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..
UNIVERSITE DE LA SORBONNE NOUVELLE
PARIS III
Permanence de la Notion d'Engagement
chez Ngugi Wa Thiong'o
........... e _0_._ . .!
THESE
POUR LE DOCTORAT DE IllE CYCLE
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Présentée par :
Cyrlaque Robert YAVOUCKO
Sous la direction de :
JUIN 1988
M. Miche; FABRE
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'~01'.11'cr

A /JOLE SOIjINKA
Pou~ de nouveaux comgai~
En vue de nouve11e~ vicioi~e~
Doni 1e cou~onnemeni ~e~a 1a
Ligé~aiion de NELSON ~ANDELA.
OÇIJ.N 1e veu1i !

..
R é ~ é R C l é ~ é N 7 S
7ou~ me~ ~eme~ciement~ vont à mon Di~ecteu~
~on~ieu~ ~ichei TABRé pou~ ~on ext~ême
comp~éhen~ion de ma ~ituation
pédagogique
et pou~ ~e~ !~uctueu~e~ di~ective~.
Je ~eme~c~e tou~ ceux qui m'ont mo~aiement
a~~i~té dan~ ce t~avaii, KéZZA étienne,
KO~ARIA Sé~aphin, KéNÇH07 Ciément,
KONÇBO Aige~t,
pou~ ne cite~ que ceux-ià.
7ou~ me~ ~eme~ciement~ vont égaiement à mon épou~e
et ci me~ ch~~~ en!ant~ pou~ ieu~ ~outien actif
dan~
ia ~édaction de ce t~avaii.

-
1 -
TABLE DES MATIERES
Pages
INTRODUCTION
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 4
PREMIERE PARTIE: Spécificité de l'Afrique de l'EST
CHAPITRE l
Le Poids de l'Histoire
....................•.••.• A1
1 - Des Sociétés sans structure étatique
•....•..•.•...•....... ~t
1°) Domination Arabe
...............••...........•.. )9
2°) Domination Portugaise
.................•..•..... ~O
3°) Domination Britannique
......•.................. ~~
CHAPITRE
II
Spécificité de la l i ttérat~rede l' Afr'~'lue
de l'EST
"
'
<) 5"
!.'.,., .'.•.-. ....... ........











~ _e ••
co<..
. .
.
l - L'Ecole coloniale comme source de valeurs destabiJi~atrices .. ~8
' i
'
. /
'
1°) L'implantation des missi~ns:et,,~6W""çonséquences
en Afrique de l'EST ...........•........•........ ~9
2°) Aliénation des valeurs autochtones et triomphe
du modêle étranger
.•...•.•.•.•.•.••...•••••.... 3~
II - L'Emergencè de la littérature de l'Afrique de l'EST
40
1°) L"
.
.
'"
1. 1
ecr~va~n et sa soc~ete ..•............•........ 4ï
2°) Littérature coloniale et images d'Epinal
43
3°) Le drame de l'écrivain
53

- 2 -
DEUXIEME PARTIE
Les thèmes de l'engagement de
NGUGI WA THIONG'O
CHAPITRE III
Thèmes et engagement
63
CHAPITRE IV
Les éléments de déséquilibre
66
l - Les ténèbres couvrent la cité
Ge ,
1°) La violence
............................ 10
2°) Choc de deux mondes
- Revalorisation
des cultures traditionnelles . . . . ~O
II - Désacralisation du Don Divin •............. ~~
1°) Le problème de la terre spoliée
.9~
2°) Histoire et fiction : Témoins complé-
mentaires de l'aliénation de la terre . )04
CHAPITRE V
Uhuru trahi
• . • • . • . • •• . • • • • • • • • • • • • • . . • . . . . . . . . AJ ~
l - La trahison du peuple ..•..•............... J~ 4
1°) Ambiguité du nouveau pouvoir
~A5
20) $urvi vance des liens coloniaux
A,A +-
3°) Constitution d'une petite bourgeoisip
nationale
••••.•••••.•.••............ ~ 4:]
4°) Alliance avec l'impérialisme
A~~
II - La nouvelle société Kényane ..•........... .;f 40
1°) Prise de conscience de
-classe et af-
firmation de la lutte des classes au
KENYA
..................•............ ) 4.(.;
2°) Jorno Kenyatta : Force de négation dans
la nouvelle société Kényane .•••...... . ,A.5f

- 3 -
CHAPITRE VI
NGUGI, l 'Honune , sa vision du monde
)&6
l - NGUGI, le Kénya 1 le monde
/\\ 'tO
1°) L'histoire
: facteur de réhabilitation
dupe upIe
À1-0
2°) NGUGI, artisan de l'Etat unitaire et du
Panafricanisme
Jfk
30) NGUGI, le peuple, sa culture
.) t-g
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
1) Les oeuvres de N' GUGI •........•................................. A 9~
2) Ouvrages et articles concernant N'GUGI
..1195
3) Bibliographie générale
................................. ,
. .îoo

-
1 -
TABLE DES MATIERES
Pages
INTRODUCTION
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 4
PREMIERE PARTIE: Spécificité de l'Afrique de l'EST
Âb
CHAPITRE l
Le Poids de l' Histoire
,.t1
l - Des Sociétés sans structure étatique
Jt
1°) Domination Arabe
)9
2°) Domination Portugaise
~O
3°) Domination Britannique
~
CHAPITRE
II
Spécificité de la littérature de l'Afrique
de l'EST
~ 5
l - L'Ecole coloniale comme source de valeurs destabilisatrices " ~8
1°) L'implantation des missions et ses conséquences
en Afrique de l'EST .......•..................... 02,9
2°) Aliénation des valeurs autochtones et triomphe
du modèle étranger
3--1
II - L'Emergence de la littérature de l'Afrique de l'EST
40
1°) L"
.
.
"
,
1."1
ecrlvaln et sa soclete
LfT
2°) Littérature coloniale et images d'Epinal
43
3~) Le drame de l'écrivain ...................•...... 53

- 2 -
DEUXIEME PARTIE
Les thèmes de l'engagement de
NGUGI WA THIONG'O
CHAPITRE III
Thèmes et engagement
..............•........... 63
CHAPITRE IV
Les éléments de déséq ui li bre ......••........... (,6
l - Les ténèbres couvrent la cité
...•••.•..•.• 68
,
10) La violence
•.•..•.•••.•.•.••...•.•....• 10
2°) Choc de deux mondes
- Revalorisation
des cultures traditionnelles
...• ~o
II - Désacralisation du Don Divin •...••...•.•.• ~~
1°) Le problème de la terre spoliée ..•..•. .9~
2°) Histoire et fiction: Témoins complé-
mentaires de l'aliénation de la terre . .)04
CHAPITRE V
Uhuru trahi
• • • • • • • • •• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • .• ~
l - La trahison du peuple
lA 4
1°) Ambigùité du nouveau pouvoir .•...••... ~~5
2°) Sur vi vance des liens coloniaux ...••... AÀ:f
3°) Constitution d'une petite bourgeoisip
nationale
•••••...••..•••••••.••..••• ~ .Jg
4°) Alliance avec l'impérialisme •..•...... A~~
II - La nouvelle société Kényane
A 40
1°) Prise de conscience de
'classe et af-
firmation de la lutte des classes au
KENYA
• . . . • • . . . • • . . . • • . • • • . • • . • • . • . . .) li.(,,;
2°) Jomo Kenyatta : Force de négation dans
la nouvelle société Kényane •..•....•.. Ji st

- 3 -
CHAPITRE VI
NGUGI, l' Honune, sa vision du monde ...........••.. Abb
l - NGUGI, le Kénya, le monde
.11 1-0
1°) L'histoire
: facteur de réhabilitation
du peuple
;\\1-0
2°) NGUGI, artisan de l'Etat unitaire et du
Panafricanisme
Jfk
3°) NGUGI, le peuple, sa culture ........•.... .) 1-<&
CONCLUSION GENERALE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. J ~~
BIBLIOGRAPHIE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .;\\ 93
1) Les oeuvres de N' GUGI ......••••....•.•...................•.••... A 9~
2) Ouvrages et articles concernant N'GUGI ..•.................•..... A95
3) Bibliographie générale
......•.......••.....................••.. too

- 4 -
l N T RaD U C T ION
la littérature africaine a, de ses débuts à l'année des Indépendances, pris une IErt
:imp:>rtante dans les nouvaœnts de revendications et de protestations qui ont culminé avec
la libération JXllitique de l'Afrique.
Très tôt, elle a pris fait et cause JXlur les forces JXlpulaires en lutte IXJI..II" l'indépendance,
côte à côte, avec les nouvaœnts de libération, les JEIti.s JXllitiques, les syndicats de l'éJXlque
coloniale.
la littérature africaine s'est ~ée de llEJlière frontale dans la lutte IXJI..II" l'énBrciJEtion
des Mricains. Cet engagaœnt s'est rmtérialisé JEr des oeuvres littéraires destinées à nnntrer
les brutalités, l'exploitation, les exactions des IX>UV0irs coloniaux ; le caractère aliénant
de leur systène éducatif, la destruction des cultures colonisées et les aspirations des Mricains
à la libre d.ispŒ;ition d'eux--nêœs.
Rem MARAN, fonctionnaire colonile, originaire de la rnYANE, donœ le coup d'envoi en 1921 JEr
la publication de BA'IUJAI.A, oous - titré Véritable raran nègre •
Le raran raœttait en cause la" "Civilisation ", prétexte jusqu'alors avancé JXlur justifier la
colonisation et l'exploitation de l'Afrique. Le doute s'installait, JXlur re nuer en contestation
en Mrique de la prétendue civilisation:
" Civilisation, orgueil des furopéens, et leur charnier d'innocents, Rabindranath Tagore, le
~te hindou, un jour à TOOo, a dit ce que tu étais !

1.
5 -
Th Mtis ton royaure sur des cadavres. Q..Joi que tu veuilles, quoi que tu fasses,
tu te rœus dans le rœnsonge.
A ta vue, les lanres de sourdre et la douleur
de crier. Tu es la force qui prirœ le droit
Tu nI es lES un flambeau, rœ.is un incendie. Tout ce à quoi tu touches, les COIlSl.lœS ••• " (1)
DI autres raœns de la nBœ veine ont suivi, entre autres, dans 11Afrique dl expression
française, re vieux œgre et la nédaille et uœ vie de ooy, de Ferdinand Oyooo, tous deux
publiés en 1956 ; Le Pauvre Orrist de Banl:a (1956), M:i.ssion terminée (1958), de t-bngo Béti
Les oouts de oois de Dieu ( 1900 ) de Senœne CXJsœne ; dans 11Afrique dl expression anglai.re,
Things fail aJErt (1958), de Chinua Acœbe•
.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
(1) MARAN René, futouala : Véritable ramn nègre, Edit.Albin Micœl, 19~, P.ll

-6-
Ces rClIBIlS ont puissamœnt contribué à l'anéantissaœnt du colonialisœ ; leur préoccup<ltion
lIBjeure était la dénonciation de la coloni.s3.tion, ses rœt:h<:xles de ~rsonnalisation et d'aliénation ,
son systàœ éconarrique fondé sur l'exploitation des ~uples daninés, la revendication de la libéra-
tion de l'Afrique. les écrivains ont pris leur pluœ pour détruire des contrevérités scü:mrent
entretenues, le falJacieux discours de l'élIIDur du prochain, de la société de l'égalité, de la
fraternité, ils ont écrit pour dérrnlir les prétendus
"avantages" de la coloni.s3.tion.
L'objectif de la littérature africaine était précis, oon axe idéologique de l'époque, bien
défini.
Cet axe visait la libération de l'Afrique, l'indépendance politique des peuples africains,
la revalorisation des cultures et des valeurs africaines.
L'engagaœnt de la littérature africaine fait corps avec l'histoire politique de l'Afrique,
ce, depuis Batoua1a,
de René MARAN, à Ngaahika Ndeenda, de N' gugi \\oB thion~.'0, p:rru en 1977.
llipuis Platon, l'idrol politique reeœrche le bien camun pour le S:1uvegarder, i l reeœrche
l'intérêt général contre les égOlsœs étoits, les avantages individuels. L'harrre a, de tout tffiIIl5
aspiré à la justice, au 1:œœur, à la sécurité, collective et individuelle.
le contact du continent noir et l'Euro~ a ranpu l'équilibre lIBtériel, lTDral, religieux
que les ~uples, lEI" de pratiques diverses (coutures, lois, tabous, interdits) ont toujours reeœr-
clé, protégé, renforcé. La traite des Nègres a, pendant cinq siècles d'affilée, Ponctionné les
forces vives du continent, les bras les plus valides pour féconder les Am§riques au profit des
cœq:agnies et entreprises européennes.
La colonisation directe de l'Afrique, œuvre de la Conférence de Berlin, a fini de désorganiser
lm continent, des ~uples déjà duraœnt éprouvés; leurs systèlres de gestion et d'évolution interne,

-7-
brisés. Les cultures, les valeurs qui donnent confiance à l'individu, à la collectivité, ont été ,
à des degrés divers, altérées, dérrBntelées, canœttues IET l'action conjuguée des écoles et des
missions.
Les {X)uvoirs de décision ont été graduelleœnt laminés, les dépositaires légaux, dépossédés,
réduits à leur simple expression.
L'ensemble de œs facteurs ont fait de l'Afrique une terre de misères, de souffrances, une terre
de smg et de lanres. Une terre où la dés:lgrégation physique, norale, religietre a été considérable.
L'exploitation des colonies a eu des ré~rcussions néfastes sur toutes les COl.lC1Es sociales. I.e
tableau qu'offrait l'Afrique était affligeant. Partout à la ronde, en général,
"fupuis
la dispersion des tribus est carrœncée. Les villages Ee désagrègent, les familles
s'égaillent, dEcun alandonœ sa tribu, son village, sa famille et EeS plantations, va vivre dans
la brousse carrœ un fauve traqué ... (et) reste ca~ dans un ('::lin de brousse, devenu troglodyte,
vivant misérableœnt de racines jusqu'à ce qu'il rreure de faim."
(1)
Ce sanbre tableau reflète, gros~~:);nodo, l'oeuvre de "p:lCification" et de "nûse en valeur"
des colonies.
L'idéal de la liœrté, qui pousse des hcmœs à Ee lever, à Ee œttre et à nourir "{X)ur
contrer l'oppression ffibite tous les ~uples. Très tôt, la résistance africaine s'est organisée
f~ à la darrination coloniale. Paresse intentionnelle, fuites, salx:>tages, puis révoltes ouvertes,
vont de IEir avec les exactions subies .
............................................
.
'
(1) André GIŒ, Voyage au Congo, Gal.l.inard 1927 et 1928, PP.81 - 82.

-8-
la naissance des nnuvffœIlts syndicaux, lB création des p:rrt.is JX)litiques, l'éclosion des
églises indér.endantes vont {enœttre aux Afrcains d' orgarùser leur engagffœllt dans lB reeœrche
de leur liœrté et lB reconquête de leur identité culturelle {erdue car l'ordre colonial ~ traduit
IlBtériellffœllt prr l'aœenœ de démxratie et de prrticiIBtion des {euples colonisés à lB gestion
de la chc>.92 publique, le refus de reconnaissance de tous droits. Cet ordre ~ définit prr lB
corruption, l'arbitraire, la tyrarmie, les répressions sanglantes, lB destnx:tion des valeurs
stabilisatrices .
la littérature africaine s'est inscrite _-dans -le contexte socio-historiquedu muvaœnt
nationaliste. Côte à cÔte, avec les p:rrti.s JX)litiques, les syndicats, les nnuvffœIlts de je~,
les églises indéP2fldantes, elle a joué un rôle de pranier ordre dans l'acte de liœration de
l'Afriqœ. la littérature africaine a aidé à exJXlSer les tares du colonialisœ, les vices et les
pratiques œgatives qu'il génère, le Ieigœnt canœ une force de œgation. les écrivains africains
ont donné confiance aux militants engagés dans le canœt de la survie et de lB renaissance JX)litique,
éconarri.qœ et culturelle.
Se considérant canœ en ~rviœ cœmmdé, ils ont s=coué la to~ur des différentes coucœs
oociales et ont aidé à décanplexer l'écrasante IlBjorité
"
à qui on a inculqué savamœnt
la JEUr, le canplexe d'infériorité, le tmnblffœllt,
l'agenouillffœllt, le ~JX)ir, le larbinisœ." (1)
(1) Césair~ AIME, Discours sur le Colonialisœ, Présence Africaine, 1955, P.20

-9-
Volontaimœnt réaliste, la littérature africaine, les écrivains africains ont joué le rôle
qui leur était dévolu: être le {X)rte-prrole des nasses {X)pulaires, analIiEœtes, cherclant une
issue, une voie de sortie du cauchenm
colonial. leur engagaœnt a pennis de {X)rter les aspirations
des {X)pulations, leurs lanœs et leurs cris, dans les JErlaœnts, les universités et les cafés
ni!tro{X)litains •
la littérature africaiœ a constitué un IJBillon irnrortant et solidaire du vaste llDUvaœnt
œtional p:mafricain dont les différents fronts de lutte étaient les p:rrtis {X)litiqœs, les syndicats
les églises indépendantes, les différents llDUvaœnts de jeunesse.
Aù lenda;ain de la deuxiàœ guerre nnndiale, les JErtis {X)litiqœs tolérés ou clandestins,
ont fleuri- en Afrique. la ûmférenœ de IBndoeng,tenue en 1955, a renforcé la conviction des
Africains de IEI"Venir à la liberté, à l'anéIDtissaœnt du coloni.ali.sœ, fustigé canre une tare.
Le3 JErtis {X)litiques ont joué un rôle de nobilisation des llRSOOS rurales, planteurs, ouvriers
agricoles, intellectuels, sur une plate forne précise: libération des ~uples oppri.m§s d'Afrique,
l'indé{Bldanœ.
Le3 syndicats africains oont ms tardivaœnt en Afrique du fait de l'abgenœ, à une ~cxie
donœ, d'infrastructures industrielles et de IlBturation éconanique et, après 1945, JEr
les lois
repressives coloniales. Les syndicats africains ont {X)rté leurs revendications au delà de l'anélio-
ration superficielle des conditions de travail {X)ur dénoncer la racine du nal africain, le rég:iIœ
colonial.
Ils ont su rejeter la coupure entre revendication corporatiste et lutte {X)litique, en nettant
l'accent sur' l' émnci\\Xltion {X)litique de l'Afrique.

- :0 -
Les égl.ires indépendantes oont n§es de la repression et du rrépris essuyés p:rr les
Africains, les ClÛtuœs Africaines, dé.la·p:rrt des nrissions chrétiennes, des Iœurtrissures du
choc entre les valeurs africaines et les valeurs europ§ennes. Les églises indé~dantes ont
aidé à dénoncer l'ordre colonial en prêchant l'avènaœnt d' uœ "Nouvelle Jérusalenll où les
''t-a:hants'' - les colonisateurs blancs - s:Tont exclus et pulvérisés p:rr le feu de la colère de
Dieu, et les ''Bons'' - les opprirrés mirs - seront bénis et se verront mœttre le c<JJIŒIIldaœnt
de l'htmmité JX)ur mille ans.
la littérature africaine, œe dans les écoles et les instituts universitaires came
Fourah Bay, Iladan, en Afrique de l'OJest;
l'13karere, en Afrique de l'Est, a pris IXSition
dans la ligne du grand courant qui aninBit les différentes or~tions africaines à l'éJXXlue
elle a pris IX>sition,femaœnt, à un rroœnt ~ où
" Le tanps du refoulaœnt et des inhibitions a fait place à un autre âge : celui où
"
'.'
-
l'hcmœ colonisé prend conscience de ses droits et de ses devoirs d' écrivain, de raœncier ou
de conteur, d'essayiste ou de poète.
la pluvreté, l'analphaœtïsœ, l'exploitation de l'hcmœ JE!" l'inInE, -lEt racisœ oocia1 et
politique dont souffre 1'hcmœ de couleur mir ou jauœ, le travail foo:ié, les inégalités,
les rœnsonges, la résignation, les escroqueries, les préjugés, les canplaisances, les
lâchetés, les démissions, les c:riJres cormis••••.
~plus en plus, 1Xllitique et littérature s'entre!Élètrent et leur synchronisœ se fait de plus en
plus apJE!"ent dans les oeuvres des repù~sentants de la muvelle école ." (1)
(1) IW1AS Léon,Gontran, Poètes d'expression française, Paris, 1947
t

-11-
Cette "école oouvelle"
dont JEI"le fums est, l'école des {X)ètes et écrivains engagés, Icintres
rfulistes de la situation coloniale, en rupture de Œm avec des traditions de p38ticœur de la
littérature euro~e.I1r:-littératureafricaine, les écrivains africains de la période coloniale
ont ranpli la mission qui leur était dévolue.
Q.Jelles sont les préoccup:ltions de la littérature africaine et des écrivains africains
après les Indépendances ?
Est ce que les écrivains africains ~t que le cantat qu'ils ont ~ s'est acœvé
avec les indépendances ?
I.e courant engagé qui a caractérisé la littérature africaine de Batouala au raœn
Les routs de rois de Dieu, s'est - i l est~ ?
Nous avons choisi les œuvres de N'gugi \\03 Thiog'o IX>llr tenter de répondre à ces questions et
surtout, d'évaluer, à travers ces nêœs oeuvres, la vitalité de la ootion d'~t de la
littérature africaine dans la période IOSt-indépend8nte.
Ecrivain prolixe, originaire du Kénya, N'gugi \\03 Thiong'o est le prarrier ramrcier dE l'Afrique
de l'Pst (Kénya, 0Jganda, Tanzanie). Il a publié son prarrier rœan, Weep oot, Ori.ld, en 1964, soit
qœtre ans après 19ffl, l' ~ des indépendances, et un an après l' iOOépèI1daoce de son p:lys.
Sa dernière oeuvre du IIllIEI1t est llivil on the cross, écrite en Gikllyu et traduite en anglais
en 1982.
les oeuvres de N'gugi \\03 Thiong'o sont engpgéeS dans leur totalité du fait que, d'une p:lrt,

»
- 12 -
" le coloni.alisœ est l'objet d'attaque
constant. L' auteur-narrateur est entièraœnt du
côté de la révolte, fustigeant les atrocités de l'administration coloniale et l'hérofsre des
rebelles de la forêt qui luttent contre l'administration coloniale." (1)
Et d'autre JErt, dans ces oeuvres, la nouvelle lutte des pèuples contre les nouveaux
qui
IUlvoirs qui ont succédé à l'ordre colonial IIBis Poursuivent s:l politique d'exploitation des
nasses çaysarmes et des oovriers, de confis:ation des droits éléIœntaires et du renforœœnt du
statu quo pour p2I1rettre au capitalisœ de draiœr les riches3es du çays vers l'étranger, cette
lutte là est quasi penœœnte.
Le. cadre des oeuvres de N'gugi introduit dans un univers régi çar un ordre sx:ia1, politi-
que et éconarrique aliénant, un univers 00 des individus, presque les IIBins nœs, oont livrés aux
forces aveugles des appétits du colorrial.isœ, et ceux de la pètite èourgeoisie locale alliée au
capitalisœ.
L'ordre des oeuvres de N'gugi oMit à UIE fome linéaire canportant quatre talJIE forts
1°) Le talJIE Initial 00 Originel, temps de l'équilibre, ou les p2rSOllIEgeS vivent
dans un environœJœnt cohérent, équilibré.
C'est la période mythique OÙ r1.rrungu, le crÉateur, fait don exclusif de la terre et
de toot ce qu'elle contient au prEmier lxmœ Gi.kuyu, et à la prenière fEmIE, Munbi,
à travers eux, à leur descendants •
......... .. ... .. .. .. .. ... .. ... .. .. .. .... .. .... ...... ...............................................................
(1)
GAKWANDI ,Shatto ,Arthur, 'Iœ Novel and contemporary Expérience in Africa, Heinaœnn, 1977
p.lœ

-13-
2°) I.e ~
Dialectique du ~uilibre, rmrqué p:rr l'intrusion d'une force
destabilisatrice, l' app:rrition du ~ (l' hcmœ blanc), propœtisée IN le
grand voyant Hugo \\0.6 Kibiro ; app:rrition suivie p:rr l'aliénation de la Terre,
don exclusif de Murungu à Gikuyu et Munbi, et la révolte des œn.tiers légitiJœs
et frustrés (ooulèvaœnt M1ll""Miu).
3°) I.e ~ de Rééquilibre correspond à l'avèIaœnt de Uhuru (1963) et la reprise
du pouvoir IN les enfants de Gikuyu et de t1Jnbi.
4°) I.e tanps de la llisillusion est rmrqué p:rr la prise de conscience IN le peuple
de l'alliance existant entre la minorité au pouvoir et les Iffissaoces fimncières
étrangères. C'est aussi le ~ de la prise de conscieoce IN les IEYS3I1S et les
oovriers de l' existeoce des luttes de clas:es au Kénya et leur organisation
sul:séquente en V1..Ie de la pr:i3e du pouvoir pour contrôler les nnyens de production.
L'engpgaœnt de N' gugi t:ourœ prioci{E1eœnt autour du qœt:ri.èlœ trops, qui
correspood à la Iériode JXlS1:-indépendaoce. Sa vision Mmd.ste le convaioc du fait que le
oonœur des IEYsans et des oovriers, la reconquête de leur pleire ln.mm:i.té, toot à tour, niée
p:rr l'ordre colonial dans le JESSé, et depuis l' indépendaoce, en penœnente répression IN
la petite lx>ugeoisie dirigeante, cette reconquête œ peut prov~~' la prise du pouvoir effecti-
ve IN le prolétariat, allié à la IEysannerie pour l'instauration d'une sx:iété oocialiste.

-
14 -
Les œuvres de N'gugi, de JEIt leur engageœnt p:>ur la déf~ des opprinês et des exploités,
appellent l'avèœnEnt d'ure s:x:iété juste, égalitaire, l'instauration d'lU1 ordre oouveau dans .
l'Afrique de l'après-indépendance, lU1 ordre qui ~ sauvegrrder les intérêts de toutes les
N'gugi croit à l'Afrique, il croit aux IIESgeS p:>pulaires africaiœs, à la classe ouvrière
africaine. il est convaincu que
" Claque peuple a IlDntré ure cap:d.té à accroitre de IIEnière indépendante s:>n labilité à vivre
ure vie plus satisfaisante pgr l'exploitation des ressources de la œture .••
L'Afrique étant le foyer de l'hcmœ (elle) a été évidarrœnt lU1 contibuteur inJIx>rtant aux processus
pgr lesquels des groupes hLJœins nnntrèrent ure cap:d.té toujours croissante à extraire de quoi
vivre de leur environœfœnt œturel." (1)
L'engagaœnt de N' gugi en fin de canpte, célèbre l' h:mœ dans ce qu'il a de pœ::i.tif et
d'hUIBin ; 1'lxmœ , être social, qui peut prendre en canpte l'existence d'Autrui et rendre la cité
entière agré3ble à la race humiœ.(2)
(l)
~ \\.Jalter, How Europe Underdevelop:rl Africa, Bogle - L'01vèrture Publications, London,
1976, P.ll
(2)
NB
: Les oeuvres de N'gugi \\oB Thiong'o oont abrégées dans ce travail canœ il suit

- 15 -
\\<kep oot ChUd
:
~
Tœ River BeTheen
:TRB
A Grain of the ~t
AGOW
Haœcaning
HCM
Tœ Trial of Ia1an K.irrBthi
TODK
PetaIs of Blood
POB
I Will Mmy \\o.ten I like
IML
Devil on the Cross
DOC
Detained
:. D
Wrlters In Poilties
WIP
Tœ Black Imrit
TBH
Secret Lives
8L

lb
PRE MIE R E
PAR T l E
s.P.~ C l FIC l T E
DELl A F R l QUE . DELl EST

-
17 -
CHAPITRE l
LE POIDS DE L'HISTOIRE
L'Afrique de l'EST est largaœnt tributaire de oon histoire.
Le legs du P3SSé est déterminant dans la canpréœnsion des 'lIPuvl3Œrtts et des actions qui.
s'y oont déroulés. Ce P3SSé est façonné prr la ~tion géographique de la région., les différents
contacts qu'elle a eus avec le nnnde araœ, {erse et la chine. Ces courants d' éclEnges rot façonné,
m:xl.ifié, oouleversé le IEysage culturel, éconarri.que et JX)litique de l'Afrique de l'EST.
la littérature qui. s' est dévelop~ après l'année des Indé~ est anpreinte elle aussi
du JX)ids de l'histoire. Les évèraœnts constitutifs de sa suœtaoce provienœnt de ce P3SSé tUllÙ..tue~
ricœ en tragédies, en souffraoces •
l - Ils ~ SANS SIRlCIURE ETATIgJE
Les deux colonies britanniques, le Kénya et l'OJgpnja. auquelles est venu s'ajouter le
Tangpnyika après le traité de Versailles en 1918 n'ont pratiqtBœJlt P3S généré d'Etats structurés,
de puissants Empires ayant regroupé divers {euples, diverses o.ù.tures 00tJS la férule d'un seul
nnnarque.
i l n' y a rien dans cet esraœ géographique qui. puisse être canreré aux grands Empires
Oœst - Afriœins came le <lEm, la Mlii, le SonghaÏ ou le royauœ du Kongo en Afrique Centrale.
la région JXlSSède ~ins une histoire aocienne. vivante, rrouvaœntée. D'émiœnts voyageurs

- 18-
araœs ont laissé des térroignages précis sur la côte orientale de l' Afriqœ. Al M3.ss0udi, originaire
de Bagdad qui visita la Perse, l'Inde, la Oùne donne de précieuses infonmtions sur les harrœs,
les coutuœs. lB cité de tbnlas:i accœillit en 1331 Ibn Batuta, originaire de Tanger. les chinois
ont aussi connu la côte orientale. En 1414, tme délégation africaine de Mliindi (Kénya) ap{X)rta
à l'FJrqa-eur de Qriœ des cadeaux dont tme girafe. L'amOOssade est
reconduite à M:ilindi p3r
l'eunuqœ amiral 0aJg Ho, qui a dirigé trois e~tions dans l'océan indien .
lB Oùne, l'Indonésie, Ceylan, la Perse carrœrçaient activaœnt avec les cités côtières qui
recevaient de la {X)rcelaiœ de Qriœ, des p2I"les, des vêtaœnts. Elles eXJX)rtaient de l' ivoire
IXllJr la fabrication des {X)igri!es d'anœs, des bijoux et chaises d'appgrat ; des ]:alUX de léop3rd,
des cornes de rlri.nocéros.
Le Ialplaœnt de l'Afriqœ de l'EST est largaœnt tributaire de la région nilotiqœ.
Entre le XVII èrœ et le XVIII àœ siècle, d' ÏJIJIX>rtarlts nouvaœnts migratoires de
IalPles p3rlant des langues nilotiques ont investi le {X)urtour des Grands lBcs.
fu {Etites entités indéJEldantes sans grande ÏJIJIX>rt3oce ont été constituées. Le
Bunyoro, le 'Buganda, l'Ankolé n'ont pu déJESSer leur cadre étriqué {X)ur constitœr des grands
esp3ŒS {X)litiques. Un peuple canœ les M3saf, gœrriers de grande valeur IIBÎtrisant toute
l'éta1dœ des fuuts Plateaux n'ont coocrétisé cette danination territoriale p3r la création
d'un Empire ou d'un royauœ ffilide.
lB faiblesse des {Euples de l'Afriqœ de l'EST à organiser un esJECe {X)litiqœ
strucuté, dé~t les limites de {Etites entités claniques a eu canœ conséqœnœ historiqœ

- 19 -
une succession de supréIBties étrangères, un assuje~t qœsi p2IllBI1eI1t à des forces
extérieures coill"onnées lEI" la colonisation britarmique.
Les Ialples de l'Afrique de l'ES!' ont eu à cause de la grande façade nnritiJœ de la
côte, très tôt des contacts avec d' autres ~uples. Ils ont eu à prendre IEI"t à des relations
nultifonœs à la faveur de la œvigation rraritiJœ.
la careoce d'une entité {X)litique ïintégrée, d'une certaine unité organique de ressomœs
huœi.nes crée des conditions favorables à des échanges inégaux et à la darrination.
Les Ialples de l'Afrique de l'ES!' qui n'ont IU générer de grands Empires ont subi diverres
darrinations •
10 ) Imination araœ
L'invasion araœ du continent africain qui a CXJIIœOCé au 7 àœ siècle a constitué
l'un des grands IIDtIVaœIlts migratoires des ~les d'Arabie en direction des régions voisines.
la surpop.Uation était la cause prirriJcle de cet :ÏJlJlX)rtant flux migratoire.
Al' exception de Si frange australe et orientale, l'Arabie est un désert. la recœrcœ de OCIUvelles
régions était d'une nécessité vitale {X)Ur Sitisfaire l'ép:mou:i..ssE!œnt des tribus rarnantes.
Le flux migratoire s'expliquait aussi lEI" le lanœsœnt de l' Islam ~ une des plus grandes religions
révélées. Entre 622 et 623, le pro~te t1JharrrJEd lança aux tribus arabes le rœssage qui allait
devenir la pierre angulaire de l' Islan : là il1àha illa llâh IIJJhanmmdun rasulu' l1.âh : i l n' y a
de dieu, rœis Dieu; t1:XmIœd est le Messager de Dieu. " la doctrine du Dieu unique et de la

- a ) -
suprénBtie de oon ~ sur terre ~vanisa les aralEs qui y trouvèrent une fraterrùté PJlIr
transcender les divisions et les conflits entre tribus rivales. Le Coran, la révélation directe
de Dieu à MJhamœd IlBtérialis3it la foi dans la langue araœ came véhicule lEI' excellence de
l'expression du savoir, de la sagesse et de la croyance au créateur.
t1Xlamœd enleva aux arabes du 7 àœ siècle tn1 canplexe d'infériorité qu'ils ~taient vis - à -
vis de leur frères ennen:is, les juifs.
l i les a dotéd'une religion révélée, à l'instar du judaisœ, et d'un livre Saint, à l'eXEmple
de la Bible. Ce facteur déterminant leur pmnit de l'élancer à la conquête du nnnde, nantis d'une
oouvelle identité et d'un projet int:iIœ.
Les arabes, dans leurs nnuveœnts d'eX(EIlSion de l'Islam, ont l~ daniné
la côte orientale de l'Afrique. lis oot sillonné très tôt l'océan indien, SJirialeœnt les {X)rts
de la côte temJS prr des cœmmautés de IlBrclands lIlJSlÙIIEns et ont joué le rôle d' internirliaires
entre la région et l'Asie.
Les inmigrants arabes 92 ~nt viteassilQi]ésdans le.IQYS des "ZaOOs". c'est à dire des Noirs où
ils s'installaient de lIBIlière définitive. lis oot contribué à l' élœrgenœ du SWAHILI, langue
~ de nnts d' origire œnt<::llle et III.ISU1nBne.
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Le Portugal a régné sur la côte de l'Afrique de i'ESI'ùe 14~ à l~. La pré92nce
portuga.i.re a reIXlSé sur une extrÊfœ cruauté faite de rœssacres, de pillages et de destructions
~"ténBtiques. Une fois tattœs et conquises, les cités côtières 92 voyaient :imposer tn1 tribut

p-------------------------
- 21 -
élevé dont une grande IErtie allait dans les caisses de la Couronne {Xlrtuga.j.re. Avant l' arrivée
des {Xlrtugais, tID réseau intense de ccmœrœ existait entre la côte et l'Asie p:rr le biais
d'intenœdiaires araœs. Ceux-ci, néthodiqtHœIlt l'ont dénBntelé . Ils n'ont pu Iœttre en place
tID nouveau systàœ {Xlur CCIJIIalSer l'ancienne intégration éconanique de la région. L'tnstilité
des {Xlpulations à leur égard allait croissant. Conscients de vivre dans tID milieu reœlle, les
{Xlrtugais construisirent Fort - Jésus. en ~1 dans le dessein de t=E protéger des attaques
éventuelles .
lli début à la fin de leur danination, les {Xlrtugais n'ont cessé de t=E canporter ccmœ
des éléIœnts étrangers ne connaissant d'autre {Xllitique que la repression, les pillages, le
vandalisIœ. Ils n'ont lES su s'adapter au milieu {Xlur générer une oouvelle s:x:iété, tID systàœ
neuf de ccmœrœ et d'échange. Leur {ESSClge est irnIDrtalisé de
nanière durable p:rr l' ap{Xlrt des
plantes ~caines au continent africain. Mlls, ananas, goyaves, patates douces furent introduits
p:rr leur ent:raniEe. Les {Xlrtugpis n'ont lES eu cependant la tâche facile {XllIr s'imposer dans
l'océan indien.
VI«JJ lE GAMA a affronté l'lnstilité des araœs dès son entrée dans le littoral est-africain en
1497.
t-bnOOsa a refusé de les accueillir et ils ont été obligés de continœr jusqu'aux Indes avant de
retourner au Portugal.
Ce n'est qu'en 1:D5 que Francisco d' A.lrœida, Vice-roi des Indes a pénétré dans l'océan indien à la
tête d'une flotte transp:>rtant au noins mille cinq hcmœs. En quatre aI1D2es, i l a sornti.s les villes
côtières en I.lS3I1t de violeoce et de brutalité.

F
-22-
Au sud du cap llilgado, la courorme portugp.ise a déployé de grands efforts pour tenter de diriger
vers Lislx>nne les revenus procurés p3T les divers trafics. la contreb3nde, la corruption des
fooctionnaires locaux ont contrarié ces efforts.
L'influerœ portugpiEe sur la côte orientale a été un écŒc. Fconaniqœœnt, les Po~
ont ruiné ce qui existait et se sont IIDt1trés iocaIEbles d'entretenir les oources de ricœsse qui
étaient en place à leur arrivée. Politiqœœnt, l'influence portugaise a été rnùle. Les Port~
n'ont IES pu créer une anb:iaoce favorable aux 00nœs relations ~, condition première à
une qœlconqœ influence. Ils n'ont pu se défaire de l'attitude défensive et forcérœnt ~tive,
dans 1aqœlle ils se oont enfernés dès le début de leur préseoce sur la côte de l' Afriqœ de l'ES!'.
3°) Ibnination britanniqœ
la IIBin-mLge de la Grande-Bretagœ sur l' Afriqœ de l'ES!' a carrœncé p3T une expédition
subventionœe p3T la Royal Geographical Society de londres présidée lEI" lord Aterdare. L'expédition,
confiée àJoseIfl 'llurron devait:
"découvrir une route directe pour les voyageurs européens
à travers le IEYS t1lsai depuis lID
port de la côte ES!'-africaiœ jusqu'au Victoria Nyanza" .(1)
les rivalités anglo-allEmIDdes se sont lIBJlifestées lEI" des replis, des concessions
réciproqœs. I.e Gouverneœnt britanniqœ œ s'est IES engagé directaœnt pour la mise en valeur,
la gestion et l'administration de l' Afriqœ de l'ES!'. Uœ cœJIXlgIlie à charte, l'Impérial British
East Africa (LB.E.A.) organisée en 1ffi8 était jur1d1.que!œnt propriétaire de l' e5IEŒ et seule
(1) RIGEL)Jacqœs, Kénya, Edition centre llilta, 1979, P.53

-23-
véritable b2néficiaire des accords internationaux délimitant les zones d'influence.
En 1895, le Gouvemaœnt prit lui""1Iêœ le relais IX>ur élSSI.lTEr la charge des nouveaux
territoires. Le capitaine ÙJgard, ancien officier des Indes, étendit le protectorat de 1 'LB.E.!
sur le Bugpndaren s'appuyant sur le pouvoir traditiormel en place.
L'ah3enœ totale d'Etat organisé pouvant oPIXlSff uœ résistance penrri.t aux Britan-
niques de créer le Protectorat de l'Afrique orientale s'étendant entre le littoral de l'océan
indien et' 1 'QJganda. Le Protectorat était viab:i.l.tSé f6I'<1 'Uganda Ra±lwy dont ~ travaux ont
débuté en 1895.
Le chanin de fer a été construit pour intégrer l'intérieur du Kénya et fournir tID accès '
stratégique aux oources du Nil. En 1894, profitant des guerres civiles qui déchiraient le
groupe M:1sa.i. les Britanniques réussirent à JESS2r uœ alliaoce avec uœ fractioo de ce
peuple guerrier. Ils s' impœèrent sans grande résistance aux Kikuyu et aux Kamla. rendus
vulnérables lEI" des conflits internes. Les M:1sa.i furent utilisés canœ force d'appoint contre
les Nandi avant d'être à leur tour victiJœs de IIESSives déportations vers le Sud de la
Rift Valley. L'Afrique de l'Est n'a JBS généré de résiStants de l'envergure de Sannri. Beœnzin
ou Omr Tail en Afrique de l'0Jest.
L' Orilonance de lDndres de 1<X>2 a autorisé les camrissaires à vendre les "terres
vacantes" dans les Protectorats où n'existaient JBS de gouvenaœnts locaux. Au Kénya. les
terres dites vacantes oot été divisées en deux prrties i.négples. l'uœ attribuée à la courorme.
fut Ouverte à la colonisatioo. l'autre fut garantie aux indigènes avec le statut de réserve.
Les "Highlands" oot été concédées aux Eurorœns à tID pris symbolique.

- 24-
Le IaYS tout entier a été incoqx>ré dans le syst:àœ du canœrce international IX>tJr jouer le
rôle classique d'tnl IaYS à la ~phérie du syst:àœ capitaliste, exJX)rtant des rratières prerrières
et :inJIx>rtant des produits lTBIlufacturés. lB nature de l' éconarrie de l'Afrique de l'EST reJX)S&a
désoITIBis sur tnl syst:àœ de nnnopole poussé à tnl très haut niveau.
lB spécificité de la colonisation de l'Afrique ck JfST p:lr la Grande-Bretagœ repose sur
~ grande utilisation du systàœ de colonat renfloué p:lr des nétropolitains dérobilisés ou
recrutés en Afrique du Sud.
Le dessein du colonat était de créer ~ enclave de la SXiété nétropolitaine dans les colonies,
spécifiqœœnt au Kénya relon la perSJX=Ctive de Joimston, Haut Camrissàire britannique en
Afrique Orientale qui, en 1<X>1,
"attira l'attention du gouvenaœnt et de l'opinion sur la possibilité, tout à fait réaliste,
selon lui, de transfonœr le coeur de l'Afrique de l'EST, en "IaYs de l'h<.mœ blanc." (l)
(1 )RIGf4 Jacques,
op. cit. P. 57.

