite" du crédité, que se présente le problème de la compensation. La
question se pose, alors, de savoir si le banquier peur prétendre conserver, en invoquant la
compensation (au regard des avances qu'il a faites à son client au titre du C.M.C.e.), les
sommes qu'il a reçues, postérieurement au jugement de redressement judiciaire, en paiement
des effets de recouvrement qui lui sont remis par le crédité. son client. La réponse à cette
question revient. en réalité. à se prononcer sur l'existence de la connexité exigée. en pareille
circonstance. par la jurisprudence, entre la créance qui résulte, pour le banquier, du prêt qu'il a
consenri à son client, et la dette que lui-même est amené à supporter, vis-à-vis de ce client, au
titre du mandat d'encaissement des effets de recouvrement émis par ce dernier. dans le cadre
de l'opération de crédit évoquée.
85 - C'est au Tribunal de commerce de Belfort qu'est revenu le soin de se prononcer
pour la première fois (à notre connaissance, du moins), le 5 octobre 1976(205), sur cette
question. En l'espèce, uue banque avait accordé à une entreprise Lm crédit C.M.C.C. et avait,
en conséquence, ouvert un compte à celle-ci. Mais quelques années plus tard. après que la
corn. précité, n' 107 el s. Contra: Toulouse 26 juill. 1988. Rev. pree. coll. 1989.160, n' 26, obs. C. Satnt-Atary-Houtn: Rev.
de. bancaire 1989 1989.142, obs. Dekeuwer-Defossez.
(203) Sur cette opuuon. v. par ex. F. Derrida, p. Godé, j.-I'. Sortais et A. Honorat, Redressement et liquidation judiciaires
des entreprises. 3è éd., Dalloz 1991, 0'380, p.2.13; jean-François Montredon, La compensation des dettes connexes après le
jugement déclaratif peut-elle survivre 11 la loi du 25 janvier 1985? J.C.P. 1990, éd. E.II.15792, n'19 el s.: Bruno Legres de
Grancourt, L'interdiction ou la licéité de la compensation en cas de procédure collective de rune des parties, Rev. pree. coll.
1990.119 et s.. spécial. p.123.
(204) Des deux t'onnes de C.M.C.C. instituées par l'ordonnance u' 67·838 du 28 sepl. 1967, portent réforme du crédit aux
entreprises, seul demeure de nos jours le C.M.C.C. dit "non garanti", c'est i'I. dire celui qui, contrairement à l'autre forme,
aujourd'hui abcndonnée (depuis la loi n'SI-l du 2 janv. 1981), n'est pas garanti par la transmission de factures protestables.
Sur l'ensemble dc celle technique de crédit, v. par exemple, J. Stoumet. Crédit de mobilisation de créances commerciales,
Jurisclasseur Banque et crédit, fesc. J5 bis; j.-L. Rives-Lange et \\1. Cnntamlne-Rnynnud, op. cil. n"489 et s., p.670 et s: J.
Ferronnière et E. de Chillaz, op. cil. n'643. p.568.
(205) D.197i.168. note M. vasseur.

69
banque de France eut dénoncé J'accord qu'elle avait consenti pour ce crédit, la banque
créditrice ouvrit un autre compte. destiné à isoler tous les effets relatifs au C.M.C.e., dont elle
porta le montant au débit de ce deuxième compte. Corrélativement, était inscrit au crédit de ce
compte le montant des effets remis à l'encaissement à la banque. Le règlement judiciaire de
l'entreprise fut prononcé avant que les effets remis à la banque n'aient tous été encaissés.
Poursuivant, malgré tout, sa mission. la banque encaissa, postérieurement au jugement de
règlement judiciaire, plusieurs des billets à elle confiés par son client, et en compensa la
valeur avec la créance qu'elle possédait contre ce dernier, au titre du crédit qu'elle lui avait
consenti. Le syndic de la "faillite" de l'entreprise en question contestait cette compensation et
prétendait obtenir du Tribunal la condamnation de la banque au reversement, à la masse des
créanciers, des sommes ainsi retenues. La banque, quant à elle, estimait la compensation
justifiée par la connexité des créances réciproques en présence. Le Tribunal était ainsi appelé
à se prononcer SUT le bien-fondé de la compensation opérée par la banque réalisatrice du
C.M.C.C. et, par conséquent, sur la réalité de la connexité invoquée par la défenderesse.
Analysant les différents éléments de la connexité de l'espèce, le Tribunal aboutit à la
conclusion très nette que "la connexité entre la créance de la banque Rothschild, au titre du
prêt consenti à la S.A. Chevalier et la créance de cette dernière au titre du mandat de
recouvrement des effets remis à l'encaissement à la banque est évidente et très étroite",
Continuant son raisonnement, le tribunal affirme, en Outre, que "l'interdépendance ellt,.e les
contrats de prêt et de mandat est telle qu'en définitive il /l'y a pas deux contrats, mais
exécution d'une seille et même convention" el que "par suite de cette connexité Indiscutable,
la compensation opérée par la banque Rothschild est parfaitement fondée". Ce jugement qui
s'appuyait sur la définition de la connexité telle qu'elle résulte de la jurisprudence de la Cour
de cassation elle-même(206), paraissait correctement rendu(207), tant il est vrai qu'en matière
(2061 V., par exemple. CJ~S req. 7 Iév. 1928, D.]928.1.70. nille Andre Ilesson, Cass. civ , 16 mars et 13 juin 1942.
0.C.1944.1 nore A. Cheron; Casso civ. 25 mai 1943. D.1944.25. note A, Besson; J.c.P. 194HI.2498; Casso corn. 6 mm
1962, G~z. P~. 1962.1.394.; Casso cam. 18 janv. 1967, 0.1967.358. noie J. Mazeaud; Casso corn. 25 janv. ]968. Bull.
civ.,IV,n·20.p.16; Casso corn. 2 ft...,. ]970. Bull. civ.,IV,n'37.p.38. Cess. cam. 2et 4 juilL.l973. 0.1974.427 et 425, nore j.
Ghestin, Rcv. synd. el ...drn.jud. 1974.~83. note Plaisant. Adde. plus récemment, Cass. corn. 9 nov. 1982. Bull.
çjv.,IV,n·343.p.290; 0.1983.466, noie A. Honorat: R.T.D.Corn. 1983.356. obs. Ph. Rémy; Gaz. Pal. 1983.l.pall.91. obs. J.
Duplchot; Casso corn. 18 fév. 1986, Banque 1986.923. obs. J..L. Ri...es-Lange.
(207) V., dans ce sens. M, Vasseur, note sous Trib, com. Belfort :'i (let. 1976, précité, n'ô.

70
de C.M.C.C., le mandat d'encaisser des effets de recouvrement réclamé par le banquier
créditeur a pour fonction économique essentielle de servir de garantie indirecte (208) à la
bonne fin de l'opération de crédit mise en place.
86 - Pourtant. c'est une solution contraire qu'adoptera, à l'occasion d'une autre affaire,
dans des circonstances de fait pratiquement analogues au cas soumis au Tribunal de
commerce de Belfort précité, la Cour d'appel d'Amiens, le 3 mai 1979(209),
Le droit à compensation (par le biais d'un compte courant) qu'invoquait une banque
réalisatrice d'un C.M,C.C. (non garanti), en s'appuyant sur "l'étroite connexité" existant, selon
elle, entre le crédit de mobilisation et les effets de recouvrement encaissés postérieurement au
règlement judiciaire du crédité. est rejeté par la Cour. Pour ce faire, la Cour retient, qu'il "ne
ressort d'aucun des documents invoqués par l'appelante que les effets remis à la banque
l'étaient à titre de garantie oU de sûreté", Ou encore, qu'il "n'est pas établi non plus que le
mandat d'encaissement était la condition nécessaire de l'octroi du crédit ni que les remises
d'effets servaient de couverture aux avances faites par la banque". C'était nier le lien évident
existant dans tout C.M,C.C.. sans qu'il soit besoin de l'affirmer expressément(21O), entre le
prêt octroyé par la banque et le mandat d'encaissement des effets de recouvrement des
créances mobilisées, réclamé à titre de garantie indirecte, par la banque créditrice.
La Cour de cassation. saisie du pourvoi formé par la banque contre la décision de la
Cour d'appel d'Amiens ne pouvait, cependant, que rendre une décision de rejet. L'appréciation
de la connexité est, en effet. considérée par elle comme une question de fait, relevant, par
(208) L'opportunité d'une compensation qu'acquerrait le banquier, 11 la suite de l'encaissement des effets remis par le crédité,
constitue, en effet, sam aucun doute, une protection contre la dissipation des fonds versés en paiement des créances sur la
base desquelles le crédit a été établi; une ~aramie indirecte, en somme, V, M. Vasseur, note sous Cass. cam. 17 IIOV. 1981.
0.L982.257 el s., n·5, in fine, Sur Ics gcranues indirectes, dans leur ensemble. v. M. vasseur. Les garauries indirectes.
rapport nu colloque de Deauville. 1981, Rev. jur. com. 19B2.104.
(1091 Rapporté par M. ,T. Sroumet. Crédit de mobilisation de créances commerciales, Juriscl. Banque et crédit, fesc. 35b is,
n·43.
(210) En effet la cenne xiré entre deux obligations ne résulte pas néressaireruent d'nue stipulation expresse. Elle ~ut résulter,
en l'absence de IOUle stipulation sur ce point, de ce que les deux contr ars dont sont issues les créances réciproques
compensables, quoique disiiucts, apparaissent comme réunis par la volonté des parties dans un ensemble économique global,
constiruuf en somme, d'un "groupe de contrats". V. par ex, Cess. cam, 9 nov.1982 D,19K~.4b6, note A. Honorat; Bull.
civ "IV,n ·348,p.190; Cass. coln.18 lév, \\986, B\\lll. civ.,IV .n'11,p. L8; Banque 1986,923, obs. J.-L. Rives-Longe.

71
conséquent. du pouvoir souverain des juges du fond. C'est ce qu'elle fit. effectivement, à
travers un arrêt de la chambre commerciale du 17 novembre 1981 (211).
87 - Dès lors, il était clair pour les banques. qu'en matière de C.M.C.C.. l'existence du
droit à compensation entre les créances réciproques engendrées par l'opération de crédit
devenait, dorénavant. dépendante d'une stipulation expresse de connexité(212) qu'il fallait
désormais prendre soin d'introduire dans les prévisions de la convention de crédit. afin que
soit établie, de façon indiscutable, la volonté des parties de lier au crédit le mandat
d'encaissement des effets de recouvrement dont le banquier créditeur peut se trouver chargé,
par ailleurs.
De fait, les décisions postérieures à l'arrêt, précité, du 17 novembre 1981. montrent que
la leçon a été retenue par les banques(213). Ainsi s'explique qu'à l'occasion d'un C.M.C.C.
(non garanti) consenti à la société les piles Wonder par un pool de banques, celles-ci,
souhaitant se charger du recouvrement des créances servant d'assise au crédit, réclamèrent, à
ladite société, une lettre destinée à établir l'intention des parties quant à l'admission d'une
compensation enrre leurs créances réciproques. La société, à travers la lettre qu'elle a adressé
à la banque chef de file, s'exprimait ainsi: "en sa qualité de mandataire, votre établissement,
ainsi que celui des autres banques du pool, sont débiteurs envers nous de toutes les sommes
qu'Us auront encaissées pour notre compre auprès de nos clients. Dans ces conditions, il
(211) D.1982.257, nore M. Vasseur; J.c.P. 1982.ILl9766. obs. J. Stourner el Y Chaput; RT.D.Com. 1982.277, obs. M.
Cabrtllac et n. 'reyssté. Bull. civ.,lV,n·396,p.314.
(212) Certains auteurs estiment, routefois, qu'une telle "slipll!OIiofl de connexité" est "inopérante car s'il n'l'si pas
inconcevable qu'un mandat ail Url effet pOSI cancursum, le débile/Ir ne Pt'ul. au ItIOVl!n d'ur mandai, permettre à un tiers
d'acquérir un. droit sur une valeur revenara a la masse" (Ch. Gevatda et J, Stourller. Chronique de droit bancaire.lC.P.
1983, éd. C.I.,I.I4001,n'98. Adde J. Stoumet el Y Chaput, note ,GUS Casso corn. 17 nov. 1981 précité, J.C.P.1982.n.19766;
éd. C.I.,II.l37~2), Mais b.. ceue opinion on peul objecter. d'une part, que la stipulation de compensation se justifie, en la
circonstance. par l'unicné économique dt' J'opération envisagée et n'a aucun caracrêre frauduleux tant qu'elle n'intervient pas
dans la période de cessation des paiements du crédité-souscripteur; d'autre part, que le montant des créances recouvrées après
le règlement Judiciaire ue revient pas nécessairerncut il la masse. En effet, clics ont été affectées dès leur naissance à. la
couverture du crédit, si bien que la créance qui en résulte pour le banquier, quoique çonditiounelle, a pris naissance bien
avunt Ia procédure évoquée el est, de cc fait. opposable à la masse, même si, au jour de l'ouverture du règlement judiciaire,
elle n'avait pas eneore les caractères requis pour être portée au compte. Le règlement judiciaire du crédité n'empêche donc
pas que les créances mobilisées puissent conserver, une fois encaissées, leur affectation originelle (dans ce sens v. J.-L.
Rives-Lange. cbs. sous "Ïrib. corn. Paris 23 avr, 1986, Banque 1986.92-4).
(213) V. Trib. corn. Lille. la mai 1983. D.1984.I.R.266, obs. M. vasseur: Tnb. corn. Paris 23 avr. 1986, D.1987 som.l92,
obs. M. Vasseur. Ces décisions ont été rendues sous le régime ancien de la faillite (loi de 1967). Elles conservent cependant
leur valeur dam le nouveau régime instituç par les lois du 25 janv. 1985.

existe entre les deux contrats (c'est à dire le mandat et le crédit) une interdépendance telle
qu'il ell résulte une connexité de nos dettes réciproques, laquelle connexité permet d'effectuer
entre elles la compensation". La société Wonder ayant été mise, par la suite, en règlement
judiciaire, ses syndics déniaient aux banques le droit de conserver, par le jeu d'une
compensation en compte courant, le montant des effets de recouvrement encaissés
postérieurement au jugement de règlement judiciaire. Le Tribunal de commerce de Paris, à
qui le litige fut soumis(214\\ fit droit aux prétentions des banques, en raison de "fa connexité
indiscutable entre les contrats de prêt et le mandat de recouvrement des effets remis a1l pool
bancaire". Pour cela le Tribunal s'était appuyé sur les lettres adressées aux banques par la
société Wonder qui reconnaissait elle-même la relation existant entre le crédit de mobilisation
et le mandat d'encaissement. Et le tribunal de relever que "la société avait expressément
reconnu qu'il existait entre les contrats une interdépendance tette qu'il en résultait une
connexité des dettes réciproques, laquelle connexiré permet d'effectuer entre e!!es la
compensation". A la société el ses syndics qui, par ailleurs. prétendaient opposer aux banques
ta caducité du mandat et la clôture du compte, suite au prononcé du règlement judiciaire (215),
le tribunal répond, en outre, d'une parr, que le mandat est, en l'espèce, d'intérêt commun et ne
prend donc pas fin avec la "faillite" du mandant; d'autre part, que la clôture du compte
n'empêchait aucunement la liquidation des opérations en cours.
Après ces décisions, on ne peut plus nettes et, au demeurant. difficilement critiquables,
on peut raisonnablement prédire la fin de ta controverse apparue en jurisprudence à propos du
caractère compensable, post concursum. des créances réciproques nées, en matière de
C.M.C.C., du crédit octroyé par le banquier, d'une part, et du mandat d'encaissement des
effets de recouvrement coufié par le crédité au même banquier, d'autre part(216).
(214) Trib. corn. Paris 23 avr , 1986, précité.
1215) A noter qu'avec les dispositions nouvelles de l'arL37 al.5 précité, cet argument perd S:I valeur, t'ouverture de la
procédure de "faillite" n'étant plus une cause d'extinction des connais conclus intuitn personae.
(216) LL ne semble pas.en effet, que l'ambiguÎlé de l'art.J? al.ô de la loi du 25 janv.1985 sur le redressement el la liquidation
judiciaires selon leqoel "aucune indivisibilité .../Ic peut riJullt·r dll sculF-til d'une procédure de redresscrnerü Judiciaire". soit
de nature à relancer la coutruvcrsc Sur ce poinl v. M. vasseur. obs. sur Tnb. corn. Paris 23 aVL 1986, précité. 0.1987
sOln.293. Comparer, pour une position plus dubitative. G. Rtpert et R. Roblot, op. ciL.,l.2, n02350 p.354 et n'3040 (in fine)
p.874; l', Derrida, P. Godé J,-P. Sortais el A. Honorat. Redressement el liquidation judiciaires des entreprises. 3è éd,
Dallol.. 1991. n'380. p.253.

73
88 - La leçon qui se dégage de l'étude des circonstances limitant le droit du banquier
d'inscrire, au compte de son client, les sommes qu'il a encaissées en son nom, est que seules la
faute du banquier, impliquant sa responsabilité. et la violation du principe d'égalité des
créanciers régissant les procédures de redressement et de liquidation judiciaires, sont de
nature à remettre en cause l'entrée en compte des sommes recueillies au nom du client et à
imposer, légalement, une obligation de restitution desdites sommes(217).
La demande en restitution est généralement le fait de tierces personnes à qui le
comportement du banquier aura causé uu préjudice. Mais elle peut aussi provenir du client du
banquier. au cas, par exemple, où les sommes entrées (et éventuellement disparues) en
compte, avaient vu leur sort fixé, préalablement, par une affectation spéciale leur réservant un
régime particulier.
2. Le régime particulier des sommes ayant fait l'objet d'une affectation spéciale.
89 - L'obligation, pour le banquier, d'inscrire, au compte de son client, les fonds
recueillis en exécution des mandats d'encaisser dont celui-ci l'a chargé, peut encore être
écartée, si tel est le désir de son mandant. Il arrive, assez fréquemment, en effet, que le
titulaire d'un compte bancaire assigne. par avance, un usage particulier, une affectation
spéciale. aux sommes à provenir du paiement d'effets qu'il remet à sa banque, pour
encaissement. Généralement, il s'agira de réserver les sommes en cause au paiement d'une
dette particulière donnée, Dans une relie hypothèse, le banquier se trouve chargé, en réalité,
de deux mandats successifs: un mandat d'encaissement appelé à être relayé par un mandat soir
de transférer (par virement généralement), soir de réserver, au bénéfice d'une tierce personne,
le produit de l'encaissement à intervenir(2l8). Tandis que l'inexécution du premier mandat ne
(l17) L'arrêt de la chambn: commerciale de la Cour de cassation du 28 OCI. 1986. précité (SUPI;} Il'76) 4ui aC<:;Q[d e eux rien.
en dehors des deux cas évoqués, un droit il restitution des sorruncs détenues par un banquier, en qualité de mandataire, ne
nous semble pas, en effet, fondé en droit (v. supra n'79 ct s.).
(218) On aurait pu penser ~ rmc autre analyse el voir dans l'afIectatioo spéciale une stipulation pour autrui, dans laquelle le
banquier, promenant. serail censé s'engager vis-à-vis de son client. le stipulant, au profil du liers, bénéficiaire de l'affectation
(pour une allusion à celle analyse, v, M, Vasseur, obs. sur Paris, 13 janv. 1984 D.1984.LRJ06 et obs. sur Cass. cam. 19 el
23 avr, 1985, D.1986.I.R.327 el s.). Mais rieo ne penne! de dire qne par l'affectation qu'il assigne à une remise donnée, Je

74
met en cause que les relations du banquier avec son client, j'inexécution du second peut le
conduire, au-delà du cadre contractuel, à répondre, en outre, de ses fautes vis-à-vis des tiers
intéressés. Encore faut-il que J'existence de ces mandats ne soit pas contestée et, notamment,
que l'acceptation de ce double mandat par le banquier soit certaine (a). Si tel est le cas,
effectivement, l'affectation spéciale doit produire son effet. le banquier étant, alors, tenu de
prendre colites les mesures propres à éviter le détournement des fonds de leur destination (b).
a. Le consentement du banquier, condition de la force obligatoire de l'affectation
spéciale.
90 - En acceptant d'ouvrir un compte ordinaire de dépôt, le banquier, on le sait.
s'engage, par une acceptation donnée d'avance, à exécuter tout mandat entrant habituellement
dans le cadre de ce compte. A1.l>si serait-il mal venu, par la suite, à invoquer son défaut
d'acceptation pour rejeter sa responsabilité, en présence d'une affectation spéciale non
exécutée. L'affectation spéciale ne constitue rien d'autre, on l'a vu, qu'une succession de deux
mandats entrant normalement dans le cadre d'un compte de dépôt ordinaire, En réalité, le
problème de l'acceptation de l'affectation spéciale par le banquier ne se pose que lorsqu'on est
en présence d'un compte courant. En raison du priucipe de l'affectation générale des remises
qui préside au fonctionnement d'un tel compte (en tant qu'élément indispensable du
mécanisme de garantie inhérent à ce compte particulier), la question se pose de savoir si
l'affectation spéciale d'une remise déterminée peut résulter. valablement, comme dans un
compte de dépôt ordinaire, du seul fait de l'expression de la volonté du titulaire du compte,
sans qu'une acceptation postérieure du banquier ne soit nécessaire.
client du banquier ail l'intention de créer un rapport de droit direct entre son banquier et son créancier, pouvant
éventuellement aboutir 11 lui retirer toute mairrise sur les fonds en cause (au cas J'acceptation, par la bénéficiaire, de la
sripulution supposée). D'un autre côté, rien ne permet non plus d'affirmer que le banquier qui accepte une affectation spéciale
Iaire par son client consent, de ce fuit, 11 s'engager personnellement et directement, par un lien de droit de nature contractuelle.
envers le tiers bénéficiaire de l'affectation spéciale, Pour ces raisons, la thèse de la stipulation pour untnu ne saurait
triompher. Dans ce sens, v. Casso corn. 4 janv. 1974, Bull. cÎv.,IV,n'5,p.4; Banque 1974.760. Adde M, Vasseur. obs. sur
Cass. corn. 19 et 23 ;I\\IL 1985, précités, D.1986.I.R.Jl!l.

Envisageant cette question dans sa note consacrée à l'arrêt de la chambre commerciale
de la Cour de cassation du 23 avriI198S(219), monsieur Alain Pledelièvre. tout en exprimant
son hésitation, pose l'interrogation suivante: "L'ordre constitue-t-il un mandat ou le mandat
est-li le résultat de l'acceptation tacite de l'ordre par la banque?" Puis, rappelant le
mécanisme de garantie que comporte le compte courant, l'auteur ajoute que "Dans la mesure
donc oû 1'01/ diminue l'effet de garantie par ulle affectation spéciale, faudrait-il être certain
que cette diminution a été réellement voulue par les deux parties".
91 - Assurément. c'est l'existence de l'acceptation du banquier qui est en cause dans le
débat. Et la véritable question qui doit être posée, selon nous, compte tenu de l'unicité de
régime existant, à bien des égards. entre le compte courant ct le compte de dépôt
ordinaire(220), est la suivante: l'ouverture d'un compte courant emporte-t-elle. à l'instar du
compte-chèque ordinaire, promesse de la part du banquier d'offrir au titulaire, au-delà des
opérations exceptionnelles impliquées par la nature particulière du compte. tous les services
habituellement attachés à un compte bancaire ordinaire? On se rendrait compte alors que la
nature particulière du compte courant ne l'empêche pas de fonctionner, également (voire
fondamentalement). comme un compte de dépôt ordinaire. Le compte courant est alors
appelé, à l'instar d'un compte-chèque. à servir de cadre à l'exécution des mandats de toutes
sortes que le titulaire peut avoir intérêt à confier ù son banquier. S'est-on jamais inquiété de
l'acceptation du banquier, au regard des mandats de payer à lui confiés, dans le cadre d'un
compte courant, par le truchement, notamment. d'un chèque ou d'un ordre de virement? Pas
plus
ne s'est-on jamais soucié de l'acceptation du
banquier qui
reçoit un mandat
d'encaissement donné par le titulaire d'un compte courant à son banquier. La raison en est que
ces différents mandats entrent dans le cadre des opérations que le banquier s'engage à
exécuter, du simple fait de l'ouverture, au profit de toute personne, d'un compte bancaire
n'excluant pas ces services. C'est Je cas du compte de dépôt ordinaire. C'est également le cas
du compre courant, compte dont l'une des spécificités réside dans le surcroît de possibilités
(219) Gal. Pat. 1985.2 panor.259.
(220) Sur celte affirmation, v. également J. Helot, article précilé. passim.

76
qu'il comporte pour son titulaire, par rapport au compte-chèque ordinaire, (l'accès de plein
droit à un certain montant de découvert, notamment) et dont on conçoit mal qu'il ne puisse
donner droit, au minimum, à lous les services attachés à ce dernier compte. Or, qu'est-çe
qu'une affectation spéciale de remise sinon un mandat précis(22l) ou un double mandat(222),
pour J'accomplissement duquel cette remise fournit les moyens, à titre particulier? Un cel
mandat ne peut être considéré comme exclu dans le cadre d'un compte courant pour les
raisons évoquées précédemment. Certes, l'affectation spéciale sur laquelle il s'appuie porte
atteinte, dans une certaine mesure, au principe de l'affectation générale des créances en
compte. Mais. précisément, ne doit-on pas déduire de la vocation, sus-évoquée, du compte
courant, à fonctionner. au-delà de sa spécificité. comme un compte de dépôt ordinaire, que la
faculté, pour le titulaire d'un tel compte, de procéder, à titre exceptionnel(223). à des
affectations spéciales de remise. entre dans le champ des prévisions des parties(224)? Auquel
cas, le consentement du banquier aux mandats qu'impliquent les affectations spéciales serail
acquis dès l'ouverture du compte courant (ainsi que cela se passe pour le compte-chèque); ce
qui rendrait inutile, pour la perfection de ces mandats, toute acceptation ultérieure de sa part.
C'est, en tout cas, l'analyse qui semble s'évincer de l'arrêt de Ia chambre commerciale de la
Cour de cassation du 23 avril] 985(225) qui a suscité l'interrogation, précédemment signalée.
de M. Piedelièvre(226)(227).
(221) 11 s'agira généralement pour le banquier sollicité, lorsque la remise arrcctéc à un usage paniculier concerne une somme
d'argent, d'avoir ~ transférer, au profil d'Un tiers (notamment par virement), ou à effectuer un paiement au nom du donneur
d'ordre. éveutuellernent sous certaines conditions,
(222) Ce cas concerne l'arfectaucn spéciale du produit de l'encaissement d'effets remis à celle fin au banquier. V. supra n"89
el s.
(223) Il va de soi que le recours trop fréquent il la technique de l'affectation spéciale, dans le cadre d'Un compte courant.
pourrait, s'il s'avérai! nocif à la situarion du banquier. amener celui-ci il dénoncer lit convention de compte.
(224) Ceue position est d'autant plus défendable que le principe de l'affectation générale des remises n'implique nullement
l'entrée en compte de toutes les créances dont le titulaire du compte courant peut se trouver porteur. Seules les créances que
les parties dément affecter au compte doivent y entrer pour y être réglées (v. J,-1. Rives-Lange el M, Contamine-
Reynaud, op. cil. n"204 p.245). L'affectation spéciale revient précisément, pour le remettant, il signaler à son ayant-compte
qlle la remise qu'il faiL ne doit pas êue affectée au compte courant
(225) Bull. civ.rv,n'12I,p,I04; D.l985.lR.327, obs. M. vasseue, Banque 1985.854, obs. J.-L. Rlves-Lnnge: Gaz. Pal.
1985.2 panor.259, cbs. A. Piedeliëvre.
(226) V, supra n'90 in fine.

92 - Dans cette espèce. relative à un litige où un sous-traitant, bénéficiaire d'une
affectation spéciale (la société Pillard), reprochait à la banque d'avoir violé le mandat qui lui
avait été confié par son client, entrepreneur (la société Samedi), les juges d'appel concluent à
l'existence d'un mandat el condamnent la banque à réparer le préjudice causé au sous-traitant.
Dans son pourvoi, la banqne reproche à la Cour d'appel de n'avoir pas tenu compte de ce qne
l'affectation spéciale intervenant en l'espèce, dans le cadre d'un compte courant, exprimait une
volonté de réaliser une novation, laquelle ne résultait pas clairement de l'ordre donné par le
client. L'argument n'est pas accueilli par la Cour de cassation qui approuve la Cour d'appel
d'avoir "retenu que l'ordre d'affectation spéciale donné à la banque ...constituait un mandat de
réserver spécialement à la société Pillard la somme perçue en règlement de l'ejfet de
commerce" à elle remis.
Il apparaît clairement, à travers cette décision que, pour les juges, la narure du compte
n'a aucune influence sur le mode de formation des mandats reçus habituellement par un
banquier, dans le cadre des comptes qu'il tient au profit des clients. Le mandat est valable et
même obligatoire pour le banquier, du seul fait de la réception de l'ordre d'affectation
émanant de son client. Ceia montre bien que, pour les juges, le consentement du banquier.
indispensable à la perfection du contrat de mandat initié par le client, préexistait. en l'espèce,
à l'ordre d'affectation émanant de ce dernier.
93 - Aussi doit-on retenir, en réponse à la question posée par monsieur Piedelièvre
qu'effectivement, "le mandat est le résultat de l'acceptation tacite de l'ordre par La banque";
mais avec cette précision importante que cette acceptation, donnée préalablement à tout ordre
du client, est, en réalité, contenue dans la décision d'ouvrir au client un compte courant ou un
compte-chèque,
lesquels comportent habituellement cette
possibilité.
Du
fait de la
préexistence de l'acceptation du banquier, chaque ordre d'affectation donné par le client
emporte la perfection du contrat de mandat dom l'éventualité avait été prévue (le plus souvent
tacitement) par la convention d'ouverture du compte unissant les deux parties. Dès lors,
l'affectation spéciale reçue par le banquier, fût-ce dans le cadre d'un compte courant, est
(227) Ruppr. Cass. cern. 19 avr. 1985, Bull. c.vIv.n'Hê.p.Iül: D.J986.I.RJ27, cbs. \\1. vasseur: Banque 1985.854, obs.
J.-L. Rtves-Lenge.

78
valable et doit produire son effet. En conséquence, les sommes visées devront. au besoin, être
séparées du compte général du donneur d'ordre, de manière à éviter leur utilisation à d'autres
tins.
b. Les effets de l'affectation spéciale.
94 - L'affectation spéciale de remise en compte a généralement pour objet, en pratique,
d'inviter le banquier visé à effectuer, sur la base des sommes par lui recueillies, soit un
versement, soit une immobilisation au profir d'une tierce personne. Dans tous les cas, les
instructions du donneur d'ordre doivent être scrupuleusement respectées par le banquier sous
peine de se voir reprocher une faute génératrice de responsabilité.
Le banquier à qui est ainsi confié le soin de réaliser un paiement, au profil,
spécialement, d'une tierce personne, commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité
délictuelle si, par son fait, le tiers n'a pu recevoir son dû, par suite de l'utilisation des fonds à
d'autres fins, ou de la survenance de leur indisponibilité. Ainsi a pu être déclarée responsable,
à l'égard de tiers (sous-traitants), bénéficiaires d'une affectation spéciale, une banque qui a
commis l'erreur de verser sur un sous-compte ouvert au nom de son client, entrepreneur,
lequel était sous l'effet d'une convention de fusion de comptes, les sommes destinées aux
sous-traitants et qui, de ce fait, se sont trouvées indisponibles, à la suite de la faillite dudit
client. S'étant, de la sorte, mise dans l'impossibilité d'exécuter le mandat à elle confié, la
banque avait commis une faute dans l'exécution de sa mission(228).
De même est en faute le banquier qui ayant été invité par son client, non point à payer
immédiatement une tierce personne, mais seulement à réserver spécialement, au profit de
cette dernière, sous certaines conditions (de délais notamment), une somme d'argent donnée,
s'abstient d'immobiliser (voire d'isoler dans un compte distinct) les fonds coneernés et en
dispose, en l'absence de toute révocation du mandat ainsi reçu(229).
(228) V. Cass. corn. t9 avr. 1985. précué.
(229) V. Cm. corn.::!3 avr. 1985. précité.

79
95 - Hormis les hypothèses particulières (précédemment évoquées), où l'obligation (et
le droit) du banquier de porter au compte général habituel de son client les sommes
recouvrées au nom de ce dernier se trouve limité voire supprimé, dans l'intérêt des tiers(230),
c'est précisément l'inscription. sur ledit compte. desdites sommes, qui marque véritablement
l'achèvement de l'acte d'encaissement(231). Dès cet instant. s'ouvre, de manière beaucoup
plus contraignante qu'auparavant, l'obligation qui pèse sur le banquier de rendre compte de
l'exécution de sa mission.
§ II,L'OBLIGATION DE RENDRE COMPTE DE L'EXECUTION DE LA
MISSION D'ENCAISSEMENT.
96 - Comme pour tout mandat, l'obligation du banquier de rendre compte de la mission
d'encaissement à lui confiée comporte, à n'en pas douter, te devoir de fournir, pendant le
déroulement de eette mission, un compte rendu des obstacles rencontrés (A). Elle ne concerne
donc pas uniquement "acte de reddition de compte que lui impose l'achèvement normal de sa
mission (B).
A. L'OBLIGATION DE COMPTE RENDU.
97 - L'obligation de compte rendu (c'est à dire j'obligation d'informer le mandant du
déroulement de la mission confiée) existant dans tout contrat de mandat est généralement
négligée, en pratique, d'autant plus que la plupart du temps la mission se déroule sans accrocs
majeurs. Mais la dispense tacite ainsi accordée par le mandant, dans le cadre du déroulement
normal de la mission confiée, ne peut plus être raisonnablement invoquée par le mandataire
en proie à de sérieuses difficultés susceptibles de retarder l'aboutissement de l'action
entreprise, voire de provoquer son éehec. Son devoir est alors d'en informer sans retard le
(230) V. supra. 0 '70 ct s.
(231) V. supra, 0'67.

80
mandant, afin de lui permettre de prendre les mesures propres à préserver ses intérêts(232),
Dans le cas contraire, la responsabilité du préjudice qui découlerait du défaut d'information du
mandant serait à sa charge(233),
Le banquier à qui est confié un mandat d'encaissement de créances se doit done de
mettre son client au courant, sans délai, de l'insuccès de sa mission ou des difficultés
susceptibles d'en retarder le dénouement, sous peine de se voir attribuer la responsabilité du
préjudice éventuel subi par ce dernier, du fait de son silence(234). Si, en revanche,
J'intervention du banquier a été fructueuse, s'impose alors. à lui, une reddition de compœ à
l'intention de son client.
B. L'INDISPENSABLE REDDITION DE COMPTE, A LA CHARGE DU
BANQUIER ENCAISSEUR.
98 - S'il est d'usage, en matière bancaire, que le client d'une banque ne soit pas avisé de
la bonne fin des opérations d'encaissement dom il charge son banquier(235), la reddition de
compte qui lui est due, en sa qualité de personne représentée est, en revanche, indispensable,
ainsi qu'il en esr dans tout mandat, qu'il soit salarié, comme en l'occurrence, ou seulement
gramit(236). Cene reddition de compte prend. dans la pratique bancaire, la forme d'une
écriture de crédit portée au compte du remettant de l'effet à encaisser, à l'issue de la mission.
Celui-ci peut en prendre connaissance à tout moment, sur son initiative(237), ou au plus lard,
(232) Rappr. infra n'399.
(233) Ce préjudice prendra généralementla forme d'une augrnentauon du crédit accordé par le mandant li.sou deoireur. dans
l'ignorance de l'insolvabilité de ce dernier,
(234) V. par ex., CDJ>s. corn. 12 févr. 1952, Bull. civ.. 1I!,n'74 p.,59: C;lS$. corn. 23 nov. 1959, Bull. civ., 1l1.n'390p.339; Tnb.
corn. Roubaix 2 juill. 1980, 0.1980.519. note Yves Letertre: Douai Il déc. 1981, O.l982.l.R.501, obs. M, Vasseur; Casso
COll], 17 janv. 1984, Bull. civ. IV,n'18,p.15; Ga~. Pal. 1984.1 panor.l30, obs. A, Pledelièvre; Adde J,-L, Rives-Lange er M.
Contamine-Raynaud. op. CiL n'269 p.352.
(235) V. A. Pledehëvre, obs.eur Cess. com.1? janv. 1984. précité.
(236) V. R. Rodière. rép. dr. civ. précité. v' Mandat, n'116.
(237) A traver, le, relevés de compte délivrés par les guichets automatiques de banque, ou encore par minitel, notamment,

81
nu moment de la réception des relevés de compte périodiques que lui envoie son
banquier(238). Dans les cas, D'ès fréquents de nos jours, où le compte du client a été crédité
avant l'encaissement effectif des effets remis, c'est à travers l'écriture de contre-passation
apparaissant au débit de son compte que se révèlent, à la fois, le compte rendu de l'échec de la
mission et la reddition de compte qui en découle.
Comme on a pu le voir. à travers les obligations qui sont mises à la charge du banquier
qui procède à des recouvrements de créancerau nom et pour le compte de ses clients, c'est en
matière d'encaissement d'effets appartenant à autrui que la qualité de mandataire du banquier
apparaît le plus indiscutable. On s'attend donc, logiquement, à ce que l'analyse de sa
responsabilité ne soit qu'une illustration supplémentaire du caractère indéniable de la qualité
ainsi attribuée au banquier encaisseur.
SECTION II. LA RESPONSABILITE DU BANQUIER ENCAISSEUR.
99 - Ayant pour objet de sanctionner la méconnaissance, par une personne, de ses
obligations envers autrui, la responsabilité résulte, généralement, en matière d'opérations de
recouvremenl de créances confiées par les titulaires d'un compte bancaire à leur banquier, de
la violation, par ce dernier, de ses devoirs. Ceux-ci consistent, on le sait, d'une part. en une
obligation, passive, de recevoir ou, plus activement, de réclamer le paiement attendu par le
client, pour le joindre, ensuite, au compte de ce dernier. Il s'agit, en résumé, de procéder à
l'encaissement demandé(239). Ces devoirs consistent, d'autre pan, en une obligation
d'informer le client du déroulement et de l'issue de l'action entreprise en son nom, c'est-à-dire,
en somme, en une obligation de rendre compte de l'exécution de la mission confiée(240).
Tandis que l'inexécution de l'obligation de rendre compte ne met en cause que les
relations du banquier encaisseur avec son client, la violation, par lui, de ses autres obligations,
(238) Rappr. infra. nOJ99.
(231}) V. supra, n060 el s.
4240) V. snpru, n'96 el s.

82
est susceptible, en revanche, d'engendrer sa responsabilité, aussi bien à l'égard de son client
qu'à l'égard des tiers qui sont victimes de ses fautes. Manquement à l'obligation d'exécuter la
mission eonfiée, c'est à dire, en l'occurrence, le défaut d'encaissement, d'une part (§ D;
méconnaissance, d'autre part, de l'obligation de rendre compte de cette exécution (§ II); ce
sont là autant de chefs de responsabilité qui, correspondants à ceux rencontrés dans tout
mandat, ne font que corroborer, si besoin est encore. la totaJe prévalence de la théorie du
mandat, en matière d'encaissements laissés par les clients des banques aux soins de celles-ci.
§ I. LA RESPONSABILITE POUR l"lEXECUTlON DE L'OBLIGA TlON DE
PROCEDER A L'ENCAISSEMENT PROJETE.
100 - Effectuer un encaissement. consiste, essentiellement, pour un banquier, si l'on
excepte la réception des fonds virés au bénéfice de ses clients, d'une part, à présenter au
paiement les effets à lui remis(241) et, d'autre part, à verser au compte du client les sommes
recueillies à cette occasion(242). Si l'on tient compte de ce que la présentation au paiement
proprement dite s'accompagne, elle-même. avant et après, d'autres actes indispensables à
l'accomplissement correct de la mission confiée, l'on est amené à constater que l'obligation
d'encaisser du banquier se décompose, en fait, en une succession d'actes et de faits
juridiques(243) dont l'accomplissement révélera la prudence et la diligence dont a pu faire
preuve ledit banquier. Car, une fois dépassé le stade de la décision de procéder ou non à
l'encaissement demandé par le client. stade auquel l'obligation du banquier, tenu par le
principe de (a force obligatoire des contrats (y compris le contrat de mandat, en dépit de
l'impression que donne la faculté de renonciation prévue par l'article 2007 du Code
(241) v. supra, n'61 et s,
(242\\ v. supra. n067 el s.
(243) Tout acte d'encaissement d'un effet dt' commerce, par exemple. doit commencer, en effet. par une vérification de la
régularité (matérielle el intellectuelle] du titre reçu. Sui, la présentation de l'effet chez le débiteur, Le paiement de l'effet
conoun, en principe. à l'inscriptiou. sur le compte du client, des sommes perçues à celle occasion, inscription qui.
apparaissant sur le relevé périodique de compte. fait office, à la fois, de reddition de compte el de compte rendu de la bonne
fin de l'encaissement. Mais 1:1 présentation au paiement peut s'avérer infrucrueuse. Le banquier cs, tenu, dans ce cas, sauf
clause contraire, de faire dresser protêl el de faire parvenir à 50nclient un avis de son {v. supra n·IlS).

83
civil)(244). c'est. effectivement, une obligation générale de prudence et de diligence que le
banquier encaisseur assume, à l'instar de (out mandataire. tout au long de son intervention. La
faute que constitue la violation de cette obligation engage, si elle s'avère préjudiciable, sa
responsabilité à l'égard de son client. sur le terrain contractuel (A). La même faute, si elle lèse
les intérêts d'une tierce personne, met également en jeu la responsabilité (délictuelle) du
banquier à l'égard des tiers (E).
A. LA RESPONSABILITE A L'EGARD DU CLIENT.
101 - Tant que demeure en fonction le compte qu'il a ouvert au nom de son client. le
banquier est censé avoir maintenu sa promesse, inhérente audit compte, d'effectuer tous les
encaissements dont son client voudrait bien le charger. Si bien que, n'ayant pas fait connaître,
cn temps opportun, son intention de renoncer au rôle qu'il a accepté d'avance (ainsi que le lui
permet l'article 2007 du Code civil), le banquier qui reçoit de son client une mission précise
d'encaissement ne peut refuser de l'exécuter. Son obligation étant de résultat, son refus (voire
seulement un oubli) de procéder à l'encaissement demandé ouvre la voie à l'admission de sa
responsabilité. Pour s'en exonérer, il ne lui resterait plus que l'argument de la force majeure
ou du fait de la vic,ime(245)(246).
En autre, ayant choisi de se soumettre à la force obligatoire du mandat dont il se trouve
investi, le banquier encaisseur se doit de déployer, au cours de son intervention, toute la
prudence et la diligence nécessaires à l'aboutissement heureux de sa mission. C'est sur le
terrain de cette obligation générale de moyens que se rencontre, en pratique. relativement à
(244) Sur cette alfirrnarion. v. infra n's 284 et 5., 4[)t ct 464.
(245) C'est, du moins, cc que nous pensons, en l'absence de toute jurisprudence sur ce point. Rappr. toutefois. pour un cas de
préseutanon tardive d'une traite au paiement (attribuée à une grève du secteur bancaire), Douai 6 mal 1976, Gaz,
Pa1.l977 .1.17, note L. C,; R,T .D.Com. 1977. I:!.9, obs. :\\1. Cebrütac el J.-L. Rives- Lange.
(246) A cet égard il a été Jugé qu'une grève frappant toutle secteur bancaire peut. excepticunellernent, en raison de sa gravité
el de sa durée, présenter le earactëre d'uu évëuemcut de force majeure, susceptible d'exonérer de toute rcspousnbilité uue
banque chargée de l'encaissement d'uu effet dOUL l'avis du défaut de paiement a été douué trbs tardivement. v. Besançon 24
juin J977. D.L978.I.R.I07. ob" M. vasseur; Banque 1977.1384, ob.~, L.-M. Marün: Quor. jur. 10 juin 1978; Casso corn. 12
juiu 1979, Bull. civ .,lV,n"195,p.l.'i9; Gaz. pal. 1979.2.s0111.390.

84
J'exécution de la mission d'encaissement, la quasi-totalité des cas de mise en Jeu de la
responsabilité du banquier encaisseur à l'égard de son client(247).
102 . L'existence en jurisprudence de ces exemples, somme toute assez nombreu~x,
d'admission de la responsabilité contractuelle du banquier encaisseur témoigne. par ailleurs.
du peu d'efficacité des clauses de non responsabilité que les banques ont pris l'habitude
d'insérer sur les bordereaux de remise d'effets à l'eneaîssement(248). Ces clauses dom la
validité est admise ont, en principe, de J'avis général, pour effet d'exonérer leur bénéficiaire de
ses fautes légères. à l'exclusion des fautes lourdes ou dolosives. Leur portée paraît. toutefois.
assez limitée. en raison de la difficulté qu'il y a à distinguer. en la matière, entre les fautes
lourdes et les fautes légères(249).
Limitée, au regard du caractère des fautes dont le banquier peut se rendre coupable, la
panée de ces clauses de nou responsabilité l'est, également, au regard des personnes à l'égard
de qui elles sont susceptibles de jouer. Applicables uniquement dans les rapports du banquier
et de son client, elles ne peuvent nullement, conformément au droit commun, être opposées au
tiers qui invoque la responsabilité délictuelle du banquier.
B. LA RESPONSABILITE A L'EGARD DES TIERS.
103 - L'obligation générale de prudence et de diligence, que met à la charge du banquier
le mandat d'encaissement qu'il reçoit de ses clients. concerne aussi les tiers, Cela pour deux
raisons:
Premièrement. parce que pour un escroc ou un faussaire, un compte bancaire constitue
le moyen le plus efficace d'encaisser, au détriment d'autrui. des créances frauduleusement
détournées. C'est précisément la raison pour laquelle obligation est faite aux banques, en droit
(247) Pour des exemples jurisprudentiels de mise en jeu de cette responsabilité, se reporter aux décisions eitécs à J'occasion
de l'analyse des obligations du banquier encaisseur, supra n'62 el s.
(248) Il s'agit généralement, pour les banques, de se dégager de la responsabilité pouvant résulter d'un retard dans la
présentation au paiement des effets ct dans l'envoi d'un avis de sort (v. par H. Rouen 18 ccl.1951 Gaz. Pa\\. 1951.2.397), ou
dans la rédaction d'uu protêt (v. par ex. Casso ctv. .'l janv. 1910, D.P. 1911.1.J 0<1.
(249) V. J,-L. gtves-Lange el M. Contamlne-Raynaud. op. cil. n0269. p.351; rnppr. infra n"258,

positif, de vérifier, avant toute ouverture de compte, l'identité et le domicile du postulant.
C'est, encore, le souci de protection des tiers qui transparaît dans les dispositions de l'article
38 alinéa 3 du décret-loi du 30 octobre 1935, sur le chèque, qui imposent aux banques de
n'encaisser des chèques barrés que pour le compte de leurs clients. On comprend, dans ces
conditions, que les vérifications qu'impose au banquier route ouverture de compte puissent
être invoquées, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, par les tiers à qui leur défaut
cause un prejudice.
Deuxièmement, parce que les tiers ont, par ailleurs, le droit. conformément aux
enseignements de la théorie générale des obligations, d'opposer au banquier, les termes du
mandat d'encaissement le liant à son client, et dom la méconnaissance se trouverait à l'origine
d'un préjudice par eux subi. Vainement le banquier prétendrait-il, à cet égard, n'avoir à
répondre de ses fautes contractuelles que vis-à-vis de son cliem(250).
104 - Mais, de toutes les obligations mises à la charge du banquier, par le mandat
d'encaissement dont il peut se trouver porteur. certaines seulement concernent les tiers. Ce
som, essentiellement, celles ayant trait, d'une pan, aux vérifications de la régularité (tant
matérielle qu'intellectuelle) des titres il recouvrer; d'autre pan, à l'inscription des sommes
recueillies sur le compte usuel du client et. enfin, à l'utilisation des fonds affectés
spécialement par le client à l'usage que ce dernier a précisé(25l). Aussi est-ce en ces matières
là que se rencontrent. logiquement, les exemples jurisprudentiels de responsabilité du
banquier encaisseur, à l'égard des tiers(252).
A côté de la responsabilité, ci-dessus envisagée, pouvant découler, pour le banquier, de
la violation de son obligation d'exécuter la mission qu'il a librement acceptée, existe le risque
(250) V. par ex. Ca5~. corn. 19 avr. 1985 précité (Bull. civ.Tv n'1I8,p.IOJ).
(251) Sur ces différents points. v. supra n's 62 Cl 5.. 6'1 el s.. 94 et s.
(252) Sur la responsabilité du banquier encaisseur pour défaut de vérification de la régularité des titres à encaisser, v. par 1'.';.
Versailles 11 Iév. 1988, D.1988.I.R.90; Pans 28 Juin 1988. D.J98IUR.201 (en l'espèce, la faure de vérification de l'identité
du porteur d'Un chèque falsifié trouvait sa source dans le défaru de vérification. avant l'ouverture dn compte attribué 11
l'escroc. de son identité et dc son domicile). Sur la responsabilité, suite 11 I'inscnpuou fautive des sommes encaissées au
compte du client, v. par ex. Casso corn. 2 avr. 1980. D.1981.48; Riom 14 déc. 19&8, D.1988.som.334, o~.:'\\1. vasseur. Sur
la responsabilné pour non respect d'une affectation spéciale. v. par ex. Casa. com. 19 et 23 avr. 1985 précités, Bull. civ., IV.
n's 118 et 121. pp. 101 ~t 104; D.1986.I.R.327. obs. M. Vasseur; Banque 1985.854. ODS. J.-L. Rives-Lange; Gaz. P~1.
1985.2,pan.2'59, obs. A. Ptedeuëvre (cene derniëre référence ne concernant que le premier anêu.

86
d'une responsabilité pour inexécution de l'obligation de rendre compte de J'exécution de ladite
mission.
§ II. LA RESPONSABILITE POUR INEXECUTION DE L'OBLIGATION DE
RENDRE COMPTE DE LA MISSION D'ENCAISSEMENT CONFIEE.
105 - Sur tour mandataire pèse, on le sait, une obligation de rendre compte dont,
cependant, l'étendue est rarement précisée(253). A notre sens, elle constitue une obligation de
résultat. eu égard, non seulement à la formulation, visiblement impérieuse, de l'article 1993
du Code civil. mais aussi, au fait que l'obligation envisagée n'est soumise à aucun aléa, de
sorte que son exécution peut être garantie. en toutes circonstances, par le débiteur(254)(255).
De ce fait. le défaut de reddition de compte ou le défaut de compte rendu (au cas de
difficultés dans l'exécution de la mission) doit être regardé comme constituant, en lui-même,
une faure permettant la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du banquier; si, bien sûr,
un dommage en est résulté pour le client, son coconrractant(256),
Pour le banquier encaisseur, l'obligation de rendre compte tend à se confondre, souvent,
avec l'une des composantes de tout acte d'encaissement. à savoir le fait de verser. au compte
du client, les sommes recouvrées en son nom(257). L'écriture de crédit ou de contre-passation
inscrite au eompte du client et enregistrée instantanément sur tous les ordinateurs de la
banque suffit, en effet, à renseigner ce dernier, s'il le désire. sur le son des effets qu'il a rernis
(253) V. cependant Ph. pétet, op. cit.. n'S02. p.304.
(254) Rapprocher Ph. Pêtet, op. cil .• loc. CiL
(255) Cela n'exclut pas qUI' le débiteur puisse être dispensé de ecne obligation par le mandant, expressément ou tacitement.
V. R. Rcdiëre. rép. dr. civ. précité, v' M<lnd:ll. n'227; Ph. le Tourneau. rép. dr. civ., v' Mandat (J992) précité. n·Z27.
(256) Car la responsabilité courractuelle que prévoit J'art. 1147 C. eiv. suppose un dommage. IL est vrai que. le plus souvent
ce dommage est impliqué dans j'inexécution. si bien que sa preuve n'est pas nécessaire. Mais il n'en va pas toujours ainsi. De
sorte que le créancier de l'obligation inexécutée peul se trouver contraint de faire la preuve de son préjudice (sur ce point. v.
J. Carbonuter. Droit civil. 1.4. Les obligations, lS è éd. Thémis 1991. n'ISS, p.285 el 5.; rh. MlIlaurie et L. Ayn~. Les
cblig aucns. précité.n'Sjé, p.45 J; Girard Légier-, Enc. jur. Dalloz. rep. de. civ., Zè éd., I.Vli. v' Responsabilité contractuelle.
n"IS5.
(257) Sur les différentes composantes de l'acte d'encaissement. v. supra Il'66.

87
à son banquier et sur la position comptable qui en résulte pour lui. Les relevés périodiques de
compte que les banques expédient à tous les titulaires de compte complètent. au besoin. ces
indications, en permettant une appréciation plus globale (sur une période donnée) de la
gestion assurée.
A vrai dire, la responsabilité du banquier, dans le domaine qui nous occupe, ne provient
pas. en pratique, de la méconnaissance de son obligation d'établir, à l'intention de son client.
une comptabilité de la gestion confiée. Cette responsabilité est, la plupart du temps, la
conséquence, tantôt du retard mis par le banquier à infonner son client, tantôt de l'ignorance
totale dans laquelle il l'aura laissé, à l'issue d'un encaissement laborieux ou carrément
infructueux(258).
106 ~ Les observations qui précèdent laissent présager, sur un tout autre plan, celui de la
responsabilité pénale, l'improbabilité de la condamnation d'une banque pour abus de
confiance (en raison du non reversemenr de sommes encaissées au nom d'un de ses clients),
alors même que l'article 408 du Code pénal a normalement vocation à s'appliquer en
l'occurrence, la qualité de mandataire du banquier encaisseur étant indéniable. Tom au plus
pourrait-on envisager la commission de pareille infraction par l'employé d'une banque,
agissant, dans ce cas, à titre personnel. Ce dernier engagerait, alors. sa responsabilité pénale
individuelle; la banque, quant à elte. ne risquerait, dans une telle hypothèse, que la mise en
cause de sa responsabilité civile, soit contractuelle, à l'égard de son client(259), soit
délictuelle. notamment en tant que commettant du délinquant(260),
107 - La conclusion qui se dégage de l'analyse de la condition juridique du banquier qui
se charge d'effectuer des encaissements de fonds pour le compte de ses clients s'impose avec
évidence, Cene condition juridique est celle d'un mandataire, agissant, par conséquent. non
point en son nom propre, mais, au contraire, au nom et pour le compte d'autrui. En témoigne,
à certains égards (notamment lorsque sont en cause des effets de commerce), le mode
(258} A litre d'exemple, v. arrêts cités en note. supra Il'97, in fine
(259J il Y aurait là un cas de responsabilité ccntractuellc dn fait d'autrui. Sur celle notion. v. par ex. Ph. Malaurie et L,
Aynès, Les obligations, précité, Il'878, p.48;\\
(260) Encore faut-il qnc l'acte reproché à l'employé n'apparaisse pas comme totalement étranger a ses fonctions,

88
particulier, et même exclusif(261), de formation de la convention d'encaissement. En
témoignent. encore et surtout, les obligations et la responsabilité qui découlent, pour le
banquier, des encaissements ainsi effectués. sur J'invitation de ses clients,
108 . Mais le constat de la totale prévalence des règles du mandat en matière
d'encaissements de créances laissés au soin d'un banquier par ses clients, s'accompagne de ta
révélation de quelques particularités qu'on ne peut manquer de souligner. Ces particularités se
manifestent essentiellement à travers l'influence qu'exercent. sur le régime juridique du
mandat d'encaissement du banquier, d'une pan, les règles cambiaires auxquelles demeurent
soumis la plupart des titres, objets d'un tel mandat Cà savoir les effets de commerce), d'autre
part,
les
principes de fonctionnement des comptes bancaires, cadres naturels (voire
inévitables) des relations entre le banquier et ses clients.
109 ~ S'agissant de l'influence des règles carnbialres. elle se manifeste aUSSl bien au
stade de la formation du mandat d'encaisser qu'à celui de son exécution.
Au stade de la formation du mandat d'encaisser, c'est dans le formalisme dont est
empreint l'acte qui emporte conclusion du contrat que se manifeste l'influence, de
"l'environnement cambiaire" dans lequel s'inscrit l'action du banquier. En effet, pour les effets
de commerce (constitutifs de la grande majorité des titres de créance dont l'encaissement est
confié aux banques, en pratique), le mandat d'encaissement donné à une banque résulte d'un
endossement faisant mention, sans équivoque, d'un tel mandat, sur le titre même. A défaut, le
mandat est présumé inexistant(262). Dès lors, on peut se poser la question de savoir si le
caractère consensuel, en principe reconnu au mandat(263), n'est pas démenti en la matière. La
forme particulière de l'endossement de procuration qui, de prime abord, pouvait être
considérée comme exigée ad probationem n'est-elle pas aujourd'hui imposée ad validitatem,
(261) Ces! à la forme particulière de l'endossement de procuration que nOLL~ rusons ainsi allusion. V, supra n'53 et s.
(262) Celle présomption, réputée irréfragable à l'éganl des Liers (v. supra n'53 el 5.) peul certes, être combattue dans le cadre
des rapports de la banque endossataire et de son client endosseur. Mais la pratique témoigne de j'extrême difficulté d'y
parvenir. la moindre marque d'ernbiguùé faisant pencher les juges en faveur de l'endossement D'Mlsl1tif. V. décisions cirées
en 1101~. supra n'55.
(263) V. R. Rodlere. rép. dr. civ. précité. v' Mandat, n'98; Ph. le Tourneau, rép. dl. civ., v' Mandal (1992) précité, Il'109 el
s.

puisque c'est d'elle que dépendent, en réalité.
l'existence et la validité du mandat
d'encaissement donné à la banque?
110 - Au stade de l'exécution du mandat d'encaisser. l'influence de "l'ambiance
cambiaire" dans laquelle évolue le banquier se ressent à deux points de vue:
Le premier point touche, au regard des délais d'action, à l'appréciation de la diligence
due par le banquier qui agit en qualité de mandataire à l'encaissement de créances
incorporées, notamment, dans des effets de commerce, A cet égard. on doit noter que le délai
imparti au banquier, mandataire à l'encaissement d'un effet de commerce, pour s'acquitter de
sa mission, ne se confond pas nécessairement avec les délais cambiaires imposés par la loi, à
propos de la présentation au paiement des effets de commerce et de la rédaction d'un protêt
faute de paiement ou d'acceptation(264), Il n'en demeure pas moins que ces délais carnbiaires
constituent, pour le juge. un point de repère pour l'appréciation de la diligence fournie par le
banquier mandataire; un débordement de ces délais apparaîtrait indiscutablement, sauf
circonstances particulières, comme une faute, Etant donné la rigueur de ces délais cambiaires
et les conséquences qui s'y attachent, force est, alors, d'admettre que la soumission du
banquier encaisseur à ceux-ci est une source d'aggravation sinon de ses obligations, du moins,
de sa responsabilité,
111 - Le deuxième point d'impact de l'influence de "l'environnement cambiaire" dans
lequel se situent la plupart des actes d'encaissement du banquier mandataire apparaît lorsque
l'on envisage l'extinction de ses obligations, A cet égard, se révèle une mise à l'écart des
règles traditionnelles du contrat de mandat. En effet. prenant le contre-pied des dispositions
de l'article 2003 du Code civil. les législations spéciales concernant les effets de commerce
(l'article 122 alinéa 3 du Code de commerce, relatif à la lettre de change et l'article 23 alinéa 3
du décret-loi du 30 octobre 1935 sur le chèque) précisent, expressément, que le mandat
d'encaissement ponant sur un effet de commerce (par suite d'un endossement de procuration),
survit au décès du mandant et à la survenance de son incapacité, Événements auxquels on doit
(264) Le mandat dent il est porteur lui impose, Cil effet, d'agir le plus rapidement possible. Cela laisse entendre que l'action
du banquier encaisseur pent être jugée tardive (donc Iautivcj, au regard du contra! lie mandat. alors même que celle action se
situe à j'intérieur du délai carubuure légal. V. supra n'f,} el arrêts cités.

90
ajouter, par une extension due à la jurisprudence, la survenance du règlement ou de la
liquidation judiciaires. Mais les règles carnbiaires ne sont pas les seules à exercer une
influence sur la situation juridique du banquier encaisseur. Ce dernier a pour cadre naturel
d'action le compte qu'il a ouvert à son client. Aussi ne doit-on pas être surpris de constater un
certain impact,
sur
ta situation juridique du
banquier encaisseur, des principes de
fonctionnement des comptes bancaires.
112 - S'agissant de l'influence des règles de fonctionnement des comptes bancaires, elle
se remarque. elle aussi, aux stades de la formation, puis de l'exécution du mandat du banquier.
Au stade de la formation du mandat du banquier, on peur déceler une accentuation
certaine de l'obligation de prudence er de diligence pesant habituellement sur (Out mandataire.
En matière bancaire, cette obligation qui, normalement, ne naît, contractuellement parlant,
qu'après la conclusion du contrat, est en relation étroite (au point de s'y confondre, à certains
égards) avec celle, délicruelle, s'imposant également à lui, dans la période préconrractuelle,
sur la base des articles 1382 et suivants du Code civil. Ainsi, est-ce parfois dans la
conjonction de
négligences se situant, aussi
bien,
avant la conclusion
du mandat
d'encaissement(265), qu'après cette conclusion (c'est-à-dire au stade de l'exécution de ce
mandat), que réside le fait générateur de la responsabilité du banquier encaisseur vis-à-vis des
tiers(266), Cette responsabilité peut, du reste, résulter. indistinctement, d'une imprudence se
situant avant ou après la réception des effets à encaisser. Ce qui. pour le banquier encaisseur.
plus que pour tout autre mandataire à l'encaissement, constitue bien une accentuation de la
diligence imposée par le mandat accepté. Le banquier encaisseur, à la différence de tout autre
encaisseur serait ainsi responsable, à l'égard des tiers, du choix de son cocontractant. sur la.
base d'une culpa in eligendo, en quelque sorte.
113 - Au stade de l'exécution du mandat, l'influence des règles de fonctionnement des
comptes bancaires se manifeste à travers la simplification el l'automaticité de la reddition de
compte due par le banquier, le règlement des créances réciproques des parties au contrat de
(265) Négligences sc manifestant, au momem de l'ouverture du compte bancaire. sous la [orme d'un défaut de vérification de
l'identité ou du douucue du postulant.
(266) V. Paris 28 juin 19RR. D.1988.I.R.201. Adde supra n'lM.

91
mandat intervenant normalement en compte, du fair du mécanisme de compensation inhérent
à mut cornpre bancaire. De ce mécanisme de compensation automatique découlent, pour le
banquier encaisseur, deux conséquences bénéfiques: de bien meilleures conditions de
remboursement des frais et avances éventuellement exposés à l'occasion de l'exécution du
mandat de recouvrement, d'une part, et une position avantageuse, par rapport aux autres
créanciers du mandant, quant à la possibilité d'une appropriation éventuelle des sorrunes
provenant d'un encaissement laissé à ses 50ins(267), d'autre part.
114 - Les particularités ci-dessus signalées, certes influencent, à certains égards, la
condition juridique du banquier qui effectue des encaissements de fonds au profit de ses
clients; Elles ne la modifient pas cependant Au regard des obligations et de la responsabilité
que supporte le banquier à cette occasion, cette condition juridique est incontestablement
celle d'un mandataire.
Hormis les encaissements, le service de caisse traditionnellement assuré par les banques
au profit des titulai.res de compte les conduit, également, à opérer des versements de fonds.
Ces opérations étant réalisées à l'Initiative du donneur d'ordre, par prélèvement sur ses avoirs,
c'est naturellement par le recours à la théorie du mandat qu'est justifiée, communément,
l'action du banquier. Reste à savoir si l'analyse est fondée.
(267) Pcsiuon d'aotam plus privilégiée que les sommes d'argent qui ont été régulièrement inscrites d~ns un compte bancaire
ne sont pas susceptibles. en principe. de revcudicntion par [cs tiers (sur cc point, v. supr. Il'73 et I). Demeure toutefois
possible tille saisie (saisie couscrvaroirc 01.1 saisie exécution sus le régime tic la loi u' 91-650du 9 juill. 1991 portant réforme
des procédures civiles d'exécution) pratiquée entre les mains du banquier, tiers détenteur, de sommes nppancnaur au titulaire
du compte. pin les créanciers de cc dernier.

92
SOUS·TITRE II. I.ES MANDATS AYANT POUR OBJET UN VERSEMENT DE
FONDS PAR LE BANQUIER.
115 - Parmi les mandats ayant pour objet un versement de fonds à effectuer par le
banquier, au profit. soit d'une tierce personne, soit du titulaire du compte lui_même(268\\ il
faut distinguer ceux dont la mise en oeuvre passe par le recours à un des instruments
bancaires fondamentaux de mouvement de fonds (à savoir le chèque et le virement), et ceux
qui procèdent d'une domiciliation de paiements chez ce banquier. Car si les seconds peuvent
être considérés comme un service accessoire, dom l'absence n'empêche pas le fonctionnement
du compte, les premiers, en revanche, sont tellement entrés dans les moeurs, qu'on ne saurait
les supprimer sans retirer au compte bancaire toute son utilité(269),
Une autre raison d'envisager séparément ces deux types de mandat provient de ce que la
situation juridique du banquier ne peut pas être la même dans les deux cas; car, contrairement
aux mandats conférés par une domiciliation de paiements (chapitre II), les mandats qui
relèvent de la technique bancaire fondamentale de mouvement de fonds (chapitre 1) supposent
la mise en oeuvre, par le client, d'un processus qui empone, par lui-même, obligation pour la
banque de s'exécuter. Ils présentent, de ce fait. un plus grand risque de fraude et aggravent,
par la même occasion, les obligations de cette dernière,
(1.68) Nous envisageons l'hypothèse où le client, titulaire de plusieurs comptes, ordonne un mouvement d'un de ses comptes
sur un auIre.
(1.69) Pour la plupart des personnes, en effet. J'utilité d'un compte bancaire réside moins dans l'cpporrunité ainsi donnée de
mettre leurs biens !l l'abri de 13 perle ou du vol que dans la possibilité de bénéfieier d'Un certain nombre de services au
premier rang desquels se trouvent les paiements et les encaissements.

93
CHAPITRE I. LES MANDATS RELEVANT DE LA TECHNIQUE BANCAIRE
FONDAMENTALE DE MOUVEMENTS DE FONDS.
116 - Les moyens bancaires de mouvement de fonds qui se rattachent traditionnellement
à l'obligation du banquier d'offrir à ses clients, en contrepartie des dépôts effectués entre ses
mains. un service de caisse(270), ne sont guère variés. Ce som d'une part le chèque. devenu
un titre exclusivement bancaire depuis une disposition de la loi du 14 février 1942(271), et le
virement. Ainsi, le client qui souhaite provoquer, au profil d'autrui, un versement de fonds par
son banquier, a la possibilité d'émettre soit un chèque, ordonnant de la sone, à ce dernier, de
payer au vu de ce document (section 1), soit un ordre de virement (section In, constitutif d'un
moyen de paiement de compte à compte. uniquement.
(270) V. m1.4 de la loi du 13 juin 1941. J.O.E.F. 194[, p.2830.
(271) Ar1.20, lO.E.F. 1942, p.664.

94
SECTION 1. L'ORDRE DE PAYER DONNE PAR CHEQUE.
117 - On a l'habitude de rattacher la qualification de mandat reconnue au chèque à la I!,Î
du 14 juin 1865 dont l'article 1er définissait le chèque comme "l'écrit qui, sous forme de
mandat de paiement, sert al/tireur à effectuer le retrait, à SOli profit ou au profit d'un tiers, de
tout ou partie des fonds portés au crédit de son compte chez le tiré el disPol/ibles,,(272),
Les fondements de cette qualification, maintenue aujourd'hui encore, doivent être
recherchés, et ses conséquences sur la situation juridique du banquier précisées (sous-section
1). On se rendra compte, alors, que le souci de pallier les nombreux incidents de paiement
résultant du système de paiement par chèque a amené, petit à petit, le législateur à introduire
dans le régime juridique de cet effet, à la charge surtout du banquier tiré, un certain nombre
de règles exorbitantes du droit commun du mandat el qui, ne pouvant plus être rattachées au
contrat de tirage de chèques liant le banquier à son client, apparaîtront comme autant de
limites à la qualification de mandat généralement retenue pour le chèque (sous-section Il),
SOUS-SECTION 1. LA QUALIFICATION DE MANDAT RECONNUE AU
CHEQUE: FONDEMENTS ET CONSEQUENCES QUANT A LA CONDITION
JURIDIQUE DU BANQUIER TIRE.
118 - Le régime juridique de toute institution est la conséquence de sa classification
dans une des catégories juridiques connues(273), Aussi la qualification de mandat donnée
habituellement au chèque. dom les fondements restent à préciser (§ 1), ne devra-t-elle pas être
démentie par la situation juridique du banquier tiré (§ Il).
(2n) Mais on peut signaler un arrêt de la Cour Impériale de Paris du 8 Avril 1861 (D,P.186J.5.176) qui, avant celle loi,
déclarait : "qi/lm chèque n'e st en r.ill/ité qu'un mandai à ordre 011 1111 porteur dont le sousoipievr répond dans les lermes
orr/inaires de droit, à savaii qu'il en garanlil le paiement de la pari du tiers sur qui le mandai est tiré",
(273) V. J.-F. Overstake, Essai de classification ces contrats speciaux. Paris. L.GDJ. 1969. pp.14 et 15,

95
§ 1. LES FONDEMENTS DE LA QUALIFICATION DE MANDAT RECONNUE
AUCHEQUE.
119 ~ Le chèque est un écrit par lequel le client d'un établissement de crédit, Je tireur.
donne à celui-ci, le tiré, l'ordre de payer une somme d'argent déterminée à une personne,
nommément désignée ou non, le bénéficiaire (ou le porteur), ou à son ordre.
Cette définition, bien que faisant apparaître que le banquier qui paye sur un ordre du
client intervient pour le eompte de ce dernier, dont les fonds serviront généralement à réaliser
l'opération, ne permet cependant pas de dire en quoi il y a mandat.
Le fondement de la qualification n'apparaît non plus ni dans le décret-loi du 30 Octobre
1935 dont l'article l er-Z' se borne à prescrire que le chèque doit contenir "le mandat pur et
simple de payer une somme déterminée" ni dans les décisions de justice qui. bien souvent,
affirment l'existence de ce mandat sans toutefois en faire la démonstration.
L'existence d'un mandat suppose pourtant un contrat par lequel le mandataire s'engage à
accomplir des actes juridiques pour le compte du mandant et en son nom. Dire du banquier
tiré qu'il est le mandataire du tireur du ehèque, c'est affirmer qu'il s'est engagé, par contrat, à
effectuer le paiement du chèque au nom de ce dernier, par représentation. Une telle
affirmation est-elle fondée? Les traits essentiels du contrat de mandat sont-ils présents dans
l'opération de
paiement de ehèques? Certains auteurs l'ont
contesté
(A).
Mais ta
jurisprudence, en conservant la qualification de mandat pour le chèque, semble avoir penché
pour une réponse affirmative CB).
A. LA CONTESTATION DE LA QUALIFICATION DE MANDAT EN
DOCTRINE.
120 - A ta question, précédemment posée, de savoir si la qualification de mandat
donnée au chèque était fondée, certains juristes ont répondu par la négative, contestant du
même coup l'analyse juridique habituelle du chèque. Ils y ont vu, au contraire. qui une cession

96
de créance(274), qui une délégation(275), qui une stipulation pour aUlnli(276\\ qui un effet
négociable(277\\ pour ne citer que les théories les plus célèbres.
121· Pour les tenants de la théorie de la cession de créance, le tireur du chèque cède au
bénéficiaire la créance qu'il a contre le tiré; car s'il est vrai que, conformément à l'article 1er
du décret-loi du 30 Octobre 1935, "le chèque doit être rédigé l'Il ta forme d'un mandat, c'est-
à-dire d'un ordre de payer, ii n'en constitue pas moins, au fond, une cession de créance pour
fa validite de laquelle aucune signification ni aucune acceptation ne sont nécessaires//(278J,
C'est ce qui expliquerait le droit de propriété du bénéficiaire sur la provision correspondant au
montant du chèque; ainsi que l'interdiction faite au tireur de s'opposer au paiement, hors les
cas de perte (ou vol) du chèque, ou de "faillite" du tireur, prévus par J'article 32 alinéa 2 du
décret-loi du 30 Octobre 1935,
Seulement, dans la cession de créance, le eessionnaire acquiert la créance d'origine avec
tous ses éléments et non une créance nouvelle, si bien que le débiteur cédé peut opposer au
cessionnaire toutes les exceptions qu'il avait contre le cédant, alors que le porteur d'un chèque
bénéficie de l'inopposabilité des exceptions, Son droit contre le banquier tiré et contre tous les
endosseurs est personnel et indépendant de celui dont bénéficiait le tireur(279). La théorie de
la cession dc créance ne pouvait être retenue.
(274) V. Bordeaux Z mars 1944.5.1945.2.12; T'nb. corn. Seine 19 mars 1920. GaI.. Pal.1920.2.l51.
(275) V. E. T'haller. Traité élémentaire de droil commercial, Sè éd. par J. Percerou, Paris. Rousseau el compagnie, 1916,
0'1292 et s.. p.672 el s.
(276) V. L. Lacour el J. Oouteron, Précis de droit commercial, t.2. l è éd.. Librairie Dalloz, 1925, n']443. p.l 89.
(277) V. Hamel, Lagarde el Jauûret. Trailé de droit commercial. LlI. Dalloz 1966, n'1654. p.726; M. Vasseur el X.
Marin, Banque el cpérarions de banque de J. Hamel, LII, Le chèque. Sirey, 1969, n'1! cl 22, p.30 el s.
(278) Bordeaux, 2 mars 1944, S. 1945.2.12, \\/. égal. Trib. Com. Seine 19 mars 1920. Gaz. Pal.l920.2.l51, selon lequel le
bénéficiaire du chèque "deviera en fai, propriétaire de la provision affecrée à son paiemerü, ou plu! eXQclemeru cessionnaire,
jusqu'à concurrence de la valeur du chèque, des droits du lirel" SM celle provision".
(279) V. M, Vasseur et X. Marin. Banque el opérations de banque de J. Hamel. l.IL le chèque, Paris Sirey 1969, n'1O, p,JO;
e
L. Lacour et J. Boutemn. Précis de droit commercial, 1.1, 3 éd" Librairie Dallez, 1925, fl'I443. p.188; Hamel, Lagarde el
jauttret. Traité de droit commercial. t.Il, Paris Dalloz. 1966, n'1654, p.71b; Ph. :\\'talaurÎe el L. Aynës, Cours de droit civil.
Us obligations, Cujas, 2è éd. 1990, n'1233, p.693.

97
122 - On a cherché également à assimiler le chèque à une stipulation pour autrui (280),
dans laquelle le banquier. promenant, consentirait à la demande du tireur, stipulant. à
s'engager à ['égard du porteur du chèque, tiers
bénéficiaire de la stipulation. Ainsi
s'expliquerait le droit direct er personnel que posséderait le bénéficiaire du chèque contre le
banquier tiré sur la provision du chèque, laquelle serait passée directement du patrimoine du
promettant (le banquier) dans celui du bénéficiaire (le porteur du chèque) , sans transiter par
celui du stipulant (le tireur ou l'endosseur du chèque). L'acceptation du bénéficiaire rendrait
ce droit irrévocable. Avant cette acceptation le tireur-stipulant conserverait le droit de
révocation, quand bien même la propriété de ta provision serait acquise au bénéficiaire.
Mais plusieurs raisons militent en faveur du rejet de cette analyse. On ne voit pas. par
exemple(28l), J'acte précis qui emporte la formation du conrrat qui lie le stipulant el le
promettant, et à la suite duquel ce dernier aurait, par la promesse d'une prestation. pris un
engagement à l'égard de celui-là. En effet. l'acte d'ouverture du compte, auquel on aurait pu
songer, n'implique pas ipso facto l'autorisation d'émettre des chèques. La délivrance des
formules de chèque ne peut non plus être retenue. Car que penser de la possibilité pour le
tireur de n'émettre aucun chèque. ou de tirer des chèques sur lui-même? Enfin on n'oserait
soutenir, raisonnablement, que l'émission du chèque est l'acte qui constate la promesse du
banquier-promenant. L'explication du mécanisme du chèque par la stipulation pour autrui ne
pouvait, décidément, convaincre. La théorie de la délégation lui fut, par conséquent, préférée.
123 - C'est à T'haller que l'on doit la théorie de la délégation, développée à propos de la
lettre de change. mais qui, de J'avis même de l'auteur, a vocation à s'appliquer aussi au
chèque. Le délégant serait le tireur, le tiré le délégué et le bénéficiaire le délégataire. Selon cet
auteur. lorsqu'une personne devant ou voulant fournir de l'argent à une autre et ayant, d'autre
pan. à recevoir de l'argent d'une troisième. donne ordre à cette troisième personne de payer
(280) V. L. Lacour el J. Bouter-on, op. cil.. n"I443. p.LS9.
(281) La question se pose égalernenr de savou à quel moment on doit considérer comme acquise l'acceptation du porteur dn
chèque, bénéficiaire de la préa;ndni' 'Stipulation ponr autrui, de sorte que son droit soit devenu irrévocable par le tireur-
stipulant. Ce n'est certainement pas au moment de la présentation du chèque chez le tiré pour paiement, puisque 13 loi interdit
au tireur. sous peine UI:" sanctions pénates, le blocage ou le retrait de la provision d'un chèque déjà émis. Le chèque est donc
irrévocable dès son émission.

son créancier, elle fait une délégation. Thaller précise, en outre, que "la délégation n'est pas
un mandat, mais un acte ayam sa fonction propre. Elle simplifie et résume entre trois
personnes deux mouvements de fonds ou deux promesses d'argent de même montont"(28:J.
Selon celte thèse,le chèque serait "un titre constatant un ordre de délégation de somme donné
à un tiers et délivré au bénéficiaire de cette délégation,,(283J, Le chèque réaliserait une
délégation par voie de dation, du fait qu'il est payable à vue(284), contrairement à la lettre de
change qui, elle, réalise une délégation par voie de promesse(285). Il faut préciser qu'il s'agit,
en l'occurrence, de délégation imparfaite. Ainsi s'expliquerait le droit direct et personnel qu'a
le porteur du chèque contre le banquier tiré, et l'inopposabilité des exceptions, son corollaire,
124 - Quoique séduisante à première vue, cette théorie révèle, à la réflexion, le grand
défaut de confondre la situation du tiré d'une lettre de change, lequel n'est engagé dans le droit
du change qu'une fois qu'il a donné son acceptation (acceptation qui, d'après ThalIer,
constitue l'acceptation de la délégation), et celle du banquier, tiré d'un chèque, à qui cette
acceptation est interdite par la loi (art. 4 du décret-loi du 30 oct. 1935), et qui est, cependant,
tenu de payer le chèque, s'il y a provision(286). Le droit du bénéficiaire du chèque contre le
banquier n'a pas. on le voit, pour source l'acceptation, par ce dernier, d'une quelconque
(282) Sur IQUS ces poims. v. Ii:. Thaller. Traité élémentaire de droit commercial, 5è éd. par J. Percerou. Paris, Rousseau el
compagnie. 1916, nT292, p.6n el 673.
(283) E. Thaller, op. cit., n'1294, p.674.
(284) Cette affirmation doit être placée dans son contexte historique. Elle se trouve aujourd'hui démentie par la généralisation
des chèques prébarrés.
(285) E. Thaller. op cit.. n' 129~, p,673 et n'1639, p.821. Pour cel auteur "émettre un ehèque sur son banquier, c'est IlJÎ dire
" «vous me devez dt' ['wgt'lI1, te me substitue le bénéficiaire; débitez moi, crëdùez-te, l'irez fa somme en compte». Eu-ce une
cession de provision ? Ou; ci certains égards, Mais c'est principalement une défégalion".
(286) On pourrait soutenir que cette acceptation, du banquier, d'être lié de manière autonome à l'égard des liers porteurs de
chèque. se manifeste par la délivrance, 11 son client, d'Un carnet de chèques lv. dans ce sens Louis Sebag. La provision du
chèque en droit français, Annales de la Faculté de Droit et Ues Sciences Economiques de Clermont, rase. 2, 1965, n"16,
p.I64). Mais un tel engagement paraît peu vraisemblable, dans la mesure où le banquier n'a aueun moyen de contrôler
l'utilisation qui sen faite des chèques. De fait, le banquier n'est, en principe, pas responsable de la mauvaise utilisation des
chèques qu'il remet à ses clients. D'ailleurs. les banques voudraiem.elles donner celte acceptation qu'elles ne le powraieru
même pas, puisque l'article 4 alinéa 1er du décret-loi du 30 Octobre 1935 le leur interdit, précisément pour ne pas donner au
chèque une sécurité de nature à lui permettre de faire concurrence à la monnaie légale. Une seule chose doit être déduite de la
délivrance de formules de chèques par les banques: par cet acte elles s'engagent à exécuter. dans la mesure de la provision
disponible au compte, les ordre. du titulaire, donnés par fimcrrnédiaire de ces formules (étant entendu qu'en droit français la
provision existe nécessairement pour les chèques u'excédanr pas 100 F).

99
délégation, mais plutôt une disposition impérative de la loi qui a institué le principe de la
transmission de la propriété de la provision du chèque à celui qui en est porteur (cf. art. 17 du
décret-loi du 30 oct. 1935) ainsi que celui de l'inopposabilité des exceptions (cf. art. 22 du
décret-loi du 30 Oct. 1935)(287), Certes, on pourrait, malgré tout, admettre l'existence d'une
délégation: mais c'est à la condition de pouvoir relever le consentement des trois personnes
concernées par l'opération(288), et surtout celui du banquier tiré (délégué), car "il rte saurait y
avoir délégation sans le COflsenrement du débiteur délégur(289).
125 - Le banquier, en délivrant le carnet de chèques consent-il, par anticipation, à être
délégué à tout porteur d'un chèque tiré par son client et à assumer. en conséquence, un
engagement personnel envers ce dernier, différent de celui du tireur?
Il ne semble pas que cela corresponde à la psychologie des parties au système du
chèque.
En
acceptant
de
payer
les chèques.
le
banquier
n'entend
pas
s'engager
personnellement à l'égard des porteurs de ces effets. Il entend seulement faciliter les
paiements dus par son client dont il tient le service de caisse et pour le compte duquel il
intervient.
126 - Le tireur, quant à lui, en remettant le chèque à son créancier. n'entend pas ajouter
un deuxième engagement, celui de son banquier, au sien. Il ne fait, tout simplement,
qu'indiquer à son créancier la personne chargée de son service de caisse, chez qui il devrait se
présenter pour recevoir le paiement de la dette.
127 - Le bénéficiaire du chèque, de son côté. en le prenant, n'est pas assuré de son
paiement, même si la preuve de l'existence de la provision au moment de l'émission lui était
fournie (notamment à travers le visa ou la certification du chèque). Il sait qu'il n'obtiendra le
2&7 (287) Comparer, Ph. Jestaz Le tireur ccnserve-r.il la disponibilité de la provision après J'émission d'une lettre de change
ou d'un chèque? R.T.D.Com,1986.881 et s.. spécialement n'8 : "la plupart des antenrs semblent considérer qu'en émellanJ la
traite, le tireur fJflie implicitement au tiré la possibilité de bloquer au profit du porteur Id créance existant enlre eux; et qu'en
acceplallt t'effet, le tiré accepte aussi, el tout aussi ;mplicitemenl, celle pollicitation. ft y aurait tà une délégation ou plus
probabtemeru une stiputaiion pour autrui. L'expticasion est asse; divlnaroire",
(288) "Le consenleme'll des trois personnes iruéressées: déléganl. délégué et délëgatairc. constitue en effel la seule
spénficité du mécanisme de la délégarion". Ph. Simler, jurisclasseur civil, an. 1271 ~ 1281, rase.a (I9BB). n'79. V.
égalcrncru L. Lacour el J. Bouteron, Précis de droit commercial, l.2, Jè M .. Paris Dalloz, 1925. n'1290, p.86.
(289) Ph. Slmter.acc. cit.. n'8J.

100
paiement spontané de l'effet que si au moment de la présentation au paiement la provision
existe(290\\ et si le tiré n'a pas reçu d'opposition de la part de son client.
Le concours des volontés du délégant. du délégué et du délégataire, indispensable à ..la
réalisation de l'opération de délégation, n'apparaît pas dans le cadre du chèque. En somme,
toutes les conséquences qu'implique l'application des règles de la délégation, tant au plan de
ses conditions d'existence qu'à celui de ses effets. ne se retrouvent pas dans le domaine du
chèque.
128 - Panant du constat que la plupart des théories qui ont été proposées sur la nature
juridique du chèque ne pouvaient. en réalité, expliquer des règles essentielles telles que le
transfert de propriété de la provision ou l'inopposabilité des exceprions(291), Hamel,
Lagarde et Jauffret. relayés plus tard par Messieurs Vasseur et Marin, proposent de voir
dans le chèque un effet négociable, appartenant. avec la lettre de change (auquel il n'est
cependant pas assimilable), à une famille unique, celle des effets de commerce(292).
En effet, le chèque réalise l'incorporation d'un droit de créance (de somme d'argent)
dans le titre et est, le plus souvent, à ordre(293). En outre il met en oeuvre les règles
essentielles des effets de commerce, à savoir, "exercice des recours, inopposabilité des
exceptions, rigidité des dispositions légales concernant les droits du porteur contre le tiré et
contre les signataires antérieurs,,(294J.
S'il est vrai qu'on ne peut nier que le chèque est un effet négociable, on ne peut limiter,
à cette seule constatation, la qualification juridique du chèque. Ce serait ne pas tenir compte
de ce qu'il est, de nos jours. un titre exclusivement bancaire, dont la fonction essentielle est de
permettre l'utilisation des sommes figurant au crédit d'un compte, et que le banquier détient en
(2901 Ce 'lui devrait être le cas en présence d'un chèque certifié. lan! que le délai légal de présentation n'est pas écoulé.
(291) V. Hamel, Lagarde et JaulTrel. op. Cil.. [.2, n01654.
(292) V. Hamel. Lagarde et Jautrrel, op. ci!" 1.2. n'1654;~, Vasseur el X. Marin, Le chèque, précité, n'21 et 22.
Rapprocher G. Ripert et R. Roblot. précité, t.Z, n'::15B, p.2..t7; v. également Louis Sebag. La provision du chèque en droit
Irënçcis. Annales de la Faculté de Droit de Clermont, 1965, Fasc.Z. p.l54 et s., nOS.
(293) v. Hamel, Lagarde el JaulTret, précité. [\\'1654.
(294) Vasseur et Marln.Le chèque. précité. n'21, p.3J.

101
qualité de dépositaire. Le chèque est un des insrruments mis à la disposition des clients de
banques pour provoquer la restitution due par la banque. dépcsiraire, soit au profit du
déposant lui-même. soit au profit d'un tiers. On doit donc se garder dans toute analyse
juridique du chèque, de faire abstraction de la situation particulière du tiré. qui. en cette
matière occupe le premier plan. De cela, l'analyse du chèque en un effet négociable ne rend
pas compte. Au contraire, elle semble mettre l'accent sur le caractère transmissible de cet
effet(295). Or ce n'est pas là que réside l'aspect le plus important du chèque. La preuve en est
que la plupart des formules délivrées aujourd'hui par les banques sont pré barrées et surtout
réputées non endossables (sauf cependant à une banque ou à un établissement assimilé), et
que cet effet, destiné à être présenté au paiement rapidement, circule peu en pratique (296).
129 - En réalité, s'il est vrai que, pour la protection des tiers, le législateur a modelé le
droit du chèque sur celui de la lettre de change, il n'en demeure pas moins que le chèque
apparaît d'abord, et tout simplement comme "url mode d'effectuer un paiement; ce paiement
peut se faire de deux manières: par le débiteur, directement, personnellement, ail par un tiers
que l'on prie de payer à sa place. Dans la deuxième hypothèse, il y a donc indication de
paiemenr',(297) .
L'indication de paiement étant er; réalité une variété de mandat(298), on comprend que
la qualification du chèque en un mandat ait été proposée par le législateur en 1865. L'allusion
au mandat se retrouve également dans le décret-loi du 30 Octobre 1935 qui prévoit, au
chapitre des mentions obligatoires du chèque. que celui-ci deir contenir "Je mandat pur et
simple de payer une somme déterminée" (cf. an. Ier). Le terme de mandat consacré par la
(295) "Qllil SOil à vue 01/ J /l'rllle...u porsenr ou ci ordre, civil 01/ commercial, l'effer negociable conserve ses éléments
[ondamerüaux; il donne à la créance qui s'incorpore en lui lm caractère nouveau, plus strict el plus rigide, qllJ en facilite
singulièrement/a circvtauon", Vasseur et Marin, Le: chèque. précité. n'21, p.33.
(296) V, Michel jeantm op. ClL. n'47, p.='.4 el n'96·1. pA7.
(297) L. Lacour et J. Bouteron, op. cit., n' 1444, p.190. Comparer F. Grua, op. cil. n' 102, p,99 et s. qui explique que l'ordre
de paiement émis par 1.: client d'un hanqurer. au profil d'autrui, réalise, au delà du mandat de payer qu<' constitue cet ordre. un
acte juridique particulier, l'iudicatiou d'uri tiers pour la remise des fonds déposés. Cet acte ne constitue p~s, en lui-même. un
mandat, même s'il est généralement couplé aVCL' uu mandat de pay~r adressé au banquier el contenu dans l'ordre de paiement.
(2981 V. Claude Lucas de Leyssee. Les cartes de paiement et le droil civil. iu Les cartes de paiement, Paris, Ecouomica.
1980. Il'J7, p.68: Ph. Malaurie el L, Aynès. Les obhganuns. précité, n'797, p.570: Boris Starck, Ohlig.1LÎÜlls, 1.3 pM Henri
Roland et Laurent Iloyer. 3è éd, (1989), Litée. n"S8, pJ9 (ou:;è éd .. t-2, n"1936, p.688).

102
convention de Genève n'aurait pas été pris, dit-on, dans son sens juridique précis. mais plutôt
dans son sens vulgaire, en remplacement du mot "ordre" (299). Il n'en demeure pas moins,
cependant, que LOure l'économie du régime juridique du chèque, tel qu'il résulte du décret-loi
du 30 octobre 1935 (les règles d'ordre cambiaire mises à part), repose sur cette idée
fondamentale que le tiré a en sa possession des fonds appartenant au tireur. ou plus
exactement, "à la disposition du tireur" (cf. art. 3) et qui vont servir à honorer les ordres de
paiement. Si bien que le banquier n'est pas obligé par les chèques non provisionnés (ou dont
la provision n'est pas exigible). Qu'en déduire sinon qu'en réalité le tiré du chèque, en dépit
des principes du transfert de la propriété de la provision et de l'inopposabilité des exceptions
admis par la loi, en payant, agit pour le compte du tireur, en qualité de mandataire?
L'engagement personnel du banquier tiré ne se limite-t-il pas, en définitive, à une obligation
de blocage éventuel de la provision existant au compte du tireur au profit du porteur du
chèque? Cela ne serait pas nécessairement exclusif d'un mandat, puisqu'il est admis qu'un
mandataire puisse être amené à prendre un engagement personnel à l'égard des tiers, à
l'occasion de l'exécution de sa mission. sans pour amant perdre cette qualité vis-à-vis de son
mandant(300) .
Pour de nombreux auteurs, le chèque confère bien. au banquier tiré, un mandat de
payer(301), qui donne la mesure des obligations auxquelles il est contractuellement tenu.
C'est aussi ce que retiennent, généralement, les tribunaux, et ce, depuis la loi du 14 Juin
(299) V. nol. P. Lescot, rapport précédant C3S~. req. l8 juin 1946. précité, J.c.P. 1946.11.3252; G. Ripert el R. Roblot,
précité, t.z, d~ éd., n' 1939, p. J48.
(300) V. Casso civ. 3è J7 ocr. 1972, Bull. Ccv ..lLLn'528,p.384 : "le manda/aire qui traite en Jan propre Mm avec un liers
devienJ le débucur direct de ce dernier. sauf son recours wTllre le mandanJ";
v, ~g3.lement B. Starck. Obligations. précité,
3è éd. par H. Roland el L, Boyer, n'2·0I3, p.l04 (1989).
(301) V. not. J.-L. Rives-Lange et M. Contamine-Raynaud. Droit bancaire, Précis Dalloz, 5è 00.(1990). n'269, p.369;
Jaçk vézian, La responsabilité dn banquier en droit privé français, Paris, Librairie Technique, 3e éd.Ct983). n'145 et s.. p.96
et s.; L. Sebag. La provision du chêqne en droit français, précité, p.159, n09.

1865(302\\ lorsqu'ils ont à apprécier la responsabilité du banquier, à l'occasion du paiement
des chèques(303)
La présence, dans les éléments de la qualification du chèque en un mandat. de taures les
conditions d'existence de ce contrat devrait permettre de confirmer cette analyse.
B. LES ELEMENTS DE LA QUALIFICATION DE MANDAT RECONNUE AU
CHEQUE.
130 - A propos de la qualification de mandat donnée au chèque, certains auteurs,
prenant appui sur l'action personnelle du porteur contre le tiré, font remarquer que le banquier
appelé à en assurer le règlement n'est pas un simple mandataire(304). D'autres encore, faisant
état du caractère irrévocable de l'émission, notent qu'il s'agirait là d'un mandat particulier,
différent de celui du Code civil. lequel est essentiellement révocable(305). En dépit de ces
réserves(306), on peut affirmer que l'analyse du chèque en un mandat de payer confié par le
tireur au banquier tiré, depuis longtemps acquise en jurisprudence, n'est pas vraiment discutée
aujourd'hui. Cela ne rend pas inutile, cependant, une recherche des fondements de ce mandat.
L'intérêt d'une telle démarche apparaît lorsque, se penchant sur les décisions de justice faisant
(302) Il semble que la qualification du chèque eu un mandat par les juges son antérieure 11. la lOI de 1865. de sorte qu'on est
fondé à penser que le législateur n'avait fait, 11. l'époque, qu'entériner une jurisprudence déjà établie. V, Paris. 8 ave. 1861,
0.P.186LS.176.
(J03) V. Paris 8 avr. 1861. précité; Berceaux. 14 dée. 1887. D.P,1888.2.316; Casso civ.. 19 mars 1902.0.19m.1.148:
S.1902.1.209; Gal. Pal.I90"2.1.j29; Paris li jmll. 1904, 0.1905.2.301. note M, Planiol; Gal. Pal. 1904.2.572; Paris 23 juilL
1907.0.1908.2.201. note L. Lacour; Trib. civ. Seine. ler avr. 1930. Gaz. PIi1.1930.2.57; Riom 18 oct. 1935, Gaz.
PaL1935.2.909; Trib. Cam. Seine 19 déc, 1963. GJz. Pa\\.l964.L245; J.c.P. 1964,rr.135S7; Versailles ra ccr. 1979, Gaz.
Pa1.1980.J.392, note Jacques Dupichnt: Casso corn. 29 janv. 1979, Buü. Civ.,IV,n'32.p:26 (implicite); Rouen Bnov. L982,
0.1983,1.R.406, obs. M. vasseur; Gal. Pal.1983.1. som.I06: Casso civ. [ère 8 juill. 1986. BI.III. Civ..I,n"203, p.196. Addc,
pour la jurisprudence ivoirienne, Abidjan 28 févr. 1975 (arrêts n'85 et 87) et Abidjan 17 janv. 1975 (arrêr lI'l8). Revue
Ivoirienne de droit (R.I.O.). 1977, 1-2, r.8S et 5., précédés des observations de Mme Paulette Veaux-Fournerie (p.76 et 5.).
(304) V. not. Philippe Deroutn. note sous Cass. corn. 4 déc. 1978. 0.1979.324. n08 : "le banquier sur lequel e~'l tiré un
chèque n'est pas un simple mandataire du tireur, Le bénéficiaire l'Si inlle!ili conlre lui d'lin droit personnel, indépendant de
celui qui appartenait (Ill tireur et qui ,H' manifeste nolammenJ par le transfert de la provision et /"inopposabilité des
exceptions", Adde vasseur el Marin. Le chèque précué n' 143, p.l24.
(305) V. Rlpert et Robtot précité. 1.2. 12è éd., n'2195, p.266.
(306) Réserves somme IOUle atténuées dans leur portée, dans la mesure où leurs auteurs ne rejettent pas totalement ta
qualification de mandat reconune au chèque, mais smeuent seulement un doute quant à l'assimilation de ce mandat ii celui
que prévoitle Code civil en ses articles 1984 cl S.

104
application du mandat au chèque, on se rend compte que, le pius souvent, l'existence de ce
contrat est affirmée, sans que les juges se soucient de fournir les bases de la qualification
retenue. La doctrine, dans sa grande majorité, ne précise pas non plus les éléments
d'appréciation de la rectitude de celte analyse. L'existence d'un mandat suppose pourtant un
contrat par lequel une personne accepte d'accomplir des actes juridiques pour le compte d'une
autre et en son nom. Il est nécessaire, par conséquent, pour pouvoir affirmer que le banquier
tiré d'un chèque est un mandataire, d'identifier le contrat qui est la source de son obligation, et
de caractériser l'objet de cette obligation.
1. LA SOURCE Df:S OBLIGATIO\\S DU BANQUIER TIRE.
131 - Le régime juridique du chèque étant entièrement fixé par le législateur, il y a lieu
de se demander si les obligations des parties concernées par cet effet ne sont pas tout
simplement d'origine légale? En réalité. il n'en est rien car les obligations du tiré trouvent leur
source dans une convention intervenue entre le tireur et le tiré (a). Ce qui devrait en principe
rendre obligatoire la délivrance par le deuxième des carnets de chèques réclamés par le
premier, en application de la convention (b).
a. La nature conventionnelle des obligations du banquier tiré.
132 - S'il est vrai, en effet, que les conditions et les effets de l'émission des chèques sont
impérativement déterminés par la Ici, il faut signaler que l'usage du chèque n'est pas
obligaroire(307). De même n'est pas obligatoire, pour un banquier, la prise de la qualité de tiré
d'un chèque. C'est dire que, malgré l'origine légale de la réglementation du chèque, il y a
place pour des conventions ayant pour objet l'adoption de ce mode de règlement, avec les
(07) A noter cependant les dispositions de la loi du 22 oct. 1940 (art. l er] plusieurs fois modifiée qui a rendu obligatoire les
règlements par chèque barré, par certaines catégories de personnes (des professionnels, en général), de certaines dépenses
dépassant un certain mornant (5.000 F. pour les règlements entre commerçants, 1O.CXXJ F. ert cc qni concerne le paiement des
salaires et lSO.OCXJ F. pour [es règjemerus effectués par les particuliers. Sur tous ces points. v. par exemple M, JeanUn, op.
cir., n'61, p.JO). Mais cette loi P[~VOil aUSSI la possibilité de faire ce, règlements par virement en banque ou à un compte
courant postal: de sorte que l'utilisation du chèque peUt être évitée. même dans ces hypothèses.

105
conséquences légales y attachées. Ainsi s'explique l'acceptation, par le bénéficiaire, du chèque
que lui remet le tireur, en paiement d'une prestation ou d'une dette(308). Ainsi s'explique
encore la possibilité offerte à une personne de tirer des chèques sur son banquier; car le droit
de créance que possède le titulaire d'un compte sur le banquier à qui il a confié des fonds ne
suffit pas, à lui seul, à l'autoriser à disposer de ces fonds par chèques. Il faut, pour cela, qu'une
convention ait été conclue, de manière expresse ou tacite, entre le banquier et son client(309).
Certes. le banquier est débiteur de la restitution des sommes déposées entre ses mains par le
client. et est, en vertu de l'article 1937 du Code civil, obligé de restituer la chose déposée à la
personne indiquée par le déposant pour la recevoir. Certes, le chèque pourrait apparaître
comme l'instrument de la désignation, par le déposant, de la personne à qui la restitution de
l'objet déposé doit être faite(3lO). Autant de considérations qui pourraient pousser à affirmer
que toute personne qui est titulaire d'un compte en banque créditeur, est habilitée à tirer, de ce
fait, des chèques sur son banquier, et que ce dernier est dans l'obligation de les honorer. Ce
serait perdre de vue le fait que le droit du chèque emporte, pour le débiteur tiré, des
obligations et des responsabilités particulières, exorbitantes du droit du dépôt, qu'on ne saurait
par conséquent imposer au banquier(31l). Aussi le législateur a-t-il précisé que le chèque ne
peut être tiré que sur un établissement de crédit ou un établissement assimilé, ayant des fonds
à la disposition du tireur, "conformément à une convention expresse oU tacite d'après laquelle
le tireur a le droit de disposer de ces fonds par chèque(312J. Cette convention résulte bien
souvent. en pratique, de la délivrance, par le banquier, d'un carnet de chèques à son client.
suite à la demande de ce dernier. Par cet acte, le banquier donne son accord pour le tirage, sur
sa personne, des chèques que le titulaire du compte pourrait être amené à émettre. et s'oblige,
(308) Un créancier pem en effet refuser lin paiement par chèque. V. Casso Req, ] mars 1930. S.1931.1.249. note Paul
Esmetn: Casso corn: 19 juill. 1954, D.1954.629; Ripert el Routot, op. cit., [,2, n'2l92. p.263; V. ccpeudaru. supra note
précédente.
, (309) cf. art. 3 du décret- loi du 30 oct. 1935 (rédaction de hl loi du 14 févr. 1942). V. également Carlo Folco, Les paiements
par l'intermédiaire des banques, R.T.D.Civ. 1954. p 53 el s" n'a.
(310) V. Hamel, Lagarde et Jaurrre!. op. CiL, 1.2. n'lM!. p.716.
(311) V. 1. Sebag. La provision du chèque cu droit Irançats. précité, 0"16. p.164.
(312) An.j du décret-loi du 30 oct. 1935 (rédaction de la loi du 14 févr. 't942).

106
du même coup, à les honorer. La source des obligations du banquier tiré réside, on le voit,
dans cette convention relative à l'usage des chèques.
133 - Mais, à vrai dire, cette convention n'est. elle-même, que la conséquence normale
de j'ouverture. par une banque, d'un compte de dépôt d'espèces dans ses livres. En effet. par
l'ouverture d'un compte, le banquier promet déjà de mettre à la disposition de son titulaire
tous les services qui s'y attachent généralement(313), y compris surtout, quoique sous
certaines conditions(314), celui concernant l'usage des chèques. C'est. au demeurant. cette
perspective, beaucoup plus que le souci de sécurité, qui, selon nous, pousse le public à
solliciter l'ouverture d'un compte bancaire ordinaire(315).
Le compte de
dépôt
ordinaire, encore appelé
compte-chèques, constitue, par
conséquent, une convention par laquelle le banquier s'engage. par une promesse générale de
prestation de services. à procéder, entre autres, à des paiements et encaissements pour le
compte du client. Par l'ouverture du compte, le banquier promet déjà d'exécuter les ordres
éventuels que le titulaire voudrait lui confier(316). De sorte qu'étant déjà obligé par sa
promesse unilatérale, une nouvelle acceptation de sa part n'est plus nécessaire, en principe,
pour que les mandats que lui donnerait le client, à travers chaque ordre de paiement, soient
parfaits.
134 - Mais l'ouverture du compte ne suffit pas. à elle seule, à faire du banquier un
mandataire, sa promesse devant rencontrer, pour cela, Je consentement du client, bénéficiaire
(313) Y. Paulette veaux-Fourner-ie. obs. 11 la Revue Ivoirienne de Droit (R.I.D.) 19i'5, 3-4. pAO: Jean Stourûet, Les
comptes d'espèces en banque, jurisclasseur commercial. Banque el Crédit, ancienne édition. fasc.Iô bis. 1966, n'Z; J..
L, Rives-Lange et M, Contamine Raynaud, Droit bancaire précité, n'178 et 268. pp. 228 eL 368; M. de Jugfart el B.
Ippolito, Traité de droit commercial. 1.7. 3è éd. par Lucien M. Manin, Mcntchresuen 1991, n·146. p.l6D.
(314) La principale de ces conditions réside dans la réponse négative (donc favorable) obtenue à. la suite de l'inrerrogation du
fichier dela Rauque de France. Une autre conouiou. moins courammentinvoquée en pratique. réside dans la solvabititë du
client.
(315) Y. dans le même sens, Hamel, Lagarde el JaufTret, précité, 1.2. n'1632, p.7DS. Dans ces considérations se trouve très
probablement. au delà de celles relatives au coût de la tenue des comptes, la justification de la tendance (de plus en plus
observée en pratique) de certaines banques à refuser l'ouverture d'un compte de dépôt ordinaire aux personnes ne pouvant
justifier de ressources suffisantes.
(316) Dans le même sens, v. Paulette Veaux-Fournerie, pour laquelle "lors de ["OI/\\'L'J/Ilre d'Un compte, le client conclU!
avec son boncsuer Uni' sorte de promesse de mandai QII. si l'on préfère. un contnu cadre, CQn!porll11u mission pour le
banquier d'exécuter ponctuellement el fidèlement tous les ordres qui seront, jour aprês jour, donnes par le client pour
assurer le fonctionnement de son compte, el qui seront all/an/ de mandats précis". Revue Ivoirienne de Droit (RJ.D.) 1977,
l-Z. p.77. Acide J. Sroujflet, Les comptes d'espèces en banque, jurisclasseur commercial, Banque el Crédit, ancienne édition,
fo1SC. 16bis (t966), 1\\'2; J.-L. Rives-Lange et:\\of. Ccntamlne-Raynaud. op. cil.• Sè éd.. n'268, p,368.

de cette promesse, sous la forme d'un ordre précis l'invitant à accomplir un mandat
donné(3l?). Le chèque constitue, justement, cet ordre précis, la manifestation du désir du
titulaire du compte de voir s'accomplir la promesse faite par le banquier lors de l'ouverture du
compte, et confirmée par la remise du chéquier, d'assurer à son profit, entre autres, un service
de paiement de chèques. C'est J'émission du chèque par le bénéficiaire de la promesse de
mandat qui va donc donner naissance à la relation de mandat; de sorte que les différents
chèques que le client est amené à mettre en circulation doivent être regardés comme
constituant autant de mandats précis, autonomes les uns par rapport aux autres. C'est dire que
la délivrance du carnet de chèques, si elle est, à l'instar de la convention d'ouverture du
compte, une condition nécessaire à l'émission régulière de chèques, n'est pas suffisante, elle
non plus, à constituer mandataire le banquier qUÎ y a procédé.
135 ~ Trois étapes sont, à la vérité, indispensables à la formation du contrat de mandat
extériorisé par chacun des chèques émis.
La première, marquée par l'ouverture du compte-chèques, constate l'engagement du
banquier, par une promesse générale de prestation de services. de donner au client l'accès aux
services bancaires courants, y compris, sous certaines conditions(3l8\\ celui des chèques.
La deuxième, à la suite de la première. qu'elle concrétise sur le terrain particulier du
service des chèques, constate la conclusion d'une convention particulière de tirage de chèques.
A ce stade, le banquier promet encore, de manière plus précise, d'exécuter les mandats de
payer donnés par son client sous la forme de chèques. Cette autre promesse, définitive, se
manifeste généralement par la délivrance, au titulaire du compte, d'un carnet de chèques.
La troisième étape, constituée par l'émission d'un chèque, constate la levée, par le client,
de l'option qui lui avait été définitivement ouverte par le banquier à travers la remise du
chéquier et, par la même occasion. la naissance de la relation de mandat entre ces deux
personnes.
(317) Dans le même sens. v. Carlo Felce, R.T.O.COIll.1954, précité, p.53 et s.. Il'3.
(3181 V. supra, n'133.

lOS
C'est, par conséquent,l'émission des chèques par le titulaire du compte qui est la source
véritable des mandats de payer confié au banquier tiré. "La cause immédiate du rapport de
mandat réside dans t'ordre que le client donne ci la banque et qui est obligatoire pour la
banque sans acceptation de sa part, dans la mesure où son effet obligatoire dérive du
précédent con/rat en venu duquel elle s'est engagée à exécuter les ordres de paiement que le
client fui adresserail"(319J, tandis que "sa cause médiate ressort [du contrat préexistant de
dépôt ou d'ouverture de compte ou encore de la délivrance de chéquier] qui n'est pas un
mandat mais qui prévoit pour le client la faculté, et pour la banque l'obligation, en cas de
demande, d'exécuter l'ordre,,(320).
136 - Si l'émission du chèque doit être considérée comme la source de l'obligation de
payer un chèque, il faut bien noœr qu'on ne peU[ cependant la dissocier des conventions
précédentes dont elle dépend, et en l'absence desquelles l'émission de chèques ne saurait être
sinon possible, du moins considérée comme légale. Le contrat de mandat qui lie le tireur d'un
chèque et le banquier tire sa force obligatoire du titre émis par le client, certes, mais aussi des
conventions précédentes (à savoir l'ouverture du compte et la délivrance de carnets de
ehèques) par lesquelles le banquier avait promis à son client le service des chèques(321)(322).
Pour s'en convaincre, il suffit de relever que rémission régulière de chèques ne serait pas
possible si le banquier ne procédait à la remise du chéquier auquel le titulaire du compte était
en droit de s'attendre après l'ouverture du compte_chèques(323)(324), ou se faisait restituer les
(319) Carlo Folto, précité, n·3. p.54.
(320) Ibid.
(321l La lecture de l'an. 73 aL 5 du décret-loi de 1935 montre que pour le législateur lci-mêmeIa mission de paiement des
chèques est indissociable non seulement de la délivrance des chèques, mais également de l'ouverture du compte. Ce texte
prèvuit en effet que "lorsqu'il a refusé le paiement d'JIn chèque. le tiré doit être en mesure de }U$tifier qu'il a satisfait al(l
prescriptions légales et reglemerüaires relal;vlts J t'ouverture du compte el il la délivrance des formules de chèques". Pour h:
législateur, il y a donc, indéniablement, une ccrréleuon entre l'ouvennrc d'nn compte et la délivrance d'Un chéquier el
l'émission de chèqnes qUI en estla conséquence.
(322) Sur la relation existant entre la délivrance des chéquiers elle mandat contenu dans les chèques, v. Bordeaux. 14 déc.
1887, D.P.1888.2JI6, qUI à propos dn paiement d'un chèque faux par une banque précise notamment que "la noJ:ure même
du litre présefllé J t'encaissement el les obligoJ:ions mu/ueUes qui dériveru du contrai intervenu entre le banquier et son
ctiem, par suite de la création du carnet de chiiques, exigent du banquier, en sa qlwlili de mandataire du tireur, la plus
grande circonspection au nwmerü de paiemeni
".
(323) Dans les cas ou la confection des formules de chèque est laissée à l'initiative du titulaire du compte lui-même (cas des
lettres-chèques notamment). on considère en droit que celui-ci agi\\ comme mandataire du banquier. Juridiquement. c'est le
banquier qui est censé intervenir derrière l'action de son client.

109
formules déjà délivrées. En pareilles circonstances, l'acceptation du banquier, indispensable à
la régularité de l'émission des chèques, étape finale du processus de formation des mandats
conférés par chacun de ces titres fait défaut ou a disparu; de sorte qu'à partir du refus de
délivrance des
chéquiers
réclamés ou de la
demande de
restitution(325) de ceux
antérieurement délivrés, toute émission postérieure de chèque serait impuissante à donner
naissance à un quelconque mandat.
137 - Il faur donc bien admettre que l'existence du mandat conféré par le tireur d'un
chèque repose à la fois sur l'ordre que celui-ci donne à son banquier et sur le consentement de
ce dernier, obtenu préalablement sous la forme de la remise des formules de chèque au
tircur(326)(327). ll est clair, par conséquent, que. bien que ne suffisant pas à donner naissance
au contrat de mandat. la délivrance d'un carnet de chèques constitue, malgré tout, un élément
important de la formation du contrat par lequel le client d'une banque charge celle-ci
d'effectuer des paiements au profit de tierces personnes. Elle est, en effet, l'acte qui va
permettre au titulaire du compte-chèques d'accéder au service des chèques qui lui avait été
promis, tacitement voire expressément, au moment de l'ouverture du compte. Aussi cette
délivrance des chéquiers au client qui les réclame paraît-elle revêtir un caractère obligatoire
pour le tiré.
(324) Sauf à considérer que le principe d'après lequelle chèque peut être émis sur papier libre resle toujours valable, ainsi que
l'a affirmé la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 2 oct. 1986 (Rev. dr. bancaire 1987.8, obs. Prancis-j, Crédot et YVC$
Gérard, Sur cene question. v. notamment :\\1.Jeanne. op. cit., n's 35 ct 36, p,l8 et s. V. cependant notre opinion divergente
infra n'214.
(325) Demande de restitution qui extériorise, non point une renonciation par le banquier-à un mandat (qui ne se fonne
qu'après rémission régulière de chaque chèque). mais plutôt l'anéantissement, pour l'avenir, de la convention de tirage de
chèques existant entre eelui-ci el son client. L'anéantissement de la convention susvisée naffccte pas, toutefois, la velidité des
chèques érms aruérieurcment à sa suevcnancc (Rappr. infra n's 138, 142, et 145).
(326) Ce consentement du banquier peut très bien prendre d'autres formes. ainsi que l'atteste la pratique des "Ietlres-chèqncs"
confectionnées ct émises par les entreprises avec l'accord de leurs banques. On peut aussi concevoir une lettre d'autorisation
de tirage de chèques sur papier libre remise par le banquier à son client.
(327) Cette analyse trouve une confirmation dans les dispositions de l'article 73-1 du décret-loi du 30 on. 1935 (rédaction de
la loi du 3 janv. 1975), où le législateur. un-même. justifie l'obligation faire au banquier de payer obligatoirement tous les
chèques d'un montant n'excédant pas 100 F établis sur une formule délivrée par lui, par une convention d'ouverture de crédit
(irrévocable) conclue entre le banquier el son client au moment de la délivrance des formules de chèques. 11 faut préciser que
ce crédit a pottr unique objet i'exécution par le tiré des mandats éventuels que lui confierait le titulaire du compte.

110
b. Le caractère obligatoire de la délivrance des carnets de chèques, conséquence de
la convention de lirage de chèques.
138 - Dans la mesure où la pratique a imposé, au client du banquier, J'utilisation des
seules formules préétablies par ce demier(328\\ pour la mise en oeuvre du droit d'émettre des
chèques. il semble logique de penser que la délivrance des carnets de ehèques par le banquier,
aux personnes à qui le service de chèques a été promis, dans le cadre de la promesse générale
de prestation de services que contient la convention d'ouverture de compte, constitue une
obligation. Il ne peut la refuser, sauf à pouvoir faire état d'un motif légitime tel que l'indignité
du postulant (révélée généralement à l'issue de l'interrogation du fichier de la Banque de
France) ou son insolvabilité. Il faut considérer, en effet, que la promesse d'exécution des
mandats
de payer
les chèques faite par le banquier, intervient sous la condition
résolmoire(329) de la découverte d'informations pouvant susciter des doutes sur l'honorabilité
où la solvabilité du client, de sone que le banquier se trouve délié de son engagement par la
réalisation de cette condition. Il faut toutefois préciser que la réalisation de la condition
résolutoire sus-évoquée ne conduira pas nécessairement à un anéantissement rétroactif de la
promesse de payer les chèques souscrite par le banquier. En effet, dans l'hypothèse où le
client serait déjà détenteur d'un carnet de chèques, l'anéantissement de la promesse du
banquier (lequel se traduit par la demande de restitution du reliquat des feuillets
antérieurement délivrés et non encore utilisés) n'affecte pas la validité des titres déjà émis et
pour lesquels le tiré reste obligé en qualité de rnandaraire. Cette absence de rétroactivité de la
condition résolutoire ne doit pas surprendre, dans la mesure où la convention de tirage de
chèques dont la délivrance des chéquiers constitue la manifestation, se présente comme une
(328) Certains auteurs pensent que l'obligation d'utiliser les formules de chèque préétablies par le banquier. ê l'exclusion des
chèques sur papier libre, l'SI devenue légale aujourd'hui. V. uot. "1, Jeanlin, op. cit., n'35 e136, p.18 ct 5.
(329) 011 aur au pu soutenir que la réserve tacite mise à la délivrance d'un carnet de chèques par les banques constitue une
condition suspensive. et que le droit du titulaire du compte de urer des chèques ne prend naissence qu'après la remise du
chéquier. Mais cela conduirait, en fin de compte, à nier l'existence même de route promesse du banquier, ce qui ne serail pas
exact,

111
convention
à exécution successive, susceptible seulement d'un anéantissement pour
!'avenir(330).
Si, par contre, la condition ne s'est pas réalisée, le banquier ne saurait refuser de mettre
à la disposition du client qui le demande un chéquier, c'est-à-dire un carnet de feuillets de
chèques dont il est convenu (d'après les usages) qu'ils sont les documents qui révèleront la
levée de l'option dont bénéficiait ce dernier.
139· La rédaction de J'article 65-1 du décret-loi du 30 octobre 1935, telle qu'elle résulte
de la loi 0"91-1382 du 30 décembre 1991 relative à la sécurité des chèques et des cartes de
paiement(331) confirme. au demeurant. cette analyse. Ce texte précise, en effet, que le
banquier ne peut refuser de délivrer au titulaire d'un compte les formules de chèque (autres
que celles qui sont remises pOlir un retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou pour une
certification) que par une décision motivée.
n convient de signaler cependant qu'avant l'avènement de la loi, ci-dessus évoquée, du
30 décembre 1991, une analyse différente avait prévalu en jurisprudence, Elle était le fait d'un
arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 février 1977(332). Le principe de cette décision une
fois exposé W, sa portée réelle devra être précisée (G).
d: ' Le principe dégagé par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 février 1977.
140 - Une personne, titulaire de plusieurs comptes bancaires, s'étant vu refuser par le
banquier la délivrance d'un chéquier pour l'un de ses comptes, a assigné ce dernier devant le
juge des référés pour faire ordonner la remise, par la banque, de chéquiers pour tous ses
comptes. Le juge des référés ayant ordonné cette remise, la banque fit appel en soutenant que
- - - - - - - - -
(330) Sur l'affinnation selon laquelle la réalisation de la condition résolutoire affectant un contrat li exécuuon successive
emporte seulement une résiliation dudit contrat, v. Yvatne Burtelan-Lanore. Enc. Jur. Dalloz; rép. dr. civ .. 2l!. éd., UII, v'.
Condition, n'122.
(331) y, J.O.R.F. 1er Janv. 1992; i.cr. 1992 éd. E.IIL652119.
(332) D.1977.657, noie Ch, Guvalda. R.T,O.Com.1977.746, obs. M. Cabrillac el J.·L, Rives-Lange. L'analyse de cette
décision, aujourd'llUl dépassée en France, n'est cependant pas inutile; d'autant que les dispositions de l'art. 65-1 (ancien) du
décret-loi du 3D oct. 1935 auxquelles elle se réfère sont encore d'actualité dans un certain nombre de pays étrangers dontla
Côte d'Ivoire.

112
l'article 65-1 du décret-loi du 30 octobre 1935 accorde aux banquiers la faculté de refuser de
délivrer à leurs clients des formules de chèques autres que ceux remis pour un retrait de fonds
par le tireur auprès du tiré ou pour une certification. et de demander, à tout moment, Ja
restitution des formutes antérieurement délivrées, sans subordonner cette faculté à l'existence
de difficultés de fonctionnement du compte visé. Le client, de son côté, soutenait, en
substance, dans un appel incident, que le banquier qui refuse la délivrance. au titulaire d'un
compte, de formules de chèques doit justifier son refus. sous peine de commettre un abus de
droit, étant donné que "l'offre permanente des banquiers à l'égard du public, notamment par
la voie de la publicité, l'oblige (sic] à satisfaire la demande de délivrance de carnet de
chèques faite par ses clients". La Cour d'Appel, pour réformer l'ordonnance du premier juge,
note qu'il y avait en l'espèce une contestation sérieuse interdisant des mesures d'urgence en
référé, car il apparaît que l'article 65-1 du décret-loi de 1935 invoqué par la banque "consacre,
à l'évidence, le pouvoir sans restriction ni réserve du banquier pour refuser la remise des
formules de chèques COI/cernées ou pour en demander à tout moment la restitution", et ce, en
dehors même de tout incident dans le fonctionnement du compte.
Les auteurs ont déduit de cette décision le principe général que le droit d'un banquier de
refuser, au titulaire d'un compte de dépôt d'espèces, la délivrance d'un carnet de chèques, ou
de réclamer, à tout moment, la restitution des formules antérieurement remises, est
discrétionnaire(333), dans la mesure où il constlrue la contrepartie de l'obligation qui lui est
faite de payer les "petits chèques" (cf. art. 73-1 du décret-loi du 30 ocr. 1935). Si cette
interprétation du texte ancien de l'article 65-1 était exacte dans Son principe. il fallait
cependant se garder de lui donner le caractère absolu que lui ont attribué certains
auteurs(334).
(333) V. Ch. Gavalda, note sous Paris ~1 févr. 1977, D.I~77,651: M. Cabrfuac el J.-L. Rives-Lange, 000. il. la
R.T.D.Com.1977.746; H. el \\1. Cabrtnac. Le chèque el le virement, précité. n'14, p.IO; Riperl el Roblot, op. cit., 1.2,
n·~160. p.247.
(334) V. net. Ch. Gavalda. note ~OLlS Paris 21 ré". J977. D.1977.657, pour qUI "ta l'Mac//(m claire de ce lexie a sl'mbli
cooférer an banquier tiré un droit discrétionnaire",

]J. La portée réelle de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 février 1977.
141 - Le texte ancien de l'article 65-1 du décret-loi du 30 octobre 1935 semblait, en
effet. ainsi qu'il ressort de l'arrêt précité de la Cour d'appel de Paris du 21 févr. 1977, donner
au banquier, d'une manière générale, un droit absolu quant à la délivrance ou au retrait des
formules de chèque à ses clients titulaires d'un compte bancaire. Cela se conçoit, d'ailleurs.
aisément lorsqu'on considère les conséquences qui sont attachées à cette délivrance. et qui
poussent. logiquement. à admettre que le banquier doit être seul maître de l'appréciation des
risques qu'il accepte de prendre, Mais pour l'application de ce principe, il aurait fallu
distinguer, pensons-nous, deux hypothèses: celle où les parties ne sont liées par aucune
convention relative au service des chèques et celle où une telle convention existe déjà(335).
Dans l'hypothèse où aucune convention de tirage de chèques ne lie encore, définitivement. le
banquier et son client(336\\ on pouvait considérer que le droit de refus du banquier est
effectivement discrétionnaire.
142 - Par contre, lorsque. par une convention expresse ou tacite, le banquier s'est
engagé, à l'égard du titulaire du compte, à lui fournir un service de chèques, il ne devrait plus
avoir la possibilté d'exercer, de manière discrétionnaire, le droit que lui reconnaît l'article 65-
1. et auquel il aura renoncé par la conclusion de ladite convention, Mais. son obligation ayant
été prise sous la condition résolutoire de la survenance d'un événement s'opposant à la
fourniture du service promis ou à sa poursuiIe(337), le banquier pourrait, en invoquant la
réalisation de celte condition, refuser de délivrer à son client les chéquiers qu'il demande. et
exiger la restitution des formules déjà remises. Il devra alors justifier son attitude, sous peine
d'engager sa responsabilité pour inexécution d'une obligation contractuelle. Le décret-loi du
30 octobre 1935 qui, au demeurant, subordonne la fourniture du service des chèques par les
(335) Comparer, pour la même distincuon, 11 propos du droit du banquier de refuser la fourniture d'un service de caisse ou
, non, Jack vëztan. La responsabilité du banquier en droit privé français,)è éd.. Librairies Techniques, n'99, p,69; juriscl.
Banque el Crédit, Iasc.ê. 2~ cahier, n·).
(336) Nous envisagea Ils par l~ l'hypothèse. notamment. où le banquier aurait pris soin, au moment de l'ouverture d'un compte
de dépôt d'espèces à une personne qui ra demandé. d'exclure le service des chèques,
(33il V, supra, n"Dg.

114
banques à une convention conclue entre le tireur et le banquier tiré (cf. art. 3 al. 1, in fine), n'a
pu, dans le même temps, remettre en cause les droits du tireur issus de cette convention en
laissant entendre que, malgré tout, le banquier pourrait. de manière discrétionnaire. décider ~e
ne plus exécuter son obligaLion(338). On ne voit d'ailleurs pas ce qui justifierait une telle
faculté laissée au banquier de décider, du jour au lendemain, selon son bon plaisir, de ne plus
exécuter une obligation qu'il a librement acceptée(339). La souveraine appréciation des
risques qu'on laisse. à juste titre, à celui-ci ne saurait être avancée en l'espèce à titre
d'explication. car rien n'oblige un banquier à ouvrir un compte-chèques à une personne qui le
demande. Rien ne l'oblige, a fortiori, à délivrer des chéquiers à une personne qui n'est pas
titulaire d'un compte impliquant le service des chèques. Par conséquent le banquier qui, face à
une demande d'ouverture d'un compte impliquant un tet service, redoute un risque
quelconque, a toujours la possibilité, en faisant usage de son pouvoir souverain d'appréciation
des risques, soit de refuser purement et simplement l'ouverture du compte, sans avoir
d'ailleurs à s'en expliquer(340), soit de proposer, au contraire, un compte sans chèques (341).
143 - La solution de la Cour d'appel de Paris (21 févr. 1977), précédemment évoquée
était, par ailleurs, inconciliable avec les dispositions de l'article 65-3 ancien du décret-loi du
30 octobre 1935. Ce texte prévoyait la possibilité, pour le tireur qui a fait l'objet d'une
injonction de son banquier, lui demandant de restituer les formules de chèque en sa
possession et de ne plus émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le
retrait de fonds par le tireur auprès du tiré, ou ceux qui sont certifiés, de régulariser
(3.~tn lJ est vrai que l'art. 65-1 (ancien) ne visait que "les [ormntes de chèques autres que celles qui sont remises pour Url
retrait de [onds par le tireur aeprès du liré ou pour Urie certification", Mais on ne peut nier, malgré tout, que le refus de
délivrer au client des formules de chèques ordinaires constituerait, pour le tiré, une violation de la convention originelle, dont
le champ d'application se trouverait de la sorte re.'treim de façon unilatérale pat ce dernier.
(339) On ne pourrait même pas soutenir qu'il y a là une manifestation de la faculté de renonciation rcconuue à tout
mandataire (cf. art. 2007 C, civ.). En effet, celle convention ne suffit pas, à elle seule. il dcnuer naissance au contrat de
mandat et, a Ionien, li. ses effets.
(3-W) V. Trib. Corn. Seine 27 juin 1960, Banque 1960.535, ob" X. Marin, R.T.D.Com.1960.B64. cos. Becqué et Cabriûac:
Journ. des agréés 196\\.48, obs. J.D.
1:.411 Dans le même sens, v, Ch. Gavalda, Les refus du banquier, J.C.P, 1962.1.1727, n"\\J.

l'incident(342), A s'en tenir à la décision de la Cour d'appel de Paris, le banquier pouvait faire
échec à cene deuxième chance offerte au tireur par le législateur en invoquant l'article 65-1
(ancien), et ce, malgré la régularisation de l'incident dans les délais. Qu'aurait valu alors le
principe jurisprudentiel qui accorde au juge des référés la possibilité d'ordonner la
"mainlevée" de l'interdiction d'émettre des chèques prononcée par un banquier (343)? Certes.
le domaine de l'interdiction bancaire est plus large que celui du retrait du chéquier, puisqu'elle
produit effet à l'égard de tous les autres banquiers dont te tireur est le client. ce qui peut
justifier l'intervention du juge. Mais, en fait. l'interdiction joue d'abord et surtout dans les
rapports entre le client et son banquier. et la "mainlevée" par le juge des référés revient à
ordonner à ce dernier d'assurer le paiement des chèques. suite à une appréciation des raisons
invoquées par le tiré pour justifier la suspension du droit du client d'émettre des chèques. Est-
ee à dire que ce que le banquier pouvait faire de manière discrétionnaire. sur la base de
l'article 65-1 (ancien), il ne le pouvait plus sur la base de l'article 65-3 (ancien)? Aurait-il
suffit alors au banquier. pour échapper au contrôle du juge d'invoquer t'article 65-1 (ancien),
malgré la régularisation intervenue dans les délais?
144 - Au total, on doit retenir qu'en acceptant d'ouvrir, sans réserves, lin eompte
impliquant promesse du service des chèques, ou même, en promenant. au client qui le
sollicite expressément. un tel service. au moment du contrat de dépôt, le banquier a déjà
exercé son pouvoir d'appréciation des risques et a accepté de les prendre. En conséquence, il
ne peut plus, après l'ouverture, dans de telles conditions. du compte-chèques, refuser de
fournir le service des chèques, sauf s'il peut faire état d'un juste motif. Il va de soi, en effet,
(342) Cene possibilité de régularisation pennertant de recouvrer le droit d'émettre des chèques etait confirmée par l'art. l3-1
du décret du 3 oct. 1975 (modifié par le décret n'86·711 du lû jenv. 1986). Ce texte ne semblait pas laisser d'autre choix au
banquier qui a constaté que la régularisation était acquise.
(343) V. T.G.1. Paris 22 déc. 1976, D.I977.447, note M, Cabrillac. Dans Cette espèce le client d'une banque demandait au
Juge des référés la mainlevée de l'interdiction d'émettre des chèques que sa banque lui avait notifiée pour cause d'émission de
chèques sans provision. La banque contestait la compétence du juge des référés au moyen que ni la loi du 3 janvier 1975 ni le
décret du 3 octobre 1975 ne prévoyait un recours judiciaire contre l'interdiction bancaire d'émettre des chèques. En réponse,
le Tribunal de grande instance de paris déclare le juge des référés compétent, sur le fnudement des articles 808 et 809 du
nouveau Code de procédure civile. dans la mesure où l'interdiction bancaire d'émettre des chèques résulte d'un différend, et
qu'elle peut être de nature 11 causer un dommage imminent et un trouble illicite; ce qui la fail entrer dans lei prévisions des
textes précités. Point n'était donc besoin, d'après le tribunal, qu'une disposuion spéciale de la loi sur les chèques organisât uu
recours des intéressés devant le juge des référés.

116
qu'une modification des données (essentiellement des informations concernant le client) à
partir desquelles le banquier a pris sa décision appelle une nouvelle appréciation des risques
et un nouveau choix de sa part. Aussi doit-on considérer que la promesse faite à un client, pflr
un banquier, de lui fournir un service de chèques l'est, tacitement, sous la condition
résolutoire de la survenance, relativement à la personne du client. d'un événement entraînant
une aggravation des risques acceptés, ou constituant un obstacle, au regard de la loi (344).
Cette condition va d'ailleurs sans dire, eu égard à la nature de l'activité du banquier, qui
l'astreint à une perpétuelle recherche d'un équilibre enrre les risques courus et les gains
escomptés. Ainsi tout banquier, même lorsqu'il s'est engagé à fournir un service de chèques,
conserve toujours la possibilité de revenir sur son engagement, en refusant de délivrer à son
client les formules de chèques qu'il sollicite, et en se faisant restituer celles qui, remises
antérieurement. sont encore en la possession de ce dernier. Mais c'est à la condition de
pouvoir exciper d'un JUSte motif. C'est ainsi qu'il fallait eomprendre le texte de l'article 65-1
aneien qui ne constituait, à dire vrai, que la consécration, par le législateur, d'un principe
traditionnellement admis dans le commerce de banque. Soutenir le contraire serait consacrer
la légalité de la condition purement potestative, de la part du débiteur, par laquelle le banquier
se serait engagé, par la convention relative au service de chèques, à fournir ce service selon
son bon vouloir.
La portée de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris (21 févr. 1977) aura donc
été
exagérée. D'ailleurs, les mêmes auteurs qui affirmaient le caractère discrétionnaire du droit de
refus du banquier admettaient aussi qu'il fallait réserver le cas de l'abus de son droit par celui-
ci; or il est généralement enseigné qu'un droit discrétionnaire n'est pas susceptible de donner
lieu à une action en justice fondée sur l'abus de ce droit(345).
145 - Cette faculté qu'a le banquier de revenir sur sa promesse, en refusant la remise des
chéquiers demandés, ou en exigeant la restitution des formules précédemment délivrées,
n'affecte cependant pas la vie des chèques qui ont été antérieurement émis. Pour ceux-ci, le
(344) A propos de la résiliation (et non de la résoluncn) de la convention de tu-a!':e de chèques au l'as de réalisariou de la
condition résolutoire. v. supra. n'138.
(345) V. André Rouast. Les droits discrétionnaires elles droits contrôlés. R.T.D.Civ, 1944.1, n'2 et s. et n'La.

117
contrat, objet de la promesse du banquier, est déjà formé, er son exécution devenue
obligalOire(346).
Le chèque constitue donc bien un écrie faisant apparaître un contrat liant une personne
et un établissement de crédit. par lequel ce dernier consent à exécuter, dans la mesure de la
provision disponible, les ordres de paiement de la première. Ce contrat qui trouve sa source
dans les conventions successives d'ouverture de compte et de tirage de chèques ne se forme,
en définitive, que par l'émission de chaque effet.
L'existence d'un contrat vient ainsi d'être démontrée. Mais il reste encore, avant de tenir
pour fondée l'analyse du chèque en un mandat. à montrer que l'objet de l'obligation du
banquier qui se charge de payer ces chèques consiste bien en un acte juridique accompli au
nom et pour le compte d'autrui; car telle est, en effet, la caractéristique principale du contrat
de mandat
2. LtOBJET DE L'OBLIGATION Dli nANQUŒR TIRE.
147 - En acceptant d'être le tiré des chèques émis par son client, le banquier s'est obligé
à effectuer un versement de sommes d'argent au profit de tiers porteurs d'effets signés par son
cocontractant et contenant les instructions de ce dernier. Peut-on considérer qu'en s'exécutant
il accomplit un acte juridique? (a). Dans l'affirmative peut-on dire qu'il intervient au nom et
pour le compte du tireur du chèque? (b).
a. Le paiement d'un chèque constitue-t-i1 un acte juridique?
148 - Lorsque le banquier effectue le versement de fonds ordonné par son client. on dit
généralement qu'il paye le chèque. Cette prestation réalise-t-elle un véritable paiement €:O'
constitutif d'un acte juridique (13)?
(346) En effet, la convention de tirage ce chèques étant 11 exécution successive, son anéanris sement (du fait de la réalisation
di: la condition résolutoire qui l'affecte] ne joue que pour l'avenir. de sorte que les chèques déjà émis constituent des mandats
valablement formés et doivent ,:lJC exécutés. V. supra n'138 el 144.

118
0( ~ La nation juridique de paiement appliquée au chèque.
En droit le Cenne "paiement" ne désigne pas seulement le versement d'une somme
d'argent mais aussi, dans un sens large, J'exécution de toute obligation(347), En fait de
paiement, c'est la personne envers qui l'obligation exécutée avait été contractée qui fait figure
de créancier. Or la personne envers qui le banquier s'est engagé à effectuer le paiement du
chèque (à savoir le tireur, son client) n'est pas celle-là même qui doit en recevoir le montant.
En réalité, en opérant le versement de fonds ordonné, le banquier exécute. du même coup.
deux obligations: la sienne. contractée envers son client, tireur du chèque, qui est une
obligation de faire, et celle dont son client est débiteur envers I'accipiens, et qui est une
obligation de donner(348). Il y a donc deux paiements à l'occasion d'une seule action
accomplie par le banquier: le paiement par le banquier de sa propre dette et le paiement de la
dette d'autrui(349), Pourtant lorsqu'on parle de payer un chèque c'est généralement le
règlement par le banquier solvens de la dette de son client envers une tierce personne qu'on
envisage. Le mot "paiement" est alors pris.dans le sens restrictif de versement d'une somme
d'argent. L'obligation envisagée est alors une obligation de dare impliquant, dans son
exécution, un transfert de droit et dont le paiement ne peut qu'être constitutif d'un acte
juridique.
(347) V. Nicole Catala. La nature juridique dl' paiement, Thèse Paris 1960, p.l5, § IV; A, Ponsard el P. Blondel, Enc. Jur.
Dalloz, rép. dr. civ., v'. Paiement, 2è éd., n''l, p.l ; Aubry el Rau. COUl$ de droit civil français, 6è M., r,IV, par Barlin, §
315, p.220; B. Starck. Obligations, 3è éd .. l}. par H. Roland el L. Bovee. n'TOt, p.47; J. Carbonnier. droit civil,
obligations, tA, Thémis (P,U.F.), lSè éd., 1991, n'327. p.57S.
(348) Sur la distinction entre l'obligation de faire et l'obligation de donner, v. Jean Français Overstake. Essai de
classification des contrats spéciaux, Thèse Bordeaux, 1966, L.G.DJ _, p.7S cl s.
(349) Comparer. François Grua. Contrats bancaire" 1.1,coutrae de services. Ëcunornica 1990, n's 102 et s. et 124 ct s. Pour
cet auteur, "le chèque contient non sentemerünn mandai. mais aussi une indication de liers pour la remise dl'5f0nds en
dépôt". Car cc que vise à réaliser un tel ordre de paiement, c'est "payer il lafois le bénéficiaire de sa créance sur If! déposant
elle dëposarü lui-même de sa créance de restinaion sur
If' banquier" (cr. n' l '!4, p.126).

119
ft, Le paiement d'un chèque constitue un acte juridique.
149 - L'acte juridique est défini par la doctrine classique(350) comme étant l'acte qui est
accompli dans le dessein de produire certains effets juridiques. A l'opposé, le fait juridique est
un événement dont la réalisation ou dont les effets juridiques éventuels ne sone pas
nécessairement recherchés par leur auteur. Cene définition traditionnelle qui faisait de la
volonté de J'individu le seul critère de l'acte juridique a dû être complétée pour tenir compte
des
inconvénients qu'elle engendrait(J51). Aujourd'hui, les auteurs s'accordent pour
reconnaître qu'il faut ajouter à l'élément volonté, le caractère absolument indispensable de
cette volonté pour que se produisent les effets de droit recherchés. Selon cette nouvelle
proposition, l'existence de la volonté ne permet pas, à elle seule, de distinguer entre l'acre et le
fait juridique. Le critère de la distinction, c'est le caractère nécessaire de cette volonté(352).
"li y a acre juridique toutes les fois que l'intention de réaliser les effets de droit est
absolument indispensable et nécessaire à la production de ces e!fets,,(353J. Au contraire, il y
aura fait juridique "lorsque les résultats produits interviennent sans qu'il soit nécessaire que
le déclarant ait eu la va/omride les voir se réaliser,,(354J.
1350) V. not. Jean Cerbonnler. DrOil Civil, Introduction, Thémis (p,U.F.), 1990, n'167, p.295; B. Starck, Introduction au
droit, 3~ .éd,(I?J?) par H. Ro1a?f .et L. Bo}'e~, Luce, n'1334, p.SS3; J, Ghestin el G, ~o~h~aux, Traité d~ droi~ civil.
Introduction générale, LGéDJ., 3 00.( 1990), n 175, p,133; G. Marly et P. Raynaud, Droit CIVll, LI. Introduction générale
à l'étude du drOJL Sirey, 2 éd.(I972), 1\\'149 p,272 et S.; H., L. el J, \\1azeaud et F, Chabas. Leçons dt droit civil, [,2, ter
vol., Introduction à l'étude du droit. lae éd.(1991), n'258, p.361 e~n'278, p.3&1; v, également Ambroise Colin el Henri
Capttant. Cours élémentaire de droit civil français, Dalloz, r.1er. 10 éd. par Uon Jumoe de la Morandiëre, n'64 el S" p.63
et a.; Association Henri Capltant, Vocabulaire juridique, sous la direction de Gérard Cornu, P,U.F, 1990, v' Acte. p.15 et
v' Fair, p.346. Ph. Malaurie et L Aynês. Cours de droit civil, lnrroduction à l'étude du droit, par Ph. Malaurie, CUjas 1991,
n'I61, p.66.
13511 Le critère treditionnel de l'acte juritlilj\\lc est apparu trop subjectif el imprécis, dans la mesure où de nombreuses
situerions juridiques peuvent résulter d'un acte volontaire, comme non volontaire d'un individu. La qualification de l'acte en
un acte ou un f,~it juridique deviendrait dans ces cas trop incertaine. V. Jacques Martin de la Mouue. L'acte juridique
unilatéral. Essai sur sa notion el s:J. technique en droit civil, Sirey, 1951, n"14, p.23. V. également Nlcole Catala, La nature
Juridique du paiement, Thèse Paris, 1960, Imprimerie 1. Reschly. n'l, in fine, et n'2, p.27 el S.; Michel Storck. Essai sur le
mécanisme de la représentation dans les ectes juridiques, LG.DJ. \\ 982, n'29. p.32 et n'3I, pXI.
(352) V. '-licole Catale, op. cu., n'j. p.29 et les auteurs cités.
(3531 V, J. Martin de la Moutte, L'acte juridique unilatéral. Essai sur sa notion et sa technique en droit civil, Sirey, 1951,
0'\\7, p.26.
(354) Ibid.

120
150 - Prenant appui sur cette nouvelle définition, Madame Nicole Catala remet en
cause la qualification d'acte juridique reconnue généralement au paicment(355\\ et propose
une nouvelle analyse juridique fondée sur la distinction entre le paiement mode d'exécution
de l'obligation et le paiement mode d'extinction de l'obligation.
En tant que mode d'exécution de l'obligation le paiement n'est un acte juridique que
pour les obligations de donner, lorsque la prestation dont dépend la satisfaction du créancier
"suppose une modification volontaire de la situation juridique existante [par le fait qu'elle]
exige Url transfert de droit par exemple"(356J. Dans tous les autres cas, ce sera un simple fait,
tout au plus un fair juridique(357). En tant que mode d'extinction de l'obligation le paiement
est un fait juridique parce que "l'extinction de l'obligation n'est pas le résultat d'une
manifestation
de
volonté
juridique.
Elle
est
une
conséquence
automatique
de
t'exécution ,,(358), sauf lorsqu'il s'agit d'un paiement effectué par un tiers. Dans ce dernier cas,
le paiement est un acte juridique parce qu'alors la volonté d'éteindre la dette est indispensable
à la validité du paiement(359).
Concernant le chèque, cette controverse sur la nature juridique du paiement n'est pas
d'un grand intérêt, puisqu'à quelque point de vue que l'on se place la conclusion qui s'impose
est la même: le paiement d'un ehèque constitue un acte juridique dans la mesure où il
entraîne une modification volontaire de la situation juridique existante, d'une pan. et que,
d'autre part, le paiement étant le fait d'un tiers, la volonté du solvens est indispensable à son
efficacité. La question qui surgit, à ce stade, est de savoir à quel titre intervient le tiers solvens
(le banquier) auteur du paiement? Ne doit-on pas considérer qu'il agit au nom et pour le
compte du tireur de chèque?
(~55) V. note J. Carbonnier, Droit civil, t.a, Le> obligations. Thémis (P.U.F.l. ISè,éd. 1991, n·~28. p.583 el s. (état des
questions); G. Marty, P, Raynaud et Ph• .J~~taz. D!;0iL .civil, l.2,. Le régime, Sirey, le éd.(1989). n'194, p.177; A, Ponsard
et P. Blondel. Enc. JO!. Da11o". rép. dr. CIV., _ éd., v paremeru. n -1., p.I.
(356) V. Nicole Catata. op. cit., 1'1'6. p.37 el s .. et n'50, p.lDé el s.
(357\\ V. Nicole Cetete. op. cit., l'lm. l1·fi. p.]7. n"49, p.L05 <'1 1'1'249 el s.. p.33Del s,
(~58) V. Nicole Catsla. op. cit., Il' J 61. p.240,
(359) V. ~icole Cala\\a, op. cir., 1'1"184, p,265 elu"18S, p.267.

121
b. Le paiement d'un chèque par le banquier intervient au nom et pour le compte
du tireur.
151 - Par la remise du chèque à son créancier, le tireur vise à obtenir l'extinction de sa
dette envers celui-ci. La cause du chèque réside dans Je lien d'obligation qui unir le tireur et le
bénéficiaire. Par conséquent, le versement des fonds par le banquier intéresse au premier chef
le tireur qui va, de ce fait, se trouver délié de son obligation envers le bénéficiaire du chèque.
son créancier. Dans le même temps, ses avoirs en compte se trouveront diminués de la même
somme. Ne doit-on pas, à partir de ces considérations, affirmer qu'en payant le chèque, le
banquier agit non seulement pour le compte du tireur ~). mais aussi au nom de celui-ci (13)?
c( . Un paiement pour le compte du tireur.
152 - Tt Y a action pour le compte d'autrui lorsque, dans la réalisation d'un acte
juridique, l'auteur entend transférer les effets de son action sur la tête d'une tierce personne.
Agir pour le compte d'autrui, c'esr accomplir des actes dans l'intérêt d'une personne avec le
dessein de lui imputer. directement ou après coup, les effets de ces actes(360).
En effectuant le paiement d'un chèque émis par son client. le banquier n'est pas censé.
en principe. conserver la charge du décaissement. De fait, les effets, actifs comme passifs, du
versement de fonds opéré seront reportés sur le tireur, dans l'intérêt duquel l'intervention a été
faite. En effet, du fait du paiement du chèque, le crédit du tireur sur le banquier va se trouver
diminué du montant du chèque et, corrélativement, le tireur va se trouver délié de sa dette
envers son créancier. Comment ne pas admettre dans ces conditions que le paiement du
chèque est effectué pour le compte du tireur?
153 - Une raison d'en douter semble pourtant résulter du principe de la transmission de
la propriété de la provision édicté par le décret-loi du 30 Octobre 1935 ( 6 1). La conséquence
(360) v.~. Storcx. op. ch, 11·161 cr , .. r.lll
(361) V. art. 17 du décret-loi du 30 oct. 1935. Ce texte vise le cas spécifique de l'endosse ment du ch~que mais il est un
unanimement admis que cc priucrpe vaut également pour rémission du chèque.

122
principale de ce principe est de créer un lien d'obligation entre le banquier et le bénéficiaire
(ou le porteur) du chèque. Le banquier devient alors, à l'égard du tiers bénéficiaire du chèque,
débiteur direct de la provision qui existait au moment de l'émission; si bien que le paiement
qu'il effectue produit des effets à son égard. également. Cette exécution le libère aussi de sa
propre obligation envers le bénéficiaire. Ne doit-on pas en conclure, en conséquence, que le
banquier qui paye un chèque agit aussi pour son propre compte?
Une telle affirmation ne serait pas juste; car, à bien y regarder, l'obligation du banquier
envers le bénéficiaire du chèque, consécutive au transfert de la provision, n'est pas
véritablement une obligation de payer. C'est une obligation de blocage de la provision au
profit du porteur du chèque qui, au surplus, ne pèse que sur le tiré qui a été averti, notamment
par une opposition, de l'émission du titre. La preuve en est que, malgré l'existence d'une telle
règle, le banquier n'a pas le droit de passer outre à l'opposition du tireur pour payer le chèque.
Il doit respecter le contrordre de son client et s'abstenir de payer; et ce n'est pas l'instruction
contraire du porteur du chèque, propriétaire présumé de la provision de l'effet litigieux, qui l'y
autoriserait. Il lui suffirait, dans ce cas, d'immobiliser la provision dans l'attente du règlement
du conflit (ou jusqu'à la fin du délai de prescription de l'effet) pour être exempt de tout
reproche(362), pour que son obligation envers le porteur du titre soit considérée comme
exécutée.
On le voir, à l'égard du porteur du chèque, le banquier n'a, en cas de contestation, qu'une
obligation légale, d'immobilisation de la provision correspondant au montant du titre, et non
une obligation de payer. C'est, plus sûrement, à l'égard du titulaire du compte que l'obligation
de payer a été contractée. L'article 65 alinéa 2 du décret-loi du 30 Octobre 1935 confirme
d'ailleurs cette analyse. Ce texte précise, en effet, que c'est à l'égard du tireur que le banquier
répond de son refus de payer un ehèque ayant provision et n'ayant pas fait l'objet d'une
opposition(363). De plus, le décret-loi du 30 octobre 1935 ne consacre pas expressément une
(362) Si, bien sûr, le banquier s'est, par ailleurs, mis hors d'aueinre de l'amende (de 2.CKXl à 4O.<XXJ F) que prévcitle nouvel
art. 65-I-A du décret-loi du 30 oct. 1935 (rédaction de la loi du 30 déc. 1991), par le respect des dispositions de l'alinéa 2 de
l'art. 32 nouveau du décret-loi précité.
(363) Il ne faut pus cependant en déduire que le banquier n'a à l'égard du portcur ou des tiers. aucune obligation. Son refus de
paiement pourrait, à l'égard de ces derniers. engager sa responsabilité délictuelle. V. not. Casso ÇOIl1. 26 uvr. 1984, Bull. Civ.
IV. n' 133, p.1I2; D.1985.I.R.31, obs. M. Cabrtltac: Casso corn. 5 nov. 1980, Bull. Civ. IV, 11'336, p.294; D.l980.I.R.3ü3,

123
obligation de payer le chèque que supporterait le banquier à l'égard du bénéficiaire d'un
chèque(364). Cela se comprend lorsqu'on sait que le sujet d'imputation du paiement de l'effet.
c'est, en principe, le tireur et non le banquier. La personne dont le crédit en compte va
supporter la eharge du paiement. c'est le titulaire du eompte, tireur du chèque, celui là-même
qui a ordonné le paiement. Par eonséquent. c'est pour le eompte de celui-ci, exclusivement,
que le paiement est effectué. On est tenté d'affirmer alors, dans la foulée, que le paiement du
chèque est réalisé au nom du tireur.
}J. Un paiement au nom du tireur.
154 - Agir au nom d'autrui, c'est intervenir, dans la réalisation d'un aere juridique. aux
lieu et place d'une personne tierce; c'est exercer un pouvoir dont une autre personne est
attributaire, dans le dessein avoué de faire naître directement dans Je patrimoine de cette
dernière, les effets de l'action entreprise. C'est. en un mot, représenter autrui.
Pour que le paiement du chèque, par le banquier, apparaisse comme étant effectué au
nom du tireur, il faut que, dans son intervention, le banquier soit perçu comme agissant aux
lieu et place du tireur, sur la tête duquel vont naître les effets de ce paiement. De fair, et en
dépit de certaines dispositions particulières des lois du 3 Janvier 1975 et du 30 décembre
1991, faisant supporter au banquier, dans certains cas, une obligation de payer, nonobstant
l'absence ou l'insuffisance de provision (cf. an. 73 et 73-1 du décret-loi de 1935), le véritable
débiteur du paiement du chèque, c'est le tireur(365). C'est lui qui doit en supporter la charge et
obs. M. Cabrillac. Par aill~urs. le banquier encourt une amende si Je refus de paiement ne se fonde pas sur une opposition
écrire de son client. V. art. 32 al. 2 eI65·1·A du décret-luidu 300et L935 (rédaction de la loidu 30 déc. 1991).
(364) L'art. 32 al. 1er du décret-lor de 1935 (rédaction ue la loi du 3 janv. 1975) ainsi rédigé : "le liré doit payer mimt' après
t'expiration du délai de présentation. 1/ doit aussi payer même ri le chèque a ëtë emis en violation de l'injonaion prévue J
rarlicle 65-3 Oll de l'iraerdiction prévue (j l'article 68 (alinéa 2)", semble consacrer. implicitement. une telle obligation à. la
charge du banquier. En réalité, ce texte n'envisage que les relations entre le tiré elle tireur. Les alinéas suivants confirment
celte analyse. V. par conrre. les an. 73 et 7]·1 du décret-loi de 1935 (rédaction de la loi du 30 déc. 1991) qui imposent
expressément et de manière impérative, une telle obligation de payer. Mais le carnetère exceptionnel de ces dispositions
d'ordre public leur donne une portee restreinte. IIOIL susceptible de faire échec à l'analyse g..!nérale des relations issues du
contrat de droit C0I11I11U11 impliqué par l'émission d'un chèque.
1365) V. art. 12 du décret-loi du 30 oct. 1935.

124
le banquier ne joue, en la matière qu'un rôle d'intermédiaire. C'est ce qui explique l'exigence
légale de la constitution d'une provision par le tireur ou par celui pour le compte de qui le
chèque est tiré. préalablement à toute émission(366). C'est encore ce qui explique que le tiré
ne soit en principe tenu (contractuellement) de payer le chèque que si une provision
disponible existe au compte du tireur. Tout se passe concrètement comme si le paiement était
réalisé par le banquier avec les fonds du tireur dont il a la garde.
Il apparaît donc clairement, dans l'opinion commune comme dans la conscience de toute
personne qui accepte un chèque en paiement de sa créance, que le banquier tiré n'intervient
pas en son propre nom. puisque ce n'est pas lui qui est appelé à recueillir le bénéfice du
paiement, ou à en supporter la charge. Dans ces conditions, force est d'admettre que le
paiement du chèque par le banquier tiré est effectué au nOITI du tireur. son client.
155 - Mais à ce niveau, aussi, la même objection tirée du principe du transfert de la
propriété que nous avions signalée plus haut(367) aurait pu être élevée pour défendre l'idée
qu'étant directement lié à l'égard du porteur du chèque, le banquier, en payant, s'acquitte d'une
dette personnelle, de sorte qu'on peut considérer qu'il agit également. ce faisant, en son nom
propre. Une telle objection doit être repoussée pour les mêmes raisons précédemment
exposées(36 8),
De tous les développements qui précèdent, il resson clairement que, lorsqu'un banquier
paye un chèque en qualité de tiré. il réalise bien un acte juridique au nom et pour le compte du
tireur. La conclusion qu'impose une telle constatation, c'est que chaque chèque compone bien
un mandat de payer, dont l'exécution est confiée, par contrat, au banquier tiré, lequel, de ce
fait, prend la qualité de mandataire dès l'émission du titre. On comprend mieux, à présent, les
décisions de justice qui, depuis fon longtemps déjà. à J'occasion de l'appréciation de la
responsabilité du banquier en matière de paiement de chèques, affirment qu'il est le
mandataire du tireur(369).
(366) v. art. 3 al. 1,2 ct 3 du décret-loi du 30 oct. 1935.
(367) v. supra. n"153.
(368) Ibid.
(369) v. supra n'129 ct la dernière note.

125
156 ~ Ces précisions justifient sans doute le rejet de la qualification de chèque pour
certains titres bancaires qui, dans la vie courante prennent cette dénomination. Il s'agit
notamment des chèques cireulaires. des chèques de voyage ou encore des chèques
restauranr(370) .
Les chèques restaurant, officiellement désignés sous l'appellation de titres-restaurant.
sont en réalité des bons de paiement d'un statut particulier, permettant le règlement par
l'employeur des repas pris par ses salariés dans le cadre de leur travail. Leur utilisation aboutit
souvent, au tenne de leur circulation. à conférer à une banque le mandat d'opérer un transfert
de fonds au profit de certains restaurateurs, par prélèvement sur la "provision" préalablement
constituée, et se trouvant en dépôt sur un compte spécial de titres-restaurant.
Mais la vocation première de ces titres n'est pas de conférer directement un mandat de
paiement. Ils assignent plutôt, aux banques qui en assurent le remboursement. un rôle qui
s'apparente beaucoup plus à celui de domiciliataire qu'à celui de tiré(37!). Ils ne peuvent, en
conséquence être étudiés dans le cadre de ces développements consacrés aux chèques. Qu'en
est-il pour les chèques de voyage?
Les chèques de voyage, auxquels il faut assimiler les chèques circulaires(372). sont des
titres qui permettent à leur acquéreur de se faire payer le montant qu'ils indiquent par
l'organisme émetteur (qui peut ne pas être une banque), à tous ses guichets, ou chez ses
correspondants. Tantôt ils sont rédigés sous la forme d'un engagement de payer pris par
l'émetteur. tantôt ils Sant libellés sous la forme d'un ordre de payer donné par l'émetteur à ses
succursales ou à ses correspondants.
(371l) La pratique connaît de nombreux autres titres appelés indûment chèques. et qui ont pour objet de procurer à leurs
bénéficiaires des avantages de toutes senes. Ce sont notamment les chèques-vacances. les chèques-cadeau, les ehèques-
essence. les chèques-théâtre, les chëques-uanspons, etc. Ces titres ne peuvent être qualifiés de chèques. V. note M.
Cabrillac, Enc. Jur. Dalloz, rép. dr. corn. 2e éd., v' chèque, n'471 et 472. Ch. Gavalda et J, Stoufflet, Droit du crédit. vol. 2,
Chèques, Effets de: commerce, Cartes de. paiement et de crédit, 2è éd., Litec 1991, n'308 et 5•. p.425.
(371) C'est pourquoi ils ne méritent pas. de l'avis unanime des auteurs, la qualification de chèque. Y. M. jeanün. op. cit., n's
44 ct l35, pp. 23 et 72: Oevetoe d J. Stouffiel, Droit du crédit précité, n'31O, p.426: M. Cabrülae el J.-L. Rives-Lange,
Enc. lm. Dalloz. tép. dr. corn. 2è éd., v' Titres-restaurant. n'1O à 12; M. Cabrlllae, Enc. lur. Dalloz. rép. dr. cam. 2~ éd., v·
Chèque. n'47 1.
1:$72) V. en ce sens Ripert el Robjor. op. cit., 1.2, n"2177 el 21711, p.255 el s.; :\\1. Cabrillae, Enc. lUL Dalloz, rép. de. com.
2e éd .. v' Chèque. n'470, Les chèques circulaires sont des chèques payables dans toute, les succursales d'une banque ou dans
toutes les banques qui som ses correspondants.

126
Lorsque le chèque se présente sous cette dernière forme, le correspondant ou la
succursale qui est invité à le régler agit pour le compte de l'émetteur et peut donc passer pour
le mandataire de ce dernier. En revanche, l'émetteur lui-même ne peur. en aucun eas,
prétendre à la qualité de mandataire de l'acquéreur d'un titre (ou du porteur d'un titre revêtu de
la elause à ordre). Soutenir le contraire équivaudrait à admettre qu'un mandat puisse avoir
pour objet une prestation à effectuer par le mandataire au profit du mandant, directement.
C'est à dire, en l'occurrence. le versement du montant du titre au porteur. mandant présumé.
par l'émetteur, mandataire supposé. Or le mandat met en présence, nécessairement. trois
personnes au moins: le représenté, le représentant et le tiers auprès de qui le représentant agit
pour le compte du premier. Il en va différemment des relations qui découlent de la création
d'un chèque de voyage. Ce titre ne renferme pas un mandat que donnerait l'acquéreur à
l'émetteur. Au contraire il est tiré par l'émetteur sur lui-même. Ce qui est exclusif d'une action
entreprise au nom et pour le compte d'autrui. On comprend, dès lors, que la chambre
criminelle de la Cour de cassation ait pu affirmer, pour refuser l'assimilation d'un tel titre au
chèque ordinaire(373)"les chèques de voyage...expriment non pas un mandat, mais seulement
Utl engagement de payer, contracté par le banquier émetteur,,(374).
158 - Une autre justification de l'affirmation de la Chambre criminelle peut être trouvée
dans le fait qu'à la différence des chèques ordinaires. la perte définitive de chèques de voyage
peut constituer une cause de libération du banquier émetteur, alors même qu'ils n'auraient
donné lieu à aucun paiement (nous envisageons l'hypothèse où par exemple ces chèques et
leurs bordereaux récapitulatifs auraient été détruits dans un incendie ou dans un accident
d'avion... Le porteur (ou son ayant cause) n'étant plus en mesure de faire la preuve de son
droit ne pourrait vraisemblablement plus en obtenir le paiement. Cette possibilité pour
l'émetteur de chèques de voyage de conserver par devers lui les sommes versées en
ccnrrepartie desdits chèques, absolument contraire aux règles du mandat (v. art. 1993 et 1996
(373) Pour un aperçu de celte controverse. v. H. el M, Cabrütac. Le chèque èl le virement. précité, n'359. p.192. Sur
l'ensemble de la question, v. not. Michel Despex, Les truvcllcrs cheques. R.T.D.Com.1957.323; v. égaiement, H, el M.
Cabrûlae. Le chèque el le vuerncnt, Litec, Se éd., n'349 et s.
(374) v. Casso erim.:;Q j;,nv. 1960. D.1961.S6. note M. Despax: Rappr. Ca,s. crirn. 29 mars 1955, Banque 1956.41. ùbs. X.
Marin; R.T.D.Com.1956.9Q.

127
C. civ.), donne la mesure de la différence de nature, fondamentale. existant entre ce type de
chèque et tes chèques bancaires classiques. Pour ces derniers. en effet, la destruction
définitive n'influe en rien sur l'obligation. pour le banquier tiré qui n'a pas eu à les payer, de
faire raison au tireur des sommes correspondant à leur montant, conformément à l'article 1993
du Code civil.
159 - Comme on le constate, l'analyse du chèque en un' mandat de payer donné par Je
tireur au tiré est bien établie en jurisprudence. Aussi, le banquier qui accepte d'être le tiré des
chèques émis par ses clients fait-il figure, de ce fair. et dès l'émission des titres. de mandataire
de ceux-ci. Sa situation juridique devrait, en toute logique, porter la marque de cette qualité.
§ II. LES CONSEQUENCES DE LA QUALIFICATION DU CHEQUE QUANT A
LA CONDITION JURIDIQUE DU BANQUIER TIRE.
160 ~ Le but de route qualification juridique est de déterminer les règles de droit
applicables à une situation de droit donnée. A chaque catégorie juridique correspond un
ensemble de règles précises qui fixent les conditions d'exécution des obligations résultant des
actions entreprises et de la responsabilité des personnes concernées.
La qualification de mandat donnée au chèque devrait conduire à faire application au
banquier tiré des règles habituellement rattachées à ce contrat. La manifestation de ces règles
à travers les principes gouvernant l'intervention du banquier en matière de paiement de
chèques démontrerait le bien fondé de la qualité de mandataire reconnue à ce dernier.
Hormis l'exigence de l'acceptation du mandataire, qui implique la volonté, au stade de
la formation du contrat(375), de représenter autrui, c'est au stade de son exécution que se
manifeste l'originalité du régime juridique du mandat Aussi. est-ce à travers les droits et
obligations du banquier tiré (A), de même qu'à travers sa responsabilité (B), qu'il faut
rechercher les applications du mandat.
(375) v. supra, [1'132 el S.

128
A. LES CONSEQUENCES AU PLAN DES OBLIGATIONS ET DES DROITS DU
BANQUIER TIRE.
161 . Contrairement à la thèse défendue par certains auteurs(376\\ le mandat fait naître,
à la charge des deux parties concernées, des obligations(377). Le droit au salaire convenu,
ainsi que le droit au remboursement des frais el des pertes occasionnés par son intervention
constituent, pour le mandataire, la contrepartie des obligations qu'il accepte d'assumer.
L'exécution de ses obligations (1) par le banquier chargé du paiement de chèques, fait
donc naître, à son actif, certains droits contre son cocontractant (2).
J. LES CONSEQUE~CESAU PLANDES OBLIGATIONS DU BAl"'I'QUIER TlJŒ.
Le régime juridique du mandat prévoit à la charge du mandataire. essentiellement, deux
obligations: l'obligation de remplir la mission qui lui a été confiée et l'obligation de rendre
compte de son action au mandant. Les obligations qui SOl1t à la charge du banquier sur lequel
un chèque a été tiré ne sont pas différentes. Elles consistent, en effet, dans un premier temps.
à effectuer la prestation de paiement, objet de l'obligation contractée (a) et, dans un deuxième
temps, à rendre compte au tireur de ce paiement (b).
a, L'obligation de payer le chèque,
162 - On a l'habitude de rattacher l'obligation du banquier de payer les chèques tirés sur
ses caisses à l'article 65 alinéa 2 du décret-loi du JO Octobre 1935(378\\ selon lequel "tout
banquier qui, ayant provision et en l'absence de toute oPPOSitiOIl, refuse de payer un chèque
régulièrement assigné sur ses caisses est tenu responsable du dommage résultant, pour le
(376) Sur la discussion concemamle caractère synallagmatique ou non du contrat de mandat. v. G. Baudrv-Lacannnerte er
A. Wahl. Traité théorique el pratique de drcit civil. )è éd., l. XXIV, Sirey 1907, n'365, p.177 ei s.

1377} Dans le même sens V. Ilaudry-Lacantinerte et Wahl. op. cit., n'365, p.178.
(378) Y. nor. Hamet. Lagarde el Jaurrret. op. cn.. n'1709, R.768;J ..L. Rives-Lange €I M. Ccntamtne-Raynaud op. cil..
n'288, p.400; ",. Cabnüac. Enc. 1\\1r. Da1l02, rép. dr. com., 2 éd., v' Chèque. rnos.

129
tire!~,., tant de l'inexécution de son ordre que de l'atteinte portée à SOfl crédit", Cela revient.
apparemment. à faire de cette obligation une obligation légale. En réalité, il n'en est rien; car
l'obligation de payer assumée par le banquier provient du contrat qui le lie à son client. et par
lequel il s'est engagé à exécuter les mandats de paiement que ce dernier lui donnerait sous la
forme de chèques(379). L'article 65 alinéa 2 ne comporte, par conséquent, qu'un rappel de
l'obligation contractuelle résultant du mandat accepté par le banquier, et que l'émission du
chèque aura rendue définitive. exécutoire.
163· Cette obligation, qui impose au banquier une prestation précise. à savoir la remise
à autrui d'une somme d'argent dont le donneur d'ordre est propriétaire, apparaît, à première
vue. comme une obligation absolue, une obligation de résultat. En effet, la prestation attendue
n'est, a priori, soumise à aucune contingence, dès lors que les conditions d'existence de
l'obligation qui doit l'engendrer sont toutes réunies. Seulement cette prestation, objet essentiel
de l'obligation de payer le chèque implique, pour son exécution correcte, une au cre obligation,
accessoire, résidant dans la vérification préalable de la régularité du titre présenté au
paiement. Cette obligation de vérification ne peut qu'être une obligation de moyens, le
banquier ne pouvant raisonnablement garantir son succès à tous les coups.
Les conditions particulières de réalisation du paiement ordonné par chèque, à savoir la
remise d'une somme d'argent à une tierce personne, au vu d'un simple document établi sans
une concertation préalable du solvens et du donneur d'ordre présumé, donnent cependant à
cette obligation de vérification, une importance telle qu'elle détermine, en définitive, l'étendue
de l'obligation de payer incombant au banquier tiré, en matière de chèques. Cette obligation
de payer (/3) emporte donc, naturellement, celle de vérifier, préalablement, ta régularité du
titre dont te règlement est réclamé (c:().
(379) V. supra Il' J 32 el s.

130
cJ... . La vérification de la régularité du chèque.
La régularité du chèque suppose la capacité du tireur, l'authenticité de l'ordre de payer
et la légitimité des droits du porteur; autant d'éléments que le banquier qui s'apprête à payer
un chèque doit avoir le réflexe de vérifier pour se mettre à l'abri de (out reproche.
1) La vérification de la capacité du tireur.
164 - De droit commun, un acte juridique passé par un incapable n'est pas valable(380).
De même n'est pas valable un acte juridique accompli par une personne qui n'avait pas le
pouvoir pour ce faire(38l). Ces principes sont applicables au contrat de mandat. Aussi le
banquier ne doit-il pas négliger de prendre la précaution de s'assurer, avant tout paiement de
chèque, d'une part, que le tireur n'est pas un ineapable, d'autre pan, que celui-ci, bien que
jouissant de sa capacité juridique. n'est pas une personne dépouillée des pouvoirs qu'elle
prétend mettre en oeuvre(382),
Certes. un banquier peut juridiquement agir en qualité de mandataire d'un rtuneur non
émancipé (ou d'un majeur protégé), à l'occasion du paiement de chèques tirés sur un compte
ouvert au nom de ce dernier. Encore faut-il que l'émission de tels chèques aient été le tait du
représentant de l'incapable. Aussi le paiement d'un chèque émis par un incapable constitue-t-il
une faute pour le banquier.
(380) A l'exception. cependant, de certaines c négnries d'actes : les actes qui On! trait ~ l'exercice de drous personnels, d'une
part. et les actes qui ne sont pas susceptibles d'entraîner des suites préjudiciables pour le mineur, tels que les actes
conservatoires, les actes d'administration ou les actes de la '1 Je courante. d'autre pan. V. not. A. Weill et F, Terré, Droit eivil.
Les personnes. la famille. les incapacités; Précis Dalloz, Sè éd., 1983. n'867 et s.. p.859.
(3811 Le défaut de pouvoir ne doir pas être confondu avec l'incapacité. "La capacité est l'aptitude à exercer ses propres
droits, le pouvoir eSI l'uplirude cl exercer les droirs d'(/IIrrw <i agir pour ,on compte", V, A, Weill el F. Terré, Droit civil.
Les personnes, la famille, les incapacités. précité. n'737, p,728.
(382) En effet, le titulaire d'un compte bancaire peul se voir retirer le pouvoir de tirer des chèques. soit parce qu'il sc trouve
sous le coup d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, soit parce qu'il a Iait I'objer d'une interdiction
bancaire on judiciaire d'émettre des chèques. Encore que le chèque émis par une personne interdite de chèque ne soit pas nul.
de sorte que Ic tiré doit le payer, dans la limite de la provision disponible au compte, par application de l'an, 32 al. 1er du
décret-loi du 30 oct. 1935. Par ailleurs, des chèques peuvent être tirés, irréguliêremcru. par nue personne prétendant avoir
reçu le pouvoir de faire fonctionner le compte b<lllC.1lri' d'autrui. par représentation. NOllst:2'i'sprit les représentantslégaux de
personnes morales, oules mandataires conventioun.:Js.
~,...;,\\

131
165 - Que penser, dans ces conditions, de la pratique de certaines banques, qUl
permettent, aux rruneurs proches de la majorité, J'émission de chèques pour les dépenses
courantes. En réalité, cette pratique douteuse(383) ne pouvait trouver une justification que
dans le faible montant éventuel des sommes ainsi engagées; ces tirages pourraient ainsi être
intégrés dans les actes de la vie courante(384), Mais. dans ce cas, la distinction faite entre les
mineurs proches de la majorité et les autres devient sans intérêt.
En tout état de cause, il serait plus prudent, pour le banquier. d'exiger un mandat exprès
donné au mineur par son représentant légal(385\\ avant d'admettre le tirage de chèques de sa
part.
166 - Concernant le mandat que peut recevoir un banquier de, la part d'une femme
mariée, à travers un chèque qu'émettrait cette dernière sur un compte ouvert en son nom, il ne
souffre
d'aucune restriction.
En effet,
les époux, même
communs
en
biens,
sont,
aujourd'hui(386), irréfragable ment présumés avoir, à l'égard du banquier, la libre disposition
des fonds déposés sur leur compte personnel (an. 221 al. 2 nouveau du Code civil); et cela
même après la dissolution du lien matrimonial(387). Le banquier doit, par conséquent,
- - - - - - - - - -
(38J1 Un auteur parle. à ce propos. dl: "détournement bancaire de mineurs"; V. Jérôme Huet, D.1987.215. V. également M.
jeenun, op. cit., n'17, p.Iû, pour lequcl la validité de celte pratique bancaire "n'est pas insoepçonnabte". MM. Cabrillac, et
vasseur et Marin, quant à eux, estiment qu'une justification de cette pratique baneaire pourrait être trouvée dans l'an, 450 al.
1er du C. civ. V. M. Cabrûlae. Le ehèque elle virement, précité. u'49; vasseur el Marin, Le ehèqne. précité. u'13.
(384) Dans le meme sens. Jean Sioumel. L'activité juridique du mineur non émancipé, in Mélanges voirie. L.G.DJ., 1966,
p.782 el s.. u'21.
(385) V. M. Jeantm. op. CiL, u"n, p.IO; H. et ,1. Cabrillac, op. cit., n"49, p.26. Contra. v. J. Sloumel. in Mélanges Voirin.
précité, u"22, p.794 el 5. qui peuse que "la posJibili/é pour le représentant légal de conférer lin mandat au mineur en vue
d'accomplir un acte se rapportant aIU biens de Çf?1 incapable semble assez douteuse. Celle double représentation porte en
elle Uni! contradiction. En faù, le prétendu mandanJ n'est qu'une autorisa/ion".
138b) Avant la loi du 13 juillet 1965, la fl:mme mariée française. bien qu'ayant reçu le droit de se faire ouvrir un compte et de
le faire fonctionner sous sa seule signature, n'avait pas, cependant, la liberté de disposer des fonds à sa guise. puisque
l'ou verture du compte devrait être notifiée au mari el que le solde du eornpte ne pouvait devenir débiteur sans un mandat
exprès de ce demier.
(387) V. not. Casso Ass. Plén" 4 juill. 1985, D.l985.421. Conclusion J. Cabannes, note D. Martjn: J.C.P.1985.11.204S7.
riote A. Ponsard; Reims Il OCI. 1983, D.1985J06, noie G. Parlhni. Cel arrêt 3. été rendu, il faut le préciser, sous l'empire
du droit aruéneur à la loi du 23 déc. 19H5.

