UNIVERSITE
- LYON II
_ U.E.R - LETTRES ET CIVILISATIONS CLASSIQUES ET MODERNES
ANNtE UNIVERSITAIRE : 1981-1982
TRADITION ET MODERNISME
DANS LA LITTERATURE VOLTAïQUE
o'EXPRESSION FRANCAISE
THESE
POUR L'OBTENTION DU DOCTORAT DE TROISIÈME CYCLE DE LETTRES MODERNES
PRtSENTtE sous LA DIRECTION DE
MONSIEUR EDGARD PICH

REM E R C I E MEN T S
Mes remerciements vont ~ Monsieur
Edgard PICR qui a hien voulu assurer la direc-
tion de ce travail, et dont les critiques et
les suggestions ont su me guider tout au long
de celui-ci.
Ils vont également ~ tous ceux qui, sous
quelque Îorme que ce soit,
ont contribué ~ sa
réussite.
B.G.B.

l
o
o
- = - # N T R 0 DUC T ION - =

2
~a littérature voltaïque compte un tout petit
nombre d'oeuvres et c'est pourquoi peu de critiques
littéraires s'y intéressent. Au moment même où nous
choisissions n~tre sujet, nous n'étions au courant
d'aucune oeuvre critique sur ce sujet. Cette lacune a
été,
pour nous, un stimulant car nous étions désireux
de faire une oeuvre originale.
Plus tard nous avons découvert que certains
critiques nous avaient précédé. On peut citer
Jean-Pierre GUEGANE. Catherine PACERE; Pierre AROZARENA,
André NYAMBA, Fernand YOUGBARE, Patrick ILBOUDO,
Madame
NIKIEMA née OUORA Noupoua Marie Claireo(1)
La découverte de ces critiques a été pour
nous une véritable surprise mais n'a nullement freiné
notre élan; nouE' n'~vons pas été déçu par le fait
que le terrain n'était pas vierge comme nous l'avions
cru. Au contraire,
la découverte de ces critiques a
constitué pour nous un second stimulant de notre
recherche
; nous avons cherché ainsi à apporter une
(1)
Voir notre bibliographie
.../ ...

3
contribution personnelle à la découverte de la littérature
voltaïque.
Ce n'est pas seulement hors de la Haute-Volta
que cette littérature est ignorée;
i l faut bien
remarquer que les Voltaïques eux-mêmes ne la connaissent
pas. Des écrivains tels que Ousmane SEMBENE, Mongo BETI,
Bernard Binlin DADIE ou Ferdinand OYONO,
sont connus
des Voltaïques. Au contraire,
si Nazi BONI et Roger
NIKIEMA sont connus,
c'est l'un comme journaliste et
ancien Directeur de la Radio-Diffusion de Haute-Volta,
l'autre en tant qu'ancien leader d'un parti politique
important, à une certaine époque,
le Parti du Regroupement
Africain (P.R.A.).
Le principal problème pratique auquel nous
nous sommes heurté est celui de la collecte des
ouvrages voltaïques. En dehors des écrits de Titinga
PACERE, Nazi BONI, Augustin Sondé CüULIBALY et Kollin
NOAGA,
la plupart des ouvrages des écrivains voltaïques
sont pratiquement introuvables sur le marché et dans
les bibliothèques aussi bien en Haute-Volta qu'en France •



/
Il
0


4
Ainsi au cours de l'été 1979 nous nous sommes rendu
à Ouagadougou pour une véritable chasse aux ouvrages.
De janvier à avril 1980, nous nous sommes rendu une
seconde fois en Haute-Volta,
pour d'une part,
terminer
notre travail de collecte des ouvrages voltaïques et
rencontrer certains écrivains,
et d'autre part pour
faire des enquêtes en milieu rural sur lés traditions.
Ces enquêtes se sont effectuées chez les BWABA.(1)
L'étude de la tradition et du modernisme -
ou celui de leur opposition -
est en effet très
importante dans les études africanistes. Par ailleurs
i l s'agit d'un thème souvent abordé au cours des
rencontres internationales. Signalons par exemple la
rencontre internationale de Bouaké en République de
Côte d'Ivoire en 1962 sur le thème Tradition et
Modernisme en Afrique Noire. Signalons aussi que ce
sujet a fait couler beaucoup d'encre dans la presse
africaine ainsi que chez les auteurs africains.
Comment concilier la légitime fidélité au
(1) Les Bwaba sont une ethnie de la Haute-Volta dont
nous aurons à parler longuement au cours de notre
travail.
o • 1. . .

5
passé et les nécessaires exigences du développement ?
C'est là que se situe tout le problème.
D'une manière générale,
on constate que les
données philosophiques et culturelles de la société
africaine traditionnelle et celles de la société
occidentale moderne sont en opposition. C'est pourquoi
nous traiterons le sujet à travers la littérature
voltaïque,
pour voir concrètement comment se pose le
problème.
L'intérêt particulier de notre sujet est sans
doute q~'il s'inscrit dans le cadre étroit de la
Haute-Volta. Dans la mesure où la littérature peut
refléter toutes les activités de la vie (économie,
art,
culture,
politique,
etc.), notre étude nous permettra
certainement d'approfondir notre connaissance de ce
territoire. appelé Haute-Volta par les colonisateurs
français depuis 1919.

• • /
0
• •

6
Nous commencerons cette étude par un panorama
culturel de la Haute-Volta,
puisque la littérature
que nous étudions s'inscrit dans le cadre de cette
culture.
Nous aborderons ensuite la présence de la
tradition dans la littérature voltaïque d'expression
française.
Une telle étude nous conduira enfin à aborder
la prés~nce de la modernité dans la littérature
voltaïque d'expression française avec tous les
problèmes que cela entra!ne. En un mot, nous traiterons
du vieux thème du conflit de cultures dans une aire
géographiqu~ circonscrite et restreinte. Notre tâche
sera de dégaeer les spécificités de ce conflit dans le
cadre étroit de la Haute-Volta à travers sa littérature
écrite.
.. . • • /
• • 0

7
PRE MIE R E
PARTIE
=============================
PANORAt"lA
CULTUREL
DE LA
HAUTE-VOLTA
),
!
4.';
L~'-

8
INTRODUCTION
Notre suje~ qui porte en dernière analyse sur
les conflits de culture en Haute-Volta,
exige,
pour ~tre
bien traité, une connaissance sinon parfaite, du moins
s uf f i s nn t e d~ 1:1. Haute-Volta dans ses divers aspects.
L'aspect culturel est celui qui nous intéresse
le plus dans notre présente étude. Pour mieux saisir le
mécanisme du conflit de cultur~, il nous faut auparavant
dresser le panorama culturel voltaïque. Il s'agit là à
notre avis, d'une toile de fond indispensable. Nous devons
en effet tenter d'informer le lecteur de façon objective
sur les manifestations culturelles traditionnelles,
modernisantes et modernes de la Haute-Volta.
Une telle étude doit s'étendre de la littérature
à la musique,
en passant par la religion.
Nous éviterons le plus possible de nous perdre
dans les détails,
mais nous nous limiterons à
l'essentiel, étant bien entendu que cette question est
si importante qu'elle pourrait faire l'objet d'une
recherche autonome.
.../ ...
--

9
,
CHAPITRE l
: LA LITTERATURE
===========================
ilAi.

la
La Haute-Volta, à l'instar de beaucoup de pays
africains,
e8t un pays à
tradition essentiellement orale.
L'écriture n'a été connue qu'à tme date relativement
récente.
Nous distin~lerons donc la littérature écrite
de la littérature orale.
1) LA LITTERATURE
ECRITE.
La Haute-Volta compte parmi les pays les moins
scolarisés du monde,
ce qui n'est pas sans importance
dans le domaine de la production littéraire. Le
taux de
scolarisation est de 14 % à l'heure actuelle.
a) La production littéraire de 1919 à 1960
1919 est la date de l~ création de la
Haute-Volta comme colonie française à part \\.~.hPtJie;n~.
~~G't
L'année 1960 marque la fin de l ' époque e~~'
oniale etS,'1_e
~ ,'~
début de l'indépendanoe politique.
\\
~
v'
<!'&.
. "o.
Durant la période de colonisation le /'à'ly..'!!er;tils'->â,I;·pas
~.-
connu une production littéraire abondante. Les ~crits
-- vol taiques "commencen t à paraître en 1933. C'est en effet à
cette date que DIMDELOBSON écrivit :
L'Empire du Mogho Naha,
puhlié aux éditions
Domat-Hontchrestien. Dans ce livre,
l'auteur
expose les circonstances de la création
de l'empire mossi.
Il y décrit également
• • • /
• •
18
i
:.A

I I
les fastes de ses souverains,
les
détails de son organisation féodale
très hiérarchisée,
qui lui permit
de se maintenir à travers les Ages
jusqu'à la conquête française.
Un an après,
en 1934, il publia
Les Secrets
des Sorciers Noirs aux Editions Nourry. Dans cet
ouvrage, DIM DELOBSOM expose toutes les techniques
ro~
magiques du pays mossi.
Il dévoile les méthodes _1
se
faire aimer d'une femme,
pour éliminer un ou une rivale,
pour devenir riche,
etc. On retient que la fabrication
des filtres
revient exclusivement aux magiciens et non
aux clients.
DIN DELOBSOM a également énuméré dans sen
ouvrage les différentes maladies qu'on rencontre en
pays mossi,
en indiquant les plantes dont on se sert
pour les soigner.
On peut se demander si ee livre ne consti-
tuait pas en 1934 une certaine trahison à l'égard de
la société traditionnelle dans la mesure o~ l'auteur
a divulgué beaucoup de secr~ts qui en principe ne
devraient
pas l'être.
.../ ...
ij ,
I.Â

I2
Après 1934 i l fallut attendre jusqu'en 1958
pour voir réapparaître un titre voltaïque comme le dit
Robert COlli~EVIN :
"Si aucun livre ne paraît avant
1960,
les articles ne manquent pas,
en particulier ceux de l'historien
Joseph KI-ZERBO dans
'Afrique
Nouvelle et dans Présence Africaine."
( 1 )
C'est en 1958 que Lompolo KONE écrivit
La Jeunesse Rurale de Banfora, une pièce de théâtre
qui remportera le prix Emmanuel-André YOU décerné
par l'Académie des Sciences d'Outre-Mer. Cette pièce
n'a pas encore été publiée.
Ces deux écrivains furent donc presque
totalement isolés et seuls de leur espèce.
b) La production littéraire de 1960 à 1982 :
entre 1960 et 19~2, la production littéraire
voltaique a été abondante. Nalheureusement un grand
nombre d'écrits ne sont pas publiés et restent au
fond des tiroirs.
Parmi les oeuvres publiées,
l'histoire,
la sociologie et la politique,
occupent
une place de choix.(2)
(1)
Robert CORNEVIN, Littérature d'Afrique Noire de
française,
P.U.F.,
1976, P.
224
(2) L'inventaire des ouvrages voltaïques se trouve
d.2J1S
12. àibliogràphie.

• • /
• •
0

I3
La production théâtrale est la plus abondante, '
mais la moins publiée malheureusement.
Monsieur Jean-Pierre GUEGk~E, comédien, metteur en scène,
Mattre-Assistant à l'Université de Ouagadougou et auteur
d'une thèse de doctorat de troisième cycle sur le
th~âtre en Haute-Volta, affirme (1) que depuis 1968, un
total de 190 pièces théâtrales voltaïques ont été envoyées
au concours théâtral inter-Africain de Radio-France
Internationale.
Dans le domaine romanesque la Haute-Volta ne
compte que sept romans publiés entre 1960 et 1982
ce qui est bien mince. Elle compte aussi quelques
poètes
ainsi que quelques auteurs de nouvelles
Nous reviendrons plus loin sur l'ensemble de ces
oeuvres. Disons dès à présent que notre étude embrassera
aussi bien les romans,
les pièces théâtrales,
la poésie,
que les écrits politiques,
historiques,
ainsi que les
conférences et interviews.
(1) L'observateur,
Bulletin quotidien d'Information.~~/•.•
Haute-Volta, 07-10-1900.
I~

I4
Cet élargissement volontaire de notre corpus. s'explique
principalement par le fait que certains historiens tel
q·ue Joseph Ki-Zerbo, abordent dans leurs écrits
les pro-
blèmes de conflits de culture d'une manière qui nous in-
téresse énormément.
Notre sujet étant d'ordre général,
i l nous a
paru intéres~ant de percevoir et de saisir la manière dont
i l est vécu et perçu par les Voltaïques, qu'ils soient de
formation littéraire, scientifique ou historique.
C - Les journaux
La presse voltaïque, favorisée par le caractère
démocratique du pays et ses lois libérales, a une grande
importance.
Depuis 1957, des journaux naissent, disparaissent
et r~paraissent, d'autres se créent et demeurent.
Nous tenterons de donner une liste relativement
complète des différents journaux qui ont paru jusqu'à nos
jours en les rangeant en trois catégories
: la presse
d'Etat,
la presse privée laïque,
la presse religieuse.
Nous aurions aimé donner les dates de fondation
de ces différents journaux, mais ce travail demanderait
beaucoup de déplacements à l'intérieur du territoire,
ce qui néces~iterait aussi du temps et des moyens
matériels.
.../ ...

I5
C.1
-
La presse d'Etat:
-
Bulletin Quotidien d'inf'orrnation de Ouagadougou,
ronéo-
typé, né en 1958. Il existe encore aujourd'hui sous le
nom de Agencp- voltaïque de Presse (depuis le 28/12/81)
avec un tirage s'élevant à 2 500 exemplaires.
- Carrefour Africain:
c'est le premier journal imprimé
et diffusé en Haute-Volta.
Il a vu le jour en mars 1961.
Son tirage s'élève à environ 2 500 exemplaires.
Il
devrait paraître chaque quinzaine,
mais cette périodicité
n'est pas respectée par manque sans doute ct e moyeru et
de personnel.
o
-
Le Bulletin Quotidien de Bobo-Dioulasso,
ron~typé, a
vu le jour en 1974. Il est tiré à JOO exemplaires.
-
Action-Réf1exion-Cu1ture (A.R.C.),
revue ronéotypée,
exclusivement pédagogique,
est éditée mensuellement en
500 exemplaires depuis 1967 par l'Institut Nationa~
d'Education (I.N.E.).
- Notes et Documents Vo1taïques,édité par le Centre
National de la Recherche Scientifique et Technologique
(CoNoRoSoTo) depuis 196B. Il est ronéotypé et son tirage
s'élève à 2 400 exemplaires.
Il paraît tous 1p-s trois
mois et son contenu est très scientifique.
... / ...

I6
~ L'Essor Rural, publié depuis 1972 par le Ministère du
Développement Rural. Son contenu est technique et s'adresse
aux agents du développement rural.
Il paraît tous les mois
et i l est tiré à 2 400 exemplaires.
- Espoir,
publié par le Ministère de la Jeunesse, des
Sports et des Arts deDuis dVril 19~1.
C.2 -
La presse privée laïaue
De 1957 à 1960 le pays comptait trois journaux
correspondant aux trois partis qui existaient alors.
L'Observateur était l'organe du Rassemblement Démocratique
Africain (R.D.A.),
Volta-Presse,
celui du Parti du
Regroupement Africain (P.R.A.),
et Hali,
celui du
;'Iouvcrnent de Libération Na t Lon a l.e (;'I.L.N.). Ce dernier
parti ?tait clandestin.
Ces journaux,
ronéotypés,
étaient
tirés de 500 à 1 000 exemplaires. Leur contenu était
essentiellement anti-colonialiste
.
Avec l'indépendance politique et l'avènement du
parti unique "mauricien"(1),
ces trois journaux seront
supprimés.
Avec
la supnression du parti unique et
l'étv~nef'lent n'un pouvoir militaire en 1966 plus
"démocratique", de nombreux journaux se créeront
- - - - - - - - - - - - - - -
... / ...
(1) Maurice YA.;'iEOGO étai t
le Pr-é s t d e n t
à cette époque
et le resta jusqu'en 1y66.

I7
Kibaré
(ce qui signifie "nouvelles" en mooré,
langue des Mossi), ne paraît plus.
Le Soleil de Haute-Volta,
fondé autour des années
1966, ne paraît plus depuis novembre 1980.
- Seita (ce qui signifie griot en mooré),
ne paraît
plus.
-
Progrès américano-volt~ïque : continue de paraître
-
Les Presses Voltaïgues, ne paraît plus.
-
Ouagadougou sept jours, ne paraît plus.
- La Semaine des Travailleurs Voltaïgues, ne paraît
plus.
-
La Voix des Enseignants,
organe du Syndicat
NationCll des Enseignants Africains Ce Haute-Volta
(S.N.E.A.H.V.),
continue de paraitre.
-
Le Patriote,
organe d'information de la Ligue
Patriotique pour le Développement (LIPAD)
continue de
paraître
. Ce
journal a vu le jour autour des
années 1977-1978.
- ~~Suèi2~l-Y.21!~lgy~, or~ane de lutte des étudiants
voltaïques.
Il paraît chaque arulée depuis 1971
nous
n'avons pas pu trouver de
nu~éros antérieurs à 1971.
-
L'Observateur,
créé depuis 1971,
parait chaque
jour.
Il est édité par la Soci~té Nationale d'Edition
(SùNEPRES).
Tiré à 2 500 exemplaires,
i l est le journal
le plus lu en Haute-Volta.
. .. / ...
I~

r8
-
Le Flambeau,
organe du Rassemblement D~mocratique
Africain (R.D.A.), ne paraît plus.
-
Dunia,
organe de la troisième R~publique
ne paraît plus depuis le coup d'Etat du 25 novembre 1980.
J
-
Le Démocrate est lorgane de l'Union Nationale pour
la D~fen~e ,de la D~mocratie (V.N.D.D.). Ce parti politique
faisait partie de l'opposition sous la troisième R~publique.
Le Démocrate)qui avait ~té fond~ en 1978, ne paraît plus
èepuis le coup d'Etat du 25 novembre 19S0 et la suspension
de tous les partis politiques.
-
L'Avenir,
organe du Parti de R~groupement Africain
(P.R.A.),
ne paraît plus.
-
L'Eclair,
ore;ane du ~[ouvelnent de L'i bé r-a t i.on Nationale
(A.L.N.),
ne paraît plus.
-
La Voix du Peuple,
organe du Front Progressiste
Voltaïque
(F'.P.V.),
une des composantes de l'opposition
sous la troisième République,
ne
paraît plus depuis le
coup d'Etat du 25 novembre 1980.
-
Masques du Ive,
.i ournal du Collège de Tounouma, ne
paraît plus depuis 1975.
Ce
journal avait ~t~ fond~
en
1966-1967.
Il ~tait tir~ à 400 exemplaires. Nous avons ~t~
membre du comité de r~daction de ce journal de 1972-·~ 1973.
La plupart rie ces
journaux sont des organes
... / ...

19
Haute-Vol ta et L.a Voix du Peuple sont ceux qui publiaient
des poèmes. L'Observateur est quant à lui,
le seul qui
de temps en temps publie des ô.rticles sur les arts et
lettres.
Ajoutons que tous les journaux dont nous avons
paz-Lé
jusqu'ici sont publiés en Français exclusivement.'
C'est dire qu'ils s'adressent à une minorité de Voltaïques
car le pays n'est scolarisé qu'à 14 % ; d'autre part, le
fait d'éditer des journaux et même d'écrire des romans,
des nouvelles, n'est pas très répandu en Afrique.
Il
s'agit là de structures étrangères,
constituant une
rupture avec les traditions culturelles proprement afri-
caines qui ont recours aux contes, mythes,
proverbes,
etc.
;\\lonsieur Augustin Somdé COULIBALY dont les travaux
nous ont
inspiré
(1) affirme que depuis 1975 il
existe une certaine presse ronéotypée,
publiée exclusive-
ment en langues nationales et s'intéressant aux problèmes
socio-économiques:
santé, hygiène, méthodes de culture,
renforcerr:ent de l'esprit communautaire,
etc.
Elle
s'adresse aux Voltaïques alphabétisés.
Il s'agit de
- Fasobara,
ce qui veut dire construction nationale
en Jula,
une lan~ue parlée dans le pays.
.../ ...
(1) Augustin Somdé COULIBALY,
l'Information culturelle
en Haute-Volta,
texte ronéotypé.

20
Tengembiga,
ce qui signifie fils du pays en mooré.
Bugum Da Ki,
ce qui signifie que le feu ne s'éteint
pas en mooré.
Manegre,
ce qui veut dire arranger en mooré.
Le tirage de ces différents journaux varie entre
500 et 1 000 exemplaires.
C.] -
La presse ecclésiastigue
La liste ci-dessous est celle des
journaux
catholiques,
car i l semble que les protestants n'aient pas
encore de
journal. La nresse ecclésiastique est ron~otypée.
-
gor Unum : édi té par le diocèse de Ouagadougou.
- Kiyéel Kibaré
: édité par le diocèse de Koupèla.
-
La Voix du Gourma
: édi té par le diocèse de F'ad a .
- Témoin du Christ
édité par le diocèse de Koudougou.
-
Radio-Nouna
: édité par le diocèse de Dédougou-Nouna.
-
Alléluia Africain,
publié
par le diocèse de Bobo-
Dioulasso.
Ce journal a été fondé en 1976 et son tirage
r ' l '
'750
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Documents pour la Pastorale,
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Bobo-Dioulasso;
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l'année.
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Pruc'ente~, oub L'i
nar le diocèse de Diébnugou .
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1
1
,~

2I
Echo du Yatenga,
publi~ par le dioc~se de Ouahigouya.
La Voix des S~minaires : publié par le grand
Séminaire de Koumi.
-
Construire Ensemble
publi~ par le C.E.S.A.O.
(Centre d'Etudes Sociales de l'Afrique de l'Ouest).
-
S~ve Nouvelle : publi~ par le Mouvement Coeurs
Vaillants.
- Fidélité et Renouveau : publi~ par la Conférence
épiscopale.
Ces journaux ecclésia~ti~ues s'occu~ent, et
cela ne peut surprendre, de la propagation de la foi
catholique.
Ils utilisent le français comme langue de
diffusion,
et ne publient pas rte po~mes, ni de nouvelles,
etc .•.
Nous avons signalé plus haut,
l'importance de
la production littéraire voltaïque qui se heurte surtout
,
aux probl~mes d'~dition. En fait ilnexiste pas de
véritables maisons d'édition en Haute-Volta.
Il n'y a
que de petites imprimeries.
On peut c i t e r :
-
l'Imprimerie Nationale et les Presses Afri~ines à
Ou agad ougou ,
-
L'Imprimerie de la Savane à Bobo-Dioulasso.
Les deux derni~res rel~vent des missions catholiques •
.../ ...

22
En fait,
si la litt~rature voltaïque n'est pas'
très abondante,
c'est Cju'au cours dpf; d~cennies pr~c~dentes,
les Voltaïques n'avaient pas encore perçu l'importance de la
litt~rature en tant que moyen de formation et d'information,
comme moyen d'~ducation, et enfin, comme arme de combat.
A cet ~gard, les nombreux ~crits récents de tout
ordre (Mon Idée de Joseph CONO~lBO, Le Pari de Lamizana de
Emile BASSONO, Na Première Campagn~Electorale de Alfred
SA\\iADOGO,
Le Fils Aîn~ de Pierre-Claver ILBOUDO, etc.)
semblent indiauer que les Voltaïques ont enfin perçu cette
importance.
,
,
On peut d one preVOlr,
quoiqu'avec un optimisme
mesur~, une floraison prochaine de la littérature voltaïaue
dans tous les g'enres et sur les sujets les plus divers,
surtout que les écrivains ont commenc~ à consentir de
lourds sacrifices pour publier leurs ~crits.
Si l'on observe attentivement notre bibliographie,
en appendice,
on s'apercevra qu'à l'exception de quelques
uns,
la plupart des ~crivains font ~diter leurs oeuvres
à
l'~tranger. Le papier coOte très cher dans le paYf;/à
cause des frais de douane.
Les ~crivains sont souvent
oblig~s de faire ~diter leurs oeuvres à compte d'auteur.
Nais si l'édition ext~rieure revient moins chère,
elle a aussi ses
inconv~nients~ Les ~crivains qui font
éditer leurs oeuvres à
l'ext~rieur risquent évidAmment
d'être mal connus·à l'int~rieur du pays.
.../ ...

23
On remarque aussi que les gens lisent très peu en
Haute-Voltao
Il suffit pour s'en convaincre, de demander
aux gens combien de livres ils ont lus,
ou combien d'écri-
vains ils connaisent o
Parmi ceux qui lisent, nous avons:
Les enseignants qui
lisent pour la plupart dans
le cadre de leur profession
Les élèves et étudiants qui se précipitent dans les
bibliothè~ues pour préparer un devoir imminent ;
-
Les coopArants qui lisent pour se divertir ou pour
s'instruire.
Il faut signaler que les coopérants comptent
parmi les meilleurs clients ries
"
hibliotheques.
-
Enfin quelques intellectuels des autres couches
socio-professionnelles lisent de temps en temps pour s'ins-
t rui r-e ,
Nous avons remarqué que les voltaiques accordent
plus d'intérêt au théâtre,
au cinéma, aux festivals de mu-
sique o
Cette situation trouve son explication dans les faits
suivants
en premier lieu,
ces activités sont vivantes,
elles présentent aux spectateurs des personnages en mouvemen1
-
ensuite,
elles correspondent à une réalité sociale
en effet,
la Haute-Volta est un pays à tradition orale
et ces activit0s
transmettent direct~ment aux populations
un message oral.
-
Enfin,
la lecture demande plus de concentration,
de volonté et d'effort intelleètuel.

24
En conclusion,
la lecture semble être une activité en grande
partie encore étrangère à la société, ce qui explique les nom-
breuses difficultés de création d'une littérature écrite au sein
des populations.
Ajoutons que le peu d'ir-térêt accordé à la lecture entraine
corollairement une réduction du marché du livre.
Parmi les lecteurs,
ceux qui achètent les livres sont très peu
nombreux.
La plupart préfèrent emprunter les livres à un ami ou à un pro-
fesseur.
Ainsi lorsque vous achetez un roman,
i l sera lu par
des dizaines de personnes qui s'abstiendront ainsi de l'acheter.
En raalité,
i l existe un paradoxe:
l'écrivain africain a
un public africain très peu nombreux
disons qu'il n'a même pas
de public africain puisque la grande mnjorité des Africains ne
savent pas lire et que ceux qui savent lire ne lisent pas.
Nohamadou KANE décrit ainsi ce p~radoxe
"Notre écrivain est bien plus à l'aise en Europe que parmi
nous. L'Europe lui donne une langue dont "la eentillesse" n'est
plus à prouver, des concepts commodes, des moyens d'appréhender
le réel africain et de l'interpr~ter selon un éclairage pour
le moins européen."
(1)
(1) Moharnad ou KANS,
"L'écrivain africain et son puhlic"
In Présence Africaine,
nO 58, 2ème trimestre 1966,
p.
14

25
z ) LA LITTERATURE ORALE
a) Essai de définition
Les mythes,
les légendes,
les contes,
les
proverbes et les chansons populaires constituent ce que
nous appelons la littérature orale. Celle-ci s'oppose à la
littérature écrite en ce sens que cette derni~re est
matérialisée par les livres.
La caractéristique essentielle
de la littérature orale est d'être dite.
Certes,
l'écrit
représente un certain progr~s par rapport à l'oralité,
dans la mesure o~ le papier constitue une certaine mémoire
infaillible.
Joseph KI-ZBRBO souligne en ces termes
l'importance de l'écriture:
"Or,
l'écriture est un magnifique et
formidable outil, un instrument de
précision, d'abstraction et de
généralisation de la pensée, d'accumu-
lation et de transmission du capital
intellectuel. Seule l'écriture permet
la mise en place d'un appareil étatique
de tr~s grande envergure."(1)
:-lais l'écrit n'existerait pas si l'homme n'avait
exprimé orale~ent d'abord ce qu'il ressentait. Nous voulons
dire qu'il y a
primauté de la parole sur l'écrit du moins
en Afrique.
(1) Joseph KI-Z8RBO,
Histoire de l'Afrique Noire~ Hatier
197b,
p.
6JJ.

• •
/
• •
0

26
-Dêpuia un certain temps, de nombreux chercheurs
s'attachent h la collecte des traditions orales du monde
entier et en particulier de celles de l'Afrique. C'est lh un
grand
pas an avant car pendant longtemps,
la culture
africaine,
la culture des peuples dits "primitifs" en général,
était sous-estimée.
C'est d'ailleurs h peine si l'on
reconnaissait h l'Africain l'existence d'une culture.
A ce niveau,
le mouvement de la négritude a
beaucoup contribué h faire connaître certaines valeurs
africaines aux Européens.
Aujourd'hui;avec l'avènement des
indépendances politiques,
l'Afrique tente de s'affirmer
sur le plan culturel.
Pour en revenir ~ la littérature orale, nous
dirons avec Jacques CKEVRIER qu'
"Elle exprime par son réalisme
l'équilibre intangible d'une commu-
nauté et d'un système de valeurs
cohérent."(1)
C'est sans doute pour cette raison que de
nombreux chercheurs s'efforcent de la connaître pour mieux
comprendre l'Afrique.
D'ailleurs avec une société en pleine
mutation dans laquelle la civilisation occidentale exerce
une attraction importante sur la jeunesse,
si l'on ne
s'attèle pas ~ la moisson des traditions orales,
tout
(1) Jacques CHEVRIER,
Li ttérature J.\\ègre,
Armand Colin,
1974, p. 275
... / ...

21
disparaitra dans une ou deux décennies.
On doit aussi avoir présent à l'esprit l'adage
devenu célèbre de HA;'<[PATE BA :
"un vieillard qui meu.r t ,
c'est une bibliothèque qui brûle."
Effectiv~ment la collecte des traditions se
pr?sente comme une urgence surtout quand
on sait que les
vieillards en sont
les principaux détenteurs.
b) Importance de la littérature orale
En Haute-Volta comme d'ailleurs d8ns toute
l'Afrique,
le verh~ avait -
et a encore - une place
primordiale.
Toutes les énergies créatrices des populations
voltaïques ont été investies dans les contes,
les proverbes,
les devinettes,
les chants populaires,
et le verbe aura
par voie de conséquence, une très grande importance et une
très grande place dans la société comme l'écrit Bernard
Binlin DAIHE
:
"L'Afrique Noire,
faute d'écriture a en
effet cristallisé sa sagesse dans sa
littérature orale. Et chaque conteur,
chaînon
ininterrompu d'un long passé,
essaime
chaque soir la sagesse des Anciens.
Il la
confie à ceux qui veulent en profiter et au
vent qui l'emportera nar le monde car la
... /0 ••

28
sagesse n'est pas un bien que l'on conserve
soi-seul. Et c'est se survivre que de
dispenser sa sagesse."(1)
c) La fonction de la littérature orale
La
littérature orale a pour rôle de faire vivre
la société traditionnelle. Dans les sociétés traditionnelles,
l'individu doit être adapté à son groupe,
contribuer à
son maintien et également être lié au monde des ancêtres.
Tous c~s Itens,
c'est la littérature orale qui doit
contribuer à les créer.
C'est là sa fonction essentielle.
Elle permet le maintien de la cohésion du groupe,
la
conservation de sa culture et son divertissement, de mêl\\le
qu~
son édification morale. En derni~re analyse, elle
fait partie du patrimoine ancestral légué aux vivants.
Nous reviendrons plus loin dans notre travail
sur les différentes composantes de la littérature orale
pour les étudier de façon plus détaillée en nous appuyant
sur des exemples précis.
Pour l'instant nous restons
volontairement sommaire sur la question.
(1) Bernard B.
DADIE,
Présence Africaine, nOs 14-15,
Juin-Sept.
1957,
p.
165
... / ...

CHAPITRE II
- - - - - - - - - -
- - - - - - - - - -

30
La musique est l'un des éléments que nous retenons
pour notre étude à l'instar de la littérature. Ces deux
éléments nous emblent assez représentatifs car ils sont le
théâtre d'une
lutte âpre entre la tradition et le modernisme.
A la musique nous associerons la danse, car les
deux éléments noussernblent étroitement liés. A chaque type
de musique correspond en effet une danse particulière.
Nous ferons une distinction entre la musique
traditionnelle d'une part.
At la musique morlerne d'autre
part.
1. LA~ruSIQUE
THADITION~SLL8
Il est un peu arnb Lt Le ux de vouloir traiter de la
musique traditionnelle voltaïque,
car la Haute-Volta p.st
composée d'une mo s a ou e d
urre soixantaine environ)
î
t e t hn i.e s Ï
ayant chacune sa musique et sa danse.
Cette grande diversité des ethnies voltaiques
peut être considérée comme une sour:ce de richesse culturelle.
En effet chaque ethnie 8. sa musique propre et sa ct-anse
originale. Nous ne voulons nullement affi.!'liJer que chaque
ethnie constitue une entité culturelle propre et close.
Bien
au contraire,
les spécificités locales s'enrichissent
récinroquement.
On pourrRit m~me affirmer sans Axagération
qu'il existe une culture voltaiql'eo:lobaJe rp.cevant
l'apf/ort
orif6nal de chaque ethnie. ete chaque région ou sous-région •



/
0
• •

31
...
Partout~c'est le même resgect des ancêtres,
le meme
comportement envers le père et la mère,
les mêmes valeurs
religieuses.
Pour en revenir à l a musique, nous nous contente-
l'ons de citer quelques exemples. En pays bwa, nous avons
la musique et la danse du Baka.
En pays mossi nous avons
la musique et la danse du Warba,
celles du Wennega,
celles
du Liwaga,
etc. En pays gourounsi,
nous avons la musique
et la délnse du Django dans la région de Po,
etc.
En pays bwa on utilise le xylophone comme
instrument de musique,
tout comme dans la moitié ouest
du pays en général,
tandis qu'en pays mossi et dans la
moiti~ est du pays,
on ne connait pas le xylophone.
Le
tambour,
par contre,
semble être utilisé partout.
D'autre part,
alors qu'ailleurs c'est à la ca~te
des griots que revient la tâche de
jouer des instruments
de musique comme en pays bwa et dafing par exemple,
chez
les ",rossi au contraire,
toute personne peut exécuter la
musique de LiwaRa ou du Warba si elle le d~sire et si elle
en est capable.
Chez les Da~ari également,
toute personne
peut exécuter de la musinue.
On peut donc constater qu'il existe des
particularités selon les ré~ions.
Signalons que les chants qui acccmnapnent la
musique traditionnelle sont cornnosés en
12.T1~~ues vernaculaires •
.. ./ ...

32
z, LA MUSIQUE ~lODERJ."J"E
En Haute-Volta i l y a deux sortes de musique
moderne. On distingue d'une part la musique française,
jamaïcaine,
ou cubaine qu'on diffuse sur les antennes ou
qu'on entend dons les soirées dansantes et les bals,
d'autre part
la musique moderne jouée et composé par les
Voltaïques.
Seule
cette dernière nous intéresse.
~lle forme deux sous-ensemhles. Le premier sous-
ensemble représente une certaine musique à structures
étrangères.
Par structure nous entendons le rythme et
l'exécution de la danse.
Il s'agit par exemple de la Rumba,
de la musique cubaine,
zaïroise,
etc.,
composées
par les
Voltaïques. Nous ne sommes pas par principe,
contre de
telles interpr6tations,
car elles sont source d'enrichisse-
ment pour notre
propre musique.
Le deuxième sous-groupe représente la musique
traditionnelle modernisée.
Il s'agit par exemnle du Warba,
musique des Hossi,
que l'on joue avec des instruments
modernes, notamment des p:uitares et tout l'arsenal des
instruments mod ernes. Dès lors les ~'rossi ne sont plus les
seuls habilités à produire cette rnusi(jue.
Il y
a quelques
années un orchestre parisien,
les BOZA:\\ŒO, fit un disque
nommé Cato Cato et oui fut un p:rand succès.
La musique de
ce d i s qu e n'était autre chose que du Warba et la chanson
était en mooré,
langue des Mossi.
.../ ...