.- 25-
CHAPITRE II
SPECIFICITE DE LA LITTERATURE
DE L'AFRIQUE DE L'EST.
la littérature de l'Afrique de l'ESI' est tributaire de l 'histoire des ~uples de
cette région. Toute littérature fournit lID ténDignage des écrivains sur leur t:.aIlJE. ~ tout
tanps, les lxmœs ont expri.Iré le œsoin de dérnser, de laisser à la pc6térité leurs impressions, leurs
appréciations, leurs désirs p:rr rapport à leur époque.
Iàns la Omtreuse de Parrœ, Stendhll p:rr le portrait du œros, Fabrice deI Ibngo,
présente lID tableau 53; si SS3nt des ~urs en cours dens l' l talle du XIX àœ siècle.
Gogol livre dans les Arœs nortes lID ténDignage expliquant largaœnt les souffraoces, les
conflits de cette ~été et les transfonmtions radicales qui se sont opérées avec la révolution
bolchévique de 1917.
Jolm Steinœck ~ dans Les Raisins de la colère l' Anérique des années :l) frappée
de plein fouet lEI" la grande crise de l'époque. la littérature porte aussi tiiroignage d'tme culture,
d' tme valeur qui a eu cours dans l'histoire d' tme société d<:>mœ. Cervantès, à travers le œrœ de
son rornn du nêre oon, Ibn Qricrotte de la~, rend canpte des valeurs att:ae.œes aux charges de
~valier au lliyen-Age. le cœvalier étant :
" ••• lID vaillant lxmœ,/oui,dès les prfflliers tanps qu'il avait carrœncé/ de cœvaucher, avait
aiJœ cœva1erle,/Loyauté et 00nœur, largesse et courtoisie./ Il avait fait de grands exploits
à la gloire de son seigneur/Et cœvaucher plus avant que quiconque/fant lEI" la chrétienté qu'en
terre pri~,/foujours tirant oormeur de 53 vaillance.. . /ET, bien qu'il fût vaillant, il était sage/

- 26-
Et, de façon aussi dooce qœ pucelle ./Janais eocore n'avait dit vilenie/ ~ sa vie entière
à gent d'aucune oorte." ( 1)
Cervantès de~t la f<illie des valetrr"S etEvaleresques a1:andonnées à la Renaissance.
Son héros, Ibn QJichotte, c'est IEI" excellence l'harrœ juste, oon et noble qui veut
imposer à la oociété oon idéal d'annur, d"'honneur de justice, au m§pris des trivialités.
M::m.tesquieu raillera gentiIœnt au XVIII àœ siècle dans les L~ttres Persanes les caprices de
la node, touj ours fluctuantes, indéniableœnt insaisissabl~et Jean-Jacques lUESFAU pro~
à la IIÊITE éIX)Qœ un nouvel ordre éconarriqœ dans le Contrat Social.
lB littérature de l'Afriqœ de l'EST colle à la réalité historiqœ, JX)litiqœ, éconarri.-
qœ, oùturelle de oon milieu.
Elle se singularise IEI" un réalisœ fraPlEllt,
un oouci de précision, une expression claire de
l'idéal reetErché. les écrivains de l' Afriqœ de l'EST 9:mblent être hmtés IEI" de :
"romns qui, à travers leur sélection des faits et des détails de la vie ordinaire produ:i.rent
l'illusion de la réalité" en créant le tableau d' tID nnnde qui res9:mble de près au nôtre ...
IBns cette ~ture r€aliste,
la plus grande faYeln" va à la justesse d' oœevation en tenœ de
faits connus. Cela expliqœ IXJ1.D:qmi le réali.sœ est le neilleur inst.ruœnt IXJlII" analyser la
cooduite individœlle et les nodèles sociaux d'une oociété dOIlIlÉ€ ...
(1) ŒALŒR C«>ffrey, in Dictionnaire des ~roonnages (littéraires et dranBtiques de tous les
tEmps et de tous les IEYs) , Wfont-Banpiani, Robert Wfont, 1'Xi),P.224

- 27-
les aspirations, les réussites et les déceptions oont vœs canœ conditionnées••• et peuvent
être utilisées IXJUr soulever de plus vastes problàœs éthiques, IIDraux et sociaux ••• (1)
(1) GAKWANDI;Shatto)Arthur, op. dt.PP 126 - 127

-2B-
l - L'Effi..E CXlJ.l'ITALE 0H1E gJ]R(E lE VAillJRS ŒSTABll.JSATRICES.
La colonisation de l'Afrique, d'une IIBflière générale, s'est articulée autour de trois
pôles d'activité' représentés p:rr le Carrœrce, l'Administration et la M:ï.ssion.
Oacun de ces trois {Ôles a joué un rôle prép:mdérant et canplélœntaire
dans l' occu}l3tion des
territoires, leur administration et leur exploitation au profit des puissances tutélaires.
La mission et S)Il corollaire, l'école rn:issionnaire ont contribué de IIBflière m§tOOdique
à la }l3cification de l'Afrique. La noovelle religion a JEnrris de briser l'intégrité et l'unité
physique, spiritœlle des IXJpulations en lutte contre les forces de l' OCCU}l3tion. Elle a prêcœ
la sounission à l'autorité établie, c'est à dire l'autorité colonisatrice et de ce fait, elle a
favorisé. le triaJJIf1e de la colonisation. les nooveaux convertis ont accepté les br:ilIBdes, les
vexations et ln.rni.liations quotidiennes des colonis3teurs. La nouvelle religion a cultivé le
désintérêt des colonisés JXlUr le bien IIBtériel, les riclEsses de leur terroir drainées vers les
m§troIXJles colonisatrices. I.e œnt:iIœnt général des colonisés est que :
" le Blaoc est très DBlin. i l est venu tranquillaœnt et }l3isiblaœnt avec s:l religion. Nous
oous scmœs aIJJSés de sa oottise et oous lui avons ~ de rester. t1ùntenant i l a conquis ms
frères, et mtre clan œ peut plus agir C(J)IIE un 9ml h::mœ. l i a placé un couteau sur les choses
qui nous tenaient ensenble et oous oonœs tanbés en ITDrceaux ". (1)
I.e damine OÙ l'influence, l' asJECt destructeur missionnaire est œt, est l'école,
...................................................................................................................................................................................................
(1) A<JIEBF,Chinua, I.e lIDI1de s'effondre, Présence Africaine, 1972, P.213

-29-
implantée, contrôlée lEI" les missions. Cette école nouvelle à inoculer des valeurs nouvelles
dans les 9X.iétés colonisées. Les nanbreux enfants qu'elle a arrachés à leur milieu sont aliénés à
leur 9X.iété du fait que :
" L'enfant qui va à l'école devient un exilé, physiqœœnt et culturellaœnt. " (1)
Son exil nenace l'existence de la 9X.iété entière ca l' œn..tage d' un {Euple 92 t.ransœt
lEI" l' édocation qu'il donœ à 92S enfants :
" les traditions et les acquisitions, les œbitudes et les conquêtes, les faits et gestes de
générations précédentes sont ainsi léguées et ins:.:rites dans l'histoire". (2)
L'école missionnaire n'a IES constitué à l'enfant est - africain la JIÉm)ire de son
IEUple ; elle œ lui a IES non plus appris son histoire, ses héros, ses grands condocteurs de
{EUPle, ses tâtisseurs d'Empire. Elle a contribué plustôt à bouleverser la physiOIlIXIIlie
culturelle, édocative et Ilorale de sa 9X.iété.
10 ) L'implantation des missions et ses conségœoces en Afrigœ de l'EST.
Les premiers Européens à prendre pied en Afriqœ de l'EST ont été incontestablaœnt des
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(1) P'BIIH< Cl<ot, African Religions in Western ScJ~larshj.p,EAI.B, 1970 , n.d. P.VII
(2) MM1I Albert, Portrait du fulonisé, Payot, Paris, 1973 P.33

- : J ) -
missionnaires all€fiBl1ds,
agi sssmt }X)ur le canpte d'une srxiété missionnaire, la Omrch M:i.ssi()JJ:lry
Society (C.M.S.). En 1846, Joharm Krapf s'établit à RalEi, près de funOOsa, i l fut rejoint p:rr
Joharm Rel:mmn et Jakds Erhardt. En 1873, le Dxteur Fisœr pénétra plus avant dans l'intérieur
des terres, en suivant une route qui le conduisit jusqu'au -lac
Naivaisha.
I.e tut des missionnaires en Afrique de l'EST était
, carrœ p:rrtout ailleurs en
Afrique, de rép:mdre la Forme Nouvelle, tirer des populations sensées vivre dans les ténèbres }X)ur
les aœner à la lunière. les téfIDignages des écrivains de l'Afrique de L'EST leur repzocœnt
d'avoir servi d'éclaireur aux forces d'occuIBtion. les missiormaires ont pris une p:rrt une active
dans l'expropriation des populations de leurs terres ancestrales en n✠t:anps que les autorités
coloniales :
" Il leur raconta carrœnt la terre a été s}X)liée p:rr la Bible et p:rr l' é~•.• la Bible prép:rre
la voie à l 'é~." (l)
Ils ont soutenu, accepté les nassacres d'innocents qui œ faisaient que s:! déferxlre
contre les agressions sanglantes des envahisseurs qui :
" chantaient " I.e Gad save th! Q.Jeen" après chaque nassacre et allaient à l' églige }X)trr être purifiés
et bénis ". (2)
la réussite de la"mission civilisatrice" ~ p:rr la sourrrission quotidienneœnt rmintenue
p:rr la coerc.ition lIBis aussi p:rr l' édocation chrétienœ qui eIls:!igne constamœnt au converti que :
..... " " ." " "
"
"
" .. " .. " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " "
(1) N'gugi \\oB Thiong'o, W{; , fuinarnnn, 1964, P.S7
(2) N'œ;r \\oB Thiong'o, Fœ , fuinarnnn, 1977, P.9)

- 31 -
" oon devoir en tant que chrétien est d 'oœir au Gouvernaœnt, en rendant à César ce qui était
à César et à Dieu ce qui était à Dieu." (1)
Aliénatiœ des terres au profit de l'église, coopératiœ agi ssante avec l'autorité
coloniale, enseigœœnt de l'esprit de oourrissiœ aœœnt la littérature est-africaiœ,
les
populations est-africaines à affinœr que :
" le Gouverraœnt et les missionnaires travaillent la nain dans la nain depuis le jour de leur
arrivée ••• i l n'y a ras de différence entre un Père catholique et un Européen. ils SJllt tous
blancs." (2)
2°) Aliénation
des valeurs autochtones et tria;uphe du nDdèle étranger.
Le tenœ aliénatiœ est utilisée IET Hegel et Mme pour signifier" éloigœœnt " et
" dét:aclaœnt" dans leurs analyses J;ülII" détenniœr la relatiœ existant entre l'lunœ et le travail,
l'hanœ et son bien
;. œaucoup p~tard, l'hanœ et son Dieu. L'!xmœ est wçu cxmœ un acteur
princiIEl dans son envirormaœnt, son histoire de la transfomatiœ de son envirormaœnt.
Cette JXlSitiœ est mieux a.s.su-œe qœnd le travail est libre et œ relève ras des agents extérieurs.
Mme JHISe que l'aliénatiœ est exacerbée IET l'exploitatiœ de l'hanœ IET l'lunœ dans une
oociété dépendant de la teclmologie et des relations oociales tasées sur les critères de propriété
et de pouvoir.
(1) 'Iœ River Eet:Y.een, pp 31-32
(2) WACIMA Cllarity, lliughter of Munbi, East African Publislùng Hause, 1969, pp 9) - 91

- 32-
L'aliénation signifie alors :
" que l' harrœ œ s'apprécie JES carrœ un agent actif dans la canprélension du IIDnde, IIBis que
le lJDnde (la nature, les autres et lui"""1lêœ) restent étrangers à lui. Ils oont au dessus de lui
et contre lui en tant qu'objets n✠s'ils ~uvent être des objets de sa propre création.
L'aliénation, c'est faire l' eXJBi.ence du IIDnde, l' eXJBi.enœ de ooi"""1lêœ, de IIBnière JESsive,
réceptive et carrœ sujet séJEré de l'objet. "(1)
Les objets de l'aliénation canprenœnt le lIl3IlQue d'idéal propre, l' aoonyrmt, l'anxiété
provoqués dans le cas précis de l'Afrique de l'EST IlIT le colonialisœ ; le déraciœœnt, lui,
plonge l'individu dans ure situation tragique. Son draœ est celui des Africains colonisés, en
général,
" celui d'un mrrœ laissé à lui n✠dans un lIDnde qui œ lui apJErtient JES, un lJDnde qu'il n'a
JES fait, lm nnnde OÙ i l œ canprend rien. C'est le dmœ d'un harrœ sans direction intellectuelle,
d'lm harrœ narch:mt à l'aveuglette, la nuit, dans lm quelconque New York Instile. <Pi lui-apprendra
â ~ tra,verser la c.:i..nquièlœ Avenue qu'aux rassages cloutés ?
<Pi lui apprendra à déchiffrer le "Piétons, attenrlez,j ?'
<Pi lui appreOOI'a à lire ure carte de nétro, à prendre ure coITeSJXXl(laoc.e?" (2)
L'aliénation déb.Jlx:œ sur ure dé~oonnalisationqui détruit la synthèse de l'individu,
crée lm état ~ t de désordres sociaux, éconarriques, intellectuels, IIDraux, spirituels.
(1) rutNJ.. George, Existentialisn Versus t1rrx:i.sn, A ~lta fuok, 1966 P.12
(2) BETI M::mgo, Mission Terminée, Editions Bochet OEstel, Paris , 1957 , pp W - 251

-33-
L'aliénation en Afrique de l'EST' est le fait de la colonisation et du capit.alisIe qui accélère
la mrrcœ de l'histoire au IIÉpris de la lente et stable évolution des structures soc:iales,
éconcmiques et JUlitiques des sociétés africaines. L'école missionnaire est le IIl)teur de l'accéléra--
tion de cette mrrcœ forcée de l'histoire. L'aliénation de l'individu en Afrique de l'EST' canœnœ
avec l'éducation missionnaire qui l'exclut de l' histoire. llins les sociétés traditionœlles
est-africaines, les individus avaient tille iImge JX)Sitive d'eux-m3œs, les éléœnts identificatoires
étaient intrinsèques à leurs cultures. Les prEmiers contacts avec les missions et les écoles
missiormaires, les relations
et les enseignaœnts viciés qui s'en oont suivis les ont aœnés
petit à petit à .92 percevoir et à s'élCC?pter came inférieurs à l'harrœ blaoc et came oous--hanœs.
Leurs critères d'évaluation et leurs oclams de référence ont été mnp1acés !ID" le regard du
colonisateur auquel i l fallait ressanbler, s'dentifier, s'assimiler. Avant l'école missfarn.1ire.
en Afrique de l'EST' :
" Il Y avait plusieurs IIl)Yens mis en oeuvre, dans le clan JUur créer tm .92HS aigu d'unité et JUur
IlBintenir, pré<:i.sE'!œnt !ID" le respect des tabous, des rituels, des cérénDnies du clan, de la
propriété cœm.me de la terre, de la responsabilité collective, de l'aide à tm nanbre du clan " (1)
Aliénés, les :iD:lividus trouvent difficile de prérerver les tabous, les rites qui
IlBintienœnt la coMsion de la oociété.
Coupés des festivals de danse, de cimJ.ts, d'instruœnts de IIUSiquecame le tarn-te'!, ils
appréœndent les faits et gest de leur société à travers le nndèle étriqué de l'école missionnaire,
reflet des valeurs étrangères.
(1) 0CI1TI J.P. African Indigenous Education, as practised by Acholi of Uganda; Nairobi (FAŒ)
1973,P.93

-34-
Le peroonnage de WAIYAKI dans ~ 'Ihe River Ben.een,
invité à entrer dans uœ danse
sent qu'uœ :
" chose en dedans de lui le tenait distant, l'~t de rejoindre pleinaœnt le courant.
~ique ron corps 1:xmgeait et que S'l 000che ré{X)ndait aux UDts, oon ✠œ {ErticiIEit lES
pleinaœnt." (1)
~t à t1.mi.ra, il
Il a:inBit les danses trais,
il était c:hagriré de œ {X)uvoir prendre {Ert, il œ S'lvait vraiIrent
lES les UDts, et ron corps était rigide. Ainsi, il rie faisait que regarder, ~ sentant lm peu
aOOndormé, lm intrus à la {X)rte de la lTBis:m de quelqu'lm ". (2)
Les deux perronnages ront canplexés, coupés de leur propre culture au profit des
préceptes de l'école mi.ssionnaire. Certains aliéœs apprécient leurs peuples, ~ valeurs, à
travers le pri.sœ rigide des principes chrétiens, incap:ililes de voir le divorce, la séIlliâtion
entre eux et le reste de la cœmmauté. ils répètent m§.caniqtJeJœI1t les enseigœœnts de la mission
sans juger de leur rap{X)rt avec les traditioos africaiœs.
" Pour Jœhua, ~ nê1.er de cette cér€m:nie était le pé<::M le plus :imIm"dormable ••• En effet,
Jœhua pensait que l'excision était si ocandal~ qu'il dédia uœ prière à Dieu IX>tJr le JErdonœr
d'avoir épousé uœ fame qui avait été excisée ." (3)
(.l) N' gugi \\oB Thiong' 0, N:JJN ,
fflœrnnn, 1965, P. 42
(2) N'gugi \\oB Thiong'o, :Fœ,
op. cit. P. 'XJ7
(3) N'gugi \\oB Thiong'o 'IRB,
op. cit; P. 31

- 35-
Pour d'autres :ilxiividus, l'aliénation 92 traduit JlIT la perturœtion de la IE"oormalité
de l'individu. Celui-ci est écartelé entre deux cillix irrécoociliables, entre la tradition et le
christ:.ianisœ. Le rra1aise expriJœ une insatisfaction spirituelle et IIDrale :
" Je sais ( que je suis chrétienœ ) IIBi.s je veus être excisée. Je veux être une farrœ .•. une
vraie farrœ qui connaît toutes les traditions des collines et des versants •.. Le Dieu de l 'lx:mœ
blanc œ Ire donœ p:lS enti.èraœnt ffitisfaction . Je veux quelque chœe en plus ." (1)
L'école missiormaire, héii.tière des traditions et valeurs européennes crée une petite
élite qui consanœ et fait de la roreacratie. Les éléIœnts de l'élite ont accès aux crédits et
prêts lBncaires pour faire des transactions canœrc:iales, faciliter le fonctiOi1J}31'ffit du systàœ
capitaliste en jouant le rôle d'int:eJ:niffiaires entre les IaYS de l'Afrique de l'EST' et les IaYS
européens. Pour cette élite, le progrès est indissociable de la collaboration et de la sujetion au
capitalisœ international. L'Afrique de l'EST 92 doit
de générer 92S Rockefeller, 92S Carnégie,
92S Krupp liés au grand capital pour transfonœr telle petite bourgpde de la région:
" d'tnl petit village du dix-œuviàœ siècle rappelant les taDps de Krapf et de Rel:mmn en une
ville industrielle nnderœ que oêœ les géœrations nées après Gagariœ et Arnstrong 92r0nt fières
de visiter". (2)
L'élite fonœe à l'école missionnaire qui a pris le pouvoir à l'indépendaoce véhicule
et conforte les valeurs, les idéaux européerls. Elle s'accrocœ au canportaœnt du colonisé aliéné
en quête d'identification et d'ass:im:ilation, quête qui fait d'elle et de 92S nanbres des caricatures
(1) N'gugi \\oB Thiong'o ,1RE, op. cit. w. 25 - 26
(2) N'gugi \\oB Thiong'o, Fœ,
op. cit. P.4

-?b-
d'européens rous les tropiqœs :
" nos dirigeants portent
des vestes en queue de pie et des
{EIltalons rayés pour leur rrariage.
Ils voilent leurs épou.e:es de I1DUStiqœires ". ( 1)
Si l'école IIIissionœ.ire jette le diocrédit sur les cultures africaines, elle aœœ
les populations à raœttre elles-~'en cause leur propre systàœ édocatif fondé sur
l'intégration canplète de l'individu dans ron milieu. les JErents veulent plutôt
l'éducation mis-
sionnaire, édocation qui a donœ au Blànc tant de pouvoir, un savoir faire étonnant, la naîtrise
d'un systàœ politique qui lui penœt de s' iJrq:Œ;er au Noir.
L'école est perçue carrœ lIDyen d'accès à l'aisance llBtérielle :
"Je pense que llinsieur Jacolx> est aussi ridE que MJnsieur fbwlands p:rrœqu'il est instruit. Et
chaam aœœ ron enfant à l'école pour :-avoir évalué sa portée." (2)
Cette école est perçue carrœ un instruœnt vital pour défaire les forces coloniales.
Elle est la oourœ vive 00 l'on va s'enrichir du savoir de l'ennemi. pour le retourœr contre lui
le IIDœIlt vern :
" Levez-vous... Allez à la Mission. Appreœz toute la sagesse et tous les secrets de l'hanre blanc.
M:tis œ suivez p3S ses vices. Soyez ~tes envers votre peuple et respecter les rites aociens." (3)
L'illusion tanporaire liée à la croyaoce dans l'école missionnaire came voie de salut
lui a permis de retarder la ihibération des populations de l'Afrique de l'EST. L'école contamine,
(1) P'BTIFX C1<ot, Africa's cultural Revolution, M:lc-Millan Books for Africa, Nairobi, 1973, P.lO
(2) N'gugi \\\\B Thiong'o, \\\\OC , op. cit. P.4
(3) N'gugi \\\\B Thiong'o, '!RB , op.cit. P.20

- 37-
aliène, ~e plutôt des collaoorateurs, des admirateurs de l'ordre colonial que les JXlpWations
voudraient voir hors d'état de nuire ; elle est œaocoup plus lID outil élu service de l'oppresseur
qU'lID llDyen de liMration JXlur l'oppri1tÉ. Au cours de son long daœ:inelœnt intellectuel et
IlDral , au cours de sa JBtiente quête intérieure,
le JErsonnage central du '!"lE River Betvœn,
Waiyald., en est venu à la luni.neuse révélation que ITESque tanJX)raireœnt la grande soif de
l'instroction dans les ~ JXlpulaires.
Cette révélation est l'urgente nécessité de la lutte JXllitique JXlUr la reconquête de la liberté,
la reconquête de la terre ancestrale aliéœe :
"Ô ! i l Y a des tas de choses que je œ savais JBS. Je n'avais JBS JErçu que la nouvelle prise de
conscience cœmmdait uœ expression au niveau JXllitique. L'instruœnt JXlUr des gens oppriJœs œ
suffit JBS ." (1)
Waiyald., les ~ JXlpulaire de l'Afrique de l'EST découvrent qu'en plus de la valeur
cardinale ''Instruction'', i l faut forcénéœnt ajouter l' ''Unité'' ,"la Liberté Politique" si le
salut devait devenir ré:ili.té à brève ~ : "l'instroetion pour l'unité, l'unité JXlUr la liberté
JXllitique". (2)
la prise de conscience de Waiyaki préfigure la révolte Mm-Mm et l'éJœrgenœ des crefs
de guerre amœ Ledan, Kinathi, futœnge.
le tri~ de la Mission et de l'école missionnaire dans leur entreprise de dé,;:abilisa--
tian de:=> sociétés est-africaiœs et l'aliénation de leurs JXlpWations JXlrte en lui~ les genres
(1) ibid. P. 43
(2) ibid .

-.]3-
de leur renaissance {X)litique, culturelle et spirituelle. les deux institutions favo~t
involontairaœnt et ce, de mmière décisive, la prise de conscience
des colonisés et de leur
tragique S)rt. Le caractère répressif
et rœprisant de la Mission et de l'école mi.ssionnaire envers
les valeurs africaines, l'intolérance systénBtique et la condarmation penmnente des cultures des
opprilIBs ; le fallacieux cIi.s:ours sur la fraternité, l'annur du prochain, suivi
d'exclusions IIBSSives
des écoles d'enfants de non-chrétiBns et de filles excisées ont, petit à petit, 8llEI1é les {X)pWa-
tions de l'Afrique de l'EST' à s'interroger sur la nature réelle de la Mission et de l'école
missionnaire, leur visée, le bien-forxlé de leur présence sur leur S)1. IEs voix ~ sont élevées
pour daœnder {X)UI"quoi :
" les missionnaires n'ont IES aidé
les autres blancs et le gouvemaœnt à canprendre nos {X)pulations
et leurs aspirations, puisqu'ils préterxlaient avoir une approche œaucoup plus COIIpréfensive de nos
pensées, de nos s=n.t:ilœnts, de notre node de vie ? " (1)
la ré{X)l1Se à leur interrogation a 8llEI1é les oppri.JIBs à procéder à une ocission avec la
Mission et S)n école, la mise en place du t-buvaœnt des Fglises Indépendantes non SOlJIl:i.res à
l'autoritarisœ et à l' arrogpnce des missionnaires, cœvaliers des bormes rrœurs européeIUles.
les Fglises Indéperxlantes ~ veulent un lieu d'adoration avec une édu::ation en lmnonie avec le nui
int:iJœ des colooiSés, édu::ation qui oceepte et intègre les élénents {nSitifs de l' apprcx:tE tradition-
nelle de Dieu. Elles ~ veulent un eOOroit où ils ~t ~ s=n.tir cœz eux.
les Fglises Indépendantes et les Froles Indépendantes sont une tentative des {X)pulations de
l'Afrique de l'EST' de rééquilibrer, de redresser la ffiCiété Iœurtrie, de briser le nriroir défomant
de la colonisation.
(1) WACIlMA, llirrity, Op; cit. P.95

-J.}-
Elles veulent dés31iéner le colonisé, en faire un 0Cmœ slln, car
''Est sain une reroonne qui est SJCialaœnt adapté à son temps et à sa place, à l' ~ avec
sa culture, pourvue de IIDYens IœI1taux et IIDraux IXJur affronter des contingences, acceptant les valeurs
que sa oociété accepte" et collaborant à leur préservation." (1)
Les IXJIlliations oppI"iJœes, à la lurrière de la réinterprétation de la Bible, en sont
venues à se considérer carrœ les enfants d'Israël pendant leur captivité en Fgypte, enqœte de leur
lliise mir pour les ooustraire de la servittrle coloniale. L'évangile leur a permis de retourner J
l'eœeigœœnt biblique contre les miBsionnaires et les colonialistes. La réinterprétation de la
Bible leur a permis de se considérer carrœ le "peuple élu" vivant l'agonie de l'es:::lavage, en
route vers le Terre Prarri..se •
.... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
(1) Van Gœnt, D., Tœ Eng1ish Novel : Fonn and FtmCtion, furper and RON, New York, 1953, P. ~

- 40-
i l - L'EMERGEX:E œ lA LTI1ERA1URE œ L'AFRIqJE DE L'EST
Aocune littérature ne naît du néant. Elle est le résultat des forces {XllitiqlES et écorxr
miqlES en action dans une 3:ri.été donnée . Les forces en question JXmrettent de roodeler la fonœ
de cette s:x:.iété, oon contenu,
9JI1 objectif. La littérature de l'Afrique de l'EST naît dans les
relents du colonial.isœ lIDribond et .':eS effets pervers qui affectent tous les aspects de la vie
{Xllitique et a.J1turelle de l'après indé);EIldaoce. Les écrivains de l'Afrique de l'EST oont apJEIUS
sur la ocèœ littéraire III.IS JE!" des lIDtifs essentiellaœnt {Xllitiques. Ils mt écrit, à l'exanple
de Geoges Qn..ell qui JE!"lant
de sa propre expérieoce, affinœ :
" ••• dans une période de pllx, je devrais avoir écrit des livres d'ornaœnt 00 des livres simple-
IIEIlt descriptifs et je ~ resté presque ignorant de rœs convictions {XllitiqlES... La guerre
d'EsJEgne et autres évèœrents en 19~ - 37 renversèrent les cllŒ'e'3 et après, j'ai su de quel côté
j'étais. Qlaque ligre d'une oeuvre série~ que j'ai écrite ont directaœnt 00 indiœctaœnt
contre le totalita.risœ et {Xlur le soc.ialisœ démx'..ratique. a:mœ je l'entends.
Il rœ sarble incensé
dans une période carne le mtre, de Ja18er qu'on feut éviter d'écrire sm" tels sujets ... Et plus
l'cm est coŒcient d'œ tort {Xllitique, plus l'on agit ~litiquaœnt sans sacrifier son intégrité
e.st:.Mtique et intellectœlle." (1)
La spécificité première de la littérature de l'Afrique de l'EST est oon caractère récent, sa
JErUticm tardive sur la ocène littéraire africaiœ. Elle a dénBrré JE!" la publication de \\okep rot
child, de N'gugi en 1<»4,
Pendant cette nêœ année, Orinua Achebe publiait 0011. troisièrœ ramn,
ArrCM of Gad, après Things faU açact en 1958 et No longer en 196J.
Cyprien Ehensi, t1::lngo lliti,
(1) Qn..ell an Angus, 1œ collecte<! Essays, JournaJi.sn and letters of Georges On.ell, in uhuru's
Fire, Roscœ Andrian, Cambridge University Press, 1977 , pp 174 - 5

- 41 -
Wole Soyinka étaient déjà des célébrités littéraires, leurs oeuvres IIBjeures étaient déjà connues
en Afrique et à l'étranger. Beaucoup plus près de l'Afrique de l'EST, la littérature sud-africaine
était déjà aguerie dans sa lutte contre l'aIErtlEid institutionnalisé en Afrique du Sud.
Peter AbrahanB a révélé, avec Mine Boy publié en 1946, la situation larœntable des Noirs d'Afrique
du Sud ; Ezeki.el t1IElele, en 1959, daIDntait dans IhJn ~ averme
les nécan:i..sœs de déshtmmisa-
tion des Noirs oourris à des vexations de tous genres qui ont pour nans "Colour Bar", ''Pass law",
''Mixed llBITiage act", ''B:mtu Education".
La police du pouvoir raciste est appelée à se surpasser en violence pour naintenir l' ~
rrajorité des Noirs oous la darrination de la minorité blanche.
Un facteur important a penrris le laocaœnt de la littérature de l'Afrique de l'EST
la tenue de la Conférenœ des écrivains de l'Afrique de l'EST à tvB1œrere, en CXJgpnda en 1%2.
L'ÏJIJIECt de la conférenœ sur les intellectuels et les lurrœs de lettres fut considérable.
N'gugi rade d'avoir été enerveillé rar la turbulenœ littéraire en cours en Afrique de l'OOEST
et en Afrique AlEIRAIE. Intellectuels et Ixmœs de lettres prirent _cora.:ienœ de l'ahsenœ de
l'Afrique de l'EST sur la carte littéraire de l'Afrique et rérolurent de canbler la carerx:e
constatée. L'~ Taœn 1.0 Uyong relate sa propre expérienœ, alors qu'il é~t à
l'Université de lhard aux Etats-Unis :
" Je Iœ suis dirigé vers IIDIl applltaœnt, j'ai jeté· rra serviette sur le lit et je Iœ suis assis
à côté. Alors j'ai tenu rra grosse tête entre IœS puissantes nains. Je l'ai pressée, pressée dur,
jusqu'à ce qu'elle ait réfléchi.
()Jand les idées s::>nt venues, elles se s::>nt déversées amœ ùœ
pluie tropicale: grande et rapide. J'ai oorti rron stylo et tme feuille et j'ai écrit vite,
captant chaque goutte d'idée. " (l)
(l) 1.0 Uyong Taœn, in Uhuru's op. dt. P.31

- 42-
"
IÈpuis la canféreoce de 1962 et la prise de conscierx:e
sutséquente des écrivains de l'Afriqœ
de l'EST, nouvelles, pièces de th§âtre, raœns et reeœils de poésie affluent; des I1CJlE d'aute~
s':impŒ;:ènt,s'affinœnt sur la scène littéraire carrœ en OJganda, <l<ot, P'Bitek, aœllo Chili,
Taœn 10 Uyong , en Tanzanie Peter PaJangyo. Au Kénya, une floraison d'auteurs carrœ Léonard Kiœro,
~ja M,.,angili, le }Xlète Jared Angira et N'gugi \\..a Thiong'o, le plus caMU des écrivains de l'Afriqœ
de l'EST.
Les oeuvres de cette génération d' écrivains sentent la confi.aoce en ooi, les écrivains
sOrs de
leurs. objectifs.
A ca~ du caractère violent du calon:i.aliBœ en Afriqœ de l'EST, leur tm est Jl:lIticuliènœnt
fort, leurs pcises de IXJSition sans équivoqœ ; leurs IIBtériaUX d'analyse et de réflexion provierment
des expérieoces et des activités quotidiermes des IIBSses rurn1es, des déracinés des cités urOOines.
Peter PaJangyo, dans Dying in tœ sun, dresse lID tableau érouvant de la p:iuvreté en ~ rurale
tanzanierme, lllJOOe de souffrance et de désespoir. La nature huœiœ. lXJUr lui, est vouée à l'im-
rrnbi1isœ. L'anbre de la rrnrt plane en JEIlIBl1eI1Œ car la destruction JÙ.ysiqœ gœtte l'rxmœ à
tout noœnt du fait de cette nature hrnBine vouée à l' aœantissaœnt :
" Elle était ••• effrayée {Br le oolei1 coochant carrœ beaucoup de gens le oont ... le coeur d'lID
être luœin est un univers oonbre." (1)
<l<ot P'Bitek, écrivain, universitaire, ch:mteur, artiste canplet, est soucieux de dormer
un sens à la tradition {Br rapport au rrndernisœ. Il veut éviter des oolutions occidentales {XJUr
résoOOre les problàœs de l'Afriqœ. ~n Song of Lawino, tiré de son terroir Acholi du Nord--CXJganda
et IXIblié en 19E6, est vite devenu lID rrndèle pour une école de chant.
(1) PaJangyo Peter, Dying in tœ sun, ikiœnBnn, 1969, P41

-
43-
i l a créé une fonœ }X>pulaire, vélùcule littéraire lEI" excellence IXJUr une sxiété à
c:œval entre le ronde rural et écrit.
Cl<ot P'Bitek rallie lEI" le biais de lawino, é}X>use traditionnelle, les nsiues, les tics,
les initiations serviles de oon éJX>use ocol, }X>rte drap2au d'intellectuels 1x>rnés, en rupture
de 00n avec les valeurs de l'Afrique, caricatures d'européens, aliénés, minés de sentiJœnts de
dégoûts et de roote }X>ur l'Afrique, leur ~e Patrie qu'ils renient
de toutes leurs forces :
" Q.i' est ce que l'Afrique
Pour roi ?
Noirceur,
Profonde, profonde, S3JlS 1x>ne;,
Ténèbres,
L'Afrique,
Uo géant lEI"esseux,
Se chauffant au ooleil,
fumant , reniflant,
Se crispant en rêves,
Contani.née lEI" une JIB1adie chronique,
Suffocant dans l' igrorance crnsse,
Fncha.înée au rocœr
llilaIBuvreté.(l)
.. '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '"
(1) P'Ettek Cl<ot, Song<:; of l.awino am oong of ocol, Fast Africain Publishing lbuse, Nairobi, 1972,
P. XX)

-44-
la tragique situation de l'Afrique de l'EST, pri.1:e entre la violence du colon:ialisœ et
l'aliénation de l'école est résuœe JEr
sun é{X)use, I..av.d.no, dépositaire de la S3.g~ tradion-
œlIe
Il la bile Ire brOIe à l'intérieur
Je sens que je vais varrir !
Car nous IDS jeuœs hmœs
Q1t trouvé leur fin dans la forêt,
Leur force virile a été achevée
Ians les salles de clasge,
Leurs testicules
Q1t été écrasés
Par de gras livres!
(1)
CX:uli <lœl1o discute la situation, mrale des {X)pulations de l'Afrique de l'EST dans ûrphan. Il
affriIœ que le colon:ial.isœ les a transfornés en orplElins. Le Kénya, JEr exanple, contient \\ID
nanbre élevé d' oI"pŒ!lins car le colonialisœ là, signifiait S{X)li.ation de la terre. Pour lui.
la IXJSition d' oqiclin des nasses rurales n'a P3S changée à l' avèraœnt de l' :in:iéIElldanœ,
Il les nasses œ sont P3S eocore JErtie prenante dans la prise des décisi.ons rarœ qu'eUes en sont
tenues éloi.gœes JEr quelqu'un qui a été piqué JEr la ~ occidentale de l' individualisœ,
qui dit ''Elles œ sont P3S uœ JErtie de mi. Je suis seul. Je suis loin du IEYsan. Je suis
i.nst:ruit et je {œSède des biens. Je suis inte1li~t". (2)
..................................................................................................
(1) ibidi. P. 9J
(2) Rcs::ol Adrian, uhuru's fire, op.dt; P.70

- 45-
DJ Kénya, la contribution de N'gugi à la littérature de l'Afrique de l'EST est :imœnse.
la douzaine de EES oeuvres, de v.œp not, child, en 1964, à ~vil on the cross, p:rrue
en anglais en 1~1 porte l'indélébile nnrque d' uœ profonde déception face à un nnnde qui n'est JES
ce que l'on rêve. la déception nourrit la réflexion et aooutit à ~ prise de ~ience pour un
changaœnt qœ1itatif dans la vie des gens les plus dénunis et les plus exploités; un changaœnt
dans la gestion de la cité déŒrrassée de toute contrainte.
Les ~es tragiques fonœnt la toile de fond de EES oeuvres. les personnages sont
des individus brisés, démbusés qui traiœnt des infirmités If1ysiques, DlJrales, spirituelles.
C'est Githua,
11 clopinant •.• sur de œquilles"
et qui affinœ,
11 je vous le dis, avant l'Etat de siège,
j'étais came vous ; avant que le blaoc œ ne fasse ceci
avec des cartOt.de>, je pouvais travailler avec lIES deux rrains. l1 (1)
Bora est un introverti, COll'D"it de force pour aller canœttre Hitler, il est déçu de
se retrouver au chem3ge après la dérobilisation, sans terre pour s'installer. l i s'en prerxl à son
père qui reste au service du colm qui a ravi EES terres.
Celui-ci, Ngotlx>, voit son IIénage uni jadis se désintégrer du fait de l'Etat d'urgeoce. Pris dans
la t:ounœnte de la violence, :imp.ri.ssant, c'est indéniablaœnt dans v.œp œt, Orild,
..................................................................................................
(1) RF, op. cit. W 4 - 5

-46-
" tID vrai JErffilll18ge tragique, nagnifiquaœnt impressiOIlIEIlt au déOOt, dégénérant jusqu'à la
ruine totale à la fin.
Son nalheur provient d'une canbinaison de forces dressées contre lui et
ses propres faiblesses." (1)
t1Jgo, le traître, vit une tragédie intérieure terrible. i l a trahi la lutte du P2llple
en livrant Kihika, prestigieux cref de guerre des canœttants de la liœrté et du retour de la
terre. A la veille de uhuru, le peuple
cependant le prend IUIr un·,œrœdu :fa.it_de OOILlong
interœœnt dans tID camp de coocentration et lui demnde de JErler en oon. oon le jour de la
proclanation de l' indépendaoce.
" • •• soOOain, il entendit les villageois autour de S3 ~ chantant des ch:msons à la gloire de
uhuru. Chique rot d'éloge charriait JX)ur lui une ironie rordante." (2)
Mwicera \\oB M.Jk:i.ral, dans D:!vil on th cross,
rrenbre de la petite rourgeoisie dirigeante
est S3uvagaœnt 8SS3ssiné. i l a damndé que l'exploitation des IŒl.SgeS JX)pu1aires ooit réservée aux
seuls lxmœs d'affaires nationaux. Considéré carrœ tID militant nationaliste, S3 fin tragique
s'explique JEr S3 tentative de IIEttre en cause
les fondaœnts du néo-coloniaJi.sœ. Le <lrc:Iœ
psyc.IDlogique, I:alt:inental et rora1 de l' iIxtividu s'intègre dans une tmœ plus vaste : la tragédie
de la sxi.été dans oon. ensanble. Le naJ.œtn- de la sxi.été est la l'IB.1œur de l'iIxtividu.
Celui-ci,
" Au début ..• avait la terre, l'esprit et l'§ne en plix. Le deuxièlœ jour, on lui enleva le coIllS
pour narchander
contre des pièces d'argent. Le troisiàœ jour, voyant qu'il contre-attaqœit
toujours. on fit venir des prêtres et des édocateurs IUIr lier oon. esprit et oon §ne JX)ur que les
étrangers puissent fadlaœnt prendre S3 terre et sa production." (3)
..................................................................................................
(1) PalJœr Eustache, An Introduction to tœ African Novel,
HeiœmIDn, 1972, P3
(2) N'gugi \\oB Thiong'o, Agràin of Wheat,
œinEmIDn., 1967, P.203
(3) Fœ, op. dt. P.236

-
47-
N' gugi a donné un S2Cond oouffle à la littérattIre de l'Afrique de l'EST en 1968. fu concert
avec des intellectuels et écrivains carrœ Taœn 1..0 liyong, Anyunl:a, <l<ot P'Bitek, Philip OdUeng,
tous acquis à la cause du changaœnt dans le damine de l' ~ignaœnt de la littérature au
~IXUtaœnt d'Anglais de l'Université de Nairobi, il a déclencœ le lTDuvaœnt d'afriCélIliEation
du programœ au ~}l:lrtaœnt d'Anglais JXX.Ir qu'il ooit effectivaœnt lTDins"britannique" œaucoup
plus ouvert aux autres littératures. la fronde aboutit à la création du ''lliIXUtaœnt de littérature",
la littérature africaine occupe une place privilégiée dans le programœ d' ~gnaœnt JXX.Ir
penœttre à : . -
" rotre Université ••. de produire des.citoyens du nnnde et ron des péquenots anglais à JalU roire ...
(car) la Iœilleure voie JX)UI" réintroduire l' hcmœ africain dans le nnnde doit d'abord être de
l'introduire à lui rr✠et à oon envirOIll1EflEI1t." (1)
10) L' écrivain et sa oociété
Les écrivains de l'Afriqœ de l'EST ont, en général, produit des oeuvres qui exposent
les oouffraoces et les aspirations de leurs peuples ; ils ont écrit JX)UI" donœr leurs points de
vœs sur les différentes situations dans lesqœlies ils évolœnt : colonialisœ, école missionnaire,
spoliation des terres, gpbégies de la nouvelle bourgeoisie. Faisant }l:lrtie de la prerrière génération
des IBuvres ruraux à avoir accédé à l'instruction, la IIBjorité des écrivains est-africains ont joué
le rôle de porte--Iarole de leurs peuples ; ils se sont IIDI1trés s'llü:larres de leurs oociétés ,
de leurs 1xraIe> et de leurs problàœs .
....... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
(1) Stmday Nation, 6th April 1969

-48-
Au noœnt où ils entraient sur la scène littéraire, la sitœtion générale de leurs
sociétés n'étaient JES différentes de celles des autres oociétés d'Afrique. le tableau d'ensEmble
était - et est eocore - celui de :
" Peuples dispersés, {X)pulations déplacées, éconarri.e brisée, unité familiale détruite,
~on de roi JIll" l'autre•.•" (1)
les écrivains de l'Afrique de l'EST déploient d' énonœs efforts IXJUr ~nœttre la réorppnisation de
la stnx::ture éconœri.que rtJin2e ; ils tentent de créer une culture oouvelle à JErtir du ch30s
colonial car,
" prendre des anœs {X)ur daniner un ~ple, c'est avant tout, prendre des anœs IXJUr détru:ife
ou au nnins neutraliser, Iffiâlyser sa vie culturelle. Car tout le tanps qu'existera une JErtie de
ce ~le{X)uvant avoir une vie culturelle, la darrination étrangère ne rem JES sOre de sa
~tuation. A un nnrent donné qui déIEKi des facteurs internes et externes déterminant l'évolution
de la société en question, la résistance culturelle indestructible }X)UITa prendre des fonœs
nouvelles ({X)litique, éconarri.que, a.I11Ée) en vue de contester anplaœnt la darrination étrangère. "(2)
Les écrivains s'appuient sur le rejet des systèIœs de valeurs occidentales IXJUr reconquérir
leur propre identité, l'identité de leurs ~les. Ils veulent rétBbiliter leurs cultures, lanint2es
de l'intérieur JIll" l'acquisition de valeurs étrangères négptives, de l'extérieur, JIll" les vagues
de destroctions IIlÙtifonœs des colooisateurs ; tafouées, répri.rrées JIll" les missions et les écoles
missionœires, trahies JIll" une fraction aliéœe de la {X)pulation. leur s:xri est de redonner confiaoce
aux rœsses rurales déconcertées, leur ~igner que :
(1) adotevi Stanislas, Négritt.rle et Négrologœs, union générale d'éditions, Paris , P. 248
(2) CABRAL Amilcar, L' anœ de la t.œorie, t1:lspéro, 1975, P.318

