UNIVERSITE DES SCIENCES SOCIALES DE GRENOBLE
UER FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES
LA NEGATION DU
PARADIGME PRODUCTIVISTE
TI-ESE POUR LE DOCTORAT D'ETAT ES SCIENCES ECONOMIQUES
Prhenth el soutenue publiquement le 20/12179 par
Hervé DIATA
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JURY
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Prhldent:
Monsieur DESSAU Jen, Professeur as.o'êI6 à
l'Unlversll6 des Sciences Sociales de GRENOBLE
S "lfragants:
Monsieur COUVREUR Louis, Maitre de Conf6rence
assocl6 à l'Unlverslt6 des Sciences Sociales de
GRENOBLE
Monsieur BAREL Yves, Maitre de Rec~erc~e au C.N.R.S.
Monsieur REY Pierra - P~llIppe, Maitre Assistant à
"Unlversll6 de PARIS VII
Monsieur PERNET François, C~arg6 da Rec~erc~e à
l'Unlvarsll6 des Sclances Sociales de GRENOBLE.

A TOU S
LES
P A Y SAN S
EXP LOI TES

AVANT_PROPOS
- -
. -
- -
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--
Bi.n que la tatalitj de. point. de vu. exprim~s
dens c.tta th.s. n'engag. que l'aut.ur, cau.-ei daivent capen-
dent 'tre cansidjr~a com.a 1. fruit d. no_breuaes discussians
avac des camarade. eangalais ~tudient A Grenoble. exarçant
den a la fanction publique congolai.e ou fai.ant partia du
gouv.rn •••nt congolais, ainsi qu'avac un certain nombra
d'~tudianta at charcheurs de l'Inetitut de Recherche Economique
at de Plani'icatian~ Que ce. ca~.rsdea trouvant ici l'axpraesion
de toute notra raconnai.aanca.
~a cont:ibution la plue d~tarminante pour la
m.t~rialisation d. eatta riflaxion aur lea problAmea du djvelop_
pemsnt aura cepandent ftf cella de certain.. peraonne. euxquall~!
nous adraa.ans toua noe ramerciements at exprimons toute notre
gretituda.
Au nombre da cee per.onn.a fiqurant d'.bord l.e
payaane congolaie qui n'ont jamais h~eit', pendant l"tude
aff.ctu'e sur le t.rrein d'eoOt • octobre 76, 1 noua livra~
l'anaemble d•• conneie •• nce. qu'ile evaient de. phjnom.nes
6tudi6s et tout c. qu'ile saveient et pen.eient sur lee qUee~icn!
que nous leur poeione~ C'est d'ebord • eu. que cette th.ee est
d~dife~ Qu'ils eoiant an outre e.eurés d. notre engagement 1
feira netra. leure lutt.s quotidiennes.
Parmi ces pa~.onnee figura ensuite le P~ofesseu~
Jan DESSAU qui, an e.surent la dirac~icn ~. cette thèse, n'a

M'neg' eucun effort ~our ~ettre ~ notre di.~oeition touta son
.x~'rienc. ~'dagogique . t 1•• conditiona ~t'riallee d'une
~roduction int.llectu.ll. qu'il n'. c.s.' d'encourager.
Il a'agit au •• i d• •on.ieur Yvel BAREL qui, ~
tc.v.r• • • • 'crit., • tr.v.rs l.e .'.in.1:•• org.ni.'• • l'IREP
. t au CEPRES . t le. di.cu.sion. ~ulon • pu avoir, non eeuleme~t
noue • 'Ineibili.' .ur 1. n'c ••• i t ' d. toujours ~oe.r 1••
-bonnee qu•• tione~, •• is • incont•• tablem.nt 1. plue influenc'
l'.pp.r.il conc.ptu.l utlli.' dan. c.tta recherch••
Il .'.git .nfin d. Pi.rr.-Philipp. REY qui, par
.on 'tud• • ur 1. Congo et 1•• ~u.lqua. 'ch.ng•• verb.ux ~uton •
pu Ivoir, noue • p.r-i. d. noue d'•• rqu.r d'un. tr.dition
.thnologi~u• • t 'cono.ique p••••nt ~ cet' de l' ••••nc. des
ph'no.'n• • •oci.ux ob ••rv'• •n mill.u sou.-d'v.lopp'.

-1-
1 N T R 0 0 U C T ION


-z-
Le tMlDe du "d6'veloppeœnt" ocr:upe, àepuis un peu plus d'un
quart de siècle. me place si ~rtante clans la littl!i1'3:ture socio-
economique que certains auteurs ÇClIIIœ Ipt.aey Sachs n'ont pas hésité 11
cansidlrer la th'oTie du dIve!appeiii51t a:mme ''la clef de voO.te" des
,d.eor:es sociales.
Sa di:œn5icn idéololique est fonc'tiCJll des contradictions con-
erëees qui donnent naissance il sa fonœ d' e.."q'Tessicn partiOJl.ière l lm.
.lIPDent, les politiques que ce-tte expression suggère et les rbultats 1
attendre de la me en oe\\JV'n, de ces poli tiques. En partiOJlier. c' es t
le dtveloppement du sous~loppeœut et les luttes qu'il a engendrfes
qui ont façonnf les id6Jlogies et théories du dfveloppeœilt diffus!es
depuis plus de ving't cinq ms.
Ai.nsi. selon que le sous~loppeli&iiltest considén ClJllIDl!
un ensœle de c:arences ou d' insuffisances J CCllIIIlI' un retard dans l'in-
dus't"I'ia.l.isaticn. CCIlIœ un duali sme seCtoriel ou enfin e::t:lIlIœ un produi t
de la dépendance. l'idéologie du clêveloppeœnt se prëeeneera sous la
fo'œe d'une théorie da "Tatt't'1lP&ge", d'une théorie de la ''DJ:ldernisation''.
d'une th'oTie de la '''réduction d'kartS", d'une théorie du "cëveicp-
peant endcgëae" ou d'une théorie du .. dIl!veloppeDEtlt atnoc:entn".
Sans faire l 'histoire de ces théories, i l convient ~ndant
de degager les grandes lignes des plus importantes d'entre elles, avant
de fcrt:!mJler les rema.:t'ques qu'elles suggèl"ef1t et de se prononcer en
faveur de l'une ou l.'autre, ou, tout s~lement de d!finir les condi-
tions de leur dépassement. une fois leur i.nac:iéquation déeorrtrëe .

-3-
L'idéologie predominante du développement correspond â la
division int:etnationale du travail. C'est la théorie de la ''IlI:)dernisation''
basée sur la politique d' iq)on-substi tution et la 'l'évolution verte, et
qui s'es t gênénlisée • panir des années 50.
La poli tique d' import-substitu'tion peut-être définie çomœ
"la JUbsti"Oltion d'une producticn nationale â l'iJqxlrtation de eieœ
industriels desti.nfs 1 satisfaire des demandes intérieures exfstantes et
suffisaœent 8q)les déj! pour jw;tifier la rentabilité des i.nvestis-
seœnt,t. ce qui signifie la PTOduction de biens de consODlD&tion manu-
facOIr'fs"(1). Les raisons de la mise en oelJYTe' de cette politique
resident en premier lieu dans la supétiori té des opportunités de gains
offenes par l'implan:tation de ces indust'ries dans les êo:momies sous-
développées par nppart 1 celles offenes par leur implan:t.ation dans
l' k-onallie d'origine.
Gependant, la demande des Formations ëccoœdeœs et sociales
sous-d!velopp&s en biens mnufactu:"es, compt:e tenu de l'absence d'in-
dust:ries p:r6éxistantes, donc de demande intenœdiaire, perte essentiel-
lelDl!lnt sur ëes Canscmmations de luxe. &aanant des bourgeoisies Iccafes ,
tels les autallJbiles. appareils 1II!nagers, téléviseurs, radios. horlo-
gerie, etc... . La poli tique dl iJqxln-substi tution ne peut: donc con-
ce-mer qu'un des stades de l'élaboration du pT'Oduit. le dernier, c'est-
l-dire l' assembla~. ce qui revient! substi 'tUer une importation. (les
pièces dét.aehées) 1 une autre (le pTOdilit fini).
Le développement: k-rmomique fondé sur cette strat:égie ren-
centre un brccage-corecaeë dans
tOUS les pays qui l'ont aè::Qptl!e·
lo~ue l'impon-substitu'tion reecnee aJ.L'I'i: biens d'équipeJœJlt et pro-
du.i:t5 interm!diaires. L'impossibilid de reacnter le processus de
production
est: due, selon. C. PalloL-t (2)1 l'êpuiseœnt: raçdde dans
(1) C. PALLOIX. L'économie mndiale caoitalis'te et les :i:nœs mu.ltina-
tiona.LI:s, MâSPêro, P.tîJUs, 19~7, tome ~, ?age3Do
(2) C. PAl.l.DIX, CIO. ca r , , page 31Cl

l'écommie sous-développée, de la capacité d'absorption de capital et
de eecœcrs de PT'Oduc'tion dyD.amiques. c'est-l-dire ceu:c devant PT'O-
duire les piaces de'taChfes ~rtfes ainsi que ceu:c pl"Oduisant les
machines servant 1 fabriquer les pièces (1).
D'autre pan. les bourgeoisies locales ne cCZlSClllJ:œnt qu'une
pan i.nfiJœ de la producticm, l'essor des industries d'ÏJlÇKln-substitution
d'pend. essentielleœnt de la dcmnde intérieure des œasses rorales et
urbaines dont les nRnU5 sont très bas. Aussi, le taux d'expansion de
ces i.ndustties, eprës fpui;eœnt de la demande pr6alable, est-il lim té,
puisqu'elles n'aiissent pas sur les fJ,c:tmIrs detenaiDant ceeœ dcmnde,
DDt.azmœnt sur le niveau du nVImU agricole.
La deuxiêlœ cOIlpOsante de la sttatégie de la ŒOàemisation
est la réwlution verte , Celle-ci consiste essentiellement 1 généraliser
l'usage des semences aml!lioms. Ici éga:JAment, l'é<:hec a ëeë inévitable
et tient à deu:c nisans liées 1 la. nat;ure des rapporu sociaux aan.s le
cadre desquels ce'rte pseudo-révolution a été œnfe. En premier lieu,
la diffusion des seœnces nouvelles nécessite uœ utilisation plus
intensive tant d'enÇa.is que de pesticides, ce qui, ccmpte terua de la
faible capacit! de.!! populations rurales 1 se precarer ces deu:c !lements
et du teq)s plus ou mim long œcessaln 1 leur adoption sys'têmatique,
restnint le .ryt.tme de leur diffusicm. D'autn part l'augmentation de
la produc:tion qu'on a enregistré n'a pu se fain qt.Je par une polarisa-
tion sociale œarquée et l'accaparement des tet-res pu les élêIœnts les
plus "pe'I"lDéables aux pT'Ogrk" et elle a conduit 1 l' b:ode rural et à la
f!ImiJJe.
Un courant de pensée d'inspiration mar.C.s'te représenté par
les adeptes de la théorie de la d'pendance a réagi centre cette idéolOgie
en IœttaIlt en évidence l'impuissance de la croissance capitaliste à
(l) C. PAllOIX précise que ce que l'impon-subs.:itution ëcurse en fai~.
c'est ''la capac.i té d' abscrptacn des techniques simples
dans l'!concmie seus-dëvekcppëe , et elle se trouve alors
bloquée par l'absence de secteurs dynamiques d'aŒ'nt qu'el'::
n'a aucune vocatacn de susciter" Ibid

~s-
assuzer le développeœnt des F.E.S. sccs-ëëve ioppëes, Ces auteurs
insistent sur la ~cessit! pour ces F.E.S. de t'I:lIDpre avec le, systèlœ
c.a:pi tal.is'te. Lê dlwlappelllmt indêpendant ou d6wloppelllmt "aireccencrë"
(S. Amin) de .... que 1. <f!""loppeœnt "'-ime" (1. Sachs) sont
çonçus par eux o:IlR uœ accél'ratian du processus d'inàustrialisation
par le secteur publlç. L'applleation de cerœ stratEgie ne peut se
faire qu'aux çanditians sufvaates :
- Les industties l implanter doivent être "î.udustrialisantes",
c'esa-â-dfre "avoir pour fonction écanollli.que fandame:nule d'entraîner
dans leur eIIVirtJEmellent localisé et dat' 1.ZI. noircissement sysœmatiqœ
ou uœ mdificauon st1'UC'Clrelle de la mattice inter-industrielle et
des aansfomations des fOnctions de production" (1). Ces industries
se situent dans le secteur des bie.Ds de production, sant lJautement
capiulis tiques et de grmdes diJœnsions (Z).
- Cet'te demière aractéI:istique des ÎlldlJSU'ies inciustria·
llsantes exclut qLÏlen:&s puissent être c:onstruites dans le cadre
de
pa'}13 isolés. L'î.udusttiallsation doit donc se réaliser à uœ lchelle
rfgionale, wire çmti:aenule.
-4 dernière çondition est l' intravenion de ces î.udustries.
c'est ..à-dire leur orientation ven les besoiJls internes des senes
d' implantation.
L'option en faveur de l'industrialisation çonstitue 'ialement
une rêponse aux di lemes opposant le developpement par l'inàustrie au
dlwloppement
par l' agricul ture, l'industrialisation 1 l' .am!!lion:ri.on
du niveau de vie de la population. LlugtJlŒnt mis en avant pour justifier
cette option face l ces dileDIDes est que l' agricul ture ne peut se dëve-
lapper que par l'utilisation des inputS d 'oripne industrielle (ma.-
chines , eng1'3is, pestactœs , etc. .. ) et l' alIgJœnta.tian du niveau de vie
n'est possible qu'avec l'accroisseœflt de la productivité, elle--oême
life à l'industrialisation.
'1)------------------------
G. DE.ST;.NNE DE BERNIS : "Industries industrialisantes et contenu d'une
politiq". d' intégration régionale"
Eçenomie .J,m]licuée. Tome TIX, ~o3-4, 1966, page..! i;
(Z) G. DESTANNE CE ~IS, art. çit. page -1.19

-6-
A Il indrieur de ce lIIiœ CQurm:t. certains auteurs caame
Slmir AIIi:i.n considèrent. cependan:t que la priorité première est l' _1iora~
tion. iJlm!diau de la prod1E.tivitêi et du niveau de vie des grandes masses,
D:rtal!lll~n:t rurales Pl. car dans la perspective d'une rupture avec le
lIIBI'Ché capitaliste. le surplus paysan est le ~ le plus sûr de rëa-
User cette indu5'trial.i5ation~
Bien que c:e'tt,e seccnde théorie parte d'une négation de
l'icl.6Jlogie cl. 1 iJlçon-subni tution. l'une et l' autre repcseae cependant
5UI' le paradigme produc.ti visu de la lib'ratiœ au'taœ.tique par le pro-
grès technologique. L'id!e centnle de ce paradigme en que la croissance
kanœi.C{Ue. petmi..se surtout par l' industtialisatian et enu"tmue par le
progrls uchnolopque. est le llIOUur du développement. scctc-ëcœœaqœ
qui assun fpSDOUissement et progrls des virtual..i eëa, des libertés et
des pccvcrrs de d.cmi.nation de l'hoame sur la nature et éven'tUelleœnt SUI'
la so:.ié'tl!!. D' CIl la <:royaDee que seule l' i.ndusttialisat.ion libère.
croyance renfoTCée par le d!veloppement. t'Ealis' par l'occident tant
apitaliste que sociali5te. Posant en plus que eccce
êconcm:i.e a vocation
1 s'îndusttia.liser, en en vient l accorder le -ptimat, dans la Q.êfinition
des st.n:t4gies de dêveloppaœnt des F.E.S. sous-d!veloppées. au tnnsfen
des technologies. La mise en oeuvre d'une telle stra:t!gie devrait per-
eeetre le 'Tat.t:rap8ge" des pays développés en b1"lllant. un certain nombre
d'!tapes (2). ou "la riduction des écarts de développeœnt." (3) entre les
uns et. les airtres .
Il faut. -remarquer en premier lieu que le ri51e privilêgié
accordé au transfen des technolofies suppose que ces technologies soient.
(1) S. ~ : Préface il l'ouvrage de Pasc:al LIss::JUBA : Conscience du
dêvelOJ?EAiri~t et. déoocrat.ie. Nouvelles Ediuons Xiricaines.
DâkâT -. ~ Jan, 1975
(2) G. DE.S"!N'fŒ DE BERNIS. an. dt. page 426
(3) C. P.4l.LQIX, op. cre. Toœ 2, page 3:3. cf. aussi Paul BAlllCO:! :
"tes êcarts ces niveaux: de d6veloppeœnt écanomique ent-re
pays dêveloppês et pays sous dëve Icppës de 1'7';'0 il :000",
Tiers-"'brode, TOIœ ?CII-N:04i Juillet-Septembre 1971, page
.l.9i 30514.

-7-
I.D1iwrselles, ç'est-il-di:re qu'elles soient les meilleures partout et
pour touS. D'uœ maniêre gén!rale en effet. la science et la technique
sant considfrfes c:œme i.ndependantes des rapports de production et liées
lmiqueœn't à la logique du déwloppement des forces producti'185. Ce qui
est souvent mis
en cause, c'est le fait qu'elles sant utilisées pour le
profit et/ou la puis53DCe d'une mincl'rit!, au lieu de l'@tre pour le bien
@tte de touS. En d'sutTes eerees , al s'est limitê à uœ distinction errrre
.la "bonne substanCe" de la science et sa ''mauvaise utilisation" par le
sysd!_ capitaliste. Il .suffirait aloTS de lever les obstacles secte-
koncmiques - dal:inatiCll et exploitation capitalistes notalllœnt .. pour
que les technologies cessent de pervertir et d'uTOphier le développement.
C'est ainsi que la plupart des pays ci) les rapports de production ont
ëeë transfonll!s par la l'!vtllutian socialiste n'œ:t pas soumis! la en-
tique syst!matique les optiClZlS technologiques du capi tali5Iœ (1) .
.ceue pasitien s' appuie sur la fallace de la sépaTabilité
totale des IIDyeI1S et; des fins, la science et la technique hant consi-
dfr&:s COIIIœ purs ~J en elles-mêmes neutn5 quant; aux fins. Mais
fiDs et IID)"ellS sont iDdisociables. amme le llJJrJ.t:rent" les analyses consa-
crees à la O'ise kologique ac'tlJelle. La pluprln des auteurs panent
d'\\.m c:cnstat d.'k!Jeç de la teclmologie dans le doma.i.ne êcologique et
c:hercœnt ensui te â cerner les raisons de cet ëcjec , Le travail le plus
connu êffec'tué dans ce sens en celui de Coummer (2) qui a eu le mhi.te
de dépasser la s~le distinction êvoquêe plus haut entre bonne subs't8lJ.ce
de la tedmclogie et sa œuvaise utilisation, et de :rechercher les causes
proftndes de l' ëcœc dans le contenu de la science.
L'analyse admise cO'l..II'aIIIlJent est celle qui concerne les
relations entre acClJlll.llation du. opita1, productivité, progrès technique
et à!gTada.tion des kosystèœs. La recherche du profit ma.:riIlDDn et les
besoins d.'ac::uDU1ation du opit.a.l poussent" les capitalistes â eccrcî rre
(1) C'est ce que rëvëje la stl"atégie de l'U.R.S.S., consistant â utiliser
la technologie amêricaine pour rejoindre et dépasser le niveau de
développement des Etats·lJnis.
(Z) Barry CO~
L' encercleuent. ProbUIœs Ce 5iJI"Vie en milieu
terrestre Sêllll, Pans, 19n

-8-
sans cesse la productivité du travail et du capita.l. Le rfsultat en est
une expansion continue de la pT'Oduction petmise paT la mise en oeuvre
des iJmovatians tedmologiques. Mais l'application des nouvelles tedmo-
logies J dam la production agric ole et industtielle not.amœnt. engendre
des effeu dfvasuteurs sur l'écosphêre dont on s'Ç!et'Çoit alors qu'il
C~l"te des limites dans sœ r"'f"tJ:mJ! d'activitl et ses dî.Iœnsions.
Si l'on adlœt lEVeC Laura Conti Cl) que la dégradation de
l'envi:rcnneœnt ett proporticcnelle soit 1 la productivite
soit au vc-
11.111! total de la production (autreRllt dit : .2 égalitl de productivité,
elle est proportionœlle au voluœ de la pT'OCbrtiœ• .2 égalité de pro-
duction, elle est proportionnelle 1 la productivité). pour enrayer cette
dégradation, i l faut faire baisser soit la productivit!, soit le voluœ
de la pl'Odu::tiœ. soit Ies deux. Mais uœ 1"êduc:ticn de la prodlctivité
ne peut pas se faire sans œtt-re en cause la na:ture mêœ du capitaliSIœ
qui en exige l'accroissement cont:i.m.l. De m&me, la baisse du volume de
la pT'Oduction. si elle ne 5'ao:~gnait pas d'une réduction de la popu-
lation • obligerait le systêlœ 1 diJDi.mzr le niveau de vie • donc .2
s' e:xposer .2 de ëeeeee tensicns sociales. La crise kologique fai t ainsi
apparaiere tm e contTadictiœ entTe la 1"eCherc.he par le systi!me capi'ta-
liste d'un accrcissemmt con'tinu de la productivité et la -reproduction de
la base écologiqU!!: sur laquelle i l s'appuie.
La aitique de l'usage capitaliste de la science s'avère
cependant insuffisante pour rendre ~te des causes et des oriiines de
l'échec de la tec!mologie dans le daDa.ine 6cologique. puisque les pro-
bli!!lœs relatifs .2 la dégradation des ëcosvscëœs constatés dans les
pays c.a:pi talistes semblent se PJ.5er de la même manière dans les pays
(2) Laura CONTI:
lest-ce aU!!: l'écolo .e ? CitaI
tTavail et
ennronnement •
ro ,
ans.

-9-
socialistes
industrialisés(l).
Il faut d'abaf'd. préciser q12 !'êc.hac d'Xl:t il en quenicn
ne œnceme pas les objectifs assignés aux technologies mœrnes. Dans
la plupart des cas en effet. la technique s'est 1IDrltde capable de réa-
liser ce que l'an attendait d'elle. mais les rbulut.s obt.en\\.1$ dans le
dl1lllll!;ne de la production industrielle et
agricole noUDlDent, ont eu un
certain nombn de ccn.séquenc:es SUI' le plan écologique. C'est cette cons-
tatation qui a amené CoamJDer ! rechet'Cher le défaut de la technologie
dans le cmtenu eëee de la science.
CClllD:Jner rema:l''que deux cacses , D'une part. la pratique
scientifique QanrjNnte repose sur la nécessité de faire coIncider la
t9:che paniOJ.llère qu ' l.D1e technologie deit accoq:tlir avec œ rtains
secteurs bien délimit!s de la ccnnaissance scientifique et tectm.ique.
Ce'tt.e Décessit.é est ch.Je au cloisonneDltnt des disciplines scientifiques
rêsuJ:tant de la çroyance ql.:e la seule façon d'atteindre la coq,.rEhension
d'un syst_ ~lce en d'envisager sëperëœrre les prcpraëtës de cha-
cune de ses parties. D'autre part, les techniques sant cOl'\\Ç'Ul!s pour
r!soUdre des pTtlblbs pa:rticuliet'S et isolés et ne prennent pas en
considération d'inI1vitables "effets secondaires" qui se pl"Oduisen't du
fai't que, dans la nawre, aucune partie ne se trouve isol!e de la ~nme
écologique d'ensemble. Ces remarques conduisen't CaUIIElner il voir dans le
fiasco kologiGue de la tedmologie lIIJderne une conséquence de la nature
fraglll!!n:tai:re de ses bases sc.ienti fiques et; de son L"lC3pllCi'té à a::pprtThender
globaleœnt le sys't_ SUI' lequel portent; ses interventions.
(1)
C'eS't la conclusicn à laquelle l'analy!>e d'un certain nombre d'ë'rades
ccnsacrëes aux problêlœs de l'environnement en U.R.S.S. amène
CI)M,DœR (op. ch. pages 276 ! 279). Cet auteur fai't en outre reear-
quel' que les tec.hnol<:giesqui se sont dëvejcppëes en U.R.S.S. d.aœ;
la pfriode de l'après guerre paraissent tout! fait similaires â
celles qui sont utilisées a.w: Etats-unis et sont aussi peu soucieuses
des nëcessteës écologiques. Il souligne égale:œnt que le peu d'at-
tention accordé aux prcb lêrœs de la pollution résulte du fait que la
première préocccpatacn en celle de la ?t'Oductivi'té et Ce l' acca-
plisseœnt des prescripetons du plan, bien cp.:e la !'!g;letœntat:'on de
la oollu'tion n'y soit pas inexis'ta!"l.te.

-10-
La contestation 6cologique apparait dès lors COIlIœ la
remise en cause la plus radicale des COIl'tem1S et lDI!thodes de la science
dcminante. A travers elle, c'est aussi la n.euttalitE des teehni.ques
qui. est remise en questiall. En effet. le sys't!me tedmologique d'une
soc.iEté ne peut pas Itre sëeerë de ce que cette sociEtE est. ~i la
technique, ni les objectifs de ccœceeaedon, ni les fol"lDes d'organisa-
tion ne sont neutres car ils vëlucul ent; . la division du travail (manuel/
intellectuel. de conception /d'êxêcution) et donc le principe cie la
hiérarchie i.nhérent a. toute
soci'tf de classe. et le fait que l'impor~
tation ou l'imitation des tedmologies soient assurées par le secteur
p.Jblic ne change rien w problème.
La deuxième remarq,ue se t'3RXlrte a. la dffini tion
des
stTatEgies de développemeut des paY5 sous~lopplis çcmœ sC'3.dgies
de "rattta:page" des paY5 développlis au de "réduction des écarts de
développement" eeœe les uns
et les aunes.
Tout d' abord., envisager le d4velappement cœme processus
de rattrapage c'est assimiler le SOU5~veloppement a. un retard dans
l'Î1IdUS'ttialisation et prEtendre y remedier en faisant franchi.r a.
l' 6c.onl::InU sous-d.évelcpp6e aux lIIJindres coOu et avec le œxjnan de
rapidid - en ''brûlant, les Etapes" -, la
r~e unifoTme et inévitable
d'Etapes Cl) conduis~,
...ecccee aes socU"
pers uœ même situation,
celle des sociEtEs·
-~lles c~~tÎ\\c,.. '"
5 consddérées coame eo-
dèle de r'fêrence.
'
,~
,._~" -
Or, les ëtndes consacrées a. ce qu'on a appel' la "crise
du dêveloppement" ecmrene que le développement rêalisE par ces so-
cdëtës, en même temps qu'il accroit les possibilitEs de développement
de l'hcmœ et de la sccrëeë, engendre des tares profondes qui précfs é-.
ment minent ce développement. En eiiet, les progrès considêrables
(1) cf. W.W ROSrcW : L.es êta'Ces de la croissance économiaue, Seuil,Par:..s,
1960.

-11-
réalisés par les sciences et les techniques modernes dans la connais-
sance et la manip.1lation de la matière, au lieu de perïeet'rre un. ëjar-
gUsement de 1& liberté mmajne, ont abouti 1 la généralisation d'une
si'tuation can.ctérisfe; par trois phéncmènes œjeurs : la mécanisation
croissante de la. vie, la polarisation, centralisation et concentration
du pcuv'Qir de dëctston, l' hcm:Igênéisation socio-culturelle, et, bien
sûr, ces pbfnam!nes sont plus sensibles dans le b.as que dans le haut
des pyramides sociales.
La. JDfcanisation de la vie résulte de la spécialisation, fon.dfe
sur le principe de la correspondance encre mu:nae et fonction, et qui
tend. 1 affaiblir la fonoation globale de l' hc:mIœ et son épanouissement
dans plusieurs directions 1 la fois. Ainsi, le travailleur de base
devient de plus en plus lm être eëcamsë, aux gestes et aux pensëes
professionnels s~réotYPés, dont la richesse humaine n'est que très
iJJ;:larfaitement utilisée. Le même travailleur ne peut ni s'épaoouj.::", ni se
rkliser en dehors de son travail, parce qu'il TetrolJ'le un 5Y5tême de
çenscazation, de loisirs, de culture, voire un syst!me politique eux
aussi en voie de "mêcanisation fcrcenëe". (1)
On assiste d'aune pan 1 un développement de la centrali-
sation, de la polarisation et de la concentration du pouvoir de décision
en~ les mains d'une élite, le travailleur de bue devant se contenter
d'obêir aux insttuetions des supérieurs. Il en résulte ure
dëpcssesston
croissante de l' autananie et une atrophie du pouvoir d'agir.
C'est enfin une hoDDgfnéisation qui stcpëre en ruinant les
cultures locales, régionales et ethniques. Cette homogénéisation cultu-
nlle lcivilisationnelle (2) née de la
(1) Y. BARa. Le~rt h~i."', 1 la ['8-tière, Action c~ncertée DGRST,
!~oms, JUl.llet 19i6, Toœ 1, page _
(2) Edgar. IDR.I~,"Dfvelappement de la crise du développement",in le
\\fyIbe -lu èévl'l "tJlZ'l"'"Dr, ouvrage collectif sous la
direction de Candide ~landès. Seuil, Paris, 1977,
page ':49.

rÜJCtion lDll'th&latique de la rëaidcë, engendre au niveau individuel et
dans le cas des ethnies d.6sarticul6es et laminfes une aise à' identité
et se tTaduit sur le plan collectif par l'~sition dtun 1II::lC!!1e unique.
Bien sür , ces ph.ênaDèœs ne sont plIS absents des pays sous-
développés. En particulier, au lieu que leurs origiDalith s'expriment
et se fortifient, au lieu qu'apparaissent_les caractères singuliers des
peuples et des cul esree , c'est 11\\mi.fonnisation. des fonœs d' orpnintion.
de productian. de consoamatian. de pensée qu'en esstsee , De sorte que
le "d6veloppement" au lieu de se tTaàuire par un progrès vers un "ê'ere
plus", un "être mieux". devient un p'rOgrès vers un"ê'tre COUlD!."qu,i. !quivaut
nkessairement J pour <:h&que culture particulière. 1 un "être JlI)ins" C1) •
Et la s't"I'3.tégie du "ratutpage" cOl1$iste 1 pousser plus loin cette uni·
formisation.
D'w'tre part, poser la "r~tion. de l'écart" came premier
objectif ~ développement œ présente qu'un intérêt limité, la liJaite
tenant 1 l'appréciation de cet ëcar-t et 1 la nature des myens envisa-
gés pour le rEduire.
La. pratique la plus courante cctl.5iste 1 apprécier Le pro-
cessus ~ d.fvelowcua:llt par le taux de croinsance du produit national
brut (PNB), 1 œsurer l'état atteint de développeœnt par le PNB par
tate et 1 évaluer le nivew de bien-ftre atteint par une société d'après
le revenu national par habitant. Or. 1 condition. de tenir campte de la
répartition sociale du revenu et du PNB et du degré de participation des
divers ifOlJPl!s sociaux aux fruits de La croissance, ces trois indicateur:,;
ne reflètent au mieux que l'évolution des forces prcductdves , condition
nécessaire mais nullement suffisante du dtvelappeœnt. De telles quan-
• tifications. si elles 'présentent quelque utilité ne peuvent cependant
pas appr!hender Le développemellt dans son aspect qualitatif Le plus
essentiel: ceLui d'un "prccessaa d,'apprentissage rendant Les hortmes
Cl) J.;.\\. r:a.ENAŒI, "Crise du dévelcppeJœnt. crise de La rationalité" in
Le ~~ du dévelouoement. op. cit. page 20

- 13 -
de plus en plus maitres de leurs destinées grâce i la fom.ùation
de pTOjeu individuels et sociaux viables, ces't-ê-di.re fondés sur
tm.!I dialectique ucendante d'objectifs et de myens, roboTd.onn6e
l une axiologie et nourrie par l'esprit d' invention institu'timmelle.
spirituelle et madrielle" Cl).
En ce qui conceme les myens permettant la réduction
de l'kart, on a vu qu'il s'agissait essentiellsent de l'implantation
d'industries industrialisantes. Or. ccmae le mntTe le Professeur
Destmme de Bernis, les iDdustries ayant une telle vocation ne sont
pas les mimes l toutes les fpoques historiques (2). et si on ajoute
1. cela l'avanuge dont di..sposent les pays dlj 1. fonsent industria-
lisés par rapport aux pays socs-dëvetoppës dans la. création de
ces industries, la réd:uctiOD. de l'ec.art ne peut pas ne pas êrre
considlrie cœme une ccerse sans fin où le développement des F.E.S.
sous-dtveloppées appara.i trait de plus en plus cemae un. arythe.
Les lignes qui pric.&dent avaient pour but de rendre
cœzpte des idfologies les plus en vogue à l' heure actUelle en
stiare de dével~t ai.nsi que les limites des stratfgies qui
en ont dkcul'. S' i l est facile de se so.J,Sttaire il l' idfologie de
l'import-substi'tUtion et 1. celle de la révolution verte, ces deux
politiques ayant comDJ une application ~raJ.is" et favorisé partOUt
le développement du so.J,S-dlveloppement, l'appdciation correcte
des possibilitEs et liJllites des srracëgtes de dlvel~t définies
Cl) - Ignacy SAOiS, '~loppement, Utopie, Projet de Sccdërë",
Tiers~, Tome XIX n- i5, juillet-septembre 19~8,
page 6J6.
(2) - G. OESTANNE DE BERNIS, art. cit., page 424.

• 14 -
en réaction 1. l'idlologie d'~-substitutionest plus d!licate,
ces st:ratl!gies n'ayant carmu qu'un faible deçe d'application (1).
N6sDacins J l' eU""'" de ces id.êologies. bien que
)
succinlt.. a mis en Mden.c:e les àangers que rectlent la CCI1Ceptua-
lisation du developpsmt des F.E.S. scus-d!veloppées par rëfërence
au devel~nt rfalisE par l'occident. la subord.ination du
dlveloppeœnt 1. la croissance koDaDique et le transfert. miJD6tique
des tedmoloiges. En fa! e, ce qui est en cause, c'est la defiJ'l.i tion
des stratégies de d!veloppt5Ll!rlt 1 partir de ccncepts et critêns
n'ayunt de silDification que dans et par rçport 1. un sysdme
, soc:io-konali.que particulier. le sys't!me capitaliste en l'occufm:::e.
C'est dœc le probl!me du cOOix des c:rittres et de la d!finition des
ccœepes permettant de penser le develappemm1t des F.E.S. sous-
\\," - dlvel~s qui se pose.
La prisente reche'rche portera essentiellement sur
l'agricu.ltu:re. Ce cOOix ne constÎ'tue nullement une reponse
au dileame êvoqui plus haut opposant dlveloppment par l'iJ1dus'tTie
et dlvelappelDl!tlt par l'agrlcu1'tllre et n'exclut pas l'analyse des
interrelations possibles entre ces deux secuu:rs. Il tiemtout
(1) - La priorité absolue accordée 1 l' iDdustrie lOU1'd.e a certes peIllli.s
1. l'Union SOViétique de rf:aliser un dlveloppl!ment êconanique
rapide. I118.Î.s les canditions de l'Union SOViétique au IŒIDe%1t
de l'adoption de cette stTatêgie ne sant pas caaps.rables a celles
des F.E.S. ac'tuellement sccs-dëvejoppëee, L'application dogmatique
de la ~ st:ratêgie ~ plus petits Etats d'Europe orientale
et a la 01ine encore seus-dëvefcppëe de 1958 a connu. de lourds
ëcnecs et conduit ce dernier pays au bord de la famine. La
poli tique d'industries indust1'ialisantes mise en oeuvre
actuellement en Algérie l'est sans que la deuxi~ des trois
conditions d'tmDlantation des ces industries (l'intégration
régionale) ait été réalisée et cette expérience est beaucoup
trop récente pour qu'on puisse en t Irer des leçons. De mê:ne.
la politique des villa.ges UJ~ en Tanzanie, dans laquelle
la priorité est donnée .1 l'organisation et a l'autonomie paysannes
en est encore a sa. premiêre phase d'application.

- 15 -
siJçllS1mt au fait que la centradictdcn principale sur notre
champ d'etude. le CONG'J. Cc:IIIIle dans de ncmbreux pays afric.ains.
- oppose la pa:ysan:neTie prise.. dans sen ensemble au capi tal qui la
dœline et que la ville S')'IDbolise. On vern. en effet que dans
la F.E.S. ~aise, le milieu T'IJI'8l est celui où se IIIU1i.feste
le plus le p ~ du 5OU5~loppellltlnt. Aussi l'objectif vise
consiste-t-U l mettre au point un ensemble de paradipes propres
à penser la 'tT1m5fOTllllltion de l' agria.l1'tIJre congolaise. La
realisatian de cet objectif est Liee l l'examen d'un certain
naabre de questions d'ordre tMoti.que qui vont c:enstitlJer la.
probHlllllltique de ceUe recœecbe, l la dtfinition d'un cO'I1's
d 'hyp:)'th~ses sur le.5qUelles reposera l'analyse des probl!mes
SOUlevés ainsi qu' à celle d'une mfthode d'approc:..1.e de ces prcbtêaes .
La façon la plus globale de concevoir le développement
c'eSt. de le ccnsidJrer cœme un precessus visant la libéra.tion
de l'm:mœ vis-A-vis des con'traintes mat!rielles par l'amélioration
du rapport que celui-ci entretient avec la matière. l1ne fois admis
le principe de la ~ e ccmme obstacle majeur au développement
des F.E.S. 5~-dêv'e~~5, i l devient ëvtdent que la c:ondition
- -
_.
premi~re de cette
libf'ration est la néption des valeurs
capitalistes, de la àcmination et de l'exploitation impft'ialistes.
Le développemeut est cependant c:cndi. tionnf par d' aurres facteurs
qui sant au wins iIllSsi importants que la négation des valeurs
apitalist~s.
1 - L'amélioration du 't"ÇpOrt humain â la mati~t'e passe
nkessairement par une mattrise croissante de la matière.
c'est-à-dire par un progrês dans sa connaissance et sa :nanipulation.
Les sciences et les techniques ont donc un rOle de premi~re
impoT"tanœ à jouer dans cette liWration. Le "sous-développement
tumain" consécutif à l' applica tion de la science et de la technique
dominantes dans les sociétés industtielles ccneeepcradnes ne doit
pas conduire à l'alternative simpliste consistant à rejeter 5Y'StêmatiqueT'.el"'.~

- 16 -
toute science. toute technique et toute industrie. Il s'agit de
'l'tIDpT'e avec le système scientifique et technique danj nant
et de
définir les ctmditiaDs de la <:::r6ation d'un autre système
scientifique et t ~ et celles du dêveloppeml!l1t de certaines
tendances technologiques acUJelles il lDlme de rl!pondre aux exigences
d'm vfritable. developpement des F.E.S. ~-dlvelappfes.
Z - L. paradigme prodlJI:tivist. év"'lUê pll.lS haut
subordonne le developpment socio-kancmi.que " la crctssance,
l' !pancuisSelllent huamin aux progris tedmologi.c(ues. le d.êveloppement
quali tatif il l t acaoisselllent qwmti tatif. 51 le developpe_Jlt des
foT'ees productives ~'t petmettte la satisfaction c:roissante dt:s
besoins lt\\llt!ri.els et iDmadriels de la masse de la population et
l'acc:roissement de la libertê romaine, il ne constitue qu'un
myen et doit de ce fait êere subord.on:nf au dlve1.oppelDmt social
et rn_iD. Le problilœ qui en pcsë ici est donc celui de l'inversion
des reœes de 1& relation de subordination ftablie par le paradigme
productiviste.
Dans la _sure cO. la lIIf--.anisa'tion de la vie. l' &ttophie
du pouvoir d'asir et la c:rise d'identitê constatées dans
les sociêtês industrielles sant dues, comme an l'a vu. " la
spkialisation. " la concentration et C:1!:n:tralisation du pouvoir
de d.êcisian et " l'uniformisa'tion des modes d'organisation.
de production et de C:onsalIIla'tian. an peut penser que la dêtention
par les producteurs directs de l'autonanie de finalisation. du
,
pouvoir de décision et de ccrrrrôje , la Ill.Ù.tifonctionâlité des
serceecres , le plurali.sllle technologique et cul tu:rel sont il mi!me
d'OTienter le développement des forces proQuctives vers un
dlveloppement social et humain réel. La question de l'inversion
se ramène alors " c:elle de la place et du rOle de l' aut.onam.ie, du
c:ontrOle et de la diversitê dans une sttatêgie de dêveloppenent.

• 1i .
3 - On peut postuler d'autre part que le développement
ne doit plus êere pensé en 'terses çcmparatifs et qlW1titatifs, mais
plutat en termes absolus et qualitatifs. Plus précisément. une
straUgie de dlveloppement doit tenir çampte de tous les aspects
de la vie et de toutes les variables influant sur un ph!noaêne dcnnë .
Or, le rapport tuma.in 1 la matière, C:0IIIlle le précise
Y. Bare! (1), est d'uce P'Jrt. un rapport ccacret , ph:y5ique, et
d'autre part, un rapport iJzmatêriel, symbolique, c'est-il-dire une
c:ertaine reprësentat.icn que l'haame se fait de la matière,
de la Da:OJI'e, des dieux. de lui-même, de ses semblables. L'en.smble
formé par les sciences, les techniques, les philosophies et les
idlologies çonsti tue le rapport symbolique l la matière , tandis
que le tn:vail reprësenre le rapport IU.tEriel. L'action
ma.têrielle des haames est irldissociable des activitês liêes
aux reprEsentations de toute, sortes qu'ils c:onst'I'Uisent de
cette action.
Le dlveloppement doit donc reposer sur une stratEgie
d'!quilib'l'e entre a.etivitê matErielle et actIvi.të de
symbolisation. L'analyse de, systi!mes agric:oles ayant
fonc.tionnê
sur nette chsmp d'Etaie avant la pénëeratdcn capitaliste nous
peTmettra de voir en quoi peut çansister une telle stratEgie.
4 - Le développement des forces productives subcrdcnnë
au développsent tuma.in doit permettre la reproduction de ce
qui. çonstitue la base fondamentale de l'existenc:e et des
activitE, humaines, c'est-â-dire la biosphdre et en particulier
les systèmes Eçologiques.
Il ne s'agit pas ici de la limitation des ressources
na:turelles cceeces , cettes-ca Eunt fonCtion des besoins. mais
plutôt dJ..J. problême global de l' har.DOnisation des objecüfs
socio-économiques avec une utilisation des ressources na~~elles
et du milieu favorable à la repTOdul:tion des écosystèmes. Ce
problœ est d'autant plus impor..ant que le développement agricole
: des pays scus-dêvekcppës a souvent été envisagé ceœe une promotion
Cl) - Y. BAAEL, "Sêmi.na.i:re S"~ les sytènes sociaux". IRE.? , 19i5-76.

-18-
une promotion de l'Iiriculture industrielle, c'est-ldire un
systeme agricole qui se fonde SUT l'utilisation de divers types
de réa.lisations -techniques, en premier lieu les machines agri-
coles, les vari'tés de semences séleCtionnées. les aliments
préparés pour le bétail, les engrais inoTianiques (notamment
les engrais azotés) et les pesticides synthétiques. Or ce type
d'agriculture est 1 l'origine de nombreux problêmes écologiques
comme le montre Commoner (1).
La question est:doit-on. pOUT réaliser cette harmo-
nisation nécessaire, procéder 1 une régulation, posteriori des-
écosystèmes. prendre en compte les variables êcolosiques au
niveau de la décision ou, au contraire, considérer celles~
comme base dans la conception des politiques de d~veloppement 1
La réponse d~pend des situations auxquelles on est confronté.
La r~gulation t posteriori s'imposera 11 o~ les ~cosystêmes
manifestent un certain recul en d~pit des précautions prises
pour leur exploitation. En principe, aucune intervention éco-
. '.
nomique ne doit itre d~cidée sans qu'il·soit tenu compte des
variables écoloiiques. Il vaut mieux cependant que les para-
mètres ~cologiques interviennent au niveau de l'orientation et
de la conception des stratégies de développement.
Mais toute action visant l'harmonisation des rela-
tions entre systèmes sociaux et systèmes ~cologiques suppose,
pour être efficace,une certaine connaissance empirique ou
scientifique des conditions de reproduction des écosystèmes.
Il est donc nécessaire de voir quelles sont ces conditions,
é
tan t; donné le caractère récent de l'écologie, "d.iscipline
scientifique qui étudie les rapports liant les êtres vivants et
les processus rattachant chaque être à un environnement physique
(1)
Cet auteur souligne d'ailleurs que "l' agricul ture indus-
trielle est le principal responsable de la crise actuelle
de l'environnement" (op. e i e . paget a I
ê

et chimique"CT)
L'unité fonctionnelle de base en écologie est l'éco-
système qui peut se dêfinir comme "un ensemble localisé de po-
pulations animales ou vêgêtales et des éléments physiques et
chimiques qui constituent leur environnement, ces populations
étant liées"(Z). La reproduction de cet ensemble s'analyse par
rapport A un état donne de ses relations correspondant à une
sitUAtion d'équilibre stable de l'écosystème. D'où la place
centrale occupée par la stabilite en tant que concept, problème
et phénomène dans la réflexion écologique. Les écologues dis-
tinguent
trois types de stabilite ; la stabilité du climax,
la st.abilit.é "s eruc eur a ï.e" et la st.abilité due 1 l'action
humaine,
La stabilit.é du climax caractérise un écosystème
parvenu 1 l'êtat. mûr .::.Elle est. ana.ly~ _
A travers le phénomène
de succession écologique caract.érisant. le developpement aut.ogène
d'un écosyst.ème. Cet aut.o-développement peut se définir par les
trois paramètres suivants :"c'est. un processus ordonne, dirigé
et. prévisible ; il en résult.e des modificat.ions imposées au
milieu par les communautés elle-mêmes ; il se termine par une
biocénose stable, en équilibre avec le milieu qualifiée de
cUmax"(3)
Cl) Cett.e définit.ion est préférable à celle d'OOUM qui fait de
l'écologie "l'étude de la s e rwc eur e et du fonctionnement cie
la nature, en considérant que l'humanité est partie inté-
grante de la nature" (E.P. ODUM : Ecologie, éd. HR1'i, :-lo:n::Z'~3.:
1976, page 1). Les hommes font cert.es partie de la nat.ure
mais il vaut mieux les dist.inguer des aut.res ~tre5 biolo·
giques compte tenu du rôle particulier qu'ils jouent da~s
la gestion de cette nature.
(2) Jan DESSAU, Séminaire sur la politique des ressources
naturelles, tREP, 1975-ï6
(3) R. JAJO: : Précis d'Ecologie, nuxo». Paris, 197'1, z ême éd.
page 167

-20-
La suçcession peut être çon5id~r~e comme une
augmentation progressive de la biomasse ou masse de matière
vivante jusqu'au climax. oü elle devient constante et maximale
1 certaines fluctuations près. Le climax correspond à un stade
de d~veloppement de l'~co5ystème où vie et mort sont en ~qui­
libre: "la matière qui naît est ~gale 1 la matière qui meurt'.' (1
La conceptualisation de la stabilit! par rapport au
temps a conduit ODUM et certains auteurs à consid!rer "qu'un
fcosystème est stable si sa structure gEnErale, sa composition
spécifique et son fonctionnement demeurent essentiellement les
mêmes d'une année 1 l'autre" (2). Ces auteurs insistent cepen-
dant sur le fait que la stabilité n'exclut pas les changements.
En etfet, selon eux, l'~cosystème est toujours soumis à un
dynamisme tendant à reconstituer le climax, lorsqu'une action
pertubatrice l'~ fait r~gresser. Les changements dynamiques
qu'on peut y observer sont donc lih à une " ac.tivitf de simple
m.aintenance"(3). La stratfgi~~~,le succession
ee-.
ë
système l court terme se dt4'~l'oppe COmm'l, une tendance vers une
- ,
"homéostasie" entre le m.ilieu physique et\\ la b i ccëno s e .
,~
~'.
"
-
'
'
. " ,~, ,
j
L'existence de é~ngements au Sein de l'écosystème
parvenu au climax a amen~ cereains écologues l d~finir un
deuxième type de stabili eë ·:.....:~.a~,S_tabilitf "structurale" ou de
"voisinage". 11 s'agit d'une conceptualisation physique de la
( ,) P. DUVIGNEAU, La Synthèse fcolosiaue. Doin, éditeurs, Paris
'974, page 76. Dans le même sens, ODUM, considérant l'éco-
système comme une boîte noire, c'est~l·dire "une unité
dont la fonction peut être déterminee sans en specifier le
contenu interne", caracterise l'écosystème en etat de
stabilité comme celui dans lequel les entrees et les sortie~
s'equivalent (op. cit., page 11)
(2) ODUM. op. cit. pages
11 et SS
(S] EDWARD J. KORMONDY, conce~ts of ~colog~. Prentice·Hall.
Inc.nglewoods cl~ffs, ~ew JERSEY,
"aie 153

·21 -
de la stabilité comme le laisse apparaître la èéfinition de
Commoner pour qui la stabilité est "la capacité d'un écosystème
il 'resister Il des tensions"(l), en postulant que "les eens t ons
que doit subir un écosytème ont toujours une origine exté-
rieure" (Z) •
Enfin, la stabilité due 1 llaction humaine, concerne
essentiellement la création par l'homme d'agroêcosY'stêm~en
vue d'obtenir un maximum de productivité dela nature, en
développant des types décosystèmes jeunes (monocultures), ou
en rajeunissant constamment les écosystèmes mQrs sanS les
laisser évoluer vers leur climax.
Quand aux conditions de la stabilité, la théorie
la plus courante fait dépendre celle-ci de la diversité, ce
dernier concept étant défini différemment suivant les auteurs.
Dajo: définit la diversité comme "la richesse en e spëce s de
l'écosystlme"(3). La stabilité d'un écosystème parvenu au cli-
Ilax.
s'explique, selon cet auteur, par le fait que. "la
diversité y est la plus élevée" et qu'il existe le plus grand
nombre de relations entre les divers organismes"(4). La s t.a-
bilit! serait ainsi fonction du nombre de constituants de
l'écosystème.
La dlversité spécifique définie par Dajoz n'est
que l'une des composantes de la diversité biochimique analysée
par par Duvigneau. Pour ce dernier auteur en effet, la di-
versité de l'écosystème concerne non seulement la dive=sité
spécifique qui se présente sous deux formes a savoir la
variabilité spécifique ou nombre
--------------~-----
(1)
B. COMMONER, op. cit., page 39. En effet, le physicien me-
sure généralement la stabilité en terme de résitance à
une pertubation : un système est stable s'il revient rapi-
dement à un état d'!quilibre aprês qu'une torce extérieure
l'a jeté hors de cet état.
(Z)
B.
COMMONER. op. cit., page 33
(3)
0'0.
cit. page 258
(4)
~, page 26:'

-Il -
d'esp~ces par unité de surface et l'fquitabilité ou réparti-
tion des individus entre les diverses esp~ces • mais aussi
la stratification et l'hétérogênéité spatiale. Ainsi, dans
une succession tendant vers le climax, la stratification et
l'hétérogénéité spatiale faiblement organisées au départ.
s'organisent de œîeux en mieux. L'augmentation de la diversité
biochimique concerne aussi bien les constituants essentiels
de la biomasse, y compris les enzymes et les pigments, que
les sous-produits du m'tabolisme excrétés dans le milieu
extérieur ; ces extram.éubolites
c rganf que s voient leur rôle
acquérir de plus en plus d'importance, lors d'une succession
vers un ëccsvs tëee climax, dont ils "régularisent
et stabi-
lisent la croissance et la COll1:position"(I).
Commoner par contre conçoit la diversité de l'éco-
syst~me comme une diversification des rapports internes. La
diversité ainsi conçue se ref~re non pas au nombre d'éléments
-compris dans l'écosyst~me mais l sa structure. La stabilité
s'explique alors pu le fait que "la diversification, qui
fournit des possibilités d'échappatoires, accroît la force
de résistance d'un syst~me écologique soumis l des tensions" (2:
Sans nier la corrflation existant entre diversité
et stabilité, d'autres auteurs consid!rent que la diversité
en soi ne produit pas nécessairement la stabilité. C'est le
cas d'Odum, qui émet la th.éorie selon laquelle "l'optimum
est déterminé par l'entrée d'énergie dans le syst!me et les
flux des ressources 'lui y sont associés"(Z). Lorsque la
disponibilitê d'une ou de quelques sources d'énergie ou des
ressources favorisant la croissance exc!de les besoins courantS
(1) DUVtGNEAU, op. cit., page 78
• (2)
B. COMMONER, op. cit .• page .10
(3) "-P. DOUM. 00. cit .• p.ge 55.

-23 -
une faible diversité est avantageuse pour la stabilité. Par
contre, lA où l'énergie et/ou les ressources sont modestes,
c'est-A-dire complêment. utilisfes pour le maintien du systême,
la stabilitf dépend d'une diversité plus élevée.
C'est le cas fgalement de W. Murdoch pour qui la
co-adaptation (co-fvolution) est une variable décisive
de la
stabilid(1) .
En ce qui concerne les mécanismes de la stabilité,
il faut distinguer ceux utilisés par les écosystêmes naturels
de ceux qui se rapportent aux agroécosyst!mes. Dans un éco-
syst!me parvenu au climax, les mécanismes régulateurs SOnt
essentiellement homéostatiques c'est-A-dire que la Stratéiie
d'évolution de l'écosysttme vi~ 1 accroltre son contrOle sur
le milieu physique de façon 1 développer une protection maxi-
male CDn~re les per~uba~1nDs ~e eetui-ci.Le contrôle dépend
du feedback ou rétroaction. Tandis qu'un feedback positif,
"accélérateur de dëvd a t Lcn'", assure la croissance des
cc-.
ë
syst!mes jeunes, la régulation de l'écosysttme climax est
assurée par un feedback négatif "opposé 1 la déviation" (2).
C'est ainsi que certaines populations des écosyst!mes tendent
As' auto-limi ter. leur .taux de croissance dil1ünual1t- -evec
l'augmentation de leur densité. D'autres populations par COntre
tendent à cro!tre d'une mani!re exponentielle jusqu'à
ce
qu'elles soient stoppées par d'autres populations ou par les
restrictions générales de l'écosyst!me.
(l) William W. MUROOŒ, "m ve r s r cv , c cap texr rv , s::ability and
Pest control", J. aDDl. Ecol. 1:.
December 1975, paies 795 â 30ï
C:) E.P. GOUM, op. cit., page 222

-24-
Dans les agroécosystèmes, oü la population des
plantes est fortement réduite puisque tOute concurrence
interspécifique est réduite ou éliminée pOUT favoriser un
petit nombre d'espèces et afin d'obtenir une productivitE
Elevée. la stabilité ne peut !tre maintenue que par une inter·
vention constante de l'homme visant soit l maintenir les
processus biologiques les plus importants pour la régulation
des Ecosystêmes comme c'est le cas des agricultures prE-
industrielles, soit l les développer comme le fait l'agri-
culture biologique, soit enfin l
introduirel'énergie de
combustibles fossiles liée l l'utilisation des machines (trac-
teurs surtout) et de l'énergie de fabrication de pesticides
et insecticides comme dans l'agriculture inciJstrielle. Cette
intervention est rendue nécessaire par la suppression des
mEcanismes de feedback négatif qui s'étaient développés au
sein de l'Ecosystème prEexistant pendant son évolution et le
maintien d'un puissant feedback positif favorisant une crois-
sance et une production quantitative de l'agToécosystème.
Ces considErations sur les conditions de la repro-
duction des écosystèmes appellent quelques remarques. Première-
ment, si les causes de la stabilité varient d'un auteur a.
l'autre
(absence de tensions d'origine externe, diversité,
co-évolution, entrée d'éneriie, flux de ressources), les
limites de celle-ci tiennent, pour la plupaTt des auteurs ,
aus forces pnysiques extérieures l l'écosystème. Bien que les
oscil.l-ati ons de t t ccsvs
ë
t êse soient dues à l'interaction
des facteurs physiques (climatiques ou géologiques) et des
processus de dEveloppement internes, c'eSt le milieu physique
qui, selon les écologues, dEtermine le type de cnangements et
par conséquent le degré de stabilité.
Cette position devient insoutenable si l'on cherche
â
savoir pourquoi de deux écosystèmes afiect~s par les ~êmes
forces physiques, l'un s'adapte mieux que l'autre. Il faut

-23 -
PlutBt considérer que les condition5 internes sont détermi-
nantes pour la stabilité d'un système vivant. Tout système
vivant dispo5e en effet d'une source propre d'énergie. Cette
énergie qui revêt l'apparence d'Un "surplus d'énergie disponi-
ble" (l), c'est-,l-dire une énergie qui n'est liée ,l aucun
usage prédéterminé, permet au système de décider de la manière
dont les pertubations externes Vont influencer son comporte-
ment. L'énergie libre ainsi définie s'incarne dans la complexit
du système. La stabilité d~un écosystème complexe s'explique
alors par le fait que si une de ses parties est agressée,
neutralisée, ou éliminée, son rBle est pris par les autres
parties.
En second lieu, les lignes qui précèdent ne peu-
vent avoir de sens qu',l condition de ne pas reduire la com-
plexité au nombre de relations existant entre éléments inva-
riants, ni à la disposition des divers constituants dlun
système les uns par rapport aux autres. Si la complexité se
réduisait à cela, on s'expliquerait Qifiicilement le fait que
certains ensembles très diversifiés intérieurement comme la
forêt équatoriale soient très vulnéra~les et que d'autres très
simples comme certains écosystèmes des pays tempérés soient
très. résistants. Les ensembles très diversifiés intérieurement
et ceux très simples peuvent ne l'être qu'en apparence.
Derrière l'apparente simpliCité formelle de certains ensembles
par
exemple, se cachent peut-être des structures complexes
qui ne sont pas analytiquement appréhendables- du moins dans
l'état des connaissances au moment de l'observation - et
immédiatement observables. De même, des ensembles apparemment
complexes peuvent reposer sur des éléments si~ples, ce qui les
rend très fragiles.
(1) Y. BAREL, "Séminaire sur les systèmes sociaux", op. cd t .

-26-
La ~omplexite d'un système repose au çontraire
sur la multipliçité des relations existant entre ses divers
constituants, en tant qu'elles sont des relations entre struç-
tures variantes et Don entre éléments invariants. Aussi. la
définirons-nous comme l'existence de formes variées et variante:
d'organisation des diverses structures d'un ensemble entre
elles. C'est cette complexité qui permet le développement des
mécanismes homéostatiques et des feedback négatifs au sein
de l'écosystème.
Les trois points suivants peuvent donc atTe
retenuS. :
- la stabilité n'excluant pas le changement,
l'harmonisation des objectifs socia-économiques avec une
utilisation des ressources et du milieu favorable a la
reproduction des écosystèmes ne doit en aucun cas correspondre
l un gel de l'évolution de ces derniers.
- l'exploitation des écosystèmes, en même temps
qu'elle permet de satisfaire les besoins croissants en res-
sources naturellles de l'ensemble de la société. doit assurer
la préser.vation de la capacité de reproductio~ naturelle de
ces ressources.
- cette préservation nécessite la connaissance
et le respect des mécanismes régulateurs des écosystèmes sur
lesquels on doit intervenir. Ce qui implique que les agro-
systèmes ne soient plus soumis ~ la seule influence des
feedback positifs permettant d'accrottre la production à court
terme mais qu'on y favorise en .ême temps des feedback néga-
tifs afin d'éviter leur éclatement.
Mais i:i, comme dans toutes les questions SOule-
vées plus haut. le problème essentiel est celui de la défini-
tion des conditions socio- politiques et technologiques
pouvant favoriser cette harmonisation.

s~ L'objectif poursuivi par cette recherche suppose,
pour être atteint, que les problèmes soient abordés autrement
que par les méthodes traditionnelles. La position des pro-
blèmes théoriques liés à cet objectif a montré implicitement
la nécessité de le3 appréhender en termes de systèmes globaux
et donc çl.e recourir à l'approche systémique.
Le recours à
ce mode d'approche s'impose en effet si l'on considère que
la maitrise croissante de la matière est une c~ndition néces-
saire mais non suffisante pour la libération éffective de
l'homme, celle-ci n'étant possible que si l'on prend en compte
touS les aspects du rapport humain à la matière.
Cette recherche concernera essentiellement l'en-
semble des connaissances que les systèmes socia~~ étudiés ont
de la matière, l'ensemble également des procédés techniques,
les règles de fabriCation des outils et de mise en oeuvre des
techniques, les règles d'usage du corps dans le domaine de
l'agriculture et des activités qui lui sont directement liées.
L'analyse des techniques agricoles devra cependant être éclai-
rée et complétée par la connaissance des autres constituants
du rapport symbolique et du rapport matériel(l).
L'une des façons de donner une dimension globale
aUX phénomènes et aUX problèmes sociaux est de les insérer
dans le cadre des interrelatiOns entre systémes sociaux et
systèmes écologiques. En procédant de la sorte, les problèmes
relatifs à la re pr cacc e i cn de la base écologique de l'existe .'l.C'2
et de l'activité humaines ne peuvent plus être exclus de
de l'analyse. Vu l'importance accordée par cette recherche à
(1) ~ous nous rêfdrerons souvent pour cette approche systémi-
que, à l'appareil conceptuel ~i5 au point par Yves 3AaE:.

-28-
ces problèmes, il conviendra de privilégier cette forme par-
ticuliêre de l'approche systfmique
qu'est l'approche éco-
logique, ce qui nous obligera 1 rechercher les effets loin-
tains des interventions humaines sur les écosystèmes et nous
permettra de saisir la relation l double sens entre ces deux
pales que sont les systèmes socia~~ et les systèmes écologiques
Bien que la première place soit généralement reconnue aux
transfertS de matière dans la relation mutuelle entre systèmes
sociaux et systèmes écologiques, il ne peut être question de
négliger les autres aspects de cette relation.
Précisons maintenant ce qui sera notre "unité
fonctionnelle de base", 1 savoir le système agricole. Ncus
entendons par système agricole l'ensemble constitué par les
techniques mises en oeuvre pour exploiter les populations
végétales et animales (savoir-faire, savoir-être, savoir-
gérer) et tout leur environnement matériel (moyens de pro-
duction: équipements, outils, matières, terre) et immatériel
(règles juridiques ou rapports fonciers, croyances, rites,
forma tion, information, décision, etc.
. .)
La notion de système agricole ainsi définie dé-
borde largement celle d'agrosystème(ou agroécosystème).
L'écosystème (ou ensemble d 1écosystèmes) simplifiées) qui
forme l'agrosystème ne constitue qu'une partie du système
agricole qui comprend en outre le système de culture et
l'ensemble des activités l caractère religieux, les croyances
et les lois nées de la pratique agriculturale. L'évolution de
L1agrosystème dépend de celle du système agricole.
Le système agricole constitue à son tOU~ un
sous- système du système socio-~conomique
son processus de

-29·
de finali.ution e s t
Ht 11 celui du sy5t!me scc t a i
t j .
ï
Le chaix de l'approche 5ystêmique nous amènera li
nous situer, au COUTS de nos analyses a l'intérieur de la
formation sociale et des systèmes agricoles é tudf ê s , contrai-
rement l
certaines analyses "marxistes" qui se fondent unique-
ment sur la nature et le mode de fonctionnement du capital pOUT
rendre compte du processus de destructuration des systèmes
prêcapitalistes. Pour les auteurs de ces analyses en effet,
"tout dépend de la fraction de capital mise en oeuvre". la
dynamique interne des systèmes agress~5 n'étant prise en compte
que pour expliquer certains
phénomènes marginaux.
Sans négliger la corrélation pouvant exister entre
la fn.ction de capital &naagée,
le mode et: le de rr ë
oie de s t ruc -
turation, nous croyons cependant, COmBe on l'a vu à propos des
fcosyst!mes
que ce sont les conditions internes qui sont en
définitive déterminantes pour la reproduction d'Un système.
Cette position ne vise pas à minimiser le rele du système
capitaliste dans la genèse et le d~veloppement du sous·
développement. Elle signifie tout simplement que le processus
de destructuration doit être appréhendé à tr~vers une oiialec-
tique de la synchronie et de la diachronie et qu'il convient
peur Cette appréhension, oie partir oies fondements internes de
la F.E.S. consid~rée et de les analyser
à travers leur con-
di tionnement par l' imp~rialisme.
Comme on le verra, les questions contenues dans
la problèmatique trouvent, en partie au moins, une réponse
(1) La distinction entre système et sous-système réside dans
~
fait que l'autonomie locale du second s'accompagne d'une
dépendance globale vis·!-vis du premier. Un système autonc~
comme le note Y. BAREL, l'est parce qu'il est finalisé, e~
pour se finaliser et la "pleine autonomie d'un système e ';
dndt s scc.i ab e de son appropriation du processus de final
ï
sa tion" (Y. BAREL, te Rapport humain }, la ma t t r e , op, c _.
ë
Tome 2 : "Sociétés contemporaines. r appc r r JO la matière
et travail", page 213)

dans les principes d'organisation des ,ystfmes agricoles
antérieurs à la pénétration capitali,te sur notre champ
d'étude. C'est pour~uoi cette étude commence~a par la con·
naissance du mode d'adaptation de ces systèmes considérés
dans le temp s .
Le but de leur destabilisation et les remèdes
aux maux que cette destabilisation a engendré' ont été, outre
la ,oumis,ion de ces systame, au capital. l'instauration de
formes nouvelles d'agriculture. L'implantation de nouveaux
systèmes agricole, n'a cependant pas entralné le développement.
L'examen des modèles importés. des cause' de leu~ échec
'urtout. et une réflexion ,ur les conditions et les voie, du
développement agricole au Congo alimenteront la deuxifme
partie de ce travail.

• 31 -

- 32 -
Tenter de cauprendre l'évolution d'une serœecre en se
tenant l ses fondmlents internes c'est admettre dis le Gfpart que
cette s'tT'UCtUre a 5011 dyTwm; sne propre qui ne saurait se rêdu.ire 1
U!1e" àyn8mique iMuite par l'agression. C'est ~si prendre le contre-
pied. des theories telles que le dualisme. mettant l' acceat sur
l' jncapacité du "secteur traditionnel" 1 ccncevcâ.r son dynamiSllle.
La maitrise thforique de ceeee !volution est fcms:tion de
la capacité explicative des concepts utilisés, c'est-l-dïre la
possibilité offerte par Q.es omeepu de saisir plus ou III)Uu globale-
ment la rfalité et les 9hênom!nes êeudiês. Il n'existe pas. l no~
connaissance, de concept mieux: iDdiqué que '-elui de repTOduction
(111 d'autorepuxhrtion) pour rendre compte de la
amiare dont un
syst!me se perpëeœ ou disparait.
Mais le rot de cecre ncherc:.he étant en premier lieu
de amtnT ce que peut être uae stratégie d'équilibre entre tous les
aspec:'tS de la vie d.ans un système soc.io-êconanique. c ' est. le concept
de stabilité qui sera reuml, quitte 1 lui donner un autre çon:teID..l.
Il semble en effet que la çaaprehension et la C3T8Ctêrisation d'une
telle strategie passe par l'analyse des principaux: pt'Oblêmes thfoTiques
soulevfs par la c:.c:nception fcologiqu.e de la stabili të, nctaJ!lDl!nt
le rale de la diversitê et de la complexite des stT'UC'tl.ll'es. la
dialectique de 1& synchronie et de la diachronie. la nature des
çhangments affecunt un systi!me.
La. connaissance de la stabilitê dans les systèmes
agricoles antécapitalistes (c'est-l-dire antérieurs à la pénétra~ion
capitaliste) ,e fera ici l travers l'étude du système agricole
Hgnager , ainsi déncaIné parce que l' ac::tivitê agricole s 'r organise
sur une base l ignag!re. ceeee on le verra. Le recensement et l'examen
de ses constituants ainsi que des principes qui les articulent s' imposent

- 33 ~
COlIIlle premiare étape de
cette étude. Une fois les diverses cœposantes
du systeme cocnues (chapitre 1) 1 son dynamisme peut être sais i à
travers l' ftude du lDie d' adaptation de ses sttuCtures dans le tenps.
Le second c:.hIqlitre tentera de dêgager le contl!J111 de ce etynam; sne
en consi.d6rant les facteurs d' 6cla.tement tenant au seul fonc:.tionn.ement
interne du S)"5t!me. Le cœœace êubli avec l'ext6Tieur fait dépendre
la subU1't6 du systeme à la fois de ses propres per"'tUl'bations et
de celles dues aux systemes avec lesquels i l est en relation. La
reeccnere de la fonation sociale congolaise avec les fO'I'lll&.tions
sociales ewop6ewses engendre un rappon de subordination du système
agricolf<! lignager au 'capital. t'ÇpOn dent le troisi!me chapitre
prki.Rra la gdse, les m6canismes et les manifestations. Enfin,
l'instabilit' et la r6gression du syst!œ cons6eutives au développement
des l'I.pI:eTts.rc:hanis ~1talistes feront l'objet d'lm. quatrième
chapitre au terme dLquel il doit atre possible de conclure sur la
stabilité dans les syst!mes agricoles antécapitalistes.

- 34 -
QlAPI'IllE l
U; S'lsrEME AGRIaJU; L100GEll , Sl'RIJCl1lRES aJN5TI11JAN'TFS
-~-----_.
-.-.-.-.-.-.-.-.-.-..-.-.---.-. --.-..-----..-----..---..-.-
Er ProCES DE 1'IlŒU:l'1Cf/ IMotEDIATS.
-.---.-..-..-.---..-..---..-..-.-----.-
Le syn.!me agricole lignaaer se c:lasse parmi les sys'tl!!D1es
agricoles gfn!ralem=t cildgnés SCUS le 'terme d' agriculture de
subsistanœ et que l'id601ogie dan;Mnte c.aract6rise par quatre
tnits pTiJJcipaux : archa1.sme. rapine. plIUVTet! et simplicit!.
L' agriculture de subd.st.anc.e est appat"lJe ccmme une
agriculture primitive, retardataire. empirique et rcutinil!re pour
d.eI.Jx raisons essentielles. D'aboni parce qu'elle est associée à la
cresse, la pk.he et la c:ueillette, la stparation de l'agriculture et
de ces trOis activit!s ëeane perçue ccmme le signe d'une agriculture
êvcfuëe, Ensuite pl;rce qu'elle emploie des techniques anciennes et
des instlUœl:1ts rudiJœnuires. les conditions dans lesquelles ces
techniques ant tt! conçues et les causes rëe.ljes du blocage de
leur fvolution !unt 1U!g:1igées.
Cette agriculture a !galsnent et! ccn.sidfrêe ccmoe une
agriculture destI'UC'tTice ou de n:pine cClllpte teI1lJ de son caractêre
extensif et i tînénmt. et parce qu 1elle recourt aux feux de brousse
JX'Ur le d!frichemen:t. Ici encore, les conditions socio-économiques
qui sont 1 l'origine des destructions constatées sont ignor!es.
En plus de ces considérations tedmiques, l' agricul ture
de subsistance est apparue sur le: plan !conanique coume un système
de pauvret'. La pauvret! dont il est question se rappcr-te à 1&
faiblesse du rendement et du niveau de ccnsœeatfon, sans rëfërence
au ~e de d!termination sociale des besoins.

- 35 -
En ce qui concerne le degré d'organisation enfin, cette
agriculture est perçue comme consti~e de réalités simples. Cette
appt'lSc:iation repose d'abord sur la constatation du l"apIX)rt direct
qui relie l'hcaIœ 1. la terre: i l n'existe auC1.m detour de
production.
Le syst~ ne permet ,pas non plus le recours 1. un travail salarié.
l'a.c:tivite !concmique 'tant O1'ganisêe sur une base familiale.
Un autre courant de pensëe con.sidêre cependant qu'il ne:
s'apt mJlll!De11t d'une agric.ùture retarda:tai.re, mais d'une
agriculture r6alisant sur la base d lune tedmique définie, un
6quilibn ent1"e les nkessit!s de 1& pt'Oduction, densit' de la
population et les c:onditions naturelles, et que seul un examen
supeTficiel a fait œjuger des mêthodes consacrfes par des siècles
d'exp6rience et adaptêes, SOU\\"eI1t parfllitement à des canditians
fc:onœiques et et./mographiques anciennes.
Il faut dcnc voir de plus prës ce qu'il en est
uacnment. Si la ~'t1"'ation capitaliste sur norre champ d'étude
date de la fin du 19ê siècle, l'insertion de la logique capitaliste
dsDs la diachraDie du système agri<:ole lignager reeeeee 1. quatre
sikles plus tet. lO1"sque les portugais dêccuvrent la eêee congtllaise.
Il carrriendrait dcnc de l'T'sente!" ce sysdœ tel qu'il pouvait
appara1tn 1 la fin du 1Sè siècle. Cependant, la documentation relative
il cette fpoque pose problème, les techniques agricoles 'tant décrites
de manière usez sQllllaire et les fai"t.s ccncernarrts les cul tes des
populations et l'adoration des idoles dfnaturés. Dans la mesure 011
les fai"t.s de civilisation révèlent des permanences fo:rmelles. en
dfpit des vicissitudes historiques et des apports ëeraogers , la
méthode à employer consiste dcnc à élucider et à cempléter les
informations iU'.ciennes par la connaissance scctc-ëccrceiqce acruefje
et vice-versa.

- 3(, -
Ce chapitre se limitera 1 l'analyse lie, stTucntres
productives et des prccës de production :iJlIIIIfd.ia.ts, les probl!mes lié'
1 la rfpartition. la conscmaatian et d'une manitre iéMnle l
l'autoreptoduction du !)"St_ devant !tte abordés ult'Tieu:relllmt.
Nous examinerons succ:essivement les princ:ipa.ux traits de l'a.gric:u.l'tUl"e
pt"Opreaent dite (section 1), CeuJ: des activith qui lui sent
direc:tement liées et l'artic:ulOlt1cn des stTuctures au sein desquelles
elles s'exercent.
Les appt"fc.iations faites par les t8D8Dts de 1 f idéologie
drJninante, si elles c:oncemertt l'enMmble du syste-e Olgricole, portent
en premier lieu SUI' l' agric:ulnee pI1Jprement dite, dans la me5UI"e
cë elle C:0n5ti~ l'activité dominante de ce !)"St!me. C'est donc
ic:i. plus qu'ailleurs, que doit être llÙ.5 en ëvtëence le caractère
fcnlé ou erroDf de ces iugeDmts. La d!marc.he ~tée consiste l
présenter les différents 6l&ents ms en oeuYTe dans c:ette activi tê,
avant de voir C:CIIIDl!Ilt ils sent structurês.
, • 1. t.' infnstl"lX:ntre
Le nation d'i.n:frutroeture, telle qu'elle est d6finie par
Godelier, d6signe "la. c:anbinaisan. dans toute sccfëtë de trets
ensembles au mins de conditions IlIIlt!rielles et sociales qui pe1"ml=:ttent
aux lIIl!IDbres d'une société de produire et reproduire les moyens
matêTiels de leur existence" (1). ces ensembles êtant les
5Ysti!!mes éc:ologiques. les forces produc:tives et les rapports sccdaux
de prcdcccren.
Cl) - ~. aJIlELIER : "Infrast:rucntres. scctëeës , hist~ire".
Dialec:tioues n~ 21, automne 19';''';',
".~thiôPôlog1.e tous terrains", page ~8

- 37 -
L'etude de l'i.nfrastruc'tUre 5llppOse donc la prise en
CClIIpte de toutes les cemposantes de ces trois ensembles. Cependant,
on se limi:tera ici par cClllllXii.te aux forces prcxiucUves materielles
et aux agr"D6:osystèmes, l'analyse des fOf"Ces productives
iDDatêrielles et des rapports de production devant se faire à eravers
celle du sous syst_ de cult:ure et de l'autoreproduc::tion du
système açicole.
1.1.1. Les forces woductives IlBthielles
1.1.1.1. L'l.mite de production
Il s'agit de l'ensemble au sein du::(uel s'organise le
travail agricole. Celui~i ne peut se définir que par rapport à la
sttw:'tUre sociale globale qui. l'engendre. Les etudes consacrees
aux societes lignagêres sur natte champ à.' etude mettent en Evidence
tT'Ois types à.'organisation SOCiale en fonction de la descendance
et de la rdsid.ence :
- les societes patrilinéaires et patTilocales, telles les
Djem et les Balcwell! etudies par C. Robineau (1)
:
- les societes matrilinfaires et patrilocales, telles les
Koukouya e'tUdUs par B. Q.lillot (Z) et les Kuni. Tsangui e'tUdies par
P.P. Rey (3) ;
- enfin. les societes manilinfaires et virilocales
cas
de, !lakcngo êtudils par G. BalllIld.ier C').
(l) - C. PDBINEAU, Evolution éconaniaue et sociale ~·.-\\friaue centrale.
Li eXemDlëâf[§îJâî# (R!pûbligue PôOîïIure au Congo),
l'ans, OR5"'l'o:·(,"lm'".
(Z) - 13. GUlI..LOI', La Terre WOU rCongo), Paris, )buton et Co, La Haye,196d
(3) P.P. REY , Colonialisme, néo<elonialiSlfte et transition au Catlitalisme.
gxemple de la "conulog" au Congo-Bru:aV1.11e .51âSPêro.
PariS, 19'1.
(4) ~ G. BAU.'IDIER, Sociolo ie actuelle de l'Afriaue noire. Chan ements
soc~aux au
et au
onzc ,
. . 1".,
a ,
ar as .

- la -
La
Ctll"""mslItf de résidence ou cohabitation en présentée
par ces 8llteuts eCIIIIIe le priIlcipe selon lequel sont argani..3&s les
lDlité, de production de l'agricul'tUre. Aimi clans les deux pnmiers
cas. l'unité de procb::tion cCIIlpTer:d l'en58Ilble des halmes de lIIême
pere (ou de misœ g:t"IUId. père), leurs f1!!!lDe5. leurs fils et petits-fils
et, eYen'Nll!:l1ement les esc:laves. Cette tmité se dlfinit dtmc: par la
desceOOance en ligne paternelle et la rfsidence sur la terre patti-
ligna~re. Il faut prëcfaer cependant, dans le cas des sociétés
ma:tTiliMaires et pattilocales, qu'lD1 hoaIe peut quitter cette unité
pour Si installer sur la terre de son propre lipge (celui de sa. _rel
en cas de canflit C\\I ,'il en appelé J. d.evWr chef de lignage. De 1D!me,
les filles ne font partie de l'lDl.iU de production qtz jusqu'au
mariage, leur lII&ri ne résidant presque jamais au lD!me endroit qu'elles
du fait de l'exoga.ie.
Dan5 las sex!été, œtril~aires et virilocales. la feaoe
va Ep.l5leD.t vivre chez son mari et y d8Deure jusqu '1 la. 1IIJrt de ce
demier aJ au diVOT'Ce, DÛS les enfants n'y restent ~ jusqu'à la
puberté. rejoignant ensuite le village de l'oncle œternel. Ici.
l'tmité de produc:tian se ccmpose de l'ensemble des frères utérins.
leurs neveux: œteTnels et leurs fllllli.lles restreintes. les soeurs et
les niAces IlIilternelles encore célibataires, les enfants 'trop jeœes
pour avoir rejoint le village de leur oncle œtenlel.
Dans tous les cu, chaque Imité de product.ion consti'tlJe
un groupe matérialisé par un ~ier de village ou un hameau isolé
et 5)'Illbclisé par LID. hangar. C'est dans ce hangar que les hcaIIIIes
adultes du groupe prenœnt en ccmm.m leurs repas. L'unité de prod:uct.ion
est donc en lIII!me temps unité de consOlIlDlltion. A sa tête se trouve
un chef qui peut-être le grand-père, le père ou le frère a1né dans
le cu de la pattilocalité, l'oncle maternel ou le frère aîné dans
celui de la virilocalité. Lorsque le c-1ef du hangar est en même temps
chef de lignage. il çonvient d'ajouter les esclaves pour compléter

- 39 -
l'unit! de production. Enfin, c:hacun des a.1nh figurant cœme père,
grand-pare au oncle maternel selon les cas. peut aspirer à constituer
une telle UD.it!.
1.1.1.2. Les "'?YeIlS de predUc:tion
Le myen de production essentiel est la terre. L'inst"IUllent
le plus cowaument utilisé pour la travailler est la houe. Houe forgée
en un fer deux obtenu dan5 des fourneaux d'argile au <1!paT't dlm
miDerai g6ne'ral_nt d'asseZ bonne qualité. Le ~e court: oblige
l'operateur l se baisser pour effec:tueT les t'rIlVaU:lC de difrichsient
en savane et le labour. En z:ane fcres'tdêre , la hache sert pour
l'abattale des arbres tandis qu'une seree de 1aYie cccteau ~ fouir
est utilisEe pour la mise en terre des semences. Signalons enfin
l'utiliSation du ÇQUtNU ordinaire pour certaines récoltes et. des
paniers en fibres vëgëeaies pour le transpOrt des produits.
1.1.Z. Les &gTOéco5Y!têœes
1.1.2.'. Les espkes eultivfes
Trois sonesprindpales de céréales ttaient CUltivées par
les habitants de l'ancien royaume de Kcngo. Pigafetta observe (fin du
16è sikle) que "la œilleure et la principale s'appelle Luco" (1).
Luko (ou luku) désigne l'Eleusine ccrocara encore cultivEe aujO'Ul'd'luli,
notallml!'nt en Angola., qui fut introduite tds anciennement à partir
des Tfgiems orient.ales. Cene eërëaje appara!t cœme l'une des plU!
rêpBncbJes. Pigafet'ta évoque une aut.re céréale appelée '~a lDiI. !Cange"
au millet blanc (Z). La tl"Oisièœ est. mmticnnée par W.G.L. Randles
(1)
Ibid.

- 40 -
5CJlS le naD de ''Ma.ssamœla'' et i l prëctse qu'il s'agit. d'un soriM (1).
Le riz est egaleœnt. signale par Pipfetu, mais celui-ci ''n 1a pas
bewcC>Jll de valeur",
Pumi. les lêl\\DiDeUSes. an peut citer le "'fandu". espèce
de petit pois, cueilli sur un arbrisse811 (c.ajanus
c.ajan Druc:e) qui
peut vivre trois ans et qui est cultivé pour ses graines c~s
à mit!!! venues. On peut. egalement citer le ''Dkasa'' (c.ajlUD.LS ind.ica).
lêl\\DiDeUSe de grand t'eDdpment dont les graines sent de couleur
rose et nS5_lent aux b&rtcots. Une llU'tre legu;ineuse est le
''nsamba'' OJ. voand3Ju (Voameia subterT"lD1ea) !liple par W.G.L. Randles (2).
Les tube'IUÛ.es fuient essentielleamt nprfsentfs par
les ignames (Dioscorl!acfes) qui cOllS'ti'tU&ient l'al:i.ment de base. Les
Bakongo actuels. qui connaissent une douzaine de vsrfëeës , en. OJl.tivel1't
à peine trois ; la plus repandue êtant l' "igname aiUe" dont les
tubercules se c:onscIIIIIent. cui ts 1 l'eau ou sur la braise.
Les Ba.kcngc produisaient aussi des ba:naIu::s. AlI temps de
la dëcccveeee, ce sont les seules varietes du type MJsa paradisiaca
qui et.aient COJmIJeS , et en rrês grand naJlbre • Les:"u,t! • à IXJlpe
farineuse, sont d'un caracttre grossier et sont appel.s éU:tuel1~t
ba:nane-pain ou banane-eochcn.
Ce tableau des produits provenant de la culture doit être
ccmp16tE : d' 8lltTes tubera1les. des courges. des agumes second.aires
cœee les êpina:rds ou l'oseille, des cond.iments cœme le piment sont
eplement OJ.1tivés. Il ~t!'e n68l'J1Œ)ins l' i.nc:ontestable dive!'sid des
productions recœmues , au cours du tëê sikle par les cbservateurs
ét!'8Ilgen.
(l) - W.G,L. RANDLE5, L'ancien rovau:œ du Congo, des oTiginu à la fin
dû :U:G S],êÇle. "'Eûton et Co, Pans, Lâ Haye.
1968. page 65.
(2) ~ Ibid, page 66.

- 41 -
1.1.2.2. Les tYPes de champ
Il est nfcessaire, au prëarebte, de dlfinir ce qu'on entend
p&r type de champ. Nous ncourons 1 la d6finition de ~rnard Guillot
pour qui les types de d:amp sont "des assoc.:iations originales,
cClllbillmt d.iffêrents l!l!lœnts : cheix d'un sol, d'un lot de plantes.
succession de OJl:tures nettement d6finie nec les façons cultlJr3.1es
appropri&s 1 c:hacune, temps de jachm pre et post OllturaUX dëterndnës ,
et qui jouent un raIe psrtiçulier dans l'ensemble du système agricole" (1).
Cette dlfinition fait çependant abstraction d'un élément
qui est sœvene pris en ccmpte. au mi!me titre que ceux énonces par
l'auteur, pour distinguer d.ifférents types de champ : i l s ' agit de la
tedmique de pr6paration du champ qui constitue dans certains cas
le principal ou l t l.mique critère de disti.nc'tion.
Les anciennes relations ne ccmportent aucune indication
çODCemant les divers types de champ. Plusieurs observateurs distin-
guent cependant les champs proprement dits des petites parcelles
o.ütivfes rfparties entre les habitations. Ces dernières constituent
les "jantins de case", sortes de petits potagers qu'entretiennent les
m6nagêres 1 proximité iJlmêd.iate de leur case. Dans ces lopins
pcussent plle-.He des 8l.lbergiDes. plusieurs ëpânards , toute une
serie de piments, des plantes m1dkina1es ou ayant une valeur
lIIllaique, tous vé_taUX qui, gric.e 1 un arrosage rfigulier et aux
d6ttitus acc:LlllJ.les autour des habitations, croissent avec une grande
vigueur.
G. :Balandier (2) et G. Saatter (3) qui ont ê'tUdié l' agri-
o.ü ture des Bakongo actuels distinguent deux types de champ : les '':!laya''
ou champs de savane et les '"nsitou" ou champs de forêts. De plus
(1) - B. GUILLDT, 0'0. cit.. page 31
[2) - G. BA.IAi'IDIER, Soçlologie aç'tUel1e de l' Afriaue noire. op. cit.
(3) - G. SAIJ'ITER. De l'Atlantiaue au fleuve c~o. Une 3êogry:ohie du
sous-!;,!uclement. RéOObhque
c~o Rl!ouohque
GâbonaJ.se. Pads. }wton et Co, 1 iye , 1966.

- 42 -
G. Sautter fait observer que les Ba.k.ongQ font eux-œœs la distinction
emre deux rrandes catégcrdes d'emplacemenu. Un "ya dya libiti" ou
''ya dya ndimba" est un champ insull' dans. ou prês d '1.m fond ~
un "l'a da tenu" (champ de colline) ou "l'a dya. ns&é" (champ de brousse),
cccœe une p::l5ition ëievëe, replat, fperon ou sallDet de colline (1).
Les c&racdristiques ê<:ologiques constituent ici le cr-ttëre permettant
d'identifier un 'type de champ.
Se basant sur la technique de prfparation des champs,
G. sautter. dans son 'tude de l'agriOJlture des Bakamba (2) distingue
trois 'types de champ. Le premier 'type rfsulte de 1& lIlise en tas
et. l' incin6ration des herbes d' abOTÙ calc.ill.êes par l'incendie gm'ral,
ainsi que de leurs racines. Les B8..bmba appellent. "nséU lIlI.Sinda"
les champs a.insi préparés. Le tenœ "lftAimlJka" désigne les buttes
d'incinêration. Le deuxième type de çhamp est c.aractêris' par la
méthode de défrichage. è partir de la savane non incendi'e. Ces
champs sont I~ralesœn:t dfsips par le mt ''bifOUDdika'', dlrivê
semble-t-il d'un radical ayant le sens de '"pourriture". Un authentique
écobuage caractërâse le troisième type de çhamp effectué par les
Ba1:amba. Les billons résultant de cet ê<:obuage, et les champs eux-
œmes. composés d'un plus ou mins grand naobn de billons, panent
le naD de ''ma.ala''.
C. Robineau distinguo êgalesœnt t.rois types principaux
de champ dans la région de Souan<ê (3). Il Y a aÙ\\Si le champ
"ang-K-..cn" où la c:ulture principale est la courge (Kwon) et où
l'on associe les bananes, des lêguœs et des concambns. Il '! a
auss~ le çhamp "a biem", planu.tion d'ignames où l'on retrouve souvent
associées les cul'tlJres d'un champ "ang-Kwn" il l'exception des courges
et des ccncœbres, Le troisième type de champ est. "bo-Wunc". plantation
(1)
G. SAUTTER, op. cit •• page 504
4
(2) - Ibid, pages 608 et 609. Il s'agit essentiellement d'une
agriculture de savane.
(3) - C. ROBDŒAU, op. cit.

- 43 -
d'arachiàes 00.1'00 plante aussi le mats. Apr!s la récolte des
arachides. on nplllll'ten dans ce champ des bananes , du manioc.
des .scnges. des patates ëciœes, des lég\\llle$. C1J
Cinq types de champ sent recensês par B. Willot SUT la
Tene EnJccu. dant quatre en savane : les l'bibuomo". les ''bipa'', les
''mBnzan'' et les "matrv1,IIIa" j les champs de for!t portent le ncm de "ngumu".~)
Les deux pTi.nc:ipaux critms sur lesquels l'auteur fende sa distinCtion
sent 1& tee:lmique et l'espèce danina::ntesà l'intérieur du champ.
- - - -._ ..
TenainaD5 par les buttes géantes des Lil:o\\..b.a décrites
par G. Sautter (3). Il s'agit de d1amps rfalisfs en milieu
aquatique et daniMJl.t l'eau au la vase de deux ! trois mènes. Les
fomes, tris dfverses , se flDll!nent .l quatre grandes variétés. Les
deux. preadêres sont const.i~es par les buttes allongées de 10 à 1Z :li
de longueur, sur 2 l1 3 de l.a:rgeur et les buttes avales ou rendes, La
troisUme vuifté cœceme les bunes étt'Oites se recourbant
au se refeTmBn.t en cerere (4). Le qua:tTible et dernier type de buues
CCJXerne les vastes 'difiœs quadrangulaires dont les plus petits font
8 III sur 8. ou 1am sur , 0 et les plus grands a'tteïgnent 30 A 40m de côtë
et aDt jusqu'à 5m de hauteur. Sur la ptare-ëorae sœmitale, un billon
fait le tour de la butte quadrangulaire ; un second billon, parfois,
(1) - Dans la mesure ail la plupart des plantes cultivEes sur ce I:hamp
sont des plantes Et'I"IDlg:ères, i l est diffiçile de di re si ce type
de çhamp exi.sUit avant l'introduction par les Européens de
plantes nouvelles.
(2) - La remarque prëcëdente vaut également pour les types de d1amp
dégagés par B. Guil60t. Aussi nous ccreeatcns-rccs ki de les
signaler. Ils feront: l'objet: d'une analyu plus approfondie
lorsque nous abcrdertms les relations entre système ete culture
et densité de population.
(3J - G. SAI..1'I"ID., op. dt .. paies Z62 et 263
(.t) - La f!!llllle qui cultive une butte cfrculafre ou en fer â chevar
en tire un double parti : quand l'eau se retire, un haveneau
pl.acê en travers de ~ 'ouverture capture les poissons
la sortie.
â

- 44 -
se llIOUle indrieurement sur le premier. L1 espace central. est cccccë
par l.me sf:rie de billons droits en lignes pa:ra.11èles. De l'angle
de certaines buttes part un appendice parallèle â L' l.m des !:OtlSs ;
le passage en cul-de-sac, sl'parant la butte de cette sorte d'aile,
fait offia de pièges l poissons.
Des é'tUdes œnées dans d'autres rêpons du Congo auraient
ceruineuent penais de d!ncmbrer plusieurs autres types de chImp.
En re'tensnt le seul a itêre de la technique utilide par exemple.
on obtient fac:ilelllmlt au mins autant de types de çhamp ClU 1i l Y Il
d'ensembles kologiques. Reten0D5 donc, pour l'ins'tant. l'extr@me.
divenité des types de champ, les forœs d'orga:nisaticm l l'intérieur
de chaque type seront analysées plus loin.
1.2. Le 5OW5-5'V5t_ de Clll't1,JI'e
Un des a:ments auquel peuvlmt etre saisies les rela'tions
uisunt entre les divers consti'tUants I118.tériels et iBmatêrielS
de l' infra.stTlJC'tlÏre est. le prccës de production iJDDêdiat. Ces relations.
en ce qui concerne le procès de production agricole, Ç!l8:raisslmt
il tt'CIis niveaux : l'organisation du travail, c ' est-l-dire la distribution
des forces productives dans l'espace et dans le temps. les opérations
culturales et l'agencement des cul:oJ:res. On Il d!:jl signale la carence
des textes anciens quant 8l.Dl: informations relatives au sYstème de
O1l'CJre. Cependant., les teo:.hlùques agricoles ayant 6tf longuement
consid!'rées dans les êtudes rorales actuelles, ces œnuères nous
permettront de reconst.ituer le syst._ de culture e.'tUtant antêrieurem.ent.
.1 la pênétnt.ion cçitalist.e, .1 condit.ion, baen sOT, de déceler
les llDdi:fications SOlNeIU.LeS.

- oiS •
1.2.1. L'organisation du tnvail.
1.2. 1• 1. Le ca.lendrier agricole
L'observation et la cormaissance des flI:luvements des astres
a pemi.s aux papulatians congolaises de se représenter le temps,
de déterminer le rythDe saisonnier et de lllIl!.suret' e't prfvoir le cyc.le
de la v6gftation.
Le Jll)i5 correspond l la période lunaire : i l s' agit d'un
DlJU de 28 jours associé également au cycle de la femne. Bien que
le DlJis de 28 jours donne une année de 1:3 DlJis, c'est l'année de
, 2 1II)is qui a été retenu, le d.!c&lage étant rectifié à l'aide de
certtines étoiles, les Pléiades en général. On ;it appel à plusieurs
rites reliaieux pour expliquer le problème 111 treüiêmemis et coru:ilier
1 '~e solaire de dau:.e mois &"IrC'C l':mn6e lunaire de treize lunes (1).
L' a:DI1éeccmœnce avec les preetêres pluies et comporte
quatte saisons dont la. durée varie selon les rêgdcns et en fonction
des conditians geoi1"SPhiques (prox.imi.té de l'êquateur, acne
mn:tagMUSe, vallée, proximité de I 'océan, etc). La l'l'sUre des
quatre saisons va de septellbre au octobre, suivant les régions.
l janvier. Elle est tIIlll'qUfe par l 'lICl:tIIIplissment des rites de
fertilité et de prospérité ouvrant l'époque des travaux agricoles
les plus durs. les plus intensifs et les plus impoTtants. Dans
l'ancien rtTy8UIlIe de Kcn.go, deux rituels disti.nc'tS Visant la recherche
de bonnes recoltes avaient lieu l cette période. Le pn!!D.i.er
associait le chef et son hemHop f~, les "aînés" représentant
les femDes et les sou:hes des lignées, les ''notables'' symbolisant
les cfans et lignages concernés. A l'occasion d'un repas de ccmmmion
et d'offrande, la cOl'ZllLlnica.tion 'tait ét..tlLie avec les ancêtres.
Les IIl8l1àataires y acqu!raient un renforcSient nécessaire l taus ceux,
femmes et membres des lignages, dent ils étaient les représentants.
(1) - Selon W.G.L. ~~LES (~. cit. pages:33 et 34), le treizième mois
re;Jrésentait au Laango~ Période néfaste, vécue avec apprëhensâcn ,
oü L'univers apparaissait comme déréglé, période ~quée par
des rites fétichistes partiCUliers".