33
A l'intérieur de la Haute-Volta, des orchestres
et des vedettes de la chanson s'intéressent de plus en plus
à la musique nationale.
Ainsi le Dafra Star, un orchestre de Bobo-Dioulasso,
joue du xylophone au cours des bals qu'il anime.
Jean-Bernard
SAHBOUE emploie quant à lui,
le tianlloun,
instrument de
musique bwa, dans ses comnositions modernes. Les chansons
de cette musique traditionnelle en pleine modernisation
sont composées en langue vernaculaire.
Les orchestres modernes sont répandus à travers
le pays.
A Ouagadougou on peut citer :
-
le Club Voltaïque du Disque (C.V.D.),
les
Proph~tes, l'Harmonie Voltaïque, le Super Volta,
etc.
A Bobo-Dioulasso nous avons le Dafra Star,
les
Léopards,
l'8cho deI Africa National,
le Volta
,
Jazz,
etc.
On peut aussi signaler l'existen~e d'orchestres
à l'intériRur du pays dans les villes secondaires comme
-Oédougou, Nouna, Gaolla,
Ba nf o r-a , Gassan,
etc.
~~ nombre des vedettes de
la chanson on Deut
,
,
,
citer Jean Bernard S;\\)iBOUE,
Amadou TRAORE dit BALAlŒ,
,
Tidiane COULIBALY,
Pierre SN~DWIDI. Abdoulaye CrSSB,
,
,
Roger TONDE,
Oger KABüRE,
etc.

0

/
• • •

34
CHAPITflE III
-:-:-:-:-:-:-:-
Les
_ _ _ Associations
_ _ "_.·_0
" _ _ _ et
la Production culturelle
._.
"__
en Haute-Volta

35
LeI'> activités culturelles voltaïques ne sont pas
l'oeuvre exclusive des individus. Elles s'épanouissent aussi
à travers certains cadres. On peut citer à cet effet les
Maisons des Je~mes et de la Culture(M.J.C.), les associations
culturelles,
etc.
1. LES ~~ISONS DES JEUNES E7 DE LA CU~TURE (~.J.C.)
A l'époque coloniale,
on avait ouvert dans les
sous-préfectures appelés cercles, des Maisons de Jeunes et
de la Culture.
La jeunesse de chaque cercle avait un
bureau et elle organisait ses activités dans le cadre de
ces maisons.
Il s'agissait pour la plupart d'activités
essentiellement théâtrales.
Les associations scolaires et estudiantines y
organisaient -
et y organisent encore de nos .jours -
leurs
activités culturelles pendant les vacances.
Nous avons nous-mArne milité et avons en des
responsabilités dans une association estudiantine dont
i l convient de dire quelques mots.
Il s'agit de l'association
de la Jeunesse Etudiante en Vacances à Boromo(A.J.E.V.B.).
Cette association regroupait tous les élèves et étudiants
ainsi que les travailleurs passant leurs vacances à
que
Boromo,
quelles soient leurs conceptions
philosophiques,
religieuses,
quelle que soit leur et~nie ou leur pays.
Il
s'agissait d'une association apolitique,
sans but lucratif,
et dont les objectifs étaient de promouvoir les activités
.../ ...

.36
culturelles. Ces dernières s'étendaient sur un mois environ
et consistaient en l'organisation de conférences-débats
sur des sujets intéressant les jeunes (ruraux,
intellectuels),
tournois de foot-baIl et de volley entre des équipes
(des villages, des quartiers, de l'A.J.E.V.B.),
tournées
dans les gros villages de la Sous-Préfecture pour des
représentations théâtrales en français,
~ioula, bwamu, etc.
Ces activités s'achevaient par un bal à la Maison des Jeunes
et de la Culture de Boromo,
bal animé par un orchestre du
pays.
Cette associhtion a vécuxde 196) à 1978.
2. LES ASSOCIATIONS CULTuRELLES
Sur le olan national,
certaines associations à
vocation culturelle ont vu le
jour.
On peut citer à ce
titre
- Le Cercle d'Activités Littéraires et Artistiques de
Haute-Volta (C.A.L.A.H.V.),
créé en 1967. Son Président-
Fondateur était Augustin Sondé COULIBALY qui travaille
actuellement à la Direction des Affaires Culturelles au
Ministère de l'Bducation Nationale et de la Culture. Cette
association privée avait
pour but de promouvoir tontes les
activités culturelles (lettres,
arts plastiques,
arts
chorégraphiques,
théâtre,
etc.).
Elle organi~ait des
tournées à l'intérieur et à l'extérieur du pays. SIle
devait cesser d'exister en 1970 après avoir organisé
... / ...

37
durant toute son existence,
et sur le plan national,
trois
,concours.
-
On peut citer également l'Union Voltaïque des Associa-
tians Culturelles (U.V.A.C.),
qui s'occupait
essentiellement de théâtre. Elle organisa pour sa part,
un seul concours sur le plan national.
-
Il est intéressant d'ajouter à cette liste,
le nom
de deux troupes
théâtrales actives à l'heure actuelle.
Il s'agit de la Troupe des Amateurs du Théâtre Voltaïque,
créée en Juin 1978 par Prosper CO;I~AOR:S, professeur à
du
.L' Un i.v e r s i t e de Ou agad ouxou ,
et la T'r-cu pe Théâtre Radio-
phoniaue.
La
premi~re est composé de jeunes gens et de
,jeunes filles provenant de différentes professions et qui
s'intéressent 2U théâtre. Ce
sont des amateurs soucieux
avant tout de la promotion de la culture en général,
et
du théâtre en particulier.
Cette troupe a
reorésentéLe Président de
-la x Lme N' D.2tl.c;KA en 1979,
Le Na Lai s e de Chinua ACH~BE en
1980 et les Gens des Marais de Wole SüYINKA en 1981.
Elle a également réalisé sous l'égide du Minist~re du
Développement Rural,
un "programme rural".
Ce "progrélmme
rural" consistait
en la mise au point de sketches posant
des probl~mes sociaux (manage, déracinement, conflit
entre la tradition et le modernisme,
exode rural,
etc.) .
.../ ...

38
Après chaque représentation un débat s'instaurait
avec le public sur le contenu des sketches.
La deuxième,
la Troupe du Théâtre Radiophonique,
,joue d-es pièces en quatre langues
français,
mooré, dioula,
peulh.
Les pi~ces étant écrites en français,
elles sont
jouées d'abord dans cette dernière langue,
puis reprises
les semaines qui suivent,
successivement en mooré, dioula,
peulh.
Les pi~ces jouées sont celles qui ont été retenues
lors du ou des concours théâtraJJAinter-africain~ ainsi que
d'autres
pièces voltaïques jugées intéressantes •
.sü';l1.alons enfin que du 26 au 27 senterr.bre 1981
s'est tenu à Ouagadougou le congr~s constitutif de la
Société des Ecrivains Voltaïques
(S.E.V.). Les buts de
~a S.E.V. sont définis par l'article 4 de ses statuts qui
stipule que
"La S.B.V.
poursuit les buts suivants
-
assurer la d6fense et l'illustration
(les valeurs cul tnrelles voltaïques et
africaines.
instaurer le d i o Lozru e o n t r-e écrivains
voltaïques,
africains et étrangers.
-
défendre les intérits matériels et
moraux de ses membres."
Le programme d'activités de la S.S.V.
prévoit
entre autres
-
des eXDositions d'ouvra~es,
... / ...

39
la confection d'un journal
l'organisation de festivals
litt~raires
des s~minaires
collection du folklore,
de la tradition
orale(recueils,
chants,
mimes)
-
conférences-d~bats et tourn~es culturelles
-
cr~ation d'une bibliothèque.
La r~alisation de ce programme contribuera sans
nul
doute à la promotion de la culture voltaïque.
Ajoutons que le Pr~sirlent de la S.E.V.
est Roger NIKIEMA,
Attach~ de Presse à la C.~.A.O. (1)
Un peut re:::arquer que les Voltaïques s' .i n t é r-e s s en t
beaucoup aux activit~s culturelles. Cet int~r~t devrait
être encore
plus llIarqu~ depuis l'avènement du Comit~
~ilitaire de Redressement pour le Progr~s National.
(C~~PN) qui, dans le cadre èe sa politique, semble avoir
accord~ une place de choix à la promotion des activit~s
culturelles.
(1) La C.E.A.O.
c'est la Comn~naut~ Economique de l'Afrique
de l'Ouest.
Elle regroupe les six pays suivants:
le Mali,
le Niger,
le .s~né,q:al, la Haute-Volta,
la
Mauritanie et la Côte-d'Ivoire.
... / ...

40
CHAPITPE IV
Tradition et Modernisme au
niveau de l'Eglise
catholique

4I
Pour compléter notre panorama,
i l nous semble
nécessaire de relever quelques aspects dè l'évolution au
niveau de l'Eglise catholique.
Nous distinguerons le niveau de la langue et le
niveau des chansons.
1.
LA LANGUE
Au départ,
la messe était dite en latin.
Les
croyants priaient donc dans une langue qu'ils ne
comprenaient pas.
Ils ne connaissaient pas le sens des
paroles qu'ils prononçaient et qu'ils adressaient à Dieu.
Petit à oetit on commença à dire la messe en
lanF,ues vernaculaires dans les villes et les villages de
Haute-Volta,
et en français dans certains milieux:
séminaires,
collèges,
etc.
Il s'est agi de traduire en français et en
langues vernaclliaires
tout ce nui se disait en latin.
Ainsi le "Dominus Vobiscum" se t r-adu i.s e.L t
en français,
"le Seigneur soit avec vous",
en bwamu(1);
"Dofin ka wa
mion",
et en rro o r-é ,
"wend nam zind ne yamba".
(1)
Il s'agit du dialecte du village de Vy.
.../ ...

42
2. LES CHANTS
On
. a
tradui t
certains chants
p-ArIni les plus usuels
en mooré,
bwamu , dagara,
etc.
Mais
chaque ethnie a
son air et son rythme.
I l s'agit de
chants
tels que le "Notre père" et le "Je crois en Dieu".
Pour ce qui est des autres chants
, . certain- s
sont une traduction des chants tirés des livrets édités en
langue française.
Certains de ces chants gardent le même
rythme et le même air qu'en français.
C'est le cas par
exemple du chant français
intitulé
Ce n'est gu'un au revoir,
mes fr~res
ce n'est qu'un au revoir.
Nous
retrouvons cette chanson en mooré et en
bwamu avec le même air qu'en français.
On remarque aussi depuis quelques années une
floraison de chorales.
Ces chorales emploient les
instruments de musique de chuque r~gion
tam-t81l1S,
xvlophones,
castagnettes,
etc.
En conclusion,
i l ne s'agit vraiment pas d'un
conrlit culturel dans l'Eglise catholique,
mais d'une
africanisation progressive de l'EF,lise.
.../ ...

4.3
« ,
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Le bref panorama culturel que nous venons de
dresser laisse voir que la Haute-Volta est le théâtre
de la rencontre entre deux types de civilisation ~
la
civilisation africaine traditionnelle et la civilisation
européenne mooerne.
Une rencontre peut s'effectuer de plusieurs
manières différentes;
suivant les s i t u a t i.on.s elle pe u t
être violente ou intime,
souhait~ ou imposée, etc. Elle
peut même être d'abord violente et ensuite intime.
Dans le cadre rie
la Haute-Volta. DOUS verrons
quelle ré nonse nous d onnen t
les écri va ins [cl travers leurs
oeuvres.
Au t r-aman t
dit,
nous tenterons de saisir le
mécanisme oe la rencontre ties deux cultures, à travers la
littérature voltaïque.
.../ ...

44
DEUXIB:-Œ
PARTI8
Pf-<ESBI'ljCE
DS

TRADITION
Diu\\" 3
LA
LITTERATünE
VOLTAI;.JL'S
D'EXPRBSSION
FRANÇAISS

45
INTRODUCTION
Le colonisateur en imposant ses structures et
méthodes administratives,
en introduisant sa culture au
moyen de l'école principalement,
jette les bases de
l'extinction des traditions africaines.
Les intellectuels
africains,
les ~crivains en particulier,
prendront
conscience de l'6clatement de la société africaine et de
l'étouffewent,
lent mais sar, des traditions, des moeurs et
des cultures.
Gabriel >U~~E::::iSY nous donne t m e idée de cet
éclatement de la sociétc:5 africaine dans la préface du
Crépuscule des Te!71os Anciens
"La puissance de l'argent efface celle des
dieux et des anciens.
Les travaux collectifs
deviennent rares
les contraintes administra-
tives se substituent aux prestations
coutumières et aux rèp;les de la solidarité".
(1 )
Gabriel l\\~\\BSSY nous décri t
ici avec exacti tude,
la manière dont les valeurs occidentales se suhstituent aux
valeurs africaines.
~e Crépuscule_des Temps Anciens se
conçoit avant tout comme une oeuvre refusant de
"laisser
sombrer dans
la nuit cie
l'i~nor8nce, certains trésors
culturels" de l'AfriClue.
(1) Gabriel H;:.....ù~;:.,.:..l,
?réseIlce R.fricai".e, .Paris 1 ~)b2, 0.12
. . ./ ...
il.
ft:."~'~'\\i~

46
Ces trésors culturels, nous essaierons de les
découvrir,
ainsi que leur signification sociale et
religieuse,
dans la littérature voltaïque d'expression
française en général,
et surtout dans le roman de Nazi BONI
qui es~ oeuvre de tradition
Di~r excellence.
Nous avons
choisi ce roman à cause de l'importance des trnditions 'lui
le nour~issent et aussi parce nll'il constitue la pi~ce
maitresse rie toute la Ijttérature voltaïqlle.
. ,. ./ ...

47
CHAPITRE l
Le Crépuscule des Temps Anciens
:
Situation de cette oeuvre dahs la littérature
Voltaïque.
Avant de pénétrer dans cet ensemble inextricable
que constituent les traditions dans le Crépuscule de Temps
Anciens, un préalable est nécessaire.
En effet i l faut
situer historiquement et Dolitiquement cette oeuvre.
Seule une telle approche nous permettra de
connaître la v é r-Lt ab Le po r t
e du roman,
et oa r t an t , de mieux
é
l ' appréhend er.
1 -
L'auteur
Né à Bwan (Haute-Volta) vers 1909, Nazi BONI
aura son premier contact avec les blancs lors de la r6volte
des Bwaba et des i'!arka en 1916.
Il évoque les souvenirs de
cette révolte dans son roman au chaDitre 15.
En 1921
-
1922 i l est envoyé à l'école malgré lui
et malgré ses
parents.
Il sera t r-è s
hrillant élève,
sautera
deux classes et au bout cie quatre ans
passera le certificat
d'études.
Il continuera ses études à l'Ecole Supérieure
Primaire de Ou ajz ad ou s-ou d'OLi ses succès scolaires
l'enverront 8
l ' ~c ole Normale hri lliam-Pon t y ,
A sa sortie
... / ...

48
de l'Ecole Normale William-Pont y, Nazi BONI rentre en
Haute-Volta où i l devient instituteur à Ouagadougou en
1931. Dix ans plus tard
(en 1941) i l est nommé directeur
de l'école primaire de Treichville en République de
Côte-D'Ivoire.(1 )
En 1947 i l est un des leaders de de l'Union
à
VoltaI~ue, parti politique cré~
l'initiative du
gouverneur :-jourae:ues pour contrer l'action du Rassemblement
Démocratique Africain (R.D.A.),
jugé communiste et beaucoup
trop anti-colonialiste. En 1955 i l quitte l'Union Voltaïque
car des contrad:Ctions a.nparaissa.ient entre lui et un
certain n omb r-e c1e cadres du parti.
Il f orid e le:·fouvement
Populaire Africain(M.P.A.).
Son d~rart entrainera
l'éclatement raoide de l'Union VoltaIque.
Le premier gouvernement de la loi-cadre sera
formé
par une coalition dont Nazi BeNI ne fera pas partie.
Par suite d'un renversement cJe la majorité,
i l orendra la
tête de l'Assemblée Territoriale, mais pour un temos
relativement bref.
!'felllbre fondateur du Parti du Regroupement
Africain(P.R.A.)
à Cotonou en 1958, Nazi BONI sera fortement
imprégné d'id~es fédéralistes et ces idées l'opposeront
(1) De 19J2 à 1947 la Haute-Volta avait été supnrimée et
répartie entre la Côte-D'Ivoire,
le Mali et le Nicer. Ceci
e x p l Loue
pourquoi Nazi BONI a été a f f e o t
il
T'r-e i c hv i Lj.e c a r-
é
selon le découpage alors en v iau eu r- i l se retrouvait
Ivoirien.
. .. 1...

!~9
systématiquement au gouvernement en place. D'autre part,
au
début de l'année 1959,
l'Assemblée Constituante voltaïque,
par un vote, décidera d'accorder les pleins pouvoirs au
président du Conseil Maurice Yfu,iEOGO. Nazi BONI s'oppose
à cette décision. Cette attitude, ajoutée ~ ses idées
fédéralistes, amène
le conseil à p r-e nd re la décision de
l'arrêter pour le mettre en résidence surveillée,
car
visiblement i l reorésente
un danger permanent pour le
gouvernement.
Apprenant cette d8cision par Radio-Brazzaville,
Nazi BONI s'exile
à Dakar ap~~s être nassé Dar le Mali.
Au Sénégal,
i l se consacre surtout à la recherche,
notamment dans
les domaines historique
et sociolop:ique.
De cet te recherche,
Le Crépw3cule des Temps Anc.!~p._s_.sera un
des p~emiers fruits.
En 1966 l'armée renverse le régime du Pr-é s Ld errt
YA-:~ùGO et en 1969 elle o r-van i.s e un référendum const:î.tu-
tionnel en ~le rle rendre le pouvoir aux civils.
Rentré
d'exil pour la c am pa grre é lec torale, Nazi BONI trouvera la
mort dans un accident de voiture en filai 1969. Son Histoire
~)~t~étique de l'Afrique résistante sera publi~après sa
mort en 1972, illlX éditions Présence Africaine.
. ../ ...

50
2) Le résumé du roman
Nazi Boni consacre les deux premiers chapitres de son
livre à l'évocation nostalgique de la vie des ancêtres du
Bwamu. Cette vie se caractérisait par un bonheur général :
l'abondance des pluies appeblit celle des récoltes;
les hom-
mes fournissaient
très peu d'effort pour se nourrir.
L'auteur nous renseigne également sur les différentes
activités du Bwamu : la guerre, le sport,
la danse,
le flirt,
etc.
Le chapitre suivant est une évocation des activités du
village (1) au cours de la nuit.
Il s'ouvre sur une séance de
contes et de devinettes. A la fin de la séance chacun rentre
chez soi pour dormir. C'est à ce moment qué le crieur public
convoque les hommes sur la place publique pour écouter le
message de Gnassan,
lp. vieillard dll v I Ll.ag e , Ce der-nier in-
forme la population de son désir de c6lébrer les funérailles
de Diyioua,
l'ancêtre du village, décédé depuis un certain
temps.
Il décide que cette cérémonie~ura lieu dans trente-
cinq jours.
Au chapitre quatre l'auteur met en scène un groupe de
femmes qui vont chercher
du bois mort en brousse. Une fois
hors de portée de vue, elles se mettent nues pour s'admirer
réciproquement tout en racontant chacune ses prouesses amou-
reuses. La scène prend fin dès qu'elles se rendent compte
(1) Il s'agit de Swan, village de Haute-Volta.
o • • /
0
• •

5I
qu'elles
sont
épiées par un homme caché dans un buisson.
Dans le même chapitre l'auteur nous présente Kya, un
héros du village. Il s'agit d'un homme petit de taille, pas
très beau, mais grand guerrier. Sa réputation était connue
dans tout le Dwamu.
Nous faisons également connaissance dans ce chapitre
de Hakanni, une fille nubile,
très jolie. Elle a un amant,
Térhé, qu'elle aime beaucoup et dont elle est aimée.
de
Le chapi tre cinq
est le récit la fête organisée à l ' oc-
casion des funérailles de Diyiouao La veille,
toutes les
délégations (tous les villages environnants y sont invités)
arrivent et le lendemain les réjouissances débutent. Dans
ce même chapitre i l est question de Lowan,
père de Kya. Cet
homme est jaloux de Térhé qui se présente c-omme un rival de
son fils. Térhé est en effet en train de conquérir tous les
titres au détriment de Kya.
Dans
le chapitre six les Bruwa (1) ou juniors se
réunissent clandestinement et se mettent d'accord sur le
principe de revendiquer leur initiation en
Dô.(2)
Les Bruwa sont les
futurs initiés
Le Dô est une grande puis~~nce surnaturelle.
0
• • /
• •
0

.~
52
Mais avant de revendiquer officiellement une telle chose,
les
prétendants doivent prouver leur maturité à travers des acti-
vités
viriles:
lutte, chasse, guerre,
labour à la houe, etc •••
Quelque
temps après cette réunion des Bruwa,
les habi-
tants de Bwan sont invités à Ouakara (1) pour une séance de
labour à la houe. A cette occasion,
les Bruwa se montrent
supérieurs à leurs a!nés,
les Yenmssa (2) et fournissent ainsi
la première preuve officielle de leur maturité.
Dans le chapitre huit Térhé épouse Hadonfi, qui devient
sa quatrième épouse. C'est l'occasion de réjouissances popu-
laires. Les jeunes filles exécutent la danse appelée yenyé,
les jeunes hommes celle appelée baka.
commence
Le chapitre neuf
/
par la jalousie des trois épQ.lses
de Térhé à ~'égard de la nouvelle mariée. Au même moment
Té r-hé et Hakanni manifestent leur désir de se marier. l'lais
la réalisation de leur projet se heurte à une grosse difficulté;
en effet d'après la coutume Térhé et Hakanni sont parents car
"l'arrière grand-père maternel de Térhé et l'arrière grand-
mère paternelle de Hakanni étaient des cousins." Les deux
amoureux font alors un pacte de sans consistant en ce que
chacun introduise dans ses veines,
le sang de l'autre. Chacun
jur~ ainsi sa fidélité à l'autre.
village situé à 11 kilomètres de Bwan
les Yenissa sont les initiés.
o • • /
. . . 0

53
Au chapitre dix les Bruwa, grisés
par leur victoire
de Ouakara se réunissent une deuxième fois, décident d'enta-
mer les démarches conduisant à leur initiation, et au chapitre
suivant, ils remportent l'épreuve de lutte~ Lowan irrité par
les succès de Térhé, décide de l'éliminer au moyen de la
sorcellerie.
Le douzième chapitre décrit une battue au cours de
laquelle Térhé illustre son adresse en tuant à l'aide de ses
flèches une panthère et un lion, deux animaux réputés très
dangereux.
Au chapitre treize les Bruwa reçoivent leur initiation
et deviennent ainsi Yenissa. Nous reviendrons plus loin sur
les épreuves de cette cérémonieo
Au chapitre quatorze,
Kya,
avide de gloire, décide
d'abattre un ou deux habitants de K~ra (1) et de rapporter leurs
têtes à Bwan comme trophée. Nalheureusement i l est répéré dans
sa cachette et tué par les habitants de Kêra.
D
1
ri.,
t
d
.
h a n i
, ans
e qU1z1eme e
ern1er c ap1tre nous assistons
à l'arrivée des Blancs dans le Bwamu. L'auteur nous décrit
alors la guerre qui les oppose aux Bwaba. Ceux-ci
vont rem-
porter la première bataille et contraindre les Blancs à
se
replier.
(1) Village titué à 4 kilomètres de Swan.

54
Lowan profite de ce temps de répit pour empoisonner
Térhé lequel meurt peu de temps après. Reconnu coupable i l est
lui-même tué par le fils aîné de Térhé. Hakanni refuse de man-
ger et de boire ;
elle meurt
trois jours après Térhé. C'est sur
cette triste
nouvelle que finitle romano
Il semble à présent nécessaire de faire la part entre
ce qui relève du réel et ce qui rel~ve de l'imaginationo
D'une manière générale l'auteur nous a décrit la vie
traditionnelle à Bwan. Toutes les activités relatées sont
vrais emblable~ qu'il s'agisse de la danse, de la lutte, de
la chasse, du comportement des femmes en brousse ou des cé-
rémonies d'initiation. Elles ne sont pas d'ailleurs spécifi-
ques à ce seul village
mais assez communes à tout le Bwamu.
La guerre décrite par l'auteur dans le rlernier chapi-
tre a effectivement eu lieu entre 1914 et 1916. On l'appelle
communément "la révolte des Bwaba"o
Enfin,
l'auteur évoque dans son roman certains per-
sonnages réels.
Il s'agit de
Une note de la page 211
du roman nous
informe que le recit de la mort de Kya
(Ch.
14) est auth~ntiqueo Il fut tué en
1S87.
13ihoun Behova
Il
étai t
le chef de TuiŒ1an-W'akuy
o • • /
• • •

55
Lamoussa Coulibaly
C'était un notable de Bonikuy.
Kama
ancien chef du c an ton de Wakuy.
Il
mourut en 1960.
Gninlé
grand guerrier, i l fut fusillé en
1916 à Bwan par les troupes françaises.
Tibiri Coulibaly
fils du chef de Bonikuy.
Sita Sidibé et
deux Peulhs passés au service des
Oumarou Sidibé
"étrangers"
Dambio Coulibaly
chef du canton de Karé.
Il part~­
cipa aux côtés des Français à la
bataille de Boho les 6 et 7 mai 1916.
L'auteur évoque aussi la traversée du Bwamu par l'explo-
rateur Binger qui séjourna à Bonikuy du mardi 15 au jeudi 17
mai 1888 et à Ouakara le vendredi 18.
L'ancêtre du Bwamu dont parle l'auteur dans les premières
lignes de son roman est un personnage réel qu'il a rencontré et
qui lui a conté l'histoire du Bwamu.
Enfin,
le héros du livre, Térhé, a réellement existé. Le
père de Nazi Boni se
nommait Térhé. Il était le champion de
nombreuses compétitions sportives (chasse,
lutte,
tir à l'arc,
danse,
etc.). C'est aussi le cas du héro du livre.
0 0 0 / 0 0 0


Si d'une
manière générale le livre de Nazi Boni est un
catalogue de faits réels,
on peut cependant y déceler quel-
ques faits relevant de l'imagination.
-
Le héros Térhé a quatre femmes alors que le père de
Nazi Boni n'avait
qu'une seule épouse.
L'amour entre Térhé et Hakanni n'est pas vraisembla-
ble si l'on se situe
à
l'époque de ces deux personnages.
Ils vivaient dans une époque où la coutume était respectée
par tout le monde. Leur amour aurait pu être vrais emblable
dans le contexte actuel car avec la transformation des
mentalités la toutume n'est plus strictement respectée.

57
,.
Le Contexte politico-historigue
Le Crépuscule des Temps Anciens a été publié en
1962 aux éditions Présence Africaine.
Son avant-propos par
l'auteur lui-même date du 15 décembre 1961. Le roman a donc
été é~rit aux alentours de l'année 1960. Que se passait-il
en Afrique à cette époque? C'était l'année de la vague des
Lnd
pe nd a.nc e s
poli
é
t.Lqu e s ,
l'année de la consti tution des
différentes colonies françaises en Etats nationaux
indépendants gérés par les bourgeoisies autochtones. L'année
1960 marque la consécration du morcellement de l'Afrique
en petits gtats.
Nazi BONI était de ceux qui combattaient
le morcellement de l'Afrique. C'est là le fondement du
parti dont i l était le leader en Haute-Volta,
c'est-à-dire
le Parti du Regroupp.ment Africajn (P.R.A.).
Le regroupement
Il est bien évident que tout artiste investit
une partie de sa personnalité dans son oeuvre,
et Nazi BONI
n'échappe pas à cette nécessité générale.
Ainsi,
sa ligne
politique,
qui est celle du Parti du Regroupement Africain
(P.R.A.),
transparaît dans le Crépuscule des Telllns Anciens.
Il annonce d'ailleurs la couleur dès l'avant-propos:
"En cette heure de libération des pays
subjugués,
alors que tout doit être mis
en oeuvre pour bâtir les p;-r'ands ensembles
africains plutôt que de vitupérer, du haut
--------._-_._----------
... / ...

58
des tribunes,
la défunte domination coloniale,
s'impose à
nos élites l'impérieux devoir de s'atteler à la redécouverte
de la vieille e~ authentique Afrique.
Par la publication de
Crépuscule des Temps Anciens,
j'apporte ma modeste
contribution à cette oeuvre."(1)
Trois remarques s'imposent:
la première c'est
que Nazi BONI en disant
"en cette heure de libération des
pays subjugués" nous situe très bien dans le contexte
politico-historique. En effet cela prouve que le livre a été
effectivement écrit autour des années 1960,
années de
décolonisation.
Deuxi~mement, l'idée ~e regroupement opposée ~
celle de balkanisëtion et d'émiettement,
se dessine ici
,
clairement par l'expression "bâtir de granès ensemhles".
}~n:fin. ce p3.S~8:0"e constitue une attaque à l'4g-arrl d o s
nartisans de
la b aLk an i s a ti.orr .
t an t
s u r- le plan national
qu'international.
pas à la défense d'une liine politique.
Il particine
également du courant de la négritude.
4-. Cré::mscule des Temps Ancien.s, importante
contribution au courant de la négritude.
- - - - - - _ . _ - - - - - - . _.-
(1) Avant-propos,
[J. 1 8
... / ...

~l partir
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d c d i c a c e ,
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I.olle;
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1:<'I'Illl'S
s o nt:
i.nuvr-o n r-c s ,
./ .

En fait les termes Bobo-oulé et Bobo-Niénégué
ont été, semble-t-il, employés par les Dioula(1) pour
désigner les Bwaba. Bobo-oulé signifie en Dioula
"Bobo rouge, Bobo au teint clair, rougeâtre",
et Bobo-
Niénégué signifie "Bobo à la face sculptée." Le terme
Bobo(2) désigne pour sa part une ethnie voisine des Bwaba
habitant la région de Bobo-Dioulasso, deuxième ville du
pays. Pourquoi les Dioulaont-ils appelé
les Bwaba, Bobo-
oulé ou Bobo-Niénégué ? Pour l'instant nous n'avons trouvé
aucune explication claire de ce point.
En tout cas, concernant ces différentes appel-
lations, Nazi BONI nous donne ce point de vue
:
"Ainsi s'exprime "l'ancêtre" du village,
le conservateur des traditions du Bwamu,
pays des Bwawa que l'on appelle improprement
tantôt "Bob o-cou Lé v ,
tantôt "Niénégué". (J)
La rectification faite par Nazi BONI témoigne de
son souci de'donner le plus d'informations objectives
possibles sur le Bwamu. Ce souci, Nazi BONI l'évoque dans
son avant-propos
Le terme désigne une ethnie de l'Afrique occidentale.
Voir la carte ethnique de Haute-Volta en annexe p.
351
Op. Ci t.
Pf
21
.../ ...
,.:'
J
. .
G

65
"D'aucuns seront tent~s de me reprocher de
n'avoir pas estomp~ certaines r~alit~s
d'apparence primitive. Cette attitude
procèderait d'un complexe. Je r~pugne au
vide du clinquant.
J'ai voulu,
intentionel-
Le men t ,
que l ' originali t~ de "Cr~puscule
des Temps Anciens"
r~sidât, au moins en
partie, d~ns sa sinc~rit~ pour ne pas dire
son pragmatisme."(1)
Ce souci est bien fond~ et' normal. Nous
n'exag~rons pas en disant qu'il est m@me obli~atoire
quand
on se place sur le terrain des traditions.
En
dernière analyse,
nous p.stimons qu'au lieu de donner une
appellation aux populations,
i l est plus
juste de leur
demander quelle anpellation elles se donnent.
2.
Situation ~~ogranhique
Les Bwaba occunent une
partie de l'ouest de
la
Haute-Volta(2)
ainsi qu'une partie du Mali.
On peut dire
grosso-modo que le Bwamu cOl!1mence depuis San et Tominuan
en Ré pub Li qu e du MaLi,
jusqu'à Vy aux environs de Boromo en
R~publique de Haute-Volta.
En Haute-Volta le Bwomu p.nglobe les sous-
,
préfectures et ,;rronètssernents de D~DOUGOU, l\\(\\UNA,
I-lOlJND8,
BAGASSI,
DJIBASSO,
OUA.R.KUYE,
SI)L~NZO,
DOiW:-IO.
(1)
OP.
CiL
P.
19
(2)
Voir carte en apnendice
... / ...

66
La Sous-Préfecture de DEDOUGOU est habitée par les Bwab a ,
mais le Chef-lieu DEDOUGOU,
bien que fondé par les Bwaba,
ne peut pas à l'heure actuelle être comptée comme ville bwa.
Elle est plutôt cosmopolite et les Bwaba n'y sont pas
maj ori tai res.
La Sous-Préfecture de NOUNA est
g a
é
Leme n t
h ab i tée par les Bwaba,
mais NOUI'iA le Chef-lieu est une
ville Dafing.
Quant à BOROf-lO,
seule une partie de cette
circonscription,
la partie-Ouest,
est habit~e Dar les Bwaba,
BOR01'fO,
le Chef-lieu,
avant été fondée par les KO
les
;-':9s~i y constituent présentement
l'ethnie majoritaire.
Ces quelques d~tails nous semhlent nécessaires
pour circonscrire avec pr~cision, le Bwamu, qui est
traversé par la Vol ta No i, ra,
le Tui
e t
13 Bani.(1)
J.
Hétérof;énéité du Bwarnu , une hétérogénéité
cl ans
l ' hO:I:ogéné i té.
En fait,
]e llwamu(2)
se subdivise en trois
e n s etnb Le s qui sont:
le Eademmu (3)
ou Tuiman,
le J'.Inkioho(/-i)
et le Kioho.
Nazi bONI fait allusion à ces ensembles dans
( 1 )
La Volta-Noire est le fleuve le plus important du pays.
Le Tui et le Bani sont deux fleuves.
plus petits.
(2) Nous avons vu qu ' il existait desl3waba en République du
Nali.
l'~ais tout ce que nous dirons ne concerne que
le
0W;:1IiIU
d.e Haute-Vol ta.
( 3) Pr3noncer Kade~nou
( 4) Prononcer :-101Ikioho.
. ../ ...

