UNIVERSITÉ DE CLERMONT 1
Faculté de Droit et Science Politique
L'ÉVOLUTION DE
LA COOPÉRATION RÉGIONALE
EN AFRIQUE DE L'OUEST
. ,
Thèse présentée et publiquement soutenue, devant la Faculté
de Droit de l'Université de Clermont-Ferrand, pour l'obtention du grade de
Docteur en Droit, mention Science Politique.
Le 27 novembre 1979
par
Paul KIEMDE
.
.
MEMBRES DU JURY:
Président
Monsieur René CHIROUX, Doyen
Suffrageants : Monsieur Jean ROHR, Professeur
Monsieur Jean VIRET, Maitre-Assistant
Thèse préparée sous la direction de Monsieur René CHIROUX,
Doyen de la Faculté de Droit et Science Politique

-
l
-
UNIVERSITE DE CLERMONT
l
FACULTE DE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE
L'ËVOLUTION DE LA COOPERATION REGIONALE EN
AFRIQUE DE L'OUEST
Thèse présentée et publiquement soutenue devant
la Faculté de Droit de l'Université de Clermont,
pour l'obtention du grade de Docteur en Droit,
mention SCIENCE Politique
le 27 Novembre 1979
par
PAUL KIEMDE

-
I I -
J URY
Président
Monsieur René CHIROUX Doyen
Suffragants
Monsieur Jean ROHR Professeur
Monsieur Jean VIRET Maître-Assistant
La faculté n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émise dans cette thèse ; ces
opinions doivent être considérées comme propres à
leur auteur.

- III -
UNIVERSITE DE CLERMONT
l
FACULTE DE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE
Président de l'Université:
M. L~ JOYON
Vice-Président de l'Université
M. R. CLUZEL
M. M. DEYRA
Mme S. GUILLAUMONT
Secrétaire Général de
l'Université:
M. J. ORTOLI

Doyen de la Faculté
M. R. CHIROUX
Secrétaire Général de la
Faculté :
Mme J. ESTORGES
Professeurs de la Faculté
M. P. BENOIT
M. Y. CHAPUT
M. R. CHIROUX
M. P. FAVRE
Melle Y. FLOUR
M. C. LEBEN
M. M. LEMOSSE
M. B. PACTEAU
M. J. PREVAULT
M. J. ROHR
Mme A. ROUHETTE
M. G. ROUHETTE
M. J. STOUFFLET

- IV -
INDEXE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
A.E.F.
Afrique Equatoriale Française
A.D.I.
Association de Droit International
A.D.R.A.O.
Association pour le Développement de la Rizicul-
ture en Afrique Occidentale
A.F.D.!.
Annuaire Français de Droit International
A.O.F.
Afrique Occidentale Française
Art.
Article
B.C.E.A.O.
Banque Centrale des Etats de l'Afrique Occidentale
B.. I.D.
Banque Internationale du Développement
B.I.R.D.
Banque Internationale pour la Reconstruction
et le Développement
B.O.A.D.
Banque Ouest Afrique de Développement
C.A.M.E.S.
Comité Africain et Malgache de l'Enseignement
Supérieur
C.A.T.C.
Confédération Africaine des Travailleurs Croyants
C.A.S.F.-
Confédaration Africaine des Syndicats Libres -
F.O.
Force Ouvrière
C.B.L.T.
Commission du Bassin du Lac Tchad
C.E.A.
Commission Economique des Nations Unies pour
l'Afrique
C.E,A.O.
Communauté économique de l'Afrique de l'Ouest
C.E.B.V.
Communauté économique du Bétail et de la Viande
(du Conseil de l'Entente)
C.E.E.
Communauté Economique Européenne
C,E.D.E.A,O.Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest
C.C.T,A.
Commission de Coopération Technique en Afrique
au sud du Sahara

- V -
C.E.R.F.E.R. Centre Régional de Formation pour l'Entretien
Routier
C.G.T.A.
Confédération Générale des Travailleurs Africains
C.I.E.
Comité Inter-Etats
C.I.S.L.
Confédération Internationale des Syndicats Libres
C.P.P.
Convention People's Party
C.O.M.E.C,O,NCouncil
For Mutual Economie assistance en français
C.A.E.M. Conseil d'Aide Economique Mutuel
C.S.T.R.
Commission Scientifique, Technique et de la
Recherche
ed.
Edition
F.A.C.
Fonds d'aide et de coopération
F.A.O.
Food and Agriculture Organization
F.CFA
Franc de la Communauté financière Africaine
F.C.D.
Fonds de Compensation et de Développement
F.O.S.I.
Fonds de Solidarité, d'Intervention pour le
D.E.C.
Développement de la Communauté
F.E.A.N.F.
Fédération des Etudiants d'Afrique Noire
en France
G.A.T.T.
Accord Général sur les tarifs douaniers et
le commerce
G.P.R.A.
Gouvernement Provisoire de la République Algé-
rienne
G.R.A.O.
Groupe Régional d'Afrique de l'Ouest
I.D.I.
Institut de Droit International
I.O.M.
Parti des Indépendants d'Outre-Mer
L.G.D.J.
Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
M.L.N.
Mouvement de Libération Nationale
O.A.M.P.I.
Office Africain et Malgache
pour la propriété
industrielle
O.C.A.M.M.
Organisation Commune Africaine, Malgache et
Mauricienne

- VI -
O.C.B.N.
Organisation Commune Bénin Niger
O.C.B.V.
Office Communautaire du Bétail et de la Viande
O.E.R.S.
Organisation des Etats Riverains du Fleuve
Sénégal
O.M.V.S.
Organisation pour la mise en valeur du
fleuve Sénégal
O.M.V.G.
Organisation pour la mise en valeur du
fleuve Gambie
O.N.U.
Organisation des Nations Unies
O.U.A.
Organisation de l'unité Africaine
P
Page
P.A.I.
.Parti africain de l'indépendance
pp
Pages
P.F.A.
Parti de la Fédération Africaine
P.N.U.D.
Programme des Nations Unies pour le
Développement
P.U.F.
Presse universitaire de France •
R.A.N.
Régie Abidjan-Niger
R.D.A.
Rassemblement Démocratique Africain
R.F.S.P.
Revue Française de Science Politique
s
suite
T.C.R.
Taxe de Coopération Régionale
U.A.M.
Union Africaine et Malgache
U.A.M.D.
Union Africaine et Malgache de Défense
U.A.M.P.T.
Union Africaine et Malgache des Postes et
Télécommunications
U.E.A.
Union des Etats Africains
U.D.O.A.
Union Douanière Ouest Africaine
U.D.E.A.O.
Union Douanière des Etats de l'Afrique de l'Ouest
·U.D.E.A.C.
Union Douanière des Etats de l'Afrique Centrale
U.M.O.A.
Union Monétaire Ouest Africaine
U.S. R.D.A.
Union Soudainaise - Rassemblement Démocratique
Africain

- 1 -
1 N T R 0 DUC T ION
"C'est désormais un sujet classique disent Messieurs Constantin
et Coulon, que l'étude de structures de coopération interafricaine qui
ne fonctionnent pas ou qui fonctionnent mal ... " (1).
Est ce à dire que l'étude sur la coopération interafricaine perd un
peu son intérêt? Nous ne le pensons pas. L'intérêt de l'étude sur
l'évolution de la coopération régionale réside dans le fait qu'elle
permettrait d'éclairer la politique et les préoccupations actuelles
des Etats africains. Le mauvais fonctionnement des structures de
coopération ne tient pas seulement d'une inadaptation odes moyens
notamment institutionnels mis en oeuvre, tel que pourrait le laisser
croire les études particulières sur tel ou tel organisme, proposant
des réformes par ci par là. Il vient d'une situation de confrontation
devant des choix politiques incompatibles ou peu conciliables. Il existe
des données socio-économiques sur lesquelles les seuls désirs de
changement ne suffisent pas. Il faut les cerner, les comprendre dans
leur historique, leur état actuel, en un mot, dans leur processus,
pour pouvoir influer sur leur cour.
L'étude de la coopération régionale est aussi l'étude des
problèmes qui se posent à nos Etats pris individuellement, lesquels
problèmes leur imposent en quelque sorte la solidarité dans les poli~
tiques de développement.
(1) F. Constantin et C. Coulon "Solidarité horizontale et dépendance"
Revue Française d'étude politique africaine, Octobre 1976, pp 21-51.

- 2 -
Ces problèmes tiennent en ceci que :
- Ces Etats sont de constitution récente par rapport à
beaucoup de nations auxquelles ils sont confrontés dans la société
internationale. Les Etats africains sont vieux d'une vingtaine d'années,
contre des siècles ou plusieurs dizaines d'années pour les Etats
européens par exemple. D'où une fragilité interne, au point de vue
institutionnel et dans leur existence. Des crises institutionnelles
en Suède, en Italie ou au Portugal remettent si peu en cause l'existence
de ces Etats. Cela n'est pas le cas en Afrique. Les crises institution-
nelles s'accompagnent souvent d'une recrudescence de mouvements
"régionalistes" (1 bis) autonomistes ou séparatistes. Ces Etats n'ont
pas encore été consolidés par les épreuves de l'histoire. Leur existence
est encore précaire. Cette situation a des influences positives ou
négatives dans la politique extérieure de ces Etats dans les rapports
interafricains.
Positivement, elle les oblige à se rapprocher pour contenir ensemble
des tendances à l'éclatement.
Négativement, elle les pousse à s'affirmer face aux voisins.
- Dans leurs relations extra-africaines, leur commune
situation de dépendance économique, les incline à l'application d'une
taètique qui parait à première vue la plus raisonnable et accessible
à la dépendance verticale, opposer une solidarité horizontale.
L'union dit-on fait la force. En s'unissant on peut beaucoup mieux
préserver ses intérêts face aux pays développés. Mais du précepte à
son application, il y a un pas.
(1 bis) Le terme régionalisme a un sens péjoratif en Afrique, étant le plus
souvent appliqué au régionalisme interne assimilé au tribalisme.

- 3 -
Faut-il s'unir, se renforcer face à des adversaires - les puissances
dominantes - ou au coté d'alliés trop puissants?
- Le régionalisme international n'est pas une tendance
spécifique à l'Afrique ou aux pays dépendants en général. Il est un
mouvement lié à une époque de compétition entre les pays et entre les
systèmes de productions. Toute la société internationale est traversée
par ces contradictions. Aucun continent, aucun pays n'y échappe.
Avant les pénétrations et les conquêtes coloniales l'Afrique était
un continent isolé. Elle connaissait bien sur des guerres ou alliances
aboutissant à l'extension ou au rétrécissement de territoires ou de
royaumes, à leur décadence ou leur prospérité. Mais cela se déroulait
dans un champ clos, si l'on fait exception de l'Afrique du Nord qui
avait des contacts avec l'Europe et l'Asie. L'expansion du capita1~sme
a été suivie de conquêtes) de partage et de repartage du monde. Elle a
réuni les pays et les continents dans ce qui constitue maintenant une
société internationale. Celle-ci est par contre loin d'être homogène
comme l'atteste l'attitude des Etats, acteurs importants de cette
société :.déve1oppement des solidarités entre les pays par les effets
d'une interdépendance dans le système de production et d'échange,
protectionisme et affirmation du nationalisme par les besoins de chaque
pays soit de se protéger dans les échanges commerciaux soit de se
dégager d'une dépendance, d'un étouffement économique. Solidarités
et antagonismes de la société internationale se traduisent dans les
regroupements des pays dans des organisations lâches ou ambitieuses,
par zone ou selon des critères d'affinité politiques et idéologiques,
et aussi dans la constitution d'organisations universelles.

- 4 -
Ces différentes organisations peuvent avoir des fonctions statutaires
définies, mais elles peuvent jouer des rôles difficiles à déterminer
et à cerner de façon précise.
Le régionalisme africain s'inscrit par cpnséquent dans un phénomène
universel.
Comment délimiter le champ d'étude du régionalisme africain
compte tenu de l'imprécision des cadres régionaux? Il peut paraître
arbitraire et peu significatif de choisir le cadre des seize Etats
classés dans la zone dite ouest-africaine car le fondement du découpage
est incertain.
Les réalités historico-sociale~-ethnologiquesou influence d'autres
civilisations comme la civilisation musulmane - sont fortement
contrebalancées par les données politiques et économiques actuelles
qui dictent l'adhésion des Etats à tel ou tel groupement.
Ma l gr
ces inconvénients le choix du champ ouest-africain présente
ê
des avantages, Il offre des possibilités de saisir, dans une zone 00
au sud du Sahara, le mythe de l'unité a eu et garde un vif caractère
comme en témoigne la multitude d'organisations de coopération ou de
tentatives de regroupement, de saisir donc les préoccupations qui
servent de ressort à ce myth.e,
L'étude d'un regroupement isolé laisse souvent de coté ou met au
second plan le fait que ces regroupements sont confrontés à d'autres,
qu'îl se pose à eux un problème d'absorption ou d'harmanisation pour
tout au moins limiter une compétition mortelle ou paralysante pour
tous,

- 5 -
Le deuxième problème qui se pose dans l'étude de la coopération
interafricaine est celui de la démarche à adopter dans l'analyse de
son évolution. Dans la revendication de l'unité, les problèmes ne se
posent plus dans les mêmes termes.
- Dans un premier temps il fallait l'union des forces pour
une action libératrice, d'émancipation. Le thème de l'unité avait un
écho d'autant plus grand que l'on avait à faire à une domination directe.
Cet appel répondait à l'intérêt immédiat des différents territoires,
de toutes les couches sociales de ces territoires. Un consensus
minimum pouvait par conséquent être obtenu autour du thème de l'union
pour l'émancip.ltion. Mais il ne 'fut pas suffisant pour permettre aux
territoires de parvenir à l'unification en même temps qu'ils accédaient
à la souveraineté internationale.
- Dans la période post-indépendance, le thème de l'unité passe
au service d'autres préoccupations: celui du développement. Ce n'est
plus seulement un appel à une coalition contre un phénomène extérieur.
Les luttes internes, l'opposition des intérêts des anciens territoires
devenus Etats souverains, passent au premier plan. L'unité africaine
n'est plus une simple démonstration des intérêts des Etats, elle sert
à légitimer les classes au pouvoir.
Cette solution du régionalisme externe sera l'objet de notre
première partie.
Le changement du contexte - l'avènement des indépendances - a entrainé
aussi un changement de la stratégie de l'unification de l'Afrique:
actuellement l'unification ne se conçoit plus que par la voie graduelle
de la coopération économique, des unions économiques, puis politiques.

-
6 -
L'analyse de cette démarche fonctionnaliste doit tenir compte des
proclamations explicites et des intérêts sous-jacents en jeux. Il faut
savoir quels sont les facteurs qui ont impulsé la création de telle
ou telle organisation. Pour les pouvoirs politiques, ils peuvent tenir
aussi bien de nécessités économiques que de 'motivations diplomatiques.
Il arrive aussi que l'environnement international, que des pays
extra-africains aient un raIe particulier dans la création d'une
institution interafrifaine.
La deuxième partie sera consacrée à la mise en oeuvre de la coopération :
à l'analyse des organismes créés, des rapports qu'ils entretiennent
entre eux et à l'analyse de la démarche fonctionnaliste de l'intégration
économique. Cette deuxième partie sera par conséquent plus longue.
Le déséquilibre que cela créé dans le plan se comprend si l'on tient
.compte de la multitude des organisations, de leur diversité d'objet
·et de nature dont il faut souligner et en faire une synthèse.
Le tableau général de la coopération inter-étatique nous permettra
de comprendre les problèmes qu'elle connait et l'en,ouement pour les
institutions internationales régionales malgrè l'échec des unions
politiques, puis les difficultés inextricables des unions à caractère
économique. Nous 'pourrons alors porter une appréciation sur le rôle
..
des organisations régionales, sur leur action par rapport à leurs
:,
..,'
objectifs exprimés c'est à dire
- sur la conformité ou la non conformité des actions aux
objectifs ;
- sur la validité de la démarche de l'intégration politique
par les voies des intégrations fonctionnelles sectorielles.
-
§ -

- 7 -
PRE MIE R E
PAR T 1 E
LE PROBLEME DES RAPPORTS INTER-ETATIQUES
EN AFRIQUE DE L'OUEST

-
8 -
Il est presque banal aujourd'hui de faire remarquer la
multiplicité des organisations r!gionales en Afrique, plus particu-
lièrement en Afrique Occidentale.
Si l'on s'accorde pour reconnaître qu'il y a un piétinement
du mouvement panafricain, quel sens revêt la multiplication des
organisations régionales de coopération ?
Pour les uns, la naissance d'organisations qui se
chevauchent atteste un recul du mythe de l'unité Africaine. Face
aux difficultés de tout ordre que rencontrent les Etats Africains,
les ordres de priorité se sont· déplacés : la revendication de
l'unité a fait place l
la construction des Etats-nations.
Pour d'autres - en particulier les gouvernants -, l'existence
de ces organisations traduit toujours l'attachement à la cause
panafricaine et la conscience qu'ont les Etats qu'ils ne pourront
parvenir au développement que dans le cadre d'ensembles économiques
plus vastes et homogènes.
Même si l'unité Africaine est aujourd'hui une revendication
moins passionnelle que dans les premières années d'indépendance, elle
demeure le mythe invoqué pour justifier les regroupements
inter-étatiques régionaux et sous-régionaux. Toutefois, on ne peut
faire partir le régionalisme de la seule période des indépendances.
Le régionalisme est né dans la période coloniale et s'est affirmé
comme une forme de panafricanisme.

- 9 -
1) Les précurseurs de l'unité de l'Afrique occidentale
Déjà en 1896 Casely Hayford, un avocat de la Gold-Coast
(actuel Ghana), avait lancé l'idée d'une union des territoires
britanniques d'Afrique occidentale. Il créait en 1920, le Congrés
National Britanique d'Afrique occidentale (2). Mais cet exemple reste
isolé et l'on fait remonter les origines du panafricanisme au mouve-
ment de solidarité pan-nègre né en Amérique sous l'instigation de
Sylvester Williams, avocat à Trinadad, Marcus Garvey originaire de
Jamaïque, W.E. Bughard Dubois, originaire des U.S.A., Price Mars et
bien d'autres.
Le panafricanisme était un mouvement de réaction des
noirs américains contre le statut des noirs dans la société américaine.
Ses promoteurs liaient la revendication des droits civils et politiques
pour les noirs américains à l'émancipation des peuples africains du
joug colonial, et la réhabilitation de l'histoire africaine.
Marcus Garvey élabora une "déclaration des droits des
peuples nègres du monde"
et fut l'animateur du mouvement de retour de
tous les noirs en Afrique (3).
W.E.B. Dubois fut à l'origine de l~organisation de cinq
congrés panafricains entre 1919 et 1945, congrés par lesquels le
panafricanisme pris pieds en Afrique (4).
(2) Paris LGDJ 1970 (page 280). Sur la genèse du panafricanisme voir Philippe
Decraene. Le Panafricanisme, Paris PUF, 4e éd. 1970 ; B. Boutros-Ghali
et S. Dreyfus. Le mouvement afro-asiatique, Paris 1969,KWame N'Kruman.
L'Afrique doit s'unir, ed. Payot 1964 (épuisé) G. D'Arbousier. L'Afrique
vers l'unité, St Paul, Ivry 1961.
(3) Ph. Decraene
Le panafricanisme PUF 3e ed. 1964 P. 16.
(4) Ph. Decraene
ibid, PP 14 et s., B. Boutros-Ghali et S. Dreyfus op.cit
PP 20 et s.

-
10 -
En Afrique, le panafricanisme s'est enrichi et a évolué. La négritude -
expression culturelle du panafricanisme - traduit une réaction contre
l'idéologie coloniale qui, pour justifier sa domination niait l'exis-
tence de l'histoire africaine et affirmait que les africains, du fait
des divisions ethniques et tribales, étaient incapables de s'administrer
eux-mêmes.
Elle affirme la personnalité du nègre face au colonisateur et entend
démontrer l'apport de l'Afrique dans la civilisation de l'universel.
L'expression politique du panafricanisme, l'unité africaine, connait
une évolution plus grande. Elle a su être dynamique: d'abord un levain
contre le fait colonial de la domination et du partage de l'Afrique
suivant les intérêts et les rapports de force des puissances européen-
nes, elle sert aujourd'hui d'appuie pour les regroupements à vocation
régionale ou continentale, et d'argument pour exalter l'unité nationale
contre les forces centrifuges ethniques et tribales.
La dénonciation de la balkanisation a donné lieu à des
entreprises concrètes pour amener à une prise de conscience régionale,
à un dépassement des cadres des découpages territoriaux.
Au Ve congrès panafricain tenu à Manchester en 1945, une
déclaration de la délégation ouest-africaine réclamait l'indépendance
complète des peuples ouest-africains. A l'issue de ce congrès le
Docteur Kwame N'KRUMAH prit l'initiative de rassembler les délégués
ouest-africains dans un congrès régional.
Cette initiative aboutit à la création en 1946 d'un comité régional
"le West African National Secretary" (5).
(5) Ph. Decraene, ibid PP 23 et s.

- 11 -
Un congrès national ouest-africain fut créé en 1954 avec
siège à ACCRA sur recommandation du VIe congrès panafricain tenu
sous la forme de conférence à KU~~SI (Ghana) du 4 au 6 Décembre 1953 (6).
En eux-mêmes, le comité régional ouest-africain et le congrès national
ouest-africain n'ont pas eu une activité intense pour promouvoir
l'unité de l'Afrique Occidentale sous domination française et
britanique, mais ils étaient indicateurs du refus des découpages de
l'Afrique.
2) La relance de la question de l'unité
Cette question ne se posera de façon cruciale en Afrique
de l'ouest sinon en Afrique en général, qu'à partir de la loi-cadre
de 1956 et de l'indépendance du Ghana en 1957.
Les perspectives de l'indépendance ouverte par les réformes de 1956
dans les ensembles comme l'A.O.F. et l'A.E.F. ont amené à poser de
façon concrète le problème de l'unité. Il fallait maintenant aller au
delà de la simple affirmation de la personnalité africaine et de
l'exaltation culturelle pour jeter les bases d'une union politique et
économique.
Le C.C.P., parti de K. N'KRUMAH, se fixa pour objectif, après
l'indépendance du Ghana, de "soutenir une fédération ouest-africaine
et le panafricanisme en promouvant l'unité d'action parmi les peuples
d'Afrique ou d'origine africaine".
Il appuyait les revendications d'indépendance dans les territoires
francophones condition sine qua non de la réalisation d'une fédération.
(6) Ph. Decraene, ibid PP 33 et s.
(7) Ibid,

L
- 12 -
Dans les territoires francophones, la loi-cadre de 1956, dans son
orientation, menaçait les fondements des fédérations primaires à
un moment d'évolution vers l'indépendance. Les débats sur le
fédéralisme ont par là été ouverts. Cette loi contrariait un courant
assez puissant. Aussi un examen de la situation dans les dernières
années avant les indépendances est nécessaire pour comprendre les
rapports qui ont été établis après les indépendances et pour
comprendre leurs évolutions ultérieures, ce sera l'objet de notre
première partie, qui comprendra deux titres. Dans le premier titre,
nous analyserons la nature des regroupements qui ont été tentés et
dans le deuxième titre~ nous n6us pencherons sur les raisons de
l'abandon de l'unité politique en faveur d'une coopération entre Etats
souverains. Etant entendu que dans les colonies portugaises, le
mouvement de revendication d'indépendance ou d'autonomie était peu
développé, il serait difficile d'établir dans quelle mesure des
ressortissants de ces territoires ont pu s'intéresser à ces grands
débats.

-
13 -
T 1 T REl
LES TENTATIVES DE REGROUPEMENT

- 14 -
Depuis l'entrée en lice des africains dans le mouvement
panafricain, l'unité ou particulièrement le régionalisme a surtout
été envisagé sous la forme fédérale. C'est ce que préconisait la
conférence régionale ouest-africaine, de même que les partis et
mouvement syndicaux. Le Rassemblement Démocratique Africain (R.D.A.),
né en 1946, avait épousé le découpage administratif regroupant les
territoires français d'Afrique occidentale en une fédération
primaire. Il s'était constitué sous une forme fédérale avec des
sections autonomes dans chaque territoire. L'existence de la
fédération en elle-même était acceptée et consacrée. La lutte pour
l'émancipation des peuples afrlcains devait être menée dans le cadre
.
.
de ces ensembles. Il est vrai qu'à cette époque les revendications
du R.D.A. se situaient au niveau de l'émancipation et l'égalité des
droits au sein de l'Union française. Le consensus autour du cadre
fédéral était possible parce qu'il ne mettait pas en jeux les
intérêts cruciaux des groupes ou couches sociaux africains qui
participaient à cette lutte émancipatrice. Tout au contraire, il était
de l'intérêt de tous d'unir leurs forces face à la puissance colonisa-
trice, pour obtenir des concessions. En ce sens le cadre fédéral était
même indispensable dans la mesure où il favorisait ce regroupement
des forces.
Dans la perspective d'une indépendance ou de l'autonomie, ce
consensus devient plus difficile à obtenir parce que la fédération
soulèvent et dressent face à face les intérêts de ces territoires et
partant les intérêts des groupes sociaux de ces territoires.
L'indépendance n'étant pas à l'ordre du jour, le problème des rapports
entre les territoires était secondaire.

-
1S -
A l'exemple du R.D.A., les organisations - partis politiques ou
syndicats - néés ultérieurement se constituèrent sous une forme
fédérale. Il en est ainsi du parti des Indépendants d'Outre-Mer
(I.O.M.) créé en 1948 avec des sections locales en Haute-Volta, au
Dahomey, en Guinée, du Parti du Regroupement Africain créé en 1957,
du Parti Africain de l'Indépendance (P.A.I.), du Mouvement de
Libération Nationale (M.L.N.) créés en 1958.
En ce qui concerne les syndicats, ce n'est qu'à partir de 1956
qu'apparaissent les premières centrales syndicales africaines (8).
En Janvier 1956 fut créé la Confédération Générale des Travailleurs
Africains (C.G.T.A.)
(9) du 8 au 15 Juillet 1956 fut créé à
Ouagadougou la Confédération des Travaileurs Croyants (C.A.T.C.)
d'A.O.F., puis naissait en Janvier 1957 à Pointe-Noire le C.A.T.C.
d'A.E.F.
La C.G.T.A. d'A.E.F. fut créée au milieu de l'année 1957.
Une autre tendance à un regroupement plus vaste s'est manifestée
en 1957 avec la création - sur appel de la C.A.T.C. d'A.O.F., de la
C.G.T.A. et du syndicat autonome des cheminots - de l'Union Générale
des Travailleurs d'Afrique Noire, l'un des syndicats qui ont eu un
rôle très actif sur le plan politique. Le 9 Février 1958 pris naissance
à Abidjan la Confédération Africaine des Syndicats Libres
(C.A.S.L~F.O.) qui à son premier congrès abandonna le sigle F.O.,
ayant pour ambition d'être l'organisation régionale de la Confédération
Internationale des Syndicats Libres (C.I.S.L.) pour l'Afrique Noire.
(8) Jean Megnaud et Anisse Salah Bey ; Le syndicalisme africain études et
documents, Payot 1963, Bibliographie sur le syndicalisme étudiant : Sekou Traore
responsabilité historique des étudiants africains, Payot 1972.
A. November : l'évolution du mouvement syndical en Afrique occidentale,
Paris-La Haye éd. Mouton 1965.
(9) Avant la deuxième guerre mondiale, les organisations syndicales constituaient
en fait les prolongements de ceux de la métropole. C'est après la guerre que
des essais sont menés pour organiser le syndicalisme à l'échelle africaine,
mais souvent sous l'égide des centrales syndicales françaises. Une conférence
syndicale tenue à Dakar en 1947 avait pour but de rélUlir l'ensemble des
travailleurs africains derrière la C.G.T. Une autre conférence tenue à Bamako
du 22 au 27 Octobre 1951 réussit à mettre sur pieds deux comités de coordination
pour l'A.O.F. et l'A.E.F.

-
16 -
Si les syndicats comme certains partis politiques ont du se
d~saffilier des organisations métropolitaines correspondantes,
la tendance au regroupement des syndicats a été inspiré par deux
facteurs :
- d'abord la montée du "nationalisme" a amené les syndicats à se
désaffilier des centrales métropolitaines et à se regrouper pour
pouvoir mener de manière plus efficace leurs luttes. Leurs affi-
liations aux centrales métropolitaines devenaient un frein : leurs
revendications corporatives ou politiques étaient souvent noyées
dans les positions ambigues des centrales mères ;
- ensuite leur regroupement venait aussi comme nous l'avons mentionné
à propos de la C.A.S.L., d'une volonté d'organiser, au plan
régional, les travailleurs suivant chaque tendance idéologique du
syndicalisme mondial (Fédération Syndicale Mondiale - F.S.M.,
C.LS.L., ... ).
De même les organisations estudiantines se créérent dans un cadre
interafricain, c'est l'exemple de l'Union Générale des Etudiants
d'Afrique Occidentale (U.G.E.A.O.) qui fut le prolongement de l'Union
Générale des Etudiants de Dakar (U.G.E.D.)
; de la Fédération des
Etudiants d'Afrique Noire en France (F.E.A.N.F.) créée en 1950 ; de la
West African Student's Union (W.A.S.U.) née dès 1927.
Pour revenir aux partis politiques, nous répétons que leur structure
fédérale n'est pas en soi un critère de leur attachement au
fédéralisme, cela répondait bien plus à une nécessité du moment.
Le Parti de la Convention du Peuple de Ghana (Convention People's
Party - C.P.P.) qui par ailleurs n'existait que dans un seul
territoire avait inscrit le fédéralisme régional dans ses objectifs.

-
17 -
Au Nigéria la situation était différente parce que ce territoire
était une fédération primaire regroupant des territoires autonomes
dont les contours recoupaient des réalités ethniques et linguistiques.
Les partis politiques se constituèrent des "fiefs" dans les
différentes provinces, bien qu'ils aient vocation à s'étendre sur
tout le territoire fédéral (10).
Dans l'ensemble, l'on considérait la lutte pour l'indépendance
comme allant de pair avec la réalisation des regroupements pour remédier
aux effets de la balkanisation. Mais ce deuxième terme a été un échec
car les territoires ont accédés à l'indépendance isolement.
Pour expliquer les raisons de cet échec nous verrons dans un
premier chapitre la nature de ces regroupements et les c~uses de
leurs échecs. Dans un deuxième chapitre nous nous pencherons sur les
·efforts de rapprochement entre Etats Francophones et Anglophones.
(10) Le Conseil National du Nigéria et du Cameroun (N.C.N.C.) de Namdi AZIKlWE
était implanté à l'est et "l'Action Group" de A. ENAIDRO et AM)LOM) à l'ouest.

\\
-
18
-
1
CHAPITRE l -LES REGROUPEMENTS POLITIQUES
A l'approche des indépendances, la question était de savoir
quels rapports les nouveaux Etats établiraient entre eux. Le fédéra-
lis.me bénéficiait d'un pui.ssant attrait mais les conditions d'une
union politique étaient-elles réunies ?
Section l -Les regrqupements envisagés
Les divergences sur la nature des rapports à établir entre
territoires a pris plus d'ampleur dans l'Afrique Noire d'expression
française parce que tout comme au Nigéria, la situation s'offrait à
la réalisation d'ensembles fédéraux. Ces territoires n'ont pas évolué
vers l'indépendance dans les cadres fédéraux à cause d'une part, des
di~nsions entre les mouvements africains et, d'autre part, des
réticences de la France au maintien des structures qu'elle avait créée.
Aussi voyons d'abord quelle était la situation à l'époque de la
communauté avant d'examiner dans quel cadre et sur quelles bases
entendaient se grouper les Etats nouvellement indépendants en Afrique
Occidentale.

(
- 19 -
r~!~g!~Eh~_!_:_b~_~!!~~!!2~_~_!:~E2g~~_g~_!~_S2~~~~~!~
Les deux ensembles territoriaux A.O.F. et A.E.F. avaient
été constitués dès la fin des conquètes coloniales. L'A.O.F., créée
en 1895, comprenait huit territoires: la Cate d'Ivoire, la Guinée,
la Haute-Volta, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Soudan
(actuel Mali). Le Togo dans ses frontières actuelles lui fut rattaché
sous le bénéfice du régime de mandat puis de tutelle.
L'A.E.F. comprenait quatre territoires: le Congo, le Gabon,
l'Oubangui-Chari, le Tchad, auxquels fut rattaché la partie
du Cameroun successivement sous mandat puis sous tutelle française.
Les rapports institués dans ces territoires se composaient des
institutions territoriales et des institutions fédérales.
A - L'évolution des institutions (11)
~lles ont été remaniées par la constitution française de 1946
et la loi-cadre Defferre de 1956.
La Constitution de 1946, en déconcentrant les pouvoirs pour
alléger la centralisation rigoureuse, avait amélioré les structures
fédérales des groupes de territoires. C'est ainsi qu'avaient été
créées, bien qu'avec des pouvoirs limités, des assemblées de territoire
et des assemblées de groupe de territoires.
Mais cette constitution était d'essence assimilationniste et l'assimi-
lation était un vain mot: plutôt qu'une illusoire "égalité des droits
et des devoirs entre la France et les peuples d'Outre Mer", les terri-
toires revendiquaient une plus large participation à la gestion de
leurs affaires avec la possibilité d'évoluer vers l'autonomie ou
l'indépendance.
(11) Jean Chatelain ''Une solution française des problèmes de la décolonisation"
annales de la Faculté de Liège, 1960, pp 39 à 61.
P.F. Gonidec "Introduction à l'étude de la canummauté" Dalloz chronique,
1959, P 19.

(
-
20 -
Le gouvernement français obtint de l'Assemblée Nationale le pouvoir
d'intervenir dans un domaine réservé à la loi pour prendre les mesures
adaptées à l'évolution de la situation. La loi-cadre du 23 Juin 1956
devait apporter les réformes ouvrant aux territoires la possibilité
d'évoluer vers l'autonomie. Mais cette loi comportait aussi des
réformes dans le fonctionnement des ensembles fédéraux.
1) Les institutions territoriales dans l'union française
Dans chaque territoire, il était institué :
- un gouverneur qui était un haut fonctionnaire représentant
du pouvoir central. Il représentait aussi le pouvoir local. Il était
le chef militaire chargé de la défense et de la sécurité du territoire
'- une assemblée territoriale composée de représentants élus
au suffrage restreint selon un système de double collège. Ses pouvoirs
étaient restreints car la préparation et l'exécution de ses délibéra-
tions dépendaient du gouverneur. L'assemblée avait des compétences
purement administratives ;
- les juridictions : elles comprenaient des tribunaux de
droit français et des tribunaux de droit coutumier. Ces derniers
avaient compétence pour connaître des litiges dans lesquels
n'intervenaient que des personnes de statut civil local. Un conseil
du contentieux administratif était chargé de connaître des litiges
administratifs.

(
-
21
-
2) Les institutions fédérales
Elles se composaient du gouverneur général, du grand
conseil et des juridictions :
le gouverneur général était un haut fonctionnaire nommé
par décret du chef de l'Etat français et placé à la tête de chaque
groupe de territoire. Les textes précisaient les compétences respectives
des gouverneurs et des gouverneurs généraux. Ceux-ci avaient compétence
pour les services communs au groupe de territoires.
Le gouverneur général était assisté d'un conseil de gouvernement et
d'une commission permanente
- le grand conseil était l'assemblée de chaque groupe de
territoire. Ses membres étaient élus par ceux des assemblées territo-
riales. Ils étaient les représentants de chaque territoire auprès des
organismes fédéraux. Le grand conseil avait compétence pour gérer les
"intérêts communs des territoires" ;
- les juridictions comprenaient une cour d'appel pour chaque
groupe de territoire et un conseil du contentieux administratif.

- 22 -
3) Les réformes de la loi-cadre
La loi-cadre avait introduit le suffrage universel et le
collège unique pour l'élection des membres des assemblées
territoriales. Le rôle des partis politiques et le poids des assemblées
s'en trouvaient renforcés. Cette meilleure représentativité leur
procurait un poids moral face à la métropole et face au représentant
du pouvoir central, c'est à dire le gouverneur.
- Au niveau de chaque territoire la réforme opérait une
décentralisation en faisant la distinction entre les services d'Etat
et les services territoriaux. Le gouverneur devenait chef du territoire
et chef des services d'Etat. Il lui était adjoint un conseil de
gouvernement, organe composé des membres élus par l'assemblées
territoriale au scrutin de liste majoritaire.
Le chef de territoire était de droit Président du conseil de
gouvernement. Le conseiller élu en tête de liste portait le titre de

vice-président mais dans la pratique il était le véritable chef de
gouvernement. Le conseil de gouvernement avait compétence pour les
affaires relevant du domaine réservé au territoire.
Les assemblées territoriales avaient reçu un véritable pouvoir de
décision car leurs décisions avaient maintenant force obligatoire
et ne dépendaient plus du bon vouloir du gouverneur.

- 23 -
Les assemblées avaient aussi des pouvoirs consultatifs auprès du
territoire. Face au conseil de gouvernement l'assemblée territoriale
avait un double pouvoir : les membres du gouvernement ou ministres
étaient élus par l'assemblée et les textes posaient de façon indirecte
la responsabilité du gouvernement devant l'assemblée en stipulant que
le conseil de gouvernement avait "la faculté de démissionner s'il
estime ne plus avoir la confiance de l'assemblée". Cette disposition
fut même utilisée dans le territoire de Haute-Volta en 1957.
L'assemblée territoriale avait voté une motion de défiance contre le
vice-président du conseil Ouezzin Coulibaly et certains membres de
l'assemblée lui avaient demandé d'en tirer les conséquences en
démissionnant. Le vice-président réussit à refaire voter une autre
motion lui affirmant la confiance de l'assemblée (12).
- Au niveau des groupes de territoires les réformes avaient
affaibli les institutions fédérales. Les attributions des hauts
commissaires (ex. gouverneurs généraux) n'avaient pas été modifiées
mais en l'absence de texte, le principe était que le chef de territoire
avait compétence pour les matières qui n'avaient pas été expressement
réservées au chef du groupe de territoire. Par contre il ne lui était
pas adjoint d'organe correspondant au conseil de gouvernement dans les
territoires. Le grand conseil avait été affaibli. Il ne bénéficiait
que d'un pouvoir de gestion limité et un pouvoir de coordination. Il
ne pouvait en matière de coordination que faire des recommandations ou
voter une délibaration s'il en avait reçu pouvoir des assemblées
territoriales.
(12) salfo A. BALIMA.
genèse de la Haute-Volta, presse africaine, Ouagadougou 1970.

-
24 -
Ces réformes affaiblissaient le système fédéral auquel
beaucoup d'hommes tenaient. En plus elles étaient déjà en retrait
par rapport aux revendications. Nombreux étaient ceux qui ne se
satisfaisaient pas d'un aménagement interne de l'administration des
colonies en revendiquant l'indépendance.
La constitution de 1958 ira plus loin en inserrant dans le projet-
constitutionnel qui devait être soumis au referendum, des dispositions
particulières sur les rapports entre la France et les territoires de
l'union et des options ouvrant la porte de l'indépendance aux
territoires. Mais cette constitution remettait une fois de plus le
système fédéral en cause.
B - Les rapports institués par la Communauté
Le gouvernement du Général De Gaulle devait jouer sur deux
tableaux en fonction des opinions contradictoires exprimées tant en
Afrique que dans la métropole.
1) Les rapports entre la France et les territoires
Fallait-il jeter les jalons par lesquels les territoires
accéderaient ~ terme à l'indépendance ou seulement élargir leur
autonomie ?
Sur ce problème il y avait un clivage aux deux niveaux de la
métropole et des territoires (13). Même si certains dirigeants
politiques locaux très influents refusaient la rupture avec la
métropole, le statu quo, on le sentait ne pouvait pas être maintenu.
(13) Clivages au niveau de la métropole entre ceux qui soutiennent les réformes
proposées par le Général De Gaulle et ceux qui s'opposent à toute évolution.
Au niveau du territoire, clivage au sein des mouvements africains entre les
partisans de l'indépendance L~édiate et les partisans de l'autonomie.

- 25 -
Le texte constitutionnel réalisera un compromis qui ouvrait plusieurs
options à chaque territoire :
accéder à l'indépendance par un vote négatif au referendum
- opter pour la communauté avec la possibilité d'accéder
à l'indépendance
- devenir un département
garder le statu quo au sein de la communauté.
Les territoires devaient par conséquent exprimer leur choix
individuellement, mais ils avaient la possibilité d'organiser après
coup leurs rapports entre eux et de se grouper au sein de la
communauté (Art. 76 al. 2).
2) Les rapports entre les territoires
Aucune des formations politiques n'avait obtenu satisfaction.
La majorité au sein du R.D.A. voulait une fédération directe en<re
les territoires et la France.
Le P.R.A. et les nouvelles formations politiques, le P.A.I. et
le M.L.N. nés en 1958 étaient favorables à la création d'exécutif
fédéraux au niveau de l'A.D.F. et l'A.E.F. qui réaliserait une
confédération avec la France.
Le texte adopté par l'ensemble des territoires sauf la Guinée n'était
ni une fédération ni une confédération. La question avait été habile-
ment laissée en suspend.
Les fédéralistes se réunirent en conférence les 29 et 30
Décembre 1958 à Bamako et décidèrent la création d'une union fédérale
entre le Da~omey, la Haute-Volta, le Soudan et le Sénégal au sein de
la communauté. La constitution de cette fédération fut adoptée à
l'issue de la réunion de l'assemblée constituante fédérale du 14 au
17 Janvier 1959.

-
26 -
Pour contrer cette initiative Monsieur Houphouët Boigny proposa la
création d'une association entre la Haute-Volta, le Dahomey, le Niger
et la Cote d'Ivoire. Il réussit à convaincre le Dahomey et la Haute-
Volta de se retirer de la fédération du Mali.
L'acte constitutif de ce groupement appelé d'abord Union Sahel-Benin
puis Conseil de l'Entente fut adopté le 29 Mai 1959.
La fédération du Mali réduite à deux demanda à accéder à l'indépendance.
Son exemple fut suivi par les Etats de l'Entente en Août 1960.
Trois mois après la proclamation de l'indépendance du Mali, la
fédération éclatait, causant une immense déception aux partisans du
fédéralisme.
Mais cet échec n'avait pas conduit, pour autant, à renoncer à l'unité
africaine. Les nouveaux Etats cherchèrent à se regrouper dans d'autres
cadres et sous des formes diverses.
L'échec de la communauté avait correspondu avec l'accession
de nombreux Etats à la souveraineté internationale. Les débats sur
les exécutifs fédéraux qui avaient accaparé l'A.O.F. avait été portés
à un niveau plus large oü on retrouve le même clivage entre partisans
du fédéralisme et partisans d'associations souples.
Il est difficile d'analyser les mouvements de regroupement
de ces premières années d'indépendance dans le cadre circonscrit
des découpages plus ou moins arbitraires entre Afrique de l'Ouest,
Afrique de l'Est ou du Centre, etc. La plupart des regroupements ne
se sont pas limités à des aires géographiques définies.

-
27 -
De façon général quelque soit la forme juridique de ces regroupements
ou les facteurs d'unité avancés pour se rapprocher, l'accent était
mis sur l'union politique (supranationale ou souple).
Cette affirmation sera tout de même nuancée par le fait qu'il y avait
simultanément des efforts pour organiser l'unité politique et des
actions moins passionnées pour éviter la rupture des liens économiques
existants.
La faveur était donnée à des regroupements entre Etats
francophones ou anglophones en s'appuyant sur les solidarités réelles
ou supposées nées de la colonisation : similitude culturelle des
élites, appartenance à- une même zone monétaire, existance de circuits
économiques.
Le Conseil de l'Entente et la Fédération du Mali étaient des exemples
de ces regroupements à motifs historiques même s'il y avait des
nuances entre eux sur la possibilité d'une ouverture vers les autres
pays. La Fédération du Mali se proclamait noyau d'une future fédération
de l'Afrique Occidentale tandis que le principal auteur de la création
du Conseil de l'Entente restait sceptique sur une telle vision de
l'unité.
Dans les Etats anglophones la situation était quelque peu particulière.
Le Ghana était encerclé par des Etats francophones qui lui étaient
hostiles.

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28 -
Le Nigéria préoccupé par la consolidation de ses structures fédérales
était hostile à toute idée politique avec d'autres Etats.
En Novembre 1959 le Premier Ministre fédéral réfutait cette hypothèse:
"les pays africains doivent avoir une forme de compréhension commune,
mais l'hypothèse d'une union politique entre les divers pays africains
manque de réalisme et est inconcevalbe. Les pays africains qui ont
accédé à l'indépendance ne doivent pas abandonner leur souveraineté" (14).
Certains se sont opposés à la tendance aux regroupements de
motif historique parce qu'ils entravaient la réalisation de l'unité
régionale ou continentale et Iain de remédier à la balkanisation, ils
pouvaient consolider le fait de la division de l'Af~ique Occidentale
en deux. L'Union Ghana-Guinée entendait prendre le contre-pied de ce
courant.
Les divergences sur les formes de l'unité ont abouti à
l'écaec des unions politiques. Nous pourrons en saisir les causes à
travers l'étude de certaines tentatives d'union.
(14) Ph.. Decraene JJlndépendance et regroupements politiques en Afrique au Sud
du Sahara".
Revue Française de Science Politique, 1960, PP 850 et s.

-
29 -
Section II - Les raisons de l'échec
De deux organisations rivales nées de l'éclatement de
l'ex. A.O.F., la Fédération du Mali s'est disloquée dès son accession
à la souveraineté internationale tandis que le Conseil de l'Entente
pour résister à l'épreuve des événements a du subir des mutations
importantes.
~~!~g!~Eh~_!_:_1~_~~~~!~~!~~_~~_~~!!_l_~~~_~~!~~_~Eh~~~!~
Elle avait subi un premier revers après le retrait de la
Haute-Volta et du Dahomey (15). La constitution du 17 Janvier 1959
adoptée par l'assemblée constituante composée des représentants des
quatre territoires à raison de douze représentants par territoires
ne fut ratifiée que par le Soudan et le Sénégal. Elle fut révisée le
8 Juin 1960 pour tenir compte de la nouvelle situation.
A - Organisation
Chaque Etat membre du Mali se trouvait soumis à trois
constitutions: la constitution de l'Etat, la constitution de la
Fédération et la constitution de la communauté.
La constitution fédérale révisée en 1960 établissait une répartition
des compétences entre les Etats membres dans le domaine ne relevant
pas de matières communes à la communauté.
(15) Sur la Fédération du Mali voir P.F. Gonidec : l'Etat Mricain, Paris LGDJ
1970, PP 176 et s. ; G. Balandier ''Remarques sur les regroupements politiques
africains", RFSP 1960, PP 841 et s. ; Ph. Decraene "Indépendances et regroupe-
ments politiques en Mrique au Sud du Sahara" RFSP 1960, PP 857 et s. ;
Pierre Garn "Les causes de l'éclatement du Mali" Revue juridique et politique
Indépendance et Coopération 1966, PP 411-470.

-
30 -
1) Répartition des compétences
La répartition des compétences était faite par l'article 43,
les articles 50 et suivants. Relevaient de la compétence fédérale
~ les dispositions assurant le respect des droits et des
libertés des citoyens (art. 43 al. 1)
;
- les dispositions assurant la solidarité culturelle;
les dispositions assurant la solidarité économique.
L'énumération des activités relevant de ces trois rubriques couvrait
une large partie des conpétences dévolues à chaque Etat par la
constitution de la communauté.
Les articles 50 et suivants établissaient la répartition des recettes
et des dépenses budgétaires ; chaque Etat devait verser au budget
fédéral, la totalité des droits de douane et des droits fiscaux à
l'entrée ainsi que la moitié des redevances minières et pétrolières,
la moitié des droits perçus à la sortie sur les produits miniers et
pétroliers.
L'article 51 alinea 1 avait créé un fond de solidarité alimenté par
les ressources disponibles sur le budget de l'Etat fédéral à la clôture
de l'exercice. Ce fonds pouvait accorder aux Etats fédérés pendant
la première législature des subventions d'équilibre pour le budget
de fonctionnement.
2) Les institutions
Au niveau fédéral on avait: l'assemblée fédérale, le
gouvernement fédéral et l'autorité judiciaire.

-
31
-
Les Etats membres avaient adopté des institutions similaires
comprenant l'assemblée dénommée assemblée législative, le gouvernement
toutefois l'autorité judiciaire était déléguée â la fédération en
dehors de la législation coutumière qui relevait de la compétence
de chaque Etat.
L'assemblée fédérale était composée de vingt membres par Etat désignés
pour cinq ans par les assemblées législatives (art. 26 révisé). A
l'exemple de la constitution française de 1958 le domaine législatif
était limitativement énuméré par l'article 43 de la constitution
fédérale. Le pouvoir exécutif ~ppartenait au chef du gouvernement,
président du conseil de gouvernement. Ce gouvernement était composé de
huit membres désignés par le chef du gouvernement à raison de quatre
par Etat. Les ministres désignés devaient avoir l'agrément de la
délégation de leur Etat â l'assemblée fédérale. Ils ne pouvaient être
révoqués qu'après consultation de cette délégation.
Le Président du conseil était pressenti par le bureau de l'assemblée
fédérale et élu â la majorité absolue des membres de cette assemblée.
Dans les rapports entre le gouvernement et l'assemblée, le gouvernement
était responsable devant l'assemblée, mais la constitution avait voulu
renforcer la stabilité de l.'exécutif en ne prévoyant pas la possibilité
d'une motion de censure. L'assemblée pouvait renverser le gouvernement
â la suite d'une question de confiance.
La cour fédérale comprenait trois sections : une section
administrative, une section constitutionnelle et une section des
comptes jouant le rele de cour des comptes.

- 32 -
Certaines remarquent peuvent être faites sur ces institutions.
Le parlement fédéral comprenait une seule chambre dont les membres
étaient désignés par les assemblées législatives. Les populations
n'étaient pas représentées. Par le mode de désignation des membres du
parlement et du gouvernement la constitution fédérale avait surtout
voulu réaliser l'équilibre entre les Etats. Cette mesure avait été
involontairement renforcée par l'existence d'un parti unique au Soudan
et d'un parti dominant sinon unique vu la faiblesse de l'opposition,
au Sénégal. Les membres du gouvernement et de l'assemblée étaient
étroitement dépendant des partis politiques et des Etats fédérés.
Dans la situation d'une fédération à deux, l'exécutif n'avait qu'une
très faible marge de manoeuvre dans ses rapports avec les Etats fédérés.
B - Les causes de l'éclatement du Mali
La fédération du Mali a connu une existence difficile au
sein de la communauté. Elle devait faire face aux attaques des membres
du Conseil de l'Entente et à l'hostilité de la métropole qui même
si elle ne voulait pas ouvertement privilégier l'une des parties
préférait établir et renforcer ses relations avec les Etats membres
de la communauté pris individuellement que groupés. Le Mali avec
beaucoup de peine avait pu imposer la reconnaissance de son entité
mais elle se trouvait isolée au milieu de ses partenaires.
En plus du contexte hostile dans lequel il baignait, les fa~teurs
d'unité s'étaient avérés très fragiles. Il n'y avait entre les deux
ni l'unité de vue dans les domaines politiques et économiques ni
les facteurs sociologiques permettant de surmonter ces divergences.

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1) Les divergences de doctrines politiques et économiques
Le parti
de la Fédération Africaine (P.F.A.) créé en
Juillet 1959 pour réaliser l'unité de doctrine n'avait pu acquérir
une ligne politique propre en dehors du désir commun d'oeuvrer à
la réalisation de l'unité régionale. Même l'unité de vue n'était pas
réalisée sur les attributions de la Fédération.
Le Soudan désirait une fédération centralisée alors que le Sénégal
préférait une fédération plus souple. Lors d'une conférence inter-états
tenue en Avril 1960 à Dakar, les deux partis n'avaient pu se mettre
d'accord sur une modification des compétences en faJeur du Mali (16).
L'opposition de personnalité entre M. Senghor plus pondéré que Modibo
Keita ne nous semble pas importante.
En réalité les divergences entre l'U.S. R.D.A. et le partie de
M. Senghor l'U.P.S.
(Union Progressiste Sénégalaise) sur la conduite
de la politique extérieure et intérieure étaient très grandes même
si c'était plus une question de degré que de nature. Prenons quelques
exemples. Dans les relations extérieures K. Modibo désirait prendre
plus de champ à l'égard de la France que M. Senghor. Il voulait la
création d'une monnaie malienne et l'établissement de relation
économique avec d'autres pays que la France, reprochant à M. Senghor
de ne pas vouloir rechercher d'autres sources d'investissement en
dehors de la France.
(16) Pierre Garn op. cit.

-
34
-
Sur le plan économique Modibo s'était prononcé en faveur
de l'intervention de l'Etat fédéral pour organiser et prendre en main
certains secteurs de l'économie alors que M. Senghor était plus libéral.
Le socialisme auquel les deux partis politiques se réclamaient
n'était qu'une unité doctrinale apparente.
L'un voulait développer un capitalisme d'Etat, créer des coopératives
contrôlées par le parti et l'Etat alors que l'autre, l'U.P.S. ne
préconisait pas un interventionisme aussi poussé.
Le socialisme africain de M. Senghor doctrine tirée de la négritude,
d'une _exaltation de l'esprit communautaire de la société tradition-
,
nellé, est essentiellement un thème de mobilisation au sein du parti
politique sans grande conséquence dans l'action économique.
Après l'éclatement les deux Etats évoluèrent dans des camps opposés.
L'ex. Soudan se rangera du. coté de "l'Afrique révolutionnaire", le
Sénégal du coté de "l'Afrique modéré". Dans l'affaire du Congo
Mobido soutiendra Lumumba alors que Senghor était du coté de Tshombé.
Même si ces oppositions de doctrine n'étaient pas irréductibles, dans
la Fédération entre deux Etats, les conditions du compromis n'exis-
taient pas.
2) Causes sociologiques
Il n'est pas inutile de rappeler que les débats sur l'unité
ne concernaient qu'une couche de la population. Les discussions au
sommet sur les exécutifs fédéraux n'avaient pas de prise sur la
réalité sociale. Les partis politiques s'appuyaient sur un électorat
peu sensibilisé, les dirigeants pouvaient changer totalement de cap
sans donner l'impression d'avoir trahi leurs engagements et sans avoir
de compte à rendre.

- 35 -
Non seulement ils ont pu le faire sans perdre cet électorat mais en
plus ils ont mobilisé les masses dans ce but. Ainsi M. Senghor avait
appelé les sénégalais à résister contre les tentatives de
néo-colonialisme des soudanais, passant de l'exaltation de l'unité à
la campagne chauvine, anti-soudanaise. Les partis politiques très
personnalisés, constituaient de même, des masses de manoeuvre que des
cadres de conception et de contrale de l'action des dirigeants qu'ils
ont porté au pouvoir.
L'équilibre était dans la Fédération à deux, d'autant plus difficile
à réaliser qu'on ne se trouvait pas en présence de deux communautés
bien constituées mais de deux 'nationsHchacune à la recherche de son
identité et de son unité.
En l'absence d'une unité linguistique et d'une homogénéité ethnique
et culturelle la prudence s'imposait. Ces faits ont été méconnus par
le gouvernement fédéral lors de la crise du 19-20 AoOt 1960 qui devait
entraîner l'éclatement de la Fédération.
Par décret en conseil de ministre il appelait à défendre l'intégrité
du territoire: "l'existence du Mali est un péril en raison du fait
que certains dirigeants du Mali, sous prétexte d'élections présiden-
tielles, veulent mettre en cause l'intégrité du territoire et créer
un état de tension qui risque d'être à l'origine d'incidents
extrêmement graves,r (17).
(17) Pierre Garn op. cit P. 440.

- 36 -
Le désaccord sur le nom du futur président qui avait créé l'impasse
n'avait été que le détonateur de la crise institutionnelle et politique.
Dans leurs explications aucun des partis n'avançait de raison
économique pour justifier la rupture. Il est vrai que la mise en place
des institutions avait relégué en arrière plan les problèmes
économiques. Même s'il existait une légère différence de poids
économique les deux pays étaient complémentaires en ce sens qu'il n'y
avait pas une forte concurrence. Ils entretenaient des relations
économiques assez intenses, de même nature que les rapports entre la
Haute-Volta et la Cote d'Ivoire. En dehors de l'arachide produite par
les deux pays leurs économies he reposaient pas sur des secteurs
similaires pouvant entrainer une compétition entre eux. Par ailleurs
dans le cadre d'un Etat fédéral, le problème de la concurrence de
production ne devrait pas à notre sens constituer une entrave. L'union
a justement pour but au niveau économique d'assurer le développement
harmonieux des Etats en leur procurant les moyens de tirer parti de
leurs potentialités et de supprimer la concurrence par l'exploitation
commune et la rationalisation dans le développement des secteurs
d'activités.
Le problème est différent en ce qui concerne le déséquilibre de poids
économi.que.
On peut penser que sur le plan économique la Fédération du Mali aurait
pu surmonter les difficultés si les autres conditions étaient réunies.
Le Conseil de l'Entente tentera une expérience différente. Dès
le début i.l avait mis l'accent sur l'harmonisation économique et
politique, se contentant d'institutions souples.

- 37 -
~~!~g!~Eh~_!!_:_~~_Ç2~~~!!_~~_!~~~!~~!~_~_~~~_~~!2~_~2~E!~
Né presque en même temps que la Fédération du Mali par un
accord signé en 1959 entre la Cote d'Ivoire et la Haute-Volta auxquels
devaient se joindre le Niger, le Dahomey, et le Togo bien plus tard
en 1966, l'Union Sahel-Benin est une organisation contestée quant à
ses objectifs et sa nature. Etait-il la préfiguration de l'unité
africaine à base de regroupements régionaux, une riposte à la Fédération
du Mali, ou une clientèle que s'est constituée la Cote d'Ivoire pour
assurer son développement ?
Pour certains auteurs le Conseil de l'Entente n'était pas une mesure
de défense contre le Mali, mais l'application des idées de son fondateur
M. Houphouët Boigny favorable à une coopération inter-africaine souple,
exclusive de tout abandon de souveraineté (18).
Selon M. J.C. Gautron par contre, le Conseil de l'Entente qui de par
sa nature est une riposte à la stratégie fédérale aurait une double
fonction que l'approche historique éclaire (19)
:
Sa première fonction, idéologique, serait de répondre à
l'accusation de territorialisme généralement portée contre le Président
Houphouët. Elle a perdu son importance par la suite.
Sa seconde fonction, économique, elle, consistait à "anticiper
sur la prévisible blakanisation économique de l'Afrique Occidentale
française et à constituer un marché autour du leader naturel, la Cote
d'Ivoire, décidé à réaménager de nouvelles relations de pouvoir avec
les entreprises déjà installées en Afrique et avec de nouveaux
investisseurs" (20).
(18) G. Tixier "les Etats du Conseil de l'Entente" Revue Penaut n" 656 Avril 1961
Marthe GRAVIER, les Etats du Conseil de l'Entente, thèse, Paris, 1964.
A. MANOUAN : L'évolution du Conseil de l'Entente, thèse droit, Paris, 1974 ;
P. Larnpué "Les groupements d'Etats Africains" Revue juridique et politique
Indépendance et coopération, 1966, PP 21-51 textes en annexes (convention
inter-états portant création du conseil de l'entente, 29 rv1ai 1959) ; "Le-Conset.l
de l'Entente, paralysie et contradictions" le Monde diplomatique Iv1ai 1973.
(19) J.C. Gautron "Les groupements sub-régionaux" dans Année Africaine P. 254.
(20) J.C. Gautron op. cit P. 254.

- 38 -
La naissance et la forme du Conseil de l'Entente ne
peuvent pas s'expliquer en dehors du contexte politique du moment
les discussions sur le fédéralisme ou la confédération et la situation
politique dans chaque Etat. Dans trois Etats membres du Conseil de
l'Entente il existait un courant fédéraliste assez puissant.
La participation de la Haute-Volta et du Dahomey aurait sans doute
isolé la Cote d'Ivoire sur le plan économique et politique.
Monsieur Yaméogo en Haute-Volta était lié à Monsieur Houphouët et
hostile à la fédératio~mais il ne disposait pas d'une majorité stable
anti-fédéraliste à l'exemple de la Cote d'Ivoire. Il a eu recours aux
voltes faces et à des manoeuvres pour écarter la fédération dans le
projet constitutionnel voltaïque, disant ne pas vouloir choisir entre
la Cote d'Ivoire et le Mali.
Le Dahomey était dans une situation de multipartisme où trois person-
nalités s'opposaient Messieurs Hubert Maga, Justin Ahomadebe
et Sourou M. ApitY. Les difficultés étaient plus grandes quant à
participer à un regroupement rigide.
Au Niger malgré l'éviction de la Sawaba de M. J. Bakary après le
referendum de 1958, le R.D.A. local rencontrait toujours une
opposition favorable à l'indépendance et au Mali.
Il était plus aisé pour la Cote d'Ivoire de rallier ces pays à. elle
en proposant un cadre de regroupement plus souple pouvant satisfaire
les aspirations à l'unité sans engager pronfondément.
La proposition de créer une organisation faiblement institutionnalisée
donnait l'espoir d'une intégration politique progressive.
Le Conseil de l'Entente est souvent défini comme une association à
caractère économique et technique ce qui éclipse quelque peu les
ambitions de ses débuts. Il ne faut pas oublier que les Etats membres
avaient adopté en 1960 des mesures d'harmonisation politique et
administrative: constitutions identiques, même régime électoral,
coordination au sommet des armées, union douanière étroite, etc. (21)
(21) Ph. Decraene, RFSP, 1960 op. cit, P. 864.

- 39 -
L'écQec de la fédération du Mali a peut être eu une influence
indirecte sur le Conseil de l'Entente, sans le réduire à un anti-Mali,
la compétition est un stimulaDt extérieur non négligeable. La voie du
Conseil de l'Entente lui a au moins évité le sort de son rival.
A - Une organisation solide
Le Conseil de l'Entente a survécu aux crises grâce à une
flexibilité institutionnelle qui lui avait permis de réorienter ses
objectifs en fonction des intérêts et des solidarités manifestés
par ses membres.
J) Structures
Il n'y avait dans l'acte constitutif du 29 Mai 1959 aucune
institution susceptible de remettre en cause la souveraineté des Etats.
L'organe suprême est la conférence au sommet regroupant les chefs
d'Etat, les Présidents et vice-Présidents des assemblées législatives
et les ministres intéressés par les questions prévues à l'ordre du jour.
Il est présidé à tour de rôle pour un an par un des chefs d'Etat.
La conférence de chef d'Etat se réunit deux fois par an en session
ordinaire. Le Président en exercice peut convoquer des réunions
extraordinaires à la demandSedeux Etats membres au moins. Des conférence
de ministres non périodiques réunissent les ministres chargés de
l'exécution des décisions prises par l'organe suprême dans les domaines
relevant de leurs compétences.
Un secrétariat était créé auprès du Président en exercice. Ce secré-
tari~t avait la particularité de n'avoir pas de siège fixe et de se
renouveler chaque année. Le Conseil de l'Entente était par conséquent
dépourvu des caractéristiques de l'organisation internationale.

- 40 -
Non doté de la capacité juridique, d'un s1ege et d'organe susceptible
d'exprimer une volonté propre indépendante de celle des Etats associés,
il apparaissait plutôt comme une conférence diplomatique se réunissant
en sessions périodiques.
2) Fonctionnement
Les conférences au sommet ont abouti à la signature de nombreux
accords de coopération et d'harmonisation dans divers domaines : coordi-
nation des transports routiers, accord de gestion des ports et des
chemins de fer, exploitation en commun des ressources touristiques etc.
D'autres accords furent signés dans les domaines de l'information,
de l'éducation nationale, de la santé.
La coopération au sein du Conseil de l'Entente par des réalisations
dans des secteurs précis sans plan général d'intégration.
L'esprit de cette méthode qualifiée d'empirique est que l'unité peut
être atteinte progressivement par des réalisations particulières et
concrètes.
Certains accords n'ont pas connus de lendemains.
Les mesures d'harmonisation institutionnelle et administrative furent
abandonnées. Les modèles constitutionnels adoptés en 1960 par quatre
membres furent abandonnés dès 1964 par le Dahomey et en 1966 par la
Haute-Volta. L'union douanière ne fonctionna jamais.
En matière diplomatique les Etats membres se concertent. Un accord de
représentation consulaire prévoit qu'un Etat associé peut représenter
les autres membras dans les capitales étrangères.
Au fur et à mesure des changements de régime politique dans les Etats
membres, les concertations en matière de politique étrangère ont été
moins fructueuses.
En matière de solidarité économique, le fonds de solidarité entra
dans la somnolence.

- 41 -
3) Le fonds de solidarité
Il avait été créé pour traduire dans le domaine économique
la
solidarité politique qui lie les Etats membres. Alimenté par des
contributions annuelles des Etats à raison du dizième des recettes
budgétaires de chaque Etat, il avait pour rôle de garantir les emprunts
par ses membres et d'aider les Etats économiquement moins favorisés
par des reversements inversement proportionnels à la contribution de
chaque Etat. Sa fonction en cela était plus politique qu'économique.
Il devait traduire l'esprit de solidarité, d'aide et d'assistance au
sein de l'organisation. Ce fonds s'était avéré peu efficace parce que
tout au plus pouvait-il blanchir les Etats plus favorisés en potentiel
économique notamment la Cote d'Ivoire qui supportait le poids de
reversement, de l'accusation d'égoismes nationaux; il ne pouvait réunir
les fonds nécessaires pour remplir son rôle économique. Il fut remplacé
en Juin 1966 par un fonds d'entraide et de garantie des emprunts.
B - Une existence difficile
L'analyse institutionnelle permet difficilement de porter une
appréciation d'ensemble sur la réussite du Conseil de l'Entente. Tout
au moins peut-elle faire apparaître les raisons qui l'on conduit à une
modification sensible de ses objectifs. Toute appréciation devra tenir
compte de ces transformations.

- 42 -
Au départ la conférence internationale s'était donnée comme
objectifs de renforcer les liens politiques et économiques existants
entre ces Etats par les moyens de réunions périodiques au sommet
permettant des échanges de point de vue, l'adoption d'attitudes
communes sur les plans politiques et économiques, une coordination
de leurs efforts. Sa force résidait dans la réunion d'un certain
nombre de facteurs favorables : homogénéité des positions politiques
des dirigeants, liens personnels, existence de courants d'échanges
commerciaux relativement importants dans l'ordre interafricain entre
l'ensemble des Etats ou entre certains membres.
L'homogénéité politique a été progressivement érodée par les crises
de l'intérieur de certains pays et par les conflits qui ont opposés
des Etats membres : conflit entre le Dahomey et le Niger à propos
de l'île de Lété, conflits frontaliers entre divers pays membres (22),
échec du projet de double nationalité entre la Cote d'Ivoire et la
Haute-Volta, projet qui devait être par la suite étendu aux autres pays.
Leur solidarité politique s'était relachée dans les relations
interafricaines pour plusieurs raisons. Les v·ieilles tensions ont
baissé après la chute de N'Krumah au Ghana, contre lequel le Conseil
de l'Entente a mené une lutte unanime. Le rapprochement entre le Sénégal
et la Cote d'Ivoire du en partie à la volonté de faire obstacle à
l'attrait des pays anglophones sur certains partenaires de la
francophonie a aggravé la concurrence entre le Conseil de l'Entente
et l'O.C.A.M.
(22) Voir Ph. Fouchard et J. Mourgeon "Le fonds d'entraide et de garantie des
emprunts du Conseil de l'Entente" Journal de Droit International 1969
PP 22 à 57.