- 46 -
La deuxiême sErte de cér!mDn.ies concernait la mise en culture
d'un champ sacrë ; en cultivant pour les p.dssances invisibles,
les hcmDes atteDkient de ces dernitres UtIe provocation 1 la
gfné'I'Clsitê de la nature, une ~Ttaine abandance (1).
Cette p-reaitre saison est c~t domi.n& par les
travaux de semis et de plantation. ce qui n'extiut pas la poursuite
des tra"I&UX de dlfrichment et de laOOur entrepris au cours de la
demâêre sai.5on de l'ann& ptfc6:iente et non encore ecœvës, ni ceux
de sarclage ou de rfcolte sur certains champs ouverts beaucoup plus
l-""'P' wparavant.
Vient ensuite la petite saison skhe allant de janvier
l février a), dœi.J3e la rfcolte des eepëces 1 cycle végf:tatif court,
sans que celle-ci constitue l'wique apfration culturale effec'tUée
au ClJ.n"S de cette saison.
La petite saUan skM est suivie d'IJN! période caracaërdsëe
par des' grandes pluies et qW. s'étale jusqu'en juin. Le travail dcminant
au çcurs de cette saison concerne la préparation des champs en vue
des cultla'es du second. c:ycle (il s'agit surtout du sarclage et
de la 'l'6fec:tion des buttes) et la mise en terre d'aunes espëces
! cycle court a..insi que de ~lles dont les besoins en eau sont
réduits et qui, de ce fait, ne risquent pas de voir leur croissance
en'tl"aVée par la saison sk.he.
Enfin, la grande saison skhe tennine l' 3I1I1& (juin-
septl!!llbn). C'est au dfbut de cette saison que le chef de lignage.
a.ssutê des chefs de hangars, prccëde l la répartition des terres
de culture encre les différentes unités de p'I'Cl~ion. Tandis que
juin voit s'achever les demitres plantations et le dêfric.heuent de
nouveaux champs forestiers, le reste de la saison sera surtout sarccëe
E!!.!~!_~~!.!!s2!E~s.
(1) - Ces rituels ont étê obser/ês par le P. LAURENTDE LUQL~, citê
par G. BAUNDIER in La vie quotidienne av. rova.ume de Kongo,
09. cit, page 3~.

- 47 -
Une certaine maItrise des variations climatiques
apparait donc à travers ce caieccrfer , .itrise que traduit la
.'quenc••
daaiDance, .l chaque saison, d'une des
-
du ~tème de OJlture,
sans pour autant que soit dflaiss6e la réalisation des autres
opl!rations •
1.2.1.2. La division du traVail
Le travail açicole se rtplrtit etrrre les Illl!Dbres d'une
unité œproduction principalement selon les sexes. La pT'ell1i~re
apfration oJJ:turale pour laquelle les lJ:mDes ntervi.ennent dans les
ttsvau:x agricoles, ce en lIIiIDe t~s que les feames. c'est le
dlbroussa1llalle par lequel o:mœnc::e le dffric:hement des chmps
forestiers. L' abatuge des arl:Ires qui suit est effectué en CODllllm
plI' les lJ:mDes dêpendant d 'tm mi!œ hangar qui fonoent ainsi un
groupe d'entr1aide ou de çoopl!ration (1). Ce sont en iWral les
jeunes hcmDes qui sont cccceϑs par les travaux de dffrichement. les
plus 19és se consacrant t d'autres activités (chasse, artisanat,
. c:onsnuction ou t'ffeçtion des cases, etc ..• ).
Les semis, la planution. l'entretien et la récolte dans
les ch&mps forestiers ainsi que la totalité des rravaux effectués
sur les c:bamps de savane le sont par les fl!lllllles. Celles-ci travaillent
en i1'OUP85 ccnstit'U6s, sous la conduite d'un chef, généralement
choisi cœme la personne la plus I!Xpl!riment6e et la plus énergique (2).
Cl) - Il De semble pas que ce groupe soit chargé d'une signification
soc:iale paniOJlière, mis t part le fait qu'ici, la coopération
est une n1cessité technique.
(2) - L'expérience et l'énergie au travail ne semblent cependant
cOl15tit:uer que des erltères secondaires pour le choi.'C du chef
de groupe, si l'on se r~f1re t l'observation faite par G. SAUTTER
chez les Bakongo, observation selon laquelle "la ''mf01..1lOOu l bakento",
litt~ralement "chef des feames" est d'habitude la soeur du chef
de kanda (HiMge ou clan). revenue veuve au village, ou bien
son épouse et dans ce dernier cas, i l s'agit d'une fenme l
atatrut; servile. rat'tachêe l la famille" (on. cit. page 503).
Dans la mesure OÙ, CClllllle on le verra, ces groupes de
cultu:re ont pour fonctions la collecte d'une partie des produits
agriçoles au profit du chef de lignage et des aînés, et; l' enca-
drement solide de tcutes les feames qui n'ont pas d'autre lien
avec le lignage que le mariage. c'est donc l'apti'tUde d'une fe!llœ
l favoriser la reproduction des rapports sociaux de prociuction
qui est; le cri'têre d~teminant pour naniJla tion l la tête du
groupe.

- 48 •
En ngle gfnfrale, les groupes de travail f!mi.nins sont
c:aJ.qu6s sur les unit6s de product.ion
les feames vivant sous le
9
œme "bangar" font partie du a6e gIVape. Nfa:moins. l'appartenanc:e
il tel au tel groupe fonctiomumt sur la terre lignagen est p:JUI'
une part affaire d' affinit6s personnelles et de choiX individuel.
D'autn part. chaque fl!llllDe cütivmt SOlIV'mt deux ou trois parcelles
de savane l la fois, elle peut fort bien participer sÎ1ll.ù.tan""'ent à
plusieurs groupes.
~t au foDc.tiOI1IU!Dlnt des rroupes 1 il repose sur une
certaine di..sl:ipline de travail qui peut s'observer lors du d6frichement
00 la part de chaoJne est mesurEe et pendant la recelte 00 une feame
qui arrive en ntard le matin se veit obligfe d'aller tnv&iller
seule. Le foDc.tiCJDI1!llœD.t dfpead IIgalemmJ.t de l'aptitude du chef de
groupe à as.sumer son l'Ole. Las cbefs-feames D. r internement pas
p:JUI' c1kider de la mise en cüture ·laissée à l'a:ppréciation des membns-.
mais elles lIlDIltreD.t lUX IDellbres du groupe camœnt il faut cütiver
et vont travailler tau:r l tour avec chacuœ des femaes. Leur role
consiste en outre l accepter ou nfuser les DOUVelles candidatures,
à rëgterte tTavail en ccmm m et l arbittlrr les conflits.
Enfin, l'existence des fOTlDl!s de coopération rendue
D.écessain par le faible nivuu de dfveloppemeht des forces pTOductives
et dont l' ~SC!lllllmt est fInowisé par la co-résidence n'exclut pas
le travail iDàividuel dam le damaine de l'agriculture. Il n'est pas
rare en effet que les d6frichaDenu foTestiers soient effectués par
un seul hoaIIIe
nct8Illœnt lorsqu'il n'a qu'une seule felllDe et,
les fl!mDes sont ncmbreuses qui n'a:ppartietm.ent l aucun groupe. Voyons
.'quancas
maittlnant en quoi can.sistent les diverses
.
du tnvail agricole.

- 49 -
1.2.2. Les opérations CUlturales
1.2.2.1. Le dxIi,x des sols
Notons d'abord que les lmitês de production n'ont
d'existence rfeUe qu'au sein de l'unid r6sidentielle fondamenule,
le village. Tant que ce dnnier est maintenu A un endroit, les sols
cJxlisis le sont suivant différents c-idres c:œme la fertilid, le
temps de ja.chtre, la proximité ou l'tloignement des habitations
et S\\Irtoot l'&11u:re de la. vtgêtation.
Mais dis que la. nécessité de dlplacer celui-ci est ressentie
par la cCJm'!!mmtté villageoise, le dxIi,x des sols revêt un caractère
beaucoup plus camplex:e : les crâ'têres géographiques et écologiques
se doublent de considérations œgico-religieuses pour déterminer
le nouveau lieu d'implantation et de prtduc'tion (1).
1.2.2.2. La. 'DT'!oaration des ehamps.
Cette "P'ration a déjà été dëcrâte lOTS de la présentation
de certains 'types de chazI;I. Seules serent examinées ici, par ccœëcœne ,
les teclmiques de COl13titution des buttes géantes des Liltouala, la
préparation des c:ha:mps de fori!t et certaines "P'rations cencemant
les champs de S&VlIne.
La confection des buttes géantes consiste l acOJlllJ1er la
terre en tas suffî sanment hauts pour dfpasser au lOOins le niveau des
petites crues , et si possible celui des grandes. les Likouala emploient
(1) - C'est ce que souligne J.P. HARROY lorsqu'il !nonce le principe
de la cal ture semi-nœade. "Lorsque la iertili':.é des c:.'1amps qui
viennent d'i!tTe cultivés est considérée Caœte épuisée, ou que
le sol en est devenu tT'QP dur a ameublir, êçrit cet auteur, les
dirigeants intéressés de la collectivitê rurale : le chef, le
maitTe de la Terre 1 les anciens. les sorciers. choisissent.
selon un rituel SOl..IVlmt canpliqu! où se combinent les fO'I"lllLÙes
magiques et l'observation d'L~ices écologiques objectifs, une
nouvelle rene de couver-t végétal naturel 011 l'on dêcide que le
groupe ira êtablir ses cultures pour les quelques saisons
culturales a venir".
J.P. HAAADY 1 Economie des ~les sans :nac:."liJ1isme, Etudes d'écologie
humaine.
U.L.E., i9~O, page 37.

- 50 -
sur leurs buttes un lIIXi.e de fertilisation original : avant la ec.se
en terre des plantes. les billons sent ouverts et la terre rejetée
sur les cet's ; l'ext:KVatiOll reçoit les d.fbris vtg6tau:x disponibles.
mauvai.Hs herbes d' aboTd, branches au-dessus, palmes coiffant le
tout i les billons sant &lOTS ref~s 1 reprofilês et remis 1
l ~ &ligt1elœnt. Les cultures tireront ainsi parti de la _tUre
v6g6tale en dkClllpQsition.
En fcrêt , le dffTichement a lieu peu avant la saison
s!che. Il commence par le dfbTOUSsaj 11age, c'est-l-dire le nettoyage
àu sous·bois cClllpO~ de limes et d'arbustes. Les bœmes s'attaquent
ensuite aux. arbres lIIJ)"eJlS ou. ceux; dont. le tronc n1exc:llde pas 60 1 SO cm
de di_ne qui sont w6Den.t abat'tU5 en les entAillant avec des
haches 1 eIlV"iron
_t're
UD
au-dessus du sol. QJant aux pfus gros
-ce sont souvent des gUnt5 de plusieurs dues de tour 1 la base-
on constl'Uit des fchafaudages qui 5 '616Vent 1 S ou 4 mêtTes au-dessus
du sol et, c'est 1 cette hauteur qu'an ceinture le tronc d'entailles
1 la hache. ),U bout de quelques 1Œ)i,s l'arbre cœmence 1 se dëssëcaer ,
mais i l ne œurt pas toujours. Troncs, branchages. lianes, broussailles
et. feuillages skhent sur le scl, p.1i.s sont réunis en tas aco.mul6s
de prff&ence au pied des arbres aux. troncs entailles. Viens ensuite
e-bt'Olis. l'inCin6ration rfalisant detJx objectifs poursuivis par les
cultivateurs: elle dlgage la teTTe des obstacles qui l'encambnnt
et l'enrichit. au IIJ)ÎIlS temporairement, d.'un apport minEral feI"tilisant
con"esp:mdant aux cendres subsistant çris cette calc.ination. Mais
le premier objectif n'est a.tteiDt qu'en partie car on ne va pas
jusqu'l Obtenir des chaD!ps ''propres'' (1). Les semis int.ervierment en
fodt sans qu'8IXIJD travail ne soit fait au sol lui-même.
(1) - C'est ce qui apparait ! travers la description faite par A. QŒVALIE.i.
du champ tout prit pour la culture: "Le sol est. tout jonché de
troncs d' arbres 1 demi-calcinés et EtalEs dans tous les sens ;
1 travers, se dressent les arbres encore debcut , les uns JOOrts
(par suite du ceinturage et du feu). les autres demeurés vivants.
E."l outre, demeurent en place tout.es les souc.hes et la base des
trOnCS coup6s. le sol est tapissé de cendres que les pluies et le
ruissellsen.t ont étalées". (A. œEVALIER. AgriC'..ù.tu:re coloniale
origines et évolut.ions, M. Paris. 1949. page 4i)
L'intérêt de ce rœde de défrichement apparaît surtout dans
la lut.te entd-ërosdve,

- 51 •
En s...-ane, 1. dUricheDent
prk:~ ou suit l.s feux de
bTOUSn. Dans le pt'emieT cas, les fends garnis d'une savane épadsse
sont dffril:h6s au dfbut de la saison seche, avant l'fpoque des feux
de bTOUSn. tes grandes touHes d'herbes étant arrach6es avec Leers
racines. Ces dernifreJ sont dtspcsêes de façon â fomer des billons
dont la longueur varte entTe deux ml!tTeS et plus de cinquante IDètTe!'i
(toute la lugeur du champ). QJ8:n4 par cenere les feames d!fricbent
la savane d.ejl brëiëe, elles disposent ce qui Teste des touffes
d 'herbes avec leurs paquets de rac:ines soit en un seul US au centre
du çM:mp. soit en plusieurs us rêpa:rtis sur tecee la surface du
champ. fOl'mMt ainsi deJ buttes.
La pt'6paration deJ chalps de :savane se tennine par le
labour. Celui-ci se fait il la hDue et çonsiste il trancher la terre
a plAt et ! la retourner sur le eëeë. La malléabilité du métal et les
faibles diJamlsians de l'outil font que cekud-cr ne s'attaque qu'a
la COUl:he ~icielle du sol, étendant rarement son actaon il une
']:rI"O'fondeur supérteure il une di:taine de çentiIœtres, respectant d'autre
part , 1.J sOJChes et les rac:ines trop dures.
1.2.2.3. La lIlise en teTTe cI.e!'i esœces
Elle s'effKnle de plU5ieurs manUTes. suivant les espèces
OJ.ltivfes. Ainsi, perjera-c-cn de semis pour la mise en tet-re des
grains de riz et de ccccœere, de plantaie pour cel Ie de l'igname
et dl! repiquage pour le bananier.
1.2.2.4. L'entretien de!'i chamDs
Le travail d'entretien revêt deux for.nes prdncàpafes . Il
y a cl'abord les divers sarclages effec'tUês il la main ou 1 la houe.
Les mauvaises herbes ainsi supptiJIlées sont enterrëee et dans ce cas,
la ter-re est soigneusement placee au pied. des plantes ; elles peuvent
l!tre rejetées il la pêrtphêTie du Champ, mises au pied. des banaaters ,

- 52 -
ou enfin mises en petit tas au bord du champ. Suivant la viKLJeUI' avec
laqueUe CTOissent les mauvaises herbes, on effectuera lm au plusieurs
sarc:l.&ges avant la eëeeiee.
L'entretien des ch8:aIps. c'est aussi le traitement
phytosanitaire des plantes. L'unique procl!dé phytosanitaire que nous
ayons ebsetvë au cwrs de notre enqu@te et qui consiste! êtaler
des cendres dcmestiques sur les plantes atuintes au susceptibles
de l'!tre, pose un probl_ quant. à son utilisation 1 une !poque
antmeure au ceeeact du sys'tfllle qui nous 0C0Jpe avec les fOImations
sociales, ~s. Rien ne I:tl:US permet, en effet. de dire si
ce pt"Odd.ê est d'utilisation ancienne ou s' i l est simpleœI1t
le produit de l'imitation de cl!t't&iMs pratiques cbservëes sur les
''planutiOIl5 ~.5".
N68DlŒ1ins. certaines pratiques culturales contribuent
de façon indi:recte 1 la lut'te cenere les maladies des plantes. Ainsi,
les brOlis -que ce soit les feux: de brousse ou les incininticns
effecUl&s lOTS de la pr6paration des champs- "sttrilisent" d'une
certaine mani~re le milieu, êl.iJDinent les ennemis des plantes. Ou
fait de la ccmposition et des faibles d.imensions des champs (de un
1 douze ares). un 616œnt pathog!ne spfcifique d'une plante a t'rh
peu de chances de se propager panai ces petits lapins ail prêdcmine
la culrore mélangée. D'autre part, la cozap't.ition qui. s'établit entre
les divers él6œnts pathog!nes est également de œeœe ! éviter
certaines ma 1adj es aux espèces cultivées. Enfin? le ~la.cement
des champs peTIllet a'ëvaeer les maladies des vieilles cultures et
empiche souvent la propagation des ~idêmi.es et des p&n.sites.
, .2.2.5. La t'fcolte
CCIIIlIe la mise en terre, les techniques de rëcckte varient
avec les espèces concernées. Celle-ci peut en effet consister â
ccuper , arracher C'U dêterrer , )fais ce n'est pas elle qui termine
véritabl~t. les opérations cul:urales. Il conviendrait d'ajouter le
transport des produ:i. ts effectué 1 l'aide des paniers que les fenmes
portent sur la tête ou sur le dos.

- S3 -
1.2.3. L'agencement des cultures
En foret. en savane, çœme en ''milieu aquatique", le
srst- de cul••• se caT8CtErlse paT un rytlIDe extensif avec
deplacement des chsmps mais 8ll$si par une distribution çomple.'œ
des espëces Al' intérieur du c:hamp et des types de c:hamp dans
l'espace agricole.
1.2.3.1. Dans le temps.
La S\\.E:cession OJltu:rale est inaugu::r6e paT une culture
de nka.sa, de -.ndu au de nsBlllba (1)
suivant les rëgdons , ou bien paT
une association de courges. CODCtIlIbTes sorgho et de léguDl!s, ou enfin
par une association d'ignames. de çourges et de cërëafes (éleusine,
sorabe). Elle se poursuit par une cul'tUre apte, dans une cer-taine
mesure au mÎM, l refaœer la fertilitê (haTicots nuupants par
exemple) ou par un bTef temps de repos allant de daIx l vingt mis
suivant la na'tUre de la 0Jltu:re ina:ugura.l.e. Dans le as al la
OJlture i.naugura.1e est une cul'tUre de nsasa, wand:u ou voandzou, la
sucçessian se poursuit par une association d'ignames, courges et
diven ltgœes. en fin de succession vient g6néral~t la culture
de ban&nie!'s.
ce scha n'est pas rigide; il est assorti. de variantes
et d'options. Les assolements sont en effet ëëeeecaës par plusieurs
facteurs: habindes al.imentaires. espèces euetvëes , çonditions
kologiques. lII:Xi.a de prEparation des chsmps, etc . .'ÜJl5i. i l peut
arrive!' paT exemple que les boutures de bananiers soient nti.ses en
terre en mime temps que les ignames, cccrges et divers léilJllles.
(1) - Si l'on retient l'hypothèse d'..wgus-:e OiEVALID. (0'0. dt., page '+5)
selon laquelle l' anchi.de au:ra.it remplacé le voandiou (nsamba)
dans les a.ssolements et si l'on tient çompte du fait q",J,' ac~llenent.
l'a.rach.ide est SOlNent assccdëe au mars, on peut penser que le
nsamba n'intervenait pas seul çCllllle cul'tUTe inaugurale mais
était ~ralemmt as sccâë aux ''ma.sa ma kongo" qui ont é'té
Templacés par le mats.

- S4 -
Le temps d'cx:cupation du champ est de trois ans enViron.
Temps au bout duquel, la. chute de fertUi tf ~inêe avec un
envahissement des plantes herbac"'s qui ftouifent les cultures incite
le cultivateur 1. se déplacer et 1 recœeeecer plus loin la lI!me
cpëratfcn, En. rêalitl!!, le champ n'est jalllll1s caaplètment abandonné,
les arbres fruitiers planti!!s au dEbut ou 1 la fin de la. p'riode
d'cx:cupatian du champ continuant 1 produire (le bananier par exemple
pt'Oduit pendmrt cinq
ms) ; le chaalp abc1daJ'mI eanstitue alors
un àaDaine privilfgil!! de cueUlette.
Le m'CIme se caractfrise par un rytlme de culture extensif
le recours mtematique 1. la j~n pour obtmûr une reconstitu'tion
de la fertllitf des sols est en effet un de ses tnits dœinantS.
Il faut environ dix ans pour que la. fertilité d'un sol de savane soit
reconstitu& et la. regfn6ration pédologique n'est cœplète en forft
qu'au bout de vin~ 1. vingt-einq ans.
1.Z.S.Z. Dans l'eS]:!Ce
Les divers auteurs reviennent cons't3lllœIlt sur le caractère
œlangf et cifsordcDnl des cultures.
Notons d'abord. que les champs n'ont pas de fonDe géallétnque
ciffinie. QJant 1 la. d.Upesition des difffrentes plantes dans un champ,
celle-ci ne laisse appara!tre auo.m ordre chronologique, ce qui ne
signiIie pas que leur distribution se fait au hasard plisque plusieurs
cri têres ccmœ les exigences des plantes interviennent dans la. mise en
terre des sesences ,
Selon C. Robi.neau. cette si'tUation senit imputable au
100de de défric.hement (1). Le eeëe de défrichement n'explique qu'en
partie-et ce en foret IJIÙquement- la structure du champ. Les champs
de savane ne constituent pas des champs "propres", mais il n' y .:1
(1) - C. ROBDŒAU, otI. cit., page 1li

- ss -
cependan't ni 'troncs d'arbres. ni carrés de broussailles, en tou't cas
aucun obs'taCle physique qui jus'tifie la oùture mêlang~e et
"dfsOl'dœnêe" qu'on peu't ~galsen't y observer. Un !lfmen't d'explica'tion
de ceeee pratique peut etre avancE et i l tien't 1 la TelB.tivit~ dfj3
signal6e du dfsordre : un oùtivateur n.'admetuait pas par exemple
que le vœDitou, plante rrês exigeante. soit cultivé 1 I:Ot~ de
l'igname. plan'te très exigeante elle au3~i.
En ce qui concerne la çu,1:ture mélang~, c::elle-ci s'explique
en premier lieu par le souci des CUltivateurs de Rin'tWT au sol
UDe <:oUV'er"'tUre vEgfu.J.e centre l'action d6composante du soleil et
des fanes pluies. Ensuite, l'existence sur un mime champ de plusieurs
espèces vêg!ules Mte la dotation 1.D1ila't~rale du sol. Enfin, suivant
les espèces, les news opèrent 1 des !tages diff!Tents, ce qui
assure lJI1e exploitation beaucoup plus ntionnelle du sol.
La place que tient chaque type de champ dans l'espace est
EtroitellllB1t cifterminh paT la fonction et les exigem:es de c.hacun
d'eux:. Ainsi, un champ dont les produit.s doivent satisfaire les
besoins quotidiens en nourriture,., situera pr~s du village, 1 c::ondition
que le.$ culwres qu'il porte œ soient pas menac.IieS!,&-T les animaux
daDestiques. Par cenere, quelles que soient les espèces OJl'tivêes
dans un champ dont la prëparatâcn exige tm site ou un type de vég!tation
paniculieTs. la easeeeee de ce champ par rapport au village peut
atteindre plus de cinq kil~'tTes.
En :r!gle génlrale cependant, les champS sont situé:s ),
proximité du Village et tous les champs d'un même village sont plus
ou mw regroupés. J)J fait de la jachère, les champs 'tournent autour
du village juqu.'! ce qu' appanisse la nécessdtë de déplacer ce demie!'.

• S~ -
Ils seront examinés 1 travers les activités auxquelles
ils servent de support. Nous distinguerons l'exploitation des pap.ù.ations
végétales et animales fondfe sur l' acc;uisitian et celle qui repose
sur la daoesticatian.
2.1. Les activités ba56es !Ur l'acquisition
Il s'aiit priDc:ipalemmlt de la CJeillette, de la chasse et de la
pfdlo,la pJace la plus lmporunte Etant cx:0Ipê< par la deuxi!me des
trois activités. que c:e soit du point de vue social ou de celui du
contenu des techniques.
Z. 1. 1. La. cueillette
Z. 1. 1. 1. Les eStlèces cueillies
L'activité de c:ueil!ene répond 1 trois gnndes catégories
de besoiJls ; aliJDenUiresfmêdicaux, hygiéniques et toxiques ;
arti$éUWJX. La cueillette effectuée en vue de l' aliDmt.aticn consiste
surtout dans la r6c:olte de, chaçignons COlW1S cow aDilEnt sous la
fonoe d'une Vingtaine dl espèces ou de variétés. la collecte des herbes
utilis&s 1 la manière des êpi.nards, l'arrachage des ignames non
culti~s. Il faut Y ajouter la cueillette de multiples fruits comme
ceux du manguier sauvage. seT'V1D1t l c:onfecticrnner des sauces de
viande qu'en ccnsaaœ tout de suite et des pads de viande qu'en peut
conserver très longtemps, les noix de palme (il s'agit de palmiers
poussant l l'état sauvage) J les noix de karitf sauvage donnant une
huile qui r~lace l'huile de palme des Elaeis Ho 00 Us sont absents, etc.

~ Si -
Les "spécialistes" collectant aussi la grosse part des
prod:ui.ts il usage lIIêdical, vëeërücatre, hygiénique au toxique. Il s ' agit
notaDlDl!l1t cles plmtes lDêdicinales, dee plantes 1 poison peur la
pêche et la chasse, cles flfchettes d' aI"ba1!tes de chasse. des excitants.
Les plantes artisanales sont celles qui fournissent les
produits nkessaires pour la constNC'tion des cases et des cteccres ,
1 la fabrication de paniers, d'objets d'art, etc. C'est incontesubl~nt
le palmier qui oco.zpe la premi!re place parmi ces plantes.
2. t .1.2. Techniques et principes d'acquisition
A pnmi.!re vue. la Cleillette se caractërdse par une
extl_ simplicité quaD,t aux tedmiques. .eeceprë dans quelques t'ares
cas ClJIIIIe la récolte des noix et du vin de palme.
Les techniques de cueillette se dSl.JDe1lt dans la plupart
des cas en une ges'tUelle erës simple : ccuper , arracher, récolter
les vflêtaux. Il s'agit en effet d'exploiter une aa'eure qui se laisse
ac~tir sans ~ser une grande rësdstance . Cependant, en ce qui
cancerne la Cleillette des noix au du vin de palme, les seuls gestes
qui consistent l couper le régime de noix au a err-aire la sêve du
palmier ne suffisent plu.s. Il faut avant tout savoir grimper aux
palmiers. Le palmier ayant une stNe'tUre asse! spéciale par rapport
iWlt autres arbres. la technique de IŒIntée s' avère rrës délicate et
su:pp::lse, pour être ac.qu.ise, plwieurs séances d'initiation. De mê!me,
la cueillette de certaines plantes lIIêdicinales surtout, exige une
longue période d'initiation.
En réalité, la simplicité des techniques ne concerne que
certains types de cueillette car si l'on considère les principes
qui cœmandent leur utilisation, on s'aperçoit qu'il ne s'agit que
d'une Simplicité superlicielle. L'acquisition des espèces végétales

- sa -
se fait en effet, suivant un ensemble CCIIIplexe de crdeêres allant
des qualitflsphysiques aux erayences magiques, en passant par
la. destination des produits cueillis. Ainsi, les produits dont
l'acquisition exige certa1nes qualiUs CCIlIIle la dext6rid, l'agilité
ou la fOTCe sont OJeillis par les halmes : c'est le cas des noix
de palme ou de karité sauvage. du vin de pa.lme et de cena.ins fNits.
La cueillette des produits destinés l la fabric.atiao. des pUiges ou ~
la constl"lK:tion des cases est également le fait des hœmes. tOUt cœme
celle des plantes ID6dicinales effectuêe par les ''hœmes-ml!decines''
ou les deviJ:l.s-guIrlsseu:rs et elle est en principe: secrëee. De même J
la. collecte des plantes l poison est essentiellement le fait des
halIœs et ceci peut 5 1 ~liquer selon C. Rcbîneau p::lUl' deux nuons
'"premièrement. la fabrication des poisolu: est uc. fait magique qui
rel.êve de l'activité des hœmes ; ensuite, la fabrication des poisons
est une tedmi.que c.aopll!menta.ire accessoire de la chasse. activité
1laSculinc" (1).
En feV3J1l:he. les plant.es alimentaires et. les plantes
llIfdicinales que tout le monde carmait sont OJeillies par les feumes.
le cas kh'ant sur 1'iJ:ldic.ation des halmes lOT5qU 1 ils sont malades.
Il en est de même des plantes set'Vant pour la fabrication de certains
1IIJ'YeDS de produc.tian CClllDe les paniers et le ... nasses. Les ut'rones qui
font tJTOfession de sage-fl!lDllle y ajoutent les plantes utiles l leur
art. Final1!llllent, c'est la cueillette des plantes courantes qui est la
plus importante en naabre et en voll.E1e et elle est le fait des fl!lDllles.
Mais les princi}MSs qui viennent d'!tre !noIu:b
n'interviennent jamais isoHment. Il existe toujours plusieurs critères
détenainant un type de cueillette dormé et chaque critère intervient
dans la. détetmination de plusieurs types de cueillette. Ainsi, malgré
les creyances attaehêes aux. plantes ID6dicinales, hygiéniques et
toxiques et malgr6 le fait que les activitb magiques -ee d'une manière
générale les activités de 5)'IlIbolisation- soient llJJnlJIX)lisées par les
(1) - C. RDBINEAlJ. 0'0. cit., page 112

- S9 -
hc:mœ:s, certadnes de ces plan'tes sont cueillies par les ëeees :
c'est le cas des plant.es A poison utilisées pour la pêche. De m&ne.
les halmes interviennent dans la cueillette des plantes alimentaires,
bien que celle-ci soit du ressert des fa-es et les plantes artisanales
sont cueillies aussi bien par les b:mmes que par les feames.
La cueWettedes plantes 1Dl!!didnales. bygieniques. toxiques
et artisanales se fait individuellement. Celle des plantes alimentaires
mobilise toujours un gTQUpe de feDlnes et d'enfan't3. mais l'acquisition
se fait de mzmî.are individuelle. sans division des tlches, caapte
tenu de la simplicid des ecces d'acquisition (couper, arracher ,
rëccreer) .
Au t'egard des principes d'acquisition, an ne peut donc pas
parler de la simplicité des techniques de OJeillette. Celles-ci sont
d'autant plus CCIlIplexes que l'activité de cueillette repose sur
lD1e ebservatdon patiente et aigUe de la rëeftcë, et qu'elle n'est
possible que grâce 12 une àltection minitieuse des resssiances et
des diffl!'te:DCes entre les espèces ainsi que par l..IM connaissance assez
prëctse des propriêtês de chaque plante.
Z.1.2. La c.hasse
2.1.2.1, Les çhasses collectives
La première des techniques de chasse collective consiste
â rabattre le gibier vers un site naturel CIl i l sera cCllDllOde de
l'abattre ou de l'achever. üne expédition de Chasse mbilise tous
les bcmmes valides du village. Elle est toujours prkêdée par une
prëparectcn matérielle (répartition des tiches entre les divers
gTOt.lpes, réparation et aiguisage des armes, discussion de la tactique
: adopter) et spirituelle (invocation des fêtiches. offrandes aux
ancêtres. proteçtion symbolique). Les seules ar.nes utilisêes dans ce
type de chasse sont les sagaies.

- 60 -
Il convient <le noter ici l' impoTUnCe des techniques
corporelles. Cette technique t'eVtt d.'autre part un caracttre cœeïexe
du fait dl: .IJl:::W)AUSes &CtiviUs ~ 1& consti'tlJeDt (diverses t'tapes
de la preparation lI1It!rielle et spirituelle. cha.sse proprement dite,
transpOrt du gibier, paruge. etc).
une lUtTe technique est celle qui ~essite des filets.
La chasse lU filet se pratique en for@t, aês loin <les villages.
Toute la .famille ou maae le village eece mtiet' y participent.
bl:Ia.-s. ftlllDlts. enfants. lin c""p:sœnt de quelques huttes est vite
dresse. 00. les ftmDes s 'oc:e:uperaat de 1& DOlIlTi ture tandis que les
bcmœs V'CInt cha.sser. Les fileu. confectionnés avec la fibre du
sisal, longs d'une Vingtaine de mttre5 chacun. sont fixés dans
le sous-bois at't.aI:Ms les uns 3UK. autres de façon il fotmeI' lm cercle
fermé aux. trois quarts. Il Y a un chef d.e chus. qui & ccndui t
l'expfdi.tion. choisi l' Slplaceoent de cœeee, fait disposer les
filets et qui, lU signal, a lancé les chiens â l'intérieur du cercle.
Ces derniers 'ccr=qwgneIlt souvent les rabatteurs qui se disposent
en ligne ou en desa-cercte, et itVaDCent en direction des filets en
meruant grcm:l tapage. Les antilopes. les sangliers. les pintades viennent
se preDire cia:n:!I les mailles et les cha.sseurs places derrilre les
filets les uscmœnt ou les tuent avec leurs sap.ies. Les bcmIes
d!pkeT'Qllt ensuite le gibier p..U.s pr!parercnt les claies peuT f&ire
s&cher la viande, les ftlllDl!s çpriteront les intestins et les boyaux
qui seront consc:lllllés en ccmmm.
La sounissian SJJX centtaintes ~ologi~s semble ici moins
forte que pour la. technique précédente et 1& cam:plex:it! plus ëtevëe
!tant dom! que les lDO'}"enS utllish ntcessitent une iJuportan'te q••"tj,t~
de "travail pour leur fabrication et que l'organisation même de la
chasse revêt lm caractère complexe.

e
61 _
La 'technique collective la pâus remarquable en la chasse
au feu. Les raba't'teurs sent remplacl!s ici par un incendie de savane
judicieuseme:o.'t alltJDé le long d'une ligne en fer 1 cheva.l. La
progression du feu est; accl!Urêe par l 1 appel d' air au centre. Certains
chasseurs surveillen't les filets .1 la base du fer 1 cheval, tandis
que le ptus gnnd. nœbre progressen't avec le feu et tuent les bêtes
qui eeeeeee de sauter a. tTaveni les fi_s. Les chasseurs sont
dans ce cu. beau:oup plus nallbreux que pour une chasse lU filet. et
repr6senten't les effectifs de plusieurs villages.
2.1. Z.2. Les techniques individuelles
La chasse indiViduelle !tait pratiqub par des myen.s
IIIl1tiples caJJprenant surtout de naabreux pi!ges. Pigafett.a a décTit
la chasse .1 l' !lfphant par pi6geage : ''Pour capturer les êlêphants. en
creuse des fosses tT!s profondes aux: endroits oQ ils ont COU~ de
paîne. Ces fosses sont I!troites dans le fond et s'l!largÎ5sent d.ans
la partie supfTieure, de façon que rien. ne
p.Ji.sse aider .1 s' en
échapper les bêtes qui y sont tcmbées. Pour que les êlfphants ne
s'aperçoivent pas du pUge, on couvre les fosses de terre, d'herbe
et de feuillage : lorsque l'animal passe dessus. il s'abat dans le
trou" (7).
Pigafett.a fait Egalme:nt êt.at de la chasse 3Ult fauves
dangereux -tes "tigres"- (Z) par empoisonN!lleJ\\t et piêgeage avec une
cMvrette e:tIIIDe appIt, de la chasse aux: buffles, aux antilopes et aux
phac.oc:ha~s. Il signale enfin l'usage des sagaies et l'al'baUte.
Les pi~ges constituent les techniques par excellence
du cha.sseur Lsc.lé, Leur nombre est ërecë et ils sont ~r@ment varfës .
CEl"aînes techniques sont banales. Call1le les trappes 11 cochons sauvages.
D'autres
_ _ _ e
sont plus complexes :_ ainsi les collets 11 chauves-souris
(1) - PlGAFEI7A, op. cit .• page S4
(2) - Il s'agit certainement de l!opards.

- 61 -
cœpcsës de noeuds coulanu en fibre de peJ.m.ier raphia, suspendus
l UDe œrde tmldue enere deux poteBUJ: d'une dizaine de IlIètte.s de
hauteur, les pièges-nasses effiles capturant les rongeurs. le.s collet5-
miniatures guettant les oiseBUJ: qu.i. courent sur le sol. le pUge-eollet
il .;hat sauvage installé sur une grosse branche ~zontale.
les pil!a:es-usaDOirs ou pil!ges-êcraseurs mis tin place peœ- les an.imaux
Ch!n!lSODS. sibissis. rougeurs divers). La glu sert également.
On en finirait pas de dkrire tclttes les sortes œpi.êges .
Le type d'ouvrage le plus spec:taculaire et le plus cœplexe consiste
en une palissade. soigneuM'œDt ccnaeruree, qui. c:ourt il 'tTll'leT'S la
szvane sur des centaines de mètres. barre lm ou plusieurs varices,
tTsv'erse des p8nS de forit ; rfgulil!T8IIIeD.t espac6es. les OUV'eTtU:res
sont garnies œpitges variés. choisis en fonction du teTTain et de la
vfiftation : fosse. eenees , ou asSClŒlirs.
2.1.3.1. Les techniques
Ncus avons PJ recenser dix techniques di,fffrentes dans un
village Ollia peche n'éUit pratiqu& qu'il titre secondaire. Une
enquIte effec'tl.J& sur le Stanley Pool en 1956 a penai.s de dénombrer
"17 genres de filets, 12 genres de lignes de pêche, 12 mdêles de nasses,
1Z types de 1.ances l soude::-, 8 types de lances-harpons • .3 paniers
de p!che diHérent.5. 3 sortes de banages. 3 genres de pil!ges" (1).
Cette diversit& des moyeI1$ de production laisse entrevoir la diversité
des techniques et il est permis de croire que celles-ci sont en usage
depuis 1 t époque prëccïcciaie,
(1) - Gilles SAUTT'ER. OD. ci': .• page 440

- 63 -
La pêche la. plus impon.ante. pratiquée en régions de
savane, est celle qui a lieu en saison skhe dans les lacs asséchés.
Elle peut regrouper plusieurs centaines de persomes peDdant une
diza.ine de jours 1U'toUr d'un lac. Cette pkhe nêc:essite toute
une série d'apêTations qui i.mpliquent la c:oopfration. d'un ~
naabre de t'raVailleurs : nettoyage de l'êtanS dont la vase est enlevée
par lf"/II1d.s blocs tailles au couteau ; halaie li1 un fllet qui peut
atteinire plusieurs centaines de matres par les hallDes situes sur
la rin ; ramassaie des poissons qui ont kbappé au filet l I ' aide
des nasses.
Un autre 'type de p@che collec:tive est la pkhe au poison.
Sous la direction d'un chef de pkhe, un gTOJpe de parents ou de
villalJeOi.s va s'wta.Uer sur une gt"IUJde rtvtëre, l la période des
basses eaux. Chacun a apport! les lianes qui contiennent le poison
et les a ëeeesëes avec de la boue avant de les jeter dans l'eau. Au
contact de l'eau. le poison se rtpand et atteint les pcasscœ , les
gens entrent alors dans la rivUre et les rëcci tent evee des nasses.
Ce mode de pkhe est assez rare, i l faudra attendre au moins su
lIDis avant que la pap.1lation de poissons se reconstitue. Il y a un
aspec:t eminmDent religieux qui se manifeste tout au long de la pêche
le c:hef de pkhe a et! consultu,.avant le départ, le spécialiste des
poissons. Pendsn:t l'0p6ration, i l sera aussi bien un magicien qu'un
chef d'équipe: il prepare avant le d.épart le repas que doivent
prendre les pkheu:rs sous peine de ne pas ceptarrer de poisson, i l
est le premier à pënërrer dans l'eau pour y pl~r la liane qu' i l a
écrasée, il capt:urera le premier poisson qui sen. atteint et le
coupant en 3:lrCeaux qu'il rejette dans l'eau çà et 11. il donnera
le signal de la rëccree , Le poisson pêché ne sera partag! qu'entre
ceux qui ont ëcrasë les lianes.

- 64 -
Ce type de pkhe peut Egaleœnt êere pn'tiqué individuel-
lelDm1't : il s'agit &lors li 'une opéradon effec'tUfe dans un petit
c:aJrS, cl' eau. On utilise \\IDe pspilionacêe (Tephrosia vogelii) &m't,
on broie les feuilles jusqu'l les riduire en une pite qu'on fait
dissoudre dans l'eau l empoisonner.
Une autre technique en la pkhe par le barTage d.'une
rfvtëre, pratiquée individuellement. Celui-ci est fait de piqueu
avec des rameaux: de ~ers entTec:roisE,. Il est établi pour plusieurs
mis et le pkheur s'établit dans \\IDe lnJ.tte 1 demeure : le baTTage
fa.i:t dfversoir au-desscus duquel U place des claies pour recueillir
les p:lusons. Une variante consiste A in.5heT dans le barrage de
l(nDdes nasses coniques fabriquées en tiges de raphia coupées dans
les ma.r6c:.ages et qui servent l. t'feal'ter le poisson : ;l cau:se de la
violence du c::ourant, les poissons ne peuvent s'fcha:pper de la nasse.
Uœ technique exclusiveaen:t fémjnine est la pêche dans les
petits roissea1JX avec des nasses: les (l'Bndes nasses servent ;l
Ecoper la surface liquide j i l Y a aussi des casses-ptëges qui. ont la
forme de pet.i'tS paniers cylindriques dont le cor est occupé par
lm entOlll1Oir.
D'autres tecbn1ques caaae la pikhe au ba:rTap oobile.
la pkhe au ban'age de terre et la pkhe 1 1& ligne de fond IDl!ritent
Egalement li'et:re signalées.
2.1.3.2. Unités de t t t i o n et impOrtance soc:ia1e de la
c:hâSse et
e
a Pêëhe.
A cêeë des c:hasses et des pêches pratiquees individuellement
cu il lm très petit nanbre de partic:ip8t1ts (entTe deux et c:inq). les
techniques c:ollecti~s sont adses en ceevre au sein d 'tmitb de
production supérieures ou. inférieures au groupe l1gnager. .1Jn.si les chasses

- 65 •
au filet, pratiqul!es en fOT!'t et. les pkhes collectives de saison
stc.he dans les T'ivieres se font au sein de la Mœ unité de prodt.I(:tion
que cell., d.e l'a.Irieul.'tl.1r'e. !..es it3Ddes t:ha.sses S1l feu et la pêche
dm15 les lacs 1 par eeaere, qapnt plusieurs lignages. C' est surtout
1 travers ces dermëres qu'a:ppara,.t't l'iJq:lortance sociale de la chasse
et de la pkhe. Leur œise en oeuvre est uœ occ:asion pour les
différents lignages de renforcer leurs liens et <;CI\\Stitue de ce fait
un imprrtant ciDlen:t social. Elles <:ontribuent 1 renforcer le
syst_ des symboles et 1 affinDer les hi'rardties gdce aux diverses
prestations qui. sont faites aux chefs de lignages et. de la 'ter-re sur
laquelle elles se dIroulent.
2.Z. La dcmestication des espkes wgêtales et animales
Celle-ci se faï t par l' arlXl'ric::ulture en ce qui. concerne
les eeeëces vfgftales et par l'élevage d'un certain nanbre d'animaux.
Z.2.1. L'arboriculture
2.2.1.1. Les espèces dcmestiquées
La palmeraie collective lIIlUlifeste, selon Balandier, "la
cCllpétence des Ba.kcngo ~ le daDaine d. l' arboricul.'ture" (1). mais
elle n'est pIS seule 1 pcrter- t&loianage.
On a PJ DOter vers t700. hLlit eepëces principales de
pa.1mi.ers dent trois etaient les plus utilisfes. Elaeis guiJEensis
sert d'abord t l'alimentation: il procure l'1uJ.i.le. l'êmuJ.sion où se
cuisent la viande et le poisson, la boisson ncmmée ''lIlalafu:na nsamba".
Cl) - G. BAUNDIER, La vie auotidienne au rovaLalle de Ko71g0,
op. cre .• page 19.

- 66 -
Raphia gentil! fournit le plus apprkU des vins de palme. ''IIIalafu.
IDa taDW", celui que requiarsnt le cœaerce des anc8tTes et les
1IICIDlm'tS solennels de La Vie ccllect.ive. Rçhia l.aurentii produit
'galeœnt du vin. des fruits CClDestihles et des feuilles qui servent
1. rec;ouvrir les habitations, il dcm:ae surtoUt des fibres utilisées
pour le tissage des ftoffes-uamaie et des pUces nk:essaires l la
cenfec:tion des vêtsm1'tS.
D'autres arbres daDestiquis par 183 Ba1congo sant le
safutier (PacIlylo,,", edulis) _ t des fruits (safu) l la l'-Ùpe
rosée et de "saveur àkoncerunte" (1). et le kola, plante estim!!e
propice 1 la sand du corps et l l! excitation de l' esprit ou des
se:ntizœn:ts. les noix de kola stÏJll.l.1ent les forces et accentuent
l'acuid des sens.
La claDestication des espêees Végê:tales caaporte plusieurs
ê:~s. La prem:U!rre consiste 1 observer les conditions dans lesquelles
l'espèce ê:wlue l l'6tat sauvage. La cormaissance de ces conditions per-
met de dAteTllliJler le sol sur lequel l'espèce doit être plant'e
ainsi que l'êpoque de l' BID1fe. Vient ensuite le cheix des noyaux
ou des jeunes plants. La lIIiJe sn terre intervient alors et avec. elle
caane:ncent les soins qui vent de la protection cceere les d!prêd.atiOIlS
daDestiques et les flNX de brœsse a. l'Uiminatian des llllUJV3,ises
herbes. Lorsque les arbres daDestiquts sont des palmiers, il f2Ut
ajaute!' le tnwil d' entt'etien. consistant 1. 6liminer les branches au
fur et 1. mesure qu 1elles meurent.
L'arboriculture est une actiVid! i.ndi.Viduelle et
essentiellement masculine. Elle r~!t une importance sociale considérable
et cect peut se vtIir dans le cas du pa..lmier dont les dons se
retrouvent dans taus les domaines de l'activité des villageois;
------------------------
(1) - Ibid.

- 6i -
dans les clatures et les toitures des maisons, dans les pi!ges ! gibier
et les ~su des p!cheurs. dans le 0'6$0'1' p.Lblic ceeee dans
. l'habillement. cians la cosmétique, la thlrapeu.tique. l'alimentation
et enfin, 4ans le système des symboles qui lient les hallDes encre
eux: et les hoamcs il leurs dieux:.
2.2.2. L'6levage
Selon les anciennes "ulatians", les populations de Kongo
possfdaient des MilDRu x daDestiques : chiens, boeufs, DlNtOJl5, chèvres
et pou.1es. Ils avaient ''!me DJlti1:Ud.e inncmtl'I'able" de boeufs et de
IllJU'tcms. Le gros bétail ne se rercontni t qu'en des ngions limitëes :
notalllœnt dans le district de Pcmbo, ê. Soyo, et par faibles effectifs
il di.3't5n&:e de la capitale du. 'f'OY3UIle. ~lqt1@s armées avant le dEbut
de la colonisation française, Berthelot OJ Chesnay qui a observé les
populaticms du Nia'1'i en 1895 krivait :
''Tous les villages ont une basse-cour asse: bien mntêe
en pccres , canards, lIIJUtOJl5 et cabris ; les trcupeaux de 30 .1 40 têtes
ne sont pas rares" (1).
Ces chiifres correspondent à un élevage qui avait déjà
r!gress~ avec: la dé~tion du pouvoir dans l'ancien 'l'OyauJle car
seuls le roi et les c:.hefs ;rvaient droi t au gros bétail.
Les textes anci~ ne- comportent alJCIJne indication
ecrcerœne les techniques d' êl.evage , Les premiers administnteurs
coloniaux font remarquer que les animauX vivent en libert~ et doivent
chercher eux-lDi!mI!s leur ncurrittrI'e. Des paysans nous ont cependant
parlé de l'existence autrefois d'enclos où étaient ëtevës poTCS,
chëvres , IJ:OUtons, nourris avec des tubercules et des œréales.
(1) - :3erthelot IJJ ClŒSNAY : Le al:vs,de ~kabana ;rariJ, son sol, ses
Q!Q
mens , ses eeœ a.des.
illBlîlietin dë la Société de Gê'ognphie
Commerciale 1903, tomme XXV, pages :05 à ::~.

- 68 -
La division du travail 5'~Te sur la base sexuelle et
5Uivant 1& nature des animaJJX : les fl!!l!lDes ont la garde de la basse-
cour taDdis que les ballDes (esctases JUrtClU1:) s'occupent du gros
béuil (boeufs. 1DOUtOl15, c:htv'res, porcs).
te Wu.il intervient dans la c:onnitution de la
campensation ma:tT'ÎJŒmiale -La dot- dOIm.6e en k.hanp de l' ëpccse
reçue, Le gros béuil sert à l'affimation du prestige et de la
richesse des chefs.
Enfin, le 'oEta.il ne sert pas seulement à satisfaire des
fins k.orJaIIi.tlues et à afiirmet' des hi!ra:rchies. i l est êgalement
au service du saaf : I1CUS y t'eviendrons.
Le travail effec:'tUI jusqu 1 ic:i a cansin! à d.êcrire les
divers êlEmenu mis en oeuvre dans l' &Ctivit! agricole et à 'tendre
c:aapte de leur connexion. La prësente section a pOUr objet d'examiner
de manière beaucoup plus approfondie les prmeipes dcati.nants de
l'Ot'ganisation interne et l' artiOJ1ation du. système agric:ole avec
l'éccnaaie globale.
3.1. Ltorganisation interne.
trets çaras:dristiques appani5SeIl.t çœme les principes
de base selon lesquels fonctimme le 5'Ysti!me qui nous oc:cupe : la
variêd interne des s'tructures. leur multifonctionnalid et une
relation p8.niOJ1ière enere travail et symbolisme. relation à laquelle
T1CU5 feront une place 11 pan, par Z&PP:>lt aux deux aceree carectërasetcces ,

- 69 -
3.1.1, Les principes dcminants
.3.1.1.1. La divenitê struc'tUrale
La van!t! inteTœ des struc'tUI'es appara.1t rrês nettement
.l traveTS le recensement et la. description des types de dwap,
des techniques de c:.h&sse et de pêche , Mais on a Egalement soulignE
la diw:rsit! des produc:tions, en ee qui cancerne les espèces
o.û.tivêes. CJeUlies, chassEes ou pêchëes , Il s'a.git dcnc d'une
diveI'3:it! des techniques et des productions.
Cettel:81"'ilCt!mdque du 5Y'teme tient 1 la va:ri!tê des
kosystêmes sur lesquels se d.!roulcnt les divers procès de pTOduc:tian
dkrits et T"fv!le 1 'sptitude
des proolJc:ta,a-s .l s' adapter aux
conditions géoir'3phiques et Icologtques ! partir desquelles ils
extraient leurs myens li' aî.5'tence.
Dans la œ5Ul'e où on est en prbence d.'une multitude de
productiaru ayant la mime ftmetion mais utilisEes ! des époques
diffêrentes. ainsi que des tec:hni.ques conçues pour l'e."q)loita.tion
do'un type donné d ' kosystème mais qui ne sont pas toutes utilisEes
en 1D!me temps (cas de la pëcœj , la diversit! stl\\JC1;U]"3.1e peut
s'interpr!ter çœme la d.isposition par le systeme d.'un ensemble
de fOTCes productives sous-utUisEes. Cette pan sous-utilisEe des
forces productives revfit êplemmlt la forme d.'un temps de travail
Telati'Vellllmt çcaIr't et donc d'une scus utilisation de la fotte de
travail (selon les infcmœltions recueillies au cours de notre ercuêee,
la jour.n!e de travail agriçole. avant la pénétration capitaliste,
n'~êdait jamais cinq heures) et des res30urçes na~elles. Elle
çonstitue l'énergie libre du système dont nous examinerons plus loin
le r6le dans sa reproduction et sa stabUitl!.
3.1.1.2. La mu.ltifonc.tionalit~ des strot:'tUres
Aucun des consti'tuants du systeme agriçole lignager ne
joue un role purerœnt ëccnœüque, bien que nous les ayons ccnsddërës
dès le départ çœme des s'trucrures pt"Oduçtives. Ce qui apparatt A travers

- 70 •
-1'analyse des procès de produaian et 1 r affectation de certains
produits. c ' est l'exercice par chacune des 5'tr1JCU1reS de plusieurs
fonctions.
Ainsi les deux rituels evoquts dans la. description du
sous-5ysti1!me de 0Jl ture. en même temps qu'Us OUYTent
l •~ des
travaux agricoles et visent la recherche de bcmœs rëcctees ,
manifestent le chef carœ situ6 au centre des relatiaru avec la
terre lignag!re et les anc!tres qui la dEti8l1Dmlt. Une fonction
politique (le renforcl!lllm't du )XI.MJir des chefs) est donc as5Ullée
par le scw:-systême de culture 5iz11Jltan6Dsnt ~ la fonction
idêologique (le culte des anc:&tres) et la fonction konanique
(la re::heTChe de bœmes rëcctres) .
Cette triple fonction se retTOUVe !gal~t dans le cas
de la chasse, de 1& pkhe, de l'Uevage, de la cueillette et de
l' arboricul.ture. Le c:hef. en relation avec la terre lignagêre et les
aecêcres, doit assurer la protection rituelle du chasseur. L.a.
consœmaticm ntuelle du prsie-r poisson p@c.hf lors d '\\.Ble cfirbnie
spkiale liée aux actes solennels accœpagnant la prise de possession
du )XI.MJir au royaume de lCongo suggtre que le chef se situe ! la
rem::ontre de l'ordre naturel et de L'erdre social. Le bétail tntervtent
dans la constitution de la dot et est !gaIement au seT'Vi<::e du 'lied.
Enfin les produits de la ~illette et de l'arboriculture. tels que
le vin de paJ.me. en mime temps qu'Us pemettent de satisfaire des fins
kOI1lDiques. c:ontribuent ! la peTp!tuation du 5)'5tène des symboles
qui lient les halmes entre eœe et les halmes ! leurs dieux.
3.1.2. Tnvail agricole et symbolisation
.i. 1 • Z. 1. La. dialeçtioue de l' effic:acité et du sYmbole
Le lDOde de penser dominant dans le systène 5ocio-eulturel
dont le sysUme: agric:ole lignager constitue un scus-enseabfe ccnsddêre
le D?nde c:œme une unité C:OlIIpOséede r!alités naturelles matérielles.

• 71 •
sensibles et tangibles d'une pan, et de 1'êalitês narorelles
iJlmadrielles, de forces et de pouvoirs qui échappent à l'eapi'l'e
-des sens d'lIUtre part. Ce mc4e de penser est iŒantestablelleDt
dialectique, car 11 sa.isit la lutte et l'unit! des contraires cceee
essence du réel. 11 se distingue totalsœnt de l'antincmi.e radicale
entre \\Dl amde J1&'tUrel. soumis 1 des lois ccnnaissables, et un lIIJntie
suma:curel, daaaine du mystère et de l'arbitraire diviJl, carectërâs-
tique' des CODCeptions religieuses occidentales c!a5siques.
La nature est cons1d1Tée dans ce 5nti!!mo ÇOllllle LlDe scurt:e
de produits vitaUI: dont l'acquisition. requiert eœmaissance, savoir·
faire et accard. des forces Kentratrices
c.u Ilrdiennes. Toutes les
tedmi.qu.es religieuses et IIILgiques sont dest.inées à a.gir sur ces
forces ; ! les rëcœërer, à les &:IDest1.quer ou 1 les neuualiser.
C'est pourquoi tcwees les fonDeS d.'activités analys&s
plUS haut can.tieDDm1.t et ccmbintnt 1 la fois et nêcessairellllmt des
g~s et des conduites ''!aatêrielles'' p::lUI" agir sur les aspects
visibles et. tangibles des réalitb Da"tlU'elles, et. des gest.es et
des conduites "S)111lboliques" pour agiT sur leur arrUre-fonds invisible
(rites de 1.& fertilitE cD. sol, rites de chasse et de pêche, eec .) . La
S')'1IIbCllisation est iXml: co-subs't2nCielle de l'aetivit~ mat.êTielle
il y a du symbolisœ dans le tnvail. dans la production.
L'inve.se est également vrai. Il faut cœsaëërer CClllDe du
trs:vail, et CClllDe un aspect essentiel de chaque procès de travail,
les 1IICIlIeI1ts et les CClllpOrtl!lœIl.ts symboliques qui y figurent et à
rraver-s lesquels les prodlJct.axrs cherchent à agir sur les forces
immatérielles qui contT61ent les rêalités narorel1es qu'ils s'efforcent
de s'appioprier. D'une manière génitale, le ttavail, l'économique,
le politique, le social se retrouvent dans le S')IIIlbolisme humain. Un
regard sur les pratiques ccll~ives et les rituels dkrits plus
haut va ncus pemetne de vérifier cette dernière affirmation.

• 72 •
Le rituel visant la rech.erche de 'bonDes récoltes par
exsaple. c:ansisu l me't'tre en CUl'OJre un champ S8CT6 et; c:cmp::lTte
'ainsi du trIEVall agrtc:ol•. De .eme, la prfp&rat1an des _ts
cOl1S'JllDfs lors de la ~ e d' cuverture du œaps des 'travaux
agricales et celle de preparation du pouan en c:. qui concerne la.
pkhe. œc:essitent une quantit6 î.mportante de travail. Enfin. on
a. vu que les chasses et les pkhes collectives s'accallpagnaient de
ri'tUels. réun.iuaien:r. p!Wl1eu:rs villages et c:ansd'tUaient a.iIlsi
un important cimeo:t social. Dans la _sure 00. les activids de
symbolisation sont RCCÇ8r6!ls par les c:hefs et les aines reprisentant
la c:ouche sociale dœiNnu, ces rituels c:m:t pour fonction non
seuleme:n:t de ressenet les liens existant entre IDl!Dbres d'un clan
rfparti! errrre plusieurs vil.laaes, mais aussi d' eDdonDi:r les
canttadictiaa:s et de d&toume'r IUClDe:IJ:tmemen:t au Ulins. les membT'es de
la camunaud des tensions mstantes.
3.' .2.2. CoatemJ. des techniques et $Y!Ilbolisadon.
Il n'exist.e. dans le systeme sociO-allturel 6tudi., éllJO.me
s't1"tJC'tUre particulièn aymt pour fonction essen:tielle la c:onnausance
de la m8:tilre. L'ensaable des connaissances que les populations ont
de la œtière s' in'têgren:t au sysUme symboliq;ue global et se Te'tTouven:t
aussi bien dam les philosophies. les iàfologies, les reprisenu'tiOll5
religieuses 1tlJe dam les techniques et les relations politi1tlJes. De
plus, ces c:orma..U:sances sent 1 ];a. pcreëe de t.ous, bien que certaines
d'entre elles soient dftemJeS par quelques indiVidus COlIlœ c'est. le
cu dsza la m6decine et le travail du fer.
Q.lant l la manipulation de la matière, elle se fait. au
myen d'un au'tillage simple, 'galement accessible 1 tcus , mais avec
des techniques dont. la silaplicit' n'est. qu'apparente, c.œme on a pu
Ievcdr dam le cas de cueillette et. de l' at'boric:ul ture.A l' intêrieur
des cadres d'finis par la division du tnvail, la plupart des techniques
sant., elles aussi, ! la port'e de tous les producteurs.

- 73 -
~kis. ccmne le: souligne Sahlins (1), cae technologie ne
5 1apprfhe:nde pas uniquement l rravers ses propriétés physiques. Elle
De 5 'appTEbende pas non plus par 1& seule accessibilitf des
producteurs l l'outillage et aux techniques. Les produl:teurs
entutiennent avec les outils un upp:rrt sp!cifique. C'est ce t'a;lP01't,
et non point l'outU. qui d'utmine la qualitê hi5torique d'une
tedmologie.
Or, dazJ.s le 5)"$t_ alll"ic:ole lignager. <:came dans~ la plupart
des seciëeës sans machinisme. l'outil n'appara!t que CCIIIIIe une
extension artificielle de l'ind.ividu destiné non pas simplement 1 être
utilisé en tmt que tel llIlis aussi en tant qu'appendice du corps dont
i l eeerere l'efficacité IDkanique. ou l ac~lir les cpëractcns
teminales (par exemple ; cCJ.Jpe1". creuser) peur lesquels le corps
n'est pas bien out:illê. Ainsi. l'outillibêre l'ênergie et l'a.d.resse
tUlDll.jnes. mais en meme temps il <:cmllEIJlde l' êvclution des gestes
effec'tUfs par les produc:teurs sans peur aut.ant les remplacer ni
les supprimeT •
L'usage d'outils ne dim:imJant pas l'importance des
techniques corporelles. on peut en d'duire que les effOT't!i intellectuels
du produC'teur que supposent la ccrcepctcn et l'application de ces
techniques. son savoir fain. ant êté plus dêtenninants que son
out:illage l"'vlimentaire. Au deI!, se saisit une dauination du travail
par l'intériorisation (2) et plus générallgent par le symbolisme.
03.2. Agriculture et éconcmi.e globale
Bien qu'il soit difficile de .par-Ier ici d'économie en tant
que structure distincte et spécialisêe, on peut déceler dans le
système lignager un certain nombre d' activitês â caractère économique
(1) - M. ~INS, Age de pieTTGi Ige d'alxlndance. L'économie des sociétés
primitlves.
lhmard, paris, 1976, page 123.
(2) • Y. BAREl.. Le rapport h1mJai., â la mat îëre , op. cit .• tome :. page 301.

- 74 -
au meme titre ~ l'activité agr-icote , et qui. entretiennent un
certain nanbre de relations avec elle. Clest de ces relations que ce
parag:raphe va nndre c:aapte, lIIlIi.s il importe. auparavant. d' examiner
ces ac:tivieës , du mins les plus importantes d.' entre elles.
:5.2.1. Les auues activ1tEs êc.onaa.isues
3.2.1.1. L'artisanat
Au premier nng des techniques de transfamatien se situe
le lllétier du fer qui. est: une ac'tivité masOJline. Au Loango. le
lllét&l est extT'lli t seron une lllétl'Jode turiiJœnta1re : deu:li:: cotJC.MS
alternées de m:inen.i et de charlxm. de bois caablent un vaste trou creusé
dans le 901 ; trot autour, des grams sCKJfileu conditionnent l'arrivée
de l'air". .En pllYs Nsuncli. !lil semble que des fours plus perfectionnés
aient été employf:s pour traiter la létérite" (1). Le bas faLJTne8U
qui vient d'!tre d.krt t ne constitue pas le seul type de faur servant
pour l'extTaCtion du œt&l : des haut.s fourneaux sont 6ga.l=ent
cons'trUits. L'!quipeœnt de la fOt'ge ccmprer:d un marteau, une enclume
et un scufflet en bois à membrane de peau et tu'y'êre, d'argile.
Trois outi13 sont présentés CClllDe de fabrication ancienne
le cQUteau en forme de triangle rectangle, la hache et le petit pilon
en fer œa.ssif servant à battre le mine1"3.i chsu:ffé et à façanner le
lDII!t&l. La houe. la machette et les umes (lances ~ pointe de fer,
en cudvre rouge ou en laiton) semblent 'êere des tutils d'5Ipt"IJnt.
D'autres produits de l'art du IDl!tal sont la cloche, les bracetees ,
les anneaux et les manilles.
Le forget'On, maitre du fer, du feu et de l'eau. créateur
des armes et des outils, est datenteu:r d'un pouvoir qui. l'assimile
aux chefs (et il peut être l'un des leurs), ainsi qu'aux prêtres et
aux magiciens. L'exercice du métier de forgeron ?ennet donc â certains
membres de la cOdlllUl18Uté d' accéder ~ un eer-cam nng social. :-1ais le
(') - G. llAl.\\NDIER. La vie QUOtidienne au Rovaune de Kongo. op. cit . •
page 99.

- 7S -
rang social n'est pas la condition requise pour ~~rcer ce métier
car "tous les hœlaes libres du clan JX'U'i8.ien.t 5'y livrer. moyennant
cert&ÏDfls rtserves li'initiation" (1).
Les m6taux sent au premier rang, mais les anisans traitent
le=s aa't6riaux les plus variEs. La. terre, sous 1.& forme de l'argile,
relM de l'aetivit' des fsmes. La poterie consiste dans la fabriation
des rkipients ml!naaers, de filtres 1 Hl et pces de traitement des
eamt sllJDltres. de "erëscrs" cil sont C0n5eT"WS les coquillaaes-monnaie.
Le bois, traitê par les sCJ1~eurs. sen à la fabrication des àiveTse,
figurines d'usage rituel, _gi~ ou pro'tecteur ; i l est employé
1 1& ccmiection des ta:m!x:Jurs ; i l 5 'ut.i1ise pour fabriquer les pâêces
d'un IlIJbilier nJd.imenui:re ou les objets daDestiques. Les pirogues
1llDDQX)"1es, c-esx-ê-dâre d'une seule pUce de bois sont fabriquées
l partir de CertaiDes essences CCllIIDe le Kap:ltier, tandis que les
radeaux sont soit des flotteurs faits de ra:phia huile. soit des
usemblages plus CClIIlplexes de troncs de palmiers. Les mat'riaux
vfgf'tauX. seTVl!l'lt êga1ement .l la confection des maisons. Un clayonage
de bois. .l liga;eures faites de lianes, prend çpui sur des piquets
fichEs dans le sol. un. tressage de palmier ou un rl!l:Ç1issage de
paille COUVTe cene uma'tUl"e. Les toi'tUres, reposant sur une charpente
!fgère. sont en chsl.De. Enfin. les peaux sœmairement t'raides sont
d.'1.m .emploi Etendu : peaux- de l60pard pour les sUges du roi et des
chefs, pea.lD;: des tamb:Jurs, cuir employ-f CClllDe bouclier, lite.
La cüversiU des prcduc.tions artisanales apparaît encore
mieux dans le dCJMjne de la vanne-rie et du textile. Les ptêces de
vannerie sont confectionnEes il partir de lianes ëecrcëee et fendues
i l s'agit gênênlement de paniers dest inës au portage ou il la mise
en 'réserve de certains prcdud'ts . n s'agit aussi d'instruments de
pêche (paniers spéciaux" nasses) et de nartes qui cons'tdtuent surtout
---_._------------------
(1)
- Ibid. page 98.

- 16 -
le lit de c:hacun. Cette activité. c:cmae le tissage parolit surtout
masculine. excepté la fabrication des nattes qui est du ressort des
fll!llll!es. L'art du tissage recau:rt A des fibres vêaê'ta.1es prc:wenant
surtout du palmier raphia, ais aussi d'autTes espèces "'gétales
c:œme le ''nsanda'' (Adanscnia diiitata L et FiOJ! psilopoga). Il
penDet la fabric:ation de divers genres ei'étoffes (vêtements, pagnes,
couvertures). de tiuus--lll:lnn&ie. de cordes, de filets et de sacs.
3.2.1. 2. Le cClllllet'Ce.
Les principaux: produits 6cMng!s proviennent de l'artisanat
sel, fer J étoffes. peaux trait!es. coquillages A usage de .IDOt1Nlie
et de pature. L'6:hBnge se fait soit direcument (tTOC) et concerne
alors essentiellement le sel, soit par reccu::rs aux espèces ~taires.
Dans ce dernier cas, ce sont des petites pièces de fer forgé, puis
des coquillages qui servent de manaie.
Les tr3DS8CtiOM 5' effeceuent sur des march6s dont la
création exige une entente. en'tre chefs wuins. ccnsacrëe par la
c:onsœmation de vin de palme et l'6c.hange de cadeaux (1). ~t aux
lDl!canismes du cClllllet'Ce. l'khange des bims est canalisé en une
sërâe de transaet.ions
ëearcaes , impliquant e:xc:.lusi~t des COUples
de partenaires CCIIIIlet't:i..WX. En vertu d' acc:ords pr6alables. le
ctllllleT'Ce est conçu cœee une relation exclusive avec un partenaire
spkHique. Les affaires respectives des CŒIlIJDSUtl!s se traitent
par le canal de leurs représentants. La personne qui n'a pas de
c:on.trats c:cmoerc.iJwx peut se trouVer dans l'impossibilité d'acquérir
ce dont il a besoin. et. ce à n'importe quel pr'ix. De mêDe. le
m.a.rchandage qui. est pTatique eeceaaee, se prl!sente caame une relation
particularisée entre individus spkifiques, et non c:cnme une libre
IIlI!lêe ouverte à tous et 011 tous les coups sont 'Per::nis.
{il - G. ~'IDŒR. Soc:iolO!ie ac'tUelle de l'.U:'igue noire, op. Cit.,
Pâge 34 . Cet auteur aJoute que "1' llUlUguration
s'effec:'tUait en présence des c:~:fs amis et de leurs sujets" et
que "les lois du lll6T"Ch.é étaient promulguées 50lermellenent à
l'occasion d'un repas COllectif", ibid.

- 77 -
Les marchés a.insi
créés ne sont donc pas compétitifs
e~ CTfateurs de prix: le but de l'~ra~ion d'fchange n'est pas de
recueillir un gain. lié ! l'opéra~ion ene-eêee. Faute d'une
cœcœrecce s,m!ttique et .i.nVwse entre ac.heteun ee entre vendeurs,
les 6cbanges ne s' intègrent pas d.ans un systi!ml! de marché.
3.2.2. L.'articula~ion du systeme aiticole avec l'artisanat
et le CCIIIDerce.
3.2.2.1. la similitude de l'qrganisation interne.
Si les transa.c::tions cŒmeI"tiales ne portent que sur un
peti~ naabre de produits, la plupart des besoins étant satîsfaits
par chaom. des pt'Oduc:teurs, on retrouve dans l'artisanat la diversité
des produc:tions et des techni.qlles constatee dans le systême agricole.
Mais la diversité n'est pas la seule caractér-Istâque cCllllllJne aJ.C(
serccnces "econaauques" ligcagêres. On reerccve égall!!llleTlt la lIILÙti-
fonctiœmalité dans le coamerce et l'artisanat •
.En effet, en ce qui concerne 11art du métal par eJee=ple,
certains des produits qui en sont issus panicipent ! l'affirmation
des [appoI"t5 sociaux : ainsi, la Cloche et les bracefets figurent
parmi les insignes de la. chefferie, les anneaux et manilles servent
! la fois de parure, de t.rësor et de marque e:t:primant l'importance
SOCiale, les natUs, lOTsqu'elles sont teintes, servene ! l'ornement
des maisons nobles et sont plus OU mirLs nQIlbreuses selon le stl'CUt so-
cial du propriétaire de l'habitation.
la symbolisation. se rerrœve également dans l'art du
métal: la fabricadon du marteau requiert l'apport d'offrandes
aux ancêtres et la mise en action d'esprits spécialisés.
~t au COIIIlIette, le fait que la crëat icn de lDarch6s
soit l' apanag-e des cheis correspond â une :IIlUliiestation de puissance,
mais aussi à la nécessite d'éta.blir des centres de paci:ication. Le
marché est en ef:fe~ un lieu de paix, un lieu de refuge et d'asile.

- 78
Les marçh!s sont aussi des lieux sacres : che: les Bakongo. les
çfr&l:Jnj,es finales de c:erta.ines mitiations se tenaient sur les lieux
du aarcht!. de lDlbe que les stances de justice des maires les plus
iJIIponantes. l'exkutian des cTi:lai.nels et des accu.ds de sarc.ellerie
y êiuit accOlIIplie (1). Enfin, le lIIB.t"Ch' crëe un. champ favorable à
la diffusion des nouvelles et des influences culturelles. La.
signification symbolique. poli'tique et sociale du lIIlIJ'Chê dëpaase donc
son ampleur kancmique.
3.2.2.2. La cCIlIDll!mentarid des s~s
Les relauœ1$ liant le sysdme agric:ole au reste de
l' éccru:mi.e ~t 8tn apprEhendles li travers les !changes entre
les diverses stnletures et: la division socWe au travail.
AIr exception de l' extTaction du minerai utilisêi dans le
tnvail des ~tauX et de l'argile qui sert pour la poterie, les
matUres premiares n6cessaires à l'artisanat proviennent de la
cueillette et de la chassa et donc: du sysdme lI(t'icole. Lranisana:t
fournit l son tour à la chasse, la pêche, la cueillette et
l'agriculture les insttuDents n6cessaires li leur acc:omplissement
(couteaux, haches. boues, armes, paniers, nasses. cordes, filets.
sacs, etc.). Il y a dcmc une liaison forte entre ces deux cat!gories
d'aet:ivitb.
La. diVision !IOCiale du traveU vient: confi1'ml!1" ce'rte
interdfpmdatlce. En effet. bien qu'une certaine spécialisation
çpa.ra.isse dans quelques productions artisanales exigeant. des qua.litl!s
que tout producteur ne saurait posséder. la division du travail n'a
pas !t! jccssëe jusqu'â l' i..'\\:5t:lt\\.ttion de "spécialis1:es" se consacrent
exc:lusiv=ent au travail des mêtaux. aux ac1:ivit!s textiles ou à la
poterie. Tout au plus, l'actividi agricole pouvait-elle être ~lêguêe au
second. plan par ces catëgortes de prcdecteurs ,
~---------------~-------
(1) - G. BAUNDIER, 00. cit., page 3~S

- 79
De aime dans le dcJraine du cœaaerce , i l n' e.tiste pas SUT
les lIIB:rcb6s ainsi formh de 1Dlltthands. L'échange, a l'intl!rieur de la
camnlMUtê villageoise et entre villages, a lieu sans l'inteTVentien
de "JPêci.a.listes lIUtODl:llleS" : chaam y est a la fois vendeur et
acqufreur.
Finalll!!De1lt, l'absence de spk.i.alisatien et la ccmpl!mentaritl!
apparaissent carme les principes d('ftljnsn:U d'aniOJlation de l'agricul-
ture et des errres actiVitês 11. carac'têre k.oncmique.
Il ressort de l'analySe descriptive des constd'cuarrts du
5j'5tême agricole ligna.geT que l'adaptation de l'haune au milieu se
fait paT la conception de tedmiques três diveTsifiées. Cette diversité
des techniques. qui va de pair svec la diveTsité des prodlJctions, tient
1 la variétE des ëccsvseëœs auxquels elles s'appliquent. mais aussi,
CCllŒle
en le verra, Al' autencmie relative dont dispose le système quant
A leur conception.
Il ne s'agit pas stmplement d'une multi~licité des procédés
de production. Les techniques utilisêes ne sent simples ni en
apparence, ni dans leur ccrrt erar TEel. ~gr6 le carac'têre rudimentai::-e
de 1~ outillage. le n:ppon que le pt'Oducteur ent'retderrt avec ses
instrunents de production confère iWX techniques une grande cœptexi.të .

- 80 -
CeUe cœple:dt6 ca:ract:6rise 6ga.l.eme:nt la plupart des
!truetures analys&s, dans la mesure ca. elles sont toutes
mltifo:nctioœelles et cœpl6zlmtaires : les divers aspects de la
vie se retrQl.lVent: dans çbpnme 4'elles. on peut wiT dans ceete
CCIIIplexité un. faet"-11' de stabilid du syst!me, au même titre que
l'intêgratian des connaissances et: des pT'OC!dês techniques. la
œn-sëperacdcn du savoir et: du syst:ême religieux. l' êquilibre entre
ac:tiv1:tês IlI&t'delle, et S)'IlIbolisation.
Le syJtèlœ agricole 11iJl8iel" -sans doute cœee la plupart
desêccnaaies sans IIBChinisa- n'est dcD:: pas un syst!me 'Simple fondé
sur l'empirisDe et: la rccetce, ecame on l'a scuvent prêteDdu. Il reste
c:~t:.l vtIir ce qu'il ml en des autres traits canctêri5ant
les êconaDies de subsistanl:es, selon l'ic1êologie minante. ~.: savtlir
leur pauvreté. le caraceêre destnrteu::r de leur système technique
ma.h aussi l' incapac.ité de ces systêœs secte-cuiturcls â développer
les forces pt'Cductives.

- 81 ~
Les ecnstituan'tS du S)"Sti!me agricole lignager anal)"5és
au chapitre prfcedent ne prennen;t ll!Ul" signification que si on les
considaTe dans le temps, du fait de leur variance et de celle des
principes qui les articulent. En effet, pendant l'évolution du
sysAme. cet-tems de ses principes d'organisation prerment de plus
en plus la fonae de l'opposabilité, jusqu'à engendrer des
contndictions tendant Il le dëeruâre,
Ce chapitre vise essentiell~t l'analyse des
contrad.ictions liées au fonctiormeœnt interne du SYSt!me et des
solutions qui ll!Ul" sont apportées. Ces contradictions concernent
en premier lieu l'accas aux ressources naturelles; aussi, la
pnmi,are section sera-t-elle consacrée au S)"Sti!me foncier. On
examinen ensuite celles qui se rapportent 1 la reproduction des
aunes rappct-ts de production et des forces productives (section Z).
Il doit Itre possible, au teme de cette analyse, de dégager la
rationalité du syst!me (section 3).
Il s'agit d'étudie~ les formes et les ~ègles d'accès aux
ressources naturelles. Ces fOrmes et ces règles apparaissent A
diffêTents niveaux. àétenninés par le fonctionnement du svs eêae social.

~ 82 -
1. t , ~iveaux à'accb l la terre et stl'UCtura.tion du àomaine foncier
La. plupart des 6'tW.es œnsacrêes aux probl!mes fonciers
JU%' notre champ à'ftude saulignent que L'eccês lla terre est life
l l'appartenance familiale et que la localisation des dfverses
unit6s familiales d.!temine une distribution partiCJ.1Ure des terres
a'PPropriées dans l'espace. Il nous faut doru: analyser la s'trUCtUre
familiale, d!te1'Uliner l'unité f<m:iêre fondamentale et examiner le
cadastre foncier.
1.1.1. L'crrsmisation familiale
1,1.1.1. Clans et lignages
Toutes les 6tudes ethnognphiques contemporaines relatives
au Congo pnsentent le clan CCXlIlIe base de l'organisation sociale.
Celui-ci se àffinit cœme la "collectivitf de tous les descendants
d'une souche crmgme. qu'ils vivent en dessous (les d.!funts) ou
au-dessus (les vivants) de la terre" (1). Le clan inst.aure une
sorte de parenté gênêralisfe qui se justifie par la CCIIIILJIWJtê
de sang. Il se c.aractfrise par un DaIl. pllrtiCJ.1ier, pal' la
possession d'une devise. par sa liaison avec un animal et par
. l' impositign de certains interdits aliœntaires.
La CCIIIlIJnlWté de sana implique l' exogmie (obligation de
se _riel' en dehors du clan). Le clan n'est ëœc jamais isole, _is
s'intègre l un ensemble pjus ou lOOins cœptexe de clans, liés par
une parenté originelle réelle ou supposée. C'est cet ensemble qui
constitue la tribu.
Si le clan régit, par la communauté àe sang, la
constitution des grcupe:aents ,c'est cepeM.ant le lignage qui
constitue l'él~nt central de l'organisation sociale. Celui-ci
résulte d'une segmentation des groupes de parents for.nant le clan,
l mesure que, par l'adjonction des générations successives, le
volume de ces groupes s'accroît,
(D~IER. Sociologie accuelle àe l'.~rique ~ire, op. cit., page 30S

- 83 -
Branche du cjan, le lignage est fondé SUl' les rapports de parenté
striçtsent entendue et les rapports sociaux de production. Quatre
g:raupes principaux. <le parentE peuvent être disti.ng'ués au sein
du Upge : 'les pires ou les lIIê-res selon qu'il s'agit d'une
<lescendance en ligne paternelle ou en ligne maternelle ; les
oncles; les neveux et les nièces, les frares et les soeurs
(y cœpris les cQUSîns et ccusdnes par les pères ou pat' les mères).
Il fau.t ajouter A ces quatte (rOUpes les esclaves et leurs
d.esceDdants pour avoir la C:œp::lsitian complate du lignage.
Le prccessus de seSJDeIltation évoqué A propos du cfan
affecte A son tour le lignage et fait apparaître, A partir d'un
lignage majeur. des sous-lip.ges (ou lignages :lrineurs). Chacun des
ainfis d'un segment de frares utErins peut en effet aspirer A
constituer un grollpement bEnEfiçiant d'une partielle autonc:mi.e.
Sous son autot'itE se trouvent placés les frêres cadets, les neveux,
les cousins. les soeurs, les nièces et les cQUSines.
enpert enfin distingueT au sein du sous-Upge, les
iT'O'JPes pat:rilocaux regrcepent autour de chaque êpou(
sa ou ses
épouses, ses enfants et !ven'tUellement des esclaves.
1.1.1.2. Le village
unitE résidentielle fondamentale, le village c:onstitue
la seule marque tangible de ltot'ganisation sccdaï,e. Deux types de
Village peuvent être distinguês en fonction de leur ccmposition.
Les villages haoogênes sont ceux qui c:cmp-rerment un
seul lignage. Ce t:ype de village se présente topogTaphiquenent cœme
un groupement serré d'habitations disposées auteur de celle du chef
de lilnage qui est en même temps le chei du village. Il faut
distinguet' panli ces habitations, les cases des épouses ou cuisines,
celles des enfants :gés ~coye présents et çelles des neveux.

• 84 -
Le village cr::mposite ou hftéTtlgêne, au contraire, est
constitué de plusieurs fragments de lignages appartenant ! des
clans difftrents. Il s' agit gên!ra.lement de villages haDogtnes
au dIpart. sur lesquels sont venus s' installer des alliés (1) du
groupe lignapr fondateur. A l'intérieur du village, les difffrents
clans repr6sent6s sont dUtin,ps par des qu&nins ou des hameaux
(lorsque le village ni est pas c:aIIp8C't) distinCts aymt chacune leur
hangar COIIIIII.Dl c:ù se r~sent les hœmes (les "aînés") du lignage.
Ce lignage mineur dispo5e d'une ceT'Ume marge d' autonaoie mais
conserve des liens de dêpendance et est. so.Dis .. des obligations
! l' 6gard du chef du lignage ayant fond! le village.
1.1.Z. La r!partition des teTTes
1. 1.2. 1. L'unit' fonc:i!re de base
Bien qu'il soit la base de l'organisation sociale, le
clan est une unité dâspersëe , tandis que les lignages et sous-lignages
qui le composent ont une localisation. D'autre part, du fait
de l'klat~t des groupements. les liens entre les divers fragments
~s finissent par se rellcher. La cellule foncière de base
ne peut donc pas se si tuer au niveau du clan lII&Je si certains wteurs
parlent de teTTe classique.
Le terroir Villageois ne constitue pas non plus l'unitê
foncière fondalDl!n:tale. En effet,
si dans le cas du Village
haaogtne la rfsidence
implique wtonllltiquement l'accès 1 la eerre,
les choses difftrent s'agissant du village ccmposite. Dans ce
dernier cas, les !Dl!IDbres des diff6rents lignages mineUrs constitutifs
du village n'ont eccês 1 la terre et aux ressources qu'elle porte
qu'avec l'autorisation du chef du lignage fondateur et dans les
conditions fixées par celui-ci. La terre appartient donc au lignage
fondateur. avant d'@tTe propriété villageoi.se.
(1) ~ Il s'agit de l'allia.nc:e résultant de l'Echange de !~s.

- as •
L'analyse cie principes fonciers nous ecrrerera en effet
que ct est au niveau du lignage que se détenni.ne l' accês ! la terre.
que se dglent lu transactions 5 'y ntu.ehant et que s' exerce le
cont:'l'Cle du demain. foncier.
1.1.2.2. L'imbrication des terres
NotonS d.'aboTd que les terres lignagfres cee des limites
s'appuyant 8iY1II'lt tout sur les lignes catu:t'elles (bas,,:1n:I. SCIlIlIi!ts,
ruisseaux, erc.) . Dans bien des as, \\Dl bornage disent ccmpli!te
au prfcise la d61imiution naturelle. Ce peuvent être des rêsidus
de forge mis en tas ou certains arbres plant's ! cette intention,
ou bien. des ~s 8JJX arbres de la fodt Cl).
La 1lIÛtiplication des lignages a pau:r ccrrcl.Iadre une
dispenion des terres et de 1 'habitat. En effet,que l '!c:latement
des ~ts ait des causes êccncmiques (trop forte deœiit! de
~tion) OU tfsulte de conflits .l caractère ''purement soc:i.al" J les
dissidents ott mtéTet l " installer loin d.e leur lignage d. 'origine.
Cette installation se fait sur des terres prfalablement acquises.
soit par le lignage d,'origine, soit par le nouveau groupe ainsi
const.1tuë , ou sur des rer-res appartenant à un autre lignage et
sur lesquelles Us acqué1ront ])t'Ogressivsent des droits (2).
---_._--
(1) - Naus reviendrons SUI' la nature de ces droits.
(2) - C'est ce que lllClnt.'rent G. BALANDIER et G. SAUI"T'ER ! propos
des Bakongo et B. QIII.LJT à propos de la terre Enkou. Dans
ce dernier as, chaque lignage est maUtialisê dans l'espace
par une forêt qui pene son nara.

- 86 •
Dans tous les cas. il en l'buite un mettllmlent et une imbrication
des terres l1gnag!res. cette JJDbriation çparai.5sant surtout au
r:ti.YeCl-deS' villages eaaposites (1).
1.2. Les principes fonciers
I.e pTinc:ipal niveau d' eccês A la terre et aux 1"eSSOU1'Ces
ayant ~t! dêfini. il convient de voir selon quelles lIDdalith
sleffec'tUe cet accès, aussi bien lorsqu'il s'agit d'iDcl.1vidus
appllrteœnt 1 l.me œœ unité fonc.i!re que lorsqu 1on est en prtsenc:e
d'indiVidus ou de gt'OUplSISnt.s nlevant d'unit!! foncières diff!rentes.
Dans la lIItsure cù les prillCipes fonciers IODt dêtermi.Dls par la
valeur d'usage. _15 aussi par la. valeur symbcl1que que les
populations attachent .1 la terre. un l!XlIIDm'I pr!alable du sta:tut
de celle-ci SI impose.
1.2. 1. Le s'tat:Ut de la teTTe
, .2.1 . t , La teTTe c.œme base matérielle de l'existence
Chaque lignage a donc un daoaine cœpnnant un ou plusieurs
"terrains"
Il ni est ÇI8S nëcessai.re d' in5ister sur le fait que la
serre consti'tUe avant tout un ensemble de donnfes kololliques.
gêogra;Jhiques et sociales au sein desquelles le groupe lignager
existe et 1 partir desquelles i l pt'Oduit et reproduit les llIJ')"ens
utEriels de son existence. De ce point de vue. l'importance de
la terre est dêtertlliMe par la valeur d'usage qu'elle reprësente
pour les lIIl!!IIbres du groupe lignager. c' est.-ê-dfre par les possibil1t!s
qu'elle leur offre de satisfaire les besoins soci.alJX. i.ntlividuels
(') - Cette délimitation en filigrane. inapparente dans le paysage
ttpond. selon G. SWITER 1 deux pl"êoc:a.!p8.tions : "Il s'agit
d'un cet! d'étayer la possession d'un dcma.ine au moyen de
signes œtériels qui puissent être opposés 1 toute reveruiication
œl fondée. Mais d'un autre ceeë , le détail du trad ne dei t
pas êere trop apparent. Le chef du groupement possesseur et
l'héritier de ses prérogatives restent les seuls ~ le connaitre.
Faute de quoi. la porte serait ouverte aux tentatives
d'usurpation". (00. cit. pages 485 et 486)

~ Si -
et collectifs, qui se rapportent ici essentielleDent 3 l'autosubsistance
et la. circulation de, producteurs directs.
1.2.1.2. La terre cœme support symbolique des groupements.
Le caraceêre ~te:minant de la nature éconanique de la
tette (en tant que myen et objet de production) ne saurait faire
oublier ou nfgliger sa nature S')fttbolique. G. BalaMier insiste
avec raison .sur les "liens de tOUS ardres exisunt entre le sol
et les lignages", le eeraeeëre "fondamental" de "la liaiscn
aDt::etT'es~teTTe-ligna~" (1). La fixation. au .sol et l'utilisation
du terroir SOIltperçues CClllDe résultallt d'lm contrat pessë entre
les ancltns et les "forces gardiennes" de la nature. C'est
lWX ancitres (en fait 1 la col1eC'tivit! des premiers occupants) que
la. tette a été attribuée par ce cannat. Cette demâêre constitue de
ce fait un trait d'union entre les vivants et les ser-cs.
Si la terre et les ressources qu'elle porte sont
CCD::L5i~T6e3 CCllllll!l ml. hérit.a.ge des arcêcres , le lignage ne se limite
pas aux gfnératians présentes. L'existence d'une terre li~g~re
appara.it dh Icrs cca. le JD:JYeTl d' assurer le d!velappement du
liPle, notal!lDent parce que celle-ci constitue la srrccnee
d'accueil fondaalenule des gfnérations fut:ures.
La valeur .S';'llbcHique de la tette apparaît ainsi CCIIIDe
lite 1 la "prcjectacn dans l'espace de notions abs'tT'llites COIlIDe
la parenté, la continuité des g&.frat:'ons" (2).
(1) - G. BAlANDIER. Sociologie actuelle de l'Afrique xeare, op. cit, p.30S
(2)
G. SAI..TITER, op. cit., ?lige JE7

- ss -
1.2.Z. Les rapports fonciers in~ra-lignagers
1.2.2.1. Le caractère collectif de la propriété foncière
La premi.!re cansfque:nc:e du sta:tut symbolique de la Terre
en l'indivisibilitf de la prapriêtê fonci!t'e. Tous les auteurs
insistent en effet sur le caractêre clJIIIIII..lnaUt.a.ire de la propriété
de la terre sur notre c..~ d' étude et d'une mani!re gfn6ra.le
en Afrique Tropicale. Voyons ce que r8COlNt'e ce principe en
exam;mnt britvsent ses fcmdements et les mkanismes de san application.
tl faut d'abord. sig;na.ler un p~ COJ15u:tê par
G. Sautter (1) et par de naabreux auteurs sut' l'ensemble de l'Afrique
Noire : la pelClulité des lirait" acquis. De noweaux droits peuvent
s r ê'tablir sur une PJrtion d'espace agricole J peur !'êpondre ! des besoins
qui n'exist.a.ient pas pl"6cédsDen:t. les anciens ne dUparaissen:t pas
pour autant. Le processus se rëpëeanc , i l peut en rfsulter une
véritable acClJllll1ation de prfrogatives émanant d'iDdiVidus ou
de groupes àiHêrents sur la lIlême eerre. si les droi'ts antérieurement
ecaserecës ne ,'effacmt pas au profit des droi'tS postêrieurs, ces
derniers 5' ajoutent aux: premiers mais eu les refoulant dans la sphère
des droits que l'on qualifie frêquelaDent d' emïnents. c' est-à-dire
ceux qui ne c:caporteD.t pas l'usage ou le eeeerëie effectif de la terre.
Oans la mesure cC. l'on peut parler de la per~té des
droits acquis. c:elle~i joue d'abord au bénéfic:e des ancêtres
premiers QÇcupants. Dans ces canditions, indiVidualiser la propriété
de la terre, c'est remettre en question ces droits éminents et rœpre
par U. le rapport s)1llbolique qui lie l 'halme et le système social
1 la terre (2).
(1l - G. SALnrnER, Les structures agraires en .;frigue Trooicale,
C.D.U., Paris. 1968.
(2) - Il Umporte de preciser que c:e qui reste indiVis, c'est le iro1~
de prooriété, la teTTe sur laquelle il porte pouvant ~rês b~en
!tre, et 1i est effectivement. partagée, conme le souligne :'01. SORET
in "Probjênes fonciers chea les i<ongo xcré-Ouest;", Cahiers de
l'I,S.E.A. ne 166, octobre 1965, page 1~~.

- 89 -
Ccmnent le principe de la. propriét! collective de la Terre
s'applique-t-il ? L'unit! foncière de base, avons-nous vu, est la
..terre lipgêre p" et 1 1& t8t~ de chaque ligDage se trouve un chef.
Jta6ral-.nt le plus 11f: des aWs. On aurait Pl s'attendre l ce
que le c:hef de lignqe soit, en tant que représentant dU groupe,
le vfritable d!tenteur de la tet-re, En fait, Un' en
est rien.
Les attribution" du chili sur ce plan se Umitent 1 lm rSle de iestion
et l l ' aff i :noat i on de 1& scuveraineté du groupe SUI' la cene c:haque
Eau que cela est eëceeeaire.
1.2.2.2. Les droits d'usase
Le rOle de gestion exercé par le c:.hef de lignaie se
nppone 1 l'e:çloitatian de la terre et lies ressources qu'elle porte,
Il cœstsee l distribuer aux: diverses unités de production les terres
de OJl'CJfe nfcessaires. 1 cont:re;ler l'exploitation de 1 r ensemble
des ressources du. fonds, notamnent en ce qui concerne les activités
de d1a.sR (1) et de pêche et le respect des jac.hêres, et min 1
trancher les 1i tiges lies aux: droits des individus sur le produi t
de leur travail.
S'agissant des d!'Oits directement liés .1 l'exploi'tation,
i l faut d'abord. souligner que ceœc-ct sant exercés par des étrangers
au Ugnale, mais faisan't partie des unids de production. Ensuite.
la Terre, en tant que suppon _thiel des cultures, des Jl:'PUlations
anima1es et \\'fg.tales, ne fait pas l'objet de droits privatifs. Cela
appanît clairement au niveau de la chiUse, de la pêche et de la
cueillette où. l'acquisition des espèces vêgëtaâes et animales
se limite qualitativeœrtc et quantitativement aux ncrrœs fi."tées
par le chef du lignage proprietaire du lac ou de la portion de forêt.,
de savane, OU de fleuve, sans que l'exploitation des ressources aboutisse
à l'appiopriation individuelle de ces écosystèmes ou percies
dl écosystème , eae-ce par le chef lui-même.
Cl) - En ce qui concerne la chasse, la pêche et la c4eillet!e, le chei
de lignage doit être ccnsuleë avant chaque :J.t.i1isat.':on. Ain:si dans
le cas de la chasse individuelle, tout cbasseur appartenant au
lignage informe le chef qu'il désire partir en brousse et lui
demande sa protection rituelle ainsi que celle des ancêtres.

