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UNIVERSITE DE PARIS 1
PANTHEON-SORBONNE
U.E.R. DE PHILOSOPHIE
.~.,.-
CONSCIENCE MALHEUREUSE ET RECONCILIATION;
FAUSSE CONSCIENCE ET IDEOLOGIE
comme signification historique dù Mouvement
Politico-Culturel de Renaissance Négro-Africaine
..
Thèse de Doctorat de ·3· me Cycle
par
Etienne TRAORË
Sous la direction de :
Madame le Profeseur H. VEDRINE
ANNEE UNIVERSITAIRE 1977·1978
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1 -
J.,
.JE'" N T R 0 DUC T ION
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Mettons - nous à l'écoute du ~onde négro-africain.
Partout desvaix se conjuguent pour revendiquer et affirmer
l'image réelle et spécifique ~~ ce monde noir que plusieurs
'siècles de colonisation avaient rjuj~o;hs~urci~et nier. CEs
hommes ne veulent plus démeurer des etrangers chez eux ;etils
s'éfforcebt de redecouvrir leur ~onde, de e~ ~~concili~r
avec lui:: leur opération pour r-etr-ouver' l'unité p r-emfèr-e avec
ce monde, en ~ranchissant les barrières de l'aliénationc .
coloniale, devient aussi un~ t~che de libération d'eu~-m~Bes
ep se faisant J"econna1tre par autrui. "In(épendnnce Nationale,
Retour aux sQ~rces, Authenticité, Africa~ personnality,
Négritude, Consc1encisme etc ••• ", aut an t de slogans et concepts
idéologiques pour expri~er cette volonté d'auto - réconliation
et ~e libération de soi.
Des ramanciers, poètes, cinéastes, journalistes,
économist~s, sociologues, psychologues, hommes politiques •••
tous issms de la petite bourgeoisie intellectuelle,contribuent
o~lon leurs compétenc6e techniques, mais surtout selon-loure
optio~spolitique6 respectives, à la diffusion, voire
partQ~s à la réalisation d~ cette volonté dont la formulationu et
et le"·c.ontenu rev~tent un
cnr-ac t èr-e existentiel pertinent:

- 2 -
- Une volonté de "libér~tioll ~atiOJlale" pour ô'.
rODpre tout rapportl de d~pendance • En ~~autras termes, fi
(
s'agit de sc faire reconna1tre par autrui. Fl~~ précisement,ll
faut se soustraire 10
les moyens appropriées â l'oppression
ext êr-t eure s'exerçant sous forme è.' occuj-nt.Lori terri t:.JILiallj,..
de domination ~conmique , politique et culturelle.
Les(
différentes luttes ar~é~s de libération, les tentatives
de "Révolution c ul t.ur-ê Ll.c'; la création des partis politiques
nationaliste~ les fermes déDonciations dans les organisations
internationales des servitudes multiples liées â
l'échange
inégal au détriment des' peuples négro-~fricains••• expriment
cette volonté d'indép~ndance.
- Une volonté de révolution é~onomiquo et
sociale, pour venir â bout d'une situation d'arriération
socio-économique devenue insupportable pour les couches
et clasbe~sociales fondament~les : p~ysans, ouvriers,petite
fonctionnaires. Pour ce faire il faut
changer ce monde-ci
en commençant par en pénétrer la rationalité infra et
superstructurelle ; en découvrir les différentes loisœ compo-
sition internes. Sur cette base, pourra s'opérer un
bond qualitatif par la destruction des structures dépassées,
porteuses de la régression, et la proyution de celles
du progrès â venir.
C'est en se fondant sur cotte réalité
spécifique, préalablewent bien éclairée, que l'on définira'
une ligne de développement propre, face aux grandes \\Oies'
capitaliste et socialiste européen~ds·. 'Nous é.tSf;'ic'bow3 ainsi
la naissance des différe.nts "socialismes africains", de
"l'organisation do l'Unité africaine", de la solidarité des
pays linon alignés", du "Tiers-Nonde ••• , et tout celn
traduit une volonté réelle d'auto-identification et de recherche
l'
\\.
\\

- 3 -
d'un
~odèlo d8 civilis~tion spécifiqueo8~t africain~.
pour étudier quelques l;xûmplos d'extériCIr'iisGttion ct
de conceptualis~tion de cette volonté de libérat~~. nous
suivrons le vaste Llouvement de Rûn.::l.issance politieo-eulturelle
noire engendr-é par la domination co LonLa.Le et qui, dans 8 a
version anglophone est exprimé par l'''African Personnality"
que cane ep tua.Lt.aer-a KW3.ffié N' Kr-umah dans IILo Conac Lenc Latae" (, )
et dans sa version francophon~ par la "Négritude" plus
diffusée et connue dans sa formul.::l.tion senghorienne. Le fil
d'Ariane qui mène d'un ôcrivain, artiste ou chercheur noir
à un autre, est cette volont& active d'émancipation qui
inclut les m03unts de la définition de soi face à l'Occident
coloninliste et de 1:1 pr<.lti,~uC" socio-poli tique autonome 0 t
spécifique pnrco qu'inspirée des réalités du terroir africain:
~.
"Faire .::I.ccédl:r. à l'audience ùu monde" l'expression de nos
cultures originales, dans la mesure oü celles-ci traduisent
la vie ~ctuelle de nos peuples et de notre personnalité.
Renvoyer à nos peuples l'iL1age de leurs aspirations, de leurs
expériQnces ou de leurs joiûs, éclairées par les épreuves,
les joion et les espérances du Donde~ (2) Ils ont revendiqu&
et affirmé leur différence et la charge de la preuve
leur
incombait coume une 8i8sion historique. Ils ont e5s'J.Y~"· de
llussumer etS'Y essayont encore aujourd'hui.
",) K.N'Krurilah: "Le co nac Lenc Lsmo, Philosophie et idéologie
pour la décolonisation et 10 développement avec une
référence particulière à La Révolution afriaaine",
Payot, Paris 1964
2) R&solution du Congrès International des Ecrivains et Artistes
Noirs. Paris, 19-22- Septembre 1956

- 4 -
Ainsi, sur le plan littéraire, los écrivains négro-
~fricains apportent-ils de nouveaux thèmes tirés d'un contexte
colonial spécifique: le procès dt; "l'hOIiltle blanc" rondu respon-
sable de l'éclatoùent de l'haroonie traditionnelle et de l'alié-
nation g~néralisée du monde négro-africain; la rév?lt~ contre
l'oppresseuR: "Je pouascr-zu. d'une telle raideur le'grand cri
nègre, que les assises ÙU t10nde en seront ébranléos,"(1)
"Je déchirerai les rires D~n,"..nL...
sur tous les murs de France ' I(2);
la nostalgie d'un passé traditionnel glorieux, lieu d'un paradis
pL:rùu'
,justifie le "retour nux sources nègres", retour
imprégnê de romantisme et de désespoir chez Senghor et chez
Césaire- Tels sont los thèmes dominants qui donnent à ceux ~i
.les traitent en langage parfois choquant, bizarre, mais en~ut
cas spécifique et carnctéristique de la nouvelle littérature
négro-africaine.
Ces différents thèmes traités dans des poèmes 0 u des
romans, impliquent une rupture avec l'habitude d~ l'ioitation
servile et une identité quant à la structure nouvelle propre
aux oeurres litté~aires des noirs. En prenant l'exeuple du
roman, nous suivons un rythme ternaire: avant, pendant et après
la domination coloniale. Sur cette mesure à trois temps, un
drame se déroule. Celui-ci peut ~tre rapporté dans sa dimension
ontogénôtique à travers l'évolution d'un héros probléuatique,
véritable figuration d'une conscience malheureuse africaine:
"Kari1l, Nirages de Paris" (3) décrivent le choc affectif et
le profond déséquilibre de
.la personnalité causés par l'~xil
et l'abandon des traditions africaines. "L'aven.t~:r:.:e~mb~~üe"(4)
rapporte le m~me drame historique à travers les différentes
expériences africaines et européennes de Samba Diallo.
1) Aimé Césaire: "Et los chiens se taisaient"
2) L. S. Senghor: "Poème
liminaire" in "Po ème a" , Ed , Seuil ,Paris 1g) 1
3) Ousmane Socé Diop: "Karim" Ed. Sorlot, Paris 1935
"Hirages de l?arisI1" Nouvelles éditions Latires
Tanger 19.55.
4) Cheick Hamidou Kane: "L'aventure amb;tgüe" Ed. Julliard, 1961

- 5 -
c~lui-ci, j~une garçon du pays des Di~llobé (S6négal), déserta
l' è co Le c or-am.que pour l' 6co18 rr-anç atse , Catte double f'o r-matLon
.:
produit alors en lui un tragique d6chirernent; il vit douloureus~
lJent le8 multiples clilemLles posés par l'antagonisme entre l'islam
et la civilisation occidentale: entre deux mondes, il {lL; pirvient
pas à effectuer un choix. Il dûm~ure finale~ent un Gtre des œux
mondes, une conscience duuble. Lorsque ce même dra~e est
prêsen~
dans sa dinension phylogénétique, l'intér~t du romanciers8
porte, non plus sur les tourments indiv~duels, mais collectifs:
dans "Le vieux nègre et la médD.il1() .( 1), 11 ali&nation des
soci&tés néero-africaines, suite à l'intruci~~-' occidentale,
est saisie dans toutes ses forces:
elles
. sont désarticulées,
d6poss6dées de leurs terres, travaillent ~u service des ~a1tres­
blancs tel 10 vieux Méka. Elles perdent lonr liberté d'autrefois
sous les humili~tions et les b~stonnades des patrons occidentaux.
Dans le domaine des "science~ hUL:aines", les négro-nfri
cains reprenneut les thèses des différents ethnologues pour on
faire d'abord une critique épistémologique qui consiste à stigma-
tiser et dénoncer l'approche idéologique dos réalités du ilionde
noir, à savoir la justification théorique des pratiques colonialiste,
Ils fondent ensuite des nouvelles théories sur les ruines des
anciennes, directement inspirées de l'évolutionisme, tendant
à identifier les peuples nê gr-o-cxf r-Lc aâ.ns à des "peup.l ea ia ar-bares
et sans histoire", des "peuples-enfants" qu'il faut éduquer, civi-
liser et introduirü dans l'histoire. Diff0I'ents historiens,
sociologues, psychologues, linguistes etc ••• s'attachentàdétruire
ce mythe pervers du nègrej "Pendant des siècles, depuis le
XVo siècle, l'histoire des Nègres leurs a été brutalement confisqué~
au profit de leurs m~1tres européens ••• notre désir est d'étudim
notre histoire et de redresser celle qui a été faite sans nous
et contre nous."(2)
1) Ferdin:tnd Oyono: "Le vieux nègee et la Ia&daille", Julliard,
Paris 1956
2) Joseph Ki-Zerbo: "Histoire ot Conscience nègre", revue Prés.
Af. N° r , Paris 1957, p.5.3

- 6 -
Louis Vincent 'rhollie.s c ar-ac t.è r-Lsan t ce courant, l'identifiaità
une lIF8[;ri tude t r'Louphant.e " (1) , Laque l Le appar-af, t c LaLr-emcnt
ù"l.ns les nravaux du linguiste ct has to r-Len Ch~ick Anto. Diop ( 2).
(
Là, tout an r6so1vo.nt le problèue des origines de l'unité culture~
des peuples noirs, il tente de prouver scientifiquement les
apports i~portants, mais injustewent méconr.us, des civilisations
nègres aux autres civilisations. Il :l conit.a t les préjugés inhérents
:1U
"my t.h e du nègr-e!' par une série de renver.s:erl1ents de ses irJlw.ges
fausseEent objectives ou scientifiques. En red~couvrant la
'yéritable imnge du Noir, il s'agit d'en rappeler à l'Occident
l'éminente dignité on l~i nttribUo.nt Dour l~.première fois, b
pnternité des oeuvres ùe civilisation: ce sont les Noirs .de
l'Egypte pharaonique qui "crrt invent6 les premiers les Hathématiqu EE
l'~stronoDie, le co.lendrier, l'organisntion sociale, 10. médecine
l'écriture, les techniques, l'architecture.:. En die~nt tout
céla, on ne dit que la uodeste et stricte vérité que personne
à l'heure actuelle ne peut réfuter pnr des arguments dignes
de ce nom" (3)
Des efforts de correction semblables guident les
linguistes et sociologues noirs dcms leurs recherches visant
à. revaloriser une intelligibilité interne jusque-là non
reconnue nux langues et sociétés négro-africaines h~tiveDent
baptisées IIdialectes" et IItribus ll • Les linguistes se sont inscrits
à f;::.ux contre la prétendue "pauvr-e t.è" de ceE) langues. Parmi eux,
Cheick Anta Diop
dans la seconde partie Je IINations nègres
et cul ture", après avoir souligné la n0Gi.;ESi tÔ', de développer
les langues nationales africaines, notauùlont pour l'enseignement
("un enseignement qui serait donné dnns une langue matt:lrnelle
écrit-il, permettrait d'éviter des années de r0tard dans Itacqui-
sition de la connaissance ll ) , affirme que "1'introduction dans
1) Louis-Vincent Thomas in: "Pano r-amc de 1:;. Negritude" lors
du
colloque sur le.. littGrnture nfricaine d'expression française
tenu à DC1.kar du 26 ClU 29 Hars 1963
/'
2) Confère no t aume nt t -"lie.tions nègres ct Culture", Prés.Af • Paris 1951
-"L'A~r~qll~ l}oirc p::é:c~lon~ale" {
,
,
1 96C
-"Ant.:r1.or1. t
der: c Lvi l Lac t i.cns neGres: m y the
è
ou v0ritt: historique?" prés.Af.P.:tris 1967
3)Chüick Antn Diop ill:\\\\l~ations nègres e t Culture" Op. c t , P.244
à

- 7 -
les langues africaines des concepts et des Modes d'expression
cupab Le s de rendre les idées scientifiques et philosopbiques du
mondû moclcrne" (1) ne constitue guère un obsfacle insuI'Llontable.
Appuy~nt s~ thèse, il présente un lexique scientifique qui donne
la traductiùn en Ouoloff d'un gr~nd nombre de concepts scientifiques
depuis les notions pr-é Ld.nf.nc.Lr'e s de géométrie, jusqu'à
la théori e
de ln relativité en passont par 1& thermodynamique et la chimie
généretle. La résolution des linguistes lors du "deuxd ème congrès
des écrivains et artistes no Lr-s" (2) irlsiste
également sur, la
n;cessité d'~laborer une v&ritable unité lexicale pour tout le
continent noir. Cette résolution, reconnatt r~u'il existe entre~
'ianJues africaines uno unité aussi forte, aussi évidente que
celle des langues indo-européennes", prOPOD\\.:: "que l'Afrique
noire indépendante et fédérée n'adopte aucune langue étrangère
,
européenne ou autre comme expression nationale; qu'une langue
africaine privilégiée soit choisie. Elle ne sera pas forcément
1
celle d'une majorité relative, car la souplesse et la richesse
du génie d'une langue sont les quaLf.t ô s l'es plus importantes
du point de vue de la linguistique. Chaque Africain apprendra
cette langue nationale en plus de sa langue r~gionale et des
Langue a européennes de l'en;jeignoillent secondaire (français,
anglais etc ••• ), ces dernières &tant facultatives; qu'une
équipe de linguistes soit chargée d'y introduire dans les Eleil-
leurs délais tous les concepts i~dispensablüs à l'expression de
la philosophie, des sciences exactes, de la t~chnique." (3)
Cette résolution conna1t partielle~ent un d&but d'exécution:
la transcription des langues africaines et leur utilisation
dans l'enseignement pour éviter la grave rupture
entre la vie
scolaire et extra-scolaire, créée et entretenue par le colonisa-
teur, et préjudiciable au développement harmonieux de la~erson­
nalité
npp~raissent
J
comme deux objectifs majeurs dans tous les
1 ) Choick Anta Dio~:'NAtions nègres et Culture'
, op. cit. P.262
2 ) "Douxième congres des Ecrivains et Artistes Noirs" tenu à
ROI,I: en Hars 1959 après le prerilier tenu 3 ans plus t8t à
parls du 19 au 22 SopteBbre.
3) Actes du 2° conGrès dos Ecrivains et Artistes Noirs in revue
Prés. Afri. XXIV - XXV, Paris 1959,PP.397 et suivantes.


5
=
- 8 -
projets de réforme dos systèues éduc~tifs des p~ys ~fric~ins
d6colonisGs. Il existe des oeuvres écrites en 6Iahili, h~u6a,
ouolaff, baüb2r~, peuhl •••
J..
Le relativisme culturel inspire la jeune "sociologie
africaine n qui s'est fix~ pour t~cbe d'élucider la r~tionnlité
interne et sous-jacente aux diverses organisations économique
et socio-politiqua du monde négro-clfricain. A la suite de quel-
ques "africanistes" (no t anmen t B:.üandier, L. V. ThoL1ClS, .iaquet
pour les fr~ncophones), des chercheurs soucieux de trouver
les causes et solutions des pr-obl ème s posés dans les sociétés é1fri-
c~ines en nutation, proposent différentes théories, encoro
,inachevées, des systèues politiques, des castes, du tribalisme,
de l'org~nisation sociale du travail, du système des repr6senta-
tions en J:lilie.uxniloirs~(1) De leur côté, les homue s politiques
revendiquest 10 droit à la différence: définissant la situation
spécifique :de l'Afrique Noire, certains élaborent ~ar conséquent
les théories du "socialisme africain" fondé sur un "commun~lisme
originaire" des f'or-mat Lona so c La Les pégro-africaines. Cos théories
poli tiques nouvelles s'inscrivent à f aux contre la doctrine ~oliti qu
imposée par le colonisateur, à savoir le "capitalisme" basé sur
l'initiative individualiste et source de l'injuste:
exploitation
des classes laborieuses, majoritaires par une classe minoritGire
et pa.rasite. Elles rejettent également le "socialisme scientifique"
à cause de l'athéisme qu'il porte: "ce qui nous gênait dans le
marxisme, c'était avec son athéisme, un certain Dépris des
valeurs spirituelles: cette raison discursive poussée à ses
dernières limites qui se muait en matérialisme sans chaleur,
en déterminisme aveugle." (2)
1) HC'-zoumé in " Idéologies tribalistes et nation en Afrigue: le
cas du Dahomey"; et Pathé Diagne in "Pouvoirs traditionnels
en Afrique occidentale, css~i sur les institutions politiques
africaines" sont représentatifs de cette or-Lent.at.Lon aoc LoLogi qie ,
2) L. S ~'Senghor: "Nation et voie af'r-Lc aâ ne du aoc LoLd.srae!'

- 9 -
L'~bsence de l~ propriété prlvee des m~yens de
production empirique~ent constat~e par ces
hom~es politiques
pezret de renvoyer dos à dos le Li.bè r-aLd.smc et le mar xd.ane
fondés, l'un sur 1.1. promotion de ln propriét8 priv0e, l'autre
sur S.1. suppression. Elle autorise ainsi le retour à un moùe
de production spécifiquement c.fricain: IIDc.ns notre société
traditionnelle, nous étions des personnes au sein d'une commu-
nauté. Nous prenions soin de let communauté et let communauté
prenait soin de nous. Nous n1o.vions aucune raison d'exploiter
nos aemb.Lab.Lee et n'éprouvions aueune umi:ü~ . de le fClire.
Et en rejetant ln mentali~é capitaliste que le colonialisme
a introduite en Afrique, nous devons rejeter égolement

les strtictures capit.1.1istes qui l'~ccompngnent. L'une de ces
structures est la propriété individuelle de la terre. Pour
nous en Afrique, 1::1. terre était toujours reconnue comme une
propriété de la communetuté. A l'intérieur de la société chetcun
avait le droit d'exploiter la terre car, autrement il n'y
avait pas de quoi vivre".(1)
Face à ces grands débats idéologiques, la réflexion
philosophique ne peut se ùérober, elle doit apporter sa lumière
si 811e ne veut pas faillir à sa mission: "concevoir ce qui
est, est la tache de ln philosophie, car ce qui est, c'estla
raison en ce qui concerne l'individu, chacun est fils de son
temps, de même auasf, la phdLoaophf.ej.e Ll.e résume son temps
dans la pensée. Il est tout ~ussi fou de s'imaginer qu'une
philosophie quelconque dépasse le monde contemporain, que de
croire qu'un individu sautera au-dessus de son temps, franchira
le Rodus ••• " (2) De notre point de vue, cette tttche de la
1) J. Nyéréré: "Socialisme, Dèmocz-a t Le et unité Africaine",
trad. de l'anglais par J. Mfoulou, ed. Prés.Af. Petris 1970
2) Hege'l in '''Principes de la philosophie du droi~np. 31

-
1C -
philosophie aunourù'hui consiste à dacouvrir la siGnification
profonde de tous ces dè ba t s historiques en en d ècouvr'nrrt la
rationali~6 interne. Et ce, par une totalisation de ces
exp6riences angoissées, visant à trnveri les difféients discours
sociologiques, psychologiques, littéraires, linguistiques •••• ,
la probl~matique commune qui leur est sous-jacente.
Ainsi, nous pensons que ces essais variés et répétés
d'affirmation de soi par différenciation et auto-idelltification
traduis.,:,: c1t et tentent de solutionner un dr-ame profond: le
malheur de la conscience négro-africaine, c'est-à-dire son
dôchircment; c e Ll.e-cc
se trouve engagé e dans deux mondes dif-
î ,
férents,deux échelles de valeurs diff0rentes. Cette situation
engendre un conflit, une scission dans cette conscience, faisant
d'elle une conscience double: conscience pour soi libre et
conscience p o u r . un autre (conscience servile). La solution
à ce douloureux déchirement passe par la suppression de toute
aliênatinu.De ce point de vue, nous saisissons tou~~.~'importance
stratégique de la. sphère idéologique nésro-a.fr~~'~i~n~~!!9~:,:1.~S
divers reflets coup.l exes d' une situation do dbll;;-h~~io~-"'-~t~~gère,
1
\\ '
tendent en retour à fournir des ar-mes th&oriq~eis~pfu&t.?-' ir~!11ida-
tion du systène d& rapports
rsoci.:1ux réels, aliénantsi ~J
-
l
'
';l
.
/
. ~
noyau commun à toutes les conceptions idéologiques ... ·,·-est.ainsi
10. Reno.issance du monde Noir c orerae théorie et pritt'iqi1~~~e rupture
de toute domination impérialiste. Il nous inconbe alors:
- d'esquisser un modèle globa.l de compréhension, c'est-à-dire
une conception rationnelle du processus idéologique: découvrir leE
fondeuo4~9_~3 socio-historiques, le noyau et le fonctionnement
de l'idéologie négro-africaine aux différentes périodes historiques;
- d'étudier la. région idéologique dans Sa complémentafité
avec les autres régions économique, socia-politique et juridique
auxquelles elle est liée par des rapports dialectiquos. La
compréhension totale du monde négro-africcdn passe par cet te
investigation
:iJ&olo~ique pour trouver cornille un maillon indispe~
s.:lble à la reconstitution ù'une~chaine de signifill.nts;
- de fournir, suite â une investigation critique , lll.

- " -
la siGnification profonde de cette idé~logie et fonder la
néces-
sitG de SOD dâpassement par une id0clogie de type nouveau,
justifiant de nouveauxr~~p0r~a de production,~cûtte subvérsion
,
idéologique pouvant servir d'armes théoriques d~ns la pratique
révolutionnaire des nouvelles forces de rupture de l'AfriqUe
cont empor-af.ne ,
Le
travQil dont il s'agit est donc l'exposé de
l'inst::'..nce idéologique négro-afric.:J.ine, et p.:J.rce biais sa
critique. Nous suivrons pour ce faire une démarche matérialiste
et critique des textes dont l~ signification totale jaillita ~s
rapports dialectiques et historiques, c'est-à-dire d'une
_ articulation spécifique entra deux niveaux de signific~ion:
- d'abord le niveau des contradictions spatio-temporelles
,
concrètes, celles du monde néGro-africain aux 6poqueG coloniale
et post-coloniale, cons td, t.ue r a la r ac Lne r,latérielle des représen-
1
tntions idéologiques dévoilant les conflits de classses et
déterminant l'irruption et la fonction de la petite Bourgeoisie
intellectuelle africaine.
- e nauf.t.e , le niveau des échos idéologiques COBDC reflets
complexes (reflets sans miroir) dQns les
consciences humaines
des processuB objectifs et historiques, échos rapportuD
pnr
l~ petite Bourgeoisie intellectuelle occupant de façon hégéDor~que
le champ de l'élaboration idéologique.
Telle méthode de travail fournit une di~ension pluri-
disciplinaire à notre propos philosophiquè qui se 'nou~it ~~nsides
apports littéraires, sociologiques, linguistiques, politiques
etc ••• Cette complexité n'est point éclectisme, mais c08plémentœrité
qu'appellent l'intelliGibilité totale de notre sujet , et plus
g,{mtlr.:üelllent , le projet philosophique de dévo LLement intégral du réel,

-
12 -
Epous~nt les contours de l'hisoiro réelle, notre
plan de tr2vail p~rt des différentes contradictions sp[~tio­
socio-historiques pour s2isir 12 forw~tion et l'6volution du
processus idéologique dont nous an~lysons par ailleurs les
retornb~es pratiques ou chocs en retour Qodifiant ces co~tra­
dictions m~ces. Nous faisons d'abord quelques hypothèses· .
sur l'idéologie néGra-africaine en les intégrant à la problé-
matique de la philosophie de l'idéologie en général et pùus
particulièreDlent à s~ version marxiste. Ensuite nous cherchons
la signification des idéologies de la Renaissance Noire à
l'époque coloniale puis post-coloniale. Enfin, nous établissons
un bilan critique et ouvrons des perspectives sê rapportant
à l'idéologie de la Renaissance négra-africaine.

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PRE k l EliE _P A H T l Z
-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-
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CON s e l E NeE
MAL H B li A EUS E
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R ECO N CIe I L l A T ION •

- 13 -
1.
H A P I
T
TI
E
r
-0-0-0-0-0-0-0-0-
DE L'IDEOLOGIE EN GENERAL ET EN PARTICULIETI L'IDEOLOGIE
NEGRO-AFRICAINE DE LA r~CHERCHE D'UNE THEORIE MARXISTE AUX
HYPOTHESES SUH L'IDEOLOGIE DE LA RENAISSANCE' NOIRE.
-0-00-0-0-00-0-0--0-0-0-0-0-0-0-0-
1) BREVE RETHOSPEC'l'IVE
UNITE . ET
DIVERGENCE DES
APPROCHES DE L'IDEOLOGIE.
Destutt de Tracy (1754
1836), créateur du terme
lIidÉ:ologic", le définissait-
par opposition à "psychologie",
mot qui avait l'inconvénient d'6voquer plutBt l'Ame,
comme
p
la'~cience des idéos ••• la recherche da J.'originc des idées •••
l'analyse dos
idées ••• "

- 14 -
"Les idGologistes ll étaient è. l' po qu e les repré sen~·~:mts du cour-an t
è
philosophique sensualiste issu de condillo.c, et qui, po.rtant
de Lt ancLys e de l'orsanisatio:l phys o Logd.quc ct :rp,ntale dû
î
l' homme , che r-chad cn t à dégagor dûs r ègLcs , pr-at Lquc s pour l'éduCD.ÜO:l
la morale, le droit et l'organisation sociale.
Les acceptions les plus diverses ont été données au
terme
depuis ce t0~PS. Nous remarquons depuis 10 début du siècle
notumne~t, un regain d'intér~t pour l'idéologie à laquelle est
,f':onsacré un nombr-e sans cesse croissant (J.t6tUtle~.Cette importance
nouvelle accordée à l'idéologie trouve sa cause essentielle
dans l~Cl.C~rbation de 1& lutte des classes, à laquelle elle
particip~. C8t antagonis~e à l'échelle mondiale s~ définit
C0mme Contrad~ction
- Entre les deux grands "blocs" socialisto et capitaliste
au lendemain de la Rév.olution d'Octobro : Lénine, dans ea"riche
o euvr-e , d,of'0nd et renforce pour l'essentiel co que lui-m~m()
appelai t "l'idélogic prolê'Vti·.iv<:lnt: " contra cellos bourgeoise
ou réformisto.
- Au sein mtlJe du "bloc" socialiste au lendomain de
l'économisme de la Deuxième Internationale, (1ntre réformistes
petits-bourgeois et Bécanistes d'une part, et révolutionnaires
prolétariens et dialiecticiens d'autre part: Lénine, Gramsci
Luc kâ cks , harcuse, se si tuant sur la rnê uo ligne d'attaque contre
Kautsky, Bernstein, Boukharine, redonnent au facteur idéolo-
gique" toute son iI.lportancû stratégique dans le processus de la
lutte révolutionnaire.
- Entre les pouples oppru.ino s et l'L,Jp érialisme au len-
demain de la Révolution Chinoise : Mao - "Jê - Toung ct diffé-
ten 'tGs Ld éo Loguo s du Tiers -l'londe dont Na.su.:r, N' Kr umah , G!andhi •••
..i

- 15 -
jettent les fondements théoriques de nationalis~e ~êvolutionnair~.
En nous fondant sur un repertoire d'études sur l'idéolo-
gie, nous avons obs8rvé
une convergence ct uno divergence
essentielles :
a) La convergence des an~~
s'effectue généralement
vers la contr~diction établie entre le processus d'abstraction
idéologique porteur d'un objet second et celui de la production
de la vie sociale concrète ou se situe l'objat premier.
L'idéologie nous renvoio ainsi à uno reprosentation et partant
à une contradiction permanente entre le niveŒu du réel concret
et celui de son reflet idéel. Telle inadéquation-entre la chose
représentée et la chose réelle, découvre la structure dynamique
de toute idéologip comllie :
-allusion / illusion par rapport au réel du point de
vue de la connaissance théorique
ici, se pose le problème du
rapport idéologie et vérité.
- Efficace / Inefficace sur le réel du point de vue
de l'action pratique
là, se pose le problèmo du rapport idéo-
logie / praxix.
Ainsi, sur le terrmn de la connaissance, plusieurs
études, situant l'étage idéologique par rapport à sa fondation
dans la praxis historique, définissent le mode d'existence de
l'idéologie comme un système
plus
ou woins cohérent d'idées,
d'opinions ou dû dogmes, inspirant (ct ronforcé en retour) un
système do comportements, d'attitudos, qu'un groupe social se
présente et présente cornno une exigence du la "Raison", dans
le but conscient ou inconscient de défendre ses intérets réels.

- 16 -
C0ux"'cï. sont pz-é s en t s sans réciprocité par un phénomène de dé-
é
totalisation, et défendus COil108 naturels. p~r un phénomène de
~ification. Tel ripgrage du niveau idéolo~ique inclut l'analyse
ùes rappo~ comple~es de connaissance et de
méconnaissance qui
lie celui-ci au sol ~es contradictionchistoriques concrètos.
Tant5t, l'idéologie s'oppose à la science, comme la
fausseté à l~ vérité ot 5e définit par un systèwe de pensée plus
n,tionnellv que réelle, donnant une conscience utopique ct,illusoi
du réel. Tant6t, elle Se confond à une distorsion théorique des
processus réels, donnant une ~onscience fausse" du réel.
Privilégiant l'aspect illusoire de l'idéologie,on aboutit géné-
ra100ent à sa disqualification totale comme moyen ou source
de connaissance du monde et l'on tend à l'identifiar à une simple

spéculation: "S'il (Bor:aparte) honnissait l'idéologie, c'est
qu'il ententdait par là le reve qui ne repose sur rien de r&el
1
et n'abo~tit à rien de paat Lque , (1)
"Une idéologie, c'est-à-dir,
un ensemble d'idées vivant d'une vieindépendDJ1te et uniquement
soumises à seS propres lois."
"Une idéologie est un cOrJploxe
d'idées ou de représentations qui passe aux yeux du sujet pour Ul
interprétation du ruondD ou de sa,propre situation, qui représentE
la vérité ~bsolue, mais sous la for@e d'une illusion par quoi il i
justifie, se dissiuul~, sc dérobe ù'une façon ou d'une autre
mais pour son avantagQ immédi~t ; voir qu'une pensée est idéolo-
gique équivaut à dévoiler l'erreur, à démasquer le mal; la
désigner comme idéologique c'est lui reprocher d'ûtre mensongère
et Iaalhonnete" (}) Privilégia.nt l'aspect allusoire .
(1) L. Hadelin in "Histoire du consulat et de l'Empire III, 89
(2) F. Engels in : "Ludwig Feuerbach et la fln de la philosophie
classique û.llemande" Ed. Sociales, Paris 1966.
(3) K. Jaspers in " Origine et sens de l'histoire "t Pal'is 1954,
PP. 163 -
164

..-----------------------
- 17 -
de l'idéologie, les dd.f f'è r-errt ee appr-o c he s abo u t Lee en t à sa disqu:i-
lification partielle comme moyen et source de connaissance du
monde et tendent à l'identifier à une occultation plus ou
~oins
profonde des processsus réels, son d~voilement permet d'atteindre
la vérité car toute idéologie" est un système (possédantEalo-
"gique et sa rigueur propres) de représentations (images,lwthes,
idées ou concepts selon le cas) doué d'une existence et
d'un rôle historique au sein d'une société do.vné e " (1) il
L'idéo-
logie est une offre intellectuelle ~pondant â une demande
affective ••• Tout se passe
comme si l'idéologie étaË fabriquée
pour ré pondre à certai.ns besoins sociaux comme les produits
industriels, pour ~pondre à certains besoins économiques •••
,
L'idéologie ••• est l'équivalent fonctionnel du mythe" (2)
L'histoire de la nature, ce qu'on appeJle les sciences naturelles,
}
ne nous intéressè pas
i c i ; mais nous devrons nous occuperde
l'histoire des hommes, puisque l'idéologie presque entière-
se réduit , soit à une comception errOllllGe 'de .c.e t te: histo.ire"
soit à une abstraction complète de cette histoire." (3)
" Par
idéologies, nous entendons ces interprétations de la situation
qui ne sont pas le produit d'expériences concrètes, mais une
sorte de connaissance dénaturée de ces expériences qui servent
à masquer la situation réene'I:' (4)
Sur le terrain de 18 praxis, la fonction ou le statut
de l'idéologie se définit en rapport direct avec la caracté-
ristique privilégiée: suivant qu'on accentue son aspectlllusoire
(1) L. Althusser in nPour Narx", haspéro, Paris 1972 p. 238
(2) J. Honnerot in "les faits sociaux ne sont pas des cho ses "
Pp. 206 - 208.
(3) K. Marx in "Oeuvres Philosophiques", trad. Holitor, Paris
A. Costes T VI, P. 154
(4) K. Nanheim in "Diagnosis of our time", New-York, Oxford
University Press 1944 p. 97, cité par J. Gabel in
"Idéologies" p. 34

- 18 -
i·,
ou ~llusoire par rapport au réel, l'idéologie acquiert un r~
d'inefficacité ou
·cl'éffiCAcltt. ·S11r io· proc'C'SBUS historique.
Dans le premier C2-S, il s'a.git co mme d'u.l1
il
rêve qui ne repose
sur rien et n'aboutit à rien de pratique"; c'est-à-dire ·d'un
corps de principes idéels absolument l:6tap1w oiques.
Dans
le second cas, l'idéologie comme systèùle articulé d'idées 1
comportements, se glisse dans toutes les parties de l'éd~ficc
social, épouse les formes conflictuelles de ses rapports
sociaux, acquiert par conséquent le statut de reproduction 0 u de
révolution dos conditions de la production et de la reproduction
âu ays tème social suivant les Lnt é r ê t s réels, partiels et partiaux,
auxquels il est historiquement lié. De ce point de vue, l'idéo-
logie constitue ~ne pièce indispensable et nécessaire dansl'édifi·
ce social; une "instance" de la structure soçiale totale selon·
Harx et Engels, le 'ciment" de toute société selon Althusser, Et
d'une façon générale, le liou de justification théorique de
toute pratique sociale. Marx et les harxistes ont analysé de
façon lumineuse le ,;fac t cur idéologique", c'est-à-dire le c hoc ~
en retour de l'idéologie sur le processus historique que nous
verrons plus loin.
Si en définitive, le repérage du champ idéologique
s'èffectuant par une différencia tian pertinente et complexe enL:re' les
proc~osus d'abstration idéelle et les processus réels historiques,
désigne le lieu de convergence des études sur l'idéologie, m
problème de l'appréciation 'des relations entre ces deux instances,
à savoir laquelle détermine et conditionne l'autre, est différem-
ment solutionné.

- 19 -
b)
La divergence essentielle
na1t dU:Tapport de
primauté et de priorité entre les phénomènes idéologiques:
et réels oo nc r-ct.s .. Hous avons distingué deux solutions radicale-
~ent opposes: l'une idéaliste, l'autre matérialiste.
Les philosophies idéalistes de l'idéologie, dans
leurs nombreuses variantes défendent l'autonomie première d$
phénomènes de la conscience et donc du processus idéologique.
Le processus d'abstraction devient abstraction en soi, c'est-
à-dire sans attache historique concrète, et l'idéologie acquiert
une autonomie totale par rapport au processus concret de produc-' ,
tion. Ainsi les répères Hégéliens de l'histoire (Idée en soi-
Idée pour soi - Idée en soi et 'pour soi ; conscience - conscience
de soi -Raison ; ••• ), la théorie des trois âges d'Auguste
Comte, sont representatifs de cette approche idéaliste et spécu-
lative. En m~me temps qu'elle privilégie une .sorte de r~pé-
rage horizontal en étudiant surtout les
rapports entre l'idéo-
logie et d'autres processus d'abstraction comme la science, elle
en fait un concept partiel, particulier et polémique : "La
formule:l'idéologie est l'idée de mon adversaire serait une
des moins mauvaises définitions de l'idéologic l1 (1) Tel
type
d'analyse occulte toute saisie scientifique de l'idéologieen
ant que concept total et général auquel toutes les formes de
pensée payent tribu et qui na1t sur le sol de l'histoire.
Les pkilosophies matérialistes de l'idéologie, dans:
leurs nombreuses variantes également, défendent l'hétéronomie
des phénomènes de la conscience et partant, du processus idéologi-
que. La théorie Marxiste est sans conteste la mieux élaborée
(1) R. Aron: " L'idéologie Il, in
I1necherches philophiques",
nO VI p. 64,
Paris 1936 - 1937

-
20 -
s .
et la plu~ ~~che do ces variantes. Nous l'avona choisie comme
instrument tht.a-Yiq~e. d: ana Lyae de l' idéolog~q négro-africa.ine.
Auparavant, ilno.
fc~t suivre ses contours/faisant ressortir
comment l'idéologie 'est un système de conceptions sociales
(politiques, économiques, juridiques, pédagogiques, artistiques,
morales, philosophiques vt". ••. ) qui expriment des ::-lormes de
conduites, des points de VUe qt des évaluations correspondantesli~)
RUX intérêts de classes.
2 - r.ECHE}'(CHE D'ULm T1TsonIE r-IAIIXISTE DE
- ......
~
.~
-'_.-'- --.... --. -----_._----
1.' IDEOLOGI.~
a) R~n.!~!:CL,-!~sJ!:.éJ.oimi~~ires
Tou te philosophie
de l'idpolo;~e vise à découvrir la si6n~~~~~tï~n (plovéo auni-
veau du concept philosophique) aux rapports complexes
entre
10 système idéologique et sa base matérielle historique : par-
tant du couple dynamique réel/idéologie, elle pose et résoud
ainsi les contradictions inhérentes â toute idéologie • Nous
avons cherch~ une philosDphie de l'idéologie choz harx et les
Marxistes. Marx et Engels ont offectué des ~pproches fragmen-
taires et parfois contradictoires sur II idéoJQ'gi~'; ils n' ont
.
,', \\
pas, élaboré une phâ.Loso ph Le matérialiste ct dialap't1que de
v".
• \\
~ \\

~
l' Lô éoLogf.e, ac hçv é e , Leurs recherches dans
.·è-e··d~m~1-ne lais-
/
; .
\\
sent plus d'ombres que celles e f'f ec tuées en EconC{111i~ politique.
/
En
parcourant Leur-s écrits, la diversité des- accep't t.o ns de
l'idéoloeie apparaît assez nettement:
n Gunther Heyden: llid{olo.'jiëll , op.cit.~t traduit par H.Vadée
in llL'idéologie" p~ 19, P.U.F 1973

- 21 -
- Une première approche se retrouve dans "L'idéologiE:
Allemande ", mais princi}Ja1ement dans les "HB:nuscrits de 1844 11
ou est exprlillee une philosophie de l'id&ologie comme une théo-
rie du leurre et de la mystification. L'idéologie .s'y définit
par un reflet inversé et déformé, fragmentaire et:~uti1é du~e1.
L'idéologie, conscience fausse, s'oppose à
la consc1~nce vraie.
Ainsi l'idéologie r~igieuse se définit-elle comme une représenta-
tion illusoire ("opium du peuple") des phantasmes des exploités.
L'accent est 1argement mis sur le caractère illusoire, s?r~
dimension fictive de l'idéologie. L'idéologie s'y définitromme
reflet inversé des rapports réels
dans la conscience.
-Une seconde approche qui se trouve éga1emontœns
"l'Idéologie Allemande" où est esquissée une
autre justifica-
tion des conditions économico-po1itiques d'une classe. L'idéologie
s'y définit comme l'expression simple et spontannéb d'une dassf.
de sa pratique ; le reflet
proje té dans la con~cience parle
jeu dûs infrastructures. L'accent n'est plus porté sur le cara~
tère illusoire, mais sur celui de la nécessité de l'idéologie.
- ULe troisième approche qui appa~att principa1emc~
dans "le (capita1" où l'on peut déduire une philosophie de
l'idéologie comme théorie du contre-coup ou chos en retour de
l'idéologie dans 10 fonctionnement d'une formation économicm
sociale : l'occultation de la véritable sourco du
profit
c~
pita1iste, qui ~st la plus value extorquée à l'ouvrier
constitue un exemple pour les F~~s capitalistes. En effet, le
capitalisme ne pouvant survivre qu'en perpétuant un certain
type d'exploitation et d'oppression, il entraine nécessairement
avec lui une idéo1og{e qui voila son mode d'exploitation
(l'exploitation dù surtravai1 dont il tire la plus-value) et
fonctionne à la reproduction toujours p1~s élargie do l'ensemble

constitué des rapports dû production. Nous nous 8ùcGos~~Gnch~s
~ (
particuliêrernent sur cette dcrniêre acception, pensant qu'elle
synthétisait les deux premiêres puisque les deux caractéristiques
de la nécessité et?l'illusion s'y retrouvent: nécessité
pour
la classe dominante de maintenir les classes dominées dans.
l'illusion idéologique. A ce niveau, dos perspectives sont
ouvertes pour fonder une philosophie de l'idéologie sur lalutte
des classes.
b) Sur les bases de la dialectique matérialiste . et
du matérialisme historique, Marx et Engels ouvrirent les per-
pectives d'une étude scientifique de l'idéologio, _li6u. à
.
l'analyse de la conscience sociale commo reflot de l'~tresocial.
Nous avœœfondé notre compréhension
de cette théorie encore
,
inachevée mais qui' nous sort d'instrument d'analyse, sur les
réponses aux trois questions suivantes
-Los sources de l'id~ologio :qpcl-cst
-c:.-diro
les fondements de l' i;l(~ol()%i.~ ?
-La vie de l'idéologie :quol ost .son:m6de do fouction-
nement ?
-La "mort
l'idéologie: comment onvisager
la :fin
relativü ou absolue du processus i~001obiquo ?
1 - lES rJ'~CIHES BT LES FONCTIO)'iS
DE.
L'IDEOLOGIE
L'idéologie est un reflet idéel des processus réels
historiques. Elle est l'expresssion, sur le vaste régistre
des formes du langage, do la conscience et do la pensée de

- 23 -
la situation d t urie classe. H~,is ce r'e f'Le t n'est pas~simple car,
d'une part le processus idéologique jotiit d'une autonomie rula-
tive et d'autrepart, il agit en retour sur le réel concret. L'e~
semble des recherches marxistes sur l'id0010gie imspir&es du
ffiutérialisme historique pourrait s'énoncer en deux thèses complé-
mentaire, l'une mat6rialiste et l'autre dialectique.
,
a) La thèse~"l.téria~~ste s '.J.yorlce ainsi : l' j.déo-
logie n'a pas d'histoire autonome, mais d&nondante des (
conditions historiques de pro duc tion et dû reproduc tian de la vie
matérielle
"Daria la produc tian sociale do leur existence, les rnmmee
entrent en d8s rapports déterminés, nécessaires, indépendants
de leur volonté, r~tpports de production qld correspondent àun~t:.­
gré l'..~-J,lOl~~0L1Ci.1t donné de leurs forces ",l'oclûètl\\T.Jg, matérielles.
L'ensemble de ces rapports de production constitue la baserecllü
sur laquelle s'élève une sUrLrDttucturu~ juridique et politique
et à laquelle correspondent des formes de conscience sociale
dêterminées. Le mode de
production de la vie matérielle condi-
tionne le processus de vie social, politique et intellectuelm
général" (1)
Harx affirme différemment l'implantation de l'idéologie
sur le sol des contradictions historiques réelles ; dans les
oeuvres de "-,':'ltj,lCr:;[,:~il, encore influencé par l' lrumani.amc pcti t-
bourgeois Feu erbachion, Harx définit l'idéologie comme un reflet'
i~versé (dans la conscience) des conditions d'existence, c'est-
à-dire une projection des phantasmes individuels ou collectifs,
ou encore une dépossession de soi, una aliénation de soi qui
crée tout genre de renversements du type idéaliste et réligieux
notamment: " Dans toute l'idéologie, les hommes apparaissent
(1) K. "j.,;arx et F. Engels: "L'idÔologie Allemande ll , Ed. Sociales,
trad.
Augor Badia, 196G. P. 50

· pp pr TT
7W'--' ;5-'
5
- 24 -
la tête ûn bas comme dans una Camera obscura ll.(l)llI.,es Hanuscrits
<10 1844:r,
"la question juive'~ (164l~),
111ft S'ainte Famille" (1845)
r epr-è aeu t ent les po Lnt s forts de cette ana1yse de l'idéologie
identifiée à une conscience fausse
des processus historiques
réels: dans
l'idéologie, la cause devient l'effet, le déterminm
le dé t e rmi.nê , et lIon "descend du ciel sur la 1Brre ll en prétendant
quo lI c ' e s t la conscience qui détermine la vie" ; .10.. philosophie
de l ' histoire de .Hege L est alors let dernière expression c onsé-
qucnte, poussée à sa plus haute expression, d'une idéologie
spéculative do l'histoire
'qui s o "lléfin.
,.en. cfht chez _
Hegel comme la manifestation du processus divin absolu de l'esprii
dans ses plus hautes figure~, marche graduelle par~laquèlleil
parvient à sa vérité et prend conscience de soi: "Hegel fait
do 11 homme l' homme de la conscience de SQi, au lieu de fuire œ
la conscience de soi la conscience de
soi de l'homme,
de
l'homme r~el et donc vivantfuns un monde objectif réel etdéterminÉ
par lui. Ayant mis le monde la tate en bas, c'est dans sa~te
qu'il supprime les limitations (réelles), tout en los laissant
subsister dans le monde méchant de la réalité matérielle,pourle
compte des hommes réels. En outre, par "limitations" il
entend nécessairement tout ce qui wet en évidence la limitation
de la conscience de soi universelle, c'est-à-dire la naturesensi~
la réalité, l'individualité de Ilhomme ainsi que le mondedans
lequel il existe. Toute la Phénoménologie veut démontrer quela
conscience de soi est la seule réalité, et toute la réalité ••• "
(1) K. Ilar-x et F. Engels : "V idéologie Allemande ll, Ed , sociales.
Trad.
Auger - Badia. 1968. P. 50
(2) K. l-Tarx : "1a Sainte Famille, critique de la critique·
pritil:J.~e;r ; tr0.d. l'101itor
,

- 25 -
L'idéologie de
ce point de vue est synoni88 d'illusion etd'ali&-
nation de l'hom~o : l'homme.
devient étranger à lui-m~me,pris
qu'il est, dans le jeu des ombres où l'idéologie détend un-voile
mystificateur, lui c~chant sa propre essence. Reflet apparent
des choses dans la conscience des agents de la production cu
;"
élaboration doctrinnle de ce reflet par les Ld èoLogues , l'idéologie
est une image ronversée~t fauss~e du
réel et partant, Ull0source
d'aliénation. Toute la critique du noynu idéologique de l'Economie
politique par Marx, aboutit ainsi au concept philosophiquode
"travail aliéné.~ De meme que la politique opérait une distinction
entre les droits de l'homme et ceux du citoyen, introduisant-·
ainsi une rupture entre l'homme et lui-m~me et consacrant par",
.-
14 m~me son alionntion dans l'Etat (1), de m~me l'Economie
politique en distinguant l'homme de l'ouvrier ou du capitaliste,
et ne le retenant que COillme c~pitalistG ou ouvrier, est l'expres-
sion de l'aliénation de l'homme dans 10 travail, aliénationque
les "Hanuscrits de 1844" analyse dans la société -bourgeoise.
Dans les oeuvres de "uat.ur-at.Lo n" où liarx et Engels
,
opetent progressi~ement une rupture théorique, glissant du maté-
rialisme métaphysique vers le mat.é r-La'Lf.anc dialectique et histori-.
que, et êgalemont une rupture pratique, passant de l'humanisme
petit - bourgeois au communisme, l'idéologiQ est présentée
COlame une rationnlisation justificative des intér~ts écononùco-
politiques d'une classe ou groupe de classes. Elle sert ~:
d'instrument théorique dont une classe se sert pour justifier~
sa propre position à elle-m~me,kt aux autres c Laeee s en se ITé~
sentant
sous la forille d'une pensée désint~rossée et universelle.
.
-
(1) K. Harx in " La question juive" op. cit.

- 26 -
D9:~n:::mt l'illusion dû l' identi té et dû l' universalit'a dos
intGrêtc,
ulle ~nd ainsi â r0concilier chaque individu avec ses ronditions
d'existences et à f~ire ~ccepter donc commo L~turelle la situa-
tion de classe et d'exploitation do classe. On comprend alors
que dans toute sociét8 de classes, les 'clacs~s dominant~s
sécrètent et diffusent une id~ologie qui, par le biais de'la
mystification à l'usage des dominés, assure la reproduction
dos conditions idéologiques de l'exploitation. Ainsi les repré-
sentations idéologiques bourgeoises portant sur let "n:J.ture
humaf.ne " et los "rappo r t s ao cLaux'", représentant ceux-ci par
une idéalisation et une universo.lisation de la nature humaine
bourgeoise et des rapports sociaux de production capitaliste.
Dans cos représentations, l'humanité do l'homme cànsiste en
effet dans son individu:J.lité, dans sa liberté, dans l'égalité
qui ne sont r&oll~s quo pour la classe bourgoisG dominante
dans la soci~té. Po.r 10. liberté ainsi idéalisée, l'éGalité
absolutisée, la toute puissance de
la volonté affirmée, l'idéo-
logie au service de la dopinution masque la d~pendance et
l' exploitation réelle de l' homme par- l' h01:111le: "Les pons ')OS ch
la classo dotaf.nan t e sont auasd , à toutes lUG époques, les pen-
sées dominantes, autremont dit la classa qui ost la puissance
matérielle dOillinante de la société est aussi la puissance
dominanto spirituolle. La classe qui dispose des moyens de
production matérielle, dispose du m8mo coup, des Doyens de
la production intollectuolle, si bien que, l'un dans l'autre,
les pensées de ceux â qui sont
refusés les Doyens de produc-
tion intellectuelle .son t soumises du même coup à cette classe
dominante. Los pensées dominantes no sont pas autre chose que ..
l'expressionidénle des rapports mat~riels dominants, snisis
sous forme d'id6es, donc l'expression
.des rapports qui font
d'une classe la cl[!so dominante; autrement dit, ce sont los
id6es de lu dominatjon ••• Chaque nouvelle classe qui prendh
place de c~llo qui
domiLuit avant elle ost oblig6e, ne fut-co

- 27 -
Ciue pour parvenir à ses fins, do ropr~sontcr SOll intéret COllioe
l'int6rù~ commun de tous les m~mbres cie la société ••• Cette
cl~sse ost obliGée du donner à ses pens&os la forn8 dû l'uni-
veroRlité, dl; les répréscnter comme ét an t l8,S seules raison-
nables, les seules universcllewent valablcs"(') Les ph§nom~nes
de mystific~tion, de réification et d'universalisation sont
ainsi des effets que produit le langage idéologique do la
domination.
Dans les oouvres de "na tu r-Lt.è" où l1nrx ct Engels
/
investissent dos positions du prolétari~t, nous suivons une
analyse,( certes non systématis8o, ruais iruplicite~ de l'idéologie
de type nouveau: dépassant le point de vue humanisto de l'idéolo-
gie comme aliénation dû l'homQ8, le point de vue spéculaire
d.,) l'idéologie comme
justification consciente (
.3
intér~ts, Harx ct Engels dans
"10 capital" notamment, renouent
avec une approche plus scientifi~ue, plus objective de l'idéologie.
Cello-ci devient la représentation des~'pports eux-m~mes imaginaires
des hommes à Leur-s conditions d'existence; en mêue t enps que les
classes dominantes illusionnent celles dominées, ellos s'illusion-
nent elles-rnt'1me.s: Harx rompt ainsi avec les théories do la ruse,
de la Dauvaise foi ou de la simple représentation imaginaire
et illusoire qu'il appliquait à l'anhlyse de l'idéologie. Le
processus idéologique est pe ns é COITlLle s t r-uc t ur-e Ll.emonv lié et
déterminé par la co@plcxité du systèwe dQ production do classes
et de la lutta dos clGsses. Avec l'opacité du réel, conséquence
e t
de:
du système do production vprincipnlemon~ ln division du travail,
des' éclairages
nécessaireBent partiaux (en d6pit du langage
universali~tc ) des classes en lutte, de la complexité des'
réalités économiques, l'idéologie est nécessa.irement "méconnaissa.nce..
,) K.Harx in "L'idéologie Allemandie" op. c Lt , pp. 75-79

----------------~~"
/
- 28 -
_ reconnaissance"
(Althussor~ des processus rêels historiques.
J'1o.rx dans Ille capital", indique que la base f'ondame n t a Le de la
;-.
structure économique ;Ise dissil.Jule" à la conscience des agents
de la production et m~L1e des "idéoloQies " du c:-.pitalisme dont
le langage à prétention scientifique, n'est que l'apparence du
système.
Les déformations et Lworsions inhérentes à l'idéologie
ne s'expliquent
plus par la mauvaise foi ou la volQnté cynique
de tromper d t urie classe. Porapan t avec cc type idéaliste, l-îar-x
inaugure un mode d'analyse critique et scientifique, saisissant
en de~à do l'explicite (apparences ct forfuulations), la dimension
essentielle, f'oudanien t.a Le (dimension inconsciente, cachée) et
explicative du processus idéologique de f~çon déterminante.
L'étude scientifique de l'idéologiu
puisque "c'est faireœ.uvre
scientifique de réduire le mouvement visibl~, simplel.Jent
apparent,
au mouvement interne réel ll(2), dépasse le simple discours pour
en oxplorer ~eE arrière-fonds porteurs du sens dernier. Dansh
"Contribution à la Critique de l'Economie Polit,igue" (3) ct
"le capital"(4) a l.Larrt du signifié1.nt (niveau du langage de l'écono-
mie capitaliste) au signifié (niveau de la production et de la
reproduction du sYDtème capitaliste) pour revenir expliquer le
signifiant(lo sens profond, non apparent du langage capitaliste),
1"Iarx dévoile l'idéologie inhérente à l' éco norafo politique bour-
geoise: l'o~cultation de la plus-value, source du profit et do
l'accumulation capitalistes, de l'appauvrissement ct de l'aliéna-
tion du ;travailleur libre" car, "ce quo l'ouvrier échange contre
le capital, c'est son travail nftme ••• il l'aliène. Le prix qu'il
obtient, c'est la valeur de son aliénation", en vérité
l)L. Althusser dans ses différents essais sur l'idéologie, notam-
ment :"Pour 1'1arxll , Paris ,Iiaspéro 1965. "Idéologies et Appareils
Idéologiques d'EtC', t" in La Pensée n? 151, Juin 1970
2) K.Nnrx, Capital,III, I,p.322
3) K.Harx: "Contribution à la Critique de l'EconoL1ie Politiguo;Eci
sociales. Paris 1972
;
4) K,Harx: Lü Capit~l, Ed. Sociales, 8 volumes 1946-1957

- 29 -
Fond-o.nt ainsi l' id&ologie sur le mo do de production .,
et la lutte des classes, Marx par cette thèse centrale ~ esquissé
les traits fondamentaux d'une étud6 matérialiste, dia1ectiqueci
(
historique de cette for~e d'expr6ssion de la conscience humaine:
liA l'encontre de la philosophie allemande qui descenà du cie1SJ.r
la terre, c'est de la terre au ciel que l'on monte ici. Autregent
dit, on no part pas de ce que les hommes disent, s'imaginent, ID
représentent, ni non plus de ce qu 1i1s sont dans les· paroles,
les pensôes, l'imagin:J.tion.et la représentation d'autrui, pour
aboutir ensuite aux hommes en
chair et en os; non, on p.1.rt des
honmés dans leur activité réelle; c'est à partir de leur processus
de vie réelle que l'on représente aussi le déve10ppeoent des
reflets et des échos idéologiques de co processus vital ••• Deœ
fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste
de l'idéologie, ainsi que les formes de cons~ienco qui leur corres-
pondent, perdent auas i, t ô t toute apparence d ~ autonomie • .oE11es
n'ont pas d'h~stoire, elles n'ont pas de développement; ce sont
au contraire les ho~~es qui, en développant leur production matériel-
le et leurs rapports uatériels, tr<:tnsforment, avec cette réalité
qui leur est propre, et leur pensée et les produits de 1eu~
pensée." (1)
Cette thèse centrale essentielle est complétée et
enrichie par la thèse dialectique servant co~ne de garde-fous
pour éviter les égarements de l'économisme fataliste ou ~e l'idéa-
lisme volontariste, dans l'étude marxiste du processus idéologique.
K. Harx : ilL' idéologie allemande" (1 ère partie). Ed. Sociales
Paris 1975, p.51

-
)0 -
b) Lu thèse dinlwgtigue: l'nutonouie relative du
'processus id60106igue et 18 choc en retour de l'idéologie sur.
SYStjflG
de prodE-c.lion et de reproùuction QC la vie so cLa.l.e,
Le déploiement de l'idéologie s'o.cconplit
. non
seulement sur ln base d8 la loi universelle de l'histoire en
vertu de laquelle ln conscience soc~11e est engendrôe et condi-
tionnée par' l'être so cLaL, uaf.s auas i, sur ln baso· des 10 is
. d'
l '
. do',
. ~
sp3cifiquGS inh6rentes Q la
seule sphère 1 ùQ 'oGlq~e,~-L:
l,
, .
,.
1