67
lin passage dont
le but n'~tait pas de nous faire d~couvrir
ces ensembles,
mais de ~ettre l'accent sur le bonheur des
peuples qui habitaient le Bwamu
"Pour toutes les tribus du Bwamu, depuis
celles du Kademmu ou Tuiman qui peuplaient
l'au-delà du ruisseau Tui
jusqu'à celles du
Mukioho installées entre la Volta Noire et
le Bani,
en passant par les peuplades
guerribres du Kioho,
le centre,
pour toutes
ces tribus,
l'insouciance ~tajt source de
bonheur."(l)
Ce d~coupa~e nous semble assez arbitraire car
chaque ensemble n'a rien de sD~cifique. Il ne repose que
sur les ~l~~ents naturels à savoir,
les fleuves Tui,
Volta
Noire et
Bani.
Toutes les populations du Hwamu
(le territoire)
parlent assurément
le .8wamu(la langue) mais ne se
cornorennent
pas au t oma t i o u e.ue n t
entre elles.
La communica-
tion est possible mais souvent difficile,
voire impossible,
car le vocabulaire et la prononciation peuvent varier d'un
ensemble à l'autre.
MArne entre rleux villages d'un mArne
ensemble, des dif'ficult~s de communication existent,
car i l
arrive que le "parler" varie entre deux localités situées
(1) Op. Cit. p.22
... / ...
"
~.

68
à environ cinq kilomètres l'une de l'autre.(1)
Il ressort donc que le Bwamu constitue un ensemble
hétérogène, du moins sur le plan lin~listique.
Mais là o~ réside,
à notre sens,
une certaine
ambiguïté,
voire une certaine contradiction,
c'est quand
cette hétérogénéité fait place à une certaine homogénéité.
Nous venons de démontrer le caractère hétérogène du Bwamu,
mais dans certaines circonstances ce caractère disparaît.
En effet si deux Bwaba se rencontrent à
l'étranger,
l'un venant du Kademmu et l'autre du Mukioho,
et si certains signes extérieurs -
"cicatrices rn.ciales"
par exe~ple -
font qu'ils se soupçonnent réciproquement
d'appartenir au Bwamu, un dialop:ue 5p.f.1hlahle à celui qui
va suivre,
s'établira entre eux:
-
"\\10
lé B,..anii lé"
(2)
(1) Nous prendrons un exemple concret.
Le mot haricot se
dit wia dans le kioho,
wie dans le :'-iukioho et 'vie dans
le Kad ernrnu ,
~,rélis à l'intérieur du Kad ernrnu , certains
villages disent wio tels Vy,.Pâ,
Koho,
Kayo,
Viriw@,
etc.
wie étant plus ou moins l'appellation m~joritaire à
l'intérieur du Kade'ilmll.
De même \\Vi8
et wi.e sont
les
ap pe Ll at i.on s
maj-oritaires r-e s pe c t i v e men t
dans le kioho
et le ~·Iukioho.
(2) Celui de OU3k8ra(Nukioho)
s'exprime dùns son dialecte .
.../ ...

69
"Ourih 1"
(1)
Il wo yi lé weil
-
"Bagassi ka

lé yur9'"
"wa
yi lé Ion kéniyi N'yi lé wak .. r~1l
Ce qui signifie
IlEst-ce oue
tll(2)
es Bwa 1"
"Oui"
"Tu es
oriRinaire de Cjuelle
région
( de quel village)
?"
_
"D,:! Copassi.
Et
toi
7 11
-"~ous venons m~lT;e du rnê me "enGroit ll
(Dar e nd r-o i t,
i l faut
entendre Bwamu),
,'8
s ui s de Ou ak ar-a t'
A nar t i.r- de ce moment,
i.ls vont
f'5'.-mDathiser.
Bref tous
ces faits
nue nous venons de
relater,
d érno n tre n t
que
l'hétéro,r.:(~néité du Lwarnu n'est en f aL t qu'une
hétérol:':énéité dans
l'homogénéité dans
la n.e s u r-e

tous
les Bwaba,
nous
l'avons vu,
ont
le sentiment commun
d' appartenir à un même e n s ernb Le ,
le Bwamu,
qu' i l s
s ai en t
du kioho,
du karlemmu ou rlu Mukioho.
I l est possible que ce s e n t i.me n t
existe
chez
les autres ethnies de Ha u t e s-Vo Lt a,
mais
i l faut
noter qu'à
(1) Celui de Ha2:assi1J{ocem;u) s'exprime dans le sien.
(2)
Le
"vous ll rie
flolitessc n'nxiste
nQs
en B"amu.
Tout
le
morid e
se
tutoie.
... / ...
~~.
~,

70
l'intérieur de ces dernières,
i l n'y a
pas de ces
découpages dialectaux qui font
la diversité et l'hétérogé-
néité du Bwamu.
C'est là une des originalités du Bwamu.
Le fait
principal à retenir c'est ce sentiment commun aux
Bwaha d'appartenir à une communauté,
à un m~me proupe
social et culturel.
La diversité linguistique devient donc
en fait superficielle et secondaire.
4. Bwan, Théâtre du Crépuscule ~es Temps Anc}ens
Bwan est le villaRe natal de Nazi BONI,
et i l est
le t h
t r-e du r-oman ,
C'est pourquoi i l est
é
â
rié c e s s a i.r-e
d'en
dire quelque::; mots.
Bwan e~t si tué dans l ' a r r-o nd Ls s e men t
de Ouarkoye,
dans la sous-préfecture rte DSDOUGOU, à deux kilomètres de
l'axe routier rJ[~DOUGUU-BOBO-DIOULJASSO(1 ). Il c oruo t e moins de
(2. )
mille habitants dont 13. plupart s'adonnent à
l'agriculture.
Au cours de notre passage dans ce vill&ge,
nous avons constaté qu'il comprenait deux genres d'habitat.
D'un côté i l y a
ce qu'on reut aoneler l'habitat moderne
le toit des maisons est nlors en tôle annulée.
De l'autre,
l'habitat traditionnel,
et dans ce cas le toit des maison~
est en terre battue.
La crésence de
l'habitat dit moderne
est
d u e 2. l'action personnelle de Nazi BONI qui durant
sa vi.e men a une lutte contre l'11ahitat traditionnel.
(1) Voir la situation de S'van sur la carte du Bwarnu en
"
?
a o ne n d a c e
p.-283
(?) Le dernier recen3em~nt c1.e la po ouLat i.on de hnut o-Vo Lt a
3.
eu lieu
••• 1 •••
2:1
1975. Ewan comptait ~lors 610 habitants.
....-

. .~'J.:.
-.,ri~~.,tl··'
. ~"5'
':
Signalons que 'la plus belle maison est celle de Nazi BONI.
Il s'agit d'un très grand bâtiment à étages.
C'est
certainement l'une des rares maisons à étages en Haute-
Volta,
constnlite dans un si petit village.
s'aperçoit que l'auteur,
en hon partisan de la négritude,
aime tellement son terroir qu'il le vante et le nrésente
en dernière analyse comme l'avant-garde du Bwamu.
Ainsi i l
va jusqu'à nous faire croire qu'un héros de Bwan est un
héros du Bwamu tout entier.
Le tam-tam ft..;nèhre dit en
efFet
"Térhé.
le nuiss8.nt Térh4 est mort
Le ~rand Térh4 est mort,
cornrlètement mort,
a malheur !
:v~aintenant le Bwarnu e s t v c a s s
t )
é
v
Ï
Ce rôle d t av o n t c-srard e
.ioué par le Bwan est
él;éüe,l:ent implicitod.~?~· des d é c La r-a t i.on s de ce sre.n r-e
"'{er,p.ré o ornme v i Ll.a ae intraitable,
Bwan,
déjà rRduit à
sa plus belle simple expression
par les fléaux,
fut
"cassé",
mais non
soumis,
par une colonne de tirailleurs,
c oru.nand é e
par un trllerrier blanc et f;uirlée
par Frowa,
les Peulhs."(2)
(1) n , 250
(2)
p.
221
... / ...

Cette vision de sa ville natale par l'auteur,
est un peu excessive ou embellie. Nous savons que beau-
coup de villages ont ~t~ "intraitables",
tel Massala qui
résista vaillamment. Mais ici
l'auteur semble n'avoir
d'yenx oue pour son Bwan. Que Ewan se soit distingu~, qu'il
ait héroïquement r~sisté et que ses habitants aient vendu
ch è rement leur peau,
cela est une chose
; mai s en raire
l'avant-garde du BwaPlU, ceci en est une autre.
La vision
que Nazi BONI a de son Bwan n'est donc pas tr~s objective
et relève,
sans doute d'une certaine forfanterie ou d'un
grossissement qu'en Occident on appellerait épique.
t
*" * *
*
., .., / ...

73
Avant de poursuivre,
i l nous faut montrer en
quoi consiste l'affabulation romanesCl.ue.
Dans la premi~re partie du Cr~nuscule des Temps
Anciens,
l'auteur nous relate les
joies,
les peines et les
traditions de son peuple,
les Bwaba. Dans les derniers
chapitres,
i l nous présente la lutte de son peuple contre
l'envahisseurfrnnçais. Il s'agit là d'une histoire authen-
tique qui s'est d é r-ou Lé e e n t r-e 1914 et 1916.
ivfai s
ce
livre peut aussi se concevoir comme une
aventure d'amour entre deux ,;eunes ,e;ens. H8kanni et T~rhé,
qui.
pour
se prouver leur' îidélité l'un à l'autre f. con-
c Lue n t
un pacte de sang
ainsi la mort de l'un devrai t
entrainer celle de l'autre.
... ,/ ...
~-----

14
CHAPITRE
III
Les formes narratives dans la littérature
orale
bwa.

75
A)
.Mythes,
légend es, devinet tes,
réc i t s de chasse,
prover-
bas et contes dans Le Crépuscule des Temps Anciens.
Avec Le s. mythes,
. les légendes, e t c , , nous entrons
de plain-pied dans la littérature orale bwa.
Nous verrons que
la vie traditionnelle
du Bwamu est fondée entièrement sur ces mythes,
ces
légendes. etc.
1. Les mythes
Dans le Crépuscule des Temps Anciens, nous
retevons essentiellement un mythe d'une importance
capitale,
c'est le mythe cosmogonique.
Les travaux de Pierre AROZARENA (1)
sur la tradi-
tion orale bwa,
ont montré que le Bwa est un être prof on-
dément religieux,
qui croit en l'existence d'un ~tre
suprême,
créateur de l'univers visible et invisible. Dans
le roman de NAZI BŒ~I, i l rpssort que selon les Bwaba,
cet être suprême vivait parmi les hommes, à l'origine des
temps. On peut dire que le Bwa a une vision assez proche
de celle des catholiques.
Pour lui,
comme l'a montré
P.
AROZARENA, Dieu (Dombéni ou Dofini en Bwarnu)
vivait
parmi les hommes, qui du fait de cette présence divine ne
manquaient de rien.
i·lais,par
suite d'une faute commise
par une femme,
Dieu se retira et depuis lors,
le Bwamu
connut la mort et dut trouver sa nourriture
(1) Pierre AROZAR8NA,
De la tradition orale bwa,
C.D.P.P.
Etude des sources du C.T.A
OUAGADOUGUU
du VoltaIque
N.B.
.../ ...

à la sueur de son front. La faute commise par la femme
consiste dans le fait qu'elle a
transgressé les recom-
mandations de Dieu.
Celui-ci avait certainement offert
le paradis terrestre aux Bwaba sous
·certaines
conditions.
Ces conditions n'ayant pas été respectées,
Dieu a
logiquement mis fin au paradis. Nazi BONI ne
précise pas les recoiT'.r.1andations divines mais cela rap-
pelle assez curieusement le récit de la Genèse.
Avant la transgression des r-e c ommarid a t Lo n s de
Dieu par la femme,
le Bwamu vi vai t
d a n s une sorte
de
symbiose avec le divin et la nature que Nazi BONI
souligne
"Le Bwarnu .j ou i s s a i t l~tlln riche trésor de
mystères et de magies, d'ineffables d~lices
qui déteignirent sur les aïeux des grands-
r-ères des Dères de nos nères.
Un incontestable rnim~tisme existait entre
la nature et .L' h o mme,
Celui-ci et celle-
là vivaient en s vmb i o s e , unis par u n e
invisible force centrifuge.
L'univers
tenir
multiple semblait
d'une seule âme,
tant l'harmonie,
ne fat-ce qu'en apna-
rence,
était parfaite entre les êtres et
les choses."(1)
( 1)
P.
21
-
22
... / ...

77
. ,
Nazi BONI nous suggère également de man i e r-e
heureuse
le bonheur du monde paradisiaque dans lequel
baignait le Bwamu
:
"Il semble en effet,
qu'à l'époque le
grand-maître de l'univers eût conservé à
cette fraction de l'Humanité une portion
du paradis terrestre Jadis légué à Adam
et Eve."
(1)
Et plus loin :
"Ainsi,
conclut "l'ancêtre" du villaçe
avec nostal~ie, les yeux fermés,
l ' a i r
absent,
transporté en esprit dans le vieux
monde du fabuleux Bwamu d ' i l y a fies
siècles,
pays de poésie, de mystères et
de délices, d'ahondance et d'insouciance,
de candeur et de quiétude."
(2)
D'une manière générale,
on peut dire que Nazi
1
BONI a consacré tout son premier chapitre à develonper
le mythe de la s~paration des hommes d'avec Dieu. Nous
l'avons évoqué plus haut en filigrane,
mais i l convient
de le rapporter entièrement tel que l'auteur le dévelopne
-<, ) P. 23
(2) P.
)1
.../ ...

78
"Il est vrai qu'on était loin du temps
merveilleux où le ciel touchait presque
la terre,
où,
selon la légende,
les
humains n'avaient qu'à lever la main
pour cueillir tout ce qui leur permettait
de vivre et d'ignorer la mis~re. Il
fallut la négliRence d'une femme,
i l
fallut ô malheur!
qu'une femme transf':res-
sât les recommandations de Dombéni pour
que furieux,
le ciel s'envolât haut,
très
haut.
encore plus h~ut, emportât et ses
riches~es et ce qui alimentait le genre
humain."
(1)
Ce mythe n'est pas seulement
l'affaire de la
ré~ion de Bwan,
i l est présent dans presque tout le
Bwamu,
comme le montrent les travaux de Pierre ARüZARENA.
Nous disons presque tout le Bwamu et non tont le Bwamu,
car la diversité du Bwamu nous contraint à observer une
certaine prudence.
Voici une autre version de ce mythe recueillie
par Jean CRE1'1ER
"Autrefois,
le ciel,
la terre d'en haut
descendait très bas,
si bien que les
(1) P. 2)

79
hommes en coupaient des morceaux pour la
préparer comme de la viande. Mais,
pour
cette cuisine,
i l fallait fermer toutes
les fenêtres. Un jour, une femme~ mère
d'un jeune garçon,
reçoit un morceau du
ciel récemment coupé,
le met dans llne
poterie couverte,
et sort pour moudre le
grain sur la meule dormante. Elle recom-
mande à l'enfant de ne pas toucher à ce
qu'elle fait cuire,
et s'en va en oubliant
de fermer les fenêtres.
L'enfant se lève,
découvre la marmite pour goûter le conte-
nu.
La viande céleste jaillit, saute par
la fenêtre,
et la terre d'en haut remonte
avec elle, devient inaccessible. Voilà
comment nous avons entendu dire qu'autre-
fois la terre d'en haut approchait celle
d'en bas."
(1)
Ce récit a l'avanta~e d'être plus pr~cis que
celui de Nazi BONI, dans la mesure où i l décrit la
nature de l'interdiction enfreinte par la femme.
(1) J.
CREMBR,
"Matériaux d'~thnop,"raphie et rle
linguistique soudanaises" Tome IV,
Les Bobos,
la ~ientalité Mystique,
Paris,
1927, P.
207
.../ ...

80
Cependant,
ce mythe ne semble pas être spécifi-
que aux Bwaba. En effet ce mythe se présente de la façon
suivante chez les Dioula
:
"Autrefois,
i l était interdit aux femmes
de piler.
Dieu était si proche de la terre
que les femmes en levant les pilons pour
piler,
risquaient de l'atteindre. Mais i l
y eut une femMe qui enfreignit la règle.
Chaque fois qu'elle levait le pilon, Dieu
pour ne ~as être atteint, s'élevait un
tout petit peu. C'est ainsi qu'il finit
par atteindre la olace qu'il occune
aujourrl'hui."
(1)
Chez les Lobi de Haute-Volta ce mythe se
présente de la façon suivante
:
"Autrefois, Dieu était si proche de la
terre,
que les ho~nes en coupaient des
morceaux pour se nourrir.
La seule condi-
tion était de ne pas découvrir le couver-
cIe av~nt que les morceaux ne soient
totalement cuits. Un jour,
une jeune
femme,
gourmande narce qu'elle venait
d'accoucher depuis quelques semaines
(1) Texte recueilli auprès de différentes personnes
(dont Seydou UUEDRAOGü.
J.P.
Vicens)
R Paris qui le
détjennent de leur mère ou de leur père •
. . ./ ...

81
seulement,
et tenaillée par la faim,
s'empressa de découvrir le couvercle.
Aussitôt le morceau s'échappa et Dieu
remonta à l'endroit où i l se trouve
auj ourd ' hui"
(1)
On observe qu'il existe entre ce dernier texte
et celui de Jean CRE~ŒR, une ressemblance frappante.
Par
ailleurs tous les textes sans exception attribuent la
faute de la TIlpture de l'équilibre cosmique
à
l'action
d'une femme qui n'a pas su observer les recommand~tions
de Dieu.
Seule la nature de l'interdiction change d'un
texte à l'autre.
Le même mythe est donc présent chez plusieurs
ethnies avec quelques variations de peu d'importance.
Il
est possible qu'il appaxtienne seulenent à
l'une d'entre
elles de façon sp~cifique. Les autres l'aurainnt emprunté.
qui l ' a emprunté et qui en est l'authentique créateur,
c'est là une question que nous ne pouvons prétendre
trancher dans l'état actuel des choses.
Cela demanderait
qu'on vérifie d'abord si le mythe est
orésent ou pas chez
les autres ethnies voltaiClues,
et pourquoi
pas africaines,
quand on sait que
l'interférence culturelle est de règle
(1) Texte recueilli aupr~s rie T~dé DA à Lyon, un jeune
Lohi de 35 ans.
,.
... / ...
L

82
en Afrique.
Le fait que les populations se soient beau-
coup déplacées en Afrique, de gré ou de force,
explique
sans doute au moins en partie ces interférences.
Nais si
ce mythe existe chez beaucoup d' e t hn i e s
à la fois,
cela
peut aussi signifier que ces ethnies pr~sentent une
certaine unité culturelle,
puisque visiblement elles
semblent boire à la même source de traditions.
Mai s
revenons au Crépuscule des Temps Anciens
pour tenter de d~gager la fonction du mythe cosmogonique
chez les Dwaba de Bwan.
A la lumi~re de ce que nous venons de dire
plus haut,
on peut d'ores et déjà affirmer que le mythe
eRt un élément imnortant ~ui permet la compréhension et
l'explication de la civili~ation négro-africaine.
Concernant ce mythe cosmogonique dans la société hwa,
i l
sera le point de départ de certaines pratiques relir:ieuses.
Nous avons montré qu'à la suite de l'infraction
de l'interdiction faite
po.r' Dieu,
les hommes d e v a i e n t
désormais suer,
c'est-à-dire travailler pour trouver à
se nourrir. Un vieux naysan de Vy (villa~e bwa de la
Sous-Préfecture de Boromo),
Zinta BONOU,
nous a
exp1i-
qué que c'est parce que D'i e u fti1j t
courroucé à c aus e de
cette trnnsg-ression \\lu'il ;] cJ0cidé Clue les hommes
devraient désormais peiner nour [:l,an,"'er.
Selon Zinta
BONOU, les sacrifices ont pour but de d e ma nd e r- r.a rct on
... / ...

83
à Dieu,
tout en commémorant la faute commise. Par
le
sacrifice l'homme reconnalt ses faiblesses et son
infériorité vis-à-vis de son créateur,
et demande à
celui-ci de lui venir en aide, de lui o r-o cu r-e r
la santé,
le bonheur etc.
Ainsi donc,
par le sacrifice,
le Bwa tente de
retrouver une partie de son bonheur paradisiaque d'antan.
On peut même constater que le sacrifice tel
qu'il est défini et expliqué par Zinta HaNaU,
se rap-
proche du sacrifice des catholi~les. Par la liturgie de
l~ mes~e, les catholi~)es op~rent un ranprochement avec
Dieu.
C'est généralement par la pri~re qu'ils obtiennent
aupr~s n8 Di0L1 ce qu'ils veulent. C'est également p2T le
sacrifice tel qu'il a été défini T)ar Zinta BONOU que
les
animistes obtiennent ce dont ils ont besoin.
Nous verrons que les légendes nrésentent elles
aussi des fonctions
trbs intéressantes.
2.
La légende totémique
Les légendes totémiques sont généralement
l'oeuvre d'une famille,
d'un village portant le même
norn.
2n
pays hwa elles expliquent le plus souvent
l'origine de ce nom. Généralement le nom désigne un
animal et la légende raconte les premiers contacts de
l'ancêtre rte la famille
ou du clan avec l'2nimal en
... / ...
r-Ô,

84
question. Cet animal devient un totem pour les descen-
dants de l'ancêtre,
qui lui doivent un respect absolu
ils ne doivent jamais ni le tuer,
ni le manger. Dans
le Crépuscule des Temps Anciens, Nazi BONI,
par l'in-
termédiaire de Gni'nlé s'expli~ue ainsi sur l'origine du
nom BONI.
"Vous ignorez sans doute l'origine de
Wandê,
"notre nom de famille"
? Je vais
vous l'apprendre. L'ancêtre de nos an-
cêtres était un grand chasseur avant de
devenir un grand guerrier.
Voici ce qui
lui arriva.
Il poursuivait le gibier
jusque d an s
sa retraite. Un .i ou r ,
i l
entra dans une grotte habitée par un san-
glier . so l.'i taire.
L'animal a.b s e n t , fouis-
sait quelque part la terre en qu~te de
patates rlouces.
Il l'attendit
et finit
par s'endormir. De retour,
le potamochère
avait à peine introduit sa hure dans
l'orifice de l'antre que son flair l'in-
forma sans erreur possible.
Il rebroussa
chemin non sans avoir bouché l'p.ntrée de
la caverne Dvec du grès et de l'argile.
Vrai
t r-av a i L de "sinr:ularis po r-cu s "
Solidement fait
Boutoir et sabots
.../ ...

85
avaient su accomplir la plénitude de
leur rôle.
L'ancêtre des ancêtres se
réveilla désorienté,
se tâta pour se
rendre compte s ' i l vivait une réalité ou
un sonRe. En vain,
i l tenta de se
libérer de son cachot.
Après avoir passé deux jours et deux
mii ts à
j eûn,
i l claquai t
terriblement
du bec, mais ne cessait d'invoquer la
clémence de "Dieu-le-grand" en sa faveur.
Enfin, désespéré,
i l pensait mourir d'ina-
nition lorsqu'il a~p.rçut un interstice
qui
laissait passer un rayon de soleil.
L'espoir lui revint.Il dégaina son poi-
gna.rd,
en introduisant la pointe dans le
petit trou, déRagea un caillou,
puis un
autre,
puis uri troisième ••.
Enfin i l
parvint à sortir. Dombéni lui avait en-
v oyé le salut par B'\\vooni (1), un petit
être aux ailes diaphanes, d'une merveil-
leuse beauté, qui venait de frayer la
voie par où ent ra
la lumière. L' aric t re
ê
des ancêtres décida qu'à partir de cet
instant,
lui et toute sa postérité porte-
rait,
en signe de reconnaissance,
le nom
(1) On dAvrait dire Naei B'Wo~ni et non Boni •
.../ ...

86
B'woâni. Tous les B'woâni, qu'ils vien-
nent du kioho, du kademmu ou du Mukioho,
ont la même descendance, doivent se trai-
ter en frères partout où ils se rencon~
tren t.
(1)
Ainsi tous les Boni sont apparentés à B'Woôni
et ont envers lui des ohligations
auxquelles ils ne
peuvent ,se soustraire sans s'exposer aux plus grands
malheurs
: maladies,
folie,
mort.
B 'Wo"oni représente
pour tous l~s BONI un animal sacré, un tabou et doit
être respecté comme tel.
Il est '
aisé de comprendre
pourquoi
:
"Le fai t
ou l'acte qui a donné naissance
~l totem, devient une histoire ou une
lép:e,lde nui se transmet dans la famille
ou la tribu."
(2)
Mais les Bwaba ne se contentent pas de transmet-
tre 1 'histoire ou la ll-~g-ende totémique. Dans la vie
quotidienne,
i l Y a les manifestations des re13tions
entre l'animal-tabou et le cl;:ln flui le vénère.
P.
178 -
180
Narc GHISLAIN, Tropiques Enchétntés,
Paris,
Ligel,
1961,
p.
74
o • • /
• • •

81
Nous prendrons par exemple le clan des BONOU.
BONOU est un nom de Îamille.
Il dé signe le serpent Boa.( 1 )
Les Bonou doivent sonc rAspect au Boa,
ils doivent
l'adorer,
et lui
leur doit sa protection. Il ne doi-
vent pas le tuer tout comme les BONI ne doivent pas tuer le
B 'woôni.
Nais quelqu'un 'lui portA le nom BONOU peut par
m~garde, tuer un Boa. Il devra alors imm~diatement courir
vers les anciens pour les en inÎormer. Ceux-ci prendront
l'aÎfaire An main,
organiseront l'enterrement car i l
s'agit d'un Atre sacr~ imnortant et son cadavre ne doit
pas servir de pâture aux vautours.
Après l'enterrement,
les Anciens p r-o c èd e r-on t
à un sacrifice pour d euand e r-
pardon au Boa pour le jenne qui l ' a tu~.
Supposons aussi que ouelqu'un qui ~orte le nom
BONoe découvre p<'lr hasard en brousse
le c arl av r-e d'un Boa.
Il devra se dépêcher d'informer les Anciens et les con-
duire auprès du cadavre qu'il 81lr;:l aUpélrall'ant pris le soin
de bien cuchero
Les Anciens procederont comme d::lns le
cas
précédent à l'enterrement du serpent. Un BONGU qui tue
un serpent Boa ou 'lui en découvre le cadavre,
et qui ne
prévient pas les anciens nour qu'ils rénarent le I!!éfai t
(1 ) Nous écrivons Boa aVAC un B mni u s c u l e comnte tenu de
l'importance <lue n o u s n c c o rd ons 0 cet nn i.ma L
t an t
nous-
é
même BONGU.
.../ ...
1;;!lD
_

88
s'expose à la folie,
à la maladie ou à la mort.
Même lorsqu'un BONOU blesse le serpent Boa,
i l
doit demander pardon,
sinon i l sera frappé d'un malheur
quelconque.
Ce qu'on peut retenir de cette histoire,
c'est
qu'on ne doit pas fairp. dn mal à l'animal-tahou ;
en effet
~e dernier est "plus ou moins déifié. On l'adore, on lui
parle,
on implore son pardon quand on l ' a of'f en s é

Nous avons nar ailleurs constaté qu'à cp.rtoines
périodes de l'année,
le serpent frérp:ente les familles
BOXOU.
Il peut vivre ainsi dans une maison pendûnt plus
d'un mois.
Il arrive mA~e qu'au cours de la nuit,
i l
descende du plafond et partage le l i t du propriétaire de
la maison. En .!Sénéral on lui Lai s s e faire tout ce qu'il
veut,
mais Lo r s qu ' i l exagère on fai t
appel aux v i e i Ll.a r-ds
qui viennent le ramener à l'ordre.
Il est arrivé une fois que le serpent soit
rentré dans un poulailler.
Il avala trois poules et re -
sorti t ,
Le lendemain,
i l revint
, et lorsqu'il se cti rigea
à nouveau vers le poulailler,
le propriétairR,
qui
n'était autre que notre grand-père,
lui tint à peu pr~-,s
ce langage
.r
':.'
... / ...
. .~

"Tu exagères maintenant. Hier,
tu as
avalé trois poules. Aujourd'hui tu
reviens encore.
Si tu avales tout,
qu'est-ce que nous,
tes enfants,
allons
manger ? Si tu rentres dans ce poulailler
aujourd 'hui,
.j e
te fouetterai."
A ces mots,
le serpent fit demi-tour.
Il
n'entra pas dans le poulailler,
et ceci nous paraît am-
bigu,
car ce serpent qui est craint et déifié,
comment
peut-il se faire menacer par les humains qu'il domine
par ailleurs? C'est là un mystère que nous ne pouvons
prétendre expliquer d an s
l ' état a c t.u o l d o s
choses.
On Deut noter par ailleurs nue le serpent ne
fréquente pas les familles non-BONOU. Comrr:ent arrive-t-
i l à distinguer les maisons des BONOU des autres.? c'est
encore .
un mystère
Nous avons eu à ce sujet des entre-
tiens avec des a n c Le n s du c l.an d e s BONOU, mais Dour eux
i l n'y a absolument aucun mystère.
Pour nous le démontrer
ils nous ont renvoyé la halle en nous demandant comment
pa.r exemple un chien fait
oonr reconnaître le lOf-:is de
son maî tre •
Mais cet exemple du chien n'est pas convaincnnt
pour deux raisons.
La
première,
c'est que l'homme est le
maître du chien,
DIors 0ue le Boa est le maître de l'hom-
me. Les deux contextes sont donc différents car les
... / ...

90
rapports ne sont vas les mêmes.
La deuxième c'est que
même dans l'exemple du chien,
i l y a un aspect important
qu'il ne faut pas,
et qu'on ne peut d'ailleurs pas,
per-
dre de vue. C'est que le chien est un animal domestique
qui a grandi dans la maison de son maître. Le chien n'a
pas d'autre lieu d'habitation que celui rie son maître.
Le serpent,
au contraire,
est un animal sauvage.
Les con-
textes restent donc encore différents de ce point de vue.
Nous aboutissons logiquement à la conclusion
que cette communion entre le serpent et l'homme a ses
secrets que ne doit pas découvrir le· profane. Ces secrets
doivent être détenus par les Anciens; nous l'avons vu,
dès que le serpent commet une faute,
ou dès qu'il y a un
problème important;le concernant,
on court vite chercher
un vieil18rd qui vient lui narler et les choses rentrent
dans l'ordre.
Nous verrons que la l?gende historirtue offre
un caractère moins srlcré que la légende totémique.
J) La l~~ncte historigue_
Les légendes historiques ont trait généralement
à l'histoire des vill;lp:es.
~lles n'ont pas tellement un
caractère sacré et ne sont donc pas ésotériques.
On peut
confier à n'importe qui l'origine d'un village bwa ct cela
ne constitue aucllnérnent un danger.
.../ ...

9I
Généralement,
à travers les chants populaires,
on apprend que telle ou telle famille est venue de telle
ou telle région. Tel ou tel autre quartier est traité
d'étranger ou "Kayawa",
tandis. que telle autre famille
ou tel autre quartier est traité de "Lora-basa" c'est-à-
dire propriétaire du village.
En partant de ces chansons et en interrogeant
également les anciens,
on arrive à
reconstituer l'histoire
du village. Mais ce n'est pas exclusivement par le biais
des chants populaires qu'on peut connaître l'histoire
d'un village. La preuve c'est que nous apprenons l'ori-
gine du village de Nazi SONI par l'anc@tre Gnassan au
cours d'une réunion publique o~ i l déclAre
"Le fondateur de Swan vint du sud.
Il
s'installa dans la plaine,
avec sa famil-
le. D'autres suivirent.
Ainsi furent
érigés les différents quartiers qui com-
posent la ville."
(1'
Ainsi les h ab i t o n t s de Bwan savent q u e
lenr
ancêtre est venu du sud. "[l'lais cela est vague,
car ils ne
peuvent indiquer le village d'origine de cet ancStre-
fondateur.
Après un désaccom au sein du village, une
le
partie des hahitants peut quitter pour aller s'installer
ailleurs dans
le Bwarnn. L'histoire dn nouveau village
est généralement connue quand le village e~t peu ~ncien.
(1) Nazi BONI,
On.
Cit.
P.
45
• • • /
0
0


92
Mais au fil des années et des générations,
elle se perd
au point de n1être plus qu'un vague souvenir. C'est le
cas,
en ce qui concerne BwanG
Si l'on peut connaître grosso modo
l'origine
d1un v i.L'lage bwa (collchant,
levant),
par contre,
l'on ne
sait toujours pas,
semble-t-il, d'o~ sont venus les Bwa-
ba.
Ils sont classés par:ni les po pu La t i ons autochtones
du pays.
On sait que les lleul sont venus du nord,
les
Mossis et les Dagari du nord-Ghana, L'ori~ine des Bwaba
reste quant à elle encore mal connne,
et nOlis espérons
que les travaux des historiens finiront par la mettre en
lumière.
*
* * *
*
Les mvthAs et les
légendes constituent la
litt~rature orale sacrée en pays hwa. Mais du mythe cos-
mogomique à la légende tot~mique, on observe une certaine
d6sacralisation.
La d~sacr~lisation se poursuit lorsqu'on
entre dans le domainA des c0ntes, des proverhes et des
devinettes.
... / ...

93
4) Les récits de chasse
Premier récit
"Je vous assure, affirmait-il, _ (1)
que la brousse n'est autre chose que
l'image cachée de nos villes et de
nos villages. C'e~t un nouveau monde
que ne voit ni n'entend le profane.
Il ne m'est pas permis de vous révéler
tous les secrets. Mais je puis vous
dire ~e tous les animaux et les oi-
seaux sauvages sont éti~uétés au même
titre que nos bestiaux et nos volailles.
Ils ont leurs prpriptaires,
leurs
invisibles eardiens. J'irai plus loin en
(1) Il s'agit du chasseur Gni'nlé
.../ ...

94
disant qu'ils parlent comme vous et moi.
Un jour,
j'abattis un buffle.
Au lieu de
m'en contenter,
je m'embusquai aux abords
d'une mare,
avec l'espoir que la chance
m'eût permis d'avoir à la portée de mon
f~sil une seconde proie de taille. La
nuit ne surprit.
Pati
(1) Je dus regret-
ter ma gourmandise.
Ce que
je vis
et en-
tendis mt e f'f r-a y a
:
brouhaha,
pullulement,
lueurs,
cris,
rires,
plainte§.
Pendant
que s'allumaient les foyers,
les pilons
tombaient en c ad e n c e dans
les ;nortiers.
Les mystérieux habitants de la brousse
s' (~vp.i l.lent au filament
fll\\
nous nous met-
tons aux Katas
(2). J'entendis très dis-
tinctement
les manifestations d'humeur
d'une vieille nymphe,
celle à qui appar-
tenait le boeuf sauvage ~ue je venais de
tuer.
8lle se lamentait,
m'ap~elait par
mon nom,
m'insultait,
me rnaurlissait. Un
frisson me parcourut le corps.
Je serrai
instinctivement autour de ma saiRTlPe, Yaro,
mon g~is-gris de chasse et
je reconouis
ma p r-o p r-e ma î t r-i s e ,
L'envie me vint rie
(1) Pâti
: exclamation bwa se rapnrochant de l'exclamation
française
":'lon dieu"
(2) Kata
désigne
la natte en Bwamu
... / ...

95
de tirer un coup de fusil en l ' a i r
j'ignore
ce Q1J.i me retint."
(1)
Deuxième récit
"Non homonyme Gni' n Lé ,
le Dieu de la na-
ture,
me protèpe et me fait voir des cho-
ses miraculeuses. C'est ainsi qu'une fois,
sur la colline de Diokuy (2), une biche
tenta de m'intimider.
Je l'avais mise en
joue et
j'allais faire feu,
eruand elle me
lança un cri de désespoir:
"Gni'nlé,
aie
niti6,
nA m'Abtme oas
!" Je lâchai
lA
coup. Elle snrsauta et retomba DantelAnte
sur le sol.
Savez-vous pour~uoi je l ' a i
tuée? Eh 1 Bien!
Si je ne l'avAis pas
f~it, c'est moi qui mourrais,
car tout
chasseur nui se laisse fléchir dans
pnreille circonstance perd sa "silhouette."
Je n'en avais !las fini.
Je me suis mis
à dépiauter l'animal.
P8.ti sankana
(J)
Je fus
attaqu~ ~ COUDS de tison par une
mystérieuse f ernme 'lue je r-e f ou La i, et o u i.
( 1)
Op.
Ci. t.
r ~ .
1 76 -1 77
(2)
Dio~lV : nom d'un villAge
(J) c o t t e expression
fi
le même sens,
mais
plus renforc~ que Pati que nous avons ex~liqué plus
haut.
... / ...