• 90 -
Ce p~ne revêt
un caractère beaucoup plus ccœtexe en
ce qui concerne les cultures. QJand untpersome • travaillé sur une
POTt.iaD. de eerre, elle la posskle DCI1 seulement pour la d:ur!e
de o.ûnae en cours, mais aussi les suivames. Or le $y3dme de
culture. Ctllllle on 1\\ a vu, manifeste l'absence d. 'un 'Véritable parcellaire
et repose sur la jachère. Les droi't5 de cul'CUre ont dl autant lIIOW
teœ.ance l se transfomer en ërercs dffUlitifs que les limites des
champs 5' effacent dès le retour de la j &chère 1 et que souvent. les
villages se d'placent. ~ lorsque les t'CIII!Imantês sont fixes, le
jeu des relations sociales, par la règle de la virilocalitê, oblige
les Oll'tivatTices l chan;er de rfsidence. De plus. COIIDe le bit
TeIIII1"qUeT G. Sautter, "les cultivatrices ne sont lDIême pas tenues
d.'0p6rel dans les limites du daaaine foncier collectif auquel elles
se rattachent" (1).
1.2.2.3. Droits individuels et droits colleçtifs.
Les droi ts d' usage ne peuvent donc pas se c:ti.stalliser en
droits privatifs et difinitifs, bien ~ les b'n!fic:iaires en soient
des individus.
Des droiu individuels existent cependant. Ceux-ci
concernent, non pas le fonds lui-m@me, mais les produits du travail
qui y a été inc01'p:)rê. Ainsi. les arbres plant's pAT' lm individu
T'estent sa pt'opri'd mime si ce demâer a quitte le village. De
mime, en certains lieux, loT'squ'une fenme meurt avant la rëccfte
de son champ, celui~i ne peut plus êere réccktë (1).
La tendance de bien des auteurs 1 tout ramener au
collectif ou ! l'individuel a souvent ccndui't l envisager les droits
individuels en les opposant il la propri't! collective de la ter-re.
L'articulation des deux 'types de <:lroit MT'ite d'@tTe examinée de
plus prés.
(1) - G. SAlJITER, Les st'NCtures agraires en Afrioue Tropic:t.le,
op. cit., page 1~2.
(2) - B. GUIllOT. 00. cit., page i6

- 91
La distinction entre drci't5 individuels et droits
c:ollectifs repose en preeter lieu sur le t'I'tlvail qui engendre les
premiers c:œme on vien't' de le wu, et non pas.. CCIIIDe le pense
G. Ssut'teT, sur les fonctions qu 1 ils exprilœnt (1). Les f~ians
S')'IlIbolique, politique et sociale ne sont pas exercées par le seul
contrele collect.if de la terre. Les produits du travail, objets de
drtli't5 individuels. interviennent l!p1ement. c:œme on le prêcfsera
plus loin. dans les activités de symbolisation et, dans le
nnfon:ement des relatians politiques et sociales. De plus, ces droits
o:nt :in!v1tablement endance 1 s'élargir de l'individuel au collectif
toute 1& descendance d'un îndividu hfrite, en rêgï.e gënëraje, des
biens ietssëe par lui. en paniculier des arbres qu'il a plantés.
Enfin. l'accès au sol, s'il est individuel, est détel"1lli.n6 avant tout
par l'appartenance lignagare, c'est-l-dire par le collectif.
Il faut donc refuser lm DOde de pensée, propre ! l' esprit
occ.i.dental, qui oppJ,H l'ind.1vidu et la collectivité, et considérer
que l'opposition des droits individuels et les droits collectifs
est. dInIu6e de fondem=1t dans le cas qui nous occupe, ca. les droits
individuels dépendent des relations sociales de l' ind.i.vidu et de
son appanenance 1 un iT01JPe ayant une organisation sociale propre,
00 l'individu et le fll"OUPfl sont cœapl6mentaires et indissociables.
1.2.3. L'inaliênabilitê de la teTTe
L'autte ccaeëcceace du statut S)I1Dbolique de la rer-re,
cO'n'Ollaire del'indivisibiliU de la proprUté foro:ii!re, est son
inaliénabilité. Celle-ci se définit comme l'impossibilitê de céder
définitivement, ! titre gracieux ou œërecx, la terre lignagère.
(1) - Cet auteur note en effet que "drcft.s collectifs et dTOi ts
panaiés expriment des fonctions nettement distinctes. Au. niveau
collectif, le contrOle de la ter-re s' adresse au sol sacrai.tsë,
au 5UppOrt de valeurs politiques et sccrafes . Au niveau des
exploitations, c'est l'accès au sol cul,:ivable qui es': en cause"
(ibid.,-page 136)

- 92 -
Bien que la plupart des auteurs s'accordent à prëseneer l'inaliêna-
bilit' de la terre CCllllle l'un des traits essentieb de la eennre
tTBditiarmelle africaine et o::ua- tm pI"1D:ipe SCIlJffrant de rares
exceptions. Us font cependant 'Ut de ventes, locations et donations
de terres. UDe Certaine aliénation de la terre a donc lieu, mais
à des condit.ions qu' i l faut. préciser.
1.".3.1. Exc:lusivisrae et endo-alienation
Le priDcipe de l'inali6nabilité de la eerre s'aplique
par le fait que la cession dl!finitive de celle-ci exige l'accord d'un
pourcentage a5Set ëfevë de membres du Ugoaie propriEuire. Or le
ligoage cœporte un nanbre infini. de DIllbres pui.squ' il est fonœ non
seulement des viftnts aW aJSSi dI!:s 1ID'bq1i.smt ea.ncmbre pratiquement
illimid. Aussi, même si tous les DIllbres vivants consentent a. cëder
la terre, leur pclU1"t:eD.uge
l' indt'ieur du lignage tendra toujours
â
vers tm •.. 0'00 l'impossibilité de céder la terre aux ëaranger-s ,
Mais cet exclusivisme ne s'applique qu'aux ërrangers au clan.
n ccmvient donc de distinguer l' "exc-aliénatiou" qui ne saurait se
dfvelopper qu'en rup'tUre avec toutes les 'trBditions et le sens
profond att.aehll à la propriété de la terre et l' "endo-aliénatian"
qui est la vente interne, entre membres d'un lime aan ou la vente
aux groupements alliês. Ceder la terre dans les ccnditions de
l'endo-a.liênatioc. n'est pas la peTdre tout 1 fait, l'aut.orisation de
OJltiver n'Etant jamais refusfe aux: gens de lIII!me clan non plus qu'aux.
alliês. De plus. le chef de lignage ne peut dëcdder de vendre une
portion de terredr qu' avec l'accord des aut.res rœmbres du lignaie.
EnfiD, a:uand bien même toutes les précautions auraient ëtë prises,
la cession d'un terTain risque toujours d'être remise en question.
L'exclusivisme ne concerne pas que la cession des ter-rea.
11 s'applique aussi! l'exploitation de la terre. Tout ë'tranger au
ligoage, par exemple, doit non secieeene dsmander l'autorisation de
chasser ou de pêcher au chef, ;nais il doit êt re accompagnê par un
reprësentarrc de celui-ci c.hargê de le ccntrôâer et de le prctëger .

- 93 -
Lorsque des étrangers sont surpris en train de se livrer il la chasse,
la pêche ou la cueillette sur une terre qui n'est pas celle de
leur lignage, Us sant tenu.s de payer une amende équivalente il un
esclave.
1.2.3.2. Fmphytéose et donation
Malgré la règle de l'ext:lusivisme. on voit sauvent
s' inst:aller, sur des terres encore inexploitées ou dEj il occupées.
des étrangers au clan. Cette installation peut résulter soit
d'une conquête militaire, soit d' "arrangeœnt.s" erree chefs.
Dans le premier cas, la SOlIllÎ.ssion des hœmes vivant sur
le territoire conquis n'est jamais totale. La terre ccnc.dse ne
recèle pas les ancêtres des nouveaux venus ; pour ceux qui se
tl"Ol..Nent U, qui détierment ce'rte terre et cant:rOlent sa fertilité,
Us demeurent des étrangers. Aussi. les conquérants doivent-ils s'en
~"ttre il 1'inter.rention des premiers occupants, solliciter la coopéra-
tion rituelle de leur représentant ou de leur "raaître de la terre".
Mais la c:onquite militaire n'a lieu que dans de rares cas
ccmpte tenu de l'iDœnsité des terres disponibles sur notre ç.~ d'étu-
de. Le second. cas , par contre. est plus fréquent. L'autorisation est
absoll.Jnen:t nécessaire et doit être demandée clairement, que l' installa-
tion ait lieu ~ titre gracieux ou il tit1"e onéreux. Cette autorisation
est d'autTe part, toujours personnelle et temporaire: il la IOOrt
du bénéficiaire (le chef du groupe migrant), les héritiers s'ils
veulent rester sur la terre, doivent la solliCiter de nouveau,
Ensuite, les "loyers", car i l s'agit généralement dans ce C3.S d'une
location, sont très variables : ils peuvent aller d'une calebasse
de vin de palme offerte lors de la passation du contrat ~ la
lOOitié dela récolte. ~is il semble bien que ce loyer, quand il
est effet:tif, aille en d.iminuant avec le temps, pour arriver il
n'être plus que fictif: le locataire s t intêgre au groupe, i l crée
son propre lignage, il dev-ient "emphytéote". (1)
(1) ~ M. SORET, op. cit., page 146.

- 94 -
11 s'agit en effet d'une emphytéose, c'est-à-dire d'un ''Oail qui
peut être perpétuel, contre une redevance pratique:nent fictive,
l'emphytéote ayant tous les droits et les devoirs du véritable
propriétai.re"
(1). Le propriéUire peut cependant revenir sur le
contrat après un juste prëevts ,
Ici encore, on le voit, la cession n'est pas définitive
et, dans la mesure où s'instaure nécessairenent une "alliance" entre
le lignage propriétaire et le groupe locaeaire. il n'y a pas
véri'tablement dépossession. La même logique app8:rdt dans le
cas de la "donation" (2), ctesn-ê-dfre la cession sans cont.repartie d'une
portion de terre à des étrangers au clm du groupe propriétaire.
cefie-cr n'étant possible que dans.les zones à très faible densité de
population.
Finalement, c'est. l'absence de droits absolus et
exclusifs qui. caractérisent les relaüon.s ent.re ind.ividus de même
groupe ou de groupes différents en ce qui. concerne l'accès à la
ter-re et aux ressources. N'importe qui. ne peut pas se présenter
n':ilIIporte où et exiger sa part de terre à cultiver. Mais le droit
de culture ne semble être aulle part l'apanage strict de quelques
i.ndividus. des seuls lignages dëtenrecrs , ou descendants des fondateurs
d'un village, ce qui. ccnfêre une grande souplesse au système foncier.
On ne peut plus parler, dans ces conditions, de propriété au sens
occidental du reœe. ~ti.eux: vaut. considérer qu' i l Y a souveraineté
des lignages sur leurs terres.
(lJ -;\\. SORET, op. cit., page 148
(2) - C. ROBINEAU, op. cit .• page 106

- 9S -
~!L02.l
ç~g~:!...E~tiY!:~L..!~n:!_~_E~H!:!!
!:~_!~~!!2!!~~_m!~
Peur savoir si le! appdciadons faisant des êconanies
de subsistance des
systêmes de pauvreté et de rapine
sont fondées
ou erronées, i l est nécessaire de voir dans quelle mesure les besoins
sociaux sont satisfaits dans le systi!me étudié, ce qui revient
à 5' Interroger sur sa çapac.id
à assurer la reproduction
siJmJltanée des fOl'1:l:JS proc:hJctives et des rappcr-t.s de production
suivant lesquels ces forces productives sont mises en action.
L'hcDme éunt la preatêre des forces produc:tives. nous privilégierons
la nproduction de la force de travail par rapport à celle des
autres facteurs de production. Dans la mesure oil l'appui tion de
l'Etat a affecté les contradictions lignagères et donné naissance
à d' autres contradictions. îl nous faudra voir également cœrment
sont satisfaits les besoins soci&ux dans ces conditions.
2.1. La -reproduction de la force de travail
Celle-ci est d'abord liEe à la satisfaction des besoins
de subsistaJu:e. Mais quand bien :JDêœ ces besoins seradent plei.nment
satisfaits, le producteur n'a d'existence réelle. et donc ne
se reproduit que par rapport à l'unité de production et au groupe
social dont i l est l'un des membres.
Z. 1.1. La subsistance
Z.l • l . 1. La COUV'errure des besoins alimentaiTes
La grande diveTsité des pToductions évoquée plus haut,
que ce soit dans le domaine de la cueillette, celui de l'agriculture
prepreœnt dite, celui de la cbasse ou enfin celui de la pêche,
nous permet d'affinner qu'il ne se pose pas de pTobli!me quantitatif
dans l'alimentation.

- 96 -
Le c.a.1endrier agricole a révélé deux llJJllIents importants
de récolte. En r!alitê celle-ci est étalée sur toute l'année:
les conditians k.ologiques dans notre champ d 'lStude offrant des
possibilité.5- de sœcessdcns O1l't1Ir&l.es pezmanentes, i l n'est pas
rare de voir les récoltes s' effectuer au jour le jour 1 au fur
et a mesure des besoins. lorsque le produit le per.net (ignames et
bananes par exemple).
Certains auteurs font cependant allusion a une certaine pré-
carâtê de l'équilibre vivrier due au manque de stockage et a une
"dangereuse imprévoyance". Mais la place cccupëe par les produits
de OJeillette dans l'alimentation vient compenser la non-<cmstitu'tion
de réserves. notaDment en période de soudure.
QJant al' aspect qualitatif, l'a.bcndance de gibier et
de poisson permet aux perpu.lations d' avoir une alimentation rid'..e
en protéines tandis que les fruits comestibles, également en
abondance, et les produits de la Ollture assurent des apports
énergétiques et vit:aminés convenables.
Z.1.1.Z. Les autres aspects de la subsistance
On a vu en exmuinant les relations entre l'activité
agricole et les autres domaines d'activité que la cueillette
fournissait la plupart des produits nécessaires à la satisfaction
des besoins ml!diOllt't, vëtërfnarres , hygiéniques, toxiques, d'habitat,
de transport, etc. Sans recenser tous les besoins liés à la
subsistance des populations, on peut néa.mooins affirmer que ceux
qui é~ient susceptibles d'être satisfaits par le système agricole
l'étaient effectivement.

- 97 -
2.1.2. La. reproduction des unités de production
2.1.2.1. ApprQpriation et affecta'tion du surplus
La plupart des auteurs affirment que les éconœdes de
subsisunce sont des systl!mes "foncièrement hostiles à la formation
de surpkus" (1). L' analyse du sysdme agricole lignager nous rœrrtre
le cant:raire : l.U1e partie des biens pTOduits dans ce système
excède les besoins de susbdatance et ce surplUS jcœ, ccmne on va
le vcdr , un role central, dans la reproducttcn du systi!me. Celui-ci
se présente SOUS la fonDe de biens de conscumation courante
(viande provenant de la chasse, poisson, vin de palme, autres
pTOduits pl"tJV'eI18nt de la culture) et de biens de prestige (Ivctre,
b~tail. auxquels il conviendrait d'ajouter certains produits
artisanaux tels que les houes. les pagnes. les nattes, etc.)
Mais ce surplus ne reste pas .1 la disposition de ceux
qui l' cmt produit; i l est acc:apa:ré par les chefs des groupes
patrilocaux: et virilocaux et par les chefs des lignages. Ainsi.
dans les sociétés patrilocales étudiées par P.P. Rey,le chasseur
individuel garde peur lui-même la tête , le cou, l'intestin,
l'estaœc des ani.mau:I: abat'tus , Il donnera l son père la poitrine,
les filets. les rognons et au chef de lignage le gigot (2).
S'agissant de grandes chasses collectives, la tëte, le coeur et une
épallle ou simplSlent une !paule et un gigot découpés d'lm seul
tenant de chaque bête abattue 50Ilt rëservês au chef du lignage
père (au chef de clan). Pour les grandes pêches au lac ou au
barrage ainsi que pour la cueillette du vin de palme, la roitif
de la production revient au chef de clan (3).
(1) - Cf. nctaIlllent M. SAHLINS, ~e de pierre, âge d'abondance.
L' éconamie des socifUs or1JD.1tives, êditlon GâI1J.lllara, Paris,
1976, page 126.
(2) - P.P. REY, op. cit., page lOB
(3) • Ibid •• paie 1S7

- 9a -
En ce qui concerne l'agriculture proprement dite. il y a également
extorsion de surplus CCIlIne le soulignent G. Balandier Cl) et
G. Sautter (2). Les àleis des femœs reçoivent une certaine
quantité de produits agricoles de la part des cultivatrices qu'elles
encadrent, dont une partie est destinée au c.ief de lignage.
Lr appiOpriation des biens de COI1SOIIDation courante
permet ai..n5i aux: chefs de subsister sans avoir â fournir le moindre
tnvail dans le dauaine de la pnxiu.:t.ion agricole et de se
consacrer à d'autres tâches, l'lDtamœnt il certaines activités
artisanales dent les ptoduits sont considérés conme des biens
de prestige.
Mais même ce dernier type de biens est produit en grande
partie par Les dépendants. En effet, il caté de l'exploitation
concernant les biens de cODSOIIIIIéltion courante. 5 r effec:tue au sein
des lignages. un transfert de biens de prestige des dëpendants aux
chefs. Il s'agit surtout de l'ivoire, des pagnes, des nattes, du
bétail,de cer-tains moyens de pnxIuction (roues par exemple) .•. (3)
Quant il l' affectatdcn du surplus , disons d'abord que les
biens de consamoation courante ne servent pas qu.' il la subsâs'cance des
chefs. Ils sont consClllllés également dans les grandes cërëeeraes
réunissant plusieurs lignages telles que les chasses et pêc~s
co necctves , les retraits de deuil et autres fêtes (4).
(1) ~ G. B.AJ...MDIER. Socio1ode actuelle de l'Afrique Nodr-e , op. ctt , p. 331
(Z) - G. SMIITER. De l'Atlantique au fleuve Congo. op. cit., page j03
(3) - Ce qui ne veut pas dire que l'exploitation soit basée ici sur la
détention des moyens de production. Une fois qu'on leur a
attribué le statut de biens de prestige, ces houes sont
défdnit ivesœrrt retirées de la production et ceâa n'empêche pas
les producteurs directs de s'en procurer d'autres.
(-1.)
La plus importante de ces cérémonies est le '~aki", Ins'tarut ion
en vigueur che: les balari-bassoundi et qui est souvent associ~e
au retrait de deuil. Le malaki consiste pour .es invités-
participants à rendre au lignage organisateur du retrait de deuil,
un cadeau d'une valeur doublée par rapport à celui qu'ils ont
eux-mêmes reçus à l'occasion à'un prëcëdent ma1aki tenu chez eux ...
(suite de la note -l., page suivante.)

- 99 -
Certains biens de prest:ige sont thbaurisés en prévision des litiges,
d'acquisitions ou de cëréssmi.es mais leur fonction essentielle est
de perrœtrrre la ciroùa'tion des feumes et des esclaves. Il s'agit
le plus SatNent de biens dotaux, c' esu-ê-dâre de biens intervenant
dans la constitu't1Œl de la caupensa"tÏon llI&'t1"imoni.ale donnfe en
!change de l'i!pouse reçue. Mais il; penœttent également de se
proct.ae'r des esclaves. bien que l'esclavage r!5ulte gêMra.l.emant
de canflits guerriers (prisonniers) (J,J, civils.
2.1.2.2. Les fondements du pouvoir lignaser
Les pt'Qdw:::tetIrS directs sont c1cnc soun:i.s 1 une
exploitation de la part des chefs des groupes patrilocaux et virilocaux
et des chefs de ligNges et, on vient de voir que le surplus
ext.arqué avait pour fonction essentielle la cirçulation des femnes
et des esclaves. La question qui Vient d'abord 1 l'esprit est
cependant ceUe de savoir pourquoi les chefs et, d'une manière
gWra1e les "aînés" sont les seuls détenteurs des biens dotAUX
et de prestige.
A cette question. G. Balandier et P.P. Rey donnent deux
réponses différentes. mais non ccneradtccctres , et, aussi valables
l'une que l' autTe. Peur le premier. les "cadets" se trouvent en
situation d'infériorité, cêderrt le pas en tout et partout. sont
SOlIDis 1 des obligations de dUérence et cie prestations vis-à-vis
des "aînés" parce que ces derniers sont plus proches d.es ancêtres
et donc: du "poi..Dt zéro qui est le IIlClIDeJ1t ces CCIIIlIm1c~nts" (1 J •
Suite de la note 4. de la page précédente •
.•. L'échange prend ainsi la for.œ d'une c:c:mpétition dans le sens
de la déoonstntion de richesse. OÙ la famille qui amêne une autre
à quia (quand la seconde n'arrive plus qu'a rendre un contre-don
égal. ce qui rcmpt la chaine) affime ainsi publiquement sa
supêrioritê, et lie pour longtemps la partie adverse. le profit de
l'opération s'exprimen surtout en prest age acquis, en capac;ité
d'intervention accrue dans les affaires politiques et privées.
(1) • G. ~~IER. La vie qootidienne au royaune de Kcug,o,
op. cu .• page 250.

• 100 -
Pour P.P. Rey, le pouvoir des "aînés" a pour fondement la rëctprccruë
(l' k.hange) liant différents lignages et que nous avons évoquée
â propos de l'exogaœie clanique
et du cœeerce , Selon cet !Wteur 1
en. dehors des prestactcns réciproques, les groupes locaux. se vouent
une violente hostilité (rapt a titre ind.i.viduel ou guerre). La
reproduction ne peut 5' a.cccmplir que 5i l'antagonisme laisse
la place d'une façon ou d'une autTe à l'échange. C'est la structure
même du procès de reproduction qui implique cette nansformation de l'un
en l'autre et qui détermine l'ainl! CODDe opérateur de cette
transformation.
De ces deux rëpcnses , on retiendra que du fait de leur
expërterce, les "aînés" sont les seuls à polNOir transférer. dans
. toutes les sociétés lignagères, les biens de prestige, les hœmes
et les feumes d'un ,Jl"OUpO à. lm. autre ; ils 50IIt donc les seuls â
pavair dépasser l'hostilité entre les groupes locaux. et la transfonner
en son contraire, la réciprocité.
~is ce n ' est pas là l'unique fond.e:Dent du pouvoir des
çhefs et des "aînés". n faut également tenir çampte du rôle
joué par ces dentiers dans le daDaine foru;ier et dans les procès
de production imlIedia'tS. En effet. le pouvoir des chefs et
des "aïnës" repose en partie sur le fait qu'ils sont seuls capables,
grke à la c:onnausal1I:e qu'ils
cne du droit coutaeuer , d' ha:l'moniser
les relatians entre tnE9bres d'un mèDe groupe et entre nmbres
de groupes différents dans l'exploitation de la terre et
des 'ressources qu' elle porte. En outre, parce qu'ils sont plus
proches des ancêtres considérés CClllDe les forces gardiennes de la
nature. les "aînés" sont les seuls à pouvoir maitriser. grâce
aux activités de symbolisation, les puissances immatérielles qui
contrôlent les réalités matérielles que les membres du groupe
s r eEorcent de s' apprcpt-ter .

- 101 -
.i\\ins1, le pouvoir des chefs et des "aïnës" reposerait sur
les deux éléments suivants : meilleure connaissance des règles de
foncti~t du système social et plus grande aptimde à maîcriser
-1
les réalités UD=atfrielles conditionnant la production. Ces deux
fondeœnts du pouvoir lignageT ont .1 la fois un contenu politique.
un contenu konaaique et un contenu. S)'tIl.bolique. En effet, la
tl"aMifomation de l'hostilité en rëctprccttë suppose non seulement
l'êc.hange de biens ëcceœdqces, mais le 'transfert; des biens de
prestige, des hamles et des faomes d'un groupe à un autre s-accom-
pagne toujours de l'accauplisseumt de certains rites ide meme,
les activi.tfs de $}1Dbolisatîon visant la ma1trise des
;uissances inYisihles constituent souvent un IIPDen:t du procès de
produc:"tion. et les rituels agraires sont un mayen et une fome
de consolidation <les liens politiques entre lignages. ()w1t ! leur
nature, elle est politique pour le premier. symbolique au idéologique
peur le second ; œis ce qu' i l importe de souligner. C' est le fait que
le pot.NOir lignager ne repose pas avant tout .sur l'économique, bien que
ses fondemen't5 aient un contenu êconomique.
2.1.2.3. Exploitation et reproduction des unités de production
I..a circula'tion des feames e't des esclaves joue un double
l'Ole régulateur entre lignages et à l'int6rieur des lignages.
En effet, la stratégie des chefs des lignages puissants (ceux ayant
un nanbre iDponant de dépendants) consiste à diJni.mJer le volLllle de leur
lignage en faisant esclaves certains cadets et en faciliunt le
mariage des filles, afin d'mter la segmentation de celui-ci.
Celle des c:hefs des lignages faibles. par contre, vise l'accrois-
sement du nombre de dëpencents et par ccnsëcœnt le gonflement des
unités cie production. Les chefs des lignages faibles mettront donc
davantage de biens totaux en circulation que ceux des lignages fons.
Or. cœme le DXmtre P. P. Rey. l' exploitation des cedees pal' les aînés
est d'autant plus grande que les aînés sont "frugaux". c ' est.-â-dfre
qu'ils consacrent le surplus extcrqcë à la "satisfaction des besoins
socdaux" du groupe et non â leur propre satisfaction de consonma.teurs.
On peut en déduire que les lignages faibles sont ceux ca l'exploitation
des cadets est la plus imponante.

- 10Z -
L'intensitê et la durée de lr~~loitation ne sont cependant
pas les JDêmes pour l'ensemble des dépendants d'un lignage. Un
haIme peut, grâce au mariage. pa.r.reni.r il un minim.Jm d' indépendance.
~s par la sui.te de puissance s'il s'agit d'un hoIlme libre. Par
contre. il l'exception d' un petd't nanbre de faJmes qui devierment chefs
des femoes il l'intêrieur des unftës de production et d'esclaves qui
accèdent il la chefferie, ces deu:I: catëgordes d'individus restent
soumises il l'exploitation ~te leur vie, les femmes il cause de
la place que leur assigne la division sexuelle des tâches et les
esclaves parce qu'ils servent. de madn-dtoecvre il tout faire.
Donc, les femmes et les esclaves constituent la couche sociale
la plus exploitée. Cette exploitation est d'au~t plus ùuportante
qu'ils appartierment il des lignages de faible volume. Cependant.
le surplus extorquê J en penoetunt la régulation des lignages.
assure la reproduction des uni.tës de production et la mise en
valeur de la terre lignagère.
2.2. La reproduction des autres facteurs de production
Les myens de production se repT'Oduisent en général sans
grosse diffioJ1.té. On a signalé que le fat t que certains d' entre eux
figurent parmi les biens do'taux (hcues par exemple) ne les rend pas
~cessibles pour les producteurs qui conservent la possibilit~
d'en fabriquer ou de s'en procurer d'auu"es. Par contre, la
reprcœct.Icn des techndques et des écosystèmes sur lesquels elles
s' appliquen't rencontre quelques obs tacfes qu'il nous faut examiner.
avant de voir conmen't ils sont 5Urmnt~s.
2.2.1. La reproduction des 'teclmiCW!s
2.2.1.1. La 'transmission des connaissances et du savoir-faire
De même qu'il n'y a
dans le ~'tème agricole lignager
aucune structure particulière visan't essentiellement la connaissance
de la matière, il n'y a pas non plus de structure ayant pour
attribution principale la transmission des connaissances et du
savoir-faire.

- 103 -
Celle-ci se fait généralement pendant les actes quotidiens de
production. Ainsi, en ce qui concerne Il agriculture, la fonna:tion des
jeuAes çultivatrices se fait,sur les chsraps et est assurëe par les
-.s:n...·et surtout par les chefs des femœs. De leur côtë, les
"aînés" apprennent aux jeunes garçons les teclmiques de dêbroussaillage,
de chasse et de pêche,
Il existe c.ependant des ëprerres d'înitiation que les
adOlescents .subissent lo:r$Q1J'i1s arrivent A l'lge de la puberté. Les
jeunes garçons quittent leur village et vont s' installer pour
quelques mis acprës d'lm parent qui leur fera SUbir une sorte
de suge au cours
duquel ils apprendront! exercer la :;üupart des
tiches de produc.tion que la division sexuelle du trnvail réserve
aux I1cmues ; mais Us apprendront ,nn-tout A connaît-re les pTOpTi~tés
de c.hac1m des ccnstdtuants de leur environnement matériel. Çuan:t aux
filles. elles demeurent dans leur village d'origine mais vivent
separees des autre:i membres de la cc:mmmsllté villageoise et reçoivent
de la part de leur mère et des autres "aînées" les enseignf!lleflts relatifs
! leur condition de productrice' et de future épouse.
2.2.1.2. Système agricole et densité de population
Les méanismes décrits plus l1aut (circulation des ienmes
et des esclaves) nassurent pas
toujours la régulation des lignages.
Il arrive SQ\\Mmt. en effet, qtJ2! du fait d'une augmentahon de la popu-
lation. le lignage se segmente, le groupe dissident allant s' installer
sur une nouvelle tet-re (1).
(1) - La se~tation des lignages peut également être ~tée à la
concur-rence que se Hvrent les "aînés" quant au contrôle de la
circulation des fermes et des esclaves et aux pri.viUges que
ce contrôle leuT donne. Cependant. pour qu 'un aîné puisse
constituer un lignage indEpendan't i l lui faut tm nombre
suffisant de producteurs pour exploiter la nouvelle terre,
c' ese-ê-drre qu'il faut. que son lignage ait atteint un volume
très important.

- 104 •
Il arrive également qu'au lieu de se segmenter, le lignage, la
cœm.mauté villageoise, voire le clan tout entier émigre (1).
L'émigration d'uœ partie ou. de. la totalité du groupe lignager
n'a jamais conduit l la genèse d 'un eurre systême agricole : le
mode de prcductdcn au sens strict et au sens large demeure le même.
Cependant, malgré l'imDensité des terres dispc:mibles sur netre champ
d'étude, l'émigration n'est pas toujours possible. Il est intéressant
de savoir cœsene le système se cauporte en pareil cas. On va le voir
en examinant les principaux traits de l'agriculture Koukouya étudiée
pal' B. Guillot.
Le plateau 1Coukouya, ail se situe la Terre Enkou. est. le
plus petit des quatre plateaux BaU:kf situés au Nord de Bl"azaville.
Cette région aux sols constitués de ltpons sablo-argileux, est
dœünëe topop-a:phiquement par l'opposition p1ateaux-eollines. La
perméabilité du sous-sol gréseux a pour ccœëœeece l'absence
de rdvïêres , malgré l'abondance des précipitations (plus de 2 ID de
pluies par an). La végétation est IDB.7'quêe par la prédallinanc:e de la
savane lUe à l'mstence d'une saison sèche de quatre mis
(de juin à septembre). Le plateau Koukcuya est un îlot de forte densité
de population (33 h/'kml) au milieu d'un vaste dëset-t humain (2 h/kmZ
pour l'ensemble de la région) (2). Cette forte densit.é de population
est souvent impltêe à l'allure de refuge donnée par le plateau,
"bastion oature1 admirablement dê:1imité, facile .t occuper et facile
A dl!fendre". en
(1) • Certaines tradit.ions orales, ccnme celles dea gens de ~angu
(L'une des provinces du royau:nc de Kon!fJ), rapportent leurs
premêres migrations au manque de terres pour les cultures. à
une insuffisance de vivres résultant d 'une trop forte pression
démographique. En 1774, les missionaires établis dans le royaume
de Kakongo signalaient la présence d'une "colonie" de quatre
mille Basolongo. tribu venue de la province de Soya en raison du
surpeuplement de cette derniêre. (cf. G. BALANCIER, La vie
QUOtidienne au royaume de Kongo, op. cit., page 151).
(2)
La densité sur la TerTe Enkou s'êlêve à 37h/kmZ)
(3)
B. GUILLOT, op. cit., page 2:

- 105 -
Tenue d'assurer la subsistance d'une populat ion dense.
le sYstème agricole lignager. également ~ vigueur ici. s'est résolu
l JlIXii.fier certaines de ses stnx:tures J notazllDlmt les tecJm.iques
de prêparatian et de fertilisation des champs. lA distTibut ion
des champs et des cultures dans le temps et dans l'espace.
CCIIIDe on l'a signalé plus haut. B. Guillot distingue quarre
types de c:hamp sur la Terre Enkou, à côté des jardins de case et de la
ceinture d1arbTes fruitiers qu'on peut observer- dans chaque village.
Il 51 agit en premier lieu des c:hamps bibucmJ effectués dans l!! but
d'obtenir rapidement une récOlte après la saison sèche. Les sols
sont c.!IJisis en fonction de leur fertilitê et de leur proximité des
hameaux.. La proximité ccnstaeue , selon B. Guillot, l'un de leurs
caractères les plus marqul!s J et presque aucun
d' entre eux n' est
A plus de 1500 ID des lieux habités. Ils sont souvent beaucoup plw
prccbes , la tD::JYeIU1.8 se situant entre SOO et 800 m. Plus près ils risquent
d' eue dévastés par les animaux domestiques et plus loin la dépense de
temps lm eriëes et venues est trop impJrtante pour des surfaces aussi
exiguês. QJant aux façons culturales. le c:hamp, qui a d'abord été
incendié, est dëbarrassë des cœœes et herbes de repousse. Ce travail
est fait A la petite boue, vieille, toute usée et légère. Les herbes
sont mises en tas au centre de la parcelle. Le labour est effectué à
la grande houe qui œsure 2S an sur 22 lorsqu'elle est neuve, On
eawene:.e au centre pour finir à 1 t extérieur. et un fossé de drainage
est ainsi c:on.sti'tUé" Les tas d' herbe sont recouver-ts de terre et on 'f
IDet le feu ; l'ensemble brOle lentement et la terre est proprement
caïcmêe, prenant cre teinte rouge brique caraccërastccue. Les buttes
écobuées reçoivent quelques temps plus tard des oignons, des c:ourges,
quelques pieds d'oseille et d'épinards (1). Le sarclage a lieu un
mois et demi â deux mois plus tard, et; i l est fait à la main ou à la
petdte houe. Les herbes sont ptacëes dans les fossés séparant chaque
parcelle, ou mises en petits tas au bord
du chmnp. Aprês la rëcctce,
le c:hamp est laissé tel quel mais les iéc:hets sont mis en tas si
une seconde c:ulture est prévue. Du fait de leur e:<.i&u1té, ces champs
ne donnent pas lieu â des travaux: collec:tifs.
(1) - Le reste du champ est semé d'arachides mais nous prëfërons
laisser de c:ôté, pour l'instant, les e~ces ~rt!es.

- 106 -
B. Guillot distingue ensuite les champs bipa, beaucoup
plus ëtctgnës des hameaux, mieux groupés dans l'espace en blocs de
parcelles bien.. crdentëes, Les cpërardcns cul turales eœmencent sur ces-
champs aprês la plantation des bibuanœet s' ëtendent sur deux
mois environ. Le travail est mené collectivement, au sein des bula,
groupes de travail réunissant cinq il dix feumes se répart Issant la
tâche. avec à leur tête un chef de groupe, personne connue pour sa
sagesse et sa grande expérience. Chaque ferme choisit elle-mène
sa parcelle, suivant différents cri.têres comne le temps de jachère,
et surtout l'allure de la vêgétatian. Le travail est fait successivement
sur chaque parcelle, ou simultanément sur quatre ou cinq accolées.
L'emplacement
a été prëatebreœnt incendâëe et les herbes de
repousse sont coupées et mises A sëcher A llJême le sol qui a été
égalisé. Deux ou trois jours après les herbes sont enlevées pour
ne pas gêner le Jabour , qui cOIIIIIeIlCe aussf.tôt , Auparavant, le champ
est mesuré il l'aide de bâtons en pétiole de palmier et la part de
chaque fenne soigneusement jatonoëe. Chacune a la charge d'une
bande de terrain de la largeur chJ bâton et son travail est tenniné
lorsqu'elle a atteint ltautre bout de la parcelle. La
propriêtaire
du champ se voit assigner une part mins importante car i l lui
incombe de faire les buttes d'écobuage et de préparer les emplacerœnts
sur lesquels on plantera les bananiers. Les buttes ëccbuëes , qui
peuvent être construites longtemps après le labour, portent des
oignons, des courges. des calebasses et des épdnerds , Les bananiers
sont plantés au centre de la parcelle et en ligne sur de petits tas
de cendres. Le reste du champ est pl.antë de voandzou. Le sarclage est
pratiqué i.ndividuellanent, ou A deux: ou trois personnes, A la main
ou
à la petite houe. Les herbes sont rejetées A la périphérie,
ou mises au pied des bananiers. Un seul suffit généralement, mais
i l peut être doublé parfois d'un second juste avant la récolte qui
fait généralement l'objet d'un travail collectif mais rœms
rigoureusement organisé.

- 107 -
Le troisième type est constitué par les champs manzara dont
le défr-icherœnt effectué en saison sèche (août) , ou plus sorvent
, .
l- partir du 1s.- d!cembre .. se caractér-ise par lDl' enfouissement·
sysdmatique de la savane en vert. Les herbes les plus encombrantes
sont coupées et étalées 11 l'emplacement du futur billon.
Celui-ci est aussitôt construit, la femme avançant en ligne.
Des IIIOttes de ter-re sont prëjevëes de chaque côeë et retournées
sur 15 à 20 en de hauteur. Lorsque ce premier travail est achevé,
les billons sont rechargés et augmentés. Ces billons ne sont pas
rigoureusement rectilignes, mais toujours parallèles, et restent
nol'1lla1e:ment indifférents 11 la pente. &.u- leur semoet on sêae
des graines de courges, diverses variétés d'ignames. La récolte des
courges dure toute la saison sèche. et seules les graines sont
ramassées. Une autre cucurbitacêe (ci tmllus vulgaris, Schr'ad) ,
dont seules les graines sont utilisées y est également plantée.
Enfin, les mabVl.Wa constituent le dernier type de champ.
L'opêratdon essentielle est ici la construction des buttes. Les
chauDes sont d' abord coupés à la houe. au niveau des racines, de
façoo à constituer de grandes eottes plates. qu' on laisse sécher
sur place. On en dispose ensuite une partie en tas à plat sur le sol,
herbe en dessus. Lorsqu'une hauteur suffisante est atteinte (70 à BO an),
on les enveloppe avec les mttes restantes. plaquées sur le bord. herbe
il l' intErieur. Avant de reccuvr rr le sœeet , on met le feu en plusieurs
endroits. L'ensemble est alors fermé vers le haut de façon il
assurer une lente combustion interne. Le feu couve trê's longtemps
et la butte s'effondre peu il peu, pendant 'es deux tiers de sa
hauteur. La température interne est très élevée et la ter-re
proprement catctnêe, Après combustion, il reste de gros mamelons
cylindriques, d'un dtamêtre souvent Imposant (2 J'ft en moyenne à la
base), et assez ~levées (30 â 40 cm). On en compte environ 300 il
l'hectare. disposés en ligne et distants de ~ il 5 cm entre les
lignes, ce qui amène une concentration de la fertilité SUr un dizième
de la surface.

• 108 -
Les graines de courges sont aussitôt semées, avec quelques ignames
et des épinards. Un sarclage limité au pourtour des buttes.
s:cc.ompa.gné d'une 'recharge de cettes-cf... est cpërë avant la rëccree,
Les courges sont ouvertes au champ et seules les graines sont emportées.
l'enveloppe pourrissant sur place.
Quant â la distribution des divers types de champ (1),
elle réalise un corupartimentage de l'espace en trois zones
vaguement concentriques. La première comprend quelques petits
mabvuma. presque tous les bibuomoset de vastes territoires
vierges de toute culture ; elle se termine vers 1500 m. EÏ1tre
1200 et 2000 m, on rencontre quelques bipa. quelques bibuomo et
tous les œnzara ; les mabvuma sont très rares. Plus loin. règnent
les bipa et surtout les grands mabvuma. en blocs distincts perdus
au milieu des jachères. Cette organisation obéit a deux: contraintes
fondamentales : l'influence prédatrice des animaux daDestiques et
les exigences des espèces cultivées. Les champs pOrtant les cultures
dont les animaux domestiques sont friands sont relégués à la
périphérie du territoire tandis que la partie la plus accessible
est réservée aux cultures à la fois les moins exigeantes -celles qui
permettent de revenir plus souvent au même endroit- et les moins
susceptibles d'être attaquées par les animaux domestiques. Cette
distribution peut sc.hêmatiquement être représentée de la façon suivante
ZOM
Co lonlill. j...,hère
(1) - Il faut signaler, en plus des jardins de case, de la ceinture
d'arbres fruitiers et des quatre types de champ qui viennent
d'être évcquês , les champs de forêt tenus par les holIIIIes. Ceux-ci
étaient consacrés autrefois â la culture du palmier raphia mais
ils ne se sont développés que três récemment avec l'introduction
du tabac, culoure purement commerciale et industrielle.

- 109 -
Les trois zones distinguées entretiennent un certain
nombre de relations. En particulier, une augmentation de la population
obligeant a. une rêduction des tanps de jachère se traduit par une
extension de 2 au cMtriment de .3. D'autre part, i l s'effectue un
transfert de fertilité des zones 2 et 3 vers 1 et surtout vers les
lieux d'habitation, les champs bibUClOO représentant. la technique
de réc:upéTation de ce transfert.
L t khelonn.ement des cul rures dans le temps se caractérise
ici par le maintien de la jachère conme JOOde dominant de reconstitution
de la fertilitê des sols. Mats la durée de celle-ci se tr~uve réduite
toujours selon B. Guillot, elle dure de Z a 4 ans sur sols peu
dëgradës par la euteure, et de 6 li 8 ans sur sols très dêgradês (1).
C'est la. le C4$ g~éraL Cependant, lorsque la pression déoographique
se fait plus forte. conme c'est. le cas â KingambW, l'un des
villages de la Terre Enkou, la solution adoptée est le corapartimentage
de l'espace en zones réservées â chaque type de champ. Ceci permet
de rêdufre encore le temps de jachère et là cù i l faut 6 â 8 ans
de repos, 5 a. 6 ans peuvent suffire.
En rësoeë, les problèmes posés par la forte densité de
population au syst~ agricole lignager ont été résolus dans le
cas Kaukouya par deux rœyens : l'amélioration des techniques de
fertilisation- notamment par l'utilisat.ion systématique de
l'enfouissement en vert- et la réorganisation de l'espace agricole.
Les principaux résultats ont été la rêduction des temps de jachère
et "d'assurer â la population une nourriture abondante et variée,
sans période de soudure critique" (2).
(1) - Rappelons que la reconstitution naturelle des sols de savane
nécessite 10 ans de jacrëre envi'ron.:
(Z) - B. QlILlJJT-;Oji~:-;page lOS

- 110 -
D'autre part, il faut noter que cette situation n'a
pas affecté les l'apports fonciers dans le sens d 'un dêvetopperent
de' la propriété privée de la terre, ce qui infirme· la ·théot"ie.
souvent fomulEe selon laquelle la forte densité de population
serait la cause première de l'appropriation privée de la terre
en Afrique Tropicale. Au contraire la forte densité de population
a conduit les Koukouya à diminuer les temps d'occupation des
champs et des jachères, ce qui a rendu de plus en plus impossible
cette appropriation.
De plus. cette évolution ne résulte pas d'une transfor-
mation de l' ancien mode de production au sens large et n'en a pas
engendré d'autre. Les rapports de production antérieurs se sont
maintenus : en partic:u1ier 1 le IIJJde lignager de regroupement
des producteurs fondé sur la circulation des femnes et des esclaves
sous le contrôle des "aînés" a continué ~ fonctiormer.
Enfin. la modification structurale du système ne sIest
pas soldée par une dégradation des écosystèmes. Au contraire, le
transfert de fertilité vers les lieux d'habitation a favorisé
le développement de la ceinture d'arbres fruitiers qui, après le
dêplacenent de chaque village devient une vërdtabl e forêt. La plupart
des auteurs soulignent d'ailleurs cette originalité des Batéké
"Créateurs de forêts" (1).
Par conséquent, non seulement la reproduction des techni-
ques est assurée, mais le système se révèle également capable de les
développer, tout en conservant son essence.
(1) - A..\\UBREVILLE, CIDnatài forêts et désertification de l'.~rigue
Tropic
e, Paris, Larose, 1949.

~ 1i l -
2.Z.Z. La reproduction des systèmes écologiques
'2.Z ..2·.1~ Techniques ~icoles et risques de dégradation
-
Odës kôSist
s.
-
Les presuera Européens qui ont débarqué au royaurœ de
Kongo ont souï.tgaë la fertilité des terres. En effet, notre champ
d'étude se situe dans la zone tropicale twmide où les conditions
de chaleur et d'humidité favorisent une intense vie bactériologique.
Mais en lIIêate temps. ces conditions climatiques constituent un
danger JXlU1" le SOl. une fais le couver-t; végétal détnrit , â cause
IlOtam:IJeIlt de la très forte insolation et de la Violence des pluies.
L'appauvTissement des formations végétales a pour effet
de transfomer profondfJœnt le clîmat des sols. L' actdon calorifique
et photo-chinique des rayons salaires augmente d'intensité,
accE!l:llLl3Jlt notamDen.t l'évaporation directe au détriment de la
transpiration qui favorisait les précipitations occultes (fortes
rcsëes) , tandis que l'absence de couver-ture permet un tassement du
sol, un colmatage des pores de ce dernier et surtout lm ruissellement
rapide s'exerçant au détrilDent de l'infiltration.
La dimiluJtion des ressources en eau qui en résul te
cemporte dâverses ccesëqeeeces allant du tarissement des sources
à l'appauvrissement ou, tout au œtns J à la perte de régulari'tê
du réseau hydrographique pris il la cClllpramission des conditions'
d'existence d'importants peup1enents de poissons.
La quantâtë d'eau qui s'abat annuellelllent sur les régions
tropicales humides et surtout l' tntenst'tê avec laquelle cette eau
se prëcdpfte peut engendrer une très farte acetvrrë ëros rve,
L'ablation du couvert véa:étal accélère cette activité qui prend
la fol'1be d'une érosion verticale ou latérale suivant certains
facteurs cœee la structure du sol, les karts de température ou
la pente du terratn,

- 112 -
L' ërosdcn verticale correspond 11 une élimination vers
les couches profondes des substances les plus mobiles du sol,
substences qui- .s' identifien't fréquemnent avec les' ~l!me:nts
les plus utiles â la'vie v~g~tale (êléments minéraux et organiques
solubles). La phase cruciale du problème rëgressdf de l'érosion
verticale correspond 11 la destruct icn de l'humus, lequel cède
sÎlmJ.1tan&nent devant une puissance accrue de destruction
photochimique par l'insolation directe. et devant une activité
microbienne énergiquement stimulée.
L'érosion latérale en vertu de laquelle les particules
principalement insolubles du sol sont arrachées de leur banc d'origine
POUT être transportées au loin peut revêtir la forme d'une érosion
superficielle, du
rav~t ou de l'érosion éolienne.
2.2.2.2. Symbolisme et gestion des écosystèmes
Les contradictions écologiques engendrées par le systêee
tecJ:mique étudié trouvent leur solution au sein du systême lui-rntême.
La régulation des ëcosysrëœs est en effet assurée par l'application
des techniques soit du fait de leur nature , soit grâce aux activités
de symbolisation qui accompagnent cette application et en définissent
les rœdal Ités .
Notons d'abord que campte tenu des faibles dimensions de
la houe et de la malléabilité du métal qui sert pour sa fabrication.
le OJltivateur ne peut effectuer un labour profond qui entraînerait
un lessivage complet du sol. Ensuite. le cultivateur ne se contente
pas de la fertilité initiale du sol. Il l'augmente par l'utilisation
dt engrafs natureks , de cendres surtout qui constituent pour le sol
un gain important en sels. En outre. les débris végétaux
moitié
â
calcinés ou épargnés par le feu se décomposent peu ~ peu sous
l'action des bactéries et des agents atmosphériques, contribuant
ainsi ~ augmenter la couche d' luanis ,

- 113 -
Lt existence sur un même champ de plusieurs espèces ayant
des cycles végétatifs différents. non seulement Evite la dotation
~ ,"
'·unilatéral.e du SOl,. maïs. lui .assune. un couvert persanent durant toute
la période d'exploitation du champ. La culture œlangée cOIIIpQT!C
encore d'autres avantages: protection mrtuel.Ie des plantes. racines
opérant à des étages différents, chaque racine expkodtant un
niveau précis du sol.
L' abandon
du champ survient avec son envahissement
par la végétation spontanée et correspond au début de la période
de jac:hêre pendant laquelle la fertilité se reconstitue aux: frais
de la nature, jusqu'à ce que l'agroécosystème revienne à la formation
végétale initiale.
Enfin. ce système agricole est la base d'une économie fermêe
OU ayant très peu d'échanges avec l'extérieur, son but étant essentiel-
lement vivrier. De ce fait. il se caractérise par un retour
imédiat des dêchets à la terre. ceux-cd profitant surtout aux
jardins de case. La faiblesse d'un tel prêfêveœnt net est de nature
à favoriser la ccnservatdon de la fertilité des sols.
Les prccëdës techniques ne permettent pas touj OUl'S ~ en
ecx-eêœs , de rëscudre les contradictions écologiques nées de leur
application; c'est alors le symbolisme qui prévient ou rêsoud ces
contradictions.
Dans la mesure où. la terre et les ressources qu'elle pcrte
sont considérées comme un héritage des ancêtres et constituent la
principale st-ructure d'accueil des gënërat ions futures , l'appropriation
de ces ressources est régie par un certain nombre de principes
juri±ques~ parmi lesquels celui de l'inaliénabilité de la terre
évoqué à propos des rapports fonciers joue un rôle de première
importance.

- 114 -
Le système social exerce en effet un contrôle strict sur les
conditions d'appropriation et d'uti1isat.ion de la terre. Une portion
de terre ne peut êrre mise en culeure qu'après un. examen de l'allure
de la végétation et de la struc'tUre du sol. En ce qui concerne
ce dernier, le pied doit s'y enfoncer, ce qui suppose qu'une couche
importante d'humus se soit d!!ij~ formée. D'autre part, les dëpieceœnrs
des champs sont généralement effectués l temps l'OUI" éviter l'êpuisement
ccmplet de la fertilid des terres et le temps de jacbêre est
respecté (1).
QJant à la cuett.terce, dans la mesure oü cette activité
ne joue qu'un rêl.e cCI1Iplêmentaire dans la couverture des besoins
alimentaires et compte tenu du caractère limiti!! des besoins
artisanaux, de la faible denartê de population (lOOins de 1 hab. 1m2
dans la zone forestière). des conditions climatiques favorables, on
peut considérer qu'elle a des conséquences écologiques négligeables.
Nous croyons cependant que des mesures de prëcautdon garantissant
l'équilibre des ëcosyseëœs existent. qui se cristallisent
soit dans les règles régissant cette activit~~ soit dans les croyances
que ÈS populations attachent aux: teclui.qJes de cueillette (2).
Non seulement les ancêtres disposent d 'une certaine
pcf.saance , mais la nature apparût CODJlle cœposëe d' esprits
et de "forces gardiennes". L' appropriation des ressources aux
besoins hl.mIains doit donc se faire de façon à ne pas irriter ces
"esprits" et ces "forces gardiennes". D'où l'existence de rituels
visant aussi bien la régulation sociale que jereproducttcn des
écosystèmes.
('1 - Selon L. DAVIN. "les lois bantoues interdisaient le retour des
populations sur les anciennes terres de culture avant qu'une
pêrdcde de cent ans se soit écoulée". Cahiers de l' lSEA.
novembre 1962, page 13.
(2) - Sous n-avorscrouvë aucune ëtude dëcrdvant de façon dëtafl Iëe
les techniques de cueillette et faute d'avoir effectué un séjour
prolongé dans les villages. il ne nous a pas l!!té pOssible d'étudier
les croyances attachées à ces techniques. On nous a cependant
signalé 1 t exfstence d'arbres tabous.

- 115 -
C'est â propos de la chasse et de la pêche que le rô.le
régulateur des actdvrtës de symbolisation sur les écosystèmes
, "',-
'
•.' !
.. apparati le mieux. 'En effet" les techndques collectives de chasse et'
de pêche cœpot-tent des risques de disparition de certaines espèces
animales. étant donné qu'il s'agit toujours d'empoisonner tous les
poissons d'un lac ou d'une partie de fleuve, OU bien de massa::rer
tous les animaux se trouvant dans une portion de forêt ou de savane.
Ces techniques nécessitant des rites dont l'accomplissement est le
fait de personnages particuliers (chef de pêche OU chef de chasse).
elles ne peuvent être mises en oeuvre qu' avec leur accord et le
nombre d'actes pouvant être ainsi posés se trouve réduit. La pêche
dans le lac par exemple ne peut avoir lieu qu'une fois l'an. bien que
la reconstitution de la population de poissons ne demande que six lOOis.
L'existence d'interdits alimentaires frappant certaines
catégories d'animaux: associées il des groupes sociaux déterminés dont
eUes constituent les emblèmes est également une des façons de
gérer les ressources ' naturelles et elle est de nature â favoriser
la reproduction des systèmes écologiques.
2.3. Apparition de l'Etat et reproduction du système
Le développement des contradictions sociales a abouti
à la formation de l'Etat, c'est-â-dire "d'une autorité permanente.
sëperëe de la société et placée au-dessus d'elle" (1) et â la
naissance des royaurtes Kongo, Tëkë et Lcango . L'apparition de l'Etat
implique des fonnes d'organisation sccdc-ëcononüque différentes
de celles qui existent dans les sociétés lignagères ou claniques .
(1) - J. SURET CANALE, .~ri9ue Noire Occidentale et Centrale,
Ed. Sociales, Paris, 1968, tome l, page 126.

- 116 -
2.3.1. Les structures étatiques
Z.3.1.1. L'organisation politique
Georges Balandier note il propos du royaune de Kongo
qu'il est "le produit d'un dosage complexe de t'apports établis sur
la base de la puissance (dcmination directe ou mise en vassalité)
et de t'apports fondés sur les affinités claniques et les alliances"
(1).
Cette assertion est également vraie pour les royaumes Téké et Loango
où. il la hiérarchie émanant des scuveratns , rëpord , et s'oppose
d'une certaine sardëre, la hiérarchie éDanant des ancêtres.
A la tête de la superstructure étatique se trouve le roi,
considéré COlIllle "le maître des hcmnes et des choses"
(1) et ayant
qualité de juge suprême. ~ais quelle que soit l'étendue des pouvoirs
dont peut disposer ce dernier, l'essentiel reste l'appareil dont
il est le chef et le symbole. Les pouvoirs royaux s'articulent en
effet, selon des modalités différentes d'un royaume il l'autre, il ceux
des chefs régnant sur les terres dépendant du royaurœ. Ainsi, le
pouvoir politique, centralisé dans les mains du roi, était distinct
et. COlmle plaqué sur celui du chef couronné (mfumu
mpu) qui est le
chef de clan chez les Kongo ou du chef de terre (mfumu an ntsie)
chez les Téké. Au royaume de Loango par contre, ce pouvoir également
centralisé entre les mains du roi est exercé au niveau de chaque
"province" par un représentant du matrilignage royal.
Z.3.1 • Z. La nouvelle stratification saçiale
L'apparition de l'Etat accompagne celle de l'aristocratie
qui en est 1t instrument et la principale bénéficiaire, au détriment
des hommes libres et des esclaves.
Issue de la "noblesse de tribu". fondée sur la richesse
et l'exercice de l'autorité ou résultant de la faveur du souverain,
l'aristocratie regroupe trois catégories principales de personnes:
(1) - G. BALANDIER, La vie quotidienne au rovaume de Kongo, op. cit, p. Z06

- 117 -
celles qui appartiennent au clan royal et aux familles alliées
il ce clan et qui constituent la ''noblesse de tribu" ; les corps
&llilitaires recrutés parmi les haœes libres ou les esclaves désomais
privilégiés ; les fOnctionnaires qui constituent au sein de
l'appareil d'Etat l'administration spécialisée assurant la rentrêe
et la comptabilité des revenus de l'Etat.
Après l'aristocratie, vient la couche des tributaires
libres : c'est l'ensemble des personnes appartenant au groupement
ethnique dauînant. Ils peuvent posséder des esclaves et sont
généralement soumis aux obligations militaires mais souvent
avec des droits restreints.
Les esclaves, enfin, sent au bas de la hiérarchie sociale
et ce sont les notables qui en détiennent la plus grande partie.
2.3.2. Pouvoir étatique et production agTicole
2.3.2.1. La subsistanCe des citadins
La centralisation du pouvoir politique se traduit. au
plan de l'occupation de l'espace, par la création d'agglaDérations
caœne Mbanza Kongo. Loango et Mbê, respectivement capitales des
royaumes Kongo , Loango et Têkë, Dans la mesure où ces villes
regroupent une population bien plus importante que celle de n'importe
quel village (1), l'approvisionnement vivrier pose un problème.
Bien qu'aucun auteur n'en parle. i l a probablement exds té des champs
autour des villes, en plus de ceux existant il l'intérieur. Mais
ceux-ct n'ont certainement pas pemds de nourrir entiêreaent la
population des villes, puisqu'en ce qui concerne les capitales situées
(1) - DEGRANPRE (Voyage à la côte occidentale d'Afrt6ue, 2 tomes, lï86)
notait à propos de la capitâle diî royaume de
ango: "Banze
Loango a bien près d'une lieu carrée (1 lieue fait environ 4 Jan),
ce qui fait près de quatre lieues de tour; et cependant un aussi
grand espace ne renfenne pas au-delà de 500 entourages, contenant
\\.IDe population d'à peu près 1500 âmes" (rœne L, pages 68-69).

- 118 -
sur la cOte, le problème etait résolu par l'échange avec les
populations œ-L' intérieur (poisson et sel contre noix de palme,
ignamesJ bananes, etc ••• )
2.3.2.2. L'intervention du roi et de ses représentants
aans la piôdûëtîon agricole.
Celle-ci se manifeste d'abord au niveau du sous-système
foncier. Selon Pigafetta (1), la terre serait la propriété du
souverain qui accorde des droits d'usage a sa guise. W.G.L. Rand1es (2)
précise cependant que le principe de l'inaliénabilité de la terre
reste en vigueur. En réalité, les attributions foncières du roi
et des chefs principaux correspondent a lm droit supérieur
éminent sur les terres occupées par les lignages qu'ils contrôlent
et a une intervention dans les différends relatifs au droit foncier.
Outre cette intervention dans le domaine foncier. le roi
et les chefs principaux jouaient également tm rôle important dans les
activités de symbolisation. Plusieurs auteurs affirment en effet
que le roi et ses représentants sont les maîtres de fait des rituels
agraires: ils dirigent les cerémonies marquant l'ouverture du temps
des travaux agricoles et la recherche de bonnes récoltes, ils
doivent assurer la protection rituelle du chasseur, etc ••.
2.3.2.3. Les privilèges aristocratiques
En contrepartie de leur intervention dans la production,
le roi et les chefs principaux devaient prélever une partie du
produit pour leur propre subsistance et exiger des producteurs directs
tme contribution matérielle a l'entretien de l'Etat. Parfois constitue
de coquillages-monnaie, le tribut était payé le plus souvent en nature (3).
(1) - PlGAFETTA, op. cit .• page 67
(2)
W.G.L. RANDLES, op. cit, page 68
(3)
Le Père Laurent de Lucques rapportait a propos du royaume de Kongo
que "les chefs de village sont obligés de leur donner (aux. chefs
principaux) autant de poules. de porcs ou d'autres produits du
pays selon leurs moyens" (P. Laurent de Lucques, Relations sur
le Congo, éd. J. Cuvelier, Bruxelles, 1953, page 113)
(Suite de la note 3. page suivante.)

- 119 -
Le surplus extorqué pouvai t être thésaurisé et servait.
éventuellement de myen d'achat P'JUI' se procurer des produits
exordques ou de luxe, des feumes et des esclaves. L'une des
conséquences de l'apparition de l'Etat est en effet le développement
de la polygamie et œl'esclavage.
Les halmes libres doivent des corvées (réparation des
cases royales, entretien des pistes. etc.) et des redevances (droits
régaliens payés en ivoire. droits sur les esclaves, péages et autres
taxes) au roi, ou aux familles aristocratiques, ou aux deux à la fois.
En conclusion, bien que n'affectant pas véritablement
la structure du système agricole. l'apparition de l'Etat. parce
qu'elle entraîne un accroissement du monopole des chefs sur les
activités de symbolisation et de l'exploitation des producteurs
directs, notaament des ferœœs et des esclaves, constitue un facteur
d'éclatement du système. NêanrooÎJ\\S. ces contradictions n'ont pas
pl, pour des raisons historiques que nous lNLlyserons plus loin,
atteindre le seuil dl explosion du système pour donner naissance
à un autre système agricole.
Le concept de rationalité déborde largement celui
d'efficacité qui est par définition, une comparaison entre un objectif
et un moyen nécessaire pour rêaliser cet objectif. L'efficacité
ne constitue qu'un cas particulier du critêre de rationalité
ou de "cohérence e'trectural.e" Cl).
(3) - Suite de la note 3, page précédente.
.
.
De même, selon les informations recueillies par P.P. Rey à Loango,
"tout producteur devait verser une dîme au roi 1 tous les matins,
un envoyé du roi passait à travers la ville et se faisait remettre
le "tsimene" J littéralement "petit déjeuner du roi", qui était
une partie de la production de la veille en sel, poissons, vins
de palme. etc", op. cit., page 263.
(l)
Y. BAREL. Eléments d'analyse de la rationalité collective et essai
6
dl~~licat~on à~a recherche sc~ent~fique et techriique.
I.E~.E., Grenoble, 1968, page 46.

- 1.20 -
La cohérence structurale suppose. pour un système qui
agit conformément à sa rationalité. que l'ensemble de ses structures
,soit orienté vers la réalisation d'une fin dominante. C'est donc
par rapport à une telle fin que devra s'apprécier la rationalité
du système agricole Hgnager , tant sur le plan -ntere qu'au niveau du
système social global.
Cependant. la cohérence structurale ne saurait constituer.
selon nous. l'unique critère de rationalité. L'homme étant la
première des composantes du système agricole lignager, corœne de tout
système social. i l conviendra d'apprécier sa rationalité également
par rapport à la reproduction (ou l'auto-production) des producteurs.
3.1. La rationalité globale
La rationalité globale de tout système revêt plusieurs
aspects (économique. techndque , religieux. etc). Il importe donc
d'examiner l'ordonnancement des différents types de rationalité.
de dégager la rationalité daninante et de préciser la place de
l'économique dans ce concert de rationalités. Mais auparavant. i l
faut préciser la fin daninante du svseëee qui nous occupe et voir
si on peut parler de cohérence structurale en ce qui le concerne.
3.1.1. Fin daninante et cohérence structurale
Que le système agricole soit un sous-ensemble du système
socio-économique signifie qu'il Y a correspondance entre finalités
et stratégie d'évolution du premier et celles du second. D'autre part.
le système lignager étant une société de classes, sa stratégie
d'évolution est incarnée par la couche sociale dominante. celle
constituée par les chefs et les "aînés" des lignages. La fin
dominante du système agricole lignager devra donc se saisir à travers
la stratégie des chefs de lignages.

- 1Zl -
Le surplus extorqué aux producteurs directs a pour fonction
essentielle de permettre la circulation des fermes et des esclaves.
.. -
Or,·cœme·le note P.P. Rey Cl), cette ci~ation est utilisée par
la classe dominante en fonction de deux cri tères : d'une part, la
recherche d'une certaine accumulation de richesses (non pas en vue d'un
profit coame dans le système capitaliste, mais conme manifestation de
puissance qui peut entraîner destruction ou consœmation ostentatoire),
d'autre part, un groupe de dépendance d'une certaine taille (bornée
inférieureœnt et supérieursent). Tant que le cycle se ferme sur
lui-mêne, la circulation soit des haJmes, soit des biens est
indifférente .1 l' accoenerdcn, puisque les échanges se font entre
êquivalents, donc sans ~fice ; la principale source de richesses
est donc la quantité d' halmes. Tous les chefs chercheront par
conséquent .1 atteindre le max.in:I.mi de dépendants cClllpatible avec une
vie sociale hanoonieuse.
La richesse en halmes apparaît donc conme la fin dominante
du systême agricole lignager (2). Cependant, les lignages ne peuvent
pas s'enrichir indéfiniment en hcmnes. de même qu'ils ne peuvent
se maintenir au dessous d'un certain seuil. En effet, au-delà dun
certain volume, la multiplication des conflits internes ou les problèmes
liées à l'exploitation de la terre eng.nœ.rtle phënœêne de segmen-
tation évoqué plus haut ; les lignages trop faibles finissent par
dâsparaî'rre , faute de pouvoir soutenir la. concurrence des lignages
forts. Finaleœnt, la fin da:linante du système agricole lignager se
ramène à la recherche d'un optiJllJm dëœgraphâque, c'est-à-dire
à l'enrichissement du 1ignage en hcmmes jusqu'à un niveau maximum
au-delà duquel l'éclatement devient inévitable.
(1) - P.P. REY, op. cit., page 94
(2) - Les propos recueillis auprès d'un certain nanbre de chefs et
aînés delignages dans la région de la Bouenza confirment Cette
assertion. A la question que nous leur posions de savoir quel
objectif ils poursuivaient, tous les chefs interrogés ont donné
la mêDe réponse : "ce que nous cherchons, c'est le développement
du lignage (Kanda) par l'accroissement du nombre de ses membres" ...
(suite de la note 2. page suivante).

- lZZ -
La fin daninante ayant été dégagée, i l 5 1agit maintenant
de voir si les diverses structures composant le système agricole
.,. "
. -agriculture proprement dite, cueillette. arboriculture, chasse,
pêche, élevage- participent à la rêal.dsatdon de cette fin et quelle
place occupe le systène agricole lignager par rapport aux: structures
sociales.
Le premier point a déjà été abordé indirectement en analysant
l'affectation du surplus. En effet. le surplus alimentaire provenant
de l'ensemble des activités du système agricole et consommé lors
des cérémonies regroupant plusieurs liganges ou leurs représentants
contribue de la sorte au resserrement des alliances grâce auxquelles
la circulation des fenmes et des esclaves est possible. Mais à côtê
de cette contribution indirecte du surplus alimentaire, certains
produits provenant de la chasse et de l'élevage participent plus
directement à cette circulation: ainsi l'ivoire et le bétail qui
sont non seufeœnt des biens de prestige mais interviennent également
dans h composition de la dot. On peut donc consddêrer que l'ensemble
des structures constituant le système agricole sont plus ou JOOins
orientées vers la réalisation de la fin dominante.
En ce qui concerne la place du système agricole par rapport
aux autres s rructures sociales, celui-ci
••1:
incontestablement
la structure daninante non seulement parce qu r il constitue la base
de la plupart des activités mais aussi parce qu'il comporte en son
sein l'ensemble des structures représentant les divers aspects de la
vie: comme on l'a souligné à maintes reprises, le symbolisme, le
politique, le juridique s'y retrouvent. Quant aux autres stlUCtures
"écOIl.OlDiques", artisanat et ccmmerce notaument, elles lui sont
complémentaires tout en lui êtant subordonnées. Elles contribuent
certainement davantage. par leur contenu symbolique et par l'affectation
(Z) Suite de la note 2, de la page précédente
.•• Bien sür , cette fin dominante du système social, unanimement et
facilement avouée, camouflait les véritables desseins des chefs
lignagers et des "aînés" : la recherche de prestige et de puissance,
l'ascendant sur les membres du lignage et le maintien de certains
privilèges tels que la possibilité de subsister sans avoir à fOurnir
le moindre effort.

• 123 -
de leurs produi.ts , à la réaki.satdcn de l'opt:imum démgraphique,
mais cet
optimum est recherché d'abord pour la mise en valeur
agricple de la terre ~ignagèn avant de l·a:~,re.pourlre:xerçice du
caaaerce et de l'artisanat. Néamooins. la cœplémentarid de ces
structures et leur orientat.ion vers la réalisation de la fin
dcarinante nous permettent de conclure à la rationalité de la structure
globale •

3.1.2. Drdormanc9JIe'Ilt. des rationalités et place de l'êconomique
Le système agricole lignager a donc une rationalité corres-
pondant à la rationalité collective du système social dont i l dépend,
le systême lignager en L'occur-rence. Le problème qui se pose est
celui du contenu de cette rationalité collective ou fonction de
préférence.
La fonction de préférence est l' crdcnnanceœnt de
diffél'ents types de rationalités (éccnœrique , technique, sociale ... )
qui S'intègrent les unes aux autres en tant qu'objectifs et. myens
l'objectif d'une rationalité devient le rœyen de l'objectif d'une
rationalité de rang supérieur. Elle se définit. coume :
"- Un ensemble de fins et œ trJjyens dan.inés par l'une de
ces fins ;
" . 1.Ul ensemble ail la domination dtune des fins n'a pas été
poussée jusqu'à l'expulsion totale des autres fins qui
subsistent CaDDe myens auxiliaires et ccmme fins
secondaires et qui peuvent même. le cas échéant. devenir
à leur tour la fin daninante" Cl).
Cl) - Y. BARa. op. cit .• page 59

- 124 -
La fonction de prêférence du système lignager peut dès
lors se dëfdnfr CCIIIIle une ccmbinaistm de fins et de IIIOyenS
dcminée par 'l'une·de·ces fins (l'optiJlull d&Dgraphique) servant
d'autres fins auxiliaires (la puissance et le prestige des chefs
et des etnës) qui peuvent devenir daninantes et marquer la finalité
première qui les régit néanmoins.
Cette définition soulève cependant deux: questions. En
premier lieu, l'analyse de la dialectique de l'utilitaire et du
symbole a montré que dans le système étudié, la signification de
toute action est totale, globale et ne peut atre découpée en
action êconanique et action nco-ëccncntque : le travail, la politique,
la religion •.• , sant tous présents dans l'acte. Peut-an. dans ces
conditions, parler d'une rationalité daninante, ccmme on a pu
dégager une fin dominante ?
On a vu que la circulation des hl:mmes et des flmlles
d'un groupe à l'autre assurait la continuité dans le temps des unités
de production". Ajoutons que la reproduction des unf.tës de production
n'est ici que la conséquence de la mise en oeuvre. par la classe
dominante, d'une atratëgde visant la reproduction du rapport de
production détenainant qui l 'o-pose à l'ensemble des dépendants.
Doit-on pour autant conclure à une dominance de la rationalité
_ q u e ? (1)
Nous ne le pensons pas. Rien ne prouve , en effet, que
l'optinlJln dénDgraphique soit recherché avant tout pour la mise
en valeur de la terre lignagère. Les lignages trop faibles finissent
certes par s'effacer, mais les raisons de leur disparition tiennent
noâns à leur incapacité de se procurer les lOOyens de subsistance
(1) - Le concept de rationalité économique ne doit pas être compris comme
une comparaison entre coût et rendement, ce qui le ramênerait
à un calcul d'efficacité. ~us lui donnons le même sens qu'Yves
BAREL pour qui "on peut parler de rationalité économique chaque
fois qu'une intervention est l'élément nécessaire d'un complexe
économique d'interventions ou de l'aspect économique d'un complexe
rm..ù. ti-fonct.icmnel d'interventions" (ibid •• page 38)

- ,2S -
qulà leur intégration par soumission aux lignages forts, à partir
du procès d'échange. Le faible volume d'un lignage constitue

certes un obstacle à la réalisation de certains procès de production.
mais cette contradiction est résolue grâce aux alliances que celui-ci
entretient avec d'autres lignages. En ce qui concerne les lignages
forts, ce n'est pas toujours l'impossibilité pour le groupe de se
procurer les biens nécessaires à sa subsistance sur la terre Idgnagêre
qui pousse les chefs ! en d:i.mi.m1er le volume puisque. caume on l'a
vu, le prcbrëee posé par la forte densité de population est résolu,
lorsque l'émigration d'une partie ou de l'ensemble du lignage n'est
pas possible, par l'amélioration des techniques de prcductdon,
Ainsi, dans un cas conme dans l'autre, L'enrfchi.sseeent
en hœmes ne répond pas forcément! une nécessité économique. La
stratégie dlévolution du système semble plutôt privilégier la compéti-
tion et les alliances politiques que les lignages entretiennent. Les
relations politiques primant sur les considérations économiques.
i l serait mieux indiqué de parler ici d'une dominance de la
rationalité politique.
Quant à la deuxième question qui est celle de la place
de l'éconanique dans le fonctionnanent du système. on a déj1l: souligné
qu'il n'existait pas dans le système étudié de s'tructure ëconontcce
spécialisée. Ajoutons que la production. la circulation et la
consarmation des biens et services ne constituent pas une fin en soi.
L'économique n'est ici qu'un moyen pennettant aux producteurs directs
et à la classe dominante d'assurer leur subsistance. Le but poursuivi
par les aînés n'est pas l'accumulation des richesses matérielles
mais la puissance et le prestige que procure l'importance du groupe
de dépendance et que cette aca.anulation accroit. La recherche de
l'optiImJm démgraphique ne saurait être ccmprise conme le signe d'une
dcmi.nance de la rational i té économique. ou d' une priorité accordée
aux valeurs économiques et techniques. Elle confirme certes le caractère
déterminant de L'ëconcutcce, mais celui-ci reste subordonné au politique.

- 126 -
3.2. La t'ationalité sur la plan de la reproduction des producteurs
Le primat accordé jusqu'ici il la reproduction de la
structure globale se justifie certes au regard du mode d'approche
qui a été retenu. Mais cela ne doit pas faire oublier que le système
étudié n'a de sens que par rapport il ses parties, le procês de
production social par rapport aux prads de production iltmédiats et
les classes sociales par rapport aux individus concrets qui les
composent. De ce fait. la reproduction des parties a au tœtns
autant d'importance que celle de l'ensemble du système. De même
que nous avons privilégié la reproduction de la force de t'ravai I
par t'apport il celle des autres hct.ur. d. pra ductian • c Ililit 111
reproduction du producteur qui constituera 1_ critère d'ci.if
pour l'appréCiation de la rationalité du système. Cette appréciation
se fera en examinant d'abord la nature de la
domination subie par
les producteurs puis le contenu du travail agricole et ce que permet
ce contenu.
3.2.1. Exploitation et degré d'assujetissanent des producteurs
On a vu
que le pcuvotr des aînés reposait essentiellement
sur le politique et l'idéologique et non sur l'économique. la production
n'étant qu'un IIJJyen pour renforcer ce pouvodr , Cela se vérifie
au niveau de l'organisation du tt'avail : l'intervention de la
classe dominante. des chefs surtout dans les procês de production
immédiats se limite en effet il l'accomplissement des rites de
fertilité. de pêche et de chasse. Le volllIle de la production et surtout
celui du surplus est certes déterminé par les besoins liés à la
circulation des femmes et des esclaves que les ainés contraIent,
mais l'intervention de ces derniers dans la production ne va jamais
jusqu'au contrale direct du travail, bien qu'ils ne soient pas
total.eeent indifférents au déroulement de celui-ci. puisqu r ils doivent
au moins veiller au respect des équilibres écologiques et des droits
d'usage. Certains de ces prads de production sont en effet dirigés
par les chefs des fenmes dans le cas de l' agricul ture. les chefs de

- 127 -
chasse OU de pêche. Cependant. le rôte de ces chefs consiste surtout
.l apprendre des techniques connue. aux producteuns inexpérimentés
oU 'A coordmmer" Ies- diverses tâches assignées aux indiVidus dans
la mise en oeuvre d'une technique collective. Non seulement ces chefs
se retrouvent au œœ plan que les autres producteurs une fois le
travail teretnë, mais ils ne jouent aucun TÔle particulier ni dans le
choix des techniques. ni dans leur conception.
Dans ces conditions. il n'y a pas véritablement contrale
direct du travail, que ce soit de la part des aînés au de la part
d'indiVidus auxquels on attribue IIDDeIltanément un pouvoir
de fonction. On peut donc considérer que l'ensemble des producteurs
directs dispose d' une grande marge d' autonanie dans la conception.
le choix et l'application des techniques.
3.2.2. Contenu du travail et auto-oroduction du producteur
lh1.e idée courante est celle qui consiste A crodre que
l'exploitation et
plus précisément le fait que les producteurs
directs ne soient pas en mesure de décider du volume et de l'affectation
du surplus qu'ils produisent. dépouille ces derniers de toute
autonanie et de tout 1X'1JVOir de contrôle et de décision. On Vient
de voir qu'au cont-raire. si dans le système agricole lignager les
producteurs directs sont effectivement exploités et dœunës , leur
assujetissement A la classe daninante n'est pas total.
Dans la mesure où l'absence de contra le direct du travail
laisse aux producteurs une cer-taine marge d'autonomie 1 cette dernière
a pour conséquence de donne-r au travail agricole un double corrtemr :

il est d'une part une activité instrumentale c'est-à-dire extériorisante,
et d'autre part une activité intériorisante. et l'analyse du
contenu des techniques nous a révélé une dorni..nation de la seconde
sur la première.

- 128 -
En effet, ce qui est recherché avant tout dans le système
agricole lignager ce sont des bonnes cultivatrices, des bons chasseurs,
des bons pêcheurs et, d' une manière- générale des producteurs .il
"qualification. multiforme", et non pas de bonnes techniques. bien
que le souci d'efficacité n'y soit pas absent. Plus précisément,
la qualité des producteurs prime sur celle des techniques, d'où
la place privilégiée accordée à l'activité intériorisante et,
l'intériorisation dans la mesure où elle signifie "travail de
l'individu sur lui-mêDe" (1), permet l'auto-production du producteur.
Enfin,l'activité intériorisante est ce qui donne
naissance. depuis dl innaDbrables millEnaires, au savoir-faire
incorporé. Possédant ce savoir-faire, les producteurs directs
quelque soit leur assujetissement juridique et social disposent d'une
certaine autonomie et d'un certain pcuvotr de contrOle sur la
matière et sur la société.
Le système agricole lignager, au tenne de l'analyse des
diverses contradictions liées a. sa dynamique interne, rëvë le une
grande capacité dt adaptat icn et c'est le système lui-même qui
apparait comme la solution à ses contradictions.
En premier lieu, la contradiction principale du système
qui est "celle entre la fonction détoographique de la circulation des
hcmmes et le contrôle de cette circulation par les seuls chefs de·
lignage"(Z) est résolue grâce aux relations p:>litiques que ces chefs
entretiennent entre eux, pemettant ainsi la reproduction des unités
de production. Au sein de ces unités, la reproduction de la force
de travail est assurée grâce à la diversité des productions, a.
(1)
Y. BARa, Le rapport humain à la matière, tarne Z. page 412
(2) - P.P. REY, op. cit., page 106

- 129 -
l'étalement des rëccrtes et à l'abondance des ressources nécessaires
il la subsf.stsnce, Il serait par conséquent totalement erroné de
omsidêreT une talle éconaai.e CCIIIDe un- système de peirvretê..
D'autre pan, la transmission des cormaissances et du
savoir-faire étant assurée, les techniques sont reproduites et,
lorsque les circonstances l'exigent (accrodsseaent de la population
ou simplement des besoins). i l s' avère que ces tedm.iques sont
perfectibles. De plus. au départ; de leur ccrcepctcn se crccve
un scuci de reproduction des ressources naeuretfes, mais cela ne
supprime pas tcus les risques de dégradation de ces ressources. Les
CI'OyaJU:es et d'une manière générale le symbolisme viennent pallier
aux carences inhérentes aux aspects madriels des techniques,
notaoment lorsque ce symbolisme aboutit il l'instauration des règles
juridiques concernant par exemple les tabous de chasse ou de pêche
et qui sont rigoureusement observées. La reproductdon des éccsystênes
se trouve ainsi assurée et on ne peut pas, dans ces conditions,
assimiler Ië système agricole lignager
et d lune façon générale
les ëcœceres de subsistance à des systèmes de rapine.
Enfin, l'ensemble des strcutures caaposant le systêœ
agricole lignager s' oriente vers la réalisation de l' optÎlIlL.lJl1
dénDgraphique qui est la fin dcminante du système. Cette cohérence
strcuturale cœabinée avec la marge dl autonaDie dont disposent les
producteurs directs quant il la conception, le choix et la mise
en oeuvre des techniques, nous permet de conclure li. la rationalité
du système. Mais i l ne s'agit pour l'instant que d'une rationalité
relative. non seulement parce qu1 elle concerne un système se
trouvant dans des conditions historiques dëterminëes , mais aussi
parce que sa preuve ne sera faite qu'une fois démontrée l'irrationalité
du système capitaliste par lequel on s'efforce jusqu'li. ce jour
de le remtacer,

- 130 -
ŒlAPITRE 3 : Q~c!:I~ QE)~ ~!E)'r QE)~ Q~!E
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - . . - -
§T)'ÇllAYE!!S!Oli QU_srsrE:.iE 0
Les contradictions analysées au chapitre prëcêdent ainsi
que les changements intervenus du. fait du développement de ces
contradictions ont certes conat Ituë une menace pour la survie
du système. mais d 'une manière génërafe , tant que sa diachronie
camprenait uniquement les phênanènes "libres" de l'histoire,
cves t-â-dîre des phênanênes qu' i l est impossible de rattacher â une
logique de système, l'auto-eonstruction l'a toujours eeportë sur
l'auto-destruction.
La rencontre du système agricole lignager avec d'autres
systèmes, ceux en vigueur dans les fonnations éconaniques et
sociales eurcpëermes notanme:nt. a pour ccnsëquence une modification
du rode d'articulation de. sa synchronie et de sa diachronie (1),
cette dernière se composant de plus en plus d' êléDents relevant
de la logique d'autres systèmes. Ce chapitre a pour objet l'analyse
œcette articulation.
Les données historiques dont nous disposons font reseonter
:E changement du contenu de la diachronie du système à la fin du
XV! siècle, lorsque les Portugais débarquent sur la cOte congolaise.
La première section tentera de rendre compte de ce changement.
(1) - Nous nous référons au couple conceptuel synchronie-diachronie
dêfini pal' Y. BARa pour qui "le critère de la synchronie est
la confo:nni.tê il la logique du système" et la diachronie "ce qui.
dans la vie d'un système relève de la logique d'autres systèmes,
ainsi que l'êvènementiel pur et simple". Cf. Y, BARa
"Séminaire sur les systèmes sociaux", IREP, Grenoble, 1975-76.

- 131 -
La deuxième colonisation eurcpêenne qui interviendra
quatre siècles plus tard sera s~out caract~risée par la non-reproduction
de -la force de travail et des écosystèmes (section 2), la pénétration
_et le dlveloppaqent des rapports marchands capitalistes (section 3).
LIintervention des formatians économiques et sociales
européennes dans la diachronie du système Kongo coumence véritablement
avec 11e:xpédi.tion missionnaire organisée sous l'impulsion de
Jean II du Portugal au cours de l'aJulée 1490, huit ans après la
découverte. Elle comprenait des missionnaires, des soldats en
ames, des paysans, des artisans et quelques fermnes. Trois
vaisseaux chargés d'hœmes, d'objets et ornements sacerdotaux, de
cadeaux et de mat!riaux constituaient la flotte. C'était un modèle
r&iuit de la société européenne qui se trouvait ainsi exporté,
afin de pouvoir façonner la société et la civilisation Kongo à
son image. Nous analyserons trois aspects de cette première colonisation
l'établissement du christianisme. l'introduction d'espèces animales
et végétales et la création d 'un marché extérieur.
1.1. La christianisation
Lr établissement du christianisme au royaume de Kongo
s'insère dans le processus de négation des contradictions propres
aux fonnations éconaniques d'Europe Occidentale. La résolution
des problèmes posés par le capitalisme naissant, notamnent ceux
concernant L'accœaûaticn primitive, nécessitaient en effet la
conquête de nouveaux marchés et la disposition des forces de travail
aux moindres frais.

- 132 -
Dans la mesure où le mode de production daninant dans
ces
formations ëccrcencues et sociales était il cette époque le noie
de prodoction féodal, ayant pola' instance daninante l'idéologique sous
la forme de la religion, leur domination éconani.que sur d'autres
fotmations sociales devait passer par une dcmi.nation idéologique.
1.1.1. Mécanismes et signification
L' implantation du christianisme repose sur deux éléments
fondamentaux: les croyances des populations et le niveau de
développenent des forces productives. Les missionnaires, du fait
de la ccu.leur de leur peau sont assimilés aux parents défunts.
D'autre part, ils sont porteurs d'une religion nouvelle, d'autant
mieux accueillie, lors du contact, qu'elle parait d 'uœextrême
efficacité : leur richesse relative et leur puissance matérielle en
témoignent. Aussi, le christianisme est-il essentiellement adopté
en tant que source de
puissance.
Les mécan.isrœs d'implantation ont surtout concerné la
substitution de symboles chrétiens aux fétiches anciens et la
construction d'églises aux chefs-lieux des provinces. Pigafetta
relate la dest'ructdon par le feu des "idoles. diableries, masques
et tous les objets que l'on adorait et tenait pour dieux" (1),
des'tructfon effectuée par les souverains à l'instigation des prêtres.
Des croix et des images de saints apportées par les portugais sont
distribuées en lieu et place des idoles, des nnages et tous les objets
que le peuple avait auparavant tenus pour sacrés.
Cependant, la foi catholique
n'a pas entraîné une
modification radicale des croyances et des comportements. Elle
n'eut qu'une action superficielle. Plusieurs modifications sont
en effet Dnposêes aux symboles chrétiens : association du crucifix,
(1) - PIGAFETTA. op. cit., page 97

- 133 -
du chapelet et des "idoles de bois". assimilation des statues de
saints â ces mêmes idoles ; utilisation de la croix pour renforcer
les "fétiches" de chasse , etc. 108 croix devient un des "fétiches"
les plus renaJlllés ; ccnfec'tdonnëe en réduction avec des pétioles de
palmier, elle sert même de protecteur individuel contre les assauts
des esprdts errants.
En quelques années, la première entreprise de christiani-
sation aboutissait â un seet-ëchec, dû pour une part â la tœdica.té
des lOO)'ens dont disposaient les missionnaires ,mais surtout a des
causes tenant .11 la conception que les populations avaient de
cette nouvelle religion.
QJe signifiait le christianisme pour les Ba-Kongo ? ~ous
avons déjà signalé qu'il fût adopté comme sou~e de puissance, il
convient de précise-r ce point. D'abord, du fait de l'indissociabilité
de l'utilitaire et du symbole dans le système Kango, la supériorité
teclmique révélée par les divers objets apportés, ne pouvait pour
les populations. qu'être directement liée ê la religion des
étrangers. Dès lors, l'appropriation de cette technique supposait
la conciliation et la maîtrise préalables des "forces" qui
conditionnent sa conception. C'est ce qui explique que les missionnaires
aient pu provoquer, sans trop de diffîa..ùtés. la destruction des
instroments de la symbolisation. D'autre part, pour les scuverains ,
le christianisme est considéré coume un moyen rituel suppl&nentaire
pour renforcer leur pouvoir -Le pouvoir central surtout-; ils ont
tenté de l'utiliser cœme un instrument d'unifiCAtion.
Finalement, le christianisme n'est pas conçu comme
une religion exclusive des vieilles croyances. "il n'imprime
une marque durable que dans la mesure où i l peut s'aU Ier aux usages
traditionnels" Cl).
(1) - G. BALANCIER, op. cit., page 258

- 134 -
1.1.Z. ~es retombées de la christianisation
La première des conséquences de l' implan:tation du
christianisme se
situe au niveau politique. La christianisation a en
effet orienté les affrontements et les compétitions internes :
les luttes pour le pouvoir, opposent. au moins symboliquement.
les "tœdernfstes" qui acceptent et utilisent la foi nouvelle aux
défenseurs de la tradition.
A côté de cette ccnsêquence politique, certaines
retombées socfo-êconœaiques affectent plus directement le système
agricole. Il en est ami de l'opposition missiormaire il la polygamie.
Les missiormaires ont en effet condamné les mariages qui ne tiennent
pas compte de la parenté au ptutôt qui reposent SUI elle, (épouses
héritées d'un oncle maternel, épouses choisies par préférence,
fille de l'oncle, soeur de la première femme), ils ont pourchassé
les "concubines" pour instaurer la IOOnOgamie. En se conformant
aux principes chrétiens. les souverains détruisaient de cette manière
les alliances résultant de ces multiples mariages. Or, l'équilibre
vulnérable du royaume dépendait de ces relations qui font, de
''p.Jissants'' au pouvoir menaçant, des "alliés" du souverain. La
stabilité politique exigeait d'abord une habile politique matr~niale.
De plus, nous avons vu que l'agriaùture constituait l'activité
principale dans ce système et que la plus grande partie des travaux:
agricoles étaient aux mains des fenmes. A cet égard, l'instauration
de la monogamie engendrait une incompatibilité totale entre le
pouvoir et le christianisme. Aussi, les missionnaires se sont-ils
heurtés au front uni des honmes et des fenmes (1).
(l) - Pigafetta précise â ce sujet que "les femues qui se voyaient
séparées de leurs seigneurs, en vertu de la loi chrétienne,
prenaient cela peur une injure grave et un affront, et
maudissaient la nouvelle religion" (op. cit., page 86)
Ce qui confirme le caractère superficiel de la christianisation.
D'ailleurs, l'emprise de l'idéologie dominante dans le système
est si forte que les fenmes vont jusqu'à refuser de renoncer à
servi r leurs époux.

- 135 -
Une autre conséquence concerne l'extorsion du sur-rrevai.l .
Les habitants de Xongo devaient en effet assurer 11 leurs dépens
i
l'entretien des prêtres , c' est la raison pour laquelle fut créé
un imp6t d'Etat dont la percept.lon relevait de collecteurs
spëctartsës, Ces prélèvements affectés aux. évêques, 11 leurs
représentants et au clergé servaient 11 se procurer des vivres
et 11 acquérir des esclaves pour leur service et leurs plantations.
1.2. L'introduction d'espèces nouVelles
1.2.1. ~es espèces introduites
Peu après avoir découvert le Congo, les Européens y
apportèrent un certain nombre de plantes alimentaires et d'animauX
domestiques venus d'Amérique.
Il semble que le mais soit la première plante introduite
au cours de cette preeuêre colonisation. Il a été importé d'AIœrique
en Europe au début du XVIè siècle et les Portugais l'ont ensuite
implanté en Afrique Centrale. Seuls les Portugais vivant 11 Kango
l'ont cultivé pendant plus cl'un siècle et il servad.t 11 nourrir
les peres, Son adoption définitive par les populations Kongo
reœnte au milieu du MIê siècle.
MentiOMé par les anciens auteurs il partir du MIê siècle,
le manioc, beaucoup plus profondément que le mais a "révo lutdcnnë"
l' agricul ture lCongo. Il a été importé par les trafiquants d'esclaves
et s'adaptant facilement à des sols et à des clUnats différents,
inaccessible aux oiseaux dépr~dateurs, il a été très rapidement
adopté et s'est substitué progressivement aux anciens aliments
de base, aux vieilles céréales surtout.

- 1>6 -
D'autres plantes albDentaires introduites par les
Européens sont les haricots américains (phascolus vulgaris et pahscolus
luna.tus), la patate douce, l'ananas, le goyavier, le cocotier, la
canne à sucre, l'arachide, le tabac. la vigne et les agrumes.
Signalons enfin l'introduction d' animaux danestiques ccmme le
chat, le canard de Barbarie, la dinde, l'oie et le pigeon.
1.2.2. L'adaptation du système
Les transformations imposées au système agricole par
1 r adoption de ces espèces sont d'une telle importance que certains
auteurs n'ont pas hésité â parler de révolution agricole Cl),
en prêcisant toutefois que cette révolution concernait moins les
techniques que les espèces cultivées. Nous CTO)'tlIlS cependant que
si on peut parler de révolution agricole dans le cas qui nous
occupe, celle-ci concerne autant les espèces cultivées que les
tEdniques.
QJ' impliquait en effet 11 introduction massive d'espèces
vegetales nouvelles? D'abord une mdification de l'agencement
des cultures dans l'espace et dans le temps: si certaines espèces
ont remplace quelques espèces locales dans les assolements (2)
-sans aller d'ailleurs JUSqu 1 à l'exclusion totale de ces dernières-
l'adoption de la plupart d'entre elles ~sait la conception
de nouvelles associations. La deuxième implication se rapporte aux
méthodes culturales. Bien que les caractéristiques écologiques de
leur milieu d'origine soient assez proches de celles de noue champ
d'étude, l'adoption de ces espèces nécessitait nëaramins une
ccnnadssance assez précise de leur écologie : i l fallait notamment
(1) - Cf. Auguste OiEVALIER : A~jlculture Coloniale, origines et évolutions,
P. . F., Paris, 1949.
Cf. aussi G. BALANDI:rn et W.G.L. RANDLE.5. op. cat ,
(2)
- Ainsi l'arachide a pris la place qu'occupait dans les assolements
le voandzou, le manioc celle de l'igname, le mai.s celle du millet
blanc, etc ,

- 137 -
identifier le sol qui convenait ~ chacune des plantes et observer
pendant une période plus ou 1IlOÎIlS longue leur cycle vêgétatif.
1)e-. plus , des changements pouvaient être apportés aux tecbrriques
de prëparatdcn des champs, de mise en terre, d'entretien et de
récolte. L'adoption d'espèces nouvelles a donc entraîné bien plus
qu'une simple IOOdi.fication du systèDe cuirurai , c'est une véritable
transfonnation qui a été opérée.
La substitution des espèces ÛDpOrtées ~ certaines
cultures locales a entrainé un changement des habi'tUdes alimentaires.
On est passé par exemple de la consommation de céréales ~ celle
du manioc prëperë, devenu avec la banane-plantin. la base de la
nourriro:re quotidienne. Facile de culture cœme de conservation,
le manioc assure â bon compte la sécurité aliJl!entaire. mais sa
consCllllllltion préférentielle provoque un certain nanbre de maladies
de carence dont la plus fréquente est le Kwashiorkor. Si l'on
tient ca:apte de la foule de cultures introduites en même te:ups que le
manioc et du fait que la substitution des cultures nouvelles aux
cultures locales n'est pas allée jusqu' i! l'exclusion des anctennes
cultures. on peut considérer que l'accroissement de diversité qui
en résulte permet le maintien et peut-être même améliore l'équilibre
alimentaire tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif.
Selon Bernard Kayser (1). l'introduction du manioc a eu
JD.Il" conséquence une dégradation du svseëne de culture. A cause de son
cycle végétatif très long (6 i! 24 mis) et de l'étalement de sa
r&olte (jusqu'à 5 ans), les populations. selon cet auteur, ont
eu tendance! prolonger le temps d'occupation du sol. La période
de jachère a donc diminué tandis que s'allongeaient les successions
culturales.
(1) - B. KAYSER. op. cit., page 86

- 138 -
Cette affirmation nous apparaît comme une simplification
de ce quIa pU être la réalitê lorsque le manioc a êtê introduit.
Il faut. A notre avis, tenir campee du fait que les successions
culturales ne se font pas au hasard et consddêrer que dans ce
système A pr~ce polycul turale J la diversification croissante
des espêces cultivées signifie la mise sur pied d'associations
culturales de plus en plus cœptexes, Or, cœme nous l'avons vu
plus haut. plus un systême est cœptexe , plus sa capacf.tê d'adaptation
et donc d' autoreproduc:tion est grande, Il Y a donc lieu de croire
que malgré les inconvénients que prêserrtai.t L' introduction du manioc
et d' autres plantes. le svseëœ de culture a évolué vers un
nouvel équilibre. (1)
A 'travers l' adoption d' espêces importées, c ' est donc une
grande part du savoir-être, du savoir-faire et du savoir-gérer
du cultivateur qui se trouve profondéœnt transformée. La révolution
mentiormée par les divers auteurs et qui se dêroule a1,1% XVIi! et
XVIIè siècles est donc bien une révolution des techniques agricoles,
même si celle-ci ne concerne pas l'envirolUlement eatërfe.l
(équipements, outils, matières, terre) et immatériel (rapports
fonciers, croyances) de ces techniques.
Sê8nlOOÎllS, l'introduction d'espèces nouvelles ne menace
nullement la survie du systèlœ agricole. Grâce A ses principes
d'organisation, notanment parce que le systèlœ de cul.ture repose
sur la cul.ture mélangée, il parvient A assimiler assez facilement
les êlêments venus de l'extérieur et maîtrise parfaitement les
transfomations dues à cette perturbation.
(1) -
En fait, si le dëvetocçeeent de la cul ture du manioc et la
dêgradation des systèmes cul ruraux sont des phénomênes réels,
la relation causale qui les lie est en sens inverse de celui
que lui donne Bernard Kayser. Nous verrons plus loin
que
c'est plutôt la dêgradation des écosystèmes et du système
agricole due au dêveloppement des rapports marchands
capitalistes qui pousse les paysans à se consacrer de plus
en plus à la culture du manioc.