\\ . l ,
.
.
"__ _
_
.
~.
.
~~~t ~ J:f\\.~ ch. ~ tw:i~ -.eelr-C~: "Chaque idéologie un; ibis
constituée, se développe sur ln b~se du thème de représentation
donné et l'enrichit; sinon, elle ne serait pO-s une idéologie,
c'est-à-dire ln poursuite d'idées en t~nt qu'entitos viY.antes
d'une vie ind6pendanto,se dévoloppnnt d'une fa~on indépendante
et uniquouent sauoises â leurs propres 10is" ( 1 )
Chaq~e système idéologique nouveau, par son contenu
et sa forme, est le prolongGuent de l'Gvolution antérieure den
pensée hUffinine, et de cc fait il est ,fonction des connaissances
notions et représentations accumuléos jusque là. Les différentes
classes sociales prennent conscience de leura
situations etde
leurs reles historiques à trnvers ses idéologies appartenant à
l'h6ritnge du passé et
.jouissant pnr conséquent d'une relative
nutonomie par rapport au présent des choses; nées à des époques
nlltérieures, elles n'en donnent pas liloins un éclairage de méconnais-
sance-reconnaissance sur :10 réel actuel: il existe toujoursm
~~calage plus ou moins importan~ entre l'étage des idées ct la
base matérielle; una. idéologie peut de ce fait, anticiper ou
retarder sur le développement économique d'une for~ation sociale;
1) F. Engels: "Ludwd.g Feuer-bach et 1::1. fin de la philosophie c 41ssiqu
aller.J.3.nde." Ed. Sociales, P.::tris 1966, p.78

- 31 -
il pout y avo.l r retard ou avance db le. con s cLen c e [jur'~.l-! >,t~...:,_ Q'JtLü,
éc~rt confiroant l'indépend~Dc~ relative de l'idéologie qu'Engels
souligne â propos de l'histoire, rêgion qua peu~investir l'idéologie:
"L'idéologie historique a dq~c dans chaque domaine sceintifique
une ~atière qui s'est fornée de façon indépendante dans la pensée
des générations antérieures et qui a subi sa propre série indépenù~r.te
de d0velpppewent dans le cerveau de ces générations successives". (1)
La reconnaf.asanc e de cet ta autonomie relative de.
llid001ocie permet d'ou considérer la fonction spécifique: ell(
inte~vient en retour pour affaiblir et ruiner ou
renforcerd
défendre le systèillü social articulê des forces productivos d des
r-appo r t s do production. Iiarx et Engels, plus soucieux de
ruiner
l'npparente indépendance des idéologies par rapport à leurs iliases
mat0rielles, ronpant ainsi ~vec les théories idéalistes, ont
. ' c 1
peu insisté sur cette intervention en retour de l'idéologie sur
,
le systême socihl et ont ouvert un peu la piste à l'économisme:
"e' e e t Harx et lTIoi-ii~me, partiellement, qui -dcvorie porter la res-
ponsabilité du f~it que, parfois les jeunes donnent plus de poids
qu 1 il ne lui est ~ o..u. coté économique. Fac o à nos adversaires, ilnous
fallait souligner le principe essentiel nié par eux, et alors rna nous
ne trouvions pas toujours le t emps , le lieu, ni l'occasion de donner
leur pl~ce aux autres
factours qui participent à l'action réci-
proque." (2)
Quelques t6moignages prouvent cependant que cette
efficience de l'idéologie jouait selon aux un r'ô Lo Lmpo r-t an t sdarie
tout processus révolutionnaire:
"Ln force l:latérielle ne peut
être abattue que par la force ~atérielle ; uais l~
théorie,
se ch.:mge, elle aussi, en fore c: DatérièllG, dès qu 1 elle" "pénètte J
-(Î)~<·Éngels : "Lettre à Fr-anz Behring", 14 Juillet 1893, citée"
ln "J;1.arx), Engels ... Etu0.es philosophique Il ,Ed
so c La'Les
'parls 1~74, PP. ~49 - 250
• Q
,
t2~ F. Engels: "Lettre à Joseh Bloch", 21 Septembre 1890, citée
in "Harx, Engels: Etüdes philosophiques", op.cit. p. 240

- 32 -
les masse s ••• (1') D':tpl'ès la conception l~l:ttérialis~'è de l'histoire,
le facteur déterminant dans l'histoire est, en dorniêre inst~nc~
ln production et la reproduction de la vie r6elle. Ni Marx,
.
ni moi n'avons jalilé1.is G.ffiTL1G d'avcmtge • .si ensuite, quelqu'un
torture cette proposition pour lui faire dire que le facteur
conoufquc est le seul déterminCLnt, il la t ran cîo r-ue en une phr-cac
è
vide, abstraite, absurd~. La situat~n &conmique est la basu,
mais les divers êl&wents de 13 suporstructure ••• exercent
\\
&gnleuent leur action Dur le cours des luttes historiques
et, dans beaucoup de caG en déterwinent de façon prépondérante
la forme. Il y CI. action et ré:tction de tous les f~cteurs au
sein desquels le mouvement économique finit par frayer son me-
min c omae une nécessité à travers 1.:1 foule dus ha~ards. " (2)
Intervonant dans un débat historique dont l'enjeuprin-
1
cipal était la défense
et Lt appr-o fo nd Ls aeraen t du
1;]atéri3.1is~e
dialectique contre l'idéalisillc le plus achevé (celui de Hegel),
Marx et Engels ont d'avantage accentu6 l'aspect matérialismo
au détriment do son comp16illent dialectique.
Cette limitation historique explique la présence de
nombreux points obscurs, parc e que Lnsu i'fLsunaen t ana.Lyaée , chns
leur approche de l'id601gie : les différentes d6finitions
fraGjncntaires et descriptives de l'idéologie sont entachées d'im-
précisions quant nu contenu et
à la nature m8illo du concept. Do
ce fctit, Harx et Engels n'ont élaboré que les premières pièces
encore Q~l soudées d'une théorie fondant l'idGologie sur sa
basa matérielle, théorie que leurs successeurs continuent d'arti-
culor en renforçant l'aspect dialÇctique pnr ln revalorisation-
de la fonction active(combien capitale- pour
la révolutio~,
de la supE:rstructure idéologique.
-(1) "K. ;V;ctrx, Oeuvres complètes"', Ed. Costes, Paris 1947 - 1954,
tome 1, .p. 96
(2)
Engels: "Lottre à J. Bloch" in op. cit. p.
238

Pour ainsi liborer l~ dialücti~ue, il fGll~it en brisill'
les chCl1nes mè cnnâ s t os renf()rçées no t.anmen t lors du La "Deuxième
Tnt ez-nat Lona.Le" où s' e t n i.~ développée une irltcrprét::\\.tior~ erronée
J.mt.
des toxtes de Marx ~boutissQnt à/véritable f~lsification de leur
sens: l'6conomisme. L'écono.misme ~éduit la supostructure (po-
litico -
juridique et idéologique) à un simple épiphé~omène
de l'écononique. Il nie la possibilité théorique q~e le
(
temps dû la structure politique et idéologique soit différent
du temps de la structure ôconoraf.que , réduisant la politique à une
mc..nifestation simple et directe de l'économique : toute modi-
fication dans l'infrastructure engendre uno transformation ~ui­
valente, immédiate et inéluctable dans ln supe. tructure.
Cette position théorique justifie en pratique l'ntten-
tisme, le spontanéisme ou le réformisLJe : puisque la t.r-ansf ormn-
tion des ro.pports économiques aboutiss~nt à la destruction
de tout système d'exploitation relèvo de la fatalité, il suffit
d'attendre que les structures socio-6conomiques craquent d'elles-
mtmes pour quo s'opère automatiquement uno révolution politique
et idéologique. ~En o.ttencl~ntt que los conditions objectives
d'un tel boulevers~i:ll0nt appnr-aLs scnt , seule la lutte éc onomf.quc
dos travailleurs ost la seule valable. En imposant des revendica-
tions économiques croissantes, ils contribuent ~ dénaturer
le système des rapports de production capitaliste dominant
et partant à sa chute.
Dnns cutte interprétation révisionniste des rapports
infrastructure - superstructure, la conscience de classe sc
réduit à un simple reflet des conditions économiques. La
conscience de clnss0 s'acquiert ainsi de façon spontannée
i l
suffit d'6tre ouvrier pour avoir une ~onscience de classe
ouvrière •

1
• • •
,

1
• •
.
• . •
op
,
1


- 311- -
Déjà Lénino Qv~it d&nonc8 11&conomisQ8 d8 l~ Düuxiè-
~0 Internnlionale en d680ntr~nt qu'au cuntraire, los masses
abandonnê es à Leur pr-opr-e Lmpu.Ls i.on nv aâ cn t
~,ponttlnnérn0nt t eridanc o
~w r6formiswe c'est-à-dire â l'a8~liorGtion C- ût non à la dùstructior
du ays t èue économique qui 10s c ppr-Lue , Il
devient nécessaire
d' "importer" la théorie mar-xf.at o dans le mo uv emen -t ouvrier, seule
opération qui permettra au prolétari~t d'C\\cqu~rir une conscience
de sa situation de classe antagonique à celle do l~. bourGûoisie
et do briser les carcans du corporati6~e, pour poser des revendi-
c ut â.ons politiques de c Laas e ; . "pnr ses s eu.Lee forces la clo..sse
ouvrière ne pe-qt nrriver- qu'à ln conscience trC\\.d€:-unioniste,
c'est-
à-dire à ln convict~on qu 1il faut s lunir aux syndic~ts , se battre
contre Lcs pat.r-ona , r-é c Lamer- du gouv erneraen t
telles ou talles l oi.s"] 1
Instrui ts par les écrits de Lè nd.ne maf s surtout far
les mêsuventures dos révolutions en Europe Occidentale ct dénonçant
à cet effet lus thèses mécanistes et fntalistüS de la Deuxième
I~ternntionale, des narxistes occidentaux dessinent un large
courant qui, allant de Ros~ Luxembourg à Gramsci, de Kornch â
Luclà~s, de Narcuse à Althusser, recherche une stratégie révolution-
llZ1.ire efficace et 8.dnptée à leur milieu socinl. Co courant s'n.ctU3.-
lisant au jo urd t hui dans la concept po Lémf.que do l' EurOCOl:1IDUnisljH:"
procêde à une relecture critique dG Mnrx 0t à 111 rocherche d 1une
voie originnle. au socin.lisme, distincte do colle de la n~volution
d'Octobre. Il f~ut faire la révolution que l'histoire du ~onde
capitaliste occidental Qat à l'ordre du jour et non plus s'enfermer
dans une lecture contcmpl'J.tivc du "Capital" ou dans un projet
de répitition de la Révolution Soviétique.
1) Lénine
"Que faire" Ed. du Seuil p. 85

- 35 -
La condition dernière do la production, Gisait Marx,
BSt l.::t reproduction G.uu coùq,itions de product:ï;on. Si le procès de
productioli économique nécessite la roproducti6n ùe l'unité articulé0
des forces productives et des rapports de production,
i l
suppose
également le reproduction dûS conditions politiques, juridiques,
et iduologiques qui en assurent la continuité et l'élargissement.
de retour à Marx découvre l'i~portance stratégique ~e l'idéologie
dont la fonction essentielle est, soit d'aJ ....ptiTles hommes à leurs
conditions do vie, soit d'~mener les hommes à contester et à se
rovoltor contre leurs conditions. La dél~arche idéologique devient
ainsi un facteur défensif ct un principe protecteur pour les classes
sociales dominantes, mais aussi un factour et un principe de lutte
révolutionnaire.
pour les classes sociales opprimées. Invalidant
les, thèses simplistes, réductionnistes sur l!idéologie, les recher-
ches marxistes vont ainsi s'orienter vers l'appréciation des diffé-
rents modes ~'intoxication de la conscience du prolétariat et
proposer les solutions d'une démystification radicale de l'idéologie
bourgeoise douinante co~me prélude nécess~ire à toute révolution
prolétarienne en Europe capitaliste.
Luckàcs dans Il Histoire et Conscience de classe" se
fond~nt s~r 10 retard de la conscience du prolétariat sur ce que
devrait lui dicter sa situation économique d'exploité, s'attaque
aux théories mécanistes
du "reflet simple" émanant des philoso-
phies pré-dialectiques de l'idéologie: la "conscience réelle" du
prolétariat ne c.:incide p.::ts automatiquement avec une conscience de
classe prolétarienne. Il introduit ainsi le concept de "conscience
possible" pour désigner ce que dovr-af t ê t r-o la conscience du
prolétariat en rapport
non mystifiée avec sa situation de classe:

- 36 -
"En r:<'p'portant ln. conscience à la tot·:..1i té
de la société, en
ùdcouvre les pencées et les sentiments que les homliles auraient
eus, dans une situation vitale et d&terminée,(slils avaient été
c~pables de saisir parf~itewent cette situati~n et les intér~ts
qui en découlent ll . ( 1 ) Telle critique marxiste des illusions empiri~·
tes qui ne s'en tienneot qu'à un déterminisme matérialiste métaphy-
sique, constitue, à notre sens, un retour à la dialectique de la
totalité, esquissée par Marx lui-même niant que llinfrastructureœcrè
l'idéologie comme le foie secrète 10. bile. Hnrcu6~2)lliettant en
relief cette inadéquation entre la situation sociale e~ la conscience
sociale, o.nalyse de m~me, comment cette adaptation de l'exploité
.::tu "principe de réalité ll c.::l.pitD.liste qui doit réprimer "Eros",
"principe de pâ a Ls Lr!", engendre une aliénntion profonde de l' ouvr-Ler
dans les formations capitalistes avancées. En effet, sous le
bombardement intensif des orgo.nes diffusant'l'idéoloeie dominante
d'adnptntion au "principe de réalité" cJ.pitaliste qui signifie
principe de rendement, le prolétnire devient non seulement incapable
dG toute critique du aystèQo qui l'oppri~e, mais pis encore, il
devient ce sujet malheureux qui s'auto-réprime en ndoptant les
principes fondamentnux de ce systèwe. L'ouvrier est pris dans le
langnge de son p~tron qui proclame l'identité et l'universalité
de leurs intérêts. Tant que l'ouvrier par une prise de conscienceœ
classe n'aura pas déchiré ce voile mystificatuur, l'Bnjeu de la
lutte révolutionnaire demeurera caché. Pour Marcuse, cette prise
de conscience viendra du dehors, de l'ensemble:; des forces
sociales du "Grand Refus" qui se situent en marge du systènc de
production c8.pitnliste: étudi~nts, chômeurs, prostituées, noirs etc ••
1) G. Luckacs: "Histoire Gt œonscience de classe", trad. K. Axélos,
Ed. de Minuit 1960, p. 230
2) Harcuse: "Eros et civilisation": Ed. de Hinuit, Paris 1970
- "L'homrJe unidimensionnel": Ed; de Minuit Paris 1968

- 37 -
Dnns une partie de son an~ys0, Luckacs démùntre
que t.h èor-Lquement , ln conscience du prolétariat qui d evo i.l:
l'~Qener à bouleverser les ;r~pports sociaux d; production,
in-cCJriorise en réalité ces ro.pports, organisant :linsi une auto-
aliénntion. A ce mo~ent, la prise de conscience de
classe du
prolétnriat
devient un moment capital, un facteur dominant pour
sa lib6.ration. Prisonnier des idéologies dominantes présentées
conme valeurs universelles et absolues, victime des ~yndicats
réformistes
qui privent ses luttes de toute perspective politique
le prolétariat selon Luckacs ne pourra remplir sa mission historique,
transformer le LOlll10 , quo par une rennaissance idémlogique préalable.
Q.u3.nd la prise de. -conscience devient pratique, c'est-à-dire ,3, ction
politique révolutionn3.ire, s'engage. le processus de la chute du
systèwe d'exploitation capitaliste. LiD,nt la victoire de la révolu-
tion prolétarienne à la nécessaire coincids.nce entre "conscience
.
.
réelle" et "conscience possible", Lucl~cs d ôpaas e le fatalisme
8conomiste pour insister sur le rôle actif et déterminant de la
1
classe ouvrière dans le processus historique de sa propre libération:
"ainsi la pensée prolétarienne n'est .d'abord qu'une théorie de
la praxis pour ne se trans. former que peu à peu (souverit par bonds
il est vrai~en une théorie prD.tique bouleversant la réalité(l)"
De ce point de vue, Luckacs
rejette les
théories du
"reflet
simple" qui mettent en perspective deux pôles faussement stables
du réel: le wonde des . relations socio-0conomiques concr~tes
et son "reflet" d.:tns 1.:1 conscience des agents de la production.
+Ces théories ignorent le devenir, ln dialeccique qui, conçue
conme procès et contradictions, suppose que le résultat saisi
d~ns toutes ces déterminations, soit à chnque époque historique,
,
l
repense et transforlilé par la conscience de classe: "Les critlres
de la justesse de la pens&e , c'est bien la réalité. Mais celle-ci
1) G. Luckacs "Histoire et Conscience de classe"
, op.cit. p.253

- 38 -
n'est p~s, elle devient ••• le principe de la gen~se est en fait
le d&p~ssement du dogmatisme (surtout sous sa figure historiqu~
ln plus grandiose, ln théorie platonicienne du reflet)
••• Et dans ce devenir, la conscience (la conscience de classe
prolétarienne, devenue conscience pratique) est une composante
nécessaire, Lnd.Lspe.ic ab Le , constitutive. 11(1) L'idéologie peut
jouer corMlle un voile occultant les rapports d'exploitation, mais
aussi comme possibili~G de dévoilement par conséquent.
GraQsci a fourni un offort théorique très poussé
dans l'npprofondisseuent et l'enrichissoment de l'approche
m~rxis~e de l'idéologie. Tout COMQe ~uckàcs, il. est conscient
du décalage, sinon de la contradiction, entre la "conscience réelleli
et la "conscience possible", entre la façon dont le prolétariat
1
.
occidental pense et agit, et l,~ : taç·on. . dont il devrait penser
et agir compte tenu de S~
situation dans lé procès de production
capitaliste. Saisissant alors l'importance capitale de l'idéologie,
Grarnsci'c~illF.n.crede nombreux textes à la recherche d' une stratégie
de lutte révolutionnaire en Occidl:!nt qui inclut l'idéologie comme
un outil de libération du prolétariat. Pour ce faire, il précise
d'abord le contenu, le domaine et les formes d'existence dY l'idéo-
logie, puis en détermine la fonction stratégique dans le processus
de lutte d'émancipation.
"Une idéologie, écrit-il, est une conception du tlonde
qui se manifeste dans le droit, dans l'activité économique, dans
toutes les manifestations de la vie individuelle et collective".(2)
Toujours liée à une classe dont elle défend les intér~ts, l'idéo-
logie ~n recouvre la totalité des activités, allant de l'art à
lR littérature, de la philosophie àux théories scientifiques etc •••
1) G.Luckacs "Histoire et Conscience de classe" ,op. cit. p.253
2)
:;itG de l'oeuvre 1I11.matérialismo storico e la filosofia. di
Benedetto Cro.ce ll par Dona.m.que Grisoni ct I~obert f.1aggiori in
"Lf.r-e Gr3..msci", Ed. Universitaires, ParLs 1973 p. 203

- 39 -
Elle en constitue par là D~Be l'instru@ent d'h&g&oonie. L'en-
s e nb.Le des idéoloe;i8s constitue-) la i1.société civ:l-le ll au sens
Gramscien de ce terne H&gélion. Il recouvre GssûntielleDent
la supers truc tur-e a Lor s qu'il ne z-ecouvr-a:i t chez Uarx (1) que
l'ensemble des rapports écono~iques (l'infrastructure):
"L'ensenble des organisnes vulgnirewent dits privés qui corres-
pondent à 13. fonction dhé-géaonic que le groupe dorri nan t exerce
dans toute la ao c Lè t é!",
(2)
CODIJosé de tous Le s or-gnnec
dela
superstructure per-mett.an t "la direction intellectuelle (; t
morale'l de la sociét&, cet enseuble vise à obtenir l'adhésion
des clas8es dOlJinées. Et pour ce faire, la II s o c i é t é civile"
cOL,prend deux niveaux d'existonce essentiels et organiquement
li6s d~ l'id~ologie.
a) ~ l'idéologie en tant que conception du 80nde
élabor&e, rationalisée, dans le but do souJer le corps
social
toutentier aux classes dOwinantes, se diffuso' en trois versions
distinctes: la philosophie, le "bons sens" et 10 "folklore. (3)
S'il existe uno id6010gie générale do~inanto, directementet
organiquement liée aux classes sociales dom.Lnan t e s, ces dernière s
en repandent toujours des forBulntions variées et adaptées
oox
niveaux de co npr-èhe ns Lon des diverses couches sociales pour
provoquer plus aiséu...:nt
leur "c oncc nsus c " Ainsi, la philosophie,
conceptualisation d'une vision du 8ond~provient des couches
intellectuelles organiques des différentes classes et se distinguo
du "sens cOJ:li;:!unll , philosophie spoIltan~e_ des non philosophes
qui ost constituéo d'un agrégat d'éléuents hétérogènes empruntés
à l'expérience individuelle. Le " sens co r.mun" véhicule une con-
ception du monde passive~ent assimilée dans les ~ilieux o~
évolue chaque individu.
(1) Cette différence n'est pas contradiction mais conpléuenta-
rité, Grauac L enGagé dans un dé bn t historique contre l'éconoJ;üsme,
est plus soucieux de restituer à l' idéolo(Sie ao n iuportant'e
fonction dans la structure sociale totale.
(2) Cité par Grisoni et Maggiori in op. cit. p. 256
(3) Le folklore chez Gramsci renvoit â une Jos formes d'ex-
pression les plus populaires du sens OOnnlUIl.

- 40 -
Ce "s enc coumun'! appar-e uuen t issu du lciilieu d.es classes ao c La.Les
dODinées, n ' est en vérité selon GraLlsci, que l' échp loin tain
de la philosophie des classes dODin~ntes lùsquelles, par un
l'on V(;ŒSCLlent de type copernlcien, parviennent à faire acc.p to.r-
conne un "bon s ena'! , leur propre vision du nond e ,
b) - L'ense@ble dos woyens engagés pour rêco~cilier
les exploités avec leurs conditions d'oxistence, c'est-à-dire
l'organisation Datérielle de la diffusion de l'idéologie,
est
-app e Lé e "structure Ld èo Logd.que " et comprend les divers or-ga-
nisllicsqui créent et diffuse~t los idéologies : les systèuos scolaires,
les organisa tiom réligieuses, les ua i.so ns d' éd.i tian, clubs,
la presse etc ••• ~~us le couvert de la neutralité Clpparente,
,
diffusent en vérité l'idéologie douinantc. Dans ces conditions,
toute révolution devra'nécessairement lnclure la d&@ystification
1
de l'idéologie doin.Lnan t.e COI~1l:le Domont déteruinant pour la prise
de conscience de classe du prolétariat et sa lutte révolutionnai~
Répérant ainsi la place stratégique qu'occupe l'idéo-
logie dans la t r-anaf'o rraat Lon du nonde, Gr&l.1sci détruit l' écono-
misue Boukharinien (1) pour ronouer avec une conception dialecti-
que des rapports entre l'idéolo~ic et sa base uatérielle 'iui,à
la fois reconna1t l'autononie relative de l'instance idéologique
et sonl!choc en retourli sur le système de production. En effet,
les lois 6c..!ra:liques ne fonctionnent janD.is coume des lois physiquœ
car le sujet é conomi.que (l' ho une ) est inprévisi bl,o dans ses
réactions. Par ailleurs, la distallciation entre le sujet ctl'o1>-
jet de la
connaiss~nce qui pernet l'objectivité et donne sa
valeur scientifique â la connaissance dos phénouènes naturels
(1) Gra:Jscl répo·nd ainsi au "manuel populaire" de N. Boukharino,
oeuvre publiée en 1921 â Moscou qui présentait une interprétation
extrOmement mécaniste et fataliste du matérialisme historique.

- 4' -
est ici Lt.po s sd b'Le : le sujet et l'o~)jet se co :lfOl}dent. De cc
fait, on coL~et une erreur uêc~nistD 0n
prêsentant les lois
de la dialectique sociale com~u fonctionnant sur le wo~o deh
ri6cessit~, en ignorant plus pr6ciseuent .
l'autonouio et 10
poids de l'idéologie dans toute structure sociale:
"Dans 13. discussion entre r:Ol:W et Byzance sur la }roce &.
sion du Saint-Es'pri t, il s e r-ai, t ridicule de chercher d,::ms la
structure de l'Orient européen l'affirmation que l'Esprit Saint ru
l~rocèJ.li:1,:; que du père et dans celles de l'('ccident qu'il procède
du père et du fils. LèS daux Bglises dont l'existence et _~
conflit dépendant de la structure et ùe toute l'histoire, en
posant leurs prob.Lène s , n' ont fait chacune que Iwser le pr-ohLème
de leur distinction et de: leur cohésion intérieure, mais il
pouvait aussi bi~n so faire que chacune des deux Eglises e~t
affirmé ce que l'autre a affiru~ ••• (')
La prétention
(présentée
com~e postulat essentjel du uatérialisme hist~rique) do présenter
ct d'exp0ser toute fluctuation de let politique et de l'Idéologie
c cnme une expression Lmnédd.at e de let structure doit être corabat.-
tue comwe un infantilisme primitif et pratiquement doit ~tro
co~battue uvec le té~oignaGù authentique de Marx, 6crivain
d'oeuvres polltiquc;s et historiquas il (2)
Int~grant la luttü idéologique dans la lutte globale
des classes, Grawsci parle dl une véri tnbl'
Il ca t har-sâ s"
pour
désigner le passage 'Idu fuoment purement éconmique ou égolste-
passionnel) au Dament éthique - politique, c'est-â-dire de~ê­
laboration supérieure de la structure en superstructure
dans la conscience des hOlli1:1es." (3)
Ge sont bien les ho nnae a
( 1)"oeuvres choisieo de
GraDsci", t r ad.. H8njo, Ed. soèiale~9
p:::.ris , 95'7; p. .'04 : "Lü .'D. t6ri1.1isiJo 1 hd s t or-Lquo ot la phâ Loso phf,e
de
B~ c r-c c e ;!'
(2) "Oeuvres choisies de Gransci". op.
c Lt , p. 104, référence à
l'oeuvre :' "Les intellectuels et l'orc;misation de ln c ul t.ûr-e ;"
U) ":1...,i1'8 Gratlsci" op. ciro p. 16'

- 42 -
qui font l'histoire, ils ne s~nt donc pas de simples Darionnettes
'de l'infrastructure. Par leur volonté active, orgar(lsée et
pr-è a Lab l.eracn t
éclairée p3.1' une idéologie juster;",ent définie,
les hOIi1EleS font l :histoire daï.'''s les liLii tes historiques précises.
L'idéologie devient un lieu de la lutte des classes dont l'occu-
pation hégémonique par une classe en annonce la victoire totale.
Dans les formations sociales de l'Europe capitaliste, la stratégie
révolutionnaire doit insister sur le préalable d'une hégémonie
idéologique du prolétariat (1) qui en ~répare la domination~li­
tique, (à l'inverse de l'expérience de la révolution soviétique)
car, une des spécificités des sociétés occidentales est que~
"société c âvLLe" y constitue le maf.Ll.ori le plus fort de la
domination capitaliste.
Finalement, cette riche approche de l'idéologie,
1
réfutant tout do gniat Lsme , en mêine temps qu'elle
c Laf.r-c Iee
é
débats au sein du mouv e ue n t
co muunf.s t e , particulièrement
en Occidant capitaliste, ouvre la voie à suivre pour tout
no uv orae n t
d' h,ancipü.tion, celle d' une ~éf1'exion vivante et
cri tique qui de ue ur-c fidèle aux conditions èco nonu.que s ,
politiques, culturelles concrètes.
Son éclair~ge nous peruet de saisir COLlment l'idéologie
contribue à la reproduction ou à la révolution des rapports
de production dans une forDation socialo donnée • Liant la
transformation des conditions de vie des masses opprimées b
la radicale dénystification des idéologies dominantes, Gramsci
etde nombreux autres dirigeants prolétariens (dont Mao) ont
revalorisé le cha~p idéologique dans la lutte des classe àm
.woment oü l'économisQe, désorienta~t les luttes des classes
exploitées, accalérait la réconciliation objective de celles-ci
avec leurs exploiteurs. Comuen t peuc-o n alors envisager la
'fin des idéologies" si ellos s'articulent si nécessairement
/'
avec la lutte des classes?
1) Granac L insiste sur le rôle éducat 3.\\1' du parli lequel d ai t
soustraire le prolétarint de l'intx~ication de l'idéologie
bour gco t s o d oi.d.nnn t c , lui do nnc r u.i.: conscience de classa
o r gnn Ls c r sc s lut tes pour l'll~[;0: Joni.;) Ld oLog i.que et
o .
è
1::J. üouin:ltion poli tique.

- 43 -
2-
La mort de l'idéologie peut s'entanùre de deux façons:
+ Une mort relative comme dé pae ae me n t
d' urre idéologie
par une autre dans le prolonS0ment de la victoire d'une classe
sur une autre.
+ Une mort absolue comme pc.upérisa tion totale du jr-oc es >-
sus idéologique en général en tant que processus d'abstraction
déformant le réel.
Entendue au premier sens,les marxistes s'entendent
généralement sur la mort de l'idéologie comme conséquence
de la fin de la domination économico-politique de la classe
sociale dont elle défendait les intér~ts. Ainsi la mort
de l'idéologie aristocratique par suite du déclin'pulitico-
économique de l'aristocratie.
Entendue au second sens, certains marxistes dont
Althusser, soutiennent la thèse de l'éternité de l'idéologie
en tant que "ciment" ou Iloxygène" indispensable à toute
société. Nous acceptons quant à nous la thèse liant la paupéri-
sation absolue de l'idéologie à celle de la lutte des classes,
ainsi que le suggère ce texte de Harx: "L« vie socialo dont
la production matérielle et les r~pports qu'elle implique
forment la base, ne sera dégagée do tout nuage mystique qui
en voile l'aspect, que le
jour oü s'y wanifestera l'oeuvre
d'hommos librement associée agissant consciemment et maîtres
de leur propre mouvement social. Mais cela exige un ensemble
de conditions d'existence matérielles qui ne peuvent Dtre
elles-m~mes que le produit d'un long et douloureux développemeh~'(l)
G. Luckacs: "Conscience possible-conscience réelle"
L. Althusser: "Appareils Idéolog::iq.les d'Ela t
H. Lefebvre: Concepts de "modernité-quotidienneté"
H. harc uae r ·IlL' homme unidimensionnel ~ Repression"
1) K.iio.rx fiLe capitéll", op. cit. Livre l p.86

- 44 -
En nous servant de cette approche watérialiste et
dialectique de l'idéologie en général co~me inst~llment d'analyse
nous procédons à l'investigation. sur le t e r r a Ln idéolog:itl.10
négro-africain pa=-ticulier, du noyau de sigrüfication profon-
de de tous les discours qui s'y prononcent.
3- Hypothèses sur l'idéologie négro-africaine -
CoNme processus idéologique spécifique, l'idéologie
négro-africaine présente des caractéristiques propres quàntà
son contenu, _aa fonction (ou statut), ses f'or-ue s d'expression:
elle revêt de ce fait une signification pvrtinente qu'il nous
faut saisir par delà la complexité et le chaos apparents des
divers concepts et représentations.
A différents niveaux, l'atowisu3 des représentations
idéologiques voi~c leur signification unitaire fondamentale:
une complexit0 régionale se iêfinit par le cloisonnewent
des différents concepts idéologiques investissant
différentes
instances de la structure sociale; alors que la "Négritude,
ItAfrican personality, 11Authenticité" sont entre autres
des concepts essentielleGent encrés dans la région culturelle,
"Le consc Lonc t sno , 10 ao c La Lf.sme africain" appartiennent
plut6t à la sphère politique. De m~m~, nous rencontrons une
complexité fonctionn011e do cette idéologie qui, tant6t
reproduit, tantat révolutionne les conditions (au niveau des
idées) de reproduction des systèmes sociaux de production
coloniaux et post-coloniaux. Nous repérons onfin une complexité
géo-historique liée aux variations du
contenu et du statut
des concepts idéologiques suivant les contradictions spatio-
temporelles concrêtes.
Dévoiler et conceptualiser la signification dernière
c'est-à-dire faire la philosophie de cetto idéologie, revientà:


- 45 -
_ formuler les contradictions spécifi~es ou articuler les
termes du problêo8 fond3muntal
de l'id~ologi~ négro-afric~i~8o
c
_ El~borer des hypothèsGS pour résoudre ce problêo0 ou proposer
les solutions.
a) La formulation dos contr~dictions s'effectue cn partant
du ~éel historique où, nous mettant à l'écoute et à l'obser-
vation critiques des idéologues du wonde négra-africain, .
nous décelons d'abord cles IIfaits-problèl:les ll •
Nous voyons se dessiner d'abord sous la dooination
coloniale un front des différents idéol~gues dont ~s
représentations constituent ~us cris dû raconn~iss~ncu dv Gui
un~nimes.
ne.divergence de c~s cris rle~qconnaiRR~n~e~
soi br'Lsc leur uni t
pre::lièrc ::l.UX Lenuemaâ ns de la
c{ic"c\\c-
é
nisation. liais au fond, qu'il s'agisse de leur conjonctionOl
de lour disjonction ces cris de reconnaissance
de soi tirunt
nécessairement leur sens
d'une wéconnaissance ou aliénation
historique et constitue ainsi la référence essentiolle et
part~nt le problème principal des ~ultiplcs discours idéolo-
giques, problème ou contradiction que nous situons à deux
niveaux dialectiquement liés.
Au niveau de la ~ase uatérielle des contradictions
historiques, un jou de forces antagoniques oppose les
casses africaines asservies en lutte pour la reconnaissance
la libération et la renaissance d'une part, aux colonisateurs
étrangers iL~érialistes en lutte. pour la méconnaissance,
l'aliénation et la domination du Llondo négra-africain. Au
niveau du systê~e des repr&sentations idiologiques s'opposent
la conjonction et la divergence des cris de renaissanc~.

- 46 -
Nous avons pensé que résoudre ces contradictions,
.c'é~ait identifier le sujet et l'obj~t de ce disc~urs idéolo-
c
gique Jans ses différentes variations, en rapport avec ses
détorDinations internes et externes
pour résoudra les problèDes
posés, nous devrons donc répondre à la que s t Lonv ; "Qui dit qUai
et pourquoi ?" Celle-ci c onpo rt e deux aspects f'ondaraen t aux i
-Qu81 est d '::tbord le principe de ratiowJ.1i té Etrustumle
de l'idéologie n6gro-africnine ? Cet asp~ct de la question
qui nous pousse à rech~rcher le noyau sp{cifiquo à cette
idéologie en en
identifiant les d.l f f è r en t e
Lémen t s structuraux:
è
"Qui, Quoi et Pourquoi?"
-Quel est ensuite le principe de rationnlité génétique
de l'idéologie n':gro-afric::üne? Cet aspect de la'q.lGstion
revient à nous faire suivre l'âvolution du noyau idéologique
à travers
celle :de ses 01éDuntB~
structuraux, pour en .
saisir en m8ue ~mps que sa signification en v~riation, les
causes
-réelles et profondes de cotte dernière •
b) ~
Ce
problème soulevé dans ses deux aspocts
principaux appelle doux hypothèses essentielles, deux solutions
proposées.
- Une hypothèse de r~tionalité structuralo: la
Renaissance d'un wonde noir do~iné constitue le . noyau
spécifique 0t unitoire de tous les discours idéologiques
négro-africains proférés par la petite bourGooisie intolles-
tuelle aliénée; occupant de façon hégé@onique le chaDp
idéologique négra-africain, la petite bourgeoisie colonisée
prône la Renaissance COlame solution aux contradictions de
classes du . .mo nde colonial, sources de douloureux tourments
subjectifs.

n

sr
$
- 47 -
L'idéologie négra-africaine pr&s8nto alors tout~s
les caractéristiques du discours d'une consciGn6b malheureuse,
conscience négro-afric2.ino
ualheurou.. e , déchirée parce
qu'aliên~o, non recon~ua, engagée dans un uondo objectif lui-
~~mc do~iné, dépendant et qui est en quête douloureuse~
son bonheur co mne Renaissanc e, au r.ro y cn d' une lut te encore
vaine pour la Reconnaissance de soi-m~De, s~ libération
et pour un monde
objocti! libre et indépendant.
Forwulant l'hypothèse structurale générale de b
Renaissance, nous identifions deux opêrations couplewentaires:
la réconciliation avec soi-i:l~Ele ou Rcna.i.aaanc e , inclut co mue
étape nécessaire,la rupture avec l'oppresseur ou lutte pour
la reconnaissance de soi.
cette double opératiôn s'inscrit
et prend son sens dans un Donde aliéné ct nous pouvons ainsi
structurer le ~roblème de la Renaissance;
a) -
Une situation de méconnaissance réelle provoquant
les tourments û t l e malheur de la conscience;
une conscience déchirée dans un Donde aliénée.
b) -
Un projet de Renaissance comme solutiun ou
il
"
libération réelle et bonheur de la conscienc~.
c) -
Une lutte pour la reconnsaissance comile moyen
efficient pour la Renaissance.
-
Une hypothèse do rationalité génétique: une dialec-
tique matérialiste souténd et détorcine la variation des
différents éléments structuraux du noyau idéologique dû l'époquo
coloniale à l'époque post-coloniale: la genèse de la conscience
malheureuse est l'histoire de ses luttes pour réaliser son
projet de bonheur COlilme libération ct
dépassement de la
situation objective ~li&n~ntc • Dans son unité fondamentale
autour de la qu~te de Renaissance, cOl®e dans sa . forDulation
variable (Nêgritud0, Consciellcis~e, A~theDticité••• ) , cette
iù601ogiü o s t
détcr'ïJin&e par 18 dyn.::>,rrll,snc de la t'or-ma tian
~conomico-socinlo lont elle constitue un cert~in raflet ct
porto les stiGw~t0s du d0chirement.

- 48 '-
Ainsi» la foreation éconoQico-sociale d~ l'époque
coloni~le c~ratSris~e par la domination du ~od0~de production
-
(
capitalist~ sur des Dodes pré-capitalistes» est nécessaireDent
le lieu de conflits ~ociaux perûanents. Les forwes ùe conscienc0
.
1
naiss:::.nt de cette situation socio-historique conflictuelle» En
reflètent la bipolarité» l'alilbiguïté e t le conflit. Le ch anip
idéologique devient un champ dynaQiquc où s'affrontent
idéologies colonialistes et idéoloGies de la Renaissance Noire.
La contradiction réelle et historique de la Moconn~is8~lœ
Reconnaissance traduisant des conflits objectifs de classes
(exploiteurs colonialistes/exploités colonisés) en Afrique
coloniale avec prépondérance ùe l'aspect Méconnaissance (par
le système opprc~f de production colonial)>> détermine la
conjonction des discours idéologiques de la Petite Bourgeoisie
intellectuelle: colonisée et la formation d'un véritable
"f'r-o n t idéologique" anti-colonial COElI,lG répondant idéologique
d'un front anti-colonial» socio-politique concret et plus.
large. A
ce st~de» l'idéologie négro-africaine de Renaissance
fonctionne â la destruction et â la révolution des conditions
de la domination impérialiste.
Dans la forwation éconowico-sociale de l'époque
post-coloniale» la dODina .tion du Dode deproduction capitaliste
sur les mo d os pré-capi talistos est appar eramen t supprimée»
entraînant D11 principe l'adoption d'un uo d e de production
de type nouveau et dana l~ sillage de la Renaissance» mais
cette dowination se perpétue dans la réalité des faits ou
se crée ure situation qu'on peut exprimer dans ce paradoxe
d'indépendance dépendante. Les reflets idéologiques se
condensent dans les formes rènovées d'une idéologie de la
Renaissance négro-africaine: l'idéologie des indépendances
a~ricainQs qui
constitue la théorisation d'une fausse
J
consciencG.

- 49 -
Le dépasseuent ûe la contradiction historique principolc
ilHéconn::üssance/Heconi1aiss.::I.ncoH, sc traduisa.nt par. l' ar-r-ê t.
des conflits objestifs en Afrique décoloniséo, indépendante,
la disp~rition de l'nspect MâconnnissancG et la proQotion de
l'a.spect Reconnaissance pCl.r un systèue de production indêpen-
dan t , tisse le .no e ud
idéologique de 10.' fausse conscience et
détermine la divergence des interprétations contradictoires
des indépendo..nces ct 1:;. rupture du "front idéologique". Cette
rupture entraine une lutte idéologique interne comme répondant
"-
idéologique à la rupture du front anti-colonial et sa cio-
politique engendrar-t des conflits sociaux internes concrets.

- 50 -
OC(
H API T R E
II
-0-0-0-0-0-0-
;
SIGNIFICATION DE L'IDEOLOGIE NEGRO-AFRICAINE
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-:-=-=-=-=-=-=-=-~-=-
A L'EPOQUE COLONIALE.
-:=- =-=-:- =-==- =- =-:-
Le travail dont il s'agit est un exposé de la sphère
idéologique négro-africaine contemporaine, et par ce liais
,
sa critique. "Qui dit Quoi et pourquoi 1" Nous conduit à ef-
fectuer une approche matérialiste et critique des textes
dont la signification totale ja~llit des rapports dialectiques
et historiques, c'est-à-dire
d'une articulation spécifique
entre deux niveaux de signification
Le niveau des contradictio~réelles spatio-tempore~­
les, celles du monde négro-africain aux époques colonial et
post-colonial comme lieu du disc~urs idéologique dévoilant les
conflits de classes et déterminant l'irruption et la fonc-
tion de la petite bourgeoisie intellectuelle.
- Le niveau des échos. idéologiques comme reflets
complexes (reflets sans mir~ir) dans les consciences hu-
maines des processus objectifs et historiques, comme échos
rapportés
par la petite bourgeoisie intellectuelle colonisée
dans un corps de concepts :e.arsemant.. le champ idéologique
négro-africain.
"
.'

- 51 -
A -
LES FONDEMENTS ~~TERIALISTES DES IDEOLOGIES
DU 11ALHEUR DE LA CONSCIENCE NEGRO-AFRICAINE
LES DETERMINATIONS STRUCTURALES ET LA DIA-
LECTIQUE DES CONTRADICTIONS SOCIALES COLONIALES.
Si l'idéologie en général, ne se résout pas.
en un
général discours solitaire et métaphysique, mais réflète de fa-
çon complexe les processus socio-historiques réels, l'idéologie
de la Renaissance du monde Noir est en particul~ar, une
conscience complexe de la structure objective coloniale et post-
coloniale du monde noir. Dans ses différentes articulati~ns,
elle tend à réhabiliter ce monde noir que plusieurs siècles de
domination coloniale avaient totalement dévalorisé. Si l'alié-
na tion peu t se définir..· comme l' i!lposéibili té' dans ~":
,
setrouve
un individu!( ou un groupe d'individus) de tenir la
place que l'histoire lui assigne, nous comprenons alors que cette
,
idéologie de là Renaissance Noire, s'inscrive dans un proces-
su~ de lutte de libération et d'un combat.pour reprendre l'i-
nitiative historique~ Pour comprendre les tilèmes dominants,
il
importe d'un sonder au préalable les différents fondements
et conditionnements matériels concrets : les causes objectivas
qui en
déterminent à la fois la problimatique, le contenu et
les formes d'expression, tant il est vrai que le niveau
idéologique s'articule avec les niveaux juiridico-politique et
socio-économique pour former la structure totale et dynamique
de toute société humaine : " Le mode de production de La vi,e ma-
térielle condtbnne le processus de vie sociale, politique et
intéllectueJlten général".(l)
Nous devons, pour découvrir la pleine intelligibilité
et la sitnification totale de cette idéologie, reconstituer com-
me un cha1non indispensable dans la cha1ne des signifiants, la
structure sociale historique où elle naft. Ici, ce fut la
(1) K. Marx, F. Engels: " L'idéologie Allemande" (Première
partie), Ed. Sociales
op. cit. p. 50

- 52 -
situation objective de la domination et de l'aliénation cola-
niales qui mit à l'ordre du jour la lutte pour la
reconnais-
sance de soi dont l'idéologie de la Renaissance constituait
la justification théorique.
r .
L'exploration nécessaire de cette situationmstorique
nous découvre une formation sociale coloniale et africaine,
l'ien d'une articulation spécifique et concrète entre deux
modes de production :: (1) l'un capitaliste, domine l'ensemble
des autres, pré-capitalistes. Sonder les contours de cette
réalité sociale historique c'est:
(
- découvrir d'abord la base inconstiènte, naturelle
structurelle de ltantagonisme des deux modes de production, et
partant des intér~ts de classes qui divisent objectivement
cette. formation sociale en forces opposées.
- Analyser ensuite les manifestatio~sociales cons-
cientes de cet ~ntagonisme comme prise de position et lutte
de classe qui aboutissent finalement à une conjoncture~li­
tique comme articulation historique des forces et des classes.
1 - L'ANTAGONISME FONDA}ŒNTAL ET STRUCTUREL
---------------------------------------
DES MODES DE PRODUCTION ET DES INTERETS DE
===============~==========================
CLASSE~ : LES FONDEHENTS STRUCTURAUX D'UNE
==========================================
CONTRADICTION PRINCIPALE DOHINANTE. / RESISTANCE.
================================================
Dans toute formation sociale à dominance capitaliste,
les antagonismes sont inhérents aux
deux modes de production ..
qui la structurent : le mode de production capitaliste ne peut
exister que pour la domination destructive de l'ensemble', des
autres modes qui naturellement lui résistent. La structure
matérielle de la société est porteuse des intér~ts antago-
niques de classes, et ce, indépenda6ment des volontés mdividuelles,
(,) Un mode de production se définit comme une articulation
spécifique entre forces
)ductives et rapports de pro-
duction.

- 53 -
elle est déterminée principalement par la nature du mode de
production capitaliste dominant, secondairement par celui des
modes dominés. Une brève analyse de l'essor historique qu capi-
tal aboutissant à sa domination sur les formatiaps pré-capi-
talistes africaines notamment, s'impose pour sonder les fon-
dements confictuels et structurels de la
contradiction prin-
cipale Domination - Aliénation / Résistance - Renaissance, pour
démontrer d'une part le caractère objectif de ëlasse des inté-
r~ts et, d'autre part, la classe des forces sociales en conflit
dans le monde colonial.
a) Le caractère de classe des intér~ts objectifs:
les lois de l'accumulation du capital et la tendance à l'ex-
tension du marché capitaliste ou le devenir impérialiste du
système de production capitaliste.
Marx et"de nombreux marxistes ont démontré comment
l'impérialisme ,était une étape et une forme d'existence abso-
lument vitales pour le mode de production et
d'échange capi-
tali~ dans son déploiement historique : l'acumulation primi-
tive servit de moyen pour la formation du capital dont l'élar-
gissement ininterrompu, condition de l'essor du capitalisme,
exige une accumulation nouvelle toujours plus élargie. L'accu-
mulation tendancielle, processus intrinsèque au mode de pro-
duction capitaliste, dans une conjoncture d'exacerbation
de
la lutte des classes et de la
concurence inter-caP1talistes
sur le marché pour réaliser lesmeilleurs taux de profit (puis-
"
ne
qu'on Iproduit, non pas tant pour la consonatdon. que pour l'é_
change), cette accumulation nécessite des conditions spécifiques
pour réaliser la plus-value, source du profit. La course au .
profit comme objectif passé ainsi par la réalisation de trois
conditions majeures :
- Des quantités toujours croissantes de moyens de pro-
duction, c'est-à-dire, de machines, de matières premières qui
"

- 54 -
constituent des conditions naturelles et matérielles de l'ex-
ploitation de la plus-value.
-De la force de travail toujours disponible et qui,
par son surtravail, alimente la source directe ae la plus-value.
_ Des débouchés sans cesse croissants pour les marchan-
dises produites, car, pour.
qu'il puisse 89 créer une nouvelle
plus-value, il faut qu'au préalable une augmentation de la
demande puisse exister : Il Pour pouvoir faire travailler de
nouveaux ouvriers avec de nouveaux moyens de production, il faut
du point de vue capitaliste, avoir
auparavant un but pour
l'élargissement de la production, une nouvelle demande de proddts
à fabriquer." (1)
or, plus le système capitaliste se développe, moins
ces conditions sont remplies à l'intéreieur des formations
sociales capitalistes oùÎgM~istons d'une part'à une inadé-
quation cyclique du marché intérieur capitaliste, exprimée
par des crises: de surproduction et, d'autre part, à "la baisse
tendancielle du taux de profit moyen." De ce fait l'extension
du marché devient une condition de survie pour le capitalisme.
Marx dans le iivre II du "Capital",
montre comment a;
distribue la productivité globale de la société capitaliste
entre différentes branches de la production : le secteur l
qui
se rapporte à la production des moyens de production et le sec-
teur II à la production des biens de consommation. La vente des
produits et l'accumulation du capital exigent certaines propor-
tions définies entre les secteurs, mais eelles-ci sont régu-
lièrement violées dans l'économie capitaliste, entra1nant des
crises cycliques de surproduction. Ces crises sont inévita-
bles, d'une part, à cause de la disproportion perpétuelle entre
les branches de production, et d'autrepart, du fait que les
travailleurs salariés ne peuvent consommer qu'une partie
relativement faible des produits qu'ils ont eux-m~mes fabriqués.
(1) Rosa Luxembour-g : " cri tique des cri tiques ou ce que les épi-
gones ont fait de la théorie marxiste, petite collection
Maspéro Oeuvres IVp. 177

- 55 -
Ainsi, les capitalistes se retrauvent, parallèlement à un
déficit des moyens de production, avec un excédent de biens
de consommation impossible à écouler, faute d'acheteurs solvables;
"L'accélération de l'accumulation dans le secte;û.r l, implique
le ralentissement de l'accumulation dans le secteur II, le pro-
grès technique dans l'un suppose la stagnation dans l'autre" ( 1)
Dans cc cas, il para1t évident que "le proceosus de
l'accumulation ne peut plus se poursuivre dans los li~ites
strictes des relations internes d'une industrie purement capi-
taliste" (2). Pour que puisse se réaliser une plus-value nou-
velle, il faut au préalable une croiGsancG de la demande, c'est
à-dire un élargissement du marché nécessaire pour absorber
l'excédent de biens de aonsommation.
De plus, l1arx dans le livrè III du "capital", démon-
tre comment la course au profit capitaliste, l'augmentation
récurrente de :'outillage, de la productivité et de la masse
des profits, provoquent ce qu'il a G no nc ê comme une "loi de
la baisse tendancielle du taux de profit moyen" aiguisant les
contradictions du système.
Pour pallier à ces deux tendances mortelles pour lui,
(crises de surproduction et baisse tendancielle du taux de pro-
fit), le capitalisme recourt à la solution impérialiste
la do-
mination, et l'intégration de nouvelles zones économiques non
capitalistes comme opération vitale pour l'essor du capital.
Harx écrit à cet effet : " Poussé~ par le besoin de débouchés
. toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe ontier. Il
faut s'implanter partout. exploiter partout, établir partout
des relations. Par l'exploitation du marché mondial, la bour-
geoisie donne un caractèrecosDo~olitQ à la production et à la
consommation de tous les pays ••• A la place des anciens besoins,
satisfaits par les produits nationaux, naissent des besoins
nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les produits des
(1) Rosa Luxembourg. op. cit. p. 15
(2) Rosa Luxembourg. op. cit. p. ,177

contrées etdos cli~~ts los rlus lointains. A l~ pl~t8 de llan-
cien isolement des p~1vinc~s ot d3s mations sa ~uffjsa~t â
elles-marnas, se developpent dGS relaDons univers81les.n. S0US
peine de mort, elle force toutes les nations â ~doptijr 10 Bode',
bourgeois de produc t Lon!' (1) App:-o fondissant ct Gomp.lét(\\.hf; 1; é-
tude de Marx, Lénine (2)
démontre comment la recherche dos
débouchés par le capitalisme au stade impérialiste conduisait
les impérialistes â sc partager le monde, â se fairo la guerre;
aprèç avoir exporter massivement des capitaux vers les colonies
pour y maximiser leurs profits
L1atténuation de la baiss~ ten-
o
dancielle des taux de profit s:effoctuo par llexportation nas-
sivc des capitaux et leur réinvestissement dans des milieux
socio-économiq~es pré-capit2listes o~ les conditions pour
,
réaliser des surprofits, principalement l'élévation du taux de
la plus-value et la baisse de la valeur du capital constant,
1
existent. Marx'remarque â cet effet: " pour autant que le
commerce extérieur fait baisser le prix soit des éléments du
capital constant, soit des subsistances nécessaires en ~uoi se
cnnve~tit le capital variable, il a pour effet de bire monter
le taux de profit, en élevant le taux de la plus-value et en
abaissant l~ valeur du capital constant ••• De même l'extension
du commerce extériour, qui était la base du mode de production
capitaliste à ses déhuts, en est devenu en raison de la néces-
sitémhérente à ce mode do production de disposer d'un marché
toujours pl~s étendu ••• Des capitaux investis dans le commerce
extérieur s~pt en mesure de donner un taux de profit plus élevé
parce que d~abord on entre ici en
concurrence avec des pays
dont les facilités de production
marchande sont moindres, de
sorte q~e le pays le plus avancé vendra ses marchandises au
dessus d& leur valeur, bien qu'il les cède â meilleur compte
que les pays concurrents.
Dans la mesure où le travail du pays plus évolué est rois en va-
,jl
leur en tant que travail d'un poids r.spécifique plus élevé,
le taux de profit augment~, 10 travail qui nlest pas payé corome
K. Marx "Le Manifoste du Parti Conmunistel!, Ed~ Languos
étrangères, Pékin PP. 37 - 38
Lénine "LlIr.1périD.li~mo, stade suprême du capitalisme" •
1916 - 1917. Editions sociales 1971.

- 57 -
un travail de qualité supérieur étant vendu co~~e tel". (1)
De ce qui suit, nous déduisons que lu colonisation
obéit aux lois objectives de l'accumulation du capital, et
<'.
la fixation des fron-:tières actuelles de l' Afriquè achevait en
1885 (2) le partage de ce continent entre différents intérêts
capitalistes et entrainait les modes de productions préca-
pitalistes africains dans un processus de dissolution interne
et de dépendance.
La logique de la domination et d'acc~mulation
de type primitif, assignait ainsi quatre fonctions essentielles
aux formations sociales africaines colonisées :
1)
Elles sont pourvoyeuses de matières premières
2) Elles constituent des reserves de main d'oeuvres
3)
Elles sont des débouchés pour les marchandises
produites dans les nations capitalistes ;
,
de
4)
Elles sont effectivement des lieuNrevalorisation
des taux de profit moyen, en baisse dans les' métropoles impéria-
listes.
La formation sociale coloniale africaine est
structurée finalement par un antagonisme naturel entre iotérGts
impérialistes dominants et intérêts dominés des masses afri-
caines, antagonisme qui
par ailleurs rev~t un caractàre objectif
de classe, tant il est vrai que dans tout mode de production où
existent des rapports d'exploitation, on trouve toujours deux
groupes d'intér~ts antagoniques dont le développement de l'un
entra1ne nécessairement le dépérissement de l'autre. La domi-
nation du mode de·production marchand capitaliste à travers la
colonisation, entra1ne fondamentalement le processus de désa-
grégation des modes pré capitalistes africains plus arriérés.
(l) Karl Marx, " le Capital" op:-ëit. pp. 249 - 251
(2) 188~
date du partage de l'Afrique; entre puissances colo~
niales à la conférence de Berlin le 20 Janvier.

Les modes de production p~écapitalistes négro-afri-
cains dans leur ensemble, orie~tont le travail socialwrs la
production des biens d'u~,ge nécess~ires à la reproduction
biologique ; on a .. pû ainsi l,~:;· carac tériser
d' é~onomies
dé subsistanG~.cette orientation du travail en relation avec
la faiblesse du développement des forces productives,li~ltû
tout surplus, toute accuDulation et partant, tout essor d'une
production marchande. La faiblesse des forces productives à
pour autres conséquences, d!entrainer une organisation corn
munautaire de la propriété;' des no ye n s de production, cb la
production et de la r-epar-t.Lt.Lo n des biens produits, f:Faï:p.g.nt:.R.e
d6vclop?emcnC:des.~ntagonisne6
~~B c18sse~ embryonnaires.
Au contact du mode de production et d'échange capita-
liste auquel elles sont fondamGntalement et structurellement
opposé~s, les
formations sociales négro-africa~nesœ~r leur
position dominée, subissent une dissolution interne etune
adaptation exter~e au marché capil~liste. En effet, Il Le déve-
loppement du commerce et du capital marchand favorise l'orien-
tation en général de la production vors la valeur d'échange;
il accroit son volumcènla diversifie et
l'internationalise,
transforme la .!1011i1é&iQ./1\\Vnjlôj.~ universelle. Le commerce comporte
donc partout une action plus ou moins dissolvante sur~s or-
ganisations existantes de la production qui, dans toute la
diversité de leurs for@es, sont principalenent orientées vers
la valeur d'usage".
(1)
Cette domination capitaliste sur les formations
sociales africaines entraine la division de la sociétémloniale
en clussesantagoniques ; olle est porteuse de la division en
classes
dont elle constitue la condition et les
fondements
objectifs: " L'introduction et la diffusion
de la Jt10nnàie
métallique dans
un pays où jusqu'alors l'éèonomie naturelle

regnait exclusivement ou d'une façon prépondérante,sod tou-
jours liées à un bouleversement plus ou moins rapide ci: JEt répar-
tition antérieure/ct cela de telle sorte que la r~partition
entre
les individus, donc l'opposition entre richcsci~?auvres,
(1) Karl Marx, Il Le Capital ". ·op:- c i t , LivrG 3 Tome 1.

- 59 -
se renforcent de plus en plus ••• Mais avec les différences
dans la répartition apparaissent aussi les différences de
classes. La société se divise en classes privilégiées et en
classes désavantagées, exploiteuses et exploité~s,
dominantes et dominées" (1) et les différentes forces sociales
en conflit tendent à devenir des forces de classes.
b) Le caractère d0 cl~sse des-l21:~~~"ociales : Si
nous saisissons finalement pourquoi la structure sociale colo-
niale'ûotporteuse de la division en classes, nous devons
~a­
lament établir comment les termes de la contradiction princi-
pale
Domination - Aliénation 1 Résistance - Renaissance,
lesquels s'identifient d'ailleur aux intérêts de classes anta-
goniques en soi, sont articulés :
- D'une part, les intér~ts dominant~ de classes
exploiteuses, colonialistes dont la survie est fonction de
l'imposition d~ la production et des rapports de production
capitalistes en se basant sur la destruction ou l'intégration
du système de production précolonial, précapitaliste.
- D'autre part, les intérôts dominés des dasses
exploitées, colonisées dont la survie est f'onc t.Lon i œ la
v
résistance à la domination et à la désagrégation du sJEtème des
rapports de production négro~africain par le capital.
La prise de position spontannée ou consciente declasse
qui nait de cette situation réelle conflictuelle, est
'contem-
poraine à la lutte elle même instinctive ou consciente de
classes
lutte de résistance anti-coloniale qu'il~ous:faut
examiner au niveau pratique et concret d'abord, ensuite, au
niveau idéologique plus conplexe et dominant par moments
comme nous le verrons.
(1)
F. Engels" Anti-Duhring "

-00-
2 - PRISE DE POSITION ET LUTTE DES CLASSES
COM.HENT LA
====================================================
DYNAMIQUE DE LA CONTRADICTION PRINCIPALE ABOUTIT A
========================================~===========
,
UtΠINEGALITE ~ DES FORCES ET DES PLACES DANS LA CON-
=====================================================
JONCTURE COLONIALE.
==================
De la division en intér~ts de classe antagoniques,
sc dégage une dialectique sociale de lutte des classes
défendant des intér~ts irréconciliables, tels ceux·durn~tred
de l'esclave : deux consciences de ao.L en lutte pour l3.
recon-
naissance ; la première , celle de la domination se fondant
sur la nèconnaaasanc e et l'aliénation de la seconde, œlle œ ]a
servitude
qui à son tour lui oppose une résistance. L'af-
firmation de la conscience de soi engendre une rutte~ur af-
firmer son indépendance aux dépens d'autres consciences de
,
soi. Cette lutte'est ainsi décrite par Hegel: " le com-
portement des deux consciences de soi est donc déterminé de
._
telle sorte qu'elles se prouvent e Ll.es-cnêmes et l'une à l'autre
au moyen de la lutte pour la vie et la mort. Elles doivent
nécessairement engager cette lutte, car elles doiventaever
leur certitude d'~tre pour soi à la vérité, en l'autre et en
elle-m~me. C'est seulement par le risque de savie qu'on conser-
ve la liberté." (1) Examinons cette lutte dans ses deux aspects.
a)
Méconnaissance -Aliénation: la lutteœ domination
des classes exploiteuses, aspect dominant de la rontradiction
principale dans la conjoncture coloniale :
La philosophie de toute domination inclut un prin-
cipe et une pratique de méconnaissance : principe de méconnais-
sance du colonisé ici, comme médL-ation par et grâce à laquelle
( 1)
Hegel "La phénoménologie de l'Esprit, (1807) trad.
Jean Hyppolite, Ed. Aubier - Montaigne 1947 Tome 1 p. ~9

;;;;
.... ,6..1 ....
la conscience de soi du maître colonisateur atteint la certi-
tude d'elle-même en se re~onnaissant et en sc faisant reconna1-
tre par le colonisé comme conscience dominante.
La conscience de soi se pose en s'opposant : el~e ne
peut
exister qu'en s'imposant à toute autre conscience de soi. Expri-
mant l'identité "moi = moi" (1), son opération propre ( consiste
à nier toute opposition. Dans la pratique de méconnaissance
des autres consciences de soi, ces dernières deviennent de sim-
ples objetts du désir de la conscience dominante car,
c'est en contraignant l'esclave à lui céder les fruits deson
travail et en résorbant la nature par le travail de l'esclave
que le ma1tre parvient pratiquement à cette vérité de& cons-
cience de soi libre.
Le principe et cette pratique définissent respectivement la
finalité et le mécanisme de la domination coloniale. Dans sa
,
finalité, elle vise à acquérrir, défendre et élargir les
intér~ts matériels des classes dominantes : tisser des rapports
,
.
.
qui permettent à la classe capitaliste impérialiste de se repro-
duire indéfiniment en tant que classe dominante. Cette finalité
s'exprime en trois objectifs capitaux pour la classe capitaliste
dominante
- Reproduire le rapport d'exploitation original de
classes (capitaliste - prolétaire / colonisateur - colonisé)
par le moyen d'un système dominant de production et d'échange
capitaliste sur des formations sociales pré~apitalistes afri-
caines.
- Etendre sa domination aux autres couches ou classes
de la structure sociale (petits bourgeois et féodaux notamment).
- Emp8cher toute nouvelle h6g0bonie des anciennes
classes dominantes en les détruisant ou en faisant des alliances
avantageuses avec elles.
(1)- Hegel in PhénomenolQgie de l'esprit op cit p.146

.... 6~ -
Les rapports d'exploitaion se retrouvent à toutes
les instances de la vie sociale où se créent et s'élargissent
les conditions de la domination : un ensemble de moyens ~t
une combinaison pratique et pertinente de ceux-ci.
;.
(
Au nombre des moyens ou instruments utilisés pour
les colonisateurs, nous distïnguons (en nous référant à
Althusser (1», les "Appareils r~pressifs" de l'Etat colonial
tels que l'armée et l'administration. Entra les mains de
l'officier et de l'ad,+inistrateur, ces appareils fonctionnent
principalement à la violence pour reproduire les conditions
essentiellement économiques et politiques des rapports d'exploi-
tation capitaliste.
parmi les "Appareils Idéologiques", les missions,
l'école, les codes juridiques, tous sou tendus et fondés par
u~e idéolOgie générale de justification mystifiante de la
.
,
.
colonisation, fonctionnent~principalementà la séduction et
à l'illusion idéologiques pour reproduire les conditions
juridico-cult~rkllcs decl~.ùominatio~ iupariGl~~te.
La pratique combinatoire des moyens d'oppressionà
l'époque coloniale se caractérise ainsi par ce fait que la
reproduction du système des rapports de domination est assurée
principalement par un mécanisme répressif et secondairement,
par un mécanisme de justification et d'inversion idéologiques
à tous les niveaux de la réalité sociale :
- Au niveau socio-économique, la reproduction des
rapports d'exploitation assignant aux formations sociales
dominées les fonctions complémentaires précitées, s'effectue
par le système économique de traite : une exp_ortation massive
de produits agricols et de matières premières (coton, arachide,
caoutchouc, miné rais : produits de traite) et l'importation de
produits manufacturés (poudre, alcools, fusils ••• ) assure ansi
une accumulation primitive pour le œpitaliste et en contre-par-
tie, une paupérisation et une dépendance croissantes pour
les dominés.
j
(1) Althusser dans son article "Idéologie ot App~reiiè
idéologiques d'Etat" (AIE), ,la Pensée n> 151 Juin 1970

- fJ 3 -
Ce processus s'accélère avec l'exportation de plus
en plus grande'] des capitaux vers les colonies et l'appari-
tion des monopoles de traite issus d'une concentration des
..
capitaux financiers: en Afrique Occidentale, de~ sociétés
commerciales détiennent ces monopoles, en Afrique Equatoriale
et septentrionale, ils appartiennent à des sociétés concession-
naires, (1) Partout la procédure ùestructri~e de' traite-ôst~a
m~me : des investissemonts réduits au minimum et appliqués
seulement au commerce et aux trnnsports des marchandises,
sont pratiquement insignifiants dans les secteurs productifs
car on ne produit que pour exporter' solon les bosoins du
"
marche capitaliste. En Afrique Occidentale, l'exploitation
se fait sous les auspices de la liberté illusoire de vendre,
.
en r6:üi t(; c ! ost le fait .d'..l uo nqpo Lc des sociét€t!5
.1 1
_
mOlS cobne r-c LaLo s ,
-
- .
..
1.0.. [At.my~'"
tific~tion du caractère libre du marché (moyen,idéologique
de la domination économique) na1t dela contradiction entre~
les principes é~alitaires proclamês et les procédés réels
.
d'obligation à l'échange et de son caractère forcé, destruc-
teur et inégal. En effet, d'une part, aux moyens des cultures
forcées ou des livraisons obligatoires à des prix taxés lau
plus bas, le colonisateur veille à fournir en produits d'ex-
portation le commerce européen. D'autre part, aux moyens de
l'imp~t, des réquisitions et des déplacements massifs de
main d'oeuvre non ou mal payée, le colonisatèur met les frais
généraux de l'entreprise co)..oniale à la charge des populations
africaines dominées, baissant ainsi le cont de la production
et sur-élevant par conséquent son taux de profit.
.
,
En Afrique ~quatoriale et septentrionale, les grandes
compagnies concession~aires, propriétaires de grands:donaines,
ont un monopole de droit sur les productions des vastes domaines
forestièrs iet :miniers également conserées à l'exportation.-
MOis ici, l'illusion
du commerce libre s'évanouit plus
rapidement avec la spoliation brutale, pure et simple, car~s
compagnies consid~rent les hommes et le produit de leur travail
(1) Sociétés concessionnaires: sociétés exploitant des "con-
cessions". Une "concession" consiste dans la jouissance
accordée'
à des personnes privées d'une portion du domaine
de l'Etat à certaines conditions.

7

comme leur propriété : "Par suite de ces dernières dispositions
qu± sont nouvelles, vous pourrez désormais vous opposer notam-
ment aux prétentions de certains spéculateurs qui t~~tcllt do
faire immatriculer sans aucun droit ou de revendtquer des
terrains depuis longtemps vacants et sans ma1tre'~ en déclarant
que leurs anc~tres les ont cultivés autrefois." (1)
- Au niveau juridico-politique, la reproduction
œs
rapports d'exploitation relève de la fonction de l'adoinistra-
tion coloniale, elle Sb bGse sur l'assujettissement et :l'appro-
pri'~ation largement violents de l'appareil et du pouvoir d'Etat
par les classes dominantes pour les utiliser à défendre les
conditions politico-administratives de l'aliénation colonia-
liste et capitaliste.
A cette fin, les chefferies tradit'onnelles dominées
deviennent, aux cô t ès des "gardesde cercle"
et des "oommis",

de simples courroies de transmission, les principaux agents
d'éxécution et des auxiliaires indispensables pour la domina-
,
tion coloniale ': "Le chef de canton fut-il le descendant du
roi avec lequel nous avons traité, ne détient aucun pouvoir
propre ••• nommé par nous, il est seulement notre auxiliaire".(2)
Sous la menace constante de la violence, le chef supposé repré-
sent~ la légitimité coutu~ière, reporte la violence sur ses
administrés et c'est cette violence qui demeure finalement
la
base unique de son autorité : "Jusqu'à ces derniers temps, le
chef africain était le domestique du commandant de cercle. Ne
pouvant communiquer avec ce dernier que l~~r l'intermédiaire du
garde de cercle, il subissait lui aussi l'autorité de l'impla-
cable chicote ••• Le chef était l'homme des réquisitions de
poulets pour le commandant, des manoeuvres pour le commandan~•••
En un mot, c'était l'inexorable intendant de l'administration.
Il était noté suivant son aptitude et sa célérité à satisfaire les
innombrables exigences administratives. Férocement opprimé, il
opprimait". (3)
(1) Circulaire nO 515 S.E.4 du 7 Décembre 1935 par le gou-
verneur de l'AOF
f
(2) Rapport de l'inspecteur des colonies Maret du 5-12-1930.
Cité par Robert Cornevin in : "L'évolution de la chefferie
dans l'Afrique noire d'expression française", Recueil penant
nO 687, Juin-Aont 1961,P.380
(3) Journal "le Reveil", Dakar nO du 10-10-1949.

- 65 -
Le système d'exploitation destructrice trouve son fon-
dement juridique dans le "code de l'indigénat", véritable
législation des rapports d'oppression de classe où, en plus
de l'incapacité qui frappe le "sujet" colonisé, celui-ci est
soumis à l'arbitraire des autorités administrativ~s lesquelles
ont le droit de le f~apper de sanctions pénales sans avoir à
s'en justifier devant une quelconque autorité.
- Au niveau idéologique et culturel, la reproduction dûS
rapports d'exploitation est assurée par les idéologues de la
colonisation ; les colonisateurs qui loivent assurer les condi-
tions idéologiques de la reproduction de leur domination,
"créent en même temps qu'eux, organiquement, une ou plusieurs
couches d'intellectuels qui leur donnent leur homogénéité etla
conscience de leur propre fonction non seulement sur/dans le
domaine économique, mais aussi dans le domaine politique et
social. 1l (1) Ils se servent d'idéologues "organiques" (fonction-
nels) co16nialistes pour gagner l'ap)ui des mas~es africaines
en les réconciliant avec leurs conditions d'existence; cette
tâche est attribuée principalement aux intellectuels africains
et pour justifier leur oppression, tâche dévolue essentielle-
ment à certains idéologues des nations impérialistes surtout
ethnologues. (2)
Tous les cadres de l'appareil politique, administratif,
militaire, c'est-à-dire les "intellectuels" au sens Gramscien
du terme, constituent donc le "suc gastrique" nécessaire pour
assimuler tout type de nourriture préparée par les classes
dominantes, aux fins de renforccr et d'élargis l'hé~émonie
idéologique des classes d'oppression capitaliste.
L'idéologie dominante est l'idéologie colonialiste; la
justification théorique de l'usurpation et la défense du
statu-quo colonial. Elle peut e'énoncer en un principe philo-
sophique, inspirant les idéologues des "sciences humaincs" et
Incré dans certains appareils d'Etat,colonialistes. yn pr~o~~~c
philosophique : le monisme \\J../M~-M71~rvh' Ï""YclAM .~~ ;;J_"l1'''1-
a qu'un seul type d'~tre et il est "blanè" à l'image du
0
colonisateur: Ille noir n'a pas de résistance ontologique aux
yeux du blanc. Les nègres du
(1) Graml?ci dans le texte ll P. 597
(2) conf "ère /: "Anthropologie et colonialisme" de Gérard Leclerc,
Ed Fayard 1972 "L'agression silencieuse Il de F. Lycops oeuvres qui
établissent un ~ilan de l!occulation idéologique au servicew
colonialisme en Afrique.

- 6~-
jour aulendemain ont eu deux systèmes de référence par rapport
auxquels il lour a fallu se si tuer. Leur métaphysique, ou .t moins
prétentieusement leurs coutumes et les instances auxguelles elles
renvoyaient, étaient abolies parce qu'elles se yrouvaientm con-
tradiction avec une civilisation qu'ils ignoraié-nt et qui leurs en
imposai t". (1) Colon et colonisé sont des figures conèrètes du
ma1tre et de l'esclave
Hégéliens; deux consciences de soi qui,
après sl~tre affront~es dans une "lutte à oort", débouchent sur
une inégalité fondamentale
"l'une est la conscience :de soi
indépendante pour laquelle l'~trc pour soi est essence (elle
exprime l'identité Moi = Moi), l'autre est la conscience ùépèrt~
dnrrt.e .~ .\\i.~ -1yc~ ~s!"'encc lCL yic 0'90 ltêt:r;:;l'0ur 'un du t r-e f 'l'une
est le waltr~,
'au~re ~ esc~~v0, ~\\~)
11 une est la 'conscience essentielle dominante, l'autre 11. i i'\\f.SSt~,-
tielle colonisée.
Tél nonf.srso :tnthropoloe;.iqU'~ inspire l' "Ecole évolution-
,
niste" en sociologie. Celle-ci, non par hasard, affermit s a doc-
trine au moment des grandes campagnes de'~olonisation territoriale
,
entre 1854 (colonisation du Sénégal) et 1885 (partage territorial
définitif de l'afrique entre puissances occidentales à laronfé-
rence de Berlin). En effet, Spencer publie ses "princin!l:s of
,.~
.
sociology" entre 1876 et 1883,Ttrylo~ écrit "Primitive culture"
en 1871 et "Ancient society" en 1877. Selon cette "Ecole",
les sociétés sont alignées selon unlcontiniu~ homogène, jaloné
de coupures qualitatives : les "stades d'avancement". Un passage
graduel s'opère en partant de la brutalité animale à la sauvagerie~
pe la sauvagerie à la barbarie, de la barbarie au stade supr~me
de l'évolution z la civilisation capitaliste européenne, fruit
d'une volonté prométhéenne. Avec cette pyramide des sociétés,
les "cultures primitives" sont théoriquement invalidées en "raison
de le conexité avec les phases inférieures de Ilhistoire de l'huma-
ni té" ocri t T';ylor,auquel fait écho Livingstone : "Nous venons parmi
eux en tant que membres d'une race supérieure et serviteurs d'un
gouvernement qui désire élever les parties les plus dégradées
de
la famille humaine". (3)
/l
F. FANON "Peau Noire, Masques Blancs Ed Scu1:l.~Eaf':i-911952
. : p. 91
Hegel in "La phénoménologie do l'Esprit. op cit
p 161
Livingstone in "Private Journal" cité par Gérard Leclerc in
"Jïn thropologiu et colonialisme" op. ci t ,

2

- 67 -
En tant que p~ouuits attardés de la civilisation, oes
cultures primitives doivent ~tre abolies. L'oeuvre destructrice
de la colonisation est ainsi justifiée dans la ~osure où la
société colonisatrice est passée par les m~mes stades queB
société colonisée et se présente donc comme une vérité finale
"L'optique de la sociologie coloniale était en général, celle
de la colonisation. Ses dissertations qu'elle prodiguait
sur les effets de contacts de ~ülture, n'occupaient m~me
pas l'avant scène d'une investigation davaJge intéressée à
illustrer par l'archaïsme du partènaire, la légitimité de
liuoasurpation." (lh,'anthropologio au service de lafolonisation
devient aiilsi une science politique et la politique coloniale
scientifique.
Dans cet univers d'occultation idéologique, de grands
idéologues, ethnologues de profession, tel le R. Père. Tempels,
tendent ainsi de donner une base scienti~ique à la domina-
tion coloniale par l'exploration de la
pensée négro-africaine,
bantoue en l'occurence ; .il s'agit, au service des compagnies
concessionnaires et de l'Eglise catholique d'atteindre un
double objectif :
_ Rationaliser et exprimer, comme un moyen tactique
de domination, une vision du monde implicite chez les coloni-
sés, oeuvre dont ils
sont eux-m~mes incapables. Cette natio-
nalisation de
l'ontologie bantoue, infériorisant les dominés
et
survalori~ant le colonisateur, fonde la nécessité et le
bienfait de la "mission civilisatrice"
de l'oppresse.ur et
suggère en particulier un certain assouplissement dans les
formes d'oppression afin de rendre plus acceptables aux noirs
aliénés leur exploitation. Tempels écrit à cet effet :
"Cependant, une meilleure compréhension du domaine de la pensée
bantoue est tout aussi indispensable pour tous ceux qui sont
appelés à vivre parmi les indigènes. Ceci concerne donc tous~
les coloniaux, mais
plus particulièrement ceux qui sont
~ppelés à dirigor et à juger les Noirs ••• bref, tous
ceux
qui veulent civiliser, éduquer, élever les Bantous. Mais si
(1)
Jacques Berque in "la dépossession du monde" 1964

- 68 -
cela concerne tous les coloniaux de bonne volonté, cela s'a-
dresse iout particulièrement aux missiojni~es... Si l'on
n'a
pas pénétré la profondeur de leur personnalité propre, si l'on
ne sait pas sur quel fond se
meuvent
leurs act~s, il n'est
s ,
pas possible de comprendre les Bantous ••• On risque, au con-
traire, en croyant "civiliser" d'attenter à "l'homme", de tra-
vailler à grossir le nombre des déracinés et de se faire
l'artisan des révoltes" (1)
- Réaliser la stratégie globale de la
domination
comme objectif final : développer les concepts idéologiques
de Il barbarie" pour mieux "c LvLl.t.se r ", de "paganf.ame " satanique
pour mieux conltert;;r ; "civiliser" et convertir pour mieux
assurer la reproduction des rapports d'exploitation. Tel nous
parait 5tre le noy~~ .' idéologique caché dans ce discours du
R. P. Tempèls où le "christianisme Il et "la civisation" ont ...
pour synonimes réels : idéologie et pratique d~ la domination
coloniale car, "nous aboutissons ainsi à cette conclusion
inouïe que le p~ganisme bantou, l'antique sagesse bantoue
aspire du fond de son âme bantoue vers l'âme m~me de la spi-
ritualité chrétienne. Ce n'est que dans le christianisme
que les Bantous
trouveront l'apaisement de leur nostalgie
séculaire et la pleine satisfaction de leurs aspirations les
plus profonàes •••• comme le christianisme a pu informer une
civilisation occidentale, il contient dans la vérité de sa
doctrine et le dynamisme humain qu'il ôU3citij,les ressources
pour sublimer et ennoblir une civilisation bantoue." (2)
Parmi les appareils idéologiques de l'Etat colonial,
nous citerons lll'Eglise", 'fJ.'Administration" et lll'Ecole". Par
la diabolisation des cultes traditionnels, l'application
d'une législation bourgeoise inadaptée et surtout aliénante,
l'Eglise et
l'Administration remplissent leurs fonction dans
l'optique de la domination coloniale.
Ainsi le R. P. Muller,
rèjoignant le Go~verneur Sarraut qui fondait le droit â la
(1) R. P. Tem~!'!s "La philosophie ban t cue " P. 17. Ed du chène.
paris 1948
(2) R. P.
Te,:1~rs, op. cit , 123.

5
- 69 -
colonisation sur "la mise en circulation des ressources que des
poasesseurs débiles détemaient sans profit pour eux-m~mes et
pour tous" (1), écrit à son to.ur . " L' humani té ne doit pas, ne
peut pas souffrir que l'incapacité, l'incurie, la pa~esse des
peuples sauvages laissent indéfinim~nt sans emploi les richesses
que Dieu leurs à confiées avec mission de les faire servir~lien.
de tous. S'il se trouve des territoires mal gérés par leur' ~
propriétaires, c'est le droit des sociétés lésées par cette
défectueuse administration de prendre la place des régisseurs
incapables d'exploiter au profit de tous, les biens dont ils
ne savent pas tirer parti. lI (2) L'idée d'une malédiction divine
particulière pesant sur la race noire et justifiant par là-m~me
l'asservissement des Noirs, cet fréquemment exprimé du XVlè auWllè
siècles chez les auteurs catholiques. Même au XIXè siècle, R. P •
Libormann l'invoque encore : " L'aveuglement et l ' esprit de
Satan:
sont trop enracinés dans ce peuple, et la maîédictionœ
son père (3) repose envore sur lui; il faut qu'il soit rache-
par des douleurs ~nies à celles de Jésus, capables d'expi~V
ses péchés abrutissants ••• afin de le laver de la malédiction
de Dieu" (4)
L' "Ecole" coloniale demeure le :Lien d'ancrage le ~ .
plus Qfficace et le plus solide de l'idéologie colonialiste;
quèlle doit par un enseignement bien conduit ••• amener l'indi-
gène à sitUer convenablement sa race et sa civilisation en re-
gard des autres races et civilisations passées et présentes •••
Tout l'enseignement de l'histoire et de la géographie doit
ten-
dre à montrer que la Fr~nce est une nation riche, puissante,
capable de se faire respecter, mais en m~me temps généreuse et
n'ayant jamais réculé devant les sacrifices d'hommes et d'argent
pour délivrer les peuples asservis ou pour apporter aux peuplades
Albert Sarrau-t: "Grandeur et serviteur coloniales" paris
Ed. du sagitaire, 1931, P. 121
Joseph Folliet : " Le Droit de la colonisation", Paris, Bloud
et Gay,
1930,p. 265
Il e~t question de la malédiction de Cham, fils de Noé et
qui
seralt, selon certaines interprétatiornde la bible, llanc~tre
de la race noire. Notons par ailleurs que le R. P. Libermann
est le fondateur de la congrégation ducoeur immaculé de Marie
Ci té. par Georges Goyau : "La France missionnaire dans les cinq'
par t.Las du monde. Il Paris, Plon 1948. t , II, p. 117

avec la paix, les bienfaits de la civilisation." (1)
La philosophie assimilationiste de ll"Education" si-
gnifie aussi aliénation : produire des hommes qui oublient leur
passé, se oéprisent tout en aimant et en admirant le colonisateur
auquel ils tendènt à s'identifier. Après avoir chanté "nos anc~tres
les Gaulois", les écoliers (futurs idéologues négro-africain)
louent "les chefs si braves qui prirent SamorYt (2) plus de fer,
plus d'esclaves, à nos vainqueurs, merci~ (3) Interdiction est
faite aux écoliers d'utiliser autre langue que celle du coloni-
sateur car "c'est par la langue que nous arriverons à les rappro-
cher de nous, à nous les attacher ••• La communauté de langue, a-t-on
dit, finit à la longue par amener la communauté de pensées, de
sentiments et d'intérêts" (4). Sette orientation de l'Education
arrache l'écolier noir à son milieu au profit de la métropole
impérialiste, produit une aliénation et un déchirement profonds
de·la personnalité que Senghor rapporte comme
"un douloureux
arrachement de soi à soi." (5) Il est donc compréhensible que la
résistance anti-coloniale inclut comme moment important le refus
et le rejet de l'"Ecole des Blancs" qui, "mieu~ que le cunon, •••
pérennise la conquête. Le canon contraint les corps; l'Ecole
fascine les âmes." (6) A cette situation, le colonisé va réagir
par une lutte libératrice.
(1) "L'Education Africaine" nO 6, 1913, Gouverneur de l'AOF, roUME~
(2) Samory Touré, grand héros de la résistance armée contre la
pénétration Française au Soudan durant 17 ans.
(3) Extrait de chanson apprise à l'Ecole coloniale.
(4) "L'Education Africaine" nO 6, 1913, Gouverneur de l'AOF, rom·œ.
(5) L S. Sengor in puêmes, Ed duSeuil Paris 1964 P. 138 "Epitre
à la pr±ncesse"~
(6)Clieick Hamidou Kane, "L'aventure aJ:lbiguë ll , Julliard 1961.

- 7<1-
b) La Reconnaissance de soi et la lutte de résistance
des classes dominées, opprimées, pour leur libération: tel est
l'aspect
dominé, secondaire de la contradiction principale
du
du point de vue de la· structure coloniale.
La lutte de résistance à la domination étrangère, lutte
pour la reconnaissance de soi et ré-action du colonisé, s'inscrit
dans le cadre de la défense de ses intér~ts matériels réels, qui
lui commande la révolution des conditionSrtlO _~~iproùu~tion et do
la reproduction des rapports d'exploitation capitalistes car, par-
tout où il y a oppression, il y a sa contrepartie dialectique,
la lutte de libération."
Sous différentes formes, armées ou non, organisées ou
spontannées, elles visent finalement â rompre avec le système
colonial ; elles réalisent la philosophie de la libération et se
,
déroulent sur deux étapes essentielles :
- D:e la pénétration impérialiste à la "pacification" (tep.
me ~ colonisateur) au début du siècle, des soulèvements populai-
res et des grandes rési~~nces armées (1) constituent les formes
principales d'une lutte qui embrasse tout le continent et dour.
le colonisateur sort vainqueur après avoir ainsi "pacifié" le
monde noir.
- De
1918 (fin de la Première Guerre Mondiale) à 1960
(octroi de l'indépendance à la plupart des nations noires coloni-
sées), les grandes grèves syndicales, notamment celle des ouvriers
du chemin de fe.r Abidjan-Niger (2), la formation des partis poli-
tiques ant-.l coloniaslistes marquent un changement important dans
les formes de lutte : l'hégémonie de la classe ouvrière alliée
à la paysannerie et le rOle dirigeant de la petite bourgeoise
intellectuelle (3) donnent plus d'ampleur et de vigueur aux luttes
dont le résultat ost l'accession à l'indépendance autour des années
1960. Ces luttes, m~me quand elles obtiennent quelques résultats
n'ébranlent pas l'édifice colonial demeuré stable pour l'essentiel.
/'
(1) Nous pourrions citer pour mé.oire quelques grands héros de
la
RéSistance africaine; Samory Touré, Béhanzin, Lat-Dior, Chacka,
Babemba, Ousmane Dan Fodio, etc •••
(2) Sembène OusBane a immortalisé cette irruption de la classe
ouvrière négro-africaine sur la scène de l'histoire dans "les
bouts de bois de Diou". Cette grève il faut le rappeler dura de
Mars 1947 à Avril 1948.
(3) Il est intéressant de renarqucr qu r en Afrique, c'est la peti-
te bourgeoisie, dans sa fraction intellectuelle notamment, quia
dirigé les dernières résistances populaü'es-l.,

c) En conclusion de ces différentes luttes, le bilan~
la colonisation montre une conjoncture politigueconsacrant
l'inégalité des forces et les places entre les différentes classes
antagoniques.
.
L'Economie de subsistance essentiellement basée sur
les cultures vivrières et des échanges restreints non monétaires,
ne peut plus réaliser cet équilibre entre l'homme et la nature à
cause de son intégration au système dG production et d'échange
capitaliste, entra1nant une paupérisation et une prolétarisation
accrue des masses paysannes. En effet, 10s trop faibles moyens
de production wis en oeuvre par l'investissement capitaliste,
ont été appliqué, non aux progrès techniques de la production,
mais surtout à l'extraction des superprofits sans que les techni-
que pré coloniales traditionnelles aient été modifiées. Obligé
désormais, avec les m~mes moyens dérisoires d'assurer s~
subsistence. et en outre fournir uni Jurplus de produits exporta-
bles, le paysan n'y parvient qu'en réduisant cette subsistance,
,
en réduisant ~es ~ultures vivrières. Les réserves en arrivent à
dispara1tre et chaque année au moment de la soudure, la disette
s'établit et à la moindre catastrophe natuI'elle (déficit pluviomé-
trique, mauvaise récolte) ou économique (chute des prix d'achat
au producteur), c'est la famine ou l'endettement à des tau= ~3ur~ers,
Le paysanat tend à sc transformer en prolétariat agricol ou à
émigrer vers les villes en quête des ressources financières de
plus en plus nécessaires.
au.colonialisme, Résistances organ1sees et orientées dans dessyn-
dicats et partis politiques nationalistes dont ils étaient les
fondateurs. De nos jours, cette petite bourgeoisie au pouvoir
invoque toujours ce rÔle historique pour légitimer son règne.
senghor, Lamine Gueye (Sénégal), Sékou Touré (Guinée),
N'krumah (Ghana), Azikirvé (Nïgéria), Houphouet Bboigny (COte-D'ivoire.
Kaunda (Zambie), Nyéréré (Tanzanie) ••• appartiennent tous à cette
couche sociale sécrétée par le colonialisme et dont la tendance
finalement dominante a été celle du compromis avec les puissances
iméprialistes.

_ -7 ~
- r ..~ ..-
Les formes d'organisations sociales traditionnelles,
justifiées par un ensemble d'idées de solidarité, et de respect
des hiérarchies, sont ruinées par l'introduction de l'Economie
marchande, au profit des idées de l'individu~lisme ; l'individu
isolé, colonisé est maintenant juridiquement' l'égal de tout autre
en tant que vendeur ou acheteur de marchandises, qu'il soit chef
ou serf. La solidarité classique ou ethnique s'appuie de plus en
plus sur la consommation des biens importés. Elle est de plus
en plus inassour1ie, exigeant sar:~ cesse de nouveaux dons. Cette
exigence nouvello renforce alors les liens entre l' \\ctivité des
membres de ~a société traditionnelle et les loio du marché capi-
taliste. C'est ainsi quo les sacrifices aux anc~tres, les dons
aux parents, les mariages et enterrement, toutes choses à travers
lesquelles se manifeste la solidaritérabituclle, nécessite l'aco-
~ubit1ôn du dehors, par la vente de la production familiale ou
en allant en ville pour "gagner de l'argent", cet élément dissol-
vant pour les structures traditionnelles car "là où l'argent
lui-m~me n'est pas le fonde~ent du rapport social, écrit Mary', il
désagrège inévitablement le rapport social existant".
La production et la reproduction du système de domina-
tion finissent par créer deux types de personnes : le colonisé
et le colonisateur auxquels on pourrait bien appliquer les caté-
gories Hégéliennes de l'esclave et du ma1tre. L'esclave dépendant
est pris comme dans une toile d'araignée dans le discours de son
~1tre. Le noir colonisé est celui qui a peràu toute initiative
historique, il finit, surtout pour celui qui habite les zones
urbaines, par intérioriser l'idéologie du ma1tre en réniant par-
fois la sienne dans une "Occidentalisation" bien peinte dans des
romans africains (1) et plus scientifiquement dans les études de
}iaimoni. et~F.nnon (3). "Tout d'abord"pour la servitude, c'est le
ma1tre qui est l'essence; sa vérité lui est d?nc la conscience
qui ost dépendante et est pour soi, mais cette vérité qui est
pour elle, n'est pas encore en elle-m~me.
(1) A propos des titres des rotians africains se rapportant à
l'aliénation, se référer à la bibliographie.
(3 )EfiGols l-l::U:x in "Le manifeste du parti communiste"
ED en
langues étrangères, pékin 1966 et 1970
'
(2) F. Fanon; "Peau:Noire, masques Blancs", Ed Seuil Paris 1952.
"Les damnés de la türre,Maspéro, 1969.
A MANNONI: "Psychologie de la colonisation" Ed seuil,195ü
. AQC;SUSM3JL2USUUL JE

- 74 -
Cette conscience a précisément éprouvé l'angoisse au
sujet de l'intégralité de son essence, car elle a ressenti la
peur de la ~ort, le ma1tre absolu. Dans cette angoisse elle a été
dissoute intimement, a tremblé dans les profondeurs de soi-m~me
et tout ce qui était fixe, a vacillé en elle '{ ( l )
En définitive, nous nous situons sur un terrain où la
disposition inégalitaire des forces et places des classes, montre
une structure objective de domination coloniale à laquelle corres-
pond pour les dominés asservis, une forme de conscience aliénée:
nous observons là une concrétisation originale des rapports ma1tre/
esclave, colonisateur/colonisé, bref oppresseur/opprimé et aux-
quels se greffent l'idéologie négro-africaine de la Renaissance,
terrain où nous entrons à présent.
B - Les échos idéologiques des contradictions historiques
réelles : le discours d'une conscience malheureuse dans sa structur~
et sa genèse
1) - La "conscience malheureuse" est un concept Hégélien
dont la structure est celle du déchirement de la conscience en.
rapport avec un monde concret, lui-m~me conflictuel, déchiré.
a) - Signification Hégélienne du concept de "conscience
malheureuse".
Hegel a vécu l'écroulement d'un monde et la naissance
d'un autre. Empruntant une image de Roger Garaudy nous dirons quT"ll
vient à un moment de fracture de l'histoire" (3) : l'ordre monarcho-
féodal subit les assauts victorieux de la bourgeoisie montante.
Plus précisément, "le soleil qui, dans un éclair, dessine en une
fois la forme dU'nouveau monde" (2),se levait sur la France de 1789,
mettant à nu la misère Allemande, un monde encore féodal et politi-
quement émietté. La Révolution Française réalisait pour Hegel, le
modèle de la liberté la plus parfaite, à savoir l'harmonie entre
l'individu
et la société, le particulier et l'universel dont
la
( 1) Htgel
"La phénoménologie de l'Esprit" op. ci t p.164 dy Tono 1
(2) Urgel
"La phénoménologie de l'Esprit" op. cit p. 12 du Tome 1
(3) Roger Garaudy : "Pour conna1tre "la pensée de Hagel",
Ed, BORDAS, 1966.

- 75 -
préfiguration juvénile fut la cit e Grecque. Dès sa jeunesse, il
avait ainsi planté un arbre de la liberté, pour célébrer la prise
de la Bastille, convai~cu qu'un monde proprement humain, oeuvre
de la Raison, était entr-af,n de na1tre : "Du re"ste, il n'est pas
difficile de voir que:notre teups est un temps de gestation et~
transition à une nouvellG période, l'Esprit a rompu avec le monde
de son ~tre là et de la représentation qui a duré jusque mainte-
nant." (1) A cette innovation historique et rnultiforrae, llallema_.gne
ne pouvait contribuer que de façon spéculative, ce qu'il constate
non sans amertune dans l'introduction à "principes de la philosophie
du Droit" : "En politique, les Allemands ont pensé ce que les
Français ont fait ••• L'abstraction et l'élévation prétentieuse àe
la pensée, sont toujours allées de pair avec l'étroitesse et
l'abaissement de ln réalité". (2) Avec ce contexte Allemand, Hegel
avait conscience de vivre dans un monde inhunain, hostile, aliéné:
.
le drame objectif de l'Europe déchirée fut le drame deàDgel porteur
de l'idéologie révolutionnaire Française dans une Allemal.gne où
,
les horloges 'socio-politiques retardaient.
Dès lors, le"malheur de la conscience" appara1t comme
une conceptualisation du débat historique entre le passé et l'aveni~
car, professait Hegel, "Concevoir ce qui est, est la tâche de na
philosophie". (3) La philosophie tout comme la réligion naissent
du déchirement de ce monde. Sa mission (celle de la philosophie),
est de surmonter ce déchirement;~ui se manifeste à la fois comme
"rupture dans le monde réel", état qui entraine l~ dédoublement au
niveau de l'individu comme "rupture entre l'existence intérieure. ~"':.
et l'existence extérieure; les conflits objectifs sont générateurs
de tO'lH"tients ··Suôje.&tifs J' du malheur de l' homme devenu. "une sorte
d~amphibie vivant dans deux mondes contradictoires entre lesquels
la conscience hasite sans cesse, incapable de se fixer et de pren-
dre une décision qui la satisfasse...
De nos jours, cette opposi-
tion est ressentie d'une manière particulièrement vive et préoccupe
les hommes de multiples manières •••
en Hegel in "La phénoménologie de l'Esprit", op. cit p. 12
(2) Hegel in introduction
"Principes de la philosophie du droit",
t r ')d.
A. Kaan, Ed Gallimard, Paris 1949.
(3) Hegel in "Pricipes de la Philosophie du Droit" P. 31

- 76-
Il est de l'intér~t de l'homme que cette opposition
disparaisse, qu'elle fasse place à une conciliation ••• c'est·.
la t~che de la philosophie, et sa t~che principale est de :
supprimer' los oppositions." (1) Le malheur de la c~nscience
plece essentielle dans le système Hégélien peut se tésoudre dans
cette image de Jean Wahl : "Faust, l' en t e nderacn t qui soupire après
la raison" (~), l'entendement désignant la faculté de classer,
de séparer et la raison, celle de totaliser.
La structure de la conscience malheureuse est fondamen-
talement conflictuelle et se situe dans l'histoire tragique de
l'Esprit prggrossant vers le "Savoir Absolu" comme intériorisation
totale de l'objet et objectivation totale du sujet. Ce fragment
de l'épopée de l'Esprit, reste encore le monent de la séparation
entre le sujet et l'objet, le particulier et l'universel, la cer-
titude et la vérité, le pour-soi et l'en-soi', scission qui cause
.
d~ la conscience, car dans ~e malheur'
le malheur,/la séparation est présente. pour pr~ndre l'exemple,
du Judatsme, une ~cission radicale s'établit ontre un " en.déça
(monde humain) qui est néant, et un "au-délà" monde divin, absolu.
Quand ce malheur objectif devient présent à la-conscience,
celle-ci connait une névrose plus ou moins poussée : de douloureux
tiraillements internes traduisent l'intérior~ation des con-
tradictions de ce monde réellement déchiré, décousu.
b) Illustration négro-africaine
C'est
au contact désavantageux avec d'autres consciences
de.soi qui tendent toutes à se maintenir dans l'~tre, qui tiennent
à la vie, que la conscience négro-africaine fait l'expéraan~ede
ses propres limites, source de son nalheur ou de son déchirement.
La consclënce malheureuse négro-africaine est effectivement celle
d'un monde dominé, colonisé; une
conscience objectivement
aliénée et subjectivement désirante de libération ; une conscience
finalement bipolaire : conscience de soi-pour-un-autre (conscience
aliénée) et conscience de-soi et pour-soi-m~me (conscience libre).
Une contra~iction q~otidiennnement vécue par le négro-africain
dominé, dans son agir et dans sa pensée, fonde et noue un drame
Hegel in "Esthétique", Tome 1, Ed. Aubier 1944. trad. Gibelin
PP. 48 -49.
Jean Wahl : "le malheur de la conscience dans la philosophie
de Hegel", paris,
PUF 1951

17 .,
existentiel : il doit choisir chaque jour entre deux types de ~
'. ",;
références d~~,~ents, voire contradictoires, afin de pouvoir
donner un sens à sa propre existence et se situer d~ns le monde.
Si tout choix, en particulier lorsque ses termes di~ergent, :implique
généralement un renonceoent et donc un déchirement Ù~ sujet, ~
choix dont il s'agit ici accentue particulièrement ce déchirement
car il est~_ ioposé au colonisé par le ma1tre colonisateur.
Ainsi, la conscience malheureuse négro-africaine va
intérioriser et saisir dans toute son intelligibilité tragique,
la scission et l'aliénation fondamentales du
monde colonisé,
à savoir la contradiction principale avec primauté de l'aspect
Méconnaissance - Serv~tude qui est de l'ordre de la vérité de
l'liEn soi" objectif, sur et contre l'aspect Reconnaissance -
Indépendance qui est de l'ordre de la certitude du "pour-soi"
subjectif..
Les formes d'expression ou d'actua~isation de çctte
,
conscience ma.Lheur-c-us e , ;rapporte l'expérience de celle-ci : l' an-
goisse, l'ambiguité, la dfpossession de soi en.liaison dialectique
avec le monde colonisé de la domination et de la aissolution de, la
personnalité négro-africaine, traduisent en dernière analyse une
crise d1identité de classe ~ui se manifeste soit sous une forme
simplement vécue, au niveau de système des attitudes collectives,
soit sous une forme élaborée au niveau du discours de la petite
bourgeoisie intellectuelle colonisée.
Dans sa première forme, l'expression du malheur nous.
est rapporté par de nombreux romanciers africanis, témoins de
leur temps :
Cheik Hamidou Kane (1) traduit cette inquiétude existen-
tielle dans toute son ampleur à travers les aventutres africaine
et européenne de Samba Diallo (héros du roman) : à l'école cora-
nique, on lui avait enseigné la foi en Dieu, l'Etre Suprême
qui était généralement reconnu dans la pensée négro-africaine:
"Nous sommes parmi les derniers hommes au monde à posséder Dieu
tel qu'Il est véritablement dans son unicité" (2)
( 1) Hegei: --iIprin-ë-ipes de la philosophie du Drqi t" op. cit. p. 313
(2) Cheick Hamf.do u Karie , in." L'aventure aI:lbi~~~ê", Ed , Julliard 1961
(3) Cheick Hamidou Kane, "L'aventure ambigue" op. cit. p. 23

:'78 -
1'école des "Blancs", l'école nouvelle "décide". Nous suivo.ns
le drame existentiel de Samba Diallo tiraillé entre le désir
de sauve~r Dieu, adopter les valeurs traditionnelles noires en
refusant l'école nouvelle, et cet autre désir contr,aire d'adopter
"
.
les valeurs occidentales qui décident. Il exprime a un nlveau
individuel le drame de tout un peuple admirant et haïssant àB
fois son maltre colon blanc. L'antinomie des termes du choixEnsccentuo
le caractère tragique
entre une philosophie occidentale d'où
lion a exclu· Dieu
et une pensée négro-africaine hiérarchisant
tous les ~tres de 11univers jusqu'à Dieu, principe premier, Samba
Diallo ne peut effectuer un choix et il connait les douloureux
tourments de la CG!"sciense double, ambilüe de tout négra-africain
colonisé. Ce dernier, 'livant un tournant historique où l'irruption dI..t
". "modernisme" fait éclater les hiérarchies traditionnelles, per-d
son équilibre.
,
NoÏ!8 citerons encore.
les iÉmoignages de Seydou Badian .j
Camara Laye et Olympe Bh~ly Quenum (1)
ou les symboles tragiques,
,
figures du déchirement, s'identifient respectivement à Kany,
Clarence et Ahouana. Dans le roman de Seydou Badiam, le choc des
deux mondes, des deux consciencrode soi, prend la forme d'un
conflit de générations (l'une authentique, l'autre inauthentique,
occidentalisée) autour du mariage de Kany, l'héroïne. Celle-ci
ayant fréquenté l'école du colonisateur a intériorisé les~leurs
occidentales, et forte de ses nouvelles convictions, elle refuseœ
sunir au mari que son père Benfa v,oudrait lui attribuer dans~
cadre des coutumes
traditionnelles. Clarence, colon blanc
et
héros dans 'Le Regard du Roi", rejetté d'une part par ses confrères:
à cause de sav~.wreté matérielle et entouré, d'autrepart, des
mystères du
monde nègre traditionnel, il fait la douloureuse
expérience de la double marginalisation qui le rejette àans une
solitude quasi totale. Modèle occidental de Samba Diallo, il
se t~ouve engagé dans un monde différent du Sit~ et auquel il~nte
vainement de s'adapter. Entre sa subjectivité, conscience occi-
dentale et l'objectivité du milieu façonné à l'image de lamnscience
négro-africaine, la'" rupture intervient et lui cause des t ourraen t.s
(1) Seydou Badian : "sous l'orage (Kany) " , Ed. présence Africaine,
paris 1964
Camara Laye, fiLe Regard du roi" ; Ed.plon, Paris 1954
o. B. Quenum : "Un piège Sl1n.s fin", Ed. Stock, Paris 1960
&JE UlM

m
79
profonds. olympe Bhêly Quenum exprime l'impossibilité de synthèse
entre les deux mondes nègre
et occidental, et c'est là toute
la signification de "Piège sans fin" dont le héros Ahouana,
essouflé par des mésaventures répétées meurt finale~ent. Ici
,
aussi la réconciliation ne peut être réalisœ ; Ahouana devient
un héros de l'Absurde, il se.convaint de l'aliénation irrémédia-
ble de l'homme livré à un monde qui lui reste étranger et hostile.
La philosophie de l'Absurde traduit les contradictions entre
l f homme et le monde, elle est une philo sOI hie du maJhmr de la
conscience hUQaine. Sa présence ici atteste du déchirement
profond de la conscience négro-africaine engagée dans un monde
qui lui devient étranger, une conscience qui in~rrcge et un
monde qui déç0it.
Dans sa deuxième forme, la présence du malheur est
directement rapportée dans des discours élaborés par la petite
bourgeoisie colonisée. Là, plus qu'au niveau des 'représentations
et attitudes collectives, le malheur comme dédoublement de la
1
conscience, s'approfondit. Son expression quasi névrotique tra-
duit et prolonge une crise d'identité et de conscience de classe
car, de part son origine sociale, l'intellectuel colonisé appar-
tient aux masses africaines exploitéGs et devrait épouser leur
cause, mais en réalité, de par sa fonction sociale idéologique
(adoption et diffusion des valeurs dominantes) ou professionnelles
(commis de l'administration coloniale), il se range objectivement
dans le camp des classes impérialistes. Rejetté par les siens,
il n'arrive pas à s'identifier au dominateur, -lequel lui assigne
un r81e et une place toujours de seconde zone. Un va-et-vient
incessant entre les deux mondes structure le malheur profond
de cette petite bourgeoisie intellectuelle colonisée dont Léopold
sédar Senghor, penseur et militant de la Négritude, constitue
un exemple pertinent.
Le malheur inhérent à la conscience négro-africaine
intellectuelle en l'occurence, se saisit à travers les différents
conflits consciemment ou inconsciemment exprimés dans la Négritude
Senghorienne.

- ev·
Sous la belle apparence d'une harmonie, (1) nous décrouvrons.
le fond infrastructurel du déchirement, à travers les failles
dont nous faisons craquer le langage Senghorien, à force de
le défier, de le renverser, de le violenter, de lui faire
avouer ses dernières limites: la scission propre a: toute cons-
cience malheureuse se retrouve chez Senghor dont la subjectivité
contraste ave~ l'objectivité du monde, qu'il soit négro-africain
ou Occidental. Cette séparation cause des tourments subjectifs
auxquels l'auteur cherche remède par le "retour aux sources",
en fuyant l'univers occidental, mais sans succès: quand Senghor
cherche à se réconcilier avec le monde Occidental, il rompt
avec son milieu négro-africain, quand il se lance à la recher-
che de son "terroir", il rompt nécessairement avec le monde
Occidental ; il oscille entre deux mondes sans pouvoir se fixer
et devient un ~tre des deux mondes.
Dans sa qu~te du monde Occidental en rompant avec son
terroir et ap~rQfohdisant son malheur, Senghor nous laisse compren-
dre une admir~tio~ et·un désir d'identification réels au colonisa-
teur ; il remplit ainsi sa fonction d'intellectuel organique de
la colonisation et exprime un complexe d'infériorité inhérent à
tout langage servile car l'esclave croit trouver son essence dans
son ma1tre. Dans cette situation, la perspective de la ré~olte
qui ouvre la voie de la libération est soit inexistante, soit
l~rvée. Ainsi chez Senghor, comme chez beaucoup d'autres intel-
lectuels à une certaine époque, nous entendons ~ un moment une
plaidoierie, en faveur du colonialisme occidental: il l'absout
dans une profonde attitude réligieuse de pardon, de prière et
d'invocations saintes,justifiant en partie cette assertion de
Martien Towa : "Léopold Sédar Senghor ou le fatalisme de la
servitude du Nègre".(2)
(1) Il faut noter à ce titre que certaines analyses peu critiques
ont affirmé que la pensée de Senghor présenta~t une harmonieWlle,
qu'il serait vain d'y déceler un quelconque déchirement structurel.
Louis Vincent Thomas entre autres, y voit l'expression de la
"Négritude sereine" qui, partant d'une révolte juvenile, aboutit
à l'apaisement d'une réconciliation humaniste planétaire.
(2) Martien Towa in : "L.S.Sebghor : Négritude ou servitude ?",
Ed, clef,
yaoundé, P. ~9

E
Se faisant l'avocat du colonisateur, après avoirdressé
un sévère requisitoire contre : "les mains blanches qui tirè-
rent les coups de fusils, qui coulèrent dœEmpir~s••• Qui
flagellèrent les esclaves ••• abattivent les for~t~ d'Afrique
c
pour sauver la civilisation, parce qu'on manquait de matière
première humaine", il adopte et 'propose une attitudodc
p a r' dn : Il
Seigneur je ne sortirai pas ma réserve de haine ••• Mon coeur
Seigneur, s'est fondu comme neige sur les toits de Paris. Il
est doux à mas ennemis, à mes frères aux mains blanches:sans
neige. 1I <'1) Il faut que Dieu, mais aussi les autres colonisés,
pardonnent les nombreux péchés du colonisateur qui se
résument en oppression et aliénation.: "Se Lgrieur-, pardonne à
l'Europe blanche ! ••• Ils ont incendié les bois intangibles,
tirant ancêtres et génie par leur barbe paisible. Et ils
ont
fait de leurs mystères la distraction de bourgeois sommabules •••
Seigneur, pardonne à ceux qui ont fait de askias des maquisards,
de mes princes des adjudants ••• Car il faut bien que m oublies
ceux qui ontexpdrté dix millio~s de mes fils ••• qui en ont
supprimé cent millions ••• (2)
Seigneur, parmi les nations
blanches, place la France à la droite du père ••• Oui seigneur,
pardonne à la France qui hait les occupants et m'impose l'oc-
cupation si gravement. Qui m'ouvre des voies triomphales aux
héros et traite ses
Sénégalais en mercenaires, faisant d'eux~s
dogues noirs de l'Empire ••• car j'ai une grande faiblesse~ur
la France. Bénis ce peuple qui m'a apporté la bonne Nouvelle
Seigneur, et ouvert mes paupières lourdes à la lumière deB

f o l "
(3)
Dans ••• "Nat.Lo n et voies africaines du socialisme ll ,
l'absolution de l'aliénation coloniale est justifiée par sa
nécèssité historique et universelle. Senghor invite donc ses pùrs
à la compréhension d'une telle rationalité de l'histoire :"
IICessons donc do vitupérer le colonialisme et l'Europe et de
les rendre responsables de tous nos maux. Examinée dans une
pe~spective historique ••• La colonisation nous appara1tra, dans
(,) L.S. Senghor : IINeige sur Paris ll in Poèmes, Ed, Seuil, Il. 22
(2) L.S. Senghor : l'Prière de paix" in Poèmes, Ed. Seuil, Po 92
(3) L.S. Senghor in II poèmûs ll , op. cit. p. 55 : "Hosties Noires

un preoier regard, comme un fait général de l'histoire. Les
races, les peuples, donc les nations, plus généralement les
civilisations, ont toujours été en contact, donc en conflit.
Bien sOr, les conquérants sèment les ruines BOU? leurs pas,
mais aussi les idées et des techniques qui germ~nt et s'épanouis-
sent en moissons nouvelles. L'Europe n'a pas perdu à la conqu~te
romaine, pas plus qu~ l'Inde à la ounquête Aryenne ••• ", (1)
il est donc évident que les nègres non plus, ne perdront à ~
conqu~~européenne. Dans l'optique Senghorienne, optique de
l'intellectuel organique de la colonisation, le refus de l'alié-
nation, prélude à la libération, se trouve invalidé au nom~un
"humanisme colonial"
"On a réagi contre "nos anc~tres les
Gaulois", c'est le bon sens. Mais, le propre de toute réaction
est d'çtrû. effrénée. Il serait peut-être temps que l'on ~éaEft
contre la réaction ••• On nous expliquera comment
un peuple,
parti de ses Anc8tres les Gaulois et des ténèbres de leurs
for~ts, s'élève peu à peu à~avers chutes et tâtonnements,'
vers la 1umièrç et la liberté. Comment expliquer autrement
l'humanisme colonial: l'oeuvre ùlu~e faiblesee,l'esprit d'un
Van Va11enho von z •• ,(2) l'oeuvre bienfaisante du colonisateur?
Dans la qu~te de son propFe monde, pour renouer
avec une fonction d'intellectuel organique des massooafricaines
dominées, en:
fuyant l'univers occidental, le chantre de la
Négritude fait du "retour aux sources" son refrain : "Nous
sommes des lamantins, qui selon le mythe africain vont boire
à la source" (3). Plus loin, il pousse ce cri pathétique en
direction de l'Afrique -Mère: " Je ne suis plus que ton
enfant
endolori, et
il se tourne et se retourne sur ses flancs douloureux.
Je ne suis plus qu'un enfant qui se souvient de ton sein ma-
ternel et qui p1&ure"-Le "retour aux sources" nègres désigne-
(n L'.S. Senghor " Nat Lon et Voie Africaine du Socialisme" Ei.
Le'Seui1, Paris 1961 p.
109
(2) L.S. Senghor ~'" Liberté 1 : Négritude et Humanisme" Ed.
seuil paris 1964, "Le problème culturel en A.O.F~'
: (3) L.S. Senghor: "Poèmes" op, ci t , "P. 155 : "comme
,1eo:la-
mant Lns vont boire à la source "
.
(4 ) L.S. Senghor: "Poèmes" op. c Lt , p. 82 : "N'Dessé 1(

une tentative de réconciliation avec son monde objectif, mais
désigne également son contraire : la séparation et l'aliénation
présentes. Inversant les termes d'Adotévi, nous définissons_~a
Négritude à cet effet, comme la manière "blanche" d'~tre
noir. Le "retour aux sources" réalise aussi le p',rincipe socra-
tique :" connais-toi, toi-m~me par l'homme distant de lui-m~me,
portant un masque dirait N~acho
doit, par une introspection,
percer les différents brouiJlards qui lui cachent son visage
véritable. Ce visage véritabl~ ici, se confond avec le "Royaume
d'Enfance ll , un monde qu'i~ faut atteindre en rompant les barrières
coloniales, ce monde où "Tout n'est qu 1 ordre et beauté, luxe, cal-
me et Volupté" (1) dans de discours Senghorcien : Il je sais
le paradis perdu, je n'ai pas perdu souvenir du
.jardin d'en-
fance".(2) L'innJ~ence est toujours attribuée à l'enfance
et dans ses poèmes, Senghor transfère souvent cette qualité
humaine au continent Noir tout entier, qualité due par la do-

mination étrangère. Dans un beau poème "Nuit de Sine", Senghor
évoque le "Royaume d'Enfance" à travers les veillées négro-
(
africaines au cours desquelles, conteurs ou danseurs recrécLt
les communautés villageoises,l'harmonie négro-africaine où
une communion s'établit entre les hommes (femmes et mfants,
danseurs et chanteurs), entre les hommes et la nature ("Voici
que décline la lune lasse vers son lit de mer étale. Voici
que s'assoupissent les éclats de rire" 0), entre les vivants
et les morts ("Ecoutons la voix des al ciens d'Elissa. Comme
nous exilés ils n'ont pasVb~ mourir. Que je respire l'odeur
de nos Morts, que je recueille et redise leur voix vivante"(4)
Senghor, coome tout intellectuel colonisé est fina-
lement la somme de deux consciences de soi historiquement
irréconcil~ablos et il traverse une crise d'identité de classe
comme conflit permanent entre sa fonction et son origine de
classe. Cette conscience est néc~sairement malheureuse, tiraillée
<l) Charles beaudélaire "Invitation au Voyage" in "les fleurs
du mal"
}
(2)
L.S. Senghor in "poèmes" op. cita p. 4;' · "Vacances"
(3)
.
L.S. Senghor in "Poèmes"
op. c Lt ,
·
p.14 . "Nuit de Sine
(4) L.S. Senghor in
"poèmes
op. cit. p. 15 · "Nuit de Sine
·
hu.

- 84 -
puisque "le héraut de l'âme noire a passé par les écoles
blanches ••• c'est au contact de la culture blanche que sa.
négritude est passée de l'existence immédiate à l'état ré-
fléchi. En ce moment, en choisissant de voir ce ..qu'il est,
<,
il s'est dédoublél., et ne coïncide plus avec lui-m~me. Et
réciproquement c'est parce qu'il était exilé de lui-w~me
qu'il S'CIJt trouvé ce d€.voir
de maniiester."(1) Georges Balandier
confirme ce déchirement quand il identifie Senghor à"un homme
situé a,ec:toute sa sensibilité entre l'Afrique et l'Europe.
Loin de l'une, pas assez solidement campé au coeur de l'autre,
homme solitaire et mélancolique".(2) Martien Towa illumine
dans sa critique ce conflit structurel de la conscience mal-
heurCU~ Senghorienne : "Si l'on met bout à bout Les accusations
de Senghor contre le colonialisme, on obtient un
réquisitoire
impitoyable contre la colonisation que signerait l'anti-colo-
nialistc le plus implacable, tandis que la ju~taposition des
éloges, ferait de lui l'émule des chantres les plus lyriques
de l'Empirc".~3) Passant enfin aux confessions, Senghor lui-
m~me reconna1t sa névrose, fruit du dualis~e de sa subjectivité
et de l'objectivité du monde. "De fait, ma vie intérieure a
été très t~t écartelée entre l'appel des anc~tres et l'appel
de l'Europe, entre les exigences de la culture négro-africaine
et les exigences de la vie moderne. Ces conflits ë'expriment
souvent dans mes poèmes. Ils en sont le noeud". (4)
L'évolution de la conscience malheureuse de l'intellec-
tuel colonisé s'identifiera aux différentes tentatives pour
résoudre ce déchirement. Ce chemin jalonné de réconciliations
tJujours éphémères appara1tra comme una double tentative de
réconciliation avec soi-m~me et avec autrui, se traduisant
par une double postulation ~arcissique et ~Jaltruiste. Il
nous incombe de saisir maintenant comment ce déchirementl~u~,
toujours dépassé, ranait, à travers la phénoménologie des
(1)Jean paul Sartre: "Orphée Noir", préface i. "Anthologie
de la Nouvelle poésie nègre et malgache" de Senghor, PUF,Paris
1948 tP.. 16
/'
(2)G. Balandier : "La littérature noire de langue française"
in "Présence Africaine" numéro Spécial "Le monde noir" du
8-9-1950, p. 399
(3) M. Towa : "Léopold Sédar Senghor : Négritude ou servitudé' ?
op. cit. p. 46
(4) Senghor cité dans "Entretien avec Armand Guibert.

;
.'.
8'5 -
ex~ériences de la conscience malheureuse noire condenséesœns
divers concepts idéologiques.
2)
~nèse de la conscience malheureuse
a) Signification Générale
La genèse de la conscience malheureuse négro-africaine
à travers ses diverses formes d'expression est l'histoire des
luttes de cette conscience.~our surmonter sa propre scission
structurelle toujours renaissante en liaison dialectique avec un
monde objectif où les classes dominées affrontent les classes
dominantes dans une lutte paur la Rennaissance non encore
victorieuse. Cette lutte est donc douloureuse et tragique œr,
c'est au moment où la conscience malheureuse croit atteindre
la vérité de la reconciliation et àonc le bonheur, que cette
vérité se révèle
simple certitu}~ subjective et illusoire •

Elle doit donc la dépasser pour une autre qui, à son tour,
se révèlera illusoire; à chaque étape, la conscience ma-
I
Iheureuse.•hé~africaine érige. sa subjectivité du bonheur
en Absolu, mais fait aussitet l'expériencode l'impossibilité
de coïncider avec la vérité objectiTe
qu'~lle croyait ~tre.
Elle éprouve alors tragiquement sa finitude et doit à nouveau
s'élancer vers une autre étape, pour-suivant le chemin du
malheur
"ce chemin a alors de son point de vte
une signi-
ficatbn négative, èt ce qui est la réalisation du concept
vaut plutet pour elle comme la perte d'elle-mOrne; car sur
ce chemin, elle perd sa vérité. Il peut donc 8tre envisagé
comme le chemin du d,.,ntJ t. ou proprement comme le chemin
du déeespoir"(l)
La fin du malheur, selon Hegel, s'identifie au dépasse-
ment de toute aliénation pour la liberté, aboutissement logique
de toute l'histoire humaine: il faut que l'esprit se ~ouve
chez lui dans ce monde, qu'il ne se heurte donc plus à quelque
t"
(
1) Hegel in " La phénoménologie de l' espri t" Tome 1, op.
c t t , p. 69

- <:s6 -
chose qui lui soit extérieur ou transcendant, mais que'
sont acte s'identifie à la totalité de l'~tre : " Que le sujet
n~ voit dans ce qui l'entoure, rien quilui soit étranger,
aucune limite ni barrière, mais s'y retrouve lui-m~me••• La
liberté signifie la disparition de toute misère et de tout
malheur, la réconciliation du sujet avec le monqe devenue
une source de satisfaction, et la disparition de toute oppo-
siton, de toute contradiction."(1)
Sur cette étape coloniale, remédier au malheur,au
déchirement de la conscience noire, ctest surmonter l'~xtério­
rité du monde, franchir les barrières du système colonial et
s'attaquer aux causes de malheur; l'aliénation et la domina-
tion impérialistes. En d'autres termes, c'est lutter pour
la
Renaissance : résoudre la contradiction principale par son
dépassement dialectique de façon à assurer le devenir prin-
cipal de son aspect secondaire ( Reconnaissance du négro-africain)
et le devenir secondaire de son aspect princiRal (Méconnaissance
du mégro-africain).
Les fornes
d'objectivation de la conscience malheureuse
rappo rte
ici les mouvements de celle-ci : Lu t te tragique où q.li
perd, gagne, en prolongement dialectique avec un monde colonial
où la tendance principale est la ré-action de plusm plus vio-
lente des classes dominées. Dans sa forme siQplement vécue,
au niveau du système des comportements collectifs, socio-po-
litiques, la tendance à la destructuration so concr6tise dans
un large front dooluttes populaires anti-colonialistes, luttes
dominées par les ouvriers et . Ges
alliés dans la paysannerie
·à travers leurs syndicats, mais orientées dirigées par l'intel-
ligentsia
petite - bourgeoise colonisée aux volants des

partis qu'ils créent ou m~me des syndicats, Dans sa formeéla-
borée par la~tite bourgeoisie intellectuelle, qui tente
de surmonter sa crise d'identité ai~e de~classe,nous suivons
son mouvement pour rompre avec sa fonction organique des
classes colonialistes et prendre une ~nction nouvelle conforme
à son origine de classe : ses éléments~~eulent des "intéllectuels
(1)
Hegel in " Esthétique" op. cit. page 130

81
organiques ll des masses africaines dominées. Ainsi la lutte .
\\
.
,
contre l'idélogie do~inante, support stratégique du système
d'oppression, entraine une conjonction des concepts idéologique
en un véritable Il front idéologique Il de la Renaissance Noire,
répondant et arme idéologiqueBd'un front de rési~tance anti-co-
lo.nial concret et populaire. Le front définit un'ennemi commun
(l'idéologie dominante justifiant des rapports d'exploitation
coloniale),. un tactique de lutte unitaire (l'abattement du sys-
tème des rapports d'oppression coloniale) et un but stratégique
similaire ( la Renaissance du Monde Noir).
Suivons à présent les différentes atticulations·
JL
ce discours de la Renaissance Noire à travers l'étude du concept
idéologique de la"Négritude anti-coloniale" chez Senghor.
b)
Illustration narticulière ; signification qu
premier mouvement de la Négritude : malheur et réconciliation
ou aliénation et gu~te des sources nègres.
Chez l'intellectuel colonisé, le malheur s'installe
1
comme scission 'intérieure source et tourments subjectifs aux-
quels il va tenter de mattre un terme par un mouvement de
flux et de reflux entre la "Négritie ll (Terre Noira et l'Europe.
Par le premier mouvement, fuyant l'Europe, Senghor choisit de
retourner aux sources nègres.
Le désir de surmonter le malheur se réalise par
le retour aux sources afin de vaincre l'extériorité du monde
colonial. Il nous reièle toute la signification de la Négritude
orphique. Ce faisant, le héros de la Négritude opposant son
désir de Renaissance au désir de domination de l'~tre - autre,
noire avec une fonction de classe conforme à ses originesœ
classes. Elle consiste à réaliser un projet de libération'
par une double performance théorique et pr~tique : la per-
formance théorique s'identifie à une rupture et un dépassement
de la conscience "blanche" du monde et du nègre ; la performance
. ,..;
. ~.
"
...:: ..... -
.- ..... ·.~I .. ·• . l . .
" ". J', .
. ('
. ,
_
•.n;.;",
.Li

pratique consiste enlune rupture etun dépassement de l'oppres-
sion "blanche" sur le nègre. La formulation et la réalisation
de cette tâche salv~trice définissent respectivement la pro-
blématique et la pratique de la Négritude.
1 - Problématique .:
.
Les définitions et approches repétées de la Négritude,
posent et repondent dans le fond au m~me problème : celui de
Renaissance Noire comme prise, affirmation ct défense d'une
conscience de soi nègre. Sur cette étape, la Renaissance est
un mouvement de réconciliation avec soi-m~me par-delà: les
barrières coloniales, une qu~te douloureuse de soi-m~me, un
dépouillement systématique au cours duquel plusieurs types
de reponses narcissiques à l'ordre colonial, aboutissent à
une véritable transvaluation. Cet effort d'auto-réconciliation,
premier mouvement de la conscience pour remédier à son malheur,
pose au fond un problème semblable à celui d'Orphée. (1)
,
Orphée (extrait de la légende Grecque ) est mal-
heureux car.s&n épouse Eurydice lui ayant été arrachée par

Pluton, son amour reste sans écho. Cette séparation lui cause
des tourments insupportables. Pour mettre fin à cette doulou-
reuse distanciation, il entreprend une audacieuse descente
aux Enfers, pour trouver comme sa moitié, Eurydice, perdue
dans le royaume funeste de Pluton. De m~me le chantre de la
Négritude, très tôt arraché et éloigné de l'Afrique~1ère parun
processus d'aliénation, subit le malheur de ~'enfant dont
l'affection maternelle n'a plus d'écho'. Il décide alors de
retrouver sa Mère.
(1) Jean Paul sartre; "Orphée Noir" op. cit. Dans cette
analyse du mouvement de la Négritude, Sartre identifie la
mission de retour en eux-m~mes des héros de la Négritude à
celle d'Orphée à la qu~te de son épouse retranchée dans les
Enfers par Pluton. Cette comparaison géniale, tout en situant
le projet de la Négritude dans son contexte historique, dévoile
toute la force du refus de l'aliénation qui animait les militants
de première heure de la Négritude. Dans une interprétation '',
dialectique, Sartre situe la Négritude comme le moment négatif
d'un processus dialectique dont la thèse serait la domination
coloniale et la libération, la synthèse. Ce faisant, Sartre
téclaire la nécessité et le rÔle historiques de la Négritude
qui ne saurait donc ê t r e que pour se dépasser sanc cesse; ~. ous
verrons plus loin et pourquoi ce dépassement ne s'estjamàis
opéré réellement.

89 -
En d'autres termes, sa conscience de soi qui était libre et
~Vw~~
heureuse,~
. conscience pour un autre est donc malheu-
reuse~ et aliénée. La vérité de ce déchirement bt de cette~ié­
nation, présente à la conscience, y cause des douloureux
tourments. Pour y mettre fin, le chantre de la ~~gritude devra
.:
donc retrouver l'état de sa conscience de soi libre avant mute
aliénation, en franchissant toutes les barrières coloniales,
en premant lé chemin du retour d'exil : "e·' était dans les
années do l'enirQ-les-deux guerres, quelques dizaines d'Etudiants
Africains s'étaient réveillés, nus et noirs. Ils avaient des
années durant, récité leurs Qancêtres des Gaulois"
et décliné
la rose avec les Roses d'oreilles ••• Mais voici que les assises
de l'Occident étaient ébranlées. Nos ma1tres véritables, nous
allâmes les chercher au coeur de l'Afrique, à la cour des
princes, dans les veillées familiales, jusque dans les retrai-
tes des sages. C'étaient les griots et les sorciers ••• Nous
dècouvr-îmes entre les années 1930 et 1934, la ··erveille du
·Désir, la Force Vitale Négro-Africaine ••• Nous marchioHs, nunis
des armes miraculeuses de la double vue, perçant les murs
aveugles, découvrant, récréant les merveill~s du Royaume
d'Enfance. Nous renaissions à la Négritude." (1)
Tel orphée, le héros-chantre de la Négritude ceint
ses reins, défiant tout écueil qui l'empêcherait de redescendre
la "Route Royale". Le "Retour aux sources" comme dit alors Sartre,
e s tune "ascèse" , la Négri tude
~l' a Lons pose le problème de retrou-
ver le bonheur initial affecté par la domination coloniale.
Elle se voulait ~tre une arme de combat pour la décolonisation,
une idéologie dont la fonction avouée était, non pas de repro-
duire mais de révolutiœnner les conditions politico-idélogiques
de l'opression, défendant Rinsi les intérêts réels des masses
exploitées: "Hais s'il faut choisir à l'heure de l'épreuve,
j'ai choisi le verset des fleuves, des vents et des for~ts,
l'assonance des plaines et des rivières, choisi le rythme
de sang de mon coeur dépouillé, choisi mon peuple noir peinant,
mon peuple paysan." (2)
II
(1) L. S. Senghor in Liberté 1 op. cit p. 99 : "De-ù.a liberté
de l'âme ou éloge du métissage".
(2) L. S.
Senghor in poèmes op. cit p. JO : "Que m'accompa-
gnant Koras et Balafons" (Octobre-Décembre 1939)

- ~ -
Ce problème de la Renaissance comme irruption d'une
conscience de soi en qu0te de reconnaissance est contemporai-
ne et signe du malheur de cette conscience
une conscience
de soi-~Our_un-autre en lutte pour devenir une c?nscience
de soi-pour_soi-m~me. Eco~tons Senghor à cet e~fet
"La pro-
blématique de la Négritude peut ••• s'énoncer ainsi
existe-t-
il des problèmes spécifiques aux noirsJ~aul fait qu'il ont
la peau noire ou qu'ils appartiennent à une ethnie différente
de celle des Blancs et èes Jaunes ? Quels sont ces problèmes
et en quels termes se posent-ils ? •• Une idéologie, c'est
en vue de l'action, un ensemble cohérent d'idées, c'est-à-dire
de principes intellectuels et de valeurs spirituelles ••• des
idéologies comme le capitalisme et le socialisme sont n.é s d'un l fit
cheminement du rationalisme eurûr éon, qui· a duré, vLng't oièclGc •• R.tc~1ulonc
Lénime àr.rJ~~dèle Allemand, Mao a refusé le modèle russe pour cré~r
le modèle chinois. Et nous, ~ aez-Lonar i nous le~ seuls à imiter
au lieu d'inventer? Vous le voyez, cette question nous amè-
ne à la Négritfde.
Une idéàlogie nouvelle est née depuis la fin du
1ge siècle, qui s'appuie sur les valeurs du monde noir
d'abord parmi les nègres de la diaêpora, aux Etats-Unis, aux
Antilles, maintenant au Brésil, puis en Afrique Noire elle-
m0me ••• Cette idéologie nouvelle, c'est la Négritude.
Qu'est-ce donc la Nésritude ? C'est un concept à deux faces,
objective et subjective: une culture et un comportement. C'est
d'abord l'ensemble des valeurs des peuples du monde noir:
de la Négritie en Afrique, et de la iiaspora, aux Amériques.
C'est aussi pour chaque nègre, la manière de vivre ces valeurs "(1)
2 - Les fonctions ou tâches de la Négritude Orphique
1;) Les fonctions, thé?r~q.~es : elles consistent à ...
rompre avec la vision "blanche" du monde et du nègre en renouant
avec une vision authentiquement Noire du monde et du nègre.
L'idéologie de la Renaissance Noire apQaralt ici comme la
(1) Senghor
extraits d'une conférence à l'université d'Abiùjm en
Décembre 1971 : "Pourquoi zune idéologie négro-africaine 111

réalisation du désir de reconnaissance de soi par le moyen
d'une lutte de rupture philosophique et s'exprime dans le
discours de l'ethno-philosophie négro-afric ·.ine. (1)
La
"Wel t anschauung" négro-africaine qu'élabore l'intellectuel de
la Négritude~Sr une ontologie rèligieuse, exist~ntialiste
(
et vitaliste, fondant une Ethique et une gnoséologie spéci-
fiquement nègres. Largement antithéti~ue de l~ pensée domi-
natrice du colonisateur, elle exprime une idéologie du res-
sentiment car elle fonde la résistance pratique â la'méconnais-
sance du nègre sur la théorie d'une différence absolue e t >' ••
d'un antagonisme radical entre "l' ~are-au-monde"·du noir et
"1t~tre-au-monde" du blanc.
1) - Idéalisme et rialectique dans la pensée
négro-africaine: l'investigation des sources par delà
l'occultation coloniale.
a) Une ontologie r!ligieuse, existentielle et
vitaliste :
j.
L'ontologie, logos sur l'~tre en tant qu'@tre,
traite
ici de son origine réligieuse (cosmogonie), de son
essence (cosmologie) et de la hiérarchie de tous les ~tres
.çomposants l'univers
- La cosmogonie négro-africaine : ici, le principe
de tout @tre réside en Dieu, l'@tre Supr~me. L'idéalisme pre-
nant une forme réligieuse devient spiritualisme. Dieu, Prin-
cipe Premier rev~t différents noms suivant les peuples. Les
Bantous en donnent rune définition synthétique e;énéralisable
·à l'ensemble du monde négro-africain tant il est vrai que
"Je crois en Dieu, le Père tout Puissant, créateur du Ciel
et de la Terre. Le début du Credo n'a jamais étonné aucun
nègre. Le nègre est monothétète, en effet, si loin que l'on
rüoont~ dans son histoire, et partout. Il n'y a qu'un seul
Diou~'qui a tout créé, qui est toute puissance et toute volon-
té- • TQ.Ut':':8 les puissances, toutes les volontés des génies et
(1) L'ethna-philosophie est un néoldgisme retrouvé dans les rares
débats sur la philosophie africaine. L'ethno-philosophie~seà
reconstruire, en partant des divers donnés de la ~1e culturelle
africaine (coutume, traditioa, proverbes etc ••• ), une visioL
du monce certes inconsciente, mais·
spécifique ut commune
aux nèe;res. Des oeuvres d'ethno-philosophie telle que "la
philosopie Bantoue" sont des oeuvres d'éthnologie à prétention
philosophique.

des ancêtf'Gs ne so e t que ù~s oillHn&"tj.ons rie LuL'! , (1) Pour
le Bantou en effet, Dieu "est le grand MUNTU, la personne
grande, c'est-à-dire la grande et puissante force vitale
-) ••• Le sage qui domine toutes les choses et conna1t
l'essence de l'~tre, qui sonde la matière et la 11ature de
toutes les forces dans leur profondeur. Il est ~a force qui
possède par elle-m~me l'énergie créatrice et qui fait surgir
tou tes les forces·:
. )." (2)
Cette assertion recoupe bien
celle d'ogotomm01i le dogon: ilDieu a pétri la terre avec
de l'eau. De m~me, il fait le sang avec de l'eau. MOrne, dans
La pierre, il y a cette force car l'h'~;;lidité est dans' toutll.(j)
La rupture avec le christianisme, r~ligion &u
colonisateur, donne à cette cosmogonie le tranchant d'une
arme théorique pour la Renaissance Noire. En effet, le
Dieu chrétien, source de tous les ~tres, et l'Etre supr~me
'.'
trans~endant auquel l'homme se soummet de façon incondi-
tionnelle par le culte, la prière et l'adoration, confor-
mement aux commandements reçus de ce Dieu sur le mont Sinaï,
.
Hegel identif~it précisement le christianisme à l'hne des
figurations les plus dramatiques de la "conscience malheureuse" ;
une conscience profondement déchirée, ce qui entralne un déchi-
rement équivalent au niveau du
chrétien écartelé entre un
"moi" empirique, attaché au monde et un "moill transcendant,
l' ~_me immortelle d'essence divine : "Cette conscience malheu-
reuse, scindée à l'inétieur de soi •••
: comme conscience r
indivisée, unique, elle est en m~rne temps une conscience
doublée, elle-même est l'acte d'une conscience de soi se
regardant dans une autre, et elle-m~me est les deux; et l'unité
des deux est aussi sa propre essence ••. Il en résulte que ~'une
à savoir la conscience simple et immuable est pour elle,
(1) L.S. Senghor: "Llberté 1" :Négritutle et Humanisme",op. cit
PP. 25-26
(2) R.P. Placide Tempels: "l~ philosophie Bantoue',' ,op.cit
PP. 28-39.
. . . .
.
0) Marcel Griaule: "Dieu d'eau. Entretiens avec ogotemm~li",
Paris Ed du chène, 191~8 p. 28. ogotemm~li avec lequel 6' entre-
tient l'ethnologue français Marcel Griaule, est un vieux mas-
seur dogon qui révèle une cosmogonie, une vision symbolique
de l!-univers et une conception organisée de la personne et..
du verbe expliquant le monde dans la culture dogon.

Il en résulte que a'une à savoir la conscience simple
et immuable est pour elle, l'essence, et l'autre, la rrul-
tipliment changeante comme l'inessentiel ll.(1)
,L'attitude
rlhigieuse chez le chrétien, en fait une sorte 'd'esclave
d'un Dieu transcendant, et en agissant sur le monde où
toute chose est un figuratif (signe de Dieu', il ~tribue
à Dieu le principe de son action car celui-ci, après
avoir créé le monde , donnait ce commandeme n taux lnmmee :
"croissez et multipliez-vous, soumettez la t.er-r-e" (2)
En passant à la cosmogonie r.légro-africaine, rnus ;
passons d'une réligion de la transcendance où Dieu est
principe d'~tre, mais non principe d'action transformatrice,
à une réligion de l'immanence où Dieu est à la fois principe
d'être et généra~ur continuel. La cosmogonie négro-africaine
ne fait pas de place à une réligion du déchirement ; l'a tti-
tude réligieuse ne crée aucun déchirement de la personne
1
puisqu'il n'y'existe pas cette distinction catéGorielle
entre l'accident et l'essence, l'immuable et le périssable.
Au contraire, et nous touchons ici toute7~6rtée dialecti-
que de cette "Weltanschi?UUng"~ une communion dynamique,
réciproque relie les vivants, les morts 0t Dieu, le visible
et l'invisible, réconciliant ainsi l~ physique et ]~ méta-
physique, le périssable et l'immuable cornille deux aspects
d'une seule réalité. Janheinz Jahn, ethnologue Allemend
et référence de Senghor, écrit à ce propos: "c'est l'homme
vivant, le Buzima qui par révérance pose le Dieu...
Une
telle divinité ne peut évidemment ~tre conçue comme une
~ntité transcendante, elle est au contraire une présence
concrète, immédiate, immanente à la pratique actuelle,
puisque c'est l'homme présent et pratiquant ce culte, qui
proprement engendre la divinité. Ceci est un caractère
commun à toutes les manifestations réligieuses de la,
(1~, Hegel in "La phénoménologie de l'Esprit ll T1, op.
cit"pp; 176 - 177
(2) Genèse, livre l in IILa Bible" chrétienne catholique
fflA .?}A-.JéK.9!;;; ..$kt.~..,:Ag•. tai .. kXJ&gg.as

-;:. 94 :..
culture africaine";(1) Senghor l'approuve en ces termes:
"L'ontologie Négro-Africaine est unitaire : l'unité de
l'univers se réalise. en Dieu, par convergence des forces
complémentaires issues de Dieu et ordonnées vers Dieu.
C'est ce qui explique que le Nègre ait un sens si développé
de ln solidarité des hommes et de leur coopératlon ; qui
explique son esprit du dialogue".(2)
L'inversion idéaliste
appara1t ici avec force : la pratique du nègre trouve ses
causes fondamentales bn s ses croyances.
- La Cosmologie négro-afriQaine : elle est essen-
tiellement vitaliste et existentielle car l'être y est vie
et la vie y est force. L'~tre et l'étant se réconcilient
dans la "Force Vitale", rampart de lutte idéologique:
"Nous découvr1mes entre les années 1930 ct 1934 la merveille
du Désir, la Force Vitale Négro-Africaine ••• décrouvrant,
récréant les merveilles du Royaume d'Enfance. Nous renaissions
à la Négritude ll.(3)
"Pour le Bantous, l'être-est la chose
qui est force,"(4) et lal!orce s'identifie à la vie, ce prin-
cipe animiste :par son hylozoisme, accord~
à la matière et
à l'univers en général les caractéristiques de la vie, ut se
retrouve dans la plupart des définitions négro-africaines de
l'être. Louis Vincent Thomas en7fait l'inventaire (5) : chez
les Yorubas (au Nigéria et au Bénin), EMiN désigne le soufle
vital; chez les Fans (au Gabon), ~ est principe vital;
chez les dogons (au Mali, en Haute-volta et en C~te-d'Ivoire),
NER désigne la force vitale. Il rejoint Tempels à ce effet :
"C'est parce que tout est force, et n'est qu'en tant que force,
que cette catégorie force, embrasse nécessairement tous les
êtres: Dieu, les hommes vivants et trépassés, les animaux,
les minéraux ••• Le principe de la philosophie bantoue (entendons
(1) J.Jahn in "Muntu, l'homme africain et la culture néo-afri-
caine", Paris, Ed. Seuil 1961, p. 253
(2) L.S.Senghor.in "Négritude, Arabisme et Francité", Ed Dar
al-Kitab Allubnani, Beyrouth 1967, p. 7
(3) L.S.Senghor in "Liberté 1 : Négritude et Humanisme"
op. cit P. 99
(4) R.P.P Tempels in "La philosopie Bantoue" op.cit p. 36
(5) L. Vincent Thomas : "Bilan Africaniste" publié dans la
"Revue de psyschologie des peuples" 2e/3''trimestre 1971
•. ·hA . . ~ ;c. U#4., cL, _Cd»;;.
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négro-africaine) est celui de la force vitale. Le ressort etb
fin de tout effort bantou ne peuvent ~tre que l'intensifica-
tion de la force vitale ••• c'est la seule chose pour laquelle
il se trouve pr~t a souffrir et à se sacrifierll (1)
De même Alexis Kagamé étudie la pensée~banturrvandaiso
c
dans laquelle la totalité des forces composant l'univers
s'exprime dans le concept de NTU : "Ntu est la force univer-
selle en tant que telle purement et simplement ••• Ntu, est
la force au sein de laquelle l'~tre et l'étant
coïncident •••
Ntu n'est rien d'autre que ces choses elles-m~mes et non une
substance ou une détermination surajoutée ll(2)
Poursuivant
son analyse, il répère quatre catégories d'~tres ou de forces:
IIHuntu, Kintu, Hantu et Kuntu ll
Muntu désigne l'~tre humain, ilIa force douée d'in-
telligence ••• une essence qui est force et à laquelle appar-
tient la ma1trisedu Nommo (le verbe )11 (3)
Kintu désigne l'ensemble des forces qui ne peuvent
agir de leur prppre mouvement et m'entrent en action que par
l'intervention d'un Muntu, homme vivant, défunt ou Dieu:
animaux, plantes et minéraux s'y rangent.
\\
Hantu.désigne la IIforce qui localise dans le temps
et dans l'espace tout évènement ll • Cette catégorie se rapproche
des catégories a priori de l'intuition
sensible che~ Kant.
Kuntu désigne la force modale ou plus précisement
un ensemble de propriétés qui peuvent atre reliées
aux
différents atres suivant leurs états respectifs : un beau
muntu, un arbre géant, un animal féroce etc •••
Si "Nt u" désigne seulement l' ~tre des forces, N..OMM:>
le Verbe en est la manifestation conrète, le principe efficient,
fécondant. Utilisant le langage Hégélien, nous dirons que
Nommoeot laréalisati~n do ce que Ntu n'est que le ~oncept~~
fait que"
.
(1) R.P. Tempels in IILa philosophie Bant.oue " opv c Lt; p. 114
(2) Abbé Alexis Kagamé : "La philosophie Banturrvandaise de
l'ttre". Johnson reprint corporation U.S.A Ed, 1966, p.207
0) Marcel Griaule in "Dieu d'eau" op. c t t , p. 165

an~~~pocentrique de la pensée africaine. Ogotomm~li le dogon,
à Marcel Griaule précise que "Nommo est eau et chaleur. La
force vitale qui porte la parole, sort de la bouche en vapeur
d'eau, qui est eau et qui est parole".
Encore ici, la
dialectique de la pensée africaine montre une un~té indivisi-
ble du physique et du spirituel, de l'extérieur ~t de l'inté-
rieur, de l'apparent et du profond, de l'accident et de l'essenceJ
unité saisie au niveau du Verbe comme salive, son et pensée.
La puissance fécondante du Verbe libère les forces lattentes
des minéraux, anime les plantes et les animaux. Dieu engendre
le monde sans cesse par l'action de sa semence qui est le
Verbe, Nommo qui ne cesse de "se faire chair" contrairement
au Verbe chrétien qui "s'est fait chair" dans un évènement
historique unique: l'incarnation du christ.
- Enfin la hiérarchie des ~tres se confond avec
celle de leurs forces: "En ontologie Bantoue, les ~tres sont
.
repartis en espèces et classes ~uivant leur puissance ou leur
préséance vitale. Par-dessus toute force est Dieu, Esprit et
,
créateur••• celùi qui a la force, la puissance par lui-m~me.
Il donne l'existence, la subsistance et l'accroissement aux
autres forces ••• Après lui viennent les premiers pères des
hommes, aes fondateurs des divers clans •••
; le chainon le
plus élevé relIant les homm~s à Dieu •••
Après la classe des
forces humaines, viennent les autres forces, celle des animaux,
celle des végétaux et celles des minéraux. Mais au sein de
chacune de ces classes se retrouve.
une hiérarchie suivant
la puissance vitale, le rang ou la primogéniture".(n
b) Principes éthiques et Gnoséologiques :
L'éthique nègre se définit par son humanisme issu
de l!anthr~pocentrisme inhérent à la vision nègre du monde. Son
Objectif idéal est la promotion totale de l'homme, son épanouis-
sement dans toutes ses dimensions physiques et surtout spiri-
tuelles. Cet idéal humaniste ne peut se réaliser que par les
(1) R.P.P. Tempels in "La philosophie Bantoue" op. cit
PP •. 4? - 43
" . " "
OOGAUL&
M

- 9:; -
actions conjuguées de tous les citoyens en vue du bie~~tre
social ccmmunautaire , condition du bien-~tre de chacun.'C'et
élan collectif de solidarité privéligié alors 'les valeurs
de solidarité et d'entraide aux dépens de l'individualisme.
Chaque membre du corps social n'est d'ailleurs reconnu comme
..
tel, qu'en tant que personnage y jouant un r51e précis dans
la structure totale'de charité et d'échanges réciproques:
"Dans cette communauté, personne, surtout aucun de ceux qui
ont quelque' pouvoir, ne peut él~ir pour lui seul. 'rous se font
la charité ; et chaque vie est approfondie et multipliée dans
cette communauté familiale des Morts et des vivants." (1)
Ces principes moraux s'enseignent pratiquement par un processus
de socialisation jalonné par différentes étapes instituées:
les rites initiatiques qui, par ailleurs, se déroulent
sans
faire de marginaux ni engendrer des conflits quelconques.
La vision esthétique d'une harmonie des forces vitales reste
un fond~ment philosophique de ce processus : le bom, première
étape de àa socialisation, relie l'enfant à la tribu par la
médiation des and~tres de cette tribu dont l'enfant porte le
~om., La circoncision et l'ex~ision constitue. une étape
d'épreuves surtout physiques, dont le but est d'enseigner à
l'enfant qui entre dans le monde des adultes, des vertus (cou-
rage, abnégation, respect des anciens etc ••• ) et pratiques
nécessaires pour "fonctionner" dans la communauté. Les (,-
classes d'âges restent des écoles où l'on cultive des reflexes
sociaux d'entraide, d'amitié, de fraternité, à l'image des
interactions des forces de l'univers. Le mariage qui revêt
ici une dimension sociale, d'abord, regroupe les jeunes gens
dans le cadre des échangeséiltonres
par l'Ethique coutumière.
Au niveau de la Gnoséologie, l'intér~action dialec-
tique entre tous les êtres et en l'occurence entre l'homme et
les choses dans le processus cognitif nègre, fonde ici un mo~~e
de connaissance anthropocentrique caractériséo par une communion
( 1) L. S. Senghor in Il Liberté 1 : "Négiru tde et Humanisme il ,
op. cit. : "Ce que l'homme noir apporte" p. 29
"
..
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- 98 -
spécifique entre le sujet et l'objet, l'homme et l'objet de
la connaissance: "pour l'instant, je dirai que le nègre ne
peut imaginer l'objet différent de lui dans son essence. Il
lui pr~te une sensibilité, une volonté, une âme d'homme,
mais d'hoo=e noir ••• Ainsi toute la nature est apimée d'une
le.
présence h~aine. Elle s'humanise au sens étymol~gique et
actuel
du zot. Non seulement les animaux et \\~ phénomènes
de la nature, pluies, vent, tonnerre, montagne, fleuve, mais
encore l'arbre et le caillou se font homme ••• C'est là le trait
le plus prûîolld, le trait éternel de l'âme nègre." (1). Tel
mode de con~a.issance par"participation" à l'objet, "communion"
avec l'objet, s'effectue au moyen de l' "Emo t Lon Nè g.r-e!' , intui-
tion sensible qui semble constituer le noy.~au irréductible dem
psychologie du Nègre : " Ainsi donc, pour connaf tre un objet, il re
suffit plus de le voir, de le disséquer, de ]0 peser, f~t-on
muni des instruments de précision les plus perfectionnés. Il
faut encore le toucher, le p~nétrer, pour a~nsi dire, de l'in-
térieur : le sentir••• (2) Les valeurs de la Négritude
par-
ticipent, esse~tiellement,de la raison intuitive; de la raison
toucher. Et i l est vrai que la négritude participe d'abord à
la sensation et de l'instinct ••• Grtce à son don, sans égal,
de la fabulation, qui est imagination créatrice, le Nègre
passe naïvewent, de la sensation au sentiment, du toucher au
sentir
encore une fois c'est ce rythme de l'Energie"
mou-
ment de la Force vitale, qui est la source de
toute pensée,
de tout art." (3)
De cette façon, le rapport du Nègre au monde permet
d'atteindre l'essence des choses par l'intuition particjyante
qui lui revèle tout l'objet. Il s'oppose à celui du blanc,
lequel n'attt\\~rque les a~pects superficiels des choses par la
raison discursive qui ne retient de l'objet que l'utilitaire:
"L'émotion est nègre comme la raison Hellène ••• (4) La raison
L.S. Senghor in "Liberté 1 : Négritude et Humanisme" CP.
cit. " Ce que l'homme noir apporte", PP. 24 - 25
L.S. Senghor in "Liberté 2 : Négritude et voies africaines
du Socialisme", op. cit. p. 287 "La Voie Africaine du
sccialisme ",1~
L.S. Senghor: "Latinité et N.agritude"
Dakar, commissariat
à l'inforID~tion, 1964, P. 24
'
L. S. Senghor
l'Liberté 1 op. ci t , "c e, que l' homme Noir
appc r t.e 11 p.
24
<.tlP.'4M

nègre telle qui elle apparait ici, n'est pas on le devine, la
raison discursive de l'Europe, la raison oeil, mais la raison
toucher, la raison sympathique, qui tient du Logos plus que
de la r~tio ••• La ~aison Européenne est analytique par utilisa-
sation, la raison nègre intuitive par parti~ipa~loU•• (l) Je
pense, donc je suis, écrivait Descartes. Le négro-africain pour-
rait dire ••• "Je sens l'autre, je danse l'autre, donc je suis"(2'
2 - LIIDEALISHE SUBJECTIF ET LA NETAPHYSIQUE' DE
L'ELABOHATION SENGHORIENNE : LIAU':W-CONTEMPLATION NAl"(CISSIQUE
ET L'EXPRESSION DU RESSENTIMENT.
Tel Narcisse qui, selon le mythe Grec, se détourna
du monde des relations réelles, lieu de ses tourments, pour
trouver l'apaissement dans une auto-contemplation, de m~me
ici, le héros de la Négritude a rompu les obst~cles de la
douloureuse aliénation coloniale, pour atteindre par la
trans-
cendance
du :spatio-temporel, une
image nègre anté-coloniale
rendue non seulement parfaite par un phanomène/ d'idéalisation
subjective. mais également antithétique du monde noir colonisé,
dans un discours de ressentiment. Le "Paradis" ou l' "Ede n Noirll
chanté dans la poèsie~, recréé dans une vioion har-mond.euac d u rnond 0
articule le diséours ~arcissique;
un langage
.
.
.
spéculatif et métaphiqyque dans la mesure où il récrée
ID
un monde parfa~t idéal, en rupture avec le monde concret; un
langage du ressentiment dans la mesure où il constitue un dis-
cours pr-emlc.r , celui de la conscience de soi "blanche."
Le "Gai Savoir" (ou redécouverte du "paradis perdu ll ) ,
fruit dlune volonté heuristique de rupture théorique, est
un savoir métaphysique: en rupture avec le monde réel, spatio-
temporel, il nous introduit dans un univers d'éternité; le
point de vue des "traits éternels de "1'&10 noire", situant celle-ci
( l)L
1. S.
Senghor : "Liberté 1 "op. ci t.
: élémortts constitutif
d'une civilisation d'inspiration négro-africaine." pp.
259 - 260
(2)
L.84' Senghor: IILiberté 1 op. cit. lice que l'homme Noir
apporte" p. 29

- 10C-
danl3 son"essence"transcendante, fonde sa spécificité irréduc-
tible et fige ainsi le nègre dans une résistance congénitaleà
toute évolution et plus particulièrement au changement de type
1.\\ne
colonial. En rupture avec/approche dialectiquetdes phénomène,
le "Gai Savoir" établit une dd.chot oo Le et un m~nichéisme sys-
tématiques en fondant des catégories différencielles antagoni-
ques et absolument irréconciliables. Là se fonde enoore une
résistance congénitale du nègre aux apports extérieurs, différents
et l1-:cessair.·e~ent non as s.iraf.Labl.es ,
Le "Gai Savoir" articule un langage du ressentiment.'
c'est-à-dire un langage anti~hétique d'un autre provenant gélié-
ralement d'une conscience réellement plus puissante q~est
ici celle de l'Europe
En effet,
l'affirmation de la conscience de soi
occidentale dans un discours colonial n'avait cessé de diffuser

que ce vaste continent noir était un repère de sauvages, d'anthro-
pophages, un :monde infesté de su~titions, de fanatisme, voué;
au mépris, lourd de la malédiction divine (1), continent arri-
arrièré, anc ê t r-e contenporains de l' occidènt qui remplissait ;,',
une haute mission humaniste en sortant ces nègres de leur nuit.
Cette position de la conscience de soi occidentale provo~uait
l'opposition réactionnelle de la"conscience de soi négro-afri-
caine alors representée par les intellectuels dans ilLégitime
défense", la revue du monde noir", "l'Etudiant Noirll ••• (2)
11 y -t'allait toujours repondre "non" au discours Européens ;
l'opposition ré-actionnelle, théorique et impuissante, carac-
térise tout langage du ressentiment. Et puisque le maître n'avait
que Dépris pour le nègre asservi ; ce dernier essayant de
ré-agir "se dresse, il ramasse le mot "nègre ll qu'on lui a jeté
comme une pierre et il se revendique noir, en face du blanc,
dans la fierté. Il (3)
(1) On trouvait de~ thè!œchrétiennes selon lesquelles les
noirs seraient les descendants de C~am, fils de Noé, qui
fut maudit par, • çe, dernier en accord avec Dieu. ConfèrE
citations antérieures du R. P. Libermann.
(2) 1930 à paris, le mouvement Haïtien de la Negro- Renaissance
fonde "La reVUe du monde noir~ 1932 à Paris, un groupe
d'Antillais fondent ilLégitime défense". 19.34 à Paris,
césaire, Senghor et Damas fondent "L'étudiant Noir".
(3) J. P. Sartre in "orphée Noir'; op. ci t , p. XIV
iftE'
.a
Li&irSU_SS2U.cœs. xsw,.

-
101 -
Au mépris, l'infériorisation et à la méconnaissance
de soi par l'autre, il repond par une att~tude agressive se
résumant dans ~ne contemplation narcissique et une survalori-
sa tion de soi : "Dans ILlon vocabulaire le mauvais sera blanc. Le
chantage sera blanc, les chats noirs porteront bonheur et les
chats blanc~ malheur ••• Et sur ma liste noire qui sera alors. ,
'ma liste blanche, je mettrai tous ceux qui m'ont, fait souffrit'O)
L'échelle des valeurs jusque là vfnérée est renversée: "L'être
est noir, l'Etre est de fau, nous som~es accidentels et loin-
a nous
tains, nous avons/justifier de nos moeurs, de nos techniques,
de notre pâleur de mal cuits et de notre végétaion vert de grisJ2,
Senghor et d'autres intellectuels de la Négritude, substituant
au monisme, un duaLasme anthl'oPolOg:j.qu,,) se pr-o c Lancn t "Les ~il s
, ainés de la terre." (3) DèvaLor-Lsarrt la 'Culture "blanche", ils
veulent, mourrir en celle -ci pour rena1tre à la culture noire:
"Lave moi de toutes mes con tagions de civilisés "(4) Nous assis-
tons à une substitution de la beauté noire à la beaut~ blanche
(thème du poème: "Femme Noire"), de la version noire\\à la ver";'
sion blanche de la création : "Et les oreilles, surto,--\\t les <oreil-
les à Dieu qui d'un rire saxpphone créa le ciel et la lterre
en six jours et le septième jour, il dormit du grand ~ommeil
nègre." (5)
Cette quê'tê de soi -mÊli~o se confond avec une substitution
l ' t t'
d
Uyonisiaquo..
qua 1 a ave
e royaume
"
,
negre a celui
d' Appolon"blanc" :
retrouver la joio de vivra ensemblP., la joie du rythLle ûnvoo.tant
par deI&. et contre ce ElonJe funeste des machines et des canons.
Ainsi, le ''Royaume d'En fance "ou "Eden Noir", s'oppose à l'enfer
Européen ; l'élan vital négro-africain à la mort "blanche" ; 1:1
raison intuitive à la raison discursive ; 10 sens du dialogue
0. 10. dicholooie sèche; une société humaine, cOIl1IL\\l-nautaire,
(1) LA~lGSTON IIUGHES : "SIl1PLE se nar-Le!", c'i té, in .-S'pécial Sb.l'eiJJ.
colloqu,e -yM. 'fM, Ntcr\\'~b.tti.L
/('-OvL (ii.-'l.U-~
Cook dans un article:
"Les .precurBo··''';'S negro--amé.ric~aI!li .ue La Néo"'ritude"
-'"
CZ) ~T., P. Sa,rt-ye. .ÀM""0 r phf e NOir"1·,oP. cit ... p. 35
(,3 ),' L
.
'f

• S. Senghc.v ,vV\\".p08LI8S" lJfI'
c Lt , P.'.3~
; ",;"
(h) 1.S. Senghat:?
·in pC:fèmei's op.
c\\t. p. 35 "que m1accompagnent
(5)
Koras et b"dilfollp;1/
r..s. Scnb~,or : rh poèmes op. ci t~ p. 117 : 1/ Nell
York".

Ao Z -
:fruternelle
hartlOni..euse à une société l.:.ê.èn·~\\\\~tt: féroce, anhu-
y
oainq où couvr.ent des injustices qui éclatent en troubles so-
~
ciaux, une conception dynamique à une conception statiquefu
monde. La Négritude des années 1930, était le temps fort d'une
négritude combative et de rupture théorique, celle du retour
c
narcissique aux sources avec son expression gonflée de laraine
\\\\
'
du ressentiment: La
Négritude, telle que nous avions commencs
de la conçevoir et définir était une ar-me de ré'1fuge . et d'es-
poir plus qu'un instrument de construction. Nous ne retenions
de ses valeurs que celles qui s'opposaient à celle de l'Europe:
à la raison discursive, logique, chrématisti~uu, la n&gritu4e,
c'était la Raison intuitive, la raison étreinte, non la raison
oeil ••• Je le confesse, notre orgueil se~ansforma vite en
ne
racisme. Il n'est pas jusqu'au Naz i.sme qui/fut accepté pour
renforcer le r~us de coopération ••• Racisme anti-raciste, c'est
ainai que définissait Jean Paul Sartre la Négritude, à Juste
raison ••• Tout ce qui était de l'Europe blanchè nous était fude ~
sa raison, son art, ses femmes." (1)
C'étai~ le temps d'une
Négritude subv~rsive qui visait à ruiner les conditions
idéologiques de la domination coloniale.
B - LES FONCTIONS PRATIQ.UES
consistent à nomprc Lt op-
pression politique "blanche" sur le nègre en renouant avec
une idéologie et une pratique politiques authentiquement nègres.
Par la reformulation et l'application du mode négro-africain~.
de production anté et anti-colonial, il s'agit dans l'élan~
lutte pour la Renaissance de révolutionner les conditions idéo-
_politiques de l'oppression coloniale.
1) ~ŒTAPHYSIQUE ET UTOPIE DES FONDE}ŒNTS DE LA
RUPTURE THEO RI CO-PRATIQUE DU "SOCIALISHE AFRICAIN" :
Les différents principes fondamentaux justifient
pourquoi l'organisation socio-poli tique conforme au génie n égro-
africain est d'une part, en rupture avec le capitalisme parcerl
que "socialiste", d'autre part en r upt.ur-e avec la narxa.smo
.
.
{ 1) L. S. Senghor : " Pierre Teillwrd de chardin et la poli-
tique Africaine" Ed. Seuil, Paris 1962 pp. 20 -22
...•' *
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-
-'/03-
parce qu 1"africain".
Chaque point de rupture avec ces "idéologies étran-
gères" constituent en m~me temps un point de jonction
avec les sources nègres. L'opération propre à ce retour
chez soi consiste en une néantisation spéculative et subjective
du monde colonial dominé par le mode de production capitaliste
et engagé donc dans un processus de profondes mut.fJ.tions:. ir-
réversibles; La " Polis" édénique nègre recréée 'par l'ima-
gination relève de l'utopie. Ainsi la métaphysique comme mé-
thode d'approche et la cité utopique comme résultat(9aractères
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sur lesquels nous reviendrons), caractérisent les principes
du socialisme africain qui, diff6~emccnt'auNSocf~lï~g6~~:iu~J'
Occidental est" ce socialisme rectifié ••• repensé à travers
les normes de la Négritudes et du sous-développement ••• le
,
socialisme, pour nous, n'est rien autre que l'organisation
rationnelle de la société humaineconsidé~é~ dans sa totalité
selon les uéthodés les plus scientifiques, les plus modernes,
les plus efficaces. Elle a pour but ••• le plus - ~tre par_
-delà le bien - ~tre ••• C'est dLr-e rpe le socialîsme exf.ge ai .
départ, pour les peuples et les personnes, la liberté et l'é-
galité des chançes ••• Rester fidèles au socialisme c'est pour
nous, devant ces réalités nouvelles, choisir, des méthodes,
des techniques et des moyens nouveaux : les plus modernes,
les plus perfectionnés. D'un mot, l'Afrique occidentale •••
doit ê t.re un vaste chantier de recherches •••• "
a)
principe,
socio-économique fondamental.: la
symbiose et non la divergence des intér~ts réels des membres
de la société :
L'articulation spécifiquement négro-africaine des
forces productives et des rapports de production est une
symbiose à l'abri de toute fracture.En effet, l'absence de la
propriété privée des moyens de productions, laquelle est;
source de la division et de l'antagonisme des intér~ts de
classes et partant, pièce maitresse des idéologies politiques
capitalistes et marxistes, la présence spécifique d'une pro-
priété collective dont les individus ne sont que des

-
105 ~
propriété individuelle de la terre. Pour nous en Afrique, la
terre était toujours reconnue comme une propriété de la Com-
munauté. A l'intérieur de la société chacun avait le droit
d'exploiter la terre car, autrement il n'y avait pas de
quoi vivre". (1)
b) Prb"cipe socio-politique fondaillent~l
l'absence
des classes et de la lutte des classes :
L'absence d'int&r~ts économiques conflictuels
a
pour corollaire, l'absence de la lutte des classes sur le
plan social et politique ; la lutte pour l'
l'appareil et du pouvoir d'Etat à l'aide de partis pQlitiques
ou groupes de pression défendant des programmes et projets
sociaux divergents n'y appara1t pas, car les bases économi-
ques d'une telle contradiction sociale n'y existent pas.
Et Senghor continue d'affirmer que la lutte des classes
n'est pas une réalité africaine où il n'est pas question
"de s'upprimer les classes par la lutte des classes il. l'in-
térieur de la nation, mais plut8t de supprimer de clivage
international:en nations développées et nations sous-déve-
loppées, et s'agissant du Sénégal, il n'y av~it pas de
prolétariat puisqu'il n'y avait pas de bourgeoisie". (2)
Les marxistes chercheraient au fond à résoudre un problème
'fl~e~ploftati6n de
classe) étranger au monde négro-africain
et à atteindre un modèle de société (sans classes) déjà
existant dans ce monde noir où en effet, la présence spéci-
fique d'une monolitisme politique est garante d'une harmonie
.
.
v.,~A:l-iG"':' ,..de.
' .
et d'une palx soclales;
,
_ .. -
l' epanOlssemen t total
de chaque citoyen. Nous assistons à une certaine paupérisa-
tion de l'Etat où tous les intér~ts reconciliés et uniformes,
sont défendus non par la violence coercitive des classes
au pouvoir, mais. par l'autorité de la sagesse des plus
anciens, lesqufls sont démocratiquement élus lors de longues
palabres où rèplent l' égali té des voix : "La poli tique ••• i l
(1) Juius Nyerére ln "Socialisme, Démocratie et Unité Afri-
caine" tradu1t ae l'anglais par Jean Mfoulou, Ed, pras. Afri-
caine, 1970
(2) L.S.S. in "Théorie et pratique du Socialisme Sénégalais.

- 105 '\\"
propriété individuelle de la terre. Pour nous en Afrique, la
terre était toujours reconnue comme une propriété de la Com-
munauté. A l'intérieur de la société chacun avait le droit
d'exploiter la terre car, autrement il n'y avait pas de
quoi vivre". (1)
b) PrD"cipe socio-politigue fondament~l
l'absence
des classes et de la lutte des classes :
L'absence d'int6r~ts économiques conflictuels
a
pour corollaire, l'absence de la lutte des classes sur le
plan social et politique ; ln lutte pour l'
~
l'appareil et du pouvoir d'Etat à l'aide de partis politiques
ou groupes de pression défendant des programmes et projets
sociaux divergents n'y appara~t pas) car les bases économi-
ques d'une telle contradiction sociale n'y existent pas.
Et Senghor continue d'affirmer que la lutte des classes
n'est pas une réalité africaine où il n'est pas question
"de süpprimer les classes par la lutte des classes à l'in-
térieur de la nation, mais plutôt de supprimer de clivage
international:en nations développées et nations sous-déve-
loppées, et s'agissant du Sénégal, il n'y av~it pas de
prolétariat puisqu'il n'y avait pas de bourgeoisie". (2)
Les marxistes chercheraient au fond à résoudre un problème
·tl.e~ploftbtion de
classe) étranger au monde négro-africain
et à atteindre un modèle de société (sans classes) déjà
existant dans ce monde noir où en effet, la présence spéci-
fique d'une monolitisme politique est garante d'une harmonie


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et d' une paax soc~ales; ,
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l' épanoissement total
de chaque citoyen. Nous assistons à une certaine paupérisa-
tion de l'Etat où tous les intér~ts reconciliés et uniformes,
sont défendus non par la violence coercitive des classes
au pouvoir, mais.par l'autorité de la sagesse des plus
anciens, lesqu~ls sont démocratiquement élus lors de longues
palabres où rè~ent l'égalité des voix: "La politique ••• i l
(1) Julus Nyerere ~n "Socialisme, Démocratie et Unité Afri-
caine" traduit ae l'anglais par Jean Mfoulou, Ed, pres. Afri-
caine, 1970
(2) L.B.s. in "Théorie et' pratique du Socialisme Sénégalais.

7
7
T
??
s'agit d'organiser, de maintenir et de perfectionner la
Cité : de gouverner et de légiférer. Gouverner exige de
l"autorité, légiférer de la sagesse. L'un et l'autre doivent
retourner à leurs sources, tendre au bien des communautés
et des personnes : de la Cité. Or dans les démocraties
ocèidentales aujourd'hui) ces exigences sont méconnues. Le
législateur est élu dans les meilleurs cas, pa~~un p~rti.
qui est un agrégat d'intér~ts ffiQtériels, et il légifère sous
la dictée d'une oligarchie financière et pour cette oligarchie.
La législation est inhumaine doublement) parce que V1C1ee
doublement. Quant au gouvernement, malgré les forces poli-
cières qui ne font que s'accro1tre)il n'a pas d'autorité;
..trlII"
.c ar. .L'autorité ,,,repo.se,, su-r.une-~eminence .spi!,)~~ueJ~e ,:_e_tle
gouvernement est aux mains d'habiles et de pwntins; de poli~
ticiens au lieu de politiques.Il en va autrement dans un
royaume nègre ••• L'assemblée législative est composée de
hauts dignitaires et de notables, chefs de familles claN'iques.
D'où la sagesse qui vient de la connaissance de la tradition)
de l' ,expérience de la vie et du sen timen t de oos responsabili-
tés. Autorité du Roi, qui est un ascendant d'ordre spirituel.
Il symbolise l~unité du Royaume••• Parce que le Roi est l'élu
du peuple ••• parce qu~ les électeurs peuvent le suspendre
ou le déposer".(1)
Nous sommes aux antipodes de la vision
"blanche" de la démocratie traditionnelle négro-africiüneftbù
celle-ci éta.it iùontifié'e aUrè~Br'ne de',la··bar.:barie" et 'SGS
o
chofs à des "tyrans et roitelets".
c) Principe fondamental de philosophie politique :
l'humanisme négro-africain:
L'humanisme négro-africain restituant à l'homme
toutes ses dimensions et l'an i-thèsé philosophique du matéria-
lisme économiste et/ou athée : il met l'homme au début et à
la fin des activités productives, mais situe également l'homme
par rapport à son.Générateur Premier (Dieu). Cette double
opération humaniste nègre interdit l'exploitation et l'alié-
nation de l'homme par l'homme sur lesquelles s0 fondo la~
domination capitaliste coloniale, ce en quoi il tend
",(15
L.5,5. in "Liberté 1" op s c Lt PP.31-32. "Ce que l'homme
Noir apporte".

- AO';f. -
naturellement à se conjuguer avec le socialisme; m~is il
replace Dieu et les valeurs spirituelles au coeur de l'holi~e,
ce en quoi il est spécifiquement nègre : "S' il ~est vrai que
le but ultime de l'activité générique de l'homme est son
accomplissement en Dieu par l'amour, nous devons, auparavant
trouver cet amour k.~t'A\\~'I comme réalisation des objec-
tifs pcrlitique , économique, socialû et culturel ••• notre
socialisme n'est rien d'autre que l'organisation technique
spirituelle de la société humaine par l'intelligence et . ~
le coeur". (1)
C'est en se fondant sur cet humanisme Noir que
Senghor, rejettant le capitalisme, refuse et réfute l'alter-
native marxiste caractérisée secondairement par un certain
humanisme théorique et pratique, mais principalement par un

anti-humanisme théorique et pratique aussi.
S'agissant de l'humanisme théorique, la philoso-
1
phie politiquè marxiste jette les bases d'une désaliénation
de l'homme gr~ce à sa méthode dialectique d'analyse qui, par
la dissipation des brouillards mystifiants du discours poli-
tique bourgeof.s-,, découvre les multiples formes d' opression
de ~'homme par l'homme car l'homme peut aussi sécréter
l'inhumain: "Le mérite essentiel de Marx, n'est pas de nous
avoir enseigné l'Economie politique comme on pourrait le
croire, mais l'humanisme, de nous avoir révélé l'homme dans
et par-delà l'histoire économique des hommes concrets, avec
leurs luttes, leur triomphe futur dans la liberté retrouvée •••
En ce sens, Harx est le fondateur de la Sociologie, c'est-à-dire
de l'humanisme moderne." (2)
L'humanisme pratique se définit ici de façon con-
joncturelle en se confondant avec les prises de position et
pratiques d'intellectuels (Sartre, Gide etc ••• ), partis ou
gouvernements (les soviétique et chinois notamment' se récla-
mant du Marxisme, lesquels concourrent à la démystification
et la dénonciation de l'oppression coloniale sous toutes ses
(1) L.S.S. "Théorie et Pr.:ltique du Socialisme au Sénégal"
(2) L. S. S. "Pierre TeiP ar-d de Chardin et la poli tique
africaine" P. 23.
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JI . LA
g f
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A;ai.

formes, apporte un soutien concret aux mouvements d'émanci-
pation des peuples opprimés dont la lutte anti~impérialiste
est considérée comme un jalon important et stratégique dans
la lutte pour la révolution mondiale. Après la Révolution
drOctobre, Lénine i~spirant une résolution de ~~ 3e Inter-
nationale, montre que les peuples encore colonisés, "joueront
un r81e révolutionnaire éminent dans les phases ultérieures
de la révolution mondiale" (1), et appronfondissant l'idée
de Harx, il lance un appel à la lutte 't>.üi.t::,:\\l'e: "pr-oLè t.af.r-es
de tous les pays et peuples opprimés du monde unf.s sez-cvous 1."
La Chine communiste était déjà à Bandot'"L;'_ où naquit le
courant d'émancipation des peuples du Tiers-monde, ~~
Nao-Tsé"Toung, fidèle à Lénine et Harx écrivait : "Le mouve-
ment révolutionnaire national et démocratique de
. ces
régions (Asie, Afrique, Amérique Latine) et le mouvement
révolutionnaire socialiste dans le monde sont les doux grands
courants historiques de notre époque. Les ré~olutions natio-
nales et démocratiques de ces régions constituent une partie
J
intégrante importante de la révolution mondiale prolétarienne
de notre époque ••• C'est pourquoi la lutte révolutionnaire
des peuples d'Asie, d'Afrique, et d'Amérique latine contre
l'impérialisme n'est pas du tout une question à caractère
régional, mais une question qui concerne l'ensemble de la
cause de la révolution mondiale de tout le prolétariat inter-
national".(2) Si les idéologues de la Renaissance Noire furent
traités d'"agents du communisme" aux moments les plus comba-
t"!
s'insFiraient
1. 8
de leur lutte,c'Ôtai:tparce qu'ils -
' •.'.
du uar-xf.sme
et des marxistes, et ce faisant, "La colonisation s'éclairait
d'une manière brutale, qui mettait en relief les monstruosités
du système. C'était la toute Puissance de la Grande Banque~
du Gros Commerce, qui avaient organisé, outre-mer, l'économie
de traite. C'était la misère des salaires "indigènes" et les
matières premièros "tropicales" v oriuu s à vil prix. e' étai t
surtout l'idéologie coloniale de l'assimilation, qui dénonçait
"11) Lénine ci~é dans "Les prévisions de Lénine sur les tern-
i'
p~tes révolutionnaires en Orient", Ed. en langues étrangères,
pékin 1970
(2) Parti communiste Chinois dirigé par MAO : "Propositions
concernant la ligne générale du mouvement communiste interna-
tional", Moscou 1963

-
109 -
le mouvement de la Négritude comme un racisme fOkmenté par
le communisme mondial.l1arx avait donc vu juste. "( 1)
Cependant, le Marxisme doit ~tre rejeté parce que
.
. .. bl
l ' "
f"
à cause de t· h
.
a.ncompat a
e avec
e ge m,e negro-a r a.c aan I-ê.T son an 1- umam.s-
me théorique et pratique : sa philosophie athé~~ mutile .
,-
l'homme en lui enlevant sa dimension essentielle ; spirituelle.
Elle contredit radicalement la vision nègre du Bonde où Dieu
occupe la première. place, où les valeurs spirituelles priment
les valeurs matérielles, faisant ainsi de cette philosophie,
une ontologie irrémédiablement religieuse. La pensée marxiste
ne serait alors que le "rationalisme gréco-latinH repensé
par-un cerveau Juif-Allemand~dans le contexte Européen du
1ge sièèle. Elle ignore de par cette distanciation géo-histo-
rique, la pensée négro-africaine: "pensée par d'autres et
pour d'autres ••• elle niait les valeurs de notre civilisation,
de notre personnalité collective, cette idéologie, nous ne
pouvions l'accepter. A moins de nous renier n'ous-mêmes, et
d'accepter, passivement notre "dé-réalisation", le non-~tre•••
Ce qui nous gênait dans le Marxisme, c'était avec son athéis-
me, un certain mépris des valeurs spirituelles: cette raison
discursive poussée à ses dernières limites, qui se muait en
matérialisme s ans chaleur, en dè t er-uf.nd.ame aveugle." (2)
Dans son aspect pratique, l'anti-humanisme se révèle
. t
1
d' t t
d
1
.ne serait
'1'"
f
a. ravers
a
lC a ure
e casse qUl ~G~ au fond,' une
orme
d'oppression de l'homme, une aliénation réelle de l'homme~i,
dans les Démocraties populaires, est converti en simple pro-
ducteur sans avis déterminant dans l'orientation de la produc-
tion. Il y subit l'oppression d'une lointaine et pesante -
bureaucratie qui est fatale pour son épanouissement et ma li-
berté, deux objectifs capitaux,chez les Négro-africains. Ceux-ci
mettant en effet, l' homne au début et à la fin de la production,
atteignent cet objectif humaniste par le choix démocratique
(la palabre) des objectifs, des dirigeants, des formes de
(1) L.S.S. : "Pierre Teilhard de Chardin et la politique
afrj_caine" op. c i t., P. 11
(2) L;S.S. : "Liberté 2 : Négritu~e e t' Voies Africaines
du Socialisme" op.Qit
::c.
F
W4!'
L 4
.i


-
'10 -
travail non aliénantes et de repartition équitable de la pro-
duction sociale. La pratique socio-politique nègre s'oppose
. ~.
à celle marxiste laquelle·f~vorise1 le déterminisme, la ~
praxis et les moyens, ~u détriwent de la dialectique et de~é­
thique, pour tout dire, de l'homme et de sa libç-rté "(1)
Finalement en rupture dans ses principes fondamen-
taux avec le capitalisme et le socialisme scientifique,le
système de production spécifiquement nègre, s'inscrit dans~
processus de furmation d'une troisième voie, fournit des
uatériaux spirituels pour la construction du socialisme Univer-
sel", participant ainsi à la troisième revolution mondiale
après collos bourgeoise ct prolétarienne : " Un: troisième
révolution est en train de se faire, on réaction contre
le
matérialisme capitaliste et coucuniste, qui intègrera les
valeurs morales, sinon
réligieuses, aux apports politique et
économique des grandes révolutions. Dans cette révolution,
,
les peuples de couleur, les négro-africains parmi d'autres,
doivent jouer ~eur rOle
ils doivent apporter leur contri-
,
bution a l'édification de la nouvelle civilisation plané-
taire ••• (2) Nous vivons une Histoire en accélération, dont~
trait majeur en ce XXème siècle est la totalisation et
la socialisation de la
planète - mère ••• Ici et là, même dans
les pays socialistes, le dialogue, le collogue, remplaçœnt
peu à peu la vieille lutte de classe du XIXème siècle et de
la première moitié du XXème siècle <3l" Le Socialisme africain;
~
renvoyant dos à dos le capitalisme et le socialisme scientifique,
veut à la
fois, rosoudre les problèmes humains que ces deux
systèmes ont soulevé sans pouvoir les solutionner, et réaliser
leur int~gration originale dans la société industrielle du