13
honorer les chèques émis, par exemple, par une femme mariée. titulaire du compte chez lui,
sans avoir à se préoccuper, comme par le passé, du consentement du mari (388).
AU4de1à de la vérification de la capacité du tueur. la régularité du chèque suppose
.
l'authenticité de l'ordre donné au banquier tiré. Le mandataire n'est, en effet. autorisé à
intervenir que sur un ordre effectif du mandant.
2) La vérification de l'authenticité de l'ordre de payer.
167 - Le mandataire ne pourrait prétendre imputer au mandant les effets de son action
qu'autant qu'il a reçu de ce dernier l'ordre incontestable d'entreprendre cette action. Le
banquier tiré doit donc prendre soin de vérifier que le chèque émane bien de son client. Pour
ce faire. il doit principalement procéder à une comparaison de la signature figurant sur le titre
avec le spécimen qu'il a dû se faire remettre au moment de l'ouverture du compte. C'est là une
des tâches les plus importantes incombant au tiré, dans la mesure où c'est l'unique moyen en
sa possession pour faire échec aux faussaires et falsificateurs de toutes sortes, dont l'activité
alimente trop souvent, malheureusement, le contentieux du chèque. Pour autant, cette
vérification ne peut se transformer en une expertise graphologique, incompatible avec la
rapidité qu'exige l'activité du banquier.
Le risque résultant d'un vol ou d'une falsification éventuels du chèque impose, en plus.
au banquier, la vérification de la légitimité des droits du porteur de ce titre,
3) La vérification de la légitimité des droits du porteur,
168 - Le banquier tiré a l'obligation de ne payer Je chèque qu'au porteur légitime. Pour
cette raison il doit, principalement, exiger de celui qui prétend au paiement. la justificaticn de
(388) En Côte d'Ivoire. la loi n'S3-S00du 1 août 198.'. modifient el complétant la loi n'64·375 du 'r ccrcbre 1964. relative au
manage (v. J.O.R.CJ. du 6ocl. 1%3. p.~27) prévoir pour la femme mariée (comme pour sen conjoint) nou seulement le droit
de percevoir et de disposer librement (après s'être acquiuéc des charges du mariage), cc ses gains ct salaires (v, ut. 63
nouveau), mais aussr celle de se faire ouvrir. sans le consentement de son époux, tout compte de dépôt en son nom personnel.
Pour Je roocuonnemeur de ce compte elle est légalement réputée, à l'égurd du dépositaire. avoir la libre disposiriou des fonds
en dépôt (v. art. 66 nouveau).

133
son identité. "au moyen d'un document officiel portant sa photographie,,(389)(390). TI doit,
également, s'assurer de la régularité formelle du litre, en vérifiant qu'il compone toutes les
mentions exigées, et qu'il ne présente pas des marques de lavage, de grattage ou de surcharge.
Concernant toujours la régularité formelle du chèque, le tiré doit contrôler le caractère
ininterrompu de la chaîne des endossements (art. 19 et an. 35 al. 2 du décret-loi de 1935),
lorsqu'il a circulé par endossements. Le tiré doit enfin, pour s'assurer du droit du porteur à
recevoir le paiement, vérifier la capacité et les pouvoirs de celui-ci (391).
169 - Toutes ces vérifications qui s'imposent au banquier tiré avant le règlement des
chèques ont, à l'évidence, une fonction de prévention des mauvais paiements. Elles visent, par
conséquent, à pennetrre une bonne exécution du mandat confié au banquier. Leur érection en
obligations légales n'était pas indispensable à leur existence, dans la mesure où elles se
déduisent nécessairement de l'obligation de payer pesant sur le banquier tiré. Le paiement
s'entend, en effet, du paiement régulier. à savoir le paiement effectué sur un ordre précis (et
non encore révoqué) du titulaire du compte, à la personne désignée par ce dernier pour le
recevoir. Tout paiement qui ne respecterait pas ces conditions serait un mauvais paiement, un
paiement fautif. et engagerait, en conséquence, la responsabilité contractuelle du solvens. Les
vérifications imposées au banquier tiré entrent donc bien dans les prévisions des articles 1991
et 1992 du Code civil(392) qui précisent que "le mandataire est tenu d'accomplir le mandat
tant qu'il en demeure chargé et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de SOli
(389) V. art. 12-2 du décret-Jet du 30 oc!' 1933, applicable. en principe, am, personnes remettant un chèque en paiement
d'une dette, mais qui doit être considéré comme applicable. également. 11. la persoune qui présente un chèque au paiement, par
analogie. V. H. el M. Cabrûlac. op. cn.. n'228.
(390) Celte exigence doit être écartée cn présence d'un chèque au porteur. pour lequel la légitimité du droit résulte de la seule
détention du titre. On admet cependant que par l'usage de son droit de réclamer un aequit du règlement qu'il a effecué 1e
banquier pevL, de manière indirecte, exiger la justification de l'idenrué du présentateur d'Un chèque au porteur. V. H. el M.
Cabrütec. op. cu., n·llg. pJ24 et n'249, p.l34.
(391) V. net. M. Cabrillac. Enc. Jur. Dalloz, rép. dr. corn.. ~i> éd .. v' Chèque. n'SO et s.; H, el \\1. Cabrjftac. op. cit., n'229.
(392) Seulement le banquier, sur un autre plan. apparaîr comme le dépositaire des sommes versées sur leurs comptes par les
clients, et, comme le service de paiement des chèques prend. en réalité, appui sur la qua lité de teneur de compte du banquier.
il ne peul être nié qu'en pavant un chèque le banquier tiré rail intervenir également sa quai il" de dépositaire, e récutant ainsi
l'obligation de restitution qUI pesait sur lui. Une discussion s'est, de ce fait, élevée en doc trine. ;;UJ le point de savoir si les
vérifications qu'appelle le parement des chèques ressonisscm au contrat de mandat contenu dans le chèque, ou, av eontraire.
nu contrat de dépôt qui astreint le banquier l ne restituer le dépôt qu'au déposant ou il la personne désignée par lui pour le
recevoir. Sur celte question, V. infra. n'256 et s.

134
inexécution" (art. 1991 al. 1er), et que "le mandataire répond lion seulement du dol, mais
encore des lames qu'il commet dans sa gestion" (art. 1992 al. 1er). C'est, par conséquent,
j'éventualité d'une responsabilité résultant, pour le banquier tiré. d'une exécution défectueuse
de sa mission de paiement (ce qui équivaudrait à une inexécution) ou de toute autre faute dans
l'exécution de cette mission, qui commande les différentes vérifications que la loi lui impose,
par ailleurs.
Une fois les différentes vérifications effectuées, s'impose, alors, l'exécution proprement
dite de j'obligation de payer le chèque.
fi. L'exécution de t'obligation de payer.
170 - Dès que la régularité du chèque a été constatée, le banquier doit le payer sans
délai. Mais c'est, naturellement, à la double condition que le tireur, mandant, ait fourni au tiré
les sommes nécessaires à ce faire, et qu'il n'ait pas, de surcroît. formé opposition au paiement.
L'obligation, pour le banquier de régler les chèques tirés sur lui n'existe qu'à certaines
conditions 0); aussi s'accorde-t-on à reconnaître au solvens qui a payé ce qu'il ne devait pas,
un recours aux fins de récupération de ses débours (2).
1) les Co"Ji\\:i."~ J.,.. ~..;-,,~ ~..}~..~
Il 'N' Les conditions d'existence de l'obligation de payer.
Tout mandataire n'est véritablement tenu d'exécuter son mandat que lorsque le mandant
a mis à sa disposition les moyens indispensables à son action(393). Pour autant le mandataire
auquel ces moyens ont été fournis ne doit passer à l'action sans se soucier de l'existence d'une
éventuelle révocation des instructions qu'il a reçues du mandant. Et, de fait, les conditions
d'existence de l'obligation pour le riré de payer un chèque, indiquées par l'article 65 alinéa Z
du décret-loi de 1935, ne sont qu'un rappel de celles auxquelles sont soumises tous les
mandataires: le banquier n'est obligé de payer le chèque tiré sur lui que s'il existe une
(393) V. supra 11°28.

135
provision permettant son paiement. d'une part. el s'il n'y a pas d'opposition au paiement.
d'autre part.
.. L'existence de la provision.
171 - Le banquier qui s'engage à assurer un service de paiement de chèques ne souscrit
nullement. de ce fait, une promesse personnelle de payer la dette du tireur. Il ne prétend qu'à
un rôle d'intermédiaire se chargeant d'agir pour le compte d'autrui. L'article 65 alinéa 2 du
décret-loi du 30 octobre 1935, prenant en compte cerre donnée, précise, en effet. que
l'obligation de payer le chèque est subordonnée à l'existence et à la disponibilité d'une
provision au compte du tireur. On retrouve là une évidente application des règles du mandat.
Il faut préciser que la provision dont il s'agit s'entend de la créance de somme d'argent
(exclusivement) que possède le tireur à l'encontre du banquier tiré. En fait, cette provision eSI
constituée par les sommes déposées par le tireur sur son compte bancaire, ou par toutes
sommes qui sont versées sur ce compte soit par des tiers, soit par le banquier lui-même, à la
suite d'un encaissement réalisé au profit de son client. D'une manière générale, il s'agit de
toutes les sommes versées dans (es mains du banquier pour le compte de son client et dom il
doit la restitution à ce dernier. Pour être effective, la provision doit présenter certains
caractères imposés par te législateur: elle doit être préalable et disponible.
172 - Le caractère préalable se déduit de l'article 3 du décret-loi du 30 octobre 1935
selon lequel les fonds que le banquier a à la disposition du tireur doivent exister "au moment
de la création du titre". Cette exigence es! sans grand intérêt pra[ique(394). Car rien
n'empêche le tiré, en sa qualité de mandataire, ayant en charge les intérêts de son client. de
payer, malgré tout, le chèque sans provision, sur la base d'une avance de fonds faite à ce
dernier.
(394) Si au plau pénal. la constitution de 1<1 provision, postérieurement J. l'emission n'efface pas en princrpe l'infraction
d'émission sans provision, il fan! observer que le paiement du ehêque und inutile, en pratique. la recherche du ruomenr de la
constitution de la provision. Sur ce point, v Wilrrid jeandfdter, Droit pénal des affaires, Précis Dalloz. l'l<.l L, n"98. p. 98 et
s., égal. :\\1. Vasseur et X. Marin. op. cit., L 2. n'65, p.38.

136
Quant au caractère disponible de la provision, il faut entendre par là la possibilité
donnée conventionne Bernent au tireur de disposer des sommes dont il est créancier à l'égard
du tiré, par chèques. Or, précisément, l'origine conventionnelle(395\\ et non légale, dès
obligations du banquier tiré conforte J'analyse du ehèque en un mandat. On sait, en effet,
qu'un mandataire ne peut être lié par le mandat qui lui est confié qu'autant qu'il l'a accepté. La
qualité de mandataire du banquier tiré postulait donc l'exigence de la disponibilité de la
provision.
L'existence de la provision impose, au banquier, on l'a dit, l'obligation de payer le
chèque sans délai. Il serait, néanmoins, en faute si, ce faisant, il n'a pas tenu compte d'une
circonstance entraînant la révocation de l'ordre de payer, à savoir,
essentiellement.
l'opposition au paiement.
L'absence d'une opposition au paiement.
173 - De droit commun, le mandat dont une personne peut être
chargée prend fin,
selon l'article 2003 du Code civil, par la révocation du mandataire ou par sa renonciation, par
la mort, la [Utelle des majeurs ou la déconfiture de l'une des panies au contrat.
En ce qui concerne le mandat contenu dans le chèque, si sa révocation (sous la forme
d'une opposition du tireur au paiement du chèque) entraîne son extinction(396), confirmant
ainsi la règle édictée par l'article 2003 du Code civil, ni le décès, ni l'incapacité. ni (a faillite
du tireur intervenant après l'émission du chèque. n'entraînent, contrairement au principe
(395) A propos de la nature conveuuonnelle de l'obligation du banquier de payer les chèques tirés par ses clients, titulaires
d'un compte ordinaire de dépôt, v. 1\\05 développements. supra n'I32 el s.
(396) La jurisprudence décide, en effet, que l'opposition au pnicrneru du chèque par le tireur, vaut révocation immédiate du
mandat confié au banquier (v. not. Casso corn. 20 juill 1977, 0.1978.398, note Ch, Gavajda). qu'elle sou réguliere ou non (le
banquier n'ayant pli.>; à se filire juge de la validité de l'opposition. V. nol. Paris 5 juill. 1977, D.1978,I,R.339). C'est donc li. lon
que certains auteurs cherchent 11 contester l'analyse du chèque en un mandat sous prétexte que le chèque est irrévocable. V.
Ripert el Roblot. op. cit., l. II, n'2195, p.266, qui affirment très elairemenr que "la loi interdit (/1.1 tireur dt' retirer 01.1 dt'
bloquer la provision. Le chèque émis en donc irrévocable, el c'esr il tort qUi' le titre l'Si défini comme Url manda. Ëo tout cas
ce mandat ,,'a pas la mllllre dll mandai essentiellement révocable du Code civ[l". V. également, dans le même sens, GiIle§
Endréo, jurisclasseur commercial. vol. 3, fasc. 505, n·90. Sur celle discussion. v. infra n'
Sur l'attitude que doit observer le
banquier face 11 l'opposition, même illégale, du tireur d'un chèque. de même que bill la réfutation des opinions ci-dessus
exposées, v. infra u'174 et s. AJJc supra n"153.

affirmé par le Code civil (art. 2003), l'extinction de l'ordre de payer. C'est le décret-loi du 30
Octobre 1935 lui-même qui prévoit. en son article 33, que "ni le décès du Tireur ni son
incapacité survenant après l'émission Ile touchent aux effets du chèque". La jurisprudence.
quant à elle. tirant les conséquences de l'article 17 de ce même décret-loi, édictant le principe
de la transmission de la propriété de la provision du chèque dès l'émission, décide que la
"faillite" du tireur, intervenant postérieurement à cette émission.
n'empêche pas le
paiement(397)(398). Les exceptions, ainsi apportées aux règles concernant les événements
entraînant l'extinction du mandat, ne suffisent toutefois pas à permettre une remise en cause
de la qualification de mandat attribuée au chèque. Il est admis, en effet. que ces règles,
fondées sur le caractère intuitu persone du mandat. ne sont pas de son essence mais de sa
nature, et peuvent. par conséquent. supporter des dérogations, sans que la nature de la
convention en soir. pour autant, modifiée(399).
174 - En définitive. pour le banquier tiré, le seul événement qUl soit susceptible
d'entraîner (en dehors de la clôture du compte) l'extinction de l'orme de payer véhiculé par le
chèque, c'est l'éventuelle opposition au paiement que peut former le tireur. C'est, au
demeurant, ce qui ressort de la lecture de l'article 65 alinéa 2 du décret-loi du 30 Octobre
1935. D'après ce texte, en effet, en présence d'un chèque régulièrement émis, et en l'absence
de roure opposition. le banquier est dans l'obligation de payer. Le défaut de paiement
engagerait sa responsabilité, non seulement à J'égard du donneur d'ordre, son client (sur le
plan contractuel), ainsi qne le rappelle J'article 65 alinéa 2, mais également à l'égard du
(397) v. Riperl el Roblol, op, cit., t. II. n"2202, p,273 el jurisprudence citée.
(398) V, Cependant, Gilles Encrêo, jurisclasseur commercial, vol. 3, [asc. 50S, n"ÇO. Cel auteur conteste le bien-fondé du
recours à la règle de la transmission d" la propriété de la provision pour justifier la persistance de l'obligation de payer le
chèque, après le décès, l'incapacité ou la "faillite" du tireur. Selon cet auteur, "l'irrévocabilité du chèque ~uffil, à elle seule,"
justifier le poiemera du chèque malgré la survenance d'événements gra"es en le, personne du Ilrellr". El l'auteur de voir dans
J'art. 33 du décret-loi de 1935, la consécration, par le législateur, de l'irrévocabilité du chèque, Cene critique n'est pas fondée,
et l'analyse proposée en échange est peu convaincante; d'une parl parce que l'irrévocabilité du chèque n'est que relative, et le
tireur peut, Cil fait, en interdire le paiement, le banquier étarn dans l'obligation contractuelle voire légale de respecter le
contrordre, même illicite. de son client (v. supra n"153 el infra n"t75l: d'autre pan, parce qu'il est douteux de faire découler
de l'article 33 du décret-loi de t935, dont t'objet est de eonsacrer une exception aux règles habituelles sur l'extinction du
mandat, releuvernenr à des événements indépendants de la volonté des eomracrants, l'irrévocabilité du chèque qui est. quant il
elle, généralernenr tributaire de la volonté des contractants, et qui est l'objet, non pas de l'article 33. mais plutôt de l'article 32
qui le précède,
(399) V. Ph. Malaurie et L, Aynès, Les comrat.s spéciaux, précité, n'551 er s .. p.276 et 5.

138
porteur (sur Je plan délictuel), auquel un droit de propriété sur la provision du chèque a été
reconnu par le législateur (an. 17 du décret-loi de 1935), et qui, de ce fait, est en droit d'exiger
le paiement au banquier tiré. De fait. les droits du tiers porteur du chèque sur la provision ont
été renforcés par l'institution d'un certain nombre de principes qui tendent à faîre du tiré le
débiteur direct de celui-là. Il s'agit, notamment, de l'interdiction faite au tireur, sous la menace
de sanctions pénales (cf. an. 66 du décret-loi du 30 Octobre 1935) de retirer la provision du
chèque ou de s'opposer à son paiement. De même, l'obligation faite au banquier tiré de
bloquer, sous sa responsabilité, la provision du chèque dont l'émission a été portée à sa
connaissance (suite, par exemple, à une demande de certification ou à une opposition au
paiement), ou encore d'indiquer, sous la menace d'une sanction pénale réprimant les
déclarations inexactes (v. art. 72-1' du décret-loi du 1935), le montant de la provision
disponible au compte.
175 - "L'irrévocabilité du processus du paiement!l(400) voulue par le législateur, de
même que le droit direct donné au porteur du chèque conrre le banquier tiré, pourraient inciter
à remettre en cause l'analyse du chèque en un mandat de paiement(40l). Il faut pourtant
renoncer à une telle tentation: car, malgré tout. le droit du porteur d'exiger du banquier le
paiement du chèque n'est effectif qu'en l'absence d'une opposition à son paiement(402),
L'obligation de payer. résultant. pour le banquier, de l'émission du chèque. n'existe que si
l'ordre donné par le client n'a pas été, entre temps, rapporté par son auteur (cf, an. 65 al. 2 du
décret-loi de 1935), En effet, en dépit de l'interdiction qui lui est faite par la loi de s'opposer
(400) v. J..L. Rives-Lange el M. Contamine-Reynaud, op. cit., n"283. p,394,
(401) V. nol. Rtpert et Roblot, op. cir., l.II, n'2195, p.244, pour qui. rémission du chèque étant irrévocable, "c'est à lori que
le titre l'si défini comme un mandai de paiement", Adde G. Endrénjurisctassenr commercial. vol. 3, fesc. 505, n'9O, A dire
vrai. la révocabilité n'est pas de l'essence du mandat; de sorte que les parties peuvent très bien stipuler l'irrévocabilité de leurs
engagements sam que. pour autane, leur convention cesse d'être un mandat. V, Casso req. 8 avr , L857, D.P.1858.1.134; CaSSo
req. 9 Juill. 1885, D.1886.1.3IO; Cour de Cess. de Belgique, 26 févr. 1885, D.P. 1886.2.257; v, également Planiol et Ripert,
op. cu., t. X[, par R. Savaner. Il' \\492, p.936.
(402) En effet. d'arrè~ la Cour de cassation "si, par l'émission du chèque, le bénéficiaire devient créa,-,t:Jcr direct du liré,
ffi'anlage comparable ((:Iui qrli rhlll/alJ.l1 de la cersion de la provision, la remue de cel instrument de poiement n'équivaut
pas cependant à la nnmérwion des espèces, celte-ci, J'J.lqu·au jour OIi elfe l'SiJUlIe par le tire, demeurant sntoraovëe ci des
causes d'incertitude, nolamml'rJ ci I"hen/ua/ilé du relrail de /,1 provision on d'l'ne opposition, 10uJourspossibles de 10pon du
tireur, ~ou.l réserve des sanelions pénales auxquelles il s'exposereii en les effeauam de mal/vaise foi", V. Casso civ. J7 déc.
1924, Gaz. P:lI.I925.1.170.

139
au paiement du chèque, en dehors de certains cas particuliers (cas de pene, ou de vol du titre,
Ou d'utilisation frauduleuse du chèque ou, enfin, de "faillite" du porteur), la défense de payer
que formerait illégalement le tireur, n'est pas dépourvue de valeur, ainsi qu'il ressort
implicitement de J'article 32 alinéa 4 du décret-loi du 30 octobre 1935 (rédaction de la loi du
30 décembre 1991). En effet, ce texte, au lieu d'affirmer l'inefficacité d'une telle opposition,
prévoit plutôt, pour y faire échec, le recours à une ordonnance de mainlevée du juge des
référés(403). On doit en conclure que le banquier ne doit le paiement du chèque à son
bénéficiaire qu'autant que le tireur, pour le compte de qui il intervient, n'a pas révoqué son
ordre. Certes, le porteur a la possibilité, au cas d'opposition illégale, de contraindre le tiré au
paiement sur décision du juge des référés, mais ce faisant, le banquier, dont l'obligation
devient légale, n'intervient plus dans le cadre du contrat qui le liait au titulaire du compte. En
effet, sur le terrain des relations nées de l'émission du chèque, le banquier qui agit au nom et
pour le compte du tireur(404) doit être considéré comme un mandataire tenu de respecter les
consignes de son mandant(405). Cette analyse est confirmée par la jurisprudence, qui voit
dans l'opposition au paiement d'un chèque émanant du tireur, la révocation du mandat confié
au banquier tiré(406). Ce dernier, en sa qualité de mandataire du titulaire du compte, doit, en
présence d'une opposition formée par celui-ci, s'abstenir de payer, sans avoir à se faire juge de
la validité de ladite opposition(407). Une attitude contraire à celle-ci serait constitutive de
faute, et engagerait sa responsabilité à l'égard du tireur(408).
(403) Dam le même sens, v. L.·M. Marlin, obs. à la Revue Banque 1979.1109, Iêre colonne.
(404) V. supra n"152 cl s.
(405) Dans le même sens, v. vasseur el Marin, Le chèque précité. n'287 (in fine). p.l17: "il n'empêche que. dans tes
rapports du tireur et du tiré, le chèque demeure un mandai de paiement révocable el que le tiré a l'obtig ation de prendre en
considëraiion toute opposition du tireur. même en dehors des hypothèses énoncées par le décret-loi", V, ëgalcmcm, dans le
même ouvrage, n'289, p.219.
(406) V. Casso corn. 20 juin 1977, D.1977,I.R.451. obs. M, vasseur. D.l978.398, noie Ch, Gavalda, J.C.P.1978.I1.188û8,
note J. Vézian, Banque 1978.379. R.T.D.Com.1977J38, obs. M. Cabrillac et J,-L. Rjves-Lenge. Comparer, Paris 1er déc.
1980, Banque 1981.22], D.198l,I.R.352.
(407) V. Paris 5 juill. 1977, D.1978.I.R.339.
(408) V. Paris 5 juill. 1977 Cl Casso corn. 9 févr. 1982, précité. V. également Vasseur et Marin, Le chèque précité. n'289,
p.219. Ces auteurs estiment qu'en présence d'Une opposition du tireur-mandant. le tiré-mandataire "commet IUle faille en
payam le chèque alors même que le porteur etu [l" obtenir mainlevée en référé par application de l'article 32 alinéa T',

l40
176 - Il est à remarquer, à cet égard, que la révocation, par le tireur. du mandat qu'il
donne à travers un chèque a pour conséquence, curieusement, de créer, à la charge du tiré, une
obligation de blocage de la provision y correspondant. Et ce, jusqu'à ce qu'il soit statué sur la
validité de l'opposition ou, à défaut. jusqu'à l'expiration du délai de prescription (un an) prévu
par l'article 52 alinéa 4 du décret-loi du 30 octobre 1935(409). Cette obligation de blocage de
la provision, d'origine légale (v. art. 17 du décret-loi du 30 octobre 1935), ne peut qu'être
extracontractuelle. En effet, sa mise en oeuvre intervient au profit du porteur du chèque
litigieux, tiers à la double relation contractuelle (dépôt et mandat) qui fonde la détention, par
le tiré, des sommes immobilisées de la sone. Le droit direct ainsi reconnu au porteur d'un
Chèque contre le tiré. en l'absence de toute acceptation des parties à la convention de tirage de
Chèques ( le tiré et le tireur), est tour à fait insolite, extraordinaire même, tant au regard des
règles du mandat(410\\ qu'au regard de celles de la théorie générale des obligations.
Les obligations extracontractuelles mises à la charge du banquier tiré, au profit du
porteur de chèque, par le législateur, ne réussissent pas, malgré tour, à éclipser les rapports
contractuels fondés sur le mandat liant le banquier et son client. Au contraire, on est forcé de
constater qu'en ce qui concerne le rôle dévolu au banquier en matière de paiement de chèques,
c'est le mandat qui se situe au premier plan, le banquier apparaissant, avant tout, comme
n'intervenant qu'au nom et sur l'ordre de son client. Aussi son attitude doit-elle être dictée, à
notre avis, en cas de conflit entre les intérêts de celui-ci et ceux des tiers. par sa qualité de
mandataire du titulaire du compte. Il ne pourrait, en conséquence, être amené à agir au
détriment de ce dernier que sur le commandement de la loi ou du juge.
177 - Mandataire du tireur du chèque, le tiré devrait n'être obligé que par les
instructions émanant de son mandant. Et de fait. l'opposition du tireur de chèque a été seule
envisagée par le décret-loi du 30 octobre 1935. Toutefois. on admet également, de par
l'influence du principe légal de la transmission de la propriété de provision du chèque, la
(409) V. Casso req. 18 juin 1946. 0.1946.346, J.C.P.1946.U.3:252, rapport Lescot, Banque 1946.45, obs. X. M3rÎn.
R .T.D.Com.I948.llO, obs. R. Houtn: Casso corn. 9 févr. 1982, Bull. Civ. IV, n"52, p.44, R.T.D.Com.1982.590. cos..\\t".
Cabrtücc el B Teyssiê.
(410, A propos des conséquences, quant à la qualification de mandat généralement rerOJ)Ilne au chèque, dn droit direct du
porteur d'Un chèque 11 l'égard du tiré, v. infra n~ 30f!, t r r..

141
possibilité d'une opposition formée par d'autres personnes intéressées au paiement du
chèque(41l), Ainsi, le porteur du chèque dépossédé involontairement de son titre est-il admis
à faire opposition à son paiement(412).
Lorsque la provision existe et qu'aucune opposition ne vien! faire obstacle au paiement
du chèque, le banquier qui y est tenu, n'a pas la liberté du choix des modalités de ce
paiement(413), Souvent. en effet, ce paiement se réalise de compte à compte, en chambre de
compensation. La particularité des règles qui président au fonctionnement de ces chambres
rend malaisée la délimitation précise des actes qui ressortissent aux mandats confiés aux
banquiers par leurs clients.
* '" Les difficultés de délimitation des mandats de paiement exécutés en chambre de
compensation.
178 - Aux termes de l'article 31 du décret-loi du 30 octobre 1935, la présentation d'un
chèque au paiement peut résulter de sa présentation à une chambre de compensation. Or le
paiement en chambre de compensation pose des problèmes particuliers, sous le rapport du
mandat que constitue le chèque, eu égard au caractère strict du délai dans lequel les effets
présentés à une séance de compensation doivent être restitués au présentateur. Les règlements
des chambres de compensation stipulent généralement que passé un certain délai le titre qui
n'aurait pas été restitué est considéré comme payé(414) à l'égard du banquier présentateur, de
(411) V. not. M. CabriIJac, Ënc. Jur. D31lo!. rép. dr, corn. précité, 1'1'373 el 5.; Le chèque et le virement, pr,:cltê, 1'1'301 el 5.,
p.165 et s.: vasseur tl Marin, Le chèque précité. n'Z84 et s., p,ZI5 et s.
(412) Cene opposition devrait, a priori, emprunter la forme d'une saisie-arrêt (on doit parler désormais de saisie-attribution ou
de saisie conservatoire, selon le cas, par l'effet de la loi n'91-650 du 9 juill, 1991. portant réforme des procédures civiles
d'exécution), le porteur étant un tiers par rapport au tiré, el ne pouvant, de ce fait. lui adresser valablement une simple
interdiction de payer, contraire à l'ordre qne ce dernier Il reçu de acu mandant. lJ est cependant admis généralement, en
pratique. que l'opposition du porteur peut être faite valablement dans les fermes les plus simples. V. H, el M, Cabrlllac, op.
cu., n'3D3, p.166: Vasseur et "'arin, Le chèque précité, n·288. p.:217.
(413) Sur les principes relatifs à la monnaie de paiement, v. not. ~1. Cabrjuec. Eue. Jur. 0.11102, rép. dr. com., Zè éd" v'
Chèque, n'335 et s. SUT les différents modes de paiement, v. M. Labrillac. rép. dr. co,u. précité. n'331 et s.• H. el M.
Cebrtllac, Le chèque elle virement précité. n'134er s., p.127 el s. Sur le paiement des chèques barrés, v. not. '1. Cabrillac,
rép. dr. corn. précité, n"348 et s.
(414) En France, ce délai est généralement de deux jours ouvrables.

142
telle sorte qu'aucun recours contre ce dernier ne pourrait plus être admis. Deux ordres de
difficultés sont apparus en pratique à la suite de l'application de ce principe:
La première a trait aux conséquences que peuvent produire l'application du règlement
.
des chambres de compensation sur l'exécution des mandats de paiement dont sont chargés les
banquiers en leur qualité de tirés de chèques. Les conséquences d'un défaut de restitution,
dans les délais, d'un chèque non provisionné ou faisant l'objet d'une opposition, peuvent-ils
être répercutés sur le tireur?
La deuxième, en relation étroite avec la première. a trait aux rapports qu'entretiennent la
convention de compensation liam rous les adhérents à une chambre de compensation et les
mandats de paiement ou d'encaissement dont sont souvent chargés ces derniers. Doit-on
considérer que le banquier qui effectue, en chambre de compensation, un paiement ou un
encaissement pour le compte de ses clients. intervient cn qualité de mandataire de ceux-ci, de
sorte que ses actes obligent ses mandants? Ou doit-on, au contraire, décider que la
participation, par un banquier, à une séance de compensation se fait à titre personnel et
n'engage. en conséquence, que lui seul?
Dans un arrêt en date du 16 mai 1984, la chambre commerciale de la Cour de
cassation(415) a eu l'occasion de se prononcer sur ce dernier point. Les solutions qu'elle a
dégagées doivent servir à résoudre l'autre difficulté.
* Le banquier agit-il, en chambre de compensation, en qualité de mandataire des
clients?
179 - Dans l'espèce ci-dessus citée. une personne a émis un chèque au profit d'une autre,
laquelle l'ayant remis pour encaissement à la Banque Nationale de Paris (B.N.P.), a émis à
son tour, sur [a base de cette remise, un chèque tiré SUT cette dernière banque au profit d'une
troisième personne dont le compte à la Banque Régionale d'Escompte et de Dépôts
(B.R.E.D.) sur lequel elle l'avait déposé a été crédité. La B.N.P. n'ayant pu obtenir le
(415) Casso com. 16 mai 1984, Bull. Civ. IV. [\\'165. p.137. D.1985,I.R.329. obs. M. Vasseur.

143
paiement du chèque qu'elle avait pris à l'encaissement (pour défaut de provision) s'est vue
opposer, par la B.R.E.O. à qui elle prétendait demander le remboursement de ses débours. le
moyen tiré du non respect du délai de restitution des valeurs imposé par le règlement de la
chambre de compensation. La B.N.P. se retourna alors contre le client de la B.R.E.D.,
bénéficiaire du chèque qu'elle avait payé en qualité de tiré, sur le fondement de la répétition
de l'indu et obtint gain de cause devant la Cour d'appel de Rouen(416). Le pourvoi en
cassan on du bénéficiaire faisait valoir deux arguments dont un seul retiendra, pour
l'heure(417), notre attention. Selon le pourvoi, la Cour d'appel a violé l'article 1998 du Code
civil en accueillant la demande de la RN.P. car, de même que cette dernière n'est pas admise
à demander à la B.R.E.D. le remboursement du chèque litigieux, elle ne doit pas être autorisée
à réclamer ce remboursement au bénéficiaire dont la S.R.E.D. n'était ~UE la mandataire. En
effet, poursuit le pourvoi, "le règlement de la chambre de compensation ...qui a valeur
contractuelle entre les banques mandataires qui les ont signées, engage les mandants de ces
dernières, et peut être invoqué par eux". Pour J'auteur du pourvoi. en se prévalant de
l'expiration du délai de restitution, la B.R.E.D. avait agi en tant que mandataire de son client,
lequel doit aussi bénéficier des effets de [a forclusion dont fait l'objet le solvens.
En réponse à cette argumentation la Cour de cassation, pour rejeter le pourvoi, affirme,
à la su ire de la Cour d'appel de Rouen que "le règlement de la chambre de compensation n'a
valeur contractuelle qu'entre les banquiers qui y adhèrent, et ne saurait s'imposer d leurs
clients ni être invoqués par eux à leur profit". La solution doit être approuvée. On ne peut en
effet soutenir que l'acte d'adhésion d'une banque à une chambre de compensation se rattache à
l'exécution des mandats dont elle peut être chargée. Ce n'est pas par représentation de ses
clients actuels ou éventuels que le banquier demande son adhésion à la chambre. Cela est
d'autant plus vrai que les valeurs que le banquier y présente ne sont pas exclusivement des
titres appartenant à ses clients. Il y introduit également des valeurs dont il est propriétaire.
L'adhésion à la chambre de compensation n'est donc pas nécessairement un acte accompli
(416) Rouen R nov. 19R2, D.1983,l.R.4ü6. obs. M. Vasseur.
(417) Le deuxième argument, qui est relatif aux conditions d'exercice de l'action en répétition de l'indu par le banquier tiré,
sera évoqué ultérieurement, 11 j'occasiun de l'étude des moyens de reconrs du banquier qui a p3yé involontairement un
chèque. V. infra, n0188 et s.

144
dans l'intérêt exclusif de ses clients. Il ne s'agit en réalité que d'un acte d'organisation interne
entrepris pour son propre compte par le banquier et ayant pour objet de faciliter les
mouvements de fonds entre ses confrères et lui-même, dans une zone géographique donnée.
Les engagements pris par les banques dans le cadre de la chambre de compensation le sont à
titre personnel et ne lient qu'elles seules. Il en résulte que les clients n'ont pas à souffrir ou à
profiter des conséquences de J'intervention de leur banquier à la chambre de compensation,
par application de l'article 1165 du Code civil. C'est ce que rappelle très justement la Cour de
cassation dans la décision évoquée. Le règlement de la chambre de compensation est à l'égard
des clients des banques res inter alios acta. Il ne leur est donc pas applicable er ne peut, en
retour, pas être invoqué par eux, à leur profit.
Ce principe posé par le Cour de cassation permet également d'envisager beaucoup plus
clairement la solution de l'autre difficulté suscitée par J'application du règlement de la
chambre de compensation, et que nous avions signalée plus haut(418).
* Les conséquences de la méconnaissance du règlement de la chambre de
compensation peuvent-ils être répercutés sur le client?
180 - On doit, à propos de l'incidence, sur les clients des banques, du règlement de la
chambre de compensation. tirer les conséquences de la décision de la chambre commerciale
de la Cour de cassation du 16 mai 1984. et affirmer, qu'a priori, l'application du règlement
d'une chambre de compensation ne doit produire aucun effet sur l'exécution des mandats de
paiement dont sont chargés les banquiers tirés de chèques. Le défaut de restitution dans les
délais, par le banquier tiré, d'un ehêque émis sans provision par son client. ou ayant fait l'objet
d'une opposition de ce dernier, ne devrait pas, par conséquent, produire des effets à l'égard du
tireur. Cela devrait conduire à décider que le paiement intervenu par application du règlement
de la chambre de compensation ne doit pas être imputé au tireur, puisque le décaissement
auquel s'est trouvé contraint le banquier ne se situe pas dans le cadre de l'exécution du mandat
(.US) v. supra n'L79.

145
confié par son client, mais plutôt dans le cadre de la convention de compensation. à titre de
sanction de la méconnaissance d'une clause de celle-ei. Le banquier ne devrait pas être
autorisé à passer ce décaissement dû à sa faute dans le cadre de la convention de
compensation (res inter alios acta à l'égard de son client) au débit du eompte du tireur, comme
si le décaissement avait eu lieu dans Je cadre du mandat contenu dans le chèque.
Mais, en fait, l'application de ce principe sera largement tributaire de la possibilité, pour
le tireur, de fournir la preuve de ce que le paiement effectué par le banquier n'est pas
intervenu dans le cadre du mandat dont il était chargé. Cette preuve sera bien souvent
impossible à faire; d'autant plus que, même au cas d'inexistence de la provision, rien n'interdit
au banquier de payer le chèque en consentant un découvert à son client. Le banquier aura
beau jeu alors de déclarer, après coup, pour justifier l'écriture de débit au compte du tireur,
qu'il lui a fait crédit(419). Si bien que l'hypothèse dans laquelle le principe ci-dessus exposé
pourrait, en définitive, être mis en application, se limite, en réalité, à celle où le banquier
n'aura pas restitué dans les délais prescrits par le règlement de la chambre de compensation,
un chèque ayant fait l'objet d'une opposition au paiement de la pm du tireur. Dans un tel cas,
le banquier ne pourrait plus mettre à la charge de son client le décaissement imposé par sa
négligence. Cela montre bien que l'exécution des mandats confiés aux banques ne coïncide
pas nécessairement avec l'exécution des obligations contractées dans le cadre de la chambre
de compensation.
Pour récupérer (es sommes qu'il aura involontairement déboursées, le banquier, qui ne
peur se prévaloir d'aucune obligation contractuelle lui permettant de reporter la charge du
paiement sur autrui, n'aura plus à sa disposition que les moyens fondés sur les quasi-contrats
de paiement de l'indu ou d'enrichissement sans cause.
(4191 Une telle justificmion ne seran plus recevable. lt notre avis. s'il savérau que le uré a essayé sans succès de restituer.
après les délais, le chèque au banquier présentateur. Une relie attitude démontrerait suffisamment l'intention du tiré de ne pas
payer le titre en cause et, par la même occasion, son intention de Ile pas accorder de crédu au cireur, si, hien sûr , l'absence de
provision était la cause du rejet de l'effel.

146
2) Les recours du banquier en cas de paiement involontaire.
181 ~ En matière de mandat de paiement, Je risque est grand pour le mandataire,
d'opérer, dans les mains d'un tiers, un versement de fonds que ne commandait pas sa mission.
Il aurait agi, alors. en dehors des pouvoirs qui lui one été accordés, et ne pourrait pas, en
conséquence, faire supporter ces débours à son mandant, conformément aux articles 1998.
1999 et 2000 du Code civil. Telle est bien la situation du banquier qui s'est engagé à honorer
les ordres de paiement coufiés par ses clients sous la forme de chèques. et qui, ayant payé à
tort, ne peut exciper de l'exécution d'un mandat. Il ne pourrait d'ailleurs pas, non plus.
invoquer Je quasi-contrat de gestion d'affaires. prévu par les articles 1372 et suivants du Code
civil.
En effet. outre le fait que le paiement critiqué a pu intervenir au mépris d'une opposition
du titulaire du compre(420) (cc qui est exclusif de ta gestion d'affaires)(421). on doit noter
que le paiement indu d'un chèque par les banquiers est généralement accidentel. Or il ne peut
y avoir de gestion d'affaires que lorsque, en dehors de toute obligation résultant d'un contrat
préexistant. le gérant a eu l'intention délibérée de gérer l'affaire d'aurrui. Dans la pratique, le
paiement indu des chèques procède souvent d'une négligence du tiré (consistant à n'avoir pas
effectué promptement les vérifications nécessaires) ou d'une croyance erronée en l'existence
du mandat que semblait comporter Je titre payé. Dans le premier cas. c'est l'intention même
qui fait défaut. a fortiori l'intention de gérer l'affaire d'autrui. Dans le deuxième cas, le
banquier serait mal venu d'alléguer la gestion d'affaires après qu'il ait reconnu avoir payé en
croyant par erreur avoir été ehargé d'un tel mandat par son client. On ne peut. en effet.
déclarer rationnellement, à l'occasion d'un senl ct même acte. avoir, à la fois, cru exécuter un
mandat valable et voulu gérer, sans obligation préexistante l'affaire d'autrui.
(420) Ou de [our autre circonstance pou varu faire présumer une opposition au pai..meut, telle que la révocation expresse ou
tacite du mandaLdu banquier (notamrnentla clôLure du compte. la signification au banquier de la révocation de la procuration
dom un ciers était bénéficiaire. etc.).
(421) V. Cass. com. 21 nov. 1978, Bull. Ci.... IV, n'27L p.2:?:3; D.1979.1.R.356. obs, M. vasseur. Adde G. Marty et P.
Raynaud, op. cil.. 1. l. n"382. p.395.

147
Afin de récupérer les sommes qu'il a décaissées à tort, le banquier tiré ne dispose donc
plus que de J'action en répétition de l'indu prévue par les article 1376 et suivants du Code
civil, ou de l'action de in rem verso. fondée sur le principe juridique de l'enrichissement sans
cause.
• • L'action en répétition de l'indu.
182 - Le principe de l'action en répétition de J'indu trouve son fondement dans les
articles 1235, 1376 et 1377 du Code civil. L'article 1235 alinéa 1er pose comme principe
général. applicable à tous les paiements, que "tout paiement suppose lme dette: ce qui a été
payé sans être dû, est sujet à répétition". Précisant les conditions de la répétition, les articles
1376 et 1377 disposent que "celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû
s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu" (art. 1376) et, corrélativement, que
"lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a Je droit
de répétition contre le créancier. Néanmoins ce droit cesse dans le cas où le créancier a
supprimé SOli Titre par suite du paiement, sauf le recours de celui qui a pavé contre le
véritable débiteur" (art. 1377).
L'aboutissement de l'action en répétition de l'indu, soumise à trois conditions, à savoir
un paiement indu, fait par erreur, et sans fau[e(422\\ demeure aléatoire. du fait des hésitations
existant encore en jurisprudence à propos des deux dernières conditions(423). On note
cependant une tendance des juges à admettre la répétition. même en présence d'une erreur
fautive du sol ven s, lorsque la dette acquittée n'existait pas, ou était d'un montant inférieur au
règlement effectué. Par contre, lorsque la dette acquittée existait bien et que le créancier n'a
reçu que ce qui lui était dû, la faute du solvens devient un obstaele à la répétition(424).
(0122) Sur ces différentes conditions. \\J. Ph. Mataurfe el L. Aynès. Cours de droit civil. Les obligation>, Cujas, 2è éd.. 1990.
n'926 el S., p.5~ el S.; Alain Senaux. Droit des obligations, P.U.F. J991, n'76, p.269 et s.
(423) V. Ph. Malaurie et L. Aynès, Les obligations. précité, n'917 el 5" p.5Ü5 el s.; M. Cabrillac, Enc. Jnr. Dallez, rép. dt.
com .. :zè éd.. n'] 15; G. Marty el P. Reynaud. Drou Civil. 1. li, Les obligations, précité, n'624 el s.. p.657 el s.
(424) Tantôtles juges exigent 1~ preuve d'une erreur du solvens pour admettre la répétition (v, par exemple Paris 3 juin 1985.
D.1986.77, noie J.·L, Aubert), tanlôt 11011 (v. par exemple Casso civ. 1ère 17 judl, 1984, D.1985.298, (lOte. P. Chauvel).
Adde, J. Ghestin. L'erreur du sotvens. condition de la répétition de l'indu, D.Ign.277, el les décisions; y, Lcusseuarn, La

148
183 - En pratique, J'intervention du banquier, en matière de paiement de chèque,
s'inscrit généralement dans les deux eas de figure suivants:
Tantôt le banquier a, en payant le chèque (ou un autre effet). acquitté par erreur u~e
dette qui n'existait ni à son encontre, ni à l'encontre du client dont le compte est censé
supporter la charge de l'opération. Cette situation, révélatrice d'un indu objectif(425\\ se
rencontre concrètement dans l'hypothèse, notamment, où le banquier a payé un chèque tiré
par une personne dessaisie du pouvoir d'émettre des chèques (c'est le cas, par exemple. d'une
personne sous le coup d'une procédure de redressement ou, plus sûrement, de liquidation
judiciaires) ou encore dans l'hypothèse où l'effet payé était faux ou falsifié, de sorte que le
droit de l'accipiens était en réalité inexistant sinon bien moindre que ce qui a été versé. Le
banquier es! alors autorisé par lcs juges à réclamer à celui-ci (l'accipiens) le reverscment des
sommes indûment perçues: même si une faure pouvait être reprochée au solvens(426), cette
faute pouvant seulement entraîner une réduction de la somme à répéter, par application de
l'article 1382 du Code civil (427).
condition d'erreur dn solvens dans la répétition de l'indu. R.T.D.Civ.1949.111, spécialement n02. De même. en ce qui
concerne la faure dn solvens. tantôt elle Cs! considérée par les juges comme un ob-racle 31.1 répétition. surtout duns les cas où
la dette acquittée existait bien, et que le créancier a reçu ce qui lui était dû (v. Casso corn. 16 mai 1984 (implicitement), Bull.
Civ ..rv. n'165, p.JJ7; D.1985,LRJ29. obs. M. vasseur; C:!sS. rom. 2:! nov. 1977, Bult. Civ IV, n'275, p.233;
J.C.P.l97B.II.l8997. nole M, Gëgout: D.1978J.R.306, obs. ~. vasseur et LR.342. obs. M, Cabrtllac; R.T.O.civ. 1979.139,
cbs. Y. Lcusscuarn: Casso corn. 23 av," 1976, Bull. Civ. IV, n'134, p.JJ5; D.l977.562, note G. Vermelle; Banque
1976.1276. obs. l.-:\\f. Martin), tantôt elle semble indifférente à l'admission de la répétition. mais surtout dans les cas où la
dette acquittée n'existait pas. ou était d'un montant inférieur 11.1.1 SOmme versée (v. Casso rom. 19 nov. J991, Bull. civ., n'354;
R.T.O.Com. 1992.650; CasSo civ. 1ère 18 juill. 1979, BuU. Civ ..l. n'219, p.175; J.C.P.1979.1I.19238, Concl. Gulphe; Banque
1979.1237, obs. L,-M. Martin; D.l980,I.R.114, obs. M, Cabrillac (implicitement); Casso com. 4 déc. 1978, Bull. Civ. IV.
n'289, p.23B; 0.1979.324, note Ph, Derouln: D.1979,I.R.275. obs. :\\t. Cabrillae; Banqne 1979.984, obs. L..~, Martin;
Journal des agréés 1979.343. note J, Mestre (implicitement): Aix-en-Provence, 2 OCI. 1975, J.C.P.1977.II.18752, note
Danièle Tardleu-Naudet; Casso Soc. 9 oct. 1975, Bull. Civ.,V. n'454. p.390; J.C.P,1976.IV,6574, obs. J. A.; Casso Soc. J5
nov. 1973, aeu. Civ.iv, n'58.\\ p.S40; Casso Soc. 21 mars 1972, Bull. Civ ..V, n'237. p.:!17; Banque 1972.1046, obs. Lo·M.
Martin; J.c.P. 1973.11.17343 bis. Adde, J. Ohesetn. Ene. Jur. Dalloz, rép. dr. civ.. 2è éd., v' répétition de l'indu, n032,
M, vasseur. nore sous Cass. cjv , 1ère 18 juill. 1979, précité. 0.1980.173, colonne 2, §4).
(425) SVr le sem de cene expression. v. Ph. Derouin. nore sous Casso corn. 4 déc. 1978. 0.1979.324, n"L
(426) V. Casso 4 déc. 1978, précité, il propos d'une action en répétition de l'indu, ~ la suite du paiement d'un chèque émis par
le titulaire du compte, postérieurement av jugement ayant prononcé la liquidation des biens. La Cour a jugé que, du fait du
dessaisissement qui frappait le titulaire du compte, le bénéficiaire du chèque n'a pu se voir transférer une quelconque
provision. si hien que le chèque n'a pu faire naître une créance à son bénéfice. La delle n'existant pas, le banquier avait payé
cc qu'il ne devait pas el pouvait obtenir 1" répétition.
(427\\ V. Casso civ. 1ère 18 juill. 1979, D.1980.172, note M. vasseur, précité, 11. propos d'une action en répétition de l'indu
exercée contre le tireur dont la procuration avait été révoquée avant l'émission du chêqnc. A la Cour d'appel qui avait ordonné
la restitution de la totalité des sommes payées pur lu banque, la Cour de cassation reproche, sans pour autant remettre en

149
Tantôt, le banquier a payé, par erreur, alors qu'il n'en avait pas reçu l'ordre, ou même,
malgré l'ordre contraire de son client, un effet à une personne qui était bien créancière du
titulaire du compte. Le banquier n'était pas débiteur, mais la dette qu'il a acquittée au nom de
son client existait bien. Ce cas d'indu subjectif(428) se rencontre concrètement dans
l'hypothèse où le banquier a payé une lettre de change domiciliée chez lui, sans avoir reçu
d'avis de domiciliation, ou encore dans l'hypothèse où le banquier a payé un chèque faisant
l'objet d'une opposition du [ueur(429), La jurisprudence, dans ces situations, pour refuser la
répétition, fait état de la faute du salyens qui "a à se reprocher d'avoir payé sans prendre les
précautions commandées par la prudence", alors que l'accipiens n'a reçu que ce que lui devait
son débiteur(430),
184 - Ces solutions suscitent une question qui, en raison de la diversité des qualités que
peut prendre un banquier qui paye un chèque (ou plus généralement un effet de commerce),
mérite d'être posée: cette jurisprudenee est-elle applicable indistinctement aussi bien aux cas
où le banquier a payé au nom de son client, en qualité de mandataire, qu'à ceux où il a, en
payant, agi à titre personnel? L'intérêt qui s'attache à cette interrogation réside dans la
nécessité de déterminer avec précision l'accipiens sujet de l'action en répétition de l'indu,
lorsque le paiement critiqué est intervenu en chambre de compensation,
En principe, le banquier, tiré d'un chèque (ou le banquier domiciliataire d'un effet de
commerce), en effectuant le paiement ordonné par son client, agit au nom et pour le compte
de ce demier(431), Si, à l'origine de ce paiement. se trouve une erreur fautive du solvens.
cause le principe de 1;\\ resritution. de n'avoir pas recherché si la négligence de la banque n'avait pa~ eu pour effel de causer au
tireur un préjuJice ouvrant drou à réparation,
(428) Sur le sens de celte expression, v. Ph. Deeou!n, noie sous Cess. corn, 4 déc, 1978, D.1979.324, n'L Adde Alain
Sérieux. op. cil. n'77. p,275,
(429) Il faut assimiler :'ll'hypolhèse d'Un paiement par suite de la méconnaissance d'une opposition, celle du paiement d'uu
chèque sans provision, intervenu contre la voloatê du banquier, par le jeu du règlement de la chambre de compensation relatif
aU délai de restitution des valeurs rejetées; car dans ee cas, le paiement n'est pas réalisé au nom el pour le compte du tireur du
chèque, mais résulte de l'exécution par le banquier d'une convention particulière qni est res inter alios acta pour le tireur du
chèque. V. supra Il'\\79.
(430) V. Cass. corn. 23 JVr. 1976. Bull. Ci.... IV. n'l34, p.1I5: 0.1977.562, note G. vermeue tprécilé); Cass. com. 22 nov
1977, Billl. Civ. IV, n'275, p.233; J.c.P. 1978.1I.18997, note M. G"-goUl (précité).
(431) Pour la discussion de cette opinion, v. snpra, n'153; certains auteurs aff'irmeni pounant Ie contra ue et esumenr que le
banquier qui paye un cnèque régulièremenr tiré ~UI ses caisses paye pour son compte. dans la mesure oü le transfert de

150
lequel aura, de ce fait, à en supporter les conséquences. il n'en demeure pas moins que ce
paiement intervient dans le cadre sinon du mandat conféré par le titre, du moins dans celui
d'une convention de compte unissant le banquier et son client, et par laquelle le premier s'est
engagé à effectuer des paiements au nom et pour le compte du deuxième. On doit donc
admettre que l'action qui permettrait d'obtenir le reversement des sommes indûment remises
au porteur de l'effet doit être accordée aussi bien au banquier salyens qu'à celui au nom
duquel le paiement a été effectué.
185 - Certaines juridictions du fond ont pourtant décidé le contraire. En effet, dans une
affaire où une banque avait payé à un endossataire des lettres de change tirées sur un de ses
clients, mais dont la signature d'acceptation s'était révélée fausse, la Cour d'appel de Paris,
pour rejeter J'action en répétition de l'indu intentée par la banque contre l'aecipiens. avait
déclaré, entre autres motifs, que celle-ci n'avait payé qu'en qualité de mandataire ct n'était pas
débitrice de la somme par elle versée(432). Cela revenait à dire que la personne qui a payé
une dette en qualité de mandataire n'a pas qualité pour agir en répétition de l'indu.
C'est la même idée qu'on retrouve dans une décision de la Cour d'appel d'Angers du 8
Novembre 1976, dont a eu à connaître la Chambre Commerciale de la Cour de cassation, sur
pourvoi(433). Dans cette autre affaire, une banque domiciliataire d'une lettre de change l'avait
payée au profit d'un banquier escompteur, après la mise en liquidation judiciaire du tiré. Ce
paiement étant inopposable à la masse des créanciers. elle réclamait au tireur de l'effet, les
sommes indûment versées. Après avoir fait remarquer que le paiement a été fait non au tireur
mais à l'escompteur devenu propriétaire de l'effet, la Cour d'appel retient que la banque
domiciliataire n'avait payé qu'en qualité de mandataire et rejette sa demande.
186 - La Chambre Commerciale jugea, dans les deux cas, que les motifs tendant à
justifier le rejet de la demande du banquier solvens par sa qualité de mandataire du tiré des
provision impliqué par rémission le rend directement débiteur de celte provision à regard du porteur légitime du titre. V. not
Ph. Derouin, note sous Casso corn. 4 déc. 1978, D.t979J24. nOS, pour lequel "lu provision étant transférée au bénificiaire
par la remise du chêoue. le banquier paie sa delle en pa.,(J1l/ le chêqne el non/a delle d·ùfllrui".
(432) V. Paris 4 mai 1976, relaté par CUS&. corn. 2:! nov 1977. J.C.P.1978.11.18997. note M. Gégoul (précité);
D.l978.I.R.342. obs. M. Cabrillac.
(433) V. CASS. coud avr. 1978. D.1978,I.R.342. obs. M_ Cabrillac; Bull. Civ. IV, n"llO. p.92.

151
lettres de change étaient erronés. Cette position de la Chambre Commerciale se situe dans la
ligne tracée depuis longtemps déjà par la Cour de cassation. En effet, le 31 mai 1907, la
chambre des requêtes(434) avait admis que "la répétition de l'indu peut êrre exercée, soit par
celui au nom duquel le paiement a été fair, soir par la personne même qui a effectué le
paiement"(435>.
Cette position est partagée par la doctrine qui estime que. d'une manière générale, c'est à
celui qui s'est trouvé appauvri qu'appartient l'action, de sone que si le mandataire a payé de
ses propres deniers, J'action lui est ouverte à titre personnel(436). Parallèlement. on doit
retenir que l'action en répétition de l'indu ne peut être exercée que contre celui qui a reçu le
paiement ou contre celui au nom et pour le compte duquel il a été reçu(437). En conséquence,
cette action ne devrait pas pouvoir être exercée contre une personne autre que J'accipiens.
lorsque ce dernier a déclaré agir à titre personnel.
187 - En matière de chèque, lorsque le paiement a lieu en chambre de compensation, les
banquiers solvens et accipienx sont censés intervenir à titre personnel, et non au nom de leurs
clients. Au cas de paiement indû. seul le banquier présentateur fait figure d'accipiens, puisqu'il
est censé recevoir le paiement à titre personnel. De même que le banquier solvens est seul
engagé par un mauvais paiement en chambre de compensation, de même doit-on considérer
que la réception du paiement. en chambre de compensation, n'engage que le banquier
accipiens, à l'exclusion du client pour le compte duquel (mais non au nom duquel) il a en
réalité présenté l'effet. Seul le banquier accipiens devrait être, dans ce cas, le sujet d'une
éventuelle action en répétition de l'indu. En conséquence, le banquier solvens, qui par l'effet
d'une clause de la convention de compensation le liant à ses confrères s'est trouvé dans
(434) S. 1907.1.447. note G, Dourcart.
(435) On retrouve l'affirmation de ce principe en des jcrrnes pratiquement identiques dam un arrêt dc la 1ère chambre civile
de la Cour de cassation du 1er août 1932, 5.1933,1.10.
(436) V. C Demolombe, Cours de Code Napoléon. Traité des engagements qui se forment sans convention, Paris, A.
Labure. 1882. t. VIII, n'245 et 5., p.lOS ct 5.; R. Demogue. Traité des ootigarions en général, Paris Librairie A. Rousseau,
1923, t.IlL n'97. p.161 el s.: Planiol el Rjpert, Traité pratique de droit civil Français. l. VII, Les obligations, par Paul
Esmein, .1. Radouant el G, Gabclde. Paris. L.G.Dl., 1954. n'744, p.32. Adde Maurice Gëgout. note sous Casso cern. 22
nov. 1977, J.C.P.1978.lJ.18997, précité.
(437) V. Casso soc. 5 févr. 1981. Bull. civ .. V, n'1I2, p. 85; v. égal. Alain Sérlaux. op. eit.. n'78, p.276; Adde C.
Dernolombe,op. cn., n'254 et s.. p.~13 el s.: Planiol el Ripert. par P. Esmein, op. cit., n'745. p.33.

152
l'impossibilité de récupérer, auprès du banquier accipiens les versements qu'il lui a faits, ne
devrait pas être admis à exercer contre le bénéficiaire du titre (qui n'est pas partie au paiement
intervenu en chambre de compensation) t'action en répétition de l'indu.
188 - C'est pourtant une solution différente que semble consacrer, à tort, la Cour de
cassation dans l'arrêt du 16 rnai 1984 précédemment analysé(438). Dans son pourvoi, le
bénéficiaire du chèque réglé en chambre de compensation contestait le droit à répétition du
banquier salyens qui, selon lui, a commis une fame en payant "salis prendre les précautions
commandées pal' la prudence" au bénéficiaire (qualifié à tort d'accipicns par l'auteur du
pourvoi), qui n'a reçu que ce que lui devait son débiteur. Pour rejeter cet argument, la Cour de
cassation retient. à la suite de la Cour d'appel de Rouen, que la banque solvens n'avait fait
qu'une avance de fonds au tireur du chèque et "n'avait pas commis de fatal' de nature à la
priver de son droit de se faire rembourser le chèque demeuré sans provision".
Faisons abstraction du deuxième motif de rejet du pourvoi, qui fait ressortir la mauvaise
foi du bénéficiaire du chèque, eu égard à sa participation à une escroquerie. On peut alors
noter que pour la Cour de cassation la banque tirée qui a payé un chèque en chambre de
compensation a le droit de poursuivre, conrre le bénéficiaire de cet effet, sur le fondement de
la répétition de j'indu, le remboursement des sommes versées au confrère présentateur.
189 - Cette solution nous semble en contradiction avec le principe que nous exposions
plus haut et selon lequel I'accipiens (c'est-à-dire celui qui a reçu le paiement ou celui au nom
el pour le compte duquel il a été reçu) seul est le sujet de la répétition. Or en matière de
paiement en chambre de compensation l'accipiens, c'est le banquier présentateur de l'effet, à
t'exclusion des bénéficiaires ses clients. Affirmer le contraire c'est, par la même occasion, se
mettre en contradiction avec cee autre principe selon lequel les banquiers n'interviennent pas
en chambre de compensation en qualité de représentants des clients qui leur ont confié le
recouvrement ou le paiement de leurs effets. Le banquier qui a payé. en chambre de
compensation, un chèque tiré par son client. ne devrait pas être admis à exercer l'action en
répétition de l'indu contre le bénéficiaire de cet effet. Car, rigoureusement parlant, ce dernier
(438) Casso corn. 16 mai 1984. Bull. Csv. rv. 1I"165.p.IJ7; D.1985,I.R.3:;9.obs. M. Vasseur: V. supra n'Ljg.

153
n'est pas, au regard des règles gouvernant les chambres de compensation, l'accipiens du
paiement intervenu. Il lui reste, cependant, le recours fondé sur un éventuel enrichissement
sans cause.
* *L'action de in rem verso.
190 - Puisant son fondement dans le principe d'équité, non écrit, qui défend de s'enrichir
aux dépens d'autrui(439), l'action de in rem verso. qui sanctionne l'enrichissement sans cause.
est soumise à deux séries de conditions: des conditions d'ordre matériel, à savoir un
enrichissement (c'est-à-dire un avantage quelconque appréciable en argent) corrélatif à un
appauvrissement (c'est-à-dire une perte quelconque appréciable en argent), et des conditions
d'ordre juridique, à savoir un enrichissement sans cause (c'est-à-dire un enrichissement non
justifié par une cause légitime juridiquement acceptable), et l'absence d'une autre action de
droit permettant de réparer le tort causé à l'appauvri. A ces conditions traditionnellement
reconnues, la jurisprudence récente a rajouté une autre, dont le caractère autonome demeure
discuté en doctrine(440\\ à savoir l'absence de faute de l'appauvri(441)(442).
Le métier du banquier, qui consiste, pour une part de plus en plus importante, à
effectuer des règlements de dettes pour le compte d'autrui, mais aussi le fonctionnement, pas
toujours bien maîtrisé, des ordinateurs auxquels il recourt de plus en plus pour ce faire,
l'exposent à des versements non autorisés par les clients. Ces règlements ne peuvent être mis
(439) Principe exprimé pour la preraiêre fois en jurisprudence par 13 Chambre des requêtes de la Cour de cassation dans
J'arrêt Boudier-Patureuu-Miran du 16Juin \\892. 5.1893.l.28 l, noie Labbé: D.P. 1892. L.596.
(440) Dam le sens du caractère autonome de la condition de l'absence de faure de l'appauvri, v. H. L. el J, Mazeaud, Leçons
de droit civil, éd. Montchrélien, 1. Il, 1er vol.. Obligations, théorie générale. 8e éd.(l991). par François Chabas. n'698 et
700, pp.835 e~ 837; Yvon L:cus;soua":l' ob~è ~ la R.T.D.civ.1975.70:5, Il:7, Contra voir ~~tammenL .G, ~any" el P.
Raynaud, Droit C1Vti, Les obligations. SIrey, _ ed.. l. l , Les sources, 1988, n 397, pAlS; A. Senaux, op. ClL, n 89, p.~96.
(441) V. not. Casso soc. 3 juill. 1990, Bull. civ .. V, n'337 p.20!; Cass. civ. 1ère 18 janv. 1989, Bull. ejv.,J,n·21,p.14; Casso
corn. 16 Jllill. 1985, D.1986.393, note J.,L. A.; D.1986,I.R.313, 000.:\\1, vasseur. B.ult. ci-. IV, n'215, p.l7S; Casso rom. 5
févr. 1980, ~nll. Crv. IV, n'56, p.45; D.1980,LR.404, obs. A, Honorat; Casso civ. lere 3 avr. 1979, BlIIl. Civ. J. n'28. p.22;
Casso civ. 1 re, 22 oct. [974, Bull. Civ.L n'272, p,233;Cass. corn. 8juin 1968, j.CP. 1969.11.15724, note Prieur; Casso Soc.
1957, J.c.P. I958.11.10666, note Joly; Casso civ. lere 6 mai 19.'i3, D.1953 .609, note Goré. Contra : (.1'>1>, corn. 23 janv. 1978,
Bull. Civ. IV, n·28, p.22; n.1979,I.R.273. 000. M. CabrilJac, 1.C.P. 1980.U.193 65, note Tbuillier; Banque 1978.1017. obs.
L.·M. Martin; R.T.D.Com.1979."278. obs. M, Cabrillac; Rép. not. Defrcnois. L979.377, obs. J.-L. Aubert.
(442) Sur l'ensemble de la question, v. not. Hugues Perinet-Marquet, Le son de l'action de in rem verso en cas de faute de
l'appauvri.1.C.P. 1982.1.3075; Anne-Mane Romani, La faute de l'appauvri dans l'enrichissement sans c anse el dans la
répétition de l'indu, D.1983.127.

154
au compte de ceux-ci, s'il refuse de les ratifier, et doivent rester à la charge du salyens, par
application des articles 1998 à 2000 du Code civil. Ce dernier a, toutefois, la possibilité de
réclamer aux bénéficiaires de ces versements leur restitution, sur la base de la répétition de
l'indu. Mais cette action n'est pas toujours adrnise( notamment lorsque l'accipiens n'a reçu que
ce que lui devait son débiteur). Dans ce cas, seul le recours à l'action de in rem verso peut
permetrre au sa Ivens de récupérer ce qu'il a payé à ton(443).
Cette action. qui a pour cible toute personne qui s'est trouvée enrichie illégitimement
par l'acte qui a appauvri le demandeur. est ouverte par conséquent à toute personne dont la
perte s'est traduite par J'enrichissement corrélatif d'autrui, sans qu'il y ait lieu, en principe, de
distinguer en fonction de la qualité en vertu de laquelle elle a agi. C'est dire que l'action de in
rem verso est ouverte aussi bien aux personnes dont l'activité se justifie par la poursuite d'un
intérêt personnel qu'à celles qui interviennent pour le compte ou au nom d'autrui. Toutefois, il
faut préciser tout de suite que, du fait de son caractère subsidiaire, l'action de in rem verso ne
peut être exercée par te mandataire qui s'est trou .... é appauvri dans le cadre de sa mission,
contre son mandant. Il doit rechercher dans les prévisions de son contrat, les moyens de se
faire indemniser de ses pertes (cf. an, 1998 à 2000 C. civ) ou se résigner à les prendre
personnellement en charge, si elles sont la conséquence de sa responsabilité.
191 - Mais il peut arri.... er que dans son action, le mandataire se soit placé (souvent
involontairement) en dehors du rôle qui lui a été assigné. Il ne pourrait, de ce fait, invoquer
les règles du mandat. L'action de in rem verso devrait lui être, alors, ouverte, en principe.
Cette situation se rencontre concrètement lorsque le mandataire agit sans pouvoir, ce qui pour
le banquier chargé du paiement de chèques, revient à payer sans mandat, ou sans tenir compte
de la révocation (survenue sous la forme d'une opposition au paiement du chèque) d'un
mandat précédemment donné, ou encore sans tenir compte de la révocation d'une procuration
donnée à un tiers, Cc faisant. le banquier tiré aura commis une faute et ne peut, de ce fait,
ainsi qu'il ressort de la grande majorité des décisions de justice intervenues dans ce domaine,
(443) La gestion d'affaires, très peu invoquée en pratique, êL1nL, dans notre esprit, exclue. Elle suppose, en effet, l'intention
délibérée de gérer 1·...ffaiTe d'autrui, en dehors de toute obligation préexistante. Celui qui croyait à Inrt exécuter une obligation
résultant d'un contrat de mandat, ne peut, dans le même Lemps el pour le même acre, déclarer avoir voulu gérer l'affaire de
son ccconuacunr. V, supra n"181.

155
exercer contre le titulaire du compte, l'action de in rem verso(444). C'est ce qu'a décidé la
chambre commerciale de la Cour de cassation, le 16 juillet 1985(445), à propos d'une banque
qui avait payé un chèque ne comportant pas toutes les mentions exigées par la loi, et ce
malgré l'opposition du tireur, dont elle avait pourtant accusé réception. Selon la Cour de
cassation, la Cour d'appel qui "toul en caractérisant la füute de la Caisse Régionale de Crédit
Agricole qui est à l'origine de SOlI appauvrissement, a cependant déclaré celle-ci bien fondée
à exercer contre M. Roujou l'action de in rem verso", viole l'article 1371 du Code civil el les
principes de l'enrichissement sans cause.
De même. la Cour d'appel d'Aix-en-Provence jugeait, le 15 février 1979(446). qu'avait
commis une faute rendant irrecevable sa demande fondée sur l'enrichissement sans cause de
son client, la banque qui avait payé un chèque non daté et émis sur un compte soldé depuis
trois ans.
192 - Il faut dire cependant que la position de la Chambre commerciale n'a pas toujours
été celle qui vient d'être exposée. En effet, dans un arrêt du 23 janvier 1978(447) elle avait
affirmé que "Je fait d'avoir commis une imprudence ou une négligence ne prive pas celui qui
en s'appauvrissant, a enrichi autrui de son recours fondé sur l'enrichlssement salis cause". Il
s'agissait, en l'oceurrence, d'une banque à qui l'on reprochait d'avoir cornmis une faute en
payant des chèques, bien qu'ayant été avisée, par sa cliente, de la révocation de la procuration
donnée au tireur. On avait cru à l'époque discerner, dans cette divergence de jurisprudence,
soit le rejet de la faute comme condition de l'action de in rem verso(448), soit la volonté de la
Chambre commerciale de distinguer entre les fautes de négligence ou d'imprudence et les
autres fautes(449), ou entre les fautes conscientes et celles qui ne le sont pas(450). Etant
(444) V. arrêts cités supra n'190. note nO~"'~.
(445) Bull.. Civ. IV. n'2I5, p,J7S; 0.[986,393, note J..L. A.; 0.1986.I.R.3L3, obs. M. Vasseur.
(446) D.1980,I.R379, obs. \\1. Vasseur.
(447) Bull. civ.Jv .n·Z8,p.22: Banque 1978.10j7. note L.-M:. M:artin.
(448) V, J.-L. Aubert. ob>. ~D'JS Cess. corn. 23 janv. 1978. Rép. Defrénois 1979, an. 31928. p.378.
(449) V. A.-M. Romani. article précité. n'l.'l.
(450) V. H. Pl'rinet-Marquel. article précité. [\\'35.

156
entendu que seules les fautes intentionnelles, ou conscientes, excluraient le bénéfice de
l'action en enrichissement sans cause. Aujourd'hui ces thèses ne peuvent plus être défendues,
la Chambre commerciale s'étant, depuis lors, ralliée à la position des chambres civiles et de [a
Chambre sociale(451); notamment à travers plusieurs décisions postérieures(452\\ dont celle
du 16 juillet 1985 ci-dessus évoquée.
193· Ces différents cas de mise en oeuvre du principe de l'enrichissement sans cause, à
l'occasion du paiement, sans mandat, de chèques par une banque tirée. donnent un aperçu des
solutions généralement retenues lorsque l'action est dirigée contre le tireur. De fait, c'est
presque toujours contre son client que le banquier qui s'est appauvri par un paiement sans
mandat intente l'action de in rem verso, tandis que contre le bénéficiaire est plutôt engagée
l'action en répétition de l'indu. Cette manière de procéder provient de ce que, dans la plupart
des cas, l'accipiens du paiement fait à tort par le banquier, aura reçu les fonds en vertu d'une
créance qui existe réellement, de sorte qu'on ne peut l'accuser de s'être enrichi de manière
injuste. Dans ces conditions, et dans la mesure où le paiement indu résulte d'une erreur fautive
du sotvens. l'action en répétition dont le bénéficiaire du titre seul (ou toute autre personne
agissant en son nom) peut être le sujet Cà l'exclusion du tireur qui n'a pas [a qualité
d'accipiens). est vouée à l'échec. Il n'est alors pas étonnant que le banquier cherche à réclamer
à son propre client. véritable débiteur de la dette qui a été éteinte par le paiement critiqué, le
remboursement des sommes décaissées, sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
194 - Pour autant. on ne doit pas penser qu'une action fondée sur l'enrichissement sans
cause du bénéficiaire d'un chèque (ou du tireur ou encore de l'endossataire d'un effet de
commerce. plus généralement) qui en a reçu le paiement, ne puisse être théoriquement
envisagée. L'hypothèse où une telle action nous semble possible se présente lorsque le
paiement dont a bénéficié le porteur du titre, qui en avait confié l'encaissement à son propre
banquier. a été involontaire. Si, dans un tel cas, l'action en répétition de l'indu contre le
banquier encaisseur, accipiens, se trouve paralysée par le jeu d'Une clause du règlement de la
{~Sll v. arrêts cités SUpHi note~LM.
(452) V. par ex. Cas>. corn. 5 fév. J980. Bull. civ.,IV, nOS6,p."5; Casso COin, 24 fév. 1987, Bull. civ.,IV,n'SO,pJ6.

157
chambre de compensation, il ne faut pas en conclure que le bénéficiaire de l'effet, destinataire
final du paiement. se trouve à l'abri de tout recours tendant au remboursement des sommes
qu'il a reçues. Certes il échappe à J'action en répétition de l'indu, puisqu'il ne peut être, en
principe,
considéré
comme
l'accipiens
du
règlement
intervenu
en
chambre
de
compensation(453), Mais il est indéniable que, du fait de la convention liant les banquiers
sotvcns et accipiens et qui, excluant toute représentation dans l'acte de paiement, ne permet
pas d'atteindre directement le bénéficiaire final des versements, le remettant du titre payé se
sera trouvé enrichi par l'entrée accidentelle d'une somme d'argent dans son patrimoine. Dans
la mesure où cette renrrée d'argent correspond à l'exécution par son débiteur. le tireur du
chèque (ou le tiré de la lettre de change), de son obligation. par le banquier tiré interposé, cet
enrichissement, tout à fait légitime, ne peul être critiqué. Mais si, au contraire, le solvens a
payé alors qu'il n'avait pas reçu le pouvoir de le faire. ou même avait reçu J'ordre de ne pas
payer, il se serait personnellement engagé par son acte. Il aura, en réalité, payé de ses deniers
une dette qui n'était pas la sienne et qui, sans son acte, n'aurait pas été éteinte. De sone qu'on
peut dire que l'extinction de la créance du bénéficiaire et, partant son enrichissement, [fauve
sa cause véritable dans l'erreur et dans l'appauvrissement du solvens. Or ce dernier n'est ni son
débiteur, ni le représentant de son débiteur. Un tel enrichissement serait illégitime er ouvrirait
théoriquement la voie à une action de in rem verso.
195 - En définitive, force est de constater que le paiement des chèques par le banquier
l'expose au risque, assez important, d'avoir à conserver la charge des paiements effectués à
tort, sans grand recours ni contre le tireur (surtout lorsque celui-ci a manifesté son opposition
au paiement)(454), ni contre le bénéficiaire, sauf en cas d'inexistence de la créance que le
paiement visait à éteindre. On doit cependant observer que cette situation n'est pas propre au
banquier appelé à payer des chèques au nom et pour le compte de ses clients. Elle est. en
réalité, inhérente à tour mandat ayant pour objet un paiement, si bien qu'Il faut admettre que,
sur cc terrain aussi (celui des moyens de recours en cas de paiement indû, les solutions
(453) V. supra Il'189.
(454) Notamment lorsqu'il notifie au banquier ln révocation d'une procuration qu'il avait donnée à un tiers.

158
retenues par le droit positif, à l'égard du banquier tiré. justifient le qualificatif de mandataire
qui lui est appliqué,
Comme tout mandataire, le banquier tiré est soumis, à côté de l'obligation d'exécuter la
mission confiée, à l'obligation de rendre compte de l'accomplissement de celle-ci.
b. L'obligation de rendre compte du paiement.
196 - Aux termes de l'article 1993 du Code civil, "tour mandataire es! tenu de rendre
compte de sa gestion,,(455). Il en est de même pour le banquier qui aeeepte de fournir à son
client un service de chèques.
Si on ne peut faire ressortir de la convention de tirage de ehèques l'obligation pour le
banquier de rendre eompte des paiements effectués pour le compte du son client, il ne faut pas
en conclure pour autant à son inexistence. En réalité, cette obligation résulte de la convention
plus générale d'ouverture de compte. Par cette dernière eonvendon. le banquier et son client
sont convenus d'un mode de règlement spécifique de leurs créances et de leurs dettes
réciproques, devant se traduire par l'inscription en compte de toutes les opérations au profit ou
à la charge du client. Un extrait des différentes écritures intervenues sera en conséquence
communiqué au client selon une périodicité donnée (généralement une fois par mois, au
moins), afin de le tenir informé sur l'état de son compte et de lui permettre de le faire
fonctionner en pleine eonnaissanee de cause.
197 - C'est d'ailleurs, essentiellement, à la constatation des différentes opérations dont
se charge le banquier au profit du client, qu'est destiné le compte en banque(456), "En lui-
même, le compre n'est qu'un cadre vide [qui] ne prend vie et Ile produit ses effets que par les
opérations qu'il enregistre et dom il assure le règlement convenu,,(457J. Les relevés de
compte que les banques font parvenir périodiquement à leurs clients doivent donc être
(455) Sur l'ambivalence de j'obligation de rendre compte, v, supra (introduction) n"27 et infra n"399 ers. et n' 454.
(45fil V, Riperl el Roblol. op. cit.. n"2285, p.345.
(457) J,-L. Rive5-lange et M. Eontamlne-Rajnaud, op. cit., n'178, p.2Z? et n'188, p.24 7.

159
considérés, avant tout(458), comme des comptes rendus de chacune des opérations qu'elles
Dm eu à effectuer pour leur compte, dans un laps de temps donné. C'est dire que l'obligation
de rendre compte, périodiquement, du fonctionnement du compte, assumée par le banquier,
du fait de l'ouverture aux: clients d'un compte dans ses livres, se rappone non seulement au
mandat "général" de gestion dont il est chargé de cc fait par ceux_ci(459), mais également et
surtout à chacune des opérations (prise individuellement) qui en constituent les éléments.
Seulement la convention des parties a prévu que ce compte rendu interviendra. non pas au
coup pas coup, après chaque opérarion(460\\ mais plutôt pour un ensemble d'opérations se
situant dans un laps de rernps donné. Toutefois, pour ceux des clients qui disposent d'un
terminal télématique tel que le minitel, de même que pour ceux qui, étant titulaires d'une carte
de crédit, ont accès aux guichets automatiques de banque, le compte rendu peut être obtenu à
tout moment, à leur initiative. Ce qui n'empêche d'ailleurs pas J'envoi à ceux-ci, selon une
périodicité prédéterminée, de relevés de compte.
Il faut bien admettre, dans ces conditions, que pèse sur le banquier qui paye un chèque,
une obligation de rendre compte de ce paiement à son client, même si ce compte rendu ne doit
se réaliser, scion la convention des parties, qu'à travers les relevés de compte établis selon une
périodicité déterminée à l'avance. Un manquemenl à cette obligation pourrait mettre en jeu la
responsabilité contractuelle du banquier tiré s'il en résultait un préjudice pour le tireur. C'est
ce qui ressort, a contrario, de certaines décisions de justice qui, en matière de paiement de
chèques faux ou falsifiés, refusent d'admettre la faute du tiré qui a payé une série de tels
(458) Les relevés de compte son! également un compte-rendu des règlements des créances el des dettes existant entre le
banquier et son client. V. Rives-Lange el Contamme-Raynaud. op. eir., n·I78. p.227 cl n' 188 el S., p.247 el s.
(459\\ L'existenee de ce mandat de gérer anaché au eompte bancaire est reconnue par la jurisprudence. V. note J'ens 3 janv.
1975. D.1975.743, note J. vëztan: R.T.D.Com.1975.151, obs. :\\1. Cabrrllac el J ..L. Rives-Lange. Ainsi, à propos de
J'exécution, par un banquier, de faux orures d.: virement. les juges affirment que "le banquier l'si le dépositaire des fonds qui
lui som remis par ses clients 011 pour le compte de Cl'S derniers,'
il ne peut être dégagé de son ob/igalion de restituer que dans
fa mesure ou en se dessaisissar\\l de lOUlOU partie des fonds qu'a délient, il n'a fait que gérer le compte conformément aux
pratiques bancaires el plus spécialement au mandai salarié que lui a don"'; de ce chef le titulaire du compte". V. également
Paris 3 juin L981. D.1982,I.R.127, note M. Vasseur; Versailles 18 OCI. 1979, Gal. Pa1.1980.1.392, note J. Dupichol;Cass.
corn. 16 rév. 1979, Bull. civ.,1V,n·78,p.59: D.1980.I.R.14, cbs. M. Vasseur. Rappr. infra n'203; égal. supra n' 51 et infra
n'251 el s.
(460) Certaines banques procèdent cependant ainsi et adressent :;, leurs clients lin rl'll'\\1~ de compte portant indication du
nouveau solde après chaque opération. V. Rives-Lange el Contamine-Raynaud, op. cit., n'189. p.248.

160
effets, lorsqu'il apparaît que les paiements n'ont pu se poursuivre que parce que le titulaire du
compte n'a pas protesté au reçu de ses relevés de compte mentionnant des mouvements
anonnaux(461). Cela revient à dire que le client qui a été informé, à travers les relevés de
compte. de la réalisation pour son compte d'une opération donnée et qui s'est abstenu de faire
connaître au banquier son opinion sur celle-ci, n'est plus admis à la contester, passé un certain
délai. A contrario. tant que le client n'aura pas eu le compte-rendu relatif aux opérations
effectuées pour son compte, il garde la possibilité de les discuter et celle de mettre en jeu, au
besoin, la responsabilité de son banquier.
198 ~ Ces observations permettent de mesurer la portée de l'obligation de rendre compte
due par les mandataires et de se convaincre de la nécessité et, partant. de l'existence d'une
telle obligation à la charge du banquier qui accepte de fournir à ses clients un service de
chèques. Force est de constater que, sur ce terrain aussi (celui de l'obligation de rendre
compte), se trouve vérifiée et justifiée l'application de la théorie du mandat au banquier qui se
charge de payer ces chèques,
199 - Au total, il faut se rendre à l'évidence et admettre que les obligations qui pèsent
sur le banquier. en sa qualité de tiré d'un chèque, som bien celles que le Code civil met à la
charge de tout mandataire. Ce sont, d'abord, l'obligation d'accomplir correctement la mission
acceptée. c'est-à-dire pour le banquier, en l'occurrence, effectuer le paiement ordonné (cf. art.
1991 C. civ.) et, ensuite, celle de rendre compte de l'exécution. c'est-à-dire du paiement. pour
ce qui coneerne le banquier qui a réglé un chèque (cf. an. 1993 C. civ.).
Sur le plan des obligations assumées par les banques tirées. en matière de paiement de
chèques, la thèse du mandat se trouve ainsi vérifiée. Les prochains développements
montreront que cette thèse se trouve encore corroborée par la nature des droits qui résultent,
pour le banquier tiré, de l'exécution correcte de sa mission.
(461) V. nol. Casso corn. 13 Juin 1981, Bull. Civ. IV, n"290, p.230; Pi\\rIS ler juill. 1983. Gaz. Pal.1983.2.57S; Casso com. 20
juill. 1983. Gal. PaI.1984.\\ panor.l8: Paris 14 sept. 1985, Gaz. PaJ.19R6.1.som.19. Rappr. MOlllpeUier Jü evr. 1986.
R.T.D.Com.l987.86. obs. M, Cabrfuac et B. T~y~jt!.

161
2. LES CONSEQt:E~CESAU PLAN nes DROITS DU BANQUIE.R TIRE.
200 - D'après le Code civil, le mandataire qui s'est acquitté sans faute de sa mission
dispose. à l'encontre du mandant, des droits suivants: un droit au paiement de son salaire,
lorsqu'il en a été convenu un (an. 1999), un droit au remboursement des avances faites pour
l'exécution du mandat (an. 1999), ainsi que les intérêts de ces sommes (art. 2001). et un droit
à l'indemnisation des pertes qu'il aura essuyées à l'occasion de sa gestion (an. 2000). Ces
droits sont acquis même si l'affaire n'a pas réussi (art. 1999).
En matière de paiement de chèques. le service rendu par le banquier, quoique non
désintéressé, est gratuir(462), er il ne peut prétendre à aucun salaire, de ce chef(463). Par
contre, le banquier qui a payé le chèque sur ses fonds propres, sans faute de sa part, a droit au
remboursement de ses avances. Le plus souvent, ce remboursement se fait par un règlement
en compte, en application de la convention de règlement que compone tout compte
(462) Par prescription de la loi, semble-t-il. V. art. 65-[ al. 2 du décret-loi du 30 oct. 1935 ainsi rédigé: "lorsqu'il en est
délivré. ies formules de chèques som mises gratuitemenl à la disposition du rilu/aire du compte dans les conditions
déterminées par décision de caractère général du Conseil Nalional du Crédil" (devenu Comité de la Rêglememarion
Bancaire depuis la loi n'&4-46 du 24 janv. 1984, relative 11. l'activité et au contrôle des établissements du crédit. V. J,O.R.F. d\\!
25 janv. 1984). Mais le principe de ccue gratuité est de plus en plus remis eu cause par les banques. Certaines d'entre elles ont
même pris l'initiative, en novembre 1986, de faire payer les chèques qu'elles délivraient 11. leur clients (que ceux-ci soient
prébarrés ou non, semble-t-il). Cene attuude a aussitôt entraîné la réaction des associations de défense des consommateurs
qui appeièrent les Français 11. manifester leur réprobation, soit en retirant leurs compte-des banques qui facturaient les
elrêqucs, soit en émettant des chèques sur des formules dont les références informatiques auraient été préalablement rayées,
ou !oUI simplement sur papier libre. Cc qui n'a pas manqué de perturber sérieusement le fonctionnement desilircs banques, les
amenant à abandon uer leur tentative (sur la relation de celte affaire, v, par exemple l'article de M, Eric Izraelewfcz, Le
Monde du mercredi 26 nov, 1986, p.35. Aujourd'hui encore le débat sur la gratuité du chèque persiste. Aux banques qui
invoquent l'importance de la charge que représente le service des chèques, les consommateurs retournent l'argument selon
lequel la gratuité des chèques n'est que la contrepartie de la non rémunération des dépôts sur un compte bancaire ordinaire.
C'est dans le cadre de ee débat qu'il faut simer les dernières ternauves (mars et octobre 1992) de certains établissements de
crédits (la Poste el la Barclay's) d'instaurer Ia pratique des eomprcs rémunérés (v. le Monde du 28 mars 1992 cr des 3 et 15
oct. 1992). On a pu. à cette occasion, prendre la mesure de l'évolruion des mentalités sur le sujet, li. travers la réprobation
manifestée tant par la profession elle-même que par les pouvoirs publics. On pense cependant qu'avec l'avènement de
l'Europe de 1993, l'influence de la pratique des autres pays enropéens conduira rapidement à l'abandon du principe de la
gratuité des chèques, ainsi que son corollaire, la non rémunération des dépôts sur un compte bancaire ordinaire.
(463) il ne faudrait plis jXlur amant pen.'ier que le mandat conféré par chèque est un mandat non salarié, Cu- cette gratuité
apparente trouve sa contrepartie dans l'absence de rémunération dc_' dépôts à vue Iuns par le titulaire du compte ct aussi dans
la perspective dn recours du client 11 d'autres services qni, eux. sDm rémunérés. En effet. un mandat peul, "utors même qu'il
eH f?raluÎ/, être fépUJ!! salarié du point de vue dt' lu responsabililé car il n'l'sI pas accepté dans une irüerulon tibërate", G.
Baudry.Lacantînerie et A. Wahl. Traité théorique el pratique dn droit civ il. t. XXIV, précité, n'73-t

162
bancaire(464), A cet effet, une écriture de débit est passée par le banquier, qui a pour résultat
de diminuer le solde existant au compte, s'il est positif, ou d'augmenter le découvert déjà
accordé. Dans ce dernier cas, le banquier qui n'a pu rentrer immédiatement dans ses fonds ..a
droit aux intérêts correspondant aux sommes avancées. eonfonnément à l'article 2001 du
Code eivil.
201 - Quant au droit à l'indemnisation des pertes éventuelles subies à l'occasion de
l'exécution de la mission, il n'a jamais été invoqué en tant que tel, en pratique, el n'a pas
trouvé application en jurisprudence. Rien ne s'oppose pourtant à ce que le banquier soit
indemnisé par son client des pertes qu'il aura essuyées à l'occasion du paiement des chèques,
sur le fondement du mandat. Mais c'est, bien évidemment. à la condition qu'aucune faute ne
puisse être retenue conrre lui, ainsi que le précise l'article 2000 du Code civil.
202 - L'hypothèse pratique dans laquelle ce problème est le plus susceptible de se poser
se rencontre en matière de paiement de chèques
falsifiés,
postérieurement à leur
émission(465), soir quant à la somme à payer, soit quant au bénéficiaire du paiement. Car,
contrairement au cas où le banquier a acquitté un chèque faux dès l'origine et n'exprimant pas,
pour cette raison, un mandat(466\\ le paiement d'un chèque falsifié après son émission, mais
comportant la signature vraie du titulaire du compte, se situe bien dans le cadre d'un mandat
donné par ce dernier(467). S'il s'avère par la suite que l'ordre donné par le tireur n'est pas celui
qu'a reçu et exécuté le banquier, une perte apparaît alors, sous la forme d'un décaissement
inopportun provenant, soit d'un paiement non valable (appelant par conséquent un deuxième
paiement), parce que fait à une personne autre que le véritable créancier, soit du paiement
(464) Sur ce point, v. Jean SloutRet, Les comptes d'espèces en banque, jurisclasseur commercial, ancienne édiriou, [asc. 16
bis. n'J;jurisclasscur Banque Cl crédit. fasc. 200, n'2 el 4: v. également J ••L. Ri...es-Lange et M. Crmramlne-Raynaud,
op. cit., [1'178, p.227 et n'190, p.248 el s.
(465) Sur la portée de la distinction entre les chèques falsifiés postérieurement li. ïcur émission et les chèques failli. dès
l'origine, Il. infra, n'251 el s.
(466) v. infra n'246 et s. v. également Casso civ. 20 a... r. 1939, 5.1939.1.209. note Rousseau; Gaz. Pa1.1939.2.9L Cess. civ.
2 mars 194'2, O.C.1942.57; Gaz. Pa1.l942.1.223: Casso cam. 3 janv. 1975. Bull. Civ. IV, n·3. p.ô ; O.1978J.R.306, obs. M,
Vasseur, el 338, obs. M. Cabrillac: R.T.D.Com.197S.141: Banque 1978.89S, obs. L.-M. Martin; Casso corn. 24 févr. 1987.
R.T.D.Coln.1987.S4S obs. M. Cabrillac el B. Teyssié: Banque 1987.6'24, obs. J.-L. Rives-Lange.
(461) Sur cette affirmauon, et les débats qui s'y rattachent, v. nos développements, infra n'251 ct s. spécial. n·2S3.

163
d'une dette inexistante (représentée par le trop perçu en comparaison du montant initialement
indiqué par le tireur). La question qui se pose dès lors est de savoir qui, du banquier sotvcns
ou du tireur, doit supporter cette pene, étant donné que très souvent, il n'est pas possible
d'obtenir de l'accipiens du paiement indu, le reversernent des sommes ainsi déboursées.
203 - La prise en compte de la qualité de mandataire du banquier, en pareille
circonstance. devrait conduire à décider que la pene évoquée est pour le tireur, mandant. à qui
l'article 2000 précité fait obligation de rendre le mandataire indemne des pertes éprouvées à
l'occasion de l'exécution du mandat, sans faute de sa part. C'est précisément le raisonnement
qu'a suivi la Cour d'appel de Versailles pour répondre à la question précédemment posée.
lorsqu'elle lui fut soumise à travers l'affaire qu'elle a eu à trancher le 18 octobre 1979(468).
L'espèce était relative au paiement par une banque d'un chèque falsifié dans son
montant (le montant initial de 616 F avait été transformé en 600.000 F par le bénéficiaire).
Cherchant à déterminer qui du tireur ou du tiré(469) devait subir la perte engendrée par le
paiement du chèque litigieux, la Cour s'appuie très clairement. ainsi que cela s'imposait, sur
les règles du mandat. Le banquier tiré est, précise-t-elle, à la Jois un dépositaire et un
prestataire de service. En cette dernière qualité il est "tenu d'une obligation de prudence et de
diligence dont l'omissionfautive engage sa responsabilité". En conséquence, il a "l'obligation
de s'assurer qu'aucune falsification n'altère le libellé primitif du chèque par grattages,
lavages oU surcharges, dont le caractère apparent constitue une faure dans le paiement", Ce
paiement, poursuit la Cour, "ne libère en effet le banquier tiré, en sa qualité de mandataire.
qu'autant qu'il intervient au profit du porteur légitime du chèque et pour la somme ordonnée
par le client", En l'espèce. les irrégularités que comportait l'effet étaient apparentes. La Cour
en conclut que le tiré a "manqué, en la circonstance, à l'obligation de prudence et de
diligence résultant de S01/ mandat". Il ne pouvait, par conséquent, prétendre reporter la charge
. du décaissement sur le tireur. Si l'on néglige la référence, ambiguë, à la responsabilié
(4681 GJl_ Pal. 1980.1.392, nore J. DupÎchol.
(469) Ou de la banque qui a présenté ii l'encaissement le chèque falsifié qui, du reste était barré. Sa responsabilité fm retenue
en définitive pour la moitié du préjudice occasionné par le mauvais paiement.

164
qu'engagerait le tiré(470\\ on ne peut qu'approuver l'analyse. Elle est une juste application des
principes qu'implique la qualification du chèque en un mandat. Aussi s'étonne-t-on de ce
qu'elle ne soit pas unanimement consacrée par les tribunaux. Au contraire, la plupart des juges
recourent volontiers, sur ce sujet, au droit commun de la responsabilité(47l) ou, dans
l'hyporhèse où aucune faute ne peut être relevée à l'encontre de l'une ou l'autre des parties, à la
présomption de libération édictée par l'article 35 alinéa 1er du décret-loi du 30 octobre 1935
en faveur du banquier(472). Faute de donner à la solution dégagée le fondement qu'impose (a
nature juridique qu'elle reconnaît au chèque. la jurisprudence prête le flanc à la critique. En
effet. l'analyse du chèque en un mandat (mandat de payer confié au tiré par le tireur) justifie
pleinement, à elle seule, la distinction opérée entre les chèques faux ab ovo et les chèques
falsifiés après leur émission(473). Elle justifie, aussi, la mise à la charge du tireur-mandant le
mécompte résultant du mauvais paiement intervenu en dehors de toute faute du tiré-
mandataire (par application de l'article 2000 du Code civil).
204 - Par ailleurs, outre que la formulation de l'article 35 est très large et autorise la
contestation de la distinction faite entre les chèques faux et les chèques falsifiés(474), une
lecture attentive de ee texte révèle que ses dispositions ne visent pas nécessairement le
banquier, lequel est presque toujours désigné dans la loi par les mots "le tiré", ou plus
rarement par les mors "le banquier". Or l'article 35 alinéa 1er énonce. assez vaguement. que
"celui qui paye lUI chèque sans opposition est présumé valablement libéré", alors que l'alinéa
2 du même article poursuit en précisant que "le tiré qui paye un chèque endossable est obligé
de vérifier la régularité de la suite des endossements". On trouve d'ailleurs la même précision
(470) D'après la Cour. en effet, le manquement reproché i'I. la banque "est de nature ci engager 501 responsahitité [autive dans
Ir dommage causé il:son clleru",
D.~':\\'li
(471) Y. Paris 15 Iév. 19m:R.l11 (responsabilité partagée entre le tiré elle tireur); Pari... 28 mars 1990, D.1990J.R.97;
Paris 13 juill. 1990. D.1990,I.R.221
(472) Y. »cr.Ccss. cern. 3 Janv. 1978, Banque 1978.895, ohs. L, M, Martin; R.T.D.Com.1978.141, obs.:\\1. Cabrillac el J ••
L. Rives-Langes. Adde J.-L. Ri-es-Langes el \\t. Contamine-Raynaud, op. cit., n'ZBS pA02 et s. Rappr. Pans 5 janv.
1973. R. T.D.Com. 1973. obs. M. Cabrtuac el J,.L, Rives- Langes. 11 propos de l'exécution d'Un ordre de virement faux.
(473) Sur Je principe et la portée de eeuc distinction. v. infra n'Z-t8 et s.
(474) C'est également l'opinion de messieurs Vasseur el Marin. v. Le chèque. précité. n'303, p.2J1.

(quant à l'auteur du paiement) dans l'article 34 alinéa 1er ainsi rédigé: "le tiré peur exiger, en
payant le chèque, qu'il soit remis acquitté parle porteur". C'est dire que le défaut d'indication
précise de l'auteur du paiement dans l'article 35 alinéa 1er n'est pas le fait d'une omission
accidentelle. Au contraire, il faut penser qu'il y a là une allusion à l'éventualité d'un paiement
du chèque par une des personnes qui, en dehors du tiré. sont tenues à ce paiement et qui. à la
différence de ce dernier. sont tenues carnbiairement, en venu du chèque(475). Par son
paiement, en l'absence de route opposition, cette personne. obligée en venu de sa signature
sur le titre. se trouverait "libérée" de sa dette (ou du moins présumée ainsi). Certes, on peut
aussi penser que l'allusion dans l'article 3S alinéa 1er à "celui qui paye" vise également le
banquier tiré qui, en agissant ainsi, se libérerait de ses obligations contractuelles soit de
dépositaire soit de mandataire (selon qu'on envisage la restitution des sommes déposées ou le
paiement au nom et pour le compte d'autrui).
205 - Quoi qu'il en soit. la référence au mandat. au demeurant. plus logique, eu égard au
rôle d'intermédiaire des paiements assigné principalement au banquier tiré en matière de
chèque(476\\ comme fondement des solutions actuelles, eût été de loin préférable au recours
au texte ambigu que constitue J'article 35 (alinéa 1er) du décret-loi du 30 octobre 1935. Une
telle attitude aurait conduit, dès lors que l'authenticité de la signature du tireur n'est pas remise
en cause. à mettre à la charge de celui-ci les effets du paiement effectué par le banquier tiré;
sauf à permettre, éventuellement au tireur-mandant qui invoque une faute du tiré-mandataire,
soit de refuser d'assumer l'acte mis fi son compte. conformément aux articles 1992 et 1998 du
Code civil, soir de refuser au banquier le remboursement de ses avances ou l'indemnisation de
ses pertes, par application des articles 1999 et 2000 du Code civil. De la sorte aurait été évitée
la démarche contestable consistant à faire reposer la solution d'un seul et même problème,
(475) Il s'~gil de toutes les personnes qui ~ un litre ou à un autre (tireur. endosseur ou avaliseur) ont été amenées 1i. apposer
leur signature sur un chèque. L'obligation qui en résulte est dite carnbiaire dans la mesure où, comme pour la lettre de change,
elle s'impose, de manière abstraire, du seul fait de la présence de [a signature sur le litre, el présente les caractères
habituellement attachés au droit du change el destinés à fournir aux différents porteurs du litre. des garanties sérieuses de
paiement, à savoir un formalisme rigoureu ... (cf. art. 2 du décret-loi du 30 OCL 1935), l'inopposabilité des exceptions (cf. art.
12 du décret-loi de 1935), un engagement solidaire de Lous les signataires (cf. art. 44 du décret-loi de 1935), et une rigueur
des délais d'exécution ou des recours faute de paiement (cf.. notamment, art. 40 el 61 du décret. loi du 30 octobre 1935).
(476) Le banquier paye en effet le chèque au nom et pour le compte du tireur, Contrairement à ee qu'on a quelquefois
soutenu, il n'assume pas. eu principe. d'obligation de payer le chèque à l'égard des tiers. v. supra n0153.

166
tantôt sur les règles de la responsabilité de droit eommun, tantôt, au cas d'échec sur le premier
terrain, sur les dispositions du décret-loi du 30 octobre 1935. Démarche d'autant plus
critiquable
qu'elle
semble
placer
systématiquement
le
débat
sur
le
Lerrain de la
responsabilité(477), alors qu'il se situe, principalement, sur le terrain des effets de l'exécution
des obligations résultant du chèque. Le problème de la responsabilité n'intervient dans Je
débat que lorsqu'on peut faire état de la violation, par le salyens, de ses obligations
contractuelles. L'objet de l'article 35 (alinéa 1eI) est précisément d'affirmer que celui Qui paye
un chèque sans opposition est censé avoir exécuté correctement son obligation. Concernant le
banquier, plus particulièrement, la convention de tirage de chèques conclue avec son client lui
fait obligation de payer immédiatement les titres émanant de son cocontractant. Si, pour ce
faire, il est astreint à la vérification de l'authenticité de la signature et du texte du chèque, il
est aussi acquis qu'on ne peut objectivement "demander au banquier d'examiner autre chose
que les apparences,,(478), Aussi doit-on considérer, dès lors que la véracité de la signature du
tireur n'est pas contestée, que le banquier qui a payé un chèque apparemment régulier n'a fait
qu'accomplir l'acte que lui imposait son contrat. C'est le sens qu'il convient de donner à
l'article 35 du décret-loi du 30 octobre 1935. Certes la présomption ainsi édictée n'est pas
irréfragable. et les personnes intéressées au paiement du chèque, au premier rang desquelles
se trouve le tireur, conservent la possibilité de contesrer la validité du règlement effectué.
Mais, pour cela, elles. devront dire en quoi le solvens a manqué à son devoir, étant entendu
que. pour une partie à un contrat, "la faute consiste à ne pas faire ce que à quoi elfe était
tenue,,(479), C'est à ce moment là seulement que se pose la question de la responsabilité. Et
ce. non pas sur le terrain du droit commun, mais dans le cadre du contrat liant les parties en
litige, c'est-à-dire. pour le paiement d'un chèque par le banquier tiré. dans le cadre du contrat
de mandat.
(477) Il semble même que ce soit la responsabilité délictualle qui soit en cause dans l'esprit des juges, V. Vasseur et Marin,
Le chèque. précité. nole n'6, p.23 1.
(478) V. Paul Esmefn, note sous Paris \\ er févr, 1923, 0.1923.1L57, specialement p.58, 1ère colonne.
(479) V. P. Esmein, Ilote précitée, S.1923.1I.57, 1ère colonne.

Mais avec ces dernières considérations, la discussion se déplace du terrain des droits et
obligations du banquier en matière de paiement de chèque pour se porter sur celui de sa
responsabilité (sanction de l'inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat), objet des
développements qui vont suivre.
206 - Auparavant, il convient de noter, en guise de conclusion des lignes précédentes.
que l'analyse des droits et obligations du banquier chargé de payer un chèque, montre que la
qualification du chèque en un mandat est pleinement justifiée. Le banquier a, en effet, à
l'instar de
tout mandataire. l'obligation d'exécuter la mission dont il est chargé (en
l'occurrence, payer le chèque). Ensuite, il doit rendre compte à son donneur d'ordre des
résultats de son action, conformément à l'article 1993 du Code civil. Cela se traduit en
pratique par l'envoi, au titulaire du compte bancaire, de relevés de compte périodiques,
retraçant, outre les différents règlements intervenus par l'intermédiaire du compte, ehacune
des opérations effectuées dans l'intérêt de celui-ci. En outre, conformément aux anicles 1999
à 2001 du Code civil, le banquier qui a payé un chèque signé de la main de son client, sans
aucune imprudence ni négligence de sa part a. contre celui-ci, un droit au remboursement de
ses avances éventuelles et à l'indemnisation des penes qu'il a pu essuyer à cette occasion.
On ne saurait pourtant, dès à présent, considérer comme définitivement vérifiée
l'analyse du chèque en un mandat de paiement. Il faut, pour cela, que se manifeste, à travers
les principes gouvernant la responsabilité du banquier, en sa qualité de tiré de chèques,
l'application incontestable des règles du mandat.
B. LES CONSEQUENCES AU PLAN DE LA RESPONSABILITE DU
BANQUIER TIRE.
207 - D'une manière générale, le contrat de mandat peut engendrer pour le mandataire.
non seulement, au plan contractuel. une responsabilité à l'égard du mandant pour inexécution
de ses obligations, mais également, au plan délictuel. une responsabilité à l'égard des tiers
victimes de cette inexécution. Parallèlement à celle responsabilité civile (1). existe pour le

168
mandataire le risque d'une responsabilité pénale propre à sa qualité (2). La situation du
banquier qui se charge de payer des chèques n'est pas différente.
1. LA RESPONSABILITE CIVILE DU BANQUlliR TIRE.
208 - L'inexécution du mandat qu'il a accepté engage la responsabilité du mandataire à
l'égard du mandant, ainsi qu'il ressort des articles 1991 et 1992 du Code civil. A l'égard des
tiers à qui t'inexécution ou l'exécution défectueuse du contrat a pu causer un dommage, le
mandataire engage sa responsabilité délie ruelle, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du
code civil. De la même manière, le paiement des chèques est susceptible d'entraîner la mise
en jeu de [a responsabilité du banquier tiré tant à l'égard du tireur (a) qu'à l'égard des tiers
intéressés à ce paiement (b).
a. La responsabilité à l'égard du tireur.
209 - En acceptant d'ouvrir un compte bancaire à une personne, puis en délivrant à
celle-ci un carnet de chèques, le banquier consent une promesse d'exécuter les mandats de
paiement futurs que le titulaire du compte lui confierait par J'imermédiaire des chèques.
L'émission d'un titre de cette nature emportant la perfection du contrat de mandat projeté. le
banquier tiré se trouve, dès cet instant, dans l'obligation de payer l'effet qui lui est présenté; à
condition, toutefois, que sa régularité soit certaine. Cette condition mise au paiement des
chèques laisse deviner une forte probabilité pour le tiré-mandataire de voir engager sa
responsabilité. La situation dans laquelle se trouve celui-ci n'est pas simple. en effet: invité à
payer promptement les chèques qui lui sont présentés. le tiré n'en est pas moins tenu à
réparation, à l'égard du tireur notamment. en cas de paiement irrégulier (.13). Mais, d'un autre
côté, la crainte d'une faute ne doit pas conduire, en cas de doute, à un refus pur et simple du
paiement réclamé. Un tel refus. s'il s'avérait injustifié, serait lui aussi générateur, pour le tiré,
de responsabilité à l'égard non seulement de personnes tierces, mais aussi et d'abord à l'égard
du tireur~.

169
Confrontées à une alternative aussi défavorable, les banques cherchent généralement à
se prémunir des conséquences, parfois très lourdes, d'une responsabilité quasi inévitable, en
introduisant dans leurs contrats une clause de non responsabilité dont J'efficacité n'est pas
toujours évidente~,
ci.. .Le refus de paiement.
210 - L'obligation pour le banquier de payer les chèques émis par ses clients titulaires
d'un compte de dépôt d'espèces n'existe, on l'a vu(480), que sous certaines conditions,
L'absence de celles-ci l'autorise à refuser les paiements réclamés, Cette éventualité est
envisagée. a contrario, par J'article 65 alinéa 2 du décret-loi du 30 octobre 1935 qui énonce
que "fout banquier oui, ayanr provision et en l'absence de toute opposition, refuse de payer
un chèque régulièrement assigné sur ses caisses est tenll responsable du dommage resultant,
pour le Tireur, tant de l'inexécution de SO/l ordre que de l'atteinte portée à son crédit", Dans
ce texte se trouvent énoncées par le législateur, à titre de rappel, les conditions de la
responsabilité pouvant découler du refus de paiement: la responsabilité du banquier tiré n'est
engagée que lorsque le refus de paiement est fautif, (c'est-à-dire lorsqu'il n'est justifié ni par
une absence de provision. ni par l'existence d'une opposition, ni par l'irrégularité de
l'émission) et qu'un dommage en est résulté pour le tireur. Ce sont là les conditions
traditionnelles de la responsabilité contractuelle, applicables notamment au contrat de mandat.
1) La nécessité d'un refus de paiement fautif,
211 - Le refus de paiement s'avère fautif lorsque le chèque rejeté a été émis
régulièrement, était pourvu d'une provision et n'était pas frappé d'opposition, La réunion de
ces trois circonstances emporte, en effel, l'obligation pour le banquier d'exécuter l'engagement
qu'il a pris vis-à-vis de son client, en payant le chèque. Un refus de sa part constituerait la
(4801 V. supra, 11·]70.

170
violation d'une obligation contractuelle qui, ayant pour objet une prestation précise et toujours
possible (à savoir le versement d'une somme d'argent), doit être considérée comme étant de
résultat(481). Une telle violation se révélerait. par conséquent, fautive du seul fait ôe
l'inexécution, sauf si la preuve d'une cause étrangère, exonératoire, était administrée(482). Le
caractère fautif du refus de paiement présuppose donc J'existence d'une obligation de payer
qui, elle-même, dépend de la réunion des trois conditions précédemment énoncées, à savoir
l'existence de la provision, J'absence d'une opposition au paiement et la régularité de
l'émission. De fait, les exemples jurisprudentiels de refus de paiement fautifs se rangent en
fonction de ces trois conditions.
.. *Le refus de paiementfondé sur l'état de la provision.
S'agissant de la condition relative à la provision, il faut préciser que le refus de payer
peut avoir pour cause son inexistence ou son indisponibilité.
.. Le refus fondé sur l'inexistence de la provision.
212 - Le banquier qui est invité à régler un chèque agit, on l'a dit, en tant que
mandataire. Il s'en déduit que les fonds qui vont servir aux paiements ordonnés par les clients
sont ceux que ces derniers mettent à sa disposition. Le décret-loi du 30 octobre 1935 est
d'ailleurs clair à cet égard, qui soumet, sous la menace de sanctions pénales, du reste.
l'émission d'un chèque à l'existence préalable de la provision y correspondant (cf. art. 3).
Le banquier qui, alors que la provision existe. refuse de payer un chèque, par suite,
notamment, d'une appréciation erronée de la position du compte du tireur, engage sa
responsabilité; cela est indiscutable. Les seules véritables difficultés que suscite, en pratique,
(~81) Sur les critères de distinction des obhgauons de moyens ct des obligations de résultat. v. par exemple B. Starck. DrOlI
Civil. Les obligations. vol. 2. 3è éd.. par H. Roland el L. Boyer. Litec. n'977 el s.. p.406 el s.; A. Weill el F. Terré. Droit
Civil, Les obligations. précis Dalloz, 4~ éd.. n'}96. p.399: A. Sériaux. droi.. des obligations préeité. n'44, p.165.
(482) V. Jack vëdan. La responsabilité du banquier en IDol': privé français. Librairies Techniques.)è éd. (1983), n'147,
p.96.

171
l'appréciation de l'effectivité de la provision du chèque ont trait à l'existence d'une ouverture
de crédit dont bénéficierait le tireur. Une telle ouverture de crédit peut très bien servir de base
à J'émission de chèques. Rien n'empêche, en effet, qu'en sa qualité de mandataire, le tiré
accepte de faire l'avance des fonds devant servir à l'exécution de sa mission. Et, de fair, la
validité d'une provision constituée par une ouverture de crédit n'est pas contestée en
jurisprudence. dès lors que peut être rapportée la preuve d'une acceptation, fût-elle tacite, du
banquier pour l'octroi d'un crédit ou de facilités de caisse(483). Son acceptation une fois
acquise, le banquier serair en faute de rejeter un chèque tiré sur la base de cette avance, tant
que dure la convention d'ouverture de crédit.
En dehors de l'absence de la provision, le refus de paiement fondé sur l'état de la
provision peut provenir de l'indisponibilité de celle-ci.
'" Le refus fondé sur l'indisponibilité de la provision.
213 ~ Aux termes de l'article 1984 du Code civil, le mandat n'oblige le mandataire
qu'amant qu'il l'a accepté. Le compte bancaire de dépôt ordinaire, certes. se présente, ainsi
qu'on a déjà eu l'occasion de le montrer(484J, comme une eonvendon par laquelle le banquier
s'engage, par une promesse générale de prestation de services, à procéder, entre autre, à des
paiements pour le compte du client. Mais on a vu également que l'ouverture du eornpte ne
suffisait pas, à elle seule, à autoriser le titulaire à disposer des fonds qui y sont en dépôt par
chèques(485). De fait, la législation du chèque dispose que le chèque ne peut être tiré que sur
un établissement de crédit ou un établissement assimilé ayant des fonds à la disposition du
(483) V. nol. Trib. corn. Seine 13 avr. ]931 précité; Grenoble 20 mars 1974, Gaz. Pal.1974.2 ~om.1.08; Trib. rom. Versailles
25 juin J975. l.C.P. 1976.11.18210, note Ph. le Tourneau; Banque 1976.437. noie L.-M. Manin; Rennes 4 mai 1976,
D.1977,I.R.189. cbs. M. Cabrillac el j.L. Rives-Lange; Paris 30 mars 1977, 0.L978,I.R.106, obs. M. Vasseur; Rev. Jur.
, Corn. 1977.460, noIe J. sroumet. Aix 31 man 1978, R.T.D.Com. 1978.148. cbs. M. Cabrlllae el J,-L. Rives-Lange; Casso
corn. 22 avr. 1980, J.C.P, 1980.IV.145. Sur rensembte de la question. v. nat. F, Derrida, Ouvertures de crédit et chèques
sans provision. D.1960.22 J: '1.îcbel Itolrard. Eacilués de crédit el chèques sans provision. R.TD.CorTl. 1957.553; J. vezian.
op. cit., n ":26ü Cl S., P. 190 el s.
(484) V. supra n0l33.
(485) V. supra nOl32,

172
tireur, "conformément à une convention expresse ou tacite d'après laquelle le tireur a te droit
de disposer de ces fonds par chèqlle,,(486). Il s'en déduit qu'en l'absence d'un accord entre le
banquier et san client, relativement à l'émission de chèques sur le compte de dépôt ouvert à ce
dernier. le premier serait fondé à rejeter les chèques tirés sur ce compte, pour défaut, ou, plus
exactement, pour indisponibilité de la provision,
214 - A vrai dire, le véritable problème qui se pose sur le terrain de la disponibilité de la
provision est relatif aux chèques rédigés sur papier libre(487). De tels chèques' obligent-ils le
banquier sur lequel ils sont tirés?
A priori, c'est par l'affirmative qu'il convient de répondre à la question posée. Car, dès
lors que le banquier a accepté le tirage de chèques sur un compte donné, peu importe. pour la
perfection des mandats contenus dans les titres futurs, la forme sous laquelle ils parviennent
au banquier tiré. Telle est. d'ailleurs. la position qu'a toujours défendue la juriprudence(488).
Aujourd'hui, pourtant, la logique des modifications apportées au décret- loi du 30 octobre
1935 par la loi du 3 janvier 1975, de même que par les lois postérieures, postule le contrôle
strict, par les banques, de la délivrance des formules de chèque(489). De sone que le banquier
serait fondé à considérer que seules les formules émanant de ses services, ou celles autorisées
par lui, encrent dans le champ de la convention de tirage de chèques le liant à ses clients, Ce
n'est pourtant pas dans ce sens que se prononcent la jurisprudence modeme(490) et la doctrine
majorilaire(491). Pour les juges, en effet. les chèques libellés sur des formules autres que
celles délivrées ou autorisées par le tiré sont valables et doivent être payés par lui, nonobstant
(4S6j An. 3 du décret. loi du 30 octobre 1935.
(487) Ou sur toute autre formule confectionnée sans la participation du riré, tels les chèques de casino.
(4881 v. net. Trib. ci.... Seine 13 Iév. 1928, D.P.1928.2.81, note Albert Chéron, S.1928.2.[17; Paris 30 avr. 193\\,
5.1931.2.168, 0.1932.2.152. Gez. Pal.t93!. 2.121; Paris :2 oc!' 1986. Rcv. dr. bancaire 1987.8, obs. Francls-j. Crédor et
Yves Gérard.
(489) V. art. 65 el s.: spécial. art. 65-1 el 73.
(490) V. Peis zoct. 1986, Rev. dr. bancaire 1987.8, cbs. Francts-I. Crédot ~I Yves Gérard.
(491) V. Gilles Endréo. jurisclasseur commercial, vol. 3, Fasc. 505, n'36; Ripert el Roblot. op. Cil.. t. II, n'2160, p.247 ct s.
Contra: M. Cahrtûac. Enc. Iur. Dalloz, rép. dr. com .. }è éd., v' Chèque. n'22; H. et M. Cabr-lllac, Le chèque elle virement
précité, n017. p.12.

173
la clause par laquelle il aurait exclu le paiement de tels effets. Une clause pareille, valable
dans les relations entre les parties. ne serait pas opposable aux tiers-porteurs, de sorte qu'à leur
égard, le banquier serait en faute s'il refusait le paiement sur ce seul fondement(4921.
215 - Ces solutions sont, à j'évidence, contraires aux; règles du mandat, lesquelles
exigent comme condition de la naissance des obligations résultant de ce contrat, l'acceptation
du mandataire (cf. art. 1984 C. civ.)(493). Elles ne peuvent non plus trouver une justification
sur le terrain du mandat apparent. lequel vise à lier. non point le mandataire, mais plutôt le
mandant, contre son gré, sur la base d'une action volontaire du mandataire. Sauf, cependant, St
l'on devait considérer que, du seul fait de sa profession, le banquier qui a ouvert un compte de
dépôt d'espèces appelé à enregistrer des opérations de paiement pouvant impliquer des tiers,
prenait à l'égard de ceux-ci, à l'occasion de celles opérations, la qualité de "mandataire" de son
client, sans qu'un accord préalable entre ee client et lui-même ne soit nécessaire(494); ce qui
en ferait un mandataire institutionnel, en quelque sorte, dont la fonetion relèverait plus d'un
statut professionnel que des contrats conclus avec les clients. Or tel ne semble pas être le cas,
pour le moment du moins, en droit français, en dépit d'une probable évolution de la notion de
mandat. en matière bancaire(495).
Indépendamment des considérations relatives à l'état de la provision, le refus de payer
un chèque peut trouver sa justification dans l'existence d'une opposition au paiement. De la
valeur de cette opposition dépend le caractère fautif ou non du refus de paiement opposé par
le tiré.
(492) V. Vasseur el Marin. Le chèque. précité. n'] 15. p.107; H. et M. Cabrtnec. op. cit., n·18. p.f j: M. Cabrillac, Enc.
JUL Dalloz. r ép. dr. corn.• 2è éd .. v , Chèque. Il'23: Rlpert et Rabiot, précité, l. U. n'2160, p.247 el s.; G. Endr-ëo, juriscl.
. corn. précité, vol. 3. Pese. 505, n036.
(493) Sur les conditions de l'acceptation du banquier en matière de linge de chèques. v. supra n')32 el s.
(494) Rappr. Vasseur et "3rin, Le chèque. précité, n'65, p.69.
(495) Sur c.cscnrimem, v. infra, }ème partie. n'687 Cl S .. 692 el 717,

174
* * Le refus de paiement fondé SUT l'existence d'une opposition au paiement.
216 - De la combinaison des articles 1991,2003 et 2004 du Code civil il résulte que ~le
mandant qui veut mettre fm à la mission qu'il a confiée au mandataire doit lui faire connaître
sa décision, soir de te révoquer, soit de révoquer la procuration qu'il lui a donnée. Dès lors, le
mandataire ne saurait prétendre engager son ex-mandant.
En présence d'une opposition au paiement d'un chèque émanant du tireur. le banquier
tiré, dont le mandat de payer se trouve de la sorte révoqué, doit s'abstenir de payer sans
chereher à savoir si l'opposition est régulière ou pas(496). Sinon "il commet une faute en
payant le chèque alors même que te porteur eût pu obtenir mainlevée en référé par
application de l'article 32, alinéa 3,,(497). Certes, l'article 32 alinéa 2 du décret-loi du 30
oetobre 1935, dans sa version issue de la loi du 30 décembre 1991 lui fair obligation, sous la
menace d'une amende pénale (v. an. 65-1 A), d'exiger du tireur une confirmation écrite de son
opposition. Cela ne justifie pas, pour autant, au plan des relations contractuelles qu'il
entretient avee le tireur, que le banquier tiré trangresse l'ordre contraire de son client et règle
le chèque litigieux(498). Sans doute l'obligation légale, ainsi mise à la charge des banques,
influence-t-elle les rapports contractuels que l'émission d'un chèque fait naître entre le tireur
et le tiré; puisque l'efficacité de la révocation est soumise, pratiquement, à la ferme
particulière (et inhabituelle dans le cadre d'un mandat) de l'écrit. Elle ne les modifie pas
fondamentalement, cependant.
Par contre, un refus de paiement faisant suite à une opposition formée au nom du tireur,
par une personne n'ayant pas la qualité pour ce faire, serait constitutif de faute.
217 - On mesure alors les incertitudes dans lesquelles peut se trouver le tiré face à une
opposition faite au nom du titulaire du compte par une personne tierce. Ainsi, dans une affaire
{496J V. supra n'153 1'1 n'174 el 5..
(497) vasseur et Marin. Le chèque. précité. n'289, p.::! [9. Adde M. CabrilblO:, Enc. Jur. Dallo], rép. dr. com., précité,
n·371. Mais. du fair de l'absence d'un préjudice, puisque le paiement aurait pu être obtenu par un recours au Juge des référés,
la responsabilité du banquier ne peut être retenue. v. T.G.!. Lille..J. ocr. 1978. D.1979.I.RI37, obs. M. Vasseur: Benque
1979.1107. obs. L.-M. Martin.
(4981 Dans le mêOl~ sens, v. ce. Gavalda et J. Stournet. Droit du crédit précité. n'14::!-1, p343.

où, à la suite d'un vol perpétré dans une entreprise, une banque avait méconnu l'opposition
formée au nom de la société par une des employées, la Chambre Commerciale a, dans un arrêt
du 4 décembre 1978(499), approuvé la Cour d'appel qui reprochait à la banque la faure d'avoir
payé, malgré l'opposition formée par une personne qu'elle connaissait comme étant une
employée de confiance du titulaire du compte. En revanche, dans une autre affaire où le
banquier avait refusé le paiement d'un chèque sur opposition des parents d'un tireur présentant
des déficiences mentales, mais n'ayant pas encore fait l'objet d'une décision d'interdiction, la
chambre commerciale de la Cour de cassation juge fautive l'attitude de la banque qui, selon
elle, a eu tort de tenir compte d'une opposition formée par une personne sans qualité(500).
Ces deux: décisions de la Cour de cassation, contradictoires, ne permettent pas de déterminer
avec certitude les cas dans lesquels l'opposition que reçoit le banquier de la part d'un tiers
prétendant agir dans l'intérêt du titulaire du compte, doit être considérée comme valable. Dans
les deux: espèces, en effet. l'opposition émanait de personnes qui n'avaient pas juridiquement
qualité pour représenter le titulaire du compte. La solution de la Cour de Cassation eût dû
être, dans les deux: cas, la même que celle résultant de son arrêt du 21 novembre
1972(501)(502). L'attitude du tiré qui se trouverait confronté à la situation précédemment
évoquée devrait dépendre, selon nous, des raisons avancées par l'opposant pour justifier la
défense de payer qu'il a signifiée. Si la cause de l'opposition ne correspond pas aux causes
légales prévues par l'article 32 du décret-loi du 30 octobre 1935, la décision la moins
périlleuse pour le tiré consiste à ignorer cette opposition(503). Car, même si le paiement
(499) Bull. civ., IV, nOZ86, p.236: Banque 1979.1107, note L..M. Martin: QUOl. Jur. 26 Juin 1979.
(500) CLSS. COin. :21 nov. 1972, Gaz. P~1.19711.88. D.1911265, note M. Vasseur; R.T,D.Com.t973.118. obs. M, Cabrtuac
el.J.·L, Rives-Lange.
(SOl) V. noL~ précédente.
(SOl) Sauf à considérer que la différence entre les solutions retenues par la Cour s'explique par le fait que dans l'un des cas
l'opposant prétendait agir au nom du titulaire du compte (arrêt du ~ déc. 1978) alors que dans l'autre eas (arrêt du 21 nov.
1972) les opposants intervenaient de leur propre aurorsé, non plus tellement dans l'intérêt du titulaire du compte, mais dans
leur propre intérêt, afin de préserver leur héritage Iuuir.
(50)) SarlS coure est-ce faire du banquier, indirectement, le juge du bicnoCondé de l'opposition mais si l'on se place du point de
vue de celui-ci, celte attitude
est dictée par le bon sens, vu l'absence d'uue jurisprudence ucue, et vu la néeessiré dans
laquelle se trou...e, de toutes façons, le banquier de prendre une décision face à l'opposition qu'il a reçue.

176
devait lui être reproché, sa responsabilité ne pourrait être retenue, du fait de l'absence de
préjudice du tireur, conformément au principe dégagé par la décision du Tribunal de Grande
Instance de Lille en date du 4 octobre 1978, précédemment cîtée(504). Si, à l'inverse,
l'opposition a pour fondement une des causes légales, J'attitude la moins risquée pour le tiré
consiste à s'abstenir de payer, en attendant d'avoir vérifié les pouvoirs de l'opposant et,
éventuellement, le sérieux de ses allégations(505).
218 - Le banquier tiré n'étant tenu, en prinelpe. que par les instructions du tireur, son
mandant. les licrs(506) qui peuvent avoir intérêt à former opposition au paiement d'un chèque
donné devraient le faire par le truchement d'une saisie(507) portant, soit sur le chèque
concerné (saisie pratiquée par le porteur ou ses créanciers), soit sur le compte (saisie pratiquée
par I~ créanciers du titulaire du compte)(S08). En présence d'une saisie (saisie-attribution, par
exemple), le banquier se trouve tenu d'une obligation légale supplantant ses obligations
contractuelles à l'égard de son client. Il doit, de ce fait. agir, au besoin contre les instructions
de ce dernier et bloquer la provision du chèque, ou le solde créditeur du compte saisi, et ne
s'en dessaisir qu'après une mainlevée amiable ou judiciaire de la saisie, ou après un
(SM) V. T.G.r. Lille 4 ocL.l978, D.1979.lR.l37. Encore qu'une autre position puisse être défendue, relativement à celle
affirmation de l'absence de préjudice du rireur. V. sur ce point, infra n'240.
lSOSI Sur ces différentes suggestions, v. dans le même sens, L.-M. Martin, obs. à l;r, Revue Banque 1979.1107 et S.,
spécialement, p.1I09. 2è colonne.
\\5(6) Nous visons, p;r,r ce terme. les personnes autres que le oules titulaires du compte (ou leurs représenta...,t) qui, elles, sont
en général connues du banquier. Il peut s'agir sou du porteur du chèque, soit de ses créanciers ou de ceux du titulaire du
compte. Celte opposition doit prendre, de l'avis de nombreux auteurs, la forme d'une saisie-arrêt, sauf lorsqu'elle est le fait
d'un des orgeues de la procédure de règlement ou de liquidation judiciaires touchant le tireur ou le porteur. Dans ce cas.
aucune forme n'est exigée (v. H, et M. Cebrlüac. op. cit., n'303 Cl s., p.166 ct S.; vasseur el Marin, Le chèque, précité,
n'284 el s.. p.215 el S.; J. VilÎao. op. cit., n0130. p.R9 et s.). Selon certains auteurs, l'opposiriou du porteur n'est en principe
soumise. elle nou plus. ~ aucune fonne particulière (v. vasseur el Marin. Le chèque, précité, n'~88. p,217).
(507) la saisie-arrêt n'cûste~~U5 o.-pf~S rentrée en vigueur
de la loi u'91·650 du 9 Juill. 1991 portant
réforme des procédures civiles d'exécution. On doit parler désormais de saisie-anribuuon (art,42 el s.) ou de saisie
conservatoire (an.74 el s.), selon que le saisissant l'Si muni d'un titre exécutoire ou non. L'an. 43 de la nouvelle loi dispose
notamment, ~ propos de la saisie-exécution, que "l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pOlir lesquelles elle l'Si
pratiquée. attribution immédiate au profil du saisissGll1 de la créance saisie disponible en/Te les mains du liers..JI rend le
fiers personnetlemera débiteur des causes de 1(/ saisie dans la limite de son obligation"; sous réserve, cependant, des
dispositions parucnlières de l'an. 47 visant spécialcmentIc cas où la saisie es! pratiquée entre les mains d'un établissement de
crédit.
(508) Dans ce sens, y. vasseur et Marin, Le chèque précité, n02R8, p,217; H.et M. Cabrtûac, op. cil. n'303, p.166; M.
Cabrillac, rip. dr. corn. précité, n0373; J. vézlan. op. cit., n'DO, p.89.

177
cantonnement de la saisie(509). La saisie n'empêche toutefois pas le paiement des chèques qui
ont été émis antérieurement à son intervention, mais qui sont présentés postérieurement(51O).
Lorsque l'opposition des tiers ne prend pas la forme d'une saisie, le banquier doit se
montrer circonspect afin de ne pas risquer de refuser d'exécuter son mandat sur la base d'une
opposition sans valeur. C'est en tout cas (a leçon qui semble se dégager de l'arrêt précité de la
chambre commerciale de la Cour de cassation du 21 novembre 1972(511).
En dehors des considérations relatives à l'état de la provision ou à la présence d'une
opposition au paiement, le rejet d'un chèque par le banquier tiré peut être fondé sur
l'irrégularité de rémission. Le refus de payer serait toutefois fautif s'il étaie le résultat d'une
appréciation erronée des conditions de validité de l'émission du chèque,
>(1 >(1 Le refus de paiement fondé sur l'irrégularité de l'émission du chèque.
219 - C'est l'article 65 alinéa 2 du décret-loi du 30 octobre 1935 qui, on s'en souvient,
fait de l'irrégularité de l'émission (en plus de J'absence d'une provision disponible et de la
présence d'une opposinonj) une des conditions du refus légitime de paiement d'un chèque. Ce
texte précise, en effet, qu'en cas de refus de paiement d'un ehèque la responsabilité du
banquier tiré n'est engagée que si l'effet a été "régulièrement assigné sur ses caisses". Le sens
de eerte expression demande à être explicité. Si l'on doit entendre par là que la régularité du
tirage d'un chèque sur une banque présuppose le consentement de celle-ci, cene condition ne
serait pas différente de celle relative à la disponibilité de la provision, précédemment
(509) Il a même i:té jugé qu'en immobilisant la totalité du sulde créditeur du compte saisi- mêlé, une banque tiers-saisie ne
corrnneuait pas de faute, alors même que le solde du compte est de beaucoup supérieur à la créance du saisissant, v, Casso civ.
2è• 24 janv. 1973, Bull. civ. Il, n'29, p.:!:!; D.1973.421; noie J. Prévauh; Banque 19i}.403, obs. L,·M. Martin. En l'espèce,
le solde créditeur du compte était de plus de 15 fois supérieur à la créance du saisissant. La Cour de cassation n'en a pas
moins exclu la faute du banquier eu ces tenues : "alleru/u qu'en impltltlnl ainsi à foute à la banque, lins saisie, ce qui avait
été. pour elle, rexecunon de SON obliga/ion légale. la Cour d'appel a violé 1er tex/es susvises" (en l'occurrence les articles
1242 du code civil et 567 du Code de procédure civile), Cenaines décisions cm même été jusqu'à envisager I'mdisponibilité
totale en principe (sauf camonnemcm de la saisie-arrêt). V. pil.l exemple. Cess. civ. 2è !4 Juin 1984, Bull. Ci...., Il. n'lOS,
p.76; D.1985.I.R,162. Rappr. Cass. CIV. :2è. 12 mai 1975, Bull. Civ .. ll. n0143. p.117, Celte jurisprudence peul être considérée
cornille dépassée aujourd'hui. avec la réforme des procédures d'exécution intervenue le 9 juill, 199! (loi n'9!-650),
(510) L'art. 47 de la uouvclle loi sur les procédures civiles d'exécution le prévoit expressément.
(511) V. supra. n02J1.

178
évoquée(512), dont elle ne serait que la répétition inutile. De même celte condition ne serait-
elle pas différente de celle relative à J'existence de la provision, précédemment signalée(513),
si l'on devait l'interpréter eomme exigeant, pour la régularité de l'émission du chèque.
l'existence d'une créance contre le banquier tiré, qui lui serve de fondement. Finalement, la
seule interprétation susceptible de faire de l'exigence de la régularité du tirage du chèque une
condition autonome, par rapport aux deux premières déjà évoquées, consiste à dire qu'elle
vise toutes les conditions autres que celles relatives à l'existence ou à la disponibilité de la
provision. Seraient ainsi concernées non seulement les conditions de fonne du chèque exigées
par l'article Je r du décret-loi du 30 octobre 1935, mais aussi les conditions d'émission
relatives au tireur et celles relatives au bénéficiaire(514).
220 - Sous Je rJ.ppon du mandat que constitue le chèque, l'irrégularité de l'émission doit
s'entendre du défaut sur, le titre, de certaines mentions dont la fonction est d'écarter toute
incertitude quant à l'origine et à la teneur des ordres reçus par le tiré, Il s'agit, notamment, de
la somme à payer el, surtout. de la signature du tireur. Cette signature doit obligatoirement
être manuscrite(515) et être conforme au spécimen déposé à la banque par Je titulaire du
compte(516). Un chèque sur lequel feraient défaut ces indications ne saurait, en effet,
exprimer un mandat donné par le titulaire du compre visé. On comprend. dans ces conditions,
que l'article 10 du décret-loi du 30 octobre 1935 ait laissé entendre que la fausse signature
n'oblige pas la personne au nom de qui elle a été apposée; et que l'article 65 alinéa 2 de la
même loi ait pris soin de préciser que la responsabilité du banquier qui refuse de payer un
chèque n'est engagée que si l'effet a été "régulièrement assigné sur ses caisses".
221 - En dehors des hypothèses particulières ci-dessus envisagées, la règle de
l'inopposabilité des exceptions fait obstacle à la possibilité d'invoquer, contre [es tiers (de
(512) Y. supra, n'213.
{SUl Y. supra, n':!l2.
(514) Sur ces différentes conditions, v. nol. H. el M. Cabrillac, op. cir., n'23 eL 5.. p.IS et s. (conditions de forme) ct n'44 et
S., p.13 er s. (conditions relatives au ureur el au bénéficiaire); vasseur el Marin, Le chèque. précité, n'41 eL s., p.SO el s.
(conditions J'émission concernant les personnes du tireur et du bénéficiaire) el n'93 et s.. p.96 et s. (conditions de forme).
(SIS) V. not. M, Cabrtllac. rép. dr. com .. préeiré. n'41; Ch. Gavalda et J. Stoumet, Droit du crédit précité. n'183. p.259.
(516) Sur celle exigence. v., par exemple. T.G.!. Lyon 20 Avril 1983, Gaz. Pal. 1983.2 solIl.4D8.

179
bonne foi), les causes de nullité pouvant affecter le chèque dom ils sont devenus porteurs. En
conséquence, le refus qu'opposerait le banquier tiré au paiement d'un chèque. sur le
fondement de la violation des conditions générales de validité des contrats, serait injustifié, et
donc fautif, à l'égard du tiers porteur certes, mais aussi à. l'égard du tireur. son mandant, si ce
dernier n'envisageait pas de se prévaloir de la cause de nullité. Concrètement, la situation
visée est, par exemple, celle qui est créée par l'émission d'un chèque de casino. Dans la
mesure où la certitude est acquise que le chèque émis tombe sous le coup de l'article 1965 du
Code civil, le tiré est-il fondé à le rejeter, de son propre chef, sous prétexte qu'il est nul? Un
autre exemple peut être trouvé dans la vente ponant sur une chose hors du commerce,
l'acheteur s'étant acquitté du prix par l'émission d'un chèque. Le banquier tiré qui aurait eu
connaissance de l'illicéité de la cause du chèque est-il fondé à en refuser le paiement au
cocontractant de son client, en l'absence de toute réaction de ce demier(517)? N'engagerait-il
pas, au contraire, sa responsabilité à l'égard du tireur-mandant si celui-ci n'entendait pas se
prévaloir du vice affectant j'effet et souhaitait plutôt le voir réglé?
Dans ces deux exemples. I'illicéité de la cause de l'émission du chèque en fait une
émission irrégulière au regard des règles générales de validité des contrats prévus par les
anicles 1108 et suivants du Code civil. Il n'en demeure pas moins que dans la mesure où cette
illicéité n'a pas pour objet de nuire aux intérêts du banquier, le chèque doit être considéré
comme "régulièrement assigné sur ses caisses", de sorte qu'un refus de paiement pourrait être
imputé à faute à celui-ci.
Si tout refus de paiement injustifié de la pan du banquier tiré constitue une faute qui
peut être à l'origine d'une action en responsabilité contre lui, sa responsabilité ne sera
toutefois retenue que lorsque la faute qui lui est reprochée aura engendré un dommage pour le
demandeur, eonfonnément aux règles habituelles de la responsabilité civile, lesquelles
s'appliquent également dans le cadre du contrat de mandat.
(517) Il faut, naturellement, réserver le cas particulier des opérations entrant dans le cadre du blanchiment des capitaux
provenant d'Un trafic de stupéfiants. Pour cc ens précis. en effet, le législateur Fait obligation au banquier. sous la menace de
sanctions disciplinaires (pouvant aller jusqu'il l'Interdiction d'exercer le commerce de banque) et d'Une amende pénale, de
déclarer (sans prévenir le client) les sommes ou opérations qui lui semblent provenir du tr afie des stupéfiants. Sur les
dispositions légales relatives au sujet évoqué, v. par ex. M. Cabnllac Cl B. Teyssié. obs. à la R;T;D;Com.l990.615.

180
2) La nécessité d'un dommage lié au refus de paiement.
222 - Comme tout contrat, le mandat est tributaire du droit commun de la responsabilité
contractuelle(518) et, spécialement,
de
la règle qui subordonne
l'admission de la
responsabilité à l'existence d'un préjudice. On peut estimer. à cet égard. qu'en refusant, sans
motif légitime, de payer un chèque régulièrement émis par son client, le banquier qui avait. en
s'engageant à fournir un service de chèques. promis un résultat précis et non aléatoire, se rend
coupable d'une inexécution fautive de son obligation contractuelle. Présumé, en conséquence,
en faute(519)(520\\ sauf s'il rapporte la preuve d'une cause étrangère exonératoire(521)(522>,
sa responsabilité ne peut être retenue, en définitive, et une condamnation à réparer prononcée
contre lui, au profit de son client que si ce dernier établit un préjudice rattaché à cette faute
par uu lien de causalité directe, Ce préjudice est réparable quelle que soir sa nature (morale ou
matérielle) et son étendue, pourvu que, conformément à l'article 1150 du Code civil, il soit de
ceux: que les parties out prévu ou auraient pu prévoir au morneur de la conclusion du
contrat(523), L'exigence de cette réparation est, au demeurant, prise en compte par l'article 65
alinéa 2 du décret-loi du 30 octobre 1935 lorsqu'il précise que le banquier qui a refusé sans
motifs légitimes le paiement d'un chèque "est tenu responsable du dommage résultant, pour le
tireur, tant de l'inexécution de SOfi ordre que de l'atteinte portée à son crédit", Ce texte ne
(518] V, Philippe le Tourneau, Enc.jur. Dalloz, rép. dl. civ.. Zè éd., t.V, v' Mandat, n'245 et s , el n'305 et s.
(519) Celle expression est jugée approximative par Messieurs :'\\1alllurie el Aynês (Droit Civil, Les obligations, précité,
n'821 p.44l) qui préfèrent qu'on dise que l'inexécution de l'obligation de résultat établit la faute du débiteur el permet
d'engager sa responsabdité contractuelle. Nous pensons cepeudaru que c'est bien d'une présomption de faute qu'il s'agie, dam
la mesure où la démonstration ultérieure d'une cause étrangère ayant empêché l'exécution uppcrrerair la preuve que
l'inexécution (autrement ditîa nou obtention du résultat promis) n'est pas due à un défaut de diligence du débiteur. lui retirant
par là même \\01,.11 caractère fautif.
(52Bl Dans le même sens, v. J, Vézlan. op. cit., n'147, p.9/:1.
(521) En effet, "fe m"rldanl n'a pas à démontrer la [aute du mandataire, Celle [aut e doir être présumée car le mandataire
élan! tenu d'executer le mandai, duil élablJr tes raisons puur lesquelles il ne ra pas exécuté ou l'LI exécuté de rnaniére
défectueuse", G, Beudey-Lacanunene el A, Wahl, Traité théorique et pratique de droit civil, Du mandat, t. XXIV, n'60,
p.323, Addc A, Weill et F, Terré, droit civil. Les oblig arions, précis Dalloz. 4è éd .. n'4(Jl el références enêcs.
(SU) Dans le même sous, .1. Vénan. op. CiL, n'[47, p.97.
(513) Il hut rappeler toutefois que, d'après les tenues de l'an, 1150, cette règle de l'exclusion de la réparation du préjudice
imprévisible ne nul que si l'inexécution n'esl pas la conséquence du dol du déhiteur.

181
permet pas toutefois de dire en quoi consiste exactement le préjudice susceptible de résulter,
pour le tireur. du refus de paiement d'un chèque. Un survol de la jurisprudence permet de se
rendre compte que la nature de ce préjudice varie avec les espèces. A dire vrai. la nature
précise du préjudice causé par le refus de paiement ne peut être définie, à l'avance, de manière
uniforme. Il n'empêche que certains types de préjudice peuvent être, de manière tout à fait
objective, rattachés au refus de paiement d'un chèque.
223 - Il ne fait pas de doute que le rejet d'un chèque peut causer au tireur un préjudice
moral provenant du discrédit dont il pourrait faire l'objet auprès des bénéficiaires(524),
situation d'autant plus intolérable que la victime est un commerçant. Le principe de la
réparation du préjudice moral n'est d'ailleurs par contesté en jurisprudence(525).
224 - Le rejet du chèque peut aussi être à l'origine d'un préjudice pécuniaire dont les
éléments constitutifs peuvent être les plus divers(526). Lorsque le client victime de la faute du
banquier est un commerçant, le préjudice le plus prévisible est l'arrêt de son exploitation avec
toutes ses conséquences imaginables(527). De fait, il arrive assez souvent, en jurisprudence,
que la cessation de l'activité d'une société soit regardée comme étant la conséquence des refus
opposés, par le banquier tiré, au paiement des chèques de celle-ci. Les juges n'hésitent pas,
dans ces cas, à attribuer au tiré fautif la responsabilité de la totalité du passif de la "faillite" de
son client(528). C'est ce qu'a jugé la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 8 mai
(5241 V. Trib. corn. Seine 20 déc. 1951. Gaz. PaI.1952.1.160.
(525) V. par ex. Paris 15 déc. 1980. GH. Pa1.198 1.2 som.LZ.
(526) Ce préjudice peut consister notemmcoc en de graves difficultés survenues dans les cappons entre le tireur,
concessionnaire, el son concédant (v. Paris 3 JIllli [983. Gaz. PaLl983,2,som.4t4). TI peut encore être constitué par
l'obligation dans laquelle le tireur a été mis d'exercer une action en justice. d'effectuer les démarches inhérentes à celle action,
d'en supporter les soucis el d'exposer les Irais non inclus dans les dépens (v. Paris 15 déc, 1980 précité). Tl peul encore
consister en l'atteinte portée ,\\ la situation professionnelle el familiale du tireur, du fait, notamment, des poursuites pénales
dom il a fait l'objet. de l'ouverture ü'une procédure de liquidation de biens, de son expulsion du local où il exerçait sa
profession (v. Cass. ccm. 8 mai 1979, Bull. ';IV. IV, n0142, p_l 12).
(527) V, à titre d'exeœple.le eas soumis au Tribunal commercial de Marseille le 13 oo. 1976 (Actualité juridique de la
propriété
immobilière
19TI.288. nOle Roger Brun:
D.1977,I.R.55,
obs.
F,
Derrida;
R,T.D.Com.1977.138, obs.
M. Cabrütac el J..L. Rives-Lange; Rev. Jur. Corn. 1977 .23). Pour déterminer le préjudice subi pas l'entreprise victime de [a
raute de la banque le tribunal reriem deux éléments : l' La perte résultant directement dl: la mise en règlcrnent judiciaire de la
société, et qui est constituée par le montant des indemnités de licenciement ainsi que les frais de justice de toute nature. 2° Le
préjudice résultant directement de j'arrêt de l'exploitation et qui est constitué par les pertes subies du fait de la non exécution
des marchés obtenus ct la dépréciation du stock de l'entreprise. Par ailleurs. le tribunal condamne la banque 11 réparer les
préjudices causés par sa faute aux personnes qUI avaient cautionné l'entreprise et qui proviennent, d'une pan, de l'exigibilité
des cautions ct, d'antre part. pour certains d'entre eux, des poursuites pénales dont ils ora fait l'objet pour émission de chèques
sam provision. Par contre. le préjudice prétendument snbi par tes associés, qui résiderait dans [a perle de leurs apports dans la
société n'a pas éré retenu par le tribunal du fait de son caractère incertain (en l'espèce).
(528) Il arrive que le préjudice ne soit nttribué qu'en partie à la faute du tiré. (v. par exemple CIISS. corn. 29 Juin 1983, Bull.
civ. IV. n0195, p.169; Gu. Pa1.198J.2 panor.299. note A. Piedeüëvrej.

182
1979(529) : une banque avait refusé de payer un certain nombre de chèques tirés sur elle par
son client, lequel était commerçant, alors que le compte faisait apparaître un solde créditeur
suffisant pour le paiement, au moment de la présentation des titres. La liquidation des biens
du commerçant fut prononcée quelques semaines plus tard. La Cour d'appel de Grenoble fit
droit à la demande du syndic qui réclamai! la condamnation de la banque, à titre de réparation
du préjudice causé à son client, au versement de l'intégralité du passif de la liquidation des
biens. Le pourvoi formé par la banque critiquait cette décision au moyen. premièrement. que
l'apparence créditrice du solde du compte à l'époque de la présentation des chèques était
fallacieuse, certaines opérations n'ayant pas encore été inscrites au compte et, deuxièmement,
que sa condamnation au versement de la totalité du passif était injustifiée pour deux raisons:
d'une part, s'agissant de la réparation attachée à une responsabilité contractuelle, le débiteur
ne pouvait prendre en charge que les dommages prévus ou prévisibles de l'inexécution du
contrat, dès lors qu'aucun dol ne lui était reproché. D'autre part, une partie importante du
passif du commerce remontant à une période bien antérieure au rejet des chèques, le lien de
causalité entre ce passif et les fautes qui lui sont reprochées n'était pas établi. La Cour de
cassation écarte le premier moycn comme étant nouveau. Se penchant sur le deuxième, elle
retient, pour rejeter en définitive le pourvoi, qu'en relevant "qu'après un endettement
prévisible durant les premières semaines. Rochette avait très rapidement épongé ses dettes
par des bénéfices prometteurs, que le refus fautif du Crédit Lyonnais de payer les chèques a
ruiné totalement le crédit de ce commerçant et qu'il en résulte que le Crédit Lyonnais a la
responsabilité de la faillite", la Cour d'appel a "caractérisé la relation de cause à effet
existant entre ta faute commise et le dommage subi".
225 - Le rejet du chèque peut encore avoir pour conséquence le préjudice constitué par
le retrait injustifié de la faculté d'émettre des chèques, consécutif à la procédure d'interdiction
mise en oeuvre contre le client par le banquier(530). Dans ce cas la réparation consistera,
d'une part, à condamner Je banquier à lever la mesure qu'il avait prise à ton, et à entreprendre,
(529) BnlL civ. IV. n'141. p.ll1; D.I979J.R.535. 000. A. Honorat: Gaz. Pa1.l979.2 som.390.
(530) V. Paris 2juin 1980 précité.

auprès de la Banque de France, des démarches en vue de l'annulation de la déclaration de
l'incident de paiement et, d'autre part, à obliger, éventuellement, le banquier à verser à son
client des dommages-intérêts en réparation du préjudice, essentiellement moral, à notre
sens(S31), que l'interdiction a pu lui causer.
226 - Si l'on fait abstraction du préjudice consécutif aux procédures d'injonction et de
déclaration des incidents de paiement à la Banque de France, instituées par la loi du 3 janvier
1975, qui appellent une réparation en nature, spécifique, on peut constater que, relativement
au préjudice causé par le refus de paiement d'un chèque, les règles appliquées par les juges ne
sont autres que celles habituellement admises en matière de responsabilité contractuelle et,
plus spécifiquement, en matière de responsabilité découlant d'un contrat de mandat.
L'obligation du banquier en matière de paiement de chèques étant, à l'égard du tireur, une
obligation de faire(532\\ la réparation du préjudice qu'a occasionné son inexécution consistera
généralement en un versement de dommages-intérêts, conformément à l'article 1142 du Code
civil.
227 - Affirmer, ainsi, que le banquier tiré assume à l'égard du tireur de chèque une
obligation de faire peut paraître surprenant quand on sait que son rôle consiste à remettre à
autrui une somme d'argent. Mais il faut bien noter qu'à l'égard de son client tireur de chèques,
le banquier assume l'obligation de fournir un service particulier, celui d'agir pour son compte,
sur sa demande. En refusant. sans raison valable, d'honorer un ordre émanant de son client. il
s'abstient de faire ce à quoi il s'était engagé à l'égard de ce dernier. Ce n'est que lorsqu'on
envisage l'acte du banquier sous l'angle de l'objet de cette obligation de faire (à savoir
(531) Nous rejoignons, sur ce point. l'affirmation de M. Fernand Derrida selon laquelle la détention d'Un chéquier est un
signe de bonne moralité. Dès lors, "régler par chèque rl'rlifié 01/ un chèque dl' banque une somme de minime importance,
mais qu' ne peut l'être que par chèque pourra laisser croire que ft' soivens est ill/erdir de chèque: une telle suspicion serail
intoiérahll''' (F, Derrida, le nouveau régime des chèques sans provision, D.1976.103 el s., n'12). Que dire alors, a fortiori,
lorsque la suspicion s'est transformée pour les tiers en une certitude et quà leurs yeux le titulaire du compte fait figure de
personne peu honorable ou, en tout ea!, 3. l'honorabilité ôouteuse ?
(532) Sur le principe qu'il pèse sur le mandataire, généralement, une obligation de faire, v. not. Robert Joseph Pointer, Les
traités du droit français, nouvelle éd.. par M. Dupin, Paris, Ch. Bechet, 1835, r. 4, Traité du eonrrar de mandat, n'44, p.227.
Contra. v. Gérard Sousi, La spécificité juridique de l'obligation de somme d'urgent, R.T.D.Civ, 1982.514. spécialement,
n')6, p.53D et s. Selon cel auteur la qualification de l'obligation résultant du chèque en obligation de dare ou de lacere dépend
du mode de paiement choisi par le créancier parleur de l'effet. L'encaisserait-il personnellement au guichet dn tiré que
''l'obligarùm ainsi exécutée [serait] une obiig.nion de dare", En confierait-il rencaissement 3. sa propre banque que
l'obligation exécutée par l'inscriptiun du montant du chèque à son compte serait une ubligntion de Iaeere. Seulement l'auteur
ne précise pas de quel débiteur il parle. On a. en effel. du mal à savoir si l'obligation dont l'exécution est envisagée est celle
du tireur du chèque 3. l'égard du bénéficiaire. ou celle du tué à J'égard du bénéficiaire, ou enfin celle du lité 3. l'égard du tireur.
Cette grave imprécision nuit il 13 valeur de l'analyse.

184
remettre une certaine somme d'argent à autrui) qu'intervient la notion d'obligation de donner.
Certes. l'exécution de l'obligation de faire contractée par le banquier à l'égard de son client
apparaît, aux yeux du porteur du chèque, comme l'exécution de l'obligation de donner dont-il
est créancier. Mais à dire vrai, cette obligation de donner ne pèse pas sur le banquier tiré mais
plutôt sur son client. Elle a été souscrite par ce dernier à l'occasion de l'opération
fondamentale ayant donné lieu à l'émission du chèque, opération à laquelle le tiré n'était pas
partie. C'est par représentation de son client. débiteur de l'obligation de payer une certaine
somme d'argent que le banquier intervient pour opérer le versement de fonds qui doit éteindre
cette dette. La nature de l'obligation du banquier, on le voit, est différente selon que l'on
envisage ses rapports avec son client ou avec le tiers qui bénéficiera de son action.
L'obligation du banquier à l'égard du tireur de chèque est une obligation de faire qui l'astreint
à exécuter au nom et pour le compte de ce dernier l'obligation de donner que ce dernier avait
contractée vis-à-vis du bénéficiaire du chèque. On ne peut prendre prétexte de ce que la
prestation du banquier a pour objet une somme d'argent pour dire qu'il assume une obligation
de donner à l'égard du tireur. Cela reviendrait à affirmer que l'accipiens du paiement c'est le
tireur, ce qui serait inexact. Le créancier de l'obligation de donner, ce n'est pas le tireur du
chèque mais plutôt le bénéficiaire, qui seul, peut prendre la qualité d'accipiens au moment de
l'exécution. Le tireur, quant à lui, n'est créancier envers te tiré que d'une obligation de faire
contenue dans le mandat qu'il a confié au tiré.
228 - Pour aboutir à une conclusion différente. il faudrait considérer que par le paiement
du chèque, le tiré exécute à l'égard du titulaire du compte (même si l'accipiens est un tiers)
l'obligation de restitution que lui impose le contrat de dépôt qu'il a conclu avec celui-ci, tant il
est vrai que dans le service de caisse de ses clients, le banquier met en oeuvre,
cumulativement, deux qualités distinctes: d'une part, cette de dépositaire ayant en charge la
conservation et la restitution des sommes déposées et, d'autre part, celle de mandataire ayant
mission, notamment, d'effectuer des paiements au nom et pour le compte de ses clients, par
prélèvement sur les sommes déposées(533). Vue sous cet angle, effectivement, l'obligation de
(533) V. M. Cabriuac etJ.-1.. Rives-Lange. cbs. 11 \\8 R.T.D.COl1l.1975.151.

185
restitution du banquier envers son client, déposant, ne peut qu'être une obligation de donner.
Un tel raisonnement, quoique défendable, n'est toutefois pas compatible avec la jurisprudence
relative à la responsabilité du banquier tiré au cas de refus de paiement des chèques. En effet,
à la différence de l'obligation qui pèse sur le tiré mandataire, l'obligation de restitution du
banquier dépositaire (qui a pour objet des choses de genre) est une obligation de résultat
absolue que même la force majeure est impuissante à faire disparaître(534). En conséquence,
son exécution. toujours possible. au besoin par le recours à la contrainte, est seule susceptible
de libérer celui qui en est le débiteur. On ne saurait. dans ces conditions. parler de
responsabilité du débiteur pour inexécution de son obligation contractuelle comme on le fait
au cas de refus de paiement d'un chèque. Le dépositaire qui ne restitue pas l'objet du dépôt
n'est pas responsable, il n'est [Out simplement pas libéré de son obligation(535)(536). Certes,
on peut concevoir que l'inexécution de l'obligation de restitution soit à l'origine d'un préjudice
particulier souffert par le déposant. Le défaut de restitution a pu, par exemple, empêcher le
client de bénéficier d'une affaire exceptionnelle. Un tel préjudice, distinct du défaut de
restitution, met en cause, en principe, la responsabilité du banquier dépositaire, et peut donner
lieu à l'octroi de dommages-intérêts au déposant, indépendamment de la restitution qui lui est
due. Mais cette responsabilité pouvant s'attacher au contrat de dépôt, par suite de l'inexécution
de l'obligation de restitution est, à vrai dire, très exceptionnelle. Elle n'a, de fait, donné lieu à
aucune jurisprudence à ce jour (à notre connaissance du moins).
C'est dire que, lorsqu'à J'occasion du refus de paiement d'un chèque par le banquier tiré
on invoque la responsabilité de ce dernier, on place du même coup le débat sur le terrain du
mandat, excluant par la même occasion le jeu des règles du dépôt. On ne peut alors que
conclure à l'existence d'une obligation de faire à la charge du banquier tiré, au profit du tireur,
et dont l'inexécution sera réparée par l'octroi de dommages-intérêts compensatoires, ainsi
(534) V. B. Starck. Droil civil, obligations, vol.J. 3è éd., par H. Roland et L, Boyer. n' t394, p.571.
rSJS) V. :vi. Cabrilloc el J·.L, Rives-Longe, obs. 11 la R.T.D.Com. 1975.151. V. également. G. Sousi, article préeité.
R.T.D.Cv. 1982.514, n"45. Reppr. infta, n'248 et s., spécialement nOs 249 el 251 (li propos des paiements effeerués .<UT la
base d'un ordre faux.
(536) Seul le retenl dans l'exécution est susceptible d'entraîner la responsabilité du dépositaire et de donner lieu,
éventuellement, li une eondamuation à des dommages-intérêts moratoires.

186
qu'en témoignent les nombreuses décisions de justice rendues en la matière, et dont un aperçu
a été donné précédemment(537).
Le refus de paiement d'un chèque, peut, on l'a vu(538), s'avérer très lourd de
conséquences pour le banquier tiré. Cette sombre perspective ne doit pas, pour autant. inciter
celui-ci à payer inconsidérément tous les chèques qui lui sont présentés. Il risquerait. en
agissant ainsi. d'effectuer des paiements irréguliers engageant. eux aussi. sa responsabilité.
fi. Le paiement irrégulier.
229 - Le paiement irrégulier s'entend soit du paiement intervenu sans l'ordre du titulaire
du compte, soit du paiement fait à une personne n'ayant pas la capacité ou le droit ou le
pouvoir de le recevoir.
D'une manière générale, le mandataire est tenu d'accomplir sa mission correctement.
Toute fame engage sa responsabilité à l'égard de son mandant (art. 1992 C. civ.). Plus
spécialement, le mandataire engage sa responsabilité à l'égard de son mandant si, chargé d'une
mission de paiement, il se dessaisit des fonds à lui confiés, soit sans l'ordre de ce dernier, ou
sur un ordre enrre temps révoqué (ce qui équivaut à une absence d'ordre), sale dans les mains
de personnes envers qui le mandant n'était pas débiteur, ou de personnes qui, bien que
détenant un titre de paiement valable, n'étaient pas habilitées, cependant, à en recevoir le
paiement. Ces principes se retrouvent. naturellement, sur le terrain du chèque, regardé à juste
titre comme un mandat de payer confié au banquier tiré par son client. On considère, en effet,
que le banquier tiré met en jeu sa responsabilité vis-à-vis du titulaire du compte, son mandant,
s'il effectue un paiement irrégulier, que cette irrégularité se rattache à la condition juridique
de l'accipiens ou qu'elle soit due à l'absence d'ordre du client.
(537) v, supra, n'223.
(538) V, supra. n'224.

187
1) Irrégularité tenant à la condition juridique de l'accipiens.
230 - Le chèque doit, en principe, n'être payé par le tiré qu'entre les. mains de celui qui
est désigné comme bénéficiaire, ou de celui qui le détient à la suite soit d'un endossement
régulier (pour les chèques à ordre) soit d'une cession ordinaire de créance (pour les chèques
nominatifs)(539), ou enfin de celui qui en a la possession, lorsque le titre est au porteur. Le
respect de ces exigences ne suffit pas, cependant. à rendre sans reproches le paiement que
réaliserait le banquier tiré. La validité du paiement envisagé reste encore soumise à la
capacité ou aux pouvoirs du présentateur du chèque.
'" '" Le paiement à un incapable.
231 - Le paiement d'un chèque à un incapable. qu'il s'agisse d'un mineur non émancipé
ou d'un majeur protégé, n'est pas valable, et expose à un deuxième paiement, au cas ou
l'incapable (ou son représentant légal) invoque la nullité de son acte. Le tiré ne saurait alors
prétendre mettre à la charge de son client. débiteur du chèque, ce deuxième paiement sans
provoquer, en réaction, la mise en oeuvre de sa propre responsabilité, sur la base de la faute
contractuelle qu'il a commise en effectuant un paiement non libératoire pour le débiteur, son
client. La perte qui en résulte devrait être supportée par le banquier lui-même, comme une
conséquence de sa responsabilité contractuelle. Il n'est pas exclu cependant que le banquier
cherche alors à se retourner contre la personne, tireur ou endosseur, qui a commis
l'imprudence de remettre le chèque à un incapable(540). Mais un tel recours serait voué à
l'échec. selon nous, du fait de l'absence de lien de causalité directe entre ladite imprudence et
le préjudice du banquier. lequel trouve sa cause directe et unique dans le défaut de
vérification de la capacité du présentateur avant le paiement.
(539) Il faut signaler qu'un chèque nominatif peUl faire l'objet d'un endossement 11. fin d'encaissement même s'il est assorti de
la clause "110\\1 !J. ordre" ou d'une clause similaire (la clause "non endossable" par exemple). V. vasseur et Marin, Le chèque,
précité, n'128, p.l13 el s.
(540) V. Vasseur el V1arin, Le chèque, précité, n'203, p.168.

188
En plus de la capacité, le tiré doit s'assurer, avant de payer un chèque, des pouvoirs de
la personne qui prétend au paiement. Sa responsabilité contractuelle pourrait être retenue s'il
s'avérait que l'accipiens était en réalité dépourvu du pouvoir de recevoir le paiement.
•• Le règlement du chèque à une personne dépourvue du pouvoir d'en recevoir le
paiement.
232 - En ce qui concerne le pouvoir de recevoir le paiement d'un chèque, il convient de
signaler qu'aujourd'hui la femme mariée est habilitée, par application de l'article 221 du Code
civil, à se faire ouvrir, sans l'autorisation de son mari, un compte en banque qu'elle peut faire
fonctionner librement(541). Elle est, de par la loi. irréfragablement présumée avoir, à l'égard
du banquier dépositaire, la libre disposition des fonds en dépôt (cf. art, 221. al. 2 nouveau),
EUe peut donc. sans aucune entrave, se faire payer, par l'intermédiaire de son compte, tout
chèque dont elle a pu régulièrement devenir bénéficiaire. Voudrait-elle en obtenir le paiement
par caîsse(542), que la présomption, également irréfragable de l'article 222 du code
civil(543). suppléant I'inapplicabilité. pour ce cas, de J'article 221 nouveau, du même code, lui
en donne encore le loisir, Le paiement fait par le banquier tiré. à une femme mariée, d'un
chèque dont elle est devenue régulièrement bénéficiaire (au moins en apparence), n'est donc
jamais susceptible d'être attaqué comme ayant été fait à une personne sans pouvoirs(544) et
(541) Celle faculté est également reconnue à la femme mariée en Côte d'Ivoire par la loi n'64-375 du 7 oct. 1964 relative au
mariage, modifiée par la loi n'83·&00 du '2 août 19&3, dont l'art. 66 nouveau. énonce que "ChacUII des époux peul se faire
ouvrir salis le consentemelll de t'autre tout compte de dépôt en son nom personnel. Lépaux deposant est réputé à l'égard du
dépOSitaire avoir la libre disposition des fonds en dépôt",
En relation avec ceue dispos ilion, l'art. 6R nouveau de la même loi
énonce que "chacun des époux perçoit ses gains ef salaires e',geIlI en disposer librement après s'bu acquitté des cnargn du
mariage", Il esr à noter que. contrairement à l'art. 221, al 1
du Code ervil frauçais. l'art. 66 nouveau de la loi ivoirienne
précuée ne se prononce pas expressément sur la faculté pour la femme mariée de se faire ouvrir un compte de dépôt de titres.
Certes, on peuL rétorquer que cette faculté es, induite par l'expression ·'/<lul compte dl' d~pôl" utilisée par le législateur. Mais
le doute naît IL la leeture du2e alinéa qui n'envisage la préscmptiou de libre déposition que pour "les fonds en dépot'. Une
chose est sâre eependaru : la combinaison des articles 66 el 6& nouveaux permet d'affirmer que la femme mariée Ivoirienne
est libre de disposer des fonds figurant à son compte ainsi que de ses gains et salaires de quelque manière que ce soit, y
compris par l'acquisition de valeurs mobilières. Elle peut, en conséquence, se faire ouvrir un compte de dépôt de titres et le
faire fonctionner dans les mêmes conditions qu'un ccmpre de dépôt de fonds,
(542) Duns le cas, plus fréquent de nos jours, où le ehcqce est barré, on S;U1 qu'il peut être payé directement au bénéficiaire si
celui-ci est un client du liré, V. art. 38. al. 1 et Z du décret-loi du 30 oct, 1935,
(543) L'arr. 222 du Code civil (issu de la loi du 13 Juillet 1965) énonce en effet. que "si l'un des époux -'1' présente seul paur
faire un oae d'admi,ûs/ration, de jouissance ou de disposition J'ur Url bien mcvble qu'il délient individudlemenl, il est repulé,
à l'égard des liers dL' bonnefoi. avoir le pouvoir de faire selll cet cere".
(544) Sauf, bien sûr, le cas de mauvaise foi de sa part, lorsque le paiement du chèque a été iail par caisse à la femme mariée.

n'est. en conséquence, pas de nature à entraîner sa responsabilité. Il en est de même au cas de
décès de l'un des époux. tant que les héritiers du défunt n'ont pas fait opposition aux ordres de
disposition de l'époux. survivam(545).
233 - La présentation au paiement d'un chèque par une personne qui dit intervenir au
nom d'autrui impose au tiré la vérification des pouvoirs du présentateur, à peine de se voir
opposer l'invalidité du paiement, parce que fait à une personne sans pouvoirs, et de voir sa
responsabilité mise en jeu pour mauvais paiement. Pour cette raison, le banquier tiré devra,
avant de payer un chèque émis ou endossé au profit d'une personne morale, vérifier que le
présentateur, administrateur de ladite personne morale ou, plus spécialement, titulaire d'une
fonction, est bien le représentant statutaire de celle-ci, et qu'il ne réclame pas le paiement à
titre personnel.
Pour la même raison, il devra également vérifier les pouvoirs de la personne qui se
prétend mandataire pour l'encaissement du chèque(546). Ces pouvoirs ressortent en principe
d'un endos de procuration figurant sur le titre, mais peuvent, dans certains cas, être présumés.
IL en va ainsi, notamment, dans les hypothèses où le présentateur est un préposé du
bénéficiaire, connu du tiré, et, surtout, lorsque le chèque a été acquitté d'avance par le
bénéficiaire(547). De même la présentation, par un banquier ou une personne assimilée, fait
présumer la régularité de la possession du chèque. Cela ne dispense pas, toutefois, le tiré de
contrôler. dans ces cas. avant le paiement, outre l'authenticité de la signature du tireur, le
caractère ininterrompu de la suite des endossements(548), conformément à l'article 35 alinéa
2 du décret-loi du 30 octobre 1935. S'il s'abstenait de le faire, sa responsabilité de mandataire
risquerait d'être engagée au cas où le titre s'avérerait irrégulier.
234 - Le souci qu'a le banquier tiré de veiller à ne pas honorer les chèques émis (ou
transmis) par des personnes sans pouvoir doit le conduire, encore, à se montrer circonspect au
(545) V. Cass., Ass. Plén. 4 juil\\. 1985, D.1985.42\\. 1101<" D. Marün, Conclusions de M. Jean Cabannes: Banque 1985.963,
obs. J .•L. Rives-Lange; 1.C.P.1985.204."i7, rapport A. Ponsard. Comparer Reims. Il oct. 1983, D.1985.306. noie Gilbert
Partëant.
(546) V. par exemple Casso COin. 11 Juin 1965. Bull. Civ.,rv. n·358. p.325; Casso corn. 29 janv. 1979. Gaz. Pa1.1979.l.som.
205.
(547) V. vasseur et Marin, Le chèque pr~ci(é, 11'206, 1'.169.
(548) V. Paris 20 févr. 1980, Gaz. PaLl980.2.som.18.1.

190
cas où un chèque est présenté au paiement alors que le tireur est sous le coup d'une procédure
de redressement ou de liquidation judiciaires. Le chèque émis postérieurement à l'ouverture
de la procédure, en violation du dessaisissement dont est l'objet le tireur, doit être rejeté par-le
banquier tiré pour défaut de qualité du donneur d'ordre, s'il ne veut pas risquer d'avoir à
supporter personnellement (en conséquence de sa responsabilité pour paiement irrégulier) le
décaissement effectué(549)(550). Par contre, pour les chèques émis avant l'ouverture de la
procédure, la propriété de la provision ayant été valablement transférée au porteur, le tiré, en
les payant. n'a pas à craindre de voir sa responsabilité engagée, même si, par la suite, le droit
de l'accipiens venait à être contesté avec succès par l'administrateur.
Au-delà de l'incapacité ou du défaut de pouvoir de I'accipiens. l'irrégularité du paiement
d'un chèque par le tiré peur provenir. de manière beaucoup plus certaine et plus fréquente, de
l'absence totale du droit que le porteur prétend mettre en oeuvre. Il en est ainsi lorsque l'effet
présenté au tiré n'exprime pas (ou plus) un ordre du titulaire du compte.
2) lrrégularité tenant à l'absence d'ordre du titulaire du compte.
235 - En sa qualité de dépositaire des fonds qui lui sont confiés par son client, le
banquier ne peut effectuer, sur ceux-ci, aucune opération au nom de celui-ci, sans y avoir été
invité expressément ou tacitement par l'intéressé lui-même ou son fondé de pouvoir. Le
versement de fonds à une tierce personne, au nom du titulaire du cornpte, nécessite un ordre
émanant de ce dernier (ou d'une personne ayant pouvoir de lui), autrement dit un mandat de
payer donné au banquier par son client. Le chèque constitue l'une des formes de ce mandat
par lequel le banquier dépositaire est invité à se dessaisir des fonds qu'il détient pour le
compte du tireur, au profit du bénéficiaire ou du porteur du titre. Seul le titulaire du compte
est donc habilité, en principe, à donner un te! ordre de disposition au banquier(551), Cet
(549) V. Casso corn. 13 janv. 1975. Gaz. Pul.1975.I.p9nor.88.
(550) Sur la possibilité pour le solvens de récupérer ses débours suite à une action en répétition de l'indu ou ~ une action de ln
rem Verso, v. supra n' 182 ct 5. el n' 190 el S.
(551) Hormis tes cas exceptionnels où ce conunandemeru provient de la loi ou du juge.