~ 139 -
1.3. Vinstauration de l'êconomie de traite
Le but de la christianisation était, ccmne an l'a vu, la
modification radicale des croyances et des cauportements des
pop.ùatians. Ce conditionnement idêologique n't!tait pas une fin
en soi, elle ne constituait qu'un moyen pour atteindre une fin de
Tang supérieur : la pénétration et la damination ëccrcatcces,
Les pcrtugata ont en effet créé un puissant marché extérieur,
l'économie de traite trouve l~ san origine. Celle-ci se définit
g~ral~t cœme ''une ëconœde caractêrâsëe par la spécialisation
de producteurs paysans dans le s cultures d'exportation êchengéea
contre des produits manufacturés, les maisons de carmerce coloniales
accaparant le contTOle des échangea dans les deux sens". Cette
définition est insuffisante car si les maisons coloniales exercent
un IOOnopole apparent -Ies pcrtugafs imposent en effet les règles
du meTCantilisme dans notre cas- le capital pénètre et cOlIl:nEUlde le
processus productif, imposant au producteur la nature des productions
et la maniêre dant i l doit produire.
Cette définition de la traite pourrait faire croire
que l'échange ne concerne que les produits provenant de l'agriculture
et des activités qui lui sont directement liées. Il faut cependant
distinguer deux. types de traite dans la mesure CO pendant une très
longue période (du XVIè au XIXê siècle), le premier objet du trafic
est l'esclave destiné
l'exportation. Ce n'est en effet que vers la
â
fin du XIXè siècle que la traite des produits deviendra dominante.
1.3.1. La traite des esclaves
1.3.1.1. Mécanismes et t!volution
Le cceeerce des esclaves s 1 insère dans le cadre des
procédés d'acCl.llD.l1ation primitive du capital en Europe et en Amérique.
Il s'agissait en effet pour les capitalistes de se procurer le plus
grand nanbre de "bras" devant fonctionner dans les plantations d' Amérique
~~!!L~!'2!~!:_~~_S!!Y!!LÉ2!cée" . (1)
(1) - H. BABASSANA., op. cit., page 14

- 140 -
Ces causes externes, liées au fonctiormement du node
de production capitaJ. iste (M. P. C.), viennent se greffer sur d'autres
causes tenant A la. nature du système étudié. Le trafic négrier, en
effet, fournissait aux chefs lignagers l'occasion de se dëbarasser
des sujets indésirables en les vendant cœee esclaves. IJ leur
penoettait en outre de se procurer certains produits européens. Pour
les rois, le commeTCe des esclaves était surtout rendu nécessaire par
le besoin de modernisation de l'Etat et du royaume suscité par les
missiormaires, l'esclave apparaissant aux yeux des européens coume
la seule richesse du royaume convenible hors des frontières.
Si l'appêtit dévorant du surproduit résultant de
l'apparition de l'Etat n'a entraîné que le développement des
procédés de mise en servi tude en usage dans les soctêtës Hgnagêres ,
l'institution de l'esclave comme moyen d'échange privilégié a
par contre favorisé le recours généralisé A un mode paniculier
d'acquisition des esclaves : la ra2zîa. L'instauration du commerce
extérieur place en effet la chasse à l' hœme au premier plan des
préoccupations des souverains.
Les esclaves provierment surtout des régions du Mpumbu
(abords du Pool), du Kwango et du T'O)'8lJIlle Téké et sont acheninés â
travers des chaînes d'échange existant avant la traite, vers les
trois provinces côt iêres (Kakongo , N'goyo et Loango) abritant les
trois principaux pons, 00. ils sont vendus aux européens.
L'~lution ultérieure de la traite aboutira â l'individua-
lisation et à la constitution en royaumes indépendants de Loango
au XVlè siècle, de Xakongo et Ngoyo au XV1Iè siècle. Ces royaumes
disparaitront d'ailleurs par la suite avec la multiplication des
points de traite.
La suppression du ccnmerce des esclaves survient â la fin
du xrXê siècle avec l' evênement en Europe des bourgeoisies industrielles
et du capitalisme ccncur-rentdej , celui-ci constituant désormais lm frein
â la libération de la force de travail, â l'accumulation du capital,
donc au développement du capitalisme.

- 141 -
1. .:3 .1. 2. Ponction déIoographique et reproduction du sYStême
agricole.
Les estimations faites par le P. Rinchon (1) qui évalue
à 13.250.000 personnes le nombre de ressorti ssants de Kongo dëpor-tës
en Amérique eontrent l'importance de la ponction humaine réalisée
par le trafic des esclaves. Dans la mesure surt~t où ce trafic
portait sur les éléœnts les plus actifs et les plus féconds de la
popJlation Kongo -beaux adolescents pour les plantations de carme
à sucre, femaes pour la reproduction ou le plaisir des mitres. enfants
pour la damesticité- et étant donné la brutalité qui l'a accompagnée,
cette saignée démographique ne pouvait que paralyser le développement
des forces productives.
La traite des esclaves signifiait en effet le départ ou
la mort des personnes les plus aptes à effectuer les travaux agricoles,
ce qui, logiquement, devrait rendre précaire l'équilibre alimentaire et
même remettre en cause la survie du svscëse agricole. Des ruptures ont
été enregistrées dans l'équilibre alimentaire (2) en liaison avec
l'instabilité politique cTéée paT la christianisation et le commerce
des esclaves, mais le svstëse agricole dans son ensauble a sUI'1IKmtê
ces obstacles et continué a se perpétuer. L'explication de cette
adaptation est à chercher dans la logique de fonctionnement du système
social.
Dans son étude des sociétéslignagèTes congolaises, P.P. Rey
montre que la traite des esclaves ne remet rnllement en question le
principe sur lequel repose la circulation des personnes dans ces
soc iét ês : celui de l' q:ltiImml démographique. Selon cet auteur,
"la dépopulation des sociétés Hgnagêres du fait de la traite des
esclaves a rencontré les freins dus aux mécanismes de contrôle de la
(1) - R.P. RINCHON:
La traite et l'esclava e des Con olais
T les
Euro
ens.
IstOlTe
.l..a
rtat10n
:1 ln.J.
ions
o
noa.rs en.
l'Igue,
ar rs ,
1. rarrae
A. Vanelsche, 1929.
(2) - Cette crise est d'une amoleur considfrable si l'on en croit les
observations de Duarte LOpet. rapportées pal' PI~A : "sous le
coup de la nécessité, le pèTe vendait son fils, le frèTe vendait
son frère, tant chacun essayait de se procurer des vivres par
n'iJr.porte quelle scélératesse" (op. cit., page lOi)

142 -
circulation des hommes et surtout compensée par les mécanismes de
réinsertion d'une partie des esclaves qui y arrivent" Cl). En effet,
les chefs de lignages faibles ne pcuvafent pas se penœttre de
rëdai.re leurs dépendants en esclavage sous peine de se retrouver
isolés, c'est-à-dire de perdre leur position de chefs. les chefs
de lignages forts sanicitaient très probablement les mécanismes de
mise en esclavage des cadets mais ils ne pouvaient pas le faire
au-delà d'un certain seuil. D'autre part. une partie des bénéfices
rëef Isës en transmettant aux: nëgrders certains esclaves est affectée
à l'acquisition d'autres esclaves qui s' intègrent progressivement
au lignage.
Finalement. la traite n'engendre de dépopulation absolue
que dans les sociétés situées au bout de la chaine (royaume Tl!ké
surtout). On peut donc considérer que dans l'ensemble. le seuil
en-deçà duquel la faiblesse ntmIérique et la composition du lignage ne
permettent plus la reproduction du systèml! agricole ne fut jamais
atteint.
1.3.2. La traite des produits
1.3.2.1. La nature des produits exportl!s
La période de traite des esclaves a vu également une traite
des produits fort active. Les produits exportés par les pcpuï.at âons
Kongo proviennent moins de l'agriculture proprement dite que des autres
activités du système agricole : chasse et cueillette surtout. Au début
de la période de traite. les transactions portent essentiellement
sur l'ivoire. quelques étoffes de raphia. des peaux. du cuivre et
du bois.
CI) - P.P. REY, op. cit., page 279.

- 143 -
Des factoreries installées dans les ports de la traite des
esclaves constituaient le véritable centre ~ partir duquel se
développaie la traite des produits. A partir de 1870, le nombre
de ces factoreries s'accroIe tirês rapidement
: d'une centaine
en 1870, on en cœpee prês de 200 en 1875 (1). La nature des
produits livrés aux trafiquants européens change également: parmi
les produits citfs ci-dessus seul l'ivoire est encOre exporté,
les autres étant remplacés par la gonJDe élastique, l'huile de païse ,
les ~stes, l'arachide et l'ivoire.
1.3.2.2. Les conséquences écologiques.
Les estimations faite~ par P.P. Rey à partir des chiffres
fournis par Van Den Broeche et Degranprë donnent pour le produit
de traite le plus ~rtant après l'esclave, l'ivoire, 250 a 300 dents
par navire. Il y a L1l1e douzaine de navires par an dans chacun des
ports et nous avons vu qu'il y avait 3 ports. Un calcul simple nous
donne environ 1 800 000 a 2 160 000 éléphants tués entre le début du
Mi! siècle et la fin du XIXè. Bien sae, ces chiffres n-ene qu'une
valeur indicative, mais ils perrœt'tent néaneoins de se faire une
idée du caractêre dest'ructecr de la trai te.
Aucun têmoignage ancien ne fait allusion, même de manière
incidente, à une régression des écosystèmes observés et la tradition
orale rapporte la raréfaction de certaines catégories d'animaux
au début du XXè siècle. Il est cependant pennis de croire que la
destruction des ressources naturelles consécutive â la traite des
produits a certainement perturbé les écosystèmes. Si la tradition
orale ne rapporte la raréfaction de certaines catégories d'animaux
qu f au début du XXè siècle, Cf est tout simplement parce que les
conséquences d 'W1e telle des'truct.âon n'apparaissent réellement qu'
long
â
terrœ . 11 convient toutefois de signaler la lOOindre intensité
d'exploitation des ressources naturelles du début du XVIi! siècle â la
fin du XL'(i! par rapport au début du XXè siècle (2).
(1) - ''Etat cœrœrcfal de la côte du Loango et du Congo", les missions
catholiques, année 1875, ciUipa:r P.P. REY.
(2)
Nous 'revdendrcns beaucoup plus en détai:' sur les mécanismes et les
conséquences de la traite des produits lorsque nous examinerons
l'implantation capitaliste.

- 144 -
De toute façon, s'il y avait eu dégradation des écosystèmes,
celle-ci aurait été très l~tée, compte tenu de la nature desproduits
exportés et du contrOle exercé par la classe daninante sur les
mécanismes de traite, tant au niveau de la. production qu'a celui
de l'échange, et, de ce fa.it, elle n'aurait pas pu constituer une
menace pour leur perpétuation. Et, ce qui est valable pour les
écosystèmes l'est également pour le système agricole.
En effet, les différents biens destinés a l'exportation
sont produits dans le cadre social, éccoœntcœ et technique que nous
avons décrit au chapitre ter , excepté une partie des activités de
chasse qui voit maintenant l'utilisation d'armes à feu introduites
par les Européens. Sur le plan de l'échange, les factoreries, d'une
part paient des redevances aux différents chefs locaux mais, de plus,
elles sont véritablement sous leur dêpendance en ce qui concerne leurs
relations avec les ethnies de l'intérieur qui fournissent les produits.
Enfin, le produit de traite le plus Dnportant, l'ivoire, constitue
un bien de prestige que les aînés n'acceptent d'exporte!' que dans la
mesure ai), les biens eurcpëens qu'il procure peuvent asSLDDer les mêmes
fonctions que lui. Aussi, la plupart des biens obtenus soit en échange
des esclaves, soit en échange des produits devtennerrt-Ll.s biens
dotaux ou de prestige (1).
Si l'instabilité politique créée par la çhristianisation et
l'instauration de l'économie de traite aboutissent à la régression du
pouvoir central et a la reccnst fnrtfon de sociétés purement Hgnagêres ,
le système agricole, parce qu' il fonctionne sur une base lignagère
et que les chefs lignagers contrôlent les mécanismes de la traite,
parvient a se reproduire, en dépit des perturbations causées par celle-ci.
L'adaptation se fait ici grâce à l'autonomie du système qui lui permet
de subordonner la réalisation des objectifs poursuivis par les
trafiquants a celle de ses propres fins et d'adapter en les modifiant,
ses structures a cette nouvelle stratégie.
(1) - Les marchandises reçues en échange des esclaves et des produits
exportés comprennent des biens de luxe -étoffes, tapis, verroteries,
vaisselle- destinés aux maisons aristocratiques, des cotonnades,
des boissons alcooliques, de la poudre, des vieux fusils à pierre,
des miroirs, des perles et des sacs de sel.

- '45 -
Avec l'avènenent des- bourgeoisies industrielles et du
capitalisme concurrentiel en Europe, a lieu la mise en place du
système colonial favorisée par la désorganisation politique des
populations consécutive à la traite. Ainsi, l partir de 1883, les
régions cdtières sont progressivement administrées par l'autorité
coloniale, le premier impôt est perçu en 1894, et les factoreries
s'installent dans l'intérieur des terres à partir de 1897.
Le but visé est l'abolition de la traite et la mise en
place du mode de production capitaliste; i l ne s'agit plus en effet
pour les capitalistes de ramasser quelques produits le long des côtes,
i l leur faut amener les populations l fournir les produits devant
apparovisianner aux: prdx les plus bas certaines industries métropolitaines.
Les factoreries installées à l'intérieur des terres n'auront
qu'une existence éphëeêre puisque pour l'administration, i l s'agit
de remplacer la concurrence marchande le long des côtes par des
monopoles d'exploitation l l'intérieur des terres. C'est ainsi que
l'actuel territoire congolais fut partagé en 1899 entre 13 sccdëtës
concessionnaires.
2.1. L'échec de la )?Tanière tentative d'implantation du M.P.C.
dâriS l'agriculture.
L'objectif poursuivi pal' les sociêtés concessionnaires est
de remplacer le caoutchouc de cueillette pal' une production rationnelle.
Il s'agit en fait de substituer le mode de production capitaliste au
mode de production précapitaliste dans son ensemble. Cette substitution
devait se faire par l'expropriation des populations et la mise en place
si.ul.lltanée d'une éconrmie de plantation. ~is c'est plutôt â
l'inteqsification de l'économie de cueillette (1) que ces sociétêsse
sont Hvrëes •
(1) - QJelques
plantations ont cependant êté créées. Nous nous proposons
d'analyser ces tentatives dans la deuxième partie de la recherche.

- 146 -
Le résul.tat a été une destruction importante de la force de t.ravai I et
des ressources naturel.Ies • ~is du fait du monopole d'exploitation qui
est acco'l'dê à ces sociétés, la première conséquence est la diminution
des superficies disponibles pour :es populations
2.1.1. La 'l'éduction de l'espace agricole lignager.
L'établissement des monopoles d'exploitation eut lieu
sans qu'il soit tenu compte des rapports fonciers et. d'une maniè'l'e
générale. du mode d'exploitation des terres en vigueur dans le systême
agricole. Le "statut général des indigènes par rappor-t aux sociétés
concessionnaires au Congo"(1) prévoyait en effet que les réserves
attribuées aux indigènes comprendraient 1/10i! du territoire
concessionnaire, soit 1/100i! pour les habitations. 3/100è pour les
cultures vivrières et 6/100i! pour les cultures commerciales.
Les diverses études consacrées à la pénétration capitaliste
au Congo ne dormertl pas suffisaument de précisions sur le IOOde
d'acquisition des terres par les sociétés. Cela tient sans doute au
fait que l'administration ne s'était pas encore totalenent
imposée
aux populations. au mment de l'acquisition. On peut cependant penser
que dans la plupart des cas, en plus de l'accord donné par
l'administration, les sociétés étaient tenues à des prestations
vis-à-vis des chefs locaux, comme le montrent les traditions o'l'ales
recueillies par P.P. Rey (2),
Le nouveau régime foncier, dans la nesure ail il signifiait
l'instauration du mode de production capitaliste SU'l' 90 \\ du terri taire
concesatcnnafre et la substitution de l'échange aarchand à l'échange
traditionnel (puisque 6 \\ du territoire doivent porter ges cultures
commerciales faites par les populations), constituait un moyen de
(1) - Cahïe'l's des charges, chap. XI : application de la loi aux indigi!nes.
(2) - Selon ces traditions. les prestations faites au principal chef du
clan Tsomdi par le représentant de la société "l'ongamo" se seraient
montées à "tm ballot d'étoffes, une caisse de machettes, deux
dames-jeannes de tafia. deux caisses de verroteries, deux dames-
jeannes de 20 litres de vin. deux fusils. plus me certaine quantité
de verres, assiettes, couteaux, cuillers, fourchettes". P.P. REY,
op. cit., page 300.

- 147 ~
destruction du système agricole Hgnaget-. Nous avons vu en effet
(chapitre 1) le rôle pr:în:Jrdial joué par le déplacement des cultures
.et l~ jachère.dans le système de OJlture. Le fonctionnemen~ du systi!me
agricole supposait donc la disposition par chaque cCIlIIlI.m8.uté villageoise
de grandes superficies afin d'éviter le retour fréquent des chaIIIps
aux lIêDes endroi ts , La réduction de ces superficies par la politique
concessiormaire visait donc la baisse de la productivitê et la famine
qui en dêcculerait obligerait les populations à recourdr à l "échange
marchand ou â vendre leur force de travail pour subsister. Mais pour
des raisons que nous allons examiner 1 ce projet ne reçut même pas un
cœeencesene d' exëcutdcn.
2.1.2. Nature du capital commercial et exploitation destructrice
dës ressources naturelles.
2.1.2.1. Les obstacles a l'instauration du M.P.C.
L'objectif visé par l'installation des sociétés concession-
naires supposait pour être atteint , que les trois conditions suivantes
soient réalisées
- Il fallait d'abord que. du fait de la réduction des
superficies utilisables par les populations pour les activités agrdcc.les ,
la densité huoaine atteigne le seuil au-delà duquel la rotation des
cul tures ne peut plus se faire ncrmaîeeent . DT la
ponction
démographique exercée par la traite des esclaves lorsqu'elle n'a
pas engerdrë la désertification, a ramené cette densité a un
niveau très bas (t). Le système de culture s'est donc maintenu et a
permis par U même la perpétuation du. système agricole.
- Ensuite. le recours ~ l'échange marcband pcur assurer
la subsistance supposait que celui-ci soit perçu comme tel par la classe
sociale dominante et soit accepté par elle. DT, les sociétés
concessionnaires n'onL fait que perpétuer l'activité des comptoirs
(1) - La densité humaine s'élève a 3 hab./KmZ pour L'enseabl.e du
territoire congolais et a moins de 1 hab./Km2 pour les régions
forestières du Nord-Congo,

~ 148 ~
catiers en échangeant la camelote Unportée d'Europe contre les
produits locaux. Il n ' y a donc aucune raison pour les "aînés"
de consâdêrer cet échange autrement que coome tm myen d'acquérir
des ''biens de prestige", coume cela s'était passé jusque U.
- Il fallait enfin que la vente de la force de travail
devienne libre. Cette condition ne fut pas non plus réalisée, la vente
de la force de t'ravai I se faisant toujours sous le controle des
"aînés". (1)
Par conséquent , ni la t'ransfcraat.icn du Tégime foncder ,
ni le développement des échanges, ni enfin l'emploi des populations
sur les concessions n'ont porté atteinte au système agricole.
L'adaptation du système agricole face à cette agression
est souvent ~tée ~ la faiblesse des moyens dont disposaient les
sociétés concessiannaiTes qui étaient 'pour la plupart d'entTe elles
propriété de petits capitalistes cœmerçants , par suite du refus
du grand capital financier et industriel d-errtrer dans la manoeuvre.
C'est vraâ que la fonction de la fraction de capital social qu'est
le capital ccmmercial est d'intégrer les marchandises dans l'engrenage
de la circulation capitaliste et que création du salariat et
production des marc:handises ne relèvent pas de son domaine. Nous
croyons cependant que les conditions internes du système agricole ont
été au rœins aussi déterminantes que la faiblesse du capital
caJmercial pour l'échec de cette preedêre tentative de mise en place
du M.P.C. dans l'agriculture.
(1) - P.P. REY note .fi ce sujet que "la société concessionnaire vivait
en bonne intelligence avec les chefs de lignage( ... ) qui la
pTotégeaient et lui fournissaient main-d'oeuv-re et porteurs
COllllle leurs hamllogues de la côte avaient jadis pTotCgé les
factor-ies avec qui ils passaient le traité" (00. cit, page 304)

- 149 -
C'est en effet parce que Ce système agricole repose sur
un rode d' occupation de l'espace laissant la plus grande partie du
terroir inutilisée et. qu'il comporte un. SOUS-5)'5tàœ de culture basé
sur la faiblesse de la. densité hLmaine que les populations contiIwent
il vivre caone auparavant, en dëpi.t de la rédlJction des superficies
imposée par le rëgdme concessionnaire. Ce qui pennet aux chefs
lîgnagers de continuer à contréller en totalité l'êchange des produits
et la vente de la force de travail et imprime un caractère
insuffisant aux. moyens dont disposent les sociétés concessionnaires.
L' intervention ultérieure du grand capit.al ne déclanc.hera d' ailleurs
pas autanatiquement. c' est-il-dire par sa seule présence et sa
mise en oeuvre, la création du salariat. Celle-ci ne deviendra
possible, CCIIIIle nous le verrons, qu'avec la perte d'autonomie du
systène engendrée par le recours il la force militaire effectué
par l'administration coloniale.
2.1.2.2. L'intensification de l'êconomie de cueillette
Incapables de praoouvoir le dëvetcppeœnt d'une agricu1ture
capitaliste, les sociétés concessionnaires se sont born~es à collecter
et expor-ter vers la métropole des produits provenant de la chasse
et de la cueillette. Considérant les avantages pl~sentés par les
teduriques de production Hgnagêres dont l'utilisation permet de
réduire les coQts et donc de réaliser de hauts profits, elles
choisirent de s'en tenir à elles. L'intensité avec laquelle ces
dernières furent utilisées fut cependant préjudiciable à 1 1équilibre
des écosystèmes. Il est donc nécessaire de les décrire pour mieux
saisir le caractêre destructeur qu'elles ont acquis.
L'activité des compagnies concessionnaires portait
essentiellement sur l'ivoire et le caoutchouc, mais elles ont
également cœmerc ial.i së une quantité importante d'huile de palme et
de palmistes. Les techniques de chasse à l'élêphant ont été suffisamment
décrites plus haut, point n'est donc besoin d'y revenir. Signalons
simplement l'utilisation croissante des fusils et la formation par les
firmes concessionnaires d'équipes de chasseurs munis de peTrods spéciaux.

- '50 -
Le caoutchouc était obtenu il partir de trois espèces
végétales
- les arbres : les funtumia elastica ou irehs groupés en
peuplements assez denses ;
les lianes : landosphia owariensis surtout. mais aussi
landolphia Icleini et landolphia clitandra, poussant en
zone sylvestre;
les plantes à rhizanes
landosphia tholonii poussant en
savane.
Des ëcutpes composées d'halll1es, de fenroes et d'enfants
étaient constitués dans chaque carmmauté villageoise. Le travail
relativement facile lorsqu'il s'agissait des irehs. obligeait les
récolteurs il s'établir dans des campements pendant près d'tm mis
lorsqu'il fallait exploiter des lianes situées dans des fourrés
marécageux il plusieurs heures de marche du village. Le latex des
Irehs était obtenu en abattant les arbres et en pratiquant une incision
circulaire tous les SO cm, le liquide étant recueilli SUI des feuilles
placées au-dessous. Guant aux: lianes, ej.Ie, étaient cccpêes à sa c:m. du
sol FUis réduttes en 1ID!'Ceaux cl1 environ 40 à sa en. qu 1on disposai t
dans tm collecteur (bambou ou tige creuse) qui l'auenait dans un
récipient. La coagulation se faisait soit par ébullition, soit sous
l'action d'un acide (jus de citron surtout) et le caoutchouc obterar
était présenté sous forme de boules d'environ 200 g.
La production de l'huile de palme conmence par la
cueillette des régimes dent on détache les noix parvenus à l'état
mGr. Les opérations suivantes sont la torréfaction, le broyage et
la cuisson. La torréfaction et le broyage des noix, qui sont d'abord
bouillies, se font dans un mortier et permettent d'obtenir une p~te
très ëpatsse qui est ensuite versée dans une grande marmite pour être
portée à ébullition. Une couche d'huile qu'on recueillera par décantation
se fonne à la surface du récipient pendant la cuisson.

- 151 -
La division du travail se fait selon l'âge et le sexe.
Ainsi, tandis que la saignée des irehs, la coupe des lianes et des
régimes de DOix sont duressert exclusif des ha!mes, la coagulation
du. latex et les autres opérations concernant la production d' huile
sant des tâches essent.iellement fêminines.
Ces techniques, pratiquées à une grande échelle, amênent
la disparition des espèces animales et végétales sur lesquelles
elles s'appliquent.. Nous avons déj~ évoqué la ponction subie par
la population d'éléphants. Cette situation a été aggravée par
l'installation des compagnies concessionnaires. Bien que limité en
raison du faible VO!lmle produit, (1) le cœeerce de l'ivoire engendra
très vite l'épuisenent des réserves révélé par la proportion, plus
forte chaque année, d'escravelles et de petites pointes (inférieures
il 10 kg).
L'utilisation intensive des techniques de production du caout.-
chouc entraîna la disparit.ion des Lrehs et des lianes autour des villages.
Les cueilleurs furent alors obligés de s'enfoncer de plus en plus
loin dans la forêt. pour trouver de nouve Il.es lianes, celles-ci devenant.
de plus en plus espacées, de plus en plus difficiles ~ trouver et de
plus en plus petites.
Deux solutions furent envisagées. La première, imposée
par l'administration dès l'installation des concessionnaires,
consistait pour les sociétés à assurer pendant la durée de leur
contrat la plantation et l'entretien de 150 caoutchoutiers par tonne
de gagne exportée. Ainsi, 153 500 pieds existaient au 31 décembre 1908
et 354 B82 au 31 décembre 1909. lUl tot.al, on avait. planté plus d'un
million de pieds dans l'ensemble du \\byen-Congo (2).
Cl) - Selon les chiffres fournis par C.C. VIDRO'VITŒ! (Le Conse au temps
des
s c
'es concessionnaires, 189B-1930, Par~s. Mout.on
et Co.
ye, 1
, a me~
eure année fUt 1905. avec 196 tonnes,
et la product.ion oscillait en année rœverme autour d'une centaine
de tonnes.
(2) - C.C. VIDROVITCH, op. cit., page ~30.

- 1S2 -
~is les sociétés concessionnaires ne plantèrent ces arbres que
pour se confonner aux prescriptions administratives et non pour se
convertîr â l' konanie de plantation. Les plantations avaient ëeë
faites à la hâte. sans étude préalable. La plupart des agents
s'étaient contentés de les faire nettoyer et dëbroussad Her juste
avant les inspections de contrôle.
L'autre solution envisagée consistait, en conservant les
mêmes sources de produit, c'est-à-dire les lianes et les arbres
naturels de la forêt, à fonner des saigneurs capables de récupérer
le latex sans supprimer la liane ou l'arbre. Il s'agissait surtout
d'apprendre aux saigneurs à pratiquer sur les irehs des incisions
en "arêtes de poisson" de la base du tronc jusqu'aux: preadêres branches.
Ainsi. les arbres pouvaient être séchés pour une langue période mais
ne rœuratent pas. L'adoption de cette solution aurait considérablement
aUgJœnté les eoOts œprcdcctton du caoutchouc. ceux-ci devenant
trop êlev!s par rapport aux recettes. Aussi, les sociétés concessionnaires
prêfêrerrt-el Ies s'approvisiormer cœme par le passé.
Le résultat de la politique concessionnaire est donc la
destruction à une grande échelle des ressources naturelles. des'tructdcn
dont les effets se feront sentir plus tard sur le système agricole
et sur le rode de vie des populations congolaises.
Z.Z. Eclatement du cadre d'auto-subsistance et soumission du système
agnco!e au capita!.
Outre la transfonnation directe du rode de production,
les sociétés concessionnaires avaient !galement pour mission
d'instaurer une économie de marché par la diffusion du numérafre .
Cette partie du programme se heurta elle aussi au front uni des
sociétés concessionnaires recherchant toujours le profit maximal
et des chefs lignagers pour qui les salaires perçus par leur
dépendants devaient avoir ceeee unique destination la réintégra'tion
dans la sphêre des biens de prestige et dotaux.

- 153 -
L'administration parviendra cependant, en réalisant ce
dernier objectif, il soumettre le système agricole au capital. ~his
pour en arriver lA, il lui aura d'abord fallu dompter le système
social.
2.2.1. L'affaiblissement de la superstructure lignasère
Tant que les sociEtés concessionnaires avaient le monopole
d'exploitation, la présence de l'administration signifiait pour la
pcpul.atdon ; i.Jnp6t de capitation, por-tage et prestations en nourriture.
Ce sont ces t'rots formes d' intervention qui. errtraïneront l'affaiblissement
du système 1Ignager dans son ensemble.
2.2.1.1. L'tmpôt de capitation
Instituê au moment où s'installent les factoreries il
l'intérieur des terres, c'est-à-dire en 1897, l'impôt de capitation
est une saune il payer par chaque adult.e en état de travailler Irrvarfa-
blement quelque soit la condition scctc-ëconcarcœ. Sa généralisation
en 1900 visait la vente de la force de travail et l'accroissement
de la production des marchandâses ,
Perçu en nature au début, l'impôt qui portait essentiellement
sur le caoutchouc et l'ivoire aboutit très rapidement au tarissement
des ressources en ivoire jusque là thésaurisés ccmme biens de
prestdge , C'est alors qu r apparut la nécessdtê pour les populations
de produire davantage de caoutc.houc afin d'acquitter l'impôt.
L'obligation faite ultérieurement aux populations de payer
l'impôt en argent correspondait à l'ambition déjà évoquée
de
l'administration consistant à les amener progressivement, par la
diffusion du numéraire cette fois, à la mentalité marchande, puis
à l'échange marchand et enfin à la production cœeœrcfal.e . Une
vente accrue de la force de travail et des produits sutvra cette
mesure, mais l'analyse des principaux rapports administratifs rorrrrent
que cette vente ne s'est jamais faite au-delà du temps ou de la
quantité de prodUits nécessaires à l'acquittanent de l'impôt.

- 154 -
L'augJDentation de la pression fiscale (1) et la baisse
des revenus tirés de la vente de la force de travail et des produits
rendront cependant de plus en plus difficile cet acquittement. Dès
lors, les recouvrements de l'impôt prennent la fonne de razzias. Ils
porteront ëgateœnt sur les biens non prévus par les dispositions légales
définissant les moda1it~s de l'impat, tels qu'instruments de
product icn et myens de subsistance. Des fenmes et des enfants
sont pris en otage par les agents de perception lorsque les rentr~es
d'imp6t sont jugées insuffisantes. En outre, les villageois sont
frappés de lourdes punitions (emprisonnements et amendes) et le plus
souvent les villages et les plantations sont incendiés. Enfin, cette
contrainte atteint son paroxysme avec l' hêloorragie en harmes et en
animaux qu'elle engendre parfois dans les villages.
2.2.1.2. Le portage
En l'absence de myens de transport adéquats, le drainage
des produits vers la côte dut se faire en utilisant des hcmoes. Dêja
en vigueur pendant la première phase de la traite, cette ectdvi.të
s'accTUt avec la pénétration du capital a l'intérieur des terres.
Tant que le portage s'effectuait sous l'égide de la seule
classe dirigeante du système lignager, cette activit~ avait une
faible intensité; le nombre d'hommes mobilisés était fixé en fonction
des autres activités, et les liens de "camarader-ie" tissés errtre
différents chefs de lignage assuraient aux porteurs une parfaite
sécurité par rapport aux dangers de santé et de pillage qu'ils
pouvaient rencontrer pendant les voyages.
Avec l'installation des compagnies concessionnaires et
de l'administration coloniale, l'êva.cuation des produits nécessite un
nombre plus g-rand de porteurs que les chefs lignagers refusent de
fournir. Cette fois encore. le recours à la force s'avère être la
solution qui s'offre à l'administration.
(1)- Le taux de l'i.mpeIt, à l'origine de l à 3 F par individu sië.lêve a
5 F en 1905, soit une augmentation de 66 \\ et les hausses ultérieures
le porteront à 10 F en 1925 et lS Fen 1929 (Cf. P.P. REY, op. cit.,
page 426).

- 155 -
La première conséquence en est la destruction de la force
de travail provoquéepar la propagation des maladies infectueuses
(variole et trypanosomiase) due elle-mi!me au passage répété des
porteurs. Ensuite, le portage s'effectue surtout pendant la saison
sèche, c1est-à-dire au moment 00 doit avoir lieu le dEbroussaillage
des champs. Ces derniers n'étant plus préparés à temps, il en résulte
un déséquilibre vivrier.
2.2.1.3. Les prestations en nourriture
Les razzias dont il a ëeë question plus haut ne se rapportent
pas aux. seules rentrées de l'i..mpôt. Les dîfférents agents de
l'administration doivent en effet se procurer des moyens de
subsistance. La ponction exercée sur les réserves villageoises de
vivres est d' autant plus importante que pour 5' imposer aux populations.
et accœplir ainsi l'oeuvre de ''pacification'', l'administration doit
entretenir des troupes armées (il s'agit généralement de tirailleurs).
Or cette demande de vivres n'a pas été prévue lors de la p-réparation
des champs. Le résultat ne peut être qu'une accentuatdon du
déséquilibre vivrier signalé tout à l'heure.
La contrainte administrative met les populations devant
une altematdve dont les deux issues mènent à la catastrophe : ou
bien fUir, mais c'est être condamné à abandonner les plantations,
à se nourrir de plantes sauvages, à tuer le bétail pour ne pas être
découvert à cause des cris ; ou bien rester, mais c'est devoir subir
les exactions de la troupe, les impôts, le portage, le pillage, les
prestations en nourriture. Les populations choisissent généralement
la fuite, mais cette solution ne fait qu'aggraver les problèmes
engendrés par l'impôt et le portage.
Les retClllbées de ces trois types d'intervention peuvent
être facilement appréhendées. D' abord et surtout. l'épuisement des biens
de prestige signifie la diminution du pouvoir détenu par les "aînés" et
constitue par conséquent un fenœnt de désagrëgatdcn du système
lignager. Ensuite, le déséquilibre vivrier provoqué par le portage

156 -
et accentué par les ptestatdons en nourriture engendre des famines
d'une grande ampleur, telles que celle qui touche la région de
Mossendjo de 1914 a 1917 (1). Finalement, ce n'est pas seulement
la destruction d' une quantité importante de la force de tnvail que
ces trois types d'intervention entraînent, mais aussi et surtout
l'affaiblissement du pouvoir des tenants du systême et donc du
système lui-même.
2.2.2. La subordination du système agricole au M.P.C.
Le processus entamé par l'administration coloniale, les types
d' interventdon qui vtennent d'être analysés surtout. semblent avoir
indiqué aux représentants du grand capital la voie a suivre pour se
soumettre le système agricole étudié et le système lignager dans
san ensemble: l'utilisationde la force.
Les deux. mécanismes qui permettront au capital de réaliser
les conditions d'ÙUplantation du mode de production capitaliste
consistent a briser 1 'œaeë des g:roupes de production et des groupes de
coaœmation et à instaurer le lDS.I'CM entre producteur et consonmateur.
2.2.2.1. La tnnsfonoation de la force de travail en
mardïânaise
La. séparation du producteur des fruits de son travail
intervient avec le recrutement forcé de la force de travail destinée
à accomplir des travaux dits d'intérêt public, tels que la construction
et l'entretien des voies de communication.
Si les capitalistes ont disposé jusque là d'une force
de travail abondante et bon marché grâce aux contrats qu 1 ils
passaient avec les chefs de villages ou de lignages. ces derniers.
(1) - Cf. P.P. REY, op. cit., page 329

- 157 -
compte tenu de l'affaiblissement résultant de la contrainte exercée
par l'admiJtistration, sont de moins en moins aptes à leur fournir cette
force de travail. Db lors, l'administration coloniale choisit de
se la procurer par la terce, une contrainte supplénentaire que les
populations n'acceptent pas. Cette fois encore, la solution adoptée
par ces dernières est la fuite, mais il s'agit d'une fuite de courte
durée car les chefs lignagers doivent réaliser que la seule façon de
maintenir leur domination c'est de reconstituer le stock de biens
de prestdge et surtout de reprendre
le contrôle de la circulation de
ces biens. La seule possibilité qui s'offre à eux pour réaliser ce
but est de laisser leurs dépendants se faire recruter,
En ce qui concerne les lOOda.1ités de recrutement. un arrêté
de 1904 fixa à 20 , la proportion de la population mile et adulte
pouvant @tre recrutée pour le portage ou les chantiers fOrestiers ;
en 1921, cette réglementation fut modifiée et stipulait que le contingent
de travailleurs pouvant être recrutés ne saurait en aucun cas excéder
le tiers de la population mile. adulte et valide (1). La fixation
de ces proportions rësulte sans nul doute d' une certaine perception
par ltadministration du seuil de reproductdbd.Htë du système agricole.
Le recruteœnt fOTCê atteint son irrtenai.té maximale avec la
construction du chemin de fer Congo-Océan, Ce qui distingue le
travail effectué sur le C.F.C.O. des autres formes revêtues par le
travail fcrcë , c'est. outre le volume beaucoup plus important du
recrutement. le temps passê sur les chantiers. En effet. s'il fallait
li une personne un li deux mois de travail par an chez le concessionnaire
pour payer l'impôt (2), la durêe d'emploi des travailleurs sur les
chantiers du C.F.C.O. varie de quatre mis li un an, tandis que le voyage
aller et retour entre le lieu de recrutement et le lieu de travail
varie de un li, quatre mois suivant les rëgfcns (3).
(1) - H. BABASSANA.. op. cit .• page 209
(2) - Cf. C.C.VlDROVITCH, op. cit .• page 436 et 437.
(3) - Gilles SAUTTER. op. cit., pages 245 et suivantes.

- 158 -
Ici aussi, le résultat est une importante dearructdon
de la force de travail (1) due à la fuite des villageois et
à ra famine qui en résulte, aux conditions de déplacement des personnes
recrcrëes , à des conditions de travail dëptorabtes (absence de
1OOyeI1S de travail perfectionn.és et adaptés aux conditions topographiques),
une alimentation quantitativement et qualitativement défectueuse
â
et à des conditions sanitaires scandaleuses.
Les rëpercusstcns du recrutement forcé sur le système social
peuvent être saisies à un autre niveau. Nous avons vu que c'est dans
le but de reprendre le conrrôfe de la circulation des biens de
prestige que les chefs lignagers se résolvent à laisser paTtir leurs
dépendants sur les chantiers. Seuleœnt, cœpee tenu des conditions
dans lesquelles s'effectue le recrutement et du fait de l'absence prolongée
des dépendants, les chefs n'ont aucune prise sur les conditions de
vente de la force de travail par ces dépendants. Dès lors. c'est
aux capitalistes que revient le rOle daninant et les rapports qui ne
sont établis entre système lignager et sytème capitaliste doivent
être compris cœee des rapports de subordination du premier au second.
Par ailleurs, le séjour prolongé sur les chantiers et
les somnes accumulées donnent naissance à un esprit d' indépendance
chez les jeunes. la ''richesse'' accumulée par ces derniers constituant
désormais une menace pour les chefs. Les jeunes ont en effet
la possibilité. surtout dans les ethnies oü les biens de prestige
sont avant tout les anciens biens de traite donc des biens achetables,
de se passer des bons offices du chef pour acquérir fenme. Les chefs
doivent alors engager une véritable course poursuite avec leurs
dépendants pour reprendre une partde du ccntrôl.e qu'ils ont perdu :
obligés d'accepter la monétarisation de la dot, ils tenteront de
reprendre ce centrale par l'accroissement progressif de celle-ci et
(1) - Selon G. SAUTTER. 10 ZOO dêcês furent enregistrés de 19Z1 lj 1928.

- 1S9 -
du voll.J11e des biens en cfrcufat âcn. Mais, C:0IIIIle le note P.P. Rey,
cette tentative "n'est; plus qu'une défense a posteriori. bien plus
faible que le contrOle a priori antErieur" (1).
Cette situation impose aux jeunes travailleurs des séjours
de plus en plus longs dans les entreprises s' ils veulent accumuler 1 t argent
et les biens rëcieeës par le système Hgnager , La vente de la force
de tT3.vail qui était fcrcëe devient de plus en plus libre (2) ; le
marc.hê du t'I'ëLVllil est ainsi créé et les rapports lignagers deviennent
lignagers marchands (3).
2.2.2.2. La coonercialisation forc:êe des produits
La création d'un marché du travail, c'est-à-dire la
t'ransfcrmatdcn de la force de travail en ma:rchandise ne constitue.
rappelons-le, que l'une des c:onditi-ons nëcessafres il l'instauration du
M.P.C. Elle doit svaccœpagner de la tiransforaatdon des produits
en marchandises. mais celle-ci J c.œme la vente libre de la force
de travail ne peut se faire automatiquement. Seules l'inclination du
système social et une certaine "rëcrgenfsaeton'' de la production par
l'administration coloniale la rendent possible.
Le régime des cultures obligatoires a son or~glne dans cette
réorganisation et se caractérise notamment par l'intervention directe
de l' admînistration dans la production villageoise, l'imposition de la
nature des productions, des normes techniques et de la destination
des produits. Ce régime aurait pu concerner uniquement les cultures
(1) - Op. cit., page 417
(Z)
C'est ce phénomène qu'êvoquait le G.G. Antonetti quand il écrivait
"cœmencë avec le recrutement forcé, le chemin de fer s'achèvera
tmiquement avec des travailleurs volontaires", cité par
G. SAUTTER, pages 251-25Z.
(3) - Hugues BErrRAND insiste avec raison sur la transformation des
rapports Hgnagers en rapports marchands. Selon lui, ce n'est pas
l'acceptation par les ainés de la rœnëtardsatdon de la dot qui.
transforme les rapports lignagers en rapports marchands. mais c'est
plut6t '~rce qu'ils acceptaient que des jeunes allant faire des
prestations extêrieures au système lignager (forcées d'abord, libres
ensui te) pcdssent sans prestation lignagère acquérir fE!llllle".
H. Bertrand, Le congo
fonnation sociale et mode de développement
ëconœtcce, MaS'Përo. tsaris. 1975. page 97.

• 160
comœn:iales (celles alimentant les courants d'exportation notamnent)
mais le dêscrdre créé par l' Interventdon administrative rend incertaine
la reproduction de la force de travail tant chea ceux qui ont été
extraits du milieu tradâtdorme.l que chez ceux qui y sont restés.
Aussi s'applique t i l également aux: cultures vivrières.
- Les productions vivrières
Les premières directives de l'administration concernant la.
promotion des cultures de manioc. bananiers, patates, mals et
accessoirement d'arachides et de courges autour des postes
administratifs remontent aux années 1910. Il s'agissait d'approvisionner
les ccmpagnies de tirailleurs mais aussi de remédier à la famine.
Le progIanme d' întensification de la production fixé par la circulaire
de 13 février 1915 envisage le développement des cultures vivrières
à travers une întervention directe sur les plantations individuelles
ou familîales et la mise en place de plantations collectives
villageoises.
Les premières sont destinêes à éviter le retour ou
la poursuite de la fanûne endénique et serviraient par la suite â
fournir directement le surplus nécessaire pour les chantiers du
chemin de fer. L'intervention revêt ici deux formes : l'extension
des champs individuels et des exhortations diverses. Il s'agit de
faire passer la superficie des champs d'Lm tiers d'hectare à Lm
hectare (1). Quant aux exhortations. il s'agit d'une propagande
armée que le chef de ctrconscrtpttcn prodfgue au cours des
nombreuses tournées qu'il effectue accanpagné des gardes.
Les plancations collectives villageoises sont directement
affectées à l'approvisionnemettdes chantiers mais leur mise en place
vise également â transformer le IOOde de production et â
impulser
le dêveloppement des plantations individuelles. Elles se caractérisent
(1) • En 1923. l'administration envisage l'extension des champs
de la façon suivante : "Il est exigé de chaque chef de famille
une plantation d'Lm hectare par ferrme et
cet effet des lianes
â
de 100 mètres ont été distribuées", Rapport politique, 1923, cité
par P.P. REY.

- 161
en premier lieu par une organisation centralisêe : leur taille
est fixée centralement â quatre hectares par village et la destination
du produit est l'exponation vers les chant.Iers et non l'auto-
consommation. Elles se caractérisent aussi par une nouvelle organisation
du t'ravafl, : sur les champs collectifs doivent travailler des
équipes (:..bœwes pour le dêfrichement, feumes pour le nettoyage.
1& plantation, l'entretien et la récolte) â une échelle inhabituelle
dans la production traditionnelle, celle du village.
Si toute la gamme des espèces cultivées traditionnellement se
retrouvent sur1e 9 plantatiom individuelles. les plsntations ccitecetves
par contre portent principalanent des féculents (manioc surtout.
mais aussi ignames, patates, taros) et accessoirement du mais et
des courges. A cau de ces produits vivriers provenant de III culture,
i l faut également signaler l' importance de la production de viande
de chasse et de l'huile de palme.
Le quart seuieeeu de la production est laissêe a l'auto-
consommation (1). Le reste, rêquisitionné pour la vente, est destiné
l la :n::nJI'Titure des troupes dans un premier temps, et, pal' la suite,
l l'approvisionnement des chantiers. QJant l l'organisation des
exportations vivrières, le chef de subdivision s'adressait directement
aux chefs de terres, sitôt les ordres reçus. pour réaliser le
prélèvement. Le chef de terre lui-même disposait d1un réseau dans
les villages : des "femnes capita" organisaient la production et
la prêparation du manioc.
- Les productions commerciales
La politique des réserves indigènes et l'impôt de
capitation n'ayant pas eu les effets escomptês, l'Etat colonial
doit rechercher d'autres formes de développement des productions
commerciales: c'est la prise en main directe de la production.
(1) C.C. VlFROVrrŒ, op. cit., page ~83.

- 162 -
L'ivoire ayant disparu, des chantiers de production de
caoutchouc et de palmistes sont organisés dans les villages Cl). On
enregistre même une IOOdification du Dixie de production 1 notanment
en ce qui concerne les méthodes de saignage des lianes que
l'administration enseigne maintenant CZ). Les populations se
consacrent d'autant plus aux productions commerciales que celles-ci
leur penoettent de payer l'imp6t. Plus tard. ce seront les besoins
créés par le système capitaliste qui les cbl.Igeœont à maintenir
ces productions.
Z.Z.3. La nature du blocage
Du fait des lftécanismes analysés cd-dessus , le système
agricole lignager se subordonne au s~tème capitaliste et la
conséquence en est Lm blocage du premier. Nous entendons par
blocage, non pas l'arrêt complet de toute évolution du système.
mais l'apparition dune incohérence entre son évolution et sa logique
de fonctionnement.
Dans le cas qui nous occupe, ce blocage tient au fait que
le svscëse doit. contrairement 11 ses principes de fonctionnement
(notanment 1 "autcsubsiatance} , satisfaire la demande en force
de travail et en produits exprimée par le système capitaliste. Il se
caractêrise par l'êtouffement de la dynamique interne et la
non-transfonoation du mode de production.
(1) - Il s'agit donc des produits de cueillette. D'autres productions
conmerciales provenant cette fois de la culture viendront
s'ajouter aux palmistes, la production de caoutchouc étant
supprimée par suite de la baisse des cours.
(2) - C'est ce qu'évoque le rapport Ongoroo de '921 : ''!>!ous sœees
allés de villages en villages portant un morceau de bois sur
lequel nous faisions la démonstration de la saignée en nous
faisant montrer une liane it proximité sur laquelle nous
puissions la démontrer", cteë par P.P. REY.

~ 163 -
2.2.3.1. L'étouffEment de la dynamique interne
Les facteurs de blocage, en ce qui concerne la dynamique
interne, se ramènent essentiellement à deux éll!ments ; appauvrissement
du système en hamnes et dêtoumeaerrt des contradictions internes.
Si la ponction d'halllles due à la traite des esclaves
n'a qu'une faible incidence sur le systême agricole, i l nen est
pas de même de la 'transforaatdcn de la force de travail en
marchandise. Cette fois, ccmme pendant la période de traite,
ce sont les éléments les ~lus jeunes et les plus actifs qui partent.
Mais il n'est plus possible aux aînés,', ccmpte tenu des conditions
dans lesquelles s'effectue cette ponc~ion (recrutement forcé),
d'observer le seuil au-dessous duquel le système agricole ne peut plus
se reproduire, seuil que les capitalistes ne peuvent dêterminer
avec précision, bien qu'ils aient fué â 1/3 la propcrtdon de
producteurs pouvant être recrutés dans chaque village. Le résul.tat
en est une certaine ossification du systême, l'empêchant d'Evoluer
nonnalement.
D'autre part, on a vu que la contradiction principale
du système est celle qui oppose les cadets aux aînés. Si cette
contradiction constitue pour le système un facteur d'ëctereœnr ,
elle !J. 1en est pas moins une des fermes de sa vie. En donnant
aux cadets, par la création d'un marché du travail, la possibilité
d'échapper au contr6le des aînés, le système capitaliste détourne
à son propre profit cette contradiction de son champ interne. Il en
est de même des contradictions liées à la division du travail selon
les sexes et le résultat est que les rappor-ts sociaux sont en
partie figés et les possibilités d'auto-transformation du système réduites.

- 164 -
2.2.3.2. La non-transfonnation des techniques de production
On aurait pJ s'attendre il ce que. pour re!Dl!dier il
l'ossification et" il La perte d'Energie du système, soit mis en
place le mode de production capitaliste, les conditions de cette mise
en place ayant Ed réalisées. Il n'en a rien été, cœrme le laisse
apparaître le mode d'organisation de la production par l'a.dmi.ni.stration.
Les DDd.i.fications du mode de production, ainsi que nous
l'avons vu, concernent essentiellement les surfaces cultivées, le
roode de prélèvement et la destination des produits, l'amêlioration des
techniques de saignage des lianes et l'organisation du travail sur
les plantations collectives villageoises, un seul cas de distribution
des JOOYeO.S de travail étant sigDalé il !otJssendjo (1). A l'exception
des surfaces cultivées qui seront dhonnais supérieures à celles
d'avant la pénétration capitaliste et la destination des produits
(l'exportation de la plus grande partie d' entre eux), ces JOOdifîcations
sont passagères. En effet, la production de caoutchouc est de plus
en plus abandonnée â partir de 1922, il cause de la baisse des cours
et parce que d'autTes produits permettent dêsoraads aux populations
de payer l'imp8t. De même l'organisation de la production agricole
prend. fin avec l'achèvement des travaux de ccnarruct Icn des voies
de cClllllUJlications CC.F.C.C. surtout) (2)
Ces modifications n'engendrent pas automatiquenent la
transfonoation du systêee agricole. Le systême poursuit les fins
qui sont les aiermes et surtout la rEalisation de l' optiJmn
démographique;la poursuite de ces objectifs devient pour les capitalistes
un !lJJyen de maximiser leurs profits. Ce que le systêœ capitaliste
réalise par ce type d'intervention, c'est le maintien du système
agricole lignager et son utilisation ~ ses propres fins. Quant aux
(1) - Cf. P.P. REY, op. cit., page 372
(2) - D'autres formes d'organisation de la production agricole seront
mises en place lm peu plus tard, cœme on le verra plus loin.

- 165 -
causes du recul administratif. elles doivent @tre cherchées dans la
situation résultant de la crise de 1929, mais aussi dans la nature
du système agricole lignager qui rendait la transformation des
techniques très coûteuse.
Les conditions d'implantation réalisées (transformation de
la force de travail et des produits en marchandises), la stratégie
du systi!me capitaliste consiste â assurer san extension, c'est-à-dire
la réa1i~ation et la capitalisation d'une plus-value de plus en plus
ünportante. Cela suppose que cette plus-value soit produite. Si la
rëafdsatdon nécessite l'extension continuelle de la sphère de circu-
lation des marchandises (à l'intérieur ou .il l'extérieur des frontières),
la production d'une plus-value suffisamnent importante pour être
capitalisée ne peut se faire que si le capitalisme rassemble ma.ssivement
les hcmnes 11 1 r intérieur et autour des unftës de production qu'il
crée. C'est 11 cet impEratif que correspond la créatdcn des villes
et centres urbains secondaires, ceux-ci se situant le long ou à
proximité des axes de drainage de la plus-value vers l'extérieur
(C.F.C.O. notamment).
Cette stratégie n'exclut pas l'utilisation d'autres
formes d' extrosion du surtravail •.atnst , l'extorsion du travail
paysan constitue également une des prëoccupatdons des capitalistes.
Celle-ci, déjà réalisée ~ travers le ravitaillement vivrier des villes,
est accentuée par le développement des cultures dont le produit est
destiné soit à L'epprcvfs iormerœnt des industries locales, soit à
l'exportation.

- 166 -
3.1. L'exode rural
causes et ~volution
Le dëvejcppeœnt urbain au Congo et d'une manière générale
en Afrique Tropicale est présenté avant tout carme un fait colonial.
Les objectifs économiques poursuivis par le capitalisme et les
moyens utilisés par lui sont en effet à l'origine de la fondation
des villes: outre l'établissement des chefs-lieux administratifs
et des points d'appui militaire, la mise en ~~loitation des ressources
narurelles (forêts et gisements miniers surtout), la création des voies
de carmun.i.cation (routes et; chemins de fer de pénétration et cl1 êvacuation)
ont amené le dëvetcppeœnt de ports sur les cëees , de ports fluviaux
aux points de rupture de charge, de noeuds ferroviai.res ou routiers, de
centres de regroupement des produits agricoles. Mais la seule
prise en compte de la stratégie capitaliste s'avère insuffisante pour
expliquer le dêvetcppeaent urbain, ce phénœêne découlant de la
rencontre de deux. systènes socio-éconaniques di fférents.
3.1.1. Antagonisme cadets-aînés et extension du syst!me capitaliste
On a vu â travers l'analyse du processus de soumission du
système agricole et d'une façon générale du système social au svstëœ
capitaliste cœment les aînés ont accepté, sous l'effet de la contrainte
exercée par l'administration coloniale, les rapports marchands,
c tes't-â-dtre qu'une partie au lOOins du processus de reproduction
du systême passe désotmais par le marché capitaliste. L'acceptation des
rapports œarchands , malgré le controle a postërtcrf exercé par les
aînés sur la détention de la monnaie par les cadets (mnétarisation
et augmentation du montant de la dot) constitue néanmoins pour ces
derniers un rœyen d'affirmeT leur Indêpendance , Aussi, les jeunes
prf!!f!Tent-ils tenteT l'expérience capitaliste.
Or, les salaires versés en :one ruTale sont toujours
~TieuTS aux salaires urbains, ce qui Tend plus difficile et plus long
la constitution de la dot. En outre, les possibilitf!!s d'embauche en

• 167 -
milieu ruraï, apparaissent carme relativement limitées, et souvent
temporaires (c'est le cas des chantiers de travaux publics, des
exploitations fOrestières), donc peu satifaisantes. Si le rural
est décidé a. devenir un salarié. il préfêre donc gagner la ville
ail les occasions d'embauche lui paraissent plus nanbreuses 1 les
postes plus intéressants.
C' est donc cet antagonisme. per-cé à bout par le systême
capitaliste à travers sa stratégie d'extension, qui se trouve â
l'origine du développement urbain au Congo dont les répercussions
sur le systi!!me agricole ent:ra!neront peu a. peu SOD extinction.
3.1.2. La nature de l'êmigration
Ce qui caractêrise l'exode rural, c'est d'abord son
ampleur spectaculaire tant en ce qui concerne le nanbre œperscnnes
touchées que le ryti'lœ auquel i l s'effectue. Cela apparait clairement
il travers l'examen de la croissance urbaine qu 1on ne saurait
imputer à la seule dynamique interne des villes (excédents des naissances
par rapport aux décès, dus il de meilleures conditions d'hygiêne et
d'alimentation surtClUt) qui sont de créatdcn récente.
Ainsi BrazzaVille voit-elle sa population multipliée
par ZS entre 1917 et 1972 tandis que celle de Pointe-Noire est en
1972, lS fois plus importante qu'en 1945. En un peu plus de dix
ans, NKAYI (ex JACOB), inexistante en tant que ville en 1955, triple
ses effectifs (10000 en 1960, 30000 hab. en 1972). Le tableau
suivant pennet de se faire une idée de cette ëvctutdon :

- 168 -
Evolution de la population urbaine au Congo (1)
1917'
1945
1955
1960
1965
'1972
VILLES
BRAZZAVILLE
10 000
50 000
90 000
135 000
150 000
250 000
roINTE-NOlRE
, 200
10 000
32 000
54 000
90 000
150 000
LOUBCMl
3 500
12 500
25 000
Nl<AYI
400
10 000
15 000
30 000
1
Sœ.rce
P. Vennetier, A. Auger. H. Ber-trand,
Les villes ne sont pas. cependant. les seuls points
d'aboutissement de l'émigration rurale. Il faut également tenir
compte des centres urbains secondaires ou "seeâ-urbenâsés" issus
de postes administratifs créés sous la colonisation et aménagés
le long des voies de pénétration (cours d'eau navigables du Noro- Congo)
ou de ccmmmi.cation JDOdernes (réseaux. routier et ferroviaire du Congo
Sud-Qccidental). Ces centres urbains secondaires au naobre de qu.inze
en 1968 (2) totalisaient S2 000 h8.bitants et dépassent probablement
le double de ce chiffre â l' heure actuelle.
A l'origine de cette urbanisation accélérée se trouvent les
deux causes évoquées plus haut : antagonisme cadeta-aïnës et extension
capitaliste. Mais elles n'agissent pas seules. D'autres facteurs
interviennent, que l'on peut considérer COIIIIle secondaires, soit
parce qu r ils sont induits par les deux causes principales, soit
(1) - Ces dùffres sont purement indicatifs et varient d'Lm auteur
à l'autre car il s'agit dans la plupart des cas de simples
estimations faites par ces auteurs. Cf. notamnent :
P. VENNETIER :. "L 'urbanisation et ses conséquences au Congo.
(Brazzaville), Les Cahiers d'Outre~r na 63, Juillet-septembre 1963.
a
. "Le développement urbain en Afrique Tropicale",
C.O., n
85, Janvier-Mars 1969.
A. AUGER. '~otes ~ les centres urbains secondaires au Congo-
Brazzaville". C.O. na 81, Janvi.er-êears 1968.
H. BERI'RAND, Le Con~o. Fonnation sociale et mode de développement:
êëonOlJUque. Maspéro, Paris, 1975.
(2) - Cf. A. AUGER. op. citA

- 169 -
simplement parce que leur action est conditionnée par elles. Il en est
ainsi des mtifs que divers auteurs qualifient de psycho -socdcâcgues
..
tels ~ le~ ~l.ntes ~titie.:isés' iitcitant les jeunes 'Ii laisser le
village aux aînés détenteurs du pouvoir de sorcellerie. la solidarité
familiale et clanique obligeant le citadin à prendre en charge
neveux, nièces, grandes soeurs et petits frères venus faire
des études ou l'apprentissage d'un métier. Il en est également
ainsi des IŒItifs qualifiés de socio-politiques tels que la fuite
devant les contraintes administratives (1) et le développement du
marché bureaacrat Ico-tn-Ibak de l'l5lploi. les villes apparaissant
comme des centres distributeurs de postes administratifs três
nœbreux.
Caupte tenu de l'ampleur cie l'exode. on aurait pu
5' attendre a. une désertification du milieu ruraâ . L' analyse de
l'évolution de la population congolaise montre cependant qu'il n'en
est pas ainsi.
Evolution de la population congolaise (en milliers d'hab.)
1
ANNEES
19Z0
1930
1940
1945
1950
195
1960
1965 1972
POPULATION
RURALE
450
480
550
585
600
61
585
590 610
,
1
~
Effectifs
10
ZO
50
65
100
13
Z15
Z70
455 1
-~ Pourcent. Z,Z 4 8,3 10 14,3 1 20,6 31 42,6
'"
1UfAL
450
500
600
650
700
75
800
860 1065 1
Source
H. BERTRAND, P. VfNNETIER. A. AUGER (op. cit.) et ONU
(annuaire statistique 1974).
(1) - Si su début de la période coloniale, le refus des pcpctae Icns
de se soumettre au système capitaliste se traduit par la fuite
en brousse ou en forêt, la ville apparaîtra plus tard COIllDe
un refuge efficace.

170 -
Malgré la fragilité des données statistiques, le tableau
laisse néaIllDJÎl1S apparaitre que les effectifs de la population rurale
sont presque stationnaires. tandis qœ la population des villes
augmente en pourcentage et en valeur absolue. Ce qui signifie que
la quasi-totalité de l'émigration est al~tée par le surcroît
démgraphique rural.
Enfin, cet exode est avant tout un eouvenent de j eunes
penn' les raisons évoquées plus haut. 11 faut cependant préciser que
dans un premier temps, le flux migratoire ccepcrte une majorité
d'ha1mes. Ce phénaDène apparaît; à 'travers la structure déDKlgraphique
urbaine: ainsi, avant 1936, on a pu calculer qu'il arrdvadt;
.il Pointe-Noire 273 hcm:oes pour 100 femœs. proportion qui ne s'est
md.ifiée que lentement pendant les dix années suivantes : 241 hcm:oes
pour 100 femmes entre 1936 et 194', 190 hommes pour 100 femmes entre
1941 et 1946. En outre, panni les imnigrants. daninent de 'rrês loin
les adultes jeunes (classes d'âge de 20 .il 40 ans environ) (1).
Par la suite, le courant migratoire cœprendra un nanbre croissant
de fermes et d'enfants, les candidats à l'ênigration étant assurés
de trouver des "structures d'accueil" à leur arrivée en ville • .il
savoir des parents plus ou mins proches qui pout-rent les aider ou
les héberger pendant quelque temps. Le nombre des f~s égalera et
même dépassera celui des honmes parmi les nouveaux arrdvarrts car.
aux ëpouses légitimes rejoignant leur mari, s'ajoutent nombre de
fenmes seules attirées pal' le "marché matriJoonial" que représente la
ville. ainsi que maintes jeunes filles venant poursuiVTe des études
llupossibles en brousse, et il en est de même des jeunes garçons.
Dès lors la stabilité démographique constatée plus haut
ne concerne que les effectifs ruraux. et non pas la composition des
unités de production, dans la mesure oü ce sont surtout les jeunes.
éléments les plus dynamiques, qui partent. La conséquence en est.
penn' le milieu rural, une accentuation du phénomène d'ossification
évoqué plus haut.
(1) - P. VENNETIER, "Le développement urbain en Afrique Tropicale;
art. cit., page 19.

- 171 -
3.2. L'impact de la deDande alimentaire urbaine sur le système agricole
Le DlJUVser1t migratoire, bien qu'il soit généralisé A
l'ensemble du pays, affecte diffErenment les régions, selon leur
situation géographique par rapport aux villes. tandis que les acnes
les plus ëtodgnëes se dépeuplent de façon absolue. sauf dans certains
endroits bien localisés (1), on peut constater dans les régions
péri-urbaines et d'une manière générale celles qui assurent le
ravitaillement vâvrder des villes, une tendance a. la rétention des
jeunes filles. futures productrices de valeurs d'Echange et une lente
month ou lme stagnation de la population: ainsi entre 1960 et
1972, la population rurale du Pool passe d'environ 20 \\ de la
pcpul.ation rurale totale à près de 2S \\ (2). Si dans le premier cas
la dfpopulation -le départ massif des jeunes filles de 1S à 20 ans
surtout- est le principal fa.c:teur de régression du système agricole,
c ' est par contre la circulation des marchandises qui, dans le second
cas
se trouve de façon daninante à l'origine de cette régression
nous y reviendrons.
3.2.1. L'aœrition de la petite production marchande.
La production de aarcbandîses par le systêee agricole
lignager se fait bien avant que l'urbanisation soit véritablement
eœcrcëe , On a vu, en effet. que le marché extérieur et les Chantiers
etaient alimentés par l' agricul ture Dla.TChande forcée dnataurêe
pendant la c.olonisation. Ce qui distingue cette forme d'agriculture
de la petite production marchande, c'est la nature de la contrainte
exercée sur le producteur. Dans le premier cas, il s'agit pour le
producteur d'échapper aux sanctions administratives sans que les
produits livrés sur le marché par celui-ci soient appréhendés cormne
des marchandises. Par contre, la production des biens destinés à
(1) - Cas de la Sangha. oü la O1lture du cacao retient la plupart des
homnes.
(2) - Cette région est la principale productrice de manioc a. destination
de la ccnsœmat.Ion urbaine (plus de 60 \\ du manioc consonmé a.
Braz:aville et Pointe-Noire selon l-h.1gues Ber-trand, op. cit.)

172
satisfaire la demande alimentaire urbaine apparaît d'autant plus
nêessarre au producteur que sa subsistance en dépend déscrnaîs , du
fait surtout des nouveaux besoins suscités ou imposés par le
sys'têIœ capitaliste. Deux catégories de ma:rç,h,andises ciI'CUlent
dans le cadre de la petite production marchande : les produits
maraîchers et les produits vivriers traditionnels.
3.2.1. t , Le développement des cultures maraîchères
C'est en 1912 que le maraîchage commence à se pratiquer.
mais il se développe surtout avec l'urbanisation. L'établissement
des jardins ma:raichers le long des principaux cours d'eau intra ou
péri-urbains mais aussi dans les fonds humides en milieu ruraf a été
provoqué par la présence d'une clientèle européenne grossie peu
à peu par des "évolués" qui ont irDiifié leurs habitudes alimentaires.
Les espèces cultivées ont une double origine. les semailles
étant faï tes avec des graines cOlllIlaJldées en France, aux grandes
maisons spécialisées. ou d'origine locale. C'est ainsi que viennent.
sur ces jardins,salades. carottes, poireaux, choux, navets, oseille,
haricots, persil, ~pinards, tomates, cresson, etc.
En ce qui concerne les teclm.iques utilisées (1), elles
consâseent d'abord en un défrichage coupant. l'appareil externe des
vëgéteux, suivi d'un brûlds , Vient ensuite le travail du sol :
cefuf-cd est retourné il la houe, les lIlOt.tes de terre sont brisées
et plac~es selon une série de plates-bandes rectangulaires et
parallèles. d' tnëga.Ies longueur, surëfevëes d'une vingtaine de
centimët'res , larges d'un mèt.re au moins et ëtabfâes dans le sens de
la pent.e. De profonds et larges sillons séparent ces plates-bandes,
assurant le drainage des eaux de ruissellement et de celles Qui
sourdent au pied des versants. Les racines déter-rées sont mises en tas, ,
(1) - Ces techniques sont décrites par P. ~IER dans les études
suivant.es ;
- "Banlieue noire de Brazzaville. La vie rurale et les rapports
entre la ville et la campagne il Bacongo". CO n" 38,AVTil-Juïn 195ï .
- "La vie agricole urbaine à Poirrte-Sodre (Congo)"
C.O. n" 53, Janvier-Mars 1961.
- Pointe-Noire et la fayade marit.ime du Congo-Braz~a
o.R.S.r.O.M., Pans,
968.

173 -
recouvertes de terre et brOlêes. Le mélange calciné rêsultant de
cet êcobuage , auquel on peut ajouter des feuilles vertes. des
résidus et balayures dcmestiques. constitue il la fois l'engrais
et lm amendement qui dorme un peu plus de légèreté au sol.L'arrosage
se fait il partir du cours d'eau si le jardin se trouve en bordure
sinon, le jardinier tire l'eau d'un petit puits qui s'alimente il
la nappe phréatique, très proche de la surface. Q.land lèvent les
semis, un toit fOlÉ de feuilles de palmiers étendues sur une claie
les protège des fortes chaleurs. Enfin. si le besoin s'en fait sentir.
un sa-rclage sera effectué avant la rëcofte,
Bien que certains fonds 1u.mi.des abritent des "jardins
de fE!lllDes" ail celles-ci font pousser quelques-unes des plantes
potagères qu'elles utilisent couran:ment, le maraîchage est. une
activité essentiellement. masculine. Cela tient moins à la division
sexuelle du travail agricole qu'au dëvetoppeeent des rapports marchands.
En effet, comme le note P. Vennetier, la part d'auto-
consommation étant assez faible. le maraîchage constitue une source
de revenus rêguliers qui n'est pas il négliger. La vente des produits
llIll7'3.îchers aux: particuliers, mais aussi il, certaines collectivités
(cantines IIl.ilitaires. internats des lycées. hôpitaux. etc) pennettait
il chaque producteur de Bacongo de se procurer en 1957 un revenu
mensuel allant jusqu'il 3; 000 francs Cl). Ce chiffre a son drrtêrêt
si l'on considère qui à la même époque J la plupart des travailleurs
du quartier en question ont un salaire mensuel inférieur à 900 francs
et la ville concernée est constituée de 82 \\ de
"sans travail".
Le rœraîchage , en tant qu'activité régulière, aurait occupé
331 personnes, en 1957 dans le seul quartier de Bakongo â Brazzaville.
120 il 150 en 1959 il Pointe-Noire et 110 en 1965 dans la même ville C:).
Ces chiffres sont négligeables au regard de la population totale de
ces villes. Ils attestent néanmoins l'existence d'une petite production
marchande dans la mesure où i l s'agit de producteurs ne pouvant
Cl) - P. 'lENNETIER. art. cit., page 140
(2) - Ibid.

~ 174 -
assurer leur subsistance qu'en passant par le marché. C'est cette
progression des rapports marchands qui, en milieu rural , amêne
les hcnmes de la région de Boko par exemple â consacrer A des
cultures maraichêres dont le produit doit être vendu au chef-lieu
ou même à Braz.zaville, les jardins destinés auparavant â des
plantes quela coutume les autorisait à cultiver sans déchoir et
se couvrir de ridicule, telles que la banane, la canne à sucre et
le tabac.
3.2.1.2. Le ravitaillement des villes en produits vivriers
tTaditionnels.
Parallèlement au maralchage destiné à satisfaire une
part infime de la demande alimentaire urbaine, d'autres activités
relevant de l'agriculture se srrdëvetcppëes dans les villes
congolaises. C'est le cas de la culture des plantes vivriêres
(manioc, arachides, patates, taros, mats ••. ) et de la récolte de
produits consœsaab ïes (canne A sucre, vin de palme). Le dêveloppement
de l'activité agricole en milieu urbain est rendue nécessaire par
le décalage entre volume de l'immigration urbaine et possibilités
d'emploi offertes par le système capitaliste, la faiblesse des
revenus par rapport aux besoins de la grande masse des travailleurs
et enfin la difficulté, voire l'~ssibi1ité pour les citadins
de vivre en auto-subsistance. Mais la faiblesse des étendues
cultivables tant à l'intérieur qu'autour des villes restreint cette
activité qui ne résoud par conséquent qu'en partie -et ce uniquement
tant que la structure urbaine le permet- le problème de la subsistance
quotidierme des citadins. Les villes doivent donc recourir, pour
leur ravitaillement en vivres, d'abord et surtout au milieu
rural, mais aussi à l'importation des produits d'origine étrangère
notaJllllent eurcpéerme .

- , 7\\ -
Des march~s ruraux se sont fermés où 1 j on retrouve toute
la gaume des produits provenant de l'agriculture et des activités
~ lui sont liées, mais aussi de l'artisanat. Mais c'est. le
manioc qui constitue l'êU!ment essentiel des transactions sous
toutes ses fomes : foufou (farine de manioc). tubercules frais,
tubercules rouis et séchés. chi.kcuangue (environ un kilo de manioc
l'OUi, prëparê , enveloppé et serré dans des feuilles qui le tiennent
au frais).
SuI' ces marchés viennent 5' approvisionner deux: sortes de
clients : les commerçants qui achètent par grosses quantités et
vont revendre sur les marchés urbains ; les particuliers qui viennent
se ravitailler à meilleur marcM qu'en ville. Ces derniers achètent
généralement une quantitê de produits supérieure à leurs besoins.
L'excédent; étant ensuite écculê en ville.
Crëës sous la colonisation, les marcMs ruraux ont
perdu leur raison d'être avec le recul du controle et de la
surveillance exercée par l'administration sur les transactions
qui s' Y dëroujatenc , sans doute parce qu 1 elle a estimé que le
processus était suffis8IlIllent avancé pour qu 1 i l se PJUI'suive tout
seul. C'est alors que les ccmmerçants possesseurs de moyens de
transport ont cClJllleOCé à jouer un T'Ole de plus en plus grand dans
le ravitaillement des villes. Il n'êtait plus nécessaire au
producteur de t'ranspcrter ses marchand.ises jusqu'au marché où devait
s'effectuer la vente. Dans un premier temps, les ramasseurs ont
coumencê par venir dans les villages, chargeant les produits pour
les porter au plus proche marché, où les femœs se rendaient, libres
de toute charge, pour assurer la transaction sous -Ie contrôle de
l'administration. Ensuite, ce système a fait place au ramassage pur
et simple dans les villages, avec acheminement direct des produits
vers la ville. Les exemples sont nombreux des populations vivant
loin des voies de cœnamicat Icn, qui ont construit des pistes pour
faciliter aux camions l'accès à leur village.

- 176 -
Enfin, une autre fonoe du ravitaillement urbain en produits
vlVTiers traditionnels est constituée par les déplacements des
ruraux allant proposer leurs produits aux. citadins. Deux cas
peuvent se rencontrer ici : le producteur se rend en ville où i l
est hébergé par un parent jusqu 1 à ëjxdseœnr des marchandises
apportées, i l le remerciera par des cadeaux en nature ; ou bien i l
laisse au parent ses marchandises ~ vendre et repart aussitôt, l'argent
gagné est conservé et partagé ultérieurement, lors d'une réunion
familiale.
3.2.2. Les progrès de la P.P.M. en milieu rural.
L'intense courant cœmercial ainsi créé s'est développé
avec l'accroissement des effectifs urbains. La statistique de 1955 (1)
chiffrait â 1'00 t environ la quantité de produits vivriers
cœnercdal.fsës dans la région du Pool. En 1967) selon Alain Auger,
le Pool aurait expëdté vers Bnz.zaville S1 6ZZ t de produits vivriers.
La quantité de marchandises produite dans le cadre de la petite
poduction marchande aurait donc été II'I.Ùtipliée par 47 environ en
douze ans dans cette région.
Ces chiffres ne constituent que des ordres de grandeur
étant donné qu 1 ils ne concernent que les produits saum.i.s au contrôle
officiel excluant une quanti të au moins égafe de marchandises qui
échappe ft ce contrôle (Z). Il est cependant certain que la petite
production marchande a enregistré lm progrès cesae peut le montrer
l'analyse du tableau cd-aprês , (cf. page suivante)
Notons d'abord que du fait du décalage entre production
et consonmation, une partie des moyens de subsistance doit être
importée: i l s'agit essentiellement de viande, de ponues de terre,
de légumes et de fruits. La rubrique cœsnerce cœprend donc des
(1) - Citée par P. VENNETIER dans "Banlieue noire de Brazzaville",
art. cit~, page 147.
(1) - Il s'agit ce marchandises accoapagnées par des ruraux allant rendre
visite â leurs parents en ville ou pour s'y installer. Ainsi
P. VE1't'ŒTIER (cité par H. Bertrand) chiffrait ft 8500 t les
arrivages accompagnés par voie ferrée
Pointe-Noire en 1967
â
en sus des i400 t officielles.

- 177
BILAN DE lÀ PRODUCTION AGR.!COLE VIVR1~':1.E DE 1962 A 1972 DU
C(}'j~C
Uniti
r cnae
Produits
1962·
1963
196'
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
19i:
1. PROOUCTlON
. 46239C 473850
489980 506960
52390(
537900 555875 570763 589207 0277 62015-
.'!.Inioc-tubU OJ l e
364000 375000
386000 398000
410000 422000 I4J4000~448000 46looo 7S000"S5CC':
1su_e-1'at8I:U
31000
32000-
3-2000
35000
38000
42000
44000 1 46000
50000 480J 4&cOO
Mü.
3700
3690
3600
3600
3900
4000
360J
3900
4200
sooJ 450c
i
1'cm=e d. tllI're
1100
600
800
900
1400
1100
1500
1500
1500
2100
180C
Ligum.. .l~ent.i
1
1
ru
zoooo 21000
24000
25000
24000
22000
260001 25000; 26000 2600e zsooc
J'l'Uitll divtta
'4000
14000
14000
15000
16000
16000
16000 115OO0! 1500011500c
!80CC
BC1&Zlu 1'lanuill.l
27000
26000
28000
28000
29000
29000
29000
29000\\
32000
290001 2900e
1'imd. et. aJ,ttea
Produiu UC'lqe
1590
1560
1580
1400
1600
1800
1775
2363!
2507'
2671
2857
1
II.CONSCHiAT10N
!
DES !(!NAGES
467693 479884
496162 510820
525300 540550 5601751573"'f586oo, 07540f'237Si
1. Au toconaamlla-
343952 354651
370853 358840
368655 377485 369577!378640')59684 81867 918;~
.E:.2.D
,
,
K.i.uiQc
291000 300000
314000 298000
307000 316000 304000'313000 289000S13000 23000
l
'
1
Igu:mes
23000
24000
24000
26000
28000
29000
300001 32000
35000, 34DOO 32000
l
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2100
2200
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2200
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22001
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L6Z1=u ez:: »i;UIDea
.alim.ut.aires
11000
12000
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7000
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': ou.r ce
Répu.blique Popu.laire du Congo, Go=.i.ssariat Cénéral z.l Plan, Direction de la Statis:->
qUe et. cie la Cc:mptabilitê" fCOl:l.Omi'lIU. !Ira::o:aville. 1974,

• '78 -
produits d' importation. Par conséquent. l'analyse de l'évolution
des produits conmercia.lisés ne peut pas nous renseigner cot-rec'teœnt
sur celle de la petite prodJ.Jction ma:rcnsnde. L'analyse de l'auto-
consomnation, par contre, est intmssante à cet égard. La part
auto-consOlllDée de la production qui était de 74,3 \\ en 1962
est descendue à 70,1 \\ en 1967 et à 63,2 , en 1972. La commercialisation
des produits
vivriers 5' est donc accrue. au dët.r-imerrt de l'auto-
consommation : les causes réelles et les conséquences de cette
situation seront exa:m.inées plus loin.
3.3. Le développement des cultures industrielles et d'exportation
3.3.1. Espèces concernées et modes de diffusion
Les premières tentatives de développement des cultures
commerciales furent faites dès la fin du XIXè siècle avec
l 'int:roduction du cacao et du cocotier. mais i l ne semble pas
que la population se soit consacrée à ces cultures à cette époque.
C'est à partir de 1936 que, sous l'i.mp.ù.sion du Gouverneur génëral.
Reste. furent distribués en grande quantité dans les villages des
plants de cocotier (zone
côt.Iêre du KouilDtl), de bananier (Mayanbe),
de caféier ~Kouilou, xterf., Cuvette, Sangha), d'élaeis (LekOUlOOU,
Likouala). de tabac (plateaux Badké) , des fèves de cacao (Sangha),
et des graines d'arachides sël.ect Iormëes (Niari, Bouenza) (1). La
deuxii!sœ guerre lOOndiale devait. Ineerrœpre l'essor de ces cultures
et ce n'est qu'en 1950 qu'elles revinrent à l'ordre du. jour.
Bien que certaines espèces appartierment déjà à la gaane
des productions du systêœ agricole (bananier, ëtaets , tabac, arachide)
où existent à l'ét.at naturel (café: coffea caniphora, type kouilou,
Exlsa et Gros indénié), la plupart des variétés diffusées sont soit
d'importation (cacao. cocotier, banane Gros-Michel type MJ.sa sapientium.
tabac Maryland et Java, café Robusta), soit sélectionnées par les
stations locales de l'Institut de recherche pour les huiles et. les
oléagineux (IRfD)
(1) - La prcroctcn des cultures cœmercdal es s'effectue dans le cadre
des ''paysannats'' qui seront examinés plus loin.

- 179 -
3.3.2. L'intégration au Système agricole
Le fait essentiel ~ dans cette indgration, est l' accapa-
rement des différentes o..ù.tures par les hœrnes,à l'exception de la
O1lture de l'arachide qui est du ressort exclusif des femnes. Si
la culture de l'aTaChide destinée à la vente n'entraîne que quelques
UDdifications du système de culture antérieur, le dëve.lcpperœnt
des autres cultures (cacao, café, tabac et banane natamnent) se fait
par la mise en place d'lm autre système de o.l1ture : le système
de plantation.
3.3.2.1. La o.l1ture de l'arachide
Rappelons que l'arachide est l'une des plantes importées
d'Amérique au 16ê siècle et que sa culture était donc pratiquée
avant la diffusion par l'administration coloniale de variétés
sélectionnées destinées à la vente.
Dans la plupart des régions du Congo. l' arachdde occupe
la première place dans les assolenents et sa culture s'effectue sur
brOUs forestier, sur buttes ou sur billons en savane. L'exception
est sur ce plan la plaine du Niari oü les arachides ont toujours
été cultivées à plat, sans aucune sorte de buttes, de billons ou
de planches, et c'est elle qui fut choisie pour la promotion de la
culture
arachfdâêre, Des essais systânatiques entrepris à la cellule
agronaDique de recherches, jt.vnelée
à l'exploitation de la
c~gnie générale des oléagineux tropicaux (C.G.D.T.) de Loudima
ayant déIJ::mtré que les meilleurs rendements étaient obtenus par la
culture à plat, cette métnode fut conservée. Il en est de même du
cycle de cul ture
: les vardétës "traditionnelles" à dêvelcppemerrt
lent n'étaient cultivées que pendant le premier cycle de la saison
des pluies (Octobre-Novembre) ; la diffusion des variétes hâtives n'a
engendré aucune modification sur ce plan, les repousses sporrtanëes

- 180 -
donnant seules lieu à une récolte à la fin du second cycte (Mai-Juin) Cl).
Le fait nouveau est l'ampleur prise par cette culture.
Selon une enquête effectuée par l'I.R.H.O. en 1962 (2), les arachides
occupent à elles seules 4S \\ de la surface cultivêe. ce qui est loin
de la situation d'avant la pénétration capitaliste et a sur
le
système agricole un certain nanbre de conséquences qui seront
examinées plus loin.
3.3.2.2. Le système de plantation
Dans son étude sur la Terre Enkou, B. Guillot fait état
des plantations de palmiers-raphia effectués autrefois par les hOllll1es
et dont le produit servait à la fabrication des pagnes destinés aux
échanges. Mais i l ne s'agissait que d'une activité marginale par rappor-t
à l'ensemble du système agricole.
Le système de plantation n'a réellement pris naissance
et ne s' est dëvetcppë qu 1 avec le dêveloppe;oent des cultures
cœmercdal.es . Sen niveau de dëvetoppeœnt est fonction de l' évolution
de la culture pratiquée: ainsi. la culture du cacao étant la seule
il avoir connu quelque succès sur œ tre champ d'étude, c'est dans la
zone cacaoyère de SOuanké que ce système est le plus avancé. Voici
les constituants du système tels que les présentent J.F.Vinc:ent (~)
et C. Robineau (Op. cit.) dans les études qu'ils lui ont consacrées.
(1 ) - Cf. r.illes SAUTTER. ou. cit. pages 610 et 611. La non-adoption,
par les fenmes de cette région. du second cycle de OJ.1ture
d'arachides cr~eillé par les services agroncmiques officiels
serait due, selon cet auteur, à son rendement inférieur il celui
du premier- cycle et il son caractère aléatoire. D'autre part,
l'arrachage et l' ëgoussage ët.ant gros consœmateurs de main-
d'oeuvre, le second cycle n'est donc possible qu'il condition de
réduire les surfaces consacrées au premier cycle, dont le
rendement est en général meilleur.
(2) • Ibid., page 614
(3) - J.F. VINCENT, La aL! LUre du cacao et son retentissement social
dâriS la région de SO~~, O.R.S.t.D.M., et
Cammissarlat au Plan, Brazzaville, 1961.

- 181
La plantation est ouverte par le défrichement d lune
portion de forêt, sur berme terre rouge QJ. violette. durant les
deux: saisons sèches (juillet-aoOt et janvier-février). La mise en
terre des plants pris dans une pépinière intervient après le brûkLs ,
L'opération suivante est le désherbage qui est en principe bisan:wel.
Le remplacement de certains plants et l' entretien des cacaoyères se
font à partir de la troisième année. Il faut compter cinq à six
ans avant que les jeunes arbres portent leurs premiers fruits (cabosses).
La récolte peut alors conmencer, Illllis la production n'entre dans
sa phase intéressante que dans la huitième année. La proximâtë de
l'~teur fait que les cabosses arr-ivent à Illllturité tout au long
de l'année, de la mi·aoO:t jusqu'au mis de mai suivant, l'interruption
correspondant à la saison froide. Le dépulpage des fèves aura lieu
ensuite au village par ferœntatdon dans des bacs remës , en bois,
fmn'nis par le Service del'Agricu.lture. et i l sera suivi du
s6chage au soleil sur les claies mobiles du séchoiT' à cacao
déncmné "séchoir autobus".
La plupart des opérations sont effectuées par les halIInes,
les feumes n'apportant une aide à leur mari que lors du désherbage
et de la récolte. Une organisation analogue se rencontre dans les
plantations de café et de tabac.
Outre le caractère spéculatif de la production sur
lequel nous reviendrons, le système de plantation qui vient d'être
dëct-It se distingue du système agricole lignager étudié jusqu'ici
par l'organisation du travail et le caractère pluriannuel des cultures
concernées.
En ce qui concerne l'organisation du travail, i l s'est
............1"

ont
t(.

}'............it ce que davers auteurs appel.ë "la euse au travail de l' honJne"
mais il convient plutôt, compte tenu de ce que nous avons vu à
propos du système agricole Hgnager , de parler d'une participation
accrue de l'homme aux travaux agricoles. S'agissant toujours de
l'organisation du travail, il faut également signaler l'utilisation

- 18Z
d'une main d'oeuvre salariée par certains planteurs: 4 \\ d'entre
eux ont produit de cette façon plus d'une tonne de cacao en 1974 (1).
euant à. la nature des espèces cultivées, celles-ci.
parce qu'elles sont arbustives et pluriannuelles présentent
un intérêt certain sur le plan de la conservation de la fertilité
des terres, si l'on ne tient pas compte, bien M, des diverses
maladies affectant les arbustes. Mais la pérennité des cultures
signifie aussi une progression de l'individualisation des droits fonciers.
malgré la persistance du principe de l'inaliénabilité de la terre.
Bien que le système de plantation se différencie du
système agricole lignager, il n'est guère possible de le
considérer COUIlle une fonœ d'agriculture capitaliste. 11 correspond
cependant à la première des trois fonnes caractéristiques
du développement de l'agriculture de plantation définies par
J. Tricart et qu'il appelle la forme première (2).
3.3.3. La contribution au développement de 13. petite production
marchâIîdë •
3.3.3.1
atdons à la
raootion
es et
exportat1on.
Selon le recensement agricole effectué en 1972-1973 (3),
le nombre d'exploitations agricoles pratiquant à titre principaL des
cultures destinées au secteur industriel local ou â l'exportation se
(1) - Atlas de la République Populaire du Congo, êdition Jeune Afrique,
Paris, 1977.
(2)
J. TRlCART, ''Les systèmes africains de plantation", Les Cahiers
d'Outre~r, Juillet 1957.
Lâ fonœ ptonntêre est caractérisée de la façon suivante : eu-defâ
des espaces consacrés aux cultures traidtionnelles, caféiers et
cacaoyers sont pkarrcës dans la forêt. La parcej.j,e défrichée à
cette fin est si lointaine qu'elle rend souvent nécessaire
l'installation d'lEI habitat temporaire; mais sa taille est limdtée.
Les cultures commerciales sont en effet réduites en étendue
(3-4 hectares par famille) et en importance dans l'équilibre du
niveau de vie. Les deux stades suivants sont les fonnes fiévreuse
et organisée.
(3) - R.P.C., ~istêre de l'agriculture et de l'élevage: Recensement
agricole 197:-1973, résultat~ provisoires.

- 183 -
serait élevé à 100020, soit 72,53 \\ de l'ensemble des a~loitations
agricoles recensées au cours de la même période sur le territoire
corigolais. One vu qu'a. l'exception de l'arachide et du tabac. les-
cultures industrielles et d'exportation étaient entièrement aux mains
des hammes ; le nombre total des exploitations agricoles (137 883) (1)
étant assez proche du naubre d'actifs agricoles de sexe masculin
(139 920) (2), on peut considérer que c'est plus de n 1. de la
population agricole active masculine qui se consacre aux cultures
industrielles et d'exportation.
3.3.3.2. Evolution de la production et de la cClllllercialisation.
Malgré le taux élevé de participation des populations aux
cultures cœmerciales, on ne peut pas dire que cel1es-<:i aient connu
un riel développement sur notre champ d'étude. Plusieurs facteurs
sont souvent évoqués pour expliquer cette situation: d6ficiences
du systêlœ de collecte et d'évacuation,
bas prix payés aux producteurs,
maladies des plantes, etc.
Evolution de la production des principales cultures
cClllllerciales (en milliers de tonnes)
\\
ANNEES 1965
1966
1967
196' 1969 1970 1971
1972
1973
P!1OIJJCITON
Arachides en coques 18
20
17
20
20
20
20
20
20
Palmi.stes
6
4
5
5
3
2
3
3
3
,
, , ,
Huile de palme
7
7
6
6
6
Sucre centrifuge
31
56
96
92
95
96
70
40
40
,
Cacao
1
1
1
1
2 ~ 2 2

Café
3
3
2
2J
Z
Z
1
1
1
Source: ONU, Annuaire statistique pour l 'Afrique, 197~
(1) - Recensement agricole, op. ci t., page 11
(2) - Ibid, page 10.

- 1&4-
Ainsi, la baisse enregistrée dans la production de café,
par exemple, tient a plusieurs causes : mauvaise qualité de la
variété cultivée (10 \\ des plants ctassës en qualité ïnëërf.ecrej ;
vieillissement des plants et mauvais entretien des plantations
(négligence des planteurs due au prix jugé peu rémmêrateur et
aux retards dans la collecte rendue difficile par la dispersion
des producteurs).
Seule la culture du cacao a véritablement été développée.
Commencée en 1952. les campagnes 1960-61, 1964-65, 1970-71, 1974-75
ont fCJl1l'TÙ respectivement 750 t , 1000 t, 2000 t
et 3 000 t de cacao.
généralement d'excellente qualité. Cette progression rapide de
la production est due aussi bien aux aptitudes êcologiques de la
région de la sangha (cliInat propice et sols rouges convenant
pEfaitemeIlt a cette culture) qu'aux efforts fournis par les services
de l'agriculture.
Quant l la commercialisation, elle a enregistré un recul
en ce qui concerne certaines cultures COIIIDe l'arachide et la banane.
Les exportations d'arachides de bouche ont cessé en 1970, et les
tonnages utilisés par l'huileTie de nkayi sont tombés de 5000 t en 1964
â 1400 t en '975 (1). De même les exp:trtations des bananes veTS la
France qui avaient été de 8 t en 1955, 227 t en 1956, 984 t en 1958
et 1327 t en 1960 (2), ont pris fin. Ces deux productions sont
désormais destinées â l'auto-eonsomnation et aux marchés urbains,
Si l'on excepte le cas du cacao, i l ne semble pas que
les cultures conmerciales aient beaucoup contribué au développement
de la petite production marchande, bien qu'un nombre important de
personnes s'y consacre. ~ dans le cas du cacao, il est difficile
de parler de petite production marchande car 51 les produits sont
exclusivement destinés â la vente, les revenus sont affectés â
la satisfaction d'autres besoins que ceux de subsistance. En effet,
(l)
P. VENNETIER, Atlas de la République Populaire du Congo, op. cft , ,p. 3
(2) - P. VENNETIER, Pointe-Noire et la façade rnaTitime du Congo,op.cit. .p, Z:

185 -
la subsistance du planteur est assurée indépendamnent cie son c-crivité
agricole aercbende , tes plantations étant en quelque sorte
associées aloi. système vivrier traàitionnel dont la feome continue
~ s'occuper.
Ccmoe le souligne Kostas vergcpcujos , "le but de la
petite production marc.ha.nde n'est pas la mise en valeur d'un capi tal
et l'obtention d'un profit. mais la subsistance du travailleur et
de sa famille" (1). Ce qui n'est pas le cas pour les cultures
industrielles et d'exportation que nous venons d'examiner. Par contre.
les carnees cœeercaares contribuent au développement cie la petite
production marchande en ce qu'elles constituent l'activité petmettant
de satdsfatre un certain nombre de besoins nouveaux A caractère de
plus en plus vital.
Ainsi. le changement du contenu diachronique du systèDe
agricole lignager a pour conséquence son extraversion et le développement
en son sein des rapports lJ.I8.rchands capitalistes.
Le processus dtext raver-sdcn s'est effectué en deux
phases distinctes correspondant A deux agressions de formes différentes
mais a.yant les mêmes fondements. La preniêre se caractérise par le
contrôle exercé par le système sur L'approvi.sdormenent du système
capitaliste naissant en forces de travail et en produits. L'autonomie
(1) - S. AMIN et K. VERGOPOULOS. La question paysanne et le caoitalisme.
An~hropoe - IDEP, Paris, 1971

- 186 -
dont dispose le système au cours de cette phase lui permet de
surmonter les difficultés engendrées par cette agression. Le rôle
de l' autonanie est apparu surtout au niveau de la reproduction des
techniques agricoles? avec l'adoption des plantes venus d'Amêrique.
La seconde phase, par contre, voit le système perdre une
borme partie de son autonomie, perte résultant de l'êclatement du
cadre d'auto-subsistance et de la pënërreetcn des rapports marchands
capitalistes. Le système n'a pas disparu pour autant; l'adaptation
s'est faite par lm conrrôte a posteriori des conditions de sa
reproduction, mais ce contrôle n'a pu empêcher le déclenchement d'un
processus de régression dont le chapitre suivant va rendre compte.

- 18 i -
~!~_,_: ~~IgN)',! ~~ ~ÇO!,E_L!~~ ~_CQNÇL~S!O~ ~
- - - - - -. - - - - - . - - -- - - -- - - . - - - - - - - - .
Il ressort de l'analr-;e du dêVeloppement de la pect te
production lNIrchsnde que deux fonctions essentielles sont désormais
assignées au systi!!!œ aertccte lignager : assurer la reproduction de
la force de travail nëcessadre au systi!!!œ capitaliste et fournir des
matiêres premiêres aux industries capitalistes locales ainsi qu'~ celles
des ëcrmat icns ëccnœncces et sociales cerrrrakes . C'est ce qui explique
la fixation par le système capitaliste de la nature et de la destination
des produits, mais son intervention ne se limite pas a cela, Ses
représentants agissent- en effet sur les rapports lignagers qui subissent
d'importantes transformations (section 1) engendrant
leur tour une
ê
dëceëence des techniques agricoles (section Z) (l), l'analyse de ce
processus de rëgresstcn du système agricole et de l' instabilité qui Le
carac'tërdse devrait pennettre de conclure SUT la stabilité dans les
systèmes agricoles antécapitalistes (section 3),
Ce phênamêne a déjà été abordé a propos de l'Lnstauration
de l'économie de traite (passage de l'organisation étatique à une
organisation purement lignagère) et du système colonial (rupture de
l'uni.t~ des groupes de production et de consarmation). Il prend cependant,
avec la progression des rapports marchands, une dimension toute particulière
(T) - Ce phëncaëne n'est pas a sens unique, puisque corrme on le verra,
la régression des techniques est également al' origine de la
transformation des rapports sociaux,

- '88 -
qui apparaît; surtout au niveau de ses conséquences sur le système
agricole. Les mkanismes de cette perversion portent essentiellement
sur la seructare de l'espace agricole, sur celle des besoins et d'une
manière générale sur le 100de de fonctionnement du système social.
.1.1. La restructuration de l'espace agricole.
La réorganisation de l'espace agricole a revêtu deux
fonnes principales : la création, ëvcccëe plus haut, des tilles et
des centres urbains secondaires et le regroupenent des vtl.Lages (1).
En dénaturant les rappor-ts fonciers et en raupant l'êquilibre qui
existait entre les diverses régdcns de notre champ d'étude, elle a
ôtë au système agricole la plus grande partie de sa substance.
1.1.1. Le regroupement des villages
Un des traits caractéristiques de l'organisation. lignagère
est la dispersion de l'habitat. malgré la nécessité bDposée par le
faible niveau de dével~nt des forces proàuCtives aux lignages
de.lIll!me souche ou si.mplenent alliés, de viVT8 gT'tlUpés. L'êparpillement
des populatioru constituait une entrave l I ' implantation capitaliste
aussi l'administration coloniale se prëccccpa-e-erte de regroupe'
les hameaux quasi-familiaux en villages plus imponants.
La première tentative dont nous ayons connaissance rercnte
à 1913 et fut effectuée dans la boucle du Niari. Dans telle terre, le
"ccmnandant" décida de rëduâre de .30 à B le nanbre de villages ; dans
telle autre, de 58 à 17 j dans une troisième, de 27 ~ ~ (2). Au même
moment, vers ~dingou. "les groupements s'organisent à peu près par-toue.
(1) - Il conviendrait d'ajouter à ces deux formes l'occupation par
l'administration, les missions religieuses et les entreprises
capitalistes de vastes pert.ions de teTTe utilisêes à des fins
diverses (c'est le cas des 30000 hectares octroyés aux colons, dans
la vaj ï.ëe du Ntar i , qui auraient pu ncarrf.r 35 000 personnes.
(2) - Poste de Missamissioné, RapPOrt. pc;ur le mois de juillet 1913,
Archives administratives de DohS1e.