XXème siècle. Pour ce faire, le socialisme africain se concré-
tise dans un type spécifique d'institutions et de pratiquee.
L·.S. Senghor in "Ld.be r-t
II
Négritude et voies Africaines
é
du Socialisme" op. cit.
L.S. Senghor in J1Liberté II
Négritude et Voies Africaines
du Soci,lisme" op. cit.
L.S. Senghor in discours prononcé devant le Conseil éco-
nomique et social de Sénégal, en 1964, et inspiré des
théories Teilhardiennes de la "civilisation de l'Uni-
versel" et de la "convergence panhumaino".

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111
-
2 - PRATIQUE DU 30CIALIS~ΠAFRICAIN
Le socialisme africain n'offre pas et nous y revien-
drons, un dispositif de l'appaFeil et du pouvoir d'Etat vrai-
ment pertinent. Nous retenons quelques caracté~istiques rele-
vant plut5t d'un réalisme politique que d'uno pratique révo-
d'
"Il
lutionnaire : le "socialisme africaint'ne s'est - il pas!d~c-rae1tf3
innovateur dans le seul domaine éthico - réligieux ?
A pied d'oeuvre, le "socialismo africain" défend in
"Etat nation" (au
sens Hégélien du terme) qui qy;:i-.~:idohformc
au génie négro-africain d'h~rmonisation sociale. L'homme n'étant
ici qu'un producteur de culture, il faut â la nation une Ame
et à celle-ci un Etat fait de volontés conscientes. C'est
l'Etat-Nation qui réalisera cette volonté collective, nouvelle
forme de l'harmonie sociale n~re, en intégrant les différents
groupes et forces; clans, groupe d'âges, confrèreries, syn-
dicats etc ••• Il incarne la volonté générale èt réelle de tous
les membres de la société car ici, il n'existe pas la lutte
des classee la légitimité d'une classe dominante comme dans
les sociétés bougeoiseet' sociàlist~d'Occldent nais celle
de t.outee le.:ê.:;.~cp~hes sociales.
.
Le pouvoir d'Etat s'exerce à travers différentes.
..v_ .
institutions
/
dont la principale est le Parti unique, unifié ou dominant.
Il définit une "Démocratie Africaine" certes forte, mais aan s .
"
dictature aliénante, déshumanisante, ni cruel libéralisme ou
les plus puissants écrasent les plus faibles, encore moins
anarchie politique. Limitant et contrelant les droits des.-
. forces d' opposi tion, le Part'f é'du'ql:le
le citoyen de façon
à cultiver en lui un "esprit critique ll et constructif et
non un "esprit de critique" stérile: " Le socialisme n'est.
ni l'anarchie,ni le laisser faire; ce n'est m~me pas l'athéisme:
c'est l'organisation parce que harmonieuse de la production
et de l'échange au service de développe@ent de tout l'homme
et de tous les hOCDes••• (1) Ce n'est pas l'un des moindres
L.S. Senghor un discours à Kaolack (Sénégal) le 25
.l
Janvier 1965.


7
. $
paradoxes de notre temps que l'action socialiste soit moins
le fait des partis dits socialiste que des organisations syn-
dicales et coopératives. Les syndicats ouvriers et les coopé-
ratives paysnnnes, qui sont les plus fidèles héritiers du
socialisme, seront donc nos instruments les pl~s efficaces.
A la condition essentielle que nous les gQrdions de toute dé-
viation politicienne et mercantile. II(1)
Enfin, la plannification du développement ,économique
et social tire sa nécessit~ de l'arriération tocbDiquQ et éco-
nomique des pays africains, et exige l'encadrement et l'orient~­
tion de toutes les activités natj~ales pour réaliser les objec-
tifs du plan. Dans cette pr~tique, le socialisme africain
s'accouple bien avec l'accumulation du capital et
l'appro-
priation
privée des moyens de production:
"Le vice de la
société capitaliste n'est pas dans l'existence de la proprié-
té, condition du développement de l'homme ••• (2)
Le socialis-
me pour nous, n'est rien d'autre que l'organisation rationnelle
de la société: humaine considér@e dans ~~ totalité selon les
méthoaes les plus s~ientifiques, les plus modernes, les plus
efficaces", (3), à savoir les moyens de production provenant œs
pays capitalistes. L'acquisition de ceux-ci exige la protec-
tion et l'élargissement des inér~ts capitaliste, l'accumulation
et la rentabilisation de leuIs capitaux: "Il n'est pas ques-
tion de supprimer le capital. Serait-il en notre pouvoir dele
faire que le réalisme socialiste nous l'interdirait dans des
pays pauvres·
à l'~conomie primitive. On ne supprime que ce
qui existe, et ••• une économie puissante, moderne, ne peut œ
De b~tir que sur une accumulation préalable de capitaux •••
La question est d'imposer des charges sociales au capital
et d'en limiter les m~rges bénéficiaires â un niveau raison-
nable. C'est l'intérêt bien compris du capital comme du ~a­
vail, car c'est .~,_:: la condition m~me de la productivité •••
Il ne faut pas tuer la poule noire aux oeufs d'or, mais
:Cl ~ L'.S. S,,' in "Lf.bor-t.é 2 :' Négritude et Voies Africaines du
Sdcialismc" op.cit. P. 137
(2) L.S.S. in "Liberté,,' 1 !: Négritude et Humanisme" opv cLt P29
(~) L. S. ~. in "Liberté 2 : l1égri tude et Voies Africaines du
SociQlisme u op.cit.

- '13 -
l'engraisser. Si le Marxisme, depuis Marx, a perdu de sa vi-
gueur, de sa force de négation en face du capitalisme, si~.
de révolutionnaire, il est devenu "réforrJister!, le moins
qu'il puisse faire est de travailler à une participation plus
grande de la valeur - travail au bénéfice et à 1~ ~rospérité
des entreprises." (1)
3)
IŒSULTAT DU PROCESSUS : INDEPENDANCE ET NOUVELLE
DISPOSITION DU JEU DES FORCES ET DES CLASSES.
Les luttes (pratiques et théoriques) d'émancipation
des peuples opprimés en général et des peuples africains
en particulier, conjuguées avec l'affaiblisseoent des
métro-
poles coloniales sui te aux deux.,grandes guer-r-es mondiales,
et l'apparition des nouvelles puissances américaine et
1
soviétique ant~-colonialistes, Jétür~inèrent 10 proè~ss~s
décolonisation et donc de chute des
o~pirüs
coloniaux
en Asie et en Afrique essentiellement. En Afrique, ce pro-
cessus se couronn~ par l'obtention des Indépendances natio-
nales autour des années soixante.
L' o troi dos Ind61Jëndanée-s roapi t· le front anti-colo-
è
nial concret devenu sans objet et -fiti éclater le front idéolo-
gique anti-colonial
- Pour les idéologues organiques des Indépendances
négro-africaines, C011os~·Gi,CD 115A'- r"I~' e Ni .. effec t.Lvemerrt la
fin victorieuse de la lutte pour la Renonnaissance de soi
et pour la Renaissance :c'6ta.itle triomphe de l'esclavequ_iz:é-
s~lv~it lla contradiction principale à son progit, faisant
prédominer l'aspect Reconnaissance - Libération (hier
dominé) sur l'aspect Méconnaissance - Aliénation (hier
mmi-
nant) ; le soleil de la liberté et de la Renaissance cliassait
enfin les ténèbres de la servitude et de la méconnaissance.
(1) L. S. Senghor in "Liberté
II: Négritude et voies
Afri-
caines PP.
136 -137

Le négro-africain pouvait alors se reconcilier avec
SOIil H;)a1tre" d' hier qui le reconnaisscmt
enfin /: il pouvait ainsi
ré~lisGr cette réconciliation avec lui-Q~ne, car les barrières
coloniales abolies, il pouvait produire et se reproduire suivant
son génie propre : la certitude de la conscience de soi devenait
~insi vérité à la oonscience nègre et allait y créer l'appaiseDont
et le bonheur.
Pour les idéologues radicaux, les Indépendances consti-
tuaient une ruse de "maî t.r-e " qui opérait par là, une reconnnissance
formelle do l' "esclave". celui-ci, pris dans le piège, r-ecénnaf eaaa t
e r re c t tv ement le "rJa1tre 1\\ avec lequel il se r econc i Lrê , o.)'lI\\lt~o,/Yv~­
ainsi la lutte d t êmancLpat.Lon, Seul le "raaî t r-e" de ce jour en
tirait profit: Opérant une reconnaissance unilatérale, l'esclave
devenait complice de sa propre situntion aliénante. Les Indépen-
dnnces ne r~cilvaient pas la contradiction principale nu bénéfice
du douiné, elles occultaier.t cette contrnd1ction au bénéfice du
dominateur et avec l'assentiment' du douiné. Telle réconciliation
sans contenu réel trnhissait le projût fondamental et de ln
lutte de ln Renaissnnco Noire.
Il fa~t à présent creuser ce nouveau champ idéologique
issu du nouveau monde négro-africain indépendant.
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FORMATION SOCIALE INDEPENDANTE ET nlSOOl!RS':~: DE LA
"FAUSSE
=============================================================
CONSCIENCE " ET DE LA
"CONSCIENCE CRITIQUE " : PHILOSOPHIE
=============================================================
DES IDEOLOGIES DE LAIINAISSANCE A L'EPOQUE POST-COLONIALE·:
===7=====================================================.=

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LES FONDEHENTS MATERIALIs'I'E~DE L.IDEOLOGIE NEGRO-
===================================?============
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AFRICAINE : LES DETERHINATIONS SOCIO-HISTORIQUES DE LA
======================================================
NOUVELLE DIALECTIQUE DES FORCES ET DES CLASSES SOCLALES •
. ========================================================
La structure de la formation sociale indépendante,
dépassement de l'articulation conflictuelle des classes dominan-
tes et dominées, est le fruit de la lutte victorieuse des classes
opprimées et le fondement objectif de la Reconnaissance du négro-
africain ( du bonheur de la conscience nègre libérée) comme
,
solution à sa Méconnaissance (au malheur de la conscience négro-
africaine aliénée), et également comme réconciliation du nègre
1
avec lui-lli~me (sa conscience devient conscience de soi et pour
soi).
~e nouveau monde négro-africain se base sur des rap-
ports nouveaux, librement consentis avec les ex-puissances
coloniales. Plaçée sous les signes de la Réconciliation et de
la Reconnaissance réciproque, la nouvelle détermination histo-
rique des rapportsCOnplémentaires entre partenaires égaux,
est . légalisée dans les différents accords de "coopération"
.(et non plus de ,sujétion) et s'actualise aux différents niveaux
de la
structure de cette formation sociale libérée :
- Au niveau économico-politique, la codification de h
fin de l' .exploitation et de la dominatio~/1mpérialistesmet à
l'ordre du jour la définition et l'élargissement d'une Economie
et d'une Politique nationales indépendantes, conformes aux
intérets négro-africains et capables de promouvoir le dévelop-
pement économique, support de l'épanouissement de l'hocme.

.. '
-
117 -
A cette fin, l'exclusivisme dans les rapports écono-
mico-politiques avec les anciennes puissances coloniales doit
~tre abandonné au profit de leur diversifica~1~~ , m~me sipar
ailleurs les anciennes métropoles coloniales demeurent des
partenaires privil~~,~D. Qu'ils soient bilaté~ux ou multilat~
.:
raux, les rapports nouveaux se fondent sur les principes de
l'égalité des partenaires et de la réciprocité des intér~ts.
Cette orientation nouvelle du développement est êLa-
borée ot appliquée pour les négro-africai~par les négro-afri-
cains
eux-même s à travers la peti teû,).m·.s;eID"ti sXÏ<e intellectuel-
le, principale
bénéficiaire· des.
Indépendances qui, ça et là,
optent pour des voies Il socialiste ", " communaliste"
"prog-
matique" ••• mais toujours "africaines".
- Au niveau socio-culturel : En m~mo temps quo
la
fin des brimades et exactions coloniales ayant un effet de
.
soulagement au niveau des classes populaires, marque ainsi
la chute de l'appareil repressif colonial, s'opère la
ré-
volution de la vision négative et colonialiste de la culture
et de l'histoire Nègres j de l'anathème, on passe au dialogue
avec cette production et reptoductio'1 de soi du nègre par
sa révalorisa tion dans et par l' appezetl'L idéologique qu'est
l'Ecole : étude dos langues Dationales, de l'histoire des gran-
des Résistances anti-coloniales, des systèQes politiques tradi-
tionnels •••
Ainsi, aix différentes instances de la société,
l' ac-
.
-
tualisation do cette Renaissance comme résolution de la contra-
diction principale ct structurelle du monde noir colonisérœ
traduit par des signes de disparition de l'ordre ancien et~
promotion d'un ordre nouveau; l'ordre ancien dela dominat~n
coloniale, source d'antagonismes sociaux meurt, et
. nalt
l'ordre nouveau de la libération anti-coloniale, source d'alli-
ances nouvelles.

-- Ai& •
II - LES REFLETS IDEOLOGIQUES CONTRADICTOIRES DU
==========================;================
SYSTEME SOCIAL INDEPENDANT : RUPTURE ET CONFLIT IDEO-
===============================c=====================
LOGIQUES ENTRE LA "CONSCIENCE FAUSSE " OCCULTANT L~'
=========================================~========
LE PROCESSUS NOUVEAU RENAISSANCE / RECUPERATION ET LA
==============~=======================================
"CONSCIENCE CRITIQUEI1 DEVOILANT UN NOUVEAU PROCESSUS
===============================================~====
RENAISSANCE / REVOLUTION.
=========================
A - LA NEGRITUDE PROSPECTIVE COMBE IDEOLOGIE DE LA "FAUSSE
CONSCIENCE" :
La théorisation d'une "fausse conscie,J1ce" ou l'idéolo-
gie des Indépendances, proférée par les classes aujourd'hui
dominantes, sai~it le mouvement apparent des choses et du~u
des forces comme triocphe et fin de la lutte pour la
Recon-
naissance, comme fin du malheur de la conscience négro-africaine
dont la certitude de soi est enfin devenue vérité car cette
conscience de soi est enfin reconnue par l' ~tre_autre : "La .
conscience de soi est en soi et pour soi quand et parc~ qu'elle
est en .soi, c'est-à-dire qu'elle n'est qu'en tant qu'~tre
reconnu." (1)
La. "fausse conscience" définit le reflet dans lacon-

cJ.;A..
. ,
sc aenc e , de la nature et/ mouvement, apparents ~ &UPPOSes
'dès choses et du jeu réél des forces et des classes : prenant
ainsi l'apparent ou l'illusion subjective pour le
réel, ~
forme pour le contenu des choses, elle constitue un reflet.
inversé et une illusion du réel dans son acception marxiste:
"1'idéologie est un prec e saus que le soi disant penseur eccomp'Lf.t
sans doute consciemment, mais avec une conscienc fausse ••• <2)
(1) Hegel in "La Phénoménologie de l'Esprit" Tl op. ca t , p. 175
(2) Engels "Lettre à F.l'1ehring: 14 Juillet 1893" in Harx...Eri'gels"
"Etudes philosophiques" Ed. Sociales, Paris 1974, p. 249

èStt' pt'Cir_srr
wmm'71 sm T ,i sr r rTE q JI i 11-, ; F ms mm rR
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-A-1q-
puisque l'idéologie presque entière se réduit, soit à une con-
ception erronée de cette histoire (1) ••• Dans toute l'idéOlo.gie
les hommes apparaissent la t ê t e en ba s comme dans une "camera
obscur-a'", (2)
Les apparences ici rt:::flétes sont celleS de la fln œh
domination et l'avènement de la réconciliation avec soi-m~me:
en effet, les attributs formels (juridiques) des Indépendances
donnent l'illusion de libération.de reconnaissance,en mas-
quant et en inversant les rapports réels da dépendance; d'un
monde toujours asservi et méconnu.
La théorisation de la "fausse conscience" négro-afric$ine,
justifiant et rationalisant les apparences de la libération,
s'identifie à la "Négritude Prospective ou Constructive. (3)
Contraireuent à la Négritude orphique et narcissique, moment
du refus et de l'opposition réactionnels, la "Négritude pros..
pective" est quant à elle, le moment de la réconciliation.
.
,
avec l'~tre autre où "ils sc connaissent comme se reconnaissant
réciproquement."~4) Le "moi" qui jadis se posait en s'opposant,
devient un "nous'; qui maintenant se pose en intégrant
les
différents "moi" ; une comnunau t ê de destion engage ainsi Je
"moi" et "l' ~tre..autre" dans le "Nous". La longue aventure d'au-
~~-réconciliation avait abouti
en effet ~ une névrose sans
précédent. C'est au moment où cette scission atteint ainsimn
sommet que aa résolution s'annonce. Celle-ci intervient aux
termes de l'expérience d'un double échec : la disparition
d'Euryd1~e et le suicide de Narcisse; la subjectivité, après
l'expérience ainsi faite de sa finitude et de sa rélativité,
doit s'ouvrir sur l'~tre-autre, seul remède à ses tourments.
ee mouvement altruiste rend compte de la Négritude prospective
aux termes de laquelle une réconciliation totale et planétaire
s'opère •.
(l)K.Marx, "oeuvres complètes", trd Molitor, Ed.Costes,
t.vi, P154
(2) KIMarx et F.Eugels : "L'idéologie allemande", trad.auger-
Badia, Paris 1968, Ed Sociales P.5Ü
(3) La Négritude Prospective ou Constructive définit leoo
moment oblatif, altruiste de la Négritude chez Senchor.
(4) Hegel in "Phénomé'llolodie de. l'Esprit" Tl op.cit P.157

-
120 -
a) Illusion sur la fin et la victoire de la lutte
pour la Reconnaissance :
Le reflet des apparences et l'illusion subjective
de "bonheur".
(1)
..
A )
B
)A=B
==» A)--( B --~,. A~)B
Avec la résolution apparente de la contradiction
principale, illusion subjective de la "Fausse Conscience"
Négro-africaine, ce qui ... ispara1t, c'est le "malheur" de la
conscience nègre, son dédoublement, source de névroses
incessantes; la conscience malheureuse était la conscience
de soi d'un' monde ~liéné, la conscience devient heureuse
quand elle a par l'indépendance)théoriquement et pratique-
ment surmonté toute aliénation. La contradiction princiPâle
étant résolue, dispara1~alors les conflits de.Olasses anta-
goniques. Cette 'mutation se théorise dans la "Négritude
prospective""da;ns l'abandon d'une forme de "Conscience
Juda!que" (qui sépare et divise) qui est symbolisé par les
disparitions d'orphée et de Narcisse.
En effet, c'est au moment où orphée retrouve sa
bien-aimée que celle-ci meurt, ~xovoquant par la suite celle
d'Orphée. DJ m~me, le chantre de la Négritude finit par se
rendre compte 00 son illusion: le "Royaume d'Enfance" n'était
qu'un mythe qu'il avaf.t identifié au réel ; "Nous savons
maintenant que nos r~ves d'intellectuels sont stériles si
solitair.es ; que nous ne pouvons les vivre-s'ils ne vivent d"-
ne s'épafioüisscnt en mythes dans la conscience populaire.
Or les peuples d'Outre-~~r ont perdu leur conscience, nous
l'avons vu, avec les sucs de leurs sols et leurs greniers
(1 )1.Ellt"'OE:' Aet :B représentent respectivement .les classes impé-
, rialistes , dominantes et class:s dominées. -.-.,:d ~v1~ t
) : domine ;)--(
:. s'oppose a ; ~ou H-
: l.IDpll.-
'cation réciproque;
j : implique ; ;d;i égalité
ou reconnaissance réciproque. Liro finalement :
liA domine B devient A et B se reconnaissant et ceci implique
que la contradiction entre A et B devient une récunciliatioL
c omme (,,:..,.. ;1."
-. t·A.. reciproquo entre A ut B.
v, • \\ f> " l'VIl/. ~ ...·ut::'

-
121 -
de prévoyance". (1) Si les sources ont tarri, le repli sur
soi le retour en soi-m~me sont ruinés. L'unique.solution à
ce désarroi reste l'ouverture sur l'~tre-autre", la recon-
ciliation avec lui :"Et c'est bien vite l'évidence que la
seule Négritude, l'amoureux abandon du Désir aux forces
tellurgiques ne peut ressusciter l'Eden. C'est lâ nature
,
elle-m~me qu~ détruite la Raison. Pour réparer ses méfaits,
force nous est d'emprunter à cette m~me raison, ses propres
armes
la logique technicienne de l'Europe. 1I(2)
C'ost lorsque Narcisse, au lieu de sa propre image
aperçoit une autre, qu'il se suicide. Ainsi le retour riarcj~
sique aux sources nègres s'estompe dès lors que Senghor,~u
lieu de L'Afrique traditionnelle précoloniale idéalisée
dans le "Royauoe.d'Enfance", découvre une Afrique destructurée
et restructurée par.la "Raison Technicienne" à l'image de
l'Europe: "Aujourd'hui, ••• les cheminées perçent les toits
des villes, les trains traversent les for~ts, jadis vierges,
que survolent
les avions, le camion, sur les routes, a.
remplacé le porteur, un seul tracteur battra demain la
fraternité de een t
jeunes hommes au son du tam-tam."<'~)
Ici encore, la solution finale demeure l'ouverture, abandonner
les armes inefficaces du ressentiment (la transvaluation
agressive), pour se munir d'armes efficaces, celles de l'ac-
tion transformatrice.
Si Orphée et Narcisse sont culpabilisés, la cons-
cience Senghorienne, conscience malheur~se, de judaïque
qu-elle était, devient chrétienne, c'est-à-dire réconciliatri-
ce : "Mais le temps de la revanche est passé, celui de la
Négritude militante où il fallait s'oppos~pour se poser. Nous
sommes au temps de la convergence panhumaine ••• Nous avons~
dompter votre fierté ••• et oublier les souffrances anciennes
pour rendre Justice à l'Europe et reconna1tre sa nécessité"(4)
(n L.S.S. in "Liberté 1 op.cit p.101 "De la LilDerté de
l'âme ou éloge du métissage".
I l
(2) L.S.S. in "Liberté 1 op.cit p.101 "De la liberté de
l'âme ou éloge du métissage".
\\o.
.
(,) L.S.S. in Liberté 1 , op.cit p.88
"L'Afrique s';Lnterroge:

subir ou choisir.
(4) L.S.S. in Liberté 1 , op.cit p.88
"L'Afrique s'interroge:
subir ou choisir.

122
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nègre li.l"JéJ:'é e t
oxerrp t
de co~flits Lrrt erne s , La ri.h~:,)ï1­
c; J.:i.élt.ion ~n trwt ClUE résolution {le La contrEdiction prL1cil},~·1.c
p':Y)lHrott av oc la fin (~U conflit des CLW8CS et l ' é:vènel<lcni; (le J:-
CCl 11ahoré't i 011 pr.c i fiqi.l e,
co ilpl41:JEil t a '; r e 2t '10.-1 8,-ltéè2;oni.que e ;-:.t:cc
p?,rtén<15.res éGaux. ~rclle révolvtion d c e :e~:.})!:orts cl' oxploi t[~ri.()l
(l' hier dr'.ns 1,,, 1-Tégri tude prospective,
se tr2J1ui t
prrr l t appar t i o n.
â
(! 'u".e
f'o rvo de "c onac t onc e c hr-ét Lcmc " qu.i totalise et r~~;on.c.i.lic
à travers plusieurR ~tapcs d'envergllrc croissa1te, lES ~iIf~rcnt€8
c o-iac Lenc ea c' C soi dans la civilisation "de l ':J.ai vcr-ae I fi.
,
~ious d écouvr-ons Là , l' i(Jéol.oc~ie génér2.1e de lé'. réconcilü·'.tJ.Oj1
com-e Jin an i:lallIenr. 'IUle pénètre n~.ns toutes les instp.nccs r:.e
.
la r631i té s o c La'l e po ur en (~.onner une irca.?:e ct une i.nt(n'lJJ<t[',tiOj~1
sp~~ci:[,i.Cl'JGS: L' ort r e anc Len rle la c1or;ünation 3t (),C~·; co.o f'L'it s :1'11:]-
çé gr)HS le sisnc (10 Ir'. n·,ol:·t,0st rCJ.'pJ.açé prrr I tc)('dre nouvcnu (:e 1,
) i h(~:cat ion et f.es aD.lances co !l1plér:lentai rE:~1, p Laç é
SOl)O 1 e Si::~.i1C
r~~1.no1.1ci[:l.tel,lr de l ' c3pp.noIÜSGe:;~c:]t tctnl et p Lané t a i.r-o ,
1'optique oc 1,' r?c:)}lcili[',t5.o'u re,;OS8 mD~ le 'i';ostlllat p' 5.lD-
B:Jl)f1iqi 1.G
qu ' .11 exi8i~ un :ctre (le l' ':'urrIél.t1ité entière iJO'lt J.eR ':.JGuplc
toi.rs .:II.:t!i18.il1C sc resoudre.it :'.10:1:'3 ë12..1lS une Lerrt o OIJ~jccti.v;:.t:i.().n Ce
cet t!j,;trc t o t a L" \\
travers les ·,:alt.i:::-:1eD ro..pports (Je
.çj djVé:Tfi
"T~t["i!tSIt OL:l;';llliel's. Les peup Lc s ne aer-al e-rt que (;.cs fip).I'é-~,ti:mn
par t f e l Lee de l' r'uman I té tate.le, ou cn c or e ,
les c Lv.i Lf errt i.on s C:)[1-
crèôtes, s))f!.tio-tcr:,porellas H;nnifestêraient chacune un é'..G:~")cct; de ln
r,lvi..lisation Hu.naf ..o : "Chaque continent, chaque race, C:'(lC11'.C peu-
ple P033èd '-.' tous les traits d o l ' ho mrne , Ju~;qu t en cc XXèhe siècle
il n'cll P c uL'tLvé q uc q ue Lq uen uns. (L)d<,J.gn[:,nt les 2,utre'i et prô-
sentant ainsi un ViSé"i:jC mutilé de l'Bo!11[jl e
:
une c Ivt Lt aa t t on , Il
i
s'~~it, rul rendc~-vous du X7~ sièclc,de nous fnire
~cs dons r(ci-
La acu'l c

qui soit humaine: la civilisation et l'Universel" (1)
Telle idéologie générale de la réconciliation
d'abord intra-africaine, puis inter-continentale et enfin
universelle, produit les concepts de l' "Africani té", l' "Eura-
frique" et la Civilisation de l'Universel".
-L'AfricQnité. concept idéologique gui définit
la nouvelle forme des rapports socio-cu1ture1s au sein de
l'Afrique :
A l'échelle du continent, la Négritude s'ouvre sur
l'Arabité (2) pour jeter les fondements de "l'Africanité". Il
est vrai que les Arabo-Berbères ont longtemps nié la person-
nalité négro-africaine : °nègricrs il ont vendu des millions
d'esclaves noirs; leurs grands marabouts, ont levé des saintes
colonnes d'armées pour convertir les noirs aux cultes infé-
.
riorisés et vidés de toute valeur, avançant ainsi vers le
sud en conquérants, détruisant 1a~conscience de soi négro-
africaine" asaervf,e , Un mythe du nègre ..démon existe aussi chez
les Arabo-Berbères,signifiant et justifiant la méconnaissance
du Noir~ C'est d'ailleurs pourquoi "chaque fois qu'Arabo..berbères
et Négra-africains se sont rencontrés, ils Qe sont souvent
combat tus". ( 3)
Le chantre de la Négritude veut rOmpre avec un type
de rapport à l'autre essentiellement négatif et réactionnel
pour adopter un n@YVaau type positif d'ouverture et de recon-
ci1iation afin de prooouvoir l'African~ définie comme la
"symbiose complémentaire des valeurs de l'Arabisme et des
veleurs de la Négritude"(4).
Cette volonté de réconciliation
se traduit dans un effort acCru pour découvrir tous 1esmppro-
chements et similitudes liant les deux fractions de l'Afrique
que les avatars de l'histoire et de la géographie avaient
(1) L.S.S. in liberté 1, op.cit PP. 296-297
(2) L'Arabité est cun concept Senghorien, équivalent deh
négritude quand il s'agit de l'Afrique blanche au nord du Sahara
(~) L.S.S. in 'lNégritude, Arabisme et F~ancité" opc c t p, 72
â
(4) L.S.S. in "Négritude, Arabisme et Francuté" op.cit p.46

.: "24 ...
séparé : l'Afrique au nord et au sud du Sahara. Se référant
aux an~Jop logues, linguistes et pré-historiens, Senghor
retient que IILes Blancs comme les Noirs dt Afrique, sont
aux yeux du savant, de l'anthopologue,~s métis les uns,
de races noires, les autres, de races B}anche~. Ce qui est
(
important du point de vue de ltAfricanité, c'est qu'à ce
métissage du dedans, intra-racial, se superpose un métissage
du dehors, inter-racial" (1)
C'est à partir de ce métissage biologique qu~
nous cOQprendrons, poursuit Senghor, les convergences cul-
turelles ; un
m~me mode chez les deux peuples, de sentir,
de penser, et d'agir, qui permet de les ranger dans le m~me
groupe caractériel: les "fluctuants". Cet ethnotype se
singularise par -sa
puissance d'émotior•• "Bien entendu,
poursuit Senghor, la "civilisation éthi.opienne est condi-
tionnée par la plante" et la "civilisation hamitique est

conditionné~ par l'animal". Il s'enrsuit des oppositions
caractérielles sécondaires : le négro-africain, riche des
1
vertus terriennes, est pacifique et mystique. L'Arabo-
berbère est un nomade belliqueux et rompu aux pratiques
,
magiques. Mais lQin que ces différences entravent une union,.
elles doivent ~tre plut5t intégrées et dépassées dans une
"dialectique .bth,~pico-hamitique, c'est-à-dire négro-arabe."(2)
A l'échelle inter-continentale, la réconciliation
est Afro-Asiatique, Afro-Américaine mais surtout Eurafricaine.
--( 15 L.B. S.
in "Négritude, Arabisme et Francité" op.cit P.72
(2) L.S.S.
in "Né~ritude, Ara"oisme et Francité" o pc cf t P.91

- L'Eurafrique, concept idéologique définissant
la nouvelle aisposition des intér~ts et rap~orts économi-
co-politiques et culturels avec les anciennes puissnnces
coloniales.
Ce qui disparait et ce qui nait aux différents
niveaux (économique, politique, culturel) de la structure
sociale éclairé par ce concept, s'ennoncent ainsi:
L'Economie de traite b~sée sur une cruelle exploi-
tation du travail et des richesses des masses négro-africaines
colonisées, est engagée dans un processus de mort lente et
certaine.
De ses cendres natt une Economie, nationale au
service d'un d§veloppement autocentré et indépendant. Ce
fait entame la disparition des conflits d'intér~ts écono-
,
miques et la promotion d'alli~~ces pacifiques fondées surla
réciprocité des intérêts. La contradiction principale n'oppo-
,
se plus les masses africaines à un système économique d'oppres-
sion, mais au sous-développement. Et pour résoudre cette
contradiction entre l'homme Noir et la nature, il faut passer
par la médiation de l'Occident.
Au niveau politique, l'hétéronomie d'un pouvoir
et d'un appareil d'Etat dODinés par "l'être-autre" cesse
et commence le règne de l'autonomie d'un appareil et d'un
pouvoir d'Etat indépendants, libres, contrôlés par soi-rn~me
et pour soi-mê~e. La lutte politique pour la reconnaissance
dispara1t de ce fait au profit du développement des rapports
de type nouveau qui sont des alliances libres, pacifiques,
éGalitaires entre partenaires réconciliés. dès lors, la con-
tradiction principale n'oppose plus les africains à une admi-
nistration repressive de type colonial, mais à la réalitéœ
la difficile édification et consolidation d'une nation
"moderne" à l'intérieur des frontières héritées de la coloni-
sation. Les ex-puissances coloniales peuvent aider à la réa-
lisation de cet objectif. Ainsi Senghor, après avoir défendu
les idées de 1'''Union Française", de la "communauté

.a_Cl r rr rsl1 T. '" sr 7TTar; Ir "pn 'SDn TSI "riS:' mttecr;; T nnlliut.,S( l 7 ; m
- 1'20' -
franco-africaine"(1), élargit la réconciliation aux deux con-
tinents dans un concept idéologique géo-politique, économique
et culturel ~ l'Eurafrique.
Il définit l'Eurafrique comme un mariage entre
l'Europe et l'Afrique dans lequel les qualités intrinsèques
â chacun des partenaires diffèrent, mais se complètent etœ
conjuguent pour fonder un couple harmonieux; une cOill~unauté
métisse
fiLes deux continents parce que opposés comme
l'homme et la femme, sont compléQentaires ••• (2)
La civilisa-
tion européenne est animée d'un mouvement centripète. Homme
de raison et de volonté, l'Européen ne sent pas la nature;
il la hait. Il ne veut voir en . elle, que matière et mécanisme;
il la déoonte pour en faire un instrument à accro1tre sa
puissance matérielle. A l'inverse, le Négra-Africain est
animé d'un mouvement cen~~uge qui le porte versln nature •••
Ces deux civilisations sont complémentaires qui pez-met t en t ,
,
réunies dans la m~me personne, la réalisation de toute la
condition humaine." 0) Si l'Europe excelle dans le don
de
,
soumission de milieu physique à l'homme, l'Afrique enseigne
l'amoureux abandon à la nature. Ces deux consciences se romplé-
tant, créeraient une civilisation métisse" où dans une sym-
biose dynamique, elles s'enrichiraient mutuellement et uni-e-
raient leurs clartés pour chasser toutes leurs ombres, jet-
tant ainsi les bases de leur épanouissement total. Pourb
réalisation de cet homme total, il faut que le mâle dépose
le germe fécondant que l'Afrique, terre fertile, recceueille:
"Pourquoi ne pas unir nos clartés pour supprimer toute ombre ? ••
pourquoi cultivant notre jardin, ne pas greffer le scionwro-
péen sur notre sauvageon ? Vertu des civilisations métisses.
Il est significatif que les grandes cililisateurs aient
été
"L'union Française "et la " communauté franco-africaine"
sont des concepts politiques que le colonialisme français
lançait respectivement en 1946 et en 1958 pour renforcer
la dépendances des colonies française à la métropole.
Ces concepts étaient élaborés à des périodes de luttes'vio-
lentes pour l'émancipation dans les colonies françaises.
L. S. Senghor : "L! Afrique et l'Europe : deux mondesc om-
plémentaires" in liberté II, op. cit. p. 148
L. S. Senghor: "L'Afrique et l'Europe: deux mondescomplé-
mentaires "in Liberté II, op. cit. p. 155

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, 1
- 127 -
métisses. Des noms prestigieux se pressent dans ma mémoire:
S~l:l, l'Egypte, la Grèce." (1)
Ce que l'Europe apporte dans ce foyer, c'est essen-
tiellement la "raison technicienne" qui se concrétise en une
volonté prométhéenne de soumettre la nature. Son;~pport va
pallier à une grave carrence du négro-africain qui "est d'ac-
corder plus de place à l'intuition qu'à la raison discursive,
plus à l'intention qu'à l'Acte, plus au présent et au passé
qu'à l'avenir. Sa faiblesse est d'~tre émotion, élan d'amour
plus que volonté refléchie." (2) Ce défaut congénital explique
son impuissance face aux différentes cOîtrariétés de la nature
épiœi!lies'F' épizooties, désertificationS ••. Il explique parlà
m~me l'arriération économique de l'Afrique dont la solution neFed
~'erui apportée que du déhors, par la seule "raison technicienne"
de l'Europe. L'ouverture aux "apports fécondant" deI l'Europe
réa~ise une réconciliation nécessaire et enrichissante pour
l'Afrique car "ce qu l'Afrique demande à l'Europe, c'est œ
remplir, de compenser ses défauts, de conduire les élans de
son coeur, de réaliser ses projets." 0) Le temps du rapport
négatif et agressif à l'autre est définitivement ré~lu
dans
ce mJuvement altruiste : "Nous aurons renoncé à un orgueil
fratricide, à une pureté stérile, sinon
impossible." (4)
De son coté l'Afrique apportera ce "supplément d'âme"
indispensable à ce corps trop pesant qu'est l'Europe. Le con-
tinent Noir sera le "levain qui est nécessaire à la farine
blanche", il dérouillera les "articulations d'acier
de l'Europe
comme une huile de vie". (5) L'apport des Nègres à l'Europe
<15 L. S. Senghor: " L'Afrique s'interroge: subir ou choisir'
in Liberté 1, p. 91
(2) L. S. Senghor: L'Afrique et l'Europe: deux mondesromplé-
mentaires, Liberté II op. cit. p. 150
0) L. :S. Senghor: "L'Afrique et l'Europe: deux mondes conr »
plèmtaires" in Liberté II op. cit. 150
(4) L. S. Senghor
in "Liberté 1" op, cit, pp. 91 - 92
(5) L. S. Senghor: " A NEW-YORK;" in poèmes, op. cLt , p. 117

128 -
"se limite ••• aux domaines des arts, encore qu'il déborde
dans ce lui de la philosophie" ( 1) car "Dcpùfa Descartes, (2.t
je dirai depuis deux mille ans, depuis AristDte, le Moyen
Age exe e pt é , l'Occident iuropéen avait mu t Llè l'Homme en
opposant la Raison à l'imagination, la connaissance discur-
sive ~ la connaissance intuitive, la science à l'art ••• Il
se trouve quo:
l'Afrique noire, elle, n'a pas commis l'erreur.
Elle n'a pas quitté le Royaume d'Enfance, qui est celui de
l'art et de la poésie'I.(2)
La complémentarité Euro-Africaine
fonde également le méti$sage culturel dont la préfiguration se-
rait. la francophonie. Celle-ci réconcilie autour de la ]Lan-
gue française la plup~~t des anciens colonisés de la France.
{i_oo
vt oUM.x f
-r:
Ce métissage porte .- ~~'V'. ~LM.L'rM'Y'

~
:
celui
d'ouvrir les horizons internationau~ aux masses africaines
et celui de l'enrichissement mutuel entre la langue française
porteuse de culture et des diverses autres langues africaines
quand elle,sse pratiquent simulta nêmen t , Elle pose œjà un
jalon de la "civ.11isation afro-latine" :(3) le jalon culturel.
Nous saisissons finalement la significaüon de ce
mariage
l'ouverture de la "N~gritude" manifeste une 'Olonté
de réconciliation avec "l'être-aut"e l ' . Pour cette union
inter-continent,ale, Senghor veut se faire "ambassadeur"
c'est-â-dire médiateur entre les deux partis, l'avocat de
leurs complémentarités et de leur unité profonde qui se
réalise dans la "civilisation de l'Universel", but suprême
du mouvement de la "Négritude Prospective" et achèvement de
la "convergence panhuaaf.ne ",
A ce haut lieu du "donner et
du recevoir", chaque peuple apportera quelques aspects de
l' humani té qu' o.lle aura développés car "La aivilisation ";iidéale
f:rm~\\tn
mcre
cE?f1
Cff'ef~lft6 (~puaJ'igrdJ-rij-nssc'uft{eLt\\.s, dcfui, réunissent
les beautés reconciliées de toutes les races". (4)
de
A ce Banquet/l'Universel, le nègre apportera "un rare don

d'émotion, une ontologie existentielle et unitaire, aboutissant
(1) L.S.S. in Liberté 2 : op.cit. p. 155
(2) L.S.S. in Liberté 1 PP.
156-157 : "L'Art n'est pas d'un:
parti".
(3) 1.5.5. : "Liberté 1" op cLt , p. 125
i
_ 1. 4,(
".
,1;·
.~. ;;-, .; a
'". -.
"4,; Pi

.. 129 ..,
par un surréalisme mystique, à un art engagé et fonctionnel,
collectif et actuel, dont le style se caractérise par
l'image analogique et le parallélisme asymétrique ••• (')
L'orchestre de la convergence panhumain . ne serait pas
complet, ne serait pas humain, s'il y manquait la section
rythmique de la Négritude"(2)
b) Vérité sur la fin et la ~ictoire de la lutte
pour la reconnaissance :
Réalité de la perEétuation du malheur.
A )
B~ A = B
mais
A",> B _.
" . A ) ' B
(2)
A)-(B~ Af-1 B
mais
A)-(B
~A~B
Au-delà des apparences génératrices d'illusions
subjectivesJce qui en vérité dispara1t ce n'est qu'une
forme du malheur et non pas le malheur fondamental de la
conscience négro-afri~9.ine. De "Jud3..iquE:", la conscience
Senghorienne devient "chrétienne" et finit dans une évasion
de type "stoïcien", présentant ainsi des figures successives
du malheur: ce qui na1t, c'est une nouvelle figuration du
malheur et non pas le bonheur.
Le nouvel humanisme de la Réconciliation, résolvait
la scission tranchée qui caractérisait la "Négritude Narcissi-
que". Telle évolution est comparable à celle qu'opéralt le
christianisme par rapport au Judaïsme. Toutefois, la "co nacf.ence
chrétienne", m~me conciliatrice, connait de déchirement et
le malheur. En effet, Jésus appara1t successivement comme
un, réconciliateur et un séparateur, une conscience heureuse
devenue malheureuse. Il a d'abord réuni ce que le Judaïsme
avait divisé: Dieu, ma1tre absolu et l'homme, esclave
inconditionnel. L'incarnation du christ détruit les catégo-
ries oppositionnelles du ma1tre et de l'esclave; le "moi"
fini n'est plus considéré comme dérisoire aux ce tés d'une
<,) L.S.S. in "NégritUde, Arabisme et Fancité" op.cit p.15
(2) L.S,S. in "Liberté 1" op,cit P356: "Eloge de la Lat Lnf.té ",
. "'t :Ile devient pas ;)': nouvelle forme de ~cw.i~G.t\\'~",
(3) ,Legende ':
l
':
-
~ : nouvelle forme de contradiction, Lire final~
ment : liA domine B ne devient pas A et B se reconnaissent, mais
A domine B devient une nouvelle forme de domination, œei i mpli-
que l'opposition entra AetB ne devient pas non plus une reconnais-
sance-implication réciproque entre AetB mais plutet cette~
postion rev~t une forme nouvelle".

- - - - - - -
-
130 -
transcendance abrupte car l'immuable a revêtu une figure
sensible: Réconciliateur de Dieu et de l'Homme, le~~rist
va pr6cher la loi de l'amour qui est fraternité ~r récon-
. "
; ..
ciliation universelles -dont il est lui-D~me le symbole
vivant. Désormais, le chrétien peut rejoindre Dieu a travers
le christ, mais en fuyant ce monde concret : tel est le sens
de l' 1tEspérance" chrétienne. Celle;..ci arrache le c hr-ét Len du
monde des relations réelles, plaçées selon lui, sous le
signe de la mort. Cependant, cette séparation d'avec son
monde his~vrique n'aboutit pas à son but; c'est une passion
inutile, l'espoir d'6tre un avec Dieu à travers le œhrist
est en mOme temps un désespoir car les apetres vont trouver
le tombeau du Q:;hrist, vide : "L" espérance de devenir un avec
lui, doit nécessairement rester espérance, ctes~à-dire rester
sans accomplissement, ni présence"(l)
Si le Juif a été une
figure de conscience malheureuse, le chrétien en est une
autre : sépara~ion d'avec le monde réel, reconstitution de la
,
vie dans l'id6alité; fuite dans le vide.
De m~me, Senghor progressant du ressentiment de
l'opposition passionnelle à la réconciliation planétaire, de
séparateur, se mue en "Alllbassadeur" et"I~h41la symbiose dos
civilisatio~,le métissage, la grande fraternité humaine
autour du banquet de l'Universel. Il @g,uisse ainsi un tracé
de g~o-politiquo planétaire, généreuse qui puisse repondre à
son voeu d'humanisme où les ma1tres et les Asclaves affranchis,
accepteraient Don seulement de s 1 asseoir·s~~.; la même table,
mais aussi d'oeuvrer dans le sens d'une cJndition et d'un
destin devenus COlllLluns. Ici égalem.ent, l'espérance d'union
totale est planétaire démeura un voeu, un désir.
Senghor
élabore une construction idéale inversant les rapports réels
et historiques existants entre les différents peuples de ce
monde-ci. (En eflet, la réalité mondiale cst faite de données
objectives où les intérêts matériels éconouiques, sont déter-
(1) Hegel in "Fhénoménologie de l'Esprit" Tl op s c Lt , p.180
4.
lpt -',.
M__':, ;ÜP74
;
-"""""''Illl'!Ii!!IIII!IJ!I!--..,...---........_-------..",..
.'.
.4.. #*9,3
---~~.~~~"---.-.......,...~

minants. Dans un tel contexte, nous mesurons J~ force d'un
sys t èrae de "libéralisme économique" où la rapacité des con-
·~hrrences internes et externes, provoque une impulsion ver-
:P
tigineuse à la recherche oêoe violente du profit et des
marchés. Comptant avec cette loi du système capitaliste
mondial, l'on ne peut concevoir des rapports h~rDonieux
entre peuples et contin0nts ; Senghor effectue le saut
par-delà ce monde déchiré. Un monde déchiré où le rapport
des forces de classe , semblable à celui du ma1tre et de
l'esclave, définit la domination des puissances capitalistes
sur les pays IIsous-d~veloppé6" c'est... à-dire exploités'et
dépendants: le n~o-colonialisme et l'inpérialisme pesant
sur les masses "sous-développées ll sont des constantes domi-
nantes des relations réellement inégalitaires. Dans co con-
texte, l'Afrique comme le reste du "Tiers-~'i.Jnde", victime de
la détérioration croissante des termes de l'échange, est
allée s'appauvrissant. Tandis quo son industrialisation reste
à faire, les denrées alimentaires et les matières premières
qu'elle fournit ont vu baisser leurs cours, à l'inverse des
produits oanuf~cturés qu'elle achète et dont
les'prix ont
renchéri. D'autre part, Ll~mo l'assistance aux pays dits "en
voie de développement, s'est avérées inefficace parce qu'elle
profite surtout aux Etats qui l'octroient par les divers mé-
canismes de l'aide liée, et aussi parce qu'elle écrase les
gouvernements bénéficiaires sous le poids des pr~ts qui leurs
sont consentis.(l)
De cette fa~on, l'enrichissement des riches
croit en mOrne temps et dans la Ll~me IrOportion que l'appauvris-
sement des pauvres, creusant ainsi le déchireoent tragique du
monde contemporain. La "civilisation de l'universel" devient
une construction idéale subjective en rupture avec ce monde
concret, sa réalisation, une passion inutile, un
désespoir,
ct son projet de fuir ce monde présent aliénant vers un monde
futur, radieux, accentue le dualisme du pour-soi (subjectif)
(1) Pour ces différents mécanismes de blocage a~ développement,
confère: - Tibor Mende : "de l'aide à la récolonisation, les
leçons d'un échec", Le seuil, Paris1972
- Samir funin: "L'Afrique de l'Ouest bloquée" : Ed de
Hinuit,1971
"l'accumulation à l'échelle mondiale, Anthropos,
paris 1971 - A.G.Frank: ilLe développement du sousdeveloppement"
Mélspéro 1972
-R, Losada Aldana: "La dialectique du sous-développe-
ment", Anthropos, Paris 1972

Ji 7
7"
-----------------
-
132 -
;.·,.·~\\t.:.Q "'!1 ':" ,'so.1-(, Q\\0"'\\Ll'~4:4'Ui SUlA,C.tM,(>e,I1;oute "conscience
malheureuse".
f
Enfin, cette construction idéale de toutes les
beautés reconciliées où tous les hommes sc reconnaissant ~utuel-
lament, échangeraient ·libreoant, rapproche Seng~or de la cons-
i .
cienee oalheureuse stoïcienne, qui, après la dééadence de la
IlCi té Grecque", alors que se r-omp t l' har-nonf,e de la nature et œ
l'BEsprit, de l'individu et la société, cherche n échapper aux
chaos en se réfugiant dans une pensée libératrice. La "civili-
sation de l'Universel" est le résultat d'une évasion sembLa-
ble à celle du stoïcien dont l'''opération propre est d'être
libre, sur le trane coume dans les cha!nes, au sein de bute
dépend~nce q~ant à son être-lù singulier; son opération est
de se conserver cette impassibilité sans vie, qui hors du
l;"louvement de l'être-là, de l'agir comme du pâtir, se retire
toujours dans la s1nple essentialité de la pensée. L'ent~te­
ment est la liberté qui se fixe à une singularité et 3e
tient au sein de la servitude ; mais le stoïcisme est ~
liberté qui, sortant toujours de cette sphère, retourne dlns
1
la pure univers'ali té de la pensée. Il (1)
Ici encore, nous
comprenons que la "réconciliation universelle" accuse une
autre forme du malh1ur de la Conscience Senghorienne : le
malheur réel y présente c omne une dichotomie, une scission
sans médiation entre la construction intellectuelle idéale
et la réalité des faits, entre les illusions subjectives du
"bonheur" et la vérité objective du "raalheur".
Si le "bonheur" est de l'ordre de la certitude
subjective, le "ualheur" est de l'ordre de la vérité. La
rationalisation de cette illusion du "bonheur", donne à
proprement parler une "conscience fausse" du réel : elle
théorise les apparences de la Renaissance et prend ces appa-
rences pour la réalité, cette èonscience s'illusionne et illu-
sionnent~es auditeurs dans le discours de la "Négritude Cons-
tructive ll • En tant qu'allusion mais Slrtout illusion par
rapport au réel, la Négritude en maturité, par un phénonène
<15 Hegel in iiphenoU1enolog~e de l'Espritll Tl, op.cit.p.169

- 133 -
dominant dtinversion, trahit en vérité le projet fondamental
de la Renaissance : la contradiction principale persistante
y est faussement résolue et donc occultée, la conscience tou-
jours malheureuse y dissimule également son malheur. Ainsi,
les différentes ruptures théoriques et pratiques ,:vec "l'Otre-
autre" démeur9nt des spéculations vides et la réc6hciliation
avec soi-m~me (accomplissement de la Renaissance), un rendez-
vous manqué.
En vérité, nous assistons à la récupérationw
projet fondamental de Renaissance comme libératlon,trani par
la petite bourgeoisie intellectuelle qui, prise dans ses
illusions réformistes, échoue ainsi â rompre avec sa fonction
de classe coloniale pour devenir des intellectuels organiques
des masses négro-africaines ; l'occu~tatiqn dû la contradiction
principale et la défense de la reconnaissance formelle (sans
contenu), fruits amers du compromis historique auquel parvient
la petite bourgeoisie intellectuelle, grande
bénéficiaire
des Indépendances, freinent les luttes d'émancip~tion réelle
des masses négro-africaines et renforçQVt
la domination
étrangère, Telle idéologie de la Renaissance Noire tente de
,
dissimuler son vrai nom qui étant à la fois, fausse rupture
avec "l'être-autre" et fausse réconciliation avec so L-même ,
pénètre toutes les instances de la structure sociale pour
en donner une image fausse, inVersée
et nystifiante, source
d'une illusion de "bonheur", plus précisement d'une illusion
de libération propre à cet esclave victime de la ruse de son
ma1tre ; "Historiquenent, le nègre plongé dans l'inessentia-
lité de la servitude, a été libéré par le maitre ••• D'esclave,
le nègre a fait irruption dans la lice où se trouvaient
leS maltres. Pareil à ces domestiques à qui une fois l'an,
on permet de danser au salon."(l)
Ainsi frustré dans son
élan de lutte de libération, le nègre est appolé dans la
"Négritude Prospective" à partager l'illusion qU'il a enfin
voix au chapitre, à se contenter en fait d'une reconnaissance
formelle tant il est vrai que "ltindividu qui n'a pas mis
(1) Frantz Fanon in "Peau Noire, masques blancs", Ed.Seuil
,1952, P.
180
Q I
Q.M

- \\34 -
sa vie en jeu, peut bien être reconnu comme personna,~ais
il n'a pas atteint la vérité de cette reconnaissance comme
reconnaissance d'une conscience de soi indépendante."(19
Tous les discours idéologiques diffusés par les
classes sociales dominantes (celles des ex.métropoles et
leurs alliées nègres de la petite bourgeoisie intellectuelle
en l'occurence) visent à nourrir et à renforcer cette
illusion en occultant par conséquent les rapports de doni-
nation reactualisés pour mieux les perpétuer ; en masquant
la fausse rupture et la fausse réconciliation à tous les
étages de l'édifice social:
- Fausseru,pture ,et fa,uss~ réconciliation COI:lIJe
occultation de la contradiction principale : la mystifica-
tion du renforcement de l~ domination et de l'exploitation
Eolitico-économique.
;
A")B
1-) A=B
mais
A) B
..
~A > B (2)
1
A)-<B _+-~...,. ~B
A>-("B
•.~ A>_< B
,
La Nouvelle disposition des classes et des forces:
en accédant à la direction de l'appareil et du pou~oir d'Etat,
la petite bourgeoisie intellectuelle, tout en ne nodifiant~e
la forme d'exercice du pouvoir d'Etat et non sa structure~
sa nature, devient avec ses alliés africains, la nouvelle
classe dirigeante et dominante en Afrique. Elle constitue
par ailleurs l'intellectuel organique de cette nouvelle
classe. La nouvelle bourgeoisie africaine au pouvoir, se
maintient et acquiert sa base économique non par une accumu-
lation privée à l'intérieur des formations africaines, mais
par l'int~rmédiaire de la gestion de l'appareil d'Etat qui
lui fournit des revenus suivant ses fonctions de "comnis"
(bureaucrate) de l'Etat ou de politiciens, ou encore de
(1) Hegel: "La phénoménologie de l'Esprit" T1,op.cit P159
.. ç?!~J..~&~~~.~ ._S,,~ !_~~,gende antérieuref' -1.2" .
,
.. ....
"
...•
.'

- 135 -
compr~dore quand la source dos revenus n'ost pas directement
pas dirccteoent l'Etat mais les transactions inpo ~t-export :
elle est principalement une bourgeoisie d'Etat ct eecondaa.renenf
une bourgeoisie co npr-ador-o ;
Cette africanisation des forces de direction de
l'Etat qui met à la place du colonisateur un nègre, entraine
une redisposition des classes et des forces ; prenant la
place et la fonction repressive de l'ancienne classe, h
nouvelle bourgeoisie africaine au pouvoir n'a pas détruit
l'appareil colonial et continuo en vérité àperpétucr le
système d'exploitation des Qasses africaines. De ce point
de vue, elle est objectivement et apparait peu à peu à
la conscience des masses africaines leur ennemi dir~-~~~t
nouveau. La contradiction principale oppose dès lors la
bourgeoisie d'Etat, la bourgeoisie cOQpradore souvent
issues des milieux féodaux ou séDi-féodaux,sU~~~s: inté-
rieurs:, de la doraâ.nat Lon étrangère, aux masses populaires
dont la nisère ctoit dans l'exncte proportion de l'enrichis-
sement des classes dominantes ; les forces féodales (chefferies
traditionnelles) et les nouveaux\\~dministrateuri'et 1
\\'cowmandants" (la bourgeoisie do nf.nan t e ) sont engagés en réalité
dans la défense de leurs intér~ts de classes qui sont ceux
de l'impérialisce, dans une lutte de classe
contre les
masses africaines que le poids de l'oppression rend de plus
en plus combatives.

- 136 - 1)1-_
Nature pro-inpérial~ste et antipopulaire du pouvoir
d'Etat indépendant :fausse rupture a~ec l'~tre-autre
~t fausse réconciliation avec son propr~ Qonde.
Dans la pratique, la nature réelle du pouvoi~d'Etat aux
mains de la bourgeoisie africaine se caractérise par deux'
propriétés essentielles: l'hétérono~ie qui atteste d'une
fausse rupture avec l'~tre-autre que sont les puissances
étrangères; l'antinomie par rapport aux intér~ts négro-
africains
qui atteste d'une fausse réconciliation avec
soi-m~oe. En effet, l'appareil et le pouvo~d'Etat n'ont
pas changé de nature, mais simplement de forme: dans le
fond, "l'économie de traite"
tout COillille la domination
politigue évoluent seulement dans leur mode d'existence,
-se
",.
mais~erpétuentleur existence. Ce qui disparait, c'est
l'ancienne forme classique de domination étrangère directe
,
lourdi de
contradictions explosives. Ce qui apparait,
c'est une forme néo-classique de la domination:indirecte,
elle émousse le :tranchant des contradictions de classe.
Ce qui persiste finalement, c'est toujours Jii.~ ,~-:pl~~a:t~n
des forces extérieures sur un monde indépendant, mais
paradoxalement plus dépendant. Cette situation nouvelle
conf~rme l'échec de la rupture théorique et pratique avec
le système d'aliénation, la faillite de la réconciliation
avec son propre monde: telle est la doub~e impasse ou
échoue la mission pour réaliser le projet fonda~ental
de la Renaissapce Noire.
Ainsi, entre les mains de la nouvelle bourgeoisie afri-
caine au pouvoir, l'Etat devient le principal moyen de
l'accumulation capitaliste en tissant et développant,
par différents moyens, des liens étroits et inégaux avec
,
le capital monopoliste international: dons, "aides liées",
1
pr~ts, investissements publics ou priv@s , représentent
autant de sources de profit pour le capital. L'Etat devient
la principale institution, à défaut de bourgeois nationaux
inexistants, par et grâce à laquelle l~monopoles finanéiers
étalent leurs tentacules géantes sur l'Afrique. !~~ r~y~

- 138 -
anciennement dominées devront recoux·XiI- aux techniques capitaJ is-
tes de production et de distribution des biens : La "Négri-
tude Prospective" renferme ce noyau idéologique capital des
smander
"Indépendances africaines". Nous pouvonf/J1e
c:.~mml:.tt~ut_on
":'t:;~"Gi\\Ii!.~ olt:>. i t1 t~'flt$ ~,..
des intér~ts aussi ant agonaque s - .
que ceux
impérialistes et négro-africains ? Est" - il possible
de marier le chat et la souris? Si oui, cette o~ération ne
saurai t consiste:- qu'en la sounu.s s i.o n.: des intérêts dominés
aux lois du profit capitaliste. La symbiose dans ce cas, nesigni-
fir-ait rien d'autre que l'Afrique se fasse recoloniser.avec
son propre accord, approuvant sur le tard la "mission civili-
satrice" de l'occident après une lutte de resistance inutile!
or, les idéologues du monde noir ont chanté a
défendent une telle reconciliation. A nouveau, le nègre veut
devenir "blanc" et le "monde blanc" devient sa supr~me réfé-
rence : les concepts du "sous-développement", du "dé coLl.age"
du "rattrapage"
fonctionnent comme des mythes 'qui, créés par
,
l'occident capitaliste, sont largement in tério~"'5i:;t redifusés
par les h'Di.A'~e.oi~I·e.s africéines au pouvoir, lesquels s'en serven t
pour justifer l'importation massive des capitaux étrangers
fondamentalement avides de supe r
profits. Ces mythes sont
L ;
l'équivalent fonctionnel des concepts .~. 1 idéologiques colonialiste:s
("sauvages - barbares -civilisési~ : ils justifient la domina-
tion étrangère, hier coloniale, aujourd'hui
néo-coloniale
mais baptisée "construction ou développement national".
Pour til.Assir .. leur développement à l'image de l' occide nt
capitaliste, les ffi3Bses africaines sont interpellés par~urs
dirigeants afin de con6i'ÜC~5-r ••• l'Uni té Nationale", "la Recons-
truction Nationale " etc ••• Ce faisant, elles empoisonnent :leur
propee conscience de classe exploité~. C'est au nom de l'harmonie
..
• ;
.Q
cp:,
.
i
rU'"

<
_
4

- 139 -
nationale que Senghor niait la lutte des classes en Afrique.
Désormais, sont diabolisés(l) tous ceux qui refusent en théorie
ou en acte de porter les oeillères de "l'Orientation Nationale ",
seule voie de salut pour le peuple. Par des phénomènes ~idé~i­
sation et d'universalisation propres au discours idéologique
de toute classe dominante ainsi que nous l'ense:i;gne Narx, les
classes dirigeantes tnndent dans leurs discours à identifier
l'ordre néo-colonial à un ordre naturel et m~me divin (2) :
"les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les
époques, les pensées dominantes ••• Les pensées dominantesœ
sont pas autre chose que l'expression idéale des ~apports
matériels dominants,elles sont ces rapports matériels dominants
saisis sous forme d'idées, donc l'expression des r~pports~i.
font d'une classe, la classe dominante ••• chaque nouvelle clas&
qui prend la place de celle qui dominait avant elle, est obli-
gée ne fnt ce que pour parvenir à ses fins, de representer
son intérêt comme l'intér~t commun de tous les megbres

de la 'société ou, pour exprimer les choses sur le plan~s
idées : cette classe est obligée de donner à ses pensées
la forme de l'~niversalité, de la représenter comme étantles
seules raisonnables, les seules universellement valables."
(3)
Le "Socialisme Africains" constitue aussi unconcept
idéologique pour consolider les bourgeoisies afric~es. II
implique la "Reconciliation Nationale" et l'ouverture versl'Oc-
cident et aboutit en pratique à un "Capitalisme d'Etat" fondé
(1)
A propos de la diabolisation de l'adversaire, il estinté-
ressant de constater qu'au Sénégal, Senghor à tenu à caractériser
la seule vraie opposition de "Marxiste Athée." Dans un pays cù
la pratique réligieuse est très importantes, où les,chefs
réligieux sont en même temps des chefs temporaires, dire ~un
Sénégalais qu'il est athée, c'est lui reprocher d'être un agent
du "diable". Et nous avons pn constater qu'une fraction
œ
l'opposition ayant accepté cet épithète, F
n'ait recueilli d'un nombre de voix négligeable, voire ridicule.
(2) En Afrique, les dirrgeants se présentent généralement·,
comme des chefs charismatiques. Presque toujours, ils ~ndent
leur autorité sur la volont~ divine. M~me et surtout ceux
de plus en plus nombreux, qui accèdent au pouvoir par un coup
de force militaire, invitent les populations à remercier
Dieu de les
avoir sauvées du chaos.
\\\\,
(3) :M~rx' et Engels: "L'idéologie Allem.:lnde" op. ct t , IP 75-79
1

-
140 -
uc-pki ~ o, 111 r
sur H.exploi tation des masses populaires, en r,._:.~
leur désir du ch~ngement et leur mode de vie traditionnellement
communautaire. Tous les discours du "socialisme africain".~.,. ci'elop-
~~';/.lffectivement deux thèmes principaux : les maases afri-
l ' caines veulent un changement qui puisse mettre up terme à~ur
misère matérielle crois5~nte et à leur aliénatioh culturelle
et politique. Pour satisfaire ces aspirations populaires,
il faut; d'une part, faire appal à la technologie occidentale
pour conjurer la misère; d'aütrepart, raire appel au,génie
culturel et politique négro-africain pour adcp~vr cette
technologie au milieu négro-africain.
En vérité, ce socialisme est utopique dès ses:
' h
fondements théoriques lesquels s'inspirent, non d'une analyse
des classes'
(déclarées inexistantes) rigoureuse et.
objective, mais plut8t, d'une interprétation mythi~o-historique,
idéaliste et subjective des f~~~~tions sociales africaines
précoioniales. Il~ se pratique en réalité commè un capitalisee
d'Etat en s'appuyant sur les grands monopoles étrangers Q~1,
par l'aval de l'Etat, accroï~~~r tpFOPits en explgitant
le
surtravail des cl~sses laborieuses
qui font tourner31@urs
machines. L'abolition de la propriété privée des moyens de
productions, principe et pratique inhérenmau socialisme scien-
. tifique ne figure pas dans le socialisme Senghorien.
(1)
La
repartition démocratique
des bietJS produits suivant Je .prd n-
1,
cipe "à chacun selon son travail y est e.bs en t , Finalement, la
pratique du "socialisme afriQ~in" se confond
avec
c elle
de
l'Etatisation" ou de la "Nationalisation" (2) des ~oyens,
k
(1) Il faut noter qu'au Sénégal, quelques chefs réligieuxdétien-
nent à eux seuls la quasi totalité des terres où l'on cultive
l'arachide, principale denrée d'exportation du Sénégal.
(2) L'Etatis.ation renvoit au transfert d'un bien quelconque
des mains d'une personne physique ou morale à l'Etat. La Nation~
lisation consisterait plus particulièrement à effectuer ce
transfert au profit des nationaux. Mais très souvent, . les
étrangers attribuent juridiquement la propriété de leurs
biens
à des nationaux pour éviter la nationalisation. Paràlleurs,
l'Etatisation s'effectue souvent par des pr~ts à l'Etat
lui permettent de contrôler effec ti vement une unité de production.
t
Dans un CaS comme dans l'autre, la reattribution des biens
aux africains démeure plus fictive que réelle. Elle flat~e
cependant l'orgauil national, et c'est là l'effet idéologique
attendu par nos bourgeoisies africaines et leurs alliés
extérienrs.
". ,;.. $~4.2.·;.$ 4#+·'4,.$10' :QhiM4"A .. ' • .' .
; .t.ac

-
141 -
production. Mais là aussi
le noyau idéologique se dissimule:
t
mal derrière les faits : si l'Etatisation et la Nationalisation
permettent en principe une acc~mulation de capitaux nationaux,
en réalité ici, ces deux opérations n'ont
jusqu'à présent
rempli cette fonction. LiEtatisation" (moyen d'a9Cumulation
en régime socialiste) et la "nationalisation" (moyen de
développer les bourgeoisies nationales) s'éffectuent~i,
soit dans les domaines délaissés par les monopoles capit~listes
parcequ'ils sont
peu rentables, soit en association mineure
avec c oux-c f, , en dépit des publications officielles. Si'.
ces deux opérations remplissaient leurs fonctions, il se
développerait ça et là des bourgeoisies nationales,
ou des secteurs d'Etat
dynamiques. Par ailleurs, nous envisa-
geons difficilement comment le "socialisme africain" in-
tègrerait la bourgeoisie nationale dont
l'idéologie
politique
est nécessairment capitaliste. (1)
,
En tout état de cause, qu'il s'agisse d'Etatisation
ou de Nationalisation, c'est toujours la bourgeoisie africaine
dirigeante qui en bénéficie exclusivement : dans la mesure
ou
l'Etat est celui d'une classe sociale donnée, l'Etatisation:.
où la Nationalisation consiste
'ici, à transférer quelques
moyens sociaux de:production des mains de l'impérialisme, arec
l'accord et les condi tilns de ce dernier, à ce.lles de la mino-
ritaire et parasite bourgeoisie africaine au pouvoir.
Sous ces différents aspects critiques, nous touchons
au noyau idéologique de tous les discours du Pouvoir en
Afrique décolonisée : à travers la "Négritude ;prospective"
notamment, la diffusion et la justification de la "Réconciliation
Nat.Lonale , Internationale,
"
Plan'bj;ii~éi et du "Socialisme africain",
l'objectif est d'occulter les contradictions de classe;
aux
diffè..:rent.es
échelles nationale, inter-continentale et mondiale.
Il est également,.D.. travers le "socialisme africain" (doctrine
africaine du développement économico-socia1), ceiui de.
récupérer la volonté,
~ concrêtement aff±rmée
(15 NoüWi:V~6rt'133 plus loin comment",N' Kr'u.nah a été victime de
c et te ,~di:.lluSÜJ1t.io!l
r._.
4
. _41 *44-4$
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44,' ,,;
Li ;;44; 4Ah _2~
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(
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Z
Q

-
142 -
des masses africaines en paupérisation constante, de ro~pre
la
domination étrangère. Ce faisant, la petite bourgeoisie
intellecetuelle au pouvoir ou alliée d~ pouvoi~ ~
trahi
sa mission
historique en se faisant complice d'une stratégie-
globale de la domination étrangère.
.
. RESULTAT FnlAL
DIALECTIQUE DES CAUSES ET DES EFFETS D;E; L'ILLUSION
r
IDEOLOGIQUE DEVOILANT LA FONCTION NOUVELLE DE
L'IDEOLOGIE DES INDEPENDANCES NEGRO-AFRICAINES
La. signification dernière de l'idéologie des Indépen-
en
dances se découvre/ en sondant 1.@:s racines historiques : cette
idéologie,
s'inclut dans une stratégie de domination de
classe, comme une illusion historiquement néces~aire à la nou-
velle bourgeoisie africaine, en accord avec ses puissants
1
alliés
extérieùrs, pour justifier sa mission historique et
produire ainsi au niveau des masses, des effets sp6cifiquej~ n
illusoires.
La cause historique, première et fondamentale est
la situation objective de crise du système de domination colo-
niale marquée par unconflit des class~en intensité croissante
et évoluant vers une rupture violente et radicale de la dominatbn
impérialiste. Elle entraine la deuxième cause.
La cause historique, finale et stratégique: lesoon-
ditions économique, politique et idéologique de lawomination.
coloniale
directe étant f>~O~ ... tsc::.ive..\\ne.Vlt-)\\..~Vl4-.)·' p.o..'\\.:lV,).al~w~
menaçant leur propre survie, il s'agit pour les classes domi-
nantes de résoudre cette crise mortelle à leur profit; récu-
pérer les projets révolutionnaires nés d'une situation explo-
sive, en en désamorçant comme la bombe fatale par une fuite
en avant qui définit la troisième cause •
.'./
La cause historique, efficiente et tactique attri-
bue à l'idéologie négro-africaine une fonction nouvelle:

>
7
"
mr r Z7'
E
-
- 143 -
réalisant leur stratégie de perpétuation de la domination,
les classes dominantes vont corromprei attirer vers elles
13 petite bourgeoisie intellectuelle et lui confier la
t5che de produire une idéologie génératrice d'il~usiore
de Renaissance, fonctionnant donc comme un opiu;~ l'idéo-
logie des Indépendances. A une étape donnée de la lutte
des classes, la domination d'une classe d~ns la structure
globale de classe peut exiger son retrait de la domin~tion
politique; la classe qui domine dans la structure soci~le
de classe grace à la prépondérance économique ( en 1'06-
curence les classes capitalistes en Afrique)
peut
céder le pouvoir politique à une autre classe pour con-
server son hégémonie dans la sphère économique.
Par
ce biais, elle peut alors contr81er l'orientation
politique qui lui est refusée, suite à la dynamique de
la lutte.
des classes.
Marx analysait déjà ce phénomène en cos termes:
" ••• Ainsi donc, en taxant d'hérésie "socialiste" ce
qu'elle avait célébré autrefois comme "libéral", la
bourgeoisie reconnait que son propre intér~t lui com-
mande de se soustraire aux dangers du self~~~n~
que pour rétablir le calme dans le pays, il faut av~nt tout
ramener au calme son p.arl~ment nbourgeo~s, ; que pour conser-
ver intacte sa puisst:l.ncelsociale, ilJ~lu'i'> faut br-Laer- sa
puissance po'Lf't.Lque ; que !'les bourgeois. ne .pcuv en t COllt":ihtuer
à exploiter les autres classes et à jouir tranquillement
de la propriété, de la famille, de la rellgion et de l'ordre
qu'à ln condition qu.,' Le ur- c Lasae Gai t co ndaunô c au même
'- néant politiqua. qu:eLtes autres c;L~es~; que pour, 'c1:uver
bourse, la ~ourgeoi6ie doit nécessairement 'pérd~è' ga
couronne" (,)
"
.
"
; > . -
Ici précisément, la nécessité historique de "perdre
sa couronne" pour la bourgeoisie coloniale est largement
compensée au niveau politique par une délége+ton de pouvoirs
à la bourgeoisie locale formée à son Ecole. Remplissant
alors sa fonction dans la stratégie de domination, l'idéo-
logie des Indépendances donne l'illusion de libération, de
bonheur et de
Ronaissance qui cache.la rêal~t& de la trahi-
son ét de la récupération de la Renaissance Noire et partant, de
~c persistance de l'aliénation ct du malheur.
1- K.Marx: "Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte ll in
"Oeuvres Choisies" de Marx et Engels. Tome I,p.454

- 144 -
Cette idéologie génératrice dtillusions, produit
cependant des effets non illusoires; les illusions d'indé-
pendance, de Renaissance ont des retombées sociales concrètes:
sous les effets. conjugués de la mystification et de la
dérivation de la Renaissance, les masses s'actiYent à la
"eonstruction Nationale". Sous les effets de la justification
et de la réification des conditions nouvelles d'existence,
les exploités s'activgnt à leur auto-aliénation en déifiant
presque leurs dirigeants, en acceptant comme indispensables
les multiples liens avec les monopoles capitalistvs. Dans
ce cas, les illusions, non seulement désamorçent les diffé-
rents conflits et antagonismes des classes, mais également
produisent des effets d'auto-répression des dominés, assurant
ainsi la reproduction des conditions idéologique, politique
et économique de la domination impérialiste hier menacée
de mort. Nous saisissons dès lors la pùrtée et l'enjeu de

nombreux concepts idéologiques en Afrique comtemporaine,
niant en les masquant les antagonismes de classe afin de
1
perpétuer la domination étrangère.
Mais ce langage n'est pas cette nuit où tous les
chats sont gris. Il est bien l'instrument de la domination
de ceux ~ui peuvent donner les noms aux choses, sur ceux
qui se contentent de les subir. C'est pourquoi une
deuxième tendance idéologique reflétant la conscience de
plus en plus démystifiée des masses exploitées, refuse de
se laisser prendre dans ce langage comme dans une toile
d'araignée. Saisissant le noyau idéologique des Indépendances
négra-africaines, elle les identifie à des reconnaissances
fDrmelles et rel~nce le projet de la Renaissance dans un
-- J.ça;. #1;;;*..1. \\ .pe.Ji i..C..44.$.J,.A44.U.ttck,..#t., A
c- -4
4 .•.• 0= t
M
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$J
*

- 145 -
14(,-
véritable programme de Révolution dont KwaDé NtKrumah (,)
a difficilement wais fructueusement élaboré les grandes.
orientations. Relançant le projet de lutte pour la recon-
naissance de soi au moment où certains la croyaient
déjà victorieuse, il disait qui "En Afrique, i~ ne nous a
pas fallu longtemps pour découvrir que la lutte contre
le colonialisme ne cesse pas avec l'accession à l'ihdépen-
dance nat LonaLe" (2)
1- Kwamê Nt'Krum"ah '(1909
1972)'i né en '1'909 en "G~ïd 'Coast"
(colonie britanique qui devient "Ghana" lors de l'accession
à l'Indépendance en 1957.)
Etudes supérieures de philosophie
à l'université Lincoln en Pennsylvanie où il obtient me
ma1trise et commence un doctorat qui S0ra inachevé.
Fondateur du premier parti politique au Ghana" il lutta
dans le sens de l'Indépendance de son pays en 1957. Ses
options radicalistes lui attirent des ennuuis intérieurs
et extérieurs qui l'évincent du pouvDir le 24 Février 1966
alors qu'il effectuait une visite d'Etat à Pékin. Exilé,
il vécut en Gu~née jusqu'à sa mort. Grand visionnaire du
panafricanisme, unanimement admiré par tous les patriotes
du continent, N'Krumah est rentré vivant dans' la légende
africaine.
2- Interventiôn de N'Krumah à la "Conférence au sommet des
pays indépendants africains", Addis Abéba, 10 Mai 1963.

- 147 -
B _ LA PENSEE DE KWAME N'KRU~~H (1) CO~lliΠIDEOLOGIE
===========================================~===
D'UNE CONSCIENCE CRITIQUE
-------------------------
-------------------------
INTRODUCTION:
DE LA 'CONSCIENCE CRITIQUE"
La théorisation d'une "conscience critique", idéologie
dominée D. l'époque des "Indépendances", est une critique du
reflet dans la conscience des apparences de la nature et du
mouvememt réels des choses et du jeu des forces,à travers~
tracé d'un projet nouveau de Renaissancer Révolution. Elle
tend ,à découvrir la signification dernière de~ choses et de
la dynamique des forces, par la critique sans cesse radicalisanre
de l'image des,apparences dans la conscience, démystifiant
ainsi les différents brouillards nouveaux qui en cachent
la voie d'accès.
La "conscience critique" antithétique de la "conscience
f<::lusse" , peut se définir par la mise en cnuse, la critique
allant jusqu'au renversement eventuel du
reflet dans la
conscience, du mouvement apparent des choses, et du jeu
des forces et classes. Prenant donc l'apparent comme le voile
qui masque ou le prisme qui d&forme ou inverse le ré~l, elle
est à proprement parler une conscience du dévoilement.
Les apparences ici passées sous l'analyse critique,
sont tous les attributs formels des "Indépendances" qui
donnaient une illusion de libération et de Renaissance
achevées. Ce nouveau type d'analyse d'intellectuels de type
nouveau, démasque la vérité de la dépendance, de la servitude
-et de la Méconnaissance toujours persistantes dans le rond.
.
........ ,
i »
, ;

1- Kwamé N'Krumah (1909-1972) : philosophe et ho~ne d'Etat
Ghanéon
qui tente de lancer les bases théoriques et prati-
ques d'~ne rupture rêvolutionnaire anti-impéfialiste~
socialiste en Afrique. Devenu ainsi l'ennemi principal des
puissances étrangères, celles-ci organisèrent un coupœ
force
qui devait l'évincer du pouvoir en Février 1966. De son ~il.
Guinéen, Nkrumah n'a cessé de poursuivre son combat, enap-
profondissant sa pensée, éclairant mieux les conditions
idéologiques de son projet initial.
b!, t. -S-AMAS
.. k
Mi.
, .4. 9Q4i(FU
i LAf?- t
4*'.WP4W,Mi,·,li
( 41.4,

- 148 -
Contre cette illusion d'achèvement de la lutte pour la
reconnaissance de soi, entra1nant différentes réco~ciliations,
(
la "conscience critique" se fondant sur les attributs juridico-
formels des Indépendances signifiant l'accession des E$ats à
la souveraineté internationale, prene une nouvelle lutte révo-
lutionnaire indispensable pour donner un contenu et une signi-
fication réels à cette reconnaissance internationale.
Dans cette optique, le malheur de la conscience négro-
africaine persiste malgré son nouveau visage faussement heureux
le malheur profond, non encore dépassé, mais changeant seulement
de forme d'apparition, exige une solution nouvelle et radicale
pour son dépassement ; la Renaissance Noire est encore à l'ordre
du jour.
La pensée politique et philosophique de' Kw~mé Krumah,
ouvre cette voie radicalisante qui va re-exprimer le malheur
et proposer des sblutions d'abord politiques dans le "Panafri-
canisme", ensuite globales dans la doctrine du. "consciencisme",
làquelle sera enrichie èt parachevée dans le "Néo-colonialisme,
dernier stade de l t impérialisme" ~i...;!' t ~J:laljse de "la lutte des
des classes en Afrique".

- 149 ..
2 -
LA DOCTRINE DE LA RENAISSANCE CHEZ KWAVΠN'KRUMAH:
COW·ŒNT LA PHILOSOPHIE DEVIENT MONDE ET LE ~~~
<
NALIS~ΠPETIT BOURGEOIS, P30LETARIEN.
Observations préliminaires.
Le destin historique de Kwamé N'Krumah, gr~nd théoricien
et dirigeant politique , traduit au fond la disposition et
la lutte des classes en Afrique dont la conjoncture depuis
la décolonisation est essentiellement caractérisée par
le renforcement tantBt occulté par l'idéologie dominante,
tantBt ouvertement violent, de la domination étrangère.
Dans cette structure sociale, des classes e~ couches sociales
(souvent des intellectuels) sont contraintes à la défensive
ou à la clan~estinité (à l'intérieur et à l'~térieur)
,
parce qu'slles refusent cette' "rationalité de l'histoire".
Partout en Afrique, les forces du "Refus" se réclament entre
autres, des idées de N'K~umah· De ce point de vue, noue
pouvons affirmer la grandeur et la présence de N'Krumah
et reprendre avec le poète noir (1) que:
"Les morts ne sont pas morts
Ceux qui sont morts ne sont jamais partis
Ils sont dans l'ombre qui s'épaissit
Les morts ne sont pas sous la terre
Ils sont dans l'enfant qui vagit
Ils sont dans la case, ils sont dans la foule."
Si N'Krumah a été contraint à la défensive, un examen
critique de son itinéraire philosophique et politique nous
permettra d'en cerner surtout les causes endogènes; il fnt
victime lui-m~me des limites à la fois théoriques et pratiques
qu'exploitèront
ses ennemis de classe: des limites et
erreurs théoriques quant à s~ philosophie unanimiste et cultu1
raliste de l'idéologie de la Renaissance;
1- Birago Diop in poôme: "Souffles"
~;:t
Mi
;.
41·.
. -ru
. l ,;

,...

1
'7'
sn
-
150 -
limites et erreurs pratiques quant à son discours et à sa
pratique du pouvoir frontiste.
S'il n'a pas été rêcupêré, c~est qU'il;fQt irrécu-
pérable parce qu'engagé dans un processus
de tadicalisaiion
sans cesse croissante, processus déterminé par la dialectique
des contradictions sociales, historiques: passant successive-
ment de la philosophie humaiiste et sociale au Marxisme et
au socialisme scient~~e en traversant la phase transitoire
d'une variante du lIsocialisme africain", nous distinguerons
trois périodes ascendantes dans la formation de la riche
pensée du Docteur N'Krumah, philosophe et dirigeant de
la "Cité 'Africaine".
- La première période est surto~t celle
de la lutte
anti-colonialiste qui se poursuit d'ailleurs au-delà de la
décolonisation. N'Krumah se situe alors sur des
positions
politiques et ~thêoriques du nationalisme radical petit-
bourgeois: ainsi le démocratisme y domine le projet de rupture
anti-impérialiste et l'humanisme idêaliste, voire religieux,
le fonde théoriquement. Le "Panafricanisme ll , (1) concept
idéologique et politique naissant et se dévéloppant à cette
période, constitue le thème
essentiel, le premier jalon
de pensée de N'Krumah.
- La deuxième période est essentiellement celle de
l'exercice du pouvoir d'Etat jusqu'en 1964;(2) Toujours
, fidèle au projet panafricaiiste, N'Krumah tente cependant
d'en fonder les conditions idéologiques et pçlitiques, socia-
listes et africaines, sur une philosophie globale de la
Renaissance dans "Le Consciencisme".
1- Nous reviendrons sur le "Pa.nafrica.nisme" dont N'Krumah
définiss.:lit alors les contours dnns "Africa Nust Unit"
(Heinemn.nn, 1963), traduction française: "L'Afrique
doit s'unir", Payo t , 1963.
2- 1964, date de la parution du lIConsciencisme"

-
151 -
C'est une période de mutntion et do tr~nsition, ~ctrquée donc
p3r une instabilité à ln fois prütique et théorique dont la
pensée de N'Krumah ~orte les stigmates; celle-ci, en retom-
b~nt sur le terrain socio-~oliti~ue en crise de changement,
va plutOt re~roduire que résoudre ces contradictions réelles.
- La troisième période débute dans les dernières
années de l'exercice du pouvoir ~utour des années 1965 (1),
mais s'étend ~rincipa1ement sur les années d'exil. N'Krumah
y rompt ~vec l'humanisme et le démocratisme radical petit-
bourgeois pour investir des positions prolétariennes.
ï- 1965, da te de la par-u tion du "Néo-Colonialism: The 1ast
s t age of Lmpê r-La.Ldam'! ,
Traduction f r-anç ad.s e r "Le i~éo- coloni:üisme, dernier stade
: de l' Imrérin] j.srne" • Présence Africaine 1973

- 152:·-
C'est en suivant l'évolution de cette grande et riche
qu~te d'une
idéologie pour la Renaissance Africaine, que
nous en saisissons la portée
historique, passée, présente
et surtout future, tant il est vrai qu'exceptionnellement xi,
l'oiseau de Minerve a pris son vol avant la tomb~e de la
nuit, car, la pensée et l'action de Kwamé N'Kruill1h commen-
cent à peine de nous fournir des éclairages indispensables
dans la ~recherche de la véritable voie pour la reconqu~te
de nous-m~mes, pro~at historique fondamental toujours
actuel mais inactualisé.
A - PREMIEREEœ~P~De:
LE PANAFRICANISME. IDEOLOGIE
DU NATIONALISME PETIT-BOURGEOIS: PROBLEMATIQUE ET
SOLUTION POLITIQUES DE LA RENAISSANCE AFRICAINE:
1) problématique:
Le Docteur Kwamé N'Krumah, chef d'Etat 'Ghanéen,
fut à la fois le moment théorique (continuateur en cela
de Dubois et Pa~more (1) ) et le moment pratique (engage-
ment réel pour la concrétisation de l'unité africaine)
du Pan.:lfricanisme. Avec N'Krumah, le 'Panafricanisme" est
davantage un concept de ",Renaissance poli tique que racial,
il permet de concevoir et de réaliser les "Etats -Unis
d'Afrique", incluant tous les peuples du continent africain
aussi bien au sud qu'au nord du Sahara ayant tous un ennemi
commun (le système de domination coloniale) qu'il faut vain-
cre pour assurer leur dév~}Dppement.
T= Il faut noter que le Panafricanisme, partie intégrante'
du nationalisme africain, fut à l'origine une manifesta-
tion de solidarité fraternelle parmi les Noirs de la
Diaspora aux Antilles et aux Etats-Unis. Les plus illus-
tres
de ses apetres furent sans conteste W.~.B Dubois
et George Padmore.
-Le Docteur Dubois (1868-1963) consacra sa pensée et
son action à la promotion des Noirs, convaincu que le
problème essentiel,dès'
le début du sièclelpassait par
"la ligne de couleur":
aux Etats-Unis, il "fondait la
"National Association for the Advnncement of Coloured People' '"
(N.A.A.C.P.) regroupant surtout des Noirs libérnux ou
.
modérés et qui arracha pnr des formes de luttes pacifiques
certains droits civiques aux Noirs Américains. Il hissa
rapidement le provincialisme des Noirs Américains au
sommet plus internationaliste du Panafricanisme. Incitant
les Noirs Américains à renouer avec leur source africaine,
il avait fini lui-@6me par adopter la nation~litê Gh~néenne.
--

- 153 -
Ici également, la problématique se pose en termes
de Renaissance des peuples africains. Il faut noter cepen-
dant èette caractéristique essentielle~ le projet de Renais-
sance est appréhendé sous son angle plut5t politique que
racial et culturel comme dans la Négritude: colninérit organiser
une Afrique encore dominée parce que déchirée, pour obtenir
défendre et garantir l'Indépendance politique e~ ééonomique
indispensable et nécessaire au développement tot~l des
masses africaines? Par la réalisation de l'unité Panafricaine
propose N'Krumah.
"Comment, si ce n'est par nos effforts réunis" les
parties les plus riches, mais toujours eBclaves de
notre
continent seront-elles libérées de la domination coloniale,
et pourront-elles contribuer au développement total de notre
continAnt 7••• Est-ce que notre Unité n'est pas essentielle
pour protéger notre liberté de ~~oe que pour assurer la
libération de nos frères opprimés, les Combattants de la
Liberté? N'est-ce pas l'Unité et l'Unité seulement qui peut
faire do nous une force assez efficace pour assurer notre
progrès et un~ contribution valable de l'Afrique à la paix
mondiale ? Quel Etat indépendant d'Afrique peut prétendre
que ses structures financières et ses institutions bancaires
sont uniquement et complètement aménagées en vue de son
développement national 1••• Aucun d'entre nous ne peut
isolémént atteindre son plein développement." (1)
1-
De 1919 (date du 1er Congrès Panafricain à Paris) à 1945
(année du 50 Congrès-à Manchester), il organisa de vérita-
bles Internationales Noires qui alimentèrent les luttes
d'émancipation en Afrique. Ce fut lors de Congrès qu'il
passa le flambeau du Panafricanisme à Padmore et N'Krumah.
-George Padmore (1903-1959), Noir originaire des Antilles
Britanniques, il lutta depuis le Congrès de Manchester (1945)
aux c5tés de N'Krumah dont il était devenu le plus proche
collaborateur. Il s'illustra par sa théorisation du Panafri-
canisme dans son ouvrage "Panafricanism or Communism ?" (1 95 5 )
Là, recherchant à constituer le "Gouvernement des Africains
par les Africains et pour les Africains" (préface du livre),
il invoque la doctrine de la non-violence et identifie~
communisme à une des formes du complexe de supérioritéœ
la race Blanche.
1_
N'Krtmah i11 dd ecour-e il la ffCC?nfé:r;ünco ~u ...ao nuc t ,desp~ys
indépendants a rr-Lc aans ,' Addis-Abé ba, Mai 1963

- 154 -
2) Signification d~)la solution panafricaniste:
le projet d'une double opération pour la Renaissance.
Le "Panafricanisme articule un ensemble d'idées
qui inspire et guide une pratique de libération ?es peuples
africains. De ce point de vue, il trace un pr-ogramme à réali-
ser en deux opérations dialectiquement liées:
D'abord une opération de réconciliation avec soi-
m~me, avec les voeux fondamentaux des masses africaines pour
réaliser la Renaissance continentale. En effet, "les masses
populaires africaines crient leur désir d'unité. Le peuple
africain exige que soient brisées les frontières qui le divisen~
Ce sont les objectifs du colonialisme qui nous ont divisé •••
Nos peupleG demandent l'unité afin de ne pas être dépouillés
de leur patrimoine, constamment menacé par les intér~ts néo-
. colonialistes. S'ils exigent avec ferveur l'unité, c'est qu'ils.
comprennent bien que seule sa réalisation donnera pleine
signification â leur liberté et â l'indépendance de l'Afrique.
C'est cette dé~ermination populaire qui doit nous inciter ù
réaliser une Union des Etats Africains Indépendants."(J)
Sans cette union vitale, "la résurrection de l'Afrique serait
compromise, peut-être, pour toujours." (2)
Ensuite, une opération de rupture nécessaire et
absolue avec le système de domination multiforme, par une lutte
continentale et unitaire, théorique et concrète qui constitue
le seul moyen efficace pour accomplir cette "résurrection";
.
1111 faut pour notre progrès éconoLiElue , qu'on en fin'sse avec
la domination colonialiste et néo-colonialiste" (3)
En s'engageant dans cette lutte pour la rédemption
de l'Afrique, N'Krumah appelé alors "l'osagyefo" (4), définit
les différents fondements et coltditions pour sa victoire
comme désaliénation totale et unitaire: à trois niveaux
1- N'K:r:umah in discours à la "conférence au sommet des pays
2- tHg~pendants africains. Addis-Abéba, Mai 1963
3- K.N'Krumah: "L'Afrique doit s'unir", 1963, Heinenmann,
.'"
~rad.
française, payot 1963
4- osagyefo signifie Rédempteur en Ashanti.
CZ.
. $ '
A

> Ji q
. . , (
....... $
,
4.
i.

- 155 -
dialectiquement liés, N'Krumah, visionnaire du Panafricanisme,
fonde la double opération (Réconciliation avec son propre mon-
de et rupture avec liatre-autre, dOQinateur) indispensable
à la réalisation d1une Renaissance Africaine.
a) Réconciliation et Rupture: fondements ~philosophi9ues
La philosophie inhérente à l'idéologie panafricaniste
est sans conteste une philosophie de la libération qui~se
comme prolégomène à toute Renaissance africaine, la totalisation
des différentes forces de rupture avec le système d'aliénation;
elle utilise les catégories d'analyse de la -::t()~·i:~tié 4tddG~la
dialectique.
Elle vise à fonder sur les ruines dos principes clas-
siques- de la domination coloniale ou néo-coloniale, de nouvel-
les maximes de libération: substituer à la philosophie de~op­
pression qui tend à " diviser pour régner" ou accorder l'indé-
pendance politique pour perpétuer et renforcer l'exploitation
économique, une philosophi0 . de type nouveau qui tend à coop-
donner toutes les ~ forces africaines pour rompre Je dyC"10 infernald e
la domination directe ou indirecte, politique ou économique.
Dans la réalisation de cet objectif, il faut établir
et défendre la prépondérance du "Tout" sur ses parties, de
l'ensemble sur ses éléments constitutifs: la totalité devient
une catégorie première par rapport à ses différentes parties
dans l'analyse des faits. Chaque partie ou élément tire sa
signification de son intégration fonctio~nelle dnns
la totaliœ ,
signification première et mère: "I!.Indépendance du Ghana n'aurait
aucun sens si elle nt0ta~ pas liée à la totale libération ~e
l'Afrique" (1)
De même , convient-il d'établir et de défendre la primau l§
et la prépondérance de la catégorie "relation" sur celle de
l'''~tre'', de la dialectique sur la logique métaphysique: chaque
élément constitutif de la totalité, se définit d'abord selon
ses rapports spécifiques avec les autres éléments et non pas
1- Discours prononcé par N'Krumah lors de l'accession à l'indé-
pendance du Ghana le 6 mars 1957.
4_
41.$.,
L4.:

-
156 -
selon ses qualités intrinsèques; la catégorie de la relation
\\1
dialectique permet ainsi de concevoir la totalité comme
1
\\1
un champ dynamique de fonctions complé~entaires alors que
t
1,
la catégorie de l'''être'' logique et métaphysique )le permet
,
1
de concevoir cette totalité que comme un alliage statique
\\i
et hétérogène.La première catégorie contrairement à la
i
seconde, sert à la Renaissance africaine car "aucun d'entre
nous (chefs d'Etat) ne peut isolément atteindre son plein
dévéloppe:l~nt." (1)
La dialectique de la totalité et de ses différentes
parties se fonde sur la dynamique de l'unité continentale
africaine et ses divers Etats encore dépendants ou déjà
indépendants.
Fixant ses racines dans l'histoire réelle,
cette philosophie de la totalité et de la dialectique démeure

cependant idéaliste car le projet d'unification révolution-
naire q ,'elle porte, démeure spéculatif, c'est-à-dire large-
ment autonome et:inconscient de sa base matérielle: contrai-
rement à l'analyse matérialiste et donc sci9ntifique qui
approche généralement les phénomènes dans toutes leurs
complexités historiques réelles, l'approche de l'unité
africaine ici, se fonde plutôt sur un certain idéalisme volon-
tariste et subjectif. Le projet tend dans ce ms à s'identifier
à une construction intellectuelle et utopique par delà la
riche complexité des contradictions sociales réelles. Ainsi,
le continent africain y est pris dans son ensemble et dans
une conjoncture générale de lutte anti-iLpérialiste impli-
quant en engagement similaire et repétitif aux niveaux v·
de tous les Etats pris individuellement. Dans ce continjum
homogène, les natures spécifiques des différents Etats dont
la destructuration peut engendrer un nouvel ensemble, sont
systématiquement occultées et sacrifiées dans une analyse
(1) Intervention de N'Krumah à la "conférence au sommet
des Etats Africains indépendants" à Addis-Abéba, Mai 1963
in Spécial Présence Africaine, 1964.
'"
.UIW
.i
l.JAI

- 157 -
uniformisante et unanimiste o~ la contradiction principale
n'est pas sai:ae dans ses différents aspec~s nécessairement
complexes et changeants, mais, par une déformation spécu-
lative, dans son aspect immuable. Cette philosophie, certes
implicité, éclaire mais ~ussi limite la valeu~des différents
fondements écononi1ues et politiques élaborés par Kwamé
NtKrurnah.
b) - Réconciliation et Rupture
fondements
économico-politigues.
Au niveau des fondements économiques et politi-
ques sur lesquels N'Krumah s'étend (1) plutet que sur
ceux culturels (comme dans la Négritude), c'est en partant
de la situation réelle d'une Afrique encore directement ,U
indirectement dominée, qu'il renoue avec le projet de Renais-
sance économico-sociale dont il propose les moyens surtout
politiques : ceux de l'unité panafricaine.
en N'Krumah, de "l'Afrique doit s'unir" (1945) au discours
à la conférence au sommet desmefs d'Etats en 1963 à Addis-
Abéba a toujours fondé la Renaissance de l'Afrique sur son
unification politique et donc sur une lutte de libération
politique. Il inspira, organisa et dirigea .les grandes
réunions panafricaines dont les principales furent :
- Le VIe congrès Panafricain à Kumasi (Ghana) en 1953
- La première conférence des Etats Africains Indépendants,
à Accra (Ghana), Avril 1958
- Le congrès constitutif du "Parti du Regroupement Africain"
(P.R.A) à Cotonou en Juillet 1958
- La première conférence des peuples africains, Accra,
Décembre 1958
- La deuxième conférence des Etats Indépendants, Monrovia
(Libéria) Avril 1959
- La deuxième conférence des Peuples Africains, Tunis
(Tunisie), Janvier 1960
- La troisième conférence des Etats Africains, Addis-Abéba
(Ethiopie), Juin 1960
- La troisième conférence des Peuples Africains, le Caire
(Egypte) en Mars 1961
- Le sommet panafricain d'Addis-Abéba o~ naquit "l'organi-
sation de l'Unité Africaine" (O.U.A) en Hai 1963
Il convient de signaler que N'Krumah a tenté une fédération
avec la Guinée de Sékou Touré en 1958 : "l'Union Ghana-Guinée".
A l'origine conçue comme le noyau des futurs "Etats-Unis
.
d'Afrique", cette fédération ne fonctionna jamais en réalité
e~, égard aux différences réelles (économiques, culturelles ••• )
qui séparaient les deux peuples et que les dirigeants'
avaient minimisées.

- 158 -
Les Etats africains pris individuellement sont trop
faibles pour assurer l'épanouissement économique et culturel
de leurs peuples face aux intér~ts rapaces des grandes puis-
sances impérialistes. Cette faiblesse liée à la balkanisation
du continent, oblige la plupart des Etats Africains à rechercher
2·,
leur sécurité et leur ballon d'oxygine dans des(~ccords
inégaux avec les anciennes puissances coloniales ou iCG
puissances néo-coloniales. Ces accords, dits de co~pération,
servent en réalité les intér~ts des métropoles, perpétuant
ainsi la dépendance ct l'exploitation des Etats Africains.
Ne disposant ni de marché intérieur suffisant, ni
de capitaux nécessaires, voire de possibilité de les accu-
muler, aucun Etat Africain ne peut tout seul sortir de
l'arriération économiques : "Aucun des Etats indépendants
d'Afrique aujourd'hui, ne peut isolémcnt poursuivre un déve-
loppement économique indépenà~nt, et beaucoup d'entre nous
qui llont essayé s~ sont presque ruinés ou ont'dn retourner
dans le giron de leurs anciens maltres colonialiste". (1)
.
L'indépendance dans les cadres étroits et sectaires
des Etats africains, contient en lui-m~oe son propre poison:
la division et l'atomisation stérélisantes. De cette façon,
la domination coloniale directe qui était politique, économi-
que et culturelle, se mue en une nouvelle domination, néo-colo-
niale, basée sur l'exploitation économique par delà l'indé-
pendance politique. Si l'Afrique veut réaliser une Renaissance
véritable, ellc doit continuer la lutte car "l'indépendance
n'est que le prélude à un combat nouveau et plus difficile
pour le droit de diriger nous-m~mes nos affaires économiques
et sociales, de bâtir notre société selon nos aspirations,
libérées du contrôle et des ingérences néo-colonialistes àla
.
.
-(1) N'Krumah prophétisa ainsi le cas de la Guinée qui après
avoir rompu en 1958 avec la France, a finalement été victime
de l'isolement et d'une nécessaire réconciliation avec son
ma!tre. N'Krumah parlait ainsi au"sommet des pays indépendants",
Addis-Abéba Mai 1963, référence déjà citée.
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.,AJ.··&M
9.3.
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..#.".1#.\\,.
;;c "4.*3.
,P;;;:lifil+kA*-é~.
:,.

- 159 -
fois inhibantes et humiliantes". (1)
L'analyse de N'Krumah
liant 13 Renaissance à l'unification révolutionnaire des
Etats Africains est approuvée dans une étude ou Samir Amin
conclut : "Il appara1t bien que toute tentative d'une poli-
tique de développement dans le cadre d'espaces é~onomiques
aussi restreints que ceux qui caractérisent les Etats de la
région est vouée à l'échec, car la rupture avec la politique
de priorité absolue au développement extraverti, impulsé de
l'extérieur y est pratiquement impossible". (2)
Pour N1Krumah, ce nouveau combat, bient qu'il
soit principalement dirigé contre la nouvelle forme de
domin3tion qui est essentiellement économique, démeure un
combat politique qui condense et oriente toujours les
options économiques et seule donc une Afrique politiquement
unie peut tracer et appliquer un programme de développement
(1) N'Krumah prophétisa ainsi le cas de la Gulnée qui après
avoir rODpu en 1958 avec la France, a finalement été victime
de l'isolement et d'une nécess~ire réconciliation avec son
ancien mat t r-e, ~'Kru~l1ah parlait ainsi au "sommet des pays
Africains", Addis-Abéba Mai 1963, référence déjà citée.
(2) Salilir Amin in "l'Afrique de l'Ouest bloquée" Ed de Minuit.
PARIS 1971, c~nclusion.
Samir Amin, économiste Egyptien,
Nassérien à une certaine époque, enseigne aujourd'hui à l'uni-
'versité de Dakar. Il appartient à cette nouvelle Ecole d'écono-
mistes des pays Bous-développés fondée en Amérique Latine
qui s'est distinguée par une ap~roche radicaleDent nouvelle
du sous-développer..:ent. Dans "II acculi1ulation à l'échelle mondialE!!
(Anthropos, paris 1970), fidèle aux idées de cette Ecole,liil
démonte comment le:
sous-développement des larges régions du
monde (les 3 mondes ou "périphérie") constitue la contre-partie
dialec tique du développement dttl\\tr..o.it'C$ autres régions (le "cen t.r e
capitaliste"). Cette compréhension nouvelle g~ide une théorie
n~uvell~ fondant le dèv e Lo ppemen t de la 1fï:>-~~.e- Il sur ~a .
necessalre rupture avec son "centre" contrairement aux theorles
bourgeoises capitalistes qui jusque là, fondent ce âéveloppement
sur le renforcement des liens entre la "périphérie" et son
"centre", le centre étant alors le mo d Le à atteindre en passant
è
par différentes étapes décrites par W;Vl.Rostow dans "Les étapES>
de la croissance économigues" (Cambridge1960). Nous disions
avec raison que la pensée de N'Krumah commençait seulement
de nous révéler ses richesses.
,"~".! .A.t.4.., J,
k t .

-
160 -
économico-social indépendant ;_" Lt uI),1 t é de' notre ..continent, cE
m~me que l'indépendance particulière de chaque Etat, seront
retardées, si elles ne sont pas complètement perdues, si nous
acceptons de
frayer avec le colonialisme. L'unité africaine
,
est avant tout un Royaume politique qu'on ne pe?t gagner que
par des moyens politiques. Le dévéloppement écomomique et social
de l'Afrique proo~dera de cette réalisation politique, l'inverse
n'est pas vrai. Les Etats-Unis d'Amérique, l'union des Répu-
blique Soviétiques socialialistes sont nées de décisions poli-
tiques prises par des peupl s révolutionnaires, bien avant que
ces Etats ne deviennent les puissantes réalités économiques
et sociales que nous connaissons." (1)
L'unité reclamée est l'unification politique, aeul
moyen qui puisse faire de l'Afrique une puissance, elle intègre
tous les Etats dans une seule nation continentale dirigée par un
gouvcrneocnt; central. Ainsi, la restructuration des Etats
africains selon les catégories de la totalité t de la dialectique
et dans l'optique de la libération, c'est la constitution d'une
force politiqu~, nécessaire et suffisante pour la défense etla
garantie de l'Indépendance réelle de l'Afrique entière. S'ins-
pirant des exemples américain et soviétique, N'Krumah esquisse
les traits d'une constitution panafricaine où les différents
Etats existants conBerv~raient leur suuveraineté, tout en délé-
guant au gouvernement continental le~pouvoir de décision dans
les secteurs vitaux: la défense, les affaires étrangère,
l'économie, les finances etc •••
Telle opération de Renaissance exige d'abord une récon-
ciliation politique interne entre africains, par larupture des
différentes barrières territoriales dréssées par le colonisateur
dans le but de 'aiviser pour régner", car Il le peuple africain
exige que soient brisées les fronrtières qui
le divisene~2)
Cette opération exige également une rupture externe anti-impériali~
te,
celle des différents liens organiques avec les ex-puissances
coloniales (accords de défense, monétaires, diplomatiques etc.)
et la libération de tous les territoires africains encore
dominés •.
Cette volonté politique permettra de restructurer}
les Economies africaines conformément aux intér~ts des masses
(1) K. N'Krumah in djecours precite.
(2)
Idem

-
161 -
et les catégories de la totalité, de la dialectique dans l'opti-
que de la libér~tion totale. Il faut â cet effet, constituer
une force économique continemtale et puissante, seule capable
de garantir l'indépendance et le bien-~tre économ~ques des for-
..
mations sociales 6 &:.ri,-"iIl8S : Il seule une Afrique'-Unie aveÇ
.
.
un gouvernement d'union, peut sérieusement mobiliser les ressources
ma~érielles et morales de nos Etats particuliers et les appli-
quer avec l'efficacité et l'énergie indispensables à l'améliora-
tion rapide des conditions de nos peuples ••• Les ressources
existent. Il nous reste à les mettre au service de nos peuples.
A moins que
nous n'accomplissions cela, grâce à nos
efforts
concertés, dans le cadre d'une plannification commune, nous
ne progresserons pas au rythme exigé et par les
événements
actuels et par
les aspirations de nos peuples." (l)
Pour ce faire, il faut opérer une réconciliation
économïque interne intégrant les différentes ressources dans
une structure totale de planmification continentale du dévelo-
pement. La puissance économique ainsi reconstituée donnera une
force évidente au güuvernement central pour traiter avec les
investisseurs étrangers qui ne
s'opposent pas aux intér@ts
de l'Afrique. Cette réunification tuera par ailleurs les germes
de division entretenus par et pour les intér~ts impérialistes.
Cette totalisation des forces économiques peut seule garantir
par ses structures unitaires fortes, un
développement indépen-
dant car, " il est important de se souvenir qu'un financement
indépendant et un développement indépendant ne peuvent être
réalisés sans une monnaie indépendante."
Il faut égalenent opérer une rupture économique ex-
. terne par la soustraction à l'exploitation impérialiste des
énormes ressources matérielles pour les reconvertir aux
intérêts de leurs véritables propriétaires qui sont les africains.
Si Il pendant des siècles l'Afrique a été la vache à lait du
(l) Discours de N'Kruroah à la "conférence aU6)IJ[Jet des pays
indépendants africains" op. cit.
(2)
Idem-
Jr,; .&tH.. lU. JiL'Q;4i4Q!#4/dM'*l!A,,·,p;q;)P;~".
§
A.
..... ,Ie,« ft

-
162 -
du monde occidental ••• il s'agit maintenant de développer grâce
à nos efforts réunis ces ressources qui sont devenu. juridiquernat
propriété des africains ••• A moins que nous puissior13réaliserde
vastes ensembles industriels en Afrique, ce qui ne pourra s'ac-
complir
. que dans urnAfrique Unie, nous abandonnpns uotre
pa~sannerie aux aléas du marché mondial des matières premières;
et nous devrons faire face à cette mOme agitation qui a renver-
sé les co aohf.aLf.st.e s ", (1)
La volonté politique d'unité éclairant une vote du
développement qW N'KruliJah hésite encore à qualifier de lIsocialiste ",
le pousse à proposer, conformement à l'idée panafricaniste "visant
à réaliser le gouvernement des Africains par des Africains pour
les Africains" (2), un ensemble d'institutions structurant
"l'Union des Etats d'Afrique". Cette union, il veut la voir
aboutir sans délais, convaincu que "dû nouveaux délais risque-
raient de renforcer les tendances à l'isolement. pourraiènt
aggraver nos divergences, nous éloigner toujour~ d'avantage ~s
uns des autres et nous conduire dans les rets du néo-colonialisme
au point que notre union ne serait plus r~en qu'un espoir éva-
noui, et que ce grand dessein,
la résurrection de l'Afrique, se-
rait compris, peut-~tre, pour toujours" (3)
N'Krumah propose
entre autres, la fortlation d'un" Gouvernement de l'union de
l'Afrique", d'un· "présidium des chefs de go-svez-nement.a des Etats
Indépendants ll , d'un comité panafricain des Ministres des Affaires
Etrangères"
et d'un Groupe a,fricain à l'O.N.U. Il définit:
une commission pour préparer une constitution panafricaine;
une commission pour élaborer un plan de développement socio-écono-
mique à l'échelle continentale qui in4clut un marché commun~ur
l'Afrique, une monaie africaine, une zont, monétaire africaine,
une banque africaine et système continental de communications
une commision ?our tracGr les lignes d'une diplo~atie commune;
une commission de défense commune et enfin une commission .
N'Krumah : discours à la "conférence au sommet des pays
indépendants africains" op. cit.
George padmore in introduction de "Panafricanisme
ou Commu-
nisme ?",
Présence Africaine 1960
N'Krumah in discours préè6té
~1
S'Ml
Xl _ . M.
, k..._
"MA
,. Q. ""

- 163 -
chargée de faire des propositions pour une citoyenneté afri-
caine commune.
~, .
Telles sont les thèmes essentiels du ''Panafricanisme''
chez NIKrumah : la réconciliation de la conscience négro-africGine
avec son propre monde, comme remède à son malheur, passe par
des étapes des ruptures, celles de la lutte pour la reconnais-
sance de soi,
Nous pouvons cependant mesurer les effets politiques
pervers de la philosophie idéàliste du Panafricanisme : pour
réaliser cette unité panafricaine, la vision uniformisante
w
continent inspire à N'Krumah des moyens politiques qui désservent .
souvent sa cause.
En effet, alors que le colonialisme et le néo-colonia-
.
lierne conjuguent des moyens idéologiques et violents pour
reprimer les ~dées et pratiques d'emancipation et d'unité des
peuples africains, NIKrumah préconise des for~&a
de lutte
propres au démocratisoe, au pacifisme et à l'humanisme po-
litiques. Faute d'une ancilyse découvrant les antagonismes
de
classe au sein m~me des formations sociales africaines, tous
les africains sont appelés indistinctement à
s'aligner dirrière
leurs bourgeoisies au pouvoir
au nom d'une communauté J et rùi.eux
d1une parentée raciale et géo-politique pour réaliser llunité
panafricaine. Tel humanisme au dessus des classes qu'elle récon~
cilie, renforce objectivement le pouvoir de ces
. bourgeoisies
dont la plupart tient et conserve sa position dominante grâèe
aux multiples liens organiques avec les ~'tropoles impérialistes~
Pire encore, cet humanisme abstrait prOne la "non-vio-
lence" dans les méthodes de lutte. De cette façon, N'Krumah tombe
dans le démocratisme. Largement inspiré par les méthodes de
lutte pacifistes des noirs Américains libéraux (1), il caract&rise
(1)
En particulier ceux organisés dans la N.A.A.C.P.

- 164 -
déjà la victoire de son Parti (le C.C.p) aux élections légis-
latives de 1951, comme la "p~emière victoire idéologique du
panafricanisme" qui prouve l'efficacité de l'o~ganisation basée
sur des méthodes non violentes. Dans plusieurs écrits (1) et
lors de la "conférence d'Action Positive" (2), il préconise
comme moyens de lutte, un ensemble de méthodes de résistance
légales et non violentes.
pétitions, manifestations pacifi-
ques, dialogue, appels à la bonne conscience, boycotts etc •••
N'Krumah se dit alors disciple de
Gandhi et cherche à cet
effet, à convaincre les peuples africains des vertus du
"Gandhisme Africain .• "
Ainsi, à l'adresse du colonisateur, le démocrate
petit-bourgeois:
tient encore un langage rassurant en faisant
appel à la bonne conscience humaine de celui-~i pour lui demander
"de s'abstenir de toute repression ou mesure arbitraire." (3)
Cette foi abstinée en la démocratie euro-chrétienne soutend
tous les discours et pratiques de l'époque, et dans la préface.
de son oeuvre (4) Padmore, dans la m~rne optique que NIKrumah
écrit" ce que nous critiquons dans la politique coloniale
britannique, ce ~·e~t pas qu'elle prQ!ass~~de
défendre l'automo-
mie dans le cadre du commor.'weal th, mais la non tenue de cette
promesse ••• Le résultat est que les peuples dépendants qui
seraient autrement des amis et alliés de la Grande Bretagne
devâ.enns rt ses, ennemis impitoyables. Ce ton quasi religieux laisse
en réalité les puissances étrangères renouveler et rendre plus
complexe le mécanisme de leur domination.
(1) '1 what l mean by Positive Action" ("ce que j'appelle l'Action
Positive"), Accra 1949
" Ghana : the Autobiography of Kwamé N' Krumah" (Nelson
1957),
trad. Française Presence Africaine 1960 : " Ghana: l'antobio-
graphie de Kwamé N'Krumah"
(2)
Conférence tenue à Accra du 7 au 10
Avril 1960
(3)
Tiré d'une des résolutions de la première conférence des
Etats Indépendant~ tenue à Accra en Avril 1958
( 4} Panaïricanism or cocnunism ? The coming S\\r~ggle fœAfrica",
Dobson, Londres 1956. Traduct. Française "Panafricanisme
ou co mmunf.smo ? "
Q,
4 ' m. 4I4b&

1 6 5
C'est just c " ' € l1t
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~trangère et ~e ln r(ristA~cc ries forces Bocielcs national-
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T:Lsation C:lob~lc :ir~ pruCeSEnlS ~:e ll(:nai.SG,'l1Ce (1,1'10 le !!Cons-
cinciDMe: Philosophie et I~601orie pour la J~colonisatiün
.::t le dévclo!;;")eme~t avec une r6 féI'nc 0 T)articulière [', Ir. Révo-
.
lut.l~n ' f ' ~'r
"
ArJ.C'.,Lle
• (1)
B - E~~APJ~ )jE TRANSITION : LA PHILDSG?J/I"B :I)U "COHS-
CIE7'TCISME", IDEOLOGn~ GENEl{A1B lm )JA lUjj.\\fAISSANCE NEGRO-AFRI-
CAIN}~ EN CONTINuITE.: ET EN RuprrUHE AVEC LE NATIONALTSlitE PE~r~­
BOUHGBIDIS.
1 - Probl~matique:
Cornnerrt réscU(~re CO~l["'e une (;,oublo opération théoriqI:te et
pr-at.Lque , néce,sse.ire pour une vérttable Rcual snanc e Afrjc:üne,
les cantrar1ïct'ï.ons réelles don t est cousu le milieu soc I a'l
af'r'Lcaf.n , ayant pour corollaire la crise' de la ccnsc t.enc e OÜ
de La pe r sonnaâ t té p.f!:'icHine ?
COl'tlTl€l'lt
donc oi'ganls.er cane cpt ue l Len.r.rrt ct conc r'è Ler orrt
"les"forces qui pen',ottront à la G0ciété af'r'Lc af ne ri' aS8ini-
1er les él,]me'-lts o cc i rlerrt aux ,
rrus uLcans et 6uro-cf1..rétlcns pr(~­
sents en Afrique et ra les tra.nsforIJer de façon qt!' ils s'insè-
r-e.rt dalls la pcrsonnat f t
af'rLcaf no"? (2)Ce C}'ü r-ev.i errt à c.he;:-/.
é
cïle~
(1) "Le Consciencismc"(19G4, Deinewann) 1~rc trBd. Franç., Payot
J.;'?1~i~, 1964. 2° E(l. Franç., Zr;. Prés. AFric., 1976.1ious -lOUS 80;,1-
'.
J
~'. 'f' ,
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t t
d
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1
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r{le~ :ro e re s a ce" c
eruac re Cul .a on , c onva.i 'lCU quo ma [:;re . a
note introc1ucti ve de il' }~rumah lui-I:lê~e, le "Oonec enc Ler-e
â
Il
C0"'1-
serve La même charpente et renferme les r.:.~mos cont.rae Lct tons et
l1rnl tes iDéolo.:::iq·,.les pRr conséquent. Sitpalons é(;ale':ic:ilt (11:e le
ti ür-o original ('e l'oeuvre est: "Consciencism, phf Lo sophy and
ir1 co l013Y ~or clecoloni ~at ion and cl e vcLopne mcrrt J \\'.li th parti cu lâr
reiercl1ce to the AfJ:,.ican Revolution".
(?) - X. N'krumeJl : "Le Conac.l c noLamo n Op. Cit. p. 98.

.. 166 ...
par quelle voie, "partant de l'état actuel de ~a conscience
africaine ••• le progrès sera tiré du conflit qui agite actuel-
lement cette conscience 1" (1)
A ce problème de la Renaissance Africaine comme
re-personnalisation du nègre, le "consciencisme" apporte une
solution. Le "consciencisme", philosophie et idéologie pour
la décolonisation à toutes les instances de l'édifice social,
est une grande entreprise d~'synthèse révolutionnaire pour
systématiser un corps de principes philosophiques et idéolo-
giqueé .q,ui éclaire un ensemble de pratiques poli tiques
c'est une théorie générale de la réconciliation de la
philosophie avec l'histoire, et sa pratique spécifique et
,
historique en milieu négro-africain comme théorie et pra-
tique de la révolution sociale.
2 - Signification du consciencisme à travers l'ana-
lY3e de ses articulations essentielles :
a) - Les éléments structuraux de la doctrine :
nature et statut de la philosophie et de l'idéologie dans
toute société.
N'Krumah a voulu par le "consCiencisme", fonder
une doctrine de la "Rédemption" continentale qui oriente
la lut te d'émancipation des 'peuples africains en général, dl
peuple Ghanéen en particulier, lequel était organisé dans
le C.P.P. (2)
Il fonda ainsi l'idéologie de la Révolution
sociale sur une philosophie solide de libération, réconci-
liant la philosophie et l'histoire africaine. Toute sa pensée
s'articule ici en un système structuré en trois volets essen-
tiellement : philosophie, société et idéologie.
(1') Kwamé NI Krumah .in "Le consciencisme" (Heinemann 1964),
~rad.française par starr et Mathieu Howlett, Ed.Présence
lfricaine, Paris 1976, P.98
(2) C.P.P. = "Convention People's Party" : Parti populaire
·de la Convention.

- 167 -
1 - La réconciliation de la philosophie et de
l'histoire s'effectue dans et par l'idéologie ::
Dans une vaste enqu~te sur l'histoire de la philo-
sophie, N'Krumah démontre comment: dtune part. le devenir
monde de la philosophie est directement ou indirectement un
devenir idéologie de la philosophie; d'autre part t comment
le devenir philosophie du monde est également un devenir
philosophie de 11id~ologie.
En effe~, remontant jusqu'aux origines grecques
de la philosophie, N'Krumah éclaire les rapports complexes
entre les sytèmes philosophiques et les milieux soci-histo-
riques où ils naissent. Convaincu, mais sans ~n expliquer
les causes fondamentales, que les universit{~ européennes
contempor~ines ont trahi le projet originel de la
philosophie en formant des "empailleurs de concepts", i l
invite les intellectuels africains à renouer avec l'intention
originelle de la philosophie : le dévoilement intégral du
réel qui s'est toujours concrétisé par l'engagement passionné
des plus grands philosophes dans la réalité sociale.
de leur
temps pour y défendre le juste, le vrai, le bonheur au service
de l'homme. Dans sa retrospective philosophique, N'Krumah
découvre cet humanisme militant sur le~uel il fonde son projet
de réconcilier en Afrique la philosophie et l'histoire :
'''L'étude critique des philosophies du passé doit déboucher
sur l'étude des théories modernes, car celle-ci, issues des
luttes contemporaines, sont·vivantes et.militantes". (1)
Remontant aux origines théologiques de la philoso-
phie dont le Moyen-Age Européen fut une bonne illustration,
alors que les préoccupations sociales matérielles étaient
soumises à l'ordre c13rical, "le principal souci de la
<15 N'Krumah in "Le conscLenc Lame " opv cd t p. 13
/'


- 168 -
philosophie fut aussi d'élucider la nature de D~eu".(1)
(
A cette primauté des besoins immatériels et ~pirituels
sur ceux matériels concrets. correspondait alors l'hégé-
momie politique des pr~tres : ceux-ci extrapol10 "ent leur
interprétation théologique de la nature aux faits sociaux
pour expliquer et justifier les inégalités social~s par
la Divine Providence. Le théocratisme s'est toujours carac-
térisé par son aspect tyranique puisqu'en légitimant le
pouvoir clérical par la Volonté Divine, les citoyens sont
privés du droit, sous peine de conncttre un sacrilège, de
le contester:
"Quand les pr~tres sont en place et ont
seuls le droit de transmettre la volonté divine, quand ils

Sont seul~: qualifiés, par vocation et par grâce,~ pour dévoiler
les desseins de la Povidence, les inégalités sociales app~­
raissent et les:confirment dans ce r5le exclusif. Et, comme
on croit que leur pouvoir leur vient de la volonté divine,
il devient difficile de le me~tre en quastion. Il se trans-
forme donc en un autoritarisme qui, s'il ne rencontre pas
d'obstacles, peut finir par se traduire par la pire des
oppressions. L'histoire des sociétés dans lesquelles les
pr~tres se sont emparés du pouvoir politique illustre abon-
damment cette tendance". (2)
C'est.instruit de cette tendance à l'oppression
d~ pouvoir théocratique, que ~'Krumah en arrive à dénon~er
~'ut1lisation des croyances et pratiques rél~gieupes à des
fins
politiques dans l'Afrique contemporain~ où nombre de
mouvements politique rev~tent et exploitent un caractère
mi-réligieux. En exploitant cette religiosité des masses
nfricaines qui est d'ailleurs liée à leur arriération 6JOnO-
mique et technique, les dirigeants politiques courent les
risques soit de mobiliser des forces obscures qu'ils ne
pourront p~us ma1triser, soit de renforêer, l'obscurantisme
et le fatalisme au ~liTeau des masses, ce qui le~!
permettra
(,) N'Krumah i:l\\ "Le consc~encisme" op.cit p. 43
(2) Le "Consciencisme" P. 45
--

- 169 -
d'exercer comme dans les
théocraties, un pouvoir arbitraire qui
sera nécessairement partagé avec les autorités réligieuses (1). On
le voit, cette tactique crée plus de problèmes qu'elle n'en·
résout: .. Cette tactique ••• freinera les progr~6 du peuple
dans le domaine de la conscience sociale. A la longue, en outre,
une opposition entre l'Eglise et l'Etat renaitra du fait queœ
qui avait commencé par ~tre un mouvement tactique sera devenu une
position de retranchement ••• Il est essentiel de souligner, à
propos de la condition historique de l'Afrique, que l'Etat doit
être séculier." (2)
Revenant aux or1g1nes théologiques de la philosophi~,;
N'Krumah étudie, comment l'aristrocratie héréditaire d'avant
Thalès, composé essentiellement des propriétaires terriens, trans-
forma les anciens cultes claniques en
sacerdoces héréditaires ~
et reçu le pouvoir de rendre et d'éxécuter à d~scrétion les sen-
tences notamment contre les personnes accusées d'homicide. Avec
le dévloppement, de la propriété privée, grand!t la tentation
d'homicide pour ceux qui voulaiènt par là, s'assurer cette
propriété par héritage.
(1)
La dénonciation de Kwamé N'Krumah garde encore hélas toute
sa portée aujourd'hui en Afrique ou les croyances réligieusesaont
une dimension importante de la vie politique. Les classes dirigeantes,
avec l'appui des chefs réligieux, invoquent sans cesse la réligion:
- Pour justifier leurs échecs: la famine qui sévit au sahclest
essentiellement un échec d'adaptation de l'homme à la naturewite
au développement d'un système d'agricultùre capitaliste destructeur
du milieu physique et orienté vers l'exportàtion. Ce fléau social
aux causes économiques et politiques a été justifié comme étantune
colère de Dieu. Ici et là, les fidèles ont été appelé à redoublé'
donc de ferveur.
- Pour solliciter le bulletin des électeurs car les chefs réli--
gieux et ,traditiânnall~ orientent généralement l'électorat des
compagnes où résident la majorité des électeurs.
- Pour briser les luttes travailleurs: en 1968, le pouvoir
Sénégalais fit appel aux chefs des différentes confreries réli-
gieuses (dont les puissants mourides producteurs de la principale
denrée d'exportation du pays: l'arachide) pour briser la grande.
grève
nationale
des travailleurs.
Dans tous les cas, il s'agit de gagner l'adhésion des masses
en développant des arguments réligieux qui, avec ceux del'ethnicisme,
constituent les deux types de ruse dont se servent les clasaesdiri-
geantes pour se maintenir à leurs places. IL n'est donc pas
étonnant que les chefs trad~tionnels et réligieux, sans avoir ŒS
charges administratives ,SGltL:ill'clargement entretenus aux frais de
l'Etat.·
~.
'
(2)
Le conscicncismc P.
23
,
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_ 0 p"" AMt . )":+=4;
'G.i.
•.
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- 1:(.D-
f{,)US
voyons encore ici c ornnent 1: arbi traire SE: justifia il al'
:la réligion car "le pouvoir de l'aristocratie sacerdotalorepoSait-
~,u!" ~.,:: ,~:r::~yan.ç8 quo ce ux .Qu~, c~o.rn,~~tta~ent ~ceFtaD:s. c.tirm~~ ~~-~,:.",:J-
',";"'.
...... ' ~1!~.e'.. '-J1loral>e·$a'Cred"e .1:(,Jù7---
-
-
4''''''''''''°'
soc±eté,et que, sous peine de grand risques pour la commu-
nnuté entière, il fnllait qu'ils expiassent leurs crimes
pour en ~tre absous".(l)
Mais, à l'époque de Thalès, le pouvoir politique
éta~r
entrain de passer entre les mains de l'oligarchie
commerçante. La prospérité de la classe dominante n'était
plus fonction des travaux agricols mais de la productivité
individuelle, en l'occurence le succès dans le commerce·
maritime. Autant la dominance des activités agricoles favo-
risait le recours à des explications mystérieuses ou surna-
turelles et aux rites sacerdotaux, autant la pré~ondérance
nouvelle des activités commerçants recourait à des explica-
tions matérialistes et humaines aux dépens des dieux et ~es
pr~tres4 Pour N'Krumah, Thalès enregistra et théorisa cett€
tranEi)rmation historique concrète : "Dans son I~nie natale,
le pouvoir politique était entrait! de tomber aux mains d' une
classe cJmmerçan~ qui avait intérêt à ce que se développassent
les techniques maritimes de production, car de ces techniques,
dépendait la propriété ••• La montée do la classe commercante,
qui s'appuyait sur les arts mécaniques plus que sur le rituel,
tendit à reduire l'importance sociale du pr~tre et favorisa
l'individualisation de la réligion grecque. C'est cette dimi-
nution de l'importance du pr~tre que Thalès sactionna en se
passant complètement des dieux pour expliquer les phénomènes
naturels et sociaux."(2)
Thalès aurait ainsi opéré une double révolution :
d'abord en remplaçant la conception théologique du monde par
une explication naturelle des fhénomènes, ensuite en affirmant
-~Ue l'unité de la nature résidait non dans son essence, mais
dans sa matérialité qui est l'eau.
Sapant les bases idéolo-
giques du théocratisme, il fondait un monisme matérialisto qui
-(1) Le consciencisme PP. 46-47
(2) Le consciencisme PP. 45-46

- 171 -
féconda les principes d'égalité et de justice s0ciales : si
tout est dérivé d'une seule et même matière, si tous les
biens peuvent s'échanger grâce à un dénumihateur commun, il
existe donc une identité f~ndamentale entre les différents
~tres. Sur le plan sJcial, ce principe métaphysique se con-
crétise dans l'affirmation ~t la défense de l'égalité et de
la fraternité fvndamentale de tous les citoyens. Mais si
Thalès défendany l'unité de la nature, inspira les idées
~
d'égalité et de justice, celles-ci furent récupérées et
transformées en leurs contraires car "Thalès accordait évi-
demment une primauté à l'eau, et, sur le plan social, cela
pormettait tine structure de ~lasse. Sa philosophie inspira
do~ simplement une sorte de révolution bourgeoise et
démocratique (où existent les inégalités sociales), et non
.
une révolution socialiste ll(1) qui était la suite logique
des idées révolutionnaires de Thalès.
Ce fut surtout~éraclite qui développa le principe
actif de justice: les profondes secousses et crises qui
subissait la société Gr~cque lui inspirèrent l'idée de la
lutte universelle des contraires. Partant de llidée que tout
object est un lieu d'équilibre instable de tensions opposées,
il en déduit le caractère nécessairement dynamique des lois
sociales : "On peut voir qu1Héraclite concev.ait la société
comme un dynamisme dans lequel, de la lutte des contraires,
jaillit un accord. La société est une révolution:~3rmanEnte •••
L'évolution par la révolution est, pour Héraclite, la p1~rrc
de touche du pI"Wigrès". (2)
(1) Consciencisme P.48
(2) Consciencisme P.51
$.,

-
172 -
Ab~rdant la philososphie d'Anaxagore où les êtres
sont des "semences", où chaque "semence" contient tuut
l'éventail de diversités qui axâ s t.errt dans le '~macrJcosme",
et uù chaque objet particulier n'est qu'une agfégation
mi.nf.at.ur-Laèe
àe toutes les "serJences", N'Krumah y décèle
une théorie de l'urité de la nature qui permet de poser
et de réaliser sur le plan social le "principe socialiste
de la responsabilité de chacun envers tous et tous e~vers
chacun." (2) C'est Protagoras qui définit la valeur intrin-
sèque de chaque "semence" ou de toute cb{.se: il transféra
des mains divines aux mains humaines la propritté et l'évo-
lution de tous les 8tres dû l'univers en soutenant que
l'homme était la mesure de toute chose. Mais, ce principe
profondément humaniste dégénéra vite en un subjectivisme
idéaliste et anarchiste chez les sophistes. C~ez e;ux, cette
doctrine se mua en'un solipsisme qui niait tout fondement
public et o b jec t Lf de la vérité,~...':~~ dépendre finalement
toute chose de la volonté subjective et détruisant ainsi les
conditions de cunsensus mini~al indispensable à l'existence
de t0ute société. Ainsi, "ce qui avait été un effort pour
sauver la société en lui donnant~Unl~n~lim~~tirmantl'unité ~
la fraternité fondamentales de l'homme, menaçait désormais
de détruire cette m~me société. Il fallait absolument distin-
guer l'égalitarisme de l'anarchisme, car l'anarchisme est
l'expression pulitique de l'idéalisme subjectif." (3)
1- Consciencisme P-51
2- Idem P-53
3- N'Krumah in Consciencisme P-54

- 173 -
Socrate critiqua cet avatar de la philosophie dept6ta-
gO'X:2..S en
dé/endant l' égali té fondamentale des hommes : dans
le "Hénon", il démontra ainsi comment tout homme pouvait ntLtnilldre
les vérités les plus abstraites les plus hautes,
pourvu que
son éducation
fut bien menée. N' Krumah dénonce a;~nsi " la t.rah Lso n
de platon", lequel contrairement à son maître
ét~blit
t
les fonde-
ments philosophiques de l'inégalité fondamentale·
. entre les
hommes, et partant, de la nécessité de l'oligarchie socio-politi~
que : "Il e s t Lmad t q.ue certains
hommes avaient plus de raison
que d'autres et, bien que l'instruction pUt, jusqu'à un certain
point, les cacher, ces différentes devaient se révéler à partir
d'un certain stade d'enseignement soigné: pour lui, ces diffé-
rences quant au niveau d'intelligence impliquaient une division
naturelle et une hiérarchie parmi les travailleurs, chaque
homme étant naturellement fait pour certaines [.p\\'t."r:I:~VI~, le moins
intelligents n'étant en fait capables que de travaux serviles."(1)
pour~laton, la vérité ne pouvait être atteintë que par
la raison supérieure des intellectuels auxquels il convenaitde
confier donc la: direction du pouvoir politique et social. Cet
ancêtre du tthnocratisme fondait ainsi le tatalitarisme desmtel-
lectuels sur leur supériorité naturelle qu les rendait seuls
aptes, à perçevoir le vrai, le juste par delà les visions bornées
du peuple car, '~_pour être str que la vérité serait vraiment'
hors de p~rtée de la majorité, platon la déposa dans une banque
céleste. Il ,ppela ses vérités "formes" et en fit la . Spee. r,-o, fi.
population d'un ciel fantomatique." (2)
.e~ f~J la théologie chrétienne Si empara du platonis-
me pour appuyer sa distinction entre
un ordre céleste divin à
un ordre terrestre humain. Le platonisme devint l'idéologie de
la suprématie et de l'oppression
papales et aristocratiques.
Mais le p La.tonf.sme fut abandonné au profit de R'4\\ÎHotélisme avec
le déclin du pouvoir poli tique du pape :"
"Alors que le pap.c
(1) N'Krumah in consciencisme pp. 55 - 56
(2) Consciencisme PP. 61 - 62
.l

- 174 -
avait été l'égal de Charlemagne, son collègue en quelque sorte,
il fut remit à sa place par othon 1er dès que celui-ci monta
sur le trene. Il fut 1iI~I:ile obligé d 'Othon~ •• L' empereu r faisant
ainsi figure de protecteur du pape, toute la question des rap-
ports entre l'Eglise
. et l'Etat fut énergiquement posée ••• Il '1:)
Ce divorce
du pourvoir réligieux d'avec le pouvoir séculier,
contraint l'Eglise à se détourner du platonisme ~pour l'Aristotélisme
qui
lui permattait de faire des concessions à la Renaissance
dont la sécularisation du pouvoir n'était que l'aspect politique:
précisant que l'individu isolé ne pouvait atteindre qu'une partie
du ''Vrai'', du
"Bien" dont la saisie intégrale exigerait la
collaboration de tous, Aristote rejetait l'anarchisme et fondait
l'Etat sur l'interpépendance d'hommes poursuivant le m~me but.
Il ouvrait par là-m~De
une collaboration possible entre ledergé
et l'Etat à un moment où l'homme connaissaitun regain d'impor-
tance sociale. Cependant, m~Iile en rapportant les "formes" surl3.
terre, re sti tuant une certaine forme de déoocratie, Aristote
demeura victime des m~mcs limites et conceptions platoniciennes:
~
tous conçcvaiont la société comme une entité statique. En outre,
Aristote (repris sur ce peint par Kant à travers ses catégories
~ priori) en déterminant dans son système logique des catégories
et concepts généraux, fondaDent~ux et iOliliablé ~
par
lesquels
seuls nous pouvons dévoiler l'intelligibilité du conde, ignora
la dialectique dans le processus de connaissance.
Dans la philosophie moderne, N'Krumah souligne l'empire
grandissante de l'i4dividualisme capitaliste. L'individualisme
compris dans son sens huoaniste mènerait, selon lui au socialisme
quand \\1 se fonde non seulement sur le principe de l'égalité fun-
damentale des individus, mais surtout la pratique sociale qui
déf~nde effectivement l'égalité des droits et des indivus excluant
toute exploitation. L'individualisme
bourgeois Se contente de
prôner une égalité abstraite de! induvidus qui se trahit en Jra-
tique par une exploitation dds uns par l~s autrvs. Ainsi stuart
hill qui louait la liberté
économique égale chez tous les citoyens
(1)Consciencisme P.
59
V."
_,Q
.p,t

- 175 -
dans un contexte social d'inégalités et d'exploitation, fondait
inévitablement le droit de l'individu capitaliste à.
exploiter
ses ~~. Cet individualisme
renforçait 1'I1sprit de œmpé-
tition
et l'ambition personnelle. Il motiva le travail pro-
ductif et l'accumulation capitaliste. L'oeuvre de Locke théorise
également cet individualisme où chaque homme " armé de ses droits
naturels et inaliénables, est Lâché contre tous les autres" ( 1)
Aux termes de ce long voyage philosophique, N'Krumaha
pu confirmer sa thèse selon laquelle la philosophie plante ses
racines dans le réel, "qu'il Y a un confit social, implicifé ,
dans la pensée des phâ Loso ph.e.s , comme je l'ai indiqué plus hart
l'histoire de la philosophie bénéficie soudain d'une transfusion
de sang et surgit à la vie ces philosophi~se présentent inJitu~~1
non comme des systèmes abtr i~s et éthérés, mais comme des armes
,
intellectuelles à usage social. 1I
Consc~emmént ou inconsciemment, la philosophie se rap-
ror~e toujours aux problèmes réels; en réconciliant donc l'histoire
de la philosophie et l'histoire des sociétés, N'Krumah nous fait
comprendre que le devenir philosophie du monde est aussi le devenir
idéologie de la philosophie: quand la philosophie, au niveau
conceptuel, confirme ou infirme l'odre social existant, elle
devient Il un des instruments subtils de l'idéologie et de la
cohésion sociale ll (2)
En effet, une idéologie, dès qu'elle est expliquée,
ratonalisée et conceptualisée, devient une philosophie selon -
N'Krumall: " c'est l'idéologie qui donne une forme au mf.Lf.eu eoc LaL
qui déëoule de la revolution ••• La formulation, l'explication et
l'apologie théorique d'un tel principe constituent, collectivement,
une philosophie. La philosophie par conséquent, reconna1t qu'elle
est un instrument idéologique. (3) Cette fonction sociale,
(1) Consciencisme
p. 66
(2) Consciencisme
p. 69
(3) Consciencisme
p. 84
(4) consc ie ncisme
p. 73

- , 76 -
la philosophie la remplit de deux façons :
D'une part, en prenant la forme d~une philosophie
politique ou morale, la philosophie définit ouvertement un
projet de société et un corps d'idéaux proposés à tous les
membres d'une société donnée. Ainsi, "la République" de Platon
fonde théoriquement un certain ordre social dont l'application
pratique ferait appara1tre une société hiérarchis~ en trois
"
couches fondamentalement inégales: les intellectuels, les
soldats et la populace.
D'autre part, quand la philosophie "énonce uneaffir-
mation théorique et générale, dont une théorie socio-politique
particulière constitue le parallAlell(l) Ainsi la monadologie
Leihnitzienne correspond à une démocratie capitaliste et
individualiste bourgeoise à l'image m~me des monades indépen-
c\\.}\\,re..Sles unes des autres. C'est en ce sens que N'Krumah"·"_.•
aux termes de son étude des différents systèmes philosophiquœ~
, ,~. ;.... ,
établi t la loi selon laquelle "l'idéalisme (tel le. Plato!lisme)
pousse à l ' oLf.gàr-chf.e , Ee matériali~me (tel le monisme :,de
Thalès) pousse à l'égalitarisme"(2)
La philosophie apparaissant comme la plus haute
réflexion sur l'expérience humaine, na1t de ~~ monde et y
retombe sous la forme dl une idéologie c'est-à-dire (comme nous
le verrons), un ensemble d'idées n'ayant pas une valeur rigou-
reusement philosophique, mais qui incitent plutôt à l'action
sociale. Ainsi "la philosophie surgit toujours J'un milieu
social et ••• un conflit social y est toujours présent, soit
explicitement soit implicitement. Le milieu social affecte
le contenu de la philosophie, et le contenu de la philosophie
,-
cherche a affecterle milieu social, soit en le confirmant,
soit en s'y opposant. Dans l'un et l'autre cas, la philosophie
a quelque chose d'une idéologie, Dans le cas où elle confirme
le mili~u social, ~ll~ a qU01quo chose de l'idéologie de la
société ~n question.Dans l'autre cas, où une philosophie
s'oppose au milieu social, elle a quelque chose de l'idéologie
d'une révolution dirigée contre elle. On peut donc dire que
(1) Consciencisme P. 84
(2) Con~ciencisme P. 92
• Ii"
_
__~~_._~"'U

- 177 -
BOUS nn aspect social,
la philosophie met en avant une
idéologic".(1~
.
A contrario, le devenir philosophie du 'monde est
un devenir philosophie de l'idéologie on ce sens que le -
systèDe des idées et représentations spontannées du réel que
N'Krumah idenfie à une "idéologie implicite", ne peut ~tre
véritablement rationalisé et fondé que dans et par la' 1·
philosophie. Le souci de fonder une idéologie révolutionnaire
sur une philosophie africaine solide, guide la recherche de
NIKru!ilah : "Il faut donc une idéologie nouvelle, capable de
se cristalliser en une phil, .. ophie, mais ni abandonnant pas
les principes hunanistos de l'Afrique. Une telle position
philosophique surgira de la crise de la conscience africaine
confrontée aux trois courants 4e la société acttielle, Je"
propose d'appoler cotte position consciencisme philosophique,
car c'est là la ~hilosophie qui nous donnera le fondement
théorique d'une idéologie ••• "(2) ; l'idéologie nouvelle, Il
nous faut maintenant préciser le sens de l'idéologie, autre
élément structural du systè@e consciensistc.
2 - NATU~T STATUT DE L'IDEOLOGIE. LIEU DE LA
F$CONCILIATION DE LA PHILOSOPHIE ET DE L'HISTOIRE
De l'étude de sa nature et do son' statut, i l appa-
rait que l'idéologie, chez N' KruLmh, est un corpus d,',1dées,
de représentations et d'images collectives, codifié ou oon,
explicite ou implicite, et dont la fonction essentiellement
socia1econsi~tQ l'à apporter un ordre spécifique dans l'ensemble
de la vie de sa société.
La na t ure de l'idéologie se saisit daris U:l système
d'images et de principes qui se caractérise po.r sa cohérence,
la compatibilité de ses divers é1émon~ son aptitude à rendre
,
}
coopte de la totalité des ph~nomènes sociaux. S'il n'est pas
nécessaire que le systène soit consigné dans dos ouvrages,
(1) "Co nac Lenc Lsme" P. 89
(2)
Consciencisme
P. 72
Lt&s.MlU. •=AAW... .;;* $* ;Qifi.l .• )010 . >.."'''''''..........

- 178 -
il est nécessaire et D~me indispensable que ses principes
soient cohérents afin de fournir une explication rationnelle
des phénomènes sociaux vus sous un angle donn&~; qu'ils soient
(
conpntibles pour ne pas se contredire, qu'ils soient exhaustifs
pour rendre intelligible toute la gaome des faits sociaux.
Donnant ainsi une certaine conpréhension du réel social, ils
servent de fil conducteur grâce auquel tous les meQbres de
la société(diriSQants et dirigés) peuvent orienter léurs
efforts de dévelC>Pllement.
Suivant que la so~lété est corJDunaliste ou scindée
en classes, une ou plusieurs idéologies se rivalisent l'inter-
prétation juste des contradictions sociales ainsi que l'adhé-
sion de§ masses. N'Krumah reconnait par là, que la lutte
idéologique n'est qu'un prolongenent de la lutte socio-
politique j'il exprime dans un langage inspiré du Marx isme,
comment la clapse dominante éconoqiqueQent et politiquement
est celle qui domine aussi dans la production des idées :
"Dans chaque société, il y a au moins une fraction militante
qui domino cette société.
Dans les sociétés communalistes,
cette fraction dominante a ses principes fondamentaux, aes
doctrines sur la nature de l'homme et le type de société
qu'il faut créer pour l'homme ••• Dans les sociétés où il y
il
des idéologies rivales, il est toujours courant que l'une
d~!l:ùl~$ domine. C'est celle du groupe dirigeant."(1)
Lü statut de l'idéologie consiste à assurer la
reproduction des conditions idéologiques de la reproduc-
tion ou de la révolution d'un ordre social et d'une "cohésion
sociale" donnés. En tant qu'idéologie du groupe dominant,
elle défend l'ordre social existant. En tant qu'idéologie
d'un groupo dominé, elle tend à révolutionner l'ordre existant
pour installer une "cohésion sociale nouvelle". Dans l'un et
l'autre cas, l'idéologie se presente toujours comme l'instru-
ment de l'intérSt général de toute la sociétt.
(1) ConsciencisDa P. 73

- 179 -
"Bien que l'idéologie soit la clé de l'identité interne
de son groupe, elle est solidariste d'intention. Une idéologie,
en effet, nv cherche pas
simplement à unir une partie du
peuple; elle cherche à unir l'ensemble de la société dans -
laquelle elle se trouve. Ses efforts concernent certainement
l'ensemble de la société, quand elle domine, Car, outre'
qu'elle cherche à définir des attitudes et intentions cummunes
.. ,
à toute la société, l'idéologie dominante est ce 4Ui décide,
à la lumière des circonstances, de la forme que prendront lJS
institutions,et de la direction à imprimer aux efforts communs~' (1)
Pour remplir sa fonction, l'ideologie recourt nécessairement
à des instruments de coercition qui sont de deux types chez
N'Krumah
- D'abord un ensemble d'instruments intellectuelsde
coercition qui sont au nombre de trois: la philosophie,
l'éthique et la théorie socio-politique. Ils établissent une
"liste de comportements politiques, sociaux ct moraux
telle
que, si un comportement n'y figure pas, il est incompatible
avec elle" (la société) (2)
- Ensuite un ensemble d'instruments de Coercition
qui sont des apV~eils idéologiques, des institutions socia-
les ayant pour objectif la diffusion et la défense de l'idéo-
logie dominante" A co niveau N'Krumah cite souvent le "parti
politique" et l'''Ecole'' COIlUle véhicules et instruments les
plus importants de l'idéologie. (3)
(1) Consciencismo P. 73
(2) consciencispe P. 77: la philosophie du consciencisme est
l'un de ces instruments.
(3) Les principaux appareils idéologiques de l'Etat Ghanéens
fondés par N'Krumah étaient au nombre de quatre
- a) Le C.p.P., parit d'Education politique de masses
-b) Le B~reau d'Education du siège central du Parti
-
c) La presse du parti dominée par le quotidien "Spark"
- d) L'Institut idéologiqYe de Winnéba fondé en 1961 dont le
rele était do former les cadrés nécessaires à la Révolution
Ghanéenne, des cadres techniquement compétents, mais aussi
et surtout politiquement armés.
1
1
i
,.
.,.'

-
180 -
Après avoir éclairé les bases du système de N'Krumah,
venons-en à l'édifice du système lui-n~me.
b) L'élaboration d'une articulation spécifique des
trois volets du réel social : théorie et pratique de la
Révolution Africaine.
1) LBS FONDEMENTS SOCIO-HISTORIQUES DU CONSCIENCISME
LE REEL POSE DES FROBLEMES : CONTRATICTIOrf SOCIALES ET EXIGENCE
DE Sy N 'rH-a.I.E:. '.
En se proposant de découvrir les fondements philoso-
phiques d'une idéologie de la renovation africaine, N'Krumah
procède
d'abord à une étude du milieu social pour
en dégager les carRctéristiques et contradictiorrs essentielles.
Cette enqu~te lui révèle que la réalité sociale africaine est
tissée de contradictions historiques entratnant une crise
d'identité de la personnalité africaine : trois structures
de civilisations rivales et conflictuelles y coexistent et
provoquent des tourments dans la conscience africaine j
"La société africaine comprend une fraction r.Jprésentant
la présence en Afrique de la tradition musulmane, enfin une
fraction trahissant l'infiltration de la tradition chrétienne
et de la culture de l'Europe occidentale, dont les princi~aux
véhicules sont le colonialisme et le néo-colonialisme. Ces
trois fractions sont aninées par des idéologios rivales" (1)
Chaque strate correspondant à une fraction de la
société africaine, pour assurer leur unité dynaoique, condi-
tion nécessaire et indispensable au progrès de cette société,
il convient de réconcilier les différentes fractions sociales
en opérant une synthèse des valeurs inportées avec lameilleure
des valeurs traditionnelles africaines. Toute tentative de
résoudre le problène cn exaltant los valeurs d'une de ces
trois strates est vouée à l'échec. Il serait d'ailleurs
(1) Conscicncisme P. 36

101
it1l;~Ofls~_l;le (le vouloir tracer dos ~1?>n8S ne [ér!<.,~rc,,:c:i.o:rl G;;)Oi!;rn-
'phiC}ues, eoc t.oIort tq ue a, po l I 't i o ue a ou c uLt.ur-e l Lcs cn tr e ces 'boiS
st::::'uc'i;ures qui, d aia la plus (~Ta;1r:€ par t Lc de l':\\î:L'i(;1)c, hO"t SIA-
}.lcrpol3éel3 (!?....is le rrl~'.:e nay a et scuvc.i t rlrUl:1 le même Lnô l.v.I du ,
"11 f'aut ~):co(hii"'<;,; nue i(~éoloC;ic (};:d., ~incèrcrf1cnt ao nc Lcus c (1.1
~ien ~e tous, prenne la place des iCJoloCicG rivales Lt, par cnn-
3~ql1eDt, reflète l'unité ~ynnruiquo ~E la soci6t6 ct soit 10 ~ui­
60 mejl:1.l1t h S()l1 pro;:~J:'()S cons t arrt , \\1 (1)
Telle ièloalogie ayrrt cé t.i quc devra h2.rïnonlsc:r Lon apioct s ex-
tér l eurs rnuau'l.mann
eura-c hr-é t I C,lS ;~V("!C les me; J lc'Ll:;~cs vaI cur s
tra0 i tionnclles africai I1CS q ne sont l t hur.ani srce et le coni .una'l t s-
IiI?; 1['. synt:hp.sG do i t rc06couvr.tr ce v i sa.re àe l ' Af:\\'ique qui "im-
plique 11.\\1(; at t Lt uô o ~ l'ô::rûrr1 ('.c T' houmc quf., 0.('', ;1S S~)S j',?l1ife:Jta~
tians Gociales, ne peut ~tr~ qURlifi~e que ~a socialiste, ccci,
:pp.rce qu ' Q 11 Afrique l ' hor»..e est COi1sic1éré ava.rt tout conn.... '" un ~­
t1.'(;; sptr i tuet ,
oué
ô
Rtl
d6pe.:rt d'une: ca:r't,'ille 0.i.{~J1itp., intsf.rit,~
C!t
vP.lonr int6rieu:re". (2)
Cet lm11lai11fl'i1C f{~nci 1'.ù':e·1tal ;j nsti fie un mode co llect i viste ct
ér-;~littü):'c 60 pr-o uc t i.on ct ~(;p:œtitian {~es biens, .e.xc,lur",nt toute
ô
apnart tj on il €
c Laaae s soc .~. <?l.T cs ct aacur-arrt a in a L une ~élrfaite h2.T-
manie soc5.Hl(~ : "Dans ln ao c Lé t é africaine tra,{':1i tio.cmelJ.C', en cf-
f'o t , aUCtH1 intéret par-ti o u l Le'r ne pouvait êtrc COilSid(h< cornue (1;.
tcrsinant, les pouvoirs 16[islRtif ou exécutif ne soutenaient lcJ
i.11tél'~tG r1 t a uc i-n Groupe Pél.)~ti_culicr. Ile but aupr èree été'.:;.t le bi e n
(1 u peuple tout entier. Il (3)
Le co Lonâ a'l Lsmo a,)pnrait co n.rnc l ' é lér:1Cl1t c11 sao l V::'~1t O.C cet tG
harmon Lo tr['.à i. t.i.onnel1e : le pouvoir colonial en réCI'lit?,.llt Le s [1-
!.~C:'"ltG sociaux néc es srd r-c s au roaf.n t ie.i ot R'J re":1forceLlc1.t (le sr:. do-
mination. a int~oduit ct d6velopp6 la diff6rencintion W~ sein a~
1:::' aoc Lét é af'r'Lc ad ne ;c1e '10- uvclles c Laas e s et couches saci a 1. es,
tocilea proèlui ta (1u ayrrt èn:c r:·: (1Clünntion coloniale ?p~)é'.ralssent,
int6riori~cnt et d~fenRcnt le syst~n~:d'cxploitaionet de rGpr6~eJ
tO\\tlons J.. dépl t)dique~ f. a la str;",te curo-cl1r(Hi0.:HC irllpé::.~ip.listc.
("1) CO'1sciencisne "fi
.J. •
n6
i
(2) CO;1SC i e ne i Sf!'iC P.
87
(3) Coriao I cneil1ri(-:' r.
87
i' .'-...,.,""
P.o'

~-'-----------------------------------_...
-
182 -
Il nppa~ait aux yeux de N'Krumah que l'intériorie~tion et
,
l'adoption des valeurs étrangères constituent l~ moyen le
plus efficace de l'éclatement de l'harmonie traditionnelle:
"Cette instruction que nous avons tous reçue, nous proposait
dès la petite enfance l'idéal des métropoles, idéal qui
représentait rarÛDent le but, l'harmonie et le progrès de
la société africaine. L'échelle et le type d'activité écono-
nique, l'idée de la responsabilité de la conscience indivi-
duelle, introduite par le christianismû, et de nombreuses
autres influences silcn~ieuses ont marqué, de façon indélébile,
la société africaine. Mais aucune sujétion, qu'elle fUt d'ord~
économique ou politique, ne pouvait ~tre considérée corrrle en
accord 'avec la conception égalitaire de l'honoe èt de la
. ,
tr;:lrt;i,tionnelle .en.
' "
société qua etait ~
. '.. ' . ; AÏr~que."( 1)
La péné t r'at.Lon œs
valeurs euro-chrétiennes entra1na une profonde mutation dob
société traditionnelle que N'Krumah identifie, à uno véritable
aliénation comme perte de soi-mane. Il s'agit par conséquent,
do créer une nouvelle harmonie en surmontant los conflits
sociaux engendrés par la double infiltration do l'islam et
du colonialisme curo-chrétien ; résoudre les contradictions
sociales par une double opération ; une opération do rupture
avoc tout ce qui est contraire au gen~e négro-africain et une
opération do réconciliation avec soi-o$oe. Ce programDe de
Renaissance justifie une nouvelle idéologie fondée sur une
nouvelle philo sophie de la libération : "Notre société n' cst
pas l'anci~nne société; c'est une société nouvelle, élargie
par les influences musulmancs et eurochrétiunn0s. Il faut
uv.:m~
Jonc un~ idéologie nouvelle, capablo de sor
.
'én,
uno philosophie, mais n'abandonnant pas les principes humanis-
tes de l'Afrique. Unc telle position philosophique surgira de
la crise de la C9D~~O~C~ africaine confrontée aux trois cou-
rants de l~ société africaine actuelle. Je propose d'appeler
cette position "consciüncisrJe philosophique" (2)
(1) Consc~enc~sce P. 88
(2) ConsciencisrJc P. 89

- 183 -
2 - LA DOC~-illL."CONSCIENCISMEIl : LA SYNTHE SE
E[LJJOSQPH~QUE COMME PRISE EN CHARGE DES PROBLEMES CONCRETS
9,A...B...:.!...LA PRATIQUE SANS THEORIE EST AVEUGLE"
( 1 )
a) Le projet do la ."g~deJ:1ption'l da l'Afriquo définit
ot oriente une synthèsc philosophique, le "consciencisrac philoso-
phique" qui doit reDédier nu rJD.lheur de la cünscience africaine
confrontée aux trois courants conflictuels do la société afri-
caine. Elle est à proprorJent parler une philosophie du dépass~
rJent du malheur inhérent à une conscience négro-3fricaine
profondcoent et continuellement tournontée ; rendre la conscienœ
heureuse est son objectif. L'engageoent social de la philoso-
phie tend à réaliser une libération tutale en surmontant toute

aliénation théorique ou pratique: en-révolutionnanttlbs 'tenditions
théoriques du ~alheur et de l'aliénation présents, elle fournit
les arrJes idéologiques pour une lutte concrète de libération:
"La révolution sociDlc doit donc s'appuyer fernement Sur une
révolution intellectuelle, dans laquelle notre pensée et notre
philosophie seront axées;
'. sur la rédenption de notre
société. Notre philosophie doit trouver ses arnes dans le
nilieu et les conditions de vie du peuple africain."(2)
Co
projet révolutionnaire définit, dans le nouvenent général
do la Re~issance négro-africainc, le contenu et l'orientation
essentiels de la philosophie africaine : "La philosophie qui
doit sJutenir cette révolution sociale est celle que je ne
suis proposé ù'Dppeler "conscienc!soe philosophique" ; le
conscioncisno est l'ensenble, ~n terDes intellectuels, d~
l'organisation des forces qui perDettront à la société afri-
caine d'assiniler los éléncnts occidentaux, nusuluans et
euro-chrétiens présents on Afrique et de les transforoor de
façon qu'ils s'insèrent dDns la personnalité africaine. Celle-ci
se définit elle-nême par l'ensùnble des principes hunD.nistes
sur quoi ropose la société africaine traditionnelle. La philo-
sophie appolée "co nac Lcnc Lsrac" est celle qui, partant de
(1) Consciencisrao P. 97

(2) Consciencisme PP. 97-98
,.,.

- 184 -
l'état actuel de la conscience africaine, indique par ~uelle
voie le progrès sera tiré du conflit qui agite cette conscience"(1 )
b) Le ~atêrialisDe est le fondeoent philosophique
du !J~onsciencisoe" : repondant à la question f'onqaraon t a Le 'Eur
..
l'origine de l'(Hre("Qu'est-ce qui est? CODOC expliquer
oe qui est ?), il postule l'indépendance et l'antériorité de
la @atière par rapport à l'esprit. La oatière y est définie
coume un faisceau de forces en t cns Lon!' , douée d' ur'
mo uv etaen t
at1ionorJe. Elle constitue la réalité originelle dont t out.e s les
autres dérivent : "Lt(.ê preuiers principes de la philosophie
que j'au aypelé "consciencisne" ont donc deux aspects; tout
d'abord, j'affirne l'existence indép(;;ndante et :bsolue de la
oatière ; ensuite ; ~'affirDe q~'elle peut se Douvoir spon-
tanéDent. En vertu de ces deux principes, le consciencisne
est une philosophie profondéocnt t1ütérialiste." (2)
.
cependant, ce matérialisne comporte des nuances
impOrtantes : la Datière n'y constitue pas la soule réalité,
elle n'est seulehent que la réalité originelle natriciaire
dont toutes les autres djrivent. Par le processus dialectique
des trans!oroations quantitatives oaboutissant à des changc-
oents qualitatifs, les divers ~tres se transfornent les une
dans les autres. C'est ce processus que N'Kruuah appelle la
"conversion catégorielle" grâce à. laquelle l'esprit, Dieu
lui-D~cet sont définis conne des formes supérieures de la
matièr~. Si la natière est prenière et l'esprit second,
ce dernier une fois constitué, devient une catégoR~e, ~
type d'être qui peut se déveloP?er par lui-o~ne. De cette
façon, le tlatérialisoe do N'Krunah en devenant "honteux" peu t
inclure Dieu et reconna1tre l'objectivité de plusieurs types
d'être : "Dans un natérialisne adne t t.an t la réalité f ondamen-
tale de la nat Lèr e , si l'esprit est aûrada c omne catégorie
(1) Conscioncisoe P. 98
(2) Consciencisoc P. 104

ts.
S t
t-'t" '*17 l'mmrrm
185
il' être,
il faut ;-:Iffirm2r q;,~' i l est réèuctlbJe à la mc,t~.àrc; flrli'\\g
:cestc. :.sn outro , le :o:lél1:J':,sne dl:: la c o ns c cnc e , cor-une celui
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cure couei r.cr-o COI'l"l~ n e a'J.G, (;11 ril':rrn: ,',
analyse, clu'un aapcc t de le. r.,etiÈr<-;. Strict'em2llt par I a.rt , l'.~ffi
~r~tj()n (~'? 1;-' acu'ï.o réaLi tr': de 1:' ril8..tière est un ath';is'-,i(.:, (;ôT 1::
p;,_~1th0is;.'e H11Si3.l c st une f,:)J"y,e d'0.th~if31l1e. Jjj2J1 o ue Jn'ofoil(](~J~f;.1t
::'1J'nc1né dans 1(; ILatéI'i<:',liG'::c, 1:: c on acl enc Lsr ie 11' est pas n.ic ca ...
satrc<,cnt atlHJc."(1)
Ct II·até:dallsrEc rejette C::', out rc lcs systèucs r~()jüstc~dr(,2té-
rj.alistE8 ct idôali::;t(8), (~llalif;tcs on ~ilurali8tes (~O.llt l' ;:;:r-I'c:n e
CO,,:liTl~nG o on s i s t o à poser l'esprit lOt 12. Illf-.t1ère CO!Jt:W G.C3 cnt é.:c-
rlr;s d' Otro8 i.ndépcncJatltas ct snns lien en t r o elles. Ces SYSth1C:
ignnrent la dJ. nlcctiq H8 (~C ln "C~) nvor-s i o.n catôgor.i<:: Ile 'l, l' 111tEr-
~'.ct:ion de l' esp:r.it ct du cnr3JS : "Si l' on p.Ü:Jr~le la r:5nli té cl c:
ln 8'21.11e IJ2.tière, COH:LC le fa nt les ;;12:té:etialistcs oxtr~I(d.stes,
ou si. l'on 2.ffirl':8 10. rônlité nu seul. c apr Lt , comree 5..1 fa~t sup-
po acz- que le fl':'.isi-ü t
Le ibn t t7.,
le problème d e n rap;,lcrts entre
l' f:spri t ct le corps crrt ~c6801u pa-ccc qn' on a écnrté les co Jlc1i ';' .
tionn (12.:"18 Le squo Lt ea 5_1 se 11()f;C. C'est couper- 10 no eud gorrliC'l,
GRr nôsor;'iB.is, l'esprit et le corps ne ssro'lt :olns èipt1I'ctcs, !i::.~j
[;(;Tont soit tOlW d cux ûos formes de la E!ntièl'e, soli; tOWl rl c ux
a~n fo~mes ae l'esprit."(2)
L' €claiT2.rt.c
(,. cpé oLf'Lque du "conac Leno Lrnee" co ne irrt o aün si
Ft :l.ntr~t1ui:cc le concept è<: 1::: "convc rui cn c2.té:~:0ric:llc:tl pJ~ofon(l~­
mont fid~lc h lR p]lilosop~ic vitaliste n6cro-efricainc, v6rifi6
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La 10,:~:i.que t'!O rJ2J:'no. J:~' RruTj~al1 r"! cS f(~)lr] S Q po si t ion phi 10rloplJi Cl! -c :Î-'!1~"
ln C~monstratinn Guivanto
"Si l'on nffirDC que seule la runti~rc existe, l'Gsvacc et le
tel1Jps, n'étant pas (J c le. i,'i2.t i.èr~, norrt irréeln.
J".nis lc
(1) ConnciencisDc pp.
I04~I05
(2) Can3ciencismc
p.
107

- 186 -
conscioncisno n'affirne pas que seule la uatière est réelle. Il
affiroo plutôt la réalité prenière do la na tière. ~à
encore, si..
;.
l'espace était absolu ct indépendant, la Datière né pourrait
ütro prüsière par rapport à lui. En affiroant ln prioauté de b
oatière, 10 cünsciencisme affirne en
retour quo, dans la cesure
où il est réel, l'es~ace doit tirer sos propriétées do colle·
do la ontière par une conversion catégorielle. Or, commo .les~o­
priétés do l'espace sont d'ordre géométrique, le consciencisce
inplique que la géonétr.ie
do l'espace soit déteru~n0r
par
les pr-oj.r'Lë t ê s de la ua t Lèr c ;" (1) La t héor t c générale de la r-é-
lativité d!Einstcin n'affirme - t - elle pas égaleDent que los
propriétés de l'espace sont
fixées par les masses dos corps
qui se trouvent dans un champ
de gravitation.
De D~ne" le
"conscicncisTI10" affirra€)
que "la conversion est pr.oduite par·
un processus dialectique, et, si elle so fait d'un ty~c logique
inférieur à un ty~e logique supérieur, elle entraine une perte
de masse." (2)
Cette thèse est égalenent confirDéc dans la
théorie Einsteinienne ou toute transfornation ~hioiqlle d'unembs-
tnnce siaple à'une substance coo~loxe, entraine l'app:1rition
do propriétés nouvolles qui ténoigne d'une perte de nasse.
3 --kA FECONDATION IDEOLOGIQUE DU CONSCIENCISME ; LES
R~TPM~~ES~ATIQUES DE LA PHILOSOPHIE : ETHIQUE ET POLITIQUE
Relibht.>-laL_thé·o.r:i:e.: à l'action sociale ( " La théorie
sans
pratique est vide 11 écrit N'Krumah ), le "consciencisne" élabore
un ensooble de pr~.ncipes éthiques et politiques.
(1) Consciencisü; Po 109
(2) Conac Lenc Lanc p.
110
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- 187 -
Fondant l'éthiquo africaine sur ses bases matérialistes,
N'Krunah en fixe :lans un préalable 6~isikm~lQii~~e,les liDites
de valiùité géo-historiques : " Le consciencisœne pout déboucher
sur une liste close de règles
morales, applicab10s Jans n'iDport0
qUûlle société, à n'im~Qrt~ qUQllv épDque," (1). ~nis dans le
milieu africain souois à des s01licitations éthiq?es contradic-
toires. Ce ~rénlable annoncû une conception génér~le de l'univer-
salité et de la relativité des idéaux et princi~esLW~~~: l'uni-
versalité du fait'd~ l'existence de la Dorale conno phénomène
,
culturel jtoute société élabore une DoraIt:: qui remplit·pour elle
une fonction protectrice, en liDitant l'étenùue ùes conduites
huoaines com~~tibles (adnises) ou inconpatibles (défendues)
avec les exigences de la conocionco collective. Ln relativité
des obligations uorales sc lie au contenu toujours spécifique
de la conscience collective ù'un type ~articulier dû "cohésion
so c La Lc" •
N'Kruoah s'arretant sur cc dernier aspect concret
de la mo r-aLe , distingue le "princiiJe éthique" de. la "règle oorale"
en la situant à deux niveaux d'existence conparables à l'idéal
que sc fixe toute société par rapport à la pratique institutiün-
,
.
nalisée qu'olle or:lunne à cette fin: le "principe éthique" fixe
l'idéal de la Lloralité vers lequel les "règles ou lois I:lorales"
orientent les"actions. Une aJéquation toujours précaire s'établit
entre les deux nive~ux
de la Dorale et exprinü ainsi les varia-
tions socio-historiques des règlvs Dorales et D~De des principes
éthiques.
1) ConsciencisBo P.
114

-
188 -
Ces variations sont généraleoent déterninées par les
situntions concrètes et historiques, elles-D~Lles d;y.naoiques:
si
les règles morales et les princi?es éthiques téndent à
défendre et réproùuire une cohésion sociale donnée, il sien
suit que des Dutations dans le nilieu soci~l entrainent ULe
évolution dans la sphère morale. Quand une société évolue
tout
en conservant les DameS principes éthiques, nous n~assis­
tons qulà des réforDes des règles murales de façon à les
réada1:~ter aux conditions nouvelles: "Il est évd de nt que, même
quand deux sociétés partagent les D~Des principes Doraux, elles
reuvent leur donner des règles d'application différentes. En
Israël, les ânes étaient si iD~ortants que Dieu jugea nécessaire
de régler les relations huma~nes par une ordonnance morale les
nentionnant expressément: "Tu ne convoitera.s pns .l'âne de ton
prochain." Si Dieu daignait nous donner aujourd'hui une règle
équivalente, il n~us interdirait certainement de convoiter la
voiture de notre prochain et non son âne. En ce cns, Dieu
ùonnerait une règle Dorale nouvelle, Jestinée à faire ap~liquer
un ~rincipe Doral inchangé, Dais tennnt pleinoment com~te de
la vie ooderne." (1) Pour que s'opère un changement qualitatif
de la uo.z-al e , il f'au t au préable qu'une révolution sociale
s'accoD[lissc pour élaborer ainsi de nouvenux princi?os éthiques:
"Une société ne change pas de oorale s Lmp Lerren t en changeant cb
lois. Pour que la morale change, il faut que lesprincipes changent.
Par exemple, si une société capitaliste peut devenir socialiste,il
faut, ~our cela, qu'elle change ùe morale. Tout changement de
morale est révolutionnaire." (2)
NIKrumah en arrive à l'énoncé marne du principe éthique
fonclarnentnl d'égalitarisme basé sur le matérialisme: "Le grand
principe moral du consciencisme est de traiter chaque ~tre humain
co~~e une fin en soi, et non coomo un simple moyen. Cela est
ossentiel dans toutes les conceptions de l'hom~e socialistes
ou humanistes. Il est vrai qu'Emmanuel Kant aussi faisait un
1) Consciencisme p.116
2)
Ld era
p.11?

-
189 -
principe capital de l'éthique, mais, nlors qu'il y voyait une
évidence rationnelle, nous le déduisons de notre poin~de vue
matérialiste." (l) N'Krumah en suivant une déoarche anthropo-
logique revalorise l'humanisme tradionnel africain qui fonde
1
et défend l'égalité et l'identité fonda~entales entre tous les
~tres humains. Cette position éthique est é~ale~ent déduite
du matérialisme: l'égalité entre tous les hommes repose sur
la thèse moniste du matérialisme où la matière est unique à
travers ses différentes manifestations. L'ho~ne est également
le m~llle à travers ses différents visages particuliers; tous
les hommes ont le m~me fondement et proviennent de lam~rne
évolution à
l'instar des différentes branches d'un m~me arbre.
L'application de cette éthique requiert des moyens
politiques: créer les institutions nécessaires pour régler et
orienter 10 comportement des citoyens conformement au principe
éthique égali tarf.st e, "En conséquence. 10 ccns cd.encd.smc J..;rol.;oSv
une théorie politique et Ud0 pratiquu socio- politique qui,
.
~nsernblu, tcnt~nt d'assurer l~ rOS}0ct des ~rincipos fonJa-
mentaux de la morale. Il (2)
C8S p~incipos et pratiques iolitiques Jéfinissent
le socialisme qui, dans l'optique de ln n~naissance Africaine
:t,ùrte deux pr'o j e t s c omp Lénent.aa.r-cs r
- Un krojet de réconciliation nv~c 10 cOffiDunnlisme
tréL~ionnul gui se différencie cvpûl1.?ant du· ~'socialisr.1(; africain"
- Un projet de rupture avec la domination impérialiste

c~)italiste gui se différen9ie de l'alternative marxiste.
\\.
1) Consciencisme p.ll?
2)
Idem
p.120
/'
~-"

- 190 -
a) Le projet de réconciliation
tend â s'ins~irer des
princi~es et de la pratique politiques Jans les~~ociétés afri-
caines traùitionnelles,lesquelles impliquent une attitude
(humaniste) â l'égard de l'hoome pris cüm~e une fin et non
comme un moyen ct assurent concrètement l'harmonie, l'égalité
et la justice sociales. En s~ référant â l'organisation sociale
"ccmmune La s t e'", exemp t e de toute différonciation ou
exp LoLta-
tion Je classe, N'Krulllah découvre un modèle qu'il s'agit
d'adapter simplement aux conditions actuelles d'une Afrique
encore largement dominée politiquement, techniquement arriéré6,
économiquement exploitée et qui a cependant les moyens écono-
miques, politiques et techniques de sa Renaissance. Il fonde
la condition de la Renaissance Africaine sur la nécessité de

réaliser le socialisme. Toute autre voie accro1trait la dépen-
dance envers l~s puissances impérialistes et partant l'exploi-
tation et la p~upérisation croissantes des nasses africainQs:
" si l'llfrique ne s' engage pas sur la voie du socialisme, elle
réculera au' lieu d'avancer. Avec tout autre système, nOS progrès
seront au mieux très lents. Notre peuple alors perdra patience •
Car il.
veut voir le progrès sc réaliser, et le socialisme
est le seul moyen de le faire
'r-apa.denent , "( 1 )
Ainsi le socialisme dont il s'agit, vise â réactualiser
comme dans l'Afrique précoloniale, le l'bien du peuple tout entier'
en partant des Jonnées nouvelles de l'Afrique modèrne: "Si l'on
cherche l'anc~tre socio-politique ùu socialisme, il faut songer
au communalisme ••• Dans le socialisme, les principes du commu-
nalisme trouvent une expression adaptée.
aux conditions
modernes ••• Ainsi, le socialisme est une forme d'organisation
sociale qui, 6uidée par les principes du communalismc, a~opte
des procédures et des mesures rendues nécessaires par lè
développement démo gz-aphd.quo et technique." (2)
1- N'Krumah: discours du 11-11-1963 à la conférence Panafricaine
ùes Journalistes â Accra.
2- Consciencisme p.92

-
191 -
N'Krurnah soutient que l'adoption du socialisme en
ldrique .relèvera d'une simple "Réforme", faisant ainsi l'éco·-
norri,e d'une "Révolution" comme dans les pays occidentaux: si
le propre ùe toute réforme sociale, c'est de conserver les
principes socio-politiques fondamentaux, laissant ùonc intacts
les piliers de l'édifice social, et si la révolution consiste
au contraire en un renversement total de ces principes pour
rebatir
la société sur des bases nouvelles, l'avènement du
socialisme naît d'une rupture révolutionnaire là où existent
déjà des structures anti-socialistes, c'est -à-idre des
structures d'exploitation de classes. Mais en ce qui concerne
le passage au socialis~e en Afrique où existent, déjà des
structures communalistes, il s'agit plut8t d'une réforme comme
tactique de con~ervation des valeurs humanistes, égalitaires
.
.
(et donc socialistes) déjà présentes, pour les réadapter à
un envir Onnement moderne: "Mais parce que l' e spr-L t communaliste
persiste toujours dans une certaine mesure, dans les sociétés
ayant un passé communaliste, le socialisme et le communisme
.
ne
sont pas ••• des doctrines "révolutionnaires."Ils peuvent

être consiùérés comme une réaffirmation, dans un langage
contemporain, des principes du communalisme ••• " (1)
Bien que défendant l"idée du
communalisme orJ.gJ.naire
des formations sociales africaines précoloniales, qu'il suffit
de reùynamiser pour réaliser le socialisme, N'Krumah se démarque
des théories du "socialisme africain " auxquelles il nie toute
validité scientifique: du point de vue historique, on ne trouve
aucune preuve de l'existence d'une société africaine précolonialp
socialiste. On y trouve m~me des principes de stratification
sociale là où existaient notamment Jes hommes libres et des
os cLavca, Al' inverse ~~u "eocf.a Lâ sne africain" qui opère un o
l'
1) ConscionciGmo P. 93

- 192 -
réconciliation non cnitique et idyllique avec le monde noir
pré-colonial, H'Krumah propose un retour scientifique pour
y découvrir les meilleurs éléments qui seront éx~loités dansm
contexte nouveau. Il rejette ainsi l'idée d'une racialisation
du socialisme qui aurait une essence différente suivant la race
qui l'invoque et l'ap~lique. Contrairement à cert~ines critiques
trop rapides de N'Krumah, celui-ci n'a jamais partagé l'idée
d'un socialisme européen avec desrontrcparties africaine ou
asiatique. Il a toujours soutenu l'idée d'un type d'organisation
socialiste ayant dos applications concrètes différentes •. De la
~@me façon; il admettait que le capitalisme constituait un
régime social muni de ses propres principes individualistes
universelllement identiques quelle que fut la nationalité de
ceux qui s'en réclamaient. Les régimes sociaux comportent des
différences d'organisations plus ou moins importantes d'une
partie du monde à l'autre, mais leurs principes fondamentaux
demeurent identiques, qu'ils soient capitalistes- ou socialistes.
C'est en ce sens qu'il fondait le socialisme sur la philosophie
matérialiste et le capitalisme sur l'idéalisme.
Par ailleurs, les approches du "socialisme africain"
sont essentieilement subjectivistes selon N'Krumah. On lui
trouve autant d'acceptions quo de défenseurs: Nyéréré (1)
insiste sur l'absence de classes, Senghor (2) défend la divi-
sion en classes au nom d'une "hiérarchie du pouvoir spirituel
et du pouvoir démocratique~ Pour Nyéréré , la tache essentielle
du
"socialsime africain'Ujaamaa", est de liquider les différences
de classes et les rapports de production importés par le colonia-
lisme. Pour Senghor, il s'agit plut8t de créer des conditions
favorables aux investissements étrangers
. occidentaux.
n J. Nyéréré in: "Ujamaa, the busis of african socialism",
Dar-es-Salam 1962; trad. française: "Socialisme, Démo-
cratie et Unité llfricaine" , Prés • .l\\.fr;i.cainc 19'72
2)L.S.Senghor in "Liberté 2: Nation et Voie Africaine du
Socialisme" Ed, du Seuil 1971

- 193
, V,,()J\\.,gà,
se ramène à
projectioi1~
L e
" s o c L a I d . s m e
a
î
r - L c a i . n "
d c s
P:Î\\O S~s -ct:i.vcs des idéaux des dirigeants africains qui s ' ("):1
-,<cl:l;~,:mt. Chacun défend son propre modèle tout coume
1es
;oc:i,~li3tes utopiques du XIXème siècle européen défendaient
ch ac un leur idée de la so c Lê t è future: " Le socialisme ,tend,
dans Iltfrique d'aujourd'hui, à perdre son contenu objectif
en fCtvüur d'une terminologie déroutante et d'une confusion
générale. La discussion porte sur les divers types concevables
de socialisme plus que sur le besoin d'un développement
ao c LaLâ s t e "
(1)
b) Dans son projet de rupture, le socialisme chez
N'Krumah est anti-capitaliste, mais cependant n~n marxiste.
Il développe d'abord contre le système capitaliste
un ensemble de britiques structurelles: aux niveaux écono-
les mécanismes
mique et politique, N'Krumah éclaire et dénonce/d'exploitation
d'une majorité de producteurs par une minorité de capitalistes
qui entraine au niveau social une structure inégalitaire.
Le l-rincipe de l'exploitation sur lequel se fonde la société
capitCtliste, accentue les inégalités et injustices
sociales
tant au niveau de laproduction qu'à celui de la répartition
des biens pourtant en croissance continue: "Dans' le cCtpita-
lisme, qui n'est qu'une théorie socio-politique où les notions
capitales d'esclavage et de féodalité ont été raffinées, il
~v{- "'.;VV\\.Q._/d1r.!Alf~1..l'>~fJe. pour que le f'onc t.Lonncment soit bon;
une société dans laquelle la classe ouvrière soit opprimée
p~r la classe dirigeante; dans le capitalisme, en effet, la
fraction de;'Ï;ociété dont le travail tz-aneror-me la nature
üt crée des Liens
n'est pas celle \\1.'ü recueille les fruits
------ - ---------
1) N'Krumah lans "Conac Len cd.sme " op. cr.t , p.129
~,....'!O',....
_

- 194 -
de cette transformation et de cette production •••. Dans le capita-
lisn~, l:accroissement de la productivité condui~:effectivement
à une élevation du niveau de vie; mais quand le rapport entre~s
~ichesses distribuées aux exploités et aux exploiteurs est
maintenu constant, tout accroissement de la production entra1ne
une plus grande quantitq,mais non une plus grande provortion
ÙG ce qui est distribu6 aux·
exploités." (1)
Cette pratique économico-politique profondément inhumaine
que W Krumo.h re jette comme "un ro.ffinement de l'esclavage",
53
fonde eur une base philosophique idéaliste: en effet, .1 fonda-
mentalement lié à la religion, l'idéalisme explique la nature
et les phénomènes sociaux par l'esprit. Il théorise ainsi à
,
l'instar de certains pré-socratiques, l'arbitraire, l'oligarchie
et l'oppression dans toute société qui s'en inspire. C'est en
lloccurence son àpplication concrète qui structure la société
cG.pito.liste où "l'homme ne peut plus aborder ·la nature de
façon mo.téria~iste. Cette attitude perd
sJn
stimulus humaniste
sous l'effet de l'appat du gain" (2) car, le bonheur promis
par les classes dirigeantes mais durement recherché par les
classes dominées, s'enfuit perpétuellement et devient sans cesse
plus inaccessible pour elles, en raison de l'oligarchie capita-
liste qui frustre les aspirations populaires au profit d'une
minorité de ca~italistes.
Passant à un ensemble de critiques anti-capitalistes
dtordre conjoncturel, N'Krumah identifiant le capitalisme à un
colonialisme intérieur, affirme l'incompatibilité fondamentale
entre les principes économique\\politique et philosophique du
capitalisme avec les principes fondamentaux de la société nègre
traditionnelle basés sur le matérialisme et luttant contre toute
forme dtexploitation; le socialisme représente une négation du
/
1) Consciencisme pp. 90-91-92
2) Idem
p.95

- 195 -
principe d'exploitation inhérent et vital au capitalisme et
"cet aspect du capitalisme le rend incompatible avec les
principes fondamentaux de la société africaine traditionnelle.
Le capitalisme est injuste; dans nos pays depuis peu indépen-
dants, il n'est pas seulement trop complexe pou~ ~tre appli~
,.
cable, il en plus, étranger" (1)
Le socialisme doit élaborer et réaliser un programme
de révolution des conditions de re~roduction du système de
domination capitaliste coloniale et néo-coloniale. La .réalisa-
tion d'un tel projet de ru~ture inclut une théorie spécifique
de la Révolution Africaine afin d'éclairer le chemin à suivre
tout en évaluant los moyens à utiliser. Pour ce faire, N'Kru-
mah s'inspire 'du matérialisme philosophique où la matière
se définit comme un faisceau de forces entre lesquelles ily
a tension et où le concept de "conversion catégorielle" rend
intelligible les changements qualitatifs dans ~a nature.
Approchant ainsi le milieu
social africain, il le carac-
térise comme un centre dynamique où s'affrontent des forces
,
.
sociales antagoniques: les forces positives dont les actions
concourrent n la libération anti-irnpérialiste et les forces
négatives d6nt les actions au contraire, prolongent et ren-
forcent la domination capitaliste. Les formations sociales
africaines sont structurées selon un complexe d'actions
conflictuelles où 11 L.action positive~reprêéentc la somme des
forces qui tentent d'établir la justice sociale en abolissant
l!exploitation et l'oppression par une oligarchie.~L~action~ga­
tive-représente la somme des forces qui tendent à prolonger~
sujétion et l'exploitation .oloniale:--."L'action positive .,»
est révolutionnaire, l'action négative, réactionnaire." (2)
1) Consciencisme p. 96
2) in Consciencisme p.122

- 196 -
La dialectique des forces sociales qui otructure
le milieu néero-africain, détermine des conjonctures socio-
politiques différentes suivant le rapport de ces forces anta-
goniques. NtKrumah distingue trois configurations de ce .
rapport. Il exhorte l.6R"l!::oaBB:e.!=l::<!ana -ena"que :s:&t\\.l..a~ à la
lut te de libération afin de faire triompher "l' q'ction llosi-
tive". La Révolution africaine exige alors un triple combat
contre 10 domination impérialiste
~
+
1°) il
)
A
(1): Dans la prenière situation,
"11 action n~Bative"llemporte direc tement sur "l'action" posi tiv·è'.
Nous nous situons alors dans une conjoncture de domination
coloniale directe. La lutte révolutionra1re s'identifie
à
une lutte de libération nationale et se déroule
~~~~
essentiellement sur le terrain politique afin de boulevorser
le rapport des forces par la conqu~te de ltappareil et du
pouvoir politiques.
"
~
Quand llindependance nationale est acquise, l'équili-
bre en faveur ci:e "l'action positive" démeure instable et œux
situations peuvent donc appara1tre.
2°) ~ n(A-}.il1
(2): Une situation "néo-coloniale"
voi t le-"jë;urquancfïiîrac tion négative" finit par dominer
"lfaction positive". Ltindépendance nationale se transforme
en une dépendance nouvelle tout en occultant à travers le
formalisme juridique cette trahision.
La conjoncture néo-
coloniale résulte dt"un déguisement .::.dopté par l'a.ction
néBative pour donner l'impression qu'elle a ~édé à l'action
positive. Le néo-colonialisme est une action négative qui
.
feint d'~tre ~aincue." (3) Dans ce cas, le pouvoir passe
entre les mains des forces négatives autochtones par l'inter-
médiaire desquelles l'impérialisme perpétue sa domination:
(,) Lire "l'action négative excède l'action positive".
(2) Lire "Il est faux que l'action positive excède l'action
négative".
(3) Consciencisme P.
123