- 49-
" Les {Euples africains n'ont p3S entendu p3r1er de culture pour la prarrière fois avec les
européens; que leurs sociétés n'étaient p3S dénunies d'esprit rmis qu'elles avaient une
philO9Jphie d'une graq!e profonduer, d'une grande valeur et d'une grande la:luté, qu'ils avaient
la ~e, et pgr dessus tout, la dignité. Cette dignité que la:lucoup de IEUples africains ont
{Erdu pendant la période coloniale."
(1)
Les écrivains de l'Afrique de l'EST s' inscrivent dans le courant de pensée de leur harnlogue
Ouest-Africain, ŒIINUA Achebe pour qui l' écrivain en Afrique doit jouer le rôle d'éducateur
auprès des populations afric:aiœs. Il ne IEUt se
ooustraire de la mission de rééducation et de
régéœration de ces populations. Il est tenu de les aider à reconquérir leur dignité et leur
identité perdues. Pour AŒEBE, l'art doit être au service d'une cause noble. Il rejoint
Georges ~, convaincu que la littérature doit servir une cause politique pour l'avèrHœnt
d'une oociété détarassée du totalltarisœ.
L'analyse approfondie des oeuvres d ' écrivains de l'Afrique de l'EST ITDI1tre qu'ils ont écrit pour
répondre à l'éducation missionnaire, facteur d'aliénation de leurs oociétés, le christi.anisœ,
l'ordre colonial et la littérature coloniale.
2°) Littérature coloniale et ÏJ1llges -cl 'EPinàl
les prarriers contacts de l'Afrique avec l'Euro{E, la défaite des Africains pgr la
poudre et le canon ont vicié les relations qui allaient s'instaurer. Forts
de leur triaIlptE
militaire, les Européens ont tôt fait d'assimiler leur
civilisation à la CIVll.JSATIœ tout court.
,. .,. ,.
,.
.
(1) AŒEBE;Clri.nua, 1œ role of t:l"e \\JUter in t:l"e new Nation, Nigeria t1:lgazine N°8l, june 1964, P.1W

-54-
oot va:i.naœnt
" ... attendu les réfonœs agraires et la redistribution.
... attendu une statue à
Kinathi carrœ m§norial à ceux qui oont tanœs." (1)
Les revendications des écrivains qui rejoignent celles des nasses rurales rongent nécessaireœnt
les lEses des nouveaux {X)Uvoirs et rettent en péril le caractère néo-colonial de l' éconarrie
en place.
L'exaIœl1 des nouvelles stn.x:utres éconaniClTpolitiqœs de l'Afrique de l'EST nnntre que les
écrivains est-africains ont oous-est.iJJê l' i.mp:lrtance de la lutte des cl asses dans leur appréciation
de la oociété lX)St-indépendaoce, surtout les intérêts que représ:!ntent les dirigeants politiqœs.
Ils oot, sur le plan strict de l'analyse politique, cœmis la rrêœ erreur que KWAME N'Krumh,
" le leader ghanéen avait cru de oorme foi qu'il pouvait rallier autour d'un
programœ et d'une idéologie oociali.stes des cooches oociales dont les intérêts
écoocmiques auraient été, à long tenœ, nenacés lEI" la réalisation de ce programœ
C'était de l'idéal.isœ. C'était faire 00n rrar<:h.2 de la lutte des classes." (2)
La conséquence pour N' k:rurnh a été l' éda: de ses programœs éconani.ques. Pour les
écrivains est-africains, c'est la persécutioo. car lEI" delà les coo.tingeoc.es idéologiques et
politiques, le coo.flit qui les oppose aux nouveaux dirigeants s'inscrit dans la ligne de la lutte
des classesdIDS une oociété donnée. IBns le coo.texte ~ l'artiste, l'écrivain est suspecté,
ni!prisé, il est considéré came "agent" de puissances extérieures, "éléJrents" dangereux, réIEIKlant
des idées "subversives" .
.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
..
'
(1) ro3 op. cit. P. 254
(2) InJNIaIDJI Paulin, op. cit; P.XE


-
- 55 ~
Pendant le premier rég:iIœ d'Oooté,
" ... ce n'était lES reuleœnt Cl<ot (P'Biteck) qui a souffert à ca~ de ses activités littéraires
ravis Sebukina, alors étudiant à l'Université M:l1œrere, était détenu JX>ur avoir écrit tm= c:hŒ;e
"séditieuse" dans Transition, Rajat Neogy, le fondateur du nêœ nagaziœ était détenœ JX>ur
publication de faits "séditieux."
ravid fvk..aka écrivit tm JX>àœ qu'il lut à la Radio Ouganda.
~ la JX>lice vint cœrché la casrette sur laqœlle le JX>àœ était enregistré, elle œ JX>Uvait
lES l'avoir car celle-ci était détruite IET A.P. lBv.ako, alors Directeur des programœs de la
Région Nord." (1)
Au Kénya, N' gugi \\oB Thiog' 0 a êchap~ de lEU au Iœurtre sous le régiJœ de JaID Kényatta.
Il a été arrêté en IE::anbre 1977, à la suite de la IETUtion de Ngpahika. Ndeenda, pièce de
th2atre en langue Kikuyu,
"dans laqœlle l'auditoire est invariablaœnt arœné à la cooclusion qœ la position
de l 'hcmœ dans la société est tm= variable déJEldant de l'argent et du JX>uvoir
à sa disposition."(2)
Selon les autorités JX>litiqœs du District de Kiambu où la pièce a été interdite, elle
" était •.• tm= tentative JX>ur susciter l'aninœité entre les différentes franges de la
COIIIl.lrlaUté sur la ~ de leurs rôles resp2Ctif~ . ~t la reœllion sanglante
t-bu - t-bu au Kénya." (3)
..................................................................................................
(1) InlJ...a P'ili:>ng, Cliff, Victimization of Artists in Uganda, TY]ESCript, P.4
1
(2) 'Iœ \\-kekly Review, 9 January 1978, P.13
1
(3) ibid. P. 5
1
1


-56-
lD:arcéré un an durant, N'gugi téIDigne et affinœ
que certaines
voix s'étaient élevées
dans les milieux dirigeants JXllII" daœnder son assassinat,
" on m'a appris ••. qu'un certain jour de llicanbre 1977, deux IœSSieurs très mut
placés dans le gouverneœnt s'étaient envolés JXllII" rbnl:Esa et avaient daœndé ure audience
d'urgence auprès de Jaro Kenyatta. Ils tenaient chaam un exemplaire de Petals of Blood
dans ure nain, un autre de Ngaahika Ndeenda dans l'autre. L'audience accordée, ils
s'étaient alors mis à lui lire des {BSS3g€S,
des lignes, des nots dits subversifs,
en dehors bien sOr, de leur contexte came preuve d'intentions mutaœnt susp;ctes•..
D'autres (nessieurs) avaient réc:1.aIré directaœnt le silence penrnœnt, à larrarrière J.H.
Kariuki, !IBis après mûres réflexions, l'idée était écartée pour "stabilité nationale".
C'était ainsi que j'étais envoyé en prison."
(1)
la grave accusation de tentative d' assassiœt sur sa personœ portée {Er N' gugi \\<B Thiang' 0
contre les autorités politiques du kénya nontre que les écrivains est~ricains évoluent dans
un environnaœnt hœtile. Ils n'ont {ES pris en canpte - OÙ ils sont simplalEnt
victiIœs - du
poids de 1 'histoire qui reste vivace. Leur nessage, leurs projets de société sonœnt en conséqueoce
came un déclaration de guerre {Er rapport aux IlO\\Neaux dirigeants de la ~ode InSt-coloniale.
L'Afrique de l'ES!',à callSe de son c1.:iJmt doux,
l'air sain a été tôt pressentie
pour
être ure :wne de peuplaœnt. Sir 01arles Eliot, le pranier Camri.ssaire du Protectorat de l'Afrique
de l'ES!' affinœ.it que :
"
" " " " " " " " " " "
" " "
" " .. " "
" .. "
" .. " " .. "
" .. "
" "
" "
" " ..
(1) N'gugi \\<B Thiang'o, ~tained, op. cit. P.XVI

- 57-
''Nous avons en Afrique de l'EST' l'exp§rieoce rare, tID p:lYS presque vierge
et mbité de IIIIDière c1air~ où nous IX>uvons faire ce que nous voulons. "(1)
Le Protectorat a fait l'objet d'occup:ltion p:rr les colons, eocouragés de différentes IIIIDières à
s'installer, à investir lŒlSSivarent. Ils étaient,
" intéressés p:rr le rendaœnt naxinBl obtenu p:rr l'exploitation des ress:>urœs
naturelles et de la rrain-d'oeuvre presque gratuite. Ceux - d, en Afrique du
Sud, en Rhodésie ... au Kénya (constituaient) plutôt tII'E société de caste que
de classe, presque tous les blancs tendent à s'unir - en dépit de tous
conflits
sectoriels IX>uvant les diviser - contre presque tous les blancs." (2)
L'Ém3Jcip:ltion de l'Afrique de l'EST' a subi les contre-couIE et les actions de
freinage des colons qui disposent d'appuis et des groupes de pressions solides en Grande Bretagne.
" D3ns les p:lYS de l'Afrique de l'EST, de l' ()]ganda à la Rhodésie du Sud, la
IIBI"C.Œ
vers l'indépendance sml de plus en plus diffictle en raison du {X)urcen-
tage croissant de la IX>JXJ1ation b:I.anc.hi:! et de l' importaoce croissante des
intérêts éconani.ques, surtout anglo-saxons... les planteurs blancs des mutes
terres de 1'0Jganda et du Kénya n'entendaient IES que leur prospérité ftlt
canprœri.se." (3)
(1) l}WIDrn , Pasil, Africa in History, Granada Pub~ Ltd, 1974, P.3:>7
(2) ibid. P. 3:>5
(3) KI ZEROO, JoseIil, op. dt. P.535

-
58 -
les colons, les propriétaires terriens ont joué un rôle de premier plan dans la préIEIOtion
de l' indépendaoce des Etats de l'Afrique de l'EST, surtout les choix des nouveaux dirigeants,
recrutés pmrri les anciens collaoorateurs de forces coloniales de repression, personnages ,
sur qui pèsent de sérieuses rrenaœs de la p3rt des IIBSSes JXlpu1aires qui interpellent daœ les
chants :
" Vous traîtres noirs, JXlrte - lance,
œ irez-vous terrer
quand les braves du p:lys s'en retourneront
Au son des tranpettes
de la gloire et de la victoire
De notre lutte ? •••
Nous n'avons IES peur des :impéri.a.liste
Car nous savons que
I.e Kénya est le p:lys de Noirs." Cl)
les nouveaux dirigeants, considérés canœ des traîtres, au risque de se suicider, œ
IaIvent que défendre les intérêts des anciens JlBÎtres qui leur ont donné le pouvoir en renforçant
le statu quo.
L'iOOépeOOaoce de l'Afrique de l'EST n'a IES donné lieu à la satisfaction des intérêts des IIBSSes
rurales qui constituent l'écrasante IIBjOrité de la JXlpu1ation. L'insatisfaction de leurs œsoins
inIœdiats, l'application d' tme JXllitique sociale et éan:mique aliénée nnntrent un désintérêt
des dirigeants des problàœs pressants qui se JXX3erlt à la 9X:iété entière.
I.e ch&age, l'exode lIBSSif des c.aIJp3gIles vers les agglaœrations urtaires, la délinquaoce juvérùle,
la prostitution, l'inflation, tous ces fléaux conjugués p:rrticipent à la détérioration du niveau
de vie des JXlpu1.ations et offrent un terrain favorable aux secousses et rffiDUS sociaux.
(1) POB, op. cit. P.254

-
ry:)
-
lEs campus tmiversitaires à la rue, du prrleœnt à la ŒllIIJEgOe, l'Afrique de l'EST cormait
des soubresauts quasi penmnents. les opJXlSitions, les querelles des autorités ix>litiques
traduisent illl lŒl1a:i.se profoM qui prend, ooit la fome d'une éviction ou d' illl linogeage
fracassant. Ainsi,
" ••• Ogi.nga O:tinga, ••. JXlUI" avoir incarné une ligre ga~, se voit privé de
oon JX)Ste de Vice-Président de la KANU et de la République." (1)
Soit prr des assassinats JX)litiques carrœ résultat ult:iIœ des contradictions idéologiques et
politiques. En Ouganda,
" D2s cli.sImi-tions carrœ celle de l'ex-pranier ministre Benoît Ki\\oBIlUka oont
signalées. Q1 fait état d' éxécutions oorna:ires, publiques ou dégu:isée.s carrœ
celle del'archevêque
anglican de Kanq:ala en Février 1977. " (2)
Au Kénya, les tensions sociales sont généraleœnt violentes, IœUrtres et assassinats JX)litiques,
coorants. En sont vict:iJœs des autorités came :
" Josiah f1..angui Kariuld, député cormu JXlUI" ses opinions confonni.stes et ouvertenent
critiques à l'égard de l'action du gouverooœnt... décOtNert dans Ngong Hil1s, une
dizaiœ de jours après que sa di.sJmi.tion ait été pour la pranière fois signalée,
le cadavre nutilé. "(3)
(1) RIGEL, Jacques, op. cit. P.71
(2) KI moo, Jose}il, op. cit. P.547
(3) RIGEL, op. cit. P.71

-fJ)-
N'gugi \\oB Thiong'o fait écho de l'assassinat de Kariuki dans Petals of Blood, raœn
publié deux ans après le sinistre évènaœnt :
" .•. L'année ••• carrœnça IEI" un mystérieux lIEurtre politique••• (la victiJœ) était un
national ••• quelqu'un de célèbre dans tout le JaYS à cause de son précoce engpgaœnt
dans la lutte pour l'indépendance avec l':iJnpériali.sœ. C'était lm ennemi. implacable de
la ricœsse provenant du peuple et, aussi bien au Parlaœnt qu'en deh:>rs, il s'est
toujours pronoocé pour la réforIIE agraire .•• œaocoup de questionssans réponses ...
pgrcouraient les veiœs de la nouvelle nation." (1)
Il darandera aux fractions engagées de la sx::iété de reprendre le flambeau laissé IEI"
le politicien pour continuer à revendiquer le droit à la liberté, la justice scx:iale, l' indé}alClanœ
véritable. La voie qu'il a tracée sanb1e, selon N'gugi, la rreilleure pour arriver à la victoire
sur l':iJnpériali.sœ. li lance l'ap~l dans WHters in Politics,
essai politique dédié en IEI"tie à
tous les écrivains du Kénya et d'ailleurs
qui ont refusé de se souœttre à la "culture rro-coloniale"
du sileoce et de la peur.
"Il est tanps pour que les intellectuels kényans et toute la jeuœsse progressive,
étudiants, autoli.tés écclés:iastiques, travailleurs, reprenœnt l'appel de Kariulci, luttent
dénorx:ent résoluœnt toutes les forces éconarriques, politiques, culturelles qui condémlent
ms peuples aux salaires de lIIÎ..Eà"e, à l'abgence de terre, au lŒIJlQue de toit, de travail,
tandis que d'autres récoltent et engrangent, mmgent ce qui est le produit de notre
sueur collective, des forces qui l1CJllC) vendent à l':iJnpériali.sœ euro--ana-icain . et
j3.ponaïs
''', (2)
..................................................................................................
1
(1) Fœ , op. cit. P.78
l
(2) ~, Op; cit.P.92
1

- 61-
Le drarœ que vivent les écrivains en Afrique de l'EST reflète la nature réelle de
l'indé~ concédée aux Etats. La lutte JX)litique engagée IET les t1m-f1m au Kénya n'a IES
culminé avec la victoire militante des canl:attants de la forêt. Pendant quatre ans, ils ont couragetr
saœnt opJX)Sé uœ résistance tenace aux forces militaires britaniqœs. M3l équi~, ignorant la
IIDindre expérieoce de la guerre de guérilla, déJX)urvtlS de tout appui extérieur, ils ont perdu la
IETtie. Les:transfoIlŒltions qu'ils ont provoquées, les nutations JX)litiqœs o~ées IET les forces
coloniales se oont faites sans leur IETtidIBtion et contre leurs intérêts. L'~ et le
Tanganyika ont accédé à la oouveraiœté IET la voie classique d' indé~tionà un
certain niveau avec l'aocienœ puissance colonisatrice.
Tous les Etats de l'Afrique de l'EST oont IETtie prenante du Camnrn..ealth, inst:an:e plus
ou IIDins gérée IET la Grande Bretagne. TI n'y a IES eu de rupture institutionnelle, JX)litique et
culturelle au noœnt de l' indé~. Les écrivains est-africains évoluent de facto dans un
environnarent lnstile. La nouvelle oodété qu'ils préconisent est nécessairaœnt en contradiction
avec le systèIœ œo-colonial qui a été instauré. Ils s' inscrivent dans le courant général d'un
univers 00stile à l'écrivain africain en général, univers OÙ le verre est nuselé, la critique
JIDrtel1e.
A ce titre,
" • •• \\\\blé de Soyinka et Kafi AwrxJOOr ont purgé des peines de prisons JX)ur avoir dit que
les clnses ne s:m' PAS CŒRECIES ; et que plsieurs écrivains assistent en taIDins et
enregistrent la terrible douleur d'Africains tuant d' innanbrables Africains pour que
le capital euro-aniricain puisse pra::>jker sur des ools rendus plus fertiles IET le
sans et la chair africains. " (1)
........................... '" .. '" .. '" .. '" '" '"
'" '" '" '" '" '" '" '"
'" '" '"
'" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '"
'"
..
(1) N'gugi ...a Thiong'o, ~tained, op.dt. P.142

- 62-
D EUX lEM E
PAR T l E
LES THEMES DE L'ENGAGEMENT DE N'GUGI WA THIONG'O

63 -
CHAPITRE III - THEMES ET ENGAGEMENT
Les oeuvres de N' gugi \\oB Thiong' 0 font JEItie du corpus et du courant géœral de la
jetme littérature de l'Afrique de L'EST. fu IErt son histoire, de p:rr ses thèIœs, cette littérature
IX>tJrSUÏ.t la lutte engagée depuis futoœla et Iœœe de 11BIÙère constante jusqu'aux indé~.
Les écrivains de l'Afrique de l'EST continuent l'interpellation des tenants du pouvoir, revendiqœnt
société plus juste, égplitaire, à la diJœnsion d' énonœs sacrifices consentis p:rr les IIESSeS
rurales, les ouvriers, la jetmeSSe, JXlUr la liœœtion, l' indéI5ldance de l'Afrique.
N'gugi \\oB Thiong'o, à travers la sorne de ses oeuvres, nêne tme quête, uœ CéIIJlIEgœ
révolutiOllŒlire pour LD1 cadre de vie ITEilleur 9210n le priocipe idéologique nmxi..ste-léniniste.
Sm engagerent s'appuie oor des tlàœs précis qui cenalt de graves problèlœs sociaux, écoooniqœs,
politiqœs et culturels,
prob1.àœs qui 92 IOSffit avec acuité à la société kén~, à chaqœ kényan
dans la période post-indéI5ldanœ. Les tlàœs décrivent l'état actuel de la société kényane, les
aspirations des lIESSeS IBYsanœs des carIIp:lgœS, des ouvriers et cluœurs de Nairobi, K:istm..I,
funOOsa, Eldoret. Par son engagaœn.t à leur C8uee, N' gugi leur offre tme tribuœ pour s' expriJœr ,
crier leurs colères, leur volonté de 92 détarrasser du ri!<rcolcni.al:isœ et de toute fonœ de eervitude
et d' aliénatioo. l i leur dorme LD1 DDyeIl supp1éœntaire de lutte en leur donnant la p:lrole pour évaluer
les teœnts du pouvoirs, décortiquer leurs vices, leurs tares, les tourner en ridicule pour leur
ôter toute crédibilité et toute autorité DDrale.
N' gugi recourt à la fiction rarnnesque pour 1IBt:ériali.eer son ~t. La fiction
rarnnesque, cernée <XJIJle rrétlxxie de dissinulation, penœt à l'écrivain de 92 livrer à LD1 exarœn
critique, tme disgection rréticuleuse de son milieu ambiant. Elle sert de p:lrnvent à l'artiste pour
peindre dans toute S3 nudité le réél vécu, les faits et gestes quotidiens de ce milieu.

- 64 -
La fiction ~ d.issirnule diffidlarent. Elle laisse exploser le réel, le vécu qui
transp:rraissent à chaque inBge, chaque fait, chaque situation. N' gugi le confinœ en JEItie,
reconnaisant que dans ses oeuvres,
" QJoi qu'ayant pour cadre le Kénya contemporain, tous les persormages •••sont fictifs.
les naIE tels que ceux de Jaro Kenyatta et Wa.iyaki sont i.œvitablarent IœIJ.tionœs canre
faisant prrtie de 1'histoire des institutions de notre p:lYS. M:ris la sitœtion et les
problèJœs sont réels. (l)
Le fictif, cœz N' gugi, prend dooc appui sur un réel à peine dissimJ1able. Le cadre de
fiction est précis, les évèrHœnts vécus. L'on ~ut rapprocher ce que l'on IXJUITCI.Î-t ap~er
la tragédie Ngugienne de la tragédie classique, foOOée sur l'unité de lieu, l'unité de taJqE et
l'unité d'action.
L'unité de lieu, le Kénya contemporain est le t:l"iiltre de la tragédie, l'unité de tenps, la p§riode
coloniale et ses exactions, l'époque de l' après-indé~dancecaractérisée p:ir l'arrivée au JXlUvoir
de dirigeants mirs acquis à la cause du capitalisœ ; l'unité d' action ~ traduit p:ir la longue
lutte des p:lysans et des ouvriers pour ~ défaire du colonia1isœ dans un prenier tenps, la p0ur-
suite de la nêœ lutte contre les oouveaux tenants du JX)UVoir .
les engageœnts de N' gugi.' ~t
à garder présent à l'esprit de tous les opprirn§s que les
souffraoces, les violeoces de la p§riode colorVOle n'ont p:lS pris fin avec l'indépendance, que
les cultures et les valeurs œgro-africaines continuent d'être rœssacrées, néprisées, réduites à
} t état de folklore jnrr touristes étrangers en IJB1 d' exotisre. Il tente de daronter
les nécanisœs
.................................................................................................
( 1 ) NJJ.V, op. dt. Note

- 65-
d'exploitation et de cormiveoce entre les anciens IIBÎtres et les oouveaux dirigeants à p26U mire
afin de soutenir la lutte que nènent les travailleurs et les I8Ysans, les ch&œurs
et les laissez
{Xlur canptes des bidonvilles IX>trr aœttre le capitalisœ et les oourgeois canpradores.
N' gugi veut les aider à prendre conscieoce
de leur existence, de leur apIBItenaoce à ure cl.a.sse
qui doit défendre ses intérêts sur cette tare. Il veut oeuvrer à la réhabilitation de 1 'histoire
et des cultures des peuples mirs et faciliter l'avèœlrent d'tme société socialiste, égalitaire,
solidaire.

-66-
CHAPITRE IV
LES ELEMENTS DE DESEQUILIBRE
la désagrégation du cadre de vie int:ilœ de la oociété kényaœ, de dEcun des
nmbres de cette oociété est à l'inBge de l'\\ID des ~ tragiques de \\-Jeep flOt, <lrild,
Ngoth:>. L'histoire mythique de la oociété pré-œloniale qu'il raconte à ses enfants développe tme
péricxle de félicité et de IEix. Au c.anœocaœnt des cluses, les géniteurs de la nation, Gikuyu
et t1Jnbi, ont reçu du créateur, Ngrl, toute la terre s'étendant p:rrtout à la rorxIe autotn" du
M:Jnt Kerenyagp. I.e don précieux, transrri..s depuis lors de génération en géœration, notrrTit la
cœmmauté qui s'agrandit et sert de lien intiJœ entre les descendants de Gikuyu et t1Jnbi et le
créateur, Ngrl.
la péricxle de félicité prit fin \\ID jour, dranatiquaœnt.
" Il eut tme grande sècŒresse envoyée lEI" de nauvais esprits qui devaient être jaloux
de la prospérité des enfants du plus grand... le bétail rrnurut, la population diminua
en ÏIIJIX>rtaIre.
Puis 1 'b:mœ blaoc vint et s'emp:rra de la terre. "(1)
I.e cadre origiœ1 était déoormris violé, la oociété appelée à subir des transfomations
forcées. Ses valeurs, 53 foi, son int:imi.té allaient être défigurées. la corrœion introduite lEI"
l'é1aœnt étranger se solidifie, se transfonœ en spoliation de la terre, perte de la liberté et
(1) ~, op.cit. P.25

=
67 -
d'identité, rupture ontologique avec les aocêtes, destruction des liens familiaux, hurriliations
quotidiermes.
la cité originelle, Eereiœ, ricœ, IlBtériel1aœnt et IlDralaœnt, g1i..se3e ostensiblaœnt
vers les ténèbres insondables. Le foyer de N'gotha, bien connu et resJX'!Cté carrœ lID œvre de {Eix,
Ee disloque souda.i.œœnt OOtlS les actions conjuguées de l'étranger b1:mc. Son fils et oon é{X)use
sont arrêtés. L'autre fils gpgœ la forêt IX>trr canl:attre l' OCCUIEIlt. Al' opIXlSé de son ~e, i l
œ veut p3S attendre l'accanp1issaœnt de la pro~tie qui anmnœ .. l'élœrgeoce lID jour d'lID guide
IX>trr aœœr le peuple à la liœrt:é et restaurer la terre aliénée. Le lIDIldre s'effondre autour
de Ngotha ; arrêté lui nâœ, torturé à IlDrt, i l subit la pire des htmiliations infligées p:rr
l'autorité coloniale, la castration {hysique. Son calvaire préfigure les IœUrtrissures effroyables
l quelepeuple entier.leKényaentiervasubirjusqu'àl'avèœlœntdeUhuru,lesc.hxs violents
qui. n' ép:rrgneront rersonne.
r'.~.,

- 68 -
l
-
LES TENEBRES COUVRENT LA CITE
L'intrusion de l' éléIœnt étranger b1aoc, le viol suhséqœnt de la quiétude de la cité
origiœlle, la désagrégation du cadre de vie de l'autochtone, sa réaction et oon désir de restaurer
l'intimité brisée, pourissent, COrraJllElt les riLations de colabitation, difficile, insup{X)rtable,
de IBrt et d'autre. Les ténèbres de l'incauprélalsion, de la néfiaoce, ~tit à ~tit, s'éJHississent.
la ~ur de l'autre préJm"e la tragédie, IXJl.ISSe au repli sur soi.
" C'est étrange, la façon de craindre qœ1qœ cOOse prrceqœ le coeur est déjà prélEI"é
à craindre••• QJand IreS frères allaient à Nairobi et qu'ils ~ dans les nES, ils
disaient au retour n'avoir {ES apprécié la 1IBI1ière avec laqœlle les euro~ les
l'.·..·'.··.:'··
regardaient ... beaocoup d'amis (Eliropéens) disaient qu'ils n'ainBient {ES la IIBIlière
.... ~>
avec laqœlle les Africains les regardaient ... l' on n'est {ES libre de jouir de la lxmté
du ciel car l'on est conscient de la tension électriqœ qui est dans l'air ... (1)
la tension électriqœ, entretemJe lEI" les frustrations, les raocoeurs, finissent lEI"
éclater. C'est l' ult:iJœ é~ du cléchûreœnt des forces ténébreuses, aveugles, IœUrtrières,
antre la sx:iété mire dont les nanbres ~t traqués, {X)UI"chassés, lEI"qués canœ du bétail,
tués, sur le nntif présupJXlSé de JErticiJBtion 00 de soutien aux M:Ul"M:lU.
(1) ..hti:. op.cit. PP. 110 - 111

-
(f)-
" Un jour, à ThaOOi et Rtmg'ei, les gens se s:Jrlt réveillés pour se retrouver
encerclés prr des soldats noirs et blancs JXlrtant des fusils et, prr des
chars vus JXlur la dernière fois sur les routes P=I1dant la guerre de
Qmrchill avec Hitler•••Gitogo ••• leva les bras au cieL •• la Œù.le l'avait
proœblaœnt atteint au coeur•••Un autre terroriste M:lU-Molli venait d'être
aœttu." (1)
Réduits à l'état d' an:i.rralité brute dans les ŒIlIIJlS de concentrations,
"la réJXlll8e désespérée du gouvernaœnt au soutien nassif en nourriture, argent
nirlicaœnts et IIlIDitions, qœ les cantattants de la forêt recevaient d'(eux),"(2)
Les fernes oont contraintes de se prostitœr aux ~des pour avoir de la nourriture et de l'eau.
Les lnmes subissent les brutalités et les sévices de tous genres : castrations, tortures,
IœUItres froids. Les enfants de Gikuyu et de Munbi, les Kényans, lunœs et fernes, terrorisés,
croient à l' avènaœnt des taIJIl'3 apxalyptiqœ.s de l'Arrien Test:aœnt car,
" i l n' y a de sécurité mille p3rt.
i l n' y a p3S de cacœtte sur cette terre nue." (3)
Les ténèbres couvrent inexorablaœnt la cité, l'anbre de la nnrt plaœ p3rtout à la rorxie.
Sous l'aile du vautour, toute vie s' estanpe. L'être humin perd son essence prEmière, s:Jrl humnité,
pour n'être qu' uœ cOOse, sans aocuœ valeur, sans aOClID JXlids.
(1)
N1JN, Op. cit. P.6
(2)
WACill1A, Œarity, op.cit. P.112
(3) \\«: op. cit. P. 7

-70-
1°) la Violence
I.e caractère explosif du cadre de vie int::iJœ violé, les états d' arœs des lnnœs-
blaocs et mirs -
les intérêts colossaux en jeu créent dans les oeuvres de N' gugi tm état JX)tentiel
de déoordres et de violences p2I1IBœIltes. la roœ de la violence SEmble tourœr en tm lBllet
sanglant où uœ odeur piquante de sang, les cris des suppliciés,lés lanres de toute uœ cœm.mauté
se conjuguent JXlUI" laisser éclore tm tableau aJX)QÙyptique. les intérêts conflictuels, les affronte-
rrents IœUrt.riers dévoilent tm tmivers ~humnisé, p:rr uœ quelconque force de destruction. L' hcmœ
dans oon esseoce, SEmble irrél€diablaœnt
~ à nnurir de oort violente et voué à l'anéantis-
saœnt précoce • L'administrateur colonial à l'esprit raOOugri, oon canplice mir, le canœttant
M:u.r-M:m, le villageois innocent côtoient la nmt à chaque instant de leur vie.
la violence ,dans les oeuvres de N'gugi, obéit au oot d'ordre simple :"tueou neurs'
dans le contexte de deux cœmmautés antagonistes, deux intérêts cl.:i.aœtra.laœnt oppœés, deux
visioos du nmde conflictuelles. elle obéit à l' i.nst:ioct de survie ~t à tout être humin.
N' gugi situe la cause de la violeoce dans la nature des raPJX)rts d'aliénation et
de SJX)liation établis au dét.riJœnt de la COIIII.IIEUté mire. I.e JX)int ult::iJœ - la Ib3se de lutte aIllÉe -
est l'inévitable
cooséquenœ des contracdictions œes de l'instauration p:rr les blaocs d' tm ordre
inique. ne prenant en canpte que leurs intérêts. I.e renforcaœnt du nouvel ordre, colonial p:rr
es3eOCe, crée tout tm rés9au de frustrations cœz les mirs dont l'origine remmte à l'implantation,
au tri~ de la Sainte Trinité représentée p:rr la Bible, le Capital, le Fusil.

-71-
" i l (le missiormaire ) portait la Bible ; le ooldat, le fusil ; l'administrateur et
le colon, l'argent. I.e Orrist.iani.sœ, le Canœrce, la Civilis3tion : la Bible, le
Capital, le Fusil : la Sainte Trinité " (l)
L'interaction de la Sainte Trinité, en plus des OOuleverserœnts institutionœ1s,
introduit des JJIXIèles de vie et d'labitudes oouvelles, destructrices {X)l.I[" la cœm.mauté noire.
L'anœxion des terres m:xIifie son onde de prodoction, la quantité de prodoction ~ à ses
besoins, OOuleverse sa perception du nnnde, oon interprétation.
Arracœe à sa terre, la cœmmauté se trouve dépouillée de sa suhstarx:e vitale.
La perte spirituelle de la terre s'accanp:IgI1e d'tme autre JX!rte, plus rhysiqœ, plus nntérielle
la 9XIr'œ de prodoction qui. garantit l'existence rhysiqœ d' tme carmmauté organisée. Lf ordre
traditi<Xll'K'Ü
qui rytlIœ la vie de la camunauté entière JBr des saœoces, des récoltes, est
ranpu. OO{X)SSédé, l'individu est livré à la loi et à la volonté de l'occuIEIlt. La cœmmauté
entière sanbre avec lui dans la misère, l'tnmiliation qootidienœ dans les champs du 11BÎtre.
Ieverm étranger sur le 001 de ses aœêtres, la salaire qui lui est IEyé œ lui. penœt millaœnt
de DEœr tme vie décente. Sa situatioo cm::rète est celle d'un eoclave. La oouvel1e re1igi.oo
sous-t:en:l l'effritaœnt de la re1igioo traditionnelle, des pratiqœs traditionœl.les qui constitœnt
le fondaœnt de la carmmauté. L'école rouvelle, l'école missiormaire {Ertidpe du nêœ courant,
son contenu est dirigé contre les valeurs traditionœlles et encourage l' adoptioo des nndèles
occidentaux •
(l) N'gugi \\oB Thiang', RE op. dt. P.BS

&
-72-
L'ensanble de ces violences exerce lD1 :inJIact œgptif sur l' individu colonisé, elles
imbibent ffi çersonnalité et la transfonœnt. L'individu carrœnee par douter de lui--nêœ, de ~
propres valeurs, lIBis l':imçossible assimilation en fait tD1 révolté. Le processus générateur de
violeoce suit uœ ligne gradœlle. A chaque ~,correslX)Ild un canporterœnt nouveau.
L'évolution gradœlle du colonisé de l'aliénation physique et spirituelle vers la phase
de la rupture et de la révolte cœz les çersonnages de N'gugi rejoint l'analyse de Frantz Faron
celui~t le nèœ tableau d'évolution du colonisé projeté de force dans un rronde qu'il qualifie
de :
" t1:>nde CXlIJImT:ilœnté , !IBIlicœïste, innnbile. t1mde 5fu" de lui, écrasant de ~ pierres
les échines &:mx:hées par le fouet" (1)
Acculé, hunilié, le colonisé tente de briser l'étau infernal de violeoce ~te qu'il
sup{X)rte de plus en plus nal, qui le IlBintient au rang de sous-harrœ. Son ~ir initial, ffi ~ur,
~tit à ~tit , cèdent la p3S à la prise de COIJOCienœ de sa sitœtion tragique, l'éœocœ d'une
:issue, d'uœ voie de sortie obligatoire. Si le colonisé alxmtit au cours de oon long clan:i.Iaœnt
au stade de la rupture, c'est qu'il b3igœ dans la violen:e qootidienœ de l'oppres;eur. A l'étroit
dans les limites qui lui oont i.JnInsées, il est const:a1Iœnt exposé aux affres de la dan:i.mtion
coloniale. L'ordre de l'oppresseur est clair : toute velléité de contestation du pJUvoir établi
doit être royée dans le sang. L'hanœ roir devient le symbole vivant du nal, la gangrène qui vise
la destruction de l'ordre blaoc. la brutalité, la violeœe brute, aveugle qui s'exerce de !IBIlière
....................................................................................................................................................................................................
(1) FMnJ", frantz, les damés de la terre , t'hspéro, Paris, 1968 P.8

-73-
impitoyable contre lui vise lUl but : oon 11RÏlltien à la place qœ la camunauté bJ..aocœ lui a
assignée, la garantie du statu qoo penœnent.
L' usage penœœnt de la violeoce IXJUr garantir le statu qoo s':inocrit dans la logiqœ du
poovoir colonial et N' gugi. fait ressortir le caractère classiqœ du colonialisœ, contraint de re
défenîre en penmœn:e JXJllI" œ p:IS s' écrouler •
est
" Ayant instauré ce rouvel ordre noral où Jl:lr définition, ilt--naître et innocent, le
colonialiste re serait enfin dormé l' al:rolution. Faut-il eocore qœ cet ordre œ ooit
p:IS œni.s en qœstion Jl:lr les autres, et surtout prr le colonisé". (1)
la nature violente du colonialisœ déooocre néœssa.:i.renent sur la réaction du colonisé.
Réaction violente, car elle est la résultante des frustrations et de l'aliénation du colonisé. la
contre-violeoce revêt lUl aspect libérateur et fX)Sitif aux yeux de N' gugi. :
" la violeoce JXJllI" chmger lUl ordre social intolérable, injuste n'est p:IS de la s:lUvagerie :
elle purifie 1'lnnœ. la violeoce rnrr protéger et préserver lUl ordre social oppressif
est crimiœl, et elle dimi.nt.e l'lxmœ" (2)
le colorù.sateur subit les rancoeurs, les griefs longtanps accuwlés contre lui. la violen-
ce IUIi-ficatrice du colonisé, bien organisé, S)Utenue Jl:lr uœ orientation, uœ idéologie claire,
rœnaœ l' existence Iilysiqœ du colonia.1i.sœ .
.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
(1) MEM1I, AU:ert, Portrait du colœisé, Payot, Paris, 1973, P.lOS
(2) N'gugi. \\oB Thioog', Haœcaning,œinEmmn, London, 1972, pp ~ - XVI

- 74-
le colonisé prend bien roin de nontrer la just.esge de sa violence libératrice, qui ~ différencie
de celle
qu'exerce le JX)uvoir colonial. Celle-ci re~ sur la négation de l'hanre colonisé qui
ré{XlOd JX)ur garantir ron existence :
" Nous œ tuons IRS n':i.mp::Jrte qui •.•
Nous œ sames IRS des crimi.œ1s • Nous œ s::mœs IRS des coupeurs de tête-
came Rota:Jn - qui tue les lnmes et les farrœs sans raison... Nous œ faisons
que contre-attaquer ! (1)
La violeoce du colonisé ~ justifie, c'est l' inévitable issue de rortie qui reste à
tout ~uple traqué. L'ennani. œ ~ut de lui rrêœ aOOrxlormer ~ privilèges.
La violerx:E? tmique voie de salut {X)tll" le colonisé cadre avec le réé! vécu lEI" ceux qui
ont, à un niveau ou à un autre, vécu dans leurs clID.res la férocité du JX)UVoir coloniaL
Amilcar Cabral, Frantz Faron, cnt intensaœnt }l3rtidpé à la lutte de libératicn de leur ~uple
respectif. ils ont vécu et subi ~ effets sur le plan lÎlYsique, ODral et psyclx>logique.
Fanœ écrit :
" La vérité est que la colcnisation, dans son essence ~ prés:!ntait déjà came grande
pourvo~ des hôpitaux IEychiatriqœs•••nous avons••.attiré l'attention..•sur la
difficulté qu'il Y avait à"guérir" correct:aœnt un colonisé, c'est à dire à le
rendre oocial du t~ colonial" (2)
. .
. . .. ....
....
.
... .
.
" "
" .. " " " " " " " " "
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" " " " " .. " " " " " " " " " "
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" " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " "
(1) NJ:M, op.dt. P.1fi>
(2) Fanon, Frantz, Op. dt. P.177

75 -
L' tmivers colonial est tm tmivers IIBlade, tm tmivers ou l'aversion nnrbide dorme à
la violence tm caractère dérœntiel. lB névrose de la destruction de l'autre frise l' hystérie.
''Mr Howlands ressentait tm certain plaisir enivrant, la IIEChine qu'il avait mise en
nnuvaœnt fonctionnait. Les mirs détruisaient des Noirs. TIs vont se détruire
jusqu'au dernier. Que lui ~rtait - il si des mirs, dans la forêt, détruisaient
tm village entier? Que lui ~rtait-il, vra:irœnt, excepté le fait que la rrain-
d'oeuvre d:iminœrait ? Q.i'ils se détruisent. Q.i'ils se canl:attent. Le p=u qui
Il
survivrait se s:ltisferait de la portion de terre que l'haIne blaoc a reservée (1)
lB p=ur, la néfiance expliquent le fessé qui sérerent les deux CŒIII.lI'Butés.
06ctme d'elles, dans tm rrêœ e8JBce géograIirique, aspire à une rœilleure condition sociale, une
vie décente, cligœ. L'impœsible coœbitation provoque tm nnuvaœnt de repli sur soi. Repli où
l'on s'observe, l'on s'épie pour attaquer au nnœnt opportun.
L'ambiance EmIX>isonnée distille tm sentiJœnt de rejet d'une rare intensité,
rot
" la haire est cert:ai.Œ!œnt tmvfaible OBis c'est l' éIDtion qui s'est anprrée de popu1.a-
tiens du Kénya après soixante années de danination bJ..ancœ et qui s'est accrue
davantage jusqu' à la violente révolution. lB force de l'éruption secoua ainsi à la
fois blancs et mirs " (2)
. ..
.
. .
.
.
... ..
" " " " "
" "
" " " .. " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " ." ." " " " " " " " " " " " " " ... " " " " " " " " " " " "
" "
" " " " " " " " " " " " " " " " " "
(1) \\<.te, op. cit. P. 97
(2}lACILMA, O1arity op. cit. P.fA

- 76-
La ~ode p.::st-indépendanœ continue dans la violence,
et dans l'effusion de &mg.
Cette violence s'inscrit dans le prolongenent de la violence coloniale. Elle vis= à cons:>lider
les IDuvoirs et les avantages
de la minorité dirigeante. Elle :=évit contre toutes les cot.r::l"es
sociales, sans exception, les travailleurs, les nasses çaysannes, les hauts dignitaires IDlitiqœs
~tés de syrnçathie JX>Ur les nasses IDpu1aires et la classe ouvrière. La violence p.::st-indéIEJr
dance laisse apçaraître la lutte des classes obnubilée pendant la ~ode coloniale çar la
confrontation blaoc/noir. La couleur de la JalU s'estaTIJE dans les revendications. La désillusion
qui suivit utU1l11, les nêtOOdes repressives des nouvœux dirigeants, aœœnt la.classe ouvrière à
se nnbiliser sur la 00se d'intérêt de classe et à se défaire des considérations tritales, régioœles
dans l'appréciation des contradictions en cours dans la oociété.
" Karegp et ses amis travailleurs de l'usine 'Iœngéta n'étaient plus différents.
Ils avaient rejeté, il est vrai, la simple fraternité 00sée sur la Jalu, la région,
la camunauté d' orig:iœ et ils ont dit "non" à la fois aux anployeurs de la
rra:ID~droeuvre roirs, blancs et hindous." (1)
La IIBturation IDlitiqœ et idéologiqœ instruit les nasses çaysanœs et la classe
ouvrière. Cette fraction de la IDpWation prend conscience du fait l'exploitation n'est ras liée
à uœ race, uœ etlmie. Dms sa confrontation quotidienne avec les I10UVffiUX dirigeants, elle
déçasse des considérations subjectives JX>Ur arriver à l'évidente réalité qœ :
...... ............................................................-
.
( 1 ) P 0 B, op. cit. P.42

-77-
" .•• le smg noir coule, des Noirs le font couler... les Blancs s'en vont
rœis leurs canplices oont JEI11IÎ- nous, a.nn§s IET eux. La dernière œtaille du
colonisé contre le colon, ce sera souvent celle des colonisés entre eux. "(1)
L'intérêt de la classe ouvrière et des IIBSSeS P3ysarmes canœndent la destru:tion de
tout obstacle à leur ép:mcx.rissaœnt.
" Celui qui n'était P3S de notre côté, était contre nous. C'est IXXJI"qooi nous
avons tué ms frères noirs. Parce qœ, en dedans, ils étaient b1aocs" .(2)
N' gugi rend IBlP3ble et tragiqœ la situation d' uœ hurnnité déchirée llli' les
forces de la destruction déclBînées contre l'iOOividu, oolitaire, livré à lui--nêœ. la violeoce
qui s'exerce en IEIJŒIŒI1Ce est liée à la situation coloniale et la nnrgue des nouveaux dirigeants.
La reconquête de ooi, la reconquête de l'identité {EIÙœ ~ IET la liœration
du 001 œtal, la défaite de l'oppresseur. I.e colonisé est obligé de recourir à la violeoce œ serait
ce que IET réflexe d'auto-défeœe • llms la cité nouvelle déOOrassée du coloo:i.a1isœ, les travail-
leurs, les IIBSSeS P3ysarJœS oont contraintes d' ut; 1; rer la violence révolutiormaire p:>ur un mieux-
être éccIxllIi.qœ et p:>litiqœ.
La violeoce cœz N'gugi est uœ réalité vécœ quotidiennaœnt au Kénya, avec des
1'1
fois, des aspects tragiques carrœ les aSS3ssinats p:>litiques. D2 \\-kep not, auld àYGrain of M1eat,
..................................................................................................
(1) Fanon, Frantz, op. cit.
P. 185
(2) AG 0 W , op. cit. P.192

- 78-
N'gugi présente la violeoce oous un double ~t. Les forces coloniales pratiquent uœ violeoce
Iœth:xliqœ, <:orlSdente, qui vise un but précis. Les victiJœs de cette violeoce oont identifiées,
connœs avec précision.
Les villageois sentent confuséIœnt le ~in de 92 défendre, de rOOgir à la violeoce I8I"
la violeoce. Ure petite fraction du nnnde villageois, celle qui a effectivaœnt pris le naquis,
perçoit c:1.ai.ratent la violeoce came ITDyen vital de lutte et de survie. Les 00mes et les femœs,
de nanière géœrale, 92 servent de la violeoce rar simple instioct de survie. ils oont dépourvus
d'uœ plate-fonœ idéologiqœ précise, et ils oont confrontés à la careoce des cadres politiques
funs le naquis, la direction de la lutte recourt à de vieilles coutuœs d'allaince ou à
la terreur pour constitœr ses resoourœs huraiœs. La lutte est caractérisée rar l'abseoc.e totale
de véritables experts de la gœrre de guérilla.
Petals
of Blood, Ngaah:iJ<a Ndeenda, Devi! on tœ Cross IIDntrent un autre asJKt de la
violeoce : la violeoce des rouveaux dirigeants JXlSt-irrlépendanœ. ~thodiqœ e11e-aussi, ses
vict::iJres soot pratiqtBœI1t les nêœs qœ celles des forces coloniales. La différence vient du
fait qu'ici, les individus exploités, brilIés soot p1eiIaœnt cons:ients de leurs forces et de leurs
poteilt:iàlités ,à faire changer l'ordre des clnses. ils s' orgpnigent pour défendre leurs intérêts de
clas92 dans des orgflIÙSations syndicales. Leurs critères d'alliànces œ soot Jl9S foOOés sur l'aIr
rartenaoce ethniqœ, régimùe 00 confessiormelle. Ces txmœs et ces femœs œ recoona.:issent qœ
deux classes, deux familles: la"famille Benz" et la famille des dém.mis ; la clas92 des J;n'3Sédants
et la clas92 des oorrfOSSédants cœrchant à renVer92r les ~ts pour instaurer uœ oociété
égplitaire.