96
~tait indiscutablement la Dymphe pro-
pri~taire de la b@te." (1)
Troisième rpcit
"Une fois,
poursuivait Gni'nlé,
.t e dé-
couvris qui s
cb a Leri t
à l'entrée d "un e
é
c a.v e r-n e ,
les flèches empoisonnées ct 1 un
bataillon de Nany@-Kakawa,
~~nies culti-
vateurs,
ch;:lsseurs et guerriers à lél
fois.
Une t o r-n ad e
arr; V~1 i t
au trot.
Les s o g e t tes
bnrbelœes eussent été délavées si
je
n'étais intervenu.
Je les ramassai pa-
rte
la coverne.
A peine achevais-je ma
b e s ozrn e q u e
les p.~n:i_es, tout s au c s ,
é
1'8n-
o
p Li.qu a i e n t
a.u
F':rand p:Dlop.
"'~ui él rE:.m3S5=·;~
lui
si elles sont emm@16es
" Heureuse-
ment,
j'avai~ pris mes précautions et
fai t
c onrrr-ûme n t
les choses.
Ils me reme1'-
cièrent,
me firent don,
non seulement de
la recette des meilleurs poi.sons,
!~l;-:is
au s siri e Ya r 0,
le f p tic h e ri e l a c h ;:l " " e •
(1) P. 177-178
00./000

97
S'il me plaisait de convoquer ici l'élé-
p~ant, la panthère, m'importe quel gibier,
grâce à la puissance de Yaro,
ils vien-
draient sans 't o.r-d e r-, Mais,
cette méthode
de facilité ne me sied pas,
car elle en-
lève au chasseur le mérite de l'effort,
de l'adresse, du c ou r-e g e , (lu risque et
même de la connaissance de la Nature."
(1)
qU8trième réei!.
"Les an i rnaux ,
continuait Gni'nlé, détien-
nent les secrets de 18 nature.
Ils cnnnais-
sent en r-p:rticl11ier les V8Y'tU!" des plantes
n?mnralps.
La plupart des médicaments que
nousemplovnns ont ét~ ~6couverts gr5ce
à eux. Je vous citerai nn exemple parmi
mille. Un chasseur se trouvait à l'affat
dans un bosquet,
quan~ il assista à un
combat singulier. Deux énormp.s sûrnents
fort venimeux,
s'affrontaient à coup de
crochets.
Ils se tordaient,
s'entrela-
çaient,
se retrouvaient dressés sur leurs
queues pour retomher ensemhle sur le sol.
Bientôt le plus atteint entr:l en élgollie.
(1) P. 178
... / ...

L'autre attendit.
Lorsqu'il comprit que
la vie de son antagoniste 6tait en danger,
i l alla cueillir une feuille sur une plan-
te,
la d6posa sur le moribond.
Il ne fallut
Das dAv9nta~A pour le resFusciter.
Le
c h.as s eu t- renéra la plante.
Il p o s s èri e
au,jourd 'hui le re;7;ède le p Lu s
efficace
contre toutes les morsures de serpents.
i'[ais Dour garder le s e c r-e t
de sa d6cfJu-
verte,
i l associe ~ la sernentaire d'au-
tres o l.r- nt e s
pour préparer la f amnu s e
poudre rl ori t
l'<:l.hsorption :Î.nurrunise contre
le v e n i n s "
(1)
a)
Remarques g6n6rales
Trois r-e ma r-qu e s
s'imposent.
La première,
c t e s t
que le roman conti0nt An foit cinq récits de chasse,
(rapport6s et non inventés nar Nazi BONI). ~ous n'en
avons retenu que quatre d;:lns ce présent chapitre,
C<:l.r
l'un de ces récits a rléjh fait l'objet d'une étude dans
le chapitre précédent.
Ce r0cit est celui que nous avons
appel6 légende totémique,
ce 'lui lui confère un caractè-
re particulier.
(1)
Nazi BIDNI,
Op.
C i L ,
p.
180

99
La deuxième remarque C0ncerne la forme de ces
récits.
On a
l'impression qu'il s'agit de contes,
mais
i l n'en est
rien.
Ils sont
peut-@tre semblables aux contes
du point de vue de
la forme
et du
point de v u e du contenu.
constatera
Sur ce dernier point en effet,
on
que ces
récits
et les contes africains en général
ont une même fonction
dans
la société,
qu'ils
ont un m~nte rôle s o c i.o Log i.n u e ,
,
.
Nous
le dé c ouv r-I r-o n s dans
les ~2p:':es a ven1r.
La différenc~ entre ces deux types de récits
r(.'-sicle d an s
la àifférence de
c oc.n.un.i ca t i on ,
Le conte ne
se c omuruni qu e
que
la nuit
et
,,'adresse à un auditoire plus
ou moins imflort2.nt.~n f?~(~n(~r;·;l les pa r t i c i.oa nt s
sont
re-
t;roupés au t ou r' d'un feu de bois.
Tel n'~st ";::5 le CôS Dour
ces
récits de
cha s s e ,
Ils rie u v en t
@tre dits de
jour comme
de nuit et n'ont
pas hesoin d'une
a s s e mb Lé e
assez fournie
pour @tre dits.
Ils
~euvent être c ommun t.o u r s
'3eule
personne et
cet asoect
ressort
clairement du
roman
"Les rl?cits de chasse a n i mai.e n t
les dis-
cussions.
Le grand
chasseur Gni'nlé,
homo-
n~me du Dieu de la nature, devoilait à
qui voulait' l'entendre,
les nrv s t è r-e s rie
] 8
brousse et de
la forêt dont
i l connais-
sait,
en môrae
tn:nps que
les habitants,
les
coins et
les
recoi'ns."
(1)
t1} Nazi BONI, Op. Cit.
ri ,
176
... / ...

roo
L'expression "dévoilait à qui voulait
l'entendre"
veut dire que
ces récits se communiquent sans conditions.
Du mo in s
la seule condi tion réside dans
l ' e,x,tsten,ce d'un
interlocuteur.
Les
récits de
chasse,
nous venons de
le
voir,
sont donc différents des contes.
La troisième r-emar-qu e
concerne
la personnificél.-
tion des an i.mau x ,
Le p r-e mi.e r- récit nous
pr-é s cn t e ries
ani-
":8UX doués de
pa:role,
i l nous met
en présence d 'uœ brousse
organisée à
l ' i n s t a r des villes et des villages.
Cette
personnification est car0ctéristiqlle des
ouatre
récits
de chasse.
En effet,
d ari s
le d e ux i è me réci t ... la b i.o h e
par-
le au chasseur,
et ri;ln:~ le troisième,
les !?:r"niep, parlent
épralement au chasseur.
Dans
ce dernier cas il. s'ag-it d'une
nersonnification non p Lu s
des
;1nil;1;~1.1X. :nais d e s p;énies.
Enfin,
d an.s
le rm a t r i è me
récit
l'un des sernents
comprend qlle
la vie de son antagoniste est en dan€:er
et
va cueilli r
une feuille
l'our le soigner.
I l y
a
encore

personnification des
serpents.
Pers onnifi ca t i on des an i maux et mé lani:~e du réel
et d u
su r r e l , du r?el et de l ' inJ:'1gi n a i r-e ,
n ou sn;:>. rai s s e n t
é
relever du mystère.
Cette Lmp r-e s s i on logique est
en f a I t
celle des
p r-o f'rvn e s ,
et
c'est
là tout
le sens des
flaroles
de Gni'nlé
.. ~ / ...

rOI
"C'est un nouveau monde que ne voit ni
n t e n t e nr)
le profane.
Il ne m'est pas
permis de vous en r~v~ler tous les secrets."
En. clair,
cela veut dire qu'il faut être initi~
pour comprendre le
lan~age et l'organisation des animaux.
Mais si
tout à l'heure nous décelions une dif-
f~rence entre les contes et les récits de chusse à nrésent
nous notons une ressemblance entre eux
c'est la person-
nification.
b) Fonction de ces r~cits
Dans
le nrPillier
r./r.it
on c on s t n t e que le cha~-
seur s'2dresse à des non-initiés.
Il le fait
lui-même
r-ema r-que r- en d Ls a nt. OP 1;J br-ou s s e '111 8
"c'est 1.1'"1 nouveau
monde Cille ne voi t
ni n'entend
le profane.
Il ne m'est pas
p e r-rr is de vous rp.vp.l(~r t-.Oll~ I o s secrets." Il a ooa r-aî t
dès
lors avec ~vidence que le rôle de ce récit ast d'jnitier
les
profanes aux secrets de la brousse.
Cependant le chasseur ne leur d~vojlera pas
t ou s
1e8
secrets.
Il s'emnresser::l d t a j ou t e r
:
"Il ne ;n'est DélS ne r-m i s de vous rr'.·yéler
tous les secrets."
Ainsi les secrets de la b r-nus s e n'écl>::-ippent
pas ~lIX rè~lps pp.n~rolps des traditions et des coutu~es.
On ne peut y
a c c ért e r- o u e pélr paliers.
~[ais no n r-qu o i
Gn I t n Lé
,~.

r02
f a i t - i l
ces
r~v~lations ? La r~ponse ici ne se fait pas
attendre.
En effet,
ce récit
invite
les
profanes à faire
plus
attention,
à observer et écouter at t e n t i.v e.ne n t
la
vie de
la nature,
ici,
de
la brousse,
afin d'en percer les
secrets.
Le deuxi~me récit enseigne h l'~uditoire l'at-
titude Qu'il faut
nhserver face
allX circoDstp.nces qui y
sont décrites.
DAns ce
r~cit un pol.nt reste obscur 1 pourquoi
tout
chasseur qui
SA
laisse f Lé c hi, r
dans
pareille circons-
tance
perd-il 8& "s Ll.b ou e t t e "
? Toutes nos
eriqu ê t e s
sont
restées
s a n s
rpron~--;() so r
CA
point,
Les
chasseurs
av e c
oui
nous avons discut~, nous r~DonrlRient invariahlement
"c'est c omrue ça."
:!;t
pourtant
c e l.a ne doit
l:J8S
être
"comme
ça".
I l Y a
nécessairement è__ es
r8isons
ot des e x p Li c a t Lo n s
à cela, l'lai s ([U' on r-o tu se de nous livrer. Il s' ;'lgi t
peut-
être
là de
secrets
p r-o f e s s i.o nrie L.s que ne doit
n;-JS
c o nn aî t r-e
que l'lu' un d' extérieu r
à 18 soc i~té de s chasseurs. r,-ême
chez
les
chasseurs
certains
o t s e r-v e rt
:~p.ut-être u n o 1 ir~ne
de
concluite et
ac c ourp L'i s s e n t
d o s
rites
pt
r~0S faits
d o n t
les
explications et
les
significations
nrofond8s
leur
écllapnent.
C'est après un cert<lin temps de
rrotiîjue
te-
nant
presque
Li.eu de
stage Clll'ils a o c è d e r-o n t
s o n s
doute
?UX
s e c r e t s
de 18
b r-o u s s e ,
... / ...
~"

ra)
Le troisi~me récit nous ~nseigne pour sa part
"He le bien est
toujours
rf:compensé
~t le mal puni. Le
chasseur,
pour avoir bien agi,
s'est ~l récompensé de
Yaro,
le fétiche de la chnss~, et de la recette des meil-
leurs notsons.
I l aurait ét6 châtié s ' i l avait mal RVi.
Les génies n'avaient-ils
ras en effet hur16
"et.Hi a
rnmas"'r) DOS fétiches
?
ma Lhe u r-
~. lui si e L'l es sont ernmê Lé e s
"
Le r(~cit r-e c omrnnnd e donc r.u x h ornrnce d o toujours
fRire
18 bien c~r i l leur sera ren~u en retour.
L~ Yaro
·dont le c ha s s ou r- a
été
r-é c om oen s
lui
pe rrue t
de
c oriv orru e r'
é
':;1.1'~';'J:d011f;'011 -
Bol)()-I>i out.os s o ,
Les
rio rn t La t Lon s
r::Jcont0nt
huff1os,
lions,
nnDth~rRS,
lp.s
r-r un o u r.=-, "0
O ~',~. :i l
ne
l'c:n r o nt: l'e
T'as
cl e
gibù:l',
i l lui suff'it l"p'
tirRr Sl~r une tp.r"""iti.ère ou un
n r-br-e
nrru r- r1110
rp111i-c.i,
ou ce118-1à se
tr.T::sf'o'·:~;P. pn. l'ion
la
• • /
• • •
:<
t;.-
.1--

I04
de Ouahabou,
hésitent à consommer la viande proven8nt du
gihier tué Dar ce chasseur,
la qualifiant de douteuse,
d' inauthen t iqu e.
Le r~cit de Gni'nlé nous rappelle égale~ent un
chasseur de Vy mort i l y a une dizaine d'ann6es.
I l
s' a p ne La i. t
Na na
BI)t.;oU et était nanti de fétiches
lui
p e r-me t t ari t
d'abattre Le ,a-ihier s a n s
.i a ma i s
être Lnou i
t
é
é
,
I l ahattait lui aussi,
surtout les huffles,
les lions et
les éléphants.
I l lui arriva une fois de lutter contre
un lion 'lu'il avait hlessé.
I l sortit victorieux de cette
lutte,
maia non sans avoir ét~ ~cnrché h l'oeil gauche
assez nz-o f ond me nt ,
é
L'0.XDlicéltion (m'on donne de cet (~v'êner:l('nt
(cette lutte),
C'0st qu'il s'nc;t
produit à
la s11it!" n'une
la force d'un f~tiche. il. v a des r~ples h observer. Nani
a
justement enfrp.i11.t
l'l1ne des recommandations.
Bref,
ceci nr01JVe Clue la tran."'.o:ressinn d e s
interdits e ri t r-â î n o rié c e s s a i r-eme n t
un '1181,
et ceci explique
pourquoi un combat corps à corps s'étai t
e11.g.::.,<:,:é c n t r e Na n.i.
et le lion.
Par aille~rs, les habitants de Vy r8cont0nt au
sujet de Na.n i ,
ClU'a.U
cours rie sa c h a a s o ar i x é10ph3nts,
ce
sont
les f'ri t i c he s
'lui entraient en ligna de compte.
I l
... / ...
,~: '.~
~

r05
.c:-
t i r a i t sur l'616phant et
lors~ue celui-ci, bless6 et fu-
rieux,
fonçait
sur lui,
i l
~e transformait en mouc:he. l'ne
fois hors de port6e,
i l prenait une
position 5trat~gique
et faisait à nouveau feu sur le monstre.
I l ressort de ces diff~rents rfcits (celui de
Gni. "n Lé ,
ceux de M
.
•. an:L
et du chRsseur de
que
les
p,ens ne vont D2..'3 .3. La
chasse
"les ma i a s
vides".
Ils
ont
toujours un Yaro
(1) ou uri Lornb o (1)
dissimulé
sur eux ou porté
en amulettes.
Le rp.cit de Gni'nlé met donc
l'accent sur une
réalité
s o c i e.Le ,
et) ce t a i s an t ,
i l est d'un ,g:récnd e n s e L»
ç:nement pour le généréltions
-non t a n t e s
et Dour tous ceux
qui
sont tentés
par la chasse.
Enfin
le quatri~me r6cit nous enseipnp que l~
n Lu pa r-f ries morl Lc arne n t s
qui
o on s t Lt u e n t
ce (~1~' on ;,npe11e
18 pharFl::"copée africaine,
ont
(~h5 dé:couv"rts :crrf\\ce au x
n n i.mrru.x ,
Ce récit e n s e i.zm e
;'1
l'auditoire qu'il faut
sou-
vent savoir attendre à
l'inst~r da chasseur d~crit dAns
ce
r~cit, o u i
a
vu son attitude
rÔcI:Jmpensée.
Drms
le BV2.-
mu,
et
en Haute-Volta en général,
les c h as s e u r-s
ne
sont
pas
seuls habilit6s à découvrir les plantes ~~rlirjn~Jes.
Toute personne qui
ct
na r-c ou r-u 18 brousse,
et qui
soit
observer,
f)f:'ut d
c ouv r-Lr- u n e
T)l~f1te i1~p·r..irinalp o u h:::sard
é
(i "u n
c.~ v t l' ,., .::Q
~
nt.
L a Tl l upo.r t
--'
lies
' ,
Ir]l-'C, .
i o a.no
t
nr s
o o ns t .
.:L ~r.u an t. 1
. _:l
-(ïT" le Yaro et Le Lorub o sont des fétiches
.. ./ ...
, .
·J.t,
~.
liiihm
_

r06
ra d'un auxiliaire magique,
un génie ou un animal.
C'est
un des enseigne:nents rlu récit.
Chaque d
t en t ou r-
é
(1 'un
mé d i c amen t
en garde 50U-
vent
j8lousement les
secrets.
Par cons6quent,
apr~s la
mort d e
tel ou tel h orn.ne ,
tel ou tel m6dJicé'.rr.ent disparaît,
entraîn~nt corol18irement l'incurabilité de telle ou telle
rnaLr.d i.e ,
On neut à
ce s u.i e t
être
t ert t
d V8ccv.ser les
Afri-
é
cains en R~n~ral, et les Bwaba en narticulier, d'égoïsme,
Darce qu'ils ne veulent pas fairenart de leur d~couverte
~ tout le monde. Mais une telle vision ne ser8it ni réa-
liste,
ni
o b.i e c t i.v e ,
I l
convient,
croyons-nous,
de faire
13 pa r t
des
choses.
I l y
a (les r"écticélfllents qui d e marid e n t
l'ohsArvattnn de c~rt?iT1s interrlits,
et
le non-resnect de
r;elly-ci e x r o s e
l ' au t.eu r
3. un rnal h e u r-,
Ce fut
le c a s
du
I l est
possible nue non r- c e r-t a i n s
méd i c amen ts ,
l ' interdi t
c o n s Ls «
te en La ri ori-cd i vuLc-at Lo n do s
secrets,
la d i vu I s-at io n en-
t.r-o î n an t
l'annul:Jtton im;;l(~c}inte de l'action du m0c1icament.,
ou e x o o s o n t
son ;:lntp.ur ~ lin ma Lb e u r- ou o Lc c nnue ,
a Ll.o n t
de
la mn Lad i o
~ 18 mort. Dnn s un tel c orvt e x t e , le fai t
Clue
Le s
secrets s o le n t
,j::>lousempnt (T8rrtés
s'explinue aisément,
... / ...
.,,--~••',-:.".~*---e-.r.

r07
Les médicaments tr2ditionnels,
quoiflue souvent
tr~s efficaces, ne coOtent DRS grand chose. En moyenne
on peut s'en procurer à un prix vari8nt de dix centimes
à
quatre francs.
Ce prix est symbolique et l'on est ten-
té de croire qu'il est interriit de
les commercialiser.
I l est tout à fait
possible 'lue
la n o n-e c omme r-c ia Lfs a t Lon
rie ces médicaments r.onstitue un ries interdits nrescrits
r8r l','ulxiJiaire m8p:i!ltH~, donateur du p r-od u i t , Na i s là,
nous sommes conscient Que nous avançons des hY1Joth~ses
au lieu d'affirmer des certitudes.
5) Le~2T.<?y_er!:>~s
Nous allons à
0r~sent nroc~der nu d6Ragement
d'un corpus de n.roverbes c on t orru s d a n s
le gréRuscu:l~.
tj_E!~_~-!..nl).:.?.?.~~_i~p-.:'3
.•
Leur ~tllr]8 s u ffLr-a à donner une -irl(~e
rie
leur plar.e rl~ns Je livre, dans la soci6t: bwa en D~r-
ticulier,
et en Haute-Volta en ,?;énl~rL)l.
~) Inventnire den nroverbes
"La chèvre qui bêle n'a pas soif." p.59
-
"La lapine ne donne
n::1S
le .i ou r- à de
courtes oreilles."
p.
67
UA
la .i e une s s e
le d ...."TlaIlliS"rIle, mo is à la
vi.e i, Ll.e ss e
la r u s e , Il
D.
69
Il
:~_l!and un enfant a
les 1::<1; n s
propres,
i l o r-o nd
s o s
re!,:ls d o n s
le c o r-c Le ries
.. ../ ...

ro8
anciens."
p.
81
"La mouche
(lui
tombe d2n~ l'eau n'en
emnftche
pas
la consommation."
p.
151
"Quand on mange des hari.cots e:ras,
i l
f au t
nrévoir 1;:1. soif."
P.
197
"Sais-tu
(lue
18 (1l.leUe du
lion n'est
n8S
la b a La nc o i r-e cl '11!1 a e ne au 7"
p.
198
b)
Le
sen~ des proverb~s
La chèvre qui.
hê le n' ct po s
soit'
:
Ce
: .r-ov e r-b e
est
utilisé
par Sowaha<l,
un pe r-s onrvazre du r-onan ,
Clue
s e s
cOlilnéigIlf'Saccus8.ient d'8tre
8.P,'ltichante.
Sowab.an veut dire
par là,
comme
le
lui t'aire dire Nazi
BO~I, <lU'
"il Y en Cl
î!ui n e c3isent
rien mais
ap;is;;ent ferme."
~jlle veut fnj re
percevoir qu'elle
"f a i t
n l.u s
ne bruit
qi i e
rPe:ff'f't. Il
La Lap i.n e
ne donne pa s
le
j our à de courtes
oreilles
le
contexte dans
le<luel i l est proféré
par
Hakan i ,
l'un des
pe r-s orm.ag e s
Lmno r-t an ts d u
r-oruan ,
est
le suivrtnt
Hak an fe nou r- té~'1;oigner (le son amou r- o n ve r-s
T?rhé,
av a i t. b r-Ls
une r1.flmhore "t"elle rio r-ta i t
sur 10
é
t~te. Cette amphore n-était pas à elle, mais b 58 mère,
car dans
la RW;1n1U traditionnel,
une
,iellne f i l l e ne
nO'scè-
de, personnellement,
pr::lti::n.~e"'ont a u c u n u s t e n s L le de c n L«
,
sine
ou de men ::t.o;0. Tout
rnr-a r-t.Le n t
8. l~ mère et
acheté
nar elle.
I l est donc
évident oue
cette dernière
.../ ...

I09
ne f~licitera p~s sa fille pour avoir bris~ l'amuhore •
r,
C'est donc dans
ce contexte que Nazi BONI fait
à Hakani
cette réflexion intérieure que constitue le proverbe.
Hais avp.nt d'en arriver au proverbe,
elle fera la réfle-
xion intérieure suivante
;
"La viei Ile
1 n' av ai t-elle p;:; s
fait
son
sol8il pt cassé des dizaines d'amphores ?"
Ceci signifie qUA la mère d'Hakani avait fait
son temps,
elle avait fait
sa vie et ~tait passée p8r le mAGe chemin
'lue sa f iL'l e ,
Au t r-ene n t
dit elle 2V8.it cassé des arnph o r-e s
elle ::"15,.:;i Lo r-s o u t eLl e avait
l'~F.e rl'I-I8k8ni.
Quoi d oric de
plus norm~l ~le d'(nouser le caract~re et les pratiques
de s.'1 mère?
St c'est en cela qu t Ha k an L dit
tn t
r i.eu r-emerrt
é
que
"la lapine ne d o n n.e Pal' le j ()i~r ft de courtes oreilles."
Pour oa r-ah r-cs e r cc proverbe,
n o n s
di r-cn s
Clue la La p i n e
aY~JTIt d e Lo nru e s orei.lles, sa prov.ér..iture aura également
françnis
est
"tel père,
tel fils."
Quand un 0!lf3nt a
les mains Tlropces,
i l prend
ses repas dans
le cercle des anciens:
g~nérale~en~ en
pays bwa ,
les
e rrf a n t s
s ' 3d onnent
continuellement aux
jeux
aussi
ont-ils leS mains Souvent sales.
~n milieu
't r-cd tttormo L,
les fara i Ll.o s
mang(~nt r-o s s emb Lé e s au t ou r-
d' u n
plat c e n t r-a L,
pt c h n c u n se sert de
ses d o i ..'2,'ts.
Les
e nf an t s
ay an t
les ma i n s
jl.1f,'ées o Lu s
s a Le s
o u e
c e l I e s <les

f)

/
• • •

rra
des adultes,
on ne les admet pas autour des mêrne s plats
que ces derniers.
On peut peut-être objecter qu'il suffit que les
enfants laVAnt lAurs mains pour être dans les cercles des
p;rands. filais cela voudrai t
dire que les mesures d' hygiène
sont automatiques,
ce qui n'est pas le cas.
Il s'ensuit
que si l'on re,iptte les e nf an t s du cercle des adultes,
c'est bien parce qu'ils sont petits et non parce qu'ils
ont r6ellement les m~ins sales.
En effet s ' i l arrivait
~ un adulte rl'8voir les main~ sales, on ne l'6carter~it pas
ne son groupe. Tout <"u'plus le lui fera-t-on rem2ŒQUAr
~droitem8nt nar l'interm(diaire d'une plaisanterie.
Va; là b r i.è vemo n t
ce nu' on peut cli re sur ce
proverbe ~ nremière ~le. C'est en fait le nremier nive~u
0e
c0m~rp.hension.
Hnis quelle est sa signification concrète dans
le r-o.nrm è e N;lZi BONI ? Autrement
di t
quel est le deu-
xi~me nive~l da comor6hgnsion de
ce proverbe ?
Do n s
le B\\\\'8Yl1J,
i l faut
êtr~ (l'un c e r t a i n â,n:e
r.ou r- compter à
son actif un nombre relativement Lmp o r t o n t
d'pxploits. Génér81ement,
seuls ceux qui ont un
aVé'lncé,
ont eu le temps de faire des exp~riences et de s'en tirer
à bon compte ou h r-o qu emen t ,
Or rll1.~11e est ln. s t t.u
é
o t ton
î
rle T6rhp. ?
Il a ;
son ~ctif d'innor;;hr?blcs exnJoits
... / ...

III
tlAu cours d'une bataille qui
opposa la
ville de Bwan aux Frowa (1) V8nus du Nord,
Térhé,
armé de sa sagaie, empala trois
des envahisseurs,
i l trancha avec son
Woro (2),
le cou d'un quatrième •..
Attaqué à l'improviste dans un fourré,
loin de tout village par un bêro (3), i l
sut promptement ~viter ses coups,
le nren-
dre d'assaut,
bondir sur lui,
lui
fraCél.S-
ser la colonne vert(5br8le et lui enlever
son carquois,
son sahre et SB t~te.
Il n'y a PQS très lontemps,
i l interclit
l'accès de leurs champs 8UX gens d'un
village voisin parce qUé l'un d'eux avait
Drétp.nc1u que son {"Tanct-nère B q{ossan n f a-
VQit
.i arna i s
étp le n l us c.:rand guerrier
de son temps. Toute unp. année,
à lui seul,
i l les empêcha de cul t i ver leurs t e r-r-e s , Il ( 14-)
Frm..a désigne
les Pau Lh en Bl"af11U
Le 'voro est u n e sorte (le .faucille
Le mot b ê r-o désigne en générrJ1 l'horn;~e par o p oo s Lt Lo'n
à la f ernme ,
irais d a n s des contextes pa r-t Lcu Li.e r-s
com-
me celui-ci i l prend le sens d'homme valeureux,
coura-
geux
(4) p. 80 - 81
$
• •
/
. . . . .

112
Térhé se révèle donc comme un jeune homme
c ouve r t
de e;loire.
Aux faits que nous avons énumérés,
témoignage vivant de son héroïsme,
viennent s'ajouter de
multiples distinctions,
et le tout fait vr;::.iment (lp- lui,
le héros numéro uri du !3W8.n1U,
l'homme inép:a18ble et inégalé.
En effet,
i l faut a j c ute r- ql~.0 T'~~~l:~ ·),:t "champion de lutte,
champion de
t i r 8 l';:;rc,
ch:lrnpion à
la course, dp.nselJr
incomnarable,
etc ••• "
On le voit, Térhé,
b ior:
qu e
.i e un e ,
appartient
rt6jà nu cercle das anciens dont les ex~loits sont racon-
t~s aux enfDnts et aux profanes. Son nom appartient d~j~
~ la l~~enrie comme ceux des ancjens et des ancAtres.
C'2st là o~ le proverhe trouve toute sa justification.
Na z i. BOê'JI a d' élill.-=mrs hi 8n choisi
le nom de son héros.
T4rhé s ivn i f t e
en e f f e t
en Bwarru ,
"renommé",
"couvert de
gloire."
En d e r-ni è r-e o n aLv s e ,
le rrr ove r-b e
s i srn i.f'd e
qu'
"aux ârne s b i e n n-i e s ,
V, valeur n'attend point
le
n omb r-e des a nrt é e s !",
et cel;'] ::~st très Ln t
r-e s s an t ,
c a
é
r'
i l s'agit 18 rPune c r-Lt i qu e très sévère de la société
traditionnelle.
Da n s
la s o c t
t
bwa,
l'Age compte beau-
é
é
coup et nous verrons plus loin nue les per-sonnes âGées
détiennent
tons les pouvoirs.
Or ici,
l'exemnle de Térhé
nou s montre '111e la r-é u s site i nel i v i d u e L Le c orn o t e é,":aler:cn t,
et cela constitue une certaine remise en C8use des
.1'
.'1
,,- "
o • • /
• • •
···i!

1I3
structures et valeurs sociales.
La société bwa à l'instar
d'autres snci~t~s a ses contradictions. Une contradiction
de ce genre n'a-t-elle pas favotisé
l'établissement et
".
l'épanouissement de
l'individualisme occidental?
tombe
" -
La mouche qui
dans l'eau n'en empêche
pas la consommation"
: Térhé dont nous venons de par-Le r-
a qu at r-e s épouses.
La nouvelle et dernière ma r-i.é e s'appé-
lait Hadonfi. Elle était l'objet dA la jalousie des trois
premières qui,
pour la circonstance,
avaient tué ou mini-
misé leurs propres différend s pour Torn:er une sortA de
front uni contre la pauvre Hadonfi qui,
consid~rfe comme
une intruse attirait à elle seule toutes les Grâces de
leur "It ornme!",
Les trois p r em i è r-e s
se livrèrent ainsi 3.
toutes sortes d'attiturles provoc:1tric0s <lU noint nue
"rna in t e s foi s, une hagrlrre f a Ll.Lf t
c Lat e r- entre les
é
mécontentes et la favorite." Grâce :-11.1 temT1ér0rnent équi-
libré de Had orif d ,
le pire a
toujours pu être évité.
C'est
dRns une telle situation qu'Hadonfi fait cette réflexion
proverbiale
"La movche Clui tombe dans l'e?u n'en
empêche nas la consommation." L'eau représente l'amour
entre Hadonfi et Téhré,
et
la r.1ouche les coépouses.
La
signification de ce proverhe est donc chose aisée à
comprendre.
Il signifie que les provocations des coépou-
ses ne rer'1leront
~8S à Hadonfi la voie qui conduit 3U
coeur de Térhéo
.../ ...
---

r14
" -
QUélnd on mange des haricots gr8.s,
i l f au t
prévoir la soif"
: Ce nroverbe enseigne sim!Jlement qu'il
faut prévoir les consér]uences de toute action avant de
la réaliser.
Ici dans le contexte précis du Crépuscule
des Temps Anciens.,
i l s i gni.f i.e que les prétendants à.
l'initiation,
d o ive n t
en prévoir les c on s é qu.e n c es ,
L'ini-
tiation n'est effectivement pas une partie de plaisir,
et l'on sait qu'en y aspirant,
l'on s'expose à la souf-
france,
car on doit subir un certain nombre de mauvais
traitements.
Le nroverbe invite donc les soupirants à
s'apprêter à. endurer tontes les souffrances qu i. condui-
sent à l'initiation.
"
Sais-tu que 18 queue du lion n'est pas
la balançoire ct 'un <'lgne~_1J T"
: Un agneml qui utiliserait
la:__ queue du lion comme balançoire se ferait évid cm::10nt
c r-o cu.e r ,
Dofini représente le lion e t
Té rhé l ' arm e au ,
Dofini appartient à la classe des.Yenissa (1),
ceux fJui
doivent faire souffrir les Br-uwa (2),
c l.as s e ~l laquelle
~ppartient Térhé. Selon la coutume,
les Yenissa doivent
soumettre les Bruwa à toutes sortes de mauvôis traitements
pour juger de leur capacité de résistance.
L'on remarque d'ai lleurs q u e ce proverhe ::;e
urésente sous forme de nuestion.
Cette for~e existe ct
le terme Ye n is s a d(~si.çne la dernière nromotion des
initiés.
le terme Bruwa désigne les prétendants à l'initiation.
~ .. / ...
- ~.

ll5
a une fonction bien précise dans notre texte.
Dofini
aurait pu d i r e :
"la queue d'un lion n'est pas la balan-
çoire d'un agneau." Cette f o rrne affirmative suffisai t
pour
faire comprendre que Dofini,
le Yenissa,
est supérieur
à Térhé le Bru"'18. Nais en donnant au proverbe la forrr.e
de question,
i l V8ut obli~er T6rhé à r6nondre pour recon-
naître que lui Térhé est s o c i a Le.ue n t
infériour à Dof Ln i ,
Si ce dernier a
posé
la que s t Lon
à Téhré et pas à un a.u-
tre,
ce n'est pas nar hasard.
Nous avons '\\'1.1 que Téhré
était un champion dans tous les domaines
(danse,
course,
lutte,
chasse,
culture,
etc.). Dofini le sait.
Partant,
sa question Cl nOl1r hEt (le faire prendre conscience à
Téhré,
que, n'ayant pas subi les éprel'.vc:'> de l'initintion,
i l n'est rien,
ma Lg r-é
Sri
,"':loi re .~n dernière anal vse,
la
question-nroverhe vise à humilier Téhré.
le héros du Bwa-
mu,
et; cela f;üt ria r t i e de
l'ensemble de ma.uva i s traite-
ments Clue les Ye ni s s a doivent faire subir aux Br-uwa au
cours de l'initiation.
"A la jennesse le dynarr.isme,
mais à la vieil-
lesse la ruse."
Dans notre intitulé
"~ssai de définition" (de
la littérature orale),
nous av: o n s
nffir:nA qu'entre les
proverbps et 10s ~ontcs, i l existe des liens ftroits de
sorte qu'un conte
pouvait Âtre l'illustrntion d'un pro-
verbe ou d'une histoire.
Nous avons ici. un exemple de ce
fait
/
• • • i
• • •
.......
.~- :'
.-.":.
ÎJ

116
"Et l'on conta l'histoire, devenue clas-
sique, d'un jeune couple fort amOUT8UX.
L'~poux, affirmait-on, avait p1ac~ en son
~pouse une confiance aveugle. Vis-à-vis
d'elle,
i l ne gardait aucun secret,
mal-
gré les saç,es conseils de son père.
Un devin, un jour,
remit au jeune hom-
me un oeuf.
Il lui s!J~cifia que cet oeuf
contenait sa "silhouette" c'est-à-dire son
double,
plus exactement MAko,
son âme.
Tant que l'oeuf serait intact,
l'âme
ne s'envolerait pas et le jeune ~poux
n'~urait pas à craindre la mort. L'hom~e
s'empressa de remettre le pr~cieux obiet
i
son ~pouse chérie, qui l'envelo[Jpa dans
un premier,
puis un second, un troisième
c h if'f o n ,
j!;lle plaça le tout dans u n e ,gour-
de,
la gourde dans une
jarre,
la jClrre
dans un grenier,
qu'elle referma et scella.
Son beau-père suivit avec ironie ces pré-
cautions.
Dès ~ue le m~nage s'absenta,
l'Ancien remplaça "l'oeuf-silhouette" par
un oeuf ordinaire et remit le tout en
place.
I l garda l'â:ne de son fils en un
lieu s û r ,
..../ ...