- 197 -
"1:.yn.nt renoncé à la violence ouverte 1 il (l' imp§rialisme)
,-
donne aux forces négatives du pays assujetti une orientation
fallacieuse. Ces forces sont sur le plan politique, des
loups qui viennent en vâtements de brebis' , : ils applau-
dissent aux réclamations d'indépendance et le peuple "les
écoute de bonne foi. C'est alors que, comme une épidémie,
ils tentent, de l'intérieur, d'infecter, de corrompre,
de pervertir et de fausser les aspirations du peuplc ••• ( »)~1j
Le combat révolutionnaire démeure politique et se fixe pour
objectif immédiat, le transfert du pouvoir des mains des
forces positives qui incarnent toujours les idéaux populaires
de libération. Qunn: cette lutte anti-néo-colonialeœt
victorieus&, une conjoncture nouvelle Se dessihe et fixe de
nouvelles tâches aux forces positives.
,
3°)
A+) A- (3) : Dans cette troisième situation
qui consacre le triomphe de "l'action positive", la".
lutte qui sc! fixe pour objectif la "Révolution éco nomâque .at
culturelle", doit ~tre dirigée contre la domination i~pé­
rialiste sur les terrains économique et culturel où par dûs
méthodes de controle et ù'exploitation de plus en plus
subtils,
le colonisateur se maintient et menace sans
cesse l'indépen~ance nationale. N'Krumah dissipe à cet
effet l'épais brouillard idéologique sur "l'aide, l'assis_
tance technique, la coopération" que les anciennes puissances
coloniales produisant à l'usage ùes dominés pour f~einer
leurs prises de conscience d'exploités et occulter ainsi
leurs tentatives de recolonisation. De ce point de vue, le
unéo-colonialisme" représente un obstacle plus difficile il
contourner dans le processus de libération : utilisant des
~oyens pacifiques et des agents locaux, il réussit mieux
, .
...---....- -
(
,..
(:') Conac.â.oncâumo P.
124."
(3) Lire: "l':.. ction positive excède l'.l.ction Négntive"