-
79-
N' gugi. Icint tme rouvelle réalité survenue dans les contradictions de la oouvelle société
kényane, l'ffiergenœ, la consolidation d'tme ~ ouvrière canb3.ttive. Cette réalité qu'on
oœerve prrtout en Afrique, est attestée p:rr des intellectuels, des dirigeants JX)litiques engagés.
Anùlcar û\\bral, dirigeant JX)litique d'un IIDUvaœnt de libération IIDI1tre que ce qu'il faut en
Afrique, c'est l'usage de la violence JX)ur la libération nationale, avec un projet révolutionnaire
de En:iété en 1IBins, s'appuyant sur tme ~ ouvrière consciente de ~ resJX)IlSlbilités et de son
rôle ODteur dans la lutte de la classe prolétarienœ, JX)ur lui,
" les faits nous dis~t de prouver que l' instruœnt essentiel de la darrination :impérialiste
est la violence ••• nous verrons qu'il n'y a, ni œ peut y avoir libération nationale, sans
l'usage de la violence
libératrice de la prrt des forces nationalistes, JX)tIr réJX)ndre à
la violeoce crimi..nelle des agents de l' impérial.isœ••• "(1)
L'essentiel de son idéologie, que N'gugi. reprend à son canpte, est la violeoce JX)tIr défaire
les forces réactionnaires qui endeuillent l'Afrique. le bien-être, la rena.i.ss3nce des IIBSSeS
JX)pulaires, des IBYsans et des ouvriers résident dans le tri~ d'une Afrique indépendante
véritablaœnt, une Afrique progress:iste et sx:ial:i.ste•
.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
(1) Anùlcar, Cabral, Op.dt. P.:ID

-00-
2°) au: de deux nnndes - Revalorisation des cultures traditionnelles
Les prEmiers talbutiaœnts de la pri..s2 de COIlOCierx:e des écrivains ooirs ont pris came
pierre angulaire de leur IIBIlifestation la culture, la valorisation de la culture ooire. la tase
IlBtérielle qui sous-tendit la destru::tion écologique et Iflysique de l'univers œgro-africain, œrvit
de justification à la traite des Nègres, à la IErtition de l'Afrique à Berlin EE résure en un EEul
nnt : la culture.
C'est au nan de la culture que les grands ras'3e/)\\blaœnts pgnafricains d'avant l'indéJEldanœ ont
eu lieu à Rare, Londres. Les grandes révolutions EE sont opérées au nan de la culture tout au long
de 1'histoire nnuvaœntée des lunœs. Il est généralaœnt reconnu que :
" Lorsque Goebbels, le cerveau de la pro~e nazi, entendait {Erler de culture, il sortait
son pistolet. Cela nnntre que les nazis •••avaient uœ ootion claire de la valeur de la
culture came facteur de résistance à la darrination étrangère. Cl)
N'gugi, dans la droite ligIE de la lutte JX>ur la réhabilitation des cultures opprjJIÉ.eS en
géœral, et de la culture Kényaœ en p:rrticulier, fait de Ea défense l'lm des fondaœnts de ~
oeuvres littéraires. de \\okep oot, Clrild à fuvil on th:! cross, la culture EErt de cause prEmière,
d'éléfœnt IIDhiliEateur des IŒISSeS qui Y pu:i..EEnt les forces vivent nécessaires à leurs luttes dans
les valeurs traditiormelles éprouvées {Er des géœrations d'hcmœs et de ferrœs. la culture,
dynamique {Er esserx:e, situe toute uœ CClIITLI11auté dans le tanps et dans l'esroce ; elle la détennine
(1) Cabral, Amilcar, op.cit. P.318

-
81-
dans ce qu'elle a de {X)Sitif et de négatif et elle lfllIEt d'avoir une vœ de l'intérieur JET
rap{Xlrt à cette cœm.mauté, ses ressorts intiJœs, ffi vision du JESSé, du présent, ffi projection
dans le futur.
N' gugi Ee fome entièreœnt sur la culture JX)lJr présenter le peuple Gikuyu, ses origines, S)I1
évolution, ffi place dans la rouvelle sxiété kényane.
Société négro-africaine, la sxiété Gikuyu œ calcule p3S le talJIS dans trr1 oooci nat:h3IBtiqœ.
Le talJIS s' évalœ JET rap{Xlrt à des év蜜nts qui. EerVent d' é1énents de reféreoce car :
" La question de talJIS est de peu ou n'a p3S de grame im{Xlrtanœ {Xlur les peuples africains
dans leur vie traditiormelle. Pour eux, le talJIS est simplaœnt une CXlll{XlSition d'évèœrents
qui. ont lieu, celle qui. Ee déroulent naintenant et celles qui. vont inniili..ataœnt Ee dérouler.
Ce qui. n'a p3S eocore eu lieu ou ce qui. œ pourrait p3S Ee produire dans l'inIn§diat tanbe
dans la catégorie de''Non-t:anIs''. Ce qui. est certain de Ee produire, ou qui. tanbe dans le
rytlIœ des ~ œturels est dans la catégorie du talJIS inévitable ou {Xltentiel."(l)
Pour les Gikuyu, la période allant de la création de la œtion Gikuyu jusqu'à l'indépendance
du Kénya est jalonnée JET des persormages historiques de grande envergure. Au déprrt des dn3es, i l
Y a Gikuyu et funbi, les aocêtres légendaires ; à l'arrivée de Uhuru en 1963, JarD Kenyatta. Entre
les deux 1x:>mes, i l y a d'autres peroonnages de grande stature: M.Jgo \\oa Kibiro, le grand proprete
qui prédit l'arrivée des européen<3, la contruetion du <:.Œmi.n de fer, le nnnstre qui. c:racœ du feu ;
Harry Thuku or~ la pœnière résistance consciente des Gi.kuyu ; Ialan Kinathi, le jeune général
..................................................................................................
(1) MBID, John, African Religions And Imla:nphy, Lomon, HeirarBnn, 1969, P. 19

-82-
qui rœna héroiqlBlEIlt la révolution M:ill-Mm dans les forêts. fus faits :::aiJJants, des pratiqœs
religieuses, ooc:i.a1es, penœttent égalaœnt de fixer le ~. Les grouIES de circoncision {X)rtent
des oons narquant des faits précis, vérifiables.
" Nous étions exclus de (l'école) aux environs de - je crois, c'étais en 1946 - lEI"ceque
c'était l'année du grou~ d' âge ap~ Cugini / t-lliuruka
" Cela veut dire narché noir. M, pm:.e que c'était après la gœrre et les c:lnges
rranquaient énoI1lÉlEJlt. C'était pendant ces années que Karugo, le cffiuffeur, devint célèbre.
i l avait l'habitude de transporter des l'IBI"ciEndises de la zones blaoche; aux réserves
africai.œs et aucune voiture de {X)lice ne pouvait l'attra~ ". (1)
N'gugi. {X)longe au plus profond de la culture Gikuyu IXJUI" faire ressortir les différents
aspects, les anbres et les lurri.ères de la sx:iété kényane, les acquis teclmiqlES, nnraux. Les acquis
d'une sx:iété sont p:utie intégrante de sa civi1iS3tion, civi1iS3tion entendue carrœ :
" ••• un"univers que 1'lxmœ se tâtit ; l'univers des U1Ùtiples camunications"
; un
univers cauporte néœssaireœnt divers côtés aussi pittoreques les uns que les autres,
qui en aocun cas n'invitent à la nnrœité ; chaque acte public, chaque déœrch:! privée
s'intègrent dans un univers dont les ligœs de conduite sont plus ou nnins conscientes••. "(
Les côtés pittoresqœs de la culture Gikuyu révèlent la p:rrfaite IIBÎtre de certaines rienc
de la mture lEI" le fait de longues observations. L'appréciation presque certaine de phénaIèœs
a~qlES nnntre un :::avoir IlÉtéorologique fiable •
..................................................................................................
(l) PO B , op. cit. P.223
(2)GASARAB.JE, Frlouard, l..egeste n.anda, Pd.Union Générale d'éditions, PP; 414-5

-83-
Peuple d'agriculteurs, les G:ikuyu dép:nlent d'élénents at:nosIilériqœ(pluies, vents) IX:A.Ir les
récoltes ; la fréqœoce des vents, les pluies continues JalVent s'avérer catastro]fti.qœs 00 béœfi-
qœs ~on les ~<Xles précises.
''Njahi était la saison de longues pluies. C'était la saison préférée de tout le nnrxle.
Tout le ronde en conséqueoce est assuré d' uœ 00nœ récolte." (U
Les Gikuyu œt su nn1triser les saisons qu'ils ont ré{Erties en douze rois :
" -11Jggara ( janvier) quand les o:i.s2aux doivent être classés des champs de sorgOO,
- M.rrathJ (février) quand la sorgOO est récolté,
- Kiliu (mrrs ) quand les champs sont préIEI"és IX:A.Ir les nouvelles récoltes,
- t1Jtha1i (avril) quand les longœs pluies ~ t et les longœs saœ:ill.ent débutent
- Mugiranjara ( rrai ) qt.Eni i l y a la pluie avec
des intervalles de œau t:enps qu' œ
Iœt à Profit JXX,Ir œœrœr les champs,
- Gith:mam.a (juin ) quand i l ya de légères bruœs,
- Gat:lmD (juillet) qt.Eni le m:ù.S est récolté,
- t1Jgœ ( ~ptanbre ) qœnd le sol est pré{EI"é JX)I.Ir la courte saison de pluies,
- Kilio ( octobre) qt.Eni les fraisesrxmœ.s "njogo" sont récoltés,
- Kanyalumgo ( mvanbre) quand les courtes pluies tanœnt, surtout de nuit et le sorgOO
et les mix sont récoltés,
- Gattm.l ( décembre ) quand le taIJp3 est ŒaU, caractérisé de brises légères." (2)
...................................................................................................................................................................................................
(l)JRli, op. cit. P.79
(2) \\kiUllB, Chrrity, op.cit.fP.47-48


-84-
L'envi.ronnrnent social obéit à des oonœs ..~t des valEurs régulatrices. Les éléments d'apprécia-
tion et de jugaœnt ront intrinsèqUESà la caIlIlUl'EUté e1le-nêœ. La terre, le tétail constituent
les ~tres de la ricœsse. Ces deux éléœnts ront des facteurs :iIIIœdiats de production. Ils
dorment la vie. Le constat du Gikuyu d'avoir été du~ et contraint de changer d' é<:.œlle de
llCÙeurs est chrrgé d' arœrtuœ.
" L'étranger en provenance d'Europe était lIB1.in : i l prit leur terre, leur sœur, leur ricœs-
se et leUr dit que les pièces de nnrmaie qu'il avait aprortées et qui œ rouvaient être
lIBIlgées étaient la vraie ricœsse." (1)
La notion de ricœsse origiœlle était forxiée sur l'home, sur la vie huIaiœ. Elle accorde
uœ :imJx>rtaoce exceptiormelle à la famille nanbreuse, gage de la ~eti1ité de l'oeuvre de l~gâl,
le créateur car,
" la vie de l'hc.rnœ était le feu sacré qui devait rester alltIIé depuis l'ancêtre jusqu'à
l'enfant et aux générations encore non COIÇues". (2)
Et prisque 1'hc.rnœ est le centre de toute clnge, i l doit être solideren.t aocré dans sa culturEc
~tri de tous les éléœnts qui caIJIXl'3eI1t ses valeurs,
" ••• ce sont tous ces différents aspects de vie unis qui constituent uœ culture sociale.
Et c'est la culture dont i l retite qui dorme à l'haIIœ sa dignité huIBiœ aussi bien
que sa pr~té IIDrale. Ell lui enseigœ ses valeurs nnrales et lui donœ envie de
travailler et de lutter rour la lilerté". (3)
..................................................................................................
(1) PO B , op. cit. P.18
(2) ibid. P. 18
(3) Kenyatta, Facing fumt Kenya, Heiœœnn, London 1979, P.317

-
85-
Un tel individu, oourri de la sève de sa culture, force œœ:s.sai raœnt le respect et l'admira-
tion
tel Nganga, <:.harJ;entier de oon état, qui sait tenir en ffileiœ son entourage p:rr la variété
des contes et légemes qu'il débite à profU'3ion :
" l i rép:rrait aussi des h3ies brisées, fabriqœit des tables et des lits de toutes sortes. Et
il était cap:ible de conter. Ce qui était considéré canœ une bonne chose IX>ur un tnnœ. "(1)
l i doit avoir, au pr€elable,
subi l'initiation, l'école de la vie où il lui est enseigné les
préceptes noraux, religieux, sociaux. L'élaœnt central de l'initiation éducative et culturelle,
la circorcision joœ un rôle à facettes nultiples.
la distorsion du sens de la circorrision, les rrrnbreuges interrogptions qu'elle a suscitées
ont cert:aiIeœnt renforcé l'engpgarent de N'gugi à défendre les valeurs capitales de la société
Gikuyu. C:ircooc.:ision et excision, les deux faces d'une nêœ réalité, COI"stitœnt une l:ese vitale et
nécessa.iraœnt obligée de la société Gikuyu. Elles constituent une a:me opération camandée par lm
rite qui s'intègre dans de vieilles cœrogonies,
" •••c.i..rcarire, c'est retirer à 1'hame ce qu'il ad' équivoqœ, c'est à dire de .faœlle, exciser
c'est égaJ.aœnt retirer à la faure ce qu'elle a d'équivoqœ, d'indéterminé, c'est à dire de nâle.
L'union de deux sexes relatifs, déterminés - l'tm circoncis, l'autre excisé - rapproc:œ de
l'être absolu, p:rrceqœ, dans une telle union, les deux sexes ne constitœnt en dernier ressort,
dans leur opp:lSition rrâœ, qu'un a:m et nêœ sexe, à la fois véritablaœnt m'lie et véritablerœnt
faœlle, canœ l'Etre supr✠et prinordial." (2)
............................................................................................................................................................................................
(1) ~, op.cit. P.aJ
(2) CBEl'Q\\,'lli§oIfrile, l'Afriqœ dans l'Antiquité, Présence Africaiœ, 1973, P. 64

-
ffi-
6cmœ l'être supr✠est divin JET essence, " la circoocision, dans les sociétés africaiœs en
général et, dans la société G:i.kuyu en JEIticulier, OOlltierment une grave cœrogonie : ils font
que le rouveau circoncis est une espèce de dieu." (1)
Circoncision et excision ~ttent à l'adolescent et à l'adolescente de p3SSer de l' enfaoce
à la pleiœ responsabilité adulte. Au niveau de la oociété, elles constutent une DBnifestation
socio-re1igieœe qui donne l'occasion à la collectivité entière de
ressouder EeS liens, de renforer
la solidarité et la coœsion de EeS nanbres.
" la circoocision était le rite central dans la vie des Gikuyu •••Elle IlBintenait les gens
liés à la tribu. Elle était à la œse de la strocture sociale et ce quelque chose qui
dormait un ~ à la vie d'un individu. Enterrez cette tradition et la œse spirituelle
de la c.c:>lésion et de l'intégration de la tribu s'évanmirait (2)
la circoncision et l' excision ~uvent être considérées carrœ l'é1érœnt civilisateur JET
excelleoc.e de 1'lx:mœ et de la fanœ Gila.Iyu,
" la céréJmie de circorrision est l'unique qualification qui confère à un lx:mœ
l'étiquette d'adulte et les pleins droits de citoyen."(3)
Le l:am étant représenté JET l'être circoncis ou excisé,
" Les filles ron excisés faisaient 11objet d'attaques cinglantes. en les chargeait de
toutes les impuretés. Elles étaient la oouillure de la tribu ..• "(4)
(1) Le Cœur, Olarles, Le culte de la génération et l'évolution re1igieœe et sociale en Guinée,
&l Iarose, 1932, P.92
(2) 1RE, op. cit. P.68
(3) KENYATI'A, Jaro, op. cit. P.l98
(4) 1RE, ibid, P. 121

-
- 87-
La s:ciété perdrait sa néroi.re collective avec la disp:rrition de la circoocision et de
l'excision car,
" les vrais groupes d'âge canœnœnt le jour de l'opération Iilysique( ••• ) 1'histoire et les
légendes du Ialples oont expliquées et retenœs suivant les ll(JIB donnés aux divers groupes
d'âge à l'éIXX}ue de la céréIooie d'initiation."(l)
Et 1'hcmœ Gikuyu se sentiraît diminué, uœ sorte de IEtiah Doral et spirituel,
" M.mira était en train de raconter à Alxiulla cœrœnt il s'était toujours senti incanplet
IEI"ce qu'il avait été circoncis dans lm mpital, sous aœstœsie, de ce fait, il œ s'est
jana:is senti app:utenir réell6lllt à S)IJ. groupe d'âge : Gicina Bangi.." (2)
I.e conflit latent, pernaœnt qui sous-tend les oeuvres de N' gugi., les grandes éruptions et
:flamtœs de violeoce qui enpois:JruHlt la vie politique, sociale, écorx:mique s'inocrivent dans le
cadre gloOOl du douloureux Contact intervenu entre l'Afrique et l'Europe IœI'CéIIltile du m ène
siècle. L'installation des colons, la spoliatiœ des Kényans, portent en genre le nalentenlu cruôal,
vecteur de dra:œ allturel aux nanbreuses a:n3éqœoces. I.e drarœ allturel qui a
eu pour cadre le
Kénya constitue l'lm des aspects de la COIXI~te de l'Europe. Les oeuvres de N'gugi. œttent en jeu
la Mi.ssiœ, les écoles missionnaires et la Société Gikuyu. I.e conflit qui les opJnSe est le reflet
de l'ant:agooisœ entre valeurs européenœs et valeurs africaiœs. La Ci..vilisation, corçue carrœ
fait exclusivenEllt euroIful, altère considérablenEllt les relations entre l'Europe et l'Afrique,
...................................................................................................................................................................................................
(l) PO B, op. cit. P.~
(2) ibid,

-
88-
la Grande-Bretagœ et le Kénya, les IIIissions et les Gikuyu car tout fait oocia1, toute pratique
huraine qui n'est ras tâtie sur le nndèle européen t<l'llh2 dans la catégorie d'acte "tatare",
"sauvage" ou "primitif". lE. civilisation, au sens restrictif et à vocation universaliste ~ de
justification à la danination et à l'exploitation de l'Afrique, du Noir, présenté <:aIIJE "arriéœ'\\
qui, de ce fait, doit être CIIEIlé à la lurri.ère de cette civilisation. lE. œgation du Noir, colonisé
s'incrit dans la logique de la prirrauté des valeurs européenœs, au IIÉpris du fait qu'il n'y a
ras de peuple sans civilisation, que toutes les civilisations, Ee valent p:rr rapport aux ~uples
qui les créent pour répondre aux défis du ta1JIE et de la nature.
le choc de culture provient de la œgation des valeurs n§gro-africaines, de leur résistance
aux valeurs nihilistes de l'étranger et l'expression de la ~rS)nnalité des oociétés n§gro-africaiœs.
I.e cottffit::deS2Cultures dans les oeuvres de N'gugi op~ les traditions Gikuyu et les valeurs
véhiculées p:rr le christ:ianisre.
le premier contact des milliers et des mi..lliers d'Africains, avec l'extérieur, en général, Ee
fait avec le clui.st::i.anis~ les IIIissicns, support prerri.er de l'expmsion des valeurs euro~,
vont Ee retrouver au coeur de vastes l'6IDUS et secousses cultureJs. nms leur prœélyti.sœ, elles
bousculent intentionnelleœnt des traditicns séculaires sur lE:SJ.uelles re~t les taEes de la
oociété Gikuyu. les IIIissicns œ prenœnt ras en canpte l' lirqx>rtanœ de ces traditions dans le
IlEintien de la coŒsion de la oociété, l'équilibre IœIltal, physique, IE)'clx>logique de ses nanbres.

-89-
La réponse ultirœ des Gikuyu s'o~ JE!" la création d'égliEPS i.Ixlé~tes, d'écoles indé~tes,
qui I"eS{a:tent l'idéal, les valeurs de la oociété. L'idéal chrétien canprend aussi bien l' éthiqœ
chrétienœ qœ les IIDeurs européenœs, toutes deux opJ03ées aux valeurs Gikuyu, à la religion
traditionnelle qui fonœ le ooyau de la oociété et autour de laquelle toute
la vie du groupe
s'org;3Ili.se. L'individu n'existe qœ JE!" rapport à ce groupe.
L'introduction du christiani.sœ provoqœ l' éc.l.ataœnt des liens de oolidarité et d'unité qui
président à la coocorde et à l 'harnnnie. I.e clivage chrétien / non-chrétien - appelé avec ni!pris
paien - crée des conditions d'antagoni.sœs irrécorcialiables~ dans 'Iœ River Beu..een,il y a :
" d'un CÔté.•• les traditionalistes dont leur p1Bce forte est Karœno ••• leur cref crege
est ...rigide ...M:ù<uyu est la p1Bce forte de ceux qui ont enbrassé le christiani.sœ et
aœooonœ les rites tri1:a1es••• leur~~•••est un fanatiqœ religieux...Voici ces forces
dressa!.51 'uœ contre l'autre."(1)
Les divisions affaibl.issent la carm.mauté entière, enlève EPS JX)tentialités d'action
JX)litiqœ coocertée contre les JXJUvoirs coloniaux.
I.e christ::ianisœ s'attaqœ aux éléœnts famœntaux de la religion traditionnelle, aux différents
rites qui an:iJœnt le cycle de vie. Les COOJS de lx>utoir dirigés contre la circoocision et l'excision
déso~t l'équilibre ontalogiqœ et Ihysiqœ de la oociété. L'école missiormaire approfondit
le déséquilibre, détourœ la j~ qui constitœ sa IIBtière première JE!" excellence,
" I.e naître Mwrui JE!"la de l'excision des fanœs et l'appela coutuœ paienœ : cauœ
chrétiens, on oous interdit de oous livrer à de telles pratiques". (2)
(1) PAI.Mffi,E.ustacœ, An introduction ta t:œ African, Novel, He:i.IarnIm, London, 1972, FP.13-1Lr15
(2) 1RB, op. cit. P.42

-00-
Uœ société se regénère, se prolonge IET sa jeunesse, {X>rteuse de sève fraîcœ qui redynami.se
const.annent la vie sx:iale, {X>litique, religietœ et éconaniqœ. L'école mi.ssiormaire canplète la
tâcŒ du prœél~ missionnaire. Péf l'exclusion d'enfants circoncis ou excisées, l'école reproduit
le c1iqœ du Bien et du Mll, la catégorisation coloniale des Noirs en bons et IIBUvais nègres.
funs le contexte gikuyu, le Bien, c'est l'évangile, les valeurs euro~ véhiculéeS IET le
christ:i.an:i.sœj le Mll, c'est la société traditiormelle, oon éthique, sa nnrale.
L'école privilégie le salut individuel sur le plan religieux, oocia1 IET opJX)Si.tion au salut '-V~....L=_"""'J
de la ooc:i.été traditionœ1le dont la devise est :
" Nous scmœs, dooc je suis."
L'action conjuguée des missions et des écoles mi..sc:;ionnaires ~ la société
Gikuyu, minée de 1 rintérieur IET ses propres nenbres convertis à la foi oouvelle. Sous la pression
du nnnde extérieur, son dynamisœ s'att:érIt.e, certaires de ses fomes d'action et de pensée t:aI1lE1t
en désuétude; d'autres,subl.iIœes, oouterraiœs, évolœnt JXJllI" aboutir à la revendication de
l'iOOépendanœ {X>litiqœ. la devi.re de la oociété secrète K:i.ana dans 'Ire River BeTheen,
" Gardez la tribu pure", résuœ le ch:x: des préjudices nnraux et spirituels subis IET les Gi.kuyu;
elle rem aœsi canpte de 1 rintensité de la détenrrination des Gikuyu à faire éch2c aux valeurs
d':inJIx>rtation, de restaurer les traditions et les coutuœs sur lesquelles reJXSE! la stabilité du
groupe. la résistance culturelle est en nêœ taIql5 la lutte contre la culture étrangère et le
pouvoir colonial qui s'est établi IET la création d'écoles iOOépendantes, écoles perçœs came
nnyen d rassimiler la puissance de 1 renneni., oon art de vaiocre sans avoir raison.) {X>ur les retourœr
contre lui.

- 91-
" Des écoles potJS3èrent came des ~ le plus rouvent, ~ école n'était rien de
plus qu'un Œmgar rapidarent recouvert de p3ille. Les voilà, symooles de la ooif
du {Euple JX)ur le s=cret IIEgique de l 'hcmœ blanc et son JX)uvoir'.'(l)
la canpœition des chants révolutiormaires qui défient le pouvoir colcni..a1, les auxiliaires
noirs, les traîtres à la cause du <XIIÙBt de libératioo.
" Nous œ nous reposerons jarœis
Sans la terre,
Sans la vraie liberté
I.e Kénya est un p:lys de Noirs" (2)
Les chants constituent avec les proverbes, les légendes, les deviœttes, les archives
de la ooci.été qui véhiculent et conservent dans l' in:on9:::ient des gens
les gestes et l'éthique
de leur p:lt:rinniœ carrnun : leur culture. Ils s'o~t aux valeurs de frustration véhiculées, J8r
l'évangile, à la rigueur nnrale de façade des rnissionœires, à l'atrophie de l'école rnissiormaire.
A la tentative d'instauratioo d'un systàœ de IEffiée qui prÔŒ l'huni.lité, la oounissioo, l'obéissano
à l'autorité colcni..a1e, chants, contes, l.égeOOes et deviœttes exaltent la liberté }E'due, ils
galvanisent l'élan des lnIIœS et des fernes Gikuyu dans leur entreprise de reeonqœte de la terre
natale, don des Ifu'es fondateurs, G:ikuyu et t1.mbi, trait -d'unioo avec les aocêtres.
I.e choc de culture entre les valeurs européenœs et les traditions Gikuyu rrontre que deux
civilisations œ fusionnent jamis. L'~, pour plusieurs rairons i.rJh§rentes au tanps, aux rapJX)rts
..................................................................................................
(1)
'illB, ibid. P. 68
(2)
NJJtl, op.cit. P.X)

-
92-
de force du m::rœnt, écrase et éradique l'autre.
Les Gikuyu ont JBlSé de bonœ foi· que leur religion, leurs traditions pouvaient cohabiœr
avec le christ:i.an:isœ ; qu'il suffisait d'entrer à l'école étrangère JXlUI" devenir l'égal du coloni-
sateur et se ooustraire aux vexations coloniales. En IEYS Gikuyu, toute fOnIE d'expression ooci.ale,
artistique, est anpreinte du oceau de la religion. En ch2rcœnt à éradiquer la religion tradiormelle,
en interdisant la circoncision et l'exc:iBion, les <iaŒes d'initiation, les missionnaires JX)rtaient
atteinte aux raciœs les plus intilœs de la cann.mauté entière. la résistaoce était la seule issœ
qui était offerte face aux délabraœnts initiés JEr l'action conjuguée
des missiormaires et le
IX>uvoir coloniaL Toute Ifrilantropie du genre liœraJ. œ pouvait être enterdue :
" le coorage de ces peuples devant la vie nmte que mus les aidions dans leurs IœUItris-
sures inévitables du chx. entre leurs conceptions et ms exigences. Nous œ leur avons encore rien
d.onœ à quoi ils puissent s'accrocœr. Si mus achevons la ruiœ de leurs croyances, nous les verrons
sanbrer dans uœ anarchie mtériel1e, intellectuelle et nnrale." (1)
le chx. de œlture provient essentiel1aœnt du IIBJlque de dialogue et du respect de la
peIronnalité culturelle de l'autre. le dialogue entre le christ:i.anisœ et la religion traditiormel-
le Gikuyu n§cessitait, au dép:lrt, uœ attitu:le de to1éraoce et de canpréŒnsion, de la p:Irt des
missionnaires. Ceux-ci, devaient se dépntir du canplexe de superiorité afficœ· vis à vis des
valeurs Gikuyu, qœlifiées d'idolâtrie et de IE~nisœ. le christ:i.anisœ est resté intiIrBœnt lié à
..................................................................................................
(1) ARNAur, Rol:ert, l'Afrique du Jour et de la Nuit, Presse de la Cité. 1976~ P.S9

- 93-
la culture euroIfume, en dépit de g)ll IœSSage tmiversaliste.
Le choc de culture..... vu sous l'angle des oeuvres de N' gu&:!:, I1Btérialise deux s::ci.étés,
deux visions du nnnde irrécorriliables. TI est aussi la I1Btérialisation de la guerre de civilisation
et de religion que l'Euro~ livre à l'Afrique depuis le XY àœ siècle. la conséqueoce -:- Mnéf:i:que -
est JX)tII" les G:i.kuyu, en général, la oociété kényaœ en {Brticulier, l'éœrgeoce d'lID lnme oouveau
conscient de ~ valeurs, de sa personnalité et de sa d.:iJœœi.on culturelle. Le choc des cultures
transfonœ
en définitive des
" spectateurs écrasés d' inessentialité en acteurs saisis de façon qœsl. grandiŒle lEI" le
fais:eau de l'histoire. (TI) introduit dans l'être lID rythœ propre apporté lEI" de oouveaux
lunres, lID nouveau langage, uœ nouvelle hLtœnité. (TI)est création d 'lnmes oouveaux,
cette création œ reçoit sa légitimité d' a~ pui.ssaoce surnaturelle." (1)
..................................................................................................
(1) F~, Frantz, op. cit. P.3)

-
94-
II
DESACRALISATION DU DON DIVIN
" I.e Créateur, qui est aussi apIàé M..Jrungu, transJX)rta Gikuyu et Munbi à S:l nun~
sacrée••• il leur nmtra toute la terre - oui -, les enfants, toute la terre et leur
dit :
" Cette terre, je vous la donœ. ô ! lxmœ, ô ! femœ, Elle est à vous, JX)ur l'autorité
et JX)tJr la lIIi.sE en valeur, œ sacrifiez qu'à nni, votre Dieu, g)US nnn arbre sacré': •. (1)
I.e caractère hautaœnt religieux, intiJœ, qui a présidé au Ibn divin de la terre aux
aocêtres légendaires, Gikuyu et f1.mbi dans un p3SSé pythiqœ, IIBtérialise la claire conscieoce
ontologiqœ de leurs d.es:endants, les Gikuyu, leur disInsition religieuse à moorer le Pacte
contracté llll" leurs aocêtres sur la nm~ sacrée.
la valeur ontologiqœ du don divin C0111B11de le cœtact penœœnt avec la terre, oource
de vie. Il:s gestes précis, des rites séculaires doivent traduire de leur p:rrt le re8Ja:t a1B>lu de
l'antiqœ Pacte. le Ibn doit être ccnstaoœnt l'objet de g)llicitation et de véœration JXJUr qu'il
puÏSge produire, créer et faire jaillir l'aOOndaoce d'un 00ut à l'autre de l'année.
" Il viendra des gens dont les vêtaœnts res9Embleront aux Jl3pillons" (2))
......................................................................... ~
..
(1) VK:, op. cit. P.24
(2) .\\)btd -''-. P. 74
--~"-

....
-
95-
La réalisation effective de la propœtie du Mugo Wa Kibiro, grand voyant Gikuyu des t:aIJIls
anciens, mrrqœ le début de désacralisation du don divin, la terre. Le colonisateur prédit
par la prop~tie va ronpre le cours d' antiqœs relations religieuses et inti.Iœs entre les descendants
des ancêt:ŒS légenIaires, Gikuyu et M1.Inbi, et le créateur céleste, t1.Inmgu.
Il va s'approprier le Ibn divin, chasser les héritiers légiti.Iœs. Le sacré va s'estanper au profit
de considérations strictaœnt IIBtérialistes.
~PJUillés de leur bien intiJœ, les héritiers, frustrés, aliénés, auront constamœnt aux lèvres
cette grave question :
" QJand qœlqu'un est coupé de la terre de ses aocêtres, où offrirait-il des sacrifices au
créateur! ? CamEnt prenlrait-il contact avec les forxlateurs de la tribu, Gikuyu et
f1.nJbi ? (l)
I1ms leur longœ IIBrcœ dans la nuit d'erraoce, les héritiers de la terre, exilés de
l'intérieur, vag;31xni1sspiritœls et nnraux, gprderont à l'esprit le deuxièfœ aspect de la propœtie
de t1Jgo Wl Kibiro, le retour volœtaire des envah:i.sgeurs vers leur p:lys d'origine
....................................................................................................................................................................................................
(l) ~ , op. cit. P.74

-lX)-
1°) le problàœ de la terre SJX?liée
le problàœ de la terre spoliée revêt une importance exceptionnelle dans la vie
politique du Kénya à travers l'histoire coloniale et post-coloniale du IBYS. Il a faÇOlll'i! le visage
colonial du Kénya et éclaire depuis l' indépendaoce les OOuleverserœnts et les tensions au sein de
la société entière, des teOOaoces des {m1::is politiqllE7aux noovarents d'étudiants)à l'lunœ de
la rue.
Liberté politique, indépendaoce, ont été assimilées de près à la reconqœte de la
terre, don divin coocédé IJ:1r le Créateur céleste. la terre Kényaœ, 9)US l'angle spirituel,
religieux, est le sou1:asselœnt de la foi, de la vision du nnnde des gens. Elle est l'esseoce qui
conditionœ l'exi.steoce de toute choge. NgothJ, dans v.eep rot, child, résuœ oon import8oce
spirituelle, religieuse en ces tenœs :
" ••• l'on pouvait voir des femœs dans leurs charrJIs cultiver, ron, P35 cultiver, nBis
IJ:1r1er dans un langage gn-et aux récoltes et à la terre ". Cl)
L'iIrideoce de la perception spirituelle, religieuses sur le vécu corx::ret, le
qootidien, se traduit IJ:1r l'~t nourricier de la terre. Elle constitue le cadre {hysique
IBlIBble des tx:mœs, c'est la preuve natérielle de l'existence de la société et symbolise l'apIEI"""
tenance, l' enraeiraœnt de 1' individu au terroir, à la nation Gikuyu. Les liens intiIœs entre
les tx:mœs et les pères-fondateurs reJXlSeIlt sur la terre depuis l'auœ des tanps. Elle doit être
présente, associée à toute narque de reconnaissaoce et de gratitude envers le créateur•
.. .... ... .. .. .. .. .... .. .. .... .. .... .. .. .. ... ... ... ... .. .. .. .. .. .. .. .. ... ... .. ... .. .... ... .. .. .. .. .. .. .. ..... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ... .. ... .. .. .... ... .. ... .. .. .. .. ..
( 1) VlC, ibid, P.49

- 97-
Peuple d'agriculteurs, les Gikuyu, carrœ la pluJmt des peuples du Kénya, oont
virtuellaœnt tributaires de la terre qui leur fournit tous les éléœnts constitutifs de la vie,
nourriture, logaœnt, plantes IIÉlicinales. La terre joue le rôle de IŒre-nourricière qui entretient
toute la camunauté. son 11Bintien, son exist:eoce reste un sotri constant de tous les ancêtres,
mythiques ou Iilysiques, tel NdEmi., l' iniateur de la société organisée qui :
" ... laissa lU1e nalédiction, ~ enfants œ devraient janais aOOndonœr cette terre :
ils se devaient de la défendre au prix du sang, elle et tout ce qu'elle produit. "(l;
Les deux aspects - IIBtériel
et spirituel - donne à la terre un c.acœt p:rrticulier,
un statut unique enson genre p:mni les Gikuyu. Si elle nourrit les Ixmœs, leur donne la force
physique, nécessaire à la géativité. efaux transfol1lBtions de l' enviroI'ln:!œnt, cette terre :
" non seuluaœnt unit les nanbres vivants de la tribu IIBis aussi les ancêtres IIDrts
à la postérité à naître ... IEIœ que c'est sur les terres ancestrales que les
ancêtres se reposent... et peuvent garder le contact direct avec les vivants ". (2)
le statut de chaque groupe, clEque individu, déperxi de la terre. La notion de
ridesse, suivant le critère Gikuyu, se traduit en tenre de possession de la terre. L'accmulation
d'autres biens, si importante, soit-eile, change peu de chose dans les statuts d'un individu;
(1) Fœ , op. cit. P.195
(2) IŒNYATI'A, JaID, op. cit. P.213

-~-
celui-ci JeUt être qualifié de ricœ, si en plus d'autres biens natérie1s, il pœsède tme IXJrtion
de terr~
" (piconque était propiétaire d'tme terre était considéré carrœ ricœ. Si quelqu'un
avait œa.ucoup d'argent, œaocoup de voitures et qu'il ne {ŒSédait lES de terre, il
ne IXJUvait être canpté Jm11IÏ. les ricœs." (l)
Les troubles qui ont éclaté au Kénya en 1953 trouvent leurs origines dans la confis:ation
des terres G:ikuyu. Ngot:lx> travaille sa terre saisie IET 1b.vlands avec annur et tendresse ; au
tréfonds de lui-nêœ, il croît que-confornéœnt à la propMtie qui voOOrait que les Blaocs
viendraient, lIBis reJEItiraient carrœ ils étaient venus,-1b.vlands s'en retournerait un jour chez
lui.
.. ~ cet e8IXJir vain, éIDussé IET des armées de IBtienœ crée des ccolitions propices à la
cristallisation des colères et à l'explosion de la ffiine et de la vengœoce.
Ilms la société Gikuyu, des lois strictaœnt ohservées et des frontières bien délimitées
garantissent atJSS:i bien à l' individu qu'aux groupes d ' individus la jou:issaoce de la terre. Confonœ-
IœIlt aux œ et coutuœs Gikuyu, l'individu ou les groupes d'individœ peuvent accorder le droit
de jou:issaoce à un autre, individu ou groupes d'individus. le critère de 1xI.se se f<nle sur l'amitié
ou la confiaoce.
le muveau locataire, appelé "ami", peut Y construire, cultiver, cependant la terre
ne luiapIETtierit lES, la jouissance IaIt lui être retirée si tel était le txJn vouloir de l'ayant-
(l) \\o.tC, op.cit. P.19