- 189 -
Les nouveaux villages groupés ne sont pas encore terminês , mais
en pleine vere d'exécution...
Cer-tains d'entre eux réunissent
70 l 80 cases •.. " (1). D'autres tentatives eurent lieu vers 1920 dans
la région de la Likouala-Mossaka (2) J en 1921 dans la subdivision de
r.bssendjo (3), à partir de 1925 dans la région du Kouilou (4) et
en 1931 dans la rëgdon de Beko (S) cil le nombre de villages passa
de 386 à cette date l 169 en 1935.
Toutes ces tentatives se soldèrent par des échecs. Partout,
les villages regroupés s'empressèrent en effet de s'éparpiller à
nœveau, ~ l'exception de la région de Beke, oü selon r-expresstcn
de G. Sautter, ils "se sont désset-rês plus qui ils n'ont véritablement
éclaté" (6). Si l'on s'en tient aux documents administratifs, deux
raisons essentielles semblent expliquer ces échecs : d'une part les
rivalités interlignagères. le refus d'un chef de se soumettre à
l'autoritê d'un autre chef; d'autre part les problèmes fonciers,
les étrangers l la terre où s'installe le village n'ayant pas le
droit d'y faire des cultures. L'échec fut tel, à Madingou, qu'il fallut
"dégrouper certains groupements dont les terres familiales étaient
VTaiment trop ël.câgnëes du nouveau centre" (7).
(1) - Subdivision de Ma4ingou-80ke-Songho, Rapport pour le !OOis d'août 1913,
Archives administntives de Dolisie.
(2) - Cf. Gilles SAUI"IER, op. cit .• page 240.
(3) - Cf. P.P. REY, op. cit., page 381
(4) - Cf. P. VENNETIER, Pointe-Noire et la façade maritime du Congo-a-a::.::avill,
op. cit., page 187.
(S)
Cf. G. SAJJITER, op. cit .• page S40
(6)
G. SAJJITER, ibid.
(7) - Subdivision de Madongou-Boko-Songho, Rapport pour le IllOis de
septembre 1918, Archives de ~ingou.

- , 90 -
Mise en veilleuse avec les travaux du Congc-Ocëan , la
concentration des villages revint il L'erdre du jour avec l'entrée en
service du chemin de fer et la lD.l1tiplication des routes il partir de
1935. En mt!me temps que des agglcm!rations se formaient spontanément
le long du C.F.C.O •• la population était amenée en bordure des routes.
Cette fois les villages, dans l'ensemble ont mieux tenu ; du moins
les gens n'ont-ils pas cherché il s'éloigner des routes. En effet, les
contradictions évoquées ci-dessus n'ont pas disparu, mais plutOt que
de rejotrdre leurs anciennes terres ou de s'installer sur d'autres
terres, les fracti<lns dissidentes se sont constituées en hameaux
égrenés le long des routes.
Le phénanène de dispersion se perpétue, mais on est passé
d'un habitat dtepersë à un habitat i inëatre, du mins de façon
doaùnante ; car si l'habitat linéaire ou en forme de chapelet tend il
se généraliser, l'habitat dispersé pTêdanine encore dans les rêgdcns
faiblement dotées en voie de call1Llnication.
Un peu plus tard, les villages s'installeront en bordures
des routes sans que joue la mindre presston administntive. Ce fut
le cas après la construction. en 1960. de la nouvelle route du Gabon
et de celle re.Hant Pointe-Noire à Sounda, prélude aux travaux de
construction du barrage sur le Kouilou. On ne ~t s'empêcher de
s'interroger sur le pourquoi de cette ëvojutfcn.
La lD.l1tiplication des routes a i.nc:ontestablement été
déterminante pour la rëcrganfsatdon de 1 'habitat et per tant de
l'espace agricole. Mais elle n'explique pas pourquoi les popuj.at.icns
en sont arrivées il se déplacer d' elles-mêmes pour se fdxer le long
des routes. Gilles Sautter- dame de ce qu'il appelle "l'attrait exercé
par les voies de cOnJDl.J1lication ra::dernes sur la population rurale du
Conge" une explication qui ne satisfait que partiellement. Cet auteur
écrit en effet :

- 191 -
''Tant que les administrateurs ont prétendu, pour des raisons
qui nt avaient rien 11 voir avec les normes locales, déplacer les gens
d'un coin de brousse 11 un autre, les villageois trouvaient l'idée
saugrenue, et ne s'exécutaient que contraints et forcés. Mais ils
ont iDlnêd.i.atl!llllel1t saisi ce que la route allait leur apporter :
mouv~t, distraction, facilités pour voyager et vendre leurs
produits" Cl).
De tous les él!lDen.ts avancés, seul le dernier peut à netre
avis, expliquer en partie au moins, le phénaDêne étudié. En effet, si
le muvement et la distraction peuvent susci. ter ou être considérés comne
dei besoins, ceux-cf peuvent très bien être satisfaits sans que les
populations aient besoin de changer d'habitat et a fortiori de s'installer
sur une terre qui n'est pas la leur. De même, quelles que soient les
facilités offertes par les voies de cœm.mication œdemes , le besoin
de voyager n'a jamais revêtu, dans le système étudié, un caractère
vital au point de justifier l'abandon par les populations de leur propre
terre, surtout si l'on se rappelle la natur-e des liens unissant dans
ce système l'homme â la terre. Si les gens tiennent tant â profiter des
facilités offertes par la proximité des voies de comram.ication, c'est
que quelque chose les y contraint : ce peut être pour un jeune, le
besoin devenu vital de gagner la ville afin d'avoir une certaine
indépendance vfs-â-vi.s des "aînés'; ou pour une fenme la facilité d'écouler
ses marchandises. Emigration en vue de vendre la force de travail,
vente des produits locaux, mais aussi achat des produits importés, en
un mot intégration â la sphère capitaliste, Lâ réside à notre avis
l'explication de "l'attrait" exercé par les routes. Si cette intégration
apparaît comme une nEcessité vitale, c'est que les rapports marchands
ont suffisamment pénétré le système lignager.
(1) - G. SAIJITER, De l'Atlantique au fleuve Congo, op. cit., page 636.

- 192 -
~.1.2. Débouchés de l'agriculture et disparités régionales
Les cultures industrielles et d'exportation n'ayant été que
très peu développées sur notre champ d'etude, les marchés urbains
y canstituent le dëbœchë essentiel de 11agricul ture. Il en découle
une différenciation extrême entre les diverses régions selon la
commodité et le coat de leur liaison avec les villes. Ainsi les
arrière-paY5 urbains (Pool, Kouilou, Plateaux) et les régions
d'accès facile et peu coûteux du fait de la présence du chemin de fer
ou d'un réseau routier très dense (Bouen1a, Nian) connaissent un essor
relatif, tandis que les autres, celles situées dans les zones forestières
notamment, rabougrissent, se replient sur elles~s. Dès lors, la
seule solution qui s'offre aux populations de ces dernières régions
c'est l'émigration vers la ville (on y constate en effet le taux d'exode
le plus élevé) tandis que. comme on l'a vu plus haut, c'est dans les
premières que la petite production marchande progresse le plus et que
le système agricole lignager se vide le plus de son contenu.
~.2. La dénaturation des rapports fonciers.
Dans un système où. nous avons vu qu'il n'existait pas de
"terre sans maî:tre". la concentration des villages le long des voies
de COJIIlllrlication, tout ecnme la création dlagglomérations urbaines,
ne pouvait se faire sans contrainte policière que si les rapports
fonciers avaient subi quelques transformations. Celles-ci se résument
en œe remise en cause du principe de l'inaliénabilité de la terre.
~.2.1. L'apparition de la rente différentielle.
Les premières tentatives de regroupement des villages ont
échoué. avons-nous vu, pour une part à cause des problèmes fonciers
que ce regroupement posait. Si les populations se scnt par la suite
agglomérées le long des routes, c'est qu'il leur est devenu possible
d'effectuer des cultures en terre étrangère. Une solution a donc été
trouvée, en quoi consiste-t-elle exactement?

- 193 -
A côté du regroupement des villages, i l nous faut considérer
la situation ronciêre dans les villes et centres urbains secondaires,
puisque le problème sly présente ~ peu près de la même façon.
En effet. pour cœpenser la faiblesse des revenus urbains,
un grand nœnbre de citadins doit recourir ~ llactivité agricole; il
s'agit donc pour ces derniers de se procurer des terres pouvant porter
des cultures vivrières traditionnelles au maraîchères. Or, contrairement
aux terrains vagues ccmpris entre des quartiers entièrement construits
que personne ne rëctere, puisqu'appartenant ~ la ville, les terres des
pourtours urbains font l'objet d'une appropriation lignagère que
l'implantation de la ville nia pas abolie. Deux solutions ont donc
ét! adaptées ; la location et la vente. Seule la première solution
nous ântêresse pour l'instant. la vente devant être analysée plus
loin.
Les conditions de location sont très variables, selon la
nature de la cufrure , la fertilité du sol, mais aussi les relations
personnelles pouvant exister entre demandeur et propriétaire. L'étude
effectuée par P. Vennetier a Bakongo en 1957 (1) fait rœntion d'un
propriétaire qui n'admettait sur ses terres que la culture d'arachides
mye:nnant 150 â ZOO francs C.F.A. (Z), le demandeur obtenait un droit
d'usage sur une parcelle d'environ lnm sur 10 ; le propriétaire fournissait
les semences. d'arachide, le locataire le travail, la récolte étant
partagée a mi-fruits. Un autre propriétaire demandait pour une
plantation de manioc seo Frs de location annuelle, ou une dame-jeanne
(10 litres) de vin de palme si le solliciteur était un amie soit de
300 a 350 Frs). En cas d'échec, le locataire avait droit gratuitement
â une autre parcelle i en cas de succès, la redevance était réduite
l'année suivante a ZOO ou 150 francs. ~ même étude signale également
le cas d'un propriétaire qui, profitant de la fertilité de ses teTTes,
demandait 1500 a zooo francs pour une plantation de manioc.
(1)
P. VENNET!ER, ''Banlieumoire de Brazzaville", art. cit., page 131
(2) - 1 franc CFA • D,OZ franc français.

- 194 -
Les revenus obtenus de cette façon par cer-tains chefs de
terre sont loin d'eue négligeables puisque P. Vennetier parle 'd'un
chef qui a pu faire reconstruire tout son village en dur aux environs
de Brazzaville. A Pointe-Noire au contraire, les prix fixb pour la
location du sol sont minimes ; ces chefs de ter-re ne demandent guère
qu'une bouteille de vin rouge (135 francs en 1961), ou une dame-jeanne
de vin de palme (350 Prs) , Le Ini!me auteur signale que dans certains
cantons, le versement de droits d'usage, devenus plus ou lIlOins
symboliques, ne s'effectue plus. L'autorité du chef de ter-re n'en est
pas niée pour autant: aucun terrain ne peut être mis en culture sans
san autorisation (1).
Le phéncmêne revêt en milieu rural un caractère beaucoup
mins accentué que dans les villes, du fait d'une mindre concentration
démographique. La rente différentielle a déjà fait son apparition dans
les deux régions (Pool et Kouilou) abritant les deux villes les
plus importantes (Brazzaville et Pointe-Noire). A Bcko, pour l'étendue:
d'un champ de forêt ccrrespondane ! la capacité d'entretien d' uœ fenme,
on demandait vers 1950 de 150 à 250 francs, payables au lIDDE!I1t de la
récolte (2). Dans cette région. la ter-re ne se loue qu'à des voisins
mais cette pratique n'en concentre pas ectns , dans les cas favorables,
des reverais appréciables entre les mains des chefs de lignage, si l'on
en juge par les affectatïcm.S qui leur sont faites.
Nous avons désigné sous le terme rente différentielle
le prix: d'utilisation de la ter-re dont nous venons de souligner
l'existence sans dire pourquoi. Des deux fomes de rente distinguées
habituellement, la premi~re ·la rente absolue- est liée ! la quantité
limitée de la tene, tandis que la seconde -la rente différentielle-
est liée 1 sa qualité différenciée. inégalement répartie. On pourrait
être tenté, s'agissant des loyers payés sur les ter-res des pourtours
(l)
P. VENNETIER, "La vie agrdcote urbaine à Pcmte-Sodre , art.cit. ,p. 71
(~)
G. SA1JITER, De l'Atlantigue au fleuve COngo, op. c;'r.., page 559

-
- 195 -
urbains. de parler siJnplement de rente absolue. Mais on a vu que le
prdx de location dépendait de la nature de la culture, de la fertilitê
du sol et. faut·il ajouter. de l'emplacement de la terre par rapport
aux voies de cClllIllJnication ou des villes. C'est donc bien d'une rente
différentielle qu'il s'agit, bien que la concentration dêmographique
limite la quantité des terres cultivables.
En milieu rural non plus. on ne peut pas parler de manque
de terre, malgré les densités relativement fer-tes constatées dans
certaines régions. Si la terre revêt un caractère limité c'est à cause
de sa raréfaction artificielle réafdsëe avec le
regroupement des villages.
Ce qui fonde la Tente ici, ce n'est ni cette raréfaction relative,
ni la fertilité des terres -Ies routes n'ayant pas été construites
en fonction de la fertilité des zones qu'elles allaient traverser- mais
Iecr inégale répartition par rapport aux circuits ccmmerciaux. Aussi,
peut-on considérer que dans ce cas également, le prix d'utilisation de
la terre est une rente différentielle.
1.2.2. L'aliênation de la terre.
A côtë des rentiers vivant uniquement des redevances qu'd.l s
perçoivent personnellement et dont ils conservent le mantant; pour eux
seuls (1). et Il l'instar de ce chef qui a reconstroit son village
en dur, plusieurs chefs de lignage utilisent les revenus liés au
monopole de la terre au renforcement de leur position de chef, en
pratiquant "une véritable politique d'expansion" (2).
La politique d'expansion dont il est question consiste
pour le chef de lignage à se procurer des terres nouvelles par achat.
Les transactions foncières s'effectuaient d'jà avant la pénétration
capitaliste (3), ce qui a changé, ce sont les principes qui les régissent.
(1)
P. VENNETIER signale L'exratence de tels rentiers dans la région
du KouEou in Pointe-Noire et la façade maritime du Congo,op.clt,p. 16':".
(2)
G. BAUNDIER, Sociologie actuelle de l'Afrique ~oire,op.cit.,p. 366
(3)
G. SAt.JIiEl. cite le cas d'un chef de terre bakongo tenant la plupart
de ses "terrains" d'un honme qui avait fah fortune avant 1914, en
achetant du bétail sur place et en le revendant sur la rive gauche
du Congo (op. cit., page 488).

- 196 -
Initialement, la terre ne pouvait être cédée qu'â des alliés: vendre
une teITe n'était donc pas la perdre tout è fait; l'acquisition pouvait être
individud1e tandis que la vente devait être collective. c-es t-â-dfre
qu'elle ne pouvait se faire· sans l'accord de la majorid des uwembres
du lignage.
Or. i l se trouve maintenant plusieurs chefs ou membres de
lignages qui, acculés devant une nécessité
argente (payer une dette
ercderme, s'acquitter d'une lourde amende coutumière, rembourser
la dot envolée d'une soeur ou d'une nièce .•• ) n'hésitent pas à céder
des terres à des êll!ments ët.ranget s au clan. La cession de la terre,
effectuëe dans ces conditions. poce-rare ssleT définitive, puisque
certaines des limitations à sa libre disposition par les chefs ont
ëté levées et les mécanislaes sociaux (appartenance au clan) qui
pennettaient au lignage vendeur de conserver sur elle une certaine
emprise ne peuvent plus jouer. En réalité, il subsiste des moyens
de pression permettant la rêcupEration d'une teTTe, le plus puissant
étant le recours ëIUX menaces œgiques : le fait de posséder des tombeaux
sur une terre permet en certains cas un véritable chantage auprès des
nouveaux détenteurs. Mais ces myens de pression tendent de plus en plus
s'effacer avec le développement des rapports marchands et de la
â
lŒJltalité mercantile.
Il reste que la ter-re a acquis une valeur marchande qu'elle
ne pcssëdai.t pas autrefois. Faut-il en conclure qu'elle est devenue
une mard1andise ccmme le fait par exemple J. Weber à propos de la
région cacaoyère du centre sud cameroun ? (1). Certes, la terre
peut être échangée sur le marché contre n'importe quel produit de
valeur équivalente, mais la possession d'une valeur d'échange ne suffit
pas
conférer
un bien le statut de llIElrclwldise. Pour qu'il en soit
â
â
ainsi, il faut que le bien considéré soit reproductible. Or, bien que
la terre (et plus par-ctcul iêreeent le sol agricole) soit de plus en plus
le produit du travail hlzain acCUlmllé par les générations successives,
elle n'est pas reproductible à volonté.
(1) - J. i'IEBER. ''La Région cacacvêre du centre sud CameToun. Essai
d'analyse d'une forme locale de production dominée", in "L' agriculture
africaine et le ca~italisme, sous la direction de Senur AMIN,
Anthropos, IDEP, l 7S.

• 19i -

En effet. dans la mesure où la terre est un ensemble de
micro-écosystèmes. un écosystème unique ou une partie d'écosystème.
son évolution·est déterminée! la fois par la logique sociale et
par la logique de fonctionnement des écosystèmes. c'est-à-dire
par un ensemble d'éléments et de principes dont une partie échappent
totalement au contrôle de l 'honme et du système social.
Nous ne pouvons donc pas considérer la terre CCITIIIe une
eercrandtse, l'argtment évoqué ci-dessus justifiant d'autant plus
ce propos que le système étudié se caractérise. . . .l;r' l'illlplantaticn
c.plt.li.t•• :~.r le ~.ibl. praductivit' du tr.vail .11ectu~
.ar 1•• 6co.y.tt.ea en vu. de leur appropriation.
1.2.3. Le nouveau rôle de la terre.
sans être devenue une marchandise. la terre. parce qu'elle
a ëtê "vaïcrdsëe" par le système capitaliste, n'en joue pas moins un
rôle diff~rent de celui qu'elle jouait auparavant dans la reproduction
du système· social.
En acquérant de nouvelles terres. le chef avait pour objectifs
d'assurer â son lignage des ter-rains de cul r-re , de prëcdser L'expansdon
démgraphique de celui-ci. de remédier â son émiettement ou 11 celui du
Clan. de se ménager des amiti~s et des alliances. de gagner en prestige
et en pUssance.
Avec le dêveloppement des T'apports marcbends , la Terre
intervient beaucoup plus directement dans la perpétuation et le
renforcement des hiérarchies qu'elle ne le faisait antérieurement. On
a vu qu'auparavant la puissance d'un chef de lignage était fonction
du namère de ses dépendants; la stratification à l'intérieur du système
social était alo,s fondée sur des liens de dépendance personnelle et
non sur un lien avec la terre qui ~tait consddërëe uniqueaent conme
support des groupements. le lieu où s' effectuai t la reproduction du

- 198 -
système social grâce aux actes de production et à la symbolisation.
L'évolution du l'ale joué par la terre est d'autant plus importante
que. là CIl les rapports marchands tendent à se genéraliser. le lien
avec la terre se subst.Itue de plus en plus aux liens de dépendance
personnelle pour la détennination de l'importance sociale du chef (1).
Cette évolution a.r.aait pu aboutir à l'expropriation tot.ale
de certains lignages, mais i l n'en a pas été ainsi. Les ventes effectives
de ter-res sont devenues rares. les lignages cnignant de lll8lIquer du
minirmJm nécessaire à la subsistance. La. location reste cependant de
prattque courante dans les régions les plus pënëtrëes par les T'apports
marchands. celles situées à proximité des villes surtout.
lh1 IlOIJYe&U dkoupage social a pourt.ant pris naissance dans
les sociétés rurales : une différenciation en lignages riches et
lignages pauvres. reposant sur la loc.alisation plus ou llIOins avantageuse
des terres pcssëdëes par rapport aux axes de ciro.ù.ation. alors que la
différenciation antérieure en lignages puissants et lignages faibles
était basée sur le nanbre plus ou .lOOÎJ1S grlUld des membres du lignage.
Ce~~e situation évolue vers une diffirenciation en familles riches
et familles pauvres, cCInP~e tenu des progrës que rêalise depuis quelque
~emps
la ~I'lll1SDlission des biens en lille partrilin&ire.
On pour-raft; ip.lenent évoquer l'existence de "paysans sans
terre" • Mais i l fatr. prëcrser qu'en rêalitë , ces ruraux que l'on
retrouve dans les lignages pauvres pcssêdent une terre Hgnagêre, Ce
qui fai~ d'eux des "sans-terre". c ' est; l' i.mpossibili~ê dans laquelle
ils se 'trouvent de valoriser leur propre terre il cause de sa mauvaise
Iccaf Isat âcn, cexee sit:ua~ion ne saurait cependant évaluer vers une
prolétarisation ~otale de ces ruraux du fait de la faiblesse de la
densftë de population (3 hab. au kmZ), la sctutacn adcptêe, lorsque la
sit:uation devien~ intenable le long des voies de communications existan~es,
êtan~
l'ext~ion du rêseau commercial (2).
(1) - Cres~ ~ cet~e subs~itu~ion que fait allusion G. BALANDIER Quand il
fai~ observer que "les compê~itions entre individus s'expriment
eatntenarrt plus à propos des 'ter-res qu'il propos des personnes" in
Sociologie ac~uelle de l'Afrique ~oire, op.cit., page 36ô.
Cl) • C.=. page suivante.

- 199 -
1.3. Caractère dominé de la stratégie lignagère et mode d'appropriation
et d'affectation du surplus.
1.3,1. Le recul de l'autosubsistance
La baisse de l'auto-eonsœmation notée il propos de la
progression de la P.P.M., supposait que certains besoins satisfaits
jusque lA dans le cadre de L'eatosubarstance le soient désonnais
par l'importation de certains produits. C'est le cas notsmnent des
conserves de viande et de poissons (sardines, corned-beef, etc .•. ) et
du poisson salé et sêchë dont la ccnsœeatdon s'accroit à cause de
la disparition du petit élevage traditionnel et de la raréfaction du
gibier et du poisson. C'est aussi le cas des boisscns alcooliques
telles que le vin rouge, la btêre et m@me le whislcy qui viennent
concurrencer le vin de palme et les autres boissons locales. Par contre
la ccnsœmation de certains produits COllme le café, le thé, le sucre,
le lait et le pain (1) ne répond pas à des besoins préexistants : elle
a tout simplement êté st~ée par les capitalistes qui ont DnpoSé
certaines habitudes alimentaires aux populations.
L'alimentation n' est pas le seul dclna.ine il avoir subi
an
des transfonoaticns, tant ce qui concerne les besctns eux-eêses que
la manière de les satisfaire. Ainsi dans le àcmaine de l'habillement,
les halmes ont adopté le cost1.lne européen avec sa hiérarchie de
vêtements (vestes, cheeuses , pantalons, sœs-vêeeeenesj . De nouveaux
produits sont utilisés pour la toilette (savon, shampoing, parft;ns, etc ... )
Les besoins de santé sont désomais couver-ts par l'achat des produits
phareaceurdques et l 'hospitalisation. Des tecM.iques nowel1es ont Hé
adoptées dans le danaine de l'habitat (cré'pis.ge des .arrs en ciment,
sol bétonné, toit~res en tOles ondulées, etc ... ) et de l'éclairage
(utilisation des lampes il pétrole, des bougies et des bmpes à pression).
(2: - SClte Z de la page 198
Cette solution a déjà été adoptée par prusieurs ruraux qui, ayant
refusé pour une raison ou une autre de se déplacer, ont relié
leur Village la l'QJCe de circulation le plus proche en ccns t-rui.sarrt
une route, avec ou sans l'aide de l'administration.
':1) - La ccnscesatdon du pain tend il se généraliser il l'ensemble de la
population. Le phënœëne revêt cependant un caractère paniClJlier
dans les villes oü le pain se substitue de plus en plus au manioc.
Sui te de la note 1 palle 100

- 200 -
Pour ce qui est des biens durables, outTe l'utilisation
des ustensiles de cuisine en tOle émaillée. les assiettes, plats
et verres en DlBtiêre iXa!5Bble qui ont pratiqtJll!lDl!mt éliminé la
poterie, i l faut noter l'acquisition de certains biens â usage
besuc.oup plus sociologique qu'économique, car ils conRrent du
prestige â celui qui les possède: c'est le cas des montres, stylos.
appareils à transistors, bieytlettes, machines A coudre, etc.
Ce bref examen des besoins rëvëte le degré de pënëtractcn
des rapports marchands. Avec la transfOl'1lllltion des lOOdes de consoeeat ion,
c'est l'ensemble du JŒXie de vie qui est touché, car très peu de
besoins sont satisfaits hors du marché capitaliste. L'ancdenne ëconœde
de subsistance a donc été profondéDent al têrée ,
, .3.2. Tr.msfert de valeurs et "intensification" du travail
agricole.
Le système agricole lignager étant subordonné au système
capitaliste et n'ayant CCIIIIlle débouché essentiel que les IlIl1rchés
urbains. les paysans se voient infliger' des prix agricoles très bas
au regard du travail qu r ils effectuent (1). La paysannerie est
d'autant plus ÜftpUissante à rfagir devant cette situation qu'il n'y
a pas de véritable JmUVement paysan, qu'elle est "l'objet d'un clivage
interne qui le plus souvent juxtapose et compose les différenciations
de type lignager avec celles de type capitaliste-marchand"CZ).
(1) - Suite de la note 1 page 199 .
. •. Cette substitution est liée à la hausse des prix du manioc due
à La capacité de plus en plus réduite d'une population rurale
vieillisS3J1te (â cause de l'émigration de, james et de la non-
tnnsmission du savofr-faâre) à répondre â la denande alimentaire
urbaine.
(1) - Ces prtx sont cependant trop élevés peur les urbatna compte tenu
de la faiblesse de leur pouvoir d'achat.
(2) - H. BEC'RAND, qp. cit.. page lOS.

- 201 -
Par contre, les prix des produits provenant des villes
ou de l'extêrieur sont excessivement êlevés pour des raisons tenant
à l'êchana:e inégal d 'uae ~ et aux: .conditions de cœmercial~sation
d'autre part. Le prenter relève des relations entre formation ëccnœüque
Et sociale dcm.:inêe et formation êcananique et sociale dominante et tient
au fait que les producteurs de la preatêre vendent des produits
cristallisant un quantum de temps de travail plus ëkevë que celui
cristalli5é dans les produits en prevenance de seconde (1). Ainsd ,
pour subvenir A l'un quelconque des besoins décrits plus haut, le
paysan doit :fOurnir une plus grande quantité de produits, cœparatdvement
à la marchandise qu'il acbête,
Ce mécanisme, dont les effets peuvent déj il appréhendés au
niveau des villes, en renforcé en milieu rural par les conditions
de cœmercdal.dsatdon. CCIl'Ille on peut s'en douter, les ccœerçants et
transporteurs jouent un rôke important dans les relations entre villes
et c.m:pagn.e. Si le transporteur procède le plus souvent il la collecte
des produit! ruraux achetés A très bas prix et revendus en ville
avec un substaru::iel bénéfice, le cœmerçant s'oriente beaucoup plus
vers l'installation en milieu rural des ~i ts de boisson, cafés et
boutiques ail sont écoulés aussi bien les produits importés que ceux
fabriqués en ville.
Entre ville et campagne, les prix vont du simple au double,
voire au triple. Il s'effectue donc un transfert de valeurs du producteur
rural aux possesseurs des ecyens de transport et conmerçants d'une
part, et aux forsatdons écOIlCllli.ques et sociales du centre, d'autre part.
Mais les détenteurs des moyens de transport et les cc:mnerçants étant
tributaires du système capitaliste, tant pour l'acquisition des moyens
de transport, des marchandises cœmercd aldsées que pour une bonne
part de leur consomnation personnelle, i l faut considérer que ce sont
les capitalistes du centre qui, en dernière analyse, s'approprient la
plus grosse part du surplus paysan.
Cl) - Cf. â ce sujet A. EMMANUEL, L'échange inégal, Paris, 1969.

- 202 -
La conséquence en est une "intensification" du travail
agricole consistant non pas en une amélioration de la product rvacê mais
en un allongment du temps "de travail (1) et un accrefsseeent des
superficies cultivées. Rappelons en outre la pan.icipation accrue
de 1 'hl:nne aux. travaux agricoles J ce qui souligne encore la contrainte
due à l' ëcbange inégal.
, .3.3. Affectation du surplus et productivité agricole
A l'échelle locale, les transporteurs et les commerçants
ne sont pas les seuls! accaparer le surplus paysan. Il faut y ajouter
les menbres de la bourgeoisie bureaucratique qui, par divers mécanismes
(impdt surtout). perçoivent leurs salaires grâce au travail paysan,
les chefs et aînés des lignages qui confisquent une par-rte de ce
surplus grâce à la dot et aux prestations des cadets.
Malgré toutes ces pcrcejcns , de nanbrewe paysans arrivent
à disposer d'une partie du fruit de leuT travail, au-delà de ce qui est
nécessaire à la subsistance. Si les profits rêalisés par les
transporteurs
et les commerçants servent surtout à développer leurs activités
respectives, l'utilisation que les chefs et atnEs de lignages et les
autres paysans disposant d'un surplus en font est loin de correspondre
à un investissement en vue de l'amélioration de l~ productivité
du travail agricole.
(l) - Actuellement, i l n'est pas rare que les faunes quittent leur
village à sept heures du matin pour n'être de retour qu'à dix neuf
heures. On peut se faire une idée de l'allongement du temps de
travail à partir des propos que nous avons recueillis auprès des
vieilles femmes qui évoquaient les souvenirs de la fin du 19è siècle
où leurs mères ne travaillaient que
cinq à six heures par
jour, temps de déplacement compris. Ajoutons que le reste du
temps était consacré, selon ces mêmes informatrices, à la danse,
aux jeux ainsi qu'à diverses autres activités ne relevant pas
ddrectetent de la produc'tion : nous reviendrons dans la deuxième
partie de la recherche sur ce prcb.lême d'utilisation du temps
libre.

• 203 •
Si l'on retranche de l'ensemble des besoins recensés
pr!c6demment les besoins alimentaires, les besoins vestimentaires
.et les- besoins en biens mobiliers qui peuvent. être cmsddërës
cœme les plus vitaux, on constate que c'est â l'achat de ce qu'on
peut qualifiel" de biens de pres'tige (bicyclettes. récepteurs de radio,
IŒmtres. tourne-disques. machines à coudre, fusils) et à la construction
d'édifices en ëatërdaux durables (maisons et tombes) qu'est affectée
une partie du surptus paysan. Une autre panie est ut î Hsêe soit POUT
l'acquisition des biens dotaux: pami lesquels figurent souvent machines
â coudre et fusils (1). soit pour la constitution des cadeaux offens
à L'occastcn des fêtes de retrait de deuil et des fêtes ''malak.i'' où
s'affiche la cœpétition des lignages (2), soit enfin pour le règlement
des divers conflits sous la fonue d'amendes coutumières.
Parmi les biens acquis avec le surplus, seuls les fusils
et les bicyclettes sont utilisés dans la production agricole (3), â
caté des houes, haches, machettes et paniers d'utilisation ancienne.
Peut-on considérer l'achat des fusils et des bicyclettes coume des
investissements productifs? A cette question, nous répondons par la
négative car ce qui incite le paysan il se procurer ces biens, c'est:
avant tout le prestige qu'ils procurent, même si les fusils gméliorent
-tout en favorisant d'ailleurs la disparition du gibier- le rendement
de la chasse et si les bicyclettes facilitent le transport des
produits et le déplacement des producteurs (4).
(1) - Rappelons que la dot continue â enregistrer une très forte hausse,
ce qui perset aux "aînés" d'exercer leur COntrôle a posrërfcrt
sur les "cadets".
(Z) - G, BAU.NDIER qui s'est penché SUI' cette mst Itut ion fait remarquer
avec raison que la logique sociale ccnt inue ainsi â prévaloir sur
le seul calcul économique, mais ne l'exclut pas puisque cet enj eu
fait apparaître l' inst Irutdcn "conme un 1I'IOYen de capitaliser, une
sorte de placement â terme" (op. cit., page 350)
(3) - L'autTe bien directement utilisé dans la production est la machine
A coudre qui constitue pour la catêgorie d'artisans appelés
"tailleurs" le ncyen de production essent Iel .
(4) - Les enquêtes effectuées par divers auteurs ainsi que par nous-même
confirment cette analyse. Ain5i. Y. [)f{)NI' dans son étude sur les
bud.!its familiaux dIJs 1e>villages du NiaTi (Centre ORS'ItJo1 de Brmville,
)ui
et 1965) constate l'importance dû nombre de fusils de chasse
possédés par les habitants de la vàHêe du :-liari. bien que le gibier
y ait déjà été exterminé. De même C. ROBlNEAU (op. cit.,pp.1Sl-1S2)
considère COll'lne relevant de la consœeat.tcn cstentatcrre l'achat,
constaté ~ Souanké, de plusieurs machines li coudre par une même
famille, de fusils de chasse dont le propriêtaire ne se sert pas
et de bicyclettes.

- 204 -
Totalement dépouillés du fruit de leur travail â la fois
par le système capitaliste et les chefs lignagers, les producteurs
directs n'ont gu!re -Ia possibilité derwtsager une amélioration
de la productivité de leur travail. Ceux qui disposent d'un surplus.
parce qu'ils appartiennent généralement au groupe social incarnant
la strategie lignagère, le destine â l'affirmation et au renforcement
de leur prestige : ainsi qu '1 leur plaisir par la conscmmation dIalcool
notarllllent (1). se d'tournant de tout investissement productif.
Finalement; c'est une faiblesse extrême et générale de
la productivité du travail agricole qui caractérise le DJ:mde rural
congolais.
Res'trucerratdon de l'espace agricole, dlnaturation des
rapports fonciers. "intensification" du travail agricole, extraversion
du système agricole, tous ces phênaDênes devaient influer sur le rode
d'utilisation des techniques et sur leur reproduction. Caupte terw de
la brutalité qui les a accœpagnës , l'adaptation â la nouvelle situation
ne pouvait guêre se faire dans de bonnes conditions. Ainsi, l'activité
agricole urbaine dont le développement a été rendu nécessaire par le
décalage entre volume de l'Unmigration et possibilités d'emploi offertes
par le système capitaliste et par la faiblesse des revenus par rapport
aux besoins de la majorité des citadins, s'est effectuée en recourant
s~tématiquemen.t aux techniques rœ-akes , alors que les conditions avaient
changé. Les ruraux de leur ceté n'ont pas hésité à s~lifier les
techniques pour faire face à 'me demande alimentaire urbaine sans cesse
croissante. Aussi a-t-cn assisté à une décadence des techniques et à
une d'gradation des écosystèmes.
(') - R. DUMONT (L'Afri~ire est mal partie, Seuil, Paris, 1960,
page 36) et C. Rb
(QP. cre.; page 153) insistent sur la
consœeatdon excessive de""""15OISSOns alcoolisée! dans la région de
Souanké , Selon les propos recueillis par C. ROBL'iEAll, ce phênarnêne
serait dfi à un "manque d'emploi" de l'argent que les populations
obtiennent avec la production du cacao.

- 205 -
2.1. L'exploitation du llIilieu urbain et suburbain
. I...a plupart des activités relevant de l'agriculture OU lui
!tant li!es se retrouvent a l'intérieur et autour des villes
congolaises, Al' exception de la chasse qui a pris fin dès les
debuts du dévelcppewent urbain, pour des raisons Wid.entes. Nous
allons examiner successivement la culture des plantes vivrières,
la pêche et la cueillette, cette dernière activit! se pr!sentant
surtout sous la fonue de ramassage de bois.
2. , . t • Les culnn-es urbaines et suburbaines
La première caracteristique de l'agriculture urbaine
et pët-i-urbatne , c'est la rœtndre drverat të des espèces cultivées,
en cœparadson de Ce qu'on a vu a propos du systèlle agraco.le lignager.
Aliœnt de base, le manioc occupe la première place. On
retrouve dans sa CUlture toutes les opérations déja décrites:
d!:fTichage pendant la saiwn sëcbe , labour! la. houe, constitution
de buttes, mise en terre des boutures, désherbage et enfin récolte.
l).&elques précisions s'imposent cependant. En premier 1ieu, les
boutures, en gënërai au nanbre de deux, peuvent être soit enterrëes
-ej Ies sont alors placees dans lm trou parallèlement ou crotsëee-,
soit enfcncêes obliquement dans la butte. La seconde remarque concerne
la réccfte : celle-ci peut cœaencer neuf a dix mis après la
plantation. Les tubercules obtesais ont lm diamètre de 5 a 6 cm,
ïnffrieur ! celui du manioc de brousse (la cm au llIDins), où les terres
restent plus longtemps en jachère. Il faut noter qu'une plantation
de manioc ne doit jamais être entamée :wmalement avant douze mois
rêvolus ; la consommation s'!chelonne entre le treizième et le
trentième mois. Des plantations entamées dès le deuxiême mois disparaissent
très rapidement (1).
-----------------------------
(1) - On s'explique. ! la lumière de cette remarque, les famines enregistrées
lors de la mise en place du système colonial. Contraintes de
éournrr du manioc aux troupes et aux travailleut'S des chantiers,
les populations ont dû déterrer les tubercules cês le dixfèee
mis, ce qui d-une année a l'autre engendrait un déséquilibre
a.liment.aire.

- 206 -
La. culture, de loin daninante, du manioc, ne doit pas faire
oublier l t existence de cultures secondaires : arachides, mals. patates.
'canne l S".JCre, taTOS et divers 16gl.m1es. Les arachides sont seeëes au
début de la saison. des pluies sur lU1 terrain préparé en butees
rectangulaires ou en plates-bandes rectangulaires de quelques
centimètres de hauteur. Le cycle de l'arachide est court : la rëcot te
a lieu en jerrvter-fëvrier , ce qui laisse le sol en repos une grande
partie de l'année. Le mals ne se rencontre IUJ.11e part en peuplements
continus. mais l l'état de touffes ou de pieds isolés au milieu d'autres
cul tures ; i l en est de même des taros , Les patates douces. par contre,
font parfois l'objet de plantation sur de grandes surfaces. Elles se
bouturent en septembre. dans les bas-fonds humides préparés
ccmne pour les arac:hi.des, au bord des cours d'eau. Enfin la culture
de la canne l sucre se pratique dans la plupart des vallées. par
repiquage en terrain l1l1D..ide.
La t.ee.hnique la plUS répandue reste cependant celle des
cultures assccfëes , Sur les buttes! llIlUlioc, les fedlDes plantent en
même temps manioc, patates douces, et mais. Quelques mètres carrés
sont souvent réservés aux légumes (oseille, épinards). Les champs
sont dêlimités par un billon continu où s'alignent les pieds de taros.
La faiblesse des étendues cultivables oblige les producteurs
1 exploiter le mène champ plusieurs années œ suite. et de reccmnencer
après une période de jachère insuffisante. Ainsi, sur les îles du
Starùey Pool. on trouve tout na:tu:rel de planter du manioc ! quatre
reprises (celui-ci étant associé avec d'autres plantes. ,la première
fois seulement) 1 avant de laisser la terre se reposer pendant trois
ans. La conséquence en est une savanisation et un épuisement rapdde
du sol (1).
(1) - Gilles SAI1ITER a constaté ces phënœênes en ce qui concerne les
forêts de "Kittengué" et de "Chinois" au Starùey Pocl, qui sont
"réduites" â l'état ci:! petites brousses" (?J!. dt., page -1.44)

- 207 -
La perte de temps inhérente au déplacement empêche les
fenmes de faire leurs c:hamps à une distance de plus de 8 km. Il se
trouve pourtant des feumes qui choisissent d'aller passer plusieurs
jours. vt'Iire des seeaines à la campagne, temps au cours duquel elles
effectuent les travaux de défrichement, de désherbage ou de récolte.
Mais seules peuvent reocurir à cette solution. les femmes originaires
des villages environnant la ville. Si bien que dans l'ensemble, le
nanbre de personnes pratiquant des cultures à L'dntërdeur ou à la
pér-iphérie des villes diminue (1), ce qui ôte à plusieurs citadins
l'appoint de subatstances et de revenus que pouvait leur procurer
cette activité.
2.1.2. L'exploitation du milieu aquatique
L'activitê rurale des cdtadins ne se limite pas au travail
de la terre. flle 5' exerce l!galement sur le IlIilieu aquatique lorsque
la pTOXimité de L' océan ou d ' un cours d' eau important le pennet.
Cependant, les probl~s liés à l'exploitation des eaux ne se posent
pas de la même manière dans toutes les villes : ceux-ci sont fonction
de plusieurs facteurs pa:rm..î lesquels figurent l'importance des réserves
de poissons, le nanbre de pêcheurs , l'intensité d'exploitation, etc.
Ainsi la plkhe est très peu pntiquée à Laubcm:l et ~'kayi.
malgré
la présence du fleuve Niari à Nkayi par exemple ; la pêche en mer est
très d.êveloppée à Pointe-Noire. mais les problèmes qu'elle pose ont
trait à l'inorganisation des artisans-pêcheurs face aux capitalistes
pratiquant la pêche industrielle, Il la conservation et au transport.
A. Brazaville par contre, plus prëctsëaene au Stanley-Pool où la pêche
supplante toutes les autres activités rurales des urbains, la situation
sur le plan écologique est si préoccupante qu'il est nécessaire de s'y
pencher. La seule source d'infonnation dont nous disposons â ce sujet
est la minitieuse étude effectuée par Gilles Sautter (2).
(1) - Cette diminution apparaît à travers les enquêtes menées par
P. VENNETIER et J.f. VlNCENI'. Alors que le premier évaluait Il un
cinquième environ la proportion de femnes travaillant la terre à
Bakongo en 19Si (P. VENNETIER, Banlieue noire de Brazaville,op.cit.
p. 132), .r.r, VINI::ElI' l'estillle six ans plus tard, â environ un dixième
CJ.F. vtNCENI'. Influence du 1lIilieu urbain sur la vie traditiormelle
des femmes de Bakongo-BrazaVllle, IRSt, 1963J.
(2) - Cf. G. SA1JITER, op. cit., pages 326 ~ 466

- l08 -
2.1.2.1. La fausse diversité des techniques
Ce qui eeeeceërrse l'exploitation des eaux du Stanley Pool.
c'est avant tout l'extrême diwnitê des techniques, tant en ce qui
concerne les moyens de production que les procëdës utilisés. ~us avons
déjà fait êtat des 17 genres de filets, 12 genres de lignes de pêche,
3 genres de pièges. 12 modèles de nasses. 3 paniers de pêche différents.
3 sortes de barrages, 8 types de lances-harpons, 12 types de lances à
sonder dénanhrés sur le Stanley Pool en 1956. Si l'on tient compte du
fait que le Stanley Pool s'étend sur 550 laD2 secreœne , il faut
recannaitre avec Gilles Sautter que la p8che mntre dans ce cas "une
variété de formes probablenent inêgalêe dans le Teste de l'Afrique
Tropicale. rut' un si petit espace" (1).
La IlIIl1tiplicité des techniques tient sans doute en partie
à la nature du milieu et à sa richesse ichtyologique, mais elle
est beaucoup plus liée à la diversitê ethnique qu'on peut observer
sur le Stanley Pool. Les personnes qui. avec le dëvetoppeeent de
SluDville et Kinshasa ont progressivement peuplé ses tles et ses
t-tves, y ont apporté les méthodes en usage dans leur groupe d'origine.
Mais, il s'agit en fait d'une "fausse diversité" des techniques.
Fn effet, la convergence des hcmDes a conduit ~ une vaste
confrontation technologique. Mais, loin d'~voir contribué
~ diversifier
les techniques, l'adaptation, dans la mesure où elle s'est produite. a
fonctiOlll'l! CQ!llle un processus de sélection et d'élimination panni.
celles-ci. Sous la pression de la deoande urbaine, les techniques de
rendement mêdi.ccre, mal adaptées aux conditions physiques du Stanley
Pool, ont été Uimin6es (2). D' autre part, toute une série de pêches
supposent un nombre élevé de persormes, une stricte discipline et une
forte capiLalisation de travail au P1"éalable, pOUr la fabrication des
moyens de production. Les cr tadins ou demi--<itadins que sont les pêcheurs
(1) - Ibid., page 424.
(2) - G. SAUITER en cite deux exemples : la claie à relèvement,
zanoeuvrëe depuis une pirogue et le filet en fonne de poche qui
s'emploie à la limite des herbiers flottants.

- 209 -
du Stanley Pool, réduits a eux-mêmes ou a un tout petit groupe
familial, doivent renoncer a de telles pêches et s'en tenir a celles
qui se font seul au à deux et ne nécessitent qu'un l'Ilin.inRJIn de matériel.
2.1.2.2. L' "overfishing" ou suroêcbe,
Aprês la variété technique, c'est l'intensité qui caractérise
1 ~exploitation du Stanley Pool, tant sur le plan de la productivité
des techniques que sur celui du rythme d'exploitation.
En ce qui concerne le premier point. i l félllt noter que le
processus sélectif décrit ci-dessus s'est également accompagné d'une
transfonuation des tecJmi.ques dl!ji1 retenues pour leur "efficacité".
Les pêcheurs ont en effet ressër-rë les mailles de leurs filets et
les lattes cie leurs claies. Les mailles mesurent 2em de cêtë pour
ce qui est des filets "la crise" et 3 cm pour les filets "pousse".
Collant de surcroît; reearquabtesent au fond, les filets ramassent,
au dire d'un pêcheur. "le père. la mère et l'enfant". Pour les claies,
l'écartement des lattes ne dépasse guère un centimètre, contre deux il
trois dans la région de !otJssaka (l). De cette façon: presqu'aucun poisson
ne peut échapper aux pêcheurs, pas même les espèces de petite taille
et les poissons insuffissnment dëvetcppës,
La transformation
des techniques a êtl!i rendue nécessaire
par la rarêfactien du poisson et sa d.im..im.J.tion de taille, du fait
de l' exploitatien intêgrale de la nappe d'eau par des effectifs trop
importants et ce en toute saison. La densiU de population calculée
par G. Sautter pour L'armëe 1952 qui s'élevait au voisingae de
5hab./km2 d'îles et d'e~ confondues, correspondait à environ 3000
personnes tirant l'essentiel de leurs ressources de l'exploitation
du Stanley Pool. Cette densf.të, faible dans l'absolu, acquiert de
l'llnpoTtance si l'en tient compte de la relative pauvreté en poisson
de la nappe d'eau. D'autre part A la population vivant de façon
permanente surIe Stanley Pool, il faudrait ajouter les pêcheurs
prcëesstcnners ayant leur domicile en ville et la masse des pêcheurs
(1) - Cf. G. SALnrnER, op. cit., page 445

- 210 •
occasionnels (salariés, fonctionnaires, femmes dont les maris occupent
lm. emploi quelconque en ville) qui contribuent pour une part appréciable
Il raréfier le poisson.. Depuis 1952, le ncmbre de pêcheurs n'a pu que
s'accroître encore, avec le développement urbain.
Enfin, la concurrence, de plus en plus vive, a poussé les
pêcheurs Il s'approprier les lieux de pêche, du ectns ceux qui se
prêtaient Il une délimitation nette. Tout cela a amené les pêcheurs
Il s'employer çhaque année plus â fond â compenser par le nœb're la
taille de plus en plus réduite des prises, doI"M: â accroître la
surexploitation. des eaux.
L' "overfishing", c'est-il-dire l'exploitation. destructrice
des populations de poissons, s'est encore aggravE au Stanley Pool par
un phénanène ''biologique'' : l'envahissement du bassin congolais par
la jacinthe d'eau (Eichhornia crassdpes) • Il s'agit d'une plante
amazonienne introduite au Congo dans des conditions mal précisées,
pour la valeur dëccratave de ses fleurs bleues. Ce phénanène constitue
un V't'ai fléau, Il cause de la puissance de IllUltiplication exeracrdtnadre
de l'espèce, cepabfe de coloniser aussi bien l' 3llm1t, entrainée par les
coques des bateaux, que l'aval, par reœven de rosettes se fo:rmant Il
l'extréDité des stolons
, et partant ensuite â la dérive. La jacinthe,
répandue ~is le haut du fleuve Congo jusqu'au Stanley Pool, non
seulement campTallet la navigation, mais encore et surtout risque
d'asphyxier les poissons. Malgré les myens de lutte ëncrsœs (14 techni-
ciens, 9 gros bateaux, 410 travailleurs, des dizainesdemilliers de
litres de 2·4 D hormone anti-eroissance) mis en oeuvre par les autorités
belges installées de l'autre côté du fleuve, le flêaJJ se perpétua
et le seul espoir entrevu par lm. "Colloque sur l'Eichhornia Crasstpes"
réunit Il Léopoldville en 1957 fut qu' "après une phase explosive",
la plante finirait par perdre son "pouvotr d' agressivi té et de dominance",
et qu'un équilibre s'établirait avec les "commmautés biotiques"
antécédentes.

- 211 -
Rien ne permet à 1 'heure actuelle de dire si l' "cverfdsbmg"
et la prolifêration des jacinthes se sont accentués, ni de mesurer
les veritables conséquences qu'ont pu avoir ces deux phënceënes sur
les êc:o~t!mes du Stanley Pool. Il faut cependant noter que sous
la pressdcn d'une demande urbaine toujours croissante en prctëtnes
animales, un nanbre de plus en plus grand de pêcheurs se détournent
du Stanley Pool.
2.1.3. Le ravitaillement en bois
Celui-ci rêpond a. un double besoin : d'une part la cuisson
des aliments qui continue de se faire partiellement selon les méthodes
traditionnelles, ctest-a.-dire a. l'aide d'un feu entretenu entre trois
pierres sur lesquelles les ustensiles sont posés ; d'autre part
la construction des cases et la c16ture des parcelles.
Traditionnellœent, la récolte du bois à usage domestique
est du ressort des fenmes. Elle consiste en principe en un ramassage
du bois mort tcmbé des arbres ou amené par les crues sur les berges
mais lorsque celui-ci se raréfie, elle consiste en une cueillette
des branches sèches encore Hxées aux arbres. Avec. le développes:llellt
urbain, un ~tème de ramassage .9 'est crëë, Celui-ci est contrôlé
par des cœmerçants collectant le bois provenant soit des coupes
régulières effect1.loées spëcdafeœnt en vue du ravitaillement de la ville,
soi't des arbres abattus en vue de l'établissaJ'lent d'une plantation.
QJant au bois de construction. sa récolte relève des hcanes
et sa consommation est très ~levée pendant la période de gros
accroissement urbain, CQlllle nous avera pu le constater li. :-acayi dans les
années 60. Cette consœsaatfon décroît; de plus en plus, les maisons
étant actuellement construites en briques crues, cuites ou en ciment.
Le ravitaillement des citadins a engendré le dêboisaJ'lent
des environs des villes. Déjà signalé par P. Vennetier en 195; à
prcpos de Brazaville Cl) o~ les femmes devaient se rendre à plus de·
25 km pour t'I'OUVer des arbres en assez grand nombre, le phénomène s'est
(1) - Cf. ''Banlieue noire de Brazaville", an. cit., page 142.

• 212 -
égaleœnt produit à Nlœyi où l'on a assisté en tœdns de diX ans il. la
disparition des forêts jusqu'à lm rayon de plus de 20 km autour de la
ville. C'est sans doute aussi le même phéncmène qui a imposé, â
Pointe-Noire, le recours à la forêt du Mayœbe pour l'appTivisionnement
en bois de ccnsrrccctcn, la plupart des cases ëtana , jusqu'à ce jour,
construites en planches ëcfatëes .
2.2. ExtraveTsion du svs'tème agricole et Teprcduction des techniques
en milieu rural.
Les villes et leurs environs ne sont pas les seuls endrof ts
â avofr connu lme d6gndation des ëccsvstëees, du fait de l'inadaptation
des techniques. Produisant désonnais pour les besoins du système
capitaliste. le système agTicole lignageT ne peut plus TeproduiTe sa
composante technique et. aucun système technique de Templacement
n'ayant été mis surpied, la TêgTession des écosystèmes s'avêTe
inëvâtabke , Trois facteurs sont à l'origine de la non-reproduction
des techniques et des ëccsvscëaes : la diminution du pouvofr des
chefs , la de:œnde alimentaiTe urbaine et le développement des cuï.tures
cœœrcfaï.es .
2.2.1. Effets de l'affaiblissement de la supeTstTUeture SUT
les tedmigues
2.2.1 .1. L' a.bancb:l des tedmigues collectives
L' analyse du système effectuée au preater chapi t're a rëvëté
la pTêdaninance des pratdques collectives et le rôte joué par les chefs
dans la reprodcctdcn des techniques il travers les activids de symboli-
sation et la mise sur pied d'appaTeils jUTidique et idéologique. La
soumission du système lignageT au système capitaliste et la
diminution ccrck.lat re du pcuvcfr des chefs devaient cependant changer
cet état de choses.

- Z13 -
Il faut d'abord noter que les techniques collectives
(chasse et pêche surtout) enregistrent un certain recul : ainsi les
grandes chasses collectives, au filet notal!lDent sont tambêes en
dësuëtude, Certains auteurs expliquent ce phêncmêne par la diffusion
dl instnuents A usage individuel plus perfectionnés que ceux: utilisés
avant la pénétration capitaliste. Ainsi. l'abandon des techniques
collectives de chasse, par exemple, serait Uoputable A la possession
de fusils de chasse par un nombre de plus en plus grand de personnes (1J •
Cette explication qui est en partie vraie pour la chasse -puisque dans
chaque village. la chasse est devenue l'apanage d'lm. petit nombre
de gens 1 possesseurs d'un fusil ou spëcdal.i.stes de la fabrication des
engins- ne l'est pas dans le cas de la pêche cil les techniques n' ont
cormu aucune innovation décisive. En réalité, la décadence des techniques
collectives est imputable avant tout .ft la progression des rapports
marchands capitalistes, plus prêcisêment A l'affaiblissement des
hiérarchies lignagêres et A l'exode rural. Ne disposant plus que d'un
pouvoir réduit exercé di:rectement sur un petit nanbre de dépendants,
les chefs lignagers ne sont plus en mesure d'organiser les cérémonies
nécessitées par la mise en oeuvre de ces techniques.
En conséquence, non seulement le ciment social que
constituaient les chasses et les pêches colleçtives s'effrite, mais
encore le contr6le exercé par les chefs sur les écosystèmes ca étaient
mises en oeuvre ces techniques perd son efficacité. En effet, s'il
était possible aux chefs d'~ser A l'ensemble des personnes
participant A une partie de chasse ou œpêche collective les normes
selon lesquelles celle-ci devait s'effectuer (puisqu'il lui appartenait
de dnisir le lieu ca devait se dérouler la chasse ou la pêche et
d'arrêter la partie lorsqu'il
avait
jugé les prises suffisantes), cela
ne saurait être le cas aveç les chasseurs et pêcheurs individuels qui
de surcroît sont munis d'instruments plus meurtriers (fusils par a~emple).
(1 ) - Cf. P. VENNETIER, Géographie du Congo-Bra=.aville, Gauthiers-Villars,
Paris, 1966, page 75.

- 214 -
2.2.1.2. L'appauvrissement des techniques
Une des manifestations de la décadence des pratiques
colleçtives est le dêclin des aaivitfs de symbolisation qui les
accempagnent. En effet, les c.hasses et pêches collectives en vigueur
aujourd'hui cœportent. des rituels plus réduits qu'auparavant. ~is les
techniques collectives ne scrrepas les seules Il faire l'objet d'une
stmplification. Il est rare à l'heure actuelle de voir un c.hasseur
individuel par exemple. recourir aux dtvers rituels ~s au premier
chapitre, et qui visaient la recherche du sœcës personnel. De même.
des rituels COJlllle ceux qui lIIlU"C(U8.ient l'ouverture du temps des travaux
agricoles ne sont plus observés nulle part sur notre champ d' étude .
Les effets de la dim.i.m1tion du pouvoir des chefs dëbcrdent
largement les êl!ments qui viennent d'être ëvoqués , :-Ion seulement
les ëccsvstëees exptcdrës initialsent sous leur ccrrtrôfe le sont
maintenant de façon "anarchique" 1 mais encore une grande partie des
croyances qui soustrayaient certains d'entre eux à l'exploitation
humaine sont tClllhées en dêsuê'tUde ; i l en est d'ailleurs de même de
certains interdits alimentaires.
C'est donc l'ensanble des techniques qui se vident de plus
en plus de leur ccntemi symbolique et, la simplification des techniques
n'est êvidelllœnt l'8S de nature à favoriser leur reproduction.
2.2.2. Produc:tion llllU'Chande et inadéquation des techniques
antécapitalistes.
L'extraversion du système ê'tUdiê signifie en premier lieu
accroissement du prêl.ëveaent net effectué sur les écosystèmes.
Les produits destinés à L'epprovtsfonneœnt vivrier des villes ou
à l'exportation emportent avec eux une bonne partie des êll!5M!:nts
qui auraient favcrdsë la reconstitution de la fer-t i I i tê des sols sous
la forme de déchets. Mais beaucoup plus que le prëtëveeent net,
c'est la rëductaon de la jachère qui a contribué à faire baisser
la fertilitê des sols.

- 215 -
2.2.2.1. La réduction de la jachêre
En l'absence de toute amélioration de la prccuct Ivi.të, les
ruraux: ne pouvaient satisfaire la daDande alimentaire urbaine et le
courant d'exportation que par·un allongement du temps de travail, ainsi
que nous l'avons déja. dit, mais aussi par une augmentation des superlicies
cultivées. Or, on a vu ëgareœnt que la surface agricole utile avait
ëeë réduite du fait du regroupement des villages le long des routes.
Le maintien de la production A un
niveau supérieur A l'auto-consœmation
ne pouvait donc se faire que par un retour plus frëquerrt; sur les
mêmes terres, ctest-ê-dfre par une réduction du temps de jachère.
L'ëceœ-eesene de la jachère est fonction de certains facteurs
ccmœ la densité œpopufatdon , le degré œpënëtrat icn des rapports
marchands, la situation géographique (par rapport aux: villes). Ainsi,
dans la zone de Pointe-Noire, la jachère forestière se trouve réduite
a. une période qui ne dépasse pas souvent sept ans (1). Dans la vallée
du Niari, la phase de jachère dure de trois A cinq ans (il s'agit lA
d'une acne de savane
située A mi-chemin entre Brazaville et
Pointe-Noire et jouant un r61e des plus importants dans le ravitaillement
vavrfer de Ces deuJt villes). Enfîn, dans la région de Boke, les périodes
de repos des sols de savane durent le plus souvent de deux A sept
ans tandis qu'en forêt, le temps de jachère va de turit a. quinze ans.
Rappelons qu'il faut environ d'ix ans pour que la fertilité d'un sol
de savane soit reconstituée et que la régénération pédologique n'est
complète en forêt qu'au bout de vingt A vingt·cinq ans.
La d1mimJtion du temps de jachère a engendré. conme il
fallait s'y attendre, une régression des écosystèmes. Ainsi, dans la
zone de Pointe-Noire par exemple, la végétation forestière se caractérise
par l'abondance de para.soliers (Jo\\Jsanga Smithii). essence A croissance
très rapide, et la présence d'un taillis bas d'où émergent quelques
grands arbres qui avaient été épargnés lors des cUfrichanents successifs.
Pointe-Noire et la façade maritime du Congo,
op. dt., pages 175 et 176.