-
198 -
à voiler l~exploitation impérialistc. Il se sert d'une armée
"pacifique" mais très efficace : les 'conseillers techniques"
divers. Ils n'ont pour autre fonction que la justitication~une
nouvelle "mission civilisatrice" et donc d'une récupération des
Indépendances nationales : " Il est beaucoup pl us f acd.Le au
chameau de passer, bosse comprise, par le chas dlune aiguille,
qu'à une ancienne ad~inistration coloniale de donner des
conseils sains et honnêtes, d'ordre politique, au territoire
..'- ....• ~. Laisser un pays étranger, en particulier un pays cpi
a investi en AfFi~·Uë\\: nous dire quelles décisions politiques
prendre, quelle ligne
politique suivre, c'est vrainont rendrc·'
notre indépendance à nos Qppr~Gs~ürs sur un plateau d'argent •••
il est capital, pour un territoire libéré, de ne pas
lier
son économie à celle des gens qu'il a mis à la porte. " (1)
N'Krunah énunère essentielleQent deux Qoyens pour sou-
tenir et faire triomphl3r "l'action positive" dans ces
nouvelles
~
conditions.
D'a,bord, il faut un "parti de masse " qui soit unique
,
pour prévenir l'apparition sous le couvert du Dultipartisne,
-d'une lutte entre" nantis ct dépossédés". Ce parti, conparable
à " l'intelrectucl collcctif"del~LtJ..ttL~~~~quer et élever la
cor.ec~ence politique des nasses qu'il rassenble dans un large
front national anti-impérialiste.
- Ensui te, il faut que ce parti soit guidé paru ne
idéologie nationaliste et socialiste qui, t eL un phare, ,. éclaire
tous les aspects de la vie de notre peuple, ••• en créant une
continuité avec notre passé, elle doit être adoptée
par.un
parti de nasse ••• Quand le socialisme est fidèle à sa raison
d'~tre, il cherche à se rattacher au passé égalitaire et
(1) Consciencisme Pp. 125 - 126
l