191
ordre, qui légitime le décaissement opéré, est considéré comme inexistant dans trois
hypothèses: d'une part. lorsque le chèque litigieux a été l'oeuvre d'une personne qui.
prétendant agir au nom du titulaire du compte. n'avait pas (ou plus) le pouvoir de l'émettre, en
réalité; d'autre part, lorsque le chèque, quoiqu'ayant été émis par le titulaire du compte (ou son
fondé de pouvoir), avait été révoqué par la suite: enfin, lorsque le chèque en cause est
apocryphe.
• ... Le paiement d'un chèque émis par une personne sans pouvoirs.
236 - Concrètement, l'hypothèse du tirage de chèques sans pouvoir à présent envisagée
est susceptible de se rencontrer dans deux cas: soit que le mandataire qui avait effectivement
reçu du titulaire du compte le pouvoir de le faire fonctionner, mais dont la procuration avait
été révoquée par la suite, a continué, malgré tom, à émettre des chèques au nom de son ex-
mandant, soit que l'émission du chèque est l'oeuvre de l'administrateur d'une personne morale
qui, starurairement. n'en avait pas (ou pas seul) le pouvoir.
237 . Il est à signaler, à cet égard, que le principe selon lequel le titulaire d'un compte
est seul habilité, aux yeux du banquier, à le faire fonctionner, connaît des dérogations qui, au
fond, ne som que le reflet, dans ce domaine particulier, des principes de la théorie générale
des obligations. La technique de la représentation, qui permet à une personne d'accomplir un
acte juridique par interposition d'une autre, n'est pas exclue en matière bancaire. Aussi, un
chèque peut-il être régulièrement émis par une personne autre que le titulaire du compte,
lorsque ce dernier lui en a donné le pouvoir. Le paiement d'un tel chèque s'impose par
conséquent au tiré, s'il a été préalablement averti de l'existence de la procuration délivrée à
cette tierce personne. Mais ce paiement ne s'impose que si le tiers avait réellement le pouvoir
d'émettre le chèque. Dans le cas contraire, le chèque ne peur être regardé comme exprimant
un ordre imputable au titulaire du compte. S'il a été payé, il l'aura été irrégulièrement. Le tiré
serait en conséquence comptable, envers son client, de la perte résultant de ce décaissement
malencontreux. Et ce, sm la base, non point d'un mandat, qui n'existe pas en l'occurrence (le

192
banquier ne pouvant se prévaloir d'une autorisation de son client), mars plutôt sur le
fondement du dépôt qUÎ est seul en cause, en pareil cas. En tant que dépositaire des sommes
d'argent (choses fongibles par excellence), le banquier a, outre l'obligation de conserver Ja
chose à lui confiée, celle, primordiale, de la restituer au déposant ou à la personne désignée
par lui, quoi qu'il advienne(552), Le paiement qui interviendrait sans l'ordre du déposant ne
pourrait lui être imputé et la perte qui en résulterait resterait à la charge du dépositaire. Le
fondement de cette solution se trouve dans J'idée qu'en se dessaisissant, de manière
inopportune des fonds dont il est dépositaire. le banquier se rend coupable d'une mauvaise
exécution (ce qui équivaut à une inexécution) de ses obligations et n'a pu de la sorte s'en
libérer. Il en demeure donc tenu envers son client. Point n'est besoin, dans ce cas, de recourir
à la notion de responsabilité pour sanctionner le mauvais paiement, comme cela aurait été le
cas si l'on avait été dans le domaine du mandat(553).
L'absence d'ordre du titulaire du compte se manifeste encore à l'occasion du paiement
des chèques ayant fait l'objet d'une révocation de la pan du tireur.
* * Le paiement d'un chèque révoqué.
238 - L'obligation qu'a le banquier de payer le chèque dom il est le tiré n'existe, on l'a
déjà dit, que s'il n'a pas reçu une défense de payer de la part du titulaire du compte, dans
l'intérêt de qui il est censé agir avant tOUL De la proposition selon laquelle l'intervention du
banquier tiré en matière de chèque ne se justifie que par la mission dont l'a investi son client.
la jurisprudence, approuvée par la plupart des auteurs, a déduit la conséquence que le chèque
confere un mandat de payer au tiré(554). Corrélativement, les juges considèrent que
1551) L'obligation de restituer qui pèse &UC le banquier lie tombe même pJ.5 devant la preuve de la force majeure. Seule la
preuve de la faute du déposant esLsusceptible de l'écarter. en partie ou totalement, selon que le banquier li lui-même commis
une faute ou pJ.5. La faute d'un Liers ouvre au banquier une aetion en responsabilité contre celui-ci mais ne le libère pas de SOli
obligation envers le déposant.
(553) Sur la combinaison des contrers de dépôt et de mandai, sur la sanction des obligations rattachées 11 ces contrats el sur la
délimitauon des domaines respectifs de ceux-ci. v. infra. Il'251 et s. rt Il'64& et s.
(554) V. supra n"129 (in fine) et références cilies.

193
l'opposition au paiement du chèque. lorsqu'elle émane du tireur, mandant. constitue une
révocation du mandat, ainsi qu'on a déjà eu l'occasion de le mentionner. Cette révocation
retire au tiers, porteur du chèque. son droit d'exiger du tiré le paiement sur la base du contrat
liant le tireur au banquier tiré. Sans doute, peut-il en demander le paiement sur le fondement
de la provision. Mais il devra, pour cela, surmonter l'obstacle que constitue la défense de
payer du tireur, en obtenant en justice une décision de mainlevée de l'opposition. Par ailleurs,
Je paiement que ferait le tiré, à la suite du commandement du juge, ne peut plus véritablement
être rattaché au mandat confié par le tireur du chèque(555). On est donc fondé à affirmer
qu'en présence d'une opposition du tireur, le porteur du chèque se trouve, aux yeux du
banquier, dépourvu du droit au paiement accordé initialement par le titulaire du compte à
travers la remise du titre. Dans ces conditions. si, malgré tout, le tiré honorait le chèque, il
commettrait une faute(556) dont il devrait répondre vis-à-vis de son client, conformément à
l'article 1992 alinéa 1er du Code civil. Les décisions de justice qui ont eu à se prononcer sur
le problème du paiement des chèques en dépit de l'opposition du tireur font bien ressortir que
le fondement de la responsabilité du tiré réside dans le contrat de mandat qui le lie à son
client. La Cour d'appel de Riom(557) affirme ainsi très clairement que, dans les rapports entre
le tireur et le tiré, le chèque n'est qu'un mandat de paiement et que l'opposition du tireur
équivaut à une révocation du mandat. Le pourvoi formé contre cet arrêt est rejeté par la Cour
de cassation. au motif que la Cour d'appel a décidé à bon droit que la banque n'avait pas à se
faire juge de la validité de l'opposition du tireur et qu'elle aurait commis une faute si elle avait
payé le chèque malgré cerre opposüion(558). La même précision, relativement au fondement
de la responsabilité du banquier tiré qui n'a pas tenu compte de l'opposition au paiement
formée par le tireur, est notable dans le jugement du Tribunal de grande instance de Lille du 4
(555) Sur tous ces points, v. supra n'I 75.
(556) Y. Casso com. 9 fév. t982. Bull. civ., n'52, p.dd: Gaz. Pal.l982.panoL229. note A. Piedelfèvre, qui rejette le pourvoi
formé contre Riom 4 juill. 1980. Ga7-. pa1.19~ 1.\\ .som.84; D. l 981.LR.303. cbs. M. Cabrtuae.
(557) Riom 4 Juill. 1980 précité, Gaz. Pal.t98t.t.som.84; D.1981.1.R.JDJ, obs.:'11. Cabrillac.
(558) Y. Casso corn. 9 Ièv. t9!!2 précité, Hull. civ., lY,n'52.p.44; Gaz. Pal.t982.2,panor.229, noie A. Pteceüëvre.

194
octobre 1978(559). On y relève, en effet, que "le chèque étant, dans les rapports du tireur et
du tiré, lUI mandat de paiement révocable, le tiré qui a reçu une opposition doit immobiliser
la provision jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la validité de l'opposition". Le tribunal poursuit
en faisant remarquer que "le tiré fie peut se faire juge de la validité de l'opposition et est tenu
de Ile pas payer tant qu'une mainlevée n'a été donnée soit par l'opposant soit en justice". Le
tribunal en rire la conséquence que la banque qui, en l'espèce, avait payé te chèque, en dépit
de l'opposition du tireur, a conunis une faute.
239 - La faute que constitue la méconnaissance de la défense de payer formulée par le
tireur n'est toutefois pas susceptible, à elle seule, d'en trainer l'admission de la responsabilité
de son auteur. Cette faute doit avoir occasionné un préjudice pour le demandeur. Le dommage
pouvant être directement rattaché au paiement d'un chèque malgré l'opposition du tireur n'est
pas difficile à imaginer, dans les cas où cette opposition est légalement justifiée. Le compte
du tireur aura été indument diminué du montant du chèque litigieux. La réparation accordée
généralement par les tribunaux en pareille hypothèse consiste à condamner le banquier à
recréditer le compte de son client. laissant ainsi à sa charge la perte pouvant résulter du
paiement irrégulier. Par contre, lorsque l'opposition du tireur est illicite, le préjudice du tireur,
consécutif au non respect de la défense de payer adressée au tiré, prête à discussion. En effet,
l'émission régulière du chèque transmet irrévocablement la propriété de la provision au
bénéficiaire; de sorte que toute opposition illégale devra être Obligatoirement levée par le juge
des référés, s'il est saisi. On est alors fondé à penser que le tireur, irrémédiablement débiteur
du chèque, ne subit aucun préjudice à la suite du paiement effectué au mépris de son
opposition. C'est effectivement la position qu'adopte le Tribunal de grande instance de Lille
dans son jugement du 4 octobre 1978, précédemment évoqué(560). Le Tribunal, après avoir
admis la faure du banquier tiré, précise cependant que cette faute n'est pas génératrice, pour le
tireur, d'un droit au remboursement du montant du chèque el à l'octroi de dommages-intérêts.
1559) Banque L979.1107, obs. L.-M. Martin: D.1979.I.RJ53, obs. \\1. Vasseur.
1560) V. supra 1'.'238.

195
240 - Une position différente peut cependant être défendue. En dépit de la limitation,
par le législateur. des causes licites d'opposition, le droit au paiement du bénéficiaire du
chèque reste incertain(56l), et le tireur garde toujours la possibilité d'y faire obstacle, fût-ce
au risque d'une sanction péna.le(562\\ et même si cet obstacle peut être facilement levé par
suite de la saisine du juge des référés. C'est au tireur seul que revient, malgré tout,
l'appréciation des conséquences possibles de son attitude. 11 n'est d'ailleurs pas dit que le
bénéficiaire du chèque saisirait nécessairement le juge pour obtenir la mainlevée de
l'opposition rencontrée, avant l'expiration du délai de prescription de l'action du poneur contre
le tiré. Il pourrait très bien rechercher la conciliation avec le tireur en acceptant, par exemple,
de céder à l'exigence qui a suscité le blocage de la provision. En payant, de son propre chef, le
chèque frappé d'opposition, le banquier transforme ainsi ce qui n'était qu'une probabilité en
réalité. Il retire au tireur, ce faisant, un moyen de pression sur son cocontractant, qui lui aurait
permis. peut-être, d'obtenir une exécution correcte de la prestation dont le chèque constituait
la contrepartie. Par ailleurs, le bénéficiaire, s'il était de mauvaise foi, n'aurait peut-être pas osé
réclamer le paiement de l'effet en justice. Il y a là autant de raisons qui montrent que la
probabilité. pour le tireur. de n'avoir à payer, sous la contrainte du juge, le chèque sur lequel il
a formé opposition, n'est pas nulle. EHe est même très forte dans certains cas particuliers.
lorsque le tireur a été abusé par les manoeuvres d'une personne peu honnête. On ne peut nier,
après ces précisions, que le paiement que ferait le tiré, d'un chèque, au mépris de l'opposition
du tireur, est de nature à lui causer un préjudice, même au cas d'opposition illégale. Ce
préjudice peut consister soit en la perte de la somme correspondant à cet effet dont le
bénéficiaire, s'il était de mauvaise foi, n'aurait probablement pas insisté à poursuivre Je
paiement, soit en la perte pour le tireur du moyen d'obtenir de son cocontractant une
exécution correcte des obligations en contrepartie desquelles le chèque a été tiré. Le préjudice
du client, dans ce deuxième cas, n'est autre que la perte d'une chance, et devrait. de ce fait,
avoir pour base d'appréciation le décalage observé entre ce qu'il escomptait en contractant
IS61) V. Cass. ci v. 17 déc. 1924. Gaz. Pal.1925.1.170;v. égal. supra n'175.
(562) V. art.ôô du décret-loi du 30oclobrc 1935; également Cass. eiv.17 déc. 1924 précité.

196
avec le bénéficiaire du chèque et ce qu'il a obtenu en définitive. De fait, cette position qui
consiste à rendre le tiré désobéissant responsable du paiement a ses partisans en jurisprudence
comme en doctrine(563), signe que l'opposition illicite n'est pas dépourvue d'utilité pour ~e
tireur, en pratique.
241 . Quant à l'argument tiré de la menace d'une sanction pénale. invoqué parfois pour
justifier l'absence de préjudice du tireur dom l'opposition a été méeonnue(564). il faut dire
qu'il manque de pertinence depuis la réforme du droit du chèque intervenue en 1975. En effet,
dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1975, l'article 66 du décret-loi du 30 octobre
1935 ne rend pénalement répréhensible que le blocage de provision opéré avec l'intention de
porter atteinte aux droits d'autrui. Cette intention fait défaut lorsque le tireur a de bonnes
raisons de faire obstacle au règlement du chèque. C'est dire donc que. depuis 1975. en France.
l'opposition illicite ne tombe pas obligatoirement sous le conp de la loi pénale. On ne peut par
conséquent soutenir. comme certains l'ont faü(565), que le non respect, par le banquier tiré,
de la défense de payer formée par le tireur d'un chèque, évite à ce dernier, nécessairement,
l'éventualité d'une sanction pénale(566) et ne peut donc lui être préjudiciable. On est bien
obligé d'admettre, à la suite des arguments qui précèdent, que le non respect de l'opposition
du tireur, qu'elle soit licite ou non, est susceptible d'entraîner la responsabilité du tiré et sa
condamnation à réparer le préjudice qui a pu en résulter pour son client.
(563) V. p!lI exemple Casso civ. 17 déc. 19Z4 précité, Gez, Pa1.l924.1.170. La Cour de cassation y affirme notamment qne "si
par i"él7lission du chëoue. le bénéficiaire devient créancier dire,' du tiré, avantage comparable à celui qui resulterait de la
cession de la provision. la remise de cel instrument n'équivaut pas cependant à la numération des espèces, ["elle-cl. jllsq,!'au
jour où elle est [aile par le tiré, demeurant subordonnée à des causes d'incenirude, "otamment à i'évenniclitë du retrait de la
provision 011 d'une opposition. 10'IJour~· possibles de la part du tireur, !GIIS réserve des sanctions penales auxquelles il
s'exposerait en les effectua", de mauvaise foi". Adde Paris 27 janv. 1925, Gaz. PaU925.1.459. Dans cette autre affaire, une
banque avait payé un chèque au mépris de l'opposition du tireur. La Cour de Paris retient sa responsabilité, non sans avoir
précisé que la banque "ne pouvait en aucun cas se faire juge du merite de t'opposition", SUl l'opinion d'après laquelle le tiré
doit, en sa qualité de mandataire. respecter l'oppcsuion du tireur et qu'il" commet une jaillI' en paYl/nl le chèque alors même
que le porteur eÎlt pu obtenir mainlevée en référé"', v. M. Vasseur el X. Marin. Le chèque. précité, n'289, p,2l9.
(564) V, T,G.r. Lille .cl OCI. 1978 précité; adde J. Vézian, op. cir., n'170 p, 110.
(565) Ibid.
(566) Il est vrai que l'éventualité de la sanction pénale demeure toujours. le juge pénal pouvant très bien estimer,
conœaircrneut au tireur- qu'il '1 avait effectivement intention de porter atteinte aux drous du porteur. Cela ne reste, malgré
tout. qu'une simple éveutuaiité, ,·1 non une certitude.

197
242 - Les discussions qui se sont élevées à propos de l'existence du préjudice du tireur
dont l'opposition illicite n'a pas été respectée sont cependant compréhensibles, dans la mesure
où l'émission régulière du chèque fait présumer l'existence d'une dette à la charge de celui-ci;
dette que le paiement, même irrégulier, réalisé par le tiré, aura éteinte. Somme tome,
l'accipiens du versement, quoique dépOUIVU, à l'égard du tiré solvens, du droit au paiement du
chèque, du fait de l'opposition du titulaire du compte, n'en était pas moins créancier de ce
dernier. au nom de qui ledit versement étaie censé intervenir. Tome autre est la situation du
banquier tiré qui se dessaisit des fonds de son client dans les mains du présentateur d'un
ehèque apocryphe. Le préjudice du tireur ne fait aucun doute dans ces cas. La responsabilité
du banquier n'en est pas, pour autant, systématique.
'" '" Le paiement d'un chèque apocryphe.
243 - La particularité (et l'intérêt) du chèque est de permettre une opération de paiement
au profit d'un tiers, au seul vu d'un écrit, sans une concertation préalable entre le solvens,
dépositaire des fonds d'autrui, et le donneur d'ordre, dont les sommes en compte sont appelées
à servir au paiement. C'est précisément cette particularité que certains individus peu
scrupuleux cherchent souvent à exploiter afin d'obtenir du banquier, à J'insu du titulaire du
compte, le versement d'une somme d'argent, sur présentation d'un titre comportant soit la
signature imitée de ce dernier, soit Je texte altéré d'un chèque initialement libellé par celui-ci.
La réalisation d'une telle éventualité pose la question de savoir qui du banquier tiré ou du
client, pour le compte duquel le premier croyait agir, doit supporter la perte en résultant. La
réponse à donner à cette question a divisé pendant longtemps(567) aussi bien la doctrine que
la jurisprudence avant d'être définitivement acquise en droit positif.
(56711usqu·1J. la consécration pm ln Cour de cessation de la distinction des chèques faux el des chèques Ialsifiés, V. CJ~s. civ.
20 aVL 1939 5.1939.1.109, note H. Rousseau: Ga7. PaL 1939.2.91; Sem jur . 1939.11.1267.

198
'" Les premières solutions admises.
244 - Tout Je monde s'accordait, avant la décision de ta chambre civile de la Cour <je
cassation précitée du 20 avril 1939, à attribuer la perte résultant du paiement à celle des deux
parties conrre qui une faute pouvait être retenue. Au cas où l'une et l'autre avaient commis une
faute ayant concouru au décaissement critiqué, la perte était répartie. La solution du problème
du paiement des chèques apocryphes était systématiquement recherchée sur le terrain de la
responsabilité(568)
el
plus
précisément.
semble-t-il,
sur
celui
de
la
responsabilité
délictuelle(569).
245 - Mais, dans certains cas, aucune faute ne peur être reprochée ni au tireur ni au tiré.
Certains auteurs ont proposé alors que le risque de fraude inhérent au système du chèque soit
pour le banquier, à qui ce système (et les dépôts qu'il suscite) profite(570). D'autres auteurs
estimaient, au contraire, que la perte devait être pour le tireur, non seulement parce que c'est
lui qui. en réalité, crée le risque en émettant un chèque, mais aussi et surtout paree que
l'article 35 de la loi de 1865 sur le chèque, reconduit par le décret-loi de 1935, fait bénéficier
le banquier d'une présomption de libération, toutes les fois qu'il paye un chèque n'ayant pas
fait l'objet d'une opposition du tireur. Cette deuxième position a rencontré la faveur des
tribunaux qui, cependant, écartaient la présomption de libération lorsqu'une faute lourde était
prouvée COntre le banquier. Et Lacour et Bouteron(571) de préciser que "tout manquement
aux obligations qui lui incombent constituera U/:e pareille faute el portera échec à sa
libération". La solution donnée au problème du paiement des chèques apocryphes n'était plus
fondée, semble-t-il. sur la responsabilité, contrairement à ce que pourrait faire croire la
tendance des juges à rechercher systématiquement, en fait. la faute de l'un ou l'autre des
(568) v. nol. L. Lacour et J. Bouteron, op. cu.. 1.1, n'1457 et 1457 bis p.21 Let S.; 1,4, n'1457 p,l06 et s.
(569) V. par ex. Casso req. 26 oct. 1898, D.P.l898.L560; adde E. Tballer, note sous Trib. civ. Seine 21 déc.l895.
D.P.1896.1,40l spécialement p.404 [ère colonne; M. Vasseur el X, Marin, Le chèque. précité. n'3œ: p.119, note n'4 et
n'J03 p.23I, note n'6. V. également Casso civ.10 evr. 1939, 5.19J9.l.109.
(5701 V. A, Ilesson. Les chèques falsifiés. J.C.P. 1941.l.220. n' 3.
(S7l1 Op. cit.. t.2, Il'\\4';7. [J.211.

199
protagonistes(572). Elle reposait désormais. principalement, sur la notion de libération du
salyens et donc sur celle de la validité du paiement, au sens de l'article 1239 du Code civiL
Les principes de la responsabilité civile n'intervenaient, subsidiairement, que pour faire échec
à la libération du salyens, lorsque le succès de la fraude pouvait être attribué à son
imprudence ou à sa négligence.
Mais, la ponée générale ainsi donnée à l'article 35 ne pouvait pas ne pas apparaître
choquante en ce qu'elle avait pour effet de faire supporter au tireur les conséquences d'un
paiement auquel. dans certains cas, il n'a, en aucune manière, participé. Elle méconnaissait,
par ailleurs, la dualité de la qualité mise en oeuvre par le banquier tiré, à l'occasion du
paiement des chèques de ses clients(573). Ces objections suscitèrent l'introduction, dans la
solution du débat, d'une distinction tenant compte de ce que le banquier est en mesure de se
prévaloir d'un mandat de paiement délivré par son client ou non.
* L'introduction de la distinction des chèques faux et des chèques falsifiés.
246 - Cette distinction fur l'oeuvre de Thaller qui, dans une célèbre dissertation publiée
en 1896(574\\ estima qu'on ne pouvait adopter la même solurion, que le chèque qui a été payé
par le tiré ait été seulement falsifié ou qu'il ait été totalement faux; car s'agissant d'un chèque
falsifié, la banque tirée paye un chèque émis vraiment par le cllent. et si ce chèque est pourvu
de suffisantes apparences de régularité, on ne peut que conclure en la libération du solvens.
La perte sera pour le titulaire du compte ou, éventuellement, au eas de détournement, pour la
personne qui était poneur du chèque lorsqu'il a été soustrait. S'agissant du paiement d'un
chèque faux, au contraire. le banquier paye sur la foi d'une signature contrefaite. La situation
est totalement différente et l'on ne peut raisonnablement déclarer libératoire le paiement ainsi
réalisé, er autoriser son auteur à en inscrire le montant au débit du compte de son client. En
(572) V. M. vasseur el X. :\\1arin, Le chèljue. précité. n'303, p.2J 1 er s.
(573) V. supra n'~~8 el infra n'~5 \\ et v.
(574) E, Tnauer. nore sous Trib. civ. Seine 21 déc. 1895 et 18 avr. 1896. D.P.1896.2.401.

200
effet. "011 Ile saurait être tenu d'une dette qu'an n'a point souscrite. Aucune disposition tégate,
dans les effets de commerce ou ailleurs, Ile dit que l'imitation d'une signature par un
faussaire, là-même où elle serait parfaite au point, pour route personne de s'y tromper,
.
équivaut à cette signature véritable. Aucune disposition lëgate ne pouvait le dire: il serait
contraire à tout bon sens qu'une personne se trouvâr ainsi obligée salis son fait, sans sa
pl1rticipation,,(575). Prévenant l'objection que l'on pouvait lui opposer sur le fondement de la
présomption de libération de l'article 35 de la loi de 1865 sur le chèque(576), Thaller précise
que celle présomption ne joue que lorsqu'on est "en présence d'un chèque vrai, provenant
bien de la personne figurant au titre comme sOllscripteur,,(577). Dans le cas contraire. "le
banquier qui paye le chèque de bonne foi n'est donc protégé par aucune présomption
justifiant de sa part l'inscription du chèque faux au débit de SOli client. En principe
l'opération de caisse reste il ses risques, la perte est pour lui, banquier ,,(578).
247 - Les solutions proposées par T'haller ne sont rien d'autre que le résultat de
l'application des règles du mandat. En effet, si au regard des principes régissant le contrat de
mandat, le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire et doit,
non seulement lui rembourser ses frais et avances, mais aussi l'indemniser de ses pertes (cf.
art. 1998 à 2001 C. civ.)(579), ce n'est qu'autant que le mandataire a agi sur la base d'un
pouvoir que lui a donné le mandantfcf. art. 1998 C. civ.). Sinon il n'y a pas de mandat et le
mandant supposé ne saurait être engagé par les actes du prétendu mandataire; à moins qu'il ne
les ait, par ailleurs, ratifiés. Certes il peut être tenu sur le fondement de l'apparence si le
mandataire a pu légitimement croire en l'existence du mandat. Mais cela suppose une certaine
participation du "mandant apparent" dans la création de l'apparence(580). La distinction des
(5iSl Ibid. spécialement p.4û4.
(576) Texte reconduit sous le même numéro par le décret-lei du JO on. 1935.
(S77) E. Thaller. note précitée. D.P.1896.2.4Q..t.
(578) Ibid.
(579) Sur la [1011 appiieunon de la règle de l'~rt.10Cü C. civ. en matière de paiement de chèques falsJlïé,;. par exemple. v.
supra n'201 Cl s.
(580) Sur ce principe, v. Ph. Malaurie el L. Aynès. Cours de Droit Civil, Les contrats spéciaux. préçité.n0576 p.300: H" L
el J. Mazeaud, Principaux contrats, précité. n01391. Contra, v. J.·P. '\\rrighi. Thèse précilée.n'252 p.596.

201
chèques falsifiés (mais comportant la signature vraie du titulaire du compte) et des chèques
faux (créés sans aucune participation du titulaire du compte) trouve là sajustification(58l).
Le système préconisé par Thaller el approuvé par la majorité des auteurs finira par être
consacré par la jurisprudence.
* La consécration jurisprudentielle de la distinction des chèques faux et des chèques
falsifiés.
248 - C'est la Cour de cassation qui, à la faveur d'un arrêt de la chambre civile en date
du 20 avril 1939(582\\ consacrera, la première, la distinction évoquée. Cet arrêt pose le
principe que "le banquier n'est pas libéré vis-à-vis du client qui lui a confié des fonds quand il
se défait de ces derniers sur présentation d'un pseudo-ordre de paiement revêtu, dès l'origine,
de ta fausse signature dudù client et n'ayant eu par suite, à aucun moment, le caractère légal
d'un chèque", Et la Cour d'en tirer, pour le cas d'espèce, la conséquence qu"'à dé/am de la
signature vraie du client de la banque, la pièce présentée manquait d'une condition
essentielle à rextstence d'un chèque" si bien qu'il "y avait lieu d'appliquer ...la règle générale
de droit civil, selon laquelle le paiement effectué, même sans faute, aux mains d'une personne
/1011 qualifiée pour le recevoir n'éteint pas le droit du véritable créancier". Le même principe
devait être repris presque mot pour mot, quelques années plus tard, à travers un autre arrêt de
la chambre civile de la Cour de cassation, en date du 2 mars 1942(583),
(581) V, cependamIa critique formulée contre celle distinction par M. Jacques Duptchot (note sous Versailles 18 OCI. L979.
Gaz, Pa1.l980.1.39:l, spécialement p,396 in fille) qui estime infondée la dissociation faite entre ta signature et Je libellé du
chèque. Pour cel auteur, "le> dormies sonr indivisibles ,'1 la Jalsificl11ion du libellé [ait que le li/re 'l'est J'lus, e'! aucune
maniere, lin ordre dlilireur",

/582) 5.1939.1. 209, nore H. Rousseau: Gaz. Pal.1939.2.9l: Sem. jur.1939,rr.1267.
(583} D.c.1942.57: J.C.P.1942.l1.1846: Gez.. Pal.1942.1.223.

202
Ces deux décisions ont fixé définitivement la solution du problème posé par le paiement
des chèques apocryphes(584). La situation juridique du banquier tiré qui a payé un effet de
cette nature se résume donc ainsi:
249 - Si le chèque en cause est faux dès l'origine, c'est-à-dire revêtu de la signature
imitée du titulaire du compte, son règlement ne libère pas le banquier qui y a procédé, même
si l'imitation est réussie et que le faux n'est pas apparent. En payant sur la foi d'un titre faux
dès l'origine, le banquier fait un mauvais paiement (au sens de l'article 1239 C. civ.). Ce
faisant, il verse dans les mains d'une personne non habilitée par son client, les sommes qu'il a
reçues de lui en dépôt, violant ainsi l'obligation que lui impose l'article 1937 du Code eivil, en
sa qualité de dépositaire. Le paiement d'un chèque faux n'est pas valable par conséquent, et ne
libère pas le banquier tiré de ses obligations envers le déposant.
Cette solution n'est toutefois pas absolue, et le banquier qui a payé un chèque faux a la
possibilité de reporter,
totalement ou partiellement, sur le
titulaire du compte, les
conséquences de ce paiement, en démontrant qu'une faute de ce dernier est à l'origine de sa
méprise. C'est ce que prévoient très clairement les arrêts de la Cour de cassation des 20 avril
1939 et 2 mars 1942(585), lorsqu'ils précisent que "la perte résultant du paiement indu ne
saurait être reportée à la charge du client, tireur apparent, qu'en réparation d'une faute
imputable à ce dernier el en relation directe avec le préjudice subi par le banquier,,(586).
250 - Si le chèque en cause est un chèque falsifié, c'est-à-dire un chèque créé à l'origine
par le titulaire du compte ou son fondé de pouvoir, mais dom le texte a été par la suite
frauduleusement altéré. le principe est que le paiement intervenu alors qu'aucune opposition
du tireur ne J'interdisait, libère la banque tirée solvens, pat application de l'article 35 alinéa
(584) Un arrêt de la eh. ccm. de la COW" de cassation du J janv. 1978 (D.1978.LR.J06, obs. M. Vasseur el 338, obs. M.
Cabr lllae) est venu récemment confirmer la persistance de cette solution en reprenant pratiquement mm pour molle principe
énoncé par les arrêts d\\l 20 aVJ. 1939 et du 2 mars 1942, dissipant du même coup les doutes qui pouvaient exister dans l'esprit
de certains auteur> quant à son actualité (v. vasseur et Marin, Le chèque précité, n'303, p.::?:3l el 5.; aôde Casso ccm. 24 fév.
1987, Banque 1987.624, note J.-L. Rives-Lange. V. cependant la nuance que la chambre commerciale semble introduire,
lorsque le Iaux a été l'oeuvre du préposé du titulaire du comple: Casso cam. 5 déc. 1989. Banque 1990.310, obs. J.-L. Rives-
Lange.
(585) V. supra n·::?:48.
(586) Cass. civ. 20 avr.1939, précité.

203
1er du décret-loi du 30 octobre 1935. Ce texte énonce. en effet. que "celui qui paye un chèque
sans opposition est présumé valablement libéré". Malgré le caractère ambigu de ce
texte(587\\ la doctrine et la jurisprudence s'accordent pour faire bénéficier le banquier tiré
d'une présomption de libération sur ce fondement. Mais cene présomption n'étant pas
irréfragable, le paiement d'un chèque falsifié est considéré comme valable, sauf si une faute
peut être retenue contre le tiré qui l'a pa yë 588). Cela revient, concrètement. à obliger le client
d'une banque dont le chèque falsifié a néanmoins été honoré par le tiré. et qui entend contester
la validité de ce paiement et, panant, le débit pané à son compte. à rechercher la
responsabilité de ce dernier, en apportant la preuve d'une faute lui étant imputable. Doit-on en
conclure que la responsabilité du banquier s'oppose à la validité du paiement par lui effectué?
Quelle est, autrement dit, la portée exacte de la distinction des chèques faux et des cheques
falsifiés?
* La portée de la distinction des chèques faux et des chèques falsifiés.
25] - En réalité, les deux concepts de validité et de responsabilité ne se situent pas sur le
même plan de raisonnement, en ce qui concerne l'action du banquier en matière de paiement
de chèques. Le concept de validité appliqué au paiement effectué par un banquier au nom de
son client met en avant la qualité de dépositaire des fonds de celui-ci par celui-là. Le
paiement qui intervient à bon escient, sur l'ordre du déposant. est valable et libère par la
même occasion le dépositaire de l'obligation de restitution. pour cette partie des sommes qu'il
a reçues en dépôt. Un mauvais paiement (et donc non valable) entraîne comme conséquence,
sur le terrain du dépôt, non point que le solvens est responsable, mais plutôt qu'il n'est pas
libéré de son obligation de restitution(589). D'un autre côté, le paiement fait par le banquier
(587) V. supra n'204,
(588) V. J.-L. Rives-Lange et M. Contamine-Reynaud. op, cit.. n'2SS p.402 et s. Rapprocher Paris 5 janv. 1973,
R.T.D.Com. 1973.3 ID, obs. M. Cabrtnac ct J,-L. Rjves-Luege. ;. propos Je l'exécution J'un ordre de ...iremem Iaux.
(589) V. dans le même sens, M. Cabrütac et J.-L. Rives-Lange, obs. sur Paris 3 janv, 1975. R.T.D.Corn.1975.151 et s.,
sp~ci~lt:menl p.lS), § Ill: également Paulette Veaux-Fournerie. La situation Juridique de la banque tirée en cas de paiement
de cheques faux, Revue Ivoirienne de Dron (R.I.D.) 1977. 1-2, p.76 el 5 •• specialement p.B2, § Ill. n'2; J,-L. Rives-Lange el
M. Conlamine-Raynaud. op. cit., n'2BB p.402 el note n'l.

204
dépositaire, à une personne autre que le déposant lui-même, suppose un ordre, un mandat de
payer donné par ce dernier et dont J'exécution défectueuse engage la responsabilité du
banquier, en sa qualité de mandataire.
On le voit, selon que l'on envisage la validité du paiement du chèque ou la
responsabilité du solvens, on vise chacune des deux qualités mises en oeuvre, de manière
cumulative, par le banquier tiré, à J'occasion du paiement des chèques émis par ses clients.
Dans les rapports enrre Je client d'une banque, tireur d'un chèque. et le tiré, l'allusion à la
validité du paiement effectué par ce dernier fait nécessairement référence il. la qualité de
dépositaire du salyens. Tandis que la notion de responsabilité se rapporte à la qualité de
mandataire de celui-ci. La situation juridique du banquier qui a payé un chèque dont il était le
tiré n'est donc pas la même selon qu'on considère qu'il a agi en tant que dépositaire ou en tant
que mandataire. La distinction des deux rôles possibles du banquier tiré s'impose d'autant plus
que, dans la plupart des cas (tous les cas où le chèque a bien été émis par le titulaire du
compte ou son représentant), le banquier intervient en sa double qualité de mandataire et de
dépositaire. En payant le chèque il exécute le mandat que son client lui a donné à travers le
titre. Mais. ce faisant, il exécute, par la même occasion, son obliganon de restituer les fonds
qu'il a reçus de son client, en sa qualité de dépositaire. Toute la difficulté créée par un tel
cumul de qualités réside précisément dans la délimitation des domaines respectifs de chaeune
de ces deux qualités du banquier. La clé de la solution se trouve, dans ce cas aussi, dans la
distinction entre les Chèques faux dès l'origine et les autres chèques.
252 - En présence d'un chèque faux (c'est à dire faux dès l'origine), on ne saurait parler
de mandat(590). La qualité de dépositaire seule est alors en jeu. La situation juridique du
banquier relève, dans ce cas. des articles 1937 et 1239 du Code civil. D'après ces textes, "le
dépositaire ne doit restituer la chose déposée, qu'à celui qui la lui a confiée...ou à celui qui a
été indiqué pour la recevoir" (art. 1937). Son obligation ne s'éteint que par le paiement fait au
créancier ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui, ou qui a été autorisé par justice ou par la loi à
1590) Réserve Iaue, tnutefors. de ln ?,ssibililé d'appliealillll de la théorie du manda! apparent, dam l'hypothèse où le
comportement du titulaire du compte csl à l'origine de la méprise du banquier solven s.

205
recevoir pour lui (art. t 234 et 1239). Le chèque faux. ne constituant pas ce pouvoir de recevoir
émanant du déposant et exigé par les textes sus-mentionnés, le banquier qui a payé sur la foi
d'un tel effet ne peut prétendre à l'extinction de son obligation de restituer. En effet, la
restitution des fonds déposés par le client à un tiers sans aucun pouvoir n'engage pas le
déposant el ne libère pas, par conséquent, le dépositaire de son obligation à l'égard de son
cocontractant. Il doit donc rétablir au crédit du compte du client les sommes qu'il aura
débitées sur cette base.
253 - En présence d'un chèque créé initialement par le titulaire du compte, quand bien
même le libellé en aurait été altéré par la suire, on ne peut nier que l'action du banquier trouve
son fondement dans un ordre émanant de son client. A moins d'une falsification apparente.
l'authenticité de la signature fait présumer l'authenticité du libellé du chèque. Si bien que. en
apparence au moins, le banquier aura, en payant, exécuté un ordre donné par son client. On se
trouve donc bien sur le terrain du mandat. Ce n'est pourtant pas J'avis de monsieur Jacques
Dupichot, qui estime que les données d'un chèque sont indivisibles; de sorte que "la
falsification du libellé fait que le titre n'est plus, en aucune manière, lUI ordre du tireur", A
cette opinion on peut objecter que la mise en oeuvre de la théorie de l'apparence a
précisément pour but de faire supporter à une personne, contre son gré, une obligation à
laquelle elle n'a pas souscrit en réalité, mais qui s'impose à elle, néanmoins, du fait du rôle
qu'elle a joué dans la création de l'apparence. Or on ne peut nier, ainsi qu'il a été dit plus haut,
que la signature vraie du titulaire du compte, apposée sur un chèque aux données habilement
falsifiées, est une circonstance de nature à emporter la décision de paiement prise par le
banquier, dont l'erreur se trouve légitimée, de ce fait(591),
254 - Mais. en même temps, on doit constater que cette mission de paiement confiée au
banquier ne se justifie que parce qu'il a reçu en dépôt les fonds qui vont servir à son
exécution; de sorte que l'exécution du mandat de payer qu'il a reçu de son client lui donne
l'occasion de s'acquitter de l'obligation de restitution que lui impose sa qualité de dépositaire.
Deux contrats différents se trouvent ainsi combinés, à l'occasion d'une seule et même
(591) V. supra n'247 Cl s.

206
opération de paiement. Si l'on ne peut nier qu'au moment du règlement d'un chèque émis par
son client le banquier met en oeuvre, simultanément, les qualités distinctes de mandataire et
de dépositaire. une analyse plus poussée
permet, néanmoins, de déclarer que pour
l'appréciation de son action c'est la qualité de mandataire qui prime; c'est elle qui "Qui occupe
Je devant de la scène", selon l'expression de madame Veaux~Fournerie(592). En effet, par
rémission d'un chèque. le tireur ne se contente pas de réclamer le paiement, notamment au
profit d'un tiers, de la créance dont il dispose contre son banquier. Il sollicite, en réalité, une
véritable prestation de services. Le banquier est invité à agir en ses lieu et place. en ayant à
coeur de préserver les intérêts de son client, au besoin comre ceux du tiers, pourtant accrédité
par le client lui-même. La preuve que, dans le paiement d'un chèque, la qualité de dépositaire
du solvens passe au second plan, par rapport à celle de mandataire, c'est que le banquier peut
choisir d'exécuter l'ordre reçu alors même que le compte du client n'est pas créditeur. Aucun
dépôt, partant aucune obligation de restitution n'existe en pareille hypothèse. Force est donc
de constater que la décision d'honorer, malgré tout, le chèque procède d'un aUITe contrat, le
mandat, par lequel le banquier est autorisé à agir pour le compte de son client, au mieux de
ses intérêts; ce qui justifie les avances de fonds qu'il est amené à consentir à celui-ci. Certes,
la qualité de dépositaire interviendra nécessairement par la suite, au moment de verser les
sommes prêtées sur le compte du client et surtout au moment de procéder à leur décaissement
Mais il faut bien reconnaître que ce ne sera que de manière secondaire par rapport au mandat
qui. d'ailleurs, aura induit cette intervention dans le cadre de l'opération précise évoquée. C'est
donc le mandat qui est principalement en cause lorsque le banquier, dépositaire des fonds de
son client, est invité par t'intermédiaire d'un chèque signé par ce dernier, à réaliser un
paiement au profit d'un tiers.
255 - La prédominance du mandat (sur Je dépôt avec lequel il coexiste nécessairement,
dans les opérations de paiement de chèques munis de la signature vraie du tireur) explique
encore le pouvoir d'appréciation dont dispose le banquier quant à la décision d'exécuter ou pas
l'ordre reçu. En effet, alors que sur le terrain du dépôt, le dépositaire ne peut refuser de
(S92) Paulette Veaux-Fournerie, obs. précitées, Revue Ivairierme de Droit (RJ.D.) 1977,[·2, p.83.

207
restituer la chose déposée, dès lors que la demande de restitution émane bien du déposant (ce
que J'authenticité de la signature du tireur fait présumer, en matière de paiement sur la foi d'un
chèque)(593), le banquier tiré, en sa qualité de mandataire, ne doit pas se contenter de
l'authenticité de la signature de son mandant. Il doit en outre, avant tout paiement, procéder à
des vérifications supplémentaires afin de s'assurer que l'ordre de son client n'a pas été
frauduleusement altéré ou tout simplement révoqué après coup. Soupçonnerait-il une
irrégularité dans le texte ou dans l'aspect formel du titre qu'il a le devoir, en sa qualité de
mandataire ayant en charge la défense des intérêts de son mandant, de refuser le paiement
réclamé. En payant un chèque portant la signature vraie du tireur, mais comportant une
irrégularité facilement décelable, le banquier tiré engage sa responsabilité de mandataire pour
violation de son obligation de prudence et de diligence(594). En tant que dépositaire, il aurait
pourtant valablement exécuté son obligation de restitution, dans la mesure où la demande en
émanait bien du déposant; ce que fait présumer la sincérité de la signature figurant sur le
chèque(595),
256 - Des développements qui précèdent se déduit la réponse qu'il faut apporter à la
question de savoir si les vérifications dites de sécurité qui s'imposent au banquier,
préalablement au paiement d'un chèque, ressortissent des obligations du prestataire de
services ou de celles du dépositaire(596). C'est le contrat de mandat (ou. plus exactement, la
promesse de mandat) qui, au delà du dépôt de fonds en banque, justifie, de la pan du titulaire
d'un compte bancaire, la mise en circulation d'un chèque. C'est, par conséquent, la qualité de
(593) V. articles 35 et 65 du décret-loi du 30 octobre 1935, combinés.
(594) L'obligation de prudence et de diligence se présente. tradiuonnellemenr parlant, comme une obligation légale dont la
violation ...xpose il une responsabilité clélictuelle. Mais peut-on nier qu'en matière d'exécution d'ordres de paiement pour le
compte des chen!.>. par exemple, le banquier supporte une obligauoe. contractuelle, de prudence et de diligence lui imposant.
dans sa mission, une vigilance particulière. de mèrne qu'une certaine promptitude dans la sauvegarde des intérêts de ceux-ci.
Sur ce point, v. égal. infra n'283 eLs.
(595) Solution commandée par l'an. 35 du décret-loi du 30 octobre 1935 dontl'application est subordonnée ~ \\11. ~incüité de la
sign atnrc du éépcs ant (v. not. Cess. civ. 20 evr. 1939 et 1: mars 1942 précités). La sincérité de la signature figurant sur la
demande de restitution du dépôt (Bit également pr6umer la sincérité et de l'indication dn bénéficiaire de la restitution. et du
montant réclamé.
(596) SIU" cette question. sujette ~ controverses. v. M. Cahrillae et J .•L. Rives-Lange. obs. sur Paris 3 janv. 1975,
R.T.D.Com. 1975.151 et s. spécialement [l.153. V. égulcrncnt Paulette Veaux-Fournerie, obs. à la Revue Ivoirienne de
Droit (R.I.O.) 1977. L-2, p.84; F. Grua. Ccmrats bancaires. t.I, contrat, de services, Economica. 1990, n'138, p.136 el s.

208
mandataire qui commande les différentes vérifications destinées à pallier les risques d'erreur
et de fraude liés à ce mode particulier de paiement. C'est en cette seule qualité que le banquier
pourra être amené à répondre de ses imprudences ou négligences, lorsque le paiement d'un
chèque se trouvera critiqué pour des motifs autres que la falsification de la signature du tireur
officiel. Les vérifications préalables au paiement des chèques ne ressortissent donc pas des
obligations du banquier pris en sa qualité de dépositaire(597). En tant que dépositaire de
sommes d'argent, tenu d'une obligation de résultat quant à la garde et à la restitution de la
chose déposée, le banquier accusé d'avoir payé un chèque faux ne peut se libérer en
démontrant qu'il a effectué correctement toutes les vérifications nécessaires(598). On ne peut
donc qu'approuver madame Veaux-Fournerie lorsqu'elle affirme qu'il "serait donc artificiel
de prétendre que les vérifications ressortissent à l'obligation du dépositaire puisque, si
attentives qu'elles soient, elles ne peuvent décharger le banquier pris en cette qllalité"(599).
Ces précisions, relatives au domaine d'application de chacun des deux contrats qui
peuvent se combiner en matière de paiement de chèques, permettent également d'apprécier la
véritable panée des clauses élisives de responsabilité, souvent stipulées à leur profit par les
banques, pour les cas de vol ou de perte des chèques,
ry. Laportée des clauses de non responsabilité.
257 - Nombreuses sont les banques qui prennent le soin, le plus souvent au moment de
la délivrance des carnets de chèques, de faire signer au client un document, dans lequel a été
insérée une clause par laquelle la banque décline toute responsabilité pour le paiement des
(597) Il faut noter toutefois "lue. bien que cel! ne eonstitue pas une obligation attachée uaditionnellemem au contrat de dépôt.
je banqnier doit, en sa qualité de dépositaire. procéder à une vérification de l'autherüieité de la signature figurant sur Je
ehêque avant de le payer. puisque sa libéruriou en dépend. Pour autant la preuve par lui d'Une abseuee de faute sur ce terrain
ne suffirait il le déeharger de sou obligatiou de resrinniou au eas où le chèque payé était faux.
(598) Il ne peur non plus se libérer eu invoquant la [oree majeure. V. René Rodiere. Enc. jur Dalloz, rép. dr. civ .. 2è éd.j.llj.
v' Dépôt. n'lM. in fine. Seule la preuve d'une faute de son client, perçue comme étant à l'origine du mauvais paiemeut. est
susceptible d'entraîner se libération, partiellement ou totalement.
(599) Paulette veaux-Fournerie. cbs., précitées, 11 la R.LD. 1977. 1-1. p.84, in fine. V. cependant contra, F. Grua, op. cil,
u'138, p.B?

209
chèques perdus ou volés, si elle n'a pas été prévenue à temps, de manière à lui permettre de
refuser le paiement irrégulier(600). On enseigne traditionnellement qu'une telle stipulation,
dont la validité est certaine, aurait pour effet "d'exonérer le tiré de ses fautes légères et de
faire peser la charge de la preuve sur le titulaire du comptel/(60 1), Tirant les conséquences de
ce principe, à l'occasion du paiement d'un chèque faux dès l'origine, certains auteurs affirment
que "le banquier en principe responsable du mauvais paiement...peut toutefois s'exonérer de
sa responsabilité ...en se prévalant d'une clause de non responsabilité éventuellement insérée
dans le contrat,,(602),
258 - La portée ainsi accordée aux clauses de non responsabilité ne semble pas tenir
compte de la dualité du rôle du banquier en matière de paiement de chèques. En tant que
dépositaire, le banquier n'est pas responsable du mauvais paiement qu'il a effectué,
notamment par le règlement d'un chèque faux(603). Coupable d'une inexécution de ses
obligations. il en demeure tenu, quand bien même il n'aurait commis aucune faute au moment
du paiement. La situation du banquier, en pareille hypothèse, n'étant pas tributaire de sa faute,
on ne voit pas le rôle que pourrait jouer, en
l'occurrence,
une clause de non
responsabilité(604). Ces clauses n'auraient donc vocation à s'appliquer que dans les cas où le
banquier
apparaît
comme
un
mandataire,
responsable
de
ses
imprudences
ou
négligences(605). Mais, bénéficiant alors de la présomption de libération prévue par l'article
35 du décret-loi du 30 octobre 1935, le banquier ne pourrait être déclaré responsable que si le
titulaire du compte ayant supporté le paiement critiqué démontrait sa faute. Le renversement
(600) Clause souvent reproduite sur la couverture du carnet de chèques
(601) H. el M. Cabrillac. op. cil.. n']30 p.179.
(602) J. vëzfan. op. cil.. n"163 p.106.
(60~) V. supra n'25l et s.
(604) V. cependant, André Besson, qui estime que les clauses de non responsabilité déchargent a priori le tiré de roure
obligation: "En C(fS de paiement de chèque fa/.Ùflr il est présumé valablement libéré, même .fil s'agit de chèque Iain dès
l'origine et si la présomption de l'article 35 de la loi...ne s'applique pas. La charge dt' la preuve incombe au tireur, leouel nc
peut [aire retomber sur le tiré les conséquences dll paiement qu'eN etablissarü sa faute lourde ou dotosive", A. Besson. Les
chèques ,""lsilïês.l.C.P. 1941.1.220, n'6.
(605) V. supra n'250.

210
de la charge de la preuve de la faute, objet d'une éventuelle clause de non responsabilité se
trouve, en l'occurrence, sans aucun intérêt. La seule utilité d'une clause serait. en définitive, de
décharger le banquier de ses fautes légères, les clauses éfisives de responsabilité éteot
impuissantes à éluder les conséquences d'une faute dolosive ou d'une faute lourde lui étant
équipollente(606). Si, en plus des arguments précédemment développés, l'on relève. à la suite
de messieurs Henri el Michel Cabrillac. que "la démarcation entre faute lourde et faute
légère se révèle ici particulièrement incertaine,,(607)(608), l'on est forcé d'admettre que la
panée des clauses par lesquelles les banques cherchent à échapper aux conséquences du
paiement des chèques faux ou, plus généralement, des chèques irréguliers est. en réalité, très
limirée(609).
Qu'elle résulte d'un refus de paiement ou, au contraire, d'un paiement irrégulier. la
responsabilité du banquier tiré à l'égard du titulaire du compte ne suscite aucun doute quant à
son fondement: le mandat de paiement véhiculé par le canal des chèques émis par ce dernier.
Mais le mandat. opération triangulaire par essence. suppose l'intervention d'une tierce
personne avec laquelle le mandataire va nouer des relations juridiques. De ces rapports avec
les tiers peuvent naître des difficultés qui vont entraîner la recherche, par ceux-ci. de la
responsabilité du mandataire. Ainsi s'explique la possibilité, pour un banquier, de voir sa
responsabilité engagée à l'égard des tiers intéressés au son d'un chèque dont il est le tiré.
b. La responsabilité à l'égard des tiers.
259 - De droit commun. le mandataire qui, s'étant présenté comme tel, a agi dans les
limites de sa procuration, n'est pas tenu personnellement, au plan contractuel, par les actes
(606) Dans le même sens, v. nol. J.·L. Rives-Lange et M. Contamine-Rayneud, op. cil .• n'288, pA02.
(607) H. el M. Cabrillac, op. cie. n'330, p.179.
(60S) Comme exemple de LUlle lourde, v. Rouen 16 janv. 1948. D.l948.197. note anonyme: Paris lS juin 1959.
J.C.P.1960.II.11394. Comme exemple de faute légère, v. Casso corn. 5 janv.1957, Gaz. Pa1.l957.1.284: J.C.P.L957.n.9769:
Tnb. corn. Seine 20 nov. 1957, Gaz. Pa1.l958.1.99.
(609) Dans le même sens, H.et M. Caurtuec. op. cit, II·DO. p.L79.

211
qu'il accomplit. Ces actes n'engagent que le mandant. Il n'en irait autrement que 51 le
mandataire prenait, de son plein gré. un engagement personnel vis-à-vis des tiers. en se
ponant fort. par exemple, pour son mandant. Conformément à ces principes, seul le titulaire
du compte se trouve 11é, au plan contractuel, par les actes du banquier tiré, lorsque ce dernier
n'est pas sorti du cadre de sa mission. Toutefois. les mandats conférés au banquier, par
l'intermédiaire des chèques, ne lui laissent guère la possibilité de garantir personnellement,
aux tiers, les paiements ordonnés (réserve faite toutefois des cas où il est amené à certifier un
chèque)(610)(61l). La responsabilité à l'égard de ceux-ci ne peut être contractuelle, en la
matière considérée. Il ne faut pas, pour autant, exclure la possibilité, pour les tiers dont les
intérêts se trouveraient lésés par les agissements d'un banquier chargé de payer des chèques.
d'en obtenir réparation, en invoquant une faute délictuelle de ce derniel6 12). Il est de
principe. en effet, que tout mandataire répond personnellement, envers les tiers, de ses délits
ou quasi-délits, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, même lorsque le fait
qui lui est reproché se rattache étroitement à la mission qui lui a été confiée(613).
La responsabilité du banquier tiré à l'égard des tiers peut résulter. en matière de
chèques, soit d'un refus injustifié de payer C), soit d'un paiement irrégulier (13).
(610) Conuairerncnt au visa dont l'epposurcn sur un chèque n'a pour seul effet que de "constater t'existence de la provision li
la daJe à laquelle il est donné" (art. 4. al. 2, décret-loi de 1935. Adde H, el M. Cabrillac. op, cir., n'212 el les auteurs eirés),
la certification impose au tiré de bloquer, sons sa responsabilité, au profit du porteur, la provision du chèque concerné.
jusqu'au ter mc du délai de présentanon prévu par l'art. 29 du déeret-loi de 1935 (v, an, 11-1 al. 2 du décret-loi de 1935).
(6111 En dehors de la certification, la garantie de paiement du chèque par le banquier L'si d'ailleurs interdite pour les mêmes
raisons qui ont conduit le législateur à prohiber l'acceptation des chèques par le tiré (cl. art. 4 al. 1er, décret-loi de J935. Adde
H, el M, Cabrilloc, op. CiL. n'34).
(612) Pour un exemple de la mise en pratique de c~ principe, v. Casso eem. 5 nov. 1980, Bull. Civ.,IV,n'366,p.294;
D.1980.LR.303, obs. M. Cauetuec. En l'espèce. une entreprise suisse, qui réglait ses fournisseurs français au moyen de
chèques émis li. leur ordre par une banque suisse sur une banque française, sc plaignait du refus de paiement opposé par le
tiré. alors qu'il y avait provision. Lu banque française soutenait. pour contester sa condamnation 11. des uommages-iruérêts au
profil de l'entreprise suisse, que seul le tireur du chèque duit en drou de demander réparation de sa faute, conformément aux
prévisions de l'an. 65 du déeret.loi du 30 OCl. 1935. La chambre couanerciale rejeta le pour....oi eu énonçant que la Cour
d'appel J. à bon droit, fondé sa décision sur la responsabilité délictueile. Adde, Cess. ccm. 26 avr. 1984, Bull.
Civ"IV ,n'133,p.1I2; Gal.. Pa1.1984.:'..panor.275.
(613) V. René Rodiere. Enc. 11..1.1:. Dalloz, rép. or, civ., 2è éd., l. V, v' Mandat, n"331; égal. Ph, le Tourneau, Enc. Jur. Dalloz,
rép. dr. civ., 2e éd., I.V, v" MUTI(Jjt (1992), n":?92.

212
c< .Le refus de paiement injustifié.
260 - La responsabilité du banquier à l'égard des tiers. pour refus de paiement d'en
chèque. n'est envisageable que dans les hypothèses où, au regard du contrat qui le lie au tireur
(sinon au regard de la loi), il avait l'obligation de payer. Or, comme le rappelle l'article 65
alinéa 2 du décret-loi du 30 octobre 1935, cette obligation n'existe que si le chèque est pourvu
d'une provision, s'il n'a pas fait l'objet d'une opposition ct s'il a été régulièrement émis(614).
En refusant de payer un chèque dans des cas où il en avait pourtant l'obligation, le banquier
engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de son client. Il s'expose aussi aux poursuites
des tiers, sur le terrain détictuel, ces derniers étant fondés à lui opposer ses obligations
contractuelles, bien que n'étant pas parties au comrat(615). Si ces tiers sont généralement les
bénéficiaires ou les porteurs des chèques en cause, ils peuvent aussi être des personnes qui
n'ont pas participé à la vie du titre, les créanciers du tireur ou du porteur par exemple(616),
Toutes ces personnes sont en droit de connaître la raison invoquée par le tiré pour rejeter
l'effet qu'il avait l'ordre de payer. Ce rejet peut êrre fondé soit sur l'état de la provision, soit
sur l'existence d'une opposition au paiement(617), Mais le banquier a pu se tromper dans
l'appréciation des conditions d'existence de l'obligation de payer. Son refus apparairrait alors
comme une faute que [out tiers, à qui elle cause un préjudice, peut invoquer pour établir sa
responsabilité et obtenir réparation.
261 - Lorsque le refus de paiement est fondé sur l'état de la provision, la décision du
banquier est motivée tantôt par l'absence ou l'insuffisance. tantôt par l'indisponibilité de la
(61..Jl V. supra n' 170 el s. el n'210 et s.
(6151 V. par ex. Cass. cern. 22 oct. 1991, D.1991.I.R.279. Addc, sur l'opposubilué du contrat par les tiers. en général, v, nol.
Pb. MahlUrie et L, Aynès, Les obligations, Pfécité,n'(i55 p.354; B. Starck, Les obligations, précité, 3è éd. par H. Roland el
L, Boyer, n' 1220 et s"p.500 el s.; G, Marly el P. Raynaud, us obligations, 2è éd. Sirey 1988, L1, n'273, p.288. Adde
Geneviève vjney.Truité de Drou civil, sous la du. de J. Gheslm, T.IV, Les obligations. La responsabilité: conditions,
L.G.D.J. 1982, n'209, p.250.
(616) Pour un exemple de celle responsabilité li l'égard ces liers n'ayant pas pilitici~ li la vie du cbëqce, v. Cass. corn. 5 nov,
précité.
(617) Lorsque ce n'i:~l pas la clôture du compte qui. lOU[ simplement.jusufi c je rejet du chèque.

213
provision de celle-ci. Mais. comme on le sait(618), l'appréciation de l'existence Oll de la
disponibilité de la provision est sujette à des incertitudes qui peuvent conduire à une
conclusion erronée et, partant, à un refus de paiement fautif. En témoigne la jurisprudence
qui. assez fréquemment, est appelée à statuer sur une action en responsabilité diligentée par
des tiers contre un banquier tiré, suite au rejet d'un chèque au paiement duquel ils étaient
intéressés. De cette jurisprudence, il resson que la faute du tiré peut consister en la rupture
brutale d'une ouverture de crédit, laquelle constituait précisément la provision du chèque
rejeté (6 19). Elle peut consister aussi en la croyance, erronée. en l'absence d'une provision qui,
pourtant, existait au moment de la présentation au paiement de l'effet(620). Elle peut
consister, encore, sur le terrain de la disponibilité, en la prise en compte d'une opposition sans
valeur. formée notamment par une personne sans qualité(621).
De cette jurisprudence il resson aussi que le rejet fautif d'un chèque engage la
responsabilité du banquier tiré. tant à l'égard du porteur du chèque qu'à l'égard de toute
personne qui a subi un préjudice en relation de cause à effet avec le fait qui lui est
reproché(622). Cela peut s'avérer très lourd de conséquences lorsqu'à la suite d'une "faillite"
provoquée par le refus de paiement des chèques émis par un commerçant, l'ensemble des
créanciers de celui-ci demande réparation du préjudice provoqué par le rejet des chèques. Les
juges n'hésitent pas, dans ce cas, à faire porter au banquier la responsabilité de la totalité du
passif de la faillite du commerçant en cause(623).
(6181 V. supra n']70 el s.
(619) V. nor. Paris 7 mai 1979. D.J979.LR.357. obs. M, Vasseur; Coss. corn. 26 avr. 19H4. BliU. civ"IV. n"133, p.112; Gal.
PaJ.1984.2,panor.17.'i; R.T.D.Com.J985.126. cos. M. Cabrillac et B, Teysslé.
(620) V. par exemple Cassocern. 8 mai 1979. Bull. civFv. n'142. p.II:?; D.1979,I.R.5J5, <lbs. A. Honorat; Gal. Pa1.l979.2
sorn.390. pourvoi contre Grenoble 7 juill. 1976. D.1976.489, noie F.O.; R.T.D.Com.1976.770; J.C.P.1978 .1.2902; Cassocern.
5 nov. J980, Bull. civ ..lv. J1'366. p.294; D.1980,I.R.303, obs. M, Cabrillae.
(621) V. J10l. Cassocern. 21 nov. 1971. D,1973.265. note M. Vasseur.
(622) V. Casso corn. 5 nov. ~980 précité. qui a retenu la responsabilité d'un banquier li l'égard d'un tiers qui n'a pas participé à
la vie du chèque.. Ce tiers acquérait, auprès d'une banque, des chèques libellés directement ~ l'ordre de ses fournisseurs.
(623) V. par exemple. Casso corn. 8 mai 1979 précité.

214
262 - Le défaut de provision ayant motivé le refus de paiement d'un chèque peut encore,
alors qu'il est constant, être, paradoxalement, à l'origine d'une action en responsabilité contre
le banquier tiré. Le reproche fait au tiré, dans ce cas, est d'avoir délivré au titulaire du compte
des carnets de chèques alors qu'il n'ignorait pas que les chèques futurs seraient sans
provision(624\\ ou encore d'avoir. par J'intermédiaire d'un de ses préposés, fourni des
informations apaisantes sur l'état d'un compte, lesquelles se sont avérées inexactes par la
sui,e(625).
Dans tous les exemples ci-dessus évoqués. la responsabilité du banquier tiré à l'égard
des tiers, lorsqu'elle est retenue, l'est tantôt en raison de son fait personnel, sur le fondement
des articles 1382 et 1383 du Code civil, tantôt en raison du fait de ses préposés. sur le
fondement de l'article 1384, alinéa 5 du Code civil. Le refus de paiement d'un chèque
constitue pour le banquier tiré, lorsqu'il n'est pas légitime, une inexécution fautive du contrat
de mandat qui le liait à son client, par le canal de cet effet. Les tiers à qui cette inexécution
cause un préjudice sont fondés à en demander réparation. sur le plan délictuel, en opposant au
tiré la faute que constitue le défaut d'exécution de ses obligations conrractuelles(626). La
jurisprudence admet, en effet, tout comme la doctrine, que "l'inexécution ou la mauvaise
exécution de l'obligation contractuelle peut en elle-même constituer, à l'égard des tiers, une
faute déliclUel/e,,(627).
Mais, au delà même du principe de l'opposabilité du contrat par les tiers, le porteur d'un
chèque bénéficie d'une action directe (consacrée par le principe du transfert de la propriété de
la provision des chèques) lui donnant le droit d'exiger à son profit l'exécution, par le tiré-
mandataire, de l'obligation contractuelle due au tireur-mandant(628). Son action n'en est pas
(624) V. c.~ss. corn. 18 juin 1985, Bull. civ..IV, Jl'191. p.159; D.1986,tR.47; Gaz. PaI.1985.2,panor.338; rappr. Casso com.
15 janv. 1980. Bull. CIV.,IV, n' J 8. p.14.
{62S) Rappr. Paris 5 fév. 1952, D.1952.275; Gal. PaI.1952.1.280; Trib. coru. Seine 30 nov. 1950. Gaz. Pal. J951.1.162.
(626) Sur l'opposabilité du contrat par les tiers, v .•upra n' 260 et références citées.
(627) Genevieve viuey. Traité de Droit civil. sous la dIT. de J, Ghestin, LIV, Les obligations. La responsabilité: conditions.
LG.D.1 [982, n'209. p.250.
(628) Il peut sembler contradictoire dc reconnaître au porteur d'un chèque. 11. travers le principe de la transmission de la
provision, un droil personnel el direct contre le tiré et d'affirmer, dans le nième lemps, que son action contre ce dernier vise 11.
obtenir l'exécution. à son profit, du droit appartenant au tireur. Pourtant. la nature profonde de l'aerien directe impose cette

215
mOlOS placée sur le terrain délictuel, la finalité de cette action directe n'étant pas de faire
entrer le tiers dans la relation contractuelle unissant le tiré et le tireur. mais plutôt de lui
assurer, de manière exceptionnelle, une mainmise sur la créance de son débiteur (originel) à
l'égard d'une autre personne(629), une "voie d'exécution privée. spécialement aménagée par
le législateur...pour fui permettre d'appréhender la créance qui lui est ajfecMe"C630).
263 - On ne peut cependant s'abstenir de signaler, à ce sujet, l'opinion quelque peu
divergente de M. Jean Néret(63l). Sans nier la valeur de la règle jurisprudentielle selon
laquelle "UII même fait, susceptible de constituer un manquement cl une obligation existant
entre deux parties liées par un contrat. peut être, au regard des tiers étrangers au contrat,
une faure quasi-delictuelle ellgageant la responsabilité de son aUleur,,(632), cet auteur
affirme que son application au domaine des sous-contrats est contestable. Selon M. Nérer,
celui qui. dans un groupe de contrats, est chargée, en définitive, de fournir la prestation
recherchée. le substitut. "ne pela être assimilé vis-à-vis dit bénéficiaire du. service, à Wl tiers
tributaire de l'article de J'article 1165 c. civ.", La victime du comportement fautif du
substitut, en sa qualité de bénéficiaire de la prestation envisagée par les différentes
conventions superposées, n'est pas étrangère au groupe conrractuel. Son appartenance à cet
ensemble contractuel lui interdit de recourir, à l'égard des autres membres de cet ensemble.
aux textes sur la responsabilité déllctuelle que seuls les tiers absolus, c'est à dire tous les
étrangers au groupe contractuel, peuvent invoquer, par application de la règle du non cumul
des responsabilités. L'action directe apparaît, dans ces conditions, comme la manifestation des
liens contractuels s'établissant entre les parties au contrat principal et au sous-contrat. Elle
permet à son bénéficiaire d'exiger du débiteur (avec qui il n'a pas de rapports directs)
conséquence. En effel. "l'action du créancier -malgré son caractère direct- 'l'esI. en définilive, qu'uru: mainmise sur la
créance du débiteur intermédiaire", si bien que "quoique investi d'un aron personne! cr direct contre le lirr:r. le créancier
met en oeuvre /e:r droits du créancier iniemvediaire CO,I/Ie ce liers".Y. B, Starck, Enc. jur Dalloz, Rép. dr. civ., 2è éd..t.l. v"
Action directe, n's 78. 79 et 97.
(629) Y. Maurice Coztan, L'action directe, L.GD.1. 1969.11"555. p.337.
1630) M. Conan. op. cil.. loc. cir. Adde Ph, ),1alaurie el L. Aynes. Les obligations. précité, n'; fi99. 1043 el s.
(631) jean Nérer. Le scus-conrrat, L.G.DJ. 1979. p.267 el s., spécialement n'3 78, p.271.
(632) V. Casso corn. 16 janv. 1973. Bull. civ..IV. n'lB. p.ll: D.197Jj.RAO.

216
l'exécution même de l'obligation contractuelle normalement due au créancier originel. Et il
faut bien dire que cene thèse a trouvé, en jurisprudence, une consécration, du moins dans le
domaine des contrats en chaîne(633J. Encore qu'il faille nuancer cette affirmation, eu égard à
la position récemment adoptée par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation sur ce
sujet(634), et consistant à réaffirmer avec force le principe de l'effet relatif des contrats, à
propos de la responsabilité d'un sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage.
Fondé à reprocher au banquier tiré l'inexécution, par refus, de son obligation de payer le
chèque, le tiers l'est, également. à critiquer un paiement irrégulier, la mauvaise exécution des
obligations étant assimilée, en matière contractuelle, à leur inexécution.
ft. Le paiement irrégulier.
264 - S'il est vrai qu'en matière de paiement par chèques ce que redoutent le plus les
personnes qui acceptent un tel titre, en règlement de leur créance, c'est le refus de paiement
que le tiré pourrait leur opposer, le paiement peur. paradoxalement, n'être pas souhaité par
elles. C'est que l'exécution, par le tiré, de son mandat de paiement peut être à l'origine d'un
préjudice souffert par les tiers. Pour le porteur, le préjudice pouvant découler du règlement du
chèque se conçoit aisément lorsqu'on envisage la perte, le détournement ou le vol de l'effet,
risques majeurs de l'institution des litres de paiement. Pour les autres tiers (en l'occurrence les
créanciers du porteur légitime, essentiellement) ce préjudice réside dans la disparition
éventuelle d'un des éléments du patrimoine de leur débiteur sur lesquels s'exerce leur droit de
gage général.
(633) En ces de ventes en chaîne, en effel, la Cour de cassation (Cess. Aas. plén. 7 fév. 1986 (2llJlêlS), lC.P. 1986.II.20616,
nore Philippe Malinvaud) admet effectivement que "le sous-acquéreur jouit de lous les droits et actions attachés à la chose
qui apparlcrIOit à son auteur ...iI dispose donc li cel effet coNre le Jabricanl d'mll.' action directe fondée sur la non-conformité
de la chase livrée", Sur la nature nécessairement contractuelle de l'action en responsabilité. dans le cadre des connats en
chaine, v. également Casso civ. 1ère. 8 mars 1988. Bull. civ.J, n"69, p.46; R.T.O.Ci~. 1988.551, obs. Pbillppe Rémy;
lC.P.l988.Il.21070. 000. Patrice Jourdain; Les petites affiches, 12 sepl. 1988, note T. Hassler; Casso eiv. 1ère, 21 juin
1988,0.1989 .s. note Chrislian Larroumet; J.C.r.1988.II.2 J125, obs. P. Jourdain.
(634) V. Casso Ass. plén. 12 juill. 1991. 0.1991..549, note J. Gheslin; D.l99I.sornJ21, obs. J.-L, Auberl; lC.P.
199I.n.2I?43, obs. G. vlney. Pour une vue d'ensemble des évolnticns jurisprudentielles sur cette question. v. par ex. A"
Sërtaux. op. cil. n"54, p.20S el s.; G. Viney, L'action en responsabilité entre participants à une chaine de contrats, Mélanges
Dominique jïoueaux Litec 1990, p.399 el S.

217
La considération des intérêts des tiers n'est d'ailleurs pas étrangère aux dispositions du
décret-loi du 30 octobre 1935 qui imposent au banquier tiré pratiquement toutes les conditions
du paiement des chèques(635). Ces dispositions visent, à dire vrai, à réglementer les
différents rapports contractuels qui se nouent à l'occasion de l'émission et de la circulation du
chèque. Elles n'en précisent pas moins, par la même oecasion, les conditions de la
responsabilité du tiré à l'égard des tiers, ceux-ci étant fondés à demander, sur le terrain
délictuel. réparation du préjudice que leur causerait l'inexécution, par celui-là, de ses
obligations contractuelles, Du palot de vue des tiers, le banquier effectue un paiement
critiquable, d'une part, lorsque le titre porte, au plan formel, des irrégularités apparentes (L) et,
d'autre part, lorsque certaines règles de fond relatives au droit du porteur sur la provision du
chèque sont méconnues (2).
1) L'irrégularité ayant Irait à l'aspect formel du chèque,
265 - Au delà de la réglementation minutieuse des conditions de paiement des chèques
par le législateur, il pèse, d'une manière générale, sur le banquier tiré, en sa qualité de
mandataire, une obligation générale de prudence el de diligence qui doit l'inciter à examiner
attentivement l'aspect extérieur des litres dont le paiement lui est réclamé, afin de s'assurer,
non seulement de la présenee de toutes les mentions légalement exigées, mais aussi de
l'authenticité des instructions du tireur(636). Une imprudence ou une négligence entraînerait
sa responsabilité à l'égard du tireur qui a souffert un dommage, de ce fait. Dans certains cas,
la victime d'une telle faure n'est pas le tireur, mais plutôt le porteur. Tl arrive, en effet, que le
porteur se trouve involontairement dépossédé du chèque dont il est devenu le propriétaire
légitime, et que ce chèque soit présenté au paiement par une tierce personne. Négligeant
souvent l'action qu'il possède contre l'usurpateur de l'effet, généralement introuvable, sinon
insolvable, le porteur légitime aura tendance à sc retourner contre le banquier tiré, lui
(635) v. ,urra n'170 cl s. cl li'::!10 cl s.
(6361 v. supra n'167.

218
reprochant d'avoir réglé le titre au profit d'un détenteur illégitime. Mais, en l'absence de toute
opposition, et si l'effet avait toutes les apparences de la régularité, un tel reproche ne peut être
accueilli. Il en va toutefois autrement lorsque l'aspect extérieur du chèque, ou d'autres
éléments d'ordre intellectuel rendaient suspect l'effet présenté au paiement Dans ce eas, et à
eondition que ees anomalies soient faeilement décelables, le préjudice du porteur trouve
incontestablement sa cause dans la négligence ou l'imprudence du tiré. Ce dernier engage
alors sa responsabilité soit sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code eivil. soit, plus
vraisemblablement, sur celui de J'article 1384 alinéa 5 du même code, en sa qualité de
commettant de celui de ses préposés par la faute duquel le paiement critiqué a été .rendu
possible.
266 ~ Bien souvent, la fame du banquier tiré aura été précédée par celle du banquier qui
a présenté l'effet au paiement. Ce dernier, garant de la régularité du titre, selon la formule
consacrée que l'on doit à messieurs Vasseur et Marin(637\\ engage, lui aussi, sa
responsabilité à l'égard des victimes du mauvais paiement. La faute de négligence et
d'imprudence dom il se sera rendu coupable dans l'exécution de son mandat d'encaissement
peut, en effet, lui être opposée, sur le terrain délictuel, par le porteur légitime du chèque
détourné. De sorte que ce dernier dispose, dans l'hypothèse envisagée, de la possibilité
d'obtenir la condamnation, au besoin in solidum(638), des différentes banques responsables
du paiement ma1encontreux(639).
267 - Un aperçu des différentes sortes d'anomalie pouvant affecter un chèque et le
rendre suspect est fourni par une affaire dom a eu à connaître la Cour d'appel de Versailles, le
(637) M. Vasseur el X. :\\1arin. Le chèque. précité, n0195, pol59.
(638) Sur la possibilité d'une telle condamnation. en présence de responsabilités de nature différente, v. nol. Jacques
Duplchot, note sous Versailles 18 oct. 1979, Gaz. Pa1.l980.1.392 et s., spécialement p,399. Adde F. Chabas, Remarques sur
l'oblig aticn in sofidum. R.T.D.Cîv.1967.31l, passim. Pour une application pratique, v. Rouen 26 nov. 1976. Gaz.
Pal. l 978.1.146, nore anonyme; D.l g]S,I.R.J07, obs. M. Vasseur el 3W, obs. :\\1. Cabnnac.
(639) Certains auteurs voiem dans celle responsabilité cumulée des deux banques "le signe de ïalourdissemeru voul~ de la
responsabilité des banques"
puisque "là 011 le décret-loi n'avais retenu que la responsabilité du banquier-paveur, la
jurisprudence y joinl celle du banquier présentateur", !\\l. Vasseur, D.l976.l.R.J06 (obs. sur Rouen 26 nov. 1976, précité).
Rappr. L.·M. Martin, Banque 1978.125, qni pense que la seule utilité de l'an. 35 du décret-loi du JO octobre 1935 est de
faire supporter. au seul tiré, la charge el donc la responsabilité des vérifications de la régularité de la suite des endossements.

219
18 octobre 1979(640). Dans cette espèce, une personne, qui avait remis à un cabinet de
commissaires priseurs deux: toiles à vendre aux enchères, avait reçu de ces derniers, après la
vente, deux chèques dont l'un barré, émit tiré sur une banque A pour un montant de 616 francs
er daté du 28 juin 1977. Après avoir transformé en 600.000 le chiffre de 616, le bénéficiaire
remet l'effet le Il août 1977 à la banque 8 qui l'encaisse pour un montant de 600.000 francs
et lui permet d'en disposer. Les tireurs assignent alors en responsabilité la banque tirée et la
banque présentatrice, leur reprochant, en substance. de n'avoir pas tenu compte des
nombreuses anomalies que faisait apparaître le titre et qui le rendaient manifestement suspect.
La décision du Tribunal, qui avait partagé la responsabilité entre les trois protagonistes, est
réformée par la Cour d'appel de Versailles qui retient la responsabilité des deux banques et les
condamne à supporter, chacune, la moitié du préjudice causé aux tireurs. Elles éraient
coupables, selon elle, d'avoir manqué, l'une et l'autre, à l'obligation qu'elles avaient "de
s'assurer de la régularité du chèque par des "Vérifications d'ordre matériel et intellectuel",
Au plan matériel, la Cour relève que le caractère suspect du titre était en l'espèce "révélé
notamment par /Ille double barre inusitée et très apparente tracée sous le montant de la
somme indiquée en lettres, par le second jambage surchargé de la première lettre du mot ((
Mille » , également très apparent, par l'espacement irrégulier des zéros de la somme en
chiffres de 600.000 F, ainsi que l'épaisseur variable des différents caractères portés sur ce
chèque", autant de marques évidentes de l'altération matérielle du titre, obtenue par grattage,
lavage ou surcharge.
Au plan intellectuel, ce sont, et l'importance du rnontant du chèque. et le chiffre arrondi
de la somme qu'il portait et, enfin, la présentation tardive (quarante jours après l'émission) qui
auraient dû, selon la Cour d'appel de Versailles. provoquer la méfiance des banques.
Dans une autre affaire jugée par la Cour d'appel de Paris, le 1er juillet 1983(641\\ les
anomalies intellectuelles du chèque consistaient dans le fait que le présentateur était âgé de
vingt ans et avait justifié de son identité à l'aide d'un passeport étranger, que la somme à
(640) GaL. Pal.19HO. i .392. nore J. Duptchof.
(641) GaL. Pal.1983.2.575. noie anonyme; R.T.D.Com.19114.119, obs. M. Canrutac et B. Teysstè.

220
encaisser était relativement importante (16.800 F) et inhabituelle, que le compte à débiter était
un compte professionnel servant habituellement à régler de compte à compte des prothésistes
et non pas des particuliers comme c'était le cas en l'espèce et, enfin, que le paiement devait
être fait à découvert, situation jamais rencontrée auparavant sur le compte concerné.
268 - Si l'on excepte la circonstance particulière de l'absence ou de l'insuffisance de la
provision du chèque en cause, circonstance qui appelle a priori un refus de paiemem(642\\
sauf convention expresse ou tacite de découvert, on ne peut s'empêcher d'observer que
l'exigence de la vérification de la régularité intellectuelle des chèques est une source
d'incenitudes pour le banquier tiré. En effet. contrairement aux. irrégularités matérielles qui
ont un caractère objectif, les irrégularités intellectuelles sont susceptibles d'une appréciation
différente selon les personnes ou selon les circonstances. Comment ne pas y voir une source
d'aggravation de la diligence due par le banquier en matière de paiement de chèques. Celui-ci
se voit ainsi imposer "une appréciation du caractère plausible de l'émission:' du chèque(643),
ce qui devrait le conduire, en cas de doute, à demander, par téléphone, au tireur la
confirmation de l'ordre reçu(644), exigence "difficilement compatible avec la rapidité de la
décision cl prendre en cas de présentation directe,,(645).
269 ~ Mais le contrôle de la régularité formelle du chèque, qui s'impose au tiré comme
une des obligations du mandat de payer que renferme le chèque, ne se limite pas toujours à la
seule recherche d'anomalies matérielles ou intellectuelles pouvant en affecter le libellé. Pour
les chèques endossables, l'article 35 alinéa 2 du décret-loi du 30 octobre 1935 dispose que "le
(642) Cerres il n'est pas interdit au banquier de payer un tel chèque. en accordant un découvert 11. son client. Mais ce Iaisanr, il
doir bien avoir conscience de prendre un risque dont il devrait répondre personnellement dans l'hypothèse où le chèque
s'avérerait apocryphe, soir quant à sa signature, sail quant à son libellé. avec celte précision que, dans les cas où c'est
seulement le libellé du chèque qui a été altéré, le paiement à découvert ne serail pas fautif si rien ne laissait deviner la
falsification du litre.
(fi43) M. Cebrnrac el B. Teyssiê, ob•. sur Paris 1er juill. 1983, R.T.D.Com.1984.lJ 9.
(644) Dans ce sens, v. r.or. Paris 1er juill. 1983 précité.
164S) M. Cabrillac el fi, Teysslé. obs. sur Paris ler juill. 198J. R.T.D.Com.1984.l20. La généralisation des chèques
prêbarrés n'atténue pas. selon nous. celte aggravation de la diligence ainsi mise à la charge du banquier, contrairemenr â ce
que semblent penser Mjvî. Cubrluac et Teyssié. EIl:.e.tîlénue seulement les conditions de luise en oeuvre par le plus grand
délai de réflexion dont dispose le tiré dans l'hypothèse d'Un paiement en compte. Mais cene réflexion suppose qne le tiré ~il
déjà isolé. au préalable, dans ln ma•.se de IOUS les chèques remis par les clients, le chèque effccté d'une anomalie
»uellecruellc.

221
tiré qui paye un chèque endossable est obligé de vérifier la régularité de la suite des
endossements", Certes, ce texte ne peut pas être invoqué directement par le porteur d'un
chèque ou par tout autre tiers étranger aux rapports liant le banquier à son dient(646). Il
permet, néanmoins, de préciser la diligence imposée au banquier tiré dans le cadre de ses
rapports avec le tireur, et dom la méconnaissance, si elle est dommageable pour les tiers, peut
servir de fondement à une action en responsabilité de ceux-ci, sur la base des articles 1382 et
suivants du Code civil(647).
De fait, les exemples d'une telle action des tiers, à l'encontre de banquiers accusés
d'avoir payé des chèques à des porteurs ne bénéficiant pas d'un endossement régulier, ne
manquent pas en jurisprudence. La règle admise en la matière par les juges est que la banque,
qu'elle intervienne en qualité de tirée ou seulement en qualité de présentatrice d'un chèque, a
le devoir de s'assurer de la parfaite régularité apparente du titre, notamment en vérifiant que la
chaîne des endossements est ininterrompue et ne révèle pas d'éléments suspects(648). En
application de ce principe, les juges sont souvent amenés à retenir la responsabilité de la
banque tirée (et celle de la banque présentatrice. éventuellement) à l'égard, aussi bien du
tireur, mandant, que des tiers (principalement le bénéficiaire légitime), lorsque le paiement du
chèque
a
été
réalisé
en
dépit
d'une
irrégularité
manifeste
dans
la
chaîne
des
endossements(649). En revanche, la responsabilité de la banque n'est pas retenue lorsque le
(646) Encore qu'il ne serait pas absurde de considérer qu'en sa qualité de "propriétaire" de la provision du chèque en dépât
chez le tiré, le porteur acquiert, de ce fait. à l'égard de celui-ci, la qualité de déposant. Certains auteurs soutiennent, sernble-t.
il, ce point de vue (v. J. vénan. op. cit.. n'Tl l et s., spécialement n's 1 L6 et 117). Mais, à vrai dire, au lieu de la propriété sur
la provision, e'esr un droit de créance qui est transrrus avec la remise du chèque (en ce sens. M, Vasseur et X. Marin, Le
chèque précité, n'143,p.125; H. et M. Cabrillac. up. cit., n'lM, p.97). Le banquier tiré ne peut, par conséquent, être
considéré comme détenant, pour le compte du porteur d'un chèque. des espèces. sur lesquelles ce dernier aurai! un droit réel.
[647} La théorie générale des obligations admet. en effet, que les tiers qui ue peuvent réclamer, à leür profit, l'exécution d'une
obligation issue d'un contrat auquel ils n'étaient pas partie puissent, néanmoins, opposer aux contractants leurs engagements
contractuels éoml'inexécuucn leur cause un préjudice. Reppr. supra n'262.
(648) V. par exemple T.G.r. Lyon Ier oct. 1975, 0.1976 som.5?; Casso civ. 2è, 5 mai 1975, Bull. civ ..ll, n'BD, p.l07.
L'intervention d'un banquier présentateur ne dispense d'ailleurs pas le tiré de celte vérification. V. par exemple Casso corn. 4
jnill. 197B, D, 19?9,l.R.275, OUs. M. Cabr-llfac; Bull. civ.,IV, n'187, p.15?
(649) V. Casso ccm. 15 juin [976, Bull. civ.Jv. n'204, p.176; R.T.D.Com.1977.\\J4. obs. :'\\1. Cubrtlîac et J.-L. Rives-
Lange; Trib. corn. Pomoise 15 nov. ]977, Gaz. PaU978.l.som.210; Casso corn. ]7 déc. 1980, Bull. civ.Jv. n'427, p.342;
Quet. jur. 1er oct. 198L; Gaz. Pa1.l9S1.1.panor.I)8; Douai 27 jan". 19~2. D.1983,I.R.466. obs , M. Vasseur; O~SS, corn. 11
oct. 1983, B llll. civ .,1V, n'2..'i7, p.J.:!.:! (présence sur le chèque de deux signatures identiques, censées être celles de personnes
distinctes. le bénéficiaire et I'endosxatairc); Casso corn. 4 Juill. 1978, Bull. civ.,lV. nO[87. p.l57; D.1979,I.R.275, obs. M.

222
chèque frauduleusement endossé ne laissait apparaître aucune anomalie susceptible de le
rendre suspect(6501.
270 - Le contrôle de l'aspect extérieur des chèques ne suffit pas toujours, ainsi qu'en
témoigne la pratique, à éviter les paiements indus. Aussi l'obligation générale de prudence et
de diligence attachée à la qualité de mandataire du banquier chargé du paiement (ou de
l'encaissement) du chèque déborde-t-elle largement le cadre des mesures particulières édictées
par le législateur, dans le dessein de faire échec aux fraudes éventuelles. On sait, en effet, que
le règlement des chèques par le banquier tiré est soumis, au delà des exigences formelles, à
d'autres conditions(651) qui, elles, relèvent des règles de fond du droit du chèque, et dont la
méconnaissance entraîne l'irrégularité du paiement intervenu. à l'égard du tireur, certes. mais
également (et en conséquence, devrait-on ajouter) à l'égard des tiers.
2) L'irrégularité tenant aux règles defond du droit du chèque.
271 - Du point de vue des tiers et, plus particulièrement, du porteur légitime d'un
chèque, le règlement qui en est effectué par le tiré est irrégulier dans deux cas: d'une part,
lorsque le titre a été honoré au mépris des règles générales du paiement, résultant notamment
des articles 1239 et 1241 du Code civil, lesquelles soumettent la validité des paiements au
versement fait à une personne désignée par le créancier ou à son représentant tart. 1239), et
ayant la capacité de Je recevoir (art. 1241); d'autre part, lorsque le paiement est intervenu au
mépris des droits du tiers porteur sur la provision du chèque.
Cetmüac, rejet du pourvoi formé contre Rouen 26 nov. 1976, D.1978.J.RJ07, cbs. M, Vasseur. el tRJ39, obs. M..
Cabrütac: Gaz. PaI.1978.I.l46, noie anonyme (chèque endossé par le porteur, l'endossement du bénéficiaire étant absent).
(6501 V. Casso civ. 2è. .'i mai 197~. Bull. civ.,n, n'130, p.107.
(651) V. supra n' 170 et s. et n'210 et s.

223
* * La méconnaissance de l'obligation de contrôler l'identité, la capacité ou les
pouvoirs du présentateur du chèque.
272 - Tenu, à l'égard du tireur, sur le triple fondement des règles, générales, du
paiement et, particulières, du dépôt et du mandat, de ne payer les chèques émis par celui-ci
qu'à une personne qu'il a désignée (ou à son représentant), et ayant la capacité de recevoir ce
paiement, le banquier tiré l'est également à l'égard des tiers, par application du principe de
l'opposabilité du contrat par les Liers ou, plus généralement, sur la base des articles 1382 et s.
du Code civil. Aussi le tiré qui a honoré un chèque pourrait-il se voir reprocher, par les
tiers(652), soit le défaut de contrôle de l'identité du présentateur de l'effet(653\\ soit
l'incapacité de ce demier(654\\ soit enfin le défaut de pouvoir de l'accipiens(655).
'"Le contrôle de l'identité du porteur du chèque.
273 - Le banquier tiré. mandataire, ne doit régler le chèque qu'à la personne indiquée
par le mandant. D'où la nécessité d'un contrôle d'identité de I'accipiens. Le contrôle de
l'identité du présentateur d'un chèque impose, en principe. au banquier d'exiger de celui-ci, si
le titre n'est pas au porteur, la production d'un document officiel portant sa photographie, ainsi
que le prescrit, sur un autre plan il est vrai, l'article 12-2 du décret-loi du 30 octobre 1935. Un
manquement à ce devoir serait constitutif de faute, et le banquier pourrait avoir à en répondre
envers les personnes qui auraient subi un préjudice de ce fait.
(6S2) Il peul s'agir soit du porteur légitime du chèque, lequel aura éré involontairement dépossédé de son titre. Sail des
créanciers de celui-ci, éventuellement représentés par l'adminis trnteur judieieee ou par le représemaor des créanciers
(fonctions anciennement dévolues aux syndics de faillite el aujourd'hui dissociées par la loi n'85·98 du 25 janv, 1985. v. par
exemple, D.1985.147). dans l'hypothèse où le porteur légitime se trouve sous le coup d'une procédure de redressement ou de
1iquidation judici aires.
(653) sur ce point v. supra Il'lb8.
(654) V. supra n' L60l el s. cl n'231.
(655) V. supra n0232.

224
C'est précisément le souci d'une meilleure identification des bénéficiaires de paiements
de chèque qui est à l'origine de l'institution du barrement des chèques. D'après les dispositions
de l'article 38 du décret-loi du 30 octobre 1935, le chèque barré ne peut être payé par le tiré
qu'à un banquier, à un bureau de chèques pOSlaUX ou à un client du tiré, s'il s'agit d'un
barrement général, ou au banquier désigné, s'il s'agit d'un barrement spécial (656). La notion
de client inscrite dans ce texte a été. à uue certaine époque, interprétée par certaines
juridictions du foud(657\\ approuvées en cela par la grande majorité des auteurs(658), comme
postulant l'antériorité et la permanence des relations établies entre le porteur des chèques
barrés et le banquier qui les paye ou les encaisse. Cerre interprétation a été condamnée,
cependant, par la Cour de cassation dans une décision du 7 février 1962(659). La position de
la Cour de cassation, confirmée, au reste, par les décisions ultérieures(660), est que le client,
pour un banquier, c'est seulement la personne dom il a fait la connaissance, de manière directe
ou indirecte, et dont il a vérifié l'identité et le domicile préalablement à taure opération(661).
(6~6} Ccrrélarivemenr. le même texte précise qu'un banquier "ne pent acquérir IJ.rI chèque barri ql/e d'Un de ses clierüs. d'lJ.n
chef de bureau de chèque postaux ou d'Un autre banquier. fi ne peul l'encais.rer pour le compte d'autre personnes que celles-

ci", sur la responsabilité du banquier encaisseur v. supra n'99 et s..
(657) V. Lyon. 2 mm 1950. inédit. cité par H, Cabrillac, lC.P. 1958. II. io: 11 ft par Euthymène Georgjedes.
R.T.D.Com.1957. 612 arrêt infirmant Trib. civ. Lyon. [7 déc. 1948. précité. V. également, Peris. 12 mai 1958. Lc.P.
1958.ll.10711. obs. H, Cabrûlac. D,1.958.590, note Eutnyrsëne Oeorgledes: Paris, 14 oct. 1958. Gaz. Pal. 1958. 2.322, note
anonyme; Paris. 1Î oct 1960. J.C.P. 1961.il.12D75.
(6~8) V. par exemple H. Cabrùtac. cbs. sous Paris, 12 mai 1958. précité. LC.P. 1958.Jl.I071l; Euthymêne Georgiades,
note sous Paris 12 mai 1958, D.1958.59. La prétendue sécurité en France du chèque barré cl la responsabilité des banquiers.
R.T.0.Com.1957.6D7 et S., passim (spécialement page 611 el s.) R. Hculn. R.T,O.Com.I949349 el s.
(6~9) Casso corn. 7 févr. 196~. BnU. civ. TIl, n'83, p. 67, D,1962.306; Banque 1962 341, obs. X, Marin. La Conr d'appel
d'Amiens désignée dans celle affaire comme Cour de renvoi, opta pour l'interprétanon retenue par la Cour de cassation. V.
Amiens 28 mars 1963. 0.1963.477 note Euth.ym~nt! Georgiades, J.c.P, 1963.D.13186, nole H. cebrtuee. Le pourvoi forme
contre celte dernière décision a été rejeté. V. Cass.com. 25 avr. 1967, Bull. civ., III, n'162. p. 157; J.C.P,1967.ll.15306, note
Ch. Gavalda; R.T.D.Com.1967.132, obs. J. Becqué el H. Cabrillac; Banque 1967.717, obs. X. Marin. Rapprocher Cess.
corn. 25 avr. 196T, Bull. civ, III. n'163,? 159, Banqne 196i .564, obs, X. Marin.
(6601 V. notarnruent Cass. com. 25 avr. 1967 (2 arrêts), Bull. civ. III. n's 162et 163, pp.l57 ei s.: J.C.P.196i.I1.I5366. note
Cb. GlIvalda; Benque 1967.564 el.717, 000. X. Marin, R.T'o.Co!11.1967.832. obs. J. Becqui: fi H. Cabrtuac.
(661) Il n'est même pas indispensable semble-r-it qu'un compte soit ouverr à cette personne. V. M. Vasseur el X. Marin, le
chèque. précité, n'329, p.2.~2; M. Cahrtllac. rep. dr. corn .. précité. v cbèqne, n'355; Trib. civ. Seine 3 nov. 1954, Banqne
1954.794, cbs. X. ).farin, R.I.D.Com.1955.1 09, obs. J. Becqué ct H. Cahnnec. V. cependant. versailles, 18 oct 1979, Gal.
Pal. 1980.1.3n. note J. Dupichot. Dans cene espèce les juges refusent de voir dans une location de coffre-fen auprès d'une
banque. en l'absence de tout autre contact. nne circonstance pouvant conférer la qualité de chent de cette banque.

225
Le règlement correct, par le tiré, d'un chèque suppose, par ailleurs, en plus du contrôle
de l'identité du porteur(662), ta vérification de la capacité et éventuellement des pouvoirs de
ce dernier.
* La vérification de la capacité et, éventuellement, des pouvoirs du porteur du chèque.
274 - Avant tout paiement de chèque, le tiré doit s'assurer de la capacité de la personne
à qui il va régler l'effet, s'il ne veut pas encourir les reproches du tireur, son mandant, au cas
où ce paiement est déclaré nul. Un manquement à ce devoir pourrait également servir de base
à une action en responsabilité délictuelle du tiers, porteur légitime du chèque, contre le
banquier tiré. s'il s'avère que l'accipiens du paiement opéré est un incapable. Pourtant, le
paiement fait à un incapable qui n'a pas dissimulé sa condition n'est en principe sanctionné
que par la nullité relative de l'acte réalisé, et doit, par conséquent, être tenu pour valable, en
j'absence de toute action en nullité de l'incapable ou de son représentant. Il faut observer,
cependant, que le paiement du titre litigieux aurait pu être évité si la condition juridique de
l'accipiens avait été connue. On est donc en droit de considérer que le règlement
malencontreux de l'effet litigieux dans les mains du porteur illégitime, incapable de surcroît,
trouve sa cause dans le défaut de vérification dont le solvens se sera rendu coupable. De cette
négligence dommageable le banquier tiré pourrait avoir à répondre vis-à-vis du tiers porteur
légitime du chèque qu'il a payé, sur la base des articles 1382 et s. du Code civil.
275 - Quant au défaut de pouvoir de l'accipiens du règlement d'un chèque, il peut se
rencontrer dans deux cas de figure différents: soit que le porteur du chèque se présente
comme agissant par représentation d'autrui, personne physique ou morale, soit que ce porteur
se présente comme mettant en oeuvre, en nom propre, un droit lui appartenant.
La première situation impose au banquier de prendre la précaution, avant le paiement,
de vérifier que le porteur est bien te représentant qu'il prétend être. La qualité de mandataire
du bénéficiaire ressort généralement de l'endos de procuration apposé sur le titre et ne soulève
(662) V. supra n0168 el n0273.

226
pas de grands problèmes en pratique(663)(664). Les difficultés ne se rencontrent souvent que
dans les hypothèses où le porteur prétend encaisser le chèque au nom d'une personne morale,
soit pour le compte de cette dernière, soit à son propre profit. Le banquier devra dans ces cas,
s'assurer que le présentateur du chèque a effectivement la qualité pour recevoir le paiement,
en exigeant de celui-ci la justification de ses pouvoirs(665)(666). Il risquerait, en ne le faisant
pas, de régler le chèque au profit d'une personne sans qualité, et de voir, en conséquence, sa
responsabilité engagée à l'égard du bénéficiaire véritable.
La deuxième situation se présente lorsqu'un chèque, tiré initialement à l'ordre d'un
premier bénéficiaire, est présenté par une personne qui en réclame le paiement en qualité
d'endossataire(667). En pareille circonstance, où la probabilité de régler le chèque à un voleur
DU à un préposé indélicat n'est pas négligeable. le tiré doit, avant de s'exécuter, s'assurer que
l'endossement est régulier et émane bien du bénéficiaire originel(668), surtout lorsque le
premier bénéficiaire, ou endossataire. est une personne morale. Tenu seulement (de par la loi)
de contrôler. à J'exclusion de la signature des endosseurs, la régularité de la chaîne des
endossemems(669), le tiré ne peut être considéré en faure pour n'avoir pas vérifié les pouvoirs
de la personne qui a endossé, au nom de la société bénéficiaire ou endossataire légitime, le
(663) Celle qualité CSl présumée dans certains cas: chèque présenté par un banquier ou un établissement assimilé, chèque
présenté par un préposé du bénéficiaire connu du tiré cutrune jouissant de la. confiance de son employeur v. M. vasseur et X.
Marin, le chèque. préeué, 1'1'207. p. 169.
(664) V. cependant, à propos dt l'encaissement, pr un notaire. de chèque. faussement endossés au nom du bénéficiaire,
Cass. corn. 11 juin 1969 (2 arrêts), Bull. civ., TIr 1'1'358 el359, p. 325 el 327.
e
(665) V. Léon Lacour el Jacqun Bouleron. précis de droit commercial, t. II, 3 éd., 1'1'1457, p. 212. in fine; M, Vasseur el
X. Marin. le chèque. précité. n·:!05. p. 169.
(6661 Lorsque le porteur du chèque exerce une fonction d'ordre adminisrrurif notamment, il ne peut le toucher 11 titre
personnel. V. B propos d'un chèque libellé au nom de "M. le maire de Bailleul" et payé directement au maire. contrairement
au principe de droit administrauf donnant pouvoir, en Cf'. domaine. au seul receveur municipal, Douai 27 juill. 1933,
S.1934.:!.127, note Gaston Lagarde. Àdde M. vasseur el X. MariD, le chèque. précité, n'205, p. 169,
(667) Si. bien sùr, le chèque n'est pas Libellé non enoossabie, contrairement 11 la pratique la plus répandue aujourd'hui. par
suite des dispositions de l'arucle 65 alinéa 3 du décret-loi du 3Qoctobre 1935 (rédaction dc la loi du 29 déc. 1978).
1668) A propos d'endossements irréguliers parce que n'émanant pas du bénéficiaire légitime. v. notamment Rouen 26 nov.
1976, D.1978.I.R.307. obs. M. Vas.~eur et LR.339. obs. M. CabrilJac; Ga7" PaL 1978.1.l~6, note anonyme; Casso corn. J7
déc.
[980, Bull. civ.,lV. 1'1·427. p.342; QUOI. jur.
Icr cet 1981; Gaz. Pa1.l98\\. panor.l jg: Douai 27 janv.19B1.
D.1981.LR.J66, obs. M. vasseur: Casso corn. II uc1.1983. Bull. civ.,lV. 1'1·].57, p.222.
(669\\ V. article 35 ahnéa Zdu décret-loi du 30 octobre 1935.

227
chèque qui a été payé à un liers(670). Il n'en irai! différemment que si l'endossement fait au
nom de la société ne mentionnait pas la qualité de l'endosseur. un tel endossement étant jugé
irrégulier en jurisprudence(67l). L'irrégularité de la suite des endossements fait présumer le
défaut de droit ou de pouvoir du porteur du chèque, de sorte que le tiré qui a payé. malgré
tout, engage sa responsabilité à l'égard du véritable bénéficiaire, qu'il devra dédommager de la
perte que lui cause le règlement de l'effet à un porteur illégitime.
276 . Au-delà des vérifications relatives à l'identité, à la capacité et aux pouvoirs du
présentateur d'un chèque, les règles de fond du droit du chèque font peser sur le banquier tiré,
au profit du porteur, d'autres obligations dont le non respect est susceptible d'entraîner tout
autant la responsabilité du premier. Ces obligations découlent esserulellement du droit que la
loi a reconnu au porteur d'un chèque sur la provision de cet effet. La méconnaissance de ce
droit constitue, pour le banquier tiré, une faute entachant d'irrégularité le paiement qu'il a
effectué sur la base du chèque litigieux .

III La méconnaissance du droit du tiers porteur sur la provision du chèque
277 - Mandataire du tireur de chèque, le banquier tiré ne devrait être tenu, en principe,
qu'au respect des instructions de celui-ci. Le législateur en a décidé autrement, pourtant; au
risque d'entraîner une remise en cause de la qualification de mandat reconnue habituellement
au chèque. En effet, d'après l'article 17 du décret-loi du 30 octobre 1935, "L'endossement
transmet tous les droits résultant du chèque et notamment la propriété de la provision ,,(672).
Le porteur d'un chèque acquiert, sur la base de ce principe, un droit personnel contre le tiré,
qui l'autorise sinon à exiger le versement à son profit de la provision y correspondant(673), du
(670) Y. par exemple. Cnss. corn. 3 janv. 1977 (:2 arrêts). Bull. civ.,IV, n'] el :2, Banque 1973.124, note L.·M. Marlin,
R.T.D.com.1977.335.
(671) V. par exemple, Casso cern. 15 juin 1976 Bull. civ. IV n':204 p. 176; R.T.D.com.1977.134. obs. M, Cabrillac eLJ.·L.
Rives-lange; Tnb. corn. Pontoise 15 nov. 1977. G3Z. Pal.197S.1, ~ow.21O.
(672) Quoique le texte ne vise que l'endossement. il est admis que le principe doit être étendu .'L l'émission. Y. p:u exemple
M. Cabrillac, rép. dr. corn. précité, v' Chèque. n'201 el S.
(673) V. supra n'153.

228
moins à compter sur un blocage, à son bénéfice, de celte provision, lorsqu'il s'est
expressément opposé au paiement de l'effet, et même, semble-t-il, lorsque, en l'absence de
toute opposition, le tiré a eu connaissance de l'émission(674).
278 . Bien que la toi ne l'ait pas expressément envisagé, on considère généralement que
le tiers porteur peut former "opposition" au chèque dont il a été dépossédé(675). Cette
"opposition", quelle que soit la fortne sous laquelle elle est faite(676\\ entraîne, pour le tiré,
l'obligation de refuser le paiement de l'effet litigieux et d'en immobiliser la provision, au
profit du porteur légitime, jusqu'à la mainlevée de l't'opposition" donnée, soit en justice, soit
par l'opposant(677). Si le tiré honorait un chèque au mépris d'une telle "opposition", il
s'exposerait au risque d'avoir à réparer le dommage causé au propriétaire du titre, véritable
titulaire de la provision, suite au paiement fait à un porteur iI1égitime(678).
279 - Mais l'obligation de blocage de la provision qui pèse sur le tiré d'un chèque, au
profit du tiers porteur, ne semble pas devoir être nécessairement rattachée à la présence d'une
opposition au paiement. Il a été jugé, en effet, que cene obligation existe du seul fait de la
connaissance par le tiré de l'émission(679). En conséquence, le banquier qui, étant au courant
de l'émission par son client d'un chèque. s'abstient néanmoins (en l'absence de toute défense
de payer) d'en immobiliser la provision au profil du porteur légitime, commet une faute que
celui-ci peut invoquer pour obtenir sa condamnation à réparer le préjudice que lui cause la
(674) V. infra n'279 ct les références citées.
(675) V.~. vasseur-ct X. ~l.lrin, le chèque. précité. n'288 et s.. M. Cabrillac. rép. dr. corn .. précité, v' Chèque, n"373.
(676) Dans le silence de la loi. et en l'absence de toute jurisprudence sur ce point précis il paraît plus prudent de
recommander la forme de la saisie (saisie-attribution ou saisie conservatoire} qui s'impose plus énergiquement au tiré. V. M.
Vasseur et X. Marin, le chèque. précité, n'~88 et M. CabrilJae, rép, dr. corn. précité, v' Cbëque, n'373; J. vénan, op. cn.,
n"DO. p. 89. n faut pourtant admettre qu'une opposition formée sous une aurre forme (exploit d'huissier ou simple lettre
missive, voire un appel téléphonique. par exemple) doit être respectée par le tiré qui engagerait sa responsabilité par un
paiement préjudiciable au porteur opposant. Mais, d'Un autre côte. te tiré engagerait sans aucun doute sa responsabilité vis-à-
vis du préseutateur c'il refusait de payer un chèque sur la foi d'uue opposition non justifiée.
{6771 V. M. vasseur et X. "'ario, Le chèque précité, n·284, p. 2\\5: J. Vézjan, n' [30, p. 90. V. également supra u']18.
(6781 Sur tous ces points. v. supra u·218.
«(79) V, Casso req. 18 juin 1946, J.C.P.1946.n.3252. rapport de M. le conseiller Lescot: 0.1946.346; Banque 1946.45. cbs.
X. "'arin; R.T,D.Com.1948.ll ub~. R. Houln.

229
disparition de la provision(680). Il convient cependant de signaler que la portée ainsi donnée
au principe du transfert de la propriété du chèque n'a jamais été confirmée en jurisprudence.
Au contraire, les juges semblent réticents à admettre l'existence d'une obligation pour le tiré
de bloquer la provision des chèques dom il a pu connaître l'émission, en dehors de toute
opposîtion(681). Au demeurant. l'effet de blocage attribué à l'opposition a, lui-même, fait
l'objet de nombreuses critiques(682).
280 - C'est que ce principe du transfert de la propriété de la provision du chèque
engendre, à la vérité. des conséquences peu compatibles avec la nature profonde de ce titre. Si
le mandat que constitue te chèque s'accommode aisément du droit reconnu au tiers porteur
d'adresser au tiré, qui n'est pas son cocontractant. une défense de payer, sur le fondement
notamment de la règle de l'opposabilité des contrats par les tiers, il ne peut plus, en revanche.
s'accorder avec le droit direct donné au porteur, contre le tiré, par le législateur, et qui autorise
le premier à exiger du deuxième qu'il s'abstienne d'exécuter les ordres de son mandant
lorsqu'ils risquent de faire disparaître la provision correspondant à l'effet litigieux. C'est cette
incompatibilité qui explique toutes les difficultés qu'éprouve la jurisprudence à dégager des
solutions claires et cohérentes en ce qui concerne les conditions de l'immobilisation, par le
tiré, de la provision d'un chèque au profit du porteur, La réticence des juges à étendre
l'obligation pour le tiré de bloquer la provision d'un chèque, au profit de son porteur, au delà
des cas où une opposition au paiement a été formulée, trouve, selon nous, sa justification dans
le souci de ne pas contrarier, plus qu'il ne faut. les effets logiquement commandés par la
t68ftl Ceue condamnation sera prononcée sur la base nan seulement de la provision, mais aussi sur celle, plus générale, de la
responsabilité délicruelle.
(6811 V. Casso cam. Il déc. 1973. D.1975.64, note, J. vénan. J.c.P. 1975.n.18152. note L, Morel, R.T.D.Com.1974.309,
obs. M. Cabenlcc et ,J.-L, Rives-lange. Acoe. M. Cabrlllec. rép. dr. corn. précité, v' Chèque. n'213.
(6821 V. par exemple, H. Cebrrllac. le tiré doit-il immobiliser au profit du porteur la provision d'un chèque frappé
d'opposition par le tireur? J.C.P.1946.J.569; également Hamel, Lagarde el Jaul1'rel, op. cu., n-1661; H. et M. Cabrmsc. op.
cit.. n'I92, p. 101 et S. Ces critiques font généralement ressortir la contradiction qu'il y a li accorder II. la simple connaissance,
par le tiré, de l'émission d'un chèque, un effet plus important que le visa ou la certification que donnerait celui-ci. En outre. III
solution retenue par la chambre des requêtes aboutit li créer "une situanon de fail voisine de l'acceptation" du chèque,
pourtant prohibée par la législation du chèque (art. 4 al 1er du décret-loi du 30 octobre 1935) v. H, Cabrillac, article précité,
lC.P. 1956.I.S69, n'5 e16. V. cependant, en sens inverse, Rlpert et Roblol, op. cir., t.Il. n'2195, p. 266 et 5.; Ch. GSl'aldael
J. Siounlet, Droit commercial. chèques el effets de commerce. Thémis 1984. t. 2, n'373, p.393 et 5.; Droit du crédit, t. 2,
Effess de commerce. Chèques. Carte de paiement et de crédit, Laec 1991, n·201. p.287: h, Pledelièvre. note sous C1SS. corn.
9 févr. 1982, Gaz. Pa1.l982.2 paner .229.

230
nature profonde du chèque et par la position juridique qui en découle pour chacune des trois
personnes concernées.
281 - Le chèque étant, en effet, analysé en un mandat il ne devrait pas, en principe,
entraîner un rapport obligatoire entre le tiré-mandataire et le tiers porteur. C'est l'idée qui
ressort très nettement de l'article précité de M. Henry Cabrillac qui, rappelant la fonction
originairement assignée à la théorie de la propriété de la provision, fait remarquer que le droit
acquis par le porteur du chèque "reste étranger aux rapports entre porteur el tiré"(o83). Et M.
Cabrluac de citer à l'appui de son assertion M. Jacques Bouteran pour lequel "durant tout le
processus d'émission et de circulation du chèque, Gllcun lien juridique ne doit lier le tiré au
possesseur: ce n'est que le paiement qui les met en contact et peut donner lieu entre eux à des
relations juridiques,,(684). Par contre, dans les rapports entre le tiré et le tireur, la nature des
liens créés par le contrat implique une soumission totale du premier aux ordres et contrordres
de paiement du deuxième, et de lui seul. Si. pour la protection des porteurs de chèques, 1( a été
nécessaire d'accorder à ces derniers, contre la nature du contrat auquel donne naissance
l'émission de cel effet, un droit sur la provision du cirre concerné, il ne paraît pas, en revanche,
indispensable. en dépit de ce qu'implique logiquement le principe du transfert de la propriété
de la provision(685)(686), d'interpréter ce droit comme créant une obligation pour le tiré
d'immobiliser, même en l'absence de toute défense de payer, la provision de tout chèque dont
l'émission a été portée à sa connaissance, On risquerait, par cette interprétation par trop
extensive d'une mesure somme toute extraordinaire, dérogatoire au droit commun, de
pénaliser, en définitive. Je tireur de chèques, autre rouage important de l'institution du chèque
et de l'amener, par suite à se détourner d'un instrument qui serait devenu trop contraignant
(6831 H, Cabrillac, le tiré doit-il immobuiser au profit du porteur la provision d'un chèque frappé d'opposition par le tireur?
J,C.P.1946.1I.569, n'3, L'auteur précise que l'expression "propriété de lù provision" utilisée par le ldgnlareur ne vise pas 11.
accorder au porteur d'un chèque un droit réel sur la provision y correspondant. "Si le fégi~lrIteur l'a consacrée. c'est qu'i/l'a
trouvée commode pour désigner le droÎI exclusif acquis par le porteur sur la creance du tireur co-ure le tiré, el au.r.~i qu'elle
lui paraissoit de nature il accroître la confia/let! du public dans le chèque",
(684) v. H. Cabrütac, article précité. r.c,P. 1946.1.569, nO).
(6HSj V. Riperl et Roblol, op, cit.. dl. llo2195, p. 266 el S,
[686) Mais on sait qu'au delà du sens préci, des mots le législateur n'a voulu qu'assurer une eertaine sécurité aux porteurs de
chèques. V. supra. note n'429 p,234.

231
pour lui, sur lequel il aurait perdu toute maîtrise et qui. tort suprême à notre aVIS, aurait
conduit à faire du banquier tiré, l'allié, non plus de son client. mais des tiers porteurs de
chèques(687).
282 - Il faut bien avoir à l'esprit, en effet, que l'institution du chèque repose toute entière
sur un élément psychologique, fondamental pour la personne qui a l'initiative de la création
du titre de paiement: l'assurance que le dépositaire des fonds. chargé d'en opérer le versement
à une tierce personne, ne s'érigera pas en adversaire du donneur d'ordre. Pour le tireur d'un
chèque, le banquier tiré, «son banquier», doit être, en toutes circonstances sinon le défenseur
de ses intérêts, son complice même. du moins un exécutant fidèle de ses instructions, surtout
lorsqu'il se trouve en conflit avec le tiers porteur. C'est cette conception des rapports liant les
trois personnes concernées au premier chef par J'utilisation des chèques qui s'est traduite, au
plan juridique, par la qualification de cette espèce d'effet en un mandat de paiement, seule
qualification permettant de rendre compte de l'esprit qui se trouve à la base de tout le système,
et qui assigne au banquier tiré le rôle de représentant du tireur, au nom et pour le compte de
qui le paiement est réalisé, En conséquence de cette qualification, les obligations assumées
par le tiré, à l'occasion des opérations de paiement de chèques, le sont principalement envers
le tireur. son cocontractant. avant de l'être, indirectement(688), au plan délictuel, envers les
tiers.
283 ~ A l'égard du tireur le banquier assume, on le sait, deux obligations de premier plan
(si l'on fait abstraction de l'obligation de rendre compte du résultat de son mandat):
D'une part le tiré assume l'obligation d'exécuter la mission qu'il accepte, A ce titre il
supporte, comme tout mandataire, une obligation de résultat, et tout refus injustifié de payer
(687) Il faUl au~~i signaler la gêne que pourrait occastonner pour le tireur une immobilisation trop longue er peur-être même
abusive de fonds, V. H. Cabrillac, article précité. J.C.? 19<\\6.1.569, 1\\'10.
(liitSj Puisque la responsabibré du tiré à l'égnru ùes ners sapprécie par rapport aux obligations qu'il assume vis-à-vis du
tireur, son client. Cencs le liers porteur d'un chèque es: investi par la loi d'un droit direct el personnel centre le banquier,
fondé sur la provision dom il :l acquis la "prOfJriélé" au moment de la lJ:ammisr,ion du tusc. m;!!, outre le ceractêre limité.en
pratique. des effets d.. ce droit (se réSUlnM! il pcnnettrc au poueur d'un chèque d'exiger dn tué, non point le paiement. rneis
seulement une immobiiisuuon de 1Jprovision y correspondant, Y, SUpf3 n' \\53), on peul Faire remarquer que son existence est
subordonnée, en réalité,!1. l'existence de l'obligation pour le banquier de payer, Y. supra (1'170 et s.

232
un chèque régulier constitue de sa pan, de ce seul raie, une faute susceptible d'entraîner sa
responsabilité.
D'autre part. le tiré assume une obligation de prudence et de diligence qui doit l'inciter,
avant tout paiement, à vérifier la régularité matérielle et intellectuelle du titre qui lui est
présenté, afin de s'assurer que le règlement qu'il va effectuer intervient bien au profit de la
personne désignée par son client et pour la somme qu'il a indiquée. S'agissant cette fois d'une
obligation de moyens. la responsabilité du banquier ne peut être mise en jeu que si une faute
est prouvée contre lui. conformément aux prévisions de l'article 1992 du Code civil.
284 - Affirmer que le mandataire est, relativement à l'accomplissement de sa mission
(honnis l'obligation de rendre compte), tenu à la fois d'une obligation de résultat et d'une
obligation de moyens peul surprendre, dans la mesure où l'on enseigne généralement que le
mandataire n'est tenu, à cet égard, que d'une obligation de moyens(689). Mais il faut bien
noter que dans l'appréciation de la diligence due par tout mandataire, une distinction
fondamentale doit être faite entre l'obligation qu'il a d'exécuter le mandat dont il demeure
chargé, par suite du défaut d'utilisation de la faculté de renonciation prévue par l'article 2007
du Code civil (on se trouve alors au stade de la décision d'accomplir ou non la mission
confiée), et l'obligation qu'il a d'apporter à sa mission au cours de l'exécution, tous les soins
nécessaires à sa réussite.
285 - Au premier stade, celui de la décision d'exécution, l'obligation du mandataire est,
selon nous, une obligation de résultat, car il n'est pas admissible, en matière contractuelle,
qu'une personne qui a donné sa parole ait, par la suite, le choix entre l'honorer ou ne pas
l'honorer. Certes, on peut soutenir que la faculté de renonciation qui lui est reconnue par
l'article 2007 du Code civil, permet au mandataire de reprendre sa parole à tour moment, sans
avoir d'ailleurs à justifier du caractère légitime de la raison qui motive sa décision(690). Ce
qui contredirait l'idée de l'existence d'une obligation de résultat relativement à l'exécution de
(689) V. notamment. Joseph Frossard, le distinction des obligations de moyens ct des obligations de résultat, L.G.DJ. 196:1,
n'401, p. 230 el s.: Paulette Veaux-Fournerie, la situation juridique de la banque tirée en cas de paiement de chèques racx.
Rcvue Ivoirienne de Droit ffi.J.D.) 1977. ].1., p. 77.
(690) Sous réserve. cependant, des contraintes pouvant résulter de la qualité de professionnel.

233
sa mission. Une telle opinion serait erronée, car elle aboutirait, en réalité, à bien y réfléchir, à
la négation de toute obligation du mandataire, fût-elle de résultat ou seulement de moyens, à
l'égard du mandant, du moins tant que l'exécution du mandat n'a pas commencé (car au stade
de l'exéeution, l'existence d'une obligation de moyens n'est pas discutée). Si bien que, à suivre
cette opinion, on serait amené à conclure que la responsabilité du mandataire qui
s'abstiendrait de remplir sa mission ne pourrait jamais être retenue en fait, puisque cette
abstention révèlerait, ipso facto, l'exercice par le mandataire de son droit à renoncer au
mandat. Seule l'exécution (ou au moins le début d'exécution) du mandat ouvrirait donc la voie
à l'admission de la responsabilité du mandataire. Or, dans l'hypothèse du mandat de payer un
chèque, le refus de paiement constitue précisément un acre d'exécution de la mission confiée.
Si l'interprétation de l'article 2007 du Code civil, ci-dessus proposée, devait triompher, le
banquier tiré aurait beau jeu de déclarer. après coup. pour échapper à la responsabilité
sanctionnant le refus de paiement injustifié, avoir en réalité renoncé au mandat. Une telle
incertitude sur la volonté du mandataire d'accomplir ou non sa mission serait intolérable pour
le mandant. On comprend alors pourquoi l'article 2007 du Code civil (alinéa 1eI) subordonne
l'effectivité de la renonciation du mandaraire à la notification que ce texte lui impose
d'adresser au mandant pour l'informer de sa décision de se décharger du mandat. En
conséquence, le mandataire qui, au moment où le mandant réclame l'exécution du contrat,
n'avait pas encore notifié à ce dernier sa décision de ne plus se charger de la mission qu'il
avait acceptée auparavant, doit être considéré comme ayant définitivement consenti à
l'accomplir. N'ayant pas exercé son droit à renonciation jusqu'au moment où la prestation due
est devenue exigible, le mandataire n'a plus le choix, dès lors, entre honorer ou ne pas honorer
son engagement. A cet égard, son obligation d'exécuter le mandat dont il ne s'est pas déchargé
à temps est une obligation de résultat(691J~ une obligation de résultat conditionnelle, en
(691) Dans le même ordre d'idée, v. Pcthler. Les traités du droit français, nouvelle édition par M:. Dupin, Paris. Ch. Bechet.
1.4, Traité du contrai de mandat. [\\'37 ct s.• p. 224 et s.; quoique certaines des causes légitimes d'exonération des obligations
du mandataire citées par cet auteur et qui som justifiées palle caractère essentiellement gratuit, li. cet époque. du mandat, ne
puissent être admises de nos jours pour la plupart des mandats, en raison de leur caractère salarié. V. également, A. Weill et
F, Terré, Les obligations. Précis 0:11\\0"'. n'402. p. 414: Ph. Malauric et L. A)1\\è5. Les contrats spéciaux précité, n'567. p.
194 spécialement Ilote n'IS. Adde Cass. civ . 1ère 18 janv, 1989, Hull. civ .• 1. n'26: 0.1989.302. note Ch. Lar-oumef
R.T.D.Civ.1989.572. note Ph. Rémy; R.TD.Com.1989.719, noie B. Bcujoc. Contra, joseph Frossard. La distinction des
obligations de moyens et des obligauorts de résultat, L.GD.1. L965. Il'401. p. 230 et s.: Paulette Veaux-Fournerie, article

234
quelque sorte. En effet, l'existence de cette obligation, déterminée, pour le mandataire.
d'exécuter le mandat est, à notre sens, suspendue à la condition. négative, de l'absence de
notification. par lui, de la renonciation au mandat. au moment précis où l'exécution est
attendue, ou réclamée.
Par contre, au stade de l'exécution proprement dite. l'obligation du mandataire. en ce qui
concerne les soins à apporter à l'affaire dont il a été chargé, ne peut qu'être une obligation de
moyens.
286 - Parallèlement à cette responsabilité vis-à-vis de son client, le banquier tiré, qui est
appelé de par sa mission à entrer en contact avec des personnes tierces, peut voir sa
responsabilité engagée vis-à-vis de celles-ci, au plan délicruel.
287 - Le constat qui s'impose, à l'issue des développements consacrés à la responsabilité
du banquier, cst que, sur ce plan également, se trouve confirmée, à travers les solutions
généralement retenues, la rectitude de la qualification de mandat reconnue au chèque, même
si on peut noter une certaine influence du cadre particulier dans lequel intervient ce mandat
sur la situation juridique du tiré mandataire. En effet, le banquier étant. avant tout, le
dépositaire des valeurs et des fonds de son client. toute opération de disposition effectuée sur
ces biens, pour le compte de ce dernier, met en cause, non seulement sa qualité de dépositaire,
mais également et simultanément celle de mandataire. Cette imbrication inévitable de deux
contrats différents ne manque pas de provoquer une confusion des champs d'intervention
respectifs de chaque contrat et, en conséquence, de conduire quelquefois à l'application, dans
le cadre du mandat, de solutions non compatibles avec les règles traditionnelles de ce
contrat(692); La rectitude de la qualification du chèque en un mandat est confirmée. même si
on peut observer, encore. une mise à l'écart dans certains cas, des règles du mandat au
précité. R.I.D. 1977. 1-2. p. 77. Ces ailleurs affirment. sans faire la distinction que nous préconisons, que le mandataire n'est
tenu que d'une simple obligation de moyens.
((î92) l'our une illustration des interférences provoquées par la combinaison des contrats de mandat el de dépôt, voir les
solutions retenues face an problème de la responsabilité du banquier tiré qui a payé un chèque faux ou falsifié, supra 0'246 el
s. V. également infra n·~9.

235
bénéfice de dispositions particulières destinées à assurer une protection plus efficace des
preneurs de chèques(693).
288 - Le souci de protection des intérêts des tiers se trouve aussi à l'origine de
l'instauration, en matière de chèques. de mesures spéciales édictées par le législateur. et qui
incriminent. au plan pénal, les comportements les plus nuisibles à l'institution toute entière.
Certaines des infractions spéciales ainsi créées visent le banquier, notamment en sa qualité de
tiré, et viennent s'ajouter aux infractions de caractère plus général prévues par le Code pénal,
et SOUS le coup duquel celui-ci peut tomber également. L'étude de la responsabilité du
banquier mandataire ne saurait, par conséquent. si elle ne veut pas encourir le reproche d'être
incomplète, ignorer l'aspect pénal de cene responsabilité et ne se limiter qu'au seul aspect
civil. Aussi s'avère-t-il nécessaire de rechercher, au plan pénal également, les manifestations
de la qualification de mandat reconnue au chèque.
2. LA RESPO,SAlUUTE PENALE DE BANQUER TIRE.
289 - Il n'y a de responsabilité pénale, par application du principe «nullum crirnen», que
là où la loi en a ainsi décidé. En ce qui concerne le chèque. la source législative de la
responsabilité pénale du banquier tiré est double: elle résulte tantôt de la réglementation du
chèque telle quelle ressort du décret-loi du 30 octobre 1935 et de ses textes d'application,
tantôt du Code pénal.
Sur le terrain de la responsabilité pénale propre au chèque, il faut retenir que le banquier
tiré peut tomber sous le coup de quatre incriminations: celles prévues par les articles 65·} A,
66, 67 et 72 du décret-loi du 30 octobre 1935. Tandis que les articles 65-1 A et 72 visent
directement et exclusivement le banquier tiré, les articles 66 et 67 ne le concernent
qu'indirectement.
(693) Ceux-ci se sont vus. en effet. attribuer par Il' t~t!islateur, pour faire échec aux conséquences normales du mandat. peu
protecteur des tiers. un droit direct el personnel (fondé sur le principe du transfert de la propriété de la provision) contre le
banquier tiré. v. supra n'262 et s. et n'277.

236
290 ~ L'article 66 alinéa 1er menace. en effet. d'une peine de prison de un à cinq ans et
d'une amende de 3.600 à 2.500.000 francs (français) ou de l'une de ces deux peines
seulemem(694) "toute personne qui, avec l'intention de porter atteinte aux droits d'autrui,
,
.
aura, après l'émission d'un chèque, retiré par quelque moyen que ce soit, dont le transfert ou le
virement, tout ou partie de la provision ou fait dans les mêmes conditions défense au tiré de
payer"
291 - L'article 66 alinéa 2. quant à lui, renferme un vice qui lui retire. d'après nous,
toute efficacité. Il incrimine, en effet, la réception ou l'endossement. en connaissance de
cause, d'un chèque "émis dans les conditions définies à l'article précédenL". Seulement l'alinéa
en cause n'est pas relatif à l'émission des chèques, Il n'incrimine pas, contrairement à l'ancien
article 66-1°, l'émission des chèques sans provision. Seuls se trouvent punis. à travers cet
alinéa 1er, le retrait ou le blocage de la provision d'un chèque déjà émis. Si bien que le texte
de l'article 66 alinéa 2 (nouveau) se retrouve dénué de tom sens véritable, et donc de toute
portée pratique(695).
292 - L'article 67-)" (nouveau), pour sa part, punit d'un emprisonnement de un à sept
ans et d'une amende de 3.600 à 5000.000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement
ceux qUI, en connaissance de cause, auront accepté de recevoir un chèque contrefait ou
falsifié.
293 - Relativement à ces différents textes on peut observer qu'il n'est pas impossible
qu'ils s'appliquent à un établissement de crédit. Une banque peut tomber, par exemple. sous le
coup de l'infraction prévue par j'article 66 alinéa 1er, en qualité de complice ou même
d'auteur(696), ll n'est pas inconcevable. en effel, qu'une banque soir tentée de retirer. à son
(694) Les peines ainsi prevues correspondent. quant à leur quantum. à celles qui sancriounenr l'escroquerie (ar1.405 C. pén.).
Ce qui rappelle la référence directe faîte aux peines de l'artiele 405 du Code pénal par l'ancien article 66.
(695) Sauf 11 considérer que se trouve de la sorte incriminé le fait d'accepter de recevoir ou d'endosser, eu pleine connaissance
de cause, un chèque dom la provision aura été renrée ou bloquée, Outre que cela paraît improbable en pratique, on doit
relever que l'on se trouve en mntiêre pénale ct que, pour cene raison, cette interprétation. extensive, ne saurait être reçue, A
noter que le le xte évoqué aurait été plus intelligible s'il avait été placé à la suite de j'alinéa 3 oU de l'alinéa 4, Il aurait eu alors
pour objet d'incriminer le Iait de recevoir ou d'endosser, en ccrmaissance de cause, un chèque émis au mépris de l'injonction
prévue par l'article 65-3,
(696) Il n'était pas exclu non plus, sous l'empire de l'article 66 ancien (toujours en vigueur, au demeurant, en Côte d'ivoire)
qu'une banque passe, dans certains CJS, pour le complice de son client, auteur principal du délit d'émission de chèque sans
provision; par exemple lorsqu'un préposé de celle-ci avait incité le client, tireur. à une opérariou de "cavalerie" de Chèques,

237
propre profit, le solde créditeur du compte d'un client en proie à des difficultés financières.
précisément parce qu'elle a eu connaissance, de façon fortuite, de l'émission, par ce dernier,
d'un chèque. Le banquier peur encore faire figure d'auteur ou de coauteur de l'une des
infractions. prévues par l'article 67; par exemple s'il a escompté. en connaissance de cause, un
chèque faux ou contrefait. afin de le réendosser(697), Mais ces infractions ne sont pas
spécialement rattachées à la qualité de mandataire du tiré. aussi ne saurions nous nous y
attarder plus longtemps dans le cadre de celte étude.
294 - L'article 65~1 A (nouveau) punit d'une amende de 2.000 à 40.000 francs le
tiré(698) qui refuse le paiement d'un chèque sur le fondement de l'opposition du tireur sans
pouvoir justifier de l'observation des formalités que lui exige l'article 32 alinéa 3 (nouveau).
Ce dernier texte lui fait, en effet, obligation, d'une part, d'informer par éerit les titulaires de
compte des sanctions encourues en cas d'opposition illégale er, d'autre part, d'exiger du tireur
qu'il confirme son opposition par écrit.
295 . Quant à l'article 72 il menace, encore, le tiré d'une amende de 2.000 à 80.000
francs(699) pour quatre faits:
10
l'indication, au porteur d'un chèque, d'une provision inférieure à celle existante et
_
disponible.
2· - Le rejet d'un chèque pour insuffisance ou indisponibilité de la provision sans
indiquer, si tel est le cas, que le chèque a été émis au mépris d'une injonction bancaire (art.
65-3) ou judiciaire (arr. 68).
Sur ce point. v. M, Cabrntae et Ch. '1ouly, Droit pénal de la banque el du crédit, Masson, 1982. n'30S. p. 214 et n'344, p.
2:"\\2. in fine; Ch, Gavalda et J, Stoufflel, Droit du crédit précité. t. 2. Thémis 1991, n'274, p.385; Drou cornmercial t. 2,
chèques ct effet de commerce. Thémis, 1984, n'519, p. 5L5 et les références citées (notamment Casso crim. 19 déc. 1957.
lC.P. 1951UI.10556, note P, Bouzat: D.1951U74 note M.R,M.P.).
169'7) V. Ch. Gavalda cl J. Sroumer. chèques et effel, de COmmerce, précité. Il'.'524. p. 520; Droit d\\! crédit précité. t. 2,
11'279, p.389.
(698) En pratique. c'est au directeur de l'agence concernée que sera imputée l'infrection. v. Ch .. Gavajda et J. SIDUmet.
Drcu du crédit précité. t. 2, n'283, p,392; chèques et effets de commerce précité. n'531 ct s.. p. 524 et s.: M. Cabrillac cl
Ch, :'\\1ou\\y, op. cu., n'330, p. 225.
(699) En Côte d'Ivoire (OL! le décret-loi du 30 octobre [935, rendu applicable par un décret du 1800.'.<:, 1936, demeure en
vigueur) J'article 67 (ancienne rédaction) prévoit une amende de 360.OCQ à l600.0Cû F. C.F.A. contre le. tiré qui indique
sciemmeut une provision inférieure à. celle existante.

238
3"- Le défaut de déclaration, dans les conditions et délais imposés (700), des incidents de
paiement de chèques, ainsi que des infractions prévues par les articles 66 (alinéa 3) et 69, à
savoir les émissions de chèques au mépris d'une injonction bancaire ou judiciairJ(OV.
4Q
la violation des dispositions des articles 65-2, 65-3 et 68 alinéa 3. Ces textes font
-
obligation au banquier qui a refusé le paiement d'un chèque pour défaut de provision
suffisante, d'une part. de ne plus délivrer au titulaire du compte concerné (ou à son
mandataire), pendant une période donnée(702\\ des formules de chèques autres que celles
destinées à permettre un retrait de fonds par le tireur auprès du tiré, ou celles qui sont
certifiées, et, d'autre pan, d'enjoindre au titulaire du eompte de restituer, à tous les banquiers
dont il est le client, les formules en sa possession er en celles de ses mandataires, et de ne plus
émettre, de chèques autres que ceux qui servent à retirer des fonds auprès du tiré et ceux qui
sont certifiés(703), Cette interdiction durera pendant dix ans à compter de l'injonction, à
moins que le tireur ne régularise l'incident par le règlement du chèque (ou la constitution chez
le tiré de la provision y correspondant) et par le paiement. éventuellement, d'une pénalité
libératoire fixée par "article 65-3-1 ou par l'article 65_3_2(704), Le tiré doit, dans le même
œrnps, informer les mandataires de son client de cette interdiction.
296 - Les incriminations issues de l'article 72 du décret-loi du 30 octobre 1935 touchent
exclusivement le banquier tiré et ne peuvent qu'être rattachées à la mission de paiement de
chèques assumée par ce dernier. Elles ne donnent cependant pas d'information sur la nature
du contrat qui leur sere de support et ne peuvent donc permettre de vérifier la qualification de
mandat donnée au chèque. La seule déduction qu'elles autorisent, si on devait admettre cette
qualification comme justifiée (ainsi qu'if a été démontré dans les développements consacrés à
(700) V, art 16e[ an, 21 à 24 du éécret n'92-456 du 22111a1 1992, J.O.R.F. 23 mai 1992; J.C.P. 1992, éd. E.In.65514.
(70l) SUT les modalités pratiques de l'injonction el de la déclaration exigées par l'art, 65-3, v. le décret Il' 92--456 du 22 mai
[992 (J.o.R.F. du 23 mai 1992. notamrnent en ses articles 6 ct s., 16. el21 et s.
(702) L'interdiction d'émeme des chèques peut durer jusqu'à dix am. si elle est d'origine bancaire (". Mt. 65-3-4 du décret-loi
du 30 octobre (935), soir entre un el cinq am, si elle est d'origine judiciaire (v. art. 68 ~I. 3 du décret-loi du Jnoctobrc 1935).
(703) V. an, 65-3 du décret·loi du 30 octobre 1935.
17(4) On se trouve alors dans l'hypothèse d'une nuerdicuon d'origine bancaire.

239
la responsabilité civile et ceux qui les ont précédés), c'est que ces infractions instituent une
responsabilité pénale spéciale propre au mandat de payer des chèques. Comment ne pas
remarquer alors l'alourdissement des obligations et de la responsabilité qui en résultent, pour
le mandataire, dans un tel contrat, alourdissement d'autant plus marqué que même
l'imprudence ou la simple négligence du banquier tiré sont pénalement réprimables? En effet
les infractions évoquées sont «matérielles» et ne supposent pas, par conséquent, un élément
intentionnel(705) .
297 - Au-delà de la responsabilité pénale spécifique au mandat de payer des chèques ci-
dessus évoquée, le banquier tiré, qui reste assujetti aux lois pénales de droit commun, peut
tomber sous le coup d'un certain nombre d'infractions prévues par le Code pénal(706). Seules,
cependant, celles ayant une relation étroite avec sa qualité de mandataire peuvent permettre
d'apprécier le bien fondé de la qualification juridique donnée au chèque. Sous ce rapport, seul
l'abus de confiance mérite d'être analysé, puisque son incrimination n'a été conçue par le
législateur que dans le cadre de certains contrats déterminés au nombre desquels figure le
mandat. L'article 408 du Code pénal dispose, en effet, qu'est coupable d'abus de confianee
"quiconque aura détourné ou dissipé, au préjudice des propriétaires, possesseurs ou
détenteurs des effets, deniers, marchandises, billets, quittances ou tollS autres écrits contenant
ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui auraient été remis qu'à litre de louage, de
dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à lisage. ou pour un travail salarié ou non salarié,
à la charge de le rendre ou représenter, ou d'en faire un usage ou Utl emploi déterminé".
Mais, en ce qui concerne le chèque, la mise en oeuvre de cette infraction se heurte à un
certain nombre d'obstacles qui, en définitive, la rendent inutilisable.
Une première difficulté provient de ce que J'article 408 fait de la préexistence du contrat
en vertu duquel les choses qui ont été détournées avaient été remises, une condition préalable
(705) v. M. Cabrülac cl Cil. Moul}'. op. cit., n'3:4, p. 212 el n'330, p. 225. Sur l'alourdissemcnr de la responsabilité pénale
du banquier tiré. v. Ch. Gavaida el J. Sloumel, Droit du crédit précité. n" 282 cl 283, pp.392 el s.; Chèques ct effets de
commerce. précité. n'" 530 el 531. pp. 523 ct 524.
(706) V. par exemple. J. Vézlan, op. cu.. n"j. p.ô.

240
de l'abus de confiance(707). Or le mandat que renferme le chèque n'est parfait, on l'a vu(708\\
qu'après l'émission du türe(709). Cette émission étant, le plus souvent, postérieure au
versement, chez le tiré, des fonds qui servent au paiement, on est en droit de penser que-la
condition préalable évoquée ci-dessus n'est pas remplie.
298 - A dire vrai, si un détournement portant sur les fonds versés au banquier devait
survenir, on voit mal comment il pourrait être rattaché au mandat contenu dans un chèque. Un
tel acte frauduleux ne pourrait se situer que dans le cadre du contrat de dépôt qui lie par
ailleurs le client et le banquier, et en venu duquel ce dernier se voit confier la garde des biens
du premLer(7lO). La qualité de mandataire du banquier n'étant pas en cause dans ce cas, on ne
saurait s'y attarder sans risquer de déborder le champ de notre étude.
Pour qu'un détournement de fonds puisse être relié au mandat de payer des chèques
assumé par le banquier, il faudrait envisager l'hypothèse, possible en pratique, d'une remise à
celui-ci, par son client, soit d'un ou plusieurs effets à réaliser ou à encaisser. er dont le produit
aura été d'avance spécialement affecté. par le remettant, à une opération précise de paiement
d'un chèque donné, soit de deniers en vue de la constitution de la provision de chèques fi venir
(707) Sur les ccndnicns Cf les éléments constitutifs de l'abus de confiance, v. notamment Robert Vouin. Droit pénal spécial.
Précis Dalloz, 6è éd. par Michèle-Laure Rassat. n'60 ct s.. p.84 et s.: Roger Merle et André Vitu. Traité de droit criminel.
droit pdnel spécial. vol. 2, Cujas 1982. n'2368 el s., p.1935 et s.
(70S) V, supra n' 134 el s.
(709) Certes l'ouverture d'un compte emporte pour Jo: banquier la qualité de mandataire de son client. Mais ce mandat, on ra
vu, ne se limite qu'à certains actes d'cnceissemenc (v. supra n'51), Le rueudat de payer, quant à lui. ne se forme réellementà
la suite de la promesse de les exécuter que comporte le compte bancaire, qu'après l'extériosation, pM le titulaire du compte,
de sa volonté de lever l'option dom il bénéficie. Ce qu'il fera par le biais de l'ordre de payer qu'il donne au banquier (à travers
un chèque par exemple).
(710) A signaler que sur le terrain du dépôt, le détournement de la chose confiée par le dépositaire est constitutive également
d'un abus de confiance. Encore faut-il se trouver en présence d'un véritable dépôt. En effel. l'appropriation frauduleuse d'une
chose remise fi litre de simple communication et som la condition d'une resrirurion immédiate est ronstiturive non d'un abus
de confiance (faute d'obligation de conserver el, partant, d'nn dépôt veritable), mais d'un vol. De même n'est pas régi par
l'article 408 du Code pénal le détournement qui interviendrait dans le cadre d'un dépôt irrégulier n'imposant pas au
dépositaire l'obligation de conserver 11. tout mstam uü équivalent des choses déposées de fali'0n 11. permettre leur restitution
immédiate. Sur tous ces peints \\/. Roger Merle el André Vil .... Traité de droit criminel. Droit pénal spécial. par André vttu,
Cujas 1982, vol. 2, Il"2381. p. 1943 et s.

241
ou même déjà émis(711). Mais même dans cette hypothèse, la mise en oeuvre de l'abus de
confiance n'est pas exempte de difficultés:
299 - Premièrement, la qualité précise au regard de laquelle le banquier a reçu les objets
devant servir à exécuter le mandat de payer n'est pas facile à déterminer. En effet. dans tes cas
où les choses remises au banquier sont d'avance affectées à l'exécution d'une mission précise
de paiement (paiement d'un chèque particulier. par exemple) on incline naturellement à
soutenir que les remises som faites. non à titre de dépôt, mais plutôt dans le cadre du mandat
de payer que le client se propose de confier à son banquier, notamment par le canal d'un
chèque(712). Tl faut cependant se rendre bien compte qu'en elle même l'affectation constitue
un mandat particulier (différent du mandat de payer qu'il précède souvent) visant à obtenir du
banquier qu'il réserve les choses concernées à un usage ou un emploi spécifiés. Mais se
limitant à une simple réservation, en prévision d'un ordre de payer seulement éventuel, ce
mandat n'arrive pas à éclipser te contrat de dépôt (dépôt irrégulier avec affectation des valeurs
confiées) sur la base duquel le banquier détient, dans l'attente de J'ordre de paiement annoncé,
les objets reçus. Face à un tel complexe de contrats, la qualification qui s'impose ne peut
qu'être cumulative(713). C'est, cu effet, sur la base à la fois d'un contrat de mandat (le mandat
de réserver les choses spécifiées à l'exécution d'un futur mandat de payer) et d'un contrat de
(711) Rapprocher, pour une condamnation des dirigeants d'une banque pour abus de confiance.e propos de sommes d'argent
ou dt: titres {l'mis en couverture d'opération boursières et frauduleusement détournées, Casso crirn. 16 févr. 1934,
5.1935.1.116; Casso cnrn. ::!::! févr. 1935, Gaz, PaL 1935.1.5 14; D,H.1935.212; Casso crim. 24 juin 1941. Gaz. Pal.1942.1.99.
(712) Il faut se rappeler en effel. pour ce qui concerne le mandat contenu dans le chèque que. par l'ouverture, sans réserve,
d'un compte-chèques à une personne, puis par la délivrance d'un carnet de chèques, le banquier promet à celle-ci d'exécuter
tous les mandats (ceux habituellement acceptés par les banques au bénéfice de leurs clients) qu'elle voudrait bien lui confier.
le paiement de chèques y compris. V _supra n'133 et s. Ce contrat porteur sur le paiement des chèques ne devient toutefois
parfait qu'après l'émission régulière des titres.
(713) La complexité de la situation juridique du banquier ne doit pa> conduire à une qualification alternative. laissant
entendre que les choses ont été remises "à titre de n/(J/ldat 011 de dépôt", Une (elle qualification, imprécise, ne sanrait suffire à
autoriser nne condamnation pénale sur la base du délit d'abns de confiance. Telle est également la position de la chambre
criminelle de la Cour de cassation qru n'hésite pas il casser pour insnffis ance de motifs et manque de base légale. les décisions
des juridictions de fond qui se contentent d'une qualification parc ille. V. nccamment, Casso crim 5 déc. 1891, D.P .11392,1.368;
Casso cnm, 5 janv, 1957, Bull. crim. n')9. p. 27. V. également Casso crim. 5 fé...r. 1948, S. 1941U,147; Casso corn. 3 nov.
1967, D.1968, som.aô.

242
dépôt que le banquier à qui le client remet des choses (deniers ou effets à réaliser)(714)
affectées d'avance à un opération de paiement déterminée, reçoit ces choses(715).
300 - Deuxièmement, la séparation existant entre la banque qui reçoit les choses remises
par les clients et la personne (préposé Ou fondé de pouvoir de la banque) susceptible d'être
l'auteur du détournement incriminé, exclut, selon nous, le jeu de l'article 408 du Code pénal,
lequel tend à ne sanctionner que eeux qui, en qualité de mandataire. de dépositaire etc. ont
reçu puis détourné ou dissipé certaines choses. Or dans les cas que nous envisageons, la
personne qui aura reçu les choses en vertu des contrats précisés plus haut (mandat et dépôt. en
l'occurrence) n'est pas celle (le préposé de la banque) qui les aura par la suite détournées. Pour
admettre la solution contraire, il faudrait considérer. soit que le délinquant a agi au nom de la
banque et sous son couvert (ce qui est peu probable, en réalité) de sorte que la responsabilité
pénale de la banque, personne morale, se trouve en cause, soit que la banque est pénalement
responsable du fait (même intentionnel) de son préposé(716\\ ce qui n'est pas admis en droit
positif, sauf. toutefois. pour les infractions dites matérielles, généralement sanctionnées par
des amendes, sans considération de l'intention de leur auteur(717).
(714) Lorsque les choses remises sont des effets à réaliser, le complexe de contrats Cl-dessus évoqué se trouve enrichi d'un
autre mandat dont l'objet est soit la vente, soit rencaissement de l'effet concerné.
(715) Comparer, pour une qualification identique dans le domaine des opérations de bourse, Casso crim. 22 févr. 1935 précité.
Gaz. Pa1.1935. L.514; D.H.1935.112. On peur y lire que "le banquier chargé de t'exécution d'un ordre de bourse esl lenu par
là même des obiigauons de mandataire au nom du cliens et doit nolammenl, dès la re-trée du Jilre l'individualiser au nom du
client pour ëtre remis à alui-ci ou conservé dans son dossier personnel: ... rie même. est en principe un dépositaire. le
banquier auquel est remis un litre en couver/ure d'opérations à effeauer à ternie",
(7Hil En réalité, e'est l'auteur du détournement qui, en droit positif, sera personuellemem poursuivi et non la banque,
conlonnémenr à la règle dl'la personnalité des peilles en droit pénal. Certes, eette règle connaît des e xeeptions et l'on admet
de plus en plus le principe d'Une responsabilité pénale du cher d'entreprise du fait de ses préposés. Mais ce principe n'est pas
général et cette responsabilité pénale du fait d'autrui se limite aux cas précis où un texte de loi ou une décision de justice J'ont
instituée. Sur t'ensemble de la question v. notamment Gaston Slefani, Georges Levasseur. et Bernard Bouloc. droit pénal
général. Précis Dalloz, 14è éd.{l992), n'281 et s., p_ 24--4 el s. Ce problème doit tontefois être distingné de celui, différent, de
la responsabilité pénale des personnes morales, dont l'objet es! de réprimer les actes accomplis par le préposé 0\\.1 les organes
d'Une entreprise au nom et sous le couvert de celle-ci. Sur J'ensemble de la qnesuou voir notarnmem Gaston Stefani,
Georges Levasseur et Bernard Bouloc, op. (;11.. Il '307 et s., p.261 et s.; Mireille Detmas-Marry. Droit pénal des affaires, 3è
éd" Thémis 1990, vol.l , p.IOS el s. En matière bancaire, plus spécifiquement. v, Ch, Gavalda. Responsabilité
professionnelle dn banquier: contribution à la protection des clients de Banqne. sous la direction de Ch. Gavalda, Economica
1978, 1J':!8 et s., p.6.5 et s.
(7171 V. not. Casso crim. 24 déc. IB64. S.1866.1.4ft4; Casso crim., 6 man [958, D.1958.465; Cass. crim. 25 avr. 1968, lep.
1969.1LI6100, note ~arc Puech. Adele Gaston Stefani, Georges Levasseur et Bernard Bouloc, op. c.it.. n"312 p.lM.

243
301 - De J'ensemble des développements qui précèdent, se déduit aisément la
conclusion que Je délit d'abus de confiance qui a normalement vocation à être appliqué au
banquier qui se charge de payer les chèques émis par ses clients, ne pourra l'être, en réalité,
parce que ses conditions d'existence se trouvent difficilement réunies dans le cadre de ce
mandat particulier. C'est, sans doute, ce qui explique qu'aucune décision de justice n'ait
jamais eu à condamner (à notre connaissance du moins) un banquier tiré (ou son préposé)
pour abus de confiance, dans ce domaine précis.
Ce n'est peut-être pas sur le terrain de la responsabilité pénale que se trouve le plus
affirmée la qualité de mandataire du banquier qui, en tant que tiré, se charge de payer les
chèques émis par ses clients, Mais cette qualité n'est pas pour autant démentie sur ce terrain
car si l'abus de confiance ne trouve pas à s'appliquer en matière de mandat confié par le biais
d'un chèque, cela n'est pas dû à la défaillance de la condition ayant trait à la nature du contrat
en cause, mais plutôt à des raisons tenant à la particularité de ce contrat, tant en ce qui
concerne
son
mode
de
formation
(formation
subordonnée
à l'émission
d'un' titre,
postérieurement à la remise des fonds appelés à servir à l'exécution de la mission), qu'en ce
qui concerne son mode d'exécution (exécution par une personne physique agissant pour le
compte d'une personne morale, véritable cocontractante).
302 - Au départ de ces développements consacrés à l'analyse de la qualification de
mandat reconnue au chèque bancaire, tant par la jurisprudence que par la majorité des auteurs,
nous nous étions fixé comme objectif, afin de vérifier la rectitude de cette qualification, de
mettre au jour les fondements de celle-ci, ainsi que ses manifestation concrètes, à travers les
différentes composantes de la situation juridique du banquier tiré. A l'issue de cette étape
s'impose la conclusion très nette, non seulement que le chèque constitue bien un mandat, mais
. aussi (ceci étant la conséquence de cela) que le régime juridique de cet effet et, surtout, la
situation juridique du banquier tiré se trouvent, pour l'essentiel. en harmonie avec cette
qualification. Deux observations permettent de s'en convaincre définitivement:

244
303 - Premièrement, la mission du banquier tiré, librement consentie(718\\ sur la base
d'un contrat, consiste bien en l'accomplissement d'actes juridiques de paiement réalisés au
nom et pour le compte du titulaire du eompte(719) dont les fonds sont engagés par J'action su
premier. Il en résulte notamment une obligation pour celui-ci, non seulement d'exécuter le
plus fidèlement possible les instructions de son cocontractant, mais aussi de respecter, en sens
inverse. tout contrordre, même illicite de ce dernier. De cene conséquence fondamentale du
mandat. la réglementation du chèque tient compte. En effet, malgré les principes, importants
en la matière. du transfert de la propriété de la provision et de l'inopposabilité des exceptions
et leur corollaire, le principe de l'irrévocabilité du chèque, le banquier tiré demeure. au regard
de la loi. soumis à la volonté de son client et doit, en conséquence. respecter les oppositions
au paiement, même illicites que celui-ci lui adresserait, sans qu'il lui soit permis d'invoquer,
pour justifier la méconnaissance de l'ordre contraire de celui-ci. le droit direct dont dispose
contre lui, de par la loi, le porteur du chèque et qui le rend également débiteur (de la
provision) vis-à-vis de ce dernier. li ne pourrait régulièrement passer outre à cette opposition
que sur le commandement de l'autorité publique(720).
304 - Deuxièmement. l'émission régulière d'un chèque fait peser sur le banquier tiré.
comme sur tout mandataire. deux obligations principales: l'obligation d'exécuter correctement
la mission confiée, en l'occurrence l'obligation de payer sans délai le chèque présenté, dès lors
qu'il est régulier, et l'obligation de rendre compte de cette exécution à son client. L'obligation
de payer qui, en réalité, se déroule en deux temps. impose au tiré une diligence plus ou moins
forte selon le stade qu'on prend en considération.
S'agissant de la décision de refuser ou non la prestation promise, le banquier tiré,
comme tout mandataire. est tenu d'une obligation de résultat. Si bien que tout refus de payer
(718) Si 1'0\\1 excepte la situation envisagée pat l'article 58 de la loi n"84-46 du 24 janv. 1984, lequel prévoitqu'une personne
qui, s'étant vu refuser J'ouverture d'uu compte auprès de plusieurs banquiers, ne dispose d'aucun compte. peut obtenir de la
Banque de France qu'elle lui désigne un établissement de crédit ou un établissement assimilé, auprès duquel elle pourra en
ouvrir. Encore que t'alinéa 2 de ce texte permette au banquier ainsi désigné de n'offrir, dans ce cas, qu'un service limité aux
seules opérations de eaissc.
(719) V. supra n"149 et s.
(nu) Sur ces points. v. supra u'153 el 0"\\75 et s.

245
un chèque régulier fait présumer sa faute(721) et engage sa responsabilité tant à l'égard du
tireur que des tiers.
S'agissant par contre de l'exécution proprement dire, le tiré n'est tenu, à l'instar de tout
mandataire, que d'une obligation de prudence et de diligence, lui imposant de mettre en
oeuvre LOus les moyens propres à éviter un paiement irrégulier. De ce point de vue sa
responsabilité est subordonnée à la preuve d'une faute préjudiciable lui incombant. Cette faute
peut consister à avoir payé sans prendre en considération la situation juridique de I'accipiens,
ou à avoir payé malgré la révocation de l'ordre par le tireur, ou encore à avoir payé alors que
le chèque était apocryphe, soit qu'il ait été totalement faux (dans ce cas il n'a pu exprimer
aucun ordre du titulaire du compte), soit qu'étant un chèque vrai, mais falsifié par le suite, le
solvens n'a pu déceler les marques d'altération pourtant visibles.
305 - Sur le terrain particulier des chèques apocryphes, on doit noter tc rôle que peut
jouer la théorie du mandat apparent qui, quoique peu souvent invoquée cn pratique, peut
conduire, si ses conditions sont réunies (à savoir la croyance légitime du prétendu mandataire
en l'existence d'un mandat et la participation du supposé mandant à la création de
l'apparence), à faire supporter au titulaire du compte la charge du paiement du Chèque faux.
Ainsi s'explique également, à bien y réfléchir, la soiurion qui consiste à tenir pour libéré le tiré
qui a payé un chèque dont la falsification n'était pas décelable à première vue.
Par le recours à la notion de mandat apparent, pourraient sc trouver justifiées, par une
seule et même théorie, sans qu'il faille recourir à l'idée de risque avancée par certains(722),
les solutions aujourd'hui acquises à propos des chèques apocryphes dans leur ensemble, qu'il
s'agisse des chèques totalement faux ou de ceux qui sont seulement falsifiés. En effet, de
même que l'apparence peur conduire. dans certains cas (cas où le comportement du titulaire
du compte a facilité la fraude), à mettre à la charge du titulaire du compte, mandant apparent,
le règlement d'un chèque faux, de même pourrait-on justifier par la théorie du mandat
apparent la solution actuelle qui consiste à imputer au tireur d'un chèque dont la falsification
(72t) V. supra n'211 el n'222.
(722) V. par exemple H. el \\1. Cebrtuac. op. cir., n'J24 p. [76; Ch. Gevalda el 1. Stoufflcr. Droit du crédit précité, 1,2.
11°229, pp.330 et 331.

246
n'était pas décelable à première vue, la perte résultant de son paiement. Il ne serait plus
indispensable, dans une telle conception, de faire une distinction, critiquée par certains (723),
entre les chèques faux et les chèques falsifiés. En présence d'un chèque réputé apocryphe (que
le faux soit total ou seulement pamel), le rôle du juge consisterait à se prononcer sur
l'existence d'un mandat apparent ou non. A ce propos, il convient de noter qu'en ce qui
concerne les chèques émis initialement par le titulaire du compte, la signature vraie du tireur
ne peut qu'être regardée comme une circonstance ayant contribué à créer l'apparence
trompeuse. Si bien que dans tous les cas où la croyance du tiré en l'existence réelle du mandat
pourrait être considérée comme légitime (ce sera le cas notamment lorsque la falsification
n'est pas apparente). le tireur devra être maintenu dans les liens du mandat supposé et, en
conséquence, contraint de subir la perte consécutive au paiement irrégulier.
306 - Quoi qu'il en soit, dans tous tes cas où l'existence d'un mandat est admise, que ce
mandat soit réel ou seulement apparent, ta pene qui résulte du règlement, par le tiré. d'un
chèque apocryphe. incombe au tireur, si aucune faute n'est imputable au premier, par
application de l'article 2000 du Code civil. Sous l'éclairage des développements qui précèdent,
l'article 35 alinéa 1er du décret-loi du 30 octobre 1935 qui dispose que "celui qui paye Ull
chèque salis opposition est présumé valablement libéré" apparaît, lorsqu'il s'applique au
banquier tiré. comme un simple rappel, semble-t-ü(724), des conséquences normalement
attachées à la qualité de mandataire de celui-ei(725). Le bien fondé de la qualification du
chèque en un mandat de payer donné par le tireur au banquier tiré ne peut donc être mis en
doute, ainsi qu'il ressort des pages précédentes.
Mais, en même temps qu'il consacre. dans la réglementation du chèque, les principes
découlant de la nature juridique qu'il a lui-même reconnue à ce titre de paiement (cf article
1er du décret-loi du 30 octobre 1935), le législateur, soucieux du renforcement de la position
des preneurs de ce titre, y a introduit. au fil des années, des dispositions spéciales
(723) V. J, Dupichor. nore précitée, sous Versailles 18 oct. 1979, Gal. PaI.l980.1.39::!. spécialement p. 396. in fine. V.
également supra note n'5!:H.
(724) Sur l'ambiguïté de l'article 35 alinéa l cr. v. supra n"204 et s.
(725) V. supra n0203 et s.

~47
délibérément dérogatoires au droit du mandat L'analyse du chèque en un mandat s'en est
trouvée du coup limitée.

248
SOUS-SECTION II. LES LIMITES DE LA QUALIFICATION DE MANDAT
RECONNUE AU CHEQUE.
307 - Si l'on excepte les dispositions d'ordre carnbialre (non applicables, au demeurant,
au tiré en tant que tel), on peut relever, dans la réglementation du chèque. un certain nombre
de règles qui suscitent la remise en cause de la qualification de mandat habituellement
reconnue à ce titre. Ces règles qui, à l'analyse, fixent les limites du mandat du banquier tiré,
sont issues de textes que l'on peut classer en deux groupes: d'une part, les textes relativement
anciens, édictés dans Je but d'assurer au porteur éventuel un droit direct ct personnel sur la
provision de l'effet (A), et d'autre part, les textes, beaucoup plus récents, qui, cherchant à
prévenir les émissions de chèques sam provision, imposent au banquier tiré des obligations
spéciales débordant le cadre du rôle que lui assigne sa position juridique (de mandataire) vis-
à-vis du tireur (B).
§I. LE DROIT DIRECT ET PERSONNEL DU PORTEUR SUR LA PROVISION
DU CIIEQUE.
308 - Le mandat, on le sail, est un contrat. li ne peut, en conséquence, produire ses
effets qu'entre les parties contractantes, le mandant et le mandataire, sans qu'en principe les
tiers aient à en souffrir ni même à en profiter (sauf en cas de stipulation pour autrui) (cf.
articles 1165 et 1121 du Code civil). Le mandat est, d'autre part, représentatif par essence. Il
en résulte que le mandataire, qui intervient au nom du mandant, ne s'engage pas
personnellement vis-à-vis des tiers, et ne peut, en conséquence, se voir réclamer l'exécution
du contrat par ceux-ci. De ce double constat il se déduit que l'analyse du chèque en un mandat
de payer, confié par le tireur au banquier tiré, devrait conduire, au plan des rapports entre le
porteur et le tiré, à retenir les deux propositions suivantes:

249
Premièrement, le banquier tiré, qui est le représentant du tireur, est nécessairement un
tiers par rapport au porteur et est pour cela, "à l'abri, sinon de l'opposabilité, du moins de
l'effet obligatoire du contrat,,(726) liant le porteur au tireur.
Deuxièmement (et ceci découle aussi de la proposition précédente), il ne saurait exister
de lien de droit direct entre le tiers-porteur du chèque et le tiré-mandataire, en dehors de toute
acceptation, fût-elle tacite, de la part de ce dernier.
309 - Pourtant c'est dans un autre sens que tranche le décret-loi du 30 octobre 1935, en
adoptant, en son article 17, le principe de la transmission au porteur de la propriété de la
provision du chèque. Ce principe trouve son prolongement dans celui de l'irrévocabilité du
chèque qui découle de l'interdiction faite au tireur de s'opposer (en dehors de certains cas
particuliers) au paiement d'uri chèque régulier (cf. art. 32, al. 2, nouveau, du décret-loi de
1935), ainsi que dans les dispositions de l'article 33 du décret-loi du 30 octobre 1935 d'après
lesquelles "ni le décès du tireur IIi son incapacité survenant après l'émission ne touchent aux
effets du chèque,,(72 7l.
Le principe de la transmission de la propriété de la provision du chèque justifie encore,
selon nous, l'opposabilité, au tiré (pourtant non tributaire des effets cambiaires du chèque),
des règles de nature cambiaire issues des articles 22 (instituant la règle de l'inopposabilité des
exceptions)028) et 44 alinéa 1er (affirmant que toutes les personnes obligées en vertu d'un
chèque sont tenues solidairement envers le porteur) du décret-loi du 30 octobre 1935(729).
(726) V. Daniel veaux, Effets des conventions à l'égard des liers,juri;;claS5eur civil. article 1165, f3SC. 1, n'60. V. également
n'54.
l727) V. cependant Gilles Encree. jurisclesseur commercial, fa~e.5D5. n"9O. qui, à propos de la relation habituellement faire
entre le principe du transfert de la provision du chèque ct la survivance des effets du chèque malgré le décès. l'incapacité ou
même la ..faillite .. du tireur. déclare qu'en réalité Niln'esl pas besoin de la règle criliqllabh' de la transmission dt! la provision
pour justifier ces sotutions..L'irrevocobilité du chèque suffu. à elle seule, à jUSlijif'f le paie,.,ent du chèque malgré la
survenance d'évènements graves en fa personne du tireur", Cette opinion ne nous paraît toutefois pas fondée. dans Ia mesure
où elle repose sur une mau...aise appréciation de la portée véritable de la règle de I'irré...ocabilité du chèque. V. supra n'I"1~ et
s. et références citées.
(728) V. cependant G. Endréo. op. cit., r:86, qui affirme que I'mcppcsahilité des exceptions ne joue pas à l'égard du tiré,
puisqu'il ne peut accepter le chèque.
('729) S'il est vrai que l'engagement que prend le banquier ....is-a-vis de ses clients, de payer les chèques qu'ils émettent. n'est
pas de nature cambiairc, il n'en demeure p~l moins que la mission acceptée évolue dans une ambience cambiairc (du fait du
régime Juridique particulier de l'effet qu'il esr appelé ~ régler) qui ne pouvait que reLefllir sur sa propre sirnaticn juridique.
Aill,i se retrouve-t-il au nombre des personnes obligées en vertu du chèque et, en conséquence. tcuu, en tant que telle. de son
règlement, solidairement avec les autres obligés (.... art. 22 el 44, combinés, du décret-loi du 30 oct. 1935 sur le chèque).

250
310 - Que le processus de paiement déclenché par l'émission d'un chèque ait été décrété
irrévocable par le législateur, ou que les effets du chèque doivent, de par la loi, survivre au
décès, à l'incapacité ou à la «faillite- du tireur. survenant après l'émission, cela ne constitue
pas, à vrai dire, une cause de négation de la qualité de mandataire du tiré. Il est en effet admis.
d'une part, que la révocabilité de principe du mandat n'est pas d'ordre public, et qu'un mandat
peut être déclaré irrévocable sans cesser pourtant d'en être uo(730). D'autre part, le caractère
viager du mandat admet des dérogations autorisant, dans certains cas, J'existence de mandats
post-mortem sans que pour autant la nature du contrat en soit modifiée(73l). De même, en
dehors du décès, le changement dans l'état ou la capacité du mandant peut quelquefois laisser
subsister le mandat(732).
311 . D'un autre côté, l'existenee d'un lien d'obligation entre le tiré-mandataire et le tiers
porteur, par suite de l'attribution à ce dernier d'un droit direct et personnel contre le premier,
quoique contraire à l'effet normal du contrat de mandat, n'est pas inconcevable dans ce
contrat.
Il est
admis,
en effet,
qu'un
mandataire
peur,
s'il
le
souhaite,
s'engager
personnellement à l'égard des tiers avec qui il traite pour le compte de SOn mandant,
notamment en se ponant fort de l'exécution par ce dernier de la convention pour laquelle il
sert d'intermédiaire. L'obligation qu'il assume de cette manière, à l'égard des tiers, ne lui retire
pas pour autant la qualité de mandataire. C'est dire qu'un mandat dans lequel le mandataire
s'obligerait à l'égard des tiers n'est pas inconcevable(733).
312 - L'ennui, dans le cas du banquier tiré qui nous occupe, c'est que le consentement
du mandataire, qui doit être à l'origine de la naissance de ses obligations envers les tiers, fait
(7JO) v. par ex. Ph. Malaurie el L. xynës, Cours de Droit Civil, Les contrats spéciaux. précité.n'Sôô et e. p.179 et s; li., L
et J. Mazeaud. Principeux contrats, précité, n"1420-2 et 5., p.874.
(731) v. Ph. Maillurie et L. Aynès, Corus de Droil Civil, Les contrats spéciaux, précité,n"551 et 5", p.176 el s., H., L el J.
Mazeaud, Principaux contrats, précité, n"1424 et s., p.878 el s. V. également, pour un exemple de responsabilité d'une
banque, dans l'exécution d'lin mandat post-mortem. Casso civ. 1ère 28 juin L988, 0.1989.181, nole Ibrahim Na,ijar.
(732) René Rodiere, Enc. jur Dalloz- rép. dr. civ. précité. n"392 cl 393; égal. Ph. k Tourneau, Ene. jur. Dalloz, rép. dr. civ..
2f éd .. lV, ~. Mandat (199::!), n"386.
(733) V. Casso eiv. g mai 1872. D.p.lBnI.34l!; Casso Teq.} mci 1893,02.1893.\\.567; Trib. civ. Sen-e, 12 févr. 1901. el sur
appel, Pari. 3 déc. 1902, D.P.19001.2.4J B.

251
défaut puisque c'est la loi qui impose cette situation qui, au surplus, n'est pas nécessairement
souhaitée par le tireur-mandant. Or il ne saurait y avoir de contrat de mandat là où toutes les
obligations assumées par chacune des parties ne sont pas issues d'une convention dont elles
ont été les aUieurs(734). Certes, il ne serait pas absurde de soutenir qu'avant d'accepter de
fournir un service de chèques, le banquier a pris conscience des obligations qui seront les
siennes, de sorte que sa décision d'y répondre favorablement puisse être regardée comme
exprimant l'acceptation tacite, par lui, des conséquences préréglées par le législateur. Le droit
direct du porteur du chèque contre le tiré, corollaire du droit personnel de celui-là sur la
provision, pourrait ainsi être considéré comme entrant dans le champ du mandat dont se
trouve investi Je banquier tiré, par l'intermédiaire de cet effet.
313 - Mais la spéciosité d'une telle argumentation apparaît lorsque l'on cherche à
apprécier le degré de liberté de choix laissée au banquier en cette matière. Voudrait-il, en
effet, éviter, dans certains cas, les conséquences de ce droit attribué par la loi au porteur du
chèque, que le caractère généralement impératif de la réglementation de ce titre ne le lui
permettrait d'aucune façon(735). A vrai dire, le banquier qui ne souhaiterait pas se trouver lié
à l'égard de tel ou tel porteur particulier, à l'occasion du service de chèques de son client,
n'aurait pas d'autre choix que de refuser [out simplement, à ce dernier, l'usage des chèques
autres que ceux servant à un retrait de fonds, par le tireur lui-même, à ses guichets. Car de
deux choses l'une: ou il accorde à son client le droit d'émettre des chèques ordinaires (à
travers la délivrance d'un chéquier notamment) et il s'expose, ipso facto, à l'éventualité d'être
lié à l'égard de tous les tiers-porteurs de ces effets (sauf mauvaise foi de leur pan), ou il ne
désire pas assumer une telle obligation sans distinction et, alors, il doit refuser à son client,
purement et simplement. le service des chèques. Face à une alternative pareille, le banquier,
commerçant de son état, soucieux: par conséquent de développer sa clientèle, sera souvent
(734) v. Planiol et Riperl, op. CiL. I.xI, par R, Savaûer, n'lM!. p.783. On peut lire sous la plume de ces auteurs. 11 propos
notamment du mandat dit légal, Que "c'est par 1/11 abus de langage qu'on parle alors de mandas, puisqu'il /l'y a pas de
comrai.faiue de conscnlemenr des intéresses", V. également Ph. Mateurle el L. Aynh, Cours de Droit Civil, Les contrats
spéciaux, préciré.n '540. p.268: H., L el J. Mazeaud, Principaux contrats, précité, n01384. p.849, cl n'1389, p.852.
(735) L~ tiré ne pourrait en effet, limiter velublernent ses obhgarions (notamment par le biais d'une mention sur le rille) l
l'égard des tiers.

252
amené à faire le choix que lui dictent ses intérêts (à savoir celui de la délivrance des chéquiers
demandés), quitte à devoir subir, à contre coeur, le désagrément que constitue la prise en
charge involontaire d'obligations vis-à-vis des tiers. On ne peut honnêtement prétendre qu'un
choix opéré dans de telles conditions exprime un consentement librement donné.
314 - Le défaut de consentement du tiré-mandataire, relativement à la mise à sa charge
d'obligations à l'égard des tiers-porteurs de chèques émis par son client, constitue un obstacle
sérieux à la justification du régime juridique du chèque par le mandat, et révèle, du même
coup, les limites de la qualification habituellement admise à propos de cet effet.
C'est à une constatation identique que conduit l'étude des mesures spéciales édictées par
la loi française n·75-4 du 3 janvier 1975 (incorporée au décret-loi du 30 octobre 1935) pour
prévenir et réprimer les émissions de chèques sans provision, d'où résultent, pour le banquier
tiré. des obligations d'un type nouveau, jamais rencontrées auparavant dans le cadre d'un
contrat de mandat.
§ II. LES OBLIGATIONS SPECIALES DU TIRE EN MATIERE DE LUTTE
CONTRE LES CHEQUES SANS PROVISION.
315 - La réforme de la réglementation du chèque issue de la loi française n" 75-4 du 3
janvier 1975 (et poursuivie par la loi n091-1382 du 30 décembre 1991), en même temps
qu'elle révélait une volonté très nene de dépénalisation des émissions involontaires de
chèques sans provision, marquait un tournant important dans les méthodes dc lutte contre ce
type d'effet. L'originalité du système de prévention el de répression des chèques sans
provision a consisté à faire du banquier tiré un agent essentiel de la nouvelle politique
adoptée. Le banquier tiré se trouve ainsi, par le fait de la loi, en charge d'obligations
supplémentaires qui, pour la plupart. ne peuvent être considérées. d'aucune manière, comme
ayant leur source dans la convention de tirage de chèques existant entre le tiré et le tireur. Ces

253
obligations, dont t'objet dépend de la survenance. ou non, d'un incident de paiement(736) (1),
sont, pour la plupart assorties de sanctions civiles ou pénales plus ou moins lourdes (2).
1. L'OBJET DES OBLIGATIONS SPECIALES DUTIRE.
316 - La loi du 3 janvier 1975. dans le souci de supprimer l'incrimination des émissions
sans provision pour (es «petits chèques», statistiquement plus nombreux:(737\\ met, à la
charge du banquier tiré, une obligation de payer les chèques d'un montant inférieur ou égal à
cent francs (a). Dans le même temps, pour les chèques d'un montant supérieur, tout refus de
paiement pour absence ou insuffisance de provision crée, pour celui-ci, l'obligation, en
l'absence de toute régularisation ultérieure de l'incident, de mettre en oeuvre la procédure
d'interdiction prévue par les textes (b).
a. L'obligation de payer les chèques d'un montant inférieur ou égal à 100 francs.
317 - Aux termes de l'article 73-1 du décret-loi du 30 octobre 1935. "le tiré doit
obligatoirement payer nonobstant l'absence ou l'insuffisance de provision, tout chèque établi
5/1r une formule délivrée par lui d'un montant égal ou inférieur à 100 F", Cette obligation
légale de garantie des «petits chèques» mise à la charge du tiré étant peu orthodoxe tant au
regard de la convention de Genève(738) qu'au regard du mandat dont est investi le banquier
visé(739\\ le législateur s'est empressé, dans le même texte de l'article 73-1, d'en indiquer le
(136) Quoique celte expressron puisse être définie, de manière très large, comme tout refus de paiement d'Un chèque, quelle
que soit sa cause (v. Michel Jeantln. op- ci r. Il'99. pA91. on doit la recevoir. duns le cadre qui nous occupe, dans son sens
technique de refus de paiement d'un chèque dontla provision est absente en tout ou partie (v, Bernard Maubru, l'incident de
paiement d'un chèque, D.1977 .279 el s.. n'4).
(1J1) V, André Varinard, Hervé Croze el Jacques Proutet, A propos de III loi n'75-4 du 3 janvier 1975 "un essai de
dépénalisation sans risque? R.T.D.CoIll.1976.307, spécialement n'3,
(138) La convention de Genève de 19J1 sur le chèque interdit, en effet. toute mesure qui aboutirait à donner au chèque une
valeur égale à la monnaie ayant cours légal. C'est uinsi que l'acceptation et l'aval du chèque par le tiré sont interdits.
(139) C'esi. cn effet, au mandant qu'il appartient de fournir les fonds nécessaires à l'exécution du mandat. En conséquence, ne
pourrait être déclaré responsable, le mandataire qui n'aurait pas accompli sa mission. faure de n'avoir pas reçu du manüant Ies
fonds nécessaire" V. Baudry-Lacanünerte el Wahl, op- ci!', I.XXIV, n'591l, p.316.