-
43
-
Le Conseil de l'Entente n'a pu adopter une position commune sur certains
problèmes qui ont divisés l'O.U.A. : la sécession du Biafra et l'atti-
tude envers l'Afrique du Sud. La politique de dialogue avec l'Afrique
du Sud proposée par Monsieur Houphou~t Boigny a été accueillie
avec une prudente réserve. De ces faits la coordination et la coopéra-
tion économique ont progressivement pris le pas sur l'harmonisation
politique. Aussi le besoin a été senti de réviser les institutions
pour consacrer ces orientations. La première révision importante a été
faite par la convention du 9 Juin 1966 créant le fonds d'entraide et
de garantie des emprunts à la place du fonds de solidarité. Cette
convention fut modifiée le 8 Décembre 1973 dans le sens de l'accrois-
sement du rele du fonds.
1) Evolution institutionnelle
Les structures du Conseil de l'Entente sont mobiles. Les
mutations ont affecté autant les organes que les organismes spécialisés.
L'organisation du Conseil de l'Entente répond maintenant au schéma
général organisations régionales interafricaines à la seule exception
que le secrétariat qui n'était pas permanent s'est éteint depuis 1970.
Son rôle est maintenant tenu par le secrétariat administratif du fonds
d'entraide et de garantie.
Avec la création, le 18 Mai 1970, du conseil des ministres, le Conseil
de l'Entente est doté de deux organes politiques.

- 44 -
La conférence des chefs d'Etat ici appelée réunion des chefs d'Etats
est l'organe principal. Ses attributions et son mode de fonctionnement
n'ont pas variés. Ces réunions n'incluent plus les Présidents et
vices~Présidents des parlements. Cela allait de soi car après les
séries de coup d'Etat militaire certains pays n'étaient plus dotés
d'un pouvoir législatif distinct. La conférence rempli les fonctions
législatives et juridictionnelles. En l'absence d'une juridiction du
Conseil de l'Entente elle est compétente pour interprêter les textes
de l'organisation. Elle est dans une situation originale car il y a une
confusion de fait entre l'organe du Conseil de l'Entente, conférence
diplomatique, et les réunions du conseil d'administration du fonds
d'entraide, organe d'un organisme spécialisé.
Le conseil des ministres est chargé de préparer les réunions des chefs
d'Etat et de mettre en oeuvre les décisions qui y ont été prises.
Antérieurement, les réunions ministérielles n'intéressaient que les
seuls ministres int~ressés par l'exécution des décisions prises par
la conférence des chefs d'Etat. Il est actuellement composé des
ministres des affaires étrangères.
2) Le fonds d'entraide et de garantie des emprunts
Ses objectifs sont énoncés par l'Article 2 des statuts
garantir les emprunts productifs émis ou contractés par les Etats,
les organismes publics ou para~publics, les entreprises privées ayant
leur siège social et leur champ d'activité principal dans l'un ou
plusieurs des Etats membres ... et suivant l'alinea b) ajouté par la
convention du 8 Décembre 1973, contribuer au développement économique
des Etats.

- 45 -
La convention du 8 Décembre 1973 élargit le rôle du fonds en en
faisant non plus l'instrument de la solidarité financière suivant
le terme du préambule de la convention de 1966 mais l'instrument d'une
solidarité économique et financière.
Le fonds est une organisation internationale créée sous la forme d'un
établissement public international à caractère économique et financier.
Comme organisation internationale, il est doté de la personnalité
civile, d'un patrimoine et d'organes propres, de l'autonomie financière,
il a un siège (Abidjan), ses agents bénéficient du régime général des
fonctionnaires internationaux et jouissent des privilèges et immunités
diplomatiques.
Comme établissement public international, il est doté par l'article 1
d'un régime international, de moyens et de pouvoirs autonomes; il
est destiné à fournir des prestations et des services et malgré
l'extension de ses activités, il a une vocation spécialisée: garantir
des emprunts pour investissement, consentir des prêts ou dons pour des
opérations spécifiques à caractère économique ; ses principales
activités demeurent financières.
Le fonds est doté de trois organes verticaux :
- le conseil d'administration. Il est composé des cinq chefs
d'Etat du Conseil de l'Entente. Le Président du conseil d'administration
prend le titre du président en exercice du Conseil de l'Entente
(article 15 de la convention de 1973). Le conseil d'administration se
,
réunit une fois par an et prend ses dfcésions à l'unanimité.

- 46 -
- Le comité de gestion. Il comprend trois délégués de chacun
des Etats (deux représentants dans la convention de 1966) représentant
les ministres des affaires étrangères, les finances, du plan ou du
développement. Le représentant de l'Etat dont le chef d'Etat préside
le Conseil de l'Entente devient président du comité de gestion. Le
comité dispose du pouvoir de gestion : approbation de la délivrance
des avals et des projets de convention destiné à accorder l'aval ou
à matérialiser la contre garantie. Il approuve le budget annuel
et le rapport de gestion du secrétariat, etc. Ses décisions sont prises
à l'unanimité.
- Le secrétariat administratif. Le secrétaire administratif
est nommé pour une durée de cinq ans renouvelable par le conseil
d'administration sur proposition du conseil des ministres de l'Entente
(Article 10 du règlement intérieur).
Il reçoit et instruit les dossiers qui seront examinés par le comité
de gestion. Il suit la situation des engagements du fonds pour mieux
informer le comité de gestion sur la situation des emprunteurs,
l'exécution des opérations pour lesquelles le fonds s'est engagé.
Il dispose de tous pouvoirs de gestion du budget du fonds et
représente le fonds à l'égars des tiers. Il est secondé dans ses
fonctions par un secrétaire administratif adjoint nommé et révoqué
dans les mêmes conditions que lui.

Or gan.!..&rallllnc du Cons e i l de l'En ten te
Réunion dee chefs d' I.t at de
Conseil d'administration du
l' Ent ent e
fonds
composition:Schefs d'Etat

•composition: 5 chefs Etat
réunion: 2 fois par an

réunion: 1 fois par an
décision : unanimité
Conseil des ministres
~comité de gestion du fonds
composition:ministres des ar
de garantie
Conseil dts Ministres
étrangères
composition:3délegués par Etat
1 de
la C E B V

fonct ionrprêpa raticr: des
fonction:pouvoir de gestion
.ompos i tion: 2minis
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décision : unanimité
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1
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~écision:unanimité
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transports
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exécutif CEBV
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Secrétariat administratif
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du fonds de garantie
Ouagadougou
1 secrétaire administratif
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- 47 -

3) Nouvelle nature juridique
Le Conseil de l'Entente est passé d'une conférence
diplomatique en une véritable organisation internationale par
l'intermédiaire du fonds d'entraide. Il y a eu une confusion des
organes du fonds et de ceux du Conseil de l'Entente. Le secrétariat
administratif qui tient le rôle de secrétariat du Conseil de l'Entente,
lui a conféré l'élément qui lui faisait défaut: la perIanence qui
le rend susceptible de manifester une volonté juridique indépendance de celle
des membres qui le composent. Les organes du fonds coordonnent les
activités de l'ensemble de l'organisation. Les conférences de chefs
d'Etat sont essentiellement consacrées aux problèmes de la coopération
ce sont surtout des réunions du conseil d'administration.
Le Conseil de l'Entente et la fédération du Mali avaient
tous deux les mêmes objectifs : maintenir les liens unissant les
Etats de l'ex. A.O.F. Mais pour y parvenir ils ont choisis des voies
différentes. L'une a opté pour l'union fédérale, l'autre a opté pour
l'association souple, chacun voulant servir de modèle d'organisation
à même de reconstituer l'ensemble sous régional.
L'évolution du Conseil de l'Entente a marqué tout autant que la dispa-
rition de la fédération du Mali l'échec du regroupement politique au
sein du bloc francophone d'Afrique Occidentale. Même si cette organi-
sation demeure un cadre où les chefs d'Etat échangent leurs points de
vue sur les problèmes mondiaux, il n'a pas réussit à maintenir et
renforcer les liens entre les Etats membres.

- 48
-
Le maintien des ensembles territoriaux n'ayant pas été
réalisé au moment des indépendances, une deuxième possibilité
s'offrait aux Etats: se grouper indépendamment du pdssé colonial,
seulement en fonction de leurs intérêts et de la volonté manifestée
par chacun d'oeuvrer pour la cause de l'unité. Des Etats francophones
et anglophones tentèrent de se grouper sur cette base. Ce rapproche-
ment était économiquement nécessaire pour certains pays frontaliers
il était aussi une condition indispensable pour réaliser une union
plus vaste.

-
49 -
CHAPITRE II - LES EFFORTS DE RAPPROCHEMENT ENTRE ETATS
D'EXPRESSION ANGLAISE ET ETATS D'EXPRESSION FRANCAISE
Il ne sera pas question pour nous, dans le cadre d'une étude
circonscrite à une aire géographique, de nous étendre dans l'étude d'un
mouvement qui touche tout le continent africain. Mais il est nécessaire
de relever les facteurs généraux qui ont présidé ces rapprochements pour
saisir les causes de l'échec total ou partiel des groupements fonction-
nels ; nous examinerons ensuite les problèmes qu'ont rencontrés les
groupements organiques entre Etats d'Afrique Occidental de passé
colonial différent.
Section l - Les bases du rapprochement
Le panafricanisme est une aspiration et une arme. Il traduit
l'aspiration des peuples africains à une unité dont le contenu est
imprécis. Il est aussi une arme dont les Etats se servent dans leurs
relations avec le monde extérieur et dans les relations inter-africaines
souvent à des fins opposées. Ces différences de vue conduisent à la
création de groupements antagoniques dès les premières années
d'indépendance.

- sa -
rêrêgrêEh~_!_:_b~_Eê~ê!r!Sê~!~~~~_!~r~~~!_~~_!~~~!!~
L'expression culturelle de l'unité africaine - la négritude
a cédé le pas sur l'expression politique qui englobe l'ensemble du
continent et non plus le continent noir - même si par ailleurs cette
vision reste contestée.
Le panafricanisme a été un thème de mobilisation en faveur de
l'indépendance des Etats africains comme il demeure le thème de
solidarité envers les territoires non encore affranchis.
Une fois l'indépendance
politique
acquise par de nombreux Etats,
ce thème loin de s'émousser en· entrant en contradiction avec les
souverainetés nationales, est resté une force vivante, parce qu'elle
n'était plus seulement une aspiration; elle était aussi une nécessité
il fallait éviter les risques d'affrontements de toutes natures:
- risques économiques : il était urgent pour les dirigeants
de trouver des aménagements pour éviter la constitution de frontières

douanières qui auraient pour effets de détourner les courants
d'échanges existants et à l'axphyxie écononique réciproque. Au nom de
l'unité, les différents pays cherchèrent à maintenir les aires
économiques constituées ou à s'ouvrir vers d'autres.

- 51 -
- dangers de revendications territoriales : chacun pouvait
craindre des différends frontaliers avec ses voisins du fait de
l'arbitraire des découpages territoriaux. Une tension existait déjà
entre le Ghana et le Togo dont une partie du territoire avait opté
pour l'indépendance et le rattachement au Ghana en 1958. Un contentieux
de même ordre existait entre le Nigéria et le Cameroun. Le Maroc
revendiquait toute la Mauritanie. On peut dire que chaque pays pris
individuellement voyait ses frontières contestées. Ces revendications
faisaient courir des risques d.'affrontement. Elles rendaient aussi
difficile l'intégration nationale en ravivant les oppositions tribales
ou ethniques; elles s'appuient en effet sur l'existence d'entités
ethniques dont on prétend réaliser l'unité contre le voisin "oppresseur"
- ingérences extérieures: l'unité donnerait les moyens
à l'Afrique de résister aux pressions des puissances qui veulent se
repartager le monde, d'éviter en quelque sorte le néo-colonialisme.
L'efficacité ou la sincérité de ces arguments sont discutables. Ils ont
même abouti, selon les interprétations des dirigeants à constituer
des groupements, ouvertement ou non, alignés.
Le non-alignement affiché par les Etats ou les groupements était
contredit par des relations extérieures - généralement les anciennes
puissances coloniales - ou par l'interprétation donnée à la lutte contre
la subversion; à travers les opposants et les pays qui les hébergaient,
il s'agissait, dans la lutte contre la subversion de s'opposer au
bloc de l'U.R.S.S.

- 52 -
Ces arguments et interprétations de l'unité africaine, évidemment, ne
sont pas unanimement partagés.
Ces critiques, en général, ne visent pas l'utilité ou la nécessité
de l'unité mais l'idéologie du panafricanisme dans ses aspects tant
culturels que politiques.
Pour M. ADOTEVI (23) si la négritude était hier une des formes possibles
de la lutte d'émancipation, le premier moment de l'exigence, la libéra-
tion de l'Afrique ne peut venir de l'exaltation culturelle. De plus
la culture africaine telle que l'expose M. SENGHOR est fausse et ne
reflète que la propre aliénation culturelle de l'auteur: "C'est qu'on
ne doit prendre au sérieux SENGHOR que lorsqu'il présente non l'image
exemplaire de l'homme (qu'il ignore) mais la face radieuse de la
culture française" (24).
F. FANON abonde dans le même sens que M. ADOTEVI pour reconnaître un
caractère inopérant de l'exaltation sur la négritude "L'adhésion à la
culture négro-africaine, à l'unité de l'Afrique passe d'abord par un
soutien inconditionnel à la lutte de libération des peuples" (25).
La Fédération des Edutiants d'Afrique Noire (F.E.A.N.F.) juge la
négritude inefficace en ce qu'elle propose des alliances fondées sur
une solidarité de race et de couleur. Le sentiment de solidarité raciale
et culturelle dit-elle, ne peut fonder l'unité car celle-ci est une
"unité dictée par des considérations d'ordres politiques et économiques
inhérentes à notre époque" (26).
(23) ADOTEVI : Négritude et négrologues, Collection 10/]8, 1972
(24) ibid. P, JJ 6
(25) Cité par E. JOUVE : Relations internationales du Tiers ~bnde, éd. Berger-
1evrault, Paris 1975.
(26) E. JOUVE, ibid, P 204.

- S3 -
Pour la F.E.A.N.F. la négritude serait aussi dangereuse parce que
cette mauvaise façon de poser les problèmes peut tourner au racisme,
au chauvinisme, au pan-négrisme "Le.. ~(:lOGtE nE. ne se situe pas au
niveau des races, mais au niveau des exploiteurs et des exploités".
En somme, les critiques formulées contre la négritude sont d'être
trompeuse: la polarisation sur le terrain culturel est un moyen de
se détourner d'une lutte contre l'oppression et l'exploitation, de
fermer les yeux sur les antagonismes de classes, de s'orienter vers
une lutte abstraite pour la réhabilitation d'une race.
C'est précisement sur le terrain politique qu'apparaissent les plus
vives oppo~itions sur le contenu du panafricanisme.
En tant que mouvement politique, le panafricanisme selon
M. THIAM DQUDOU, se présente (27) :
- négativement comme un refus du communisme et de la
colonisation ;

- positivement comme un moyen de réaliser l'unité africaine
- et enfin comme un désir de domination.
Les interprétations du panafricanisme comme refus du communisme ont
surtout été développées par G. PADMORE et M. SENGHOR.
Selon G. PADMORE le panafricanisme et le communisme se présentent
comme un choix : "Dans notre lutte pour la liberté nationale, la
dignité humaine et la rédemption sociale, le panafricanisme offre
une alternative idéologique par rapport au communisme, d'une part,et
par rapport aux tribus de l'autre".
(27) THIAM Doudou
La politique extérieure des Etats africains, paris PUF
1963, P 19.

- 54 -
Pour M. SENGHOR "La négritude, par le fait même qu'elle met l'accent
sur l'authenticité du monde néfro-africain, se manifeste comme un refus
d'accepter sans discussion les doctrines élaborées de l'extérieur".
L'un et l'autre propose le socialisme comme moyen de s'opposer au
communisme. "Pour contenir le communisme, selon G. PADMORE, il faut
que ce
"nationalism~ dynamique" qu'est le panafricanisme soit basé
sur un programme socialiste d'industrialisation et sur des méthodes
coopératives de production agricole". Cette thèse est reprise par
M. SENGHOR sur le thème du socialisme africain.
On est par conséquent loin du panafricanisme en tant que facteur
d'unité et en tant qu'arme idéologique dans les antagonismes sociaux,
il tombe sous l'accusation de servir d'alibi à l'idéologie qualifiée
d'extérieure qu'il entend contrer.
L'authenticité ne serait qu'un prétexte "La négritude
dit M. ADOTEVI,
en prétendant que le socialisme existait déjà dans les communautés
africaines et qu'il suffit de suivre les traditions africaines pour
parvenir au socialisme authentique, maquille délibérement la réalité
et ainsi devient mûre pour la distinction".
L'unité africaine peut aussi servir à masquer des désirs
expansionnistes. K. N'KRUMAH a lui-même été accusé de vouloir réaliser
l'unité pour des ambitions personnelles ou pour l'expansion du Ghana.
Il n'en demeure pas moins que c'est au nom de l'unité que certains
Etats ont formulé des revendications territoriales ou que des Etats'
refusaient de reconnaître d'autres Etats.
L'unité africaine n'était pas exempt d'arrière pensée et l'unanimité
n'était pas du tout faite sur son contenu.

- 55 -
Un phénomène inverse de ce qui était généralement escompté
se produit: on pensait réaliser l'unité régionale ou continentale
par cercles concentriques, à partir de noyaux qui devaient s'ouvrir
en se renforçant. Au contraire, c'est l'échec partiel ou total des
groupements restreints qui a permis la constitution de groupes plus
larges. Les groupements restreints se sont trouvés devant des obstacles
qu'ils pouvaient difficilement surmonter.
~~!~g!~Eh~_!!_:_~~~_QQ~~~~!~~_~_!~~~!~~
Il apparaissait, à travers les groupes qui se sont affrontés,
des visions différentes sur deux points
- quelle aire géographique considérer pour réaliser l'unité?
Tout le continent ou simplement des régions ?
- sur les formes institutionnelles, l'unité doit-elle aller
jusqu'à l'abandon des souverainetés?
A - Continentalisme et régionalisme
Les deux courants datent de la période coloniale pendant
laquelle le régionalisme s'était manifesté dans les conférences
panafricaines comme étape vers le continentalisme ou en opposition
à lui.
1) Le continentalisme
Monsieur THIAM Doudou compare le panafricanisme à la doctrine
de MONROE, exaltation d'un patriotisme américain qui transcenderait la
division du continent en Amérique Latine et Amérique Anglo-saxone.
Comme le pan-américanisme, il se veut un mouvement de prise de
conscience continentale des intérêts communs et des solidarités qui
lient ses membres. Il veut dépasser la division de l'Afrique sur des
critères historiques et ethnologiques pour devenir une doctrine
véritablement continentale. Il prend en compte ce qu'on appelle
l'Afrique des géographes.

-
56 -
Avant la constitution de l'O.U.A., les groupements qui se réclamaient
du continentalisme - groupe de Mourovia et de Casablanca - s'étaient
constitués dans des cadres dépassant les traditionnelles oppositions
entre Afrique francophone et anglophone ou Afrique noire et Afrique
blanche.
2) Le régionalisme
Certains dirigeants considèrent que l'unification de tout
le continent dans l'acception géographique ou ethnologique est une
chimère. Ils seraient plu~6t favorables à des unifications régionales.
Mais quels critères choisir pour délimiter la région?
Le projet de Barthélémy Boganda, de constituer des fédérations
régionales suivant l'influence cul turelle n'a pas" survécu à son auteur.
Partant de critères historiques et culturels, il préconisait la
constitution d'un Etat uni d'Afrique Latine devant inclure les terri-
toires d'Afrique équatoriale française, les territoires gelges et
po~tusais ; la constitution d'un Etat d'Afrique Occidentale sous
influence anglaise et d'un Etat d'Afrique Orientale sous influence
Arabe.
Le régionalisme géographique préconise le regroupement des Etats par
zones, non selon le passé colonial, mais sur des bases économiques et
des contacts humains. L'Afrique serait ainsi découpée en quatre
zones : Afrique occidentale, Afrique équatoriale, Afrique centrale,
Afrique du Nord (28). Ce découpage, qui a été consacré par la
commission économique pour l'Afrique de l'O.N.U., semble plus accepté.
Il n'entre pas en contradiction avec le continentalisme, il écarte
l'opposition d'influences culturelles extérieures et n'ap~elle pas à
un remodelage des Etats.
(28) C'est à de tels découpages que se rallie M. Senghor quand il disait que "dans
un premier temps, nous reconnaitrons les diversités complémentaires. Nous
aiderons"même à les organiser en unions régionales. J'en vois trois: l'Afrique
du Nord, l'Afrique occidentale, l'Afrique orientale - en attendant que soit
libérée l'Afrique du Sud - chacune de ces unions pourrait à son tour se diviser
en unions plus petites".
M. Bourguiba allait dans le même sens mais en mettant l'accent sur les affinités
déj à existantes en Afrique du Nord l 'Nous avons formé de longue date en Afrique
du Nord le projet d'édifier le grand Maghreb arabe".

-
57 -
Le régionalisme peut aussi vouloir s'en tenir seulement à des
groupements intéressants deux ou plusieurs Etats à l'intérieur d'une
zone. Dans la pratique la plupart des organisations régionales se sont
constituées dans un cadre plus restreint que la région ainsi définie.
La tendance à la reconstitution des anciens groupes de territoires est
plus forte que le régionalisme plus large, parce qu'il existe des
liens horizontaux entre ces pays.
B - Les formes de l'unité
La plupart des Etat avaient émis dans leurs constitutions la
volonté de céder partiellement. ou totalement leur souveraineté pour
la réalisation de l'unité africaine. Mais les groupements qui ont
consacré les rapprochements se sont plus distingués par les oppositions
sur des problèmes particuliers que par une prise de position tranchée
en faveur d'une union sous une forme fédérale ou confédérale.
1) Le groupe de Casablanca
Il comprenait les trois Etats de l'Union des Etats africains
(Ghana-Guinée-Mali), le Maroc, la République Arabe Unie, la Libye et
le Gouvernement Provisoire Révolutionnaire Algérien.
La conférence de chefs d'Etat et de gouvernement réunie à Casablanca
le 7 Janvier 1961 avait adopté la charte africaine de Casablanca qui
donnait naissance au groupe. La charte décidait la création de quatre
organismes
- un comité politique africain composé des chefs d'Etat et
de gouvernement qui se ,réunit périodiquement pour assurer l'unité
d'action des Etats membres;
- un comité économique africain comprenant les ministres
responsables des économies ;

- 58 -
- un comité culturel africain composé des ministres de
l'éducation;
- un haut commandemant militaire africain.
Un Bureau de liaison était chargé d'assurer la coordination
entre les différents organismes.
Ce groupe qualifié de révolutionnaire, se voulait plus ferme que son
rival dans la lutte contre le colonialisme et le néocolonialisme.
La charte proclamait le volonté des Etats membres de : libérer les
territoires encore sous domination en leur prêtant aide et assistance,
de décourager l'établissement de troupes étrangères en Afrique, de
débarasser le continent des interventions étrangères. Ils soutenaient
fermem~nt le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne
et s'étaient prononcés en faveur de Patrice Lumumba dans l'affaire
congolaise à l'inverse du groupe de Mourovia qui préconisait des
solutions négociées dans l'affaire algérienne. Cette apparente solida-
rité présentait des lézardes. La conférence de Casablanca avait
dénoncé la multiplication "des Etats artificiels" en Afrique mais
cette position était une concession au Maroc qui revendiquait la
"Marocanité" de la Mauritanie. Le Ghana et le Mali (ex. Soudan) ne
tardèrent pas à revenir sur leurs positions, le premier en recevant
le chef d'Etat mauritanien, le second en signant un traité frontalier
avec la Mauritanie. A la deuxième conférence tenue au Caire en Juin 1962
le groupe avait tenté de se renforcer, de traduire leur solidarité
politique dans le domaine économique par un traité de Marché Commun.
Ce pas ne fut pas franchi. La signature du traité n'eut pas lieu.
La conférence au sommet prévue en Décembre 1962 à Marrakech fut
renvoyée par deux fois à la demande du gouvernement algérien à la suite
des tensions frontalières entre le Maroc et l'Algérie, cette crise
emporta le groupe.

-
59 -
2) Le groupe de Monrovia
Il englobait le groupe de Brazzavile dont l'origine
remonte à la conférence d'Abdjan d'Octobre 1960 qui avait réuni
onze Etats de l'ex-communauté. A ces onze Etats s'était ajouté
Madagascar à la deuxième conférence tenue à Brazzaville en Décembre.
Cette conférence donna son nom au groupe. La quatrième conférence
du groupe de Brazzaville tenue en Septembre 1961 à Tananarive adopta
l'acte constitutif de l'U.A.M. et des organismes spécialisés
(U.A.M.D., U.A.M.P.T.) ainsi qu'une convention de coopération en
matière de justice. L'O.A.M.C.p. créée lors de la troisième conférence
tenu à Yaoudé en Mars ·1961 devenait aussi un organisme spécialisé
de l'U.A.M. ce sous-groupe s'était élargie en 1963 par l'admission
du Togo et du Rwanda.
Le groupe de Monrovia fut créé par la conférence de Monrovia
du 12 Mai 1961. L'objectif de cette conférence était de réunir tous
les Etats indépendants mais les du groupe de Casablanca refusèrent d'y
prendre part parce que le G.P.R.A. n'avait pas été invité. Vingt
délégations y prirent part dont les Etats du groupe de Brazzaville et
les pays qui n'appartenaient à aucun groupe à l'exception de l'Afrique
du Sud.
La deuxième conférence de Lagos approuva le principe d'une charte
mais celle ci ne fut signée qu'à la conférence des ministres des
affaires étrangères du 21 Décembre 1962. La charte instituait une
"organisation interafricaine et malfache" •. La conférence de Lagos
s'était prononcée contre toute conception de l'unité supposant une
supranationalité et contre toute tentative d'annexion d'un Etat par
un autre. C'est un rejet implicite des prétentions du Maroc sur
la Mauritanie.

- 60 -
Des organes furent mis en place pour assurer une coopération
économique, politique, diplomatique et militaire: une assemblée
des chefs d'Etat et de gouvernement, un conseil des ministres, un
secrétariat, une commission interafricaine ~'enquête sur les différends
entre Etats membres. La mise en oeuvre de cette coopération s'avéra
plus difficile et le groupe allait vers l'échec.
Les dissensions s'étant atténuées entre pays appartenant à des groupes
différents, des contacts furent pris pour la réunification des deux
groupes. Durant l'année 1962 aucun des deux groupes n'avait pu se
renforcer et l'anticolonialisme était passé au premier plan de leurs
luttes. Les efforts de- rapprochements aboutirent à la conférence
d'Addis Abeba du 22 Mai 1963 donnant naissance à l'O.U.A. A l'issue
de cette conférence, les groupes se sabordèrent au profit d'une
- -
organisation interafricaine de coordination et d'harmonisation de la
politique générale des Etats membres pour une coopération internationale
dans le respect des souverainetés nationales. Seule l'U.A.M. se
maintint à charge de réviser ses statuts.
Le mouvement de rapprochement entre Etats souverains a conduit
à la naissance d'une organisation continentale, mais n'a pas bénéficié
aux unions restreintes dont les ambitions intégrationnistes étaient
plus grandes. Le Cameroun est le seul exemple en Afrique où l'union
fédérale a pu être menée avec succès entre un ancien territoire français
et un ancien territoire britanique. Les conditions d'union y étaient
plus favorables. Le Cameroun était une colonie allemande qui, après
la première guerre mondiale, avait été scindée en deux parties chacune
placée sous la tutelle d'une puissance coloniale. Les populations des
deux cotés recouvrent des groupes ethniques et linguistiques similaires.

- 61 -
L'union entre les deux Cameroun avait été une revendication constante
des mouvements d'émancipation durant la période coloniale.
Les projets d'union entre Etats d'Afrique occidentale
d'influence différente ne connurent pas le même succés, alors même
que leurs promoteurs faisaient partis des plus ardents partisans de
l'unité fédérale ou confédérale.
Section II - Les tentatives d'union
Les deux projets - l'Union des Etats Africains et la
Sénégambie - avaient des ambitions différentes. L'U.E.A. voulait être
le détonnateur qui donnerait le départ d'une unité plus vaste. La
sénégambie devait être une union entre deux Etats liés par leur
situation géographique et humaine, que l'histoire a séparés.
~ê!êg!ê~hË_!_:_!:~~iQ~_~Ë~_§!ê!~~~É!i~êi~~_~_~~Ë_~giQ~
mort-née
1) Origine et but
L'origine de l'U.E.A. remonte à la réunion du 23 Novembre 1958.
Les chefs d'Etat du Ghana et de la Guinée décidèrent de jeter les bases
de l'unité du continent en s'inspirant de l'exemple des treize colonies
américaines. Le communiqué commun de cette réunion décide l'adoption de
la politique des deux pays en matière de politique étrangère, d'orien-
tation économique et de défense. Une constitution de l'union devait être
adoptée par la suite. Faisant preuve de modération ils affirmaient ne
pas vouloir remettre en cause "les relations présentes et à venir entre
le Ghana et le Commonwealth d'une part, la Guinée et l'ensemble français
d'autre part" (29).
(29) Ph Decraene
op.cit page 856.

- 62 -
Cette initiative fut relancée après l'échec de la fédération du Mali
par une conférence réunissant les chefs d'Etat du Ghana, de la Guinée
et du Mali à Conakry du 23 au 25 Décembre 1960 pour élargir l'union
à trois pays. La charte de l'U.E.A. fut adoptée à la conférence
d'Accra du 29 Novembre 1961 et ratifiée le 1er Juillet par les parle-
ments des trois Etats. Elle définit les buts de l'union comme suit:
- renforcer et développer les liens d'amitié et de coopération
fraternelle entre les Etats membres dans le domaine politique, diploma-
tique, économique et culturel ;
- mettre en commun les' moyens dont ils disposent en vue de la
consolidation de leur indépendance et la sauvegarde de leur intégrité
territoriale ;
- oeuvrer conjointement pour la liquidation complète de
l'impérialisme du colonialisme et du néocolonialisme en Afri.que et pour
l'édification de l'unité africaine
- harmoniser la politique nationale et internationale de ses
membres pour une grande efficacité de leur action et une meilleure
contribution à la sauvegarde de la paix mondiale (30).
Pour atteindre ces objectifs ils doivent développer l'activité
de l'union dans cinq domaines:
- élaborer une orientation commune de la politique intérieure
des Etats ;
~ observer une diplomatie concertée en matière de politique
extérieure
(30) La doctmlentation française - Articles et doctmlents nQ 01Q97 du 25 Mai 1961.

----------~
- 4
- 63 -
- organiser une défense commune ;
- en matière économique : définir une orientation commune
par une planification visant la décolonisation complèle des structures
héritées du régime colonial ;
- en matière culturelle : réhabiliter et développer la
culture africaine, promouvoir des échanges culturels.
2) Organisation
Les organes de l'U.E.A. comprenaient:
- la conférence des chefs d'Etat de l'union
elle se
réunissait par trimestre dans chaque capitale.
Il n'était pas prévu de conseil de ministre mais une commission
préparatoire se réunissait avant chaque conférence de chefs d'Etat.
Sa composition pouvait varier suivant les questions inscrites à
l'ordre du jour.
- les comités de coordination des organisations de masse.
Seuls organes originaux qui reflétaient une certaine similitude de
structures sur lesquelles s'appuyaient les pouvoirs politiques dans
les trois pays; ils avaient pour rôle de faire participer l'ensemble
des populations à l'oeuvre de l'unification et d'harmonisation des
politiques intérieures.
Le comité de coordination des partis et organisations de masse avait
tenu sa première réunion en AoUt 1961.

-
64
-
- une commission économique était chargée de coordonner
la politique économique et financière des membres. Elle se réunit en
deux sessions d'une durée de quinze jours au plus, par an.
Cette organisation souple, même modeste par rapport aux ambitions
de l'union, n'avait pratiquement pas fonctionné.
3) Les causes de l'échec de l'li.E.A.
Tout comme la Fédération du Mali, l'li.E.A. qui escomptait
s'ouvrir à tout Etat ou fédération d'Etats d'Afrique ne pouvait
réellement espérer s'élargir. Le Ghana de N':~rumah faisait figure
d'épouvantail pour beaucoup d'Etats d1Afrique occidentale pour son
soutien aux mouvements d'oppositions. De même la Guinée était l'objet
de mesures d'isolement par la France et les anciens territoires français
d'Afrique occidentale. Il semblait y avoir une homogénéité idéologique
entre les trois Etats notamment dans leurs positions anticolonialistes
et anti-néocolonialistes, mais dans la pratique ils n'avaient pu
adopter d'attitudes communes que dans le cadre de l'affrontement entre
les deux groupes à vocation contientale (groupes de Casablanca et de
Monrovia).
Le Ghana poussé peut-être par les nécessités du voisinage, reconnaîtra
le gouvernement de Grunitsky après l'assassinat du président Sylvanus
Olympio du Togo, malgrè l'hostilité de la Guinée.

-
6S -
En matière économique, bien qu'ils aient tous opté pour une planifica-
tion économique, il n'y avait pas eu de mesure pratique d'harmonisation.
Le Ghana n'ayant pas de frontière commune avec les deux autres Etats
il était malaisé d'organiser une coopération économique. De plus malgr~
la "tiédeur" des relations entre la France d'une part, la Guinée et dans une
moindre mesure le Mali d'autre part, les trois partenaires n'avaient pu,
même amorcer un rapprochement de leur système monétaire et se dégager
de leurs orientations économiques tournées vers des zones opposées.
Autant dire que l'U.E.A. ne pouvait manifester son existence que dans
les relations internationales et les relations diplomatiques entre les
membres. Elle n'avait pu toucher à la réalité intérieure des Etats
membres. Dans le cas présent nous ne pensons pas que les différences
linguistiques aient joué un grand rôle dans l'échec, pas plus que
l'opposition courante entre tempérament anglophone et francophone.
L'union n'avait pas atteint un stade où les problèmes sociologiques
pouvaient avoir des effets. On ne peut non plus trouver ne N'Krumah
axé sur les problèmes politiques l'esprit du pragmatisme économique dont
est accusé ou crédité le tempérament anglais.

- 66 -
La Gambie est un Etat de faible dimension enclavé à
l'intérieur du Sénégal (31). Les facteurs humains et leurs positions
géographiques rendarentsouhaitable une union entre les deux territoires
pour remédier à une situation anachronique créée par la colonisation.
De part et d'autre existe une communauté de populations, de langues
et de religions.
1) Le projet de Sénégambie
Dès l'indépendance du Sénégal, des contacts furent pris avec
la Gambie avant que celle ci ait accédé à la souveraineté internationale
pour préparer éventuellement une union entre les deux pays. En Juin
1961 Ils décidèrent de créer un comitê interministériel mixte Sénégalo-
gambien pour étudier les problèmes techniques communs. Un secrétariat
permanent est créé en Juillet 1962 pour coordonner les activités de
ce comité. A la demande des deux gouvernements, quatre experts furent
désignés en Septembre 1963 par le secrétaire général de l'O.N.U.
pour préparer un rapport sur les relations futures.
Ce rapport expose les positions des parties et les solutions théoriques
d'association. Il estime l'intégration pure et simple de la Gambie
au Sénégal comme province ou région, presque impossible parce que :
d'une part la Gambie ne le souhaite pas ; cette solution aboutirait
à terme à une disparition de sa personnalité. D'autre part la différence
de régime économique rend cette intégration difficile. Le Sénégal
est dans la zone franc, alors que la Gambie au sein du Commonwealth
pratique une économie plus libérale qui fait d'elle une zone de
contrebande vers les pays voisins. Elle peut craindre d'en perdre le
bénéfice.
(31) Elle s'étend sur 11 300 Km2 et compte environ 370 000 habitants comme
au Sénégal sa population se compose de Mandingues, de Ouolofs, de Poulhs, etc.

-
67 -
La solution fédérale présentait des avantages mais elle semblait
selon le rapport prématurée. Il convenait d'intensifier progressivement
les rapports réciproques par la conclusion d'accords de coopération
entre Etats indépendants et souverains. La décision revenait en premier
lieu à la Gambie qui avait plus à craindre d'une association avec le
Sénégal. En accédant à l'indépendance le 18 Février 1965, elle opta
pour la coopération. Les deux pays signèrent le jour même de l'indé-
pendance trois accords de coopération "en attendant que soit instituée
une association plus étroite entre le Sénégal et la Gambie" selon les
termes du préambule. Des accords furent signés
- un accord de coopération en matière de politique étrangère
-
.
un accord de coopération en matière de défense ,
- un ~ccord sur le développement intégré du bassin du
fleuve Gambie.
2) Les relations sénégalo-gambiennes
De nombreux accords organisent les relations privilégiées
entre la Gambie et le Sénégal.
Par l'accord de coopération en matière de politique étrangère,
chacun des deux républiques accrédite auprès de l'autre un ministre
résident (article 1). Le Sénégal assure à la demande de la Gambie
sa représentation diplomatique et consulaire dans les Etats où le
Sénégal a établi se représentation. Il accepte de recevoir des
fonctionnaires gambiens dans ses postes diplomatiques. Une commission
mixte des affaires étrangères est créée pour organiser une consultation
et une mutuelle information au sujet des problèmes de politique
étrangère. Cet accord a été complété par un protocole d'assistance
consulaire signé le 21 Mars 1973.

- 68 -
L'accord de défense leur fait obligation de se prêter
assistance "contre toute menace". Ils utilisent réciproquement leurs
moyens militaires. Le Sénégal s'engage à apporter une assistance techni-
que militaire à la Gambie. Une commission mixte et un secrétariat
permanent de sécurité extérieure ont été institués.
Le troisième accord signé le 18 Février 1965 porte sur
l'aménagement intégré du bassin du fleuve Gambie. L'accord modifié
le 31 Juillet 1968 confiait au secrétariat exécutif du comité ministérie
inter-états sénégalo-gambien le rele de promouvoir et de coordonner
l'étude des problèmes de l'aménagement intégré du bassin du fleuve.
Ce rele est maintenant tenu pai un comité de coordination pour
l'aménagement du fleuve Gambie créé à Dakar le 16 Avril 1976. Ce comité
de coordination, doit lui même promouvoir la mise en place d'une
Autorité inter-états qui sera chargée de l'aménagement du bassin du
fleuve, ce qui est quand même étonnant et prouve que les relations
entre les deux pays piétinent.
Un traité d'association a été conclu entre les deux républi-
ques à l'issue de la réunion des chef d'Etat du 19 Avril 1967 à
Bathurst (32)
(Gambie). Le but de ce traité d'association est de
"promouvoir et d'étendre la coordination et la coopération entre les
deux pays dans tous les domaines" (article 1 du traité). Les institu-
tions de l'association sont:
- les réunions annuelles des chefs de gouvernement ;
- un comité ministériel inter-états sénégalo-gambien. Il
est composé des ministres des affaires étrangères et des ministres
intéressés. Il se réunit deux fois par an. Les commissions antérieure-
ment créées sont placées sous l'autorité du comité ministériel
inter-états
(32) Rebaptisé Banjul.

- - - - - - - - -
- 69 -
- un secrétariat exécutif. Il fut mis en place par le
protocole d'accord signé le la Juin 1967. Le secrétaire exécutif est
toujours de nationalité sénégalaise. Le secrétariat est chargé de
l'application des décisions du comité ministériel. Le secrétaire
exécutif ne peut prendre d'initiative sans autorisation préalable.
Son rôle est limité à des tâches administratives.
Dans le cadre de cette association de nombreux accords
ont été signés entre le Sénégal et la Gambie dans divers domaines.

-
70 -
CONCLUSION DU TITRE
L'indépendance politique était considérée comme condition
de l'unité de l'Afrique. Monsieur Sekon Touré lors du referendum
de 1958 proclamait qu'il ne pouvait y avoir une émancipation et une
unité véritable sans indépendance.
Contrairement aux espérances l'accession simultanée de nombreux
Etats africains à la souveraineté internationale n'a pas été suivie
d'une unification. Les tentatives pour maintenir les enserrlbles
régionaux à l'exception du Nigéria ont échoué, puis celles à un
niveau restreint d'union entre deux ou trois Etats de même influence
culturelle ou d'influences différentes n'ont pas abouti. Chaque
tentative fédérale avait la double ambition de réaliser l'unité
politique entre les Etats concernés et d'être les jalons vers une
unité plus vaste en misant sur des adhésions.
L'évolution vers une coopération économique qui a suivi l'échec
des unions politiques n'est pas un abandon de l'idée de se regrouper,
elle limite. les ambitions des regroupements. Cette évolution n'a pas
été elle même linéaire. La coopération économique était déjà préconisée
par ceux qui les premiers rejetaient l'union politique. Des actions
parallèles avaient par ailleurs tendu à l'instauration d'unions
douanières pour soutenir les rapprochements politiques. Ainsi certains
projets de groupement à caractère politique avaient glissé vers une
coopération économique (Conseil de l'Entente, Sénégambie ••• ).

-
71
-
Après le sommet d'Addis Abeba la coopération l'a emporté sur l'union
politique pour deux raisons :
1° - Les conditions de l'union politique n'étaient pas réunies.
La coopération pouvait être la solution pour pallier les inconvénients
de la balkanisation et l'étape vers l'objectif recherché: l'unité
politique ;
2° - Les facteurs externes sont favorables aux regroupements
reglonaux à caractère économiques, mais pèsent négativement sur les
regroupements politiques.

-
72 -
T l T R E
II
LES FACTEURS DE L'EVOLUTION VERS UNE
COOPERATION ENTRE ETATS SOUVERAINS

- 73 -
Dans l'ordre interafricain, l'évolution vers la coopération
résulte, d'une part, de la conscience des difficultés que rencontrerait
chaque Etat en cas de repli sur lui-même dans le cadre territorial,
et, d'autre part du constat de l'impossibilité ou de la précarité d'une
union politique, démontrée par l'échec des unions fédérales.
Ces raisons ne sont pas en elles mêmes suffisantes : la coopération a
bénéficié du soutien de l'environnement international en particulier
des ex-puissances coloniales et des organismes internationaux ; soutien
dont n'avaient pu bénéficier les regroupements politiques.
Examinons d'abord les facteurs internes de cette évolution
(chapitre I) avant de revenir dans un chapitre II à l'influence de
l'environnement international.
CHAPITRE l - LES FACTEURS TENANT AU CONTEXTE
SOCIOPOLITIQUE AFRICAIN
L'unité africaine semble une donnée acceptée. Tous les hommes
politiques déclarent avec plus ou moins de conviction y être attachés.
Mais sur quelle base repose t-elle. S'agit-il de rétablir une unité
brisée par l'histoire coloniale comme le laisserait supposer l'affirma-
tion de la personnalité africaine ou est ce simplement une nécessité
qu'impose notre époque.
De nombreux auteurs l'ont relevé, l'unité africaine s'appuie sur des
généralités. "Si les buts de l'O.U.A. dit Monsieur Boutros-Ghali -
à savoir l'unité et la solidarité des Etats africains - semblent au
premier abord clairs et évidents, ils deviennent très controversés dès
que l'on se propose d'analyser avec plus de précision la véritable
signification de l'unité africaine, ou la notion de "personnalité afri-
caine"
qui serait le support idéologique de cette unité J J (1).
(1) B. Boutros-Ghali
L'organisation de l'unité africaine
Librairie A. Colin, Paris, 1968, P 26.

-
74 -
Pour ceux qui prévilègient les aspects culturels, l'unité africaine se
trouverait dans l'histoire précoloniale. Pour le présent Senghor qui
en est le principal représentant, "ce qui nous lie est au delà de
l'histoire. Il est enraciné dans la pré-histoire. Il tient à la
géographie, à l'ethnie, et partant à la culture. Il est antérieur au
christianisme et à l'islam, il est antérieur à toute colonisation. C'est
cette communauté culturelle que j'appelle africanité. Je la définirais
comme l'ensemble des valeurs africaines de civilisations" (2).
Le fond commun culturel ainsi défini par rapports à d'autres civilisa-
tions-européenne, asiatique, etc_constitue-t-il encore un facteur
unitaire précisement après l'intervention du christianisme, de l'islam,
de la colonisation ?
Les épreuves de la colonisation ont contribué à développer une conscience
de solidarité africaine, par réaction contre la domination, à l'exemple
du pan-négrisme des précurseurs, Price-Mars, Marcus Garvey, etc. Le
pan-négrisme, en tant que mouvement contre l'oppression des noirs dans
le monde perdait de vue la disparité des situations entre d'une part,
le problème des minorités raciales en Amérique qui s'inscrit dans des
contextes historiques particuliers et d'autre part le problème de
l'occupation coloniale en Afrique. A la forme raciale de l'oppression
devait répondre une stratégie raciale de défense. Le produit du
pan-négrisme, le.panafricanisme avait conduit à 'une sous-évaluation des
obstacles, des divergences d'intérêts que couvrait la commune révolte.
M. SENGHOR le reconnaîtra lui-même après l'échec de la Fédération du
Mali, il avait sous estimé la force du territorialisme ou micro-nationa-
lisme.
(2) B. Boutros-Ghali
op.cit page 28.

-
7S -
L'unité ne pouvait être justifiée par les notions générales de
"personnalités africaines" de "valeurs africaines". Elle a trouvé
un second· écho dans les thèmes d'ordres économiques et politiques
les inconvénients de la balkanisation pour le développement de
l'indépendance des Etats. Les dirigeants ont donc été amenés à
reconnaître les "diversités complémentaires" (3), à consavrer l'existence
des entités créées et à rechercher, par d'autres voies, à pallier les
inconvénients du trop grand morcellement. Cette reconnaissance est venue
après les échecs des tentatives pour traduire dans les faits, par des
formes fédérales ou confédérales, les solidarités sentimentales. Elle
apparatt clairement à partir de. la constitution de l'O.U.A. : la
supranationalité a été rejetée au profit d'une organisation contientale
aux attributions diverses mais pas de nature à porter atteinte à la
souveraineté des Etats membres. L'O.U.A. ne peut s'imposer aux Etats
que par la pression diplomatique. Bien plus sa fonction essentielle
s'est avérée de garantir l'existence de chacun de ses membres. Cela
montrait que 1es possibilités de parvenir à des unions globales conti-
nentales ou régionales étaient limitées (Section 1). Mais la reconnais-
sance des entités territoriales s'est aussi manifestée à travers
d'autres faits
- une unanimité se fait autour du choix de nouvelles voies
vers l'unité ~ celles du rapprochement économique, de la coopération et
de la coordination des activités.
- bien que le thème de l'unité soit toujours présent dans le
discours politique, les problèmes de l'intégration nationale, de la non
remise en cause de l'intégrité et l'unité des Etats existants prend le
devant (Section II)
(3 bis).
(3) Termes employés par M. SENGHOR, B. Boutros-Ghali
Op.cit, P 61.
(3 bis) Da~ les premières années des indépendances, c'était presque une clause
de style de mentionner dans les constitutions que l'Etat accepterait éventuel-
lement d'abandonner sa souveraineté au profit d'une union politique
(Cf. TH~ Doudou : La politique extérieur des Etats Africains).

-
76 -
Section l -- Les limites du continentalisme et
du régionalisme global
La création de l'O.U.A. a marqué la fin des unions suprana-
tionales du moins en Afrique du Sud du Sahara.
Le projet de Kwame N'Krumah soutenu par quelques chefs d'Etat
(Messieurs Milton Obote, Sekou Toure ••• ) de doter l'O.U.A. d'organe
exécutif a été rejeté par l'adoption d'une charte proche des positions
du groupe de Monrovia. Dès la chute de Kwame N'Krumah en 1965, les illu-
sions d'une évolution dans le sens de la supranationalité se sont
estompées (4).
Les souverainetés étatiques ont été consolidées au dépend de l'harmoni-
sation et la coordination (§ 1),
L'intégration politique interne a pris le pas sur l'intégration
régionale et continentale (§ 2).
L'O.U.A. est une organisation continentale à caractère général.
Son champ d'activité défini" par l'Article II alinéa 2 recouvre la
coordination et l'harmonisation de la politique générale des Etats
membres, aussi bien dans les domaines diplomatiques, économiques, cul-
turels, que dans les domaines techniques et de défense.
(4) Sur les thèses en présence lors de la création de l'O.U.A., se reporter à
-- Pierre Garn "L'organisation de l'unité Africaine" Revue Juridique et Politique
Indépendance et Coopération, 1966, PP 295-334.
- Boutros-Ghali, op.cit, Paris, 1968.
- K. N'KRIJMAH : L'Afrique doit s'unir, op.cit.

- 77 -
La charte d'Addis Abeba adoptée à un moment où les querelles
sur la supranationalité n'étaient pas apaisées, autant que l'évolution
de l'O.U.A. depuis lors, exprime les principales préoccupations de la
majorité des Etats dans sa création. Elles tenaient certainement du
souci, de la volonté de trouver une solution aux conséquences économiques
prévisibles de la petitesse des Etats, mais surtout de la nécessité
d'organiser les relations interafricaines pour assurer la sécurité de ses
membres face aux convoitises et rivalités aussi bien à l'intérieur du
continent qu!à l'extérieur.
La charte n'élimine pas expressement la possibilité d'une
évolution vers une unité continentale supranationale. Elle proclame
même, comme aspiration la "réalisation d'une fraternité et d'une
solidarité intégrées dans une unité plus vaste qui transcende les
divergences ethniques et nationale". Mais les moyens dont elle s'est
dotée visent des objectifs immédiats : "créer les conditions de paix
et de sécurité" (S) entre les Etats membres par des reconnaissances
mutuelles de leur souveraineté et de leur intégrité territoriale ;
renforcer la solidarité continentale par les conférences diplomatiques et
la coopération.
A -. Des souverainetés nationales consolidées
La charte de l'O.U.A. insiste sur la défense de la souveraineté
et l'indépendance des Etats membres. Le préambule de la charte dans
l'alinéa 7 affirme la résolution des chefs d'Etat à "sauvegarder et
consolider une indépendance et une souveraineté durement acquises, ainsi
que l'intégrité territoriale, et à combattre le néocolonialisme sous
toutes ses formes", L'Article II traitant des objectifs de l'O.U.A.
reprend cette disposition sur la défense de l'indépendance et la souve-
raineté (alinéa J.c),
Le rejet de la supranationalité est traduite dans les structures de
l'O.U.A. et dans les principes qui doivent régir les rapports entre
les Etats membres.
(S) Préambule de la charte alinéa 6,

- 78 -
Les structures de l'O.U.A., de type classique
Conférence de chefs d'Etat
Conseil de ministres
Secrétariat administratif
Commissions spécialisées
assure une égalité entre les membres. Aucun organe ne peut imposer
sa volonté aux Etats, n'ayant pas de pouvoirs exécutifs (6). L'Article
III al. 1 à 5 énonce les principes que chaque Etat doit s'engager à
respecter scrupuleusement :
1 - égalité souveraine· de tous les Etats membres
2 - non ingérence dans les affaires intérieures des Etats
3 - respect de la souveraineté et l'intégrité territoriale
de chaque Etat et de son droit à une existence indépendante
4 -
règlement pacifique des différends, par voie de négociation,
de médiation, de conciliation ou d'arbitrage
5 - condamnation, sans réserve d~ l'assassinat politique
ainsi que des activités subversives exercées par des Etats
voisins ou tous autres Etats.
Sans reprendre l'étude de ces principes dans le détail nous
pouvons relever les soucis qui ont guidés les signataires de la charte,
soucis pour lesquels l'O.U.A. a été qualifiée de conservatrice dès son
origine (7).
- La charte confirme le maintien du statu quo territorial
en consacrant le principe de l'ftuti pos~detis". Les Etats doivent être
reconnus dans leurs frontières léguées au moment de leur accés à la
souveraineté internationale. Les contestations de tracé de frontières
doivent être réglées par voie pacifique.
(6) Ces structures obéissent au schéma général des organisations régionales
- conférence des chefs d'Etat organe suprême de l'O.U.A.
- le conseil des ministres
- le secrétariat général administratif
- la commission de médiation, de conciliation et d'arbitrage
- les commissions spécialisées
(7) B. Boutros-Ghali op.cit P. 48
voir aussi J. Cl. Gautron IJLe fait régional dans la société internationale"
P 16 et s.
Régionalisme et universalisme dans le Droit International Contemporain. Colloque
~e.B?rdeaux. Publication de la Société Française pour le Droit international
edltlon A. Pedone, Paris, 1977.

ORGANIGRAMME de l'ORGANISATION DE L'UNITE AfRICAINE
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernements
.composition : 49 chefs d'Etats et de gouvernements
.réunions : une session annuelle
. vote : majorité simple
.fcnct ion : noli tiuue eënêrate de, Ilnro::lni~::ltinn
Conseil des ministres
.composition : 49 ministres
.réunions : 2 sessions ordinaires par an + session
.vote : majorité simple
extraordinaire
.fonctions:prépare-exécute décisions_€onférence:
:..
Comité afrJcain
'-J
Grou e
sc
de libérhtion
afri ain
COIlUJl i ! si 011
commission
rOJlIOlilss i aq
de médiation
économi-
défense
scient i f i
à l'ONU
siège:DAR es
de concilia-
que et
l°sessiOl
lye tech-
but:coor
Salam
tion et arhi-
sociale
Accra
ligue et
donner
composition
trage.Siège:
IOsession
'echerche
action
9 Etats mem-
Add isi\\BEBA
Niamey
29.10.6
IOsession
Etats
bres. Fonc-
21 membres
9.12.63
Alger
africain~
tions lutte
vote majorité
1.2.64
à l'ONU
armée anti
règl.des di f.
SiègeLago
sièIJc
,nlnni::llp
New Yorck
SECRETARIAT PERMANENT
.siège : Addis A13EBA
.composition: lsecrét. général administratif
(~) la création d'un Sème secré-
Ssecrét. généraux adjoints (~)
taire adjoint a été décidée lors
.sllbdivision:en départements et divisions
du sonmet de l'OUA tenu à Khar-
t oum 18-21 Juillet 1978.
Exécuté d'après l'organigramJlle de B. Boutros-Chali "l'O.U.A." A. Colinl9b8

- 80 -
- Le deuxième objectif de ces principes est de renforcer le
pouvoir des gouvernants dans les cadres territoriaux, d'assurer la
stabilité intérieur. Il s'agit (cf. al. 2 et 5 Article III) d'établir
leur autorité sur des Etats dont l'existence était précaire. Cette
autorité était menacée par le soutien des Etats tiers aux opposants du
régime en place.
L'ingérence dans les activités intérieures des autres Etats et la
subversion étaient parmi les raisons de l'opposition entre les groupes
existant avant la création de l'O.U.A. Le groupe de Brazzaville avait
déjà condamné la subversion dans la déclaration de Brazzaville du
19 Décembre 1960 (8). Le principe de non subversion a été précisé par
une résolution de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement tenue
en Octobre 1965 à Accra au Ghana (8 bis). Quelle a été la contribution
de ces principes pour la stabilité des Etats ?
Seuls deux pays, en signant la charte de l'O.U.A., ont posé des réserves
sur le principe de l'''uti possedetis" : le Maroc et la Somalie. Le Maroc
revendiquant la Mauritanie comme partie intégrante du "Grand Maroc",
refusait de reconnaître son existence en tant qu'Etat. Il a été amené
sous la pression des autres Etats à reculer dans ses exigences (9).
La Somalie revendiquait à la fois une partie du Kenya et une partie de
l'Ethiopie pour constituer la "Grande Somalie".
(8) Boutros-Ghali op.cit P. 43 et s.
(8 bis) A.H.G/Res 27~
(9) Mentionons aussi le conflit armé entre le Maroc et l'Algérie en Octobre 1963
à propos de Tindouf.
Le Maroc a définitivement abandonné ses revendications sur la Mauritanie à la
suite de la signature d'un traité de coopération, de bon voisinage entre les
deux pays le 8 Juin 1970.

- 81 -
Ce sont précisément ces deux Etats qui se sont engagés dans des
conflits armés d'envergures avec les Etats voisins pour des revendica-
tions territoriales (10). La Somalie malgrè l'hostilité de la grande
majorité des pays africains a occupé l'Ogaden, province de l'Ethiopie,
et peut être à cause de cette hostilité n'a pu bénéficier du soutien
ouvert de ses alliés et a perdu la partie. Par une ironie du sort, le
Maroc et la Mauritanie se trouvent côte à côte dans la guerre du Sahara
occidental qu'ils se sont partagés à deux (11).
Hormis ces deux exemples des remises en cause profondes de
l'intégrité territoriale d'autres Etats, les revendications du Togo
actuel sur l'ancien Togo sous mandat britanique peuvent aussi être
considérées comme une non reconnaissance des frontières héritées dès
l'accession à l'indépendance, mais le Togo n'a pas émis de réserve sur
la charte.
Les nombreux conflits frontaliers ont plus porté sur le tracé des
frontières.

On peut considérer que le principe de l'''uti possedetis" a eu un effet
bénéfique à condition de reconnaître sa propre po~t&'e : limiter lès
remises en cause générale qui auraient provoqué des guerres d'expansion,
le désordre dans les relations diplomatiques interafricaines, et par
ces brêches permettraient aux puissances extérieures de menacer leurs
indépendances même nominale~
Ce principe ne pouvait avoir pour effet d'éliminer les causes profondes
de ces conflits qui résultent souvent d'une conjonction de plusieurs
facteurs : imprécision de tracé, existence de communauté ethnique de
part et autre de la frontière, raisons économiques.
(la) Nous n'énumérerons pas les nombreux conflits frontaliers, qui ne sont pas
une remise en cause du principe de l'intangibilité des frontières, car ce principe
n'exclut pas des possibilités de modifications de frontières ; il exclut le
recours à la force et surtout la remise en cause de l'existence des Etats.
Voir le dossier
"l'Afrique malade de ses frontières" par Edmond JotNe dans le
mensuel "AFRlcpE" nO 14, Août 1978, pa~es 7 à 27. et le débat "à quoi servent
les frontières" dans "Jeune Afrique" n
919-920, Août 1978 PP 79-84.
(11) La guerre du Sahara occidental a débuté en Décembre 1975.

- 82 -
De même en ce qui concerne le principe de la non-subversion
il serait difficile de l'apprécier en quelques lignes. Au moins peut-on
dire qu'il a permis d'acculer, dans les premières années de la création
de l'O.U.A., les principaux chefs d'Etat au banc d'accusation (Kwame
N'Krumah, Sékou Touré) à modérer le soutien qu'ils apportaient aux
mouvements d'opposition (12).
La persistance des conflits inter-étatiques malgrè l'accepta-
tion quasi générale de ces principes montre l'incapacité de l'O.U.A. de
renforcer la solidarité de ses membres.
En cas de conflit entre des Etats membres
,
l'O.U.A. e~ automatiquement
paralysé. Les Etats impliqués pour se prémunir de décision à même de
porter atteinte à leur souveraineté, répugnent à saisir la commision de
médiation, de conciliation et d'arbitrage. Ils préfèrent les médiations
d'autres chefs d'Etat ou le règlement du conflit au sein des organisation
restreinte~ qui entrent ainsi en concurrence avec l'organe de l'O.U.A.
La commission de Médiation, de conciliation ou d'arbitrage mis quatre
ans' avant d'entrer officiellement en fonction et malgrè son existence,
les conflits portés au niveau de l'O.U.A. sont presque toujours réglés
par des commissions ad hoc ou commissions de sages (13). L'O.U.A. est
mise dans une situation où elle ne peut prendre de décisions qui par
leurs forces morales pourraient porter atteinte à la souveraineté des
Etats. L'harmonisation politique et diplomatique au sein de l'O.U.A.
reste dans le domaine du souhait même en ce qui concerne la lutte
anti-coloniale où depuis le manifeste de Lusaka (Zambie) de 1971 (14),
certains Etats ont opérés un rapprochement discret ou ostentatoire avec
le gouvernement d'Afrique du Sud pourtant vilipendé.
(12) Certains Etats africains avaient reconnu la sécession biafraise. La résolution
d'Octobre 1965 (Accra) excluant le recours à l'autodétermination pour les
minorités ethniques et tribales, les soutenir étaient par voie de conséquence
une subversion contre l'Etat concerné.
(13) Boutros-Ghali op.cit P 128.
Une première conunission spéciale constituée le 18 Novembre 1963, avant l'entrée
en fonction de la commission de Médiation, de conciliation et d'arbitrage,
contribua au règlement du litige frontalier Algéro-Marocain par l'accord du
24 Février 1964. La résolution des principales crises ultérieures furent confiées
à des commissions ad hoc, où à des missions de bons offices. (suite P. 83)

- 83 -
Le moyen par lequel les chefs d'Etat escomptaient parvenir à
une solidarité effective est d'organiser la coopération économique et
technique au sein de l'O.U.A. ou sous son égide. Il s'agissait comme
disait ~bdibo Keita de "mettre en commun nos possibilités et nos
potentialités pour aller de l'avant dans le respect des options de
chacun" (15).
Quelques soient les intentions des partenaires - aboutir à une union
politique ou non - la coopération constituait pour tous une nécessité
pour leur développement économique et parce qu'elle est une condition
indispensable au maintien d'une paix "durable" entre Etats.
(13) Lors de la crise du Congo en 1964 une conunission ad hoc de dix Etats, présidée
par Jerno Kenyatta fut constituée. Sur celle du Biafra, une mission de concilia-
tion de six chef d'Etat fut désignée au sommet de Kinshasa en 1967, présidée par
Hailé Sélassié. De 1966 à 1967 des missions de bons offices confiées à un chef
d'Etat parvinrent à résoudre les différends Ghana-Guinée, Rwanda-Burundi et
Kenya-Somalie (voir Mohamed Bedjaoui "Le règlement pacifique des différends
africains AFDI 1972 pp 85-99. R. Yakemtchouk. "L'Afrique en droit international
Paris, LGDJ 1971, PP 279 et s.
En ce qui concerne les conflits récents, dans l'affaire du Sahara occidental,
un comité comprenant cinq chefs d'Etat devait exarninertous les faits et
présenter un rapport à un sommet extraordinaire, mais la convocation de ce sœmet
a toujours été repousée (Afrique Contemporaine nO 99 Septembre Octobre 1978).
Sur l'affaire de l'Ogaden opposant l' Ethiopie et le Soudan une conunission de
médiation crééé à Libreville en Juillet 1977 n'obtint pas de résultat et cette
affaire fut tranchée par les armes. Dans le différend entre l'Ouganda et la
Tanzanie, cette dernière a rejeté les offres de médiation présentées par le
Kenya, le Soudan et la Lybie. Un comité de médiation de l'O.U.A. qui avait été
créé a commencé ses travaux le 21 Janvier 1979 à Nairobi en présence des délégués
des deux belligérants (Le Monde 23 Février 1979).
(14) Lors de la conférence de Lusaka en 1971, Monsieur Houphouët Boigny préconisa
le dialogue avec l'Afrique du Sud au lieu de l'épreuve de force.
(15) Boutros~hali op.cit P 303.

-
84 -
B - Objectif de l'O.U.A.
: la coopération
Elle a été consacrée par l'Article II de la charte dont
l'alinea 2 énumère les domaines dans lesquels les Etats "coordonneront
et harmoniseront leurs politiques générales"
- politique et diplomatique
- économie, transport et communications
- éducation et culture
- santé hygiène et nutrition
- science et technique
- défense et sécurité.
La mise en oeuvre de cette coopération a été confiée au conseil des
ministres (Article XIII), était-ce pour des raisons d'efficacité ou le
signe que la coopération était déjà au second plan des préoccupations?
On peut se poser la question dans la mesure où l'on se trouve en face de
régimes personnalisés où toutes les décisions sont prises au plus haut
niveau. Les dispositions de l'Article XIII sont sur ce point ambigues
le conseil des ministres "met en oeuvre la coopération interafricaine
selon les directives des chefs d'Etat et de gouvernement". Il y a ici
une ressemblance avec les organisations restreintes où les décisions en
matière économique ou technique sont prises par l'organe suprême. Dans
la pratique il y a eu peu de mesures prises dans le domaine économique.
Pour seconder le conseil des ministres, cinq commissions
spécialisées avaient été mises en place, dans les domaines cités par
l'Article II al. 2 en dehors du domaine politique et diplomatique. Pour
des raisons financières, leur nombre a été réduit (15 bis).
(15 bis) Ces commissions spécialisées sont actuellement :
- la commission de la défense
- la commission économique et des problèmes sociaux
- la commission de l'éducation et de la culture
A celles-ci s'ajoutent trois organes permanents:
- le groupe 'africain à l'O.N.U.
- le comité africain de libération
la commission scientifique technique et de la recherche dont le siège
est à Lagos à l'ex-siège de la C.C.T.A.

- 85 -
Le problème s'est posê de savoir si la coopêration devait être
organisêe à l'êchelle continentale ou pouvait-elle l'être parallèlement
au niveau des groupements restreints. Les partisans d'une évolution
rapide de l'O.U.A. vers l'union supra-nationale soutenaient que la
création de l'O.U.A. supposait la dissolution des groupements restreints.
A quoi leurs adversaires répliquaient que la coopération au sein de ces
groupes n'entrait pas en contradiction avec les objectifs de l'O.U.A.
tout au contraire, elle devait servir de tremplin vers le continenta-
lisme.
La résolution CM/5/1 du 10 AoOt 1963 de la conférence des ministres des
affaires étrangères tenue à Dakar a tranché en faveur du régionalisme,
constatant que "les regroupements régionaux ont favorisé la réalisation
et
le développement de la coopération entre les Etats membres". Pour
assurer une convergence des activités de l'O.U.A. et des groupements
restreints, le Secrétaire général de l'O.U.A. a été chargé d'encourager
l'imbrication et l'interpénétration de ces différentes organisations.
En conclusion de ce paragraphe, l'enseignement que l'on peut
tirer et que l'O.U.A. dont les buts selon ses auteurs devaient être
d'oeuvrer à la réalisation de l'unité continentale, a eu un rôle
dysfonctionnel. Elle a conforté les "nationalismes" que les déclarations
officielles appellent à transcender.
Quels sont les facteurs structurelles, qui, malgrè la vivacité du thème
de l'unité, ont conduit à l'affirmation des entités territoriales au
dépend du régionalisme et du continentalisme.