I17
Tout alla bien tant que l'amour brQlait.
Mais le m~nage ne tarda pas à se brouil-
1er,
et "Hansieur" matraqua "Hadame".
Celle-ci le menaça.
"Tâmbârikrah!
(1) N'oublie pas 'lue
ta vie est entr8 m2~ m~ins !"
CeT'anc1rmt
les scènes se multipliaient
et,
avec elles,
les ~enaces de la jeune
femme.
Le moment vint où,
exaspérée,
elle s ' é c r i a :
"Auj ou rdê hu i. c t e s t
la fin de ta vie
"J' (~n ai »ia r-r-e " rie te SUp'JOrter."
Et
la jeune femme de se préciniter
sur le p-renier,
la .i a r r-e ,
la R;ourde, de
reprenrire s o n
pa.qu e t ,
de La défaire,
et
avec
rrige, de briser l'oel1f Sllr le sol.
"Et maintenant tu peux crever la
gueule ouverte."
L'~poux n'en revenait pas. Tout au d~ses-
poi r,
i l hurlai t.
I l allai t
monrir si
jeune
si beau
si annr~ci~ des han-
wa
1(2) Il s'en fut solliciter le salut
,
ê.uprès rie
son nere.
Le v i e n x sourit,
l'entraînrt au fond rie sa case et lui dit
"[1)T2.rnbarikra~ s ~,r;r:ifie "gare !" en Bwann-
(2) Ce
terme s t srn i.f i.e les f e mrues
en B',,"rl[:TU •
.../ ...
--

II8
"Mon fils,
les jeunes courent vite,
mais les Anciens sav8nt mieux ruser.
Ta vie est sauve,
car jtai r~cup6r~,de­
depuis longtemps,
"ltoeuf"'silhouette" et
je ltai gard~ en lieu sQr."
I l ntexiste !Jas au BHamu, un seul père de
famille <lui n'ait conté et repét~ cette anedocte à ses
fils -,
S'-cJlS
.i arna i s
oublier la devise
"A la jeune~se, le dynamisme,
mais à
lR vieillesse,
la ruse."
La r-e ma.r-qr;e qu i,
s t Lrnpo s e ,
c t e s t
que celui qui
ne connaît pas cette histoire qui
illlJstre le [)roverbe,
aura b8;:111C01 1P de rna L à comprendre ce pr-ov e r-be ,
I l nt y
verra qu'une formule
s o t
é
é r-i.rrue
et La p i d air-e au un baria L
lieu c omnn tn ,
Ce proverbe dpmontre que les vieux,
qui ont
plus d texp6riences,
sont plus saRes,
savent Dr~venir
Itavenir.
Ceci est vr<'li et admis dans la société bw~ et
d an s
1;:) Haute-Volta t.r-ad Lt Lorme Ll e clans
son ensemble.
~·lais la v r-L tahle leçon cle vie sociale qn e le
é
proverbe professe,
~test qutil ne faut jamais avoir con-
f i an c e
en une f e rnrre ,
Ct est 13. une man i f e s t a t ton des ten-
dances ph~llocratir"lues des soci~t6s tr~ditionnelles
p.rri. c a i.n e s ,
.... / ...

1I9
A la 11lmièr8 rte cette an<'llvse des proverhes,
on
neut af' f t.r-me r- (~U8
le n r-ov a r-b a n'est .i amaI s
gratuit,
ou t LL
est on c orrt r-a i r-e u n e leçon (le vie
s o c i a Le ,
No u s
l'avons
vu,
chaque proverbe émane d'une situ8tion concrète.
I l se
Le
r~C;OllrS 81.1 ri r-ov o r-b a p r-ouv o (Pl' an c orm a
t
la
î
tr8ditio~ ct qu'on ~ l'art rte ln p~role. En pays hva,
ce-
lui 0ui 8
recours aux provArbe~ fait
J.'ndmiratinn rle tous,
J ' n i,
r-enc orrtr-é un exc;el.-
Le n t
c orrt u r i c r-,
vêtu ci'une blouse cJ'<i?îiillcs.(1)
1')
,
.xc no n a e
, h e u r- sous l e
"
rrrcn]ç.T' '
:t
?
n01.0=:
(2)
- .
l ' n 01; f' .
'(1) Naz i. 110NI, 0;1. Cit.
(2)
"
If
1t
... / ...
!.'

I20
Troisi~medevinette
~.uel est ce viei Ll.a r-d ('Iv
ciel rlnnt
la barb8
tr~îne Q terre? (1)
11(~T10nSe
18 lune
QU8trième c1evinette
:
>[on ,rrr;:md-père f~isait al-
Lu s i o n
8 uri s a n c t u a ir-e b r-ou ss ai L'l.e u x o u L exerce sur le
serpent un attr~it irr~sistible (2)
le sexe féminin et
le
sexe mâ Le
(le santuaire b r-ou s s a i l Leux
représeni:e
le sexe de
la fem-
me
et le serpent
celui de
l'homme).
({ue
s is-n i f Le n t
ces vingts
oise~ux flPrchcSs sur les vinçts arbres de la Dlaine ? (3)
les on,o:les
Sixième rievinette
- ' - ~ - - - . _ - _ . _ - ' - - - ' -
n o z-e v ou s de l'obligation flour tout
c h a sn au r- ri' évincer la
b r-ou s s o LLl.o
<:lU
nrofit nu gourriin?
(4)
(la b r-ou s s a iL'l.o rCflrr.sente
le
s e x e rie
IF1.
fe;':r~:e et le r'our-
ri in ce lui rl e l ' ho:nn~e ) •
Tl existe 11ne ronrie :vieille
comm~ le monrle.
Les
rentiles
en sont
l('s
ncteurs
Ah 1
le fr~n?tique sp0ctacle rle cette ~u]tituri9 rie t~tes rie
me r g ou i L'La t s
mâles oui,
rl;ln~ le sil~nce du ~oi_r, au fond
rle nos r:1e~?ures, s';:lF"itent
~l~r c1'innom1,rablps :0'8teaux rie
-_.__._...... _------
( 1 )
Nazi
nONI,
Op.
Ci t. .
~.
039
(2] " "
"
"
p.
J9
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J9
(4

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"
"
P.
39
,. .. / ...
,",::.
IL
~. -

I2I
de
s o r-s-ho ,
L'accomplissement de
l'~~cte sexuel.
h) La fonction sociale des devinettes
Le but
apnarent des devinettes
est de divertir.
On les u t i l i s e
Dour pa.s s e r- le
te:-:~ns. tout c onr:o on .i o u e
aux cartes.
I l
s t arr t t
rl'llne ac t Lv i t
surt.out
~r;:)tiOl]?e
é
par les erif'o n t s
mais
C1ui TI' est
D;:lS
interdite aux ad u L tes
désireux d'y particiner.
Tout
membre d'un groupe
Deut
~
tout moment
nrpndre
Ja n~role Dour nronoser (es devinettes.
l'-iaié", Ij2T delà Le n r' i'onction Lurl i.q n o ,
Los devi-
nettes
c on tr Lbo o n t
a u
cl~velor,r.e~;-eT;t de c e r t a i.n e s apt i, t ud e s
Cet
es:.,rit d'i;n~{','j.natinn s s t
indis':Oc:l5o.hlc '!our trouver
les r~~nnscs car le
lDn~a~e ~cs èGvinettes est fait d'ina-
Ges,
et
c e Ll.es d011t nOlIS
av o n s
(~t;lhl;.
le
r-omn n ne Na z i
BUi\\I,
sont

pour le
p r ou v e r-,
Les mots
C'est
riou r-qu o i,
au
cours d 'wle
s
a n c e
de devinettes,
le
é
plus apprécié
est,
soit
celui
nui
est
le
plus
apte
~l rlnn-
ner r-a p i d e mo n t
les
b o n ne s
rénonses,
soit
celui qui
;c;.rrive
~ "coll.er"
tout
le monrle.
On TIellt d i r-e
nue
les
d e v i.n e t t es çr-rin s
la c i v i l i -
s a t i o n
h",a
tr;1r1i.tionr..oJlf', .i ou e n t
le inêrr:e
l'ole <1118
le
- - - - - - - - - - - -
T1f-N8Zi
P.
... / ...

122
calcul mental dans le systè~e éducati~ occidental. Ajoutons aussi
que
la devinette ne comporte pas de caractère sacré contrairement
à certains autres genres de la littérature africaine orale.
7) Les contes
Nazi Boni ne parle pas de contes dans son livre,
ce qui peut
paraître étonnant. Hais cette situation peut trouver une explication
en pays Bwa lorsqu'on décide d'organiser une séance de contes,
cela
signifie qu'cm
dira soit des contes,
soit des devinettes,
ou les
deux à la fois.
tient .'lUX devin(... tl·.(~"
,',r l.r;~1)~8n('e de contes c o n s t i t.u e une g r-o s s e
lacune.
..
*
*
*
..
..
Nazi Boni a voulu recueillir les traditions ancestrales à cause
de leur importance dans la socidté. La disparition de ces tradi-
tions, dont la littérature orale est partie intégrante,
équivaudrait
à une mort de la société.
Il ne donne pas explicitement les fonctions de la littérature
orale;
cependant une lecture attentive de son r-orna n
nous permet
de déGager un certain nomhre de conclusion.
Ce chapitre nous aura ainsi permis rie d(montrer ~ue la
litt?rature orale n'est pas
thfori~ati0n ahstr8ite, mRis qu'au
contraire, elle a
pour objet le concret,
le v~cu.
~
o • • /
• • •
b-

I23
En s'attachant ainsi au vécu, elle instruit les hommes, elle
leur donne des leçons de vie sociale,
les invitant à adopter
telle attitude,
plutôt que telle autre.
Elle est un véritable système éducatif, une école. C'est ce que
nous enseignent tout particulièrement les récits de chasse.
Avec ce chapitre,
se termine notre investi~ation sur la
littérature orale bwa à travers le Crépuscule des Temps Anciens.
La littérature orale nous a fait découvrir quelques aspects
de la vie traditionnelle dans le Dwamu ; d'autres aspects vont
en être étudiés qui nous feront avancer dans la connaissance de
ce peuple.
o • • /
• • •

B) Rapport entre formes narratives et roman
Après avoir étudié les formes narratives i l convient
de dégager les rapports qui existent entre eux et le roman.
Nous examinerons d'abord les différences,
ensuite les res-
semblances.
1) Les différences
On peut trouver les différences suivantes
:
Les conditions spatiales,
les conditions temporelles,
le
public,
la forme,
les thèmes.
a) Les conditions spatiales
La première différence entre les formes narratives tra-
ditionnelles et le roman réside dans
les conditions spatiales
de communication.
Ainsi, une séance de contes se déroule sur une place
publique ou dans une concession pouvant contenir un auditoire
assez important.
Par ailleurs,
le lieu de déroulement du conte
est souvent un paysage familier au public (savane, forêt, dé-
sert).
Le roman au contraire,
peut être lu n'importe où,
sur
terre,
Sur mer ou même dans les airs. A cela i l faut ajouter
que le cadre du roman peut être un ou plusieurs pays loin-
tains totalement inconnus du lecteur. C'est le cas par exemple
du Docker Noir qui évoque la vie de l'auteur
Ousmane SEMBENE,
.../ ...

I25
alors qu'il travaillait au port de Marseille. Il est évident
que peu de lecteurs africains connaissent Marseille~
b) Les conditions temporelles
La seconde différence entre le roman et les formes nar-
ratives réside dans les conditions temporelles. Le roman se
situe dans l"! temps.
Il est écrit à une époque précise et
évoque des préoccupations de cette époqueo
Les formes narra t i v~stra.{litionnsPESi. tuent net tement en
dehors du tempso
On ignore toujours la date de création d'un
conte ou d'un mythe. Les générations nai~sent, apprennent
les contes, les devinettes, etc,
les transmettent sans jamais
savoir qui en sont les auteurs
0
Le texte oral constitue donc
une mémoire collective et ne peut pas être inventé par
n'importe qui comme
le romano
Signalons enfin qu'une séance de contes peut se dérou-
1er en une heure, alors qu'un roman peut demander plusieurs
jours de lecture, des interruptions, des reprises.
c) Le public
Les formes narratives exigent la présence physique d'un
public alors que le roman se l i t individuellement. Ce public
des formes narratives joue un rôle
assez important. C'est
de lui qu'émanent les applaudissements,
les interpellationso
Pour saisir un des-aspects de la participation du public

I2ô
reportons-nous au Crépuscule des Temps Anciens. Dans cette
oeuvre nous assistons dans le troisième chapitre à une
séance de contes. Le conteur, Nazounko,
ouvre la séance
par cette formule
" Han han han léé o"
le public répond
" Ououm 1"
Il ya donc là une participation directe du public qu'on
ne retrouve pas dans le roman. La formule introductive de
Nazounko est intraduisible. Son r8le est d'inviter l'assis-
tance à l'attentiono En répond,ant lIOu ou m 1", celle-ci signi-
fie au conteur qu'elle est prête et que le conte peut
commencer ..
Parmi l'assistance certaines personnes connaissent par
avance le contenu du conteo Aussi le conteur ne peut
omettre
une séquence sans la mise au point d'un membre de l'audi-
toire. Signalons toutefois que suivant le conteur,
le récit
est plus ou moins riche en images, comparaisons,
proverbes.
C'est di re que le conteur peut enrichi r
ou mod ifier le texte.
Enfin on peut signaler que le public de la litt~rature
orale connaît le conteur qui à son tour connaît en général
les memhres de l'assistance. Tous appartiennent à la même
société. La situation est fondamentalement différente pour
le roman o~ l'auteur ignore la majorité de son public. Les
lecteurs qu'il connaît sont ses amis,
ses parents •
• 0./ •. 0
".
It

ta

127'
d):B.a
forme
Un conte commence toujours par un dialogue préliminaire
entre le conteur et le public5
\\
1 /
-
-
Le conteur
ltlaa
hun
(1)
Le public
un
Et le conteur poursuit: Un jour •••
De même le conte se termine toujours par une même formule
prononcé par le conteur
' \\ "
1
i
i l
I l
- -
maa maa
kuru
nuu
ben
Le dialogue préliminaire que nous appelons générique cons-
titue une sorte de rupture avec le monde réel et une entrée dans
le monde de l'imaginaire.
En effet dans ce monde,
les arbres
et les animaux parlent contrairement à ce qu'on trouve dans
un roman. La formule finale constitue la fin du voyage dans
l'imaginaire et donc le retour à la réalité. Notons que ces
deux formules sont intraduisibles.
Le roman par contre ne cannait ni générique, ni finale5
Il commence et finit n'importe où et n'importe comment.
e) Les thèmes
Une des différences entre le roman et les formes
narra-
tives réside dans les thèmes. Le
roman peut raconter la vie
personnelle de l'auteur,
tel
L~Enfan~ Noir de Camara Laye.
Les formes narratives s'écartent de cette direction.
o • • /
• • a
(1) Il s'agit du dialecte de Bagassi
" , , '
-.... ,
:tt· .
:iii"i

128
2) Les points communs
Nous notons deux points communs entre les formes
narratives et le roman: les objectifs et la nécessité d'un
public ..
a) Les objectifs
Le principal point de rencontre entre les deux types de
communication réside dans leurs apports.
En effet ces deux
. .
1
. TI rennent
genres Lns t r-u i s e n t
les hommes)
eur _a~p
..
. .
tes attitudes à
adopter dans la vie sociale .. Après l'audition d'Iln conte ou
après lecture d'un roman,
chacun tire des leçons pour sa
propre conduite e
b) Nécessité d'un public
Chaque genre s'adresse à un public;
on n'écrit pas
pour soi, de m~me qu'on ne dit pas un conte pour soi ..
--

I 2 9
CHAPITRE IV
De certains asnccts de la vie traôitionnelle

no
Le Crépuscule des Temps Anciens est un roman
ethnor;raphique
typique.
Nous avons
jusqu'ici tenté d'ex-
pliquer la société et 1 'univers bwa à travers i.ry t h e s ,
légendes,
proverbes etc.
Nous allons raa i.nt e nr.n t
essayer de découvrir
d' au t r-o s
as oe c t s
de 18
s oc i
bwa ,
notamment
à travers
é
t é
la d a n s e ,
la vision de la femme,
l ' Ln i tir'l.tion et
le thème
de la mort.
Ces diff~rentes manifestations choisies parmi
be auc ou p d'autres,
comportent un riche
enseif!l1P:::ent.
La dFtnse
les s po r t s ,
le
f l i Tt.
1<"
mus Lo u e
}Jous n.or i s
a t t n c h o r-o n s
d a n s
le rl e v e Lo rvo e rie rt f
s u i.vr.n t
8. an a Ly s o r- le Bâ kn , t rn e d;'.nsA t.r-ad t t Lorme Ll.e du
pays bwa, Nous nOlIS .i n s n i t-ort s de
La
rn(~thorle d'nn de nos
anciens professeurs de l'Univers; té de Ouar:3G 0l1:70U,
Domi.-
nique
:'VRON qui
a
s0l1t8nu une
thèse de
J?, cycle à Faris
VIII sur le LII~AGA, Gê,TISe t.r-ndi. tionnelle des No s s i ,
a)
Circonstnnces d'ex~~ution
Le
n~k8 est lé' dFlnse des é n ou s s a i 1 l e s , comme le
suç~ère Nazi BONI
On.
Ci t . ,
T).
10
o •
0
/
• • •

I3I
".
~
"Au j o u r-d 'hui
les h.omme s
vont danser
le
Bâlca ,
le Bâka de
La r.ouve Lt.e !r'" riée."
(1)
C'est une danse qui ne
s'ex~cute pas n'importe
qu arid
et n' importe
c ornmori t ,
En pays bwa ,
les lTl2ria[':es
se
font
en saison nluvieu8e.
~lssi les mariages oui ont lieu
nendant
18
saison s~che son~-ils contraires 2UX habitudes
AV:::1nt l'e~,écu.tion de la danse, un s oc r-Lf Lc e
es t
n~cessaire. Il est fait p~r les Anciens du ~uartier. Par
ce
sacrifice,
les
Anciens demandent
à Dornb é n i. rl'?ccorner
se
P;1SS~ dans des
conditions
favor~blcs. Ils dem8ndent
aussi à Domb6ni
(2)
de
Jas
prot~g2r eontre le mauvais sa
o u e
pourraient
I r-ur- .i e t e r- les rné c b an t s ,
Le pays nwa regorge de
sorciers,
cl' empoi sonneu
Te:'O"s Ancipns.
Ces mÔrh;~,.nts ont
J 'hahituôn r'ot+-i:mère
lps
occasions de
rejoui s s an c e
pOT:ul;:·in"
n01Jr î:o,; ra
1 eur vi10
carart~re pr6ventif, et. p2r ce sacrifice, les ~nciens
d emn nd e n t
à Dombéni rie retollrnpr le :n8l contre leurs 8U-
teuBS.
Le p ou Lo t
01,:' on
en cette rircnnst3nce
est de
c o n Le u r- b La n c h e ,
n2r('~ qne le l,lé~nc est
le
:::yr:,r.ole
s I s s arrt un poulet
b Lr n o ,
lAS
Ari cie n s
v e u l o n t
donc .non t t-e r
(1) p. 1 ':.; - 1'i"'~
(2)
Dombéni
ou
(Dofini)
rl(~si":ne Di.81t
... / ...
, .
i~'
~v%

I32
Ancêtres et à
é
i,
C;ll' ils
t
purs ct honnêtes
a u x
D o m b
n
s
o n
et qu'ils dojvent
pr~server cette hdnnAtet4 et cette
pur8t4,
en éloignant tont Elal. En d'autres circonstances,
le poulet aurait ôté d'une ~utre c0nleur. 1.insi à la
1
veille d'une s4~nce de culture collectjve,
le poulet du
Anciens,
i l est f a i t LCL~."(lr'. ",.~."y"!'.~ !.:.:,......, ,: r".n p ou Le t
noir Dar le vieux Lowan.
Le
~oulpt noir sert une sombre
,
dépend
~
.L r,
.se nnursll; 1: t2rd 1'1;0,,:.:;1;1 nuit. Tout rl'~D0nd (~e 10 r8sis-
tunce rtcs rlanseurs.
Lrex~cutian du 38ka ~ l'occasion des
('. P O1l·S a i LLo oS i'1
p our- bri t: de i:1;:"; f::-,ster la
1
_ "
r:.'.
,
i:l0:-71e
f o n c t Lc n,
~
....c.~
... / ...

I33
"\\:))
Lé! fonction nu Bp.ka
Le Bâk8
r0mrlit
?vê.nt
tout une fonction e~sen-
tiellement
ludique.
I l a Dour rôle de divertir;
i l est
l'expression po pu La ir-e cle
18.
joie du "nari",ç-:e 'lui est un
acte collectif.
I l est
ex6cut~ D~r les jeunes ~en~ et les
.. ,
.i eun.e s
f i l l e s .
Les n8r~onnpc.; agees,
~i elles v euLe n t , 1'e11-
v o n t
entrer d a ns
la rl~:nsp, '7]<'is sp.ule:nent riou r
une
courte
rlurp0,
C8r leur ét<=èt
Dhvsir.1J8 n o
leur perr"et De,S rl~ danser
Lorig t e mps ,
le Bâka
t a n t
une danse nui d ena.nd e une grande
é
r;si:~,tance 7lhysique et qt ii. reouiert rm e fTé;j',c1e éner;~ie.
Les
s pn c t.n t e u r s
(",I!
BAka ne
sont
J1éle;
hors de
la
d rn s e ,
I l s
y
n;'rticic·ent,
so i t unic;ue"ent
:jar leur présence
font
T'ortie d u
'85k8,
cor ils ~'p:uvC'~t tn c i t o r- les danseurs
,1. redoubler d'arnel:r.
On
p o u t
donc dire Clue
le B~ka remplit
urie :fonction s o c i o Log i.rm o ,
TI::'
ser;"]; t-ce
CIU' en rasse,':h12,nt
les r.o pnl.a t t on s ,
Le 381-:8
est
souvent
l'occasion pour les .i etrri e s
• • • /
• •
0
f!
_

I34
les jeunes hommes se montrent très actifs et chacun
investit tous ses talents dans le but de se faire admirer
de l'assistance, d'attirer sur lui tous les commentaires,
et surtout de s6duire les jeunes filles pr4sentes.
Si au cours de la danse~ une jeune fille est
séduite par un garçon, au retour de la séance de Bâka,
elle peut préparer un repas et l'apporter au jeune homme
en question pour manifester sa sympathie et proposer son
amitié o Ces genres d'amitiés vont souvent très loin, par-
fois jusqu'au mariageo
Les chansons du Bâka ont un certain int6r~t
qui
~ous oblige à nous arr~ter un moment o Les paroles de
ces chants que nous avons recueillis à Vy, village bwa de la
sous-préfecture de Boromo, sont les suivantes :
-
/ ' "
8 0017 1
ft
Il
\\ l
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r:
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u. "l h :>
Il
1
9J.b
lb
,1·j
t\\~ ~~~
~
rh'? 0
Vi"!)-
CA..~
Traduction littéraire
Grelots, grelots, résonnez. Chauffez davantage. Sawa1i, fils
de Boa1èho ne boit jamais de l'eau simple, mais du bassi(1).
M~me quand i l y a beaucoup d'herbes dans les champs, cela ne
dérange pas le fils de Boa1èho. A la lutte, on ne terrasse
jamais Sawa1i. Sawa1i n'achète jamais cinq francs de dolo(2)
dans un cabaret, mais vingt cinq francs.
Commentaire du texte
Grelots, grelots,
résonnez:
De prime abord, nous pouvons dire
s'adresse aux grelots. Il les personnifie.
Mais quand on y réfléchit, on s'aperçoit que le discours est
indirect car, e n ' fait,
il est adréssé aux danseurs. Les grelots
ne peuvent pas résonner tout seuls.
(1) Le bassi est une boisson locale alcoolisée.
(2) Le do10 est la bière de mil.
o o % e .

I37
Le chanteur veut donc par là inciter les danseurs à
s'échauffpr pour qu'on entende mieux les grelots.
Chauffez davantage
Le chanteur a
laissé de côté le
discours indirect et s'adresse maintenant aux danseurs de
faç.on claire.
Il y
a un progrès pe r-c e o t i.b Le ,
Il s'adresse
au d~but aux grelots et ensuite aux personnes qui les
portent. Là encore le chanteur invite le3 danseurs à donner
le me i Ll eu r- ct' eux-mê::les.
Le terme 11 chauffez" est très
expressif à cet égard.
métis du "bétssi"
Il a toujaurs as~ez d'ar~e~t pour acheter ~e l'alcool.
Le
fait d';:;nneler o u e l.o ut t.m pa r- le nom dl" son fière est u n e
chase ~r~~uente en navs bwa.
On ne fait
jétm8is l'éloge de
qu e Lo ut un sans (~VOCl,l18r un {le .c.:es na r-e n t s ,
Il suffit rl'",voir
un rarpnt cél~bre et tous les {ln~es vous sont dus.
qualités de bon cultivateur de Sawali.
Il sait venir à
bout oes herbes,
même
195 nlns h:'lutes.
l ' accent
sur les qualités cl e lut teur.
Sawa L'i n'a P;:1S son ,
éçal.
La lutte est un sujet qu'on Rvoqlle souvent dé.1ns les
élo,":es. Cela se comprend surtout rru a nd on se ~üGce dans
cette s o c i.é t
En ef:fet i l Y
é
,
ri
des né r-i.od e s
01\\
etes luttes
inter-villar::es ou inter-Cluarti''''rs sont or;;anis09s.
Les
... / ...

138
jeunes qui
s'y distingnent CO"1me Térhé,
sont de ce f:ü t ,
connus dans
les villages environnants.
C'est
ici le cas
de Sawali dans cette ch8nson.
Sawali n'achète
.i araa l s cinq
francs de dolo_.sl.?-~§.._:m cahan~l,
m~is vingt cino francs
Ici
on loue encore,
comme
on a
eu
l'occasion cle
le dire n l.u s
h.au t ,
les
richesses de Sé'wali.
Hais un élément nOUV8élU eé;t intervp.nu,
le cabaret.
En pays
bwa,
quand vous achetez aux femmes
beaucoup de dola,
vous
'.,
~tes très bien vu. Souvent mp.rne certaines hommes ont des
f a c i Lf té~ nour av o i.r- rirt e f i arrc e ;
pêrce qu'ils sont bons
é
payeurs.
Le texte oe la ch8nson ;:;emble dominé par des
actions es:::enti811e:8nt héroïques:
0;lns 18
société bwa,
l'hor;l:~le doit p.tre hon Lut t o ur , hon cultivateur, hon chas-
seur,
bon d an s au r ,
pte. Uri indiviciu no n t
évi.cl2>:;ment et
d o i t: essayer de
r8-s.semblAr toutes
les (n:alités.
A
travers
le c h ari t
du
Bâka
on pout f~cileT'1ent è i r-e que Sawa Li, es t
obsédé
pa r- le 06sir 08
s e di s t i n-ru e r-,
Toutes
les actions
d6crites d~ns la charson,
ont
rm'r hut de ~ettre er 6vi-
Par ::lillel1rs l'auteur,
c'e:c;t-à-c'!ire le chanteur,
s'a.dressait aux ç:relots,
et
c o c i, c n r-r-es p o nd ~. un :r;oment
. .: ~..
tr~s important de la rlanS8. En effet, au d~but, la dansp-
est lente;
elle d e v i o n t
r a p i d e
an ':wment

le c b.an t eu r-
... / ...

I39
narle d'6chauf~0ment. G6n~r21e~ent ces narales incitent
les d ans e u r-s
qui n t a r-r-i.vr-n t
p Lu s
a Lo r s
à se c orrt r-ô Le r , vu
l'inten.=:ité ne la musiqu8
et s'adonnent alors carns et
t
âl719
~ la d an s e ,
,
scene.
".-~'
-.
o
• • /
• • •

I40
La rlist8nce entre
la section rythmique et
la
section
chorp.gr<1phiqFe est (12 l'ordre de cru a t r-e
à cinq
i71ètres,
tandis 01"011.0 est d'nn à c1eux: rnê t r-a s
entre
la
Tout m8mbr~ Ce
l'~5stste~ce peut ~ tout 8e~ent
r:'2:~:T
21'1
c o r>-
o n
c f f o t ,
V·0r.z ; 0 î '
-::'"\\!r'
1;"1
:;~n 'T'~ n'~ T'''~ ,
,
:",
.'
. " . L ,
ont:
lutt0.1:rs
/

141
jouissent eivsi d'un certain pre~tiqe et d'un certain
resnect.
La culture, pour sa ~art, a
pour but d'aider
l 'hoffil;le à subvenir à
ses besoins alimentaires.
Ici elle
est nlutôt vue
c ornme un ac t.e héroïoue et Sêwali est con-
sid~r~ comme un champion de la houe.
I l apparait
c12irement que les paroles adress&es
à la danse elle-mArne
ont pour but de
l' ari i me r- d av an t ag e ,
Q,U8_nt aux antres
paroles,
elles servent
à faire l'éloge
d e s
.i nd Lv Ld u s
et des f a mi.Ll e s ,
Sn ;Je-vs bwa,
chaque homme
essaie
juste~8nt de se distinp:uer soit à la chasse,
sott
à 13 lutte,
pour Olle son nom na r-a i s s e au me Ln s un .i eu r-
n8ns les chélnsons da Bfika.
Sn f ai, t
Na zi.
Bo n i
n' .i nd i;;ue n;,s da n s
le r-o.oari ,
les f oric t ion s
s o c i.a Le s
que nous
.ind i.rruori s ,
Ce.c:: f ori c t Lo n s
sont
le fnlit
~e nos propres recherches. De même la des-
c r-Lr.t i on qulil f a i t
du Bt1.1ea à La fin du cha....i t r-e VIII ne
c ornno r-t;e T'as non 1')111_S les r'r::Zt 8 i l s
e t.b.n o Lo sri qti e s
Olle
n.o u s
annortons.
fonrnir l'occasion ÈJ. des
je1lnes
;!8nS
cie
tisser cn t r-e
eux
des
relations
pouvant aller j u s o u t au r.1 8 r i. o ;:;e o Ceci
nous
amène à nous
pencher sur l ' i::1ëc.s e de la :fe~1i11e dans la socié-

traditionr.elle v o Lt o ru ie
en ,o:éné-ral,
h"'8
en
nnrticulier,
î
notamment
à travers _L_e_C_r,-Z~lsCll10:.. d_0_S__T~_fT~lr_)_s_:'.nciens•
• . .J ...

142
2) !èimar;:.e de la femme
0 • • • • • •
La femme dans
la Ld t t
r-a t u r-e
voltaïque cl'ex-
é
nression française,
vit
r-e La t Lv ernerrt
à ltéc::"rt de la so-
ciété.
A trc:vers Le Crépeecu1n des Temps Anci0ns par exem-
p l.e ,
les activités de
IR. vie quotidienne sur lesquelles on
insiste
nr'rticvlièrement,
sont e s e e n t Le Ll.e me n t
viriles.
I l
s ' aei t) r,our la n.Lu nar t ,
d' acti vi tés
afFérentes 0U senti-
ment de
l'honneur/de
la bravoure
etc.
En effet,
qu'il
s'ê.ç,isse d e
la chasse,
de
la cnltnre
ou d0.
L:>.
Ln t.t o ,
18s
f'e;rlines n'y t r ouverrt pa s
leur c orn-vt e ,
/'-.. côté (le
ce~ oc t f.v i.s-
t é s
vl r i Le s
i l y
n une
au t r-c
c:,tég'orie rl'8ctivit r s . 8.u X-
o u e L'Ie s
lAS
f ernme s
ne (lr>1.V8!1t
~J!é'.S non n l.u s
n;o.rticiDer,
telles
l ' ;ni 't i.a t i.ort ,
les
rESunions nub l i crue s
01\\ Cl' j ;nnor-
tantes décisions
se
nreru\\ent,
etc.
Bref',
ln :f!"!TW'1e tr~(! itionnelle est exclue de han
nombre d'activités et vit
pres~ue en mar~c de la soci6t6.
dire que les f'e m.ne s
constituent une
sorte de
c a s t o ,
Pou r-t an t ,
la f errrne n'est
p8.S
totalement absente
c1e
La
littérature v o Lt.n o u e
et nons
c e r-n on s
ses
c o nd i t Lort s
î
-.' .
de vie à
trnv2rs
les
scèn0.s de
18 vie auotidienne.
C'est
. - ~,'
litt0r8ture v o Lt a
cu e cl 'expression f r-a no a.is e ,
~\\TouS (~ist:in-
î
,'!lierons
la rllère et
l'f~1îollse de ln .j o un « fille.


a /
"
• •

a)
La mère et
l'épouse
Le premier rale rie
la fe~~e bwa est d'~tre,
comme partout
en Afrique,
une mère,
mêr.1e si cela n'ap"p::t-
r e.î t
pas
ostensiblement clans le r-oman de Nazi E(:~I; son
secnnd rôle consiste à
être une bonne ménagère. C'est
elle
nui doit
s'occuper de
la cuisson des
repas et de
la pro-
pr-e t é
de
1;0;
:llPiSOl1.i~lle
s'ocrupe également des enfants
en bas
~ge. C'est à partir rie l'8dolescence nue l'enfant,
si c'e'3t u n
p:arrnn,
a c c ornpagrte r-a
souvent
son ~è:;:"e r~ui
essaiera de faire
naitre An
l'2nfant
le désir
~e l'imiter.
rie
s'identifier à
Lu i ,
I l va petit à
petit "rpT"2rer son
f i l s
~ devenir un arll11te bien nrtanté à sa 80ci~t~, c'est-
~-dire '!l'i vit conforr;(,rr,pTÜ a nx rè.rrles s o c i a l e s et 2.UX
lois morales
t ab Ld e s ,
La mère en fera
au t an t
2.. l'ô:ièroit
é
de
18
jpune adolescente.
Cela ne V21~t rui Lleraarrt dire que
l'éducation du :;.1rçon r-e v i.e nn e
exclusivement 0.1.1
père et
- ',-.
celle de
la
jeune f i l l e
~ la m~rc. Il y Cl Dne cnntrihu-
tian de
la mère
~. l' 0rll l c 8 t i on cluo:arçon et u n e cor,::rihu-
tian du père à
l'<5èllcatinn rie
la f i l l e .
La feJl1!;le t·~·2. doit
une soumission absolue
~). son rno r-L, ~lle doit a nno r t e r
l'eau pour rru e
SOl1 mari
S0.
d ou.c b e ,
lui
a nrio r-t o r- à -:-:"Tl(':er.
<
.~
rnrm t ,
le v'este 'lui
c on s is t.e
~. d.,(~oser lé'! n ou r-r-ft u r c de-
-......
,,,.
vont
le lTl::1ri est
aCCO:;-l~:"'Enô ct 'une l:':011uflexinn, qui ê<'-r-
qU;~ le r-o s pe c t ,
.../ ...