- 216 -
Dans la vallée du Niari où la formation végétale est la savane,
ctest la multiplication des foyers d'érosion engendrant ~ leur tour
la latérisation. Dans la région de Boko, des signes non équivoques
attestent les progrès de la savane, au détTi.ment de la forêt Cl).
Il convient d'insister sur le fait que ce qui est ~
l'origine de la réduction de la jachère forestière, c'est mins
l'insuffisance des étendues cultivables que la contrainte due
~ l'êconanie marchande. En effet, œlgré la rarëfactdon artificielle
des terres due au regroupement des villages. les sols forestiers
proches de ceux-ci et susceptibles de porter des cultures ne font
pas toujours défaut. Mais A cause de la grosseur des troncs, l'effort
requis pour abattre une vieille forêt paraît aux paysans disproportionné
au gain de rendement ~ espérer; quand ils ont ~ choisir, ils
préfèrent s'attaquer ~ un recru plus jeune.
La fertilité de la terre ne se reconstituant plus, c'est
la o'ùture des plantes les plus exigeantes qui se trouve compromise.
Le taux de boisement devenant faible, les cultivatrices sont obligées
d'effectuer l'essentiel des cultures en savane. où le sol est mins
fertile. Le manioc et la plupart des plantes cultdvëes en sa
canpagnie (arachide. mais) se contentant d'un ll1Î.n.i.JIUI\\ de fertilité,
elles substituent tout simplenoent le manioc de savane au manioc de
forêt. Il en résulte une tendance ~ la ecncculture du manioc,
tendance accélérée par la demande alimentaire urbaine qui porte
surtout SUT ce produi t •
Mais la substitution des cultures de savane aux cultures
de forêt est loin de constituer la solution idéale. En savane, les
teTTains plats (sommets de collines, replats, glacis colluviaux.
planchers de cirques, secteurs alluviaux des fonds de vallées) se
prêtent seuls ~ la culture. Implantées aux points hauts et aux points
~~~~_!~~_~~~~_2e savane délaissent dans l'intervalle les versants
(1) - G. SAUTTER a constaté ce phénomène dans les villages tels que Kanzi
et Cessé, où. "les cultivateut'"s manquent à ce point de bois où faire
leurs "nsi tou" (champs de fOTêts) qu'ils en négligent toute précaution:
des recrus de six ans seulement sont remis en culture, les arbres
abattus jusqu'au contact de la savane". (~. cit , page 514)
De plus, selon le même auteur, ces e.xempês ne représentent que le
cas limite d'une situation assez générale.

- 21i -
dénudés eL inferLiles. Dans les cas limiLes, comme Kanzi eL Cessé, où
la pénurie de sols valables oblige les populations a ne pas se monLrer
difficiles, "les cultirres occupent la maigre savane des versants ,
jadis réservée au pet.ât; élevage, a certaines formes de cueU1ette
et a la chasse. Dès lors, la voie est ouverte a l'érosion r~ la
Ietérdsatdcn. A terme, c'est l'activité principale des paysans qui
est menacée de dispadtion.
2.2.2.2. Les aunes fonDes de la décadence des tecJmiques
La simplification des tedutiques ne se limite pas a l'abandon
des activités de symbolisation et à la rédactdcn de la jachère. Certaines
techniques de cuï'ture , telles que l'écobuage qui requéraient du soin
et du temps ont perdu du terrain dans la région de Beke par exemple,
au profit de méthodes plus expéditives. Si jadis dans les fonds garnis
d'une savane épaisse, les herbes arrachées à la houe, à quoi l'on
ajoutait si possible quelques branchages ou bouts de bois, étaient
disposées en petits tas recouverts de terre, puis brûîëes , la
préparation du champ ne ccnsdsje aujourd' hui qu 1 en un simple défrichage
a la houe avant ou après le passage des feux de brousse.
L'incapacité des techniques Hgnagêres a satisfaire de
façon durable les besoins du système capitaliste se révèle sur un
autre plan, celui de la lutte phytosanitaire. Le développement des
e:u.ltures cœmerciales a souvent provoqué la propagation des parasf.tes
et maladies des végétaux. Ce fut le cas Lot-s d'un essai de cuï ture
du coton effectué par la société AL. KELE en 1925-26 dans la
circonscription de Djmnbala. La société distribua, sous l'égide de
l'AdminisL.ation coloniale, des graines aux villageois. ~is l'essai
fut catastrophique (1) et la Société, qui avait négligé de se procu.er
des graines dês infectées , propagea dans la région des parasites dont
les plants étaient auparavant; indemes .
Cela a égalemenL été le cas plus .écemmenL dans la .égion
de Souanké oü un insecte perasdre , le capside du cacaoyer (capside
Sahlbe.ge1la singuralis) s'est mis à attaquer les plantations. (2)
(1)
C.a::QJERY-VIDROVITOi. op. cit., page ·fi4
(2) - En 1963. lé chef du secteur agricole de la Sangha estimait qu'en
deux ou trois ans les capsides avaient ravagé le Liers des plantations
(Cf. C. ROBlNEAU. op. cdt , page 1.14)

• Z18 -
Malgré les traitenents qui ont été essayés et mis en ceuvre , les
ravages ont continuê. Selon C. Robineau, les mêthodes culturales
des planteurs en seraient la cause essentidle : le trop faible
espacement des plants, qui entrave le d!veloppement des arbres
arrivés à l'Sge adulte (vers six ans), favorise la prolifération des
moisissures. limite le rendement en cabosses, les désherbages réguliers,
bisannuels, que l'on devrait faire et que, souvent, l'on réduit à
un seul. au moment de la récolte des c&bosses ; les cabosses
rëccreëes, fendues et vidées de leurs fèves evec la pulpe et que
l'on laisse pou::rrir en tas à l'air libre dans un coin de la plantation
au lieu de les enterrer, foyer idéal d'expansion des parasites et
des moisissures.
En ce qui concerne ce dernier cas. la question essentielle
est celle de savoir pourquoi les planteurs restent passifs face aux
progrès des capsides et de la lutte phytosanitaire il entreprendre.
Est-ce un hasard s'ils attendent de l'administration aide financière
et matérielle, "cœme si les cacacyëres en danger n'étaient pas
leur chose" ? ('). Nous y reviendrons.
Une dernière conséquence de la progression des rappor-ts
marchaI1ds mérite d têt're signalée: "1 'overfismng" affectant le Stanley
Pool pousse les pêcheurs, depuis quelques années déj à, il entreprendre
des campagnes annuelles ou bisannuelles sur le "haut Congo", aussi
la surexploitation gagne-c-ekIe les pêcheries d' erœnt ,
C'est donc une décadence généralisée des teclmiques
antécapitalistes et une dégradation ûnportante des écosystèmes
qu'entraîne le développement des rapports de production capitalistes.
La perversion des rapports sociaux ne ccnstrcue cependant pas unique-
ment la cause de la décadence des techniques et de la dégradation
des écosystèmes ; elle est également un produit de ces deux phénomènes.
(1) - C. ROBINEAIJ, op. cit., page 114

- 219 -
Ainsi, la surexploitation destructrice des milieux
aquatiques du Stanley Pool a eu pour conséquence une eppropt-Iat âon
individuelle accrue des lieux de pêche, et ailleurs, la stérilisation
des sols accélêre la tendance a l'appropriation familiale et ~out
individuelle des ter-res les plus fertiles et les nti.eux placés par
rapport aux circuits cœnercdaux, De même, les <fêlais des techniques
collectives, s'il est dO a l'affaiblissement des hiérarchies lignagères
et a l'exode rural , accentue la désagrégation de la cobësdon sociale,
tout CClllDe le dfpouillement des techniques de leur contenu symbolique
correspond a l'élimination d'un des roy~ns de la reproduction des
rapports socaacx ,
~=~!2~_2
ç~=!~!~_~r_!~_~!!2!!!~~_~_!~~_~~~~~~_~gr!Ç2!~~
~!~caE!!!!!~~~~'
Au tenue de l'évolution qui vient d'être analysée,
c'est donc la ncn-reprccccctcn de la plupart des ccnstd'ruents
du système agricole lignager qui prëdœüne . En effet, malgré
une augmentation des quantités produites et l'introduction d'espèces
nouvelles. des fléaux tels que la faim, la sous-nutrition, les
grandes end6nies, l'analphabêti5lhe, la haute rortalité infantile, etc,
engendrës par la transformation du système, constituent des freins
a la reproduction de la fOTCe de rravafL. Si l'on ajoute
ces
â
fléaux la faible productiviU de la terre et du travail due à
l'impossibilité dans laquelle se trouve le produc~eur de disposer
du fruit de son travail, la non-reproduction des écosystèmes, on
peut conclure a une altëratfon des forces productives en gënëral ,
c'est-a-dire au sous·développement.

- 220 -
Si la démarche adaptée jusqu' â maintenant nous a pemis
de cerner les causes. les manifestations et les conséquences de
la dés'tabi Li.sation du systlme. la nat:ure de la stabilit6 que I1OI.LS
lui avons reconrwe ëës l!-d!pan. ainsi que les conditions et les
lDêcanismes par lesquels elle 5' exerce restent â prëcfser , La seule
façon d'y procéder c'est d'aller au-deLâ de la si'tUation en question
et nous placer au niveau des concepts qui servent il la désigner. La
comparaison de la nouvelle rationalité collective avec l'ancienne
devrait perrœttre de connaître la base de cette st.abilité. tandis
qu'en POUSS3D.t plus loin que nous ne l'avons fait jusqu'ici l'analyse
du œcde d'adaptation du système étudié, ses conditions, ses mécanismes
devraient apparaître avec plus de neutetë et ce n r est qu'alors que
la nature de la sUbilité pourrai t être dêfinie.
3.1. Rationalité et stabilité
L'état d'\\.D1 systi!me, 4 tous les stades de son évolution,
est détemi.nê pal' la place qu'occupent les diverses structures qui
le constituent. les unes par rapport aux autres, ainsi que par la
place que le mUme lui-mime occupe par rapport! son méta-système.
C'est pourquoi sa stabilité ou son instabilit! doivent être appYéci~es
en fonction de sa rationalité. ~is cette apprëcdatdon suppose avant
tout la connaissance de la fonction de préférence du svseëre.
3.1.1. La nouvelle fonction de trrëférence ,
Le changement du contenu diachronique s'est accompagné,
ainsi que nous l'avons vu, de la fixation de nouveaux objectifs au
système. Ceux-ci ont consisté pendant la période de traite
! fournir la force de travail et les matiêres premières nécessaires
! l'accurru..ùation capitaliste primitive. Ces deux objectifs ont non
seutenent été poursuivra peralêlleme:1.t aux objectifs initiaux du
système, mais encore leur rëatdsat.aon était cœeandêe et cont.rôfée par la

- 221 -
classe sociale dominante -celle formée par les chefs de lignages et
d'une maniêre gEnêrale par les ainés- et ils ne constituaient qu'un
IOOyen pour atteindre la fin jusque la dominante. à savoir l'optimLDn
déllDgraphique. Si bien que la fonction de prëfërence du système
restait inchangée dans son essence.
La soumission des rapports lignagers aux rapports
capitalistes devait cependant affecter plus profondément la
rationalité collective du système lignager. l'objectif majeur étant
désormais fixé et sa réalisation cont'rôfëe par le système capitaliste.
Ce fut d'abord la "mise en valeur" qui a cons is té. pendant le règne
des cœpagnies ccncessfcrmarres , a exploiter systématiquement
les ressources naturelles nécessaires a l'industrie métropolitaine
et, pendant la période coloniale, à réaliser les conditions d'tmplantation
du M.P.C.
Ure fois le H.P.C. Inataurë , le concept de "mise en valeur"
est rebaptisé "développement". A Ji différence du premier. ce dernier
objectif n'est pas seulement celui des capitalistes puisqu'il est
repris par l r ensemble de la population. Le contenu de ce développement
dfffêre cependant selon les groupes sociaux.
Pour les capitalistes, le développement signifie
accrcdsseeent des forces de travail
libres et extension de la sphère
de circulation marchande. Cette conception n'exclut pas le développement
des forces productives en soi. mais celui-ci n'est toléré et
favorisé que dans la mesure où. il permet de réaliser davantage de
profit.
Les agents autochtones du système capitaliste -les membres
de la bourgeoisie bureaucratique notasment- ne peuvent avoir une
vision diffErente du dévelo~t. leurs privilèges socio-économiques
étant fondamentalement liés à la stratégie capitaliste. Plus les
profits réalisés par le système capitaliste sont élevés, plus ~ant
est le volume de ces profits octroyé à ses représentants.

,,,
- .....
Pour les chefs Lrgnagers , le développenent économique
n'est pas une fin en soi, mais le eoyen de consolider leur position
sociale. Cette consolidation qui autrefois dépendait exclusivement
du vol\\lDe du lignage est de plus en plus àêtel'lllinée par les biens
matériels possédés, CalIlle on l'a vu .11. propos du nouveau rôï.e de
la Terre. IX!. fait de la régression de l'esclavage et de la polygamie,
la fonction des biens de prestige qui, il l'origine, était
essentiellement de permettre l'acquisition de femmes et d'esclaves,
se réduit de plus en plus au seul prestige que leur possession procure.
En outre J la production et la cireu.lation de ces biens étant contrOlées
par les capitalistes, il faut considérer leur acquisition par les
chefs lignagers et de façon générale la stratégie lignagère comme
un moyen d-accro îere
les profits capitalistes,
~t 11 la grande majorité de la population comprenant
surtout les paysans pauvres, les U!ments prolétarisês ou en voie
de l'être, elle ne peut concevoir le développement que COlll!le un
processus visant l'amélioration de ses conditions d'existence, de son
mode de vie. L'analyse de la perver sdcn des rapports sociaux de
production a cependant montrê comnent la pccrsutte de cet objectif,
parce qu 1elle s'effectue dans UI'I. contexte défini et dominê par
le système capitaliste, aboutit il Ul'l.e altêration des forces produc-
tives.
La stratégie d'êvolution de la formation êconamique et
sociale congdkisere correspond cependant, ni il l'une des s'tratégies
indui tes par les diffêrentes conceptions du dêveloppement, ni il la
samme de ces stratêgies. Elle est le produit de leur articulation.
La nature réelle de la fonction de prëfërence sociale ne peut donc
être correctement saisie qu'en considérant le JOOd.e de structuratdcn
des objectifs poursuivis par les diffêrentes forces en présence.

- 223 -
Par conséquent, le fait que l'ensemble de la forma~ion
sociale soit dominée par le système capitaliste ne signifie pas
que la fin daainante de la première se confonde avec celle du
second. Cela signifie simplement que la fin poursuivie par la
formation sociale congolaise est JX!Ur le svseëne capitaliste un
II'IJY'!n d'atteindre son propre objectif. Or, si l'on donne a. la
fin poursuivie par la formation sociale la même signification que lui
conf!re la majorité de la population, c'est-a.-dire, répétons-le,
le développement sccdo-ëconœdque ccmpris ccmne un processus
d'apprentissage visant l'amélioration du mode de vie et l'épanouissement
du producteur direct (1), on constate que sa réalisation est
incompatible avec celle de l'objectif capitaliste. Aussi, la
fonction de préférence de la formation sociale congolaise, comme
celle de 11ensemble des pays sous-développés, peut-elle se définir
COll'l'lle un ensemble de fins et de rooyens, daniné par l'une de ces
fins (le développement sccto-ëccnœucce) sentant une fin daminante
(le profit capitaliste) et qui ne permet pas d'atteindre l'objectif
(le développement socio-éconanique).
3.1.2. Ordonnancement des rationalités, cohérence structurale
et stabilité.
Une des conséquences de la domination capitaliste es~ la
généralisation du critère de rentabilité au sens capitaliste du
terme, c'esu-â-dâre la recherche d'une efficacité purement
éconani.que des actes de production. C'est ce que traduisent par
exemple la diminution du nombre des espèces cultivées, la sélec~ion
des outils de pêche et , d'une maniêre générale la simplification
des techntques .
(1)
- ~ous reviendrons plus en détail sur cette conception du
dêvetcppesent dans la derruêre partie de la recherche.

- 224 -
Un autre conséquence de cette domination est le primat
désormais accordé aux valeurs éconaniques, CCllllle en témoigne
l'attitude des chefs lignagers et leurs dépendants peur qui, UM
fois les besoins élfmentaires sati3faits. qu'ils soient dëtereunës
par les structures de consarmation Idgnagêres au par le système
capita.liste. l'objectif prioritaire devient. Call1le pour les
ceprcaï.rsces , l'acct.mJ.1ation des richesses saeër ïettes , notarrment
sous la fonne de biens de prestige (1).
La rationalitê éconanique au sens capitaliste est donc
deverwe dardnante. QJelle est la nature de cette dominance t En d'autres
termes, quels rapports existe-t-il entTe cette rationalité économique
et les autres types de rationalités (idéologique, politique, sociale)?
Il y a une rationalité idéologique, une rationalité politique et
une rationalité sociale propres au système capiuliste et correspondant
! sa rationalité économique. Or la domination capitaliste sur le
système lignager n'est pas allée jusqu'! la substitution des
différents types de rationalité ~ système capitaliste a ceux du
système lignager. Les rationalités du système lignager continuent en
effet! déterminer les ccmportements des individus, que ce soit au
niveau idéologique (cas de la sorcellerie), au niveau politique et
au niveau social. Mais ces rationalités qui sont celles d'lm système
socio-économique 011 la rationalité éconanique au sens capiuliste
n'est pas daninante. ne peuvent guère se chevaucher avec cette
dernière. Il y a donc non-eClllp16lHmurid, et mime incOlllpatibilité
entre cette rationalité éconanique et d'autres types de rationalité
considérée ccmœ "irratiormels" par rapport a la logique capitaliste.
On peut donc ccnsddërer que l 'lm des facteurs d'instabilité du système
que nous avons étudié est la non-complémentarité de ses rationalités
autrement dit, l'lm des éléments sur lesquels reposait sa stabilité
était la complémentarité de ses différents types de rationalitê.
(1) - ~us avons vu qu' eurre l' acet.mDJ1.ation des terres et des biens
de prestige, une bonne partie des revenus était dépensée pour
les loisirs et les fêtes. C'est cependant le premier type
d'affectation qui est de loin la plus importante.

- 22S -
D'autre part. on a vu , en définissant la nouvelle
fonction de préférence sociale, que bien que le but ultilne que la
fonoation sociale cherche à atteindre soit le développement
scctc-ëconœtcce, les fins diffénient suivant les classes sociales.
Il faut. pr6:iser ici aussi. les liens existant entre ces fins. Si
l'OIJ considère par exemple l'acquisition des biens de prestige par
les chefs lignagers. on 5' sperçci. t que dans la mesure où ces biens
sont produits par le système capitaliste. l'objectif poursuivi
par ces chefs est. pour les capitalistes un moyen de réaliser des
profits. Mais en mêne temps, le fait que la majeure. partie du surplus
extroqué aux paysans et aux éléments prolétarisés soit affectée à des
cëpenses improductives constitue une entrave à l'êlargissement de
la sphère de production capitaliste. De ce point de vue. les relations
de dëpendance existant entre l'objectif des chefs lignagers et celui
des œpitalistes peuvent être considérées Ct'ImIe relevant de l'opposabilité.
Dans la mesure où les chefs lignagers ont, malgrê le
caractère dominê de leur stratêgie, la possibilltê de faire fonctionner
certaines structures a leur profit. c'est-A-dire conformément â
l'ancienne fonction de préférence, la non-cor-respondance des fins qui
vient dl être évoquée implique une incohérence des structures.
L'incohérence structurale apparaît plus nettement lorsqu'on compare
la conception capitaliste du dêveloppement et celle des masses
désbEritêes. S'il s'agit pour ces derniAres d'orienter les structures
productives -du. rœans celles qu'ils contrôlent- dans le sens d'une
utilisation du surplus aux fins de satisfaire leurs intérêts, d'autres
structures sant utilisées par les capitalistes pour rêaliser le
maximum de profit.
On peut donc retenir, à côté de la complémentarité, la
cohérence structurale comme deuxième élément sur lequel reposait la sta-
bilité du système agricole lignager. La base de la stabilité étant
définie, il nous faut examiner maintenant ses conditions et ses
mécanismes, avant de dégager sa nature.

- ZZ6 -
3.2. Stabilit~ et auto-reproduction
La brëve critique qui a été faite du concept ëcctcgtcce de
la stabilité n'a pI3 permis de trancher en faveur de l'une ou l'autre
des deux attitudes consistant a considérer la stabilité comme
l'absence de changement ou, au contraire. ccmne la présence de
changE!llent dans certaines lîmites. Néanmoins. dans tous les cas,
la stabilité est apparue ccmne une forme de reproduc:tion systêmique, le
problème se ramenant au sens donné a cette reproduction.
Le facteur essentiel de la reproduc:tion du système qui. nous
occupe est sa complexité. c'est-à-dire à la fOis la vari~té interne
de ses structures, leur Ill.Ùti-fonctionnalit~ et leur redondance.
Grtee a cette qualitf, le système
pouvait s'adapter aux perturbations
internes et externes dont il était l'objet en modifiant légèrement
OU profondément ses structures. ~is l'adaptation par modification
structurale n'a pu se faire qu'à certaines conditions. notaument
grâce à l'activitê de symbolisation et à l'autonanie dont
disposait le système quant ~ la détermination des fins.
3.Z.1. Symbolisme et stabilité
L'examen de la dialectique de l'utilitaire et du symbole
visait ~ montrer que les activités de symbOlisation pratiquées dans le
système agricole lignager ne constituaient nullement le produit
de banales superstitions. Elles étaient commandées par une vision
du mande qui considère la nature CCJllDl! composée de deux sortes
de réalités distinctes mais complémentaires : les réalités matérielles,
visibles et tangibles, et les réalités immatérielles constitués SUrtout
des forces et pouvoirs ~ui échappent a l'empire des sens. Les réalités
Dumatérielles étant considérées comme celles qui déterminent les
réalités matérielles que l'homme tente de s'approprier, la symbolisation,
en tant qu'activité visant la maïtrise des forces gardiennes de la
nature, devait jouer un rôle de première i..mportance dans le processus

- 227 -
d'appropriation de cette nature. Ce rôte va de la conception des
techniques, leur mise en oeuvre, ! leur reproduction ainsi qu'à celle
des écosystèmes sur lesquels elles s'appliquent et des rapports
sociaux.
Les pratiques magiques, religieuses et rituelles peuvent
dès lors 8tre considérées comme des moyens essentiels d'adaptation
aux perturbations internes et externes du système. Mais ces
pratiques ne constituent pas la seule forme d'intervention du
symbolisme dans la reproduction systémique. En effet, dans la mesure
ca la multifinctionnalité des structures manifeste l'existence d'une
redondance il l'intérieur du systèDe, on peut affirmer que l'adaptation
de celui-ci se fait en grande partie par recours à cette redondance.
Or, qu'est-ee que la redondance? Y. Bare l nous dit qu'il y a
redondance "chaque fois qu'une partie d'un système exerce plusieurs
fonctions, ou qu'une fonction est assώe ou assumable par plusieurs
parties" (1). Au sens le plus général du 'terne , elle peut être définie
comme la présence d'éléments analogues dans plusieurs parties d'un
ensemble. L'utilisation de la redondance suppose donc, avant tout, la
détection des analogies et d'éléments analogues, détection qui n'est
possible que grâce ! la faculté de symbolisation des membres du
corps social. Cependant, la symbolisation ne se limdte pas à cettp.
détection. Elle consiste aussi il détacher ces éléments des structures
qui leur servent de support. Ce n'est qu'au terme de ces deux l':'IlJl1lents
dela symbolisation que les gt'Ol.pes sociaux peuvent orienter la
IlOiification des atructures dans le sens désiré. En favorisant la
modification st!"UCturale en vue de l'adaptation du système, ils
pennettent également le maintien d'une certaine cohérence entre les
différentes structures qui le composent.
On voi t donc que le symbolisme joue un rôle de première
importance dans la reproduction de la base de la stabilité, et par
cans~quent dans la stabilité elle-même.
(1) - Y. BAREL. "Séminaire sur les svcëees scctaax", op. cit.

228 -
3.2.2. Le rôle déterminant de l'autonomie
La prësence de structures IIIJ.1tifonctiormelles redondantes
peut 5' interpréter CaIIIle la possesstcn par le systèDe d'une énergie
libre, c'est-à-dire une énergie dant les emplois ne sont pas
préprograD'lQês ou surplus d'énergie disponible pour des emplois
alternatifs. Dans notre système, cette l!nergie se prësente sous la
forme de portions de terroirs tncccϑes non seulement parce que le
système agricole le requiert (jachères, çhasse, élevage. zones
taboues qui sont les lieux par excellence de la reproduction des
populations animales) mais aussi pour des raisons de sêcurd.tê
(vide défensif, frontières doublées en géMral de larges zones de
forêt ou de brousse qui constituent des marges protectrices). Elle
se présente également sous la forme des techniques conçues pour
l'exploitation d'lm type d'écosystème doral.t! mais qui ne sont pas toutes
utilisées en même temps (cas de la pêche). Elle s'incarne encore
dans diverses structures telles que le S0U5-systèDe de symbolisation
qui peut servir. selon iee cfrconstances à atteindre une certaine
efficacité des actes de production, à reprodarre les tuêrarchdes
sociales existantes, les techniques de production ou les syst!mes
écologiques. On pourrait encore citer d'autres structures dans lesquelles
l'énergie libre peut être décelée, telles que l'unité de production,
le système de la dot, etc.
L'utilisation de l'énergie libre aux fins d'adaptation
ne peut se faire que si un emploi de cette énergie est préféré
aux autres. L'emploi choisi, dans la mesure oü il l'est pour
permettre au système de s'adapter, peut tout aussi bien correspondre
au maintiend.l'l~jectifpoursuivi jusque là par ce système qu'à
l'adoption d'une autre objectif. Ce choix doit donc: s'analyser
comme un acte de finalisation; il suppose la variabilité des fins
et par conséquent celle de la rinalisation.

- 229 -
Il est cependant clair que ce choix n'en seTait pas un
s' il ëeate imposé au svstême, Pour que l'affectat.ion de l'énergie
Intervienne réellement. dans le sens de l'adaptation, i l faut. que le
système ait le pouvoir de décider de ce choix, autrement di.t , il faut
qu'il dispose d'une cer-tadne autonomie.
L'autonanie d'un système est donc déterminante pour sa
stabilit~. CollInent se manifeste cette autonœue dans le systême
agricole lignager et que recOUVTe cette notion 1
Un aspect de l' autonanie du s)"!tême agricole lignager
est la possibilité, mise en évidence dans l'analyse de sa rationalité,
qu'ont IfS producteurs directs de décider du choix et de l'application
des techniques, maü ce n'est pas le seul. Nous avons analysé le
phtmomêne d'extraversion cœee la perte d'autonomie du système en
l'opposant en quelque sorte à l'autosubsistance. Cette dernière
se caractérise en effet par le fait que le système produit essentiellemem
pour la subsistance du groupe, ce qui ne veut pas dire que les différents
lignages vivent en autarcie, puisque, comme on l'a vu, la reproduction
des unités de produCtion et la dynamique mène du systè'ne reposent sur
l'6change. Par contre, on pourrait croire que les ensembles
constitués
par des groupes lignagers liés par l'échange sont des ensembles fermés,
cette croyance rësurtant de la constatation que la breche cuver-re par
le système capitaliste a déclenché la régression du système Hgnager .
L'idée de fermeture semble difficilement applicable au
système lignager. D'abord, il n'est pas certain que la seule
OUVerture que les ensembles dont il est question aient connue soit
celle qui a résulté du contact avec le sys rëme capttalist.e. En effet,
de nombreuses sociétés lignagêres africaines sont entrées en contaCt
avec les sociétés lID.l.Sl.l.1.Dles plusieurs sfêcjes avant la pénétration
capitaliste sans pour autant qu'enes aient rëgressë . En second lieu,
le contact avec les européens n'a pas engendré iDIlIédiatement et
automatiquement la déstabilisation des sociétés

- 230 •
Hgnagêres ; celle-ci n'a eu lieu qu'avec la mise en place du
systême coloni.:al. On ne peut donc pas parler de fermeture en ce qui concerne _
systême
lignager d'avant la colonisation puisque celui-ci
entretenait déjA un fort courant d'échange (traite des esclaves
et des produits) avec les formatiorull sociales européennes et, plus
particulièrement avec le système capitaliste (1).
Le systême lignager est donc incontestablement un système
ouvert, mais cette ouverture ne saurait constituer la cause preatëre
de sa dEstabilisation. Sa régression n'a véritablement callDencl!l qu'a
partir du IŒIlIeI1t où il a perdu son autoncmi.e. En d'autres termes,
ce qui a.lJI:I&ravant avait fait du système agricole lignager un systêrne
stable, c'est l'autonomie dont disposait son méta-système, autonœie qui
lui petmettait de maîtriser les transformations dues aux perturbations
tant internes qu'externes ; si bien que la seule chose qui puisse
êt.re qualifiée de fennée, c'est sa transformation.
QJant A la nature et au contenu de cette autonomie. disons
qu'il s'agit surtout d'une autonanie de la finalisation
ou auto-
finalisation, dans la mesure où le choix évtIqué A propos de l'utilisation
de 1 'I!lnergie libre concerne directement la finalitl!l du systêrne.
L'instnmmt principal grâce auquel le systême s'auto-finalise
et assure par lA même sa stabi1itl!l est constitué par son sous-systême
de tri de l'information et de décision. Ce sous-système est la mémoire
du système, c'est-A-dire "l'appareil capable d'appeler, occulter,
trier. conserver toute information qu'elle vienne du passé, du
présent ou du futur. qu'elle soit interne ou externe au système" (2).
(1) - L'idée de fermeture ne peut pas non plus s'appliquer aux écosystèmes,
contrairement A ce que disent les écologues. Bien que ces derniers
œgligent dans leurs analyses les importations et exportations
des ëccsystêees , ceux-ci connaissent des flux de matières et
d'énergie; ils doivent pour cela être considérés comme des syst!rnes
ouverts. Ce qui selon nous fait leur stabilité, ce n'est pas la
ëereeeore, mais l'existence de feedbacJe et d'autres mécanismes
rl!lgulateurs permettant Al' écosystème perturbé de réaliser une
transformation fermée.
(2) - Y. BAREL, op. cit.

- 231 -
La mémoire est d'une certaine manière, l'ensemble des solutions
alternatives offertes par le système, pour le traitement d'un problème
quelconque. Dans le cas qui nous occupe. c'est la classe des chefs
lignasers et des aWs qui conti'tUe l'élénent central de l'appareil
de IIlêft::lrisation.
La relation entre autonomie et stabilité n'est pas à sens
unique. Si la possibilité de choix et le pouvoir de décision permettent,
par la manipulation des finalitês du systèDe. l'adaptation de celui-ci,
cette a.daptation, dans la mesure oa elle se fait par mdification
atrucruraïe et même par apparition d'autres struc'tures , accrcîr le
nanbre d'éléments susceptibles d' enplois alternatifs et par conséquent
le nombre de solutions alternatives, l'importance du choix et du pouvoir
de décision.
La connaissance des relations entre rationalité et stabilité
d'une part, entre stabilité et auto-reproduction d'autre part, constituait
la dernière étape de la démarche qui devait nous conduire .11. la définition
de la stabilité.
L'étude des principes d'organisation du système agricole
Hgnager nous a révélé que sa stabilité était fonction de la diversité
de ses structures, de leur caractère multifonctionnel et redondant.
Ces trois caractéristiques qui sont des aspects de la compï.exi.të du
système -.11. condition de considérer celle-ci comme l'existence
de relations multiples entre structures variées et variantes et non entre
éléments invariants- constituent donc les conditions de sa stabilité.

~-
-- ~ -~~ _. - - -
- Z3Z
L'analyse de la dynamique interne a IOOntTé que l'adaptation,
dans la mesure où elle se fait par JD:Jdification s'tructurafe , ne peut
pas être ccmprise CCIIIDe une activité de siJDple maintenance. Le
changement n'est pas exclu; la stabilité doit par conséquent être
ccnsddërëe cœme une stabilité dynamique.
G:uant à la dtalect Iqce de la synchronie et de la diachronie.
on a vu que l'agression n'implique pas syt_tiquement la disparition
des dêterminismes propres au système agressé. Bien que les
perturbations externes façorment en partie le lllJde de régulation du
système, ce sont les conditiens internes qui sont en défini tive ;
détenDinantes poo:r sa stabilite. Le facteur déterminant, en dernière
analyse, est l'autonanie reproductive du système, son auto-finalisation.
Enfin, l'examen de la rationalité du système nous a permis
de voir que la base de sa stabilité était constituée par la complémen-
tarité et la cohérence de ses structures.
Ces considérations nous amènent à définir la stabilité
caaœ la faculté qu 1 à un systi!!me de reproduire la cohérence de
ses seructures ,

- 233 -
DeuM1tme P~rtie t
------_..-------
SYSTEMES
AGRICOLES
ALTERNATIFS
E T
PRO BLE MAT 1 QUE
0 U 0 EvE L 0 P P E MEN T
_.._---------_.._----.._---------_
_--_.._--_
_--_
-

2:>4 -
le d6atabilisetion du .ysttme agricole lignagar par
la ayatt.a capitalista viseit l'inatauretion du mode de produc-
tion capiteliete eur notra champ dl~tude. Si lae conditione da
cetta inetauration ont ' t ' entiarement r'alie'a. (tranaformation
de la forc. da travail . t de. produite an merchandieae et r.cul
corollaire da llautoaubaiatance), l'objectif vie. n'a c.pendant
pae 6t' imm6diatament attaint.
le mise an plac. effective du made cepitaliste d.
production eupposait l'intervantion du grend cepitel induetriel
et finenci.r. la criee de '929 et la deuxiam. gu.rre mondiale
devaiant cap.ndant retarder cetta intarv.ntion f ce n'eet qui'
pertir da '947
que sa .ont v'ritabl.m.nt cr •••• , dana la domaina
de l'agricultura, daa unit'. da production cepitalistee. Aux
inveetise.ment. des eoci6t~s et dae capitaliataa priv'a, .a sont
ajout'a caux de l'adminietr.tion coloni.le pui., par 1. suite
caux da. organieatione intarnational•• et da l'Etat n~0-colon1.~.
l. cinquitm. ch.pitr• •er. conaacr' • 1. pr~.ant.tion
da cetta 10rma particulitre d'agricultura ainai quit l'examan daa
principa. do.inan~a ealon l ••quala ella fonctionne, .n mattant
l'accent sur le conta nu daa techniqu.e. l • • ixit~a cha~itr.
tantera quant. lui de r.ndra compta dae e~traa for.a. d'org.niea-
tian d. la production agricola randue. n'caea.ire. per l'inatau_
ration at 1. progr••• ion de. ra~porta da production capit.liat.a.
On amorcera anfin dan. la sa~ti.ma chapitre la d'finition daa
conc.pta, d.a critlraa. das conditions at d'un. probl~matique du
d~valo~~.mant • ~artir d'~16mant. d'gag'. dana lae six prami.ra
chapitr•••

- 235 -
Par agriculture capitaliste, nous dësdgnons une fonne
d'organisation de la production agricole fondée sur le salariat,
utilisant une technologie particulière et sous-tendue par le
pll1"adigme productiviste.
i
1
L'instauration de ce type d'agriculture s'est effectuée
suivant des étapes et des mdalités que nous examinerons dans une
première section. Le plus tmportant. au regard du thème de cette
recherche, est cependant le contenu des techniques mises en oeuvre
dans son fonctionnement ; c'est ce contenu que la deu:dème section
tentera de dégager.
Il convient de distinguer deux phases dans ce processus, en
raison des conditions politiques différentes dans lesquelles a eu lieu
l'implantation des diverses unités de production; d'abord la coloni-
sation agricole effectuée par les européens; puis l'intervention du
capital étatique néo-colonial dans la genêse et le développement de
ces uni tés. avec l' avènement de l'indépendance nœuna le . En effet,
si l'objectif dominant (le profit capitaliste) poursuivi par
l'instauration de l'agriculture capitaliste demeure le même
jusqu'aujourd'hui, les fins secondaires se modiiient dans la période

236 -
nëo-ccjomal.e , notanment avec la constitution et le développement
de la bourgeoisie bureaecratdcc-t'r ïbal.e, Avant d'examiner la
promotion de l'agriculture capitaliste par cette classe sociale
et l!utilisation qu'elle en fait, voyons ccœeoe le capital ét'ranger
s'est implanté !
1.1. La colonisation agricole
Il faut ~galement distinguer deux: étapes dans la colonisation
agricole européenne : la période: allant de l'installation des
cœpagnies concessionnaires a la deuxième guerre mcndiale et celle
allant de l' :iJmlédiat après-guerre il la veille de l'indépendance
de la colonie. Cette colonisation aboutira il un Echec dont nous
essaierons de préciser la nature et les causes.
1.1.1, Les étapes
1.1.1.1. Les premiers essais de mise en valeur agricole
Les diverses tentatives, effectuées surtout par les sociétés
concessionnaires, ont principalement concerné des espèces arbustives
(café, cacao, cotonnier. palmier il huile) auxquelles il faudrait
ajouter le manioc.
Le café se rencontrait a l'état naturel sur l'ensemble du
territoire. Trois compagnies concessionnaires s'étaient essayées,
sans résultat, il cette culture: l'AliJna.lenne, l'Ongomo et la C.F.H.C.
(Compagnie française du haut Congo). Ces compagnies ne tentèrent
jamais sur une grande échelle l' exploi tation d'un produit de qualité
ordinaire, auquel les acheteurs préféraient l'Arabica du Brésil.
Le cacao avait également suscité les espoirs des colons
au début du stêcte, La graine avait été introduite en 188; par Brazza
au jardin d'essai de Libreville et les pjantat.Ions furent lancées

- ni -
à partir de 1898 au Kouilou et dans le Mayombe en dépit de l'altitude
peu favorable à l'arbuste. Al' exception des cacaoyères du Kouilou, les
prem1êres expériences tentées par les concessionnaires, concernant
cette plante, eurent lieu vers 1920. Elles furent le fait de
l'Ongomo, la C,f.S.O (Cœpa.gnie française de la Sangha-Cubangui)
et la C.f.H.C. La méconnaissance des lois agronamdques semble être à
l'origine de l'échec de ces expériences (1).
Le cotonnier existait à l'état naturel dans le Kouilou-Niari
et dans le tobssaka ; des champs de cotonniers existaient dêjâ avant
la première guerre sur la concession des frères Tréchot (la C.F.H.C.)
QJant au palmier â In.lile, on a dêjà évoqué toutes les
formes sous lesquelles il se rencontrait. La variété la plus recherchée
était l'Elaeis guineensfs dont les régdzes avaient une teneur en
huile supérieure à celle des autres variétés. Sa culture fUt surtout
le fait de la C.f.H.C. Il faut signaler que l'option des frères Trëchot
pour Cette plante fut commandée et confirmée par l'échec d'une série
d'essais agricoles (2). Une autre société concessionnaire avait
planté 2000 hectares en palmiers en , 929 près de Madingou.
Enfin, un colon (Ottino) qui avait travaillé pour le chemin
de fer Congo Océan en construisant un grand nombre de ponts et de
viaducs s'était vu octroyé 8600 hectares en 1933 â Kayes, sur lesquels
il lançait en grand la CUlture du manioc. Les ctJamps étaient préparés
et récoltés, avec un outillage manuel, par des travailleurs salariés.
Un essai de préparation mécanique de la terre fut tenté. mais l'opération
revint trop cher, et le colon en resta là.
(1) - Selon C.C. VIDROVITCH, les cacaoyères étaient surchargées : on
trouvait jusqu'à 3000 pieds! l'hectare au lieu de 500 pieds,
densité optimale selon les nonnes agronomiques. C.C.VIDROVI70i,
Le Congo au temps des grandes camoagnies concessionnaires,1898-1930,
Pâris, ~uton et Cie, La Hâye., 19~2.
(2) - G. SAUTTER note en effet que 'ni les cotonniers, ni les roc.uyers,
ni les caféiers et cacaoyers, ni les ricins essayés tour à tour
par la compagnie ou, sur ses instances, par les villageois, ne
donnèrent de résultats encourageants" (cm. cit .• page 292).

- 238 -
Dans l'ensemble, ces tentatives ont tourné court et
les causes semblent être l'ignorance des pramoteurs en matière
d'agronanie et l'absence des 1lIC}'el15 financiers qu'auraient nécessité
des études agronaniques prfalables. Mais on verra que ces causes
se trouv~ ailleurs, puisque les colons de la deuxième vague qui ont
pourtant disposé de moyens financiers et matêriels éncrees ont subi le
même sort.
1.1.1.2. La ruêe vers "la vallée heureuse"
c'est à partir de 1947 que la formation sociale congolaise
s'est lancée dans l'aven'tl,Il"e du "développement". Dans une période
de crise des approvisionnements. la puissance colonisatrice (La France)
cherchait à 5 r assurer à bref délai. sans d!bou:rs de devises fortes,
une source importante de pt'Oduits agricoles. Cette impulsion s'est
concrétisée dans le plan dëcennaï. d'équipement et de déve.lcppeeent de
l' A.E. F.• conçu dans l'euphorie de l'aide Marshall, établi cœeee cadre
d'action pour les années 1947 à 1956 et adopté à B~zzaville par le
Grand Conseil de la Fédération le 27 octobre 1948.
C'est ainsi que la vallée du Niari fut choisie comme lieu
d'implantation principal d'une grandiose expérience de culture mécanique.
Les terres de cerre rëgdon sont apparues aux: "spécialistes" CClDl)e les
plus aptes de toutes celles du Congo, peut-être même d'Afrique Centrale,
à cette forme précise de mise en valeur. Les terres cultivables couvrant
une superficie officiellement estimée à 200 000 hectares de terres
encore disponibles. Sous l'influence des projets anglais démesurés
du Tanganyka, on misa sur l'aTaChide. Dans l'esprit des prœoteurs , il
s'agissait d'atteindre 120 000 tonnes annuelles d'arachides décortiquées
exportables, obtenues en culture mécanique, fixées corrme objectif à
l'expiration du plan décennal. Mais la culture mécanique a également
concerné d'autres plantes telles que le riz, l'arena (Urena lobata},
accessoirement le soja. le tournesol et le mais.

- 239 -
Un afflux de capitaux publics et privés ont pernis la
création, dès 1946, dtune "Station de ~nùsation Agricole" (S.~.A.)
à quelques kilanêtres du poste de Louiima, celle-ci étant chargée de
mettre au point et de lancer la culture mêcanique à base d-arachâdes .
_Al' exception d'une cellule de recherches. la sution fut confiée, â
partir de 1950, 11 une société d-ëccnœue miXte, la "Compagnie Gênérale
des Oléagineux Tropicaux" (C.G.O.T.). Dotée de rëserves iJJ!portantes de
terres entre la Loudima et la Louadi, la S.M.A. avait en expjoftatdon,
en 1953, deux unrtës de cufture de 1200 (Maléla) et 700 hectares
(Louadi) respectivement. Elle se voulait l' "entreprise pilote de
la vallée du Niari", dotée "de la gamne la plus cauplête dt ëcurpeeerrts
agricoles, d'une expérience non seuleeerrt théorique mais également
pratique, mettant ses prix de revient et ses métilodes ce t-rava'i I
à la disposition de tous" (1).
Etablie 11 9 km de Madingou, sur la rive gauche de la Nkenké ,
une aut-re scctëtë d'êconomie mixte. l' "Institut de Recherches des
Cotons et Textiles" (LR.C.T.) devait disposer d'une concession de
2500 hectares environ. A une échelle
notndre que la S.~.A• -que lques
d 'b.~'ta<••
centaineS+de labOUrs seulement· la station de la Nkenké centra ses
recherehea sur
divers succëdenës du jute (Ut-ena, Hibiscus, Tril.DJlfette),
dont elle devait s'efforcer de mettre au point la culture mécanique et
une technique 'conauique d'extraction des fibres, en même temps qu'elle
devait sélectionner les variétés adaptées aux conditions part icuf Iêres
du NiaTi. Elle devrait ensuite se spécialiser comme fournisseur de
semences, et dans tm rôle de conseil agronomique auprès des exploitants
privés qui se lanceraient .1l leur tour dans les cul.tures drtes jutdères ,
ïnstal Iêe aux environs de Sibiti, dans la forêt, une
troisième société d'économie mixte, l' "ïnst Itut de Recherches pour
les i-hriles et Dlaégineux" (I.R.H.O.), axée au Congo bien da....antage sur
lepa1mjer â huile que sur l'arachide, entretenait néanmoins, aupr~s
de la S.M.À., une équipe de recherches spêcdaï îsêe dans tm travail
(l) - M. GJER.\\'IER, préface au Guide du colon da,.,s la vallée du ~hari de
P. COLE'<J.

- 240 -
de sélection et de première multiplication des variétés cl' arachide
destinées â j.a grande cul.cure, Notons. pour finir, l'implantation
d'une autre société ~e à côtë du poste de Loudima : i l s'agit
de l'Institut Français des Agnnes Coloniawc" (I.F .A.C.), chargé
de prtmJUVOir les cultures fruitiêres.
En regard de ces entreprises qui toutes procèdent largement
de la puissance publique, deux grandes exptoreactcns à fome de sociétés
privées se sont également installées dans la plaine du Niari. La
première est la société Industrielle et Agricole du Niari (S.I.A.N)
i l s'agit de l'entreprise d'OttinCI évoquée plus haut qui, cédée
aux Grands ~ins de Paris en 1949 et ayant abandonné ses chmups
de manioc. s' est tournée résoltnent vers la culture en grand des
arachides. L'autre grande exploitation privée était celle de la
Société des Fibres coloniales (Sofice)'. émanation conjointe des
utilisateurs métropolitains du jute et de ses succédanës . Elles
se localisait à Malolo et censacrait l'essentiel de son activité
à l'urena. Mais la mécanisation de la récolte (ramassage, décorticage),
et le défrichage des tiges à l'échelle semi-industrielle que
postule la grande cul.tarre , lui ont posé de difficiles problèmes.
La dernière catégorie d'entreprises est celle des colons
exploitants, propriétaires de leur exploitation, ou s'en occupant
au nom dl une sccdëtë dont ils font partie. La plus Ur!portante
de cette catëgorte d'entreprises est AlIbeville. L'exploitation
a été mise sur pied, à partir de 1947, par un groupe d'anciens
saquâsards de l'Aube, au col de Bama, sur la route de Madingou à
Boko-Songho, Elle portait sur 2000 hectares et se consacrait essentiel-
lement à la 0.1.1 ecre de l' aracmde et du ri:. Ayant constitué à
l'origine une sorte de phalanstère, les fondateurs ont donné par la
suite à leur entreprise la forme juridique d'une coopérative. Les
statuts prévoyaient, i.ndépendaDmen.t de la rëmmërataon du travail

- 241 -
fourni, une répartition des bénéfices au prorata des apports de
capital. Les autres exploitations appartenaient toutes ~ la catEgorie
des D::l'yeIlS ou des petits colons : i l s'agit de la SociEtE Agricole
et Pastorale du Niari (S.A.P.N.) occupant 3500 hectares de la
Société Agricole de Madingou (~) installée sur 1400 hectares,
Merles des Isles (3000 ha), Joffre (850 ha), Joussineau (SOO ha),
Mariane Verger (1000 ha), Dias (450 ha), Perrin (1800 ha). Antichan (350 ha),
Lambotte (240 ha), Caisso (350 ha).
Ainsi, la colonisation massive de la vallée du Niarf ,
:na" des vastes espaces d'une terre en apparence fertile, constitue
en premier lieu un processus d' exproprdat icn des populations locales.
Les conséquences de cette situation ne tarderont d'ailleurs pas ~
se manifester avec l' accrcdssesent dénDgraphique en:registré dans la
vallée quelques années plus tard.
~ . 1• Z. L'échec partiel de la colonisation
1.1.2.1. Les obs~cles â l'~lantation de l'agriculture
~italiste.
L'enthousiasme qui a caractérisé la colonisation de la
vallée du Niari fJ'a duré que rrës peu de temps. les diverses entreprises
étant ... proie
d'énormes dtificultês qui ont condait
un échec
â
â
constaté dès la fin des années 50. Trois ensembles de facteurs
semblent être â l'origine de cette situation, si l'on s'en tient
â
la littérature consacrée
cette "expérience agricole de grand style"(1).
â
Le premder ensemble concernerait les problèmes d'ordre
technique liés aux conditions écologiques et à l'absence de travaux
pédologiques et d'études climatiques suffisants. Ces problèmes devant
être examinés de façon détaillée cans la deuxième section, contentons-nous
de signaler qu'ils apparaissent sur-tout dans les dona.ines de la mécanisa-
tion et de la lutte phytosanitaire.
(l) - G. SAUTI'ER. op. cit., page 639

Z42 -
.-.
Le deuxième ensemble a trait à l'équilibre financier
des entreprises affectées par les difficultês techniques. Bien que
les facteurs favorables à cet équilibre ne soient pas absents
(situation gEographi<J:i,Je excellente du point de vue des liaisons
avec les centres ccnsœeateurs et le marché mndial ; bonnes
dispositions du milieu na:turel : vastes êtendaes planes au peu
accidentées et présence des terres relativement fertiles ; faible
rémmération de la force de travail locale), la rentabilitê de la
plupart des entreprises n'êt.ait pas assurée, les frais de fonct.ionnement
êtant excessivement ëtevës du fait de la cher'të du personnel européen
(techniciens et "cadres") du manque de fournisseurs et de réparateurs
spécialisés, facilement accessibles, ll outi1lage utilisé étant
totalement inadapté, COllllle on le verra. La ccnsëccence en a éd lm
endettement progressif des entreprises. réduisant de plus en plus leurs
possibili tés de cëvetcppesenc ,
Le dernier ensenble se rapporte aux problèmes fonciers.
L'immensité et la qualité des terres concédées aux entreprises et
colons ne laissaient aux villageois que les pentes et fonds de vallées,
les secteurs accidentés impropres à la a.alnrre méc.anique, certaines
étendues prfvëes d'eau de surface ou situées très loin des routes et
de la voie fer-rée, Or la vallée du Niari a enregistré lm accroissement.
très rapide de sa papulation sous le double effet d'une démgraphie
florissante et d 'une iIlIaigration ininterraopue (1). Les besoins
d'espace ont cm en proportion et les sols laissés à la disposition
des populations se sont épuisés.
Dès lors, la région a COlUDJ une pccssëe revendicative de
la part des paysans. En 195Z, les cultivateurs installés sur le
périJllètre ou aux abords de la SIAN estimaient manquer de terres, et
cOOlœnçaient à prendre à l'égard de l'entreprise une attitude
revendicative. Malgré la position très forte que lui valait sa réu5site
sur le plan technique, la SIAN finit par lâcher du lest et demander,
(1) - Ainsi, pour l'E!'I15emble des trois districts de ~4a.dingou. Loudirna et
'SQ.lo:;o-Soilgho.,la population serait passée de :!6800 hab. en 1950 à
33500 en 1955 et 39000 en 1959 (G. SAUTTER, ~. cit.,p. 70S).
Précisons en OUtre que les entreprises agricôes elles-mêmes ont
attiré, soit strr leur concession même, soit autour de la gare la
plus proche, de nombreux étrangers à la vallée.

• 243 •
en échange de terres bordant la route ou voisines de la gare, une
étendue équivalente dans le secteur écarté qui séparait, au sud,
.sa concession du pied des collines. La mésaventure de la SAFEL, que des
"actes de malveillance" ont contrainte ~ renoncer a une partie de sa
'concession initiale; vide d'hcmDes et de cultures cependant quand elle
en avait pris possession, s'explique par le même mouvement (1).
Voil~ donc les trois séries de fu:teurs qui ont amené
plusieurs des princ:ipaux. exploitants de la vallée du Niari soit
~ renoncer. soit il. mettre leur affaire au ralenti. Q.1e1qu.es exploitations
ont cependant réussi à se maintenir et ~ prcspërer , après de nDl1tip1es
et coûteuses reconversions. Voyons vers quelles activités se sont
tournées ce qu'on a appelé les "survivances du colonat européen" (2).
1.1.2.2. La reconversion des exploitations
Les difficultés de trésorerie éprouvées par l'ensemble
des entreprises de la vallée les ont amené à s'assurer des ressources
moins aléatoires a travers d'autres activités que la grande culture
mécanisée de L'arachide , C'est ainsi que toutes les entreprises
qui ont survëcu ont diversifié leurs productions. Deux: groupes peuvent
cependant être d.istingués : d'une part les exploitations ayant cont Inuê
~ faire de la culture en changeant l'espèce végétale sur laquelle celle-
ci porte; d'autre part celles oi1 prédœdne l'élevage.
(1) .. Selon G. SAUTIER, en 1961, toutes les grandes exploitations de la
vallée ont éprouvé les effets de cette poussée revendicative.
Cet auteur note en effet que "l'une d'elles, pour iJ".staller ses
parcs Il bestiaux, a dO refouler des cultures villageoises mises
en place sur son domaine. Le gérant d'une autre entreprise,
s'esttmant pers~llement visé, a jugé prudent de quitter le
Niari, laissant une affaire en plein développement. Ailleurs encore,
les empiètements des villageois ont contraint un éleveur ~
éloigner ses bêtes, en les mettant au pâturage sur les collines
qui bordent la vallée". ibid.
(2) - ~1.L. VIUIEN-RDSS1,"5urvivances du colonat européen dans la vallée
du >l'iaJ'i (Congo)", CahieJ'S cl 'OutJ'e-;~r n" 103,
jui11et-septemOJ'e 1973.

- - ------- - - - - - - - - - -
- Z4~ -
Dans le premier groupe, figure d'abord la SIAN qui
entreprend des cultures de canne a sucre â partir de 1953. sur son
daDaine de 20 000 hectares situé .\\ mi-ctu!mî.n entre Braz:aville et
Pointe-Noire et jouxtant le chmin de fer Congo-OCéan. La reconversion
de cette entTepTise s'est faite progressivement puisque, sur les
3300 hectares cultivés pendant la c.ampa.gne 1956-57 au cours de
laquelle la production a réellement ~rTé. on comptait 1350 hectares
de cannes. 830 hectares dl arachides et le reste en plantes de couverture
Cl). Cette production qui est passée il 220 000 tonnes en 1963 et
2n 000 tonnes en 1964 a continué il progresser. en corrélation avec
les .superficies cnctvëes, jusqu'en 1969. Bien que la méoinisation
soit JX'U5sée au maxiIm.ml. la SIAN employait de façon pemanente pour
ses activités agricoles environ 2500 personnes en 1964 (2) auxquelles
il faudrait ajouter près de 1500 manoeuYTes temporaires, recrutés pour
les besoins de la campagne sucrière allant de juin il octobre. Les
activités de cette entreprise ne se limitent pas A la culture : elle
assure la transformation de la canne en sucre et produit également
deI 'huile d'arachide, de la farine il base de blé importé et des
alÙDents pour bétail, toutes activités industrielles sur lesquelles
nous reviendrons. Enfin, signalons que la SIAN est A l'origine de la
ville de Nkayi dont nous avons évoqué la croissance rapide en étudiant
l'exode rural .
La deuxième ent.reprdse ayant conservé l'agriculture ccnme
activité principale est celle de J. Merle des Isles, située il 26 km
de Nkayi, sur la route nationale n" t , qui se consacre il la culture
mécanisée du paddy sur 3700 hectares. Elle pratique il titre secondaire,
l'élevage de bovins, de moutons et de porcs.
(1)
P. ~IER, ''La Société Industrielle et ..l..gricole du Niari (SLA,N)
(Congo-~raz:aville)", Cahiers d'Cutre-Mer, n" 61, janvier-mars 1963.
(l)
P. vENNEI'IER, "Au Ccngo-Breazavi.He : la SIAN en 1964", Cahiers
d'Dutre~~r, n" 69, janvier~rs 1965, pages Sï à 90.

- - - - - ---+--- -------------_._-~--- - - - - - .. - - ---
- Z4S -
Derruëre entreprise figurant dans
le premier groupe,
celle de Caisso, cultivant la p:llIIIIle de terre il l'ouest de Loudima
800 tonnes 5W' les 1SAD consamnées annuellanent au Congo (1).
En ce qui concerne Ies entreprises pratiquant l'élevage
COIIIIte activité essentielle dans leur effort de reconversion, elles
sont au nanb-re de trois = la SAPN, la scx:AMA. et l'exploitation Joffre,
Elevant porcs et bovins. A la fin de 1960, les troupeaux Etaient
respectivement de 1400. 750 et 700 animauX (2). Il faut cependant
mentionner l'existence de la SAFEL (Sociêtê Africaine d'Elevage),
constituée en 1952 près de la gare de De Chavmmes et spécialisée
dans l'élevage des bovins. La technique utilisée est extensive.
Le Ranch qui stétend sur S4 000 hectares se divise en parcs femés
de 1ZOO il 1500 hectares. Les parcs comprennent chacun une station
de déparasitage ; un caisson où l' an.ima.l se 'trouve emprisonné
et imlDbilis! par un système de panneaux bascularrts , qui facilite
le marquage, les injections, la castration des mâles; un jeu de
parcs d'attente et de tri, asscrt ï.s de dispositifs pour faire avancer.
et pour aiguiller les bêtes. L'équipement se complète d'un atelier
pour les besoins courants de l'entreprise, et en per-tfcuf Ier peur
l'entretien des véhicules et du matériel routier. Le bétail est
rêparti entre les peres. en troupeaux de 500 â 600 têtes. Il pâture
librement • et le rele des bouviers (environ une centaine) consiste
!UTtaut â rassembler les animauX pour le déparasitage. les tris et
les ''mutations'' de troupeau
â troupeau. L'organisation technique des
trois exploitations sus-cités est voisine de celle de la SAFEL.
On voit donc que si l'on peut parler d'un échec de la
colonisation agricole, celui-ci n'est que partiel, non seulement parce
que toutes les entreprises n'ayant pas renoncé, celles qui ont
sœvëcu ont plus ou JD:]ins 'rêuss I â se reconvertir et à se maintenir,
TDais aussi parce que si on se rëfêre aux objectifs avoués OU non
.~--------------------------
(1)
Chiffr. fourni par ".L. V:UIE<-RllSSI, art. c.it , , page 332
C~) - G. SAUTIER. op. cit .• page 685.

- 246
pourSU1V1S par cette colonisation, on constate que certains d'entre
eux ont ëtë atteints. En part Iculfer , on a vu qu'une fois les
conditions d'implantation réialisêes, le système capitaliste cherchait
a. s "ëtendre . Dans la mesure 00. l'exi5tence d' entreprdses ag-ricoles
signifie pour la région qui. les abrite accroissement du salariat
et recul corrollaire de l'organisation lignagê~, on peut considérer
qu'il y a prog'resston des rapports marchands capitalistes. Nhl1moins,
les objectifs secondaires, te1~ar'approvisionnementde la méitropole
en produits agricoles ou le "développeuent" de la Ione de colonisation
n'ont pas été réia1isés.
1.2. capital étatique n60-eolonial et production agricole.
Çuelques errrreprdses ont donc réaliséi leur reconversion,
Cependant. la plupart des entreprises qui n'ont pas encore renoncé
semblent rës ignëes a. passer la main, en Sall\\l'3nt ce qui. peut l'être
des capitaux investis. Or l'époqUe 00. souffle ce vent de découragement
est celle 00. le pays accède al' indêpendance ncminale, la puissance
colonisauice estimant ~Je les conditions du développement capitaliste
ont étê réunies. Il appartiendra donc désormais a. l'Etat n60-eolonial
né a. l'occasion de cette indépendanc.e, de prendre la relève des
exploitants découragés.
1. Z. 1. Origines et attributions des entreprises et fermes agricoles
d'Etat.
1.2.1.1. RéCUDération, nationalisation et création.
C'est par l'un ou l'autre de ces trois processus que se sont
constitués les entreprises et fermes ag-ricoles d'Etat. Celles-ci sont
SOuvent préisentêes dans les discours et textes officiels comme un
produit du processus rêvolutionnaire amorcé en aoOt 1963. Il faut
plutôt chercher leurs origines dans les diverses stratégies mises
en oeuvre.

-_._--- -
. _ - - - - _ . - - -
- 24; -
CCI!IŒ! on vient de le voir. la plupart des entreprises
agricoles qui sont nées de la c.olonisation ëtatent en 1960,en train
ou sur le point d'abandonner leurs activités initiales. Les activités
de rechange ~tant restreintes et souvent peu r~1'a'trices. il ne
'testait aux divers ~loitant5 qu'à t'I'OUVer \\Dl acquéreur et l'Etat
congolais 6tait seul en œsure de racheter leurs installations.
aidf par le gouvernement français dont i l dépendait. encore. Mais
ce qui a fini par se passer, c'est soit une rëcupërat icn, coame ça
a êtê le cas pour la plupart des stations de recherche agronœdqce (l).
soit une nationalisation (Z).
~is il cëtê des capitalistes. d' eueres forces sociales trou-
vent leur compte dans la mise en place des enrreprrses et fermes
agricoles d'Etat. Ainsi, l'existence de ces uai.tês de production
permet aux IDf!IDbres de la bourgeoisie oureaacrat ique qui cont.rôlent
l'appareil d'Etat nëo-cokoruaf de renforcer les bases de leur pouvoir.
dans la eesure oü celle-ci permet un êlargissemen:t du marché
bureau::ratico-tribal de l'emploi. Pour les "révolutionnaires" congolais
par contre, il s'agit d'édifier le secteur d'Etat considérê comme
gage de Hbérat icn ëccnœnque, Aussi, les stratégies mises en oeuvre
par ces deux forces sociales ont-elles abouti à la création,
à partir de 1970, de nombreuses entreprises et femes d'Etat.
(1) - Ainsi. l' IRCI' devait être reutplacl! en 1964 par la "Fenne de la Nkenké"
à laquelle le Fonds d'Aide et de Coopération devait accorder des
subventions pendant cinq ans. De Illêrae. la "Station agronomique de
Loudima" devenait en 1963 la "Station Fruitière du Congo" et devait
bénéficier de l'assistance technique de l'IF,.\\( (Institut Français
des Agrumes Coloniaw:) jusqu'en 1972.
(2) - Cas de la SAr"1l. devenue SJNEl. (Société Nationale d'Elevage) en 1964,
de la CFHBC devenue Rh"'PC (Régie >lationale des Palmeraies du Congo)
en 1966 et de la StAN devenue SlACONm (Société Industiielle et
Agricole du Congo) en 1970.

- - - - - - - - - - - - - - - -
- 248 -
Soulignons enfin que les trois forces sociales que nous
avons distingu!es n'agissent jamais isolément, leurs stratégies
respectives s'artie:ulant sous la. dani.nam:e di! celle mise ercecvre
par les capitalistes. En effet, les na:tionali.sations par exemple
traduisent ou concrétisent certes- un SOI.J:i. pour les autorités locales
de maîtriser cer-tains secteurs de l'êconcmie nationale. mais les
capitalistes ne les tolèrent que dans la mesure où. elles ne panent
pas véritablment atxeânte à leurs intérl!ts ; dans certains cas.
elles sont tout simplement provoquées par eux (l). De même. la création
dl entreprises et fermes d'Etat, malgré les mobiles et les fOTCes qui
l'animent, ne s'oppose pas il la logique et aux intérêts capitalistes,
cœee on le verra. Enfin. l'abandon ou l'obligation pour les
capitalistes de céder leurs installations rencontrent bien de la pan
des deux autres forces sociales le besoin de rëcœërer des unités de
production pour les utiliser il d'autres fins que celles poursuivies par
les capitalistes.
1.2.1.2, Le rale des entTepTises et fermes agricoles d'Etat
1'"rois fonctions essentielles semblent êt're assignées aux
entrepTises et fermes d'Etat. Il s'agit pour la grande majorit~ d'entTe
elles d'8.SS\\lI"eT l'appTOVisionnemtmt des pop.1l.ations en p'!'Oduits
vivriers (manioc. produits ssraïchers , viande). Les seules exceptions
sont consti'tUées par la RNPC, la SIAmNm et la SOCOTON dont la
vocation est l' approvi.5ionnement de certaines indUstTies en matières
preecëres (2)et c'est Il la deuxiême fonction. La. tnJisième fonction
(1) - Le cas de la SIAN est très significatif! cet ~8aTd. Selon les
propos Tecueillis lors de notre passage dans cette entreprise en 1976,
la nationalisation de la SIAN semble st insërer dans un plan
habilement conçu par le groupe des Grands M:lulins de Perds auquel
appartenait cette entreprtse. En même temps qu'il adjoignait aux
installations de la SIAN une autrre sucrerte devant pet-ter sa
production a plus de 100 000 tonnes de sucre par an, le groupe
pTatiquait une p:>litique de diversification visant a utiliseT les
ressources tdrëes de ses ect ivi.tës au Congo pour financer le
d~veloppement d'activit~s concurrentes (sucreTies) dans les pays
tTaditionnellement clients. De plus,le rnatêTiel des anciennes
installations n'~tait plus Tenouvel~. les anciennes plantations
non entTetenlleS et les nouvelles plantations faites avec le
llli.n:iJmJm de soins. La si'tUation pourrissant et les diffic:ultés
s'aggravant. des différends survenus entre cuvrders et vfl.grain
(le reprëserrcant du groupe) ont amené la nationalisation le 24
septembTe 1970.
(~J
Rappelons que SIACONGO est une uni.té irrtégrëe se consacrant! la
production et a la uansfonnation de la canne ! sucre.

~------
- - --~--- _._--- -~~--- -- ~
- 2'9 -
qui est d'assurer l'encadrement technique des paysans est principalement
confâëe aux centres d'appui technique (C.A. T.) généralement
85Similés â des fermes (').
1.2.2. Mxle de fanctiomement et évolution
1.Z.2.1. Le maintien des critères capitalistes
L'existence des entreprises et fetme5 agricoles d'Etat étant
en partie liée à un souci de libération et de développement ëconœniqces ,
on aurait pu s'attendre a. ce que le unie d'organisation d'ensemble
et interne de celles-ci soit totalement différent de celui qui
caractérise les entreprises capitalistes. Il ~fit pourtant de
jeter un coup d'oeil sur leur fonctionnement pour se rendre compte
que celui-ci se fait selon les mêmes modalités que dans les entreprises
mises en place pendant la colonisation.
En premier lieu. l'ÜDplantation des fermes se fait par
l'exproptiation despaysans. lorsque les surfaces jugées nécessaires
par les "experts" ne correspondent pas à celles d'un ancien domaine (2).
Cl) ) Il s'agit d'installations pilotes chargées de faire des dêmonstra-
tions, d'organiser des stages de "recyclage" des paysans, de leur
fournir du matériel, des semences améliorées, des pesticides et
des insecticides et des conseillers techniques.
(2) - C'est ce qui s'e:!ti~roduit dans la région de Madingou avec la création
de la Sociéte Cotonnière Congolaise. S'installant sur le domaine
de l'ancienne ferme d'Etat de la NkenJc:é dont on a vu qu'elle avait
remplacé l'IRCT. la société mixte roumano-congolaise devait exercer
son activite sur 15 000 hectares. Or le domaine de l'ancienne
ferme ne s'étendait que ,ur 5000 hectares. La terre constituant
l'apport de l'Etat congolais 4Ui a 51 i de prise œ.part Icipaedon,
la Société n'a pas hesité a sAccager les plantations des paysans.
Le Directeur de la région agricole, qui nous a dit être !coeuré
par le cœpcrteaent capitaliste des rcœains qui voulaient avoir
des terres â n'tMporte quel prix, a obtenu, après constat de
dëvastatdon des cultures, que les paysans récoltent quelques uns
de leurs produits. Quant aux dëgats causés aux paysans par l'ins-
tallation de la SOCOTON. estimés à 4 millions de francs, ce n'est
surtout pas de l'Etat qu'il fallait attendre une indenlnisation.

- - - - - - - - - - - -
250 -
En second lieu, toutes les fermes fonctionnent sur la base
du salariat et leur organisation interne caaporte les mêmes hfërarchfes
que n'importe quelle entreprise capitaliste. Tandis que la seule
présence d'une feJme accélère le processus de prolétarisation dans
sa zone dl implantation, jee producteurs dtreccs , au sein de l'entreprise.
se voient toujours confies les travaux les plus dënuës de contenu (1).
Troisièmement, la destination des produits pourrait faire
croire" une intraversian de t-ëcceœüe, puisque seule la SlAO)NOJ
exporte son sucre et ce, une fois les besoins internes satisfaits.
Cepen::iant. la totalid de la production des entreprises et fermes
d'Etat étant destinée au ravitaillement des iJ'Idustries et des forces
de travail regroupées par le système capitaliste dans les centres urbains,
il faut considérer que clest avant tout pour les intérêts capitalistes
qu'oeuvrent les entreprises et fermes agricoles d'Etat.
Enfin, leurs options technologiques sont les mimes que
celles des capitalistes. Dans la plupart des ent~eprises et fermes
agricoles d'Etat, les techniques emp10yEes sont celles qui avaient
dEjl EtE essayées par les colons et qui les ont amené 1 la faillite.
1.Z.1.2. L'atrophie des entreprises et fermes agricoles d'Etat.
/W vu des principes qui régissent leur fonctionnement, i l
n'est pas étonnant que les ent~eprises et fermes d'Etat
sombrent
dans un certain marasme carme le
laisse apparaître un document
publié par le DLinistêre de l'éconanie rurafe (2).
(1)
Nous reviendrons sur ce point dans Le .ection lIuivllnte
(2)
R.P.C., ~linistêre de l'Economie Rurale, Bilan de l'e~rience des
Fermes d'Etat, juillet 19ii. Nous retrouvons dâriS ce
cument
le releVé de tous les facteurs de blocage des entreprises
et fermes agricoles d'Etat que la plupart des dirigeants des
unités de production visitées en 1976 nOUS ont cités.

~----------
- 2S 1 -
Notons Q'abord qu'aucun des objectifs assignés à ces
unitEs deproduction n'a été atteint. Le ravitaillement vivrier des
villes n'est assurée par elles que pour une 'três faible part et
continue 1. dêpendre du systême agricole lignager en déclin. leur
production Etant insuffisan'te par rapport aux besoins des citadins et
les prix trop élevés par rapport aux revenus urbains. Le ravitaillEment
des industries en eat têres preedëres agricoles n'est pas non plus
assuré, soit parce que les entreprises agricoles reproduisent pas
régulH!rSlent les quantités nécessaires au fonctionnement des industries
(cas de la R.N.P.C.), soit parce que ces entreprises ont pour
dEbotJdIés des industries allX capacités d'achat eeerèeeene faibles
ou mJl1es ccame c'est le cas pour la SOTEXCO (sccdëeë des Textiles
du Congo) qui devnit constituer le débouché principal de la scx:crroN.
Enfin, 1 t encad:rement technique des paysans nt est pas rëarasë, faute
de moyens l'impa.ct des entreprises et fennes d'Etat se limitant,
cœme an le précisera, à la prcjëtarasat icn des populations et
1. la dégradation des écosystèmes des zones d'implantation.
Aussi. a-t-on assisté il l'enlisement des entreprises
et feTDes agricoles d'Etat depuis que cette politique a EtE adoptée.
çertaânes d'entre elles n'ont jamais connu un seul lOOIlleTlt de prospérité.
Leur existence a pour ccnsëquence principale d'acc'rcftre l'exploitation
des produCteurs directs nan seulement au sein des différentes unités
de production, mais il l'échelle de la formation sociale. p.lisqu' elles
vivent toutes de subventions.
Quant aux facteurs qui sont il l'origine de cet enlisement,
les dirigeants des différentes unités et le ministêre de l'écanomcie
rurale en citent essentiellement quatre. Il ya d'abord l'absence
de politique générale de fonctionnement et de développement des
entreprises d'Etat en gënëraj . En effet, bien que des
objec'tdfs
parfois précjs aient étë assignés il ces entreprises, C' est dans une

- 252 -
certaine anarchie qu'elles ont ~voluê, leur action n'~tant pas
progrëlDlD!e dans un cadre défini. Non seulement l'organisation de
la production et les ventes s' impTovisent au jour le jour, cœme nous
avons pu le constater dans la plupart des feTœs visitées, mais
encore le financsoent des investisssenu et l'octroi des subventions
ne reposent sur auam cr ttêre précis.
Ensuite, la quasi-totalité de ces en~eprises écoulent
difficilement leur production pour trois raisons essentielles. En
premier lieu, auame étude de marché ne prëcêde ni ne suit la
création des errrreprases , Le seul fait de constater par exemple
que le lDlUlioc se fusait rare et cher dans les centres urbains
a suffi pour décider de la mise sur pied de trois fenaes de production
de lII811Îoc, l'une d'elles devant assurer sa trnnsfonoation en foufou
(farine de manioc), les causes réelles de cette rareté et de cette
cherté auxquelles i l aurait fallu svat'caquer pour résoudre ce
problème étant soit inconnues, soit négligées. La deuxième difficulté
d'écoulement de la production tient à la concur-rence des
produits apportés par les paysans sur le marché urbain: dans un
prender temps, les activités des fennes d'Etat ont concerné de
façon daninante des productions concurrentes de celles des ruraux
(produits maraîchers et manioc) ; les pr ix pretfccës , bien qu'ils
soient bas, restaient supérieurs à ceux des productions paysannes. Le
dernier obstacle à l'écoulSlleIlt des produits concerne les structures
de conmercialisation, en particulier 1 t insuffisance et l' état
défectueux
du réseau routier.
Une autre cause d'enlisement des entreprises et fermes
d'Etat est constituée par les difficultés financiêres qu'elles
éprouvent. L'insuffisance des moyens financiers mis .1 la disposition
des diff~rentes unités est considérée par tous les dirigeants,
.1 cammencer par le Ministre de l'économie rurale, comme le facteur
le plus important panni tous ceux qui ont vicié le dëvetoppetent de ces

- ZS3 -
unités. A cette insuffisance s'ajoute des coûts de production trop
ëtevës que le document cité ci-dessus attribue uniquement au marché
extérieur alOTS qu'ils sent dus. pour une bonne pan a l'existence
d'e:fectifs plé'thoriques au sein de toutes les entreprises d'Etat.
c:ela étant la conséquence directe de la stratégie d'élargissement
du marché bureaucratico-tribal de l'emploi,
mise en oeuvre par la
couche au pouvoir.
Enfin. dernière série de facteurs bloquant les entreprises
d'Etat. l' approvi.sdcrmerent en lrDyeJ1S de production et autres
équipements et l'inadaptation du matériel utilisé.
Les différents facteurs qui viennent d'@tre exposés ne
sauraient. a notre avis. épuiser l'ensemble des causes qui rendent
inopérantes les entreprises et fermes d'Etat. bien qu'ils
agissent
effectivement dans ce sens. Dans cet ensemble, une cause est certainement
déterminante i elle est à chercher dans la nature du svs eëee de
production.
~~!~_~_: 9-OU1~_~~_E=S~~~~_!BIi=2~~~_~E!~!!!~E~~_~E
~~~iY~!~!!~·
L'implantation d'unités œprocucrdon capitalistes a
incontestablement contribué au développement des rapports de
production capita1~tes SUT' notre champ d'étude. De ce point de vue,
on peut considérer que le système capitaliste a franchi une étape
de plus dans sa stratégie d'extension.

- - - -~------~-----
- 254 -
La proléLarisaLîon eL le sous-développemenL consécutifs
â cette extension ont certes penuis un accroissement des profdt.s
capitalistes. mais les entreprises agricoles privées et étatiques
ont sanbré ou sont en voie de l'@tre. C'est ce qui nous il amené
a parler d'khec partiel. Celui-ci est souvent expliqué, surtout
en ce qui concerne la colonisation agricole, par l'absence
d'expérimentation préalable. Mais. compte tenu de ce qu1 on a dit
en introduisant cerre recherche A propos des options teclmologiques
cs.pitalistes. i l convient de rechercher ce G.ui, en dernière analyse.
se trouve a l'origine de cette situation, dans le contenu des
techniques et d:u travail. Nous y prccëdercns en examinant successi-
vement les cœposantes du système technique et l'impact de son
application sur la repTOduction des producteurs directs et des
systèmes écologiques.
2. 1. Les cauposantes du sous-système teQuùque
Il n'est pas question ici de décrire de façon détaillée
les diffé'teI1ts constituants du système technique cœme on l' a fait
pour le système agricole Hgnager , une telle description ne présenta nt
qu'un intérêt limité pour notre objet. On s'attachera plutôt â
dégager et analyser les principes de structuration les plus llnportants.
2.1.1. La spécialisation des extlloitations et des espaces
2.1.1.1. La pTédaninanc:e de la lOOnonroduction
Au nombre des espèces cultivées dans les exploitations
capitalistes on peut citer le café, le cacao, le c,ton, le palmier
huile, le nemoc , le caoutchouc, l'arachide, les agnmes , le riz,
â
le maïs, l'urena, le soja, la canne â sucre, auxquels il faut ajouter
les bovins, les porcs et les poulets,eur l'élevage.

- 255 -
Ce tableau pouTTait faire penser â une multiplicité des
productions. En réalité, on est loin de la diversité constatée dans le
système agricole Hgnager , chaque unité de production se consacrant
es.sentie11811eT1t 1: la culture ou a l'élevage d'une espëce donnée.
Il faut d'aboTd noter que le-cAfé. 'le cacao ee le caoutchouc QUi ont
fait l'objet des preejers essais de mise en valeur agricole ont été
aband.annês. QJant aux autres espèces. on a vu que la cul ture du
palmier a huile ~tait es.sentiellement le fait de la C.F.H.B.C.
devenue la RNR:, celle du manioc le fait d'Ottino, celle de la canne
a sucre le fait de la SIAN. celle du riz le fait de Merles des Isles,
celle des agrœes le fait de la station fruitiêre de Louditna,
l'élevage des bovins le fait surtout de la SAFEL ; on a vu
également ccmœnt toutes les exploitations se sont ruées sur l'arachide
lorsque fut lancée la culture mëcardsëe ,
La production d'un petit nombre d-espêces végétales ou
animales apparatt donc comme le prem1er trait saillant de
l'agriculture capitaliste, chaque unité se spécialisant dans la
production d'une espèce dcrmëe, Cette prédominance de la monoprodu.ction
qu'on retrouve éga18lleT1t àans les fetmes d'ftat pourrait être
attribuée aux conditions écologiques des tones d'tmplantation des
entreprises, cer-caans ëcosvseëees étant plus aptes que d'autres â
porter telle ou telle espèce. Mais ce critère n'explique tout au plus
que la daninance de certaines espèces et non l'adoption d'un petit
nanbre d' espèces, le système agricole lignager nous ayant rœrrtré
que la plupart des ëcosvstëœs existant sur notre champ d' étude
s'accomod&ient parfaitement de cultures variées.
La cause profonde de cette spécialisation doit plt.:tôt
être cherchée dans le caractère spéculatif de la production. En effet,
la préoccupation première de l'exploitant c'est de produire des
marchandises devant lui procurer le maxilrlJm de prof'It . La nature de la

- 256 -
production est fonction de la possibilité qu'elle offre de faiTe
des profits. De ce fait les conditions écologiques constituent certes
une contrainte, mais celle-ci est dëterminée , Cette assertion est
confiImée par la stratégie mise en oeuvre par deux fennes d'Etat:
III Station fruitièTe de Loudima et la ferme avicole de Loandj Hi. Non
seuïeeent; la première est passée d'une station de recherche agronanique
une entreprise agricole. IfISis elle oriente le plus gros de son
â
activité vers la production des mangues d'exportation. bien que la
culture des ananas, des safout.Iera et de plusieurs agrumes (Pomelo,
mandarines, oranges, tangelo, citrons, avocatiers, etc.) soit
également possible sur ses terres. Q.umt 11 la seconde, la fenne de
Loandjili, elle était, lors de notre passage en 1976. en train de
renoncer à l'élevage des poulets de chair pour se consacrer uniquement
à celui des pondeuses alors qu'aucun obstacle écologique ne s'opposait
à l'exercice des deux types d'êlevage (l).
2. l. 1.2. Le ohénanêne de concentration-désertification
Après la prëdcainance de la monoproduction. c'est la
spécialisation des espaces qui caractérise 1 t agricul ture capitaliste.
Ici également. c'est le critère écologique qui est mis en avant pour
justifier cette spécialisation. On a vu en effet cœeeent la vallée
du Niari a failli être transformée en un imnense ëccsvstëee arachidrer
sous prétexte que sa structure et ses sols se prêtaient A la culture
mécanisée de l'arachide. Si cette tentative a tcumê court. une
concentration de cultures hanogènes sur certains espaces a néanmoins
été réalisée : ainsi les plantations de canne à sucre dans la
zone de Nkayi et les palmeraies du nord-Congo.
Cl) - Le directeur de la ferme n'a d'ailleurs pas hésité A nous
expliquer que les pondeuses étaient plus rentables que les poulets
de chair.

- 257 -
La spécialisation des espaces, celle de la vallée du ~iari
en particulier. aurait p.1 entraîner le délais des rëgdcns les moins aptes
aux: cultures de rapport. Cependant le processus de concentration-
dEsertification n'a pas ëeë poussé très loin sur notre champ d' ëtude ,
sans doute • cause de l'échec essuyé dans la cul ture mfcanisée de
L'arachide, La dEsertification du nere-conge est liée, avant tout,
11 bien d'autres causes qu' 11 l'existence des palmeraies.
2.1.2. M!canisation agricole et faible diversité des technigues
2. , • Z. 1. La culture mécanisée
Le fait dominant est; ici l'utilisation de 'tracteurs et
d'un outillage bien plus sophistiqué que celui utilisé dans le système
agricole lignager. Mais la mécanisation agricole ai.n.si réalisée n'est
que partielle CC!1IIle on va le voir.
La technique de préparation des champs est .sensiblement
la mime dans la plupart des exploitations. Celle-ci commence, sur les
champs neufs. soit par une simple couchage des herbes. soit par un
véritable défrichement effec~ 11 l'aide de tracteurs A chenilles équipés
en bulldozer l'orsqu'il s'agit d'une savane arbustive ou savane
très épaisse. Suit le labour effectu! A une profondeur de 20 ! 30
centimètres avec un tracteur attelé d'une ebat-rue A disques. Dans
certains cas. ccee A la SlACONCD. ce labour est suivi par un sous-solage
effectué A 40 ! 45 centdeêt'res de profondeur et visant la destruction
de l' impêrata considérée carme la plus redoutable des "eauvadses herbes".
L'opération suivante est le pulvérdsage ou Row-Plaw consistant à
détruire les mttes de terre pour ameublir le terrain ; celui-ci
est effectué avec un pul~risateur â disques et deux A trois
pulvérisages sont parfois nécessaires. Après le pulvérisage vient
le rayonnage. également mécanique. qui consiste A tracer les sillons.
La préparation des champs se termine avec l'épandage d'engrais.
opération pw-~t manuelle.

- - - - - - - - - --------- - - - - - - - -
'SB
La mise en terre des espèces revêt trois fot'1lles : ce
peut-être un. plantage (cas des arbres fruitiers). un bouturage (cas de
la carme A sucre et du manioc) cu un semis (arachides. coton, mais).
Seuls les semis sont effeç'tUés à l'aide des machines. le plantage
et le bcrturage êtant effectués à la main.
L'entretien des champs concerne l'arrosage des jeunes
plants, le traitement phytosanitaire et le sarclage. Les deux premières
opérations sont rëal Isëes en reee-Z'ent aux JOOyenS mêcaniques.
A l'exception de la so:cm:JN qui eIIlploie des lDOyens méCaniques pour
effectuer une partie du sarclage, cette opération se fait manuellement.
Enfin, la récolte comporte elle aussi des séquences
rëal rsëes mécaniquement, ccmne ce fut le cas pour la culture
mécanisée de l'arachide et CCIlIIle c'est encore le cas pour la canne
à sucre à la SLACONm et pour le mais à la SOCaI'ON.
Malgré l'intervention des machines à toutes les 'tapes du
système de culture, la mécanisation agricole n'est pas effective
comme le laisse apparaItre le tableau suivant rêsumant les diverses
opérations culturakes :
~~tions Préparation
Mise en
Entretien
Récolte!
Fertilisatior.
Cultures cuuereres
c~,
~~l de
1
concernées
c
,
e
es
...
Canne à sucre
me
M>
M>
M> et m.,,
Agrume'
me
M>
M>
~
~
,
...
Coton et maï,
me
M_ et me M1. et me ~ et me'
...
...
Manioc
me
et me
\\la
""
Arachides
me
...
me
\\1a
Ma et m.
1
me • mécanique.

- 259 -
Le défrichage~ le labour, le pulvérisage et le rayonnage
sont dom: les seules opérations entièrement mécanisées. La réalisation
des autres opérations nécessitant l' elD!>loi d'une main d' oeuvre
importante: ainsi, bien que la bécanisation soit crês pccssëe a la
SlACONGO, cette entreprise" affecte plus de SOOO personnes, sur les 7500
qu'elle canpte aux travaux de culture, d'entretien et de récolte;
de même, la SOCOTON, qui de toutes les entreprises agricoles congolaises
est celle qui recourt le plus aux machines dei t également faire appel
à un grand nombre de eanoeuvres ,
2.1.2.2. L'unifonnisation des techniques
Le schbla tech:n.i.que qui vient d'être présenté se retrouve
dans la plupart des entreprises agricoles dites modernes. Les
différences qu'on peut constater dans son application d'une entreprise
à l'autre tiennent surtout à la nature des espèces OU des variétés
CUltivées et concernent essentiellement la mise en terre et la récolte.
L'utilisation des techniques peu d.iversifiées apparaît; donc cœme
l'un des principes essentiels de fonctionnement de l'agriculture
capitaliste.
L'unifonnisation des techniques pourrait être imputée au
fait qu'elles s'appliquent toutes au mêle type d'écosystœe. Cependant,
bien qu' On assimile souvent la savane à un écosystème, celle-ci est
loin d' être uniforme. Elle se cœpese au contraire de llIIJ1tiples
ndcroêccsystëees Cl). De ce fait, si les options technologiques des
entreprises agricoles étaient dAterminées par la nature du milieu~
leur système technique serait au lmins aussi diversifié que celui
du système agricole Hgnager , La raison fondamentale de cette
unifom.i.sation des techniques doit donc être cherchée ailleurs.
(1) - C'eSt à cette variété de formes qu'est due, en partie, la
diversi té des techniques signalée à propos de la Terre Enlcou
et des Bakamba de la vallée du ~iari.

- 260
L'explication tient. selon nous, au fait que les
industries produisant les llJ)yens de production utilisés (tracteurs
et outillage nctalllDent), dans la cesure où elles obéissent li. la
logique du profit, ne peuvenz pas tenir 03DPte de toutes les
variables du milieu sur lequel les techniques doivent être appliquées.
La rentabilité de ces industries n'éœnt assurée que si elles
vendent une quantité suffisarlIœJlt importante de leur production, elles
ne peuvent pas se penuettre de produire pour chaque micro-écosystème
le type particulier de machine qui convient.
L'uniformisation des techniques est ëgaleœnt liée li.
l'organisation capitaliste de la production au sein.lllll!me des unités
de production. Le souci d' accrcîure la productivité pousse les
capitalistes à réduire le système de culture l un petit nanbre
d'opérations. pratiquement les mêmes pour toutes les entreprises,
quels que soient les espèces cultivées et le lieu d'implantation
de l'entreprise.
2.2. 1.' irrationalité des techniques capit.alistes
Le sccs-syseëee tedmique décrit ci-dessus a une rationalitt!
qui est, en principe 1 celle du systèdle socio-b:onanique auquel i l
appartient, le systêœ capitaliste. CCIlIIIe l'a fait apparaître
l'examen des phênomênes de spécialisation et d'uniformisation,
l'ensemble des stTUetures techniques sont crderrtëes vers la maximisation
du profit. Mais nous allons VOiT que malgré cette cohérence
structurale, la fin daninante n'est pas rëal Isée. Néanrooins, la
poursuite de cette fin entraîne lm cet-tain nombre de conséquences
sur la reproduction des producteurs directs et des écosystèmes.

- 261 -
Z.Z.l. Rentabilitê et nroductivisme
Z.Z.1.1. Les rendements agricoles
L'utilisation. des machi..nes et d' engrais a certes permis
aux capitalistes d'obtenir des rendements supér-ieurs i! ceux du
systême agricole lignager. Ceux-ci demeurent cependant trop faibles,
voire insignifiants en cύeratson de ceux obtenus dans d'autres
parties du toonde et ne permettent pas la rentabilisation des
exploitations agricoles.
Ainsi, la cul ture du soja, du colza et du tournesol fut
rapidement condamnée par des rendesents dérisoires. La culture
aëcanâsëe du riz donne certes des rendements supérieurs aux 6
quintaux à 1 'hectare des champs villageois, mais ceux-ci varient
entre 0 et 1700 kg suivant les campagnes, la moyenne se si~t
autour de 15 quintaux à 1 'hectare, ce qui est i! peine suffisant
pour penll8ttre aux entreprises qui se consacrent à cette culture de
se maintenir. En ce qui concerne l'arachide, si les ''trultiplications''
opérées i! Loudima sous le contrôle de l'loR.H.a. ont donné au
premier cycle 1952-1953. SUT 33 hectares, un rendement vrat supérieur
i! 2,5 tonnes à L'bectare , les exploitations ne pouvaient tabler que sur
Z tonnes à 1 'hectare au premier cycle et 800 kg au second. Mais de
tels chiffres ont ëté l'apanage des entreprises "soignant" le plus la
culture des arachfdes , Pour la majorité des exploitations, les
rendements étaient en deçà des 1000 kg consfdêrës cœme un 1I1in:imLDn.
Quant à la canne à sucre, les premiers essais effectués en 1956-57 ont
donnE 71,1 tonnes i! l'hectare mais les rendements sont tombés â
31,S tonnes à l'hectare en 1958 à la suite d'une sëcberesse qui a
touché la région, ils ont néanmoins augmenté par la suite pour
atteindre 55 tonnes à l'hectare en 196Z. Depuis la nationalisation,
les rendements n'ont fait que décroître : ils se situaient en 19ï5
autour de 46,6 tonnes! l 'hectare sur l'ancien danaine de la SIAj'~
et 19,~ tonnes! l 'hectare sur celui de la SOSL'NL\\RI. Dans tous les cas,
on est loin des 70 i! 85 tonnes à l'hectare obtenus en Guadeloupe (1),
on les conditions
(1) - G. LASSERRE, la Guadelouoe, Bordeaux, 1961.

- 262 -
physiques et cl~tiques sont plus favorables (sols riches et
profonds, prêCipitations annuelles supérieures à 1200 mm. etc.).
2.2.1.2. La course au dêfrichœent
On a insisté plus haut sur le fait que l'insuffisance
d'études préalables ne pouvait pas expliquer totalement les déboires
essuyés par les entreprises agricoles capitalistes. Cependant la diffi-
cul té qu' éprouvent ces entreprises l atteindre le niveau de
productivité .1 mi!me de favoriser la rentabilisation de leurs
activités semble tenir essentiellement à la non-maitrise des variables
écologiques.
Malgrê la faiblesse de la productivité, les agriculteurs
ant tout de mi!me été ccrrtratrrts de produire davantage Si ils voulaient
éviter la faillite totale. L'augmentation de la production ne pouvait
se faire que par l'accroissement des superficies cultivées. Pour
l'exploitant, talonné par les échéances .1 venir, il êtait en effet
tentant de préparer 100 hectare, de plus qui, avec un peu de chance,
donneraient 120 tonnes d' arachides et sauveraient la mise. Aussi,
le souci ou plutôt l'obligation de produire conduisit~elle à une
course au défrichement, l' :iIrlDensitê des terres concëdêes aux divers
exploitants favorisant cette stratégie.
2.2.2. Rationalitê capitaliste, contenu du travail et
reproduction des êCosysti!!mes .
2.2.2.1. La mécanisation du travail agricole
La rationalité capitaliste implique une organisation
spécifique du travail au sein des unitês de pnxluction. Le principe
dominant de cette organisation est la sëparatdcn entre travail de
conception et travail d'exécution, la part la plus riche et la plus

- 263 -
déterminante êtant réserv~e à une êlite qui détient à la fois le
pouvoir de conception et de décision. On peut se faire une idée
de cette division du,travail à travers quelques données recueillies
il la fenne dlEtat de MllntsOllllba et à la SIAa.1NGJ.
Il n'est pas nécessaire de s'étendre sur le travail
effectué par le personnel de direction et les cadres supérieurs
(ingénieurs. techniciens supérieurs). Signalons simplement que dans
le cas precis qui nous occupe. le statut privilégié des personnes
consti~t cette classe sociale ne se traduit pas nécessairement par
un êpanouisSe!œnt au travail, soit parce que les s'tructures nécessaires
à l'exercice de leur profession ~t défaut, soit, tout simplement
par manque de conscience professionnelle (1).
Quant aux producteurs directs, ils se voient assignés les
travaux à la fois les plus pénibles et les plus abêtissants. A la
fenne d'Etat de MantsOl.mlba. le bouturage du manioc est effectué par
douze à quinze personnes à l'hectare; le sarclage exige vingt--<:inq
persormes à L'bectare soit 400 m2 par personne; enfin chaque
travailleur doit récolter 500 kg de manioc par jour en saison sèche,
600 à 700 kg en saison des pluies. Evidemnent, ces chiffres restent
muets sur la manière dont les tâches sont effectuées. Cette lacune
peut cependant être camblée grlce à l'étude, beaucoup plus détaillêe,
que nous avons effect:uée à la 5IACQNGJ.
(1) • Ainsi, la plupart des ingénieurs agronanes rencontrés dans les
quatre rëgdons agricoles que nous avons parcourues (Bouenz.a ,
Pool, Nfarf , Kouilou) se plaignaient du caractère dérisoire des
JDO)"mS mis à leur disposition par le gouvernement, les menant aL'1Si
dans l'impossibilité d'entreprendre quoi que ce soit en direction
des masses rurales. Il s'en trouvent cependant qui travaillent au
sein de structures adéquates, mais il n'est pas certain, si nous
nous référons aux observations faites et aux propos recueillis
auprès des travailleurs, que le temps passé sur le terrain par
certains ingénieurs employés dans les fermes d'Etat atteigne
le dixième de celui déjà très réduit passé à leur service.

- 264 -
Dans cette dernière entreprise, on retrouve les trois
opérations manuelles qui viennent d'être évoquées, mais il s'agit
cette fois de la culture de la canne à sucre. La plantation cœpct-te
trois séquences. Travaillant 200 mètres par 200 mètres, le manoeuvre
cœœence par poser les boutures en 'travers des nyons ; pe..ssant une
seconde fois, il les couche dans le fond, chao.me d'elles chevauchant
légèrement la précédente; enfin, en un troisième pe..ssage, il tronçonne
les cannes couchées en boutures de deux. ou trois yeux, puis tire à la
houe un peu de terre dans le sillon. Chaque manoeuvre arrive à "travailler"
1,2 km par jour. Conmenc.6e en dfbut d'année, la plantation se
termine en avril et il faut attendre octobre pour effectuer un éventuel
sarclage consistant tout simplement à arracher avec les ma.in.s les plantes
"parasites". La maturité des carmes s'fchelonnant sur plusieurs mois
en fonction des diverses variétés, la rëcokte cceeence au dëbut de juin.
Elle fait appel à une sadn-d'cecvre suppl!mentaire, recrutée temporairement
et venant parfois des régions asse1 éloignées. Les coupeurs ~t
amenés sur le chantier à l'aube, une sirène sonnant le réveil tous
les matins a. 4 heures. La t!c.he de chaque sanoeuvre consistait au temps
de la SIAN à couper six rangs de canne longs de 100 mètres, ce qui
correspondait à peu près à 2,5 tonnes de cannes. Avec la nationalisation,
on a cru alléger la 'tâche des tnvailleurs en fixant la tâche à 2 tonnes
par tête et par jour. Cependant, si l'on tient campte de la baisse
des rendements, on s'aperçoit que peer obtenir les deux tonnes, chaque
manoeuvre doit couper une dizaine de rangs; sa tk.he s'est donc plutôt
alourdie. La coupe elle-même consiste
trancher le pied de la canne,
â
effeuiller npidement la tige, faire sauter l'extr!!!mi.té supérieure
ou ''bout blanc" et poser la canne sur le sol, en travers des anciens
sillons. Les coupeurs rassemblent ensuite les andins ainsi formés
en tas réguliers, et des aides glanent les tiges oubliées dans
l'am:mcelleœnt des feuilles. La séquence suivante de la récolte
est l' enlèvenent effectué avec des cane-loaders.

~-~-
.. - - -~~----
- 265 -
L'organisation du travail à la SlACONGO n'est que le cas
limite d'une situation généralisée à toutes les entreprises agricoles
capitalistes et caractérisée par la réduction du travail agricole à
des gestes aussi simples que poser les boutures, arracher les
''mauvaises herbes". couper les cannes et les rassembler en tas. Dans
la eesure ro ces gestes sont répétitifs. on peut considérer qu'il
y a mêcani6atian du travail agricole.
Corollaire de cette mécanisation, c'est cependant
l'appauvrissement du travail qui est la ccnsëquence la plus grave de
la rationalité capitaliste. On pourrait être tenté de comparer le
travail des producteurs directs du sy5tême capitaliste avec les
gestes effectués dans le système agricole lignager. en particulier dans
le cas de la çUeillette. Mais, comme qn l'a montré, la stmplicité des
techniques ~ili5ées dans le système agricole lignager n'est
qu'apparente, notallment à cause de l'activité d'intériorisation que
requiert leur mise en oeuvre
et des principes qui ccmnandent cette
dernière. Or, en ce qui. concerne l 'crgani.satdcn capitaliste du travail,
non seu1e1œnt le processus de détemi.na.tion des tâches et des gestes
à ecccepttr échappe totalement au producteur direct, mais encore il n'est
pas nécessaire, à la limdte, qu'il sache pourquoi il agit de telle
ou telle façon dans son travail. Ainsi. le travail
agricole ne
s'acccmpagne pratiquenent d' aucun processus de symbolisation et se
trowe totalement dépwrvu de contenu. De plus, l'extrême faiblesse
des salaires perçus interdit tOJt auto-dévelappement des producteurs
directs hors de l'entreprise (1).
(1) - L'organisation du travail dans une entreprise COIlI'Ile SlACONGO est
telle que le manoeuvre qui n'a pas achevé sa tâche (les 6 rangs
du temps de la SIAN et les 2 tonnes actuellement) se voit annuler
toute la Journée de travaiL Aussi, est·i1 fréquent de voir
cer-tains individus travailler de 5 heures du matin à 5 heures du
soi r sans parvenir à terminer leur tâche. Même pour les plus
courageux, la fatigue causée par un tel travail, les salaires
de misère (159,20 francs CFA par jour en 19(2) et les nœbreux
problèmes qui les attendent dans leur foyer, ne permettent aucune
sorte d'épanouissement ni ~ l'intérieur. ni en dehors de l'entreprise.

266 -
On voit donc quel est le statut du producteur direct
dans la division capitaliste du tTavail : un être privé de sa
qualification DUltiforme antérieure. rr' ayent aucune possibilité
cl' euto-dévejcppeaent dans le travail, un êere destin! à accœplir
des gestes mécaniques et percevant un salaire à peine suffisant pour
reproduire une partie de sa force de travail. l'autre partie étant
reproduite dans le cadre de l'auto-subsistance. grâce au travail
de la femue notannent.
2.2.2.2. Les conséquences écologiques
L'irrationalité des techniques capitalistes se manifeste
encore dans la repTOduc.t.ion des éccsystêees , En effet, la culture en
grandes pièces homogènes a fait ·surgir du milieu ambiant une série
de "pestes" animales et vêgëtaï.es , tandis que la démldation
artificielle de vastes superficies engendrait l'érosion et compromettait
la fertilité des sols.
Des chenilles de papillons (Prodenia Li.tura, Laphygma
exempta) ont dessiné à plusieurs reprises des attaques subites et
brutales ; les champs de riz. d'arachides et de tournesol en ont
souffert. Selon G. Sautter (1), certaines exploitations ont eu des
récoltes entières de ri2 anéanties par la pyriculariose, peut-être
importh d'Europe avec les semences. Panni les champignons
microscopiques, il faut citer la cercosporiose et le colletotrichum
conjuguant leurs attaques sur les champs dtarachides ••.
Certains spécialistes ont cru que cette prolifération était
en relation avec la mise en culture de terres neuves. et que le risque
irait en s' attéIUWJ.t à mesure que le sol aurait reçu davantage de façons.
Cl)
- Op. cit. page 650.

- 267 -
Mais ces prëvtstcns se sont révélées inexactes puisqu'en 19i6,
c'est-à-dire plus de vingt-cdnq ans aprês que cette prolifération ait
été constatée. tTOis maladies (le charbon, le mosalco et le rachetisme)
s'attaqUB.ient encore aux champs de canne il sucre de la SIAOJNQ) et
que 80 , de la production de la Station fTUiti~re de Loudima n'étaient
pas rêco.ltës il cause des piqUres de la mu:he 1. fruits.
Les herbes nuisibles aux espèces ClÛtivées ont elles aussi
proliféd. Trois espèces se sant ecntrëes paTticuli!rement envahissmtes
un. Pennisetum. un Pa.spa.1idum. une Polygonacée. Mais, tandis que ces
trois espèces ont pu être éli.mi.nées. une autre mauvaise herbe a
rési5t~ aux traitements courants: le carex (Cyperus rotondus). A la
SA.PN, il la SIAN, sur les terres d'Aubeville, des parcelles entières
ont été envahies. et rendues inutilisables. Signalons enfin l'existence
de l'éternelle Impénta considérée ju.squ'il ce jour CClIlIDe la bête
noire des agrieulteurs du Niari.
L'agriOJ.1ture capitaliste a affecté les ëccsystêmes
sur un.e autre plan: celui de la fertilité des sols. A la fois
phénaœ:ne physique et ctrimique, le processus de dégradation de la
feTtilité se prEsente sous la forme d'un lessivage des sols dU à
l'agencement des carnees et à l'érosion.
Il est faul que la fertilité s'épuise au bout d'un
certain nombre d'aIUlées de culture, à IlIJins que le sol bénéficie de
soins particuliers, et qu'on lui restitue. sous une forme ou une
autre, ce que les récoltes successives lui ont erûevé . Or. bien
que des essais d'êpuisement entrepris sur les terres de la C.G.C.T.
aient mis en évidence une chute de rendement à la quatrième ClÛture,
c'est-à-dire au bout de deux ans. certains exploitants se sont
contentés de semer de l'arachide sur les mêmes pièces plusieurs années
de suite. D'oô une dùninution des rêooltes. à la fOis cause et
conséquence du productivisme évoqué plus haut.

- 268 -
D'autre part, bien que les dEnivellations soient très faibles
dans les portions cultivées de la pléline du Niari. les grosses averses
tallbant sur des sols totalement d!couverts ont déclenché un phénomène
d'érosion typique de surface, dkapsnt la c:tU:he arable feuillet par
feuillet 1 de façon presque inapparante. dês que la pente devient
perceptâbke, LI
ail le profil s-acceneue , ou il l'occasion de pluies
torrentielles, les sillons de culture sont strrereusés ; ils servent
de c:ollecteurs il l'eau de ruissellement suivant la ligne de plus
grande pente. Le tui.ssellement est favorisé par la ccuehe de terre
cœpacte qui se constitue il 10-15 CD. de profondeur. Imputable
aux passages répétés d'engins il disques. cette "dalle" a pour effet
de bloquer l' Wiltration.
Les terrains plats, nan affectés par l'érosion, ont
cependant enregistré une altération progressive et parfois irréversible
de leur structure physique. tant il cause des labours qu r il cause
de la dëperdâ.tfcn des matières organiques. En effet, l'exportation
du calcium contenu dans le sol et absorbé par les récoltes scccessfves
d'arachides entraîne la séparation de l'argile et des matières humiques.
Si bien que "de gramJleuse qu'elle était, la st.ructure du sol devient
rapidement partiOJlaire en surface et polyédrique en profondeur" Cl).
La conséquence en est une imperméabilisation croissante de la croche
cultivable.
Enfin du fait du lessivage des sols et de la d.:imim.ttion
en valeur absolue des bases êc:hangeables, toute cul ture prolongée
acidifie le sol, c'est-à-dire fait baisser le ph qui est dêjà bas
(voisin de 5). Or les sols du Niari sont riches en manganèse total,
cet élément étant nor:malement fixé et inactivé au sein du complexe
organique. L' acidification de la terre a pour effet de le faire passer
(1) - J.M. BRUGIERE,~Le problème de l'humus dans l'utilisation rationnelle
des sols de la vallée du Niari en agriculture mécanisée
(tt'IJyen-Congo)", in Deuxii!rne conférence interafrica.ine des sols,
Léopoldville, 1954.

- - - - - - - - - - - -
- 269 -
SOUS fonœ ''hydrosoluble, échangeable et facilement rëductdb.le'' (1).
Aussi a-t-on assistê il une "intoxication manganique" des cultures. le
manganèse dont la libération et la mise en solution sont favorisées
par l'acidification du sol étant absotte par les plants. Cetee
intoxication ssIe- surtOJ.t Hêe 1 la DOCivitê particuliêre de la
j achêre nue ou -ce qui revient au mfme- de semis manqués au deuxièlle
cycle de l'annêe agricole (2).
Pour reeëdîer l la dégradation de la fertilîtê, les
techmcâens ont d'abord préconisé une culture d'engrais vert
destiné a l'enfouissement tous les quatre cycles (3). Une crotalaire
essayée l cet effet s'est révël.ëe en fin de compte "une mauvaise herbe
excessivement gênante et envahfssante" (4). La plupart des plantes
proposées par la suite n'ont pas non plus donné satisfaction; le
stylosanthes planté jusqu'aujourd'hui dans la plupart des entreprises
agricoles seDble impuissant l ramener la st.ructnre du sol au niveau initial.
On a ensuite pensé ~ amendements calcaires, et si possible
ca.lco-.mapsiens, " la fois pour reconstit:uer les sols et insolubiliser
le manganèse. L'épendage de calcaire broyé a êtë suivi par un accroisse-
ment du rendement et une amflioration de la qualitê des rëceftes . Mais
le pTOblèDe posé par l'altfration de la s'tructure physique des sols
est deœurê intact.
(1) - G. !oWrrlN.''La décalcification des terres au ~iari. Action des
amendements calcaires". in Olêagineu:x, avril 1959.
(2) - G. MARrIN, ibid.
(3) - L'un d'eux se déclarant persuadé que "la prod.uction pourrait se
lMintenir et Jllême s'améliorer grâce Al' enfouissement périodique
d'un engrais vert et en faisant appel tous les dix ans 1 un
amfliorateur de fond corrme le manioc" (P. COLE'l). Guide du colon
dans la vallée du Niari, Paris, C.G.O.T., 195Z).
(4) - R. GUIL!.EllIN, La mise en valeur de la vallêe du ~iari, Gouvernement
général dë l'A.E.F., jerwter 1956, pagë 41.

- 270 -
Au terme d'une exp6rimentetion .y.t~m.tiqu., le .aul
••pair de rendre eux terre. du Ni.ri le. qualit6. physique. que
le culture leur fait perdre •• eituait du cet' de • • •le organique.
de fer. Par l'interm6dietre de complex•• organo_'errique., la fer
agirait ca.me pont entre 1•• matiare. humique. et llargile. La
solution coneieterait •••10n ~. Martin •• trouver un produit
organique riche en fer dont l'application eu ch ••p .erait completee
par apport d'emendement calcaire- (?). Cette solution n"tait
m.lh.ur.u •••• nt que th6oriqu., l'emploi de ••1. organique. de fer
.t.
~t.nt trop coOteux, surtout eux do••• qui eureient
n.c •••• ir•••
c. qui caract'ri.a d'abord l'agriculture capitaliste
sur notre che.p dl'tud., c'eet le difficult' qu'elle 'prouve l ee
djvelapper. On incrimine eouvent lee conditiona jcalogiquee pau%
expliquer ce ph'nomane, 'tent dann' que cette far-e d'egriculture
e connu un certain djveloppe.ent dene beaucoup da peye aoua-
d'velapp'e. "eie noue evone vu que l'explicetion du non-d'velop-
pement de l'eV%iculture cepiteliate da ne le cae qui noue occupe
ee t%ouveit en derniare en.lyee dene le contenu mime de. tech-
niquee utilie'•• 1 c'eet en effet l'impoeeibilit~, l i ' . l la
lavique du p%afit, de p%oduire de. . .chinee et un cutilleve edapt~f
l che que mic%c'coeyetlme qui eet le v'riteble cauee dee d~boiree
rencantr'e de ne le vell'. du Nieri.
Llenaly.e du contenu d.e techniqu.e cepitalistee ncue
e r'v'l' le place feite au pra duc te ur dir.c~ dene la mise en
aeuvra de cee techniquee ainei que lee cona~qu.ncee qui en
--------------------
(1) _ G. MARTIN, -Etude de quelque a fecteure de le struc~ure des
aole de la vell'e du Niari-, in Bulletin de
l'Inetitu~ de Rechercha Scian~ifique eu Convo,
nO 1, 1962, peve 29.

271
d'coulent pour •• propre reproduction. Dépase'dé de S8 qualifica-
tiOn Multiforme antérieure, la producteur direct est réduit ~
accomplir da. geeta. ~'cenique. inei9nifiente dene 5an trevail.
Cet .pp.uvri. . . . .nt du trevail •• doubla d'une i~po•• ibilité pour
le .'me producteur de ."panauiz hora du travail, du fait de le
f.ibl •••• du .alaira qui lui .at allou'.
L'analy•• du contenu de. technique • • 'gel.ment Mantr'
comment l'application da. technique. capiteliat•• , • cau •• da.
princip •• qui co.mandant cette application (sp'ciali•• tian da •
••pac •• , pr'do.inanca d. le monoproductian, uniformisation da.
technique.), • perturb' 1•• 'caey.taft•• et engendré le r'gre •• ion
da carteine diantre eux.

!'7Z -
EH~P1T~E_6 1 ~N~A~R~M~N! ~U~A~,_S!R~C!U~E_E~O~O~IgU~
----
------ - - - - - - - - - - - - -
GLOBALE ET SOUS-OEVELOPPEMENT
- - - - - - - - - - - - - - -
--- - - - - - - - - ---
L'implantation d'unit~e de production eet certee le
meilleur moyen de con.olider et d'~tendre la. rapport da produc-
tion cepitali8tes, meis cele n'exclut pe. le recoure à d'autrea
formea da reproduction de caa rapporte. Ainei, en mime tempe qua
l'aqriculture capitaliete 'tait miae en plece, se poureuiveiant
dea ectione commenc~ea avec l'eqriculture marchande forc'e et
diriq~ee ver. le. producteure non encore int'qr~a aux unit'e
capiteliatae. La t.r~a d'aqriculture capitaliete ne paut certaa
pa. a'appliquer aux divers.s formule. d'encedrement rural misea
en oSuvre, mai. l'~tuda qu'an en fere dane la premi're aection
de ce chapitra montrera que tràs peu da choaa lae diff~rencie
finalament de l'.qriculturs cepitaliste proprement dite at que
leur application a alle au •• i contribu' , alt!rer lee forces
productive••
Un autre facteur de cette alt!retion est le reatruc_
turetion da l'~conomia globala, notamment avec l'industrialiaatio,
. t la misa an placa d'un ayattme co . .srcial enti'rement branch!
eur l'ext~rieur. On verre dene una deuxitme eection comment le
nouveau made d'articulation de l'agriculture ~Cle rsste de
l'~conomie freine le d'veloppement de celle-ci.

- :;73 -
D~a la mia. an placa du .yat.me colonial, ont dtd
cr". d •• a.rvice. agricole • • t aootachniqua., moyene d'.ction.
de • • utorit'. 'tatiquee en vue du d'veloppement rural. Ainei, la
direction g'n'r.1e dee .ervica • •gricolea et zootechnique. deveit
'tre repr'aent'. dena chaque r'gion per un. direction r'g10nele
coordonnant . t contre lent tout•• 1• • •ctivit'. de production
enimele, v'9~te1e et de g'ni. rural. Chaqye r'gion devait Itre
aubdivia'. en zen •• de mod.rnieetion, cheque zone en sacteurs et
cheque aacteure en aection•• Lea agent. dea aervices agricolas
evaiant pour mi.eion de dietribYer dea aemences et des plants et
de prodigu.r dee cone.ile eu~ producteur ••
En plue da c.e .arvicee jouent un rele surtout
.dminietratif, daa atructura. d'intervention ayant pour vocetion
d. promouvoir la d'velopp.ment rural ont ' t ' cr".a. C'eat au
e.in de ce• • tructuree qu'ont ' t ' eppliqu'ea le. diversea formules
d'encedrament rural ime9in'•• ou emprunt'ee per las autorit'a
adminietr.tives.
1.1. L',nc,drem.nt de la c,tita production merch,nda aoricQle
Du fait de la r6greeeion du 9y.t~me ligneger, la
p.tite production merchende agricole ne pouvait se d'velopper que
ei le production et le circulation daa merchandi ••• 6taient
etimul'ee d lune menitre ou d'une eutr •• Quetre formula. ont 'té
,eeayé.. pour ce faire 1 le. Soci't's de Pr'voyance et le, Centres
de Coop6ration rurele dont on • d'j. perl', lea paysannats et les
ay.t~mes ds contrats da métayage.

- - - - - - - - - - ~ -----
- 27.1 -
1.1.1, Des 5091't', de Pt'voyence eux C,nt;.' de
Cggp6ratign RUtele.
On a vu que 1. ca~.rci.li•• tiDn d"
produite .gricol.,
n. ccnetitueit ~. llunique attribution d•• Saci't"
de Pr6voyane ••
C.ll.a-ci d.v.i.nt 'g.l.m.nt proc'd.r • de, tr'v.u~ d. ;'ni' rutel
et ,ncaur.g•• 1. production en echat.nt et di.tribu.nt du met'riel
';;1co1& . t dea •• ~.nc.a. Ain.i, d•• culture, nouv.lle., comme le
riz den. 1. r6gian de Mo •••ndjo, ou 1., arachide. ,ur 1. pl.te.u
de 5ibiti, ont 't' d6v.lopp6'. p'r d•• 'onctionnaire. el'ppuyent
.ur 1•• 50ci't6, de Pr'voy.nc •• D.ne l',n ••mbl. cependant. 1 ••
,y.t•••• cultur.u. tr.ditionnel. ,ont re,t6, imper_A'bl• • • une
sction d• • •oelft"
de Pr'voy.nce trop dilu'e et inedept'e (1).
D'autre part, le r'elieetian du pragremme de cee
eaci't'. d'pendait du degr' d'edh'aian de. papuletiane. Or, lae
will.geaie ant langtemp. caneid'r' cette Ree.acistian mutuelle-,
abligataire paur taue le. impasablee cam.e un argenie.e pereeitaire
pr'tex~a • le parceptian .au. une farme d'guie'e d'un auppl'.ant
d'imp~t, Rb petit i1ll.p~t- (2).
Le r'pu~atian .itig'e de. aaci't'. (3) at la peu de
perticipetian affactive dae ruraux ant e.en' leur re.plecenent
per lea Centre. de Caap'retian Rural. (C.C.R.) en 1960. Meie lee
C.C.R. bi.n que dat'e d'un budgat, d'un per.annel et d'un .et'riel
dietincta de ceux de. di.tricts, ee r'v'l.rent bien vite dee arga-
nis••• laurde et caQtaux. L.e preeeiane lacalee firent d'vier
cr'dite et v'hiculaa de leur de.tinatian initiel., ce qui pra vaque
un• • ituetian financi.r. d'e •• treuee et les candamne • leur taure
(1) _ G. SAUTTER, gD. cit. page 699
(2)
A. AUGER, -Natee .ur le. centre. urb.ine .ecand.ires su
Canga-Brezzeville", Cahiere d'Outre-Mer, nO 81,
jenvier-mare 1968.
(3) _ Le refus de peyer lea trais frencs de catisetian • la Saci't'
de Pr'vayance pravaque d'ailleure. de 1938 • 1942. des
incidente inepir'e et .ntretenue par le eecte de. Mateaue-
nistes dens la r'gian de Kinkala-Baka.

- 275 -
1.1.2. Les paysannats
Il s'agit d'une fannule d'encadrement rural développée
en A.E.F. ~ partir de 1950 et très largement Insprrëe des aëtbcdes
mises su podnt et prônëes par les Belges dans leur ancienne colonie.
Le mt "paysannat" recouvrait, dans l'ancien Congo Belge, une grande
variété de fonaules agricoles ayant en COImIln les trois traits
suivants: intervention globale sur toute une conmuruwtt!, substit\\.Jée
1 l'appel aux "Irri tia.tives individuelles" ; liberté d'action des
''paysans'' sacrifiée au respect d'une ccmbinaison agr-iccje mise au
peint en fonction des cansid!Tations mi-agrananiques ; ur-ëccoceücces
enfîn lm remaniement ~tématique du dessin foncier et du plan cultural
al' intérieur de l' espace expleité par la cammmauté. Mais la fomule
la plus rêpaDdue était celle des "lotissements agricoles" combinée
1 la "a.ùture en couloirs" (1).
De la formule belge. ce qui a été reterw sur notre
champ d'étude. c'est l'idée d'une inte~ntion 1 la fois massive et
sélective, associant le technique au social, sur certains villa.ges
ou groupes de villages. Deux sortes de paysannats ont vu le jour.
D'l.D1e part les '"paysannats administratifs" composés de chOmeurs recrutés
a Brazzaville ; ces derniers reçoivent du Fonds d'aide et de coopération
(ex-fonds d'i.mrestissement
pour le développement éconanique et social)
le financement des dépenses d' infrastnICture et de matériel,
d'encadrement, et de la lutte antiparasitaire et phytosanitaire.
D'wtre pan les "paysannats libres" ccnsr ttuës soit par des propriétaires
individuels de S " 10 hectares désireux d'expérimenter la culture
mécanisée, soit par des simples villageois restés dans le milieu
traditionnel ; ils ne sont assujettis " aucune consigne de
l'administration, qui se borne" fourni.r- une aide en encadrement
technique, et pour le centrale antiparasitaire et phytosanitaire.
Cl) - G. SAUTTER. op. cit., page 700.

- 276 -
L'activité des pa~annats reposait, dans les régions du
Ntard , de la Boumza et de la LkkO\\llJJu qui ant abr Itë la majorité
d'entre eux. essentiellement sur la OJlture seet-eëcarusëe, cette
expression signifiant qu'une partie du travail est exécutée par
des ma.chines. et le reste par les cultintetas ou leurs familles. En
ce qui concerne les ''paysannats libres" les participants le sont a
titre entièrement volontaire et d..eJœurent chez eux, éparpilU!s dans
les villages (1). Ils choisissent en accord avec les techniciens
l'emplacement des blocs a défricher. La culture mécanique se rfduit,
en rëaitcë, il la préparation du sol ; encore l'essouchenent initial
se fait-il A la main. Tout le travail de semis. d'entretien et de
récolte incombe aux paysans .
La cul ture semi -eécamsëe 5 1 est cep5liant trouvée confrontée
il un certain nombre de difficultés. NotCl15 en premier lieu que les
paysannats ne caapœnrmt que des honmes. Ensuite, la machine accélère
certes les labours et rend ainsi possibles des semis précoces. gage
de bons rendeDents. mais il est imp:lssible aux: cultivateurs de
sudvre au lIlême ryttlne. Le problême se pose surtout peur la rëcctee,
les paysans ëtant cbldgës de se faire aider par leurs ëpcuses qui
viennent forcément au détriment de leurs propres cultures en instance
de récolte.
La culture semi-mfcanisée bute, par ailleurs, sur un
probli!me de rentabilité. Le coOt du fonctionnement des paysannats
étant trop ërevë, on a dêcidé de faire payer d'avance aux
cultivateurs une partie des mis dt Interventdcn méanique. C'est
alors que, du coup. "les effectifs se sont dégonflês" (2) il Madingou
surtout, où beaucoup de cultivateurs avaient pris 1 'habitude de vendre
en cacneute une partie de leur récolte, affichant ensuite des rendements
ridiculement bas, et s'en targuant peur ne pas rembourser leur
quete-part des frais.
(1) - Selon G. SAlIITER. le paysannat de Madingou aurait eu jusqu'il douze
groupements dans son orbite, op. cit., page 701.
(2) - G. SAIJITER, op. cit., page i02.

277 -
En outre, la culture mécanique consœeee la fertilité
naturelle du sol, ccmne on l'a vu â pI"OpOS de l'agriol1ture
capitaliste. La solution consisterait â dwJler les terres avant
la culture et â mettre les champs sous stylcsanthes après quatre
cycles consécutifs d'arachides. Or les paysans n'Etaient pas en mesure
de faire face â de telles d'penses.
Enfin, deux autres problèmes œritent d'être signalés.
Le premier tient l la dispersion des champs. Ceux-ci sant groupés
en blocs d'lDle certaine importance, mais le ecëeië, passablement
accidenté, et l'impératif d'accessibilité depuis des villages
assez distants les uns des autres, abeu. issent l Ill.Ùtiplier le
nœbre des blocs, ce qui rend encore plus coûteuse l'utilisation du
matériel. Le second problèoe dent au fait que les paysans acceptent
de payer pour les ClÙtures mises en place au début de la saison des
pluies (le premier et le troisième cycle de la succession de quatre)
l l'Inter cycle, ils sont réticents, et beaucoup préfèrent compter
simplBllellt sur les repousses spcntenées , qui leur garantissent,
sans travail ni frais, une petite rëcckte , De ce fait, le matêriel
ne peut être utilisé l sa pleine capacité.
Ainsi, les ''paysannats'', perce qu'ils fonctionnent selon
la logique capitaliste, se heurtent, avec plusieurs années de décalage,
lIlJX mêmes problèmes que les grandes entreprises qui avaient envahi la
vallée du Niari. En 1963. la fonm.üe semblait avoir fait "long feu" (1),
mais seuls les''paysannau libres" ont pu tenir jusque U.
En effet, les "peysannats administratifs" n'ont eu qu'une
brève existence: attirés par la promesse d'un salaire substantiel,
auquel s'ajouterait une indemnitê mensuelle de changement de résidence
(1) - G. SAUTTER, op. cit., page 700.

- 278 -
et des facilités diverses, les chBmeurs qui les composaient se sont
plus amusés qu'ils n'ont travaillé, et l'expérience a rapidement
fini en queue de poisson. Ce qui a fait conclure Ji une personnalité
qui s'est penchêe en 1960 sm' le problœ rural au Congo <tU 1 il
fallait "prchfber foTmellenent pour l'avenir toute tentative de
retour massif A la ter-re de jeunes gens ayant gQQté de la vie
dans les grands centres urbains, même en qualité de ch&oeurs ... " (l).
1.1.3. Le développement du petit élevage.
Dans ce damaine égalenent, ce sont les fol"TllUles belges
qui ont été reprises et adaptëes , Il s'agissait de diffuser des
génisses et des taurillons en milieu autoc.htone. Des vaches de la
petite race dite des lagunes ont été acquises du Congo Belge. A la fin
de 1960, les effectifs de ce bétail, originaire en fait du bas
Dahomey. se mntaient déjA A 2050. P1U5ieurs centaines d'animaux
d'importation devaient s'y ajouter en 1%1.
La. diffusion reposait sur un systœ de contrats de
lDI!tayage, étroitement inspiré de celui des Belges. Le candidat
éleveur reçoit en principe un 't8l.I:reau et quatre femelles ; il
s'engage A rembcu:rser les animaux sur le ceete . Les bêtes restituées
faisant l'objet de IlOUYUUX prats, on ctlllptait ainsi mu.l.tiplier
progressivement les troupeaux, sans impanations trop ccûteuses .
lIn autre aspect de cette politique de diffusion consistait Ji propager
les troupeaux de preche en procbe , en satisfaisant en priorité
les demandes
exprimées par les voisins des premiers éleveurs.
Les deux. pôles de cet élevage correspondaient aux deux
extrémités de la vallée du Niari. Le gres des effectifs était A l'est.
dans la sous-préfecture de Mindouli : la répartition s'y appuyait
(1) - G. SAUTTER, op. cit, page ~1'.

- 279 -
sur la s~ation de Mpassa. Le deuxième centre de diffusion ~tait la
sous-préfecture de Boke Sangha, où par achat aux éleveurs de l'ancien
Congo Belge J derrière la fromiêre toute proche, un certain nanbre
de t1'Ol!peatJX se sont spontanéDent ccnstdtuës ,
Ce qui a fait choisir la vache des lagunes, de faible
poids et de tOUt petit fomat (ZOO kg contre 300 à 350 pour la Ndama),
ce sant ses qualités de docilité, de rusticité, de résistance aux
parasites et notaDment aux tiques; son caractère casanier aussi,
qui limite au maxiJIIJm les problèmes de gardiennage. Le service
de l'élevage n'avait pas renoncé pour autant 1 répandre la Ndama dans
les villages. ''Econcmiqueme:nt'', la race était bien plus Intéressante ;
mais san caractêre moins facile, son grégarisme et sa sensibilité
aux tiques ont fait prévoir pour elle une solution particulière : celle
de troupeaux: non plus familiaux mais villageois. Propriété col Iectdve
des habitants, ces troupeaux seraient gardés en permanence par des
bouviers fournis par la cœecœctë, et rêmunêrés sur le croit. Au
nombre de trois par an, il était prévu de les constituer aux effectifs
initiaux de 100 à 120 bites. Le projet du plan quadriennal 1964-1968
limitait à 1& préfecture du
Pool "1 t implantation des troupeaux collectifs
de 100 têtes". C'est une autre fOT1ll.lle qui. était prévue peur le Niari
celle de troupea.ux. de Z5 bêtes confiés 1 des DlJtuelles villageoises
(groupant une trehtaine de producteurs) en métayage collectif, le
remboursement conmenÇant la quatrième année (1).
En développant ce petit élevage. les services officiels
visaient surtcut la cul ture et le transport attelé. On se
préoccupait en effet, depuis plusieurs années, de dresser des boeufs
de labour à Mpassa. : on prévoyait de les diffuser, ainsi que des
charettes, dans le cadre des paysannats. Aucun des objectifs n'a ëtë
atteint, bien que les populations aient manifesté \\.Dl réel enthousiasme
(1) - Projet du Plan Quadriennal 1964-1968, commissariat gênéral au plan,
pages 60-61 et 8Z-83.

- 280 -
pour cet élevage. Il Y a eu en effet plus de demandes que de
possibilités de les satisfaire, le nombre de femelles données ensemble
tendant â se réduire â trois, ce qui est insuffisant, et le
remboursement pranis n'était ni toujours exigê. ni surtout obterw
dans un délai raisonnable. D'autre part la folDlJle de troupeaux:
villageois concernant la race Ndmœ ne PJUWit fonctiormer à l'échelon
du village oQ le sens cClrlIllJnSlJtaire est très faible. ma13 seulement
au niveau du lignage. De plus; les troupeaux qui se sont constitués
ont été le fait des haimes, les femœs conti.Iwant d'assurer le gros
des t.TaV8UX agricoles. Des conflits ont. surgi. 5U1" le IIOiêle classique
des diSi'Jtes provoquées par le cochon dévoreur de manioc. Certains
éleveurs ont canstruit des parcs câôtnrës oQ les vaches sont
mises à l'abri des tentations ; mais cela soustrayait des étendues
importantes aux cycles culturaux 1 dans des régions oQ l'espace
agricole lignager se trouve déjà fort5lent réduit par l'installation
des concessionnaires. des entreprises agricoles capitalistes et
d'autres organismes. Win. i l senble qu'à t'revers cette ec'ttvf'të
qui se maintient encore, les éleveurs visent le nombre plus que
le rçport, le prestige social de préférence A l'efficacid, ce qui
manifeste une certaine persistance de la rationalité lignagêre,
malgré la daninance de la rationalit.é capitalist.e : nous y reviendrons.
1.Z. La tentative de constit:ution d'une bourgeoisie rorale
L'intervention des autot-Ltës adminisuatives en vue
dll. développement rural ne se limitait pas A l'encadrement de la
petite prodl.r.tion marchande i elle visait aussi la const.itution
d'une classe sociale sur laquelle devait reposer le "progrès agricole"
et le "développement rural" au sens de l'idéologie dominante. Deux
foI"ll1l1es agricoles ont été essayées! cette fin : le "culture en
association" et le développement d'entreprises capitalist.es appartenant
! des autochtones.

• 28' -
1.2.1. La "culture en association".
Cette foIIIILÙ.e désigne de grandes unités agricoles ou
agrc-pëstorales dans le cadre desquelles les cultivateurs, suiVis
de pris par des tedmiciens cœpëtents, et b6néficiaires de
prestations diverses. notaDment en travail mêcanique. se trouveraient
en contre partie SOlIDÎ.s a. un plan de travail strict, a. un aménagement
du sol rigide et a. un traitement égalitaire.
La C.G.O.T. qui mit au point cette fonJJJ1e en Casamance
a expérimenté une solution très voisine a. Loudima. En plus d'un
'"paysannat d'entreprise", réservé a. ses propres salariés. elle
s'occupait d'un groupe de paysans "associés" au nanbre dune quarantaine
pour la campagne 1959/1960. Les lots, d'une superficie de 3 ha. se
cœpcsaderrt de parcelles, cultivées en alternanc:e dans le cadre
de deux soles; l'une sous arachide (pour quatre cycles consécutifs).
l'autre portant une couver-ture four-ragêre . Le sol était préparé
JD!caniquement. et devait être chaulé par l'entreprise, qui fournissait
également les semences dt arachides et mettait en place le stylosanthes.
Ces travaux et les semences étaient facturés aux associés suivant un
barème forfaitaire. ~t aux opérations d'entre'tien et de récolte,
elles leur incœbaient directenent.
Les responsables se déclaraient satisfaits de la formule
et affiTmaient que les frais engagés étaient intégralenent facturés,
et couverts par les remboursements (1). Pourtant, certains
des problèmes posés par la culture sem-eécani.sée demeuraient vivants
dans la mesure cil l'entretien et la récolte incombaient aux paysans.
D'autre part, le statut de-i paysans "associés" n'est guère différent
de celui de simples salariés privés de toute initiative, le plan de
travail et donc la manière de produire leur étant ùnposées par la C.G.O.T.
(l) - Selon G. SAUITER (en. cit, page 70S), le revenu net moyen des
'paysans" de la c.G.o.T. se serait élevé, au cours de la campagne
1959/1960, a un peu plus de 30.000 francs, déduction faite
des frais d'intervention, et compte tenu des récoltes de l'ordre
dtune tonne a l'hectare.