- 86 -
~ê!êg!êEh~_!!_:_çQ~~!!!Q~~_~QS!Q:EQ!!!!g~~~_~:~~~
!~!~g!ê!!Q~_EQ!!!!g~~_~Q~_!~ê!!~~~
En rejetant l'union politique au profit d'une coopération
inter-Etats, les gouvernements ont exprimés un choix: construire la
nation, faire coinsider l'Etat et la nation, ou réaliser l'unité régio-
nale, construire la "nation-région" selon le terme de Monsieur Yondo (16).
Les explications des échecs de la supranationalité ont souvent rejeté
au second plan le fait de l'inexistence de nations africaines, du moins
dans les cadres territoriaux actuels, alors même que l'intégration
politique se posait aux deux ni.veaux "national" (16 bis) et régional.
A - Formation-des nations en Afrique
"L'existence d'une communauté politique dit J.Y. Calvez ne peut
reposer que sur une suffisante convergence des intérêts des divers
groupes qui la constituaient et sur le sentiment d'un destin commun et
de mutuelles obligations" (17).
Une politique d'union régionale ne pouvait bénéficier d'un minimum de
soutien des populations concernées que si celles-ci prenaient conscience
des effets immédiats et futurs d'une communauté régionale. Le premier
blocage à l'union régionale tient aux réalités sociologiques territo-
riales. Ils n'existent pas encore cette conscience de la convergence des
intérêts et le sentiment d'un destin commun.
Voyons à ce niveau quels peuvent être les obstacles à l'union régionale.
(16) Marcel Yondo : Dimension Nationale et développement économique (théorie
application dans l'UDEAC) Page 161. Thèse Grenoble 1968 LGDJ Pasis 1970.
(16 bis) Nous mettons le terme national entre griffe dans le mesure où il n'est pas
établi que des nations aient existé avant la colonisation. Les nouveaux Etats
africains dit M. Frelin (Revue du Tiers Monde 1972 P. 436)"font figurent d'empnmt
culturels" des pays développés sinon de création des puissances.
Tout en jouant
le rôlede l'Etat moderne, il n'est pas l'expression d'une nation constituée, le
produit de mutation, de bouleversementséconomiqueset sociaux à l'intérieur d'un
territoire. Mais la création d'uneimage d'Etat moderne a été précédée par la nais-
sance de formation sociale et de structure économique à l'image des structures
socio-économiques des nations européennes sur lesquels reposaient la nouvel Etat.
L'importance d'aborder la question se situe en ceci qu'il ne s'agit pas seulement
d'un "empnmt" culturel mais aussi de "l'emprunt" d'une voie socio-économique qui
a poussé à la constitution des nations.

<.
- 87 -
1) Inexistence des nations
Les nations modernes sont apparues en premier lieu dans les
Etats d'Europe occidentale à la suite de grandes évolutions historiques.
Si l'on situe généralement l'apparition des nations au 18ème siècle, le
concept de nation est antérieur au phénomène historico-social qu'il
désigne actuellement. Ce concept a évolué au cours de l'histoire et
jusqu'à présent sa signification est souvent imprécise et son utilisation
souffre de beaucoup d'ambiguités.
A l'origine, selon M. Albertini (18), le mot I1 na t i on " a désigné des
types de groupes très différents dont la formation et la cohésion
n'avaient rien à faire aussi bien matériellement que mythiquement avec
les données de la naissance. Ainsi, dans le concile de Constance, la
"nation l1 signifiait simplement un groupe qui dispose d'une voix: la
I1 n a t i on
allemande l1 comprenait tous les délégués de l'Europe orientale et
la "nation anglaise" comprenait tous les délégués de l'Europe Septen-
trionale y compris les scandinaves. Puis le mot "nation l1 a eu tendance
à désigner n'importe quelle communauté politique comme par exemple les
communautés politiques urbaines en Italie, n'importe quelle communauté
de civilisation de culture comme par exemple l'Italie elle-même entendue
comme communauté de langue littéraire ou l'Europe comme communauté de
culture.
(17) Jean-Yves Calvez : Aspects politiques et sociaux des pays. en voie de
développement P~ 49
.
Dalloz, Paris, 1971, 298 pages.
G. Burdeau : Droit constitutionnel et institutions politiques, LGDJ, 1977,
PP 21 et s.
(18) Mario Albertini ; "Lt Ldêe de nation" .Annales de philosophie politique éditées
par l'Institut Ihternational de philosophie politique, 1969, PP 5-14.

- 88 -
Selon M. Polin (19) le mot "nations" désignerait dans l'usage courant,
les païens par opposition aux chrétiens et la "nation" au singulier
désignerait la réunion des habitants d'un même territoire sans que cette
désignation ait une charge affective et personnelle. C'est vers le
18ème siècle que le mot "nation" servira à représenter des communautés
humaines dans le stade d'organisation et de cohésion socio-économique.
En prenant cette signification, il servira aussi de justification philo-
sophique pour le renforcement de la cohésion d'une part pour imposer ou
faire accepter la centralisation croissante de l'Etat et d'autre part,
pour s'opposer vis à vis de l'extérieur aux intérêts d'autres communau-
tés. L'idée de nation s'emplit d'une charge affective prononcée, qui,
dans les définitions rejette à l'ombre les causes et les origines de
leur constitution, à l'exemple de la célèbre définition de Renan :"La
nation est un
rêve d'avenir partagé".
M. Burdeau s'inspire de cette définition poétique de Renan "la nation,
c'est continuer à être ce que l'on a été, c'est donc même à travers
l'attachement au passé, une représentation du futur"
(20) t.
La nation selon M. Polin est U un vouloir politique commun" qui s'est
développé et a pris conscience de lui-même à partir du moment ou un
consensus diffus a donné lieu au sentiment d'une concorde spontanée,
d'un bien commun. C'est sur ce sentiment de bien commun que mettent
l'accent les hommes politiques, dans la mesure ou le discours politique
a pour but d'exalter le sentiment national. Chez De Gaulle, l'idée de
nation repose sur le sentiment patriotique "La patrie est l'idée que ses
membres se font de la nation à laquelle ils appartiennent" (21) et la
nation, unissant en elle un peuple, une histoire, une culture, une
personnalité, constitue un "être fondamental de l'histoire". La souve-
raineté de la nation est garante de son existence et rend légitime le
gouvernement qui l'assure.
(19) Raymond Polin : HL' existence des nat ions"
Annales de philosophie politique PP 37-48.
(20) G. Burdeau op.cit P 22.
(21) Cf. R. Polin op.cit P 45.

- 89 -
Les définitions sentimentales ont ces limites qu'elles ne nous permettent
pas de saisir l'essence du phénomène. Dans le cas concret qui nous
intéresse - l'existence ou non de nation en Afrique - ces définitions
sont vagues et ne donnent pas de critère d'appréciation.
"On a voulu dit M. Albertini, trouver le fondement de la nation dans la
volonté de vivre ensemble, dans le "plébiscite de tous les jours" (Renan).
A ce propos, il convient d'observer que cette idée ne nous avance guère
tant que l'on n'explique pas mieux "comment on vit ensemble" (22)
préciser "comment" reviendrait à définir la nation. La révolution
industrielle dit-il, est à l'origine des comportements nationaux. La
société agricole du même âge ne· présentait pas - à l'exception d'une
élite faible, de comportement de dimensions égales à celles des nations
actuelles. La vie de 90 % de la population se passait presqu'exclusi-
vement dans le cadre de petites unités territoriales au delà desquelles
ne se manifestaient pas de rapports sociaux concrets stables et directs.
Les barrières séparant les petites unités territoriales commenceront à
tomber avec l'ère industrielle, avec l'expansion du secteur marchand
de la société agricole: "où l'activité de la production prenait ce
caractère industriel, les comportements économiques acqueraient rapide-
ment une dimension égale à celle des nations européennes actuelles. Et
pas seulement les comportements économiques. Il n'est pas d'acte écono-
mique qui ne soit aussi juridique, administratif, social, politique, etc.
En conséquence, un nombre toujours croissant de comportements, jusqu'aux
comportements politiques, acquirent la référence à la dimension en
question et c'est pourquoi ils se lièrent les uns aux autres, de manière
diverse en raison de la diversité de situation" (23). Mais dans leur
nature ces comportements diffèrent des sociétés composées de petites
unités territoriales où dominent les rapports personnels, un sentiment
d'appartenance naturel à un groupe du seul fait d'y être né.
Les
rapports quasi-personnels se maintenaient même non soutenus par un
pouvoir politique. Dans les nations actuelles, les sentiments de person-
nalité national et de liens nationaux ont été créés d'une manière
artificielle et forcée grâce au pouvoir politique. Leurs dimensions ne
(22) Albertini op.cit P. 8
(23) Ibid P. 20.

- 90 -
permettaient pas l'établissement de rapports personnels. "En fait, en
Europe, les grandes nations actuelles sont le résultat de l'extension
forcée, par l'Etat, à tous les citoyens, de la langue d'une nationalité
spontanée préexistant sur son territoire () et de la propagande imposée
de l'idée, même si elle ne correspondait pas tout à fait à la réalité,
de l'existence de moeurs uniques". L'imposition de l'idée d'un groupe
résulte lui même du fait que le système européen des Etats a contraint
les Etats du continent à la centralisation. Elle était nécessaire à la
centralisation des pouvoirs. "Le fondement des nations modernes dira-t-i
est par suite constitué au point de vue économique par la première phase
de la révolution industrielle ~t au point de vue politique par l'Etat
bureaucratique centralisé". M. Albertini propose alors la définition de
la nation comme "l'idéologie de l'Etat bureaucratique centralisé".
Cette définition plutÔt politique de la nation ne nous permet pas de
discerner l'existence d'une nation, de voir les éléments constitutifs
par lesquels ont peut dire dans un cas concret si on est en présence ou
non d'une nation. M. Albertini reconnait lui-même que sa définition de
la nation comme "idéologie de l'Etat bureaucratique centralisé" concerne
la réalité historico--sociale seulement d'une manière indirecte. Beaucoup
des éléments qui sont souvent cités comme preuves de l'existence de la
nation sont souvent inopérantes (24).
Le problème de l'existence d'une nation devient ainsi une question fort
contreversée et souvent sources de conflits armés, chaque partie peut
tirer argument de l'absence ou la présence de ces éléments pour nier ou
affirmer l'existence de la nation. Staline propose une définition dans
laquelle il relève les éléments qu'il juge indispensables et complémen-
taires à l'existence d'une nation ~
(25) "La nation est une communauté
humaine, stable, historiquement constituée, née sur la base d'une commu-
nauté de langue, de territoire, de vie économique et de formation
psychique qui se trad.uit dans une communauté de culture",
(24) Ibid P 7 et s.
(25) J, Staline ~ Des principes du léninisme
Editions en langues étrangères, Pékin J 97Q.

- 91 -
Il en dégage quatre éléments complémentaires et indispensables pour
que la nation soit constituée: d'existence d'une communauté de langue,
d'une communauté de territoire, d'une vie économique commune, et d'une
communauté de culture. Ces critères à des degrés divers ne se trouvent
pas réunis en Afrique. Il n'y a pas une communauté de langue. La langue
officielle dans la plupart des Etats n'est parlée que par une minorité
de la population. Les langues vernaculaires couvrent des aires géogra-
phiques circonscrites en deçà du cadre territorial, ou transcendant ces
frontières sans toucher un Etat entier (26).
Bien qu'il ne faille pas minimiser l'impact des transformations amorcées
depuis la colonisation et celles entreprises par les gouvernants depuis
les indépendances pour créer une vie économique nationale, cette commu-
nauté économique n'existe pas encore. Pour reprendre M. Yondo, la "nation
économique" reste à construire (27).
Dans le critère culturel, les différences culturelles à l'intérieur des
Etats sont vivaces. Ces différences s'expriment souvent à travers les
problèmes de minorités. Les conflits ethniques recouvrent - non exclu-
sivement - des conflits culturels.
En 1966, des troubles se sont produits en Mauritanie entre maures de
l'intérieur et noirs de la vallée du Sénégal lorsque le gouvernement a
voulu imposer l'enseignement de l'arabe comme langue nationale (28). Les
religions sont aussi à la base de la diversité culturelle à l"intérieur
d'un même pays, quand les différences de pratiques religieuses corres-
pondent à des aires géographiques : Nord animiste ou musulman, Sud à
prédominance chrétienne au Nigéria, côtes et intérieurs au Togo ou en
Côte d'Ivoire. Dans ces cas la religion n'est qu'un facteur parmi tant
d'autres (29).
(26) En Afrique occidentale, le Bambara dans ses variantes est parlé par une partie
des populations' du Mali, de la Guinée, de la Haute-Volta, de la Côte-d'Ivoire
principalement. Il en est de même pour le Haoussa parlé surtout dans le Nord
du Nigéria et au Niger.
(27) Marcel Yondo op.cât P. 37.
(28 - 29) Jean-Yves Calvez op.cit PP 51 et 53. '~on seulement ••. la diversité cultu-
relle et ethnique est très grande dans bien de pays du tiers-monde, mais souvent
aussi l'indépendance a entrainé des retournements dans la situation politique
relative des diverses populations. Le déplacement des forces politiques développe
ressentiments et tensions. Souvent, il n'est pas dénué de signification sociale,
car les conflits entre groupes sont des conflits au sujet du statut social des
uns et des autres".

-
92 -
Dans les Etats ouest africains les nations ne sont pas encore çonstituées
Cela a été bien exprimé par Guy Nicolas "S'il existe des nations et des
peuples africains, au sens profond du terme, ceux-ci se constituent
actuellement aux différents niveaux des formations socio-culturelles,
historiques, politiques, religieuses, "ethniques", etc., enraciné dans
le passé et le coeur des hommes en deçà et au-delà de l'Etat" (30).
L'idée de nation en Afrique, ne s'est pas imposée de la même
manière qu'en Europe occidentale.
En Europe l'idée de nation s'est imposée avec la centralisation crois-
sante de l'Etat, répondant à la, centralisation du système de production
et d'échange. Dans les nouveaux pays par contre 'l'idée de nation a
précédée la construction de l'Etat moderne centralisé. Elle est au
service d'un modèle, d'une forme d'organisation à atteindre, et plus que
la forme d'organisation, l'idée de nation sert à la refonte du système
de production et du système social. Si .les structures économiques sont,
en Europe à l'origine du développement de l'idée de nation comme idéolo-
gie de l'Etat bureaucratique centralisé
selon la formule de M. Albertini
en Afrique, cette idéologie en tant que superstructure joue actuellement
un rôle important dans la transformation de l'infrastructure, du système
économique et social".
Les Etats-nations se sont formés avec le développement du capitalisme.
L'Afrique jusqu'à la pénétration coloniale était dans un système de
production féodale. Il existait des royaumes et des empires plus ou
moins stables. Les provinces d'un même royaume jouissaient d'une large
autonomie et les cellules villageoises constituaient - et constituent
actuellement pour une grande part - les cadres de rapports de l'immense
majorité de la population. Celle-ci vivait selon les coutumes locales,
sans liens économiques intenses avec les autres cadres villageois. La
colonisation va ébranlé ces structures sociales. L'idée de nation se
développera par l'action de l'administration coloniale et par l'action
des luttes de libération.
(30) Guy Nicolas "Crise de l'Etat et affinnation ethnique" R.F.S.P. Octobre 1972
pp 1017 à 1048.
La préférence du mot territorialisme à celui de nationalisme dans le discours
des hommes politiques montre par ailleurs qu'il y a une conscience et une
reconnaissance implicite de l'inexistence des nations.

- 93 -
L'administration coloniale, en réunissant des populations et
des royaumes jadis cloisonnés au sein de territoires ou de groupes de
territoires a entrepris une oeuvre de centralisation, d'édification
d'Etats à l'image de la métropole, même si elle ne pouvait faire table
rase des structures féodales. Elle a essayé d'utiliser l'organisation
politique féodale - par le recours à la contrainte et à l'habileté -,
dans le sens de la centralisation. Elle a provoqué un brassage de popu-
lations, en encourageant ou en forçant les populations à se déplacer et
en les soumettant à une même loi, celle du colonisateur. Les nouvelles
classes sociales qui se forment dans son sillage n'ont plus comme horizon
politique et sociale le cadre e"thnique. Leur action et leur pensée
reflètent ce phénomène nouveau. Cela n'est d'ailleurs pas propre à
l'Afrique. M. Roger Pinto donne un exemple de la formation de l'idée
de nation au Sud-Vietnam (31) "Sous la domination étrangère, la classe
bourgeoise, de commerçants, fonctionnaires, entrepreneurs, qui se forme
projette la nation dans le passé, la fonde sur des traditions religieuses
mystiques, légendaires, sur l'attachement au sol· natal et aux ancêtres.
Elle
réinterprête les poêmes épiques et leur donne un sens national.
Certes les transformations technico-économiques préparent le terrain.
L'accroissement du commerce social au sens le plus large notamment
les échanges économiques, le progrès de l'enseignement et de l'informa-
tion, contribuent à détruire la société politique traditionnelle".
En Afrique le rôle de projection de la nation dans le passé, de réinter-
prétation, sera tenu par les écrivains de la négritude, par le mouvement
de réhabilitation de l'histoire et de la culture "négro-africaine". Mais
l'idée de nation n'était pas encore attachée aux territoires dans leurs
découpages actuels. L'Afrique ou du moins l'Afrique Noire sera présentée
comme offrant une unité culturelle, des moeurs, des traditions, une
religiosité commune - à défaut de religion commune -, pouvant laisser
penser qu'elle constitue une nation. En cela l'idéologie du panafrica-
nisme est une idéologie nationaliste, un nationalisme encore diffus
(31) Roger Pinto J~n épisode de la formation de l'idée de nation au Vietnam"
Annales de philosophie politique, 1969, PP 105 à 112.

- 94 -
dans ses bases territoriales, mais qui prend ses fondements dans l'oppo-
sition à l'oppression extérieure et dans la similitude des situations
d'opprimés, vécues par les populations des différents territoires.
La lutte anti-coloniale sous la bannière du panafricanisme a le plus
contribué à la pénétration de l'idée de nation. Face aux colonisateurs
l'aspect mis en avant était la communauté culturelle, la communauté
d'intérêt des peuples africains. L'Afrique devait s'unir face à l'oppres-
sion. Ni le cadre continental, ni les territoires ne constituaient des
nations, par conséquent le panafricanisme était l'étendard sous lequel
devait se mener les luttes nationalistes. Cette situation ayant évolué
après les indépendances des années 1960 avec la consolidation des terri-
toires, l'idée de nation vient à la rescousse pour contribuer à forger
l'Etat centralisé, l'Etat-nation.
"L'action de l'histoire dit André Hauriou, aboutit généralement à donner
à l'ensemble humain sur lequel s'appuie l'Etat les caractères d'une
nation" (32). Dans les Etats africains actuels, dans les collectivités
humaines rassemblées dans un territoire, les épreuves de l'histoire
n'ont pas encore forgé une stabilité dans leur vie commune, de nature
à leur conférer les caractères de nations. L'idée de nation vise à créer
ce qui n'existe pas encore : la communauté de vie économique, de langue,
de culture.
La réalisation de l'unité autour de l'Etat déjà constitué, l'intégration
nationale est un souci majeur pour les pouvoirs politiques.
Nous entendons par intégration nationale, l'action de l'Etat
pour créer un pouvoir institutionnalisé, un pouvoir central reconnu et
accepté par l'ensemble de la société. Il s'agit de mettre fin à l'exis-
tence de pouvoirs traditionnels qui échappent au contrôle du pouvoir
central, d'organiser un système politique global. L'Etat africain, né
avant la nation, pour se donner un fondement, affirme l'existence de la
nation et tend à s'assimiler à elle.
(32) Annales de philosophie politique, 1969, P. 49.

- 95 -
La théorie assimilant l'Etat à la nation, fait remarquer
G. Burdeau n'était pas à l'époque une explication de la nature juridique
de l'Etat, mais une conception politique relative à l'origine de sa
souveraineté, une explication du fondement du pouvoir ; la confusion
entre l'Etat et la nation avait l'avantage politique de rendre
"inconcevable toute divergence entre la puissance étatique et les forces
sociales qui cristallisent les aspirations collectives" (25).
L'Etat-nation africain procède des mêmes considérations. L'enjeu est
de passer de pouvoir partiel en pouvoir unique.
2) Le problème de l'édification de la nation
La question de la préservation des identités territoriales
dans les projets fédéralistes était bien plus un problème touchant le
sort des groupes ethniques, dans la mesure où les territoires n'avaient
pas sociologiquement une consistance, une identité véritable. Les projets
d'union posaient généralement ~omme faits établis l'existence d'identités
nationales, se préoccupant seulement de trouver un équilibre entre les
Etats.
Les flottements de beaucoup de dirigeants ont été entrainés par la
méconnaissance ou la sous estimation de cette donnée de base à savoir
la maitrise de la situation dans les territoires qu'ils représentaient.
Toute politique d'union régionale constitue une menace pour les "natio-
nalités" qui peuvent craindre d'être noyautées, de perdre leur identité
au profit de celles plus nombreuses ou de celles qui ont été favorisées
par les circonstances de la colonisation. Les plus hostiles à l'union
régionale sont ceux qui ont le plus à craindre dans l'immédiat de cette
évolution et ressentent cette menace: les pouvoirs traditionnels. Il
en est ainsi surtout dans les cas où de vieux royaumes subsistent à
l'intérieur d'un Etat (33).
(25) G. Burdeau op.cit pages 21 et s.
(33) Confère le rejet de la Fédération du Mali par la Haute-Volta. Les pressions de la
Côte-d'Ivoire mais aussi l'hostilité de l'empereur du Mossi ont été des éléments
déterminants.
Voir Zoungrana Alexandre: Aspects institutionnels de l'organisation interafri-
caine contemporaine, P. 151, thèse Paris l, 1975.

- 96 -
Ces appréhensions peuvent
aussi être expr1mees, indirectement, par les
"élites modernes", qui, s'appuyant sur les pouvoirs traditionnels
et les divisions ethniques pour diriger, reprennent à leurs comptes
les craintes de ces derniers. Ainsi le gouvernement sénégalais fit
usage de cette corde sensible lors de la crise ayant emporté la Fédéra-
tion du Mali en 1960 : pour s'assurer le soutien de son territoire il
appelait à lutter contre les soudanais qui voulaient dominer les
sénégalais (34).
Même dans un cadre interne à un Etat, il est courant que des conflits
à caractères ethnique ou tribaux soient pris en charge et exprimés par
les élites dites modernes (34 bis). Le :as du Nigéria, jusqu'à la fin de
la guerre du Biafra est une exemple, bien que le contexte de l'Etat
fédéral et les enjeux aient rendu la situation spécifique (35).
En Haute-Volta des mouvements de caractère régionaliste (36) ou tribal
comme le M.A.O.
(Mouvement Autonomiste de l'Ouest), le F.R.O.D.E.M.I.
(Front des Minorités) passent pour être animés par des personnalités de
l'Etat.
(34) L'union Soudanaise CU.S.R.D.A.) parti politique de Modibo Keita, avait réussi
à affaiblir les pouvoirs traditionnels au bénéfice d'tUl encadrement de la
population par le parti; ce qui lui a permis d'imposer tUle option centralisa-
trice.
L'tUlion progressiste Sénégalaise CU.P.S.) de M. Senghor était plutôt tributaire
du soutien des pouvoirs traditionnels et religieux. Elle était donc plus sensible
à leurs pressions.
(34 bis) Yves Benot "Indépendances africaines" Maspero 1975, P 101.
(35) Cf. Jean-Yves Calvez op.cit pages 57 et s.
(36) Dans l'ordre interne le terme de conflit regionaliste est parfois utilisé
à la place de conflit tribaliste ou ethnique. Il est rare qu'à l'intérieur d'tUl
Etat tUl conflit "tribaliste" oppose tUle tribu à tUle autre. Une région englobant
plusieurs ethnies ou tribus selon les cas peut s'opposer à tUle autre dans tUle
lutte de domination.

- 97 -
Ces constatations montrent les insuffisances des analyses
classiques des sociétés africaines, qui mettent l'accent sur les diffé-
rences de comportement entre sociétés traditionnelles et sociétés
modernes. Elles ne rendent pas compte des similitudes d'attitudes à
l'égard d'un problème comme l'intégration nationale où l'on constate que
les réticences ne sont pas le seul fait de la société traditionnelle.
Les catégories dirigeantes assimilées à des "éléments modernisants"
s'appuient souvent, en régime civil ou militaire, sur les structures
traditionnelles, les divisions ethniques et tribales pour consolider leur
pouvoir, alimentant par là les conflits tribaux. Les proclamations
panafricanistes se perdent dans les pratiques contraires à une unité
nationale ou régionale.
Plutôt qu'une analyse du aliste des sociétés africaines M. Coulon propose
dans une optique pluraliste, une distinction entre deux secteurs dans
les systèmes politiques africains (37)
: un secteur central qu'il définit
comme "l'ensemble des institutions ou processus qui visent à assurer
(et assurent de fait) l'organisation globale de la société (partis, corps
législatifs exécutifs et judiciaires, idéologies, phénomène de socia-
lisation, etc.) ou un aspect particulier de cette organisation globale".
Un secteur périphérique qui est l"'ensemblè des institutions valeurs ou
processus qui échappent dans une certaine mesure à l'emprise du secteur
politique central".
Ainsi, il n'y a pas de système politique global. Les centres de pouvoir
du secteur périphérique dont les influences politiques et sociales
reposent sur le maintien du pluralisme social résistent à l'organisation
du système politique global à laquelle tend le secteur central.
Du fait de l'inexistence de système politique global, le pouvoir d'Etat
dans un territoire est soumis à des contraintes, qui sont un handicap à
une politique d'unification régionale. Le secteur central ne peut prendre
d'initiatives qui ne tiennent pas compte des intérêts et des rapports
entre les deux secteurs - rapport de domination ou de clientèle qui dans
tous les cas limitent ses capacités.
(37) Christian Coulon "Système politique et société dans les Etats d'Afrique Noire"
R.F.S.P. 1972, PP 1049-1073.

-
98 -
La notion de secteur central et périphérique est fort utile en ce
qu'elle montre le poids des exigences du secteur périphérique sur le
secteur central dans l'ordre interne ou interafricain. Mais elle
incomplète pour analyser le jeu des forces centrifuges qui mène au rejet
de l'intégration politique régionale, même si les mêmes acteurs peuvent
suivant les circonstances, faire partir du secteur central ou du secteur
périphérique. Le rejet de l'intégration régionale peut se manifester au
niveau d'un secteur et/ou de l'autre car le cadre tert"itorial a acquis
une importance pour les différentes formations sociales.
B - Formation des nations et unité régionale
La construction de la nation et de l'unité régionale s'est
posée en même temps et en termes similaires. Dans les deux cas, il
fallait lever les barrières ethniques, linguistiques, organiser une vie
économique commune. Dans ces conditions le régionalisme n'est pas
seulement un dépassement de cadres nationaux encore fictifs ; il poursuit
selon les dirigeants les mêmes objectifs que le nationalisme. "J'estime
dit le président Nyeréré, que l'Etat-nation est un instrument d'unifica-
tion de l'Afrique, et non de division de l'Afrique. Pour moi, le
nationalisme africain est dépourvu de sens, est dangereux et anachronique
s'il n'est pas en même temps le panafricanisme" (38).
Panafricanisme et nationalisme se sont rejoint sans se confondre parce
qu'ils ne sont plus placés sur le même plan.
(38) J. Nyerere: L'unité africaine
Présence africaine QCKXIX)' 4ème trimestre 196J P, 1J cité par Claudette Savonnet.
Le nationalisme pan-africain mythes et idéologies. Thèse droit Aix 1972 P. 3.

- 99 -
Les partisans de l'union politique immédiate des premières
années d'indépendances considéraient le régionalisme comme moyen de
résoudre à la fois le problème d'intégration nationale. Les partitions
d'ethnies entre deux ou plusieurs Etats qui constituaient des dangers
d'affirmation ethnique au delà des frontières territoriales auraient
été réduits.
La recherche d'une identité territoriale n'entrainerait pas de tension
entre Etats.
Cette vision malheureusement s'est avérée trop optimiste. Forger la
nation s'est imposé comme une tâche plus urgente et préoccupante.
Le cadre territorial aussi artificiel qu'il soit a une certaine réalité
économique pour les formations sociales nouvelles apparues durant la
période coloniale qui connaissent un grand accroissement depuis les
indépendances. Le poids de leurs intérêts pèsent beaucoup dans le
régionalisme international. uDans la mesure dit M. Constantin, où la
survie du cadre étatique constitue une condition de la suprématie de
couches privilégiées où se trouvent aussi bien les élites bureaucratiques
que les salariés d'un secteur embryonnaire, les efforts pour repenser
le cadre du pouvoir africain demeureront isolés et dépourvus de soutiens
suffisamment organisés pour permettre leur diffusion" (39).
Deux exemples pris dans les cas que nous avons étudiés au titre l
peuvent illustrer cette situation :
1°) Lorsqu'au sein du conseil de l'Entente les gouvernements de Côte
d'Ivoire et de Haute-Volta avaient décidé en 1964, d'instituer une
double nationalité entre les deux pays. Le gouvernement ivoirien s'était
heurté à une opposition des planteurs qui craignaient de perdre le
bénéfice de la main d'oeuvre bon marché constituée par les immigrés
voltaïques mal protégés. Les salariés ivoiriens n'étaient pas enthou-
siastes. Ils pouvaient craindre une forte concurrence au niveau de
l'emploi si le projet avait été appliqué - surtout dans l'enseignement.
(39) François Constantin "Régionalisme international et pouvoirs africains" page 101
R.F.S.P. 1976 pp 70 à 102.

- 100 ~
En Haute-Volta la double nationalité avait été critiquée par les syndi-
cats comme étant un expédiant au problème épineux du chomage. Cette
solution présentait des inconvénients à long terme pour la Haute~Volta
risque de dépeuplement et risques pour les émigrés qui perdraient la
protection de leur pays d'origine (40).
2°) Dans l'exemple du projet sénégambien, grâce à un libéralisme économi-
que plus poussé en Gambie, une bonne partie de la population vivait du
commerce florissant de contrebande, réexpédiant clandestinement vers les
pays proches, des produits venant du commonwealth. C'était un important
secteur d'activité qui aurait été menacé en cas de fusion entre le
Sénégal et la Gambie.
La dépendance économique n'a pas pour seul effet de maintenir des
structures économiques extraverties et désarticulées. Des différencia-
tions sociales se sont effectuées dans le cadre des systèmes économiques
en vigueur. Les bourgeoisies naissantes ont des intérêts qui ne vont
pas dans le sens de l'ouverture économique vers les marchés africains.
Cette bourgeoisie africaine a un caractère particulier: c'est une
bourgeoisie affairiste qui vit et grandit à l'ombre de la grande bour-
geoisie étrangère qu'elle ne peut pas concurrencer (41). D'où les
t'..w
accusations portées contre elle d'être/dynamique.
(40) Sur la double nationalité, Manouan thèse, Paris, 1974, ou Penant 1975 P. 65
Sur l'émigration voltaique : Ambroise Songré "causes et effets de l'émigration
Voltaique" Revue Internationale du travail, Août-Septembre 1973, publié dans
problèmes économiques 14 Novembre 1973.
(41) Malgré les lacunes actuelles des analyses des classes sur l'Afrique, on distingue
dans la bourgeoisie africaine deux catégories caractéristiques de la bourgeoisie
des pays dépendants : une bourgeoisie bureaucratique ou bourgeoisie d'Etat dont
les sources d'enrichissement proviennent de leur position au sein de l'appareil
d'Etat: partis politiques, hauts fonctionnaires de l'administration, des
sociétés publiques ou para~publiques. Une bourgeoisie commerçante dite aussi
compradore, dont le centre d'activité est l'tmport-export. Cette distinction
concerne ce qu'on peut appeler la grande bourgeoisie de ces pays. La barrière
entre ces deux catégories n'est pas toujours nette. La position au sein de
l'administration ouvre des possibilités de s'enrichir par la corruption, la
spéculation foncière ou en servant d'intermédiaires aux investisseurs.
(suite page 101)

- 101 -
Les structures sociologiques et économiques actuelles expliquent que
la construction des quasi-nations ait pris le pas sur la construction
de la région.
- il Y a d'abord une résistance des structures de groupes
(groupes ethniques, linguistiques, culturels) à l'intégration régionale.
Cela tient à l'absence du point de vue sociologique de réalités nationa-
les et par delà de base de justification de l'unité africaine si l'on ne
s'en.tient pas aux généralités culturelles.
- on peut aussi relever une résistance à l'intégration
régionale, des structures de classe.
Le constat de l'exiquité des marchés économiques nationaux et l'intérêt
théorique de l'unité ne suffisent pas. Il faut que l'unification
réponde aux intérêts de force sociales à même d'imprimer et de soutenir
les pouvoirs politiques dans la voie de l'union.
A ces blocages, ajoutons un autre élément sur lequel nous
reviendrons: la capacité des Etats à mettre en oeuvre l'union régionale
tient compte de l'environnement international, de l'intéraction entre
le système politique africain et l'environnement extra-africain.
Monsieur Kontchou Kouomegni montre, dans son analyse du système diplo-
matique africain, que la position de l'Afrique demeure faible dans son
propre système diplomatique. lILes peles essentiels 'du système (diploma-
tique africain) sont situés en dehors du continent ; cette extraversion
de la diplomatie africaine qui manifeste l'influence prépondérante de
l'environnement extra-africain est réelle: nos Etats sont dans leurs
rapports extérieurs davantage attirés par les pays étrangers et exercent
en retour peu d'influence sur ces derniers 11 (42).
(41) Ces distinctions prennent en compte la position des bourgeoisies des pays
dépendants par rapport àla grande bourgeoisie des pays développés, par rapport
au système central selon la terminologie de M. Samir Amin - contradictions
ou convergences d'intérêts - et certaines analyses introduisent une troisième
catégorie : la bourgeoisie dite nationale, gérant des entreprises à capital natio-
nal cette catégorie est peu significative si l'on veut dire que celle-ci est
moins liée à la bourgeoisie étrangère et cela même dans les pays comme la Côte
d'Ivoire ou la politique officielle est de favoriser la naissance d'un capitalisme
national. Le capital national et le capital international sont en ce moment
intimement liés et associés. (suite page 102)

- 102 -
Les facteurs d'une unité politique large ou restreinte ne sont
donc pas réunis. La volonté d'affirmer une identité nationale et les
pressions extérieurs sur le système politique africain rendent peu
probable l'unité supranationale au moins dans l'immédiat. Les dirigeants
semblent admettre que les bases de l'unité et de la solidarité restent
à créer. Les discours aujourd'hui, sur l'unité africaine ont plut6t
une charge politique et idéologique. Ils sont rarement une affirmation
de l'existence de cette unité contrairement à ceux des premières années
d'indépendance.
Il s'agirait maintenant de conjuguer les efforts pour lutter contre
des maux communs : sous-développement, dépendance économique. De ce
combat espère-t-on se forgeront et l'unité nationale, et l'unité entre
Etats.
Le processus n'est plus envisagé par le hàut ~ création d'organes
supra-nationaux - mais selon le schéma coopération, intégration économi-
que, intégration poli~ique.
Section II - La coopêration, nouvelle voie de l'unité
Quelques précisions terminologiques sont nécessaires. La dis-
tinction n'est pas toujours faite entre coopération et intégration
parlant des organisations internationales. Comme l'intégration, la
coopération est un processus dynamique qui consiste à créer des rapports
de collaboration, à nouer des liens évolutifs entre unités distinctes.
Aussi les deux termes sont parfois utilisés indifféremment.
,
.
(42) Augustin Kontchou Kouomegni : "Le système diplomatique africain" Bilan et
tendance de la première décennie" page 238
Paris éd. A.Pedone, '1 977, 279 pagest
(41) Voir P.F. Gonidec : l'Etat africain, Paris LGDJ 1970
J.Y. Calvez "aspects politiques et sociaux des pays en voie de développement"
Paris Dalloz 1971 PP 220 et s.
Samir Amin : le développement du capitalisme en C6te d'Ivoire ed. de Minuit 1967,
et l'Afrique de l'Ouest bloquée Paris ed. de Minuit 1971.
J.P. Olivier "Afrique: qui exploite qui ?" Revue les temps modernes nO 346
Mai 1975 et nO 347 Juin 1975 (critique de la théorie de centre-périphérie).

- 103 -
"Le terme de coopération, dit Monsieur M. Merle, est comme beaucoup
de ceux qui sont tombés dans le langage courant, une source d'équivoques.
La coopération peut désigner tout d'abord un objectif â atteindre si
l'on estime souhaitable que les Etats travaillent en commun plutôt
que de résoudre isolement leurs problèmes ; considérée sous cet angle,
la coopération internationale a certainement fait des progrès considé-
rables comme en témoigne la prolifération des institutions régionales
et mondiales.
Mais la coopération peut aussi être entendue comme une méthode
déterminée en vue d'atteindre des objectifs communautaires. Dans cette
acception, l'usage du terme signifie qu'il n'y a pas d'autre moyen pour
faire travailler les Etats ensemble que de les inciter â coordonner
librement leurs activités sans jamais leur imposer de solution autori-
taire" (43).
Dans le système de l'O.U.A., si l'on tient compte du but proclamé,
l'unité politique régionale ou continentale, la coopération est une
méthode qui pourrait être opposée â la voie de la création d'une
communauté africaine dotée d'organes supra-nationaux, celle de l'inté-
gration. M. Virally propose une distinction juridique entre organisation
de
coopération et organisation d'intégration selon leurs finalités et
leurs moyens.
Les organisations dont la fonction est de coopération ne sont en prise
qu'avec les appareils étatiques (les gouvernements) même si elles
peuvent entretenir certaines relations de travail avec les organisations
non gouvernementales. Leur rele est de promouvoir l'harmonisation et la
coordination des politiques et des comportements des Etats membres.
Les organisations d'intégration au contraire ont pour mission de
rapprocher les Etats qui les composent, en reprenant à leur compte
certaines de leurs fonctions jusqu'à les confondre en unité englobante
dans le secteur ou se développe leur activité c'est â dire le domaine
de leur compétence (44).
(43) Marcel Merle ; La vie internationale Page
267 et s.
3ème édition, Paris 1970
(44) Michel Virally ~ Article sur les organisations internationales
''Définition
et classification ; approche juridique" Revue Internationale des Sciences
Sociales, vol XXIX nO 1, 1977.

-
104 -
Dans la prespective fonctionnaliste, organisations de coopéra-
tion et d'intégration ne se distinguent qu'en ce qu'elle constituent
des étapes différentes d'un même processus qui devrait conduire par la
réalisation successive ou simultanée de plusieurs objectifs, au passage
qualitatif de structures contradictoires au sein d'un ensemble, à des
structures intégrées.
L'étude de la coopération régionale se trouve par conséquence liée
au problème de l'intégration.
~ê!êg!ê~h~_!_~_~!~ê!!~~_~~_!ê_S22E~!ê!!2~_~_!~!~!~g!ê!!2~
~S2!!2J.!!!g1!~
Le régionalisme international ou inter-étatique en Afrique
procède d'une certaine analyse des causes du sous-développement:
l'exiguité des marchés des Etats, des structures économiques extraver-
ties, conséquence de la dépendance économique.
Aussi, l~intégration économique à laquelle doit répondre la
création des organisations régionales de coopération, passe par la
réalisation de trois objectifs
- créer des débouchés pour suppléer les marchés nationaux
trop étroits
- se dégager de la dépendance extérieure
- rapprocher les populations.

-
105 -
A - Vers des marchés communs régionaux
A quelques exceptions près, les indépendances ont consacré
la constitution de marchés économiques trop exigus. L'Afrique occidentale
comprend quinze Etats, qui, à l'exception du Nigéria peuvent être
considérés comme de petits pays par la faiblesse de la population,
leur potentiel économie actuel et pour leur dimension. Certes le
développement économique ne dépend pas strictement de la taille des Etats
(dimension géographique et démographique)
(45), mais à ces facteurs
défavorables s'ajoutent d'autres difficultés que l'on peut résumer
comme suit
faiblesses de la consommation et de l'épargne dues à un
sous-peuplement relatif (par la densité de la population)
- importance de l'autoconsommation
- structures économiques dualistes: coexistence d'un secteur
économique moderne et d'un secteur traditionnel qui ne communiquent
pas
- un manque de diversification des productions d'exportation
qui met les économies des Etats à la merci des fluctuations des cours
sur les marchés mondiaux. Ces exportations reposent sur les produits du
secteur primaire (agriculture, extraction minière) particulièrement
sujettes à des fluctuations.
L'unification économique est nécessaire estime-t-on parce qu'aucun de
ces Etats ne peut dans les conditions, de marché national étriqué et
de structures économiques désarticulées, disposer de possibilités suffi-
santes pour lui assurer un développement économique à même de le sortir
de la dépendance économique et de combler son retard sur les pays
Lndus t r i.a Li sê s,
(45) "Il n'y a pas de lien fonctionnel ou causal entre la petite dimension et
la croissance économique de la nation. La dimension nationale ne constitue
pas un facteur de croissance économique isolable et spécifique. Inversement
elle n'est pas non plus un obstacle à la croissance. Des facteurs économiques
propres à chaque nation conditionnent ou handicapent sa croissance".
Marcel rondo op. cit page 66.

-
106 -
Le régionalisme économique est une remise en cause des modèles de
relations économiques estérieures.
Monsieur H. Bourguinat distingue trois modes traditionnels d'organisa-
tion des relations économiques extérieures (46)
:
1°) la croissance transmise par l'exportation de bien
primaires
2°) l'exportation sur les marchés extérieurs des pays avancés
3°) l'industrialisation du marché intérieur avec un secteur
extérieur qui équilibre
Ces trois modèles dit-il sont inadaptés.
En effet les pays sous-développés sont exportateurs de biens
primaires précisement vers les marchés des pays avancés. Le déséquilibre
des termes de l'échange entre produits industriels et produits primaires
rend les pays sous-développés toujours plus dépendants des fluctuations
des marchés mondiaux, en général au profit des pays consommateurs. Les
deux premiers modèles n'assurent pas une entrée de devises suffisante
pour assurer une croissance économique. La troisième solution ne peut
être mise en oeuvre, faute d'épargne et du fait de l'exiguité des marchés
nationaux des pays africains.
Plutôt qu'une croissance transmise par les échanges extérieures, la
conception des unions économiques régionales serait d'organiser des
marchés régionaux entre pays sous-développés. Seule cette voie offre des
possibilités d'économies d'échelles en ouvrant des débouchés aux produits
des Etats membres de l'union. Elle facilite la recherche de capitaux
sans enfoncer les Etats dans la dépendance économique par le biais d'une
concurrence entre Etats dans la production ou l'élaboration de codes
d'investissements les plus libéraux ou autres facilités d'établissement
aux sociétés étrangères.
(46) Henri Bourguinat : Les marchés conununs des pays en voie de développement
Pages 3 et s., Librairie Droz, Genève 1968, voir aussi Marcel Yondo op.cit
Page 69.

- 107 -
B -
Agir sur les facteurs structurels de dépendance
économique
Développer et protéger les relations économiques à l'intérieur
d'une zone n'est pas nécessairement l'isolationnisme. L'O.U.A. et les
organisations subrégionales inserrent dans leurs statuts la nécessité
d'une coopération internationale universelle (47).
Le rôle des organisations inter-africaines de coopération est d'agir
sur les causes structurelles des relations asymétriques entre les Etats
africains et les puissances extra-africaines: au plan intérieur c'est
à dire de l'action au niveau de. la zone intéressée, il s'agit de promou-
voir les échanges entre membres, harmoniser et coordonner leurs produc-
tions, en définitive, développer leurs possibilités "d'investissement· par
l'intérieur" (48).
Au plan extérieur, il faut se constituer une force de pression pour
négocier avec les investisseurs.

On trouve là deux préoccupations contraires
attirer les investisseurs
étrangers, et, s'affranchir de la dépendance à l'égard des capitaux
extérieurs en accroissant à la fois le pouvoir de négociation des Etats
membres et les sources de financement intérieur à la zone.
(47) Le préambule alinéa 0 et l'article II, 2 font référence à la charte
des Nations Unies.
(48) Mïchel Virally
"Les relations entre organisations régionales et organisations universelles"
page 165.
In Régionalisme et universalisme dans le Droit International Contemporain
Colloque de Bordeaux ed. Pedone, 1977, Publication de la Société Française
de Droit International.

-
108 -
1) Un effort commun pour renverser les structures "extraverties"
L'extraversion économique est une conséquence de la dépendance
à l'égard des anciennes puissances,
Selon M. Kent chou Kouomegni (49.), l'occident assure 74 % du
commerce extérieur africain dont 64 % pour l'Europe occidentale,
alors que les échanges eurafricains ne représentent qu'environ 5 % du
,commerce mondial de l'Europe occidentale. L'Afrique dépend de l'Europe
occidentale pour l'écoulement de ses produits sans pour autant avoir
un poids sur cette derniêre.
La constitution des organisations régionales de coopération devrait
permettre de se dégager de ces relations asymétriques ; ce que ne pour-
raient réaliser les Etats pris i.ndividuellement. Cette coopération
consiste à
~ donner la faveur aux échanges entre Etats membres
- prendre des positions communes vis à vis du monde extérieur
à. la zone dans' le domaine des échanges, pour se protéger de la concur-
rence
- éviter la concurrence entre Etats membres dans la production.
Il conviendrait alors d'harmonîser les programmes d'industrialisation,
pour éviter des planifications établies à seule fin d'un improbable
take off industriel national.
(49) A. Kontchou Kouomegni op.crt Page 228.

- 109 -
2) Rechercher les sources de financement des investissements
Les Etats africains se livrent à une concurrence entre eux pour
attirer les capitaux étrangers par des codes d'investissements attrayants
Ce faisant ils renforcent leur dépendance car le contrale de l'économie
nationale leur échappe et les structures extraverties se perpétues. La
coordination au sein d'une organisation régionale peut-elle remédier
à ces inconvénients ?
L'élargissement des marchés constitue un attrait pour les investisseurs
éventuels qui auront des garanties de rentabilité et de sécurité. Bien
plus une organisation régionale" procure un pouvoir de négociation aux
Etats membres face aux "investisseurs. Ils obtiendront les capitaux plus
facilement et dans de meilleures conditions que les Etats.
C - Unir les peuples
Plus de quinze ans après la résolution du conseil de ministres
de l'O.U.A.
(tenu à Dakar en 1963), mettant un terme à la polémique
entre "régionalistes" et "continentalistes", non seulement le régiona-
lisme est aujourd'hui unanimement accepté au moins comme étape nécessaire
vers l'unité continentale, mais aussi il ne se conçoit plus que par le
biais de l'intégration économique. Est-ce à dire que le panafricanisme
a subi un recul? Pour les dirigeants, l'existance des organisations
internationales traduisent leur attachement à l'unité. La coopération ne
serait pas un recul, mais la seule voie réaliste et sOr de parvenir à
l'unité parce qu'elle autorise la poursuite de deux objectifs apparemment
contradictoires ; construire la nation et la région. La fonction expli-
cite des organisations inter-étatiques est-au delà des raisons économi-
ques - l'interpénétration sociale, l'unification politique. Leur mise en
oeuvre ne prendrait de valeur que par les effets d'entrainement supposés
la création d'organes politiques, agissant à divers niveaux assurent
l'évolution vers la consitution de la "nation-région". En cela intégration
économique et intégration politique ne sont plus, dans la pratique, des
processus alternatifs mais simultanés (50). Mais quels sont les moyens
de régionalisation économique.
(50) H. Bourguinat op.cit page 11 "Vouloir fusionner ou encore fondre directement les
économies dans un ensemble intégré, c'est inéluctablement passer par une certaine
dose d'intégration politique".

- 110 -
r~!~g!~Eh~_!!_:_b~~_~Ql~~~_g~_!~g!Q~~!!~~~
Deux moyens complémentaires sont utilisés pour parvenir à un
développement régional harmonisé: les unions et les coproductions (51):
1) Les unions douanières
L'approche actuelle des groupements reg10naux est de se consti-
tuer en communauté économique à plus ou moins brève échéance, selon le
degré des liens préexistants. Le processus d'intégration prend assise su
les techniques douanières et commerciales. Qu'ils s'agissent d'union
douanière, de zone de libre échange ou déchange organisé, les objectifs
de cette approche sont de se constituer un marché régional protégé vis
à vis de la concurrence extérieure. Mais il y a une prédilections pour
les unions douanières; en témoigne le nombre des projets d'unions
douanières, avortés ou mis en application. En Afrique de l'ouest on peut
relever parmi les projets qui ont tourné court: le projet d'union
douanière entre les· Etats membres du conseil de l'Entente (en 1959),
l'U.D.A.O.
(Union Douanière d'Afrique de l'Ouest) ou U,D.O.A. puis

l'U.D.E.A.O. (Union Douanière des Etats de l'Afrique de l'Ouest).
Parmi les organisations qui sont actuellement en application, les
dispositions douanières ont une grande place - ce sont la C.E.A.O.
(Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest) et la C.E.D.E,A.O.
(Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest).
(51) Voir F. Kalmert et autres
"Intégration économique entre pays en voie de développement"
Etudes du Centre de Développement O.C.D.E. Paris 1969
Marcel Yondo op.ci.t A.G. Anguilé et J .E. David
"l'Afrique sans frontières", 1965.

- 111 -
2) Les coproductions
Le deuxième moyen de promouvoir un développement régional
est de rechercher au sein du groupement, l'harmonisation des programmes
de développement pour éviter la concurrence entre membres dans la produc-
tion. Le meilleur degré d'harmonisation s'obtient par la réalisation
de coproduction. Il s'agit de "mettre en commun des projets, des choix,
des moyens d'action au niveau de l'industrie et des débouchés" (52).
L'union douanière serait insuffisante si elle n'était suivie d'une coor-
dination de la production sur la base des potentialités économiques de
chaque Etat, afin de réduire l'absence de complémentarité des secteurs
d'activités nationaux. En effet" la tentation est forte pour les Etats de
maintenir le système de concurrence pour des raisons de politique
intérieure, ou, parce qu'ils sont pressés par l'urgence de mesures pour
faire face à des difficultés économiques. Les réalisations de moindre
envergure, dans un intérêt "national" viennent compliquer ou entraver
les projets de coproduction qui peuvent faire apparaître des économies
d'échelles. Ce sont là les contradictions de "l'industrialisation par
la fin" (53). Chaque Etat veut créer des industries de substitution aux
produits importés pour diverses raisons : faire face au déficit de sa
balance commerciale, réduire les déséquilibres entre régions administra-
tives en exploitant les richesses locales, etc.
(54).
(52) H. Bourguinat op.crt Page 14
(53) Komi Jean-Valère
La coopération économique régionale en Afrique de l'Ouest et le dévelOpPement
économique du Togo,
Thèse 3èrne cycle spêc , Droit et Science Economique, Aix-Marseille , 1975 Page 116.
(54) A.G, Manouan
"Le Conseil de l'Entente JJ Penant 1975, Page 71,

- 112 -
CHAPITRE II - LES FACTEURS EXTERNES
La stratégie de l'intégration régionale, en Afrique, tire ses
or1g1nes du développement du régionalisme dans les relations internatio-
nales universelles dont les influences se manifestent :
- au niveau de la philosophie du régionalisme international
et des expériences des autres groupements régionaux
- au niveau de l'attitude de l'environnement international à
l'égard du problème de l'unité africaine. Selon leurs natures, les
regrfJupements peuvent être soutenus ou combattus.
Section l - Le régio~alisme dans les relations internationales
universelles : son influence en Afrique
De nombreuses études ont montré que le régionalisme est une
caractéristique particulière des relations internationales du vingtième
siècle (55). L'Etat nation du dix-neuvième siècle a été remise en cause
et la science politique ne considère plus l'Etat national comme l'objet
par excellence de son étude. La doctrine s'intéresse à l'évolution des
relations internationales et se penchent sur les efforts pour surmonter
les déficiences de l'Etat-nation. Le régionalisme est devenu un objet
privilégié d'étude et de la science politique, parce qu'il est un des
phénomènes majeurs qui marquent le dépassement des cadres nationaux;
il est un point de rencontre entre le nationalisme et l'universalisme.
Mais si le régionalisme est une tendance générale de notre époque, les
raisons et les conditions dans lesquelles se constituent les organisa-
tions régionales diffèrent fondamentalement selon qu'il s'agisse des
pays industrialisés ou des pays sous-développés.
(55) Stanley Boffman ''Vers l'étude systématique des mouvements d'intégration
internationale", R.F.S.P. 1959 page 474,
Romain Yakemtchouk "l'O~N.U., la sécurité régionale et le problème du régiona-
lisme" Page 7, Paris, éd. Pédone, 1955,310 pages,
Librairie de la cour d'appel et de l'ordre des avocats.

-
113 -
A - La philosophie du régionalisme
Le phénomène de régionalisation des échanges mondiaux a touché
en premier lieu les pays industrialisés. Selon A. Marchal il y a eu une
rupture de l'équilibre et la structure du marché mondial du dix-neuvième
siècle constitué de groupes de nations où les échanges s'effectuaient
entre nations industrialisées et un ensemble de pays dominés. Au
vingtième sièclé les empires se sont désagrégés et les échanges entre
pays industrialisés se sont intensifiés. La part des exportations entre
nations industrialisées se développent et la proximité géographique
est un facteur important de développement des échangès. Par le jeu des
termes de l'échange, la part des pays non développés qui. exportent .des produi .
primaires se réduit dans les échanges avec les pays industrialisés.
La "régionalisation" est pour les pays développés, la conséquence,
l'aboutissement du développement ayant atteint un certain seuil" (56).
Le régionalisme dans les pays dits sous-développés s'est affirmé,
positivement sous l'effet du succés de la régionalisation de l'économie
des pays industrialisés, négativement par réaction contre ces puissants
groupements économiques.
Au plan politique le développement du régionalisme est lié à l'idée
d'unive~salisme. La mission des groupements régionaux serait d'organiser
une coopération régionale en vue de l'intégration des nations pour
constituer des super-Etats. Les unions restreintes sont une étape vers
l'édification de la société universelle, ou pour le moins, ces regrou-
pements régionaux constituent des cadres dans lesquels certains problèmes
peuvent trouver leurs solutions. Des peles de solidarités se développe~
ront par cette voie.
En effet, il serait beaucoup plus facile d'organiser une coopération
efficace entre Etats géographiquement proches que d'organiser cette
coopération au niveau universel.
(56) A. Marchal ''Régionalisation du marché mondiallJ
Revue économique, 1966, Pages 883-895.

- 114 -
B - L'effet de modèle des systèmes régionaux américains
et européens
Il s'agit moins de faire une étude comparative des divers
groupements que de montrer le contexte dans lequel le régionalisme
africain a pu se développer. MonsieurJ.C. Gautron montre, dans une étude
comparative, que le système régional interaméricain est celui qui a eu
le plus d'influence sur le système africain, par la ressemblance de stru
ture et de terminologie (57). Une analogie de situation des deux conti-
nents a amené les Etats africains à s'inspirer de l'expérieuce du
régionalisme inter-américain. Dr' une part, pour les Etats de ces deux
continents, la mission des groupements régionaux est : d'organiser les
Etats nationaux, au plan économique et politique - à la différence de
l'Europe ou les Etats nations sont constitués -, de renforcer leur
stabilité et parallèlement de poursuivre le développement économique
dans un cadre élargi, continental ou sous-régional.
D'autre part leur situation de dépendance économique caractéristique
commune aux pays sous-développés, 'confère à la solidarité régionale une
action différente du régionalisme en pays industrialisés : il faut
réorienter les courants d'échanges. Dans les pays développés, l'existenc
d'échanges intra-régionaux importants assure la solidarité régionale.
En Afrique encore plus peut-être qu'en Amérique, le régionalisme est
plus soutenu par le mythe de l'unit~ des impératifs politiques, que par
des assises économiques.
Les analogies s'arrêteraient là. L'existence d'une nation pilote dans
le système américain, à la différence du système africain, le fait que
les deux phénomènes régionalistes sont apparus et se sont développés à
des moments différents leur ont imprimé une différence dans leur
évolution et leurs structures.
(57) "Le régionalisme africain et le modèle interaméricain"
annales africaines Université de Dakar~ 1966,

- 115 -
Sur la présence d'une nation-pilote dans le continent américain, à notre
point de vue, elle est une différence peu importante si l'on considère
non pas l'O.E.A.
(Organisation des Etats Américainsà et l'O.U.A., mais
les groupements sous-régionaux. Ces groupements économiques se trouvent
sous l'influence d'une ou plusieurs puissances développées qui les
animent et essaient de les détourner de leurs objectifs, si elles n'ont
impulsé les Etats à créer ce groupement (58).
Les Etats Unis de touvent certes dans une position privilégiée en
Amérique pour jouer le raIe d'animateur. Mais son raIe auprès des
groupements économiques en Améri~ue ou en Asie peut-être comparé au
raIe des Etats européens dans les groupements africains.
La présence directe - à l'intérieur - ou indirecte d'une puissance
industrielle dans les groupements de pays sous-développés hypothèque
une des fonctions du régionalisme dans le tiers-monde ; celle' de former
un front commun face aux unions économiques entre pays développés
telles la C.E.E., le C.O.M.E.C,O.N.
Tout comme le succés des Etats-Unis d'Amérique avait, amené,
au début des indépendances, certains chefs d'Etat à agiter cet exemple
pour demander la création d'Etats~Unis d'Afrique, l'exemple de la C.E.E.
,
a été un facteur entrainant dans la course aux unions économiques en
Afrique.
Qu'il s'agisse de l'exemple de l'union politique des Etats nord améri-
cains ou celui de la coopération économique au sein de la C.E.E
, le
régionalisme étant une source de puissance constitue un attrait pour des
pays conscients de leur faiblesse économique, politique, militaire dans
le système mondial. La sécurité au sens large - économique et militaire -
a été ~ la base de la diffusion du régionalisme international (59).
(58) Parlant des marchés communs latino-américains M.A. Bourguinat remarque que
"beaucoup plus qu'effort en vue dune recherche concertée d tune meilleure
complémentarité industrielle, ils paraissent être autant d'occasions pour les
producteurs de se "placer" aux moindres frais sur le marché régional en voie de
construction et même de créer un secteur "abrité". H. Bourguinat op.cit P. 28.
(59) Voir Romain Yakemtchouk "1 'O.N.D. la sécurité régionale et le problème du
régionalisme" Paris éd. A. Pedone, 1955, 310 P.

-
116 -
Section II - Coopération régionale et aide au développement
La coopération régionale a réuni
un certain nombre de facteurs
favorables qui ont manqué à l'union politique.
Nous avons déjà vu que les tentatives d'union politique avaient
échoué par des causes intrinsèques - nationalisme ou plut8t territoria-
lisme, choix de développement, question de la forme de l'unité - et par
des causes extrinsèques: pressions de l'environnement extérieur, plus
précisément des anciennes puissances coloniales qui pouvaient craindre
de perdre ce qui était encore leur 'chasse bien gardée. Le poids de
l "environnement était d'autant plus fort que la volonté d'unir les
différents Etats s'est révélé moins ferme que les proclamations panafri-
canistes.
La coopération institutionalisée réussit le compromis de ménager les
nationalismes sans hypothèquer l'union politique. De plus elle bénéficie
du soutien de l'environnement pour les raisons que la prolifération des
organisations régionales traduit des besoins réels au plan mondial.
Les organisations internationales universelles telles que l'O.N.U. ou
ses organismes spécialisés ont appuyé et contribué à la création
d'organisations régionales dans les pays du tiers monde. A.F. Kahnert et
autres notent que "la B.I.D. et la B.I.R.D. ont encouragé spécifique-
ment l'intégration régionale et la coopération. Une suggestion de la
B.I.D. semble avoir été à l'origine de l'organisation Andine de dévelop-
pement fondée en 1969. Outre la promotion de la formation et de la
recherc~e, la B.l.D. a aussi créé un fonds de pré-investissement pour
l'intégration ••• " (60). En Afrique la Commission Economique des Nations
Unies pour l'Afrique (C.E.A.) a oeuvré pour la création d'organisations
sous"régionales de coopération.
(60)'A.F. Kahnert op.cit Page 137.

- 117 -
A - L'action de la Commission Economique des Nations Unies
en faveur des regroupements économiques en Afrique
Dans la première décennie des indépendances africaines, la
C.E.A. a porté ses efforts vers la recherche d'une intégration économi-
que. La deuxième session de Février 1963 avait adopté une résolution
priant le secrétaire exécutif de la C.E.A. d'entreprendre des études sur
les principaux problèmes que poserait la création d'un marché commun
en s'attachant particulièrement à l'intégration équilibrée d'un dévelop-
pement économique dans les divers pays africains' (61). Comme cadre de
l'intégration, la C.E.A. proposa de regrouper les Etats africains en
quatre sous-régions correspondant aux sous-régions administratives de
la C.E.A. Ces quatre sous-régions sont :
- la sous-région Afrique du Centre comprenant six Etats :
Gabon, République Centrafricaine (aujourd'hui Empire Centrafricain),
Tchad, Cameroun, Congo, Zaire
- la sous-région Afrique de l'Est comprenant onze Etats:
Ethiopie, Somalie, Kenya, Ouganda, Rwanda, Tanzanie, Malawi, Zambie,
Burundi, Madagascar, Iles Maurice
- la sous-région Afrique de l'Ouest comprenant quatorze Etats
Bénin (ex.Dahomey), Cate d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Haute-Volta,
Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sierra-Léone, Togo
- la sous-région Afrique du Nord : elle comprend six Etats
Algérie, Egypte, Lybie, Maroc, Soudan, Tunisie
(61) Voir MEKKAOUI Onar
"La commission économique des Nations-Unies pour l'AfriquelJ
Thèse Paris II, 1974
A. W. Kofi Parker "La constitution du régionalisme en Afrique Noire" Thèse
Paris I, 1975, Pages 130 à 161.

- 118 -
La C.E.A. élabora quatre protocoles d'association établissant
les modalités d'une coopération entre les Etats membres en "attendant
selon le préambule, la création formelle de la communauté économique
sous-régionale au m01J.e-n d'un traité définitif".
Le protocole d'association ne fut pas adopté par les sous-régions Afrique
du Centre et Afrique du Nord. En Afrique de l'Est, il fut accepté dans
le principe, mais il n'yeu pas de progrès dans la négociation du traité
portant création de la communauté économique. En Afrique de l'Ouest,
une première réunion tenue à Niamey en Octobre 1966 (62), à laquelle
ne prirent pas part la Gambie, la Guinée et la Sierra-Léone, décida de
recommander l'approbation du protocole par les gouvernements. A la
deuxième réunion tenue à Accra (27 Avril 1967), le protocole fut amendé
et signé par les représentants de douze Etats en l'absence cette fois
de la Gambie et de la Guinée. La première nommée signa l'accord par la
suite, portant le nombre des signitaires à treize Etats.
Un conseil des ministres intérimaire des treizes Etats signataires se
réunit à Dakar en Novembre 1967. Il fut chargé de l'étude d'un avant
projet préliminaire de traité pour l'établissement d'une communauté
économique de l'Afrique de l'Ouest. Mais parallèlement à ces actions, une
conférence des chefs d'Etat et de gouvernement d'Afrique occidentale,
réunie à Monrovia (Libéria) en 1968, en l'absence de cinq Etats dont les
quatre Etats du Conseil de l'Entente, plus la Sierra-Léone, adopta un
protocole d'accord portant création d'un Groupe Régional Ouest-Africain
(G.R.A.O.), auquel fut intégré le protocole d'association en vue de la
création de la Communauté de l'Afrique de l'Ouest (C.E.A.O.). Ces tenta-
tives n'aboutirent pas, mais l'idée de réunir tous les Etats de la sous-
région dans une communauté économique ne fut pas pour autant abandonnée
(63). C'est à la suite de ces tentatives que devait naître la CIE.D.E.A.O
(Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) dont le traité
constitutif fut adopté le 28 Mai 1975 à Lagos (Nigéria).
,.
(62) Elisha Achille "Les Institutions Internationales et le développement en Afrique"
Thèse Paris 1969.
(63) Devant les résultats peu probants de ces propositions, la C.E.A. avait dès 1971,
proposé de créer sept sous-régions aulieu de quatre, mais les gouvernements se
prononcèrent pour le statu quo. La C.E.A. réorienta sa politique et ses activi-
tés vers une assistance à des projets multinationaux sectoriels : développement
des transports, exploitation de l'énergie électrique, etc.
Voir Mekkaoui op.cit PP 326-327

- 119 -
B - L'aide multinationale
facteur favorable à la
coopération régionale
Si l'on met souvent en relief que le régionalisme a cela de
positif pour les pays dépendants qu'il permet, d'une part un afflux de
capitaux extérieurs du fait des garanties politiques et économiques qu'il
offre aux investisseurs, et, d'autre part de compenser par l'effet du
nombre, la faiblesse de chaque Etat pris isolément face à ces investis-
seurs, il faut relever que la constitution de ces unions régionales
vont tout autant dans l'intérêt des pays fournisseurs de capitaux.
Les investisseurs publics ou privés y trouvent leur compte. Lorsque
l'organisation régionale s'est 'constituée dans une aire géographique où
tous les Etats membres ont déjà des liens verticaux avec un pays dévelop-
pé, elle offre à ce pays une occasion de préserver ses intérêts écono-
miques et pour maintenir son influence politique. Sa constitution peut
répondre dans ce cas à la stratégie de la puissance extérieure dominante,
visant à retarder la pénétration de puissances rivales dans sa zone
d'influence ou au moins, empêcher la pénétration de pays d'un camp
opposé au sein.
En outre, l'ensemble régional lui (ou leur) ouvre des possibilités
d'accroître le volume de leurs investissements, car il ne paraît pas
rentable dans le plupart des cas d'implanter une industrie lourde dans
le cadre d'un seul pays. Etudiant le problème de l'industrialisation au
sein de l'U.D.E.A.C., Monsieur Yondo fait observer qu"'en regard des
débouchés actuels et futurs et en dépit de la présence de matières
premières abondantes et d'aide quasi-probable en capitaux et en cadres
expatriés, il est économiquement impossible d'implanter une sidérurgie
au Gabon. La production n'atteindrait pas le seuil m1n1mum eX1ge pour
cette industrie même miniaturisée. On ne peut donc concevoir des indus-
tries de base dans un petit pays comme le Gabon que dans un cadre plus
élargi" (64).
(64) Marcel Yondo "Dimensfon nationale et développement économique = théorie
appliquée à l'U.D.E.A.C."
Thèse Toulouse, 1968, P. 136.

- 120 -
Un marché régional rend possible la naissance d'une économie d'échelle.
La création de grandes entreprises industrielles couvrant ce marché fait
appel à d'énormes capitaux et nécessite le recours à l'aide internatio-
nale. De ce point de vue les unions économiques, en élargissant les
marchés, sont une bonne chose pour les investisseurs tant au plan du
volume des investissements que des garanties.
Le régionalisme répond aussi à la tendance au développement de l'aide
multilatérale. Nous entendons par là le financement des projets par
plusieurs Etats ou par des institutions internationales.
Plusieurs facteurs contribuent au développement de cette tendance :
d'abord les besoins en.capitaux pour la réalisation de certains projets
nationaux ou régionaux sont parfois si important· qu'un seul pays
industrialisé ne veut pas ou ne peut pas en assurer seul le financement.
Un financement multilatéral diminue les risques de l'opération. Ensuite,
il a l'avantage de rendre diffus les relations de domination néo-colo-
niale plus perçues et dénoncées quand il s'agit de rapports bilatéraux.
"Quand ses intérêts essentiels sont en cause, un pays riche a principa-
lement recours au système bilatéral ; lorsque plusieurs puissances
partagent ces intérêts ou lorsque les moyens requis dépassent les possi-
bilités de n'importe laquelle d'entre elles, on a recours à une action
conjointe dans des associations pragmatiques de type consortium. Quand
on désire une plus grande dépersonnalisation des relations économiques,
les fonds sont canalisés à travers des institutions à l'échelle mondiale
ou régionale" (65).
(65) Tibor Mende ''De l'aide à la recolonisationJJ Ed. du Seuil, 1975, P.234.