144
En pays bwa,
le manquement de la femme à
l'un
quelconClue de ses devoirs
lui vaut
souvent des coups. Ne
voyons-nous p8S
KYA "triquer" Ra femme
Ha10mbo dans Le
CréT:'uscule des Te'TIJ:ls Aciens ? La scène de la querelle est
d~crite en ces term~s
";·1ais voilà que le soir,
son ppoux se sou-
vint qu'ellc était s on
conjoint.
Il osa
l'8pDrocher.
Inutile de dire '[utelle l'a-
vait repouss~ avec fracas et d~dain. Vex~,
i l l'8vait "pilée" c ornme du fonio
Bien
sar, elle avait raison." (1)
Ici,
Halomho a 6t6 battue pour avoir refus6
Un :Jutre f~ctel'r non moins
importent cles cnndi-
elle est
s ou mis e ,
i-\\.
t r av e r-s cette polyga.:ilie a npa r-a î t
un
aspect du caractère f~odal de la soci~t~. Dans L0 Cr6nuscule
ries Temp.s Anciens, Térhé a quatre
nou s e s ,
DClns une t<:~lle
é
situ~tion, chacune d'elles es~aie de
se faire belle et
gentille pour avoir la nr~fprence riu mari. Génér8lem~ntl
la
dernière venue,
la plus jeune
(lui
est aussi
la favorite
('st
l'ohjet de la jalousie d8S anciennes.
Dans le C:1.S de
Térhé, 3adonfi s'e~t attiré la h~ine des trois rremi~res
.-
Op ,
Cit.
p.
55
... / ...

I45.
'-.--
épouses qui se sont reconci11ées pour la circonstance,
malgré leurs ~uerelles pass~es.
La polygamie se présentA donc comQe une sourc~
intarissablA de probl~mes pour la fe~me. La favorite vit
elle aussi dans une certaine ins~curité car elle sait que
le mari,
à tout moment,
pput
p ou s e r- une au t r-e
f emrne p l.u s
é
jeune,
nui viendra 111]. "voler" ses f::lveurs.
Personne n'est
donc à l'aise dans ce système f é od aL;
et la jeune fille
est souvent Lnriu Lè t e avant le mariage.
Elle n' é1. (lonc pas
un sort
p Lu s
'h e u r-e u x
que celui de lé" fen!rne
At de
la mère.
b) La jeune fille
Le
p r-eru i.e r- rrr-o b Lè rne
:iy'port:::nt ([11' i l f au t
sou-
li,r'l1er c'est rn t e dr n s
la
s o c i.é t
t.r-ad Lt.Lonr.e
é
Lje bwa ,
la
fille est destinéA à quelqu'un d~s son jeune 5Re. BIle est
(jll'est l'a:no1.lr.
I l arrive s ouv e n t
CUP.
18
jelln8
fille
en
grr:mdiss?nt,
s t a r e r-c o i v e
E1u'el18 n e p e u t
ai-::e r
le .j e u r e
hCW1r:le
à qui elle e.st "d e s t i.n e
é
v
,
mêis
i l lui 0~t i'7:""lOs-
si~le de se soustrRire ~ l'nhliRation de l'~nous8r. Si
elle le fnis~it, elle s'opnoser3it ainsi à une d~cision
de
la 8ocipté.
Le fûit
'l.u'une fille
soit de s t Ln e ~l un jeune
é
bomme depuis son jenne âf':e,
n'est p a s rru e Lo u e
c ho s e de
... / ...

I46
spécifiouerrent bwa.
Ce
nhRnomène
se rencontre
aussi
chez les
Dagari,
les Mossi,
les Marka,
les
Samos et
chez
toutes
le~
ethnies voltaïques
en général.
Dans
SANSOA -
une
pièce
théâtrale -
Pierre DABIRE nous donne u n e
exemple de
cette
coutume
chez
les Dagari.
Dans
cette
nièce,
une f i l l e
est
d e s t i né e
ou b(\\ros Srm s o a,
~·.r2.1~12Fr(~1JSement i l entre dans
l'armée francaise
et
nart
en France.
La fille ay~nt at-
teint
l'f\\çe ne
~e ::~:-ricc Pot le ret.our ne S8.nS08. étant de-
f i l l e
lé... Li b o r-t
r.
é
'PDouser n n
.iAUl18
h.}r;1J1P
de
son choix.
Pour leur I18rt.
i 15 es s at o n t
de
c h.e r-c h e r- u ne f i l l e
plus
jel1ne
,
l'Jous v e r-r-rrn s
p Lr s
loin,
(1l":)vec
l'évollltion r~e
1;:, s o c Lé t
ln
c
é
,
o nd ri t i o n
r'~ 18 ,i81Jn.'? fille p.voll1cra ainsi.
Pour l ' in:3t:êlnt
i l nous
?emb1::- 'Ill' à
trc:vers Le CréPl1SC1l'!..:2
=-.c:---:;~
d ' uri o bi e t
rie
o o n s ormnot i on ,
C)
La femme
-
objet
La fernne
bwn ,
la TPr'l''le 8fric2.inR
trë.ditionnp.lle,
en l~énér<:ü, est 1Jn p e u
une
:fe.c''lle objet.
L'ho:n~e
assez ct 'argent
f'0l.lr
v o u s
"'11
"<'cl1E't:2r".
c:-:r
1,,,,,,, !112riC:F05
... / ...

147
temps,
un stagiaire voltaïr"lue
à Paris nous confiait que
son be2u-nère avait plus de seize femmes.
Outre cette polygamie,
d'autres pratiques con-
tribuent à renforcer cette conception de l~ fe~me-objet.
Au cours de la c4r6monie rles funérailles du vieux Diyioua(1)
(ln a l ' irl1;,ression 0118
t ou s
les b.ommo s ne c h e r-c b s nt qu' 3.
a s s ou v t r- leurs instincts ::tninl<'clJX. Nazi BO~;I c on s a c r-e r-»
qu o Lqu e s
Dagas
8. la d e s c r-Lp t i on de la débauche 2.U cours
de cette c
r-émoni e

i l semble n'exister aucune ac t Lvi té
é
en .~ehors è o la s e xu a li té.
On dirai t
que la nui t
des fll-
n~r~illes est une nuit d'infid6lité organisée. Un nerson-
ni'Jpe rlu
r-ona n
n t h.é s tt;e
ria s
à dire
"Dans cet imbroglio où un chien ne recon-
n~ît PP,S son m8ître,
est bien fOll
tout
f'o rnme !",
(2)
Plus loin l ' auteur pou r su i t
en ces tRrr.leS
"On ménag-era :4ut2nt qne fa.ire
se [lent,
les
~tranr~res ~ccomDa~nées de leurs conjoints.
On Anrirrrnera au s rL
les f t a n c e s ,
POlJr les
é
a.ntrFS? On osera".
(.1)
8t
;>lus l o i n :
"La vie est belle,
on la vi t
intcnsé:c'en t.
m-I}-·-i-y-ioua est u~-fl-ersonll;l!;'e du C.T.A, un Ancien. Les
Cpr0m0)1;eS ne ses -rt:n!~r;-).i.lles-;-~-t-été l'occ;lsion d'une
fête
ropulaire.
~. 96
p.
99
.. .,/ ...

T48
o 1 Vari~t~, d~esse de l'apn~tit, ne
tt~loigne pas! L'heureux arn2nt peut re-
c orn-nenc e r
autant de fois que le lui per-
met sa puissance virile et son 8-.udience
aunr~s du beau sexe, jus~u'au jour o~, sa
ounlicité découverte,
ses co~plices le 8é-
prisent,
le fuient,
le vilipenè::::nt insidieu-
sement".
(1)
Différents T)RSsages du roman nous montrent bien
cet aspect des ch~~~~.
La femm~ à travers ces rassages)se~hle n'avoir
Rucunp existence nue celle de servir à satisfaire les
dé sirs ri es hOt71r:C s
cepend~nt,
elle semble accepter, dans
une certaines passivit~, cette 3itllation qui est la sienne.
d)
La fcm~e et If~ccRptation rie sa condition
Dans cette condition d'infériGrité '1lli est
1.;::1
s Lo nn.e , n ou s
c on s t ot on s
en e f'f e t
qu e la f'o mne reste
passive.
Elle accepte
l~ situation s~ns hrorcher.
Elle ne
f:lî t
a b s o Lume n t
rien riou r' revendiquer urie p La c e rii--rf'~rente.
Ainsi,elle accente d'~tre exclue des ~ctivités touchant
directe~ent à la vie de la snci~té, telles les r~uniDns
nu b L'i qu e s , BIle se rc:d:r;-'llche épüle;nc-mt dA c e r-t a i.n o s o.c t i.c-
v i t
s qll'elle ju:a:e s a n s doute 't r o o viriles.
é
NOliS
f a is on s
(1)
p.
101
.0./0 ..

I49
allusion à la ~lerre et à la chasse.
L~ fe~mp. se complaît
finalement dans une
situA.tion rl'inférioritp.,
et cette
attiturle,
de notre
point de vue,
est r,orTInlètement nép;ative,
car la fP!nrne
n une contrihution importante à ::lpflorter à
l'oeuvre (le construction sociale.
Cette a t t i t nd o est au x
;:-Intipod~s do celle,
nositive,
des femmes ct~ns la litt~r8ture 8~n~va18t~e.
,".)nS!112ne, roman dans
leouel les f e mme s
ont arraché, '-'8
jure
et de facto,
le droit
~ la particination et ~ la p~role
~cnè8T.t les r:5unions nub Ld qu e s , C(~ ch2:n;;er.,ent c o n s t i t r;a
n ' ~
CL
de
la c omrnrnau té
dome s t i qu e s ,
T'ou.j our-s d a ns
1p me'1!8
-rrF:1:;n,
les f erime s
ont
poirls dans
la
victoire des
~r~vistes.
'lui
sont les
si.pnnes
·~8v:r2.ient. inciter
contrec;on e x p l.o L tation P?T 1 'hC1rm'1e.
rle
position vis-à-v~ s de c o t t e
situation.
I l
~e contente
... / ...

I50
Nous RIIons
justement nous pencher sur une des
~ctivit~s à 1aquelle la femme ne peut participer
Itinitiati(m.
J) L'initiation
LI i ni t la tian e f'. t
une pra tique tr8d j ticmne 110 ri e
la société b1....a
et revêt urie importance esse-ntielle.
Avant
de la d~finir et dtvborrter ses cérfmonies, un coup dtoeil
sur la hiérarchie sociale est nécessaire.
a) La b i é r-a r c h i.e s o c i a Le à Swan

Grande puissance surnaturelle
:"JABA
,"\\11 NIETSN
-------------
dtinitiés
1,e s i r i i t i é s e n ru i s 5 é1 n C 9
.'~.
----_ _------
...
.-
I<'e;-:1n;e.'3,
Anf8nts
-,
o •
0/ ....

151
Le DO est
18. n l.n s
gr::1ncle
r-u i s s an.c e
surnaturelle
reconnue
par la
socj~t?
On ne
DPut clonc pas le d4finir com-
~e un f0tiche ainsi flue l' 8 fé:>Ï t Diyibo Bm·IBÜ]~ clans ses
t r-av aux ,
(1)
I l est bien v r-u i
en r-av an c h a
que
le Dô est.
tnP,t.érinlisé
pPJT
un f8tiche
31~r Le rm e l. on f a it: les of'f r-and e s ,
init.i/c::,
c 'pst-Èl-dire des Bnnv;:J.
Ceux-ri,
u ne fois
init.i./s,
j[}ui r
rl '11.1i
fair.;
sorcier et
A"'Doisonnellr',
ne
~8Ut Cil
i'nCl1t1C
f:içan
Taire
partie. rlF! La c l a s s e ries N'i k ien ,
I l ne
jouit.
P2S
(le 12
c o nf Lan o e
tian des Moha.
Cela ést regret~able compte t0nu de
l'inport.nncA
nTIl i y i 1~-~--D(ï":;~0:'~, --L~",,:'~:-'~'_l;.,·,;.t_f-_f'_'-:-r-:;"_,t;;.''_'',.;r;.,p_.-.,;;0;.,r....;,.8....;';.,.'">_.-.:,1_n;..,oJ;..8_ .:.....:C;:._;.,;o..:.r_'t~,:..:.'l,:.:s l'0 "lI 18ires
pt
ch8nsons
trnrlttionn0tlps.
Th~se de J\\ cvcl~, Univerc::it~ de Nancv II, TP 78-79
(2)
Lownn pst un
n8~snnnoge du C.T.A de N8Zi BONI •
.. ./ ...
-------

I52
des M~ba dans la société.
Par ailleurs la société
est divisée en trois
castes distinctes
-
les nohles
i l s sont
les plus nombreux et
f o r-me n t
18
charnière c1 e
la société.
Ils
s'an onnent à
l ' 8griculture et 8. l ' t léva~'e.
-
les forgp.rons
i l s
s'occu~ent de la fabrica-
tian d u
mn t é r te L agricole
t r-adi t Lorine L
:
houes,
pioches,
etc. En un mot,
i l s tr8.vaillent le fer.
Ils creusent égale-
me n t
les t.ornb e s ,
Lou r s
f e mrne s
s' ad onnent à
IR rio t.e r-i.e ,
-
les griots
r-e
sont
les musiciens ~e 18
t Ls se r-r nd s ,
Leurs f'erome s
fort
~p
l~\\ noterie ct
sont
les
Les prjots et
les
forpprons
sont
consid6r~s
COm!T!p. inférieurs
~11X n o b Le s , Ces d e t-n i e r s ,
peur conserver
éf\\OllSerrlit une :fille rie ,.,.riot Oll de :forp-8ron se verrait
c ondasmé
et m8me
Ch3SSA
;1'21"
18
s o c i
t c ,
car cel? consti-
é
t.ue r-ait urie f;;,vte
très e:rOV0.
C'?st
le
thÀme ri,: film du
~'!alien Alcadi Kl-\\BA intitulé ·~fM!RA~~ntre l'e,qu et le t'ev.
Ce ne nd rm t
le ma r-i ape p-st rio s s i b L«
entre
Lo s
f"riots
et
les
forp:erons.
.../ ...
;i.

153
s'adonnent plus exclusivel"'1ent aux tâches qui étaient
initiale~ent les leurs. De nos jours ils p05s~dent tous
0es champs,
comme
les nobles.
Cette évolution des choses
s t ex o.l I que assez f a c i lement.
Quar.d un forgeron f ab r-Lou a i t
la hou e d'un nohle,
celui-ci lui d orinai t; en retour du nil
011
de
l'rJrRent.
Auj ou r-d t hu i ,
avec
la f'arn.i n a chronique,
les
nobles ryr~f~rpnt bricoler leurs houes plutet ~le d'avoir
~ payer. Les for~erons snnt ainsi conduits petit à ~etit
à cultiver pour se nourrir. Les ,Q,Tiots n t a r-r-Lv e n t
o Lu s
non !Jlns à ~e nourrir avec 1~5 revenus tirGs oe leur
activité musicale.
Ils sont aus s i, o orid u i t s
à c u L't Lv e r- nonr
suhvenir à leurs hesoins 01iment?ires.
A c~ rythGe et Avec
l'~volution et la cherté
ne 12 vie,
on '0p u t
nr0voir UT.'.e d is t-e r i.'t i.on f'u t u r-e nes
oolitiques.
Le p r-o c e s s u s n ou s
sAl11ble irréversihle.
b) L'initiation
rt~finition et finnlit6s
Sn nous inspirant des travaux ne Louis Vincent
Tl'1.orn2.S et JeclD Lm·J~~/\\.U (1), nous néfinirons l'initiation
comme un ensemble cl' ensei{":nernpnt: th pori0uP et:
r,;-:ti nue
visant à
orienter l'2dolescent vers ses respnnsahiJit~s
d':idlllte et i't sT'0cif ier ainsi
~on st8tllt et: son -rôle nans
r,f-iouis Vincent THœ·UcS, Jean Ll'~S.!-'U, L8 T'erre Africaine
et ses relirr,ions, L/.~WFS3.~ Urt i v o r s f té 1974
... / ...

154
A Bwan l'initiation a pour but de faire passer
le Bruwa à l'état de Yenissa. Ces derniers sont les déten-
teurs de la force
c'est à eux que revient la tâche gran-
diose de diriger la sociét~. Ils doivent organiser les
compétitions sportives,
les danses,
etc. Tonte a.c t fv i.t.é
1
tmlchant à
la force ou reqner8nt son usa~e, est nlé:'cée
S01l5
le11r êLltorité.
Dans une société traditiorulelle comme celle de
B~Rn, cc sont les Anciens qui détiennent le nnuvojr, com-
me
c'est le cas d on s
tout le Bwarrm et dan s
toute la H;:-.ute-
Volta tréèditionnelle.
Nais ce nonv o i.t- des Anciens ne se
~~le p85 et ne s'opnose nas à celui des Yenissa. Un exem-
p l.c
Sll:f':firCl. Dour 'n.1'011 d t s t Lris-u e
les 0.CUX n i v e au.x de j)ou-
voir.
Les Yenissa ['euvent décider à leur nive2u d'or-
~aniser une activité snortive. Ils doivent DIors en f~ire
la p r-o no s f t i o n
aux An c i.e n s ,
Ceux-ci se c on s u Lt.e r on t
e t ,
a pr-è s c c c o rd entre e ux, do n n.e r-ori t
le "feu vert"
aux
Yerris s a , C'est al.o r s nce
les Ye n Ls s a
orr:;;::.nise!'ont lenr
activit6 sportive comme ils l'entendent,
l'accord de prin-
c i pe a y ari t
ôt(~ 2cnllis au nr-è s des Anciens. Avrrn t
la ro;:\\.li-
s8tion de l'actjvité en nuestjon,
les Anciens offriront
n n s2cri fice
nOl1r (~p.rn0n.rler ;-l113 .vnc ê t r-e s
et ~ nombrl1i 7
l~llr
nrote~tinn resnective.
.../ ...

155
Pour nous résumer. nous dirons que les Yenissa
ont pour raIe de faire vivre la société par les danses.
les compétitions sportives. les activités de chasse. les
séances de culture collective, etc. Il leur revient d'ani-
mer la société. Leur pouvoir et celui des Anciens ne sont
pas du tout en contradiction mais au contraire complémen~
taires.
Pour en revenir à l'initiation, i l faut expli-
quer qu'elle comporte des cérémonies bien particulières.
c) L'initiation et ses cérémonies
c. 1 les préliminaires
Nous avons dit que les Bruwa étaient des initiés
en puissance. Mais pour être initié, i l faut que toute la
promotion le désire. Aussi, avant toute démarche, les Bru-
wa doivent-ils se cons~ter et décider d'un commun accord
de demander leur initiation au ne.
Dans le Crépuscule des Temps Anciens, les Bruwa
ont tenu une première réunion secrète pour discuter du
principe. qui a été acquis. A l'issue de cette réunion,
ils
ont décidé de prouver leur maturité au cours d'une séance
de culture collective. leur complot, résumé par Térhé tient
en ceci· :
"Bwan sera invité à cultiver le champ des
.../ ...

156
beaux-parents de Kaapnounayi à Wakara. Ce
lougan (1) par miravle, n'est pas inondé.
Nous nous arrangerons pour nous chamailler
avec les PAMMAs (2) afin d'être conduits
les uns et les autres à travailler sans
débrider de l'aurore au crépuscule, donc
sans manger ni boire. Non prévenus, ils
ne prendront aucune précaution. Certains
d'entre eux risqueront sous l'effet de la
chaleur, de la soif, de la faim, de la
fatigue, de tomber en syncope. SiJde notre
caté,o~ n'enregistre aucun incident de ce
genre, nous purons fourni officiellement
une première preuve de notre maturité."(J)
Ce qu'ils prévoient
se réalise et les Bruwa rem-
portent l'épreuve de culture. Ils se montrent très ré8i.~
tants et courageux. La deuxième victoire des Bruwa, ils
l'obtiennent dans le domaine sporti~ celui de la lutte no-
tamment. En effet au cours d'un toürnoi de lutte ils se
révèlent très efficaces.
"Ce tournoi dura trois nuits et s'acheva
terrain cultivable (définition donnée par Mohamadou
Kane et J. FALK dans L.tt Africaine, N.E.A. P. 27)
Le mot PAMMA désigne également les ·Yenissa
P.
113 -
114
.../ ...

I57
seulement lorsque Térhé, après avoir ter-
rassé les meilleurs lutteurs parmi les
seniors (1), lança un dernier dé:fi qui ne
:fut pas relevé." (2 j.
Ces deux activités -
culture et lutte - ainsi
que de la chasse, au cours desquelles les Bruwa se sont
illustrés montrent que les Yenissa sont usés par leurs
dix années de responsabilités et que les Bruwa deviennent
de :facto, les nouveaux déten~eurs de la :force. Ctest sur
cette base qu'ils entament la procédUre
devant conduire
à l'initiation. Les Bruwa doivent en tout premier lieu
soumettre le problème aux Yenissa qui à leur tour le sou-
mettent au DÔb'anso ou Maitre du Dô, ainsi qu'au che:f de
terre (J). Dans le Crépuscule des Temps Anciens, lorsque
les Yenissa in:forment les deux Anciens, ceux-ci convoquent
une réunion à laquelle doivent prendre part
et les Yenissa,
et les Bruwa.
1
Entendez ici les Yenissa
2
Nazi BONI, Op., Cit., pp. 165 -
166.
J
Le che:f de terre est celui qui règle tous les di:f:férents
se rapportant aux af':faires terriennes. C'est à lri!
que
s'adressent les étrangers qui désirent s'installer dans
le village. Il leur indique un endroit où construire
leur case et leur :fournit en brousse des pareelles de
terre cultivable. Avant les premières pluies i l procède
à un sacri:fice pour demander à Dombéni et aux ancêtres
de :fournir de la pluie en abandance ainsi que de ~onnes
récoltes. Après les récoltes i l o#:fre à Dom~éni et aux
Ancêtres un sacri:fice de reconnaissance.
.../ ...

I58
Au cours de pareilles réunions, la hiérarchie
sociale doit 3tre rigoureusement respectée. C'est ainsi que
le porte-parole des Bruwa renouvelle la requête auprès
des Yenissa, qui à leur tour, la transmettent au D8b'anso
et au chef de terre.
Après au~ition de la requête, le D8b'anso s'a-
dresse aux Yenissa de la façon suivante
"Demandez aux "bambins" s'ils se sentent
suffisamment mdrs pour supporter la charge
qu'ils sollicitent." (1)
Cette question est transmise du haut de la
hiérarchie jusqu'aux Bruwa, et la réponse positive de ceux-
ci, du bas de la hiérarchie jusqu'aux Anciens. Dès lors ces
derniers peuvent affirmer
"Alors nous n'avons plus qu'à nous retirer
pour laisser les jeunes entre eux, remplir
les formalités requises. n(2)
De telles paroles, nous le verrons, seront
lourdes de conséquences pour les Bruwa.
c.2 L'init.ation proprement dite.
Trois éléments importants sont à souligner : les
souffrances à endurer, l'offrande du poulet et le port des
masques.
( 1) P. 195 - 196
(2) P. 196
.../ ...
,
.:/
r l,j

;. .
159
...
L'initiation proprement dite commence par une
série de mauvais traitements administrés aux Bruwa par les
Yenissa. Il est de coutume que ceux-là soient frappés et
maltraités par ceux-ci. Par ailleurs, comme on peut le
constater dans le Crépuscule des Temps Anciens, les Yenissa
demandent souvent aux Bruwa des choses pratiquement im-
possibles à réaliser, telles que lutter contre un arbre,
d'attraper à la course une biche, etc.
L'objet de ces mauvais traitements administrés
aux Bruwa e*t de les tester, de connattre leur degré de
maturité et de résistance à la souffrance,
"car on ne saurait confier le sort du pays
ou d'une ville à des gens incapables d'en-
durer les pires souffrances." (1)
L'attitude logique des Bruwa, face à de telles
souffrances, est de résister sans pleurer, sans broncher.
Ils doivent être stoïques,
savoir être impassibles, ceci
'.'.
d'autant plus qu'ils seraient ajournés si une quelconque
défaillance de leur part venait à être démasquée.
Le deuxième jour, les Bruwa en passe d'être
Yenissa,
offrent chacun un sacrifice au DS, qui marquera
le début de leur alliance avec le sacré. En effet, après
le sacrifice, un langage secret leur est enseigné, et
d'autre part ils reçoivent un enseignement sur la signi-
fication cachée des éléments de la nature et des différents
.../ ...

I60
aspects de la vie du Bwaœa. L'après-midi, ils confection-
nent les couronnes de masques (1) et les pipeaux dont ils
devront se servir pour se faire entendre, une fois mas-
qués. Le lendemain, à la pointe du jour, les Yenissa com-
mencent à faire porter les masques par les Bruwa, et au
lever du soleil on procède à la passation des pouvoirs.
Les Bruwa portent alors officiellement les masques, ren-
trent au village, se font bénir par le n8b'anso et sont
acclamés par la population. Ils sont devenus Yenissa. Le
port des masques signifie que les initiés ont quitté leur
état précédent gour accéder à un autre. Ils ont opéré une
transformation qualitative.
L'initiation est en dernière analyse un véritable
système éducatif. Les brimades multiples et va~iées ap-
prennent aux initiés la soumission la plus totale aux
ordres des supérieurs hiérarchiques, et leur apprennent
le rale social et la nécessité du courage face au danger,
à la souffrance et au travail.
Le port des masques signifie que les initiés ont
fait alliance avec le sacré, car le masque, dans les
sociétés traditionnelles en général, et bwa en particulier,
est une des expressions typiques du sacré.
Le sacré est en effet présent dans tous les as-
pects de la vie traditionnelle bwa, et la mort,
tout com-
me les rites qui l'entourent, n'y ~chappe pas.
( 1) voir en appendice _.
.
' .
une photo des masques.
les couronnes étant longues à faire,
on les confection-
ne la veille.
.../ ...
-
- - - - - - - - - - - -
- - - -

I~
d) Le thème de la mort en pays bwa à travers
Le Crépuscule des Temps Anciens
Dans le roman, six personnages dont les plus
importants, meurent successivement. I l s'agit de Diyioua,
Yembéni p Kya,Térhé, Lowan et Hakanni. Cette présence
permanente de la mort tout au long du roman, nous oblige
à en dire quelques mots.
Toutes les morts en pays bwa ne rev~tent pas
la même signification et n'entra!nent pas les m~mes rites.
Chaque mort a ses caractères particuliers, selon qu'il s'agit
d'un ~tre jeune ou d'un être âgé; nous saisirons ces particu-
larités à
travers des exemples concrets pris dans Le Crépus-
cule des Temps Ancienso
Certaines morts sont pleurées, d'autres non, et
certaines sont fêtées.
d.l Les morts qu'on pleure
La mort des Jeunes gens,dans le Bwamu,
provoque
une très grande tritesse et s'accompagne d'interminables
pleurs et de lamentations. La mort de Yembéni et de Térhé
sont de celles-là.
Yembéni sera pleuré parce qu'il est jeune alors
que la vie du Bwamu repose essentiellement sur la jeunesse.
Les jeunes sont l'avenir et le coeur du Bwamu. Yembéni est
mort au cours des cérémonies d'initiation; c'est précisément
au cours d'une course que son coeur a lâché. Il était

162
sur le point d'Atre Yenissa, détenteur de la force. Nous
avons déjà exposé le rale des Yenissa dans la société : ce
sont eux qui la font vivre. Quoi donc de plus normal et
de plus légitime. que tout Bwan soit profondément endeuillé
lors de la disparution de Yembéni. M@me deuil à la mort
de Téhré, car non seulement i l est jeune, non seulement
i l est devenu Yenissa, mais encore i l est considéré comme
un héros "national" du Bwamu. En témoignent les réactions
de l'Ancien Gnassan à l'approche de la mort de Térhé :
"La mort de Térhé, ce serait la fin de la
gloire du Bwamu, la fin de notre "soleil"
de notre ère et l'avènement de nouveaux
temps qui réaliseront la féminisation des
hommes."
(1)
En témoigne également, l'alarme du tam-tam
ti'mbwaoni (2) en ces termes:
"Térhé, le puissant Téhré est mort
le grand Térhé est mort.
complètement mort,
o malheur l
Maintenant le Bwamu est "cassé" (3)
Effectivement Téhré était un grand guerrier,
un grand chasseur, un grand cultivateur. En lui le Bwamu
perdait un de ses fils les plus valeureux.
1
Op. Ci t ., p. 2 5
2
Le ti'mbwoani est un tam-tam funèbre.
3
Op. Cit., p. 250
.../ ...

163
La mort de Hakanni est également pleurée car
elle est jeune et la société pense aux enfants qu'elle
aurait pu mettre au monde et qui auraient été une très
grande richesse. De la mAme espèce est la mort de Kya,
mAme si celui-ci ne jouit pas de la sympathie du lecteur.
L'antipathie qu'on éprouve à l'égard de Kya, natt de son
caractère. En effet
"Kya tuait par passion de gloire. Il tuait
pour le plaisir de tuer. Finalement i l
tuait par habitude." (1)
Kya ne tue donc pas pour défendre une cause juste
Pour cette raison on
est plus ou moins amené à le haire
Térhé, au contraire
de Kya,
"Tue pour se défendre et pour défendre sa
patrie. Il tue pour préserver l'honneur
de sa famille,
le sien. Il tue pour dé li-
vrer les opprimés. Il tue par devoir. n(2)
Térhé tue donc pour défendre une cause juste.
C'est pourquoi i l jouit de la sympathie du lecteur. Il est
le prototype
d'un vrai héros. Kya, qui se présente comme
son antithèse, est un anti-héros; cela ne l'empAche cepen-
dant pas d'être pleuré.
Généralement les Bwaba recherchent les causes
,des décès. Pour eux, la mort n'est j~ais naturelle. Alors
P. 64
P. 8)
.../ ...

164
i l ~aut porter le cadavre sur la tête et procéder à son
interrogatoire pour démasquer le sorcier, auteur du décès,
et le punir. Dans la cas de Térhé par exemple, le sorcier
Lowan est tué p:ar le ~ils alné de Térhé parce qu'on lui
impu~e~ la mort du héros 1
Pour donner une idée du déroulement de la céré-
monie de l'interrogatoire, nous allons prendre un,
exemple
concret. Supposons que Bernard, Antoine et Raymond soient
des sorcie~., qu'ils aient comploté et tué Claude. Toute
l'assistance, composée de tous ceux qui sont venus pleurer
le mort, s'asseGit, La cérémonie est présidée par un griot.
Le cadavre est attaché dans des sortes de brancards, puis
porté sur la tête par deux hommes. Le griot ouvrira la
cérémonie en ces termes
:
"Claude, nous allons maintenant procéder
à ton interrogatoire. Nous allons te sui-
vre et tu iras nous indiquer celui ou ceux
qui t'ont tué."
L'un des sorcienpeut être présent parmi l'as-
sistance
; les porteues iront alors jusqu'à lui. Si aucun
d'eux n'est présent, ils iront, avec le cadavre sur la
tAte, s'arrêter devant l'entrée de la maison de l'un d'eux,
chez Bernard par exemple.
Le président de la cérémonie s'adressera alors
au cadavre en ces termes :
.../ ...

I65
"Tu nous a conduits chez Bernard. Est-ce
lui ou sa femme qui t ' a tué 1 Ou alors
sont-ils tous les deux responsables de ta
mort 1".
Un silence peut s'en suivre et le griot reprendra:
"Si Bernard est l'auteur de ta mort, fais
deux pas en arrière."
Le cadavre (1) fera deux pas en arrière.
"Est-ce lui seul qui t ' a tué ou y a-t-il
des complices 1 Si Bernard a des complices
esquisse quelques pas en arrière."
Le cadavre exécutera l'ordre.
"Dans ces conditions, dirige-toi devant
la porte du complice."
Il se dirigera devant chez Raymond.
"Bernard et Raymond sont-ils les seuls
auteurs de ta mort ? Si non, fais quelques
pas en arrière," poursuivra le président
de la cérémonie.
Le cadavre s'exécutera.
"Alors, continuera le président, conduis-
nous auprès du complice suivant."
(1) En fait ce sont les porteurs qui marchent, mais selon
les Bwaba c'est le cadavre qui marche à travers eux;
les porteurs n'avancent pas eux-mêmes, mais sont mus
par une force surnaturelle. Nous essaierons donc de
rester fidèle à cette conception. Il semble par ailleurs
que les porteurs marchent rapidement,
lentement ou non-
chalamment selon l'aptitude qu'avait le défunt:de son
vivant.
"
"
.../ ...

166
Le cadavre ira s'arrêter devant la maison
d'Antoine. Comme dans le cas précédent, on lui demandera
s ' i l y a d'autres complices. Le cas échéant, comme ici,
le président de la
cérémonie rendra publiquement compte
à l'assemblée, des causes de la mort de Claude. Il dési-
gnera Antoine, Bernard et Raymond comme étant les respon-
sables. Dès lors les porteurs déposeront leur fardeau.
Au cours de la cérémonie, ces derniers ont la possibilité
de se faire remplacer s'ils présentent visiblement des
signes de fatigue.
La société ne punira pas d'emblée les trois sor-
ciers. Mais si ceux-ci persistent dans cette voie, ils
seront contraints un jour de quitter le village ; la
communauté villageoise ne peut en effet s'accomoder de
membres qui, manifestement, la détruisent et troublent
son harmonie.
Nous avons rencontré beaucoup de gens, princi-
paIement en milieu intellectuel, qui ne croient pas
qu'un " c adavre"puisse marcher" par porteurs interposés.
Cette réaction ne nous surprend pas, car elle
est très répandue. Il semble que les catholiques en
général,
ceux du Bwamu en particulier ont cette conception.
( 1 )
s'est déroulée
A ce propos, l'histoire suivante 'il y a une· dizaine
d'années: un paysan du no. de Bernard Gnoumou,
ori-
ginaire du village de Didié, parce qu'il était catho-
lique, ne croyait pas en l'idée selon laquelle les
.../ ...

167
Cette expérience de Bernard nous montre qu'il ne
faut pas se prtciPiter de porter un jugement quelconque sur
les traditions. La bonne attitude consiste à apprendre
d'abord à les connaître. C'est cette voie que nous avons
adoptée.
d.2
Les morts qu'on ne pleure pas.
Dans le Bwamu.
la mort des sorciers ou de ceux qui
se pendent. n'est pas pleurée. Même s ' i l y a des pleurs, le
les larmes sont vite séchées et le mort vite oublié. L'en-
terrement de telles personnes ne donne généralement pas
.-
lieu à des cérémonies normales. Une brève toilette mortu-
aire. -
ou pas du tout -
et l'enterrement se fait sans
funérailles. dans un tombeau très peu profond.
Les sorciers sont considérés comme des ennemis de
la société. et ceux qui se suicident comme des lâches.
Diyibo nüMBüE explique qu'
en effet,
les Dwaba considèrent qu'un être
qui se suicide est un être lâche. Il ne
mérite pas les honneurs qu'on lui aurait dus
dans d'autres condition~ de mort. Les priva-
tions qui entourent sa mort
poeteurs ne marchent pas, mais le cadavre qui,
par une
force surnaturelle les fait bouger. Il voulut en faire
l'expérience pour en avoir le coeur net. Un homme vint
à mourir.
Il se proposa comme deuxième porteur. Au mo-
ment du dép~rt, i l e~saya de clouer solidement ses pieds
au sol pour résister à toute force surnaturelle suscepti-
ble de le faire 8.v8.l1cer, mais i l ne put résister. Comme ...
i~ .oPPo$ait une résistance alors que l'autre porteur avan~
çait, i l fut arraché de force et buta.
Il était nu-pieds
et son gros orteils fut profondément blessé.
Il en porte
encore la cicatrice aujourd'hui."
Cette histoire nous a été confiée par des habitants
de ce même village . par~i lesquels R~my SAMPOE •
.../ ...