- 2:82 -
1.2.2. L'apparition d'entreprises congolaises ''Ioodernes''.
La fonwle d'assoc iatdon lancée par la C.G.O.T. ne semble
pas avoir fait école, puisque la société ene-eëee devait accorder
plus d'intérêt à une autre : celle des "travaux à façon" pour des
myens propriétaires, destinée à pe1'1llettre l'apparition et le dévelop-
pement d'entreprises "œdernes" appartenant à des Congolais.
Ces entreprises peuvent se définir selon les critères suivants,
ëncncês par G. Sautter (1) : une large autonaDie vis-à-vis de
la société villageoise et de la parenté de l' uploitant notanlDeJ\\t
sur le plan financier; 1 'hœme asSl.lDant les responsabilités,et
substitué le cas êchêant dans ce rô.le a la feome ; le recours à une
main-d'oeuvre salariée, ou d'une façon ou d'une autre rémunérée, en
ccmplément de l'aide familiale ou a
sa place ; une action a plus
large ëcœi ie, ave::.plus de IlDnde, 5U1" une surface accrue ; enfin,
condition de tout, un effort dêlibérément orienté vers la production
et la vente de surplus.
Il ne s'est créé aucune ent.reprdse coafonee à ce schéma.
Des ''rrDyennes prcprfëtës'' se sont cependant constituées a proximité
inmédiate des terres de la C.G.O.T. et sur la route de Sibiti. La
cond.ition de IOOyenne propriêtê supposait l'obtention d'un petmis
d'occuper; il s'agit la d'un titre foncier, délivré par l'administration
locale après enquête, et qui consacre le droit de fait du titulaire
sur un lot de terrain d'étendue spécifiée (2).
Quant aux surfaces concédées t on
est parti sur la base
de dix hectares par exploitation dont cinq devaient porter des
arachides et cinq de" fcurrages . Le fonctionnement pratique des
exploitations est le même que dans la "culture en association" ;
(1) - G. SAIJT'TER. op. cit.. page 709
(2) - Selon G. SA1JITER, 31 de ces permis furent accordés a Loudima,
de 1958
1961,
â
op. cit.. page 710.

- Z83 -
il s'agit d'une culture semi~anisée dans laquelle le monopole
des engins donne à la C.G.O.T. la haute main sur le déroulement
des cycles et l'organisation des successions agricoles.
Les ''ncyennes propriétés" ne se sont d!veloppê:s jusqu'en
1961 qu'à l'abri de l'aide IlI8.térielle et technique fournie par la
C.G.O.T.
La S.A.V.N. (Société d'Aménagement de la Vallée du Niari)
qui s'est substituée! la C.G.O.T. au cours de cette année a plutôt
orienté son action vers la repr-Ise et l'élargissement de la formule
paysannat.
1.3. Le lIDUV'eIlIeIlt coopêratif.
Les premiers groupements coopëratffs sont nés en 1964 et le
mouvement n'a pas cessé de se développer depuis cette date. On comptait
en 1967. 156 seeieeës coopëratdves ava:.un effectif de 2198 adhérents
ayant souscrit un capital social de 1Z 467 700 F CFA (1).
Le recensement effectué en 1975 par le sûni stêre de
l'éconanie rurale dénClDbrait 343 groupements comportant 8482 membres.
Ces groupements ont été constitués soit par le BDPA (Bureau de
Développement de la Production Agricole). soit par les organismes
internationaux (B.I.T. notamment). soit par le Service de la
Coopération du Ministère de 1 "ëconœnie rurale, soit enfin par les
populations elles-m8mes, à l'instigation des agents de la coopération.
La plupart des groupeuents ont été créés
travers L'une ou l'autre
â
des deux fOl'1llLÛes d'intervention suivantes: l'action de rëncvarton
rurale (ARR) et le développement rural intégré (DR!).
--------------------
(1) - "Congo-Brazzaville ~ An V de la Révolution",
Jeune
Afrique, n
spécial, 1968.

284--=-..
1.3.1. L'action de rénovation rurale.
Créée par décret du 25 mai 1965, l'ARR visait A
substituer A une action directe, l'intervention par l'intermêdiaire
de groupes de jeunes ch&leurs urbains implantés sur des tet-res vierges
au abandortnés par des colons et ayant pour mission de les mettre
en valeur. Dix huit villages coopératifs composés de 120 A 150 volontaires
chacun virent ainsi le jour. Les coopérateurs devaient recevoir
dans les centres de forœtion, une éducation politique, êconanique,
technique et militaire. Dans le cadre de la production rurale,
ils devaient doubler leur superficie de cul'tUre et ils étaient chargés
de la prcxootion technique, politique, éconanique et sociale des
populations dans un rayon de 25 km. autour de leurs villages coopératifs.
Ces villages, financés au départ par l'Etat avec une aide du P.A.M.
(Prograome Alimentaire !obnd:i.al) et du PNUD (ProgullI.... des Nations
Unies pour le Oêveloppenent) devaient atteindre l'autofinancement.
Dans l'esprit de ceux qui l'ont créée, l' ARR devait
permettre IIDll seul~t de résoudre de façon satisfaisante les
problèmes de jeunes sans emploi, mais aussi de contrebalancer
le désastret.D: effet de l'exode rural. De plus, on espérait qu'avec
l'aide de l'état et l'encadrement dont ils benéficieraient, les villages
coopératifs deviendraient lm jour des SOTtes de plantations 1IDdê1es.
Mais les coopérateurs n'ayant au;une prise réelle sur leur environnement,
sur les villages voisins et l'enc.:odrement étant très lnsuffisant, les
villages coopératifs se vidèrent progressivement. L'ARR fut dissoute
en 1971 et les dentiers coopérateurs encore relativement nœbreux
intégrés dans l'administration agricole.
La nouvelle politique rurale mise en oeuvre la màne
année ponait sur le regroupenent des villages et une importante opéra-
tion de vulgarisation et devait dormer naissance A deux projets,
l'un dit d' "animation rurale" consistant essentiellement A essayer
de donner aux paysans une voix et des moyens de pression sur le corps

7' l8S
social en général et l'encadrement administratif en particulier, l'autre
dit ''Brigade de ~rnisation rurale" qui est surtout une A.R.R.
elle-même réncvëe cherchant a. garantir une întêgration effective entre
jeunes cœpëraeeœs et Villageois. Cependant, ces nouveaux projets ne
s'app.1ient pas sur un muvement paysan mais prennent plut6t une
fol'lDe bureaucratisée et centralisée, p..dsqut ils sont IlLis en oeuvre
par les services agricoles et :ootechniques ; aussi, tomberont-ils
dans l'oubli dès 1912.
1.3.2. Le developpenent rural întégré.
1.3.2.1. Origine, buts et dffinition.
L'idéologie et la stratégie du developpewent rural
intlSgré trouvent leur origine dans le courant "volontariste" né
au milieu des années 60 sous l'impulsion du ''Peace Corps" américains
et de "volontaires du progrès" néerlandais, frarl.r;ais. allemands, suisses
et br!umniques. Le "volontariat" se présentait cœme tm corps élaboré
de dcctrine et d'actions s'inscrivant dans la politique d'aide des
pays occidentaux aux pays scus-dêvel.oppés , Il reposait sur les postulats
suivants;
- Une action efficace de dlveloppement peut-être faite
en travaillant directement avec les populations paysannes ertes-eêeee
- Cette action nécessite non pas des experts mais des
"généralistes "dont les qualités premières doivent être le dynamisme,
la facilité d'intégration au milieu, l'esprit formatif ;
- Cette action doit être intégrée, c'est-à-dire prendre
en cœpee tous les aspects du développement éconcmi..que et social d'une
cœmmaud donnée, le moteur de ce dëvetoppeeent devant être le sens
communautaire et la fraternit6 villageoise.

- ZB6
- Postulat de la tâche d'huile
les actions devaient avoir
un pouvoir de rayonnement.
Véoergence du ''Volon't&riat'' s'expUque sans doute par une
certaine prise de cons.cience de l' êchec du d.fwloppemrmt par le haut.
Ce n' est que dans les années 70 que les experts des organismes
internationaux et des minisdres des Services Gouvernementaux ont
cCIIIDeTlCê As' tntêresser réellement aux actions ccncrêtes "ras du sol"
rêsuftarrt de ce ~t et " y voir eurre chose que folklore ou
rêalisations pont:tuelles. Les êc.hec.s plus ou mins cauplets t plus
ou moins retentissants des cpëratdcns de dêwloppement l grande échelle
rendus patents draaIIltiquement par la sécheresse du Sahel ont fait que
le "développsœnt întëgrë", le "dêwloppaœnt camunautaire". le "T'&S
du sol", bref l'idee que ce sont les paysans qui doivent eux-mi!mes
réaliser leur développement soit au centre des disœu:rs gouvernellllerl'taux
en Afrique. par exemple. et des organismes internationaux.
Le développement rural intégré peut: se définir cœee un
mde d'intervention. rural visant à pt'CIŒIl.MJir le développE!llll!l1t d'une
CœlllJlUWtê de base donnée dans tous ces aspects konaaiques et sociaux,
l'accent étant bien sOr mis sur l' agricul ture.
La doctrine a reçu confirmation officie~.le en 1974 tant au
niveau international (discours du Secrétaire Glnêral de la F.A.O.)
que national, ee le développement 1'\\J.I'8.l intégr' apparait depuis 1975
cœme 1& solution miracle. Voyons ce qu 1 il en est sur notre champ
d'étude.

- - - - - - - - - . _ - --.
- ZS7
1.J.Z.Z. Développement rural intégd et promotion coopél'3tive.
L' applic:atian de la formule ''Dêveloppenm't rural Intégré"
s'est faite 1 travers le "projet de développma1t du Pool",
En 1967. le gouvernement Congolais a présentê au P.N.U.D.
une requlte d'usist.lD;e pour \\Dl projet intitull!!: "Rénovation rurale"
dont le cad::re territorial devait ëere la vallee du Niari. te projet a
êté a:pprouvf par le Conseil d'Admi.ni.stt'3tion en janvier 1968, mais
en janvie-r 1970. une mission conjointe ~/BIT a fOl'DlLllê lm certain
naDbre de recClllll8!1dations pour Lme nouvelle or-ientatdcn du projet et
pour le cb:lix dtun aut're site. Le plan d'apét'3tians établi sur la base
de ces recClllll8ndations el: destin6 au ''Dl!veloppmslt rural de la rêgicn
du Pool" a été signé le 30 sept_re 1970. Le choix de la région du
Pool cœme zcae du proj el: siest fait en raison de l' infrastl"lJl:'tUre
existante, ma:i3 surtout de la proximitl!!: du maTch!! de consœmation
qu'est Brazzaville.
Le but du projet, tel qu'il est menticnnê au plan
d'opêratians, est d'aider le gouvernement 1 _HareT les conditions
et le niveau de vie des populations rurales par l'augmentation de la
production agric:.ole et du petit élevage ainsi que par l'instaUration
des structures institutionnelles nëcessedres au dêvel~t rural
et omtribuant 1 l'accroissement de l'emploi. Selon les prévisions initiales.
les objectifs 1 réaliser l court tenDe concernaient l'augmentation de la
production de riz, de tabac. de maIs et de sorgho, le dêveloppemen:t de
la piscio.ù.ture en étang et celui du petit élevage (volaille, pcrcs ,
chèvTes et IllJUtons) •
Le projet devait s'orienter vers quatre types d'action
le
recyclage et la form8:tion des "cadres ruraux, de monitTices et de
paysans pilotes" (1). la diffusion des teclmiques agricoles et la
Cl) - B.I.T., R.P. Congo. D!velOl'PelDent rural dans la ré,ion du Pool,
Con B - 7, Ra:pp:lrt tëëlïïiiqiîiïïu i, Gëïîêve, Juin 19 1, page ~.

- lBB -
distribution de semences, bêtail et matériel agricole j l'amélioration
des svseëees de cClllDeTCialisation et l'installation des points de
vente et d' achat aupT'!s des groupements d' agriculteurs ; l'amélioration
et la création de nouvelles infrasttuc:tures dans la zone du projet.
La r~alisation du projet se fait essentiell~nt ~
tnWl's les groupements prêcoopéntiis (1). ceux--ei se constituent
par adh!sion volontaire : les paysans ~sirant fonder un groupement
précoopératif cu adhérer à un groupement mstant payent un
droit
d'adhésion et adressent une dsDa:nde de mathiel (bJues, bêches,
eotcbêctes , 'l'ateaux) de semmces, de bétail cu de tedmiciens à
l'organisme encadreur (le BIT). Sur les 94 groupements que cœptait
le Pool en 1916, 76 avaient EtE crêés par le BIT et se rêpartissaien.t
entre six unions de groupements (2).
L'activité prinCipale des groupemen:ts est à production des
produits vivriers, surtout marai<:hers, desti.n6s à la consaIIIlI.tion urbaine.
LIencadrement de la production est assuré par le Brr qui
distTibJe les ~ de production et les seœnces et met ses
tedmiciens à la disposition des groupements qui en. font 1& demande.
Toute la produ::tion est destin6e à la vente sur le marché
Bnzzavillois. La CCJIIIIm'Cialisation est assur6e par le aIT suivant
_
circuit organis~ dans le c.adre de toutes les unions, le ramassage
s'effectuant dans des centres (géndrallDllmt les chefs de district) et.
à des jours détet1lli.n6s. LI ëeeneseee des marc.handises est assuré auprès
des clients ~teminês (supermarch's, hapitaux, internats, etc •.. ) ,de
la soTte. il n'y a pas d'invendUs.
(1) - Cette dênani.nation ne signifie pas une fonoe inférieure de coopération.
Elle signifie selon OULm i\\1ssa. "qu 1avant d'@tre reconnus COllllle des
cœpëractves, ces groupements doivent passer par une periode d'essai.
Ils n'acquièrent le titre de cccpêratdves que lorsqu'ils ont fait leurs
preuves sur le plan canptable, sur le plan de la gestion et sur celui
de la prodoction" (Y. OULm i\\1ssa, "les groupements prkoopéntifs
de production canne wren de développement" PRC·b8-507. Kinlcala,
mai 1975, docllment dactylographié).
(2) ~ R.P. Congo. Ministère de l'économie rurale, Résultats du recensement
des groupements prêcoopératifs, (année 1975) .Bn%.zavüle, mars 1977.

- - - - _ .. _-
- 289 ,
Cette formule d'encadrement permet-elle l'améliorat1on
des conditions et du niveau de vie des œmbres des groupements et,
plus gënëraieaent , favtrrise-t-elle le développeœnt rural ?
Notons d'abord que ni les myens de production, ni les
s~es, ni les services des tecreucdens , ni la cCJIIDe1"Cialisation
ne sont grandts. L'encadrement fonc:tiormeenrêalitê selon un système
de crEclit remboursable au bout de tTOis ans. Ainsi. les revenus perçus
par les cccpërateurs sont affeçt~s avant tout au rembour.saœnt
du crédit. De plus , pour être sOrs d'kouler leurs prccurcs , les
paysans sont obligés de les confier au BIT qui les achète à des
prix tTOis fois lD:Jins ëievëe que ceux offerts l Brazzaville ; il Y a
donc U une farme d'extorsion du travail paysan. Fnsuite
,l'organi-
sanœ qui prévaut dans l'ensemble du projet réserve deux jours par
semaine aLQt tTaV8IJX des groupeIDl!mts ; le dimanche étant rëservë à la
prtëee et au 'repos et le samedi au marc:M. il ne reste pour les
cultures vivrUres des cccpërereurs que deux jours, ce qui peut
engendreT un déficit vivrier.
C'est sans doute en prévision d'un tel
déficit qu'une distribution des denrëes alimentaires effeç:tuée
par le PAM (ProgTalllllCl Alimentaire r.t:mdi.al) a ëeë dëcddëe dès l'lHaboration
du projet. fl'Bis cette' solution qui en effectivement appliquée,
vise en réalid â faire adopter de nouveaux. IIDdêles de consamnation
aux pop.ùations neaiee, les ren1ant de plus en plus 'trlbu'tai'res du
ma.rchê pour leur subsistance. Enfin, l'encadrement consiste aussi
~ former des cadres ruraux. et ~ faire de l'alphabf:tisation fonctionnelle.
Or, le contenu de l'enseignement dispensê est tel qu.'~ la fin de leur
fOIDllltion, les "cadres ruraux" pensent avant toot â aller faire valoir
leur "qualification" en Ville, aussi l'application de la stratégie du
"dêvelappement rural drrtëgrë" s'est elle avërëe COlllDe un facteur
cl 1 exode ronl.

- 290 -
Toutss 1ss re~arqu.e qui viennent dl'tr. feites sur
1•• groupement. pr'coop'r.tifs d'pendent du projst de d'velop-
pe.ent du Pool eont valeblee pour la plupert d.. group.mente
recen.'_ eu Congo. AJoutone simpleMent qua selon le r.c.n ••••nt
de 1916 (op. cit'), 82 ~ d•• groupe••nt. et 8Q ~ de. meMbr ••
• ont concentr'. d.n_ l.e r'giona du Nieri, du Pool et d••
Pl.t.aux qui approvi.ionnent Brazz.vill• • t Point._Noire. D'autre
p.rt, pour l'en.e.ble du Congo 12 ~ d.e .embr•••ont de a.xe
~a_culin (1).
Ainai, bien que l'.ncadrement rur.l eit .u pour but
de feire particip.r d. façon plu• •ctiv. .t plu. directe 1••
payean• • l.ur propre d'v.loppe. .nt, aucune dea for.ul ••••••y•••
nia donn' naiaaanca • un mode d'organia.tion .ocio-'cono.iqua
favor.ble • l'euto-d'v.loppa•• nt (2) dea productaurs dir.cts.
Per contre, ce type d'intarvention a con tribut au renforc.ment
de le diviaion s.xuelle d.s tlchee den. la
u.- où l.a ectivit'.
introduit•• ont aurtout ' t t confi'ea aux ho
L'ancadre. .nt
rural. d1autra part .ccru 1•• difftr.ncietion. r'gional •• , celui-
ci ne portent qua .ur le. zan•• approvi.ionn.nt 1 •• c.ntr••
urb.ins ou 1. mercht ext'ri.ur. Enfin, un noMbre plu. grand d.
pay •• n• • ' t t inatrt • 1. circulation . .rch.nd. et .oumie .u
.od.l. ds coneo. . . tion occid.ntal. p.r ca type d'interv.ntion.
-----------------
(1) -
Lee pr090rtione sont invera'e. dana 1. P~o~ et la Koui~ou
(12 ~ d.a cooptrataurs aont da. fammes), le no.bre de
group. . .nt• • • coneacrent .ux cultur•• vivri.re. den. ce.
rtgiona ttant tr.s tl.vt.
(2) _ L• •ena de ce concspt .er. prtci.t dane le proche in
chepitre.

191 -
~!:!!~~_~ J ~!~!!~~~!_!~!!!_!i!!:~!~~!!L_:~~!!!~!_!!_!~~~!~!~~
!~_~~2~2~!!_:!e!~!!!!!!.~2~!~!!·
Do_inaticn du co ••e~c. et de l'arti•• nat par l'agr1-
culture et cQmp16.antaritt de. traie activitt., tala sent 1••
princip•• qui articulaient la ayat". agricole li9nagar au ra.ta
de l'6cono_1. 119n.gAre. La .yet'•• agricole lignager nl.at p••
la ••ul • It:. touche par le d'veloppament da. reppor~• •archand.
eapitaliata. , la com•• rc& et l'arti.anat traditionnels ont tgala-
mant anregi.trl un recul. L'implantation capitaliate ne s'aat pa.
concr'tia'e uniquement par la mi•• an placa d'un .yate.s agricole
particulier J un ayatlme commercial et un ayat.me indus trial ont
'galamant 't' cr66e. C~m••n~ e. pr6••nt. l"r~icul.tian de. trois
stru~~ur•• (1' d.n. ce nauv ••u cant.x~. car.ctAriaA per 1. da.in.-
ticn du ay.~'.' c.pitlli.t. sur l'.n ••mbla d. 1. for.ation sccial.
C'.at 1 l'.~eman d. Catte que. tian qu'aet can••cr"
1. pr'a.nt•
••cti~n.
2.1. La cemmercialisation de, prgduita .gricola,
La dr.in'9a daa produita 'vricol•• vere la. cantre.
urbain• • t l'.xt'ri.ur, 'inai que l·'c~ul••• nt de. produita
d'arigina mAtrapolitalne nAcaaaitait, autre la r.9rg.ni•• ~ian d.
l'.ap.c., le mi• • • ur pi.d d'arg.ni••••• pAci.li•••• L.a circuit•
• t arg.n1•••• d. cam.'rci.li.atian crA'. ont influ.nc' l'Avolutian
da l'agricultura d.n• •an .n••mbla.
{"
- C.t"
a.ction . . . .in.r. 1 •• ral.'icna .~iatant antre
l'ana.mbl. d. l'agricultur. -c' •• ~-~-d~ra eu •• i bi.n
l'agriculture capitaliata proprement dit., 1•• farmea
d'aqricultura rel.vant d. llencadrament que l'egricultur.
1ignaglr. an d'clin- la cammarc' at l'indu.tria.

- 292 -
2.1.1. ('tf.versign d. l"cano_i. et .tructur.tian
d. 11"R.e.
Le. d.rn1t:• • • t.ti.tique. r.ppart". d,n, l'At1•• d.
1. R'publiqu. papul.iz. du Conga (1) font ' t . t d. 795 ka d. vai"
f.rrt,. (dont 510 paur 1. CFee et 285 paur la voie Co.1109),
SOOO k. d. raut •• (dORt 550 bitum"
et 4450 nan r.vltu.) . t 3105 k~
d. voi•• n.viq.bl••• Non •• ul••• nt l'.ppr'ci.tian d. ce. chiffre •
• uppa •• 1. ca.p.r'i.an 'v.c ceux d'.ut:•• pey., . . i • • ncar. et
.urtaut il, n. p.rmatt.nt d. ..1.iz ni 1. fonction princip.l. du
.yet••, de. vai•• d. ca_munie.tian, ni .on imp.ct .ur l"volutian
d. l'.qricultur•• Mi.ux v.ut, pel con"qu.nt, .'int.r••••r • 1.
structur' du : •••• u de. vai•• d. communic.tian.
L'infr •• tructur. d. tf.n.part .pp.r.lt comme org.niB •
• utour d. d.ux .x•• p.rt.nt de Br.zz.vill. (voir cart. p.ge
.uiv.nt.). Llun cri.nt. v.r. 1. nord, r.li. Br.zz.vill. 6 Ou••• o
p.r 1. route n.tional. n8 2 puia 6 Sou.nk. p.r la route du c.c.o
part.nt d. Ou •• eo J c.t ax. r.li• • n mlm. t ••p. Brazz.villa au
Sud C•••roun . t 6 l'.mpir. c.ntrafric.in notamm.nt, p.r 1. r ••••u
fluvi.l con.titu. p.r 1. S.ngha, 1lOub.ngui . t 1. Congo. L'.utr.,
r.li.nt Br.zz.vill. 6 1. cet. a.t can.titu. p.r 1. chamin d. f.r
Canvo-Oc••n (CFCO) . t 1. route n.tianel. nO 1. L. r •• t. d. ltinfra_
.tructur. co.prend 1. ch •• in d. f.r d. le Camilog conn.ct. au CFCO
. t p.rm.tt.nt l'6vacuatian du m.nv.n'•• g.ban.ia, 1•• multipl••
• f~lu.nt. d. l'Oubangui at du Can90 dont cart.ina na .ont navi-
Gab~•• qu'u•• p.%tia da l'enn.a, 1•• pi.ta. ao. .aireB rali.nt 1~9
div.r••• r'gion• • l'un. au l'.utre d•• routaa n.tion.laa ou aux
voi.e f.rr ••••
-----------------------
(1) _ Op. sit., page 46

-~-----
- 293 -
Ou. . . . lm
1
1
C)
J
III
1
1.
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1
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II. PriDdpala l'oia tennua et fiuviala

- 294 -
Le. deux •••• qui viennent d'.tre d'crlta n'.n
constituant an f81~ qu'un •• ul campartant deux pointe da rupture
d. cherg., Brazzaville et Painta-Naize. Il s'agit de l'ancienne
voie "d'rel_ qui, dens l'Afrique Equatoriale Françai•• , ••aurait
aux pey. d. l'int'riaur un d'bauch' sur la cet. atlantique at •
dann' au Cango un r~l. d. tran.it. L'Agence Trans'quatarlale d.
Communicatian. (A.T.E.C.l, farm'. en 1960 par 1. Congo, la R'pu-
blique Cantrafricaine et le Tchad, • 9'r' catte vais jusqu'en 1910.
ann'. d. e. natianall•• tian at d. .a trenefor-atlan an Agenca
Tranacongolai•• d. ComMunicatiane (A.T.C.l.
8ien que travera' sur tout. •• langueur par cet ••• d.
pre.lare lmpar~.nc., le Cango .at re.t' pr••qu'.nti'r.~.nt .ncl.v'.
Il ns s'sQit p•• , bien eOr, d'un i.alem.n~ vie-'-vi. du .erch'
.andiel, puisqu'.ucun vill.Q. n'.et , l'sbri d. l'exode rurel, d.e
praduc~ian. ca~rci.l.e et d. 1. caneamm.~ian de. produite ~.nu­
fectur'e, toue ph'nam'nee .enife.t.nt lter~icul.tian du .y.t'm.
liQn.ger .v.c le ey.t'•• cepiteli.~e. C'e.~ p.r~i.ll.~.n~ un
.nclevem.nt vi.-'-vi. de. villee, cert.in.e r'Qian. '~n~ mal
reli'e. , cee derni'r•• (1). Mai. c'ee~ .urtout un iaolem.nt de.
div.r••• r'9ione. 1•• un •• per r.pport .u. eutre•• Aucun. voie
tr.nev.re.le. int.rr'vion.le. n'e.i.~•• Entr. 1. r'9ion Nord . t
1. r'9ion Sud, pourt.n~ conti9ul• • ur plu.i.ure c.n~eine. d.
kilo.'tr•• , il n' ••i.~. qu'un point d. pe.e.qe. c.r%.four routier.
---------:-
(1) _ Ain.i. le dietrict d. May•••• bien qu'il f •••• perti. de 1.
r'qion du Pool • •ource princip. le d'epprovieionn •••nt vivri.r
d. Br.zz.vill•• n. perticip. que d.n. un. proportion tr'.
f.ibl. , c.~ .pprovi.ionn•••n~, du f.it d'un. f.ibl. dote tian
en voi•• de co~unic.tion inh'rent., .n perti• • • u reli.f . t
~ le netur. du sal (tr'• •ebleu•• ). L"miqretian n'y eet
cep.ndent p.e ~oin. ective pui.que 1. di.tric~ n. compt. que
0.1 hebit.nt .u kila.ltre cerr', t.ndi. que le den.it. pour
l'ene.mble du Pool ."l~v. l 5.1 h.b/km2.

- 295 -
fluvlel, ferroviaire : Brazzaville. Le pey. set ainai form~ de
deux _"elavs. princi~al•• , la. %'9iO"5 Nord et Sud, reli'es
.ctuellament ~ar la •• ule capital., ca. r'giona 'tant .ll.s-~'m••
d'coup,•• an eu tant da eoua-enclav• • •econdair •••
;. ....
L'enclavament •• t Bouvent i.put. eux condition_
'cologiqu•• (structure physique et climat) et • la faible denait'
d. population. Il faut pourtant conatater que ca. facteura perdent
leur cerectlre limitatif lorsque de. 1"t6rlt. prIel. 80nt en jeu 1
alnei, ni 1 •• obatacl•• physique., ni le f.ibl •••• du peuple ••nt
n'ont a.plch' la construction du chemin de fer Coml1og devant
permettre ll'y.cu_tion du meng.nAse gabonaia • 11 en •• t de mlm.
pour le bituaa98 de le -route du Nord- relient 8re&zeville • Ou•••c
entre priee de pree~ige pour le bourgeoiaie bureeucretico_tribele.
La cauae fondamantele de ll.nclevamen~ tient plutet au carect.re
a.~reY.r~i da ll'cono~ie et • le n.ture du pouvoir en pl.c••
2.1.2. Sy.!!m•• d. c9mm'rci.li••~io" et 'volution
dl l'agricultur.
petit. comm.rc,nt._
L"tud. de l";onom1e d. traite noue a r'v'l' que la
non-r'aliee~ion d. l'obj.ctif e ••ign' .ux compagni•• conc••• ion-
na1r•• (1. m1• • • n valeur d•• t.~~itoir•• conc.d'.) '~ei~ li••
• n p.rti• • 1. ne~ure du capital co...rci.l don~ .ll.e 't.iant
i.au••• Cell.a-ci ont par contr. perf.it.ment rempli 1. fon;~ion
qui '~it r'ellement la leur 1 a •• urer la ci~cul.tion dee marchan_
di••••
En .ff.t, aprA. ls. quelqu.a tent.tiv •• d. mi.a an
vel.u~ .ignal'.e plu. h.ut, le plup.r~ de • •0;1't'a concee.ion_
n.ire. sa .on~ r.convertiee den a l'import-axport, l'import

- 296 -
essentiellement. Actuellement, trois d'antra ellee ••• urant
d'ailleura a ell•• aeul •• plue da la maiti' de. vanta. da. praduit~
importa. aur 1. marcha cangalaia 1 S.C.K.N. (Saci6t6 Commarcial.
du Kouilou Niari), C.C.5.D. (Compagnie Commarciala da 1. Sangha et
de l'Oubangui), t.F.A.D. (tampIvni. Français. pour l'Afrique
Decidantala) , all•• aont pralong'•• par da. boutiqu •• et parfois
da. petit•• chatn•• d. mev.aina tenu•• par de. Portugai., ainai
qua par un commarce par.lltls africain non convolais conatitu6 sur
la bas. da circuits .rti••n.u~ trt. valt•• (S'n'ga1aia, H.ou •••••
etc) diffus.nt tout•• aort •• de produit• •rti ••".u~ (pagn•• an
particulier).
Une da. forMa. d'intervention da ltadmint.tretion
coloniale dene l'egriculture ~ut l'org.ni•• tian de la collecte
et de la co.m.rcialia.~ion da. produita. Ote 1937. furen~ cr" ••
lee Saci't'a Indiginee d. Pr'voyanc. (S.l.P.) devenuee plue tard
Soci't'e Africein.e de ~'voyanc. (S.A.P.). Trente-cinq S.A.P.
couvraient l'en•••bla du territoire, chequ. dia~rict 'tan~ do~'
d'une S.A.P. plac'e aoue l'autorit' directa du chaf d. di.~rict.
Elle. 'tai.nt aeeiet'.e et contrel'•• finenciirem.nt par un Fonda
commun d•• S.A.P • • t dev.ient proc'der idee treveux de 9'nie
rur.l, encourager le production, or9.nieer le collecte et le
commercielieetion. Cependent, cee aoci.t'e nlint.rveneient dene
la commercialieetion qu'.n cae de d'feillence du co. .erc. priv'.
Av.c llevAn.m.nt d. l'ind'p.ndance na.in.l• • n 1960,
1•• S.A.P. furent re.plec' •• par l.e C.ntre. d. Coop'retion Rural.
{C.C.R.} . t 1. Fond. Co. .un de. S.A.P. p.r la Soci't' Netionele
Can901aia. d. D'veloppe•• nt Rur.l (S.N.C.D.R.). Le. C.C.R. ont
h'rit' dee ettribution. dee S.A.P • •ei., contrair••ent A ca.
darniir.e, il. eaaurant en priarit' le commercialia.tian de.
produite e9ricole., la recoure eux ae%Vice. du caœn.rca priv'
n'ayent lieu qu'exc.ptiann.llem.nt.

- 297 -
Créé par ordonnance du 4 mai 1964, l'O.~.C.P.A. (Office National
de Commercialisation des Produits Agricoles) se substitua à la SNCDR. tandis
que les
C.C.R. devaient !tre remplacés par les Centres Pr~ires
de ClDIIeT'Cialisation (C.P.C.) dans les villages, et par les Centres
Seccmdai.res de Cawet'Cialisation (C.S.C.) dans les chefs-lieux de
sous-préfectures. L'CN:PA fut doté du memapole de la collecte et de la
vente des produits agricoles sur les ma:rc.hés de gros intérieurs et
a l'9PCJ'rtation (1).
Enfin, tttlis organismes il caractère IJIJ1tifonc.tionnel ont
ëtë crHs en juillet 19ï7 : i l s'agit de l'Office des Cultures
Vivrières (O.C.V.L l'Office de DEveloppement de l'Elevage (O.D.E.L.)
et l'Office du caf6 et du cacao (O.C.C.), chacLm d'eux assurant a
la fois la production, la vulgarisation des techniques nouvelles.
l'encadrement et l'aide technique aux exploitations familiales. la
caœnercialisation de la production, etc (2). Il semble que l'CN:PA qui
conti.ro.&e dl exister VtIit son rOle réœJit il l'exportation d.u. café et
du cacao achsrlnés il Brazzaville et Pointe""'loire par l' O.C.C •
La carmercialisation interne des produits locaux, agricoles
DOtaamI!lnt, est le fait surtouc de petits cClllll8rçants -cranspor-teur s,
Leur activité concerne l'approvisionnement vivrier des villes en
pro:lui.ts fabriqués divers (boissons en particulier) •
2.1 •a, 2,J.' impact sur l' agriOllture
Une telle politique de cœmercialisation des produits
agricoles ne peut avoir sur l'agriOJ1ture dan3 son ensemble que des
ccnsëcceeces néfastes. En premier lieu, l'orientation. de la plus
grande partie des structures de cœmercialisation vers l'extérieur,
en accélérant l'intégration il l' êconanie lII)ndiale et en renforçant la
(1)
~ Produit du UJJUVeIDI!J1t popu1a±re d'aoQt 63, cet office d'Etat devait.
avec l 'OF'NACl]of (Office National du eatmerce) CT6é au mêlœ Ib:IDent.
se substituer aux grandes maisons coloniales d'import~export.
(2) - R.P.C •• Ministère de l'Economie Rurale : ~ouvelle Politique AgTicole,
juillet 1977.

- 298 -
danination impérialiste, signifie la condamnation à eeree de l'agriculture
nationale. En effet, l' agricul ture dl exportation pone essentiellement
sur un pro:iui.t, le cacao. Or i l s'agit d'une production pour laquelle
le Congo n' est favorisé. ni SUT le plan des quantités produites. ni sur
celui des çanditions· de production. et d'évacJation, par ra:ppJrt aJ.Dt
autres pays producteurs (Cameroun, CCte d'Ivoire, Etc).
En outre, bien que la priori'té soit acccrdëe au cœeerce
extérieur, l' approvisionnement vivrier des villes qui lui aussi sert
avant tout. des intédts capitalis'tes, CCJI1S'titue nélU1lŒlins l'unique
S(X.I!'CO de 'revenu peur la plus grande partie des nJ1"8UX et des petits
cCIIIœT'l;8nts. à tel point que certains aut.eurs CCIIIDe P.P. Rey ont vu
dans cet'te acdvitl! l'avenir de l'agrtOJlture congolaise. La. création
de l'Office des cutecres vivrières, dans·.la mesure où celui-ci se
charge de la CCAIIDI!TCialisation des produits aura pour conséquence de
priver une partie au mins des gens qui se consacraient .l cet'te
activité de leur unique source de n:vemJ.
Enfin. le fait prédanioant au niveau de la CClllllerci.alisation
des produits agricoles est l'extz&me faiblesse, dfj! soulignfe à
propos des firtœ5 concessionnaires et des c::oumerçants-transporteurs,
des prix payés aux paysans. Les organismes éta'ti.ques ne contTibuent
pas Imins .! dép:luiller les paysans du fruit de leur tnvail. A tiere
d'e:œople, en 1976 l'ON:PA achetait le cafE aux paysans .! 60 F le kg
e't le revendait 1300 F, le kg de cacao ftait ache'té 120 F et revendu
1200 F. le kg de paddy achet! 58 F aux paysans et Tevendu 140 F aux
consœma'teurs urbains (1). I l eee clair qu'une telle exploi'ta'tion du
travail paysan. loin de penœnre le dev'eloppemen't de l'agriOJltu:re
-le surplus extorttU' étant, soit exportE, soi't affecté .i Ltenrretden
de la bourgeoisie bureaucratique- accélère au corrtradre sa régression
et le saus-dêveloppement des pt"Oduc.'teurs directs.
(1) - Nouvelle Politique Agricole; op. cit., page 1.

- 299 -
2 ..2 .. L' articulation de l' agricul turc .!I l'industrie
La relation de l' agricul turc .!I l'industrie se caractërdse
dans les écOnaa.ies c.apitalistes dëvercppëes par une dœination de la
seconde sur la p.remière, dcmination, reposant sur l' intEgration de
l'agriculture l l'industrie (fourniture de machines. outillage,
pestIctdes , insectic.ides, engrais et transfoTmation. des produits
agricoles par l' iDWstTie). Les 6concmies sous-développées connaissent
elles liUSsi une dcmination. de leur a.griculture par l'industrie mis
sous des fomes différentes. Il çonvient donc de prëcâser la forme
partio.ùiêTe rev@tue par cette danination sur rorre champ d'ê'tUd.e,
mais un recenseDl!nt pTEalable des diverses iIKlustries agro-alimentaires
qui y ont été implant6es s' impose.
2.2.1. Les industries agricoles et alimentaires
2 ..2.1.1 .. Le Vide sument
L' êconaDie çongolaise se caractêrdse par la quasi-ineXistence
d'industries travaillant en eecne de l'agriculture. En effet, i l n'y
a produr:::tion. ni d'outillage léger, ni de matériel lourd, tracteurs.
cbarrœs , lIIJYeJ1S de transport. Seules fonctionnent quelques unités de
production. d'aliments de bétail, mais les produits sont destinés
prioritairement il l'exportation, malgré l'existence d 'tale forte
dl!mEDie paysamle. cœee le laisse apparattre le tableau suivant,
concernant les produ:t1ons et les ventes rêa.lisêes pendant la période
1972-1975 par l'unité intégT& a la SlACONQ) et située pourtant dans
la région ail se pratique la plus grande partie de l'êlevage congolais

- :lOO -
Productian et vente d'aliments de bétail il la SIAOJNro
(Unité : torme)
ANNEE
1972
1973
1974
1975
Production
3340
3284
2'64
3945
Ventes au
Congo
185, ,
190,37
894.7S
415,925
Exportation
1
94,46
94 .21
58,66
89.46
1
Source : SIAmt«D
Signalons êgalement l'installation près de Madingou d'une
usine de ca1<:aire construite avec l'aide de la République populaire
de Oli.ne et mise en marche en 1978. Nous manquons d'informations concer-
nant les quantités produites, la destination des produits et; les
conditians de vente pour appr6c:ier ccrrecteeeee l' ilIlpact de cette
unit! de production sur l'agriculture.
2 .2.1 .2. Les industries d' aval
Les industries de t'I'8n5fomation des produi'tS agricoles
sont par cantre relativement: naDbreuses. La plus impartante d'entre
elles est l'industrie du sucre représentée par le Ct1lIplexe de la
S ~ dont on a dajil décrit les activités agricoles. L'activité
essentielle de cette entreprise est la produt:tion de sucre, avec
ses deux usines ayant une capacité de production de plus de 100 000
termes de sucre par an. Ses ~s sont constitués par le marcM
interne, celui protégé de l'O.C.A.:..1. peur une quou d'envi:ron
65000 tonnes en 1972 (1) et: le marché libre lŒInciia1 beaucoup IOOins
(1) - H. BElURAND, ~. cit .• page 219.

~----
---~---- - - -
- 301 -
rémunérateur (prix environ trois fois lIlDins élevés en 1972). Le marché
de l'O.C.A.M. est allé en se rëtrrëc i.ssarrt 1 ccnsëccence logique de
l'implantation d' industTies sccrdêres COIlCUJ'Tentes par le groupe
des Grands HJulins de Paris dans de naabreux pays (Camero1.Dl
Tchad,
t
.Haute-Volta, &!nfga1, Cête d'Ivoire, e'tC..), ces implantations
ayant été fina:ncêes par les profits réaluê3 par l'ex-SIAN. La
production. en progression cceseeme depuis la création de l'entreprise
a atteint son maxjna. en 1967 avec 96 000 termes de sucre brut ; elle
enregistTe cependant une baisse depuis 1970 : elle n'a été que de
28 600 tonnes en 1974 et de 31 SOO tonnes en 1915, cette baisse
étant due aux difficultés 6voqu&s plus haut.
Les açtivith de la SIACCNro ne se limitent pas â la
production de sucre. L'entreprise cœporte égalment une huilerie
pouvant tniter 6000 tonnes d'anch.ides décortiqu.6es par an, la
matière preatëre étant achetêe aux. paysans (1). La SIAOJNro cœprend
encore une importante minoterie transfOl"lllUlt en farine du blé i.mp;>rtê
de France et prolongh d'une boulangerie industrielle ainsi que de
l'unité de production d'al.iments de b~tail !voquêe plus haut.
Après l'industrie du sucre t vient le textile avec le
cœplexe de la Sotexc:o (SocHitê des textiles du Congo) utilisant
le coton produit par la scctëeë Cotonnière Congolaise. mais sur-tout
celui importê du Tchad. Cette entreprtse éprouve des difficult~s
énonœs : en 1970, son d6ficit se -mntait dêjl 1 240 millions de
francs alors qu'elle n'avait d.éDIlrn1 qu'en 1969. L'industrie textile
est êgalement représentée par l'usine dl im:pressian des tissus, tmpreco,
qui est une entreprise privée.
--------------------------------
(1) - Cette unité de production fonctionnait au tiers de sa capecaeë
lorsque nous L'evons visitée en septembre 1976, à cause d'un relâchement
des paysans dans la fourniture des aT8Chi.des.

- ---- -
-------- - - - - - - _..-
- 30Z •
La R.~.P.C. (Régie Nationale des Palmeraies du Congo).
entreprise d'Etat dode de cinq lUlitês de production d'huile de palme
liées 1. ~es propres plantations (Kunda. r-tlkékc, Lébar:go) ou aux
pa.lmenies naturelles (Sibiti, Kammo), a des difficultés permanentes
d' approvisionnesœnt en fruits.; les cinq unités de production
fonctionnent au-dessous de leurs capacitfs et l'entreprise
bat de l'aile depuis sa créatdon, La prcœcctcn d'huile de palme
est principaleœnt vendue 11.D1e entreprise classfe genfnlement
panri les industries chimiques. la 5avcongo qui est une société
privée .l participation de l'Etat congolais et qui fabrique des
savons.
La SIAT (scctëtë Indunrielle et Agric:ole des Tabacs)
fabrique tabac. cigares et cigarettes, l partir de m61anges de
tabacs imp:Irtés et locaux . Vieille industtie prdvée (groupe Job-
Bastos) établie l Brazzaville depuis 1948, elle a jusqu'en 1910
approvisionné en cigarettes l'Afrique cenrrate, 00. se fait sentir
désarmais la concurrence, des WiineS installfes depuis cette date
au Gabon, en R.C.A.- et au Tchad. 5œ1 chiffre d'affaires était en
1910 de 1600 millions CFA (dont la moitié l l'exportation), avec
un résultat bt"Ut d'exploiution de 630 millions CFA (1). Bien
qu 1 elle n'ait aucune difficulté panic:ulière depuis sa création. la
SIAT n'a jusqu'à présent rien investi dans l'inàustrie locale.
L'inàustrie des boissons camprend deux grosses brasseries
1. Pointe-Noire (Kronenbau:rg) et Brauaville (PriDus, en fait Heineken),
produisant de la btëre 1. partir d'éléments importés (sauf l'eau
et une partie de la production de riz de J. Merle des Isles utilisée
pour l' amidon). Elle Canpl Cial W5si des fabriques de sodas et de sirops
ainsi que des unités de lUise en bouteille de vâns importés du Portugal
en général, d'Espagne ou d'Italie.
(l) - H. BEImWID, op. dt., page ZZO

- 303 -
Enfin, derrdêre entreprise situêe en principe en aval de
l'lgric:ulture. une fabrique de c:haussures installEe 3 Pointe-Noire
(groupe Bata) produisant a.rmuelleœnt 1.000.000 de paires de:
chaussures. dOnt 75 , en a1i.r (importation). le reste ttant
partagé ent~ caou~d1ouc et plastique (import.a.tion aussi).
2.2.2. Le JŒXie spécifique de d.am:i.nation de l'agriculture
par 1 t industrie.
Le recen.sement qui vient d' AtTe effectue soulêve lm cet-tain
nombre de questions. En particulier 1 ;1 quoi tient la quasi
inexistence d'industries d'azoont ? Les industries d'aval s'lIrtiaùent-
elles à l'agriaù.ture et a::IIIIJI:t se prësente ceere artiaùation t
Dans quelle mesure et dans quel sens crtenee-e-en.e l'évolu'tion de
l' 19ricu1ture ?
La meilleure façon de rfpoDd.re }; toutes ces questions
c'est de c:erner la véritable nature et la raison d'être des industries
conc:ent.fes. Notons d'abord que toutes les industries recensées
en aval de l'agriculture produisent des biens industriels ayant
fait l'objet d'tmportation auparavant. Il s'agit donc d'industries
d'import-substitution au sens oü nous avons d'fini. ce demder concept
en introduisant cette recherche (1). Or, la cause profonde de leur
iJIIplantation tient am:: limites rencontrées par les êc.onami.es
capitalistes dêvelappées dans l' acCl.lllJ1ation du çapital. il la
supfriorité des opportunités de gains offertes par ceeee implantation
dans les ëccœeres sous-dêvelopp6es et aux dEbouctJês que repr-esentent
ces denuêres pour les pT'Oduits IIIII!ttopolitains. En installant ce type
d'industries. les capitalistes visent donc le recul des limites a
l'aco ml1]ation du capital. en venant utiliser une main d'oeuvre
bon maI"Ché et en s'assurant des d4b0uchés pour leurs propres produits.
qu'il s'agisse de produits intermédiaires ou de produits finis.
---------------------------------
(1) - Les huileries de la R.N.P.C. se rangent également dans cette
catêgprie d'industries, bten que l'huile de palme ait êté l'une
des pTDductions dlJ syst!llle agricole lignager avant la pénétration
capitaliste. Les quantités produites par ces huileries ne sont pas
destinées directŒent à la COl\\5ClllllB.tion lDBi.s a la fabriOltian
de savons par la S&vcongo.

- 304 -
La concrêtisatian de cette politique sur notre champ
d' étude repose sur une imbrication 'rrês étroite entre capital
ccamercial et capd tal, industriel. Les trois entreprises ct:llliieTCiales
cftées plus haut (S.C.l.N., C.C.S.O .• C.F.A.O.). filiales de groupes
capitalistes très importants, .detie:nnent elles-mêmes de nanbreuses
participations dans les activids i.ndustrielles locales (notaument
dans Impreo:o et dans l'indu5ttie des boissons). 5i bien que les
industties locales sont en m6œ temps. et parfois mime principalement.
des succursales cOIIIIlef'Ciales stables. garantissant l' ëeeneeeee des
produits import6s et permettant d'observer, de cccvr-tr, de créer
de nouveaux marchés (1).
Cependant. ce schéma
valable pour les entreprises privées.
J
ne s'applique pas aux entreprises d'Etat, bien qu'elle;s soient
également des industries d'import-substitutian. En. effet. les
entreprises d'Etat ne sont les filiales d'aucun groupe capitaliste
et ne ccmnercialisent que leurs propres prod:uçtians. Il faut donc tenir
caapte de cette différenc$ essentielle pour apprfcier l'impact des
divers types d' i.rJdustrie S1.a' l'agriculture.
L' implanution des industries agro-alimentaires, en tant
qu'industries d' import-substitution. caDpOrte deux sortes de
conséquences : d'une part. les eo:treprises travaillant l partir
de produits importfs n'offrent pas de dQlouchés I101lVe8UX l
l'agriculture mais, au ccceratre, suppriment les anciens en toodifiant
les ecees de consoamation l leur avantage (btëre et vin supplantant
le vin de palme. farine et pain supplantant le lIIlUÛOC) ; d'autre
part, les industries utilisant des eatdêres preenëres locales,
lorsqu'elles ne les produisent pas elles-memes (cas de la production
sccetëre) , drsposeat généralement d'un roonopole d'achat et pêsent
tant sur les prix que les fournisseurs sont tres vite découragés (2).
(1 ) - Cas des B.A.B. (Boissons africaines de Brazzaville) fabri~nt des
boissons gazeuses et écoulant les produits de Canada Dry. Cas
êgalegent de Sovinco qui, tout en effectuant la mise en bouteille
des vins européens, assure la vente de ceux d.1jl mis en bouteille
en Europe.
(2) - Note 2 page suivante ...

- -
- - - -_..". -----
- >05 -
Ainsi. la danination de l'industrie sur l'agriculture
repcserad t dans le cas qui. nous occupe, non pas sur la fourniture
des moyens de produc.tion et la transformation des produits agrfcol.es ,
mais- plut8t Sur une strategie visant .t Oter l- l'agriculture la
plupart de ses d.Ebouc:hés. ~1ais. autant cette assertion est vrai.e pour
l'agriculture ccnsddërëe globalement, autant elle doit être ruencée
en ce qui concerne les entreprises agricoles capitalistes : on a vu
en effet que l'implantation des fenDeS d 1 Etat Slipprimait des d.ébouc.hes
à la petite production marchande agricole ; de ce JXIint de vue,
les entreprises agricoles d'Etat appliquent
la même politique que les
indu5tries agre-alimentaires, plutat qu'elles ne la subissent. On
a vu également que les exploitations privées importaient leurs
lOO)"mS de production. taut cœme les fenoes d'Etat d'ailleurs;
dans ces conditions. la domination subie par les eatreprtses agricoles
çapitalistes est le fait des industries du cenere qui leur fournissent
les lOO)"mS de production et, paur les exploitations prdvëes , achètent et
transfoImBnt leurs produits, et non pas le fait des industries'
agro-alimentaires locales .
.(2) - Note 2 de la page précédente •..
On ~lait déjà, deux ans seulement aprês sa création, d'un
progI<ilUDt't de redressement de la SCOJI'ON, son unique client,
la sctexcc, achetant le coton l- un prix dérisoire. De mi!me,
les difficultés rencontrées par l 'lurllerie de la SIACONro
tiennent l- un decouragement des paysans ; l'e:nttçrise Ietrr
infligeant des prix trop faibles, les produc.teurs d' arachides
prëfêrerrt gênfra.l=en.t vendre leur produit à des cœmerçants
privés OU 1! écouler eux-mêDes sur les Illlll"Chés urbains.

- 306 -
Le travail effectué jusqu'ici visait essentiellement la
saisie des causes et des mécanismes de déstabilisation du système agri-
cole lignager ainsi que la mise en évidence du _-rôle joué par les sys-
tèrœs agricoles mis en oeuvre avec l' implan'tation et le dêveloppement
du mcxie de produ:.tion capitaliste dans le développenent de la crise
affectant l'ensenble de la formation sociale congolaise.
S' il est difficile, du fait de l'ouverture caractérisant
le tMme abordé, d'apprécier correctement la distance séparant le stade
atteint par cette recherche de l'objectif qu'elle s'est assignée au dé-
part, " savoir le choix des critères et la définition des concepts per-
mettant de penser le développement, un certain nanbre d'outils théoriques
susceptibles de canposer l'appareil conceptue1 recherché ont néaI1lllOins
été dégagés, même si ces outils n'ont pas été systénatiqlB1ent recensés,
ni leurs relations soumises " une étude approfondie. On va tenter dans
le présent chapitre de franchir un pas de plus dans la réalisation de
cet objectif en essayant d'une part de redéfinir et de res'tructurer le
concept de développement et, d'autre part de préciser les critères et
Certaines des conditions du processus que ce concept désigne.
Cependant, la poursuite de cet objectif ayant été considé-
rée dès le départ carme une négation du paradigme productiviste de la
libération autanatique par le progrès technologique sur lequel se fon-
dent les théories et stratégies dominantes du développenent, il semble
nécessaire de préciser auparavant la nature et les implications théori-
ques et idéologiques de ce paradigme.

- 307 -
_L,'id& cen:tralo.du paradigme productiviste, cœme an l'a
dljà souligné. est que la croissance êconanique, permise surtoot par
l'industrialisation et entretenue par le progrès technologique. est le
moteur du développement scctc-ëccnœncœ qui assure C-panouissement et
progrès des virtualités. dos libert's et des pcuvoirs de daninatian. de
l'h(Jlllle sur la nature et êventuellement sur la société. Cette idée mani~
feste une telle force de prégnance qu 1i l est nécessaire d'en rechercher
les fondements. A quelles croyances. à quelles "significations imaginai-
res sociales" (1) se rattachent la genèse et la perpétuation d'une t.elle
conception lïnl!iaire du dtveloppement ? ~s aussi, quelles forces soda-
les en sont les promotrices et le5 porteuses ? Tenter de répendre à toutes
ces questions revient à faire en quelque sorte la généalogie du dëve lop-
pement.
L'hùtoire du concept de développement révèle cependant des
incertio.nes concernant la linéarit' et le mkanicisme contenus dans le
pandipe productivist.e, ce dernier subissant de plus en plus de secoua-
ses à la mesure de sa ferce de pregnance. On peut par conséquent se de-
mander s'il y a r6ellement remise en cause du paradigne et à quels ni-
veaux de la réalité sociale a lieu cette remise en question.
1.1. Mythologie productiviste et g!néalogie du développement
Le premier él!ment constitutif de ce qu'on pc1Jrrait appeler
la''myt.hologie produ:tiviste" est incontestablement l'idée de progrès as-
similée à la croissance illimitée de la produ:tion et des forces produ:-
tives considérée c.cnme le but central de la vie humaine. L'émergence de
cette idée co1ru:ide et converge avec la montée du raticna.lisme occidental
(1) Cf. Cornelius =R!AD!S. L' insti ::ution ima~re de la société,
Le Sëûil. Pans, 1

- JOB -
posant que l'usage propre de la Raison est la condition nécessaire
et suffisante pour que les hœmes deviennent ''mattres et possesseurs
de la Na'tUI'e" (Desc:a.rtcs). En outre ces "signifiçations imaginaires
scctaies" sont les ccmposantes de la philosophie des LlDIlières et les
produits d'une époque historique 00. 1 'Qc:cident se met au centre du
mnde, à la fois dans s~ maniêre de penser, de vouloir, et dans son
esprit de conquêtes. C'est ainsi ~ l'''id601ogie du progrès " s'éri-
gera. en "idéOlogie du développement" avec le dêveloppement du svseèœ
capi eatrsee.
1.1.1. Le rationalisme réducteur
1.1.1.1. L' "illusion asymptotique" et le fantasme du con-
trOle total par la technologie
L'idêologie du progrès postule qu'il n'y a pas de limites
aux pouvoirs et aux possibilités de la RaiSŒ1. ce qui. implique deux
chcses , D'abord la perspective, née de la ncuvelle représentation du
rm::mde ceraceërtsëe par le passage du mnde clos A l'Univers infini,
d'une progression indifinie de la connaissance. Ce qui. est infini étant
inépuisable. il n'est pas possible d'atteindre la connaissance absolue.
mais on doit polNCir s'en approcher sans cesse. De 13 la curieuse ddëe,
aujourd'hui encore pa.rug6e par la plLqBrt des scientifiques, d'une
''progressian ~.,t.iqu•• (1) de la cormaissance vers la vérité absolue.
D'autre part, derrière cette illusion de la progression
. ~ de la connaissance gît le fan't.a5lœ du contrOle total, de la
volonté ou du désir maltT'isaIlt tout objet et toute circonstance. L'idée
de ccnrrere total ou lIli!!me, de maîtrise totale constitue le moteur caché
du d!veloppement technologique moderne et diss:iJrule l'idée non discut.ée
de puissance sur laquelle s'appuie ce développement. Mais, qu'est-ce que
la PJissance ? Puissance pour quoi faire ? Puissance pour qui. ?
(1) Cf. Cornelius OSI'ORIADIS, RéflexiOll5 sur le "dëvekoppeaent" et la
"rationalité", in.~ du développement,
OUYTage collectif pub l
sous la directlon
de Candido ~ES, seuil, Paris, 1977

- 309 -
L'humanité occidentale a vécu perk:W1t des siècles sur
le postulat implicite qu'il est toujwrs possible et réalisable d' at-
teindre plus de puissance. Le fait que. dans tel dana.ine partiCUlier
et dans tel but,partiOJ.1ier, on p:JUVai.t faire "plus," a ét6 vëcu cœme
signi.fiant que, dans tous les daDaines pris ensemble et pour tOUS les
buts illBginables, la "puissance" p:nIVait être agrandie sans limites.
La condi.tian opérante dans ce fantaszœ est llidée de séparabilité. En
effet "CentrOler" ou ''Mattriser'' les choses consiste, dans la pensée
occidentale (1), 1 isoler les facteurs séparés et circonscrire avec
précision les "effets" de leur action. Cela marche jusqu' 1 un certain
point, mais au-delil de certaines limites, on s'aperçoit que la sépara...
bilit6 n'est qu'une ''hypothêse de travail" il validitê Locale et limitée.
L'expérience a ecnerë, notaJlJIlent l partir de la crise ëcc-
logique, que les fragœntJ de ''puissance'' su:cessiveœnt conquis res-
tent toujCll.Jn locaux, limit6s. insuffisants et, très probablement. in-
trins6queœnt inc:onsis'tantJ sinon c.arTémlmt inc:aupatibles entre eux.
AucLme "conquête" technique œjeure n'êchappe il la possibilité d'être
utilis& autrement qu'il n'était visé l l'origine, éUJCUI'JS n'est dépour-
vue d'effets laûraux. "tndësrrabtes", aucune n'évite d'interférer avec
le reste -eœœe, en tout OlS. pa.m,i celles que produit le type de
technologie développée en Qc:çident et qualifiée de aeme. A cet égard.
an peut con.c:lure avec Cornelius Castoriadis que "la pJissance accrue
est aussi. ipso facto. imp.ri.5sance accrue. ou mSme "lnti-puissance",
puissance de faire surgir le cœrrradre de ce que l' CIl visait" (2).
-------------------------
(1) L'utilisation d'expressions conme ''huDsnité occidental.", ''pensêe
occidentale" ne doit pas dissimuler le fait que l'idéologie en cause
ici est un courant de pensée prljpagé aux XIVe sièçle par les philo-
sophes et les sc:ientifiques et porté par la bwrgeoisie dont l'émer-
gence et l'expansion se r@alisent il cette époque.
(2) C. CASTORIADI5, R!flexions sur le "développement" et la "rationalité"
op.cit., page ZZ3

- - -~- -
- - - - - - - - - - - - - ----~._-
- 310 -
1.1.1.2. La réduction matilématiglle de la réalité et le
J!!Ytile euphorique de la croissance
Lr idéologie du prorris pose la Raison carme. sœveraine
alors que cette demdêre n r est qu'un me:ment Œ.I une dimension de la
pensée. De plus. elle entend par Raison la rationalisation et, la
Raison par excellence étant la mathématique, la rationalisation de-
vient synonyme de quantification. Le ratiClUllisœ occidental sur le-
quel repose l'idéologie du progrès est donc dooblement réducteur. Lui
correspondent des a.ttitu:les. valeurs et; ncnœs, une définition sociale
de la réalité et de l'être. de ce qui cl:q)te et de ce qui ne cCIlIpte pas.
Bri~vement parlant, ce qui compte dans cette conception, est ce qui
peut être compté, quantifié, lœsurf.
En effet, l'apprfciation du progrès se fait sONent â
l'aide d'indices de croissance et dt indâcateurs de niveau de vie • Deux
types d' in.stnmmts servent généralement :2 œsurer le progrès skes in-
dices synthétiques et les indicateurs significatifs. En ce qui concerne
les premiers, i l s'agit d'apprécier le niveau de vie 1 travers un seul
indicateur, exprimé dans \\.me unité monétaire haoogêne et ramené ~ la
moyenne individuelle. Ils c~-renne:ot notmllnent le pT'OdW.t national brut
(P.N.B.) par tête , le reverw par tête, global cu par catégories socdc-
professimmelles, cu par rfgians. avant ou après transferts et i..JrIpats
directs, la ctnsarlllELtion par tête (d'acier, d'ëtecœtcteë, d'autanobiles;
de rffrigérateun, etc ,} Les seconds sont des indicateurs diversifiés
exprimés en terses physiques dont le principe de la eesure rfsulte de
la constatation de l'existence de corrélatioos significatives entre le
niveau de croissance et certaines consCllllllltiCl'lS ou cenains ccmporterrents.
Sur ces bases, on apprécie le niveau de vie :1 travers un ''panier d'indi-
cateurs"penœtunt d' apponer une apprfciatiœ fondêe sur quelques élê-
ments quantitatifs (par ~le le naubre de ltIII!decins, de lits ou de
récepteurs t!lêphoniques par cent cu mille habitants, le taux d'analpha-
bétisme, le taux de dêlinquance urbaine, le niveau de pollution industriel-
le, etc.) .

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - _ . - - - - - - - - - - - - - - - -- --
- 311 -

Ce n'est pas le lieu ici de rappeler la foule de critiques
qu'appellent de tels concepts à la fois socialement \\'ides de sens et
dangereux (1). Il est cependant utile de souligner l'ambiguid de cette
a:pproche tenant à ce qu'elle cache sous une apparente précision mathé-
_tique. de nœbreuses incertitudes Quantit:atives mais surtOUt conceptuel-
les. Ainsi, certaines distorsions tiennent. par exemple, â l'illusion de
la ooyenne : un indice JDDyen peut cacher de profœdes disparités sectoriel-
les. t'égiœales ou sociales ; d'autres tiennent à l' ÎD\\'lossibilité de dis-
tingUer la part du Produi't ou du Revenu qui est. réellement consacrée à
_UareT le niveau de vie, donc. de l'approcher dans sa réalité quotidien-
ne, ce qui a comw.t â qualifier "d'indices 6cTanst1 les Indfcatecrs syn-
thétiques cités ci-dessus : en effet. ces iftCÜ.cataa&s qui cachent des si-
tuaticns extT@sœment diverses sous un indice monolithique font plus sou-
vent écran qu'ils ne tI'3dui5ent la réalité sccto-ëccnœaqœ,
un autre point important doit être souligné: le glissement
fréqueoment opërë par tous les utilisateurs des indices (tnëcrtcteos ,
planificateurs et surtout pouvoirs politiques) de la mesure il la nonne.
L'indice ou l'indicateur qui ne constitue au surplus qu'un outil staers-
'tique en SC1JVeIlt transfomê en objectif éconanique ou même en finalité
politique. Dès tees, le progrès ne Se définit pas par rapport à un état
dé:fini 8't d'fini'ti:f 4 at.teindre œi.s plut6t par la croissance des quan-
tités. Le progrès assimilé à la croissance quantitative devient un Dnl-
vemCln:t avec une direc'tion fixe, une ccurse sans fin. et. bien entendu.
ce JrDlNeIlIImt lui1ême peut êrre mesuré sur un axe oQ. les lleIbres du
corps social occuperatent à tout wtant, une abscisse l valeur crois-
sante.
(1) Pour plus de prêc:ision sur ce POint. se référer aux é'tUdes suivantes
Pâerre VERGES
''Une interprétation stI'\\JCtUrale des cœeosantes du
niveau de vie". Développemsnt et Civilisatic.ns n" 36.
Dêceabre 1968.
Pierre VERGES ; "Indicateurs socdaua et mode de vie".
ReCherche sociale n" ~Z. Juillet~~t '972.
Alain BIRDU : ''BesOUlS. iridicateurs de niveau de vie et développement".
I::ével~ et Civilisations n" 36, Déc.re 1968.
B. :-wmJRY et :-1. PELE::Sure dû mveau dë vie et de développemsn't".
Econanie et Humanisme n" 242. Juillet-Août
1978.

__
~---
- _ .
._ .._ - - - -
31 Z -
1. l . Z. De l'idéologie du progrès .1 celle du développemen't
1. 1. Z. 1. Cenrparatisme et définition du rood.êle de refErence
La "mythologie pt'Oductiviste" et l'idéologie du progrès
sene nées, cœee déj! indiqué , avec l'Emergence de l'occldenulocen-
trisme et de l'esprit de corqoêces qui l'a accaopagné. Or, la dêcccver-
te des autres pantes du monde a été égalesœnt, pour l'OCcident, celle
de cultures et dDnc de visims du u:mde différentes de la sienne. En
partiCJlier. i l a réalisé que le "progrès", l "'expansion". la "crois-
sance" n'éuien.t pas des virtualités inttins!ques. inhérentes à toute
société tu.maine. dent on aurait p.1 ccnsidêrer la réalisation (ac:'C.W.i-
sation) CCIIIDe inévitable, ms des propriétés spécifiques -et possédant
une "valeur positiverl - des sociétés occidentales. Aussi, l'OCcident
s'est-il défini et proposé comme modêle pour l'ensemble du monde. Il
devait affirmer qu r i l a.vai t dêccuve'rt le rœde de vie approprié pour
toute société huas.ine.
Ainsi, posait-on que les sociétés lXCidentales étaient
des sociétés "développées', entendant par là qu'elles étaient capables
de produire une "croissance euto-errtreteeœ", L'état ncl'UlSl d'une so-
ciété, ce que l'an cansidéTait cœme l'état de ''maturitl'' et que l'on
désignait par ce terme a.pparemmen~ a11an~ de soi • était la capaci~é
de croître indéfinimen~. Les aunes pays ee secdêtés ëeatere na'tUre1-
le!œnt considérés ccmme "arrfërës", mÏJ\\S lIIÛrS ou mins développés,
leur siD.la..tion canpe.rah1e à celle des pays développes à l'aube de leur
développement (Rostow) et leur problème principal défini ccmme l' exfs-
ten:.e d'obstacles au développement.
o'oü la diffusion à partir des années 50, d'une nouvelle
idéologie, celle du déve1"ppemeitt mettant en avant la nécessité d'ame-
ner ces pays à la
fameuse "'étape du dëcorraçe".

- 313
1.1.2. Z. Transmission de la. croissance. dualisme et dévelop-
pement iIldui t
La nouvelle idéologie se présente sous la. forme d'une
théorie de la "tœdemtsatdcn" concrê'tâsëe par 1.D'1e stratégie de nans-
Illissian de la croissance des pays dëvetcppës aux: pays sccs-dëvetcppës,
des impulsions internes relaymt et amplifiant ces impulsiŒlS externes.
Cette stratégie repose sur le transfert de capitaux et de teclmologies
devant pe:.ttre la crëat.tcn des conditian3 du "c1êcollage", la consti-
tution d'un secteur moderne et la transfonnation des sociétés pré-
existantes.
Consida!!!ra:nt que l'absence de croissance dans ces pays était
due à l'abs~e de croissance -ce qui n'est ~re une taUtologie. puis-
que la croissance est perçue coume un processus autceatalytique, en ce
sens qu'il suffit qu'Lm pays entre dans la croissance pour qu'il continue
de ~ttre de plus en plus rapidement-, on a posé que des tnjecctcns de
capitaux étrangers destinés ~ financer 1 finfrastructure lourde (ports,
chsmin de fer par aemple) et la création de "pôles de dëveioppesent''
étaient les conditions nécessaires et suffisantes pour les wmener ~ l'é-
tape du "ëëccrtege". En réalité. ces conditions ne se limitent pas U
car i l ne faut pas perdre de vue que la stratégie de la ''modernisation''.
CCllJllle l'idéologie du prcgrês sont ccnsubstancielles d'un système socdo-
économique particulier. le système capitaliste en l'occurence. Les con-
ditions du "~ollage" sont aussi celles de l'~lantation capitaliste
et, en fmt partie non seulelll8nt les investissements relatifs à la mise
en place de l' infTa:5tructummais aussi et surtout la transfonuation de
la force de travail et des produits en marchandises. Les divers systèmes
coloniaux: mis en place en Afrique. en Amérique Latine et en Asie visaient
la réalisation de ces conditions.
La. consti tu'tion du secteur moderne concerne en premier lieu
l'industrialisation. Cela tient d'une part au fait que la crcissaœe réa-
lisée par l'Decident est avant tout une croissance industrielle et d'au-
tre part au llI)'the de la société industrielle selon lequel les sociétés

- - - ------- - - - - - - -
• 314 -
qui ont atteint le stade industriel vont dès lors réduire leurs anta-
gonismes, leurs confli~ et ieurs inégalids extrêmes, assurer aux: in-
dividus le maxinIJm de bonheur que puisse apponer une scctëcë, en bref
rësœdre progressivement les problèmes sociaux et lilmIalns fondamentaux
qui ont pu se poser au cours de Fhi.noire. Quant à la stratégie d'in-
dustria.lisatial ette-eëœ, elle a consisté en une politique d' i.JDpoTt-
substitution qui peut se définir cœee "la subs'titution d'une produc.tion
nationale à l' importaticn de biens industTiels destinl!!s à sa'tisfaire des
demandes intérieures existantes et suffisamœnt amples déjl pour justi-
fier la ren'tabilité des investissements, ce qui signifie la production
de biens de censamoation manu.:fac'tU1"ds" (1). La we en oeuvre de cett.e
politique s' insère dans le processus de nêgaticn externe des contradic-
tions du DDde de production capi taÙste. Ce sont en effet les lilnites
rencontrées par les êconcmies capitalistes développées dans Ir ac.c:umula-
tian du capital et la .sup4riotid des opportunités de gains offertes
dans les ëcœœies sous-d!veloppée.s et les dIboI..chês que reprësencert
ces demfêres pour les pt'Oduits lII!uopoli tains qui ont call1llmdé l' îm-
p1a.lltation de ces industries. L'installation de ce t=ype d'industries
penœt aux capitalistes de reculer
les limites â l'ac.Cl.EIJ1ation du ca-
pital. m utilisant une main-d'oeuvre bon lIIoU'Chf et en s'assurant des
débouchés pour leurs produits, qu'il s'agisse de produiu intermédiaires
ou de produits finis.
La. transfo~tion des sociétés prëexrstanœs repose es-
sentiellement sur la IOOdBmisation de l'agricultun qui se fait soit en
instaurant de nouveaux systèDes agricoles, soit en DJJdifiant les syst.èDes
traditionnels. La. fonDe daDinante de cette lIOiernisation est la révolu-
tion verte : i l s'agit d'un processus visant â généraliser l'usage des
semences améliorées par une sélection génétique des plantes en fonction
de leur aptitude à utiliser l'énergie solaire et à profiter des subsides
fournis par les combustibles, les hauts rendeœnts et la maturation
----------------------------
(1) C. PALLOIX, L'économie mcndiale ca italiste et les firmes multi-
natl.
rot
ans,
1 ; ,
CIne ... page .J

-_ _
..
•..__. - ._.•...
- J15 •
précoce étant les caractéristiques essentielles des céréales obtenues
par ce processus. Cette modernisation vise principalement un double bat;
d'W18 part répondre! la demande alimentaire engendrée par la proléta-
risation liée! l'industrialisation et d'une manière générale au dévelop-
pement des rapports de production capitalistes ; d' autre pan permet-cre
l'accroissement du surplus agricole devant être mobilisé et investi
dans l'industrie afin d.e favoriser la crcdssance auto-entretenue de l' ëcc-
nanie sous-développée.
Le passage de l'idéologie du progrès à celle du dëvelcp-
pement ne correspond donc: en rien à un changement de contenu : dans les
deux cas, c'est la croissance qui est à la fois moteur et fin. Il traduit
par contre le règne d'un fonctionnalisme naH assimilant le développement
à un. êlargissement "missionnaire" du prcgrês , l'extension! l'khelle pla-
nétaire dtune vision du monde et d'une concepticm de la vie propres à une
cul ture (la culOJre occientale) et â une classe sociale (la bourgeoisie)
panio.ùières.
i .z. Crise du développement et incertitude paradigmatique
lIn des faits _ja11's de l'histoire éccnanique contemporaine
est que l'application de la stratégie de la modernisation n'a pas donné
le principal résultat qu'on en iWrait pu attendre. Plutelt qu'a un "dëvefcp-
peeent; i.ndui.t", c'est au "développement du sous-dévekcppeeent" qu'on a
assiste dans les pays sous-développés. Ce ph!nanène dont. on a essayé, au
cours de la première étape de cette recherche, de rendre cœpte dans le
cas précis de l'agriculture congolaise ne se limite cependant. pas aux
pays sous-développés. Conséquence de l'universalisation du modèle oc-
cidental, il affecte également l'Occident considéré comme dêvel.oppé.
C'est donc le phënœêne global qui a reçu le nan de "crise du dévelop-
pement" qu'il faut considérer. On va 'tenter , dans les lignes qui suivent.
de mont.rer d'une pan camœnt. toute explication de ce phénanêne qui ne se
réfêre pas au paradigme sous-tendant l'idéologie et le mythe du dévelop-
pement aba.J.ti t il la fo:rnRJl.ation dl alternatives qui ne s' ëcat-rerrt pas de

316 -
la logique dont on voudrait se soustraire et d' autre part que la "crise
du développesœnt" est en œme temps celle du paradigme proc:iw:tiviste et
que la solution de la crise réside avant tout dans la négation de ce
paradigme.
1.2.1. Carences explicatives et fausses altérités théoriques
1.2.1.1. Le système explicatif
Il n'est pas utile d' testseee sur les a.rgtJIœnu g&u!nlement
mis en avant pw.r expliquer le non-developpeœnt des pays scœ-dëvejcppës ,
arguments du genre "mentalités arriérées'. "résistance des structures
traditionnelles", "insuffisance des conditions du take-off". "conditions
écologiques défavorables", etc. De tels propos traduisent tout au plus
la pr±mitivité de ceux qui les tiennent. Il est par contTe intéressant
d'examiner les explications fournies par certains auteurs en réaction â
l'idéologie daninante.
On a vu que l' import-substitu'tion et la révolution verte
sant les canposantes principales de la stratégie de la modernisation.
A suivre des auteurs CCIDIle Samir Amin, Olristian Pa.lloix et autres adeptes
de la thi§orie de la d6pendance, la. p:JUtique d'import-substitution rea-
conereraft lm blocage dO. a deux facteurs essentiels. D'une part, l'im-
possibilité de reecnter le processus de p'l'tlduc:tion liée a l'ép.ri.sement
rapide dans L'ëccnœnie sous-développée. de la capacité d'abscrptdon de
capital et de secteurs de production dynamiques. c'est-a-dire ceux de-
vant produire les pièces détaehées importées ainsi que ceux pt'Oduisant
les machines nécessaires II la fabrication de ces pièces. D'autre part,
les bourgeoisies locales ne conscmnant qu'une part infime de la produc-
tion, l'essor des industries d'import-substitution dépend essentiellement
de la dema.nde intérieure des masses rurales et urbaines dont les revenus
sont tri!s bas. Aussi, le t.aUX d'expansion de ces industries, après ê;ui-
sement de la demande préalable. est-il limité, puisqu'elles n'agissent
pas sur les facteurs déteIJri,nant cette demande, notamment sur le niveau
du revenu agricole.

- 31i
Ce qui est en cause dans cette explication, ce n'est pas
le principe JIê:ne qui ccmmande l'implantation de ce type d'industries.
mais leur incapacité â assœœr la fonction que leur assigne ce principe.
Plus pTêcisément#: le vica premier de la politique d'UDport-substitution
est de ne pas permettre aux pays qui l'adoptent d' entrer dans la phase de
croissance auto-entretenue.
Quant il la deuxièDe composante, la révolution verte, elle
aurait échoué cu serait en train d'échouer il cause de la. faible capacité
des pap.ùations rurales il se procurer les moyens de produc.tion (engrais.
pesticides, insecticides. pétrole. etc.) , de la dépendance due il l' im-
portation de ces mayens et la polarisation sociale sur laquelle se fonde
cette révolution. Ici. ce sont les rapports sociaux de production (dé-
pendance vis-il-vis de l'impérialisme. ens tence d'une éli te "prerméable
au progrès" et constituée par les agriculteurs les plus riches. faibles-
se des revenus paysans) qui sont mis en avant. On ne s'arrête pas un ins-
tant peur se demander si l' êchec ne vient pas du conterai des tec.hniques
proposées (bien que plusieurs auteurs fassent allusion au ryùJne lent de
leur diffusion 11 ail les rapports sociaux sont trenaïorsës , par exemple lorsque
l'importation et la distribution des moyens de production se fait sous
l'êgide de l'Etat) et du principe fondamental qui conmande la mise en
oeuvre de cette révolution verte, et si technologie et rapports sociaux
ne constituent pas qu'une unité.
On retrouve le même type d'explications dans les analyses
consacrées il la crise du dëveroppeœne en Occident, en particulier dans
les critiques traditionnelles de la Gauche. On critique le système social
établi et le développement l'éalisê jusqu'ici non pas pare e qu'ils se
fondent sur une croissance d'un type donné, avec W1 ccntemi spécifique,
entraInant des conséquences hunaines et sociales déterminées (surtout
un sous-d!veloppement humain). mais parce qu'ils ne réalisent pas asse:
de croissance pour subvenir aux besoins de tous les membres du corps so-
cial cu parce qu'il s'agit d'un "développement pervers' cu "par inégali-
tés", en ce sens qu'il distribue inéquitablanent les "froits de la crois-
sance". Sur un autre plan, on se lamente sur les conditions de 'rravai.I
et leurs consêquences sur l'équilibre individuel et social sans s' inter-
roger sur le contenu de ce rravaak , c'est-A-dire, une iois de plus, sur
le principe fondamental qui le définit. le détermine et le façonne.

- - - - - - - - - - - - - - -
- 318 -
En conclusion, ce système expliçatif. malgré l' &PPJrt impor-
tant qu'il représente pc1U" la déaysthification de l'idéologie dallinante
et pa.U" l'orientation de l'action. reste insuffisant parce qu'il ne va
pas au fond des choses J ne soumet pas à la critique systéDatique le pa-
radigme qui sous-tend l'idéologie et le .mythe dgnioants du dëvetoppeœne.
l.Z.l.l. Approches alternatives du développement et per5i5~
tance du paradigme pTCductiviste
Les analyses q,Li viennent d'·~tre expœëes ont conduit divers
auteurs à formuler des stratégies alternatives. Deux d'entre elles sem-
blent avoir exercé et continUent d'exercer une rëene fascination dans
les milieux tiers-mondistes sans paur autant. que leur adoption et leur
application se soient génêralisfes.
Il 5' agit dl abord de la stratégie des "i.ncUstries industrtali-
santes" défînie par le prcresseur G. Destanne de Bernis (1). Le nne en-
erarnene, JlIOte\\lT QJ passif jϑ par certames industries dans quelques
pays (France, Mexique, GJinée, CameraJJ'l) amène cet auteur à considérer
que certaines industries " industrialiJent" alors que dl autres n' indus-
trialisent pas. Ces industries indust'rialisantes sont définies CCDlDe cel-
les "dont la fonction konœique fondamentale est d'entTa1Der dans leur
environnement localisé et daté un noircuseaent systématique (JJ une 1IlO-
dification s-tructurelle de la matrice inter~i.ndUstrtelleet des trans-
fomations des fonctiœs de production. grâce à la mise à la disposition.
de l'entière kouanie d'enseoiùes nouveaux de machines qui accroissent la
productivité de l'un des facteurs ou de la produc'tivité globale et, en
tout cas, un accroiss58Ilt de la maitrise de l'haIme sur sa production
et son prodJ.itU (Z).
(1) G. DESTANNE. DE BERNIS, "Industries indu.strialisantes et contenu d'une
politique d' Intëgratdcn
régionale'
Economie Appliquée. Tame XIX, nO 3-4, 1966
(Z) Op. cit., page 419

- 319 ~
Ces indus'tries acraterrt 'trois caractërasctcues principales.
D'une part, elles sont de grandes diJœnsions, ce qui excjut que, sauf
except ton, elles ~issent être cons'trui.tes dans le cadre de pays isolés
en d'autres tenues, une industrialisation rapide doit pour se réaliser.
s'inscrire dans le cadre d'une politique d'intégration régionale. D'autre
part. ne peuvent figurer w rang des industries industrialisantes que cel-
les qui se situent dans le secteur des biens de product Ion, Ces industries
rendraient plus indépendant le pays en voie d'industrialisation dans la.
mesure oü il pounait choisir seul son rythme de fabrication dl capreat
en termes réels et dens la toeSJre où la ma!trise des preedêres phases dl
processus de production permettrait une utilisation plus rapide du pro-
grës 'technique et une adaptation plw rigoureuse aux constellations lo-
cales des dcrmëes nawrelles. Enfin. toutes ces industries sont hautement
ou très hautsent capitalistiques Cl).
La. stratégie des industries industrialisantes se veut une
rêponse aux dilE!JlDes souvent rot'Illllés à prcpcs des pays scas-dëvetoppës
"dfvelappement par l'industrie OU dfveloppement par l'agrieulture"
;
"création d'industries ou am/!liontion du niveau de vie de la population".
Les industries industTialisantes moderniseraient l' agriOJl ture en permet-
tant des "progrëa en outillage" (outillage agricole propreeerrt dit,· en-
grais, matières plastiques, ciment, etc.) , à condition qu'il y ait d'abord
ou siJll.ù;tansumt "progrès ou ora:anisation". c ' eat-ê-dfre "TemOdêlation
des sttuet:ures de production prêa1able à toute iDtroduction de technique
naJvelle"
(2) (scolarisation, alpha.betisation. amf1io1"ation du système
de sand. transfonnation des st'ructures et des rapports sociaux prë-
existants. etc.) . Ces mêmes "progrès en organisation"
penœctraierrt déjâ
un accroissement de la productivité agricole et dOnc un accroissement de
la production de biens de consommation d'origine agricole et une élévation
dl niveau de vie.
(1) Art. cit., page 42i
(2) Art. cit .• page ~40

- - - - -----~-- - - - - - - - - - - - - - - - - -
- 320 -
Ainsi, l'implantation d'industries industrialisantes dans
les pays sous-développés permettrait 1 ces derniers de ''brOler un cer-
tain. naobre d'étapes" et dv'env'isager de t'attraper les pays dêvelo~s"
(1). Remarquons d'abord que le fait que ces industries soient définies
par réfêrence au dêwlopp8Dent réalisé par l'():cident entraîne deux
sortes de consêquenc.es : d'une part l'adoption de cette stradgie êqui-
vaudrait 1 pousser plus loin l'universalisation du mdèlc occidental et,
d'autre part, les pays développés étant mieux placés dans la conception
et la mise en oeuvre des industries de pctnee (puisque c'est de cela
qu'il s'agit), les pays scœ-dësetcppës se trouveraient engages dans
la "course sans fin" et "l'illusion asymptotique" d.êjâ évoquées. le
"rattrapage" ou "la rêdw:tion d'brts" (C. Palloix) apparaissant de
plus en plus mythiques.
En cutte, cette stratégie semble viser l'élêvation du ni-
veau de vie. ce qui. cœpte-terw de ce qu' on a dit plus haut sur ce
dernier concept mêle son caractère quantitativiste et rêductiormiste.
Or, ce qui apparaît dans sa fo:rmulation, c'est que l'élêvation du niveau
de vie. trot çaame l'accroissement de la productivité, qu'ils résultent
des "progrès en orgwsation" ou directement de l'implantation de ces
industries, est recherch6e avant trot parce qu'elle permet une acoêlé-
ration du processus d'industrialisation devant engendrer 1 9OJ1 'tOUr
"l'autonaDie" du pays et d'autres éléva.tions du niveau de vie et de la
productivité qui favoriseront de nœveau l'accélération du processus
d'industrialisation et ainsi de sui te.
On le voit, i l s'agit, en implantant les industries indus-
trialisanteS de faire entrer le pays qui adopte cette stratégie dans la
phase de croissance SlltD-entTetenue, c'est-à-dire illiJoitée. en est
dore pas sorti de la mythologie productiviste dont se nourrit le para-
digme du même nan.
(1) G. DESIANNE DE BERNIS, art. cit., page 42~

- - - - - - - - - -
Jl1 -
Une construction théorique analogue Se retrouve chez Samir
Pmin bien que les fondelœnts diffèrent quelque peu. Cet auteur part d' une
analyse de la "nouvelle division internationale dlJ. uravai I" (1) devant
succêder 1 celle de la première phase du système impérialiste qui s' est"
temdnée par la vtctofre, dans les pays sous-développés. du trWJUVe'IIIe'nt de
libération nationale sous direction bourgeoise. Cet ordre économique in-
ternational. nouveau résulterait d'une nw@ruÜ.cation de la bourgeoisie des
pays sous-développés qu'an peut" rfsuner de la. façon suivante: imposer
un relèvement ,réel des prix des matières premières exportées par ces pays
poJr disposer des IIDYeru5 supplémentaires penoettan't de fou:mi.r par l' im-
parution des technologies svançëes, de financer une I1.OUV'elle étape de
1t industrialisation caractérisée par l'exportation massive ven les cen-
tres de produits lIl8nUfacturês par celles des périph.4!ries qui bénéficient
des ressources naturelles favorables et d'une main-d 1 oeuvre abondante il
bon œat'ChE (d' cü la -revendication de l'accès aux lIIlLrchés des pays dévelop-
pés poor ces produits industriels).
La revendication en question, si elle aboutissait, ne cons-
ti'tuerait en rien, selon S• .Amin, une nouvelle étape le long d'une ligne
de développement conduisant progressivement à un êpanoui.ssement de for-
mations capitalistes achevëes , analogues â celles des centres développés.
Cela tiendrait au fait que la nOI.Müle division du travail, se fondant
sur l'expoT'tation par la périphérie de produits manufactur~s .l bon marcJ1.é
perpr!tucn.it et aggraverait l'échange i...nêgal, "le développement du système
mndial resterait donc fondamentalement inégal, la demande externe reste-
rait la force DDtrice iJIIpulsant ce type de développement tcujours dépen-
dant et, dans ce cadre de la. dépendance rëacvëe , le retard de l'agricul-
ture devrait aussi se perpëcœr'' (2).
(1) S. ;.MIN, "Dêveloppement autccenerë, autonOmie collecti~ et ordre
éconanique international nouveau : quelques réflexions".
in L'Occident en désarroi ~tu:res d'un orystème ëccnc-
~. Dôsner seue la ccc
tuen dé XâVler GlŒFFE et
JeiIi='"Loois REIFFERS. Bordas. Paris. 19i8.
(Z) S. AMIN. op. cit., page lïl

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- 322 -
A cette perspeçtive offerte par la nouvelle division inter-
nationale inégale du travail. â lêKl'Jelle on SOl.lllet les strat!gies int.er-
nes des pays scus-dëvetoppëe , S. Amin oppose celle d'un développement
national, autocentTé et populaire reposant sur la dl!marche Inverse qui"
consiste 1 définir d'abord les objectifs internes et l soumettre les re-
lations externes aux exigences de ce développement, quitte .1 "distendre"
considérablement les rapports avec le systi!me impérialiste lOOI\\dial.
La 5cratêgie correspondant li. cette nouvelle perspective,
stratégie que l'auteur qualifie d"'authentique, l la fois d'indépendance
nationale et de progrès social" repose MdemDent sur l'industrialisation.
Les distorsions caractérisant les pKys sous-développés et la dépendance
renouvelée dans laquelle ils sont, enfe'l'mfs viendraient. selon lui. de ce
que d'une part"! l'inverse des pays du centre où la !'évolution agricole
a précédé la révolution industrielle. les pa)'! de la périphérie ont impor-
té la seconde sans avoir amorcl! la première étape" et d' autre part; "l' in-
dustrialisation du Tiers M:mde n'a pas ëeë envisagée pour servir au pro-
grès de l'agrtculture ; l'îndustTie y est parasitaire, au sens qu'elle
nourrit son a.cCLIILÙ.ation en ponctiOl'lrWlt le monde rural sans contrepartie
soutenant le décollage de l'agri<:Ulture" (1). La solution consiste dês
lors ~ "renverser la vapeur" (2) en agissant dans deu:x: directions :
- "articul..
un secteur IIIJdeme de l'industrie 1 rénové dans
ses orientations de base, au secteur des peti tes industries rurales qui
permettent de mobiliser directement les forces latentes de progrès ;
-"ptaŒlUVOir la collectivisation rurafe , meme ~ un niwau
faible de développement des forces productives. et non la fonne de l'a-
griculture privée mêIœ remdelée par une réfoTlDe agraire radicale. C'est
à ces conditions seulement que le progrès de l'agriculture -qui doit
d'abord rattraper son retard historique (3) pourra financer une indus-
trialisation saine. dl!gager un surplus vivrier capable d'assurer L'un-
dépendance nationale" (4).
(1) Ibid., pages 173 à 174
(2) 1"5!a'., page 173
(3) SëüITgné par nous
(4) S. AMIN. op. d t •• page 194

- - - - - - - -
- - - - -
- 323 -
On retrouve ici, comme dans la stratégie des industries
indlJstrialisantes, le mythe industriel caractéristique du pa1"aàigme
productiviste. Le progrès de l'agTiculrure. l'élévation du niveau de
vie. l'àmiHioration du mrxle de "vie, bref le d6veloppment (même si on
laisse ce concept dans le flou) ni apparatt possible qu'avec l' industria-
lisation. L'agrio.ùrure industrielle semble êere considérée cami!! la
seule fotme cl.'agrieulmre progressive, de 1IêDe que la société industriel-
le semble repris enter l'unique cadre d'un genre de vie supérieur.
Mais il Y a autre chose : la référence constante. dans les
deux straUgies 1 au développement réalisé par l'OCcident, référence at-
testée par l'utilisation fréquente de tenœs CCIIIDe "retard" et "rat-
trapage". On s'oppose à la strategie daDinante. non peur faire autre
chose. mais peur faire ce que le $}'Stême capit.aJ.iste r6alise mal dans
les pays qu'il daIrine. C'est ce que traduit l'epxl'ession "renverser la
vapeur". On constate que le déwloppeml!J1t capitaliste s'effectue dans
les pays sous-développés dans un sens inverse de celui dans lequel i l
s'est réalisé au "centre" (processus de "d&'eloppeœnt" entamé dans les
pays sous-dêvel~s directement par la "l'évolution industrielle" impor-
tée au lieu que ce soit par la ''rfvtllution agricole" cœme en c\\:cident).
La tendance étant l l'uniformisation, on propose tout simpleœnt d' inver-
ser les données du problème et le processus lui-éle (c'est-à-dire de
reprendre, en les Inveraant , les données déjl Inveraêes par la s'tratëgde
i.mpérialiste. du dêvelClpJd1l!Jlt de l'Occident) ce qui rerient tout sim-
plesœnt à realiser le meièle occidental.
De plus. bien que S~ Amin prëctse que l'industrie remodelée,
au sens ail il l'entend. ne peut trccver ses modèles techacfogdques ni
dans le passé technologique. ni dans les technologies actuekles du cen-
tre (1). le "transfert de technologie" est rejeté ou rekeguë au second
plan par lui non pas d'abord à cause du contenu de ces technologies, mais
paree que le problème à resOlJdre est l' Inverse de ce qu'il fut au centre .
(1) Op. cit .• page 174

324 -
~tans enfin que ces strategies ont beau être conçues en
vue de servir les intérêts des masses populaires coame le clament leurs
auteurs. ou raisonne dans cette conception non pas ;l part.ir des problè-
mes concrets auurue1s ces masses se trouvent confrondes.... ni de leur vi-
sion du ccnce, mais à partir de "secteurs" et "d'industries" ''modernes'',
â
partir de "s tructures ëconcedqœs".
t .2.2. Les ~vianœs révélatrices de tendaru::es
1.2.2.1. Hypertrophie technique et at!Ofitie de la base
L·i.dAe sous- j acente dans les lignes qui précèdent es t que
tout système explicatif qui se fonde sur l'analyse des macrostruetures
et se limite à elle est forc;Ement tronqué et aboutit nécessairement â
la formulation de fausses alternatives. Vouloir expliquer la crise du
développeœnt en se tenant par exemple l 1'analyse du système .impl!ria-
liste ou ;} celle des phénaDl!œs cœme l'ossification ou l'e:ncla.vement
du milieu rural, l'insuffisance ou le blocage de l'industrialisation,
la dcmination de l'agrio.1lture par 1'indu5trie. ne peut amener qu'A des
positions mécaniques du genre: "l'imptria1ÎS1111l!! fait dans les pays sous-
développés l'inverse de ce qui s' est passé en OCcident : donc. i l faut
Inverser le processus pour remettre les choses .l l'endroit". Il faut .l
notre avis panir de la bue -base culturelle et base naturelle. êco-
Iogdque--, saisir .l ce niveau les lIIiU1ifestations concrètes des phénanênes
étudiés pour rEIIIm1ter ensuite la chaine des déterminations jusqu1aux pa-
radigmes sur lesquels se fondent les stTadaies aén!ratrices de ces phê-
nϏnes ,
Les manifestations les plus criantes de la crise du dévelop-
pement sont incontesublment les dâvers fléBl.J:[ souvent évoqués pour
caractërdser le sous-développezœnt : famine, analphabétisme, haute IOOr-
talité infantile, grandes endéDies, faiblee productivite! de la terre et
de l'homme qui la travaille, etc. Si on s'interroge sur l'origine et les
causes profondes de ces fléaux, on se rend vite cœpte qu'ils résultent

- - - - - - --~--------------- - - - - - -
- 325 -
de la destruction par le systême capitaliste des éqUilibres antérieurs
et,de l'impossibilité, due A la domination ûnpérialiste, pour les popu-
lations de surmonter ces fléaux. Cette ~55ibilité est liée, pour la
grande ma.sse des producteurs drreccs , à la dépossession croissante de
leur autonanie, c'est-à-dire à la perte grandissante du pouvoir de fina-
lisation. du pouvoir décision et du pouvoir de centrale et à la polari-
sation. centralisation, concentration de ces pouvoirs entre les maiLs
d'une élite. Un regard sur les pays dits développés révèle que les pro-
ducteurs directs de ces pays sont eux-aussi victimes de cene déposses-
sion, ce qui peut Sembler aller de soi, puisqu'ici et là-bas, c'est le
système capitaliste qui œl1e le jeu. Mais si on se rappelle que dans
le sys'tèDe agricole lignager qu'on a étudié, les producteurs directs
di.sposent d'une certaine marge d' autonanie bien qu 1 ils soient sClUlJlis
eux aussi à une daDination et à une exploitation de la part d'une élite
dirigeante constituée par les "aînés" et les chefs des lignages. on est
amené à chercher plus loin la cause profonde de cette dëpcssessdcn et.
par voie de consêquence, celle de la crise du développement.
Or, l'étl.l:ie de l'altTiOJlcure capitaliste implantée au Congo
a mis en évidence ce phénanêne de dépossession en le liant à l' appauvris-
sement et la mécalùsation du travail et de la vie résultant d'une part
de la spécialisation fan.d6e sur le principe de la correspondance entre
structure et fonction et. d'aune pan de 1'unifotmisation des fOnDes
d'organisation, de production, de ccœœeetdcn, de pensée, bref de 1'00-
moa:énéîsation socio-o.llnIrelle et dvilisationnelle née de la réduction
matMmatique de la réalité, c'est-à-dire du rationalisme réducteur dont
on a VU qu'il constituait, avec les IDyt.hes du progrès et de la. crois-
sance, le princ:ipal fondement du paradigme productdvts'ee, C'est donc
avant tOUt à ce paradigme qu'il faut imputer la crise du développement.
Cette dernière assertion peut se vérifier sur un
autre
plan.
Une manifestation également importante de la crise du dévelop-
pement est constituée par les dégradations causées aux ëccwsrëees et
à la biosphère aussi bien dans les pays développés que dans les pays

~_.-
-
-----_.
- 326 -
sous-développés. L'analyse la plus courante rapporte ces dégradations
4 la recherche par les capitalistes du profit maximum et IIUX besoins
d'accl.lllJlation du capital. La nécessité d'accroître sans cesse la pro-
ductivité du travail et du capital pousse les capitalistes 4 mettre en
oeuvre des ncuvel Ies technologies. L'application de ces technologies en-
gendre cependant des effets ëëvaseeeeces impliquant des ceces que les
capitalistes ne peuvent pas prendre en cceaœ sous peine de voir leurs
profits baisser. Raisonnement cohérent et juste mais insuffisant, puis-
que les problèmes relatifs .1 la dégradation des écosystèmes ccns'tatës
dans les pays capitalistes sslent se poser de la IIÎ!llIe manière dans les
pays où les rapports de production ont été transfotmés par la révolution
socialiste. Le mérite revient l Barry Cœmoner (1) d'avoir mentr! que
la critique de l'usage capitaliste de la science s'avère ~fisante
pour rendre caopte des causes et des origines de l' échec de la techno-
logie dans le daDaine écologique. Selon cet auteur J le fadscc écologique
de la technologie lII:ldeme est une conséquence de la nature fragmentaire
de ses bases sl:ientiiiques et de son i.ncapaci té .1 appréhender globalement
le systême sur lequel portent ses interventions.
La prat.i.ql.» sdentifique daDinante repose en effet sur la
nécessité de faire coincider la tIche partiOJlière qu'une technologie
doit accClDplir avec certains secteurs bien dflimités de la connaissance
scientifique et technique. Cette nkessité est due au <:loissonnsent des
disciplines sdentifiques résultant de la croyance que la seule façon
d'at'teindre la compréhension d'un syst!me cœptexe est d'envisager sépa-
rément les propriétés de chacune de Se3 panies. D' autre pan, les tech-
niques sont conçues pour résoud.re des problêmes particuliers et isolés
et ne prennent pas en amsidfration d'inévitables "effets secondaires"
qui se produisent du fait que, dans la nature, auame partie ne se trou-
ve isolêe de la trame écologique d'ensemble.
(1) B. aMOŒR. L'encercleœnt. Problêmes de survie en milieu terrestre.
Së~I. Par~s. 1972

- 327 -
A la racine de la crise écologique on retrouve la fallace
de la sl!parabili tE ëvcquëe plus haut. Encore une fois, c'est le ratio-
nalisme reduç.teur et donc. le paradigme productiviste qui explique la
crise du développement.
1.2.2.2. Pourrissement du paradigme et nécessité de la
nEgation
La crise du développement 'revêt; Inccrrtestaakeaent; une di-
mension phénc:ménale. l'atrophie de la base ~l'hypert:rophie technique
qui la caractérisent concernant directement l' existence phênanénale des
scctëtës, la vie des individus. Sa nature est cependant double : c'est
une crise 1 la fois phénanênale et générative. Elle est générative dans
le sens 00 elle affecte les structures gênératives qui assurent l' auto-
perpEtuation des sociétés, c' eat-â-dfre l'ensemble des rêg les , princi-
pes, IlO:nDeS qui camoandent l'auto-organisation et la reproœctton sociale.
L'inquiétude et l' incertitude ne concernent plus seuleJlleI1t
les JMladieS du système, les excès du productivisme (caractère pervers
ou inégalitaire du developpement, cOTlSalID8.tiormisme. etc .j , mais le sys-
tème lui-mi!me et les paradigmes qui le sous-tendent. La crise du dévelop-
pement, c'est aussi l'effondrement des "pos-tulats et des significations
imaginaires
"
ccrrespcndantes, l' ~ranlement des insti tutions incarnant
ces significations.
L'idéologie du progrès, p.1Îs celle du développement avaient
praai.s le bonheur et la plénitude mais 1 la mythologie du bonheur a suc-
cédé une probfëaatdque de l'existence (cœment affronter la faim, L'anak-
phabétisme. la haute mortalité infantile). S'il n'est plus possible de
reveni.r aux équilibres existant antérieurement dans les sociétés aujour-
d'hui socs-dëveioppëes , on ignore tout de la façon dont on pourrait ten-
dre vers de nouveaux équilibres.