- 121 -
Pour les pays qui reçoivent les capitaux, l'aide multilatérale aurait
l'avantage de diversifier les sources de financement, donc d'éviter une
très grande dépendance à l'égard d'un pays. En fait, l'aide multilatérale
accordée à un pays ne fait que transposer le problème de la dépendance
à un autre niveau •. L'Etat assisté peut passer sous la tutelle des
organismes internationaux, qui, à l'exemple du Pérou (66) et du Zaire,
lui imposent des mesures économiques en conférant à ces pressions selon
le terme de Monsieur Mende, "la respectabilité d'une censure internatio-
nale (67)". Ainsi concernant le cas du Zaïre, un "plan de relance
économique et financière du Zalre"
élaboré par des experts mandatés par
les créanciers occidentaux établit les mesures que le gouverment Zairois
devra prendre. Ce plan impose la présence d'experts du F.M.I. pour
mettre en oeuvre les mesures d'assainissement et de relance (68).
On peut maintenant se demander si l'aide multilatérale est accordée
dans le cadre d'un regroupement régional,.un équilibre sera pour autant
établi entre les puissances défendant directement ou par un organisme
international, leurs intérêts, et les Etats membres du groupement dési-
reux d'échapper à la dépendance. Même si la multiplication des
partenaires rend plus complexe et moins aisé les pressions économiques et.
politiques directes, les rapports de force demeurent tout de même
disproportionnés dans la mesure où le regroupement régional considéré
comme moyen de résistance, fait face à un autre bloc de pression.
"Ce qui fait qu'un système est subordonné dit Monsieur Vaughan A. Lewis,
c'est que même les Etats pivots sont sous-développés et engagés dans des
transactions économiques avec les Etats développés de la société inter-
nationale où ils
ont moins de poids que ces derniers" (69). La dépen-
dance structurelle des Etats membres se répercute sur le regroupement
régional qui ne peut avoir le poids espéré pour entretenir des rapports
d'égalité avec les bailleurs de fonds.
(66) Le monde diplomatique, Octobre 1977, PP J, 2 et 2J, Article de Julia Jununa
"Le gendarme du grand capital/'
(67) Tibor Mende op.cit P. 130.
(68) Voir Afrique Contemporaine n" 98 Juillet-Aoilt J 978
"Le Monde" du Mercredi 30 Août, 1978, PP J et 4,
(69) Vaughan A. Lewis "L' intégration régionale pour ëchappea à L'exigui.tê"
Revue Internationale des sciences sociales, Vol XXX nO 1,1978, PP 63-78.

-
122 -
La coopération institutionnelle bénéficie par conséquent d'un grand
nombre de facteurs favorables, mais contradictoires quant aux motiva-
tions qui soutendent cette forme de solidarité. Après l'échec du
fédéralisme, le régionalisme économique se veut le constituateur du
même mouvement, mais en consacrant les entités politiques, en conciliant
apparemment "territorialisme" et régionalisme; manifestation d'une
solidarité horizontale, et volonté de créer une interdénendance
en
contll.aalc1:Ion
horizontale, elle n'entre pas nécessairement/avec les intérêts d'un
environnement extérieur qui pousse à maintenir ou à renouer les cordons
de la dépendance verticale.
Ces facteurs contradictoires de' la coopération institutio.nnelle seront
à l'origine de&"abandantes vicissitudes du regionalisme en Afrique de
l'Ouest", que nous verrons dans la deuxième partie, dans l'analyse de
l'évolution des institutions et l'organisation actuelle de la coopération
dans cette région.

-
123 -
D EUX 1 E M E
PAR T 1 E
LA MISE EN OEUVRE- DE LA COOPERATION

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- 124 -
Nous avons analysé les facteurs de l'évolution vers une
coopération économique en vue de la constitution d'unions économiques.
Ces facteurs sont de deux ordres: d'une part, avec l'acession de ces
Etats à l'indépendance, deux impératifs sont apparus et ont conditionné
leur politique extérieure. Ils devaient consolider leur souveraineté et
redéfinir leurs rapports en fonction de nouveaux besoins économiques et
politiques. D'autre part, cette politique de coopération s'est dessinée
par la pression et sous l'influence de l'environnement extérieur:
celui-ci a contribué à l'échec des unions politiques, par contre il a
poussé ces Etats aux regroupements de nature économique et technique.
La délimitation de l'Afrique en plusieurs régions a même été faite sous
l'égide de la C.E.A. Cette délimitation ne pouvait avoir pour effet
d'effacer les rapports établis dans les sous-espaces régionaux par la
colonisation. Ce phénomène n'est d'ailleurs pas spécifique à l'Afrique.
Il peut être observé dans l'analyse des problèmes d'intégration dans
d'autres continents. "Jusqu'ici, dit M. Vaughan A. Lewis, deux facteurs
ont joué dans la plupart des cas pour donner aux nouveaux Etats géogra-
phiquements proches le caractère de région et leur conférer à ce titre
une importance. C'est d'une part, l'instauration du colonialisme, dont
les préoccupations étaient d'ordre administratif et stratégique. D'autre
part et surtout, depuis l'accession à l'indépendance, ce sont les inté-
rêts géopolitiques des grandes puissances mondiales. Quand ceux-ci chan-
gent, les zones sur lesquelles ils portent changent aussi. La région
en tant qu'environnement diplomatique s'est étendue ou rétrécie en
fonction de ces intérêts" (1). Dans le cas de l'Afrique de l'Ouest, la
coopération est mise en oeuvre à deux niveaux : sous régional et
régional. Cela reflète les changements survenus avec les indépendances.
(1) Vaughan A. Lewis "L'intégration régionale pour échapper à l' exiguité".
Revue Intèrnationale des sciences sociales. vol. XXX nO l, 1978, P.69.

-
125 -
Les zones de coopération deviennent mouvantes et se constituent
suivant d'autres données géopolitiques. "De nombreux pays, dit
M. Vaughan A. Lewis, se sont aperçus que les zones d'intégration
définies à leur intention à l'époque coloniale n'étaient pas logiques
car il n'existait pas de démarcation nette du point de vue des transac-
tions ou des intérêts entre la zone d'intégration et son environnement
géopolitique immédiat. Cela est vrai aussi bien de la région des Caraï-
bes que de l'Afrique de l'Est"
(1 bis).
De là, il est nécessaire selon M. Vaughan A. Lewis, avant d'organiser
une zone d'intégration politico-économique différente, de définir ou
de redéfinir la zone diplomatique appropriée, le théatre diplomatique
où les normes et les règles régissant le comportement politique et
diplomatique soient relativement stables. L'expérience n'aura de sens
que s'il existe cette relative stabilité de la zone diplomatique.
"Un espace géopolitique doit être définie comme un "théatre diplomatique"
relativement stable avant que cet espace, ou une partie de cet espace

soit désigné comme "zone d'intégration" (1 ter). Il donne comme exemple
d'un espace géopolitique dont l'expérience est intéressante, la C.E.E.
comparativement à la C.E.E., les zones diplomatiques dans les nouveaux
Etats peuvent être peu significatives. On peut tout au plus dire qu'il y
a une amorce de. constitution et de reconstitution de zone diplomatique.
C'est le cas actuellement en Afrique de l'Ouest. Au stade actuel
l'Afrique de l'Ouest se dessine comme zone diplomatique, mais les sous-
espaces déjà existants jouent toujours un r6le prépondérant. Ces sous-
espaces tendent à s'affaiblir au profit d'un élargissement du "théatre
diplomatique", ou se reconstituent dans cet espace pour lui résister.
(1 bis) Ibid P. 70
(1 ter) Ibid P. 70

-
126
Dans l'étude de la coopération en Afrique de l'Ouest, on se trouve par
conséquent confronté à deux espaces géopolitiques plus ou moins
constitués : la région ouest africaine elle-même et la sous région
francophone. Les institutions de coopération participent explicitement
d'un mêm~ mouvement, l'intégration politico-économique, mais le problème
de la délimitation de ou des zones d'intégration reste posé dans la
mesure ou le sous-espace francophone perd son homogénéité.
L'étude de la mise en oeuvre de la coopération est par conséquent une
étude de l'évolution des rapports entre des deux espaces géopolitiques.
Il nous faudra analyser d'abord les institutions de coopérations exis-
tantes dans l'ensemble régional ouest africain (Titre 1) puis les
mécanismes par lesquels ces organisations entendent évoluer côte à côte
vers une intégration générale. L'analyse de la coopération institution-
nelle
du problème des relations entre organisations, des solutions
préconisées aux effets de leurs chevauchements, nous permettra de
répondre à la question de savoir si ces organisations remplissent ou
non leurs fonctions explicitent d'unification.

- 127 -
T l T REl :
LES INSTITUTIONS DE COOPERATION

- 128 -
Quel schéma de classification adopter pour l'analyse d'organi-
sations d'une grande diversité d'objet et d'extension?
Le problème se pose dans la mesure ou existent à l'intérieur de la région
Afrique de l'Ouest au sens de l'O.U.A., des sous-cadres de relations
Il
inter-étatiques privilégiées qui ont déterminé la création d'organisa-
tions internationales dans divers domaines.
Doit-on étudier le mouvement de coopération en partant de l'ojet
des organisations (organisation générale ou spécialisée)
. de leur
extension géographique (régionale ou sous régionale). Nous tiendrons
compte de ces deux critères de .classification, mais en partant d'abord
du cadre géographique pour la raison qu'il n'y a pas plus d'organisa-
tions générales rassemblant les seuls Etats d'Afrique occidentale après
le glissement du Conseil de l'Entente vers la coopération économique.
Nous consacrerons un premier sous-titre aux institutions de coopération
intéressant l'ensemble des Etats ouest africains ou ayant vocation à les

couvrir, et un deuxième sous-titre aux organisations restreintes géogra-
phiquement. A l'intérieur de ces cadres, nous classerons ces institu-
tions suivant leur domaine d'activité.
SOUS-TITRE l - LES INSTITUTIONS REGIONALES
Malgr~ un foisonnement de projets d'intégration, il n'y avait,
jusqu'à la création .de la C.E.D.E.A.O., que l'A.D.R.A.O. qui réunissait
des Etats francophones et anglophones. Cette dernière ayant un domaine
d'activité très limité ne mettait pas en cause les options économiques
et politiques fondamentales des Etats membres.
La création de la C.E.D.E.A.O. ouvrira-t-elle d'autres perspectives en
tant que nouveau cadre de solidarité ?

- 129 -
CHAPITRE l - LA COOPERATION DANS LE DOMAINE
ECONOMIQUE
LA C.E.D.E.A.O.
Créée le 28 Mai 1975 à Lagos (Nigéria), la Communauté Economi-
que des Etats de l'Afrique de l'Ouest comprend 16 membres dont 5 Etats
anglophones, 9 Etats francophones et 2 Etats lusophones (1).
Le cadre géographique qui couvre environ 1/5e de la superficie du
continent africain pour une population de près de 130 millions d'habi-
tants représente un potentiel économique et humain important. Si ses
ressources agricoles et minières sont imposantes (2), les Etats membres'
dans leur ensemble sont peu industrialisés. Ils entretiennent entre eux
des relations commerciales peu importantes. Leur commerce intra-commu-
nautaire représente 10 % de la part du commerce extérieur total du groupe
,régional (3). Par contre dans le contexte africain, leurs -relations
diplomatiques sont assez élevées. Selon l'étude de M.A. Kontchou
Kouomegni "ils entretiennent entre eux 78 missions diplomatiques perma-
nentes soit 45 % de leurs interactions possibles. On peut affirmer que
la solidarité politique y est en moyenne doublement plus forte que dans
l'Afrique en génér~l dont la moyenne est de 23 % de l'idéal" (4).
Le nombre des organisations internationales et l'intensité de
leurs relations diplomatiques sont des indices de solidarité politique
mais aussi de tiraillement soumis ou exercés par les Etats. Cette opinion
est corroborée par la .genèse de la C.E.D.E.A.O.
(1) La Guinée Bissau et la République du Cap Vert indépendante depuis le 5 Juillet 75.
Pour les Etats anglophones ; Gambie, Ghana, Libéria, Sierra-Léone. Pour les Etats
francophones: Bénin, Côte d'Ivoire, Guinée, Haute-Volta, Mali, Mauritanie, Niger,
Sénégal, Togo.
(2) Mensuel Afrique n" 1 Mai-Juin 1977, page 47.
(3) Mensuel Afrique n" 1 Mai-Juin ] 9.77, Page 50.

-
130 -
~ __ §GE!i~~_!_:_Q~~~~~_~~_!~_ç~g~~~g~~~Q~
En ne considérant pas les essais de regroupement politique
d'avant la création de l'O.U.A., nous pouvons faire remonter les
origines de la C.E.D.E.A.O. aux éphémères projets de communauté économi- i
que d'Afrique de l'Ouest patronnés par la C.E.A. (4) et du Groupe
Régional d'Afrique de l'Ouest.
1) La C.E.A.O. et le G.R.A.O.
Les réunions sous-régionales (dans le système de l'O.N.U.)
d'Octobre 1966 à Niamey et d'Avril-Mai 1967 à Accra avaient abouti à
l'adoption du protocole d'association pour l'ensemble des Etats d~Afrique
de l'Ouest (5). Ce projet présenté par la C.E.A. énonçait comme principes
de
- favoriser, grâce à une coopération économique entre Etats
membres, un développement coordonné de leurs économies dans les domaines
de l'industrie, de l'agriculture, des transports et des communications,
des échanges et des paiements, de la main d'oeuvre, de l'énergie et des
ressources nationales
intensifier au maximum les échanges de biens et de services
entre Etats membres en éliminant progressivement les barrières douanières
et les restrictions sur les opérations commerciales et les mouvements
de capitaux, et contribuer à l'expansion ordonnée des échanges entre les
Etats membres et le reste du monde
- contribuer au développement économique du continent
(4) Augustin KONfCIDU KOUCMEGNI "Le système d' iplomatique africain" bilan et tendance
de la première décennie.
Paris éd. A. Pedone, P. 26.
(5) Supra première partie Titre II, Chapitre II.

-
131
-
L'Article 2 de ce projet indiquait les moyens à mettre en oeuvre pour
atteindre les objectifs du développement communautaire : coopérer et
harmoniser leurs politiques économiques, établir des consultations au
sein de la communauté et étudier les domaines et modalités du développe-
ment économique en commun, négocier les modalités d'élimination progres-
sive des barrières douanières ainsi que les restrictions frappant les
opérations courantes de paiements et les mouvements de capitaux, etc. et
l'Article 5 paragraphe 6 introduit un amendement qui prévoit des
dispositions de liaisons avec les diverses organisations de coopération
économique existant dans la région et avec toutes autres organisations
intergouvernementales dont les activités entrent dans le cadre des
activités de la C.E.A.O.
Comme structures le protocole prévoyait la mise en place d'un conseil des
min~stres intérimaire. Ce conseil pouvait établir un secrétariat provi-
soire, une commission économique intérimaire et des organes subsidiaires.
Le conseil des ministres intérimaire était chargé de préparer le projet
de traité d'établissement de la C.E.A.O. La réunion pour la signature
de ce traité, prévue pour Avril 1969 à Ouagadougou, fut sabotée par la
convocation d'une conférence de chefs d'Etat et de gouvernement à
Monrovia en Avril 1968 (6).
Cette conférence restreinte adopta un autre protocole d'accord instituant
un groupe régional d'Afrique de l'Ouest avec comme structures:
- une conférence de chefs d'Etat
- un secrétariat exécutif
- un conseil de ministre
- des organes subsidiaires
Cette d~ension conduisit les deux projets dans les ornières. Ce protocol
d'accord portant création du G.R.A.O. bien qu'ayant intégré le protocole
d'association en vue de la C.E.A.O. n'avait pas recueilli l'adhésion des
Etats membres du Conseil de l'Entente de la Sierra-Léone.
(6 ) Voir Omar MEKKAOUI IJLa commission économique des Nations Unies pour l'Afrique"
Thèse Paris II, 1974
Achille ELISHA IJLes institutions internationales et le développement en Afrique"
Thèse Paris 1969, PP 537 et 5.

-
132 -
2) La création de la C.E.D.E.A.O.
Les initiatives en vue de la création de la C.E.D.E.A.O. ont
débuté en même temps que l'U.D.E.A.O., pour sortir de son sommeil, se
muait en une communauté économique de l'Afrique de l'Ouest n'embrassant
que six Etats francophones. Ce fait ne résulte pas d'une simple coin-
cidence. Il est la manifestation du rejet par certains Etat du critère
de regroupement suivant un passé commun. La C.E.A.O. ambitionnait
réunir huit partenaires. Le Togo et le Bénin ont refusé d'y
participer
et deux des Etats qui ont signé le traité constitutif avaient le regard
tourné vers d'autres horizons :. la Mauritanie est tiraillée entre le
Maghreb et ses anciens partenaires de l'A.O.F. le Niger devait ménager
ses rapports avec le .Nigéria qui est un important partenaire commercial
et compte tenu des affinités ethniques de leurs populations.
Dans ce contexte, des contacts pour un regroupement débordant les
frontières linguistiques ne pouvaient rencontrer des oppositions aussi
vives qu'auparavant. La situation à deux points de vue s'offrait à un
tel regroupement.
a) les solidarités politiques entre les Etats francophones
se sont encore plus effritées. Le Bénin qui s~ reclame anti-impérialiste
ne veut pas s'afficher dans un groupe aussi ouvertement engagé au côté
de la France.
Le Togo pratique une politique d'ouverture et manifeste une volonté de
jouer un rôle de porte parole de l'unité africaine à l'intérieur et à
l'extérieur de l'Afrique (7).
Du côté anglophone, le Nigéria, un moment paralysé par la guerre du
Biafra peut jouer maintenant un rôle politique à la mesure de ses moyens.
Il désire s'ouvrir vers une zone où elle a le plus de possibilités de
développer ses échanges et tenir le rôle de puissance régionale auquel
on le destine.
(7) Comme faits marquant ce rôle diplomatique nous pouvons citer son initiative dans
la création de la C,E,D.E.A.O., la tenue de la première conférence C.E.A. A.C.P.
à Lomé,. l'élection de M. Edern KOdjo au secrétariat administratif de l'O.U.A.

- 133 -
b) le deuxième facteur favorable est né de la nécessité de
remodeler, après l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun,
les relations entre la C.E.E. d'une part, les Etats associés et asso-
ciables d'autre part. Ce problème a été en débat de 1972 à 1974.
L'élargissement du nombre des Etats africains parties prenantes dans les
nouvelles relations avec la C.E.E., appelait que les Etats associés
définissent leurs rapports dans le sens du rapprochement avec les Etats
anglophones. Le projet originel de création de la C.E.A.Q. soutenu
par la C.E.E. (8) a rejeté la participation des Etats anglophones tous
"associables", mais lors de la première conférence constitutive de la
C.E.A.O. tenue à Abidjan en Avril ]973~ la possibilité fut prévue d'éten
dre l'organisation aux Etats anglophones. Mais il est évident que ce
principe était destiné à camoufler les intentions réelles. Le traité
constitutif de la C.R.A.O. soumet l'adhésion d'un nouveau membre à
une décision unanime (9). L'extension aux Etats anglophones est ainsi
pratiquement impossible. Lors de la signature de la convention C.E.E.
A.C.P. dite convention de Lomé (28 Février 1975) la C.E.E. s'est montré~
favorable aux regroupements régionaux entre des pays d'Afrique, des
Caraibes et du Pacifique.
L'Article 47 fixe comme but à la communauté d'aider les pays de l'A.C.P.
à atteindre une coopération régionale et inter-régionale. Des fonds
sont spécialement prévus pour financer des projets régionaux (10 % des
fonds prévus à l'Art. 42)
(]O).
(8) J. Cl. Gautron ~ "La cormmmauté économique de l'Afrique de l'Ouest
antécédents
et perspect îves", A.F.D.1. ] 975, P. 20].
(9) Article 2 du traité.
(10) Voir notes et études documentaires Septembre] 976 : Manfred HEDRICH et Klaus
VONDER. RaPP, Afrique Contemporaîne n" 98 Juillet-AoUt 1978 P. 9.

- 134 -
Une rencontre entre les Présidents EYADEMA du Togo et GOWON
du Nigéria à Lomé aboutit à la signature d'une convention entre les deux
pays, conv~ntion qui devait servir selon le président EYADEMA de "noyau"
d'une communauté économique ouest africaine. Un communiqué commun
confiait au président GOWON le soin de prendre les contacts avec d'autres
Etats pour une conférence au sommet. Une autre rencontre cette fois
entre le Togo, le Nigéria et le Bénin se tint à Cotonou le 23 Juillet
1973 sur le même sujet.
En Décembre 1973 une premLere conférence ministérielle des quinze Etats
d'Afrique occidentale se réunit à.Lomé pour un travail préliminaire à
partir de documents préparés. Le proj et présenté à Lomé fut mit en f o.rme
à Accra en 1974. La conférence des chefs d'Etat à Lagos signait le
28 Mai 1975 le traité instituant la C.E~D.E,A.O. Les protocoles annexes
qui rendaient la C.E.D.E.A.O. opérationnelle furent adoptés à Lomé
les 4-5 Novembre 1976.
Section rr - Structures et fonctionnement
Le préambule et le Chapitre l dans ses articles 1, 2 et· 3
résument les objectifs et les principes qui doivent guider la C.E.n.E.A.O
l'intégration progressive des économies des pays de la sous-région (11),
la promotion du développement harmonieux des Etats par une coopération
économique efficace exigeant IJ une politique
résolue et concertée
d'indépendance IJ , la prise en considération du potentiel économique et
des intérêts de chaque Etat , ~une répartition juste et équitable des
avantages de la coopération". L'objectif final est la "création d'une
société homogène aboutissant à l'unité des pays de l'Afrique de l'Ouest
notamment par l'élimination des obstacles de tous genres à la libre
circulation des biens, des capitaux et des personnes".
(1]) sous-région dans le système de l'O,N.U. Nous réservons le terme de région à
l'Afrique de l'Ouest. Les sous-régions désignent les groupements plus restreints.

-
135 -
L'Article 2 paragraphe 1 énumère les domaines dans lesquels la coopéra-
tion doit être promue: "tous les domaines de l'activité économique,
particulièrement dans les domaines de l'industrie, des transports, des
télécommunications, de l'énergie, de l'agriculture, des ressources
naturelles, du commerce, des questions monétaires et financières et
dans le domaine des affaires sociales et culturelles".
Le paragraphe 2 de l'Article 2 énumère neuf rubriques sur lesquelles
l'action d'harmonisation, de coordination et rééquilibrage doit porter
par étapes. Cette liste n'est pas limitative.
~~!~g!~Eh~_!_:_b~~_!~~!!!~!!Q~~
C'est le Chapitre II (Articles 4 à 11) qui traite des institu-
tions de la communauté. Au terme de l'Article 4 ces institutions sont:
a) la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement
b) le conseil des ministres
c) le secrétariat exécutif
d) le tribunal
e) les commissions techniques et spécialisées au nombre
de quatre :
- la commission du commerce, des douanes, de l'immigration,
des questions monétaires et des paiements
- la commission de l'industrie, de l'agriculture et des
ressources naturelles
- la commission des transports, des télécommunications et
de l'énergie
- la commission des affaires sociales et culturelles.

l
- 136 -
1) La conférence des chefs d'Etat et de gouvernement
La conférence au terme de l'Article 3 alinea 1 est la princi-
pale institution de la communauté. Elle est chargée "d'assurer la
direction générale et le contrÔle des fonctions exécutives de la
communauté .•. " (12).
Elle se réunit une fois par an sous la présidence rotative annuellement
d'un de ses membres. Des réunions extraordinaires peuvent être convoquées
selon les règles établies par le règlement intérieur de la conférence.
A l'exemplé de toutes les organisations internationales
régionales,
les pouvoirs de l'organe suprême,. en l'occurence la "conférence", sont
limités par la souveraineté des Etats. La "conférence" plutÔt que des
pouvoirs, remplit des fonctions législatives et juridictionnelles.
- fonction législative: c'est "la faculté pour une organisa-
tion de délibérer et d'adopter des résolutions" (13).
La "conférence" établit les règles de procédure pour les notifications
de ses directives et décisions et celles du conseil des ministres, ainsi
que les règles concernant leur application (14). Elle nomme aux fonctions
de secrétaire exécutif et de commissaire au compte ; elle peut créer
d'autres organes latéraux. De manière générale, elle peut prendre des
décisions et directives qui s'imposent à toutes les institutions de
la communauté (15). Ces décisions et directives n'ont .force obligatoire
que dans l'organisation interne et le fonctionnement de ces institutions.
Il en va autrement à l'égard des Etats.
(12) Article 3 alinea 2.
(13) Doudou THIAM IJLe fêdêral isme afrdcatn", Académie de Droit International
Recueuil des cours, 1969 P. 365.
(14) Article 7.
(15) Article 5 alînea 3.

Organigramme de la C.E.D.E.A.O.
Conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement
composition : 16 chefs d'Etat de gouvernement'
fonction : définit la politique générale
réunion : 1 fois par an
VI
--.J
Conseil des ministres
Composition : 32 ministres
fonction : mise en oeuvre de la coopération
réunion : 2 fois par an
'l' r i hunu 1
dc la
LC.LD.
Comité des
Comité des
Conunission
COIlInission
COImlissions
Conunission
.couse il li' ad
questions
Banques Cen-
du commerce,
de l'industri
des trans-
des affaires
couanunaut.é
de 1{) memb r
relatives
traIes de
des douanes,
de l'agricul-
ports, des
culturelles
.di rect eur
aux
l'Afrique oc.
de l'inJnigra-
ture et des
télécom. et
et
général
capitaux
composition :
tion, des
ressources
de l'énergie
sociales
.direc teur
12 gouverneur.
questions 010-
naturelles
adjoint
nétaires et
Siège Lomé
des paiements
Secrétariat exécutif
1 secrétaire exécutif
1 secrétaire exécutif adjoint
Siège LAms
I.es cOlnmiss10ns et le comité des questions relatives aux capitaux sont composés d'un représentant
par I!tat. Le cOI"1t6 des banques centrales est composé des gouverneurs des 12 banques centrales, les
I!tats de l'U.M.O.A. ayant une banque centrale commune.
-------------------------------------------------------------_....... _...._-------------------------
"""........,"",
. . .

-
138 -
- fonction juridictionnelle: l'Article 58 confère à la
conférence une compétence au premier degré dans l'interprétation du
traité. Le différent qui surgit à propos de l'interprétation ou l'appli-
cation du traité doit d'abord être réglé à l'amiable par accord direct.
A défaut de solution apportée par la conférence, le différent sera porté
devant le tribunal. Le règlement des différents par les organes
politiques est une pratique courante des organisations interafricaines.
Cette "justice politique" relève du souci des Etats de protéger leur
souveraineté ou de "sauver la face il en évitant les décisions judiciaires.
La conférence joue aussi un rele d'arbitre et décide en dernier ressort
des litiges qui pourront na~tre au sein du conseil des ministres :
"lorsqu'un Etat membre formule une o~jection à une proposition soumise
pour décision au conseil des ministres, cette proposition sera soumise
pour décision à la conférence à moins que l'objection ne soit retirée"(16·
2) Le conseil des ministres
Le conseil des ministres comprend deux représentants par Etat.
Il se réunit deux fois par an avec la possibilité de se réunir en sessio
extraordinaire. Une des sessions est consacrée à la préparation de la
session annuelle de la conférence des chefs d'Etat; elle se tient immé-
diatement avant cette conférence, Les fonctions du conseil des ministres
sont selon l'Article 4 paragraphe 2 :
- veiller au bon fonctionnement et au développement de la
communauté conformément au traité
faire des recommandations à la conférence sur les problèmes
de politique générale
(16) Article 4 paragraphe 6.

- 139 -
- donner des directives à toutes les institutions relevant
de son autorité
- exercer les pouvoirs et fonctions qui lui sont assignés
par le traité
Ses attributions sont semblables à celles de l'Article 13 de la charte
de l'O.U.A. qui confie au conseil des ministres la mise en oeuvre de
la coopération.
Ses compétences sont étendues bien que les dispositions de l'Article 4
paragraphe 6 (recours à la conférence en cas d'objection formulée par
un Etat sur une proposition soumise au conseil pour décision) qui
semblent instituer la règle de l'unanimité au sein du conseil, puissent
aboutir à faire intervenir trop souvent la conférence dans ses domaines
d'attributions.
- Les premières attributions du conseil des ministres résultent
de la fonction qui lui est impartie de préparer les réunions de la
"conférence". Le conseil des ministres étudie les projets de décision
ou de recommandation qui seront soumis à la conférence des chefs d'Etat.
Il peut faire des recommandations à la lJconférence" pour décider de
réduire plus rapidement ou supprimer plus t6t que les délais prévus,
tout droit à l'importation (17), assouplir ou supprimer plus tôt les
restrictions quantitatives ou contingentaires sur les biens originaires
il peut faire des recommandations en vue IJd'accélérer l'intégration
industrielle des Etats membre s" (l8) •

(17) Article 13 paragraphe 4.
(18) Article 32 paragraphe 3.

-
140 -
- Le conseil des ministres a des pouvoirs de décisions dans
certains domaines. Il a des pouvoirs de décision en ce qui concerne
le bon fonctionnement des institutions placées sous son autorité. Ces
décisions et directives ont force exécutoire. Ses pouvoirs décisionnels
apparaissent surtout dans la mise en application du traité dans les
domaines techniques ou économiques. Il "examine la question du déséqui-
libre et prend des décisions en vue d'agir sur les causes de ce
déséquilibre". Il décide des compensations à accorder à un Etat qui a
subi une perte de droits à l'importation à la suite de l'application du
traité. Il peut proroger d'un an l'application d'une clause de sauvegarde
et examiner la façon dont ellei seront appliquées. Il fixe les contri-
butions des Etats aux ressources du fonds de coopération, de compensation
et de développement et établit le rêglement financier (19).
Ces décisions n'ayant pas trait au fonctionnement interne de l'organisa-
tion n'ont pas force exécutoire car il revient aux Etats de prendre les
dispositions nécessaires en vue de s'y conformer ou de les mettre en
application.
Le rôle du conseil des ministres est· important dans les domaines de
l'harmonisation et de la coordination économique,
La conférence des chefs d'Etat est chargée de définir la politique
générale de la communauté pour un développement harmonieux. Au conseil
des ministres, il lui revient de prendre les mesures concrêtes de mise
en application de cette politique, de suivre cette application et de
prendre des mesures correctives en cas de déséquilibre,
(19) Voir les Articles 16~ 25~ 35 et 5J,

- 141 -
3) Le secrétariat exécutif
Le secrétariat exécutif comprend un secrétaire exécutif,
deux secrétaires exécutifs adjoints, un contrÔleur financier et tous
autres fonctionnaires dont le poste peut être créé par le conseil des
ministres.
Le secrétaire exécutif est nommé par la conférence des chefs d'Etat
pour une période de quatre ans renouvelable une fois. Il est révocable
selon les mêmes formes.
Les secrétaires exécutifs adjoints, le contrÔleur financier et les autre
fonctionnaires sont nommés et révoqués par le conseil des ministres.
La nommination aux postes du secrétariat exécutif doit tenir compte de
la nécessité d'une répartition équitable des postes entre les ressor-
tissants des Etats membres, particulièrement en ce qui concerne la
nommination du secrétaire exécutif (20). On retrouve là une préoccupa-
tion qui a souvent contribué à miner les organisations interafricaines
parce qu'elle est liée à des exigences contradictoires: éviter la
main mise d'un Etat sur l'organisation à travers l'influence de ses
nationaux et pourvoir l'organisation en cadres compétents (21). Les Etats
plus pauvres étant les moins pourvus en cadres) on introduit cet
équilibre artificiel dans le recrutement pour ménager les su~ceptibilit~,
en évitant que le poids de certains Etats membres se reflète de façon
visible dans la prédominance de leurs nationaux. L'Article 8 paragraphe 4
reprend la formule utilisée pour la conférence des chefs d'Etat : "le
secrétaire exécutif est le principal fonctionnaire exécutif de la
communauté •.• ". Son rÔle est précisé par les paragraphes 9 et 10 de
l'Article S, à travers lesquels nous pouvons en distinguer deux: une
fonction administrative et une fonction exécutive.
(20) Le premier secrétaire exécutif est M. Aboubacar Diaby OUAITARA. Il a été nonuné
lors de la première conférence des chefs d'Etats tenue en Novembre 1976. Il est
de nationalité ivoirienne,
(21) Le problème de l'équilibre dans la répartition du personnel s'est déjà posé dans
l'U,D.E.A.C, et surtout dans la société multinationale HAir Afrique" créée au
sein de l'O.C.A.M,

- 142 -
- Dans ses fonctions administratives, le secrétaire est "chargé
de l'administration courante de la communauté et de toutes ses institu-
tions"
(22). Il aide les institutions de la communauté dans leur fonction
et leur fournit ses services. Il soumet un rapport d'activité à toutes
les sessions du conseil des ministres et de la conférence. Il centralise
les informations relatives à l~exécution par les Etats des accords
conclus. Il coordonne les activités des différents services: les
commissions présentent leurs rapports par l'intermédiaire du secrétaire
exécutif (23).
Il représente la communauté dans l'exercice de sa personnalité juridique.
- En tant qu'exécutif, le secrétaire exécutif peut être chargé
par le conseil des ministres, d'entreprendre des travaux et études,
d'assurer les services relatifs aux objectifs de la communauté. Il peut
faire des propositions pour l'amélioration du fonctionnement de la
communauté. En matière budgétaire, il est chargé de la préparation du
projet de budjet soumis au conseil. des ministres pour adoption et de
son exécution.
Son rôle est administratif et technique. Un développement ultérieur de
son rôle politique dépendra de l'attitude des Etats qui peuvent soit le
confiner dans ses fonctions techniques et administratives de coordina-
tion, soit tolérer ses initiatives.
(22) Article 8 paragraphe 9.
(23) Article 9 paragraphe 4.

- 143 -
4) Les organes latéraux
Ce sont les comités techniques, les commissions et le tribunal.
a) Les comités techniques
Deux comités techniques ont été créés par le traité :
- un comité des. banques centrales de l'Afrique de l'Ouest
composé des gouverneurs des banques centrales des Etats membres ou des
personnes désignées par les Etats. Il est chargé de présenter périodi-
quement des recommandations au conseil des ministres concernant le
fonctionnement du système de c~mpensation et autres problèmes monétaires
de la communauté (24) •.
- un comité des questions relatives aux capitaux composé d'un
représentant par Etat, nommé sur la base de ses compétences techniques.
Il a entre autres fonctions de chercher à assurer la mobilité des
capitaux à l'intérieur de la communauté grâce à l'intégration des places
financières et des bourses de valeurs, de chercher à éliminer les
restrictions aux transferts de capitaux entre Etats membres selon un
calendrier fixé par le conseil des ministres, d'harmoniser les taux
d t i.nt ê rê t s , etc.
(25).
b) Les commissions
Au nombre de quatre, chaque commission est composée d'un
représentant par Etat, assisté de conseillers. Elles établissent leur
règlement intérieur et se réunissent aussi souvent que nécessaire.
Chacune dans son domaine est chargée : de présenter périodiquement des
rapports et des recommandations au conseil des ministres, de leur propre
initiative ou à la demande du conseil des ministres ou du secrétaire
exécutif; de s'acquitter de toute fonction qui peut lui être assignée(26)
(24) Article 38. Ce comité a tenu sa première réilllion à Dakar les 14 et 15 Novembre
1978. Onze banques centrales étaient représentées. Etait absente la Banco National
de Guinée Bissau. Selon le règlement intérieur le comité se réillli illle fois par
an (art. 11). Il décide à la majorité simple mais illl quorum de 2/3 est exigé
(article 16 du règlement intérieur). Voir Banque Centrale des Etats de l'Afrique
de l'Ouest, notes d'information et statistiques, décembre 1978 nO 267.
(25) Article 39.
(26) Article 9.

- 144 -
c) Le tribunal de la communauté
Prévu par l'Article 11, le tribunal est chargé d'assurer "le
respect du droit et des principes d'équité dans l'interprétation des
clauses du traité" et du règlement des différends dont il ser a saisi.
Sa composition et son statut seront fixés par la conférence des chefs
d'Etat.
L'Article 56 prec1se la procédure de règlement des différends. "Tout
différend pouvant surgir entre les Etats membres au sujet de l'interpré-
tation ou de l'application du présent traité est réglé à l'amiable
par accord direct. A défaut le 'différend est porté par l'une des parties'
devant le tribunal de la communauté dont la décision est sans appel".
Quelques remarques peuvent être faites :
- Seuls les Etats seraient habilités à saisir le tribunal car
il s'agit des différends qui pourront naître entre Etats membres. En cas
de conflit entre un Etat membre et un particulier ressortissant d'un
Etat membre au sujet de l'application du traité, il revient à cet Etat
de protéger son ressortissant en exerçant les voies de recours prévues
par le traité. Un tel conflit peut naître en ce qui concerne par exemple
l'application de l'Article 27 sur la liberté de mouvement et de
résidence.
- Il s'agit de différends juridiques portant sur l'interpré-
tation ou l'application du traité. Cette juridiction ne fait pas double
emploi avec la commission de médiation, de conciliation et d'arbitrage
de l'O.U.A. qui peut intervenir dans les conflits politiques comme les
différends frontaliers. Sur ce dernier cas, une proposition a été faite
lors de la conférence des chefs d'Etat du 4-5 Novembre 1976 Cà Lomé),
d'instituer entre les pays de la C.E.D.E.A.O. un pacte collectif de non
recours à la force pour régler les différends pouvant intervenir entre
eux (27).
(27) Afrique Contemporaine nO 88 PP. 13-21.

-
145 -
- Les parties doivent d'abord rechercher des solutions
amiables. Le tribunal est saisi au deuxième degré et sa décision est
sans appel.
~~E~gE~Eh~_!!_:_~E2!!~~_2è!!g~!!2~~_~!_~~~~!!2~~
- Admission et retrait (28)
L'appartenance â la C.E.D.E.A.O. se fait par adhésion. Tout
Etat de l'Afrique de l'Ouest peut devenir membre de la communauté
économique en ratifiant le traité ou en y adhérant. Font partis de
l'Afrique de l'Ouest les' 5 Etats du continent et les îles avoisinantes.
Tous les Etats à l'exceptl0n de la République du Cap Vert ont participé
à l'adoption du traité constitutif. Il était précisé que le traité et
les protocoles annexes entraient en vigueur définitivement dès leur
ratification par Sept Etats. Le traité devient caduc s'il venait à
se réduire à moins de sept membres.
Tout Etat peut se retirer de la communauté : il adresse à cette fin un
préavis d'un an au secrétaire exécutif. Le retrait est effectif à
l'expiration de ce délai.
- Amandement et révision (29)
Tout Etat membre peut soumettre au secrétaire exécutif des
propositions d'amendement ou de révision. Le secrétaire exécutif notifie
ces propositions aux Etats membres trente jours au plus tard après leur
réception. La conférence des chefs d'Etats étudie ces propositions après
un préavis d'un mois aux Etats membres. La décision d'amendement ou de
révision est prise à l'unanimité.
(28) Articles 62 et 64.
(29) Article 63.

-
146 -
- Sanction des obligations financières
Le traité a voulu être ferme en ce qui concerne les obligations
financières en limitant le retard de paiement à un an au lieu du délai
de deux ans généralement prévu dans les organisations internationales.
L'Etat défaillant peut être suspendu dans sa participation aux activités
des institutions si le retard n'est pas dO à une calamité publique ou
à des circonstances exceptionnelles. Il reveint à la "conférence"
d'apprécier les raisons du retard.
Section III - La coopération
La C.E.D.E.A.O. n'étant qu'à ses débuts, nous ne pourrons
qu'exposer les mécanismes et étapes par lesquels elle entend constituer
un cadre de développement économique en commun. Disons tout de suite
que le système de coopération institué s'inspire du schéma devenu
classique des organisations régionales africaines, à savoir
- constituer progressivement une union douanière
- organiser des coopérations sectorielles à l'intérieur du
cadre et définir des programmes de coproductions
- promouvoir la sol~darité dans le développement par la création
d'un fonds dont les dénomminations varient mais dont les reles sont
similaires.

- 147 -
A - Le régime des échanges
Il est défini par le chapitre trois et précisé par les cinq
protocoles annexes (30).
Les Etats doivent réaliser en deux temps une union douanière dans un
délai de quinze ans.
- Dans un premier temps il s'agit de constituer une zone de
libre échange dans laquelle des mécanismes sont prévus pour passer
progressivement à l'union douanière (31).
Pendant une période de deux ans à compter de l'entrée en vigueur du
traité, les Etats s'abstiennent de créer de nouveaux droits et taxes et
d'augmenter ceux qui existent. C'est une phase de rassemblement et
d'étude des régimes douaniers des Etats. Au bout de cette période de
deux ans, les Etats, dans un délai de huit ans, éliminent les obstacles
à la circulation des produits à l'intérieur de la communauté. Ils rédui-
sent progressivement jusqu'à suppression totale les droits de douane
selon un plan décidé par le conseil des ministres.
A la fin de la troisième année de l'entrée en vigueur du traité, les
Etats doivent avoir supprimé les taxes internes destinées à protéger
les marchandises internes. Mais une dérogation peut y être apportée en
faveur d'un Etat s'il se trouve soumis à une obligation découlant d'un
accord: il informe le conseil des ministres et s'engage à ne pas
proroger ou renouveler cet accord à son expiration (32).
Au cours de cette période de huit ans les Etats s'engagent à abolir
les restrictions quantitatives à l'importation: droits fiscaux destinés
à protéger les produits locaux (33).
En définitive au bout d'une période de dix ans à compter de l'entrée
en vigueur du traité tous droits de douane et restrictions quantitatives
à l'importation doivent avoir été abolis. Mais des mesures de sauvegarde
d'une durée d'un an peuvent être prises par un Etat en cas de perturba-
tions économiques sérieuses.
(30) Voir les textes des protocoles dans Le ~bniteur Africain nO 751~ Janvier 1977.
(31) Article 13.
(32) Article 17 paragraphe 2.
(33) Article 17 paragraphe 3.

- 148 -
- Dans une deuxième phase, les Etats membres harmonisent dans
un délai de cinq ans à partir de la dixième année, leurs régimes doua-
niers (34). Ils établissent un tarif extérieur commun pour les marchan-
dises importées dans les Etats membres, en provenance de pays tiers.
Les marchandises originaires d'un Etat membre qui sont expédiées vers
un autre Etat membre bénéficieront d'un régime tarifaire de la communaut
Le protocole nO 1 précise la notion de produits originaires : ce sont le
marchandises :
- entièrement produites dans les Etats membres essentiellement
les produits minéraux, les produits de règne végétal, les animaux
vivants et les produits obtenus dans les Etats membres à partir d'animau
vivants, les produits de la chasse et de la pêche, les produits de
récupération, etc.
- les marchandises obtenues dans un Etat membre "soit avec des
matnière d'origine étrangère ou indéterminée utilisée dans le processus
de fabrication de ces marchandises et dont la valeur C,A.F. ne dépasse
pas 60 % du coOt total des matières mises en oeuvre, ou avec des matières
d'origine communautaire dont la valeur ne doit en aucun cas être
inférieure à 40 % du coOt total des matières mises en oeuvre dans le
processus de fabrication soit avec des matières premières de base
d'origine communautaire représentant en quantité au moins 60 % de
l'ensemble des matières premières ••. ",
des marchandises obtenues à partir de matière d'origine
étrangère ou indéterminée ayant reçu dans le processus de fabrication
une valeur ajoutée d'au moins 3S %du prix F,O.B, du produit fini.
L'Article 2 paragraphe 2 ajoute à ces critères une condition assez vague:
les entreprises produisant ces marchandises doivent atteindre un niveau
souhaitable de participation des nationaux. L'objectif ici est d'inciter
les entreprises étrangères à associer des nationaux à la gesti~n et au
capital.
(34) Article 14.

- 149 -
La conférence des chefs d'Etat peut à tout moment accélérer
les processus en réduisant les délais prévus par les programmes d'appli-
cation du conseil des ministres.
Le traité prévoit des mesures pour remédier aux inconvénients qui
pourraient résulter de son application pour certains Etats ou pour
empêcher que les dispositions du traité soient tournées par les Etats.
L'Article 19 proscrit la pratique du dumping et en donne la définition.
Les Articles 16 et 32 confient au conseil des ministres le soin d'exami-
ner la question du déséquilibre du commerce ou de développement causé
à un Etat à la suite de l'application du traité et de "prendre les
décisions nécessaires en vue d'agir sur les causes du déséquilibre". Un
mécanisme de compensation est prévu à cette fin.
Les Etats membres s'accordent le traitement de la nation la plus favori-
sée et "aucun accord conclu entre un Etat membre et un pays tiers
prévoyant l'octroi de concessions tarifaires ne doit porter atteinte aux
obligations qui incombent à cet Etat membre en vertu du présent traité"
(35). De façon générale ils ne doivent pas adopter de textes législatifs
"qui impliqueraient une discrimination directe ou indirecte à l'égard
de produits identiques ou similaires des autres Etats membres (36).
B - La coopération sectorielle
Six chapitres ont été consécrés à la coopération sectorielle
(chapitre 5 à 10), qui va de la coopération dans les domaines de
l'industrie, de l'agriculture, du secteur monétaire et financier, de
l'infrastructure de transports et de communication, de l'exploitation
des ressources énergétiques et minérales aux questions sociales
et culturelles.
(35) Article 20.
(36) Article 21.

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-
150 -
La C.E.D. E.A.O. ne manque pas d'ambition, mais elle se montre prudente
et souple. Il reviendra aux commissions techniques et spécialisées de
faire des propositions de programmes et d'étudier le rythme de la
réalisation. D'ors et déjà le traité dans quelques domaines, définit
les étapes de réalisation sans fixer le délai comme dans
le régime
des échanges :
- échange d'information et de programme
- harmonisation de leur politique
- établissement de programmes et de projets communs de
développement
De l'aptitude de la communauté économique à suivre cette politique
progressive de coordination dépendra le succès de l'ensemble, parce que
les Etats comptent sur l'harmonisation de la production et sur les
coproductions pour développer les transactions entre eux.
Le programme de libération des échanges se trouverait bloqué si la
coopération sectorielle ne progressait pas. Il ne peut y avoir d'union
douanière sans échanges.
Dans le secteur industriel, après la prem1ere phase d'informa-
tion sur les projets industriels des Etats, les activités des sociétés
et les possibilités d'implantations d'industries viables, les Etats
membres procèdent à l'harmonisation de leur politique industrielle,
ce qui impliquera une harmonisation des plans nationaux. Ces mesures
devant être accompagnées de projets complémentaires dans les Etats
membres et d'une politique de formation et d'échange de personnels
qualifiés pour l'exécution des projets à l'intérieur de la communauté.

-
1S1 -
En matière de transports et de communications la C.E.D.E.A.O.
préconise la création de compagnies multinationales de navigation
fluviale et maritime, la fusion des compagnies aériennes nationales,
la mise en place d'un système direct de télécommunication et des services'
postaux à des conditions plus favorables que celles prévues par l'Union
Postale Universelle.
Dans le domaine monétaire, le comité des banques centrales est
chargé de faire des recommandations sur les problèmes de compensation
et sur la coopération monétaire en générale. La C.E.D.E.A.O. envisage
dans un premier temps la mise en place de systèmes bilatéraux de
paiement. A longue échéance un système multilatéral de paiement sera
organisé dans la communauté (37).
De même en matière financière, le comité des questions relatives aux
capitaux devra faire des propositions en vue d'assurer la libre circula-
tion des capitaux, l'harmonisation des taux d'intérêts et en vue de
permettre aux ressortissants d'un Etat membre d'investir dans des
entreprises établies sur le territoire d'autres Etats membres.
C - Le fonds de coopération, de compensation et de développement
L'institution d'un fonds communautaire est devenu un trait
classique des organisations régionales africaines. Le fonds est un des
organismes les plus importants. Il est le mécanisme autour duquel
s'organise la solidarité entre Etats par des actions en faveur des plus
défavorisés, par les compensations pour pertes de recettes ou par
l'étude de projets communs.
(37) Une chambre de compensation pour l'Afrique de l'Ouest (C.C,A.O.) a été constituée
le 2S Juin 1975, Elle regroupe les banques centrales de douze pays: Bénin,
C6te d'Ivoire, Gambie, Ghana, Haute~Volta, Libéria, ~mli, Niger, Nigéria, Sénégal,
Sierra-Léone et Togo. Son siège a été fixé à Freetown (Sierra Leone) •
Le ~bniteur Africain, Juillet 1976, nO 746, PP 29-30.

-
152 -
Le fonds comprend un conseil d'administration composé des ministres
qui sont nommés par chaque Etat et d'une direction générale secondée
par un directeur général adjoint. Le conseil d'administration prend ses
décisions à la majorité absolue. Mais il ne peut se réunir que si un
quorum de deux tiers est constitué.
Le directeur général est nommé par le conseil d'administration pour une
période de quatre ans renouvelable une fois (38). Il est responsable de
l'administration quotidienne du fonds et son représentant légal.
Le fonds a le statut d'une "institution financière à caractère interna-
tional". Il jouit de la capacité juridique et des privilèges et immunité
diplomatiques (39).
Sa fonction est de
- fournir des compensations et autres formes d'assistance aux
Etats qui ont subi des pertes
- indemniser les Etats membres qui auront subi des pertes à
la suite de l'implantation d'entreprises communes
- d'accorder des prêts pour le financement d'étude ou la
réalisation de projets de développement
- de garantir les investissements étrangers
- faciliter la mobilisation des ressources financières
intérieures et extérieures aux Etats membres
- d'aider à la promotion de projets de mise en valeur dans les
Etats les moins développés (40).
Il est financé par les contributions des Etats calculées sur la base
d'un coefficient qui tient compte du produit intérieur brut et du revenu
per capita
des Etats membres ; des revenus des entreprises de la commu-
nauté ; des recettes provenant de sources bilatérales et multilatérales
ou de sources étrangères ; des contributions et subventions de toutes
sortes et de toute origine (41).
(38) Le directeur général du fonds a été nommé lors de la conférence du 5 Novembre
1976. Il siège à Lomé •
. Directeur général : Mr Roméo HJRTON du Libéria.
(39) Articles 37 à 44 du protocole IV.
(4Q) Article 2 du protocole IV,
(41) Article 3 du protocole IV,

- 153 -
Il peut recevoir des ressources spéciales qui seront affectées à
'un compte d'affectation spéciale" : ce sont essentiellement les
contributions versées par les Etats membres pour fournir des compensa-
tions, les remboursements de prêts ou de garanties financés sur les
ressources du compte d'affectation spéciale; les ressources acceptées
par le fonds pour être portées sur le compte d'affectation spéciale,
etc.
Les commentateurs sont sceptiques sur les chances de réussite de
la C.E.D.E.A.O. Ce scepticisme peut être démenti, mais il ne manque pas
de fondements.
Les déclarations optimistes des dirigeants ne peuvent cacher les
obstacles de taille.
1) Le premier problème concerne naturellement les oppositions
et les affinités politiques à l'intérieur du groupe.
- Les anciens clivages entre Etats anglophones et francophones
sont encore importants parce qu'ils ne sont pas seulement linguistiques
ou culturels : ces camps
sont pris dans des sphères économiques et
monétaires (42) desquelles il est difficile de se dégager et par lesquel-
les la communauté économique sera soumise à des pressions contradictoires
de l'environnement international. Comment réaliser une coopération
monétaire efficace dans le cadre des relations monétaires verticales
existant actuellement? C'est avec beaucoup de réticence que les promo-
teurs de la C.E.A.O. ont accepté la création de la C.E.D.E.A.O. (43).
(42) fuit Etats appartiennent à la "zone franc", un à la "zone dollar" (le Libéria),
quatre à la "zone sterling, deux sont hors de toute zone monétaire (Guinée et
Guinée Bissau).
(43) En Février 1974, lors d'un périple au Gabon, au Congo et en République Centrafri-
caine (actuellement empire), le Président Senghor avait souhaité à Brazzaville,
la constitution d'une "grande communauté de l'Afrique Atlantique - ou de l'Ouest -
qui irait de Nouakchott à Kinshasa et engloberait tous les Etats de la région ... ".
Ce souhait était plut8t interprété comme une crainte de la pression des pays
anglophones dans l'espace actuel de la C.E.D,E.A.O.

- 1 S4 -
- Les divergences entre personnalités politiques ou entre
pays "modérés" et "progressistes" n'existent pas qu'au sein de la
C.E.D.E.A.O., mais plus l'organisation est large, plus ces divergences
ont des chances de se multiplier et d'entrainer l'immobilisme.
Notre propos n'est pas de plaider en faveur des regroupements restreints
mais de montrer que le seul fait de la création d'une communauté écono-
mique n'est pas le signe que les divergences politiques perdront leur
acuité. L'union économique est souvent conçue comme un moyen de
"dépoli tiser"
les rapports économiques entre les Etats membres. Mais
même si la création de la C.D.E.A.O. a contribué aux rapprochements
entre certains Etats, les différences d'options économiques et politiques
demeureront les sources de tensions.
2) Le second point tient au déséquilibre économique entre les
Etats membres. Ce problème se pose à tous les regroupements régionaux et
particulièrement à ceux des pays en voie de développement. La loi
générale est celle de l'inégale développement. Tous les Etats ne peuvent
dans une période donnée avoir un même niveau de développement ou de
poids économique. De ce point de vue on ne peut concevoir de regroupement
où ce problème ne se manifeste. La question centrale est celle des
intérêts des Etats dans l'union donc des avantages réciproques: la
C.E.D.E.A.O. pourra-t-elle éviter de créer ou d'accentuer les déséquili-
bres malgrè les mécanismes de compensation et la possibilité de
"mesures correctives". L'élargissement du marché peut profiter à ceux
qui sont relativement industrialisés et disposent de possibilités
d'accro~tre leur production industrielle.

-
155 -
Il est peut être un exemple où la libération des échanges aura des
effets difficilement contrôlables. Dans le cas d'une libre circulation
des capitaux conformément à l'Article 39 et de larges possibilités pour
les ressortissants d'un Etat d'investir dans tout autre Etat membre,
seuls les ressortissants des Etats les mieux pourvus auront les moyens
de tirer parti de ces dispositions. Tel peut être le cas du Nigéria ou
de la Côte d'Ivoire ou existe une bourgeoisie compradore relativement
importante.
Ces dispositions impliquent par ailleurs un libéralisme économique qui
peut être source de frictions entre les Etats qui veulent suivre une
voie capitaliste de développement et ceux qui se veulent socialistes ou
disent suivre une voie non capitaliste. Ces dernières catégories de pays
tentent en fait d'organiser un capitalisme l'Etat (44) qui ne change pas
les rapports de production capitaliste, mais qui, à travers la création
d'entreprises nationales, l'étatisation du commerce extérieur ou le
contrôle du secteur commercial, peut être une gène pour la libre circula-
tion des capitaux et la liberté d'investissement à l'intérieur de la
zone.
3) Le troisième problème a trait à la possibilité de coexistence
de la C.E.D.E.A.O. et des groupements restreints sur laquelle nous y
reviendrons.
Le traité énonce la compatibilité entre la C.E.D.E.A.O. et l'existence
des sous-groupements.- comment pourra-t-elle éviter la concurrence des
projets industriels et des programmes d'harmonisation~ Seuls les program-
mes du conseil des ministres pourront apporter des éléments indicatifs
de la façon dont le problème sera surmonté.
(44) Voir "Le capitalisme d'Etat en Afrique ; cas de la GuinéelJ par Alain COURNANEL
Le Mois en Afrique, Mars 1976, pp 19..-.51,

156 -
Si la C.E.D.E.A.O. éprouvera de grandes difficultés à se
substituer aux organisations sous régionales pour prendre à son compte
les projets et programmes sectoriels de développement, les possibilités
lui sont ouvertes de définir ses rapports avec les organismes telle
l'A.D.R.A.O., cet organisme comprend déjà tous les Etats de l'Ouest
africain ,sauf la Guinée. Le nouveau cadre de coopération économique peut
lui offrir d'autres moyens de relancer ses activités.
CHAPITRE II - LA COOPERATION TECHNIQUE: l'A.D.R,A,O,
Il Y a une grande diversité d'organisations techniques au niveau
continental ou régional. Dans le cadre régional, la coopération technique
se construit par le truchement d'organisations plus larges créées selon
des critères plutôt politiques que géographiques. Ainsi au sein de
l'O.C.A.M. se sont développés des organismes techniques de coopération
comme l'U.A.M.P.T., le C.A.M.E.S., l'O.A.M.P.I., etc.
(45). Nous ne

traiterons pas de ces organismes dont les activités débordent le champ
de l'Afrique de l'Ouest.
- La création de l'A.D.R.A,O.
Le riz tient une place importante dans la consommation alimen-
taire en Afrique de l'Ouest. On estime le taux moyen de consommation
annuelle de riz à 12,6 Kilogrammes par personne, mais ce taux varie
entre 103,9 Kg pour la Sierra-Leone et 2,9 Kg pour le Togo (46),
Il est produit sur place mais l'écart entre la production et la consom-
mation se creuse chaque année ajoutant au déficit alimentaire, les consé-
quences de l'importation de grandes quantités de riz sur les balances
commerciales chroniquement déficitaires des Etats,
(45) Union Africaine et ~~lgache des Postes et Télécommunications CU.A.M.P,T.) ;
Comité Africain et Malgache de l'Enseignement Supérieur (C.A,M.E.S.) ; Office
Africain et Malgache pour la Propriété Industrielle (O.A.M.P.I,).
(46) A.D.R.A.O, IJCe qu'elle est, ce qu'elle fait, comment elle fonctionne",document
du secrétariat,


- 157 -
Le déficit de production tient au faible rendement lié aux méthodes de
production et à des données techniques comme la sélection des variétés
de semences adaptées aux conditions climatiques, la protection contre
les maladies du riz ou le problème de la récolte et de l'emmagasinage.
Le coopération pour le développement de la riziculture ne pouvait que
recueillir l'agrément des Etats dans la mesure où à des degrés divers,
l'Afrique de l'Ouest offre des
possibilités climatiques et en terre
pour cette culture.
Contrairement aux cultures de rente (coton, arachide, café ... ) sur les-
quelles les Etats se livrent une concurrence dans la production pour se
faire des devises et à la diff€rence
de certaines cu1tures vivrières
comme le milou le manioc dont les productions sont localisées, le riz
a l'avantage d'être consommé dans l'ensemble régional. Une mise en commu
de leurs efforts y est nécessaire et possible.
Le P.N.U.D., le F.A.O. et la C.E.A. prirent l'initiative de convoquer
une conférence internationale sur le développement de la riziculture en
Afrique de l'Ouest. Cette conférence tenue en Septembre 1969 à Monrovia
(Libéria) décida de créer l'A.D.R.A.O. Elle confia au secrétariat des
Nations Unies la rédaction d'un acte constitutif qui sera soumis aux
Etats d'Afrique occidentale et aux Etats et organismes intéressés à
encourager la création de l'A.D.R.A.O. Une deuxième conférence réunissant
les plénipotentiaires des Etats d'Afrique occidentale et des représen-
tants d'autres Etats et organismes se
tint à Dakar le 4 Septembre 1970.
L'acte constitutif fut amendé e tadopté. L'Association commença à
fonctionner en Décembre 1971 par l'entrée en fonction du secrétaire
exécutif.

- 158 -
~!!!g!!Eh~_!_:_~!!~!~_i~!!~!g~~_~!_Q~i~s!!g~
Les articles l et II définissent les objectifs et la nature
juridique de l'A.D.R.A.O.
C'est une organisation régionale intergouvernementale. Elle est
dotée de la personnalité juridique sous le régime de droit international,
pour accomplir tout acte conforme à son objet, dans le cadre des pouvoirs
qui lui sont conférés par
l'acte constitutif (47). L'Article II alinea 2
en précise l'étendue: le personnel et les personnes assistants à titre
officiel aux sessions de ses organes bénéficient des privilèges et
immunités diplomatiques. Un accord de siège a été signé entre l'A.D.R.A.O
et le pays h8te, le Libéria.
Le but principal de l'organisation est de permettre à l'Afrique
de l'Ouest d'atteindre l'auto~suffisance dans la production du riz.
Elle "aide les gouvernements des Etats membres à collaborer sur un plan
opérationnel à la réalisation des objectifs" suivants :
- encourager la riziculture dans les pays d'Afrique de l'Ouest
- augmenter les quantités de riz produites
- améliorer la qualité du riz
- encourager l'emploi de variétés adaptées aux conditions
de ces pays
~ rechercher, introduire et vulgariser les méthodes rationnelles
de production
- instituer un contrale phytosanitaire efficace
.. améliorer l'emmagasinage, le traitement et la commercialisa-
tion du riz à l'intérieur des pays d'Afrique de l'Ouest et aussi en ce
qui concerne le commerce extérieur de ce produit.
(47) Article 11-J
La conférence de Monrovia avait recommandé la création de l'A.D.R.A.O. selon ~a
législation nationale du pays 118te.

-
159 -
Les efforts de l'A.D.R.A.O. doivent être portés à trois
niveaux
- au niveau de la production : promouvoir la production par
diverses mesures. Elle coordonne les recherches sur le riz, participe
à la formation des hommes, recueille et diffuse les renseignements sur
les méthodes appliquées
- au niveau de la commercialisation : elle étudie et fait des
propositions pour développer la commercialisation
- elle assure la liaison avec les organismes d'aide. Elle est
habilitée à faire des demandes d'aide financière et technique et à
administrer ces aides.
~!r!gr!Eb~_I!_:_Qrg!~!~!~!Q~_~~_fQ~s~!Q~~~m~~!
L'A.D~R.A.O. a la particularité de comprendre deux groupes
d'associés: les Etats membres et les Etats et organismes coopérants.
Ce rapport statutaire de collaboration dénote l'importance de l'apport
extérieur dans la vie~e l'organisation.
A - Admission
Quatorze pays d'Afrique occidentale sont actuellement membres
de l'A.D.R.A.O. mais "peuvent devenir membres de l'association tous les
Etats africains"(48). L'A.D.R.A.O. n'est donc pas une organisation formée
contrairement à la C.E,D.E,A.O. ouverte seulement aux Etats d'Afrique
occidentale. Elle donne priorité aux Etats de cette région en prévoyant
des procédures d'admission différentes, Les Etats dont le territoire est
inclu dans la région deviennent membres de l'association par le dépôt
d'un instrument d'acceptation.
Les autres Etats africains doivent déposer, après l'entrée en vigueur
de l'acte constitutif, une demande d'admission et un instrument d'accep-
tation. Le conseil d'administration décide de l'admission à la majorité
qualifiée des deux tiers des membres présents et votants, L'acceptation
pour les deux catégories d'Etats ne peut être soumise à aucune réserve:
(48) Article III alinea 1.

-
160 -
En ce qui concerne les rapports entre l'A.D.R.A.O. les Etats
et organismes coopérants (49), l'Article V dispose que "l'association
peut conclure avec les Etats et organismes coopérants des arrangements
définissant les modalités de coopération en général ou se rapportant
à des activités ou projets spécifiques". L'Article V alinéa 4 donne com-
pétence au conseil d'administration d'adopter les règles ou principes
régissant les relations de l'association et les divers Etats et organis-
mes coopérants. Ceux-ci peuvent assister à titre d'observateur aux
sessions et aux réunions des organes de l'association. Ils reçoivent
communication des rapports du conseil d'administration et du comité
scientifique et technique adoptés à la fin de chaque session, Ils étaien
représentés avec voie délibérante dans le comité consultatif
mais depui
1
la suppression en 1975 de ce second comité, ils ne participent plus à
aucun organe de l'A.D.R.A.O. sinon à titre d'observateur,
B ~ Les organes
L'A,D.R.A.O, compte trois organes
- le conseil d'administration
- le comité scientifique et technique
- le secrétariat exécutif
Le conseil d'administration est l'organe directeur. Il est composé d'un
représentant par Etat membre
généralement le ministre de l'agriculture
1
ou un haut fonctionnaire du ministère compétent. Il se réunit en session
ordinaire une fois par an dans le territoire d'un Etat membre.
Il élit au début de chaque session un Président, un vice-Président et un
rapporteur. Les membres du Bureau sont rééligibles. Il a pour fonction
d'examiner et d'approuver
les rapports soumis par les organes ou les
J
Etats
les projets de programme et de budjet
de définir les règles et
1
J
directives générales régissant les activités de l'association et d'une
manière générale de déterminer 'lIa politique générale de l'association
et les priorités applicables aux mesures propres à réaliser ses objectifs
(49) Les Etats et organismes coopérants sont : la France, les Pays-bas, le Royaume-Uni,
les Etats-Unis (U,S.A,I.D.)~ le Canada, l'Arabie Séoudite, le Koweit, Abu Dabi,
La Suisse, la Fondation Ford, le P,N,U.D, et le Groupe Consultatif pour la
Recherche Agricole Internationale (G,C~R.A.I.),
uA.D,R,A,O, : ce qu'elle est
ce qu'elle fait, comment elle fonctionneU op,cit P,2.
J

- 161 -
Le conseil d'administration prend ses décisions à la majorité simple des
membres présents et votants à moins de disposition contraire dans l'acte
constitutif ou dans son règlement intérieur (ex. admission d'un Etat
non Ouest Africain). Le quorun exigé pour que le conseil d'administratio
puisse décider valablement est la moitié plus un, des membres.
Les mécanismes de décision sont donc très souples. Il est vrai que ses
décisions et recommandations de par leur caractère technique, n'ont pas
d'implication générale sur les options politiques et économiques des
pays membres.
- Le comité scientifique et technique est composé de trois à
sept personnes compétentes dans les domaines agronomique, économique et
social. Ces personnes sont nommées par le conseil d'administration pour
un mandat de trois ans renouvelable. Le comité élit son Bureau comme le
conseil d'administration. Son rôle est de faire des propositions sur les
questions de caractère scientifique et technique, sur les aspects scien-
tifiques des activités envisagées en ce qui concerne la recherche et les
études ainsi que sur leur mode de financement.
Le comité consultatif dont la suppression a été effective depuis le
premier Janvier 1976, était composé de représentants de six Etats membres
de quatre Etats coopérants et de quatre organismes coopérants. Comme le
comité technique, il formulait des recommandations.
- Le secrétariat exécutif : il est dirigé par un secrétaire
exécutif et un secrétaire exécutif adjoint, nommés par le conseil
d'administration pour un mandat de trois ans renouvelable une fois. Les
autres membres du personnel sont nommés par le secrétaire exécutif.
Le rôle du secrétaire exécutif est char.gé d'appliquer le programme
adopté par le conseil d'administration, de représenter l'A.D.R.A,O .• Il
a mandat pour négocier avec les organismes de financement. Il dirige et
coordonne les activités du secrétariat et des différents départements
(voir organigramme page 163).

-
162 -
C - Fonctionnement
Les ressources de l'A.D.R.A.O. proviennent des contributions
annuelles plus éventuellement les contributions spéciales en nature ou e
espèces ; de dons, legs, prêts et autres contributions des gouvernements
et institutions nationales ou internationales. Le secrétaire exécutif
peut accepter et conclure des accords avec les donateurs sans autorisa-
tion spéciale du conseil d'aministration. Compte tenu de l'importance
des besoins financiers de l'A.D.R.A.O., les Etats membres assurent le
budjet administratif; les projets de recherche et de développement sont
financés par les Etats et organismes coopérants.
La quatrième session du conseil d'administration tenue à Ibadan (Nigéria)
du 2 au 5 Décembre 1975 a décidé la création d'un fonds spécial destiné
au financement :
" - des projets ou partis de projets considérés comme priori-
taires par l'A.D.R.A.O. et dont le financement extérieur ne pourrait être

obtenu
- des avances à des projets en cas de retard dans la mise en
place des fonds à une période cruciale
- des prêts à de petits projets de développement de certains
Etats membres" (50).
C'est une sorte de fonds communautaire de développement mais il n'occupe
pas la même place que les fonds communautaires des organisations de
coopération économique. Il sert de complément aux financements extérieurs
(50) A.D.R.A.O. Rapport annuel Décembre J971-Décembre 1974.