- ' 1 ) -
droit. Le systàœ a fooctiormé sans rerou du fait qu'il concernait exclusivaœnt des Gikuyu qui
p3rtidIEient d' une ~1e v'1.Sioo de l'univers.
L'expropriation des terres entraîœ plusieurs conséquerx:es, la dislocation du cadre de vie,
la dis{ersion des h:mœs, la misère spiritœ1le et religieuse. la vie d'une rociété dé~ de tous
les élélœnts constitutifs nécessaires à la cohésion et à la reprodoction. L'anœxion a JXJUI" cooséqœn-
ce prerri.ère la dis{ersion des gens. Le lIBIlQ.œ de terre draîœ la jeuœsse vers divers lDrizals JXJUI"
vendre leurs bras :
" f1rintenant, prends llPS fils... je œ sais rrêœ
IBS où ils oont. L'lm est p3rti à
Nairobi, l'autre à kismu, le derneir à llitnlEssa, et c'est à Icine qu'ils
revi.ement à la lŒIison...En réalité, nous œ devons IBS les b1âœr...Après cette
graffie guerre, il n'y avait plus de terre où lIDUVOir..." (1)
la nnbilité Iflysiqœ des jeuœs gens les aliène à leurs cultures où la transrrission
des valeurs édocatives est faite lEI" des adultes. Les IEI"ents éduqœnt lesur enfants au sein d'une
cœm.mauté où le bien-être de chaam est lié à celui du groupe. L'enfant est éduqué JXlUr s'eocastrer
dans lm environœœnt où religion, JX)litiqœ et éconanie s'entrepénètrent. i l trouve sa séa.ni.té
dans la fauille, le lignage, la société entière. Le milieu traditionœl regorge de ressources
.... " " " " " " "" " " " " " " "" " " " " " " "" " " " "" " "" "" " " " " " "" "" " " " " " " "" " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " "" "" " "" """" " ""
(1) RE, op.dt. P.82

- 100-
pour créer uœ JXIÏ.SS8I1te sensation d'unité, le rraintien de l'harnonie à travers l'observation des
tabous, rites et céraronies ayant trait à la terre, à la respol1S:lbilité CCIIIIJJIle, à l'entraide
nutœlle des IIBIJbres de la SJCiété. L'éclataœnt de la sxiété crée des oppositions, des nalentendus
et des antagonisœs, génère le chaos où les naisons s'opposent à des IIBisons, les fils aux pères,
les rarents aux parents. Ngoth:> s'alièœ son fils furo, aocien canlattant, darobilisé, aner ;
i l œ !Eut p:IS canprendre que son père puisse travailler pour le canpte d'tm étranger qui lui a
ravi sa terre.
"C<:mœnt ~tu continuer à le servir ? " (1)
Les genœs de conflits irréductibles, les ingrédients de désagrégation physique et
psycrologique tierJnE!ltoans les réactions de furo. Pour lui, la réponse aux conflits est simple:
c'est le refœ syst:.àmtique de travailler pour l' occu]l3I1t, la lutte effective pour la reconquête
de la terre aliénée. l i œ s'explique p:IS l'armexion facile de la terre :
" O:.mœnt ces gens avaient pu 1ai sser l' hame blanc OCCUJEr la terre sans réaction ?" (2)
1À.1 clivage des nanbres d'uœ nêœ fami.lle, ŒÛt l'iocamI.Icabilité. Les échanges de tous
ordres, l'histoire, les légendes, les projets de sxiété mmquent de sève et dé~t.
Les ressent:iJœnts dans la cellule fémiliale débordent de ce cadre pour y inclure l'occU]l3I1t,
le colon. Entre les deux groupes divisés sur uœ 00se raciale, nalentendus et quiproqoos s'anoncellent.
L'exanple tragique t.ran.sp<:rraît entre Ngoth:> et Hoolands. 01actm d'eux considère la terre sur laquel-
le ils vivent
canœ sa terre. Les notivations et les convictions sont les nêœs, les ~
..................................................................................................
(1) ~, op.dt. P.27
(2) ibid. P.27

-
101-
différentes :
" Ils allaient d'un endroit à l'autre, un Blanc et un Noir. ~ tanps en tanps, ils
s'arrêtaient ici et là, examinaient un arbre à tœ vert et luxuriant, arrachaient
uœ œrbe. Les deux lr.mœs admiraient tous ce champ • Ngotho se sentait responsable
de tout ce qui IXJUV<rit arriver à cette terre. Il la devait aux nnrts, aux vivants et
à ceux à naître dans sa lignée •
•• •MJns:ieur Howlands ressentait toujours uœ certaiœ attitude de victoire toutes les
fois qu'il la sillonnait. Seul, i l avait la responsabilité de danpter cette étendœ
vierge •••" (1)
le sent:iJœnt de possession est si fort qœ chaam des protagonistes s'apJX.IÎ.e sur des
i.nstruœnts éprouvés pour s'assurer oon contrôle dans le t:anp3. le Noir reJ03€! sur la proih§tie du
voyant r1.Jgo \\oB Kibiro ; celui-ci avait prédit l'invasion du IBYS Gikuyu et le retrait volontaire
des envahisseurs après un Eéjour plus ou nnins long. Ngotho attend impltierrœnt l' accanpJ..i.ssE!œnt
de la deuxiàœ JBItie de la proih§tie, le retour des Blaocs chez eux. le Blanc prend des dispositions
pour éviter la dépœsession Illl" Uhuru qœ réc1arœ l'insurrection M:itr-M:l.U. Howlands accepte avec
empressaœnt le JnSte de cref de District dans le seul but d'être en nesure de contrer efficacaœnt
les can1Bttants M:n.t-M:iu et de protéger ainsi sa terre.
Incanpréœnsions, frustrations œes de l'aliénation de la terre exacerbent la misère
nnrale et religieuse des enfants de Gikuyu et MLJnbi.
(1) WNe, Ibid. P. 31

i~..!"
- 102-
Ils oont convaincus que
" lli toutes les tribus, c'est nous les Gikuyu qui avons le plus souffert et i l est
canpréhensible que nous soyions les plus areI"S. Notre terre qui était prise près de
Nairobi, le long de la voie ferrée,
possédait un clinat
sain et un sol riche.
Bien que nous soyions un peuple d'agriculteurs, nous avons aussi œroin de p1turage pour
,
notre
troupeau, nos noutons et nos cabris. Nous avions œroin des forêts {X)tII" le
1-
~ .
clauffage et ••• pour penœttre uœ ~on naturelle ". (1)
L'anœxion de la terre a été transforrœe en droit naturel dans le Kénya coloniaL l' argu-
nent re~ sur la thèse suivant laquelle les terres aliénées étaient iooccupées, vierges.
L'iOOépeMaoce du Kénya n'a lES satisfait les aspirations des p3ysarJS qui s'attendaient
à la restitutiœ des terres aux ayants-droits légit:iJœs. les dirigeants noirs du
''Kénya oouvœu
où rien n'est gratuit" ont continué la politique de l'expropriation des terres ; ils ont garanti
aux colons la pleiœ jouissance des terres anœxées. Les rranbres de la nouvelle bourgeoisie au
pouvoir œt mis en place, de coocert avec la capital étranger, des circuits cœq>liqués de prêts qui
leur penœttent, p3r processus fonœl d'application de la loi, de saisir les terres ancestrales des
p3ysarJS, illétrés, totalaœnt ignorants du fooctiOllIlBœI1t des systàœs 00n:aires. Au nan de la
viabilisatiœ des espaces, de petits camerçants, de petits propriétaires terriens sont ~
de leurs propriétés au profit d'entreprises touristiques, de con.sortitlTlS industriels, de sociétés
agro--clrimiques, de grandes 1Enques internationales régis p3r le capita1isœ, en p:rrtenariat avec
les IŒmbres de la nouvelle classe dirigeante. lliœ llivil on t:œcrœs, le problètre de l'expropriation
de la terre p3r les pouvoirs œo-coloniaux revêt \\ID aspect p3rticulièraœnt cynique et donœ toute
....................................................................................................................................................................................................
(1) WACIlMA, lliirity, op.cit. P.lo!

=-nJj -
la diIœnsion de la vaste entreprise d'escroquerie et de vol organisé qui s'est instaurée après
l'indéIHldance. Gitutu, influente perSOIIDalité de la classe dirigeante, affinœ sur un ton froid
Il La terre n'était p:lS à noi,
l'argent avec lequel je l'avais ac.Œ!té •n'était p:lS à
noi, et je n'avais rien ajouté à la terre. œ avais-je obtenu les :nx> livres sterling ?
Iffi poc:Œs du IalPle. M, p:m:e que la terre apJEIteni3it réellaœnt au ~uple, et
l'argent avec lequel je l'avais ac.Œ!té venait du ~ple". (1)
Uhuru n'a aIlS mis fin à l'erran::e IX1ysique, norale et religieuse du ~uple kényan, la
terre, sa terre, lien organique qui l'unit au créateur, reste toujours aux IIBi.ns des forces lnstiles .
Il continue d'être frustré de ses ricœsses qui s:>nt drainées vers l'étranger .
.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
(l) N'gugi \\oB Thiong'o, D=vil 00 t:œ cross, œi.Œmmn., IÇ€2,
P.II»

- 104-
2°) Histoire et fiction raœœsque : Tamins canpl.élœntaires
de l'aliénation de la terre.
L'engagenent de N' gugi à e~ les effets J:erVers de l'aliénation de la terre
kényane, oon oooci de témigœr des sooffraoces errlurées JEr les nasses p:lys:lllœS, les ouvriers,
les jetne5 gens, recoupe l'histoire coloniale du Kénya. Les faits historiques portent des témigna-
ges à peu près identiques aux oeuvres de N'gugi. la fiction et le réel historique s'int:eI"péœtrent
pour rendre canpte d' tn1 grand évèraœnt politique et historique JESSé presque 00lIS sileoce :
l'annexion des terres kényaœs et la lutte révolutionœire neœe JBr les canlattants de la forêt
coiffés JEr le nnuvaœnt M:m-M:lU.
L'influence britannique dans la portion de l'Afrique de l'ES!' <lénaIIIÉe le Kénya, prit
de l'essor avec Lord ~ qui visita le Kénya en 1897. Il revint en 1<xl3 pour s'installer,
obtint tme grande portion de terre et s' inthessa à l'agriculture et à l' élévage. Le cŒmin de
fer reliant le port de M:mOOssa à l'CÀ.JgaIlda joua tn1 grand rôle dans l'implantation des colons.
Tôt pressenti pour être UŒ! colonie de peup1aœnt, le Kénya devait être géré, exploité Jl:ll" les colons,
les entre~ privées. Les Africains devaient ~ contenter de verxlre leur force de travail à très
œs prix. Le systàœ forrier britannique condanœit beaocoup de gens à émi8r'ft' pour changer de
statut sx:ial. L'ordanœoce de 1<xl2, autorisa les Hauts-Cœmi.ssaire à vendre les " terres
vacantes des Protectorats 00 i l n' y avait JRS de got.IVeI1BEt1ts locaux". Cette loi JEIlIIÏ.t aux colons
d'annexer les "White higlands", terre fertile, prodoctive.
L' implantation b~ créa des troubles et des confusions p3I1IIÎ. la populat,ion kényane,
population conservatrice, ioolationniste.

- 105-
Le point central, le noeud des troubles a trait à l'appropriation de la terre. Les colons prétendent
qœ la terre était vierge, vacante; qœnd ils l'avaient prise, tme IErtie a été achetée à tme
population ~ p:rr la 1Œl1ari.a. lB nature de la transaction a donné lieu à un nalentendu. Les
Européens ooutierment qœ l'achat signifiait l'appropriation. Les Gikuyu, qui œ
Ja1Verlt JRS
ccn::evo:ir la vente définitive des terres aocestrales, ooutierment qœ les Européens avaient
seulaœnt IByé la location de ces terres pour t.lS3.ge tanpora.ire.
Pendant la première guerre nondiale, les Gikuyu étaient ~1és et envoyés dans différents
~ de 1:ataille, en Europe, en Asie. En leur aœeoce, les européens prirent leurs terres, à leur
retour, ils se retrouvaient dépcssédés de leur bien,
" Puis vint la gœrre. C'était la prani.ère grarxie gœrre. J'étais alors jetme, un
simple garçon, qooiqœ circorris. Tous mus étions pris de force. Nous construisions
des routes et déforri.ons la forêt pour renœttre à l 'h:mœ blaoc en guerre de se
nouvo:ir rapidaœnt. lB gœrre prit fin. Nous étions tous fatigués. Nous retournions
à la UBis:x1 lessivés I1Bis prêts pour tout ce qœ les fri.tanniques rous donœraient
canœ réc:.aIqalse. Mris plus qœ cela, mus voulions re1:otlIlYer à la terre et la
courtiser de IŒU1ière à donœr, créer et oon détruire. Mris voilà : la terre était
IBrtie. M:n père et œaucoup d'autres avaient été déplacés de 00:; terres ancestrales.
l i 11DlIIUt seul, IBuvre h:mœ)
attendant le déIBrt de l 'h:mœ blaoc " (1)
lB poussée dérograIffiqœ de la population kényaœ enregistrée après la premi.ère guerre
lIDIldiale exaœrœ le problàœ de la terre. Les d~ suivantes nontrent l'explosion darograIffiqœ
..................................................................................................
(1) WN C , op. cit. P.2S

- 1Œ>-
intervenue :
" 1925
: 2 549 3J) rnbitants,
19:D : 2 9:D (()4 habitants,
f
~
1935
: 3 014 421 rnbitants,
1940
: 3 453 763 rnbitants,
1948 : 5 251 IX> rnbitants. " (1)
La conséqœoc:e de l'explosion darograIiUqœ est l'accentuation des reverxtications
persistantes des ''\\o.mte Higlands" 00 les G:i.kuyu oont exclus du droit de propriétl. Ils oont contraints
de 9:! contenter des réserves africaiœs qui œ rép:mdent plus aux œooins de la population FfÙOpmte.
la terre était divisée suivant des critères raciaux,
" l'on JeUt distinguer la terre des Noirs p:rrcequ' elle est rouge, dure, épuisée tandis
qœ la terre des colons blaocs était verte et n'était Jl3S lacérée en ~tites Œmdes "(2)
la J:ase des reveOOications des Noirs est qœ :
" •••cffiqœ race avait oon ]llys. Les Hindous avaient l'Inde. Les Européens avaient
l'Fnro~ et, les Africains avaient l'Afriqœ, le ]llYS des Noirs." (3)
....................................................................................................................................................................................................
(1) BUI..J:ŒNHUTIS, Robert, le lliuvaœnt t1lU-M:lU : une révolte IEysanœ et anti~oloniale, la Haye, 1971
(2) WN C, op. dt. P. 7
(3) ibid. P.57

- 107-
la révolte Mau-M:m, qui est la volonté IIBIlifeste des kényans
de reconquérir leurs terres
annexées, canœnça en 1952. fus sigœs avant-coureurs rarontent en 1949, où les prarriers IœUrtres
furent cœrnïs. Les vict:iJœs, toutes des Noirs, avaient les corps rituellaœnt rutilés. Vols,
incendies, attentats prirent de l'ampleur à tel IXJint qœ l'état d' urgeoce a été décrêté, le
Kénya, irolé du reste du ronde car :
" la révolte Mau-M:m présente tous les caractères d'ure guerre JX>p.ù.aire de liœration
œtiona1e. Puisant oon énergie implacable au plus profond d'uœ I8ysannerie œntou::! dont
les droits et l 'mrmeur avaient été trop longtanps OOfoués et huniliés, elle est tID
jailli.sseœnt de violeoce sans rœsure,qu'uœco1.ère ancienœœnt constituée et jusqœ là
contenœ, aliIœnte et fait surgir. Omœ d'autres endroits du nvnde, les canœttants
œnéficiaient d' tID vaste réseau de canplicités JX>pu1aires qui leur J6!œttait d'apIE!âÎtre
et de disIm'aître sans :I.ais3er de trace et d'utiliser au IIBXinun l'effet de surprise. "(1)
la révolte avait deux buts essentiels contenus dans le nan qœ les canœttants Mau-Mm
s'étaient donnés: "l'anœe de la terre et de la liŒrté." Au l'egfUÙ de la p:lrticularité de la
colotù.sation kényaœ, la reœllion était essentiellaœnt or~ p:lr les Gikllyu qui étaient
les plus toochés p:lr la présence européenœ. Prières et chants des canœttants précisent le sens de
la reverxlicatioo JX>litiqœ de la révolte :
..................................................................................................
ibid. P. 57

-100 -
" •.. Nous avons levé les nains IXJUr vous I1Dntrer que le sol que vous avez donné à notre Jà"e
a été volé, notre don et h2ritage•.. Nous J61SOIlS que vous ne nous avez lES créé IX>ur que
nous devenions les serviteurs d'autres peuples sur les terres que vous avez œm.es à ms
~ Gikuyu et MtInbi." (l)
Les t1l1.rl'bu ont constitué sur le terrain des places fortes dans le rœssif des Ala"dares,
du t-bnt Kénya et dans les environs de NaIrobi. AttaqteS isolées, COllI6de nain, opérations militaires
contre les fenœs euro~ et actions punitives contre des villages OOstiles à leur cause furent
rœnés {Er les c:anœttants de la forêt jusqu'à l'arrestation de leur cref historique en 1956, fudan
Kirrathi. la Grande Bretagne engagea de grands I1DYens contre eux, IXJUr contrer l'insurrection.
00s 1953, cinq tataillons britarmiqteS et rlxxIésiens, six tataillons Fst-africains et uœ
eocadrille de la Royal air Force étaient jetés dans la guerre. la repression fQt {Erticulièraœnt
sanglante.
" ...ili avaoce couramœnt aujourd'hui (les dri.ffres) de 3J (XX) I1Drts t1l1.rl'bu et de
8J (XX) arrestations. Pour faciliter les opérations militaires, et IXJUr contrôler
plus efficacaœnt le territoire, les fb.tarmiqœs n'hésitèrent lES en cours de conflit,
à déplacer syst:émtiqtaœnt les IX>pu1ations : les Gikuyu furent expulsés de Nairobi,
assigœs à résideoce, regroupésen villages stratégiqteS, déIX>rtés vers des camps de
surveil1anœ et de réédocation. (2)
(1) LEAKEY,L.S.B. ibid.
(2)RIGEl., JacqteS, op.cit. P.65

- 100-
IBns l'histoire de l'évolution {X)litique du Kénya, le M:lU-M:m fit pr<>gres<::er les IœSUreS
tendant vers la prise en canpte des intérêts des kényans. En 1959, un livre blanc: publié à
Londres rec.amI3I1da la suppression des ''White Higlands" et la {X)SSibilité JX>UT les africains de s'y
installer. Uhuru, qui survint le 12 I€cEmbre
1%3, est la conséqueoce directe du nouvaœnt
insurrectiormel entané en 1953. les intérêts britarmiques en jeu, l'aœeoce d'une directive
révolutionnaire M3u-M:lu oolide, ont penrris au gouveIlX3I5lt de Londres de frustrer les canbattants
de la forêt des fruits de leur lutte et de reœttre le {X)uvoir à des élâœnts rrndérés, ayant
pour la plUImt collaboré avec les forces coloniales.
les llilHlBu ont contribué à convaincre le Prarrier Ministre llic Millan de la IIlXlification
de l' mrizon {X)litique en Afrique :
" Nous avons connu, au Cap le réveil de la COllEci.en:e nationale ciez des JalPles
qui avaient vécu durant des siècles dans la dépendan::e des pu:issanœs étrangères•••
Aujourd'hui le n✠~ se produit en Afrique et le sent:ilœnt le plus vif
que j'ai acquis depuis lIDIl déIErt de Londres, i l y a un rrnis, est celui de la vigueur
de cette COllEci.eoce nationale africa:i.œ. Le vent du clBngaœnt 1:alaie le contiœnt et,
que mus le voulions ou oon, cet es9::lr de la consci.en:e nationale est un fait {X)litique
et mtre {X)litique nationale doit en tenir canpte." (1)
ils ont arrené les conservateurs arrivés au {X)uvoir à loodres en 1959 à se plier à l' évolu-
tion du cours irréversible de l'histoire: IErtout en Asie, en Afrique, des peuples daninés, libérés
de la peur, luttaient de toutes leurs énergies JX>UT recouvrer leur indépendance •
..................................................•...............................................
(1) KI-ZERID, Joseph, op.dt. P.551

1
- 110-
'j\\.
L'insurrection M:m-tbu a contraint les colons blancs à se rendre à l'évidence de l' iJnInssibilité du
TŒrintien du Kénya came ''Pays de 1 'hanœ blaoc" et à clercherdes issues lEU destructives came la
"société nulti.raciale" .
~Nt.gugi \\oB Thioog'o a abondamœnt Icisé dans 1'histoire }X>litiqœ du Kénya pour confection-
ner la suœtaoce de S?S oeuvres romœsques. Sa fiction double la réalité historiqœ. la tragédie
vécœ lEI" le Ja.1Ple kényan dès la péœtration coloniale à la ~ode de l' indépendaIx:e à eu
effectivaœnt lieu. la plu{Ert du taIq:s, des nans de lieu et de IEroonnages de S?S oeuvres
coiocident avec la réalité historiqœ. la convergeoce entre oon téIDignage et 1'histoire }X>litiqœ
du Kénya renforce le caractère réaliste de ses oeuvres.
I.e }X>int de divergerx:e najeur entre N' gJgÎ! et 1'histoire }X>litiqœ du Kénya reste le
pergxmalité de Jœo IŒ1NATIA, de oon vrai oon Johnstoœ Katmu \\oB Ngengi.
" KEm'ATIA arrivé au pouvoir est-il le œrœ de la rebellion, ou celui. qui. fut mis en
réserve lEI" les Anglais pour mieux servir leurs intérêts lEI" la suite ?(1)
Telle est la question qui. se IX:œ eocore à 1 'histoire }X>litiqœ kényaœ, à l'historien
de la vie }X>litiqœ kényaœ de la deuxière nnitié du XX ère siècle.
Persormage éIIIb:igu, énignatiqœ, qui. nanie un ~ sibyllin, il ooutint IEJl(Iant le procès qui.
suivit son arrestation qu'il a eu à plusieurs reprises, à dénoocer publiquarent le M:m-Mm, sans
soccès. L'accusation lui. répondit qœ ses dénoociations, ~ de dictons, de gestes et de
..................................................................................................
(1) revœ du livre Afriqœ Noire, M:1ghreb, Caraiœs, O:éan Indien, N°850::tobre, Iecanbre 1~. P.43

- 111 -
de proverœs, JXlUVëÙent signifier le centraire de s:l pensée ; s:l DB1.édiction laocée centre le
IOOllvaœnt insurrectiormel, "le Mm-M:lU devrait disp:lraître carrœ les racines de la (plante)
mikongoe ", \\ID appel aux reœlles Mm-M:lU {X>ur les inviter à renforcer l'action secrète.
Expliquant le oouveau drapeau, Kenyatta disait
" le mir, c'est IX>UI" sym1x>liser le IEUPle mir, le rouge nnntre que la sang d' tm
Africain est le nêœ que celui d' tm Euro~ et le vert , c'est IX>UI" signifier que
qœrxl Dieu donnait ce p:1~ aux Afr.icains, il était vert rœis amintenant, voyez-vous
le vert est SJtIS le rouge et il est aliéné." (1)
A la réflexion, il œnblerait que :
" Ce qu'il disait voolait dire que ms terres fertiles (vert) œ IXJUvaient être
reconquises que p:1r le sang (rouge) de l'Africain (noir). C'était celà. Le Noir était
sép:tré du vert p:1r le rouge, l'Africain œ {X>Uvait obtenir s:l terre que p:1r le sang. "(2)
Au regard de l'histoire du Kénya, Kenyatta était confronté à tm délicat dilame.
Prisonnier des 6ritanniqœs, il était contraint de dén<n:er la violeoce du Mm-M:lU, rœis c'était
néarnDins g)J} IEUPle qui re lattait IX>UI" uœ ca~ noble, la reconquête des terres ancestrales, la
restauration des coutuœs et traditions Gikuyu•
..................................................................................................
(1) a:RFIEll>, F.D.,llistorical surveyof tœ origins and gnM:h oftœ M3u-M:l1,1,lI'fD, 1<XD, P.7S
(2),
ibid

- 112-
Les dernières oeuvres de N' gugi, présentent Jaro Kenyatta canœ lm traître, lm renégat vendu
aux forces coloniales et servant les intérêts des néo-colonialistes. Pour N' gugi :
" En 1966, la ligne OOurgeoise canpradore, conduite JE!" Kenyatta, MOOya et d'autres, avait
triarqilé. Cette fraction, utilisant 1'Mritage de la nachine de l'état colonial, dres:a
les é1érœnts Jatriotiques de la direction du p:uti, réduisant au silence ceux qui étaient
restés et pourchassant d'autres •••Politiqœœnt, cela s'est reflèté dans le gouverraœnt
KANU, devenu vi.rtuellaœnt la voix des intérêts anglo--anéricains dans les forons internationaux
et dans ses relations avec les JaYS ant-~, les lIDUVaœnts de libération, en
constante dégradation ••. "(1)
L'histoire politique du Kénya et les œuvres ramœsqœ$ de N' gugi coocordent sur plusieurs
points dans l'apprédation des faits, des évèIaœnts survenus au Kénya à l'époque coloniale•
... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
(1) llitained, op.cit. pp 54 - 6

- 113-
CHAPITRE
V
UHURU TRAHI
Lans sa gloŒù..ité, l'engagaœnt est perçu pgr N'gugi cœrœ me prise de position sans
équivoqœ IXJUr les "damés de la terres" ; l'écrivain doit faire un dx>ix précis, i l
" •.•doit activaœnt supporter et daœ 0011 oeuvre refléter la lutte de la classe ouvrière
africaine et ses alliés de la classe IaYsanœ IXJUr la totale liMration de leur force
de travail ••• 0011 travail doit nootrer de l'engpgaœnt ••• (l)
La conviction int:i.nE de N'gugi est qœ cet engpgaœnt doit éclairer, ouvrir les yeux
des oppri.nês, des exploités sur le caractère néo-colorrial du muvœu pouvoir mir qui a pris le
relais des forces coloniales. L'in:lépendaoce, au lieu d'être le point de déJart d'me renaissance
daœ tous les daœiœs, s'est ImJée en sourœ de souffraoces, d'aOOs, d'exploitatio~ Les idéaux
IXJUr lesqœls des centaires de jemes gens ont accepté de dures épreuves ont été dénaturés, trahis
pgr les 00lVe8UX dirigeants, au service des forces étrangères. La négption des souffrances emurées
pgr les c.anœttants de la forêt cmstitœ l' é1éœnt saillant de cette trahioon:
" Lans un déœt à mtre p:lrlaœnt coocerœnt (la) di.ocrimi.nation contre les cantattants
de la liberté, Ole Tiptip ••• dit, "je ~ qœ nous avons obtenu mtre in:lépendance
d' me très belle IŒIJlière à l' insti~tion du gouvernaœnt Britarmiqœ et non JaS en nous
œttant· daœ la forêt." (2)
....................................................................................................................................................................................................
(1) WIP, op.dt. pp 79-00
(2) <llingp, Oginga, Not Yet uhuru, Heineœnn, London 1%7, P. 254

-
114-
la tentative de négation du }X)ids déterminant des canœttants de la liœrté dans le processus
de libération du Kénya IBrtid~ de la logique né<:rcoloniale de l'indépendance "octroyée"
sans œurt, ni s::cousse.
l
--LA TRAHISON DU PEUPLE
I.e ~ple kényan apçaraît dans les oeuvres de N'gugi canœ le grand ~dant à l'avèreœnt
de Uhtrru. A Grain of wœat annooce que :
" .•. la sitœtion (du Kénya) et les problàres sont•••oouvent trop douloureux }X)tIr les Jaysans
qui canœttirent les britarmiqœs et qui, cependant voient IIBintenant ce }X)ur qooi ils avaient
lutté, être mis de côté." (l)
Dms Petals of Blood, aPJl:l.ICÜSgel1t de IIBnière tragique,
"
les perpétuelles luttes des gens contre tfi! exploitation plus féroce, plus JœUrtriE'-re,
d'tfi! alliance d'étrangers avec les Africains oouvellaœnt enrichis... le dra:iœge des
ricle:ses du peuple des ZCŒ5 rurales vers les villes et de la natiœ vers les JaYs étrangers."
(2)
I.e ~ple est victiIœ des résultats de sa lutte, victiJœ des fruits de sa oouffrance. I.e
pouvoir colonial intrôniBe des collaborateurs, des forces de repression, qui, à leur tour, IIDnopo-
lisent Uhuru à des fins d'intérêts de classe. Eternelle du~, éternel colonisé, le {alPle continue
....................................................................................................................................................................................................
(l) NJJ,.J, op. dt. note
(2) Jm, op. dt. note

- 115-
de t:r:iJœr, de suer sang et œu IXJ1.Il" survivre dans lm envirOl'll'l:!œl1t ~tœllaœnt hostile à ses
intérêts, hcsti1e à g)fi éJEIlOuissaœnt.
1°) Ambiguité du nouveau pouvoir
L'anbiguil:é de déIErt entretenue {Er les nouveaux dirigœnts caractérise la nature
aliénée du t~ de société à instam-er. Le IIDdèle conçu {Er les oligarchies finarcières et les
grandes sociétés camercia1es, ~ entrevoir au déIErt la trahison doot le peuple sera victiJœ.
La t.rahi.oon s'opère sur la 00s2 des intérêts des tenants du JXlUVoir colonial,
" •••IIBintenant prép:rrés à IlEttre en place lm gouvemaœnt noir. Lans le p:utenariat.
Uniquaœnt. •• "(1)
fu côté des nouveaux dirigeants, i l Y a cooc.ordaoce de vœ avec le œo-colon:i.a1i.sœ. L'espoir
SlB:ité p:rr l' indépeMaoce, la liberté nouvellaœnt acquise œ dooœnt IES lieu à tme cœm.mion
~le
intiJœ, lm projet d'avenir collectif, entraînant"danS lm élan cœmm de oolidarité et de fraternité.
" Cla::un attemait l'avèIEœnt de qœlque ~••• les lxmœs, del:xJut, p:rrlaient en
groupes de perspectives ouvertes p:rr Uhuru. l i Y avait ceux qui n'avaient IES d'anploi,
qui portaient des vêtaœnts l~ divorcés avec l'œu et le savon ; le gouvenaœnt
va-t.-il IIBintenant devenir nnins rigoureux IXJ1.Il" ceux qui œ IBieraient IES leur impôt ?
y aurait-il plus d' anplois? ••• plus de terre •••IIBintenant que nous avons le JXlUVoir
politique ? (2)
.•................................................................................................
(1) Iœ, op.cit.note
(2) TIDC,op.cit.P.P. 177-181

-
116-
Ù5diocours fallacieux, les slogans vides de contenu servent de ré~ aux in~tions
et aux soucis des IIESSeS populaires qui oortent d'une longue nuit de violences, de frustrations et
d 'hurriliations.
" lfarnnœe.••aidez-vous vous·nêœs ••• OOtir la nation •••RetOlll" à la terre ••• " (1)
" •••Uhuru na Kazi. •••came nous le dit Kenyatta..• "(2),
Vont servir de ooporifique aux nouveaux dirigeants pour rrasquer leur trahison et justifier
la mise à l'écart des dirigeants du noovarent M:m-tbu. Les colla1:xJrateurs des pouvoirs coloniaux
ont été poussés au devant de la ocèœ pour ranplacer le colonialisœ JE!" le néo-colonialisœ.
L'ambiguité/ intentioonellaœnt entretenue dans la présaltation d'un projet de société coœren~
p:nticipe d 'me stratégie dictée JE!" des intérêts de classe. I.e peuple, p:rr intuition, sentait
confl.lSéœnt venir la trahison. nrns l'euphorie des célébrations d'Uhuru, le Général R. prend à
p:ntie oon atrlitoire :
" Nous avœs obtenu Uhuru aujœrd'lnri. : fumin, nous daIBnderons, OÙ est la terre ?
OÙ Bst -]a nourriture ? OÙ ~t les écoles ? •• " (3)
....................................................................................................................................................................................................
(1)
Jœ, op. cit. P.73
(2) NllJ op. cit. W.4-5

- 117-
L'avènerœnt de l' indéP=Jldance fonœlle n'a JES correspondu a
tme nette rupture
politiqœ avec les anciens IIBÎtres coloniaux. Il n'a JES dOIlIlt§ lieu à cette nutation totale, cette
nouvelle dispœition institutionnelle et intiJœ à 1aqœile l':iIIIœnse IlBjOrité de la {X)pu1ation
aspire came conséquence logiqœ de la victoire de la lutte populaire. Les anciens liens tissés
entre les colonisateurs et la petite bourgeoisie autochtone nai.s:;ante expliqœ l' ambiguité et le
flottaœnt des nouveaux dirigeants, issus, non des rangs des cartlBttants de la litErté, llBis des
auxiliaires et des collaoorateurs des forces coloniales.
" Wi(lbwlBnds) avait connu Jacooo il y a de cela bien longtanps. Jacooo était des fois
venu à lui pour des conseils ••• lbw1arxls l'avait, en fait, aidé à obtenir la pernri.ssion
de plBnter du pyrèthre. Fn retoor, Jacooo l'avait aidé à recruter de la JIBin-d'oeuvre
et lui avait prodigué des conseils sur les voies et I1Dyens d'obtenir d'eux de durs
travaux." (l)
L'évolution, le développaœnt de certaines pratiques renforcent les liens des deux
Jm1;ena:ires. Au fil du ternp5, tID fœsé va séJErer les nouveaux dirigeants et les nasses. La réten-
t:i..Ôn 00 iiadopp.on' des nans européens renforce le sentiJœnt d'assimilation.
" Wi (Karega) reconnut 1 'Ixmœ•••au village, il était connu sous le nan de
Révérend Karru ••• Jerrod Brown était ses prénans." (2)
...................................................................................................................................................................................................
(l)
\\ole, Œ.cit. P.75
(2)
FŒ, op.cit. P.147

- 118 -
Au dégui..seœnt sous des ncms étrangers, s'ajoutent des pratiques coloniales
" Qnri. arriva••.Nos yeux s'anbuèrent à la s:èœ qui se prérenta à nous. Il avait
une œlotte,
une clerriBe kaki et tn1 casque. la replique noire de F:raud.shan ". (1)
la d:i.9:::rimi..ntion dans l'habitat : villas lllXl.let.lS€$, au gazon bien entretenu, face aux taudis
nt
au toit de p9ille pourrie nnntreYl' éœrgeoce d'une petite OOurgeoisie autochtoœ qui œ le cède
en rien aux aocienœs forces coloniales en lIBtière d'exploitation :
" Au début de chaque année, le ch2f, le recouvreur d'impôts, tn1 agent de police, vierment et
ils terrorisent les p:iysans JX)Ur s'acquitter de leurs obligations •••Cela n'était lBS cOOse
nouvelle. C'était toujours ainsi dans la p:lSSé. "(2)
" " " """ " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " "
(1) ibid • P. 171
(2) ibid • P. 19

-
119-
3°) Constitution d'~ p::tite OOugeoisie nationale
L'ambiguité des nouveaux dirigeants au lendarnin de l'indépendance IIDIltrait déjà la gestation
de la p::tite lxJurgeoisie et 9D dessein de collaboration avec les forces néo-coloniales. la
Nouvelle {X>litique forrière initiée en 1959 aateIta l'ouverture des '\\mte Highlands" aux kényans.
Cette {X>litique visait à sauver les acquis natériels et {X>litiques des colons et a DBintenir les
droits de la propriété privée. L'alternative du III:llEI1t qui s'offrait faisait que :
" ••• l'unique solution••• consi.ste à s'attaquer au problène crucial du tas niveau de vie IX>llr
que du œin de la najorité pluvre, éœrgent des gens aux intérêts et idéaux identiques à ceux
9Dt éconani.quaœnt plus avancés. " (1)
fu {X>int de vue des coloniaux, les péripéties de la période trouble du M,lU-Mm n§œssitaient
un réajustaœnt de la {X>litique et du systène éconarrique en vigueur. Les frustrations de l'écrasante
najorité de la {X>pulation veœient de ce systène écoocmi.que fondé sur la race. Le recentrage devait
s'opérer de DBnière à favoriser un chmgaœnt {X>litique sans friction raciale dans la JErlaite
entente et la coopération. Les coloniaux sentaient et expriDBient clairaœnt leur vision du futur
Kénya :
" Nous voulons la stabilité••• nous pouvons alors financer de grands hôtels •••des Night-clubs•••
des raffineries de pétroles et des pipelines" (2)
..................................................................................................
(1) lEYS, Colin, op.dt. P. 43
(2) TIIlC, op. dt. P.4O

r
-
12)-
la stabilité, la garantie d'invest.ï.ssaœnts IIESSifs, néc.essitaient des dirigeants sfirs,
totalaœnt acquis à la cause du p:rrtenari.at. Aux yeux de N' gugi, ces nouveaux dirigeants ont été
crnisis IEI1JIÏ. les gens instruits j la plurart, venus à la p:>litique au noœnt où œaocoup d'aoc.iens
dirigeants étaient en détention j des gens JXlSSédant .. des terres, qui étaient du côté des
"loyalistes" • le conditionneœnt de l'école coloniale les a préIETés à accepter la propriété
privée et le systàœ de l'entre{JI"i.re privée nnnop:>liste mis en place sous la colonisation. Ils
sont prêts à travailler dans les stroctures existantes, nullarent disposés ou préIETés à opérer
des changaœnts s:ùutaires souhaités IET l'écrasanteIlBjorité des IEYsans.
la petitel:x:>urgeoisie se reconnaît IET œrta:ins traits distinctifs. Elle s'efforce d'adopter
et d'imiter le onde de vie, la façon d'être de l'aoc.ien colonisateur. L'adoption des Il<JIE euro~
au détriIœnt des Il<JIE africains constitue uœ ohgession IXJur les nouveaux dirigeants nouvellaœnt
prcnus,
" Son excellence John Joe Jarres...était connu came John ~ a nais il laissa tanCer
s:m oon africain après sa première élection... la classe, l'efficacité et la dignité
internationale le lui exigeaient, vous savez.•• (1)
I.e rejet systéIBtique des Il<JIE africains {l3SS1e pour être lm acte d'élevation 3Xia1e, uœ
llBI"que de statut supérieur qui singularise, distingue de l'autre, c'est à dire de l' imœnse
IlBjorité de la p:>pulation. la }XlSition de la OCAlVelle l:x:>urgéoisie vis -à -vis des valeurs de l' aoc.ien
IlBÎ.tre est celle de gardien fidèle de trésors :inestirrables. Elle doit constamœnt justifier son
son adhésion et sa fidélité dans ces valeurs. Son huœnité, sa conscienœ en déJaldent.
..................................................................................................
(1) N'gugi \\oB Thioog'o, Secret Lives, Heill:m:mn, 1975, P.114

121 -
Pri.ronnière de oon aliénation, la 1:x>urgeoisie naissante est obligée de faire acte d'a1.légearx:e
penIEIleI1te ; elle doit prouver constanIœnt qu'elle est civilisée ,
" •••oous qui avons été éduqués dans leurs écoles, œttions ms poitriœs ; Nous, des
destru:t:eln"s ? Noos brisons la loi canonique ? Noos scmœs aussi civilisés que vous l'êtes
••• et oous vous le prouverons. Vous auriez mnte d'avoir plus d'tIDe fois eu des doutes à
mtre égard."(1)
Aliénée à oon milieu, à son enviromaœnt, la petite oourgeoisie naissante va se couper de la
population. CoIlE étranger greffé sur un IIBIlbre, elle est IIÉCOl1I1ue de oon entourage. Ses fooctions,
ses oo.ts, oon existeoce n✠est un énigœ pour la population.
" QJ' est - ce -qu'un IIBIlbre du Parlaœnt ? Un nouveau type d'agent du Gouvernaœnt ?
f1:ris pourquoi avait-i1 le:oin de vote~?(2) "
Etrangère à S)[\\ milieu, la petite bJurgeoisie naissante a tIDe faible assise écm:mi.que ;
elle fooctionœ pr:ilciJE1aœnt CaIllE int:.eIln§diaire camercial et finaocier pour la J)§nétratioo du
capital étranger, canp1ice des pillages opérés après l' irrlépendaoce :
" La lx:>urgeoisie nationale qui prem le pouvoir à la fin du rég:iJœ colooia1, est tIDe
lxJurgeoisie oous-déve1opp§.e••. (Elle) n'est JES orientée vers la prodoction, l' inventioo,
la const.n.x:tion, le travail. Elle est tout entière canalisée vers des activités de type
.
.
intermédiaire••• (3)
..................................................................................................
(1) IŒ. op. cit. P.164
(2) ibid. P. 18
(3) FRANIZ,Famn, op. ci. P.%

-
122-
4°) AlJiaoce avec l'impéri.a1.isre.
~'.;
Il l'h IXlSition ici est très simple •.• je crois qu'tm ~uple a le droit de s:lvoir
c<mœnt Id. ricœsse est produite dans oon {aYS, qui la contrôle et qui en profite.
Je crois que cffique Kényan a droit à tm logaœnt décent, \\IDe al:i.Iœntation décerite,
tm {X)rt décent. Je crois que chaque Kényan œ pourrait dornrir l'✠en JBÎ.X JX>lIr
autant qu'il sacre que ce dont il se nourrit a été ..
pris de la 1x>ucœ d'asooif-
fés et d' affarœs au Kénya. Je crois aussi qu'aocun Kényan œ JX)UIT8it donrrir
{Eisiblemt tant qu'il sacre que la ricœsse du {aYS est toujours contrôlée Jlll"
des rrarchands étrangers.
Fn d'autres ternEs, je crois à uœ éconanie nationale déOOrrassée de toute
danination étrangère, de tout contrôle ~ ••• " (1)
L'interview accordée {a N'gugi, oon {X)int de vue sur la richesse œtionale du
Kénya, coostit:l.ent s:l profession de foi qui nntive et rous-tend presque l'ensemble de s:l production
rcmmesque.
N' gugi semble être oh9édé Jlll" la nBimI:ise du capitalisœ et oon aOOutissaœnt
1lOIlIB1, l':impéri.aJ.isœ ; cette oŒession t:ransp:rraît dans ses considérations des faits et gestes de
l'après-indépendanœ. Il cl1ercœ toujours Jlll" tous les nnyens à conjurer le capita1isre et son
corollaire, 1':impéri.aJ.isœ qui ~ la société Kényaœ, le ~ple Kényan de s'éranouir
ple:iIBœnt et de jouir des rieœsses de oon terroir •
...................... ........................................................... ...................
(1) N' gugi intervie'v.é Jlll" fugina t1Jgina, Africa Re{X)rt, N°<x) (Février 1979) fP. :D-1

r
- 123-
!
L'anal~ des faits et gestes de l'après-indé~, selon N'gugi, rrontre la t:rahiron du
IIOUvaœnt de l'indépendance. _
Les IaysaIlS et les travailleurs ont été dépossédés des fruits de leurs :i.mœnses sacrifices
consentis pour la libération du IaYS ; l' aliénatioo des terres s'est acœnt:1.Jl§e à cause de la
~e de la rouvelle lxJtn-geoisie nationale, alliée à la mute finance capitaliste et aux grands
IIOI1Opoles :impérialistes.
L'a1liaoce s::ellée entre les deux Iarties est symlx>lisée lEI" le titre de son quatrièrœ
raŒIJl, Petals of Blood,
car ,
" en réalité ce titre est emprunté d'un JXlàœ d'un écrivain dntillais, furek W:ilcot, poèrœ
dans leqœ1 i l voit un arbre gé:mt anpêclant uœ petite fleur d'avoir accès à la llJIlière.
Ainsi j'ai pris cela ccmœ symlx>le de la situation contanporai.ne africaiœ où \\~
et les intérêts étrangers ~t de petites fleurs (les ouvriers et les IaYsans en
Afrique) d'avoir accès à la llJIlière •.•Je IIDltre l'~ ccmœ un nmstre €!IIpêchant
toutes ms aut:œntiqœs fleurs Kényanes et africaines d'avoir accès à la llJIlière ••• de
s'épmxrlr en gloire et en dignité" (1)
QJ'est-œ que le capita1i.sœ et son corollaire l'impériali.sœ, contre leqœ1 N'gugi
cristallise la grosse Iart de ses énergies intellectuelles, la s:mœ de ses frustrations et de ses
}a'3Sions ?
....................................................................................................................................................................................................
(1) N'gugi dans Surxiay Nation,
17 Juillet 1977, P.lO