-
199 -
humaniste du peuple, celui qui existait avant que~"son évolution
soci~le niait été déformée par le colJnialisme;
il cherche à
freiner et à prévenir le
prog~ès des anoualies et inégalités
crées ~ar l'habitude capitaliste du colonialisme ; il réforme
la psychologie du peuple en le purgennt de la "oentnlité
} ~~.i.- ~'
coloniale"~ •• (1)
Dans toutes ses trois phases, la lutte anti-1npérialist~
tend à restaurer un socialisme qui, bien adapté au milieu
nfricain, ne différencie du socialisme scientifique car, ce
n'est que dans les forQations sociales sans trndition communa-
liste, que le passage révolutionnaire au socialisme "doit ~ tre
dirigé par les principes du socialisme SCientifique." (2) Le
Marxisne a été, en effet, conçu dans une société européenne~i
sèrvà1t alors dle~emfle dirigeant du capitalisme, et constituait
le centre et le principa~ bénéficiaire de l 1exploitationDpé-
rialisteI:1ondiale. L'Europe était par ailleurs culturellement
homogène car elle ne connaissait qutu~e Beule_rél~gian et qu'une
seule philosophie : le christianis~e et
la philosophie
Antique Grecque. A la différence de cette ~urope, ll nfriqueœt
culturellement Dorcelée en trois strates d~ civilisations
dif-
férentes, industriellenent arriéré~ et cruc11ement exploitée
par le système impérialiste mondial. Ellû aonna1t surtout
une longue tradition coomunaliato ,ui facilite son passage
au socialisnc.
En raison de ces différencûs implJ.rtantes J le .5o.cialisl;le
de N'Kruoah, oênc s'il se rapprocha du marxfsne dans certaines
anâlyses, s'en distingue : la société sans c~asses doit y atre
(1) Consciencian0 PP.