-
163 -
Organigramme de l'A.D,R.A.
CONSEIL D'AIMINIsrRATION
CCMITE SCIE.l'lI'IFI~ ET TEœNIQjE
14 metI\\bres
3 à 7 membres
SECRETARIAT EXEarrIF
.secrétaire exécutif
•secrétaire exécutif adjoint
3 départements
4 divisions
Directeurs
Directeurs
Recherche Développement
ormation
documentation
statistique
comptabilité
et finance
Rokupr ~ti
.
centre régional
communication
administration
Richard Toll/Fanaye
de formation de l'ADRAO
(CERFA)

- 164 -
- Règlement des litiges: les litiges concernant l'interpré-
tation ou l'application d'une des dispositions de l'acte constitutif
doivent être réglés par les parties en cause. A défaut d'accord le litige
est soumis au conseil d'administration. Si celui-ci ne parvient pas à
une conclusion ou si cette conclusion est rejetée par les parties,
chacune des parties peut demander l'arbitrage d'un tribunal. Ce tribunal
sera composé de trois membres dont deux désignés par les parties et un
troisième désigné par les arbitres choisis, ce troisième membre préside -
le tribunal.
La désignation des arbitres es~ confiée au conseil d'administrati~n en
cas de non constitution du tribunal au bout de trois mois suivant la
demande d'arbitrage, ou au secrétaire général administratif de l'O.U.A.
si l'A.D.R.A.O. est elle-même partie au litige. Les parties peuvent d'un
commun accord, convenir de tout autre mode de règlement (51).
L'A.D.R.A.O. semble avoir évité le piétinement que connaissent beaucoup
d'organisations interafricaines.
Les chiffres ne peuvent donner des indications solides de ses réalisation
dans le domaine du développement de la production agricole. L'importance
de l'activité de l'A.D.R.A.O. en faveur du développement et la promotion
de la riziculture réside dans le domaine de la recherche : elle a établi
un programme d'essais coordonnés sur les variétés de riz, la fertilisa-
tion des sols, la protection des plans, des programmes spécifiques
répartis dans plusieurs pays et elle apporte un soutien à la recherche
nationale (52).
(51) Article XV.
(52) Une mission de l'A.D.R.A.O. dans les pays du Sahel a fait des recommandations
d'entreprendre tme étude et la mise en place d'tm mécanisme adéquat de soutien
et de stabilisation des prix du paddy et des autres céréales au Mali et au Tchad
(rapport de 1975 P. 41). En ce qui concerne le Tchad l'A.D.R.A.O. lui apporte son
concours pour organiser la commercialisation du Paddy où le prix de vente très
faible décourage les producteurs de riz. Elle a fourni de la semence améliorée
de riz à la Guinée Bissau.

-
165 -
Dans le cadre des projets de recherche spec1aux trois centres importants
de recherche opèrent à Mopti au Mali sur l'expérimentation de la culture
du riz d'immersion profonde et du riz flottant; à Rokupr en Sierra-Leon
pour le riz de mangrove et à Richard Toll/Fanage au Sénégal, pour le riz
irrigué. A ces centres s'ajoutent de nombreux centres d'essais coordonné
répartis dans les autres Etats. Leurs activités portent sur les maladies
du riz, la résistance des plants à la sécheresse ou aux insectes, etc.
(tableau page 166).
Les problèmes que connait l'A.D.R.A.O. ont trait à une insuffisance de
personnel de haut niveau, à une difficulté de circulation des
informations entre les 'Etats, à des retards dans le versement des
contributions des Etats et dans le déblocage de l'aide financière
extérieure. Ces retards ont justifié la création du fonds spécial comme
palliatif.
L'A.D.R.A.O. pourrait recevoir une nouvelle impulsion si elle était
intégrée dans le cadre de la politique de développement agricole de la
C.E.D.E.A.O. Tout au moins cette intégration peut lui permettre de sur-
monter certains de ses problèmes notamment en ce qui concerne l'amélio-
ration de la circulation des informations à travers les frontières
nationales et la relance de la formation (53). L'une des branches
d'activités concernées par la création de la C.E.D.E.A.O. est celle de
la commercialisation ; elle est liée au développement de la production
du riz, mais aussi à l'organisation du commerce entre les Etats et
l'intérieur de ceux-ci.
La définition d'étroits rapports entre la C,E.D.E.A.O. et l'A.D.R.A.O.
est d'autant possible qu'il y a une correspondance des membres des deux
organisations.
(53) Il existe déj à un centre de fonnation à la ferme de l'Université du Libéria
(Fendall).

- 166 -
Points d'essai en 1974 dans la région de l'A.D.R.A.O.
avec l'indication des types de riziculture
Source
Rapport annuel 1974

-
167 -
SOUS TITRE II - LA COOPERATION SOUS REGIONALE
Les organisations de coopération ont surtout proliférées dans
le cadre sous-régionale. Les origines de cette coopération diffèrent
sensiblement selon q'uil s'agisse d'organisations de coopération
économique ou d'organisations techniques.
Les organisations de coopération économique ont pour origines
les liens économiques et politiques découlant d'un passé commun, liens
dont les Etats voudraient éviter la rupture totale en leur recherchant
de nouveL.es bases.
- La justification des organisations techniques relève, dans
une large mesure des nécessités de voisinage territorial. Les Etats
disposent de ressources naturelles qu'ils ne peuvent mettre en valeur
soit qu'ils n'ont pas les moyens individuellement de les exploiter,
soit qu'à l'exemple des organismes fluviaux, l'utilisation et l'exploi-
tation rationnelle de ces ressources nécessite une collaboration avec
les autres pays concernés. Le facteur politique (affinité ou dissension)
intervient pour favoriser ou entraver cette coopération.
CHAPITRE l - LA COOPERATION DANS LE DOMAINE ECONOMIQUE
En Afrique de l'Ouest il n'y a d'institutions de coopération
sous-régionales qu'entre les Etats francophones. La première explication
de ce fait vient de leur disposition géographique : ces Etats sont les
plus nombreux et ils ont entre eux des contiguités géographiques alors
que les Etats anglophones sont pour ainsi dire enclavés. Cette disposi-
tion n'est pas sans rapport avec les différences de tactiques des coloni-
sateurs. La France voulait se tailler un empire colonial formant un bloc
continu alors que la Grande-Bretagne s'appuyait sur les comptoirs cotiers

- 168 -
La deuxième explication est que parallèlement à l'échec de
la fédération de l'A.O.F., le Nigéria a pu se maintenir en tant qu'Etat
fédéral. Les organisations sous-régionales sont une conséquence et un
prolongement de l'émiettement de l'ensemble francophone.
Nous ne pensons pas comme M. ZOUNGRANA, que l'importance de la partici-
pation des Etats francophones aux regroupements régionaux, traduit un
attachement plus élevé à l'unité que les pays anglophones. L'étude de
M. KONTCHOU KOUOMEGNI montre par ailleurs que les Etats anglophones
entretiennent plus de relations diplomatiques interafricaines que les
Etats francophones (54).
Section l - La coo ération dans le cadre du conseil de l'Entente
Elle a connu deux périodes: la période d'avant 1966 et celle
qui a suivi le changement de la nature juridique du conseil de l'Entente
après la transformation du fonds de solidarité en fonds d'entraide et
de garantie.
Avant 1966, la coopération multilatérale touchait la coopératio
financière par l'entremise du fonds de solidarité, l'harmonisation
administrative, l'harmonisation des relations extérieures et divers
domaines de ~oopération sectorielle: postes et télécommunication, santé,
éducation, information, etc.
Les conférences diplomatiques du conseil de l'Entente s'étaient préoc-
cupées de développer la coopération bilatérale entre Etats membres,
comme support de leurs affinités politiques.
Après 1966, la coopération a pris un autre tournant. Le conseil
de l'Entente s'est doté des moyens institutionnels d'une politique de
développement communautaire qui ne reposerait plus sur des affinités
politiques précaires.
Le fonds d'entraide et de garantie a été l'instrument de l'élargissement
de la coopération économique.
(54) A. Zoungrana Th~ Paris, 1975 P. 184
A. Kontchou Kouomegni op. cit P. 27.

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169 -
r~r~g!~~h~_!_:_k~_ÉQ~g~_!~~~!~~~~~_g~_!~_SQQ~~!~~!Q~
~~_~~!~_g~_SQ~~~!!_g~_!:~~~~~~~ (55)
Le fonds a deux champs d'activités: des activités financières
et des activités de développement économique régional. Les modifications
institutionnelles n'ont fait que consacrer une évolution amorcée depuis
sa création.
A - Activités financières du fonds : la garantie
Les ressources du fonds proviennent au terme de l'Article 12
de la convention modifiée:deladot&tiJn par versement annuel des Etats
membres, fixé tous les cinq ans; d'emprunts spécifiques, de subventions
et de dons ; du produit des placements ; du produit de la rémunération
de son aval et de toutes autres ressources (Tl page 170).
Certaines ressources ont des affectations précises. Les dotations
constituées par les cotisations des Etats sont réservées à la garantie
des avals; les produits des placements et les commissions d'aval sont
affectées au fonctionnement du secrétariat. Le fonds ne garantie pas
directement les investissements, mais les emprunts destinés à leur
financement. Les investissements et les emprunts doivent répondre à un
certain nombre de critères
- Pour bénéficier de l'intervention du fonds il faut que
l'investissement soit productif, donc que le projet remplisse certaines
normes de rentabilité et de viabilité; il faut que l'investissement
porte sur des projets industriels, agricoles
commerciaux ou d'infra-
J
structure, que ce soit de vrais investissements. En sont exclus les
frais de fonctionnement, les besoins en fonds de roulement.
Le fonds met l'accen~ sur l'opportunité économique des projets et donne
priorité aux projets intéressant l'économie de deux ou plusieurs Etats
membres (56).
(55) Sur l'organisation du fonds, voir supra première partie.
(56) Articles 21 à 28 du règlement intérieur.

- 170 -
Tableau 1
Les versements des Etats et la répartition
des avals
en million de
: Répartition:
nombre
F. CFA
cotisations: des avals
:
:
globaux
: d'opérations:
Pays
Benin
42
1 215
5
Cate-d'Ivoire
500
60
Haute-Volta
24
1 357
9
Niger
24
532
5
Togo
754
4
Source: Bulletin d'Afrique Noire
12 Octobre 1977 nO 929.
1

- 171 -
- En ce qui concerne les emprunts garantis, avant les modifi-
cations apportées par la convention du 8 Octobre 1973, pour être
susceptible de recevoir la garantie du fonds, l'emprunt devait être
extérieur aux Etats membres. Cette disposition a été modifiée par
l'Article 2 de la convention de 1973 et l'Article 20 du règlement
intérieur du 24 Novembre 1974. L'aval du fonds peut désormais être
accordé à des prêts consentis par des personnes physiques ou morales
ressortissant des Etats membres.
Les emprunts garantis sont ceux émis ou contractés par les Etats, les
organismes publics ou para-publics, les entreprises privées ayant leur
siège social et leur champ d'activité principal dans l'un ou plusieurs
Etats membres. Les entreprises doivent remplir le double critère du
siège social et du champ d'activité principal sans autres considérations
sur les origines des capitaux et leur direction (57). La garantie accor-
dée ne peut dépasser 15 % du potentiel d'aval du fonds.
- En ce qui concerne le risque couvert, la garantie est parti-
culièrement efficace et attrayante pour les investisseurs. Elle couvre
toute défaillance du débiteur quelqu'en soit la cause: insolvabilité,
risque politique, risque catastrophique, risque de non transfert. Les
investisseurs sont assurés d'être payés car le fonds, caution solidaire,
dispose de ressources disponibles en devises étrangères, déposées dans
des organismes financiers de réputation internationale à l'extérieur
des Etats membres (58). Il renonce d'avance à opposer au créancier un
quelconque moyen de défense ou une exception que le débiteur aurait pu
invoquer. "Le président du comité de gestion et le secrétaire administra-
tif sont autorisés à signer un ordre préalable et irrévocable de régler,
par le débit du compte du fonds ouvert chez l'organisme financier dépo-
sitaire, les échéances qui n'auraient pas été honorées par le débiteur
principal après un délai fixé par le comité de gestion mais qui ne
pourra dépasser trente jours lJ (59).
(57) Sur l'instruction et les mécanismes de la contre-garantie fournie au fonds
Clu.net, 1969, pp 22-57, Manouan op.ci.t P. 230.
(58) 75 %de ces ressources sont déposées à la Banque Internationale pour l'Afrique
de l'Ouest (B.I.A.O.) et 25 %à la Banque de Paris et des Pays Bas,
(59) Article 29 du règlement intérieur,

- 172 -
Les totaux des avals accordés par le fonds demeurent modestes
au regard de son potentiel d'aval. Le montant maximal des avals suscep-
tibles d'être accordés est fixé statutairement à dix fois le montant
nominal du fonds.
A la fin de l'année 1975, le total des avals accordés s'élevait de
1967 à 1975 à :
emprunts
2 939,2 Millions de Ft CFA
investissements globaux
7 318,1 Millions de F. CFA
en cours d'aval au 1.1.76
1 548
Millions de F. CFA (60)
Les activités du fonds ne se sont pas lumitées à la garintie
des emprunts. Depuis 1967, elles s'étaient déjà orientées avant même
la réforme du 8 Décembre 1973 dans deux directions:
- Un budjet d'intervention alimenté par les intérêts produits
par le capital du fonds non affectés au fonctionnement du secrétariat
pouvait être utilisé pour le financement d'opérations de faible coût.
- Le fonds avait pris l'initiative de faire effectuer et de
gérer des études sur des projets nationaux ou régionaux, qui, si elles
s'avéraient rentables, pouvaient conduire à des investissements auxquels
le fonds accordait son aval.
Cette évolution consacrée par la réforme de 1973 a permis au fonds de
jouer son rôle d'institution chargée de promouvoir la coopération
économique régionale.
(60) Rapport d'activité de 1975, P. 8.

- 173 -
B -
Activités de développement régional du fonds
La contribution directe du fonds au développement économique
national et régional se fait par les mécanismes du budget d'intervention
et des emprunts rétrocédés aux Etats ou à des organismes.
1) Le budget d'intervention sert au financement des opérations
imprévues de faible coût ou celles qui risqueraient d'être retardées si
l'on devait avoir recours au financement extérieur. Il sert d'autre part
au financement des études préalables sur des projets nationaux ou
régionaux pour lesquels le fonds, si les projets s'avèrent rentables,
négocie les aides extérieures, 'accorde son aval ou emprunte pour le
compte de l'organisme ou l'Etat chargé de sa réalisation. Il a aussi
permis au fonds de prendre des participations dans le capital de société
pour le compte des Etats (61). Il sert également à l'organisation des
réunions. Son champ d'action est assez large. Mais son intervention est
sujette à des fluctuations annuelles importantes en fonction des revenus
dégagés (T2 et T3 : page 174). Il est en effet alimenté par le solde
des revenus du fonds après déduction des dépenses budgétaires.
2) Les actions "relais'.... de promotion économique du fonds
Sur autorisation du conseil d'administration après avis du
comité de gestion, le fonds peut contracter des emprunts spécifiques qui
seront rétrocédés aux Etats par l'entremise de banques nationales, pour
des opérations spécifiques. Le fonds devient le relai entre les inves-
tisseurs notamment l'U.S.A.I.D. et le F.A.C., et les Etats et organismes
bénéficiaires. Au lieu de donner son aval à des emprunts contractés par
les Etats et organismes publics ou privés, il reçoit les prêts pour
leur compte.
Ces emprunts spécifiques doivent concerner des opérations de développe-
ment régional.
(61) Telles les sociétés de réalisation "sorentente" (tourisme) dont le
fonds
détenait 20 % du capital en 1974 ; la "tomentente" (tomate) dont le capital
est détenu par la Côte-d'Ivoire, la Haute-Volta et le fonds; ou la société
Immobilière du Conseil de l'Entente dont le capital est entièrement détenu
par le fonds.

-
174 -
Tableau 2 de l'évolution des avals de 1967 à 1976
·
~
:Mill ion d_a,/:
:F. CFA//
:1967
68
69
70
71
72
73
74
75
76
Total
·
./ Annê .
·
._/'
ee .
.
.
.
.
.
.
.
.
.
:",</
e _ _ • _ _ • _ _ • _ _ • _ _ • _ _ • _ _ • _ _ • _ _ •
_
.
.
.
.
,
...
-.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
Avals
80
777: 178 :1057 : 115:
80: 432 : 180
60
979
3 918
Source
BAN 12 Octobre 1977 nO 929.
Tableau 3 des. domaines principaux d'interventions
• Tourisme
.
16 694 398
(en F. CFA)
Elevage
.
4 150 000
Entreprises africaines ..........•...
10 000 000
C.E.R.F .E.R
.
1 781 771
Ecoles Nationales d'Administration ..
1 661 675
Maison de l'Afrique
.
2 506 600
Hôtels de tourisme ...............•..
13 525 530
XVe anniversaire du conseil de
l'Entente
16 297 441
66 617 415
L'évolution du budjet d'intervention a été la suivante
: · 1968 ·.............................. 12 971 681
· · 1969 ·.............................. 17 777 457
·
1970
32 161 042
· ·
·..............................
·
1971
35 180 122
· ·
·..............................
;
· 1972 ·.............................. 3 305 500
· · 1973 ·.............................. 18 579 722
· · 1974 ·.............................. 66 617 415
Source
Rapport d'activité du Fonds 1974 P.9.

- 175 -
Des accords sont passés entre le fonds, les bénéficiaires et les Etats
pour définir les conditions d'intervention du fonds, les engagements des
bénéficiaires et des Etats, les avantages qui leur seront accordés par
le comité de gestion. Pour ces opérations spécifiques, les demandes sont
présentées au fond par l'intermédiaire des Etats du lieu d'investissenent
Chaque Etat est responsable vis à vis du prêteur initial du rembourse-
ment des prêts retrocédés.
Un budget distinct du budget d'intervention, dont les ressour-
ces proviennent de subvention, de dons, de ressources propres (produit
des placements et des rémunérations d'aval •.• ) permet au fonds d'accorde
aux Etats des prêts, des bonifications d'intérêts ou des allongements
de la durée du crédit. Deux conditions sont mises à la recevabilité
des demandes
il faut que la demande soit présentée par l'intermédiaire
des Etats et que l'opération soit d'intérêt national.
Les bonifications d'intérêt sont financés par les ressources propres du
fonds. Elles sont non remboursables par le bénéficiaire. La bonification
ne peut dépasser un tiers du taux d'intérêt consenti pour l'opération
env~sagée, ni absorber plus de 15 % de la dotation budgétaire affectée
à cette fin.
Les allongements de durée de crédit sont financés par des subventions
accordées au fonds. Un allongement de durée ne peut être supérieur à
cinq années, ni dépasser 25 % du montant du prêt.
Les allongements de durée de crédit et les bonifications d'intérêt sont
accordés pour des opérations à caractère économique dont la rentabilité
est faible ou ne peut être dégagée qu'à moyen ou long terme.

- 176 -
Le fonds se trouve, par ces mécanismes, le pivot de la coopéra-
tion bilatérale dans le conseil de l'Entente (62).
Les avals accordés par le fonds totalisaient en fin 1976 trois milliards
neuf cents dix huit millions de francs CFA (3 918 000 000 F CFA), dans
l'agriculture, l'industrie et l'infrastructure (télécommunication,
hangars de stockage, etc.)(63).
Ses apports directs sur les disponibilités financières se répartissent
comme suit (64)
:
a) investissements immobiliers : construction des villas
maisons de l'Entente, construction d'h8tels de tourismes en Côte d'Ivoir
au Bénin, au Togo: 1 955 338 179 CFA
b) participation du fonds au fonctionnement des organismes
crées au sein du conseil de l'Entente: 209 494 283 CFA
Cette rubrique concerne la participation au fonctionnement de la C.E.B.V.
(119 869 283 CFA) et la participation du fonds au capital de la société
de réalisation et d'équipements touristiques dans les Etats membres.
c) des opérations diverses en faveur des Etats (233 000 000 CFA)
Le fonds peut être qualifié d'instrument efficace de coopération
en ce qu'il offre un attrait aux investissements par l'efficacité de sa
garantie. Cette garantie livre même pieds et poingts liés le fonds aux
créanciers (65).
Par contre son mécanisme relève d'une conception discutable du dévelop-
pement économique, celle d'une large ouverture vers les investissements
étrangers. Cette politique fait peu cas de l'optique principale des
groupements économiques actuels qui est de transformer les structures de
dépendance économique. On peut dire que de là découle le caractère
"empirique" de la coopération au sein du conseil de l'Entente.
(62) Le capital du fonds est de 7,5 millards CFA. Il a réalisé des investissements
portant sur un total de 32 millards de F. CFA.
Le MOniteur Africain Janvier 1978 n° 759.
(63) Bulletin d'Afrique Noire (B A N) du 12 Octobre 1977 nO 929.
(64) Chiffres de 1976. Le Moniteur Africain de Juin 1976 nO 745.
(65) Jacques Mourgeon et Philippe Fouchard "Le fonds d'aide et de garantie des
emprunts du conseil de l'Entente" Journal de Droit International (Clunet)
1969, P. 43.

-
177 -
On ne peut qualifier cette coopération de succès en se basant sur les
chiffres des crédits obtenus et les réalisations sectorielles car les
interventions du fonds touchent à plusieurs domaines mais de façon assez
dispersée pour que cette coopération puisse conclure à un développement
commun équilibré. Ses réalisations portent souvent sur des projets
mineurs par rapport aux exigences économiques des Etats. En plus la
coopération autour de l'organisme financier ne peut éviter d'accentuer
le déséquilibre dans le développement. La crédibilité du fonds n'impliqu
pas que les Etats membres offriront un même attrait pour les investisse-
ments. Or les mesures qui tiennent compte de cette situation sont plu-
tôt de nature politique. Ce sont des "gestes" de solidarité qui ne vont
pas au fond du problème.
La Côte d'Ivoire a renoncé volontairement pour cinq ans à déposer une
demande d'aval du fonds comme geste de solidarité mais pour elle, il
faut se demander si l'existence du conseil de l'Entente ne présente pas
plus d'intérêts que le fait de tirer parti des mécanismes du fonds.
Elle a en effet plus d'atouts pour attirer les investissements sans
avoir recours au fonds de garantie. Sa position économique et politique
au sein du groupement lui permet de jouer un rele de leader régional
face aux investisseurs et de se constituer une clientèle pour développer
ses échanges.
Dans le système de négociation permanente au sein du conseil de
l'Entente, la forte participation financière de la Côte d'Ivoire et
sa renonciation bénévole à certains avantages lui donne en retour une
position dominante.

-
178 -
Conseil de l'Entente
organismes et structures
DOMAINES
ORGANISMES
STRUCTURE
Coopération
Fonds de
Conseil d'adminis-
Comité de
Secrétariat
économique
garantie
tration (Chefs
gestion
général
d'Etat)
CEBV
Conseil
Secrétariat
des ministres
adminis-
tratif
Coopération
Comité super-ieur :
des transports
technique
multilatérale
Conseil techni-
que du
Tourisme
Coopération
RAN
Conseil d'adminis-
Comité de
Directeur
tration
gestion
technique
bilatérale
o C B N
Conseil de
Directeur
direction

- 179 -
L'initiative de la création de la C.E.B.V. a été prise en 1968.
Une première réunion tenue du 1 au 3 Octobre 1968 à Lomé avait été
consacrée à l'examen des documents d'experts du S.E.D.E.S. sur la
production, le transport et la commercialisation des productions anima-
les. Cette étude avait été financée par le F.A,C.
Un projet de texte fut élaboré lors d'une conférence tenue à Niamey

du 26 Février au 6 Mars 1970. Un rapport de synthèse de ce projet fut
présenté à la conférence des chefs d'Etat tenue à Lomé du 25 au 26 Avril
1970. Ceux-ci signaient le 18 Mai 1970 la convention portant création
de la C.E.B.V. et désignaient Ouagadougou comme siège de l'Organisme.
A - Obj ectifs -
Le but de la C.E.B.V. est d'assurer la satisfaction des besoins
alimentaires de leurs populations par la promotion dans un cadre
sous-régional, de la production et de la commercialisation du bétail et
de la viande à l'intérieur des Etats, entre Etats membres, entre eux
et les pays tiers en particulier ceux de l'O.C.A.M.M.
(67).
La charte de la C.E.B.V., constituée de la convention et des accords
passés, doit aboutir à la création d'un marché commun du bétail et de
la viande. Les accords devant compléter la convention sont ceux passés
entre les Etats membres, entre les Etats membres et d'autres sujets
de droit. Ca peut être des accords de coopération technique, des accords
commerciaux, de paiement, de financement ou des accords d'harmonisation
des législations douanières, fiscales, professionnelles, sanitaires ou
du crédit bancaire.
(67) Article 2 de la convention de 1970.

-
180 -
Plusieurs accords portant sur ces domaines ont été signés depuis 1971,
ont été signés en 1971 :
- un accord sur les catégories de bétail
- un accord sur les pistes de bétail
- un accord sur les qualités de viande
- un accord sur l'information statistique
- un accord pour la mise en oeuvre des crédits mis à la
disposition de la C.E.B.V. par le fonds d'entraide
- un accord de procédure générale définissant la procédure
pour la passation, la signature et la mise en application des différents
accords.
Un accord sanitaire a été signé en 1972. Ce n'est qu'à la
réunion du conseil des ministres du 2 Février 1974 qu'ont été adoptés
des accords portant sur :
- l'harmonisation de la règlementation douanière
- l'organisation et la règlementation des professions
touchant au commerce du bétail et de la viande.
B - Organisation
Seuls les Etats membres du conseil de l'Entente selon
l'Article 22 de la convention, peuvent @tre membres du C.E.B.V .• Mais
peuvent être admis comme membres lJassociés" sur leur demande, les Etats
non membres du conseil de l'Entente désireux de bénéficier des avantages
de la communauté et qui négocient à cet effet des accords avec elle,
les Etats non membres du conseil de l'Entente ou les organismes inter-
nationaux désireux de participer à titre bénévole à l'édification de la
communauté sans avoir à en bénéficier.
Cette division entre membres et membres associés s'apparente à celle
de l'A.D.R.A.O.
Les organes de la C.E.B.Y. sont
le conseil des ministres et le
secrétariat exécutif.

- 181 -
Le conseil des ministres est composé de deux ministres par
Etat ou leurs représentants, dont l'un est chargé des problèmes commer-
ciaux et des affaires économiques. La présidence du conseil est
rotative tous les deux ans. Le conseil se réunit au moins une fois par
an. Il prend ses décisions à l'unanimité. C'est l'organe suprême de
la C.E.B.V. : il définit la politique générale de la communauté, fixe
les contributions des Etats membres, veille à l'exécution de ses direc-
tives. Mais il rend compte de ses activités à la conférence des chefs
d'Etat du conseil de l'Entente.
Le secrétariat a pour-rôle de recueillir les informations
extérieures et intérieures à la zone, sur la physionomie et l'évolution
du marché du bétail et de la viande ; de centraliser les données
statistiques et de les diffuser ; de coordonner les programmes
d'éradiction des épizooties; de soumettre au conseil des ministres des
propositions concrètes de programmes d'amélioration notamment sur les
conditions de commercialisation. Ses attributions sont limitées à
l'élaboration de programmes et de propositions, mais les parties
contractantes peuvent par décision conjointe, lui confier l'exécution
d'études ou d'interventions sans que cela lui confère une autorité
sur les gouvernements.
Le secrétariat est administré par un secrétaire exécutif qui tient
ses pouvoirs d'une délégation du conseil des ministres. Il dirige
l'ensemble du personnel, nomme les cadres subalternes, les employés
et ouvriers. Les cadres supérieurs sont nommés par le conseil des
ministres, à la différence de l'A.D.R.A.ü. ou les cadres supérieurs
à l'exception du secrétaire adjoint sont nommés par le secrétaire
exécutif.

- 182 -
Le secrétaire exécutif est considéré comme un fonctionnaire
international. Chaque Etat, membre ou associé, désigne un fonctionnaire
de préférence un docteur vétérinaire comme correspondant du secrétariat.
Ce dernier - qui n'est pas membre du secrétariat - est chargé de rassem-
bler et transmettre les renseignements statistiques et techniques et
de diffuser les informations fournies par le secrétariat.
C - Fonctionnement
Dans son fonctionnement la C.E.B.V. est liée à deux organes
théoriquement différents du conseil de l'Entente
la conférence des
chefs d'Etat et le conseil d'administration.
La C.E.B.V. est rattachée à la conférence des chefs d'Etat pour ce qui
concerne sa politique générale. Le conseil des ministres organe suprême
de la C.E.B.V., rend compte de ses activités à la conférence des chefs
d'Etat (68). Selon l'Article 1 de l'accord de procédure générale, les
accords communautaires sont pris en conseil des ministres à l'unanimité.
Les points litigieux s~nt soumis à la plus proche conférence des chefs
d'Etat par le Président du conseil des ministres de la C.E.B.V. La
conférence intervient donc dans l'orientation du développement communau-
taire. Il joue aussi le rôle d'organe de règlement des litiges.
La C.E.B.V. est aussi liée au fonds d'entraide pour son financement.
Celui-ci intervient directement ou comme intermédiaire dans la recherche
des crédits. Le fonds finance le fonctionnement de la C.E.B.V., négocie
les prêts pour l'exécution de ses programmes régionaux. L'Article 5 du
règlement intérieur de la C.E.B.Y. accorde le statut de membre associé
au fonds d'entraide.
(68) Article 11.

- 183 -
L'accord sur la mise en oeuvre des crédits mis à la disposition de la
C.E.B.V. par le fonds défini les bénéficiaires des crédits (69) et la
procédure d'instruction de la demande de crédit. La demande de crédit
est transmise au secrétariat exécutif de la C.E.B.V. par les Etats. Le
secrétariat instruit le dossier et le présente dans sa forme définitive
au conseil des ministres de la C.E.B.V. pour agrément. Pour être agréée,
la demande de crédit doit recueillir l'unanimité des voies. La demande
agréée est transmise au Président du conseil d'administration du fonds,
qui, dans un délai d'un mois après réception du dossier fait connaître
au bénéficiaire la décision de financement.
Le fonds a obtenu deJ prêts et.des subventions pour la C.E.B.V. Il a
signé avec l'U.S.A.I.D~ un prêt de six millions de dollars en 1971
entièrement engagé en 1975. Ce crédit a été réparti en huit sous-prêts
pour la réalisation d'opérations différentes: construction de six
abattoirs secondaires en C6te d'Ivoire (500 000 dollars), construction
d'un abattoir frigorifique de
-Cbtenou-Porto-Novo (900 000 dollars),
réalisation des marchés de bétail et de la viande de Cot~nou-- et Porto
Novo (90 000 dollars), équipement de piste de bétail au Niger (900 000
dollars), financement de piste de bétail au Togo, création d'une ferme
de semence fouragère en C6te d'Ivoire (450 000 dollars). Un accord de
subvention fut signé avec l'U.S.A.I.D. pour le financement de séminaires
de statistique en C6te d'Ivoire au Togo en Haute-Volta et au Benin
(pour 6 000 dollars)
(70).
Quatre conventions de subvention furent signées avec le F.A.C.
pour la surveillance des travaux de construction de l'abattoire de
Porto-Novo-Cotonou, la fourniture d'équipement frigorifique à cet
abattoire, l'amélioration du commerce de la viande dans les Etats de
l'Entente, l'étude et l'équipement d'une ferme de semence à vocation
communautaire. Le montant total de la subvention est 153 250 000 CFA (71)
(69) Article 1 de l'accord nO 6/CE/CEBV/CM/71. Peuvent bénéficier de ces crédits:
- les Etats membres du conseil de l'Entente; - leurs sociétés d'Etat ou
d'économie mixte; - leurs établissements publics dotés de la personnalité civile
et de l'autonomie financière; - leurs organismes professionnels ou coopératifs
agréés ; - les entreprises sociétaires ou individuelles présentées par les
gouvernements.
(70) Fonds d'entraide rapport d'activité 1975.
(71) Rapport d'activité 1975.

- 184 -
Dans les rapports entre Etats membres nous pouvons rappeler
les différents accords qui ont été signés notamment l'accord sur l'har-
monisation de la règlementation douanière applicable aux importations,
aux exportations et au transit du bétail et de la viande. Cet accord ne
concerne que les droits et taxes d'entrée et de sortie ou toute taxe
d'effet équivalent à l'exclusion de celles perçues pour prestation de
services : taxe sanitaire, redevance de circulation, taxe statistique
et toutes taxes non douanières (72). Les Etats membres s'engageaient
à diminuer de 10 % pendant deux ans, le taux des droits et taxes d'en-
trée et de sortie perçus sur ces marchandises dans les échanges inter-
communautaires, après cette période, le conseil des ministres statue
sur l'opportunité de modifier, de poursuivre ou d'annuler cette expé-
rience. Pour bénéficier de ce régime, il faut à l'importation, justifier
de l'origine communautaire des marchandises et à l'exportation garantir
leur arrivée, prise en charge et mise à la consommation dans un Etat
membre. Le régime de transit permet aux marchandises de traverser les
frontières douanières en suspension des taxes douanières exigibles.
Sont exclus de ce régime les taxes et redevances de transit qui
correspondent à une taxe pour prestation de service.
Les Etats membres s'engagent à ne pas accorder à l'importation et à
l'exportation des marchandises en provenance ou à destination de pays
tiers un régime plus favorable que celui applicable à un Etat membre.
(72) Article 3 accord nO 9/CE/CEBV/CM/74.

- 185 -
Plus que tout autre organisme du conseil de l'Entente, la
C.E.B.V. avait ressenti la nécessité de son élargissement à d'autres
pays notamment le Mali, pays producteur, le Ghana et même le Nigéria,
pays clients. La conférence des chefs d'Etat tenue à Lomé le 8 Décembre
1973 avait accepté le principe de l'élargissement. Celui-ci s'est
réalisé plutôt vers les Etats de la C.E.A.O. avec la création de
l'O.C.B.V. Mais d'autres données sont apparues après la création de la
C.E.D.E.A.O. en 1975 : une autre ouverture, cette fois vers les Etats
anglophones est possible.
Une conférence sur la coopération régionale en matière de bétail et
de viande réunissant des représentants du Bénin, de la C6te-d'Ivoire,
du Ghana, de la Haute-Volta, du Niger, du Nigéria, du Togo, s'est tenue
à Lomé les 27-28-29 Juillet 1976
(73), quatre recommandations y ont
été présentées : elles portaient sur :
- la constitution urgente au sein de la C.E.D.E.A.O. d'un
organisme technique chargé de promouvoir au niveau des Etats membres
la production de la santé animale, le commerce du .bétail et de la viande
- la reconstitution du cheptel notamment dans les pays sahé--
liens, la mise en oeuvre d'une politique de production intensive,
l'aménagement et la règlementation de l'utilisation de l'espace
agro-pastoral, la formation de cadre et techniciens, etc.
- la mise en oeuvre d'un programme conjoint de lutte contre
les principales maladies animales.
- et sur le commerce et l'information
promouvoir une
coopération étroite et permanente entre les organismes de commerciali-
sation du bétail et de la viande, la signature d'accords commerciaux
entre pays importateurs et exportateurs, porter un effort sur la norma-
lisation, la collecte et la diffusion des données statistiques. Cette
recommandation suggère l'utilisation du passeport bilingue en vigeur
dans la C.E.B.V., la C.B.L.T.
(74) et la C.E.A.O.
(73) Voir Revue Trimestrielle d'Information Technique et économique nO 16, 17 Avril-
Septembre 1976 éditée par le secrétariat exécutif de la C.E.B.U.
(74) Commission du Bassin du Lac Tchad. Elle est constituée par le Cameroun, le Niger,
le Nigéria et le Tchad. Siège : N'Djamena.

- 186 -
r~E~gE~Eh~_!!!_:_b~~_QEg~~!~~~~_!~sh~!g~~~
Des organismes techniques sont placés sous le signe de la
coopération multilatérale ou bilatérale. Certains, contemporainsde la
création du conseil de l'Entente, leur objet était de réorganiser les
relations administratives et commerciales entre les Etats après la
rupture des liens fédéraux. Ainsi ont été créés deux organismes chargés
de l'exploitation des lignes de chemin de fer et des transports entre
la Côte d'Ivoire et la Huate-Volta et entre le Niger et le Benin. Ces
organismes, le R.A.N.
(Régie Abidjan Niger) et l'O.C.B.N.
(Organisation
Commune Bénin-Niger, ex. O.C.D~N.) ont été créé: sous la forme d'éta-
blissements publics internationaux.
A - Les organismes techniques bilatéraux
1) La R.A.N.
La Régie des chemins de fer Abidgan-Niger a été créée par
l'accord du 4 Avril 1959 signé entre la Côte d'Ivoire et la Haute-
Volta, complété par celui du 30 Avril 1960 portant organisation du
chemin de fer. C'est un organisme de caractère industriel et commercial,
chargé d'assurer la gestion commune du réseau ferré reliant les deux
pays. Ses organes se composent :
- du conseil d'administration
- du comité de gestion
- du directeur de la régie
Le conseil d'administration comprend dix huit membres composés
sur une base paritaire de neuf représentants par Etats dont : le
ministre chargé des transports ou son représentant, deux représentants
de l'administration, trois représentants des chambres de commerce
d'agriculture et d'industrie, le général commandant la deuxième brigade
ou son représentant, trois représentants du personnel.

- 187 -
Le conseil d'administration détermine les programmes et les tarifs
d'exploitation ainsi que le statut du personnel. Il nomme le directeur
de la régie après agrément des chefs de gouvernement des deux Etats.
Il délègue ses pouvoirs au comité de gestion pour l'application des
programmes.
Le comité de gestion est composé de trois représentants par Etat et
de deux délégués du personnel.
Le directeur exerce les fonctions exécutives et de représentation de
la régie.
2) l'O.C.B.N.
Elle a été créée par le protocole d'accord du 1er Aoftt 1959
entre l'ex. Dahomey et le Niger, suivi d'une convention d'application
en date du 8 Décembre 1959.
C'est un établissement public à caractère industriel et commercial
chargé de l'exploitation, de la gestion du chemin de fer Benin-Niger (75)
et de l'opération de compensation des transports. L'O.C.B.N. a le
monopole des transports des produits, marchandises et matériaux
d'importation acheminés vers le Niger par transit. L'opération de
compensation ("opération hirondelle") consiste, pou.r rendre concurrentie
le transport par la voie Bénin-Niger par rapport à la voie Nigéria-
Niger, à verser au Niger une compensation égale à la différence des
coOts de transport entre les deux voies.
(75) Les appelations de chemins de fer Abidjan-Niger et Benin-Niger résultent
de projets coloniaux qui n'ont pas été menés à terme. Jusqu'à présent ces deux
voies ferrées n'atteignent pas le Niger.

-
188 -
Les organes de l'O.C.B.N. sont:
- Le conseil d'administration composé de vingt membres dont
dix représentants par Etat: quatre représentants de l'Etat, deux
représentants du secteur privé, deux représentants des transports et
deux représentants du personnel.
Le conseil de direction composé de neuf membres.
- L'organe exécutif comprenant un directeur et un directeur
adjoint.
L'O.C.B.N. porte son action ve~s la rénovation et l'adaptation de la
voie au trafic escompté notamment l'acquisition de matériel roulant
et le projet de prolongement du chemin de fer de Parakou à Dosso
(507 Km) puis de Dosso à Niamey (646 Km au total).
Elle a eu moins de succès que la R.A.N. à cause des fluctuations des
relations politiques entre le Bénin et le Niger, et de la concurrence
des voies de transport Nigéria-Niger.
La R.A.N. n'a pas connu ces problèmes car jusqu'à l'ouverture d'un
entrepôt pour la Haute-Volta au port de Lomé, la quasi totalité des
marchandises de la Haute-Volta transitaient par le port d'Abidjan.
B - Les organismes techniques multilatéraux
En matière de coopération multilatérale dans le domaine des
transports, un comité supérieur des transports terrestres a été
institué parla conférence des chefs d'Etat du conseil de l'Entente
lors de la réunion du 30 Juillet 1970 à Cotonou.

-
189 -
Le comité super1eur a pour tâches d'organiser les transports
de voyageurs et de marchandises entre Etats membres pour éviter toute
concurrence, de déterminer le quota des autorisations de transport
inter-Etat de marchandises et de voyageurs, de coordonner et d'harmo-
niser les dispositions en vigueur dans chaque Etat, d'étudier les
problèmes concernant les transports routiers et ferroviaires, l'infra-
structure routière de l'ensemble des Etats.
Le comité est composé pour chaque Etat : des ministres chargés des
transports, des affaires économiques et financières ou leurs représen-
tants, du directeur des transports routiers, du directeur des travaux
publics, d'un représentant des assemblées consulaires, d'un représentant
des organisations professionnelles de transports terrestres, d'un
représentant de chaque réseau de chemin de fer (R.A.N., O.C.B.N., chemin
de fer du Togo), plus des membres consultatifs.
Les décisions sont prises à l'unanimité et les points litigieux sont
soumis à la conférence des Chefs d'Etat.
La présidence du comité est assurée par rotation pour deux ans par
un ministre chargé des transports terrestres. Un responsable du service
technique des transports créé au sein du secrétariat administratif du
fonds d'entraide assure le secrétariat du comité supérieur des trans-
ports.
D'autres organismes techniques de coopération multilatérale
ont été créés en particulier dans le domaine de la formation : le
C,E.RtF.E,R,
(Centre Régional de Formation pour l'Entretien Routier) et
le Centre Régional de l'Enseignement et de l'Apprentissage Maritime.

- 190 -
Le C.E.R.F.E.R. résulte d'une régionalisation en Mai 1970 du "Centre
de formation pour l'utilisation du matériel routier" de Lomé.
C'est une institution autonome, sans but lucratif, dotée de la personna-
lité civile et morale de l'autonomie financière, ayant pour objectif
la formation de personnels dans le domaine destmvaux publics en
coordination avec les écoles existantes dans les Etats membres.
Le centre régional de l'enseignement et de l'apprentissage maritime
résulte d'une régionalisation en Juillet 1970, du "centre de formation
maritime professionnelle" d'Abidjan. C'est un établissement public
à caractère régional chargé de,la formation d'officiers et de marins
pêcheurs. Il fonctionne sur dotations des budgets des Etats et sous
l'autorité conjointe des ministres chargés des marines marchandes de
chacun des Etats (76).
Dans le domaine du tourisme, il a été créé le 19 Janvier 1968
un conseil technique inter-étatique chargé de promouvoir
une politique
commune pour le développement du tourisme dans les pays du conseil de
l'Entente, de participer à la constitution d'une société qui sera char-
gée de la réalisation des infrastructures nécessaires. Cette société -
la Sorentente - a été créée lors de la première réunion du conseil
technique, le 1er Juillet 1968 à Ouagadougou.
(76) Voir Manouan op.cit pp 325 et 327,

- 191 -
Le fonds d'entraide a donné au conseil de l'Entente une
permanence. Il lui a permis de survivre en le réorientant, de
l'harmonisation politique et administrative devenu aléatoire,
vers des activités économiques.
La première remarque que l'on peut faire est, bien que le fonds ait
permis de placer la coopération inter-étatique sous le signe d'un
organisme permanent, le conseil de l'Entente manque de finalité précise.
De cela résulte la méthode de coopération dite empirique, des projets
et réalisations sectorielles dont l'ensemble ne constitue pas une
politique assez cohérente. Vise-t-il l'intégration économique ou
l'objectif limité de "coordonner et d'harmoniser leurs efforts en
vue d'assurer à leurs pays une croissance économique accélérée et
homogène". L'ambiguité réside dans le fait que la sduvegarde des
solidarités politiques dépendait de cette réorientation de ses activités
L'organisation n'a pas pu se débarasser de son image de groupement
lié par des affinités idéologiques et politiques surtout entre trois
des pays membres: la Côte d'Ivoire, la Haute-Volta et le Niger au
moins jusqu'à l'arrivée du Président KOUNT~~ au pouvoir au Niger.
L'un des problèmes auxquels la coopération régionale veut s'attaquer
est l'extraversion économique. Dans son fonctionnement le conseil de
l'Entente ne peut s'attaquer à cette extraversion structurelle. Le
moyen principal du fonds, plaque tournante de la coopération, est la
rec~erc~e de financement extérieur. Ses interventions directes restaient
faibles et les mesures de lutte contre la dépendance extérieure sont
inexistantes mis à part la dynamique escomptée des projets régionaux.

-
192 -
La deuxième remarque est q'une autre menace pèse sur la
réussite sinon l'existence du conseil de l'Entente après la création
de la C.E.A.O. et de la C.E.D.E.A.O. Ces deux organisations seront
amenées si elles survivent à absorber certains domaines de la coopéra-
tion du conseil de l'Entente.
La coopération bilatérale qui est généralement un prolongement des
relations inter-étatiques privilégiées est l'un des supports importants
du conseil de l'Entente. Cette coopération risque de subir les
contre-coups des redéploiements diplomatiques vers d'autres pays voisins
L'O.C.B.N. par exemple ne pouv~it se renforcer que grâce à une action
volontaire de soutien ~u réseau de trafic Benin-Niger (oépration de
compensation), Ces Etats pourront-ils continuer de privilégier leurs
relations au sein d'une organisation plus large? Cela ne serait pas
sounaitable parce que ces mesures sont contraires à l'esprit et à
l'acte de la C.E.D.E.A.O. qui voudrait instituer une coopération régio-
nale débarassée de toute considération sur les liens du passé colonial.

- 193 -
Section II - La C.E.A.O.
Créée en 1973, la C.E.A.O. est la principale organisation
continentale concurrente du conseil de l'Entente au sein du groupe
francophone des Etats d'Afrique occidentale. Aussi devons nous avant
d'examiner la coopération dans le cadre de cette organisation, retracer
d'abord les mutations qu'elle a subi.
~~!~g!~~g~_!_:_~~_!~~~~~Q~~~-~_!~-ç~g~~~Q~
La C.E.A.O. a connu deux antécédents. L'U.D.O.A. et l'U.D.E.A.O.
dont elle constitue le prolongement.
A - l'U.D.O.A.
L'instabilité des organisations de coopération entre Etats
de l'ex. A.O.F, est le reflet des rivalités et compromis qui président
les relations entre ces Etats. En mai 1959, les Etats du conseil de
l'Entente, pour faire pièce à la défunte Fédération du Mali avaient
décidé la mise en place d'une union douanière. Un terrain d'entente
fut trouvé pour éviter la rupture totale de leurs rapports. Par
convention du 9 Juin 1959 signée entre la Côte d'Ivoire, le Dahomey
(Benin) l'ex. Fédération du Mali (Sénégal et Soudan), la Haute-Volta et
le Niger, décidèrent d'instituer entre eux une union douanière totale.
Cette convention posait les principes de l'interdiction de toute
perception de droits fiscaux ou de douane sur les échanges entre Etats
membres, l'harmonisation du régime fiscal applicable dans leurs échanges
entre eux et avec les Etats tiers.

- 194 -
Etaient créées des commissions paritaires chargées de la répartition
forfaitaire du produit des droits et taxes (1), ainsi qu'un comité de
l'union et une commission d'experts chargés d'étudier l'harmonisation
des impots, taxes et tarifs intérieurs, de coordonner les règlementa-
tions nationales. Il n'était pas prévu de tarif extérieur commun ni
des mesures propres à corriger les inégalités ou les déséquilibres qui
résulteraient de l'application de la convention.
Après l'accession des Etats à l'indépendance, ils se sont
trouvés dans la quasi-impossibilité de respecter ces engagements. Les
gouvernements étaient confrontés à des difficultés économiques et
financières qu'aurait aggravé un mécanisme de libération des échanges.
Tous ces Etats utilisaient les mêmes recettes. Inciter les investis-
sements étrangers par l'adoption de codes d'investissements favorables,
protéger leur économie, faire face aux nécessités financières par
l'accroissement des recettes fiscales. La concurrence était de ce fait
inévitable, d'où les violations qui ont rendu la convention d'union
douanière lettre morte. Le mécanisme des ristournes engendrait des
difficultés administratives et financières pour les Etats. Les pays
de l'intérieur, en situation défavorable pour attirer les investissements
perdaient aussi des recettes fiscales sans avoir d'autres compensations.
Le territoire douanier était devenu factice. Pour la relancer, les
ministres des finances et des affaires économiques des Etats membres
de l'U.D.O.A., réunis à Paris le 14 Mars 1966 adoptèrent une convention
portant abrogation de l'U.D,O,A. et création de l'U.D.E,A,O •• Cette
convention fut approuvée le 3 Juin 1966 en Abidjan.
(1) Manouan op,cit P.67.

- 195 -
B - l'U.D.E.A.O.
L'U.D.E.A.O. était une organisation internationale spécialisée
dont la compétence était limitée à l'établissement d'un tarif extérieur
commun, à la détermination de la nature des produits qui seraient soumis
à la règlementation commune. Son rôle était d'assurer aux produits
originaires des Etats membres une situation préférentielle par rapport
aux produits importés de l'extérieur. Ses organes se composaient:
- d'un conseil des ministres
- d'un comité des experts
- du secrétariat général.
Le conseil des ministres,. organe suprême, comprenait les ministres
des finances ou tout autre ministre désigné par son gouvernement. Il
devait se réunir au moins une fois par an dans un Etat membre. C'était
l'organe de décision de l'union.
Le comité des experts, organe consultatif composé de délégués des Etats
membres, avait pour tâches de faire des recommandations et des proposi-
tions ou avis au conseil des ministres.
Le secrétariat était administré par un secrétaire général nommé pour
une période de trois ans, renouvellable par le conseil des ministres.
Le secrétaire général avait des fonctions purement administratives et
de liaison avec les autres organisations similaires.
Le fonctionnement de l'U.D.E.A.O. reposait sur le principe de
la non discrimination dans les échanges entre Etats membres, le tarif
extérieur commun et la libre circulation des produits originaires. Ce
mécanisme ne constituait ni une union douanière, ni une zone de libre
échange au regard de l'Article XXIV de l'Accord Général sur les tarifs
douaniers et le commerce (le G.A.T.T.), qui reconnait la licéité de ces
deux formes d'accords régionaux s'ils portent sur l'essentiel des
échanges commerciaux (2) ce qui n'était pas le cas pour ces Etats. Il
tendait ~ instituer une zone d'échanges préférentiels.
(2) J. Cl. GAUTRON "La communauté économique de l'Afrique de l'Ouest
Antécédents et
perspectives" A.F.D.L, 1975, P.200,

- 196 -
Dans son application le tarif extérieur commun se composait d'un tarif
minimum dit "plafond" et d'un tarif général dit "plancher", qui pouvait
atteindre le triple du tarif minimum. Ces tarifs portaient sur les
droits de douane à l'exclusion des droits fiscaux. Les Etats ne
pouvaient accorder des concessions tarifaires inférieures au tarif
minimum, mais ils pouvaient négocier des tarifs intermédiaires entre
les deux paliers.
Une dérogation était portée au principe de non discrimination en faveur
des Etats enclavés: entre Etats membres, les produits originaires
étaient soumis à une taxation fiscale égale à 50 % du taux favorable
applicable aux produits importés de l'extérieur, mais les Etats encla-
vés pouvaient porter ce taux à 70 % lorsqu'un produit originaire est
susceptible de concurrencer un autre produit originaire. Cette
disposition souple et favorable aux Etats les moins industrialisés
visait à éviter l'erreur de l'U.D.O.A. qui n'avait pas tenu compte des
inégalités de développement et de l'importance des recettes fiscales
dans les budgets des Etats de l'intérieur. De plus les Etats pouvaient
déroger au principe de libre circulation par des mesures de sauvegarde
ils avaient le droit d'instituer des restrictions quantitatives à
condition seulement d'en informer le conseil des ministres.
Mais pas plus que l'U.D.O.A., l'U.D.E.A,O. n'a été en
mesure de promouvoir les échanges entre pays membres. Des difficultés
sont apparues dans les négociations des tarifs préférenciels et les
règlementations douanières furent violées, L'organisation s'était vite
paralysée parce que déjà en Septembre 1968 Monsieur M.T. GARANGO alors
ministre voltaïque des finances et président du conseil des ministres
se plaignait des difficultés de réunir cet organe (3)
(3) Le Moniteur Africain du 30 Janvier 1969 n" 393.

- 197 -
L'union était à refaire et le 21 Mai 1970 soit quatre ans après
l'adoption de la convention d'Abidjan, un protocole d'accord portant
création d'une nouvelle organisation à la place de l'U.D.E.A.O. fut
signée.
Les chefs d'Etats de la Côte d'Ivoire, du Dahomey (Bénin), du Mali,
de la Mauritanie, de la Haute-Volta, du Niger et du Sénégal, réunis
à Bamako le 3 Juin 1972 signèrent l'accord créant la C.E.A.O.
Le Togo y participait en tant qu'observateur. Le traité constitutif
fut adopté le 17 Avril 1973 par six Etats. Le Dahomey, qui militait
comme le Togo pour l'élargissement de la coopération s'est retiré.
Eê!~g!~Eh~_!!_:_b:~!~Q!!~~~ill~ll!_~~_!~_Ç~§~~~Q~
Avant d'analyser les moyens d'intégration que propose la
C.E.A.O., quelques remarques peuvent être faites sur l'évolution des
rapports de coopération entre les Etats francophones ouest africain
et le contexte d~ la substitution de la nouvelle organisation à
l'U.D.E.A.O.
A - Remarques préliminaires
Nous pouvons constater un parallélisme dans les mutations
du conseil de l'Entente et de l'actuel C.E.A.O.
Le conseil de l'Entente et l'U.D.A.O. sont tous les deux nés en 1959.
Tous deux ont subi une mutation en 1966 : le conseil de l'Entente
par la création du fonds d'entraide et de garantie des emprunts,
l'U.D.A.O. par son remplacement par l'U.D.E.A.O.
Puis une autre évolution est intervenue en ]973
réforme de fonds
d'entraide du conseil de l'Entente dans le sens àe l'accentuation de son
rele de promotion du développement économique en commun, substitution
de la C.E.A.O, à l'U.D.E.A.O. Ce parallélisme s'explique pour deux
séries de raisons :

- 198 -
- La première est que l'ex. A.O.F. constitue toujours un
champ ou s'expriment les relations privilégiées et les rivalités entre
Etats. Au· fur et à mesure que s'estompent les illusions sur la possibi-
lité de prolonger les relations existantes au moment des indépendances,
d'autres formes de coopération appropriées qui tiennent compte du fait
accompli de la constitution d'Etats souverains devaient être recher-
chées. Deux pales de relations se sont constitués l'un autour de la
ca te d'Ivoire dans le cadre du Conseil de l'Entente, l'autre tourné
vers le Sénégal. Une initiative de relance de la coopération dans le
cadre d'une organisation (conseil de l'Entente ou ex. U.D.O.A.) avait
des répercussions sur l'autre qui pouvait craindre d'en faire les frais.,
La rivalité entre les deux sous-groupements - ou entre la Cate d'Ivoire
et le Sénégal selon que l'on considère leur influence - conduisait à
des initiatives simultanées.
- Deuxièmement de par leurs liens verticaux avec la France et
surtout leur appartenance à l'U.M.A.O., leur évolution est interdépen-
dante. Les mutations d'un ~us-groupement avait une influence sur
l'autre.
Des facteurs conjoncturels portant sur ces deux situations constribue-
ront à faciliter la redéfinition de la coopération dans le sous-
ensemble francophone.
Le Sénégal et la Cate d'Ivoire depuis l'année 1969-1970 se sont
rapprochés et le conseil de l'Entente ressentait le besoin de s'ouvrir
vers ses voîsîns notamment pour la coopération en matière agricole
et d'élevage.
Dans leurs relations verticales, les négociations engagées en 1972
et 1973 entre eux et la France pour une réforme du système monétaire
dans l'U,M,O.A. avaient favorisé le rapprochement des Etats africains.

- 199 -
Mais au compte de l'environnement extérieur, la création de la
C~E.A.O. a aussi été favorisée par le contexte des négociations entre
la C.E.E. d'une part, les Etats associés et associables d'autre part.
La création de la C.E.A.O. sur ce point répondait à deux motifs plus
ou moins avouables : faire front pour obtenir les meilleures conditions
de leur association avec la C.E.E., s'opposer à l'extension de
l'influence diplomatique et économique des Etats anglophones en
particulier du Nigéria. La C.E.E. pour d'autres raisons - fidélité à
\\
la politique d'intégration régionale dont elle est un modèle pour
les autres (4) ou désir d'organiser son ère d'influence - encouragera
la constitution de la C.E.A.O.·en lui fournissant les experts.
B - Objectifs de la C.E.A,O.
La C~E.A.O. a pour r6le de mettre en oeuvre la coopération
en vue d'une intégration économique régionale dans les domaines du
développement agricole, de l'élevage, de la pêche, de l'industrie,
des transports des communications et du tourisme, de développer les
échanges entre pays membres en établissant une zone d'échanges organi-
sés. Une mission sous-jacente de la coopération concerne la recherche
des investissements extérieurs comme le dit le Président KOUNTCHE
du Niger "faute de pouvoir intégrer tout de suite nos programmes
nationaux de développement, entreprenons la réalisation d'actions
communautaires de développement, accélérons l'intégration économique
de la sous-région, présentons nous enfin en bon ordre devant la
communauté internationale en vue de mobiliser auprès d'elle toutes
les potentialités d'aide" (5).
(4) Notes et études documentaires Septembre 1976 PP 34 et s. "Effet de
démonstration de la C,E,E, sur les pays en voie de développement".
(5) Déclaration du Président KOUNTCHE à la conférence des chefs d'Etat tenue
à Niamey du 7 au 8 Avril 1975, Afrique Contemporaine, Mai-Juin 1975 .

- 200 -
La C.E.A.O. comme presque toutes les organisations interafricaines
à caractère économique n'est pas fermée, soit qu'elles aspirent
réellement à attirer d'autres membres ou qu'elles veulent simplement
montrer leur esprit panafricain. Dans le cas présent il s'agissait
surtout de définir une position commune face au projet de constituer
la C.E.D.E.A.O.
(6) dont le Togo et le Bénin étaient de fervents
partisans. La déclaration du Général Sangoulé LAMIZANA exprime le
sentiment majoritaire face à ce projet : "il est plus logique pour les
tiers de demander leur adhésion à la C.E.A.O. plutOt que de de,ander
le sabordage de cette organisation qui a déjà le mérite d'exister"
(1).
En définitive la C.E.A.O. est ouverte à tout Etat d'Afrique de l'Ouest
qui en fera la demande mais ce n'est qu'une petite ouverture car il a
été décidé que l'admission se ferait"à l'unanimité. Elle peut aussi
conclure avec un ou plusieurs Etats africains non membres des accords
d'association ou des accords particuliers (8).
La coopération est organisée par l~ traité et dix protocoles
annexes numérotés de "A" à "J". Ces protocoles traitent de la coopé-
ration dans les domaines particuliers 1
C - Structures
Elles se composent de deux organes pol i tiques - la conférence
des chefs d'Etat et le conseil des ministres - du secrétariat général,
de la cour arbitrale.
1) Les organes politiques
La conférence des chefs d'Etat est l'organe suprême
elle
statue sur tout sujet et tranche souverainement toutes questions qui
lui sont renvoyées par le conseil des ministres. Elle nomme à certaines
fonctions de la communauté: le secrétaire général, les membres de la
cour arbitrale, l'agent comptable, le contrOleur financier et les
membres de la commission de contrOle financier. Ses décisions sont
prises à l'unanimité.
(6") Les projets initiaux avaient adopté l'application de "corrununauté des Etats
de l'Afrique de l'Ouest" C.D.E.A.O.
(7) Le Moniteur Africain du 14 ~~rs 1914 nO 650 p. 29,
f
(8) Article 2,

201 -
- Le conseil des ministres est l'organe chargé de promouvoir
toutes actions tendant à la réalisation des objectifs de la communauté
dans le cadre de la politique générale définie par la "conférence". Il
se réunit deux fois par an au moins. Sa composition varie en fonction
des sujets traités. Il décide aussi à l'unanimité.
Les actes de la conférence des chefs d'Etat et les décisions du conseil
des ministres sont publiés au journal officiel de la communauté et
dans les journaux officiels des Etats membres. Ils sont exécutoires
quinze (15) jours francs après leur publication au journal offf~el
de la communauté (9).
2) Le secrétariat général
C'est l'organe exécutif. Le secrétaire général est chargé de
préparer et d'exécuter les décisions des organes politiques, de préparer
le budget et le montant prévisionnel du Fonds Communautaire de
Développement. Il assure le fonctionnement administrarif des organes
de la communauté (10). Il peut recevoir mission d'étudier des problèmes
d'intérêt commun et de faire des propositions au conseil des ministres.
En ces cas il peut créer des commissions ad hoc.
Le secrétaire général est nommé pour quatre ans renouvelables. Les
directions des organismes spécialisés appelés Bureaux ou offices,
fonctionnent auprès du secrétariat. Cinq organismes spécialisés ont
été créés : trois Bureaux communautaires de promotion du développement
en matière agricole (B.C.D,A.), industrielle (B.C.D.I.) et de pêche
(B.C.P.P,) ; deux offices communautaires de promotion des échanges
(O.C.P.E.), du bétail et de la viande (O.C.B.V.).
(9) Article 23.
(10) Acte nO 1-74 C.E.A.O. du 3 Juin 1974 portant approbation du statut du
personnel, Journal officiel 13 Décembre 1975.

- 202 -
Les directeurs des organismes spécialisés sont nommés par le Conseil
des ministres.
Des comités spécialisés sont prévus dans certains domaines techniques
ou des domaines requérant une coopération étroite et constante avec les
Etats membres, exemples : le comité de coordination en matière de
transports et de communication (11), le comité spécialisé en matière
de statistique (12), le comité spécialisé en matière douanière (13).
3) La cour arbitrale
L'Article 38 du traité renvoi au protocole "J". La cour est
composée de trois membres titulaires et de quatre membres suppléants
désignés pour quatre ans. Ils doivent tous appartenir à l'ordre
judiciaire d'un Etat membre (14).
La cour est compétente pour connaître des différends "relatifs à
l'interprétation ou à l'application lJ du traité et des protocoles
annexes. Elle peut être saisie par requête émanant des Etats membres

parties au litige ou par le Président en exercice de la communauté.
r~r~gr~Eh~_!!!_:_b~_r~g!@~_~~~_~~h~~g~~
Les six Etats membres se proposent d'établir une "zone
d'échanges organisée" (15) qui devrait dans un délai de douze ans
(12 ans) aboutir à une union douanière caractérisée par
- la mise en place d'un tarif douanier et fiscal d'entrée
commun dans les relations avec les pays tiers dans un délai maximum
de douze ans à compter de la date d'entrée en vigueur du traité (16).
(11) Protocole F article 4 - Ces comités sont composés d'experts désignés par les Etats
(12) Protocole F article 4.
(13) Protocole H article 8.
(14) La cour arbitrale siège à Ouagadougou, siège de la C.E.A.O.
(15) Article 4.
(16) Le traité est entré en vigueur le 1er Janvier 1974.

- 203 -
- la libre circulation en franchise de tous droits et taxes
d'entrée des produits du cru originaires des Etats membres
- l'institution d'un régime préférentiel spécial applicable
sous certaines conditions à l'importation dans les Etats membres des
produits industriels originaires des autres Etats membres.
A - Le régime applicable dans les relations intra-communau-
taires
L'Article 5 du traité abolit les restrictions quantitatives
des échanges de marchandises et l'Article 39 pose le principe d'une
libre circulation des personne? e~ des capitaux entre les pays membres.
Mais ceux-ci peuvent apporter des restrictions temporaires aux
mouvements et capitaux, sans que ces restrictions puissent entraver le
transfert des épargnes des ressortissants de ces pays ou le transfert
des bénéfices des entreprises appartenant à ces ressortissants: Les
législations et règlementations nationales en matière d'établissement,
d'investissement, de fiscalité et d'emploi s'appliquent sans discrimi-
nation aux ressortissants dans tous les Etats membres sous réserve des
dispositions applicables à la fonction publique et aux professions
règlementées. Les Etats doivent soumettre la liste des professions
règlementées à l'appréciation du conseil des ministres.
Le régime des échanges est caractérisé par une règlementation sélective
complétée par un système de "compensation" (17).
1) La règlementation sélective dans les échanges
intra-communautaires
Les produits du cru originaires de l'un des Etats membres
circulent à l'intérieur de la zone en franchise de tous droits et
taxes d'entrée, Des taxes intérieures spécifiques ou ad volore.m
peuvent être perçues à condition d'accorder une égalité de traitement
entre les produits locaux et ceux importés des Etats membres. Sont
considérés comme produits du cru les produits du règne animal, minéral
ou végétal n'ayant pas subi de transformation à caractère industriel (18)
(17) Voir J,Cl, Gautron AFDI 1975 P.208
(l8) Article 8.

- 204 -
L'annexe au protocole "H" donne une liste limitative des produits
du cru bénéficiant de la franchise de droits d'entrée. En sont exclus
les pierres et les métaux précieux bruts. Les produits industriels
orlglnaires des Etats membres ou certains produits transformés peuvent
bénéficier pour leur exportation d'un régime préférentiel spécial
reposant sur la taxe de coopération régionale (T.C.R.)
(19). Ces
produits doivent être agréés au bénéfice du régime de la T.C.R. Celle-ci
se substitue à l'ensemble des droits et taxes d'entrée à l'exclusion
de la fiscalité intérieure. Les demandes d'agrément sont présentées
par le gouvernement de l'Etat où est implantée l'entreprise qui la
sollicite. Le conseil des ministres fixe le taux applicable pour chacun
des produits agréés.
Les produits industriels originaires de la zone non admis au régime
de la T.C.R. sont soumis à la fiscalité à l'importation qui leur
serait applicable s'ils étaient originaires d'un pays tiers non assu-
jetti à l'acquittement des droits de douane proprement dit.
Les taux de la T.C.R. varient selon les produits et selon leurs
origines. Ils sont aussi différents selon que le produit est fabriqué
dans un ou plusieurs Etats et selon que les entreprises qui les fabri-
quent sont implantées dans des Etats à potentiel industriel comparable
ou dans chacun des deux groupes de pays définis suivant le critère du
potentiel industriel. Ces deux groupes sont d'un côté: la Côte
d'Ivoire et le Sénégal, de l'autre la Haute-Volta, le Mali, la Mauri-
tanie, le Niger. Ces deux groupes s'étaient d'ailleurs affrontés
dans les négociations sur le problème de la réciprocité ou non, et celui
de la non discrimination ou non. Les pays à faible potentiel industriel
ont marqué un point par l'adoption de ce mode de fixation du taux
de la T.C.R. Ce système sélectif basé sur la discrimination et la non
réciprocité vise deux objectifs: soit permettre aux produits
industriels originaires de se substituer sur le marché communautaire,
aux importations de produits tiers identiques ou de substitution, soit
de protéger les produits sur le territoire de l'Etat producteur vis à
vis des mêmes produits venant des autres Etats membres pour ne pas créer
ou accentuer le déséquilibre de développement (20).
(19) Le régime de T.C.R. est entré en fonction le 1er Janvier 1976.
(20) ~f. intervention du Secrétaire Général de la C.E.A.O. au colloque sur les
echanges entre les pays de l'A.C.P. document du secrétariat.