-124-
i
,
A prarri.ère vue, le capita1i.sœ sanb1e avoir des racines dans presque tous les désordres
n
oociaux qui ~ sont développés à travers l'histoire; dans le Proche-Orient asiatique, les
tanples ont joué le rôle de foyer éconarrique. Les trafics d'es:laves à Rare, le camerœ à
longue distaoce du MJyen-Age, l'organisation finarri.ère du début de l'éIXXlue nnderne ,~ent
aux OOlbutiarents du capita1i.sœ. Tel qu'il existe actuellarent, dans les p3.ys occidentaux, le
capitalisœ est \\ID produit de développaœnt industriel œ du fruit de l'effondraœnt des tases de
la sx:iété féodale,
" La cruelle et sanglante tragédie de la ruiœ des p3.ysans et des artisans, l'accœulation
de la ricœsse entre les IŒrins d' t.ne classe 00urge0~ prospère, !BI" le pillage des
colooies, le trafic des es:laves, l'usure, la piraterie, ainsi que d'autres c.ri1œs.
Cllassés de leur village et leur terre, les hanœs ~ voyaient contraints de devenir des
salariés. Le capitalisœ qui ~ developp3.it, p:>uss:ri.t les anciens p3.ysans et artisans
non ~aœnt !BI" la faim, nais aussi !BI" la force, vers les exploitations capitalistes
et leur apprenait, p3.r de féroces saoctions, la discipline du travail salarié. Le
capit:a1.isœ prit œ:iss3oce sur les C\\SS3œI1ts des mi.l1iers et des mUliers de gens nri.nés
et tolmœntés ". (1)
Le corollaire du capitalisœ, à certains }X)ints, devient oon synonyrrE car,
" Il serait ahsurde de nier que le capital.isœ du XIX èfœ siècle était :impéri.aliste,
qu'il s'efforçait de conquérir des tases de tmtières pranières et des déOOuchés. Pire : il est
iocontestable que plus d' t.ne guerre a été provoquée ou prolongée tmiqœœnt !BI" la recœrcœ
effrenée de profit " (1)
...
.
" " " " " ." " " " "
" " " .. " " " " " ." " " " " .. " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " "
(1) Stol K, Dietœr, Jt.mgblut, Michael, Gallo, M3x, 1-~ capit?l!~~ Verlag Kurt Ia::h, Onlil,
Mtmich, 1CX:f), PP. f:Rr-f:f)

- 125-
Le capitalisIe, et roll corollaire, l'~, roIlt systàœ écornnique fondé sur la
" recŒrche effrenée " de profit, au détriIœnt de toute autre consiédération. Il s'est développé
et s'est renforcé avec. les progès de la technique, la destruction, ouverte ou indirecte de toute
fOmE de rés:i.stan:e.
Lens roll foyer œtal, 1 'Flirope, le capitalisIe a réussi à récupérer les syndicats, la oocia1-
démx:ratie, les IlDUvaœnts ou orgpnisations à tendance révolutiormaire,
" ••Le capital IIlÙtinational développe une stratégie subtile : Im" une coocertation
constante avec. les instances du llDUVarent ouvrier, les s:x::.iétés IIlÙtinationales
retrocèdent une {m"tie de leurs profits ~ - c'est à dire des profits rœJ..isés
Im" la surexploitation des IlBtières pœni.ères et des travailleurs des IBYS de la périIh§rie-
aux travailleurs du centre. la surexploitation des IlBtières premières et des lnnœs du
TIers-Mnle Im" le capital du centre devient ainsi l'affaire CCJIIIl.IŒ!, appuyée sur un cannun
intérêt, de l'oligarchie et du nouvaœnt ouvrier nétropolitains. Cette union sacrée
entre le capital et le travail du centre se resserre en 1:anJs de crise •••elle fait
définitivaœnt nœr:ir l' interœtic:m.l.isœ prolétarien, c'est à dire la transfonmtion
de la lutte de cl.as3e eniogène en une lutte anti-impérialiste planétaire;" (1)
A la péripMtie du Cerceau du capitalisœ, ce systàœ éconarri.que adopte une autre stratégie
qui lui penœt d'atteindre ~ fins. Fn Afrique, en Anérique latine et en ftsie, le capitalisIe et
son corollaire l':impéri.alisœ, contrôlent la pluIBrt des Etats qui existent de IIEIlière fonrelle •
..................................................................................................
(1) ZIFGT FR, Jean, M:rin 00sse sur l'Afrique, op.cit. P. 275

- 126-
r,
Aux yeux de N' gugi, l'impéri.ali.sœ a frustré les {Eysans et les ouvriers de l'indépendance
effective qu'ils avaient réussi. à imposer aux forces britarmiques. i l a transféré des IX>Uvoirs
fornels à la rouve11e oourgeoisie Kényaœ qu'il acréée et qui accanplit toutes ses volontés au
dét.riIœnt des rmsses {EYsarmes et des ouvriers. la p:!tite bourgeoisie autoIi..se le pillage des
ressources du {EYS, l'asservissaœnt de la classe ouvrière. Elle suppriJœ toutes les velléités
de clEngaœnt et protège ses retanbées géœrées par la spoliation de la oociété Kényaœ.
les oeuvres de N'gugi sti.gnBt:irent l'a1.1iaoce néfaste qui soude l'impéri.a1.isœ et les
dirigeants Kényans. Cette alliaoce est l'é1éœnt central de la trahison de ces dirigeants et la cause
profonde de leur rallia:œnt au capital étranger. i l œ fait aucun doute à ses yeux que cette alliance
est par esseoce, dirigée en priorité contre la classe ouvrière et les l1BSgeS {Eysanœ8 Kényanes.
L'un des pem:mages de PetaIs of Blood, Alxiu11a, en est VernJ à la cooclusion que les fréqœntations
des dirigeants et des représentants du grand capital n'obéissent qu'au dessein de collusion pour
des pratiques rnrisibles à l'écrasante najorité de la oociété, I1Bjorité c~ de {Eysans et
d'ouvriers qui ont {Eyé un lourd tribut dans un procŒ JESSé pour la libération du {EYS,
" i l découvrit ooudain le lien entre la visite des deux h:mœs... la gigantesque dup:!rie
qu'uœ inf:iJœ minorité perpétrait contre tout un p:!uple, oouvent, en a.l1.i.aoce avec des
étrangers. i l était de nouveau saisi par uœ différente fonre de cul{Ebilité : il avait
lui""1lêœ pris uœ pnt,activa:œnt, à un voeu de trahison nationale. i l n'avait pas nontré
.le courage dont ont fait preuve les femes d'Ilnnrog, ou les travailleurs qui ont protesté,
ou tous les lxmœs et toutes les fanœs du {EYS qui critiquaient toute la IIBChination
ouvertaœnt, au risqœ de leurs vies" . (1)
(1) Jœ, op.dt.P.1Œi
, •..::.iL.

- 127 -
La duperie a des iocideoces sur la sxiété entière. Elle transfonœ des gens en
étrangers sur le sol de leurs ancêtres, les villes et villages, en lieux OOstiles où l' individu
n'est Jl:lS garanti de protectiœ et de sécurité,
" Cette ville (Nairobi) n'est Jl:lS un hâvre potrr' tout un chacun pmni nous •.• C'est ce
qui arrive quand œ transfonœ le tourisœ en religiœ œtionale et qu'œ lui contruit
des tanples de culte dans tout le p:iys. "( 1)
L'exclusion de la dté œtale s'accaIJIl3gœ d'un sent::iJœnt de dégOOt ; le rejet d'me
partie de &>Il nui int:iIœ aliéné. N'gugi. fait découler le sent::iJœnt de dégOOt et du rejet de la
ville capitaliste, la ville JX>lluée JEr l'amiprésenœ du grand capital JEr la claire pri.re de
~erx::e des Kényans de la nai.n-rni.se de la tEute finance sur la vie écooonique du p:iys ;
l'invasiœ des mn>JX>les et trusts interœtiœaux qui sàœnt la déoolation, le désesJX>ir du
petit peuple lassé des Iœllées destnr.trices des sxiétés et eatJP3&1lÏ.es étrangères,
" J'en ai assez de la ville, c'est tout. J'ai oorreur de travailler pom- ces sociétés
pétrolières qui œt envahi ootre p:iYS." (2)
Sociétés pétrolières I.œrlx>, s.-hQ.1l , ~, trusts de transit, d':in1JX>rt--ex}X>rt; CŒJIE8IÛes
d'assuraoces, chaîne ootelières, JXXlls l:ancaires foment généralaœnt l'ossature des villes néo-
colœiales avec leur cortège d' experts-canptables , de conseillers, de notaires, de directeurs
canœrciaux, d'agents de 1.:i.a.ian exp:ltriés clargés de canaliser,
.............................................................................................................................................................................................
(l) ibid, P.134
(2) 'IBI, op.dt. P?26

-
128-
"
le drainage des biens du Ialple des zones nnales vers les villes, et de la natiœ
entière vers les p3ys étrangêrS. " (1)
Le drainage des ricœsses du p3ys est facilité prr des invest:i.sselœnts bénéfiques uniqtaœnt
au capital étranger. Les l:esoins des lIESgeS p3ysanœs et des ouvriers n'entrent p3S en ligœ de
canpte des projets de constroctiœ d'infrastructures diverses qui finaoce le capital étranger. Les
écoles pour instruire les enfants du peuple, transfonœr IŒri-tivaœnt les rœntalités ; les hôpitaux
pour EUJ1ager les IIBSSes p3ysannes, les logaœnts ooc:iaux pour offrir
un toIt aux ~tés ne fi-
gtn"ent p3S au progrnnœ d' invest:i.sselœnts. La c:onst.roctiœ d'une route transafricaine oMit à la
dynamiqœ :impérialiste d'unificatiœ d'un continent pour une exploitatiœ aisée,
la route était cœstrui~Jnon p3S pour donner un cœtenu et une réalité à la visiœ d'un
"
cœtinent, nais pour IIDIrtrer notre disponibilité et notre foi dans les recœmmdations prati-
ques d'un réaliste vivant à l'étranger. Le I1BÎtre, fin architecte de nllitiples divisions, Dieu
jaloux de l'unité d'un continent, œttait IIBintenant des nains, secouait affinmtivaœnt la
tête et favorablaœnt prêtait l'argent pour IByer l'équiparent et l'~ :imp:>rtés ••• La
route a seulaœnt ap}X>rté l'unité de surface : c.œqœ coin du continent était JIBintenant à
la }X>rtée facile de la rapine capitaliste internatiœaJeet de l'exploitatiœ." (2)
La route transafricaine cJ.e,vient pour N' gugi une oouree de faiblesse du cœtinent africain,
un ~ su1:stantiel de l':impér:ialisœ qui s'est offert
un outil efficace d'exploitatiœ des
}X>pulatioos qui le longent.
(1) RE, op.dt. note
(2) ibid. P. 2fJ2

- 129-
1
~.
L'aJJ..iarce du capital étranger avec la ~tite lx:>urgeoisie s'appuie sur des ressources
Î
huœines sOres, Ixmœs et fames préID!"és à dessein ID!" l' impérial.isœ JX>tIr ~rvir de facteurs
stabi1.i.s3.teurs, de courroie de trans mission, nasqœ idéal pour des activités oouterraiœs.
L':i.rnpériali.sœ, contraint de changer de stratégie avec les noovaœnts de contestation, est
obligé d' appliqœr la IX>litiqœ systim3tiqœ de 1"'Indirect Rule". Il est obligé de ~ cacœr
derrière des nariormettes JX>tIr agir, ces
" ...actœ1s satrapes ...d'Afriqœ récitent caIIœ de bons élèves leur leçœ "œtionaliste"
"indéperrlmtiste". ils an:iJrent des colloqœs, s'agitent Slrr le devant de la ocène interna-
tionale, font des visites d'Etat et JtlÙ.tiplient les proc1aImtions oolenœlles en faveur de
~tQ...
la "liberté" et de la prix chaqœ fois qœ, quelqœ JErt sur le contirent, \\ID peuple'<de se
libérer. Ils oollicitent alors respectueusarent, au "nan de l'Afriqœ", l'intervention
militaire de telle 00 telle puissance :impérial:iste contre le Ielple qui lutte JX>tIr sa
lilhation." (1)
I.e protot~ des muveaux dirigeants est, dans Petais of Blood,
Nderi \\oB Riera, funbre du
Parlaœnt, représentant d'I1Jm:>rog, cité-mrrtyre agonisant sous les effets conjugœs de la sécŒresse,
l'excœ rural, de la IBupérisatiœ de ses habitants et de la c.ln:;:ification de sa ClÙture. I.e 1l§puté
d'IlJ.roorog iocaIœ, d'une nmdère générale, l'évolution, le profil, les aspiratioos et les pratiqœs
quotidienœs de la lx:>urgeoisie en consolidation.
Les éléœnts qui constituent la lx:>urgeoisie naissante sont, suit d' arriens collaborateurs des forces
coloniales pendant l'état d' urgeoce, suit d' individus qui étaient loin des chanJI;\\s de confrontations
..................................................................................................
(l)
ZIHliR, Jean,op.cit. P.232

- 1])-
1
anœes, 00 ils oont simplaœnt d'anciens militaires retournés. Nderi \\lB Riera fait pntie de la der-
,
nière catégorie des IIBIIbres de la nouvelle boorgeoisie.
Cantattant de la forêt, bras anœ du IIDI.IVaœIlt Mm-M:iu, i l a été arrêté, déteml dans les c.allIlS
de coocentratioo. Nderi \\lB Riera était, au noœnt de l'avèreœnt de l'indéJ81(1aoce, un lnnœ du
peuple, un triblm. qui défend les intérêts des llESSes psysanœs spoliées,
"n défendait des cau.ce:; {X)pulistes telles l' ïnstauratioo d'un plafond à la propriété privée
de la terre ; la nationalisatioo d' inqx>rtantes industries et d'entreprises canœrciales ;
l'abolition de l' analplHœtisœ et du ch&mge ; la Fédération de l'Afriqœ de l'EST came
uœ étape vers l'unité Panafricaiœ." Cl)
Avec les oonbreuses directions des Cc:neiJs d'Administration des sociétés capitalistes
qui lui gnt gracieusaœnt offerts, Nderi \\lB Riera ch:mgera de l.angpge JXXU" croire et défendre
la {X)litiqœ du ''Partenariat entre Blancs et Noirs JXXU" tm véritable Progrès."
Progrès qui doit se now:rtr de prêts, d'aides é~Progrèsqui, JXXU" l'Afriqœ,
~psr l'éIœrgeoce des Rockefeller, des Hugœs, des Krupp, des Ford et des Mitsubishi mirs,
nouveaux ricœs appelés à collaborer étroitaœnt avec leurs psrt.ena:ires étrangers JXXU" créer de
gigantesques forces éconani.ques. Nderi \\lB Riera, dans la droite ligne du profit 1IBXirral, va défonœr
l'environœnent de sa circonscription, ilnorog, en faveur du capitalisœ,
...........................................................................................................................................................................................
0) 1U3, op. cit. P.174

- LH-
!
" En tme année ou quelque du3e de ce genre, le centre ccmœrcial du Nouvel IlnDrog était
termin§, des champs de blé et des ranchs avaient surgi tout autour des P!6ine.s: les I:ffgers
avaient d:i.sJ:aru ou avaient été chassés plus loin dans les JEIties les plus arides. nais lm
petit oonbre était devenu ouvriers dans les champs de blé et les ranchs, sur les terres qu'ils
sillonnaient jadis libraœnt. Les oouveaux propriétaires, mtres et serviteurs de la
puissaoce OOoc.aire, de l'argent et de la ruse, y venaient claque \\\\eek--end ••• les IEYsans
d'Illnnrog aussi avaient changé ••• la plup3rt ...a rejoint l'élI1IÉe des ouvriers ••• (l) "
la nouvelle 1:xJurgeoisie, ne disposant d'auclm capital propre, ne peut développer le IEYS de
m:mière autonaœ. Vassalisée pll" l':impériali.sœ, elle ouvre la voie à d'implacables inégalités
sociales, <il la grande misère côtoie le luxe insolent. furénavant,
" A coups de prébendes, les concessions sont 8IT'aCh§es pll" l'étranger. Les oc.an<la1.eS I:e IIlÙti-
plient ... " (2)
la ruse, le IreI'lS<Xlge éhonté deviennent les ingrédient des nouveaux mtres pour abuser des
IEysaIlS illétrés, ~ts, ne canprenant lES les astu::.es lEocaires en natière de prêts,
d'hypotli!que et de rnnboursaœnt de crédit.
" Un lot entier de IEYsans et de bergers du vieil Ilnnrog qui avaient été dupés pll" le lnai.s
è\\-ù.l~{\\'(
de prêts et en y-
venus à norceler leurs terres p::lur acheter des fertilisants :iJnIx:>rtés et
qui étaient incaIEbles de renbourser étaient aussi affectés. Sans travail, sans instruœnt
. ni!canique •••sans conseils, ils n'avaient lES été caIEbles de faire fnx::tifier la terre
suffi.s::mJent pour œtisfaire leurs te::Dins al:iJœntaires et rall1:xJurser les prêts. ~qœs
lD1S avaient utilisé l'argent pour P3yer la scolarité (des enfants). Mllnteœnt, l'iœxorable
loi du {X)Uvoir du nétal les classait de(leurs) terres".( 3)
..................................................................................................
(l) ibid P.200
(2) FtOCN, Frantz, CP; cit. P.1~

- 132-
Il s'en suit de graves draœs culturels, religieux, ISYclx>logiques. L'être intilœ est t<:>tX::M
dans ses cordes les plus sensibles,
" Nyakiyua lIDW'Ut en IID-x Jaldant oon sameil qœlques jours après la oouvelle œnaœ de
la Œmqœ•••Elle avait dit qu'elle œ pouvait lBS supporter l'idée d'être enterrée sur la
terre de qœlqu'tm d'autre••• "(1)
La stabilité, la IID-x ooc:ia1e qu'exige le capital étranger IXJlll'" prospérer oont quotidienreœnt
COfl9)lidées Jl:lr la nouvelle classe dirigeante.Les institutions came la police, la justice deviennent
des instruœnt privilégiés de l'arbitraire et d'abus d'autorités criants .Les responsables qui les
coifffent oont des élaœnts issus du peroonœl auxiliaire de l'administration coloniale, élevés dans
la tradition du res~t;~ des valeurs de l'aocien Être.
L'inspecteur de police Godfrey,
" a été éduqué pour croire à la Eainteté de la propriété privée••• des nnyens de prodoction,
d'échmge et de distriOOtion• •• la police n'est~e lBS la force qui garantit la stabilité
qui, à elle seule, rem JXBSÏ.ble l'aromllation des ricœsses ? " (2)
La justice,quand à elle, sert à détenir des gens au-delà des prescriptions légales,
..........................•.......................................................•...............
(1) RE
,op. cit. P.275
(2) ibid, P. 276

~
---~-
------~
-
133-
" Il suffit qœ je lève ce téléJh:ne JXllIr vous Iœttre tous en état d'arrestation et vous accusel
de violation des Blœ fülls. Vous JX>UVez restez en gprde à vœ au-delà de six rrois.
Tout ce qu'il mus faut, pour un sanblant de jt5ti.ce, c'est vous faire c.aDJEIâÎtre en
jt5ti.ce pour IIEOtiœ." (1)
Les vict:iJœs sont JE!" excelleoce, la classe oovrière, interdite de droit de grève et
d'organisaticn syndicale et les lIESSeS populaires,
" ••• Le député a a~é à une interdictiœ totale et ~te visant les grèves. Les
grève créent une a1::lInsJŒre de tension qui pourrait conduire à l'instabilité et à la
violeoce périodiqœ. Les grèves doivent être considérées ccmœ des actes ant±"1lationaux
de salx>tage écaxJniqœ délibérés. "(2)
Les travailleurs, ne pouvant s'organiser pour défendre leurs intérêts, les IIESSeS
populaires, aŒmdonnées à e1.l.es-nêœ, inorganisées, deviennent la proie de t0uÜ:5les vexations et
de tootes les hmriliatims. la prigxl des muveaux IlBÎtres est la seule réIXJllSe à toute velléité de
COIltestatims,
"
le s~ de pri.s:Jn est un instruœnt répressif aux llBins de la minorité dirigeante
déterminée à gaantir le lIBXÏJIUn de sécurité à sa dictature de classe sur le reste de la
poJX.I1ation•••"(3)
......•............•....................................................••........................
(1) ibid, P.334
(2) ibid, P.194
(3) ]l , op.dt. PP. 3-4

- 134-
Dans les villes, jetnl?S gens et jeuœs filles, aOOndonnés à eux4Têœs, s'adorment à l'alcool,
à la prostitution, à la délinqueoce. Le chôrnge endEmi.que est pré92nté canœ 1ID ~ roturel,
qui a cours IIDtoot dans le nnnde, à cause de l' explosion dénDgra]irique~'A "Kuœ Kazi" : Jl3S
d'anœuc::œ devient uœ devise frustrante, 1ID instruœnt de castration pys:rologique pour les
jeuœs, à la recœrcœ de leur prarrier anploi.
En joœnt sa }llltition dans la vaste entreprise interœtioœle constituée p:rr l'impérialisœ,
la classe dirigean1Jl.cl1erc:œ 1ID but précis, but qui trouve aussi l'agréfœnt de ses ITBÎtres ; elle
cœrcœ à :
" élIœŒI" la Jauvreté et les ricœsse volées à IlETcœr la nain dans la nain, dans la prix
ét:erœ1.le et l'amitié ". (l)
Elle trahit conscienœnt Uhuru pour des intérêts de classe. la 1iœrté, l'indépendance
tant souhaitées devienœnt le calvaire du IEUple dont les poteaux indicateurs qui y nàlent ont
pour naœ,
"T......-A
de
. talisati'
.ll1Ji-'Vt
capl.
on, •••
Travail COIIIJ..lŒlutaire, •••
séch2resse du JaYS,
Olâmge••• " (2)
(l) RE, op.dt. P.112
(2) 'IBI, op.dt. P.38

- 135-
,1
Aux yeux de N' gugi, tout le tissu sx:ia1, int:ilœ du JBYS est gangrené rar l':impérialisœ,
qui ne rechercœ que oon S3.Ù. profit car,
" Cet tmivers •••ce Kénya•••ne connaît qu'un loi. CÀ1 tu rranges quelqu'un ou on te mmge. CÀ1
tu t' as:eois sur quelqu'un ou quelqu'un s'assoie sur toi " (1)
La oociété entière est dévoyée dans oon esserx::e. La corrosion est atteint:erar chacun de ses
IIBIlbres SIDS exception,
" Nous oonœs tous des prostitués, car•••dans un nnnde tâti sur une stnx:ture d':i.œgalité et
d'injustice, dans un nnnde 0.1 d'aocuns peuvent mnger tandis que d'autres ne font que t:riJœr
•••oui, dans un nnnde 0.1 lm lunœ qui n'a jamris mis les pieds sur cette terre peut, assis
dans un bureau de I..onlres ou de New-York
décider de ce que je ~, ce que je
ferai rarœ qu'il s' asseoit sur un tas de milliards pris au ronde, oous sœrœs tous des
prostitués." (2)
La transfornetion de la oociété en une jungle impitoyable provient des effets pervers de
l'all:iarœ de la nouvelle lxJurgeoisie avec l'impéri.alis:œ. L'exploitation des DBSSeS JBysannes et
des ouvriers réIXXXl aux visées du œo- colon:i.a1.isœ qui,
..................................................................................................
(1) RE, op. cit.P. 291
(2) 1b\\.d P.2ltü

-
136-
" reproduit et éten:l après le oous-déve1opJX!IE11t, dormant naissIDce à des fonœs de lutte de
cl.as3e ••• "(1)
Discutant de la situation coloniale, Allxrt fumri. a écrit
" la révolte est la seule issue à la situation coloniale qui œ soit tnl tranpe-l'oeil ... sa
solutiOn alBllue, uœ rupture et non tnl canpronis... la condition coloniale œ peut être
élIŒœgée ; telle tnl carcan, elle œ peut qu'être brisée." (2)
Le néo-colon:i.a1.isœ œ peut JBS aussi être alÉI1agé pOlrr prendre en canpte les intérêts de
ses victiJœs. Il œ peut qu'être détruit JX)ur libérer le génie cré3teur des travailleurs et des
p:lysans, restaurer la liberté et l'indé~ aliéœes. Les rrasses p:lysanœs, les ouvriers, tmifiés
coos::ientisés peuvent,
n'O"l\\t
" ... œ plus 1ai sc:er les autres récolter là où ils"jarœi..s planté, engranger là où ils n'ont
jarœi..s cultivé, IapJX)rter à leurs l:anques de là où ils n'ont jamis sué.. (3)
Les analyses de la situation JX)St-:i.ndép2ffiaoce des rrasses p:lysanœs et des ouvriers en
Afrique faite p:lr N' gugi..)canp:rrées aux téIDignages sur les nêœs gens dans la période coloniale
nnntrent que le statu quo est resté le 1IB.Î~lIDt. Il nia JBS eu de changaœnt notable de la
qœlité de la vie du IIDI1de p:lysan et ouvrier. IBns la période coloniale, les critiques qui étaient
~ à l'administration, étaient son hypocrisie, ses prétendus. "avantages" de la colonisation
.......................................................................................................................................................................
(1) I.EYS, Colin, op.cit. P. 27
(2) tflt1I, A1lxrt, op.cit. W.1S5-56
(3) RE, op.cit. P.326

- 137-
qui étaient censés se DHtériali.ser JE!" la const:roction des ports, des routes, des oopitaux,
des villes nndernes. Les écrivains africains de l'époque s'étaient dépensés IXJUl" refuter presque
{X)int JE!" {X)int les prétentions des {X)uvoirs coloniaux. Ils l'avaient fait JE!" rap{X)rt à
l'engpgaœnt de la littérature afriœine aux côtés des forces africaines en lutte IXJUl" la
destruction du colonia1isre. Ferdinand Oyoro, en 1956, disait à propos des "avantages" DHtériels de
la colonisation :
" Bien sOr qu'ils avaient construit des routes, des hôpitaux, des villes •••t1ri.s persorme IEI1IIÏ.
d~
les indigèœs n'avait de voiture. Et puis"""ces hôpitaux on oortait SJUVffit les pieds devant.
Qùant aux IIBirons, c'étaient pour eux IIêœs. L'amitié œ pouvait--elle se fonder que sur
le vin d' honneur ? (1)"
Les invest:i.sa3œnts de l':impéri.aJ.isœ,
" Pour les euro~ uniql.J3lE11t••• de grands Hôtels•••Hilton, Amtassado~New stanley•••
Norfolk, Intereontiœntal•••M:iy fair, Grœveror••• "(2)
œ oont p:lS effectués IXJUl" le bien-être du IBysan et de l'ouvrier Kényans. FéIIIire, sécheresse,
exode rural, oont les DHUX qui accablent Ilarorg pulvérisé {8r la rœin-rn:i.re capitaliste, à
l'iJTBge de l'Afrique coloniale où petit à petit,
..........................................................................................................................................................................................
(1) OYOO, Ferdiœnd, le Vieux Nègre et la t-aJai11e, Julliard, 1956, pp 114-15
(2) Fœ, op.cit.P.131

-1~ -
1:
" Les villages se SJnt dissérrinés, les plantations ont d.:i.sImu, JXllÙes et cabris ont été
œan~ ...<Pmt aux indigènes, débilités Jl3I des travaux iocessants, excessifs, ... ils ont vu
la naladie s'installer chez eux, la félIIÎ..œ les envahir ..." (1)
Les travailleurs qui anœrquent les ricleise qu'on draine dans le p::>rt de llintassa
et qui délm-quent les produits llB11ufacturés venus d 'Euro~ et d'Asie tnx:œnt des salaires de misère
ccmœ ceux qui travaillent dans les plantations de café, de t:œ ou de sisal,
" J'ai mrrcM de.,:.. t1lnlassa •••à pied .•.cœrché du travail JEI1IlÏ les travailleurs agricoles ..•
Mri.s je œ p::>uvais IES rester plus de deux IIDis••• des es:laves•••de l'es:lavage••. Ils SJnt
IllYés cent livres le IIDis ••• et pour cela ils vendent la IlBin-d'œuvre de toute leur famille ••.
turne, femœ et enfants •.• vivant dans uœ caœre.••condarrés à récolter du sisal, du t:œ, et
du café•••nous avons construit le Kénya, et qœ tirons-rous du Kénya qœ oous avons tÊti avec
notre sœur ? n(2)
Leurs conditions de travail SJnt presqœ identiqœs à celles
" de milliers d'h:mœs sacrifiés au Congo-Q:éan••• de ceux qui, SJnt en train de creuser à
la IIBin le pe.'t d'Abidjan ••• à qui on a iocu1qué savanœnt la ~, le canplexe d'infériorité,
le tremblaœnt, l'agemui.llaœnt, le désespoir, le larbinisœ."(3)
la caractéristiqœ cœm.me aux lŒISSeS IllYsannes et aux ouvriers ~t la ~ode coloniale
et après l'indé~ est le fait qœ ll~aitation de leurs forces de travail se ,pourellit
toujours, au béœfice d'tme nêœ entité, l':impérialisœ. leur oort reste identiqœ car la misère,
le dénœrent est leur lot, aussi bien à la CéIJlIE&Œ qu'à la ville coloniale ou D§o-coloniale :
....................................................................................................................................................................................................
(1) 11rran, René, op.cit. Wl5-16
(2) iMd,Iil:tMt
~ /:\\
C··
(
_ . ' - /
(3) Césaire, AiJn§, Diocours sur le colonialisœ, Préseoce africaine, 1955 P. a:>

-13) -
"D:ms le
bus. •• i l changea d'idée et contanplait seulaœnt les torchis, les enfants nus
jouant dans les rues étroites: qui était le mieux loti, le IBysan dans un village oublié ou le
citadin jeté pmni ces tas d':imrondices qu'on a~e œbitations ? (1)
L'a11.iarx:e de la OOurgoisie œtionale Kényaœ app:rraît, aux yeux de N'gugi. un t1ù qui. doit être
éradiqué. Il s'engage dans l'actualisation des problàœs huœ.ins i.1lMrents à la nouvelle ooci.été
kényaœ, à l' Afriqœ de la période JX)St-indéJ5l(iaoce ; i l se fait le défenseur de la corxIition
huœiœ et joœ pleinaœnt le rôle de guide des IŒlSseS IBYsanœs et de la classe ouvrière. L'Hcmœ
en qœte du lx::>nœur est perpétœllaœnt en procès et l' écrivain est toujours, en qœlqœ sorte ,
son téIDÎn • d'un 00ut à l'autre de son idée-force, l':irnpéria.lisœ came frein à l'évolution et au plein
é ~ t des ~uples, circule uœ veiœ de pitié et de cœq:assion aux misère et à la folie
humiœs.
N'gugi. vilipende, pour l'exorciser {Br le Verbe les tares et les vilo'nÏ6de l':irnpéria.lisœ
dUI'\\5
qui. affectafl.es ~ples daninés dans leurs priocipes etrleurs croyances•
..................................................................................................
(1) Fœ, op.cit. P.I59

- 140-
II - LA NOUVELLE SOCIETE KENYANE.
Triootaire de 00Il histoire, des faits et gestes des homes, des CŒIIl.Il18lltés vivantes
qui la CCJI1IX)SeIlt, la oociété Kényane évolue, se transfonœ, avec ses anbres et ses ltm:ï.ères.
la période pré-coloniale est caractérisée p:rr des 1IDUVarents de JX)pulations, les
affrontaœnts entre les différentes oociétés en quête de stabilisation. Pasteurs et éleveurs ont
affiné letrr onde de prodoction pour l'adapter à leurs œooins, à letrr environnaœnt.
les échanges et les transactions avec les nondes arare et IX>rtugais ont introduit de IlOtr
velles valetn"S, de nouvelles plantes au Kénya. L'lx>rizon éconanique et culturel des Kényans s'est
élargi avec la cormaissaoc.e du IIDI1de l1l.lSlÙmID, de l'art de l'Asie et du llDIlde Arare.
la colonisation britarmique a OOtùversé la oociété kényaœ, ses structures écoocmiques,
JX)litiques et culturelles. L'aliénation des terres, lesclxx:s de cultures, joints aux conflits
d'intérêts irrécoociliabl~ont provoqué l'explosion du nouvarent insurrectiormel M:lU-tbU. Avec sa
ran;on de Jrfl.SCX3CTeB, de destroctioos de cadre de vie, de cristallisation des rancœurs, de 'haines
et de frustrations, l'Etat d'urgeoce procJ.aœ à la suite d'éœutes sanglantes, a façonné \\ft! nouvelle
Ibysioocmi.e, un nouveau type de oo:iété.
L'avènaœnt de Uhuru ouvre la voie à des perspectives nouvelles. ~ hcmœs nouveaux, avec \\ft! vision
du IIDI1de nouvelle, posent des problàœs nouveaux ; ils tentent de générer des valeurs nouvelles
qui puissent satisfaire davantage leurs œooins IIBtériels et canbler leur quête spirituelle et
religieuse.
les œuvres de N' gugi prés:!ltent la nouvelle oociété Kényaœ engagée dans une ~ de nutation
décisive.

- 141 -
Les artisans de la liœrté, paysans, ouvriers, JXltriotes engagés, hier œsitants, apeurés, lèvent
la tête après Uhuru et in~llent le nouvel ordre instauré JX1r les nouveaux dirigeants. Ils opèrent
une rupture qualitative avec la conception socio-éconanique de la période coloniale et éœrgent
lentaœnt à une ~eoce de c~. Les allég&es ne vont plus à la tribu, à l'etlmie, à la
région ; elles vont à la ~ ouvrière naissante {X>llr défendre des intérêts de classe face à
des adversaires de classe.
La nouvelle société kényane réapprécie ses arciennes valeurs, ses idôles de la période de lutte
pour l'avènaœnt de Uhuru, idôles qui, hier, ffilJX)rtaient l' t.manimi.té et représentaient des causes
et des intérêts cœmms à l'éJXXlue. Par la réévalœtion de la peroormalité de Jars Kenyatta, valeur-
refuge d'hier, Ngugi IIOOtre une société en IlDUvaœnt qui revérifie la just:esge de ses analyses, le
bien-fondé du IlBintien ou non d'arciennes a1.légeaoces. L' exanEIl de conscieoce que fait la nouvelle
société kényane SJUtient l'affinIBtion qœ nul n'est loin de la vérité que celui qui croit l'avoir
trouvé et pense devoir s'y reposer. Toute vérité évolœ, S2 SJUStrait à la loi de l'innnbil.isœ ;
elle doit faire l'objet de quête penrnnente p:lur penœttre à l'irxlividu de S2 défaire des idées
reçœs, des valeurs qui ont {EÙu leur consistance et d'éviter d'évolœr dans un univers qui n'a
plus cours.

- 142 -
10 ) Prise de conscience de clBS'3e et affi.nœtion de lutte de classe au Kénya
le ~veloppaœnt, inhérent à l'exploitation des IX>pulations, la dégradation de leur
cadre de vie, les transfonmtions négptives subies lEI" leurs valeurs in~déboocœnt sur
d'inéluctables luttes pour tm changaœnt qualitatif, tm mieux-être collectif. les luttes sont
tributaires de la nouvelle fome de déJSl(lanc.e du IBYS et des IX>pu1ations lEI" rapIX>rt à l' ~
Iœ. Elles découlent des dégradations continuelles du niveau de vie, la grande coocentration
urtaine de la classe ouvrière, le dé~uplaœnt systénBtique des c.aIIJIE8œS, la prolétarisation
d'une importante IBrtie de la IBysannerie et la ré:ession de l'artisanat et des teclmologies
traditionœlles.
L'éœrgeoce de la nouvelle classe ouvrière, constituée en grande IBrtie lEI" la IBysan-
nerie déœuchée de son cadre traditionœl, fome l'épine dorslle de la praxis littéraire
de N'gugi..
ll:ms l' ensanble de ses grands thàœs, l' ex:i.steoce de la cl.asse ouvrière au Kénya, son affi.nœtion
de nanière précise, dareure tm s:>Uci constant, tm voeu ardent. la pr:ire de conscience de l' ex:i.steoce
d'une lutte de clagcps au Kénya s'est faite progressivaœnt chez N'gugi.. Cette pr:ire de conscience
recoupe à Jal près l'évolution de Nkruœh dont,
" les premiers ouvrages affinœnt qu'en Afrique i l n'y a lBS de lutte de classes. les
derniers oou1igœnt au contraire l'importance de ce ~, de cette lutte secrète
sans laquelle on œ ~ut rien canprendre aux rarous IX>litiques de l'Afrique " (1)
..................................................................................................................................................................................................
(l) lOJNIDIDJI, Paulin, op.cit. P.181

- 143-
..
KW3Iœ Nkrumh, dans ses preniers ouvrages, nie en effet l'existence des luttes de classes
en Afrique, surtout l'Afrique prkoloniale où selon lui, les princes traditionnels, leurs sujets,
les esclaves daœstiques, JErticipent tous à la oo:::iété égalitaire de l'aocien systàœ ; une
société où règœ l'unanimité, une société sans conflits, sans déchiraœnts. I.e dirigeant afriœin
pensait que dans la situation de l'Afrique indépendante, i l pouvait regrouper autour d'\\.iI1 program-
Ire cœm.m, différentes couches oo:::iales aux intérêts éconarriques divergents, voire opposés.
c'est l'idée-lTBÎtresse de son ouvrage <::'.onocierrisœ, publié en 1964. Nkrt.nEh revisera cette
analyse EN 1970 avec l'autre ouvrage, Lutte de classe en Afrique.
Au début de sa carrière littéraire en 1964, date de la publication de Weep oot , child, N' gugi
de ImI1ière vague, situait les contradictions au sein de la société coloniale Kényane au niveau de
la confrontation d'intérêts, de la lutte opposant les Blancs et les Noirs. Cette vision adrœt
implidtaœnt une identité de vue, ~ cœm.mauté d'intérêts entre les différentes c~ sxiales
noires. Elle rejoint la vision de Nkrt.na)1 dans ne conscienc:i.sœ.
Cette vision voudrait que :
" Tous les hcmœs qui travaillaient IX'JlII" les Blaocs et le Gouvenaœnt devraient sortir
poor se rœttre en grève. Ch se doit de nnntrer au Gouvernaœnt et aux colons que les Noirs
n'étaient lBS des couards et des esclaves... Nous les Noirs, I1OI.l'3 s::mœs Frères." (l)
la race joue un rôle :imIx>rtant IX'JlII" la défense d'intérêts I1Btériels.
L'intérêt est
int::inaœnt lié à l'aprarteœnce à une race donnée. Petais of Blood mrque un tournant capital
dans l'évolution idéologique de N' gugi. la notion de lutte des classes et l'existence des cla'>Ses
y est clairaœnt expri.m2e,
" Vive le DOUVaœnt de travailleurs ...Vive la lutte des travailleurs! " (2)
..........................................................................................................................................................................................
(1) ~, op.cit. PP. :0--51
(2) RE, op.cit. P.4

- 144-
N'gugi affi.nœ l'ex:isteoce de la COIlS::ience de classe, la recŒrc.he des ni!thodes appropriées IX>tJT
la défense des intérêts de œtte classe dans le cadre des IIOuveœnts ouvriers.
Ses oeuvres ultérieures, ~vil on t:œ Cross, Ngaahi ka Ndeenda, ses essais politiques came
Ae.n.s
~taiœd et Writers In Politics renforcent sa convU;tion - la t:œse Mmd.ste, à l'exanple de
Kw:ure Nkruœh, qui, dans le Néo-colon:i.alisœ, lanière EtaJX: de l'Impérial.i.sœ,
" s' att:.aeœ en effet à nettre en évidence les liens sub~ qui unissent entre elles les
grandes sx:iétés capitalistes qui exploitent le roI et le SJUS'""SOI africains .••la lutte contre
1 ':impériali.sœ apJlllCÛt elle aussi 9:JUS un jour oouveau : elle est une "guerre de classe
à l' éclclle internationale " (1)
N'gugi synthétise sa IlBturatian politique et idéologique dans Writers In Politics en
affirnEnt que :
" rous le colon:ialisœ, œtte lutte politique et éconanique est souvent nenée 9:JUS la OOnnière
JX:tite bourgeoisie du nationalisœ racial. C'est "nous" les Noirs contre "eux" les
Blaocs ; Africains contre Fm'Opéens. Ceci est naturel car 9:JUS le colon:ialisœ, l'exploita-
tian et le pd.vilège lIB9:J.uent ou prenœnt la fonœ d'une structure rigide de caste ou de
race. M:lis le néo-colonia.l.isœ, la lutte politique et éconani.que assure son vrai caractère
de classe...C'est IlBintenant des travailleurs africains et les llBSSeS IEYsmnes, ensanble
avec les intellectuels progressistes, d'élérœnts IEtriotes, des étudiants, aux prises
avec la classe dirigeante atltlXhtone et ses alliés de classe :impériàlistes" (2)
.....•........•....•........•..................................................•...............••.
(1) lO.JNIO'IDJI, Paulin,op.cit. P.100
(2) WIP , op.cit. P.26

- 145-
Canœ K\\Bœ Nkruœh, le peoch:mt idéologique de N'gugi, oon inclination nmxi.ste est sans
équivoque à la fin de s:1 nutation. s:1 foi dans la classe ouvrière est nagnifiée p:rr tID hynne à cette
laborieuse classe,
" Ici, nous devons planter des saœoces JX)UI" une société future ••• Nous devons tœr le Iœl'l&>Ilge
qui veut que les Noirs n'ont jéIIBÏB rien inventé,
abandonœr à jéIIBÏB le canplexe d'infériorité enfoui dans ms esprits p:rr des siècles
d'oppression.
levez-vous, levez-vous travailleurs et ouvriers du Kénya,
Notre victoire est la victoire de la classe ouvrière,
La victoire de tous ceux qui dans le nonde,
Ceux qui aujourd '00 se œttent et luttent JX)UI" une totale 1iœration" (1)
"
"
L'engagaœnt de N'gugi fait COIlS avec l'affinIBtion de la lutte de c1asces au Kénya. La
lutte de la classe ouvrière devra néœssairaœnt dé1xxx:la" sur le renversaœnt du pouvoir n§o-colonia1
,
infécxlé au capitaJiaœ. Sm rôle d'écrivain est de routenir s:1 lutte, p:uticiIff à l'expms:i.on de
ses idéaux. TI doit,
1
i,
" réflèter •••nuntrer l'engagaœnt, oon p9S p:rr des notions aœtraites de justice et de
Iffix, nais p:rr rap~rt à la véritable lutte des peuples africains ~ la prise du ~voir ..•
JX)UI" contrôler les forces de prodoction "(2)
..................................................................................................
(1) 'IOOC, op.cit. P.68
(2) wip, op.cit. P. 7<rro