128- 129
(2)
"
p.
93
1.
~_Sl
_
.klMi'-
;MS:
i. ct
15

- 200 -
atteinte par
l'application â l'industrialisme des valeurs
humanistes et égalitaires dos sociétés précoloniales. Elle
ne se situe donc pas dans un processus de lutte des classes
fondée sur l'exploitation d'une plus-value. Les facteurs
déterminants de la dynamique sociale
ne sont dqnc plus
.r.- ~
les seuls facteurs économiques, mais, surtout aU contraire,
les facteurs idéologiques et culturels qui constituent
les axes de manifestation de 'i'esprit communaliste."
ces
différents aspects du socialisme non marxiste ainsi repris,
établissent une véritable pa~ntée entre N'Krumah et les
théoriciens du "socialisme africa.in": ici et là ,ces théo ri-
ci'ons socialistes sont
pris·.s dans le piège de l'idéalisme
et n'échappent donc pas à un ensemble d'inversions et
d'illusions; .. elles présentent "l' ho nme noir" :coÏb.mtinun t ttre ~ uriil-a;.,
tue Ile
,
.qkl~!l1~nt·,dle~,Sc.ilq,ae6.pirilCe fa1sant, elles elaborent des projcts
de société en partant non pas de l' homme " en chair ct 0 n cs " ,
mais de son ê espr-f, t communaliste" j elles ne construisent
p as
la cité socialiste future en partant de la
complexité réelle
dûs hommcs noir~ divisés selon leurs intér~ts matériels historiquŒ,
"ici et raad.nt.enan t!", na Ls de 1 'hOI:lliW noir" précolonial : . el Les
exhortent à la révolution en tirant leurs arguments et poosles
..
du passé. Dans le "consciencisne", N'KrU1:Jah en dépit de ses ten-
tatives
d'approche matérialistes, demeure prisonnier de l'idéo-
logie culturaliste uniformisante, idéaliste et passéiste qui,ID~
pirant la recherche des voies africaines du socialisme, sublime
ct occulte la lutte dus classes dans une hypertrophie des phéno-
mènes culturels.
E
t
.
t Lt è t d
d "
.
.
"
n
ermlnan
eue
u conSClcnClsme , il nous faut
en. éclaicir les gravœ contradictions internes liui l' appar-en t etzts.Lc '
/~~lâistingue aussi ct ~s prenn èr-os oeuvres, car, cotte oeuvre se

- 201 -
situe à un tournant capital dans l'élaboration de la pensée de
N'Krumah : en continuité avec l'idéalis~e et l'humanisme philo-
,.
saphiques, les illusiüns unanimistes en politique, elle rompt
aussi par endroits avec de telles ~ositions :
Au niveau philosophique, l'objectif stratégique
demeure la Renaissance ~fricaine, mais le matérialisme naissant
n'a pas encore roopu avec l'idéalisme primitif: tout en se
fondant sur le matérialisme, le
consciencisme africain, réin-
troduit Dieu, :principe idéaliste réligieux.
Le "consciencisme"
repond lui-mêmo à un projet idéaliste d'une philosophie deh
conscience : il vise à refaire
l'unité de la conscience africaine
écartelée entre trois systèmes de pensée divergents. L'humanisme
d'inspiration Kantienne qui oriente les principes éthiques du

"consciencisI;le", m~I:le s'il dépasse 10 point de vue Kantien
on so fondant sur dos bases matéri a.listes et anthropologiquos,
.
s'en évade rapidement pour rejoindre Kant par une construction
intellectuelle qui, par delà la COI:lplcxité des contradictions
sociales concrêtcs, rcconcilie des valeurs de classes irréconci-
liablûs.
Cette cüntradictiJn dans le système philosophique
produit des effets sur la thésrie socio-politiquü : l'anlysc
do classe en~~~ dans certaines méthodes dialectiques d' ~)_
proche de la réalité sociale s'inspirent du marxisme: la
distincti0n faite entre forces positivOG et négatives, l'éclairage
sur la nature du capitalisme et de sa domination multiformes
en témuignent. Ce~ondant cé type d'analyse ne parvient pas encore
à rompre ravec un type culturaliste, glübalisant et uniformisant,
le':1uel en privilégiant les dinûnsicns superstructurelles de .
la société, s'en sert conne base
déterminante de la structure

- 202 -
sociale Africaine. Ce qui intéresso N'Krunah dans l'an~lyse œ
C"
la réalité sociale africaine, ce n'est pas tant la fan.
éconooiquGet politique que chaque classe y re~pli t, que sa f one-
tiun culturelle. Le conflit culturel qu'il décrit n'est en fait
qu'une sublioation ù'un conflit ùes class6s'que~1~yperar2P~ic
des phéncuènes culturùls lui voile ~n~ore. L'anlyse culturaliste
pousse N'Kruoah à chercher la sclution des problèues réels
dans une synthèse culturelle,
"L'ubjet du ccnsciencisoe est
justeocnt de pruduire une telle conciliatiun, de refundre
en un seul et nêmc ays t èrao les trois "systèoes" pr-è a Lab Leuent
juxtaposés ••• dans la nesurc où l~ pluralisne culturel fonctionne
en fait ••• cowue l'indica d'un clivage social, sa réduction
fonctionnera aussi coume l'indice d'une harD~ nisation des
intérnts de èlassos. Et, avantage certain, cettc haroonisation
se sera produite sans heurts, sans lutte politique, par la soule
Vtrtu d'un raisonnGoent dialectique." (1) Nous voyons ainsi
que le socialiSJJ~ scientifique naissant, dcn0~ü rivé à un type
ut opfque de sucialisne do n t la prub Lèuat.Lquc spécifique ser ni t
la rcstaurati)n ùes valeurs spirituelles négrc-africainus tornius
1
par la culunis~ticn, cooue Doyen de réccncilier les différentes
classes et couches s~cialGs.
p~ur coupr endr-e (et non l'our justifier) cott e incuhéren ce ,
il nous suffit de rappeler que le "c onecd enc Lane " était la philo-
s~~hiù pJlitiquu officiolle du C.P.P. d'un frvnt ùe lutte anti-c0-
l0niale. Copue tüut front uni, 10 C.P.P. rass80blait des classes
ct couches sociales hétérugènes acceptant dans une coexistence
pacifique, de taire leurs div~rgûnces puur cJn,juguer leurs -
f0rces afin J'abattre l'~nneDi extériçur culunialiste qui les
Dûnaçait tùutes d~nsleur ~r0pre dévelvppcocnt. La base sociale
du C. P. P. cc.mj.r-e naf, t alors des ch e f s ar-Ls t oc r-at Lqucs auas i,
(1) Paulin Houn t ond j L : "sur la pha.Lusophf,o africaine, cri tique
de l'ethnùphilosuphie". Ed • .
Mas~6rv 1977, p. 207

- 203 -
bien que ùos hon~es d'aff~ires, des intcll?ctuels, des ouvriers
ou des "véranda 'buys". (l) Dès l'acccssiCin'à
" l'indépendance f
le front anti-cùlinial se brisa suite à la retraite de l'onneDi
principal contre lequel il s'était constitué. Dès lurs réappa-
rurent 10s divergences d'intérêts de classe. N'KruDah, deneurnnt
~risùnnicr de ses illusions unnniGistes refusa de réorganiser
le C.P.P. pour en faire un parti J'avant-garde, tranfurnatiGn
qui était historiqueDùnt néccssairü pour poursuivre ct achever
l'oeuvre de Ranaissance conforr.Jcnunt aux intérêts ùes larges
couches sociales qui avaient lutté d~ns ce sens contre la
dnuf.na t.Lon étrangère. Il élabora une idéologie (" Le conac Lenc Lsuc
pour théoris0r la nécessité dG oaintenir la coexistence des
classes. Visant à la cohésion sociale d'antan, l'idéologio
devai t consti tu or la "clé de l' identi té interne do son groupe,
olle est ~olidariste d'intention.
Unu idéolcgie, en effet,
poursuit-il, ne cherche pas siD~leuent à unir une partie du~u~lc;
elle cherche à unir l'~nseuble de la société dans laquelle elle
se trouve. Sos effots concernant c~rtainencnt l'cnsonble den
société, quand elle domino.Car, outre qu~clle cherche à définir
des attitudes et intcnticns CODuunos à toute la société, l'idéslo-
gie do~inante
est co qui décide, à la lunière GOS circonstances,
de la foroe que prendront les
.institutions, ct de la directiun
iDl'rimer aux efforts coununs , " (2) Dès lors, nous
COi:l~JrCn\\lns
que N'Krunah ait prononcé un discours de réconciliation dos
intérêts ~~r delà la divergence effective et grandissante de
cuux-ci dans la réalité s0cialc : l'hvDDe d'affaire Gh~néûn
s'activ~it car, pour
lui, la fin de la douination coloniale
signifiait le déveloF~eDènt
de la bourgeoisie nationale ;
les couches féudalcs s'activaient pour reprendre lours privilèges
aristocratiques ; la ~lup~rt dûs functionnairûs se battaient
" Verando"
boys " : garçollfùc vérando. vU jeunes chôoeurs"
qui trainaient le long dos rues ct s'entassaient autour
d0S
haba t a t aons des "pat.ror.a" pour leur offrir leurs
services: balayer le~B"véraDdu.
in consciencisu~~.
73
....._------

- 204 -
~our accéder aux meilleurs postes de l'appareil d'Et~t. Ces
différ8ntes couches sociales formaient d6jà la bourgeoisie
africaine procapitaliste et l':lilo dr-o i.t e du C.P.P. >;;ll&:t." elle
l'indépendance ne devait pas signifier scIon son expression
"l'avènement du règne do la po);-ulaca", ranis le transfert du
pouvoir cl')nnt guy. cncd cnncs couches sociales 5privilégiées.
L'ai~cilitante et favorable au
socialisme se fondait
essen-
tiellement sur une classe ouvrière
numériquement et idéologi-
queQent faible, éclairée par une fraction résolue d'intellectu~
marxistes qui étaient malheureusement éloignés des masses. (1)
Dans la }ratique, la lutte des class~s'intünsifiait
à toutes les instances dû la vie sociale et politique. ninsi,
la "Fonction Publique l1 Ghanéenne dirigée par des fractionsde'
classas bourgeoises, finit par refuser de reconna1tre les ,e
dLp l.ôrae s de l'Institut Idéologique do Winnéba, vè r-Lt.abLe appar ea I
idéologique du Consciencisme. Elle freinait ainsi la conscien-
tisation des fonctionnaires à laquelle se liv~ait les di~1~u6a de
de Winnéba co nf'o r-uènren t au pro jet d'une r-ef'orme de la "Fonction
Publique 11 incluant une formation idéologique intense des trav af Ll.e tra,
Par ailleurs, tandis ,que le "SpD.rkl1 poursuivait un
travail d' exp'l Lc at.Lon des idées do N' Krumah , l' "Evening News"
et le I1Ghanaian TiLles") de tendance bourgeoise et capitaliste,
ou bien n'y portaient aucune attention ou 8n diffusaient des
versiomd0form6es et carricaturales, n'h~sitant m~me pas
à mener une caupagne calomnieuse contre le Il Spark." Finalement)
le projet d'une diffusion massi va
des idées du 'consciencisl:lO"
rencontrait des oppositions réullvs et dêmûurait en fait"
la propriété des intellectuels proches de N'Kru8ah. les ~~€CS
masses ainsi écartées des informations et débats idéologiques,
( 1) rl est significatif de rr:1;.ürul<.:uT à cet effet que le "Brain trust"
de N' Kr uraah comprenait des gr-and s intellectuels dont les t héo raê.s .
étaient hors de la portée de com[r&hension dos masses et quide
surcro1t, étaient souvent de nationalité étrangère: citons
entre autres G. Padmore, bras droit de N'Krunah et grand théo-
ricien du.panafric ;:t.nisIL10. Le Nig8rian Samuel
LV:t:dlun
un des
,.-;
conseillers les plus ~4J~' do N' Krumah,
l,
2L222, __ l4Sn.\\A44,,~;'J,l . <.J j.4.k4M ..;;P

- 205 -
so~brèrent peu à peu dans un certain culte do la personno ~~wc
de N'Kruoah. Quand le débat
des idées cède ainsi 7a rlace
à l'adulation des dirigeants, l'8v~lution idéoloei~ue de l~
base est bloquée, ct au sommet, les 1 di.rîgeants courent le .
danger ùo s'isoler.
C'est au fond une telle situation qu'organisèrent
les classes bourgeoises internes et externes, occultant les
débats idéologiques de classes ûn convergeant l'attention des
Basses vers un individu quasi mythique qui disparaitrait avoc
son idéal; elles menaient une lutte de classe intense quo
N'Krumah encore victime de ses illusions uniforwistœ, ~on
seulemen\\Wusai t de reconnai tre mais Ii s encore, s' évart-ua:kt à

enemp~cher l'apparition.
Dans l ' esprit Je N' Krumah , il fallait accepter et
théori~er cette ~étérogénéité pour préserver l'homogénéité
du front anti-~~~alist~ qui lui semblait toujours nécessaire

pour lutter contre le néo-colonialisme. De plus, aucune classe
ou groupe social ne pouvait seul, wener la seconde lutte dû
libération à la victoire. Le "consciqncisme devait porter
ces limites' historiques qui en ex~l~~V~d~es contradictions
fondamentales. L'histoire nous enseigne que N'Krumah f1tun
mauvaifl choix en ~ersévérant dans la philosophie frontiste.
QuanèVs'en aperçut,(l) c'était trop tard car la droite de IDn
parti, "l'action négative" avait déjà vaincu la gauche, "l'action
positive". Les leçons de cette épreuve cruciale achèvèrent dt. murir
la
pensée de
N'Krumah en exil.
(1)
Confère l-analyse tout à
fait nouvelle dans l' le néo-colo-
nialisme, dernier stade de l'impérialisme" paru en 1965 et
qui provoqua immédiatement l'annulation par les autorités américaines
d'un pr~t important au Ghana. N'Krumah allait lui-même ~tre vic-

time d'un coup d'Etat militaire alors qu'il effectuait une vi-
site d'Etat à Hanoi~.

- 206 -
2è étape : L'ACHEVEMENT DE L'EL~BORATIONDE
Lt PENSEE DE N'KRUI~lH DLNS UtΠCONCEPTION ~~RXISTE DE LA
REN~ISS~NCE
NEGRO-AFRICAINE:
Le dépassement révolutionnaire des contradictions
inhérentes au " Consciencisme " s'effectue par le dévoilement
des ~ntagonismes de classes qui féconde ùes perspectives nou-
velles pour la R6volution socialiste en Afrique.
Tout d'abord, au niveau philosophique, 10 matéria-
liswe en devenant conséquent, c'est-à-dire aussidialoctique,
rompt avec l'id&alisQe qui donnait une vision unifianto et
indifférenciée des nations africaines. Il rompt également avec
l'humanisme de type réligieux, pour recréer l'image complüxe
d'une r6nlit6 socialo conflictuelle qui eppollc un humanistem~
litant, c'est-à-dire, ouvertement partisan. La philosophie
de la réconciliation de toutes les classes et 'couches sociales
est ainsi dépassée par ct dans une ~hilosophie ùe la lutteà
mort entre les\\cla8ses sociales antagoniques.
Telle ruvolution oclairu l'analyse socia-politique
de la lutte~des classes en Afrique, légitime et justifie la
violence révolutionnaire. Rompant avec le pacifisme
et aussi
avec le volontarisme illusoire d'une unité ~anafricaino immédiate,
l'analyse de N'Krumah renoue avec la nécessité J'une lutte
r8volutionaire vi1cnte
DoUX
t e rrao s do laquelle se réaliserél
l'unité des Etats socialistes de type nouveau.
Dès 1965, N'Krumah analyse les ant~Gonismes de classes
aix niveaux èconotm.que et poli tique duns un
ouvrage aux reSOD-
nances volontairement
Léninistes

r " •
7
"
U
i n
"n'Mn
. ene ,.mm$'
1
l
- 207 -
" Le néo-colonialismc, dernier stade de l'impéria-
lisme. " (1)
i.do:i.:tant le type d'o.nalyse marxiste du c apa t.a-
lisme d~ns sa phase império.liste, il y
d6wontre conment les
form~tions sociales africaines sont impliqu~es depuis leur
colonisation dans une lutte des classes à l'0cholle monqiale
contre le système d' exp.Lo Lta tian capitaliste aux dimens:',~ ,
,
~r
ga Lemcnt pl::lnétaires. Eclairant d' abo rd 10. nature et les né tho des
é
de 10. ~omination neo-colonio.lc, il indique ensuite los voieset
moyens de So.,s~rpress1onttot~le.
Dans so. nature et dans
ses méthodes, le néo-colo-
nio.lisme constituü 10. reponse de l'i~périalismG aux révendica-
tions des mouvements de libération nationale d'une part, et

à la crise du capitalisme dans les métropoles capitalistes,
d' aut r e par t , L'essence du néo-colonialisme consiste _un c~·cpe]:.':unJé-
,
rialiiju~ wùt
ftn à la domination politique directe sous
la poussée irrésistible des puissants mouvements
d' émacipation
dans les pays colonisés, afin de sauvegarder
#
et renforcer son exploitation économique. Il s'agit J'une rea-
daptation tactique de l'oppression impérialiste : accorder
l'indépendance politique pour occulter la perpétuation deill
domination è conorct.que , tant il est vrai comme le soulign a.i t
Karl 11arx, qu'une classe économiquement dominante dans une
société peut céder le
pouvoir politique à une autre pour
conserver son hégémonie économique telle cette bourgeoisie qui,
~pour sauver
sa bourse, ••• doit n&cessairement perdre :..
(1)
K. N' Krumah : '1 Néo-colonialism : the Last sto.ge of
Impérialism " ( Heinemo.nn 1965) traduction Françé:!:ise : "Le
néo-colonialisme, dernier stade de l'impérialisme", presence
africaine 1973

- 208 -
sa couronne. " (1) La domin<:l.tion neo-co1onia1e s'exerce par
l'intermédiaire des grands monopoles fin3.nciers et organismes
économiques souvent internationaux, lesquels contra1ent
par exemple toutes les richesses minières en
ilfrique,(2)
exp1oit&es de fnçon à tirer ùes superprofits pour les investis-
seurs, et des matières p'I\\)l:11ères à bon marché pour les industries
des pays capitalistes.
Le néo-colonia1ismo pille les ressources africaine~
accélère la pro1itarisation ct la paup&risation des ruasses
c r-ue.LLemen t exploitées afin d' aa asur-cr' un certain " niveau ce
bien ~trc" dnns los métropoles imp&ri<:l.listes où le patronnat
satisfait quelques revendications Je la classe ouvrière en
lui distribuant une part les immenses bénéfices r6cuei11is
dans les parties n~o-colonis&es du monde. La dominntion
politique directe ayant pris fin, le néo-co1oni<:l.lisme ou
nouvelle for~e de la domination iLpêrialiste3,utilise des méthodes
,nouvelles : accords de coopération, aide aux p~ys sous-dévelop-
pés, assistance technique etc ••• autant de concepts idéo1o-
~iques qui just~fient en la voilant, l'oppression néo-co1oni<:l.le.
Ces nouvelles
mè t ho de s sont ég,:ü'üli1en t politiques : l'installa tian
d'équipes clirige<:l.ntes autochtones f'or-mè e s d' hommes Ldôo Logd.qucmcnt
,
et économiquement acquis aux gouvernements et
investisseurs
imi'0ria1istes desquels ils r-eço Lvcn t prébendes et soutiens mLlit.:ùrœ.
Ces équipes loc~les gouvernent contre les int6r~ts de 1eurs~u-
ples grâce auxquels elles ont accéd0 au pouvoir. ilinsi,
solidement
LupLan t e dans La struc ture économique des pays Lndôpondant o , Ies
è
monopoles impûria1istes orientent en fait,
par nationauxmterposés,
la politique
ùes jeunes Etats. QUQnù
dûs mouvements nationalistœ,
dans un élan patriotiques, tentent de donnez- un contenu réel àbl
indépendance, ils doivent affronter les pUissances impérialistes
K. Harx in "Le 18 Bru!Jlaire de Louis l3onaparte", in
M~rx Engols, oeuvres choisies tome 1~ p~ 454.
N'Krumah cite l'exemple ùe 1 1L.frique ,4ustra1e, partiel'),
plus riche du continent
oü le Broupe oppenheimer exerce
un monopole de fait sur l'exploitatiOJl et 1C1. commercia-
lisation deG énormes richessos minièr~s : or, diamants,
hydro-carbure etc •••

- 209 ...
dans une lutte à cort qu'ils perdront toujours s'i~s affrontent.
isolément' cet ennemi Géant qui jouit de complicitéé multiples
à l'intérieur m~me des Etats, dispose de gr~nds moyens et s'inB~
truit d'une tradition de lutte anti-populaire.
(1)
N'KrumQh déduit
de son analyse que la liquidationfu
néo':'oolonialisme dans les pays IIsous-développés" du fait de
l'exploitation capitaliste, aura un effet double
:.
- D'abord la libération ùes
peuples
directemen t
exploités par le système impérialiste mondial.
_ Ensuite, elle provoquera surtout une crisemortell
pour le capitalisme à l'intérieur meme de ses métropoles,
s~ite à·la disparition des superprofits qui constituaient la
réserve des calmants contre les fièvres revendicatives de n
classe ouvrière. :
Il appelle finalement à une coordination des luttes
en Afrique, e~ Asie et en Amérique Latine dans un front mondial
anti-néocolonialiste, seul moyen d'arracher une victoire contre
l'impérialisme 'contemporain dont la chu: te provoquerait par
ailleurs celle du système capitaliste prévu par Marx mais
selon des modalités différentes : " Narx a soutenu que le
développement du capitalisme entratnerait une crise à l'inté-
rieur de chaque Etat capitaliste parc~ que le fossé séparant
les possédants ct los non-possédants s'élargirait et rendrait
inévitable un conflit dans lequel les capitalistes serai8nt
vaincus. Que ce conflit qu'il avait prévu n'ait pas éclaté
pap-
tout à l'échelle nationale, mais sur la scène mondiale, ne
diminue en rien la valeur du raisGnnement. Le cnpitalisme est.
parvenu a retarder la crise, mais seulemtnt en prenant le risque
d'en faire une criso internationale. Il n'y a plus de danger
(n Dans "ChallenGe in the Congo",
N'Kruma.h dè uon t r-e que l'évic
tion de. Patrice Lumumba, héros et père du na~ionalismeoon­
go lais s'explique par le caractère isolé de la lutte
contre un ennemi plus puissant. Il y dénonce le manque
de soutien unitaire do l'~frique à la Ciluse du natio-
nalisme Congolais qui s'explique dit-il par àes compliciœs
de gouve r-nemcnts Africnil"ëI avec l' imlJ0rialisme.

- 210 -
à voir éclater à l'intérieur des nations, des guer~es civiles
e .
rrovoqu~s p~r d'intolérables conditions Je vie, m~is une
guerre ilternationale provoquée par la misère .~e la majorit&
du genre humai.n , qui s'appauvrit de jour en jour."
Çe nouvel éclairage sur le8
méthodes nouvellosœ,
riominatioL
l'internationalisation ùe l'exploitation capitâliste
1
et par t an t 1 "le la mondialisation de la résistance anti-impéria-
liste décrit iéjà
l'~pret6 de la lutte des classes à l'échelle
plan~taire et fixe dGS taches nouveilles pour la révolution
en Afrique.
Il
La lut te des c~.asses en Afrique Il (1)
s' inscri t dans cette .
,
orientation nouve~lle. N'Krumah y
approfondit pour l'essentiel
l~s thèses èc onomi.euas et politiques soutenues dans le "néo-col,-
nialisme, dernier stade l'impérialisme" ct son analyse Harxiste
développe deux id~es fondamentales.
D'abord, N'Krumah défend l'idée que les formations
sociales afric~ines soumises à la domination néo-coloniale
n'échap~ent pas à la loi devenue universelle de la division
en classos sociales aux intérêts antagoniqu~s:
contrairement
à des propos tenus sur l'inexistancc des classes sociales
en Afrique, il affirme ~~ue
"l'Afrique est ac tuellement le
thédtre d'une violente lutte des classes...
comme partout
ailleurs, il s'agit essentiellement d'une lutte ontre oppres-
seurs et
opprimé~~(a)
entre exploiteurs et exploités, lutte
qui, hier
opposait le colonisateur au
colonisé, aujourd'hui _
oppose en
milieu négro-africain la bourgeoisie pro- impérialiste
de l'Etat néo-colonial aux masses africaines.
Durant la période coloniale reconnait N'Krumah il "rot
un semblant d'unité nationale (les divisions sociales contempo-
raines s'effacèrent morœ.ntanément) et toutes les classes
( 1)
N'Krumah: "La lutte des c Laas e s en Il.frique "(class struggle
in f.friea, Panaf Books "1969), Présence Africaine, t r'aduc td on
Aïder, BQh Diop, 1972
(2)
op.
c Lt , p.
10

-
211
-
se lieuêren~ dans le but de chasser le pouvait colonial.
C'est cette épo~uG qui ins~ira la thèse selon l~q~ello l'~frique
ne connaissait'pas do divisions sociales et qu'il ne pouvait
ôtre questions d8 lutte.
des classes dans une société tradition-
nelle africaine communautaire et égalitaire.'1 (1) L'histoire
devait apporter la pruuve du contraire: l'0tape de
l'indé-
pendance vint éclairer les ant agon i.smes sociaux t.ompor-aar-ere nt
voilés dans les diff6rents fronts nationaux. En fait, dans- i
l'Afrique précoloniale, communaliste, esclavaeiste ou féodale}
il existait déjà des
embryons de clivaee en classes. Ce cli-
vage sera accentué par la coloniGation et reproduira pro-
gressivement lES rapports d t e xp.Lo L tation de type capf, taliste
entre bourgeoisie et prolétariat. La lutte des classes en
,
Afrique contemporaine, serait â proprement parler, un produit
de la colonisation, c'est-à-dire une extension en Afrique de
la lutte des clasBes qui se déroule dans les
métropoles capi-
talistes.
"Hais ce ne fut qu'après la conquê t-o coloniale
qu'une structure de classe de type européen se développa, déga-
geant deux groupes bien distincts : le prolétariat et la bour-
geo181e •••
La bourgeoisio (2) s'est ouvertement aliiée aux
néo-colonialistes, colonialistes et impérialistes, dans le~in
espoir de maintenir les masses aficaines
. ~uvriers, paysans, .
intellectuels . progressistes et petits fonctionnaire~dansun
état permanent de sujétion...
(3)
(1)
"La lutte des classes en
ilfrique" op. cit. p. 11
(2)
Décrivant la composition
sociale de la Bourgeoisie,
N'Krurnah y inclut" une petite bourgeoisie et une petite
(mais influente) bourgoisie nationale composé principalemen t
d'intellectuels, de fonctionnaires, de répresentants dee
)
profession libérales et des cadr-es de la police et de l'annœ J
l'armée.' " p. 66
~3)
"La lutte des classes en l\\.frique " op. c Lt , p.
25
l'
-

- 212 -
Le second point fort de l'intervention de N'Krumah
consiste à analyser le déroulement de la lutte des classes
en Afrique : insistant sur son caractère violent, ses rappots
organiques avec la lutte des classes dans les métropolesâdans
les autres régiomnéo-colonisées, il en fixe l'o?jectif stra-
tégique : la révolution socialiste mondiale.
N'Krumah revient sur les méthodes de la domination
néo-coloniale: le "contrOle économique grâce au système "d'aide"
et de prêts et grâce aux échanges commerciaux et financiers;~
"
1
é.conomies
l
l I t
d'
" t ' f
!U.::nn.·ml.se sur
es -
' :
oca es par
e vas e
a apo sa l.
des corporations internalionales ; contrOle politique des
gouvernements fantoches ; pénétration sociale par la bourgeoisie
indigène; imposition d'accords de "défense" et implantation
de bases militaires et aériennes ; infiltration idéologique
nettement anti--communiste ••• " (1)
N'Krumah dénonce ainsi
la complicité active de la bourgeoisie africaine au pouvoir
avec le c~pitalisme : pendant qu'elle diffuSG une idéologie
élitiste et violemment anti:-communiste, elle avalise dans.'.
la pratique politique et socia-économique la sujét~oni des
intérêts nationnx aux intérêts impérialistes ,par une tendance
grandissante des gouvernements à former des associalions, '
..
ou des organisations éoonomiques nationales ou régionales,
avec les multinationales impérialistes.Elle assure
la
continu~tion de l'exploitation du prolétari'
africain, brise~~
la resistance des ouvriEr s, en interdisant ou en empê c harrt
les gr~~~~1e~~~18it, les gouvernements africain deviennentde
fidèleo/dcs multinationales impérialistes qui exploitent leurs
peuples.
S'arrêtant sur la violence dans la lutte desdasses
en Afrique, il analyse le phénomène contagieux des "coups d'Eta t
militaires " : (2)
(1) " La lutte des classes en Afrique" op. cit. pp. 85
(2)
N'krumah, y consacre tout un livre " Dark days
in Ghana"
où à travers l'exemple du Ghana, il '.analyse et caracteriseI?
t.r-ent e-ϐp t coupts d'Etat en 11frique. Notons que depuis 1952"
on peut compter six coups d'Etat militaire - en Afrique.

-
213 -
ceux-ci expriment le conflit opposant le capitalisme à la
révolution socialiste et défendent en Afriquq les~:intérêts
impérialistes menaçéspar la lutte ~es masses populaires. Ils
ne modifient guère la nature ou le contenu de la lutte des
classes, ils n'en modifient que la forme en hissant au,pouvoir
de nouvelles équipes fidèlement attachées aux mêmes que me
précédentes. Tous les coups d'Etat observés en Aîrique résultent
d'une même s:" tuation : " il existe dl une par(les puissances
néo-colonialistes qui manoeuvrent les Eta~ néo~colonialistes
en donna~t
leur appui aux élites réactionnaires bourgeoises
dans leur lutte pour le pouvoir: et d'autre part, les masses
africaines dont la prise de co~science accrue révèle la
poussée de plus en plus forte de la Révolution ~ocialiste
Africaine. " (1)
cette nature anti-populaire et pro -impêrialiéte
des coups.d'Etat
en Afrique s'exprime dans les deux formes
essentielles que ceux-ci prennent : les "coups d'Etat réaction-
,
res" et les "coups d'Etat révolutionnaire"
Dans le premier cas~2~ne équipe ouvertement pro-imper.La·
liste chasse du pouvoir un gouvernement révolutionnaire issu
du peuple et pratiquant une politique authentique de libération
nationale. Ces coups d'Etat "sont la
preuve de la défaiteœ
l'impérialisme et de ses allié
qui, ne pouvant se servir
des méthodes traditionnelles, ont recours aux armes pour repoussŒ
l'avance socialiste et réprimer les masses. " (3)
Dans le second cas, une équipe se couvre des draps
de la Révolution nationale pour chasser du pouvoir un gouver-
nement classiquement pro-impérialiste. Mais en fait
sa révolutbl
n'est pas socialiste, mais le fruit de l'actions de la bourgeoisie
nationale. Après le coup"
d'Etat, la situation des classes
laborieuses ne changent D:ts
Elles sont toujours exploitées,
(1) "La lutte des clas-s~s en Aîrique " op. c i t , p. 61
(2) Il convient de souligner que dans Il DarIt Days in Ghana",
t[lKrumah indique une autre forme de "coup d'Etat réactionnaire":
celui par lequel une équipe militaire réactionnaire renverse
une au t.r e également réac tionnaire mais devenu trop Lmpo pu Laâ.r-e
pour continuer â défendre les intêr~ts capitalistes.
(3) "La lutto d8S c Lasso s " Olle c i t., 1'- 57

- 214 -
mais cette fois par la bourgeoisie locale dont les intér~ts
économiquement et or-gam quemerrt liés à ceux des p{iissances capit a-
listes, se dissimulent derrière une '\\ç~de nationalistes'
et
révolutionnaire.
Cette compréhension nouvelle de la dynamique deb .
classes en Afrique fixe des modalités nouvelles dans la ~utte
pour la Révolution socialiste. Ainsi, reprenant l'idée dG'
"l'uité africaine", N'Krt;.mah avance que celle-ci ne doit plus
être constituée ni immédiatement, ni par des décisions p o Id t Lque-
au sommot car, le continent est largemont gangrené par le néo-
colonialisme ct il s'y déroule une
violente lutte des classes
irréconciliables. L'unité qu'il s'agit de réaliser, devra inclure
non pas des Etats néo-colonisés, mais elle unie~a des Etats
résolument engagés dans la
poursuite ae la lutte d~émancipation
des peuples afribains : suite à la faillite de l'O.U.A. ~ ),
les mouvements nationalistes so c Laâ Lst.c s do Lvcn t oeuvr'ar'
refaire une ~nité panafricaine des masses, N'Krumah dans
" Handbook of Revolutionary Warfare" (2), établit un véritable
programme de guérilla continentale comprenant " un comité
panafricain de coordination politique ct une armée révolution-
naire populaire panafricaine" (P.
56 -58). Nous mesurons
cette mutation importante de N'Krumah qui proposait aux reasses
(n "organisation de l'unité africaine" dont N'Krumahdénonce
l'incapacité à défendre les intérêts des masses, particuliè-
ment dans
"Challenge in the Congo"
L'O. U. A. est
identifié par endroits à un syndicat des chefs d'Etat"
(2)
Traduire:" Hanuel de la guerre révolutionnaire ". Panaf,
Londres 1968
l

- 215 -
africaines le "Gandhisme africain" ct s'a hève ici dans l'adop-
tion des analyses marxistes qui lui permet de proposer une
I~:
action révolutionnaire pour appliquer le socialisme scientifique
aux _~ conditions spécifiques do_l '.Afrique : Il \\~ut en se con-
centrant sur la destruction de 11 impérialisme , &u colonialisme
et du néo-COlonialisme, la Révolution Africaine tend à une
transformation complète de la société. Il nè s'agit pas pour
les Etats Africain de choisir un mode capitaliste ou -non
capitaliste de développemGnt, car le choix a déjà étéfait~r
les travailleurs et les paysans d'Afrique: la libération et
llunité du continent, que c0ule la lutte armée dans le socialisme
réalisera. Car unité politique de l'Afrique ct socialisme~ntde
p"iir • " c apd,talismc populaire ", "capi t a.Lf.sme éclairé,"
"waix
des classes", "harmonie sociale" (1), tout cela représente des
tentatives bourgeoisi~et . fnllacieuGcs d'endoctrinement des
masses ••• Les Etats africains ne peuvent choisir que l'une
ou l'autre de ces deux voi&G : o~ revenir à une domination
impérialiste par le capitalismc et le néo-colonialisme, ou
1
adopter les .prî.nc f.pe s du sociali"sne scientifique; " (2)
Si donc la lutte des classes en Afrique comtempo-
raine ne peut ~tre victorieuse pour les masses africaines quo
par la révolution socialiste, celle-ci ne cons~itue qu'un maillon
dans la Révolution socialiste mondiale dont
les avants-postes
sont constitués par les pays victimes de 11 exploitation co Lorda Ls'to
et néo-colonialiste en Afrique, en Asie et
en Amérique Latine
(1) Il faudrait y ajouter d'autres mythes idéologiques dénonoés
par N' Krumah tels que la "négritude", le ''socialisme africairl' ,
le I1rriers - MondeIl : "La Négritude, dit - t - il, est une
conception irrationnelle et raciste, imbue des valeurs de l'occi-
dent et contre.révolutionnaire'L (La lutte dos classes en Afrique
p. 29). "Le concept de "Tiers-Honde" est
.llu~oire••• La lutta
contre l'impérialisme a lieu à 11 intérieur etll'extérieur du
mondejIDp1rialiste : il s'agit d'une lutte entre le socialisme
et le capitalisme et non entre le soi-disant "Tiers-Monde"
et l'impérialisme" (La lutte des classes en Afrique p. 102
(2) "La lutte des classes en Afrique" p. 103

- 216 -
...
"Car aujourd' hui, le 1J rocessus révolutionnaire réunit trois
courants: le système socialiste mondial, les mouvements de
libération des peuples d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine,
et les mouvements ouvriers des pays industrialisés capitalis-
tes •••
La cause de la révolution prolétaire internationaleœt
partie intégrante des luttes de libération du monde dn voie
de développement, car c'est le centre des antagonismes de
classes de l'époque contemporaine. Les pays du Tiers Monde
sont dévenus " les points chau~s" de la révolution mondiale,
amenant des coups directs et mortels à l'impérialisme"(l)
A ce stade le nationalisme petit bourgeois s'est métamosphose
,
en un véritable'internationalisme de militant prolétarien
là resident toute la grandeur et la richesse de la pensée
de N'Krumah.~ Mais c'est aussi là que s'explique la conspira-
tion du silence qui entoure cette oeuvre i&U.<.1.4 ;. Cependant
comme disent les sages. africains. Les mprts ne sont pas morts
ils sont dans l'enfant qui vagit "et en Afrique Australe le
puissant et combatif mouvement de la conscience noire," se
réclame déjà de la philosophie du consciencisme" du Docteur
Kwam~ N'Krumah.
(1) "La lutte des classes en Afrique P. 10.
+++
+++
+++

- 217 -
H A P I
T R
E
- IV
-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-
BILAN ET PERSPECTIVES
,
RELATIFS A L'IDEOLOGIE DE LA RENAISSANCE
==============================================================
NEGRO - AFRICAINE.
==================
Nous avons affectué un exposé critique des différents
concepts de Renaissance uccupant le champ
idéologique négro-afri-
cain. Nous pouvons à présent prononcer un jugement, c 1est-à-dire
énoncer une thèse générale qui, partant du bilan des productions.
i~4y'~~$ dont elle découvre les
limites et les échecs, fonde
la nécessité et élabore les moyens de leur dépassement.
Elle
comprend
trois étapes
- Contre la Négritude
nous n'avons plus besoin
d'Orphée Noir.
- Au delà du consciencisme
les
leçons d'une
défaite politique.

- 218 -
- Pour que l'idéologie de la Renaissance âcquiert une
force matérielle de :iJ~ rupture nouvelle : la nécessité et la
mission historiques d'un intellectuel négro-africain de type
nouveo.u.
~.:l Nous p~enons I>osit.io~ contre la Néeri tude ç~I.;J].~QJJP
n'avons ,plus besoin d'Or~!;.é~ : ce héros du nationalisme culturel
Noir, pris dans le piège du culturalisme ethnologique, a finalement
failli à sa mission historique en trahissant les ~Qenses espoirs
que son projet avaient soulevés, à savoir celui de réconcilier
le Nègre avec son monde en le rendant de nouveau ma1tre chez lui.
A présent, nous savons effectivement que son projet de
Renais-
sance portait en lui sa propre négation qui en étouffa peu à peu
le noyau positif: los intellectuels africains, en voulant conte
que conte se réhab~liter à leurs propr~yeux et aux yeux des
masses africaines face à l'Europe par la revalorisation des
cultures noires, sont démeurés en vérité victimes eux-m~mes
~
. de l'idéologie colonialiste et partant, complices de la stratégie
de domination de l'occident.
Ainsi, en reprenant les approches culturalist~d'une
ethnologie fondamentalement évolutionniste en dépit de ses accents
relativistes par moments, les Orphée Noirs cautionnaient dans
un écho lointain les thè~es de la suprématie de
l'Occident bour-
geois. Isolant parmi tous les ~spects de la vie sociale africaine,
l'Qspect culturel.,. arbitrQirement priviligiéo', a~dépens de ses
aspects politiques et économiques, l'ethnologue Européen visait
toujours à confirmer : soit directement la suprématie de l'Occident
en décrivant comment sa civilisation était
la plus achvvéeetet
comment les autres sociétés notamment africaines, étaient tout
au plus au début d'une trajectoire déjà parcourue (confère
Levry Bruhl et autres évolutionnistes) ; soit indirectement en
montrant dans. un sursaut relativiste au sein de la m~me problém~
tique co~paratist~comment la civilisation Occidentale n'était
pas la seule et qu'il en éxisto.it d'autres ayant une valeur

autonome mais qui, tout compte fal t, ôtaient c I'o aas , sc Lèr-o sée s '"
LnccpabLes de progrès, et condzunné ee à dislJnrn1tre
eu égard à
la mondialisation croissante do la culture occidentale. Lors-
qu'il s'intéresse aux aspects politiques et économiques do la
société africQine, l'ethnologue nous renvoit toujours à une
imc..ge 8i~plifiée des traditions politiques sçhématiquement
reduites à leurs dimcnéiomfigées, 06sif&06 ot vidées de leurs
tensions et bouleversenents internes. L'objcctif~ ça et là
demeure l'occultation des problèues de libération nationnle
effective pnr l'hypertrophie des problèmescuturels.
Si dans sa phase de péné~ration violente et destructive,
l'Occident capitaliste se justifiait par des aiscours idéologiques
.::tbsolument Européoce~tristes, niant toute valeur aux cultures
dominées, dans sa phase d'installation et d'exploitation, ils'ust
justifié~a:s théories relativistes. Dans l~s deux cas, il s'agiss~it
toujours de Ionder la "mission civilisc..trice." C'est à la phase
,
du pluralis~eanthJopologique qu'il convient de situer la . compli-
cité objective entre les .~.r. occidentaux et .(4;l'taillis<...
rid:ti:cnd.listes.4frJ.cains.
Pour les premiers, dont Tempels cons t Ltu...a:l.t, ..
ï111 Cjlilon
important p~r avoir directeDe~fourni des arguments auxhéros
de la Nogri tude, il s 'agï..ssait
dU:.;f.(»rtdlr.Fll'c~l~idJti ckMx "," objecti.fs
. essentiels
- D'une part, pour perpétuer la "missiop dvilisatrice lJ ,
il fD.llait nécessairement la réadapter en jetant un regard non
plue négatif et ouve r t emerrt par-t.Laan , Ll.1.ia' "neu'tre" et "".compr6hensif"
sur la culture africaine.

-
220 -
En lui reconnaisG~nt une diff6rence et une valeur absolues,
les ethnologues pouvaient ct r0ussiss2ient à y polariser toute
l'a~tention ùes nationalistes africains lesquels se d~tournGiollt
par lA-rn~rJe des problèmes réels de 12. dorri.nat.Lon
co noud.co-cpoLf.-
ô
tique. Cette
délil.:l.rche H compr 0h ens i ve " s'inscrivant d'ailleurs'
d:111S ln tradition do laps;nsée Occident<'.le autour de la question
iaè tupnys i.que
des rapports entre l' âme et le corps , aboutit à me
dichotocie entro la civilisation technique occidentale et
colle de l'aille Noire:
l'ontologie bantoue y est essentiellement
une tho.orie des forces. Le Bantou aurait une not'ion dynarai.que
de l'~tre contrairement à l'Européen qui en a une notion statique.
Saisissant cette yel t.anachauuig : du
J'loir dans une c ar-Lcat.ur-e
grossière, l'on se donnait pourtant les moyens idéologiques
de mieux le dominer.
- D'autre pn r t , toujours dans la pr-o b'Lêrrat i.que Occiden-
tëlle, avec l'ex.:l.ltation de l'~llie nègre, sorte de
"suppléüent
d' ~tlC" né c e aaad r e à la "Raison Technicienne", il fCl.llai t égalemen t
m~ttre l'Occident en gardk
contre les dangereuses aliénations
do ln personne humaine qui s'accumulaient en fonction de la techni-
cisation croissante de sa propre civilisation. C'était encorelà
une façon ne veiller à la bonne santé de l'Occident cëlpitaliste ct
impérialiste : le ooloni ca t.eur civ.ilisa, D<"lis no peut le faire
durablement qu'à l.:l. condition de se rehumaniser lui D~me, en
corrigeant ln déviation anti-humain~,
de sa civilisatiun originel-
lement et fondCl.i.1entale;:ient huraarri.s t e ,
C'est cans ce sillage d-e l'idé:ologie iti\\lpérialiste dorri.nant e
que vont s'engag~r les n~tionalistes Africain~ en
roprcnan~a
leurs comptes les conclusions d'un d0b~t cont;' ailleurs et compor-
tant deux :l.Spccts qu'ils nlont pas égalulD.cnt porçus : d'une po.rt,

- 221 -
ces nouvelles ~ppréci~tions ùes cultures Noires serv~ient à per-
pétuer ut élargir les conditions idéologiques de ln domin~tion
de l'Occident bourgeois; d'autre part, elles
permettnie~t
effûctivenent de
rev~loriser les civilisntionsnfric~in~ re-
donnant ainsi un certain
orgueil national et
une sécurité
psycho-~ffective à la petite bourgeoisie intellectuelle Noire
1
qu'une longue acculturation avait f Lna Leraen't t::.raum~tisé et deper-
sonnalis0. En ne retenant que le second aspect de cc débat, ils ont
objectiveillent servi son preuier ~spect pour se àire les défenseurs
complices d'une idéologie fondamentalement coloni~liste
en
d
t
t l
discours
.
" 1 ' de ntd
.,
t ' t
t '
l '
a op nn
es ~JUJ~~~OUVolr qu l s l en lfleren
a
or
a ce Ul
de la libération des opprimes, ils ne pouv~ient les libérer effec-
tivement. En vérité, ils préparaient plutôt un opiuù à lour
intention : en ~,;-,wlt. ~ Vrt{'{.\\-v:('w.wt,)deI1tJLbétation~)SOUS le drapeau
du nationalisme presque exclusivement culturel, les Orphée
Noirs
siillplifièrent à l'e~reme ln culture ~fricaine pour l'opposer
à celle du colonisateur' 1
_ faire paas er cette oppo af.t.Lon-,
imaginaire et caricnturaleavant les problèmes réels, politiques
et éconouiques, faisant ~insi de cette contradiction superstrutu~
relle, la contradiction principale dont la résolution d6terminer~it~
celle de tous
les autres problèmes d'é~ancip~tion.
Cette coup.Lf.cLt
objective du nntion~ ) culturel
è
(no t arauent chez 'Senghor) avec l'anthropologie coloniale se dêcouvr e
aisenment qu~nd nous recherchons l'origine des idées maitresses
de la Négritude.: " Or, la Négritude, c'est COIi'..De j' cd.me à lodiro,
l'enseillble des vnleurs culturelles telles qu'elles s'expriment
dans la vie, les institutions et les 06uvres des Noirs ••• Ce
n'est pas nous
qui avons inventé les expressions "Art l~ègrcll,
"musique Nègre", '-danso Nègre" ....

- 221 -
Pas nous la p~rticip~tion. Co so~t les blancs Europ6ens, •• (1)
Nous ~vioDs retrouve notre orguGil, nous nppuynnt sur les tr~vaux
des an thr-opo Logue s , des histoiriens, pctr:tùox:o.lcl,wlü. "b Lanc s ••• (2)
A l'inverse, c'est l'Europe qui nous :J. enseigné le "pélérinnge
·:).ux sources", nous a : renvoyés de ln soz-bonn o , à 1'école des
griots et des voyants." (3)
En v0rit6, ces intellectuels ne sont pns retournés âcette
dernière école, mo.is bien à celle du colonisateur comme l'avoue
Senghor. Là, résusci t.an t le mythe du "bon s.:Iuvage'lI hérité du Noyen-
-Age, les ethnologues co Lont.aux o.v.:tient c ouç u 10. vie naturelle comme
l'authenticité et :l'oxcellence morales qu'ils pensaiont
'etrouver
chez les HoiJ:s en l'occurenc8 :tl
"Par-mi, les peuples divers de
notre planète, chacun à exprimé d'abord un trait particulier de
~
la condition humaine ct de ln culture. Ceux de l'Europe ont excellé
dans l'int6gration de l'homme à la nature tandis quo les nécro-
afric~ins duns un 61nn d'amour
s'nb.:tndonnont aux forces tellur-
giques." (4) Ainsi, les lois ùe particip~tion, ù'intuition conme
-
- .
l
"",;J-.'
Y:. ..... ,,\\...a~,;'.vt ito4n
modes de connaissance et valeurs' ~",!9-~ ~:N.,(~J.~-..cI.L,NVUt)'"'''~. . ... :::/b
premiers théoriciens parci les ethnologues
défenseurs do la
dOBination coloniale
et de la suprématie de l'Occident :
L. S. Senghor in "Introduction de "Liberté 1" op. cit.
L. S. Senghor in "Pierre Teilhurù de Ctnrdin et ID. politique
.:tfricaine"·op. cita pp. 20 - 21
L. S. Senghor in " Liberté 1" op. cita p. 103
A. G<:,uthier Walter: Il Afrique Noire, Terre inconnue"; 1951

"
1 ' l S
l ' T '
-
223 -
~L'~ctivité 3entale du priuitif n'est p~s un phén08ènc intel
lectuel ou cognitif pur; c'est toujours un phéno~ène conplexe
où la réprGsent~tion est oonfondue avec d'nutres él&ments' de
carac t èr-e èrao t.Lonne Lou mo t eur- ••• L.:::. connaissance est toujours
colorôe par le senti~ent, p6n6trée par l'&motion ••• l'idée,
l'image, l'émotion, la passion se fondent avec l'objet dans une
essence corauune ;" (1)
Repren:mt ces thèses, Senghor les approuve
"L'él.1otion est nègre comme la raison Héllène ••• Hais parce que
le nègre est éuo t Lf , l' 0 bjet est perçu, à ID. fois dans ses
caractères morphologiques et dans son essence ••• Pour l'instant,
je dirai que le nègre ne peut in~giner l'objet différent de lui
dans son essence. Il lui pr~te uno sensibilité, une volonté, me
~aa d'hoüll:~e) mais d:'horJ.me noir...
C'est là le trait le plus
profond, le trait éternel del'~mc nègre." (2)
L1 orphée Noir demeur-e aûop t e de la "vision Blnnche"
du monde noir, vision dont le racisme implicito ou voilé, est
explicite chez GobineD.u:
"Nous 3.vons vu quelle profusion de fuu,,
do flames, d'étincelles, d'entrain, d'irreflexion réside danssen
essence, et coobien l'imagination, ce
reflet de la sensualité,
Gt toutes les nppétitions vers la matière Id
. rendent propre
à subir les iuprossions que produisent les arts, dans un degré
tout à fait inconnu aux autres familles humaines ••• Certainement
le nègre apparaitrait commo le poète lyrique, le musicien, le
sculpteur par excelence. " (3) Irreflexion, imagination forte,
sensualité, appétition de la uat.Lèr-e , autant de valeurs des civ:iJ,J.-
B:':ttiéh;gc..~Noirt;)s:
"Les valeurs de la Négritude participant, essen-
tiellement, de la retison intuitive ; de
la raison - toucher. Œ
Et
il est vrai quo la N&gritudo p~rticipc d'abord à la sensation
Cr) . L. Lqvy - Bruhl : "Les Fanc tions me n tales dnns les sociétés
prinitives", Alc:m, Paris 1910, P. 27.
(2)
L. S. Senghor : "co que l' nomme Noir apporte" in "Ld.bcr-t.ê 111,
op. cit. pp. 24 - 25
(:5)
Le COE1pte Del
Go bd.neau : " Essai sur l' in€:gali t6 des r-aces
hUl.J2..ines", Ed. Firmin Didot, Petris 1855, P. 360.
IIlJib

- 224 -
ct de l'instinct ••• Gr~ce â
son don, s~ns &G~l, de l~ fabul~tion,
qui est i~~gination créative, le N~gre passa na!v8@cnt, d8 la
sensation nu s8nti~ent, du toucher au sontir, encore unG fois, œ
ryth~e do l'Energie, ce wouveuent de la Force vitale, qui esth
source de toute pensée, de tout art~ (1).
Ainsi orientés par une idéologie colonLüiste qui sait
tnire son nora , les orphée No Lr;
à.bo ut Lr'on t
au l'en f'or-c emerrt dl;

let dor:1ination
t.r ang èr-o , tant au niveau des connaissances pervers EE
é
des cu]tur~s africaines qu'au niveau de la pratique politique'.
qui engage le proceSsas de sublimation - déviation ct rGcupér~tion
de la lutte dûs illasses pour la R0n~issanco: .
10
-
L~s cultures africaines sont prisvs dans une mité
formelle, schéQatique et irréelle. Etrangement si0p1ifiées, ~lles
sont réduites à leur niveau 10 plus superficiel, le plus tape-~­
l'oeil; au folklore. La culture Gst figée dans un t~ble~u
horizontal, sUffisah~ont simple et univoque ?our pouvoir ~tre
compar6e globa1ewcnt à la culture Occidentale. Sa diversité,
ses contr~dictionset sos discontinuités intornes y sont systé-
nntiquewcnt owises pour qu'elle bpouse une forne tracée d'avance
et ailleurs, s aris l' av Ls de ceux-là fJÙ;]Œ do nt on prétend définir
La culture. Nous avoris pu constater c omnerrt l' ont oLogLe Bantoue
essenticlleuent vitaliste était glob~leuent opp~sée à lQ uét~­
physique de l'Occidont.
Ce mode dt appr-oche erJpMEto ct superficiel '.:' ainsi
quo les conclusions hâ t i.v ce ct illégi t.Lne s C1.ux.-quelles e Ile abo utd t,
nJ peuvent d6couvrir finalûment qu'une culture uorto, lieu d'un
éternel retour des nômcs ritcs Gt v:tlcurs. Si ln culture africninü'
..
~pp~r:t!t si purf~itü, c'est justement p:trco qU.ulle nt~xistc
(1)
L. S. Senghor : Il Lat Lnf.tu et NeGri t ud o Il, CODll1is8~1rint
à l' Ln îo ruat Lon , Dnkar , p. 24

- 225 -
que dans l'i~aginntion do l'intellectuel colonisô ~ui tire direc-
tement ses images d'un schéma culturel colonialiste.
2° - En oriûntnnt lloppriwé Noir vers son passé
essen~iellvwnt cUlturel et parfait de surcr01t, l'Orphée Noir.
Gn endigue tou~
l~s ressentiments anti-co1onia1istes vers
une revalorisation cbJtu~elle abusivement confondue avec sa
libération. Ici, le culturalisme produit des effets politiques
pervers: l'exaltation des cultures noires fonctionne comme un
alibi servant à éluder les problèmes de libération
nationale
et de la lutte des classes.
L' hypertrophiedes phéno~ènes cQlturols engendre
le processus de dév:ï.ation - r-écupér-a tion des luttes d' êraanc i.pa-
tion réelle ct d'occultation des antagonisme de classe. Par le
phénowŒné de déviation, nous assistons à une transpos~ti~n~-
,.
cul~tive des prob1êmes 6conomiques et politiques vers ceux
culturels s'achevant dans une véritable inversion de l'ordreœs
t er-ue s dans lesquels ces prob1èwos se posent, et partant à l'in-
version de ceux ùe leur solution. La théorie chère ~ux nationalistes
afric~ins qui fonde la libération nationale sur une désaliénation
culturu11e relève de ce type de renversenent oü les problèmes
concréts des peuples africains s'évanouissent dans une savante
rhétorique sur la pette ou la méconnaissance de leurs valeurs cu1-
turelles. La colonisatton
est décrite essentiellement corumoune
dowination culturelle, une acculturation du Noir qui y perdmn
âme, sa force vi t al,e : ;r En t1~I11-e temps que les atteintes physLques
par l'esclavage et la spoliation économique, l'Afrique à subi'
une agr~66ion culturelle d'autant plus violente quelL.e était
dirigée contre IG b~stion le plus cohérent et 10 plus ~pte .
à Opposer l~ peilleurc résistance. Les colonialistes qui ont
i
.
L
investi ct les nèo-eco Lond a Lf.et es qui
ont continué dl Lnwes t Lr'

- 226 -
le meilleur de leurs énergies intellectuelles à détruire sa
per-
sonnalité culturelle ont bien compris la pl~ce prépondérante
du culturel parmi les forces constitutives d'un peuple ••• .( l)Le phé-
nom&n0colonial, à mon avis, est un phénomène idéologique et, comme
tel, ne peut que déclencher un processus d'unité idéologique, mr
il n'y a qu'une idéologie qui peut se confronter à une autre~ (~
De ce point de vue, le drame de la domination trouve saoolutionr
dans une Renaissance culturelle: " Notre thèse était, est que
la culture est supérieure à la politique dont elle est la condition
préalable,et le but ultime" (3), "qu'en Afrique, la Révolution
culturelle doit dévancer et préparer la Révolution politique,
économique et socié\\le." (4)
Tel renversement spéculatif des terme~ du problèmede
libération .coumande des solutions fausses fonctionnant tel un
o~ium pour créer une illusion de Renaissance. Sous le pretexte
f:111acieux d'une commune participation à "La Culture Nn.tionale",
il s'agit en fait de détourner l'attention des classes exploitées
des conflits économiques et
politiques réels qui les opposent
aux classes dirigeantes.
Traçant .:linsi la dimension politique de l'''Authenticité
(version zairoise du nationalisme culturel élaborée en 1972 par
le chef de l'Et.:lt alors que le ZaIre affrontait difficilement
de gr~ves problèmes économiques), MOBUTU rélève à l'Occident:
"Vous, vous ~tes un monde d'oppos11;.iOt'h mais nous autres, Zairois,
sommes un monde de ju~taposition. Citez - moi un seul village
Zairois où il y a deux chefs dont un de l'opposition. Il en existe
pas. Chez les Zaïrois, deux t~tes sur un seul corps conetitue
, ( 1) A. ·1'jTle Sara', 1n '''L'HoLllDe et la Société", Janvier Mars 19?3,
l
nO 2.7, P.' 144
(2) Kambebo, in "Le courrier d'Afrique" de Kinshasa, 19-20 Févria-
1972.
(3) L. S. Senghor in " Problèmatiquc de la Nè gr-Lt.ude '! , "Spécial
Soleil," Dakar, 8 Mni 1971
(4) Ahmed Sékou Touré : "Discours à la conférence syndic3.1e o.fro-
européenne de conakry" le 18 M.::\\rs 1969; in "HoroyCl Hebdo" du 20
Mars 1969.