254
fondement: "le titulaire du compte et le tiré [sont} en ce cas réputés légalement avoir conclu
lors de la délivrance
de la formule
une convention portant ouverture de crédit
irrévocable"(7 40).
Ce fondement indiqué par le législateur vise à faire entrer l'obligation de garantie des
petits chèques dans le champ de la convention de tirage de chèques existant entre le tiré et le
tireur. Ainsi. serait justifié par la théorie du mandat, Je paiement systématique, par le banquier
tiré, des chèques émis à l'aide de formules qu'il a fournies et n'excédant pas cent francs. Il
n'est pas impossible, en effet. qu'un mandataire chargé d'effectuer des paiements soit amené,
pour l'accomplissement de sa mission, à faire l'avance des fonds nécessaires. si telle est sa
volonté. Il n'y aurait pas lieu, dans un cas pareil, de remettre en cause la qualité de mandataire
de l'auteur du paiement, dans la mesure où le principe de ces avances aura été convenu entre
les parties contractantes.
318 - En ce qui concerne les «petits chèques» qui nous occupe, cela ne semble pas être
le cas, car en dépit du fondement donné par la loi, on ne peut réellement soutenir que le
banquier paye parce qu'il a consenti librement à faire crédit à son client; cela d'autant moins
que la loi ne lui ouvre aucune possibilité de manifester sa désapprobation. La loi prend soin,
en effet, de préciser que ses dispositions sont d'ordre public. Cene absence de consentement
du tiré constitue un sérieux obstacle à la justification par le mandat du paiement des «petits
chèques», l'existence d'une convention véritable étant la condition indispensable à la présence
d'un mandat(74l). En effet, l'article 1984 du Code civil soumet la formation de tout contrat de
mandat à l'acceptation du mandataire. Cette acceptation ne peut être considérée comme
acquise lorsqu'on se trouve, comme dans le cas analysé. dans le cadre d'un «contrat forcé».
319 - Il faut donc admettre, à la suite de ces remarques. que le mandat, que constitue
d'ordinaire le chèque, ne peut plus être invoqué dans les hypothèses où le tiré est amené à
(740) Il convient de souligner cependant que l'obligation du tiré, résultant de ce texte. est soumise 11 une prescription
exceptlonnellcrnent brève (un mois, à compter de 111 dale d'émission). D'aune part, cette obligation ne s'impose pas lorsque le
motif de rejet du chèque n'Cst pas l'absence ou l'insuffisance de provision.
(741) V. Ph. Malaurie et L. Aynès, Cours de Droit Civil. Les contrats spéciaux. préciLé,lI'54l. p.252; H., L et J, Mazeaud,
Principaux contrats, précité, n' 1384, p.849 el u'1392, p.1l56.

255
j'honorer sous la contrainte de la loi, alors même que la position du compte du tireur ne le
permet pas.
On pourrait peut-être. pour prendre le contre-pied de cette opinion. soutenir que, somme
toute, en délivrant un carnet de chèques à son client, le banquier qui n'ignore pas la loi,
s'attend à l'éventualité d'avoir à faire crédit à celui-ci pour tous les chèques qui n'excèdent pas
cent francs et que, de ce fait, il aurait manifesté tacitement son accord sur le principe même
de cette ouverture de crédit en acceptant de donner une suite favorable à la demande de
chéquier faite par le client.
Mais peul-on vraiment nier que ce consentement (à supposer qu'il existe) n'est pas libre
en réalité, le banquier tiré n'ayant d'autre alternative que de céder à la contrainte exercée sur
lui par le législateur, soucieux qu'il est, généralement, d'éviter toute politique de sélection
susceptible de lui faire perdre inutilement des clients(742)?
320 - A dire vrai, l'ouverture de crédit systématique dont bénéficient pratiquement tous
les clients des banques, en garantie des chèques n'excédant pas cent francs, n'est pas (ou pas
toujours) due à la volonté de celles-ci, mais plutôt à la décision autoritaire du législateur. La
preuve en est que le législateur lui-même, craignant que les banquiers ne cherchent. d'une
manière ou d'une autre, à échapper aux effets de la loi, a pris soin d'interdire toute velléité de
ce genre, en déclarant que ses dispositions sont d'ordre public. On ne peut mieux affirmer le
caractère forcé (et, par conséquent, non conventionnel) de l'obligation du débiteur visé et faire
apparaître, par la même occasion, la contradiction qu'il y a à obtenir un acte par la contrainte
et à situer, dans le même temps. cet acte dans le cadre d'un contrat. Assurément, le paiement,
par le banquier tiré, des chèques de ses clients n'excédant pas cent francs ne se situe pas dans
le cadre du mandat que confère d'ordinaire l'émission d'un chèque, en dépit de l'affirmation de
la loi, visant à placer cet acte sur le plan des relations contractuelles existant par ailleurs entre
ceux-cl.
(742) Face à c<: crédit forcé. le banquier tiré pourrait légitimement être conduit Il exiger de ses clients (ou de eenains d'entre
eux seulement), préalablement à toute délivrance de chéquier. la constitution d'uu dépôt de garantie. éventuellement égal au
montanttotal du crédit forcé auquel cette délivrance l'expose: c'est-à-dire le nombre de feuillets délivrés multiplié par 100 F
(1500 F pour un carnet dt 25 feuillets; par exemple}, Sur ce point. v. F. Derrida, Le nouveau régime des chèques sans
provision, D.1976.203 ct s., 11'62.

Si malgré l'effort du législateur pour donner à l'obligation du banquier de payer les
«petits chèques» une nature conventionnelle. ce dernier ne peut prétendre à la qualité de
mandataire à l'occasion de ce service, ce n'est pas au moment du déclenchement de Ja
procédure
d'interdiction d'émettre
des
chèques.
quand
il
fait figure
de «seigneur-
justicier»(743) qu'il le pourrait. Ce rôle ne sied pas du tout à un mandataire; d'autant moins
que les sanctions qu'il est appelé à prononcer sont dirigées contre le supposé mandant.
b. L'obligation de mettre en oeuvre la procédure d'interdiction d'émettre des
chèques.
321· Le système de prévention et de répression des chèques sans provision, institué par
la loi du 3 janvier 1975 a consisté. essentiellement, à mettre à ta charge du tiré, en plus de
l'obligation impérative de payer, nonobstant l'absence de provision suffisante, les chèques
d'un montant égal ou inférieur à cent francs, trois obligations différentes, dont la naissance est
subordonnée à la survenance d'un incident de paiemcnt(744).
322 - En premier lieu, le banquier tiré, aux termes de l'article 65-3 (al. 1er). doit. dès
lors qu'il a refusé le paiement d'un chèque pour défaut de provision suffisante. adresser au
titulaire du compte, une injonction, I'invirant à ne plus émettre, à compter de l'incident de
paiement. des chèques ordinaires (c'est-à-dire des chèques autres que ceux qui sont certifiés
ou ceux qui servent à un retrait de fonds au guichet de la banque) er à restituer, à tous les
banquiers dont il est le client, toutes les formules de chèque en sa possession et en celle de ses
mandaraires(745). Ces derniers doivent également être informés par le banquier de la sanction
frappant leur mandant. Le même texte prévoit, néanmoins, une possibilité pour le tireur de
régulariser l'incident. Pour cela le tireur doit justifier qu'il a réglé, directement au porteur le
(743) M. Mirh~l Cabrtnac exprimau ainsi. en 1975. sa vision du rôlE auribué au tiré par la loi sur les chèques sans
provision. A ses yeux le banquier fait figure. au regard de celle loi, tantôt de gerant du tireur (en ce qui concerne le paiement
des «peins chèques»), tantôt de seigneur-justicier. c'est-à-dire de juge ct de policier àia fois (v. D.1975.5l el S., n'5 el s.).
(744) Sur le sens précis de cene expression, v. supra 11'315 in fine ct Ilote expticative.
(745) Sur les modalités pratiques de t'injonction, v. décret rJ'92--1-56 du 22 mai 1992 (j.o.R.F. 23 mai 1992; 1.C.P.1992 éd.
E.,III.65514), art.6 et s.

257
montant du chèque impayé, ou a constitué chez le tiré une provision suffisante el disponible
pour son règlement(746). Le tireur doit prouver, en outre, qu'il s'est acquitté, le cas échéant,
de la pénalité libératoire prévue par les articles 65-3-1 ou 65-3-2 du décret-loi du 30 octobre
1935. Cette possibilité de régularisation est soumise, toutefois, à une conditions négative: la
non persistance des effets d'une interdiction judiciaire d'émettre des chèques qui aurait été
prononcée à rencontre du titulaire du compte concerné (cf. art. 68 du décret-loi de 1935).
323 - A la suite de l'injonction qu'il a adressée à son client ou de l'interdiction
prononcée contre celui-ci par un tribunal, le banquier tiré doit, aux termes des articles 65-2 et
68 alinéa 3 du décret-toi du 30 octobre 1935, s'abstenir de délivrer au titulaire du compte ou à
ses mandataires. pendant le temps que dure l'interdiction (jusqu'à dix ans, éventuellement,
dans le cas d'une interdiction bancaire. ou de un à cinq ans dans celui d'une interdiction
judiciaire), des formules de chèque autres que celles qui sont certifiées ou celles qui servent
uniquement à un retrait de fonds au guichet de la banque. La même attitude doit, d'ailleurs,
être observée à l'égard de tout nouveau client se trouvant déjà sous le coup de telles
interdictions (cf. art. 65-2 al. 2).
Ainsi s'explique l'obligation faite aux banquiers de s'Informer, préalablement à la
délivrance d'un chéquier à un ancien interdit de chèques, ou même à un nouveau client, non
seulernent par la consultation des notes d'information diffusées par la Banque de France,
relativement aux nouvelles interdictions bancaires ou judiciaires prononcées, mais aussi et
surtout par l'interrogation directe de cette institution (v, art. 2& et s. du décret du 22 mai
1992).
324 - Enfin, le banquier tiré est invité, dans un délai déterminé(747), à enregistrer tous
les refus de paiement pour absence de provision, survenus sur tes comptes qu'il tient pour ses
clients, puis à déclarer, impérativement (v. art. 72_2° du décret-loi de 1935), à la Banque de
(7<ki) Sur les modalités pratiques de l'exercice de la faculté de régularisation, v, décret n'92·456 du 22 mai 1992 précité, art.
6 er s.
(747) L'enregistrement des incidents de paiement doit en général intervenir au plus tard le deuxième jour ouvrable (le
cinquième s'il s'agit d'une émission en violation d'une interdiction toujours en vigueur) suivant la présentation du chèque (v.
1iI1. 2 du décret du 22 mai 1992). La déclaration des incidents, quant à elle, doit se faire au plus Lard il'. deuxième jour
ouvrable cui...ant le refus de paiement, ou le cinquième jour ouvré suivant le rcfns, s'ils';lgit d'un ehèque émis au mépris d'une
interdiction toujours en vigueur (v. art. 16 du décret du 22 mai 1992).

France, tous les incidents de paiement et les régularisations, de même que toutes les violations
d'interdiction d'émettre des chèques (v. art. 2,18,21 et 22. du décret du 22 mai 1992).
325 - Ces différentes obligations extraordinaires mises à la charge du banquier tiré, ëe
manière autoritaire, lui imposant ainsi un rôle difficilement compatible avec sa position
traditionnelle de mandataire de ses clients tireurs de chèques, sont, au surplus, assorties de
sanctions dont la lourdeur et les conditions de mise en oeuvre dénotent une aggravation
manifeste de la situation juridique du banquier tiré(748).
2. LES SA~'CTIO:'\\S DES OBLIGATIONS SPECIALES Dt TIRE.
Les obligations particulières. exorbitantes du droit commun du mandat, imposées par le
législateur au banquier tiré, dans le cadre de la lutte contre les chèques sans provision, sont
sanctionnées sur le plan aussi bien civil (a) que pénal (b).
a. Les sanctions civiles,
326 - Si l'on excepte les règles de la responsabilité civile (lesquelles ont en principe
vocation à s'appliquer dans toutes les situations où la faute d'une personne a été la cause d'un
dommage subi par une autre), susceptibles d'être invoquées par le tireur ou par les tiers, au cas
de violation, par le banquier tiré. des obligations particulières mises il sa charge par la loi.
dans le cadre de la prévention et de la répression des émissions de chèques sans provision, on
doit citer, au titre des dispositions spéciales destinées à sanctionner, au plan civil. les
obligations exceptionnelles du tiré, les prévisions de l'article 73 du décret-loi du 30 octobre
1935.
(748) Sur les signes de l'aggravation de la situation juridique du banquier ciré, v, M. Cabrülac, Servitude el grandeur
oauccces ou le nouveau droit des émissions de chèques sans provision. D.197S.51 ct s.. n'21 el s.

259
D'après ce texte, en effet, le banquier tiré doit payer, en dépit de l'absence. l'insuffisance
ou même l'indisponibilité(749) de la provision, tout chèque émis au moyen d'une formule
émanant de lui, s'il se révèle qu'il n'a pas respecté les dispositions légales et réglementaires,
l'obligeant non seulement à s'abstenir de délivrer des formules de chèques aux nouveaux
clients, sans consultation préalable de la Banque de France, ou aux clients dont le compte a
précédemment enregistré un incident de paiement. ou à ceux qui sont sous le coup d'une
interdiction judiciaire de chèques. mais, également. de demander au titulaire du compte la
restitution de toutes les formules en sa possession et en celle de ses mandataires. Dans le cas,
contraire. où il a refusé de régler le chèque à sa présentation, le tiré se trouve tenu de payer,
solidairement avec le tireur, non seulement le montant total du chèque, mais également les
dommages-intérêts dus au porteur, en raison du défaut de paiement.
Enfin, pour faciliter la mise en oeuvre de ces sanctions, l'article 73 (al. 5), prenant le
contre-pied des règles habituelles sur la preuve, opère un renversement de la charge de la
preuve (signe supplémentaire de l'aggravation de la situation du banquier) par la précision que
le tiré doit être en mesure, lorsqu'il a refusé le paiement d'un chèque, de justifier qu'il a
satisfait aux prescriptions légales et réglementaires relatives à l'ouverture du compte(750) et à
la délivrance des formules de chèque, ainsi qu'aux obligations légales et réglementaires
,
concernant les incidents de paiement
327 - La sévérité manifestée à l'égard des banques tirées par les dispositions de l'article
73 du décret-loi du 30 octobre 1935 est quelque peu atténuée, néanmoins, par celles de
l'anicle 73-2 de la même loi. Celles-ci prévoient la subrogation du tiré qui a payé un chèque
malgré l'absence, l'insuffisance ou l'indisponibilité de la provision, dans les droits du porteur,
à concurrence de la somme dont il a fait l'avance. Cette subrogation est cependant exclue dans
(749) li faan noter que l'indisponibilité de la provision ne figure pas au nombre des causes de mise en oeuvre de l'interdiction
d'émettre des chèques. Sa prise en compte sur le terrain des sanctions des dispositions relatives à l'interdiction, témoigne de b.
sévérité dont 1 voulu faire preuve le législateur â I'égard du tiré, comparativement au tireur.
(750) Cene exigence est curieuse car aucune des mesures de prévention ou de répression des émissions de chèques sans
provision n'en fait érat, V. cependant la portée qu'en donne M. F. Derrida, loc, ciL, note n'110, Toutefois il convient de
signaler que la loi n'90-614 du 12 juill. L990, relative A la participation des organismes financiers 11. (a lutte contre le
blanchiment des capitaux provenant du trafic des srupéfieats, impose aux établissements de crédit ['obligation de s'assurer de
l'identité du dienl avant toute ouverture de compte (v. art. 12).

260
les cas où le banquier. n'ayant pas payé spontanément le chèque émis dans les conditions
révélant la violation de ses obligations spéciales relatives à la délivrance et au retrait des
formules de chèques, s'est vu imposer le paiement, non seulement de la totalité de l'effet, mais

encore de dommages-intérêts.
Malgré leur lourdeur. (es sanctions ci-dessus évoquées, ont été jugées, par le législateur.
insuffisantes à assurer efficacement le respect des dispositions destinées à juguler l'expansion
des émissions de chèques sans provision. Aussi leur a-t-il adjoint une autre, de nature pénale.
b. La sanction pénale.
328 - Prévue par l'article 72 du décret-loi du 30 octobre 1935, la sanction pénale des
dispositions spéciales de lutte contre les chèques sans provision, se résume en une amende
d'un montant de 2.000 à 80.000 francs. menaçant ta banque
tirée (en réalité son
directeur)(75I), d'une part. lorsqu'elle indique une provision inférieure à celle qui existe en
réalité(752), d'autre part, lorsqu'elle contrevient aux dispositions légales et réglementaires
relatives aux incidents de paiement et à leurs suites.
L'instauration, sur le terrain pénal. de cette sanction, en complément de celles, au
demeurant non négligeables, édictées au plan civil, témoigne de l'importance que le
législateur accorde à la mission confiée au banquier tiré. en matière de prévention et de
répression des émissions de chèques sans provision, La sanction pénale témoigne encore. par
l'exceptionnel alourdissement des obligations des banques tirées (qu'elle contribue à révéler).
du franchissement des limites du mandat que la position de tiré d'un chèque fait présumer
habituellement, pour une banque. Au delà de cette aggravation de la situation juridique du
banquier tiré. c'est, en réalité, le caractère impératif, et même répressif, de la plupart des
(751) v. supra n"294 et la note.
(752) Cene infraction est rendue d'autaru plus possible que l'art, 31 du décret du 3 oct. 1975 (rédaction du décret n"86·78 du
10 janv, 1986) oblige le tiré qui J refusé en tout ou partie le paiement d'un chèque pour défaut de provision suffisante. ),
remettre au bénéficiaire une attestation de rejet de ce chèque. mentionnant l'absence de pro...ision.

261
obligations spéciales du tiré qui, en la matière envisagée, conduit à refuser à celui-ci la qualité
de mandataire.
329 - D'abord, il convient de relever, en même temps que son caractère impératif, la
nature extraordinaire (c'est-à-dire exorbitante du droit commun) du rôle attribué au banquier,
dans le cadre de la répression des émissions de chèques sans provision. En effet, les mesures
spéciales édictées par la loi, dans le cadre de ta prévention et de la répression des chèques
sans provision, visent à oblîger le banquier qui a refusé de payer un chèque tiré sur lui à
prononcer, contre le tireur, la sanction de l'interdiction d'émettre d'autres chèques, à l'avenir.
Cela revient. en réalité, à imposer au banquier el à son client, en dehors de leur volonté. une
suspension plus ou moins longue de la convention de tirage de chèques qu'il ont conclue, Il
est vrai que le tiré dispose de la possibilité, en payant le chèque non provisionné, d'éviter cette
suspension, De sorte que son refus de payer se présente, en soi, comme la manifestation de
son accord pour la suspension de la convention susvisée. Mais, ce choix aux allures de
chantage (epayez ou suspendez vos relations contractuclles») en est-il réellement un? On peut
en douter. Quoi qu'il en soit, l'interdiction de chèque (ainsi que la suspension de contrat
qu'elle provoque) n'a pas son fondement dans un quelconque contrat (défini comme un accord
de volontés duquel découlent certaines obligations) conclu par les personnes concernées, a
fortiori dans un contrat de mandat, d'où dériverait la qualité de mandataire du tiré, en la
matière considérée.
330 . D'autre part, on conçoit mal que dans un contrat de mandat, le mandataire ait le
pouvoir de dicter des ordres au mandant, voire celui de lui infliger des sanctions, qu'elles
soient pénales, ou seulement civiles. L'esprit qui prévaut dans le régime juridique du contrat
de mandat, tel qu'il ressort du Code civil, donne, au contraire, logiquement, au mandant,
maître de la mission à accomplir, un ascendant certain sur le mandataire, relativement à
l'affaire confiée(753). N'est-ce pas, en effet, au mandant qu'il revient de juger de l'exécution
correcte. par le mandataire, de sa mission, et de le sanctionner, au besoin, soit en refusant
d'entériner ses actes, soit en le révoquant? Certes, Le mandataire dispose,lui aussi, du pouvoir
(753) Comparer, PhUlppe Pétel, Les obligations du mandataire, Luec 1988, qui estime que la logique du mandat "imp/iqut
un certain pouvoir de conlrâle permanent du mendant sur le manda/aire",
V. 0'370, p.238.

262
de renoncer au mandat et de celui de mettre en jeu la responsabilité du mandant. Mais il faut
convenir que ce n'est pas là une position de force ouvrant la voie à l'adoption de mesures
répressives contre le donneur d'ordre.
On ne voit assurément pas par quel mécanisme juridique le mandataire. qui tient ses
pouvoirs du mandant, pourrait se trouver investi de la capacité d'administrer des peines à ce
dernier. On doit en conclure que le rôle attribué au banquier tiré, en matière de lutte contre les
chèques sans provision, n'est pas celui d'un mandataire et que, partant, le mandat dont est
chargé celui-ci, par le biais d'un chèque, s'arrête là où commence la mission de police des
chèques confiée à ce même banquier, par les pouvoirs publics.
331 - Si ce rôle particulier attribué (de manière exceptionnelle) au banquier tire est
incontestablement incompatible avec le mandat que comportent, en principe. les chèques, il
n'en demeure pas moins qu'en réalité. la grande majorité des titres émis sont pourvus d'une
provision suffisante, et que la mission du banquier ne se limite. dans ces cas, qu'à opérer (dans
les meilleures conditions de sécurité) le paiement ordonné. sur une base purement
contractuelle. Dans la mesure où ce paiement est effectué au nom et sur les instructions du
donneur d'ordre, par un prélèvement sur le solde (créditeur) de son compte, on ne peut qu'y
voir l'exécution d'un mandat.
• • •
332 - L'émission d'un ordre de virement n'a pas un objet différent. De fait. l'exécution
des virements aboutit finalement au même résultat que le règlement d'un chèque. Elle conduit
au versement. au profit du bénéficiaire. d'une somme d'argent prélevée sur le compte du
donneur d'ordre.
Le rapprochement des deux opérations susvisées est d'autant plus patent que le
règlement du chèque intervient souvent en compte. par le truchement d'un transfert scriptural
de fonds, réalisé entre le banquier du tireur (solvens) et celui du porteur (accipiens) à qui ce
dernier a confié J'encaissement de son titre. Aussi est-ce tout naturellement en un mandat
qu'est aussi analysé, en droit positif, j'ordre donné à son banquier, par le titulaire d'un compte
bancaire. d'opérer un virement de fonds.

263
SECTION II. L'ORDRE D'OPERER UN VIREMENT DE FONDS.
333 - L'ordre de virement est l'acte par lequel le client d'une banque demande à celle-ci
d'opérer un virement, c'est-à-dire un transfert de fonds ou de til:res(754) de son compte vers un
autre compte bancarre(755) dont lui-même ou une tierce personne est titulaire. Pratiquement.
ce transfert sera le résultat d'un simple jeu d'écritures.
334 . Pour l'analyse juridique de cette opération, le droit positif opère une distinction.
désormais classique, entre l'ordre de virement et l'opération de vÏrement(756). Si l'opération
de virement, dont la nature juridique a donné lieu par le passé à des controverses(757\\ est
analysée aujourd'hui, quasi-unanimement, en une remise de monnaie scripturale(758), l'ordre
de virement. en revanche a toujours été regardé comme relevant de la théorie du mandat(759).
335 - De fait, le virement, en sol, est une technique bancaire destinée à effectuer des
mouvements de valeurs entre différents comptes tenus par un ou plusieurs banquiers sans que
leur transport matériel soit nécessaire. Sa mise en oeuvre n'implique pas nécessairement
l'existence d'un mandat. Il n'en va autrement que lorsque cette mise en oeuvre se justifie par
une demande adressée à son banquier par le titulaire d'un compte. Dans ce dernier cas, la
distinction faite entre les deux éléments du virement, à savoir l'opération elle- même et l'ordre
1734) Le virement peut en effet porte! également &'Jr des titres, dès lors qu'ils sont susceptibles de circuler de compte 11.
compte. Il en va ainsi notamment des valeurs mobilières dématérialisées.
(755) Le virement n'est eu effet concevable, \\~galernent. qu'entre deux comptes tenus par un ou deux établissements de crédit.
(756) V. nol. J.·L. Rfves-Lenge. La monnaie scripturale (contribution 11 une étude juridique), Mélanges Cabrillac. L.G.Dl.
1968, p.405 ct s., n'I et s. et n"15; Ho et M. Cabrillac, Le chèque et le virement, précité. n"392, p.214; J,·LoRives-Leage et
Conlamine-Raynaud, Droit bancaire. précité, n0262 er s. p.355, spécialement note n'3: Ripert et Rabiot, op.C'it...l.2 (12~
00.). n"23û8, p.36Û; Didier Martin, Aspects juridiques du virement, Revue de droit bancaire et de la bourse, n"15, sept-oct
1989.p.149.
(757) On a vu dans J'opération de virement tantôt une cession de créance, tantôt une délégation. Pour un exposé rapide de ces
thèses et leur discussion, v. notamment, H, et M, cabnnec. op.cit., n"390et s., p.213 et s.; Ripert et Rabiot, op.cit.. 1.2 (12è
éd.), n02309, p.360 (pour La discussion de la thèse de la délégation); M. Cabrillac el J.,L. Rives-Lange, Bne. Iur. Dalloz,
rép.dr. corn.. 2è éd.. t.v, VO virement. nOl4 er s.; Micbel Jeanun. Droir commercial, Instruments de paiement el de
crédit.Entreprises en difficulté, Précis Dalloz, 2è éd. 1990" n' 177. p.91.
(738) v. Didier Manin. Aspects juridiques du virement, Revue de droit commercial et dc la bourse, n"I5, scpt.coct.l989,
p.1S1, 1è re colonne.
(759) V. nol. C3$~. corn. 31 janv. 1956. Bull. Civ ..I1I. n043, p.3S; Paris 10 nov. 1962.0.1963.199, J.C.P.1963.l1.l3016
(implicitement). PMÎS Il fév. 1963, J.C.P. J96-ULi3701: Casa. corn. 22 mars 1988, Bull. Civ. IV, n0112, p.78.

264
qui la déclenche. est sans véritable intérêt. la première n'étant en réalité. que l'objet du
deuxième. La qualification de mandat attribuée à J'ordre de virement recouvre par conséquent,
en pareille hypothèse, le processus dans son ensemble.
336 - A priori, l'explication. par la théorie du mandat. des virements ordonnés par les
clients de banque semble aller de soi et n'est, de ce fait, pas discutée. La qualité de mandataire
du banquier chargé de procéder au viremenl semble tellement évidente que les juges ne
prennent même pas la peine de la justifier par l'indication des fondements du mandat conféré
par ce biais. Pourtant l'admission de ce mandat pourrait être remise en cause s'il s'avérait, par
exemple. que l'obligation
du banquier chargé de l'opération
n'était pas de nature
conventionnelle. et qu'elle s'imposait à lui, de par l'effet de la loi, du seul fait de la fonction
qu'il exerce, Dans un tel cas, en effet, on ne serait pas en présence d'un mandat, au sens
juridique précis du terme, tel que nous l'avons précédemment dégagé(760).
337 - Par ailleurs.J'exécution du virement suppose nécessairement deux actes accomplis
par une ou deux personnes à des titres différents, à savoir un acte de remise des fonds ou
valeurs virés, et un acte de réception de ces mêmes biens. Dès lors se pose le problème de la
délimitation du champ d'application du mandat conféré par l'initiateur du virement, et partant,
celle de la qualité mise en oeuvre par chacune des banques qui, à titre soit d'émettrice, soit de
réceptrÏce(761), soit d'intermédiaire, peuvent être appelées à intervenir dans la réalisation de
l'opération,
Les différentes considérations qui précèdent montrent qu'il n'est pas inutile de faire
ressortir, d'une pan, les fondements de la qualification de mandat reconnue au virement (sous-
section 1) el, d'autre part, les répercussions, au plan de la situation juridique des banques, de
cette qualification (sous-section II).
(760) V. supra (introduction) n·36.
(761) Il arrive même, assez souvent, en pratique, qu'une seule banque cumule ces dCIJx rôles. Il en est ainsi lorsque les
comptes du donneur d'ordre et du bénéficiaire sont tenus par la même banque,

265
SOUS-SECTION 1. LES FONDEMENTS DE I.A QUAI.IFlCATION DE
MANDAT ATTRffiUEE AU VIREMENT.
338 - Ne mérite le qualificatif de mandataire que la personne qui a librement consenti à
accomplir un acte juridique pour le compte d'autrui, par représentation(762), En conséquence,
l'analyse du virement en un mandat postule, non seulement que cette opération vise à réaliser
un acte juridique, au nom et pour le compte d'autrui (§ 1), mais, également, que cette
opération a une nature conventionnelle (§ II).
§ 1. I.E VIREMENT VISE A REALISER UN ACTE JURIDIQUE AU NOM ET
POUR LE COMPTE D'AUTRUI.
li n'est pas discuté, en droit positif, que le banquier qui reçoit un ordre de virement se
trouve chargé, de la sorte, d'un mandat par l'émetteur de l'ordre. Cela laisse entendre que le
virement a pour objet un acte juridique, d'une part (A), et qu'il est opéré par représentation du
donneur d'ordre, d'autre pan (B).
A. LE VIREMENT A POUR OBJET UN ACTE JURIDIQUE: UNE REMISE DE
,
MONNAIE SCRIPTURALE.
339 - L'opération de virement met généralement en présence trois personnes. Le
donneur d'ordre, parce qu'il dispose d'avoirs en compte chez un banquier, demande à ce
dernier de se dessaisir de ceux-ci (ou d'une partie seulement de ceux-ci) au profit d'un autre
compte dont lui-même ou un tiers est titulaire, Cette prestation attendue est-elle constitutive
d'un acte juridique susceptible de servir d'objet au contrat de mandat censé dériver d'un ordre
de virement?
La réponse à cette question suppose qu'ait été préalablement précisée la nature juridique
de l'opération en cause.
(762) V. supra, n036.

266
340 - Les premières analyses proposées à ce propos voyaient dans cette opération, soit
une cession de créance(763) (le donneur d'ordre cèderait, au profit du bénéficiaire, la créance
qu'il a contre son banquier), soit une délégation(764)Oe donneur d'ordre, délégant, délèguerait

au bénéficiaire. délégataire, la créance qu'il a contre son banquier, délégué. La délégation
serait parfaite et libérerait, par conséquent, le donneur d'ordre de sa dette envers le
bénéficiaire). Leur caractère erroné est aujourd'hui unanimement reconnu (765)(766).
341 - L'inadéquation des thèses qui voyaient dans le virement bancaire un mode de
transmission de créances provient de ce qu'elles méconnaissaient le rôle véritable dévolu de
nos jours aux avoirs se trouvant dans un compte en banque. Pour le titulaire d'un compte
bancaire le solde créditeur y figurant ne constitue pas seulement une créance qu'il possède
contre son banquier, mais également la représentation comptable d'une somme d'argent dont il
est propriétaire et que ce dernier détient pour son compte, sous forme scripturale. Cette
monnaie scripturale peut être à tout moment transformée en monnaie fiduciaire ou, mieux, en
espèces, sur sa demande. De sorte que les ordres de "paiement" qu'il peut être amené à donner
à son banquier, sous quelque forrne que ce soit, constituent en fait, une invitation à opérer, au
profit du bénéficiaire, un versement de fonds, et non une invitation à opérer un déplacement
de créance. Il s'agira alors pour te banquier d'effectuer ce versement, soit en numéraire (dans
le cas notamment d'un chèque payable au guichet(767)), soit sur un compte, sous forme
scripturale. Etant entendu, dans ce dernier cas, que, pour le titulaire du compte récepteur,
t'avoir porté à son crédit est représentatif d'une somme d'argent du même montant. Qu'est-ce à
(763) V. Douai 1er mai 193t, Gaz. Pal. 1931.2.210. note anonyme. V. également Drouillal, note sous Douai 1er mai précité.
S.1933.II.57, pour d'autres références ~. not. Rives-Lange el Contamine-Raynaud, notes n'l el 2, p.357; H, el M,
Cabrillat, p.213.
(764) V. Tballer et Percerou, n'1609: L. Lacour eIJ, Bouteron, réels de droit corn. Dalloz, 3è éd .. l2, n'1411, p.165; Cb.
Lyon-Caen el L, Renaull, Traité de droh ccmmercial. L.G.DJ" 5 éd .. n'678, p.628 et t.7, n'345, p,376; Escarra el Rault,
principes de droit commerrial, t. VI, n'356; Drouillat Etude juridique du virement l'Il banque, Thèse. Paris 1931, n'l5 et s.
(765) Pou:: la crit~que?e l'analyse du :iremellt e~ une cession de.créance, v. not. H. el M, Caertuae. op. cil, g'390, p.213i
M, jeanun, op.cir., n 177, p.91 et s.. M. Cabrlllae et J,-L, RIves-Lange, Enc. Jur. Dalloz, rép.dr. com.. 2 éd., t.v. v
Virement, n·15.
(766) Sur la .critiq...e de.11l lh.èse de la délégation: v. notamment, Hamel, L"Il~<tr~e et JaulTret, ,;~. cil, iz, n·1735., p.787; ~.
el M. Cabrillac. op. Cil.. n 391, p.213 el s.; Ripert el Roblol, op. Cl!., I.~, n 2309, p.361 (l~ éd.); M. Jeanun. op. CIL,
n·I77. p.9l et s.; M. Cabrillat: et J.-L. Rives-Lange, rép. dr. com.. précité. v' Virement, n'18 et 5.
(761) Même dans le cas, plus fréquent aujourd'hui. cc te chèque est barré, il peut être encaissé directement par le bénéficiaire
al' guichet du tiré s'il est Je client de ce dernier. Cf. art. 38 al.I er du décret-lei du 30 oct. 1935.

267
dire sinon qu'à travers une opération de virement, c'est un transfert scriptural de fonds qui est
réalisé (768l? Celte perception du virement finira par triompher en droit positif(769). Dès lors
se pose la question de savoir si une telle remise de monnaie peut constituer l'objet d'un
mandat dont serait chargé une banque, étant donné que le mandat ne peut avoir pour objet, à
titre principal. qu'un acte juridique, et non un simple acte matériel.
342 - Précisons que l'acte matériel peut être défini comme un fait volontaire quelconque
de l'homme auquel ne s'anache aucun effet de droit particulier. C'est, par exemple, le fait de
réparer un véhicule, ou encore le fait de transporter un objet d'un lieu à un autre. Au contraire,
l'acte juridique(770) désigne un agissement qui est sous-tendu par la volonté de voir se
produire certains effets de droit déterminés(77l). L'acte juridique implique donc une
modification voulue de la situation juridique préexistante. Cette donnée se retrouve-t-elle
dans l'acte qui réalise le virement?
343 - C'est une réponse affirmative qu'il convient d'apporter à cette question. En effet la
réalisation du virement suppose toujours (au plan comptable) une double écriture. Une
écriture de débit, qui est la manifestation scripturale de la sonie d'un élément d'actif d'un
compte bancaire donné, et une écriture corrélative de crédit, signe de l'entrée dans le compte
crédité d'un élément de richesse. Plus 'concrètement, le virement entraîne, du point de vue
financier, l'appauvrissement d'un compte bancaire au profit d'un autre qui se trouve, de ce fait,
enrichi corrélativement. Le virement de fonds réalise. par conséquent, un transfert de biens et.
par la remise de monnaie ainsi opérée, un transfert de propriété sur ces fonds, au profit du
bénéficiaire. Il y a là, incontestablement, accomplissement d'un acte juridique pouvant
conforter la qualification de l'opération en cause en un mandat.
(768) V. dans ce sens. Cour d'appel mixte de Saïgon, 12 mers 1954. Banque 1954.521, Obs. X. Marin. Gaz. PaI.l954.1.3.50,
note anonyme: R.T D.Corn. 1954.626, obs. J. Becqué el H, Cabrillac.
(769) V. Cour d'appel mute de Saïgcn, 12 mars 1954, Banque 1954..521, Obs. X. Marin. Gaz. PaI.L954.135Q. note
anonyme; R.T D.Corn. 1954.626. obs. J. Becqué et H, CabriUac. Adde Hamel, Lagarde el Jaurrree, op. cie, n'173.5, p.7aS;
, H, el M. Cabrillac. op. cil. n'392, p.214; Rives-teege et CoDtamlne·R.aynaud. op. cil, n'263. p.256 el 5.; Rfpert el
Reblot, op. cie, t.2. n"2312. p.362; M. Jeanûn. op. cil. n'178. p.91 et lI".; M. Cllbrîllac et J.·L. Rives-Lange, rép. dr. corn.
précité, n'22 et s.; J,·L. Rives-Lange. La monnaie scripturale, Mélanges Cabrillac, 1968. p.4()5 el s.. not. n' s 1 et s.• 10.20 el
26.
(770) Sur la définition de l'acte juridique el sa distinction d'avec le fait juridique, v. supra. n'149 et s.
(771) Le rail juridique entraîne. lu~ aussi. des conséquences de droit. Mais. À la différence de l'acte juridique. ces
conséquences ne sont pes nécessairement recherchées par l'auteur du fait, V. Association Henri Cepltaut, Vocabulaire
juridique. sous la direction de G. CMnu. P.U.F. 1987. v' Fait, p.342.

268
344 ~ En ce qui concerne le virement qui intervient entre deux comptes appartenant à la
même personne, on ne peul. certes, pas invoquer un quelconque transfert de propriété des
fonds virés, puisque le donneur d'ordre et le bénéficiaire sont une seule et même personne ...Il
n'empêche, que même dans ce cas, l'exécution du virement constitue un acte juridique, que (es
comptes concernés soient détenus dans la même banque ou dans deux banques distinctes.
Lorsque les deux comptes en cause sont tenus par la même banque(772), on pourrait penser
qu'une opération de virement les concernant n'est qu'une simple mesure d'organisation et de
gestion à l'intérieur du patrimoine du donneur d'ordre, Cette opération n'aurait, pourrait-on
croire, aucune incidence juridique particulière et ne constituerait, par conséquent, pour le
banquier, que l'accomplissement d'actes purement matériels sinon d'écritures, du moins de
déplacement d'articles de comptes. Une telle opinion serait erronée car elle ne prendrait pas
en compte les conséquences attachées à la règle de l'indépendance des comptes dom une seule
personne est titulaire(773), règle qui exclut, en principe, la compensation entre les soldes de
ces différents comptes(774). La situation juridique du banquier teneur des comptes peut donc
se trouver sensiblement modifiée (en bien comme en mal) par un virement intervenu entre
deux comptes qu'il tient pour le compte d'un même client, et ce, spécialement lorsque les
comptes en cause n'offrent pas les mêmes garanties. De même, la situation des tiers peut se
trouver affectée par un virement réalisé entre des comptes différents appartenant au donneur
d'ordre(775). De toutes ces considérations, il ressort qu'un virement réalisé à l'intérieur d'une
même banque, entre deux comptes appartenant à une même personne, n'est pas un simple acte
matériel, sans conséquence juridique, mais constitue, bien au contraire, un acte juridique
susceptible d'entraîner d'importants effets de droit.
(772) Soit que les comptes se trouvent dans la même agence ou qu'ils se rrouvem dans des agences différentes.
(773) Sur le principe d'indépendance des différents compte> ouverts ~ une même personne el les conséquences qui en
découlent, v. not. Gavalda el Sloumet, Droit de la banque, précité. n'410 et s.. p.536 et 9.; Rives-Lange et Contamine-
Raynaud, op. cit., n'185, p.'242et 6.; Rtpert et Rabiot, op. cil., Il'2350, p.384 et les références citées par Ce.'! auteurs.
(774) S~uf. éventuellement. après 13 clôture des différents comptes. snite notamment 3U décès du titulaire. V. Casso corn. (4
avr. 1975, BnU. Civ. IV, n'98, p.22; R.T.D.Com.1975.881, obs. M. Cabnuec el J.-L. Rfves-Laage.
(775) P!IJ" exemple, le compte sur lequel a été tin! un chèque peut. suiœ à un virement qu'il a supporté, ne plus offrir on solde
suffisent 3U règlement dudit ehèque.

269
345 - Si le virement opéré à l'intérieur d'une même banque, entre des comptes différents
appartenant à la même personne doit être regardé comme donnant lieu à l'accomplissement,
par le banquier qui en est chargé, d'un acte juridique. la même conclusion devrait, a fortiori.
être retenue pour le cas où les comptes du donneur d'ordre-bénéficiaire sont ouverts dans des
banques différentes. Certes, la propriété des fonds virés ne passe pas à une autre personne,
mais la situation de la banque qui entre en possession des valeurs virées ne peut qu'être
meilleure que celle qui prévalait antérieurement. Le virement a pu, en effet, combler un solde
débiteur. ou a pu fournir la couverture d'opérations en cours, etc. Quoi qu'il en soit,
l'inscription de crédit qu'appelle la réception du virement déplace la créance de somme
d'argent y correspondant, du banquier émetteur au banquier récepteur. En cela seul il y a
modification de la situation juridique antérieure et, partant, accomplissement d'un acte
juridique.
Parce que le virement vise à la réalisation d'un acte juridique et est susceptible, de ce
fait, de produire certains effets de droit, sa mise en oeuvre, dans le cadre d'un compte
déterminé, suppose un ordre du titulaire dudit compte, sujet d'imputation des conséquences de
l'opération envisagée.
B. LE VIREMENT EST OPERE PAR REPRESENTATION D'AUTRUI.
346 - En demandant, à son banquier, l'exécution d'un virement, le titulaire d'un compte
bancaire lui confie, en fait, la mission d'opérer un transfert de fonds. de son compte. en
direction d'un autre compte. dont lui-même ou une tierce personne est titulaire. Dans la
mesure où les effets du virement sont destinés à être imputés directement au donneur d'ordre.
dans l'intérêt de qui l'opération est entreprise, et dont les avoirs en compte vont servir à son
exécution, on ne peut qu'y voir une action entreprise pour le compte dudit donneur d'ordre.
D'un autre côté, en créditant ou en faisant créditer le compte de la personne à qui sont
destinées les sommes virées. le banquier du donneur d'ordre ne prétend pas agir en son propre
nom. Au contraire, il prend toujours soin de préciser l'origine des valeurs ainsi virées, à savoir
l'identité du donneur d'ordre et le numéro du compte sur lequel les sommes virées ont été

270
prélevées. Si bien que dans son intervention, le banquier du donneur d'ordre, acœur principal
dans le processus d'exécution du virement, apparaît assez clairement, aux yeux des tiers et,
plus particulièrement, aux yeux du bénéficiaire du virement, comme agissant. non point çn
son propre nom, mais, au contraire, aux lieu et place de son client.Jnitiateur de l'opération, au
nom de ce dernier, en somme.
347 - De ce qui précède il ressort, sans conteste, que l'exécution du virement ordonné
par le client d'une banque l'est, de la part de celle-ci, par représentation de ce dernier, en
qualité de mandataire. Mais, à dire vrai, le problème, dans ce domaine, n'est pas tellement
d'établir l'existence du mandat que renferme l'ordre de virement que reçoit le banquier du
donneur d'ordre. Et de fait ce mandat n'est pas contesté en droit positir(776). La difficulté que
soulève l'exécution de ce mandat tient surtout à la délimitation précise de sa sphère
d'application et, partant, à la détermination des personnes appelées à tenir le rôle de
représentant de l'initiateur du virement. En effet, l'exécution d'un ordre de virement suppose
toujours une écriture de débit portée au compte du donneur d'ordre, suivie d'une écriture
corrélative de crédit, inscrite au compte du bénéficiaire. Ces deux écritures, qui constituent les
deux éléments d'une seule et même opération, peuvent être le fait soit d'un seul banquier (si
les comptes à débiter et à créditer sont dans la même banque, mieux. dans la même agence),
soit de deux banquiers différents (si les comptes sont tenus par deux banques distinctes)
relayés, éventuellement, lorsqu'ils ne sont pas en relation directe, par un ou plusieurs
banquiers intermédiaires(777).
Le mandat contenu dans l'ordre de virement peut-il justifier tous les actes que nécessite
l'exécution du virement? Plus précisément. ce mandat inclut-il l'inscription des sommes virées
au crédit du compte du bénéficiaire? Telle est la question qui se pose, à ce stade de notre
{776) v. par ex. Paris Il avr. 1991, D.1992.som.27; Cass. corn. 14 fév. 1989, Bull. civ.,lY,n'64; D.l991.som.31. Paris 22
sept. 1988, D.I991.som.30. Adde J ••L, Rives-Lange fi M. Contamine-Raynaud, op. cil n'271 et n'273; M. Jeanlln, op.
cit.. n's 164. 168 et 170; J. V~zi8Q, op. cit., n'l7L et s.
(777) Lorsque le banquier du donneur d'ordre et celui du bénéficiaire sont en relation directe, chacun d'eux dispose d'un
compte auprès de son confrère par l'intermédiaire duquel rrensueru les ordres de virement concemam leurs clients respectifs.
Dans le cas où les deux banques intéressées par le virement ne soru pas en relation directe, I'ecbeminemenr des valeurs virées
nécessite le relais d'Une troisième banque, auprès dtl qui chacune d'elle dispose d'un compte. C'est par le truchement dl: ces
comptes que seront passées les écritures respectives de débit et de crédit qui réalisent le transfert des sommes à virer an
banquier du destinarajre.

271
analyse. A cette question, relative à l'étendue du mandat confié à son banquier par l'initiateur
du virement (1) est lié le problème de la détermination de l'acte qui emporte l'irrévocabilité de
l'ordre de virement, par suite de son exécution (2).
1. L'ETENDUE DU MANDA.T CONFIE A SON BANQUIER PAR L'INITIATEUR DU VIREMENT.
348· Lorsqu'il émet un ordre de virement, le titulaire d'un compte en banque invite son
banquier à opérer un transfert de fonds au bénéfice d'un autre compte bancaire, par le débit de
son propre compte. Le banquier sollicité se trouve ainsi chargé du mandat précis de procéder
(ou de faire procéder) au versement d'une somme d'argent donnée au compte du bénéficiaire
désigné. Ce qui peut conduire à affirmer que ce mandat n'est pleinement exécuté qu'au
moment où le compte du bénéficiaire se trouve effectivement crédité de la valeur virée.
Quoique cela ait été soutenu en doctrine(778), c'est une toute autre portée qu'il faut attribuer à
cette écriture au crédit du compte du bénéficiaire. Car, au contraire de l'idée généralement
répandue, l'extrême limite de la mission du banquier du donneur d'ordre est la remise des
fonds au banquier du bénéficiaire (a), et non l'inscription de ces fonds au compte de
destination (b).
a. La remise des fonds au banquier du bénéficiaire, extrême Iimlte de la mission du
banquier du donneur d'ordre,
349 - C'est au banquier du donneur d'ordre que revient. à titre principal, l'exécution du
virement réclamé par ce dernier. Or l'exécution d'un tel mandat suppose, lorsque les deux
comptes en cause ne se trouvent pas dans la même banque, l'intervention d'au moins une autre
personne, le banquier du bénéficiaire qui, seul, peut effectuer l'inscription de la valeur virée
, au crédit du compte de son client. La particularité de l'opération de virement réside, en effet.
dans le fait que les deux personnes, dont les patrimoines sont concernés par le transfert à.
réaliser, ne sont jamais en contact direct. Elles sont nécessairement représentées par leurs
(778) V. notamment Hamel. Lagarde et JaufTret, op. cit., n'174l, in fine, p.792, H, el M, Cebrûtac. op. cit., n'405, p.222;
M, CabriUac el J,-L, Rives-Lange, rép.Dr. Com., préeiré, n"96.

272
banquiers respectifs, chargés pour l'un d'effectuer un acte de remise des objets à virer, et pour
l'autre, de les recevoir. Or le mandat de virer confié au banquier du donneur d'ordre implique.
au plan de son exécution, ces deux actes différents qui en toute logique ressortissent à des
qualités différentes, voire contraires(779).
350 -
L'intervention
d'une
banque intermédiaire
(voire
de
plusjeurs
banques
intermédiaires) ne modifie en rien cette donnée fondamentale selon laquelle la réalisation du
virement suppose un acte de remise (de la part du banquier du donneur d'ordre, ou d'un autre
banquier agissant comme mandataire substitué du banquier du donneur d'ordre) et un acte de
réception (de la part du banquier du bénéficiaire)(780). La banque intermédiaire est
incontestablement le mandataire du banquier du donneur d'ordre et. partant. le mandataire
substitué de l'initiateur du virement(78I).
351 - Le problème dc l'étendue du mandat confié à son banquier par l'initiateur du
virement se pose surtout par rapport à la qualité qu'il convient d'attribuer au banquier du
bénéficiaire qui en reçoit le produit. Est-il possible que le banquier du bénéficiaire.
représentant naturel du titulaire du compte à créditer (qualité qu'il acquiert du seul fait de
l'ouverture du compte à ce dernier)(782), passe également pour le représentant de l'initiateur
du virement? Lequel le chargerait. par le truchement d'une substitution de mandat. d'effectuer
pour son compte. l'écriture de crédit. acte par lequel le bénéficiaire du virement sera
effectivement mis en possession des valeurs virées. Ne doit-on pas considérer, au ecntraire,
que. par la remise, au banquier du destinataire, des sommes objets du virement, le banquier du
donneur d'ordre arrive au terme de son mandat? mandat qui est, dès lors, automatiquement
relayé par le mandat d'encaisser dont est porteur le banquier du bénéficiaire?
(~791 V. Didier Martin, aspects juridiques du virement, Revue de droit bancaire et de la bourse. n015, sept-oct. 1989, p.J51,
1 le colonne.
(7110) Encore qu'il ne soit pas exclu qu'uu virement ait pour objet de mettre des fonds à la disposition d'une personne auprès
d'Une banque étrangère, par exemple, dont cene personne n'est ptlS le elient habituel. Le banquier réceptionnaire agirait, en
pareille hypothèse, en qualité de mandataire du banquier du donneur d'ordre et donc de mandataire substitué du donneur
d'ordre. V. par ex. Paris 22 sept. 1988, D.1991.som.30.
(781) V. par ex. M. Cabrillac, Juriscl. Banque et Crédit, v' Virement, fasc. 390.
(782) V. supra, n·51.

273
352 - La question demeure controversée en droit positif. Pour les uns, le banquier du
bénéficiaire. qui réceptionne les valeurs virées et les inscrit au compte de son client, agit, à la
fois. en vertu de la procuration générale d'encaissement incluse dans la convention de compte
le liant à ce dernier, et en vertu d'un mandat qu'il reçoit du banquier de l'émetteur du virement,
lequel lui confie la mission de se substituer à lui en vue de l'inscription des valeurs virées au
compte du bénéficiaire(783).
Pour les autres, en revanche, il est plus conforme à la réalité de prêter au banquier du
bénéficiaire la seule "qualité, non substituée. de mandataire direct du bénéficiaire pour
recevoir le produit du viremem',(784). De sorte que l'écriture de crédit qu'appelle la réception
de l'actif viré, et l'avis de crédit subséquent, entrent dans la mission du banquier du
bénéficiaire, et non dans celle du banquier du donneur d'ordre(785). Cette dernière analyse
repose sur L'idée que "pour livrer, payer ou virer il faut un remettant et un récepteur; qualités
contraires qui paraissent bien empêcher de tenir le représentatif de celui-ci pour mandataire
substitué du représentant de ce/uiJ à"(786!.
353 . Si l'on se place du point de vue du donneur d'ordre on peut estimer. en effet, à
première vue, que la mission de transfert de fonds dont il charge son banquier n'est
pleinement exécutée que lorsque le bénéficiaire est entré effectivement en possession des
sommes à virer. Ce qui tend à accréditer l'idée que le banquier du bénéficiaire, à qui revient le
soin de procéder à l'inscription des sommes transférées au compte du bénéficiaire, intervient,
lui aussi. sur l'invitation du donneur d'ordre. Ce dernier n'a-t-il pas, de fait, un intérêt certain
(à savoir l'extinction de sa dette éventuelle et sa libération envers le bénéficiaire) à voir
aboutir l'opération qu'il a initiée? Le résultat en serait l'existence de rapports de nature
contractuelle non seulement entre les banques qui se trouvent au départ et à la fin du
- - - - - - - - -
, i78J) En ce sens. v. not. Ha.mel, Lagarëe et Jaurrret, op. cit., L2, n'1740, p.79I; H, el M. Cebrûtec, op. cir.. n'401, p.219;
Rh'es.Lange el Contamtne-RlJynaulS, op. ca., n'273, p.374; M. Cabnlhtc et J.-I•. R.ives-Lange. rép. dr. ccm., précité, v'
Virement. n'n et s.; Gavalda el Stoujrlet, Droit de III banque, précité. n'3S0, p.4S2.
(7S4) V. Didier Martin. article précité, Revue de droit bancaire el de III bourse, lI'IS, sept-oct.1989, p.IS 1, Ière colonne.
(785) Ibid.
(786) Didier Mart ln, loc. cil.

274
processus déclenché par l'ordre de virement (rapports banque du donneur d'ordre 1 banque du
bénéficiaire), mais également entre le donneur d'ordre et le banquier du bénéficiaire.
354 - Il n'en est rien en réalité. L'exécution d'un virement entre deux banques différentes
ne crée pas entre celles-ci une relation contractuelle (de mandant à mandataire ou, plus
exactement, de sous-mandant à sous-mandataire). Elle ne donne pas non plus naissance à des
rapports contractuels entre le donneur d'ordre et le banquier du bénéficiaire. Il n'en irait
différemment qu'au cas de virement affecté de réserves ou de conditions particulières(787).
En pareille hypothèse, en effet, le banquier réceptionnaire agit en une double qualité: en tant
que mandataire du bénéficiaire pour l'encaissement des sommes dirigées sur son compte, mais
également et, préalablement, pcnsons~nous(788),comme mandataire de la banque du donneur
d'ordre, pour l'application de la condition mise au règlement à opérer.
355 ~ Hormis l'hypothèse du virement soumis à une condition particulière la thèse de la
substitution de mandat appliquée au banquier du bénéficiaire ne convainc pas. Il ne faut pas
inférer de ce que l'opération de virement se dénoue avec l'inscription des sommes
correspondantes au crédit du compte du destinataire que cette inscription est l'acte qui marque
la fin du mandat contenu dans l'ordre de virement. En réalité, l'obligation du banquier du
bénéficiaire du virement de recevoir les sommes destinées à son client et de (es joindre au
compte de ce dernier n'a pas pour source un quelconque sous-mandat passé avec son confrère,
émetteur (en dépit des relations de compte pouvant exister entre eux). Cette obligation
provient de ce que son client J'a désigné à ses cocontractants comme étant son banquier, c'est-
à-dire son représentant, habilité, à ce titre, à recevoir, en son nom, tout "paiement".
356 - Dire que le banquier du destinataire du virement est le mandataire substitué du
donneur d'ordre, c'est laisser entendre que ce banquier n'avait aucun titre, en dehors du
mandat (ou du sous-mandat) dont il serait chargé par l'initiateur du virement, à recevoir les
sommes virées. Alors qu'en sa seule qualité de mandataire du bénéfieiaire du virement, le
banquier se trouve dans l'obligation d'accepter le produit des virements dont son client est le
(787) V. par ex. Paris 31 janv. 1986. Gaz. Pal. 1986.l.som.21:Z.
(788) La réception du virement au nom du bénéficiaire ne peut, en effet. qu'être postérieure à l'observation de la condition
suspensive à laquelle elle est suborécnuée.

275
destinataire; sauf, naturellement, instruction contraire de cc dernier. Point n'est donc besoin de
chercher à expliquer l'intervention du banquier du destinataire d'un virement par l'effet d'un
sous-mandat conclu avec le banquier émetteur. L'existence d'un droit direct du donneur
d'ordre contre le banquier du bénéficiaire (par application de l'art. 1994 al. 2 du Code civil) se
trouve par là-même démenüe(789). On doit, au contraire. considérer qu'ayant donné
procuration à son banquier pour encaisser toutes les sommes lui étant destinées, le
bénéficiaire répond, à l'égard du donneur d'ordre, d'une défaillance de son représentant(790),
une mise à disposition tardive des sommes virées. par exemple.
357 - Les raisons ci-dessus exposées conduisent à préférer la seconde des propositions
signalées, celle défendue par monsieur Didier Martin, qui limite le rôle du banquier du
bénéficiaire à celui de mandataire de son client, pour la réception des actifs dirigés sur le
compte de ce dernier, et pour leur inscription au crédit dudit compte. C'est dire que le mandat
que compone un ordre de virement n'inclut pas, contrairement à l'idée généralement
répandue, l'inscription des valeurs virées au compte du bénéficiaire. L'écriture de crédit
qu'appelle.
nécessairement,
l'opération
de
virement,
n'est donc
pas
effectuée
par
représentation de l'émetteur de l'ordre de virement, mais, au contraire, pour le compte et au
nom du bénéficiaire. par son propre banquier. Dans la mesure où le bénéficiaire du virement a
donné procuration à son banquier pour recevoir en son nom toutes les sommes dirigées sur
son compte, on ne peut qu'en déduire qu'en remettant au banquier du destinataire les valeurs
visées par l'ordre de virement, le banquier mandaté pour la réalisation de l'opération a touché
à la limite extrême de sa mission. Son action ne peut de toutes façons aller plus loin. La
jonction des deux mandats (de remettre et de recevoir) confiés aux banquiers respectifs du
donneur d'ordre et du bénéficiaire se trouve donc, incontestablement, au moment précis où le
représentant du bénéficiaire du virement est mis en possession des biens destinés à son
client(791).
(789) Aucune décision de justice n'a d'ailleurs. ~ notre connaissance, consacré ce droit direct.
(790) En ce sens. H. el M. Cabrillac, op. cit., n"401. p.219, in fine.
(791) En ce sens, DidIer Martin, article précité, Revue de droit bancaire. p.ISI. I ère colonne el p.IS2. 2~me colonne.

276
358 - La thèse qui attribue au banquier du bénéficiaire d'un virement le rôle de
mandataire substitué a, il faut le dire, le tOrt de compliquer inutilement les rapports juridiques
nés de l'exécution des ordres de virement. L'intérêt pratique essentiel de cette thèse sembJe
être de reconnaître à l'initiateur du virement un droit direct contre le banquier du destinataire
dudit virement(792); puisqu'il n'a pas pour but de rendre le banquier du donneur d'ordre
responsable des actes du banquier récepteur. supposé mandataire substitué. le choix de ce
dernier banquier étant, dans ce cas, imposé par le mandant(793).
359 - Il est à noter, si tel est le cas, que te même résultat peut être obtenu sans un tel
"montage juridique". Il suffit. pour cela, d'avoir recours à la théorie des groupes de contrats.
On pourrait considérer, en effet, que les mandats dont sont chargés les banquiers du donneur
d'ordre et du bénéficiaire (mandat de virer pour l'un et mandat de réceptionner le virement
pour l'autre), quoique distincts,
sont néanmoins unis par un lien
d'interdépendance
(l'exécution plénière de ses obligations par J'un des deux mandataires ne se conçoit pas, en
effet. sans l'intervention de l'autre), qui permet de soutenir que l'exécution d'un ordre de
virement s'inscrit dans le cadre d'un complexe (ou d'un ensemble) de deux contrats de mandat
tendant à la réalisation d'une même opération(794). Or l'existence d'un tel groupe de contrats
a pour conséquence de créer en Son sein, entre toutes les personnes qui y participent, des
rapports contractuels(795\\ d'une part. et, d'autre part, d'ouvrir. à ces personnes, des actions
directes qui, à la différence de celles qui ont une origine exclusivement légale, ont un
fondement conventionnel, et "constituent, au sein des groupes, une technique de droit
commun: el/es permettent à chacun de ceux qui y participent d'obtenir J'exécution, par les
(791:) v. M. Cabrülac et J.-L. Rives-Lange, rép. dr. Corn" précité, v' Virement, n'74, H. Et M. CabrUlac, op. cit., n·4Ol.
p.219, et n·405. p.222.
(793) V. nol. Cebemee el Rb-es-Lange, rép. dr. corn.. précité, y' Virerneru. n'73; H. el :\\1. Cabrülac, op. cit., n'401. p.219.
(794) Sur la théorie des groupes de contrats er, spécialement. sur l'admission de l'unité du but poursuivi comme un des
critères de l'existence d'un "groupe" de contrats, v. B. Tey~iê, Les groupes de contrats. L.G.D.}. 1975. n'lS et s.. p.8 et n'62
et s., .r.34 el S,
(795) v. B. Teys.s.W:. op. Cil.• u'S8?, p.29? Pour III ccesëcracon jurisprcderuiejje.de ce principe, v. C;\\Ss. N.s. Plén. i févr.
1986 (2 arrêts). 1.C.P.1986, éd. G"II,20616, note Ph. Millinvilud; Casso civ. jère, 21 juin 1988. J.C.P.1988.II,2112S. note P.
Joordain. Encore qu'un autre arrêt de l'Assemblée plénière (Casa. Ass. plén. 12 juill.1991. D.1991.549, note 1. Ghesun,
som.J21, 000. 1.-L Aubert; lC.P. éd. G. 1991.1I.21743, 000. G. Yiney) a semblé vouloir sinon remettre en cause le principe
ci-dessus exposé. du moins en limiter la portée, à travers la réaffirmation solennelle de la règle de la relativité du lien
contractuel posée par l'article 1165.

277
autres, des obligations auxquelles il est inrtressr(796). Mais l'imprécision de la notion
même de groupe de contrats(797) rend très incertaine, il est vrai, l'application, au virement, de
la théorie des groupes de contrats, en dehors de toute décision de justice, inexistante à J'heure
actuelle.
360 - Mais à la thèse de la substitution de mandat s'attachent encore d'autres intérêts, en
pratique. Ceux-ci touchent essentiellement à la date d'exécution du virement, à la localisation
géographique et au régime juridique des sommes en cause (dans l'intervalle de temps allant de
l'instant où ces sommes ont été débitées du compte du donneur d'ordre jusqu'au moment où
elles sont entrées au crédit du compte du bénéficiaire). De tous ces centres d'intérêt, seul ie
sort des sommes à virer est susceptible de justifier (ou d'infirmer) la thèse de la substitution de
mandat qui retient notre attention(798). Or à cet égard il paraît exclu, par exemple, que les
créanciers du donneur d'ordre puissent opérer une saisie entre les mains du banquier du
bénéficiaire; quand bien même le montant du virement n'aurait pas encore été porté au crédit
du compte saisi. Seuls les créanciers du bénéficiaire le pourraient. Et cela même avant
l'inscription en compte des sommes transférées. Cela montre bien que le banquier du
bénéficiaire est réputé détenir les sommes virées, non pas en une tt'tple qualité de mandataire
du donneur d'ordre et de dépositaire et mandataire du bénéficiaire. mais seulement en ces
d.eut dernières qualités. La solution eût été différente avec la mise en oeuvre de la thèse de la
substitution de mandat.
Par ailleurs, et sur un autre plan, la perte éventuelle pouvant résulter de la survenance
d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires du banquier du bénéficiaire auquel aura
déjà été transférés, en écriture. les fonds à virer, est pour le bénéficiaire. C'est pour ce dernier
que les sommes en cause sont détenues, en effet(799).
- - - - - - - -
(796) B. Teyssié. op. cir., n·587. p.297.
(797) Sur j'inexistence d'un critère précis de détemlLn~lion des grou~s de contrats, v. B, Teyssté, op. cil. n'48 et e., p.23;
n'61 et s .. p.29 et s.
(798) Les considérations touchamau lieu el au moment de réalisation du virement relèvent moins de la théorie du manda que
de celle du paiement, c'est-à-dire du régime des obligations en général.
(799) Sur ce point. v. M. Cabrntee op. circloc. cit., n'116.

278
361 - Comme on peut le voir à travers ces quelques exemples, les solutions apportées en
pratique aux difficultés qui peuvent survenir au cours de la mise en oeuvre d'un ordre de
virement ne som pas en harmonie avec le rôle de mandataire substitué attribué au banquier d.u
bénéficiaire. C'est ce qui explique, sans doute, que la thèse de la substitution de mandat ci-
dessus évoqué n'ait été. à ce jour, confirmée. de manière certaine, par aucune décision de
justice Cà notre connaissance, du moins). Cela autorise une autre analyse. Celle que nous
préconisons. Elle consiste. au fond, à faire remarquer que, somme toute, le virement n'est pas
un mandat simple. dont l'exécution serait laissée aux soins du seul banquier du donneur
d'ordre, lequel aurait pour obligation. ultime. de veiller à ce que le compte du bénéficiaire soir
crédité de la valeur indiquée dans l'ordre de virement. Il constitue, au contraire, une opération
complexe qui repose sur la succession (dans le temps) de deux mandats principaux: un
mandat de transférer des fonds que le banquier du donneur d'ordre reçoit de ce dernier et un
mandat d'encaisser assumé par la banque du bénéficiaire pour le compte de son propre client.
De sorte qu'en remettant (par inscription en compte de banque à banque ou en chambre de
compensation, notamment) les sommes objet du virement, le banquier du donneur d'ordre
épuise ses obligations. Celles-ci sont automatiquement relayées par les obligations qu'a le
banquier du bénéficiaire de recevoir puis d'inscrire au compte de son client le produit du
virement. Toutefois, le virement constitue une union juridique(800\\ dans laquelle chacune
des deux. banques mandatées "est en charge d'une fraction d'exécution du virement dont elle
assume seule les soins et, en cas de manquement, les conséquences dommageables,,(80l).
C'est semble-t-il, cette idée importante qu'a voulu exprimer monsieur le Professeur Didier
Martin en affirmant que le virement est, outre un jeu d'écritures, un jeu de mandat,,(802).
(800) Contra, v, Ripert et Roblol, op. cit.. L2. n"2309 et 2312. D'après cet auteur, ~le virement se décompose en deux
opémnons: /0. seconde est la conséquence de la première; mais chacune de ces opéranans est
cl deux personnages el leur
succession n'est pas UfU! unionjuridiq14'. La sl1UaJ;o'l du bénéficiaire es/la même, que le banquier ail fait le viremera sur un
ordre régulieremerü do""; oll qu'il /'ail fail avec la croyence inexacte que le dormeur d'ordre disposail d'Un crédit SUffisanl".
Cette justification, fondée en réalité sur les incertitudes de l'action en répétition de l'indu (problème ne se limitant pas à la
seule matière du virement), n'emporte pas la conviction. D'ailleurs, l'auteur reconnaît. lui-même, que "ti le banquier a
effectué un virement sans avoir !eçu d'ardre ou pour une somme supérieure
cl l'œ âre reçU, il peUl exercer la rlpétilion de ce
qu'il a payé cortlre le bénéficiaiTe (Paris
17 décembre 1962, Banque, 1963, 864, ota. X. Mann; Versailles, 5 novembre /986,
journ. agréés, 1987.251)". Riper! et Robkn, op. cu., loc. cil., n'231ü. Ce qui montre bien que le drou du bénéficiaire sur
l'actif viré est indissociable de l'ordre par Iequel le processus du virement se trouve effectivement déclenché.
(SOI) Didier Martin, article précité, loc. cit., p.151. 2ème colonne.
(802) Didier Martin. op. cit., loc. eit., p.l52 el s.• passim.

279
362 - Cette analyse n'est pourtant pas partagée par d'éminents aUleurs(803\\ pour
lesquels la réalisation effective d'un virement suppose nécessairement une écriture de crédit
au compte du bénéficiaire, suite à J'écriture corrélative de débit.inscrite au compte du donneur
d'ordre. Il se déduit de cette conception que le terme du mandat dont est chargé le banquier du
donneur d'ordre se situe au moment de t'inscription de la valeur virée au compte de
destination. Avant cela. le virement ne peut être considéré eomme réalisé. Cette opinion.
erronée à notre avis, résulte d'une double méprise, POrtant aussi bien sur le rôle exact dévolu
au banquier du bénéficiaire, dans le cadre de l'opération qui nous occupe (il n'est pas. ainsi
que nous l'avons montré plus haut. le mandataire substitué de son confrère, mandataire du
donneur d'ordre). que (ceci étant la conséquence de cela) sur la portée véritable de l'écriture
de crédit inscrite au compte du destinataire final du virement.
b. La portée véritable de l'écriture de crédit inscrite au compte du bénéficiaire
d'un virement.
s,,;t
363 - Le banquier du bénéficiaire d'un virement n'est, on ~sonnais, ni le mandataire
substitué du donneur d'ordre, ni le sous-mandataire du banquier qui a en charge l'exécution de
l'ordre de virement. Il en découle que l'inscription de crédit au compte du destinataire final du
virement n'est pas effectuée par le banquier réceptionnaire par représentation du donneur
d'ordre. Cette écriture ne doit pas être considérée comme l'acte final du mandat assumé par le
banquier du donneur d'ordre; autrement dit, l'acte par lequel l'iniriateur de l'opération se
trouve libéré de sa deue envers le bénéficiaire. EJle traduit, au contraire, l'exécution, par le
banquier du bénéficiaire, d'une des obligations principales du mandat d'encaisser que met à sa
charge la relation de compte l'unissant au titulaire du compte récepteur.
364 - S'il est vrai que la réalisation d'un virement bancaire suppose, en principe, à la fin
de l'opération, une écriture de crédit au compte du bénéficiaire, on ne saurait en déduire, pour
autant, que l'absence de cette écriture fournit la preuve que le transfert de fonds, objet de
(803) Y. notemmern Hamel, Lagarde el Jaurfret, op. cir.. t.2, n·174 l, in fine, p.792; H. el M. Cabrillac, op. cil. n'405,
p222; Cabrillac el Rives-Lange, rép. dr. corn. précité, n"96.

280
l'ordre de virement, n'a pas eu lieu. C'est pourtant à une telle déduction qu'ont abouti certains
auteurs(804\\ pour lesquels "la remise de la monnaie scripturale [constitutive du virement]
doit se traduire par ce signe matériel qu'est J'inscription au crédit du compte,,(805). au-
"seule cette inscription réalise la remise des signes mOrléraires et donne au bénéficiaire fa
disposition immédiate et inconditionnelle des fonds. Avant l'inscription, le bénéficiaire est
bien créancier des fonds qui lui sont affectés. mais il a un droit et non de la monnaie,,(806).
On ne peut nier. en effet, que tant que les sommes virées ne figurent pas au crédit de son
compte. le bénéficiaire ne peut en user, faute pour lui d'avoir un pouvoir direct sur ces fonds.
Mais il n'en demeure pas moins qu'avec l'échange, entre les banques, des signes du transfert
ordonné par l'initiateur du virement, ce sont, en fait, des fonds (c'est-à-dire de la monnaie) qui
sont ainsi remis au banquier du bénéficiaire, de manière scripturale, à J'intention de son client.
Le fair que cet argent ne soit pas encore reversé à son destinataire final n'enlève en rien, à
l'actif viré, sa nature de monnaie. La situation du bénéficiaire ne serait d'ailleurs pas différente
si, au lieu de procéder par virement. le donneur d'ordre avait remis directement, au même
banquier. des espèces que ce dernier avait tardé à verser sur le compte de son client. Il ne
viendrait alors à l'idée de personne de nier que de la monnaie a été reçue par le banquier
accipiens, pour le compte de son client. malgré le défaut d'inscription de cet argent au crédit
du compte de ce dernier,
365 - Quoi qu'il en soit, si j'on doit considérer que seule l'écriture portée au compte du
bénéficiaire traduit la remise de [a monnaie scripturale, il resterait alors à expliquer ce que
réalisent le débit inscrit au compte du donneur d'ordre et la réception corrélative, par le
banquier du bénéficiaire, d'un actif destiné à son client. Assurément, il ne s'agit pas d'autre
chose que de la remise. à ce dernier banquier. d'une somme d'argent débitée sur le compte du
donneur d'ordre, Si bien que ce que reçoit le banquier du bénéficiaire, au nom et pour le
compte de son client. n'a pas d'autre nature que ce que lui remet le donneur d'ordre. par
l'iotennédiaire de son propre banquier, c'est-à-dire, en fait, une représentation scripturale de la
(804) Ibid,
(80S) H. el M. Cabrillac, op. cit., n·4(I.'i, p.222.
(806) CabriUac el Rives-Lange, rép. dr. ccm., précité, v' Virement. [j'97.

281
monnaie de compte. Dans ces conditions, dire qu'en l'absence de l'inscription du montant du
virement au compte du bénéficiaire, la remise de monnaie scripturale, constitutive du
virement. n'est pas réalisée, c'est faire fi de la qualité du banquier du bénéficiaire vis-à-vis du
destinataire du virement.
366 - En acceptant de recevoir les fonds virés (soit par l'intermédiaire d'un crédit porté à
son compte ouvert chez son confrère émetteur du virement, soit par le canal de la chambre de
compensation), le banquier du bénéficiaire agit par représentation de ce dernier. et décharge,
par la même occasion, le mandataire du donneur d'ordre de l'obligation de transfert de fonds
que faisait peser SUI lui l'ordre de virement qu'il a reçu de son client. C'est donc par
l'intermédiaire des banquiers respectifs du donneur d'ordre el du bénéficiaire que se réalisent,
en réalité, les actes de remise et de réception qu'appelle nécessairement l'opération de
transfert scriptural de biens que constitue le virement. La remise des fonds au banquier du
destinataire marque. on le voit, le point d'achèvement de la mission confiée au banquier du
donneur d'ordre. Elle marque aussi le point de départ des obligations du banquier du
bénéficiaire, obligations qui, au-delà de la prise en charge du produit du virement, impliquent
également le report des sommes encaissées au compte du mandant et, enfin, l'envoi d'un avis
de virement.
367 - n devient évident, à présent, que l'inscription du produit du virement au compte
du bénéficiaire ne ressortit pas aux rapports du donneur d'ordre et du bénéficiaire. Elle ne doit
donc pas être regardée comme une condition détermlnante de la libération du premier(807).
En effet, "si l'écriture au crédit a bien valeur libératoire, c'est au seul bénéfice de la banque
bénéficiaire dont elle traduit la pleine exécution de son obligation de résultat et l'expiration
corrélative de Son mandat,,(808).
A la question, sus-évoquée. de la délimitation des champs respectifs des mandats
confiés à leurs banquiers par l'émetteur et le bénéficiaire du virement, est liée celle du
(80'7) V. Didier Martin, article précité. Revue de droit bancaire, ~"'pt.-oÇL 1989, p,152. 2ème el 3ème colonne,
(808) Didier Martin, op. cit., loc. ch., (3ème colonne),

282
moment où le droit du bénéficiaire sur les actifs virés devient intangible, de sorte que toute
rév'ocation ultérieure de son ordre par l'émetteur du virement ne peut, dès lors, être efficace.
2. LE MOME~T DE L'IRREVOCABILITE DE L'ORDRE DE VIREMENT.
368 - L'ordre de virement étant analysé en un mandat, sa révocabilité ne suscite aucune
contestation dans son principe(809). Le problème qui se pose sur cc terrain est relatif au
moment où cette révocabilité cesse. le droit qu'acquiert le bénéficiaire du fait de l'exécution
du mandat étant devenu définitif. intangible.
Sur cette question, la doctrine avait des vues opposées. Pour la majorité des
auteurs(81O). l'ordre de virement devient irrévocable au moment où le compte du donneur
d'ordre est débité. Dès cet instant. les sommes débitées sortent du patrimoine du donneur
d'ordre et sont affectées de ma..rùère irréversible au bénéficiaire. Ainsi, dessaisi de ces
sommes, l'initiateur du virement (ni ses créanciers) n'a plus aucune emprise sur elles, quand
bien même elles seraient encore en la possession de son banquier.
Pour d'autres auteurs(81l), au contraire. l'ordre de virement ne devient irrévocable qu'au
moment où, le compte du bénéficiaire ayant été crédité, le virement est considéré comme
entièrement exécuté. Avant ce moment, le donneur d'ordre, pour le compte de qui les sommes
à virer sont détenues, disposerait de la faculté d'annuler son ordre et, au besoin, de demander
la réintégration à son camp le des sommes déjà débitées.
369 - Cette dernière position est celle qui s'accorde le plus avec l'analyse de l'ordre de
virement en un mandat, donné par l'initiateur de l'opération à son banquier, aux fins
d'effectuer, an profit d'un tiers, par l'Intermédiaire de la banque de ce dernier, une remise de
(~~) V. notarnmeru CabriU9~ el Rives•.Lan~e. rép.:. corn. précüé, 1l;'42; ~ives.L.a':lge el Co.nlamine·~~fu~aud. op. cil..
Il ~n. p.J12; H, et M. Cabrillac, op. crr., Il 383. p.207; Didier Martm, article précité. loc. CIL. p.l'SO. ~
C<;Jlolme. V.
également Casso com. 26 janv. 1983. D.19113,I.R.463: Banque 1984.493, Courrier des jecieurs, Banque 19111.1027, Courrier
des lecteurs.
(810) V. notamment H. el M. Cafmûac, op. cir., n'405, p.222: Rives-Lange et Eontamme-Raynaud, ~ cn., g'264, p.359;
M. jeannn. op. cit.n'166, p.!l6; Didier Martin, article précité, loc. cil., p.ISO, 2em.. colonne et p.15I, 1
et 3 me colonne;
M, C",brlUBc et B. Teyssié. cbs. sur Casso cam. 26 janv. 1983, RT.D.Com.1983.129; Caerfuac ct Rives-Lange. rép. dr.
com., précité. n"42.
(811) V. Gal'Blda et Sloumet. Droit de la banque, n'350, p.450 ct s.

283
fonds. Si le débit du compte du donneur d'ordre, par le banquier chargé du virement, est le
signe du début d'exécution de la mission confiée, cet acte ne constitue pas, en lui-même, la
remise de fonds envisagée. Cette remise n'intervient. effectivement, qu'après l'inscription de
crédit en faveur du compte du bénéficiaire (lorsque le virement est opéré au sein d'une même
banque) ou, au moins, en faveur du compte que le banquier dudit bénéficiaire possède auprès
du banquier émetteur, ou après la compensation intervenue entre les banques concernées, en
chambre de compensation (lorsqu'elles ne sont pas en relation directe de compte). On est alors
en droit de soutenir qu'aussi longtemps que le banquier du donneur d'ordre a en sa possession
les valeurs à virer. il les détient au nom ct pour le compte du mandant, son client, lequel
devrait logiquement être en mesure dans ce laps de temps, de faire échec au transfert qu'il a
initié, en révoquant son ordre.
370 - Par contre, la thèse, moins convaincante, d'après laquelle c'esr le débit porté au
compte du donneur d'ordre qui marque le moment du transfert de propriété sur les valeurs à
virer. pose la question (fondamentale, sous le rapport de la qualification de mandat que ses
tenants reconnaissent, du reste, à l'ordre de virement) de savoir à quel titre le banquier du
donneur d'ordre détiendrait les sommes qu'il a débitées du compte de son client, mais qui ne
seraient pas encore mises en possession du banquier du bénéficiaire (dans l'hypothèse, par
exemple, d'Url virement entre deux banques situées dans des réglons éloignées. voire dans des
pays étrangers).
371 . L'explication selon laquelle le banquier du donneur d'ordre détiendrait ces
sommes en tant que mandataire ou, à tout le moins, gérant d'affaires du bénéficiaire n'étant
pas admissible(812\\ surtout lorsque l'opération met en présence deux banques différentes, on
a eru pouvoir trouver la solution du problème posé ci-dessus dans la distinction entre la
délivrance d'une chose à livrer et le transfert de la propriété sur ladite chose(813). Pour M.
(8121 La persistance des obligaliom; i.<;l'ue~ du mandat qu'if l\\ reçu du donneur d'ordre. e"dut, en effet, que le banquier de
celui-ci apparaisse, dans l'exécution desdires obligations. comme agissant pour le compte, non plus du mandant originel,
mais, au contraire, pour le compte de la personne au bénéfice de qui il a reçu mission d'intervenir. Certes. un cumul des
qualités de mandataire du donneur d'ordre et du bénéficiaire n'est pas impossible, mais un lei cumul ne peut se concevoir que
dans le cadre d'Une succession (el non d'une confusion) des obligations issues de ces différents mandais. Pour une autre
justification du rejet de l'inversion de la qualité du banquier du donneur d'erdre. au cours de l'..xécution de~ obligations du
mandat qu'ii a reçu de son client, v. Didier Martin. op. cu., loc. cit., p.I5!. in fine.
(813) v. Didier Martln, op. cit., lac. cit.• p.l50. 3ème cotonne, et p.152, 1ère colonne,

284
Didier Martin(814) "le virement comporte un décalage -banal pour les choses à livrer- entre
le transfert de titularité de l'avoir et celui des risques correspondants: tandis qlte le premier a
lieu par l'écriture de débit, le second est différé jusqu'à la délivrance au mandataire su
bénéficiaire, c'est-à-dire d la compensation. De là résulte qu'en gérant les risques de la
chose, assumés par le donneur d'ordre avwE( compensation, la banque de ce dernier ne laisse,
jusque id, d'agir exclusivement pour son compte et en son nom".
372 - Cette solution, ingénieuse. a le mérite de bien situer dans leurs cadres respectifs (à
savoir un mandat de délivrer pour l'un et un mandat de recevoir pour l'autre) les interventions
des banquiers de l'émetteur de l'ordre de virement et du bénéficiaire. Ce qui condamne. par
voie de conséquence, la théorie d'une substitution de mandat entre ces deux banquiers, et "ôte
toure substance à Une quelconque relation de droit prétendue entre [la banque du donneur
d'ordre} et le bénéficiaire, el prive du même coup celui-ci de Ioule action éventuelle contre
celle-là si l'écriture en mouvement n'aboutissait pas, finalement,
au
crédit de Son
compte,,(R 15),
373 - Toutefois. en recourant, pour justifier l'effet attribué à l'écriture de débit portée au
compte du donneur d'ordre. à l'idée d'un décalage entre le transfert de propriété sur les choses
à livrer et le transfert des risques relatifs à ces mêmes titres, l'éminent professeur s'écarte,
paradoxalement, du cadre des contrats de mandat, dont il a pourtant, si excellemment, su
définir les contours, pour raisonner sur la base d'un autre type de' contrats, ceux qui, comme la
vente, sont essentiellement translatifs d'un droit de propriété. En effet, dans les contrats du
type de la vente. l'échange des volontés, qui emporte, en principe, transfert automatique de la
propriété SUI la chose convoitée par l'un des contractants (sauf accord des parties pour différer
les moments des transferts de la propriété et des risques), est la condition même du contrat.
L'existence du contrat implique, en elle-même, l'obligation de délivrer la chose objet de la
transaction, suite au transfert de propriété résultant de l'échange des consentements(816).
{814) Didier Martin, op. ca.. toc. ca., p.152, t ère colonne.
(815J Ibid.
(816) Sur le rôle de la volonté des parties contracaantes, en matière de transfert de propriété et de transfert des risques, v. not.
Jacques Ghestin et Bernard Desebè. Traité des comraxs. La vente. L.G.DJ. 1990, n'524 el S., 'P.589 ct s.

285
374 - Dans le cadre du mandat de délivrer la situation est différente. L'obligation qu'a le
mandataire de remettre la chose à la personne désignée ne tient qu'à la volonté du seul
mandant. Cette volonté ne suffit pas, à elle seule, en l'absence de la preuve de l'acceptation du
bénéficiaire(8I7), à entraîner un quelconque transfert de propriété au profit de ce dernier. tant
que la chose n'est pas passée en sa possession, par la remise. qui va retirer, du même coup. au
mandant. tout pouvoir sur la chose concernée. Elle est encore moins capable de provoquer.
seule, le décalage prétendu entre le transfert de propriété sur le bien à livrer, et le transfert des
risques relatifs à ce bien.
Le virement, c'esr connu, n'implique pas nécessairement, pour sa réalisation. un accord
de volontés des parties (initiateur et bénéficiaire). duquel il se déduirait que le transfert de
propriété des valeurs virées s'opère au moment où le compte du donneur d'ordre est débité
desdites valeurs, Il n'empêche que le principe selon lequel l'écriture de débit inscrite au
compte de l'initiateur d'un virement emporte la perte, par ce dernier, de la propriété sur les
valeurs débitées, a été consacré par la Cour de cassation, dans une décision du 26 janvier
1983(818), Le client d'une banque qui, pour un paiement à effectuer un lundi 10 avril, avait
donné un ordre de virement à sa banque, était revenu sm cet ordre le jeudi 6 avriL Mais la
banque avait déjà, dès le mercredi 5 avril, mis à exécution l'ordre qu'elle avait reçu du client.
L'action du donneur d'ordre contre sa banque donna l'occasion à la Cour d'appel d'affirmer, ce
que la Cour de cassation approuve, que "l'inscription d'un virement au débit du compte du
donneur d'ordre fait perdre à ce dernier la propriété de la provision et ... dès ce moment,
l'ordre de virement ne peut plus être révoqué par le mandant",
375· Pour avoir tranché en faveur de la solution la-moins en accord avec la qualité de
mandataire du banquier du donneur d'ordre, la décision de la Cour de cassation prête le flanc
à la critique. Car l'inscription du virement au débit du compte du donneur d'ordre n'implique
(817) Or cene acceptation (dontla conséquence serail de rendre irrévocable le mandai du banquier dl" l'émetteur du virement)
ne peut êtH' certaiee qu'à III suite de la récepucn el de la conservation, par le bénéficiaire, da la valeur virée. C'est-à-dire,
après I'exécuucn, par le mandataire, de sa mission. On ne peut considérer, en effet, que le droit du bénéficiaire sur le~
sommes à virer, naît de l'ecccrd qu'il a conclu avec le donneur d'ordre, relativement :li l'utillseuon du virement tomme mode
de règlement de leurs créances ou dettes, même si la transmission de l'ordre de virement, donné sous III Iorme d'un écrit ou de
tout autre signe, magnétique par exemple, estlaissée à l'inidenve du bénéficiaire Cv, Rive-...Laoge et Cooumine-Rayoaud,
op. cit., JI'Z72, p,372). Sauf, Ioulerais, dans les caS,lrh exceptionnels, où l'ordre de virement est émît sous la forme d'un titre
11. ordre ou au porteur (v, notamment Cabrtllac el Rives-Lange, rép. dr. com.. précité, n'31 et B5),
(818) Cess. corn, 26 janv. 1983, D.1983,I,R.4b9, cbs. M, Vasseur; RT,D.Com.1984.129, cbs. M, Cabrillac et 8. Te)'llSié.

286
pas nécessairement que les sommes à virer sont passées sous le pouvoir du bénéficiaire ou de
son banquier. Ces sommes peuvent très bien se trouver encore sous la responsabilité du
banquier du donneur d'ordre. ou d'une banque intermédiaire, mandataire de ce dernier.
L'irrévocabilité du virement, à ce stade d'exécution, est inexplicable au regard du mandat qu'il
est censé constituer. Mais. à bien y réfléchir. cette décision pêche moins par inexactitude de la
solution adoptée, que par le caractère trop absolu du principe qui en ressort. La plupart du
temps, en effet, l'inscription du virement au débit du compte du donneur d'ordre coïncide avec
le transfert effectif des valeurs à virer(819\\ à la suite soit de la compensation intervenue entre
les banquiers concernés, soit de l'écriture de crédit portée au compte que le banquier du
destinataire possède auprès de son confrère chargé de l'opération ou. plus directement, au
compte du bénéficiaire (lorsque les deux comptes visés se trouvent dans la même banque).
Dans ces cas, en effet, il n'est pas faux de dire que l'inscription du virement au compte du
donneur d'ordre emporte l'irrévocabilité de l'ordre de virement par suite du transfert de
propriété intervenu en faveur du bénéficiaire, quand bien même Je compte de ce dernier
n'aurait pas encore enregistré J'écriture de crédit correspondant à ce transfert. Mais à la vérité.
et en toute rigueur, le transfert de propriété est provoqué. non par le débit pané au compte du
donneur d'ordre. mais. au contraire, par la prise de possession subséquente. par le bénéficiaire
(généralement par l'intermédiaire de son banquier, mandaté par lui pOUT recueillir en son nom
tous biens à lui destinés), des valeurs dirigées sur son compte. La pertinence de cette
affirmation se révèle dans les cas où la réalisation du virement impose l'écoulement d'un laps
de temps plus ou moins long entre l'écriture de débit portée au compte du donneur d'ordre et
la réception par le banquier du bénéficiaire de l'avis lui pcnnettant de créditer le compte de
son client. Il en va souvent ainsi en matière de virements internationaux, à l'occasion desquels
(819) Les gros effort> déployés ces demiêres années par les milieux bancaires pour développer des réseaux (ou des systèmes)
interconnectés de transfert électruuique de fonds er de télécompensation en temps réel (on Ime). laissent présager que danll un
proche avenir, il n'y oum plus de d6:ahlge perceptible entre le débit du compte du donneur d'ordre el la transmission effective
des sommes objet du virement. Cela vaUdI'Jil même pour les virements internationaux. Mais, pour l'heure, les systèmes de
transferts électroniques de fonds, foncticnnenr dam leur grande majoril.é off Ime, c'est-à-dire en temps différé (sur ce point, v,
M. Cabrina~. monétique el droit du paiement Mélanges De Juglarl. L,GD.!,. Montchrestien, Techniques, 1986. p.E3, n'2;
Marie Danielle Poi...Iilln, Les transferts électroniques de Ionds : une incursion oeas l'avenir du virement, Annales de la
Faculté do. Droit et de Science Politique de l'Université de Clermont I. Isse. 2J. L.GDJ. 1985-1986•."P.15 et s.. n'22;
Françoise Morin, us secrets ces eertes bancaires. Seieoce et Vie Economie, n'17, mai 1986. p.62 et 5 .• n'1t Le problème du
décalage entre le débit du compte du donneur d'ordre el la transmission effective des fonds demeure. par conséquent.

287
le recours à une ou plusieurs banques intermédiaires est souvent indispensable pour atteindre
la banque du bénéficiaire.
376 . Dans ces derniers cas, le principe énoncé par la Cour de cassation dans Sa décision
du 26 janvier 1983 se trouve en contradiction avec la qualité de mandataire (du donneur
d'ordre) reconnue unanimement au banquier de l'initiateur du virement Rien. dans cette
hypothèse, ne justifie l'acquisition par le bénéficiaire, de la propriété des fonds en mouvement
vers son compte. mais de l'acheminement duquel, peut-être, ni lui-même, ni son banquier ne
sont encore avisés. Quoique déjà débités du compte du donneur d'ordre, les fonds en
mouvement restent sous la responsabilité du banquier de ce dernier, en sa qualité de
mandataire de son client, donneur d'ordre, et, éventuellement, de sous-mandant (lorsque les
sommes à virer sont encore en la possession d'un banquier intermédiaire. sous-mandataire du
banquier du donneur d'ordre).
Même s'il a été informé de l'acheminement, en direction de son compte. d'un virement,
le bénéficiaire n'acquiert un droit effectif sur les valeurs virées que le jour où, par suite d'une
compensation ou d'une inscription à son compte, le banquier de ce dernier a été mis en
possession des fonds précédemment débités du compte de l'initiateur du virement(820),
377 - C'est dire que, contrairement à l'affinnation de la Cour de cassation (82 1), ce n'est
pas véritablement le débit porté au compte de l'initiateur du virement qui opère le transfert de
propriété envisagé par le virement. et rend. par voie de conséquence. l'ordre de virer
irrévocable. mais, au contraire. la remise des valeurs débitées à leur destinataire ou à son
représentant. Il n'en serait autrement que si le virement s'analysait en une convention
essentiellement translative de droits, qui met directement en présence les titulaires des
comptes à débiter et à créditer. Or il n'en est rien. S'agissant. au contraire, d'une opération
relevant de la théorie du mandat, on ne peut que lier le transfert de propriété et. panant,
, l'irrévocabilité de l'ordre de virement. à la prise de possession effective (voire à l'acceptation)
par le tiers bénéficiaire (notamment par l'intermédiaire de son représentant) du bien que le
(S20) Il est de règle. en effet, que rémission d'un ordre de virement ne donne aucun droit S\\lI la "provision" au bénéficiaire,la
demande d'exécution de cet ordre fût-elle laissée âl'initiative du bénéficiaire, Sauf, toutefois. dans les cas, exceptionnels, où
l'ordre de virement est émis sous la forme d'Un titre 11. ordre, ou au porteur.
(sn) Casso corn, 26 janv. 1983, précité,

288
mandataire du remettant avait mission de lui transmettre. Le mandataire, en effet, n'est tenu,
en l'absence de tout engagement personnel pris à l'égard du tiers cocontractant de son
mandant. que d'une obligation de faire vis-à-vis de son mandant. El quand bien même ceue
obligation consisterait à remettre une chose à autrui, cela ne la transformerait pas pour autant
en .une obligation de donner. Il est vrai que le virement a souvent pour cause le paiement
d'une deue contractée par le donneur d'ordre envers le bénéficiaire, de sorte que le premier est
tenu à l'égard. du deuxième d'une obligation de donner portant sur une certaine somme
d'argent Mais l'ordre de virement n'a pas pour effet de rendre le banquier du donneur d'ordre
débiteur, à l'égard du bénéficiaire, de l'obligation de donner dont ce dernier est créancier vis-
à-vis du client du premier. Dans ces conditions, on ne voit pas par quel mécanisme juridique
l'obligation de faire, dom le banquier du donneur d'ordre est débiteur vls- à-vis de son client
(du fait du contrat de mandat les liant), pourrait entraîner, par lui-même. et avant l'exécution
de l'acte de remise projeté, le transfert au profit du tiers (auprès duquel il a été mandaté), du
droit de propriété relatif aux choses que ledit banquier a mission de lui donner.
378 . Toutes les raisons évoquées ci-dessus montrent qu'en situant, de manière absolue,
la perte, par le donneur d'ordre, de la propriété sur les sommes à virer, au moment du débit de
son compte, la Cour de cassation n'a pas tiré la conséquence de la qualification de l'ordre de
virement en un mandat. La prise en compte de cette qualification l'eût conduite à décider que
le transfert de propriété consécutif à l'exécution d'un ordre de virement se situe au moment où
le banquier du bénéficiaire a pris possession, au nom de son client, des valeurs destinées à
être portées au crédit du compte de ce demier(822).
Quoi qu'il en soit, il n'est pas douteux, en droit positif, que le virement (ou tout au
moins l'ordre de virement) relève de la théorie du mandat. D'abord parce que, comme on l'a
montré, les banquiers chargés de sa réalisation interviennent, par représentation de leurs
(822) Comparer avec la solution proposée par MM. Gavalda et Stoumet. Droit de la banque. précité n'350, p.45L Pour ces
auteurs, "si le comple du bénificÎl1ire est tenu par une autre banque ou une autre agesce. le viremera est accompli l'W1l au
jour du débit du compte du donneur d'ordre, mais =jour où le compte du binJficiairr es, crédité", Parce que "/(Ulf que
récriture de crédit n'est pas parlée ail compte du béntificiaire, la somme virte n'est pas enJrée dans SOfl patrimoine. Le
donneur d'ordre peul donc révoquer le l'irertll!ut el exiger la réinJégralio1/ de la somme d son compte", Mais il faut observer
que la solution de ces auteurs ne tient pas compte de ce que l'inscription du virement au crédit du compte du bénéficiaire
présuppose la perception préalable, par le banquier de ce dernier, des sommes virées, en sa qualité de mandataire am.
encaissements de celui-ci, La pme en compte de cette donnée aurait inévitablement conduit ces auteurs à la solution que nons
préconisons.

289
clients. le donneur d'ordre et le bénéficiaire. Ensuite (et c'est l'objet des développements
~t'!.$
sutvantsple virement est un acte de nature conventionnelle, comme c'est nécessairement le cas
pour tout mandat.
§ u LE VIREMENT BANCAIRE EST UN ACTE DE NATURE
CONVENTIONNELLE.
379 - Quand bien même elle impliquerait représentation d'aUU1JÎ, une situation juridique
ne mérite la qualification de mandat. on le sait(823\\ que lorsqu'elle procède d'une convention
des parties qu'elle concerne. La qualification de mandat reconnue au virement, par les juges,
ne serait, par conséquent. fondée, que s'il était démontré que les obligations du banquier invité
à effectuer une telle opération trouvent leur source dans un contrat CA). Mais on peut se
demander si l'existence de plusieurs variantes de l'ordre de virement (B) ne constitue pas,
précisément, a priori. un élément de démonstration du caractère conventionnel de l'opération
de virement.
A. LE CONTRAT, SOURCE DES OBLIGATIONS DU BANQUIER INVITE A
OPERER UN VIREMENT.
380 - L'importance du rôle des banques dans la société moderne, le monopole d'activités
dont elles bénéficient, de même que l'obligation que fait la loi à certaines personnes de régler
certaines de leurs dépenses par virement (ou par chèques barrés) (824) poussent à se demander
si l'exécution des ordres de virement par les banques ne trouve pas sa justification dans la
contrainte de la loi, eu égard à leur qualité de professionnels, jouissant, de surcroît, d'un
, monopole légal, et, de ce fait, quasiment investies d'une mission de service public. Cette
question se pose d'autant plus que l'article 4 de la loi du 13 Juin 1941(825) pouvait être
(82J) v. supra, n'36.
(824) V. également supra, noie n')07.
(825) Relative â la réglementauon et 11 l'organisation de la profession bancaire, loi abrogée, en France, par la loi n'84-46 du
24 janv. relative racuvité et au contrôle des établissements de crédit (arL94-1). V. lü.R.F. du 25 janv. 19&4.
à

290
interprété comme mettant à la charge de toute banque, en contrepartie des dépôts de fonds
qu'elle reçoit du public, l'obligation d'assurer au déposant un service de caisse et. par
conséquent. "de payer, à concurrence des fonds se trouvant en dépôt, tous ordres de
disposition donnés par lui, par chèques, virements ou de toute autre façon, en sa faveur ou en
faveur de tiers et de recevoir, pour les joindre au dépôt, toutes sommes que ladite entreprise
ou personne dépositaire aura à encaisser pour le déposant soit d'accord cvec celui-cl, soit en
vertu de l'usage".
Mais il n'en est rien, car l'obligation du banquier qui se charge d'exécuter un virement
trouve, en réalité, sa source dans un contrat l'unissant au donneur d'ordre. C'est, en effet, en
venu d'une promesse qu'il a souscrite (au moins tacitement) au moment de l'ouverture du
compte. que l'ordre de virement, qu'il reçoit de son client, impose au banquier d'effectuer
l'opération demandée (dans la mesure où la position du compte le permet). On sait, en effet,
que par l'ouverture d'un compte, le banquier (à qui le droit de refuser cette ouverture est
reconnue)(826) s'engage, envers le titulaire, à exécuœr. notamment, tous les ordres de
paiement ou, plus généralement, de transfert de fonds .que ce dernier lui donnerait(827). Ce
service de caisse qui, pour beaucoup de personnes, constitue le principal intérêt d'un compte
bancaire, est tellement entré dans tes moeurs aujourd'hui, qu'il s'attache indiscutablement à
l'ouverture d'un compte ordinaire de dépôt d'espèces(828), L'article 4 de la loi du 13 Juin
1941 (précitée), en faisant allusion à l'obligation du banquier dépositaire d'assurer au déposant
un service de caisse, n'instituait pas ladite obligation. Il n'a fait qu'entériner une pratique déjà
instaurée par les usages bancaires, ainsi que le laisse d'ailleurs entendre, clairement, la fin du
texte en cause.
C'est dire que la situalion de monopole dans laquelle se trouvent les banques n'a pas
pour effet de leur conférer, par cela seul, et contre leur gré, la qualité de représentantes de
(326) V. notamment Ch. Gl'I.valda. Les refus du banquier. J.C.P.1961.I.1727. n"5 et s. et n'[4; J, Hamel, Le droit du
banquier de refuser l'ouverture d'un compte, Banque 1959.6. V. également, supra n'142.
(827) V. supra, nOs 5 Let 133.
(828) Toutefois. en ce qui concerne le paiement des chèques, le bénéfice de ce service est subordonné à la conclusion d'une
convention particulière (supplémentaire) de tirage de chèques. extériorisée par la délivrance d'un carnet de chèques au
titulaire dudit compte.

291
leurs clients(829). C'est. au contraire, sur une base conventionnelle qu'elles s'engagent à
exécuter les mandats qu'elles reçoivent de leurs clients.
381 - La particularité de ces mandats. au stade de leur formation. ne se trouve donc pas
dans l'absence de consentement du mandataire (car ce consentement existe en réalité) mais, au
contraire. dans la complexité du processus de leur formation. Souvent. en effet, plusieurs
étapes sont indispensables à la perfection de ces mandats.
La première, constituée par l'ouverture du compte, révèle la volonté du banquier de
tenir. à l'égard de son client, le rôle de mandataire, notamment, pour toutes les opérations de
paiement et d'encaissement concernant ce dernier. Cependant. à ce stade, la qualité de
mandataire n'est effective que pour les actes juridiques n'impliquant pas une diminution des
avoirs en compte. Le mandat général(830) et, de surcroît, conçu en termes généraux(831), que
comporte la convention d'ouverture d'un compte de dépôt d'espèces est. en effet. impuissant à
autoriser des actes de disposition de la part du banquier. Pour de tels actes. un mandat
exprès(832) est indispensable. Il sera donné généralement sous la fonne d'un ordre de
paiement précis, notamment, sous celle d'un ordre de virement.
L'émission d'un ordre de virement (ou plus spécialement d'un ordre de paiement)
marque par conséquent, en ce qui concerne les mandats impliquant un acte de disposition (ou
du moins, une diminution du solde du compte du mandant), J'ultime étape du processus de
formation du contrat(833), Par chaque ordre de virement, le titulaire du compte extériorise sa
{829j Il faut aigneler, cependant, les dispositions de l'arL.58 de la loi du 24 janv. 1984 (préeirée), qui prévoit la pœsibjlité.
pour un établissement de crédit, de se voir im~~er (par la Banque de France) l'obligation d'ouvrir {contre son gré) ur, compte
de dépôt d'espèces à une personne qui. ayent eLé refusée par plusieurs benquicrs. ne dispose. tir ce [ah, d'aucun compte. Mais,
le caractère véritablement exceptionnel de cette situation ne peut permettre de déclarer que les obligations du banquier envers
ses clients sont la conséquence de la fonction qui est la sienne et n'ont pas. de ce f:lit., un caractère conventionnel. Au
contraire, la prévision de l'art..58 précité prouve bien, par un raisonnement a contrario que, d'ordinaire, c'est librement que le
banquÎd accepte d'ouvrir un compte el s'engage, en conséquence, à effectuer toutes les opérations qUÎ s'y rattachent
habuuellement.
(830) Nous qualifions ainsi ce ffillnd2t parce qu'il embrasse. en principe. toutes les affaires du mandant, dans le cadre du
compte bancaire. Le mandat général s'oppose. on le sait, au mandat spécial, lequel est donné. normalement, pour une affaire
déterminée (v. artl987 C. civ.). Chacun de ces deux types de mandat pouvant d'ailleurs être soir exprès (dans ce \\;M, 111
nature précise des acles aUiorisés esr indiquée), soit conçu en termes généraux (dans ce cas, les pouvoirs réels du mandataire
ne ressoneru pes avec Ms.a de précision). v. ~.1~88 C. civ. ~dde, René Rodiè~ rëp. dr. civ., précjté, v' Mandlll, n"132 et
s.; Ph. le Tourneau. Enc. Jur. Dallez, rép. dr. civ .. 2 éd, t.. V, v Mandai (1992). n 78 el s.
(831) V. note précédl'nte.
(832) V. notes précédentes.
(83)) En ce qui concerne le chèque. son émission m"'quc la troisième el dernière étape du processus de formation du mandat
de payer donné au banquier tiré. V. supra n'13.5.

292
volonté de lever l'option que lui a consentie le banquier, à travers la promesse d'exécution
donnée préalablement par ce dernier, une fois pour toutes(834)(835>, par suite de l'ouverture
du compte.
382 - L'obligation, dans laquelle se trouve le banquier, d'exécuter les ordres de virement
qu'il reçoit de son client, trouve donc bien sa source dans des contrats le liant à celui-ci. et
dont chaque ordre de viremeut constitue, à la fois, la condition et le signe de la perfection.
La nature conventionnelle des obligations résultant d'un ordre de virement telle qu'elle
vient d'être démontrée, semble, par ailleurs. confirmée par l'entière liberté laissée aux
contractants. en la matière, quant aux conditions el aux modalités de l'opération de virement,
et qui se manifeste, en pratique, par l'existence de plusieurs variantes de l'ordre de virement.
B. L'EXISTENCE DE PLUSIEURS VARIANTES DE L'ORDRE DE
VIREMENT, MANIFESTATION DE LA NATURE CONVENTIONNELLE DU
VIREMENT.
383 - En principe, l'ordre de virement n'est soumis à aucun formalisme particulier(836).
Son exécution s'impose au banquier dès lors qu'il exprime avec certitude des instructions
précises provenant du titulaire du compte (ou de son fondé de pouvoir). C'est dire que l'effet
obligatoire de l'ordre de virement ne dépend que de la seule manifestation des volontés des
parties concernées, c'est-à-dire, de l'échange de leurs consentements, et de ce seul fait. En
effet, on s'en souvient(837), c'est J'émission de l'ordre de virement qui entraîne la perfection
du contrat projeté et par la même occasion sa force obligatoire. Comment, dans ces
conditions, ne pas admettre le caractère consensuel des obligations issues de l'ordre de
virement? Et comment ne pas y voir une manifestation de la nature contractuelle de ces
(834) Il faut bien noter que chaque ordre de "paiement" donne naissance à un mandat anœnome par rapport aux autres
mandats dont Je banquier peut être chargé par ailleurs, notamment par des ordres de même nature, et pour lesquels mn
acceptation est censée acquise d'avenee, une fois peur toutes. du fait de l'ouverture du compte.
(835) Ceue promesse du banquier est eensée durer jusqu'à ee que le banquier manifeste son désir de reprendre sa parole, par
exemple, par la limitation des possibilités offertes par le eornpte ou, plus eatégoriquement, par la clôture du compte.
(836) V. par exemple Casso corn. 29 janv. 1985, Bull. cs. IV, 0'36, P.28; D.1986,r.R.328. obs. M. Vasseur.
(837) V. supra, 0°381.

293
obligations? La nature contractuelle du virement transparaît. au reste. dans la liberté laissée
aux parties quant à la détermination des conditions et des modalités de l'opération, et qui a eu
pour résultat. en pratique, de donner naissance à plusieurs variantes de l'ordre de virement.
384 - D'une manière générale, l'ordre de virement peut être donné sous une forme
quelconque, que ce soit par écrit, verbalement (par téléphone, notamment), sous forme
magnétique, par le truchement d'une bande magnétique, sous la forme d'une carte perforée
(carte
mécanographique), ou encore par le
truchement
d'impulsions électriques ou
électroniques émises à l'aide d'appareils spéciaux de télétransmission (télex, minitels,
ordinateurs particuliers, notamment). Mais ce qui permet de distinguer les différentes
variantes de l'ordre de virement ce sont les conditions d'émission et les modalités d'exécution
de l'ordre. De ces points de vue on peut trouver un élément de différenciation des ordres de
virement selon qu'ils envisagent une intervention ponctuelle ou qu'ils commandent une
opération de nature permanente.
Aux rangs des ordres de virement visant à obtenir un transfert de fonds, on trouve non
seulement tous les ordres ordinaires (pour lesquels la forme utilisée importe peu), mais
également ceux qui se singularisent par le fait qu'ils sont véhiculés par l'intermédiaire d'écrits
particuliers, souvent constitutifs d'un titre. tels que les ordres de virement à ordre ou au
porteur(838), les T.U.P. (titres universels de paiement)(839), les T.I.P. {titres interbancaires
de paiement)(8401, les mandats de la Banque de France(84I).
(838) On admet en effet qu'uu ordre de virement puisse être émis sous la forme d'un titre uégociabje. Cela a pour effet de
conférer au porteur du titre un droit de propriété sur la "provision", et de le mettre 11 l'abri des exceptions que le banquier
pourrait ehercher à lui opposer pour refuser le paiement. V. H. fI M. Cabrillae. op. eir.. n'3118. p.Zl I el s.
(839) Le T.U.P. est un imprimé particulier que le créancier envoie à son débiteur en même temps que la facture, et sur lesquel
apparaissent les noms des deux parties er les coordonnées bancaires du créancier. Pour en faire un ordre de virement, il suffit
au débiteur de Je signer après y avoir inscrit ses propres coordonnées bancaires ou joint WJ relevé d'idemité bancaire. et de
l'envoyer à son organisme spécial. le C.E.T.U.P {Centre de Traitement des T.U.P.) qui se chargera de l'acheminer àla banque
débitrice par.Tintermédiaire de l'ordinateur de la Banque de France. Sur ce tille. v. H. et M, Cebnnec. op. cit. n'3&7. p.211j
Ch, Gavalda el J. Stoumet. Droit du crédit, précité. 1.2, n'I60. p.217.
(340) Le T.I.P. fonctionne selon le même prineipe que le T.U.P. dont iL n'est que l'amélioration. A la différence de ce qui se
• passe pour le T.U.P.. l'envoi d'Un T.LP. n'entraîne pas automatiquement la mise en oeuvre du règlement projeté. Le virement
ordonné ne sera réalisé qu'à la date indiquée par Je débiteur sur le titre. c'est-à-dire. en fait. la date déchéance de la dette à
payer. Sur ee moyen de paiement, v. par ex. J.·L, Rtves-Lange el M. Contamlne-Rayuaud, op. cir, n'304, p.430; Ch.
Gavalda et J. Stournet. Droie du crédit. précité, t.2. n'160. p.2l9.
(841) On distingue les mandats fouges et les mandats bleus, Les premiers servent àt opérer des virements entre deux comptes
tenus àt la même succursale. Ils sont destinés à être remis au bénéficiaire (per le donneur d'ordre) lequel se charge de les
déposer àt la banque. Ces mandats fouges ne sont délivrés qu'à un nombre restreint de clients importants de la Banque de
France. œls que les établissements de crédit. les notaires. etc. Les seconds (les mandats bleus) som utilisable! par tout client
de la Banque de Prence, qui désire provoquer un virement entre deux comptes tenus par cette banque (octemmenr au siège

294
En ce qui concerne les ordres visant à obtenir un transfert répétitif de fonds, aucun
formalisme n'est, non plus, exigé, en principe. Il suffit qu'en donnant ses instructions au
banquier, le donneur d'ordre indique à celui-ci les dates auxquelles les différents virements
doivent être opérés. Le caractère répétitif de certains paiements (les paiements des factures de
gaz et d'électricité, par exemple) dus à un même créancier a conduit la pratique à inventer une
technique de déclenchement des virements, dans laquelle l'initiative du transfert de fonds est
laissée au créancier.
385 - Ainsi fut créée la technique de l'avis de prélèvement, dont on s'accorde à
reconnaître qu'il ne constitue qu'une modalité particulière de l'ordre de virement(842). En
effet, au delà de la controverse doctrinale portant sur le point de savoir si l'avis de
prélèvement repose ou non sur un double mandat permanent (l'un donné par le débiteur à son
créancier pour l'autoriser à émettre des avis de prélèvement sur le compte de son débiteur, et
l'autre donné par le même débiteur à son banquier en vue du règlement des avis de
prélèvement provenant du créancier)(843), 11 est clair que le règlement des avis de
prélèvement s'inscrit dans le cadre des mandats que, par l'ouverture du compte, le banquier
s'est engagé à exécuter pour le compte du débiteur, son client. Mais, s'agissant d'actes de
disposition, la perfection du mandat est liée, on le sait, à l'ordre de payer donné par le titulaire
du compte. Ainsi s'explique la soumission du règlement des avis de prélèvement à
l'autorisation du débiteur. Les virements auxquels donnent lieu le règlement des avis de
prélèvement n'ont donc pas d'autre source que le contrat liant la banque solvens et le donneur
d'ordre. Ils sont seulement soumis, quant à leurs conditions d'exécution, à des modalités
différentes, arrêtées contractuellement par les parties concernées.
386 ~ La liberté laissée aux parties, quant à la forme que doit prendre l'ordre de virement
et quant aux modalités d'exécution de cet ordre est, assurément, une manifestation de la nature
conventionnelle des rapports d'obligation impliqués par le virement Visant à réaliser, au nom
social, ou dans des succursales différentes). Ils sont remis 11 la banque par le donneur d'ordre et non par le bénéficiaire. Sur
10LlS ces points, v. Hamel, Lagarde et jaurrret. op. cit., t.2, n'1742, p.792 er 5.; H. el M, CabrUfac, op, en.. n'389, p.212.
(842) V. not. H. el M. Cabrillae. op. cit.. n'385 ct S., p.2Œ et 5.; M, Jeanlin, op. cil.. n' L84. p.94.
(843) Sur les données de celle cornroverse el pour les arguments de contestation de la qualité du mandataire attribuée au
créancier, émetteur des avis de prélè...emeut, v. H. el M. Cabrillac, op, CiL, n'385, p.209.

295
et pour Je compte d'autrui, un acte de nature non légale. mais conventionnelle. c'est à juste
titre que le virement bancaire est qualifié de mandat en droit positif. Cependant. une telle
qualification ne correspondrait pas à la réalité si on n'en retrouvait les répercussions sur la
situation juridique des banquiers en charge de l'exécution du virement.

296
SOUS-SECTION II. LES REPERCUSSIONS DE LA QUALIFICATION DE
MANDAT SUR LA SITUATION JURIDIQUE DES BANQUIERS AYANT EN
CHARGE L'EXECUTION DE L'ORDRE DE VIREMENT.

387 - La situation juridique de tout mandataire se caractérise par l'obligation qu'il a
d'accomplir avec prudence et diligence la mission qu'il a acceptée et d'en rendre cornpte(844).
A défaut de quoi sa responsabilité se trouve engagée à l'égard du mandant et, éventuellement,
à l'égard des tiers. L'analyse du virement en un mandat devrait, en toute logique, produire les
mêmes effets, tant en ce qui concerne (es obligations du banquier à qui est confiée l'exécution
de l'ordre de virement (§ 1), qu'en ce qui concerne sa responsabilité (§ II).
§ 1. AU PLAN DES OBLIGATIONS DU BANQUIER CHARGE DE
L'EXECUTION D'UN ORDRE DE VIREMENT.
388 - L'émission d'un ordre de virement par le titulaire d'un compte bancaire met le
banquier de celui-ci dans l'obligation non seulement d'exécuter cet ordre, mais de l'exécuter
correctement, avec prudence et diligence (A). Il est également tenu de rendre compte de cette
exécution au donneur d'ordre (B). Ce sont là, assurément, (es obligations essentielles de tout
mandataire.
A. L'OBLIGATION D'EXECUTER CORRECTEMENT L'ORDRE DE
VIREMENT.
389 - L'exécution des ordres de virement fait partie des services habituels qui, dans
l'esprit du public, sont nécessairement inclus dans le fonctionnement de tout compte ordinaire
de dépôt d'espèces en banque. Aussi n'a-t-on pas tort d'affirmer qu'en aceeptant d'ouvrir un
eompte pour une personne, le banquier s'engage tacitement à honorer les ordres de virement
que cette dernière lui donnerait. C'est, par conséquent, en vertu d'une convention (rendue
(844) V. nol. Philippe Pétel, Les ohligatinns du mandataire. Uree 1988. n'7 et s.. p.18 et s.. et n"367 er s., p.23S et s.

297
parfaite par chaque ordre de virement)(845) que le banquier sc trouve tenu. Il ne peut donc
refuser d'exécuter un ordre de virernem(846).
Ayant pris le parti de l'exécuter, il doit encore y apporter tous ses soins, de manière à ce
que l'opération soit conforme aux instructions du donneur d'ordre. Cene exécution n'est due,
cependant, que si l'ordre de virement est régulier. Ce qui laisse entendre. qu'avant l'exécution
proprement dire (1), le banquier doit procéder à certaines vérifications (2), pour s'assurer que
toutes les conditions. mises à la validité de l'opération sont réunies.
l. LES VER1F1CATIONS PREALABLES A L'EXECUTION DU VIREMENT.
390 - Comme en matière de paiement de chèques, l'exécution des ordres de virement
qu'il reçoit des titulaires de compte requiert du banquier une grande vigilance à propos de la
régularité, au regard des conditions générales de formation et de validité des conventions (à
savoir le consentement, la capacité, l'objet et la cause)(847), de l'ordre qu'il s'apprête à
honorer.
De tous les éléments de validité ci-dessus cités, le consentement est celui qui, en notre
matière. exige l'attention la plus poussée, le risque principal du fonctionnement des comptes
de dépôt d'espèces résidant dans les versements que pourraient provoquer à leur profit.
frauduleusement, des escrocs ou autres délinquants l848). Aussi le banquier qui reçoit un
ordre de virement doit-il, avant tout, s'assurer de son authenticité, tant au regard de l'existence
même du consentement du titulaire du compte, qu'au regard des instructions contenues dans
(845) Le ccnseruement du banquier résultant d'une promesse permanente (laquelle dure tanl que le compte fonctionne, et en
l'absence de toute révocation de la pert du promettant) d'exécution des ordres de disposition, donnée préalablement par lui, du
fail de l'ouverture d'un compte impliquant normalement ce service. Le faÎl Que l'ordre de virement sail donné dans le cadre
d'un compte courent ne modifie, d'ailleurs, en rien les principes sus-énoncés. V. Casso corn. 23 avr. 1985, Bull. Civ.
Iv.n' 121.p.404; Gaz.Pal. L985.2.plUlor.259. note A. Ptedeuëvre.
, (846) V. M. CabriUac et J.-L. Rives-Lange; rép. dT. com., précité. n'60.
(8471 Sur tous ces points, v. M. CabriUac e.t J.-1.. Rives-Lange. rép. dr. com.. précité. n'36 et s. Rapprocher, supra. u'l64 et
s. (vérifications imposées par le paiement du chèque).
(848) Ce risque s'est encore accru ces derniers temps, avec la possibilité offerte eux titulaires de compte de réaliser des
transferts de fonds à l'aide de moyens électroniques (minitel ou autres ordinateurs personnels, guichets automatiques de
banques, terminaux peints de veme ce teeemaux de paiement électroniques, erc.).

298
l'ordre (la somme à virer et le bénéficiaire. notamment). Il ne pourrait, en effet. prétendre
imputer au titulaire du compte la charge d'un virement qu'il a effectué, qu'autant qu'il y a été
invité, de manière incontestable. par ce dernier, et dans la mesure des instrucrioas
effectivement données par celui-ci. Dans le cas contraire, ce banquier aurait agi sans pouvoir
et devrait, en conséquence, rétablir au crédit du compte de son client, les sommes indûment
prélevées. Il Ya là, incontestablement, une application des articles 1984 et 1998 du Code civil
(ce dernier texte précisant clairement que le mandant n'est engagé par les actes du mandataire
que lorsqu'ils ont été contractés "conformément au pouvoir qui lui a été donné. il n'est tenu de
ce qui a pu être fait au delà qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement"), d'où
résulte un élément de confmnation de la qualification de mandat reconnue à l'ordre de
virement. Les vérifications qu'impose, au banquier. l'exécution des ordres de virement émis
par ses clients, se justifient par conséquent, par la qualité de mandataire que ces ordres sont
censés lui faire acquérir(849). Ces vérifications om, en effet. pour objet, d'éviter au banquier
une intervention SiUlS mandat (au cas où l'ordre de virement s'avérerait faux), et une exécution
incorrecte des instructions du titulaire du compte de nature à l'exposer au risque d'avoir à
assumer personnellement (es charges et pertes découlant de l'exécution fautive de son mandat
(v. art. 1992, 1999 et 2000 du Code civil). Elles constituent, en quelque sorte, l'accessoire
indispensable de l'exécution proprement dite.
2, L'EXECUTION PROPREMEro.T DITE.
Lordre de virement que reçoit un banquier, de la part de son client. met à sa charge
l'obligation de réaliser l'opération demandée, dans les meilleurs délais (b). Toutefois,
l'exécution de cet ordre n'est due que lorsque certaines conditions sont réunies (a).
(849) Rapprocher. supra. n'256, à propos du débat conccmeru la question de savoir si les vérifications de sécurité (en matière
de chèques) ressortissent aux obriganous ut: mandataire 011 li. celles du dépositaire, le banquier cumulant ces deux quehtés à
l'occasion de tour acte de disposiuou de fonds, effectué 11 la demande du titulaire du compte.

299
a. Les conditions d'exécution de l'ordre de virement,
391 - Lorsqu'il exécute un ordre de virement, le banquier, qui agit à la demande du
donneur d'ordre et pour son compte, n'entend pas prendre à sa charge le poids de l'opération.
TI s'en déduit qu'il n'est vraiment obligé de donner une suite à un ordre de virement que
lorsqu'il a reçu du titulaire du compte à débiter les moyens de réaliser l'opération. L'obligation
du banquier qui reçoit un lei ordre présuppose donc l'existence et la disponibilité, au compte à
débiter, d'un solde créditeur suffisant à son exécution, Elle suppose aussi, cela va de soi.
l'absence d'une cause d'extinction de l'obligation de virer. Ce sont là des conditions qu'on peut
qualifier d'extrinsèques à l'ordre de virement C). Ces premières conditions étant remplies, le
banquier. tenu d'accomplir la mission qu'il a acceptée, doit prendre garde à ne pas ignorer les
conditions intrinsèques à l'ordre de virement (6), c'est-à-dire les conditions ou modalités
particulières dont le donneur d'ordre a pu assortir le virement.
c(- Les conditions extrinsèques à l'ordre de virement.
392· L'exécution de l'ordre de virement qu'il reçoit d'un de ses clients (ou de son fondé
de pouvoir) n'est obligatoire, pour le banquier, que si aucun événement n'est venu, dans
l'intervalle, retirer toute valeur à cet ordre, d'une part (1"). et, d'au cre part, si le compte à
débiter présente un solde créditeur suffisant et disponible(850)(851) (2°).
1) L'absence d'une cause d'extinction de l'obligation d'exécuter l'ordre de virement.
393 - Le régime juridique du mandat révèle que certains événements, tels que la
, révocation de la procuration du mandataire, ou le décès, ou la tutelle, ou encore la "faillite" du
(850) v. H. el M. Cabrillac, op. cit., n"380, p.206.
(851) L'indisponibilité du solde peut provenir soit du statut spécial du compte (compte bloqué, il. terme, à affectation
panieuliêre, etc.}, soit d'une saisie, soit d'une ÎmmobilÎsllüon. à. III suite de 1'émiss:.on antérieure d'un chèque. V. H. et M..
Cabrillac. op, cil, loc. cil.

300
mandant, entraînent l'extinction du mandat et, du même coup. de l'obligation d'exécution qui
pesait sur le mandataire (cf. article 2003 C. civ.). La même règle se retrouve en matière
d'opérations de virement; ce qui témoigne de la justesse de l'analyse de l'ordre de virement en
un mandat.
En effet, il est généralement admis que la notification qui est faite au banquier, par le
donneur d'ordre, de la révocation de son ordre, interdit toute exécution postérieure de l'ordre
ainsi révoqué(852)(853), du moins, tant que l'exécution (éventuellement commencée) n'est
pas devenue irréversible(854).
De même, il est de règle que le décès du donneur d'ordre ou la survenance, en sa
personne, d'une incapacité ou d'une mesure de dessaisissement de la gestion de ses biens
(notamment à la suite d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires), entraîne
la caducité des ordres de virement dont il est l'aureur(855). Cette caducité n'est toutefois
effective, il faut le préciser, que si l'ordre n'a pas déjà donné lieu à la réalisation de certains
actes qui postulent l'irréversibilité du processus engagé(856).
394 - En dehors des événements ci-dessus évoqués. qui affectent la validité de l'ordre de
virement, un autre obstacle à j'exécution d'un [el ordre peut provenir de I'inexistenee, au
compte du donneur d'ordre, d'un crédit disponible suffisant.
C85:2) V. nol. H. et M. Cabrillac, op. cit., n'83. p.207 et s.: M, Cabrillac et J.-L Ri ...es-Lange. rép. dr. com., précité, v•
viremem, n·42.
(853) A cet égard la clôrure du compte doit être assimilée 11 la révocation des ordres de virement non encore exécutés. V.
Casso corn. 21 00 v. 1978, Bull. Ci v, IV, 0'271 p.223; D.l979,IR.356, cbs. M. Vasseur; Gaz. Pal.l979.1.som. L38; Quot. Jur.
I5 sept. 1979, Jour. noi.t-ép.Commaiüe) 1979.156, obs. M. vasseur.
(854) V. notamment H. et M. Cabrillac, op. cit.. n·3B3. p.207 et s.; M. Cabrillac el J.-L. Ri ves-Lange. rép. dr. com.,
précité. v" Virement, n·42. Sur le moment de Iirrévccebilité de l'ordre de ... iremcm, v, supra, 0'368 cl s., p.281,.et S.
(855) V. notamment H. el M. Cabrillac, op. cie, Il']&4, p.20&.
(856) Ibid.

301
2) L'existence d'un crédit suffisant et disponible au compte du donneur d'ordre.
395 - Comme en matière de paiement de chèques, la demande de transfert de fonds que
constitue l'ordre de virement ne s'impose au banquier, à qui elle est adressée, qu'autant que le
compte à débiter présente un solde créditeur suffisant et disponible. permettant la réalisation
de l'opération projetée. Cette solution est en parfait accord avec la qualification de mandat
reconnue à l'ordre de virement. C'est, en effet, dans le seul intérêt du titulaire du compte et, de
surcroît, en son nom, que le banquier qui exécute un ordre de virement est censé agir. C'est
donc à celui-là qu'il appartient. en principe, en sa qualité de mandant. de fournir à celui-ci,
mandataire. les sommes devant servir à l'accomplissement de la mission(~57). Cest ce qui
explique que le défaut d'exécution d'un ordre de virement ne soit pas imputable à faute au
banquier qui en avait la charge, dès lors que l'inertie de ce dernier trouve sa cause dans
l'absence d'un crédit suffisant et disponible au compte du donneur d'ordre(858).
396 - La qualification de mandat attribuée à l'ordre de virement explique aussi qu'en cas
d'insuffisance du solde créditeur, du fait, notamment, de la réception simultanée de plusieurs
ordres(859), le banquier doive solliciter du titulaire du compte de nouvelles instructions,
puisque cette circonstance révèle une impossibilité d'exécution de chacune des missions
confiées.
Au delà de la condition relative à la "provision" du compte qui doit supporter le
transfert de fonds projeté, condition extérieure à l'ordre de virement, il peut exister d'autres
conditions, intrinsèques à l'ordre que reçoit le banquier, fruits de la volonté du donneur
d'ordre de soumettre la réalisation du virement à des conditions ou à des modalités
particulières,
(857) v . supra fJOle n'739.
(858) V. Casso corn. 18 mai 1978, D.1979J.R.140, obs. M. Vasseur.
(859) Tourefuis, res chèques. emportant transmission de la propriété de la provision à leur porteur, doivent être payés en
priorité, même si leur émission est postérieure à celle des ordres de virement. V. H. et M. Cabrûlac. op. cit., n'382, p.207.

302
jJ Les conditions intrinsèques à l'ordre de virement.
397 - L'opération de virement qu'il ordonne étant réalisée à sa eharge et pour s~n
compte, le donneur d'ordre apparaît, logiquement, comme le maître de l'opération à réaliser. A
ce titre, il est fondé à soumettre, à travers ses instructions. l'exécution du virement dont il est
l'initiateur à des conditions ou à des modalités particulières. Ces instructions s'imposent
impérativement au banquier(860)(861).
On le voit, la situation du banquier face aux instructions de l'initiateur d'un virement
correspond à celle de tout mandataire. dont la' mission est justifiée et délimitée par les termes
de sa procuration. Les directives que comporte cette procuration s'imposent par conséquent au
mandataire, et ce d'une manière telle que leur respect peut être regardé comme relevant d'une
obligation de résultat(862).
Toutefois, le banquier qui a exécuté J'ordre de virement de son client, selon les
directives explicites précisées par ce dernier, n'est pas nécessairement à l'abri d'une action en
responsabilité du donneur d'ordre, fondée sur le caractère tardif de l'exécution de cet ordre.
Cela pose te problème du délai d'exécution des ordres de virement.
(860) V. par exemple. Casso com. 22 mars 1988. BuU. Civ. IV. n·ll2. p.?8, à propos de la méccnnaissarce fautive. par une
banque, de la volonté du donneur d'ordre d'affecltr les sommes cont il avait demandt le vrnmellt "è. une augmentation de
capital proje~ée par une entreprise tierce. V. encore Trib. Corn, Paris 26 sept, 1984. D.l98~,I.R.342. obs. M. Vasseur, "è.
propos du non respect fautif. par une banque, des instructions particulières accompagnant le virement qu'elle a reçu de la parl
d'Une autre banque. au profil d'lJI1 de ses cl~ent; (le bordeleau de virement portant la mention "ccwre /'obu'IIiOll d Uni!
garantie âesëauion et de restitution d'acompte ccnformémem (JJJ con/Tar). Pour n'avoir pas respecté les instructions
accompagnant l'ordre de virement. la banque du bénéficiaire fut condamnée li.reverser li u mandante le montant du virement.
Les Instructions du donnew d'ordre s'imposent encore au bRnquierquand bien même eues auraient pour effet. dans le cadre
d'un compte courant. d'affecter spécialement. et de manière unilatérale (contrairement au principe d'affectation générale des
remises habituellement admis en matière de compte courant), le produit d'Une remise à la réalisation d'un virement au profit
rînn tierce personne. V. eus, corn. 29 an. 1985, BuU. ci-. TV, n·12\\. p.l04; Gaz. Pal. 1985.2 tlanor,2~9. note A.
Ptedelîèvee. Cet lIuteur semble, quant à lui, percher pour la solution selon laquelle l'ordre de réserver une rertuse ~ la
réalisation d'une opération particulière r1C constitue pas un mandat en lui-même. Le mandat serait. au contraire, le résultat de
l'a(:ceplation tacite de l'osdre pas la banque car "le comple ~o/jraN l'If no" seulemem un mécanisme de règlement, mais aussi
un mécanisme de garanlÎe. Dans la mesure donc où l'on diminue l'effet de gararuie par une ajJectaIion spéciale.faudrau-u

être certain que celle diminution a été réellement voulue par les âeux parues ".
(861) Ainsi s'explique également la possibilité pour le titulaire du compte de fixer des modalités particulières (différentes de
lB pratique habituelle] d'exécution de certains de ses ordres de virement. En sa qualité de mandataire, le banquier Be peut que
les respecter s'il ne veut pliS voir sa responsabilité retenue pour méconnaissance des obligations de son mandat. Il en va ainsi
des ordres de virement permanents. en général. el, plus part.culièremeru, des autorisations de prélèvements donnés par le
titulaire du compte an profit d'une tierce personne, qui reçoit, ainsi. le droit de déclencher. à son bénéfice. des virements. par
l'émission d'avis périodiques de prélèvement, L'avis de préièvemenr ne constituc donc qu'unc modalité particulièle de l'ordre
de virement. Sur ce point. v. supra. n'385.
(862) V. Philippe Pétel. Les obligauons du mandataire. LiLeC ~ 988. n'99 el s.. p.?1 et s.

303
b. Le délai d'exécution des ordres de virement.
398 ~ Généralement, l'ordre de virement qu'émet le titulaire du compte ne précise pas le
délai dans lequel l'exécution doit intervenir(863). n n'en demeure pas moins que le principe
admis en ce domaine veut que le banquier. s'il n'est pas, comme en matière de paiement de
chèques, contraint d'intervenir immédiatement (ce qui laisse le temps de demander
confirmation de l'ordre, au cas de doute sur la sincérité ou la teneur de cet ordre), doit
néanmoins opérer sans retard, avec promptitude. Cependant, aucun délai précis n'est indiqué,
ni par les usages, ni par les tribunaux, lesquels sont appelés. en conséquence. à l'apprécier au
cas par cas, en fonction des données de chaque espèce. A tire d'exemple on peut mentionner
que les juges ont jugé excessif un délai de vingt quatre jours pour un virement entre deux
agences (nationales) d'une même banque(864\\ ou encore un délai de huit jours pour un
virement ordinaire et notamment un virement à l'étranger(865). A l'évidence, il y a là une
application du principe selon lequel le mandataire doit accomplir sa mission avec diligence.
Faire preuve de diligence pour le banquier qui reçoit un ordre de virement, c'est l'exécuter
dans un délai raisonnable, et se mettre, de la sorte, à l'abri de tout reproche de faute.
Une fois sa mission achevée le banquier à qui a été confiée la réalisation d'un virement
a l'obligation de rendre compte de cette exécution au donneur d'ordre(866).
(863) Certaines circonstances peuvent toutefois donner. en l'absence de toute précision du donner d'ordre, des indications
quant au caractère urgent de l'opéra\\ion envisagée. 11 en est ain.i natamlT1ent au cas de demande d'un virerueet par télex, ou
encore d'un ordre de virement donné télégraphiquement, V. Paris 5 janvier 1973 (inédit), R.T.D.Com.1973,31O, cbs. M.
Cabrtllac el J.-L, Rives-Lange (ordre de virement donné par télégramme): Paris 29 avr. 1964, J.C.P.1964.II.13877, cbs. Cb.
Gavalda (virement devant être réalisé "télégraphiquement". Adde M, Cabrillac el J.-L. Rives-Lange, rép. dt. ccm., précill,
, v' virement, n'49.
(864) V. Rabat 23 mars 1933, 5.1933.2.212.
(865) V. Cass. corn. 6 janv. 1955. Bull. Civ. III. n'3. p.2; R.T.D.Com.1955.363, cbs. J. Becqué et H. ceunnac: Paris 10
nov. 1962, lC.P.1963.I1.l3D16, note Ch, Gavalda, D.1963. 199. note anonyme.
(866) V. M, CabriUae et J.-L. Rives-Lange, rép. dr. ccm., précité, v' Vilement, 0'66.

304
B. L'OBLIGATION DE RENDRE COMPTE DE L'EXECUTION.
399 - Rendre compte de l'exécution de sa mission, pour un mandataire, ne consiste pas
seulement à procéder, à t'intention du mandant, à une reddition de compte. c'est-à-dire, en fait.
à établir un état comptable retraçant les créances et les dettes réciproques résultant des actes
entrepris. Rendre compte, pour le mandataire, c'est également "tenir le mandant au courant
des actes qu'il accompli! pour lui, des difficultés auxquelles il se helJrte,,(867 J, c'est-à-dire lui
faire un compte rendu du déroulement de la mission(868).
De ce point de vue aussi l'analyse de l'ordre de virement en un mandat se trouve
justifiée, car son émission fait peser sur le banquier du donneur d'ordre les deux éléments de
l'obligation de rendre compte ci-dessus énumérés.
La reddition des comptes se fait généralement, en pratique. d'une part, à travers l'avis de
débit que le banquier expédie à son client pour l'informer, aussi bien de l'opération réalisée
sur son compte, que du montant dont le solde de ce compte se trouve diminuë869). La
reddition de compte se fait, d'autre part. à travers les relevés de compte périodiques qui
fournissent un état comptable plus général de la gestion à laquelle le compte a donné lieu dans
un laps de temps donné.
400 - Le compte rendu, quant à lui, n'est pas systématique et est, pour ainsi dire, rare en
pratique, dans la mesure où le sérieux et le professionnalisme baneaires Ont rendu inutile un
compte rendu, par le banquier du donneur d'ordre, de la remise effective au bénéficiaire, ou à
son représentant, des sommes, objet du virement. Pour autant, on ne doit pas conclure à
l'inexistence dune telle obligation, à la charge du banquier qui exécute un ordre de virement.
La logique même des rapports impliqués par son intervention commande cette solution. Le
virement ayant généralement pour objet un paiement au profit d'un tiers, il est normal que le
\\S6?} Pbilippe Pètel, Les obligations du rnandataire.Litec 1988, n'368, p.235. V. aussi n"3?l, p.219.
(S68) V. Ph. Pétel, op. ciL, n'3iD (in Fine). p.238; n')74 et 5 .• p.241 ct s.
(869) A ses clients de banque qUI possèdent une carte de paiement, cette reddition de compte peut être Iaite par le cana! des
guichets autornatiqœs de banque où ils peuvent être renseignés ~ tout moment sur \\3 position de leur compte et sur tes
demiëres opérations qui y ont étéenregistrées.

305
banquier qui avait la charge de ce paiement, ait le devoir, en presence. par exemple. d'une
contestation portant sur l'effectivité ou sur le montant du paiement, de fournir à son client,
pour le compte duquel l'opération a été réalisée, les informations nécessaires à une
appréciation correcte de sa situation vis-à-vis de son cocontractant,
bénéficiaire du
virement(870). C'est dire que le compte rendu. dont le banquier se trouve habituellement
dispensé par un usage de la pratique(S?I), devient nécessaire, voire obligatoire. au cas
d'incident dans le déroulement de l'opération de virement(872).
401 - L'analyse des obligations du banquier à qui est confiée l'exécution d'un ordre de
virement. en faisant apparaître. à la charge de celui-ci, les obligations habituellement
imposées aux mandataires (à savoir exécuter correctement, c'est-à-dire avec prudence et
diligence, la mission confiée, puis rendre compte de cette exécution au donneur d'ordre), a
permis de vérifier la justesse, sur ce plan, de la qualification de mandat appliquée à l'ordre de
virement Les solutions admises au plan de la responsabilité découlant de l'émission d'un tel
ordre devraient conduire à la même conclusion.
§ II. AU PLAN DE LA RESPONSABILITE DU BANQUIER CHARGE DE
L'EXEClITION D'UN ORDRE DE VIREMENT.
402 - D'une manière générale, l'existence d'un mandat implique, pour le mandataire, une
responsabilité contractuelle à l'égard du mandant, et une responsabilité délictuelle à l'égard
des tiers. De ce point de vue également la qualité de mandataire attribuée au banquier à qui
est confiée l'exécution d'un ordre de virement paraît n'être pas usurpée. A l'égard du donneur
(870) v. dans ce sens. Paris JO nov. 1962, J.C.P.l963.II. J30l6 (motifs). En l'espèce, un banquier avait TC~u l'ordre d'effectuer
un virement international (de Paris à Rome) onze jours environ avant l'intervention d'une dévaluation du franc français.
Comme le bénéficiaire se plaignait de n'avoir pas reçu la totalité des sommes qui lui étaient dues (par suite des effets de la
dtvaluation), le donneur d'ordre se retourna, logiquement, vers son bMlquier pour obtenir du précisions sur les raisons de
l'insatisfaction du bénéficiaire et, plus précisément, sur la da1eexacte du transfert des fends. La Cour d'appel de Paris, saisie
du litige, condamne la benque à réparer le préjudice subi par le donneur d'ordre en faisant, notamment, ressortir dons ses
motifs, l'imprécision vnlcntaire qui apparaît dans la réponse fournie per la banque 11 son client, el son Incapacité i'1 préciser la
date à laqueUe elle a fait la trensmiesion demandée.
(871) V. M. Cahrtêac et Ld., Rives-Lange, rép. dr. com., Pfédlé, n'66.
(872) Dans ce sens, ence qui concerne rous les mandataires, v. Pb. Pétel, op. eit., n'375 el S.,p.241 et s.

3 D6
d'ordre, sa responsabilité est tour aussi contractuelle CA), tandis qu'à l'égard des tiers. il
engage, comme [out autre mandataire, sa responsabilité délictuelle (B).

A. UNE RESPONSABILITE CONTRACTUELLE A L'EGARD DU DONNEUR
D'ORDRE.
403 - On sait que vis-à-vis de ses clients, titulaires d'un compte ouvert dans ses livres, le
banquier, dans tout acte de décaissement au profit d'un tiers, met en oeuvre, cumulativement,
deux: qualités distinctes: celle de dépositaire des sommes en compte, et celle de mandataire
pour le versement des fonds au tiers désigné (873). li n'empêche, cependant, que dans
l'exécution des ordres non contestés de ses clients, le banquier qui opère un transfert de fonds
met en jeu,
principalement, sa qualité de
mandataire,
et engage,
à ce titre, sa
responsabilité(874), Cette responsabilité. qui sanctionne l'inexécution ou la mauvaise
exécution du virement 0), ne joue, en réalité, que dans les hypothèses où l'authenticité de
l'ordre de virement n'est pas mise en doute, En revanche, l'exécution d'un ordre de virement
faux, a priori exclusif d'un mandat, appelle une sanction d'une autre nature (2).
1. LA RESPONSABILITE RESllLTANT DE L IINEXECL:TION (ou DE LA MAUVAISE EXECUTION)
D'U' ORDRE DE vrnEVJENT EMANANT DL: TITL:LAIRE DU COMPTE.
404 - L'ordre de virement. comme tout mandat, met à la charge du banquier qui tient le
compte du donneur d'ordre, deux obligations principales. si l'on excepte l'obligation de rendre
compte.
D'une pan, le banquier visé a l'obligation déterminée d'accomplir la mission ainsi
confIée(875), sans qu'il ait la possibilité de s'y dérober, dès lors que l'ordre est régulier et
(87J) V. supra n'251 et s.
(874) Tandis que ~ur le Lerrain du dépôt, une mauvaise exécution de ses obligations (de garde et de restitution de l'objet
déposé] est sanctionnée, non par la responsabilité, mais par le rejet du caractère libératoire de son acte. V. supra. n'25 1.
IB7!} Sur l'affirmation selon laqudl<;: il pese sur tout mandataire une nbligetion déterminée d'exécuter la mission qu'il a
ecceprée et pour laquelle il n'a pas manifesté une intention de renonciation. v. supra. n'283 er s.

307
assez précis. En pareille hypothèse. tout refus d'exécution (876) équivaudrait à la violation, de
sa part, d'une obligation contractuelle de résultat. et serait constitutif, de ce seul fait. d'une
faute susceptible d'entraîner sa responsabilité(877). Pour s'en exonérer il ne pourrait invoquer
que la force majeure, ou le fait du titulaire du compte lui~même(878).
D'autre part, le banquier qui reçoit un ordre de virement à le devoir, dès lors qu'il a
décidé de l'exécuter. d'agir avec prudence et diligence. D'où l'obligation qu'il a d'effectuer,
préalablement à toute acte d'accomplissement de la mission, certaines vérifications de sécurité
propres à lui éviter un décaissement malencontreux, susceptible de provoquer la mise en jeu
de sa responsabilité et sa condamnation à rétablir au compte du client, en guise de réparation,
les sommes indûment prélevées(879). D'où, encore, l'obligation qu'il a d'intervenir sans
délai(880), ou à bonne date (dans le cadre notamment de virements permancnts)(88 1),pour ne
pas risquer de causer, par son inertie, ou par un retard injustifié, un préjudice au donneur
d'ordre, dont la réparation serait, alors, mise à sa charge(882),
L'obligation de prudence et de diligence, commande également que le banquier réalise
le virement sans erreur(883), en respectant scrupuleusement les instructions du donneur
(876) Le refus d'exécution est fondé s'il est justifié notamment par l'inexistence, l'insuffisance ou l'indisponibilité de la
provision. V. not. Casso corn. 18 mai 1978, D.1979,IR.140, 000. M, Vasseur; Gaz. Pal. 197&.2som.290.
(877) Rappr. supre n'283 er s.
(878) Reppr. Paris 10 nov. 1%2, précité.
(879) V, supra, n'390.
(880) V. supra, n'398.
(881) V. Casso corn. 4 janv. 1979, D.1979J.R.3S7, oba. M, V8SSeur, Gaz. Pal. 1979.1 scm.züs. à propos d'une banque qui
avIlÎt omis de régler un i'lis de prélèvement. ce qûi a entraîné la fésilialion d'Un contrer d'assur<mce·vje, quelques semaines
event le décès de l'assuré. La Cour de cl\\5Sation approuve la Cour d'appel d'avoir vu, dans cene abstention de la banque. une
fa\\lte lourde entraînant sa responsabilité, en ~il de l'existence d'une clause de non responsabili\\é, stipulée au profil de la
banque.
(882) V. par exemple, Paris 10 nov. 1962, précité.
(883) TI imIX'r1C peu, d'ailleurs, que cette erreur ne soit plIS due véritablement au fait de l'homme mais, ail contraire, au fait de
l'ordinateur de la banque.

308
d'ordre. Toute faute, même légère, peut être une cause de responsabilité dans ce
domaine(884l.
405 - Il arrive quelquefois que, pour la réalisation du virement. le banquier du donneur
d'ordre soit obligé de recourir aux services d'un, voire de plusieurs banquiers intermédiaires
par le relais desquels les fonds, objet du virement, vont atteindre leur destinataire (à savoir le
bénéficiaire ou son banquier. ou le fondé de pouvoir de ce dernier). La question que soulève
cette situation est de savoir si le banquier du donneur d'ordre répond, vis-à-vis de son client.
de ces mandataires substitués.
Si l'on s'en tient aux termes de l'article 1994 alinéa 1er, on doit dire qu'a priori, le
banquier, mandataire primaire, ne devrait pas répondre du banquier qu'il s'est substitué, pour
deux raisons: d'abord parce qu'on peut logiquement penser que toul ordre de virement, dès
lors qu'il implique l'intervention d'un banquier avec qui le banquier du donneur d'ordre n'a pas
de reladon directe, comporte l'autorisation tacite, donnée par l'émetteur à son banquier, de se
substituer un ou plusieurs autres confrères, pour l'accomplissement de la mission(88S).
Ensuite, parce qu'en matière bancaire, la condition posée par l'article 1994 alinéa 1er, 2",
trouverait difficilement à s'appliquer. On voit mal, en effet, une banque traitant avec une
consoeur notoirement incapable ou insolvable.
406 - Toutefois, on peut penser que le donneur d'ordre. qui s'en remet à la compétence
de son banquier, lui laissant, pour cette raison, toute latitude de choix quant aux modes
d'acheminement des sonunes à transférer, entend que, ce faisant, celui-ci assume la
surveillance ct la responsabilité du ou des mandataires substitués(886). Il y a là une
(884) V. J, vëzian. op. cit., 0'175, p.ll l . V. également H. et M. Cabrillac,op. cu., Il'408 et 409, p.223 et s.
(885) V. M. Cecrntac el J.-L. Rives-Lange, rép. dr. com., précité. v' Virement, n'76 et 71. Rapprocher Trib. corn, Seine ~
3IOÛt 1941. Gaz. Pal.1941.2J (7. Daru ceue espèce. uu client avait confié à sou banquier l'encaissement d'lin chèque tiré sur
une ptece nü ce dernier n'avait pas d'agence. La perte du chèque est. survenue entre les mains d'Une aune banque que la
première s'étl\\il ~ubnituée afin d'effectuer l'encaissement. Le tribunal, saisi de l'action en responsabilité dirigée par le
bénéficiaire du chèque cancre son banquier, affirme que la subsrizuuon intervenue n'est pas constiruuve dl' faute mais, qu'au
contraire, il fallait considérer qu'elle avait ité autorisée implicitement par le client, lequel ne pouvait ignorer que la banque à
laquelle il s'adressait n'avait pas d'agence au lieu où le chèque était payable.
1886) V. M, Cabrillac el J,.L. Rives-Lange. rép. dr. com.. précité, n'76 el s.; M. Cabrillac, juriscl. Banque et Crédit. Jase.
390,0'77.

309
circonstance qui. de l'avis de certains auteurs(887\\ est de nature à contraindre le mandataire
primaire à répondre de celui qu'il s'est substitué pour l'accomplissement de sa mission. Quoi
qu'il en soit, le donneur d'ordre peut agir directement contre le banquier intermédiaire,
conformément à l'article 1994 alinéa 2, pour lui réclamer des comptes. ou pour lui demander
réparation du préjudice que lui cause sa faute.
407 - Mais, contrairement à ce qu'on a pu soutenir(888), le donneur d'ordre ne dispose
pas d'une action directe contre le banquier du bénéficiaire. étant donné que ce dernier n'a pas,
en réalité, la qualité de mandataire substitué du banquier du donneur d'ordre, que certains
auteurs lui ont attribuée à tort(889).
408 - C'est donc sur le banquier du donneur d'ordre, essentiellement. que pèse la
responsabilité pouvant découler de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des virements
ordonnés par le titulaire d'un compte en banque. Cette responsabilité pouvant s'avérer lourde
de conséquences, les banquiers prennent généralement soin d'inclure, dans leurs contrats. une
clause de non responsabilité. Une telle clause, de l'avis général, ne peut avoir pour effet que
d'absoudre la banque de ses fautes légères. mais point des fautes lourdes ou dolosives(890).
Encore que. dans ce domaine, la démarcation entre faute lourde et faute légère ne soit pas
aisée à faire apparaître(891),
(887) V. par ex. Pb. le Tourneau, EnI:. .jur, Dallo'L, rëp. dr civ., v' Mabdal, précité, n'216; Baudry-Laeenünerie et
Wab~ Traité r.ttéorique et pratique de droit civil. précité, LXXIV, n'575, p.304; Planiol el Ripert. TUILé pratique de droit
civil français, LXL n'1469, p.8I6. V, également M, Cabrülac et j.·L. Rives-Lange. rép. dr, corn, précité, n'76.
(888) Pour certains auteurs, le banquier du bénéficiaire, lorsqu'il accepte le produit du virement, agit à un double titre : d'Une
part. en taru que mandataire substitné du banquier du donneur d'ordre. de qui il reçoit le mandat d'inscrire la somme "Virée au
crédit du compte du bénéficiaire, et, d'autre part, en tant que mandataire (Je son propre cfienr, duquel il a reçu, au moment de
l'ouverture du compte. le mandat général d'encaisser IOUleS sommes qui seraient dirigées vers le. compte. V, not.amrnelll H. et
M. CabriUac, op. CÎL, n'401, p.219; M, CabrilJac: el J,.L. Rives-Lange, rép. de. ccm., précité, n'72 et s.; J. vëzlan, op. cit.,
nOI77. p.l12. Mais, l'attribution. au banquier du bénéficiaire, de I~ qualité de manda.I.lI.Î.l:~ substitué du banquier du donneur
d'ordre ne nous paraÎl pas justifiée. V. supra, n'351 el s.
(889) V. note précédente.
(890) V. Casso rom. 4 janv. J979, D,1979,I.R.357, obs. M. Vasseur; Gaz. Pal.1979,1 som. 205.
(tl91) Comparer j. Vézian, op. ciL, n'180, p.114, qui estime qu'en matière d'exécution d'ordre de virement, "la faule du
banquier pr/seNe g/MT<llemeflf les caractères d'une faute lourde; pllT ~uile, les clauses de non-retponsabiiité SOnJ
impuisranles à exonérer le banquier",
Rappr. supra. n'258,

310
La responsabilité
du
banquier,
telle qu'elle
est évoquée
ci-dessus,
suppose,
naturellement, que celui-ci ait été effectivement chargé d'un mandat qu'il s'est abstenu
d'exécuter, ou a mal exécuté. Tel n'est pas le cas lorsque celui-ci a déféré à un ordre de
virement faux.
2. LE PROBLEME PARTICULIER DE LIEXECUTION D'UN ORDRE DE VIREME~T FAUX.
409 - Tout comme le chèque, la technique du virement est susceptible de donner lieu à
des actes frauduleux, tendant à provoquer, de la part des banquiers, un décaissement non
autorisé par le titulaire du compte visé. Au cas où un escroc a réussi à abuser un banquier, le
problème qui se pose est de savoir qui du banquier ou du titulaire du compte doit supporter la
charge du décaissement malencontreux.
410 - La première solution admise en la matière reposait sur les principes de la
responsabilité civile(892). Elles consistait à mettre la perte résultant de l'exécution de l'ordre
de virement faux à la charge de celle des parties à qui une faute pouvait être reprochée. ou à la
charge des deux parties, lorsque chacune d'elles avait commis une faute. Cette solution ne
manqua pas de susciter une autre question: celle de savoir sur qui pèserait le poids du
mauvais décaissement dans, l'hypothèse où aucune faute ne pourrait être imputée ni à l'un ni à
l'autre des protagonistes.
411 - S'élevant au-dessus des controverses suscitées par cette dernière question(893), la
Cour d'appel de Pans(894), approuvée en cela par certains auteurs(895), adopte une toute
autre approche du problème soulevé par les ordres de virement faux. La solution qu'elle
(89'2\\ A noter le parallélisme avec les solutions initialement appliquées en matière de paiement de chèques faux. V. supra.
n'244 el s.
(893) Sur celle controverse. v. par exemple. H. el M. Cabrlllac. op. Cil.• n'4r tel s.. p.225 el s.; J. vézian. op. cic., n'181,
p.1l5.
(894) Paris, 3 janv. 1975, D.1975.743. nole]. Vézian; Banque 1975325, R.T.D.Com.1975.[51, obs. M. CabriUac et J.·L,
Rives-Lange.
(895)
Notamment
Ch.
Oavalda.
note
sous
Paris
29
avr.
1964, J.C.P.1964.11.13877

lll),
M. Cahrillac,
R.T.D.Com.1968.739; J .•L. Rives-Lange el M. Contamjne-Raynaud, op. cil. 0'273 pJ74; M, Cabrillac el J..L. Rives-
Lange. obs. sur Paris 5 janv. 1973. RT.D.Com. [973.310 cl s., el sur Paris 3 janv. [975, R.T.D.Com.1975.151 el 8.

311
consacre prend appui sur la qualité mise en oeuvre par le banquier considéré. Celui-ci qui, au
premier abord, apparaît comme le dépositaire irrégulier des sommes à lui confiées par le
client, prend, également, la qualité de mandataire. lorsqu'il est invité, par le client, à opérer un
versement des fonds (qu'il détient en qualité de dépositaire) au profit d'une tierce personne.
C'est en cette dernière qualité (et en cette qualité seule) qu'il peut être déclaré responsable
d'un décaissement effectué à ton. En revanche. la qualité de dépositaire appelle, comme
sanction de J'inexécution (ou de la mauvaise exécution) de l'obligation de restitution de la
chose déposée. l'absence de libération du débiteur, mais non sa responsabilité(896).
Panant de la constatation de la dualité du rôle du banquier en matière d'opérations de
virement pour le compte des clients, la Cour de Paris affirme que "le banquier...est le
dépositaire des fonds qui lui sont remis par ses clients ou pour le compte de ces derniers...il
ne peut être dégagé de son obligation de restituer que dans la mesure où, en se dessaisissant
de tout ou partie des fonds qu'il détient, il n'a fait que gérer le compte conformément...au
mandat salarié que lui a donné de ce chef le titulaire du compte". "Concernant tes
virements", ajoute-t-elle, "ils ne sont opposables au titulaire du compte que s'ils ont été
exécutés sur son ordre...s'ils l'ont été sur l'ordre d'un faussaire, le banquier ne peut être libéré
qu'en apportant la preuve d'Une faute ...imputable au client lui-même".
412 - Le principe ainsi posé par la Cour de Paris est on ne peut plus clair, et mérite une
totale approbation. En effet. lorsque le banquier effectue un virement sur l'ordre d'un
faussaire, il ne peut prétendre faire supporter à son client, étranger à l'ordre de virement. les
conséquences de la fraude ainsi perpétrée. Il se sera dessaisi à ton, au profit d'une tierce
personne, non habilitée par son client, des fonds qu'il avait mission, en qualité de dépositaire,
de garder et de restituer au déposant lui-même ou à son fondé de pouvoir, Ce paiernent(897).
intervenu en violation des articles 1239 et 1937 du Code civil, n'est pas valable et ne libère
, pas. par conséquent. son auteur, Sauf, cependant. si le solvens est en mesure de démontrer,
(8%) V. )\\.1, Cabrillac el J.-L, Rlves-Laage. R.Tn.Com.197"i.151 et s., spécialement p.153 où on peut lire, h propos du
banquier dépositaire, que "dans les rapports banquier-client, il Ile[aus point, en effet, raisonner en lermes de responsabilùé;
le banquier n'esr pas "responsable" d l'égard du I;u.llaire du. compte, if n'est pas libéré de son obligalion de âëposuaire, ce
qui est difJérenJ". Rappr. supra n'249 el 25 L
(897) Ce mot étant pris dans le sens d'exécution d'une obligation.

312
contre le déposant, une faute qui le rende responsable. en définitive, du décaissement
malencontreux. Il convient, toutefois, de préciser que la solution ci-dessus exposée ne
s'applique que dans les cas où, l'ordre de virement qui a été exécuté étant faux initialement, 1e
banquier qui l'a honoré ne peut se prévaloir d'aucun mandat, fût-il seulement apparent(898).
413 - Tel n'est pas le cas, lorsque, en revanche, l'ordre de virement, remis au départ par
le titulaire du compte, a fait l'objet d'une falsification ultérieure(899). En pareille hypothèse,
et pour peu que l'ordre ait été de nature à provoquer une erreur légitime du banquier (en
raison de l'apparente régularité de l'ordre dont la falsification n'était pas facilement décelable.
ou encore en raison. notamment, de l'authenticité de la signature du donneur d'ordre, lorsque
le virement a été déclenché par un ordre écrit), on est en droit de soutenir que le virement a
été réalisé sur le fondement d'un ordre véritable du titulaire du compte. Que cet ordre ait fait
l'objet, par la suite, d'une altération frauduleuse, cette circonstance ne suffit pas à faire oublier
que l'invitation à transférer des fonds, qui a provoqué l'intervention du banquier, trouve son
origine dans un ordre réel du titulaire du compte. Certes, on peut penser que (a falsification
des instructions du titulaire du compte retire toute valeur à l'ordre, qui se trouve ainsi vicié
dans son ensemble. Il n'empêche quand même que pour le banquier qui le reçoit et qui ne
soupçonne pas le vice dont l'ordre est affecté. il y a croyance (légitime) en l'existence d'un
mandat valable. Que ce mandat vienne à être démenti nltérieurement n'empêche nullement
que le titulaire du compte soit tout de même maintenu dans les liens du faux mandat, sur le
fondement de l'apparence, que l'authenticité des éléments d'identification du donneur d'ordre
(signature écrire ou code confidentiel d'une carte magnétique, notamment) ont contribué à
créer. L'intervention du titulaire du compte dans la genèse de l'erreur de son banquier justifie,
par conséquent, l'application, au profit de ce dernier, de la théorie du mandat apparent, dans le
(898) Encore que l'application de la théorie du mandat apparent soit parfaitement concevable en matière d'e-,;écu\\Îon d'CIdre:>
de virement totalement Ieux. ainsi qu'elle l'est en matière de paiement de chèques faux. TI suffit pour cela que ses conditions
soient réunies. c'est-à-dire que le banquier ait pu légitimement croire en la sincérité de l'ordre de viremeOl, et que te titulaire
du compte en cause n'ait pas été étraugcr à la création de l'apparence de sincérité dc cet ordre (rappr. supra n'305),
(899) Situation plus probable dans les cas où l'ordre de virement est donné par écrit, el moius probable dans les cas où l'ordre
de virement est donn" sous fom'l" d'rmpulaions ':'lccttoniqlles. V. toutefois, à propos d'une ternenve d'escroquerie par la
remise d'une bande maguétique, aux données apocryphes. au service informatique d'une banque, dans le but de provoquer des
virements bancaires fIôl.\\lduleux. T.G.I. Paris L3 Janv. 1982, D. L982,I.R,501. obs. M. Vasseur, D.1985.I.R.46.

313
cas où le transfert de fonds critiqué l'a été sur la foi d'un ordre de virement initialement vrai,
mais falsifié par la suite.
C'est donc sur la base des règles du mandat que doit être apprécié le componement du
banquier salyens à l'occasion de l'exécution du virement Ce qui laisse entendre que toute
violation. par lui, de l'obligation de prudence et de diligence que le mandat (même apparent)
met à sa charge sera sanctionnée par la mise en jeu de sa responsabilité, si, bien sûr, le
demandeur parvient à faire la preuve de la faute, préjudiciable. qui lui est reprochée.
414 - Des développements qui précèdent se déduit la conclusion qu'au rôle précis joué
par le banquier, à l'occasion de l'exécution d'un ordre de virement apocryphe. correspond une
sanction spécifique du comportement qui lui est reproché.
- Le banquier est-il en mesure de se prévaloir d'un mandat (fût-il seulement apparent) ?
Alors le transfert qu'il a opéré le libère, a priori, comme en matière de chèques(900). de
l'obligation de restitution qui pesait sur lui, par ailleurs, en sa qualité de dépositaire irrégulier
des fonds ayant servi à l'opération(90 O. Cette libération est fondée. non pas sur une prétendue
présomption. analogue à celle édictée, en matière de chèques, par l'article 35 du décret-loi du
30 Octobre 1935, comme on a pu le soutenir(902), mais, incontestablement. sur les articles
1234, 1239 et 1937 du Code civil. La combinaison de ces textes permet, en effet. d'affirmer
que le décaissement effectué par le dépositaire (an. 1937). en conformité avec les règles
générales du paiement (an. 1239), éteint son obligation de restituer se rapportant à cette
fraction du dépôt (art. 1234), et l'en décharge en conséquence. Aussi, est-ce sur le terrain du
mandat. uniquement. qu'on peut, en pareille hypothèse. reprocher au banquier l'inexécution de
son obligation. Ce reproche prendra la forme d'une action en responsabilité. Mais étant donné
(900) V. supra. n'249.
• (901) Il convient, tOlilefoi"" de signaler ql,ll: dans cette combinaison des contrais distincts de mandat ct de dépôt, c'est la
qualité de mandataire qui prime, lorsqu'il s'agit d'apprécier l'action du bllllquÎer qui a opéré un décaissement sur la foi d'Un
ordre de virement émanant effectivement du titulaire du compte. C'est, en effet, la promesse de mandat adjointe au eomrat
d'ouverture de compte qui, aU delà du dépôt des fonds. justifie. de 1.. part du titulaire dll COlllplC. l'<!!rnÎssÎon d'un orme de
viremem.C'esr donc la qualité de mandataire qui est impliquée par j'émission de l'ordre de virement et qui justifie l'exécution
effectuée par le banquier. C'est, par conséquent, eüe qui occupe le devant de la scène. Sur cette idée. v. les développement
plus détaillés exposés en matière de chèques, mais parfaitement transposables en matière de virement, supra, n0253 el s.
(902) V. Hamel. Lagarde el Jaurrret, op. cit..t,n, n01737.

314
qu"'en ce qui concerne le service de caisse, et en particulier l'exécution d'un ordre de
virement le banquier est tenu seulement d'une obligation de prudence et de diligence...e'est au
client d'êiabiir que la banque n'a pas rempli son obligation,,(903J, en d'autres termes, qu'ehe
a commis une faute qui lui a été dommageable.
- Le banquier ne peur-il, au contraire, se prévaloir d'aucun mandat d'aucune sorte(904)?
Alors sa qualité de dépositaire seule est en cause. et le décaissement qu'il a effectué sur J'ordre
d'un faussaire n'est pas valable (cf. articles 1234, 1239 et 1937. combinés), et ne le libère pas,
en conséquence, de son obligation de restitution envers le déposant. Demeurant tenu de la
garde et de la restitution des fonds déposés, la banquier a le devoir de rétablir au crédit du
compte de son client les sornrnes indûment débitées. Les règles de la responsabilité sont
étrangères à cene solution.
Toutefois, s'il est en mesure d'établir qu'une faute du client lui-même est à l'origine de
son comportement, le banquier pourrait se trouver déchargé de son obligation de restitution,
en guise de réparation, par suite l'admission de la responsabilité du titulaire du compte,
relativement au transfert litigieux. C'est ce qui resson très clairement de l'arrêt précité de la
Cour d'appel de Paris du 3 janvier 1975 qui retient, au sujet des virements exécutés par le
banquier "que s'ils l'ont hé sur l'ordre d'un faussaire, le banquier Ile peut être libéré qu'en
apportant la preuve d'une faute imputable au client tui-mëme".
415 - Hormis les cas particuliers. où le banquier a été abusé, en dehors de toute
participation du titulaire du compte, par un ordre de virement apocryphe, l'exécution par
celui-ci des ordres émanant de ses clients met en cause, à titre principal, sa qualité de
mandataire, ainsi qu'il a été déjà dit(905). De cene dernière qualité découle la responsabilité
que le banquier engage à l'égard du titulaire du compte, son mandant, ainsi qu'il ressort des
analyses précédentes. A cette responsabilité contractuelle du mandataire, fait généralement
(903) Paris 5 janv. 1913,R.T .D.Com.1913.3IC. cbs. :0.1. Cabrîllat el J..L, Rives- Lange.
(904) Situation plus probable dans le cadre de l'exécution d'un ordre de virement totalement faux. Sur le TÔle que peut jouer la
théorie du mandat npparenl clans l'abandon de III dislinctiou trmliLiouuclie entre chèques ou ordres de virement [IIU," et
chèques ou ordres de virement falsifiés, v. supra, n'J05.
(90S) Y. supra. nore n·414 (el note~).

315
écho une responsabilité de nature déticruelle, destinée à mettre à la charge de celui-ci. la
réparation du préjudice que la mauvaise exécution du mandat fait subir aux tiers. TI n'en va
pas différemment dans le cadre d'un mandat d'opérer un virement de fonds.
B. UNE RESPONSABILITE DELICTUELLE A L'EGARD DES TIERS.
416 - S'il n'est pas exclu que dans l'exécution de son mandat, le mandataire puisse, par
le biais d'une promesse dt porte-fon. par exemple. s'engager personnellement envers le tiers.
destinataire de son action, et être, de ce fait. contractuellement responsable à l'égard de ce
dernier, il est indiscutable que, dans la grande majorité des cas, les liens qui unissent ces deux
personnes sont de nature délictuelle. La responsabilité qui en découle ne peut, dans ces
conditions. qu'emprunter, logiquement, cette nature. De fait. le principe généralement admis.
à ce propos. est que tout mandataire répond personnellement, envers les tiers, de ses délits ou
quasi-délits, suc le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil.
En matière d'opérations de virement, il n'est pas exclu, non plus, du fait de la liberté
laissée aux contractants dans le choix des modalités de leurs engagements. que le banquier du
donneur d'ordre s'engage personnellement, à l'égard de certains tiers, en leur garantissant, par
exemple, le versement des sommes (ou d'une fraction seulement de ces sommes) faisant
l'objet des virements dom elles pourraient être bénéficiaires. Ainsi en est-il, notamment, au
cas de virements provoqués par l'utilisation. chez un commerçant. d'une carte de
paiement(906). n' pourrait en être ainsi. encore, dans le cadre d'une convention de
prélèvement dans laquelle le créancier aurait soumis son acceptation de ce mode de paiement
à l'accord exprès du banquier du débiteur(907).
(906) Encore que, dans ce CR.'o, l'analyse de racle de paiement effectué par le titulaire de la carle en un ordre de virement pur
et simple (v. M. vesseur. Le paiement électronique, aspects juridiques, J.C.P.19825.I.3206. 0'7 et s.) soit discutable, la
fonction de paiement de la cane, primant, li. notre avis, le mode de réalisation de ce paiemem.Ce n'est pas parce que le
règlement de J'ordre de payer intervient en compte que cel ordre doit être considéré comme un ordre de virement. personne
n'a jamais soutenu, ~ notre connaissance, que le chèque barré étaiL, en réalité, constiwlif d'un ordre de virement.
(907) Cette fonne peniculiëre de l'a'l1i"
de prélèvement, usitée en Côte d'Ivoire ne semble pas connue en France. La
particularité de cette convention de préjèvemenr réside dans la stipulation de l'irrévocabilité, par la seule volonté du débiteur,
de l'aulOrWlItion de prélèvement Pour atteindre ce but le créancier exigera du débiteur qui souhaite bénéficier d'un paiement il
tempérament d'une deue donnée. l'appœiüon de la signature de son banquier, lequel, ce faisant, prend acte de ce que

316
Honnis ces hypothèses, somme toute. marginales, les relations du banquier du donneur
d'ordre. avec les tiers, se situent sur un terrain extracontractuel, comme c'est le plus souvent le
cas, en matière de mandat. Sur ce terrain, la personne. à l'égard de qui le banquier ci-dess~s
visé est le plus susceptible d'engager sa responsabilité. c'est le bénéficiaire du virement (1).
Mais il peut également, quoique plus rarement, être amené à répondre. sur le même terrain
extracontractuel, du préjudice que son action aura causé à d'autres tiers (2).
1. LA RESPONSABILITE A L'EGARD DU BENEFlCIAIRE DU VIREMENT.
417 - L'exécution ou l'inexécution d'un ordre de virement ne met en cause, a priori, que
les relations du donneur d'ordre avec son banquier. En effet, l'ordre de virement n'a pas pour
effet, généralement, d'entraîner pour les tiers et, spécialement, pour le bénéficiaire. un droit
particulier, sur la "provision" notamment, qui servirait de fondement à une action de ceux-ci
contre le banquier du donneur d'ordre. De fait, la pratique n'offre guère d'exemple (à notre
connaissance) d'action en justice entreprise, en matière de virements ordinaires, contre le
banquier du donneur d'ordre, notamment. par un tiers bénéficiaire, se plaignant, par exemple,
de ce que le virement dont il se savait le destinataire, n'ait pas été exécuté (ou a été exécuté
avec un trop grand retard), par la faute du banquier du donneur d'ordre. En pareille hypothèse,
en effet, le bénéficiaire préfère généralement se retourner contre le donneur d'ordre lui-même.
sur la base de leurs relations antérieures, pour obtenir, sur le terrain contractuel, la réparation
du préjudice découlant du défaut de paiement dont il a été victime.
418 ~ Cependant, rien n'empêche, en principe, le tiers bénéficiaire d'un ordre de
virement de demander, au banquier du donneur d'ordre, réparation du préjudice que lui cause
l'inexécution (ou la mauvaise exécution) d'un virement à lui destiné, sur le fondement des
articles 1382 et 1383 du Code civil. Il pourrait, à cet effet, invoquer à son profit. le principe
de l'opposabilité des contrats par les tiers(908), reprochant ainsi au banquier débiteur, la faute
j'autonsaricn de prélèvement concernée est stipulée irrévocable (de par 'a volonté même de son client), à moins d'un nouvel
accord contraire intervenu entre le tnulaire du compte ct son créancier.
\\9(8) Sur l'cpposabrhté des connau par les tiers, v. supra n'~60 et262 et les références citées.

317
délicruelle que constitue l'inexécution des obligations mises à sa charge par le contrat de
mandat le liant au donneur d'ordre. Le tiers bénéficiaire sera d'autant plus porté à poursuivre,
sur le terrain délictuel, le banquier du donneur d'ordre que l'ordre de virement se présentera
sous une nature particulière et lui confèrera, de ce fait, un droit sur les sommes, objet du
virement(909). TI en est ainsi. par exemple, au cas où l'ordre de virement est émis sous la
forme d'un titre négociable, à ordre ou au porteur.
Si le banquier du donneur d'ordre parvenait à échapper aux reproches que pourrait lui
faire le bénéficiaire du virement. en prenant soin de J'exécuter sans retard, il ne serait pas.
pour autant. à l'abri d'une action en responsabilité déllcrueüe, provenant d'autres personnes.
tierces au contrat auquel l'ordre de virement aura donné naissance.
2. LA RESPONSABILITE A L'EGARD DES TŒRS AUTRES QUE LE BENF.FICJAIRE.
419 - La plupart du temps, c'est le tiers bénéficiaire qui est amené à ressentir les effets
de l'action du banquier auquel un client a donné l'ordre d'effectuer un virement au profit
d'autrui. Cela n'exclut pas, cependant, la possibilité pour d'autres tiers de subir le contrecoup
d'une telle action. Du préjudice qui en résulterait pour elles, ces personnes seraient fondées à
demander réparation sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil. Mais, qui sont ces
tiers auxquels il est ainsi fait allusion? Il peut s'agir tantôt de personnes disposant d'un
compte auprès de l'une (au moins) des banques appelées à intervenir dans l'exécution d'un
virement donné. tantôt de personnes qui sont créancières du donneur d'ordre ou du
bénéficiaire à un titre quelconque.
420 - Concernant la première catégorie de ces tiers. il est clair que leur préjudice ne
peut provenir que d'une erreur d'identité ou de numéro (de compte), ayant conduit, par
, exemple, au débit injustifié de leur compte. La victime d'une telle erreur (de plus en plus
probable avec l'Informatisation des opérations bancaires), n'étant pas un véritable tiers par
(909) Il est à noter que larhëse (que IIOUS contestees. v. supra Il'368 et s.) selonlaquelle le débit du compte de l'inuieteur d\\m
vlrement a pour effet de rendre le bénéficiaire propriétaire des sommes débitées et d'entrainer. pAt voie de COI1S~UellCe,
l'irréversibilité du processus du virement, tend à accréditer "existence d'un tel droit

318
rapport à son propre banquier. bien qu'elle soit totalement étrangère à l'opération qui l'a
occasionnée, ce n'est pas sur le terrain de la responsabilité délictuelle que le componement
dudit banquier trouvera sa sanction. Cette sanction ne peut être trouvée que dans le cadre <lu
contrat de dépôt par lequel ledit banquier a été fait gardien des fonds à lui confiés par son
client(910)(911). Tout dépositaire peut, en effet, en dehors de la sanction spécifique qui
s'applique à la non restitution de la chose déposée Cà savoir l'absence de libération), engager
sa responsabilité contractuelle pour violation de l'obligation qu'il a de veiller à la conservation
de la chose déposée (obligation de moyen) ou de la restituer à première demande(912).
421 - Concernant la deuxième catégorie de tiers, il convient de préciser que leur
préjudice peut provenir, notamment, du défaut de prise en compte, par le banquier du donneur
d'ordre, d'un événement lui interdisant l'exécution (ou la poursuite de l'exécution) du
virement. Cet événement peut être, soit une saisie pratiquée sur le compte du donneur d'ordre,
soit le dessaisissement de ce dernier, suite à une procédure de redressement ou de liquidation
judiciaires. La jurisprudence n'offre cependant pas d'exemple d'action en responsabilité
internée contre un banquier chargé d'effectuer un virement par les catégories de tiers susvisés.
422 - En abordant l'analyse de la qualification de mandat attribuée à l'ordre de virement,
en droit positif, nous nous proposions d'en vérifier la justesse à travers ses fondements et ses
répercussions sur la situation juridique du banquier du donneur d'ordre. On peut à présent
tenir cette qualification pour justifiée.
En effet, l'ordre de virement invite le banquier qui le reçoit à l'accomplissement, sur une
base conventionnelle (comme c'est nécessairement le cas pour tout mandat), d'un acte
juridique de remise de monnaie scripturale, au banquier du bénéficiaire, pour le compte du
donneur d'ordre et en son nom. Son émission fait peser sur le banquier débiteur les obligations
(!HO) Par application. croyons-nous. de la philosophie se dégagcam de \\a règle du non-cumul des responsabilités délictuelle
et conuaceuelle.
(911) Son erreur l'oblige 11. rétablir. au compte de son client. les sommes prélevées sam son ordre (cf. art. 1937 C. civ ,).
(912) Sur ces points. v. H., L. et J. Mazeaud. Principaux contrats, précité. [1'1500 el 1501, p.932 et s. Adde. sur la
responsabilité contractuelle encourue par Je dépositaire d'une manière génétaïe, Ph. Mlllaurit' er L. Aynès. Les contrats
spéciaux.précité, n'S73 et 5.