- 205 -
2) Les mesures compensatoires
Le système de compensation est lié à l'application du reglme
de la T.C.R. En effet l'application de la T.C.R. peut provoquer pour
un Etat des moins values fiscales définies par l'article 14 comme étant
"la différence entre le montant de la fiscalité à l'importation perçue
par chacun des Etats membres du fait de l'application de la T.C.R. et
le montant qui résulterait de l'application aux mêmes produits de la
fiscalité à l'importation qui leur serait applicable s'ils étaient
originaires d'un pays tiers non assejetti à l'acquittement du droit
de douane proprement dit".
La compensation assurée par la F.C.D., est réalisée de deux façons
le F.C.D. effectue à l'Etat qui a subi la moins value un versement
compensatoire d'un montant égal aux deux tiers (2/3) du montant de la
moins value ; la deuxième forme de compensation réside dans la fixation
de la contribution au F.D.C. Cette contribution est calculée en fonction
de la participation des Etats aux échanges de produits industriels dans
la zone, donc en fonction de l'intérêt qu'ils retirent de l'application
de la T.C.R. C'est une application du principe du "juste retour" princi-
pe dit M. Gautron non inscrit mais très vivant dans les échanges
régionaux (21). Ce système présente des inconvénients qui ne sont pas
nouveaux par rapport à ceux de l'ex. U.D.E.A.O.
: d'abord une certaine
complexité au regard de la faiblesse actuelle des services fiscaux
et des services de statistiques des Etats. En 1976 le secrétaire général
se plaignait des insuffisances des informations en provenance des
Etats. Le secrétariat était contraint d'avoir recours aux sources
internationales comme la Banque Mondiale (22).
Ensuite tout comme dans IIU.D.E.A.O., les difficultés des trésoreries
peuvent contraindre des Etats à opérer avec parcimonie les rembourse-
ments de droits et taxes perçus sur les marchandises réexportées ou
les cautions de transits (23). Or les retards et non versements peuvent
saper la base du mécanisme de solidarité institué par le F.C.D.
(21) J.CI. Gautron AFDI, 1975, P.210.
(22) Le Moniteur Africain, Avril 1976, nO 743.
(23) Articles 4 et 5 du protocole ''H''.

- 206 -
B - Les relations avec les pays tiers
La mise en place d'un tarif extérieur commun a été
prévue dans un délai de douze ans, parce que les échanges intra-
communautaires sont actuellement faibles. "L'esse~tiel du commerce
extérieur (plus de 80 %) se fait avec des pays extérieurs à la zone,
principalement européens. L'application d'un tarif extérieur commun
porterait donc sur un volume élevé du commerce extérieur des Etats,
l'existence du tarif retirerait aux Etats la compétence de fixer des
droits de douane et des droits fiscaux - qui, rappelons-le représen-
tent entre sa
et 60 % de leurs recettes budgétaires - et le pouvoir
de moduler les taux en fonction de la structure des importations et
des impératifs budgétaires du pays. Dès lors un tarif extérieur
deviendrait un facteur potentiel d'éclatement du groupement, à moins
qu'il soit purement et simplement inappliqué, comme ce fut le cas dans
l'U.D.E.A.O." (24). L'institution de ce tarif est par conséquent
suspendu à un renversement des structures des échanges des Etats dans
le délai fixé.
Selon les dispositions de l'Article sa, le traité ne remet pas en cause
les accords préférentiels déjà existants entre un Etat membre et un
pays tiers sauf à éliminer les incompatibilités éventuelles c'est à dire
faire en sorte que ce pays tiers ne bénéficie pas d'un traitement plus
favorable que les pays membres. Un Etat membre peut conclure des
accords préférentiels avec un Etat africain mais les avantages résultant~
de cet accord ne devraient pas être supérieurs à ceux consentis aux
Etats membres. Cette disposition permet à la C.E.A.O, de tenir compte
de l'appartenance de ses membres à d'autres groupements.
(24) AFDI ]975, op.cit P. 21J.

- 207 -
C - Nature juridique de la C.E.A.O.
A la différence de la C.E.D.E.A.O. qui dans une période de
dix ans doit être une zone de libre échange, pour aboutir en quinze
ans à une union douanière, la C.E.A.O. établit une zone d'échanges
organisés qui doit évoluer vers l'union douanière dans un délai de
douze ans (24 bis). Monsieur Abdoulaye KONE secrétaire d'Etat chargé
du budget de Côte d'Ivoire en 1975, indiquait cette différence: les
deux organisations ont les mêmes objectifs "mais alors que la C.E.D.E.
A.O. commence par un système de préférence généralisée, la C.E.A.O.
prévoit au contraire un système de préférence sélectif basé sur la
volonté de création d'une zone d'échange organisée et également sur la
volonté de promouvoir une politique concertée de développement économi-
que régionale et équilibrée" (25).
Pour M. Gautron (26), la C.E.A.O. est un accord régional préférentiel,
troisième type de groupement propre aux pays en voie de développement,
qui, bien que n'entrant pas dans la qualification juridique- de
l'Article XXIV § 8 du G.A.T.T., a été admis parce que la zone de libre
échange et l'union douanière se sont avérées inadaptées dans les
rapports entre ces pays. La zone de libre échange a elle seule ne
suffit pas pour renverser l'extraversion structurelle des échanges.
L'union douanière immédiate à l'inconvénient de priver les Etats des
ressources budgétaires constituées pour une part importante des recettes
douanières venant des échanges extra-communautaires. Elle risque en
plus, en l'absence d'une planification industrielle régionale, d'aggra-
ver les inégalités de développement entre pays membres. "Accord préfé-
rentiel" ou "zone de libre échange", l'autre volet de l'édifice de
l'union économique future est la coopération économique sectorielle
à laquelle participe le F.C.D.
(24 bis) L'union douanière est prévue pour 1986.
(25) Le Moniteur Africain du 6 Février 1975 nO 697 P.6.
(26) J. Cl. Gautron AFDI,1975, P.207.

- 208 -
r~!~g!~Eh~_!Y_:_~~_~QQE§!~~!Q~_§~Q~Q~!g~~
La première mission des organisations régionales dans les
\\
pays en voie de développement étant d'amener les Etats à mettre en
commun leurs moyens, au niveau de la C.E.A.O. cette solidarité de
moyens financiers se manifeste d'abord dans les contributions au
budget du secrétariat et à celui du F.C.D.
1) Les ressources de la C.E.A.O.
a) Le budget du secrétariat est alimenté par :
- des contributions annuelles des Etats arrêtées par la
conférence des chefs d'Etat suivant une clef de répartition fixée pour
une période de cinq ans à compter de la date d'entrée en vigueur du
traité : cette répartition donne pour chaque Etat :
C6te d'Ivoire
35,1 %
Haute-Volta
6,4 %
Mali
8,5 %
Mauritanie
5,3 %
Niger
9,6 %
Sénégal
35,1 %
- des subventions' accordées par les Etats membres, les Etats
non membres, les organismes d'aide et de coopération
- les produits des emprunts émis ou contractés par le C.E.A.O.
~ les revenus des biens de la C.E.A.O.
- les excédents éventuels des gestions précédentes (27).
(27) Le budget du secrétariat pour sa première année d'activité, a été, en 1974
de 750 millions CFA dont 450 millions pour la construction de l'immeuble C.E.A.O.
Pour 1975 l'ensemble du budget s'élevait à 886 591 CXXl CFA, dont pour le budget
de secrétariat: 359 791 CXXl, pour le budget d'investissement: 526 800 000.
Il était de 1 426 millions en 1976, et 1 198 millions en 1977.

- 209 -
b) Le F.C.D. dont le montant est arrêté annuellement par la
conférence des chefs d'Etat en fonction des prévisions sur le montant
global des moins values appelées à résulter pour chaque Etat membre de
l'application de la T.C.R., est alimenté par une contribution de chaque
Etat calculée en fonction de sa participation aux échanges de produits
industriels de l'ensemble des Etats membres à destination des autres
Etats membres (27 bis). Cette contribution est versée par un prélève-
ment effectué sur l'ensemble des recettes liquidées et perçues à
l'importation par les administrations douanières de chaque Etat membre.
Ce prélèvement correspond à un pourcentage desdites recettes fixé
annuellement par la conférence des chefs d'Etats (Tableau page 210).
Le F.C.D. peut aussi recevoir le produit de toutes autres ressources
qui lui sont affectées.
A la différence du fonds d'entraide du conseil de l'Entente et du
fonds de coopération de compensation et de développement de la
C.E.D.E.A.O., le F.C.D. de la C.E.A.O. ne fonctionne ,pas comme un
organisme autonome.
2) Les activités de développement communautaire
La deuxième tâche du F.C.D. après les versements compensa-
toires est de financer les dépenses résultants des études et actions
communautaires en matière de coopération régionale, en particulier
celles menées par les organismes spécialisés. Un tiers du montant du
F.C.D. est consacré à cette tâche. En ce domaine les interventions du
fonds peuvent être multiples ; elles peuvent notamment prendre la forme
de contrats et marchés d'études, de fournitures et de travaux, de
subventions, de participation au capital de sociétés, de prêts à moyen
et long terme, d'avals et de bonifications d'intérêts. Le F.C.D. peut
intervenir seul ou conjointement avec d'autres organismes de financement extérieur.
Mission a été confiée au secrétaire général de rechercher et de
coordonner les sources de financement.
(27 bis)
Article 34.

- 210 -
Tableau du pourcentage de participation des Etats au fonds
(F.C.D.)
pour 1975, 1976, 1977 (Prévision)
1975
1976
1977
.
.
(M. Fr CFA)
: subvent ,"
clé
: M:>ntant
: M:>ntant
%
. clé
: M:>ntant
suppl.
: rêpart ,
recettes: répart.
(1 )
:
..
Côte d' Ivo ire
524,8
52,6
: 60,76 %
1 385,7
2,2066% : 61,464
791,4
Haute-Volta
16,2
9,6
: 1,321 %
30,1
0,3331% : 3,518
45,3
Mali
56,7
12,7
:1,559 %
35,1
0,5723% : 1,324
17
Mauritanie
0,4
7,9
: 1,008 %
0,2
0,0017% : 0,038
0,5
Niger
6
14,4
: 0,427 %
9,7
0,1174%: 0,535
6,9
Sénégal
300
52,6
: 35,92 %
819,3
2,9261%: 33,121
426,4
Total
100
904,7
150
100
2 280
100
:1287,6
(1) taux de prélèvement sur l'ensemble des prévisions de recettes à l'importation.
Source: Bulletin de l'Afrique Noire nO 936 du 30 Novembre 1977.
Accords TCR pour 1976
.
Pays
nombre
nombre
pourcentage:
d'usines
de la produc-:
de produtis
tion
Côte d'Ivoire
81
269
47,4
Sénégal
52
217
38,3
Haute-Volta
6
17
3
Mali
10
43
7,6
Niger
5
21
3,7
Mauritanie
Total
154
567
100

- 211 -
Les interventions du F.C.D. sont nécessairement modestes compte tenu
de la part de son budget qui y est consacré. De même ses avals ne
pouvaient pas présenter le même attrait que celui du fonds d'entraide
du conseil de l'Entente.
Pour combler ces faiblesses, un fonds de solidarité et d'intervention
pour le développement de la communauté (F.O.S.I.D.E.C.) a été créé
en Juin 1977. Organisme distinct du F.C.D., le F.O.S.I.D.E.C. a la
double fonction de :
- garantir les emprunts des pays enclavés sur les marchés
extérieurs et favoriser la création d'activités grâce à des subventions,
des prêts et des prises de participations
- participer aux entreprises à vocation communautaire dont
la dimension économique s'inscrit dans le cadre d'une politique de
développement social (28).
Les Etats membres de la C.E.A.O. se sont engagés à harmoniser les
conditions faites aux investissements. Cette mesure risque d'être
inopérante dans le cas où elle vise une bonne répartition des investis-
sements dans les Etats membres car comme nous l'avons vu en ce qui
concerne le conseil de l'Entente les mesures communes d'incitation des
investissements ou autresn~ontpas les mêmes effets pour chaque Etat
membre "l'harmonisation du statut des investissements ne se confond
pas avec une politique de la localisation des investissements. Au
contraire l'alignement des avantages a pour effet que la localisation
est effectuée en fonction de critères objectifs: infrastructures,
main d'oeuvre, approvisionnement, industries déjà existantes" (29).
Les codes des investissements en vigueur dans les Etats membres sont
comparables, cela n'a pas eu une grande incidence sur la localisation
des entreprises étrangères qui se sont installées surtout en Côte
d'Ivoire et au Sénégal. Tout de même cette harmonisation présente
l'avantage de ne pas offrir un visage de désunion dans l'effort de
développement en se faisant une concurrence ouverte dans les relations
avec les investisseurs,
(28) le F .O,S, I.D.E.C, est entrée en vigueur en Janvier] 979 "Jeune Afrique"
nO 945 du ]4.2,79 PP 57~60.

- 212 -
Le secrétaire général a été chargé de proposer dans les trois
années qui suivent la date d'entrée en vigueur du traité, un projet
de programme d'industrialisation à l'échelle régionale et un projet
de statut type de société pluri-nationales. Il est aussi chargé
d'étudier en liaison avec les organismes nationaux et sous-régionaux,
des politiques et actions communautaires dans les différents domaines
de l'activité économique: recherche scientifique et technique, énergie,
agriculture, industrie et mine, tourisme, etc. (30).
Quelques projets communautaires ont été lancés par le
secrétariat général avec des financements du fonds.
AInsi en matiêre d'agriculture le fond a financé une étude
sur la recherche agronomique pour un coat de neuf millions de francs
CFA, une étude sur la production, la commercialisation et la distri-
bution des facteurs de production (engrais, pesticides, matériels
agricole) dans les Etats membres pour une somme de sept millions cinq
cent milles francs CFA et financé la création d'une station de
quarantaine des plantes dans la zone soudane-sahélienne pour la commu-
nauté à Maradi (Niger) pour un coat de cent cinquante et cinq mille
francs CFA.
En matière de transports le fonds a financé des études visant à la
création d'une société communautaire d'approvisionnement et de
distribution de produits pétroliers au niveau de la communauté (vingt
cinq millions cinq cent mille CFA) et à la création d'une société
communautaire des transports maritimes et fluviaux (dix huit millions
CFA) •
(30) Article 21. Dans ce cadre, un progranune triennal de développement de la
communauté (]978-81) prévoit cinq réalisations: - un centre régional de
recherche en énergie solaire au ~œli ; - une société communautaire d'armement,
d'achat et de commercialisation des produits de pêche en Mauritanie; - un
centre de formation supérieure pour la pêche également en Mauritanie ; - une
école supérieure de la géologie et des mines au Niger ; - un centre africain
de management au Sénégal.
Cf. "Lettre d'infonnation" Jeune Afrique nO 945 P. 58.

- 213 -
Dans le domaine de l'élevage, il a financé avec une subvention
de quatre cent cinq millions CFA, l'équipement de marchés à bestiaux
dans les Etats membres (31) ce projet vise à instaurer un cours du
bétail sur toute l'étendue du territoire de la communauté (32). Il est
intervenu pour le financement de projets nationaux dans les Etats les
moins développés : programme de production certifié d'arachide en
République de Haute-Volta, création d'un centre régional d'hydrologie
et d'hydraulique appliqué à Bamako (Mali). En faveur de la Mauritanie
il a financé un projet de prévulgarisation de bananes et ananas et un
projet de création de deux pépinières. Ce programme a pour but de freine
l'avancée du désert par une politique de reboissement.
La C.E.A.O. a au moins enregistré, par rapport à l'U.D.E.A.O., un
succés au niveau des développements institutionnels. Les institutions
même réduites de l'U.D.E.A.O. n'avaient pas fonctionnées de façon
satisfaisante. Mais la mise en place du dispositif est encore récente
pour constituer un indice d'optimisme car "un indice d'institutionali-
sation n'équivaut pas automatiquement à un progrés dans la coopération
économique ou technique ; il indique parfois une accélération du pro-
cessus de politisation des relations inter-étatiques dans la région
considérée ll or du fait même de l'existence de plusieurs groupements
en Afrique de l'Ouest, ce processus de politisation pour chaque
organisation est inévitable si elle n'est une condition de sa survie.
Même dans l'ordre interne à la C.E.A.O., les problèmes politiques ont
précisément été l'un des premiers auxquels elle a été confrontée. Dès
la première conférence des chefs d'Etat, les travaux avaient été dominés
par le problème du conflit frontalier entre la Haute-Volta et le Mali qu
a failli paralyser l'organisation (33). Cet écueil semble avoir été
surmonté à défaut de solution définitive
• La baisse des tensions
politiques a été ponctuée par la signature d'un accord de non-agression
et l'adoption du fonds de solidarité en Juin 1977 lors de la réunion
des chefs d'Etat tenue à Abidjan.

- 214 -
Sur le terrain économique les effets de cette solidarité ne peuvent
être jugés qu'à long terme. Les mesures traduisant l'esprit de
solidarité (système de compensation, fonds de solidarité) pourront-elles
remédier aux éventuels déséquilibres résultant des différences d'avan-
tages que peut tirer chaque Etat de la constitution d'un groupement
économique? Sur ce point le clivage au sein de la C.E.A.O. entre
pays relativement riches et ceux les plus démunis est significatif :
il exprime la crainte que le "développement harmonieux" soit une
illusion. La priorité accordée aux "Etats enclavés" dans les interven-
tions sommes toutes modestes du F.C.D. ou du F.O.S.I.D.E.C. pour
réaliser des projets nationaux', les tarifs préférentiels concédés à
ces pays lors de la détermination des taux de la T.C.R. peuvent s'avérer
insuffisantes pour compenser les avantages de la situati6n économique
d'ensemble de la Côte d'Ivoire et du Sénégal pays dont les industries
sont plus aptes à tirer partie de la règlementation communautaire
comme l'atteste le tabeau des accords de TCR
. Certes la survie
et la consolidation d'une union économique ne dépend pas seulement
de l'égalité d'avantages - toujours relatifs -, mais l'expérience
montre que la réciprocité d'intérêts est le premier point d'achoppement.
(31) Les chiffres sont tirés du docuernnt du secrétariat général "Faites connaissance
avec la C.E.A.O.".
(32) Un accord sanitaire en matière de bétail et de viande a été adopté en 1975.
Décision nQ 6 CM/75 J.O. du 13 Décembre 1975.
(33) Les premières réunions du conseil des ministres et de la conférence des chefs
d'Etat qui avaient été prévues successivement les 20 et 21 Janvier 1975 et les
22 et 23 Janvier 1975 n'avaient pu se tenir suite à ce conflit.



- 214 bis -
Section III - L'autorité de developpement intégré du
Liptako-Gourrna
L'autorité du Liptako-Gourma a été créée le 3 Décembre 1970
sous la forme d'un établissement public doté de la personnalité civile
et de l'autonomie financière. Elle est entrée en fonction le 3 Juin
1971 (1). Cette organisation couvre la région ou les.!rois pays - le
~ ~O() t ies
Mali, la Haute-Volta, le Niger, sont frontaliers~Etats d'Afrique
occidentale dépourvus de débouché sur la mer. Son but est d'oeuvrer
à la mise en valeur des richesses du sol et du sous-sol de la région,
de lutter contre la sécheresse et la dlsertification.
Elle est dotée d'institutions légères comprenant un conseil de minis-
tres et un directeur général. Ses moyens d'action pour la mise en
valeur des ressources de la zone délimitée consistent à faire des
études, à rechercher les sources de financement pour les projets
concernant .l'infrastructure, l'énergie, les mines, l'élevagen l'agri-
culture, l'hydraulique et la pêche, à rechercher ou à ·mettre sur pied
des sociétés qui participeront à la réalisation des projets.
La première session du conseil des ministres tenue à Bamako les
2 et 3 Juin 1971 avait arrêté la première tranche du programme d'actions
prioritaires. C'était surtout une tranche d'études :
- sur les transports routiers et ferroviaires dans la zone
de recherche géologiques et minières
- d'études hydrogéologiques et hydraulique
Ce programme de coopération entre les trois Etats qui connaissent le
même problème de désenclavement n'a pas progressé. Au regard de la
diversité de son domaine d'action, "L'Autorité"dispose de moyens fort
modestes. Quelques accords avaient été signés avec la C.E.A., le
P.N.U.D., la B.A.D. L'Agence Canadienne pour le Développement (A.C.D.I.)
devait financer l'établissement d'un programme d'évaluation et
d'exploitation du potentiel minier de la zone.

- 214 ter -
D'une part à la faiblesse de ses moyens financiers et au manque de
personnel, s'est ajouté un facteur qui devait mettre l'organisme en
sommeil : le refroidissement des relations entre la Haute-Volta et
le Mali suite au conflit frontalier entre ces deux pays en Décembre
1974.
D'autre part l'Autorité du Liptako-Gourma intervient dans des
domaines couverts par l'activité de plusieurs organisations de
coopération. Certaines de ses activités pourraient aussi bien être
conçues dans le cadre de la C.E.A.O. ou de la commission du fleuve
Niger dont tous trois sont membres. Il en est ainsi par exemple du
projet d'aménagement du bief fluvial de Tombouctou sur le Niger.
(1) Voir - Europe-France~tre-Mer nO 499-500 AoUt-Septembre 1971 P. 49
- le MOniteur Africain nQ 649, 7 Mars 1974
- A. Zoumgrana thèse op.cit P. 214
- Talata KAFANDO "coopération régionale le cas du Liptako-Gourma
GERES, Revue F.A.O. sur le développement Janvier-Février 1974 pp 37 ets .


- 215 -
CHAPITRE II - LES INSTITUTIONS FLUVIALES
L'utilisation et la gestion des fleuves internationaux sont
des pièces importantes des relations interafricaines après les indépen-
dances politiquesadeux points de vue
- le premier, d'ordre économique, tient à la fonction
économique des fleuves. Le régime juridique des fleuves internationaux
est aujourd'hui dominé par les impératifs de fourniture d'eau (1) or
pour des raisons climatiques, l'eau est d'un intérêt crucial dans
la promotion du développement en Afrique aussi bien dans les domaines
traditionnels de l'agriculture et de l'élevage que dans les domaines
nouveaux d'utilisation, apparus avec le progrès technique tels l'aména-
gement hydro-électrique, les usages domestiques et industriels.
- le deuxième point, indissociable du premier, est de nature
politique. Le fleuve international créé une "dépendance physique
permanente" (2) entre les Etats voisins. Il en résulte pour ces Etats,
la nécessité d'une coopération dans l'aménagement du bassin fluvial.
Cette coopération est d'abord nécessaire en vue de surmonter les
problèmes juridiques et sociaux que pose l'exploitation du fleuve:
respect de la souveraineté
et des intérêts réciproques. des Etats.
Ensuite cette coopération est rendue nécessaire par le fait que ces
pays ne disposent pas individuellement, des moyens techniques et finan-
ciers pour l'exploitation maximale de ce potentiel économique.
Cette dépendance physique crée des réalités sociales sur lesquelles,
les Etats africains à la recherche de bases d'unification, peuvent se
fonder pour développer et consolider la solidarité panafricaine.
(1) Voir Claude Albert Colliard "Evolution et aspects actuels du régime juridique
des fleuves internationaux".
Académie de Droit international. Recueil de Cours 1963, 3ème volume PP 345-442.
(2) Institut de Droit International session de Madrid 1911 cité par M. Cyrille
SAGBO "Le régime juridique du bassin du fleuve Niger" thèse doctorat de troisième
cycle spécialité ~ Droit de la coopération internationale. Toulouse Juin 1972 P 18.
Voir aussi annuaire de l'I.D.I. Tableau général des résolutions de 1873 à 1956
P. 70. Revue générale de droit international public XVIII, 1911 PP 621-653 com-
mentaires de Charles Dupuis.

- 216 -
Ainsi, autour des fleuves internationaux ont été crées des groupements
régionaux qui s'inscrivent dans le régionalisme africain au même titre
que ceux nés des affinités politiques ou de l'existence de courants
d'échanges. Mais avant d'examiner les institutions fluviales créées
dans l'Afrique de l'Ouest (Section II), nous analyserons d'abord le
régime juridique des fleuves africains (Section 1).
Section l - Le régime juridique des fleuves africains
Le droit international fluvial
est une pièce du droit international
public. D'une part, le fleuve en tant que frontière territoriale
dans certains cas, soulèvt~ des' difficultés de détermination et de
respect de cette froniière. Des difficultés peuvent survenir â la
suite de modification du cours du fleuve par des phénomènes géogra-
phiques naturels : alluvionnement et érosion, changement de lit. Il
peut alors se poser un problème dans le tracé de cette frontière.
D'autres problèmes peuvent naître aussi des revendications de souverai-
neté sur les ilôts situés à l'intérieur d'un fleuve international (3).
D'autre part, les fleuves présentent pour les Etats, de grands intérêts
principalement pour l'irrigation, la navigation ou les usages indus-
triels. D'où l'intérêt pour chaque Etat de procéder â des aménagements
du fleuve en fonction de ses besoins. Il apparaît alors une discordance
d'intérêts dans la mesure où les aménagements apportés par un Etat
peuvent porter préjudice aux autres Etats concernés, en rendant le
fleuve impropre aux utilisations que ces Etats le destinaient. Dans ce
cas, peut-on interdire à cet Etat de procéder â des aménagements
sur une portion de son territoire ou reconnaître un principe que le
droit international public consacre, celui de la souveraineté absolue
de l'Etat sur son territoire? "Le principe de base du droit interna-
tional disent Monsieur Serge Sur et autres, est celui de l'égalité
souveraine des Etats: ils sont souverains en ce qu'aucun d'entre eux
ne peut juridiquement imposer sa volonté à un autre lJ (4).
(3) P. Reuter: Droit international public, Paris P.U.F. 1973, P. 139 et P. 271
Sur l'affaire de l'île de Lété. Voir Djibrilla MAlGA : Le régime juridique du
bassin du fleuve Sénégal. Thèse Toulouse 1969. BANGOURA rvIalick "Le régime
juridique du Niger, fleuve international. Thèse droit Aix, 1967.
(4) Hubert THIERRY, Serge SUR, Jean Ca.'IBACAU, Charles VALLEE : Droit international
Public ed. Montchrétien, Paris, 1975, P.16.

-
217 -
L'utilisation des fleuves selon un collège d'experts de l'O.N.U.,
donne lieu à des différends et pose des questions auxquelles les
"principes reconnus du droit international n'offrent pas le moyen
de résoudre" (5). En cette matière les règles de droit international
sont insuffisantes. Cette insuffisance dit M. Colliard "apparaît-elle
tout à la fois comme une insuffisance due à ce que les problèmes qui
se posent ne sont pas uniquement juridiques et à ce que les règles
juridiques existantes sont inadaptées" (6).
La commission du droit international de l'O.N.U. a eu à se pencher sur
ce problème. Le 5 Octobre 1959, le délégué de la Bolivie à l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. avait déposé un projet de résolution tendant à
demander à la commission du droit international d'inclure parmi ses
travaux la codification des règles relatives à l'utilisation et l'exploi
tation des voies d'eau internationales et la navigation sur celles-ci
et à chargé le secrétaire général d'entreprendre en collaboration avec
la commission un recensement, une classification et une analyse des
pratiques juridiques en matière d'utilisation des fleuves internationaux
Devant les critiques et les réserves des autres délégués, le délégué
de la Bolivie modifia son projet de résolution et le texte modifié fut
adopté le 1er Novmebre 1959.,Cette résolution priait le secrétaire
général de préparer et communiquer aux Etats un rapport contenant divers
renseignements juridiques et constituant une base de documentation.
Cette documentation fut publiée le 15 Avril 1963 par le secrétariat
général de l' O. N. U. (7).
(5) C.A. Colliard op. cit P. 351.
(6) Ibid P. 351.
(7) Document A/'5409 Publication des Nations Unies 58/II/B/3.

- 218 -
E~!~g!~Eh~_!_:_§~~~!~!!!~~
S'il est ~ne pièce du droit international public, le droit
international fluvial présente par rapport à celui-ci des traits
particuliers que l'on retrouve dans l'étude du problème de l'aménage-
ment des fleuves africains. Le droit international fluvial dit M.Colliard
est dominé par les notions de relativité ou spécificité et de fina-
lité (8).
A - Evolution
1) Le premier trait particulier du droit international fluvial
est l'absence de solution générale applicable dans le temps et dans
l'espace. Il a subi une double évolution sur le plan de l'utilisation
et sur celui de l'étendue physique. La définition classique du fleuve
international donnait une primauté à la navigation. Etaient désignés
sous le nom de fleuves internationaux "les cours d'eau qui, dans leur
cour naturellement navigable, séparent (fleuves contigus) ou traversent
(fleuves successifs) les territoires dépendant de plusieurs Etats" (9).
Cette définition mettait l'accent sur deux critères: un critère
géographique (fleuve séparant ou traversant des Etats) et le critère
de la navigabilité. La navigation était la seule fonction économique
prise en compte pour soumettre un fleuve au régime de l'internationali-
sation.
Le congrès de Vienne du 9 Juin 1815, dont les tâches étaient de fixer
les principes du statut du Rhin et d'élaborer les dispositions généra-
les applicables à tous les fleuves internationaux, précisait dans
l'article 8 de l'acte final que IIl e s puissances dont les Etats sont
séparés ou traver~és par une même rivière navigable s'engagent à régler
d'un commun accord tout ce qui a rapport à la navigation sur cette
rivière ll , L'article 9 de l'acte final posait le principe de la liberté
(8) C.A. Colliard op.cit P. 353.
(9) Ch. Rousseau, Droit international public 8e édition Dalloz 1976 P. 203.

- 219 -
de navigation dans tout le cours du fleuve internationalisé. De
nombreuses conventions avaient confirmé la tendance à l'internatio-
nalisation dans le but d'assurer la liberté et l'égalité de traitement
en matière de navigation: la convention de Mayence du 31 Mars 1831
relative au Thin, le traité de Paris du 30 Mars 1831 et l'acte de
navigation du 7 Novembre 1857 relatifs au Danube, la convention de
Mannhein du 7 Novembre 1857 relative au Rhin, etc. En ce qui concerne
les fleuves africains
l'acte général du congrès de Berlin du 26 Février
t
1885 (Chapitre IV et V), la déclaration et l'acte général de Bruxelles
du 2 Juillet 1890 et la convention de Saint-Germain-en Laye du la Sep-
tembre 1919 portent sur la navigation sur le Congo et le Niger.
Au XXème siècle il s'est produit un changement en ce qui
concerne les utilisations possibles des fleuves. La navigation a perdu
sa primauté.
La convention de Barcelone du 20 Avril 1921 déclare internationalisés
tous les fleuves qui remplissent certaines conditions. Ce système
d'internationalisation statutaire rompt avec les pratiques antérieures
de l'internationalisation par convention spéciale.
La convention de Barcelone substitue l'appelation de fleuves interna-
tionaux par "voies navigables d'intérêt international". La navigation
reste dans cette convention, une considération essentielle mais non
exclusive car la convention introduit la notion de principale fonction
économique. L'article JO § 6 de la convention dispose qu'un Etat peut
désaffecter une voie navigable si la navigation est peu développée et
"s'il justifie d'un intérêt économique manifestement supérieur à celui
de la navigation" (la).
(la) C. Sagbo op.cit P.J3.

- 220 -
La convention de Genève du 9 Décembre 1923 qui a essayé de déterminer
les conditions générales d'aménagement hydraulique intéressant plusieurs 1
Etats, dissocie les problèmes de la navigation et de l'utilisation
industrielle en prévoyant en son article 8 que "les droits et obliga-
tions qui pourraient résulter d'accords conclus sur la base de la
convention de 1923 ne devrait être entendus que sous réserve des droits
et obligations résultant de la convention générale de Barcelone et des
actes particuliers conclus ou à conclure régissant les voies naviga-
bles" (11).
Ces conventions susceptibles de généralisation ont marqué de nouvelles
étapes, mais il n'y a pas de solutions générales consacrées par les
traités bilatéraux et régionaux ou la jurisprudence. "L'essentiel du
droit fluvial conventionnel est constitué par un nombre considérable
de traités, conventions, accords portant sur des fleuves individualisés
et ayant chacun un caractère spécifique" (12).
2) La seconde particularité du droit international fluvial
a trait à sa finalité.
Les considérations économiques ont aujourd'hui pris le pas sur les
considérations juridiques tels les problèmes de souveraineté et
d'intégrité territoriale (13). Les mécanismes juridiques sont au servi-
ce de l'aménagement économique national et international. Ainsi les
possibilités d'utilisation des fleuves au service du développement
s'étant considérablement étendues, il en est résulté un élargissement
de la notion de fleuve international ou eaux internationales sur le
plan de l'étendue physique.
(11) Voir Claude Albert Colliard "Evolution et aspects actuels du régime juridique
des fleuves internationaux".
Académie de droit international Recueil des Cours, 1968, 3ème volume P. 365.
(12) C.A, Colliard Ibid P. 354,
(13) Sur les considérations juridiques touchant à la souveraineté et l'intégralité
territoriale voir Cyrille SAGRO op.cit pp 22 et s.

- 221 -
Les solutions dégagées par la doctrine et la pratique ont été
guidées par le souci du développement et de la coopération. Sur ce
plan les régimes juridiques des fleuves africains sont conformes aux
principes modernes du droit international fluvial. Ceci s'explique
par le fait que sauf en ce qui concerne le fleuve Congo, les statuts
actuels des fleuves et lacs africains sont récents. Les Etats africains
ont pu s'inspirer de ces principes. La participation des experts inter-
nationaux dans l'élaboration de ces statuts a de même contribué à
l'intégration des notions modernes dans le régime juridique des fleuves
africains.
B - Les principes modernes d'utilisation des fleuves
internationaux
Certains principes etthéories ont été consacrés par la
doctrine et la pratique. Ce sont essentiellement le principe de
l'utilisation commune de la pluralité d'utilisation, le principe de
l'utilisation innocente, la théorie du bassin intégré. Ces notions
dont nous donnerons quelques précisions se retrouvent dans les statuts
des fleuves africains.
1) L'utilisation commune
La "doctrine Harmon" du nom de l'attorney général des Etats
Unis d'Amérique qui, dans un avis donné à propos d'un litige opposant
son pays et le Mexique sur l'utilisation des eaux du Rio-Grande, soutint
la théorie de la souveraineté territoriale absolue, est aujourdh'ui
rejetée. Selon l'attorney général, dans sa déclaration en 1895, les
principes et les précédents qui existent en droit international
n'imposent aucune obligation ni restriction dans l'utilisation des eaux
du Rio-Grande ; admettre des restrictions serait contraire à la souve-
raineté des Etats Unis sur son territoire national. Seuls quelques
auteurs ont soutenu cette théorie aujourd'hui rejetée par la jurispru-
dence et la pratique. Les Etats Unis l'ont récusé en 1961 dans un traité
conclu avec le Canada. En Afrique, l'Ethiopie a soutenu la "doctrine
Harmon" lors des négociations Soudano-Egyptionnes sur le partage des
eaux du Nil, en 1959 (14). L'accord Soudano-Egyption du 8 Novembre 1959
a opté pour la solution du partage des eaux.
(14) C. Sagho op.cit P 25.

- 222 -
2) Une pluralité d'utilisation
La doctrine ne considère plus la navigation que comme une
utilisation parmi tant d'autres. Une résolution de l'Association de
droit international (A.D.I.) en sa conférence de Dubrovnik en Août 1956,
invite les Etats à "ne négliger aucune des utilisations possibles de
l'eau" (15). Mais l'A.D.I. n'établit pas une hiérarchie des diverses
utilisations. Lors de sa session d'Helsinki en Août 1966, l'article 6
des "règles d'Helsinki" précise "qu'aucune utilisation ni type d'utili-
sation ne recevra de préférence de principe par rapport à d'autres
utilisations ou types d'utilisations" (16). L'A.D.I. consacre ainsi le
rejet de la primauté de la navigation et la variabilité des priorités
des usages des bassins .ou partie d'un même bassin.
Les conventions notamment les textes africains opèrent des classifi-
cations ou plutÔt une énumération des usages sans un stricte ordre
de priorité. La navigation reste une préoccupation vu la faiblesse
actuelle des voies de communication inter-étatiques ou internes, mais
elle est reléguée au second plan par rapport à d'autres usages écono-
miques. Ceci d'autant que les fleuves africains s'offrent peu à la
navigation sans de grands travaux d'aménagement, soit que leurs cours
sont irréguliers suivant les saisons, soit qu'ils sont entrecoupés
de chutes.
L'article 4 de la convention du 22 Mai 1964 relative au lac Tchad
donne une énumération des usages qui relègue la navigation en dernière
position dans son utilité économique (17)
:
- usage domestique
- usage industriel et agricole
- collecte de la faune et de la flore
- navigation: dans l'article 7,
(15-16) C. Sagbo Ibid P 15.
(17) J. C. André HL' évolution du statut des fleuves internationaux d'Afrique Noire".
Revue juridique et politique 1965 pp 285-310,
Textes de la convention et du statut relatifs à la mise en valeur du bassin
du Tchad pp 306-309.

- 223 -
L'article 3 du statut du fleuve Niger cite les domaines d'exploitation
en commun sans que cela soit un ordre de préférence "l'exploitation
dudit fleuve s'entend au sens large et a trait notamment à son utili-
sation agricole et industrielle, à la collecte des produits de sa faune
ou de sa flore. Son utilisation comme voie navigable est régie par
les dispositions du titre III du présent statut".
Certaines conventions précisent l'ordre de priorité. Elles
consacrent ainsi la perte de la primauté de la navigation et le carac-
tère variable des usager économiqqes selon les fleuves ou voies d'eau.
Dans le traité de Washington du 14 Novembre 1944 conclu entre les U. S.A
et le Mexique, relatif à l'utilisation des eaux du Colorado, de la
Tijuana et du Rio-Grande, l'article 3 indique un ordre de priorité à
la "commission des frontières et des eaux internationales des Etats
Unis et du Mexique" (18).
L'accord de Montévidéo du 30 Décembre 1946 entre l'Argentine et
l'Uruguay procède de la même manière et indique à la commission techni-
que mixte un ordre de priorité. De nombreux travaux portant sur
l'aménagement des fleuves internationaux ont été menés sous l'égide
de l'O.N.U •• Un texte préparé par des experts de l'O.N.U. présente
comme ordre de priorité (19)
:.les usages domestiques
.la navigation
.lutte contre les inondations
.hydro-électricité
.usages agricoles et irrigation
(18-19) SAGBO op.cit pp 16-17.
Voir M.A. Novales Santa-Coloma "Le régime juridique des fleuves interna-
tionaux, Bravo (Grande) Colorado et Tijuana, Thèse Toulouse 1970.

- 224 -
La Hierarchisation des utilisations faite par les conventions
tient compte de la nature du bassin considéré - selon qulil sloffre
mieux à tel ou tel usage -, et elle slaccorde au principe de llutilisa-
tion commune qui appelle dlune part qu'un projet dlaménagement interes-
sant un Etat ne porte pas préjudice pour les autres Etats du bassin -
clest le problème des modifications préjudiciables ou de llutilisation
innocente - dlautre part les projets doivent être élaborés dans l~ptiqu
dlune exploitation rationnelle du potentiel économique des eaux. De
cette exigence est née la théorie du bassin intégré.
Sur ces points les solutions ~écentes dégagées par la doctrine ont
reçu application dans les conventions règlementant les régimes juridi-
ques des fleuves internationaux africains.
3) Utilisation non dommageable
LI Institut de Droit International (I.D.I,), considérant la
IIdépendance physique permanente" des riverains, avait énoncé dans sa
déclaration de Madrid en 1911, divers règles dlutilisation innocente.
Un Etat riverain "ne peut, sans llassentiment de llautre, et en llab-
sence d'un titre juridique spécial et valable y apporter ou y laisser
apporter par des particuliers, des société~/etc. des changements
préjudiciables à la rive de llautre Etat, D'autre part, aucun des deux
Etats ne peut, sur son territoire, exploiter ou laisser exploiter lleau
dlune manière qui porte une atteinte grave à son exploitation par
llautre Etat ou par les particuliers, sociétés, etc. de l'autre ll (20).
En sa session de Salzbourg en 1961, l'I.D.I. adopta une résolution
déclarant que "tout Etat a le droit dlutiliser les eaux qui traversent
ou bordent son territoire sous réserve des limitations imposées par le
droit international,., ce droit a pour limite le droit d'utilisation
des autres Etats intéressés au même cours d'eau ou bassin hydrographi-
que" (21).
(20) Sagbo op,cit P, 3Q, C. Dupuis RGDIP 1911 P. 648.
(21) C.A. Colliard op,cit P. 378, annuaire de l'LD.L 49.II.1961
session de
Salzbourg pp 84-192.

- 225 -
L'.A.D,I. en sa session de Dubrowick de 1956 est allé dans le même
sens. Le point IV de sa déclaration pose le principe de la consultation
préalable entre les Etats concernés. Au cas ou un accord n'aurait pas
été trouvé, ils doivent se référer à une commission technique et en
l'absence de solution, recourir à un arbitrage.
La jurisprudence de son cÔté consacre ce principe de l'utilisation non
dommageable. La sentence arbitrale du 16 Novembre 1957, dans l'affaire
du lac Lanoux opposant La France et l'Espagne a décidé que l'Etat
d'amont (la France) doit tenir compte, de tous les intérêts qui risquent
d'être affectés par les travau~ entrepris, de montrer un souci réel
de concilier les intérêts de l'autre riverain avec les siens propres (22)
Dans la pratique les conventions et accords affirment ce principe.
Notons que lors des travaux préparatoires sur le régime juridique du
fleuve Niger, le comité consultatif du Niger crée en 1961 avait demandé
à l'O.N,U., le concours d'un expert hydrologue pour effectuer une
enquête sur l'incidence pour les Etats, des projets d'aménagement en
cours ou envisagés par certains d'entre eux notamment sur les importants
travaux envisagés par le Nigéria (23).
Concernant le dommage pouvant être causé aux autres Etats,
on y entend généralement les modifications du cours des eaux, les
modifications quantitatives (débit) et qualitatives (cas qe pollution).
La notion de pollution a été précisée par la commission économique des
Nations Unis pour l'Europe: "un cours d'eau est considéré comme pollué
lorsque la composition ou l'état de ses eaux est, directement ou indi-
rectement modifié du fait de l'activité de l'homme dans une mesure
telle que celles~ci se prête moins facilement à toutes utilisations
auxquelles elles pourraient servir, à leur état naturel ou a certaines
d'entre elles" (24). Le problème de la pollution a été abordé par
l'I,D,I. lors de sa session de Dubrowick dans son principe nO 6 et par
l'A.D.I, lors de la session d'Helsinki de 1966 dans l'article 9, On
retrouve cette préoccupation dans le statut du Niger en son article 4
et dans celui du Sénégal en son article 3,
(22) Sur l'affaire du Lac Lanoux: Djibrilla MAlGA "Le régime juridique du bassin du
fleuve SénégallJ • Thèse Toulouse 1969 PP119 ets,
Gervais André
"Etude critique de la sentence arbitrale l'affaire du Lac Lanoux"
AFDI 1960 P 372-434. Duléry Françoise "L'affaire du Lac Lanoux" RGDIP 1958
pp 469-516

- 226 -
4) La théorie du bassin intégré
base d'une promotion
du développement en commun
Au fur et à mesure que la navigation perdait le rôle
économique primordial, il y a eu une extension physique du fleuve
international. Celui-ci n'indique plus seulement le cours d'eau princi-
pal mais aussi les affluents, sous affluents, canaux, eaux souteraines.
A la place de fleuve international apparaissent d'autres notions telles
que : "bassin international de drainage" "bassin hydrographique inter-
national" ou "système fluvial". La notion de bassin intégré apparue
dans les travaux du conseil économique et social des Nations Unies
depuis 1952 (25), résulte de la combinaison de deux autres notions
celle de bassin fluvial formé "par l'aire d'alimentation et l'aire de
drainage de tous les cours d'eau qui constituent un même réseau ou
système fluvial" (26), et celle d'aménagement optimum. Pour assurer
l'exploitation complète et rationnelles des ressources d'un bassin
fluvial, celui-ci doit être considéré comme un tout, en ayant en vue
l'ensemble des utilisations économiques possibles. L'A.D.I. explique
cette nouvelle théorie dans le point 8 des principes de Dubrowick (1956)
"dans la mesure du possible, les Etats riverains devraient coopérer
en vue d'assurer l'exploitation complète des ressources hydrauliques et,
à cette fin, considérer le bassin fluvial comme un ensemble à intégrer,
d'autre part, ne négliger aucune des utilisations possibles de l'eau
de manière que tous les intéressés en tirent le maximum de profit" (27).
(23) Marc Schreiber ''Vers \\.D1 nouveau régime international du f'leuve Niger" AFDI 1963
P. 867
Sagbo op.cit P. 80
(24) C.A. Colliard op.cat P. 386.
(25) M. Schreiber AFDI 1963 P. 867.
C.A. Colliard op.cit PP 398 et s.
(26) J. Andrassy dté par Malik Bangoura "Le régime juridique du f'Ieuve Niger Fleuve
international" Thèse Aix~rseille, Novembre 1967 P. 134.
(27) C.A. Colliard op.cit P. 405.

- 227 -
Les impératifs économiques qui ont entrainé l'extension physi-
que du fleuve ont naturellement amené à étendre le nombre des Etats
intéressés dans l'exploitation du bassin, et l'A,D.I. précise dans les
"règles d'Helsinki" article 3 "qu'un Etat du bassineot un Etat dont le
territoire inclut une portion d'un bassin international de drainage".
Nous en trouverons une application dans le cas du fleuve Niger oü
des Etats signataires de l'acte du 26 Octobre 1963 et l'accord du
25 Novembre 1964 ne possèdent qu'une petite portion du bassin: le
Tchad n'a qu'un sous-affluent tandis que la Haute-Volta, la Côte
d'Ivoire et le Cameroun sont traversés par des affluents (28).
Les notions et principes nouveaux du droit international fluvial
intéressent tout particulièrement les pays en voie de développement
désireux de promouvoir une coopération économique régionale. Des

travaux de conférences ou d'organismes internationaux spécialement
consacrés au problème de l'utilisation des eaux dans ces pays et nombre
de conventions récentes signées par eux contiennent explicitement ou
implicitement ces principes modernes.
Parmi les travaux, nous pouvons citer la résolution 417 (XIV) du 2 Juin
1952, "coopération internationale en matière de régularisation et d'uti-
lisation des eaux et en matière de mise en valeur des zones arides", la
résolution 675 (XXV) du 2 Mai 1958 "développement économique des pays
sous-développés - ressources hydrauliques", prisent par le conseil
économique et social des Nations Unies.
(28) Pour la description physique du fleuve Niger se reporter à Sagbo op.cit
PP 36-46.

- 228 -
Une conférence interafricaine sur l'hydrologie s'est tenue à Nairobi
(Kenya) du 16 au 25 Janvier 1961 sous les auspices de la C.C.T.A. (29).
De nombreuses recommandations ont été adoptées par cette conférence
notamment la recommandation XII portant sur la "coopération intera-
fricaine dans le domaine de l'hydrologie" et la recommandation XIII
portant sur la "coopération régionale entre pays riverains du Niger".
Parmi les textes relatifs aux cours d'eau africains, ceux relatifs aux
fleuves Niger et Sénégal font référence à la théorie du bassin intégré :1
l'alinea 3 du préambule de l'accord du 26 Octobre 1963 relatif à la
navigation et à la coopération économique entre les Etats du bassin du
Niger parle de "développer une' étroite coopération afin de permettre
l'exploitation judicieuse des ressources du bassin du fleuve Niger".
Selon le préambule ~linea 4 de la convention relative à l'amé~agement
du fleuve Sénégal de Juillet 63 "l'aménagement coordonné du bassin du
fleuve Sénégal pour l'exploitation rationnelle de ses diverses ressour-
ces offre des prerspectives d'une coopération économique féconde".
La convention du 7 Février 1964 relative au statut du fleuve Sénégal
faisait référence aux résolutions du conseil économique et social sur
la coopération internationale en matière de régularisation et d'utili-
sation des eaux du 2 Juin 1952 (30).
~!!!S!!Eh!_!!_:_§t!!~!~_~~~_~!~~y~~_~~!~!~!!~~~!~!_~~~~!
africains
~"""----"!"'~-
Tous les cours d'eau africains traversant ou séparant des
Etats n'ont pas fait l'objet d'une internationalisation statutaire.
Le Nil est régie par les seules lois intérieures de l'Egypte.
L'accord Egypto-Soudanais du 8 Novembre 1959 modifiant l'accord
anglo-égyptien du 7 Mai 1929 règle seulement le problème de la répar-
tition des eaux entre l'Egypte et le Soudan (31). Le fleuve Volta
traversant la Haute-Volta et le Ghana n'a pas été internationalisé.
(29) La commission de coopération technique en Afrique au Sud du Sahara (C.C.T.A.)
créée en Janvier 1950, a été intégrée en 1.964 après la création de l'O.U.A.,
à la commission scientifique, technique et de recherche qui, par fusion en 1968
avec la commission de l'éducation et de la culture et la commission de la santé,
est devenu la commission de l'éducation, de la science, de la culture et de la
santé.
(30) Résolution 417 XIV du 2 Juin 1952.

- 229 -
Quelques fleuves
avaient été soumis à un régime d'internatio-
nalisation par les Etats coloniaux. Le Congo et le Niger ont été
internationalisés par les actes généraux de Berlin du 26 Février 1885
modifiés par l'acte de Bruxelles du 2 Juillet 1890 et la convention de
St Germain-en-Laye du 10 Septembre 1919. Le Congo est toujours soumis
à la convention de St Germain-en-Laye qui assure une liberté de naviga-
tion sur ce fleuve pour toutes les nations et une égalité de traitement
à leurs ressortissants.
Le Zambèse est régi par les traités bt\\ate.ral.lx anglo-portugais du
30 Mai 1879, du 26 Février 1884 et du 11 Juin 1891 qui étend à ce
fleuve les principes du régime' de Berlin (32).
Guidés par les impératifs de la coopération économique et
le mythe de l'unité africaine, les Etats du bassin du Niger ont été
amenés à réviser les statuts de ce fleuve pour remédier aux insuffi-
sances et à l'inadaptation des anciens textes par rapport aux exigences
particulières de leur situation d'Etats indépendants. Un nouveau
statut fut adopté en 1963. Le fleuve Sénégal a été internationalisé
par la convention du 7 Février 1964 modifiée par la convention du
11 Mars 1972. De même en ce qui concerne le lac Tchad, les Etats du
bassin ont par la convention du 22 Mai 1964, formulé les principes
d'utilisation des ressources du bassin et d'aménagement des eaux du lac ..
Dans ce paragraphe nous n'examinerons que les statuts des fleuves
Sénégal et Niger. Nous ferons l'analyse de la coopération dans les
institutions fluviales ouest africaines dans la deuxième section.
(31) Sur l'accord égypto-soudanais du 8 Novembre 1959 voir D. Bardonnet "Le régime
juridique du Nil" annales de la faculté de Tananarive 1962.
Ch. Rousseau "Conclusion de l'accord du Caire du 8 Novembre 1959 concernant la
répartition des eaux du Nil" RGDI P 1960, pp 83-93 et 878-884.
N. Khalid "Le régime international des eaux du Nil" thèse Paris 1966 dactylogra-
phiee.
(32) Romain Yakemtchouck "l'Afrique en droit international" LG.D.J. 1971, PP 144-146.

- 230 -
A - Le statut du fleuve Niger
Dès 1960 les Etats riverains ont pris l'initiative de réunions
bilatérales et multilatérales pour modifier le statut du fleuve Niger
et pour définir les principes de coopération dans le domaine de
l'exploitation du bassin du Niger. Sur recommandation de la conférence
interafricaine sur l'hydrologie (Nairobi Janvier 1961), une réunion fut
convoquée à Ségou (Mali) du 17 au 20 Mai 1961 sous l'égide de la C.C.T.
à laquelle fut créé un comité consultatif du Niger.
Une première conférence tenue à Niamey les 15 et 16 Février 1963 avec
la participation de représentants de la C6te-d'Ivoire, du Benin, de la
Guinée, de la Haute-Volta, du Niger, du Nigéria et du Tchad fut chargée
de l'élaboration du statut du fleuve. Deux Etats - le Mali et le
Cameroun - n'ayant pas envoyé de représentants, il fut convenu que
les textes adoptés à cette première conférence seront soumis à une
seconde conférence pour signature. Cette deuxième réunion n'aboutit pas
par suite de divergen~es entre les participants. Le Mali avait proposé
un contre projet sensiblement différent des textes adoptés à la
conférence de Février 1963 (34). Pour ne pas faire un constat d'échec,
Les Etats se mirent d'accord sur un premier texte contenant les principes
généraux et signèrent une "convention sur la navigation et la coopéra-
tion économique entre les Etats du bassin du Niger". L'élaboration
des mesures utiles à assurer l'application de ces principes fut
renvoyée à une troisième conférence tenue à Niamey du 23 au 25 Novembre
1964 lors de laquelle fut signé un "accord relatif à la commission du
fleuve Niger, à la navigation et aux transports sur le fleuve Nlger".
Le régime juridique du bassin du fleuve est ainsi contenu dans deux
instruments. L'acte de Niamey du 26 Octobre 1963 et l'accord du
25 Novembre 1964. L'ar-:icle 1 de l'acte de Niamey du 26 Octobre 1963
déclare que "sont et demeurent abrogés en ce qui concerne le fleuve
Niger, ses affluents et sous-affluents l'acte général de Berlin du
26 Février 1885, l'acte général et la déclaration de Bruxelles du
2 Juillet 1890 et la convention de St Germain-en-Laye du 10 Septembre
1919".
(33) Benin, Mali, Niger, Nigéria, Guinée.
(34) Le projet malien prévoyait la création d'un comité du fleuve doté de pouvoirs
plus importants et composé de ministres.

- 231 -
1) Liberté de navigation
L'article 3 proclame l'entière liberté de navigation sur le
fleuve Niger, ses affluents, pour le transport des marchandises et
des voyageurs. Cette liberté de navigation concerne les "navires
marchands et de plaisance". Les bâtiments de guerre en sont implicite-
ment exclus conformément à la coutume internationale. En effet tout
comme l'acte de Berlin, l'acte de Niamey ne fait pas mention des
navires de guerre. La convention de Barcelone de 1921 exclut de la
Il
liberté de navigation les navires de guerre et tous "bâtiments exerçant 1
à titre quelconque la puissance publique
"sauf si l'Etat territoriale- 1
1
ment intéressé est ou devient partie à des accords contraires. Le
i
passage des bâtiments de guerre est par conséquent soumis à autorisatio~
préalable.
L'article 3 ouvre le bénéfice de navigation aux navires et embarcations
de toutes les nations non pas seulement aux contractants. D'autres
élargissements ont été apportés par l'accord de 1964. L'article 14 de
cet accord de 1964 l'étend aux routes, chemins de fer ou canaux latérau~
établis dans le but spécial de suppléer à l'innavigabilité ou aux
imperfections de la voie fluviale. Ces aménagements sont considérés
comme des dépendances de la voie fluviale. L'article 2 de l'accord
de 1964 inclu le cabotage dans la liberté de navigation. Cet article
traitant des attributions de la commission dispose en son alinea e
que la commission aura pour rôle "d'élaborer les règlements communs
relatifs à cette forme de navigation sur le fleuve y compris le
cabotage".

- 232 -
2) Egalité de traitement
Le principe de non discrimination conditionne l'exercice
de la liberté de navigation. L'article 3 affirme l'égalité parfaite.
Les articles 13 et 14 de l'accord de 1964 y apportent des précisions
quant à l'application de ce principe: "les taxes et redevances aux-
quelles seront assujettis les bateaux et les marchandises utilisant
le fleuve,ses affluents ou sous-affluents ou les aménagements annexes,
seront représentatives de services rendus à la navigation et n'auront
aucun caractère discriminatoire". En ce qui concerne les dépendances
l'article 14 alinea 2 précise ~u'il ne pourra être perçu que des péages
calculés sur les dépenses de construction, d'entretien, et d'exploita-
tion. Les nationaux de tous les Etats doivent être traités sur un
pied de parfaite égalité quant aux taux de ces péages.
3) Principe d'exploitation en commun
Il est consacré par les articles 4 et 5 de l'acte de
Novemore 1963 qui prévoit la coopération dans l'élaboration des projets
d'aménagement et une administration commune du fleuve "les Etats rive-
rains - au terme de l'article ~ - s'engagent à établir une étroite
coopération en ce qui concerne l'étude et l'exécution de tous projets susceptibles
d'exercer une influence sensible sur certaines caractéristiques du fleuve, de ses
sous-affluents, sur les conditions de navigabilité, d'exploitation
agricole et industriel, sur l'état sanitaire des eaux, sur les carac-
téristiques biologiques de la faune et de la flore". Le champ de
coopération concerne l'étude et l'exécution des projets. Cette coopéra-
tion a certes pour but de mettre en commun leurs moyens, mais aussi
d'assurer une exploitation non dommageable. En ce sens l'article 12
de l'accord de 1964 apporte un complément en stipulant que les Etats
doivent informer l'organisme intergouvernemental (la commission) de
tous projets et travaux qu'ils désirent entreprendre, Ils ne doivent
pas entreprendre l'exécution de travaux.susceptibles de dommage sans
préavis suffisant et consultation préalable de la commission. Dan la
pratique l'harmonisation des programmes et les consultations n'ont pas
lieu ou ont été effectuées dans le cadre d'autres organisations (35).

- 233 -
En cas de différend sur l'interprétation ou l'application des textes,
celui-ci doit être réglé à l'amiable ou par l'intermédiaire de la
commission. A défaut de solution, le différend doit être soumis soit
à un arbitrage notamment de la commission de médiation, de concilia-
tion et d'arbitrage de l'O.U.A., soit à un règlement judiciaire de
la Cour Internationale de Justice. De tels problèmes juridiques n'ont
pas été soulevés. L'absence de litige doit être liée
au fait
que la coopération et l'harmonisation des projets n'ont pas eu
d'application.
(35) La plupart des Etats riverains ont exécutés des travaux ou élaboré des projets
d'aménagement susceptibles à terme de modifier le régime du fleuve, sans
intervention de la commission pour coordonner ces travaux et projets d'aménage-
ment.
- le Mali a déjà construit deux barrages sur le cour du Niger (les barrages
de Markala et Sotuba). Il construit un grand barrage hydro-électrique sur
le Sankaram affluent du Niger, et envisage la const»uction d'un autre barrage
d'irrigation dans la région de MOpti.
- Le Niger a élaboré des projets de mise en valeur hydro-agricole de près
de 3 000 hectares et de construction d'un barrage hydro-électrique près
de Niamey. Mais ces projets ne seraient rentables selon les organismes de
financement que si le Mali abandonne son projet de barrage d'irrigation près
de MOpti qui modifiera encore plus le cours du fleuve.
- La Haute-Volta projette la construction de trois barrages et celle d'un
pipe line de 80 kilomètres pour prélever 4 000 rn3 par jourdans les eaux du
Niger.
- Le Nigéria veut construire un barrage hydor-électrique et le Cameroun en
construit sur le Renoué tandis que la Côte d'Ivoire lance des projet~ d'amé-
nagements hydro-agricoles.
Voir "Demain l'Afrique", quinzaine africaine d'information n" 20 du 12 Février
1979 pp 68-69.

,
- 234 -
B - Statut du fleuve Sénégal
Des initiatives prises dès le début de l'année 1972 par les
Etats riverains à savoir le Sénégal, la Mali, la Mauritanie, la Guinée
pour organiser en commun l'aménagement du bassin du fleuve ont été
une continuation des projets et études entrepris par les services de
l'ancienne A.O.F.
(36). Après une première conférence tenue à Conakry
les 10 et 11 Juillet 1962, les quatre Etats signèrent lors d'une seconde
conférence tenue à Bamako les 25 et 26 Juillet 1963 une convention sur
l'aménagement général du bassin du fleuve Sénégal dite convention de
Bamako. Un comité inter-Etats .chargé de promouvoir et de coordonner les
travaux de mise en valeur du fleuve fut créé.
Le Sénégal jusqu'alors fleuve intérieur, fut déclaré fleuve internatio-
nal et l'élaboration de son statut fut confiée au comité inter-Etats.
A l'issue de la première réunion du conseil des ministres du comité,
fut signé le 6 Février 1964 à Dakar une convention relative au statut
du fleuve. Ce statut a été modifié par l'accord de Labé du 24 Mars 1968
créant un sous-groupe régional, l'O.E.R.S., puis remplacé par la conven-
tion du 11 Mars 1972 relative au statut du fleuve Sénégal. Ces diffé-
rentes modifications portent sur l'administration du fleuve.
Le préambule de la convention de 1964 indique les objectifs principaux
du statut: règlementer l'utilisation du fleuve, exploiter en commun
les ressources du bassin.
(36) En 1934 'fut créé le premier organisme chargé d'entreprendre des études générales
sur le mode et les moyens d'aménager le fleuve Sénégal, en vue de la mise en
valeur agricole et pastorale de sa vallée, de l'amélioration de sa navigabilité.
La mission d'études du fleuve Sénégal en 1935 prit le nom de Mission d'Aménage-
ment du Sénégal (M.A.S.). Après quelques années de fonctionnement durant
lesquelles elle pu collecter des documentations topographiques, hydrologiques
et agricoles, ses travaux furent interrompus par la deuxième guerre mondiale.
le M.A.S. fut reconstitué après la guerre, mais ses études générales n'ont pas
eu d'application.
(37) Article 5 de convention de 1964.

- 235 -
1) Principes d'utilisation
Le statut affirme le principe de la liberté de la navigation et
l'égalité de traitement des usagers - comme corollaire à l'exploitation
commune. Suivant l'article 1 de la convention de 64, doivent être
considérés comme Etats riverains les quatre signataires. Cet article
ne marque cependant pas une conception restrictive car la navigation
sur le fleuve, ses embouchures et issues à l'intérieur des Etats est
ouverte aux bateaux marchands et marchandises de toutes les nations (37)
Les mêmes remarques concernant le statut du Niger penvent
être faites ,
s'agissant de l'étendue de la ~iberté de navigation. Le statut du
Sénégal est muet sur les navires de guerre. Le cabotage peut à l'exemple
du Niger, être inclu dans la liberté de navigation par déduction: selon
l'article 7 de la convention de 1964, le cabotage tout au long du
fleuve pourra être l'objet d'une règlementation par le secrétariat
général à l'aménagement du bassin du fleuve.
Chaque Etat doit m~intenir son secteur du fleuve en état de navigabilité
et si nécessaire exécuter les travaux pour assurer et améliorer les
conditions de navigabilité (38).
L'article 8 soumet au même régime les rivières ou lacs dont sont
tributaires les affluents du fleuve, les routes, chemin de fer ou canaux
établis pour suppléer à ~innavigabilité de la voie fluviale.
Les Etats ne pourront percevoir que des droits et taxes ayant un carac-
tère de rétribution pour services rendus. Leurs taux ne peut être
discriminatoire (39).
(37) Article 5 de convention de1964.
(38) Article 6.
(39) Article 8 alinea 3.

- 236 -
2) Principes d'exploitation
Les Etats devaient informer le secrétariat général à
l'aménagement du fleuve de tous projets interessant l'exploitation du
fleuve, en faisant apparaître leurs incidences sur le régime du fleuve,
ses conditions d'exploitation. "Aucun projet susceptible de modifier
d'une manière sensible certaines caractéristiques du régime du fleuve,
ses conditions de navigabilité ou d'exploitation agricole ou industriel-
le, l'état sanitaire des eaux, les caractéristiques biologiques de sa
faune et sa flore, son plan d'eau, ne peut être exécuté sans avoir été
au préalable approuvé par le cpnseil des ministres de l'O.E.R.S. sur
proposition du secrétariat général à l'aménagement du bassin du fleuve
Sénégal" (40).
Ce principe d'approbation préalable marquait une grande volonté de
promouvoir l'exploitation commune et l'harmonisation des projets.
L'article 3 ancien, de la convention de 1964, à l'exemple de l'article
12 de l'accord de Novembre 1964 relatif au fleuve Niger consacrait
seulement le principe d'une consultation préalable. L'introduction de
l'amendement a été rendu possible par le fait que l'aménagement du
fleuve Sénégal, depuis le remplacement du C.I .E. par l'O.E.R.S. en 1968
est placé sous l'autorité d'un sous-groupe régional de coopération
économique. Le secrétaire général à l'aménagement du bassin du fleuve
Sénégal était placé sous l'autorité du secrétaire exécutif de l'O.E.R.S.
(41) •
(40) Article 2 de la convention du 24 Mars 1968 abrogeant l'article 3 de la
convention du 6 Février 1964.
Voir D. Mai.ga op.cit P 213 et textes en annexe.
(41) Article 21 du statut de l'O.E.R.S. amendé en 1970 par la résolution
,0
3/70 CCEG/G.CK.

- 237 -
La convention du 1] Mars 1972 relative au statut du fleuve Sénégal
apporta d'autres modifications dans l'administration du fleuve. Elle
créée à la place de l' O.E.R.S., une autre organisation commune de
coopératîon économique pour le développement des ressources du fleuve
dénommée Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal
(O.M.V.S.) •
La convention du 17 Décembre 1975 signée à Nouakchott par trois Etats -
Mali, Mauritanie, Sénégal ~ a restruturé l'OtM.V.S. en créant trois
organes permanents :
~ le conseil des ministres
~ le haut~commissariat
~ la commission permanente des eaux.
Ce dernier est chargé de définir les principes et les modalités de la
répartition des eaux du fleuve entre les Etats et entre les secteurs
d'utilisation de l'eau: industrie, agriculture, transport (42). C'est
un organe consultatif. Il émet des avis au conseil des ministres qui
décide.
Malgrè une plus grande ambition dans la coopération nous pouvons noter -
à la différence du fleuve Niger - une instabilité des statuts et des
institutions chargés de promouvoir l'aménagement du fleuve Sénéral.
(42) Article 20 Convention du 17 Décembre 1975.

- 238 -
Section II : les institutions fluviales
La différence de nature entre la commission du fleuve Niger
et l'O.M.V.S. découle d'une approche différente du problème de
l'aménagement dans les deux cas.
- Pour les neuf Etats riverains du Niger, il s'agit par le
canal d'une commission fluviale, de développer la coopération entre eux
pour exploiter les ressources du bassin intégré, c'est à dire,une zone
ne couvrant qu'une partie de chacun de leur territoire.
- Les Etats riverains du fleuve Sénégal au contraire, ont créé
un sous-gl'oupe régional oeuvrant à l'intégration économique de l'ensem-
ble de leurs territoires. La mise en valeur du bassin du fleuve est un
élément essentiel du programme d'intégration du sous-groupe régional.
~~!~g!~Eh~_!_:_b~_~2~!~~!2~_~~_f!~~y~_~!g~r
Faute d'avoir pu s'entendre sur la nature de l'organisme
intergouvernemental chargé de promouvoir et de coordonner les études et
les programmes relatifs aux travaux de mise en valeur du bassin du
fleuve, l'article 5 de l'acte de 1963 avait rejeté l'adoption de cet
organisme à un accord ultérieur. L'accord du 25 Novembre 1964 a créé un
organisme intergouvernemental plus technique que celui du fleuve
Sénégal au vu de ses compétences et de la qualité de ses représentants.
1) Organisation de la commission
La commission est composée de neuf membres à raison d'un
par Etat. Ces commissaires peuvent être assistés d'experts et de
conseillers (43). La qualité des commissaires n'est pas précisée, mais
dans la pratique les Etats mandatent des hauts fonctionnaires respon-
sables du service de l'hydraulique. Cette représentation est technique
à la différence du fleuve Sénégal ou les réunions depuis le C.I.E., se
faisaient au niveau ministériel. La commission se réuni une fois par an
à tour de rôle dans chacun des Etats (44). Le quorum pour qu'elle
puisse se réunir est fixé à six commissaires. Elle prend ses décisions
à la majorité des deux tiers (2/3) des membres présents et votants.
(43) Article 3 de l'accord de 1964 et article 14 du règlement intérieur.
(44) Article 2 du règlement intérieur.