- - - - - - - - - - - - -
- 328 -
La critique et la rEforme du dêveloppeueut se déplacent de
plus en plus du dcma.i.ne de l'Evaluation matérielle 1 de l ' univers tech-
nique et ~ysique oil eUe s'est caaplue jusqu'ici pour se situer au ni-
veau de l'Evaluation sociale, ecrate, curecrei.te, coume le IIIJntre l'uti-
lisation, de plus en plus courante, de tenDeS tels que lOOde de vie, bien-
être, qualitf de la vie, etc. ~ dêvelappement. tel qu'il s test effectué
jusqu'! lMintenant. est de plus en plus perçu camœ un déplaisent indê-
fini, infini. sans fin (aux deux sens du ece fin). La crci.ssance était
conçue non seulement cœme le producteur. mais <:alIDe le rEgulateur inter-
ne du développement. son feed-back négatif roajeur, son principe d'ordre
et de subilid.. La concevoir o::mœ un phénomêne exponentiel, camœ c ' est
le cas maintenant, c'est la concevoir cœme un feed-back positif, ''une
énorme déviation se développant an nm""BY de façon quasi explosive" (1) 1
c'est donc la concevoir désormais aussi caIIlICI lm principe de désordre et
d' insubilité.
Ce qui se dévoile en fin de I:ompte, c'est la nécessité logi-
quement in!luct.able de renoncer il l'idée rEductionni.ste qui. fusait de
la. CTOissanc.e industrielle la panacée universelle Ou dêveloppement an-
thrcpc-socdaf, Ce qui en ic:i en c:ause n'est pas simplement 1 "'êccnani.e
de lII8.rché" et le "c:a:pitali..slDe privê", mais le "rationali..s:llle oc:c:idental
rëcccteur", car la négation des valeurs c:apitalistes suppose avant tout
c:elle des paradigmes sur lesquels i l s'appuie, en partiaùier c:elle du
paradigme prcductivis'te.
(1) E. l>IJRIN. "Le développemen't de la c:rise du développement", in Le
Mythe du développement. op. c:it., page 254

- - _._._--_. --~--------
- 329 -
~~~!~_~
~~g~!!2Q_~~~r!~_~_e!~i~=.E!~~~!i~!~!!_!!_!!!!~~!!!!QQ
~_cg}~~A=_~~!~~~!_
La no'tion de dEveloppo!lllW'n't, a:prè!l l'analyse ~i vient d'en être
faite, çpsrait bien incertaine, obS01Te. mythologique et pauvre. Faut-il
l . . . . . . . . pour autant ? NoJ.s ne le pensons pas. car ce que l'analyse a
voulu mettre en évidence, e-ese ce que cette notion avait jusqu'alors à la
fois de mythologique, de rfducti.onniste. de tII1tiU et par cons4quent de
DIltilant. Et, c'ese de cela qu'il faut la dëbarasser ,
Il s'agit dcnc. d'abord de -res'tructnrer et de refornuler le
concept de développtmtnt. La tentation est grande, de procéder ~ une
s~le inversion du paradigme produe:t.iviste en posant que puisque le para-
digme productiviste SO\\.JIœt le dévelopPement qualitatif au développement
quantitatif, le dfveloppement social a:u développement êconamique. le dévelop-
pement humain au développement technologique et à la croissanc:e, i l faud:rait
"renverser la vapeur" et subordonner le quantitatif au qualitatif, le
dêvelappeœnt éconcmi.que au dêveloppalEllt social, le dêvelappeœnt technolo-
gique et la croissance au dfveloppement }urBin. l!ais cette inversion ne
peut avoir de sens que si l'on sait ce que .sant le dével~ement social et
le dêvelappement humain.Or. si on peut. il partir des expériences réalisées
jusqu'ici se faire une idh sur le dêveloppeaEnt technologique et le
dêvelappement kancmic{ue. les notions de dêveloppement social et le
développement lltInai.n sont toujours creuses et vagues. On ne procêdera donc
pas ici il une telle inversion. On va par contre essayer de définir les
difflrents axes dans lesquels le concept de développement peut être restruc-
turf.
Z.l. L'ascêse conceptuelle
L'exercice concepU1el auquel on va 5~ livrer ,se j~ti!ie par
le fait que nous scmnes persuadés des possibilitês de dêveloppemetlt...,

- 330 -
de l'hCIllœ et de la. sccrëtë (1). Nous d1oisissons de nous sitl.l!r. dans
cet exercice, au niveau.
réflexif des cenc:epts de secœïd erdre, c'est
à dire qui ~liquent toujours une 1'kursian de l'objet (le dêveloppeneut)
au sujet (l'hcmœ, la scctëeë) , denc qui nkessite l'introductian du
prefixe auto. Le concept central, le <:onœpt clef sera dene auto-
-
- -
développement. On tentera d.'abord de le dlfinir pour le ccnfrcnter en-
sui.te aux concepts et approches se situant dans La ~ ligne thëcr-ique,
2.1.1. Le om.œpt QI auto-dfwloppeœnt
difinition et ÎJ!!?licationa
tMorigues.
2.1.1.1. Nature et finalid de l'auto-d!veloppement
,
L'orientation dloisie exclut Mdemumt la rMuctiQf1 de la
nature du développement au ''passage de la prégnance des sercceures A
leur em:hainement prtl~$3iif" (2)00 au "faisceau Ge transfomaticns
dans les sencnœes IIll!Dtales et iDstitutiamelles favorable A une
croissance auto-entretenue" (3). Non seulement ce type de dlfinitions
ne ponent pas avant tout sur l'l1alIœi et la société et sont de ce fait
tronquées et llIrtilantes. mais elles sant descriptives et non cœcepeœtj.es ,
Le concept clef, avalS-nous dit, doit être auto-développeœnt.
Exami.n.ons d.'abord le sens du IOOt dlveloppement pOUT ensuite voir ce
qu'implique le préfixe "auto". Le sens donnf au DIOt dive loppement pour
Cl) Bien que nous reconnaissions avec Ed.gard. M'RIN, qu'an vit sur une
notiDn êtriquée et pauvre de l'hcmœ et de la societe. nous ne
ressentons nullement, ccrrrrafreeent A cet auteur, "le besoin urgent
d.'une théorie de l'hortll'e" et de la société" (op. cit .• page ZS9) pour
nous livrer li. cet exercdce cœcepeœt,
(2) J . .3J..JSTF.11'f. Le Scand.a.le du dévelappe1Jlmt, ëd. Marce! Rivière et Cie
Paris. 1972, page 100.
(3) F. PERIDD:. ''Qu 1 est-ce que le développeœnt ?". Revue Etudes, Janvier
1961. page 16.

---~---~~-~~~-
~---_.~~~-
331 -
est souvent tirê de l'observation des ph!nCllllêne$ biologiqœs. Un crganîsae
'biologique se dêYeloppe lorsque se produit l.I1e Uevatian et \\.ne extension
"de ses unitês CClIlStit._tives (raci.ne, tronc, bnmches,. feuilles s'il s'agit
d 'tm arbre ; IœDbres fonctims, 5' ils' agit d'un animal). Ce'
dêvelop-
pement s'effectue en gênêra.l dans l'hanaùe totale des parties et
correspond en fait l. un êpanauisseœnt des potentialids de l'organisme.
Le teeœ développem:nt Evoque donc la mise 1 jour et le dêploieœnt de
ce qui Etait cacbë, l'explicitation de œ qui Etait i..q:llidte, contenu.
La nature du dê""loppement apparaît diis 101'5 ceaaœ le passage du virtuel
au riel, du potentiell l'ac:tuel et le ci.twloppement anthropo=social
peut se dêfinir caIIII!I l'actualisation ou la l"Ealisatim des potentialitb et_
des virtualidsdes IŒ!lD'I'eS du corps social et de la sociEtE erie-eêse,
Le dfwloppement ~lique une prise en considfntion de la bese-cneureï ïe ,
naturelle - c'est! dire de ce qui est latent dans lm. groupe (sa langue
son teDpêlBüD!ilt 1 sa culture. san autancmie, les facul th intellectUelles,
physiques et spirituelles des individus qui. le CClIpOSeI1't), et·.qui. doi't
êere _lioTf.
Ainsi défini. le dfveloppetœllt implique la dêfinition d'une
nome
appartenant.l l'essence de ce qui se dfveloppe. De lIlême que
l'organisme qui se développe progTeSse·,wn 5& 'mturitê Il biologique,
le dlwloppeuellt anthrcpo-social s'explique par le fai't de poursuivre
une fin, DCD. pas en tant que ''no:nœ na'tUrelle de l'@tre cansi~rElI (1)
lIl8is c:DIIIœI nonœ socialement ~te:rm:inêe. Or, qui dltermine la nonne
au sein d'I.ne seetëeë ? C'est ici que le prEfixe "auto" prend de l'~r­
ténce • ApprEhender le dfvelappem:m.t ant:h.rcpo-social carme un auto-
dfveloppeuent c'est considlrer la fixa.'tian de la.finali'tê du dfveloppeœn't
cœme relevan't des individu5, des groupes sociaux et de la socdëtë
concernés. De ce fait, l' auto-dfve loppement es t avan't tout une auto-
--------------------------
(T) C. CASTORIADIS, ''Dêwloppement et Rationali të", in le ~tyt:h.e du
dêveloppemen't - op. ci't. page 212.

- - - - - - - - - - - _ . --- ----- - - - - - - - - - -
- 332 -
finalisation. Il faut cependant prëctser qu'en réalité 1 i l ne peut être
question d'une fiDalitf du dfveloppeueut snthropo-social, mais plut6t
d'\\m faisceau ou d'une hién1rchie de finalités, dans laquelle la finalité
inférieure est un royen d'o:éc:uticn de la finalid de rang supérieur.
COIJIDe le souligne Yves BARéL. "dans un syst_ vivant la ou les finalités
de rang supérieur sont i.nddtetminfes et variables : dès lors i l se
peut, i l est même indispensable, que certaines des finalités de rang
inférieur saient précises et invariantes. Qœ1s que soient .Ie contenu
et la variatian de la finalité supérieure ou finalité libre, les finalités
inférieures ou finalités Hëes doivent être réalides ll (1).
Dire auto-déwlappeDm1t signifie dœc: détetmination des
fins et de leur hiérarchie par les individus et iTOLPes ccncemës •
Cependant, cette recherche se voulant en partie normative, Œl va s'essayer
~ la fO'IIIlÙ.aticn de ce qui, selon nous, doit ëere amsidfré CCIlIII!l la
finalitêi libre du déwloppement anthropo-social. La conception du
déwloppement mise en avant id place l'hOllllle au centre de ce dêwluppezœnt
Or l'hcDme est un être matériel, plœa' dam un océan de matière et
entretenant des relations avec lui·1Ilê:Ire ainsi qu'awc les autres êtres
lT"atériels. C'est sur ces relations qu'à notre avi.5, doit porter en
premier lieu le d6wloppesœnt snthropo-social. Aussi, faisons-nous de
·l·amlHiol"3tion du rapport humain à la matière la f.i.na.lité première de
l'311to-développementt finalité incantestableœnt ouverte.
2.1. t , 2. Approche et app-réciation du processus
La première implication de la c:onception qui vient d'être
exposée cœcerœ la maitTise théorique des phénanèles liés ! ce processus
de changement social qu'est l' au'C.o-d6wlcppeml!Il.t. Concevoi r l'auto-
(1) Y. BAREL - Le rapport hUl!'lai.n A la matière, tome 2 ; sociétés contem-
poraines, rapport! la matière et travail
Recherche écologie du travail
Action ccocereëe DGRST-IPEPS...QlRS
Juillet 1976, page 212.

III
MveloppeDent COIlIIB un processus d'actualisation des potentialites
individuelles et sociales visant l'am6liannon du rapport hu:nai.n 1
la· matiaTe s1.1'POSe qœ' les prcble.œs et les phênallênes qui 5 'y ratta-
cl1.en:t soient abord6s en tenœs de systèlœs glcbaux.On peut reprendre
ici. ,en la systêmltisant, la IDI!thode utilisée pour l'l!'tUde du sysdœ
agricole lignager, 1 savoir l' approche êcologique qui ni est qu'une
partie de 1t approche systEmique.
Le rapport 1 la atiêre étant lIl. enseuDle COIlplexe. ccm-
prmumt au DJ:)ins deux plUes (1 'hc.ame et la nanrre) , le cadre concepcœt
proposE est œlui des interrelations entre ces deux systèmes i10baux
et S't'IUCturllis que sont. le biœphare (en tant qu'enseatlle des f:cosyst!sœ5
partiels) et la seetëeë (cm tan:t qutenseœte des, systê'mes sociaux parti-
OJliers). Ces relations dialectiqœs sont 1 la fois quantitatiws et
qualitatives, sous leW"S aspects madriels , énersétiques, infonna:ti.on-
nels ou syuboliques.
L'aspect ma:tEriel du rapport hl.lrllin l la matièTe concerne
le tnYai!. Ce demter peut s'analyser caqœ me d!pense d'Energie,
qui petmet d'apporter au sysdme social tme quanti té de ma:ti!Te,
d'énergie et d'infomatian égale ou supérieure l celle qui a été dtpen5ée
pour assurer la reproductian du sySt.!lœ, sa stabilisat.ion et effectuer
ce travail. L'ens_le matiare/ênergie est. utilisé pour reproduire la
force de tnvail (ressources aliment.aires) d'une part et pOUl' pe1'1Det.t.re
la crfat.ion d'lm. surplus (1 partir des _t.iares preaüêres) en ,~t..;mt
l'efficacité de la force de travail humaine. La atiare et l'&lergie
sont cbtenues en effectuant me catëgcrâe de travail souvent qualifiée
de travail productif qui correspond 1 la llIise en oeuvre d 'm feed-back
positif ou feed-beck de croissance et. Sl.qt..el on oppose le travail dit
~roduct.if au sens où il ne participe pas directement l la croissance
du syst!lœ, mais .l la stabilisation. des stl'UCt~s sociales. Cette
dernière catEgorie de travail correspond 1 la mise en oeuvre d 'm feed-
back dgatif ou de stabilisation, sa fonction étant d'assurer la régula-
tion du syst!lœ social.

- - .---- - - - - - - - - - - - - - _ . _ - - ._- - - - - - - - -
- 334 -
Il ~orte de souligner que le travail, 51 i l représente le
rapport madrid. revêt cependant un doib'le cantem; . Il est il lOt fois
extériorisation im:ttuœntale et activité intériori..sante. L'ind~orisa­
tian, en tant qu'actim du producteur sur lui.-lIêœ)estce qui donne nais-
sance au savoir faire inccrporë penœttant aux pTOducteurs directs de
œnserver une certaine marge d'autonaaie en dêpit de l'exploitation
et de l' assujetissement politique qu 1 i.1& peuvent slJbir.
L'aspect matériel. S)'1JiJolique ou infonoationnel du rappoTt
.l la matii!re ccnœme les sciences. les techniques. les religions,
les jeux, la politique, etc. Cet ensemble infOrmationnel sert globalement
dans la. mi!me perspective que l'ensemble matériel et ênergftique, il
améliorer les conditians de reproducticn de la force de travail et il
augsentet- sm effic.ad té. Mais i l sert aussi A assurer l' 6quillbre
psychologique et social des individus (grâce aux activités religieuses,
aux rites, aux idêologies) et d'une I!l8l1itte gfnérale la. stabilité dynamique
du système socia.l.
Dês lors, la mai trise thêorique du processus d' auto-
dtveloppeœnt peut se faire .1. tTawrs une mdêlisation sociale dœrt
nous pt'OpOscm l'approche mfthoàologique ponant.sur les points sui-
vants :
1. Stroc"tUration des deux aspects du rzçport il la matii!n qui viennent
d '~tn 6voqub (travail et 5yÙ)olisme).
z. Analyse de l'infrastruçture : diversitE écologique et structures
de produation, articulation des sttuc::tures productives ;
3. Organisation et contenu du travail: temps de travail, dialectique
de l'int6rioriS8tion et de l'extEriorisation ;
4. Flux de matièn et d'ênergie ; nature du préli!vement. i.Iq:lortance du
préli!venent net

- 335 -
5. Répartition. affectation et mode d'utilisation de la mati~re
et de l 'ênergie prélevées sur les écosystèmes et la biosphère;
6. Conséquences sur la reproduction de la force de travail et
des écosystêmes
7. RaIe du symbolisme dans la détection et la prise de conscience
des potentialités individuelles et collectives
8, RaIe du symbolisme dans la stabilité dynamique du syst~me :
équilibre entre feed-backs positifs et feeQ-bacKS négatifs.
Tels nous semblent être les principaux axes de la mo-
dllisation ou de la théorisation de l'évolutio~ interreliée des
systèmes sociaux et des systèmes écologiques et au-delà, du
processus d'auto-développement.
La deuxième implication théorique de la conception
du dévèloppement définie ci-dessus COncerne l'appréciation
du processus dl auto-développement. Les considérations qui
précèdent nous permettent d'énoncer les critères suivants. sur
lesquels doit reposer cette appréciation.
On dira qulil y
amélioration du rapport humain à la
matière chaque fois que l'auto-re~roduction sociale sera marquée
par les tendances suivantes :
1. Procès de travail caractérisé par une domination de l'inté-
riorisation sur l'extériorisation
instrumentale ;
Z. Diminution du temps de travail;
3. Baisse du prélèvement net de mati~re et d'énergie favorisant
la reproduction des fcosystèmes ;

- - - - - - - - - - - - --_ .._--------------
- 336 -
4. Prélèvements de matière et d1énergie affectés a la satisfac-
tion des besoins exprimés par une proportion sans cesse
croissante de producteurs directs
S. Systè~e symbolique global de plus en plus favorable a l'équi-
libre psychologique et social des producteurs directs.
On voit donc que l'auto-développement relève beaucoup
plus de qualitatif que du quantitatif. Mais on ne peut pas s'en
tenir ~ l'énumération des critères. car le plus im~ortant, c'est
la définition des conditions ~ermettant aux producteurs directs
de s'engager dans ce processus. Avant de tenter cette définition
il convient de rendre compte des conceptions du développement
proches de l'auto-dEveloppement.
2.1.2. Auto-développement et aDDroches voisines
2.1.2.1. Le "développement a la hase"
Il se dEfini t comme "la prise en charge, partielle
ou totale, par les communautés ou les groupements de communautés,
de responsahilitEs et d'actions directes correspondant ~ leurs
besoins 9ropres, aux prioritEs qu'elles apprennent a étahlir en
prenant progressivement conscience des prohlèmes qui affectent
leur niveau de vie et leur bien-~tre" (1).
Cette stratEgie r~sulte d'une remise en cause des
politiques dans lesquelles trop d'importance avait Eté donnée
a la croissance, et pas assez a l'homme, considErE comme
(1)
s , SrCAULT. "Le dEveloppement "au ras du sol", revue Tiers-
~onde, Tome XVIII. nO 72, Octobre - dEcem6re
1917, page 10S.

- - - - - - _ .
337
l'''objectif ultime" du dë ve Ioppemen t • Elle s'oppose également
aux politiques se limitant à faire participer les populations
aux programmes décidés à l'Echelon des capitales, quel qu'en
soit le champ d'application. L'objectif qu'elle vise est de faire
surgir les initiatives des populations, de les faire agir
directement pour améliorer leur propre sort. Sa mise en oeuvre
revêt essentiellement la forme d'actions décentralis!es. con-
crètes, ! l'échelon périphérique, celui des communautés villa-
geoises ou urbaines. Elle est rendue possible par l'utilisation
d'un personnel choisi par la communauté, formé et recyclé sur
place, et devenant partie int~grante et moteur de ce dévelop-
pement.
Z.1.2.2. L'écodêveloppement
Le mot écodéveloppement fut lancé par Maurice Strong
en 197Z à la conférence de stockholm. A l'origine, l'écodévelop-
pement se voulait une stratégie de développement, fondée sur
l'utilisation judicieuse des ressources locales et du savoir-
faire paysan applicable aux zones rurales isolées du Tiers-
Monde. En quelque sorte, l'existence des vestiges d'une êconomie
traditionnelle écologiquement équilibrée fournissait à ces
régions une occasion de ne pas s'engager dans la croissance
déprédatrice des ressources et du milieu, de récuser les modèles
venus da dehors et plus particuliêrement capitaliste et socia-
liste.
Mais en 19ï4. une interprétation plus générale et
plus riche du concept d'écodéveloppement a été formulée au
Symposium sur les modèles d'utilisation des ressources tenu
au Mexique. La déclaration de Cocoyoc, adoptée par les parti-
cipants insiste sUr la nécessité d'aider les populations à

- 338 -
s'éduquer et â s'organiser en vue d'une mise en valeur des
ressources spécifiques de chaque écosystème pour la satisfac-
tion de leurs besoins fondamentaux. De Il. il n'y avait plus
qu'un pas â franchir pour postuler, comme le fait le Rapport
"Que faire ?" (1), un développement enr\\ogène et dépendant de
ses pr cp r e s forces (self-reliant). soumis 1 la logique des
besoins de la population entière et non de la production érigée
en fin en soi, enfin conscient de sa dimension écologique et
recherchant une symbiose entre l'homme et la nature.
L'écodéveloppement n'est pas un retour en arrière.
Bien au contraire, "il se veut un outil de prospective et d'ex-
ploration d'options
de développement remettant en question
les tendances lourdes qui prédominent actuellement" (2).
2. L 2.3. Participationnisme et autosestion
Le participationnisme rev@t des formes différentes
selon qu'on se trouve dans les pays sous-développés ou dans
les pays développés. Dans les pays développés, il s'a~it
surtout d'une participation des travailleurs à la prise de
décision au sein de leurs unités de production. Dans les pays
sous~développés il s'agit de susciter la participation des
populations 1 la réalisation des programmes décidés par les
experts internationaux ou par les gouvernements locaux. Le
problème fondamental qui est â l'origine du participationnisme
en milieu sous~déve1oppé est celui de l'appropriation culturelle
(1) Que Faire? Rapport Dag HammarskjOld, LlPPSAI.A
,1975
(2)
Ignacy SACHS, "Ecodéveloppement : une ap~roche de planifi-
cation", Economie Rurale n 124, mars-avril 1975.
page 17.

339 -
du changement technologique qui est "la ma i t r i se par le svs t êrae
socio-culturel dans son entier, 4ui permet de rendre l'innova~
tion intelligible" (1). Les 'tenants du participationnisme con-
sidèrent que la prise en charge du changement technologique ne
peut se faire que par la participation intfrieure sur quoi se
fondent l'intelligibilité et l'intfgration de l'innovation aux
objectifs sociaux propres du groupe. Ce processus implique une
constante éducation non pas comprise par référence A des con-
ditionnements externes mais par rappor't aux ~ersonnes composant
le groupe.
L'autogestion !leut se définir comme "la gestion
directe des unitfs de production ou d'une collectivitf par ceux
qui y produisent ou y vivent" (2). Elle repose sur l'idée d'auto-
détermination. Elle suppose l'appropriation collec'tive des
moyens de production et la constitution de groupes autonomes
de producteurs, de consommateurs, d'usagers et de citoyens.
Elle implique enfin la prise de décisions ~ tous les niveaux
directemen t ,
Z.Z. Les conditions de l'auto-d~veloppe~ent
application
~ l'agriculture congolaise.
Le plus important, avons-nous dit, est la définition
des conditions de l'autod!veloppement, bien que la négation
théorique du paradigme dominant et la dffinition de crittres
alternatifs du développement s'imposen't comme première ftape.
(1) Roland COLIN, "Poli tique de participation et déve Loppeeen t
technologique", Dévelopoement et civilisations
n" 49-50.
septembre/dfcembre 1972, page 16
(Z) J. ATTAL!.
L'anti-économique, PUF, 19 75, page l41.
x, GUILLAUHE

- - --~-- -----------
- 340 -
On va tenter de définir ces conditions dans le cas prEcis du
développement rural au Congo en prEcisant d'abord les données
du problème et en essayant ensuite de saisir les dimensions
économique et politique.
2.2.1. Les données du croblème
2.2.1.1. L'économie extravertie
Le développement des rapports de production capi-
talistes s'est accompagné, comme on l'a vu. de la perversion
corollaire des rapports sociaux préexistants. L'implantation
capitaliste supposait d'abord une restructuration de l'espace
qui s'est traduite par l'enclavement du milieu rural engendrant
des disparités régionales. La restructuration de l'espace
supposait à son tour la dénaturation des rapports fonciers
marquée par l'aliénation de la ~erre et ayant pour conséquence
l'apparition de la rente diffErentielle e~ la tendance â un
nouveau découpage social en milieu rural caractérisée par une
différenèiation en lignages riches (ceux possédant des terres
situées â proximité des voies de communication) et lignages pau-
vres. La mise en place des rapports de production capitalistes
supposait ensuite une transformation du système des besoins
et le recul de l'autosubistance. ce qui s'est traduit par
l'adoption du mod!le occidental de consommation â des degrés
divers par l'ensemble de la population.
Le phénomène dominant. au niveau global, est
cependant l'ossification
du milieu rural. La cause pr Inc i.pa Le en
est l'exode, la fuite des éléments les plus jeunes et les plus
actifs/liée â l'articulation du système lignager avec le système

- - - - - - - - -
341 -
capitaliste et résultant de l'insuffisante réorganisation capi-
taliste des campagnes. Le contrecoup de cette fuite, c'est à
dire l'apparition d'une forte demande alimentaire urbaine exerce
une influence très relative (compte tenu de l'emplacement des
centres urbains et de la 9Buvretê de l'infrastructure de trans·
port) et accentue les différences entre les régions.
Les cultures d'exportation n'ayant pas été développées,
le marché urbain constitue le débouché essentiel de l'agricul-
ture. Les bas prix payés aux ruraux, du fait de la faiblesse
du pouvoir d'achat des citadins et de l'échange inégal ont pour
conséquence une faiblesse extrime et générale de la productivi-
té du travail agricole et de la terre et les revenus ob~enus
ne permettent guère d'envisager une accumulation conséquente.
Si l'accroissement de la demande urbaine entraIne une augmentation
de la production, et surtout des échanges, c'est, l producti-
vité et mode d'organisation constants, essentiellement grlce à
une augmentation du temps de travail et un accroissement des
surfaces cultivées.
La faiblesse des revenus oblige les citadins à
développer l l'intérieur et autour des centres urbains une
certaine activité agricole qui aboutit rapidement à la
dégradation des sols et
l la disparition des espèces animales
(overfishing du stanley Pool).
Après les déboires rencontrés par les exploitants
pTivés, l'agTiculture capitaliste est essentiellement représen-
tée par des fermes d'Etat dont les activités concurrencent
de plus en plus celles des ruraux et qui sombrent malgré tout
dans un ceTtain marasme économique. Les différentes unités
de transformation des produits agricoles qui ont été implantées,

- 342 -
loin de constituer des débouchés pour le5 produits locaux, sup-
priment au contraire les dEbouchés préexistants en modifiant
les modes de consommation de la population.
Enfin. des formules d'encadrement rural et un impor-
tant mouvement coopératif ont été développés dans les régions
approvisionnant les centres urbains surtout, mais il n'y a
rien qui ressemble, dans les différents groupements, â une
forme d'organisation autonome des paysans, puisque le5 produc-
tions ainsi que le 5yst~me de commercialisation leur sont impo-
sés.
2.2.1.2. Les avatars du système lignager
Nous avons laissé le système agricole lignager dans
un processus de régression caractérisé, par la perversion des
rapports sociaux et la décadence des techniques, mais il n'est
pas mort pour autant. tes rap~orts l1gnagers ont conservé une
bonne partie de leur vigueur, en dépit de leur utilisation et
de leur appropriation au service des ra~ports marchands.
En effet. ni les mentalités. ni la logique, ni la
rationalité lignagares n'ont disparu. En ce qui concerne les
rapports fonciers par exemple. il n'existe pas au Congo, malgré
l'apparition de la rente différentielle et de la ~ropriétê
privée de la terre, de prolétaire libre de tout moyen de pro-
duction. puisque tous les
éléments extraits du milieu rural
gardent la co-propriété de la terre de leur lignage d'origine
et peuvent s'y installer à tout moment.
ta persistance de la logique lignagare se manifeste
également sur le plan de la division du travail et de l'utili-
sation du temps libre. La division sexuelle des tâches s'est

- - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - . _ - -
meint,nue e1: sr.et mA~. ranfore'_ dens la masure a~ la plupart
da. tlch•• ou d.8 ectivit4. nouvall •• ont 4t4 con'i'•• eux
hom. .s. "-lg;4 l!utili•• tion da la part juaque lA soua-a.play'.
da la force d. trevail ••• culine par la syetA.e capitaliate
(a.gricultur- de plantat.iDn,. pay ••nnata, caap4rativ•••_ industria,
etc,) 1 •• ho. . . . diapa •• nt ancara dena de nombreux ville9'. d.
beaucoup d. temPI libre (l).
2.2.2. Le l.madel.tian de. '1:19&1:91'"
prqductive.
L1eato-d4vlloppe.,n1: •• t
irr,.lisable '1 l'en.emble
d•• Itruc1:u;•• 'conomiqu•• r •• tan1: branch'"
8ur l',xt'rilur.
Il •• t conditionn' an premier lilu par llur ori'ntltion ver. 1•
• ,ti.flction d•• b•• ain. intern•• d. li formation 10Cill••
L. d6v.lapp••ent .gricol• • t d'une meniAr. g'n6rela,
la d6valoppe. .nt rur.l .ont aouvent .ubardonn6. eu d'v.lopp.~nt
du merch6 intern., et c.lui-ci .u doubla proc•••u. d'urb.nia.tian
et d'indu.tri.lieatian (2). Cap.ndant, an a vu que malgr6 un.
induatrialia.tian non n6,lig.ebla . t l'exietene. d'un. farte
d."nd. eli.enteire urbain., 1. monde rural •• carect6ri.ait par
1. pauvr.t' et un. cert.in. atoni•• C1 •• t qua la domin.tian
e.erc6e p.r 1•• vill• • • t l'indu.tri• •ur l'.,ricultur• • •plcha
1. d6v.lopp.m.nt de c.tte derniar••
------------------
(1) S.lon un• • nqult• •ff.ctu'. par R. DUMONT (L'Afriqu. noir •
_.1
•• t
p.rii., Sauil, Paria 1973) dan. un village d. plan-
t.ur. d. ca 6 et d. cacao pra. d'EWO dan. la cuv.tt. cango-
l.i~.f l'hom.a .dult. con.acr.rait an _oyenn. A ~aa planta_
tion. ,. haur•• par aamain., plus un. haura 'ux culture.
vivriar.a, 1. r •• t. du t.mpe 6t.nt con•• cr' a la ch •••• , 1.
plch., la cu.illett., a qualqu• • •ctivit6. non agricolee
(conatruction ou r6per.tion de. c •••• ) meie .urtDut eu.
viait•• aux vai.in. at aux loiairs (d.n •••• j.u., etc.).
(2) R. 81LAZ, "T.chnolagi• • • t .tr.t'gi•• d. d'velopp.mant
.gr.ira-, Tior._Mond., Ta•• XIV n D 54, avril-juin
1973.

- 344 -
Le merch' n. p.ut pa., ~ notra avis, constitu.r
1• •oteur principal du dtv.loppe~ent anthropo-soci.l. Maie
l'euto-d'v.loppe.ent n' •• t pa. synon~. d'aut.rci., que ce .oit
au. micro-niveeux ou .u niv.au d. la 10rm.tion eoci.le, L'.uto-
dtvelopp••• nt.e.t n.c ••••ir. . .nt un prac•••ue ouv.rt au •• i bien
au plan d' 1. 1in.li•• tion qui' celui d•• structur•• con.titu-
tive., Le. individue . t l.s group• • • ntreti.ndront 10rc'•• nt
d•• r.l.tion• •v.c d'.utra. individu. et d'.utree group, •
• pp.rt.n.nt , la ~••• 10rmation .ociale ou , de. 10~.t10ne
.oc1.1•• d1ff'r.nt••• C' •• t pourqu01 noua r.1.onn.ron. en t.~.
de erieri"
.yx ',h.ng.' in'r' et inter-r'gionay! p.r r.pport
.ux 'ch.nge. int.rnation.ux. Cette po.ition •• ju.ti1i. d'.utent
plu. qua l'un d•• princip•• d. l'.uto-d'v.lopp.ment, co." on
1. v.rr. plu. loin, e.t la diy.;.it' . t qu., d. tout. façon,
toue le. group• • • t tout.. la. r'gion. n. p.uv.nt p.. e. livr.r
.ux m'm.e production••
L. d'velopp••• nt d.. 'ch.ng.. intr• •t int.r-r'gio-
n.u. suppo.e d'.bord qua 1. p.Y. eoit d'eencl.v'. Plutet que
d'.ngloutir d• • •om.'. 'nor-.e dan. l' ••• de tr.n.it . t
d"vacuatioft, 11 canvi.ndr.it, d.n. 1. cedr. d'un• •tret'gi.
d'intr.v.r.ion d. l"cono.i., de d'velopp.r 1. r •••• u d•• voi.a
d. co. .unic.tion intr. et int.r-r'g10n.l•••
L. d'v.loppe ••nt d. c.. 'ch.ng.. .uppo.. 'g.l.~.nt
1• •i ••• n plac. d• •tructur.s co . . .rci.le• •olid.e . t .fficac.s.
Un commerce int.rn. n. p.ut r'.l~eGent a. d'v.lopp.r qua ai l'on
.'.tt.qu. fr.nch ••• nt ,ux fir. . . comm.rci.l.e priv'.' qui
d'ti.nn.nt 1. monopole d•• importation. at d• • •xportations. Cn
p.ut 9"tonn'r d'autre p.rt, d. l'opportunit' d. plu.ieure
argani•••• ,t.tique. d. co~.rci.li•• tion d•• produit. agricole.,
.li••ntair• • • t d. prs.i.r. n'c•••itt, loraqu'on s.1t par .~.mplf
que 1•• v'hicul.e d. l'ONCPA pertent g'n'r.l ••ant vide. var.
l'int'ri.ur du p.y• • t r.viannent plein., tandi. que ceux d.
l'CFNACCM p.rt.nt cherg'. at revienn.nt vid •••

- 345
A cet' d. l'intrsv.reion 'conomiquB dent la d'fini-
~on d•• diff'r.nte •••• r'.ult. d. l'an.ly •• du made de fonction
n.ment .ctu.~ . t de l"'conemi. t en p.ut 'nancBr d'autras
conditions d. l'auta-d'v.lepp••• nt d'ceulant • le faia d. la
d'~init1Qn m'.s ds c. ~oncspt at da cartaina princip•• d'orqe-
niaation et d. at.bilit. du .y.t~•• agricol. lignag.r.
Il faut d'abord pr'cl.ar qua la n'gatian du par.digma
praductivi.t. n8 eignifi. pee ebandon d. tout. activit' produc_
tive. L'a.'lior.tion du r.pport • le .ati~rs .u~~osa la djv.lo~­
p••ent d.a forcs. ~roductiv.'t • condition d. n. p•• perdra d.
vu. que la prami.r. dae forcsa productiv.e qui doit .'auto-
d'valopp.r •• t l'ha••• st que 1. d'v.loppamant d.e autr.a forc.s
producti~. doit Itra eubordonn' • cst auta_d'valapps.snt.
Si an analysa l'auto-d'valappa.ant comm. un proca.aua
non e.ule.ant da tr.n.for. .tian . .ia eu •• i d'adaptation au~
syat~.ss .cologiquss. on sat .man' • con.id'r.r qu'il doit rapoae
eur l'utilisation d.a r •••ource. loc.lee . t on rejoint ein.i l'un
daa princip•• fond ••• nt.u~ d. l"cod'velopp••• nt. Cele impliqua
1. pluralia.e technologique et la diver.it' d•• atructuree de
preductien.
Mais le nsture M'" de l'auto-d'veloppem.nt impo.e
que cette div.r.it. eoit ramen'a au niv.au d. 10 co.p~sxit' t.lla
qua noua l'.von. d,fini. an introduisant catte rach.rche. En ce
sanat .11. signifia ;ompl.~ant.rit' at int.qration da. div.raea
structura. de production. Ell. lignifi. aurtout que le aystlme
tachnologique fonctionna sur deux princip•• _la an 'videnc. dans
l'etude du ayat ••a agricol. lignag.r ~ .aveir 1 connais.anca.,
outillaga et proc'd'. technique. • la porte. de toue lee produc-
t.urs di:ec~e . t int'gretion daa connaie.encas sur la mati~r••

- 3_6 -
L'.gricu~tur. 1ndu.tri.~~. (tout co. . . Itindu.tr~)
fonctionne aine1 qu'on l ' . vu, aur da. princip•• total. . .nt
appas'_ pul.qu·.lle na •• dlvaloppe qua ~r.c• • la .'par.tian
croi••• nta d•• concepteurs et da. ax'cutanta. Ella n'. donc pa.
da place dan. un. etrat'gia d'.uto-d'v.lopp.~.nt.
Un. tendance technologique qui n'. rian • avoir avec
un quelconque retour au p••••• '.et d'valopp'. ca. dar"i':••
ann6•• an r'.ction au caractl:• •'e.nique da l'agriculture et
de l'induatria do.in.nt••• Il a-agit d'un an •••bla d. technolo_
gi•• fonctionnant aur da. princip•• ai_ilair• • • caux qu'on
vient d"noncar et qui ont reçu 1_ nom d. ·bio-t.chnolo;i.~ et
la tendance .11.-••••• pour no. la -biologie.tian da ll'cenomie~
~e bielogie.tion e. d'velo pp. en r'ectiAn • le _'cenie.tien et
• l'ertifici.lie.tian cerect'rietiqu•• du ey.t••• 'cenA.iqu• •t
t.chnAlogiqu. do.in.nt. L. bielegi•• tien 'cenomiqu. r.pe.. .ur
1• •euci d'adm.ttr. d•• Itre. viv.nt. et d. f.ir. jou.r d••
prec••• u. d. la •• ti.r. viv.nt• • l'int'ri.ur d• • •y.t. . . .
t.chniqu.. .u li.u d. _is.r eur dee ey.t•••e technique. conçue
et conetruite enti.re. . nt ou preequ. de mein. hum.in.e et
ertificialle. . nt ieel'. da leur cente.te neturel.
C'.et .n .gricultur. qu'.pp.r.i••• nt pour l'in.t.nt
1•• m.nif••t.tion. 1•• plu. import.nt•• d. r.l.v. du .'c.nique
. t d. l'artifici.l, p.r 1. bielogiqua . t 1. -n.tur.l-. Sur 1.
plan aimpl••• nt t.chniqu. l'.gricultur. bielogiqu• • • d'finit
d'.bord "'g.tiv.m.nt par un r'fl••• d. m'fianca at da raj.t •
l"gard daa .ngrai. chimiquaa et dee pe.ticidee dont l'utilie.-
tian intanee • poe' et contin~. • poeer de gravae probl.m••
(1) C'aet ici qu'apperai
------------------
•• ant un. fo~le da probl•••e (apprApri._
tian technologiqu., cr'etivit'. formetion, apprantia.age,
etc)
que naua aborderone den. des recharch.a ult'riaur•••

- - - - - - -------- - - - - - - - - - - - - - - - - -
3<li •
6colagiqu••• CamMe technique positive, l'agriculture biologique
.e pr' •• nte comma une th'orie et un_ technique alternative. de
le "ounitura d•• plant••• L'id'. centrale· de l'agriculture
biologique •• t qu'il faut organi•• r le for.u1. le plu. riche et
1'.· plu. 'quilibr6a d. nOLlrriture de. plant•• en COMbinent l.~
apporta .1n'. .u. et organique., c'e.t-A-dire pratiquement an
mettant fin au monopole da la nourriture min'rels pretiqu' par
l'agriculture mll6cenique (1).
Si an opte pour l'agriculture biologique et d'une
meni.re 96"6r.1. pour la biologie.tian de l'6conomi•• c'e.t-l-
dira ei on tourna cOMpl.t••• nt le dos' l'agriculture indue-
trielle .acenique, on e'aperçoit que le refrein de l'induetrie
(d.e induetriee indu.trbli~.ntee) deVint d'velopplr l 'Igricul-'
ture ln lui fournils.nt trlct.url, engrlie, peeticid•• , ineecti-
cide., Itc, ee vidl totlle•• nt dl eon •• n•• Le .yth. d.
l'accrai~.em.nt d. 1. productivit' obt.nu n.c•••• ir••• nt p.r
l'indu.tri.li•• tion l''v.nouit lui au •• i c'r il convient d•
• oulign.r qua l'.gricultur. biologiqui n'. p•• un. productivit'
.oindr. que l'.gricultur. ind. .trillli. Un c.lcul d. bilan
'n.rg'tiqu. t.ndrait d'.ill.ur. a .ontrer 1. cofttreir••
Da. 10r8, . i 1. n'c•••i t ' de l'indu.tri. lourd•
••prim'e d.n. le. th'ori•• t.n.it ~i.pl. . .nt a •• cep.cit'
d l.ccro1tre 1. productivit. d. l'egricultur. Ifin d " l " ' r
en.uit. 1. niv.eu d. vi. de. rur.ux, c. qui devr.it permettre
.ncare d'.ccro1tre le productivit', .tc, .tc, on voit qu'on
p.ut r.l'gu.r a l'erriar. pl.n dan. une .tr.t'gi. d'.uto-
d'v.lopp.~.nt qui •• ttreit .n Ion clntr. le biologie.tion co.m.
moyan d· ••• lior.tion du r.pport hum. in a li m.ti.r•• L••
indu.tri•• agricol •• et . l i••nt.ir•• t.ll•• qu'.ll.s ont !t'
-----------
C1} Pour un• • n.ly •• bllucaup plu• • pprofondi., s. r'f'r.r a
l'int.r•••• nt. 'tud. J.n DESSAU . t Yv •• 1. PAPE -L'agricul_
tur. biologiqu., critique t.chnologiqu• • t sy~t.m. social~,
IAEP, PU&, Grenabl. 1976.

- - - - - - - - - - - - - -
.. 348 -
an8~y8.8S sur notre champ d'6tude, c'est-~-dirs de_ industrie.
d'im~Drt_.ub.titution. n'ont pe. non p~ue leur pla ca dana un•
• trat'918 d'auta_d'valopp••• nt.
Quant au' type dtunit'" de production corra.pondant
~ catte 8tr.t'918, le .y.t.~. coopjratif r •• ta mal;r' tout la
mode d'organi •• tion la plu. apte. par•• ttr. la d'valoppamant
rural en mima tempe Qua l'auto-d'valoppamant da. producteurs,
a condition qua 1•• caop'rativ•• aoient 1. produit d'un_ d'ci.lor
et d'une organi •• tion 8utono•• da. pay •• n. et non la f.it d.
l'Etat ou d'arq.ni.~•• internationaux. L'auto-d'tarmination .t
l'8uto-o:'98"1•• t10" pay •• nn•• n. peuvent pa • • • nar • l'8uto-
djvalopp. . . nt ai la pouvoir 'tatiqua r •• t • •ubordonn' .ux
int'r.te cepit.lietae, bien qu'ell• • •oient un _oy.n de r.mia.
en ceue. de l'apperei~ d'Et.t n'o-coloni.l.
2.2.3. L. d!m,r.ion politique
On , vu plu. heut qua l'euta-d'v.lopp.m.nt .et .v.nt
tout une auto_fin.lia.tion. Vayon' d'un peu plue prt. 1. eigni-
fic.tion . t laa i.plic.tion. d. c. dernier concept.
Auto-finelia.tion eignifi. autonomie dan. 1. fixa_
tion da. fine. Cel. euppo•• d'abord la pg•• ibilit' da choi.i;
.ntr. plueieure alt.rnativee, m.ie 'u•• i . t aurtout le lib.rt'
d. choieir, c'aat-a-dira la pouyoir dl d'cid.; de ce choix.
M.i. 1. ou lee fin. chaieiae ne le eont que p.rc. qu'elle.
doiv.nt Itr. r'alie'e• • t c.tt. r,.lieation n' •• t po•• ibl. que
. i elle set contrel'•• En ce aana, l'auto-finali•• tion .uppoe.
'galem.nt un pguyoir d. cont;Ol,. ~l.uto-d'v.lopp.ment ••t donc
dlabord un probl.~•• d. pouvoir (pouvoir d. d'cieion, pouvoir
de contrel.). Meie pouvoir d. qui. vi.-a-vie de qui 7 Pouvoir
pourquoi 1 Pour r'pondre • ca. qu.ation., on va .x.min.r un ca.
concr.t li~ .u fonctionn.ment du eyet.~e .gricol. li9neg.r.

- 349 -
On • vu qu'.ussit~t spr'. a~oir ·d'cou~art· le
Con90, 1•• portu9aie y ont introduit une foule dl ••p~C••
~'g'tale• •t .• niaalee venu•• d'A.6rlqua. On a vu '9ale.ant que
d. tout•• 1•• aaptc•• introduit.a, c leet le ••niac qui a 1.
plu. rlvalutionn' 1. made de via daa population. tant par la
rapidite avac laqua lIe il a 'tA adapt', par 1• • •odification.
qU'il. impo•••••ux habitudea .limentaira. que p.r la fait
d'avoir .arqu' 1•• r.lation. intar-ethniquas (1). Laa sourc••
docu. .ntetz•• dont an • pu di.pa.ar • ca auj.t randant ca~pt.
d. catt. r6volution technique at culturelle due a l'introduction
du .aniac .ana .n pr6cieer le. cau••• profonda •• Pourquoi le
~anioc a-t-il 'tA adopt6 si rapida.ent 7 Qu' •• t ce qui lui vaut
la pra.iare place qu'il a pris. dan. la r69ime alimantair. 7
A quai tient .on i.pact cultural 7
On a tant6 de r6pandre au~ deux prami.r•• quastiona
a• • • ttent .n ••• nt un cartain no.br. d. con.id6ratione li'.a
aux propri't6e de l'a.paca (facilite d. culturs, productivit',
61av'., r'colt. 6tal'• •ur plu.iaur• • nn6 •• , etc). Ca. conaide-
retions na per•• ttent pa. da r'pondra a la troi.iam. qua. tian
pa. plu. qu'.ll•• n. conatituent da. veritablae rApan••• pour
1•• d.ux pre.iar••• Tout aU plu., peuvant-slla. conatitu.r d••
hypoth •••• , . t an p.ut bi.n sOr .n e•• ttra d'autr••• On peut
suppoaer, p.r .~e.ple. que catt. e.ptca v'getal. fut l'incar-
n.tion du be.oin de mod.rnitl expri.1 p.~ 1• • •auv.~ain. Kon9Dp
d'a~ .on imp.ct cult~r.l .~r la. eutree athnies. On p.ut
egal. . .nt .uppDe.~, CO". le ~ait P.P. Rey, q~a du fait d. s.
facilit6 d. culture, l'adoption du ~anioc 8ngendreit un.
r~duction du te~p. d. travail d.e fe~•• qui ont la char98 de
1. plue 9rande parti. de. travaux eqricale., ca qui .~pliquar.it
.a diffuaion rapid•• Meia c. ne sant l ' qua das hy~oth••aa qui
----------
(1) Carteinea athnie. dannent en .ffat t l'une da ••• vari't'.
le nom da bikan90 (einqulier kikcn9c) dlriv' da calui d. le
prami're ethnie qui l ' . adapt'e dena cette zane (l'ethnie
Kon901. Calle. dae athnie. qui ont un quelconque li.n 96n6e-
loqique evsc l'ethnie Kon90 quelifiant cette vari6t' d.
·veri't' da • • nc'tra.~.

- 350 -
peuvent Itra infirm' •• ou co"11%m' •• par de. recherch ••
approfondie. aur CI aujet. recherche. qUI noul compton. bien
entreprendra un jour.
L'avlnture du •• nioc n• • 'errita capandant p••
au 11'•• al'cl•• On a au l'occ•• ion d'an vivra un 'pi_ode
an 1976 a 1. farme d'Etat d. ~."t.Qumb. en .fflctuant l'enqu,t.
relative' catte rechercha. Il noul .ambla "'c•••• ir. da relater
cet 'pi.ode car on croit pouvoir y trouver da. 'l'Ment. d.
r6pon •• lUX qua.tian. po•••• ci-da•• u••
On 1 vU qUI catte f.~• 't' cr6'. en 1970 ln vu.
de faira facl • 1. rer.t' croie.ant. du ••nioc dane 1•• vill••
congol.i•••• La pre.t'ra op'ration .fflctu'. par 1. farma
diri;'. lU d'part par un françaia •• cand' par un congolai., fut
d'acheter .ix d•••• pt v.%i't •• d. __"iac qulan t%auv. d.n. un
r.yan d. tr.nte kila.lt%e• •utaur de le ferme, le ve%i.t'
d'laie.'. '~ent cu%ieue.~ent 1. kikango. 1. f ••eu.e -veri't.
d.e .nc'~re.-, eaue pr't.x~. qua .an r.nd••• n~ e.t trap f.ibl••
L. f.rœe. qui e fan~tiann' .u d'but 8V.~ llautill.g. dee p.yesn.
r.~rut'e n' • • nrsgi.tr' .u~un. diffi~ult' lar.qu'.u caur. d. 1.
trai.ia•• enn'., il • ~od.~i.' .an .quip••ent (.~h.t d.
tr.~t.u~. nat. . . .nt). L•• t.~hniqu•• d. production ant •••
i.pa.'•• dl. 1. d'pert p.% le. -r•• pan ••bl•• - d. 1. f.rme qui,
.ux dir•• d•• p.y.en. -n'an. r.~u.illi .upra. d'.ux .u~un.
infar•• tian ~an~.rn.nt 1. cultur. du menia~·. On n. revi.ndra
p•• ici eu% 1•• diff'r.nt• • •'qu.nc•• d. ~ cultu%. d. meniac.
Di.an• •i.ple•• nt qua 1. te~hniqu. iapa.'. p.r 1. dir.~t.ur
con.i.t.it a .nfan~.r den. un t%OU dont 1. prafa~deur nl.v.it
p.e ' t ' pr'ci.'. un. bautu%. d'environ 20 c. de langueur. L.
bautu%•••• t .nfonc'. oblique••nt .ur 1. moiti' d• • • langueur.

- - - - - - - - - - -
- l51 -
L•• pay.ane qui ont l'habitude de voi~ leurs 'pouaes proefder
di"'ra••• nt aot du mal. aeeeptar catte nouvelle façon da
-'.~r.-.~ la 'on~ ra.arquar .~ directeur.qui,Laur r'pond
qu'enfauir ca.pllt••• nt deux bouture. par trou at • ~•• 1.
aal. ca. . . 1. 'on~ 1•• pey •• nn•• , lui reviendrait trop ch.:.
De. lor., 1•• pay •• n• • 'info~nt da plu. an plue supre. d.
laure 'pou ••• at •• mettant a appliquar, ~r certsine. planta_
tiane de la ,.~. la technique pay••"n. dont il_ aont convaincus
qu'ella •• t la meilleure de. deux. Bien aar, ila le font' l'insu
da. ·r•• pon•• bl•• •• Il. rUI.ni avec eux an . . ttent dan. un ml. .
trou un. bouture • ml•• la .o~ et une autra plantf. obliqua•• nt.
Pu!•• arriva la mo~."t da la r'colta. Avant qu'on l.ur da.ande
da proc.dar • eet~e r.colt•• la. p.yaan. (prolttariat.) .e
pr••• nt.nt devant le direct.ur et .on adjoint, leur d••• nd.nt
de la • • uivr. pour comparar 1•• rande.ente da. pl.ntatione
eultiv••••v.c 1. t.chniqu. ·mod.rn.· et c.ux dee plant.tione
cultiv••• an c.chatte, .vec 1. tachnique paya.nn•• L. rtcolta
viant v.ri.i.r 1. conviction payaann•• Accul••• la. ·r••pon ••bles
ctd.n~. C' •• t 1. t.chniqu. paya.nn. qui aat utilia'e ju.qu·'
prteant t 1_ f_:-. d'Et.~ da Mantsou.ba.
Bi_n sar. la victoi. . ra.port •• t catt. occ.sion
p.r le. p.y••n. prol'taria•• ne r.ltva p•• du f.tichi••a. Ell_
ala.plique par 1. 'ait auivant. Si le. p.ya.na u~ilia.nt deux
boutur•• plu~et qu·un•• c' •• t juata pour fair. f.c. , ll.l's_
toira 1 ·.i une boutura pour%i~ ou .'ehe, llautra donner.
quelqua cha •• •• En out%a. la. ·%•• pon •• bl•••• form'. an occidant.
dan. d•• in.titut• •g%Onomiqua. où on cultive 1. manioc sur
pepier. ttsi.nt convaincu. qua 1_. racine. qui d.vanaient en.uite

l52
tubercule. provenaient des yeux qu'on peut vair aur le
bouture (il a'agit d'endroit. 00 ~t.i.nt fix6 •• lee feuill •• ).
La conviction pay.ann. r6.ultant d. plu.i.ur~ eiael••'
d'exp6rience 'tait que 1•• racina. n'apparai••• iant qu'aux
deux axtr'mit'. da la bouture. En plantant obliquement (pour
permettra. 1. boutura d'absorbar l 1azata da llair, noua
expliquait l'ing'nieur .9rana~. da la ferme 1orm' • ~antp.lli.r
00 l'on cultiva la manioc aur papiar), l'une da. axtr'mit'.
fini ••ait par s'char et da toute façon na pouvait rian -donnar-.
Enfin, 1•• arbuate. pou•••nt • partir da. boutura. plant'••
oblique.ent 'tai.nt facil •••nt eMport'_ par.la vent.
On noua excu.ara da 1. langueur de ce r'cit, qua
1 •• payeene ne noue ont livr' qu"
la condition d'intarrompre
l'enregietrement M.gn'tique de le convera.tion (1). En r'elit.,
noue n'avona v'cu cet 'pieode qu'eu moment aD, interrogeent la.
p.yaana, noua evone co ••ia 1. Neledreeae de laur eignifiar que
la ver. ion qui noua aveit ' t ' fournie la veilla par laa
-reepaneebles- ~teit diff'rente, noua avona f4illi faire
conn.iseanee av sc le -col.r. peyaenn.-. Qu.nt aux reaponeablaa
qua noua eo.aea all'. ravoir la lende.ein. ila ae eont bien adr
effarc'a de noua conveincre qua l'adoption da la nouvella
tecM"iqua (an feit 1_ techniqua payaenne en viguaur dapuia da.
·eilcla.) 'tait 14 r'aultat d. -longua. et pati.ntee recherchee ft
effectu'.e per le aervic. d. recherche de la ferme.
(1) Signalone qua noua 4vane dae liene de perent' svec la plupert
dee persannea qui ont pria part l c.tte conversation. Cam.e
quai. la confiance set d'abord une confiance de clas.e, car
nl~tiona_naua pae • laure yeux un ~apprenti-baurgeai.­
bureaucrate·, c'eet-l-di:a un candidat. le bourgeoisie
bure su cr. tique 7

- 353
".>
On peut noter. les points
suivmts d.ans cet êpisode du .manioc.
Si les paysans n'ant pas acceptë la 'technique qu'on VQU..lait leur ~oser.
ils n-Iant pas non plus ma:ni.fes'tê la lDDindre apposi tiœ à 11intrt'lductiœ
de tracteurs dans la fel'tllC, sa:n:s doute parce que cette introduction alUgeai t
leur t!dI.e. Ce fait porte l croire que les paysans acceptent certains
61EJœn:ts de la modemiU. à conditions que ces êlêments n'aillent pas l
l'encontre de Ieura int'rêts, Mais le fait cœ les psysans aient refus' la
tedmique qU'crl leur imposait est d'une grlDlde importance et ml!rite qu'an
5 'y arrête,
D'où vient l'obstination des paysans à refuser les tedmiques
impos~s par les Tesponsables de la fenœ SCU9 les ordres desquels ils
tnvaillent ? L'explication tient, à notre avis, au fait, maintes fois
soulign6. que les producteut'5 directs du système agric;ole lignager (et les
travailleun dont i l est question dans le rfcit en sortent l peine) malgré
Itexploitation et la oominatian qu'ils subissent, disposent d'une certaine
marge dl autCll1ClllIÎe dans la-conception et la mise en oeuvre des tedmiques.
Cette lIIlrge d'wtcnOllie çanstitue peur eux tm cantre pouvoir faisant face
à celui des dëtenteura du. pouvoir politique. d'oO le refus de s'en séparer.
Un autl'e 6lfœnt d'expliçation tient au fait que le manioc est non seulement
l'ali.Zllent de base. mais i l est aussi le 5)'I!bole de toot lm passl histoTique.de
tout un ordre instaurf pu les anœtres qui ent favoris6 soo introdu.ctiat
et sa diffusion. Ccame i l n'est pas possible de séparer le manioc de ses
tethniques de culture. la tentative des "respm.s&bles" de la :feme de
MantsCllJlbll ne pouvait qu'apparaitTe intoltt'3ble.
Au-delà de la validité des.aplications qu'on vient de fournir,
ce qui. apparait fortement dans l'épisode relad cf-dessus c'est un pro-
blême de pouvoir. pouvoir de ccnœptfcn, de dëcr stcn, de cantrôle et au-
deU. pouvoir poli tique.

Un autre évènement survenu quelqœs années plus tôt dans la
région du Pool o::nfi:rme cette assertion. Il s'agit de ce que hs adminisu&-
teurs coloniaux ont appelé "la guerre de, arachides". A. la suite d'un mot
d'oron lancé par la secte des ''mat3onanistesU en lutte centre l'adminis-
tration coloniale, toote la population de cette région refusa d'adopter
les nouvelles varinês sUectiarmées diffusée, par l'administration. Le
mt d'ordre stipulait en autre que seule "l'aTChide des eaeëeree'' (en
fait celle introduite en mS. temps que le manioc) devait être cultivée.
Inutile de parler de la rigueur avec laquelle ce III:lt d'ordre fut observé,
On le 'roi t , l'enjeu de ce, ëvëœeents , CCIlZIIIe de tous les pre-
cessus sociaux et de l'auto-<J'veloppement, est le pouvoir. Pouvoir de qui
sur qui ? C'est il cette qœstiDn qu'on va maintenant essayer de rëpondre
dans le ça,s qui nous occupe.
Z.Z.3.Z. Les forces auto-transforœ.trices
L'étude de la nwvelle fanc:tion de préférence de la fonnation
sociale ccngolaise 1 la suite de l'iJrplanta~an capitaliste a ëeë l'occasion
d'une esquisse des forces en presence et des stratêgies en œuvre, Il
seDJle qu'on puisse. rien qu'avec les fil&snts d'gagês par cette esquisse.
dire qui doit s'allier avec qui pour se lanar dans la bataille rangée
ccnàJisant l la libératiœ. Mais ne perdons pas de V1.e que nous vivcn.s
sous le Itgne du paradipe mêcaniquB et que la politiq12 n' e;t pas lŒlins
teueh6!par ce paradipe que les autres domaines de la vie.
La conception prfdominante de la lutte des classes repose sur
la division de la sccaëtë en deux classes : la bourgeoisie qui détient
le pouvoir grâce l la propriété des myens de production d'une part. le
prolétariat qui n'a que sa force de tnvail l 'oI':'flclre et dent le salut

- 355 -
se tT'OllVe nécessaîremmt dans le renveraeœnt de la bourgeoisie d'autre
part. Une fois ces deux classes dffinies, an 5 'arnmge peur insérer le
reste des IDelfbres du cmps social dans l'1.D!lQU l'autre cfasse de façon
il avoir deux pênes bien rets qui vent se Hvrer dans lme bataillé sans
aDDiiUité. La difficulté apparait quand i l faut trouver une petite place
pour les paysans dans lime ou l'autre classe. On s'aperçoit alors qu'ils
possèdent leurs myens de production et sont malgré tout exploités par
les capitalistes. La seule fa.;an de dêpasser l'aIlbiguite est de demander
aux paysans d'ftre les slliés de la classe ouvrière qui les émancipera.
Ce œme mfca:nisme p::Ilitique conçu en occident est très vite
transférE aux pays saus·dfveloppês ~ qu'on apprend qœ lA-bas aussi,
des milliers de gens !migrent 'Vers les villes en vue de vendre leur force
de travail. Ce sant en principe ces nouveaUlt prolétaires, qu'an euraât;
belllJCClJP de malI d!finir cœme des prolétaires libres (puisque ccmœ an
l'a w dans le cas du Congo, ils gardent la co-propriété de la tel"l"e
lignagare). qui doiwnt libfrer les paysans et toutes les autres couches
exploitees du joug iJrIp4!rlaliste. Seu1c=œnt. en 5' aperçoi't que ces prolftllires
n 1 ~ui.annt pas assez vi te la ccn:sdenœ de classe ; en a be~ de mal
A les organiser en syndicats et en parti d1avant-aarde, 1 les œcaniser
en quelqte sorte. La solutim consiste alOTS A poser ~ l'iJrIpfrialisœ
'WDaI1t du "centre", les populations des pays sous-dfwloppés serent êman-
crpëes par la classe owrdëre e..tI'Op&nne quand eUe aura canqtJis le pouvoir.
De cette fa:;an, tmtt est centralisf : le muvement de libération est dirigé
par un centre miqœ (les syndicats des pays ~wloppês).
Mais les paysans et les oUVTiers des pays sous-développés
vivent dans une rEali të ceraceërâsëe par un faisceau de dcmi..natians irré-
ductible A la division de la société en deux ou trois classes principales.
En nous situant par exemple au niveau du milieu rural, congolais. ou se rend
vite cClq)te qt2 définir
la ccntndiction pt'incipale comne étant cekle qui.
oppose la paysannerie dans son ensenble au capital et 1 la ville qui le
syubolise est une &tonne réduction et que ccns rrua ee œe stratépe politique
sur cette base peut conduire à des mêcamptes.

-
- - - - - - -
- 356 -
Que t:ouvonl-nOUI en effet de nI cette paysenneri ••
Si l'on .'en tient eux cet'gori•• util!.' •• jUlqu'ici on peut
dietinguer 1•• cedet. qui lont exploit•• plr 1•• etn6. et 1••
eepiteliat••• Mei. e1 on regard. bien. on .'aper;oit qUI permi
1•• cedet., 11 y • d••••cllve. et d•• f ••m•• , plrmi 1••
e.cllv•• , ~ y • d.' ho~. It de. f ..... , d••••• 1 •• e1"'.'
nll.lrcant pee 1• •a•• type d. pouvoir eur 1•• cad.t. quI 1••
et"•• , etc. L•• 'ventu.ll•• It:I"9i• • • • • ttra ln oeuvra
doivent donc rlpa•• r lur CI fliec.eu de do_inltian. en 1_
eon.idl:."t dan. tout • • • COmpllxit. at non pe. In proc'dant

uni r'duction.
San. "'gliglr l'importanci d. 1 10 r g l n i •• tion
r'volutiannair., ll.ttention dlvrait Itr. port'. lur CI' farce.
auta-tr.nafarwetric• • •anif.at'•• p.r de. action. t~'. d~v.~•• a
qui n. .ont cert•• p•• or9.ni•••••y.t'•• tiqu
nt a un ••crO-
niv.au, .ai. Qui .anife.t.nt n'an-oina 1
aauc! d. rupture
.v.c 1•• aod •• d'org.ni •• tion doein.nt• • t d'.ctu.li.ation de.
pot.nti.lit•• individuell• • • t coll.ctiv••• Si lion can.id~~.
l'auto-d'v.lopp••• nt non p•• co~. . un proc •••ua a .ngag.r une
foie 1. pouvoir conquit ••i. ca. . . un• •tr.t'gi. d. conquit. et
da ranforca.ant d. ca pouvoir aaua toua ca. aepecta (pauwcir da
d'cieion, pouvoir d. cont~el., pouvalr politiqu., pouvoir
'cano-iqu.), on a'ap.rçait qua ce. actian. . .nif ••tant da.
d'vience • •u.c.ptibl •• de ."ri9.~ .n tend.nc••

- 357
QJNCLlISIQN
Il r8 semble pas utile, au
terse de cette recherche, de recen-
ser les diff~rents résultats obtenus, ceux-cd arariri."Objet d'un rappel il
la fin de chacun des chapitres ëecërës . Il faut cependant écarter la pré-
tention dl avoir ëpcdsë un thi!me aJ..lIqllel la nature des problèmes qui le
constituent imprime nëceesadreeent un caractère ouvert. Par ccnsëquent , au
lieu de dresser un bilan, on va plutôt aDl)TCer la définition du noyau pro-
blématique autour dl..quel tourne la conception du d!veloprerrent qu'on a
finalement définie. Trois ordres de proàlèœs th~riques, intimement liés.
semblent être primrdiaux dans cette conception.
1. Tous les efforts effectués le long de cette recherche ont SUrtout visé il
Dmltrer que le développement par imitation n'est pas vêritablement le
d!vel~t. C'est un jeu de thé4tre, une mascarade qui débouche
nêceâsafresent sur une situation crisique, avec tous les draœs qui la
caractérisent. Il est apparu de plus en plus nécessaire de reprendre le
probll!me du d!veloppeDent il partir du coeur de la réalité humaine, c'est
il dire du système de Valeurs a~uel elle adhère, ce systi!me étant constitué
par l' ensSlble des représentations que les b::mœs se font d' ewc.-uêœs
et du monde, C'est gdce au svsrëee de valeurs qu'ils peuvent preposer
des explications, tracer des ve tes , indiquer un ordre et agir dans
un
certain sens. Un système de valeurs s'intègre nécessairemmt dans un
champ culturel dynamique. IllCUVaIlt et canplexe et c'est il l' in:t~rieur de
ce champ que se posent les problèmes du développement. En effet, la
conviction acquise au cours de cette recherche est que le développement
ne peut être concrètement défini !X'Ur un peup le que par ce peuple. dans
le langage de sa culture. Si l'on entend par culture la série de réponses
que les meui:lres d 'un ~ concret donnent aux problêmes qu r ils posent
11 tous les niveaux et dans tous les secteurs de leur vie individuelle
et collective, on est condui t il attacher l' :iJlIportance la plus grande
aux critêrea qui dëterminent le champ culturel au sein du:ruel il faut
réintégrer les critères technologiques et idéologiques.

- - -~---------~-~ .
3sa -
te dëvetcpceœnt , avons-nous vu, est un processus de chsngement
social, un 1l'DUV'eIIImt et non lŒ1 état. Ce III:IUV'eDIent prend fonne de façon
différente dans le temps et dans l'espace 1 en fonction des variables écolo-
giques et culturelles. On peut considérer la culture et le système de valeurs
cœme cens tft:l.U!s de différences spêcifiques et de différences associées.
Les différences spécifiques sont celles qui appanierment ~ l'essence même
de la culture ou du système de valeurs consddérës , c'est sur elles que repose
la disti.nc:tian de
la culture considérée avec les autres cultures.
Les différences associées peuvent ê'tre soit les constituan:ts d'un synème
de valeurs potentiels, soit des diffénmces diachncniques. c'est il dire
des différences relevant d'eaœes ~dmes de valeurs ou d'aucun. ~tême
de valeurs. mais qui tiennent cependant tm rtIle dans le systêDe de valeurs
considéré. La dynamique du développement peut dès Ion se ccnœvcfr camne
Ir actualisation et la synduunisation des valeurs potentielles et des valeurs
diachroniques il partir des valeurs spécifiques. Le problèœ est alors de
savoir l! quelles conditions cette actualisation et cette synchrani.sation
peuvent intervenir.
Il faut noter qu'il n'y a o.ù.ture que lorsque l'enserrble des
réponses qui la constituent est reconnu cœme approprié par le groupe hunain
considéré et tend li s'organiser en cohérence par rapport au ~tène de
valeurs de ce groupe. D'autre part, ce n'est que dans la pleine possession
de sa culture qu'un groupe peut se vouloir responsable de son dMloppsent
On. peut bien sOr avancer. 0JllI0e on l'a fait jusqu'ici, que la condit:ion
première et le facteur dëteraânant de cette lIppropttation c'est l'autancmie
du groupe. de ses membres et surtout des producteurs directs. Hais cette
affimation est insuffisante. Le plus i.mportant, nous semble-t-il, est la
détection, la connaissance et la prise en cceeee des critères en fonction
desquels les nenbres du corps social et notaJm'ent les producteurs dfrecta
intêgrent telle ou telle valeur dans leur univers culturel.

- 359 -
2. La culture et le dëvetcppeœnt étant réponse aux problèmes hLDnains, les
facteurs d6tenninant le dynamiSlll! culturel et le processus de dëvetop-
pement doivent être cherchés avant tout dans l'I!volution du système des
besoins. Dans le cas concret qu'on a é'tUdi!, le systène des besoins
Si articulai t principalement autour de la recherche de l'optÎJlUD dfmogra-
phique qui constituait la fin daninante et de l'mto-subsistanee. Avec
l'instauration du systœ capitaliste, le dEvelcppesœnt des besoins
s'opère sous la contrainte de la valeur d'échange et de la recherche
du profit max:im.:m par les capit:a1istes. Le capital êtant actuellenmt la
réalitê daninante, on pourrait, CcmJle le font les marxistes, poser que
la condition première pour l'orientation du système des besoins vers
l'auto-dêveloppement est le ~érisseœnt de la valeur d'!change. Cepen-
dant, dans la mesure oQ on peut d!celer dans la fomation sociale des
micro-stratêgi.es mises en oeuvre par des néments s' opposant ~ la fois
~ la d6termination lignagère et ~ la détermination capitaliste des besoins,
i l convient de chet'Cher les facteurs de tnnsfoTmation du
système des
besoins _ trene'ar.etian orient'e vera l'euta-d'veloppement _ ~.na
ce• •icra-.tret'9i•••
3. La culture, telle qu'elle a !t! d6finie plus haut, a une dimension technico-
êcor:u:mique. Répondre 81DC prcbtêœs fwmains suppose en effet une certaine
connaissance de la matière et l' ex:is'tenCe de myens
permettant de la
manipuler. Hais, caDpte term de ce qu'on a dit de la technologie daninante,
le problème qui se pose dcd est celui de la technologie alternative. Cette
dernière ne peut, l notre ms, ê'rre d6finie et développée que par l'êtuie:
de ce qu'on pourrait appeler la "culture technique et ëccncafque spon-
tanée". Il s'agit de l'ensemble des cClln&Îssances et des conduites in-
tellectuelles et ges'tUelles que les producteurs directs acquièrent
spontanêlœnt, dans la resolution de leurs probtëœs , L'êtude de la genèse
de ces pratiques et de cette culw:re passe par celle de la crêatdvt të
et de l'apprentissage de cette culture, et donc du systi!Tœ de fomstion.
Elle suppose l'ïnvent:a.ire des conduites ee mécanisnes réels de la pensée
dans le travail et les conduites ëcœœdcues , Cette culture s-cppose
nécessairenent ~ la connaissance rationnelle, scientifique, parce qu'elle

- _ . - - - - - - -
-
-
~--- ~--- -- - - - -~ - - - --~---
- 360 -
est "çoSi1lJbiologique" en ce sens qu'au lieu de poser, carme le fait le
svsrëre scientifique dcmina.nt, que la meilleure façon de comprendre une
r~alitê complexe .c'est d'en isoler les divers constituants, elle considère
que la réalité fondamentale est la Vie, chaque lUl!men.t Vivant. et singu-
lièrement l 'hoJDne , étant tnetos dans le grand ensenble cosatque auquel
il participe ; ainsi les e~lications sant" chercher dans la globabilitê;
i l faut partir du tout pour rendre ccmpte des parties.
Ce qui .!pp8:rait " travers cette esquisse du noyau problématique
de l'auto-développement, c'est la nkessitfi de SOUII'ettre les systèlœs
théoriques awc. systèmes ccnerets • En effet, l 'çprofondissement des questions
théoriques qui viennent d'être soulevées n'est possible qu'a condition
de reposer sur des ëeœes minitieuses de cas concrets a l'intérieur, des
systi!mes sociaux et des populations concernés. En outre, cet approfondis-
saœnt. dans la mesure 0.1. i l vise la dl!mystifiation et la nëgattcn du
systi!lœ th60rique dominant, l'evllt nëeessetreeeee lD1 caractère conflictuel
c'est une lutte thfiorique.
Il est fvident que la lutte thêorique ne peut pas à elle
seule permettre la libération des pays sous-dlve loppfs et l' auto-
développement des producteun directs. Elle doit s'articuler aux deux:
autres formes SCU5 lesquelles s~ présente la lutte des çlasses, à savoir
la lutte politique et la lutte ëccnœuque, La lutte des classes consti'tUe
en. effet le facteur dftenninant de cette libération. Il ~rte cependant
de souligner la place stradgique de la lutte thêorique, car, elle seule
est capable de conférer a. la lutt.e économique paysazme et prolétarienne
sa véritable diJœnsion qui exige une conscience politique.

361 -
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T A BLE
DES
MAT [ E RES
PAGES
INI'ROtocl'ION
PROOERE PlJrrIE : LA STAIIILITE DANS LES
SYSl1'>1ES AGRIalLES
31
ANTECAPITALISIOS
Chapitre 1 : Le~ti!lDe agricole lignaser : s'tnl:tures
~tuantes et procè,..--ae j)fôë1ïJëtion
ots
34
Section 1 : L'agricul'tUre prop!eœrlt dite
36
1• 1. L' i.nfra.strocture
36
1.1.1. Les forces oroductives mat6rielles
37
1. , . 1•1. L' uni. t6 de pro:fuction
37
1.1 . 1• Z. Les D:Jyens de production
39
1.1.2. Les a~osystêmes
39
1.1.2.1. Les espèces cultivées
39
1. 1. 2.2. I.es types de champ
41
1.2. Le sous-SV'Sti!lDe de culture
44
1.2.1. L'organisation du. travail
45
1.2.1.1. Le calendrier liTicole
45
1. Z. , .2. La division du travail
47
1.2.Z. Les arrations culturales
49
1.2.2.1. Le choix des sols
49
, .2.2. Z. La' préparation des champs
49
1.Z.2.3. La mise en terre des espèces
51
1.2.2.4. L'errrretden des champs
51
1.Z.2.s. La récolte
52

- - - - - - - - - - - -
PAGES
1.2.3. L'agencement des cultures
53
1.2.3.1. Dans le temps
53
1.2.3.2. Dans l'espace
54
Section 2 : Les autres constituants du systême agricole
2.1. Les activités basêes !Ur l'acquisition
56
2.1 . 1. La e:ueillette
S6
2.1.1.1. Les espèces cueillies
S6
2.1.2.2. Techniques et principes d'acquisition
57
2.1.2. La chasse
S9
2.1.2.1. Les chasses collectives
S9
2.1.2.2. Les techniques individuelles
61
2.1.3.Lapkhe
62
Z. 1•.3.1. Les tedmi.ques
62
2.1.3.2. Unités de production et importance
scctaie de la chasse et de la pkhe
64
2.2. La daDestication des espèces végttales et animales
6S
2.2.1. L'arboriculture
65
2.2.1.1. Les espèces domestiquées
6S
2.2.1.2. Contenu des techniques arboTicoles
et signification socio-économique
de l' arbcrdcul ture
66
2.2.2. L'élevage
67

PAGES
Section 3 : L' articulation des structures
68
3.1. L'organisation interne
68
3.1.1. Les principes daDinants
69
3.1.1.1. La diversit~ structurale
69
3.1.1.2. La .llI11tifonc.tionnalitE des structures
69
3.1.2. Travail agricole et symbolisation
10
3.1 .2.1. La dialectique de l' effieacieë et
du symbole
70
3.1.2.2. Contenu des techniques et symbolisation
72
3.2. Agtio.ùtun et êconami.e globale
13
3.2.1. Les autres activitês êccnamiques
74
3.2.1.1. L'artisanat
74
3.2.1.2. Le camwerce
16
3.2.2. L'articulation du système agricole avec
l'artisanat et le commerce
77
3.Z.2.1. La similitude de l'organisation interne
77
3.2.2.2. La. compl&lenta'I'ité des structures
78
Chapitre 2
~ interne, facteurs d'éclatement
et
' âdâputl.on dû SYStèlîlê
81
Section 1 : Le scus-système foncier
81
1.1. Niveaux d' accès l la terre et stroc'tUration du
domaine foncier
82
1.1.1. L'organisation familiale
82

PAGES
1.1.1.1. Clans et: lignages·
82
1.1.1.2. Le village
83
1.1.2. La répartit:ion des terres
84.
1.1.2.1. L'unité foncière de base
84
1.1.2.2. L'imbTication des teTTes
85
1.2. Les principes fonciers
86
1.2.1. Le statut de la terre
86
1.2.1.1. La tet-re çœme base matérielle de
l'existence
86
1.2.1.2. La terre c:cmDe support symbolique
des groupements
87
1.2.2. Les rapports fonciers întra-lignagers
88
1.2.2.1. Le caractère collectif de la propriété
foncière
88
1.2.2.2. Les droits d'usage
89
1.2.2.3. Droits individuels et droits çol1ectifs
90
1.2.3. L'inaliénabilité de la terre
91
1.2.3.1. ExclusiviSllle et endo-aliénation
92
1.2.;.2. Emphytl!ose et donation
9;
SeCtion 2
Capaeitésproductive"
rappor-ts de production
et reproouction dü systêfDe
9S
2.1. La reproduction de la force de travail
9S
2.1.1. La subsistance
95
2.1.1.1. La couver-ture des besoins alimentaires
9S
2.1.1.2. Les autres aspects de la subsistance
96

-
--_.-. .-
--'~--'- --_._-._---
- . . - ..
PAGES
2..1 • Z. La reproduc:tion des unités de production
97
'Z.l . Z. 1. AppLOptiation et affectation du
~l~
97
2.1.2.Z. Les fondemmts du pouvoir lignager
99
2.1.2.3. Exploitation et IepIOduction des unit!s
de production.
101
2.2. La reproduction des autres facteurs de produ;tion
102
2.2.1. La reproduc.t1on des teclmiques
102
Z.Z.1.1. La transnission des connaissam:es
et du savoir-faire
102
2.Z.1.2. Systême agricole et densité de
population
103
2.2.2. La reproduction des syst!mes kologiques
111
Z.2.Z.1. Techniques agricoles et risques
de dégndation des I!cQ$Yst!mes
111
2.2.2.2. Syutolisme et gestion. des écosysti!!mes
112
2.3. Apparition de l ''Etat et teptoduction du système
11S
2.3.1. Les seeœeœes êtatiques
116
2.3.1.1. L'organisation politique
116
2.3.1.1. La nouvelle stratification so<:iale
t të
2.3.2. Pouvoir étatique et production agricole
117
2.3.2.1. La subsistance des citadins
117
2. • .). Z. 2.. L' inurvention du roi et de ses
reprësencsncs dans la productian agricole118
2.3.2.3. Les privilèges aristocratiques
118

PAGES
Section 3 : La rationalitl! du système
119
3.1. La rationalité ilobale
120
3.1.1. Fin dœùnante et cohérence structurale
120
3.1.2. Ordonnancsent des rationalités et place
de l '~onœique
123
3.2. La rationalité sur le plan de la reprcdacetcn
des pt'Oducteurs
126
3.2.1. Exploitation et degré d'assujetissement
de:li producteurs
H6
3 . .2.Z. Contenu du travail et auto '1"rodu::tion
du producteur
127
Chapitre i
Dialectique de la synchronie et de la
diâëhïîJiîie et extraversion dû systl!iîîë
130
Section 1
Le c1:lan2eœn.t du contenu de la diachronie
dû systêDîë
131
1• 1. La dttistianisa:tion
131
1.1 .1. Mkanismes et significa.ticms
134
1 •1 • .2. Les retanbées de la. christianisation
134
1.2. L'introduction d'espèces nouvelles
135
1.2.1. Les espaçes introduites
135
l •2.2. L radaptation du systène
136

- - - - - - - - -
PAGES
1.3. L'instauration de l'éconanie de traite
139
1.3.1. La traite des esc.laves
139
1.3.1.1. Mêcani.smes et êvolution
139
1.3. l.2. Ponction dézlJgraphique et reproduction
du système agricole
141
1.3.2. La traite des pTOduits
142
1.3.2.1. La nature des produits exporeës
142
1.3.2.2. Les conséquences écologiques
142
Section Z
Implantation capitaliste et ''blocage'' du
sxsdriië agncou
-
145
2.'. L'échec de la preeaêre tentative d'implantation
du M.P.C. dans l'agriculture
145
2.1.1. La rEdul:tion de l'espace agricole lignager
146
2.1.2. Nature du capital cœmercial et
147
expIaitation destructrice des ressources
naturelles
2.1.2.1. Les obstacles A l'instauration du MPC
147
2.1.2.Z. L'intensification de l'éconanie
de cueillette
149
Z.2. Et;latement du cadre . ' _....."...i ....nc. e"t
soumission du système agricole au capital
152
2.2.1. L'affaiblissement de la superstructure
lignagêre
153
2.2.1.1. L'tmpat de capitation
153
2.2.1.2. Le portage
154
2.Z.1.3. Les prestations en nourriture
155

- - - - - - - - - -
PAGES
2.2.Z. La subordination du système a.gricole
au MPC
156
2.2.2.1. La traJu;fonœ.tion de la force de
tnvail en marchandises
156
2.2.2.Z. La coa:mercialisa.tion fcrcëe des
produits
159
2.2.3. La nature du bocage
162
.2.2.3.1. L'l§touffeaent de la dynamique interne
163
Z.2.3.2. La nan~transfotm!ltion des techniqueS
de produ:tion
164
Section:5
Genèse et dêveloppement de la petite production
marchâridë
165
3.1. L'exode roral : causes et évolution
166
3.1.1. Anugonisœ cadees-aînës et extension du
sy3t!me capitaliste
166
:5.1 •.2. La nature de l'mgration
167
3.2. L'impact de la demande alimentaire urbaine sur
le système agricole
~ 71
3.2.1. L' apparitian de la petite production
marchande
171
:5 •.2.1.1. Le d!veloppement des cultures
maratchêns
172
3.2.1.2. Le ravitaillement des villes en
produits vivriers traditionnels
174
3.2.2. Les progrès de la P.P.M. en milieu rural
176
3.3. Le déve10ppsent des cul tures iJxiustrielles
et d'exportation
178
3.3.1. Espèces concernées et œdes de diffusion
178


PAGES
3.3.2. L'intégration au système agricole
178
.3 •.3.2.1. La 0J.1ture de l'arachide
179
3.3.2.2. Le système de plantation
180
3.3.3. La contribution au développement de
la petite production marchande
18Z
3.3.3.1. La participation des populations
A la promot.ion des 0Jltures
industrielles et d'exportation
182
3.3.3.2. Evolution de la production et de
la cClllDet'Cialisation
183
Chapitre 4
ReSréssion du SYStème miCOle ~et'
et conclusion sur la 5
tiit!
es
systi!mës agricoles anteê.apiiâlistes
187
Section 1 : La petvenion des rapportJ sociaux
187
1.1. La 1'estTU:turl1tion de l'espace agricole
188
1.1.1. Le regroupement d•• wi.1.1Ag..
188
1.1.2. ~ s de l'agric:ulture et
disparités rfgionales
192
, .Z. La déna:turation des rappons fonciers
192
1.2.1. L'apparition de la rente différentielle
192
1.2.2. L'aliénation de la terre
195
1.Z.3. Le nouveau rôle de la terre
197
1.3. Caractêres daminés de la stratégie lignagêre
et mode d'appropriation et d'affectation du
surplus
199
1.3.1. Le recul de l'auto-subsistance
199
1.3.2. Transfert de valeurs et"intensification"
du travail agricole
ZOO

--_.- - - - - - - - - - -
PAGES
1.3.3. Affectation du surplus et productivitê
agrdco.le
202
Section 2
Décadence des techniques et dégradation
.e..
dl'
y.t . . . .
ZQ4
2.1. L'exploitation du milieu urbain et. suburbain
205
2.1.1. Les OJ1tures urbaines et suburbaines
205
2. t .2.L.'.x pla J.t . 't1an du -.ll1.u . • qu.tiqu.
207
2.1.2.1. La fausse diversité des techniques
208
2.1.2.2.''L'cvrnish.ing''ou surpkhe
209
2.' .3. Le ravitailll!mSlt en bois
211
2.2. Extraversion du système agricole et Eeptoduction
des tec.hn1ques en milieu roral
212
2.2. 1. Effets de l'affaiblissement de la
superstructure sur les techniques
212
2.2.1.1. L'abandon des techniques collectives
212
2.2.1.2. L'appauvrissement des techniques
214
2.2.2. Prod1.Jc.tion lIIlIl"Ch8J1de et inadlquation des
techniques antéca:pitalistes
214
2.2.2.1. La r!cU:tion de la jac.hêre
215
2.2.2.2. Les autres fomes de la décadence
des techniques
217

......
PAGES
Sec tien 3 : C9nclulian sur l~ Itabilit' d~n! l~,
syst~~aa aqricolsa 8nt.capitelist~s
219
3.1. Rationelit' at ttebilit.
220
3.1.1. La nouv'lla fonction da pr'f'ranca
220
3.1.2. ardonnenca~ant dea rationelit'a,
coh'r.nc. atructurela at atebilit'
223
3.2. Stabilit' at auta-ra~roduction
226
3.2.1. Syaboli••• at atabilit'
226
3.2.2. La r~la d'tarminant da l'autonomie
228
D.uxitm. Perti. 1 SYSTEMES AGRICOLES ALTERNATIFS
ET PROBLEMATIQUE DU DEVELOPPEMENT
233
( __ aitra 5 1 L'agriculture cepitalist.
235
S.ction 1 , Le procI"H' da ~iaa ,n plac! de
l'egriculture capitel1,te
23S
1.1. La coloni.ation agricola
236
1.1.1. L•• 'tapaa
236
1.1.1.1. Laa pra.i.ra aaeaia da _i.e
an valaur agricola
236
1.1.1.2. La ru'e vera Rle vall'a
heureua.-
238
1.1.2. L"chec partiel da la colonieation
241
1.1.2.1. Lee ob.taclae • l'i.planta-
tian d. l'egriculture capita-
liete
241
1.1.2.2. La raconvaraion daa a~ploi-
tationa
243
1.2. Capital 'tatiqua nlo_coloni.l et
prOduction egricol.
246
1.2.1. Origine a at .ttributiona de.
antr.pria•• at f.rma. agricolae
d'Etat
246
1.2.1.1. Rlcuplration. n.tioneli•• tion
. t cr'etion
246

-
------ -- - - - -
PAGES
1.2.1.2. Le rel, da • •ntr.~ri~e~ et
ferme. agrical •• d'Etat
248
1.2.2. Mod. d. fonctionnement et 'volution
249
1.2.2.1. L. maintien de. crit.;••
c.~it.li.t••
249
1.2.1.2. L'atrophia da. entr.pri•••
et farma. agricol•• dlEt.t
250
Section 2 1 ContInu dl' technique, agr1cole,
capitaliata, _t lau••d'v.lgpp.mant
253
2.1. La, co.po•• nt•• du loua •• yattma technique
254
2.1.1. La .p'ci.lt•• tian de • • xploitation.
_t d•• "pac..
254
2.1.1.1. L. pr'da.tnancl d. 1•
• onoproductton
254
2.1.1.2. La ph'no.tna da concantrltion-
d,••rttficatian
256
2.1.?
M'clnt•• tian Igricola _t faible
divarait' d•• techniQu••
257
257
2.1.2.2. L'uniformisation da. technique. 259
2.2.1.1. L•• rand.manta 'gricolee
261
2.2.1.2. La caur~e eu d"richement
262
2.2.2. Rationalit' cep~t.liate, cantanu
du travail et rapraductian dae
'coeyet.~.e
262
2.2.2~'~ La m'cenis.tian du trevail
agricale
262
2~2~2~2. Laa cane'quenc•• 'calogiquee
266

--
- - -~~--_._-----_.
PAGES
Ch,pitn Ej
272
273
1.1. L'.nc.d%.m.n~ de la petite p:aductian
. .renaoda 8gricole
21J
1.1.1. D• • •aci'~'. da P%'vay.nci lUX
cintra. dl ecopAr.tian ruzele
274
1.2. Le tent.tive de con,titutian d'une
bour;lailil rur.l.
2aO
1.2.2. L'apparition d'entrepris ••
coo;0111••• -MOdern •• -
282
1.3.2.2. D'velopp••• nt rural 1nt'9%'
. t pra.otion caop'r.tivi
287
~.ctipn 2 1 Bal.tipn• •ntr, egricyltyr•• çO~M';C'
'$ indy.,;!, en 6conoMi. cIRitali.t.
dg'in"
291
2.1. Le co•••:C111i'.t100 de. produits
Igricol..
291
2.1.1. Extravlrltan da l'.coDomie Dt
.tructuretian d. ll"plce
292
2.1.1.1. L' i n1r a. t r uct ur . de tren.part
292
2.1.1.2. L'inclav•••nt du milieu rurel
294
2.1.2. Syet•••• d. ;0. . .:c111i•• tion st
'valutian d. l'.9ricultur.
295

PAGES
3.1.2.1. 50c1't6. priv6.s, arglllnismee
6tetiqu• • • t petits
commerçante
295
2,1.2.2. L'impect au; l'e9riculture
297
2.Z•. L1erticulation d. 11.9ricul~r• •
l'indu.trie
299
2.2.1. L•• indus tri• • • gricol••• t
.1111111"t81r••
299
299
300
2.2.2. L. ~ad. ep6ci1ique d. do~i".tiQn
d. l'egriculture ~r l'industrie
303
Chapit;, VII 1 Y'f' une nouv,ll. prQbl,~.t;9u,
du d'v.lqppement
306
Section 1 1 L. paredigM8 PFodystivi.ts 1 grigine,.
contenu et impliceti9"'
307
1.1. Mythologie productiviate _t 96"6.1091.
du d'Y.1Qpp.~.nt
307
1.1.1.1. l'-illusian asymptotique- . t
le 1.nt.... du cantrel. tatel
pa; le technologie
30B
1.1.1.2. L. ;6ductian . . th6metique d.
la ;6.11'6 et la mythe
euphorique d. la c;oi••• nca
31D
1.1.2. De llid'alagie du prag:'. a c.ll.
du d'v.lappe. .nt
312
1.1.2.1. Ca.pereti••• et d"initian
du mad.l. de r"6rence
312
1.1.2.Z. Tren••ie.ian de la croise.nc.,
du.lie.. . t d'veloppe~ent
induit
J13
1.2. Crise du d'velapp.~ent et incertitude
p.redigmetiQue
J1S

-
POGES
1.2.1. Carenc•• explicativ.8 et fausse.
alt'~it~. th~ariqu..
316
1.2.1.1. Le ayet••• explicatif
316
1.2.1.2. Approche. alternative. du
d'valapp. . .nt et par. tatane.
du par.diQ•• praductiviate
J,a
1.2.2. le. d'vianc •• r'v'letric•• d.
tend.nc ••
324
t.2.2.1. Hypertrophie technique et
atraphi. d. la ba..
324
1.2.2.2. Pourri••• ~.nt du par.diQ"
et "'c•••i t ' d. la n'9atlon
327
2.1. L' •• c ••• conceptuelle
JZ9
2.1.1. Le concept d'auta-d'velapp••• nt 1
d'finition et i.plicatiane th'oriqu •• 330
2.1.1.1. Nature et fin_lit' de l'auto-
d'velopp. . .nt
330
2.1.1.2. Approcha et .ppr'ciatton du
proc•••ue
332
2.t.2. Auta-d'velopp••• nt et approche.
voie in..
336
2.1.2.1. Le -d'velopp. . .nt • 1. b••• •
336
2.t.2.2. L'tcadtv.lapp••• ~t
337
2.1.2.3. Perticip.tionnie.e .t
a"togeatian
338
2.2. L•• condition. d. l'auto-dtvelapp. . .nt 1
epplication • l'agricultur. cangolaiea
339
340
340

r .'
-"",~._------~ -_ ...
PAGES
2.2.1.2. Lee evatars du eyetème
liqnaqer
342
2.2.2. La remodela tian de. structuree
productive.
343
2.2.2.1. Lt1n~r.v.r.1on 'conomiqua
343
2.2.2.2. La n'c ••• i't' de la
biologieaiian
345
2.2.3. La dimeneion pQliti~u.
348
2.2.3.1. L'enjeu de l'auta_d6valap_
p••• nt
348
2.2.3.2. L•• farc• • • u~a-tran.form._
tric..
354
Ccnclu.ig" •
3S7
Biblip9upni• •
361
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