·~~."
168
châtient sa lâcheté. Le fossoyeur lui
creuse une fosse à peine profonde en guise
de tombeau. Sans toilette mortuaire, sans
vêtements autres que ceua qu'il portait
au moment de son geste lâche, i l est trai-
Ilié
par terre et jeté avec brutalité dans
la petite fosse. A la hâte,
on le recouvre
de terre sans aucune précaution particuliè-
,
re. Il est inhumé n'importe ou. C'est à
peine s ' i l est pleuré." (1)
Celui qui se suicide ou le sorcier sont consi-
dérés enmme étant en marge de la société, comme s'ils:. :""
avaient rompu leur contrat avec elle. La société demande
qu'on soit honnête et courageux. En n'acceptant pas cette
exigence,ils se disqualifient et s'excluent d'eux-mêmes
de la société.
Dans Le Crépuscule des Temps Anciens, la mort
de Lowan fait partie de celles qu'on ne pleure pas. La
société, au lieu de pleurer, se réjouit au contraire de
la disparition de ces sinistres personnages. Une telle
mort est même ressentie comme un soulagement, car l'on
souhaite toujours la mort des sorciers, empoisonneurs,
et autres ennemis de la société.
Diyibo DOMBOE, la l i t t .
orale bwa : contes populaires
et chansons traditionnelles. Thèse de 3è cycle,
Université de Nancy III
1978-1979 p. 42-43
.../ ...
lt~
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.....~t.
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:i&:\\'Ji..,,"
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"i!k

I69
Mais lorsque Diyibo DOMBOE affrrme que le sorcier
ou celui qui se suicide est inhumé n'importe où, nous ne
partageons pas ce point de vue. En effet ces genres de
personnes sont enterrés loin du village, dans la brousse,
et pas ailleurs.
d.) Les morts gue l'on f~te.
Dans le Crépuscule des Temps Anciens, DIYIOUA
est le seul mort que l'on;
f~te. Les funérailles fêtées
sont réservées aux Anciens qui ont vécu conformément aux
normes établies par la société, et qui ont atteint un
certain âge. La mort de tels Anciens est regardée comme
naturelle, comme étant l'oeuvre de Dombéni, attendu qu'ilS
ne pouvaient pas vivre éternellement. Après l'enterrement
dans la joie, on fixe une date pour la célébration des
funérailles. Ce sera l'occasion d'une grandiose cérémonie
qu'on appelle en Bwamu, Yumbéni ou Grand Yumu. Cette mani-
festation
n'est pas l'oeuvre du seul village dont le
défunt est le réssortissant, mais de toute la région. A
l'approche de la date fixée,
le village organisateur,
Bwan
dans le roman, mène une campagne d'information auprès des
autres. A la date fi&ée,
tous se rencontrent et la fête
commence.
La célébration a pour but premièrement de glori-
fier le défunt et de le remercier des services rendus à la
";_.
société; deuxièmement, d'aider le mort -
ici Diyioua
... / ...

170
à bien mourir, à se mettre en route pour Nihamboloho, le
séjour des ancêtres où i l deviendra également un ancêtre
qui protègera les vivants, lesquels devront s'inspirer de
lui dans leur vie quotidienne, celle du défunt constituant
une référence. Ces funérailles fêtées fournissent donc
l'occasion de demander
au défunt sa protection perma-
nente, car dans les sociétés africaines traditionnelles,
les morts ont un rôle de protection important à l'égard
des vivants qui, à leur tour, doivent remplir certaines
obligations envers eux : simple respect,
offrandes régu-
lières ou circonstancielles etc.
Les funérailles fêtées ont ainsi leur importance
qui leur est spécifique.
*
*
*
*
*
*
*
*
*
L'étude du B~a, de l'initiation, du thème de
la femme et de la mort, aura contribué grandement à nous
expliquer et à nous faire comprendre l'univers bwa.
Il nous reste, à propos du Crépucule des Temps
-, ~
Anciens, à nous intéresser à la manière dont l'auteur
traite de la tradition.
.../ ...

l'fI
, ....
CHAPITRE
Le traitement de la Tradition dans le Crépuscule
des Temps Anciens

172
, : ]
-
·Ù.-,":
; "
--,;.'
.
Nous nous sommes jusqu'ici attaché essentiel-
lement au contenu de l'oeuvre de Nazi BONI. Â présent
nous nous pencherons sur la forme.
Le Crépuscule des Temps Anciens est généralement
interprété comme une "ChrOniqUell~lkais cette appréciation
ne semble pas ~tre partagée par tous les critiques. André
NYAMBA par exemple ne reconna1t pas à ce roman son carac-
tère de chronique. Qu'en est-il exactement?
1. La chronique, forme privilégiée du
Crépuscule des Temps Anciens
Le crépuscule des Temps Anciens n'est pas un
roman comme les autres ; i l est une chronique romancée.
Selon le Petit LAROUSSE ILLUSTRE la chronique
est "un recueil de faits historiques, de récits rapportés
selon l'ordre du temps".
Le Crépuscule des Temps Anciens répond-il à
cette définition? C'est ce que nous allons examiner.
La première partie de la définition de la
chronique "recueils
de
faits historiques" est largement
vérifiée dans le roman de Nazi BONI. Tout au long du
livre, l'auteur relate l'histoire du Bwamu. Il nous donne
un aperçu assez large et assez objectif de la vie paysan-
ne, religieuse, guerrière et sentimentale du Bwamu. Il
nous relate des faits historiques vérifiables. Qu'il
L'auteur lui -même donne le titre de chronique à son
oeuvre
.../ ...
:.~. ~,

173
s'agisse de l'arrivée des blancs en Haute-Volta et dans
le Bwamu en particulier, ou de la révolte des Bwaba en
1916 ou encore de certaines activités traditionnelles,
telles la chasse ou la lutte, ce sont tous des ~aits
et des év~nements qui ont eu leur place dans l'histoire.
Ils sont véri~iables. A ce titre on peut considérer le
Crépuscule des Temps Anciens comme une chronique.
La deuxième partie de la dé~inition précise
qu'il s'agit de "récits rapportés selon l'ordre du tempsR.
Le roman de Nazi BONI est un roman composé de
deux parties. La première partie raconte la vie du Bwamu
avant l'arrivée des blancs. Cette vie était caractérisée
par le bonheur. La deuxième partie nous raconte la péné-
tration du blanc dans le Bwamu, laquelle a eu pour consé-
quence le déclenchement de la guerre qui a ruiné le Bwamu
sur les plans économique, socialet humain. Cette péné-
tration a bouleversé toutes les structures sociales.
que
Partant de ce
nous venons
de dire, nous pou-
vons a~~irmer que le roman de Nazi BONI mérite son nom
de chronique puisqu'il relate des "~aits historiques
selon l'ordre du temps".
Il s'avère donc que le Crépuscule des Temps
Anciens répond entièrement à la d'~inition de la chronique
telle qu'elle est donnée par le Pettt LAROUSSE ILLUSTRE •
.../ ...
. ,
~:.'~'

174
Tel n'est
cependant pas le point de vue du
critique André NYAMBA (1) qui, partant de la même défi-
nition de la chronique, arrive à la conclusion que le
livre de Nazi BONI De peut pas être considéré comme une
chronique. Selon lui/d'une part, Nazi BONI n'a pas été
témoin de ce qu'il raconte, et d"autre part "sa démarche
chronologique est truffé de sauts anachroniques dans les
temps nouveaux."
Mais André NYAMBA oublie que du point de vue
de la forme,
ce n'est pas Nazi BONI qui raconte, mais
un Ancien, conservateur des traditions. C'est de lui dont
Nazi BONI se sert pour transmettre son message.
En effet le roman commence en ces termes
"Il Y a de cela environ trois cents ans
moins vingt ••• "
Ainsi s'explique "llAncAtre" du village, le
conservateur des traditions du Bwamu, pays des Bwawa que
l'on appelle improprement tantat Bobo-Oulé, tantat Niénégués.
"Il Y a, dit l'Ancêtre, de cela trois cents
ans
moins vingt, le Bwamu jouissait d'un riche
trésor de mystère et de magies, d'ineffables
délices
qui déteignirent sur les aIeux des
grands-pères des pères de nos pères." (2)
(1) André NYAMBA a exposé son point de vue dans son mémoire
de ma!trise qu'il a soutenu en 1976 à l'Université de
Bordeaux III sur le thème : les problèmes de communica-
tion.
"L'énoDciation" dans Le Crépuscule des Temps
Anciens de Nazi BONI.
(2) P. 21
.../ ...

175
Cet Ancien a au moins été témomns en partie
de ce qu'il raconte t
témoin de la révolte de 1916 notam-
ment. L'autre moitié lui a ~.é transmis. Nazi BONI ne
fait qu'écrire ce que le vieillard lui a raconté. L'essen-
tiel pour nous n'est pas le fait que l'auteur ait vécu
ou non les faits relatés
mais que ces faits soiènt exacts
t
et relatés selon l'ordre du temps.
Par contre nous relevons avec André NYAMBA cet
exemple d'anachronisme :
"De toute part l'on arrivait l
la file
indienne, la pipe l
la bouche, revêtu
des bakoummians ou "ailes de Kalao", des
samma-ni'lDbia ou "cates d'éléphants".
C'étaienü les couvertures en vogue".
(1)
Ces sortes de couvertures n'existaient pas
encore i l Y a "trois cents ans moins vingt". Elles sont
apparues bien après, dans les temps nouveaux.
Il Y a certainement d'autres anachronismes
mais
ils ne suffisent pas pour retirer au roman son caractère
de chronique. Il ne s'agit en fait que d'insuffisances
qui auraient pu être évitées par l'auteur.
Nazi BONI d'ailleurs, dans la forme, ne se
limite pas seulement à la chronique.Il emploie d'autres
moyens, parmi lesquels les "africanismes bwa".
(1) Nazi BONI, Op. Cit.; p. 42
.../ ...

",_'7_ ',.
176
•~~~ç~.
2) Les africanismes bwa
Ce que nous appelIons " africanismes bwan ce sont les
expressions locales que l'auteur transpose en français. Pour re-
prendre une expression vulgaire, il s'agit de "bwamu habillé en
français". Voici l'inventaire de ces expressions t
- "Des générations étaient nées, "avaient fait leur soleil"
prend le sens de temps, d'époque. Il s'agit d'une forte image en
Bwamu. EB général le soleil brille. Quand on dit de quelqu'un qu'il
"fait son soleil", cela veut dire qu'il vit au diapason de son époque,
et qu'il s'illustre particulièrement.
- "Pour inciter les malfaiteurs à "parler Bwamu", c'est-à-
dire franchement" t l'auteur a lui m~me donné l'explication. En effet
"parler Bwamu" signifie parler franchement, dire la vérité.
- "La culture était brouillée (p 125) t cela signifie que
la vie culturelle ne se déroulait plus dans le calme, puisqu'il y
avait désormais une rivalité entre deux camps antagonistes. Au départ,
la culture se déroulait dans un calme relatif. Mais avec l'apparition

de l'"inimité" entre les Bruwa et les Yenissa, ce calme était désor-
mais rompu.
-"Maintenant le Bwamu était "cassé" (p 250) t Cette expres-
sion est employée après la mort de T'rhé, le symbole du Bwamu. Térhé
est le représentant type de l'Afrique traditionnelle, avec ses valeurs
guerrières, sportives et sentimentales. Sa mort était un mauvais
présage. Elle signifie la destruction prochaine de cette Afrique dont
Térhé est le représentant. Avec la mort de Térhé le Bwamu s'effendre.
0 • • /
• • 0

In
- "Le porte-oouteau" (p 43) • Ce terme désigne le
vieillari du village charg~ d'~gorger les poules au cours des
sacrifices.
- "Exposé pendant sept "soleils" et sept nuits, l'an-
c3tre Diyioua a rendu par les pores et par tous les orifices, la
totalité de la nourriture qu'il avait emmagasinée de son vivant."(P~
Le mot "soleLl"ndésigne ici l'intervalle de temps compris entre
le lever et le coucher du soleil.
-"Nombreux furent ceux qui avaient "coupé des carquois""
(p 47), couper des carquois signifie tuer des personnes, en par-
ticulier des guerriers.
- "Ewan était presq~e "finie"(, 41) 1 cela signifie qu'on
avait tué la majorité des combattants de Ewan , la résistance allai
bientSt finir.
- "Nous sommes presque "Iinie"(, 41) 1 m'me sens que la
phrase précédente.
_ aJe t'éoorcherai" des pieds à la tête et de la t3te a~
pieds(P 49) 1 ici le verbe écorcher signifie insulter. En fait il
s'agit de relever les défauts physiques d'une personne depuis les
orteils jusqu'à la tête.
_ ftGratter la bouche ft de quelqu'un signifie le provoque]
de manière qu'il parle.
"Vous Savez qu'on n'affronte pas ces épreuves en nombrl
impair sous peine de voir le plus jeune de la promotion "avalé" p~
le DB(p 113) 1 lorsque le plus jeune de la promotion meurt aU cour:
de l'initiation, on dit que c'est le D8 qui l'a retiré, qùl-1'a pr
••. 1•••

- "Après quoi nous prendrons la-force" (p 113) 1 cela si-
gnifie que les Bruwa deviendront Yenissa, c'eBt-~dire la force
vive du village.
-
"Trois cents ans moins vingt"(p
)
1 cela signifie deux
cent,quatre vingts ans. C'est une manière traditionnelle de oompter
en pays Bwao
.c!-
Ces expressions que nous avons relevées sont des décalques
d'expressions idiomatiques propres à la langue Bwamu et inexistantes
en français. Elles ne sont totalement compréhensibles que par des gens
issus du milieu et appartenant à l'ethnie bwa. Mais quel raIe jouent-
elles? C'est la question qu'on est amené à se poser.
L'oeuvre de Nazi BONI est avant tout fondée sur la tradition
bwa. De ce point de vue, les expressions locales sont les bienvenues,
car elles répondent d'une certaine manière à l'esprit du texte. ainsi
le fond et la forme s'épousent.
Ceb expressions s'intègrent bien à l'intérieur des phrases
françaises. Aussi nous sommes conduit~à oomparer la structure de la
phrase en français et en bwamu. Pour ce faire nous utiliserons cer-
taines des phrases dans lesquelles sont utilisés les "africanismes
bwa" 1
Première phrase 1
Français 1
Bwan
était
presque
-fini"
N••
auxiliaire
adverbe
verbe
1 J 1
'..... ~""
Bwamu 1
buan
hia
tan
vo
]f.
aux.
adv.
v.
• ••1..•

179
Deuxième phrase 1
França.is 1
La
culture
était
"brouillée".
Article
Nom
Auxiliaire
Verbe
Bvamu
1
"
/
1 1
ho
-
-~
sa.ro
hia
--
ka.n
Art.
N.
Aux.
V.
Troisième phrase 1
Français 1
Après quoi
nous prendrons
1a"force".
(Looution adverbiale)
Pronom
Verbe
Art. Nom.
/
.1./;
11/
1
1
l
,\\
1
Bvamu
1
a
bun·
manil3.. wa
j1
ho
panka//
Particule de 2.~· (Loc. adv.)
Pronom
Verbe
Art.
Nom
liaison
~atrième phrase
Français 1
Maintenant
le ';:'fI Bwamu
est
cassé
Adv.
Art.
Nom
Aux.
Verbe
,.;.
,
I l
-
-
1
1
Bwamu
1
ha 1aa
na wa / a mu
-- -
1'-
b"amu
wa
fuiA / /
Loc. adv.
Par:t.:Art.
Nom
Aux.
Verbe
de liaison
Revenons à la troisième phrase pour dégager la fonction de
de chaque terme.
Français 1
Après quoi
nous
prendrons
la force
Loc. aàv.
Sujet
Verbe
Obj.et·
1
1 1
1 1
1
1
1
1
\\ '
1
Bwamu 1
a
bûn
man /
wa
j1
~~
ho
panka//
Loc. adv.
Sujet
Verbe
Objet
.../ ...

I80
En observant ces phrases quelques remarques s'imposent.
On peut noter que la structure de la phrase est la m3me en fran-
çais et en bwamu. La structure de base de la phrase dans ces deux
langues est en effet s sujet + verbe. La présence des compléments
correspond à un développement de la phrase. On comprend donc
l'intégration faoile des "africanismes bwa" dans les phrases fran-
çaises.
La présence en bwamu de la particule de liaison a (cf.
phrases3 et 4) constitue la seule différence notable dans nos
phrases. Cette particule qu'on peut traduire par "et U est facul-
tative.
Nous restons cependant prudent sur nos remarques car
seule une étude approfondie de la structure syntaxique des deux
langues peut donner des conclusions s~res.
Nazi BONI ne se limite pas à l'emploi d'expression locales'
il va jusqu'à l'utilisation de terme bwa.
3) Les termes bwa
Du début à la fin, le roman est truffé de termes bwa.
L'auteur a expliqué la signification de certains de ces termes
mais il en existe un certain nombre, en majorité des interjections
.
et des exclamations dont le sens n'est pas donné. Nous dressons
ci-dessous l'inventaire de tous les termes bwa utilisés dans le
roman en distinguant ceux traduits par l'auteur de ceux dont nous
donnons la signification.
. ..1.·.

18r
a)
Les termes traduits
-
1
1
{;tLes termes
Leur signification
• Nombre de fois
1
.
:qu'ils sont
-
.
lutilisés
1
1
Bwaba ou Bwawa
1
Habitants du Bwamu
1
26
1
1
Bwamu
1
Pays ou territoire habité par les Bwaba. Ce ter-I
1
me désigne aussi la langue des Bwaba.
1
51
1
1
Do.béni
1
Dieu le grand
1
10
1
1
Niemmu
1
Contrée bobo-fing (les Eobo-Fing sont une ethnie:
1
de la Haute-Volta située à l'ouest des Bwaba).
1
1
1
1
lademmu ou Tuimanl
Sous-ensemble du Bwamu
1
4
1
1
Mukioho
1
Sous-ensemble du Bwamu
1
4
1
1
lioho
1
Sous-ensemble du Bwamu
1
4
1
1
Humu
16
1
La mort
1
1
1
Samma
1
L'éléphant
1
3
1
1
Yéra
8
1
Le lion
1
1
1
Daro
1
La panthère
1
4
Mb'woa
1
Titre de noblesse signifiant anc3tre ou grand-
1
1
pèreo I l incarne la vénération d~e à l'~e ou à 1
1
la puissanceo
1
9
1
1
•.• /.0.

182
lfan,.I-kakawa
1
Hommes-génies
1
9
1
1
Doandoanwa
1
Génies-guerriers
1
3
1
1
KaIllÛ-nipoa
1
Génies.cdes cavernes
1
3
1
1
Jimin'hiB
1
Génies qui selon Nazi :BONI "avaient la faculté
1
de se faire petitd, tout petits. Incorrigibles
1.
bavards, ils connaissaient, en mêmetant· que.~leurA
secrets, toutes les personnes par leurs noms.
1
Ils entraient dans les cases par les toits, par-I
tageaient l'homme sa demeure, se cachaient dans 1
les besaces des sorciers. Ils s'assooiaient avec:
les charlatants, leur~enseignaient la divination
et la nécromancie. A
3
Gnounclofini
Dieu individuel qu'il fa.ut assimiler à l'ange
gardien des catholiques ou des protestants
1
Mon père-va
Pères blancs des mi.ssions ca.tholiques
1
Nansamuni-wa
Pasteurs protestants
1
"
l'Bré
"Jeu violent et dangereux qui tient à la fois
du ping-pong et du tennis"
1
li'o-mbwoho
"Sorte de hand-ball spécialement conçu pour l'en-
durciss~meât des jeunes"
1
1
1
Bwanfi
Singulier de :Bwaba
1
1
1
Tlanna
Xylophonesde1paille
1
4
1
Tianhoun(sin-
1
guller de Tian-
na
Xylophone de paille
1
Poroplnis
Les flates
5
Wi'zawa
Les fifres
17
Kotonis
Genres de harpes
5
Kondios
Guitares à cinq cordes
4
Kondio(singulier)
Une guitare à cinq cordes
3
1
Tlohoun
1
Le balafon
3
••• 1•••

183
Konkaoans
1
Les trompettes
1
1
Donkoho
1
Minuscule tambourin de guerre à la taille de
1
1
gu8pe
1
2
1
K'ré'nko
Gigantesque donkoho
1
7
Kankan
1
Tambour ventru
t
6
Ziri'nko
1
Enorme kankan funéraire
1
8
Ti'mbvoani
1
Tam-tam d'alarme, de guerre et de diffusion
1
24
Kakava
1
Griots spécialisés
1
1
P'hihoUB
1
La lune
1
6
Frova
1
Les ~eulh
1
6
Kanzannis
1
"etiques de pains de singe-à moitié remplies de
:
1
petits cailloux."
t
1
Doro
S
"G!teau de mil, de fonio ou de maIs connu sous
1
1
l'appellation habituelle de Ta".Mets national
t
1
du Bwamu".
S
5
Gnonkon
1
"Mélange de repasse et de légumes verts cuits à :
1
l'étouffée, arrosé de beu:rre et fortement _
1
1
assaisonné."
t
1
Hanva
1
Les femmes
:
28
Bakoummians
1
Littéralement:"ailes de calao", nom d'une cou-
:
1
verture.
:
1
Samma-ni1bia
1
Littéralement :"cStes d'éléphants" ; nom d'une
1
1
oouverture o
:
1
Nounous
1
Articles de luxe
1
3
Kb1b'vouns
1
Grands boubous de cotonnade
1
2
•••1•.•

YUlIlU
• Les obsèques.

15
• Dimanche.
1
3
Yumbéni
• Grand yumu.
1
5
Lora b'an sowa •
Les propriétaires de la ville, les nob1eso
1
1
Kayawa
• Les étrangers, les roturiers.

2
Kayanti(singu- 1
1
lier de kayawa).
L'étranger, le roturier.
1
Bwan-Evi
• Le puits de Bwan (Ewan est le nom du village où •
se déroule le roman)
1
'w'oros
• Les couperetso

18
Nihi'n1é
La mortalité.
1
1
Loho
1
Le village.

1
K8bê
1
Le coq.

4
Namu.a1
L'hyène.

Kata
1
Lit de bambou o

13
Damu
1
Le sommeil o
1
Paris
1
Les paresseux, les oisifs.

1
Gnâmu
La bière de mil.

..,
Bawa
1
Les hommeso

11
1
Sorte de cadre en rotin tressé dans lequel on
1

ligote le fagot de bois pour faciliter le porta-:
1
ge.

2
Nansa-hanwa
• Les blanches
1
1
Gnia
1
Le crocodile.

1
Dihtini
1
La vipèreo
1
1
Kiro
1
L'adultère.
7
Y/a mbâa
Mon époux.
1
Bèro
1
Un guerrier, un guetteur.
1
10
.../ ...

185
:
1
Bwekêè
J
Le chacal
6
Lêko
Satire proverbiale
Halou-houn
j Nom d'une chanson satirique
1
o
Bwohoum
: Le quartier
o
3
Zawa
s Les dioulas
(1)
:
Donkoboawa
: Les titulaires des tambourins de guerre
1
Wobamu
1
L'esclavage
1
1
Lokoré
: La carcaSse
:
2
Yaro (po 251) : Le fils
:
3
Nihio
: Le cadavre
1
1
Yenyé
s La danse des jeunes filles
o
'0
4
1 Les
grands boucs
:
SoumbWaho
: La houe
1
2
Halouhoum
: La satire des coépouses
o
o
Vammu
: La maladie
1
Fifowa
: Grands serpents noirs
:
1
Hâ-mouna
: Redoutables serpents mordorés
1
Yaro (po 177 - 178)
Le fétiche de la chasse
1
3
Tiawans
: Les putois
J
1
Fouhoun
1
Le carquois
1
Pammas
1 Les yenissa,
les puissants (les initiés)
o
o
7
Bruwa
: Les juniors, les initiés en devenir
:
30
Gnignena
: Les fouets flexibles
o
o
Yenissa
s Les initiés, les puissants, les pammas
:
28
Bwansa
1 Les habitants du village de Bwan
:
6
Bâka
1 La danse des épousailles
:
10
(1) Les Dioulas sont une ethnie de l'Afrique occidentale.

186
NanBarawa
• Les blancs

1
Mako
• L'~Dle

4
Mikonko
mikon-

ko ! mikonko ! 1
Sortez ! sortez ! sortez 1 En masse ! en masse! •
Bwrou ! bwrou! •
en masse r L'alarme a sonné, l'alarme a sonné du.
bwrou 1 \\tIiri ta,
eSté de Bwan.

1
wiri ta la Ewan

dian...


Kou
1
La danse des braves

1
QWi
• Le soleil

2
Nillinis
• Les neveux

1
• Souhait de bienvenue qu'on adresse aux étrangers.
1
Nihanni

Les étrangers

1
Kf'homu

La lumière

1
Kamini-sihans

Costumes kaki truffés de fétiches

1
Yanyanis

Echarpes de cotonnades transparentes

1
Lawa-nakan
• Sandales en lanières de peau de buffle tressées.:
1
Pédammu
• Crinière de bélier qu'arborent habituellement les
1
guerriers
7
,

Ki..,âân
Trompettes de guerre.

6
Kankona
• Banquettes individuelles à trois pieds

2
13'woamb ' .. oa
• Cette exclamation désigne un cri de victoire.

2
Hi'nta panna
1
Guerrier puissant
1
Sountani
1
Satan, le démon.

4
Nihanboloho
• Le séjour des morts, l'au-delà.
:
14
zâmu
• Territoire occupé par les Zawa et les kohs, deux.
1
ethnies voisines des Bwaba.
:
1
Gnambo
1
Nénies spécialement conçues à l'intention de per-
1
sonnes très ~gées.

2
•••1•.•

I87
Hamm-ouawa
s Les bons à rien
s
1
Gnikoni
s Un homme silencieux
s
3
Dab'anso
s Le martre du na
(1)
s
4
Hâanri
s La femme
s
2
Koyos
s Les criquets
s
2
Hini
s La disette
s
1
Nansara
S Le blanc
s
3
Manaka-dounna : Petits récipients lisses et brillants au goulot:
: étranglé.
1
Kâayawa
s Les canons

1

Preinpreins
s Fusils Lebel

1

.
WandS
Le nom d'une personne (par opposition au pré-
s
1
• nom
B'w8oni
s Petit être aux ailes diaphanes

2

Hinni
s Les filles

2

(1) D Le Da est une grande puissance surnaturelle.

Il8
b) Lea termes non traduits et dont nous donnons la signi-
fication.
Les termes
1
leur
signification
:Nombre de fois
1
:qu'ils sont uti·
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ I
I ..
l_i_s~é_s~
_
1
1
Abrabah
1
Incroyable 1
1
1
Ah~â! 1
1
Cri par lequel le griot invite les femmes
1
1
à danser
:
3
Ayi 1 Ayi r Ayihaha
: Exclamation de rires aux éclats
1
1
Bonikuyssa
1
Les habitants de Borikuy
1
Boumpa 1 boumboum
1
Le son du kéremko, instrument de musique
1
2
Bwo 'mbwo 'm r
1 Exclamation signifiant :
pourvu que cela
1
: n'arrive pas.
1
1
Dakarou
1
Daka.r (capitale du Sénégal)
:
1
Daponi
1 ~ode de v~tement féminin
1
3
Dioandioam
1
Les drapeaux
1
2
D8
1 Grande puissance surnaturelle
1
21
Donkora
1
Instrument de musique
1
5
Ehbé !
Exclamation traduisant l'indignation, le
1
1 mépris.
3
Eh
Oun-houn r
1
Excla~ation traduisant l'acquiessement,
1
1 l'approbation
1
3
Fien
Fien r
1 Onomatopée
traduisant le sifflement de la
1
1
biche.
1
1
Fiofio r
1
Adverbe signifiant "jamais" !
1
1
F88bwah !
1
Exclamation traduisant la joie
1
1
Hahaha r ah~âyéré
: Excla.rnation de joie
1
Hahtiâ~ba r ha huâba
1
Cri de joie qu'on émet lorsquJorrvient d'é- 1
l~1~lê18
pouser une femme
1
:
Hall han han léé
1 Expression servant d'introduction à un contel
1 ou à une devinette
1
1
Hééé ••• hey
1
Cri que lance le crieur public pour réclamer:
: le silence et attirer l'attention de la po- 1
1
pulation sur ce qu'il va dire
1
Hé~hééééé r Boéééé r
1
1
\\tIaloho !
1 ~3me sens que le mot précédent
1
Hiankikannihi
1
Son des wi'nzawa, instruments de musique
1
1
J
1
••. 1.••
--

189
Kandantêkê ••• Kandantêkê •• 1
Kandankandantêkê
1
Son
du tambour
:
1
Kin ! Kin t Kin t Kin !
1
Exolamation insistant sur le caractère
1
1
véridique de ce qui vient d'être dit.
1
2
Kinwââan
1
Son produit par les trompettes
1
1
Kiribri t
1
Exclamation traduisant l'indignation, le 1
6
1
dégoGt.
1
Konkon t
1
Son du donkora, instrument de musique
1
1
Koumbêêê
Koumbêêê t
1
1
Koumbêêê
:
Cridu bouc
1
1
Makoé ! Makoé
Makoé
1
Cri d'alarme
1
4
Hamu
1
Nom d'un village situé à 35 Km de Bwan
:
1
Marka
1
Ethnie voisine des bwaba
1
3
Mi hé
:
Cri qu'on lance aux gens au cours d'une
1
:
battue pour leur demander de s'apprêter
:
1
car le gibier va surgir
1
2
Mi zé ! Mi zé t Mi zé
1
Criez! Criez t Criez !
1
10
Ouo1ofawa
1
Les Ouolofs
1
1
1
(Ethnie
du Sénégal)
:
Pansan ! Pansan Pansan
:
:
Pansant
1
Son des grelots
2
Pâti t
1
Exclamation traduisant l'émerveillement, :
1
la. surprise.
1
11
Pâti t Sa.nkana
1
E~me sens(m8~R plus renforcé) que le mot :
1
précédent
:
1
Pêin t
J
Sxclamation insistant sur le caractère
1
véridique de ce qui vient d'être dit.
1
Po. t Wa. t mâanwâ!
1
0
1 Mânes de mes ancêtres
:
1
Tbbârikrah
:
Exclamation signifiant : gare
attention:
7
Tounsa
:
Les habitants du village de Toun
1
1
Wakarassa
1
Les habitants de Wakara, village situé à 1
1
11 Km de Bvan
:
1
. . .1· · .

I90
1 Ce terme désigne un
jeu traditionnel bWa.
1 1
Wééyol
1 Cri de
souffrance.
J
4
Y~rêd~-dêdêdêdêdê
1 Adverbe signifiant:
doucement
J
1
Yéréké 1
1
Quel miracle 1 Quelle chose extraordinaire
J
,
You 1 You ! Youba 1 1 Cris de joie.
: 8
YOhOUll
1
Le sexe de la femme.
• 1

Zê-nké
1 Une personne impubère
: 2
e )Remarques
Toutes les traductions ne sont qu'approximatives; elles
ne sont pas très fidèles, puisque nous passons d'une langue à l'au-
tre. Cette situation est
surtout caractéristique pour les
exclamations.
Le problème de traduction se pose pour les noms lorsque
l'objet désigné n'existe pas en français.
Nous constatons par ailleurs qu'un mot peut avoir
plusieurs significations. c'est le contexte qui indique alors le
sens à lui accorder. Le mot Yaro par exemple. désigne le
fétiche de c~asse (p. 111 et 118) mais il désigne le fils à la
page 251.
6n peut reprocher à l'auteur d'avoir rendu difficile
la compréhension de son texte, en ne donnant pas toujours la
signification des termes bwa qu'il emploie. Mais d'un autre
point de vue on aurait tort. En effet le roman est nourri de
traditions dont certaines conservent un caractère mystérieux et
ésotérique. Les termes non traduits et dont le sens est parfois
difficile à imaginer ne représentent-ils pas cet aspect mysté-
rieux et ésotérique des choses ?
*
*
* *
...1...

191
Conclusion de la de~(ième partie
Nazi BONI traite essentiellement de la tradition dans
son roman. Pour cela il a choisi des techniques appropriées 1 la
chronique (1), les africanismes et les termes bwa.
L'étude du Crépuscule des Temps Anciens nous permet de
conclure que les Africains en général, et les Yoltorques en
particulie~ avant l'arrivée de. Français, menaient un~ vie qui
reposait essentiellement sur les coutumes et les traditions.
Cette vie se caractérisait par une certaine atmosphère
générale de paix et de bonheur. Mais il faut noter que cette so-
ci~t~- était la proie de graves conflits internes. En effet
Kya et Térhé par exemple étaient des nrivaux n, et nous savons
que Levan, le père de Kya, prendra parti pour son fils et
ira jusqu'à éliminer Térhé au moyen de la sorcellerie.
La société ne présentait donc qu'une unité de façade.
Néanmoins, elle avait ses valeurs à elle, et un conflit allait
s'ouvrir entre elle et la vie occidentale qui présentait de
nouvelles valeurs.
(1) Nazi
BONI a intitulé son livre "Chronique du Bwamu n•
L'affabulation romanesque relève d'une analyse personnelle •
.. ·1··.

I~
-'
.J:- ..
TRüISIEl'Œ
PARTIE;
Le con:flit de la Tradition et du Hodernisme
~ '.

I93
INTRODUCTION
Nous avons longuement parlé de la tradition et i l
faut maintenant, IVant toute chose,définir le Modernisme.
Pour saisir les différents sens de ce mot, nous
nous référerons au dictionnaire Bordas.
"Modernisme: non masculin, singulier·
1. Les nouvelles sont construites avec
un souci de modernisme = goQr pour les
choses modernes.
2. Pie X, en 1907, condamna le modernisme =
tendance de certains penseurs de la fin
du 19è siècle et du début du 20è siècle
à vouloir accorder les données scienti-
fiques modernes et le dogme catholique."
Il est évident que le mot moderne revient souvent
dans l'explication de mod e r-ni s.ue , A ce mot, nous trouvons
dans le mArne dietionnaire les indications suivantes :
"Moderne : adjectif
1. La vitesse est une des exigences de
la vie moderne = d'à présent, de l'épo-
que que nous vivons. Voir contemporain.
S'oppose à d'autre-fois, antique.
2. Cet atelier est équipé de machines mo-
dernes = telles qu'on les fait aujourd'hui
d'après les plus récents progrès •
.../ ...