-
239 -
Lors de chaque session ordinaire, la commission élit pour un an un
président et un vice président parmi ses membres. Le président repré-
sente la commission, prend toutes les décisions utiles dans les limites
de son mandat et des attributions de la commission. Il est habilité
à prendre contact avec les Etats tiers et les organismes d'assistance
technique. Depuis la troisième session tenue à Niamey le 2 Février 1968,
un amendement introduit dans l' 'article 2 § h habilite la commission à
négocier l'assistance financière et technique pour l'exécution
d'études et travaux d'aménagement.
L'organe de la commission fluviale est le secrétariat administrarif
dirigé par un secrétaire administratif. Le secrétaire administratif est
désigné par la commission à la majorité de deux tiers pour un mandat
de trois ans renouvelable. Il dirige le personnel. Il a essentiellement
des fonctions administratives et d'exécution des décisions de la
commission. Les Etats ont voulu limiter au maximum le pouvoir d'initia-
tive du secrétaire administraitf. Il ne peut entreprendre une action
que s'il a mandat de la commission.
Les commissaires et le secrétaire administratif jouissent des privilèges
et immunités diplomatiques. Le reste du personnel jouit des privilèges
et immunités.équivalents aux fonctionnaires d'un rang équivalent de
l'O.U.A.
2) Attributions de la commission
Au terme de l'article 2 de l'accord de 1964, la commission
a pour attribution :
a) élaborer les règlements communs permettant la pleine
application des principes affirmés dans l'acte de Niamey, et en assurer
une application effective. Les règlements communs et les décisions
que prend la commission ont force obligatoire, après approbation des
Etats riverains dans un délai fixé par la commission, tant dans les
rapports des Etats entre eux qu'au regard de leur règlement interne.

-
240 -
ô) maintenir la ltaison entre les Etats riverains en vue
de l'utilisation la plus efficace des ressources du bassin du Niger.
c) rassembler, examiner et diffuser les données de base
interressant l'ensemble du bassin examiner les projets présentés par
les Etats riverains et recommander aux gouvernements des Etats riverains
des programmes coordonnés d'études pour la mtse en valeur et l'exploi-
tatton rationnelle des ressources du bassin.
d) suivre l'exécution des travaux et études ••• et en informer
les Etats riverains au moins une fois par an.
e) élaborer les règlements communs relatifs à toute forme de
navigation sur le fleuve r compris le cabotage.
f) établir les règlements relatifs à son personnel et veiller
à leur application.
g) examiner les plaintes et contribuer à la solution des
différends.
~) formuler des demandes d'assistance financière et technique
sur une base bilatérale, multilatérale ou internationale ••• et passer
des accords à cet effet à condition que les accords impliquant des
engagements financiers pour les Etats membres ne deviennent effectifs
qu'après leur approbation par les Etats intéressés.
i) veiller à l'application des prescriptions de l'acte de
Niamey et du présent accord.
La commission a par conséquent des compétences consultatives,
règlementaires et contentieuses.
- Compétence consultative : elle examine les projets des Etats,
suit l'exécution des travaux et études et en informe les Etats. Pour
l'accomplissement de cette tâche les Etats doivent informer la commis-
sion des travaux et projets qu'ils se proposent d'entreprendre dès
leur phase initiale. Ils ne doivent entreprendre l'exécution de ces
travaux sans préavis suffisant et consultation préalable de la commis-
sion (45). Celle-ci. peut faire des recommandations aux gouvernements
sur des programmes coordonnés d'études.
(45) Article 12 de l'accord de 1964.

- 241 -
- Compétence règlementaire : cette compétence ressort des
alineas a, e et f de l'article 2 qui confient à la commission le rôle
d'élaborer les règlements communs permettant l'application des princi-
pes de l'acte, d'établir les règlements relatifs à la navigation et ceux
relatifs au personnel. Ces règlements et décisions n'ont force obliga-
toire qu'après approbation des Etats riverains.
- En matière contentieux la commission est chargée d'examiner
les plaintes et de contribuer à la solution des différends. Cette
compétence est restée théorique. Il faut dire que la commission, vu les
pratiques actuelles des Etats, n'est ~as en bonne posture pour jouer
un rôle dans le règlement des conflits. Elle ne dispose pas d'organe
politique, or les Etats préfèrent les règlements diplomatiques des
différends par les conférences et les rencontres au sommet.
Malgrè l'amendement de 1968, la commission du fleuve Niger
a conservé un caractère d'organisme technique administratif. Cela
apparaît dans la désignation des délégués au niveau des services
techniques de l'hydrauliques et à travers les compétences du secrétaire
administratif.
La commission fluviale du Niger n'est pas un organisme opérationnel
en ce sens qu'il ne peut prendre lui même en main l'exécution des
travaux d'aménagement.
La commission du fleuve Niger n'a pas connu un développement institu-
tionnel à l'exemple du fleuve Sénégal. M. Sagbo déplorait ce fait et
proposait qu'il soit donné plus de pouvoir à la commission et au
secrétariat sans recourir à la création d'organe politique "sur le plan
institutionnel, certaines mesures pourraient être envisagées dans
l'immédiat et à long terme afin de donner à la commission et à son
secrétariat les moyens juridiques nécessaires à leurs actions" (46).
(46 ) SAGBO op,cit P. 129.

- 242 -
3) La coopération dans la commission du fleuve Niger
La coopération, définie dans les articles 4 et 5 de l'acte de
Niamey et l'article 12 de l'accord de 1964, concerne l'étude et
l'exécution des travaux de mise en valeur du bassin. Elle vise d'abord
à éviter les modifications préjudiciables aux autres Etats et ensuite à
coordonner les projets en vue d'une exploitation rationnelle des
ressources, enfin à user de la crédibilité de l'organisme international
pour obtenir des sources de financement auprès de l'extérieur. A l'actif
de la commission on peut mentionner la réalisation d'études sur les
potentialités du bassin et des études partielles sur la navigation,
financées par des organismes extérieurs (U.S.A.I.D., P.N.U.D.).
L'U.S.A.I.D. a publié en 1968 une étude qui avait pour objet de
"définir et d'évaluer les possibilités d'aménagement et de mise en
valeur des ressources en terre et en eaux du bassin du Niger en fonctio
du potentiel et des besoins de développement global de la région, de
recommander l'ordre de priorité des projets en vue d'un programme
de développement optimum de la région, enfin d'évaluer et suggérer des
moyens propres à améliorer le fonctionnement de la commission du
fleuve Niger en tant qu'organisme de coopération et de coordination des
projets pour un développement optimum du bassin"(47).
La quatrième session de la commission tenue en Avril 1969 a confié à
une mission interdisciplinaire composée de la C.E.A., du F.A.C., de
l'U.N.E.S.C.O., de l'O.M.S., de l'O.M.M.
\\48) et du B.A.D., l'étude sur
le développement intégré du bassin du fleuve. La mission interdiscipli-
naire a publié en 1970 un rapport de synthèse et différents rapports
sectoriels touchant à l'élevage, l'agriculture, le transport, l'écono-
mie et les ressources humaines, la santé, etc.
Une étude a été réalisée par la firme néerlandaise "NEDECO" sur la
navigabilité du fleuve Niger entre Tossaye (Mali) et Yelwa (Nigéria) (49).
(47) Sagbo op.cit P. 123.
(48) Sagbo op.cit P. 67.
(49) Organisation Météorologique Mondiale.

-
243 -
La commission semble plutôt cantonnée dans les domaines
de la recherche des données, la diffusion des informations ; bien
que des études aient été réalisées dans la prespective ambitieuse
d'un développement intégré, il y a absence d'un programme général de
mise en valeur. La coopération piétine pour deux raisons :
D'abord la commission a l'handicap d'une composition hétérogène
des Etats membres. A la différence du fleuve Sénégal ou des autres
groupements économiques, elle manque d'un minimum d'homogénéité
géographique et linguistique. Le Cameroun et le Tchad sont, plutôt
tournés vers l'ancien A.E.F. et beaucoup d'Etats ne sont pas suffisam-
ment concernés par l'aménagement du bassin du fleuve comme pôle de
développement.
Ensuite et compte tenu de la faiblesse interne de la commission
en tant que groupement, elle ne peut résister à la concurrence des
autres organismes de développement. L'O.M.V.S. et le Liptako Gourma
pour prendre un exemple englobent des parties du bassin du fleuve .
Niger. Ce bassin, considéré comme un tout à intégrer, ne l'est plus
dans la pratique, dans la mesure où il est morcelé par des sous-
groupements qui ont leur propres projets d'exploitation des ressources.
Il se posait déjà un problème de coordination entre la commission du
Niger, l'autorité du Liptako Gourma et l'O.M.V.S. Depuis la création de
la C.E.A.O. et de la C.E.D.E.A.O., la commission aura encore plus de
difficultés de restructuration. Elle est dans une situation intermé-
diaire entre la C.E.A.O. et la C.E.D.E.A.O. au point de vue de la
composition de ses membres. Seuls deux Etats sur neuf (Tchad et Came-
roun) ne font parti ni de la C.E.A.O. ni de la C.E.D.E.A.O.

-
244 -
Si la C.E.D.E.A.O. n'est pas paralysé~ les activités d'aménagement
du bassin du fleuve Nige~ notamment les projets bilatéraux et multila-
téraux, gagneraient à être placés sous son auspice. En dehors d'une
définition de rapports adequats entre elle et la C.E.D.E.A.O. bien que
deux Etats n'en soient pas membres, comment la commission du Niger
pourra-t-elle se donner les moyens institutionnels et financiers de
relancer ses activités sans recourir, comme le souhaitait M. Sagbo,
à la création d'organes politiques? La création de tels organes est
en Afrique le remède traditionnel pour sortir les organisations de la
léthargie. Vu l'importance nu~érique des groupements en Afrique ~cci­
dentale, il serait d'un intérêt peu évident de coiffer la commission
du Niger d'une organisation à compétence plus étendue à l'exemple de
l'O.M.V.S. (50).
~~!~g!êEh~_!!_:_!~Q~M~Y~§~
Contrairement au fleuve Niger, l'aménagement du bassin du
Sénégal a donné matière à la constitution d'un groupement d'intégra-
tion économique.
Le premier organisme, le C.I.E., constitué par la convention du
26 Juiolet 1963 dans le but d'une coopération pour l'exploitation et la
gestion du fleuve, avait des compétences plus étendues que les attri-
butions originaires de la commission du Niger.
(50) Pour sortir la commission du Niger de la léthargie, les chefs d'Etats et
de gouvernement de huit Etats riverains se sont réunis à Lagos le 26 Janvier
1979. et ont décidé l'institution d'une nouvelle instance : .La conférence
biennale des chefs d'Etats et de gouvernement - ont participé à cette réunion
le Bénin, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, la Haute-Volta, le Mali, le Niger
et le Nigéria,
Cf. Demain l'Afrique op.cit PP 66-67.

- 245
A - Un groupement instable
1) Le comité inter-Etat, organisme international de caractère
économique, était composé de quatre ministres à raison d'un par Etat.
Il délibérait à l'unanimité de ses membres mais ses décisions devaient
être approuvées par les Etats intéressés.
Un secrétariat général était institué et son siège était fixé à
St-Louis du Sénégal (51).
Le sécrétaire général nommé pour trois ans renouvelables avait pour
fonctions de diriger le personnel, de reccueillir les informations
sur l'ensemble des questions relatives au fleuve, d'instruire les
dossiers, d'appliquer et de suivre l'exécution du comité. Il pouvait
prendre contact avec les organismes d'assistance technique et finan-
cière
Dans ses attributions, outre ses fonctions d'approbation
des projets nationaux et de fixation des règlements communs d'exploi-
tation ou des règlements particuliers d'utilisation des eaux, le
comité pouvait formuler des demandes d'assistance financière pour
l'exécution des études d'aménagement du fleuve, et recevoir mandat
de gérer ces fonds (52).
La C.I.E. avait essentiellement signé avec le P,N.U,D. des'
accords de financement pour l'étude de projets
Un premier projet financé par le fonds spécial des Nations
Unies portait sur le régularisation du fleuve pour la construction
d'un barrage principal à Gouina (Mali).
Le second projet était relatif à l'aménagement hydro-agricole
de la basse vallée du fleuve par la construction de barrages secon-
daires d'irrigation.
(51) Il Y a eu un seul secrétaire général M. Robert NDAW de nationalité malienne,
nommé en 1964 et reconduit en 1967.
(52) En pratique le secrétaire général était co-directeur des projets financés
car les organismes de financement désignaient aussi un directeur de projet.

- 246 -
D'autres études avaient trait à l'utilisation des
eaux du haut bassin, à la recherche agronomique dans le bassin,
au développement industriel notamment l'installation d'une acierie
régionale, etc.
La C.I.E. n'avait pas été dotée de moyens institutionnels
en rapport avec ses ambitions dans la coopération économique. Il ne
disposait pas de personnel suffisant et autonome par rapport aux
Etats membres. Ainsi les commissions spécialisées n'avaient pu être
créées faute de personnel. Ce problème était compréhensible à cette
époque des premières années d'indépendance car le manque de cadre
était encore crucial pour tous ces Etats.
Les crises dans les rapports entre les Etats membres achèveront sa
paralysie. Les quatre pays riverains du fleuve décidèrent à la suite
de deux réunions tenues à Dakar en Novembre 1967 et en Février 1968 de
créer une organisation dotée de compétences plus étendues. Un sous-
groupe régional fut créé en Mars 1968 à Lobé (Guinée).
2) La création de l'organisation des Etats riverains du
fleuve Sénégal (O.E.R.S.) devait permettre de franchir le stade d'une
organisation limitée à la coordination des activités d'études de pro-
jets d'aménagement du fleuve à celle d'une organisation multifonction-
nelle d'intégration. "Nous allons disait M. Modibo Keita, prendre
une décision historique à Labé, grave de conséquence en ce sens qu'il
s'agira par un acte de sceller le devenir de notre quatre peuples et
cela dans tous les domaines, économiques, social, culturel et même
politique" (53).
(53) Maîga
op.cit P. 206,

-
247 -
Ses objectifs étaient semblables à ceux des organisations régionales
africaines d'intégration économique: "favoriser le développement,
l'indépendance économique et le progrès social des 'Etats membres par
une coopération poussée notamment par une harmonisation des plans de
développement et une coordination de leurs efforts en vue d'aboutir
à des réalisations concertées dans les domaines ci-après : agriculture
et élevage, éducation, formation et information, santé publique,
développement industriel, transports et communication, échanges
commerciaux, coopération judiciaire et harmonisation des législations
civiles et commerciales. Promouvoir et intensifier les échanges
commerciaux, la circulation des personnes et des biens entre Etats
membres ... " (54).
L'O.E.R.S. était dotée d'institutions importantes. L'article 6 établit
- une conférence des chefs d'Etat et de gouvernement
- un conseil des ministres
- une commission consultative
et quatre autres organes :
- le secrétariat exécutif de l'O.E.R.S.
- le secrétariat à l'aménagement du bassin du fleuve Sénégal
- le secrétariat général à la planification et au développe-
ment économique
- le secrétariat général aux affaires éducatives, culturelles
et sociales.
Seule la commission consultative présentait une originalité
elle
était composée de quatre députés et de trois représentants des
groupements socio-économiques, soit sept représentants par Etat.
(54) Article 1 alineas 2, 3 et 4 de la convention de Labé OMars 1968).

- 248 -
Le secrétaire exécutif et les secrétaires généraux étaient nommés
pour une durée de trois ans par le conseil des ministres. Les
secrétaires généraux relevaient de l'autorité du secrétaire exécutif.
Ce sous-groupe ne dura que trois ans malgrè les déclarations
enthousiastes lors de sa création : "la Guinée déclarait le Président
Sékou TOURE, respectera fidèlement tous les engagements auxquels
nous allons consentir afin ~ue l'avenir de nos peuples soit un avenir
de bonheur dans la solidarité" (55). Fait courant dans les organisa-
tions interafricaines, les Etats n'observèrent pas leur obligation
financière. La chute de MODIBO Keita en 1968, conciliateur entre
MM Sekou TOURE et SENGHOR, accentua l'instabilité des relations
sénégalo-guinéenne. Le Sénégal fut mis en cause dans une tentative
de débarquement à Conakry, de mercenaires et d'opposants en Décembre
1970. La rupture entre des deux Etats membres aménera la dissolution
le 29 Novembre 1971 de l'O.E.R.S.
B - l'O.M.V.S.
Trois chefs d'Etat excepté celui de la Guinée réunis à
Nouakchott ont si9~~ la convention du 11 Mars 1972 portant création
de l'O.M.V.S. Bien qu'étant le prolongement du C.I.E. et de l'O.E.R.S.,
l'O.M.V.S. marque un retour à une coopération axée sur l'aménagement
du bassin du fleuve. Cette coopération n'embrasse plus l'ensemble
des territoires des Etats, comme cela ressort de la dénomination
de l'organisation et de ses objectifs: il est question dans l'alinea
5 du préambule de la convention de 1975, de "promouvoir et intensi-
fier la coopération et les échanges économiques et poursuivre en
commun leurs efforts de développement économique par la mise en valeur
des ressources du fleuve Sénégal".
(55) Maiga, op.cit P. 207.

- 249 -
L'article 1 précise que l'O.M.V.S. est chargée
" - de l'application de la convention du 11 Mars 1972 relative
au statut du fleuve Sénégal
- de la promotion et de la coordination des études et des
travaux de mise en valeur des ressources du bassin du fleuve Sénégal
sur les territoires nationaux des Etats membres de l'organisation
- de toute mission technique et économique que les Etats
membres voudront ensemble lui confier".
1) Fonctionnement
L'O.M.V.S. a.connu plusieurs remaniements institutionnels
dans le sens du renforcement de son rele.
Dans la convention de 1972 l'O.M.V.S. comprenait comme institution
- la conférence des chefs d'Etat instance suprême et deux
organes permanents le conseil des ministres et le secrétariat général.
La convention du 17 Décembre 1975 créée outre la conférence des chefs
d'Etat, trois organes permanents:
- le conseil des ministres
- le haut commissariat
- la commission permanente des eaux (56).
La conférence des chefs d'Etat définit la politique de coopération
et de développement et prend les décisions concernant la politique
économique générale.
Elle se réunit une fois par an en session ordinaire et décide à
l'unanimité. Un des chefs d'Etat assure la présidence de la conférence
pour une durée de deux ans.
(56) Article 7. Sur la commission permanente des eaux Cf. Supra P.231

-
250 -
Le conseil des ministres est composé d'un ministre par Etat,
accompagné d'autres membres de leur gouvernement. Il se réunit deux
fois par an en session ordinaire.
Le conseil élit également un président pour un mandat de deux ans.
C'est l'organe de conception et de contrôle (57).
Comme organe de conception, il élabore la politique générale
d'aménagement qui sera soumise à la conférence des chefs d'Etat.
Il définit les opérations prioritaires d'aménagement du fleuve.
Comme organe de contrôle, les programmes d'aménagement intéressant
un ou plusieurs Etats doivent lui être soumis pour approbation avant
tout début d'exécution. Il approuve le règlement intérieur du haut
commissariat et suit l'application par l'organe exécutif des décisions
du conseil des ministres.
Le conseil des ministres est un second organe de décision. Il fixe
les contributions des Etats membres au financement du budget de
fonctionnement et pour l'exécution des études et travaux d'aménagement.
Ses décisions sont prises à l'unanimité. Elles ont force obligatoire.
La convention de 1975 a donné à l'organe exécutif une formule
différente des autres organisations : le secrétariat exécutif a été
remplacé par un haut-commissariat. Le changement a consisté à nommer
un haut fonctionnaire placé au dessus du secrétaire exécutif.
Le haut-commissariat est l'organe exécutif chargé de l'application des
décisions du conseil des ministres. Il rend règulièrement compte de
l'exécution de ces décisions et des initiatives qu'il prend dans le
cadre des directives du conseil des ministres. Le haut commissaire
représente l'organisation entre deux instances du conseil des
ministres. Il est nommé par la conférence des chefs d'Etat pour une
période de quatre ans renouvelable. Il est assisté et secondé par un
secrétaire général lui aussi nommé par la conférence des chefs d'Etat
pour une même période, Il est l'ordonnateur des opérations financières
et il représente les Etats membres dans les relations avec les insti-
tutions d'aide financière. A ce titre il est habilité à négocier et à
traiter au nom de tous les Etats membres.
(57) Article 8, Convention du 17 Décembre 1975.

- 251 -
Le haut commissaire assisté du secrétaire général, élabore et soumet
au conseil des ministres des programmes communs d'études et de travaux
pour la mise en valeur coordonnée des ressources du fleuve. Il examine
les projets d'aménagement élaborés par les Etats et les soumet avec
avis motivé au conseil des ministres.
Le secrétaire général est le chef de l'administration (56).
Il recrute et licencie le personnel subalterne après avis du haut
commissaire. Il informe le haut commissaire sur la gestion adminis-
trative et sur l'état des services d'une manière générale.
Il a aussi pour fonction de rassembler les données de base intéressant
le rleuve, de suivre et contrôler l'exécution des décisions du
conseil des ministres que lui soumet le haut commissaire. Il peut en
outre être chargé par un ou plusieurs Etats membres de l'exécution
d'études et du contrôle de travaux relatifs à l'aménagement du fleuve.
L'O.M.V.S. ne dispose pas d'organe de règlement des conflits.
L'article 24 de la convention de 1975 indique les voies utilisables
pour le règlement des différends. En premier lieu, tout différend
portant sur l'interprétation ou l'application de la convention doit
être résolu par les voies diplomatiques de la conciliation et de la
médiation. A défaut d'entente, les parties devront saisir la commission
de médiation, de conciliation et d'arbitrage de l'O.U.A. En dernier
ressort elles auront recours à la cour internationale de justice.
2) La coopération dans l'O.M.V.S.
Il n'y a eu de grandes réalisations dans la coopération
entre les Etats riverains du fleuve Sénégal du fait même de l'insta-
bilité du sous-groupe régional.
De ]963 à 1974 des études financées par le P.N.U.D. ont été réalisées
par les organisations successives: C.I.E., O.E.R.S., O.M.V.S. Un
rapport général de syntèse présenté en 1974 contient un programme
d'infrastructure régionale de base comportant la réalisation de quatre
projets (58)
:
- le barrage régulateur hydro-électrique de Manantali
(57) Article 8 convention du 17 Décembre 1975.
(58) Résolution du conseil des ministres nO 29/74/CMMNN document du secrétariat
"Les objectifs et le progrannne de l'O.M.V.S.".

- 252 -
- le barrage anti-sel et d'irrigation de Diana
- le port fluvial de Kayes et le port fluvio-maritime de
St Louis
- l'aménagement d'un chenal navigable entre Kayes et St
Louis et des escales portuaires intermédiaires.
Dans ce programme, le barrage de ManaNtali d'un volume de la milliards
de mètre-cube est "l'ouvrage clé" (59). Il doit permettre de dévelop-
per la culture irriguée sur plus de 400 000 hectares en combinant avec
le barrage de Diana, de rendre le fleuve Sénégal navigable après
aménagement du chenal, ce qui· donnerait au Mali une ouverture sur la
mer. Sa production énergétique (environ 800 GWH) servira à l'exploita-
tion des ressources minières du bassin (fer, bauxite, etc.).
Le haut commissariat est chargé de poursuivre la réalisation de
l'ensemble du programme régional d'infrastructure. Le calendrier de
réalisation de ce programme a été étalé jusqu'en 1985 au plus tard .

Durant la même période de 1963 à 1974, des études ont été réalisées
sur les possibilités d'utilisation des ressources qui seront dégagées
par la mise en place du programme régional. Ces études ont donné
lieu à des programmes sectoriels dont le financement doit être en
principe directement recherché par les Etats membres.
Ces programmes concernent :
- le développement rural notamment les problèmes de
l'irrigation, de l'intégration de l'élevage dans les activités agrico-
les, de l'exploitation des ressources piscicoles.
- le développement industriel : exploitation des gisements
de fer au Sénégal et des gisements de fer et de bauxite au Mali.
- le développement des ressources énergétiques.
- le développement des transports.
(59) L'ensemble du programme régional d'infrastructure était estimé en 1976 à
79 milliard CFA, le financement devant être assuré par la B.A.D., le Koweit,
la République Fédérale Allemande, le B.I.R.D.,l'Arabie Saoudite, la France,
le Canada.

- 253 -
Le premier point d'interrogation sur l'essort de la coopération dans
l'O.M.V.S. concerne la participation de la Guinée. Il est difficile
comme le disait M. Sekou TOURE de concevoir l'exploitation rationnelle
du bassin du fleuve sans la participation de ce pays (60). L'article
22 de la convention lui ouvre les portes : "tout Etat riverain peut
adhérer à l'organisation, à cet effet, il devra adresser une demande
écrite à l'Etat dépositaire des instruments de ratification qui en
saisira les autres Etats membres". Depuis la réconciliation entre
M. Sekou TOUTE d'une part, MM SENGHOR et Houphou@t de l'autre à
Monrovia en Mars 1978, cette adhésion peut être réalisée.
Le deuxième point concerne la' possibilité de coordination du
programme de développement de l'O.M.V.S. avec ceux des organisations
plus larges par leur domaine d'action et leurs participants telles
la C.~.A.O. et la C.E.D.E.A.O.
Le problème n'est pas tant celui de leur compatibilité formelle,
reconnue par toutes mais des conséquences à long terme de l'absence
de coordination des projets sectoriels élaborés au sein de ces
différentes organisations. Il apparait déjà que certains des program-
mes sectoriels de l'O.M.V.S. peuvent être associés à ceux de la C.E.A.O.
notamment en ce qui touche les activités de l'O.C.B.V. Il en est ainsi
de deux types d'activités envisagées par l'O.M.V.S. pour associer
agriculture et élevage: l'amélioration et la spécialisation du
troupeau transhument sur les parcours sahéliens ; la mise en place de
structures et techniques d'élevage intensif associé à l'agriculture.
(60) SUNJATA, mensuel d'information du Mali, Juin 1978.

-
254 -
r~E~gE~Eh~_!!!_:_~:QEg~~!~~!!Q~_EQ~E_!~_~!~~_~~_Y~!~~E
du bassin du fleuve Gambie (O.M.V.G.)
-----~---~------------~--~
Le développement du bassin du fleuve Gambie est placé dans le
cadre des rapports d'association entre la République du Sénégal et la
République de Gambie. Des experts du F.A.O. avaient présenté aux
gouvernements des deux pays un rapport sur le problème de l'aménage-
ment intégré du bassin de ce fleuve. Ce rapport dégageait des possi-
bilités de développement de l'agriculture en particulier de la
riziculture et avait recommandé l'élaboration d'un programme d'aména-
gement (61). Sur la base de ce rapport, la convention du 31 Juillet
1968 abrogeant celle du 18 Février 1965 (Supra 1ère Partie P. 66)
avait confié au secrétariat exécutif du comité ministériel inter-Etats
la charge de promouvoir et de coordonner l'étude des problèmes de
l'aménagement intégré, d'élaborer un programme qui sera soumis pour
décision au dit comité. Ce programme devait permettre aux deux
gouvernements de formuler conjointement des demandes d'assistance
technique et financière. Le comité ministériel était chargé conformé-
ment à la règle de l'exploitation commune en droit fluvial, d'examiner
et de donner son agrément préalablement à tout projet d'aménagement
susceptible de modifier le régime du fleuve.
Pour renforcer la coordination et le contrôle des projets
d'aménagement les deux Etats avaient~ par la convention du 16 Avril
1976, décidé la création d'un "comité de coordination pour l'aménage-
ment du bassin du fleuve Gambie" ce comité avait pour attributions de
coordonner les études et travaux de mise en valeur du fleuve, de
promouvoir la mise en place d'une autorité inter-Etats. Cette autorité
a été créée par la convention du 30 Juin 1978 instituant l'O.M.V.G.
La création de l'O.M.V.G. fait de l'aménagement du bassin du
fleuve un axe important de la coopération entre les deux pays. A l'ins- 1
tar du fleuve Sénégal~ les révisions successives ont aboutit à la
création d'une organisation de coopération économique, même si les
relations sénégalo-gambiennes n'ont pas été traversées par de grandes
crises politiques.

- 255 -
LIO.M.V.G. est une bonne illustration de la démarche quasi unanime
en Afrique à savoir: partir de la coopération économique. En effet
l'accord d'association et les multiples accords particuliers conclus
par les deux pays ne sont pas parvenus au bout de quatorze ans, à lever
les difficultés de départ: les divergences d'intérêts économiques (62)
et la crainte de la Gambie de perdre son identité territoriale.
(61) Rapport aux gouvernements du Sénégal et de la Gambie "Les poss ibil i tés d' amé-
nagement agricole du bassin de la Gambie" par M4 J. de Meredieu et R. Aubrac
F.A.O. Rome Avril 1964.
(62) Une convention du 13 Novembre 1975 relative à la construction d'tm pont
transgambien est remise en cause par la République de Gambie : celle-ci
propose la construction d'tm pont barrage qui lui permettrait de libérer
des terres pour la riziculture. Pour le Sénégal par contre, son intérêt
prioritaire est de faciliter les commtmications avec la Casamance, région du
Sénégal isolée du reste de son territoire par la République de Gambie.
Voir Jetme Afrique nO 881 du 25 Novembre 1977.

- 256 -
CHAPITRE III - LA COOPERATION MONETAIRE ET
FINANCIERE : l'U.M.O.A.
Les origines de la sous-zone monétaire remontent à la
période coloniale. Dès cette période elle prit corps dans les diffé-
rentes mesures de décentralisation et les réformes ayant marqué les
étapes qui ont conduit aux indépendances.
En 1955 donc quelques mois avant la loi-cadre, un institut d'émission
de l'A.O.F. et du Togo fut créé. Cet institut fut transformé en 1959,
à l'époque Ile la "communauté"- en une Banque Centrale des Etats de
l'Afrique Occidentale (B.C.E.A.O.).
Ayant accédé à l'indépendance tout en conservant de nombreux
liens de coopération avec l'ancienne métropole, les nouveaux Etats
établissent le 12 Mai 1·962 une Union Monétaire Ouest Africaine (U.MD.A.
liée à la France par un accord particulier - avaient adhéré à cette
organisation: la Côte d'Ivoire, le Dahomey (actuel Bénin), la Haute
Volta, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal auxquels s'est joint le
Togo le 27 Novembre 1963. Le Mali s'était retiré depuis le 30 Juin 1962
A la différence des Etats de l'ex.A.E.F. où la coopération monétaire
et financière résulte d'accords liant individuellement les Etats
africains à la France, l'U.M.O.A. résulte d'un traité international
liant les Etats africains entre eux.
La coopération dans l'U.M.O.A.S'articule autour de deux
'relations : relations horizontales entre les Etats africains, relations
verticales entre i'ensemble de ces Etats et la France. Cette situation
est en contradiction sinon avec l'esprit et les buts des regroupe-
ments horizontaux: se dégager de leurs relations verticales, promou-
voir un développement régional autocentré.

- 257 -
Section l - Organisation de l'U.M.O.A.
Par l'accord de coopération entre les membres de l'U.M.O.A.
et la France, l'union monétaire sous-régionale fonctionne à l'intérieur 1
de la zone Franc. Cette zone est caractérisée par (1)
- l'existence d'un taux de change fixe entre le franc
français et les monnaies de la zone.
- la convertibilité illimitée entre ces différentes monnaies.
Le Trésor français ouvre un compte d'opération au nom de l'institut
d'émission de chaque pays ou groupe de pays de la zone. Ces instituts
versent aux comptes leurs avoirs en franc français et le Trésor
français s'engage à leur fournir les disponibilités dont chaque pays
peut avoir besoin. Ce système assure une complète liberté de trans-
fert à l'intérieur de la zone.
la mise en commun des avoirs extérieurs.
- une uniformisation et une coordination de leur règlementa-
tion en matière de change.
La réforme de 1973 n'a pas remis en cause ce système mais
quelques concessions ont été obtenues de la France. Des aménagements
y ont été apportés visant notamment à étendre le rôle de la B.C.E.A.O.
dans la coopération inter-africaine.
(1) Xavier de la FOURNIERE. La zone franc
Coll. "Que sais..·j e" P.U. F. J97J P. 24
J.M. ALBERTINI. Les mécanismes de sous-développement, Les éditions ouvrières
Paris 1977 P, J84.

- 258 -
A - l'U.M.O.A.
La réforme a été effectuée en deux temps: d'abord par
la signature entre les Etats africains, le 14 Novembre 1973 à Paris,
d'un traité modifiant celui du 12 Mai 1962 ; ensuite par la sign~ture
le 4 Décembre 1973, d'un accord entre la France et ces Etats. Le
système fonctionne par conséquent à deux niveaux.
1) Fonctionnement
a) Dans l'ordre sous-régional, les Etats membres de l'U.M.O.A 1
conservent une même unité monétaire, le franc CFA (2), et un institut
d'émission commun, la B.C.E.A~O. Ils appliquent une réglementation
uniforme concernant :
"- l'exécution et le contrôle de leurs relations financières
hors de l'U.M.O.A.
- l'organisation générale de la distribution et du contrôle
du crédit.
- les règles générales d'exercice de la profession bancaire
et des activités s'y rattachant.
- les effets de commerce
"" la repression de la falsification des signes monétaires"(3).
Depuis la réforme, l'U.M.O.A. acquiert un rôle plus important dans le
développement et l'intégration ~conomique des Etats membres. Sa parti-
cipation se fait principalement par la Banque Centrale qui est
l'organisme opérationnel.
L'U.M.O.A. peut décider la création d'organisation ou d'institution
ayant pour objet :
- l'assistance des Etats membres dans la coordination de
leurs plans de développement en vue d'un meilleur emploi des ressour-
ces, d'une plus grande complémentarité de leurs productions et d'un
développement de leurs échanges extérieurs, particulièrement de leurs
échanges entre eux.
(2) Corrnnunauté financière africaine
1 FCFA : 0,02 FF (franc français).
(3) Le moniteur africain nO 657 du 25 Novembre 1974.

- 259 -
- la collecte des disponibilités intérieures ou la recherche
de capitaux extérieurs.
- l'organisation du marché monétaire.
- l'octroi de concours financiers directs ou de concours
financiers complémentaires.
- l'enseignement et la formation de personnel.
En plus de ces voies, la Banque Centrale peut intervenir directement
pour consentir des découverts plus importants qu'auparavant, aux
Etats membres (4).
b) dans les rapports entre l'U.M.O.A. et la France, un
assouplissement a été apporté à la règle de la mise en commun des
avoirs extérieurs: la B.C.E.A.O. a désormais l'obligation de déposer
65 ~ de ses avoirs extérieurs auprès du Trésor français
; elle peut
placer 35 ~ à l'extérieur. La convention de compte d'opération intro-
duit un système de réajustement du montant des avoirs extérieurs de
la B.C.E.A.O. et un système d'intérêt pour le cas ou le solde du
compte serait débiteur ou créditeur.
Les Etats africains ont réclamé d'autre part des modifications de
forme, de portée plut6t politique : transfert du siège de Paris à
Dakar~ africanisation de la direction et réduction de la représentation
de la France au conseil d'administration. Mais en contre partie de
ces concessions~ la France, si elle assure la convertibilité du
F CFA, n'en assume plus la responsabilité de sa garantie. Cette
garantie dépend désormais de la situation économique des Etats.
(4) "La B.C.E.A.O. ancienne formule et aux conditions draconiènnes signalées
en 1971 J pouvai.t consentir aux Etats de l'union, un découvert de 15,875 milliards
de F CFA et la B.C.E.A.O., nouvelle formule, mettrait 31,750 Milliard à la
disposition de nos Etats. La différence de situation est à la fois qualitative
et quantitative". Le Moniteur Africain n" 657 du 25 Novembre 1974.

- 260 -
2) Structure de l'U.M.A.O.
L'U.M.A.O. est maintenant dotée de deux organes politiques
la conférence des chefs d'Etat et le conseil des ministres.
- La conférence des chefs d'Etat est l'organe suprême. Elle
se réunit ordinairement une fois par an. Mais en cas de besoin elle
peut à l'initiative de son président en exercice ou à la demande·d'un
ou plusieurs chefs d'Etat tenir des réunions extraordinaires.
Elle tranche tout problème que le conseil des ministres lui soumet.
Elle décide de l'adhésion de nouveaux membres, fixe le siège de la
B.C.E.A.O. et prend acte du retrait et de l'exclusion de membre de
l'union. La conférence prend ses décisions à l'unanimité.
- Le conseil des ministres est composé de deux ministres
par Etat assi5tés chacun d'un suppléant. Mais chaque Etat dispose
d'une voix. La présidence du conseil des ministres est assumée à
tour de r6le, pour une période de deux ans par un ministre des financesl
Le conseil des ministres se réunit au moins deux fois par an. Il
décide à l'unanimité.
Des représentants d'institutions internationales ou d'Etats avec
lesquels l'U.M.O.A. a conclu un accord de ,coopération peuvent s'ils
y ont été conviés, assister aux travaux ou délibérations avec voix
consultative. Le conseil des ministres est l'organe de conception et
de contr6le de l'U.M.O.A. ; il définit la politique monétaire et de
crédit de l'U.M.O.A. Il décide;
- de la modification de la dénomination de l'unité monétaire
de l'union et de fixer ses divisions.
- de modifier la définition de cette unité monétaire, sous
réserve de respecter les engagements internationaux contractés par
les Etats de l'Union et de déterminer en conséquence la déclaration
de parité de la monnaie de l'Union à effectuer au F.M.I.

-
261
-
- de modifier les statuts de la B.C.E.A.O.
- de la création par la Banque Centrale ou de la participationl
de celle-ci à la création de toutes organisations ou institutions
ayant pour objet le développement des Etats de l'Union.
Il est chargé de l'harmonisation des législations monétaires et
bancaires et tout accord comportant obligation ou engagement de la
Banque Centrale doit lui être soumise pour approbation notamment les
accords de compensation et de paiement.
Il conclut avec les Etats concernés les conventions d'adhésion et
de retrait qui seront soumises à la conférence des chefs d'Etat.
Il nomme le gouverneur et le vice gouverneur.
B - La B.C.E.A.O.
La B.C.E.A.O. a le statut d'établissement public international.
Elle bénéficie sur le territoire des Etats membres, des privilèges
et immunité des institutions financières internationales. Son siège
est fixé à Dakar, mais elle a des agences dans chaque Etat et elle
peut y ouvrir des sous-agences et des bureaux.
Elle est chargée de l'organisation et de la gestion du système moné-
taire et financier de l'U.M.O.A. Elle a le privilège exclusif
d'émettre les signes monétaires ayant cours légal et pouvoir libéra-
toire dans les Etats membres de l'U.M.O.A.
Elle assure dans chaque Etat l'application de la législation relative
à l'exercice de la profession bancaire et du contrôle du crédit,
organise et gère les chambres de compensation, tient les comptes des
trésors de ces Etats. Elle peut assister un gouvernement dans la
négociation des emprunts extérieurs, l'étude des emprunts intérieurs
et dans ses relations avec les institutions financières et monétaires.

- 262 -
Dans le domaine plus général de l'intégration économique, elle prend
part au financement du développement par les concours qu'elle peut
consentir aux établissements financiers et bancaires dans les Etats
membres, sous forme d'avance, d'escompte et de réescompte des effets
publics n'ayant que dix ans à courir (5). Elle peut si les Etats le
décident, créer des organisations financières ou prendre des partici-
pations dans ces organisations. Cette possibilité a été traduite par
la création de la B.O.A.D.
(Banque Ouest Af~icaine de Développement),
dont le capital initial est souscrit pour moitié par la B.C.E.A.O. et
pour l'autre moitié par les Etats membres de l'U.M.O.A. à parts
égales (6). L'objet de la B.O~A.D. est de promouvoir le développem;nt
équilibré et l'intégration économique des Etats membres. Il lui est
attribué le rele de collecter les capitaux intérieurs et extérieurs,
de participer directement à l'investissement dans des projets de
développement par l'octroi de prêts, avals, bonifications d'intérêts.'
L'organisation de la B.C.E.A.O. comprend, le gouverneur et les agents
de la Banque Centrale, le conseil d'administration, et les comités
nationaux.
- Le gouverneur (7) est nommé par le conseil des ministres
pour une période de six ans (6 ans) non renouvelable. Il est assisté
d'un vice-gouverneur lui aussi nommé par le conseil des ministres pour
une durée de cinq ans (5 ans) non renouvelable. Le principe est que
les nominations aux hautes fonctions de la B.C.E.A.O. et de la
B.O.A.D. doivent être rotatives, de sorte que des ressortissants de
chaque Etat puissent être appelé à les occuper (8).
(5) Le montant de ces concours peuvent atteindre 20 %des recettes fiscales nationa-
les constatées au cours de l'exercice, alors qu'auparavant le découvert consenti
était seulement de 10 %, remboursable dans un délai de 240 jours. Le Moniteur
Africain n" 657 du 25 Novembre 1974.
(6) Ce capital estde deux milliards quatre cents millions F CFA.
(7) Le gouverneur actuel est M. Abdoulaye FADlGA de nationalité Ivoirierme.
(8) Cette solution de compromis visant comme nous l'avons déjà signalé, à éviter la
prépondérance de représentants d'un Etat n'a pas dormé entière satisfaction.
Le président Kérékou du Bénin s'était amèrement plaint de n'avoir pas abtenu
de poste. Il a aussi estimé que la candidature de son pays pour le siège de
la B,C.E.A.O. a été écartée parce que celui-ci "ne remplit pas politiquement
certaines conditions" Le Moniteur Africain nO 681 du 17 Octobre 1974.

-
263 -
Le gouverneur veille au respect des dispositions des traités, des
conventions internationales, des statuts et règlementations relatives
à la B.C.E.A.O. Il représente la banque vis à vis des tiers. Il
administre les services de la banque, engage et nomme le personnel.
Il préside le conseil d'administration et il assiste aux réunions du
conseil des ministres avec voix consultative. Il doit présenter un
rapport annuel de son activité au conseil des ministres.
- Le conseil d'administration est composé des représentants
des Etats membres plus la France, à raison de deux administrateurs
par Etat. La France, depuis la réforme dispose donc d'un s~ttème (1/7e)
des sièges au lieu d'un tiers auparavant.
Le conseil d'administration se réunit au moins quatre fois par an.
Le quorum pour que ses délibérations soient valables est de deux
tiers (2/3) des administrateurs ou leurs représentants. Il décide en
général à la majorité simple, mais pour les opérations génératrices
d'émissions, d'escompte ou de réescompte d'effets publics à dix ans
au plus d'échéance, les prises de participation au capital d'institu-
tions communes, une majorité de six-sep~ième (6/7e) est requise. Par
contre les statuts de la B.C.E.A.O. ne peuvent être modifiés que par
une décision unanime.
Le conseil d'administration fixe les quotités des avances que la
Banque Centrale peut consentir, et les taux d'escompte, arrête les
règles qui s'imposent aux comités nationaux de crédits, détermine le
montant global des concours susceptibles d'être accordés par la
Banque Centrale au financement de l'activité économique et du dévelop-
pement de chacun des Etats de l'U.M.O.A.

- .264
-
- Les comités nationaux de crédits : chaque comité national
est composé du ministre des finances, des deux représentants de
l'etat au conseil d'administration et de quatre autres membres
nommés par le gouvernement. Le comité siège auprès de l'Agence de
la B.C.E.A.O. dans cet Etat. Il est présidé par le ministre des
finances.
Le comité n~tio"~l assure l'application des concours consentis à cet
Etat pour le financement de l'activité économique et du développement.
Il apprécie le montant des besoins de financement de l'Etat et
propose au conseil d'administration le montant global des concours
demandés à la B.C.E.A.O. et dans la limite du montant global arrêté
par le conseil d'administration il fixe les part accordées aux banques
et établissements publics, au Trésor public, à l'Etat et aux collec-
tivités publiques.
Le comité national décide à la majorité simple. Le gouverneur ou
le vice-gouverneur et les directeurs de service de la B.C.E.A.O.,
en mission, assistent aux séances du comité avec voix consultative.
Section II - Réorganiser l'U.M.O.A. pour un développement
non extraverti
Le remaniement des accords de ]962 a permis d'obtenir
de la France des concessions formelles; il n'a pas entrainé de
changement dans les conceptions fondamentales des rapports qui lient
ces Etats et la France. Ce dont un des chefs d'Etat M. Kérékou se
plaignait en constatant que la "B.C.E.A.O. est toujours sous contra le
français" et que les "vieilles méthodes de travail et de prostitution
politico-économique se poursuivent" (9). Jusque là deux Etats qui
avaient souhaité un réaménagement qui leur aurait donné une plus
grande maitrise sur leur système monétaire au sein de la zone franc
ont échoué: La Mauritanie qui demandait une renégociation de l'en-
semble de ses accords de coopération avec la France, fut pratiquement
contrainte de sortir de la zone franc, devant l'intransigeance de la
France.
(9) Le moniteur afriçain nO 68] du 17 Octobre ]974.

- 265 -
Selon M.G. Comte la France lui avait signifié IJqu'ils ne devaient pas
s'attendre à obtenir le compte d'opération ni le système d'avances
consentis aux membres de l'U.M.O.A. ce refus, contraire aux voeux
de M. Moktar OULD DADDAH, équivalait à mettre son gouvernement hors
de la zone franc" (10).
De même, Madagascar dO sortir de la zone franc parce que la France
refusait le maintien du compte d'opérations si le gouvernement
malgache tenait à établir un contrÔle sur les transferts à destina-
tion de la France (11).
Certes le maintien de l'U.M.O.A. dans la zone franc présente
pour les Etats les avantages
- d'avoir contribué à leur assurer une stabilité monétaire
au regard des difficultés qu'ont connu certains Etats voisins comme
la Guinée ou le Mali dans la période 1962-1968.
- d'avoir contribué au maintien de la coopération monétaire
et financière sous-régionale.
Mais maintenir l'U.M.O.A. ne peut constituer une solution d'avenir
ni pour l'unification de l'ouest africain, ni a fortiori pour leur
indépendance. L'appartenance de l'U.M.O.A. à la zone franc crée une
contradiction évidente entre le désir de mettre l'organisation
technique monétaire et finantière au service d'un développement
communautaire non extraverti et la situation de primauté des liens
verticaux avec la France qui constituent la base principale de
l'existence de cette organisation.
(10) Gilbert Comte ''Mauritanie hors de la zone franc vers une indépendance écono-
mique réelle". Le Monde Diplomatique Mars 1973.
(11 )
Kof çi Konan l 'L ' intégration économique horizontale de l'ouest africain : une
stratégie de développement auto-dynamique complémentaire et harmonieuse pour
la sous-région". Mémoire de D.E.A. d'économie monétaire et financière P. 160
Clermont-Fd Octobre 1978.

- 266 -
1) Le système actuel de l'U.M.O.A. perpétue la dépendance
Toute zone monétaire est une zone de coopération économique,
donc l'appartenance de l'U.M.O.A. à la zone franc doit être appréciée
en fonction de ses conséquences structurelles. La sous-zone monétaire
et financière structurellement s'apparente plutôt à une zone de
clientèle privilégiée de la France du fait des facilités de transfert,
de la dépendance de la monnaie de ces Etats par rapport au franc
français.
M.Mme P. et S. Guillaumont par exemple observent s'agissant du main-
tin de la parité "qu'il en est résulté une certaine stabilité dans les
relations économiques avec la France et certains pays européens,
une certaine instabilité au contraire dans les relations avec le
reste du monte et notamment les autres pays africains" (12).
Certes depuis la réforme de 1973, les deux parties l'U.M.O.A. et la
France se consultent" dans la mesure du possible avant toute modi-
fication de la parité" ce qui veut dire que juridiquement chaque
partie peut procéder à une modification de la parité sans consultation
et même contre l'avis de l'autre s'il y a eu consultation. Mais cette
disposition a plutôt servi à apaiser les Etats africains après la
dévaluation unilatérale du franc français par la France en 1969. Les
Etats africains pourront difficilement exercer ce droit à l'encontre
de la volonté de la France. La possibilité dans les relations entre
partenaires, d'utiliser à bon escient les mécanismes monétaires est
liée au rapport de force entre eux et comme le dit M. Penouil "la
domination exercée par l'économie française est beaucoup plus liée
à la structure du commerce qu'aux mécanismes monétaires" (12 bis).
(12) Patrick et Sylviane Guillaumont "Les étapes de la coopération monétaire"
Centre d'Etudes et de Recherche sur le Développement International (C.E.R.D.I.)
5 Février 1974 P S.
Article publié pour l'essentiel, sous le titre "Avantages et inconvénients
de la zone franc" dans le Monde Diplomatique Mai 1974.
(12 bis) Marc Penouil "La coopération monétaire franco-africaine" Le Monde Diplorna-
tiqueJanvier 1973.

~1
- 267 -
M@me s'il est difficile d'évaluer l'ampleur du déséquilibre des
avantages commerciaux que la France et les Etats de l'U.M.O.A.
retirent de leur rapports, il est sans conteste que ceux-ci ne peuvent
avoir dans ce système, le contr6le de leur politique monétaire, or la
maitrise du système monétaire fait parti de la lutte contre l'extra-
version économique. La rupture de la relation verticale est nécessaire.
Elle constitue même un préalable dans la voie d'une unification de
l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest.
2) Pour une coopération monétaire autonome
Les Etats de l'U.M.O.A. peuvent juridiquement dénoncer
l'accord qU1 les lie à la France ~ans que l'existence de l'organisa-
tion sous-régionale soit affectée. Certes cette rupture de l'~ccord
U.M.O.A. France posera tant de problèmes qu'elle ne peut s'opérer
sans risque d'éclatement de l'U.M.O.A. comme le craint M. Penouil.
Celui-ci ne voit d'issue qu'entre le maintien du système néo-colonial
et la balkanisation (13).
Nous pensons que dans l'ensemble, les obstacles que rencontreront
les Etats africains s'ils devaient assurer seuls le fonctionnement du
système monétaire commun sont de même nature que ceux qui se posent
aux unions économiques actuelles : différence de poids économique,
faiblesse du commerce intra-régional et des solidarités économiques,
différences d'options politiques. Mais comme la garantie de la conver-
tibilité de la monnaie commune dépendra pleinement et entièrement de
la situation économique de l'ensemble des Etats membres, ssns autre
caution d'une monnaie relativement forte au plan international, un
système monétaire autonome exige beaucoup plus l'esprit communautaire,
aucun Etat membre n'étant en mesure de maintenir la discipline moné-
taire que la France peut imposer actuellement. Cela suppose donc qu'il
ne peut fonctionner qu'à l'intérieur d'un regroupement régional
solide et stable.
(13) M. Penouil Ibid.

- 268 -
Dans sa composition actuelle le problème se posera de savoir dans
quel regroupement pourra fonctionner une U.M.O.A. déliée de la France
tant l'Afrique de l'Ouest est truffée d'organisations. L'U.M.O.A. et
la C.E.A.O. n'ont pas la même composition. Deux membres de la C.E.A.O.
ne sont pas membres de l'U.M.O.A.
: la Mauritanie et le Mali (14). Le
Bénin et le Togo par contre sont membres de l'U.M.O.A. sans être
membres de la C.E.A.O.
Dans ces conditions, la dénonciation de l'accord U.M.O.A.-France
risque de correspondre à l'éclatement de l'U.M.O.A., parce qu'elle
devra àlors fonctionner en dehors d'un groupement économique. Ce qui
la mettra dans une situation anachronique dans la mesure ou les Etats
membres devront poursuivre une intégration générale. Le "décrochage"
selon les termes de M. Konan (15) devra par conséquent être suivi
d'un élargissement de l'U.M.O.A. et d'un aménagement des relations
financières et monétaires à l'intérieur de l'ensemble régional ouest
africain. M. Konan propose pour cet aménagement la constitution de
deux sous-zones monétaires : une sous-zone francophone réintégrant
la Guinée et la Mauritanie et incluant la Guinée Bissau qui se
rapproche politiquement de ces pays ; une sous-zone anglophone
composée de l'ancienne W.A.C.B.
(West African Currency Board) à laquel-
le sera rattachée la monnaie libérienne. Ces monnaies "sous-zonales"
devant s'échanger entre elles sur la base d'une parité respective
avec une unité de compte retenue pour toute la zone ouest africaine.
(14) Un plan d'assainissement économique pour que le Mali puisse réintégrer
l'U.M.O.A. en 1981 est établi en collaboration avec la France.
(15) Koffi KDNAN op.cit pp 158 et s.

- 269 -
ÇhêE!!!~_!Y_:_bê_S22E~!ê!!2~_gê~~_!~_g2~ê!~~_g~_!ê_~ê~!~:
L'organisation de coordination et de coopération pour
la lutte contre les grandes endemies (O.C.C.G.E.)
L'O.C.C.G.E. est le continuateur du service fédéral de pro-
phylaxie créé en 1939 à Bobo-Dioulasso (Haute-Volta) pour toute
l'ex. A.O.F. A partir de 1957, avec l'élargissement de l'autonomie des
territoires, ce service pris la dénomination de Service Commun de
Lutte contre les Grandes Endémies (S.G.L.G.E.). Les indépendances
n'affectèrent pas la poursuite des activités de l'organisme car elle
avait déjà fait preuve d'une grande utilité dans la lutte contre les
endémies (lèpre, palludisme, méningite, fièvre jaune, etc.) Mais
chaque territoire depuis 1957 s'était efforcé d'organiser des services
nationaux. Il fallait donc remanier les statuts de la S.C.L.G.E. Une
institution internationale de coordination et de coopération~fut créée

1
le 26 Avr il 1960 à Abidj an (1). Elle regroupe, à l' except ion ck ln (,-LuM.e
pour raison de rupture avec la "communauté" en 1958, les pays de
l'ex.A.O.F. plus le Togo et la France. Mais la Guinée s'y joindra en
tant qu'observateur.
Ce n'est donc pas une purement interafricaine de coopération technique.
La France y joue un rôle important comme pourvoyeur de personnel
d'assistance technique et de crédit.
L'O.C.C.G.E. est dotée d'un conseil d'administration qui se réunit
au niveau ministériel deux fois par an, et d'un comité technique
composé des directeurs des services nationaux.
(1) Ce statut fut remanié en Mars 1966
Voir Francis Wodié "Les institutions internationales régionales en Afrique
occidentale et centrale" Paris LGDJ, 1970, P. 5.
A. Zomngrana : Aspects institutionnels de l'organisation interafricaine conten-
poraine. Thèse Paris l, 1975, P 20 et s.

- 270 -
Avec les indépendances
même si les Etats sont à des niveaux divers,
t
confrontés aux mêmes problèmes (faiblesse du personnel de la santé
et de l'infrastructure sanitaire), ils déterminent eux-mêmes leurs
besoins et les formes d'action. L'objectif de l'O.C.C.G.E. est de
promouvoir la recherche appliquée
de coordonner les actions des
t
services nationaux et de contribuer à maintenir une unité de doctrine
propre à assurer l'efficacité d'une politique régionale de santé.
Elle joue aussi un autre rôle : celui de mettre en oeuvre dans la
sous-région la politique des organisations universelles dont les
domaines d'activités touchent au sien (O.M.S., U.N.I.C.E.F., F.A.O.).
C'est un organisme encore limité aux pays francophones d'Afrique
occidentale, mais compte tenu du mouvement actuel de rapprochement
des Etats de la région
elle bénéficiera peut être de ce climat pour
t
s'élargir aux autres, qu'elle attirait déjà (2), à moins d'une
mutation pour s'inserrer dans un organisme de la C.E.D.E.A.O. La
réponse pépendra surtout du dynamisme éventuel de la C.E.D.E.A.O.
CONCLUSION DU TITRE l
Il est remarquable que la création de nouvelles organisations
aussi ambitieuses que la C.E.A.O. et la C.E.D.E.A.O. n'ait pas été
précédée ou suivie d'une dissolution ou absorption d'anciennes orga-
nisations telles le conseil de l'Entente, le Liptako Gourma. Cela
aurait marqué que l'élargissement des cadres de coopération vient
d'une entente profonde entre les Etats. En effet cet élargissement
ne vient pas d'une ouverture des anciennes organisations à d'autres
Etats comme chacune affirme vouloir réaliser, mais de l'initiative
d'Etats membres de ces organisations, qui n'y trouvaient pas leur
compte.
(2) R. Bathily "Santé et développement: application aux pays d'afrique occidentale
francophone".
Thèse sciences économiques
Clermont-Ferrand, 1972, pp 382 et s.
t

-
271
-
Aussi la C.E.D.E.A.O. a été créée pour une grande part sur l'initia-
tive de membres du conseil de l'Entente - Togo, Bénin -, tandis que
les autres membres du conseil de l'Entente préconisaient un renfor-
cement du groupe francophone par l'intermédiaire de la C.E.A.O. pour
faire contrepoids à l'influence grandissante du Nigéria. La C.E.A.O.
lors de sa création a connu un retrécissement de ses membres par
rapport à l'ex. li.D.E.A.O. Pour certains Etats francophones, l'ouver-
ture vers la C.E.D.E.A.O. constitue plut6t un moyen de compenser les
difficultés dans leurs activités diplomatiques au sein de deux groupes
conseil de l'Entente-C.E.A.O. La C.EDAQO. a pu être créée certes par
le r6le du Nigéria, mais aussi parce qu'il y avait une certaine
tentative de redistribution des rapports de force entre Etats de
l'ex. A.O.F. et du Togo. Les données diplomatiques ont changé: la
Guinée s'ouvrait vers ses anciens adversaires, le C6te d'Ivoire et le
Sénégal, et ces derniers ne parvenaient plus à maintenir la même
influence sur leurs voisins respectifs. Cette situation leur imposait
une ouverture de leur champ diplomatique. Il n'es pas rare que des
Etats membres de la CIE.AIO., n'ayant pas pu faire passer leurs vues
sur des problèmes politiques au sein de celle-ci, transposent le
problème au niveau de la C.E.D.E.A.O. Si la création d'autres organi-
sations signifie une baisse des tensions aux niveaux régional, cela
ne veut pas pour autant dire qu'il y ait un désir d'aller plus loin
qu'auparavant dans l'union économique. Elle indique bien plus -
surtout au niveau de la C.E,D.E.A.O. "'" une lutte pour un "leadership"
régional. Cette lutte pour le "leadership" s'intègre aussi dans la
stratégie des grandes puissances qui préfèrent avoir un allié puissant
à même d'intervenir pour le maintien de la stabilité dans une région
en leur lieu et place. On ne peut par conséquent, poser le problème
de la coordination et de l'harmonisation entre ces différentes organi-
sations sans tenir compte des facteurs qui ont conduit à la création
d'organisations concurrentes, Il serait difficile de rendre complé-
mentaires des organisations qui, à l'origine ont été créées par les
effets d'une compétition entre Etats.
Dans l'Afrique de l'Ouest

- 272 -
la coordination des organisations de coopération ~e peut être réali-
sable sans dissolution ou absorption de certaines d'entre elles.
Cela vaut aussi bien en ce qui concerne les rapports entre la
C.E.A.O. et des organisations comme le conseil de l'Entente, qu'en
ce qui concerne la C.E.D.E.A.O. dans ses rapports avec les autres
organismes. Même entre ces deux grandes organisations, le problème
se pose, car il est douteux que des Etats puissent participer simul-
tanément à la réalisation de deux unions économiques. Nous verrons
dans le Titre II comment se pose le problème de la coordination des
organismes de coopération et quelles perspectives offre le régiona-
lisme économique.

- 273 -
T 1 T R E
Il :
LES MECANISMES DE LA COOPERATION REGIONALE


-
274 -
Dans la logique fonctionnelle, les institutions de
coopération, en consolidant les relations entre Etats membres,
peuvent conduire au succès du panafricanisme, à l'union politique,
suivant un schéma consistant à établir des rapports verticaux entre
l'O.U.A. et les unions économiques, et à établir des rapports
horizontaux entre les unions elles mêmes. Cela suppose que. chaque région
oeuvre à la réalisation d'une union économique. Elle suppose aussi
que ces unions économiques ne développent pas un antagonisme
entre elles, que l'O.U.A. soit à même de coordonner, d'organiser
l'entente entre elles. Or non seulement le conseil des ministres
chargé de la mise en oeuvre de la coopération économique interafri-
caine ne dispose pas de moyens ~ économiques et politiques -
d'intervenir en ce sens, mais encore au niveau régional on assiste
à la naissance d'unions économiques .sous-régionales concurrentes
souvent éphémères ou au mieux vivotantes. Ni au niveau de l'O.U.A.
ni au niveau régional, la complémentarité des organisations n'est
en voie de réalisation.
Au niveau
de l'O,U,A. les divergences politiques sont si aigues
que la coopération économique est reléguée au second plan. Les
groupements régionaux deviennent un terrain d'activisme diplomatique,
entrent parfois en compétition avec l'O.U,A t , ou servent de soupape
de sécurité au cas où l'O.U.A. n'est pas en mesure de résoudre un
problème politique entre Etats membres. Les groupements régionaux
ne peuvent être, selon le terme de M. Wodié, des "cellules de base
d'unité africaine" (1) que s'il y a une
coordination des institutions
de coopération pour assurer leur compatibilité et éviter les rivalités
paralysantes. Or si toutes les institutions affirment dans les textes
et les discours de leurs représentants, leur volonté d'entretenir
entre elles des relations de coopération, la réalité est toute autre.
(1) Francis Wodié ~ Les institutions internationales régionales en Afrique
occidentale et centrale, Paris LGDJ, 1970 P.S.

- 275 -
Le chevauchement de leurs membres et de leurs domaines d'activité
ont pour conséquence de rendre vaine cette volonté de coordination.
Le maintien d'une telle situation trahit un désir de chaque organisa-
tion de s'affirmer face aux autres plutôt que d'en être leur complément
Nous consacrerons le chapitre l aux rapports entre les institutions
internationsles. En plus de leur faible coordination, les groupements
connaissent de nombrecses difficultés internes qui font douter
de leurs possibilités de parvenir à réaliser leurs objectifs : le
développement communautaire. On est conduit alors à se demander au
vu de leur faible rôle d'intégration et de lutte contre la dépendance
économique, quelles fonctions réelles remplissent les institutions
internationales régionales, à se poser la question à savoir, le
régionalisme économique peut-il conduire à l'intégration politique.
Ce sera l'objet du chapitre II.

- 276 -
CHAPITRE l - LES RAPPORTS ENTRE LES INSTITUTIONS
INTERNATIONALES
Si l'O.U.A. par ses résolutions (2), apporte sa caution
à la création d'institutions régionales, elle n'a pas les moyens
d'intervenir dans le domaine de la coopération économique et dans
les relations entre les sous-groupes, en ce qui concerne en particulier
la compatibilité de leurs activités.
Section 1 - Les rapports entre les sous-groupes et l'O.U.A.
L'ensemble des groupements régionaux se réfèrent à l'O.U.A.,
mais la coopération économique n'est pas inserrée dans le cadre de
l'O.U.A. car leurs créations ont été impulsées en dehors d'elle. Aussi
ces groupements ont toute latitude pour définir eux-mêmes leurs
relations avec l'organisation continentale. Il n'existe de liens
verticaux entre l'O.U.A. et certains de ces groupements qu'en matière
de règlement des conflits.
A - Le régionalisme économique échappe au contrÔle de l'O.U.A.
La prolifération des institutions régionales ou sous-régio-
nales concurrentes est en elle même, une marque de l'incapacité de
l'O.U.A. de réglementer leur constitution. Cette incapacité tient
au fait que jusqu'ici, le rÔle principal de l'O.U.A. est d'oeuvrer à
l'élimination ou à la réduction des sources de conflits interafricains.
La recherche d'une politique d'entente a relégué au second plan les
problèmes économiques et la coopération institutionnelle. Dans ce
S~
dqmaine, sa contribution/résume 1 inciter la coopération interafricaine
bilatérale ou multilatérale par les résolutions du conseil des
ministres ou par des études sectorielles réalisées par le secrétariat
administratif, études sur lesquelles les groupes régionaux pourront
s'inspirer,
(2) Res,!12S/IX et res. CM(133/IX.
(3) ex. La résolution CM/Res 178/XII invita le secrétariat 1 entreprendre une étude
comparative détaillée de différents systèmes de stabilisation des prix des
produits de base en tenant compte de la régorme des règlements régissant le F.M.I
des études sur les instruments de paiement dans les échanges régionaux.

- 277 -
1
Elle joue aussi comme le remarque M. MUTUMBA, un rôle indirect dans
la coopération interafricaine (4). Les institutions régionales ou
sous-régionales actuelles ne sont pas des instruments
de sa stratégie
visant à créer un marché commun continental (S). On peut comprendre
par là, la faiblesse des liens entre les groupements et l'O.U.A., l'a-
maîtrise de l'O.U.A. sur le régionalisme économique.
1) La raison première des groupements est de parvenir à
constituer une volonté unique dans leurs relations avec les organismes
et Etatsbaîlleurs de fonds~'Ainsi les textes précisent généralement les organes
habili~és à négocier les aides financières, fixent leurs compétences, mais ne font
pas.mention ou restent vagues sur la 'nature des relations qui doivent être établies
avec l'O.U.A. Les groupements sont dans les faits liés ou tournés vers l'extérieur
quelque soit par ailleurs le contexte de leur création :prolongement de liens histo-
~iques (conseil de l'Entente-CEAO); nécessités techniques devant le cas de i'aména-
gement des fleuves; ou désir de s'ouvrir vers les Etats voisins
(C.E.D.E.A.O.) •
2) Une deuxième raison de l'autonomie des groupements
régionaux par rapport à l'O.U.A. est que ces groupements constituent
des cadres d'activisme diplomatique, de lutte pour un leadership
moins difficile à conquérir qu'au niveau continental. Mais au niveau
régional il ne s'agit pas seulement dans l'activisme diplomatique,
d'étendre son influence politique, il y a aussi des motivations
économiques. L'une ou l'autre de ces motivations - politique ou
économique - peut@tre plus ou moins importante suivant les Etats.
Si l'on considère les deux cas extrêmes, le Togo et le Nigéria,
celui-ci peut espérer consolider son influence politique et tirer
meilleure parti d'une libération des échanges dans le cadre de la
C.E.D,E,A,O. alors que le premier nommé, qui a joué un rôle actif
dans la naissance de la C.E.D.E.A.O., dispose de moins d'atouts pour
acquérir une influence économique sur ses partenaires.
(4) Jean D. MUI1lMBA "La politique de l'organisation de l'unité africaine"
Thèse droit 3ème cycle Bordeaux I, 1971, pp 88 et s.
(S) Lors de la session extraordinaire des ministres africains du commerce et de
l'industrie (Kinshasa du 5 au 12 décembre 1976) ceux-ci se sont fixés pour
objectif de réaliser dans quinze ans un vaste marché commun intégré.
Voir revue du tiers monde, Tome XVIII n? 70 avril-Juin 1970.