-
146-
N' gugi. s'anploie activerœnt, à p:utir de PetaIs of Blooq, à dârontrer l' existeoce d' uœ classe
ouvrière au Kénya, classe ouvrière carable de prendre le {XJuvoir et de contrôler les forces de
production. Cette classe ouvrière est symbolisée p:rr la Sainte Trinité de l 'QIvrier (Karega) ,
du Paysan (Alxlulla) et du Patriote (l'avocat ass:tSSiné), qui constituent les éveilleurs de
C(){lOCienœ, l' àœ de ceux qui croient à la victoire des "~ts". Ils préfigurent le
"oon" à l' injustice, à
Il l'oppression, à la trahison, à la culture de la IaJI", à l'esthétique de l'acceptation de
la sourrission." (1)
L'unité des travailleurs, le rasEaIJblaœnt des forces vives p:>ur le renverooœnt révolution-
naire du syst:èIœ capitaliste nécessite une cClllS:ienœ de classe claire qui s:>it la
Il ~bilité d'appréheOOër à p:utir d'tre sitœtion de classe dans uœ société donnée.
En d'autres t:.enœs : la cons:ienœ de c~ est la réaction ratiooœlle adéquate cOITesIXJIr
dant à une sitœtioo détenni.née dans le processus de production•.• les hcmœs qui rerticiIalt
de ce SUIllDi collectif, qui en oont investis, qui en foot leur strocture nntivationnelle
propre, oot déoonmis coœcienœ d'appartenir, p:rr leur insertion dans l' app:lreil de
productioo des biens IlBtériels et sym!x>liqœs, à la nêœ classe sociale ! (2)
La con.c:d.enœ d' aprartenanœ à une c~ oœit au schérm Mrrxiste classique de l' €iœrgenœ
d'uœ classe ouvrière au sein d' uœ société dormée. Lente, cette cOl'l."'d.enœ de classe €iœrge
difficilaœnt au Kénya à caUge des pesanteurs d~ à différents facteurs. Société IXtysanœ p:rr
.................................................................................................................................................................................................
(1) m::, op.cit. P.97
(2) ZIB:llR, Jean, M::rin tasse sur l'Afrique,CF.cit. W.54-5.'r57

- 147-
esseoce, la constitution de la classe ouvrière suit l'implantation d'infrastructures industrielles
et éconaniques. Les élélœnts de l'anbryon de la classe ouvrière oont divisés sur des 1:Eses etlmiques ,
régionales
ou confessi~es. Ils ont de réels problàœs pour natériaJippr le vagœ sent:iJœnt
qu'ils ont et qui carm:mdent l'OOon, la coostitution d'lID front cœmm. A ce stade, l'oovers
du nouvel ouvrier dé{RSSE! difficilaœnt 9)J1 e~ sa brarx:œ professicxmelle. L'ouvrier tant ooit
JSl qualifié, considère le rovice avec hauteur, l'autdtone regarde l' œkré subir des vexations,
" Les ouvriers apJEIteœient à deux catégories. Il y avait ceux qui travaillaient à l'intérieur
de l'usine, et i l y avait les autres •••Parmi. eux, i l y avait la IIBin-d'oeuvre inmigrée
d'{)Jganda••• la direction avait tout fait pour les diviser en cliques tri1:ales, religieuEeS
et nêœ selon le lieu de travail. Ceux qui travaillaient dans l'usine sentaient qu'ils étaient
plus favorisés que ceux qui travaillaient dans les ch3mps". (1)
Une fraction importante. du nonde ouvrier, les fanœs oont tenues à l'écart de la grande
fanille et considérées came de simples objets de jou:i..ssaoce devant être traitées carrœ inférieures
aussi bien sur le plan des respoœabilités que sur celui des salaires. Cette classe re cœrcœ,
prend
cons::ienœ de soo ex:ï.sterx:e,se dé~ d'obstacles cœjoocture1s. Selon l'aœlyse
Mmd.ste,
" le prolétariat doit subir des oouffrances nnnstrueuses avant de pouvoir se libérer de ses
traditions non prolétari~ narcher avec ses propres jamœs, ~ avec sa propre
tête et 0,
développer sa propre raison, la raison prolétarienœ" (2)
.............................................................................................................................................................................
0) Iœ, op.dt. p.m
(2) smE:ùER, Otto, op.dt, P.43

- 148-
Au contact de la rrêœ adversité, la <:OI13:ienœ de classe se renforce, devient t.œ réalité qui
s'inJpŒ;e à chaque travailleur. Régions, religions, ethniE7 oont ~tit à ~tit, releguées au œcond
rang {X>ur faire place à une cœmmauté d'intérêts, des intérêts d'une classe donnée, la classe
ouvrière,
''Karega est ses caIJIEgI10llS de l' usiœ de 'Iœngéta n'étaient IES différents : ils
avaient rejeté i l est vrai, la simple faternité de IHlU, de région, de cœm.mauté
d' origiœs et avaient dit non à la fois aux anployeurs noirs, blaocs et lùndous". (1)
La classe dirigeante déploie une JXU10plie de stratégies JX>lII" tenter de freiner l' arergeoc.e
de la conoci.enœ de cJ.ae;œ. Elle nie le DDIlO{X>le de la lutte contre les forces coloniales par les
seules p:lysans et p:ltriotes engpgés IX>tIr l'étendre à tout le ronde, indistinct:aœnt, Y canpris les
traites, les indicateurs, les gardes coloniaux, cotlJBbles de IIBSSaCreS des canœttants de la forêt;
elle nie l'existence des classes au Kénya, en Afrique, donc, l'existence des luttes de classes.
" Nous avons tous lutté JXX.II" uhuru...i l n'y a IES de classes en Afrique" (2).
La lUlVelle 1:nJrgeoisie tente'de IIDIltrer les avantages que la classe œvrière pourrait
tirer de l'élœrgence des Rockfeller, des Krupp noirs. Elle net l'accent sur des acquits culturels
valorisent les profits et ~ttent de protéger des ricœsses routirées aux {X>pulations, à l'exan-
ple de la nouvelle,
..................................................................................................
(1) RE, op.dt.P.42
(2) 'IŒK, op.dt. P.47

- 149-
" orgpnisation aàturelle K:i.armkaDJ...e ••• dest.iŒe à apIX>rter l 'tmité entre les ricœs et les
rauvres et.•• l 'Œum:mie aàturelle de toutes les régions" (l)
la presse, les lois anti-sociales font aussi p3rtie de l' a.œ::nù dissuasif aux JlEins de la
nouvelle 1:xxIrgeoisie JXJU1" casser le nouvaœnt ouvrier : liœociaœnts abusifs, prêcœs à l'église,
interdictions des droits de grève.
Les nnyens de pressions, les lIÉtOOdes utilisées JX>lIr la suppression du IIDI.IV€IœIl.t ouvrier
renforce {EICldoxalaœnt la conscieoce de classe des travailleurs. le vécu qootidien renforce la
lutte lœOée en camun contre lID ennemi. camun, c.la:ireœnt indentifié,
" QJe mus iJnIx>rtait-il à rous (de savoir) qui coo:iuisait uœ Mm:edes-Benz ? ils ap{m1:enaient
1- tous à uœ seule trim : la fanille M:m:edes : qu'ils ooient venus de la côte ou dt K:i.suIu.
Une seule fanille. Nous étions uœ autre trim." (2)
L'enœmi. identifié, décrit suivant oon onde de locaootion est le dignitaire du régine, le
gestiooœire des grarxles 1mxJ.œs, tous ceux qui cœscmœnt et font de la 1:xlreaœ.ratie et règœnt sur
les IIBSSeS raysannes et la classe ouvrière, à la faveur d' a.rrangaœnts opérés rar les colonisateurs.
" Les gens en général, sans nul doute, étaient p3rtiellaœnt choqués rar ce qu'on leur a
prérenté et qu'ils considèrent rraintenant carrœ étant leur propre aveuglaœnt pour s'être
longtaIiIs ·laissé berœr "(3)
...................................................................................................................................................................................................
(l) Iœ, op.cit. P.85
(2)ibid,P.~
(3) NllJ, P.87

I.e IlDUVeœnt ouvrier crée lm lxmre nouveau, géœre une société nouvelle. lB. grève, outil de
prédilection pour anÉliorer les conditioos de vie des travailleurs doit, selon N'gugi, être
généralisée, étendue à toutes les couches sociales. Elle ~t de tester les caIX=lcités d'action et
de nnbilisation. des ouvriers en lIÊIœ tanps qu'elle affaiblit l'adversaire de c1.as9:>. L'inEge d'une
9Xiété en nnuveœnt est celle où diven:es traetioos de la population, deOOut, reverrliquent leurs
droits, C<Jlte.:,;:ent l'autorité néo-colon:ia1e,
" Je:; élèves, filles et garçons en grève ..• des travailleurs hrissant leurs outils et refusant
la c:oIl9Jlation tanporaire des accords tri(Ertites, des nénagères organisant des processioos
et hurlant des slogpns OŒœnes crotre les prix élevés de oourriture••• des femœs refusant
d'être releguées à la c:ui.sine et au lit, exigeant des places égales dans l'aocienne dtadelle
des 00nœs au JXX1VOir •••Tout cela }EIt éprouver les nerfs de ceux chargés {m" la classe diri-
geante de ce nnnde ••• du IlBintien de l'ordre et de la loi". (l)
Pour N'gugi, le ~poir est lm ~ que des générations futures œ IXJLIITIlient {m"donœr.
Tout au long de Sl lente lIBturation, N' gugi acquiert la croviction du caratère inéloctable de la
-1- victoire de la classe ouvrière, i l a foi dans le DDUvaœnt ouvrier, dans le regrouIEJEIlt des opprinés
les dam§s de la terre car le syst:àœ capitaliste
" ••• :impérialise, ce syst:àœ de réification pJ.aœtaire, de la violen::e symOOlique, natérielle,
de la contrainte totale, secrète 9?S propres ennan:is, Sl propre négption. Ces adverSlires,
plus oonbreux aujourd'hui que les grains de Slble du désert, 8e cherchent encore dans la
nuit." (2)
..................................................................................................
(1) .@., op.dt. P.42
(2) Ziegler, Jean, Op;dt. PP. 279-f5J

- 151 -
llins la logiqœ de N' gugi, l'union sacrée des travailleurs, des p:lysans et des p:ltriotes
intellectuels, étudiants, est la force ca{Eble d' aœ.ttre la cœlition des oppresseurs. Cette
convistion, était déjà perceptible IŒtis à l'état Embryonnaire dans
le troi.si.èlœ rarnn de N'gugi.,
A Grain of Malt. ~ homes, sms fonrntion, sans directive idéologiqœ précise, y ont tenté
de constituer un front, prémisse indéniable d'un DDUvaœnt d'avant-garde pour la lutte de classe.
L'idée-naît.rEffie qui an:iIœ ces lumes, à cette étape précise de l' histoire du Kénya est la
nécessité d'éveiller les CClrlS:ierr:es des gens, favoriser leur union autour de l'idéal d'une vérita-
ble libération nationale. A cette étape précise, N' gugi est arœné à se damnder, tout au long
de sa quête intérieure :
" al loge le contre-pouvoir cap:lble un jour d'aœ.ttre l'Etat :impérialiste, l'Etat canpradore,
les oligarchies financières du centre, leurs canplices de la pértIflérie ? al cœrcœr cet in-
visible p:lrti de la révolution, cette fraternité des hcmœs du refœ ? "(1)
la réflexion, reœe à p:lrtir de la rociété kényaœ, à la luni.ère d'aœlyres l'1:rrxistes, aOOutit
à un certain mnbre de valeurs qœ N'gugi privilégie. Il crée l'espoir, œse foOOanEntale de toute
grande entreprise huœire. Il veut nmtrer qœ dans des m::rœnts difficiles, dans des sitœtions
a~t insurnmtables, le feu de l'espoir doit être toujours entretenu. Cet espoir t:ransp:lrait
dans l'attitude défiante des travailleurs des brasseries 'Iœngéta dans Petals of Blood lors d'une
confrontation avec la police,
" S'il vous plait, dLspersez-vous.
c'est l.D1 problàœ de neurtre•.
0
0
0
- ~ des travailleurs! retorqua qœ1qu'l.D1o
-furrtre du nDUVaœnt ouvrier !
..................................................................................................
(1) Ziegler, Jean, op.cit. P 27
o

-
152-
1
- Vive la lutte des travailleurs !
- s'il vous plait, dispersez-vous •••
- Dispersez-vous vous ntm:s •..d:ispersez la tyrannie des caIJIEg11ies étrangères et de leurs valets
locaux !
- A las la danination étrangère naintenue Jm" des colonisés à peau mire !
- A las l'exploitation de mtre sueur ! " (1)
Ihrénavant, il n' ya plus d'équivoqœ dans l'esprit des trnvailleurs. Ils aPrm-tienœnt tous
à une seule farnille ; une oouvelle tribu des opprimés, des exploités qui cherchent à renverser l'ordre
iniqœ qui les oppriJœnt. i l Y a déoo:mai.s deux carqs, aux intérêts antagonistes, la classe dirigean-
te, la nouvelle lxJurgeoisie d'une IErt, la cl.as3e ouvrière et s::>n alliée de lutte, la IEysannerie.
la lœgœ IIBturation idéologiqœ a abouti à la prise de cons:ieoce de l'a ~ à une classe
qui pcssède des intérêts précis à défendre face à lm. enooni. de classe doté de lIDyens IIlÙtifonœs
IX>IJr freiner s::>n élan, ~ sa consolidation qui, en fin de canpte, déIx>u::œ sur la prise
du }XlUVoir, le contrôle des lIDyens de prodoction.
Pourqooi N'gugi. s'attèle t-il tant à voir aœrger au Kénya une c1asse ouvrière coosciente,
strocturée, caIEble de pren:lre les rilœs du pouvoir JXXIr contrôler les lIDyens de pordoction ?
Tart: au long de ses œuvres, il nèle une qœte lalx:>rieuse pour déterT11irer les IIDYens suoceptibles
de renverser le capitalisœ et, J8r voie de fait, la nouvelle lx:>urgeoisie naissante au Kénya.
Sa quête preni en canpte les aspects de la vie quotidienne des nasses IEYsarmes et des ouvriers,
la &XJdaine riclesse des nouveaux dir:igœnts, l'a1l:mdon des idéaux de Uhuru, les espoirs qu'ils
avaient ooulevés.
.... ......... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .... .. .. .... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .... .. .... .. .. .. .. .. .. .... .... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .... .. .. .. .. .. .... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .... .. .. .. .... ......
(1) Iœ,op.cit. 4

- 153-
I.e pivot de cette quête est et reste le capita.lisœ, ~ m§thcx1es d'exploitation, de dé~
lisation des ~uples qu'il assujetit à ~ lois, à ses intérêts.
Avec l 'tmité,
la victoire de la cl.asse ouvrière, la victoire du peuple kényan est certaine.
Si d'autres IllYS ont pu résister à la darrination nazi, si l' Irrle a pu résister à la dcmi..nation
britarmique, l'Afrique, le Kénya, Ialt IIBtériellaœnt résister à l'impéri..alisœ. N'gugi aff:inœ
que la clasge ouvrière Kényaœ de vient COl'lOCiente de ce qui ~ lESge dans le nonde, œ-aocoup de
Kényans, propulsés dans les deux gœrres nondiales, ont eu conna.:i.s:;anœ d'expériences d'autres
peuples,
" la Qrine, la Corée, la Russie, ••. " (1)
Les travailleurs, les IllYsms, les IlltriOtes engagés voient l'histoire carrœ étant de leur
côté. N'gugi pense que l'ap~ du M:mifest Cœm.miste, ''Prolétaires de tous les IllYS tmissez-vous!",
est en lESge de devenir une réalité au Kénya du fait que les intérêts de c~ se précisent de
plus en plus dans l'esprit des nasses Kényaœs car,
" la clasge :irnpriIœ BOO oceau à l 'lxmœ tout entier, l 'appntenanœ d' lm individu à une cl.asse
s'expruœ dans tous ~ rapports extérieurs et dans toutes ~ relations à autrui•••
L'adversaire de cl.asse du prolétaire est donc quasiJœnt oon adversaire œtioœl nêœ s'ils
apIErtiennent tous deux à la nê:œ œtion ".(2)
..................................................................................................
(1) ibid, P. B3
(2) SIRESsER, Otto, op.dt. P.33

- 154-
la nation kényaœ à mitre des cendres de l'Etat œo-colonia1 9:!ra une entité 00 la voix de
la classe ouvrière sera prépondérante.
N'gugi. sUt qu'au regard de l'analyse f1md.ste du capital et de la c1as'3e ouvrière, le sort
du capita1isœ est s::ellé ;
" Ce systàœ de capitalisatioo et de la dém:x:ratie capitaliste a œroin de pureté nnrale
s'il devrait sm- vivre" (1)
En pratique, de Jlll" sa nature, il œ peut se le pernettre, au risIue de s'écrouler entière-
nent,
" son ossature et son ct.baat interne, idéologique et repressif sont fondés sur lU1
pn1:age très délicat entre clans et factions, entre brarrl1es et app&eils, prodigiellSeIœIlt
encœvêtrés, redoublés et hiérarchisés dans leurs fonctions et leurs ~ d'influeoce.
Toute réorganisation, IIèœ la plus simple, atteint directaœnt l' ensanble•.. canpte tenu
de son déséquilibre penœnent face aux luttes des classes" (2)
I.e rég:iJœ d' a1.1:i.aoc.e entre la bourgeoisie nationale et le capital étranger est voué à
l'éclB: car il œ peut se réfonrer de lui IIèœ, il œ peut créer une évolutioo interne continue,
l.:i.Ii!aire qui va dans la ligœ des intérêts vitaux de la classe ouvrière et des nasses Iaysanœs.
Ce rég:iJœ est aPJ:clé à s'écrouler au Kénya du fait de la canbinai.son de plusieurs facteurs. I.e
uanque de terres, oous la pressioo de l'explœion
dérographique galoJEIlte, va créer des ramus
dans le milieu
des jet.ll1eS; désireux de s'installer CQIIle IaYsans, éleveurs p:mr éclBpper au ch.ôm-
ge. la IIEin-d.'oeuvre jetme, sans enploi, représente lU1 facteur de IIÉCOIltenteœnt, générateur
.....................................................................................................
(l) Iœ, op.dt. P.334
(2) IUJ1.ANIZAS; Nicos, Les criBes des dictatures, M3sJ:éro, 1975 • P.l00

- 155-
d'explosions et de OOuleversaœnts ooci.aux. la priEe de COll.':d.eoce d'intérêts de classes, l' exacer-
œtion .. de la dignité hurriliée renforcent la canœtivité des hcmœs et des ferrœs frustrés, les
poussent à opérer des changaœnts COITeS}X)ndant à leurs aspirations) à leurs ~té de citoyens
respectables. la victoire de la classe ouvrière, damin tri.~ du fait que :
" Tout lxmœ é~ le froid, le clBud, la faim, l'annur, l'espérance et la IaJr. Il
s' éprolNe vivant et existant en produisant sa vie • les évideoces l' ffibitent : tout
lurrœ veut être œureux, désire lIElJlger, se protéger du froid, de l' ango:isge, de la solitude.
Or, tout lurrœ est ffibité rar uœ con.crieoce réflexive. Un impératif catégorique l 'habi~ ,

celui de cormaître le IIDnde, ou plus préOfSérent celui de symOOliBer sa situation dans le
rrnnde ". (1)
L'idéal pour a1:xJutir à ce résultat, selon N'gugi réside dans la pleine prise de COIlEcieoce
de sa classe et la lutte effective pour se détarrasser de toutes fonœs d'aliénation et s'organiser .
Il voudrait voir tous les travailleurs du Kénya organisés dans des unions syndicales, à l'exemple
d' Ilnnrog 00
" nêœ des serYeI.l'3es voulaient leur propre syrilicat. Les danseœes s'organisèrent en union des
ll:mseœes TouristiqlES et récl.anBient davantage de cachet pour leur art. Les travailleurs
Agricoles suivirent." (2)
...............................................................................................................................................................................
(1) Ziegler, Jean, op.cit. P.E
(2) Iœ, op.cit. P.3JS

- 156-
N'gugi veut enterrer l':iJmge des travailleurs inorganisés, acceptant l'injustice, canœ
Jean Jaurès le rerarqua au début de ce siècle :
" Je fus saisi, tm ooir d'hiver, dans la ville :inIœnse, d'une oorte d'épouvantesociale.
il ne oonble que les m:i.Jli.ers et milliers d'hcmœs qui. JESS8Ïent S3l1S ce connaître, fooe
innanbrable de fantôres oolit:aires, étaient dénués de tous liens. Et je ne darandais
avec uœ oorte de terreur :impersonœ1le cament tous ces êtres acceptaient l' inégple répgrti-
tion des biens et des mux, et camEI1t l'énonœ strocture ooc:i.ale œ tanOOit {ES en
dissolution. Je œ leur voyais {ES de chaîœs aux nains et aux pieds, et je disais : JET
qœl prodige ces milliers d'individus oouffrants et dé}OJillés, subissent-ils tout ce qui.
est ? ...la chaîœ était au cœur, la pensée liée •.• l'tabitule les avait fixées."(l)
..................................................................................................
(1) futaille, M. D3min Jaurès, Paris. Edit. Pygnalion, 1977, P.39

- 158-
traditions défigurées lEI" les forces coloniales qu'il salœ lEI" antici{l3.tioo ; c'est la reconquête
des terres aocestrales, trait-d'tmion entre les vivants et les IIDrts, qœ ce nêœ peuple acclarœ.
Sen arrestatioo, qui coïncida. avec la déclaratioo de l'état d' urgeoce, a jeté la consterœtioo
dans toutes les cou::œs noires, les nasses {l3.ysanre:l, les ouvriers,les ch'lœurs , les lIÉIlagères,
les écoliers qui voient la réalisatioo de la prorhétie s'éloigner. Pour t.cu:; les noirs, les
colooisateurs
" veulent laigcpr le Ialple sons guide" (1)
de nmri.ère à perpétœr leur danination et à continœr leurs exactions. L'arrestation de Jaro
Kenyatta appmût alors amœ la tentative des forces coloniales d'anpêcœr la libération du
peuple, d'affaiblir le courant du changeœnt politiqœ en IIDUvaœnt deIllis le déclenclaœnt ouvert
de la révolte é1I1IÉe lEI" les canJ::attants de la forêt. Jaro Kenyatta est pour eux :
" ••• \\ID txmœ envoyé lEI" Dieu••• il était le t'bise Noir mmdaté p3.r Dieu pour dire au
Hmaœ blaoc " laisc:ez nnn peuple {mtir " (2)
D:ms le contexte du Kénya colonial, oounis à la danination étrangère, aux frustrations
et aux vexations qootidiennes, Jaro Kenyatta appmût amœ uœ lœur d'espoir, uœ étoile Surgie
du fi..rm::lœnt pour guider le peuple vers le salut et la liœrté. Entre lui et le peuple, il ~ t.:Ï.S9:!
des relations de sauveur à opprinés. Ces relations oont empreintes de vénération, de respect et
" " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " ~ " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " " "
(1) \\\\R:, op.cit. 63
(2) ibid, P. 63

- 159-
d'admiration. i l jouit dans le conscient et dans l':in:onscient du peuple d'une inage mutaœnt
néliorative et laudative. Il est l'Oint de Dieu, le Justicier aI'Ill§ du glaive dela vengearx:e JX)lIr
rétablir le Ialple de Dieu, le peuple noir opp~, réduit en e:cl.avage. C'est le Héraut de Gikuyu
et t1.mbi envoyé IXJlIr essuyer les l.anœs de leurs des::endants éplorés.
Les oeuvres de N'gugi, du déoot de ffi carrière littéraire, reflètent cette :inBge JX)pulaire.
laudative; les déceptions ressenties {Er toutes les couc:œs oocia1es après s:n arrestation.
" L'air était ffituré d'attenta.Uœ nuit, et c'était arrivé. JaID Kenyatta et d'autres diri-
geants du lEYS étaient enl:arqués ; le Gouverneœnt Paring venait de déclarer l'état
d'urgence au Kénya "(1)
Les différentes IfJases de l'évolution œgptive de cette :inBge cœz N' gug:i. correspond
à ffi propre nutation idéologiqœ, à la clarification natérielle des contours réels du nouveau p0u-
voir œ avec Uhuru.
L'évolution de N' gugi suitle ochéIIB suivant
INIEREr = RACE
BIEN
= OOIR
MAL
=~
JX)lIr se nuer en :
:INn'REI' = ClASSE
IillN
= ClASSE aNRIERE ET MASSES PAYSANNES
MAL
= CAPITALIS.M« ET PEITIE JUJnDISIE NATICl'WE
..................................................................................................
0) KJ:J..J, op.cit. P. 87

Elle se situe dans l'optique de la lutte des classes qui oppose désoIllBis au Kénya les nasses
paysannes, les ouvriers, les IEtriotes conséquents, à la classe des daninateurs représentée rer
les nouveaux dirigeants et leurs alliés de la haute finance :internationale.
Arrêté, jugé pour cause d':intel1igeoce avec l'insurrection populaire, Kenyatta renie la
patenùté du I1Duvaœnt. Le programœ de l' tmion Africaire du Kénya (KAU) dont i l prit la tête
à sa1 retour de Grande Bretagne, visait cependant la
lutte pour le retour des terres aliénées, le
pouvoir à la najorité noire. libéré à l'approcœ de l':i.rxIé~, Kenyatta prit la direction
de KANU et travailla au renforcaœnt des :intérêts des colons, à la consolidation de la politique
du Gouvernaœnt en natière du syt:àœ foncier et des ricœsses induœnt acquises.
L'orientation du courant de la canprarri..ssio se renforce à l' indé~ ; elle favorise
l'éfœrgeoce d'une bourgeoisie canpradore.
La redistribution des terres tant attendue, l'instauration d'ID véritable pouvoir populaire,
ooocieux du bien-être éconanique et social de la najorité se IIIll:!nt en une jtmgle favorable aux plus
ricœs.
N' gugi affinœ que Kenyatta a recentré les idéaux du JaIPle Kényan dans un sens négatif.
" Avant 1965, les enœmis I1Drtels du Kénya étaient les colons britanniques et les défenseur~
Kényans ••• (le IIDti) KANU les a canœttus dureœnt et les a défaits de mmière retentis-
sante. fuis, ils se sont regroupés et ont IIBliciew:aœnt rejo:int le KANU avec la
bénédiction de l'assent:iIœnt de Kenyatta et, lent:aœnt, ils ont retourné le KANU contre
ses fondateurs et ses militants, ils les ont tués, anpri.soIm§s••• En all:ianœ avec les

- 161 -
intérêts étrangers et la clique Kenyatta, ils ont 8SS3ssiné l'esprit militant du KANU " .(-1)
Au cours de sa lente naturation JX)litiqœ et idéologique, N'gugi rejoint l':imœnse najorité
des Kényans, désabusés, tr~, et qui se réveillent JX>lll" se pœer la question de savoir,
" œ est la terre ? œ est la oourriture ? œ sont les écoles? (l)b,J
A l'avèŒrœnt de Uhuru, cette foule réjouie d'esp.Jir JX)Ur des lendaœins IœilleùrS,
avait IXJl]rtant pris la rue.
Hames et fernes,
" Oantant. Ils ont applaudi Jœn.••Ils ont milimgé les chants de Noël avec les
chants et danses exécutés pendant les rites d'initiation .•• "(2)
L' écrivain, l'idéologue, le nmxiste N' gugi. justifie l':inage décroissant.ede Jœn Kenyatta
Jm" la trahison de la ligœ directrice sur la 00se de laquelle les nasses JX)pu1aires l'ont ooutenu,
défendu et protégé. i l a trahi. caa::iemœnt la cause du p:!I.1ple en prêchant aux nasses JX)pu1aires
que :
" le t:emIs était veIU1 d'oublier le JESSé. le; geœ ont dO avoir été des gprdes-chiourœs, ou
des capita, ils ont da avoir été tous détenu ou avoir pris le naquis, nais ils étaient
ne..
tous des frères et des soeurs et il" devrait pas avoir de vengeance" (3)
(~,,;;:~~~:;;;~
.
(2) ibid, P. 177
(3) KENYATTA, Jœn, Suffering Wit:lx>ut Bitt~, Fast African PubliBhing Hause, Nairobi. 1968.P.147

1
il
!
Kenyatta a eocouragé, favorisé, souterru la classe rourgeoisie naissante, les idffiux 1x:lurgeois, or
" Iarière la revendication des nationalistes OOm-geois de sauvegarder le caractère national
••• 32 cacœ tmiquaœnt le désir des classes daninantes de IXJUvoir cœtinuer à affinœr
les vertus de S2igœurs et de continuer à attribœr au prolétariat les vices des esclaves,
la DDdestie, la OOl.IIIission...c'est~ IIBinterrlr le statu qoo éconani.que et JX)litique,
la propriété privée capitaliste et l'Etat 1:x:lurgeois " (1)
Jaro Kenyatta, noralaœnt, JX)litique, idéalogiqUE!œnt, a dégéœré, au regard de l'aœ1yse
narxiste qu'adopte N'gugi. Au début de la lutte, i l affinrnit que :
" aux yeux des Gikuyu, la OOl.IIIission à un IXJUvoir de5JX>tique de n'inIJX)rte quel individu
JaIticulier ou quelconque grou~, b1aoc ou mir, est la plus grand~~tionsà
l'égprd de l'espèce lnmriœ " (2)
Après l' avènaœnt de Uhuru, Jaro Kenyatta a constitué la courroie de t:ransnission sih-e
des forces OOstiles aux intérêts des nasses p:>pulaires • Il a oublié que :
" dans les relations d' lxmœ à l'x:mqe}e pis qui JIDsse arri.ver à l'un est de 32 voir à
la diserétiœ de l'autre "(3).
..
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(1) StresS2r, Otto, Op~ Sito_:p:'.97
, •
_
(2) Kenyatta, Jaro, Fflcing fumt Kénya, op.dt. P.I96
(3)Roosseau, Jean-Jacques, Di.ocours sur l'origiœ et les fondaœnts de l'inégalité p:mni. les Hcmœs
Paris, ed. Gallinard, coll. "les idées" 1965. P.110

- 163-
I.e caractère cru, abrupt du langage JX)ur {ID"ler de Kenyatta, du KANU, des dirigeants Kényans,
nnntre dans ses dernières œuvres son indignation et SOi répulsion vis-à-vis d' individus qui ont
ouvertaœnt trahi la cause JX)ur laquelle beaucoup de gens ont IEYés de leurs vies.
Vu SOUS l'angle idéologiqœ, Kenyatta app:rraît canœ :
" • •• un l'bise qui avait été appelé {ID" l' histoire JX)ur conduire son peuple vers la terre prarri.se
de la non-exploitation, de la oon-repression••• qui a fini JEr se rendre aux autorités coloniales,
aux gardes et aux traîtres ; qui a fini en se faismt décrire {ID" la rourgeoisie britanniqœ canœ
étant leur Jœilleur ami en Afriqœ ••.i l JX)uvait être un I.enine, un Mm Tse Totmg ou un Ho au Min
nBis i l a préféré être un Oriang Kai-<llek, un Park Onmg Hee, ou un Pinocœt ••• se réchauffant dans
la gratitude réactionnaire des exploiteurs et des oppresseurs euro-arIÉricains au lieu de l' applatJ<iiEr
saœnt titanesqœ du peuple Kényan ••• "(1)
Kenyatta a historiqœœnt suivi la vois classiqœ des leaders qui ont trahis la cause de
leur peuples. Frabtz Fanon a procédé à leur radisocopie génércùe. Ses analyses percutantes se cadrent
avec l t évolution de Jam Kenyatta :
tl
le peuple qui, des années durant ••• de loin, dans une sotre de rêve a suivi les détêlés du
leader avec la }Xli.ssaoce coloniale, spontari!œnt fait confiaoce à ce IEtriote••.Mris au
lendaIBin de l t indépendaœ.e, loin d'incarner •.• le leader est objectivaœnt le défenseur
acharné, des intérêts aujourd ' hui conjugués de la oourgeoisie nationale et des ex-carq:Egnies
colotJiales "(1)
................................................................................................................................................................................................
(2) Frantz, Fanon, op.cit. P.100
(1) D op.cit. FP. 162-3

- 164-
La t:rah.iron de Jaro Kenyatta, selon N'gugi, s'i.ncai-t dans la logique de la dure lutte de la cl.asge
ouvrière, lutte saœe d'embOChes, de défections et de ~ à taus les niveaux. POI.rr lui,
" fu oouveau..•1aluta continua !"
et i l est plutôt tarq:6 JOl.II" que :
" ••• les intellectuels kényans et toute la jamesse progressive, les étudiants, les dignitaires
des égl.:iBes, les travailleurs reprenœnt l'appel de Kariuiki., qu'ils dénoncent résoluœnt et
qu'ils se œttent cœtre toutes les forces éconarriques, {X)1itiques et oùturelles qui candarrœnt
ootre peuple aux salaires de misère, au lŒlIl<J.lE de terre, de toit, de vêtaœnts -et d'école.?,
des forces qui nous vendent à l' ~ euro-am§ricain et ja"(X)ll8is" (1)
La défaite du colon:ial:isœ reste IUJr N'gugi, uœ étape dans la narcœ vers la victoire de la
cl.asge oovrière. A l'adresse de cette classe, i l oouscrirait au rressage d'A:im§ Césaire, pour la lutte
finale:
" donc, canmade, te seront enœmis, de lŒlnière haute, ltcide et conséquente, oon seulaœnt
les gouverœurs sadiques et préfets tortiormaires"
oon seulaœnt colons f1age1ants et
hmquiers goulus, oon seulaœnt nacroteUI'S {X)1iticiens .l.ècŒ--c:œques et DBgistrats aux ordres,
OBis parei1laœnt et au nêœ titre ••• tous ceux qui - jooant leur rôle dans la oordide
divisicn du travail JXJllr la défense de la oociété occidentale et lxxrrgeoise - tentent ••• de
désagréger les forces du progrès ••• Tous supp')ts du capit:alisœ••• tous redevables désomais
de 1 ' agressivité révolutiormaire"(2) •
......................................:.
.
(1) WIP op.cit. P.92
(2) Cksaire, A:im§, op.cit. W.31-32

-lOJ -
~1
1
!
Force de négation dans la oociété Kényane de la ~ode jX&-indé~, Jœn Kenyatta,
le jour de la proclarmtion de l' indépeOOanœ du Kénya, dans s->o discours est resté nuet sur :
" les gens qui avaient sacrifié leurs vies dans la lutte, les c:anlattants de la forêt et
des ~ .•• {EI"œ que cela arrange les ambitions des JX)liticiens véreux }X)lII" détourner
nos IEUPles des vrais objectifs de liberté ..• ]}:ms le Kénya indé{Blldant, de vieilles
attitudes coloniales ohservées cootre la lutte aIllÉe {E"Siste, et cette lutte Iœllée p:rr
Iaian KinBthi n'a JES eocore été recotlfR.E et oonorée canœ tn1 tournant dans l'avaoce vers
lhuru"Cl) •
N' gugi ~ que sa oort doit donner lieu à t.me sérieuse réflexion, une sérieuse
réé'valutation de l'histoire politique du Kénya car le JESSé explique le présent et le présent doit
servir à préJErer l'avenir. C'est tn1 choix. C'est t.me option qui s' imJX)se }X)lII" que l' 00 puisse dire
à la classe ouvrière, aux 1IBSgeS IaYsannes éprouvées,
" Pardonne nègre lIDI1 peuple,
Pardonne lIDfl cœur étroit,
les victoires retardées , l'~ aŒmdonnée,
Patieoce le carnaval est IlDrt,
J'aigu:i.re l'ourag;m pour les sillons futurs
Pour toi nous referons Gh✠et Tan!:xJuctou ... " (2)
..................................................................................................
(1) Oginga, Cllinga, Not Yet Uhuru, œinerErm., 1967. PP. 253-4
(2) DrCP, ravid, Coup de Pilon, œinerErm., 1975, P. 34

- H:tl -
CHAPITRE VI
- N'GUGI, L'HOMME, SA VISION DU MONDE
IlL
Inq:osaante peroonnalité de l'Afrique post-indé{a1danœ, {X)rte~ de~ lutte pour
la libération totale de l'lxmœ, N' gugi. \\-B Thiong'0 a inscrit l'afrique de l'EST de lIBtlière
qœlitative au p:ilimrès de la littérature africaiœ.
Issu des milieux IBysans Gikuyu, fils d'lm tx:mœ à qui la loi britannique de 1915
~.-reglaœntant les damines fOIriers a arraché sa terre dans les ''High-lands'', N' gugi reste att:acœ
à ces milieux. l i a vécu dans sa chair la tragédie du Kénya colonial, le Kénya de l'Etat d'urgeoce.
la s:mœ de ces expérieoces Ihysique, intiJœ, ISYcOOlogique, constitue la toile de forxl de
ses œuvres et fonœ la cœsist:aoce de sa peroonnalité et de SJI1 nni-intiJœ. Il reconnait que
" les livres d 'lm écrivain sont autobiogra}iri.ques, c'est à dire, ses écrits sur SJI1
expérience :inItliliate " (1)
Parlant de lui4Iêœ, il adnet que les contes, les pièces de t:.œatre
" foment lIIIl autobiogrcqtrl.e créative des douze dernières ~ et tOl.rlalt aux idées, aux
huœurs qui m'ont affecté pendant la n✠période. Mes écrits sont réellaœnt ~ tentative
pour ne canprendre nni""1Iêœ, et rra situation en société et dans l'histoire"(2)
•...•...................
...
~ •••...•....•. ~ .....•.....•••.•....••....••..................•..•..•.. ~
, (1) Leeds University Union Ne\\..s, 18 Novanbre 1966
(2) 1œ Ykek1y Review, Nairobi, 9 janvier 1978. P. 10

- 167-
Faits et fiction 92 rcoupent dans ses oeuvres. llms Weep not, Orild, Ngot.OO ap{EI"ait oous les
traits de oon propre père, dépossédé de ses terres. Son engagaœnt pour la eatJ.':E des IIBSSeS JEYsannes
et les ouvriers ne découle lBS d'un quelcœque académi.sre aœtrait, fonœL C'est un acte de foi,
de conviction politique)idéologique. Acte destiné à faire opérer des changaœnts dans la oociété, à
rétablir la persorma1ité écrasée des JEYs:ms et des ouvriers.
Le caractère conséquent de sa foi pourrait être daté à prrtir de 1970, armée 00, s'adressant
à la cinqui~ 4ssanblée générale de l'Egl.i.s:! Presbytérienne de l'Afrique de l'EST, à Nairobi, il
affinm avec force vigueur qu'il n'était JES chrétien,
" Il avait à peiœ t:erm:in§ son rœssage qU'lm vieillard sec, visiblaœnt bouillant de colère
OOndit à la tribuœ, et brandissant sa canœ vers l'assistaoce sur un ton de 1œIlaœ, conseil-
la à l ' interlocuteur de demmder :iIIIœdiataœnt le reIa'ltir JEr la prière. Le vieillard ne
IIEI1qtB lBS d'ajouter, IXWtuémire, qu'en dépit de oon JErjure lx>nteux et de son blasphàœ,
l'interlocuteur était chrétien et son préoon en était la preuve••• "cette" contradiction
•••le toocha•••et le IDI1 Jaœs, c:anre une anamlie nalencontreuse, - devait saut@r".(l)
la vision du nmde de N'gugi. s'appuie sur son envi.ronraœnt :iJIIœdiat, le Kénya, puis
l'Afrique et le nnnde entier, l'hurnnité entière. Elle vi92 la libération du Kénya, de l'Afrique
la libération des JEysan5, des ouvriers du Kénya, de l'Afrique, du lIDnde entier•
....... .. .. .. .. .... .. .... .. .. .. .. .. .. .... .. .. .. .. .... .. .. .. .. .. ...... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
(1) KM, op.cit.P.X

- 168-
Cette libération totale est oous-tendue p:rr la lutte effective des J:elPles opprinés. l i {8lSe
que,
"I.e l'lm-M,lU avait été à la fois lID m::>Uvaœnt ~que et très efficace dans la lutte pour la liœ-
ration Gikuyu, la libération Kénayœ et africaire" (1)
lB lilxkation totale de l'tome blaoc, jauœ,ooir vient de l'tmité des txmœs libres, l'avè-
narent d'lID tmivers déOOJassé d'oppresseurs et d'exploiteurs, d'une }BIt , et d'exploités,
d'opprim§s, d'autre }BIt. I.e capitalisœ qui est la source de division, d'inégalités doit être
détruit car i l
" œ peut être géré sur une tase autre que le vol, la corruption. lB situation est pire dans un
capita1isœ dépendant came c'est le cas au Kénya et }BItout ailleurs"(2)
N'gugi.. JnIrSUÎ.t sa ~te IX>litique et idéologique qui vise la totaklibération de l'lxmœ suivan
des priocipes stricts qui guident son action.
Son esprit d' i.OOé~, son fraoc-Im"1er l'ooèœ à se daœttre de son JnSte de professeur à
l'Université de Nairobi, en 1969. l i a vo1ontairaœnt suspendu ses études tmiversitaires pour se
coosacrer ent.:i.èraœnt à la littérature qu'il privilégie came outil de défense de ses idéaux.
sm fraoc-Im"ler s'exerœ dans tous les ch:Jnps d'activité, dans ses oœervaticns, ses IX>ints de
vœ sur des situations précises. Son séjour en Anérique en 1966 lui a donné l'occasion de se
PI'OIlOOCer sans équivaque sur la société élTIéricaire où la rn:i..sère côtoie l' aOOndaoce ,
....................................................................................................
(1) WIP, op.cit. P.84
(2) ibid,

-169 -
!i,
li
" J'étais :impressiormé par le progrès natériel véritable. Mlls, dans les ID:!S de New York,
1
1
l'une des villes les plus riches du ronde, j'ai trouvé des IœI1diants ramp:mt dans les ID:!S
et des gens qui n'avaient aucun endroit {XllJr donrrir. Je wr pouvais JES le erofre. Aussitôt
ce progrès vous dégoOtait •.• le Noir en AIœriqœ a été exploité pendant plus de trois cents
ans et cependant
les gens essaient eocore et expliquent la race CŒJœ un ~ {SYclDlo-
giqœ. C'est sOraœnt l'aspect éconarri.qœ de la race qui est de grande :i.rrqx>rtanœ. La
cœm.manté mire en AIœriqœ fait partie de la classe ouvrière exploitée ..• "(1)
Eveilleur des COl'lS::ierœs, N'gugi, à la limite pro~te, a mis en pprde l'élite kényane
contre les dangers de la corruption, à la veille de l'indépendance, canœ \\\\bl~ Soyinka, dans
A rance of t:hi:! Forest damnde aux tribus rassanblées {XllJr renaître dans une rouvelle ration de faire
leur exaœn de COl'lS::ieoce devant déboo:::œr sur des résolutions précises de nanière à éviter à la
nouvelle ration une tragédie du genre du Célllioo
" •••construit ••• ({XllJr) transporter quarante Ja"OOnnes••• l'un••• des cannis toucha un JX)t de
vin•••et chmgea la caIBdté à ooiJŒmte dix••• il se renverse ••• des ooixante-dix JE"00IlœS à
bord, cinq seulaœnt s'en oortlrent •.• (2)
Il VOI.XIrait qœ cette élitè, avant l'avèœJœnt de l'indépendance, puisse se prononcer ouverte-
IIBlt sur la rature de la Fooction Publiqœ,
" l'africanisation est nainteœnt en voie d' éxécution rapide, et la question surgit:
l'Africain du Kénya va-t-il Mtir une Fooction Publiqœ imbue d'intégrité et d'hormêteté ou
quelqœ cln>e qui serait entae::h€>e de corruption et de ..nB1versation ?(3)
..............................................................................................................................................................................................
(1) I.eeds Urùversity Urùon News, op.cit. PP.ID-IV of t:hi:! supplaœnt
(2)~ , \\\\blé, Collected Plays 1, Oxford university Press, P. 18
'~ (3) Sunday Nation N°nS, 27 MAI 1%2 , P.31