7 rra
,
, r pg ""S'TrerE
- 227 -
"
un monstre ••• La notion de chef ne se discute pas. 1l (1)
Il est vain
de croire " qu'en Afrique la Révolution
culturelle doit dâvancer et pr6parer la révolution politique,
Il
économique et sociale car, ce sont, à notro sens, les conditions
de vic nouvelles dans une formation sociale libérée qui _pour-
ront seules suciter des mentalités et des cultures véritablemat
nouvelles et non pas l'inverse. Nos peuples s'iwpatientent __
plutôt de l'amélior~tion de leurs conditions de vie Qatérielles
que de~ronne santé de leur belle ~me. Ils revendiquent
dès
que cela est possible, le réconfort matériel dont ils Be
sentent
de plus en plus frustrés au profit des bourgcoisïes 10cales.(2)
par ad.Ll eur-s , l'abondante production des "Idéologies nationales"
à t.r-nve r-s l~ pays af'r-Lc aâ.ne , diffusant toutos. des thèmes de
libération, de "développement" etc ••• ,
represente dans la plu-
part des cas des tentatives pour récupérer les volontés populai-
,.
res d'émancipation réelle Clfin delt:s orienter vers des objectifs
contraines. Ce faisant, ces classes dirigeantes s'engagent
pleine~ent dans une lutte pour défendre leurs intér~ts de classe
tout en professant l'harmonie nationale, c'est-à-dire l'abscenco
de la lutte des classes.
Quand elles sont contraintes de recon-
na1tre la misère ou les graves inégalités sociales, elles
s'empressent de les justifier soit par des phénomènes naturels,
soit par la mauvaise gestion. Dans les deux cas, les solutions
(1) Cité in "Elima - Hatin ll du 30 MEli 1972.
(2) Il est intéress~à cet effet de citer l'exemple dela Guinée
Conakry) où '.iaprès une longue "Révolution Culturelle" (depuis
1958), les populations Guinéennes malgr6 un encadrement intense 1
ont fini par se lasser des éloges de leur culture nationalepour
revendiquer un developpement économique national. Les dirigeants
du pays ont été ainsi contraints de ~rotourner purement et ;
si~plement sous la protection de leur Clncien colOnisateur contre
lequel 20 ans de "Révolution cul turelle" nvaLDi~'t;:té<:JiB.néa:,.:; ())
/' revireuent consacre l'échec d' un vo Lont ar-Lsrne idéaliste soujacen t
à la conpr-èho nsdon des problèmes de libération na t Lona.Le il <hez.
bon nombre de dirige.:lnts natiollCllistes en Afrique.

p
" -
peuvent ~tre trouvées gr~ce à la "coopérntion techniqueô" des
alliés extérieurs dont l'huill8nisme et la compétence sont
indibuto.bles. Un dirig0nnt africain Cl. pu dire que le ~onde
è
tni t divisé en deux : le "monde sous-équip8(~" et le "LJO~ld8
équipé." Cette oocultation des alliances de cl9.sse à. l'échelle
mondiale nous semble de
plus en plus démystifiée gr~ce àh
violence actuelle de la lutte de classe en Afrique. Tant que
les "':lr.Jis étro.ngers" unanimement reconms v eriad.en t und.queraen t
de l'Occident capitaliste, 10. mystification pouvait porter ses
effets. Mais dès lors que d'autres nmis également Occidentaux
mais socinlistœsont ouvertement reconnus par des pays africains
Clyant arrJ.ché leur indépendnnce par 10. violence révolutionnaire,
la rénlité do 10. lutte des classes se découvre nécesso.ir080nt
1
.
par le bin.is de la
définition dèvenue problèmatique des "amis
étrangers"
de nos peuples. La dynamique des lu~tes d'émacipation
ayant aiguisé ~es contradictioœde classes dans le sud du contin~
la belle unamimité autour des amis de l'Afrique se dissipeet~
dêbat de .~ classe déjà engagê, s.~nte.i1fie:là. où certains
découvrent des ennemis et les idéologies étrangères, les autres
y voient des amis et des idéologies révolutionnaires pour
l'Afrique. Chacun doit choisir son C.1l.up~. Ce conflit crip Lto.Lpour'
l'avenir des peuples africains débouchera sur une option
historique importante et $rntégique cnr il influençora la
disposition et la force des classes à l'échelle planétnire. Mais
déjà., ce débnt consacre l'échec du culturalisme des premiers
nntionalistes africains dont l'objecitf fut et .demeure l'occul-
tation de l~ l.tte des classes en Afrique. C'est aussi en consi-
dération de ce t.t e ré::üi té nouvelle que nous 1'1" ~onJlplus.,b"soin
d'Orphée Noir, ce héros des wissions mo.nqu6es ou trahies:

-
22';) -
d~ns sa qu~te de l'hocme Noir dans un nouvement d'autre-reconci-
liation, il.n 01' Cl. p.1.S trouvé. Dans sa '1 u~te de l' homme t o t a L,
il Cl effectué un saut en déhors de l'histoire réelle.
L'imagination et l'iàualisation du monde nègro~afric~in
pouv:üent~ elles
donner au t r-e r-è suLt a t
?
P.ouvcüt-il (Orphée
Noir) découvrir le Nègre là où il ne se situait plus?
pouvait-
il le libérer en sublimant et en déviant ses problèQes réels?
Pouvait-il le libérer en continuant d'assumer une fonction de
classe qui opprimait ce dernier? Pouvait-il contribuer à la
libération du Nègre en pronant un dialogue pacifiste avec
l'être-autre;:; manifestant a i.na'i. le désir de se fb.ire
r-econnaî tr e
sans lutte?
Nous découvrons finalement les sources de
l'échec de la Né~ritude, échec
à poser et résoudre efficacemen t
les problèmes de l'aliénation du Nègre:
thé~riquement, le
problème de l'aliénation se posait et se résolvait à un niveau
~
spéculatif et subjectif. Pratiquement, les orphée Noir2 en
remplissant une fonction de classe destr~ctrice do la Renaissance
Noire, trahissaient dans leurs objectifs théoriques dans chacun
de leurs actes.
En pas snn t au "ConsciencisJ;le l1 nous r-ouar-quons que
là aussi~les résultats atteints dans la qu8te de Ren~issCl.nce,
n'ont pas été à la hauteur des espoirs.
,\\'
,1
_ &..
tt . g
i§@§4i2!i\\:gQM.4.il,.Q!, Pie
il
L.2.2-2.1----!III"l~~~~~~

-
230 -
2) - AU-DELA DU "CONSCIEHCIStiE" :
les leçons J'une défaite politique
Nous savons cODment N'Kru0ah ~vnit d'emblêe situé
le problème de ll.f.:;;.-.ncil'ù-tioll Noire dans son cadre po.litique
chez lui, toute référence ~ux cultures nQtion~les fonction--
naient essentiellement comille un argument d'appoint en faveur
de l~ libér~tion nationQle. En ce sens, il défendait un~ojet
ùe changement mieux êclairé et plus avancé que celui des
orphée No Lr.. , Hais, nous avons également suivi ln br-ut.aLe
dé f'ad t e du "consiiéncisIJe" r.LJ.térialisée par' l'éviction du
pouvoir politique de ses ·d~fenseurs. Pourquoi un projet si
avancé a-t-il pu ~tre aussi vite ~touffé ?
En vérité, ce pro~~t portait des Qantrndictions in-
ternes dont lévolution prévisible aboutissait à sn propre
négation : par~une tendance principale à la subliwation de
la lutto des classes, il fondait sur le mythe de l'unanimité
primitive des Noirs (basée sur leur iùentité culturelle), une
pratique politique frontiste : .On tenJ de plus en plus à
créer des Etats à parti unique. Et avec raison. C'est rume
tendance nat ur-eLl,c et compréhensible puisque no tre .no cf.e t è
est ég~litaire. En réalité, le illultipn.rtisme des pn.ys occi-
dentaux reflète les clivages sociaux et un système de classes
qui n'existent pas dans Los pays africains". (1)
Netis aussi
par une tendance secondaire à la désublirnation de la lutte
des classes, il renouait déjà avec quelques approches maté-
rialistes et historiques du phénomène de domination coloniale\\~'
pour justifier la nécessité d'une avnnt-garde anti- iLlpérialiste
-----------------------------
1
(1) Kwamé N'Krumah in discours à l'Assemblée Nationale du
GHANA le 1° Février 1966.
L~ ,,'.. uA ~-feA f. I+-~'V\\'W '._. ~ 1" ~~ O+~iÂ~ .. ~ ~rl, ~""J
1
f'f·1f1,,~ 2-13
..

- 231 ..:.
"Notre continent acc de à l' Lndépe ndnnc e à une épbque différente
è
î~ce à un iDpérialis~c plus puiss~nt
plus brut~l, e~ plus
expérimen,té, pJ..us dC1ne.::ireux et ud eux organisé aussi sur le
plan international, Il faut, pour notre progrès é~noDiqUe,
qu'on en finisse avec la dorrî.nat.Lon colonialiste cl. néo- 0010:-'
3
niaJiste en Afrique (1)...
L::s raouveuent s de nas se sont
utiles ~t bienfais~nts, Ll~is ils ne peuvent efficacement ~gir
s'ils ne sont guidés par un parti d'r~v::.nt-gQrc.lc (2)"
En
d'autreq termes, l'hétérogénéxte socio~litiqu6 n la D~se
insp1~éer~rl'unanimisDepropre aux sociétés négro-africaines
ne pouvait se refléter dans une hOfJosénéité théorique inspirée
par- laroalité des c.QIû:lit:a; de classes et la nè c ee sd t ê du
.
front ~nti-impéri~liste, L'exigence d'unanimité paraissait
~~me d'autant p14s forte et plus contraignante que l'unité
\\
réelle à la base~ était moins assurée. Ainsi l'unaniLlité au
plan métaphjsique fonctionnait-elle COLlnû un ,contrepoids
aux conflits d'intér~ts réels, Inversement, elle out p~u
d'ailleurs superflue si dans les formations sociales considérées,
r'é gnrd, tune solidC1.i'i té
hunadne réelle, basée sur une identité
ou une convergence objective d'intér~ts m~tériûles. Nous COD-
prenons alors que cette philosophie spéculative pour faire
l'accord de tous les ~~prits,serv~nt finalement cornue antidote
i~lginaire à un 'c?nflit oatériel irréductible, ait payé les
fr;is de son G:nbi~ieu6o S.,y.:n,t'hèfoe; , démontrilnt à sos défenseurs
que La raison économique '.' . l' ompor-taf t toujours lien dernièI:e
instance" sur toutes les autres. Cette writé se œcouvro
d'autcmt plus nettement que la défaite du "consciencistle"
advint au moment où N'Krunah (50n fo~d~teur'
(1)
K.N'KruLjah in discours d la "c on î é r-enc o au soramei-t des
p.:tys indépendn.nts d 1Afrique", NAI 1963.
(2) K. N'Krumah in "Autobiogr'lphie" op.cit P. IX
1
'"

- 232 -
tentait de redonner toute son Lupo r-t anc e historique au
facteur Batfriel, ~volu~nt Cl.insi du nationAlisne politico-
cul t.ur oL et petit-bourgeois vers une conc ept.aon œnr-xa.st.e
des problèmes de libérCl.tion nationale et de let "Révolution
Mondiale"(".
Mais il convient, etvant de tirer quelques leçons
p~litiques de cette défnite, d'en d6couvrir doux causes
externes: tout d'abord, l'encerclement hostile des
fossoyeurs de la libération vi~itGbla du continent africain
faisCl.nt de N'Krunah l'enneci à abattre (2), a~en~it ce
dernier à chercher un contrepoids dCl.ns une forte cogésion
n~tio~ale autour de son projet de libération et à refouler
ce faisant, les grctves contradictions soci~les qui s'y déve-
loppaient.
Là encore, il opposait à une atta~ue de classe, une
résistance frontiste.
En second lieu, l'auoption des thèses
~
émanant de lCl. direction du nouvement communiste international
(assurée alors par le P.C.D.S de N. Krout~hev) qui défen-
d::tient l'idée de "la lutte pour la dé110cratie na t LonaLe "
CODne étCl.pe de la lutte des peuples opprirné;s contribua à
l'6chec de l'expérience de N'Krumah, Niant l'existence des
contradictions et luttes des clQsses GU sein des .fùfcations
sociales dominées (no t.aumerrt en Afrique), cette théorie y
recOillwandait la form~tion des vastes fronts nationaux,
( 1)
"fonf ère l' orientcltion des anaLys os de N' Kr-unah dans
ses oeuvres de la troisième période.
(2) N'Kruccth accueillait au Ghana tous Jes opposants aux
équipes pro-occidentales alors au pouvoir dans une grande
partie de l'Afrique Noire. Il leurs donnait tous les moyens
d'expression et de prop3gande contre les régimss politiques
dcxleurs propres pays respectifs. Il était devenu ainsi ce
"chef d'Etat subversifll dont l'élü1ination assurerait la
paix néo-coloniale.
f

233
larges rassenblenents de tous les nationaux en vue d'une
lu tte d' éuanc Lpa tion pacifique pour f:L1re t r-Lo npher' d-ûs
Lnt.èr-ê t s prétendus CO;•rnuns ,
(1)
Ces facteurs externes de la faillite de N'Kruuah
(provisoire il est vrai), ont pu agir là où étaient posées
les c ondi tions f:worables à la dé fai te du "conac Lenc Lsrac"
le culturalis~e et l'unanimisme en bornaient le chaup
d'investigation théorique alors que 10 frontisme en limitait
pratiquement le niveau idéologique et politique. Dans une
Afriquû où convergent toutes les contraùictions de classe
de notre époque, où se creuse partout le fossé entr€
oppres-

seurs et oppriûGs, où se radicalisent les divergences poli-
tiqueij ,les luttes syndicales et armées, où la uajorité des
,
populations est surexploitée, mystifiée ~u point de se faire
les complices actifs de leurs propres bourreaux, les idéolo-
Gies domf.nan t e-s (discours dûs. ipouvo i.r-s en p.Lace ) prétend~n. t
encore que nous so~mes et serons toujours des parents unanimes.
Sauver et défendre notre "personnalité afric:üne", c'est préser-
ver notre bienhoureuse unnniuité. Mais enrealité, cette unifor-
mité im~gin~ire des intérêts ~~tériels pro~uit des ef~q~s:réols,en
occultautles profndes div~rgencp.s d'intér~t~ de Ql~sse dont l'eva-
luation né)us· pata1t être un pr-è a Lab I'e ie t
un -rlr.6yÉin ~1écessaires
~toute révolution en Afrique.
Ces limites idéologiques en tant que supports
théoriques de la défaite politique de N'KruIDah nous indiquent
cependant les voies de leur propro dépassement à travers trois
leçons mais aussi trois t~ches essentielles :
(1) Il serait intéressant d'étudier pour invalider cette
théorie, d'étudier les mê aav entur-es des "Revolutions Afri-
c.:1ines" qui s'en sont inspiré. De l'éviction do NtKruillah
au brusquo r-et our-neucrrt de Sékou TOURE en pas aan t par ln chute
do Nodibo Keitn (}'l.ali), une coris t an t o : la dynarn.que des co ntr-a-
dictions sociC1.les trécupérâe par les bourgeoisies locales a
fini pC1.r .:1voir raison de ln volonté politique illusoire d'une
idéologie n~tion31e Qu-dessus des conflits Je clC1.sSG.

234
10
-
La lut te idéologique f'Ù. t pnr t Le intégrante
de l~ lutte des cl~ssûs ~n Afrique : l~ t~chc des forces nou-
velles do ruptur0 consisto"i6i â ~pprofondir l'an~lyse des
classes soci8.1es en Afrique pour fonJér sur les ruines'
du mythe unanimiste une théorie scientifique éclair~nt les
nouvelles formes de la domin~tion, de l'exploitati6n et indi-
quer la voie de leur suppression qui passe nécessnirement par
l'écl~tewent (et non le renforcement) de notre unanimité -
parent9..1e.
2° - Les mésaventures des nouv enen t s de mas ae
dépourvus d'une avant-g~rde conséquente tel que fut le parti
.
de N'Krumah (le C.P.p), fixent une autre ttlche aux forces
de rupture münt~ntes : soutenir contre tout populisme la
1
nécessité d'une avant-garde révolutionnaire orientant les
mouve ment s de masse co mne une condition indispensable au
triomphe de la C~US8 que ceux-ci défendent.
30 - 1e cultur~lisme qui a produit des ~fets
politiques pervers, obscurcit en diffusant une eal.lpréhension
erronée de notre histoire. Le niveau peu élevé des rapports
marchands abuse Le cul t.ur'n Lf.sure alors porté à croire et repan-
dre y.ue les "r-e Lat.Lons humaines" (notamment les ays t èrae s
'
complexes de parenté0) déterminent les rapports sociaux de
production. Ces r e Lat.Lo n furent en r-é a Ldt.é. domLnant e e et
non pas déterminantes dans les rapports sociaux. Aujourd'hui,
elles perdent d'ailleurs rapidement cette dominance au profit
des rapports marchands. Il faut, pour J~enor à bien les ttlches
précitées, rechercher une compréhension nouvelle de notre
histoire ·qui accorde la place qu'il faut aux phénor.lènes cul-
turels, mais aussi et surtout au processus de production ma-
térielle qui les déterminent.
i'

235
Pour ac co mp I Lr- ces t âc he s historiques nouvelles,
(
il nous en faut los élites. CQ.lh$'..;;.,:L~~ 'récYlt~t Q.~seliti&l-
IODent nu sein des intellectuels qui se trouvent ainsi
investi de cette wission historique ~r 13 faiblesse nUwéri-
que et idéologique du prolét~ri~t conjuguée à la résignation
politique du payaanriat n'",3utorisent p3S ces cl eux principa-
les fractions Jes masses R~pulaires à l'assumer ùe façon
autonome.
3~ POUR QUE L'IDEOLOGIE ACQUIl;l(T LTHE FORCE HATERIELLE
DE RUPTUl-iE NOUVELLE : n&c(~ssi té <.; t mission histori-
gue~d'un ~ntellectu81 négro-3fricnin qe type nouve~u.
A l'heure où en Afrique, les intellectuels qui ont
dirig& les premières luttes anticoloniales proclament que
:'.~
nous sODocslibérés et e'évertue~t à nous ~pôchor de penser
~
au~hom de cette libération, toute pons6e critique devient
périlleuse, Il Lnc cmbe cepenô an t aux Lnt e L'Le c t.ue Ls de type.
nouveau de penser et diffuser d~ns les ~oindres limites
possibles que derrière ce be~u discours id~01ügique so
cache une volont8 réülle de nousfru~~r~r d'une Rcnaiss3nco
vérit~ble.Pour ce faire, il leurs faudra op&rer une double
rupture théorique et pratique.
a) De 13 nécessit& historique d'uno nouvelle
théorie de 13'rupture : Les intelloctuels nouve~ux devront
éclairer, inspi~er et orienter la volonté d'émancipation
réello, jusque 'là trahie ou trompée par les intellectuels
organiques des classes sociales dominantes. Ce faisant, ils
repenseront de f~çon critique los r3pports durultureld du
politique en les intégrant dans notr'u histoi~e à ~~iGir
comme voie de notre lib6r3tion : à 13 lumière du rnat&rialisme
,.
historique, ils analyseront les situations historiques Jonnées

- 236 -
en vue Je leur Elise en que s t Lo n ot dl] leu'" "ro.nsÎorL~:ltion
râvolutionn~ire. F~r un v~rit~ble reT.ursoDent copernicien,
ilsrefonderont notre histoiro au: ses fonde ncn t s l<l"toriels
et non sur ses marri.f'e s t.at Lon., super-s t ruc tur-e Ij.e s (caz-Lcn tur-è ca
du reste) c omne dans le cul t.u.rnLf.sme ,
Cette perspective th60rique permet de comprendre
les phénomènes culturels en to.nt que manifestations com-
plexes, dynaurl.que s et multiformes de l' G}'''&rience vécue
des rapports de l'houme â son ~ili8u na~urel et humain.
Par le vocable de "civilisation a f r Lc ad ne!", il s'agir::>. do
désigner non pas un sys t.ène ël~G de vnleurs Ld en t Lquee ,
ais
1
l'ensemble inachevo.ble par essence des productions cultu-
et
ralles et de leurs tensions internes,/cr~atrices sous les
1
formes qu'elles 'ont revêtues et sous les f'or'r.rc s qu'alles
revêtent aujourd'hui en Afrique. A C0 niveau; il conviendra
de restituer~toutes les contrCl.ùictions internes â cette
culture africaine tant il est vrai que ni chez nos ancêtres
ni dans nos formations sociales actuelles, l'unanimité et
l'identité des opinions et des intérOts~ont &té exprim~a3
dans nos cultures. Restituer les conflits, révolutions d
discontinui tés qui ont mar-qué 1\\ ~m2iZ""'-..t;.·,.A'Î'V)'\\OM~ 'C'~'j't1trk
civilisntion, pe rme t t.z-a de sctisir G(jè.:~~~'.mt~..son ~ç.rJ:l[L1Ü:S~ ~irt",~I'­
ne a étâ bloqué sui te
l'intrusion c oLo m.a.Le .o t c ou.rcn t donc
à
les mutilations qu'olle continue de subir ont finalement des
raisons et donc dos solutions politiques.
En v&rité, le monde noir pré colonial n'ct jamais
été ce "paradi.s perdu"
des ays t èue s sociaux de type escla-
vagiste et séui-féodal y existaient. De nos jours encore, l
l'inégalité des personnes (héritée de notre passé) se ~stifie
idéologiquenent po.r des arguments essentiellement réliGieux
et se fond~ prntiquü8ent dans différentes institutions socialœ
dont celle des castes nous Gomblo l'une des plus repanduoG.

te'., wu
....'-.
- 237 -
Les cnstes corrospondent à des group~s soci~ux hiérnrchisés
ct r empLt.aaan t
chacun nne function ao c La'Lo définie. En Afrique
sou~.:tnnise 9Ù 11~ctivit0 principale ost l'~griculture, l~
structure soci.:tle articule et hiérarchise souvent qUQtro
castes : les hommes libres, reconnus ci tOYOIB à par-t errt Lèr-e
les serfs qui sont d'nncions c.:tptifs ou esclnves j les foree-
rons travnill~nt générnlowent les métaux ; les griots qui
constituent 1::1. mémoire de ces "societés orales". Considérés
comme des citoyens mineurs, les sorfs, forgerons et cnptifs
ne peuvent occuper une fonction sociale dirigeante résorvée
à certaines familles pnrmi les hommes libres. Cette position
politique est"détermin&e par celle économique: los trois
cnstes précitées sont en effet exclues dans la répartition
des terres et donc contraintes de remplir des fonc~ions
économiques second~iros et c6mplé80ntaires (travail des
métaux, tissage ••• ) nu regard de l'activité pri~cipnle de
production qu'est l'agriculture. Si l'on a p.:ts noté ici uno
révolution historiqGe lliohêe.pnr dos oxploités, c'est quo l'idéolo-
g~tlBm~H~r.213-§s8~cu}t:mtles r appor t s d' exploit a t Lon et
d'oppr~ssion par des arguments mystiques était si fortement
intériorisée par les oxploit6s, que coux-ci en venaient à
acceptor leur condition socii>J.ù comme "nnturelle ll , voulue
par Dieu. Chncune de ces strates sociil~s continue d'expri-
iller son exp~rience vécue dans une sous-culture propre, térnoi-
gnantainsi dudynnmisme interne de notre civilis~tion.
L3 aominution coloni~le, en rabattant le citoyen
...-.
i~_
libre, 10 serf, le for~eron et le griot au m~me rang du
r·~
colonisé taillable et co r-vé ab Le à volonté J contribuait por
cette uniformisntion réelle â freiner 10 dynuoisme des
/ contradictions sqcinles D.fric~ines qui évoluaient nécessai-
rement vers des ruptures violentes. Il s'e~uit que les
r conflits culturels .:tctuels, sans s'identifier à eeux politiques,
l,

- 238 -
en dérivent et y trouvent leur solution et ~u lieu d'expli-
(
quer des situ~tions historiques par leurs m~nifest~tions
culturelles, il conviendr~it plut~t d'expliquer ces der-
nières p~r les conjonctures socio-pclitiques réelles s'inter-
di.s arrt o.insi de prendre lleffet pour la cause ,
1111 ne faut
donc pas se contenter de plonger duns le p~ss6 du peuple pour
y trouver des éléments de cohérence vis-à-vis des entreprises
f:lsificatrices et péjoratives du coloniD.lisme. Il faut
travailler, lutter à la marne cadence que le peuple afin de
préciser l'avenir, préparer le terrain où déjà se dressent
des pousses vigoureuses. L~ culture nationale n'esc pas le
folklore où un p.:opulisme ~bstr~it Cl cru découvrir la vérité
du peu~le. Elle n'est pas cettû~B6se sédimentéb de gestos
purs c 1est-à-dire de moins en moins rattachable à la réalité
présente du peuple ••• tes hommes del~ulture africains qui se
battent encore au nom de let culture négro-afJ:'ico.ine, qui ont
multiplié les congrès au nou de llunité de cette culture
;
doivent aujourd'hui se rendre cODpte ~ùe leur activité s'est
rr:.menoe à confronter des pièces ou è comparer rles sarcophages.
Il n 1y 0. pas de communauté de destin des cultures nationales
sén&g::l1ctise-
et guinéenne mrris c ommunaut.ô de destin des.
nat Lons guinéenne"
et sénég:üaise douri.nè e s par 10 même
colonialisme français ~ ••
L1adhésion à let culture n&gro-africaine, à l'unité culturelle
de l'Afr~4uo passe d'abord par un soutien. inconditionnel à
la lutte de libération des peuples." (1) Seule cette subver-
sion théorique nous interdira de nous regarder nous-ru~mes
avec les yeux des autres et nous aut or-Laera , en r(;~~lè..!:.-o!i'
derrière 11appnrente uniformité de notre culture son plur~­
lisrne i~terne, à prendre parti à l1int6riour de cetternlture.
C1est à ce prix seulement que nous ~boutirons â des conclu-
sions pert~nentes, c'est à ce prix que nous inventerons, que
1
( 1) Prant z Fanon in " les dnmn às de la terre", " IjJspéro 1970
.: PP. 163 - 165

- 239 -
~- ,
nous d6couvrirons des horizons vraiment nouv8aux~
b) De la nécessité J'une pr~tique nouvelle ùe l~
ruptur0 anti-imp8ri~listo.
La subversion th&oriquo cOillmande une pratique
nouvelle de la rupture anti-impérialiste s'identifiant 8ssen-
tiellament à la rernobilisation effective des masses, t~che
qui icjplique une véritable r-è vo Lutian des rapports de
l'intellectuel aux masses. L'intellectuel qui ;'idontifio
son destin à celui des forces sociales de rupture montantes
devra désormais rompre toute b~rrière qui l'isole ùe ces
dernières avant de pouvoir en devenir le porte-pnrole, voire
le dirigeant. Il devra se rendre compte, qu'on. ne prouve~,s
s~ nation à pnrtir de la culture mais qu'on la manifeste
dans le cotnbat que mène le peuple contre les forces d'occu-
pation. Il devra s:voir que faire oeuvre culturelle utile,
~
ce n'est plus emprunter à l'occupant ses techniques et sa
langue, mais redécouvrir et employer celles des masses
africaines, Nous ne pourrons éviter les i~pnsses où nous
ont conduit jusque là les qu~tes de Renaissance, qu'à la
seule condition de trouver les matériaux de cette ~enais­
sance noire dans notre propre milieu.
En se si t u an t f'e r-ueme n t sur co terrain, il faudrait
que nous parvenions non plus seulement à étudier nos langues,
mais aussi et surtout
à étudier dans nos aangues que mus
dévrons réussir à passer dû l'oralité à l'écriture, enfin,
a les adopter comme langues officielles. Dans nos pays où
les langues étrangères, véhicules des cultures occidentales
cont incomprises de l'i~uonse majorit~ des populations mais
démeurent l,' expression des élites Loc a Les , il est v r-an et
1
illusoire de vouloir opérer une Renaissance profonde dans

- 2.LtO-
C8S
Le..ngue s , a ao Lns quo nous ne voulions opèr-e n une
.,
Renaiss~nco pour et s~ns los w~sses, approuvant'~u exer-
çant toute l~ r&pression politique que cela suppose. Une
o~ression intellectuelle et politique qui, tUQnt l'énergie
créatrice des ill8sseô, leurs interdise au nom d'une Ren~is­
sance prétendument accomplie de penser i
toute ~utre
Rencüsscmce.
D~ns nos PAYS où l'immense m~jorité de la popu-
lation ne sait ni lire ni écrire, où la classe ouvrièreœt
nUDériquement et idéologi~ueQent faible, le nouvel intellec-
tuel uevr-a , Long t enp s encore, jouer un r ô Le dominant dans
Itêlaboration de 18 strat&gie des luttes d'émancipation
.
.
~ù~~t&8 à notre situation historique co~crète ; f~isant
ùe lCl. payso.nnerie 1,)" "force principale" et du prolétariat
1
"la force dirigèo.nte" dans le processus révolutionnaire,
il devr~ lier le succès ùes luttes de libération à la
coor-dd.nat Lon- de ces deux forces d an s une org:')"nisc.tion de
massa ôlcairée et orientée par une idéologie résolument
an t I-d.mpèr-La.l Ls t e , seule capable de porter fidèlement les
profonds vooux d'émanèt~ntian des larges masses africaines
exploitées.

·'
- 24l -
- C O N
C
L U S
l
û
N
-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-
,
Si dand et par les idéologies (revOtant d'ailleurs
différentes formes suivant ;tL~,t-)'pt dt.:,),.o~"'i.itiJ)l?euvent se jlstifier
ou s'invalider l'ensemble des rapports sociaux ùe production,
nous avons mesuré jusqu'à quel niveau ce ~~teur idéologique a
joué et continue de jouer, dans les formations sociales négro-
afric~ines depuis leu~;;pénétration par le ~.pitQl±6~e/lequel
repose sur d'autres types de rapports sociaux: pour iQposer
le système Je production capitaliste, il a fallu aux colonia-
listes, .;~'
justifier leur '''mission civilisatrice". Pour
s'opposer à la désintégration de leurs structures de produc-
tion, les Llasses négro-africaines trouvèrent leurs premiers
porte-parole
parmi les idéologUes de la Renaissance Noire.
En suivant ce débat idéologique qui se poursuit ct
qui traduit l'évolution de la conjoncture politique ,Jans
l'Afrique Noire cont~illporaine, nous avons finalement compris
pourquoi et comment le mouvement de la Renaissance avait échoué:
la petite bourgeoisie intellectuelle africaipe ~ été ùt deueurefi1
Lnjori té"
une sécrétion organique de la
bo ur-geo t.sà e capi talïste
i~périaliste. Bn assuraDt une fonction organique, objectivenent
[r~'sor::tblû ClU .ayst è:'.o "do dO;:li~,:üion f (h'omGère,
:e1.1..t
Bn tirait les intér8ts et les profits do classe subséquents. Elle
ne pouvait servir cons&quc~Jent les intér8ts rêols des;
masses
néGro-afric8incs qui, i- ".
J-
'
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"'
J- ". [ -:"
J , ' ,
'p1l18;iÜ
Q./\\0l-' i:l'V\\
t...f {(vnl,UvL'\\.x.I'V\\
,~vL-rv"v<.-''-f:.... .;yt! kW\\.
de cl<::.sse.

7
7
Il
"
p--------------------------
_ 2..4-'2.-
En voulant ùéfendre les Lasses, elle aura~t d"O. C~!1::::-""'.5i.;r
de caup, abanùonner sa fonction de classe on acceptdnt toutes
les conséquences négatives de son prn~~~ pu1nt de vue :
l'éviction du groupe de~ bên~ficiaires ùu systèoe de domination.
~ous co~prenons pourquoi leur opposition anti-colnniale ~'est
essentiellewent cantonné sur un frr~'G 2e lutte qui effray~it
d'autant uo i.ns les colon; al i ,tes que ce sont ces 1erniers-,~.
qui l' avaipnt 01J'T",;t> 8. dessein ded.étourner les luttes d' uan-
é
cj.n_ .....:.vIl
1.-1e leurs objectifs è.irecter.lOnt et f'ondat.errta Lenen t
po Lâ, tiques : le front cul t.ur el ,
Nous conpr-eno ns aussi
pourquoi ceux qui, paroi cet:e petite bourgeoisie intellectuelle,
ont osé quitter ce front pour radicaliser leurs luttes en lus
déplaçant sur les terrains politiques et éconouiqpes plus
déterminants, aient été éliuinés ou sont continuellcuent menacés
de l' ~tre.
Nous Cf 0, prenons pourquoi ceux qui co n t.Lnuun t de
"se battre" sur le front culturaliste se "portent toujours b Len"
et jouissent de tous les privilèges de 1l1'ancicnll colonisateur:'
~
Ceux-ci, jouissant de leurs privilèges de classa continuent de
se prévaloir d'une volonté de Renaissance pour pcrpétUBr et -
renforcer leurs positions : à travers une serie d'occultations
Ldéo Ingf.que s de l' exploi.tation persi tante e t plus cruelle, les
classes dirigeantes en trahissant le projet fondaoental de
Renaissance, élargissent ün~rité los bases de la douination
étrangère •
De ce point de vue, les divers concepts idéologiques
diffusés au soin des masses, quelles qu'en soient la grossieroté,
la bétisetvoire le ridicule, ne doivent pas nous amusor ou nous
désintéresser car avant tout -,tï-ls sont 0 fficaces puisque les
~asses les retraduisent dans leur langage, les int~riorisent
et s'y confornent pratiquünent et~de façon encore massive d~ns
la plupart des cas. Alors, que fair~ ?

- 24~-
Nous avons esquissé les conditions d'un nouveau départ:
une théorie nouvelle et une pratique nouvelle do l' h;Lstoire de
notre èmanc Lpa't i.o n, Là, nous <:\\ vons insisté sur la n èc e s s i, té 1
ct la r-üssion historiques d'un 1itntellec tuel de type nouveau,
nouant des nouveaux rapports avec les casses négro-africaines.
Si nous voulons nous identifier à cette nouvelle génération, li
DOUS faut renverser les perspectives d'approche théorique .. de
notre histo\\r~ en la fondant sur G:J. base réello sociQ-politiqu8
hypertrophié2, spécnlativeraent identifiée ft notre :less e nc e
nègre". Pour ce faire, la seule solution Gst do retourner effec-
tivecent â l'Ecole des masses, c'est-à-dire à une pratique
concrète en leur sein et non plus en dehors et au-dessus d'elles.
Nous avons indiqué quelques barrières à franchir pour écouter
ces Basses pour lesquelles, selon notre enqu~te à ~oursuivre,
la Renaissance doit aller' plùs loin que la sirilple croissance
écono@ique pour développer de nouveaux rapports de l'houmeâ la
nature, des honQGs entre eux, bref, elle porte un véritable
projet d!une civilisation nouvelle
dont nous pourrions
~
concencer à discerner los contours par un regard nouveau sur
ces rapports originaux dans nos fornations sociales dODinées.
1L nous faudra alors éviter deux positions égalenent
négatives : la première tend à nous enfermer dans ~n retranche-
Dont systématique en nOUS-DÔmes pour rechercher notre spécifici-
té illJ]J·u·rùéable aux contra"âictions hd.s t.o r-Lquos (notre-spécificité
dev e nan t différence en soi) qui se dé finirai t par un r e aaen t i.men t
. \\
!
. . / ,
e.~.J comme l'envers de tout ce qui est ~'étranger".
La seconde,
plusJ' r6'centc et propre à certains milieux "rL1arxistesllou."~arxisant~',
tend à minimiser nos particularités sous le couvert d'un économis-
me vulgaire pour lequel, la domination caFitaliste a fini ou
finira sous peu c~e nous identifier aux "prolétairos en soi",
c'est-à-dire de nous faire perdre toute i':1ontité :.lU'op:r:@ •.-

- 2414-
Nous savons et nous avons suivi corr~ent les facteurs
économiques sont déterminants en dernière analyse. Nous savons
et nous avons également suivi comment le système capitaliste
tend à créer partout le m~me type d'exploitation de classe
(bourgeoisie - prolétariat). S'arr~ter là, c'est s'interdire (:
cependant de comprendre la dynamique complexe de ce long pro-
cessus qui, passant par des voies différentes Dais adaptées
pour do~iner les structures précapitalistes spécifiques, aboutit
toujours à une conjoncturc~qpécifiquo de cette exploitation
qui commande alors une analyse et une pratique conséquentes
des luttes d'émancipation qu'on peut mener: les grands diri-
geants prolétariens (Lénine, Grausci, Mao) nous apprennent
qu'il faut faire la révolution que l'h~stoire réelle assigne.
Le matérialisme historique doit alors constituer Rour nous
utie théorie à la lumière de laqqelle nous analysons la réalité
co np Lexe de nos formations sociales et non pas un do gmo qui
pousse à la carricature de ces formations et finalement à ~ur
oppression. Nous avons d'ailleurs remarqué que l'économisme
~
diffusé à travers les slogans du "d èvc Loppcmont national •••
...1 1
,,;
"~LOl~te économique ••• fonctionnaient en Afrique à l'occultation
de la lutte des classes qui s'y déroule et à la rJconciliation
des classes et couches sociales exploitées avec leurs conditions
d'existence.
De ce fait, ceux qui en Afrique sc rlclament plus
ou moins ouvertement du Marxisme mais de contentent de définir
des. programmes de développement "plus dénocratique", "plus avancé"
etc ••• ; ceux-ci luttent sur le m~me terrain quo nos bourgeoisies
d'Etat et défendent au fond le m~me objectif qu'elles: réaliser
le bien-~tre compris dans son sens bourgeois comme l'avair et
l'accumulation ùes richesses matérielles. Eux aussi n'ont ;,r
pas encore compris le voeu profond de nos masses : alors que
celles-ci re'clar:lCnt une civilisation nouvelle, ils Leur-: propo-
sent une meilleure croissance économique.
Encore une fois, les
masses ~~~~~tt le risque d'atre frustrées de leurs espoirs
}'
légitimes.
1

-------------------
- 245 -
Plus que jumais s' Lnpo se donc le début idéologique autour de
notre Renaissunce.
Nous pensons déjà notre trava~l dans cette
orientation tout en r'appe Lan t pour éviter toute sp:éculation
vide, tout ressenti~Gnt et tout retrancheuent, 4*ttl· Rouê~fMudra
structurer notre débat autour de la recherche des solutions à
des pr-o bl.èmes réels, rencontrés dans notre pratique conc r t.e
è
au sein des wasses à écouter d'abord, à informer et à éd~quer
ensuite.
Telle nous semble ~tre la saule voie de la libération
effective que nous découvrons aux t e r-nee des Lmpa as es où abou-
tirent~les Orphée Noirs. Elle seule permet d'opérer un vérita-
ble dépassement dialectique dG ces échecs historiques, par la
t rans ror-na tion de ces iupasses en :::tauts trelli:p~ de libération.
Elle seule permet de Bcttre un terDe à cette grave scïssion
du "pour-soi" et de "l'en-soil! qui structure la conscience
.
malheureuse de tout opprimé~
Le projet de libération reste
à concrétiser.
Ceux qui tionnûnt un tel discours dans nos pays
c'ont identifiés à des "r~veurs", des "utopistes". Mais le
rOve d'aujourd'hui ne peut-il pas devenir la réalité
~t
demain? Les révolutions d'aujourd'hui n'ont-elles~as été les
utopies d'hier? Si on vérité nous r~vons, pourquoi alors
nous empfiche-t-on de r8vor ? Là encore, la voix do la sagesse
Bactbara nous donne la reponse : " Tu l:lana, kuman bi sé ka
lllogho faga" ("Parfois, la parole peut tuer").

- 246 -
l B LlO G R A PHI E
-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-
A -
0 UV R AGE S
G E N E RAU X /
PHILOSOPHIES DE L'IDEOLOGI
============~===========================~~======~=====
== = = == = = ==== ===
1)
9.W,F,
HEGEL
ET LA PHILOSOPHIE SPECULATIVE DE L'IDEOLOGIE
HEGEL
- La Phénoménologie de l'Esprit (2tomes)
Trad, JN-Hyppolite, Ed Aubier-Montai-
gne, 1947
- Leçons sur l'Histoire de la Philosophie
(2 tomes) Trad. Gibelin, Gallimard,
Paris 1954
- Leçons sur la Philosophie de l'histoire
Trad, Gibelin, Ed. Gallimard,
Paris 1963
.../ ...

- 247 -
HEGEL (suite)
- La Raison dans l'Histoire
Trad. Papaioanou, U.G.E~ 10/18,:'
paris 1965
- Les Principes de la Philosophiem
Droit t ri.ïuct , A. Kahn, Ed , Gallimard,
Paris 1949
Etudes sur
HEG~L
JEAN-HYPPOLITE
- Genèse et structure de la Phénoméno-
logie de
l'Esprit. Ed. P.U.~.,
Paris 1951
H, HARCUSE
Raison et Révolution
_•. _.. :_.,~: '.
Ed. Denoël-Gonthier 1~69
JEAN VJ,AIf,L
- Le malheur de la conscience dans la
philosophie de Hegel, P.U.F. Paris
1951
. ROGER GARA~Y
- Dieu est mort : Etude sur Hegel,
Paris P.U.F. 1962
2) Marx, les Marxistes et l'élaboration d'une approche matérialiste
de l'idéologie
KARL HARX
- La Question Juive. Trad. M. Simon,
Paris
Aubier 1971
-m~nuscrits économico- politique de 1844
Trad, K. Papaioanou, Paris U.G.E.
10/18, 1972
",. /
.'.. ...
••
. e 4
. *" #
$_. 4A#
,*
;g t ,
UjPAU444.
,4,+44

-------------------
- 248 -
KARL l1ARX lsuitc)
- Contribution à la Critique de l'Eco-
nomie Politique Editions Sociales,
Paris 1972
- Hisère de la Philosophie. R,eponse
à ln philosophie de la Misèreœ
Proudhon. Paris U.G.E. 10/18 1968
- Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte
Editions Sociales, Paris 1970
Le Capital Livre l, ()tomes), Ed.
Sociales, Paris 1971
HARX ET
ENGELS
L'IDéologie Allemande (1ère partie) ,
Ed. sociales, Paris
1966
- Le manifeste du Parti Communiste Ed.
sociales 1969
- Etudes Philosophiques, Paris
Ed.
sociales 1974
ENqELS',
- Ludwig Feuerbach et la fin de la
philosophie classique nlloD~nde. Ed.
sociales, Paris 1966
- Socialisme utopique et Boc~~lisoo
scientifique Ed. sociales, Paris 1959
.../ ...

- 249 -
. , .
1
(
V. l LENlNE
Cahiers Philosophiques, Editions
sociales Paris et
Editions du Pra-
grès, 1973.
- Matérialisme et Empiriocriticisme.
Paris, Ed, sociales 1962
ROSA
LUXEMBOURG
- Oeuvres III et IV : L'accumulation
du capital. Maspéro
- L'Etat et la Révolution. Paris Ed,
sociales 1972
SUR ,A, GRAMSCI-
- GRAMSCI dans le texte.
Trad..
Bramant, Hoget, Monjo e tRicci.
~d. sociales 1975
- LIRE GRAMSCI par, Dominique Grisoni
et Robert Maggiori. Ed , Universitaire s
1973
- GRAMSCI ut l'Etat par C. Buchi-
Glucksmann Ed. Fayard, 1975
l1AO-TSE-TOUNG
- Cinq essais philosophiques • Ed.
du Peuple, pékin 1965
- Pour GRAMSCI par M. A. Macciocchi
Editions Sociales 1974
G.
LUCKAC.s
~ Histoire et Conscience de classe
Trad. K. Axélos, Ed. de Minuit, 1960
.../ ...

- 250 -
SUR A. GRAHSCI (suite)
~.
K. l"IANNHEIM
- Idéologie et Utopie. Paris, Rivière
1956
H, MARCUSE
- L'homme unidimensionnel
Ed, de Minuit, 1968
- culture et Société
Ed, de Minuit, 1970
- Eros et Civilisation, Ed, d~ Minuit
1970
J, GABEL
- La Fausse Conscience, Edj de Minuit
1962
- Idéologies. Ed, Anthropos, Paris
Juin 1974
LOUIS ALTHUSSER
- Pour Harx. paris, Maspéro: i, 1965
- Lénine et la philosophie. Paris,
Haspéro
1972
Eléments d' autocri tique. Lib •.
Hachette, coll. Analyse, Paris 1974
- Idéologies et Appareils idéologiques
d'Etat in revue, La Pensée nO 151,
Juin 1970.
HELENE VEDRINE
- "Les philosophies de l'histoires,
déclin ou crise? ", Payot,
Paris 1975
. H. LEFEBVRE et Ft CHATELET
0;
- Idéologie et vérité 1 in "Les cahiers
du Centre d'Etudes
"
socialist~ ~
2~
Paris 1962.
;
.../ ...

- 251 -
B - 0 U V R AGE S
/
RENAISSANCE
NEGI~ - AFR~CAINE
=======~~========;===============~===============~====
1- OUVTIAGES ECONOMIQUES. POLITIQUES ET SOCIOLOGIQUES GENERAUX
SAMIR
AHIN
- L'accumulation à l'échelle mondiale
Ed. AnthDopoS (Paris) - IFAN(Dakar),
1970
- L'Afrique de l'Ouest Bloquée, l'é-
conomie politique de la colonisation
(1880 - 1970). Ed, de Minuit 1971.
TIBOR t-ŒNDE
- De l t aide à la re'Colonisation :
les leçons d'un échec. Le seuil,
Paris 1972
PIERRE JALEE
- Le Pillage du Tiers-Monde. Maspéro
1965
~L'.iL1p.érialisme en 1970. Maspéro 1969
A. GUNDER FRANK ~
- Le Développement du Sous Dévelop-
pement. Maspéro, Paris 1969
AI1ILCAR
CABRA~
- Unité et LutteI: lt~rDé de la
Théorie Cahiers libres. Maspéro·,
Paris 1975
L~ VINCENT THOMAS
- Les idéologies négro-africaines
d'aujourd'hui. Librairie A. Nizet.
G. LANDRI HAZOUME
- Idéologies tribalistes et Nation
en Afrique Ed. Prés. Af. Paris 1972
YVES BENOT
- Indépendances Africaines : Idéologies
et Réalités (2T). Petite coll.
Maspéros, Paris, 1975 •
.../ ...
~---------~

~
(.
;' l .
!
- 252 -
C, LEVI - S'J'"~~
- Raco et Histoire, Ed, Gontier,
D.N.E.S.C.O., Paris 1961
J. HAQUET.
- Africanité traditionnelle ,et moderne
Ed. Prés. Af. Paris 1967.
G. BALAHDIEH
- L'Afrique Ambigue. Ed. Plon 1957
- Messianismes et Nationalismes en
Afrique Noire in "Cahiers interna-
tionaux de Sociologie", Paris 1953
,
J, STALINE
- Le Marxismo et la question nationale
et coloniale. Edit. Norman Béthune,
paris, 1974
BORIS ERASSOV
- La personalité oùlturelle dans~s
idéologies du Tiers - Monde. in
Revue Diogène Juin 1972
G.
LECLERC
- Anthropologie et colonialisme
Ed. Fayard, 1972,
J. LONBARD
- Tribalisme et intégration nationalo
en Afrique noire, in "L'homme et la
société" Hai, Juin 1969
E. TERRAY
- Le Marxisme devant les sociétés
primitives colle, Maspéro, Paris 1972
CAHIERS DU C.E,R.M.
<centre d'Etudes et de
Recherches Marxistes, Paris)
- Sur le mode de production Asiatique
Ed. Sociales, Paris 1969
- Sur les Sociétés Précapitalistes
1
Ed. Sociales, Paris 1973
.../ ....

- 253 -
~..
M. LEIRIS
- L'Afrique fant~me. Gallimard,
Paris 195.1
2)
OUVRAGES PHILOSOPHIQUES, PSYCHOLOGIQUES ET LITTERAIRES GENERAUX
HARTIEN TOWA
- Essai sur la problématique philoso-
phique dans l'Afrique actuelle. E d,
Clé, Yaoundé 1971
Paulin HOUNTONDJI
Sur la "philosophie africaine" •._..
i.::"
»,
Critiquû de l'ethnophilosophie.i.
,
Maspéro, Paris 1977
ALASAHE N'DAW
- Peut-on parler d'une philosophie
africaine ? in revue Présence Afri-
caine nO 58,
1966
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in "Annales de la Faculté des lettre s
et Sciences Humaines de Dakar.
nO 3, P. U. F. 1973.
EBOUSSI BOULAGA
- Le Bantou Problématique in Revue
Présence Africaine nO 66 - Paris 1968
J, 'CALV IN BAHOKEN
-~Clairières métaphysiques Africaines.
Prés. Af. Paris 1967
L. LEVY BRUHL
- Les fonctions mentales dans les
sociétés inférieures. P.U.F., Paris
1951
J. JARNe
- Huntu : l' homme africain et la wl-
ture néo-africaine. paris, Seuil,19~
.../ ...

- 254
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La philosophie Bantoue.
Trad. Rubbens. Ed. Prés. Af.,
Paris 1965.
t1ARCEL GRIAULE
- Dieu d'eau, entretiens avec Ogotem-
m~li Fayard 1966.
ALEXIS
KAGAl'iE
- La philosophie Bantu - Rwandaise
de l'Etre Ed. Duculot, Bruxelles
1956
JOHN M'BITI
Philosophie et Réligions Africaines
tr·:(~;.· : do l' ang.Lad,s par Christiane
Le Fort. Ed. clé, YAÜUNDE.972_
HUBERT DESCHAHPS ,
Les Réligions de l'Afrique Noire.
P.U.F., 1954
FRANTZ
FANON
- Peau Noire, masques blancs. Le
Seuil, Paris 1952
- Les Damnés de la Terre. Maspéro,
Paris 1969
O. HANNONI
- Psychologie de la colonisation
Ed. du Seuil, 1950
A. KASHAMURA
- Culture et Aliénation en Afrique.
Essai sur la vie quotidienne ŒmS
une société aliénée. Ed. du Cercle
1971
HUBERT DE LEUSSE
- Afrique - Occident, heurs et malheuœ
d'une rencontre. Paris Ed. de
l'Orante, 1971
.../ ...
l

- 255 -
AIME
CESSAIRE
- Discours sur le colonialisme. Prés.
Af. Paris 1955
- Cahiers d'un retour au pays natal.
Prés. Af. Paris 1956
GEORGES BALANDIER
- La littérature Noire d'expression
Française in Revue "Présence Afri-
caine : le monde noir" Paris
8/9/ 1950
LILYAN KESTEDOOT
Les écrivains noirs de langue Fran-
çaise : la naissan~e d'une litté-
rature. Institut de socio1ogiede
l'Université libre. Bruxelles, 1963
M. BATTESTINI
L'angoisse chez 'les romanciers
Africaines d'expression française.
Dakar,
9/ 1963
SUNDÀY ANOZIE
Sociologie du roman africain
Aùbier - Montaigne 1968
CHEIK H
KANE
- L'aventure ambigùe. Ed. Julliard, 1961
A. SADJI
- Nini. Ed. Prés. Af.
, Paris , 1954
Maimouna. Ed. Prés. Af., Paris
1956
OUSMANE SOCE DIOP
- KARIM. Ed. France - Afrique 1949
OIISI1ANE SEIŒENE
- Les Bouts de bois de Dieu. Le
Livre contemporain Paris 1961
CAt-1ARA LAYE
- Lo regard du roi, Plon, Paris 1954
.../. , .

i'
- 256 -
ABHADOU
KOUROUMA
- Les Sole~ des indépendances. Le
Seuil, Paris,
1970
VAI,IBO
OUOLQGIU;M
- Le Devoir de violence. Le Seuil,
Paris
1968
SEYDOU
BADIAN
- Sous l'orn.ge (Kany). Ed, Pré3. Afr. ,
1964
CHINUA
ACHEBE
- Le Monde s'effondre. Trad. Fr. Prés.
Af.
, Paris 1966
- Le malaise. Trad. Fr. Prés. Af.,
Paris
1974
F. OYONO
- Le Vieux Nègre et la Médaille.
Julliard, Paris 1956
Chemins d'Europe. Julliard, Paris
1960
O. BHELY - QUENUN
Un piège sans fin. Stock, Paris 1960
MONGO BETI
- Le Pauvre Christ de Bomba. l,Affunt.
Paris 1956
JOMO KENYATTA
Au pied du Mont Kenya. Maspéro;
Paris 1960
NAZI
BONI
- Orépuscule des temps anciens. Prés.
i

Africaine. Paris 1962
1
",
ECRIVAINS ET ARTISTES NOIRS
- Rapport des 1er (à Paris 1956) et
2è (àRome 1959) Congrès •
.../ ....

- 257 -
3-
OUVRAGES SPECIALISES
1
RENAISSANCE AFRICAINE
a)
SENGHOR
LA NEGRITUDE ET SES CRITIQUES
,)
LEOPOLD SEDAR SENGHOR
- Poèmes: Chants d'Ombre (1945)-
Hosties Noires (1948).
Ethiopiques (1956) - Nocturnes ( 1961'
Poèmes divers. Ed. du Seuil, Paris
1964.
- Liberté l
: Négritude et Humanisme.
Ed. du Seuil, Paris 1964
.
,
- Liberté II
Nation et Voie Afri-
caine au Socialisme Ed. du Seuil,
Paris 1971
- Les fondements de l'Africanitém
Négritude et Arabisme. pres. Afri-
caine
1967
- Négritude, Arabisme et Francité.
Ed. DAR-AL-KITAB Allubnani,
Beyrouth 1967
- Pierre Teilhard de Chardin et la
politique Africaine. Ed. du Seuil,
Paris 1962.
Anthologie de la nouvelle poésie
nègre et
malgache P.U.F., Paris,
1948
.../ ...

- 258 -
LEOPOLD sEDAn SENGHOh (suite)
- Pourquoi une idéologie négro-afri-
caine ? in Revue Présence Africaine
nO 82, Paris 1972
- Pour une comnunauté Franco-Africaine.
in Cahiers de la République, Novembre
Décembre 1958
- Défense do l'Afrique Noire. in Revue
Esprit, Juillet 1945
- Comruen t nous sommes devenus ce que
nous SODues ~ Revue ~frique-Action
nO 16 du 30/1/ 1961
Problé~atiquc
de la
Négritudem
colloque. sur la Négritude, "Spécial
..
Soleil ll nO 305. Dakar, Avril 1971
. ~)
CRITIQUE DE LA NEGRITUDE SEHGHOIUENNE
R. ~ŒRCIER, MONIQUE ET
SIMürŒ BATTESTINI
- Léopold Sédar Senghor, poète Sénéga-
lais Ed. ~athan 1964
J r P • SA1r1'l~E
- orphée Noir, préface à IIAnthologie
de la nouvelle poésie Nègre et Mal-
gache. P. U. F. , 1948
. GABRIEL D'ARBOUSIE~
- Une dangereuse mystification : la
théorie do la Négritude. " La Nou-
velle critiqut:: lI , Juin 1949
... / ...
"'-t-aauZ&2E2SSd&&&.J.ù2,aOW.,ik t. '{424__',4444';1(._42$:' Hœ", #. (4
) !J;kt . 1 ;;"
',' 4
.M# -PHI;;
*

-_.• _....... ~.
"'"""~""~,,.'b 'et
&-.
' ) . - "
, .
"
;
- 259 -
HARTIEN
TOWA
- Léopold-Sédar-Senghor : Négritudo
ou
Servitude? Ed. clé, YAOU1IDE·1971
S. S.
ADOTEVI
- Négritude et Négrologues.
U. G. E-
10/18/, 1972
THO)'0-S HELONE
- De la Négritude dans la littérature
négro-africaine. Prés. Afr., Paris,
1962.
OKECHUKVJU l'-1:EZ U
- Léopold-Sédar-Senghor et la défense
et illustration de la Civilisation
Noire. Didier 1968
LYLIAN KESTELOOT
- Négritude et Situation Coloniale
Ed. Clé,
Yaoudé 1968
REl\\TE TAVERNIER
- Léopold-Sédar-Senghor ou le poète
reconcilié. "Pt'euves-Informatione"
nO 147 du 6/2/
1962
L. VINCENT-THO}~S
Senghor à la recherche de l'homme Noir.
in Revue "Présence Africaine" nO 54,
1965
- Panorama de la Négritude, in colloque
sur la littérature d'expression
française •
.
SEKOU
TOURE
- La Révolution Culturelle. Ed. Patrice
LUMUMBA, Conakry 1967
J. NYERERE
- UJAMAA, the basis of african socialism
Dar-es-Salam 1962, trad. Française:
socialisme, Démocratie et Unité
Africaine. prés. Afr., Paris 1972
.../. ·.

- 260 -
b)
KWAl-Œ N 'IŒUHllJ!
PAFAFHICAHIS!'Œ
-
CONSCIENCISÏ·\\E
ET
LUTT~
DES
CLASSES.
1) F. KWAHB 11'KRU1"iAJI
- ~owards Colonial Froedom (1945). Edi.
Heinemann, Londres 1962
- What l mean by Positive Action.
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.../ ...
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4.
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\\S'4) .. Y.K,; i.4 C

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- L'Unit6 culturelle de l'Afrique
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Fédéral d'Afrique Noire. Prés. Af.
Paris 1956
PATHE DIAGNE
- Pour l'Unité Ouest - Africaine.
Anthropos, Paris, 1972
SPECIAL PRESENCE AFRICAINE
_Hotib~Çq à Kwamé N'Krumah. nO 85.
Paris 1973
- Conférence au sommet d~s pays
indépendants Africains (Addis-Abéba
Hai 1963), paris 196L~
.r-
l'
1
rIlI~

263 ~
-1 A BLE
DES
MAT l E n E S
IN!rR.CDt'OTIPB ••••• G
11
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PREMIERE
PARTIE:
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CI~~ITRE 1: De l'idéologie en général et en particul~er l'
l'idéologie négro-africaine: de la recherche.d'une
théorie Marxiste aux hypothèBes~nnr l'idéologie de la
·Renaissance Noire ••••••••..•••.•......
13
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l -Brève retrospective: Unité et Divergence des approches
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1 3
II -Recberche d'une théorie Marxiste de l'idéologie •••••••••.•
20
,
III -Hypothèses sur l'idéologie négro-africaine •••.•..•....••••
44
1
CHAPITRE I I :
Signification~de l'idéologie négro-africaine
à l'époque coloniale ••.•.•••.••••.•.•...•.•••.•. o •• o •••••• ~
50
I--Les fondem~nts matérialistes des idéologies du malheur~ ~
de la conscience negro-africaine:les determinations struc-
turales et la dialectique des contradictions sociales
coloniales •••••.••••••••
51
0
• • • • • • • • • • • •
0
• • • • • • • • • • • • • • • • • •
Cl

A) L'antagonisme fondamental et structurel des modes de
production et des intérêts de classe: les fondements
structuraux d'une contradiction principale Domination/
Résist·an..ce •••.•••.•••....•....••. e •••••••••••••••••••••••
52
B) Prise de position et lutte des classes: comment la dyna-
mique de la contradiction principale aboutit à une iné-
galité des forces et des places conjoncture coloniale ••••••
60
11- Les échos idéologiques des contradictions historiques
réelles: le discours d'une conscience malheureuse dans
sa structure e,,:t sa genèse •.•...•.......••••....•.•.•.•..••
74
A) - La structure de la conscience malheureuse :
1/ Signification Hégélienne •.••..••.•••••....•••...•..•••.• 85
2/ Illustration négro-africaine ••••..•..•.•.•.•••••.••.•••. 76

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PAGES :
E) - GenèsEi de :'1d cons c cnc e r-alheureuse :
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2/ Illustration particuliaire : signification du
premier mouvement de la Négritude: malheur et ré-
conciliation ou aliénation et qu~te des sources

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a) Problérnatique .. o ••••••••••••••• , • ">' •• t ••• •
b) Les fonctions ou tâches de la Négritu-
de ..•.•••• " .•••.• , •••.••... c •• c ••••••••••••
- Les fonctions théoriques
o.....
9C
_ Les fonctions pratique s. • . • • • • . • • • . • •
1CJ ~
c) - Résultat du processus : Indépendance et nouvelle
disposition du jeu des forces et des classe"S
113
DET:JXIEME PARTIE:
LIBERATION,FAUSSE CONSCIENCE ET REVOLUTION.
-.,. .
-_...
.
~.
-,
. _. -- .
.
..
........
CHAPITRE III ~ Formation sociale indépendante et discours
de la "Fausse conscience" et de lalfconscience criti-
quel!: philosophie des idéologies de la Renaissance
à l'époque coloniale
o
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
115
G . O
• • • • • •
l
Les fondements matérialistes de l'idéologie négro-
-africaine : les déterminations socio-historiques
de la nouvelle dialectique des forces et des clas-
s e's soc i al es .. c •••• , ••••••• 0 ••••• e ••••• ,
0
0



! 11 6
II - Les reflets idéologiques contradictoires du systè-
me social indépendant: rupture et conflit idéo-
logiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . • . • . . . . . . . . . . • . • •
118
A) - La Négritude Prospective comme idéologie de la
"fausse conscience"
, . . . . . .
;11[\\
1/ Illusion surAa fin et la victoire de la lutte
pour la Reconnaissance : le rflet des apparences ct
l ' illusion subjective de "bonheur"...................
120
2/ Vérité sur la fin et la victoire de la lutte
pour la Reconnaissance : réalité de la perpétuation
du mal hcur , 0 •••••• if ,
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• • • •
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- 265 -
PAGES
H.ésultat final: Di~lC'ctj_quc C.Of:. G;r_usc..~.ç't.~~G .. G'fletc.(2G::,1!il-
lusion idéologique dévoilant ln fonction nouvelle de l'idé~~
oLogI e dos Indépendances négro-africaines ..••..•.•.• , •••. , •• ,
1L.-~
E) - La doctrine de la Renaissance chez Kwamé N'krumah :
comment la philosophie devient monde et le nationa-
lisme petit-bourgeois, prolétarien •.•...•.•••• ~ •• • • • • .
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Obs er'va't Lcn s prélirninaires .•••
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• • Or
1/ Première ~tape : le Panafricanisme, idéologie
du nationalisme petit-bourgeois: problématique et
solution politiques pour la Renaissance Africaine.....
152
a ) Pro bl '
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ema .lque..... •••••.••.•.•..•••••••
1 r:;. 2.
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b) Signification de la solution panafri-
,
caniste : le projet d'une double opé-
ration pour la Renaissance..............
15'1
2/ Etape de transition: la philosophie du "Cons-
cincisme", idéologie générale de la Renaissance né-
gro-africaine en continuité ct en rupture avec le
nationalisme petit-bourgeois..........................
165
a) problématique..... •••••••••••••••••••••
165
b) Signification du "Consciencisme" à
travers l'analyse de ses articulations
essentielles .•••••••• ~
166
- Les éléments structuraux de la
doctrine : nature et statut de la phi-
losophie et de l'idéologie dans touto
société ••..•••.••.•..••.• 0' • • • • • • • •• • • • •
1G6
- L'élaboration d'une articulation
spécifiques des trois volets du Réel
Social : théorie et pratique de la
Révolution Africaine •••••••••.••••..••••
1GC
3/ TTé.Îr;LL :OétT-,: e : 1 t achèvement de l' élabora-
tion de la pe n aé e de N' krumah dans une conc ept'Lon
marxiste de la Renaissance négro-africaine ••.••••••••• 206
....
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...
PAGES
CHAPITRE IV : Bilan et perspectives relatifs à l'idéologie
de la-Renaissance
négro-africaine.....................
2i"-
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Nous prenons position contre la Négritude c~r nous
~,
n' 2.V011§! pLus be so i n d ~Or~b~~ •••••••••••.•••,"
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c ~ Co •
I I - Au-clélà du "Consciencisme" : les leçons d'une déÎéÜ te
politique
ç
• • • • •
e-., • • • • • • • o • • • • • • • • • • (t".1 • • • •
I I I - Pour que l'idéologie acquiert illle force matérielle Qe
rupture nouvelle : nécessité ct mission historiques
d'un intellectuel négro-africaine de type nouveau ••.••
N C LUS ION ••.••••••••
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