- 278 -
Ces terrains d'activisme diplomatique ne constituent pas une menace
sur l'O.U.A. parce que ces groupements n'ont pas une cohésion
politique leur permettant une harmonisation diplomatique. Les prises
de position à l'O.U.A. ne sont pas déterminées par l'appartenance
des Etats à telle ou telle organisation. Sur beaucoup de problèmes,
les Etats se scindent en camps "progressistes" ou "modérés", ces camps
étant eux~mêmes mouvants, sans configuration précise si ce n'est par
les positions générales de quelques Etats influents. Au contraire des
années 1960~1963 ou ces camps étaient organisés. Sur le problème du
Sahara occidental par exemple, le Togo et le Sénégal tous deux membres
de la C.E.D.E.A.O. et pays "modérés" ont adopté des attitudes
différentes, le Togo ayant reconnu la République Saharoui alors que
le Sénégal est plutat partisan du Maroc. La même remarque peut être
faite en ce qui concerne les débats sur les interventions étrangères
qui traversent l'O.U.A.
(6) et sur les solutions préconisées (7).
Les g~o.u fQ.(\\\\~t\\t~ régionaux ne sont normalement compatibles avec
l'O.U.A. que s'ils ne sont que des unions économiques, mais en tant
qu'aire de relations diplomatiques ont cette importance politique
1
qu'ils permettent le rapprochement entre certains Etats. Ainsi la
création de la C.E.D.E.A.O. a contribué: à l'ouverture de la Guinée
vers ses voisins, le Cate d'Ivoire et le Sénégal notamment, à l'inté-
gration croissante de la Guinée Bissau dans le giron des pays franco-
phones (8).
Ces groupements contribuent aussi au règlement des différends localisés
n'ayant pas pris une grande ampleur. Certaines de ces organisations
reconnaissent à l'O.U.A. un raIe dans le règlement des conflits.
(6) Après l'intervention cubaine en Angola, les invasions du Shaba par des opposants
venant d'Angola, l'intervention plus ou moins directe de l'U.R.S.S. et Cuba
dans le conflit somalo-éthiopien, etc.
(7) Certains Etats lors de la conférence franco-africaine tenue à Dakar en Avril 1977,
avaient émis l'idée de créer une force d'intervention africaine - suggestion'
dangereuse parce qu'elle aboutira à rompre complètement le fragile principe de
non intervention dans les affaires intérieures, à généraliser les ingérences
cl1aque fois que la situation est jugée subversive, et à des guerres inter-afri-
caines, qui sous couvert de lutte contre les ingérences étrangères transposeront
les rivalités des blocs impérialistes soviétiques ou occidentaux,
(8) Celle-ci participe aux conférences franco-africaines.

- 279 -
B - Possibilités de recours à l'O.U.A. dans le règlement
des différends
Les cas de renvoi à l'O.U.A. pour le règlement des conflits
sont limités. Même dans ces cas, le groupement ne renvoie à l'O.U.A.
que si les recours internes ont été épuisés. Deux organisations
d'Afrique occidentale reconnaissent à l'O.U.A. une compétence au
second degré dans le règlement des différends juridiques : ce sont
la commission du fleuve Niger et l'O.M.V.S.
(9). Elles prévoient aussi
la possibilité d'un recours en dernière instance devant la Cour
Internationale de Justice. Il,eifremarquer qu'il s'agit d'institutions
fluviales domaine technique où des conflits d'intérêts de nature
juridique apparaissent souvent et dont les solutions doivent s'appuyer
sur celles du Droit International.
L'article XVI des statuts de l'A.D.R.A,O. confie dans certaines condi-
tions ~ insuccès du règlement par le conseil d'administration, et dif-
ficultés pour nommer un tribunal d'arbitrage - au secrétaire général
de l'O.U.A., le soin de nommer les arbitres. Ces organisations n'ont
pas eu à utiliser la voie du recours à l'O.U.A. dans le règlement
de différends. Dans les autres cas soit l'organisation dispose d'un
organe juridictionnel, soit les différends doivent être résolus à
l'amiable par les organes politiques. Les deux procédés sont parfois
cumulés. L'O.U.A. se trouve écarté des différends juridiques qui peu-
vent surgir au sein de ces organisations (Tableau 1, page
280).
(9) Article 7 de l'acte de Niamey de 1963 et article 24 de la convention sur
l'O.M.V.S.

- 280 -
Tableau 1
Mode de règlement des conflits
mode de
organe de
recours
règlement
à
recours à
amiable
règlement
l'O.U.A.
lav·I. . .1.
: organisation
C.E.D.E.A.O.
x
C.E.A.O.
x
Conseil
Entente
x
O.M.V.S.
x
x
x
x
Fleuve Niger
x
x
x
x
O.M.V.G.
x
Liptako
x
C.E.B.E.V.
x
A.D.R.A.O.
~

- 281 -
Section II - Rapports entre les institutions de coopération
Formellement, le problème de la compatibilité ne se pose pas
car toutes les organisations admettent l'appartenance de leurs membres
à d'autres institutions poursuivant les mêmes buts. L'article 49 § 1
du traité instituant la C.E,A.O. dit : "Des Etats membres de la commu-
nauté peuvent appartenir à d'autres groupements régionaux ou sous-
régionaux comprenant soit une partie seulement des Etats membres
soit des Etats membres et des Etats non membres, sous réserve de
respecter les dispositions du présent traité". L'article 59 § 1 du
traité constitutif de 1:
C.E.D.E.A.O. reprend le~ mêmes termes "les
Etats membres peuvent appartenir à d'autres associations régionales
ou sous-régionales comprenant soit d'autres Etats membres, soit des
Etats non membres, à la condition que leur appartenance à ces
associations ne soit pas incompatible avec les dispositions du présent
traité". Cette compatibilité de principe est d'ailleurs traduite
dans la pratique par l'appartenance de chaque Etat à plusieurs
organisations (Voir tableau 2, page 282),
Il s'agit de savoir si dans leurs activités ces organisations peuvent
éviter les antagonismes et s'il y a interpénétration entre elles
car seul l'harmonisation et la coordination de leurs activités
assureront leur compatibilité.
A ~ L'harmonisation et la coordination des activités
de groupements
L'entreprise de coordination des institutions de coopération
est particulièrement complexe, du fait d'abord de la multitude et du
c~evauc~ement des organisations et ensuite de leurs instabilités.
- s'il est malaisé de coordonner les activités de deux
organisations, le problème devient inextricable quand on a à faire
à plusieurs unions économiques.
- leur faiblesse interne peut de prime abord apparaître
comme un avantage parce que l'absorption serait plus facile à
réaliser, mais au contraire ces organisations, qui en sont à un bas
niveau d'harmonisation, aspirent plutôt à s'élargir ou à se consolider.

- 282 -
Tableau 2
Participation des Etats aux
institutions internationales
.
.
.
En-
.. FI.
.0
: Lip- .
: CEDEAO: CFAO : tente
CMVS : Niger : CMVG
:ADRAO
UMJA :OCCGE : tako
.
Bénin
~
~
~
~
~
~
Cap vert
~
Côte d'I-:
~
~
~
~
~
~
~
voire
Gambie
~
x
~
Ghana
~
~
Guinée
~
~
~
Guinée
~
~
Bissau
Haute-
~
~
~
~
~
~
~
~
Volta
Libéria
~
~
Mali
~
~
~
~
~
~
~
Mauri tanie:
~
~
~
~
Niger
~
~
~
~
~
~
~
~
Nigéria
~
~
~
~
Sénégal
~
~
~
~
~
~
Sierra-
~
~
~
Leone
Togo
~
~
~
~

-
283 -
1) En considérant le modèle théorique d'intégration
économique de l'ensemble de l'Afrique occidentale, il devrait s'établir
des liens organiques ou fonctionnels successifs allant du groupement
le plus petit à celui le plus étendu. Il s'établirait alors entre les
groupements
et selon la composition de leurs membres, des relations
organiques entre institutions techniques et institutions ayant des
domaines d'activité plus larges. Ainsi l'O.M.V.S., l'Autorité du
Liptako-Gourma et l'O.M.V.F. dont tous les membres font partie de la
C.E.A.O., pourraient nouer de telles relations avec celle-ci. Il serait
de même possible de créer de t~ls liens entre la C.E.D.E.A.O., l'A.D.R.
A.O. et la commission du fleuve Niger bien que deux de ses membres ne
soient pas ouest-africains. Entre les organisations larges telles la
C.E.A.O. et la C.E.D.E.A.O. s'établiraient des relations fonctionnelles.
Tel n'est pas le schéma des relations actuelles. Les institutions
techniques ont une existence indépendante. A long terme le problème
de la coexistence entre certaines organisations se pose. Il est
communément admis que le conseil de l'Entente devrait être absorbé
par la C.E.A.O. Or si le conseil de l'Entente est effectivement devenu
anachronique son absorption sera difficile à réaliser car deux de ses
membres sur cinq ne sont pas membres de la C.E.A.O. Il ne peut par
exemple, y avoir fusion des activités des organismes techniques du
conseil de l'Entente dans celles de la C.E.A.O. Les difficultés
proviennent surtout des organismes de coopération multilatérale, car
le sort des organismes de coopération bilatérale comme la R.A.N. et
l'O.C.B.N., dépend beaucoup plus des Etats membres respectifs. Cette
absorption ne peut donc être réalisée que par la dissolution du conseil
de l'Entente et principalement de ses organismes multilatéraux:
C.E.B.E.V., fonds d'entraide et de garantie.
Le conseil de l'Entente est un exemple éloquant de l'inévitable
compétition causée par le chevauchement des membres. Ceux-ci étant
tiraillés entre la C.E.A.O. et la C.E.D.E.A.O., il est l'objet d'une
compétition entre ces deux unions économiques qui peuvent bénéficier
de sa dissolution en reprenant en main ses activités.

-
284 -
D'autres germes d'antagonisme existent par ailleurs entre la C.E.A.O.
et la C.E.D.E.A.O. Indépendamment des préoccupations et des jeux
politiques qui sont à l'origine de la constitution presque simultanée
de ces deux organisations et de certains problèmes classiques comme
les difficultés qu'auront les Etats de respecter des engagements finan-
ciers pris dans plusieurs organisations, il est douteux que la C.E.A.O.
et la C.E.D.E.A.O. puissent coexister de façon satisfaisante.
Toutes deux ont sensiblement un même mécanisme d'intégration comportant
un processus de réalisation en deux étapes. Même si la mise en place
de ce mécanisme est un peu plus avancé dans le C.E.A.O. que dans la
C.E.D.E.A.O., dans chaque phase, les deux groupements poursuivent
des objectifs qui se rapprochent: pour la C.E.D.E.A.O., constituer
dans le premier temps, une zone de libre échange dans un délai de dix
ans, et pour la C.E.A.O., établir une "zone d'échanges organisée" dans
un délai de douze ans.
Une incompatibilité apparait entre la zone préférencielle constituée
par la C.E.A.O. et l'article 20 du traité de Lagos accordant le trai-
tement de la nation la plus favorisée à ses membres. Selon l'article 59
alineas 2 et 3, "les droits et obligations résultant des accords
conclus avant l'entrée en vigueur du présent traité soit entre plusieurs
Etats membres, soit entre un Etat membre et un tiers, ne seront pas
affectés par les dispositions du présent traité. Dans la mesure ou de
tels accords sont incompatibles avec le présent traité, le ou les
Etat(s) membre(s) concernées) prendront toutes les mesures appropriées
pour éliminer les incompatibilités ainsi créées •• ". Les mesures
préférentielles prises au niveau de la C.E.A.O. devrait par conséquence
bénéficier à tous les Etats membres de la C.E.D.E.A.O. "autrement dit,
l'union douanière de la C.E.A.O. doit progressivement disparaître" (10).
(10) M. HEDRICH et K. Von Der Ropp op.crt P. 14.

-
285 -
La C.E.A.O. ne peut être le noyau dynamique auquel elle prétend,
au sein de la C.E.D.E.A.O. que si elle adopte des mesures plus hardies.
Dans ~es conditions comment les Etats pourront surmonter ces incompa-
tibilités si la C.E.D.E.A.O. s'avérait viable et dynamique. Dans le
court terme, celle-ci est plus menacée par l'existence de cette
incompatibilité parce que les solidarités économiques et politiques
y sont plus faibles.
2) La fragilité actuelle des sous-groupements devrait
constituer un avantage pour les institutions poursuivant des objectifs
plus vastes. La plupart des sous-groupes sont malgrè l'ancienneté
de leurs origines, à des phases peu avancées d'harmonisation et de
coordination de leur politique économique. Ils peuvent plus aisément
adapter leurs programmes à ceux des organisations plus étendues.
Mais un groupement restreint ne peut constituer selon la comparaison
de M. SENGHOR un Bénélux à l'intérieur de la C.E.E. que s'il ne
s'instaure pas une compétition pour arracher des membres. Pour que les
relations privilégiées entre certains Etats membres ne soient pas
affectées, ceux-ci cherchent à consolider leurs sous-groupes au dépend
des groupes plus larges.
En l'absence de cette stabilité dans leur compositionjles groupements
restreints n'ont pas non plus une attitude commune à l'intérieur des
groupes plus larges, ils ne peuvent développer comme forme de collabo-
ration l'action concertée à l'intérieur de ces groupes.

-
286 -
B -
La coordination des organismes spécialisés
Les organismes spécialisés sont le terrain où se manifeste
avec évidence la concurrence entre les institutions régionales.
Chaque groupement dispose de son propre programme de développement
coordonnée, créé des organismes spécialisés pour l'étude et l'appli-
cation de ce programme. L'harmonisation des programmes nationaux étant
à des stades primaires, une concurrence s'engage entre les institutions
de coopération pour amener les membres à privilégier tel ou tel cadre
de développement.
En matière de transport, en plus des organismes techniques fonction-
nant au sein du conseil de l'Entente, la C,E.A.O. mène une étude visant
à dégager l'opportunité de la création d'une société des transports
maritimes et fluviaux, tandis que la C,E,D.E,A,O. prévoit en son
article 43 la création d'une compagnie multinationale de navigation
maritime et fluviale.
En matière d'élevage il y aura trois organismes, s'il n'y a pas
absorption effective. La recommandation de la conférence sur la
coopération régionale en matière de bétail et de viande préconise
la constitution d'un organisme technique au sein de la C.E.D.E.A.O.,
qui se substituera aux autres organismes sous-régionaux (C.E.B.V.-
O.C.B.V.). Des efforts de coordination sont déjà entrepris entre
l'O.C.B.V. et la C.E,B,V. pour qu'il n'y ait pas concurrence ou
incompatibilité, les projets élaborés par les organismes spécialisés
restreints devraient teni compte de ceux des organisations plus larges.
Cela ne peut être mis en oeuvre parce qu'il entrainent une chaine de
relations de subordination dans l'étude de la réalisation des projets.
Par exemple une étude sur la création d'une compagnie de transport
devra tenir compte de~ études éventuellement menées aux niveaux de la
C,E,A,O, et de la C,E,D.E,A,O,

- 287 -
La prolifération des organismes spécialisés et l'insuffisance de leur
coordination découle en quelque sorte de l'une des raisons primordiales
de la création des institutions de coopération : la recherche de
financement. La promotion du développement commun est liée aux concours
extérieurs. Les projets sectoriels ne peuvent obtenir de financement
que s'ils présentent des garanties suffisantes de rentabilité
économiques et certaines garanties politiques. La création des organis-
mes spécialisés est par conséquent indispensable, pour l'étude et
l'élaboration de projets crédibles. Chaque institution régionale signe
avec les organismes d'aide et de financement des conventions pour
l'étude ou le financement de projets élaborés pour une zone donnée.
Cette contrainte du financement extérieur réduit les possibilités
d'harmonisation des projets et de fusion des organismes spécialisés
pour éviter la dispersion des forces due à la juxtaposition des orga-
nismes et des projets.
Aussi la coordination des organismes spécialisés se résume souvent
aux échanges d'informations et de données, à l'envoi d'observateur aux
réunions, non suivi d'harmonisation des projets.

- 288 -
CHAPITRE II - INSTITUTIONS INTERNATIONALES REGIONALES
ET INTEGRATION POLITIQUE
Pour porter un jugement sur l'avenir de la coopération
ouest africaine, il nous faut donner une appréciation de la démarche
de l'intégration fonctionnelle. De nombreux auteurs ont fait des
analyses critiques du fonctionnement des institutions régionales de
coopération, proposé des réformes et des réaménagements en vue de les
dynamiser ou de corriger des effets dysfonctionne1s par rapport aux
objectifs du développement des échangers inter-étatiques. Ces critiques
partielles partent de l'acceptation de la validité et de la théorie
de l'intégration fonctionnelle au moins pour ce qui concerne les pays
dépendants.
Pour d'autres une remise en cause de cette théorie permet de s'orienter
vers une analyse qui n'est pas seulement de savoir dans quelles
conditions les unions régionales pourront atteindre leurs objectifs
déclarés, mais quelles sont les fonctions réelles qu'elles assument.
En d'autres termes y-a-t-i1 compatibilité entre les finalités explicites
des unions régionales et les objectifs poursuivis par les acteurs c'est
à dire les Etats ?
L'on s'accorde généralement sur le point que les structures socio-
économiques actuelles sont un frein pour le développement économique,
mais les avis divergent quant à savoir si le bouleversement de ces
structures socio-économiques peut et doit être réalisé dans le cadre
de l'Etat-nation ou par les unions régionales. La pratique, par la
multiplication des organisations semble fournir une réponse: l'unité
régionale ou continentale est à même d'assurer la rupture de la
dépendance structurelle des Etats africains. Nous consacrerons la
première section à l'appréciation de cette conception.

- 289 -
Section l - l'Union régionale: condition de
l'indépendance économique
Nous avons vu que les regroupements ont pour justifications
l'indépendance économique et l'unification de l'Afrique, et, dans
la démarche qui guide ces regroupements, l'unité est considérée comme
le facteur principal en ce sens que c'est par la création d'un vaste
marché que les Etats pourront réaliser l'indépendance économique et
s'arracher du sous-développement. Pour ce faire les Etats ont d'abord
envisagé l'intégration fédérale, puis y ont renoncé au profit d'une
intégration fonctionnaliste : "Le phénomène régional dit M. Gautron,
s'inscrit pleinement dans une vision fonctionnaliste des relations
des Etats : internationalisation des activités qui ne peuvent plus
désormais être accomplies dans un cadre purement national ;
séparation des divers secteurs d'activités en fonction de la division
interne et internationale du travail ; primauté de la technique sur
la politique; celle-ci entrainant dans un stade ultérieur, la
formation d'entités politiques, par un glissement de la coopération
par secteurs vers l'intégration de tous les secteurs" (11). Mais devant
les expériences malheureuses et les énormes difficultés que connaissent
les organisations régionales créées en Afrique et notamment en Afrique
occidentale, il est permis de s'interroger sur la validité de cette
démarche.
~ê!êg!êEh~_!_:_b~~_~~h~~~_~~~_!~~!!!~!!Q~~_!~g!Q~~!~~
~Q~~_YQ!~_~~_~~Y~!QEE~~~~!_~~!Q~~~!!~
Certains économistes ont émis des doutes sur la possibilité,
dans les pays dit sous-développés, de parvenir, par les unions régio-
nales à un développement autocentré. Selon M.F. Perroux, "emprunter
la théorie de l'union douanière aux expériences occidentales et le
transposer aux républiques africaines d'expression françaises, c'est
méconnaître la réalité" (12).
(11) Jean-Claude Gautron "Le fait régional dans la société internationale"
In Régionalisme et universalisme dans le Droit International Contemporain.
Colloque de Bordeaux ed. A. Pedone, 1977, PP 3 à 44.
Publication de la société française pour le droit international.
(12) In A.G. Anguilé et J.E. David "L'Afrique sans frontières", 1965, P.13.

- 290 -
C'est ce qu'exprime aussi M. Penouil quand il affirme que "si l'on
pense qu'il suffit actuellement de s'unir pour que le problème de
l'étroitesse du marché soit résolu, on fait certainement fi des
réalités" parce que "l'Afrique a fort peu de choses à vendre à
l'Afrique" (13).
Les relations commerciale dit-il portent sur des produits agricoles,
qui ont peu de poids dans le commerce international; l'union douanière
n'aura pas d'influence sur les coOts très élevés de la commerciali-
sation dans des pays étendus et éloignés; l'absence d'infrastructure
et la dispersion de la clientèle feront que ce ne sera pas un marché
au sens économique. Cette union douanière techniquement réalisable ne
sera pas par conséquent économiquement viable.
Les facteurs de maintien de l'extraversion dans les ensembles régionaux
sont fort variés et des analyses sectorielles ont montré des effets
dysfonctionnels par rapport aux objectifs du développement des échanges.
Pour M.B. BEKOLO-EBE (14), la conception de l'intégration comme support
des échanges dans les pays indépendants, doit être remise en cause. La
conception de l'unibn dit-il repose sur la théorie classique de l'inté-
gration qui s'intéresse aux effets de l'union sur les échanges interna-
tionaux, aux effets des droits de douane, des mesures de contingente-
ments. Cette conception harmoniste et statique de la pensée libre-
échangiste peut être appliquée pour des pays dont les structures
économiques sont établies et dont l'appareil de production n'appelle
que des mesures de régulation conjoncturelles. Dans les pays africains,
les structures de production orientées vers les marchés des pays
industrialisés ne se prêtent pas à un développement des échanges dans
l'optique de la théorie de l'intégration par les unions douanières.
(13) M. Penouil "L'économie africaine": bilan et perspectives, RFSP Octobre 1972
PP 992 et s.
(14) B. IŒKOLO-EBE ''Une analyse de quinze ans d'échanges entre pays africains
(1960-1975). Revue Tiers Monde T. XVIII nO 70 Avril-Juin 1977 PP 367-380.

-
291 -
Il Y a une incompatibilité entre les structures de production et
l'objectif de développement des échanges interafricains : "les échanges
sont les résultantes des structures de production, aussi le plus
important n'est-il pas la politique douanière comme le suggère la
vision harmoniste de l'intégration, mais une restructuration de l'appa-
reil de production, des choix intégrés de spécialisation en fonction
des besoins potentiels des populations et la maîtrise de l'appareil
monétaire et bancaire" (15).
Les unions économiques peuvent entrainer un certain accroissement des
échanges entre membres, mais pas suffisante pour entrainer un renver-
sement des courants d'échange; de nature à remettre en cause la
dépendance économique des Etats concernés. Des facteurs divers
contribuent à maintenir les relations asymétriques :
- l'union économique) encouragée de l'extérieur établit
des relations privilégiées avec les Etats ou organismes qui sont son
support essentiel. Elle devient en fait une voie de pénétration ou de
maintien de la domination. C'est un reproche que font certains membres
de la C.E.D.E.A.O. à ceux du conseil de l'Entente et de la C.E.A.O.,
accusés d'être des chasses gardées de l'ancienne puissance coloniale.
Ce reproche n'est pas sans fondement; mais il faut aussi ajouter
qu'il ne suffit pas que l'organisation regroupe des Etats d'influences
différentes pour que le phénomène de domination économique et financière
soit évité. Il peut y avoir détournement de l'action de l'union écono-
mique par la voie du financement. Ce contrale sera alors exercé par
plusieurs puissances au lieu d'une. La pratique, aujourd'hui prononcée,
des pays investisseurs, est à ce point de vue indicative de la tactique
consistant à encourager la constitution de blocs de pays dépendants
qui entretiendront des relations privilégiées avec d'autres blocs
régionaux de pays développés. C'est ainsi que l'accord C.E.E.-A.C.P.
encourage en son sein la constitution de groupements régionaux (16).
(15) Ibid
(16) Nous pouvons y rapprocher aussi les propositions de conférences Nord-Sud
ou de conférence Europe-Afrique - pays arabes
bien qu'ici les blocs soient
organisationnellement plus lâches.

- 292 -
- Ne partant pas d'une transformation des structures de
productions, les unions économiques, quelque soit le désir de leurs
auteurs ne pourront être que des appendices du système dans lequel
ils se créent, en l'occurence des appendices du système capitaliste.
Si certains Etats affirment évoluer dans la voie du développement
capitaliste d'autres prétendent construire un développement non
capitaliste : comment pourra-t-on suivre une telle voie dans des
structures économiques dépendantes.
Ici, le régionalisme économique se situe en définitive, dans le cadre
du réaménagement des relations pays dépendants-pays industrialisés, mais
beaucoup moins qu'un moyen de se constituer en centres de développement
autonomes il devient un instrument des blocs politico-économiques dans
le système mondial. Le groupement économique est souvent une solution,
plus souple de maintenir son influence. Le groupement économique
permet aussi d'utiliser certains pays comme "pays relais" dans les
échanges économiques : par une sorte de spécialisation internationale,

les pays plus riches du groupe deviennent fournisseurs des autres pays
pour certains produits, mais aussi un marché plus important pour les
produits manufacturés des pays industrialisés. Le régionalisme
économique peut par conséquent aller dans le sens de l'inféodation
économique. Du c6té des internationalistes, le fonctionnalisme théorie
sur laquelle repose les expériences d'intégration régionale, souffre
de critiques. Idéologie réformiste selon M. Virally ou théorie sédui-
sante mais utopique selon M. Gonidec (17) parce qu'elle constitue un
fédéralisme sans douleur, ces critiques méritent qu'on sy arrêtent,
bien qu'émises en considérant un terrain plus vaste, la société
internationale.
(17) P.F. Gonidec. Relations internationales ed. Montchrétien Paris 1977 PP 71 et s.

l
- 293 -
"Les fonctionnalistes dit M. Gonidec, partent de la constatation de
l'existence d'organisations internationales. Ils pensent qu'en multi-
pliant par le truchement des organisations internationales principale-
ment techniques leurs liens économiques, sociaux, culturels, scienti-
fiques, bref en faisant travailler les gens ensemble, non seulement ils
ne penseront plus à sa battre et on éliminera par conséquent la guerre
internationale, mais encore on les habituera à prendre conscience
qu'au delà de la tribu de la nation, il y a la société mondiale" (18).
Pour lui cette analyse du point de vue théorique comporte des faibles-
ses : elle méconnait une des lois fondémentales de la connaissance, la
loi de l'unité des phénomènes •. On ne peut, à partir de la constatation
de la différenciation croissante des activités humaines, isoler les
uns des autres les différents secteurs de l'activité humaine, isoler
le politique et le technique pour développer tel ou tel secteur.
Ces vues relèveraient d'une conception technocratique qui repose sur
"la croyance simpliste en l'automacité, au caractère inéluctable des
effets politiques des transformations accomplies dans un domaine
spécialisé notamment économique" (19).
En effet pour les partisans de l'intégration fonctionnelle, le mérite
des regroupements économiques est de mettre l'accent sur les problèmes
économiques, de "taire les divergences politiques" pour oeuvrer à
l'unification, Croire que l'on peut s'occuper des problèmes économiques
en faisant abstraction des querelles et des différences de conceptions
politiques, c'est enlever toute base réelle aux conflits et différends,
qui sont des conflits d'intérêt. Ceux~ci embrassent des intérêts
économiques et sociaux. Il n'est pas rare par exemple que des conflits
frontaliers soient ravivés lorsque l'on décèle l'existence de ressour-
ces dans le sous-sol de la région considérée. Il en est de même des
divergences sur les politiques économiques, La croyance en une évolution
linéaire des organisations régionales vers l'union supra-nationale
conduit ~ minimiser le problème de choix politique sur lequel s'exprime
la souveraineté des Etats. "Le faisceau de coopération technique dit
M. Viral Ir, ne permet pas de passer à la coopération politique m@me
s'il en facilite l'acceptation sans une mutation, une transformation
qualitative" (2Q),

- 295 -
1
1
1
1
~ê!êg!êEh~_!!_:_Q!gê~!~ê!!~~~_!~g!~~ê!~~_~!_!~!~g!ê!!~~
nationale
1
---------
Les analyses sur les unions économiques, qui ne s'intéressent
qu'aux buts proclamés des organisations (fonction explicite), escamo-
tent souvent une des bases du régionalisme africain: c'est aussi un
moyen pour les pouvoirs politiques, de faire face aux problèmes résul-
tant de l'absence d'intégration nationale.
Nous avons vu, que tant au niveau de l'O.U.A. que des organisations
régionales, les textes et la pratique aboutissent à un renforcement de
la souveraineté des Etats. Ce renforcement est une des causes de
piétinement des institutions régionales, que l'on ne manque pas de
soulever (22). Certes dans les unions économiques entre pays développés,
l'abandon partjel ou les concessions sur les souverainetés nationales
font l'objet d'âpres débats entre Etats membres et à l'intérieur de
ces Etats, en attestent les remous lors des négociations partielles au
niveau de la C.E.E. ou plus important encore, sur les élections au

parlement européen. Le régionalisme africain évolu dans un contexte
assez spécifique : les nations sont en formation et les Etats (les
appareils d'Etat) s'efforcent de forger cette nation. Ce qui est
considéré par les pouvoirs politiques comme un fait établi dans leurs
relations internationales est de leurs aveux un objectif primordial
dans l'ordre interne. Leurs attitudes sont liées aux impératifs de
la construction de l'Etat-nation et suivant les termes de M. Yves Benot
"La nation, l'unité nationale, sont la hantise première derrière toute
pensée politique africaine" (23). On peut comprendre dès lors que les
regroupements interafricains conçus pour répondre à deux besoins -
unité nationale et unité africaine aient dans la pratique, servi le
premier dessein, "Dans la perspective de l'acteur politique dit
M. Constantin, les fonctions explicites (des regroupements) sont
dysfonctionnelles, ou du moins, sont organisées de telle manière
qu'elles fassent apparaître nécessairement des dysfonctions (si l'on
se situe par rapport à l'intégration), parfaitement fonctionnelles dans
un autre système de référence, le système interne (étatique)" (24).
(22) Voir
A. Zoungrana, Thèse Paris 1975 PP 147 et s.
MEBALE, le développement économique de l'U.D.E.A.C. thèse Clermont Ferrand
1977, P. 195.
(23) Yves Benot : Indépendances africaines : idéologies et réalités Tl petite
collection Maspero, 1975, P. 82.

- 294 -
Dans une période donnée l'organisation régionale peut être acceptée
parce qu'elle favorise l'action des Etats sans porter atteinte à leur
souveraineté. Des organisations sur lesquelles on fondait des espoirs
d'une évolution vers l'unification peuvent, soit à partir de changement
dans la situation intérieure d'un ou plusieurs Etats, soit à partir
d'une évolution défavorable à certains membres, s'enrayer et aboutir
à la rupture (21).
Si l'on considère l'ensemble des Etats de l'Ouest africain, malgr~
les diversités de régimes politiques - régime militaire, de parti
unique ou pluri-partisme limité - leurs systèmes économiques sont à
des nuances près analogues, avec la caractéristique principale d'être
des systèmes économiques dépendants quelque soit la dénomination que
les Etats se donnent : socialiste, socialiste africain, non capitaliste
ou capitaliste. Une évolution des organisations régionales vers l'union
économique supposerait que ces systèmes économiques conservent leur
minimum d'homogénéité. La défense de l'organisation débouchera sur
la défense du système socio-économique si ce n'est l'inverse.
D'autres auteurs ont essayé à partir de la constatation de la prolifé-
ration des organisations régionales, de rechercher les fonctions
réelles qu'elles remplissent, Il ne s'agit plus seulement de savoir si
elles sont à même de remplir leurs objectifs explicites, mais comment
réussissent-elles à surmonter la contradiction entre la construction
de la nation et la construction de la région,
(18) Ibid
(19) Ibid
(20) M. Virally "L'organisation mondiale" cité par Monsieur Gonidec Ibid P. 74.
(21) La conmnmauté des Etats de l'Afrique Orientale (C,AtO.), lUl moment
donnée corrane modèle, s'est éteinte en 1976,
__
- - - - - "..-
.
~

- 296 -
1
Parmi ces fonctions implicites, les regroupements régionaux visent la
recherche d'une sécurité collective externe et aussi interne. Les
embryons d'Etats-nations ne peuvent être le "bouclier de la nation
dans la compétition générale qui fait rage sur la scène mondiale}}(25).
Les regroupements régionaux pourrait-on dire, jouent dans le domaine
de la sécurité un rôle complémentaire à l'O.U.A.
L'organisation continentale, en posant les règles de la coexistence
pacifique interafricaine (respect de l'intégrité territoriale, non
subversion .•. ) a servi d'abrit dans une certaine mesure, contre les
remises en cause de l'existence des Etats (26). Elle est aussi une
instance de recours susceptible de limiter l'intervention des puissances
extérieures dans certains conflits interafricains. Malgr~ tout l'O.U.A.
ne peut éviter ces conflits et sa faiblesse eetbien connue dans le
règlement des différeijds. Elle a consacré les patries mais elle ne peut
garantir leur sécurité. Les groupements régionaux deviennent un terrain
ou certains différends sont applanis avant qu'ils dégénèrent en conflits
et un terrain d'alliances défensives: en Afrique de l'ouest les
Etats membres de chacune des deux unions économiques (C.E.A.O.-C.E.D.E.
A.O. ont signé des pactes de non agression.
(24) François Constantin "Régionalisme international et pouvoirs africains"
R.F.S.P. 1976 PP 70-102.
(25) SilviU Brucan "l'Etat-nation: est-il appelé à se maintenir ou à disparaître ?"
Revue internationale de science sociale volume XXX nO 1, 1978 PP 9-32.
(26) L'O.U.A. a été totalement inefficace dans le double invasion de la Tanzanie
par l'Ouganda puis de l'Ouganda par la Tanzanie.

- 297 -
Dans les domaines socio-économiques, les mesures communautaires ne
sont appliquées que si elles n'entrent pas en contradiction avec le
désir de mattrise du système politique interne ; ou ces mesures ont
des effets déviants par rapport à l'objectif d'intégration. Citons
encore l'exemple de l'U.D.E.A.C. dans la mesure ou les unions
multisectorielles ouest-africaines sont récentes. Monsieur MEBALE
constate qu'il y a une sorte de détournement d'objet de la "taxe
unique" instaurée au sein de l'U.D.E.A.C. car les produits "taxe
unique" se cantonnent dans le marché national : "dans la réalité le
marché inter-Etats n'existe pas encore comme marché homogène, unifié.
C'est une juxtaposition de marchés nationaux séparés par des barrières
dont une, non négligeable, est la "taxe unique" elle-même (27).
Les institutions internationales ne visent pas à dépasser les
Etats nations encore virtuels mais servent à leur renforcement et au
maintien du statu quo, La dénonciation, dans le discours politique,

du micro-nationaliste est souvent destiné à la consommation interne.
Elle est beaucoup plus une condamnation du tribalisme et du reg1ona-
lisme interne. Mettre en doute la viabilité des pays actuels, c'est
souligner l'absurdité des revendications d'autonomie ou de séparation.
C'est en cela que l'on peut dire que le panafricanisme, dans son
contenu idéologique nationaliste a évolué. Ce n'est plus seulement
une revendication de l'unité contre le colonialisme ou le néo-colonia-
lisme ? il vise au renforcement, à la constitution des Etats-nations.
L'unité africaine, régionale ou continentale, est une préoccupation
seconde dont la réalisation est subordonnée aux évolutions dans le
système interne.
(27) Mébalé op.cit P. 249.

- 298 -
Section II - l'a-maîtrise des systèmes socio-économiques
nationaux
Même si le régionalisme offre de meilleures prespectives
de développement ou du moins de croissance économique, il parait
difficile de concevoir aujourd'hui que la restructuration des produc-
tions, que le renversement des structures qui constituent les entraves
à ce développement ne peuvent partir que du niveau régional. Conclure
qu'on ne peut s'arracher de la dépendance que par l'union régionale
revient à considérer comme causes principales de cette dépendance
structurelle, la faible dimension géographique et de peuplement et
l'absence de potentialité économiques, alors que, si celles-ci
peuvent être prises en compte, elles n'en constituent pas les causes
premières.
1) Le "cercle de dépendance" et le caractère non homogène
des nations actuelles relèvent d'un même phénomène, ils se situent
dans un même contexte historique.
La colonisation a eu pour effets de réunir des "nationalités" dans
un cadre territorial, de faire naitre un embryon de production capita-
liste dans un mode de production de type féodale ou asiatique selon
M. Gonidec (28). Avec les indépendances, les Etats ont hérité d'une
situation caractérisée par :
- au niveau économique, par une économie désarticulée, où
l'on peut distinguer un secteur moderne, capitaliste et un secteur dit
traditionnel, dont l'ensemble constitue un système de production
extraverti.
- au niveau social par l'apparition d'une bourgeoisie
commerçante et d'une bourgeoisie d'Etat économiquement dépendantes
des échanges avec l'extérieur ou de la participation à la gestion de
capitaux étrangers.
(28) P.F. Gonidec "l'Etat Africain", Paris LGDJ, 1970, PP 132 et s.

- 299 -
- Par l'absence de nation, la non coincidence au sens poli-
tique de l'Etat et la nation. La coincidence entre l'Etat et la nation
ou du moins l'unification de la nation est le résultat d'un processus
historique répondant aux besoins du développement des échanges. De ce
besoin s'explique actuellement l'insistance avec laquelle les Etats
affirment l'unité nationale malgrè une réalité toute autre.
Malgrè son exiguité, les territoires sont les cadres ou la nouvelle
bourgeoisie se bat pour la maîtrise du marché, sur lequel reposent ses
intérêts. Actuellement la construction des nations est un processus
engagé et qui s'affirme avec l~ temps. On ne peut donc parvenir à
une rupture du cercle de dépendance en se saisissant d'un aspect des
problèmes économiques: l'exéguité des marchés: "la conjonction des
causes externes (puissances dominantes) et internes (classe politique
au pouvoir) aboutit à bloquer le tiers-monde. Une modification
radicale de la politique actuelle supposerait que les Etats du
tiers-monde soient décidés à rompre ie cercle de dépendance, ce qui
semble peu probable pour la majorité d'entre eux" (29). Il est de ce
fait logique que la voie réformiste de l'intégration fonctionnaliste
ait été préférée, parce qu'elle permet d'occulter un des facteurs du
blocage, du cercle de domination: celle-ci s'appuie sur des systèmes
socio-économiques dont l'addition ne peut entrainer un saut qualitatif.
2) L'élargissement du marché est-il la condition nécessaire
et indispensable à la rupture de la dépendance ? Monsieur
Benot relève
que certains auteurs qui considèrent l'unité comme une condition
nécessaire pour sortir du néo-colonialisme, s'appuient sur une démons-
tration de l'impossibilité de rompre le cercle de dépendance en dehors
de la formation d'ensembles politiques unifiés.
(29) P.f. Gonidec ''Relations internationales" Paris, 1974 P. 421.

- 300 -
Ainsi Monsieur Samir AMIN dit "qu'il apparait bien que toute tentative
d'une politique de développement dans le cadre d'espaces économiques
aussi restreints que ceux qui caractérisent les Etats de la région
(ouest africaine) est vouée à l'échec, car la rupture nécessaire avec
la politique de priorité absolue au développement extraverti, impulsé
de l'extérieur y est pratiquement impossible" ; or fait remarquer
M. Benot, pour parvenir à créer cet espace politique, "il faudrait
d'abord non seulement renverser la plupart des régimes en place,
mais briser aussi le processus de consolidation du micro-nationalisme"
(30) •
L'ensemble unifié c'est certain, offre plus de potentialités économi-
ques que chacun des Etats pris isolement. Mais la dépendance des Etats
n'a pas de rapport immédiat avec leurs tailles en témoigne le nombre
impressionnant d'Etats ~ dont l'énumération est inutile - dépendants,
sous-développés malgr~ leurs tailles géographiques et de population.
Les références aux exemples des U.S.A. ou de l'U.R.S.S. sont
particulièrement mal choisis parce qu'elles ne tiennent compte ni
des circonstances, ni de l'époque historique dans lesquelles ont pu
se réaliser ces unions. Il en est de même de la référence à la C.E.E.
car les besoins auxquels cette organisation répond ne sont pas de même
nature que ceux qui se posent aux organisations africaines. Il s'agit
pour les Etats de la C.E.E., de conserver leur puissance et leur rôle
dans le monde. Ceux-ci ont dans l'ensemble la maîtrise de leurs
systèmes économiques.
(30) Yves Benot op.cit pp 94 et 95.

301
-
La rupture du cercle de dépendance nécessite principalement une
action sur les causes internes de cette dépendance, sur les systèmes
économiques et sociaux et l'unification ne peut être un substitut.
L'unité régionale ne peut par son seul fait
conduire au développement
non extraverti.
Mais est-ce à dire que les transformations structurelles socio-
économiques devront nécessairement être réalisées avant l'unification
régionale ou vice-versa? Acquérir l'indépendance économique est-elle
une condition pour s'unir ou l'unification est-elle la condition
de l'indépendance économique?
La.réponse ne peut être catégorique car ce serait une déduction
unilatérale. Mais la voie de l'intégration fonctionnelle est des plus
aléatoire sinon utopie.
Ce que nous pouvons dire, c'est que l'indépendance économique et
l'unité sont deux choses distinctes, dissociables.
Toutes deux sont à atteindre. L'avènement de l'une n'est pas subordon-
née à la réalisation de l'autre, mais l'indépendance économique est
seule à même de conférer à l'union régionale les effets qu'on lui
reconnait ~ possibilité de développement économique autocentré et
plus rapide, puissance dans le théâtre des relations internationales.

- 302 -
CONCLUSION GENERALE
L'unité africaine - dans sa forme actuellement prédominante,
le régionalisme -, en tant que mythe de légitimation pour les classes
dirigeantes à travers la dénonciation des "ingérences étrangères" et
du "tribalisme", est-elle destinée à demeurer une vaine proclamation?
La réponse ne peut être catégorique car tout processus peut subir des
modifications, une interruption ou un détournement, pour des causes
imprévisibles ou non encore saisissables.
Le panafricanisme-dans son expression politique, l'unité africaine,-
dans son contenu, est une idéologie nationaliste. Deux tendances
s'affrontent dans cette manifestation du nationalisme
- Une tendance "révolutionnaire" ou radicale si on veut éviter
une polémique sur le caractère révolutionnaire de tel ou tel régime
politique, le caractère circonstanciel de l'appartenance de tel pays
à un des deux camps. Nous la qualifions de tendance nationaliste-
radical parce qu'elle pose pour revendications une rupture de dépen-
dances, une dénonciation des rapports qui pourraient perpétuer cette
dépendance sous la forme du néo-colonialisme.
- Une tendance réformiste qui a été dominante. Ce courant,
dans la lutte anti-coloniale et dans la phase post-indépendance est
en faveur d'un réaménagement des relations avec les anciennes puissances
tutrices. L'évolution du problème de l'unité a été marquée par la lutte
entre ces deux tendances.
Cet affrontement a été une des causes de l'échec des unions politiques,
tel par exemple, la Fédération du Mali. Il n'en est pas la seule cause
car le fossé qui sépare les deux camps n'est pas très large et les
compromis sont possibles entre eux. Cela a été le cas dans la création
de la Fédération du Mali, résultat d'un compromis entre le parti
de M. SENGHOR et celui de Modibo KEITA, Un tel compromis a permis le
sabordage des groupes de Casablanca et de Monrovia pour la création
de l'O.U.A.

l
- 303 -
Le deuxième facteur important de l'échec de l'unité politique
a été l'absence de support économique et social de ces tentatives. La
faiblesse générale des rapports économiques entre les anciens terri-
toires e6tbien connue. Au plan social, l'unité était une revendication
d'une infime partie de la population sensible à ce problème, celle de
la petite bourgeoisie qui était en passe de prendre en main les
appareils d'Etats, des étudiants et de manière générale de la faible
fraction scolarisée de la population. L'immense partie de la population
était certes interessée à l'obtention des indépendances, mais leur
vision du problème ne dépassant pas leur espace vécu, l'univers
restreint du cadre local.
Les partis politiques arrivés au pouvoir, plus préoccupés de garder
le soutien de cette partie de la population, étaient, compte tenu de
l'organisation sociale existante, obligés de s'allier aux pouvoirs
traditionnels pour maintenir ou renforcer leur influence dans les
campagnes. Ils sont fortement liés par ces pouvoirs traditionnels

généralement hostiles à l'élargissement. Même dans le cas de l'U.E.A.
hormis leurs positions géographiques qui déjà défavorisait la réussite
de leur entreprise, ra~maitrise du système politique par les petites
bourgeoisies au pouvoir dans ces Etats membres a contribué à l'avorte-
ment de l'union dans la mesure ou l'écho apparant du thème de l'unité
tenait plutôt de l'effet de charismatique des personnalités des diri-
geants que d'une adhésion consciente et ferme à leur politique exté-
rieure.
Les échecs des unions politiques, la chute de K. NKRUMAH ont marqué
le triomphe de la solution réformiste en Afrique de l'Ouest oü
l'unité régionale ne se conçoit plus que par la voie de réaménagement
des rapports interafricains comme base pour obtenir un réaménagement
de leurs relations avec les pays développés. Ce n'est plus une reven-
dication d'une rupture immédiate des rapports néo-coloniaux même si
le néo-colonialisme est dénoncé en parole. En ce sens les organisations
régionales partielles s'inscrivent dans le cadre du panafricanisme en
tant qu'idéologie nationaliste-réformiste.

l,
- 304 -
Si le régionalisme africain devient un outil commode
de légitimation des pouvoirs politiques aux yeux des masses, les
moteurs du régionalisme tiennent des nécessités du monde actuel.
Le régio~alisme est un phénomène universel lié à une internationali-
sation croissante de la production et des échanges. L'interdépendance
dans les échanges, la tendance à la constitution d'un marché mondial,
entraine dans la lutte pour la conquète et la redistribution des
marchés, une domination de certains pays sur d'autres, une division
internationale du travail qui maintien les pays retardataires dans leur
état de dépendance. Le protect~onnisme national s'avère insuffisant
pour y échapper.
Le régionalisme économique est à la fois une politique de défense
zonale c'est à dire un portectionnisme qui ne se situe plus dans le
.
cadre des frontières territoriales, et une politique offensive, une
coalition pour la conquète de marchés ou tout au moins une modifica-
tion des rapports de force.
En ce qui concerne les pays sous-développés, le régionalisme économi-
que joue un second rôle non moins important : celui de groupement de
sécurité. Dans le cas de l'Afrique occidentale, nous avons vu que
c'est à travers les organisations de caractère économique qu'ont été
signés des pactes de non agression et que les Etats membres tentent
d'aboutir à des pactes de défense commune contre des ennemis intérieurs
et extérieurs c'est à dire contre les troubles intérieurs et les
agressions extérieures. La frontière entre les deux tend par ailleurs à
s'effacer non en droit mais en fait: tout mouvement de révolte à
l'intérieur d'un pays provoque des réactions de l'environnement
international parce que ce mouvement engage leurs intérêts économiques
et politiques: le renversement d'alliance et la perte de marché, le
risque de contagion dans les pays voisins.

l1
- 305 -
Les organisations économiques servent donc de rempart de la stabilité
intérieure collective si bien que ce que M. NYERERE a exprimé à propos
de l'O.U.A. en qualifiant celle-ci de syndicat de chefs d'Etat peut
être transposé ici.
Les contradictions du régionalisme interafricain, sociologiquement
expriment bien les contradictions et les balancements de la bourgeoisie
africaine naissante. Celle-ci manifeste une volonté de créer et de
prendre en mains des marchés nationaux. Ne pouvant conquérir les
marchés extérieurs des pays avancés ni s'opposer à la grande bourgeoi-.
sie étrangère, elle recours à la constitution de zones de marchés
potentiels. La multiplication et l'enchevêtrement de ces organisations
résultent d'une part, des luttes d'influence inter-zones qui amènent
chaque Etat à diversifier ses relations diplomatiques et commerciales
et d'autre part de la dépendance des classes au pouvoir des p6les
externes. Cette dépendance conduit à la constitution d'organisations
par le canal des solidarités verticales. La réorientation de ces
solidarités devient un vain mot parce qu'un lien unit la solidarité
verticale et la solidarité horizontale, celle-la conditionnant le
plus souvent celle-ci;les solidarités horizontales prolongent les
solidarités verticales et n'offrent comme avantages que quelques
concessions dans les négociations avec les partenaires extérieurs.
La coordination des activités des différentes organisations par
exemple n'est plus po~sible parce que ces organisations n'ont pas
une maîtrise de leurs programmes de développement. Ces programmes
sont établis en fonction des offres de financements extérieurs que
chacune à pu négocier.
La coordination et l'harmonisation des programmes entre deux organisa-
tions supposeraient que la négociation de leurs financements soit
menée de concert et par conséquent l'établissement de relations autres
que les simples représentations non permanentes aux colloques et
réunions d'organes supérieurs.

l
- 306 -
Pour le moment l'élimination des effets dysfonctionnels de la
multiplicité d'institutions de coopération ne semble pas réalisable
dans la mesure où ces dysfonctions sont voulues. Elles résultent des
tactiques implicites à la base de la création de ces organisations
concurrentes, même si on déclare explicitement leur compatibilité.
Il semble donc difficile de conclure que la coopération
interafricaine dans sa conception et son rele actuel, est porteuse
d'une promesse d'intégration politique, but final explicite. Dans sa
conception cela revient à une croyance que les organes créeront elles
mêmes la fonction: la création d'organismes techniques et économiques
tissera des liens économiques et sociaux par delà les frontières ; elle
réorientera la production et les échanges extravertis vers une produc-
tion et des échanges de zone. Cette démarche est démentie par le rôle.
que joue les organisations créées. Elle joue un rôle de paravent pour
les investisseurs extérieurs qui s'y taillent des marchés et des zones
d'influence. Les groupements reproduisent la dépendance qu'ils sont
sensés combattre. Leur fonction d'intégration reste insuffisante ou
même marginale par rapport au but fixé. Les solidarités politiques
et l'accroissement des échanges nés des regroupements régionaux
demeurent dans des proportions modestes, en tout cas pas de nature à
remettre en cause leur dépendance individuelle et collective.
Aboutir au constat que les institutions régionales actuelles
ne sont pas porteuses d'une promesse d'union politique et d'indépen-
dance économique ne signifie pas non plus que les perspectives d'union
sont bloquées, qu'il n'y a pas d'indices d'une telle possibilité dans
J
le cours de l'~volution.

- 307 -
l1
Nous avons exclue de nos hypothèses les cas d'expansion par conquête
et remise en cause de l'existence d'un Etat telles que les revendica-
tions territoriales pourraient y conduire, de même que la vassalisation
d'un Etat à la suite de situations particulières comme une crise
intérieure entrainant une quasi~inexistance de pouvoir politique à
l'exemple de celui du Liban. Un autre exemple de ces situations
particulières peut être donné dans le cas de l'intervention de la
Tanzanie en Ouganda et de la chute de M. Idi Amin DADA (1). L'interven-
tion pour aider au renversement d'un pouvoir politique peut mettre les
nouveaux dirigeants dans une situation de dépendance telle que son
protecteur serait alors à même' de faire pression pour une union.
Ces hypothèses exclues, la réalisation d'union politique n'est pas une
utopie même si la construction des nations sont des tâches prioritaires
des Etats.
Les intérêts économiques des bourgeoisies africaines au stade actuel,
pour une unité effective, sont très faibles. Mais le développement du
capitalisme en Afrique porte en lui~même des facteurs d'un développement
de l'intérêt pour l'unité, pour les classes dirigeantes et pour les
peuples.
La croissance de bourgeoisies autochtones - numériquement et dans leurs
puissances certes relative au plan universel - entrainera des conquêtes
de marchés voisins. Ces conquêtes ne sont pas incompatibles avec la
dépendance extérieure~ mais ce sont des facteurs économiques actuelle-
ment presqu'absents qui sont appelés à se renforcer.
(1) Un parallèle peut être fait entre l'intervention de la Tanzanie en Ouganda et
la déposition du régime Pol Pot auCarnbodge par l'armée vietnamienne.

l
- 308 -
,
Rien ne permet par contre de situer l'apparition de ces interdépen-
dances économiques dans les espaces des groupements actuels.
Le développement du capitalisme a aussi pour conséquences qu'en tendant
à l'unification des systèmes de productions à l'intérieur des Etats,
à l'intégration nationale, il ouvre les horizons d'autres classes
sociales, la paysannerie et le prolétariat qui se rendent compte que
le circuit de production et d'échange n'est pas fermé, que leurs
communautés d'intérêts transcendent les frontières tribales et
nationales. Cela nous permet de conclure que le processus d'affirmation
des Etats-Lations porte les germes de sa propre négation.

l
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international public 1970 pp 69 à 77
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"Qu'est ce qu'une théorie des relations inter-
nationales" R.F.S.P. Octobre 1967
- J.P. DOBBERT
"Acte constitutif de l'association pour le'
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occidentale - 4 Septembre 1970 - une convention
visant à stimuler le développement économique
d'une région" A.F.D.I. 1971 P 717 et s.
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Afrique documents mai-AoOt 1968
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Penaut 1963 pp 494 et s.
Gilles DE STAAL
"Le panafricanisme et le contenu des indépendance
R.F.E.P.A. Février ]971 pp 40 à 60
- Stanley HOFFMAN
"Vers l'étude systématique des mouvements
d'intégration international" R.FIS.P. 1959
- SECK Moustapha
"L'aménagement du fleuve Sénégal"
Europe France Outre Mer Janvier 1966 nO 412
- JIC I ANDRE
"L'évolution du statut des fleuves africains"
revue juridique et politique indépendance et
coopération nO 2 1965
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"Régionalisme, intégration, co~roduction"
Economie appliquée XXII ]969 n
1-2 pp 248-253

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"Aspects juridiques et l'intégration économique
B. D'HAUTEVILLE
en Afrique"
Tiers Monde XIII, 51, Juillet Septembre 1972
pp 531 à 539
- 1. WALLERSTEIN
"Sous-développement et dépendance" in ESPRIT
Février 1974 PP 210 à 240
- Raul BEJARN, Francisco CASANOVA, Lian KARPS
"L'enseignement de la science politique dans les
pays en développement"
Revue internationale des sciences sociales vol
XXX nO 1 1978 PP 175 à 181
- Mark S. FRANKEL
"Questions d'éthique et de responsabilité dans la
recherche en science politique"
Revue internationale des sciences sociales nO 1
1978 PP 182 et s.
- SilviU BRUCAN
"L'etat-nation est-il appelé à se maintenir ou
à disparaître ?"
Revue internationale des sciences sociales
Vol. XXX n01 1978 PP 9 à 32
- Chadwick F. ALGER
"Fonctionnalisme et intégration" Revue interna-
tionale des sciences sociales vol XXIX 1977
PP 77 à 98
- Bruno Bekolo-EBE
"Une analyse de quinze ans d'échanges entre pays
africains"
Revue tiers monde tome XVIII nO 70 Avril juin
1977 PP 367 à 380
- C. FRELIN
"La diffusion de la notion d'Etat moderne:
Quelques notes introductives"
Revue tiers monde 1972 PP 435 à 444
- David L. Mac KEE
"Role des facteurs extérieurs sur l'infrastru-
ture des pays en voie de développement" revue
tiers monde tome XVIII nO 70 Avril-Juin 1970
PP 293-300
- Jean-No@l CADOUX
"L'association pour le développement de la
riziculture en afrique de l'ouest"
Revue le mois en Afrique (R.F.E.P.A.) Octobre 76
PP 66 à 71

- 321 -
- Alain COURNANEL
"Le capitalisme d'Etat en Afrique : le cas Guinée'
Revue le mois en Afrique (R.F.E.P.A.) Mars 1976
pp 19 à 51
Voir aussi
- Europe-Outre-Mer , Juin 1973 284 P
- Revue B.C.E.A.O.
- Revue Marchés tropicaux
- Bulletin d'Afrique Noire du 9 Sept. 1973 et 11 Décembre 1973
- revue Le Moniteur Africain
- Afrique contemporaine
- Le Monde diplomatique, Janvier 1973, AoQt 1973, Octobre 1975,
Janvier 1965, n Q spécial 1965, Septembre 1972
Documents reçus
C.E.A.O.
- Journal Officiel de la CoE.A,Oo nO 1, 2,3, 4
- Traité et protocoles instituant la C.E,A.O.
- Intervention du Secrétaire Général au colloque sur les échanges
entre pays de l'A.C.P.
- Edition du secrétariat
faites connaissance avec la C.E.A.O.
Conseil de l'Entente
- Rapport d'activité du secrétariat du fonds d'entraide, 1971, 74, 73,
1975
- Statut, règlement intérieur, privilèges et immunités
O.M.VoS.
- Statut de l'O.E.R.S.
Convention portant création de l'O.M.V.S.
- Objectifs et programme de l'O.M.V.S.
Résolution n Q 29 du conseil des ministres
- Amendement à la convention portant création de l'O.M.V.S.
C.E.B.V.
- Convention portant création de la C.E,B.V.
- Copies des accords signés
- Statistiques de 1973-74, revues trimestrielles d'information
technique et économique de la C.E.B.V. nO 8 et 9, 16 et 17.

- 322 -
Secrétariat permanent sénégambien
- Communiqués conjoints (Mai 1975~Mai ]976)
- Accords sénégalo-gambiens (de 1965 l 1976)
- Rapport de la mission des Nations Unies sur les modalités
d'association entre le Sénégal et la Gambie
A.D.R.A.O.
- A.D.R.A.O, ce qu'elle est, ce qu'elle fait, comment elle fonctionne
Rapport annuel déc. 1973-Décembre 1974 publié par l'A.D,R.A.O.
P.O. Box 1019 Monrovia, Libéria
Rapport annuel Janvier -Décembre 1975
- Conférence de plénipotentiaires pour l'établissement de l'A.D.R.A.O.
Dakar, Sénégal, 1-4 Septembre 1970 •


- 323 -
T A BLE
DES
MAT 1ER E S
INTRODUCTION
P 1
PREMIERE PARTIE
P 7
1) Les précurseurs de l'unité Africaine
P 9
2) La relance de la question de l'unité
P 11
TITRE l - Les tentatives de regroupement
P 13
CHAPITRE l - Les regroupements politiques
P 18
Section l - Les regroupements envisagés
P 18
E~!~g!~Eh~_I - La situation à l'époque de la communauté
P 19
A - L'évolution des institutions
P 19
1) Les institutions territoriales dans l'union française
2) Les institutions fédérales
3) Les réformes de la loi cadre
B - Les rapports institués par la communauté
P 24
1)
Les rapports entre la France et les territoires
2) Les rapports entre les territoires
~~!~g!~Eh~_!! - Les cadres des regroupements
P 26
Section II - Les raisons de l'échec
P 29
~~!~g!~Eh~_! - La Fédération du Mali : une union éphémère
P 29
A - Organisation
B - Les causes de l'éclatement du Mali
P 32
~~!~g!~Eh~_!! - Le conseil de l'Entente
une union souple
P 37
A - Une organisation solide
P 39
B - Une existence difficile
P 41
1) Evolution institutionnelle
2) Le fonds d'entraide et de garantie des emprunts
3) Nouvelle nature juridique

- 324 -
CHAPITRE II - Les efforts de rapprochement entre Etats
d'expression anglaise et Etats d'expression
française
P 49
Section 1 - Les bases du rapprochement
P 49
~~r~gr~Eh~_! - Le panafricanisme, ferment de l'unité
P 50
~~r~gr~Eh~_!! - Les obstacles à l'unité
P 55
A - Continentalisme et régionalisme
P 55
1) Le continentalisme
2) Le régionalisme
B - Les formes de l'unité
P 57
Section II - Les tentatives d'union
P 61
~~r~g!~Eh~_! - L'union des Etats africains
une union
mort-née
P 61
1) Origine et but
2) Organisation
3) Les cause de l'échec
~~r~gr~Eh~_!! - La sénégambie
P 66
1) Le projet de Sénégambie
2) Les relations sénégalo-gambiennes
TITRE II - Les facteurs de l'évolution vers une coopéra-
tion entre Etats souver~ins
P 72
CHAPITRE 1 - Les facteurs tenant au contexte socio-
politique africain
P 73
Section 1 - Les limites du continentalisme et du régiona-
lisme global
P 76-102
E~!~g!~Eh~_! - Triomphe de l'Afrique des patries à l'O.U.A.
P 76-85
A - Des souverainetés nationales consolidées
P 77-83
B - Objectif de l'O.U.A.
: la coopération
P 84-85
~~!~g!~Eh~_!! - Conditions socio-politique d'une intégration
politique non réalisée
P 86
A - Formation des nations en Afrique
P 86-98
1)
Inexistence des nations
2) Le problème de l'édification de la nation
B - Formations des nations et unité régionale
P 98-102

-
325 -
Section II - La coopération, nouvelle voie de l'unité
P 102
- Finalité de la coopération : l'intégration
~~!~g!~Eh-~_!
économique
P 104
A - Vers des marches communs régionaux
P 105
B - Agir sur les facteurs structurels de dépendance
économique
P 1 07
1) Un effort commun pour renverser les structures
"extraverties"
P 109
2) Rechercher les sources de financement des investissements
P 109
C - Unir les peuples
P 109
~!!~g!!Eh~_!! - Les moyens du régionalisme
P 11 0
1) Les unions douanières
P 110
2) Les coproductions
P 111
CHAPITRE II - Les facteurs externes
P 11 2
Section l - Le régionalisme dans les relations internatio-
nales universelles : son influence en Afrique
P 11 2
A - La philosophie du régionalisme
P 113
B - Les effets de modèle des systèm~ régionaux américains
et européens
P 114
Section II - Coopération régionale et aide au développement
P 116
A - l'action de la commission économique des Nations Unies
en faveur des regroupements économiques en Afrique
P 117
B - L'aide multinationale: facteur favorable à la
coopération régionale
DEUXIEME PARTIE : La mise en oeuvre de la coopération
P 123
SOUS-TITRE l - Les institutions régionales
P 128
CHAPITRE l - La coopération dans le domaine économique
la C.E.D,E.A,O.
P 129
Section l - Genèse de la C,E.D.E.A,O,
P 130
1) La C.E.A.O. et le G.R.A.O.
P 130
2) La création de la C.E.D.E.A.O.
P 132

- 326 -
Section II - Structures et fonctionnement
P 134
rêrêgrê2h~_! - Les institutions
P 135
1) La conférence des chefs d'Etat et de gouvernement
P 136
2)
Le conseil des ministres
P 138
3) Le secrétariat exécutif
P 141
4)
Les organes latéraux
P 143
rêrêgrê2h~_!! - Droits, obligations et sanctions
P 145
Section III - La coopération
P 146
A - Le régime des échanges
P 147
B - La coopération sectorielle
P 149
C - Le fonds de coopération, de compensation et de dévelop-
pement
P 151
CHAPITRE II - La coopération technique: l'A.D.R.A.O.
P 156
rêrêgrê2h~_! - Nature juridique et objectifs
P 158
rêrêgrê2h~_!! - Organisation et fonètionnement
P 159
A - Admission
P 159
B - Les organes
P 160
C - Fonctionnement
P 162
SOUS-TITRE II - La coopération sous-régionale
P 167
CHAPITRE l - La coopération dans le domaine économique
P 167
Section l - La coopération dans le cadre du conseil de
l'Entente
P 168
rêrêgrê2h~_! - Le fonds instrument de la coopération au
sein du conseil de l'Entente
P 169
A - Activités financières du fonds : la garantie
P 169
B - Activités de développement régional du fonds
P 173
rêrêgrê2h~_!! - La C.E.B.V.
P 179
A - Objectifs
P 179
B - Organisation
P 180
C - Fonctionnement
P 182

- 327 -
~ê!êg!êE~~-!!! - Les organismes techniques
P 186
A - Les organismes techniques bilatéraux
p 186
1) La R.A.N.
2) l'O.C.B.N.
p 187
B - Les organismes multilatéraux
P 188
Section II - La C.E.A.O.
p 193
~ê!êg!êE~~_! - de l'U.D.O.A. à la C.E.A.O.
A - l'U.D.O.A.
P 193
B - l'U.D.E.A.O.
P 195
~~!êg!~E~~_!! - L'établissement de la C.E.A.O.
p 197
A
Remarques préliminaires
P 197
B - Objectifs de la C.E.A.O.
P 199
C - Structures
p 200
1) Les organes politiques
2) Le secrétariat général
3) La cour arbitrale
~~!~g!~E~~_!!! - Le régime des échanges
P 202
A - Le régime applicable dans les relations intra-communau-
ta ires
P 203
1) La règlementation sélective dans les échanges
intra-communautaires
2) Les mesures compensatoires
B - Les relations avec les pays tiers
P 206
C - Nature juridique de la C.E.A.O.
P 207
~~!~g!~E~~_!Y - La coopération économique
P 208
1) Les ressources de la C.E.A.O.
2) Les activités de développement communautaires
Section III - L'autorité de développement du Liptako-Gourma
P 215

- 328 -
CHAPITRE II - Les institutions fluviales
P 215
Section l - Le régime juridique des fleuves africains
P 216
Eê!êg!êEh~_! - Généralités
P 218
A - Evolution
P 218
B - Les principes modernes d'utilisation des fleuves
internationaux
P 221
1) Utilisation commune
2) Pluralité d'utilisation
3) Utilisation non dommageable
4) La théorie du bassin intégré: base d'une promotion
du developpement en commun
~ê!êg!êEh~_!! - Stfa~ut~ des fleuves internationaux ouest
a r1ca1ns
P 228
A - Le statut du fleuve Niger
P 230
1) La liberté de navigation
2) Egalité de traitement
3) Principe'd'exploitation en commun
B - Statut du fleuve Sénégal
1) Principes d'utilisation
2) Principes d'exploitation
Section II - Les institutions fluviales
P 238
~~r~grêEh~_! ~ La commission du fleuve Niger
P 238
1) Organisation de la commission
2) Attributions de la commission
3) La coopération dans la commission du fleuve Niger
Eê!êgrêEh~_!! - IIO.M.V.S.
P 244
A - Un groupement instable
P 244
1) Le comité inter-Etats
2) La création de l'O.E.R,S.
B - L'O.M.V.S.
P 248
1)
Fonctionnement
2) Lacoopération dans l'O,M.V.S.
f~r~g!êEh~_!!! - L'organisation pour la mise en valeur du
fleuve Gambie (O.M,V.G.)
P 254

- 329 -
CHAPITRE III - La coopération monétaire et financière
l'U.M.O.A.
P 256
Section l - Organisation de l'U.M.O.A.
P 257
A - l'U.M.O.A.
P 258
1) Fonctionnement
2) Structure de l'U.M.O.A.
B - La B.C.E.A.O.
P 261
Section II - Réorganisation de l'U4M.O.A. pour un dévelop-
pement non extraverti
P 264
1) Le système actuel de l'U.M.O.A. perpétue la dépendance
2) Pour une coopération monétaire autonome
CHAPITRE IV - La coopération dans le domaine de la santé :
l'organisation de coordination et de coopé-
ration pour la lutte contre les grandes
endemies (O.C.C.G.E.)
P 269
Conclusion du Titre l
p. 270
TITRE II - Les mécanismes de la coopération régionale
P 273
CHAPITRE l - Les rapports entre les institutions
internationales
P 276
Section l - Les rapports entre les sous-groupes et l'O.U.A.
P 276
A - Le régionalisme économique échappe au contrôle de l'O.U.A P 276
B - Possibilités de recours à l'O.U.A. dans le règlement
des différends
P 279
Section II - Rapports entre les institutions de coopération
P 281
A - L'harmonisation et la coordination des activités des
groupements
P 281
B - La coordination des organismes spécialisés
P 286
CHAPITRE II - Institutions internationales régionales et
intégration politique
P 288
Section l - L'union régionale: condition de l'indépendance
économique
P 289
E~!~g!êE~~_! - Les échecs des institutions régionales comme
voie du développement autocentré
P 289
~~!êg!~Eh~_!! - Organisations régionales et intégration
nationale
P 295
Section II - La maitrise des systèmes socio-économiques
nationaux
P 298
CONCLUSION
P 302
Bibliographie
P 309

Vu : thèse admise à la soutenance
Clermont-Ferrand, le
Le Président de Thèse,
R. CHIROUX
Vu
Clermont-Ferrand, le
le Doyen,
R. CHIROUX
Vu et permis d'imprimer
Clermont-Ferrand, le
le Président de l'Université
L. JOYON