-1/U -
Ibns sa quête, certains JX)ints forts app:rra:i.ssent ccmœ éléœnts oolides sur lesquels le
ITJ)Uvaœnt de libération de l'Afrique, la libération des IEYsans et des ouvriers peut s'appuyer pour
nener sa lutte :
I - N' gugi, le Kénya, le r1Jnde
1 - L'histoire: facteur de réhabilitation du Peuple.
N' gugi accorde ~ place de prédilection à l'histoire ccmœ outil de conscientisation du
peuple. L'histoire doit lui penœttre de ~ ress3isir,de s'évaluer dans sa lutte pour sa libération
et l'intégrité africaine.
Pour N'gugi, la danination du Kénya, la darrination de l'Afrique a été rendue {XSSible, pour une
large IErt, JEr la perte du fil conducteur de l' histoire car :
" l' histoire est très :iJnJX)rtante IXJUl" n':iJnJX)rte quel peuple, la lIEIli..ère dont rous appréhendons
rotre JESSé est très :iJnJX)rtante IXJUl" déterntiner rotre façon de voir et d'évaluer le présent.
Notre histoire, jusqu' à présent a été faussée JEr les œsoins culturels de l'Impériali..sœ
••• Mrintenant, je sens que les écrivains, intellectuels, historiens, JX)litologues du
Kénya ~i~ctW; ~valœr correctaœnt les réussites du peuple kényan, dans le JESSé, dans
le préœnt, et, en rrêœ t:aIJIlS, faire ~ leur JX)tentialité créatrice dans le
:futur" • (l)
..................................................................................................
(1) 'Iœ Weekly Review, Nairobi, 9 Janvier 1978. P.10

-
171
-
Ses oeuvres, JBtianœnt,,,=~l'histoire du contiœnt mir, histoire lo~ niée,
rréprisée. N'gugi interroge à la fois, l'histoire collective des peuples, les recherches historiques
rœnées sur le terrain et oouhaite viveœnt l' about.issaœnt des travaux de fouilles archéologiques
rœnées au Kénya ,
" les résultats des :recŒrcœs relatifs aux récentes découvertes archéologiques à I1nDrog peuvent
bien renforcer les théories d'Ogot, t1rruiki., \\okre, O:lùeng coocemant les origiœs et les nouveœnts
des IX>IWations kényanes. Ils peuvent nous dire si le fleuve est celui qui a fait l'objet de
référeoce dans l'fuie antique ou les littératures sacrées égyptienœs•.• i l ya beaucoup de
questions relatives à mtre histoire qui restent sans réIX>IJSe8 .•.où étaient IErtis les peuples
Kényans qui carrœrs=aï-ent avec la Qriœ, l'Inde, l'Arabie ? ..• que devierment leurs pranières
réalisations en natière de prodoction qui avaient armuellaœnt attiré des visiteurs de la Qriœ
et de l'Inde antiques ?"(1)
Lès fOu::i..l1.es archéologiques kényaœs revêtent tme grande ÏIIJIXlrtarK:e dans la rœsure où
" le tout prarrier lxmœ, le père de tous les lxmœs sur terre, est censé être né au Kénya •••
Lac Turkaœ••• (2)
i l rejoint la pensée qui affinœ IEI" recurrence que ,
" l'histoire c'est l'lxmœ, toujours l'h<:nnE, et ses admirables efforts. L'histoire du conti-
œnt africain, si elle est sincère et droite, œ peut3~ooocœr sur les hanœs à la fois,
sur tous les peuples à la fois, sur le ronde entier". (3)
..................................................................................................
(1) Fœ, op.cit. P.67
(2) ibid
(3) KI ZEROO, Joseph, op.cit. préface

- 172-
1
N' gugi ooutient que lIB1gré les ~tions :irnpér:i4l.istes, des traces iOOélébiles de l'histoire
de l'Afrique s'imposent,
" des nmques et des IlIXlt.IIeIlts qui. furent I~IœrVei.ll~des t:elJIls •••EID1>te,Ethiopie, M::>nœntap:i
Z:imlabo.é, TanIx:>uctou, Hrlti, Mùindi, Ghana, Mlii, Songh:ri " (1)
[es IlCJlB glorieux de neœurs d'txmœs, de lBt.i.sgeurs d'anpires s':iJnIxEent égalaœnt,
" •••00000, Toussaint. ••Sanory•••Nat Turœr•••Cabral ••• (2)
N' gugi ne vire JES dans sa ~ à dormer vie à une ~ire figée, tn1 InSSé &:tlérosé.
Il re.cŒrche la restatrration des faits et d'actions g~teurs de créativité et d'inventivité
dynamique JX)\\.Ir faire progresser la nouvelle oociété africaine,
"
nous ne devons JES préserver notre JESSé came lm IlU'5ée.: nous devons plutôt l'étudier de
\\c.!I
nmri.ère critique, sans illusions, et voir quelles leçons nous JXlUVons en tirer dans"lataille présen~
/
du futur et du rraœnt " (3)
N'gugi rejoint là le courant scientifique de l'Histoire des hcmœs. Il rejoint l'historien
engagé, JXJUr qui. ,
" la vérité historique, but de la rieoce du JESSé hurnin, n'est JES recherchée IXXJr
"blesser" ; on n'a JES non plus à la cac.œr JX)1E plaire. C'est une tâcœ vitale.••de situer le
passé humin de l'Afrique dans sa véritable ~tive et de l'enseigner sans restrictiœ, sans
cooc.essiœ d'aucune sorte. Sinon, nous refuserions tout sens à cet htllBIlisre élargi qui. s'impœera
~ttn1" (4)
.)OCo\\.("
...................................................................................................
, 0) Fœ, op.cit. P.100
(2) ibid ffl 136 -7
(3) ibid
(4) Obenga, Tœo(iri.le, op.dt. P. XV

-
173 -
L'lùstoire de l'Afrique, déOOrrassée des préjugés :impéri.a1i.ste, est coodcmnée à reprendre Sl
place dans le chaînon de la longue et exaltante lùstoire de l'hllTBIÙté, avec ~ anbres et ~
faiblesses ; elle doit redevenir l'Histoire, avec toutes ~ exigences ; pour N' gugi., elle œ sera
plus janais, avec l'avèœlœnt de Uhuru,
" ••• 1'lùstoire qu'on enseigne à Bruxelles, à Paris, W3sh.ington ou aux Natioos Unies, oBis celle
qu'on enreigœra dans les IllYS affranchis du colonia.1isœ et de ~ fant.oeœs •••elle sera,
au Nord et au Sud du Saœra uœ lùstoire de gloire et de dignité ... (1)
......................................................................................................................................................................
(1) VAN Lierde, Jan, la Pensée politique de Patrice l1.nunŒi, ed. erisp. Bruxelles. 1<X>2.P.389

---------------------------~--~-~ --------------
,
._-----
- 174-
2°) N'GlGI : Artisan de l'Etat unitaire et du JEŒlfricanisœ
" Fn Afriqœ Noire, construction nationale et construction d'Etat ont été et sont, fXJUl" le
rouvaœnt de libération, deux t:âcœs canpléœntaires. C' ffit JEr l'Etat qœ naît la œtion
..•Cet Etat ffit le rarqmt de la œtion contre l'agression - idéologiqœ, éconani.qœ,
militaire - des puiEsaoces étrangères ." (1)
les grands OOuleversaœnts qœ l' Afriqœ a ~canœ conséqœoces IIBtérielles de la
conférence de Ferlin ont, p:rrallèlaœnt à l'exploitation du contiœnt mir, généré des Etats rodernes
dans les limites territoriales des anciennes colonies. Constitués au déIffi1: sur des 00ses étrangères
aux intérêts des {alPles, ces Etat sont devenus ses structures indispensables fXJUl" l'intégration
nationale, {Xllitiqœ, éconarriqœ et culturelle des peuples africains et de l'Afriqœ entière.
N' gugi oouocrit à la COI1OOlidation et à la IIBtérialisation effective de ces Etats en
général, l'Etat Kényan en JEIticulier. l i ffit opposé à toute fonœ de provllriali.sœ ou de régiona-
li.sœ. Tout <:aIIIE lJ.m.ml:a, N' gugi n'a cessé inlassablaœnt de
" lutter {XlUI" la constitution d' lm Etat central puissant, contre toute "séJmâtion", contre
toute cœstnx:tion IX>litiqœ re{XXXlJ1t sur la seule identité etlmiqœ•••Etat trarftlmiqœ,
unitaire "(2)
la pluIffi1: des oeuvres de N'gugi s'élèvent contre toute fonœ d'obstacles qui ,oœtruent
la fOIllBtion et.la COI1OOlidation de l'Etat Kényan, de l'Etat Africain. Ces obstac1es se IIBnifestent
p:lr le tril:al.i.sœ, les coutures sectaires, opposées à de grands desseins unitaires. Pour lui, la
..................................................................................................
(1) ZIEl:llR, Jean, Retourœz les fusils, édit. du seuil 1<;6) et 1<l31 W. 1~ / 153
(2) ZŒGl..ER, Jean, op.dt. P.117

- 175 -
devise de l'intellectuel engagé doit être ,
" je suis venu
JX)UI" briser la Tribu et la coutuœ " (1)
A \\ID nment dormé de oon histoire, le Kénya a oouffert - ou oouffre - du nB1 tril:aJ.iste et
N'gugi le stigmtise amœ facteur retardant l'avèŒ!œnt de la vraie liœrté,
" Au Kénya, i l n'y a }XIS::ain5Ïréelleœnt de ~ption de~Nation.
L'on est toujours Kikuyu, Luo, Nandi, Asiatiqœ ou Européen. Je crois qœ ce fait diminue ootre
force et ootre IXJUVoir créatif ... uœ nation kényaœ ••• sera ure as9Xiation, oon de différentes
entités trilales, 11Bis d'individus, libres de gravir au plus haut OOlllEt de leurs potentialités
créatives" (2)
N' gugi condanne le triŒùisœ, Buganda qui ~ ou gêœ la constitution de la nation
ougprxIa:iBe, i l dénonce 53 nnnarchie qui crotre carre toute tentative d'intégration nationale.
Il œ prooonœ JX)UI" l'intégration des trois Etats de l'Afriqœ de l ':EST en ure fédération, avec en
.vŒ,-la conStitution des Etats - Unis d'Afriqœ car, S21on,
"
les IBYS afriœins n'ont lES le cOOix. Ils doivent, ooit s'tmir, ooit individœllarent,
oonbrer daŒ; l' ohscurantisœ ou l'insignifiance sur la ocèœ nnndiale.
L'tIDité Panafricaine amœ JX)Sition stratégique JX)UI" la lBtai1le de la IBix nnndiale
devrait transcender les peroonnes ou les oouveraiœtés nationales (3)
JlA
Il œ range"côté du fervent adepte du Panafricanisœ, KwaJll§ Nkruœh, qui notait
..""..""
..
~
" " ." "
" " ." " " " " " " " " " ." " "
" " " " " " " " " " " " "
(1) 'Illli, op.cit.P. 76
(2:x:mt, fuvid and <lœninkpe, Michael, op.dt.F'P 22/23
(1) Ibily Nation, N°l84 - 22 œptanbre 1963 ) P. 14

-
176 -
" A la façon dont les :finœs étrangères sont imbriquées, les orgaœs de direction, les action-
naires et les autres gestiormaires, les grou~ fomés JE!" les différentes cOIJIEgIlies
coostitlElt en fait tID 9:!lÙ. et énonœ capital JIDOOpoliste. Pour nous, le 9:!lÙ. nnyen
de détruire cet anpire éccn:miqœ est de rentrer en pœsession de mtre œritage est d'agir
à l' écŒlle IEclricaiœ au nnyen d' tID gouvernaœnt continental" (1)
Les oeuvres de N'gugi déferrlent l'idOOl JXIDafricain sortSl'angle narxiste, idOOl viabilisé
JE!" l'intégration nationale Kényane, incorporée dans l'ensanble sous régionale est-africain. la
lutte des lŒISSes IEys:mœ5 et de la ~ ouvrière qui s'organise autour des idéaux de ~, ne
prenant en canpte ni app:lrtenaoce tribale, etlmique, ni considération confessionnelle, doit aboutir
néœssai raœnt au renversaœnt du capita1i.sœ, à l' érœrgen:e d' tID Etat traœéthnique, socialiste,
JE!" esseoce.
Le Kénya, libre, socialiste, doit être forcélœnt intégré au reste du continent africain pour renforce
l'unité africaine constituée sur les lEses d'intérêts véritables des IaIPles mirs et faire é<:::h2c
à l'unité organique :impéri.aliste, facteur d'exploitation et de vexation. Fervent défenseur des
idéaux du p:mafricanisœ,
N'gugi J8lSe que entre les rouveaux dirigeants du Kénya, les IEtrons
du KANU, entre ,
" les gouvenaœnts africains résolurent engagés dans la lutte anti-impérialiste et les
gouveID3œnts fant:ocl'e>, les gouvernaœnts - p:mtins, les gouvernaœnts narionnettes,
irraœdiablaœnt voués à la défense des intérêts rm-colonialistes , aoctID canprarris
n'est {XlSSible••• L'tmification réelle de l'Afrique suppose au préalable l'élimination
des états fant:ocl'e>" (2)
..................................................................................................
0) N'KRU1AH K~, Néo-colonia.lisn - Tœ last stage of :impéria.lisn, london, Nelson, 1965
(2) 1UINIrnDJI, Paulin, op.cit. P.185

.LII
N' gugi reste convaiocu qœ cette t.âc:œ iocanbe aux lIBS'3eS IBysaIlœS et la classe ouvrière
dépœsédées de leur victoire contre le colonia.lisœ. Les d&lx corps oociaux oont condarmés à
s'organiser à s'inter-pénétrer JXXIr é1a1:x:>rer une stratégie effjrote de lutte camune ; ils
doivent devenir la COIlEd.eoce collective de tous ceux qui se cœrcœnt eocore dans la rnri.t
ceux qui constituent le front du refus au triœJ..isœ, à la division, à la ~tion de l'Afriqœ

-l~-
3°) N' gugi. - I.e peuple -
sa culture.
I.e bJt ultiJœ de la liMration du Kénya, de l'Afrique est en définitive la récorri1iation
de l'lxmœ kényan, de l'lxmœ africain avec lui"""1Iêre, avec sa pers:>nnalité retrouvée. C'est la
récorriliatioo avec sa culture,avec la 1angœ.
C'est aussi la récorriliatioo de l'artiste. de l'écrivain Kényan et Africain avec oon milieu, sa
1angœ •
L'affinmtioo de roi, la
r€COfXluête de oon identité culturelle perdue JRSSE! p9r les rapports
nouveaux, int:iIœs, avec les chants, les proverbes, les contes et légendes populaires. Ils constituent
les fonds d'archives populaires des faits et gestes h:ïstoqqoos_de la société entière, à 1':inBge
d'Ilnnrog, dans Petals of Blood , 11nDrog, contrée-nmt~,chantée p9r la vieille Nyakinyua qui
" chanta les deux années de pluies rranquantes.•• de l'exode vers la ville " (1)
La rec:aquête des valeurs culturelles poIlliaires est d'uœ nécesSité vitale pour N'gugi; les
Kényans, les Africains, dans les oo:.iétés précolooiale avaient uœ :inBge positive d'eux IIÊIœ; les
,
éléœnts identificatoires étaient intrinsèques leurs cultures
.
I.e canplexe d'infériorité. l'auto-perœptioo négative se oont :impœés dans leur incora:ient au
cootact des valeurs occidentales.
L'aliénatioo culturelle. seloo N'gugi, a fait l:mocoup de torts et œaucoup de danœges au Kénya, à
l'Afrique entière. I.e nnœnt est venu de retourœr aux valeurs populaires de la dynamiser pour
renouer avec l'intimité culturelle altérée pgr l'école colooiale. i l a prêté tme attention ooutenue
aux épo~, aux généalogies et aux nanbreux faits mytlx>logiques provenant des traditions populaires;
i l a recœilli avec minutie les contes, légeOOes • proverbes, pour constituer le OOlll:asc3aœnt de
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • III • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
0) IŒ. op.dt; P.265

-
179-
sa fiction raœœsque.
I.e souci de recréer IOur la canpréhension du ISlple le cadre du ooulèvaœnt MAu-M:lU et d'applaudir
son esprit d'action de llBSSe ; de proc1aœr les droits inviolables des travailleurs et des {aYsans
Kényans à jouir des fruits de leur sueur, la same de tous ces facteurs l'ont aœné en 1977, à ronpre
avec l'anglais, la tradition littéraire européerlf\\e..
I~
La co-publication de Ngaahika Ndeenda, oeuvre écrite directaœnt en G:ikuyu, DBrque tm tournant décisif 1;
1
dans la naturation IOlitique et idéologique de N' gugi.
1[,
li:
" Cette toute dernière dénnnstration de son engagaœnt actif lui a valu tme ~ d' iocarcéra-
tion " (l)
L'élan de s'expriIrer dans la langue du ISlple était déjà perceptible dans \\okep rot,Qrlld,
publié en 1%4. N'gugi Y fit tme cooc.ession Îl1lJX>rtante J8r l'iocorlX)ration des rotes IOur expliquer
le sens des rots Gikuyu et SW3hi1.i, utilisé dans le ramn. Avec PetaIs of Blood, t.ransJm"aÎt
clairaœnt le désir ardent d'écrire directaœnt dans la langue du peuple. Les rots d'origine
Gikuyu, sont anployés sans rote explicaitve. Avec 'Ire Trial of Ia.ian KinBthi, PetaIs of Blood,
renfenœ uœ :ÏJDIX>rtante qŒlI1tité de rots Gikuyu.
Ngaah:i1<a Ndeenda, consacre la rupture définitive et le retour à la langue du ISlPle, le
précieux outil J8r lequel ses sentiIœnts, sa senbilité, ses joies, ses misères sont qootidieI'lœ!IEIlt
~, vécus, célébrés, pleurés. La langue est la civilisation elle-tJêœ, c'est elle qui renferrœ
tœte les expériences, la créativité, les fo:nres d'organisation IOlitique, culturelle et éconarrique
d'tm ISlPle.
D3ns les noœnts ronbres de son histoire, sa langue lui sert de naquis pour se protéger
contre l'adversité et se défendre. Les rots de {aSse, les chants .{atriotiques, les 1aœntations
échappent , J8r son canal, à la censure du daninateur. La langue préserve l'âne du peuple de
DBnière suœtantielle•
....................................•..•.........................................•................
0) CXXJ<, llivid, and <lœn:inkpe, MicœaJ., Op;Cit. P.aJ5

-fal-
I.e retour de N'gugi à la langue du IX'!Uple, son militantisœ dans le croix de son JXlblic provient
de l' intiJœ conviction que :
" la littérature canœ procédé de pensée }Xli" les :inBges utilise la langue et prend appui
sur l'expérieoce collective - l'histoire contenue dans cette langue. En écrivant,
l'on doit entendre le c.hochotaœnt, le cri, le pleur, l'éIIIDlIr, la ha:i.œ de plusieurs voix
dans le Jl3SSé et ces voix œ }Xli"leront jaœis à lm écrivain dans tme langue étrangère." (1)
L'écriture, IXXJI' N' gugi, œ JaIt-être détacœe de la ré:ùité oociologiqœ, de l'env:ironœ!œnt
de l'écrivain ,
" néœssairerœnt, l'auteur, l'écrivain, plus }Xll"ticulièraœnt africain, fait JESSeI" }Xli" oon
écriture, oon style, les réalité de son IBYS, et plus préci.saœnt lorsque cet auteur }Xli"le
de son IBYS, il y a des faits, des réceptions psycrologiques, oociologiqœs qui œ ~t
lBS JRSS& autraœnt qu'à travers cette écriture " (2) •
Coocrètaœnt, le p.Jblic Kényan a démJntré son entière adhésion à la nouvelle fonœ de litté-
rature qui s'expriJœ dans sa langue. i l s'y retrouve, s'y découvre plei.naœnt. C'est sa prodoction,
c'est son envi.ronœœnt. Ce sont ses ré:ùités de toos les jours dans la IœSure où N@hika Ndeenda ,
puis plus tard Caitaany t1.rt:Jmaœ-Ini in:orporent dans leur traœ des clEns:Ds, des dars:!s, des
ritœls de la tradition populaire, des cantiqœs chrétiens, des proverbes dans l€Slœls
le
IX'!UPle se retrouve ple:inaœnt came dans sa vie réelle de tous les jours.
N' gugi ténoigœ de la réception faite, à Ngpah:il<a Ndeenda, en disant :
" J'ai vu cament le peuple s'est approprié le texte, en arœliorant la langue, les épioodes,
les IIétaIfures ••.j'ai fait corps avec le IX'!UPle. J'ai IErtagé la redécouverte de leur
œbileté, leur joyeux sentirœnts qu'il pouvait accanplir •••et je pouvais aussi apprécier
la l1BI1ière dont les acteurs cœm.miqœ.ient à leur audience, leur joYe.-~t:iIœnt vis à vis
d'lm nouveau pouvoir ••• " (3)
........................ -
..
(1) Note librairi N° 84 - Juillet-septanbre 1~
P.?
(2) ibid,
(3)-.0 , op.cit. P.78

-181 -
Pour N' gugi, la renaissance du Kénya, de l'Afrique, {ESœ IBI" tm changaœnt radical de onde
de pensée. Le onde de pensée dorme à l 'lY:mœ sa consistance intellectuellE?nDrale.
la littérature , la langue du peuple doivent servir de SUPJX>rt à ce onde de pensée JX>ur créer,
renforcer, l' identité d' ln:! ooci.été, d' tme nation.
L'identité est tm facteur stabilisateur, tm éléœnt capital de progrès, total, intégral, générateur
de déveloPIalBlt, entendu amœ
"
œbilité et caIEcité accrœs plus grande liberté, créativité, auto-discipliœ,responsabilité
et bien-être rmtériel ."(1)
la canpr霜ion de la langue du peuple carrœ facteur de responsabilité et bien-être rmtériel,
source de développaœnt intégral obéît chez N' gugi. à la volonté JX>litiqœ et idéologique de
red<>rnE" au peuple kényan et Africain la place et la pleine responsabilité qui leur revierment
dans l'arène internatiooal. Les langœs africaiœs, la langue Gikuyu , véhiculent des civilisations
qui néritent ~t et cœsidération. N'gugi se lève centre la thèse de l'usage obligatoire d'tme
langœ européerme JX>Ur {X)UVoir JBrticiper à la vie internationale:
" je pense qœ le peuple devrait expriJœr ses aspirations nationales dans les diverses langues
du Kénya, y canpris la prircip:ùe langœ œtionale qui est le S\\oBhili • Mris, toutes les
autres langœs œtionales came le Gikuyu, le Loo, le Giritm, le Kanbi, la M3sai, SJIlt
JBrtie intégrante de ootre culture et rot.f3 devrions mus expr:iJœr pl.ei.œœnt dans ces
langœs œtionales, au lieu de oous exprirœr dans des langœs étrangères amœ l'anglais••• "(2)
..................................................................................................
(1) R<Xiney, Wùter Op.cit. P.9
(2)
kil1.a1r\\, G,D, op.cit. P.16

-
.1.00'. -
.~
i
~t à l'accès exclusif à la vie internationale IEI" le biais obligatoire de langues étrangères,
N' gugi sans équivoque, affinœ que cette thèse fait p:rrtie de l'arsenal de danination culturelle
de l':impér:ialisœ, d'tme IErt, et des tentatives nultifonœs déployées IEI" l'O:cident IXXJr suppri1œr
la langue des autres, la culture des autres,
" la question est de savoir ce qui est international? est sérieœE!œIlt sujet à caution
{EI"œ qu'il y a uœ t:endaoce des :impérialistes, des capitalistes, à coocevoir leur propre
culture canre étant internationale et ce...J.à ioc1ut..leurs langues." (1)
La résistance instioctive de N' gugi. à l'acceptation des tœses oous-tend~ IEI" des considé-
rations daninatrices p:rrtici}X! de oon constant sooci des réhabilitérla culture africaine, la
culture Gikuyu, ri.c:le, iœxplorée, dans beaocoup d'aspects. L'entreprise de réhabilitation ÏI11Jnge
le concours de plusieurs d:iscipliœs IXXJr redonœr vie à des valeurs, à des faits culturels
igoorés. L'un des IXJints saillants de la œgation de l'histoire africaine a été la thèse de la rx:n
existeoce de l'écriture dans les sociétés africaiœs.
Cette t:œse n'a plus cours de nœ jours , car il est prouvé, que l'txmre dans sa longue
évolution, a eu recours à plusieurs nnyens
IXJl1I" téfroigœr, IXJl1I" laisser ses traces.
Panni. ces 1IDyer5, la littérature orale coostitue un outil de prédilection. Cette littérature renfernE
et cooserve les lois qui règlent la vie des Innœs en société, les généalogies des }aIPles, les
faits historiqœs qui œ s:>nt produits tout au long de leur vie.
Les recœrcres historiques auquelles N' gugi oouocrit entièreœnt font IreIltion de l'existence
d'uœ écriture Gikuyu qui :raœnte très loin dans le tanps. Cette découverte donne uœ d:iIœnsi.on
Imticulière aux efforts IXJl1I" restaurer la culture Gikuyu,
..................................................................................................
(1) ibid,

" L'écriture Gicandi . ... consiste en des signes gravés sur une calebasse destinée à
la danse : chaque CJ('&ctère ou s.igne gr,'>.vé aval t un seltS précis et était considéré comme
le titre d'un poème-chant ... A l'époque de la reconnaissance de ce~st~me
graphique par les eurcpéens. c'est 3 dire à partir de 1910, le Gikuyu ne savaient
plus l'origine (moment de l'invention d l'écriture de leurs ancêtres ... ) telles
qu'elles nous sont parvenues, les origines graphiques Gikandi ont combiné i
la
fois le système pictograr.'higue et le système idéologj,que ".
Cl)
La foi de N'gugi dans la culture africaine, la culture Gikuyu. instinctivement,
repose sur des êléments scientifiques qui doivent être renforcés par de profondes
recherches. Il a. lui même, lancé le mouvement de recherche approfondie dan!:.le
domaine de ia littérHtuce. N'gugi a contribué à l'introduction massive de la
littérature africai~e dans le programme d'enseignement de l'Université de NaIrobi.
Implicitemen~, il demande ê to~tes les branches d'enseignements et de recherche,
de se tourner vers la restitution du passé Kényan et Africain et d'oeuvrer dans le
sens de la restauration de l culture populaire, facteur d'équilibre religieux,
psychologique.
L'~pprofondissement des recherches sur l'écriture Gicandi permet. ~ la société
entière. de mesurer l'évolution, lente, sûre de ses hommes à travers leur histoire,
leur gér,ie créateur. Cette ~valuation peut aussi témoigner du degré de destruction
de la dynamique interne des potentialités scientifiques de la sociêtê Gikuyu.
société fortement avancée dans la recherche de l'autosuffisance culturelle,
s~ientifique. morale .
... .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ... .. .. .. .. .. ... .. .. .. .. .. .. .. .. . .. .. .. .. .. ...... .. .. .. .. .. ... .. .. .. .. .. .. .. .. ..... ..,.
.
(1) Obenga, rhéophile, op.cit. P.3Bl - 2

- 184-
l,es oeuvres de N'gugi dans leur ensembi0,
font ressortir le peuple comme ~lêment
dynamique cap~ble d'opérer d'importanss ch~ngements et de provoquer de grands
boulever'sements.
Ses capacités et e'-es potentia.l.i tés peuvent être efficacement
utilisées pour la trensformatio" positive de son environnement. Sa culture est
vitale dans la mobilisation de ses énergies en vue d'un objectif précis. Les
forces coloniales ont a~faibli, combattu, desabilisées la culture Kényane, la
Clilture africaine.
La nouvelle to~~goisie a chosifié cette même cultu~e,
elle l'a
transformée en o~jet folklorique, orienté vers son seul profit.
Il e2t Lemps.
selon N'gugi de revaloriser ces cultures pour permett~e â l'hom-
me Kênyan,
et africain de ressaisir le fil de sa longue histoire pour recréer un
espace physique.
psychologique, religieux propice ~ de gral16es actions.
La cons-
truction d'une n&tion moderne,
la ~atêrialisation de la fêdération des Et&~s de
l'Afrique, l'intégration d'an espace êconomigue solide pour résister aux ~ais
d'ai'in du capitalisme; tous ce;;". nobles idéau;.: ne peuvent devenir réalité que; si
le peuple Kênyan. le2 peuples d'Afrique renaissent â leurs cul~u-
res,
â leurs valeurs intrins~ques, comme lui même, N'gugi redécouvrit sa nouvelle
personnali té avec la. présentation de la piè,:::e de théâtre Ngaahi~!i3.~~~ia. j Guée
ensemble avec les paysans comme acteu~s
:
" Les six mois allant de Juin â NC'lômbre 1977. furent les plus entn~usiast~3
l ,

de ma vie.
'"'
8.].
red~couvert ls nature crêative et le pouvoir d~ travail
lectif"(l)
.......... . ....... . . ...... . ........ .
.
(1) D op.cit. p.135

- 185 -
N'gugi ce~se que nêgliger la cultu~~ du peuple dens le process~s de reconstruc
e,..
tian du Kénya de la période po!:.t-indépendance.
diminurai t 1='" potential! tés créat
Y'ice5des hommes et os femmes de cette sociét:é.
Les individus.
frustrés désabusés.
et tenus pour quantitbs négligeables, tomberaient dans la routine quotidienne de
la lutte quotidienne de la lutte peur la survie matérielle, au détriment de la ré
flexi~n en vue de l'accomplissement d'idèaux plus élevés et collectif. Le peuple
entier ~ombrerait dans la trivialltf, les petits calculs d'intérêts sordides. Il
tournerait irrémédiablement le dos au~ grands iaéaux qui fondentae grandes nation~
pour crier
"'Au diable avec la constru8tion de la ~ation et too grand discours.
Tant que je ~'ai pas d'habits. de nourriture, de logement. de la terre, de
l'emploi. etc .... et ma situation de d~part, pir~ qu'avant, alors, je ne veux pas
entendre parler d'un discourt haut et puiS3ant sur la fraternité et la construc-
tian de la nation. Je dois construire ma maison avant de pouvoir construire une
nation ". (1)
N'gugi est convaincu qu'il est pos~ibkmaintenant de mettre un terme au
découragement, ê la dêsillusion et au scepticisisme des masses populaires. Il
pen~e qu'il est temps pour relance~ 1e2 énergies créatrices des peuples Kén~~n et
Africain . Il partage la nlême ccnv::cti':);j q'J.e le philo8ophe HOUNTONDJI pour qui
" toute déclaration tapageuse (l'adhésion} une doctrine "moàerne" n'est.
au
(1) Maillu,
LG.
The Kamo!} Man..L part J,
Comb BJoks,
Na"irobi, 1975. P.3ü

- 186 -
mieux. que folklore quand elle ne fonctionne pas objectivement comme un moyen de
mystification, aussi longtemps qu'elle ne s'accompagne pas d'un effort
intellectuel pOur Gonnaît~~, pen::"~!:, .... Le t.emps est venu d'être :.:.érieux". (1)
Etre sérieux, c'est penser effectivement à un véritable décolonisation car,
" La décolonisation ne signifie ni le transfert géographique . ... ni la continuité
du régime d'(·ppression exercé Gette fois par des dirigeants à la peau noire, ce
qui correspond â des schêmas n&o-colcnialistes. Dècoloniser l'Etat signifie es-
sentiellement dêmonter le systême politique, administratif, culturel, financier,
économique, êducatif. juridique. qui, en tant que partie intégrante de l'Etat
colonial. 6tait destiné exclusivement à imposer aux masse3 la domination ~trangêre
et le volonté des e.':plGi tants." (2)
De no~veaux frémissements, de nouvelles ferces, scIon N'gugi, étaient ê
l'oeuv~e depuis les indépendances formelles qui luttent pour cette véritable déco-
Ionisation. Ces forces ont pris de l'importance et ont accru leurs potentialités
a·.rec des organi.::"ations syndicales (;onscientes, la participation de,,~ patriotes
~conséquents. Il est convaincu qu'il appartient aux héritiers idêologiques et poli-
Kwamé N' Krumah, AmilcRr Cabral, Patrice Lumumba, Josiah Mwangi Kari uki,
Ges énergi6s qui se libèrent pour redonner aux Kényans, aux Africains
leur liberté perdue depuis le contact de l'Afrique et de l'Fllrope mercantile et
esclavagiste. Ce sont ces mêmes héritiers qui ont la lourde mission d'aider les
"
'"
..
HOUNTONDJ1, Pa~lin,
op.cit. p.66
POMONTI. Jean-C1C\\ude. l'Afrique.
_ _ _ _ _ _ _
tr3.hiQ.
_ _ _ _ _ 1
hachett.e, 1979, PP. 39/40
idllFl

- 187 -
peuples africains i
refaire la jonction historique brisêe avec l'Afrique des
bAtisseurs du Ghana, de la Nubie et de l'Egypte.

- 188 -
L'appréciation g~n~rale des oeuvres de N'gugi wa Thiong'o, l'êtude approfondie
des grands thèmes qui constituen: les bases de sa vision du monde et de ses
ccnvictions politiques et idéologiques,
montrent que Is êcrivains de la période
coloniale et leurs successeurs de l'êpoque post-indépendance ont ~té confrontés à
deux réalitês différentes:
Les êcrivains de la période coloniale devaient résoudre - ou contribuer - à résou-
dre le problè~e majeur de l'époque: la décolonisation, la libération politique de
l'Afri~ue. La nouvelle génération d'écrivains de la période post-indépendance est
frontée au p~ohlêm9 de la construction de nouvelles nations sur les ruines
d'ancienne2 colonies; la mise en place d'infrastructures ~ociales au profit des
populations rurales ; la cr6ation et la consolidation de grands ensembles régio-
naux en vue de l'!nt~gration politique, économique et culturelle du continent
Africain sur la base des idéaux de l'Organisation de l'Unitê Afrcaine, créée en
1.963.
N' gugi wa Thiong' 0, dans la vingtaine,
a vécu le2 gTarlds. épanchE,ment"., les fer-
débordantes de la fiêvre de la Liberté de llindèpendance. acquises chèrement
Gas COIllme celui du Kénya et de }' Algéri2., Il a connu la pér'iode de
déclarations d'intention,
de profession de foi relatives â l'unitê. à ]a
sociale,au pouvoir populaire,â la fédération de l'Afrique, toute l'ambian-
ce de la pièce The Black HerlIlit. La réalité qui s'e2.t imposêe par la suite a été
.~ différente
~es profes~ions de foi et des grandes dêcLar~tions de jours de liesse
de l'accession i
J'indépendance.
Il 2'est tissê petit ~ petit une alliance entre
~"'·;'''''':'i-~~'~~'''''-IIII!Il!!l_••••••••1

- 189 -
la nouvelle classe dirigeante et l'impêrialisme, ~uivie par la prostitution des
pays africains à l'exploitation des grands monopoles,
Des lais anti-sociales et
repressives dirig6es contre les forces vives du pays rêclamant la justice social,
La d&mocratie, l'indêpendance êconomique ont fait leur apparition.
Une certaine forme de discours, sibylline, vague, appelant au "rêalisme", c'est,
dire â l'infêodation â l'êconomie capitaliste a vu le jour.
N~ gugi a traversé le~. phases de mutations allant de la confiance naïve dans la
communautê de race â la prise de conscience graduelle de l'existence de la lutte
des classes au Kénya et en Afrique.
. . ~
Il prend fait et cause pour l'écrasante majoritê de la population qui
continue d'être exploitêe. Il rejoint leur combat pour la survie. l'avênement de~
idêaux de Uhuru : redistribution des terres aliênêes,
rêhabilitation de la cUltUI
et des valeurs populaires.
d,...
L'e:-:amen"contenu. du ton de ses oeuvres, montre une fra~pante simili-
tude avec les romans de la pêriode coloniale. Seul le personnage central a change
de visage. Ce n'est plus J.e colonisateur qui est pris à partie, mais le nouveau
dirgedt noir. la nouvelle claSSé dominante. Le conflit principal reste le même:
la domination du peuple, l'exploitation des masses paysannes, la repression aveu-
gle de8 forces de contestation8. le mépris de la culture. de la langue nationale.
N'gugi dêmontre par se~ oeuvres que la littbrature africaine n'a pas
considêrê l'indépendance comme la fin àes souffrances des populations africaines.
Elle 8e àêpense, au ~ontraire. p0ur mettre à nu les mécanismes subtils mis en pl8
ce pour garantir le statu quo et dêfendre les intêrêts d'une minorité au détrimen

- 190 -
de ceux de l' éerssante majori té. ~;es oeuvres comme p~j;~_Ls of_Blood, lLEl-vil_on_ the...
the Cross. Les :,01ei18 des indép~ndance8, IJ1e Beallt:i.ful
ones are not yet Born
ont pour trame commune la dramatisatioc de l'exploitation des Africains après les
Indépendances.
La littérature efricaine reste pleinement engagée dans la lutte de libération
totale des Africains-. de toute servitude, toute aliénation, de tout pouvoir
~ntraingnant et violent. fût-il détenu par les" Fils àu pays". Son courant engagé
reste â jamais vivace,
palpable dans sa production, dans son contenu
et dans son
objectif. La lit~ératu~e africaine demeu~e presque immuablement réaliste, elle
reflête assez fidèlement les faits et gestes qui surviennent dans une Afrique
i~dépendante dominée par des dictatures sanglantes ou la terreur supprime toute
créativité, tout élan, novateur dans tous les domaines,
politique, économique,
culturel. Ces dictatures affaiblissent le personnalité africaine,
porte attein~â
la dignité de l'homme africain. La littérature africaine post-indépendance affirme
que le Verbe peut tuer en Afrique, le Verbe qui est ê la base de la littérature
orale. littérature de prédilection qui ryt~me la vie quotidienne des Africains.
N'gugi wa Thiong'o s'inscrit dans la veine des écrivains de la période
coloniab oui ont chanté, dénoncé les. s0uffrance;;:, le~.s meurtrissure::, imposées aUX
peuples africains.
à
~l'Afrique des fiera guerriers dans Jes savane~ ancestrales ...
... Mon regard est plein de ton sang
Ton beau sang noir à travers les champs répandu

-191--
Le sang de ta sueur,
Lu sueur de ton travail
Le tr'aval l de l' escl avage
L'esclavage de tes enfants .... "Cl)
Il incarne, i
lui seul. la tragêdie de l'Afrique indépendante. la tragé-
die da l'êcrivain africain de la période post-coloniale qu'on arrête arbitraire-
ment. qu'on détient sans procès
" .. .. derrière les murs de pierre Flour un an ... "(2)
Lui-même témoigne,
"je n'ai pas étê jugé devant une cour de justice publique ...
on ne m'ô jamQis dit. même maintenant, les raisor.~ spécifiques de ma détention ...
J'ai §tê pendant une période e~fermé dans 'Ine cellule pour 21 heures d'affilée
seus la pleine lumière d'une ampoule. C'est de la tor~ure mentale ... J'ai toujour2
é-:.é sous l'extrême torture morale et phy~.ique"(3).
Il sort de prison et se voit exclu de son poste de chef de Dêpartement par
l'autoritê politique qui a décidé que
" les anciens détenus qui étaient libér~s après que le Kénya ait obtenu son
indêpendance poli~ique. seraient les d~rniers â être pris en eon3idération dans l
Gas de priorité pour emplois dh'ponibles ... ils a'v'aient "miné" le gouvernement du
dêfu~t Prêsident Jarno Kenyatta."(4)
(1) Diop, Dav~d. op.cit.P.24
(2) Interview dans Weekly Review,
NaYrobi,ll Janvier 1979
(3) ibid;
(4) Weekly Review. Naïrobi, 11 juillet 1980

,
- 192 -
Les séries de mesure3 vexatoires et intimidatrices n'en~ament en rien la
combativité. l'engagement de N'gugi. Rèvolutionnaire conséquent. il est bel et
bien
" ... 1' homme engagé de la crééltion l i ttéraire africaine. Il a traverz.é un vaste
champ d'expérience africaine:
d'une part, par le biais de la domination étrangère, la perturbation cul-
turelle. â la souveraineté politique, i
l'instauration de - et au défit au -
nouvelle ordre économique et culturel, d'autre part.
de l'enfance villageoise, i
l'adolescence au pays Gikuyu du Mau-Mau. à l'Univer.:;ité et au-delà renommé comme
?crivain. à cause de l'engageme~t révolutionnaire, la détention •.. N'gugi combat
pour un changement total des vieilles structures, et l'établissement d'un régime
socialiste. égalitaire ... "(1)
Ecrivain africain de grand talent du dernier quart du XX ême siêcle. N'gugi
wa Thiong'o s'est imposé sur la scène littéraire du continent comme l'un des
dépositaires éméri tés de la t.radi tion engagée dont le flambeau a été aIl umé par
René Maran en 1921, flambehu entretenu par des célébrités comm Mongo Beti,
Sembène Ousmane, David Diop, Chinua Acheb;.- pour ne citer que ceux-là.
(1) COOK, David et Okeniimpk~. Michael, op.cît. P.230

1
- 193 -
1
BJBLlOGRAPHIE l
- Weep Not. Child
Heinemann. London 1964
- The River Betwee~
Heinemann. London. 1965
- A Grain of Wheat
Heinemann, London, 1967
- Petals of Blood
Heinemann. London 1977
- Devil on the Cross
Heinemann, London, 1982
~J E
.
ê.
"'·~a' '"
-
- - -
- Home::oming
Heinemann. London. 1972
Heinemann. London. 1981

- 194 -
- Writers In Politics
Heinpmann, London, 1981
o )
3 0
NOU'lelles
)
- Secret Lives and Dther Stories
Heinmann, London, 1975
l~ 0) Théatre
- The Black Hermit
Heinemann. London, 1968
- This time Tomorrow paru dans Short African Plays
Heinemann, Lonàon, 19'(2
- Ngugi wa Thiong'o et Micere Mugo
- The Trial of Dedan Kimathi
- Ngaahika Ndeenda
Heinemann, London, 1977

- .A~5-
~~BL:OGRAPHIE II : pUVRAGES ET ARTICLES CONCERNANT LES OEUVRES DE
NGUGI WA THIONC'O
PIETERSE, COSMD & MUNRO, Donald
Protest and Conflit in African
Literature
Heinemann, Lor:don, 1969, 140 pages
LP.RSON,
Charles :
Tr~e Emergence of Afric~~Jicti.9_~
Indiana Universi~y Press, Blow~ngton, 1971, 305 pages
DUERDEN, Denis &
PIETERSE, Cosma
Heinemenn, Lonàon, 1972. 192 pages
GAKWANDI.
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