319
d'exécuter correctement la mission confiée et d'en rendre compte. ensuite. au donneur d'ordre
(cf. an. 1991à 1993C.civ.).
423 - S'agissant de l'obligation d'exécuter, il faut signaler qu'elle se dédouble en réali!é
en deux obligations successives (ainsi qu'il en va pour tout mandat) . En premier lieu, se
trouve l'obligation déterminée de fournir la prestation promise (en l'absence de toute
renonciation notifiée en temps opportun, cf. art. 2007 C. civ.), dont l'inexécution fait
présumer. de ce seul fait. la faute du débiteur. et engage sa responsabilité à l'égard aussi bien
du donneur d'ordre, que des tiers. Ensuite, vient l'obligation de mener la mission confiée avec
prudence et diligence, dans le strict respect des instructions du donneur d'ordre. A cet égard,
toute faute dommageable prouvée contre le banquier entraîne sa responsabilité.
Les principes qui précèdent ne sont applicables, toutefois, qu'autant que l'ordre de
virement, qu'a reçu et exécuté le banquier, exprime une demande effective du titulaire du
compte ou de son fondé de pouvoir. Dans le cas contraire où l'ordre de virement est
apocryphe et où le banquier victime ne peur se prévaloir d'aucun mandat, fût-il seulement
apparent, seules les règles du cuntrat de dépôt (lequel se combine souvent avec le mandat. en
la matière) ont vocation à s'appliquer.
424 - Mais J'analyse qui a été menée révèle qu'en matière de virement, c'est moins la
démonstration de la qualité de mandataire du banquier du donneur d'ordre que la délimitation
de l'étendue de son mandat qui prête à controverse. La question se pose. en effet, de savoir si
~l"~f'. .
àl foi
1
~
d
l'
(
1 é
.
d
e'bériéfic1<ure est.
a 015, e representant e son propre c lem pour a r cep lion es sommes
virées) et le représentant, par le biais d'une substitution de mandat. de J'initiateur du virement.
C'est une réponse négative qui doit être apportée, selon nous, à cette question. La raison en est
que. pour te banquier du destinataire d'un virement. l'obligation de recevoir. afin de les
joindre au dépôt. toutes les sommes dont son client, titulaire d'un compte de dépôt d'espèces,
est bénéficiaire, existe de par la seule convention d'ouverture de compte le liam à ce dernier.
Cela montre bien que c'est en sa qualité de mandataire du bénéficiaire du virement (et en cette
seule qualité) que le banquier de celui-ci reçoit le produit du virement et J'inscrit au compte de
son client. La conséquence qui en découle est que le mandat que comporte un ordre de

320
virement s'étend jusqu'à la remise des biens à virer au banquier du donneur d'ordre. et n'inclut
donc pas l'inscription de ces biens au compte du bénéficiaire.
425- La controverse née à propos du rôle dévolu au banquier du bénéficiaire, provient
de ce que nombre d'auteurs n'avaient pas véritablement perçu la nature complexe de
l'opération se rattachant à un ordre de virement. Un tel ordre n'a pas, en réalité. pour objet la
mise en oeuvre d'un mandat simple dont la charge entière serait laissée au seul banquier du
donneur d'ordre. Il a, au contraire, pour objet. de déclencher une opération plus complexe.
supposant la succession de deux mandats indépendants, mais complémentaires: un mandat de
délivrer (dont est chargé le banquier du donneur d'ordre), nécessairement relayé par un
mandat de réceptionner (à la charge du banquier du bénéficiaire); étant entendu que chacune
des deux banques mandatées (par deux personnes généralement distinctes) assume, sous sa
seule responsabilité, une fraction du processus du virement.
426
La délimitation (ci-dessus évoquée) des champs respectifs des mandats mis en
M
oeuvre, à l'occasion de l'exécution d'un ordre de virement, conduit, logiquement, à fixer le
maillent de l'irrévocabilité de cet ordre au moment où le banquier du bénéficiaire a été mis en
possession des sommes destinées à son client, et non point dès le moment où le compte du
donneur d'ordre est débité, comme la Cour de cassation(913), approuvée par une partie de la
doctrine(914) a eu à l'affirmer.
Au total, on doit retenir que c'est donc bien en qualité de mandataire (et en cette qualité,
principalement) que le banquier du donneur d'ordre se charge de transférer, sur la base d'un
ordre de virement, d'un compte vers un autre, les fonds qu'li a reçus de ses clients, en son
autre qualité de dépositaire.
Au-delà des techniques bancaires fondamentales de mouvements de fonds que
constituent le chèque et le virernenr, la théorie du mandat trouve encore application à
l'occasion de la mise en ouvre d'autres moyens de réalisation d'un versement de fonds au
profit de personnes tierces. Il ,en va ainsi de la technique de domiciliation de paiements chez
un banquier.
i9B) v. sup1'a n"Jï4-,
t9U) V. supra n"368,

321
CHAPITRE II. LES MANDATS CONFERES PAR UNE DOMICILIATION DE
PAIEMENTS CHEZ UN BANQUIER.
427 - La domiciliation est une technique juridique par laquelle une personne
(généralement un commerçant) charge autrui d'effectuer, en ses lieu et place, des actes de
paiement lui incombant normalement, et invite, en conséquence, ses créanciers (ou certains
d'entre eux seulement) à se faire payer chez ce tiers. Si cette technique se prête à toutes sortes
de paiements(915), c'est en matière de paiements d'effets de commerce qu'elle est, le plus
souvent, utilisée en pratique. C'est, au demeurant, en cette matière et, plus particulièrement.
relativement à la lettre de change, que le régime juridique de l'institution visée se révèle dans
LOure sa complexité, et mérite, en conséquence, que l'on s'y arrête, pour rechercher en quoi la
qualification de mandat qui lui est habituel1ement appliquée se trouve justifiée.
Sous ce rapport, la domiciliation laisse apparaître une double nature: elle vaut, d'abord,
comme une indication pour les tiers de la personne tierce chargée de régler, au nom de leur
débiteur, la créance dont ils sont porteurs: on parlera alors de clause de domiciliation. Elle
vaut ensuite, pour la personne désignée sur l'effet, le domiciliataire, invitation à régler l'effet.
aux lieu et place de son débiteur véritable, c'est le "contrat de domiciliation".
428 - Panant du constat que le tiers domiciliataire qui règle l'effet domicilié chez lUÎ
n'agit pas en son nom propre, la jurisprudence(916) et la doctrine(917) analysent la
(915) En effet toutes les créances, surtout celles qui, généralement, donnent lieu à la remise, au créancier. d'Un litre devanl
servir 11 un règlement difrért', sont susceptil;l\\es de faire l'objet 'Yun" domiciliation_ II en est a.insi, narurellemem, de route
créance incorporée dans un effet de commerce, quel qu'il soit (lettre de change, billet 11. ordre, warrant voire chèque). Il en est
encore ainsi des créenees constatées au truvers, notamment, de factures, qu'elles scient protestables (v, ordonnance du
28 sept. 1967. J.C.P.1967.IIl 33460: éd, CJ.,82234, V, également lui Dailly du 2 j3J1v. 1981); PJur des exemples
jurisprudentiels de domiciliation de factures. ordinaires el des litiges peuvent y être attachés. v. Paris 12 janv, 1911, Gaz.
paU99Ll.224; T.G.l de Bourgoin-Jallieu, let oct.1982, D.19B},I.R.472j"
ou encore au travers de ...aleurs mobilière'
impliquant le service d'un revenu périodique. "le. Quelquefois. d'eüteurs, la domiciliation est rendue obligatoire par un lute
légilOlalif ou régjernemaire. II en est ainsi pour les tous Ics règlements découlant d'opérations d'importation ou d'exportation.
el pour le paiement des revenus de valeurs mobilières. qui doivent absolument être domiciliés euprês d'lin établissemere de
crédit (v. décret du 7 déc. 1955, J,C.P,1955, III, 20679 et 20721: éd. CI., 57059 ct 57167).
(916) V. not. Casso corn. 9 an, 1973, J.c.P.t973.11.17555, nore Ch. Gllyald~; Casso corn. 7 janv. 1976, J.CP.1976,n.l8327,
note Ganldael S10umet; éd.C.L.11.12086; Bull. Civ..JV, n"6. p.]: GUl. P:ll.l976,} som.95; Cass. corn. 29 mai 1978, Gaz.
PaJ.l978.2 som.373; Casso corn, 3 avr. 1978. Bull, CiY,. IV, n'104, p.86: D.1979,I.R_139, obs,~. vasseur, Gaz. PaJ.i978,2

322
domiciliation bancaire(91 &) en un mandat de payer, donné au banquier domiciliataire par son
client. Cene qualification qui, de prime abord, semble aller de soi, ne manque pas, néanmoins,
de susciter des doutes, lorsqu'on se trouve en présence d'une domiciliation qui n'est pas le fait

du débiteur de l'effet. client du banquier domiciliataire mais. au contraire, du tireur de l'effet,
lequel n'a, en principe, aucun rapport de droit avec le banquier désigné. Par ailleurs, l'habitude
prise par les banques de ne régler les effets domiciliés qu'après la réception d'un avis exprès
de domiciliation (en dehors de la clause de domiciliation portée sur l'effet) conduit encore à
douter de la valeur contractuelle, à l'égard du banquier, de la men lion de domiciliation inscrite
sur un effet dont le tiré et le tireur sont convenus, de la sorte, que son paiement serait réalisé
chez le banquier désigné. Si aux considérations qui. précèdent, on ajoute que, quelquefois, la
domiciliation est imposée au débiteur par un texte législatif ou réglementaire, il apparaît alors
indispensable. pour s'assurer du bien-fondé de la qualification donnée à la domiciliation des
pajemeras. de rechercher les éléments qui justifient l'analyse de cette technique juridique en
un mandat (section 1). Toutefois, une conclusion définitive sur ce sujet ne saurait être tirée
sans que la qualification retenue n'ait été confrontée à la condition juridique, en droit positif,
du banquier domiciliataire (section II).
r.om.2B9: Trib. Com. Paris, 17 janv. 1.980. Banque 1980.778 note LAi. Martin; D.1981,1.R.25, cbs. M. Vasseur; Cess.
corn. 8 juin 1982, Bull. Cil'. IV, n'221, p.:94 (2 arrêts).
(917) V. not. Ch, Gavalda, (Iole sous Cess. corn. 9 avr. 1973 et Paris 7 avr. 1973. J.C.P.1973.1117555; J, Becqué et H.
CabrinlJ~, cos. à. propos de Paris, :l8 DeL 1967, R.T n.Com.1968.102; Cb. Gavalda el J. Stcurnet, droit commercial, précité,
L2, n'20S, p.228; G, Rlpert el Roblut, op. cir., LZ, n'2460, p.495; J,·L. Rives-Lange et M, Contamfne-Raynaud, op. ch..
n'296 el S., p.417 et s. [avec celle nuance qne le mandat se trouve, non dans la clause de domiciliation, mais dans l'ordre
exprès de paiement donné par la suite par le tiré).
(918) Il laur préciser qne si, en pratique, les domiciliataires sont généralement des professionnels et le, plus souvent, des
banques ou des centres de chèques pn~la\\l". le principe admis en la mauêre en que la domiciliauon peul être faîte chez une
personne tierce quelconque eapable d'opérer un paiement.

323
SECTION 1. LES ELEMENTS DE LA QUALIFICATION DE MANDAT
RECONNUE A LA DOMICILIATION.
429 - Le mandat, on l'a vu, suppose toujours un contrat impliquant des actes juridiques
accomplis au nom et pour le compte d'autrui. T"analyse de la domiciliation en un mandat
laisse entendre, d'une part, que celle-ci trouve sa source dans une convention conclue entre le
supposé mandant ct le banquier domiciliataire, mandataire supposé; d'autre part, que la
domiciliation a pour objet l'accomplissement d'un acte juridique au nom et pour le compte du
mandant. Les développements à venir diront si ces déductions se vérifient aussi bien pour la
domiciliation volontaire (sous-section 1), que pour la domiciliation "obligatoire" (sous-section
TI).

324
SOlIS·SECfION 1. LA DOMICILIATION VOLONTAIRE.
430 - A priori, la domiciliation volontaire. c'est-à-dire celle qui n'a pas pour origine uue
quelconque contrainte de la loi ou des règlements, est celle qui le mieux se prête à la
qualification de mandat souvent proposée par la doctrine et la jurisprudence (919). Encore la
démonstration doit-elle être apportée. non seulement que cette technique juridique trouve sa
source dans une convention conclue entre le banquier domiciliataire, mandataire supposé et
Son client, prétendu mandant (§ 1), mais également qu'elle a pour objet J'accomplissement. par
le premier, d'un acte juridique au nom et pour le compte du deuxième (§ II).
§ I. LA DOMICILIATION RESULTE D'UNE CONVENTION.
431 - Ainsi qu'il a déjà été signalé. la clause de domiciliation figurant sur un effet de
commerce, notamment, révèle, en réalité, deux conventions distinctes: l'une, conclue,
généralement, entre le créancier et le débiteur de l'effet, aux fins de rendre la dette payable
auprès d'une personne tierce, chez qui l'effet est, de ce fait, domicilié (920), et l'autre,
intervenant entre le débiteur de l'effet et le banquier désigné, ce dernier étant invité, par la
clause de domiciliation (du moins, en apparence), à régler l'effet sur lequel elle figure. Mais la
clause de domiciliation a pu être le fait du rll;4Ilti-qet non duÛ~'~\\-w-qui, seul, a le pouvoir de
donner à son banquier, domiciliataire apparent, l'ordre de régler l'effet par le débit de son
compte. Cette éventualité pose Je problème, objet de sérieuses controverses, de la valeur, sur
le terrain des relations entre le banquier désigné et son client, de la clause de domiciliation
figurant sur un effet dont ce dernier est débiteur. Doit-on considérer que le mandat de payer
que constitue, de J'avis unanime. la domiciliation, est formé par le seul fait de l'inscription, sur
l'effet, de la clause de domiciliation, ou cette formation est-elle subordonnée à une
(919) Y. supra. n'428 el réf';rences citées.
(920) Ce qui crée, pour le porteur de l'effet. une obligation de présentation au paiement chez le banquier domiciliataire.

325
manifestation spéciale de volonté du tiré ou du souscripteur? Tels sont, avec plus de
précision, les termes du débat
Mais le problème du consentement du débiteur (B), qui provoque, en pratique. la
perfection du mandat de payer du domiciliataire, ne doit pas faire oublier que le mandat.
comme tout contrat, suppose un concours des volontés des personnes engagées. L'article 1984
alinéa 2, ne précise-t-il pas. du reste, que le contrat de mandat ne se forme que par
l'acceptation du mandataire? Il est nécessaire. par conséquent, de préciser, en ce qui concerne
le domiciliataire également, l'acte qui vaut acceptation du mandat conféré par la domiciliation
(A).
A. LE CONSENTEMENT DU DOMICILIATAIRE, A LA DOMICILIATION.
432 - Comme il a été précédemment relevé, à l'occasion de l'étude des mandats conférés
par chèque ou par ordre de virement(9211, l'ouverture d'un compte ordinaire de dépôt
d'espèces (le compte courant y compris) emporte, pour le banquier, la promesse d'exécuter
tous les mandats habituellement attachés à la possession d'un tel compte. C'est donc sur la
base de cette promesse que le titulaire d'un compte bancaire se trouve investi du droit de
domicilier ses paiements chez son banquier. Ce dernier se trouve, quant à lui, dans
J'obligation de répondre à. l'attente de son client, d'autant plus que la domiciliation constitue,
de nos jours, une technique banale du service de caisse normal offert habituellement par les
banques à leurs clients(922). Le banquier domiciliataire ne peut, par conséquent, prendre
prétexte de la nécessité d'une acceptation de sa part pour refuser de payer des effets chez lui
domiciliés. En réalité, cette acceptation a été donnée par avance, une fois pour toutes, avec
l'ouverture du compte, pour chaque contrat de domiciliation (entrant dans le cadre des
(921) v. supra n'jl.133.et380.
(922) V. toutefois, contra, Trib. Corn. Seine 7 janv. 1955, Banque 1955.111, obs. X. Marin qui. à propos du refus par une
banque de prêter son concours 11 un de ses clients qui souhaitait domicilier chez elle des effets d'exportation, a refusé de
retenir une fallTe à la chu-ge de ladiw banquc-, en préciseru notamment "qu'aucun texte légal ne fait oblip,alirm à un
é/ablissemenl bancaire d'accepter chez lui
la domiciliation de titres d'exporta/ion" el "que la position de la IJa"que Z...esi
donc celle d'un convnerça1ll avisé gard(lll1 le libre choix des mandats qui pourraient fui être confiés, StJn5 qu'aucune faute
puisse être mise J sa charge". Mais il est éviden que la solution du tribunal ne s'explique qœ par la nature particulière de
l'opération envisagée en ]'es:pèce.

326
opérations ordinaires) que son client voudrait bien lui prupo:ser(923)(924). ce principe n'est
d'ailleurs pas discuté en pratique. C'est, au contraire, sur la forme de l'ordre de payer donné
par le tiré au domiciliataire que se concentrent toutes les discussions relatives à la formation
du contrat de domiciliation.
B. LA FORME DE L'ORDRE DE PAYER DONNE AU DOMICILIATAIRE PAR
LE TIRE.
433 - Le banquier qui, à travers la clause de domiciliation portée sur un effet de
commerce, constate qu'il a été désigné pour en effectuer le paiement est-il en droit de se
considérer comme mandaté. par cela seul, par le débiteur de l'effet, son client?
A s'en tenir aux principes généraux du droit des obligations, la réponse à la question
posée dépend du point de savoir si la clause de domiciliation exprime une réelle volonté,
ferme et non équivoque du client du banquier. Dans I'affirrnative, on devrait admettre que dès
lors que cette volonté a rencontré celle du banquier, acquise d'avance(925\\ le mandat est
conclu. et le banquier pourrait. en principe, décider de l'exécuter. sans attendre une
quelconque confirmation ultérieure de j'ordre de régler l'effet à son échéance.
434 - Or précisément, la clause de domiciliation. à elle seule, ne semble pas suffire à
exprimer une volonté certaine et définitive du souscripteur d'un billet à ordre; encore moins
du tiré d'une Ieure de change, surtout lorsqu'elle ne porte pas une acceptation. La clause de
domiciliation a pu d'ailleurs être apposée. en ce qui concerne la lettre de change plus
particulièrement, non par le üré(926), mais, au contraire, par le tireur. Il faut préciser, au
passage, que ce dernier ne peut passer pour le mandant du banquier domiciliataire, puisque le
(923) Y. supra, Jl'5l, 133 et380.
(924) Ce service est le plus souvent graum, au œmeuranl. Sur cerre affinnatiun et, plu, généralement, sur les condition, de
paiement des effets domiciliés. v. J.·L. Rive.s·L:mge c! M. Cootamine-Raynaud, op. cit., n"294 el s.
'6' bi
(925)Y. supra. n'
p.r- -
lSels.
\\926} Même lorsque le tiré a donné sail accord pour l'inscription de la clause Je domiciliation. cela ne suffit pas, en l'absence
d'autres éléments, tels qu'une acceptation, par exempte, à impliquer une volonté ferme de voir payer rdfeL

327
compte à débiter n'est pas le sien(927). En revanche, on peut le tenir pour un gérant de
l'affaire du tiré(928\\ étant entendu qu'en désignant le banquier de ce dernier comme
domiciliataire de l'effet de commerce, le tireur a conscience d'agir dans l'intérêt du
débiteur(929), en son nom et pour son compte. alors même qu'il n'a reçu aucun mandat à cet
effet. L'acceptation ultérieure de l'effet et. plus sûrement, l'avis de paiement donné au
banquier domiciliataire apparaissent alors comme la ratification, par le tiré, de l'acte de
gestion entrepris pour son compte par le tÏfeur(930).
Faute d'exprimer l'intention certaine du débiteur de payer l'effet sur lequel elle apparaît,
la clause de domiciliation ne peut suffire, semble-t-il, à constituer mandataire (pour le
paiement envisagé) le banquier qu'elle indique(931).
Cette affirmation peut paraître indiscutable pour les billets à ordre ou les traites non
acceptées. En revanche, une lettre de change qui porte l'acceptation du tiré exprime, très
certainement la reconnaissance par ce dernier de sa dette et, partant, de son intention
(apparente au moins) de la payer à l'échéance. Ne peut-on, alors, penser que la conjonction,
sur une traire acceptée, de la clause de domiciliation et de l'acceptation du débiteur, emporte
l'ordre pour le banquier domiciliataire de payer l'effet à son échéance? Certaines décisions dc
justice l'ont souteou(932). Mais la majorité de la jurisprudence Subordonne le paiement de
l'effet domicilié à. l'émission d'un avis spécial de domiciliation(933). La portée, du point de
(927) Ccrnp. Janine Revel, Le contrat de domiciliation des effets de commerce, 1.C.P.1976. éd. C.1..I1l2182, n'9 (in fine).
(928) V. cependant J. Revel. a.:'liclt;: précité. loc. cir.. n'W. qui préconise la thèse de la promesse de porte-fort. Le tireur, en
désignant le domiciliataire. se poner sa fort,,, l'égard du bénéficiaire, de la ratification du tiré. Ceue analyse. qui concerne les
retauons du tireur avec le béuéficiaire (tiers par rapport à la relation tireur-tiré), n'est pas en contradiction avec la thèse de te
gestion d'affaires qui, elle. concerne les rapports entre le tireur et le tiré, relativement ~ la désignation par le premier. au
banquier du second, comme domicilillLaire de l'effeL
(929) Certes, on peur objecter que la prise en compte de !IOn intérêt propre n'est pas absente dens l'acte du tireur, mais cela ne
constitue pas. en principe, llI1 obstacle ~ J'admission d'une gestion d'affaires, dlUl~ ln mesure oÙ j'acre du tireur n'a pas pour
fondement son seul intérêt (v. Casso eiv. 25 juin 1919:èD.P.1923.1.223). Sur les conditions de la gestion d'affairee. v. par
exemple François Coré. Ene. Jur. Dalloz, rép. dr. civ. 2 éd.. LV. v' Gestion d'affaires, n·13 er s.
(930) Sur les conditions de III ratification de la gestiol1 d'affaires, v. F. Goré, rép. dr. civ. précité. o'n, \\09 et 203 el s.
(931) Sur ces points, v. parex. J.-L. Rives-Lange et M. Cnatamfne-Raynaud, op. cit. n'296 el s.; M. jeaottn, op. cu. nOs
279 el 280.
(931) V-.Trib. e0':l" Marseille:!9 mars 1957, Banque 1958.311, c;hron. X. Marin, R.T.D.Com.1958.582, obs. J. Becqué el
H. Cabrülac: Pans, 28 oct.1967. Banque 1968.60. Oiron. X. Mann. R.T,O.Com.19611101. obs. J. Becqué el H. Cebrülac.
(933) V. Trib. com. Montpellier 6 jem. 1950, Banque 1952.239; R.T D.Com.l952.94, cos. J, Becqué et H. Cabrütec; Trib.
corn. Seine 4 mai 1960, Banque 1961.754; Trib. corn. Paris i7 janv. 1980. Banque 1980.778, note L.-M. Martin;
D.1981,I.R.25, obs. M. vasseur: Cass. rom. & juin 1982. Bull. Cw, IV.. r:22t, p.194.

328
vue de la théorie du mandat. de la conjonction, sur une traite, de la clause de domiciliation et
de l'acceptation du tiré, d'une part (1), et, d'autre part, de l'usage bancaire des avis de
domiciliation (2) mérite, par conséquent, d'être précisée, afin que soit déterminé le moment
exact de conclusion du mandat de payer confié au domieiliataire.
1. LA PORTEE DE LA CON"JONCTlON, St:R UNE TRAITE, DE LA CLAUSE DE DOMICILIATION ET
DE L'ACCEPTATION DU rrm,
435 - Lorsque. sur une traite, apparaît, en même temps que la clause de domiciliation, la
signature d'acceptation du tiré. il importe peu pour le banquier de savoir qui, du tireur ou du
tiré, se trouve à l'origine de la domiciliation de l'effet. L'acceptation du tiré suffit, dans ce cas,
à démontrer la volonté de celui-ci de confier le règlement de l'effet en cause à son banquier.
En prenant en considération le fait que l'effet est destiné à être présenté tôt ou tard au
paiement, on est en droit de déduire que la clause de domiciliation apposée sur le titre
eoncerne à la fois les tiers, qu'elle renseigne sur le lieu où l'effet doit être présenté, et le
domiciliataire, qu'elle renseigne sur la mission qui lui est impartie. Le problème qui se pose
alors (relativement au domiciliataire) est de savoir si la volonté manifestée par le tiré, à
travers l'effet de commerce, suffit, à elle seule, à donner naissance à la relation de mandat
impliquée par le paiement projeté. La question est. plus précisément, de savoir si le mandat du
domiciliataire (dont l'acceptation peut paraître acquise d'avance)(934) se forme sur la base des
indications portées sur l'effet de commerce ou, plus tard, avec l'émission par le tiré d'un avis
séparé de paiement?
436 - Au regard des principes généraux du droit des obligations, il ne fait pas de doute
que la clause de domiciliation à laquelle s'ajoute la signature d'acceptation du débiteur, puisse
être interprétée par le domiciliataire (s'il n'a été déjà avisé de cette domiciliation par son
client) comme constitutive d'un pouvoir implicite reçu de son client, aux fins du paiement de
l'effet, à sa présentation. Rien n'empêche, au demeurant, qu'un mandat puisse être conféré de
(934) V. supra, Il'432.

329
manière tacite(935). Mais, s'agissant d'opérer un paiement par le débit du compte du tiré, ce
qui constitue un acte de disposition, il y a lieu de faire état de l'article 1988 alinéa 2 du Code
civil qui, dans un tel cas, subordonne la validité du mandat à son caractère exprès. La question
qui se pose. dès lors, est de savoir si le mandat tacite que reçoit le domiciliataire d'un effet de
commerce remplit la condition imposée par l'article 1988 alinéa 2.
437 - Le mandat exprès est celui qui, par opposition au mandat conçu en termes
généraux, indique avec une extrême précision la nature exacte de J'acte attendu du
mandataire. de sorte que le pouvoir d'aliéner du mandataire apparaisse très explicitement dans
sa procuration. A cet égard, on doit bien admettre que l'objet de la domiciliation, à savoir un
acte de paiement, est sans aucune équivoque. La nature de l'acte visé par la procuration étant
déterminée avec suffisamment de précision, on devrait conclure au caractère exprès du
mandat qui en résulte.
438 - Pourtant une telle conclusion serait aussi erronée que hâtive. En effet, il faut, en la
circonstance, se reportant l'esprit de l'article 1988 alinéa 2, se demander si, en réalité, le
caractère exprès, requis pour les mandats impliquant un acte d'aliénation, n'exclut pas, de lui-
même (ainsi que dans son esprit), les mandats tacites? Car, à dire vrai, l'exigence du caractère
exprès du mandai d'aliéner n'a pas d'autre but que d'interdire l'exécution des mandats pour
lesquels le consentement du mandant à l'acte d'aliénation projeté n'est pas totalement et
définitivement acquis avec certitude. Sous ce rapport, on est bien forcé d'admettre que le
mandat tacite que renferme certainement un effet de commerce, domicilié et accepté, ne
remplit pas la condition de l'article 1988 alinéa 2, tant il est vrai que ni la clause de
domiciliation, ni même l'acceptation du tiré ne sont constitutives, en dehors de toute autre
manifestation supplémentaire de volonté,
d'un ordre
ferme
de
paiement donné au
domiciliataire par le débiteur de l'effet. En conséquence, il faut retenir que si la conjonction
de la clause de domiciliation et de l'acceptation sur un effet de commerce est de nature à
emporter la formation d'un mandat de payer confié au domiciliataire par le débiteur de l'effet,
elle ne suffit pas, cependant, à autoriser le passage au stade de l'exécution dudit mandat Pour
(935) V. par exemple René Rodlère. rép. dt. civ.. précité. y' Mandai.. n'85 etS.; égal. Ph. le Tourneau. rép. dr. CJv.,précité, v'
Mandat (1992), n'il L

330
cela il faut un mandat exprès, s'agissant d'un acte de disposition. Ce mandat exprès, ouvrant la
voie au paiement de l'effet, prend généralement, en pratique, la forrne d'un avis de
domiciliation, adressé en temps opportun, par le tiré. au domiciliataire (936). On perçoit. d~s
lors, la portée de l'usage bancaire des avis de domiciliation.
2. LA PORTEE DE L'USAGE BANCAIRE DES AVIS m: DOMICILIATION.
439 - Les développements qui précèdent permettent de se rendre compte que ce qui
n'était considéré que comme un usage instauré par les
banques,
dans
leur intérêt
exclusip937), afin de se prémunir contre les risques de règlement de traites fausses, ou
faussement acceptées, ou falsifiées, apparaît, en réalité, comme le strict respect des principes
du mandat et, spécialement, de l'exigence de l'article 1988 alinéa 2. En effet, on ne saurait
déduire de la désignation d'une banque par suite de la mention "payable à..." ou "payable
chez...", ni même de l'acceptation du tiré. ajoutée à cerre domiciliation, l'expression par ee
dernier, d'un ordre ferme de payer donné à la banque visée. Si bien que la domiciliation d'une
traite, même acceptée, ne peut suffire, en l'absence d'une manifestation plus nette de volonté
du débiteur. à autoriser le paiement. Pour autant, on ne doit pas en déduire qu'une telle traite
est impuissante, en l'absence d'un ordre précis et spécial de payer, à entraîner la formation du
contrat de mandat qui constitue son objet(938). On ne doit pas. non plus, dire que le contrat se
forme en deux temps; le premier temps consistant à informer le porteur de l'effet du lieu où il
doit le présenter, et le deuxième. constitué par l'émission de l'ordre de payer, valant
{9361 Quelquefois ce mandat expres est donné sous la forme d'un avis de domiciliation général permuneut. qui autorise.
d'avance. le banquier à. régler, soit LOus les effets acceptés. soit LOUS les effets provenant de certaines maisons: déterminées. v.
J. Vénan. op. eiL, n'I36, p.93: Ch. Gavalda. note précitée. au J.C.P.1973.n.l755S. § II, B. a. 3).
(937) V. Trib. COrn. P<\\l'is 17janv. 1980, D.l981.I.R.25, cbs. M. vasseur: Banque 19BO.77B et la note de M. L.·M, Martin,
spéciaïement, p.780, zeroe colonne.
(938) v. J. Revel. Le contrat lie domiciliation des effets de commerce. J.C.P.1976. éd. C.l.JJ.12282, 0'6.

désignation de la personne chargée de le régler(939), ou encore que "le mandat de payer est
«extérieur» au titre,,(940).
440 - En réalité, le contrat de mandat, objet de la domiciliation(941), existe dès l'instant
où celle-ci est approuvée par le tiré, notamment par le biais de son acceptation apposée sur
l'effet(942). C'est seulement l'exécution de son objet principal (à savoir le paiement) qui reste
paralysée, faute d'un ordre exprès, ainsi que l'exige l'article 1988 alinéa 2 du Code civil. C'est,
au reste, la même idée que l'on retrouve dans un arrêt de la Chambre commerciale du
7 janvier 1976(943). On peut y lire notamment que "c.la domiciliation s'analyse en un
mandat donné par le tiré à son banquier de payer les effets par débit de son compte et, pour
l'exécution de ce mandat, il est, par le procédé usuel des bordereaux de domiciliation, précisé
au banquier, de façon limitative pour une ëchëance déterminée, les effets domiciliés chez lui
et devant être présentés au paiement". C'est, encore, la même idée qui fonde l'opinion
défendue par certains auteurs(944), selon laquelle le banquier, a qui est présenté un effet dont
il est le domiciliataire, mais qui n'a pas donné lieu à un avis de domieitiarion, doit solliciter
les instructions de son c1ient(945). Une: telle obligation ne peut se comprendre que dans le
cadre d'un contrat de mandat déjà formé(946). C'est. enfin, la seule conception qui soit
,
(939) Ibid. A signaler l'emalgerne que cet auteur semble faire entre les relations du tiré el du porteur du litre, elles relations
du tiré el du domiciliataire. Cette dernière relation seule en conceruée par le mandat. On ne ~lIurail alors dire que le preflJier
temps de Iorrnation du mander est constitué par un acte se situant sur le plan des relations du tiré avec les tiers.
(940) J. Revel, ~rlid.. préçité, n'14. Deus le même seris. J,·L. Rives-Lange el M. Contamjne-Raynaud. op. cil .. n'296 et s.,
pAl7ets.
(941) L'on doit se rappeler que la domiciliation a une double nature : elle V3.n~ à la fois, comme une indication, pour les riers.
de la personne à qUI l'effet doit être présenté er, pour la personne ainsi désignée. une invitation à régler l'effet à sa
présentation. V. supra f\\'427,
1942) Etant donné que J'acceptation du d('>mio:ilia~ était déjllllqnise d'avance. V. supra n' 432.
(943) J.C.P.1976.IT,18327, noie Ch. G.1Ivalda el J. Sioumet, éd. C.I.,II,12086; Bull. c», IV, n'ë, p.7; Gaz. Pal.l976.l
som.95.
'
(944) Jaeqees Ferronnière et Emmanuel de Chüïaz, Les opérations de banque, Dalloz,
éd., pat J. P. P.1Ity, 1980, n'l9L
ë ë
p.l83: J, Reni, artjcle précité, n'16; V. également Rives-Lange et Ceutamine-Rayaaud, op. cu.. n'29i, p..HS, qui font état
d'un usage bancaire bien établi ence sens.
(\\lllS) Duns te même sens, v. Cess. corn. 8 juin 1982, Bun, Civ. IV. 0'221. p.l94.
(946) Ibid. TI esl à noter que dans cet arrêt le porteur de l'effet reprochait à la banque d'avoir citféré le paiement d'effets
acceptés, afin de solliciter les instructions du tiré. Ce ~ quoi III. Cour d·appel seme, approuvée par la Cour de cassation, a
rétorqué que l'insuffisance du solde du compte laissait planer un doute sur l'intenuon réelle du tiré de payer les effets émis
quelques jeun lluparavanl.Pllr conséquent. la banque qui n'avait pas reçu un ordre de paiement permanent ni un avis de
domiciliation "n'avait pas commis de faute en sotucitoru, au préalable, les instructions de son manâara et en refUSanJ,
lI'ayGJlJ reçu aucune réponse. de payer les lettres de change".
Comme on peut le voir, pour la Cour de cassariou. la naissance
dU contrat de mandat n'est pas subordonnée ~ l'émission rie l'ordre exprès do:: paiclflcnt.

332
compatible avec la définition unanimement reconnue à l'institution juridique en cause. On ne
peut. en effet. définir la domiciliation comme un mandat. donné par le tiré à son banquier (ou
à [out autre tiers), de payer en son nom et pour son compte un effet dont il est le débiteur.jet
affirmer, dans le même temps. que ce mandat ne se forme qu'au moment de l'émission de
l'avis de domiciliation. Cela revient, en réalité, à nier, sur le terrain des relations entre le tiré
et le banquier domiciliataire, toute valeur à la clause de domiciliation apposée sur le titre et,
par voie de conséquence, à contredire la définition habituellement (et unanimement) admise
pour cette institution juridique(947).
441 - Quoi qu'il en soit, il est un point sur lequel aucune discussion n'existe: ta
domiciliation trouve sa source dans une convention conclue entre le banquier domiciliataire et
son client, débiteur de l'effet domicilié. Mais, pour que la convention qui vient d'être
caractérisée reçoive la qualification de mandat, il faudrait que son objet consiste en
l'accomplissement d'un acte juridique au nom et pour le compte du débiteur des paiements
domiciliés,
§ II. LA DOMICILIATION A POUR OBJET L'ACCOMPLISSEMENT D'UN
ACTE JURIDIQUE AU NOM ET POUR LE COMPTE D'AUTRUL
442 - On sait que ce qui constitue le trait essentiel du contrat de mandat, c'est son
caractère représentatif. Ce qui laisse entendre que le mandat ne peut avoir pour objet, à titre
principal, que des actes juridiques. A considérer cette donnée, les questions qui se posent, à ce
stade de l'analyse de la domiciliation, sont de savoir si le paiement qu'effectue le
domiciliataire est constitutif d'un acte juridique, accompli. de surcroît, au nom et pour le
compte de son client.
A s'en tenir aux développements auxquels Ont donné lieu, à l'occasion de l'analyse du
mandat que renferme un chèque(948\\ les mêmes questions, se présentant très exactement
(947) Certains auteurs attribuent, de mauiëre peu convaincante, cene contradiction, qu'ils admettent volontiers. uniquement
au fail qu'on inclut dans le terme même de domiciliation celui d'avis de peiernenr. V. Antoine Henry, Les services bancaires,
Thèse, Droit. Paris J, 1972 (dactylographiée), n'289. p.l77; Eljsabeth Peljer, La responsabilité des banquiers dans le
maniement des effets de commerce. Thèse. Droit, Nancy, 1961. p.IS:!.
(948) V. supra, n'}49 el s.

333
dans les mêmes termes, c'est une réponse affirmative qui s'impose: la domiciliation a bien
pour objet un acte juridique de paiement, devant être accompli au nom et pour le compte du
cocontractant du domiciliataire.
Ayant, par ailleurs. pour source un contrat liant les parties qu'elle engage, c'est donc à
bon droit que la domiciliation volontaire est regardée comme un mandat. Elle en comporte
effectivement les éléments caractéristiques. Peut-on en dire autant de la domiciliation rendue
obligatoire par la réglementation en vigueur ?

334
SOUS-SECTION II. LA DOMICILIATION OBLIGATOIRE.
443 - Dans certaines hypothèses, la domiciliation est rendue obligatoire par une
disposition légale ou réglementaire(949), Il en est ainsi, notamment en période de ecnrrôle des
changes(950\\ pour ta plupart des opérations d'importation et d'exportation de biens el
services ou de moyens de paiement, lesquelles doivent obligatoirement être domieiliées chez
une personne ayant la qualité d'intermédiaire agréé (par l'autorité administrative chargée du
contrôle des changes)(9SI).
Le caractère "forcé" d'une telle domiciliation suscite deux questions: d'une part, celle de
savoir si les rapports entre le banquier, à la fois domiciliataire et intermédiaire agréé. et son
client. d'ordinaire conventionnels, n'ont pas, dans ce cas, un caractère légal, exclusif de toute
idée de mandat (§ 1); et d'autre part, celle de savoir si, comme l'ont soutenu certains
auteurs(952),le banquier, intermédiaire agréé, peut passer pour le mandataire de l'Etat (§ II).
§ I. L'INCIDENCE DU CARACTERE OBLIGATOIRE DE LA
DOMICILIATION SUR LA NATURE DES RAPPORTS EXISTANT ENTRE LE
BANQUIER DOMICILIATAIRE ET SON CLIENT.
444 - Lorsque, comme en matière de commerce international, le recours à la
domiciliation bancaire est imposé par un texte législatif ou réglementaire, on peut se
(949) V. j. Revel, article précité, Il':!; sur l'obligation pour les sociétés dont les unes sont côtés en bourse de domicilier en
banque certaines de leurs opérations; V. Ripert et Roblol, précité. t2, n'I771, p.27.
(950) A roter que le contrôle des changes, en France. fait montre d'uu grand libéralisme ces dernières années; au point qu'il
ne serait pas exagéré de conclure en son inexistence. Maü on sait également. qu'en la meuêre, tout dépend de la conjoncwre
économique du moment, et qu'un retour brutal à un régime plus sévère de contrôles des importations et exportaecns n'est
jamais exclu. Sur le régime actuel du contrôle des changes en France. v. par ex. W. Jeancbner. Droit pénal des affaires.
Précis Dalloz, 1991. n'139 et s. Acide jA•. Rives-Lange et M, Contamme-Raynaud. op. cit., n'338 et s.
(951) Sont intermédiaires agréés. en résumé, toutes les banques et établissements assimilés et des services financiers de droit
public teh que la poste.je trésor public, etc. En effet, aux termes de l'art. 2 du décret n'g9-938 <lq 29 déc. 1989 &1&YJ:es.sta8.t
les relations financières eœc l'étranfCJ", J.o.R.{l. 30 déc. 19811; J.C.P .. 1990, éP, G,,lII.63412),
es mOllvc~eo
00
e
nature scripturale entre la t'rance et étranger s'effectuent parl entremise des etabllssements relevant des eructes l er et 99 de
la loi 0"84-46 du 24 Janvier 1984 relative li l'activité et au contrôle des établissements de crédit, ainsi que des institutions et
services énumérés à l'article 8 de ladite loi"
(952) V. auteurs cités infra 0'445.

335
demander si les rappons qui se nouent entre le banquier, domiciliataire des paiements de ses
clients, et intermédiaire agréé à la fois, relèvent encore de la théorie du mandat. On sait, en
effet. qu'il n'y a de mandat que là où, de manière volontaire. sur la base d'un contrat donc, une
personne se trouve chargée d'accomplir des actes juridiques. par représentation d'autrui. Or le
caractère forcé de la domiciliation, dans l'hypothèse que nous envisageons, semble exclure
tout échange des volontés des parties engagées.
La réalité est plus nuancée cependant. Car, outre le fait que seuls les règlements
financiers (et non les contrats commerciaux eux-mêmes) sont visés par l'obligation de
domiciliation. celle-ci ne relire pas aux opérateurs économiques leur liberté quant au choix de
la personne avec qui elles vont traiter. La qualité d'intermédiaire agréé ne met pas le banquier
dans l'obligation d'accepter toutes les missions (entrant dans le cadre de cette fonction) qui lUÎ
sont proposées(953)(954). De son côté, le donneur d'ordre, s'il est contraint. pour certaines
opérations, de recourir aux services d'un intermédiaire agréé, ne se trouve pas néanmoins
privé de la liberté de choisir, parmi les banques agréées, celle qui lui convient le mieux(955).
445 - De ce qui précède, il résulte que même dans les cas où la domiciliation est
imposée par un texte légal ou réglementaire, sa constitution reste néanmoins subordonnée à
un accord des volontés du domiciliataire et de son client Le caractère conventionnel de la
domiciliation n'étant pas contredit, dans cette hypothèse particulière non plus, on est forcé
d'admettre que l'obligation de domiciliation résultant de la loi ne modifie en rien la nature des
rapports existant entre le banquier domiciliataire et son client.
Mais en même temps qu'il met en oeuvre, dans le domaine des échanges internationaux
de biens, sa qualité de domiciliataire, le banquier agit, en tant qu'intermédiaire agréé. au nom
et pour le compte des autorités administratives chargées du contrôle des changes(956). On est
(953) Daru le même sens, v. Trib. com. Seine 7 janv. 19S5, Banque 1955.111, obs. X. Marin; R.T.D.Com.1955.362. obs.T.
Becqué el H. caertnac. D'après le tribunal, "les instructions données par t'Office des chtVlges sur!~ modalités rekuives au..:c
opéraJioflS: d'exportation ou d'impol1alion ne s'appliquent qll'à la marche à suivre pour chaque cas d'espèce, mais ne dOlVU'fll
à (JJ.IClln momenl Il la clientèle un pouvoir de corarainse à Ngard de la banque agréée".
(954) Il faut signaler, toutefois, qu'une telle obligation pêse sur le banquier intermédiaire agréé. à l'égard des personnes à qui
il a ouvert un compte impliquant les services entrant dans le champ du contrôle des changes. Mais son obligation a peur
Icndemern la couvenucn de compte J'unissent aux clients considérés. et non sa qualité d'intermédiaire agréé.
(955) En pratique, il aura. naturellement recours à son banquier habituel.
(956) Il s'agit en l'occurrence, en France. du Ministre de l'Economie et des Finances, et par délégation, de la Direction
Nationale du Trésor, puis de la Banque de France et de la Caisse Centrale de Coopération Economique, V. décret n"89-938
du 29 déc. 1989, précité, err.Ll ,

336
alors tenté d'affirmer qu'il est aussi. "par une sorte de dédoublement de sa personnalité
juridique,,(957), le mandataire de l'Etat(958). L'est-il réellement?
§ Il. LE BANQUIER INTERMEDIAIRE AGREE EST-IL LE MANDATAIRE DE
L'ETAT?
446 - S'il n'est pas exclu. en principe. que la théorie du mandat trouve application dans
le cadre du droit administratif(959), il ne faut pas oublier, toutefois, que le mandat suppose
non seulement l'accomplissement, par le prétendu mandataire, d'actes juridiques par
représentation du rnandanr supposé. mais également, à l'origine des relations existant entre ces
deux parties, un contrat constatant l'échange de leurs volontés à l'effet de donner, à l'une, le
droit de représenter l'autre. L'absence, à l'origine des relations entre t'intermédiaire agréé et
l'administration pour le compte de qui le premier intervient, en matière de contrôle de
changes, d'un contrat, impliquerait l'absence, entre ces parties, d'un mandat. Par voie de
conséquence, cela conduirait à la dénégation, à l'intermédiaire agréé. de la qualité de
mandataire de l'Etat (8). Ce qui n'empêcherait pas, cependant. cet intermédiaire de passer
pour Je représentant de l'administration chargée du contrôle des changes (A).
A, L'INTERMEDIAIRE AGREE EST LE REPRESENTANT DE L'ETAT,
447 - Représenter autrui, c'est agir au nom et pour le compte d'une personne, le
représenté, dans le dessein avoué de lui imputer directement les effets de J'action entreprise.
Or, il ne fait aucun doute que les actes accomplis par le banquier intermédiaire agréé, au titre
du contrôle des changes, le sont par habilitation de l'autorité administrative qUI en a
(957) Roger Saint-Alary. obs. sous Trib. civ. Montauban 16 nov. 1955, J.C.P.1957 .II.9693 (§ l, A, c).
(958) Dans le sens d'une lelle analyse. v. X. Marin, obs. 11. la revue Banque 1954.112; V. également R. Rabiot,
Réglementation des changes el droit privé. in Le couœôte des changes, ses répercussions sur les institutions juri~lles. Erude
de droit comparé du Centre Français de Droit Comparé. Sirey 1955, p.35, note 11·11: Antoine Henry, Thèse précitée. n"rT5,
p.16l.
(959) Sur ce point v. par exemple jean-François Laehaume, Droir admitustr atif, Les grenées décisions de la jurisprudence.
Thémis. 5è éd.. ]989, p.291 et s. (II, A et B).

337
légalement la charge(960), et qui conserve, de ce fait, un droit de regard (voire de sanction)
sur son fondé de pouvoir. C'est donc pour le compte de cette autorité que l'intermédiaire agréé
veille au respect des formalités imposées par le contrôle des changes, et autorise parfois. lui-
même. certaines opérations, par usage de la délégation de pouvoir qui lui a été consentie à cet
effet961.
448 - Mais peut-on affirmer aussi que l'action de l'intermédiaire agréé est entreprise au
nom de l'administration susvisée? La question se pose dans la mesure où l'action au nom
d'autrui, qui implique la mise en oeuvre de prérogatives dont autrui est attributaire(962). ne se
conçoit que dans le cadre de l'accomplissement d'actes juridiques (à l'exclusion des actes
matériels)(963). On est de la sorte conduit. avant de se prononcer sur le point de savoir si
l'intermédiaire agréé agit au nom de l'Etat. à prendre parti sur la nature juridique des actes
accomplis par celui-ci dans tc cadre du contrôle des changes.
449 - En tant qu'intermédiaire agréé, le banquier est principalement chargé de veiller au
contrôle de la réglementation des changes. Si cela se traduit pour lui, souvent. en actes
matériels d'assistance de son client dans l'accomplissement des formalités du contrôle des
changes, ou vis-à-vis de l'administration, en actes matériels de collecte de documents
permettant de contrôler les opérations effectuées pour le compte des clients. il n'en va pas
toujours ainsi. Le banquier est aussi amené, du fait de sa qualité d'intermédiaire agréé,
bénéficiaire, quelquefois, d'une délégation de pouvoir de la part de l'administration
compétente, à autoriser lui-même certaines opérations(964). Ce faisant, il accomplit,
incontestablement, un acte juridique, au nom de l'autorité chargée du contrôle des changes.
Par ailleurs. la réglementation des changes impose. pour certaines opérations réalisées par les
(960) V. art. 3-3' de la loi n'66·jOOB du 28 déc. 1966 relative aux relations financières. avec l'étranger (la. R.F. 29 doc. 1966,
p.1t62!).
, (961) V. il titre d'exemple (en période de contrôle des changes), art, 2 et 3 (aujourd'hui abrogés) du décret Il'89-154 du 9 mars
1989, J.O.R,F. du 10 mars. el rectificatif du Il mars 1989; égal. le.p. 1989, éd. C.I.,III.62554.
(962) v. M, Storck, Essai sur le mécanisme de la représentation dans les actes juridiques. précité, n'130 et 6., p.97 et s.
(963) V. R. Redfère, rép. dt. civ., précité, n'2; égal. Pb. le Tourneau. rép. dr, civ. v' Mandat (1992) précité. Il'52.
(964) V. par ex. décret lJ'89-154 du 9 mars 1989, précité, art. 2 et 3 (aujourd'hui abrogés suite à la libéra~alion du contrôle
des changes).

338
opérateurs économiques. l'entremise d'un intermédiaire agréé. Il en est ainsi, par exemple,
pour les paiements internationaux. Or tout acte touchant à l'exécution des contrats
commerciaux ne peut qu'être constitutif d'un acte juridique. Si bien qu'on est en droit
d'affirmer que J'intervention du banquier, dans ce cadre, l'est au nom de son client, pour le
compte de qui l'acte est entrepris. certes, mais. également, et par la même occasion, en sa
qualité d'intermédiaire agréé pour l'accomplissement dudit acte, au nom de l'autorité qui l'a
habilité à cet effet; c'est-à-dire. en dernier ressort, l'Etat(965).
Intervenant. dans le cadre de la réglementation des changes, au nom et pour le compte
de l'Etat, seul attributaire du pouvoir de décision en matière de contrôle des changes.
l'intermédiaire agréé ne peut qu'être regardé comme le représentant de celui-ci. Cela n'autorise
pas, cependant, à attribuer à l'intermédiaire agréé la qualité de mandataire de l'Etat.
B. L'INTERMEDIAIRE AGREE N'EST PAS LE MANDATAIRE DE L'ETAT.
450 - Du principe qui veut qu'il n'y ait pas de mandat sans représentation on ne doit pa"
inférer que là où une représentation existe il y a nécessairement un mandat. De fait, il existe,
en droit, des représentations qui, ayant une origine légale ou judiciaire, ne proviennent
d'aucun contrat, et ne peuvent. de ce fait, constituer un mandat(966).
Pour qu'un intermédiaire agréé puisse être considéré comme le mandataire de l'Etat. il
faut. par conséquent, qu'à l'origine de sa mission se trouve un contrat qu'il aurait conclu avec
l'administration responsable du contrôle des changes. Un tel contrat n'existe pas en réalité,
puisque c'est par un décret pris par le gouvernement que les intermédiaires agréés sont
désignés et investis du pouvoir de représenter l'Etat. C'est donc par le fait d'un acte unilatéral
ou, plus précisément, d'une décision exécutoire(967) de l'administration, et non d'un
(965) Rappr., R. Rvblot. Réglemerueuon des changes et droit privé. précité, n'lO, pJ5 qui, à propos de l'obligation de dépôt,
chez un intermédiaire agréé, des devises étrangères ou des valeurs mobilières étrangères détenues en France, note qu"'j/ est
inJéressanl de souligner rori~inalité de ce cOll1r4/ de dépôt forcé, où l'obligaJiofl de garde assumée par le dépositaire
s'exerce à 1Q fois dans l'in/nét du aéposons et dlUU celui d'un tiers (l'office des changes] éga/emellJ iflléresré à la
conservation des valeurs déposées",

(966) V. par exemple Pb. Malaurie et L. Aynès, Cours de Droit Civil. Les contrats spéciaux, précité,n'540, p.268.
(967) Sur ceue notion, v. par exemple Georges vedel el Pierre Detvorvë. Droit administratif Thémis lQè éd.(1988). p.237
et S,

339
contrat(968), que naissent les obligations de ceux-ci envers l'Etat De cela découle
l'affirmation que l'intermédiaire agréé ne peut être considéré comme le mandataire de l'Etat,
contrairement à ce qui a pu être soutenu par certains auteurs(969).
451 - De l'analyse de la qualification de mandat reconnue à la technique juridique de la
domiciliation il ressort la conclusion, très nette, que la qualité de mandataire attribuée au
banquier domiciliataire ne l'a pas été de manière injustifiée, dans la mesure où l'on ne vise que
les rapports de celui-ci avec le client, débiteur des paiements à intervenir. On ne peut
cependant manquer de souligner le fait qu'à l'occasion des opérations relevant du contrôle des
changes, la qualité de mandataire de ses clients se double, pour le banquier domiciliataire, de
celle de représentant (et non mandataire) de l'Etat. Sa situation juridique devrait, logiquement.
subir les influences de ces différentes qualités.
(968) Sur III difficulté qu'il y Il, quelquefois, ~ distinguer entre une décision exécutoire et un contrat, du fait de la concertation
qui Il précédé la décision de l'administration. v. G. Vedel el P.Delvolvé. op. cil, p.239.
(969) V. supra, n·445.

340
SECTION Il. L'INFLUENCE DE LA QUALIFICATION DE MANDAT SUR LA
SITUATION JURIDIQUE DU BANQUIER DOMICILIATAIRE.

452 - En principe, la situation juridique d'un mandataire est marquée par les obligations
qu'il a d'exécuter avec un grand soin la mission qui lui est confiée puis d'en rendre compte.
tout manquement à ces obligations étant de nature à entraîner la mise en jeu de sa
responsabilité. La situation juridique du banquier domiciliataire ne devrait pas être différente,
dans la mesure où la qualité de mandataire lui est reconnue en droit positif.
Mais on sait, par ailleurs, que le rôle dévolu au banquier domiciliataire peut s'avérer
complexe, notamment à l'occasion de la réalisation des opérations relevant du contrôle des
changes. Aussi doit-on, après
avoir analysé les obligations et la responsabilité du
domiciliataire de droit commun (§ 1), mettre en évidence l'incidence, sur la situation juridique
du banquier, du cumul sur sa tête, des qualités de domiciliataire et d'intermédiaire agréé (§ Il).
§ I. LA SITUATION JURIDIQUE DU BANQUIER, DOMICILIATAIRE DE
DROIT COMMUN.
453 - La convention de domiciliation de paiements unissant un débiteur et son banquier
fait généralement peser sur ce dernier deux obligations principales dont la méconnaissance
peur être source de responsabilité: d'une part, l'obligation de régler les effets domiciliés, selon
les instructions du débiteur, et, d'autre part, l'obligation de rendre compte du paiement, ou des
obstacles rencontrés. Il y a là, sans conteste, une manifestation des règles du mandat.
454 - L'obligation de rendre compte, quoique s'imposant avec une force particulière en
matière d'exécution d'actes juridiques au nom et pour le compte d'autrui (ce qui explique sa
nature d'obligation de résultat), n'appelle pas, néanmoins, de développements particuliers dans
le cadre de la domiciliation. Il suffit, à ce propos, de souligner que le banquier domiciliataire
est tenu, comme en matière de paiement de chèques ou d'exécution d'ordre de virement, et
dans les mêmes conditions, d'une obligation de rendre compte de son action. Cette obligation

341
se décompose, ainsi qu'il a été précédemment étabJj(970), en deux éléments: une obligation
de procéder à une reddition de compte et une obligation de fournir un compte rendu des
difficultés empêchant le déroulement correct de la mission cont:iée(971).
455 . En ce qui concerne l'obligation de payer qui pèse sur le banquier domiciliataire, ce
qu'il importe de souligner. c'est qu'elle n'est effective que si les conditions autorisant le
paiement sont réunies (A). Dans un tel cas, son inexécution (ce à quoi équivaut, on le sait, la
mauvaise exécution) est sanctionnée par la responsabilité civile de son débiteur (B).
A. LES CONDITIONS D'EXISTENCE DE L'OBLIGATION DE PAYER.
456 - Ayant à effectuer un paiement d'effets au nom et pour le compte d'autrui, à la
charge de celui-ci par conséquent, le banquier domiciliataire devrait veiller à ce que le
paiement qu'il va réaliser ne soit pas une source de préjudice pour son cocontractant. Aussi
est-il admis que le domiciliataire ne doive accepter de régler les effets domiciliés chez lui que
sous trois conditions cumulatives tenant, d'une part. à la régularité du titre (1), d'autre part, à
l'existence et à la persistance d'un ordre formel de payer donné par le titulaire du compte à
débiter (2), et enfin, à l'existence ct à la disponibilité d'un crédit suffisant au compte de celui-
ci (3).
1. LA CONDITION TENANT A LA REGULARITE DE L'EFFET A PAYER.
457 - La mission du domiciliataire consiste, dans la quasi-totalité des cas, à opérer un
paiement au seul vu d'un titre constatant la dette dont est tenu son cocontractant. La plupart
du temps, il s'agira d'un effet de commerce et, plus spécialement, d'une lettre de change. Dans
ce cas, san premier réflexe doit être de vérifier la régularité du titre qu'il a entre les mains.
(970) V, supra n'399 et 5.
(971) Pour une illustration de ce dernier point, v. Casso rom. 9 avr. 1973, lC.P.1973.II.17555, obs. Cb, Gavoldo (précité).
Ce compte rendu est d'autant plus indispensable que les effets domiciliés sont souvent des effets de commerce soumis Ades
règles cambieires, particulièrement contraignantes, ne laissant que très peu de temps au débiteur pour désintéresser Je porleur
qui a essuyé un refus de paiement, avenrqœ l'effet ne fasse l'objet d'un protêt,

342
Cela consiste, d'abord. à vérifier la signature du tiré, si la lettre de change est acceptée(972)
(ou du souscripteur s'il s'agir d'un billet à ordre ou d'un warrant), ou celle du tireur si elle ne
l'est pas; cela consiste. ensuite, à vérifier la régularité de la chaîne des endossements (cf. an.
137 al. 2 du Code de commerce). Ces vérifications, à l'évidence, ont pour but d'éviter que
soient réglées des traites fausses, ou comportant une acceptation fausse. Car. dans un tel cas,
le mandat que semblerait comporter la traite serait inexistant, en réalité(973), et le banquier
qui aurait payé, sur cette base, ne serait pas libéré de son obligation de dépositaire, touchant à
la restitution des sommes décaissées. Mais la soumission, habituelle et même nécessaire, sur
le plan des principes du mandat. du paiement à l'émission d'un avis exprès de domiciliation,
rend cette conséquence peu probable. Ayant payé, en qualité de mandataire, sur un ordre
exprès, le banquier domiciliataire se trouve libéré de ses obligations de dépositaire. Sa
responsabilité de mandataire ne pourrait, au demeurant, être recherchée que si une faute a été
établie à son encontre(974).
Quand bien même la régularité de l'effet à payer ne serail pas en cause, le domiciliataire
n'a pas le droit de le payer à son échéance, tant qu'il n'a pas reçu du débiteur direct, un ordre
exprès et encore valide l'y invitant. Mais on touche, avec ces dernières considérations, à la
deuxième condition d'existence de l'obligation (et de l'autorisation), pour le banquier, de
payer les effets domiciliés chez lui.
(972) V. Lyon, 19 févr. 1974. R.T.D.Com.1974.129. obs. M. Cabrillac er Jvl., Rlves.Lange.
(973) Il faut se rappeler. en effet. que l'acceptation du tiré el la elause de domiciliation figurant sur une traite. consument les
premiers signes de la volonté du débiteur de l'effet de charger le banquier désigné. du mandat d'en assurer le règlement. Si
bien que le caractère apocryphe de la traite ou de Iacceptaticn emporte. comme conséquence, l'inexistence du mandat du
banquier visé. sauf la possibilité pour lui de faire appel à. la notion de mandat apparent, si la pesucipeiion du client à. la
création de l'apparence peut être établie.
(97~) Cene faure peut consister soit en une irrégularité manifeste dans la chaine des endossements. soit en la non conformité
de la signature d'acceptation avec celle déposée par le client chez le banquier. soit encore. en la non conformité des mentions
figurant sur J'effet payé avec les indications de l'avis spécial de paiement.

343
2. LA CONDITION TENANT A L'EXISTENCE ET A LA PERSISTANCE D'UN ORDRE EXPRES DE
PAIEMENT.
458 - La mission dévolue à un banquier par la domiciliation, chez lui, d'effets à payer,
consiste en des actes de disposition de sommes d'argent appartenant à autrui, et dont il n'est
que le dépositaire irrégulier. De tels actes de disposition ne sauraient être accomplis que sur la
base d'un mandat exprès, conformément à l'article 1988 alinéa 2 du Code civil. C'est la raison
pour laquelle le mandat tacite que renferme, notamment, une lettre de change affectée d'une
clause de domiciliation, chez un banquier donné, et d'une acceptation du client dudit banquier.
ne suffit pas à autoriser le paiement par le débit du compte du client en cause. Un tel paiement
ne serait justifié que si le client l'a autorisé de manière expresse. C'est cela le rôle des avis de
domiciliation. en usage dans la pratique bancaire(975). Seuls, en définitive, ces avis de
domiciliation, qu'ils soient permanents ou ponctuels, sont de nature à autoriser, voire à obliger
le domiciliataire à régler les effets échus qui lui sont présentés. Encore faut-il que l'ordre de
payer qui s'en dégage demeure valide. aueun événement postérieur n'ayant, entre temps,
entraîné son extinction.
459 - il est en effet admis, généralement, que l'ordre de payer contenu dans un avis de
domiciliation est Iibrement révocable(976) par son auteur(977). De même, il est généralement
admis que le décès du donneur d'ordre, l'ouverture d'une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaires assortie de son dessaisissement, sont de nature à mettre fin, de plein
droit, à l'ordre de payer; de sorte que le domiciliataire a le devoir. dans un de ces cas, de
refuser le paiement de l'effet domicilié(978).
En l'absence des événements ci-dessus évoqués, et si aucune irrégularité n'affecte l'effet
à payer, le banquier peut décider de le régler, quand bien même le compte de son client ne
, (975) V. Trib. corn. Seine 4 mai 1960; Banque 1961.754; Paris 7 evr, 1973, J.C.P.1973.II.17555, ces. Ch. Gavalda (traite
non 3lXeptée); Trib. corn. Paris 17 jan". 19BO, Banque 1980.778, nore L,-M. Martin; D.1981,I.R.25, obs. M. Vasseur.
(976) Contra, v, J. Revel, article précité, qui estime la solution contestable, dans la mesure oü, 11 ses yeux, la clause de
domiciliation emporte la naissance d'un mandat d'imérêt commun.
(977) V. not. J.-L. Rives-Lange el M. Conl.amine-Raynaud. op. cil, r1·297.
(978) V. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, op. cir.. loc. cil

344
serait pas suffisamment approvisionné. Mais il n'y est pas obligé. Pour qu'il en aille
autrement, il faudrait que la troisième condition d'existence de l'obligation de payer, à savoir
celle tenant à l'existence d'un crédit suffisant et disponible au compte du client, soit remplie-,
3. CONDITION TENANT A L'EXISTENCE D'UN SOLDE CREDITEUR SUFFl,sANT ET DISPONIBLE
AU COMPTE DU CLIENT.
460 - Etant appelé, par la convention de domiciliation, à effectuer des paiements qui ne
le concernent pas personnellement, on ne pouvait logiquement exiger du domiciliataire
l'obligation d'exécuter son contrat, alors même que son cocontractant, véritable débiteur des
effets à. payer, n'a pas fourni les fonds. Aussi le principe admis en la madère subordonne-t-il
l'obligation, pour le domiciliataire, de régler les effets chez lui domiciliés, à l'existence, au
compte de son client, d'un solde créditeur disponible(979\\ permettant ce règlement(980).
Mais, si. malgré tout, le banquier paye à découvert, il aura consenti à son client une avance de
fonds que ce dernier ne peut se refuser à rembourser(981).
Les conditions d'existence de l'obligation de payer du domiciliataire qui viennent d'être
exposées font apparaître, de manière évidente, l'esprit qui a présidé à leur instauration. Elles
reposent toutes, en effet, sur l'idée que le domiciliataire n'agit pas à titre personnel, mais pour
le compte et au nom de son cocontractant sur la base d'un mandat. Or. en cette matière, le
consentement exprimé par les parties est fondamental car indispensable à la naissance de leurs
obligations. Aussi les deux premières des conditions précédemment exposées n'ont-elles
d'autre objet que d'obliger le domiciliataire à s'assurer, avant tout paiement engageant les
deniers de son cocontractant, de sa volouté réelle de voir régler les effets domiciliés. La
troisième condition, quant à elle, tend à mettre en évidence l'intention du domiciliataire qui a
payé à découvert des effets domiciliés chez lui, de payer au nom d'autrui, étant donné qu'il
(979) Ce qui veut dire que la survenance, par exemple. d'une saisie-arrêt sm- le compte du client, empêche le règlement
postérieur de tout effet domicilié, même si un avis de paiement avait déjâ été émis. V. Ch. Gavalda, 000., précitées au
lC.P.1973.ILl7555 (Il. A). Contra, vasseur el Marin, op. cir.. l. I, n'93; Banque 1971.739, Courrier des lecteurs.
(980) V. par exemple Casso cour, 8 juin 1982, Bull. Civ, IV, n'22I, p.194.
(981) V. Casso corn. 29 mai 1978. Gaz. Pa1.1978.2.som.373.

345
n'en était nullement tenu, en J'absence d'une "provision" au compte du véritable débiteur. On
ne peut manquer, à la suite de ces observations, de s'interroger sur les recours dont dispose le
domiciliataire qui a payé par erreur, alors qu'il n'en avait pas l'obligation (ou l'autorisation),
des effets domiciliés chez lui. Dispose-t-il dans ce cas d'une action en répétition de l'indu ou
d'une action de in rem verso?
461 - L'action en répétition de l'indu, visant toute personne qui a reçu un paiement qui
ne lui était pas dû (cf. art. 1376 C. civ.), est généralement admise par les juges. même en
présence d'une erreur fautive du salyens, si la dette acquittée n'existait pas en réalité. Dans le
cas contraire (où le salyens n'a reçu que ce qui lui était dû), la faute commise par le salyens
empêche la répétition(982). La Cour de cassation a eu l'occasion. dans un arrêt de la Chambre
commerciale du 22 novembre 1977. de rappeler les principes sus-énoncés. En l'espèce, un
banquier, domiciliataire de lettres de change faussement acceptées, les avait néanmoins
payées. Il entendait cbtcnir du porteur, accipiens du règlement indu, la répétition de ses
débours. Le rejet de son action par la Cour d'appel est approuvé par la Cour de cassation, le
porteur n'ayant reçu que le règlement de sa créance contre le tireur, et le banquier ayant
commis la faute d'avoir payé sans vérifier la signature du tiré, alors qu'il en avait l'obligation.
L'action en répétition de l'indu contre l'accipiens du paiement étant la plupart du temps
vouée à l'échec (la créance réglée étant généralement réelle), il ne reste plus au domiciliataire
que le recours de l'action de in rem verso(983\\ qu'il peut songer à diligenter contre son
cocontractant, ou contre le tireur ou les endosseurs de l'effet payé à tort, la dette de ces
derniers
(résultant
de
leurs
signatures
sur
l'effet
de
commerce)
s'étant
trouvée
accidentellement éteinte, de ce fait.
462 - L'action de in rem verso a, en effet, pour cible, toute personne qui s'est enrichie,
de manière illégitime, au dépens d'une autre, laquelle s'est trouvée corrélativement appauvrie
, dans les mêmes proportions(984). Mais c'est une action subsidiaire, qui n'est ouverte qu'à
l'appauvri qui ne dispose d'aucune autre action pour réclamer le reversement de ses
(9821 Sur tous ces points v. supra, n'182 el s.
(98J1 Sur les raisons de l'exclusion de l'action fondée sur le quasi-contrat de gestion d'affaires, v. supra n'I90. notc 443.
(9&4) Sur les conditions de cetle action, v. supra. n'190.

346
débours(985). Ce qui exclut la possibilité. pour le domiciliataire qui a agi dans le cadre de son
mandat, d'intenter une telle action contre son client(986). Aurait-il. en revanche. payé sans
mandat (ou par dépassement de son mandat), que la faute ainsi commise s'opposerait ..à
l'aboutissement de l'action en enrichissement sans cause, ainsi qu'il ressort de la majorité des
décisions de justice intervenues sur cette question(987). La faute de l'appauvri empêche
également, par ailleurs, l'aboutissement de l'action en enrichissement sans cause exercée
contre les tiers (le tireur ou les endosseurs notamment)C988).
Au
total, on doit retenir, concernant les moyens de recours dont dispose le
domiciliataire qui a payé par erreur des effets domiciliés chez lui. qu'ils sont souvent
impuissants à lui permettre de récupérer les sommes malencontreusement décaissées au profit
des présentateurs. Il apparaît ainsi que le plus grand risque que fait courir au banquier la
domiciliation de paiements qu'il accepte, est d'avoir à prendre à sa charge les règlements qu'il
effectue à tort, sur la base d'une erreur fautive. Mais d'un autre côté, si le banquier s'est
abstenu de payer alors qu'il en avait l'obligation ou si, s'exécutant, il ne respecte pas
scrupuleusement les instructions de son donneur d'ordre, il engage sa responsabilité civile.
B. LA RESPONSABILITE POUR INEXECUTION (OU MAUVAISE
EXECUTION) DE L'OBLIGATION DE PAYER.
463 - La domiciliation est susceptible d'entraîner, pour le domiciliataire, une
responsabilité à l'égard de son COcontractant (1); tandis qu'à l'égard des tiers, sa responsabilité
est de nature délictuelle (2). Ainsi en-est-il, d'ailleurs, de tout contrat et, plus spécialement, de
tout contrat de mandat.
(985) Sur re point, ". par exemple Paris 24 nov. 1977, D.I978,I.R.341, obs. M. Cabrtltae.
(986) V. supra, n'190 (in fine).
(987) v, arrêts cités, en matière de chèques, supra n'I90. core 441.
(988) Sur la p~n.kuIMi[é de la solution au cas de paiement en chambre de compensa lion. v. supra, n·194.

347
1. LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DU DOMICILIAT..URE.
464 - Si l'on exclut les hypothèses où le paiement effectué par le domiciliataire l'a été
sans aucun mandat (situation que révèle. par exemple. le paiement d'une traite non acceptée,
et n'ayant fait l'objet d'aucun avis exprès de domiciliation)(989)(990\\ on peut dire que c'est
essentiellement par la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle qu'est sanctionnée
l'obligation de payer qui pèse sur le domiciliataire. Cette responsabilité est, bien SÛT,
subordonnée à l'existence de l'obligation pour le domiciliataire d'exécuter la mission de
paiement lui incombant. On sait qu'à cet égard le banquier, à l'instar de tout mandataire. est
tenu de payer les effets domiciliés. et que tout refus (ou oubli) de sa part serait constitutif, par
cela seul. d'une faute susceptible d'entraîner sa responsabilité, s'agissant d'une obligation de
résultat(99I). Seuls la force majeure ou le fait du client lui-même pourraient, selon nous, l'en
exonérer(992). Par ailleurs. le banquier domiciliataire a, comme tout mandataire, l'obligation,
au cours de l'exécution de sa mission, d'agir avec prudence et diligence. La moindre faute
démontrée contre lui engage sa responsabilité (sauf le jeu d'une clause de non responsabilité
prévue au contrat, si l'on n'est pas en présence d'une faute lourde ou dolosive). Ainsi
considère-t-on, par exemple, que le banquier domiciliataire commet une faute de nature à
entraîner sa responsabilité, s'il règle une traite non encore échue, ou affectée d'une irrégularité
manifeste(993), notamment dans
la chaîne des endossements ou dans
la signature
d'acceptation (cas où cette signature n'est pas conforme au spécimen déposé par le
client)(994). De même, le banquier engage sa responsabilité envers son client s'il règle un
(989) On sail que. dans un tel CIlS, seule la qualité de dépositaire du banquier est en cause, et la sanction de son comportement
consiste tt refuser de le considérer comme libéré de son obligation de restitution, portant sur les sommes décaissées.
(990) On sait également que l'absence de mandat peut résulter encore du caractère apocryphe de J'ordre dc paiement. Mais, en
matière de domiciliation, l'exigence d'un mandat exprès de paiement écarte lei> conséquences habituellement anachëes au
, caractère apocryphe du titre de paiement. V, supra 0'457.
(991) Rapprocher supra, n'283 et s. et 0'404,
(992) Ibid.
(9931 V, par exemple Cass. com. 7 janv. 1976 précité, l.C.P. 1976.II.18327, note Gavalda et Sloumef, éd. CJ. Il. 12086.
(994) Sur tous ces points, v. J, véuau. op. cit. n's 135 et 139.

348
effet domicilié chez lui, sans avoir reçu l'ordre exprès de le faire (surtout lorsque c'est une
traite non acceptée qui a été payée)(995) ou. au contraire. s'il paye malgré les instructions
contraires de son client(996). En matière de paiement de lettres de change-relevé, {a
responsabilité du banquier domiciliataire peut résulter, de manière plus spécifique, de la
confection des relevés de lettre de change et, plus spécialement. des informations qui y sont
incluses (relativement à l'existence d'une acceptation, notarnment)(997).
L'inexécution de son contrat par le banquier domiciliataire peut aussi être à l'origine
d'un préjudice souffert par les tiers et. plus particulièrement, par le porteur de l'effet domicilié.
A l'égard de ces derniers, également, le domiciliataire engage sa responsabilité, mais sur le
terrain délictuel.
2. LA RESPONSABILITE DELIcrl.ŒLLE DU DOI\\flCIUATAlRE.
465 - Le banquier domiciliataire étant qualifié de mandataire, c'est logiquement qu'il
engage, lui aussi, comme tout mandataire, sa responsabilité envers les tiers, par ses délits et
quasi-délits. En matière de paiement d'effets domiciliés, c'est l'inexécution. ou la mauvaise
exécution des obligations mises à sa charge par le contrat l'unissant à son client qui,
généralement, peut être cause de dommage pour les tiers ou, plus précisément, pour les tiers
porteurs des effets domiciliés. Pour ceux-ci, en effet, le défaut de paiement de la créance dont
ils sont bénéficiaires constitue. en lui-même, un préjudice (auquel d'autres ont pu d'ailleurs
s'ajouter, par ricochet) dont ils sont fondés à demander réparation à la personne qui en est la
cause. A l'égard du domiciliataire, cette action ne peut qu'être fondée sur les articles 1382 et
1383 du Code civil ou sur la règle de l'opposabilité du contrat par les tiers. En effet, quoique
(995) V., par exemple. Paris 7 avr. 1973. J.C.P.1973.II.17555, noIe Ch. Gavalda, précité (traite ecceprée). Lorsque la traite
réglée avait été acceptée. la faute du banquier peut n'avoir pas occasionné un véritable préjudice au nré accepteur, eu égard B.
l'obligation dans laquelle la nature cambiaire de sa deue le tenait. Dans un tel C3S, la responsabilité du banquier ne peut en
principe être retenue, une des conditions de celle-ci faisant défaut. V. cependant Tnb. corn. Montpellier 6 juill. 1950, Banque
1952.239; R.T.D.Com.1952.94; v. également Trib. corn. Seine 4 mai 1960, Benque 196L754; Trib. corn. Paris 17 janv. 1980,
Banque 1980.7'78. eote L.-M. Marlin; D.198l,I.R.25. cbs. M. Vasseur. A noter, la contradiction qui apparah dans ces
décisions (spécialement celle du Trib. corn. de Montpellier) lorsque les juges, bien que niant l'existence d'un préjudice.
prononcent néanmoins une condamnation à réparation (d'un franc symbolique. il est vrai) à l'encontre dn banquier.
(996) V. Casso com. 25 janv. 195~, Bull. Ctv. Ill,n'41 ,p.30; R.T.D.Com.195~.354, obs. Becqué et Cabrillac.
(997) v. M. Vasseur, La lettre de change-relevé, de l'influence de l'informatique sur le droit, R.T.D.Corn.197~.203, n'17; J.
Revel, article précité, n'13.

349
n'étant pas partie au contrat de domiciliation conclu par le banquier domiciliataire et son
client. le porteur d'un effet domicilié qui a été victime de J'inexécution, par le domiciliataire,
de ses obligations contractuelles. peut invoquer à son profit, contre ce dernier, la faute que
constitue, sur le terrain déllctuel. cette inexécution(998). Mais le domiciliataire peur
également engager sa responsabilité déllctuelle à J'égard du porteur d'un effet domicilié,
indépendamment de toute faute provenant de l'exécution du contrat de domiciliation. Il en
irait ainsi, notamment, si le domiciliataire, après avoir refusé de payer un effet de commerce
domicilié chez lui. le restituait au tiré, lui faisant, de la sorte. bénéficier de la présomption de
libération attachée à la détention, par te débiteur, du titre constatant sa dette(999).
466 - En ce qui concerne les autres tiers (il s'agit généralement des créanciers du
débiteur de l'effet domicilié), c'est, au contraire, le paiement effectué par le domiciliataire qui
peut être source de préjudice. Ils sont fondés à. en demander réparation si une faute peut être
reprochée au sa Ivens. Cette faute existe notamment lorsque. par sa négligence et son manque
de contrôle, la banque a favorisé le succès de la fraude mise en oeuvre par un commerçant
aux abois pour se procurer un crédit artificiel, au moyen d'un détournement de la technique de
la domiciliation(lOOO). Dans cette affaire 0 00 1>, le système inventé par le commerçant
consistait à faire escompter des traites tirées sur des débiteurs imaginaires et domiciliées chez
son propre banquier. Ces traites étaient, par la suite, payées par le tireur lui-même soit par
intervention, soit comme avaliseur, sans que jamais les tirés n'apparussent. La Cour de
cassation, saisie, approuve la Cour d'appel d'avoir rendu la banque responsable de la faillite
du commerçant et accordé au syndic, agissant au nom de tous les créanciers du failli. des
dommages-intérêts d'un montant égal au passif de ladite faillite. Selon la Cour, "le système
mis au point par Laroche n'a pu réussir et fonctionner pendant plusieurs années qu'en raison
de la négligence de l'absence de contrôle effectif de la BN.P. qui avait abusivement permis d
(998) V. CllSS. corn. 3 avr. 1978, Bull. Civ. IV, 0'104, p.86; D.l979,I.R.139, obs. M. Vasseur; Gaz. Pal.1978.2 sorn.289.
(999) V. J.-L. Rives-Lange et M. Conlllmloe-Raynaud, op. cil, n'297, p.420.
(1000) V. Cassocorn. 7 janv. 1976 précieë. non, Cîv.,IV,n'7,p.6.
(1001) V. note précédente.

350
Laroche de retirer et de payer les nombreux effets domiciliés chez elle sans que jamais les
tirés n'interviennent".
467 ~ La situation juridique du banquier, domiciliataire de droit commun, telle qu'elle
ressort des développements qui précèdent, est. somme toute, ordinaire. Elle est dominée par
l'obligation générale qu'il a d'agir avec les plus extrêmes prudence er diligence, au mieux des
intérêts de son client. A cet égard, il doit prendre garde à ne régler que les effets dont la
régularité est irréprochable, et dont le paiement a été expressément autorisé par le mandant.
La domiciliation fait encore peser sur le banquier une obligation de rendre compte, à son
mandant, des difficultés et des obstacles qui s'opposent au déroulement normal de sa mission.
Ces différentes obligations, de même que la responsabilité qui en découle. vont se trouver
renforcées, ainsi que le montreront les développements à venir, dans les hypothèses où le
banquier cumule la qualité de domiciliataire des paiements de son client avec celle
d'intermédiaire agréé par l'Etat, pour les opérations internationales relevant du contrôle des
changes,
§ II. L'INCIDENCE DU CUMUL, PAR LE BANQUIER, DES QUALffES DE
DOMICILIATAIRE ET D'INTERMEDIAIRE AGREE.
468 . En matière de commerce transfrontières. les règlements doivent obligatoirement
être. on le sait. domiciliés chez un intermédiaire agréé. En tant qu'intermédiaire agréé. le
banquier domiciliataire apparaît, à la fois. comme le mandataire de ses clients et comme Je
représentant de l'Etat, pour le compte de qui le contrôle des changes est exercé. Cette situation
singulière ne manque pas d'influer sur la situation juridique habituelle du banquier
domiciliataire, sous la forme d'une aggravation de sa responsabilité civile (A) et de
l'adjonction, à sa charge, d'une responsabilité vis-à-vis de l'Etat CB).

351
A. L' AGGRAVATION DE LA RESPONSABILITE CIVILE DU BANQUIER.
469 - En matière de paiements internationaux, les obligations du banquier domiciliataire
se trouvent alourdies, tantôt par leur renforcement, tantôt par leur accroissement. En effet, la
variabilité des parités monétaires impose des délais d'exécution des ordres de paiement plus
brefs et d'appréciation plus stricte qu'en matière de règlements internes. D'autre pan, la
complexité de la réglementation des changes crée: pour la plupart des clients de banque un
besoin d'être éclairé sur les formalités exigées par le contrôle des changes.
Du renforcement et de l'accroissement de ses obligations résulte, pour le banquier
domiciliataire, du fait de la multiplication des causes de mise en jeu de sa responsabilité. une
aggravation indiscutable de sa responsabilité civile. Exigence d'une plus grande diligence
dans la conduire de sa mission (1) et admission, à sa charge, d'une obligation de conseil,
relativement aux opérations relevant du contrôle des changes (2), tels sont, par conséquent,
pour le banquier domiciliataire, les motifs d'aggravation de sa responsabilité civile.
1. AGGRAVATWN DE LA RESPONSABlLITE, DUE A L'EXIGENCE D'UNE PLUS GRANDE
DiliGENCE DU BANQUIER DANS LA CONDUITE DE LA MISSION CONFIEE.
470 - Le renforcement de la diligence exigée du banquier domiciliataire, agissant dans
le cadre des relations financières avec l'étranger, se traduit, en pratique, par une appréciation
plus sévère du temps qu'il met pour exécuter les ordres de son client, d'une part (a), et par un
renforcement de son obligation d'informer le client sur les difficultés qui empêchent le
déroulement normal de la mission. d'autre part (b).
a. L'appréciation plus sévère du délai d'action du banquier.
471 - S'agissant de l'appréciation du délai d'action du banquier, il convient de rappeler
l'exemple fourni par l'arrêt précité de la Cour d'appel de Paris du 10 .novembre 1962( 002),
(1002) Paris rD nov. 1962précité,J.C.P.1963.II.13016; D.1963.199. note anonyme.

352
dans lequel il était reproché à une banque d'avoir mis plus de sept jours pour effectuer un
transfert de fonds à l'étranger (de Paris à Rome). Cela avait occasionné à son client un
préjudice, du fait d'une dévaluation du franc intervenue dans l'intervalle. L'arrêt Ialsse.à
penser même que, pour les juges, l'opération de transfert aurait pu être réalisée en deux ou
trois jours. En effet. les juges semblent souscrire à l'opinion du client de la banque lorsqu'ils
retiennent que la banque a répondu "par une volontaire imprécision à la Geproci qui s'étonne
qu'une lettre partie de Paris le 7 ne soit point arrivée à Rome Je 8 DU au plus tard le 9". En
réalité, aucun délai préétabli n'est fixé, et c'est à la lumière des circonstances de chaque
espèce que les juges sont amenés à juger du caractère excessif ou non du délai dans lequel le
banquier a agi. Mais il ne fait aucun doute qu'en ce qui concerne les paiements internationaux,
les juges auront tendance à se montrer plus exigeants quant à la célérité attendue du banquier,
lequel n'ignore d'ailleurs pas les risques que le manque de promptitude peut faire courir à son
client. Cette idée apparaît en filigrane dans la décision ci-dessus évoquée, lorsque les juges,
envisageant les moyens dont dispose la banque fautive pour s'exonérer de sa responsabilité,
précisent que celle-ci doit démontrer "qu'elle a été dans l'impossibilité absolue d'exécuter
plus vite" les Instructions de son client. Cela laisse entendre que la banque doit agir le plus
rapidement possible. Cela veut dire
que
là où, par exemple, deux jours suffisent
matériellement à réaliser une opération donnée, la banque serait jugée fautive si elle
s'accordait un délai plus long. Autant dire qu'aujourd'hui, avec le développement des moyens
de télétransmission en temps réel, les banquiers risquent de se voir reprocher de n'avoir pas
réalisé les opérations de transfert de fonds commandées par les clients, le jour même où
l'ordre leur est parvenu(l003).
Mais. au delà de la plus grande sévérité d'appréciation de la célérité dont il a pu faire
preuve, l'accentuation de la diligence due par le banquier domiciliataire Se manifeste
également sous la forme d'un renforcement de son obligation d'information envers son client.
(1003) A condition. bien sûr, que les formalités administratives du contrôle de change (lorsqu'elles sont nécessaires) n'exigent
pu un délai plus long.

353
b. Le renforcement de l'obligation d'information due par le banquier à son client.
472 - S'agissant, par ailleurs, du renforcement de l'obligation d'information dont Le
banquier est tenu à l'égard de son client, il s'explique par le fait que les formalités imposées
par la réglementation des changes impliquent souvent des choix qui doivent être soumis à la
personne que les opérations en cause engagent. Le banquier qui est tenu, de par sa qualité de
mandataire de son client, d'agir au mieux des intérêts de ce dernier, ne peut se dispenser de
tenir celui-ci informé. en temps opportun, sinon des décisions qu'il a été amené à prendre en
son nom, du moins des obstacles qu'il rencontre et qui retardent ou compromettent la mission
dont il a la charge.
Un exemple jurisprudentiel de la nécessité d'informer le client sur les formalités
requises par la réglementation des changes est fourni par l'arrêt précité de la Chambre
commerciale de la Cour de cassation du 9 Cl.vril 1973(1004). En l'espèce. une banque, qui
avait été invitée par son client à payer. à son échéance. une lettre de ehange acceptée. libellée
en lires italiennes. s'était abstenue d'indiquer. à ce dernier, les formalités précises requises par
l'administration du contrôle des changes pour les paiements en monnaies étrangères. TI en
résulta que le paiement ordonné par le client n'a pu être effectué. et la lettre de change fut
,
protestée. Pour retenir la responsabilité de la banque domiciliataire du paiement litigieux la
Cour de cassation relève. à la suite des juges du fond. que "la Banque N..., qui était reconnue
comme intermédiaire agréé. avait la possibilité de procéder au paiement en lires du montant
de
l'effet
sur
la
seule
production
des
pièces
justifiant
de
l'importation
des
marchandises...informée en temps utile, [la société} «La Résidence» el1t pu produire les
documents permettant le paiement de l'effet avant protêt".
Ce n'est cependant pas dans le renforcement des obligations de célérité et d'information,
traditionnellement attachées au contrat de domiciliation. que se trouve la manifestation la plus
ostensible de l'incidence, au plan des obligations du banquier, du cumul, par ce celui-ci, des
qualités de domiciliataire et d'intermédiaire agréé. Cette manifestation se trouve, au contraire,
(1004) V. J.CP.1973 .II.17555, obs. Ch. Gavalda. Rapprocher. Trib. av. Montauban 16 nov. 1955, J.C.P.1957JI.9693. obs.
R. Saint Alary.

354
beaucoup plus certainement. dans l'accroissement des obligations du domiciliataire, lequel va
se trouver chargé d'un devoir supplémentaire de conseil à l'égard de son client. Là se trouve
une autre manifestation de l'aggravation de la responsabilité du banquier domiciliataire.
2. AGGRAVATION DE LA RESPONSABD..JTE, DUE A L'ADMISSION n'UNE OBUGATION
(SUPPLEMENTAIRE) DE CONSEIL A LA CHARGE DU BANQUIER DOMICIliATAIRE.
473 - En sa qualité d'intermédiaire agréé. le banquier n'est tenu que de fournir aux
personnes qui s'adressent à lui les renseignements relatifs aux formalités imposées par le
contrôle des changes. Il assume cette obligation à l'égard. à la fois, de l'admlnistration qu'il
représente et du demandeur des renseignements(lO05). Par contre. lorsqu'il cumule avec la
qualité d'intermédiaire celle de mandataire de son client, tenu, à ce dernier titre, de mettre en
oeuvre tous les moyens propres à atteindre le résultat escompté par le mandant. la logique du
rôle qui lui est dévolu conduit à lui faire supporter une obligation beaucoup plus poussée que
celle, neutre, de renseigner son interlocuteur(lO06). Le devoir de conseiller son client, c'est-à-
dire de lui suggérer les meilleurs moyens de surmonter les difficultés élevées par la
réglementation des changes. entre, sans aucun doute. dans le cadre de sa mission. Cette
affirmation est d'autant plus juste que t'intermédiaire agréé bénéficie d'un monopole
d'activités impliquant la reconnaissance, par les autorités, de sa compétence en la matière
considérée. Ayant ainsi été choisi. en raison de cette compétence, comme domiciliataire
(comme mandataire, donc), le banquier-intermédiaire agréé se trouve, par là même, obligé de
mettre sa compétence au service de son mandant, tenu qu'il est, de par sa qualité de
mandataire. de mettre en oeuvre tous les moyens en sa possession, susceptibles d'assurer le
succès de sa mission. Le: conseil fait précisément partie, pensons-nous. de ces moyens.
(1005) V. R. Sainl Alary. cos. sous. Trib. civ. Montauban 16 nov. t 955, précité, J.C.P.l957.II.9693 (§ 1. A. c).
(1006) Sur l'obligation de conseil, en général. el sw- la distinction avec le simple renseignement, v. Re~ SlIvlIlÎn, Les
contrats de conseil professionnel en drcu privé, D.I972.137, spécialement 0"10 et 22. V. également, par exemple, Ph.
Millaur~ et L. Amës, Les obligations, précité. n'424 et 5., p.29L et 5.; B. Slarck. par H. Roland et L. Boyer, Obligaucns,
vol. 2 (3 éd.), n' 269 el s., p.l13 el S,

355
474 - On le voit, le devoir de conseil, qui se justifie. dans le cadre particulier de la
domiciliation des opérations internationales, par la complexité de la réglementation des
changes et par la gravité des sanctions y attachées, ne peur.fogtqucment, qu'être inclus dans le
mandat dont est chargé, par le truchement de la domiciliation. le banquier intermédiaire
agréé(I007), Dans l'arrêt, précité, de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 9
avril 1973, le pourvoi avançait pourtant une thèse contraire. Une banque y soutenait, en effet,
pour écarter le reproche qui lui était fait de n'avoir pas indiqué à son client les formalités
précises exigées par la réglementation en vigueur, relativement aux paiements en monnaies
étrangères (ce qui avait valu. à ce dernier. un protêt. faute de paiement d'une lettre de change
acceptée), que le contrat de domiciliation qui le liait à celui-ci ne l'obligeait qu'à payer les
effets domiciliés, ou à le prévenir des obstacles s'y opposant. Ce contrat, d'après elle, ne
mettait à sa charge "al.lcune autre obligation, et, notamment, pas celle de lui proposer les
solutions susceptibles de lever ces obstacles, ce rôle excédant les limites du simple contrat de
domiciliation". Pour rejeter cette argumentation, la Cour de cassation note que la Cour d'appel
a souligné l'imprécision des informations fournies par la banque à sa cliente (relativement à la
nature des formalités exigées). Selon la Cour de cassation. la Cour d'appel, qui a retenu que
"la Banque N ...n'était pas seulement domiciliataire de l'effet mais ...avait également la qualité
d'intermédiaire agréé...a pu décider que la Banque N ...avait commis des fautes dans
l'exécution du mandat dont elle était chargée".
C'est reconnaître que le cumul, par le banquier, des qualités de domiciliataire et
d'intermédiaire agréé, fait entrer, dans le champ du mandat de celui-ci, des obligations
supplémentaires, notamment, au- delà des renseignements extracontractuels dus à toute
personne par tout intermédiaire agréé {et au-delà des informations dues à son mandant par tout
mandataire){lO08\\ un devoir de conseiller son cocontractant sur la marche à suivre pour
, atteindre, dans les meilleures conditions, le résultat que ce dernier recherche.
(1001) Dans le même sens. v. J. Revel, article précité, n'20 (zème colonne).
(1008) v. supra, 0'472.

- - - - _.._ - -
356
Au- delà de l'aggravation de la responsabilité civile. le cumul des qualités de
domiciliataire et d'intermédiaire agréé ajoute, à la charge du banquier concerné. une
responsabilité vis-à-vis de l'Etat.
-
B. LA GENERAnON D'UNE RESPONSABILITE DU BANQUIER VIS-A·VIS
DE L'ETAT.
475 - Si le banquier domiciliataire engage. comme mandataire. sa responsabilité civile à
l'égard de ses clients. mandants (ou de leurs créanciers), on sait qu'en sa qualité
d'intermédiaire agréé, il agit, dans le même temps, comme le représentant de l'administration
chargée du contrôle des changes. Il est logique qu'il soit également appelé à répondre, à ce
dernier titre, de ses actes devant la personne représentée (en période de contrôle renforcé des
changes, surtout).
De fait, le principe de la responsabilité des intermédiaires agréés, vis-à-vis de
l'administration des changes, n'est pas discuté en droit positif, quoique n'étant plus aujourd'hui
affirmé, de manière expresse. par les textes en vigueur(1009), En effet, ce principe a été très
explicitement proclamé, naguère. par le décret n" 68-1021 du 24 novembre 1968(1010). Ce
décret précisait effectivement, en son article 2 (aujourd'hui abrogé), que "les intermédiaires
agréés sont chargés de veiller sous leur responsabilité au respect des prescriptions édictées
par le présent décret et les textes pris pour son application, en ce qui concerne les opérations
effectuées par leur entremise ou placées sous leu.r contrôle". Cet article énonce, en outre, que
"l'agrément est révocable à tout moment".
La non reproduction dc cette règle par le décret du 29 décembre 1989 ne doit pas faire
dire que le principe de la responsabilité du banquier intermédiaire agréé, vis-à-vis de
l'administration qu'il représente, est abandonné aujourd'hui. Ce serait perdre de vue le fait que
\\1009) Ccntrëirerneru au décret n'68·J021 du 24 nov. 1968 (art,2), le décret n'89- 938 du 29 déc. 1989 (précité), aujourd'hui
en vigueur, n'affirme expressément ni le principe de \\11 responsabilité du banquier vis-a-vis des autorités publiques. ni celui de
la révocabilité de l'agrément dont il bénéficie.
(lOJO) v. J.OR.F. 25 nov. 1968.

357
J'intermédiaire agréé est. en matière de contrôle des changes, un organe d'exécution, soumis. à
ce titre. au contrôle ou à la tutelle(1011) des organes administratifs hiérarchiquement
supérieurs et, partant, au pouvoir disciplinaire de ceux-ci, même en l'absence de tout texte en
ce 'Ons(1012)(1013), Il est certain, en effet, que l'intermédiaire agréé est subordonné au
gouvernement et, spécialement, au Ministre de l'Economie et des Finances. de qui il tient son
agrément, et qui conserve le pouvoir de le lui retirer, à tout moment, en guise de sanction
disciplinaire. L'intermédiaire agréé est aussi subordonné à la Banque de France. organe
délégué du contrôle des changes, à qui il doit rendre compte des actes accomplis dans le cadre
des lâches administratives qui lui sont confiées(l014)(1015),
476 - Outre les sanctions disciplinaires dont il peut être l'objet, l'intermédiaire agréé
peut être appelé à répondre, pénalement, des infractions à la réglementation des changes
(voire à la réglementation douanière), soit comme auteur principal (tant pour ses propres
opérations que pour les opérations de ses clients)(1016), soit comme complice de son
client(lOl'7), A ces titres, il peut se trouver, honnis les peines de prison qui menacent ses
(lOll) Au sens administratif du terme. V. par exemple G, Vedel et p, Dervoivé. Droit administratif, précité, p.852 et 5.; Sur
J'applicabilité de la notion de nnetle aux personnes privées gérant un service public, ou intervenant dans l'action
administrative, v. Laurent Rlcher, La notion de rutelle sur les personnes en droit administratif, RD.P.(Revue du droit
public) 1979.97 Let S., spécialement p.974.
(1012) Sur l'admission, même sans texte, du "pouvoir disciplinaire" de l'auicrité exerçant la tutelle à l'égard des organes
individuels, v. L. Rlcher, anicle précité, p.952 et p.986.
(1013) Tant il est vrai que la tutelle administrative se manifeste aussi bien dans les pouvoirs de nomination et de révocation
(ou de retrait d'agrément, comme en l'espèce) de l'organe sournia à La tutelle, que dans la possibilité de prendre des sancucns
disciplinaires il rencontre de cet organe. V. L. Rlcber, article précité, p.977 et s et 984 et s. Encore que pareille sanction ne
soit pas réellement indispensable au respect: des textes régissant la matière étudiée, dans la mesure où [a méconnaissance, par
l'intermédiaire agréé, de la réglementation des changes entraînera, généralement, soit le rejet, par l'administration, de
l'opération envisagée, soit le prononcé d'une amende contre le client, lequel ne manquera pas, en retour, de demander
répauon du préjudice qu'il subit, de ce fail, à l'Intermédiaire. La perspecnve de cette responsabilité civile, ainsi d'ailleurs que
l'éventualité d'une responsabilité pénale personnelle, pour infraction à la réglementation relative eux relations financières
a'iec l'étranger ( sur ces responsabilités, v. Jean-paul Cneumeton. juriclesseur Banque et Crédit.vol.Z, fase.lOlO. n'44 el s.
el n'lM et s.) suffisent, en pratique, à susciter, chez l'intermédiaire agréé, l'attitude souhaitée par les pouvoirs publics.
(1014) v. arrêté n'67-78 du 27 janv. 1%7 (lOR.F. 29 janv. 1967) mU-2'; également art,3 el 23 de la loi n073-7 sur la
Banque de France (J.a,R.F. 4 et rectif. 6 janv. 1973); décret n'S9-93S du 9 déc. 1989, précité. art.3.
, (1015) On peut toutefois se demander, eu égard à la généralité des termes utilisés par le législatew. s'il n'entre pas dans la
compétence de la Commission Bancaire, prévue par les articles 37 et s. de la loi n'8446 dIJ 24 janv. 1984 (relarive à l'activité
et au contrôle des établissements de crédit, la.R.E du 25 janv. 1984), de contrôler, dansle domaine des relations financières
avec l'étranger, comme dans IOUl IWtre domaine. "le respect par les jtablissemenls de crédit des disposi/iol"l.J fiBis/a/ives et
rég/emenlaires qui leur sont applicables el de sanctionner les manquemenls cOflStalls" (v. art.37), et ce, à travers la mise en
oeuvre des sanctioru; disciplinaires que ,'an.45 de La même loi lui donne le pouvoir de prononcer.
(1016) V. Jean Paul Chaumeton, Junsclasseur. Banque et Crédit, Iasc. lOlO, n'85; J.•L. Rives-Lange et M. Contamine-
Rayneud. op. cil.. n'339.
(1017) V. T.G.I. Lure 4 nov, 1970, D.1971.276, nole Ch. Gavalda.

358
dirigeants ou ses agents(1018). contraint de verser au Trésor Public, en guise de réparation
civile(1019), des amendes et autres peines de nature pécuniaire.
478 - Il se trouve ainsi confirmé, à la suite des développements qui précèdent, que !e
banquier qui cumule les qualités de domiciliataire et d'intermédiaire agréé voir sa situation
juridique s'aggraver sérieusement. A la responsabilité, de nature civile, qu'il aurait engagé. sur
la base du seul contrat de domiciliation, s'ajoute. du fait du rôle d'auxiliaire de l'administration
des changes qui lui est dévolu par les pouvoirs publics, un autre type de responsabilité,
d'autant plus lourde qu'elle est d'essence pénale. Certes, la responsabilité pénale impliquée par
la fonction d'intermédiaire n'est censée intervenir que dans les rapports entre l'intermédiaire et
l'administration représentée. et ne concerne pas, par conséquent. les parties au contrat de
mandat que renferme la convention de domiciliation. TI n'en demeure pas moins, cependant,
que le mandat qui lui est conféré par la domiciliation de paiements internationaux fait
supporter au banquier-intermédiaire agréé, à l'égard de son mandant, une responsabilité
beaucoup plus redoutable, et même beaucoup plus probable, que celle qu'il eût engagée s'il
n'avait été qu'un simple domiciliataire de droit commun(1020). Il en est ainsi, du fait,
précisément. du caractère strict de la réglementation des changes(1021) et de la lourdeur des
sanctions encourues par le client, au cas d'infraction.
479 - Pour autant, le banquier domiciliataire, même dans les cas où il intervient comme
intermédiaire agréé, ne cesse d'être, dans ses rapports avec ses clients, un mandataire de droit
commun, agissant au nom et pour le compte de ceux-ci, dans le strict respect de leurs
instructions. Tenu. de ce fait, d'une obligation générale de prudence et de diligence tout au
(l018) V. Loi n'66-(008 du 28 déc. 1966, relative aux relations financières avec l'étranger, art.5 (J.ORE 29 déc. 1986),
modifiée par la loi de finance n'69-1161 du 24 déc. 1969, art.73-1 (J.O.R.F. 27 déc. 1969).
(1019) Sur l'affirmation que les coedamnarions pécuniaires prononcées en matière d'infraction i la réglernenteucn des
changes et d'infractions douanières consument "il certains égcuds des répara/ions d>liles des/in/es à indemniser fe Trésor
Public", >1. Casso crim. 18 févr. 1971, Bull. erim., Il'55, p.t39; également T.G.I. Lure, 4 nov. 1970, précité.
(1020) mais, peut-être est-ce là le juste prix du monopole dont béréficient les intermédiaires agréés.
(1021) CMllCtère strict que révèle, par ailleurs, [a nature matérielle des infractions qui s'y r3.uachenL Sur la nature matérielle
des infractions AIII législation des relations [mencières a...ec l'étranger, v. Casso crim. 10 nov. 1980. LC.P.l971.11.16714, noie
L. S. c, adde J.-P, Cbaumeton.Jurjsclasseur Banque et Crédit, Iasc. LOlO, n'Li.

359
long de sa mission. il engage sa responsabilité civile par toute faute dommageable prouvée
contre lui.
Si. en tant qu'intermédiaire agréé, le banquier intervient dans l'accomplissement d'une
mission de service public(1022\\ cette donnée, quoiqu'aggravant sa situation juridique à
l'égard
de
ses clients,
entraînant.
notamment,
l'introduction,
dans
ses
obligations
traditionnelles. d'un devoir de conseil, n'est toutefois pas de nature à transformer les relations
existant habituellement entre une banque domiciliataire et son client. Cette donnée n'est, en
effet. pas de nature à entraîner une remise en cause de la qualification de mandat reconnue au
contrat de domiciliation. On doit donc, pour conclure ce chapitre, admettre le bien-fondé de
l'analyse de la domiciliation en un mandat de payer confié à son banquier par le débiteur
direct des paiements projetés, et ce, même dans les cas où la domiciliation est rendue
obligatoire par une disposition légale ou réglementaire.
Avec la fin de ces développements sur la domiciliation des paiements s'achève l'étude
consacrée aux techniques bancaires traditionnelles qui, permettant d'obtenir du banquier un
versement de fonds sur ordre du client, sont constitutives, de l'avis quasi-généraI,
d'indiscutables mandats de payer,
•••
480 - Au terme de ces développements consacrés aux mandats de payer ou, plus
généralement, de transférer des fonds (mandats conférés soit par chèque, soit par un ordre de
virement, soit encore par une domiciliation) et d'encaisser, lesquels entrent, par essence, dans
le champ du service de caisse habituellement dû à tout titulaire d'un compte bancaire, non
spécial, de dépôt d'espèces, deux remarques principales s'imposent, en guise de bilan:
Premièrement, la qualification de mandat se justifie pleinement pour chacune des
techniques de mouvement de fonds étudiées, Cela est vrai, qu'il s'agisse de celles pour
, lesquelles le titulaire d'un compte provoque, au bénéfice d'une tierce personne, un versement
de fonds à prélever sur les sommes en dépôt chez son banquier ou, au contraire, de celle dont
la finalité est de récupérer, par le banquier interposé, des sommes dont le client est créancier
(1022) Pour auteu, on ne peut en infl!rer que la banque assure, d'une manière générale. un service public. EI1 ce sens, v., par
exemple, M.
vaaeur,.Le pouvoir de la Banque de France de prendre des reglemente et d'édicter des nœmes
jYOfessionnelles, D.1981.2.5 et S., n'12.

360
auprès de tierces personnes. et qu'il veut voir déposer sur son compte. Dans chacune de ces
techniques bancaires de mouvement de fonds. en effet,le banquier n'a aucune autre prétention
que celle de représenter son client. Il n'a nullement la volonté. par conséquent, de s'impliquer
personnellement dans les rapports noués par ce dernier avec les tiers. Sa situation juridique
est, du reste, en harmonie avec cette donnée fondamentale.
En effet, l'intervention du banquier agissant au nom et pour le compte d'autrui suppose,
ainsi que le suggère le caractère en principe consensuel du contrat de mandat, un accord des
parties concernées(1023). Et, de fait, c'est toujours sur une base contractuelle que le banquier
est amené à représenter ses clients dans les actes de paiement ou d'encaissement qu'appelle le
fonctionnement
normal
d'un
compte
bancaire.
Certes, il
arrive
qu'à
l'occasion de
l'accomplissement de la mission qu'il a librement acceptée, de la part de son client, le
banquier se voie imposer, par les pouvoirs publics, d'autorité, des obligations particulières,
plus ou moins compatibles avec la qualité de mandataire à laquelle il aspirait(l024). Mais, en
réalité, ces obligations légales. généralement exceptionnelles et de portée souvent limitée, ne
suppriment
pas
toujours
le
caractère
volontaire
de
l'engagement
des
personnes
impliquées(l025) et ne modifient pas nécessairement, par conséquent, la nature des relations
existant entre elles.
481 - Par ailleurs, au plan des effets de la convention liant le titulaire d'un compte et son
banquier, on note que ce dernier supporte, à l'instar de tout mandataire, outre le devoir,
corollaire de la force obligatoire des contrats, de ne pas refuser d'exécuter ses engagements
(s'il n'a pas exercé, en temps opportun, le droit à renonciation que lui reconnaît expressément
l'article 2007 du Code civil), deux obligations principales: l'obligation de s'acquitter
correctement de la mission qui lui est impartie (entendue comme une obligation générale de
(l023) Sw la particularité résidant dans la complexité du PIOceUUS de formation des mandats bancaires évoqués. v. supra
n'13S el n'381.
(1024) V. not. les obliglllions spéciales imposées au banquier dans le cadre de la lutte contre les chèques sans provision
(supra n'315 el: s.). Rappr. \\e caractère obligatoire de la domiciliation des transferts internationaux de fonds (supra n'443 et
s.).
(102.5) V. not., à propos des obligations spéciales imposées au banquier en matière de chèques, supra n'3 L5 et s.; à propos de
la domiciliation obligatoire. v. supra n'443 et s.

361
prudence et de diligence) et l'obligation de rendre compte du déroulement et de l'achèvement
de ladite mission. La violation de l'une de ces différentes obligations engage la responsabilité
civile dudit banquier, à l'égard de son client. sur le terrain contractuel, naturellement, mais
aussi. éventuellement, à l'égard des tiers. sur le terrain délictuel. Au plan pénal. les paiements
ou encaissements réalisés par le banquier. pour le compte de ses clients, entraînent, en
principe, sa soumission aux articles 407 et 408 du Code pénal, lesquels répriment, on le sait,
l'abus de blanc-seing et l'abus de confiance. Encore que, dans la pratique. la probabilité de la
condamnation d'une banque. sur ces fondements, soit quasiment nulle, du fait du sérieux des
banques. d'une Part. et, d'autre part, du fait de la difficulté qu'il y a à mettre en oeuvre l'action
pénale pour abus de confiance. dans le cadre de l'activité d'une personne morale(1026).
482 - La deuxième remarque qui s'évince des développements, précédemment consacrés
aux mandats liés au service de caisse inhérent à tout compte ordinaire de dépôt d'espèces,
touche à ce qui. à nos yeux, constitue le trait spécifique des mandats évoqués, à savoir les
facteurs de complexification auxquels ceux-ci sont exposés.
Le premier de ces facteurs est constitué par le caractère progressif de la formation de la
plupart des mandats dont le banquier a la charge. On sait, en effet, que la presque totalité des
relations entretenues avec une banque, s'inscrivent dans le fonctionnement d'un compte
bancaire.
Or
l'ouverture
d'un
compte
bancaire
ordinaire
procède d'une convention
constitutive, en elle-même, d'un contrat-cadre, par lequel le banquier se trouve, du seul fait de
l'existence du compte, constitué mandataire de son client (virtuellement, du moins), ne serait-
ce que pour la réception de toutes sommes dirigées sur ce compte. C'est dire que pour certains
actes, les actes de "réception passive,,(1027) de biens, l'ouverture du compte bancaire suffit, à
elle seule, à emporter la perfection des contrats de mandat que ce compte implique(1028). En
revanche, pour tous les autres actes, qui supposent une intervention active du banquier (qu'il
s'agisse d'actes positifs d'encaissement ou d'actes de paiement), le seul compte ne suffit plus à
(l02ô) Sur ce point, v. supra n'297 et 5.
(1027) ainsi qualifiés par nous parce que ne nëceseieenr aucune initiative particulière du banquier.
(1028) V.liupra n'SI.

362
révéler la volonté de son titulaire de charger le banquier d'un mandat précis donné. Une telle
volonté ne peut provenir que d'un ordre particulier du client. venant compléter l'accord-cadre
préalablement conclu par les parties. On se trouve alors dans une autre étape. la deuxième,
généralement, du processus
de
formation
du
mandat
de
paiemen,(1029)(1030) ou
d'encaissement(l 031)( 1032),
483 - A bien y réfléchir, c'est dans la différence de régime suggérée par la distinction
entre les actes de disposition et les actes
conservarelœsfou d'administration)(1033) que se
trouve, en réalité, la justification profonde de la "stratification" du consentement du mandant,
marque essentielle du mode de formation des mandats bancaires. En effet, la relation de
compte existant entre une personne et son banquier manifeste, d'elle-même, la volonté du
client de se soumettre aux règles de fonctionnement des comptes bancaires. y compris celles
qui sont dues à un usage établi. Or, il est constant que les banques sont amenées de plus en
plus, de nos jours. à représenter leurs clients dans presque tous leurs actes de paiement ou
d'encaissement. De sorte qu'il ne serait pas faux de soutenir que l'ouverture d'un compte
bancaire ordinaire de dépôt d'espèces comporte, en elle-même. une procuration, donnée
tacitement au banquier, par le titulaire dudit compte. Ce dernier autoriserait ainsi le premier à
entreprendre, au sein du compte, toutes actions dictées par l'intérêt du titulaire. Seulement, ce
mandat étant conçu en termes généraux et étant. de surcroît, tacite, ne peut englober, dans son
champ de rayonnement, que des actes qui n'entament pas le patrimoine du mandant(1034).
Pour de tels actes un mandat exprès est exigé(1035). Ainsi, entreraient, a priori, dans les
(1029) v. supra. n'B5 et e.; n'38l et S, et n'434.
(1030) En ce qui concerne le chèque. cet ordre particulier se situe ~ la lIoisième étape du processus de formation du mander;
la deuxième étant constituée par Ill. convention de tirage de chèques, et la première. par la convention d'ouverture de compte.
V. supra n '135 el s.
(l031) V. supra n'51.
(1032) Un autre Iectecr de complexificarion du mandat du banquier réside dans le fait que dans certains cas. l'exécution du
contrat déjà formé reste encore subordonnée ;\\ un ordre exprès du mandant. li en va ainsi de l'exigence d'un avis de paiement
en matière de domicilÎ3.lioode paiements. V. supra 0'435 et s.
(1033) Ainsi que cela ressort de l'article 1988 du Code civil.
(1034) Sur ce raisonnement v. supra n'436.
(1035) V. supra 0'436.

363
prévisions de la convention de compte, les encaissements de créances (à l'exclusion des
paiements) réalisés au profit du titulaire dudit compte. Cela est vrai, sans aucun doute, pour
les encaissements prenant la forme d'une réception passive de fonds destinés au client. Cela
n'est pas vrai, en revanche, pour les encaissements réalisés, notamment, sur la foi d'un titre
négociable. Car la détention, par le banquier. d'un tel effet, peut cacher. en réalité, une
transmission à litre de propriété, un acte de disposition, donc. Aussi les mandats portant sur
les effets négociables sont-ils soumis, au plan de leur formation, au même régime que les
actes de disposition. Pour ce dernier type d'actes, en effet, le mandat (conçu en termes
généraux) que comporte toute convention de compte ne suffirait plus à justifier l'intervention
du banquier. Cette intervention suppose un mandat exprès. ainsi que l'exige l'article 1988
alinéa 2 du Code civil. Cela permet d'affirmer qu'en ce qui concerne les actes de paiement ou
d'encaissement (encaissement d'effets de commerce, notamment), la convention de compte se
présente, en réalité, comme un accord préliminaire ayant pour objet, entre autres. de constater
l'acceptation donnée par le banquier, par anticipation, pour tous les mandats futurs (autres que
ceux impliqués par la seule existence du compte) dont le client voudra bien le charger, de
manière expresse.
484 - Le second facteur de complexification des mandats liés au service de caisse
inhérent aux comptes de dépôt d'espèces, réside dans les conséquences que peuvent produire
sur la situation juridique du banquier, pris en sa qualité de mandataire, la coexistence, aux
côtés du mandat, d'autres contrats qu'il a souscrits, par ailleurs. Au-delà des effets qui
s'attachent, au plan de l'expression des consentements, à la superposition des conventions de
compte et de mandat(1036), on peut signaler, à cet égard, les problèmes soulevés par
l'inévitable combinaison des contrats de mandat et de dépôt. Pareille combinaison s'observe à
l'occasion, notamment, de l'exécution par le banquier, au profit d'une tierce personne, d'un
ordre de transfert de fonds émanant de son client(1037),
(1036) V. supran'& SI, 67 el s. el 135 el s.
(1031) Sur ce point, v, Jupra n"251 el s.

364
485 - Il faut dire, cependant, que cette combinaison des contrats bancaires (et
spécialement du mandat et du dépôt) n'est pas inextricable au point de remettre en cause la
qualité de mandataire du banquier. TI reste toujours possible, en effet, en y prêtant I'attentiqn
nécessaire, de démêler l'écheveau ainsi créé et d'attribuer à chacun des contrats combinés son
domaine propre(1038). C'est que le complexe contractuel évoqué, en l'occurrence, se
compose. en réalité, de contrats complets en eux-mêmes et donc théoriquement indépendants
les uns des autres. Tel ne semble pas être le cas d'un certain nombre d'autres techniques
bancaires (telles que les cartes de paiement ou le crédit documentaire), pour lesquelles le
mandat donné par le client à son banquier s'inscrit, en fait, au sein d'un ensemble de contrats
concourant à la réalisation d'une opération économique unique. Dans ces cas, où le banquier
est conduit. généralement, à prendre un engagement personnel et indépendant, à l'égard du
cocontractant de son client. la qualité de mandataire qui devait lui être attribuée, a priori, peut
paraître discutable, à certains égards. Et de fait, elle est discutée.
(1038) Sur les domaines respectifs du mandat el du dépôt en matière de paiement de chèques par exemple. v. supra n"251 et
s.

365
TITRE
IL
LES
APPLICATIONS
DU
MANDAT,
SUJETTES
A
CONTROVERSES.
486 - La qualité de représentant. souvent revendiquée par les banques. à l'occasion des
services qu'elles offrent à leurs clients, inspire le sentiment que leur souhaît de s'immiscer
dans
l'ensemble de l'activité juridique de ceux-ci est,
paradoxalement, inversement
proportionnelle au souci qu'elles ont, par ailleurs, de limiter, autant que faire se peut, leurs
risques, en évitant de s'impliquer personnellement dans les relations qu'elles nouent pour le
compte d'autrui.
487 - Mais pouvaient-elles ignorer les besoins du commerce? Pouvaient-elles, alors que
la vente fait figure de "matrice originaire de foUS les contrats,·(I039), rester indifférentes à
l'aspiration des opérateurs économiques à un paiement sûr? Elles le pouvaient d'autant moins
que c'est par leur intermédiaire que se réalisent aujourd'hui la plupan des règlements
engendrés par l'activité économique. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, qu'aient pu
voir le jour, sous la pression des nécessités commerciales, des techniques de paiement
reposant sur le principe d'une garantie supportée par la banque à qui est laissé le soin d'opérer
un règlement pour le compte d'autrui. L'engagement personnel assumé par le banquier, en ces
occasions, n'empêche pas, semble-t-il(l040\\ que lui soit reconnue la qualité de mandataire
qui s'attache, a priori, au rôle d'intermédiaire qui est le sien. Les techniques auxquelles il est
ainsi fait allusion concernent, on l'aura deviné, les règlements par crédit documentaire ou par
carte de paiement et/ou de crédit.
488 . Quant à la garantie indépendante, dite encore garantie à première demande, elle
n'entre pas, selon nous, dans le cadre de notre étude. Quoique se rapprochant, à bien des
égards, du crédit documentaire irrévocable (l'engagement personnel du banquier a, en effet,
, les mêmes caractères abstrait, indépendant et strict dans les deux opérations) et, quoiqu'en
(l1}39) Pb. MaJaurie et L. Aynès, Les contrats spécieux, précité n'35 (in fine) p.40. V. également n·530. p.245.
(1040) A s'en tenir il. l'opinion, majoritaire. et de la jurisprudence (pour le règlement par crédit documenmire), et de la
doctrine (pour le règlement par cane de paiement). Sur chacun de ces points, v. infra n'491 et s. el références citées, el n·.'564
(in fille) et euœurs cirés.

366
disent certaines décisions de justice, lesquelles penchent en faveur de la thèse du
mandat(104I), la situation juridique du banquier qui a souscrit une garantie indépendante ne
ressortit pas, à notre avis, de la théorie du mandat. Le mandat suppose, en effet. un acte
juridique concret dont la réalisation est directement et à titre principal confiée au mandataire
désigné. Dès lors, celui-ci s'en charge seul, aux lieu et place du mandant, lequel s'efface
complètement derrière son "chargé de mission", tant qu'est en cause l'accomplissement de
l'acte objet du mandat il ne réapparaîtra qu'au moment où sera envisagée l'imputation des
actes du mandataire. Or la garantie indépendante n'a d'autre objet, généralement. que de
procurer à son bénéficiaire, un débiteur solvable. au cas de défaillance du débiteur
principal(1042). Ce qui veut dire que c'est au débiteur principal lui-même qu'il appartient, au
premier chef, d'accomplir l'acte qui va désintéresser son cocontractant. Le banquier garant,
quant à lui, n'entrerait en jeu qu'à titre de recours, au cas de défaillance du débiteur principal.
Ce schéma ne correspond pas du tout à la situation qui résulte d'un mandat. li rappelle, au
contraire, une autre institution juridique, le cautionnement. Comment ne pas approuver, dans
ces conditions, monsieur J. Stouffiet(l043) lorsqu'il affirme que "la question de la nature
juridique de la garantie e5€
à poser essentiellement par rapport au cautionnement. La
fonction économique de la garantie e5t proche de celle du cautionnement; elle est de procurer
au bénéficiaire un débiteur solvable au cas de défaillance du premier obligé". Ce qui sépare,
en définitive, la garantie indépendante et le crédit documentaire, c'est que l'un, te premier, se
présente ainsi que son appellation l'indique, comme une sûreté garantissant l'exécution d'une
obligation donnée, tandis que l'autre, le second, se présente comme un instrument de
règlement de creances pour Je compte d'autrui (1044)(1045).
(1041) V. par ex. Trib. con. Paris, 8 juill. L983, D.J 984,I,R.92.obs. M. Vasseur. V. également M. Vasseur, Bnc. jur Dalloz,
Rép. dr. oom.,2è éd.;v' Garantie indépendante, n'52.
(1042) Sm cette affirmation. v. J. Sioumet. Garantie internationale. Garantie à première demande. juriclasseur Banque et
Crédit, vol.I, Iasc.é lû, n'22.
(1043) Op. CiL, loc. cit,
(1044) Sur cette affirmation, v. J, Stoumet, Eno. jur. Dalloz, rép. dr. conl.,2è éd.,v' Crédit documentaire, n'I et n'4 et s.
(1045) Cela étant. la technique de la garantie indépendante n'est peut-être pas totalement exclusive de toul mandat. li y a lieu,
en effet. de se demander si les rapports existant dans ce type d'opérericn. entre la banque garante de premier reng el la banque
contre garante, ne relèvent pas précisément d'Un manda!., confié par la deuxième, en dépit du carectëre autonome de

La garantie indépendante ne relève donc pas de la théorie du mandat Pour cette raison
elle sera exclue de notre analyse, Dès lors, les deux seules techniques de paîement qui,
reposant sur le princîpe d'une garantie supportée par le banquier solvens, peuvent se réclamer
de la théorie du mandat, sont: le crédit documentaire, d'une pan (sous-titre 1) et le paiement
par carte bancaire, d'autre pan (sous-titre 11). Encore que l'application du mandat, en ces
matières, soit sujette à controverses.
l'engagement de la première. Sur ce dernier point. rappr., dans le domaine du crédit documentaire irrévocable, la situation
juridique du banquier coofirmateur par rapport au banquier émetteur, infra n"512 et e.

368
SOUS-TITRE I. L'APPI.ICATION DU MANDAT A LA TECHNIQUE DU
CREDIT DOCUMENT AIRE.
489 - Si, ainsi qu'il ressort des développements précédents, la quasi-totalité des
paiements engendrés par l'activité économique interne de tout pays(1046) passe par
l'intermédiaire des banques. a fortiori devrait-il en être de même, dans le domaine du
conunerce international. Dans ce dernier domaine, plus qu'ailleurs. la représentation des
importateurs et exportateurs par un riers interposé s'avère incontournable(1047). D'abord,
pour effectuer, en lieu et place des acheteurs et vendeurs, les règlements ou encaissements
qu'appellent les échanges de biens et services inhérents à leurs activités. Pour cela, un ordre
classique de paiement(1048), donné à cet effet par l'acheteur (ou le bénéficiaire d'un service)
à sa banque(1049). au profit du vendeur (ou du prestataire de service), aurait suffit. en
principe(I050). Mais bien souvent, t'acheteur ne dispose pas des fonds nécessaires à
l'opération, et compte sur un crédit de son banquier pour désintéresser son cocontractant. Par
ailleurs, l'éloignement des parties au marché projeté, le fait qu'elles habitent dans des pays
différents est de nature à faciliter toutes les manoeuvres de tromperie. La sécurité de chacun
des contractants commandait donc l'intervention d'une tierce personne dont la mission serait
de contrôler, pour le compte de l'acheteur, les documents attestant de l'exécution correcte, par
l'exportateur, du marché conclu, d'une pan, et, d'autre pan, de garantir à ce dernier (de
(1046) Du moins, des pays développé>. cette affirmation n'étant, malheureusement. pliS valable pour la plupart des pays sous-
développés et, plus particulièrement. pour la Côte d'Ivoire. OIllU ces derniers pays. en effet, les instruments de paiement les
plus usités dans les pays développés (tels le chèque, le virement, la carte de paiement), ressent encore d'un usage très limité,
eu égard à l'importance des risques de non paiement qui s'y attachent. pour le créancier qui les accepterait.
/1047) Ne serail-ce qu'à cause de la grande distance (géographique) séparant généralement les parties concernées.
(1048) Ordre de paiement qui peul être donné au travers, notamment, d'un chèque, d'Un ordre de virement ou d'un evis de
prélèvement ou de domiciliation d'un effet de commerce.
(1049) Ordre de paiement qui serait éventuellement relayé par un mandat c'eucaissernent donné par le vendeur-bénéficiaire 11
sa propre banque.
(1050) Les termes d'acheteur et de vendeur sont ceux consacrés pour désigner. au plan de la relation fondamentale, le
donneur d'ordre et le bénéficiaire d'un crédit documentaire, On ne doit pes voir dans celte terminologie le signe d'une
restriction de l'utilisation de cette technique au seul CIlS du règlement des ventes internationales. Cene technique peut
parfaitement figurer dans les prévisions d'autres types de contrats et, notamment, de contrats d'entreprise. Sur cette
affirmation v, J. SIDuMet, juriclasseur Banque et Crédit, éd. Techniques, vol. 2, v' Crédit documentaire, fesc. lOBa. n'J.

369
manière ferme et irrévocable. généralement) le paiement que lui doit, en retour. son
cocontractant. De la prise en compte de ces intérêts divergents, naquit, à la fin du xrxè
siècle(105l). la technique du crédit documentaire, pour la mise en oeuvre duquel les
établissements de crédit allaient, tout naturellement (le besoin de crédit oblige), être désignés
comme les acteurs principaux.
490 ~ Tantôt le rôle dévolu à la banque choisie consistera seulement, au delà du crédit
octroyé ou promis à son client (l'acheteur), à. opérer pour le compte de ce dernier, après
certaines vérifications, un paiement(1052) contre remise d'un certain nombre de documents
préalablement spécifiés. Tantôt il s'agira pour le banquier, en dehors de la vérification et du
paiement ci-dessus évoqués, de garantir au créancier de son client, le paiement dû par ce
dernier, en s'engageant personnellement à son égard. Dans la première hypothèse, le crédit
documentaire est dit révocable. tandis qu'il est qualifié d'irrévocable, dans la seconde. Dans
les deux cas, toutefois, il est question pour le banquier, de rendre un service à son client, ce
dernier conservant, en fin de compte, la charge financière de l'opération.
491 - C'est, sans doute, en partant de ce constat que la jurisprudence, depuis très
longtemps déjà, analyse en un mandat la mission assignée par l'acheteur, donneur d'ordre, au
banquier émetteur d'un crédit documentaire, ce crédit fût-il irrévocable(1053)(1054) et, a
fortiori, celle confiée par ce dernier au confrère qu'il est amené à se substituer, afin d'atteindre
(1051) v. J. Sioumet Rép. dr. com. précité. v' Crédit documentaire. n'z.
(IOS2) Ce paiement (au sens juridique du terme] peul d'ailleurs consister en une simple acceptation ou une négociation
d'effets de commerce. si lei est le mode de réalisation du crédit choisi pM les parties au conrrat de base.
(l053) v. par ex. Trib. tom. Seine 27 fév. 1920, 5.19222.17, noie Henri Rousseau (a tonlIario); Paris 2 mars 1922,
5.1923.2.76. note AchJlle Mestre; Paris 26 evr. 1923. D.l913.2.137. note Albert Cbéron; 5.1923.2.150. note E. H.
Pee-reau; Angers 17 nov. 1925.5.1925.2.95. note Ernest Cbevegrln: Trib. corn. Seine 16 aVI. 1953, Gaz PaU953.2.1Z1;
Casso com. 30 mai L956, Bull. civ., [lLn'167 p.139; Cm. corn. 5 janv. 1960, Bull. civ., m, n'tc, p.8; Paris 25 janv. 1967,
J.C.P.1967.II.15132, conclusions de l'AVocatgénéral Bertrand; Trib. fédéral suisse, II juin 1974, rapporté par M. Vasseur,
D.1987 chrono 65; Paris 18 nov. 1983. D.1984,IR.267, obs. critiques de M, Vasseur; adde J. SCoumel, LI!! crédit
, documentaire. thèse Dijon 1955. Librairies Techniques, 1957, u' 4% et 458 p.367 et s.
(10.54) Telle était également l'analyse d'une partie de la doctrine, dès le début du siècle. V. not. H. Rousseau, note sous Trib.
corn. Seine 27 fév. 1920 précité; A. Mestre. note sous Paris 2 mars 1922 précité; E.H. Perreau, note sous Paris 26 avr, 1923
préciU: (5.1923.2 151); E. Cbavegrin, note sous Angers 17 nov. 1925 précité. V. également, pour la doctrine contemporaine,
Cb. Gavalda et J. Stoumet, droit de la banque, précité 0'534; G. Ripert et R. Roblot, op. ciL,L2.n'Z426; Pb, Pétel, Les
obligations du mandataire, précité n'119. p.g3 et n'306, p.195. Adde les conclusions de M. l'avocat Général Bertrand sur
Paris 25 jenv. 1967, J.C.P.1967.IJ.l5132.

370
le bénéficiaire(1055). Mais la qualité de mandataire, ainsi attribuée au banquier émetteur d'un
crédit documentaire. n'a jamais fait l'unanimité en doctrine. Surtout lorsqu'est en cause le type
irrévocable de cette opération(1056). C'est que la technique du crédit documentaire, en même
temps qu'elle fournit de solides fondements à la qualification consacrée par la jurisprudence.
en la matière (chapitre 1), recèle des éléments susceptibles, sinon de contrarier, du moins de
perturber sérieusement lad.ite qualification (chapitre IT).
(1055) V.• par ex., Cess. corn. 30 mai 1956, Bull. civ.,lll.n"167,p.l39; Cass, rom. 12 janv. 1959. Bull. civ.,III, n'14,p.12;
cess. corn. 21 juin 1960, Bull. cÎ'i.,IILn'248,p.228; Colmar 9 mai 1962,J.C.p.l962.n.I2794; Peris 2S mai 1985,D.l986.195,
note J. Stoumel; Banque 1985.965, obe. J.-L. Rlves-Lenge: Trib. corn. Nancy 8 janv. 1988, D.1988.I.R.181, obs. M.
Vasseur (banque nctificatricë],
(l056) V. supra note n'~ O.~tt-dde, plus récemment, M. Vas:;eur, obs. SUI Paris 18 nov. 1983 précité (D.1984.I.R.267) el Trib.
corn. Nancy 8 janv. 1988, D.1988,sorn.181.

371
CHAPITRE I. LES FONDEMENTS DE LA QUALIFICATION DE MANDAT
CONSACREE PAR LA JURISPRUDENCE, EN MATIERE DE REGLEMENT PAR
CREDIT DOCUMENT AIRE.
492 - Tout mandat suppose la représentation d'une personne par une autre, en d'autres
termes, l'accomplissement d'actes juridiques au nom et pour le compte d'autrui. C'est dire que
le mandat implique toujours la prise en charge des intérêts d'autrui par une autre personne.
Aussi n'est-il pas étonnant que le régime juridique de ce contrat impose au mandataire de se
soumettre, dans l'accomplissement de sa mission, aux instructions du mandant dont les
intérêts sont en jeu, principalement sinon exclusivement
En somme, c'est dans la
prédominance de la volonté de celui que l'action d'autrui oblige que réside, à vrai dire, la
marque essentielle du mandat. Tant et si bien que l'on devrait être en mesure de déceler, à
partir de cette idée de représentation des intérêts d'aurrui(1057), l'existence d'un mandat, dans
une situation juridique donnée(1058), La qualification consacrée par la jurisprudence, en
matière de règlement sur la base d'un erédit documentaire, procède, pensons-nous, de cette
démarche intellectuelle.
493 - De fait l'analyse du mécanisme du crédit documentaire fait apparaître, de façon
indiscutable, la primauté des intérêts de l'acheteur, donneur d'ordre; du moins si j'on se place
du point de vue du banquier créditeur. N'est-ce pas, en effet, à l'acheteur que revient, en
réalité, le droit de déeider de la mise en place du crédit? Cela est-il surprenant lorsqu'on sait
que la dette que le crédit documentaire aura pour objet d'éteindre est [a sienne et que, par
conséquent, e'est à lui qu'il reviendra d'en rembourser le montant au banquier? On comprend
alors que la fixation des conditions d'ouverture et de réalisation d'un crédit documentaire.soit,
(1057) Cette expression ne doit pas être prise au sem où remploient Rfpert el Boulanger. qui distinguent entre la
représentation de 1"volonté d'autrui et III représemation des intérêts d'autrui. Cene dernière forme de représentation concerne,
en effet. les hypothèses dans lesquelles la volonté du représenté fau défaut. au moment où l'acte de représentation intervient
Il en irait ainsi. selon les .lUL~Ur5 précités, lorsqu'un gérant d'affaires conclut un conn-ar pour autrui. V. G. Riper1 el J,
Boulanger. Traité de droit civil, d'après le traité de Planiol. LU, Obligations- Droits réels. L.G.DJ, [957, n's 211 et s. 214 er
231.p.88ets,
(1058) Ou, à tout Je moins, d'un contrat de commission, si l'on considère que le banquier, commerçant par excellence. agit
nécessairement. de ce Fait. en nom propre, Mais une telle affirmation seran très discutable.

372
dans les relations du donneur de crédit et de son client, demandeur du crédit, entièrement
dépendante de la volonté de ce dernier. Il est vrai qu'à l'origine des instructions de l'acheteur
se trouvent généralement les prévisions du contrat qu'il a conclu avec le vendeur, et que c'e.st
en fonction de celles-ci que le premier demandera l'ouverture d'un crédit documentaire
irrévocable. notamment. Mais, du point de vue du donneur de crédit, seuls entrent en ligne de
compte. a priori, les intérêts et, par conséquent, la volonté de son client, demandeur du crédit.
C'est, en effet, cette volonté du client qui fixe, à la fois, les conditions et les limites de son
action. Comment ne pas voir, alors, dans le rôle joué par le banquier donneur d'un crédit
documentaire, celui d'un représentant, même si, assez souvent, il est amené, à la demande de
son propre client. à prendre, en plus, à l'occasion de sa mission, un engagement personnel
envers le cocontractant de son client, pourtant tierce personne à son égard?
La prédominance de l'intérêt de l'acheteur, marque de sa qualité de mandant dans le
domaine du crédit documentaire, se manifeste, d'ailleurs, aux différents stades de mise en
oeuvre de cette technique particulière de règlement de la dette d'autrui, qu'il s'agisse du stade
de l'ouverture du crédir (section 1) ou de celui de sa réalisation (sec lion II).

---
_ . - - - - - - - - - -
373
SECTION 1. LES SIGNES DU MANDAT, AU STADE DE L'OUVERTURE DU
CREDIT DOCUMENTAIRE.
494 - Au stade de l'ouverture du crédit documentaire, j'élément révélateur du mandat
dont les banques intervenantes peuvent être porteuses, se manifeste de deux façons: d'une
pan, dans les relations du banquier émetteur et du donneur d'ordre, à travers la prédominance
de la volonté de ce dernier, dans la fixation des modalités et conditions du crédit (§ 1); d'autre
pan. dans les relations entre banques, à travers le rôle dévolu aux éventuels correspondants du
banquier du donneur d'ordre (§ Il).
§
I. LA MARQUE DU MANDAT DANS LES
RAPPORTS BANQUIER
EMETTEUR·DONNEUR D'ORDRE.
495 - L'importance que revêt, en matière d'ouverture de crédit documentaire, le respect
des instructions du donneur d'ordre permet d'affirmer la prédominance. dans la mise en
oeuvre de cette technique de règlement, des intérêts de celui-ci (A). par rapport à tout autre
intérêt pouvant entrer en ligne de compte, dans l'hypothèse d'un crédit documentaire
irrévocable, notamment(B).
A. LA PREDOMINANCE DES INTERETS DU DONNEUR D'ORDRE.
496 - Du fait du rôle de représentant qui est le sien, le mandataire se trouve,
logiquement, dans une position de dépendance à l'égard de son mandant(1059). Du moment
qu'il a accepté le mandat à lui confié, le mandataire se doit, généralement, de mettre en oeuvre
. tous les moyens propres à assurer le succès de sa mission ou, à tout le moins, la sauvegarde
des intérêts de son cocontractant. D'une manière plus spéciale, le mandataire est tenu, de
(10591 Cela reste valable. même pour les mandataires professionnels. dont on Il pu penser. à tort. que l'évolutiou du contrat de
mandat leur a donné. de nes jours, une position de supériorité vis-à-vis de leur, mandants. Dans le même sens, v. Ph. Pétel.
op. cir., n'14. p.28 et n"64, p.53.

façon impérative, de respecter les directives que lui adresserait son mandant(1060). Cet
ascendant qu'a le mandant sur le mandataire. dans tout mandat, s'explique aisément. Il est, en
effet, dans la logique même de ce contrat, que la mise en oeuvre des actions qu'il implique,
soit placée, en dernier cesson, sous l'autorité de celui-là même qu'elles engagent. Quoi de plus
naturel donc, qu'en présence d'une convention tournée en grande partie vers la satisfaction des
intérêts d'une seule des deux parties contractantes et, de surcroît. largement influencée par la
volonté de celle-ci. l'on ait conclu à l'existence d'un mandat!
Assurément, l'importance que revêtent les instructions du donneur d'ordre, dans le
mécanisme du crédit documentaire, démontre suffisamment que les intérêts qui SOnt en jeu
SOnt les siens, principalement. C'est le donneur d'ordre qui, au regard du banquier créditeur,
est appelé à recueillir les retombées, bonnes ou mauvaises, du règlement qu'implique la mise
en oeuvre du crédit envisagé. Aussi est-ce, logiquement. à lui seul que revient (vis-à-vis du
banquier) le droit de fixer les conditions et modalités du crédit demandé, de même que le soin
d'en apprécier, en dernier ressort, l'observation. Pourrait-on mieux démontrer, qu'en matière
de crédit documentaire. même irrévocable, le banquier créditeur est d'abord au service du
demandeur de crédit, son client? Dans ces considérations réside, croyons-nous, l'un des
fondements de la qualification de mandat retenue par la jurisprudence, en ta matière étudiée.
497 . Il suffit, pour s'en convaincre davantage, de faire attention à la manière dont les
juges rendent compte, dans un cert.ain nombre de décisions de justice, du rôle dévolu au
banquier émetteur d'un crédit documentaire. L'accent y est mis, assez souvent, sur le fait que
la banque émettrice intervient d'ordre et pour compte de son client, donneur d'ordre. ainsi que
sur le mandat dont ce banquier se trouve investi. Ainsi, dans un arrêt rendu par la Cour
d'appel d'Angers, le 17 novembre 1925(1061>, relatif à l'exécution fautive, par une banque
émettrice d'un crédit documentaire. de ses obligations en matière de vérification, on peut lire
notamment ceci: "attendu que si la Banque nationale du crédit peut prétendre à bon droit
demeurer indifférente aux conditions du marché (poids. nature, ouallré de la marchandise),
(1060) Sur cette affirmation. v. Ph. Pêtet, op. ciL., n'Sl.p..ag er n'64.p.53.
(1061) 5.L925.2.95, nole Ernest Cbavegrtn.

375
par contre il n'en est plus ai/ut du paiement dont elle s'est chargée dans l'intérêt de son
client; Attendu qu'aux rennes du mandat rédigé par la Banque nationale elle-même, celle-ci
s'est engagée à payer suivant le marché du 26 nov. 1923 et contre remise des documents ...
Atrendu qu'en faisafil un paiement non conforme aux instructions qui lui avaient été données
et qu'elle avait acceptées, la Banque nationale de crédit a commis, dans l'exécution d'un
mandat salarié, une faure. dont elle doit réparation".
Dans une autre décision rendue par la Cour d'appel de Paris. le 19 janvier 1952(1062\\
on peut lire notamment, dans la relation des faits, que "la Banque Iordaan a reçu mandai des
établ. Van Den Berge de Rotterdam d'ouvrir en faveur des ésabt. Dnmmann lm crédit
irrévocable non confirmé de 1.250.000 fr. contre remise de divers documents ...", Qu'ayant
relevé la non conformité de certains des documents présentés, "la banque sollicita des
instructions du donneur d'ordre, puis, sans attendre la réponse de ce dernier, régla les Etabl.
Dammann ...mais sous réserve de l'irrégularité constatée".
C'est cependant, dans un jugement du Tribunal de commerce de la Seine du 16 avril
1953(1063) qu'apparaît, le plus clairement, le fondement de l'analyse du rôle du banquier
donneur de crédit documentaire en un mandat. Le litige opposait, en l'espèce, une banque
émettrice d'un crédit documentaire irrévocable au bénéficiaire. lequel n'avait pu obtenir le
paiement de ses factures, du fait de la non conformité des documents présentés. Le Tribunal.
après avoir précisé, à l'occasion de la relation des faits de l'espèce, que la banque émettrice du
crédit avait agi "d'ordre et pour compte de sa cliente", motive son refus de retenir la
responsabilité de la banque querellée en des termes qui ne laissent planer aucune équivoque
quant au fondement de l'analyse du rôle du banquier en la matière. Attendu. affirme le
Tribunal, que "si le banquier qui confirme au vendeur le crédit de l'acheteur qui lui en a
donné mandat, prend envers le vendeur, en vertu d'une obligation directe et autonome,
l'engagement irrévocable de payer dans le délai prévu le montant de la facture, c'est
seulement à la condition expresse que les documents présentés soient rigoureusement
(1062) Gu.. Pal.1952.L286.
(1063) Gaz. Pa1.l95J.2.121.

376
conformes aux spécifications de l'uccréditif". Et le Tribunal de poursuivre. en des termes on
ne peur plus éloquents, SOUS le rapport du fondement de la qualification de mandat qu'il a
retenue: "que si, substitué d l'acheteur pour le payement du prix des marchandises, Je
banquier a le droit et le devoir, afin de sauvegarder les intérêts de SOfi client, de vérifier la
régularité forme/le des documents présentés, il n'a cependant pas à connaître des conditions
du marché et de leur exécution ..."
498 - Mais ne pourrait-on pas remettre en cause la conclusion précédemment avancée,
en observant que, somme toute, la volonté du donneur d'ordre n'est pas toute puissante, du
moment que la notification du crédit au bénéficiaire lui relire la possibilité de modifier
unilatéralement ses instructions, au cas de crédit irrévocable, surtout? En pareille situation, en
effet. son intérêt ne serait plus le seul en jeu. Entrerait également en ligne de compte celui du
bénéficiaire qui, du fait du caractère irrévocable du crédit qui lui a été notifié, acquiert un
droit direct et personnel à l'encontre du banquier émetteur. De même, serait en cause l'intérêt
du banquier donneur de crédit, lequel, ayant pris un engagement ferme ct personnel vis-à-vis
du bénéficiaire, eu égard au caractère irrévocable du crédit qu'il a notifié, se trouverait dans
l'obligation absolue de
tenir sa parole.
Dès lors, toute modification des conditions
d'utilisation, tout amendement et, a fortiori, toute révocation dudit crédit, ne sauraient
produire, en l'absence d'un accord des différentes personnes concernées, un quelconque effet,
s'il a déjà été notifié. Une telle objection ne peut cependant résister à une analyse comparative
des intérêts en présence, ceux du banquier et du bénéficiaire demeurant tout à fait
secondaires, étant accessoires par rapport à ceux du donneur d'ordre.
B. LE CARACTERE ACCESSOIRE DES AUTRES INTERETS EN CAUSE.
499 - Si on ne peut nier que dans un crédit documentaire, surtout lorsqu'il est stipulé
irrévocable, l'intérêt du donneur d'ordre n'est pas seul en jeu, on ne peut non plus nier que
c'est sur ce dernier uniquement qu'est censé peser, en dernière analyse, la charge financière de
l'opération. Vu sous l'angle des rapports banquier émetteur-donneur d'ordre, tout crédit
documentaire a pour objet. essentiellement, le règlement de la dette du donneur d'ordre envers

377
un tiers créancier, le bénéficiaire. Tout aurre engagement s'inscrivant dans ce cadre ne peut
donc qu'être regardé comme supplémentaire. voire accessoire, par rapport à ce but principal.
Panant, l'engagement que peut prendre le banquier à l'égard du bénéficiaire (lequel fonde par
la même occasion le droit de ce dernier à exiger la réalisation du crédit), au cas de crédit
irrévocable, ne peut reposer, en réalité, que sur l'obligation qu'il a souscrite auparavant, à titre
principal, vis-à-vis de son client. De fait, c'est à la demande expresse de ce dernier que le
banquier est amené à adresser au bénéficiaire, désigné du reste par le donneur d'ordre, sa
promesse irrévocable de payer.
500 - N'y a t-il pas là, au contraire, une manifestation supplémentaire de la
prépondérance de la volonté du donneur d'ordre en matière de crédit documentaire? Que le
donneur d'ordre n'ait pas la liberté de revenir sur ses instructions. dans le cadre d'un crédit
stipulé irrévocable, cela n'est pas, tout compte fait. révélateur d'un affaiblissement de son
autorité en la matière, tant s'en faut. Cette restriction des pouvoirs du donneur d'ordre
s'explique, au contraire, par la force contraignante des obligations que sa propre volonté a
engendrées. En effet, en donnant l'ordre à son banquier d'émettre, au profit du vendeur, son
cocontractant, à des conditions bien précises, un crédit documentaire de nature irrévocable,
par exemple. l'acheteur, initiateur du crédit, fixe, ce faisant, l'objet et l'étendue du mandat dont
il demande l'exécution. La mission ainsi définie comporte alors, en plus du mandat de
payer(1064) le vendeur conrre la remise des documents spécifiés, l'ordre particulier de
prendre, vis-à-vis du bénéficiaire, un engagement direct et personnel, sous la forme d'une
promesse unilatérale et irrévocable de réaliser le crédit aux conditions précisées dans
l'accréditif. Naturellement. l'acceptation d'une telle mission par le banquier ne peut qu'être
subordonnée, à titre de sûreté, disons, de garantie lndirecte(1065), à la stipulation, dans ses
relations avec le donneur d'ordre, de l'irréversibilité des instructions ainsi reçues(1066). Bien
(1064) Ce mm étant pris dans son acception juridique précise. V. supra, n'490. noie -10'.2..
11(65) Sur cette notion, v. M. Vasseur. Les garanties indirectes du banquier. rapport au colloque de Deauville des 13 el 14
juin 1981 sur l'évolution du droit des sûretés. Rev. jur. corn. n' spécial, fév. 1982.11)4 et s.
110661 Sur le principe de tette irréversibilité. v. par exemple. J. Hamel. note sous Casso req.26 janv. 1916, D.P. L926.1.201 et
s. (spécialement p.103).

378
que le banquier soit conduit, dans l'exécution de cet ordre particulier de son client, à agir en
nom propre, il ne fait aucun doute, et le vendeur lui-même en a conscience, que, ce faisant, il
intervient d'ordre et pour compte d'autrui.
501 - En réalité, le banquier qui accepte d'émettre un crédit documentaire agit toujours
au nom et pour le compte du donneur d'ordre, son client, quelle que soit la nature, irrévocable
ou non, de ce crédit. Il est vrai que l'opération étudiée implique, le plus souvent, une
ouverture de crédit consenne par le banquier à son client(1067), et qu'à ce titre, le banquier
intervient pour son propre compte, Mais il faut avoir à l'esprit qu'en la matière, c'est moins
l'origine des fonds affectés à l'opération projetée que l'objet du crédit sollicité, à savoir le
règlement de la deite d'autrui, qui importe. C'est en considérarion de cet objet et de son
caractère essentiel. en l'occurrence, que l'on est en droit d'affirmer que le banquier qui ouvre
un crédit documentaire, agit au nom et pour le compte du donneur d'ordre, si l'on néglige,
parce qu'étant accessoire, l'élément crédit de l'opération. Seulement. il faut préciser que dans
l'hypothèse d'un crédit irrévocable, le banquier est porteur, à vrai dire, de deux ordres
distincts: d'une part, celui, commun à tous les types de crédit documentaire (révocables ou
irrévocables), de notifier et de réaliser éventuellement le crédit. au nom et pour le compte du
donneur d'ordre; d'autre pan, celui, propre au seul crédit documentaire irrévocable, d'ajouter à
l'obligation' de payer pesant sur son client, sa promesse personnelle et irrévocable(1068). De
sorte qu'on peut dire qu'au moment de réaliser le crédit, ce sera à la fois au nom du elient et en
son nom personnel que le banquier s'exécutera,
11067) Les fonds peuvent d'ailleurs être fournis par le donneur d'ordre. quoiqu'assez rarement, en pratique. V. J, Ferronnjëre
~t E, de Chlllaz, Les opérations de banque précité n'&47. p.571.
(1068) Cette promesse du banquier é...oque une clause Je ducroire qui, en l'occurrence, serait stipulée en faveur du
bénéficiaire (et non pa~ en faveur du mandant comme c'est Je cas habituellement) et suppcnée par l'émetteur du crédit (sur la
conveuncn de ducroire, en général. et sur son incidence SUI les obligations du mandala ire qui y souscrit. v. Pb, PHe!, op. cir..
n'249 et s., p,161 et S,; sur le rapprochement de l'engagement de la banque créditrice avec un engagement ducroire, v, J,
Sloumet, Le crédit documentaire, Thèse Dijon 1955, Librairies Techniques, 1957,n'87,p.&9l Mais la garantie de paiement
qui en résulte pour le bénéficiaire du crédit, s'apparente. aussi, il faut bien le reconnaître, à une "garantie autonome", une
"gnrantie indépendante", que l'on définit généralement comme "IJ" engagemenl de payer une certaine somme, pris en
consiâëraüon d'lin CO/lIraI de base rI à Iilre de garantie de SOli exécution mais cOlISlilutlf d'une obligation indépendante du
conlraJ garllll/i el caractérisé par l'inopposabililé des exceptions tirées de ce con/far (Pb, Simler, Garanties autonomes,
juriscl. civil, App. An .2011 à ~041.fl'L adde n'40. V. également J. Slournet, Garantie bancaire internationale, Garantie à
première demande, juricl. Banque et CrédiL vol. l , Iasc.ôlû, n" et n·25).

379
502 - Ce dédoublement des qualités du banquier émetteur d'un crédit documentaire
semble avoir échappé à la plupart des auteufs(1069). A ce banquier est souvent déniée. en
doctrine. la qualité de mandataire, surtout dans le cadre du crédit documentaire irrévocable.
motif pris de ce que son intervention, en la matière considérée, repose sur une opération de
crédit et que. partant, "le banquier n'a pas agi comme représentant d'un mandant, mais il a
traité en son nom personnel cvec le tiers,,(1070). Monsieur Michel Vasseur, pour sa part,
estime. pour rejeter l'analyse du mandat. en l'occurrence, que "au cas de crédit documentaire,
le contrat conclu entre le donneur d'ordre et le banquier émetteur est tout à la fois un contrat,
par lequel le banquier s'engage à fournir certains services, et un contrat de crédit, par lequel
il
lui
promet
de prendre
d son profit
un engagement
personnel
de
payer
le
bénéficiaire'< 1071).
Agissant ainsi, tant en son nom personnel qu'en celui de son client(1072), le banquier
exécute indéniablement un mandat, dans lequel l'intérêt du mandant reste prédominant, en
tout état de cause. Pouvait-il d'ailleurs en être autrement, étant donné l'objet de l'intervention
du banquier en matière de crédit documentaire? Car, quand bien même l'engagement du
banquier à l'égard du bénéficiaire ait été voulu autonome, c'est à dire indépendant du marché
conclu entre le vendeur et l'acheteur,
pour des raisons évidentes de protection du
premie/ t07 3), il n'en demeure pas moins qu'en réalité, le paiement que promet le banquier
créditeur vise, fondamentalement, à éteindre la deite de l'acheteur envers le vendeur.
11(69) V. not. J. Stoumet, Enc. jur Dalloz, Rép. dr. com ..2è éd..v· Crédit cocumenruire.n'ô l el S. el 39 et s. D'après cet
auteur. du Iait du caractère direct de l'engagement souscrit par le banquier créditeur envers le bénéficiaire, le vendeur "ne se
borne pas à [aire valoir une créance appartenant au donneur d'ordre. sur le fondement d'un mandat" (n·)9). Celle assertion
mise à pact, la thèse du mandat n'est à aucun moment explorée par l'auteur. V. également M. Vasseur, cos. sur Peris 18 nov.
1983, O.198·n.R.267 et sur Trib. corn. Nancy 8 janv. 1988. D.1988,1.R.181.
(1070) J. Hamel. note sous Casso req. 26 janv. 1926. D.1926.1.20( el S., spécialement p.203. "olonne 2. Adde M:. Vasseur.
cbs. sur Casso corn. 5 juill. 1983. D.t984.LR.267; François Grue. Les contrats bancaires, LI. Les contrats de services.
Economica, 1990, n'332 et 334 p.302 et S.; Dominique Voise et François Meunier. juriscl. Droit des entreprises.
commercial. vol.v, v' Crédit documentaire, fasc.482, n'B.
(1071) M. Vasseur, 000. sur Trib. corn. Nancy. 8 janv. 1988. D.1988,I.R.l!l1.
(1072) Le régime juridique du mandat n'écarte pas cette possibilité, en effel. V. par ex .• 11 propos de [a possibilité pour un
époux de se porter caution, tant en son nom personnel qu'en vertu d'un mandat donné pur SOIl conjoint. Casso "jv.lère 22 nov.
1988. Bull. civ.,J.n·329.p.223; D.1989 som.289. nore L. Aynè.'o.
(1073) A propos de ceue technique de protection du créancier du client du banquier, dans le cadre des relations commerciales
intemuticnales, voire nationales, V. J.-L. Rives-Lange, Existe-t-il en droit français des engagements abstraits pris par le

380
503 - En définitive, on doit retenir, pour en revenir à l'idée énoncée au départ de ce
paragraphe. que l'impossibilité dans laquelle se trouve le demandeur d'un crédit irrévocable,
de modifier ou d'annuler ses instructions, lorsqu'elles ont été notifiées au bénéficiaire, ~e
révèle pas un affaiblissement de son autorité, en la matière considérée. Elle n'est. au contraire
que la manifestation des effets attachés aux. directives qu'il a données lui-même, en pleine
connaissance de cause. C'est dire donc que. dans te cadre d'un crédit documentaire, la
prédominance de la volonté du donneur d'ordre est réelle (du moins dans ses relations avec le
banquier émetteur), le crédit fût-il réputé irrévocable. Cela ne doit pas surprendre, puisque
c'est ce dernier que la réalisation du crédit engage véritablement.
Dans ces considérations se trouve, sans aucun doute, l'une des marques du mandat que
les juges ont décelé dans l'action du banquier émetteur d'un crédit documentaire. Mais. en la
matière étudiée, l'établissement du contact entre le banquier émetteur et le bénéficiaire
nécessite souvent le relais d'une ou de plusieurs autres banques. La nature des rapports qui se
créent entre les différentes banques intervenantes constitue, à nos yeux, la deuxième marque
du mandat que la jurisprudence relève dans la technique du crédit documentaire.
§ II. LA MARQUE DU MANDAT DANS LES RAPPORTS ENTRE BANQUES
INTERVENANTES.
504 - Si, d'une manière générale, l'émission d'un crédit documentaire est le fait d'une
banque du pays de l'acheteur (souvent même le banquier de l'acheteur), le crédit étant, à
l'opposé, utilisable auprès d'une banque du pays du vendeur. n'est pas exclue cependant. la
possibilité d'une telle émission par une banque du pays du vendeur. Dans ce dernier cas. le
banquier de l'acheteur joue le rôle d'un donneur d'ordre pour compte. Les rapports juridiques
qu'il entre Lient avec son client, donneur d'ordre. d'une pan, et avec le banquier donneur de
banquier, Banque 1985.902. L'auteur y déclare notamment que "pour donner plus de sëcuruë au cr/ancier t'I plus de force
contraignante à l'engagement du banquier ...it faut rompre le tien cal/saI qui unit l'engagemerü du banquier alU rapports de
riroil dom il est l'aboutissement la garantie ou le mode d'exécution". Selon cet auteur. l'abstraction est le moyen d'assurer
l'indépendance, I'anrcnorrue de l'engagement bancaire par rapport aux autres tiens de droit qui constituent l'ensemble
contractuel (p.903 n'), in Iine). V. également J,-L. Rives-Lange el M. Contamine- Raynaud, op. cit., n'670 et s. p,821 er s.

381
crédit (souvent le banquier du vendeur), d'autre part, ne peuvent que ressortir d'un contrat de
mandat(1074), Il ne fait aucun doute, en effet, qu'au regard du donneur d'ordre, le donneur
d'ordre pour compte ne joue que le rôle d'un chargé de mission. U doit, dans ce cadre,
communiquer à son correspondant étranger les directives propres à permettre l'ouverture du
crédit sollicité, dans les conditions exigées par le demandeur de crédit, maître de l'affaire. Par
la suite. il aura à transmettre à ce dernier, sans retard, les documents qui lui auraient été remis
par la banque donneur de crédit, pour le compte du donneur d'ordre. Vis-à-vis du donneur de
crédit, le donneur d'ordre pour compte apparaît, au contraire, comme un tiers, son rôle s'étant
borné à transmettre une demande de crédit (et les instructions y afférentes) au nom et pour le
compte d'autruP075).
505 . De même semblent être, a priori, tributaires de la théorie du mandat, les relations
qui naissent entre le banquier de l'acheteur, donneur de crédit, et les banques qu'il est conduit
à se substituer pour l'exécution de ses obligations. Car c'est bien l'exécution des obligations du
donneur de crédit qui est en cause, en l'occurrence. En matière de crédit documentaire, en
effet,
la personne qui, aux yeux de l'acheteur donneur d'ordre, est directement et
personnellement responsable du règlement à intervenir, c'est le donneur de crédit. Lui seul
s'est engagé contractuellement, vis-à-vis de l'acheteur, son client, à assumer l'opération. Bien
sûr. la possibilité du recours à une banque tierce n'a pu être raisonnablement écartée par les
parties, étant donné le caractère généralement international du règlement envisagé. Au
contraire, elle est souvent prévue expressément, et c'est quelquefois J'acheteur lui-même qui
désigne le banquier étranger auprès de qui le crédit doit être rendu utilisable(I076). Cela ne
(1074) Ce point est acquis depuis longtemps déjà en jurisprudence comme l'II doctrine. V. not, pour la jurisprudence, Trib
civ. Seine (référés) 7 juin 1949. D.1949.398. note G. Marais; R.T.D.Com. 1949.677. note è\\1aurice Schlogef Paris 22
ocl.!949, D.1949.61O; Casso corn. 30 mai 1956. Bull. ,iv"III.n·167,p.139; Casso corn. 19 fév. 1958. Bull. civ.,m,n·83,p.68;
Rappr. Casso corn. Il janv. 1960. Bull. civ..IlI.n'27.p.:!:! (3è moyen). Pour la doctrine, v. not. G, Marals, note sous Tlib. civ.
Seine 7 juin 1949 précité, D.1949.401; J. Sloumel. rép. dr. corn. précité. v· Crédit documentaire, n'51; Thèse précitée, n'l88
p.188 et n'217 p.207; Dominique Delse el François Meunier, crédit documentaire. jurisclas seur Droit des entreprises, droit
ccmmerctal, vol. 3, fasc.4Bl. n·5I.
(1075) v _not. Trib. civ, Seine 7 juin 1949 el Paris 22 ocl.1949 précités.
(10761 V. not. art. 8, 11·b et 20-h des Règles et Usanees Uniformes relatives aux Crédits Documentaires (R.U ,U.), révision
1983, publication Chambre de Commerce 1nternationa\\e.n'400. Egalement publiées au juriclasseur Banque el Crédit vol.Z,
Iasc.l OâL(voir infra annexes).

382
conduit pas, pour autant, à une modification des rapports existant encre le donneur d'ordre et
le donneur de crédit. Ce dernier assume, vis-à-vis du premier, la charge et la responsabilité de
l'opération, quelle que soit la modalité de mise en oeuvre choisie, De l'exécution correcte ~e
ses obligations dépend, en effet, le bien-fondé de la demande en remboursement qu'il va
adresser par la suite à son client, véritable maître de l'affaire.
506 . Mais, quoiqu'agissant de façon notoire pour le compte d'autrui, la banque
émettrice d'un crédit documentaire apparaît, dans ses relations avec les autres banques dont
elle sollicite le coneours. comme te seul donneur d'ordre. C'est qu'en ce domaine, pour des
raisons évidentes de sécurité(1077), Les banques souhaitent, généralement, lorsqu'elles ne
sont pas donneurs du crédit, n'avoir de rapports d'obligation qu'avec la banque émettrice (ou
une banque confirmatrice), cette dernière s'engageant, en contrepartie, à leur rembourser leurs
débours, augmentés de leurs commissions. Dès lors. c'est en principe sur l'invitation ou
l'autorisation de ta banque émettrice qu'une autre banque peut être amenée à participer à la
mise en place d'un crédit documentaire(1078). II en découle que la première conserve la
responsabilité et la direction de l'affaire confiée à son correspondant et que ce dernier en
répond devant elle. Ne doit-on pas admettre, dans ces conditions, qu'en matière de crédit
documentaire les banques intermédiaires agissent nécessairement pour le compte du banquier
émetteur? Si tel était effectivement le cas, ne pourrait-on affirmer, dans le même souffle, que
ces banques agissent toujours au nom du donneur de crédit?
507 - La réponse à ces questions semble devoir passer par l'analyse attentive des
différentes missions susceptibles d'échoir aUK banques intermédiaires, en la matière étudiée.
Or ces missions ne sont pas uniformes. Tantôt la banque intermédiaire est seulement chargée
de notifier le crédit et de le réaliser. éventuellement. Dans ce cas. agissant d'ordre d'un
confrère et ne prenant aucun engagement direct à l'égard du tiers bénéficiaire, elle ne peut
qu'être considérée comme agissant au nom et pour le compte du banquier émetteur du crédit.
ll077) Raisons tenant aussi bien à la solvabilité du donneur d'ordre qu'!\\. la ponctualité du remboursement du par celui-ci.
(1078) La confirmation du crédit peul cependant être donnée par une banque tierce. 11 la demande du bénéficiaire, en dehors
de toul accord de la banque émeunce. V. J. Sloumel, rép. dr. corn. précité. v' Crédit documentaire, n'53. Par- ailleurs. 'LIll
accréditif circulaire autorise toute benque 11 en effectuer le règlement.

383
Tantôt, au contraire. la banque intermédiaire est invitée, au delà de la notification et de la
réalisation précédemment évoquée, à ajouter sa confirmation à l'engagement de la première
banque. Dans ce deuxième cas, eUe prend un engagement direct et personnel envers le
bénéficiaire et l'on peut alors douter qu'elle réalise le crédit au nom du donneur de crédit, en
qualité de mandataire.
Pourtant
la
qualification
de
mandataire
décernée
en
doctrine(1079)
et
en
jurisprudence(1080) aux banques intermédiaires, en matière de crédit documentaire, ne prend
en compte aucune distinction fondée sur la portée du rôle qui leur est dévolu. La recherche
des fondements de cette qualification semble néanmoins, en conséquence des considérations
qui précèdent, devoir être menée, plus judicieusement, au travers d'une étude séparative des
rapports juridiques qu'entretient la banque émettrice du crédit avec la banque norificatrice
et/ou réalisatrice dudit crédit, d'une pan: (A), et avec la banque confirmatrice, d'autre part (B).
A.
LA
MARQUE
DU
MANDAT
DANS
LES
RAPPORTS
BANQUE
EMETTRICE·BANQUE NOTIFICATRICE ET/OU REALISATRICE.
508 . Notifier un crédit documentaire consiste, pour la banque correspondante de
l'émetteur du crédit, intervenant nécessairement sur l'invitation expresse de ce dernier, à
donner avis au bénéficiaire. du crédit qui a été ouvert à son profit. Cet avis prend, en pratique,
(1079) V. not. J. SIOUmel, rép. dr corn. précité. v' Crédit documentaire, n'49 er s.; J.·L, Rives-Lange el M. Centemlne-
Raynaud, op. cit., n'M5 p.801 et n'654 p.809; Samuel Ep!JCbleinet Charles Bonloux, réflexions sur le crédit documentaire
irrévocable non confirmé. Banque 1974.484 et s. passim et spécialement p.486 el 48Î; Crédits documentaires, règles
communes ou intérêts particuliers, Banque 1976.35 et 5.: André Farragl et J, Coty, crédit documentaire irrévocable, rôle de
la banque intermédiaire. Banque 1976.583 et s. (spécialement p.585); A. Farrilgi, Différence entre les crédits documentaires
irrévocables confirmés et non confirmés. Banque 1984.449 el s.
(10801 V. par ex., Trib. civ. Strasbourg \\4 déc. 1938, D.H. 1939 som.9 (banque norificamce el réalisatrice d'un crédit
irrévocable); Casso corn. 30 janv. 1956, Bull. civ.III,n'41,p.33 (banque noriûcmnce et réalisatrice d'un crédit irrévocable);
, Casso corn. J juin [957, Bull. civ ..IlI.n'180,p.!53 (idem); Cass. corn. 12 janv. 1959. Bull, civ..I1I,n'14,p.12 (banque
réalisatrice d'un crédit révocable): Paris 19 Iév. 1960, J.CP. 1960.II.l1698, obs. J. Stournel (banque ncnficatrice et
réalisatrice d'Un crédit irrévocable); Tnb. ecm. Paris 3 juill. 1969, Rev. jur. corn. 1969.306, note J. D. (banque ncuûcaœtce et
réalisatrice d'un crédit irrévocable); Cass. COUl. 22 ocl.1985. Bull. civ.,IV,n'244,p.105; D.l985,l.R.215, 000. M. vasseur:
Benque 1986.t 91 (banque confirrnatricc d'un crédit Irrévocable, implicuemenr): Paris 28 mai 1985, 0.1986.195 (2è espèce)
flote J, Sroutüer (banque cunfirmatnce d'un crédit irrévocable. à paiement différé); Trib. corn. Nancy 8 janv. 1988,
D.198&,I.R,181, obs. \\1, vasseur (banque notificatrice qualifiée par le Tribunal de mandataire substitué de la banque
émettrice du crédit documentaire}.

384
généralement, la forme d'un document (l'accréditif) que la banque notifieatrice fait parvenir
au bénéficiaire0 08 I) . Se bornant ainsi à transmettre les instructions qu'elle reçoit d'une
consoeur, sans prendre personnellement un engagement envers le destinataire de son actioh,
la banque notificatrice ne peut que passer pour un fondé de pouvoir, un mandataire agissant
pour le compte et au nom du donneur de crédit.
509 - On le voit, dans les rapports banque émettrice- banque notificamce, les
fondements de la qualification de mandat ne SOnt pas dissimulés. On comprend que sur ce
point la qualité de mandant du banquier émetteur d'un crédit documentaire ne soit pas
contestée, en jurisprudence comme en doctrine (l 082), du moins si l'on excepte l'opinion
divergente de monsieur Michel Vasseur, exprimée dans des observations à propos d'un
jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 8 janvier 1988(1083). Dans cette affaire,
une banque qui avait été désignée pour notifier un crédit documentaire avait manqué à son
obligation. Le Tribunal, saisi par l'acheteur. estima que la banque avait engagé sa
responsabilité, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et en tant que mandataire
substitué.
Commentant cette décision,
monsieur Vasseur écrit
notamment que
"la
quailficasion de mandat est absolument hors de propos, lorsqu'if s'agir de caractériser les
rapports emre banque émettrice et banque notiftcatrice. Pour qu'il y ait mandat, il faut que
l'objet de l'acttvité soit juridique". Or. poursuit l'auteur, "notifier, jouer un rôle de "facteur"
n'est pas accomplir un acte juridique. Il y a prestation de service rémunérée, mais il n'y a pas
mandat",
510 - L'opinion, ainsi émise par l'éminent professeur, n'emporte toutefois pas l'adhésion.
S'il est vrai, en effet. que notifier revient généralement à poner à la connaissance d'une
personne une décision donnée, il ne faut pas oublier qu'en ce qui concerne le crédit
documentaire, le rôle du banquier notificateur ne se limite pas à la simple transmission
uœn l'écrit notifiant l'ouverture de crédit peut n'être qu'un simple document établi sur la base d'informations reçues pat le
canal d'Un appareil de rëlérransmission, dès lors que le document ainsi transrms ne prévoit P'U l'expédition ultérieure d'une
lettre de confirmation. v. art.l2 des R.U.U.
11082) v _références citées supra n"507.
(1083) D.1988,I.R.181. Opinion 11. laquelle s'est railié monsieur F, Grua. V. Contrats bancaires, 1.1, Contrats de services,
Ecooomica 1990, p.:!.97, note n"5 el n·332. p.302.

385
d'informations au bénéficiaire. Il a également pour fonction d'authentifier le crédit qu'il
notifie(1084) et peut, en conséquence. être déclaré responsable de sa négligence Cl 0 85). Aussi
ne nous paraît-il pas juste d'affirmer que notifier un crédit documentaire équivaut à jouer un
simple rôle de "facteur", Une telle conception fait fi de ce que la notification figure au nombre
des obligations contractuelles du donneur de crédit. Celui-ci charge la banque notificatrice de
l'effectuer en ses lieu et place, c'est à dire en son nom et pour son compte(1086). Par ailleurs,
et surtout. la conception du professeur Vasseur ne prend pas en compte le fait que c'est de la
notification et, éventuellement, de la transmission de l'accréditif par la banque notificatrice,
que dépend la naissance du droit du bénéficiaire à l'encontre du donneur de crédit(1087).
Visant ainsi à créer un droit(1088) au profit du bénéficiaire, la notification d'un crédit
documentaire constitue nécessairement un acte juridique(1089). Par conséquent, c'est à bon
droit que l'on fait état d'un mandat, lorsque l'on cherche à qualifier le rôle du banquier
notificateur(1090). Celui-cl est, en effet, le mandataire de la banque émettrice, elle-même
mandataire du donneur d'ordre.
511 - Quant au verbe "réaliser", il évoque, dans le cadre d'un crédit documentaire, la
concrétisation du règlement promis à travers l'accréditif qui a été notifié au bénéficiaire. Cette
(1084) V. art.g des R.U.U.
(108S) V. J,-L, Rives-Lange fi ~_ Contamlne-Raynaud, op. cir. p.964,nOLe n"l . Y. toutefois, contra, Caprioli A Eric,
Evolution des SQurCfS el des utilisations du crédir documentaire dam If commerce international, Thèse droit, Nice 1990.
n'320, p.129: "DaI~~ le crédit documentaire classique. le banquier nolifica/eur reçoit le mandai de la banque ëmeunce
d'accepter des documents conformes el le plus sauvera de procéder au réglemera de la tenre de crédit, mais i/ n'engage en
aucun cas sa responsabilite ù l'égard du bénéficiaire".
(1086) V. an.8 des R.U.V.
(1087) Sur ce point. v. Cass. com.1D oct. 1953, S.1954.1.I11
è
(l
espèce), note P, Lescot; également J, Stoumet, rép. dr
corn. précité,v' Crédit documentaire. n'36.
(1088) Ou. éventuellement. à modifier. voire à éteindre un droit, dans les cas où c'est un amendement ou une décision
d'amendement qui csl notifié. Sur ces points, v. an.ç, 10·d et 12·d des R.U.U,
(1089) Tant il est vrai que "racle juridique est..soute manifestatior: de volonté faite par une ou plusieurs personnes avec
l'intention de créer, de modifier ou d'éteindre un droit". H. L, el J. Mazeaud, Leçons de droit civil, tome Lvol.I
(Introduction à l'étude du droit), Moruehréuen, 5è éd. n'258 p.294, Adde, Gérard Cornu, Vocabulaire juridique (ouvrage
collectif). P.U.l'. 1987 p,15 v' Acte.
(1090) Sur l'affirmation d'après laquelle le banquier notiûcateur est I~ mandataire de la banque apéritrice, v. J,-L, Rtves-
Lange el M. Contamine-Raynaud. op. cit.,n'719 p.964. SW" la confirmation de celte analyse au plan de la responsabilité du
banquier norificateur à l'égard du banquier émetteur ou du donneur d'ordre, v. infra n'528.

386
réalisation n'est donc rien d'autre que l'exécution de l'engagement bancaire souscrit dans
l'accréditif. Pour autant, on ne doit en conclure que la banque qui procède au règlement en
question acquitte une dette qui lui est propre. Elle a bien pu agir par représentation QU
véritable débiteur, sur la base d'un mandat. Aussi devient-il nécessaire, pour une juste
appréciation de la part prise par la banque réalisatrice dans le déroulement d'un crédit
documentaire, de déterminer le débiteur véritable de l'obligation bancaire constatée par
l'accréditif dont le bénéficiaire a eu notification. On est forcé d'admettre alors que c'est sur
l'émetteur que pèse ladite obligation(1091\\ de manière primordiale, sinon exclusive(1092).
De ce constat il résulte que la banque qui réalise un crédit le fait nécessairement au nom et
pour le compte de la banque émettrice, en qualité de mandataire(l093\\ celle-ci eût-elle
conflrmé ledit crédit, par ailleurs(1094). Dès lors, il apparaît de manière évidente qu'à
l'origine de la qualification de mandat, retenue par les juges et les auteurs, pour caractériser
1
les rapports banque émettrice-banque réalisatrice d'un crédit documentaire, se trouve,
1,,
incontestablement, l'idée que cette dernière acquitte une dette dont une autre banque (celte qui
,
a sollicité ou autorisé son intervention) est la véritable débitrice. La notification et la
réalisation d'un crédit documentaire relèvent donc, nécessairement. d'un mandat confié par la
banque donneur de crédit.
(1091) Du moins, en dernier ressert, au cas de confirmation du crédit par une autre banque. Encore que l'engagement de
chacune ces deux banques concernées soit autonome et principal au regard du bénéficiaire.
(1092) Il est vrai qu'au ces de confirmation du crédit, l'engagement de la banque confirmarrice, autonome, doit être considéré
comme étant de même nature que celui de la banque émettrice. V. J.-L. Rjves-Lange et M. Contemlne-Raynaud, op. cit.,
n'728. p,973. Celte donnée de pur droit n'arrive pas. cependant, à faire oublier qu'eu réalité, le banquier confirmaieur
intervient, généralement, ~ la demande du banquier émetteur, et s'engage en comptant sur la couverture que lui promet ce
dernier. Aussi bien, son engagemeu[ ne peut-il jamais qu'être supplémentaire 11 celui d'un premier banquier. lequel apparaît,
alors. comme le véritable débiteur du règlement envisagé par l'accréditif. Peut-on nier, dans ces conditions. que l'engagement
que prend le banquier confirmeteur est. 11 vrai dire, accessoire 11. celui du banquier émetteur, du moins, dans les relations entre
ces deux banquiers? Et comment ne pas admettre, en conséquence du raisonnement qui précède, qu'en réalité, III banque
!~
"
confirrnatrice agit pour le compte de la banque émettrice, quoiqu'inrervenanr en nom propre? En ce sens, v, J,-L. Rives-
Lange et :\\1, Conlamine.Raynaud,n'71& p.973. Ces auteurs estiment. en effet, que "fa banque intermidiaire, conjirm<JJrice
ou non, (réalise] le crédit en qualilé de mandauure de la banque cpémrice", En somme, les liens qui unissent la banque
conflrrnatrice et la banque émettrice d'un crédit documentaire s'avèrent de la même nature que ceux existant entre cette
dernière et le donneur d'erdre.
(10931 Dans le même sens, v. J.-L. Rives-Lange et M, Comamlne-Raynaud, op, cit., n'719, p,964; F, Grue. op. cit.,n'332,
p,301 et s.
(1094) Sur ce point. v, inlru, n'513. Ruppr. infra n'529 el s. AddeJ.-L, Rives-Lange el M. Contamlne-Raynaud, op, cil.,
0'728 p.973.

387
Mais l'idée, précédemment avancée. selon laquelle la banque qui réalise un crédit
documentaire acquiue la dette d'autrui. demeure valable, même lorsque cet acte est le fait
d'une banque qui a confirmé ledit crédit. La nature des rapports banque-émettrice-banque
confmnatrice devrait logiquement en porter la marque.
B.
LA
MARQUE
DU
MANDAT,
DANS
LES
RAPPORTS
BANQUE
EMETTRICE-BANQUE CONFIRMATRICE.
512 ~ Confirmer un crédit documentaire revient. pour la banque invitée à cet
effet(1095), à prendre, vis-à-vis du destinataire d'un accréditif irrévocable, de façon
autonome. l'engagement supplémentaire, ferme ct irrévocable de réaliser le crédit en cause
aux conditions spécifiées par le donneur de crédit. On pourrait, a priori, mettant l'accent sur
les caractères autonome, personnel et direct de l'obligation du banquier ccnfirmateur, lui
dénier la qualité de mandataire du donneur de crédit. Cette analyse n'a d'ailleurs pas manqué
de trouver des tenants en jurisprudence(1096) et en doctrine(1097). Monsieur Michel
Vasseur. par exemple, refuse au banquier conflrmateur la qualité de mandataire, en précisant
que "les rapports entre banque émettrice et banque confirmatrice sont faits d'un contrat par
lequel fa banque corfirmatrice accepte de fournir certains services à la banque émettrice
(notification, etc) et d'un contrat de crédit par lequel elle lui promet de prendre à son tour
envers le bénéficiaire lln engagement autonome par rapport à rengagement pris par la
banque émettrice". Mais peut-on vraiment nier qu'en dépit du caractère autonome de
rengagement du banquier confinnateur, ce dernier, dont l'obligation est nécessairement
(1095) Son par la banque émettrice, soir, plus exepticnnellernent. par le bénéficiaire du crédit, traitant directement avec la
banque pressentie par lui peur la confirmation.
(1096) V.• par ex., Paris 18 nov. 1983, D.l984,I.R.267, obs. M. vasseur: la Cour, réfutant la thèse selon laquelle il existerait
un mandat eu Ire Je banquier émetteur elle banquier confirrnareur, juge, quant 11 elle. que "le banquier corfirmateur ell ievesti
par le banquier émeneur d'une simple délégaticm de paiement", Pour elle. en effet, "la confi,maJiO'l n'est qlU'! l'irulrumenr du
crédit el n'a d'wllrefinalilé qu'une garantie supplémeruaire de paiement donnée au bélli/iciairr'". V. également. sur pourvoi,
Casso corn. 22 OCt. 1985, Bull. civ .,IV, u'244, p.20.'i; D.1985.LR.215. obs. "\\1. Vasseur; Banque 1986.191.
(llJ97) V. M, Vasseur, obs. sur Casso corn. 22 oct. 1985 précité. D.1985,I.R.215; également F, Grua, op. cil.,n'3j4 p.303.

388
tributaire de celle du donneur de crédit(I098) (et donc accessoire à celle-ci), ne promet, au
fond, rien d'autre que le paiement de la dette de ce dernier? Qu'est-ce à dire, sinon que,
fondamentalement, la réalisation de tout crédit documentaire (confirmé ou non) incombe, (lu
premier chef, à la banque qui l'a émis? C'est, du reste, fort de la couverture promise par cette
dernière banque que le banquier ccnfirmateur accepte de s'engager envers le bénéficiaire.
513 - Il faut le savoir, rengagement personnel ainsi pris par le banquier confirmateur
n'est nullement exclusif d'un mandat. li est en effet parfaitement possible à un mandataire de
souscrire. en nom propre, au besoin à la demande du mandant, une obligation envers les tiers
auprès de qui il doit remplir sa mission(1099). Il n'en perd pas pour autant sa qualité de
mandataire, dans ses rapports avec son mandant. On ne voit pas pour quelle raison il n'en irait
pas de même pour le banquier confirmateur. Le banquier donneur de crédit est en réalité. dans
ses rapports avec la banque confirmarrice, un donneur d'ordre, un mandant, tenu. de ce fait. au
remboursement des frais et avances de son chargé de mission ct au paiement de ses
commissions(llOO) .
514 - En y regardant de plus près, on s'aperçoit d'ailleurs qu'une banque qui accepte de
confirmer un crédit documentaire. à l'invitation de l'émetteur, se voit ainsi chargée. par ce
dernier, de deux missions distinctes(l101) mais intimement liées: celle de notifier et de
réaliser, éventuellement, ledit crédit, d'une part, et celle d'ajouter à l'obligation initiale du
donneur de crédit, sa promesse personnelle ct irrévocable(1102), Etant entendu que la
(l098) Celte affirrnuuon semble contredite, ~ priori, par le caractère autonome de l'engugerneru du banquier confirrnateur
(rapprocher, pour h. même raisonnement, en matière de garantie il première demande, J.-L. Rives-Lange et M. Conlamine-
Raynaud, op. cir., n'672 p.824, ces auteurs allant Jusqu'à affirmer que "l'ellgagemel1l du banquier dt:JIIS la garantje
illdépendaroe est de même nQlure que d(JlJS le crédit documentaire irrévocable"], Sa rectitude devient évidente, toutefois,
lorsqu'on l'envisage sous l'angle des rapports banque émettrice-banque ccnfirmatrice. De ce point de vue, l'autonomie n'a
aucune raison d'être, en effet.
(1099) Rappr. infra n'S44 (in Iine) el références citées.
(llOO) Il faut préciser, toutefois, que la confirmation d'un crédit documentaire peut être donnée à l'initiative du bénéficiaire
traitant directement avec 13 banque confirrnairice. Dans ce cas, la banque confirmatrice prend un risque personnel auquel
l'émetteur du crédit rem'. étranger. Encore que dans un tel cas, le caractère irrévocable de J'engagement du premier banquier
rende ce risque presqu'inexisraru.
1110l) Rapprocher supra n'SOL
(1102) Promesse qui apparaît comme détachée volontairement de sa cause (à savoir le mandat donné par la banque émeurice)
par les parties, pour les besoins d'une meilleure protection du bénéficiaire, par le jeu de la règle de l'inopposabilité des

389
deuxième de ces missions, nécessairement accessoire à la première. a pour but principal de
donner tous apaisements au bénéficiaire. quant à la certitude du règlement envisagé, par la
promesse faite en nom propre par la banque chargée de la réalisation du crédit documentaire.
Cette promesse s'apparente, en quelque sorte, à un engagement de ducroire qui. en
l'occurrence. serait contracté par le mandataire, à l'égard du tiers à la relation de mandat. et
non peint vis-à-vis du mandant, comme à l'accoutumée(l103). On peut donc dire que c'est, à
la fois. en son nom propre et au nom du banquier donneur de crédit, que le banquier
confmnateur réalise le crédit Et de fait, le règlement qu'il promet, tend à assurer un double
paiement(l104): le paiement de sa propre dette, découlant de la confirmation. d'une pan. mais
aussi el surtout(llOS\\ le paiement de la dette du donneur de crédit. telle qu'elle résulte de
l'accréditif qui a fait l'objet de la confirmation, d'autre part.
515 - La marque du mandat dont est porteuse la banque confirmatrice d'un crédit
documentaire se trouve. on l'aura compris. dans cette donnée de fait que la dette dont le
règlement futur lui incombe est, au fond, celle du donneur de crédit. pour le compte de qui
elle intervient. en réalité. Et ce, même si, par ailleurs, elle s'est engagée personnellement à la
régler. sur la base des previsions de l'accréditif notifié au bénéficiaire.
En somme, les constructions subtiles et abstraites. visant à dissocier les actions des
banques intermédiaires des instructions de l'acheteur, demandeur du crédit, ne parviennent
pas à faire oublier que c'est, en réalité, pour le compte de ce dernier que la mise en place et le
règlement du crédit doivent intervenir. Cela est vrai. quelle que soit la qualité de la banque à
qui ce règlement est confié. Il en est ainsi, particulièrement, lorsqu'est en cause l'action du
exceptions s'al\\acham eux engagements abstraits. Sur cette notion et ses applications et Implications. v. J.-L. Rives-Lange.
Existe-t-il en droit français des engagement! abstraits pris par le banquier? Banque 198.5S02. spécialement nO" 3 et 18.
(110J) Sur le rapprochement de l'engagement de la banque créditrice avec un ~ngllgemenl ducroire. '1. J_ Sloumet, Le crédit
documentaire, Thèse. Dijon 19.5.5, Librairies Techniques, 1957. n"87 p.89. Y. cependant. supra n"501, dernière noie. Sur le
ducroire concé par le banquier. en général. V. J. Ferronnière et E, de CbiUaz. op. cil.. 6è éd.(l980) par Jean Pierre Paty.
n°.411 p.175 et s. el n'467 et s. pA24 Cl s.
(1104) Ce mol étant pris dans son acception technique.
(1105) No.lç d,sonç qu'il y 3. palement de la dene du donneur <.le crédit, surtout, parce qu'une opér auon de crédit documentaire
repose tout entière sur l'accréditif émis par celui-ci, quoi qu'on dise. Tant et si bien que l'émetteur de cet accréditif fait figure.
au fond, de seul et véritable débiteur. Cela, d'autant plus que l'engagement éventuel d'un banquier ccnfirmateur n'est pas
envisageable en dehors dune couverture. d'une obligation de remboursement assumée par le donnew- de crédit.

390
donneur de crédit lui-même. Dans un tel cas, la prédominance des intérêts du donneur d'ordre
est évidente et justifie, logiquement. la qualité de mandataire attribuée au banquier
créditeur(1106). Mais, concernant les actes des banques intermédiaires, les intérêts du
donneur d'ordre semblent s'effacer derrière ceux du donneur de crédit. lesquels passent alors
au premier plan. C'est un fait, pourtant, que l'action des banques intermédiaires entre.
indéniablement, dans le champ des actes découlant de la mission confiée par le demandeur du
crédit à son banquier, donneur du crédit. Celles-ci pourraient. en conséquence, passer pour
des mandataires substitués, agissant, en réalité. pour le compte du demandeur de crédit.
mandant originel.
516 - Seulement. la substitution de mandat suppose que te substitué ait eu conscience de
sa qualité réelle, mieux, qu'il l'ait admise. Elle suppose en outre que le substitué ait également
accepté les conséquences qui en découlent pour lui, à savoir la création de liens de droit
directs avec le mandant originel, et l'absence d'engagement du substituant à son égard (1107).
Or c'est précisément pour éluder ces conséquences, peu sécurisantes pour elles, que les
banques intermédiaires entendent, généralement, en matière de crédit documentaire. n'avoir
de rapports d'obligation qu'avec leur consoeur émettrice du crédit. Aussi doit-on retenir. en
définitive, .que c'est seulement pour le compte du banquier émetteur que les banques
intermédiaires interviennent dans le cadre de l'opération analysée.
517 ~ Quoi qu'il en soit. le régime juridique du crédit documentaire reste, malgré tout.
profondément marqué par la réalité qui lui sen d'assise. C'est ainsi qu'en dépit des abstractions
juridiques qui y ont été introduites, à l'effet d'affirmer l'autonomie des engagements pris par
les banques qui interviennent, en la matière, transparaît toujours, pour l'interprète. la nette
conscience (que partagent. du reste. les praticiens) de ce que la banque émettrice a en charge,
à titre principal, les intérêts de son client, demandeur du crédit. Cela se ressent. non seulement
au stade de l'ouvenure du crédit comme il vient d'être montré, mais, également. à celui de la
(1106) V supra n'496 et s.
(1107) V. R, Rodlëre, rép. dr. civ. précité, v' Mandat, n'217 er s.

391
mise en oeuvre des prévisions de l'accréditif émis; autrement dit, au stade de la réalisation du
crédit.
SECTION Il. LES
MANIFESTATIONS
DU MANDAT, AU STADE DE
L'EXECUTION DE L'ACCREDITIF.
518 - Au stade de la mise en application des dispositions de l'accréditif dont la
notification prouve l'ouverture d'un crédit documentaire, au profit d'un commerçant donné, la
qualification de mandat retenue par les juges, en la matière. semble reposer, essentiellement,
sur deux éléments: d'une part la condition juridique de la banque émettrice vis-à-vis des autres
acteurs du mécanisme (sous-section 1). et, d'autre part.Timportance des risques assumés par le
donneur d'ordre (sous-section II).
SOUS·SECTION I. LE MANDAT TRANSPARAIT DANS LA CONDITION
JURIDIQUE DE LA BANQUE EMETTRICE.
519 - Opération de caractère triangulaire par essence, le contrat de mandat, on le sait,
met en scène trois personnes au moins. Parmi celles-ci, seuls le mandant et le mandataire
supportent des obligations, de ce chef. Ces obligations, ainsi que leurs sanctions, ne peuvent
manquer de traduire les particularités du contrat qui les engendre. Aussi est-ce à travers les
obligations et la responsabilité, et des banques intervenantes, et du donneur d'ordre, que L'on
devrait retrouver, au stade de l'exécution du crédit documentaire. les manifestations des traits
caractéristiques du mandat que l'on pense exister. en la matière.
520 ~ En matière de crédit documentaire, la banque éruenrlce se trouve au centre de tout
le mécanisme dont elle assure, sous sa responsabilité, la conduite. Mais le rôle directeur de la
banque émettrice ne se justifie, en réalité, que par les pouvoirs qu'elle tient de son client,
donneur d'ordre. C'est donc envers ce dernier que ses obligations sont les plus importantes (§
1). Sa mission peut, certes, lui imposer des obligations vis-à-vis d'autres personnes, à savoir
les banques qui ont concouru à la réalisation de l'opération, en qualité d'intermédiaires, et, au

392
cas de stipulation de l'irrévocabilité du crédit, le bénéficiaire. Mais ces obligations. assumées
directement envers des personnes autres que le donneur d'ordre. sont, à vrai dire,
accessoires(l108) (§ Il).
§ I.
LA
PREPONDERANCE DES
OBLIGATIONS ASSUMEES PAR LA
BANQUE EMETTRICE DU CREDIT ENVERS LE DONNEUR D'ORDRE.
521 - L'objet de tout crédit documentaire étant de régler, auprès d'une tierce personne, la
dette d'autrui, c'est. tout naturellement, envers le débiteur du règlement, que le salyens doit
répondre de son acte. Etant donné que ce dernier reçoit, préalablement. par contrat. le pouvoir
d'intervenir, son action ne peut qu'être perçue comme provenant d'un mandat. Il en découle
alors, pour lui, deux séries d'obligations; les unes à l'égard de son cocontractant, les autres, de
nature délictuelle, à l'égard des tiers.
522 . Au plan contractuel, la banque assume, à l'égard du donneur d'ordre, les deux
types d'obligation qui pèsent sur tout mandataire:
D'une pari, une obligation déterminée d'exécuter le contrat conclu, sous peine de voir sa
responsabilité engagée sur la seule base du refus qu'il aura opposé au tiers(1109\\ la preuve de
la force
majeure
ou
d'une
fraude
du
bénéficiaire pouvant,
seules,
l'en
exonérer,
éventuellement. A ce titre, incombe à la banque émettrice l'obligation, non seulement
d'effectuer le règlement prornis Cl1 lO) mais, également, de respecter scrupuleusement les
(1108) V. supra n'499 el s.
(1109) Ce refus d'exécution pouvant aUSSI être le Iait générateur d'une responsabilité délicruelle vis-a-vis des tiers, le
bénéficiaire, spécialement. On peul se demander, toutefois, si celle responsabilité délictuelle s'appuyant H1r le droit commun
de la responsabilité civile et, spécialement, sur le principe de l'opposabili~ des contrats pnr les tiers, n'est pas écartée en
mBlihe de crédit document.aire. L'art.ê des R.U.U. ne dispose-t-il pas, en effet. que "le bén.éfiâaire d'Ut! crédit Ile peut t'ri
aucun cas se prévaloir des rapports corüraciuels existant en/re les banques ou enlte le donneur d'ordre el la banque
émeurice"':'
M"is, un.. cho.e est de se pr6valoir <fun coauat, c'est 1l. dire d'en revendiquer les effets, une autre est d'invoquer la
violation de ce contrat en Hill! que fair générateur d'une responsabilité délicruele, sur le fondement de l'art. 1382 C. civ. Or on
peut douter, en ce qUI ecncerne cette dernière responsabilité, de III capacité des parties à un contrat, à l'écarter.
(UIO) Au besoin sur ses propres fonds. Ce qui est géuéralement lc cas.

394
voir sa responsabilité contractuelle invoquée. La réparation qui pourrait en résulter doit,
logiquement, prendre la terme d'une condamnation au versement de dommages-intérêts
compensatoires, au profit du donneur d'ordre. A ce propos, doit être signalée. toutefois. une
particularité de la sanction de l'exécution irrégulière des obligations découlant d'un crédit
documentaire. Concurremment à l'action en dommages- intérêts, existe, en effet. pour le
donneur d'ordre non satisfait de la prestation de son chargé de mission, la faculté de rejeter les
documents levés irrégulièrement, et ainsi, de laisser pour compte. au banquier, la marchandise
en cau,e(l1 17).
Ayant fait l'inventaire des obligations dérivant, pour le banquier émetteur, de la
convention conclue avec le donneur d'ordre, on ne peut manquer de constater que, dans le
champ de cette convention, entre l'essentiel des actes constitutifs du mécanisme du crédit
documentaire, et que ces actes n'interviennent qu'à la demande et conformément aux
instructions du donneur d'ordre, ainsi que l'affirme expressément l'article 2 des règles et
usances uniformes relatives aux crédits documentaires (RU.U.), D'après ce texte, en effet, le
banqu ier émetteur d'un crédit documentaire agir "à la demande et sur instructions d'un client
(le donneur d'ordre)", conformément aux conditions fixées par ce dernier. De ce texte il
ressort incontestablement que le banquier émetteur intervient sinon au nom, du moins pour le
compte du donneur d'ordre. Cela explique que celui-ci supporte, en retour, l'obligation, une
fois le crédit réalisé, de rembourser à l'émetteur du crédit, toutes les sommes que ce dernier a
déboursées pour son compte, et de lui payer, en plus, les eommissions convenues; ces
remboursement et paiement étant, toutefois, subordonnés à l'exécution correcte de la mission.
524 - De tous les développements qui précèdent, se dégagent, assez nettement, les
signes d'Un ascendant certain du donneur d'ordre sur le banquier émetteur, au plan de
I'cxécurion d'un crédit documentaire, Il apparaît assez clairement, en effet. que le donneur
d'ordre est, sinon J'unique, du moins, le principal créancier des obligations assumées par le
banquier émetteur, en la matière qui nous occupe. Il n'est donc pas surprenant que les
obligations que supporte cc dernier, à l'égard du premier, soient prépondérantes, dans le cadre
(1117) Sur ces points. v. J. Stoumel. rép. de. COIll. précité, v' Crédit documentaire, n'119; juriclnsseur Banque et Crédit,
VQL2, fasd080 n"l02 er s.

395
de l'opération étudiée. Par là-même, se trouve confirmée l'idée d'après laquelle le banquier qui
Ouvre un crédit documentaire, se met, avant tout, au service de son client, débiteur du
règlement objet dudit crédit.
Dès lors, la part prise a11 sein du mécanisme du crédit documentaire, par des personnes
autres que le donneur de crédit (débiteur principal des actes qu'appelle J'ouverture de crédit),
et le donneur d'ordre (créancier principal desdits actes), ne peut qu'être accessoire.
§ II. LE CARACTERE ACCESSOIRE DES OBLIGATIONS ASSUMEES PAR
LA
BANQUE
EMETTRICE
ENVERS
LES
TIERS
A
LA
CONVENTION
D'OUVERTURE DU CREDIT DOCUMENTAIRE.
525 - Les personnes qui, quoique tiers à la convention d'ouverture de crédit
documentaire, sont appelées à intervenir dans son exécution, Je font, généralement, à deux
titres différents: d'une part, pour les banques correspondantes, en tant qu'intermédiaires du
donneur de crédit; d'autre pan, pour le créancier du demandeur de crédit, en qualité de
bénéficiaire. A l'égard des uns (A) comme de l'autre (B), le banquier donneur de crédit peut
être débiteur d'obligations contractées à l'occasion de l'exécution de sa mission. Toutefois.
celles-ci doivent être regardées comme accessoires, se situant en marge de la convention
(centrale) d'ouverture de crédit.
A. LES
OBLIGATIONS
ET
LA RESPONSABILITE
ASSUMEES PAR
L'EMETTEUR
D'UN
CREDIT
DOCUMENTAIRE
ENVERS
LES
BANQUES
INTERMEDIAIRES.
526 - D'après les articles 9-b et j l-d des règles et usances uniformes relatives aux
crédits documentaires (R.U.U.), la banque émettrice qui invite ou autorise une autre banque à
réaliser le crédit qu'elle a ouvert s'engage à rembourser cette banque du paiement qu'elle aura
effectué.

396
De fait. te remboursement des débours constitue, avec le paiement des commissions
d'usage.
les
principales
obligations que supporte
le
banquier émetteur d'un
crédit
documentaire, à l'égard des correspondants qu'il a pu solliciter pour l'exécution du crédit. Ces
obligations n'étant que la contrepartie d'une action entreprise pour son compte. par ses
correspondants, le banquier émetteur apparaît, sous ce rapport, comme un mandant. Cela n'est
pas, en soi, contradictoire avec la qualité de mandataire qu'il a. par ailleurs, à l'égard du
donneur d'ordre. Le régime juridique du mandat admet, en effet. la substitution de mandat.
Seulement, le substituant doit. d'après l'article 1994 du Code civil, répondre du substitué,
d'une part, quand il n'a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu'un, et, d'autre part, quand
ce pouvoir lui a été confié sans désignation d'une personne, et que celle qu'il a choisie était
notoirement incapable ou insolvable(1118).
527 - Appliqué au banquier émetteur, l'article 1994 du Code civil conduirait à le
déclarer non responsable des actes de ses correspondants, dans la mesure où la technique du
crédit documentaire compone, en elle-même, la possibilité du recours à une ou plusieurs
banques intermédiaires. On aurait pu songer à expliquer ainsi le texte de J'article 20 des
R.U.U. Celui-ci dispose. en effet, que "les banques utilisant les services d'une autre banque
ou d'autres banques pour donner suite aux instructions du donneur d'ordre le font pour le
compte et aux risques de ce donneur d'ordre" (an.20-a); ou encore que "les banques
n'assument aucune responsabilité au cas où les instructions Qu'elles transmettraient Ile
seraient pas suivies, même si elles ont pris l'initiative du choix de cette autre ou de ces autres
banques" (art.20-b).
528 . Mais, la thèse de la substitution de mandat Qui se dégage ainsi, en filigrane. des
prévisions de l'article 20 (des R.U.U.) précité. est pourtant repoussée par certains tribunaux,
qui jugent qu'aucun lien de droit n'existe, dans te cadre d'un crédit documentaire, entre le
donneur d'ordre et les banques intermédiaires sollicitées par la banque émettrice (1 119). Cette
lI118) Sur les conditions et sur les effets de la scbstituuon de mandat. v. par ex. Ph. le Tourneau. rép. dr. civ., v' Mandai
(1992) précité, n' s 207 ets. ct 212 er s.
(1119) V, par ex. Paris 18 nov.1983, D.l984,l.R.267. obs. M. vasseur. et sur pourvoi, Casso corn. 22 ocl.198~, Bull.
civ.,rV.n'244,p,205; D.1986,I.R.2IS, cbs. M, Vasseur; Banque [986.191, obs. J,.L, Rives-Lange.

397
jurisprudence peut paraître défendable. lorsqu'elle est appliquée à la réalisation du crédit par
une banque confirmatrice, en raison du caractère autonome de l'engagement de celle-ci. Ce
qui peut autoriser des doutes quant à la qualité de mandataire du banquier émetteur(1l20).
Elle ne l'est plus du tout, en revanche, lorsqu'est en cause La condition juridique d'une banque
notificatrice ou d'une banque réalisatrice. L'une et l'autre sont, cela est incontestable. des
mandataires du banquier émetteur, lui-même mandataire du donneur d'ordre. La conclusion
qui en découle est que le banquier notificateur ou réalisateur est, bel et bien, un sous-
mandataire, un mandataire substitué, par rapport au banquier émetteur. C'est ce qu'a décidé, à
juste titre, le Tribunal de commerce de Nancy, dans le jugement, précité, du 8 janvier
1988(1121). Pour le tribunal, en effet. la banque qui, alors qu'elle a été sollicitée par la banque
émettrice d'un crédit documentaire, pour notifier ledit crédit au bénéficiaire, s'est abstenue d'y
procéder, engage sa responsabilité, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (envers le
bénéficiaire), et en tant que mandataire substitué (à l'égard de l'acheteur, donneur d'ordre).
529 - La même solution devrait prévaloir, à notre avis, dans les rapports donneur
d'ordre-banque confirmatrice. l'engagement personnel résultant de la confirmation ne
produisant ses effets, réellement, qu'à l'égard du bénéficiaire. Si, ainsi qu'il a été déjà montré,
la confirmation d'un crédit documentaire laisse subsister la relation de mandat existant entre
le donneur de crédit et son correspondant chargé d'en assurer la notification et la
réalisation(l122\\ on ne peut qu'attribuer, à ce dernier, la qualité de mandataire substitué. Du
moins, tant que sont en question les rapports de celui-ci avec la banque émettrice, voire avec
le donneur d'ordre initial. Car, dans le cadre de ces rapports, l'autonomie de l'engagement du
banquier confirmateur ne trouve aucune utilité et, partant, aucune justification valable. On ne
voit pas, en effet, contre quel risque cette autonomie aurait pour fonction de fournir une
protection. Aussi est-ce à tort, pensons-nous, que la Chambre commerciale de la Cour de
cassation a, sur cette base, refusé d'admettre que le donneur d'ordre pouvait, sur le fondement
(1120) Sur ce point, v. supra n'51:!. Encore que ce'. engagement personne! découlant de la ccnîirmaticn du crédit ne soil pes
forcément exelusif d'un mandat. SUr ce point, v. supra, n0513 et infra, n' 543 us,
(1121) V. supra n·S09.
(1122) V. supra n051:! et s.

398
de l'article 1994 du Code civil, agrr en responsabilité, directement contre la banque
coufirmatrlce d'un crédit docurnentaire(l123).
530 ~ Dans cette espèce, le donneur d'ordre d'un crédit documentaire réclamait d&;s
dommages-intérêts à la banque confirmatrice à qui il reprochait la "faute professionnelle"
d'avoir effectué le paiement. sur présentation d'un connaissement irrégulier. La Cour d'appel
de Paris(1124) avait déclaré l'action irrecevable, en raison de l'inexistence d'un lien de droit
entre la banque confirmatrice et l'appelant. Ce que contestait ce dernier, à travers un pourvoi
en cassation. U s'appuyait. pour cela. sur un raisonnement on ne peut plus logique. La banque
confirmatrice, à ses yeux, était ta mandataire de (a banque émettrice. Or la banque émettrice
est, elle-même, liée par un mandat portant sur le même objet. Il s'en déduit, nécessairement,
soutenait l'auteur du pourvoi, que la banque confirmatrice est une sous-mandataire, soumise
comme telle, à l'action directe du mandant originel. Cela sur le fondement, non seulement de
l'article 1994 du Code civil, mais également de l'article 12 des R.U.U.(1125).
531 - La Cour de cassation n'a pas admis le raisonnement. Elle s'est contentée, pour le
rejeter, de relever, de façon assez imprécise, que la Cour d'appel "n'a pas cONstaté que la
banque émettrice s'était substituée la banque confirmatrice pour exécuter un mandat donné
par M. Djituo", mais, qu'au contraire. la banque émettrice "n'a eu recours à un correspondant
que pour la réalisation de l'opération et n'a utilisé ses services qu'aux fins de notification du
crédit accordé, confirmation et paiement", Ce faisant, la Cour d'appel a mis en évidence
"l'indépendance des rapports de droit existant entre, d'une part donneur d'ordre et banque
émettrice et, d'autre part. banque émettrice et banque confirmatrice", Et la Cour de cassation
de déclarer que la Cour d'appel a pu décider, en conséquence de tout ce qui précède, que "M,
Djitao, qui était sans lien de droit avec la banque corfirmatrlce, était irrecevable en Son
action directe dirigée contre celle-ci".
(1123) V, Cass. corn. 22 oct. 1985, BulL civ.,IV,n'244,p,105; D.1986,I.R.215, cbs. M, Vasseur; Banque 1986.191. obs. J,-L.
Rives-Lange: adde Ch, Gavalda el J, Sloumet; J.c.P. 1986.1.3265, n' L02.
(1124) Paris 18 nov. 1983, D.I984,LR.267, obs. M, vasseur.
(1125) A cel art.12 des R.U.V. (révision 1974) correspond aujourd'hui, l'an.20 (révision 1983).

399
Comment ne pas rester sceptique devant les motifs avancés pour caractériser
l'indépendance des rapports de droit donneur d'ordre-banque émettrice, d'une part. et banque
émettrice-banque confirmatrice. d'autre part? Qu'est-ce à dire que d'affirmer ainsi que la
banque émettrice n'a recours à un correspondant que pour la réalisation du crédit et,
notamment, pour la notification, la confirmation et le paiement? Voudrait-on nier par là, la
relation de mandat existant entre la banque émettrice et la banque conflrmatrice? Ou bien a-t-
on seulement voulu insinuer que cette dernière n'a pas été invitée à intervenir sur la base d'un
sous-mandat, mais, au contraire. dans le cadre d'une relation de mandat ave<,: la première,
volontairement dissociée
(pour des besoins de protection de
la personne sollicitée,
notamment) des relations banque émettrice-donneur d'ordre(1l26)? La négation de l'existence
de liens de droit entre le donneur d'ordre et la banque intermédiaire ne pourrait même pas
trouver une justification dans l'engagement personnel que prend la banque confirmatrice,
puisque la solution dégagée semble valoir également pour les hypothèses où le correspondant
sollicité n'a pas confirmé le crédit, par ailleurs. Les motifs de l'arrêt ne limitent pas, en effet,
la solution retenue au seul cas de confirmation. Ils précisent, au contraire, dans une formule
très générale, que la banque émettrice "n'a eu recours d un correspondant que pour la
réalisation de l'opération...", Ce qui, pour les juges, revient à dire que la banque émettrice n'a
utilisé les services de la banque intermédiaire "qu'aux fins de notification du crédit accordé.
confirmation et paiemellt,,(1127).
532 - Partant de cette dernière considération, et partant du fait que l'on ne peut nier la
relation de mandat existant, à tout le moins, entre la banque émettrice d'un crédit
documentaire et le correspondant qui en assure la notification et/ou la réalisation, on ne peut
déduire, de l'arrêt évoqué, qu'une seule interprétation: en matière de crédit documentaire, les
liens de droit qui se tissent entre les banques intervenantes se veulent indépendants (sur la
base de la commune intention des parties contractantes) des rapports juridiques que peuvent
nouer ces banques avec leurs clients respectifs. L'efficacité de la couverture promise par les
(1126) Sur ce point. v. supra r1"5<J6.
(1121) Dans le même sens. v. Ch. Gavalde et J. Stoutüet. chronique de droit bancaire, J 'c'P.1986.L3:?:65. n'102, in fine.

400
banques, en contrepartie des ordres qu'elles donnent à leurs correspondants, est à ce
prix(l128). La conséquence en est, sur le plan des différents mandats qui peuvent se succéder,
en vue de l'exécution des prévisions de l'accréditif. que eeux-ci doivent être perçus comme
étant autonomes les uns par rapport aux autres. D'où le rejet, en la matière ecnsidérée, de
route idée de substitution de mandat(I 129)(1130).
533 - Quoi qu'il en soit, les obligations et la responsabilité qu'assume la banque
émettrice d'un crédit documentaire, à l'égard des banques intermédiaires qu'elle invite (ou
autorise) à prendre part au déroulement de l'opération. sont, essentiellement, celles d'un
mandant. N'est-elle pas, en effet, appelée. en principe. à profiter des effets juridiques des actes
accomplis pour son compte. voire en son nom, et à supporter, en retour, ta charge financière
des sommes décaissées par ses fondés de pouvoir, ainsi que cette des commissions qui leur
sont dues?
534 - Mais, replacées au sein du mécanisme du crédit documentaire, dans sa globalité,
les obligations du donneur de crédit, à l'égard des banques intermédiaires. se révèlent
secondaires, marginales même O l 3 l). C'est qu'en la matière envisagée, la relation de mandant
à mandataire existant entre le donneur d'ordre et le donneur de crédit, constitue le seul rapport
d'obligation pouvant se réclamer de l'ouverture de crédit; directement, du moins(1132). Tout
(1118) V. supra n'506.
(1119) Ce qui revient à écarter, entre les par\\ics concernées. toute responsabilité conrracruelle, niant par la même occasion.
l'influence, en la matière, de la théorie des groupes de contrats. désormais consacrée. pourtant, par la Cour de cassation. V.
Cass, civ.l ère 21 juin 1988, Bull. civ..I. n'202, p,141; O,L989.5, note Ch, Larrcumet; D.l989.som.232. obs. J.-L. Aubert;
JCP.1988.lI.21125, note P. Jourdain, Sur l'ensemble de cette théorie, v, B, TeY5Sié, Les groupes de contrais, L.G,OJ,
1975, passim; J. Néret, Le sous-contrat, L.G,DJ. 1979, passim, spécialemem.n'Tt l el s, p,267 el s.. n'380 et s , p.273 er s..
n'406 el S., p.2!l7 et s., el 1\\'434 ct S., p,3\\6 et s. Celle ignorance de la théorie des groupes de contrats, en matière de crédit
documentaire. se trouve d'ailleurs confortée aujourd'hui par la dernière décision de l'Assemblée plénière de la Cour de
cassation du 12 juillet 1991, précitée. qui tend à restaurer le principe de la relativité des effets du centrer et à limiter. par la
même cccestcn.Ie domaine d'application de ladite théorie.
(1130) Pour la discussion de la négetiou de la thèse de la subsriunion de mandat en la matière évoquée. v. infra n'550 el s.
(1l31) Ce qui n'implique nullerneur la négation de l'importance du rôle dévolu aux banques intermédiaires, en matière de
crédit documentaire.
(1132! C'est, en toul eas la conclusion qu'impose Iuffirmation du earacrêre autonome des rapports banque émettrice-banque
intermédiaire, ou des rapports banque érncuricc-bénéficiuuc.

401
aussi secondaires sont, par conséquent, les obligations supportées par la banque émettriee d'un
crédit documentaire, à l'égard du bénéficiaire.
B.
LES
OBLIGATIONS ET LA
RESPONSABILITE DE LA
BANQUE
EMETTRICE A L'EGARD DU BENEFICIAIRE DU CREDIT DOCUMENTAIRE.
535 - De droit commun, ce qui caractérise te contrat de mandat, lorsqu'on l'envisage
sous l'angle des relations du mandataire avec les tiers, c'est l'absence de rapports d'obligation
entre ces différentes parties, du chef du mandat. Le caractère représentatif du mandat entraîne,
en effet, comme conséquence, que le mandataire engage directement son mandant par ses
actes, et n'est pas lié, personnellement, par ceux-ci.
Telle est, également, la condition juridique du banquier qui, SUI l'invitation de son
client,
ouvre
et
notifie
(par
l'intermédiaire
de correspondants,
éventuellement)
au
cocontractant de ce dernier. un crédit documentaire ordinaire. La responsabilité qu'il encourt,
de ce chef, vis-à-vis du bénéficiaire, tiers à la convention d'ouverture de crédit, ne peut qu'être
délictuelle. Il n'en va différemment qu'au cas où le crédit octroyé a été voulu irrévocable.
L'engagement personnel qui en résulte pour le donneur de crédit fait naître, à sa charge, des
obligations exceptionnelles. La principale de celles-ci, à savoir le règlement promis, étant de
résultat, son inexécution suffit, à elle seule, à engager la responsabilité contractuelle dudit
donneur de crédit, à l'égard du bénéficiaire. Son exonération ne dépendrait plus, alors, que de
la preuve, par lui, d'un cas de force majeureO l 33), ou d'une fraude imputable à ce
dernier(l134),
(1133) SUT ce point, Y. Casso corn. 6 mars 1985, Bull. ôY.,rv,n'90,p.80; J.C.P.1985.I.3221.'l"lS. obs. Ch. Ga\\'alda et J.
Stoufnel; j.C.P.1986,fJ265.no99, obs. Cb, Onvalda ~l J. Sioumet. Adde Cess. cern. 12 juin 1979, Bull. ci\\'.,IV.n'195,
p.159: o.t ~80,LR.216, obs. M. Vasseur; J.C.P.19B!. éd. C.L i3506,n'135; Besançon 24 JUUI 1977, 0.1977,r.R.107.
(134) V. Casso C(l1Il. 4 man; 1953,5.1954.1.121 (ll: re espèce), nere P. Lescot; Pans 5 déc.Içâ-t, 0.1985.J.R.245. cbs. M.
Vasseur; Colmar 14 juin 1985, 0.1986,J.R219. obs. M. Vasseur; J.C.P.1986JJ265.noIl2, obs. Ch. Gavalda el J.
Sloufnel; Cour de justice civile de Oeoëve 16 juill. 1985, D.1986.LR.119. obs. M. Vasseur; COUf suprême du Canada 5
mars 1987, D.l988.som.186, obs. M. vasseur.

402
536 - Mais, on ne doit pas oublier que c'est à titre exceptionnel (lBS) et accessoire que
le banquier est conduit à assumer des obligations contractuelles envers le bénéficiaire d'un
crédit documentaire(1136), De sorte qu'envisageant les relations de droit susceptibles OC
naître entre la banque émettrice d'un crédit documentaire et le tiers bénéficiaire, le principe
qui prévaut est que le premier ne se lie pas envers le second par ses actes. Ceux-ci n'engagent
que le donneur d'ordre, au nom el pour le compte de qui le banquier agit. A moins que ce
dernier n'ait promis son fait personnel(1137); auquel cas, il interviendrait, à la fois, en son
nom personnel ainsi qu'en celui de son client, donneur d'ordre l l 138), Quoi de plus normal
donc que, pour qualifier le rôle du banquier émetteur dans l'exécution des crédits
documentaires. la jurisprudence et la doctrine aient penché. dans leur majorité. pour la thèse
du mandat?
Au.delà de la condition juridique de l'émetteur. premier élément révélateur du mandat
dont est porteur le banquier émetteur d'un crédit documentaire. l'importance des risques
assumés par le donneur d'ordre constitue, sans aucun doute, le second fondement de
l'admission de la thèse du mandat, en la matière considérée,
SOUS-SECTION II. LE MANDAT TRANSPARAIT DANS L'IMPORTANCE
DES RISQUES ASSUMES PAR LE DONNEUR D'ORDRE.
537 - Des deux parties au contrat de mandat, c'est le mandant. personne représentée. qui
recueille les profits de l'action du mandataire. Selon la même logique, il en suppone la charge
financière.
(1135) Ce mol étanz pris au sens d'extraordinaire. La forme ordinaire. autrement dit, la forme de base dn crédit documentaire
érant, dans notre esprit, le crédit documentaire ré... ccable. Er ce, même si l'observation de la pratique donne à penser que l'on
s'achemine ...ers l'inversion ce celle conception des choses, pour aboutir dans un avenir proche, li l'instauration d'une
présomption d'irrévocabilité du crédit documentaire dom la nature n'aurait pas été spécifiée expressément par les parties; au
coutruire de ce que prévoit l'ar1.7 actuel des R.U.U .. en somme.
(1136) Sur le ceractêre accessoire de rengagement du banquier émetteur envers le bénéficiaire ..... supra n'499, Adde supra
n'534, L'art.7·c des R.U,U. corrobore. du reste, celle affiflTllllion, par ailleurs.
(113?) Il en v a ainsi 'ïosrque le crédit qui li été notifié au bénéficiaire est stipulé irrévocable,
(1138) Sur ce point, v, supra /1"SO 1.

En matière de crédit documentaire, le demandeur du crédit est, on le sait, le principal
"bénéficiaire" de l'action de l'émetteur, \\a dette que l'intervention de ce dernier a pour objet
d'éteindre étant la sienne. en réalité(1l39). Cela explique d'ailleurs qu'il doive à l'émetteur, en
retour, le remboursement de ses frais et avances, ainsi que le paiement de ses salaires ou
eommissions(1140).
538 - Mais, la portée des obligations de remboursement et de paiement, que les articles
1999 et 2000 du Code civil mettent à la charge de tout mandant, est plus grande qu'il n'y
paraît à première vue et mérite, en conséquenee, d'être précisée. D'après ces textes, c'est au
mandant qu'il appartient, en outre, de prendre en charge, en l'absence de toute faute imputable
au mandataire, tous les risques inhérents à l'exéeution du mandat, ceux-ci proviendraient-ils,
notamment. de l'échec de l'affaire entreprise(114I), ou des pertes en découlant(l142).
Dans le cadre d'un crédit documentaire, tous les risques (1143) de l'opération sont, en
principe, à la charge de l'acheteur. donneur d'ordre(1144). L'émetteur du crédit, quant à lui,
n'aura à subir que les conséquences de ses fautes. Il y a là, sans nul doute, un des fondements
de la qualification de mandat retenue, en la matière. Les articles l l-d et 16-a des R.U.U. font
supporter. il est vrai,
une obligation de remboursement aux
banques émettrices ou
eonflrmatrices. Cela ne signifie pas, pour autant, que celles-ci aient à conserver le poids du
règlement intervenu. Ces banques ont, en effet. la possibilité de se faire rembourser, à leur
tour, par la personne de qui elles tiennent leurs pouvoirs. De sorte qu'en remontant la chaîne
(1139) V. supra n'493.
(l1~O) V, supran'S23.
{11411 V. an. 1999 C. civ. D'après ce texte, en effet. le mandant doit rembourser au mandataire. 11. qui aucune faute ne ~U\\
être reprochée. routes les sommes que ce dernier a engagées pour J'exécution du mandat, et lui payer les salaires promis, "lors
même ql'e l'affaire n'aurail pas réussi",
(1l~::Z) V, art. 2000 C. civ. d'après lequel "Il' mandaru doù. ..indemniser le mandataire des perles ql'e celui-ci a essuyées à
t'occasiow de sa [les/ion, sans imprl'dence qui lu; soil imputobte",

(11431 Au nombre de ces risques. figure. notamment. le risque de change. Comme tout autre perle, celle résultant d'une
modification du cours des monnaies, est pour le donneur d'ordre (v. Casso corn. 5 janv. 1960. Bull. civ.Hl, n',10 p.S). Mais ce
risque peut être facilement ècurté par une opération à terme sur devises. V. J. Ferronnière el E, de Chillaz. 6è éd. par J.-P,
Paty, n'652. Quant au risque d'insolvabilité du donneur d'ordre que supporte le banquier émetteur du crédit, il es! réel, certes.
Mais il se rauecne beaucoup plus à l'aspect crédit de l'opération qu'au mandat qui la sous-tend.
(1l~41 V. an. 17 à 20 des R.U.U.

404
des différents mandats bancaires successifs ayant abouti au règlement du crédit, on trouve, en
fin de course, le demandeur du crédit. donneur d'ordre initial. C'est donc ce dernier qui
supporte. réellement, la charge du règlement opéré par son fondé de pouvoir ou par Ja
personne que ce dernier s'est substituée, sous sa propre responsabilité. Une lecture attentive
des articles Il-ct et 16-a précités fournit, au reste, une confirmation de l'idée selon laquelle les
risques du règlement par crédit documentaire sont pour le donneur d'ordre initial. D'après ces
textes, en effet, le droit au remboursement de la banque salyens existe dès lors qu'elle s'est
exécutée sur la base de documents présentant une apparence de conformité avec les
conditions du crédit. Qu'est-ce à dire, sinon que les risques d'une éventuelle irrégularité
incombent au véritable débiteur du règlement intervenu (à savoir le donneur d'ordre originel),
du moment qu'aucune faute ne peut être reprochée au sol ven s. cc dernier ayant, par
hypothèse, examiné tous les documents avec "un soin ra.isonflable,,(I l45h
539 - A vrai dire, on ne peut demander plus au banquier réalisateur du crédit. 111u1 est,
en effet. matériellement impossible de déjouer les fraudes que ne révèle pas la seule
vérification formelle des documents, n'ayant à traiter que ceux-ci, et non à visiter les
marchandises y relatives. Cet obstacle d'ordre matériel ne justifie pas, toutefois, que les
risques s'attachant aux actes du banquier soient laissés à la charge d'autrui, A moins que cette
autre personne se trouve être celle au profit de qui les actes en cause sont effectués. Et de fait.
c'est dans j'intérêt de l'acheteur, initiateur du crédit documentaire, que sont opérés. et
l'ouverture de crédit, et le règlement y afférent. Si, en plus de ce constat, on observe que le
créditeur n'entend jamais prendre à sa charge les risques du règlement en cause, on ne peut
que dire, de ce dernier, qu'il joue le rôle d'un mandataire. Le donneur d'ordre, sur qui pèse. en
définitive, cout le poids de J'opération (quelle que soit son issue), apparaît. quant à lui, comme
le mandant, ainsi que la concordance de sa condition juridique avec les dispositions des
articles 1999 et 2000 du Code civil le laissait déjà supposer, au demeurant.
540 - L'analyse de la technique du crédit documentaire permet de se rendre compte de
ce que le règlement bancaire qui en constitue l'aboutissement. mieux, la raison d'être, repose
(1l45) v. ML 15 des R.U.V.

405
SUT deux personnages fondamentaux: l'acheteur, donneur d'ordre, et la banque émettrice. Les
rôles qui reviennent à chacune de ces deux personnes. parties initiales au eontrat d'ouverture
de crédit. révèlent, une fois le principe de l'octroi du crédit acquis, un ascendant certain de
l'une (le donneur d'ordre) sur l'autre (la banque émettrice). Cette situation s'explique.
naturellement, par la considération selon laquelle le donneur d'ordre est bien la personne que
la mise en oeuvre de ladite technique engage, au plus haut chef. C'est dire que tomes les
constructions juridiques les plus subtiles, visant à assurer un paiement ponctuel des banques
impliquées dans l'opération considérée, ne réussissent pas à masquer l'importance, mieux, le
caractère primordial des intérêts du donneur d'ordre. dans
le cadre de tout crédit
documentaire. La condition juridique des différents acteurs bancaires du mécanisme en cause
ne pouvait manquer de laisser apparaître, d'une façon ou d'une autre, leurs véritables qualités.
Les signes du mandat, donné, à l'origine, au banquier émetteur, par le donneur d'ordre, ne
pouvaient que demeurer apparents, dans ces conditions. La jurisprudence et la doctrine (dans
leur majorité, du moins) en ont tiré, logiquement. la conséquence, en reconnaissant au
banquier émetteur d'un crédit documentaire. la qualité de mandataire du donneur d'ordre, ce
crédit fût-il irrévocable.
Force est, pourtant, de reconnaître que la technique en cause recèle. également. des
éléments qui. autorisant le doute quant à la qualification de mandat retenue, n'ont pas manqué
de susciter une controverse, à ce sujet.

405
CHAPITRE Il. LES ELEMENTS PERTURBATEURS DE LA QUALIFICATION
DE MANDAT RETENUE EN MATIERE DE CREDIT DOCUMENT AIRE.
541 ~ Au sein de tous les éléments, précédemment signalés, qui, dans le régime
juridique du crédit documentaire, militent en faveur de la thèse du mandat (confié par le
donneur d'ordre au banquier émetteur ou par ce dernier aux banques intermédiaires),
affleurent deux principes qui autorisent, à première vue, une remise en cause de la
qualification proposée. Le premier de ces principes concerne la
reconnaissanee, au
bénéficiaire d'un crédit documentaire irrévocable, d'un droit direct et personnel, contre la
banque émettrice ou confinnatrice (section I), tandis que le second a rapport à la négation de
l'existence de liens juridiques entre le donneur d'ordre et les correspondants de la banque
émettrice (section II).
SECT/ON
I.
LE
DROIT
DIRECT
ET
PERSONNEL
RECONNU
AU
BENEFICIAIRE D'UN CREDIT DOCUMENTAIRE IRREVOCABLE, CONTRE LA
BANQUE EMETTRICE OU CONFIRMATRICE.
542 -' Il est admis. de droit commun, que le mandataire ne s'oblige pas personnellement,
à l'égard des tiers auprès de qui il accomplit sa mission. Agissant par représentation. ses actes
engagent directement le mandant. personne représentée(l146). De sorte que. n'entrant pas
dans la relation juridique que ses actes ont pour objet de faire naître. le mandataire ne
s'expose pas, en principe, à une action directe des tiers(1147).
Telle est. en principe, à l'égard du tiers bénéficiaire, la situation juridique du banquier
émetteur d'un crédit documentaire(1148). Sa qualité de représentant (de J'acheteur, donneur
(1146) Y. Ph. Meiaurte et L. Aynès, Les conuau spéciaux, précité, n"569. p.297: H. L. et J, Mazeaud, principaux contrats.
précué. n"1415, p.872.
(1147) Les liers ont toujours 1... possibilité. en revanche. d'exercer, contre Je mandataire, l'action oblique prévue par l'ert.I166
C. civ. V.. pllT ex .. J. Stoufnel, le Crédit documentaire, Thèse Dijon, 1955. Libraines 1 erhniques, 1957. n"345, p.296.
(1148) Nous visons, per Ià, le type de base du crédit documentaire, 1t savoir le crédit documentaire ordinaire, ou simple, bref,
le crédit documentaire révocable.

407
d'ordre) ne fait, alors, aucun doute(l149). Et, dans la logique de cette qualité, laquelle
implique, en principe, une absence de liens juridiques entre le représentant et le tiers avec qui
il traite, on admet que l'émetteur d'un crédit documentaire révocable puisse le modifier ou
j'annuler, sans même que le bénéficiaire en soit averti au préalable(1150). Le même
raisonnement conduit, a contrario. à décider que l'émetteur (ou le ccnfirmateur) d'un crédit
documentaire irrévocable. parce qu'il se lie personnellement. et fermement, envers le
bénéficiaire. ne peut plus revenir unilatéralement sur son engagement(l15l). Et l'on en a
déduit que celui-ci n'était pas le représentant du donneur d'ordre. ni son mandataire, par
conséquent. Au contraire. le droit personnel el direct du bénéficiaire à son encontre implique,
pour l'émetteur. une action en nom propre(l152).
543 - Certes, le droit personnel et direct que possède le bénéficiaire d'un crédit
documentaire, contre le banquier créditeur, suppose, en effet. une promesse de prestation faite
en nom propre, par ce dernier. Et l'on doit bien admettre que, par la notification d'un crédit
documentaire irrévocable, le donneur de crédit (ou le banquier confirmateur) promet son fait
personnel. De sorte qu'en s'exécutant, il paye sa propre dette. Ces considérations sont,
précisément, celles sur lesquelles cenains auteurs se sont appuyés pour dénier au banquier
émetteur d'un crédit documentaire, la qualité de mandataire du donneur d'ordre(l153). Cene
déduction ne saurait, cependant, être tenue pour exacte. Cela reviendrait à accréditer l'idée
selon laquelle un mandataire ne peut jamais être amené à prendre un engagement personnel
envers les tiers auprès de qui il est il est envoyé en mission. Or une telle idée n'est pas fondée,
i1l49) V. J. Stourüet. Le crédit documentaire, Thèse précitée. n'458 in fine, p.371; Maurice Nasser. Le crédit
documentaire, annales de la faculté de droit de Beyrouth. 1958. n·252. p.232.
(1150) V. an. 9-a des R.U .U. Adde, J. Stou.fTIeL rép. dr. corn. précité. '1' Crédit documentaire, n'45
(1151) V. J. Stoufnel, rép. dr. corn. précité. v' Credit documentaire, n'38 et décisions citées. V. également art. 1O-d des
R.U.U.
i 1152) V. J. Stoufnet, Le crédit documentaire, Thèse précitée. n'45B. p.370 et s.
(1153) V. nul. J, Hamel, note précitée, au D.P.I926.1.20J et s. Selon cel auteur. "le mandai ne doit jouer aucun rôle dans
celle affaire .../e banquier ,,'a pas agi comml' représentaru J'un mandant, mais
,1 a traité en son llom personnel avec les
liers"; v. également J. stocrnet. Thèse précitée. n'458 (in fine). pJ7l; M. vasseur, obs. sur Paris 18 nO'l.1983,
D.1984,I.R."267; Ch. Lerroumer. Les opérations jur idiqnes 11 trois personnes en droit privé, Thèse, Bordeaux 1968 (ronéo),
n'138, p.SS8.

408
juridiquement. La représentation d'autrui n'exclut nullement que le chargé de nussron
consente,
accessoirement
aux
engagements du
représenté,
une
promesse
en
nom
propre(l154). Le droit direct qu'acquerrait, de la sorte, le tiers. bénéficiaire d'une telle
promesse, Contre le promettant, ne fait pas perdre, pour autant, à ce dernier, la qualité de
mandataire qui est à l'origine de son intervention(l15S).
544 - C'est, également, la prise en compte du droit direct du bénéficiaire d'un crédit
documentaire irrévocable qui a conduit d'autres auteurs, parfois les mêmes que ceux
précédemment signalés ( 156), à préférer à la thèse du mandat. celle de la délégation (1157).
Pour ceux-ci, en effet, "l'accréditif exprime l'engagement de la bal/que déléguée d J'égard du
bénéficiaire délégataire, le donneur d'ordre étant le délégant,,(1l58). Il s'agirait, en
l'occurrence, d'une délégation imparfaite, étant donné que le délégant demeure tenu à l'égard
du délégataire(l159). Mais la thèse de la délégation, quelque séduisante qu'elle puisse
paraître(l160\\ n'emporte pas la conviction(l161). La raison en est qu'elle ne vaut que pour
(1154} Sur celte affirmation. v. infra. n'544 (in fine) et les références citées.
(1l55J Ibid.
(115'6) v. nor. J. Hamel. note sous CaH. req. 26 jarw.I926, D.1926.1.201; G, Mal"llis, Du crédit confirmé l'Il matière
documentaire, L.G.DJ. 1945, n'27, pJ6;)taurice Xasser, Le crédit documentaire, Thèse précitée, n'332 et s.. p.293 et s.; J.
Stoufflet, Thèse précitée, n' 467 et s. p,377 et s. et n'485, p,390. V., plus récemment, J.·L. Rives-Lange el M. Contamine-
Reynaud, op. cir., n'718, p.963.
(US?) En dehors du mandat el de la délégation. d'autres théories, moins convainearues, ont été avancées pour tenter de cerner
la nature juridique du crédit documentaire. On y a ainsi vu, tantôt un contrai innommé, tantôt un cautionnement, tantôt une
stipulation pour autrui, tantôt un engagement cambiaire du banquier. soit par l'acceptation anticipée des lettres de change
urées par le bénéficiaire, soit par le jeu d'Un contrat de change, dans lequel le banquier souscrirait un engagement abstrait
envers le vendeur. Sur J'exposé l'lia réfutation motivée de ces différentes théories, ainsi que leurs différents tenants. v. J,
Slournet, thèse précitée, n'460 et a. p.372 et s., M. Nasser, op. cit., n'325 el s., p.288 et s. Adde G, FrIedel, Remarques sur
l'engagemem du banquier dans le crédit documentaire irrévocable. Mélanges Hemel. Dalloz 1961, p.535 et S., spécialement,
p.546 et s.
{ll5'Sl J,·L. Rlves-Laege et M. Contamine-Raynaud, op. cit., n'718, p.963.
(1159) v. J,-L. Rives-Lange et M, Contamme-Raynaud, op. Cil.. loc. cie.;J, Sloumel. thèse précitée, n'467, p.377.
(1160) Le crédit documentaire irrévocable se présente. en effet, comme une opération juridique triangulaire, par laquelle une
personne (l'acheteur), donne l'ordre à une autre (le banquier créditeur), de s'engager envers une troisième (le vendeur). Sur la
définitlon de la délégation. v.. par ex. A. Rieg, Eue.jur Dalloz, Rép. dr. com.,2è éd ..r.Ill, v' Délégation, n'L
(1161) A moins d'admettre la possibilité d'une combinaison de la délégation avec le mandat: tant il est vrai qu'un mandataire
peut parfaitement recevoir. dans le cadre de sa mission. l'ordre de s'engager envers un tiers, dans le seul intérêt de son
mandant. Rappr. infra, 2ème partie, n'662.

409
une seule des deux variétés connues de crédit documentaire, alors que la procédure
d'ouverture et de réalisation de l'opération est, en pratique, exactement la même, dans les deux
cas. L'unique élément (juridique) de différenciation de ces deux. modalités du crédit
documentaire. ne se trouve pas, en effet, dans la technique elle-même, mais. au contraire.
dans le droit direct et personnel qu'acquiert le bénéficiaire contre le banquier créditeur,
lorsque le crédit a été stipulé irrévocable(I 162). Comment expliquer, dans ces conditions. que
cette opération qui, dans sa variété de base (à savoir le crédit révocable)(1163) apparaît. de
toute évidence, comme un mandat(1164). se mue, dans sa deuxième forme (pourtant
techniquement identique à la première), en une institution juridique radicalement différente,
la délégation, dans laquent toute idée de mandat aurait totalement disparu? N'est-il pas plus
logique, au contraire, de considérer, eu égard à la similitude des rôles dévolus au banquier,
dans les deux cas (hormis, bien sûr, la garantie qu'implique le crédit irrévocable), que le
mandat dont est chargé ce dernier, dans la variété de base (le crédit révocable), se double,
dans la seconde ûe crédit irrévocable), d'un engagement additionnel, pris par le banquier, en
nom propre? Rien ne s'oppose, en effet, à ce qu'un mandataire s'engage personnellement, au
besoin, à la demande du mandant, envers les tiers auprès de Qui il doit remplir son
mandat(1165), Pour autant, ce mandat ne disparaît pas pour faire place à une autre
convention, la délégation, par exemple' 1166),
545 - L'engagement supplémentaire que prend ainsi la banque émettrice d'un crédit
documentaire procède, selon nous, d'une convention particulière, accessoire au mandat de
(l162) Potru n'est besoin de préciser, en outre que la commission que réclame la banque émettrice est plus élevée au CIl.S de
crédit irrévocable.
(1163) Celte affirmation es! corroborée par l'arr. 7 des R.U.U .. dont le § c énonce qu'à défaut de l'indicurion de la nature
révocable ou non du crédit documennire, le crédit sera réputé révocable.
(1l64) V. rot. G, Riperl el R, Roblot. op. cir., 1.2. n'1416, p.40S.
, (1165) V. not. Baudry-Lacantinerie et Wahl, op. cil.. n'798, p.424; n'800 et 801, p.425; Aubry et Rau, par A, Ponsard el
N, Dejean de hs Batie, précité, ~ 414, 1\\'[82. p.263: Plamot el Riperl, par R. Savaüer. précité, 1\\'1497, p.854; H., L el J.
Mazeaud, op. cii., Principaux contrats, Zè partie, n'1415, p,871: V. également, André Farragi. Différence entre les crédits
cIocumenuires iné"ocablc~ confirmés ct non confiunés, Banque 1984.449, Zè colonne
(1166) Car, si délégation il y a, celle-ci ne peut que s'insérer dans le cadre du mandat de régler le vendeur, contre remise d'un
certain nombre de documents précisés.

410
règlement que comporte route ouverture de crédit documentaire. Suite à cette convention, le
donneur de crédit va promettre. en nom propre. au cocontractant de son mandant, le règlement
projeté. il n'y a pas. en l'occurrence, une promesse de porte-fort, puisque le banquier promet
son propre fait, et non le fait de son mandant. On ne peut pas dire non plus que le banquier
joue. en la matière. le rôle d'un prête-nom, dans la mesure où la qualité en vertu de laquelle il
intervient auprès du bénéficiaire n'est nullement dissimulée. Cet engagement supplémentaire
du banquier s'apparente. au contraire, à un engagement de ducroire(l167\\ avec cette
différence, toutefois. qu'en l'occurrence. le ducroire n'est pas stipulé en faveur du mandant,
comme c'est le cas habituellement, dans le cadre de cene convention, mais, au contraire, en
faveur du tiers, cocontractant du mandant.
546 - Force est d'admettre, dans ces conditions, qu'à l'origine de la controverse relative à
la qualité de mandataire du banquier émetteur (ou confirmateur) d'un crédit documentaire
irrévocable se trouve une mauvaise appréciation de la portée du droit direct et personnel
reconnu au bénéficiaire, dans te cadre de cette technique particulière, à l'encontre dudit
banquier. il est vrai que la représentation que suppose tout mandat véritable(1168) implique,
en principe, une absence de tiens juridiques directs entre le représentant et le tiers avec qui il
traite au
nom de
son
mandant.
Il est
tout aussi vrai,
ainsi
qu'il a été
signalé
précédemment(1169\\ que ce principe n'est pas absolu, et qu'il n'interdit pas, qu'à l'occasion
de sa mission, le mandataire accepte de renforcer l'engagement de son mandant. en
consentant, en nom propre, la promesse d'une prestation précise donnée. Dans un tel cas, le
mandat dom est chargé ce dernier, ne disparaît pas pour cette raison. Au contraire. il demeure
toujours la cause des obligations du mandataire et doit produire ses effets. Il est seulement à
noter que l'engagement personnel pris par le mandataire, à l'égard du tiers, lui relire la
possibilité d'opposer, à celui-ci, le principe de la relativité des conventions. Il doit honorer sa
(1167) DaM le même sens, v. J. Sioumet, thèse précitée. n"S7,p.89 Sur les différents types de ducroire consentis pat les
banques, en général, v. J. Ferronnière et E. de Chillaz, Les opérations de banque, précité. n'~413 el 467, pp.375 et s. el 424
et s. Toutefois. sur le rapprochement de l'engagement personnel de la banque émettrice (ou confirrnatrice} avec une geranue
eutooome ou indépendante, v. supra n'501, note -iO/fg
(1168) V. supra (introduction), n·36.
(1169) V. supra n·544 el s.

411
promesse. Ce faisant, il ne laisse pas, néanmoins, d'agir au titre du mandat dans le cadre
duquel ladite promesse est intervenue.
C'est ainsi qu'il convient d'interpréter la relation de droit qu'instaure le crédit
documentaire irrévocable entre le bénéficiaire et la banque émettrice (ou confinnatrice). Cela
explique qu'après avoir régulièrement opéré le règlement, objet de la convention de crédit
irrévocable, le banquier solvens puisse en demander le remboursement au donneur d'ordre au
nom et pour le compte duquel ce règlement est intervenu(l170).
547 - On le voit, les rapports directs de droit qui se nouent entre le bénéficiaire d'un
crédit documentaire irrévocable, et la banque qui en est l'émettrice (ou la confinnatrice), ne
sont pas susceptibles, lorsqu'ils sont correctement analysés, d'entraîner une remise en cause de
la qualité de mandataire du banquier considéré. Qu'en est-il alors du deuxième élément
perturbateur de la qualification de mandat avancée en matière de crédit documentaire, à
savoir. l'inexistence de liens juridiques entre le donneur d'ord.re et les correspondants de la
banque émettrice?
SECTION
Il.
L'INEXISTENCE
DE
LIENS
JURIDIQUES
ENTRE
LE
DONNEUR
D'ORDRE
ET
LES
CORRESPONDANTS
DE
LA
BANQUE
EMETTRICE.
548 - D'après l'article 20 des R.U.V., le recours à une banque intermédiaire. pour les
besoins de l'exécution du crédit documentaire, se fait toujours "pour le compte et aux risques"
du donneur d'ordre. Il en résulte, d'une pan, une absence de responsabilité pour les banques,
du chef du non respect, par leurs correspondants, des instructions transmises (an. 20-b), et,
d'autre pan, l'obligation, pour le donneur d'ordre, d'assumer toutes les conséquences pouvant
s'attacher, dans les pays étrangers, à la transmission de ses instructions et, spécialement,
(1170) Ii faut bien comprendre que, dans le cadre d'un crédit documentaire irrévocable. le banquier créditeur p~ye. à la fois,
en son nom et au nom du donneur d'ordre. sen mandant. Cela reste vrai, même dans l'hypothèse cc ce dernier Il déclaré
s'opposer au règlement. Car à ,011 égard, joue. également. la clause d'irrévocabilité qu'il a lui-même fait souscrire IlU
créditeur, vis-à-vis du bénéficiaire. Sur ces points. v. supra n'500 et x.

412
l'obligation d'indemniser les banques des débours qu'elles ont pu supporter. à cene occasion
(an.20-c).
Ce texte de l'article 20 des R.U.u. semble tout à fait naturel à qui analyse le rôle du
banquier émetteur d'un crédit documentaire en l'accomplissement d'un mandat conflé par le
donneur d'ordre. Pareil mandat, censé normalement se réaliser dans un pays étranger.
implique logiquement l'autorisation (tacite, au moins), pour le mandataire. de se substituer un
confrère. pour t'exécution de ses obligations. De sorte que, par application de l'article L994,
alinéa 1er du Code civil, on est porté à penser que l'émetteur d'un crédit documentaire n'a pas
à répondre du confrère qu'il se substitue pour les besoins de sa mission, quand bien même le
choix de ce dernier aurait été laissé à son initiative(l17I). A moins, toutefois, qu'il n'ait choisi
un correspondant notoirement incapable ou insolvable. Ce qui, en matière bancaire, est peu
probable, l'activité et la solvabilité des banques faisane l'objet d'une étroite surveillance
administrative dans tous les pays du monde. A s'en tenir aux principes ci-dessus exposés, les
dispositions de l'article 20 des R.U.V. semblent n'être qu'une simple projection de J'article
1994 du Code civil dans le cadre particulier du crédit documentaire. De sorte que l'on serait
fondé à en déduire que tes correspondants de la banque émettrice sont des mandataires
substitués, dont les actes engagent le donneur d'ordre 0 172), lequel, en retour, disposerait
d'une action directe contre eux.
549 - Que n'est-on pas surpris, dans ces conditions, de rencontrer, dans certaines
décisions de justice, l'affirmation du principe selon lequel aucun lien de droit n'existe entre le
(1171) Dans le m~me sens. v. Trib. ci". Strasbourg l4 déc. 1938. DH.1939.rom.9. Au~ dires du Tribunal, le banqUier
émetteur d'un erédir ôocumeruaire confirmé "ne peU/...être rendu responsable que des fautes qu'il aurait /ui,même commisclf.
el non de celle du mandaraire qu'il s'est subslilué d'accord avec son donneur d·ordre. voire même sur l'ordre exprès de ce

dernier". Il est à noter, pour mieux comprendre le sens de celle décision, qu'en parlant de crédit documentaire confirmé, le
tribunal envisageait un crédit irrévocable. A vrai dire, œne expression de "crédit ecnfirmë" désigne un crédit irrévocable
conûrmé. Mais. souvent utilisée mal 11. propos. elle a "1". dans te passé, socrc e d'erreurs fréquentes, en jurisprudence comme
en doctrine. Sur ce point. v. G. Friedel. Remarques sur l'engagemenr du banquier dans le crédit documentaire irrévocable. in
Mélange~ Hamel. Dalloz 1961, p.535.
(1171) On ne pourrait il\\leq)céu:r autrement les dispositions de Lut. 2Q des R.U.L. qui proclame que les banques uriliseru Ies
services duue autre banque. "polir le compte el aux risques de ce donneur d'ordre", ou que "le donneur d'ordre devra
assumer toutes les obligations découlant des lois el usages dans tes PdJS étrangers el indemniser les banques Je Ioules les
conséquences polJ~anJ en résulter"

413
donneur d'ordre et les correspondants du banquier émetteur d'un crédit documentaire(1173),
ce dernier étant pourtant reconnu comme le mandataire du premier(1174)! Les deux ordres de
rapports qui som concernés, en l'occurrence (rapports donneur d'ordre-banque émettrice, et
rapports banque émettrice-banque intermédiaire), sont, disent les juges, indépendants,
autonomes. Il s'ensuit qu'aucune action directe ne peut être exercée par le donneur d'ordre
contre la banque intermédiaire, ou réciproquement'. 1175).
Ainsi se trouve repoussée. en jurisprudence, l'analyse, par la théorie de la substitution de
mandat, des relations qui se nouent à l'occasion de la mise en oeuvre d'un crédit
documentaire, entre ta banque émettrice et les correspondants dont elle est conduite à
solliciter les services (§ 1). Mais cela n'équivaut pas forcément à la contestation de la relation
de mandat existant, par ailleurs, dans les rapports banque émettrice-donneur d'ordre ou
banque émettrice-banque intermédiaire (§ II).
§ I. I.A NEGATION DE I.A THESE DE LA SUBSTITUTION DE MANDAT.
550 - Le principe, retenu par les juges, de l'inexistence de liens de droit directs entre le
donneur d'ordre d'un crédit documentaire et les correspondants de (a banque émettrice, en
contradiction flagrante avec les dispositions de l'article 20 des règles et usances (R.U.V.), se
présente. sans aucun doute, comme le deuxième facteur de perturbation de la thèse du mandat
avancée pour caractériser le rôle du donneur de crédit. en la matière qui nous occupe. A
preuve. ce commentaire inspiré à Monsieur Michel Vasseur par l'arrêt précité de la chambre
commerciale de [a Cour de cassation du 22 octobre 2985: "l'arrêt eût été plus solidement
motivé si, en réponse au moyen du pourvoi, qui soutenait que, puisqu'il y aVal! mandat entre
donneur d'ordre et banquier émetteur, il y avait substitution de mandat entre banquier
. (1173) V. Trib. corn. Paris 3 Juill.19b9, Rev. jur. com.1969.306, note J.D.; Paris, III nov.19113. D.19S4.l.R.167. cbs. M.
Vasseur. et sur pourvoi. Casso corn. 22 oct. 1985, Bull. civ.jv. n'Ut p.l05; D.1985,LR.215, obs. M. Vasseur; Banque
1986.] 91, obs. J.-L. Rlves-Lange: Adde cbs. Ch. Gavalda et J_ Sloumet. J.CP.1986.I.3265, n"l02.
(1174) Sur ce point. v. supra n"491 elles references citées. Addc. Trib. civ. Strasbourg 14 déc. 1938, D.H.1939, som.v.
(1I7S) V. Paris 18 nov. 1983 el Casso corn. 22 oct. 1985 précités. Pour une analyse de celte dcrulère décision. V. supra n"530
el s.

414
émetteur et banquier confirmateur, il avait énoncé qu'il y avait d'autant moins substitution de
mandat qu'il n'y avait pas mandat initial. Le contrat conclu entre donneur d'ordre et banquier
émetteur n'est pas un contrat de mandat"(l176). Il est vrai qu'en se contentant de relever. de
façon trop imprécise, que la Cour d'appel "n'a pas constaté que la banque émettrice s'était
substituée la banque corflrmatrice pour exécuter un mandat donné par M. Djitao" (ce dernier
étant le donneur d'ordre), la décision en cause n'éclaire pas, tant s'en faut, le lecteur sur la
position réelle de la Cour de cassation, relativement à la question soulevée.
55l ~ On ne peut, cependant se résoudre à admettre que les magistrats de la haute cour
ont voulu, à travers cette décision, énoncer un principe général, applicable à toute banque qui,
en matière de erédit documentaire. joue le rôle d'intermédiaire de la banque émettriee, sans
qu'il y ait à distinguer selon que celle-ci a confirmé ou non le crédit. Deux raisons principales
justifient cette réticence:
En premier lieu, il semble qu'il faille limiter la solution dégagée à la seule hypothèse qui
l'a suscitée, à savoir le cas où la banque intermédiaire a confirmé le crédit, par ailleurs. C'est,
en effet, l'élément le plus certain de la décision étudiée, ses motifs prenant soin. chaque fois,
de se référer à la banque de l'espèce, en sa qualité précise de banque confirmatrice ( 177). Par
ailleurs, il est tout à fait plausible, au demeurant, que l'engagement personnel et autonome que
comporte. pour la banque intermédiaire, la confirmation qu'elle donne, soit à l'origine de la
règle qui lui est ainsi appliquée par la Cour de cassation. Si tel était le cas effectivement, il y
aurait là un réel facteur de remise en cause de la qualification du rôle du banquier
ccnfirmateur en un mandat donné par la banque émettrice, contrairement à ce que nous avons
cru pouvoir affirmer plus haut(l178). Mais rien n'est moins sûr, à vrai dire. Car, outre que le
(1176) Rapprocher F. Grua. op. CiL. n·331. p.JOl et s. Cel auteur, s'interrogeanr sur les liens de droit pouvant exister encre\\11
banque chargée de notifier el/ou de réaliser le crédit, s'exprime ainsi: "certes, il 'Ù!SI pas possible de découvrir ici des
rapports juridiques directs qui s'élablissenJ. emre un sous-mandasaire et rJn mandant. car. si le comra qui lie la banque
réalisatrice à la banque émettrice est un mandai, ce/IIi qui lie ta banque Imel/riee au donneur d'ordre n'en es' sêremeru pas
un: c'est simptemera lin con/rai d'ouverture de crédit".
(I11n Encore qu'un passage de ces motifs paraIsse étendre la solution dégagée à toutes les banques intermédiaires,
eonfinnatriees ou non. V. supra n'531.
(1178) V. supra n'512 et s.

415
fondement ainsi prêté à l'arrêt de la Cour de cassation paraît bien incenain(l179), il est à
noter que, pour certains auteurs(l180\\ voire certaines juridicüons0 18l), le principe de
l'inexistence de rapports de droit directs est applicable, également, aux relations qui se nouent
entre banques émettrices et banques nctificatrices et/ou réalisatrices. Or la qualité de
mandataire de la banque intermédiaire ne fait aucun doute, de ce point de vue_là(1182). Ce
qUi laisse
entendre que l'affirmation du
principe ci-dessus évoqué
n'implique pas
nécessairement la dénégation de l'analyse des rapports concernés par la théorie du mandat.
La deuxième raison qui permet de considérer que la solution de l'arrêt du 22 octobre
1985 n'est pas applicable. sans distinction, à toutes les banques intermédiaires, réside
précisément dans l'existence d'une jurisprudence qui consacre un principe différent, dans
l'hypothèse où la banque intermédiaire n'a pas confirmé le crédit. En effet, dans un jugement
du 8 janvier 1988, le Tribunal de commerce de Nancy(l183) affirme très clairement la qualité
de mandataire substitué, vis-à-vis du donneur d'ordre, d'une banque chargée de notifier un
crédit documentaire. Bien que cette solution rencontre notre approbation et nous paraisse
mériter d'être étendue à toutes les banques correspondantes de la banque émettrice d'un crédit
documentaire, confirmatrices ou non(1184), il nous faut bien convenir qu'elle ne peut être
(1179) Les motifs de la décision en cause lie pcrmenant pas. en effet, de prêter li. 1~ Cour de cassation I'affirmauon selon
laquelle la relation existant entre le banquier émetteur er le donneur d'ordre n'ul pas un mandat. La substitution oe mandat,
seule, a été déniée, effectivement. Il faut savoir, en outre que la qualité de mandataire de II!. banque ccnfirmatrice est
reconnue. par ailleurs. en jurisprudence. V. Paris 28 mai 1985, D.1986.195 (2è espèce). note J. Sloumet.
(1180) V, not. J. Stoarttet, rép. dr. com. précité. n'52; D. Dotse el F. Meunier. jurisclasseur Droit de l'entreprise, Droit
commercial. vol. 2. faseAB2. n·58; F. Grua. op. cil" n·332. pJOI et s. Encore que. pour ce dernier auteur, la théorie des
chaînes de contrats permettrait une action contractuelle directe du donneur d'ordre contre la banque intermédiaire el,
réciproquement, de la banque intermédiaire contre le donneur d'ordre.
(11811 V, T'rib. corn. Paris 3 juill. 1969, Rev. jur. corn. 1969.306, nole J.D. La position du Tribunal ressort de l'attendu
suivaru: "Attendu ...que la Banque Française et Italienne. chargée seulement de notifier mais fIOn de confimu:r le crédu n'a
agi que comme manâamire du crédit foncier [banque émenrice] el n'a aucun lien de droil avec Vacances lmport [donneur
d'ordre]. Qu'en conséquence Vac(Jl'jL"f!s lmport ne disposl' d'aucune action directe co-ure elle",
(1181) V. supra n·S08 el n·51 J ~ adde Trib. com. Paris 3 juill. 1969, précité. V. égal. F. Grua, 0p_ cit.. n'332, p.30l et s.
(1183) D.1988, som.Ivl, obs. M. vasseur Certes. il ne s'agirIà que de I~ décision d'une juridiction du fond, qui ne salirait
raisonnablement, être confrontée à celle, plus autorisée, de la Cour de cassation. Mais notre propos ne vise nullement A Iller
parti d'une opposition (qui n'existe pas à notre sens) entre les dëcisiuns en cause. Nous cherchons, au contraire, à montrer que
la décision du Tribunal de Nancy, postérieure à celle de la Cour de cassation. peut être jugée conforme li.la solution retenue
par cene dernière Cour, du moins pour peu que J'arrêt précité du "22 oct. 1985 reçoive l'interprétation que nous défendons.
(1184) V. supra n'528 et S,

416
tenue pour définitivement acquise. Cela, d'autant moins qu'elle se trouve en opposition avec le
jugement précité du Tribunal de commerce de Paris du 3 Juillet 1969(1185).
552 - Quoi que soit l'issue future de la controverse engagée à propos de (a véritable
qualité (mandataires substitués ou non) des banques notificatrices et/ou réalisatrices. qu'il
nous suffise de noter, pour les besoins de notre démonstration, que ce débat ne prend pas sa
source dans la contestation de la relation de mandat liant, d'une pan, la banque émettrice et le
correspondant qu'elle a pu charger de notifier et/ou de réaliser le crédit, et. d'autre part. la
banque émettrice et le donneur d'ordre.
§ II. LA NON CONTESTATION DE LA RELATION DE MANDAT EXISTANT
DANS LES
RAPPORTS
BANQUE EMETTRICE· DONNEUR
D'ORDRE,
ET
BANQUE EMETTRICE.BANQUE INTERMEDIAIRE.
553 - Le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 3 juillet 1969 lui-même,
quoique niant l'existence de relations directes de droit entre un donneur d'ordre et une banque
notificatrice (et réalisatrice), n'en affirme pas moins que cene dernière est la mandataire de la
banque émetaice(l186). D'un autre côté. rien ne permet vraiment. ainsi qu'on l'a déjà
mentionné(1187>, d'interpréter l'arrêt, précité, de la Cour de cassation du 22 octobre 1985
comme condamnant l'analyse, par le mandat, des rapports banque émettrice-donneur d'ordre,
ni même des rapports banque émettrice-banque confrrmatrice(1188). Au contraire, en
affirmant que "la Cour d'appel n'a pas constaté que la banque émettrice s'était substituée la
banque corfirmatrice pour exécuter un mandat donné par M. Djitao", la chambre
commerciale a pu vouloir laisser entendre que les banques concernées ont probablement
(1185) Rev. jur. oom.l969.306. note J.D.; v. également, supra ,,°551. note A1M.
(1186) Dans le même sens. v. certaines des décisions cirées en nore, supra n0507 (in fine).
(1187) V. supra 1l055l,
(11881 V. F. Grua, op. cit., p.304, noie n03. qui estime. pour sa. pan. que "l'arrêt [ait référence ci ridée d'un double mandai
el/Ire les inlen·el/anJs·'. Mais pour l'auteur, "le véritable [ondement de la décision l'si l'autonomie des deux COn1rals". comme
le relève. par ailleurs, la Cour.

417
souhaité ne pas établir de lien entre le contrat conclu par le donneur d'ordre et l'émetteur du
crédit, et celui intervenant ensuite entre ce dernier et ses correspondants. Ces derniers
seraient. alors, censés n'agir que pour le seul compte de la banque apéritrice(l189), dans une
relation qui. sans cesser d'être tributaire de la théorie du mandat, aurait été volontairement
dissociée, d'accord partie entre les contractants, du mandat originel qui en est la source
incontestable. De la sorte se trouverait organisée, de manière plus efficace, grâce, semble-t-il.
au recours à la technique de l'abstraction juridique (à l'effet d'affirmer l'indépendance de
l'engagement du débiteur par rapport aux autres liens de droit auxquels il se rattache
objectivement)(l190), la protection des banques intermédiaires, relativement, surtout, à leur
droit au remboursement des sommes décaissées au titre du crédit. Celles-ci, censées n'agir que
pour le compte du seul banquier émetteur, généralement solvable et respectueux de ses
promesses, seraient ainsi mieux assurées de rentrer dans leurs débours, le moment venu.
554 - Mais point n'est besoin, en réalité, d'invoquer, à ce propos. la théorie des
engagements abstraits. Car le régime juridique du contrat de mandat suffit, à lui seul, à fournir
les moyens de justification de la dissociation ainsi mise au jour entre les mandats, successifs,
du banquier émetteur et du banquier intermédiaire, On enseigne, en effet, à cet égard, que
toute substitution de mandat présuppose la conscience du substitué d'intervenir en qualité de
sous-mandataire. A défaut, celui-ci devrait être considéré comme n'ayant agi que pour le seul
compte de la personne dont il se croyait le simple mandaraîre(1l91). A fortiori la règle
vaudrait-elle, également, dans l'hypothèse où le second mandataire ne désire pas traiter en
qualité de mandataire substitué. Aucune relation de type contractuel ne peut alors le lier au
mandant de son mandant, si telle a été la condition mise à l'acceptation du deuxième mandat.
C'est ainsi qu'il convient d'analyser, selon nous, le rejet, contrairement aux effets habituels du
mandat, des actions directes qui avaient normalement vocation à être admises, dans les
(11891 Dans le même- sens. v. J.-L. Rives-Lange el M, Contamine-Raynaud, op. cit., p.913. nore n'2.
(1190) Rappr. supra. n'514.
(1191) Sur cette règle, v, R. Rodlëre. rép. dr.civ. précité. v', Mandat, n'217 et 5.; addc Cass. civ. 23 Uv, 1874. D.P.
1874.1.389.

418
rapports du donneur d'ordre avec les correspondants de la banque émettrice, en matière de
crédit documemaire(l 192)(1 193).
555 - On le voit, les facteurs (évoqués au début de ce chapitre) de perturbation de la
qualification de mandat avancée, tant en jurisprudence qu'en doctrine, pour caractériser
J'intervention des banques dans te cadre d'un crédit documentaire (que celles-ci en soient les
émettrices ou seulement les intermédiaires à l'exécution). sont plus apparents que réels. Ils ne
sont certainement pas de nature à contrarier ladite qualification. On peut, dès lors, affirmer
que la technique du règlement de dettes par crédit documentaire procède bel et bien d'un
mandat confié par le demandeur du crédit. donneur d'ordre. au banquier émetteur. Ce dernier
est, par là-même, autorisé à demander le Concours d'un autre banquier, par le biais d'un
deuxième contrat de mandat. Mais ce contrat n'est pas nécessairement constitutif d'un sous-
mandat, les banques intermédiaires ne le souhaitant pas généralement, dans un souci bien
compréhensible de protection de leur droit au remboursement des sommes décaissées par
elles, à l'occasion de la mission assumée.
556 - Il convient de préciser, à la suite de cette affirmation, que la garantie bancaire qui
s'attache souvent au crédit documentaire irrévocable, sous la forme d'un engagement
personnel et autonome concédé par le banquier émetteur (ou confirmateur) au bénéficiaire, se
révèle, dès lors, comme trouvant sa source dans une clause particulière du mandat de régler
dom ledit banquier est porteur. L'acceptation de ce mandat impose à ce dernier l'obligation, à
l'égard du donneur d'ordre (la clause en question se rattachant nécessairement au contrat
(1192) Sur cette analyse, v, également supra, n'532.
(1193) V, ioutefois l'analyse divergente fournie, à. partir de la théorie Ocs. groupes de contrats (contrats qui, en l'occurrence,
sonl en chaîne), pal M. F. Grua (op, oit. n's 332 et 334, pp. 3tH et s. et 304). Faisant une distinction entre les banques
confirrnetnces et les !luttes intermédiaires de 13 réeluaticn du crédjt documentaire. l'auleur estime que, tantôt (lorsque la
banque intermédiaire est seulement chargée d'une mission de notification ou de réalisation) se révèle une véritable chaîne de
contrats (pas nécessairement eonsmurifs de mandats soccessifs, mais liés, néanmoins, par une unité de but) qui admet la
pos5ibilité, pvur le donneur d'ordre, de rechercher la respcmsabililé ccauactuelle de la banque intermédiaire, et
réciproquement: tantôt, lorsque la banque intermédiaire a accordé sa confirmation. le caractère personnel et autonome de
l'engagement de celle-ci "élèv~' WIe cloison en/re tes passages que la jurisprudence lend a étahlir entre [es contrats d'rm
mëme groupe, par assouplissemeni de la relanvité des conventions. Dons ces conditions,
1/ ne peul exister aucune aclion
atreue entre fe donneur d'ordre el la banque confirmatrice",
Quelqu'intéressante que puisse paraître cene analyse. elle ne
peut être retenue, cepetdaut. sous-tendue qu'elle est par la négauon, errooée el à contre courant de la jurisprudence
dominante, de J'existence d'un mandat dans les rapports banque émettrice-donneur d'erdre ou banque émcurice.benque
conflrrnamcc.

419
principal, le mandat de régler, dont elle constitue, par conséquent, l'accessoire), de souscrire,
en faveur du bénéficiaire, une promesse unilatérale et irrévocable, de réaliser le crédit aux
conditions prescrites par l'accréditif. De sorte que la réalisation du crédit. quand bien même
elle serait pour le banquier la conséquence d'une promesse concédée au bénéficiaire, en nom
propre, n'en apparaît pas moins comme un acte effectué sur les seules instructions (et, au
fond. dans l'intérêt principal)(1194) du donneur d'ordre, véritable débiteur du règlement, objet
de toute l'opération; un acte entrepris pour le compte, voire au nom de ce dernier, en somme.
Aussi n'est-on pas dans l'erreur, lorsqu'on affirme qu'en réalisant un crédit documentaire
irrévocable (par un confrère interposé, éventuellement), le banquier émcrreur(l195) agit. à la
fois, en son nom personnel et au nom du donneur d'ordre(l196). Mais pour être plus précis,
on devrait dire que l'émetteur d'un crédit documentaire irrévocable agit, tantôt au nom du
donneur d'ordre et en son nom personnel, à la fois, tantôt au seul nom du donneur d'ordre.
selon qu'on envisage ses relations avec le bénéficiaire ou avec son client. demandeur du
crédit.
557 . Etant ainsi avéré, en matière de crédit documentaire, que l'engagement personnel
assumé par le banquier, vis-à-vis du bénéficiaire du règlement dont il se charge, pour le
compte d'autrui, n'empêche pas que lui soit reconnue la qualité de mandataire que laissait
présager son rôle d'intermédiaire. on ne peut manquer d'envisager un rapprochement de sa
condition juridique. telle qu'elle vient d'être présentée, avec celle qui est la sienne, à l'occasion
de la mise en oeuvre d'une autre technique bancaire de règlement reposant, elle aussi, sur le
principe d'une garantie supportée par le banquier solvens. Il s'agit, on l'aura deviné, de la
technique du paiement par utilisation d'une carte bancaire, dont l'analyse juridique tirée de la
théorie du mandat n'est pas unanimement approuvée, elle non plus, en droit positif.
(1194) v. supra n'493 el n'496 et s.
(1195) Quallt au banquier confirmereur. il doit être perçu comme agissant Ulm en son nom personnel qu'au nom de son
donneur d'ordre. le banquier émetteur. En effet. la relation existant entre le banquier confinnateur et le banquier émetteur eu
exactement à l'image de celle liant ce dernier ail demandeur de crédit.
(1196) V. supr a n'SOI.

420
SOUS·TITRE II. L'APPLICATION DU MANDAT A LA TECHNIQUE DU
REGLEMENT PAR CARTE BANCAIRE.
558 - Créées, à l'origine. par de grandes entreprises commerciales américaines, dans Je
dessein de fidéliser leur clientèle par J'octroi de facilités de paiement pour l'achat de leurs
propres produits ou services, les cartes de paiement, communément dénommées cartes de
crédit(l197), ne tardèrent pas à manifester, sous l'influence de certains établissements
financiers (Diners Club et American Express. notamment), une vocation universelIe(l198).
Les banques qui, en qualité de dépositaires de l'argent de leurs clients, sont mieux placées que
quiconque pour assurer à ceux-ci toutes prestations de services touchant aux sommes en
dépôt, ne pouvaient manquer de s'intéresser à ce nouvel instrument de mouvements de fonds.
Ainsi furent-elles amenées à mettre en place, pour leur propre compte. un système de cartes
de paiement, véritablement universelles, dont le succès se reflète, en France, dans la
vulgarisation croissante des cartes d'origine bancaire(l199). et dans leur prise en compte par
le législateur(1200). Encore qu'aucune loi n'ait été, jusqu'à ce jour, consacrée, d'une manière
exhaustive, à la précision de la nature et du régime juridiques de la carte de paiement(I201).
559 - La nouvelle loi du 3D décembre 1991(1202) consacre cependant, aux cartes
bancaires, quelques articles destinés à être incorporés au décret-loi du 30 octobre 1935 sur les
(1197) Sur la difficulté qu'il y " à dégager une définition unique de la dénomination "carte de crédit", en raison de la
multitude des réalités qu'elle recouvre, de même que sur les différent'> type de carle de crédit. el leurs fonctions respectives. ~.
par exemple. Blanche Sousi-Roubt, Enc. jur. Dalloz, rép. dr. com .. 2~ éd.. t.Il, v' carte de erédn. n"! el n"? el s. Adde
Françelse Mo~in, Les secrets des certes bancaires. Science ct Vie Economie n"17 (mai 1986), p. 62 et s.
(1198) En raison non seulement ée l'étendue du domaine d'utilisation desdues cartes. mais, aussi el surtout, de leur caractère
international.
(1199) En 1989, la proportion de transactions réglées par carte bancaire représentait 13.7% du nombre des règlements
scripturaux. contre 13.6 % en 1988 et seulement 2,1 % en [982. Le nombre des porteurs de earte était évalué, fin 1989, à 18,7
millions contre 17,2 millions, fm 1988. Source Rapport Annuel du Conseil National de Crédit pour 1989. J.D.R.F.. éd des
doeumerus administratifs n'Iû du mardi 5 février 1991, p. 266; adde Blanche Sousi-Roubi, rép. dt. corn. préeiié, v' Carle de
crédit n'3 et s.
(1200) V. art. 37·1. 57-2. 67-1 et 67·2 du décret-loi du 30 oct. 1935 unifiant le droit en matière de chèques et relatif aux
canes de paiement. lei que modifié par la loi n'91·1382 du 30 déc. 1991, relative à la sécurité des chèques et des cartes de
paiement O.a.R.F. du ter janv. 1992; LC.P. 1992, éd, E.,m.65289); Adde loi n'83-1179 du 29 déc. 1983 portant loi de
finance pour 1984, art.90, J.aR.F. du 30 déc. 1983; J.c.P. 1984. éd. G.. m. 55122; loi 84-46 du 24 janv. 19&4. J.a.R.F. du
15 janv. 1984; I.C.P. 1984, 111, 55250, art 1er et 4 (pour une allusion implicite à la carte de paiement) et art. 12.5è.
(5) Il n'est pas dit, d'ailleurs, qu'une légistauon générale portant sur les cartes soit nécessaire, ni même souhaitable. Dans le
mêrne sens. v. M, Vasseur. le paiement électronique, aspects juridiques, J.C.P. 1986.I.3206. 44 et 5 .• spécialement n'49 et 5.;
également Franeis J, Créœt. Conditions el effets des oppositions en matière de cartes de paiement, Les petites affiehes.
1986, n'Ill, p.Il3.
(1202) Loi n'91- D82 du 30 déc. 1991 relative à III sécurité des chèques el des cartes de paiement, J.a.R.F. du Ier janv. 1992;
J.C.P. 1992. éd. E ..Ill.65289.

421
chèques, et qui. désormais, est également relatif aux cartes de paiement Ce faisant, le
législateur fournit au passage (à J'article 57 - ~ une définition de la carte de paiement. la
distinguant par la même occasion des autres types de cartes connues(l203), D'après l'article
57-1 "constitue une carte de paiement toute carte émise par un établissement de crédit ou par
une institution ou un service mentionné à l'article 8 de la loi 11 '84-46 du 24 janvier 1984
relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit et permettant à son titulaire de
retirer ou de transférer des fonds". A l'inverse, constitue une simple cane de retrait toute carte
émise par un établissement de crédit
ou un établissement assimilé
et
"permettant
exclusivement d son titulaire de retirer des fontis", Se trouvent ainsi exclues du champ de la
loi, principalement, les cartes émises par les entreprises commerciales et qui permettent
l'acquisition, à crédit, de leurs marchandises ou services. Il semble même que soient
également exclues du champ des dispositions légales, ci-dessus évoquées, les cartes de crédit
émanant de certaines institutions financières internationales telles que le Diners ou l'American
Express. La raison en est qu'on ne peut pas vraiment dire de ces cartes qu'elles permettent à
leur titulaire de "retirer ou de transférer des fonds".
L'intervention du législateur en matière de carte de paiement s'est toutefois limitée à la
définition ci-dessus signalée et à l'incrimination de la contrefaçon et de la falsification d'une
carte de paiement ou de retrait. Ce qui n'est pas de nature à renseigner sur le régime juridique
précis de ce moyen de paiement. Mais, sans doute est-ce parce que la loi contractuelle,
applicable en l'occurrence, suffit généralement à fournir les éléments essentiels de l'analyse
juridique de ce nouvel instrument. Il reste. malgré tout, que la nature juridique exacte de
l'opération de paiement par cane ne se révèle pas au seul énoncé de son régime juridique. La
complexité, en droit, du mécanisme mis en oeuvre pour atteindre le but recherché rend, en
effet, peu aisée la qualification de l'opération en cause. A preuve les divergences doctrinales
que l'on peut relever à propos de la nature juridique de l'opération étudiée. Pour autant. les
difficultés de qualification liées à la complexité juridique du mécanisme du paiement par
carte (Chapitre 1), n'ont pas empêché que s'impose, au fil du temps, la qualification de
mandat, aujourd'hui adoptée par la doctrine dominante (Chapitre II).
(1203) Pour une "typologie" des eanes circulant en France, v. par ex. Ch, Gavelda et J. Sloufnet. Droit du crédit précité,
L::!, Il'335, p.461 et 5.; égul. J.-L, Rives-Lange el M. Contamlne-Raynaun, op. cil .. n'310. pA3? 1:[ s.

422
CHAPITRE I. LES DIFFICULTES DE QUALIFICATION LIEES A LA
COMPLEXITE JURIDIQUE DU MECANISME DU PAIEMENT PAR CARTE.
560 - La complexité juridique de l'opération de paiement par carte trouve san
illustration dans ce constat, dressé par monsieur Patrick Grayll Chabrier(l204), selon lequel
le système fonctionne, en réalité, sur la base d'un "mécanisme juridique qui 'le constitue pas
un contrat unique mais se déroule à travers une succession de contrats dont l'assemblage
forme un mécanisme unique".
Multiplicité. ou plus précisément, dualité de la source des obligations de l'émetteur de
cartes de paiement, d'une pan (Section 1); unicité du mécanisme juridique desdites cartes,
d'autre part (Section II). tels sont donc les deux traits caractéristiques du système du
règlement de dépenses par carte bancaire.
SECTION I. LA DUALITE DE LA SOURCE DES OBLIGATIONS DU
BANQUIER EMETTEUR DE CARTES DE PAIEMENT.
561 - La dualité de la source des obligations du banquier émetteur a eu pour effet
essentiel de susciter des qualifications reposant sur une approche bilatérale des relations
engendrées par la mise en oeuvre de la technique étudiée. C'est qu'à l'origine de tout
règlement par carte bancaire se trouvent, effectivement, deux contrats différents, conclus par
l'émetteur avec chacune des catégories de personnes directement intéressées à son utilisation.
En effet, parallèlement au contrat fournisseur, qui régit ses relations avec les commerçants ou
prestataires, de services par lui agréés, existe un contrat adhérent, lequel fonde les rapports de
l'émetteur avec chacun des attributaires de carte. Cene dualité de la Source des obligations du
banquier ne manque pas de poser des difficultés à qui cherche à qualifier juridiquement
l'opération de paiement par carte bancaire. Partant de ce que le système en cause repose sur
l'autonomie des deux séries de contrats nécessaires à son fonctionnement, l'analyste est porté,
naturellement, à rechercher le fondement des obligations de l'émetteur de la carte tantôt dans
le contrat fournisseur, pour les questions touchant aux rapports émetteur-fournisseur, tantôt
dans le contrat adhérent, pour tout ce qui relève des rapports émetteur-titulaire de la carte.
562 - On a pu ainsi, s'appuyant sur le contrat fournisseur, dire de l'émetteur de la carte
qu'il joue le rôle, à la fois, d'un courtier en marchandises, qui promet d'apporter à son
contractant une clientèle sélectionnée (identifiable grâce à la carte) et d'un mandataire se
chargeant de l'encaissement des créances du fournisseur, étant entendu que la garantie de
paiement dont bénéficie ce dernier, à certaines conditions, relève d'une clause de ducroire. Par
celte clause, le mandataire garantirait. à ses propres risques, la bonne fin du recouvrement;
(6) Patrick Grayll Chabrier, Les cartes de crédit, Librairies Techniques. 1968. p. 84.

423
encore que l'efficacité de celte clause soit subordonnée au respect d'un certain nombre de
devoirs imposés à son bénéficiaire(l205).
Abordée sous l'angle du contrat adhérent, la technique du règlement par carte a pu, en
revanche. être analysée, tantôt en une simple ouverture de crédit dont bénéficierait le titulaire
de la carte, ouverture de crédit Qui serait en quelque sorte la "provision" de la carte(l206),
tantôt en une indication de paiement (cf. art. 1277 C. civ.). indication faite par le débiteur,
remettant de la carte, d'une personne qui doit payer à sa place(1207).
Mais, au-delà de la dualité de sa source, le mécanisme de la carte bancaire recouvre une
réalité unitaire quant à sa finalité.
SECTION II. L'UNICITE DU MECANISME DE LA CARTE DE PAIEMENT.
563 - A conrre courant de t'approche bilatérale précédemment évoquée, suscitée par la
duplicité des contrats se trouvant à l'origine des services rendus par l'émetteur d'une carte
bancaire, l'unicité d'ensemble du mécanisme de la carte commande, quant à elle, une
approche unitaire de l'opération envisagée. Le souci d'une analyse globale du paiement par
carte s'est traduit par la suggestion, en doctrine, de deux qualifications divergentes:
Pour certains auteurs, en effel, l'utilisation de la carte de paiement par son titulaire
réaliserait une délégation de paiement (délégation imparfaite dans la mesure où le délégant
demeure tenu de la dette pour laquelle il délègue autrui)(1208). Selon ceux-ci, "le titulaire de
la carte, délégant, donne à son créancier, délégataire, un autre débiteur, l'émetteur, qui fait
figure de délégué, mais ...reste lui même débiteur"(I209). De la sorte se trouverait justifiée la
règle de l'autonomie de l'engagement de l'émetteur à l'égard du fournisseur(l21O\\ ainsi que
celle de l'irrévocabilité de l'ordre de paiement donné au moyen de la carte de paiement(l21 1)
(1205) V. P. G. Chabrier, op. cir., p83 et s.
(1206) V, P. G. Chabrier. op. cit., p.lOO el s.
(1207) V. Claude Lueas de Leyssac. Les cane. de paiement elle droit civil, in Les canes de paiement. sous la direction de
Ch. Ga"alda. Eccnouuca, 1980. p.55 ct s., n')6 et s. Mais l'auteur précise dans le même temps que "t'indication de
paiement' de même que ''l'illdiçaJioll d'encùÎs3emenl", de laquelle il convient de distinguer la première. ne paraissent être
l'une et l'autre "qu'une simple variété de mandat",
(120R) V. par exemple P. G. Chabrier, op. ca., p.lIû; Claude Lucas de Lejssac. Les canes ôe paicmellL précité. n'en et s.:
Jean-Pierre Buyje, La cane de paiement électronique, Rev. dr. bancaire n'6 (mars-avril 1988), p.44, n'5; également B.
Starck. Droit civil, obligations. t.J, régime général, )è éd. par H, Roland el L. Boyer, Luec. n'S3, pJ8.
(1209) Pau-ick Grayll Chabrier. op. cil., lee. cit.
(1210) li convient de préciser que la thèse de la délégation ne vaut que dans l'hypothèse où le fournisseur bénéficie de la
garantie accordée par l'émetteur. Sur les conditions d'obtention de celte garantie, v, par exemple. Patrice Bouteiller, cartes
de paiement, cartes de crédit, jurisclu5s<:ur droit ces ,nll "pr ises, conunerciaî, vot 2, M. Tec'uuques. tasc. 4[4, n'6).
(12111 La règle de l'irrévocabilité de l'ordre de paiement donné au moyen d'une carte. édictée à l'origine dans le cadre du
contrai-adhérent liant le titulaire de la Carte lt lérr.etteur a. par la suite. été consacrée, eu France, par les triuuneux ('1'. par

424
et son corollaire l'inopposabilité (à l'égard du fournisseur) par l'émetteur, des exceptions
fondées soit sur ses rapports avec le donneur d'ordre (l'utilisateur de la carte), soit sur ceux
issus des rapports entre ce dernier et le fournisseur. Encore que cene inopposabilité ait, en
l'occurrence, une portée bien limitée. le banquier émetteur de la carte ayant, malgré tout.Ja
possibilité d'exciper d'une faute du commerçant, touchant aux conditions d'obtention de la
garantie, pour refuser de payer, en l'absence d'une provision suffisante au compte du donneur
d'ordre( 12 121.
564 - Il semble qu'il y ait là, précisément. un élément de contestation de l'assimilation
de l'opération étudiée à une délégation. On peut, en effet, se demander si les conditions ainsi
mises à l'efficacité de la garantie offerte au fournisseur par l'émetteur, et qui la rendent
quelque peu hypothétique, ne sont pas de nature à mettre au jour le caractère inapproprié de la
qualification ainsi avancée. La situation juridique incertaine qui en résulte pour les parties en
présence n'est-elle pas en porte à faux avec l'indispensable accord des volontés que nécessite
la réalisation de toute délégation, voire de toute convention? Il faut bien admettre, dans le cas
qui nom. occupe, que les conditions qu'impose l'émetteur de la carte, pour la naissance de son
engagement à l'égard du fournisseur, permettent d'affirmer, à la suite de M. Claude Lucas de
Leyssac, que "le titulaire ne sait pas en remettant sa carte, si le fournisseur est ou non
garanti par l'émetteur; en termes juridiques, il ignore s'il a donné un mandat de paiement ou
s'il a consenti Une délégation», Une telle situation, poursuit l'auteur, est choquante, car "il est
difficile d'admettre que la nature précise du mécanisme juridique soit ignorée d'Une partie
dans la mesure où la nature de l'acte exerce une influence sur ses droits et ses
devoirs,,(l213). On ne peut, dans ces conditions, continuer à soutenir que le système du
paiement par carte bancaire relève de la technique de la délégation.
A cet argument il faut ajouter, en guise d'ultime raison de rejet de l'explication évoquée,
que la délégation est impuissante, somme toute, à appréhender le mécanisme étudié dans son
ensemble. Elle ne permet pas en effet de justifier le droit que conserve le fournisseur de
recevoir de l'émetteur d'une carte, le paiement de ses factures, même dans le cas où la garantie
de ce dernier ne lui est pas acquise(l214). Certes, une explication est alors fournie. qui
exemple Aix 18 juin 1984, D.1986.I.R.326. obs. :\\lichel Vasseur) puis. finalement, par le législateur (v. art. 22 de la loi
n"85.69~ du 1! juillet 1985, précité).
(1212) Sur ce point, v. Patrtce Boueeiller. article précité. n'lO; également Jean-Pierre Buyle, article précité, nOS. p.45.
{l2131 Claude Lueas de Leyssac, les canes de paiement et le droit civil. précité, n"SI, p.73; adde François Grua. cp. cit.,
n"187, p.177.
(1214) Sur celle affirmation. v. Trib. inst. Aubervilliers 17 mars 1987, Rev. dr. bancaire, n' 4 (nov-déc 1987), p.127, obs.
Prarms-I. Crédol el Yves Gérard, qui déclare ~ juste titre que "la sanction du non-respect des obligalio>'lS de demande
d'autorisation el de délai de présentation n'est nul/l'menl le non-paiement. maü la non-garantie de a/ui·ci en cas
d'opposition pour perle de fa
ce-te". Ce qui veut dire qu'en l'absence d'une opposition el, si bien sûr, le compte du donneur
d'ordre est sufflsarnmem approvisionné. la banque émettrice de la carte doit procéder au paiement sous peine d'engager sa
responsabilité, même lorsque la garantie de paiement n'est pas acquise au fournisseur. Dans le même sens, v. J.-L. Rlees-
Lange et M. Contamine-Raynaud. op. CiL, n") 14, p. 446.

425
consiste à dire que dans le cas où la garantie de l'émetteur ne joue pas, la banque agit en tant
que mandataire chargée des paiements pour le compte du porteur de la cane(1215), Mais,
DUrre le fait que cette qualification alternative ne peut être satisfaisante, pour les raisons
précédemment indiquées. on ne voit pas pourquoi la thèse du mandat, ainsi avancée. ne
prévaudrait pas pour la totalité du mécanisme.
Cette dernière objection n'est probablement pas étrangère à l'analyse consacrée par la
majeure partie de la doctrine, qui voit dans le règlement effectué par carte bancaire un mandat
de payer, par virement, donné par le titulaire à la banque émettrice(l216),
(]21 5) J.-L. Rives-Lange et .'lof. Contamine-Raynaud, cp. cir., n'314, p.446.
(1216) V. not. F. Grua, op. ch.. 0'187, p.i78; J,-L. Rives-Lange el M, Ccntamlne-Raynaud. op. cit., n')14, p.446; M,
jeantm, op. cit., 0']&5, p.143; C, Lucas de Leyssac, Les cartes de paiement el le droit civil. in Les canes de paiement,
précité. p.:5:5 et s.. n')6 et s.: Aspects actuels des cartes de paiement et/ou de crédit, l.C.P. L986, éd. E., n' spécial, Entretiens
de Nanterre, p.18 et s.. n')I; M. Cabrillae, monétique 1'1 droit du paiement. Mélanges dl' Jugtan, L.G.DJ., éd. Montchréstien
el éd. Techniques, 1986. p. &) 1'\\ 5.. n'9 et 18; M. vasseur, le paiement électronique, aspects juridiques, l.C.P. 198U.3206,
n'li el l:5; P, Bouleiller. article précité, 0"9.

426
CHAPITRE II. LA CONSECRATION DE LA QUALIFICA TION DE MANDAT
PAR LA DOCTRINE DOMINANTE.
565 - Conscients des faiblesses de l'explication du mécanisme de la carte bancaire par la
délégation, la plupart des auteurs préfèrent aujourd'hui s'en tenir à la thèse du mandat de
payer, donné, à l'occasion d'une opération commerciale précise, par le titulaire de la carte, à
son banquier-émetteur(1217). La justesse de cette analyse doit être appréciée à la lumière de
ses fondements juridiques.
Mais on peut s'attendre, d'ores et déjà, à ce que l'opération étudiée, d'inspiration plus
économique que juridique, ne concorde pas sous tous ses aspects, avec l'institution juridique
traditionnelle à laquelle on cherche à l'assimiler. C'est dire que des éléments de déstabilisation
de la qualification de mandat proposée peuvent. par conséquent, faire surface au cours de
l'analyse du mécanisme juridique de la carte de paiement. Le bien-fondé de la qualification
envisagée ne pourrait alors plus être affirmé sans qu'ait été appréciée, à sa juste mesure, la
panée des facteurs d'incertitude voire de remise en cause dom ladite qualification demeurerait
affectée.
Les développements qui vont suivre ont pour objet, on l'aura compris, de faire
apparaître, une fois précisés les fondements de la qualification de mandat appliquée au
mécanisme du paiement par carte (section 1), les facteurs d'incertitude de ladite qualification
(section II).
SECTION 1. LES FONDEMENTS DE LA QUALIFICATION DE MANDAT.
566 - A considérer ses fonctions, la carte bancaire n'est pas autre chose, en réalité, qu'un
moyen supplémentaire d'utilisation des comptes bancaires(l218). Les opérations qu'elle
autorise peuvent n'intéresser que les rapports banquier-client. Il s'agit alors essentiellement
d'opérations soit de retraits ou de versements de fonds (éventuellement sous la forme d'une
remise de chèques), soit de consultation du dernier état du compte. Le mandat. d'essence
triangulaire, est étranger à ces rapports de nature bilatérale. Il en va différemment, toutefois,
pour les opérations qui, permises par la carte bancaire, impliquent des personnes étrangères à
la relation banquier-client. Il s'agira alors, essentiellement, pour le banquier, d'opérer des
mouvements de fonds au profit de personnes tierces, par prélèvement sur le compte du
titulaire de la carte, sur ordre de ce dernier. Là réside d'ailleurs le principal intérêt de la carte
bancaire. N'a-t-elle pas été conçue, en effet, à l'origine, comme un moyen permettant à son
titulaire de régler ses dépenses auprès d'un certain nombre de commerçants affiliés? De fait,
(l217) V. rore précédente.
(11111) Abstraction faite de la [0111:\\1011 de çrédit qui peut $'Y arracher. 11. titre e tceptionnel.

427
aucun versement de fonds ne saurait être opéré par l'émetteur, dans le cadre du système de la
carte bancaire. s'il n'est fait état d'une autorisation de paiement émanant du titulaire de la
cane, en apparence tout au moins. Dans cette subordination de l'obligation de payer de
l'émetteur de la carte à un ordre du seul titulaire se trouve, incontestablement, la marque de la
qualité de mandant de ce dernier. Mais. en même temps qu'il constitue la condition (ainsi qu'il
vient d'être montré) du règlement dû par le banquier émetteur, l'ordre de paiement qu'émet le
titulaire d'une carte bancaire doit être regardé comme en étant l'unique et véritable
cause(l219) (§ 1). Dès lors, doit être rejetée la théorie qui prétend voir dans la production, par
le fournisseur, de l'ordre de payer émis par t'utilisateur de la carte, un mandat d'encaisser
confié au banquier émetteur(l220) (§ II).
§ I. L'ordre de paiement émanant du titulaire de la carte, véritable cause du
règlement dû par l'émetteur,
567 ~ La confusion qui a pu régner en doctrine au sujet de la qualification de l'opération
de paiement permise par l'utilisation d'une carte bancaire provient certainement de ce que le
règlement que cet acte commande, de la part de l'émetteur de la carte, trouve ses causes
génératrices, en apparence du moins, dans les deux actes successifs que sont, d'une pan, la
"signature" d'une "facturelte,,(l221) par le remettant de la carte et, d'autre part, la
transmission, à J'émetteur, de ladite "facturette" par le fournisseur. L'émetteur n'est-il pas
effectivement lié à chacune de ces personnes par un contrat distinct qui serait, ainsi qu'il a été
précédemment envisagé(l222\\ la source de ses obligations à l'égard de celles-ci? Pour autant
(1219) On peut remarquer le rôle joué en l'occurrence par la notion de cause, intervenant comme ur. élément de qualification
d'un acre juridique (on parle dans ce cas de couse catégorique). Sur eene notion. en général, v. not. G, Marty et P, Rajuaud.
Les obligations, précité, 1.[ (les sources). n'203. p.206; François Terré, L'influence de la volonté individuelle sur ïes
qualifications. L.G.DJ. 1957, Il' 245 et S., et n' :!73 er S, Jean Hauser, Objectivisme et subjectivisme dans l'acte juridique,
L.G.D.1. 1971, n'146 et S., p.252 et s.: Jacques Maury, Enc.jur. Dalloz, rép. dr. civ .• :!è éd. LIT, v' Cause. n'39 el s. On
admet en effet, aujourd'hui. que la cause penr être dans certains cas unmoyen de qualification des contrats. En appui de cene
affirmation on peul rappeler ce constat dressé par M. F. Terré (op. cit., n'348, p.303): "le domaine de la qualificatiOll
déborde ce/IIi de la cause el se pose en dehors dit cadre des ac/es juridiques. Mais dès lors qll'il s'agil de la auatification Je
celU'ci, la qualificalùm s'appuie sur la cause. Mais la qualificaliOll implique une conception extensive de la cause, el c'/!JI
bien cette-ci qu'adopte la jurisprudence. Quoi qu'il en soif, le lien unissant la cause el la qualïficetion est, seton les
h.vpOlhèses, plus ou moins étroit", M. Jean Maury ebonœ dans le même sens lorsqu'il affirme que "l'élude des causes des
obligaJions nées du corarat permet d'expliquer. de caractériser celui-ci el, par l'oie de conséquence. d'en préciser les elfe1s"
(rép. de. civ. précité, v' Cause, n'45, 111 fine).
(1220) Sur ce point. v. par exemple, Patrjek Grayll Chabrier, op. cir., p. 80, 83 el 5., 95 el s. Adde, Claude Lucas de
Leyssac, in les caries de paiement, précité. n'38 et 39,
(1221) Signature généralement manuscrite mais qUI peut prendre la forme de la composition du code secret de la carte sur un
davier électronique, voire la comrnunicaricn du numéro embossé de la carte à un professionnel de la vente par
correspondance, nctammenr par téléphone ou par minitel.
(1222) V. supra n·56!.

428
on ne doit en conclure que le règlement qu'opère le banquier émetteur, à la suite de la
réception de la preuve des dépenses effectuées par son client, au moyen de sa cane, trouve sa
cause juridique dans l'un et l'autre des deux contrats (contrat adhérent et contrat fournisseur)
conclus pour (a mise en place du système. En réalité, c'est dans l'autorisation de paiement q~e
donne l'attributaire de la carte, généralement titulaire du compte à débiter, que réside la
véritable cause (causa proxima) du règlement opéré par le banquier. Ce dernier agit alors en
sa double qualité d'émetteur de la carte et de dépositaire des fonds de son client.
568 - Si, en sa qualité d'émetteur de la cane, le banquier se trouve, de par l'effet du
contrat fournisseur, engagé contractuellement vis-à-vis du professionnel chez qui la cane a été
utilisée, cette circonstance n'est en rien révélatrice de l'existence, au plan du paiement, d'une
quelconque relation juridique directe entre ce dernier et le porteur, d'où on pourrait déduire
une autorisation de prélèvement accordée personnellement au fournisseur par l'utilisateur de
la carte bancaire. Les contrats fournisseur er adhérent qui sont à la base du système du
paiement par carte ont en effet été voulus autonomes l'un par rapport à l'autre. Si bien que vis-
à-vis de l'utilisateur de la carte, l'émetteur n'est pas autre chose qu'un dépositaire de fonds,
lequel s'est engagé spécialement, en délivTant la carte, à régler à des dates fixes (une fois par
mois, souvent) les factures ou relevés des dépenses effectuées au moyen de cet instrument,
sur la base d'un mandat exprès. Ce mandat est renfermé , en pratique, dans chacune des
factures
(ou chacun
de tout autre document constatant les dépenses) qui signées,
généralement, par le débiteur(l223), sont portées à la connaissance de la banque par les soins
des commerçants créanciers. Aussi l'intervention du titulaire de la carte est-elle essentielle au
déclenchement et à la mise en oeuvre du paiement par carte, Aucun versement de fonds ne
saurait, en effet, être opéré, en principe, par l'émetteur, en l'absence d'une autorisation de
payer éma~ant de celui-ci(1224).
Pouvait-il d'ailleurs en être autrement, du moment que le système de la carte bancaire
repose tout entier sur la circonstance que l'émetteur est le dépositaire des fonds des porteurs
de carte? En cette dernière qualité, l'émetteur ne saurait prétendre meure à la charge du
déposant un décaissement sans qu'il ne puisse justifier d'un ordre précis et même exprès
donné à cet effet(l225), Cet ordre, constitutif d'un mandat d'opérer un versement de fonds au
(1223) Signature manuscrite ou électronique (résultant de la composition du code secret de la carle), A signaler, toutefois,
qu'à titre exceptionnel, cene signature n'est pas exigée dans le cadre de la vente ou de la prestation de service par
correspondance, notamment par téléphone ou par minitel. le titulaire du compte étant censé avoir, par avance, eutcrisé
irrévocablement son banquier à payer le commerçant au seul vu "d.es enregistrements ou relevés transmis pru le
commerçaru", V. art, VI al. 5 du (;Oncrat porteur Catte bancaire. Encore que pour les sommes importantes les banquiers
prennent souvent la précaution de demander au client, par téléphone en général, confamauon de l'opération,
.
(1224) A signaler, toutefois. les cas exceptionnels dans lesquels l'émetteur de la cane est obligé de payer sur la base de la
garantie promise alors qu'il est avéré ql1<' l'ordre de paiement. frauduleux. n'émane pas en réalité du véritable titulaire de la
carle, le fourrusseur ayant, pour sa part, accompli correctement ses obligations contractuelles.
(1225) A propos de l'exigence d'un ordre exprès en menêre d'opérations de paiement, et pour la définition du mander exprès,
v. supra n·436 et s.

profit d'autrui, par prélèvement sur le compte bancaire du donneur d'ordre, est seul
susceptible, par conséquent, de justifier le règlement opéré au bénéfice du fournisseur, au
nom du titulaire de la carte. Force est, dans ees eonditicns, de reconnaître que l'ordre de
paiement donné par les détenteurs de carte est la cause de l'obligation de payer pesant sur
l'émetteur de cartes.
569 - Mais une autre analyse de l'ordre en question est proposée par Monsieur François
Grua(l226). Pour cet auteur, un te! ordre est constitutif non pas d'un mandat, mais, au
contraire, d'un aete juridique voire d'un contrat différent. Précisant sa pensée, l'auteur ajoute
que "ce contrat est généralement couplé avec un mandat de payer adressé au banquier el
contenu dans l'ordre de paiement. Mais il n'est pas lui-même un mandat. En effet, un
banquier n'agit comme mandataire de Son client qu'en tant qu'il éteint la dette de celui-CI
envers le tiers bénéficiaire de l'ordre de paiement. El! revanche, en tant qu'il éteint sa propre
dette de restitution par la remise des fonds au tiers indiqué, le banquier agit en SOli nom
propre».
570 - L'analyse est séduisante. Elle doit être rejetée, cependant, pour deux raisons
principales:
D'abord, l'article 1937 du Code civil n'accorde pas au dépositaire [a faculté de refuser
d'exécuter son obligation de restitution entre les mains du tiers désigné par le déposant, sous
prétexte qu'il n'aurait pas consenti au changement d'''accipiens''. Cela condamne visiblement
l'idée du contrat qui aurait pour objet l'indication d'un tiers pour la restitution du dépôt.
Ensuite, en se plaçant sur le terrain de la responsabilité encourue par l'émetteur de cartes
qui refuserait, par exemple, d'honorer un ordre de paiement régulier. ou qui l'exécuterait mal,
on est forcé d'admettre, par analogie avec le raisonnement précédemment exposé à propos du
chèque(l227), que l'ordre de paiement donné par carte n'a pas pour objet de provoquer la
restitution des sommes en dépôt chez l'émetteur. Il tend à provoquer un paiement. Or, à cet
égard, "émetteur n'assume, au regard du contrat adhérent, qu'une obligation de faire (à savoir
remettre une certaine somme d'argent à une tierce personne, par prélèvement, immédiat ou
différé. sur des sommes en dépôt, ou attendues. sur un compte bancaire) dom l'inexécution
met en jeu sa responsabilité de prestataire de service. Une telle responsabilité ne serait pas
envisageable si l'on devait considérer que le refus de paiement (par inadvertance, par
exemple) d'un ordre régulier consiste en l'inexécution de l'obligation de restitution due par le
banquier, en son autre qualité de dépositaire. On sait, en effet, que le dépositaire qui ne
restitue pas l'objet du dépôt n'engage pas sa responsabilité, de ce chef(l228). Il est vrai que
1226 F. Orus, op. Cil .. n'l02, p.99 ct s.
(1227) V. supra 0'228.
(1228) Y. supra n'228.

l'émetteur de carte assume également, en tant que dépositaire des avoirs en compte du
titulaire, une obligation de donner. Mais cette obligation de donner, qui s'attache au contrat de
dépôt irrégulier de sommes d'argent, ne peut être exécutée par le dépositaire qu'au bénéfice du
déposant, seul créancier de la restitution du dépôt. Elle n'intervient, par conséquent, que
lorsque la restitution est faite directement au déposant lui-même, ou à son représentant. C'est
dire que le tiers qui aurait été "indiqué" pour la restitution ne peut se prétendre créancier
d'aucune obligation se rattachant, d'une façon ou d'une autre, au dépôt. La prestation dont il
pourrait bénéficier ne se justifie donc, exclusivement, que par le mandat de payer dont aura
été chargé le dépositaire, à travers l'ordre de paiement.
S71 - On le voit. l'ordre de paiement donné par cane n'a nullement pour objet
l'indication d'un tiers pour la restitution des sommes dont l'utilisateur de la carte serait
créancier envers l'émetteur. Il vise uniquement à provoquer, si l'on s'en tient au contrat
adhérent, la réalisation d'un paiement. par le jeu des règles du mandat.
S72 - Cenes, il ne peut être fait abstraction de l'engagement souscrit par l'émetteur
envers les fournisseurs. La garantie de paiement qui en résulte justifie, elle aussi, dans une
certaine mesure, le versement de fonds dont bénéficie le contractant du titulaire de la carte.
Mais à dire vrai, cette "garantie" quoique donnée de façon autonome(l229\\ ne peut jouer
réellement qu'à titre subsidiaire, accessoire qu'elle est par rapport à un autre acte, principal,
qui lui sen d'assise. Cel acte principal. c'est l'ordre de paiement régulièrement donné (au
moins en apparence) par le titulaire du compte. On ne doit pas, en effet, perdre de vue le fait
que le banquier qui paye prévoit de se faire rembourser (ou indemniser) par la suite par son
client, au nom de qui il est intervenu, par le débit (immédiat ou différé, selon le type de carte
utilisée) du compte de ce dernier. Aussi la garantie offerte aux fournisseurs est-elle toujours
subordonnée à des conditions particulières, dont les plus importantes sont la production d'une
facture reconnue (ou censée reconnue) par le titulaire du compte à débiter et le respect d'un
certain seuil de dépense par facture (sauf autorisation de dépassement obtenue après
correspondance, téléphonique notamment).
S73 - On le voit, la cause du paiement que reçoit le fournisseur, même bénéficiaire de la
garantie de l'émetteur, ne se trouve pas dans la promesse souscrite par ce dernier à son égard.
Elle se trouve, au contraire, dans le mandat de payer qui resson généralement de la facture
produite par le fournisseur affilié. Il faut même préciser que ce mandat est l'unique cause du
versement de fonds opéré par l'émetteur,
En effet, dans les cas où ce mandat n'est pas rejeté comme étant le fait d'un escroc, il
fonde, en lui même, le droit au paiement du fournisseur. Point n'est alors besoin de faire état
(1l29) Pour autant cel engagement de payer, auquel le débiteur principal de la dette en cause reste étranger, ne saurait être
qualifié. en droit, de "garantie autonome" ou de "garantie indépendante". En effet, ces expressions désignent généralement la
garantie de earacrëre triangulaire (quant aux parties), "émise ell e.xéCUlioll d'une clause insérée dans tun] conmu principal ou
d'une disposition figurant
dWIJ 1I11C offre de C0l11raJ 01/ dans UI'l appel d'offres". J. Slournel. Garantie bancaire internationale.
Garcraie 11. première demande, JUI iscl. Banque et crédit. [asc. 6\\0, n'25.

431
de la garantie promise contractuellement à ce dernier par l'émetteur de la carte(1230). Même
dans les cas où le mandat est contesté par le titulaire du compte. il est tout de même censé
produire ses effets. sur le fondement de l'apparence. tant que n'aura pas été dénoncée, à
l'émetteur de la carte, la pene ou le vol de celle-ci(l23 I} De sorte que les seules hypothèses
où le banquier peur être conduit à régler la facture d'un fournisseur en l'absence de tout
mandat (fût-il seulement apparent) du titulaire du compte engagé. ne recouvrent. en
définitive, que les opérations effectuées frauduleusement. par un tiers, postérieurement à
l'opposition formée par le titulaire de la carte utilisée(l232).
574 - Mais si ce paiement est étranger à la relation de mandat pouvant lier le titulaire de
la carte et l'émetteur. il y a lieu de se demander s'il n'est pas, de même, étranger à la promesse
de garantie consentie par l'émetteur au commerçant victime de la fraude. On peut penser, en
effet, que l'utilisation de la carte perdue ou volée, postérieurement à la dénonciation de cet
événement, met en jeu la responsabilité de prestataire de services de l'émetteur de la carte à
l'égard des commerçants affiliés, lesquels sont en droit de lui reprocher d'avoir manqué de
leur communiquer, dans les meilleurs délais, l'information qui aurait permis d'éviter la fraude.
TI reste, toutefois. que, eu égard à la brièveté du laps de temps pouvant s'être écoulé entre la
dénonciation de la perte ou du vol de la cane bancaire et l'utilisation qui en aura été faite,
aucune faute ne puisse être raisonnablement attribuée au banquier émetteur de la carte. Se
poserait alors le problème de la prise en charge du risque inhérent au système du paiement par
carte bancaire.
575 - C'est précisément à la solution de ce problème particulier qu'est destinée. en
réalité, selon nous du moins, la garantie de paiement que promet l'émetteur de la carte au
fournisseur affilié. Le domaine d'application de cette garantie s'avérant très restreint, en
définitive, il ne paraît pas exagéré d'affirmer, ainsi que nous l'avons fait plus haut, qu'en
matière de paiement par cane bancaire. J'ordre de paiement donné par le titulaire de la carte
est la cause génératrice du
règlement qu'effectue l'émetteur de
la cane, la cause,
unique(1233), de ce règlement.
(1230) Il faut bien admettre alors que cette garanlie devient sans cause dans eene hypothèse. C'est semble-t-il ce qui ressort. 11
contrario. du jugement précité du tribunal d'instance d'Aubervilliers du 17 rnars 1987 (v, supra n'SM. note -i11 1..) ,
(1231) V. art Xl du contrat porteur Carte Bancaire (Carte Bleuejtv. infra annexes). Encore qu'une limitation de responsabilité
soit accordée au titulaire de carle 11 qui ne peut être reprochée ni Faute ni imprudence dans la garde de la carte ou du code
secret qui y est auaché, pour les opérations frauduleuses enregistrées avant opposinon (v. art XI du contrat porteur Carte
, Bancaire). Cene[imitation est fixée Îl hauteur de 3.ŒX:l F. ou MXl F" maximum. selon que la dépense a néeessité, ou non. la
frappe de code secret de la carte.
(1232) V. art Xl du contrat porteur Carle Bancaire (v. infra annexes).
(113)) N'enseigne-l-on pas, au demeurant. qu'il ne peUL exister pour toute obligation qu'une seule cause objective? v. nol.
Jacques Flour el Ji!an-Luc Aubert, Droit civil. Les obligations, vol l , l'acte juridique, 4 è éd. (1990), n'251 et s., p.200; A.
Weill el F. Terré, op. cit.. les obligations. llo2S4 et S., p.266.

432
576 - Le législateur ne s'y est d'ailleurs pas trompé qui, pour assurer la fiabilité du
système de paiement par carte, a éprouvé le besoin d'énoncer, par le biais d'un texte
particulier, l'article 57-2 du décret-loi du 3D octobre 1935, précité(l234\\ que "l'ordre ou
l'engagement de payer donné au moyen d'une carte de paiement est irrévocable. Il Ile pe~t
êtrefait opposition au paiement qu'en cas de perte ou de vol de la carte, de redressement ou
de liquidation judiciaire du bénéficiaire". A la base de cette disposition se trouve, c'est
incontestable, la nette conscience que l'ordre donné à l'émetteur par l'attributaire d'une cane
de paiement est la cause véritable du règlement escompté par le fournisseur. Ce qui postule, a
priori, la faculté pour le donneur d'ordre de paralyser, de son seul chef, en sa qualité de
mandant(l235\\ le processus de paiement déclenché par l'utilisation de la carte, par la simple
révocation de son ordre auprès de l'émetteur.
577 - Mais l'affirmation, par le législateur, de l'irrévocabilité de l'ordre ou de
l'engagement de payer donné par carte de paiement ne résout pas toutes les difficultés pouvant
résulter d'un différend survenant entre l'utilisateur d'une telle carte et le fournisseur affilié. Il y
a lieu, en effet, de s'interroger, eu égard à l'imprécision du texte de l'anicle 57-2 précité, sur
l'attitude que devrait observer l'émetteur face à une opposition formée par l'utilisateur d'une
cane, en violation de la loi. Une telle opposition équivaudrait sans nul doute à la révocation
du mandat de payer qui sen de fondement, dans les rapports émetteur-attributaire, à
l'imputation du montant des factures réglées au fournisseur sur le compte bancaire du titulaire
de la carte. De sorte que l'émetteur devrait, en pareille hypothèse s'abstenir de payer (du
moins de débiter le compte de son client); et ce, jusqu'à l'intervention d'une éventuelle levée,
amiable ou judiciaire, de l'opposition(l236). Dans l'intervalle, ce dernier n'aurait même pas le
devoir (ni le droit) de bloquer les sommes concernées, car l'émission d'un ordre de paiement
par le biais d'une cane bancaire n'emporte pas, contrairement au chèque, transmission de la
provision au bénéficiaire.
578 - Il reste que le texte de l'article 57-2 peut recevoir une autre interprétation. On
pourrait y déceler l'affirmation de l'irrecevabilité des oppositions non conformes à la loi. La
pratique des banques est, du reste, en ce sens; les contrats porteurs som d'ailleurs
(1234) Réplique de l'art, 22 de la loi n' 85-695 du Il juill. 1985, I.û.R.F. du 12 JuilL 1985. p.7855: Reet. 1.0,R.F du 13
juillet 1985, p.7921; D. el Act. Lég. Dalloz; L985.387.
(1235) Dans le même sens, v. Didier Martin, Analyse juridique du règlement par carte de paiement, D.1987.51 el S., n'5 et s'
Encore que cel auteur s'élève contre la logique du mandat qui a inspiré le texte de l'article 22 précité, puis celui de l'article 57-
2, plus récent, alora que de l'avis de cet auteur, une autre voie. cene qu'ouvrirait l'admission du principe selon lequel
"l'opérouan réause un transfert à due concurrence, de la proprillé der avoirs monétaires existants ou susceptibles d'exister
au compte du porteur': eür dû être préférée, (Didier Martin article précité n"9). Mai5 la pertinence de cene dernière
proposition est loin d'être reconnue ell doctrine. V. par exemple. F, Grue. Contrats bancaires, précité, n'187; également
Claude Lucas de Leyssee in les cartes de paiemeut préôlé, n'Il, p.59 el n'j;4, p.74.
(1236) Dans le même sens, v. F. Grua, op. cn., n"]88; égal .. en ce qui concerne le montant garanti. R. Trinquer, Paiement par
carte, aspects juridiques de la fraude, Bancauque n"3 (déc 1984, p.167.

433
généralement explicites à cet égard. Le contrat porteur Cane Bleue du Crédit Lyonnais. par
exemple, stipule, en son article IX, que "seules sont recevables les oppositions expressément
motivées par la perle ou le vol de la carre, sa soustraction par un membre de la famille du
porteur, le redressement ou la liquidation judiciaire (sic) du bénéficiaire de l'ordre de
paiement". De même il est précisé. à l'anicle VI alinéa 3, que l'ordre de donné au moment
d'achats de biens et services est irrévocable en dehors des cas prévus à l'anicle X (c'est-à-dire
la perte, te vol ou la soustraction de la carte). Si bien que le "CREDIT LYONNAIS ne
peut...tenir compte d'une révocation d'ordre motivée par lUi différend commercial, auquel en
tout état de cause il resie étranger. entre le porteur ou le Titulaire du compte et le
commerçant(l237). L'émetteur. de la sorte érigé en juge de la validité des oppositions, serait
ainsi invité à passer outre aux instructions illégales (à ses yeux) et à débiter, malgré tout, le
compte du titulaire de la cane des sommes versées au fournisseu/ 1238). Si cette dernière
interprétation devait
l'emporter(l239),
on
se trouverait en
présence d'une
situation
extraordinaire au regard du mandat qui, fondamentalement. se trouve à la base de l'action du
banquier, en la matière considérée. L'on serait Mors forcé d'admettre que la mission de
paiement confiée à un banquier, par le biais d'une cane bancaire de paiement porte sur un acte
abstrait de versement d'une somme d'argent donnée, sans considération de la cause dudit
versement. De sorte que l'ordre de paiement une fois parvenu au banquier, ne pourrait plus
être influencé (sauf pour les raisons autorisées par la loi) par la volonté qui lui a donné
naissance. On peut douter alors que l'on soit encore en présence d'un véritable mandat. dans la
mesure où les pouvoirs exercés par le banquier n'auraient pas pour origine un accord conclu
avec le titulaire du compte impliqué. mais résulteraient, au contraire. d'une disposition
impérative de la loi. En tout cas si mandat il devait y avoir, il ne s'agirait plus du mandat
classique que réglemente le Code civil. Ce serait, plus probablement, un mandat statutaire, lié
à la profession du banquier, dont le régime juridique serait impérativement fixé par la loi, dès
(1237) La validité de telles stipulations dépend. en réalité du sens que l'ou donne aux dispositions de l'ar'>. 57·1 précité. Ces
clauses seraient, à noire avis. imposée. par les banques et. partant. abusives, si elles devaient se révéler comme allant eu-delà
de ce que prévoit la loi (à savoir une irrévocabilité placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire el non nne irrévocabilité
absolue se treduisanr par l'irrecevabilité. devant l'érneneur de cartes, de J'opposition du titulaire du compte concerné). Or tel
nous semble précisément être le CIlS. Le législateur n'a pu. selon nous. porter une restriction aussi importante am. droits des
titulaires de compte en des termes si peu précis.
(1238) En ce sens. F. J. Crédot, Conditions et effets des oppositions en metiëre de cartes de paiement. Les Petites Affiches
1986. n'lI L p.l04.
(1239) Ce qui nous semble tr~s probable. eu égard à la posiricn adoptée par la commission des COmmunautés européennes,
relativement à la révocabilité des ordres de paiement donnés au moyer. d'une cane de paiement, 11 travers la recommandation
du 17 nov. 1988 (v. J.O.C.E.n' L 317 du 24 nov. 1988.p.5.'i). L'an.a.t.. d (de l'annexe) recommande. en effet. aux émetteurs
d'imposer au titulaire de cane, pJ! contrat. l'obligation "de ne pas annuler un ordre qu'il a donné 11 l'aide de son moyen de
paiement".

434
lors que sont en cause les intérêts des fiers. Ce mandat s'apparenterait, en quelque sorte, à la
"prokura'' allemande ou à l'''agency'' anglais précédemment évoqués(1240).
579 - Mais, en l'absence de toute jurisprudence allant dans le sens de cette deuxième
interprétation(1241). il est permis d'envisager une autre analyse. par analogie avec le régime
juridique du chèque. II est indiscutable, en effet. que le législateur a. en réalité. cherché à.
aligner le régime juridique de la carte de paiement sur celui du chèque (I 242). On est fondé à
en déduire que la valeur qu'il convient d'attribuer à une opposition formée illégalement contre
l'ordre de paiement donné par carte n'est pas différente de celle qui frapperait, tout aussi
illégalement. un chèque régulier. Or, à cet égard. la solution retenue par les juges, voire par le
législateur'. 1243) confirme, on le sait ( 244), le banquier payeur dans le rôle de mandataire qui
est le sien. en la circonstance considérée. 11 n'a pas à juger de la validité des oppositions qu'il
reçoit de la part du tireur de chèque, son mandant. Il doit s'abstenir de payer en attendant une
éventuelle mainlevée que donnerait le juge des référés. notamment, sur la saisine du
porteur(1245). L'irrévocabilité de l'ordre (ou de l'engagement) donné par le biais d'une cane
de paiement n'a donc pas, dans l'esprit de la loi, une portée différente de l'irrévocabilité de
l'ordre de payer donné par chèque. D'une part, parce que le principe de cene irrévocabilité est
affirmé par la loi en des termes pratiquement identiques dans les deux cas(1246); d'autre pan.
parce que l'ordre de paiement donné par carte n'emporte pas transmission de la propriété des
sommes correspondantes au bénéficiaire. contrairement à l'ordre donné par chèque. Il ne
(1240) V. suprg n'lO.
(1241) A noter, touieîois. qu'un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en provence (18 juin 19&4, DI986.I.R.326. cbs. M. Vasseur)
a cu à déclarer que l'émetteur d'une cane: n'a pas à connaître des différends opposant le titulaire de la carte et un commerçant
affilié. De sorte que l'opposition au paiement formée par le titul:lire de la carte est impui1Sa~te 11. empêcher le règlemenl des
factures produites par le commerçant. Mais ;a Cour s'appuyait, en l'occurren<.:e, sur les stipulations du contrat porteur Carte
Bleue selon lesquelles l'existence d'un différend entre le titulaire de cane et un commerçant "ne peul en aucun cas justifier le
refus du ,i/u/aire de rembourser les paiemenu effectués par la banque émettrice". Cette jurisprudence ne peut servir A
expliquer la disposiucn légale postérieure ci-dessus évoquée.
(1242) En ce sens, Cb. Gavalda et J, SWumel. Droit du crédit précité. t.2, n'345. p.475.
(1243) V. supra n"175 et s.
(1144) Ibid.
(1145) Cependant, sur l'ambiguïté du lenne dc bénéficiaire utilisé pur le législateur, v. M. Cabrjllae el 8. Teyssiê,
KTD.ColT!. 1985.793, n'3.
(1146) dumoms. si l'on excepte la possibilité d'une opposition pour utilisation frauduleuse du chèque (récemment ajoutée par
le Itgisl"'CUI au nombre des causes légales dopposuion au paiement d'un chèque). Encore qu'il n'y ait pas là une véritable
raison de distinguer entre le chèque et la carte de paiement. Une telle disposition. Gui vise à décourager la pratique des
chèques lk garantie, serait sans intérêt en matière de carte de paiement. On voit nul. en effet. l'utjhsaticn rraudulcuse Gue: l'on
pourrait faire d'une cane non volée ni perdue.

435
saurait donc bénéficier d'une irrévocabilité de portée plus grande(l247). Sauf, pour le
législateur, à préciser le sens de la règle qu'il a édictée.
580 - L'ordre de paiement donné par carte bancaire relevant, à notre avis, de la théorie
du mandat, le décès, la "faillite", la survenanee d'une incapacité ou la pene de pouvoir (en ce
qui concerne les mandataires du titulaire du compte à débiter) de l'attributaire de la carte
devraient mettre fin à sa validité, conformément aux prévisions de l'article 2003 du Code
civil. Mais ce texte n'est pas d'ordre public, de sorte que les parties peuvent y déroger dans
leur convention.(1248) Or, précisément. le contrats porteurs des canes bancaires prévoit
généralement une telle dérogation. Le contrat porteur Carte Bancaire du Crédit Lyonnais, par
exemple, stipule notamment, en son article VI alinéa 4, qu'''en cas de décès, d'incapacité
juridique du titulaire de la carte er/ou du titulaire du compte ...ou de clôture du compte...le
CREDIT LYONNAIS a la faculté de débiter immédiatement les achats, décision qui serait
notifiée par simple lettre". La validité de cette stipulation ne fait pas de doute et ne remet pas
en cause la qualification de mandat appliquée à l'ordre de paiement donné par earte.
581 - La cause véritable de l'obligation de payer de l'émetteur d'une carte bancaire étant
l'autorisation qu'il reçoit de son client, attributaire d'une carte, force est, en conséquence,
d'exclure, à propos du même acte de paiement, l'analyse prenant appui sur l'idée d'un mandat
d'encaisser dont serait porteur le même émetteur, de la part, cette fois-ci, du fournisseur qui
lui réclame le règlement de ses factures ou relevés de machines électroniques (l249).
§ n. La production, par le fournisseur, de l'ordre donné par le porteur de carte
n'est pas constitutive d'un mandat d'encaisser.
582 - Dès lors que l'on a acquis la certitude que l'obligation de l'émetteur d'une carte de
paiement d'exécuter le règlement impliqué par J'utilisation de la carte n'a pour cause unique
que l'autorisation de payer qu'il reçoit de son client, attributaire de la carte, la seule qualité
que l'on puisse prêter à cet émetteur est celle de mandataire du titulaire de ladite cane, pour la
réalisation d'un paiement par virement. li n'en demeure pas moins que l'émetteur s'est par
ailleurs engagé par contrat, envers les commerçants affiliés, à leur régler les dépenses
. (1247) Pour MM. Cabrntac el Tejssfê (ons. ~ la R.T.D.Com.19&S.793. 1l·1). cette circonstance CS! même do: nature à altérer
sérieusement l'efficacité de l'irrévocabilité de la cane de paiement.
(1248) V. par ex. Paris 10 mars 1918. D.H.1938.247; adde Ph. le Tourneau, rép. dr. civ .. '1' Mandat (1992) précité. Il'370e\\
(1249) Sur la thèse du mandat d'encaisser. v. principalement, P. G. Chabrier. op. cit.. p.80, 83 et s. Adde C. Lucas de
LeYS'i3C, in les cartes de paiement. précuë, n'~ 38 et 39. pp. 69 ct s.

436
effectuées au moyen de la carte en cause, pour peu que ceux-ci se montrent respectueux d'une
certaine procédure et acceptent de rémunérer le service qui leur serait ainsi rendu (1250).
583 - C'est précisément en considération de cette convention émetteur-fournisseur,
fondement apparent du droit du commerçant au règlement des dépenses effectuées au moyen
d'une carte bancaire, que J'on a cru pouvoir justifier les rapports entre ces deux personnes par
le recours à l'idée d'un mandat d'encaissement. D'après une première opinion. en effet, le
règlement opéré par l'émetteur découlerait d'un mandat qu'il aurait reçu du fournisseur à l'effet
d'encaisser, auprès de l'attributaire de la carte, les factures ou relevés informatiques des
dépenses de ce dernie/1251). Mais, d'après une deuxième opinion, moins répandue toutefois,
ce serait, au contraire, le fournisseur qui recevrait de l'utilisateur de la carte, le mandat
d'encaisser, auprès de l'émetteur, à son propre profit, sa propre créance(l252). Aucune de ces
analyses ne mérite d'être retenue, à la réflexion.
584 - Concernant la deuxième de ces opinions, on doit relever qu'elle prend appui sur la
relation de droit qui naît entre le titulaire d'une cane ct le fournisseur affilié. Cette relation de
droit, certes, résulte indubitablement d'une convention liant ces deux personnages. On ne
saurait, pour autant, y voir un contrat de mandat qui serait confié au fournisseur, aux fins
d'encaissement de sa créance auprès de l'émetteur. L'analyse nous paraît trop éloignée de la
réalité.
Entre le commerçant et le client qui produit une carte de paiement existe, selon nous,
principalement, un contrat de vente ou de prestation de service qui est étranger, a priori. au
mécanisme du paiement par carte. Sur ce contrat principal se greffe, au plan des modalités
d'exécution des obligations qui en découlent, une convention sur le paiement Cette dernière
conventionn'est pas constitutive d'un mandat d'encaisser que le fournisseur recevrai! de son
client. EUe se présente, au contraire, comme la conséquence de l'engagement pris par le
commerçant, envers l'émetteur de la carte, d'accepter le règlement de ses prestations ou
fournitures par l'utilisation des cartes accréditives. En clair, en acceptant telle ou telle carte en
échange de ses fournitures, le commerçant ne fait qu'exécuter la convention qui Je lie à
j'émetteur de cartes, laquelle a stipulé au profit des porteurs accrédités. On le voit, les rapports
porteur de carte-fournisseur trouvent leur fondement dans une stipulation pour autrui et non
dans un mandat quelconque.
585 - Raisonnant, à présent, sur la première des propositions d'analyse ci-dessus
exposées, celle qui fait de l'émetteur le mandataire à l'encaissement du fournisseur qui lui
(1250) Sur le contrat fournisseur, envisagé comme une source d'obligations contractuelles pour l'émetteur d'une carte
bancaire, v. supra n"561 el 5., et les références cirées.
(1251) V. P. G. Chabrier, op- Cil•• p.79 ct s., 83 tt s., 95 <:1 5.; v. aus'ioi C. Lucas ce Leyssac. in les cartes de crédit. précité.
n':39, p.69
(1252) V. C. Lucas de Leyssac. op. cit.Jcc. cir., n"38, p.69

437
présente ses factures ou relevés informatiques, aux fins de règlement, on doit dire qu'en dépit
de son caractère vraisemblable, a priori, elle ne peut être acceptée non plus (l 253). Une
convention de recouvrement est de toute façon sans intérêt en la matière. D'une part,
l'obligation pour le fournisseur d'accepter une carte bancaire comme mode de paiement
s'impose à lui du seul fait du contrat le liant à l'émetteur (du moins, si l'opération ne dépasse
pas un certain montant); d'autre part, l'émetteur, tenu par le contrat qui le lie au porteur de la
cane, ne peut refuser de son propre chef d'honorer les ordres de paiement donnés par ce
dernier, quand bien rrêrne la transmission desdits ordres serait laissée à l'initiative du
créancier du paiement envisagé.
586 - Mais, alors, se pose la question de savoir dans quel intérêt le banquier qui émet
une cane se lie par contrat avec le fournisseur. La théorie du mandat d'encaissement étant
exclue en l'occurrence, l'on est bien forcé d'admettre que l'objet véritable de l'obligation
contractuelle de l'émetteur de cartes, à l'égard des fournisseurs affiliés, est constitué,
principalement, par la garantie de paiement que promet le premier au second. Sur celte
promesse de garantie se greffe, de manière accessoire, une promesse de services annexes
relatifs, notamment, à la mise à disposition et à l'entretien de l'appareillage nécessaire au
fonctionnement du système, ainsi qu'à la mise en oeuvre des efforts nécessaires à la limitation
des risques de fraude qui y sont inhérents.
587 - Concernant la garantie de paiement, elle se caractérise par les deux traits suivants:
elle entraîne, en effet, d'une part, un règlement immédiat, opéré par l'émetteur au seul vu
d'une facture régulière (ou de toute autre preuve des dépenses imputées au porteur de carte),
alors même que ce dernier n'est pas assuré d'être couvert, plus tard, par le donneur d'ordre; et,
d'autre part, la renonciation, par l'émetteur, de tout recours en reversemenr contre le
fournisseur, pour les sommes se situant dans les limites du montant contractuellement garanti
(ou autorisé au moment de la dépense, à la suite, par exemple, d'un appel téléphonique du
commerçant), Cette anticipation du règlement (par rapport au débit du compte domiciliataire),
conséquence indirecte de la promesse de garantie concédée par l'émetteur au fournisseur, ne
doit pas pour autant faire croire que c'est celle-ci qui sen de cause au versement de fonds ainsi
réalisé. Il faut, en effet, se souvenir que cette garantie ne joue qu'à titre accessoire, par rapport
à un autre acte principal (l'ordre de paiement donné par le titulaire de la cane) auquel elle
demeure subordonnée(l254), Il faut encore garder en mémoire le fait que la garantie de
l'émetteur ne couvre en réalité que tes seules (et rares) opérations effectuées frauduleusement
(1253) Dal15 le même sens, v. C. Lucas de Leyssac, in Les C,ULeS de paiement, précité, p.75. n'59. IXJ"r lequel "la proâuction
de ta facture par ïefoernisseur 11 l'émeneur S'tPl(II.I're comme la dénonciation di! l'ordre Li ce demier. el nO,j pas comme rm
mandai donne par le journisscnr il l'tlmetleurd'opérer un recouvrement",
(l2S4) sur ce point, v. supra lI','i72.

438
par un tiers à l'aide d'une carte perdue ou .... olée, postérieurement à l'opposition formée par le
titulaire( 1255),
588 - On le voit, Je caractère exceptionnel (donc peu fréquent), de la mise en jeu
effective de l'obligation de garantie souscrite, de façon autonome, par l'émetteur de canes çe
paiement. montre, à l'évidence, que la justification de la quasi-totalité des versements de
fonds provoqués par l'utilisation des cartes bancaires doit être recherchée au-delà de ladite
garantie, objet essentiel. pourtant. de la convention unissant l'émetteur et le fournisseur. Cene
justification ne peut être trouvée que dans la mission de paiement que reçoit te banquier,
dépositaire. par ailleurs, des sommes engagées, conformément aux prévisions de l'accord-
cadre que constitue le contrat porteur Cane Bancaire. Or, ce contrat n'exprime rien d'autre.
envisagé du point de vue de l'émetteur. que la volonté de ce dernier d'intervenir pour le
compte et au nom de son client, comme intermédiaire pour le règlement de ses dépenses, par
le débit d'un compte donné, ouvert dans ses livres. Ce constat autorise l'analyste à penser
qu'au fond, la situation juridique qui résulte, pour le banquier. de l'utilisation d'une carte de
paiement est, somme toute, assez proche de celle qui est la sienne du fait de l'émission par son
client d'un chèque ou d'un ordre de virement, au plan de ses rapports avec ce dernier. surtout.
Dans tous ces cas, en effet, le rôle dévolu au banquier consiste à opérer sur l'invitation de son
client, par prélèvement sur le compte bancaire de ce dernier, un versement de fonds au profit
d'une tierce personne. Le transfert de fonds ainsi réalisé, parce qu'intervenant, principalement,
dans l'intérêt du donneur d'ordre, dont la dette se trouve généralement éteinte de cette façon,
apparaît comme effectué pour le compte de ce dernier et en son nom. Dans ces considérations
se trouvent, incontestablement, les fondements de la qualification de mandat appliquée à
l'opération .du paiement par carte bancaire. En effet. elles font apparaître l'identité de nature
des différents instruments bancaires de paiement (ou, plus largement. de mouvements de
fonds). Elles montrent, également, que l'ordre donné par le titulaire d'une carte de paiement
est la cause véritable du transfert de fonds qu'opère l'émetteur de carte au profit du
fournisseur< 1256).
589 ~ Mais, aussi fondée que puisse paraître la qualification de mandat ainsi retenue par
la majorité des auteurs, il ne peui être nié qu'elle est inapte à justifier certains aspects du
mécanisme du paiement par cane. Ceux-ci apparaissent, par conséquent, comme autant de
facteurs d'incertitude de la qualification de mandat avancée. Le bien-fondé de cette
qualification ne peut, dès lors, dépendre que de la force déstabilisatrice de ces éléments
perturbateurs.
(125S1 Sur ce point. Y. supra n'573.
(1256) V. supra n'567 er s.

439
SECTION Il. LES FACTEURS D'INCERTITUDE DE LA QUALIFICATION DE
MANDAT APPLIQUEE A LA TECHNIQUE DU PAIEMENT PAR CARTE
BANCAffiE.
S90 - Les éléments qui, dans le régime juridique du paiement par carte. suscitent des
réserves quant à l'explication du système par le recours à la théorie du mandat sont au nombre
de deux, essentiellement:
En premier lieu doit être signalé le principe de l'irréversibilité du processus de paiement
déclenché au moyen d'une carte bancaire (§ 1). Le corollaire de ce principe, la règle de
l'irrévocabilité par le titulaire de la cane de son ordre, a pu être critiqué, en effet, comme
aboutissant à la négation d'une "caractéristique substantielle" du mandat que constitue,
certainement. l'ordre donné au moyen d'une carte de paiement(1257).
En second lieu, doivent être mises en évidence les incertitudes relatives à. l'imputation
de la charge financière de l'opération de paiement par carte bancaire (§ m. L'analyse de cette
opération en un mandat que reçoit l'émetteur, de la pan de l'attributaire de la cane, aurait dû
pourtant conduire à faire supporter à ce dernier ladite charge, en sa qualité de maître d'oeuvre
(et donc de principal intéressé) de t'affaire conduite par le banquier.
§ 1. L'ffiREVERSIBILITE DU PROCESSUS DU PAIEMENT PAR CARTE.
591 . La technique du paiement par cane bancaire se caractérise, on J'a déjà signalé, par
l'anticipation du paiement que réalise l'émetteur au profit du commerçant, avant même de
s'être assuré de la couverture réelle dont il dispose auprès du donneur d'ordre. La fiabilité du
système tout entier. partant sa viabilité, commandait par conséquent la règle de l'irréversibilité
du processus de paiement enclenché par J'ordre émis par le titulaire d'une cane bancaire à
l'occasion de ses dépenses. Aussi n'est-il pas étonnant que les banques émettrices de cartes de
paiement aient, dès les premiers moments de mise en service de telles canes, pris soin
d'inclure. dans les contrats porrcurs, une clause prévoyant l'impossibilité pour l'attributaire de
la cane de révoquer les ordres de paiement donnés régulièrement(l258) à l'aide de la carte.
Cette stipulation contractuelle n'a pas paru suffisante à assurer efficacement l'irréversibilité
recherchée, puisque le législateur a éprouvé le besoin d'affirmer à travers un texte de (ai,
l'article 57-2 du décret-loi du 30 octobre 1935 (anciennement art. 22 de la loi n' 85-695 du 11
juillet 1985)(1259>, l'irrévocabilité de l'ordre de paiement donné au moyen d'une carte de
. paiement Monsieur Michel Vasseur écrivait, à propos de la clause d'irrévocabilité inscrite
(1257) V. Didier Martin, article précité. D.19'i17.51, [J'j.
(1258) C'est à dire. en dehors de toute utilisation frauduleuse de la carle, à la suite de l'il perle ou du vol de celle-ci.
(1259) J.O.R.E du 12 juill. el recrit. du 13 juill. 1985; D. 1985.386.

440
dans les contrats porteurs, avant l'avènement du texte législatif précité, que "la nécessité d'une
telle convention expresse n'en témoignait pas moins de l'inappropriation des régies du droit
commun,,0260\\ en l'occurrence les règles du droit commun du mandat(l26l), A l'origine de
l'adoption du texte de l'article 57-2 précité se trouve certainement le même sentiment. Si bien
que l'on est fondé à soutenir, a contrario. que le principe de l'irrévocabilité de l'ordre de
paiement donné à l'aide d'une cane bancaire contredit, a priori, s'il devait s'avérer de portée
absolue du moins, la qualification de mandat appliquée à la technique étudiée (A). Qu'il nous
soit permis. cependant, de douter de la nécessité d'une telle irrévocabilité absolue de l'ordre de
paiement donné au moyen d'une carte bancaire. Car il est possible d'obtenir, en la matière
considérée, une irréversibilité des paiements qui ne soit pas contraire aux principes du
mandat. C'est dire que l'irréversibilité du processus du paiement initié au moyen d'une cane
n'est pas nécessairement exclusive d'un mandat (B).
A. LE PRINCIPE D'UNE IRREVOCABILITE ABSOLUE DE L'ORDRE DE
PAYER DONNE AU MOYEN D'UNE CARTE EST INCONCILIABLE AVEC
L'ANALYSE DE CET ORDRE EN UN MANDAT.
592 - Il est enseigné généralemenr, par référence aux articles 2003 et suivants du code
civil, qu'un mandant conserve toujours la possibilité de retirer au mandataire les pouvoirs qu'il
lui a confiés; et qu'un rel comportement a pour résultat de mettre fin, immédiatement et
inévitablement, à la mission de ce dernier, si elle n'est pas encore achevée(l262). Sans doure
des exceptions à cette révocabilité ad nutum du mandat existent-elles, du fait soit de la
prohibition. des abus de droit, soit d'une clause expresse d'irrévocabilité, soit enfin du
caractère commun des intérêts en jeu(l263). Mais, de l'avis général, ces exceptions n'ont
jamais pour effet de conserver au mandataire ses pouvoirs de représentation en dépit d'une
révocation irrégulière(1264). Décider le contraire "se ramènerait d ériger le mandat en un
acre abdicatif par tequet le malldant(l265) se dépouillerait instantanément du pouvoir
(1260) M. vasseur. Le paiement électronique. Aspects juridiques. lC.P. 1985.1.33:06, n'12.
(lUI) V. M. Vasseur. op. cit.iloc. Cil.. n'Il.
\\1262) V. net. Pb. Malaurie et L. Aynès, les contrats spéciaux. précité. /1"555 el s.• p.278; H. L et J. Mazellud. principaux
contras. précité. 2è partie. n"1418. p.873.
(1263) Sur ces exceptions. v. »ot. Ph. Malaurie et L. Aynès. op. cil .• loc. cit.. n'556 et S.; H. L. et J. Mllzeaud. op. cit.ç Joc.
cit., n·141gets.
(1264) V. Ph. ~alaurieel L. Aynè!>. op. cil.. loc. cit.. n'556; H. L. et J. "fazellud. op. cit .• loc. Cil.. u'142Û-2.
(1265) el non par le mandataire comme il est écrit par erreur dans le texte cité.

441
correspondam"(1266). On serait alors en présence non plus d'un mandat, mais d'un acte
translatif de droit(1267J.
593 - Aussi est-on enclin à estimer que les dispositions de l'article 57-2 du décret-loi du
30 octobre 1935 ne suffisent pas, eu égard à la qualité de mandataire de l'émetteur de cartes, à
priver de [out effet une interdiction de payer signifiée à ce dernier par le titulaire du compte
domiciliataire de la carte, même en violation flagrante de la loi(1268), En conséquence,
l'émetteur aurait l'obligation, en présence d'une telle interdiction, de s'abstenir de débiter le
compte du donneur d'ordre jusqu'à l'intervention d'une décision judiciaire de mainlevée de
l'opposition rendue, éventuellement, par le juge des référés( 1269), à l'initiative du fournisseur,
victime potentielle d'une telle révocation(l270). C'est pourtant la solution contraire qui
semble prévaloir en droit positif. la plupart des auteurs estimant que la banque émettrice est
juge de la validité des oppositions qui lui sont adressées(l27l). L'absence de toute référence,
dans le texte de loi précité. à la mainlevée judiciaire des oppositions illicites ne serait pas une
omission accidentelle. mais au contraire un acte délibéré du législateur(l272), traduisant la
caractère absolu de l'irrévocabilité. C'est en tout cas l'interprétation retenue par les
établissements émetteurs. lesquels ont pris soin. depuis lors, d'inclure dans le contrat porteur
Cane Bancaire, sous un article VnI. la clause selon laquelle "seules les oppositions motivées
par la perte ou le vol de ta carte, le redressement ou la liquidation judiciaire (sic) du
bénéficiaire sont recevables".
594 - On ne peut cependant manquer de remarquer à quel point l'irrecevabilité des
oppositions. ainsi consacrée, heurte la logique du mandat qu'est censé constituer tout ordre de
(1266) D. Manin. article précité. 0.1987.5 L, n·S.
(1267) Ibid.
(1268) Dans le même sens, v. F. Grua, op. cil" n'188, p.179; D. Manin, article précité. D.1987 ,5L. nOs 5 e18.
(1269) Bien qne l'an. 57 2 du décret-ku du 30 octobre 1935 n'ail pas expressément prévu. contrairement Il l'art. 32 al. 2 du
décret- loi du 30 octobre 1935 relatif au chèque. une procédure de mainlevée des oppositions illicites, on peut penser que Je
prcnoneé d'une telle mainlevée n'en est pas moins possible, sur intervention du juge des référés, dans les conditions du droit
commun. Dans le même sens, v. M. Cabrillac el B. Teysslë. obs. à la R.T.D. corn. 1985.793, n'J: F. Grue. op. cit.. n'188,
p.179; M, Jeanün. op. eit.. p.lOS, note n"L.
(1270) Si, ainsi qu'il est de pratique eour ante. le fournisseur a déjll été crédité do montant de ses Iaetures 00 relevés. la
révocation de son ordre par le titulaire de la earte aurait pour effet de le rendre redevable. vis-à-vis de l'émeneur. du
remboursement des sommes dont l'avance lui aura été ainsi Iaite. Mais. eu égard Il la garantie que promet l'émetteur, les
risques de non paiement liés à la révocabilité de l'ordre sont à sa charge, du moins jusqu'à concurrenee du montant
, contractuellement garanti.
(1271) Dans ce sens. v. M. Jeanun. op. cit.. n'lm, p.105; J.-L. Rives-Lange el M. Contamlne-Raynaud, op. ek., n'3L4.
p.446; F.,J, Crédot. article précité, les petites affiches 1986, n'Ill, p.105: P. Bouteiller, article précité. jurisclasseur droit
des entreprises, commercial. vol. 2, fasc. 414, n'ç.
(1272l Y. la dérncnstratlon. convaincante du reste. faire par M. F.·J. Crédot (article préeiré. toc. cn.) ?l partir des discussions
intervenues lors du vote de la Loi li ]'Assemblée Nationale et au Sénat.

442
paiement adressé par le titulaire d'un compte bancaire à son banquier, cet ordre fût-il donné à
la suite d'un règlement de dépense par carte bancaire. Il n'est pas concevable, en effet, qu'un
mandataire, chargé d'accomplir un acte par représentation d'autrui, le mandant, se trouve de
ce fait investi de la capacité de s'opposer aux décisions de ce dernier, de qui il est pou~t
censé tenir ses pouvoirs. Il est, au contraire, dans l'esprit du mandat que le mandataire. fût-il
un professionnel, demeure toujours soumis à l'autorité du mandant, titulaire des droits dont
l'exercice lui est laissé(l273). Il se trouve, de ce fait, dans l'obligation de respecter, en toutes
circonstances, les instructions. même illicites, du représenté, sous peine d'agir sans pouvoirs
et donc sans la couverture de ce dernier. Le mandataire dont la procuration a été révoquée ne
peut prétendre continuer sa mission au nom et pour le compte de celui qui lui a ainsi retiré ses
pouvoirs de représentation. Et il ne suffirait pas, pour assurer le maintien des pouvoirs du
mandataire, de dire que le mandat en cause est irrévocable. Sans doute une telle poursuite de
la mission litigieuse peut-elle être décidée sur la base d'une disposition légale impérative,
autorisant (ou commandant même) au mandataire de ne pas tenir compte du contrordre du
mandant. Toutefois on ne saurait alors attribuer cet acte au mandat révoqué, mais, au
contraire, à l'effet de la loi, laquelle aura, de la sorte, substitué au mandat une autre réalité
juridique(1274).
595 - On le voit, même lorsqu'il est dit irrévocable, le mandat demeure toujours
révocable, par essence en quelque sorte(l275), la stipulation de l'irrévocabilité ayant pour
effet, en réalité, d'exposer au paiement de dommages-intérêts, le mandant qui se dédie sans
raison valable. Cela autorise à dire que la révocabilité du mandat, bien que n'étant pas d'ordre
public(l276), apparaît, en définitive, comme participant de la nature même de ce contrat. Si
bien qu'on pe saurait prétendre modifier ce trait de nature du mandat, par l'institution d'une
irrévocabilité absolue, d'origine légale notamment, sans aboutir, du même coup, à la
disqualification de l'acte juridique considéré. Car, comme le dit si bien le Professeur Didier
Martin, "au mandat désavoué par le déni de .'la manière d'être, succède inéluctablement un
nouvel état de droit. C'est vaine présomption de vouloir réduire le mandat à Un
démembrement, quant il en forme l'antithèse: on a le démembrement mais on perd le
mandat,,(l277) .
(1Z'13) Comparer. Ph. Pétel, op. cü.. 0'370, p.238. Rappr. supra, n'330.
tlZ'14) v. D. :\\1artln, article précité. D.1987.5L 0'6.
(lZ'15) V. D. Martin, op. cit., loc, cir., n'S el s.
(12'16) Le; parties au mandat ayant en effet la possibilité de stipuler son irré...ccabiliré. V. Ph. :\\1alaurie et L. ""ynès, Les
contrats spéciaux.précité. n'556.
(12'1'1) D, Martin, article précité. D.l987.51, n'ë.

443
On doit comprendre, à ce niveau de la démonstration, que c'est à ton que l'irrévocabilité
affirmée par l'article 57-2 du décret-loi du 30 octobre 1935. précité. est interprétée, en droit
positif, comme étant absolue et autorisant. par voie de conséquence, les banques à juger de la
recevabilité, en dehors de toute intervention judiciaire, des interdictions de payer qu'elles
pourraient recevoir de leurs clients. Le mandat que constitue, très certainement(l278), l'ordre
provenant de l'utilisation d'une carte de paiement, ne peut s'accommoder d'une telle
interprétation, radicalement incompatible avec la qualité de représentant du solvens. Cette
interprétation est d'ailleurs d'autant moins acceptable qu'elle n'est pas indispensable à
l'obtention du résultat recherché, à savoir l'irréversibilité du processus du paiement effectué
au moyen d'une carte, dans le strict respect des règles essentielles du mandat.
B. L'IRREVERSIBILITE DU PROCESSUS DU PAIEMENT INITIE AU
MOYEN D'UNE CARTE N'EST PAS EXCLUSIVE D'UN MANDAT.
596 - Il est clair que le principe de l'irrévocabilité de l'ordre de paiement donné par cane
vise essentiellement à assurer, du fait de l'irréversibilité qu'elle implique, la sécurité et la
fiabilité du paiement par carte" li n'est pas dit pour autant que cette irréversibilité.
indispensable en la matière considérée, doive passer nécessairement par l'instauration d'une
irrévocabilité légale, impérative er absolue, incompatible, en réalité, avec la nature même de
l'opération en question" L'émetteur d'une carte de paiement ne peut, en effet, passer pour le
mandataire de l'utilisateur de (a carte et prétendre, dans le même temps, à la fonction de
censeur des décisions de ce demier(l279). Ce sont là deux qualités antithétiques dont l'une
uniquement,
la
première,
peut
être
retenue,
eu
égard
non
seulement
à
l'origine
conventionnelle, mais également à la nature des relations qui s'établissent entre ces deux
personnes. Or sur le terrain du mandat, l'irréversibilité du processus de paiement ne saurait
être recherchée par l'érection de l'émetteur de canes, mandataire de son état, en juge de la
validité des interdictions de payer émanant du porteur d'une carte, son mandant. Cette
irréversibilité commande bien sûr que soit posé le principe d'une irrévocabilité de l'ordre de
paiement. Mais c'est avec cette particularité que, comme en matière de chèques, il
appartiendrait au seul juge (des référés) d'apprécier la validité des oppositions et d'en donner
mainlevée l Zêû. L'émetteur, quant à lui, doit, dans l'intervalle, s'abstenir d'exécuter l'ordre
révoqué(l28l).
(12:78) Y. supra n"568 el s.
(1179) Dans le même seris'1. D" Martin. précité, nOS.
(l2Se} Sur la nécessité de l'intervention du juge des référés en la matière considérée. v. nol. M. Cabriuac el B. Teyssié, obs.
à la R.T.D.Com.1992.425. n'l.
(}281) Rapprocher supra \\)"\\7S el s.

444
Sans doute un tel système ne serait-il pas totalement satisfaisant, du fait de Ja faculté
qu'il laisse au porteur de carte de faire obstacle au règlement projeté. La fiabilité de tout le
système s'en trouverait altérée. Mais cet inconvénient ne doit pas être exagéré outre mesure.
Le créancier du règlement en cause disposerait alors du moyen de parer au blocage qu
processus de paiement déclenché par l'utilisation de la carte, en sollicitant auprès du juge des
référés la mainlevée de l'interdiction de payer signifiée à l'émetteur par le donneur
d'ordre(1282). Il reste, malgré tout, que le risque d'un plus ou moins long retard dans le
dénouement des opérations de paiement par carte demeure. Mais n'est-ce pas cela la
conséquence normale de la technique juridique qui sert de fondement à l'opération de
paiement par carte? Cette technique reposant sur deux contrats distincts et indépendants
conclus par j'émetteur des cartes, séparément avec les commerçants d'un côté et, de l'autre,
leurs clients potentiels, ne peut, en effet, fournir une base juridique à l'octroi, aux premiers
d'un droit direct sur une partie des sommes détenues par celui-ci pour le compte des seconds.
Et il ne peut en être autrement aussi longtemps que la relation de mandat qui lie l'émetteur à
l'utilisateur d'une carte bancaire apparaîtra comme le seul fondement du pouvoir de
disposition qui est reconnu au premier sur les fonds appartenant au second.
597 - On peut, certes, penser à introduire en la matière. sur la base d'une disposition
légale impérative, par analogie avee le régime juridique du chèque, le principe de la
transmission de la propriété de la provision (actuelle ou future) pouvant exister au compte du
donneur d'ordre( 283). Mais cela ne supprimerait pas pour autant le risque de blocage
précédemment évoqué, puisque l'adoption de ce principe n'autoriserait pas, on l'a vu à propos
du chèque(l284), l'émetteur d'une carte à désobéir à une interdiction de payer émanant du
titulaire de celle-ci, son mandant, alors surtout que la mission confiée n'aurait pas été
exécutée(l285). Une telle interdiction, même illicite, entraînerait. en effet, l'extinction
immédiate du mandat de payer et, panant, le retrait des pouvoirs accordés à l'émetteur de la
carte par le pane ur de celle-ci; de sorte qu'aucun acre, ultérieur. de paiement ne pourrait se
réclamer de la procuration ainsi révoquée. Aussi un tel paiement ne pourrait-il être libératoire
pour le banquier, à la fois dépositaire irrégulier de fonds et émetteur de cartes(1286\\ que s'il a
été effectué sur le commandement de la loi ou du juge.
(1282) Dam ce sens v. F, Grua, op, cu., n0188, p.I i1,
(1283) C'est la soluucn que préconise M, Didier Manin dont on trouvera l'exposé dans son article précité. 0,198751, n'9 el
s.
(1284) V. supra n0175.
(1285) Cette exécution est généralement considérée comme intervenant au moment où l'émetteur règle le fournisseur. même
si l'écriture corrélative de débit n'a pas encore été inscnte au compte du porteur de la carte (cartes à débit différé).
(1286) La qualité de dépositaire prévaut en l'occurrence, I'émeueur de carle n'étant porteur d'aucun mandat dès lors que
l'ordre de payer a été révoqué par le présentateur de la cane, Sur le critère de distinction entre les qualités de dépœlreire et de

393
instructions du donneur d'ordre(llll); que celles-ci soient relatives à la nature ou aux
énonciations des documents exigés, ou relatives au délai de validité du crédit(l1l2). Les
mêmes obligations sont supportées par la banque que le donneur de crédit se sera substituée
pour la réalisation du crédit. Encore que la banque substituante ne soit pas responsable. vis-à-
vis de son client. des fautes imputables à la seule banque substituée(l 113), Ayant désintéressé
le bénéficiaire. la banque émettrice doit transmettre à son client, dans les meilleurs délais, les
documents qu'elle a levés à son intention.
D'autre pan, il pèse sur la banque émettrice(l114). une obligation générale de prudence
et de diligence, en vertu de laquelle elle supporte le devoir de mettre en oeuvre tous les
moyens susceptibles d'assurer le succès de la mission qu'elle a acceptée. A ce titre, et en
conséquence de sa qualité de mandataire ayant en charge la défense des intérêts de son
mandant, elle assume, préalablement à tout paiement, l'obligation de procéder à une
vérification minutieuse des documems( 1115) qui lui sont présentés aux fins de règlement.
523 - Toutes ces obligations sont, sans conteste, celles d'un mandataire. Leur sanction
ne dément d'ailleurs pas celte affirmation. En effet, ainsi qu'il en va pour tout mandataire,
c'est d'abord (et essentiellement) devant le donneur d'ordre que la banque émettrice est
appelée à répondre de ses actes. Que celui-ci juge satisfaisante son action, er elle se trouve
dégagée de toute responsabilité, à son égard(l116). Qu'au contraire, le donneur d'ordre trouve
de légitimes raisons de contester cette action. et la banque émettrice court, alors, le risque de
(UU) A moins qu'il ne s'agisse d'instructions qui visent à annuler, unilatéralernern, un crédit stipulé irrévocable. ou 11 en
modifier les conditions, en l'absence d'un accord des différentes parties intéressées. Auquel cas, elles ne s'imposeraient pu au
banquier émetteur.
(1112) Sur ces différents points. v. J. Stourüet. Crédit documentaire, juriclasseur Banque el Crédit, vol. II. fasc.Iüêû, n'55 el
S.; Bnc.jur. Dalloz. Tep. dr. com., zèéd ., 'l' Crédit documentaire, n'32 et s. el n'62 et s.
(1113) Sur celle exonération de responsabilité dt: la banque émettrice et des banques (en général). des faits de leurs
correspondants, v. art.10-a el b des R.U.U.
(U14) De même que sur taule banque lu! étant substituée. quand bien même celle dernière agirait sous sa propre
responsabilité. à cette occasion.
1111S) Encore que eene vérification, de nature essemiellemenr formelle, ne requière qu'une diligence raisonnable. permettant
de s'assurer de la conformité apparente des documents avee les conditions dn crédit (v. art. 15 des R.U.U.).
(1116) Cela n'exclut nullement que ce banquier fasse l'objet d'une action en jus lice (action en exécution d'un engagement
particulier, notamment), diligentée par un tiers au rapport banque émettrice-donneur d'ordre.

445
598 - A vrai dire, une seule circonstance aurait permis d'organiser, sans remettre en
cause la qualification de mandat ayant cours en la matière considérée, une irréversibilité quasi
infaillible du processus de paiement déclenché par l'usage d'une cane bancaire: il aurait fallu
que. de façon analogue au cas du crédit documentaire, l'engagement irrévocable pris
personnellement par l'émetteur d'une carte vis-à-vis du fournisseur, le fût, sinon à la demande
expresse du porteur de la carte, du moins dans son intérêt exclusif, ou principal à tout le
moins. La stipulation, dans les rapports émetteur-porteur de la carte, de l'irrévocabilité des
ordres de paiement apparaîtrait alors comme la conséquence naturelle, voire la condition de
l'acceptation par l'émetteur de la mission de paiement qui lui est assignée. Bien sûr, une
convention de cette nature n'exclurait pas la possibilité d'une opposition au paiement formée
par le donneur d'ordre en violation de sa parole. Mais l'émetteur y trouverait, éventuellement,
une raison d'exercer sur les fonds qu'il détient pour le compte de son mandant (ou sur une
portion seulement de ces fonds) un droit de rétention(1287), destiné à garantir le
remboursement des sommes qu'il a pu avancer en exécution de l'engagement personnel qu'il a
dû prendre, dans te cadre de sa mission (1288\\ envers le cocontractant du mandant. Ce
faisant, ce serait en quelque sorte la responsabilité contractuelle du mandant, pour inexécution
de ses obligations de remboursement et d'indemnisation à son égard (v. articles 1999 et 2000
du C. civ.) qu'il invoquerait, dans l'attente d'une décision de justice.
599 - On le voit, il n'est pas impossible d'organiser de façon assez efficace, en accord
avec les règles du mandat, l'irréversibilité d'une opération de paiement dont la réalisation
serait confiée à une banque. Mais il faut pour cela que cette irréversibilité apparaisse pour le
mandant comme la contrepartie logique d'un engagement exceptionnel qu'il invite le
mandataire à prendre, à l'égard d'une tierce personne, dans son intérêt; de sorte que l'on puisse
dire de la clause d'irréversibilité qu'elle a été conçue, par les parties au contrat de mandat,
comme la condition de l'acceptation par le mandataire de la mission qui lui est confiée. Or tel
n'est pas le cas, visiblement, en matière de paiement par carte où la garantie de paiement
qu'accorde l'émetteur de cane au fournisseur (du reste, dans certains cas seulement)
n'intéresse pas au premier chef l'utilisateur de la carte, quand bien même son crédit s'en
trouverait indirectement renforcé(1289). Ce dernier est, de fait, toralement étranger à cette
mandataire que le banquier cumule géuérulement dans les opérations de paiement effectnées POUT le compte de ses clients .....,
par analogie, supra n'25l cr s.
(1287) Le droit de rétention semble. en effet, pou voir êne exercé sur une somme d'argent (v, not. G. Many, P. Raynaud el
Ph. Jestez. Droit ci... il, Les sûretés.La publicité foncière, Zè éd. Sirey 1987, n·34. p.30; également J. Me~re, Pri...ilêges,
Droit de rétention, jurisclasseur civil. 1er App. art. 2092 à 2004. n'119), en dépit de l'opinion contraire affirmée per certains
auteurs (v , nor. F. Derrida. Ënc. jur, Dalloz, rép. dl. ci v. éd. vol VII. .... Rétention. n'
; Christian Scalpel, Le droit de
rétention en droit positif, R.T D.Civ, 1981.539. Il'30 el S.
(1288) Sur la possibilité pour le uraodataire d'invoquer le droit de rétention, v, R. Rodiere. Eue. jur. Daücz, rép. dr. civ.
précité v" Mandat, n'30B et s. ct références citëes. Adde Ph. le Tourneau. rép. dr.ci ........ Mandat (1992) précité, n·277.
(1289) S ur cette affirmation. v, Ch. Ga"'aida et J. Sloumef. Droit du crédit précité, 1.2. n'y-lO, p.468.

446
convention. Force est d'admettre. dans ces conditions. que le mandat que constitue J'ordre de
payer résultant de l'usage d'une carte de paiement ne peut servir de cadre à l'instauration d'une
technique assurant une parfaite irréversibilité de l'opération de règlement en cause. Vouloir y
arriver malgré tout. par le biais, au besoin, d'une disposition législative impérative ne pourrait
se faire qu'au prix d'une dénaturation. d'une disqualification de l'opération considérée. Aussi
la règle de l'irrévocabilité de l'ordre de payer. si elle devait être confirmée. en jurisprudence.
comme impliquant l'irrecevabilité auprès de l'émetteur d'une carte de paiement, des
oppositions formées par le porteur. se présenterait-elle comme un sérieux élément révélateur
du caractère inapproprié de la thèse du mandat développée, en la matière étudiée, par la
plupart des auteurs. A ces premiers facteurs d'incertitude de la qualification de mandat
appliquée à l'opération de paiement par carte s'ajoute un deuxième, qui a trait aux difficultés
de détermination de la personne à qui sont imputés la charge financière de l'opération de
paiement par carte bancaire et, plus particulièrement, les risques y attachés.
§ II. L'IMPUTATION DE LA CHARGE FINANCIERE DE L'OPERATION DE
PAIEMENT PAR CARTE BANCAIRE.
600 - Dans tout contrat de mandat, le mandataire. parce qu'il est censé représenter
autrui, n'engage pas son patrimoine par les actes que lui dicte l'accomplissement de sa
mission. C'est, en effet, le mandant, personne représentée, qui recueille les profits induits par
lesdits actes (cf. art. 1993 C. civ.). Mais il doit, à l'inverse, en supporter les contraintes.
Celles-ci sont constituées, ainsi qu'il ressort des articles 1998 à 2002 du Code civil, d'une part,
par les obligations contractées par le mandataire à l'égard des tiers, par représentation (cf. art.
1998 C. civ.) et, d'autre part, par les conséquences pécuniaires de l'action ainsi entreprise,
qu'il s'agisse de la rémunération due au chargé de mission, des frais ou avances qu'il a eu à
supporter, ou encore des pertes qu'il a pu subir. En somme. c'est au mandant seul qu'incombe,
dans tout mandat, le poids financier des actes mis en oeuvre, quand bien même l'affaire
n'aurait pas réussi. Mais quoi de plus naturel, au fond. que le maître d'oeuvre d'une affaire en
supporte le coût et les risques? En explorant plus en avant cette idée on peut d'ailleurs trouver
une corrélation entre la condition juridique d'une personne. au regard de l'imputation des
charges engendrées par ses actes, et le titre (personnel ou non) auquel elle agit. En effet, de ce
qu'un individu assume seul la totalité du coût et des risques de l'activité d'autrui, son
cocontractant, on peut déduire sa qualité de maître d'une affaire donnée, et, très probablement,
sa qualité de mandant, vis-à-vis de t'auteur des actes considérés, si ce dernier a déclaré agir au
nom d'autrui. A contrario, ne pourrait passer pour un mandant, à l'occasion d'une affaire
donnée, celui qui n'est pas appelé à en supporter les suites pécuniaires, les pertes y compris.
Cette lecture a contrario des articles 1998 à 2002 du Code civil peut donc fournir un élément

447
supplémentaire d'appréciation de la justesse de la qualification de mandat retenue dans le
cadre de certaines techniques juridiques particulières, tel le paiement par carte, où pareille
qualification ne fait pas l'unanimité. Ainsi, par exemple, une répartition, entre les parties à un
contrat, des charges et pertes en résultant, serait de nature à faire présumer l'inapplicabilité, en
la matière. de la théorie du mandat. Aussi n'est-il pas inintéressant d'éprouver la thèse du
mandat défendue par la majorité des auteurs à propos du paiement par carte, à travers
l'analyse de cette opération sous le rapport de l'imputation des frais et des pertes en résultant.
601 - Concernant le coût de fonctionnement du système Carte Bancaire, s'il est vrai que
l'accès aux services qu'il ouvre n'est pas gratuü(1290). il semble. en revanche, pris en charge,
principalement, par les commerçants affiliés, tant paraît dérisoire, à côté des commissions qui
leur sont facturées généralement(l291), la contribution pécuniaire réclamée aux porteurs de
cane. Mais peut être est-ce là une comparaison peu probante, dans la mesure où les services
pour lesquels l'une et l'autre des deux catégories de personnes visées est financièrement
sollicitée ne sont pas de même nature, De fait, rien ne permet d'affirmer que les frais mis à la
charge du porteur d'une carte ne rémunèrent pas suffisamment le service qui lui est rendu par
l'émetteur de la carte. Aussi est-ce sur un autre terrain, celui de l'imputation des risques de
l'opération diligentée par le banquier-émetteur, qu'il faut rechercher la marque éventuelle de
la discordance pouvant exister entre la condition juridique actuelle du porteur d'une carte
bancaire de paiement, mandant supposé, et celle qu'implique normalement l'analyse de
l'opération en question en un mandat de paiement.
602 - Concernant donc l'imputation des risques du paiement par carte, la qualité de
mandant prêtée au porteur d'une carte de paiement devrait conduire en principe, par
application des articles 1998 à 2002 du Code civil (mais plus spécialement de l'article 2000),
à mettre à la charge de celui-ci, toute perte résultant de l'action de J'émetteur de la carte, en
l'absence d'une imprudence de ce dernier; étant entendu que la qualité de mandataire de
l'émetteur le mettrait à l'abri de toute contribution aux pertes engendrées par ses actes non
(1290) La carre n'est délivrée. en effet, que moyennant une cotisation annuelle prélevée d'office sur le compte, V. art XVI du
contrat porteur Carte Bancaire, Celle cousation. variable selon les banques et révisable chaque année, s'élève, en 1992, pour
le Crédit Lyonnais par exemple, à 95 francs pour la carte nationale Adébit immédiat et 185 frenes pour la carte internationale
à débit différé, En outre. certaines opérations particulières effeeruées A J'aide de la carle supportent uue commission par
opération. Il en va ainsi des retraita d'argent il l'étranger (v. not. art. XVI du contrat porteur Carte Bancaire. Enfin des frais de
recouvrement et des intérêts extreosdinaires peuvent être facturés aux clients qui n'ont pas iourni 11. temps le provision
nécessaire au désintéressement de l'émetteur (V, art. XVII du contrat porteur précité).
(1291) Les commerçants supportent, en effet. pour chaque règlement par carte. une commission dite. li l'origine,
"d'interchange", cl aujourd'hui "commission interbancaire de paiement" (C.I.P,). Celle.ei est constituée par un pourcentage
prélevé sur le mentant de chaque paiement. Le dernier barème proposé par le G.I.E. Carte Bancaire el rejeté par la cour
d'appel de Paris (Paris, 26 avril 1990, J.c.P, 1990 éd. E. II.15817, obs, P. Bouteiller) comme non conforme 11. une injonction
du Conseil de concurrence adressé au Groupement Cartes Bancaires dans Sil décision n'88-0,37 du Il oct, 1988, article 2
(J.C.P, 1988 éd, G.,.U7834) prévoyait un U1Ull allant de 0.50% pour un laux de fraude de 0 11. 0.04% jusqu'à 0.70% pour un
taux de fraude supérieur à. 0.21 %. sans que la commission à percevou puisse être inférieure à IFF (pour tenir compte des
Irais fixes}.

448
fautifs. Bien différentes apparaissent au premier abord, les situations juridiques de l'émetteur
et du porteur d'une cane bancaire. au regard des prévisions du contrat porteur Carle Bancaire,
relativement à la prise en charge du risque d'un mauvais paiement. Ce contrat semble
organiser en effet, entre l'émetteur et le porreur de la carte, une répartition équilibrée des
risques inhérents à l'opération qui constitue son objet (A). Mais il n'en est rien, en réalité. les
prévisions dudit contrat n'étant pas autre chose que la traduction des conséquences
normalemenr attachées à la mise en jeu des responsabilités respectives de l'une ou l'autre des
deux parties au contrat de mandat futur qui naîtrait, éventuellement. d'un ordre de payer
donné par carte (H).
A. L'APPARENTE REPARTITION, ENTRE LES COCONTRACTANTS, DES
RISQUES INHERENTS AU PAIEMENT PAR CARTE.
603 - La répartition des risques que semble réaliser. entre l'émetteur et le porteur d'une
carte, le contrat porteur Carte Bancaire repose sur le principe d'une opposition que le second
doit faire parvenir au premier, dans les délais les meilleurs, à la suite de la perte ou du vol de
sa carte. De la promptitude de la réaction du porteur dépend la situation juridique qui lui est
faite
au cas d'utilisation frauduleuse de celle-ci par un escroc. Pareille éventualité
surviendrait-elle avant l'opposition que la perte serait pour lui. Encore que le porteur bénéficie
d'un plafonnement conventionnel du montant des risques qu'il encourt, de ce ebef. en ce qui
concerne les dépenses effectuées chez les commerçants. Ce plafonnement dépend de
l'utilisation ou non. au moment de la dépense, du eode secret de la carte(1292). Si la dépense
a été effectuée à l'aide du code secret. la responsabilité du titulaire de la carte est limitée à
3.000 francs. Dans les autres hypothèses cette responsabilité est limitée à 600 francs. A
l'inverse, toute fraude perpétrée à l'aide de la carte, postérieurement à l'opposition du porteur,
engagerait le patrimoine du seul émetteur.
604 - Mais la pratique montre que cet aménagement conventionnel de la responsabilité
du paiement ne suffit pas à résoudre tous les problèmes. A preuve les litiges dont som saisis
les tribunaux, ces derniers temps, relauvcmem, notamment, au problème de l'utilisation
fruetueuse d'une carte déclarée perdue ou volée. Signalons que les contrats porteurs
considèrent, en posant comme postulat l'inviolabilité des machines du réseau Carte Bancaire.
que toute utilisation d'une carte là où le code secret était indispensable, démontre le non
respect par le titulaire de son obligation contractuelle de garder secret le code de sa carte. Si
bien que c'est à ce dernier de faire la preuve, en cas de contestation, qu'il n'a pas communiqué
le code en cause. Ce qui revient à faire peser sur le titulaire de carte une présomption de faute.
dans l'hypothèse envisagée. La Cour de cassation semble, quant à elle, distinguer selon que ln
(1292) v. art. XI al. 2·2' du couuat porteur Cane Bancaire. V. également P. Bouteiller. article précité, jurisclesseur ~roil des
enaeprises. commercial. vol. 2. fuse. 414. l'\\·T'.

449
fraude est intervenue avant ou après l'opposition du titulaire de carte. Après l'opposition au
paiement formée par le client, la banque, sur qui pèse, selon la Cour, une obligation de
moyens, doit mettre en oeuvre tous les moyens mis à sa disposition pour éviter les fraudes.
Elle
ne
saurait, par conséquent,
prétendre faire
supporter à
son
client la perte
enregistrée(l293). Avant l'opposition, en revanche, la solution est moins claire. La Cour de
cassation, qui n'a pas encore pu se prononcer directement sur la valeur de la présomption de
responsabilité ci-dessus évoquée. a néanmoins eu à indiquer. à l'occasion d'une autre
affaire(l294), que le titulaire d'une carte de paiement assumait, en ce qui concerne le
caractère confidentiel du code de sa carte. une obligation contractuelle de moyens. Si bien que
sa responsabilité reste subordonnée à la preuve par son cocontractant, le banquier, de la
divulgation du code de la carte litigieuse. Mais cette décision n'a pas valeur de principe. eu
égard aux circonstances dans lesquelles elle a été rendue. Demeure, par conséquent, la
question, difficile de la charge de la preuve du dysfonctionnement éventuel des appareils
permettant l'utilisation des cartes bancaires, qu'il s'agisse des terminaux de vente ou des
distributeurs de billets. Par ailleurs, ne sont pas prévus par le contrat porteur Carte Bancaire.
par exemple, les conséquences de certaines fautes susceptibles d'être commises, notamment
par l'émetteur, essentiellement dans la vérification de la régularité et de l'authenticité de
l'ordre de payer(l295) ou de sa persisrance(l296). En pareilles hypothèses, les juges se
chargent, en pratique, de situer les responsabilités sans se laisser influencer par l'existence ou
non d'une opposition au paiement Les difficultés ne se posent réellement que dans le cas où
aucune faute n'est susceptible d'être reprochée à l'une ou l'autre des deux parties au contrat
porteur. il en est ainsi lorsque le défaut d'opposition ou le caractère tardif de eelle-ci provient
(119l) V. Casso corn. 8 oct. 1991 (2è espèce). D.1991.581, Concl. de l'avocat général Michel Joel. note Michel Vasseur;
J.c.P. 1992, éd. E.,rr.254. note Ch, Gavetda
(1294) Ibid (lère espèce).
i129S) Malgré la spécificité technique de l'opération de paiement par carte, la jurisprudence admet que prévaut, en la matière,
comme pour tout mandat de paiement, l'obligauon pour J'émetteur de contrôler. avant tour peiemem Ia signature figurant sur
les factures, sans pouvoir tirer argument des contraintes du traitement infcrrnatique de ces factures (v. Paris 16 oct. 1984,
D.l98,'iJ.R.343. Aëde Paris 21 déc. 1984, D.l98,'i.I.R.344, 000. M. Vasseur; Casso cern. 3 mai [988, Bull. civ..N,n"143;
R.T.D. corn. 1988.661, 000. M, Cabrtuac et B, Teyssié). De même il engage sa responsabilité s'il paye une facture
d'apparence anormale (v. Paris 27 avr. 1982.LR.499, obs. M. Vasseur. R.T.D. corn. J983.107, obs. M. Cabrlllae et B.
Teyssté. Toutefois. ne constitue pas une anomalie, en raison du principe de non ingérence, une multiplication brusque des
achats effectués au moyen d'Une carte donnée; v. Casso corn. 2 déc. 1980, D.1981.LRJ,'i2. obs. M. vasseur; R.T.D. cern.
198t..'i78, obs. M, Cabrfüac el B, Teyssié, J.CP. 1983, éd C.L,L13939. n'12, par Ch. Gavalda et J. Siournel). Sur les
vérifications incombant li l'émetteur d'Une carte, avant tour paiement, v. F. Grua, op. cit., n'190 el s. p.181 et s.
(1296) Comme pour tout mandat. la survenance de certains événements tels que le décès ou j'incapacité du donneur d'ordre,
de même d'ailleurs que son opposition llU paiement ou encore la clôture du compte. devraient entraîner la caducité de l'ordre
de payer donné au moyen d'une carte (dans ce sens, F. Grua, cp. cit.. [l' 191. p.182). M~js il y a lieu de se demander si
l'irrévocabilité de l'ordre, légalement affirmée. [j'a pas pour conséquence logique d'entrainer sa persistance dans les
circonstances précéderrnneru évoquées. En ce sens, Fraeets-J. Crêdot. article précité. Les Petites Affiches n'Ill du 1,'i
septembre 1986, p.105 (in lme): M. vasseur. article précité. J.CP. 198,'i.1.3206, n·12.

450
d'un cas de force majeure ou du décès de l'attributaire de la carte. La théorie de la
responsabilité qui gouverne les solutions tant conventionnelles que jurisprudentielles. en
l'occurrence. n'est alors d'aucun secours. Et il faut pourtant résoudre la question que pose la
circonstance évoquée er dire qui de l'émetteur ou de l'attributaire d'une carte de paiement dojr
supporter la perte résultant de l'utilisation frauduleuse de la carte. Face à cette question on
pourrait avancer un argument fondé sur l'acceptation, par l'utilisateur de la carte, des risques
attachés au fonctionnement d'un tel système (l 297). Mais un tel argument ne serait pas
convaincant car il peut tout aussi bien être appliqué à l'émetteur auquel on pourrait imposer
une obligation de garantie des risques que compone le nouveau service qu'il met à la
disposition de ses cliencs(1298), et donc lui aussi rire profit, autant sinon plus que l'attributaire
de la carte(1299\\ sous la forme de commissions d'intermédiation diverses certes, mais
également sous la ferme d'une meilleure fidélisation de la clientèle.
605 - En toute rigueur et pour être cohérent au regard des solutions conventionnelles et
jurisprudentielles déjà dégagées en la matière, lesquelles, reposant sur la théorie de la
responsabilité, présupposent la détermination de la nature juridique de la convention en cause,
c'est sur le terrain du mandat que constitue l'ordre de payer donné par cane qu'il convient de
rechercher, a priori, la réponse à la question posée. Or sur le terrain du mandat les choses sont
claires. Les pertes indépendantes d'une imprudence du mandataire SOnt pour le mandant (cf.
art. 2000 C. civ.). Encore faut-il que le mandat allégué existe effectivement. Tel n'est
assurément pas le cas en présence d'une utilisation frauduleuse, par un tiers. de la carte perdue
ou volée. En pareille occurrence on don décider, à l'instar de ce qui est retenu en matière de
paiement de chèques(l300) ou d'ordres de virement apocryphes(1301), que seule la qualité de
dépositaire. que le banquier solvens cumule inévitablement avec celle de mandataire, est en
cause. La conséquence en serait que toute référence à la théorie de la responsabilité devrait
être abandonnée au profit d'un raisonnement s'appuyant sur la notion de validité des
paiements, au sens de l'article 1239 du Code civil. Dès lors, ne saurait prétendre avoir réalisé
un paiement valable le banquier émetteur de cane qui s'est dessaisi des fonds en dépôt chez
lui sur la foi d'un ordre faux et n'émanant donc pas du déposant ni de son fondé de pouvoir.
Ayant, ce faisant, mat payé, l'émetteur ne pourrait se trouver libéré de l'obligation de
(1297) Sur ce point v. Michel Vasseur, Ob5. 611f T.I. Toulon. 15 Iév. 1981, D.1981,I.R.5ü6; également M. Cabrillac et J .•L,
Ri"'~-Lange. cbs. sur Versailles. 17 janv. 1980, R.T.D.com. 1980.586.
(1298) En ce sens, F. Grue. op. cit., n'199. p.l91.
(1299) Rapprocher supra n'145.
(13001 V. supra n'251 el s.
(1301) V. supra n'409 er S. el n'414.

451
restitution qu'il a envers le déposant, également titulaire de la carte frauduleusement
utilisée(l302).
606 - Il faut préciser cependant que, de même qu'en matière de paiement de chèques ou
d'ordres de virement apocryphes. la qualité de dépositaire du banquier salyens ne primerait
sur celle de mandataire (qui lui est nécessairement combinée dès lors qu'il s'agit d'honorer un
ordre de paiement du déposant, par le débit de son compte bancaire) que si l'ordre faux donné
au moyen de la carte perdue ou volée ne peut pas être regardé comme donnant naissance à un
mandat apparent. Car s'il devait en être ainsi, le donneur d'ordre ne pourrait qu'être maintenu
dans les liens du mandat supposé et contraint, en conséquence, de subir les pertes en résultant.
Encore faut-il que soient réunies les conditions habituelles de prise en compte de l'apparence;
à savoir, d'une part, la croyance légitime du mandataire prétendu en l'existence d'un mandat
et, d'autre part. la participation du mandant supposé dans la création de l'apparence(l303).
Ces conditions ne se trouveraient remplies, à bien y réfléchir, que dans les hypothèses où
l'ordre transmis à l'émetteur de la carte supposait la frappe du code secret de celle-ci. Ce code
faisant office, en l'occurrence, de "signature électronique", sa composition suffirait. en effet, à
rendre légitime l'erreur de l'émetteur, Elle ferait présumer, par ailleurs, sa communication
(accidentelle ou non) par le titulaire de la carte dont la participation. fautive ou non (1304), à
la création de l'apparence préjudiciable se trouverait ainsi caractérisée,
607 - En somme, n'est pas unitaire, la réponse qu'il convient d'apporter à la question,
précédemment posée, de savoir qui doit supporter les risques du mauvais paiement,
lorsqu'aucune faute génératrice dc responsabilité ne peut être reprochée ni à l'émetteur,
solvens. ni au titulaire de la cane, donneur d'ordre supposé: la réponse de principe est qu'en
payant sur la foi d'un ordre que n'a pas donné le titulaire de la cane exhibée, l'émetteur paie
sans aucun mandat. Un tel paiement, non valable, n'est pas susceptible de le décharger de
l'obligation de restitution qu'il assume, par ailleurs, en tant que dépositaire irrégulier des fonds
se trouvant sur le compte du titulaire de la carte, instrument de la faute litigieuse. Dans ce cas,
les pertes sont pour l'émetteur. Mais cette réponse de principe ne prévaut qu'autant que les
circonstances de la fraude ne fournissent pas au sclvens l'occasion d'invoquer à son profit la
théorie du mandat apparent. L'attribution, au titulaire d'une carte frauduleusement utilisée, de
la qualité de mandant apparent aurait, en effet, pour conséquence de mettre la perte résultant
du mauvais paiement à la charge de celui-ci.
(1302) Rappr. supra n's 252 eL412.
(lJ03) Sur ces conditions, v. supra n'247 (in [me) el n'412; égal. F. Derrida et j, Mestre, Enc. jur. Dalloz, rép. dr. civ .. 2è
éd., v' Apparence, n'Z3 et s. el65.
(1304) li est acquis. en effet, depuis IJn orrêt de la Cour de cassation (Cess. Aas. plën. 13 déc. 1961, D.1963.277, noie .J.
catets-Actoy. J.C.P. 1963.11.13105. note P, Esmein; R.T.D. civ. 1963.572,000. G, Cornu; R.T.D. corn. 1963.333. 000. R.
Houin) que les effets du mandat apparent ne sont pas nécessairement liés tJ. l'existence d'une faute imputable au supposé
mandant. V. F, Derrida el j, Mestre. lac. cit., n'27.

452
De toutes les solutions ci-dessus exposées s'évince le constat suivant: à l'exception des
hypothèses, somme toute marginales, où l'émetteur d'une carte de paiement ne peut se
prévaloir d'aucun mandat, fût-il seulement apparent, c'est par le biais de la théorie de la
responsabilité civile qu'est réglé, indirectement, le problème de l'imputation des pertes
inhérentes à l'opération de paiement par carte. D'ailleurs. en y regardant de plus près, on peut
se rendre compte que c'est sur l'attributaire de la carte que pèsent. en réalité. tous les risques
attachés à l'ordre de paiement qu'il donne.
B. LE TITULAIRE DE LA CARTE, SUJET DE L'IMPUTATION DES RISQUES
INHERENTS A L'UTILISATION DE CELLE-Cl.
608 - Par ses dispositions. qui précisent par avance les responsabilités attachées aux
fautes éventuelles de l'un ou de l'autre des contractants, le contrat poneur Carte Bancaire ne
réalise pas, à vrai dire, une répartition des risques engendrés par sa mise en oeuvre(I305), Au
contraire, en affirmant que le titulaire de la carte est responsable de son utilisation et de sa
conservation (cf. an. XI, al. le'), ou encore du caractère "absolument secret" du code de
celle-ci (an. III, al. 3), et en subordonnant la responsabilité de l'émetteur à la promptitude de
l'opposition formée par son cocontractant (cf. an. XI, a1.2-1 '). le contrat-porteur Cane
Bancaire met à la charge de J'attributaire de la carte, incontestablement, tous les risques du
paiement. L'émetteur, quant à lui, n'aura à subir que les conséquences de son éventuelle
inertie, postérieurement à l'opposition, Mais on doit bien admettre qu'il n'y a là rien d'autre
que l'application, d'une part, des règles traditionnelles d'imputation des risques attachés à la
vie d'un cOi]trat(1306), lesquelles, inspirées par la théorie de la responsabilité civile, prévoient
que "[es risques liés à u.ne faute sont à la charge du débiteur de l'obligation inexécutée", ou
encore, subsidiairement, que "les risques liés à un événement de force majeure SOJJt à la
charge du créancier de l'obligation inexécutée,,(1307). On est forcé d'admettre, d'autre part, et
plus spécialement, en raison de la qualification de mandat reconnue majoritairement au
contrat en cause, qu'il n'y a là qu'une application des dispositions de l'article 2000 du Code
civil. Faut-il rappeler. à nouveau, que selon ce texte les pertes résultant de l'exécution du
mandat (lorsque mandat il y a effectivement) sont à la charge du mandant (en l'occurrence Je
titulaire de la cane), en l'absence de toute faute du mandataire (l'émetteur dans notre cas)?
Comment nier, dans ces conditions, que le régime juridique du paiement par cane, envisagé
f130S) On ne peul nier cependant que la limitation contractuelle, à (0) FF ou 3(.0) FF, du montant global des pertes
susceptibles d'être portées au compte du titulaire de la carte, relativement aux achats effectues che]; les commerçants. réalise
bien une répartition des pertes, la part excédant le montant limite étant, en retour, supportée par l'émetteur ou, plus
vrcisemblablemem. par l'assureur auprès de qui ee dernier aura souscrit une couverture à cet effet.
(1306) Sur ce sujet, en général. v. nor. Jeen-werc Mousseron, La gestion des risques par Je contrat, R.T.D.ci", 1988.481,
(1307) Jean-Marc Mousseron, op. cir..loc. cil.. n'33 et 34,

453
sous le rapport de j'imputation des risques inhérents à l'opération, se trouve en parfaite
harmonie avec les règles habituelles du mandat?
609 - Toutefois, doit être signalée l'influence du caractère complexe de l'opération en
cause qui impose de bien discerner, dans l'analyse, la qualité véritable mise en oeuvre par le
banquier qui exécute un paiement, par le débit du compte d'un de ses clients. Car en l'absence
de tout mandat (apparent ou non) seule la qualité de dépositaire doit être prise en compte. Ce
qui aurait pour conséquence de modifier radicalement les règles d'imputation des risques du
mauvais paiement. En matière de dépôt, en effet, les risques de pertes affectant la chose
déposée sont pour le dépositaire. Ce qui, sur le terrain du paiement par cane, revient à imputer
à l'émetteur, en son autre qualité de dépositaire irrégulier des fonds confiés par le client,
titulaire par ailleurs de la cane frauduleusement utilisée, les pertes dues au paiement indu, dès
lors qu'il n'est porteur d'aucun mandat émanant de ce dernier.
610 - Il s'avère ainsi, à la suite de l'étude des facteurs de contestation de la qualification
de mandat que nous dénoncions au début de cette section, que les incertitudes portant sur
l'imputation, au titulaire de la carte (mandant pressenti), du coût et des risques de l'opération
de paiement réalisée sur ses instructions et sous son autorité, en principe. ne sont pas
justifiées. En effet, les règles qui prévalent en la matière ne contredisent en rien les prévisions
des articles 1998 à 2002 du Code civil. Ce qui permet d'exclure, au nombre des éléments de
déstabilisation de la qualification de mandat préconisée pour le paiement par carte, la question
de l'imputation de la charge financière de l'opération considérée.
Demeure. toutefois, le problème posé par l'admission. en droit positif, du principe d'une
irrévocabilité absolue de l'ordre de payer donné au moyen d'une carte(l308). Se traduisant, en
pratique, par l'irrecevabilité, auprès de l'émetteur, des oppositions illégales, ce principe
aboutit à ériger le mandataire prétendu en censeur des décisions de son mandant; et ce, en
flagrante contradiction avec l'esprit du mandat. qui
veut que le représentant, même
professionnel, soit, en toutes circonstances, sous l'autorité de la personne représentée. Doit-on
pour autant en conclure que, de ce fair. le paiement par carte n'est pas tributaire de la théorie
du mandat? Répondre à cette question par l'affirmative serait, à notre sens exagéré et
prématuré. D'abord, parce que pour la majorité des ordres exécutés régulièrement par les
banques la révocation n'est pas envisagée par les parties, de sone que le processus du
paiement aboutit généralement sans obstacles majeurs, dans le respect des principes du
mandat. Dans ces cas il n'y a aucune raison de remettre en cause la qualification évoquée. La
contestation de cette qualification n'est possible, en définitive, que dans les hypothèses,
, marginales, où une opposition a été effectivement formée par le donneur d'ordre. On ne peut
nier, en pareilles circonstances, que se trouve suffisamment démontrée l'intention du donneur
d'ordre de retirer à l'émetteur la procuration qu'il lui a donnée. Dès lors le paiement
(lXlS) V. supra JI'S92 Cl s., spôctalemcnt n'594.

454
qu'effectuerait ce dernier, au mépris de la volonté contraire du donneur d'ordre, ne saurait
rationnellement être mis au compte du mandat par avance dénié. Un tel paiement ne pourrait
alors tirer une justification convaincante que de l'autorité de la loi. Cela équivaudrait à
conférer au banquier, une fois de plus(l309), à la faveur des mandats qu'il reçoit de ses clients
déposants de fonds, le rôle, insolite en droit privé. de gendarme de la sécurité des transactions
et, plus spécialement, des paiements. D'où l'inquiétude, que l'on est en droit d'exprimer, de
voir le droit bancaire français évoluer petit à petit, au fil des années. vers J'attribution. aux
établissements de crédit, d'un Statut légal de représentant de leurs clients. en raison même de
leur fonction, indépendamment, par conséquent. de la volonté de ces derniers, voire contre
leur volonté.
611 ~ Pour l'heure, si l'on excepte les rares circonstances où le législateur impose au
banquier, d'autorité, la conduite qui doit être la sienne, dans l'exécution des ordres de ses
clients, c'est par le mandat qu'il convient d'expliquer l'opération de paiement par carte réalisée
par les établissements de crédit. au profit, à la fois de leurs clients, titulaires d'un compte
ouvert chez eux, et des commerçants affiliés au système de règlement d'achats de biens et
services dont lesdits établissements sont les promoteurs. En rapprochant de cette conclusion
celle, identique, résultée de l'étude du crédit documentaire(13lO), on peut affirmer. en
complément du bilan dressé à mi-parcours des développements consacrés aux manifestations
du mandat bancaire(1311), que l'application de la théorie du mandat aux actes de paiement et
d'encaissement réalisés par le banquier pour le compte de ses clients s'avère satisfaisante, à
l'analyse. Et cela même dans les hypothèses, sujettes à controverses, où l'opération de
paiement comporte sinon dans son essence, du moins dans son esprit. l'idée d'Une garantie de
paiement assumée par le banquier au profit du bénéficiaire de l'ordre de payer.
612 -' C'est dire que l'engagement personnel que le banquier, mandataire, est amené à
concéder, dans les opérations de paiement par crédit documentaire ou par carte bancaire au
contractant du donneur d'ordre, mandant, ne modifie en rien, contrairement à ce qui paraît, a
priori, la nature des relations existant entre ce dernier et lui-même. Et ce, d'autant plus que,
dans sa quête d'une plus grande fiabilité des règlements envisagés, la pratique a été conduite à
affirmer l'autonomie de la promesse de payer, souscrite à titre personnel par les banques. de
manière irrévocable el abstraite. Il faut préciser que cene autonomie est obtenue par le moyen
soit d'une stipulation expresse en ce sens (c'est le cas en matière de crédit documentaire
irrévocable)(1312), soit de la technique contractuelle utilisée. Il s'agit en l'occurrence, de la
(1309) Rapprocher supra n'320 (ill fine).
(1310) V. supla Il'555 et s.
(1311) V. supra n"allO el s.
(13121 V. supra n'~ 532 et 553.

455
conclusion. par le promoteur de la technique particulière de paiement, de contrats bilatéraux
et indépendants avec chacune des personnes intéressées au règlement projeté (c'est le cas en
matière de paiement par carte)(13 13). Dans ces conditions, l'absence d'interférence de la
garantie bancaire que comportent les opérations de règlement par le biais d'un crédit
documentaire ou par l'utilisation d'une carte bancaire de paiement sur la qualification du rôle
de l'émetteur ne saurait surprendre, induite qu'elle est, à l'évidence, par le principe bien établi
de la relativité des conventions.
613 - Comment ne pas relever, alors, que se trouve par là-même rejetée (en apparence
tout au moins). dans le cadre des opérations considérées, la théorie des groupes de contrats,
consacrée récemment par la jurisprudcnce(l314), A la base du paiement par crédit
documentaire ou par carte bancaire se trouvent pourtant, on ne peut le nier, respectivement,
une "chaîne" et un "ensemble de conrrats,,(1315) concourant à la réalisation d'un seul et même
acte juridique: le règlement de la dette du donneur d'ordre envers le bénéficiaire désigné.
Aurait dû s'ensuivre, à en croire le professeur Bernard Teyssiè, "la création de rapports
contractuels secondaires entre les personnes qui, parties à un même groupe, ne sont
néanmoins lites, dans leurs relations réciproques, par aucun contrat,,(1316). Il ne semble en
être rien dans les cas qui nous préoccupent, tant sur le plan de la qualification de chacun des
contrats du groupe que sur celui de leurs effets respectifs(1317),
614 . Mais, que la théorie des groupes de contrats n'aie pas, de toute apparence,
vocation à s'appliquer aux opérations bancaires, domaine de prédilection des engagements
autonomes et abstraits(1318\\ cela n'équivaut pas à la dénégation de la présence des groupes
(1313) V. sopre n' s 561 Cl 567,
(1314} Sur cette théorie, v. B. Teyssiê, les groupes dl' cou trais, précité, passim et spécialement n's 15 Cl s., 62 el s.. 174 cl 5.•
584 et s.; pour la consécration jurisprudentielle. v. casso civ. 1ère, 8 mars 1988 et 21 juin 1988, précités. V. cependant, pour la
limitation de la portée de cette jurisprudence, Casso Ass. plén. 12 juill. 1991, D.1991.549, note J, Gheslin; D.I99l.som.321,
obs. J. L.. Aubert; J.C,P, 1991.1I.21743. obs. G. Viney.
(1315) "L'ensemble de contrais" se présente selon B. Teyssjé (op. cir.. n'174 el s.] comme la coexistence de plasieurs
conventions constitutives d'un "groupe dt' contrais", HofgrlJlisé au/our d'un personnage-ete. son promoteur. seul à être en
relation rofl/ractuelle immediate avec chacun des participanls au groupe", chacun de ces contrats concourant ~ titre principal
ou accessoire, à la réelisauon d'Un même objectif, Au contraire, la "chaîne de contrats" apparair comme un "groupe de
contrats" issu, selon B. Teyssié (op. CiL, n'69 el s.), de "l'adjonc/ion à Url premier contrat d'Un deuxième. puis à ce dernier,
d'un Iroisième, à la manière de chaînons", et se caractérisant par l'absence, en son sein, de !Dut "personnage-clé jouoru un
rôle de pivot parce quïmmidiare"Jel1llié par voie COMen/ionnelle à ch(J(:un des participants au groupe".
, (1316) B. 'reyssrë. op. cir.. n'474, p.2)7.
(UH) Ce qui ne veut pas dire, pour autant, que la combinaison ainsi constatée de plusieurs contrats, à l'occasion d'une même
opération bancaire n'exerce aucune influence sur la situation du banquier. pris en sa qualité de mandataire. Sur ce point, v.
infra, Zêrne partie (n"618 el s).
(l31S) L'abstraction apparaissant, on ra vu (supra n'553), comme le moyen privilégié de la satisfaction des besoins de
sécurité du créancier d'un paiement réalisable par le canal d'une banque, Il travers la dissociation qu'elle assure entre la
promesse de payer concédée par le banquier et la cause véritable de celte promesse, à savoir la mission de paiement eonfiêe à

456
de contrats en matière bancaire. On doit, bien au contraire, insister sur ce qui apparaît, à ce
stade de notre travail. comme le trait caractéristique des contrats bancaires, à savoir leur
caractère nécessairement complexe. Aucune obligation bancaire ne se trouve, en effet. à l'état
isolé. TOUl engagement bancaire s'insère inévitablement dans le cadre aussi bien d'un contrat
complexe que d'un complexe de contrats.
615 - La qualification de contrat complexe que nous appliquons au contrat bancaire et,
plus spécialement. au mandat du banquier, trouve sa justification dans le caractère progressif
de sa fonnation(l319). On sait, en effet, que l'ouverture d'un compte bancaire. si elle emporte
en elle-même la perfection de certains mandats d'encaisser(l320). n'apparaît, pour la plupan
des mandats bancaires, que comme le premier acte d'un processus de formation du contrat,
prévu en deux, voire trois étapes successives(l321), l'ordre exprès de payer ou d'encaisser (en
cas d'endossement de procuration) émanant du titulaire du compte en cause en constituant
l'ultime manifestation.
Dire, en revanche, que le mandat baneaire s'inscrit dans le cadre d'un complexe de
contrats, c'est faire allusion aux autres contrats, indépendants ou non, qui lui sont
nécessairement combinés(l322), et dom les interférences conduisent parfois à faire douter de
l'existence même du mandat(l323).
616 - Mais on sait désormais. pour l'avoir vérifié tout au long de cette première partie de
notre étude, que c'est effectivement en qualité de mandataire, autrement dit de représentant
conventionnel, qu'un banquier se charge d'effectuer, pour ses clients, les paiements ou
encaissements ordonnés par ces derniers. Cela reste vrai même s'il arrive parfois qu'à
l'occasion de l'exécution des ordres des clients, le banquier se voie imposer, par les pouvoirs
publics. des obligations plus ou moins compatibles avec sa qualité. Bien souvent, ces
obligations, légales, ont pour effet, en réalité, de transformer le banquier mandataire, tantôt en
représentant légal voire en "représentant institutionnel" (eu égard à sa fonction) de ses
clients(l324), tantôt en agent de l'Etat(l325), voire carrément en représentant de l'Etat(l326).
ce dernier par le débiteur dudit paiement. Sur ce point, v. J..l. Rives-Lange, Existe-r-il en droit français des engagements
absuaus pris par le banquier? Banque 1985.9o:! et s.. n'3.
(1319) V. sur ce point, supra n'51 el s.. n' 134 el S., n'381 el n'431 el s.
(1320) V. supra n"51.
(1321) Sur le déroulement de ce processus, v, supra n'52, n"l34 et n038J.
[1J22} Sur l'inévitable coexistence, avec le manda! bancaire, du contrat de dépôt, par exemple. v. supra n'25 1 et s.
(lJ2J) V. supra n' 445. lI'541 el s.. n'561 el s., n'56? et n"582 el s.
(1324) Il en est ainsi, par exemple. en matière de paiement par carte lorsque le législateur invite Je banquier 11. exécuter l'ordre
de payer émanant du titulaire de la carte, en dépit de la révocation de sen ordre par ce dernier.
(1325) V. sur ce point le rôle dévollJ aux banques en ureuëre de prévention 1."1 de luue contre les chèques sans provision, supra
n'31] el s.

457
617 - Mais si, en dehors de ces cas, exceptionnels somme toute, ci-dessus évoqués, le
mandat se révèle, appliqué au banquier prestataire de services. conforme à la théorie civiliste
de ce contrat. telle qu'elle résulte des articles 1984 et suivants du Code civil. c'est à la
condition qu'air été au préalable circonscrit. avec une extrême précision, le domaine de
rayonnement de ce contrat, par rapport aux autres contrats qui lui sont nécessairement
combinés et avec lesquels il faut se garder de le confondre. L'imbrication, ainsi mise à jour,
de plusieurs contrats, à J'occasion d'une seule et même opération de banque, ne peut manquer
cependant, cela va de soi, de retentir sur la condition juridique du banquier mandataire.
Quelles peuvent donc être les répercussions du caractère complexe des opérations bancaires
sur la situation juridique du banquier. pris en sa qualité de mandataire? Tel est, croyons-nous,
le second axe de recherche que nous impose notre sujet. à présent qu'est établie la réalité du
mandat bancaire.
(1326) Il en est ainsi nctauunerulorsque le banquier intervient comme intermédiaire agréé dans les opérations financières
avec l'étranger. v. Sl1pr81l'347 et s.

DEUXIEME PARTIE

458
Zème PARTIE. L'INFLUENCE DU CARACTERE COMPLEXE DES
OPERATIONS BANCAIRES SUR LE MANDAT DU BANQUIER.
618 - De l'enchevêtrement quasi-systématique de plusieurs contrats à l'occasion d'une
seule
et même
opération bancaire, découlent.
à ne s'en tenir qu'à nos précédents
développements. deux conséquences majeures: d'une part, de réelles difficultés d'appréciation
de la présence et des contours du mandat qui s'inscrit dans une opération complexe (titre 1) et,
d'autre pan, une aggravation notable des obligations et de la responsabilité du banquier
mandataire (Litre II).
TITRE 1er. LES DIFFICULTES D'APPRECIATION DE LA PRESENCE ET
DES CONTOURS DU MANDAT S'INSCRIVANT DANS LE CADRE DE
RELATIONS JURIDIQUES COMPLEXES.
619 - A bien observer, en matière bancaire. les opérations susceptibles de renfermer un
mandat assumé par le banquier, on peut isoler deux sources de difficulté d'appréciation de la
présence et des contours du mandat qui. on le sait. s'inscrit presque toujours dans le cadre de
relations juridi.ques multiples, complexes même: il y a. d'un côté, la combinaison fréquente,
de plusieurs contrats, à l'occasion d'une seule et même opération (chapitre 1); de l'autre, le
cumul, par le banquier, des qualités opposées de mandataire privé (de ses clients) et d'agent
du service public, autrement di t, de l'Etat (chapitre In.

459
CHAPITRE L LES DIFFICULTES SUSCITEES PAR LA COMBINAISON DE
PLUSIEURS CONTRATS A L'OCCASION D'UNE SEULE OPERATION.
620 - L'étude des opérations de banque susceptibles d'abriter en leur sein un mandat
assumé par le banquier. nous a offert l'occasion de constater que cc mandat s'inscrivait
nécessairement dans le cadre aussi bien d'un contrat complexe que d'un complexe de
contrats(l327). On sait, en effet, que le mandat du banquier se rattache inévitablement el
indissociable ment à un autre contrat, la convention d'ouverture de compte, conclue avec le
client. Pareille combinaison. que t'on peut qualifier de "verticale", en raison de l'étagement de
ses composantes, met en présence des contrats interdépendants et complémentaires (Section
1). Mais dans le même temps peut apparaître, parallèlement à l'imbrication de contrats
interdépendants. une autre combinaison, de type "horizontal", en ce sens qu'elle implique la
coexistence de contrats autonomes, indépendants les uns par rapport aux autres (Section II).
(1327) v. supra 0'615 et notes de renvoi.

460
SECTION L LA COMBINAISON DE CONTRATS INTERDEPENDANTS.
621 ~ Le contrat bancaire, spécialement le mandat bancaire, ne se trouve jamais, on l'a
déjà souligné, à l'état isolé. Pareille affirmation se trouve justifiée, a priori. par le fait qu'en
pratique, les relations qu'une banque entretient avec une personne qui sollicite ses services
s'inscrivent, dans la quasi-totalité des cas, dans le cadre d'un compte préalablement ouvert à
cette dernière(1328). S'il en est ainsi. c'est essentiellement parce que le compte bancaire se
présente, au-delà de sa nature d'instrument de comptabilité et de règlement de dettes ou
créances entre ayant-comptes, comme une convention à part entière. dans les prévisions de
laquelle entrent la totalité des actes juridiques que peut accomplir une banque au profil
d'aurrui1329. De ce point de vue. le compte a pu être qualifié de cadre vide destiné à être
alimenté, vivifié, au fil des rapports qui se nouent (et se dénouent) entre le banquier et son
clienr(l330). Mais le compte est, à certains égards, beaucoup plus qu'un contrat-cadre, qu'un
acre-règle, selon l'expression de madame Marie-Thérèse Rives_Lange(I331), fixant les
conditions de rapports futurs. En effet, sa seule existence suffit, notamment, à constituer
l'établissement qui le tient, mandataire du titulaire pour la réception de toutes sommes
adressées à ce dernier, par ce canal (1332).
622 - L'ambivalence du compte bancaire ainsi mise en évidence suffit, à elle seule, à
montrer à quel point la convention de compte et les contrats de mandat qu'elle implique som
imbriqués, interdépendants même. Il est vrai, en effet, que le mandat du banquier existe
rarement en l'absence de toute relation de compte avec le mandant, et que, d'un autre côté, le
compte bancaire (de dépôt d'espèces notamment) ne saurait fonctionner correctement en
(1328) Dans le même sens. v. J. Sloumel, Comptes ordinaires de dépôt. jur'iscl. Banque el Crédit. vol.I, fasc.200. u'4.
(1329) Celte affirmation, s'appuyant sur la pratique la plus courante, ne doit pas être perçue comme excluant l'existence, dans
_ le cadre des comptes bancaires. d'un mandat isolé, unique, Un compte bancaire peut, en effet, ne fonctionner que pour une
seule opération (en matière de crédit documentaire, notamment).
(1330) V. J.-L. Rives-Lange el M. Contamtne-Raynaud, op. cu., n'178 p.228 (in fmc).
(1331) Le compte courant en droit français, Sirey 1969, Il'92 Cl s.
(1332) Sur celte affirmation. v. supra n'51 Cl 482 et s.

461
l'absence de toute idée de représentation du titulaire par le banquier considéré. Mais si pareille
représentation existe pour certains actes, dès l'ouverture du compte(1333\\ il n'en est pas
toujours ainsi. A l'égard des acres supposant un décaissement. ainsi d'ailleurs que pour une
catégorie d'actes d'encaissement, à savoir ceux qui portent sur une créance incorporée dans un
titre(l334), le compte n'emporte pas, ipso facto, mandat pour le banquier qui l'a ouvert. Le
compte ne compone, dans ces hypothèses, qu'une promesse d'exécution de mandats futurs
dont l'effectivité dépend, dès lors, d'un ou de plusieurs acles ultérieurs émanant du titulaire du
compte, et exprimant sans équivoque sa volonté de lever l'option dom il bénéficie. De sorte
que la conclusion définitive du mandat, dans les hypothèses envisagées, ne pourrait être
acquise qu'au terme d'une superposition de deux, voire crois actes ou conventions successives,
la convention de compte y compris(l335).
623 - Ainsi se trouvent mises en évidence, à la fois la nature complexe du compte
bancaire (lequel comporte, en lui-même, certains mandats d'encaisser) et la complexité de
structure du mandat bancaire (cetui-ci se composant presque toujours d'un agrégat de
conventions différentes). L'imbrication étroite entre les mandats bancaires et le compte dans
le cadre duquel ils se concluent (et se dénouent) ne peut, logiquement, qu'engendrer des
difficultés d'appréciation du domaine d'existence du mandat. Celles-ci touchent aussi bien à la
délimitation temporelle du contrat en cause (§ 1) qu'à sa délimitation spatiale (§ il).
(1333) Il s'agit généralement des actes visant 11 accrcitre h:s avoirs du titulaire du compte ou, plus précisément des actes
passifs d'encaissement de lcnds. V. supra \\1'482 et s.
(1334) V. supra n0483.
(1335) ALIISi, le mandat de payer un chèque. pllI exemple. résulte l-il de la succession de trois conventions différentes
(quoique complémentaires) dontla première est la convention de compte. complétée par la suite par une con ...eruion de tirage
de chèques. elle-même complétée. plus tard, par un ordre préeis de payer, àsavoir rémission du chèque (sur ce iX'im .... supra
n0134 el s.). De la même façon. le mandat d'opérer '.,rI ...iremeut (v, supra n'J81 et s.). ou de régler un effet domicilié (v. supra
n0431.). ou encore d'encaisser un effet de Commerce ou un chèque (v. supra u0482) ne devient parfait qu'en deux, voire trois
étapes.

462
§ 1. LES DIFFICULTES TOUCHANT A LA DELIMITATION TEMPORELLE
DU MANDAT BANCAIRE.
L'enchevêtrement de plusieurs conventions concouranr à la réalisation d'une seule et
même opération bancaire et, plus spécialement, la complexité de structure du mandat bancaire
suscitent, en ce qui concerne la délimitation du temps d'existence de ce contrat, deux
problèmes spécifiques: le premier est relatif aux difficultés de détermination du moment
précis de la perfection d'un certain nombre des mandats confiés habituellement aux banques
(A). Le deuxième est, à l'inverse, relatif aux difficultés d'appréciation du moment précis
d'achèvement de l'exécution d'un type de mandat donné (B).
A. LA DIFFICULTE DE DETERMINATION DU MOMENT DE LA
PERFECTION DU MANDAT BANCAIRE.
624 . Envisageant les difficultés touchant à l'instant précis de perfection du mandat
bancaire. on doit faire une discrimination, a priori, entre les mandats de payer et les mandats
d'encaisser, l'existence d'un compte bancaire emportant, en principe. à la charge de la banque
concernée, mandat de recevoir, pour les joindre au dépôt, les sommes destinées à son
c1ient(l336). Mais, en réalité. seuls Sont concernés par le mandat spécial d'encaisser sus-
évoqué, les acres passifs de réception de fonds(l337) au bénéfice du client. à la suite
notamment d'un virement, ou d'un versement d'espèces au guichet de la banque. Dès lors que
la créance à encaisser est constatée dans un titre qu'il est nécessaire de produire pour obtenir
le paiement, c'est au moment de la remise du titre au banquier (éventuellement endossé, s'il
s'agit d'un titre négociable) qu'il faut situer l'instant précis de la formation du contrat
d'encaissement.
(133fi) Sur ce point. v. supra n05[.
(1337) Ibid.

463
625 - Mais, c'est surtout sur le terrain des mandats de payer (spécialement ceux relatifs
aux chèques et aux effets domiciliés), qu'apparaissent véritablement les incertitudes touchant
au moment de l'échange définitif des consentements des parties au contrat considéré. C'est
qu'à ces mandats s'attache incontestablement le risque. très sérieux, d'un décaissement
provoqué par un escroc, l'émission des ordres de paiement ne nécessitant pas une concertation
préalable entre le donneur d'ordre et te banquier chargé du paiement Cela explique sans doute
la multiplicité, en pareille matière. des actes dom on peut déduire, au-delà de l'accord
provisoire né de l'ouverture du compte bancaire. l'échange définitif des consentements des
parties. Ce phénomène de formation séquentielle. progressive, du contrat concerne tous les
mandats bancaires de payer, mais est particulièrement remarquable pour ceux résultant de
l'émission d'un chèque (I). ou de la domiciliation d'un effet de commerce (2), en raison sans
doute du nombre de litiges qui s'y attachent, en pratique.
1. L'I;'IiDEn:RMP.'ATION DU MOMENT DE L'ACCEPTATION, PAR LE DAI'iQUIER, DU MANDAT
DE PAYER DONNE PAR CHEQUE,
626 - Partant du principe que l'ouverture d'un compte ordinaire de dépôt d'espèces
(encore appelé compte-chèques) emporte, à la charge de la banque concernée. la promesse de
fournir au titulaire, entre autres, le service des chèques qu'implique logiquement un tel
compte, On est fondé à en inférer, a priori, que toute personne qui s'est vu ouvrir un compte de
cette nature acquiert, par cela même. la possibilité d'émettre des chèques sur son banquier, dès
lors que ceux-ci sont provisionnés. Cette idée se trouve, du reste, à l'origine du principe,
traditionnellement enseigné, qui veut que le chèque puisse être émis sous quelque forme que
ce soit, et notamment sur papier libre. Dans cette conception des choses, il était clair que la
convention d'ouverture de compte (s'il s'agit. bien sûr d'un compte-chèques) valait, en elle-
même, convention de tirage de chèques. De sorte qu'aucune manifestation de volonté
supplémentaire du banquier n'était nécessaire à la formation du mandat que lui confierait son
client, sous la forme d'un chèque. La thèse qui prévaut, de nos jours. est sensiblement

464
différente, inspirée qu'elle est, vraisemblablement. par l'obligation qu'a, de fait(l338). le client
d'une banque, de n'utiliser que les formules de chèque préétablies par cene-ci. Dès lors, le
consentement du banquier à l'émission de chèques sur le compte qu'il tient ne peut résulter, de
manière cenaine et définitive. que de la délivrance, par lui. d'un carnet de chèques. La
question se pose, alors, de savoir à quel moment doit être considérée comme acquise
l'acceptation. par une banque, de la mission de paiement dont elle se trouve en charge. du fait
de l'émission d'un chèque sur ses caisses. Cette aeceptarion remonte, sans aucun doute. à
l'époque de l'ouverture du compte, la promesse du service en cause étant censée faite à ce
moment.là(l339\\ spéeialement si un dépôt de fonds est exigé (ors de l'ouverture du compte.
Cette promesse lie déjà le banquier et le met dans l'obligation d'accéder à la demande de
chéquier formulée éventuellement par son client. Ce qui pousse à dite que c'est la délivrance
du chéquier, et non l'ouverture du compte, qui marque le moment de l'acceptation, par le
banquier, des mandats de payer conférés par chèque. La vérité se trouve, en réalité, dans la
réunion (et non dans l'opposition) de ces deux propositions. L'accord du banquier, en matière
de paiement de chèques, résulte. à dire vrai, obligatoirement, de la succession des deux
conventions interdépendantes, relatives, l'une à l'ouverture du compte (compte ordinaire de
dépôt d'espèces). et l'autre, à l'usage de chèques comme moyen de paiement.
627 - En somme, l'ouverture sans réserves d'un compte ordinaire de dépôt d'espèces
emporte la promesse, par le banquier, de la fourniture, au titulaire, de tous les services
habituellement attachés à ce compte, et spécialement du service des chèques. Elle n'emporte
toutefois pas obligatoirement convention de cirage de chèques(1340). La raison en est que la
promesse de services que comporte le compte ordinaire de dépôt d'espèces n'est concédée par
(1).3&) v, cep.mdml M. Jeantin (op. cit., n's 35 el 36. p.18 et s.). qui considère que cette obligation est devenue légale
aujourd'hui. Mais celle opinion est démentie par une décision de la Cour d'appel de Paris du 2 oct. 1986 (Rev. de. bancaire
mars-avril L987 (n'l).p.S) qui rnaintient Ie principe traditionnel d'après lequel Ie chèque peul toujours être émis sur papier
libre.
(1339) V. supra n'B3 el s.
(1J4{l) Ct-M, eu demeurant. ee qui se dëduit de l'arU du décret-loi du JO OCtobre 1935 (rédaetiou de la loi du 14 fév.I942)
qui précise que le chèque ne peut être tiré que SUl' un établissement de crédit (ou un établissement assimilé) ayant des fonds à
1J disposnion du tireur. "conformiment d un.e convention expresse OH tacite d'après laquelle le tireur il le droit de disposer de
ces ronds par chèques".

465
le banquier, en ce qui concerne le service des chèques, hautement plus risqué que tout autre
service bancaire, que sous la condition résolutoire de la découverte d'informations peu
rassurantes quant au sérieux ou à la solvabilité du c1ient(1341). Vue sous cet angle, la
délivrance du carnet de chèques ne peut qu'apparaître comme une conséquence de l'ouverture
du compte-chèques, c'est-à-dire comme le premier acte d'exécution d'un engagement souscrit
antérieurement. au moment de l'ouverture du compte, précisément. Cela explique d'ailleurs
que la remise d'un chéquier. au client "sans histoire" qui le sollicite, doive être considérée
comme obligatoire pour la banque qui a ouvert à celui-ci, sans réserve aucune sur ce point, un
compte impliquant ce service; sauf pour cette dernière à justifier, par des motifs légitimes, son
refus(l342).
628 - A 'J regarder de plus près, on s'aperçoit qu'au fond, c'est la relation incontestable
d'interdépendance existant entre le compte bancaire et les mandats de payer évoqués, qui
suscite, de la part du banquier soucieux de limiter les risques que recèle le paiement des
chèques, l'extériorisation séquentielle de son acceptation du tirage des chèques, elle-même
source des difficultés ci-dessus dénoncées.
Du problème de l'indétermination du moment de l'acceptation. par le banquier, du
mandat de payer que constitue le chèque tiré sur ses caisses. il convient de rapprocher celui de
l'imprécision de l'acte dont resson, sans équivoque, le mandat de payer un effet domicilié sur
les caisses d'une banque par le titulaire du compte domiciliataire.
2. L'IMPRECISION DU MOME;'I/T DE LA PERFECTION DU MANDAT CONFERE PAR LA
DOMICILIATION D'UN EFFET DE COMMERCE.
629 - En matière de paiement d'effets domiciliés en banque, c'est moins le consentement
du banquier domiciliataire que celui du tiré qui peut s'avérer problématique. La domiciliation
d'effets constitue en effet, de nos jours, une technique banale du service de caisse s'attachant
(1341) Sur ce point, v. supra n' 5 138. 142 et 1#.
(1342) Sur ce point. el sur le débat y relatif, v. supra 0')38 el 5.

466
habituellement à la possessIOn d'un compte bancaire. C'est dire que. relativement à cette
technique particulière. l'acceptation du banquier est acquise par avance, une fois pour toutes,
dès l'ouverture du compte ordinaire de dépôt d'espèces, pour chaque contrat de domiciliation
que le client déciderait de conclure(l343). En revanche. l'acte qui. de la part du titulaire du
compte domiciliataire, emporte conclusion du contrat de domiciliation, par suite de
l'expression de la volonté du tiré en ce sens, n'est pas déterminé avec la même précision. et
suscite, de ce fait, des discussions tant en jurisprudence qu'en docrrine(l344).
630 - Ayant à l'esprit l'accord préliminaire conclu. dès l'ouverture du compte. entre le
titulaire de celui-ci et son banquier, relativement à la domiciliation des paiements sur le
compte, on est logiquement porté à déduire de la clause de domiciliation apposée sur un effet
de commerce présenté au paiement chez un banquier, la volonté du débiteur de confier le
règlement du titre visé à son banquier, surtout lorsque, s'agissant d'une lettre de change, elle
est accompagnée de l'acceptation du tiré(l345). Le domiciliataire serait fondé, dès lors, à se
considérer mandaté par son client pour le règlement de l'effet. Bien que certains juges aient
admis ce raisonnement, le paiement de l'effet ainsi domicilié reste subordonné, selon la Cour
de cassation(1346), à rémission, par le débiteur, d'un ordre exprès de paiement, dénommé, en
pratique, avis de domiciliation(l347). De sorte que demeure incertain, aujourd'hui encore, le
moment de la perfection du mandat de payer résultant de la domiciliation, ainsi que l'attestent
les théories divergentes exposées pat la doctrine, relativement à la valeur juridique de l'avis
de domiciliation(1348).
{l3431 V. supra n'43:2.
(1344) Sur IOU~ ces points, v. supra n'S433 el 5., 435 et s el MO.
(1345) Sur III ponëe d'une telle conjonction de la clause de domiciliation cl de l'acceptation du tiré, v. supra n'435 et 5.
{l346) V. par ex. Casso com. 8 juin 198:2, Bull. civ.. IV, n'221. p.194.
(1347) Sur ces points, v. supra n'434 el références citées.
(1348) On a pu dire à ce propos, notamment. que le mandat objet de la ~omici\\;~ljnn ne pou\\'ait se fonner en l'ebsen= d'un
ordre precis et spécial de payer la traite. quand bien même celle-ci porterait une clause de domicifiction à laquelle s'ajourerait
J'acceptai ion du tiré. Ou encore que "le mo.wlU rie payer est extérieur au titre", J. Revel. Le contrat de domiciliation des
effets de commerce, J.CP. 1976, éd. C.I.,II.12282, n'6 el 14.

467
631 - Il suffit pourtant, pour que se dissipe l'incertitude sus-évoquée. d'admettre avec
nous que le mandat. objet de la domiciliation, existe effectivement dès l'instant où le tiré
manifeste sa volonté de confier le paiement de l'effet à son banquier, par le biais, notamment,
de la clause de domiciliation qu'il appose personnellement sur le titre ou, plus sûrement, par
sa signature d'acceptation. Toutefois, l'exécution de l'objet principal de ce mandat. à savoir le
paiement. reste paralysée jusqu'à l'intervention d'un ordre exprès. ainsi que l'exige l'article
1988 alinéa 2 du Code civil, pour ceux des actes du mandat qui consistent en l'aliénation de
biens(l349),
Autrement dit. la domiciliation se présente comme un mandat à double détente dans sa
formation: \\a clause de domiciliation donne naissance à la relation de mandat, mais est
impuissante à permettre le paiement projeté, en raison de son caractère équivoque. Aussi ce
paiement est-il subordonné il une confirmation par le tiré de sa volonté, sous la forme d'un
avis exprès de domiciliation.
Mais, à l'opposé du problème de la détermination du moment de perfection du mandat
bancaire, l'imbrication étroite du compte de banque et des mandats qu'il autorise soulève
parfois la difficulté de la détermination de l'instant précis où s'achève la mission assumée par
le banquier,
B. LA DIFFICULTE DE DETERMINATION DE L'ACTE MARQUANT
L'ACHEVEMENT DE CERTAINS MANDATS BANCAIRES.
632 - A la complexité de structure des mandats bancaires(1350) s'ajoute, parfois. une
complexité des modalités d'exécution de ces mandats, elle-même conséquence de J'étroite
imbrication du compte bancaire et des mandats qu'il autorise.
n faut se souvenir, en effet, que l'exécution d'un ordre de virement suppose la
succession de deux écritures (un débit porté au compte du donneur d'ordre, suivi d'un crédit
(1349) Sur cette analyse. v. supra 11'436 et s.. spécial. n'440.
(l350} SUl ce point. v. supra n'623.

468
corrélatif. inscrit au compte du bénéficiaire) qui. quoique constituant les deux actes d'une
seule et même opération. sont incombent souvent à deux banquiers différents(l351).
De même,
on doit se rappeler que le mandat donné à une banque aux fins
d'encaissement d'un titre de créance se décompose. en réalité, au plan de son exécution. en
deux actes juridiques successifs: un acte de presentation du titre au paiement. suivi, en cas de
succès de la mission. d'un versement des sommes perçues sur le compte du mandant(l352).
633 - L'inscription de crédit portée au compte des clients de banque, à l'occasion des
mouvements bancaires de fonds réalisés en compte, au profit d'autrui. revêt, sous l'éclairage
des deux opérations précitées, une importance indéniable. De fait, c'est cette écriture qui signe
concrètement le dénouement du mandat de transférer des fonds confiés à un banquier. Faut-il,
pour autant, considérer que le mandat du banquier qui a reçu la mission d'opérer un
mouvement de fonds en compte s'étend nécessairement jusqu'à l'inscription des sommes
visées au crédit du compte du bénéficiaire désigné?
C'est par l'affirmative qu'il faut répondre à la question posée. lorsqu'est en cause le
mandat d'eneaisser, le banquier encaisseur ayant, en pareille hypothèse. en sa qualité de
teneur de compte du mandant, le pouvoir juridique et, surtout, matériel, d'y inscrire le produit
de sa mission(I353).
En revanche, pour ce qui concerne l'exécution d'un ordre de virement, la réponse est
controversée(l354\\ le débat se cristallisant sur la qualité en vertu de laquelle le banquier du
destinataire inscrit les sommes virées sur le compte de son client.
Les auteurs qui estiment que le mandat de virer inclut dans son champ l'inscription des
valeurs virées au compte du bénéficiaire, n'hésitent pas à attribuer, au banquier de ce dernier,
la qualité de mandataire substitué du banquier du donneur d'ordre. à l'effet de procéder à cene
écriture(l355) .
. (1351) Sur ce pciru, v. supra n's 337. 346. 349, 361 e\\425.
(1352) Sur ces points, Y. supra n'67.
(1353) Sur ce poim. v. supra 1]'68 el s.
(1354) V. supra n'348 el S., special. n·352.
(135.5)Sur ce peint, v. snpea Jl'352 el s.

469
D'autres auteurs pensent, à l'inverse, qu'il est plus conforme à la réalité de prêter au
banquier du bénéficiaire la qualité de mandataire direct dudit bénéficiaire, pour la réception
du virement et, plus largement, pour tout encaissement intervenant dans le cadre du compte
qui a été ouvert à ce dernier. Ce qui laisse entendre que la limite extrême du mandat d'opérer
un virement de fonds est constituée par la remise des fonds au banquier du bénéficiaire, et non
par l'entrée de ceux-ci au compte du bénéficiaire(1356),
Nous souscrivons, pour notre part. à la deuxième de ces propositions. Le mandat que
comporte un ordre de virement n'inclut pas dans son champ, nécessairement. l'inscription des
valeurs
virées
au
compte du
bénéficiaire;
quand
bien
même
le
virement
serait.
incontestablement, une opération unitaire visant à réaliser un transfert scriptural d'espèces
d'un compte sur un aurre. Il faut bien prendre conscience, en effet, que l'opération bancaire
que déclenche un ordre de virement. de nature complexe. fait intervenir un processus reposant
sur la succession de deux mandats distincts, quoique corrélatifs(1357), dont une fraction
seulement, le mandat de délivrer, incombe au banquier du donneur d'ordre, mandant. L'autre
fraction, le mandat de réceptionner, est assumé au nom de son propre client par le banquier du
bénéflciaire< 1358)( 1359).
634
Mais à y regarder de plus près. on peut noter à quel point est ténue la ligne de
- 4
démarcation entre le domaine temporel du mandat (étendue dans le temps) issu de l'ordre de
virement et le domaine spatial (champ d'application) de ce même contrat. Car déterminer
l'acte qui marque l'instant d'aboutissement de la mission du banquier en charge de l'exécution
du virement aboutit. en réalité, à préciser l'étendue, dans l'espace, dudit mandat.
L'influence qu'exerce l'imbrication du compte ordinaire de dépôt d'espèces et du mandat
qu'il abrite sur la définition du domaine d'existence de ce dernier contrat ne se résume donc
(1356) Sur ces points, v. supra 1\\'352 et s.
(1357) En ce sens que 1J naissance du deuxième mandat dépend de l'accomplissement du premier.
(1358) Au cas de virement réalisé par une seule banque, celle-ci doit être considérée comme mettant en oeuvre,
successivement. les deux qualités qu'impliquent l'une el l'autre fraction du processus évoqué.
(1359) Sur ces points. v, supra n '352 et s.. spécial. n')57.

470
pas aux seules difficultés d'appréciation du temps de vie du mandat bancaire, telles qu'elles
viennent d'être exposées. Elle touche aussi à la délimitation spatiale de la convention objet de
notre attention.
§ II. LES DIFFICULTES TOUCHANT A LA DELIMITATION SPATIALE DU
MANDAT BANCAIRE.
635 - S'il est vrai que le eompte bancaire est constitutif, ainsi qu'il a été déjà dît, d'un
contrat-cadre servant de fondement aux relations futures· entre le banquier et son client(l360),
il ne faut pas perdre de vue le fait qu'en soi, l'ouverture d'un tel compte extériorise la
conclusion d'une convention sur le règlement des créances et des dettes qui pourraient naître
entre les correspondants(1361). Le compte bancaire produit donc des effets juridiques
propres(l362) qui, à J'occasion de l'exécution d'un contrat particulier, un mandat par exemple,
rendent malaisée la détermination des domaines respectifs des règles de ce eonrrat et de celles
qui s'attachent au fonctionnement du compte. Il existe ainsi. en ce qui concerne le mandat
bancaire. le risque sérieux d'une confusion des effets s'attachant soit au mandat, soit au
compte, relativement à l'inscription en compte des sommes encaissées au nom du client (A).
Tout autant existe-t-il, par ailleurs, le risque d'une confusion des domaines respectifs du
mandat et des règles du change, applicables dans le cadre des comptes bancaires. au cas de
mandat portant sur un effet de commerce (B).
(1360) Dans le même SI:I15, v. G. Rjpert el R, Rabiot, op. cit., t.2, 12è éd., 0'2285, p.316. Ces auteurs voient dam le contrai
bancaire une "converüian qui porte sur le mode d'exécution d'opérsuions juridiques",
(1361) Sur tous ces point>. v. J. SIOurnei. comptes ordinaires de dépôt, junsclasseur Banque et Crédit, vol.I, [asc.200, n'l et
s., J..L, Rives-Lange et M. Contamfne-Raynaud. op. cir., n' J78, p.228.
(1362) Dans le même sens. G. Riperl el R. Rabiot, op. cit.,l.2, 0'2285, p.316.

l
A. LE RISQUE DE CONFUSION DES EFFETS RESPECTIFS DU MANDAT ET
DU COMPTE BANCAIRE, RELATIVEMENT A L'INSCRIPTION AU COMPTE DES
SOMMES ENCAISSEES.
636 . De ce que le compte foncrionnanr entre le banquier et son client est le cadre
naturel de l'exécution et du règlement des opérations intéressant ces deux personnes, il se
déduit, notamment, que tout acte d'encaissement de créance entrepris par la première au nom
de la seconde ne s'achève, normalement, qu'avec l'entrée en compte du produit dudit acte. Il
en résulte que l'obligation du banquier de porter au compte de son client les sommes qu'il
perçoit en son nom, entre dans le champ du mandat d'encaissement qu'il a reçu de ce
dernier(l363). Mais cette obligation entre, par ailleurs, incontestablement, dans les prévisions
de la convention sur le règlement des créances réciproques qu'implique tout compte bancaire
de dépôt d'espèces, un tel compte étant régi habituellement par le principe de l'affectation
générale des remises au compte(1364).
637 - Ce chevauchement des règles du compte bancaire et du mandat ne manque pas de
provoquer, dans le cadre d'un compte courant surtout. des litiges à propos du sort à réserver
aux sommes provenant d'un encaissement confié au banquier(1365). Ces sommes qui,
normalement. sont vouées à être inscrites au compte, sur le fondement, à tout le moins(1366),
du principe de l'affectation générale des remises au compte (plus spécifiquement, au compte
courant), peuvent-elles échapper à ce destin, en raison de considérations liées au mandat qui
justifie
leur
détention?
Une réponse
affirmative
à cette
question
démontrerait la
prépondérance, en matière d'inscription en compte du produit d'un encaissement, des règles
du mandat sur celles du compte qui abrite ledit mandat.
(1363) V. supra n'67 er s.
(1364) Ce principe qui n'est censé exister, de droit, que dans le cadre des comples courants, régit également, 11 s'en tenir aux
usages bancaires, le foncrionnernenr des comptes de dépôt ordinaires. V. par ex. Trib. cam. Paris 6 ocl.1982. Banque
1983.919; Rev. jur. çom.198J.68. Adde j, Betot, art. précité. Rev. jur. ccm. 1985.41 et s. 11" t6,
(1365) V. par ex. Trib. com. Paris 6 oer. \\982 précité.
(13661 On doit se rappeler que l'entrée en compte du produit d'un encaissemcm se présente. également. comme un des effets
du mandat qui justifie la possession des sommes concernées.

472
638· Une telle réponse s'impose effectivement. Elle tient à deux raisons:
D'une pan, aux restrictions apportées. dans l'intérêt des tiers. au droit du banquier
d'inscrire d'office, au compte usuel de son client (compte courant ou ordinaire, peu importe),
les sommes qu'il a recueillies au nom de ce demier( 367).
D'autre part, à la force obligatoire des instructions par lesquelles le remettant affecte
spécialement. à un usage déterminé. le produit à venir d'un encaissement donné(l368). De
sorte que l'on est en droit de poser en principe qu'en fair de mandat bancaire d'encaisser,
l'entrée en compte des sommes recueillies, quand bien même elle procéderait, de façon
indissociable, à la fois, de ce mandat et de la convention de règlement que comporte le
compte, se présente, au premier chef, comme une conséquence du mandat(l369). li ne peut en
aller différemment qu'au cas de connexité entre le mandar d'encaissement et une dette du
mandant à l'égard du mandataire(1370). Dans un tel cas, l'inscription en compte du produit de
l'encaissement apparaît comme une garantie, une sûreté, servant de couverture à la créance du
banquier sur son client, et ne peut, en conséquence, être écartée sur les seules instructions du
titulaire du compte.
639· Traitant des difficultés de délimitation des domaines respectifs de rayonnement du
compte bancaire et des mandats d'encaissement qui s'y exécutent, on ne peut éviter d'aborder
les problèmes, proches, liés notamment à la remise en compte d'effets de commerce endossés
en blanc. Un tel endos, qui traduit soit une remise à l'encaissement, soit une opération
d'escompte, est de nature à créer, on s'en doute, un risque de confusion des domaines
respectifs du mandat et du droit du change dont est uibutaire l'escompte.
(13671 Sur ce point. -e, supra n'70 el s.
f1368) Sur ce point. v. supra n'89 et s.
(1369) Rapprocher, sur un tout autre plan, l'analyse dé...eloppée à propos de la confusion des domaines respectifs du mandat
et du dépôt, en rnanère de paiement de chèques. supra n'251 eL s., spécial. n"254 el infra n'648 ets.
(1370) Sur 18 connexité et les problèmes qui s'y rauacbenr, dans le cadre de notre propos, v. supra n'84 el s. el références
jurisprudentielles citées.

473
B. LE RISQUE DE CONFUSION DES DOMAINES RESPECTIFS DU MANDAT
ET DU DROIT DU CHANGE, AU CAS DE MANDAT PORTANT SUR UN EFFET DE
COMMERCE.
640 - Ayant pour fonction, d'un point de vue macro-économique. de financer l'activité
commerciale, les établissements de crédit sont largement impliqués dans la création et la
circulation des effets de commerce. Les règles de fonctionnement des comptes bancaires ne
pouvaient que s'en ressentir, notamment à travers l'applicabilité du droit du change à celles
des opérations qui en relèvent. En résulte une coexistence, dans le cadre des comptes
bancaires, de rapports de nature cambiaire avec d'autres, de droit commun, qui n'est pas sans
provoquer le risque d'une certaine confusion des domaines respectifs de ces deux types de
rapport, en présence d'un mandat bancaire relatif à un effet de commerce. A preuve la
difficulté qu'on éprouve quelquefois à distinguer entre une opération d'escompte et un mandat
d'encaisser, au cas de remise en compte d'un effet de commerce (ou d'un chèque) endossé en
blanc (1). On cn veut pour preuve, encore, l'ambiance carnbiaire dans laquelle évolue le
mandat bancaire de payer un chèque(1371) (2).
1. LE RISQUE DE CQNF(jSION LIE A LA PRATIQUE BAr\\CAIRE DE L'ENDOSSEMENT Ei\\' BLANC.
641 - En fait de remise en compte d'effets de commerce, la nature de l'opération ainsi
réalisée, escompte ou mandat d'encaisser, est révélée,
en principe. par la mention
accompagnant l'endos que porte le titre concerné. Pour éviter toute discussion, le législateur a
posé que l'endossement de procuration ne pouvait dériver que d'une mention impliquant un
simple mandat(1372). A défaut, l'endossement est réputé translatif. Mais on sait que cette
présomption, irréfragable dans les relations des parties à l'endossement avec les tiers, admet la
preuve contraire, dans les rapports de l'endosseur et de l'endossataire(1373). On comprend
(1371) Sur ce point. v. supra J)'J09.
(1372) V. an. l22 du C. COlU. et art. 23 d u décret-loi du 30 oct. 1935 sur I~ chèque.
(1373) Sur rous ces points, v. supra n'53.

474
alors le peu de souci que les banques affichent face à la pratique répandue de l'endossement
en blanc des effets destinés à être remis en compte. De cette pratique il résulte que dans les
rapports du banquier endossataire d'un effet et de son client, remettant, l'endossement revêt un
caractère ambivalent qui rend malaisée la qualification précise de l'opération réalisée par les
parties(1374). Cela crée un risque réel (que confirme la fréquence des litiges enregistrés à
propos de la remise d'effets en compte)(1375) d'application abusive des règles cambiaires
s'attachant à l'escompte, en lieu et place de celles relatives à un simple mandat de
recouvrement (ou inversement); ce risque profilant bien souvent au banquier(13?6).
642 - Les interférences entre les relations de nature cambiaire et les rapports d'un type
plus commun, à l'intérieur d'un compte bancaire, se manifestent également, en dehors des
opérations de recouvrement d'effets de commerce, dans le domaine du paiement des chèques,
Elles y entraînent alors, non plus seulement un risque de confusion des champs d'application
respectifs du droit du change et du droit commun, mais une véritable immixtion, à certains
égards, du droit du change sur le terrain du mandat.
2. L'INTRUSION DU DROIT DU CHANGE DANS LE DOMAlNE DU MANDAT~ EN MATIERE DE
PAIEMENT OF.CHEQUES,
643 ~ L'obligation, qu'assume le banquier, de payer les chèques tirés par le client auquel
il a ouvert un compte de dépôt d'espèces, n'est pas, on le sait, de nature cambiaire(l377). Mais
la maîtrise (physique) des fonds de son client que lui assure sa position de teneur du compte
de celui-ci, a incité le législateur à l'inscrire au nombre des personnes qui, à l'égard du tiers
(1)74) "Savant el perspicace est fe clier» (ordinaire) d'une banque qui "sau'r si tes remises de titres qu'il effectue r;/laqJle
semaine (uson:; d'un terme llelllre) s'analysent juridiquement en un escompte 011 en une avance sur mandai d'encaissemeru",
Ch. Gavalda et J. Sloufllet, chronique de droit bancaire J.C.P.1976.1.1801, n'55.
(1375) V. sur ce point. supra. n'53 et s.
(1376) Sur le risque de confusion du mandat el de l'escompte. en matière d'escompte de chèques, en Côte d'Ivoire, v.
Hyacmrhe Sarassoro. L'escompte de chèque e<l Côte d'Ivoire, étude dactylographiée. Université Nationale de Côte d'Ivoire.
nov. 1988, p.15 el s.
lU77) v. ~upf8.\\1'309.

475
porteur d'un chèque, sont tenues de le payer, sans pouvoir opposer, à ce dernier, les
exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs
antérieurs(I378). De sorte que malgré sa qualité, non contestable. de mandataire. le banquier
.
qui se charge du paiement des chèques de ses clients, se voit opposer, ccncomitamment au
mandat, les principes, d'essence cambiaire. de l'inopposabilité des exceptions(l379) et de
solidarité de tous les débîteurs(1380). Aussi y avions nous vu une des limites de la
qualification de mandat reconnue au chèque(l381), les obligations extraordinaires ainsi
supportées par le banquier tiré d'un chèque, dans le cadre de l'exécution de son mandat,
n'étant généralement pas le fruit de sa volonté(l382).
644 - Parallèlement aux difficultés, ci-dessus évoquées. de délimitation tant spatiale que
temporelle du mandat, engendrées par l'enchevêtrement des contrats interdépendants que
constituent le compte bancaire et le mandat qui s'y exécute, méritent également d'être
signalées, celles ducs à la combinaison de contrats autonomes, au sein du même compte
bancaire.
(1378) v. art.::!2 du décret-loi du 30 octobre 1935 sur le chèque; adde art.44 du même décret-loi. Sur l'applicablité, au
banquier tiré d'un chèque, du principe de l'inopposahilité des exceptions. v. supra n'309; edde M. Jeantin, op. eit., n'St,
p.26.
(13791 V. art. 22 du décret-loi du 30 octobre 1935.
(1380) V. :lIt. 44 du décret-ici du 30 octobre 1935.
(13811 v. supra n'307 et s..
(1382) V. supu lI'312 et s.

476
SECTION II. LA COMBINAISON DE CONTRATS INDEPENDANTS.
Par cela seul que le mandat du banquier s'inscrit, dans la quasi-totalité des cas, dans le
cadre du compte qu'il a ouvert au mandant. apparaît à l'analyste l'inévitable éventualité d'une
combinaison des contrats de mandat et de dépôt. En effet. tout acte de paiement ou de
recouvrement entrepris au nom de ses clients par le banquier n'a-r-il pas, immanquablement.
une répercussion sur les sommes figurant au compte de ceux-ci, et dont ce dernier a la garde,
en sa qualité de dépositaire irrégulier?
645 - C'est, au demeurant, cette qualité de dépositaire qui, fournissant au banquier, par
ailleurs. une certaine maîtrise (physique) sur les sommes inscrites au compte de ses clients, a
favorisé l'avènement, en matière bancaire. de techniques de paiement reposant sur le mélange
d'un mandat (donné par le titulaire du compte) et d'une garantie personnelle (donnée en nom
propre par le banquier aux tiers). Tandis que les éléments composant le premier de ces deux
ensembles contractuels (à savoir le dépôt et le mandat) se présentent comme véritablement
autonomes. chacun d'eux pouvant se suffire à lui-même, ceux du second ensemble contractuel
Cà savoir le dépôt, le mandat et la garantie du banquier) sont constitutifs. en réalité. le dépôt
mis à part, d'un groupe, mieux. d'une chaîne de contrats, concourant à la réalisation d'une
seule et même opération juridique.
646 - A ces deux types de combinaison de contrats bancaires, s'attachent cependant,
grosso modo, les mêmes difficultés majeures:
La plus évidente de ces difficultés se rapporte. pour ne s'en
tenu qu'à nos
développements précédents, à la délimitation précise de la sphère d'évolution du mandat par
rapport aux autres conventions avec lesquelles il se combine.
La seconde difficulté, dont dérive la première. en réalité, a [fait à la méthode de
qualification appliquée à ces ensembles de contrats. Renonçant, en effet. à soumettre les
divers contrats ainsi assemblés à une qualification et, partant. à un régime juridique uniques,
la pratique s'en tient. généralement, à une dénomination plurale, conduisant à une application
distributive des règles afférentes à chacune des catégories juridiques en présence.

477
647 - Toutefois, sur le terrain de la qualification. selon que les contrats qui se eêtoient
se présentent comme étant réellement autonomes, ou qu'ils partieipent, en réalité, à la
réalisation d'une opération juridique unique, les difficultés qui s'attachent à leur eombinaisqn
revêtent des caractères différents. Ainsi, la coexistence du mandat et du dépôt pose un
problème de hiérarchisation des contrats combinés, éventuellement sur la base d'une relation
d'accessoire à principal, tandis que la réunion d'un mandat et d'un engagement personnel du
mandataire fait apparaître toutes les peines que l'on peut éprouver à appréhender dans son
ensemble, à travers une qualification unitaire, notamment, le mécanisme juridique de
l'opération qui abrite ladite eombinaison. Pour cette raison, l'une (A) et l'autre (B) des
combinaisons ainsi identifiées doivent être envisagées séparément.
A. LES DIFFICULTES S'ATIACHANT A LA COMBL'lAISON DU MANDAT
ET DU DEPOT.
648· Tout mouvement de fonds assuré par une banque au profit d'un de ses clients, met
en jeu, inévitablement, ses qualités de dépositaire et de mandataire,
Toutefois, la superposition des contrats de dépôt et de mandat, à l'occasion d'une même
opération, n'est effective que lorsque ceux-ci interviennent simultanément(1383), et non point
successivement(1384). Aussi l'éventualité d'une combinaison du mandat et du dépôt, dans le
cadre du fonctionnement d'un compte de dépôt d'espèces, ne se présente-t-elle réellement qu'à
l'occasion de l'exécution par le banquier des ordres de paiement émanant de son client, et
l'invitant à reverser, à une tierce personne, une certaine somme à prélever sur son compte. Il
en va ainsi, notamment, du règlement des chèques ou des ordres de virement, ou encore des
ordres de paiement donnés au moyen d'une carte bancaire n'impliquant pas l'octroi d'un crédit.
(1383) Ainsi qu'il en va tI. l'occasion du règlement d'ordres Je paiement bancaires classiques tels que lu chèques. les ordres
de virement les avis de dorniciliauon. etc.
(1384) Ainsi qu'il en va à l'occasion du règlement par une banque d'un crédit documentaire ou d'un ordre de paiement donné
au moyen d'Une cure de crédit (a'~ sens précis de ce terme). Dans ces hypothèses. en effet. les fonds servant au paiement som
rarement ceux qui étaient en dépôt sur le compte. mais proviennent, au contraire. d'nne avance faite par le banquier tI. son
client. et qne ce dernier aura a rembourser plns tard. de façon échelonnée. au besoin.

478
649 - C'est précisément l'étude de ces techniques de paiement qui nous a fourni
l'occasion de mettre en évidence les difficultés qui s'attachent à la combinaison. sus-évoquée.
des connats de mandat et de dépôt.
Celles-ci louchent essentiellement, à s'en tenir à la jurisprudence sur le paiement des
chèques et des ordres de virement, à la délimitation précise des domaines respectifs du
mandat et du dépôt, au cas d'exécution d'un ordre de paiement apocryphe par le banquier, la
situation juridique de ce dernier dépendant, en pareille circonstance, de la qualité qui lui est
attribuée.
On sait que la dé de la solution se trouve dans la distinction, qu'il convient de faire,
entre les chèques ou les ordres de virement faux dès l'origine. et ceux qui émanent
effectivement du titulaire du compte. L'authenticité de l'ordre exécuté par le banquier est-elle
contestée? Cette circonstance met en jeu la qualité de dépositaire de celui-ci (1385). L'ordre en
cause était-il, au contraire, véridique à l'origine? Son exécution ressortit alors à la seule
qualité de mandataire du banquier solvens, lors même que l'authenticité de son libellé serait
discu,ée(l386).
Mais on sait aussi que la mise en oeuvre de ce critère ne suffit pas à aplanir toutes les
difficultés rencontrées. En réalité, elle ne fait que situer, avec plus de précision, le domaine
véritable du débat suscité par la coexistence du mandat et du dépôt, en matière de paiements
confiés à une banque. Une telle coexistence est en effet exclue, en principe, lorsque le solvens
a débité le compte de son client sur la foi d'instructions totalement fausses et exclusives, de ce
fait, d'un quelconque mandat(1387).
650 - Toutefois, le cadre précis de la coexistence du mandat et du dépôt ainsi délimité,
demeure toujours la difficulté de la définition des champs d'application respectifs de l'un et
l'autre de ces deux contrats. En témoignent les divergences que J'on peut relever dans les
. réponses apportées par la doctrine à la question de savoir en quelle qualité le banquier assume
(1385) sauf la possibilité pour le banquier victime de la fraude d'exciper d'un mandat apparent. Sur ce point, v, supra n's 247,
25],305,4]3 el 606.
(1386) Sur tous ces points. \\J. supra [l's 246, 253 et s., 30~. 413 et 606.
(1387) Sauf la possibilité du recours à la théoriedu mandat apparent. si les conditions en sont remplies.

479
J'obligation de procéder à des vérifications (dires de sécurité) avant l'exécution, au profit de
tiers, de tout ordre de paiement censé émaner de son c1ient(1388).
651 - A Y regarder de plus près. cependant, on peut s'apercevoir que la confusion des
régimes juridiques des contrats de mandat et de dépôt, à l'occasion du paiement réalisé par le
débit d'un compte bancaire, provient de la qualification cumulative adoptée en l'occurrence.
Sans qu'il soit question de nier que dans le cadre des opérations de paiement évoquées,
le banquier met en oeuvre, simultanément, les qualités bien distinctes de mandataire et de
dépositaire. on peur douter cependant que ces deux qualités revêtent, dans les opérations
considérées, la même importance. et que leur réunion ne se fonde pas. en réalité, sur un
rapport d'accessoire à principal. impliquant la prédominance de l'une sur l'autre, N'enseigne-r-
on pas, en effet, à cet égard, "qu'if n'y a dépôt, dans le seris légal du mot, qu'autant que la
conservation de la chose a été le but principal de la remise de cette chose"(l389)? Il n'y
aurait donc pas contrat de dépôt lorsque l'obligation de garder une chose apparaît comme
l'accessoire des autres obligations de l'accipiens(l390), Qu'est-ce à dire, sinon que la
qualification juridique de l'opération qui repose sur la combinaison d'un mandat et d'un dépôt
doit s'appuyer sur le but principal recherché par les parties? D'autant plus qu'est inconcevable
la coexistence, sur un pied d'égalité, dc ces deux contrats dont les objets respectifs sont si
.
opposés, si contradictoires mêrne(1391).
A n'en pas douter. te mandat, lorsqu'il se trouve associé (de façon simultanée) avec un
contrat de dépôt, intervient soit à titre principat, soit à titre accessoire, selon que la garde et la
restitution des choses concernées apparaissent ou non comme les principaux objets de
l'opération envisagée,
(1388) Sur celle question particulière el notre réponse, v. snpra n'256,
(1389) R. Rodfère. Enc. jur. Dalloz, Rép. dr civ. Lm, v' Dépôt. Jl'S,
(1390) V. R. Redlëre. op, cir.iIoc. cir.. n'33 el s.
(1391) 11 est indéniable, en effet, que le décaissement d'une somme d'argent au profit d'une tieree personne, objet prineipal de
l'obligation du mandataire ehargé d'un paiement, se.trouve en Ilegrante contradiction avec l'obligation de conserver la chose
(à charge de la restituer au déposant OIJ à son fondé (Je pouvoir), objet principal du ccmrat de dépôt pouvant porter sur cette
même somme d'argent.

480
652 . En ce qui concerne les. opérations de paiement attachées au fonctionnement d'un
compte bancaire de dépôt d'espèces. c'est moins la qualité de dépositaire du banquier(J392)
que celle de prestataire de services ou, plus précisément, de mandataire pour la réalisation
d'un paiement (au sens juridique précis de ce renne) qui est sollicitée(1393),
Force est donc d'admettre, avec nous, qu'en matière d'exécution d'ordres de paiement
émis par ses clients, la quatité de mandataire du banquier prime sur celle de dépositaire qui
est également la sienne. du fait de l'obligation de garde qu'il assume au regard des fonds qui
lui sont confiés(1394). La prise en compte de cette donnée eût suffit à justifier la soumission
des opérations considérées à une qualification simple, unitaire, celle de mandat (de préférence
à celle, double, de mandat et de dépôt) et. par voie de conséquence, j'application du régime
juridique de ce seul contrat(1395),
653 - Assurément, le problème que pose la combinaison du mandat et du dépôt dans les
opérations bancaires de paiement (par le débit du compte du donneur d'ordre) est, en réalité,
un simple problème de hiérarchisation des contrats concernés, Sa solution, facile, ne tient qu'à
la mise en oeuvre de la règle de l'accessoire que traduisent les maximes juridiques
"accessorium sequitur principale" et "major pars trahit ad se minorem'{l Sçô)
Beaucoup moins simples à résoudre semblent être, en revanche, les difficultés qui
s'attachent à la combinaison du mandat et d'un engagement personnel du banquier mandataire.
à J'occasion d'opérations particulières de paiement telles que le règlement par crédit
documentaire ou par carte bancaire,
(1392\\ Certes, cette qualité intervient au titre de la restitution des sommes concernées, mais ce n'est que de manière
secondaire. la restitution n'étant que la conséquence de l'opération. principale, de paiement.
(1393) Sur ce point. Il. nos développements supra n'254 et s. ct n'606.
, (1394) Sur cette affirmation. v. supra n's 254 et 255 et n '606.
(1395) Sur le rôle des maximes "accessorium sequuur principale" et "major pars trahir ad se minorern" en matière de
qualification des contrats. v. Gilles Goubeaux. La règle de l'accessoire en droit privé. L.G.DJ. 1969 n'J]7 et s. p.463 ct ~.;
spécieternent 0'342 cl s., à propos des conflits de qualification dans les ensembles complues de contrats. et 0'359 el s. p.4l}3
cr s.
(1J96) Sur l'élude de l'apphcation de ces maximes en droit privé. v. Gilles Goubeaux, op. ch.. passim.

B. LES DIFFICULTES S'ATTACHANT A LA COMBINAISON DU MANDAT
ET D'UN ENGAGEMENT PERSONNEL DU BANQUIER MANDATAIRE.
654 - Le trait caractéristique des techniques particulières de paiement que constituent le
crédit documentaire et la carte bancaire de paiement et/ou de crédit se situe. sans nul doute,
dans la garantie d'exécution dont peut bénéficier le créancier du paiement considéré, de la pan
de la banque tierce qui en est chargée. Cene garantie se présentera sous la forme d'une
promesse personnelle et irrévocable concédée par cette dernière, directement envers ledit
créancier.
C'est que les bénéficiaires des paiements ainsi réalisés sont le plus souvent, pour ne pas
dire exclusivement, des commerçants. Pour ceux-ci, plus encore que pour les particuliers. la
certitude et la ponctualité du paiement promis sonr vitales et doivent être efficacement
assurées. Il a fallu, pour y parvenir, trouver le moyen de donner au créancier du paiement
envisagé une action directe contre le banquier qui s'en charge pour le compte du débiteur.
D'où l'idée d'une promesse autonome de paiement souscrite en nom propre par ce banquier, au
profit du cocontractant de son client, débiteur du paiement en cause. Mais il en résulte. pour
les banquiers promoteurs de ces systèmes spéciaux: de paiement, un double engagement
contractuel, aussi bien envers les initiateurs du règlement projeté qu'envers les tiers qui en
som les bénéficiaires.
655 - L'existence d'un tel lien de draie avec les tiers se présente comme un facteur de
remise en cause de la qualité de mandataire que l'on est porté naturellement à attribuer à ces
banquiers, en considération de ce que la dette qu'ils se chargent d'éteindre est, avant tout, celle
d'autrui.
A ce premier élément de complication de l'analyse de la situation juridique du banquier
peut s'ajouter d'ailleurs un autre, tenant à l'interposition fréquente, dans le cadre du crédit
documentaire essentiellement, d'une ou plusieurs banques. entre le banquier sollicité par le
débiteur du paiement envisagé et le tiers qui en est le bénéficiaire désigné(1397).
(1397) A propos de la controverse portau sur I~ qualité de mandataire substitué de la banque qui. en tant qu'intermédiaire.
notifie. confirme et/ou réalise un crédit doeumemaire, v. supra ll'S28 el s.

482
656 - Dans le eadre du crédit documentaire. comme dans celui de la technique du
paiement par cane bancaire, le banquier qui reçoit, de son client, la mission de régler en ses
lieu et place une dette donnée, s'est généralement engagé, par ailleurs. vis-à-vis du
bénéficiaire de ce règlement, à y procéder. Cette circonstance suscite. une fois réprimée la
tentation d'une analyse séparatriee des différents rapports noués. en ces occasions, par le
banquier (une telle approche bilatérale ne concordant pas avec J'unicité de chacun des
mécanismes en cause)(l398\\ l'affrontement, relativement au rôle du banquier susvisé. des
qualifications divergentes de mandat et de délégation (1).
Mais ce n'est là qu'un des deux problèmes majeurs dont la résolution s'impose à qui
entreprend d'analyser juridiquement les mécanismes bancaires de paiement comportant le
principe d'une garantie supportée par le banquier payeur. Le second de ces problèmes touche
à la délimitation, au sein du groupe de contrats indépendants dont se compose généralement le
mécanisme en cause(1399), du domaine précis d'application du mandat qui y serait
éventuellement isolé (2).
1. L'AFFRONTEMENT DES QVALlFICATIONS DE !\\1ANDAT ET DE DELEGATION.
657 - La fiabilité des systèmes de paiement par crédit documentaire ou par carte
bancaire ete paiement et/ou de crédit repose, on l'a vu, sur l'engagement que prend, en nom
propre, le banquier en charge du règlement projeté. vis-à-vis de la personne qui en est le
destinataire. Ce dernier acquiert, de ce fait, à l'encontre du banquier promettant, un droit
personnel et direct qui empêche le premier de lui opposer les exceptions tirées de ses rapports
avec le donneur d'ordre. Cette circonstance n'étant pas en concordance avec les effets
normaux du mandat, lequel implique, en principe, une absence de liens juridiques entre le
mandataire et les tiers auprès de qui il effectue sa mission, certains auteurs ont cru pouvoir y
(1398) Sur cette approche séparntrice, en ce 'lui concerne la carte bancaire, par exemple. v. supra n·S6].
(1399) Sur cette affirmation, v. supra n'613; égal. u·645.

l
prendre appui pour préférer à la thèse du mandat de payer avancée en l'occurrence, celle de la
délégation(l400).
658 - De fait, la théorie de la délégation (délégation imparfaite)(l401) éclaire bien d~s
aspects des techniques en cause.
En matière de crédit documentaire irrévocable, en effet, l'engagement personnel que
prend la banque émettrice (ou la banque confmnatrice) du crédit, envers le bénéficiaire, a
bien pour origine un ordre donné par le demandeur de crédit (délégant supposé) à la banque
émettrice, ou confirmatrice (délégataire supposé). Cet engagement du donneur de crédit
emporte effectivement. ainsi que le suppose toute délégation. création, enrre le donneur de
crédit et le bénéficiaire, d'un lien de droit direct et indépendant des rapports du premier avec
le donneur d'ordre.
659 - En fait d'opérations de paiement par carte bancaire, quand bien même le porteur
de la cane ne serait pas à l'origine de l'engagement personnel que prend l'émetteur de la cane
à l'égard du fournisseur, "tout paraît se passer comme si, dans la mesure de la garantie, le
titulaire déléguait t'émetteur pour éteindre sa dette envers le !ournisseur,,(I402). Lorsqu'il
bénéficie. ainsi. de la garantie de paiement de l'émetteur de la carte. le fournisseur acquiert, à
l'encontre de celui-ci, à l'instar d'un délégataire, un droit direct et autonome. II se trouve, de ce
fait, protégé par le principe de l'inopposabilité des exceptions(1403).
660 - Toutefois. pour l'une comme pour l'autre des opérations sus-évoquées, l'analyse.
par la délégation, du rôle du banquier qui conduit le déroulement du mécanisme, ne convient
pas. en réalité. Pour s'en convaincre, l'on doit avoir à l'esprit. en ce qui concerne le crédit
documentaire, d'une part, que le droit direct et personnel qu'acquiert le bénéficiaire contre
(1400) V. supra n'S44 (ê propcs du crédit documentaire) et lI'563 et s. (11 propos de la cane bancaire de paiement el/ou de
crédit).
(1401) Sur la définition de la délégation, v. par exemple Ph. Malaurie el L. Aynès op. cil" Cours de droit civil. Les
obligations, n'12~ p.71O; G. Marty. P. Reynaud el Ph. Jestez, op. CiL. Les obligations.t.Z, Le régime n'425 p.395.
(1402) F. Deua, op. cil.,n'l&7 p.l77.
(1403J Sur le droit direct du délégataire el son corollaire l'inopposabilité des exceptions. v. par exemple G. Marty, P.
Reynaud et Ph. Jestaz, Les obligations, l, 2. Le régime. précité, n'432 pAo:! el li'437 p..W6; Ph. ~alaurie el L. Aynès, Les
obligations, précité, n'1250 et 5., p.710 et 5.

484
l'émetteur du crédit. ne se rencontre que dans une seule des deux variétés fondamentales
connues de cerre opération, à savoir le crédit irrévocable. Les deux types de crédit
documentaire étant techniquement proches, sinon identiques, si l'on excepte la garantie que
comporte le crédit irrévocable. on ne peut rationnellement leur appliquer des qualifications
juridiques radicalement opposées. On ne peut, en effet, dire que la variante de base de cette
opération. le crédit documentaire révocable, est constitutive d'un mandat (ce qui ne fait l'objet
d'aucune contestation), tandis que l'autre variante, le crédit irrévocable, serait réfractaire à
toute idée de mandat et se présenterait sous les traits d'une délégation(l404).
661 - En ce qui concerne, d'antre pan, le paiement par carte bancaire, l'inadéquation de
la qualification du rôle de l'émetteur de la carte en une délégation transparaît. ainsi qu'on a eu
l'occasion de le relever, dans certains éléments de son régime juridique(1405).
En effet, contrairement à ce que suppose la délégation, l'engagement personnel que
concède au fournisseur (délégataire supposé) l'émetteur de la carte (délégué supposé). n'est
pas le résultat d'un accord des volontés du titulaire de la carte (délégant supposé) et des autres
parties précitées(1406). En outre, et surtout, la thèse de la délégation s'avère inapte à justifier
la totalité des actes attachés au système du paiement par carte bancaire. Elle se trouve
désavouée, en effet, par le droit que conserve, en tout état de cause, le fournisseur, de recevoir
de l'émetteur d'une telle carte, le règlement qu'appelle l'utilisation de la carte, quand bien
même la garantie de ce dernier ne lui serait pas conventionnellement acquise(l407).
662 - Les faiblesses de l'explication, par la délégation, des mécanismes de paiement
comportant, dans leur esprit, une garantie de paiement souscrite par le banquier payeur ne
pouvaient qu'ouvrir la voie à d'autres analyses. Le caractère triangulaire des opérations en
cause, de même que la qualité d'intermédiaire de la personne appelée à effectuer le paiement.
114(4) Sur ce point. v. supra Il'544.
(1405) V. supra t1'563 el s.
(1406) Sur la nécessité d'un Id accord de volontés, dans le cadre de la délégation, v. F. Grua. op. cil. n'187, p.I77; Ph.
Malaurie el L. Aynès, Les obligations, précité. n'1250, p.710; G. Marly, P. Raynaud el Ph. Jestaa. Les obligations. 1.1.
précité, n'428. p.399.
(1407) Sur cc point, v. supra n'S64.

485
objet desdites opérations, incite l'interprète à y voir un mandat. Mais d'un autre côté, ceue
dernière qualification semble contredite par le tien d'obligation qui se noue souvent. de façon
directe et autonome, entre le banquier. mandataire pressenti, et le tiers bénéficiaire du
paiement pour Jequelle premier a été commis par le donneur d'ordre(l408). Après réflexion.
cependant, on se rend compte qu'if n'y a là qu'une contradiction apparente. Rien dans la
théorie du mandat n'interdit en effet, à un mandataire. de prendre, vis-à-vis du tiers auprès de
qui il doit effectuer sa mission, parallèlement à celle-ci. un engagement en nom propre, au
besoin sous sa seule initiative(l409), Ce faisant, il ne perd pas sa qualité, principale, de
mandataire. quand bien même l'autonomie de son engagement à l'égard du tiers lui interdirait
d'opposer, à ce dernier, les exceptions tirées du contrat de mandat qui est la cause véritable de
son intervention(l41O).
Au delà des difficultés de qualification ainsi caractérisées, liées à l'affrontement des
théories du mandat et de la délégation, à l'occasion de l'étude des mécanismes de paiement
reposant sur une garantie offerte par le banquier payeur, se pose à l'analyste un autre
problème: celui de la délimitation précise du champ d'application du mandat ainsi isolé, au
sein de J'ensemble de contrats dont se compose chacun des mécanismes de paiement
envisagés.
2, LES DIFFlCULTES DE DELlMITATlON DU DOMAINE PRECIS n'APPLICATION DU MANDAT
BA~CAIRE COMBIl'IE AVEC l]l'i ENGAGEMENT PERSO!'l'NEL DU ~ANDAT AIRE.
663 - En matière d'opérations de paiement reposant sur une garantie promise par le
banquier, mandataire du débiteur, au tiers créancier, la sécurité de ce dernier tient, on le sait,
au caractère autonome de la promesse ainsi souscrite. Quand bien même cet engagement
personnel du banquier payeur aurait, nécessairement, pour assise le mandat de payer qu'il
(1408) Sur ce point, v. supra n" 543 ct 572.
(1409) Airlsi qu'il en va dans le cadre du sysrême du paiement par cane bancaire.
(10H01 Sur ces points, v. supra n 's 543 et 572.

486
reçoit de son client. débiteur réel de la dette à éleindre(l411), il se présente néanmoins
comme s'en détachant complètement; du moins, du point de vue du tiers bénéficiaire de la
garantie.
Au regard de l'auteur de l'ordre de paiement qui sert d'assise à la promesse de garantie,
la dissociation de cene garantie d'avec le mandat du payeur n'est totale qu'en matière de
paiement par carte. En cette dernière matière, en effet. l'obligation souscrite directement
envers les tiers par le mandataire, résulte d'une initiative personnelle de ce dernier.
Dans le cadre du crédit documentaire, au contraire. l'Obligation de garantie supportée
par le mandataire. envers le tiers. dérive d'une instruction particulière du mandant. De ce fait,
elle ne peur qu'être perçue, dans les relations du donneur d'ordre. mandant, et de l'émetteur du
crédit, mandataire, comme entrant dans te champ du mandat de payer que le premier confie
au second.
664 . Quoi qu'il en soit, toutefois. que le lien direct d'obligation ainsi noué par le
banquier se rattache ou non, quant à sa source, au mandat de payer qui lui sert d'assise. son
indépendance, au plan de ses effets, par rapport à ce dernier contrat. seul gage véritable de la
sécurité du tiers créancier, n'est pas discutée. C'est dire qu'à l'occasion des paiements qu'il
effectue sur la base d'un crédit documentaire ou d'un ordre donné par carte bancaire, la
promesse d'exécution que peut souscrire personnellement le banquier du débiteur a son
domaine d'application propre. Ce domaine ne se confond pas avec celui du mandat, sur lequel
elle prend appui pourtant, et encore moins, éventuellement. avec celui du contrat de dépôt qui,
souvent, se combine avec le mandat de payer(1412).
665 - Pareille combinaison entre le dépôt, le mandat et la garantie de paiement donnée
par le banquier mandataire est susceptible d'exister, en effet, dans les opérations particulières
sus-évoquées. toutes les fois que les sommes devant servir à l'exécution du paiement som
, censées provenir du compte du client.
(1411) Sur cene idée, v. supra nOs 502 el 512 (relativement au crédit documentaire), el n'~ 568 el 572 (relativement al!
paiement par cane).
(1412) Sur les circonstances d'une combinaison du mandat et dll dépôt, en matière bancaire. et les difficultés qui s'y attachent,
de façon générale, v. supra n'648 cl s.

487
Il en va ainsi. généralement. du règlement des factures ou relevés de dépenses
effectuées au moyen d'une carte bancaire de paiement et/ou de crédit, quand bien même le
débit du compte impliqué interviendrait de façon différée. Cela ne semble pas être le cas, paf
contre, du crédit documentaire. pour le paiement duquel les fonds proviennent rarement du
compte du donneur d'ordre; pas directement, du moins.
666 - Cette coexistence de contrats concourant à la réalisation d'un même acte de
paiement. mais se voulant indépendants malgré tout, rend malaisée la délimitation précise de
la sphère d'évolution propre au mandat
Très concrètement, la difficulté évoquée se résume à la question de savoir à quel titre
intervient le banquier qui, mandaté pour un paiement donné, a eu à souscrire en nom propre,
vis-à-vis de l'accipiens, une promesse ferme de payer.
A l'encontre de la plupart des auteurs qui, pour exclure la thèse du mandat, soutiennent
qu'en pareille occurrence, le banquier traite en son nom personnel avec le tiers, et non point
en qualité de représentant d'un mandant(1413\\ nous avons pu établir, pour notre pan, que
dans le déroulement des opérations qui nous occupent présentement, le banquier qui se trouve
au centre du système agit à deux titres différents selon le cas: il intervient, tantôt au nom de
son client e} en son nom propre, simultanément (a), ainsi qu'il en va de l'exécution d'un crédit
documentaire irrévocable ( 4 14), tantôt au seul nom du client, en dépit de la garantie de
paiement dom bénéficiait éventuellement l'accipiens (b), ainsi qu'on peut l'observer en
matière de règlement d'ordres de paiement résultant de l'utilisation d'une carte bancaire(l415).
114IJ} v. par ex. supra, n's 502 et 541 elles auteurs cités.
(1414) V. supra n'SOI et s.
(1415) V. supra n'561l (in fine) el n'Sn et s.

488
a. L'intervention simultanée des effets du mandat et de l'engagement personnel du
mandataire.
667 - Dans les cas où le mandat et l'engagement personnel du banquier mandataire som
censés entrer en jeu simultanément. seuls les rapports mandant-mandataire demeurent régis
par le mandat, exclusivement. S'il en va ainsi, c'est parce que la promesse irrévocablement
consentie au tiers par le mandataire, en nom propre, entre dans le champ du mandat de payer à
lui confié par le donneur d'ordre.
668 - Par contre, dans les rapports mandataire-tiers créancier, les domaines du mandat
et
de
l'engagement
personnel
du
mandataire,
théoriquement
distincts,
restent
indissociablernent confondus, le mandataire étant perçu, de ce point de vue, comme
intervenant, à la fois, au nom du mandant (sur la base des instructions, irréversibles, qu'il tient
de ce deroier)(l416) et en son nom propre, sur la base de sa promesse irrévocable de payer.
Certes, on pourrait estimer, au regard d'un paiement donné, qu'en l'absence de toute
manifestation de la volonté contraire du donneur d'ordre. seul le mandat aura produit ses
effets, à l'exclusion de ceux qu'engendre la garantie, subsidiaire, de paiement que constitue,
au fond, la promesse irrévocable de payer consentie à l'accipiens par le solvens,
Mais à vrai dire. une telle analyse ne saurait prospérer. eu égard au caractère également
irrévocable de l'ordre d'ouvrir un crédit irrévocable au bénéfice d'auuui(l417). La conscience
de l'irréversibilité des instructions qu'il a transmises à son banquier peut très bien justifier, en
effet, l'attitude passive du demandeur de crédit qui s'est abstenu de s'opposer à son paiement.
Pareille attitude, trop équivoque en j'occurrence, ne saurait fournir un critère sérieux de
délimitation des domaines d'efficacité respectifs du mandat et de l'engagement personnel du
banquier mandataire. dans les rapports de ce dernier avec les tiers.
(14t6) Sur cene irréversibilité, v. supra n"500 (in fine).
(14171 Sur celle affirmation. v. par ex. J. Hemel, note sous Casso req.16janv.1916. D.P.I916.1.1Dl el s. Adde supra n'SOO
(in fine).

669 - A l'inverse de l'hypothèse qut vient d'être évoquée, certaines opérations de
paiement combinant un mandat et un engagement personnel du banquier payeur impliquent
une mise en oeuvre alternée (et non plus simultanée) de ces deux conventions.
En effet, selon que la promesse personnelle que souscrit le banquier dérive d'une
instruction précise de son client ou de sa seule initiative, les effets des contrats qui se côtoient
seront simultanés ou alternés. Cene proposition trouvera confirmation à travers les lignes qui
vont suivre.
b. L'intervention alternée des effets du mandat et de l'engagement personnel du
banquier mandataire.
670 - En fait de technique de paiement combinant un mandat et un engagement
personnel du banquier payeur, il arrive que, comme en matière de paiement par carte
bancaire, le mandat se révèle comme la cause véritable (et unique) du règlement qu'effectue le
so\\vens(I418). L'engagement personnel du banquier ne produira. quant à lui, ses effets, en
définitive, que de façon subsidiaire, et donc alternée, par rapport au mandat; spécialement
lorsque la validité de ce dernier contrat se trouvera remise en cause.
.
On doit se souvenir en effet, en guise d'illustration de notre assertion, que dans le cadre
de la technique du paiement par cane, la garantie de paiement dom bénéficie généralement le
fournisseur ne justifie, en réalité, le paiement obtenu de l'émetteur de la cane utilisée que dans
les très exceptionnelles hypothèses d'utilisations frauduleuses, par un tiers, d'une carte perdue
ou volée, postérieurement à l'opposition formée par le titulaire de ladite canee 1419). C'est dire
que la probabilité de l'appel à la garantie est assez faible. Aussi avons- nous été amené à
affirmer que le domaine d'application de l'engagement personnel du banquier payeur était
bien restreint, dans les cas où cet engagement trouve sa source dans la seule initiative
individuelle de celui_ci(1420).
(1418) V. supra n'S72 ell}'S87 et s.
(1419) Suc ce point, v. supra n' s 573 eISE7.
(1420) Sur celte affirmation, v. supra, n'572 el s. el 1\\'586 el s.

490
671 - Conflits de qualifications, d'une part et, d'autre part, confusion plus ou moins
surmcntable des domaines .d'applicaticn des différents contrats qui, avec le mandat se
côtoient, telles sont, en résumé du présent chapitre. les difficultés qui résultent de la
combinaison, en la matière étudiée, de plusieurs contrats à l'occasion d'une seule opération.
Mais la complexité des opérations bancaires donne à observer, également, un cumul par
le banquier, de plusieurs qualités différentes voire antagonistes. à l'occasion d'une prestation
unique. L'influence d'une telle circonstance sur la condition juridique du banquier mandataire
mérite, elle aussi, d'être soulignée. Ce sera l'objet du prochain chapitre.

491
CHAPITRE II. LES DIFFICULTES LIEES AU CUMUL, PAR LE BANQUIER,
DES QUALITES DE MANDATAIRE PRIVE ET D'''AGENT DE L'ETAT".
672 - La combinaison quasi-systématique, en matière bancaire, de plusieurs contrats a
pour résultat le cumul par le banquier de qualités juridiques différentes, à l'occasion d'une
seule et même opération, voire à l'occasion de l'exécution d'une seule et même obligation.
Dans le cadre des opérations bancaires de paiement et d'encaissement effectuées pour le
compte d'autrui, l'occasion nous a été donnée d'évoquer ce sujet, quoique de façon indirecte.
Nous avons ainsi été amené à laisser entrevoir, au titre de la combinaison de contrats
interdépendants notamment, le cumul. par le banquier, des qualités d'ayant-compte et de
mandataire. vis-à-vis des titulaires de comptes qu'il a ouverts dans ses livres(1421).
Ceux de nos développements précédents qui sont relatifs à la combinaison de contrats
indépendants, font apparaître, quant à eux, un cumul par le banquier des qualités, tantôt de
mandataire
et
de
dépositaire(1422),
tantôt
de
mandataire
et
de
promettant
d'un
paiement(1423); encore que la réunion de ces trois qualités ne soit pas exclue.
673 . Sans prétendre répertorier tous les types de cumul de qualités susceptibles
d'exister dans les opérations bancaires de paiement et d'encaissement, on peut, pour
synthétiser. dire que le cumul par le banquier de plusieurs qualités, dans le domaine qui nous
occupe, se manifeste à deux occasions: d'une part, lors de la représentation simultanée, par
lui, d'intérêts divergents, voire antagonistes(1424\\ d'autre part, lors de l'exécution de mandats
auxquels lui-même est particulièrement intéressé. Dans ce dernier cas, le banquier qui a en
(1421) V. supra n"621 el s.
(1422) V. supra Il"649 er s.
(1423) V. supra n·654 er S.
(1414) Le banquier cumule, dans ce cas, les qualités, tantôt de mandataire de deux personnes privées aux intérêts opposés (il
est fréquent, en effet. qc'un tuême banquier soit chargé. par un de ses clients. d'effectuer, par exemple. un paiement dont un
autre de su clients est le bénéficiaire. Dens un tel cas. le banquier qui cumule ceux mandats en sens contraires, à savoir un
mandat de payer et un mandat d'encaisser, effectuera le paiement demarldé par représentation de chacun des deux clients y
inléressés), tantôt de rnendataire d'une personne privée el d'agent du service public.

492
charge un mandat d'intérêt commun cumule, naturellement, les qualités de mandataire de son
client et de commerçant soucieux de la préservation de ses propres intérêts.
674 - Si d'une façon générale la représentation, par une banque, d'intérêts concurrents,
ne suscite pas de difficultés notables, au regard ni du contenu ni des fronrières des mandats
opposés dont il a la charge. il n'en est pas de même lorsqu'elle agit simultanément pour le
compte, à ta fois, de ses clients et de l'Etat. Il est un fait. en effet, que dans le cadre des
services qu'il propose à ses clients, le banquier se voit assigner parfois, par le législateur, une
mission impérative de service public(l425), que celle-ci emporte ou non représentation des
pouvoirs publics par le chargé de mission. Il en va ainsi, notamment, en matière de paiements
internationaux où la loi impose aux opérateurs économiques de domicilier tous leurs
règlements chez les seuls intermédiaires agréés par l'administration, au nombre desquels se
trouvent les établissements de crédit(l426). Il en va encore ainsi, en matière de paiement de
chèques, du rôle dévolu aux banques dans le domaine de la prévention et de la répression des
émissions de chèques sans provision(l427). L'origine légale, ainsi que le caractère impératif
de la mission de service public ainsi supportée par le banquier suscitent, naturellement, une
incertitude quant à l'applicabilité, dans les opérations concernées, de la théorie, d'essence
consensuelle, du mandat (section I).
Mais cette incertitude se dissipe-t-elle, à l'analyse, que surgit aussitôt, une autre
difficulté, conséquence du cumul par le banquier des qualités de mandataire privé et d'''agent
de l'Etat": l'indétermination des acres ressortissant à la qualité de mandataire dudit banquier
(section II).
, (t425) Dans le même sens, en cc qui concerne plus particulièrement le rôle dévolu au banquier intermédiaire agréé par
l'administration chargée du contrôle des changes, v. Ch. Gavalda, obs. sous Cess. COin. 9 avd973 et Pans 7 avr.1973
J.C.P.1973.11. 17:'5:'55 (2" du b. du B. du §Il).
(1426) Sur la mission dévolue aux banques en tant qu'intermédiaires agréés, v. supra n'443 el s. spécial, n'449.
(1427) V. supra n'315 et s.

493
SECTION r, L'INCERTITUDE QUANT A L'EXISTENCE D'UN MANDAT AU
SEIN DES OPERATIONS BANCAIRES IMPLIQUANT UNE MISSION DE SERVICE
PUBLIC A LA CHARGE DU BANQUIER,
675 - Devenues, de nos jours, les intermédiaires indispensables de tous les paiements et
encaissements de la quasi-totalité des citoyens du pays dans lequel elles exercent leurs
activités. les banques SOnt apparues du même coup. aux pouvoirs publics. comme les
personnes les mieux indiquées pour participer aux actions d'intérêt général touchant à la
circulation des richesses. C'est ainsi que leur concours est souvenr sollicité, notamment. dans
le cadre des efforts des autorités monétaires et judiciaires tendant à assurer une plus grande
fiabilité des moyens de paiement. ou encore dans le cadre de la collecte des impôts et taxes
diverses au bénéfice des administrations fiscale et douanière.
Rarement, cependant, la collaboration des banques avec l'Etat a-t-elle lieu sur la base
d'accords négociés. Bien au contraire, c'est souvent sur le fondement de dispositions légales
ou réglementaires unilatérales et impératives que celles-ci se trouvent associées à l'action des
administrations précitées. Il en résulte, pour [es banques, comme pour leur clientèle privée,
une contrainte certaine dans l'établissement (§ 1) et dans la teneur, voire dans la durée (§ II) de
leurs relations. exclusive. a priori, de toute idée de mandat. tant il est vrai que le mandat
suppose la libre détermination, par les parties, des conditions, du contenu et de la durée de
leurs obligations.
§ t. L'INCERTITUDE TENANT A LA CONTRAINTE EXERCEE AU PLAN DE
L'ENTREE EN RELATION DES PARTIES.
676 - En matière d'importation et d'exportation de biens et services, ou de moyens de
paiement, par exemple, la loi impose généralement, aux opérateurs économiques, en période
de contrôle de change accentué surtout, l'obligation de domicilier leurs transactions auprès
d'un établissement de crédit ayant la qualité d'intermédiaire agréé(l428). C'est dire que, dans
(1428) Sur ce point, v. supra n'444 et s.

494
ce domaine. les relations qui se nouent entre J'intermédiaire agréé et ses clients, dans le cadre
d'une opération avec l'étranger, trouvent leur Source, non point dans l'exercice par les
personnes concernées de leur liberté de s'engager ou non, mais tout simplement dans l'ordre
autoritaire de la loi. En pareille circonstance, l'analyse. par la théorie du mandat. de la
condition juridique des personnes qui se lient ainsi peut paraître douteuse, en raison du
caractère forcé des relations évoquées.
Ce doute se dissipe rapidement, cependant. lorsqu'on observe, comme en matière de
domiciliation d'opérations commerciales avec l'étranger, que. malgré tout. les opérateurs
économiques, [Out comme les banques. conservent leur entière liberté à bien des égards: les
premiers, quant au choix du domieiliaraire de leurs opérations internationales, notamment, les
seconds. quant aux missions proposées. par exemple(l429).
C'est dire que les relations qui se nouent sous le commandement de la loi peuvent,
néanmoins. servir de cadre à la conclusion d'un contrat entre les personnes qui s'engagent, et.
plus spécialement, d'un contrat de mandat. A l'analyste de pareilles relations incombe
simplement le devoir d'aller au-delà des incertitudes suscitées, a priori, par le cumul, sur la
tête du même banquier, des qualités de représentant de ses clients et d'agent du service public.
pour y discerner la présence éventuelle rie ce mandat.
Mais, la contrainte de la loi, facteur d'incertitude quant à l'existence d'un mandat dans
les opérations qui donnent lieu à cumul par le banquier des qualités de représentant de ses
clients et d'agent de l'Etat, ne se manifeste pas uniquement au stade de l'entrée en relation des
personnes visées. Elle s'exerce aussi sur les obligations assumées par celles-ct. relativement
surtout à leur teneur, voire à leur durée.
(1419) Sur lous ces points. v. supra n'S 444 el 445.

495
§ Il. L'INCERTITUDE TENANT A LA CONTRAINTE EXERCEE AU PLAN
DES OBLIGATIONS SUPPORTEES PAR LES PARTIES ENGAGEES.
677 - Un exemple de l'immixtion autoritaire des pouvoirs publics dans la définition des
obligations supportées par les parties à une convention donnée est fourni par le régime
juridique des chèques sans provision, tel qu'il résulte des dispositions de la loi n~75-4 du 3
janvier 1975, relative à la prévention et à la répression des infractions en matière de Chèques
(modifiées récemment par la loi, précitée, du 3D décembre 1991, relative à la sécurité des
chèques et des cartes de paiement). Cene loi, on le sait, met à la charge des banques qui
assurent à leurs clients un service de chèques, des obligations particulières, dans le cadre de la
police des chèques(l430), Ces obligations, attribuées aux banquiers par les pouvoirs publics,
d'autorité et au mépris de la nature des relations qui les lient à leurs clients, ne peuvent
évidemment pas se réclamer du mandat résultant de l'émission d'un chèque. Au contraire, on
est obligé d'admettre que les pouvoirs spéciaux de police que recueille le banquier contre ses
clients émetteurs de chèques sans provision. l'investissent pratiquement d'une parcelle de la
puissance publique(l431).
678 - Mais l'action pour le compte de l'Etat n'exclut pas que l'auteur de l'action (le
banquier) passe, dans le même temps, pour le mandataire d'une personne privée. au nom de
qui il intervient ccncornitamment. C'est à la condition, toutefois, que cette action ne se
retourne pas contre le mandant supposé. Or l'accomplissement, par le banquier tiré d'un
chèque sans provision, de ses obligations légales l'amène, paradoxalement, à exercer contre
son
client, mandant supposé, ses pouvoirs de répression. D'où
une incompatibilité
insurmontable entre le rôle dévolu au banquier par la loi et sa qualité de mandataire des
tireurs de chèques(I432). On ne peut qu'admettre, dans ces conditions. que le banquier
(1430) V. supra n'315 et s.
(1431) Dans le même sens, v, M. Cabrill.ac, Servitude et grandeur bancaires ou le nouveau droit des émissions de chèques
sans provision, D.1975j 1 et s. Cet auteur fait justement remarquer, à propos de l'interdiction bancaire d'émettre des chèques.
que "permettre au banquier de la prononcer revient ...à lui conférer urie parcelle du pouvoir judiciaire" (v. n·7). Adde supra.
n"320 (in fine) el note,
(1431) V, supra nOs 330 cl 331.

496
franchit. lorsqu'il se place dans les fonctions de gardien de la régularité des émissions de
chèques. les limites du mandat dont J'investit le tirage d'un chèque(l433). pour n'agir que dans
le seul intérêt de la collectivité publique.
679 - A l'inverse, en dehors des fonctions sus-évoquées, le banquier n'agit que sur la
base du seul contrat de mandat découlant du chèque qu'il est invité à régler(1434). Cela
revient à dire qu'il n'y a pas, en réalité. dans l'hypothèse. actuellement envisagée. d'une totale
incompatibilité entre la mission de service public du banquier et celle qu'il tient d'un de ses
clients. de risque de confusion des domaines respectifs de l'une et l'autre de ces missions
alternatives. Ce risque de confusion n'existe que dans l'hypothèse précédemment évoquée. où
l'action du banquier pour le compte des pouvoirs publics est réellement concomitante à celle
qu'il accomplit pour le compte d'un de ses clients(l435). De fait, la détermination, dans ce
dernier cas, des actes qui, au-delà de ceux; accomplis par le banquier pour le compte de
l'administration. ressortissent à la relation de mandat existant entre ses clients et lui même,
n'est pas aisée.
(1433) Ibid.
(14341 v. supra n')3\\.
(1435) v. supra n'444 (in fine) ct n's 677 eI67l!.

497
SECTION II. L'INDETERMINATION DES ACTES TRIBUTAIRES DE LA
QUALITE DE MANDATAIRE PRIVE DU BANQUIER AGISSANT
CONCOMITAMMENT POUR LE COMPTE DE L'ETAT.
680 - Qu'une banque représente deux personnes à la fois, au plan de ses relations
purement privées ne pose généralement pas de problèmes particuliers, en pratique. Cela tient.
sans doute, à ce que, bien souvent. les actes qu'implique l'exécution de ces différents mandats
se succèdent dans le temps, de sorte qu'il n'y a pas de véritable simultanéité dans la mise en
oeuvre des qualités opposées du banquier(l436). Si un problème devait s'attacher à un tel
cumul de deux actes de représentation de caractère purement privé, il ne pourrait qu'être
relatif à la détermination du moment précis où le banquier passe d'un rôle à un autre(1437).
Hormis cela, il n'y a pas de risque de confusion des champs d'application respectifs des
mandats concurremment cumulés par le banquier.
681 - Lorsqu'au contraire, le banquier représente à la fois l'Etat el un de ses clients, à
l'occasion d'une opération donnée,le cumul de qualités qui en dérive repose généralement sur
une réelle concomitance d'actes accomplis à des titres différents, Mais à vrai dire, ce n'est pas
tant la simultanéité de la mise en oeuvre de deux qualités différentes dans le cadre d'une
même opération, que le cumul de ces qualités, à t'occasion de l'exécution de certaines des
obligations
qu'implique
ladite
opération,
qui
provoque
l'indétermination
des
actes
ressortissant à telle ou telle qualité du banquier.
682 - Ainsi, en matière d'opérations soumises au contrôle des changes. par exemple. la
question se pose-t-elle de savoir si l'inobservation, préjudiciable au client qui l'a sollicitée, de
la réglementation des changes est constitutive. pour la banque intermédiaire agréée. d'une
faute à l'égard de la seule administration du contrôle des changes, ou d'une faute dans
l'exécution de ses obligations de mandataire privé.
(l4.36) Ainsi, \\1'. banquier qui, par exemple. est chargé. par J'un de ses clients, d'effectuer un paiement au bénéfice d'Un autre
de ses clients est-il amené, en pratique. à s'acquiner de ces mandais de paiement et d'encaissement l'un à la suite de l'autre,
nécessairement.
(14371 Rapprocher. supra Il'357 el s. (à propos de l'aere indiquant l'extrême limite du mandat de virer des fonds): v.
également supra n'633.

49B
La réponse à cene question ne peut qu'être cumulative, dans la mesure où s'opère. en
l'occurrence. un "dédoublement fonctionnel d'activité chez le banquier,,(438); car, "du fait
qu'il est aussi l'intermédiaire de l'Office [des changes]. le banquier devient le mandataire du
client et responsable devant lui, à ce titre, des faures commises dans sa gestioll,,(l439). C'est
dire que les obligations découlant pour le banquier de sa qualité d'intermédiaire agréé (à
savoir, essentiellement, l'information des clients quant aux formalités requises pour les
opérations soumises au contrôle des changes et le contrôle de la conformité de celles qui lui
sont confiées à la réglementation des changes). sont assumées amant envers l'administration
concernée qu'envers les clients, ses mandaJ1[s(l440).
C'est ce qu'a décidé, fan justement, le Tribunal civil de Montauban lorsque la
question précédemment posée lui fut soumise, le 16 novembre 1955(1441). Le Tribunal s'est
appliqué, à cette occasion, à souligner le lien direct de cause à effet existant entre le
manquement de la banque à ses obligations professionnelles et les infractions à la
réglementation des changes qui peuvent être retenues, de ce fait, contre son client. Ainsi a- t-il
pu relever que "la banque X ..., qui n'a pas satisfait à ses obligations d'information et de
contrôle avant de procéder au virement demandé ...a commis /lne négligence grave
constitutive d'une faute lourde à défaut de laquelle l'infraction qui a motivé l'amende de
200.000 francs n'aurait pas été relevée par l'administration des douanes contre Frippiat",
pour en déduire que" cene faute a été ainsi la cause immédiate et directe, par Iln lien de cause
à effet, du préjudice subi par le demandeur de ce chef, et dont il réclame à bon droit la
réparation". Et le Tribunal de conclure, toujours en ce qui concerne la banque, que "sa
méconnaissance de ses obligations de mandataire agréé est donc seule à l'origine de
l'infraction retenue à la charge de Frippiat de ce chef'.
, (1438) Ch. Gavalda, obs. précitées au 1.C.P.1973.!1.l7j55.
i14J9) R. Saint-Alar)', 000. précitées au J.C.P.1957JI.9693.
(1440) Rappr. supra n's.u9 et451.
(1441} LC.P.1957.1I.969J. obs.Rcger Saint-Alary. Rappr. Casso corn. 9 an. 1973. LC.P.l9?3.IU 7555, obs. Ch. Gavatda

683 - L'enseignement qui se dégage de la solution issue de cette espèce particulière est
celui-ci: en présence d'une action entreprise par une banque, à la fois en qualité de mandataire
privé de l'un de ses clients et d'agent d'une administration donnée (dans la mesure,
.
naturellement, où il n'y a pas incompatibilité absolue entre ces deux rôles)(l442), le domaine
des obligations relatives au mandat privé du banquier englobe nécessairement celui de ses
devoirs administratifs. De sone que tous les actes qu'implique la mission de service public
assumée par ce dernier s'inscrivent également, du fair du dédoublement de sa qualité
juridique, en l'occurrence, dans le cadre du mandat le liant au client qui l'a sollicité.
684 - On peut donc dire, en conclusion de ce paragraphe, que la véritable difficulté que
comporte le cumul par une banque des qualités de mandataire privé de ses clients et de
représentant d'une administration donnée, relativement à la délimitation des domaines
d'application respectifs de ces qualités concurrentes, réside, en somme, dans le discernement
du dédoublement qui, au plan juridique, se produit chez le banquier sollicité, à l'occasion de
l'accomplissement de ses obligations administratives. L'analyse qui s'ensuit devient, dès lors,
assez banale, non seulement du point de vue de la définition du champ d'application du
mandat. mais plus largement. au regard de la théorie du mandat. Mais c'est à la condition,
toutefois, qu'ait été appréciée auparavant, à sa juste mesure, la portée de la contrainte
.
éventuellement exercée par le législateur, sur la qualification juridique des relations du
banquier et de son client(l443).
Pour autant nous ne voudrions pas donner l'impression de rrumrruser l'influence
qu'exerce sur la condition juridique du banquier, mandataire aux paiements et encaissements
de ses clients, le caractère complexe des relations juridiques dans lesquelles s'inscrit souvent
son mandat; bien au contraire. Car, outre les difficultés d'appréciation de l'existence même de
ce mandat, ou de ses contours, objets de nos précédents développements. le caractère
complexe des opérations bancaires entraîne une aggravation notable de la situation juridique
du banquier mandataire.
(1442) Sur les circonstances d'Une telle incompatibilité. v. supn n"678.
(1-4-13) Sur Ia portée d'une telle contrainte, v. supra nOs 676el677.

500
TITRE II. L'AGGRAVATION DE LA CONDITION JURIDIQUE DU
BANQUIER MANDATAIRE.
685 - Le caractère complexe des opérations bancaires entraîne l'introduction, dans le
régime juridique de certains mandats bancaires, des particularités (par rapport au mandat de
droit commun) lourdes de conséquences. Celles-ci ne sont pas toujours négatives, certes.
Quelquefois, en effet, elles tournent au profit du banquier. dont la situation juridique se trouve
ainsi améliorée par rapport à celle du commun des mandataires. A preuve, l'automaticité du
règlement (par compensation en compte) de ses créances contre ses clients dont bénéficie le
banquier, du fait que les mandats qu'il assume se greffent sur la relation de compte qui
préexistait entre ceux-ci et fui-même. De cette relation de compte, il tire, par ailleurs, une
position pri vilégiée (par rapport aux autres créanciers de son client), lorsqu'on envisage
l'éventualité d'une appropriation des sommes dont la garde lui est confiée, de ce fait(l444).
Bien souvent, cependant, apparaît à l'analyste, au titre des conséquences de la complexité des
opérations bancaires, une aggravation de la condition juridique du banquier mandataire. Cette
aggravation se traduit, concrètement, par un alourdissement notable des obligations (chapitre
1) et de la responsabilité (chapitre Il) dudit banquier.
{l444l Sur ces peints. y. supra n' J 13.

501
CHAPITRE 1. L'ALOURDISSEMENT DES OBLIGATIONS DU BANQUIER
MANDATAIRE.

686 - Le survol des analyses. précédemment développées, à propos des mandats de
payer ou d'encaisser dont se charge habituellement une banque. sur l'ordre de ses clients,
permet d'isoler les deux causes suivantes d'alourdissement de ses obligations, lorsqu'on les
compare avec celles d'un mandataire de droit commun: d'une part, un accroissement des
obligations de ladite banque (section 1); d'autre part, l'exigence d'une vigilance et d'une
diligence accrues de cette dernière (section II).
SECTION 1. L'ACCROISSEMENT DES OBLIGATIONS DU BANQUIER.
687 - La qualité de dépositaire que le banquier allie à tous les mandats de payer ou
d'encaisser qu'il peut être amené à assumer à l'égard de ses clients se trouve sans aucun doute
à l'origine de la tendance, très notable en droit positif, qu'il y a à vouloir asseoir sur sa
personne la sécurité des mouvements bancaires de fonds. Cette affirmation D'ouve une
illustration dans la dérive sensible du droit bancaire vers l'instauration autoritaire, au-delà des
devoirs légaux spéciaux nécessités par la prévention et la répression des chèques sans
provision(1445\\ d'une obligation contractuelle de garantie (au profit des tiers) à la charge du
banquier qui met des moyens de paiement à la disposition de ses clients ( § I). A ce premier
facteur d'accroissement des obligations attachées à la qualité de mandataire du banquier qui
réalise un paiement ou un encaissement au nom d'autrui. il faut ajouter l'admission, à sa
charge, lorsqu'il intervient comme intermédiaire agréé, d'une obligation, de conseil (§ II).
Autant d'obligations qui préfigurent, pourrait-on croire, une certaine institutionnalisation du
mandat bancaire de paiement.
(1445) V. supra n'315 el s.

502
§ I. LA DERIVE VERS LA GENERALISATION D'UNE OBLIGATION DE
GARANTIE A LA CHARGE DU BANQUIER, MANDATAIRE POUR UN
PAIEMENT.
688 - L'exemple le plus patent de l'introduction explicite ct autoritaire d'une obligation
de garantie à la charge du solvens. dans le cadre de la relation de mandat existant entre Je
banquier qui assure un paiement et les clients au nom desquels il intervient. nous est fourni
par le régime juridique des "petits chèques", c'est à dire, d'un montant égal ou inférieur à cent
francs (B).
Mais en d'autres occasions, c'est de manière indirecte, à travers l'octroi, aux tiers. d'un
droit direct contre le banquier payeur, ou à travers l'affirmation de l'irrévocabilité des ordres
de paiement. notamment, que cette garantie de règlement est acquise aux premiers (A).
A. LES PROCEDES INDIRECTS DE GARANTIE DES PAIEMENTS CONFIES
AUX BANQUES.
689 - La qualité de dépositaire des fonds de ses clients que le banquier cumule
immanquablement avee eelle de mandataire, à l'occasion des paiements réalisés par ses soins,
pour le compte de ceux-ci, n'est certainement pas étrangère à l'évolution actuelle du droit du
mandat bancaire vers l'instauration quasi générale d'une garantie de paiements (tantôt
contractuelle, tantôt légale) supportée par la banque qui met des moyens de paiement à la
disposition de ses clients. A cause précisément de sa qualité de dépositaire des fonds de ses
clients, la banque qui délivre un moyen de paiement utilisable auprès de tierces personnes
octroie à l'attributaire, du même coup, une sorte de certificat d'honorabilité ou de
,solvabilité(I446). Aussi peut-il paraître naturel qu'elle assume, envers les liers, sinon
contractuellement, du moins légalement. en raison même de l'incidence, sur ces derniers, de
son activité, une obligation de garantie concernant les ordres de paiement qu'elle accepte
(1446) Rappr. la discussion relative à la validité des chèques rédigés sur papier libre. V. supra n'214.

503
d'exécuter. Et ce, d'autant plus que, de par la relation de compte qu'elle entretient avec son
client. elle est la mieux placée pour poursuivre le remboursement du règlement effectué,
notamment, sur les entrées de fonds que pourrait enregistrer, éventuellement, le compte
qu'elle gère.
690 - C'est probablement à partir de considérations de eet ordre, qu'ont pu se
développer, un peu à l'encontre des effets traditionnellement attachés au contrat de mandat
qu'est censé constituer tout ordre simple de paiement, donné par le titulaire d'un compte
bancaire (au moyen d'un chèque ou d'une cane de paiement, par exemple), un certain nombre
de principes légaux, lesquels se présentent, en réalité, comme autant de procédés indirects de
garantie des paiements devant être assurés par une banque au nom de son client. Il en va ainsi,
notamment, du principe du transfert de la propriété de la provision du chèque à son porteur, et
de ses corollaires, l'irrévocabilité du chèque et le droit direct du bénéficiaire à l'encontre du
tiré(l447). Il en va encore ainsi de l'affirmation. quelque peu insolite(l448\\ au regard de la
théorie du mandat, de l'irrévocabilité absolue de l'ordre de paiement donné par cane bancaire,
alors même que n'est pas transposé, par ailleurs, en la matière, le principe qui sous-tend cette
irrévocabilité, à savoir celui du transfert de la propriété des avoirs en compte visés par l'ordre
en cause(l449),
691 - Mais la garantie indirecte, ainsi recherchée, ne pouvait que se montrer d'une
efficacité limitée, dans la mesure où les obligations qui en résultent pour le banquier vis·à-vis
des tiers ne sont pas de nature à l'autoriser à méconnaître celles, prépondérantes et plus
directes, que lui impose le mandat qu'il tient de son client. On sait, en effet, que la règle de
l'irrévocabilité des ordres de paiement donnés par chèque ou par carte bancaire, par exemple,
ne suffit pas à faire obstacle à l'extinction de l'ordre de payer donné par le client du banquier,
en présence d'une révocation, même illicite, de ses instructions par le donneur d'ordre(l450).
(1447) Sm tous ces points, '1. supra n'30S el s.
(1448) Y. supra n'592 et s., spécial. n'594.
(1449) y, supra, n'579. Pour une critique de la non admission. dans le régime juridique de la carle bancaire, du principe du
transfert de la propriété de \\:1 provision. v. D. Martin. article précité. D.19~7.~ 1 et s. n'9 el s.
(l4S0) Y. SUpTJ n's 175 et s. et577 ct s.

504
De même, le principe de la transmission de la propriété de la provision ne peut empêcher que
le titulaire du compte sur lequel a été tiré un chèque ne retire cette provision avant même que
le banquier tiré n'ait eu connaissance de l'existence du droit du tiers.
692 - Celte relative inefficacité des garanties indirectes de paiement explique sans doute
que. face au problème posé par la recrudescence des chèques sans provision, le législateur ait
opté pour la mise à la charge des banques. au mépris de leur qualité de mandataire, d'une
obligation très explicite de garantie des paiements que ces dernières acceptent d'assurer pour
le compte de leurs clients. Ce faisant, le législateur a ouvert la voie. au-delà du problème
spécifique des "petits chèques", à une banalisation de l'idée d'une garantie. par les banques,
des paiements qu'elles effectuent au nom de leurs clients, et a rapproché, du même coup, la
condition juridique du banquier payeur de celle qui dériverait d'un statut professionnel
spécifique non tributaire, de ce fait, de la volonté des parties.
B. LA GARANTIE DE PAIEMENT DES "PETITS CHEQUES".
693 - Influencés, sans doute aucun, par l'efficacité (au profit des tiers) de la promesse
ferme de payer qu'emporte, en principe, pour une banque, la prise en charge par elle d'une
opération de paiement par crédit documentaire, ou par cane bancaire, les auteurs de loi du 3
janvier 1975 sur ta prévention et la répression des chèques sans provision ont tout simplement
choisi de transposer, mutatis mutandis, dans le régime juridique du chèque, relativement aux
"petits chèques", le même principe d'une garantie de paiement supportée, de façon
irrévocable, par le banquier payeur(l451). Seulement, à la différence de ce qui est en matière
de crédit documentaire, par exemple, celte obligation particulière, pour n'être pas librement
acceptée par son débiteur, apparaît visiblement exorbitanre du droit commun du mandat. De
. ce fait, elle ne semble pas devoir être rattachée au mandat que le banquier tiré tient du chèque
en cause.
(1451) V. art, 73-1 du décret-loi du JO octobre 1935. Adde supra n'317 d s.

505
Mais on sait que pour faire entrer l'obligation de garantie des "petits chèques" dans le
champ de la convention de tirage de chèques liant le tiré et le tireur, le législateur a indiqué,
en guise de fondement de l'obligation dont s'agit, que: "le titulaire du compte et le tiré (som)
en ce cas réputés légalement avoir conclu lors de la délivrance de la formule fde chéque] une
convention portant ouverture de crédit irrévocable,,(1452).
Quoi que t'on puisse penser de (a valeur de ce fondement, il est indéniable que,
comparativement au mandataire de droit commun. le banquier qui se charge de payer des
chèques pour le compte de ses clients voit sa condition juridique s'aggraver très notablement,
obligé qu'il est, dans tous les cas. de "payer nonobstant J'absence ou l'insuffisance de
provision, tout chèque établi sur une formule délivrée par lui d'un montant égal ou inférieur à
100 F", Aggravation qui, du reste, peut s'accentuer davantage si le législateur devait, un jour,
céder aux pressions de plus en plus fortes. exercées par les milieux d'affaires, en vue d'obtenir
un relèvement du montant légal garanti aux preneurs de chèques(I453),
694 . Au delà de l'instauration autoritaire, à la charge du banquier mandataire pour un
paiement, d'une garantie d'exécution de sa mission, l'accroissement des obligations du
banquier, que nous relevions au départ de cette section, se manifeste encore à travers
l'adjonction d'une obligation de conseil dans Je régime juridique de certains mandats bancaires
particuliers,
11452) v. an. 73_\\ du décret-loi du 30 ocr. 1935. Sur l'appréciation oe ce fondement, v . supra n"318.
(1453) Il eST ici fait allusion, notamment, 11 l'action menée au début de l'année 1991 par les gérants de station d'essence. sous
la terme d'un boycott des chèques de plus de 100 F. ainsi que des règlements par carle bancaire d'un montant inférieur ll200
F, Ceux-ci entendaient ainsi protester. autant contre les hausses "abusives" des lII.U;!; de commission prélevés par les banques,
que contre le trop faible montant de la garantie légale dont bénéficient les preneurs de chèques. Un relèvement de ce montent
ll300 F. faisait notamment partie de leurs revendications. Sur la relation de cette action des pompistes. '1. not. Le Monde du
jeudi 3 janv. 1991 p.n. et du samedi 5 janv. 1991 p.21. Un projet de loi concernaru Ie problème des chèques sans provision
devait faire suite II cette cllmpagne. pour déboucher sur la loi précitée du 30 déc. 1991, relari ... e 11 la sécurité des chèques ct
des cartes de paiement. Celle loi n'a pas retenu. (mais pour combien de temps ellcore?) le principe du relèvement du rncruant
de la garantie des chèques. Elle a préféré, pour l'heule, la solution de l'incitation au paiement des chèques émis sans
provision. Dorénavant la le... ée de l'interdiction d'émettre des chèques qui peut frapper le titulaire d'un compte donné (el son
mandataire) est subordonnée au paiement des chèques qui. émis antérieurcmenr. n'onr pu être réglés, et au paiement.
évemuellement, d'une pénalité libératoire.

506
§ II. L'ADJONCTION D'UNE OBLIGATION DE CONSEIL, A LA CHARGE DU
BANQUIER, DANS LE CADRE DE CERTAINS MANDATS.
695 - Ainsi qu'il a déjà été observé,lors de l'analyse du rôle dévolu aux banques, dans le
cadre de la domiciliation des opérations d'importation et d'exportation(l454), le banquier,
parce qu'il cumule avec la qualité de mandataire de son client celle d'intermédiaire agréé,
supporte, logiquement, dans le cadre de son mandat(l455), un certain nombre de devoirs
particuliers. Il supporte ainsi, outre l'obligation, neutre, de renseigner son client. le devoir,
plus actif, de mettre la compétence qui justifie sa qualité d'intermédiaire agréé au service de
celui-ci. Il doit ainsi, de ses conseils, l'éclairer, si nécessaire (surtout en période de contrôle
des changes renforcé), dans le dédale de la réglementation des changes(l456). S'il est vrai que
l'admission du devoir de conseil du mandataire ne se limite pas au seul domaine du mandat
bancaire relatif à la domiciliation des opérations internationales, mais s'attache, en réalité, à la
qualité de professionnel du mandataire(l457), il n'en demeure pas moins vrai qu'il contribue à
l'extension des obligations du banquier, dans le domaine qui nous occupe; en conséquence, il
mérite d'être cité au nombre des causes d'augmentation des charges contractuelles de ce
dernier.
Mais, au phénomène de l'accroissement de ses devoirs, il faut ajouter, au titre des
facteurs d'alourdissement des obligations du banquier, l'exigence d'une vigilance et d'une
diligence accrues, dans le cadre de certains mandats.
(1454) V. supra n'46&e( S., spécial. n'" 473 el474.
, (l<t55) Ne serait-ce que p(1J" application de l'alinéa 3 de l'article 1134 du COOl' civil, qui exige que les conventions soient
exécutées de bonne foi.
(1456) Sur la reconnaissance jurisprudentielle de ce devoir de conseil, v. Casso ecru, 9 avr. t971 J.c.P. 1971II.17555,obs.
Ch. Gavalda. V. également supra, n's 47) et474.
(1457) V. Ph. Malaurie el L. Ayni!s, op. cie, Les contrats spéciaux. précité, n'566 p.291.

507
SECTION Il. L'EXIGENCE AU BANQUIER D'UNE VIGILANCE ET D'UNE
DILIGENCE ACCRUES.
696 ~ Le banquier qui se charge d'effectuer des mouvements de fonds pour le compte de
son client intervient, le plus souvent, sur la foi d'un ordre qu'il reçoit de celui-ci, de manière
généralement indirecte et en l'absence de toute concertation préalable avec le titulaire du
compte à débiter, pour opérer, soit un versement de fonds (par le débit du compte du donneur
d'ordre), soit un encaissement auprès de tierces personnes (une banque généralement), de
sommes censées être dues à son client. De toute évidence, les services ainsi offerts par les
banques en matière de paiement et d'encaissement. à la faveur d'une combinaison des contrats
de mandat et de dépôt, au sein d'un compte de banque, exposent, et leurs clients, et les tiers.
au risque très important de la fraude d'un éventuel escroc. L'obligation de prudence qui pèse
sur tour mandataire ne peut donc, logiquement, qu'être renforcée, dans le cadre du
fonctionnement d'un compte bancaire. Ainsi s'explique l'importance des vérifications
qu'impose au banquier le régime juridique de la quasi-totalité des opérations bancaires
orientées vers la réalisation d'un paiement ou d'un encaissement(l458).
697 - L'obligation de vigilance que
traduit t'exigence d'un certain nombre de
vérifications (dites de sécurité), s'avère d'autant plus contraignante, particulièrement pour le
banquier qui est appelé à effectuer un versement de fonds, par le débit du compte de l'un de
ses clients, donneur d'ordre supposé, que la pene pouvant résulter d'un paiement non valable
(sur la foi d'un ordre totalement faux, par exemple) lui est personnellement imputable. Cela,
en sa seule qualité de dépositaire (irrégulier) des fonds dont il a la garde, en l'absence de tout
mandat émanant du titulaire du compte visé(l459).
698 - Mais au nombre des signes de l'aggravation de la condition juridique du banquier
mandataire, il convient de signaler que l'obligation de vigilance à laquelle celui-ci est soumis
(1458) V. nor. supra n'62 (5 propos de l'encaissement), n' s 229 et S., 255 et 5•• 265 et 5.. el2?1 el s. (11. propos du chèque);
n'390 (11. propos du virement).
(1459) Sur la charge du risque du mauvais paiement effectué éventuellement par un banquier croyant agir au nom de son
client, v. nos développements concernant le paiement des chèques et des ordres de virement faux (supra n'243 el s .. spécial.
n'252 et n'4{)9 el s., spécial. n'4L4).

508
ne se limite pas. contrairement à ce qui est le cas pour tout mandat. aux seuls actes
d'exécution de sa mission. Une imprudence intervenant dans les conditions d'ouverture d'un
compte donné (ce qui, selon nous se ramènerait à une faute dans le choix du mandant, son
cocontractant, une culpa in eligendo, en quelque sorte)(l460) peut, en effet, justifier la
rétention de la responsabilité du banquier (généralement à l'égard des tiers, sur la base des
articles 1382 et s.) qui s'est chargé d'un encaissement en compte au nom de son cliem(l46l).
699 - Outre la vigilance particulière dom il doit faire preuve, le banquier est astreint,
dans l'exécution des ordres de paiement ou d'eneaissement qu'il reçoit, à une obligation.
également accentuée (comparativement à celle d'un mandataire de droit commun), de
diligence. Certes, "le mandataire diligent...est presque toujours un mandataire prompt à
agir"(1462).
Mais, en pratique, l'appréciation de
la célérité du mandataire dépend
généralement, en l'absence de l'existence d'un délai précis, des circonstances de son
intervention.
En ce qui concerne le banquier particulièrement, sa qualité de professionnel et surtout
l'objet de sa mission, à savoir le règlement des dettes ou créances de ses clients, constituent,
en eux-mêmes, un sérieux motif d'augmentation de la diligence qui est attendue de lui,
comparativement à tout autre mandataire de droit commun, eu égard aux préjudices qui
peuvent
s'attacher
à
une
exécution
trop
tardive
d'un
ordre
de
paiement
ou
d'encaissement(1463) .
Par ailleurs, il ressort de nos précédents développements que la diligence due par le
banquier se trouve très certainement renforcée dans les cas d'un cumul par celui-cl des
(1460) Sur cette affirmation. v. supra n'112.
(1461) V. not. Paris 28 juin 1988 précité. 0.1988.! ,R.20l; Versailles 18 oct. 1979, Gaz. Pa1.l980.lJ92, nole J. Ouplchol.
(1462) Ph, Pëtet. op. cit.. Il'138, p.91.
(1463) "Alleiflte portée 011 crédit du dO'lN'llr d'ordre, gêne daTlS ses affaires. difficullés avec ses [oernisseurs. pénalités aloi
déchéances encourues pour lin paiement Jardif. pene consécutive à une dfi,aluarion survenue entre l'émission de l'ordre el
son exécution, peril' d'intérêts ou delle d'agios en fonction de la sùuation du compre à créâiser, etc.", telles sont, selon
Monsieur Michel Cebnuac (op. cir., n'398. p.21B), les conséquences possibles de l'inexécution ou de l'exécution tardive d'un
ordre de virement.par exemple.

509
qualités de mandataire privé et d'agent de l'Etar(I464), ou d'un chevauchement des règles du
mandat et de celles du droit cambiaire(1465).
On sait, en effet, que selon que le transfert de fonds confié à une banque relève ou non

des paiements internationaux, ou que l'encaissement dont est chargée celle-ci concerne ou non
des effets de commerce, [a diligence qui est exigée de lui est plus ou moins rigoureusement
appréciée(l466), qu'il s'agisse du délai pour agir, ou qu'il s'agisse des actes ou formalités
faisant suite à l'action entreprisç(1467).
A l'alourdissement, ainsi relevé, des obligations du banquier, fait écho l'alourdissement
de sa responsabilité, autre signe de l'aggravation de la condition juridique du banquier qui
effectue des paiements ou encaissements pour le compte de ses clients.
(l464) V. supra n'469 et s.
(1465) V. supra n·643.
(1466) V. par ex, supra n'471 (polir ce qui concerne la domiciliation des paiements internationaux); nOI ID (pour ce qui
ecnceme les encaissements d'effets de commerce),
(1467) V. supra n'472 (à propos du renforcement de l'obligation d'information incombent au banquier intermédiaire agréé) et
n'6j (à propos des obligations postérieures à. la présentation infructueuse d'lin effet de commerce au paiement).

510
CHAPITRE II. L'ALOURDISSEMENT DE LA RESPONSABILITE DU
BANQUIER MANDATAIRE.
700 - Le mandataire professionnel, d'une manière générale, est soumis à une plus
grande sévérité dans l'appréciation des conditions d'existence de sa responsabilirél! 468),
En ce qui concerne plus spécialement le banquier, mandataire dans le cadre des
mouvements de fonds réalisés sur l'invitation des clients, il faut relever que s'ajoutent au
premier facteur, ci-dessus évoqué, d'aggravation de sa responsabilité, les conséquences de
l'imbrication quasi-systématique du mandat bancaire avec d'autres conventions ou actes
juridiques différents. Cette dernière circonstance se trouve ainsi à l'origine, d'une part, d'une
augmentation de la probabilité d'une rétention de la responsabilité du banquier agissant pour
le compte d'autrui (section 1), d'autre part, d'une plus grande sévérité dans la détermination de
la sanction qu'appelle cette responsabilité (section Il).
(1468) V, par ex., Ph. Malaurie el L. Aynb. op. cit., Les contrats spéciaux. n"567 p.294; François Couarr Dutüleul et
Philippe Dejebeeque. COnlJnL<; civils et commerciaux, Précis Deüoz, 1991, nOs 643 et 664 pp.435 el 450.

511
SECTION I. L'AUGMENTATION DE LA PROBABILITE DE RETENTION DE
LA RESPONSABILITE DU BANQUIER.
701 - Le mandat bancaire. on le sait, se déroule presque toujours dans le cadre de
relations juridiques complexes. De ce fait, le banquier est inévitablement conduit, tantôt à
exécuter, de façon simultanée, plusieurs conventions différentes. que celles-ci soient
interdépendantes ou oon(1469\\ tantôt à cumuler. à l'occasion d'une seule et même opération,
les qualités de mandataire privé et d'agent, voire de représentant de la puissance
publique(l470). A l'occasion de ces rôles divers. le banquier est susceptible d'engager ses
responsabilités civile
et pénale(l471).
De même, il peut être conduit, en qualité
d'intermédiaire agréé, à répondre de ses fautes envers l'Etat(l472). Il apparaît ainsi qu'en plus
de la responsabilité d'ordre purement privé qui menace tout mandataire, le banquier qui se
charge de la réalisation des mouvements de fonds de ses clients. s'expose à une responsabilité
d'ordre administratif, En elle-même, cette multiplication des ordres de responsabilité
susceptibles d'être appliqués au banquier mandataire témoigne suffisamment de l'élévation de
la probabilité de rétention de sa responsabilité.
702 - En dehors de la responsabilité que le banquier encourt, en sa qualité
d'intermédiaire
agréé,
envers
l'administration
qui
lui
délègue
une
partie
de
ses
prérogatives(l473), on doit signaler, au titre des conséquences de la complexité des
opérations bancaires, deux facteurs d'augmentation du risque de rétention de la responsabilité
de celui-ci: d'une part, une tendance à l'extension, au plan de la responsabilité civile, du
domaine d'application du mandat accepté (§ 1\\ d'autre pan. l'apparition, au plan pénal, de
11469) V. supra 0'621 et s. el 0'644 el s.
(1470) V. supra o's 447 el S.,67:5 et s.. 680 t.t s.
(1471) V. par ex. supra 0'208 ets., 0'289 el S.. 0'326 et s., 328 et s .. 0'463 ct s.
(14711 V. supra 0'475 et s.
(1473) Sur ce point se reporter ~ nos développements. supra Il'47:5 et s.

512
nouvelles incriminations sanctionnant certaines obligations légales assumées par le banquier à
J'occasion de l'exécution de son mandat (§ II).
§ 1. LA TENDANCE A L'EXTENSION, AU PLAN DE LA RESPONSABILITE
CIVILE, DU DOMAINE D'APPLICATION DU MANDAT.
703 - En tant que sanction de l'inexécution d'un contrat donné, (a responsabilité
contractuelle suppose, ainsi qu'il est enseigné traditionnellement, la violation d'une obligation
née d'un contrat déjà formé, ou entrant dans le champ de ce contrat(l474).
Transposé sur le terrain des opérations bancaires, ce principe commande que la
responsabilité du banquier qui joue le rôle d'un mandataire ne puisse découler, dans le cadre
précis de ce rôle, à l'égard du mandant. comme des tiers d'ailleurs, que de la méconnaissance
d'une obligation liée à l'exécution du mandat qu'il a accepté. Si cela se vérifie souvent,
effectivement, il n'en va pas toujours ainsi, cependant.
704 - Le régime juridique de la plupart des moyens bancaires de paiement fournit, en
effet, l'exemple d'une certaine confusion, du point de vue de la responsabilité, du domaine du
mandat avec celui d'actes juridiques différents auxquels ce contrat se combine.
Qu'il nous suffise, en guise de soutien à narre affirmation, de rappeler la jurisprudence
qui voit dans la faute corrunise par une banque, au moment de l'ouverture d'un compte
bancaire, alors même qu'aucun mandat exprès(l475) n'est encore conclu, une justification
possible de sa responsabilité, à l'occasion du concours qu'elle a pu prêter pour le paiement ou
l'encaissement d'un chèque ou d'un virement, par exemple(1476).
En ce qui concerne les paiements, plus spécialement, l'influence de la convention de
compte sur l'exécution des ordres donnés au banquier se manifeste, de façon plus nette, dans
, {l474} Traité de droit civil sous la dir. de J, Ghestin. [.IV, Les obligations; La responsabilité: conditions, pat Genevlëve
Vincy, L.G.DJ. 1982 (1'185 cl s., p.2L5 et s.
(1475) Sur la portée de cette précision. v .. par analogie, supra n.'436. Rappr. n0482.
(1476) v. pat ex.. Paris 18juin 1988 et Versailles 18 OCt. 1979. précités (à propos de 13 responsabilité d'nue banque suite à un
encaissement].

513
le régime juridique des chèques sans provision. Il ressort, en effet, de la combinaison de
l'article 73 alinéa 4 du décret-loi du 30 octobre 1935(1477) et de l'article 33 du décret du 22
mai 1992(1478\\ que le banquier peur être tenu au paiement d'un chèque sans provision, ain~i
qu'à des dommages-intérêts, vis-à-vis des tiers, pour n'avoir pas respecté ses obligations
légales relatives à l'ouverture d'un compte à un nouveau client (ou à un ancien interdit de
chèque).
705 - Certes, la responsabilité ainsi envisagée est de nature délictuelle, puisqu'elle n'est
appelée à jouer que dans les rapports banquier encaisseur-donneur d'ordre (ou banquier
encaisseur-banquier salyens). Il n'en demeure pas moins, cependant. que son fait générateur
se présente comme l'inexécution. par Je banquier incriminé, d'obligations qui, quoique
légales(l479), entrent tout de même dans le champ du contrat de mandat le liant à son
client(I480), Aussi esc-ce sur le fondement du principe de l'opposabilité aux contractants de
leurs obligations contractuelles, que les tiers victimes de l'imprudence du banquier encaisseur
sont en droit de mettre en jeu la responsabilité délictuelle de ce dernier. Ainsi, par une
extension du domaine d'application du mandat bancaire, la jurisprudence parvient, dans
certains cas particuliers(I48l), à faire entrer dans le champ des obligations contractuelles, un
fait générateur de responsabilité, antérieur à la naissance même dudit mandat.
.
706 - Au mandat de payer censé exister entre le cireur d'un chèque er la banque tirée,
doivent être rattachées, par ailleurs, les sanctions civiles spéciales supportées par cette
(1477) Texte selon lequel "lorsqu'II a refuslle paiement d'un chèque, le liré doit être en mesure de jusrifier qu'il Q salis/ail
aux prescriptions légales el réglementaires relatives li t'ouverture du compte..."
(1478) Selon lequel "le banquier doit, préalablemefll li l'ouverture d'uTl compte. vérifier le domicile el l'ideTlli/é du
postulant .;",
(1479) Obligations légal\\:& relatives ~ l'ouverture d'un compte, mais imposant, en fait, au banquier, une obligation de
vigilance quant au choix de son ayant compte. mandant potentiel pour toutes sortes d'opéraucns bancaires, des encaissements
notamment.
(1480) SW" le caractère contractuel de certaines obligations légales, ", G. Viner, op. cil.. n'186 p.:!l7 el s.
(1481) C'est le cas. généralement, des mandats bancaires d'encaissement portant sur des utres négociables. On sait. en effet,
que pour de tels litres (ainsi d'ailleurs que pour cout ordre beacaire de paiement), b lu différence des actes de réception
purement passive de fonds eu compte, la perfection du mandai dont ils peuvent faire l'objet ne tient pas à la seule existence,
enue les parties, d'Uneconvention d'ouverture de compte. Sur ces points. v. supra n's 51 el 482.

514
dernière, au cas de violation de ses obligations en matière de prévention et de répression des
chèques sans provision(1482).
707 - On peut aussi, dans une certaine mesure, voir dans les conséquences de
t'ambivalence du banquier qui intervient en qualité de mandataire agréé. un autre exemple de
l'extension du domaine d'application du mandat bancaire. En effet. du fait du dédoublement
de la personnalité juridique du banquier dans le cadre des fonctions ci-dessus envisagées. la
faute commise par celui-ci dans l'exécution de ses charges administratives peut entraîner sa
responsabilité de mandataire privé vis-à-vis de ses clients(l483).
Au phénomène de l'extension du domaine d'intervention du fait générateur de la
responsabilité contractuelle ou délictuelle du banquier, à l'occasion de l'exécution des
mandats qu'il reçoit de ses clients, s'ajoute, au nombre des facteurs d'augmentation de la
probabilité de rétention de sa responsabilité. l'apparition, au plan pénal. d'infractions
nouvelles, spécifiques de certaines opérations bancaires.
§ Il. L'APPARITION, AU PLAN PENAL, D'INFRACTIONS SPECIFIQUES DE
CERTAINES OPERATIONS BANCAIRES.
708 . Si l'abus de confiance constitue, au plan de la responsabilité pénale, l'infraction
caractéristique du contrat de mandat, d'un point de vue général, la mission de paiement ou
d'encaissement qu'il assume, expose le banquier mandataire, principalement, aux peines, soit
de l'abus de confiance (ou de l'abus de blanc-seing/1484). soit de l'escroquerie(l485)(1486)
(1482) V. supra n'326 el s.
(1483) V. supra n'478.
(1~~1 Par exemple, au cas de détournement par une banque ou par son préposé des sommes reçues en dépôt
(1485) Au eas de complicité du banquier ou de son préposé nans l'émissrcn d'un ehèque sans provision. li Ieut préciser, à cet
égard, que même si le délit d'émission de chèques sans provision a été supprimé aujourd'hui, des poursuites pénales pour
escroquerie restent toujours possibles sous le régime de la nouvelle loi sur le chèque, dès lors que les circonstances de
l'émission tombent sous le ~IJUp de l'art. 405 C pén. (par exemple si des manoeuvres ont incité le créancier à accepter le
chèque). Sur ce point. v. par ex. Ch. Gavalda el J. Stoumet. droit du crédit (annexe}.
(1486) POlir une liste plus complète des infractions susceptibles d'être commises par une banque ou son préposé, v. J.
Cosson, Les délits en matière de banques et d'établissements financiers, Rev. de sc. crim. et dc dr. pén. comp. 1973.1 et s.,

515
Ce ne sont là, toutefois. que des infractions du droit pénal commun, susceptibles. en
conséquence, d'être commises par n'importe quel mandataire, pour peu que les circonstances
de sa mission s'y prêtent. On ne peut donc y voir un facteur particulier d'aggravation de la
responsabilité du banquier mandataire. En revanche, constitue très certainement un tel facteur,
l'existence d'infractions spéciales spécifiques d'une activité bancaire déterminée. On peut citer
à cet égard, l'exemple que fournit le régime juridique des chèques sans provision.
709 - Il ressort, en effet, de l'article 72 du décret-loi du 30 octobre 1935. que les
obligations légales spéciales assumées par les banques, en matière de paiement de chèques ou,
plus précisément, dans le cadre de la prévention et de la répression des chèques sans
provision(1487), sont assorties d'une sanction pénale spécifique(1488). Comment douter, dans
ces conditions, qu'une telle adjonction d'un nouvel élément de responsabilité à ceux qui
menaçaient déjà le
banquier mandataire, au
plan
civil
comme pénal.
se
présente
incontestablement comme le signe d'une aggravation certaine de la responsabilité de ce
dernier! Nul doute, en effet, que la probabilité de mise en jeu de la responsabilité du banquier
mandataire se trouve sensiblement accrue, dans les hypothèses envisagées.
710 - On peut signaler encore, à titre d'exemple. au nombre des facteurs d'aggravation
des risques de responsabilité du banquier mandataire. les infractions particulières auxquelles
l'expose
sa qualité d'intermédiaire agréé(I489) pour les opérations commerciales et
financières internationales.
Mais, outre l'augmentation de la probabilité de rétention de sa responsabilité,
l'environnement complexe dans lequel se déroule le mandat bancaire entraîne, pour le
banquier mandataire, au titre des signes de l'aggravation de sa responsabilité, une plus grande
sévérité dans te choix de la sanction qu'appelle cette responsabilité.
spécialement p.j J et s.; également Ch. Gavalda. La responsabilité civile et pénale du (ail des préposés de banque. in
Responsabilité professionnelle du banquier..., sous la dir. de Ch. Gavalda, Eccnomica. 1978 p.53 el a., n'28 et s.
(l487) V. supra n'315 el S,
(1488) V. supra n'328.
(1489) Sur ces infractions. v. supra u'476 et références citées.

516
SECTION II. L'ALOURDISSEMENT DE LA SANCTION DE LA
RESPONSABILITE DU BANQUIER MANDATAIRE.
7Il - Du fair de sa qualité de professionnel, les erreurs du banquier sont jugées souvent,
en jurisprudence notamment, avec une certaine sévérité(l490). D'autre pan. en raison de
l'importance des sommes mises en jeu généralement. dans le cadre des services qu'il rend à
ses clients, les conséquences de sa responsabilité peuvent s'avérer particulièrement lourdes.
L'on doit se souvenir, en effet. que le rejet injustifié par le banquier d'un chèque tiré sur ses
caisses, par exemple. est susceptible de lui faire endosser ta responsabilité de l'arrêt de
l'exploitation du tireur (si, bien sûr un lien de causalité est établi entre la faute du banquier et
la "faillite" du tireur). La sanction en serait, alors, la prise en charge. en guise de réparation,
de tout le passif de la faillite du client concerné. si ce dernier est un commerçant. A cela
s'ajouterait. éventuellement, l'indemnisation de divers autres préjudices se rattachant à ladite
faillitc(l491).
Mais, la gravité de la sanction encourue par le banquier, à l'occasion des services de
paiement et d'encaissement rendus aux clients, ne saurait être interprétée comme la
manifestation d'un alourdissement exceptionnel de la sanction qu'appelle la responsabilité du
banquier. En réalité, cette gravité s'attache essentiellement à l'importance des intérêts confiés
à ce dernier.
712 . Mais il amve quelquefois, cependant, que la sanction infligée au banquier
mandataire ne reflète pas exactement la valeur des intérêts mis en jeu par le mandat qu'il a
accepté. On ne peut nier, en effet. qu'à certains égards, la multiplicité des rôles joués
simultanément par le banquier (en raison du caractère complexe des opérations bancaires) à
l'occasion de l'exécution des mandats qu'il a acceptés de ses clients, a pour conséquence de le
soumettre à une responsabilité et à une sanction beaucoup plus lourdes que celles qu'il eût
(1490) Sur la portée très limitée de la distinction entre la faute légère et la faute lourde, en mcuèrc bancaire, v. supra n'J 102
el 258 el références citées.
(14911 Sur ces points, v. supra n·224.

517
encourues s'il n'avait été qu'un simple mandataire. On en veut pour preuve l'exceptionnelle
gravité des sanctions(l492) qu'encourt la banque qui agit en tant qu'intermédiaire agréé.
Censée, en cette dernière qualité, veiller, sous sa responsabilité, au respect d:s
prescriptions légales et réglementaires relatives aux relations financières avec l'étranger (en
période de véritable contrôle des changes surtout) la banque domiciliataire des exportations
ou importations de la clientèle court le risque, de par sa fonction, de tomber sous le coup des
infractions spéciales édictées par la législation tant des changes que des douanes.
713 - Or, c'est un fait qu'en ces matières. les sanctions d'une éventuelle responsabilité
(civile ou pénale) sont particulièrement sévères. Dans une de ses chroniques, Monsieur
Claude J. Berr(l493) donne, opportunément, un aperçu des éléments de cette sévérité
notoire des sanctions visées. D'après cel auteur, en effet, "s'il est /Ill domaine dans lequel
l'Etat français n'est pas accusé de faiblesse cl l'égard des délinquants, c'est bien celui des
sanctions douanières. L'importance des amendes encourues, les menaces d'emprisonnement,
le caractère quasi automatique des condamnations...le jeu des présomptions irréfragables de
culpabilité et la foi absolue accordée aux procès-verbaux, constituent alitant d'éléments qui
font du droit pénal douanier le dernier bastion de la sévérirr(1494).
713 - C'est que les infractions à la législation des relations financières avec l'étranger
sont constitutives d'infractions matérielles(l495), nécessairement sévères quant à leur
(1492) Sinon au regard des peines de prison (car, 11. cel égard, la comparaison des peines sanctionnant les infracLions 11. la
législation des changes ou des douanes avec celles coneernant l'abus de confiance 011 l'escroquerie par exemple ne fournit
aucune indication probante), dn moins, et plus sûrement. au regard des sanctions d'ordre pécuniaire.
(14931 Les sanctions douanières sont-elles disproportionnées? D.1987.119 n'L
(1494) A signaler, toutefois, un certain infléchissement de celle sévérité, en ce qui concerne le caractère excnéraroire de la
bonne foi du prévenu, depuis J'abrogation de l'an. 369-2' du Code des douanes qui disposait que "les tribunaux I)l! peuvent
relaxer les con'rnenlU1JS pour défaut d'imention", par l'art.2J-I' de la loi n'87-502 du 8 juiU.1987, modifiantles procédures
fiscales et douanières (lORF. du 9 Juill. 1987 p,7470, J.C.P.l987.IIJ.60388l· Sur le caractère exonérercire de responsabilité
de la bonne foi. v. Brlgltte Néel, l'intérêt à la Ïraude, 1.C.P.1990.1.3448, n'4g et s. De même il faut signaler. au chapitre de
radoucissement de la sévérité évoquée, l'impact de l'application dû principe de la propcnionnalicë des sanctions, résultant de
l'arrêt de la Cour de justice des Communautés Européennes du 15 déc. 1976 (affaire 41-76. Dcnckerwolcke-Schou, Roc. de
jurisp. de la C,J.C.E. 1976,]921 et s., concl. de l'Avocar général \\t. Francesco Capotortl. SUT ce principe, Y. nol. Claude J.
Ben, article précité 0.1987.119 el s.
(1495) V. par ex. Casso crim. 10 nov.1970, J.C.P.197I.lI.16714, nore LS.C.

518
répression, en raison même de la mise à l'écart de l'élément subjectif de l'infraction (l 496).
Cette
sévérité transparaît,
au-delà même de ta lourdeur exceptionnelle des peines
civiles(l497) et pénales encourues par l'auteur de l'infraction(l498), dans la conception
extensive de la complicité prévalant en la matière. Un intérêt quelconque à la fraude(l499)
suffit, en effet, à justifier quelquefois la condamnation, éventuellement solidairement (en ce
qui
concerne
les sanctions d'ordre
pécuniaire), de
la personne
poursuivie comme
camp lice(1500),
715 - En dehors des opérations financières avec l'étranger, l'aggravation de la condition
juridique du banquier mandataire, du point de vue des sanctions encourues, se remarque
encore à propos du paiement des chèques émis par les clients. En présence d'un chèque sans
provision, en effet, le rôle supplémentaire (au mandat) d'agent de lutte contre la prolifération
des chèques sans provision que lui a assigné le législateur, a pour conséquence de faire peser,
sur lui, des responsabilités civile et pénale exceptionnelles et spécifiquesj 1501).
716 - Au plan civil, plus particulièrement. la sévérité manifestée par le législateur.
envers le banquier, sur le terrain de la sanction de ses obligations spéciales. apparaît à deux
égards:
D'une part, à travers la disproportion de la sanction de la sanction encourue par rapport
à la faure qui l'engendre. On s'explique mal. en effet. relativement à la disproportion ainsi
dénoncée, comment, au plan de la responsabilité civile. la faute consistant. par exemple, en un
simple défaut de consultation de la Banque de France. préalablement à l'ouverture d'un
(1496) Sur celle etfirrnauon, v. Jean-Paul Cbaumeton, conséquences pénales de la règlementation des relations financières
avec l'étranger. jurisclasseur Banque el Crédit, vol. 2, fasc.lOlO, n'! L
(1497) Les amendes douanières ont, en effet., il faut le souligner, le caractère, 11. III fois, de sanction pénale et de réparation
civile. Sur ce point et les controverses qu'il a pu snscirer, v. J.-H_Haguet, Enc. jUI. Dalloz, Rép. dr. pén. et de pro pén. Zè éd.,
t.II, v' Donanes, n'296 et s.
, (l4~8) Sur les peines encourues par les contrevenants 11. la législation pénale dcüuniêre, v. par ex. J.-H. Hcguet. Enc. jur ,
Dalloz, Rép. dr. pén. et de pro pén. 2è éd., I.II. v' Douanes n'284 el s.
(1499) Sur la notion d'intérêt 11. la fraude. v. not Brigitte Néel, l'intérêt àla fraude, J.C.P.1990.lJ448. Il'16 el s.
(1500) V ..trr.399 et 407 du Code des douanes.
(1501' V. supra »" 3215 el 328.

519
compte bancaire, peut suffire, à elle seule, à justifier la condamnation de la banque qui en est
l'auteur au paiement des chèques sans provision émis par le titulaire du compte (ainsi
d'ailleurs que les dommages-intérêts éventuels). Et ce, quand bien même le nouveau client
n'aurait pas figuré au fichier de la Banque de France. en réalité, de sorte que la formalité
requise n'aurait de toutes façons pas empêché la délivrance du chéquier, si elle avait été
accomplie effectivement. De cette réflexion monsieur Michel Cabrillac tire le constat
qu'ainsi "est lourdement sanctionné le respect de cette formalité". "On se trouve sans doute,
[poursuit cet auteur], en présence d'une responsabilité pour faute, mais une faute sans rapport
de cause à effet avec le dommage que son auteur est astreint à réparer". Et monsieur
Cabrillac de déclarer, fort justement, que "faire bénéficier le porteur du paiement en raison
du seul fait du défaut de consultation de la Banque de France lors de l'ouverture du compte
relève de la confusion des genres; une amende eut (sic) été plus appropriée pour sanctionner
la violation de ce devoir,,(I502).
Il apparaît ainsi, indéniablement, que le cumul, par le banquier des qualités de
mandataire de ses clients et d'agent, voire de représentant de la puissance publique a pour
conséquence, souvent, un alourdissement exceptionnel de la sanction de ses obligations.
• • •
717 - A considérer les particularités (par rapport au régime juridique habituel du contrat
de mandat) qui viennent d'être relevées dans la condition juridique du banquier qui se charge
des mouvements de fonds de ses clients, tant au plan de ses obligations qu'à celui de sa
responsabilité; à considérer, plus spécialement, le régime juridique des chèques sans
provision, on est en droit de se demander si, de proche en proche, on n'est pas en train de
glisser insensiblement vers l'attribution aux banques d'un statut de mandataire légal, auquel
s'attacherait un régime juridique particulier, dérogatoire de celui du mandat de droit commun,
sur certains points précis. C'est, en tout cas, ce à quoi conduirait, immanquablement, le souci
(1502) M. Cebrtüac. Servitude el grandeur bancaires ou le nouveau droit des émissions de chèques SiU1S provision,
D.l975.51 et s.• n's 1,2 el s.

520
d'une parfaite protection des tiers appelés à accepter les moyens bancaires de paiement. Ce
souci se traduit déjà. du reste, en droit positif, par une tendance à la généralisation d'une
garantie de paiement assumée par les banques qui assurent un paiement pour le compte de
leurs clients. Ce souci transparaît encore dans une certaine tendance à la généralisation de la
règle de l'irrévocabilité des ordres de paiement adressés à une banque.
Mais peut-être ne sont-ce là que les conséquences inéluctables de la dématérialisation
croissante de la monnaie. A l'origine du besoin de garantie des paiements effectués par les
banques. lequel s'est traduit par l'adoption du principe de l'irrévocabilité sus-évoqué. se
trouvent, sans doute, les raisons suivantes:
Premièrement, le recul progressif de la tradition des espèces comme mode de
règlement des dettes et le développement corrélatif des moyens scripturaux de paiement. Ces
faits
commandent
certainement
une
adaptation,
en
droit
bancaire.
des
principes
traditionnellement reçus en fait de circulation des biens. Et il est incontestable, sur le terrain
du règlement des dettes, que l'irréversibilité des paiements effectués par l'intermédiaire des
banques est. seule, en mesure de fournir, de nos jours, l'équivalent de la tradition des espèces.
Deuxièmement. le fait que la mission de paiement que reçoit un banquier n'a pas, en
réalité, pour objet la réalisation d'un acte matériel de remise d'espèces. Il vise plutôt à
provoquer un règlement abstrait (généralement sous forme de transfert scriptural d'avoirs en
compte). Ce qui permet de dire qu'à la différence du mandat de droit civil qui, en règle
générale, a pour objet un acte concret, la mission que reçoit un banquier dans le domaine des
mouvements de fonds porte, le plus souvent, sur un acte abstrait de paiement dont la cause est
souvent ignorée du banquier solvens. Cene cause lui est d'ailleurs indifférente; d'autant plus
que son rôle, au plan économique lui interdit, pratiquement, de se faire l'arbitre des litiges
pouvant s'élever entre les différents acteurs économiques qui recourent, les uns comme les
autres, à son intermédiation.
Toutes ces raisons expliquent probablement l'essor de l'irrévocabilité des ordres
donnés à un banquier <lUX fins de réaliser un mouvement de fonds en faveur d'autrui.

521
CONCLUSION GENERALE.
718 - Que les banques agissent pour le compte de leurs clients à J'occasion des servic~s
qu'elles leur rendent, dans le domaine des paiements et encaissements plus spécialement, ne
fait aucun doute. Cela ne suffit pas. toutefois, à justifier le qualificatif de mandataire qui leur
est souvent appliqué, en ces occurrences. tant par la doctrine que par la jurisprudence. La
qualité de mandataire ne suppose-t-elle pas, en effet, une action au nom d'autrui? Or l'action
au nom d'autrui implique non seulement l'absence de liens juridiques entre le représentant et
les tiers bénéficiaires de son action. mais aussi le respect absolu des instructions du représenté
par le représentant. C'est précisément par rapport à ces conséquences essentielles du mandat
que la condition juridique du banquier qui se charge des mouvements de fonds pour le compte
de ses clients se trouve souvent en porte à faux avec la qualité de mandataire qui lui est
généralement attribuée, en droit positif.
719 - La conclusion qui s'impose à l'issue de notre étude, en plus des bilans
précédemment dressés aux diverses étapes de nos développements(I503\\ est que la
qualification de mandat appliquée au banquier, à l'occasion des mouvements de fonds dont il
assure la réalisation au profit de ses clients. est parfaitement justifiée, à J'analyse. Et ce, en
dépit de l'engagement personnel qu'il peut être amené à concéder aux cocontractants des
donneurs d'ordre. On doit seulement faire remarquer que ce qui fait douter, a priori, de la
justesse de cette qualification vient de ce que. la plupart du temps, la mission du banquier
s'inscrit dans le cadre, à la fois, d'un complexe de contrats et d'un contrat complexe(I504).
L'analyste doit, de ce fait, s'efforcer de déterrniner, avec rigueur, la place réelle occupée par le
mandat. par rapport aux autres contrats avec lesquels il se trouve souvent combiné. Il faut
ainsi. en ce qui concerne, par exemple. tes opérations bancaires pour lesquelles la qualité de
mandataire du banquier est te plus sujette à controverses (à savoir les paiements par crédit
documentaire ou par carte bancaire), noter que l'action de celui-ci ne vise. fondamentalement
(15'031 V., par ex .. supra n'302 et s. Cl n'480 et s.
(1504) Sur ceue affirmation. v. supra n'" 615 el 620.

522
qu'à éteindre la dene de son client. sur J'invitation expresse de ce dernier; et ce, en dépit de la
relation de droit directe qui s'instaure, dans ces cas, entre les tiers et lui-même. Si bien qu'en
l'absence d'un ordre exprès émanant du titulaire du compte impliqué, le versement de fonds
que ferait le banquier, au nom de ce dernier, serait sans cause et, partant, sans valeur
juridique. Il en irait ainsi surtout dans le cadre du paiement par carte bancaire. où
l'engagement personnel du banquier émetteur, mis en oeuvre de façon alternée avec le mandat
de payer qu'il a reçu du titulaire d'une carte(l505), ne peut être invoqué qu'en présence d'un
ordre (réel ou apparent) de ce dernier.
720 - On peut donc affirmer que les facteurs de contestation de la qualité de
représentant du banquier que constituent le droit direct attribué au tiers bénéficiaire d'un ordre
de paiement, dans le cadre des techniques de règlement de dettes les plus usitées (à savoir le
chèque, le virement, la carte de paiement et le crédit documentaire irrévocable), et son
corollaire l'irrévocabilité des ordres donnés au banquier dans le cadre desdites techniques, ne
parviennent pas, tout compte fait, à infirmer l'analyse des opérations concernées par la théorie
du mandar(1506). A vrai dire, il n'en va ainsi que parce que le législateur. en dépit de son
désir d'assurer la protection des tiers, fait montre, somme toute, d'une certaine modération
quant à ses interventions autoritaires sur le déroulement des conventions bancaires touchant
aux moyens de paiement.
721 - Ainsi, concernant la carte bancaire, par exemple, fut préféré, à un statut général
d'origine légale, l'introduction, dans le décret-loi du 30 octobre 1935, de quelques articles
seulement, à l'effet d'assurer la sécurité des opérations réalisées à l'aide de cet instrument. Les
points
importants
de
cette
intervention
législative
concernent,
incontestablement,
l'irrévocabilité des ordres de paiement donnés par carte bancaire et l'incrimination de la
contrefaçon et de la falsification des cartes bancaires. Tous les autres points de la technique
. en question demeurent soumis à la loi contractuelle.
- - - - - - - - -
<l505) Contrairement 11. ce qui se produit ert matière de règlement par crédit documentaire DÙ tes effets du mandat et de
J'engagement personnel du banquier crédheur se produisent simultanément. Sur ces différents points. v. supra n'667 et s. el
n'670 et S,
(1506) Sur ces différents points. v. noe. supra n's 153. 17'i et 331 (coucemant le chèque) n's ~9j el611 (concernant Ie carte
bancaire) et n'543 el s., spéeial. n'5546 el 547 [concernantle crédit documentaire},

523
722 - Le régime juridique du chèque lui-même, quoique reposant entièrement sur des
dispositions législatives impératives, reste très largement influencé par l'idée que cet effet
n'est autre chose qu'un mandat donné au tiré, par le tireur, d'en régler le montant par le débit
du compte du deuxième. Le législateur ne se démarque franchement de cette idée que dans le
cadre de la lutte contre les chèques sans provision.
723 - Doit-on voir dans cette dernière attitude, une entorse exceptionnelle à la loi
contractuelle, comme nous l'espérons, pour notre part? Ou doit-on, au contraire, y percevoir
l'amorce d'une évolution vers la généralisation, dans le domaine des instruments bancaires de
paiement, de dispositions légales peu soucieuses de l'esprit qui a présidé à la création desdits
instruments? Seul l'avenir le dira.

ANNEXES

524
BANQUE
BANQUE
F••cicule 1081
ET
CREDIT
Règle. Il URnele uniforme.
r.l,th'l' lUI: eridlt. documenCAlr..
2, 1990
(1)
BANQUE
• R~I•• et u••nce_ uniformes r.'.tives aux crédits dccumentalres
A. Disposilions générales el dérinitions
B. Forme el notilication des crédita
Art. 1. - Les présents articles s'appliquent à tous les crédits
Art. 7. - 8) Les crédits peuvent être :
doeurnerueœee, ~ comprill, dans la mesure où lia seraient appli-
i 80it révocables,
cables, aux teuree de credit stand-by, et lient toutes les parties
inœJ'lla&én, S8U( s'il en est convenu autrement de (8.Ç1j11 nprnse.
ii soit Irrévocables.
Ils suont réputés pattie intégrante de tout crédit du Iait qu'il
Y. est stipule que celui-ci est soumis aux Règles et Usences
b,' Tout crédit doit par conséquent indiquer clairement s'il
Uniformes Relatives aux Crédits Documentaiees. ",,;siM 1983,
est révocable ou irrévocable.
Publication C.C.I. n. 400.
cl A dUllut dl' pareille indication. le. crédit sera considéré
Art. 2. _ AUl: fiaa des présents articles, les eapressicna • cré-
COmme révocable.
diusl documentaireï s l , et .Iettre(s) de credit st.1.llà.b,·" utili-
Art. 8. -
Un crédit peut être notifié au bénéficiaire par
sées dana le pr~sent lute (abeègéea ci·après en • credites) .l,
l'intermédiaire d'une autre banque (banque notiflcetricel. sans
Qualifient tout arrlln,ement quelle qu'en soit la dénl'mination
engagement dl:' la part dl:' la banque nouûcarrice. sauf pour ceue
ou description, en venu duquel une banque (la banque émet-
banque à apporter un soin raisonnable il. vérifier J'authenticité
triee), agissant à la demande et sur instructions d'un client (le
apparente du crédit qu'elle notifie,
donneur d'ordre):
Art, 9, - 8) Un crédit révocable peut être amendé cu annulé
par la banque émettrice 11 tout moment et sam Que le bénéfi.
nt tenu .. d'effectuer un paiement ~ un tie", (béuéû-
claire en S01t averti su préalable.
daili!\\ ou il. s.ol\\ ordre, ou de pay!r ou accr~ter des
erree de commerce (traites) tirés par le bénéflcieire.
b) Toutefola, la banque émettrice doit:
rembourser la succursale ou la banque auprès de la-
ii
'"
autorise un" autre benque il. effectuer ledit paiement.
quelle un crédit révocable II. été rendu réalisable par
nu à. peyer , aCCl:'pter ou nlÎgocter lesdhs cifet..! dl:'
p.'..ment (,. "U", acceptation ou néll'-'Ciati<Jll. si cO!'tle
commerce (traites),
succursale ou cette banque a procédé a un paiement,
à une acceptation ou il une négociation contre de'
contre remise des documents stipulés, pour autant que
documents présentant J'apparence de conformité avec
les conditions du crédilllQienl respectées.
les condiuons du crédit avant d'evcie reçu l'avis
Art. 3. - Les crédits sont, par leur rature. des transactions
d'amendement ou d'annulatron :
diBtincteB des ventes ou eutrefs) ccnrraue) qui peuvent en for-
lIler [a bWM: mais qui ne concernent les banques en aucune façon
ii rembourser la succursale ou la banque auprès de la-
et Ile sauraient lea enlager, meme si le credît inclut une référence
quelle un credil révocable Il ~té rendu réalisable par
il. un l.el contrat, e\\ quelle que soit celte référence.
paiement différé si cette succursale ou Cette banque
a levé des documenta présentant l'apparence de
Art. 4. -
Dens les opérations dl:' crédit. toutes les parties
conrormiLé avec les ccndittone du crédit avent. d'avoir
intérea.Wes ont à conlidéœr les documents il l'exdusion des
reçu l'a\\'i9 d'amendement ou d'anne.adon.
marchandises, service' et/ou autres prestatioru auxquels les do-
cumenta peuvent se rapporter.
Art. 10. - a) Un crédit irrévocable constitue pour la banque
émettrice, pour autant que les documents stipulés scient remis
Arl. 6. - Toute inlltfuction eelauve àl'émission d'un crédit,
el que les wndhions du clédit soient respectées. un engagement
les crédits eut-mêmes, toute instruction en vue d'amender ceua-
ferme:
ci, et les Ilmendementti eux·tn~mes. doivent être complets et
Pticia.
~
si le crédit eat réalisable par paiemene à vue, de payer
ou de faire effectuer le paiement :
Pour éviter toute confusion et tout malentendu, tes banques
décourageront toute tendance il. inclure trop de détails dans le
ii si le crédit est réaliuble par paiement différé, de payer
credit ou dans tout amendement à celui-ci.
(}U
de faire effectuer le paiement à la date ou aux
dates déterminables conformément
I\\rt. 6. - Le benliflciaire
AUI stipulations
d'UD crédit lit peul en eucun CIlS se
prévaloir des rapporte contractuels eJJatant entre les banques
du crédit;
ou entre le donneur d'ordre et la banque émettrice.
iii si le crédit est réalisable par acceptation, d'accepter les
traites tirées par le bénéficiaire si le crédit stipule
qu'e\\\\e~ doivent ftre lirie~ .sur la banque éme.UriC'e
ou d'assumer la r~pon58blhœ de leur accepteucn et
(Il Texte révi&é en 1983 avec entrée en vigueur le 1" octnbre
de leur paiement il échéance ,i le crédit stipule qu'elles
!984.Br~hure n. 4oo-ICC Publishing S.A., chambre de comrnerœ
doivent être tiréea sur le donneur d'ordre ou sur tout
Internationale, 38 Cours Albert-I", 75008 Pari,
lutre tirè ,tipulli dan5 le niilit·,
074554 Editions Teel'lniques· Juris-Classeurs - 1990
ex 4/201

525
'"
j'Y si Je crédit l'at réalisable par négodation, de payer sans
menL et aucune lettre de ~nnfirmllt;nn n~ SEre. expédiée. .au( si
....~ouu conl~ lea l;!'euI1l d/o~ pcrteues de bonne foi,
\\s mt'ntion • dél.ail~ suivent. Inu une expression simiiaiTe) figure
1. OU lu lI'ait.e3 tintl pu Je bénéficiaire, B. vue ou à.
dans la l.éléue.nsmission ou sïl y ~t précisé que .e lenre de
terme, lur le donneur d'ordre ou snr tout autre tiré
confirma Lion tera l'instrument permettant l'utilisa lion du crédit
mtrltionné daM le <:Jl!dit, lu\\.re 'lue \\8 bUlque émet-
ou donnent effet il l'amendement.
trice elle·même, ou de pourvoir a la nér:""iAtion plU'
c) Une télétransmîseion destinée par la banque émettrice il
une autre banque et de payer comme prevu ci-deseua
ëervir d'inetrurnent permettent l'utilisation du crédit doit indi·
,i cene néllociation n'est pas effectuée.
quet elairement que le crédit est soumis lUI Règles et Usances
b) Lorsqu'une banque émettrice autcriee ou invite une autre
Uniformes Relujves aux Crédita Documentaires, révision 1983,
banque i. confieeeer MJn crédit irrévocable. et que N1U- B.\\)tn
Publkalion C.C.I. n. 400.
banque a ajouté sa confirmation, ettte confirmation consutue
d) Si une banque utilise les services d'une eurre banque ou
un engagement ferme de la part de la banque qui confiree,
d'autres banques (banque nonficatriœl pour faire notifier ,e
.'ajout.ant l t:'t\\ui de la banque émettrice, pour aul.allt que leI
crédit au bénèflcieire, elle devra également utiliser les services
dccuœeeta stipulés soient remis el que lee conditions du crédit.
de ceue même banque ou rle œs m"mes b!lnquea pour la not;-
Il'''ent reBP'lcteea :
ficeuon de tous amendeœerus.
i ai le crédit eat réalisable par paiement li vue, de payer
l') Lee ban~ues seront responsables de toutes conséquences
ou de faire effectuer le paieœeet :
résultant de l'inobservation par l'lits des procédures énoncées
ii ai le ct~dit est nfB.liMble PlU paiement différé, de payer
aUI prêcèdents parlllriphes.
ou de faire effectuer le paiement il la due ou aux
datea déterminables conformément aux stipulations
Art. 13. - Quand une banque est chargée d'émeltre, de
du crédit;
confirmer ou de notifier un crédit dont les termes ~on: eimilaires
il ceux d'un crédit précédemment Émis. confirmé ou notifi~
iii ai 1. crédit est réalisable fiat acceptation, d'accepter lu
(crérlit simil.ire) et q\\J~ le précédent crédit a subi un ou de~
trailH tirén pa:J If> bênificiaire si le crédit aüpule
amendements. il est entendu que le crédit similaire ne compren·
qu'elles devront être tirées sur la banque conârrca-
dra aucun de ces amendements, sauf si les instructions spéCIfient
mee, ou d'a,aaumer la respoDlJ8,biliU de leur eccep-
clairement le GU les amtndementhl Ipp\\icab\\t'~s) au crédit si-
tatien d
de leur paiement .li échéance si le crédit
milai-e. Les banques décourageront les instructions ri'ém gre,
ë
stipule qu'elles devront être urées sur le donneur
confirmer ou notifier un crédit de ceue façon.
d'ordre ou aur tout autre tiré stipulé dana le crédit:
IY ai le crédit l'al réalisable pat négociation, de néKocier
Art, loi, - Si III banque requise d'émettre, confirmer, notifie!
S8ItI recours contre les tireurs eVou porteurs de bonne
ou amender un crédit reçoit des instructions incomplètes ou
toi, \\a ou ln uaites tiréea plU le bénéficiaire, li vue
impréciM's, elle peur .dre_r au b<immciaire un nu preliml·
ou li terme, sur la benque émettrice ou sur le donneur
narre à titre de simple information et sans encourir de res'pon.
d'ordre ou lur tout autre tiré mentionné dans le
I8bililé, Le crédit ne sera émÎs, confirmé, no~ifié ou amende que
credit, autre que la banque confirmatrjce elle·meme.
lorsque la banque aura reçu les informations nécessaires et 51 la
banque est alors disposée il agir sur ces instructions, T..., banqu es
c) Si une banque eet autorisée ou invitée par la barque émet·
fourniront sans délai les Informations nécessaires.
tri~ à ajouter ~a confirmation à un crédIt el qu'elle n'est pB...'l
di!potée il le faire, elle devra en informer ~s eetard la banque
émeuece. Sauf Bi la banque étnetn-iœ en dispose autrement
dans lIOn autoriaation ou demande de ccnfœrasüon, Il banque
C, - Responsabilités
notifleatriœ nctifleea le crédit au bénéficiaire Sans sjouLer ail
conflrmetion.
Art. 15, - Les banques doivent examiner tous les documents
d) De tel. en~alemenUl ne peuvent étn' amendés ou annulés
avec un soin raisonnable pour s'assurer qu'ils présentent l'ap-
eens l'eecced de Il banque émettrice, de la banque qui confirme
parente de conformité avec les conditinM d.. crédil. L~s docu.
{If> CN ichéan\\) et. du bénéficiaire. L'ecceptanon partielle
ments qUI, en apparence, sont incompatibles entre e<lX serOnt
d'amendements contenue dans un seul et même evis d'amen-
considérés comme ne présentant pas l'apparence de ccnfcrmité
dement n'aurl d'effet qu'avec le consentement de toutes les
avec les <:onditilHla du crl!dil.
pllrtie' dth. d-dcsaull.
Art, 16, - .Il} Si une banque autorisée il. l'et effet effectue un
A,.~. 11. - a) Tout crédit doit clairement indiq\\l~r ~'il en
paiement ou s'engage à effectuer un paiement di((éré ou accepte
rWislble par paiement il vue, pu paiement différé, pat accep-
ou négocie contre des documents presentant l'apparence de
tation ou par négociation,
conformité avec les conditions du crédit, la partie qui a donné
b) Tout crédit doit désigner II banque (banque désignée)
cette autorisation doit rembourner \\s banque qui a effectué le
autoriaH li effectuer le paiement (banque qui paie), ;, aeeep~r
paiement ou s'est engaJ5t-e il effectuer un paiement différé ou a
ln ttai~ (banque qui accepte) ou il négocier (banque négocie-
accepté ou négocié, et doit lever les documents.
triee], &suf.i le credit autcriee la négociation par n'importe
b) Si, il la rtception des docUlllenll, la banque émettrice
quelle banque (banque négoeiatricel,
consid~1't' qu'ils ne préselllent paal'ap~ence de co~formité
d Sauf !i·la b4nque dtaiKttée e~t la banque émettrice elle-
avec let l'onditions du crtdit, elle dol~ d.,çid.,<. sur III seule bau
même cu 1. ban,\\ue Qui coniirme, la dnignation par II blnque
de ces documents s'il y 1 lillu de lever ce~ do-::uments ou de les
émetUice n'entralne pour la banque déaÎgnée aucun engagement
refuser comme nf présentant pas l'appe.rence de conformil.é avec
de plyer, d'accepter ou de négOCIer,
les <:ondition& du crédit,
d) Er. déaignllllt une banque autre qu'elle-me-me ou en au tl?-
c) La banque émettrice aute. un d~la.i raisonnable pour el'a-
risant la négociaLion par n'importe cruelle b:lnque ou en lIutnn·
minet les documenta et décider, cotnme prévu ci·desaua, s'il 't a
I8.nt ou en invitant unt banque" ajou\\.eJ 88 confirmation, la
lieu de le~er ou de refuser le8 documenta,
banque émettrice permet li cette banque d'effectuer le paiement,
d} Si la banque émettrice décide de refuser les documents,
d·accepter (lU de négoôer, selon le cas, contre des documenta
elle doil immédilttrrnmt le no~ifier par té\\é~ommUnire.ti"'n ou,
ptéaenUlnl J'appuence de conformité a\\o"Cc lu condi~ions du
si Ce n'est vas pmsible, par d'autres moyenS rapides, il la banque
crédit et "engllge il rembourser cetu banque eonformêment aUl:
dont elle a reçu les documents (banque l't'metl.anteL ou au
disp<laitiona ,dea présent.s articles.
bênéli<:iaire ~i elle a reçu les documenta directement de celui·ci.
Art, 12, - a) Quand une banque émettrice charge unf banque
Cette notification doit indiquer les irrégularilh en rai~on des·
(banque notificatricel, par un quelconque mode de u!létrana-
guelJes le. bllnqu. ~mettriœ refuse les documents et ~l1e doiL
m.....ion, de notifin un c"';dj~ 0\\1 un amendement Je\\atif à un
e~alemenl indiquer que les dOCuments sont L.enus à. la disposi.
crédil et que la lettre de confirmation doit étre l'instrument
tian du présentateur (banque remettanLe, ou bénéficiaire, selon
permettant l'utiliution du crédit ou donnant effet li l'amende·
le cas) ou cru'elle les lui retourne. L.. b.nql:e émettrice aura
ment, celte tllkJ81'tsmisaion doit spécifIer. détails sui~ent. (ou
/Iolors le droit de réclamer il la banql:e remettanLe la res~itution
une upression SImilaire) Ou indiqll~J qve la Jettre de confit-
de tout remùoursement pou~ant aVOIr été effedué il cette banque,
mation 8era l'inatrument permettant l'utilisation du crédit ou
e) Si la banque émettrice n'agit pM conforO'lément aUl: dis-
donnant ellet il l"amendement. La bllDque émdttice doit trana-
positioru dee. paragraphes (c) et (d) du présent artide et/ou ne
mettre iWIs délai 1 cette b81'tque notificatrice, l'instrument per.
tient pas let documenta à la disPQsition du présenl.ateur ou ne
mettanL l'utiliaeti(Jn du crédit ou donnant effet à t'amendemtnt.
les lu. retcume PM, III bllIlql.le emeltrice ne poUtre. plue faire
bl L.. liJétr8.ILJmiMion sera contidérée comme l'instrument
valoir que les documents nf sont pas conformes aux conditions
permettant l'utiliaation du ~rédit ou donnlnt dfet il ['amende-
du crédit.
Edltlona Techniques - Juris·Classeurs· 1990

526
n Si la banque remeuen'e attire l'attention de le. banque O. Document.
imtHli~ lUI du irrég'\\llari~ apPIlTa\\lIll111'll deee ln docuœenu.
oU bien informe la banque émettrice qu'elle Il payé, contracté
un en«&il!ment de paiement différé, accepté ou né&ocié sous
Art. 22. - a} Toote in'truction relative è. l'émission d'lm
réserve ou contre Une Jeure de garantie relative à ces irrégula-
crédit, les crédita eux-mêmes et. le cu éché!lnt, te.ue instruction
rités. la banque ém..ttriœ Dt sera PU peur Aut.o.nl dégall'l!'e
en vue d'amender ceux-ci et les ereendeœents eux-mêmes doivent
d'aucune de Iles obügetiona decoulant d'une dispcainon quel-
spécifier avec précision le ou les dœuœenta contre lesquels le
conque du présent article. De telles réserve, ou g*'lUlties n'ai.
paiement, l'acceptauon ou la négociation seront effectués.
feclent que les ({'Iatinn! entre la banque remet tante et la partie
envel'll qui la réllecve ~ été rwu ou de qui ou pour le compte de
bl Des termes tels Que. première c18J8t' " 1 bien connu "
qui la garllntÎe a itl obtenue.
1 qualifié "
• indépendant •.• officiel. ou terme. similaires ne
devront pas être employés pour dé~iJner l'émeueur de tout
Arc. 17. -
Les bllnctUeS n'assument aucune responsabilité
document li remettre en vertu du crédit. Si de tete termes aont
llullnt Il ,. forme, Ja suffisance, l'exactitude, l'authenticité, la
incorpore, d8J1s1es conditions du crédit.jes banques accepteront
falsification. la portée légale d'aucun document ill quant aUI
les documenta)' relatifs tels qu'ils seront présentée pourvu qu'ils
conditions gémlra~u et/ou particulières stipulées dan, les do,
presentent l'Rppllorence de conformité avec lea. autres conditicus
cumenta ou y surajoutées; elles n'assument également aucune
du crédit.
rnpol1ubiliti quant i la déroignlltiOtl, la q'Jl\\ntit~, le r.id~. (Il
c) Sllollf si le trNÎt en disp<lioe autrement. les benquëë eccep-
qualité, le conduionnemenc, l'emballage, la livraison, a valeur
teront comme originaux lu documtnl.a produite ou epperëlseam
ou l'esiatence dt!l m.rch.... Ildi..." repré!'mt.ée~ par ur. document
COmme ayant été produita:
quel qu'il soit, ni encore quant à la bonne f;)l ou au:! actes et!
1 par des syst.èmel reprographiquee,
ou omisaiona, à la solvabilitê, à l'accomplissement des obl'ga.
tions ou à la réputation des upétliteurs, trLl'l~porLeur' ou
ii pa:r det ..y.'.lmu aut4<nati"" ou informatisés ou comme
11-5_
sureurs de la marchandise, ou de toute autre personne quelle
résultat de l.e18 8YSÙllles,
qu'eue soit.
iii wus rcnue de copies eu carbone,
Art. l8. - Lea b4nquts n'assument aucune Te!ponsabiiil.é
s'Ils eœu marquée comme onginauI, pour autant que de tele
quant au conséquences des retard, et/ou pertes que pourraient
doo::ument& paraissent aVOIr éli authentifiéa chique Icia que cela
subir dana leur transmission taus mts3a,es, lettru ou docu-
est eéceseerre.
menta. ni quant RUI retards, ;, la mutilatIon ou au~res erreurs
Art, 23. _ Lorsque des documents autres que les documenta
pouvant se produire dans la transmission de toute télécommu,
mcauon. Lu
de lranapon, les documents d'assurance et les factures coœœer.
banques n'"usument aucune responsabilité quant
ciales sent exigés, le crédit stipuler.. f,M qui de teb dccumeete
aux erreUfll de traduction ou d'interprétation de termel tech-
niq~!
doivent êere émis et leur libellé ou es données qu'ils doivent
et tUts te «servent le droit de tansmettle le, l.ermu
contenir. Si le
du crtdita sans les traduire.
erèdit ne le stipule pu, les blU'lques accepteront
ces documents tels qu'ils leur seront présentés. pour autarrt ~u..
Art, 19. -
lei banques n'48IIument auc,,;ne responsabilité
lu données qu'ils cccuennent ;>ermetlant d'établir la rele.tu)J\\
quant aux ~on~quences peuvent NsultA:-r de l'interruption de
entre les marchandises el./ou services auxquels ils se rérerent et
leun aclivilia provoquée par des émeutes, troubles dvib, insvr ,
ct'J.J: aU.Iquels !li rapportent la (lesl (scrute!!.) comtnerctaletal
recnons, guerres et toua cas de fore<! majeure ou t.CJut.e auUe
présentW(si ou Iluxquel, se rapporte le crédit Si le crédit ne
nuse indépendante de leur volonté, &insi que pa:r du 'gl'tvt5
stipule pu la présentation d'une facture commerciale.
01.1
lock-outs. Sauf autorisation expresse les banlues ne s'engage-
Art. 24. - Sauf sripularion contraire d8JIJ le crédit, les
rent à effectuer aucun paiement différé ni n'e fectuemm aucun
banques accep~ron~ un document portant Uile dece d'émieaion
r.ùewent, aucune eccepteuon ou négociation après avoir repris antérieure à celle du crédit pourvu que ee document &oit pré-
eun.ctivités, danale CllI de crtdits veauë à expiration au cours
senté dans les déiaia par le crêdit eL lu présenta articles.
d'une telle interruption de leurs-activités.
Ali.. 2(), _ I! Lu banques ,,;tilisant les service, d'une Ilut~e
banque ou d'autres banques pour donner suite au:! iflf,tructions
0.1. Documenta de Irenaport (docum.nl. indlquenlle mi••
du donneur d'ordre le roM pour Je ccœpte et
;, bord ou I·...pêdilion ou la "ri. . en cherge)
tllI .i!lquei de et
donneur d·ordre.
b} Les banquea n'UlIument aucune respons.abiliU au cas où
Arl. 2:i. - Sauf sÎ un crédit uigea.nt un document de tr81ls,
lu instructions Qu'elltll tra.nametlraient ne seraient pas Rlliviel.
port Itipule comme t.el ut> oonnllisaement maritime (connaisse-
m~me ai ellell onl pria elle1j·mê!lles l'initiative du choiJ: de cetl.e
ment maritime ou connai1!ement CQUW8J1t le tr8.Jlllport poa.r mer)
auUe ou Ci!a autres banques.
ou un récépissé postal ou un cenî[icat d'upMition par poste :
cl i...I! donneur d'ordre devra usumer toutes :es oblill'ation"ft
~) lea banques accep\\.elOnt, :IlIuf atipulatlon contraire dans le
rupon".bilil.éB ~éooulant des h;>i! et usq:u daM les pays étran.
crêdit, un document de tranaport qui:
gefll, el indemniaer les bllJlques de toutes ~onséquen~s POUl'aIlt
i apparaît comme ayant été émis par un transpor1A'ul
en rnulter.
dénommé ou ,on agent et
Aft. 21. - a} Si une banque émetuice I!nund Que le rem_
ii indique eelon le ClIS l'upédition ou la prise en cha:rge
boursement auquel a droil une banque qui paie, accepte ou
dei! marchandises ou la mise il bord et.
négocie, soit obtenu par celtA:- banque auprès d'Une autn/ sue·
iii conai,tI! dan, le jeu complet desoriginaU.I émis et des.
cunale ou bureau de la banque émettTiC1! DU d'une bllnque tierce
tink au cha:rgeur s'jl a été émIa plus d'un original et
(tolites ci-après db!ill'1lées comme banque de remboursement!
IV satisfait à toutes le!l autrt:s presaiptiona du crédit.
elle dQit !oumir il. celte banque de relllbou~ment en \\.empi
utile·I•• LnltructioM ou autori~lItjuns appropriées lui peTmett.aI1t.
b) Sous léserve de ce qui précède et sauf atipulation contraire
d'hol\\Orer ces demandes de remooursen::ent et
dRllS le cr<édit, lea banqu~ ne refuseront pu
l.8.{\\S y mettre la
UE docu!llent de
condition que la banque qui est en droit de récllllller le rem·
transport qui:
boutllli!ment sit li certifier i la banqull de remhount:lllel1t que
i porte un irltilulé ul que. Connf.iseement de transport
les conditions du crédit ont éli respectées,
combiné " • Document de Iran~port cOlllbîm.i "
b) Une banque émettrice ne sera dégagée d'aucune de se~
• ConnalS5l!ment de transport combiné ou connais-
obligationa de renlbouner elle.même ai le remooursçment n'eu
~emeM de port li port., ou \\.out titre ou combinaison
pas effectué par la baIlque de remboul'lIement.
de titre, ayant une inl.ention ou un effet similaire,
et/ou
c} La banque émettrice sera re!lpon9able envers la banque qui
paie, ac~pl.a ou négocie, de toute perte d'int.ér~1 gi le rembour
ii indique certaines ou tout.es les c<lnditiona de transporl
WlDent n'e!t pu effectué dèa la prelDièn demande pré!lenlk à
. par ré(éreIlC1! à une SOlUte ou à un document autre
la banque de remboursement, ou de touu: autre 1Il1l!uère prévue
Gue le document de tr!llls~rt lui-même (document
dllJll te ~ridit ou plIor a~cOl"d mutuel, SOl'lon le cu.
ae trans]>Ort. short 1 (abr'ellé) ou .ans verao), Ilt/ou
Editlon$ Techniques - Jurls-Classeurs - 1g9()

527
C')
iii indique un lieu de priee en cha.rge différent du port
mentjon jndiqQIU\\\\ \\'embll1C1\\le~nt S\\J~ un navire dénommé .ou
d'embarquement, et/ou un lieu de destination finale
la mise a bord d un ns"'re denomme, 'Olt dans 1" ClIB d un
dirférent du port de débarquement. et/ou
documeot de transport stipulant. re1u pour embarquement"
iv a'ëpplique à de! r:.argai'ona t..ellu que 1:'1!1le! chargée6 en
per une annotation de mise 11 bord eur 1.' document de transport,
con\\..elltura ou lUI paltt1.eli, et moyens .imilairl'l, et!
81gnee DU paraphée et dst« par le transporteur ou son agent, et
ou
la date de cette annotation sera considérée comme la date d'em.
v contient t'indication. peévu s Cc iruended Il ou un terme
barquement ou de mise 11 bord sur le navire dénommé.
aimilaire concernant Je navin ou un .ulIe moyen de
Art, 28. - (1) Dan' le C8lI d'un transport pat mer ou par
transport et/ou le port d'embarquement et/ou de dé-
pluaieurs mode. de tranaport. m,w comprenant un transport par
barquement.
mer, les banques refuseront un document de transport mention-
nant que lea marchandises ecnt ou seront chalgen en pontée,
c) Sauf etipulalion contraire dana le crédit, en cu de ttan~rt
i1auf \\Il le crédit t'autorille expre88Îment.
par mel ou par plusieurs modes de transport mais comprenant
un rracepoet pat mer. les banquee refuseront un documèrtt de
b) Les banquee ne refuseront pa.~ un document d.. transpon
tran.port qui:
comportant une dispoaition autcnsant le transport des mer-
chandieee en pontée, porrvu qu'il ne mentionne pas eapressé-
1 indique qu'il eel80umia à une charte partie et/ou
ment Clue lee marcharidi~ sont ou eeront chugftB en pontée.
ii indique que le navire cenaporteur 8 pour seul mode de
Art. 29, - a) AUI: fins du présent article, il feut entendre
propu1aion la voile.
par. teensbcrdeœem , le traosfert et le recbargement en cours
d) Seuletip"llltion o:onll"airr danll Ir (TMit, 1" banqun re-
d~ tll1n":r.rt entee 1.. po:~ d'embarquement oU le lieu d'eapëdt-
fuseront un document de transport émis par un transitaire, sauf
tion ou
e prise en charge et le port de débarquement ou le lieu
~'il a'qit du ecnnereseœent de transport combine F.I,A.T.A,
de destination, soit d'un moyen de transport ou navire 11 un
apprDu~ pu la Chambre de commerce Internationale, ou ~i le
autre moyen de transport ou navire relevant du même mode de
document indique- qu'il. été émis par un transitaire ag:i!!llBnt en
transport, Kilt d'un mode de ~ransp<.lrt il un autre mode de
qualité de tranaport.eur ou d'agel'lt d'un transporteur dénommé.
transport,
Art. 26, - Si un crédit exigeant un document de transport
b) Sauf si Je transbordement est interdit par les condrnona
aLipule comme tel un ecnneisseecent maritime;
du crédit, ln ba.nques eccepteroet des dceumenta de transport
8) les banquet accepteront, eeuf etipulation contraire dans le
indiquant que lu marchandises seront lr8J'lsbord~,il conrlhion
credit, un document qui:
que le transport entier !Oit couvert par un seul et même docu-
ment de transport.
i apparait comme ayant ~1.é ~mil!l par un transporteur
dénommé, ou
e) Mime ai I~ u1UJ:ol:>o.d~men~ <:et interdit par lee condirioos
0011 a.g~lll, ~L
du crédit, les banques accepteront tou; document de transport
li indique que les marchandises ont été embarquées ou
qui:
euses à. bord d'un naVIre dénommé et
contient des conditions impr.m ées indiquant que le
iii consiste dene le jeu complet dea originaux 'mis et des-
ueée
tranaponeur a le droit de transborde:, ou
au chargeur a'il a éU émia plus d'un original et
ii stipule ou indi'luA que le transbordement aura lieu ou
iv ....lilfail " touteales autreE peeecriprione du crédit.
pourra avoir ieu, lorsque le crédit prévoit un docu-
b) Sous réserve de ce qui préride el sauf stipulation contraire
ment de tr8JlSport combiné, ou indique un uensport
dans le crédit, lee ban~ ~e refuseront pas un document qui:
d'un lieu de p'rise en charge it un lieu de destination
i porte un intit'Ulé)~l\\ que. Connaissement de transport
finale, par dlfférenlli modes de transport y compris
cOlllbiné.... , • Dcéumenr dr transport combiné '.
le transport par mer, .il. condition que le transport
• Connai88ement de tran"P'lr1. combiné ou ccnneie-
ent;el BoiL rouvert par Un seul el même dccuœent de
eeœent de port il. port" ou tout titre ou eornbinaison
transport, ou
dr titret a)'lLIlt une intention ou un effet similaire,
Hi stipule ou indique Que les merehendises sont tran~~r.
et/ou
tées en
corueneurts), remorquet sl. • L.A.~.H.
ii indique certaines ou toutes les conditions de transport
barge(s}., (barges desueées il. être chlUgées :oui un
pu référence i une ecuree ou il. un document aulre
porte- barges} et/ou moyenls} semblable{s) et qu'elles
qur le document de lranaport lut-même (document
seront transportées du lieu de pnse en charge au lieu
de tranaport • short, (abrégé) ou MIla verso) et/ou
de destinatio[l finale dans !ehl) même(s) t:OIlteneUr(s),
remorquefs], • L.A.S.H. b~els)., etlou mo\\'e-n(s)
iii indique un lieu de priee en mlUge différent du port
semblable(s), ecus rouvert d un seul et même "docu-
d'embarquement et/ou un lieu de deerinëtion finale
ment de tzeraport :
différenL du port de débarquement, rt/ou
iv slip·Jle ou inn'que comrlle lieu de réception et/ou de
iv a'applique à dea carglliaona 1~1I.~ que celles chargées en
des tination finale. c.r.s., {container freight sta·
conteneUl'3 ou eur palettes et moyens limilaires.
tien '" eteuon fret conteneur) ou • C.Y.• (container
c] Sauf alipulliion contraire danale crédit, les blflqUfl eetu-
yard = aire conteneur] au (ou dépendant du) port
eeeont un document qui;
d'em'barqueroeol etJou port de destinlltion.
1 indique qu'il est !oumi.!l 11 une charte partie, et/ou
Arl. 30. - Si le crédit prescrit l'envoi des marchandiaes par
ii indiqur que 11.' ns'file transporteur a pour seul mode de
voie V'f'jLale et exige un rrcépisU post.aJ ou certificat d'elpedi.
propulsion la voile, et/ou
tion plU PO'I.e, tel;. banques accepteront un tel n\\cépisso1 ou
certificat s'il apparaît qu'il a été estampillé ou autrement au·
iii rontiant l'indication. prévu. (. intended.) ou un l.erme
thentifié et daté du lieu d·où le crédit sllpule que les marchan·
lIimilaire concernant:
dises doi~n~ être elpêdiées.
• le navire e~/ou le port d'embarquement sauf si ce
Art. 31. -
document porto! une ;U1nolalion de mi~~ il bord 8~lon
s) Sauf .tipulatioll contraiTl~ dllnE le troi<!it ou
incompatibilité avec l'un quelconque des documents prése-ntés
l'ar1;icle 27 (b), et indique également le port d'embar·
qUl"ment l'ftl, e~/ou
en vertu du crédit, les banques accepteront les dOCUments de
tranaport mentionnant que le fret ou les frais de transport (ci·
• le ?Ort de débl1rquement - a~Uf!i le lieu de deltina·
aprês Qualifiés de • fret.J doivent encore être paylfs.
tioo finale indiqué aur le document est différent du
port de débarquement, el/ou
b) Si un crédit stipule que le document de \\tamport doit
indiquer que lc fret a ~té payé Oll payé d'avance, les bAJlques
IV Ml émia par un uanailllire, &IlIur l'il indique qu'il a. été
acceptelont un document de transport ,ur lequel figure- une
émia par ce trllJl.5jtaire agiasanl en qualiU de tran5'
mention indiquant cllurement le paiement ou le paiemen~
porl.eur ou d'&gtnt d'un trllJlsporteur dénommé,
d'avance du fret, que ce soit i l'aide d'Un cachet ou autrement,
Art. 27. - a) Sauf si le clédit nige u.pr~lllenl un docu_
ou sur lequel le paiement du fret est indiq"Jé par d'autres moyens.
menl de Lransport à bord, ou Nuf incompatibilit.é avec une ou
c) La menlion • fret payable rl'S\\'aoce, ou ,Cret ir. pa:.'er
p!usieurB Rtipul.. tion.s d~ crédit ou avac l'ar1;kle 26, l<:lj bauques
.d'avance., ou une menLio~ similaire _ li elle apparlÛt sur les
accepteront un document de transport Indiquant que le~ mar-
documen16 de transport - ne sera pas accept.ée comme preuve
chandlaell ont été priaea en chlUge ou reoçues poUl emb,rque-
du plUement du fret.
menL
d) Lei banques accepteront det documenL!l de transport fai·
b) L'embarquement ou la mise 11 bord d'Un navire peuvent
lIanl mantioll, à l'aide d'Un cachet ou aul:"ement, de CUIS sajou·
hre preuvél, loit par un docuroent de transport portant une
llInt au fret, tltlE que dn fraiR ou des d~bours syant trait ..u
Editions Techniques _ Juris-Cla9Seurs _ 1990

528
chUJ!ment, su décl\\arg~mtnt ou il des ov4raLioTlil simllairea,
Art. 40, _ Les banques I.:cepteront un document d'assurance
I.&ui' JÎ lei conditions du crédit interdisent eapressément de telles
indiquant que la couverture est 'ilOUlDise' franchUe, qu'il t'agis.se
œenLÎona.
d'une franchi,e atteinte ou d'une franchi~ déduite, !lauf s'il est
expre!loBément stipulé dans le crédit que 1'&Muranee ne doit pré-
Art. 32. -
Sauf 8tipullllioD contraire dans le crédit, les
VOIr aucun poUll:t:D\\.alIt: de (III.nCh.iM.
banQUe8 accepteront des documents de transport portant au
l'KW une clause telle que. poida et décomptes des npéditeurs.,
• Jhipper', loed and œunt s, • décllllé contenir IIUJ dires du
chargeur. ou mention similaire.
Art. 41. _ a) Sauf stipulation rentrai ... danl 18 c"'di~, lee
Art. 33. -
Sauf stipulation contraire dan!!. II! (l'édit. les
factures commerciales doivent être él.ablin au nom du donneur
banque! acceptuont dee documents de tCllnaport indiquant
d'ordre.
coœme lIxpédlUlJr de la marchandise une parne autre que le
, b) Sauf stipuJation contraire dans le crédit, les banques peuvent
œnéliciaire du clédit.
refuser les factures commercialëa tlt.ablies pour un montant su-
périeur à celui 411torist! pu le crédit. Cependant. si une ban~ue
Art. 34. - tl) Un duo;uwent de transport net est un document
autorisée à payer, à a'engsler à effectuer un paiement différe, à
qui ne PÇlrU' pu de clauses ou annol.ationa surajoutées eonua-
accepter ou negocier dan8 e cadre d'un crédit, accepte de telles
I.a.Dt eIprnMment l'état défectueux de la marchandise et/ou de
facture-s, sa déeisioD enl'itrll toutes les parties, pcurva que
l'emballage.
la~ite banque- n'ait pu. payé, pris. J'engagement d'effectuer un
b} Let. banques refueerontlee documenta dt' 1ranl~rt po..tant
p8lernen~ diff~ré, accepté ou nerocle pour un montant superieur
de pareilles c1alUe8 ou annotations, sëuf si le credit Indique
a celui permit! par fe crédit
npresaément les clauses ou annotations qui peuvent être secep-
....
c} La description des marchandises figurant dans 1" facturU
commerciales doit correspondre avec celle du crédit. Sur tous
cl Les banques eoneidéreront qu'une condition du credit ni-
les autres document-', \\~ m&l'chllndÎallll peuvent êtn d,j:critr.l en
reMt que le document de transport. porte la mention • net à
termes généraUI qui ne soient plU incompaLibles avec la des-
bord. eat respectée li Cl" doeoœent de trll.Ilsport répond aux
cripucn qu'en donne le crédit.
rondilJol1l du présent article et de l'article 27 (b).
D.2. Doçum-nt. d'.a.Yt.nce
Art, 42. _ Si un crédit erige' une .~testation ou une certifi-
Art. 36. - a) Lee docuœente d'assurance doivent être ceux
cation de poids dans le cas de tranaporta autres que par mer,
que aupuif. le crédit el être émis et/ou signés par dl!9 compagnies
les banques accepteront une estampille de pesage ou une décla-
d'lAurance ou autres assureurs, ou parleurs agenta.
ration de poids IpparaiS6llf\\t cceœe a~ant él1 SppO..H lur le
bJ Le. notes de couverture (.Irrités) émises par des courtiers
document de tr!lJl.8port par le tracaporteur ou par 10D 8lIent,
Ile seront pu. acceptéu, uuf si cela est t:lprusément autorisé
sauf ai le crédit mentionne eapreseément que l'attestation ou la
dans le credit.
cerlir;eation de poide. doit être donnée jOua Corme d'Un docu-
ment distinct.
Art. 36. - Sauf stipulation contraire dans le crédit, ou uuf
1
.'il reuort du/dea do<;umen~h) d'assurance que la eccverase
JI prtnd effet au plus tard à Ja date de mise à bord ou d'npéditioo
E. Diapo.ilion. diver.e.
ou de prÎw en charge de la marchandise, les banques refuseront
! d~ doçumtn16 d'esauranœ pré!lentés portant une date pceté-
t neore 8 ls data de mise à berd ou d'expédition ou de pnse en
cilure de la muchamlise indiquée sur le ou les documents de
tl~port.

Ar!. 43. - a) Les eapreeeioru • environ", • circa , ou i1Lall-
laires employées en ce qui concerne le montllDt du crédit ou la
Ad. 31, - a) Sauf stipulation contraire dans le crédit, le
.,
quanl.Îté ou le prix unitaire mentionné. d81l8 le crédit, seront
document d'u.eur&nce doit être libellé dan. II monnaie du ceé-
interpré!HlI comm" permettant un écart mu.imU[l] de 10 % en
plus ou en moins sur le monUn~.la quant.ité ou le pro unit.s.in
b) Sauf etipulstênn contraire dans le crédit, II valeur mini-
auxquels elles s'appliquent,
11111111. de couverture wuscrite que le document d'&:ISurance doit
j
b) Sauf si un crédit stipule qu'il ne doit être livré ni plus ni
indiquer"t, selon le cu, la valeur C.A.F. (roût, assurance, (rel..
moil1l que la quantité de lIlarchandi!!! PreM:ritt. un k ..rt de
j Jl<Jtt de destination déaii"él ou C.r.P. Ifrl!tJport payé, &8Suran~
5 % en plus ou en moins eers admia même al lee eapéditions
rompriM, jw>.qIJ'i. ..• poInt de destination âésignél de Il mar·
partielles ne sont pli autorisées. mais toujours .OUS réserve que
~lwidist, majorée: de 10 %. Tcctefois, si les banques ne peuvent
le montant des urages ne dépllMe pe.s le monl.an\\ du crédit.
, déterminer la valeur C.A.F. ou C.I.P., selon Je ces, d'après les
1
Cette tolérance ne s'applique paa au CD où le crédit spécifie la
document4 présentés, e1J1!lI accepteront comme valeur minimum
quantité par un nombre donné d'uniu. d'emballages ou d'ar-
i le mnntant le plus éll!vé entre le montant ?Our lequel le p&it·
uclee indIVidualisés.
1filent, l'acceptation ou II négociation est demandé en vertu du
1 aêdit et le montant de la facture commerciale.
Tir'ge. el/ou exp«liUOIl. pertlel.
J
I Art. 38. - a) Lee crédita devront stipuler le type d'assurance
" fl!'Cluia et, le <:llS éebêem, les ril\\qu~ additionn-el. qui doivent
Act. 44. - aJ Let tirages el/ou erpédniena partiels S(lnt
J ttn couwrts. Des ~nnes imprecis tels 9ue • risqua habituels.
lutorisés sauf lItipulation contraire daru le crédit.
ou. riaques couttnUl. ne deVI1Îent pa3 e,re employéa; s'i1a sont
b) Des tJ:péditions par mer ou par pluaieul'll modes de traIlS'
1
, ut.i~, let banques &ecepteront les documenta d'lI.S8urance tels
port mail comprenant le transport par mer, faites sur le mel!le
l que pr&entb, Mns lI.ll&umet o::e res~naabjJjté ~ur tout risque
navire e~ pour le même voj/age, m' teront pAl conaidérées cornille
lion couvert.
.
dea txpéCtitions partielles, même si \\es documenta de UllIIlIport
...bJ A défllut d'instructions spécifi~ues dans le crédit, 1"
indiquant la mise 11 bord portent des daUs d'émi8lion dîfféren~
UIIllqua atteptt1"Ont \\t$ dO("Jments d IlSsurance tels que pré·
et/ou indiquent des parU d'embarquement différents.
9t1ltéa, sans assumer de res~llSabilité pour tout risque non
.c~ Des upéditio,,?s.e.!fectuk!s par la .poate,ne &er~t pa:; COlllη
1 couvert.
dertes comme eJlpO!d,tlUl1l partielles SI les recéplsal!ll postaux ou
i .
les certificata d'up'ditinn pu ~te IpJ)&l'ais&ent avoir éM es·
lArt.39.- Lora(ju'uncréditstipule.lIB8urancecontre\\ou!
. naquea" les banques accepteront un dOC\\Jmtnt d'assurance
tampillés ou autrement luthentltiés il Il mime date aur la place
IXIntenant n'importe queUe c1alJ.Se ou B..nnot8tion. toua risques •.
d'où le crédit stipule que les marchandises doivent être upé-
que le titre en loit ou non • \\.Oua risqu~
diéetl.
>, mime i'i.1 indique
• que œrtaina rillque, sonl u:clUII, SlI.J'S WloIIumer aucune respon·
d) Des expéditiOns effect.uéfl par du mooea de tran$»Ort
, u,bHité ~ur tout risque non .:ouvert.
autNS (jue ceux décri ta aux paragraph~ tb) et (c,l du present
Edlllons Techniques - Jurls-Classeurs - 1900

529
(8)
~l1iclene seront pu oonaidéréeR comme upidiliona partielles,
documents il r-cmpter de III date d'émission aux termes du prê.
a condition que lea documenta de transport soient émia par un
sent article. Si une telle date extrême pour expédition n'est pas
eeut et mfm. tranaportt:ur ou pu Ion llJl.'nt el indiquent la
Blipulée dans le crédit oU un amendement apporté audit crédit,
même date d·~mi88ion. le même lieu d'espéduion ou de priee en
les banquee refuseront ln documents de transport indiquant
chalp dei eaërchandiees et la même deeuneucn.
une date d'émission postérieure à la date d'explTlltion que sti·
pulent le crédit ou un amendement apporté au crédit
T1Tao- alJou upéclilio""
tT.c:tioftnM
ç) LB banque à laquelle lea documentll sent préeentéa le pre.
mier jour ouvré suivant devra joindre aUI documents Bon attes.
Art. 4&. - Si du tirages et/ou u:~ditions fractionnée dans
tation Que les documents on\\ eté présenté!! d~n~ le délai protog,
dei ~riodlll déterminées ecru 8tiPU\\~B dana le crtdl1. et qu'une
aux termes de l'article 48 (a) de. Règles et Ueencea Uniformes
fraction n'nt pu utili~ et/ou expédiée dans la période euto-
ReJaHves au" Ceédus Documentaitea. révision 1983, Publication
n_ pour eeue fraction, le crédit cesse d'être valable pour eeue
C.C.I, n. 400.
ruC\\ion et pour toute fraction subséquente. tau( stipulation
contnj~ dans le erédit,
Art, .9, - Lee banques ne sont pll!l obligées d'accepter la
r.résentation de ëccuments en dehors des heures d'ouverture dt
fun guicheta.
Da'. ut"'IM lM YaUdU' al pr_nlalion
Art. 48. - a) Tout crédit doit stipuler une date eltrême "de
validiW Jl6'lf 1. remiN d" documenta pour paiement. accepte-
Lion ou nl!,oeill.tion.
Art. roO. - a) Sauf BlipulatioTl contrBire dans le cr~dit, I'er.
hl SaUlI rfsel"Ye du dlapcaitiona de l'article 48 (a), les dccu-
preaaicn • expédition. utilieée pour déterminer la date la plus
ment. doivent ëue remit au plus Lard à eeua date extrême de
proche er/ou la date extrême d·expédition serll. comonee CODlJIl!
validi~.
incluant les expreasicns • mise il bcrd s, • envoi, et • prise en
cJ Si una lwlque émettrice mentionne que le crédit r.ers
charge •.
valable. pour une durée d'Un mois l, • pour une durée de Sil
b) La date d'émiaeion du document de transport, dét.erminêe
mois. ou uprell6iona timilaires, maia ne spécifie pas la date de
eenfcrmément il l'arlicle 47 (b), sera considérée comme la date
départ de ce délai, III date d'émission du crédit par la banque
d'expédition,
~mettrice Rra l''1putée être le premier jour l partir duquel ce
dilai commence à courir. Les banques décourageront toute tën-
c) Des expressions telles Que. promptement " • immédiaU!,
tnent s, e le plus tôt poeeible, ou expret!siollJl similaires ne de·
denee à vouloir indiquer de cene façon la date d'espiraticn du
'l'Huent pas
crédit.
être utilisées. Si eUn sont employées, les banques
les interpréteront comme stipulant que l'expédition doit être
Art. 47. - a} Outre la stipulillion d'une date limite pour la
effectuée dans les trente jours de la date d'emission du credit
pr~ntation des documente, tout crédit exijl-eant un ou des
par la banque émettrice.
documenta de lranaport devra éj:a1ement prevoir une période
dl S'il est (ait usage de l'upression ele ... cc vers le ...• ou
exp~ment définie à compter de la date cl·émission du ou des
d'une mention Similaire, les boanqutB l'interpréteront comme
documenta de transport au COU" de laquelle le ou les document&
stipulant Que l'expédition doit hre effectuée dans une période
devront 'tre pritentb pour paiement, acceptation ou négOCIa.
allant de cinq jOUtB ,vanl il cinq jOUtB après la date indiquée,
tien. A défaut de atipulation d'UM telle période, les banques
les jours limites inclus.
refuseront les document&Quileur seront présentés plus de 21 jeun
.pm la date d'émission du ou des documents de transpon.
Dans toue le, c.aa, cependant, les documenta ne pourront. plll
être priaentéa apre. la date d'eJpiration du crédil
b)
Arl, ro1. - Les mots. au" ,jusqu'au., • depuis. et eapres-
Aux fiN des prê&entl articles la date d'émission d'un do-
cument de transport &era réputée être;
siens similaires emr.loyés pour définir toute limite de t.emps
œeeuonnée dans
e crédit doivent Be comprendre comme
comportant J'inclusion de \\11 date indiquée Les mota • après le,
dans le CII8 d'un document de transport faisant la preuve
doivent se comprendre comme excluant la dete mentionnée.
de l'expédition ou de 1. prise en charge ou de la
réception de ecerchandieee pour expédition par un
Arl. 62, - Lee expressions. preenêre moitiê s, • seconde moi-
mode de transport autre Que le transport par voie
tié. d'un mois devront a'entendre comme allant respecuvemem
lIérienne, la date d'éœiesion Qu'indique le document
du 1" au 15 inclus el du 16 au dernier jour d'un meu inclus.
de tranlport ou la date du timbre de réception Qui y
Arl. &3. - Les expressions. commencemera , • milieu. ou
nt eppesé, ,i eeue dernière ut postérieure;
• fin. d'un mois devront s'entendre comme allanl respective.
ii dans le cu d'un document de transport (aisant la preuve
ment du 1"' au 10 inclus, du 11 au 20 indus et du 21 au dernier
d'un transport pal' voie aérienne, la date d'émission
jours d'un mois inclus.
Qu'indique et' document ou, Bi le crédit stipule que le
document de transport doit indiquer la date effective
de val,la dlltt de vol effective qu'indique le document
F. Transfert
de trf1Nport ;
iii dllnB le cu d'un document de tr81lSport raiW1t la preuve
Art. 5., - al Un crédit ~ransférsble est un crédit en vertu
de le. mise il bord d'un navire dénommé, la date
duquel le bénêficiaire a le droit de demander il la banque chargée
d'émiMion du document de ~ranr,port ou, dans le Cali
d'effectuer le paiement ou l'acceptation ou il toute banque na·
d'une annotation de mise è. bord conforme è. l'article
bilitée il effectuer la né~(lCie.lion, qu'elle permette l"ulihsation
27 rb), la date de cette IlIInotation;
du crédit, en tat.alité ou en parlie, par un ou plusieurs tiel'"
iv dan~ le.s ca~ ou fi'applique l'article 44 lb), la de.le, dé-
(~conds bênéficiairea).
termmée comme prévu ci-de!illu$, du plus téeen~ pumi
b) Un crédit ne peut être trans(~ré Que s'il es! expressément
les doçvments de tnnspor! émis.
qualifié de • transferable. par le. banqul' êmeurice, Des ~rllle5
U!ls que' divisible., • (racLionnable., • assirnable. ou • lrsn~·
Art. 48. - a) Si la date d'expiration du crédit eVou le dernier
missible. n'ajoutent rien il la Bilnification du larme. transfp·
jour de. la période de prkentation des documents è. compter de
rable, et ne de\\llont Pail êtR' uti isés.
la daU! d'émillliion du ou des documents de transport, stipulée
danl le crédit ou déterminée ulon l'article 41, tombe un Jour
c) La banque requiae d'opérer le tran~r~rt, Qu'elle ail ou non
où la banque à laquelle les documents doivent être présentés es~
confirmé le crédit, n'aura aucune obli~alion d'e(rectller ur. tel
fermée pour des raisons autres que celles Qui sont visées par
transfert si ce n·nl dans les limites et les f0rmps aUl:queUes elif
l'article 19, l, dat.e d'upiralion stipulée et/ou le dernier jour de
aura expre~sément cunsenli.
l, période. de prêtlentatlOn des docvments è. etlmpU!r de ls daU!
d) Sauf stipulation conÙ'aire, les frais de banque ,é(éren tS
d'émillion du ou de8 documents de transporl, selon le cas, sera
aux transferts 1I0nt à la charie du premier bénéficieire. La
reponrje) au premier jour ouvré suivant oû ladit.e banque sera
ba.nque qui transfère n'aura aucune obligation d'effectuer lf
ouvert.e,
tranafert t.ar\\~ que ces frais ne lui auront pas été payés.
b) La date tltrême de mise il bord ou d'expédition ou de prise
e) Un crédil tre.nsférable Ile peut être transféré qu'un(' seule
en charie ne aera pM prorogée il la auit.e du report de la date
fois, Des fraclions d'un crédit transfétllble (n'excédllnt p8fi au
d'npiratian du cr~dit el/ou de la période dc pnfsentation des
lotalle montant du crédit) peu~ent être transférées sépuémenl,
Edltiona Techniques· Juris-Classeurs - 1990

530
• condition qUI! lea npéditionl partiellea ne ~njenl pal int.er.
Lorsqu'un n':dilll étl transfêlé et que le premier bènéficiaire
dites, et l'ensemble de ces lransferl8 sera considéré comme ne
doit fournir ses propres factures (et traites) en échlJ1\\"M
torulituant qu'ua nullrllnsfttl du trédit.
factulu {et trlUtes} du second bénéficitire mais qU'li ne e fa.i~
Le credit ne peut être transCéré Que dans 1« conditions !p"0
paa sur premi~re demande, la banque qui paie, accepte DU né.
cift~n au nidh d'urigi.m il \\'nception du montant du tiédit,
gode a le droit de remettre II. la banque émetteice llll documenta
dts prix unitaires qui r sont indiqute, de la période de validité,
reçus en vertu du crédit, y compris les factures (at tuiles) du
dt III date limilt de prewnt.ation de. document! selon l'article ~7
second bènéficiaira, et ce SaN encourir de le~p"'!uAbiliœ I!nven
• t du délai d'u'pedition qui, eonjoint.ement ou séparément,
le premier béneüciaire.
peuvent être réduits.
gl SAuf stipulation contraire daM le crêdit, le premier béné-
Le P:Ourctntage peur lequel la couverture d'assurance dcu
ficiaire d 'un crédit transfélllbie peut demander que le crédit soh
iiu!! ef{ectU<l!e peut Ure RugmenLé .!in d'alt,eindre le lIlDntant
transféré à un second bénéûeiaire, dans le mêtoe pAys ou dane
de couverture stipulé dans le crédit d'origine ou les présenta
un autre pll.Ys.
artide~.
En outre, 8IIuf stipulation contraire dana le crédit, l~ premier
En outre, le nom du premier bénèûciaiee ~ut itre ~ubstitué
bémfficiaire llUTlIo le dJoil dl! demander que le ?ll.1emellt ou la
i celui du donneur d'ordre, mais si. selon le crêdit d'origine, le
négociation soit effectué au second bénéficiai", sur la piace où
nom du donneur d'ordre doit apparaître sur un quelconque
le crédit a éu5 tean,félê, jllsqUl6 y cumpna la dal!! d'expiration
document autre que la facture, cene eaigence don être reapectée.
du <:rédie d'origine, el ce !iollJ'lli pr'judice du dr~it du pt!?Dlier
fi
bénéûeiaiee de substituer par lB, sui Le ses propres factures et
Le pnmier béndiciaire a le droit de sub,tituer S~ plOprel
lrBJt#s (le caa échéant) il celles du second bénéficiaire, et de
factures (et traiLes si le cr~dit stipule que des traiLes doivent
réclamer touLe différence qui lui serait due,
!'..n ~irt" sur le donneur d'ordre! ec échUige de cettes du second.
bénéfitiain ~ur du mOIIt&llt.'l ne dép!lll8all\\ paa le montant
initial etipulé dans le crédit el pour les pMI unitaires înltiauI si
C...ion du prodUit du crédit
le crédit en stipule.
Lori! d'unf' tf'1If' lubttilution de taçturu (et. traitf'sl,le premju
Art. 55. - Le fll.il qu'un crêdit ne ~it pu délligné comme
bénéficiai", peut se faire régler ea vertu du crédit la dirtêrence
Lran9félahle n'affecte pea le droit du bénéficiaire de cédf!r tout
uistant le cas échéant entre ns propres Ïecrurëa et celles du
droit de créance qu'il a obtenu ou pourrllÎt obtenir en vertu de
tKOnd bénéficiaire.
ce ~rédil. conjormèœent aux dlspoeiriona cie la loi applicable.
Edillons Techniques - Juris-Classeurs . '990

531
CONTRAT PORTEUR CARTE BLEUE
CREDIT LYONNAIS
~=~~-------- c:\\
POUR MIEUX UTILISER VOTRE CARTE BLEUE
VOtreContral Porteur ~ Bleue défiM 1&lI modalités JUllôiQuElS d'util,gallOn de voIre cane S'l \\e!llslar,ons que >'Qusseral amBns
Il. entretenir !MC le CREDff L'JONI'WS è. IOn BuiaL
I/oul:IlTOUYEIrtll' Ckl8SS0U8 des ll~plicalions oomplémentaJre$ pour mieux prornsr de voIre cane bleua cu CREDIT L'JONNAIS
daN lelI silulltiol'lS preliques 1611 plus CQ\\Jranle9.
Mail ..ctre Bgenœ est loujo\\J~ Il. votre dlsp:lSl1ion pour ~ous /oumir tccte précision Qua vous ssumerez nk_lfe ou pour
aœminer lh'enluellemanl ~ mOdifICations ou compléments d'adhésion plus pœücvnèrement adapté!! il. votre snueten.
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1'") Retlrw de l'.rgllftt
en France:
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• auprèS d6'll guichet3 de banques VlSA III dans les distr,blJlaurs automaliqu83 de billetl VISA connecrëe i leur Centre
d·autorisatJctlln dê"IiMS ~ JlJSqu·è. la Cl'lOU8vaJeur da 2.000 FF sur 7 jours glissants; une commiss,on est perçue I"rs
du débit .n compte.
L'ensembItJ de ces opollt'IIttrns tJ$111MJit4 immédiar9menl IN! compre {$(JUs m$8fYB des ret}16$ ré<;i$$MI1 l'usage l1e le carTl
CREDII.lCJN).
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~ IN! Fr/JT1C6 91 V7S4 dans 1<1 monde Itntier, ecceSSibles li l'aide de .-011'6 CarTe 81<100.
2-) PelWlnnal1ller letI poAtl:Illltlh d',chat
Mn de reodra plus sùr le paiement par cane bleue III de déCeler plus rapidement des utlliulicnli Iraudulltuses rialiWot!l è.votre
insu, cer1aines lrenS.BCIiooe néeeesitenl une autorisation.
Celle-ci est délM-ée par le Cen\\t8 Nallonal d'AU1oriseliQn Carle Bleue Il. l'intérleur d'un plel"nll mensuel d'autorisations
normlJement fixé Il.10.000 F par moie pouf ~ achats M Prence cu è. 15000 F pour les u\\;,li'.lalionsIII l"élraF\\gellll, au-delà, apr"
accord de von agence, (1)
Si vousl'estlm.~ SQuha!tabl., vous pcIIN~Il' demander è.VOIre agence d' étulliltr evecveus le pel'lOl'lnallSlltlon de voe PQMlbUltée
d'achIrt, Il ni "/!Qi! pas d'une evtorise~onde déOO\\NItrT. mais deoér.nillBS modalités d'utilisauol'l de vetre carte Bleue leS mieux
adaptées .. vos bePN,
3-) ~a. _
~r.. 'Iémentall'8ll de tkUrtté peur volra certe :
• Signez le Clirte d" que 'loue en pn!lnez po8MMJon.
• NeQOrrlmunlquex "pel'lOnne votnl code çonndenllel. Ne l'Ins.çl1vezpe& è.proximité !1evolre ça".: le m'eux 951 de l'apprendre
par Œ:IlUf.
• SI vous pef'da ou vous Yeu. faites YoI.r Yotnll::lrte, eglase~ le plua repldltmenl poqIbl. pour 'elre OppoIJIlCll'l:
prévenez YClI"l &geI'lCI Lmmédletlment,
• Ii celle-O est lel'TTlée. léléphonez fWesitO\\ (service plIrmatlltnl) au Centre Nel~nal Cane 81eUlt :
pour Paris. lUI Itl 42 rr 11 90,
pour le Province. lUI 54 42 12 12
et contlrmal 'o'Qtre appel plV écrit il votre agel"lCll.
Une <XlIT1mission 8Sl perçue lors de çheque mi.se lIl1 oppositkln Ile carle bleue,
4-) Votre r.-spooesblilté, peur 189relraitld'espèce:s 'a~, entre le perTeou je vel oe -cire cene ell·opposition. il l'aide de voue code
secret. sur le9 apparei~ sutomatiquEl9. llSI ainsi détermlrlée (arliçle XI du œeuet porteur). llU maximum:
3.000 F 1000s les 2 jOlJrs QlJYf'é:I pour 169 ccëretcre faites SUT les guiçhels ollutomaliquE19 de banqUol du Cred~ LyOllOais.
plu ..
1.800 F tous lM 7lOurs gl~ pour les retrai\\3 enregislrés sur tous IE19 dislriblJleurs aUlomsliques de billet8 des tlanques canee
Bancaires B1 Cat!es 8leU811 ()' compri$ le Cred~ Lj'OI1nais),
plu" ,'U '1 a lieu,
2,000 F sur \\11 même période pour les ralrails effectuéS SUI ln dislributeu~ de bi!lllls VISA à l'étranger.
Nous vous rappelWll que toujours o'après 1" arIicle Xl,'o'Qtra respctl'l!labiHéBSllimitée è.3.000 F maximum, pcIur las ac:hete eHectués
che~ IE19 commltrçar'lts .~ec Irel:>pe du c:ode socret.
,., SOUecrtve:llà SECUAIUON; veU3~oU9protégerltzcontra i"ul'Ii'.lalionlrelllluleUo5ltdevoscanE19elçhéqu,.reè.conc:U/lllncede
3,800 F par lIiIIistre, ainsI que contre 1. vel a..- aglession. d'espèçes (3.000 F) B1 de papiers d'i(lenlilé (1.000 F)!2l. Cirice il sa
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CI_ P...............Cr8di_.
(il ~ --=r&. ~ ,.. l'UNAl'"
131 ..........-ce ....ocnor "'''"'" ,.. l'Eu~ de - - . ..IurIdIq.-
1.>Souomllr ~ del·U....."

532
EXEMPLAIRE A REMETTRE AU POATEL:,~
CONDITIONS GÉNÉRALES
SEIlVla:S ut! A L.A e.t.FlTE
,UlT1Clf)· 06JET DES SERVa:S
· le~ servieasll\\lcMs t lecarlebleu8ca SOlIl cles!in41 à 'iICif~e( ~ pajellHI!1I$,1e!I rellailll, r"'formaliOl'l
Sl.;'
lei çanpl88 Nr1C4Ires el Ieo<r Çesllon. Il. lO!\\\\ Inrib~41 lu1omauq~8m.lI\\. lb peuvent llw
cc,"~lI!lllt etleurt condl\\lOl1' G'IIt,ii$allOl'l ilvo/l,lel en10I'\\Cbcfl desPi'OIiIfÈli tectlmquee t\\I pWt améliorll'
!I ,1ItUr«! œe lrill1.atllON pli Ull.1
-: ,olre. ternes s:lf'IllCC&e5lblll!l .ur opli:xl : ù sont d~~ntl SUl: conclf.lctlS panieulillfes.
AF. -cie Il • FONC"TIONW.UTtS DE LA CARTE
· Er ~11H;e P'l'JI la Cill1a Na\\ion~ ele" plU! à l'é!ran~. dall' le respeet de la rèo;lemenlltioll des
~~.a."'98~. pour ta Carte Intamallonale .
- réglet du acll1lu 4lI bierll el dt tIf'l'ica IL/l commanran" autoris" tI'IIchant le S'9ntl ce ou
l'emOlème VISA bkoU blanc ocre. clans lei cer4~(lIIS defTKInlanl minimum qu'iII indiquent etd'un
moolMt maximum ô'ériooiqUll qU'le CREDIT OONIWS précise par ailleul'1.
· "'..:lue, des rll'\\l'aits d'asp«_" monnaie loca.lB Buprk ~" e~Il'/IC8S dee élabbMm6Tlls 4lI
cnlll~ el on d'-'lribut8UI'1 llI!OlTIaliqU" c.. blUets (je ~I all"lCh,w lllaM;ln& ce ou l'embléme
VISA ou loun Iwe in/orm.l.luJn pI&c;IS&ITlI'aa::eplli1ia1 de la Carll Bilui CS.dlU\\ll 181 conditions.
nclammlnt dl mOl1lar,1 moUlmum Qu'ill d~lrmlnent.
· En F!1IIœ, s~r III guicl,eI, 11Il0lllIliqua du CREDIT l'l'ONt-WS Ilhé1 ~ l'ordinateul :
· rl~rl1' ~ 00I:I IIMCS maximum par période dl iSelJx joul1l ~I oonséeu1ift dill1s la lim~e dIS.
diSp;If'lIboirtlis ëu oompte :
· oblenll le position Ou comple. le relM des dfrn.llIet &c;ntu!Q InrIQ151r11u .
· .tleeMlr dll d~pOU O'sspèca Il de cnèquEII (C(lératIOO' mises progre$SNemenllll'l M.....lCei La
reeollnllSSBnœ des d~po)U IftlCtIlIiI par leCREDIT l'l'ONNAlS !ail1euilprelNeenueles pill1les
de IeYr ClJl"6lIWICI. LIS chêqu81 1iOI11 e~M:t soua lésI .....e d'an~menl :
· oriterlll d'au!rss .......rcee, pfllelNS dan. lM diIIl/WI ~mlntalioM tlCr,~iques du CREDIT
L'I'ONNAlS.
AATlC1...f 1\\1, PERSONNALISATION D! LA CAATE
La eat'li 18511 1. pt'opriét~ personnelle du C"EOlT l'l'ONNAIS.
~1~ est nutTlllrolée &1 rifflilUe du notn du porIlUI l Qui elle llSI. délivrée el QUi Ood: Y IppOSIr
dT'::Jéd'alement SI 5'9natJ.re.
'Jn 'um$nldl COOl p&~nll es! communiqué confidentielllm.nt IUporilur SI m~eln atlNlI ttirll
~eellMirl Il wllis&r1le pour.tlectual da Tllrlib sur. appareils dl o',stribu11On Il des plliamena
'ur œrtainetamllnlLll de paiemanl, ~ dort oltr,l'f.NU ABSOLUr.lEHT SECREl" par le porIeur QUI nI
«,ll'inserlre sur Iueun da:vlNlrtL
MODAUTtS D'UTIlISATION D! LA CARTE
AR";"IC1...f IV, RETRAITS D'!Sptces DAHS LES APPAREILS OE DISTRIBUTION
, ~es montant.' des r&\\lW InrlQiltrés par Cft 'llPIl1ils sont débrtés ilion l'~ indiquée lUX
x'lcntions particulières &1 dans la d'11I& hlbfI\\Jele IWl IWes modes de rww d'all** (lecas
te.,éant après conWlrsjon en frlll'Ql.
ARTlC1...f y,RET1U.ITS c'eeeëcee AUpRèS DU QUICHETS DE! FrAaussEMEm D! CREDIT
· c@ retTl~ il'aJde de la '1Il1e Carl, impliQ~ l'BlXtlI'll té\\9phon;~ue duCentre ~atlOl1Il Carll Bleue (dss
~nillClnt i prtvoillll'l périOOft dl polnles lllou œlon lespa.... ilY le IIl'IrIlilesteNlClut)tinsiQUI If,
1.;,iI!uII d'un l'tIÇ\\J parle 1itulllIrl d'Ia carll,
· ~, t'8trail • raidi de la eanl &1 du c:l1èq~l!K' c1él1vrés au mêma trhJlllIrl llSI. pœ.tible chez certain,
;~!blilalmenu el ilion 1@'IIr! ProcédUIW pl'Oplss.
,~11 tVlrllts, pour des raitons de 5écuntê, IIOnlllm~" ln monlBr'll par pérJx\\e.
ARTIClE '1\\, PAIEMENTS D'ACHATS Dt: BIE~S ET DE SfRVJœS
, La carte nedort êIf, ulilislie ~UI poulIl pailmtn\\deo;en5 Il deserviee!J rIiel'4ml~t tcquillouelflCMll.
· Selon~'4quipemenl du Cllmmlrçan~ l'ordre dl paiemtnl OOI1n1l lJJmoyen dt Il cwll est mllériellM
ptt 1'6m,$.Iion d'un llck&l ou d'un, lac!urvtte, l'IIidélll solip&r la signerur- du porteur!$il1ItIllrJdont
le Cl;lOlIl'~t dod. vérifier laoonlomrt6 tvllC le 'peon"" d6l;:œ6 $lJr ~ carte), I0Il pif ton'I\\XlIition
dl son code wcrvl (danl ce CIl, ta si9~ III égelement tVquise poul' les IrII\\saclil;lnIllIpétieul'll
i 5 oo::l F),
L':lfllre IillSi donné est '~Ie, Mur cu d'~ conlonnèment i rl/'llCll x.. Le CREDIT
l'ltlNNAlS n, peutdonc\\lM Clllll9\\8 d'uni ~ d'orclrt ln:Ili'o'ée p&r un dif10lrtnd CO'Tlmerc:ial,
.u~uIIIII tou11 hypoth6se ~ resll'l1vIQlr, tnhle porIelll' oulelltuIIirt duOXI'Iple Ille comrnt!';:lnl
,Ln pajemanb sont cUOiljs $lion roplion ~rtI'llUX condllIonl partlcuI\\il'll.
Neanmolns ln cu dl ~ dU d'i/lcIpW:lI6 JUridiqIlI du porIIur dl Il earttou dulIlulalrtdu c:orn;Q,
4'ineidtnlS dllcineliOtIIIlmtfll OIJ dt elOture du~, d'utifl:utlon ibIle;.. tlt Il CItII, Il CREDIT
_.L~SalalacuKé4ed'bileriIM1'c1ie1emem_dg,dkisiOnQuiSoIl'IIlor1ootil\\ieparslmpie
, DiWle eu 4'achatsou prestlt/oos dl S$lVIœS par CCIlT&$llOl1danee, pwt616phone, pli" mll'litel O'J ail"
<)es lPPtteila .1IlCN"l"lIIKiutt, il CREDIT L'ltlNNAlS &SI 1\\IItIriN • d/ltlrter le tomple lU YU œs
trlt19istremlf1U ou r&levés d'ordres lransm/s par le 1;OIIIlflI(ÇInl, même lf1 l'IbMnee da !IdlJrss
IIÇn," P8fle porteUf ou d'usagll* lui dl Ion codette:r8l.
, LIdlilail dIlIdépensesCarte BleuiIlgure $lJr lertlev6de:! oloftura~ ~ment aulil\\IllIire.
lJlTJCU: VU· Rt:GL.EIlf.M'TS DES OPtRATIONS uncruWA L'nRAHCD
· b 11:n14'bitêl illoI1 roption etJoi&iII,lprM aIrIYIIWl tnlr1nc:l dl ledIYite depalement pIlI"leCent1t
lf,1~ plwn\\llleur, lU o;lUI1 Œ d'!f.ngI da ehèqussdt ~ 6l&. dite de traillll\\lnl pli' CI
""'".DISPOSITIONSSl'taFloUE9AUXol'tRATIOtISSURAPPAfŒUAUTOMATIQUE!
ART1Q.f VUI • PREUVE [J RESPONSASrt.JTf:
· L8I If1registrwments SIlr support irllomWiqul da lIppIrIfI! 11IlonMtlqoes O'J leur reprod\\IClIlln
constituent Il pr8IMI d88opérations IIfllC\\UMa ilII c::vtllliajustl1icaliOn dl leur irftputIllot1lJJcornple,
· Poul' ftm~1f ., r!sq"", d'lIlillsa!lon Ir1uduleust, 1lcart1 SIislepar un8ppII'IlI ptulllf pli Mrt t1SIiIuéI
llU 6trt rtndue Inutillsel>ll.
• Le CREDIT OONNAIS l&r1II respclIlIIbII dea perilS dIrlICl8s Ule:! P8fle pM8Ul' ou ••1~,)
ducomptl'** IMI mlwais fonctlcwll'ltmemde,. &ppIl'8i11 de<flslJ1llWoll CI\\lI n'IUI'BII. pu *" 1Ig_
pl!J url mtuI!ll!XI d'une am mqière YIsibIil.
· l.a rtSpOrlIIbiRtil du CREOO U'ONNAIS poI8' fllilcutb'l «roMe c!u molli. lI&r1I irIItM lU lr'IlIKI/ll
~ 6 tort lU cornpllaîllSi qu'lIlJ. ~ l6gIWl Ill" 01fI'OTt.v'4.
. li. ra;xmIb~1bI du CREDIT OONtQ,lS "1ÜJ1ta JcnqUlIe por!'IUr 1Ul1. e.on1ribuIi ililluti.
OPPOSlT10M3 • RUI'ONSABllJT'I;
.tJl'TJCI..! lX ' RECfVABIUTt DES OPPOSlTlONS
· Seulea sonl rllC8Vlbl81 les opposlI'mt~Int lIlOIMelIll&r Il pelta ou le \\'01 dt ta eaIIB, M
sou&ll.ction llIf un mlmbre de Il famine ~~ p::rllur, le !'9dr_menl ou la rlQuidetlon judl:i&ire 0-
,,",,~,-~-,~ ~~ I"(".'~'d 10 ~":o_~~'

533
ARnt\\.E x·1Il00AllTtS OES OPPQSrTlOItS
• Lapelle,levol 00Il so.mraC'lion delacan&~l Mre ;",m~iJlemenl dédaréll, 1'rIC. de ~eréf&r'lce
eanmunical~ w numéro de cart.:
.• uneaqanta qU'~Clue dlJ CREDIT L'rUNNAIS. pendill\\tses hll\\Jree d'DI/V8r'lure, Pflle moy.
du Mléph0ll8, \\&Jex, lél~rM1m. ou écm rem~ 1ur pl.ace,
, 00 au canlfa Carle Bleue ouwl1 en permi1ll$/lCl!. aux numéros:
(1) ~~ -nll 9000 54 42 12 12 (eu \\- JULn 1991).
· li ~aralionnonsignee dQrt êUeconflm1iH1 irr,m~;1Il8ment p~r pl1 reoommandé 00dè;>osé' l'I~er:
qUIli&m le romp!a BV!lC remlloe. en c.a1 de vol.du rècl!plue dedéclaration i la policeO\\l lU Ç'Cl/1S~:,:
En CQ Qt eotIl!l$\\al>()l'l lUI la dala da rœcœœo. "'IHI8Sl répullwel1ectuéai la dale de ,ql,';'
du pli.
_l'enreglstrem'n1 de l'OPPOSLl'OO pooviIl11 êlre d,mano" paT !él~ona. léle. ou lél'!lramme
CREDIT l'rUNNAJS ne ,",Ylad &llttenu po.
85po11saole eee eotIseqUt'lCSS d'une opposrtlOn air,
10llTluliHI Qui n'émanerait pas du por!tM ou du tauleira du compll,
,TeuteO\\'IXlsrtion Intraina l'il/1nulatlOn da I.a carte qUI aien ,ara 5usceplible d'ê'tre 'Im~lacée ave-
l'accord du C~EOIT L'roNNAJS.
ARTiClE XI· RUPONSA81LITt DU PORr R DE LA CART!
Le porteur eSl respon$o1ble dl rulili~at'on at da la conse~atlOn de sa carle Si l'utlli5al'00 n ~I pa:
conlon-M au conlrat ou au sY'tèma dl pa.emenl par cal'le. le CREDIT l'r1)NNAIS peul prendre 10U:,
mnure tl1C~ntqua vlsanl il empllc~al lou\\e (l()yvelle "'-11'sanon.
En cas Ifapposifior1 eNectyée coolorm~men! il rarlJcle X. la r~pon5ab.li!é du pœteur nl
d6Qlgl!ll pour tooles operations posl't1eurel (palemenl5 che: les commefçMlS et relral':
d'a3péces), il l'elCe~"oo de celles eNsel....1 pa: lui·même ou ~ son irllitigatloo. eu par nlle·'.;
ou son Imprudença oans le gardl de laUIIe eu de son t:l;Ide,
limilêe poor les Of'liratlooS Irauduleuse3 anléneures :
, il hauteur de 600 F mUlillum. pour let 3ChalS aNecluè' c~e! leseaTlme~amt 9<U18 Irape,
du ecœ secret el dl 3 cœ F ",,Illmum pour lesad\\at!I etlectl.lé5 ....lle Irappe du coœ 5l!CI'e!
il n8U1eur des plalands~rodiqU8' oe l'llh'a~s d'u;:lé<:a9 eensles a(lpate0\\9 oe dislTlbutt()r
dl billets fi auprès dei ag.nc" des 'lablissemenls de cl'lidrt :
. engagMJ&/\\& limrtalHln de montant en cas da lalIIe ou imprudence dM' Il gardede Il carieO.
du c008 lseret , \\l\\iIitlllion ~II yn membre dl ta lamilll .œcœuco tardrYe.
ARTICLE XII· RESPONSA8lUTt SOLIDAIRE OU OU DES TITULAIRES OU COlfPTE (non porteur1
dl Il tlrtll
· Le ou .1Ilulair" du comptl el le porteur ,.;)r,t l.ohd8Jremenl et indMsibletll8tll mPCM'f&bles cee
COt'séqU&r'lCü flr1anelèm raeultanl de l'utilisallol'l !II dl la COt'se~eûoo de le eat\\.I.
~'me encas dl riH'X<It'oo du COt'tral parunc:es titulaire:s11ll corn~te, eu /111 cas de clOture du ccmple
OIJ M L1lInoncialHln M la o:lI'Ivenlion de ccm~le collectil CIlJ join\\. la rlsponsabililrl du O\\l des lilui8lre!
du compte ni C8S808 QU'1ond.Il Inlill,ltion de lacarte ou "" dl 1( dlta d'KnétnCe.
DIVt:RS
ARTICLE XIlI • OURtE DE VALlDITt OU CONTRAT er OE LA CARTE, RE~OUVEl.leME~T ET
RETRAIT DE LA CARTE
· Le cootrelll5'l COt'clu p-our uneduréeirldéterminée. nes! dè"o~abl& ltool momell1 par leporteur, 111(5:
litulaire(t) du compte ou Il CREDIT LYONNAIS, par simple coum." $lII'11 préavis ni mot~ ~ foumir.
· En o:lI'INquenœ ~ carte,Qui ccmQO(fe unedated'écManee inscr~e surson !Uppoi't, $tira renouvelé-e
automltiquement avant son IicMlnte, tlIuf.n cas de ~Mo'IClallon prrlalable duccwu. En Outrll elle
~ 'IN Immédiltem.nl restituée par le porIlur ellou le(s) tiMaire(t) du OOln~te, tn cu d~
~lliondu corIIl'lt .. n5i qu'en casde cJOl:urt dIJ compte, ou de ~nonci.1iorI dt Il eot'MIntion du
etmplll cclleclll QIJjoim, ou rrlvccatiOn du trl&l\\dlt f* le(s) lilul.llirl(s} du compte.
Le porteur peul de~'" IIrempleeetll8l'11 ou Il nlacli'talion dl Il UIII doot le miçrcdrt:u~ tlIrM
dewIlrnl nvtilisllble.
ARTla.E XIV· Rt;CL.AIrlATlONS
· Lei ~ntil el irlIoonltlOrll I9la!NI lUI ~r1.liorIe Cme BlelJe seront CO!"tlINM ~ar le CREDIT
L'rONNAJS ptnd&nl un 111. Toule Nclamellon 001ttnllormulée dll/lS Jel 120joul9 eurv&r'l\\ Il \\1Ite d~
19.... dl ccmp\\l portant trllCl clIl'opiralion o:lI'Itm".
Lespar\\Jela(lpol'llm Jeu" tll8111IUI1 soina il'inform8l1liciproquematlllUI Jetcoodltione d'PkIItlOl'
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ARTlQ.l! XV· COMMUNICATION DE M:NSfIQNElfENTS A DES nm
, En easd'lII~is.tlon ebu~ ou lreuduleutll lie le. carte, leCREDIT L'lONNAIS paul ClX"lT'uniquer lia
Banque de Ftantll el œllKi eux pel'$O(1nes ou entrepriil8t ou otganismes habil~" • m liréS de •
ctlèqll$S qui tr1llll'llill demande, leI informltions conctmll1lle porteUf tlle(sl titulairv(s) du compll
Pour 'acilitet Il lraiI'Il'en\\ du transeClionl ou la récupérslion <il Il carte, le CREDrr L'ItlNNAlS pallt
communiquer lUX ccmmlfÇVlts. ;,stitutic1n9 Mantlérat el ol'Qi1IIiilmn lfçhniqun 'rrtéress43 ay
Ionctlonnement de eelle-Cl, lesmenliQr1' ligurant Sur SOI'l eupPO/l ainsi que l'adr$B$l du por\\II6 ~ue
IIIcarte asI mita tri llpl)Olitjon ou utiGs"abusivlmll'll ou frauduleusement.
ARTla.E XVI • TARIFICATION
Ladélrvrance dl la carte donnl Geu , lXIliteliorl Iortailairt annœlle, payable d'mnee el ~Ie
ch~ ann" 'Ill dA'" anniYersail' du tonlre1.
La opéralla1a parœI'l8 peIM~tlupjXlrter une COTlmislion. TOII' I9n1lW;1n8l'lll/lls' C8Irlgan:l-SOrll
foumis pa: Il CREDIT OONNAJS dlll'lll189 1\\l'll1lC8S ou c\\anlles docUllIInli ~abrtutla d'inlonnaticn,
CjlMIIe porlIlUf elle(l} tilVlair8(~) du COl""IJIt ptltVetll COrlIUftef Il lIlY1 momllll.
lM IOlIIlII8t dues lO'll prélevées al/lomellqulmenl aur Il eornplt.
ARllClE: M . WtCTION8
· Toulll8a(ll atMII'ou lreu::lull\\Jll de la cert&lI5'l pullbIt iMlIflC!IonI pr6Yues par1I1c1.
· Toualreia el _ . . . - dll8lXIU'<flImenllort:é lO'll li lacharge du pr:rtIul' "du (dei) lIll.rlalre(a) du
ample aOldIlnlmllnl
· Lamontlnl Ô8lI opéreIIcns ClUI ~'a pu MIll débllê au ÇQITlpl. IUpportl lln .IrlliWtt de 1,5"" p8I' tnllb.
.AR1'KU X"fl'iI.MODIFICATIONS DES CONOmONS ou CONTMr
· LaCREDfT L'rONNAJS M ré:serve le droil d'appol18r des modll\\cationl lllIX COIIdlIlona du e:tll'IIJBl Q'JI
Ert'f1t >'Orlêta il Il CO!"ni1lSWIel! du >'Orleur e1 du (des) lituwrelsj du ccm~te.
c.e modiliclllioot leur 8lllOOI O\\lpœab. unmoillIpfb eelleinlormtliOn li Il eat\\.I ~'8Il pllII rvsUtuée
1" CREDrr L'roNflAIS dans ce oé'!i

- _ . -
BIBLIOGRAPHIE

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- obs. sur Paris 28 oct. 1967, R.T.D.Com.1968.101.
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d'opposition par le tireur? J.C.P.1946.I.569.
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- obs. sur Casso corn. 22 nov. 1977, D.1978,I.R.342.
- obs. sur Paris 24 nov. 1977, D.1978,I.R.341.
- obs. sur Casso corn. 3 avr. 1978, D.1978,I.R.342.
- obs. sur Casso corn. 4 juill. 1978, D.1979,I.R275.
- obs. sur Paris 13 nov. 1978, D. 1979.IR.274.
- obs. sur Casso corn. 4 déc. 1978, D.1979,I.R275.
- obs. sur Casso corn. 3 janv. 1978, D.1978,I.R.338.
- obs. sur Casso corn. 23 janv. 1978, D.1979.1.R.273.
- obs, sur Casso corn. 4 juill. 1978, D.1979,I.R.275.
-obs. sur Cass.civJère 18 juill. 1979,D.1980,I.R134.
- obs, sur Riom 4 juill. 1980, D.1981,I.R.303.
- obs. sur Casso corn. 5 nov. 1980,I.R.3ü3.
- obs. sur Casso corn. 13 mai 1981, D.1982,I.R171.
- obs. sur Paris, 14 juin 1983, D.1984,I.R.69.
- obs. sur Casso corn. 26 avr. 1984, D.1985,I.R.31.
<obs. sur Paris 150ct.1986,D.1987,som.69.
- CABRILLAC Michel el RIVES-LANGE Jean-Louis:
- Ene. jur. Dalloz, rép. dr, corn., 2è éd.. LV, V4 Virement.
- Enc. Jur. Dalloz, rép. dr. corn. 2è éd., yO Titres-restaurant.
- obs. sur Casso corn. 21 nov 1972, R.T.D.Com.1973.118.
- obs. sur Paris 5 janvier 1973, RT.D.Com.1973.31O.
- obs. sur Casso corn. 11 déc. 1973, R.T.D.Com.1974.309.
- obs. sur Lyon, 19 févr. 1974, R T.D.Com. 1974. 129.
- ohs. sur Casso corn. 12 nov. 1974, R.T.D.Com.1975.334.
- obs. sur Paris 3 janv. 1975, RT.D.Com. 1975.151.
- obs. sur Casso corn. 14 avr. 1975, R.T.D.Com.1975.881.
- obs. à la R.T.D.Com.1976.768.
- obs. sur Aix 2 oct. 1975. R.T.D.Com.1977.753.

542
- obs sur Paris 12 avr. 1976, R.T.D.Com. 1977.143.
- obs. sur Rennes 4 mai 1976. D.1977,I.R189.
- obs. sur Douai 6 mai 1976, R.T.D.Corn. 1977.129.
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- obs. sur Pau 25 mai 1985, Banque 1985.1071.
- obs. sur Paris 28 mai 1985, Banque 1985.965.
- obs. sur Casso corn. 22 oct. 1985, Banque 1986.191.
- obs. sur Casso corn. 18 fév. 1986. Banque 1986.923.

549
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SOUSI
Gérard,
La
spécificité
juridique
de
l'obligation
de
somme
d'argent,
R.T.D.Civ.1982.514.
- SOUSI-ROUBI Blanche, Enc. jur. Dalloz, rép. dr. corn., 2è éd.. t.Il, v' Carte de crédit.
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V
Action directe.

550
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STOUFFLET Jean el CHAPUT Yves, note sous Casso corn. 17 nov. 1981. I.c.P
1982.11.19766; éd. C.I.,11.13762.
TARDIEU-NAUDET
Danièle,
note
sous
Aix-en-provence
2
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- note sous Paris 17 juill. 1894. D.P.1895.II.25.
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La
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de
change-relevé. de
l'influence de
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- Le pouvoir de la Banque de France de prendre des règlements et d'édicter des nonnes
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- Les garanties indirectes. rapport au colloque de Deauville des 13 et 14 juin 1981 sur
l'évolution du droit des sûretés, Rev. jur. corn. n' spécial, fév. 1982.104.
- Le paiement électronique, aspects juridiques, J.C.P. 1985.1.3206.
- Un grave problème d'application de la loi Dailly, 0.1986.73.
- Rélexions sur le crédit documentaire à paiement différé, à la suite des arrêts de la
Cour de Paris des 30 avril et28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse. allemande et
italienne. 0.1987 chrono 59.
- note sous Casso corn. 21 nov 1972,0.1973.265.
- note sous Trib. corn. Belfort 5 oct. 1976, 0.1977.168.
- obs. SUT Rouen 26 nov. 1976, D.I978,1.R.307.
- obs. sur Casso corn. 16 et 23 mai 1977, D.1977.1.R.397.
- obs. sur Casso corn. 20juin 1977, D.1977.1.R.451.
- obs. sur Besançon 24 juio 1977, D.1978.IR.107.
- obs. sur Casso corn. 22 nov. 1977, D.1978.I.RJ06.

551
- obs. sur Casso corn. 3 janv. 1978. D.1978.I.RJ06.
- obs. sur Casso corn. 3 avr. 1978. D.1979.I.R.139.
- obs. sur Casso corn. 18 mai 1978. D.I979,I.R.140.
- obs. surT.G.I. Lille 4 oct, 1978, D.I979,I.R.137.
- obs. sur Casso corn. 21 nov. 1978, D.1979,I.R.356; Jour. not.(rép.Commaille)
1979.156.
- obs. sur Casso corn. 4 janv. 1979, D.I979,l.R.357.
- obs. sur Casso corn. 30 janv. 1979, D.1980,l.R.15.
- obs. sur Aix-en-Provence 15 fév. 1979, D.l980,1.R.379.
- obs. sur Paris 7 mai 1979. D.1979,1.R.357.
- obs. sur Casso corn. 12juin 1979, D.1980,l.R.216.
- note sous Casso civ. 1ère 18 juill. 1979, D.198ü.l72.
- obs. sur Trib. corn. Paris, 17 janv. 1980, D.1981,l.R.25.
- obs. sur Casso corn. 2 déc. 1980. D.1981.1.R.352.
- obs. sur Trib. InS[. Toulon 15 fév.1981, D.1981 ,I.R.506.
- obs. sur Casso corn. 13 mai 1981, D.1982.I.R.241.
- obs. sur Paris 3 juin 1981, D.1982,I.R.127 .
. note sous Casso corn. 17 nov. 1981, D.1982.257.
- obs. sur Douai Il déc. 1981, D.1982,I.R.501.
- obs. sur T.G.I. Paris 13 janv. 1982. D.1982,I.R.501.
- obs. sur Douai 27 janv. 1982, D.1983,I.R.466.
- obs. sur Paris 27 avr. 1982, D.1982,I.R.499.
- obs. sur Rouen 8 nov. 1982. D.l983,I.R.406.
- obs. sur Paris Ier févr. 1983, D.1983,I.R.409.
- obs. sur Trib. corn. Lille 30 mai 1983, D.1984,I.R.266.
- obs. sur Casso corn. 5 juill. 1983, D.1984.1.R.267.
- obs. sur Trib. corn. Paris 8 juill. 1983, D.1984,I.R.92.
- obs. sur Casso corn. II oct. 1983, D.1984.I.R.306.
- obs. sur Paris 18 nov. 1983, D.1984,I.R.267.
- obs. sur Paris, 13 janv. 1984, D.1984.1.R.306.
- obs. sur Casso corn. 16 mai 1984, D. 1985,I.R.329.
- obs. sur Aix 18 juin 1984, D.1986.1.R.326.
- obs. sur Trib. Corn. Paris 26 sept. 1984, D.1985,I.R.342.
- obs. sur Paris 5 déc. 1984, D.1985,I.R.245.
- obs. sur Paris 21 déc. 1984, D.1985.I.R.344.
- obs, sur Casso corn. 29 janv. 1985, D.1986,I.R.328.
- obs. sur Casso corn. 19 et 23 avr. 1985, D.1986.I.R.327 et S.
- obs. sur Colmar 14 juin 1985, D.1986,I.R.219 .
. obs. sur Cour de justice civile de Genève, 16 juill. 1985, D.1986.I.R219,
- obs, sur Casso corn. 16 juill. 1985, D.1986,I.R.313.
- obs. sur Casso corn. 22 oct. 1985, D. 1985,I.R.215.
- cbs. sur Trib. com. Paris 23 avr. 1986, D.1987 .som.292.
- obs. sur Casso corn. 28 oct. 1986, D.1986.592.
- obs. sur Cour suprême du Canada, 5 mars 1987, D.1988, som.lSô.
- obs. sur Trib. com. Nancy 8 janv. 1988, D.1988, som.181.
- obs. sur Riom 14 déc. 1988, D.1988,som.334.
- DOle sous Casso corn. 8 oct. 1991 (2 arrêts), D.1991.581.
- VEAUX Daniel, Effets des conventions à l'égard des tiers, jurisclasseur civil, article 1165.
fase. 1.
- VEAUX-FOURNERIE Paulette:
- obs. à la Revue Ivoirienne de Droit (RLD.) 1975,3-4, p. 40 et s.
- cbs. à la Revue Ivoirienne de Droit (R.I.D.) 1977.1-2, p. 76 et s.
- obs. à la Revue Ivoirienne de Droit (R.I.D.) 1978,3-4, p. 145 et s.
- VERMELLE G., nere salis Casso corn. 23 avr. 1976. D.1977.562.

- VEZIAN Jack:
~ La responsabilité du banquier en droit privé français. jurisclasseur Banque el Crédit,
fasc.â, 2è cahier.
- note sous Casso corn. Il déc. 1973, D.1975.64.
- note sous Paris 3 janv. 1975, D.1975.743.
- note sous Casso corn. 2üjuin 1977, J.C.P.1978.1I.188ü8.
- VIGNES Daniel, Organisation administrative du contrôle des changes, in Le contrôle des
changes. Ses répercussions sur les institutions juridiques, Paris, Sirey 1955.
. VINEY Geneviève:
- L'action en responsabilité entre participants à une chaîne de contrats, Mélanges
Dominique Holleaux, Litee 1990, p.399 et s.
- note sous Casso Ass. plén. 1991, J.c.P. 1991 éd. G.JI.21743.

TABLE DES MATIERES

553
INTRODUCTION
p.l
1.
LES TRAITS ESSENTIELS DU CONTRAT DE MANDAT
p.9
A.
LA FORMATION DU CONTRAT DE MANDAT
p.9
I.
Les caractères essentiels du mandat.
p.9
a.
Le caractère représentatif.
p.9
b.
Le caractère "consensuel",
p.ll
c.
Le caractère intuitu persona.
p.12
2.
Les conditions de validité du mandat.
p.14
B.
LES EFFETS DU MANDAT.
p.I5
I.
Effets à l'égard des parties.
p.I5
a.
Les obligations du mandataire.
p.15
L'obligation d'exécuter le mandat
p.15
fi
L'obligation de rendre compte
p.IS
b.
Les obligations du mandant
p.IS
d.
L'obligation de donner au mandataire les moyens d'exécuter sa mission.
p.IS
L'obligation de rembourser au mandataire les avances et frais qu'il a
faits pour l'exécution du mandat.

p.t9
L'obligation d'indemniser le mandataire des pertes subies dans l'exécution du
manda, (art. 2000 C. civ.).
p.I9
L'obligation de payer le salaire convenu.
p.20
2.
Effets à l'égard des tiers.
p.2D
a.
Les relations du mandant avec les tiers.
p.21
b.
Les relations du mandataire avec les tiers.
p.23
Il-
LA NOTION DE BANQUIER.
p.24
Ière PARTIE.
LES MANlrESTATlONS DU MANDAT DANS
LE CADRE DES MOUVEMENTS BANCAmES
DE FONDS.
p.32
TITRE 1er.
LES APPLICATIONS DU MANDAT,
COMMUNEMENT ADMISES.
p.34
SrrITRE 1.
LES MANDATS AYANT POUR OBJET UN
ENCAISSEMENT DE FONDS.
p.35

CHAPITRE J. L'AcrE CONFERANT LE MANDAT D'ENCAISSER.
p.3?
SEcrlON 1. L'OUVERTURE DU COMPTE BANCAIRE.
p,38
SEcrlON II. LA REMISE DU TITRE DE CREANCE AU BANQUIER.
pAO
§ 1.
LA fORME PARTICULIERE DE L'ENDOSSEMENT DE PROCURATION. pAl
A.
LA MENTION EXIGEE.
pAl
8.
LES DIffiCULTES SUSCITEES PAR L'ENDOSSEMENT EN BLANC.
pA2
§ II.
LES EfFETS PROPRES DE L'ENDOSSEMENT DE PROCURATION.
p.44
A.
L'ENDOSSATAIRE REPRESENTE L'ENDOSSEUR.
pA4
B,
LE MANDAT CONFERE PAR L'ENDOSSEMENT NE PREND
PAS fiN AVEC LE DECES DE L'ENDOSSEUR OU LA
SURVENANCE DE SON INCAPACITE.
pA5
CHAPITRE II.
LA SITUATION JURIDIQUE DU BANQUIER ENCAISSEUR. pA?
SECTION 1.
LES OBLIGATIONS DU BANQUIER ENCAISSEUR.
pA?
§1.
L'OBLIGATION DE PROCEDER A L'ENCAISSEMENT,
pA?
A.
L'OBLIGATION DE PRESENTER L'EffET AU PAIEMENT.
pA?
1.
Les devoirs préliminaires à fa présentation au paiement.
p.48
2.
La présentation proprement dite.
p.49
3.
Les obligations postérieures à la présentation infructueuse
d'un effet de commerce.
p.50
B.
L'OBLIGATION DE PORTER AU COMPTE USUEL
DU REMETIANT LES SOMMES ENCAISSEES EN SON NOM,
p.52
1.
La portée de l'obligation du banquier encaisseur.
p.53
a,
Le droit d'inscrire au compte du client toutes sommes encaissées en son nom,
conséquence de l'obligation du banquier.

p.53
b.
Les limites apportées au droitdu banquier.
p.54
De l'inscription, au compte du client, des sommes provenant du paiement de
créances ayant fait l'objetd'une mobilisation auprès de tierces personnes.

p.55
1'-
Le régime général des sommes encaissées par un banquieren 1qualité de mandataire
de son client.

p.55

L'impossibilité pour les tiers de revendiquer les sommes détenues par le banquier
mandataire.

p.55

La restitution des sommes encaissées, sanction de la responsabilité civile du banquier
mandataire.

p.57

555
2·-
Le régime particulier des sommes provenant du règlement d'une créance cédée selon
les modalités de la loi Dailly.
p.59
G.
De l'inscription au compte du client des sommes encaissées en son nom,
postérieurement à sa "faillite".
p.64

L'interdiction de principe pour le banquier de compenser en compte les sommes
encaissées postérieurement à l'ouverture d'une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaires touchant son client.
p.65

L'admission, exceptionnelle, d'un droit à compensation pour le banquier encaisseur.
sur les sommes recueillies postérieurement à la faillite de son client.
p.67
2.
Le régime particulier des sommes ayant fait l'objet d'une affectation spéciale.
p.?3
a.
Le eonsentement du banquier, condition de la force obligatoire de l'affectation
spéciale.
p.74
b.
Les effets de l'affectation spéciale.
p.78
§ Il
L'OBLIGATION DE RENDRE COMPTE DE L'EXECUTION DE
LA MISSION D'ENCAISSEMENT.
p.79
A.
L'OBLIGATION DE COMPTE RENDU.
p.79
B.
L'INDISPENSABLE REDDITION DE COMPTE, A LA CHARGE
DU BANQUIER ENCAISSEUR.
p.80
SEeTION II. LA RESPONSABILITE DU BANQUIER ENCAISSEUR.
p.81
§ 1.
LA RESPONSABILITE POUR INEXECUTION DE L'OBLIGATION DE
PROCEDER A L'ENCAISSEMENT PROJETE.
p.82
A.
LA RESPONSABILITE A L'EGARD DU CLIENT.
p.83
B.
LA RESPONSABILITE A L'EGARD DES TIERS.
p.84
§ Il.
LA RESPONSABILITE POUR INEXECUTION DE L'OBLIGATION
DE RENDRE COMPTE DE LA MISSION D'ENCAISSEMENT.
p.86
sFrITRE Il. LES MANDATS Ay ANT POUR OBJET UN VERSEMENT DE
FONDS PAR LE BANQUIER.
p.92
CHAPITRE 1. LES MANDATS RELEVANT DE LA TECHNIQUE BANCAIRE
FONDAMENTALE DE MOUVEMENTS DE FONDS.
p.93
SECTION 1. L·ORDRE DE PAYER DONNE PAR CHEQUE.
p.94
S/SECTION 1. LA QU ALIFICATION DE MANDAT RECONNUE AU CHEQUE :
FONDEMENTS ET CONSEQUENCES QUANT A LA CONDITlON
JURIDIQUE DU BANQUIER TIRE.
p.94
§ 1.
LES FONDEMENTS DE LA QUALIFICATION DE MANDAT RECONNUE
AU CHEQUE.
p.95
A.
LA CONTESTATION DE LA QUALIFiCATION DE MANDAT
EN DOCTRINE.
p.95

556
B.
LES ELEMENTS DE LA QUALIFICATION DE MANDAT RECONNUE AU
C~Q~
p.I03
1.
La source des obligations du banquier tiré.
p.104
a.
La nature conventionnelle des obligations du banquier tiré.
p.104
b.
Le caractère obligatoire de la délivrance des carnets de chèques.
conséquence de la convention de tirage de chèques.
p.110
Le principe dégagé par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 février 1977.
p.l Il
B.
La portée réelle de l'arrêt de la Courd'appel de Paris du 21 février 1977.
p.l13
2.
L'objet de l'obligation du banquier tiré.
p.Il?
a.
Le paiement d'un chèque constitue-t-il un acte juridique?
p.117
c(.
La notion juridique de paiement appliquée au chèque.
p.Il8
B.
Le paiement d'un chèque constitue un acte juridique.
p.119
b.
Le paiement d'un chèque par le banquier
intervient au nom et pour le compte du tireur.

p.I2I
Un paiement pour le compte du tireur.
p.\\21
B.
Un paiement au nom du tireur.
p.I23
§ II.
LES CONSEQUENCES DE LA QUALIFICATION DU CHEQUE
QUANT A LA CONDITION JURIDIQUE DU BANQUIER TIRE.
p.l27
A.
LES CONSEQUENCES AU PLAN DES OBLIGATIONS
ET DES DROITS DU BANQUIER TIRE.
p.I28
1.
Les conséquences au plandes obligations du banquier tiré.
p.I28
a.
L'obligation de payer le chèque.
p.I28
La vérification de la régularité du chèque.
p.130
1)
La capacité du tireur.
p.130
2)
L'authenticité de l'ordre de payer.
p.132
3)
La légitimité des droitsdu porteur.
p.132
B.
L'exécution de l'obligation de payer.
p.134
1)
Les conditions du paiement des chèques.
p.1l4
••
Les conditions d'existence de l'obligation de payer.
p.134

L'existence de la provision.
p.1l5

L'absence d'une opposition au paiement.
p.I36

557
••
Les difficultés de délimitation des mandats exécutés
en chambre de compensation.
p.141

Le banquier agit-il, en chambre de compensation, en qualité
de mandataire des clients?
p.142

Les conséquences de la méconnaissance du règlement
de la chambre de compensation peuvent-ils être
répercutés sur le client?
p.l44
2)
Les recours du banquier en cas de paiement involontaire.
p.146
•• L'action en répétition de l'indu.
p.l44
••
L'action de in rem verso.
p.I53
b.
L'obligation de rendre compte du paiement.
p.158
2.
Les conséquences au plan des droits du banquier tiré.
p.161
B.
LES CONSEQUENCES AU PLAN DE LA RESPONSABILITE
DU BANQUIER TIRE.
p.167
1.
La responsabilité civile du banquier tiré.
p.168
a.
La responsabilité à l'égard du tireur.
p.l68
Le refus de paiement.
p.169
1)
La nécessité d'un refus de paiement fautif.
p.169
••
Le refus de paiement fondé sur l'état de la provision,
p.I'tû

L'inexistence de la provision.
p,l?O

L'indisponibilité de la provision.
p.l?l
•• Le refus de paiement fondé sur l'existence d'une opposition au paiement.
p.l?4
••
Le refus de paiement fondé sur l'irrégularité de l'émission du chèque.
p.l??
2)
La nécessité d'un dommage lié au refus de paiement.
p.180
~.
Le paiement irrégulier.
p.186
1)
Irrégularité tenant à la condition juridique de l'accipiens.
p,18?
••
Le paiement à un incapable.
p.I8?
• •
Le règlement du Chèque à une personne dépourvue du pouvoir d'en recevoir le
paiement.
p.188
2)
Irrégularité tenant à l'absence d'ordre du titulaire du compte.
p.190
••
Le paiement d'un chèque émis par une personne sans pouvoirs.
p.191
••
Le paiement d'un chèque révoqué.
p.l92

558
••
Le paiement d'un chèque apocryphe.
p.197

Les premières solutions admises.
p.198

L'introduction de la distinction des chèques faux et des chèques falsifiés.
p.199

La consécration jurisprudentielle de la distinction
des chèques faux et des chèques falsifiés.

p.201

La portée de la distinction des chèques faux et des chèques falsifiés.
p,Z03
1'(.
La portée des clauses de non responsabilité.
p.2üS
b.
La responsabilité à l'égard des tiers.
p.21O
",-
Le refus de paiement injustifié.
p.212
il.
Le paiement irrégulier.
p.216
1)
L'irrégularité ayant trait à l'aspect formel du chèque.
p.21?
2)
L'irrégularité tenant aux règles de fond du droit du chèque.
p.222
••
La méconnaissance de l'obligation de contrôler l'identité .
la capacité ou les pouvoirs du présentateur du chèque.

p.113

Le contrôle de l'identité du porteur du chèque.
p.223

La vérification de la capacité et éventuellement
des pouvoirs du porteur du chèque.
p.225
••
La méconnaissance du droit du tiers porteur sur la provision du chèque.
1'.227
2.
la responsabilité pénale de banquier tiré.
1'.235
§ Il.
LES LIMITES DE LA QUALIFICATION DE MANDAT RECONNUE AU
CHEQUE.
p.248
A.
LE DROIT DIRECf ET PERSONNEL DU PORTEUR
SUR LA PROVISION DU CHEQUE.
p.248
B.
LES OBLIGATIONS SPECIALES DU TIRE EN MATIERE
DE LUTTE CONTRE LES CHEQUES SANS PROVISION.
p.252
1.
L'objet des obligations spéciales du tiré.
1'.253
a.
L'obligation de payer les chèques d'un montant inférieur ou égal à 100 francs.
1'.253
b.
L'obligation de mettre en oeuvre la procédure d'interdiction
d'émettre des chèques.
p.256
2.
Les sanctions des obligations spéciales du tiré.
1'.258
a.
Les sanctions civiles.
p.258
b.
La sanction pénale.
1'.260
SECTION Il.L'ORDRE D'OPERER UN VIREMENT DE FONDS.
p.263

559
S/SECTION 1. LES FONDEMENTS DE LA QUALIFICATION DE MANDAT
ATTRIBUEE AU VIREMENT.
p.265
§ 1.
LE VIREMENT VISE A REALISER UN ACTE JURIDIQUE AU NOM ET
POUR LE COMPTE D'AUTRUI.
p.265
A.
LE VIREMENT A POUR OBJET UN ACTE JURIDIQUE:UNE REMISE DE
MONNAIE SCRIPTURALE
p.265
B.
LE VIREMENT EST OPERE PAR REPRESENTATION D'AUTRUI.
p.269
1.
L'étendue du mandat confié à son banquierpar l'initiateur du virement.
p.Z?l
a.
La remise des fonds au banquier du bénéficiaire,
extrême limite de la mission du banquier du donneur d'ordre.
p.Z?1
b.
La portée véritable de l'écriture de crédit inscrite au compte du bénéficiaire
d'un virement.
p.279
2.
Le moment de l'irrévocabilité de l'ordre de virement.
p.282
§ II.
LE VIREMENT BANCAIRE EST UN ACTE
DE NATURE CONVENTIONNELLE.
p.289
A.
LE CONTRAT. SOURCE DES OBLIGATIONS DU BANQUIER
INVITE A OPERER UN VIREMENT.
p.289
B.
L'EXISTENCE DE PLUSIEURS VARIANTES DE L'ORDRE DE
VIREMENT. MANIFESTATION DE LA NATURE
CONVENTIONNELLE DU VIREMENT.
p.292
S/SECTION II.
LES REPERCUSSIONS DE LA QUALIFICATION DE
MANDAT SUR LA SITUATION JURIDIQUE DES
BANQUIERS A YANT EN CHARGE L'EXECUTION
DE L'ORDRE DE VIREMENT.
p.296
§1.
AU PLAN DES OBLIGA TIONS DU BANQUIER CHARGE
DE L'EXECUTION D'UN ORDRE DE VIREMENT.
p.296
A.
L'OBLIGATION D'EXECUTER CORRECTEMENT
L'ORDRE DE VIREMENT.
".296
1.
Les vérifications préalables à l'exécution du virement.
p.297
2.
L'exécution proprement dite.
p.298
a.
Les conditions d'exécution de l'ordre de virement.
p.299
ct
Les conditions extrinsèques à l'ordre de virement.
p.299
1)
L'absence d'une cause d'extinction de l'obligation
d'exécuter l'ordre de virement.

p.299
2)
L'existence d'un crédit suffisant et disponible au compte du donneur d'ordre.
p.3D!
B
Les conditions intrinsèques à l'ordre de virement.
p.3ü2

560
b.
Le délai d'exécution des ordres de virement.
p.303
B.
L'OBLIGATION DE RENDRE COMPTE DE L'EXECUTION.
p.304
§ II.
AU PLAN DE LA RESPONSABILITE DU BANQUIER CHARGE DE
L'EXECUTION D'UN ORDRE DE VIREMENT.
p.30S
A.
UNE RESPONSABILITE CONTRACTUELLE A L'EGARD DU DONNEUR
D'ORDRE.
p.306
1.
La responsabilité résultant de J'inexécution
(ou de la mauvaise exécution) d'un ordre de virement

émanant du titulaire du compte.
p.306
2.
Le problème particulier de l'exécution d'un ordre de virement faux.
p.3IO
B.
UNE RESPONSABILITE DELICTUELLE A L'EGARD DES TIERS.
p.3I5
1.
La responsabilité à l'égard du bénéficiaire du virement.
p.3I6
2.
La responsabilité à l'égard des tiers autres que le bénéficiaire.
p.317
CHAPITREIT.
LES MANDATS CONFERES PAR
UNE DOMICILIATION DE PAIEMENTS
CHEZ UN BANQUIER.
p.32I
SECTION 1.
LES ELEMENTS DE LA QUALIFICATION DE MANDAT
RECONNUE A LA DOMICILIATION.
p.323
S/SECTION 1.
LA DOMICILIATION VOLONTAIRE.
p.324
§ 1.
LA DOMICILIATION RESULTE D'UNE CONVENTION.
p.324
A.
LE CONSENTEMENT DU DOMICILIATAIRE, A LA DOMICILIATION.
p.325
B.
LA FORME DE L'ORDRE DE PAYER DONNE AU DOMICILIATAIRE
PAR LE TIRE.
p.326
1.
La portée de la conjonction, surune traite, de la clause de
domiciliation et de l'acceptation du tiré.

p.328
2.
La portée de l'usage baneaire des avis de domiciliation.
p.330
§ II.
LA DOMICILIATION A POUR OBJET L'ACCOMPLISSEMENT
D'UN ACTE JURIDIQUE AU NOM ET POUR LE COMPTE D'AUTRUI.
p.332
S/SECTION II.
LA DOMICILIATION OBLIGATOIRE.
p.334
§ 1.
L'INCIDENCE DU CARACTERE OBLIGATOIRE DE
LA DOMICILIATION SUR LA NATURE DES
RAPPORTS EXISTANT ENTRE LE BANQUIER
DOMICILIATAIRE ET SON CLIENT.
p.334
§ II.
LE BANQUIER INTERMEDIAIRE AGREE EST-IL LE MANDATAIRE DE
L'ET AT?
p.336
A.
L'INTERMEDIAIRE AGREE EST LE REPRESENTANT DE L'ETAT.
p.33?

561
B.
L'INTERMEDIAIRE AGREE N'EST PAS LE MANDATAIRE DE L'ETAT.
p.338
SECTION II. L'INFLUENCE DE LA QUALIFICATION DE MANDAT
SUR LA SITUATION JURIDIQUE DU BANQUIER
DOMICILIATAIRE.
p.34Q
§ I.
LA SITUATION JURIDIQUE DU BANQUIER, DOMICILIATAIRE DE
DROIT COMMUN.
p.340
A.
LES CONDITIONS D'EXISTENCE DE L'OBLIGATION DE PAYER.
p.34I
1.
La condition tenant à la régularité de l'effet à payer.
p.341
2.
La condition tenant à l'existence et à la persistance
d'un ordre exprès de paiement
p.343
3.
Condition tenant à l'existence d'un solde créditeur
suffisant et disponible au compte du client.

p.344
B.
LA RESPONSABILITE POUR INEXECUTION
(OU MAUV AISE EXECUTION) DE L'OBLIGATION DE PAYER.
p.346
1.
La responsabilité contractuelle du domiciliataire.
p.347
2.
La responsabilité délictuellc du domiciliataire.
p.348
§ IL
L'INCIDENCE DU CUMUL, PAR LE BANQUIER, DES
QU ALITES DE DOMICILIATAIRE ET D'INTERMEDIAIRE AGREE.
p.350
A.
L'AGGRAVATION DE LA RESPONSABILITE CIVILE DU BANQUIER.
p.35!
1.
Aggravation de la responsabilité. due à l'exigence d'une
plus grande diligence du banquier dans la conduite de
la mission confiée.
p.351
a.
L'appréciation plus sévère du délai d'action du banquier.
p.351
b.
Le renforcement de l'obligation d'information due
par le banquier à son client.
p.353
2.
Aggravation de la responsabilité, due à l'admission d'une
obligation (supplémentaire) de conseil à la charge du

banquier domiciliataire.
p.354
B.
LA GENERATION D'UNE RESPONSABILITE DU BANQUIER
VIS-A-VIS DE L'ETAT.
p.356
TITRE Il.
LES APPLICATIONS DU MANDAT,
SUJETTES A CONTROVERSES.
p.365
SrrITRE I.
L'APPLICATION DU MANDAT A LA TECHNIQUE DU
CREDIT DOCUMENTAIRE.
p.368

562
CHAPITRE 1.
LES FONDEMENTS DE LA QUALIFICATION
DE MANDAT CONSACREE PAR LA JURISPRUDENCE,
EN MATIERE DE REGLEMENT PAR
CREDIT DOCUMENTAIRE.
p.37l
SECTION 1.
LES SIGNES DU MANDAT, AU STADE DE
L'OUVERTIJRE DU CREDIT DOCUMENTAIRE.
p.373
§ 1.
LA MARQUE DU MANDAT DANS LES RAPPORTS
BANQUIER EMETTEUR· DONNEUR D'ORDRE.
p.373
A.
LA PREDOMINANCE DES fNTERETS DU DONNEUR D'ORDRE.
p.373
B.
LE CARACTERE ACCESSOIRE DES AUTRES INTERETS EN CAUSE.
p.376
§ II.
LA MARQUE DU MANDAT DANS LES RAPPORTS ENTRE BANQUES
INTERVENANTES.
p.380
A.
LA MARQUE DU MANDAT DANS LES RAPPORTS BANQUE
EMETTRICE· BANQUE NOTIFICATRICE ET/OU REALISATRICE.
p.383
B.
LA MARQUE DU MANDAT, DANS LES RAPPORTS BANQUE
EMETTRICE-BANQUE CONARMATRICE.
p.387
SECTION II.
LES MANIFESTATIONS DU MANDAT,
AU STADE DE L'EXECUTION DE L'ACCREDITIF.
p.391
S/SECTION 1.
LE MANDAT TRANSPARAIT DANS LA CONDITION
JURIDIQUE DE LA BANQUE EMETTRICE.
p.391
§ 1.
LA PREPONDERANCE DES OBLIGATIONS ASSUMEES
PAR LA BANQUE EMETTRICE DU CREDIT ENVERS
LE DONNEUR D'ORDRE.
p.392
§ II.
LE CARACTERE ACCESSOIRE DES OBLIGATIONS
ASSUMEES PAR LA BANQUE EMETTRICE
ENVERS LES TIERS A LA CONVENTION
D'OUVERTURE DU CREDIT DOCUMENTAIRE.
p.395
A.
LES OBLIGATIONS ET LA RESPONSABILITE
ASSUMEES PAR L'EMETTEUR D'UN CREDIT
DOCUMENTAIRE ENVERS LES BANQUES INTERMEDIAIRES.
p.395
B.
LES OBLIGATIONS ET LA RESPONSABILITE DE
LA BANQUE EMETTRICE ENVERS
LE BENEFICIAIRE DU CREDIT DOCUMENTAIRE.
pAOI
S/SECTION II.
LE MANDATTRANSPARAIT DANS L'IMPORTANCE
DES RISQUES ASSUMES PAR LE DONNEUR D'ORDRE.
pA02
. CHAPITRE II.
LES ELEMENTS PERTIJRBATEURS DE
LA QUALIACATION DE MANDAT
RETENUE EN MATIERE DE CREDIT DOCUMENTAIRE.
pA06

563
SECTION 1.
LE DROIT DIRECT ET PERSONNEL RECONNU AU
BENEFICIAIRE D'UN CREDIT DOCUMENTAIRE
IRREVOCABLE, CONTRE LA BANQUE EMETTRICE OU
CONFIRMA TRlCE.
p.406
SECTION Il.
L'INEXISTENCE DE LIENS JURIDIQUES
ENTRE LE DONNEUR D'ORDRE ET LES
CORRESPONDANTS DE LA BANQUE EMETTRICE.
p.411
§ 1.
LA NEGATION DE LA THESE DE LA SUBSTITIJTIONDE MANDAT.
p.413
§ Il.
LA NON CONTESTATION DELA RELATION DE
MANDAT EXISTANT DANS LES RAPPORTS
BANQUE EMETTRICE-DONNEUR D'ORDRE, ET
BANQUE EMETTRICE-BANQUE INTERMEDIAIRE.
p.416
S/TITRE II.
L'APPLICATION DU MANDAT A LA TECHNIQUE
DU REGLEMENT PAR CARTE BANCAIRE,
p.420
CHAPITRE 1.
LES DIFFICULTES DE QUALIF[CATION LIEES
A LA COMPLEXITE JURIDIQUE DU MECANISME
DU PAIEMENT PAR CARTE.
p.422
SECTION 1.
LA DUALITE DE LA SOURCE DES OBLIGATIONS
DU BANQUIER EMETTEUR DE CARTES DE PAIEMENT.
p.422
SECTION 11.
L'UNICITE DU MECAN[SME DE LA CARTE
DE PAIEMENT.
p.423
CHAPITRE Il.
LA CONSECRATION DE LA QUALIFICATION DE
MANDAT PAR LA DOCTRINE DOMINANTE.
p.426
SECTION 1.
LES FONDEMENTS DE LA QUALIFICA TION
DE MANDAT
p.426
§ 1.
L'ordre de paiement émanant du titulaire de la carte, véritable
cause du règlementdû par l'émetteur.
p.427
§ II.
La production, par le fournisseur. de l'ordre donné par le porteur
de carte n'est pas constitutive d'un mandat d'encaisser.

p.435
SECTION [1.
LES FACTEURS D'INCERTITIJDE DE
LA QUALIFICATION DE MANDAT
APPLIQUEE A LA TECHNIQUE DU
PAIEMENT PAR CARTE BANCAIRE.
p.439
§ 1.
L'IRREVERSIB[LITE DU PROCESSUS DU PAIEMENT PAR CARTE.
p.439
A.
LE PRINCIPE D'UNE IRREVOCABILITE ABSOLUE
DE L'ORDRE DE PAYER DONNE AU MOYEN D'UNE
CARTE EST INCONCILI.ABLE AVEC L'ANALYSE
DE CET ORDRE EN UN MANDAT.
p.440
B.
L'IRREVERSIBILITE DU PROCESSUS DU PAIEMENT
[NITIE AU MOYEN D'UNE CARTE N'EST PAS
NECESSAIREMENT EXCLUSIVE D'UN MANDAT.
p.443

564
§ II.
L'IMPUTATION DE LA CHARGE FINANCIERE DE L'OPERATION DE
PAIEMENT PAR CARTE BANCAIRE.
p.446
A.
L'APPARENTE REPARTITION, ENTRE LES COCONTRACTANTS,
DES RISQUES INHERENTS AU PAIEMENT PAR CARTE.
p.448
B.
LE TITULAIRE DE LA CARTE. SUJET D'IMPUTATION
DES RISQUES INHERENTS A L'UTILISATION DE CELLE-CI.
p,452
2ème PARTIE.
L'INFLUENCE DU CARACTERE COMPLEXE DES
OPERATIONS BANCAIRES SUR LE MANDAT
DU BANQUIER.
p,458
TITRE Ier.
LES DIFFICULTES D'APPRECIATION DE LA
PRESENCE ET DES CONTOURS DU MANDAT
S'INSCRIVANT DANS LE CADRE DE
RELATIONS JURIDIQUES COMPLEXES.
p,458
CHAPITRE I.
LES DIFFICULTES SUSCITEES PAR LA
COMBINAISON DE PLUSIEURS CONTRATS
A L'OCCASION D'UNE SEULE OPERATION.
p,459
SECTION 1.
LA COMBINAISON DE CONTRATS
INTERDEPENDANTS,
p.460
§ 1.
LES DIFFICULTES TOUCHANT A LA DELIMITATION
TEMPORELLE DU MANDAT BANCAIRE.
p,462
A.
LA DIFFICULTE DE DETERMINATION DU MOMENT
DE LA PERFECTION DU MANDAT BANCAIRE.
p.462
1.
L'indétermination du moment de l'acceptation,
par le banquier, du mandat de payer donné par chèque.

p.463
2.
L'imprécision du moment de la perfection du mandat
conféré par la domiciliation d'un effet de commerce.

p.465
B.
LA DIFFICULTE DE DETERMINATION DE L'ACTE
MARQUANT L'ACHEVEMENT DE CERTAINS MANDATS
BANCAIRES.
p,467
§ 11.
LES DIFFICULTES TOUCHANT A LA DELIMITATION
SPATIALE DU MANDAT BANCAIRE.
p,470
A.
LE RISQUE DE CONFUSION DES EFFETS RESPECTIFS
DU MANDAT ET DU COMPTE BANCAIRE, RELATNEMENT A
L'INSCRIPTION AU COMPTE DES SOMMES ENCAISSEES.
p,47l
B.
LE RISQUE DE CONFUSION DES DOMAINES RESPECTIFS
DU MANDAT ET DU DROIT DU CHANGE, AU CAS DE
MANDAT PORTANT SUR UN EFFET DE COMMERCE.
p,473
1.
Le risque de confusion lié à la pratique bancaire
de l'endossement en blanc.

p.473

565

2.
L'intrusion du droit du change dans le domaine du mandat,
en matière de paiement de chèques.

p.474
SECTION Il.LA COMBINAISON DE CONTRATS INDEPENDANTS.
p.476
1\\.
LES ])"'F'W ms s'AnAŒANT A LA (o"""""1S0~])0 ",AN'AAT ..nv 't>EPOT
p.41T
B.
LES DIFFICULTES S'ATTACHANT A LA COMBL"IAISON
DU MANDAT ET D'UN ENGAGEMENT PERSONNEL DU
BANQUIER MANDATAIRE.
p.48I
1.
L'affrontement des qualificationsde
mandat et de délégation.
p.482
2.
Les difficultés de délimitation du domaine
précis d'application du mandat bancaire
combiné avec un engagement personnel du mandataire.
p.485
a.
L'intervention simultanée des effets du mandat et de
l'engagement personnel du mandataire.

p.488
b.
L'intervention alternée des effets du mandat et de
l'engagement personnel du banquier mandataire.
p.489
CHAPITRE Il.
LES DIFFICULTES LIEES AU CUMUL,
PAR LE BANQUIER, DES QUALITES
DE MANDATAIRE PRIVE ET D"'AGENT
DE L'ETAT".
p.49I
SECTION I.
L'INCERTITUDE QUANT A L'EXISTENCE
D'UN MANDAT AU SEIN DES OPERATIONS
BANCAIRES IMPLIQUANT UNE MISSION
DE SERVICE PUBLIC A LA CHARGE DU BANQUIER.
p.493
§ 1.
L'INCERTITUDE TENANT A LA CONTRAINTE
EX~RCEE AU PLAN DE L'ENTREE EN RELATION DES PARTIES.
p.493
§ II.
L'INCERTITUDE TENANT A LA CONTRAINTE EXERCEE
AU PLAN DES OBLIGATIONS SUPPORTEES PAR LES
PARTIES ENGAGEES.
p.495
SECTION Il.
L'INDETERMINATION DES ACTES
TRIBUTAIRES DE LA QUALITE DE
MANDATAIRE PRIVE DU BANQUIER
AGISSANT CONCOMITAMMENT POUR
LE COMPTE DE L'ETAT.
p.497
TITRE II.
L'AGGRA VATION DE LA CONDITION
JURIDIQUE DU BANQUIER MANDATAIRE.
p.500
CHAPITRE L
L'ALOURDISSEMENT DES OBLIGATIONS
DU BANQUIER MANDATAIRE.
p.501
SECTION I.
L'ACCROISSEMENT DES OBLIGATIONS
DU BANQUIER.
p.501
§ I.
LA DERIVE VERS LA GENERALISATION
D'UNE OBLIGATION DE GARANTŒ A LA CHARGE

566
DU BANQUIER MANDATAIRE POUR UN PAIEMENT.
p.5D2
A.
LES PROCEDES INDIRECTS DE GARANTIE DES PAIEMENTS
CONFIES AUX BANQUES.
p.SD2
B.
LA GARANTIE DE PAIEMENT DES "PETITS CHEQUES".
p.SD4
§ II.
L'ADJONCTION D'UNE OBLIGATION DE CONSEIL,
A LA CHARGE DU
BANQUIER, DANS LE CADRE DE CERTAINS MANDATS.
p.SD6
CHAPITRE II.
L'ALOURDISSEMENT DE LA RESPONSABILITE
DU BANQUIER MANDATAIRE,
p.5l0
SECTION I.
L'AUGMENTATION DE LA PROBABILITE DE
RETENTION DE LA RESPONSABILITE DU BANQUIER. p.Sll
§ 1.
LA TENDANCE A L'EXTENSION, AU PLAN DE
LA RESPONSABILITE CIVll..E. DU DOMAINE
D'APPLICATION DU MANDAT.
p.5I2
§ Il.
L'APPARITION, AU PLAN PENAL, D'INFRACTIONS
SPECIFIQUES DE CERTAINES OPERATIONS BANCAIRES.
p.514
SECTION II.
L'ALOURDISSEMENT DE LA SANCTION DE LA
RESPONSABILITE DU BANQUIER MANDATAIRE.
p.S16
CONCLUSION GENERALE.
p.521
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..
.567

r
INDEX ALPHABETIQUE
(Les chiffres renvoient aux numéros du texte).
Abstracticnfs) [urtdiquets). 517, 533
Abus de confiance, 106, 297 et s., 301, 481, 708
Acte abstrait de paiement, 488, sn, 717
Acte d'administrationl acte de disposition, 483
Acte juridique, 147 el 5•• 155.303.342.492
Acte matériel 342
Acte-règle. 621
Acte unilatéral des pouvoirs publics, 49
Action directe, 262, 263, 359, 407, 654
Action en répétition de l'indu, 180, 182 el s., 460, 461
Action de in rem verso, 180, 190 el s., 460, 461, 462
Action pour le compte de l'Etat. 680
Agency, 10, 518
Agent de l'Etat, 315 el 5., 619, 672 el 5.
Amende pénale, 216, 290 et 5.,294,295,328
Apparence (théorie de 1'-),205,247,253,305,413
Avis de prélèvement, 385
Blanchiment de capitaux (lutte contre le), 221
Carte bancaire: 558 et s.
- acte abstrait de versement d'une somme d'argent, 578
- anticipation du paiement, 587, 591
- apparence. 572, 573, 606
- autonomie de l'engagement de l'émetteur, 562, 563, 588, 612
- autorité du mandant (soumission à), 594, 610
- carte de crédit. 654
- carte perdue ou volée (utilisation par un tiers), 573 et S., 603, 604
- charge financière de l'opération, 590,600 el s.
- clause dt: ducroire, 562
- code seeret (confidentialité), 604
- obligation contractuelle de moyens, 604
- présomption de faute, 604
- complexe de contrats, 615
- condition du règlement, 566
- contrat adhérent, 561, 56M
- contrats autonomes, 568
- contrats complexes, 615

I I
- contrat fournisseur, 561, 568
- contrat porteur Carte Bleue, 578
- accord-cadre, 588
- contrefaçon ou falsification, 559
- coût et risques du paiement (charge des), 600 et s.
- cause du règlement (mandat), 566, 567 et s., 572, 573, 575. 578, 580, 582, 588
- décès, faillite, incapacité, perle de pouvoirs, 580
- délégation, 563 et s.
- de paiement, 654
- définition, 559
- de retrait, 559
- droit de rétention, 598
· émetteur/ dépositaire, 568, 570, 588, 597, 605, 606, 609
- engagements autonomes abstraits, 614-
- engagement personnel de l'émetteur, 572, 582 el S., 587, 598, 612
- extinction du mandat de payer, 597
- garantie de paiement, 561,562,563,564.572,573 et S., 586 et S., 611, 6 \\ 2
- caraetère accessoire, 572, 587
- caraetère autonome, 612
- groupes de eontrats (théorie, rejet), 613 et s.
- indication de paiement, 562
- indication d'un liers pour la restitution du dépôt, 569 et s.
• inopposabilité des exeeptions, 562, 563
• intérêt du donneur d'ordre, 588, 598, 599
• irrecevabilité des oppositions, 578, 594, 610
~ irréversibilité du processus du paiement, 590, 591, 599
- irrévocabilité de l'ordre de paiement, 563, 576, 577, 579, 590, 591 et s.
- juge des référéss, 593,596
- mandat apparent, 573, 607. 609
- mandat d'encaisser (négation), 566, 582 et s.
• mandat de payer, 564 el s.
- mandat exprès, 568
· mandat statutaire, 578
- obligation de faire (émetteur), 570
- opération juridique complexe, 560 et S., 609
• opposition (effets), 576 et S., 603 el s.
- mainlevée, 577, 593,
- validité (juge de la). 579. 593, 596
~ obligation de l'émetteur envers les fournisseurs (objet), 586
- obligation de moyens de l'émetteur, 604
- opération complexe, 609
- ordre de paiement faux, 605, 606
• ouverture de crédit, 562
- pertes (charge des), 600, 602, 603, 605. 607, 608
- présomption de faute du porteur, 604
- qualification de mandat: 565. 567, 568, 580, 582. 589, 595, 611
- facteurs d'ineertitude, 565. 589 et s.
- fondements, 566 et S., 588
• relativité des conventions (principe de la), 612
• représentant
- conventionnel, 616
- institutionnel des clients, 616
- répartition des risques, 603 et s.
- responsabilité de l'émetteur
- envers les fournisseurs, 574
. du mauvais paiement, 604, 609
- responsabilité du porteur, 603 et S.
• plafonnement, 603

III
- révocabilité, par essence, du mandat. 595
- révocation de l'ordre, 576, 577, 593, 596, 610
- risques de l'opération
- acceptation des -, 604
- charge des -, 574, 602, 604, 607, 608 et s .
• imputation des -,608 el s.
- répartition des -,602 el s.
- signature électronique, 606
- statut légal de représentant, 610
• stipulation pour autrui, 584
- transmission de la provision (absence), 577, 579, 597
· vérifications (de sécurité). 604
Cautionnement, 488
Chaîne de contrats, 646
Change:
- droit du -,640, 643
· lettre de -,125
Chèque(s): 117 et 5.
- acte ou fait juridique, 131. 147 et s., 14.9, 155,303
- blocage de la provision (Obligation de), 129, 153, 176
- cession de créance, 120, 121
- chambre de compensation (paiement en), 177 et s.
- de casino, 221
- chèques spéciaux, 156 et s.
~ compte de dépôt d'espèces (ouverture}, 133,2U
- consentement du banquier, 132 et S., 137,213 et S., 626
- défaut de -,312 et s.
- contrainte de la loi, 319
- contrôle d'identité, 273
- convention de tirage de -, 132 el 5., 146, 176, 196,205,214,317, 329,626
- décès, faillite, incapacité ùu tireur, 173 et s., .309, .31U
- délégation, 123 et s.
- droit direct, 122, 123 ,175, 176, 277, 280, 308, 311, 312
- effet négociable. 128
~ émission du ~,135, 136
- engagement personnel du mandataire, 129
- facilités de caisse, 212, 261
- faute: lourde/légère, 245, 258
- faux/falsifié, 197,202 el S., 243 et s., 246 et S., 248 et S, 251 et S., 305, 649
- femme mariée, 166
- formation du mandat, 132 ct s.
- garantie de paiement des -, 317 et S., 693
- gestion d'affaires, 181
- incapacité du tireur, 164 et S., 310
- incident de paiement, 321, 324, 326, 328
- indemnisation des pertes, 201 et S., 205, 206, 247, 306
- indication de paiement, 129
- injonction de nc plus émettre des -, 295, 322
- inopposabilité des exceptions, 121, 123. 124. 125, 128, 129,221,303,309
- interdiction d'émettre, 321 et s.
- irrévocabilité du chèque, 175, 303, 309, 31O
- mainlevée des oppositions, 175, 238, 239, 240, 278
- mandat de payer, 129, 155, 199. 229, 238, 282, 296
- formation, 132 et s. 135 et s.

IV
- limites, 307 et s.
- de donner, 148,227 et s.
- de faire, 148, 226 el s.
- obligation de moyens, 163,283 et S., 285, 304
- obligation de payer, 131 et s., 136, 140, 153, 154, 162 Cl s., 169, 170 et s., 211, 304,
317 el s.
- obligation de résultat, 163,211,222, 228, 256, 283 et s.. 304
- obligation de résultat conditionnelle, 285
- obligations du tiré, 161 el s., 218, 282 et S., 304
- obligation légale, 169. 175, 176,216,218
- obligations spéciales: 315 et S., 326, 330
-objet, 316 et s.
- sanction, 325 et s.
- opposition au paiement
- illégale, 175,239 el s., 294, 303
- du tireur, 153, 172, 172, 174 et s., 211, 216 et s., 238 et s., 260, 294, 303
- d'un tiers, 217 et S., 261, 277 ct s.
- paiement irrégulier, 229 el S., 264 et s.
- paiement du ., 148 el s.
• "petits chèques", 140, 317 et s.
- présomption de libération, 203, 205, 245, 247, 250, 258,,306
- promesse générale de prestation de service, 133, 135, 138, 213
- provision, 121, 170 et s., 211 et s.• 261, 262
• transfert de la propriété de [a -" 124, 128. 129, 153, 155, 173, 177, 239, 277,
279 et S., 303, 309
- qualification de mandat, 129 et S., 306
- fondements, 119 et s.
- refus de paiement, 210, 260 et s.,285
- règles cambiaires (opposabilité au tiré), 204, 307, 309
- relevés de compte, 197, 206
- res inter alios acta, 179, 180
- remboursement des avances, 200, 205, 206, 247
- responsabilité du banquier tiré
- causes exonératoires, 101, 222, 256
- clauses de non-responsabilité, 209, 257 et s.
- contractuelle, 169, 175, 197, 203, 205. 207, 208, 209 et s., 229, 232, 238 el s.,
241 et 5.,251,255,260 et s.
- délictuelle, 208, 244, 258 et S., 264 el s., 274, 286
- de droit commun, 203,205, 222
- pénale, 207, 288 et s.
- préjudice, 222 et S., 239 et s.
- présomption de faute, 222, 304
- renonciation (faculté de), 284, 285, 330
- révocation (effets), 175, 216, 229, 238, 304
- salaire du mandataire, 200
- signature du tireur, 220, 246 et s., 253 et s.
· stipulation pour autrui, 120, 122
- sur papier libre, 214 et S., 626
- transmission de la propriété du -, 309
• vérifications de sécurité, 163 et s, 205, 230 et s., 255, 256, 265. 267 et s., 271 el s.,
283,650
Chéquier:
- droit de refus, 140 et s.
- obligation de délivrance, 132, 137, 138 el s, 627
- obligation de s'informer. .., 323
- restitution, 136, 142. 143, 144, 145

Clauses de non responsabilité, 102,257, 25R
Combinaison de contrats, 619 et s.
- convention de compte el mandai, 621 et s.
- dépôt et manda l, 254 el S., 256 el S., 287, 298 el s., 648 el s.
- mandat el engagement autonome du mandataire, 654 et S.
Compensation:
- "faillite" (règlement ou liquida Lion judiciaires),
84 et s.
Complexe de contrats, 615, 620, 719
Compte courant: 69, 637
- continuation après règlement judiciaire, 83
- affectation spéciale (effets), 90 et s.
Compte de dépôt d'espèces:
• affectation générale des remises, 636
• affectation spéciale, 89 et S., 638
- contrat-cadre, 482, 621, 635
- convention de -, 50et S., 133, 135, 136, 146, 196.213,621
• mandat d'encaissement inhérent ao -, 51, 482 et s.,
622,624
• promesse d'exécution de mandats, 132 et S., 622,
626 et 5., 629 et s.
Condition potestative, 144
Condition résolutoire, 138,142, 144,627
\\
Contrainte (subies par les contractants), 319, 675 et s.
!
Contrat-cadre, 482, 635
\\
Contrat complexe, 615, 620, 719
Contrats interdépendants, 620
Contrats indépendants, 620, 644
Convention à exécution successive, 139
Crédit documentaire: 489 et s., 654
- acte juridique, 492
- actions direetes (rejet), 554
- banque confirrnatrice, 507,511,512 et s., 528, 546 ets.
- engagement direct et autonome, 507, 512, 513, 531, 551
- mandataire substitué? 529
- mandataire de l'émetteur, 507, 512, 513, 515, 531, 551
- banque émettrice, 490 et s., 519 et s.
- action en nom propre, 542, 543
• mandant à l'égard des banques intermédiaires. 505, 508, 509, 511, 513 et s.,
526,532,533
- obligations contractuelles, 497, 505, 510, 513, 514, 519, 520, 522
- obligation de remboursement, 506, SU, 526, 538
- représentant du donneur d'ordre, 542
- responsabilité contractuelle, 505, 522, 523, 535

VI
- banque notifieatrice, 50S et s., 528
- mandataire de l'émetteur, 507 et s., 527, 529, 532
~ mandataire substitué, 509, 528, 529
- responsabilité, 509, 510
~ banque réalisatrice, 508 cl s., 511, 528
- mandataire de l'émetteur, 511, 529, 532
- mandalaire substitué, 509, 528
- charge financière de l'opération, 490, 499, 537, 539
- confirmation (effets), 512. 529 el s.
- crédil irrévocable, 491
- dédoublement des qualités. 502
- délégation, 544
- donneur d'ordre pour comple, 504
. droit direct du bénéficiaire. 498, 541 el s.
- engagement abstrait, 554
- engagement personnel du banquier, 487 ct S., 500, 507
- garantie indirecte, 500
- instructions du donneur d'ordre, 492, 493, 495, 496, 498, 500, 503
- intérêts du donneur d'ordre (primauté), 492 et s., 502,515,517,539.540,556
- irréversibilité des instructions, 500
- mandat, 553 et s.
- mandataire substitué, 528 et s.
- obligations de la banque émettrice, 519 et s.
- envers le donneur d'ordre, 521 el s.
- envers les banques intermédiaires, 526 et s.
- envers le bénéficiaire, 535 et s.
- obligation de résultat, 535
i
- ouverture de crédit, 501
!
- prédominanee des intérêts du donneur d'ordre, 496 et s.
li.
- promesse personnelle et irrévocable, 501
- représentation. 492, 493, 511
- responsabilité de la banque émettrice, 523, 533, 535
- risques
- assumés par le donneur d'ordre, 518, 537 et s.
- du banquier, 486. 539
- substitution de mandat, 528 eL s.. 548, 550 el s.
~.
- négation de la -, 550 et s.
- volonté du mandant (prédominance), 492 et s., 498. 500, 503
'
Culpa in eligendo, 112,699
!
Cumul de qualités, 619
- mandataire et ayant-compte, 51, 621 et s.
1
- mandataire et dépositaire, 203, 204. 228, 237, 246, 251, 253 el s., 256, 258, 287, 298
\\
el S., 403, 411, 414, 423, 426, 606, 649 el s.
\\.
- mandataire el intermédiaire agréé, 443, 445,467,472,473,474, 479
1
- mandataire et promettant à litre personnel, 654 et s.
- mandataire privé et représentant de l'Etal, 446 et s., 449, 468, 475, 681 et S., 715
Délégation, 123,340,544,563,657 et s.
Dépôt (contraI de): 420, 644, 647, 651
- obligations du dépositaire, 132,204,228,237,251,252,254 er s., 651
- responsabilité du dépositaire, 228. 237, 258
Devoir de conseil, 473, 474, 695
Domiciliation: 427 et s.

VII
- actes conservatoires, 483
- actes d'administration, 483
• acte de disposition, 436 et S., 458
- acte exécutoire de l'administration, 450
- acte juridique, 429, 430, 441, 442, 444, 446, 448, 449
- actes matériels, 448 et s.
- acte unilatéral de l'administration, 450
- apparence, 431
• avances de fonds par le mandataire, 460
- avis de -, 427, 431 el S., 439 et S., 630 et s.
- clause de v, 427, 431 el s., 630, 631
,,,
,
- consentement du banquier, 431 el 5.,435 et s..
,
630 el s.

,
- contrat de -, 427, 629
- controle des changes, 443, 445 et S., 467. 468, 473
- d'effets de commerce, 629
• délai d'action (appréciation), 470, 471
- délégation de pouvoir (administratif), 447, 449
- devoir (supplémentaire) de conseil, 469, 473 et S., 479
- diligenee exigée (renforeement), 469, 470
- domieiliataire de droit commun:
- obligations, 452 et s.
- de payer, 453, 455 el 5.,460
- de rendre compte, 453, 454, 467
- d'information (renforeement), 470, 472
- responsabilité, 463 et s., 475 et S., 481
- aggravation, 468 et s., 478
- eauses d'exonération, 471
- d'un effel accepté (portée), 434, 435 et S., 439
1
- extinction du mandat, 458 et s.
- gestion d'affaires, 434
- habilitation par l'autorité administrative, 447
- intermédiaire agréé, 443 et S., 468 et s., 472
- responsabilité, 475, 476, 479
• - sanctions disciplinaires, 475, 476
- mandataire/dépositaire, 457
- mandat exprès de paiement, 436 et s., 630 et s.
- mandat en droit administratif, 446
- mandat de payer, 427, 431, 438, 439, 459, 479, 480
- forme, 432 et s., 438
- formation, 431, 435, 438, 439, 440
- extinction, 45S et s.
- mission de service public, 479
- obligation de résultat, 464
- obligatoire, 429, 443 el s.
- ordre exprès de paiement, 457 el s.
- paiement sans mandat, 462, 463
• réglementation des changes, 449, 469, 472, 474
- représentation, 450
• traites fausses (ou faussement aceeptées), 457
- vérifications, 457
- volontaire, 429 et s.
Droit cambiaire (ambiance cambiaire), 63, IDS et S., 110, 111, 307, 309, 640, 642 et s.
Droit direct, 542 et s., 657 el s.
Droit discrétionnaire, 140 et s., 144

VIII
Ducroire:
clause de -, 501
v
~ engagement de -,514, 545
Effet obligatoire du contrat, 308
Encaissement: 48 et s. 636 et s.
- abus de confiance, 106
~ acte de réception passive, 51
affectation spéciale, 89 et s., 94 cl. s., 299
v
- avis aux cédants de la Banque de France, 75
- avis de sort, 65, 100
~ bordereau Dailly, 71. 76, 77 et s.
chèques barrés, 103
v
- compensation, 82 el 5.,84 et S., 113
- compte bancaire, III et s.
convention de -, 50 et
v
S., 196
- mécanisme de compensation, 113
règlement ou liquidation judiciaires, 82 et s.
v
- connexité avec une dette du mandant, 84 et s., 638
- contre-passation, 98
- créances mobilisées, 75 et s.
- crédit de mobilisation des créances commerciales (C.M.C.C.), 84 et s.
• cuIpa in eligendo, 112
- décès ou incapacité de l'endosseur, 58 el s.
- délais cambiaires -, 63, 110
- des impôts (prélèvements), 49
- des droits de timbre, 49
- endossement, 52 et s., 233
- force obligatoire des contrats, 100, 101
- impôts, 49
- inscription au compte, 71 et S., 77 et s., 81 et s.
- mandat spécial de recevoir des fonds, 51
• obligation
~ de compte rendu, 97, 105, 197
- de moyens, 101
- de rendre compte, 96 et s.. 105 et S., 197,206;304
- de résultat, 101, 105
- d'informer, 99
- générale de prudence et de diligence, 100, 101, 103, 112
- obligations du banquier encaisseur, 60 et S., 266
- inscription en compte des sommes encaissées, 67 et s.
- opposabilité du contrat par les Liers, 103.262
- promesse de services, 50 el s.
- reddition de compte, 98, 105, 113
- règles cambiaires (influence)-, 108 et s., 307, 309
- relevés de compte, 98
- renonciation (faculté de), 100, 101
- responsabilité du banquier encaisseur, 74 el S., 99 et s.
-
- à l'égard des tiers, 103 el s.
- clause de non responsabilité, 102
- fait générateur, 112
- exonération, 101
-restitution des sommes encaissées, 74 et s., 76
- revendication des sommes encaissées, 73, 77 el s.
- sommes perçues après la faillite du mandant. 84 cl s.. 638

IX
Enchevêtrement de contrats, 619
Endossement:
- de procuration, 53 et S., 56 cl s., 641
~ en blanc, 54 et S., 641
- translatif, 53, 641
Engagernentautonorne,502, 512,517, 527, 529
Engagement abstrait, 553, 554, 612, 614
Enrichissement sans cause (de in rem verso), 190 ct s.
Escompte, 54 ct 5., 641
Garantie indépendante (à première demande), 488
Garantie ( promise par le banquier), 501, 645, 654, 655, 659
Gestion d'affaires, 181
Groupes de contrats, 263, 613, 645, 656
Inopposabilité des exceptions, 309, 643,
Irrévocabilité des ordres de paiement, 717
Mandat:
- combinaison avec garantie personnelle, 645, 662 el s.
• complexité de structure, 623
- complexité des modalités d'exécution, 632
- eonçu en termes généraux, 483
\\
- d'encaisser, 50 et s.
- de réserver au bénéfice d'un tiers, 89, 299
- exprès, 165, 436 et 5., 458, 483, 630 et 5., 704
- femme mariée, 166,232
- formation progressive, 52, 132 et s., 381, 624, 628
- général de gestion, 197
- post-mortem, 310
- prépondérance sur les règles du compte, 637
- tacite, 436 et s., 458, 483
~andatapparent,247,253,254,305, 306,413,606
Mandataire institutionnel, 215, 687
Mandataire substitué:
- réeeption de fonds vires, 350 el s., 633
Mineur, 164, 165
Mission de service public, 674 et s.
Non-ingêrance (principe de -), 73, 74, 79
Obligations (du banquier):
- alourdissement des -, 686 et s.,
- de conseil, 695
\\

x
- de prudence et de diligence, 304, 464, 466, 470 et S., 479, 699
- de vigilance, 696 et s.
- obligation de compte rendu. 97
- reddition de compte, 98 et s.
Obligation de prudence et de diligence, 203, 255, 265, 270, 285, 296, 304, 387, 404, 696 et
1
s.
Obligation de moyens, 163, 283. 284 el s.
{
Obligation de résultat, 24, 105, 163, 228 256, 283, 284 et s. 404, 535
Obligation de résultat conditionnelle, 284
Opérations complexes. 618 et S., 684
Opposabilité du contrat:
- aux tiers, 308
- par les Liers, 103,262,266,269,272,280,418,465
Prête-nom, 545
Prnkura. 10, 578
Promesse autonome de payer, 528 et S., 572 el S., 654
Promesse générale de prestation de services, 51, 133,380,626 et s.
Promesse de porte-fort, 259, 311, 416, 545
Réception passive (acte de), 51, 482
Redressement et lîquidationjudiciaires, 84 et S., 234, 360
Règle de l'accessoire, 653
Relationsjuridiques complexes. 619
Répétition de l'indu, 182 et s.
Représentation: 486, 492, 542, 543, 546
~ d'origine légale ou judiciaire, 450
- mandat sans " 450
l
· sans mandat -, 450
t
Représentation des intérêts d'autrui, 492
Responsabilité du banquier mandataire:
• alourdissement de la -, 700 et S., 711 eL s.
- responsabilité civile, 703 ct s.
- contractuelle, 703
- délictuelle, 705
- responsabilité pénale,70S ets.
• infractions spécifiques, 70S el s.
Risques
• appréciation des -, 141, 142, 144
- impulation des -, 245, 305, 518,536,537 el s.
\\

XI


- transfert des -, 373, 374
R.U.V. (règles el usances uniformes relatives aux crédits
documentaires), 505 el s., 526 et s. (v. texte en annexe).
Saisie (saisie-arrêt, saisie-attribution, saisie conservatoire), 218
Statut professionnel, 215, 692
Substitution de mandat (v. mandataire substitué)
1
Vérifications, 62, 164 et 5.,229 et S., 256 eL s., 265 el s., 696
1
Virement: 333 el s.
- acte juridique, 338 et S., 343, 345, 422
- acte matériel, 341, 342, 344
- avis de crédit, 352
~ avis de virement, 366
• banquier du bénéficiaire:
- gérant d'affaires, 371
- mandataire substitué (non), 351, 352, 354, 356, 358, 361, 363, 371, 407
- obligations, 352, 356, 359, 361, 363, 366, 367, 424
- qualité, 351 et s.
- représentant du bénéficiaire, 349. 3S1,352,354, 355, 357, 362.363,366,
378,424
- banquier du donneur d'ordre:
- obligations, 352, 359, 361, 366, 377, 382, 387 et s., 400 et s., 404, 423
- responsabilité, 358, 387, 402 et S., 406, 407, 417 el 5.,419 et S., 423
- terme du mandat, 348, 355, 357, 362,363,366,424
• banquier intermédiaire, 337, 347, 350, 375, 376, 405
- chose à livrer, 371 et s.
- compensation, 344, 375, 376
- consentement du banquier, 380
- convention de compte, 352, 363, 380, 381, 424
- déléjation, 340
- dépot (contrat de), 420
- droit direct du donneur d'ordre, 356, 358
- faute lourde 1légère, 404, 408
- faux/falsifié, 649
• forma lion du mandat (processus), 381, 383
- gestion des affaires du banquier, 380
- groupes de contrats (théorie des), 359
- inscription de crédit (effets), 343, 345, 347, 348, 357, 362, , 364 et s. 369
- inscription de débit (effets), 343, 347, 362, 365, 368 et s. 373 et s.
- intérêt du donneur d'ordre, 346, 353
- irrévocabilité (moment), 368 et s., 375
- mandat:
- apparent, 412 et S., 423
- étendue, 347 el s.
- exprès 1généraL., 381
- extinction, 393
- de délivrer, 371 el s. 425
- de recevoir, 371 et s., 425
• de transférer des fonds, 348, 361, 366
- nature conventionnelle, 378 et s., 383, 386
- qualification de -,335, 338, 343, 347, 348, 349, 352, 369, 370, 377, 378, 379,
386, 393, 396, 413
- renonciation, 423

XII
"'i
:".1~
. substitution de-,350 et s.. 354, 356, 358, 3111:. 361,372,405,424
- obligation de prudence et de diligence, 387, 404,- 4"1'.f, 423
_ obligation de rendre compte, 388. 399 et 5.,423
_ obligation de résultat, 404
_ opération complexe, 361
_ opposabilité des contrats, 418
• ordre de virement, 333 el 5., 381
- causes d'extinction, 393
- conditions d'exécution, 391 et s.
- délai d'exécution, 398, 404
- falsifié, 413, 423
- faux, 408, 423
- forme, 383, 384, 386
- irrévocabilité, 367, 368 et s., 374, 375, 377, 426
- obligation d'exécuter, 388, 389 et S., 423
- réserves ou conditions particulières, 354, 355, 397
- révocabilité, 368, 369
- redressement et liquidation judiciaires, 360
- remise de monnaie scripturale, 339
- révocabilité du -, 368
- saisies, 360
• succession de deux mandats distincts, 351 et S., 633
- substitution de mandat (thèse de la), 351 et s.
• transfert scriptural de fonds, 341
- T.l.P 1T. U.P, 384
• vérifications de sécurité, 390, 404, 650
i
\\

579
ADDENDA
~'
p.139. note 407, ajouter, à la suite de la note."Adde, plus récemment, Casso corn. 27 oct. 1992,
D.1992.I.R.267".
p.310, note 894, ajouter, à la suite de la note, "Adde, plus récemment, Paris 21 janv. 1992,
Banque 1992.845, obs. J.-L. Rives-Lange".

p.444, note 1283, ajouter, à la suite de la note, "V. egal. Didier R. Martin, La carte de
paiement et la loi (ou la puce maltraitée), D.1992, chrono 277 et S., spécial. p.279, § II''.
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