I94
Voir nouveau, perfectionné.
3. On qualifie de moderne une manière de
vivre, d'enseigner, conforme aux der-
nières idées émises en la matière et
qui sont généralement en opposition
avec les précédentes. Voir d'avant- ....
garde. S
à
: vieux jeu, sUJrané
'oppose
désuet, vieillot. ft
La définition que donne le dictionnaire Bordas
est assez précise. On peut retenir en eEfet que le moder-
nisme est le caractère ou le godt de ce qui est nouveau,
actuel. Le moderne semble aiBsi s'opposer totalement au
désuet.
Nous savons que du 9 au 19 janvier 1962, s'est
tenueà Bouaké (République de eSte-d'Ivoire) une rencontre
internationale sur le thème: Tradition et Modernisme en
Afrique Noire. Les résultats des travaux sont contenus
dans un document publié en 1965 aux Editions du Seuil sous
le t i t r e : Tradition et Modernisme en Afrique Noire.
Cette rencontre à laquelle prirent part d'émi-
nentes personnalités d'Afrique et d'Europe, a permis de
dégager certains aspects du modernisme. Nous en voulons
pour preuve,
le passage suivant :
"En France, aussi,
par exemple, deux
civilisations s'affrontent, deux ordres
r •
0--
..../ ...
- - - -
n'f.-'"l..

I95
. "
de valeurs, celles de la tradition et
celles du progrès : comment les concilier
dans nos structures politiques ou sociales,
comment greffer les unes sur les autres ?
le problème est tout bonnement la consé-
quence naturelle et inéluctable de ce fait
capital que nos sociétés vivent dans la
durée
l'histoire est à la fois perma-
nence et changement ... (1)
Parlant de l'Afrique face au reste du monde,
Assoi ADIKO, professeur d'histoire et de géographie au
Lycée Technique d'Abidjan, déclare
"Le fondement de notre colloque n'est donc
pas à chercher ailleurs : en effet, le
déséquilibre que crée le contact des deux
civilisations, l'Européenne et l'Africaine,
détermine les comportements les plus
opposés : i l y a ceux qui embrassent un
africanisme excessif, et i l y a ceux qui
s'attachent exclusivement à l'apport nou-
veau de la civilisation occidentale. Voilà
deux cas où l'on évite volontairement ou
inconsciemment le dialogue •.• " (2)
(1) Ren~ REMOND, Tradition et Modernisme en Afrique Noire,
Ed. du Seuil 1965, P. 16 ( ~R.R. était alors Directeur
d'Etudes et de Recherche à l~ fondation Nationale des
sciences politiques de Paris).
(2)"Adiko ASSOI, Op. Cit., P. 17
.../ ...

196
Lors de la clÔture des travaux, le Ministre de
l'Education Nationale de CÔte d'Ivoire dans son message
d'clarait
:
"Au point de vue économique, politique, en
matière d'éducation, de formation cultu-
relle, vous avez dégagé les problèmes es-
sentiels que pose l'affrontement de la
tradition africaine et de la civilisation
technique ••• " (1)
Ces différentes interventions ont un point com-
mun entre elles ; elles font toutes ressortir que le moder-
nisme se résume pour les Africains,
à un seul fait : la
civilisation occidentale. Une telle approche est plus préei-
se
que la définition du dictionnaire. Néanmoins ces deux
points de vue ne s'excluent nullement. Tout au contraire
ils sont complémentaires.
Le modernisme semble se caractériser par les
traits suivants: les progrès technique et scientifiques,
l'individualisme, l'urbanisation, le scepticisme religieux,
etc. Nous nous étendons plus loin sur certains de ces traits.
Le conflit entre la tradition et le modernisme
a pour origine la colonisation. Or, la colonisation est
l'un des thèmes dominants de la littérature négro- africai-
ne en général , du roman négro-africain en particulier, ce
(1) Op. Cit., P. 315
...1...

I91
qui dénote chez les écrivains un sens aigu des situations
historiques.
En Haute-Volta, l'oeuvre de Nazi BONI a dlabord
présenté la vie heureuse de l'A~rique traditionnelle, et
s'est arrêtée au moment où l'envahisseur étranger a détruit
la société au moyen des armes.
Nazi BONI ne nous présente donc pas de ~açon
systématique'
le co~lit entre la tradition et le modernis-
me, et ne se prononce pas sur l'attitude à adopter
à l'égard de
ce co~lit. Cette tâche a été accomplie par dlautres écri-
vains voltaïques parmi lesquels, Augustin Sondé COULIBALY,
André NYAMBA, Amadou KONE, Joseph KI-ZERBO, etc.
Mais avant d'étudier les solutions préconisées
par ces écrivains (en gros, une symbiose des deux cultures)
nous devons dégager les ~acteurs de changements de la so-
ciété voltaïque traditionnelle et analyser lesmutations de
cette société.
.../ ...

I98
· :: /.
CHAPITRE
l
Les nouveaux milieux, facteurs de changement
de la société Voltaïque Tradionnelle.

I99
Si le conflit entre la tradition et le modernis-
me trouve son origine dans la colonisation, i l se develop-
pe à partir de certains milieux ou cadres sociaux : l'école
et l'administration, la ville, la religion.
l' L'école et l'administration
Les écoles apparaissent en 1919, date de la
création juridique de la Haute-Volta.
Cette institution se révèlera très efficace
quant à la défense des intérêts du colonisateur. C'est
elle qui formera les petits employés de bureau, les in-
terprètes,
les commis d'administration, etc. C'est ainsi
qu'à Tèma, ville qui sert de théAtre à Haro. camarade com-
mandant, roman de Kollin NOAGA, publié en 1977 aux Presses
Africaines à Ouagadougou, on rencontre les divers fonction-
naires : le comman4ant de cercle, le médecin, le vétérinai-
re, le député, le chef des eaux et forêts,
etc. Bref, chaque
ministère a son représentant à Tèma.
En fait,
l'école a formé une élite africaine
petit-bo urgeoise nationale à partir de l'indépendance
politique du pays, comme d'ailleurs dans tous les Etats
Africains. Cette bourgeoisie nationale qui prendra en
mains les structures et institutions administratives de
l'ancien colonisateur, contribuera aussi à la transforma-
tion des structures africaines.
.../ ...

200
.4_~ :
. ~: L"
Ainsi, au niveau du cercle de Tèma, c'est le
commandant et son entourage qui prennent les décisions
politiques tandis que la Délégation Spéciale et la collec-
l
,
nt
1
1
ti vi te rurale gere' les biens. Dans la societe tradi tion-
nelle le chef de famille gère les biens communs et le chef
de village détient le pouvoir politique.
D'autre part on constate que les fonctionnaires
constituent un monde à part. Ils se fréquentent entre eux,
se rencontrent pour des dîners, etc. Ils éprouvent parfois
même du mépris à l'égard de la population. C'est ce que
a
Kollin NOAGA nous fait percevoir lorqu'il é c r i t :
"Tout autour de la clôture de la r~sidence,
une escouade de gardes tient en respect une
foule de badauds en guenilles qui, alert~e
par leur sens olfactif ou attirée par la
musique,
s'agglutinent le long de la cein-
ture de haie vive ... Une ou deux tranches
de méchoui jetées à leur pâture sur lesquel-
les on se rue, faisant à chaque fois plusieurs
blessés, sous les rires et les applaudisse-
ments nourris du commandant et ses convives!.'(l)
Ainsi les habitants de Tèma sont t r-ait s c oim.:e
é
des chiens.
Il est évident que c'est parce que le commandant
(1) Haro
1 Camarade Commandant,
Presses Africaines, Ouaga-
dougou,
1977, P.
JJ
.../ ...

20r
et ses convives ont fréquenté l'école qui leur a permis
d'avoir un emploi qu'ils se considèrent comme une classe à
part.
L'école se révèlera comme le plus grand centre
de diffusion de la culture européenne. Cette dernière,
tout en gagnant du terrain, détruiraJà l'inverse, les va-
c:
leurs africaines traditionnelles, conune le
remarque' entre
autres,
le Sénégalais Cheick Hamidou KANE
"L'école fut l'instrument privilégié du
déracinement des populations coloniales.
Ce nouveau système d'apprentissage destiné
principalement aux enfants ne devait pas
seulement se substituer au mode oral de
transmission culturelle en Afrique, mais ne
put que véhiculer exclusivement les valeurs
annexes de l'ordre nouveau." (1)
Cette situation était favorisée par le fait m~me
que les Africains étaient embourbés dans une sorte de mira-
ge de l'européanisation. L'Aficain cherche à ressembler au
blanc, à l'imiter dans sa vie quotidienne, le désir de
promotion sociale ne fait que renforcer cet état des choses,
car plus on aura de l'argent plus on pourra vivre comme le
blanc.
(1) L'aventure ambiguë
coll.
10/18
P. 65-66
.../ ...

202
2)
La ville
La ville se présente également comme un autre
facteur de changement. Ctest le plus grand centre de
concentration de toutes les activités relevant de la mo-
dernité
: écoles, dispensaires, commerce, administration,
etc~
Pour saisir le raIe cie la ville dans le processus
de changement de la société africaine, i l faut prendre
l'exemple d'un paysan qui quitte son village et arrive
dans une ville. Beaucoup de transformations saisissables
s'opèreront à son niveau.
Du point de vue professionnel, i l ne pourra
plus avoir son lopin de terre à cultiver pour subvenir à
ses besoins, mais i l sera obligé de se transformer soit
en ouvrier, soit en petit commerçant,
ou encore en employé
de bureau, si son niveau d'instruction
le lui permet.
Pour ce qui est des distractions, i l ne pourra plus parti-
ciper à la lutte de village, mais se verra conduit à fré-
quenter les salles de cinéma. Ctest le cas par exemple de
Ti tenga dans le roman d' Augustin Sondé COULIBALY
nTitenga avait été choqué par la cruauté
des personnages sur les affiches cinéma-
tographiques, maintenant i l avait pris
l'habitude de les voir en action sur
l'écran." (1)
(1) Les Dieux Délinquants, Imprimerie Nationale, Ouaga-
dougou, 1975, P. 92

203
Comme on le constate, les habitudes citadines
que Titenga regardera comme étranges, à son arrivée à
Ouagadougou, i l commencera petit à petit à les adopter.
Pour ce qui est des structures mentales, le sen-
timent de solidarité étroite qui animait le paysan en mi-
lieu rural, va le quitter en raison des nouvelles conditions
de vie. Titenga, ayant constaté que cette sorte de méta-
mopphose avait déjà frappé son cousin N'Zombié LOPAN, se
dira en lui-mAme :
"Décidément, la ville est un cancer qui
détruit tout le monde. Il ne sait plus
aimer, celui-là, descendant de l'Ancêtre
Pazo dont l'amour rayonnait comme le so-
leil." (1)
Bref, à ce sentiment de solidarité se substi-
tuera celui de l'individualisme, base fondamentale du
s~stème occidental.
La liste des changements et transformations qui
s'opèreront chez ce paysan
serait trop longue à dresser.
Nous retiendrons seulement avec Ki-Z~»BO, et c'est ce qui
est essentiel, que ce paysan aura parcouru par son arrivée
)
en ville, plusieurs siècles d'évolution.
(1) Op.; Cit., P. 43 - 44
.../ ...

204
3)
La religion
Au nombre des facteurs de changement et de mo-
dification de la personnalité traditionnelle voltaïque,
i l faut citer la religion.
Ainsi le christianisme remettra
en cause cer-
taines cGutumes, telle l'initiation. Nazi BONI déclare à
cet effet
:
"Le culte du Da régresse avec l'évolution
et le progrès du christianisme. A Bwan,
i l a cessé d'exister depuis 1958." (1)
Et dans les Dieux Délinguants, un notable de
Outabou, parlant des jeunes
"Si vous pensez qu'ils tiennent encore
compte de l'initiation
La preuve c'est
que quelques uns se sont déjà convertis
à l'islam, au christianisme malgré vous."(2)
Ainsi le Christianisme remplacera de fait -
ou
s'efforcera de la faire -
les formes indigènes de la reli-
gion. Il attirera les populations, car i l se présentera
comme pouvant résoudre certains besoins primaires de s
populations. Les missionnaires apporteront une aide maté-
riel aux populations, installeront de
petites infirmeries,
etc.
1
Op. Cit., P 203, note 1
2
Op. Cit1, P. 11
..../ ...
- ,.
;"

205
Les musulmans pour leur part, s'adonnent
essentiellement au commerce. C'est ainsi Qu'il se pro-
,a
curent un peu d'argent qui leur permet d'accéder Un cer-
tain niveau de vie. L'argent joue un très grand rôle dans
le procesus de transformation de la société africaine. Il
'
ê
s ,
est m me a l'origine du procesus de «ifferenciation de
classes.
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
Les facteurs de changement, que nous avons
énumérés, constituent les grands axes de la mutation de
la société vo1ta!que telle qu'elle est perçue par ses
écrivains
: Ko11in NOAGA, Augustin Sondé
COULIBALY, AD&ré NYAMBA, etc.
.../ ...

206
CHAPITRE
II
Les mutations de la société Voltaïque

207
Apr~8 le contact avec le monde occidental, l'Â-
~rique en général, et la Haute-Volta en particulier, connai-
tront
une série de rapports co~lictuels : co~lit à
l'intérieur des ~amilles, con~lit de génération% co~lit
des
culture" etc. D'un niveau à l'autre, la crise s'intal-
Le r-a ,
1)
La destabilisation de la société traditioIUlelle
Elle peut être cernée à travers deux exemples
concrets, à savoir les conséquences de l'implantation du
pouvoir administrati~ européen, et le con~lit desgén'ra-
tionsné des suites de l'évolution.
a) L'implantation du pouvoir administrati~
européen et ses conséquences.
Nazi BONI nous a montré, avant l'arrivée et
l'installation des colons, une société qui avait
son
organisation sociale et politique, ses modes de vie, bre~
u~ société organisée avec ses joies, ses peines et ses
antagonismes,le tout baiguant dans le bonheur et une paix
générale.
La société dtait dirigée par les Anciens, comme
c'est le cas de Gnassan dans le Crépuscule des Temps Anciens.
D'une manière générale, dans la société bwa, les quartiers
des villages sont dirigés par les Anciens et les villages
.../ ...

.
208
;
0 -

par les conseils des Anciens ; le conseil du village est
composé des représentants de chaque quartier et présidé par
le che~ du village.
Mais)après les conquêtes militaires, les Fran-
çais laissèrent sur place, des commandants militaires
secondés par leurs troupes. Cette mesure avait pour but
de destabiliser l'ancienne organisation politique, a~in
d'en isstituer une autre plus apte à la dé~ense des in-
térêts de l'ordre colonial. Dès lors les che~s tradition-
nels ne serviront plus que de courroie de transmission des
ordres du colonisateur aux populations. Désormais l'auto-
rité coloniale se substiruera à l'autorité traditionnelle.
Les administrateurs coloniaux le reconnaltront
comme on peut le lire dans un rapport de 1906:-
"Dans le mossi, le système d'administration
directe inaugurée en 1905 a produit les
résultats attendus. Les populations ont ac-
cepté avec c0n~iance la substitution de
notre autorité à celle du Moro-Naba. Dé-
pauillé de ses attributions politiques,
Mouméni a conservé tout son prestige reli-
gieux aux yeux des indigènes ; dépositaire
des fétiches sacrés, i l accomplit avec
.../ ...

209
régularité les cérémonies rituelles." (1)
De tels propos laissaient ppparaltre que le
colonisateur avait réussi son entreprise. Les chefs tra-
ditionnels étaient devenus désormais des figurants. Leur
laisser la liberté d'accomplir les rites religieux, c'était
un moyen pour les colmnisateurs de faire croire aux popu-
lations que leurs chefs avaient encorelelITS pouvoir •• Il
fallait donc cultiver l'obscurantisme au sein des populations
locales.
En réalité, l'époque du.
pouvoir
absolu·· des
chefs traditionnels et de leurs privilèges de seigneurs
médié~ux était à jamais révolue. Il fallait cependant se
garder de les dépouiller de tout. Pierre Elliot SKINNER
. cite fort justement à ce sujet, un rapport officiel
"Il ne fait pas de doute que le maintien
de leur autorité et de leur prestige est
indispensable et l'administration locale
est fermement résolue, non seulement à les
sauvegarder, mais même à les renforcer. Ces
pouvoirs et ce prestige seront donc désormais
maintenus sur la base de principes et de
méthodes cependant mieux appropriés à
l'ordre nouveau qui a été instauré." (2)
Rapport d'ensemble sur la situation dans la colonie du
Haut-Sénégal - Niger. 1906 Bordeaux - Gounouillou -
1909.
P. 18.
(Propos cités par A.S. BAL~~ dans Genèse de la
Haute-Volta, Presses Afr. Ouagadougou 1967, P. 7
(2) Les Mossi de Haute-Volta, Nouveaux horizons, 1972,
P. J57 - J58.
.../ ...

2ro
En résumé,
les ordres traversaient toute la
hiérar~hi. coloniale avant de parvenir aux chefs indigènes
qui étaient chargés de les faire exécuter par le peuple.
Entre pouvoir moderne et pouvoir traditionnel, i l y avait
donc une sorte de conflit tacite. Le premier avait détruit
quant au fond le second.
Le deuxième conflit que faisait na!tre l'instal-
lation de l'administration européenne, opposait les popu-
lations à leur chef. Celui-ci, en appliquant les décisions
de l'administration coloniale, devenait l'ennemi direct des
populations. Pierre DABIRE,dans sa pièce de thé!tre SANSOA,
nous révèle comment le chef de village se montre particu-
lièrement zélé dans l'application des mots d'ordre de
l'administration coloniale. Il prélèvera chaque fois,sur
l'ordre de celle-ci, des chèvres et des boeufs dans les
familles. C'est lui qui choisira,sur l'ordre de l'adminis-
tration, les jeunes les plus valides pour
lest envoyer
aux travaux forcés ou à la guerre. Il constituait donc uri
appui solide pour le colonisateur. Cette situation indigne
Santi, un paysan, qui dans SANSOA, affirmera, en faisant
allusion à leurs mauvaises conditions de vie :
"Tout ceci est dG à la lâcheté de notre
chef de canton. Il se range du côté du
r
commandant pour faire souffir ses propres
frères."
(1)
(1) Pierre DABIRE, SABSOA, ORTF, 1969, p. 45 •
.../ ...

2II
Et Kara, son ami, renchérit :
"Il a reçu tout pouvoir pour s'être
soumis le premier au blanc, et gare à
celui qui tenterait de porter atteinte à
un membre de sa famille. Ce sont les pol-
tto~qui se sont vendus au blanc et ils
deviennent maintenant nos chefs." (1)
De ces deux réactions, i l ressort que les popu-
lations,en recevant les ordres, savaient qu'ils provenaient
de l'administration coloniale et cela aiguisait leur rage
non seulement contre l'administration, mais aussi contre
la chefferie traditionnelle. En un mot, un conflit ~oxis-
tait entre la population d'une part, et l'administration
coloniale et ses alliés féodaux d'autre part. C'est cette
situation qui a fai~ dire à certains milieux intellectuels
africains en général, et voltaïque en particulier, que la
chefferie traditionnelle qui recevait de l'administration,
en échange des services rendus, une compensation matérielle,
comptait au nombre des nyalets
" de l'impérialisme inter-
national.
b)
Le conflit d~générations
Ce sera un des thè~es abordés par certains au-
teurs. C'est le cas d'Augustin Sondé COULIDALY dans les
Dieux Délinquants et de Roger NIKIEMA dans Dessein
contraire.
.../ ...

212
,-
~
.'
Dans le roman d'Augustin Sondé COULIBALY, Ti ten-
ga,
le personnage principal, a qunté son village natal,
Outabou, à cause du conflit qui oppose les jeunes aux
vieillards. La présence de ce contlit dans le roman res-
sort de deux interventions, celle de Titenga et celle du
commandant de cercle de Boromo. Ce dernier, s'adressant
aux notables du village de Outabou après le départ de
Titenga pour Ouagadougou, souligne que
:
"Si le père de celui ·qllli est parti est
mon ami, vous n'ignorez pas que j'aimais
beaucoup ce garçon. Je n'auraiS pas trop
à vous parler, puisque depuis trois ans
je suis parmi vous,
je
vous ai toujours
expliqué la nécessité d'adapter les cou-
turnes aux exigences des jeunes." (2)
Titenga lui-même, parlant des causes de l'exode,
déc1are
liMais l'exode 1 S'il ya l'exode, i l y a
des causes et des remèdes. Les citadins
prennent tout pour eux. Puis ces députés
ne voient pas que les anciens du village
nous piétinent ? Ces ~aisaurs de lois-là,
ne connaissent.ils pas les lois ancestrales
que les anciens du village foulent main-
tenant?
(1) Les Dieux Délinquants, Imprimerie Nationale, Ouagadougou,
1975, p. 12.
.../ ...

2D
Après on accusera les jeunes n'est-ce-past(l)
Ces deux passages, parmi tânt d'autres, montrent
que l'évolution de la société dans son ensemble, exigeait
adaptation
une trans~ormation et une '
. ~des habitudes et des
mentalités.
Dans Dessein Contraire, Gueda, une jeune fille,
,
a
refuse contrairement la coutume d'épouser celui à qui
elle est destinée. Elle revendique sa liberté, et veut
épouser le jeune homme de son choix.
On peut donc conclure qu'à travers la littéra-
ture voltaique d'expression française, hormis le roman
de Nazi BONI, nous sommes en présence d'une jeunesse reme~-
~tant fondamentalement en cause certaines pratiques des
anciens, l'ordre établi. Tel n'est pas le cas dans Crépus-
cule des Temps Anciens où les jeunes gens respectent tou-
tes les valeurs ancestrales. Disons que l'harmonie qui
règne entre jeunes et vieux chez Nazi BONI, est rompue
chez COULIEALY
et NIKIEMA, et ceci n'est qu'un aspect
de la crise générale qui secoue la société voltaique,
traditionnelle et moderne.
2) La crise de la société voltaïque moderne
a) L'inadaptation de l'école
L'école ne constitue pas un thème particulière-
ment important dans les oeuvres que nous étudions.
Cependant
(1) A.S. COULIBALY, Op. Cit., P. 56
...1...

2I4
les écrivains nous en donnent une certaine image.
Cette image que nous présentent surtout les Dieux Délin-
quanta d'Augustin Sondé COULIBALY est alarmante. Elle est
celle d'une école inadaptée, qui semble n'avoir pour but
que de former des diplômés afin de leur fournir des postes
dans la hiérarchie de l'Etat. Ainsi tout élève ou tout
étudiant voit le diplÔme comme un passeport pour une
vonne place dans la fonction publique1 Avec le Certificat
d'Etudes Primaires, on n'entend plus chamer. Titenfa,
héros des Dieux Délinquants, titulaire seulement de ce
dtplÔme, demande à son cousin de lui trouver du travail
à Ouagadougou. Il fait référence à son niveau d'instruction.
"J'ai fait l'école et peux être commis,
planton, apprenti mécanicien ... tout ce
que tu veux. Tu chercheras du travail
pour mèi."
(1)
Tibila, un autre personnage du même roman,
déclare à Titenga
"Moi tu sais, avec mon B.E.P.C, les cita-
dins m'ont refusé du travail, sous pré-
texte que je n'avais pas dix-huit ans.~(2)
Ces jeunes gens semblent avoir raison car le
système est ainsi fait
; ils sont comme les autres Voltai-
ques ; ils ont un diplôme qu'ils entendent monnayer. C'est
1
Op., Cit., p.
5
2
Op., Cit., P. 99
...1...

2I5
la seule interprétation de l'école que l'on trouve dans
cette société.
Compte-tenu de cette inadaptation de l'école, non seule-
ment dans ses buts mais aussi dans son contenu (langues,
pro-
grammes), une réforme de l'enseignement a été instaurée
depuis la rentrée scolaire 1979-1980. Les objectifs de cette
réforme sont selon Ignace Sk~DwIDI, Directeur Général de
d'Education de Haute-Volta, les suivants:
" 1) D~mocratisation du savoir
Cette démocratisation se fera par l'éducation des masses
dans le cadre de la scolarisation et de l'alphabétisation.
Le taux de scolarisation devra ~tre notamment relevé. Il est
ainsi prévu de réaliser un taux de scolarisation de 50 %au
niveau
de l'enseignement de base
pour les deux sexes
"
pendant la période décennale de 1977 à 1987.
~
î!
Un programme national délimination de l'analphabétisme devra
1
1
j
également être mis
1l1
1
1
o • • /0 ••
i
1,
1
J

2I6
en place. Tous les citoyens
~lphab~tis6s
devront alphav~tiser les conciteyens anal-
phabètes. Tous les services publics et pri-
v6s, toutes les entreprises devront alpha-
bétiser leurs agents analphabètes.
2) L'intégration de l'éducation à la
production
L'école ne devra plus Atre le lieu où l'on
dispense seulement un savoir livresque.
1'enfant devra aussi y apprendre à faire
quelque chose de ses dix doigts. En clair,
des activités de production seront inté-
grées aux activit6s d'enseignement. On
ajustera la formation des cadres moyens et
sup6rieurs aux besoins du secteur moderne,
urbain et rural de l'économie. Les insti-
tutions d'enseignement auront des activités
productives r6elles destin6es à financer
partiellement ou tetalement leurs dépenses
courantes de fonctionnement.
J) Le dével!ppement d'une culture autààn-
tigue
Pour atteindre le développement
d'une cul-
ture authentique,
i l est proposé :
.../ ....

2I7
a) l'utilisation comme langue d'ensei-
gnement au niveau de l'enseignement de
base d'au moins trois langues nationales
le mooré, le dioula
et le peulh, sans
exclusion impérative des autres langues
réprésentatives.
b) la régionalisation du développement de
l'éducation.
c) la création de groupe de recherches
culturelles et artistiques au sein de cha-
que institution d'enseignement et de for-
mation.
Ces trois
principaux
objectifs visent donc
essQntiellement à démocratiser l'éducation
afin que celle-ci ne soit plus le privilè-
ge d'une minorité. Ils veulent adapter
l'éducation à nos réalités nationales et
promovvoir une économie véritablement
voltaïque. Laa réforme de notre système
éducatif visant les objectifs indiqués
exige la mise en place de nouvelles struc-
tures ••• " (1)
11} Action Réflexion et Culture: Spécial Réforme P. 9-10.
(Il s'agit d'une revUe pédagogique paraissant 8 fois
par an],
.../ ...

2I8
Trois
aspects positifs peuvent atre dégagés de
de cette réforme. Le premier réside dans l'introductimn
des langues nationales dans l'enseignement. Le second c'est
la volonté d'alphabétiser le maximum de v~ltaïqu.s. Le
projet de réforme prévoit l'alphabétisation de 50 ~ de
Voltaïques au niveau de l'éducation de base, alors qu'
elle n'était jusque-là que de 14 %. Enfin le troisième
a~pect, c'est le refus désormais de ne dispenser qu'un
savoir livresque et l'option de lier désormais l'école
à la vie,
les activités éducatives aux activités produc-
tives, la théorie à la pratique, afin de préparer à la
vie active.
b) Le conflit ~inalr~ ville 1 village
Ce conflit peut se résumer en quelques mots
tout pour la ville, rien pour la campagne.
~.1
Tout pour la ville
La ville est le centre de toutes les activités
commerciales et économiques. C'est la ville qui abrite
les usines et où se deve10ppe l'industrialisation.
Sur le plan politique, la ville est le siège
de l'administration centrale, c'est d'elle que partent
toutes les décisions pour se répercuter ensuite dans les
campagnes.
.../ ...

219
Sur le plan culturel et social, la ville est
le centre de développement de l'école, le plus puissant
facteur de diffusion de la culture occidentale. C'est
elle qui abrite les distractions modernes, avec ses salles
de cinéma, de billard "
ses terrains de foot-baIl.
,
r '
Abritant les dispensaires, les maternités, les
écoles, les usines et les différentes administrations
relevant du pouvoir central, la ville est le lieu privi-
légié du travail rémunéré, ~vec-des
avenues ombragées,
des rues goudronnées, etc. En un mot, la ville abrite tout
le luxe. Oter tout ce luxe des mains des citadins, tel
est l'objectif visé par l'association des délinquants
dans le roman d'Augustin Sondé COULIBALY.
b. 2
Le délaissement des campagnes
Les campagnes sont le contraire des villes.
Elles ne possèdent ni dispensaires, ni écoles, ni routes
goudronnées. Les pouvoirs puvlics ne font donc rien en
faveur de la campagne, alors que ses habitants s'acquittent
de leurs impJGs. C'est là un paradoxe saisi par Titenga
et sur lequel i l médi~
"Assis dans son salon, i l réfléchissait:
"une villa belle, spacieuse, électrifiée,
ne m'appartenant pas. Ces meubles, beau-
coup de meubles •.• Tout ce luxe 1" se dit-
.../ ...

220
i l , en montrant les meubles puis regardant
les mille voitures qui défilaient dans la
rue goudronnée, électrifiée, en écoutant
le bruit des usines.
"Pendant que, reprit-
i l , dans les villages ceux qui payent les
imp&ts ne mangent pas à leur faim, ne peu-
vent pas commodément s'habiller" (1).
Cette situation ne doit plus longtemps persister.
Titenga lutte de toutes ses forces à la tate de l'associa-
tion des jeunes délinquants, pour le changement de l'ordre
social, pour l'avÈl-nement de la "révolution" qui surviendra
vers la fin du livre, par la prise du pouvoir par les
militaires. Dès lors, l'association des chSmeurs verra sa
mission terminée. Le nouveau pouvoir portait leur espoir.
Il reconstruirait la société sur des bases nouvelles. Il
est tout à fait clair que l'auteur fait ici allusion au
coup d'Etat qui eut lieu en 1966 en Haute-Volta. Le Lieu-
tenant-Colonnel LAMIZANA avait renversé le régime du Pré-
sident Maurice YAMEOGO. Pour Augustin Sondé COULIBALY, le
chaos économique et social de la Haute-Volta de 1966 exigeait
un redressement que seule
l'armée pouvait assurer. Ll a u-
teur, qui s'exprime à travers Titenga, cautionne donc en-
tièrement cet évènement de 1966. Cela transparatt mArne dans
la dédicace
du roman :
(1) A.S. COULIBALY, Op.; Cit.; p. 88
.../ ...

22I
"A ma mère
en reconnaissance du pardon de tous les
manquements à mon devoir filial
et
au Général Aboubacar Sangoulé LAMIZANA
Président de la République de Haute-Volta
en témoignage de respectueuses amitiés."
L. point de vue dtAugustin Sondé COULIBALY sur
le divorce entre la ville et la campagne est clair. C'est
l'avocat-défenseur de Titenga qui nous l'exprime:
"Je n'ai pas besoin d t3tre intelligent,
Monsieur le Président,
pour savoir que
parallèlement à ltaccroissement des efforts
de la société pour la délinquance juvénile,
i l faudra que se fasse la décentralisation
des biens de ce pauvre pays. Les jeunes
courent vers le luxe de la ville, fruit
de leur sueur. I l faudra décentraliser ce
luxe pour que tout le monde en profite. Les
usines,
les villas,
les voitures,
les
cinémas,
les stades, tout pour la ville,
comme si la population rurale ne partici-
pait pas au développement du pays. I l faut
homogénéiser 1. travail et les moyens de
distractions à ltéchelon national ••• "(1).
(1) A.S. COULIBALY, Ope; Cit.; p. 192
.../ ...

222
L'auteur formule ainsi ses revendications pour
la campagne. Il combat ce que nous avons appelé "tout
pour la ville, rien pour la campagne." Mais l'auteur ou-
blie que tous les habitants de la ville n'ont pas des
villas et des voitures. Il ne s'agit que d'une minorité,
surtout si l'on se reporte aux années 1965-1966. Il ne
doit donc pas s'attaquer aux habitants de la ville dans
leur généralité car certains habitants de la ville sont
aussi pauvres que ceux de la campagne. En ce 88l1S, i l
vaudrait mieux revendiquer de meilleures conditions de vie,
non pas pour les ruraux, mais pour les pauvres en général,
qu'ils soient des villes ou des campagnes.
La ville et la campagne sont encore en contra-
diction sur bien des points. Aussi l'un des premiers problè-
.il
mes auxquels Ti tenga s'est heurté, est:; celui de 1 'hospi-
talité. Il comprendra qu'elle est inexistante à Ouagadou-
gou et cela constituait à son niveau une différence fon-
damentale avec la campagne voltaïque où à quelque heure
que vous vous présentiez
1 Ion vous servira des repas
fumants et l'on vous donnera la meilleure couchette de la
maison. Au contraire, Titenga, dès le pr••ier jour à Oua-
gadougou ,se heurte. à d'énormes difficultés de nourriture
et de logement. Dès lors lui viennent des eéfleKions in-
térieures sur la ville et ses habitants :
o • 1...

223
"En ville i l ne trouvait plus la cummu-
nauté, la solidarité entre les hommes.
Comble de malheur, i l venait d'avoir la
probabilité qu'ils étaient cruels." (1)
Et plus loin
"parce qu'il voyait comme d'une seconde
vue la tournure dangereuse prise par son
pays, Titenga souffrait doublement. Les
jeunes étaient bafoués, les coutumes r
étaient bafouées. Mais encore moins au vil-
lage qu'en ville où on ne se saluait même
pas, où on ne connaissait pas l'hospitalité(2).
L'émerveillement de Titenga à son arrivée à la
ville a donc commencé à se dissiper et à se transformer
en son contraire. Mais i l n'en a pas terminé avec les
difficultés. En effet le jeune chômeur est arrivée à re-
trouver son cousin N'Zombé LOPAN chez qui i l doit loger
et à qui i l a demandé de lui chercher du travail, parce
que citadin et connaissant mieux la ville et ses mécanis-
mesj Malheureusement NIZombié LOPAN ne fait pien pour lui,
se contentant de l'inviter à retourner à la campagne sous
prétexte (selon Titenga) qu'il n'y a pas de travail en
ville. Un conflit sourd les oppose
, et finalement N1zombié
LOPAN, flanqué de son épouse,
lui refuse l'hospitalité.
A.S. COULIBALY,
idem, p. 27
"
"
"
p.
46
.../ ...

224
Titenga ne pe~ qu'~tre choqué de ce refus car à travers
cette prise de position, i l s'aperçoit que son cousin a
été métamorphosé par la ville, qu'il a oublié les valeurs
africaines traditi~nnelles, l'hospitalité en particulier,
ce grand devoir africain. Si au village on héberge un in-
connu, comment Titenga peut-il comprendre qu'en ville
N'Zombié LOPAN puisse refuser d'héberger un parent? I l
comprend dès lors que la ville transforme l'individu, elle
lui fait perdre complètement la tête au point de boulever-
ser les grandes valeurs sociales traditionnelleso
A côté de ce conflit entre la ville et la
campagne, se pose le problème de l'exode rural.
c) L'exode rural
Dans son étude sur la Haute-Volta, Ignace
Kankanko KABORE écrit
:
"Les mouvements migratoires en Haute-
Volta s'effectuent suivant quatre catégo-
ries de couples d'origine et de destina-
tion
,
- de la campagne a la ville (exode rural) ,
,
-l,de la ville a la campagne,
- de la campagne à la campllgne,
,
- de la ville a la ville".
(1)
(1) Evolution socie-économique de la Haute-Volta de 1898 à
1978," la passage de la Haute-Vol ta sous domination du
capitalisme international.
Mémoire de Maîtrise de sociologie, Paris 8, 1979 p.146
147.
.../ ...

225
Les causes de ces migrations sont essentielle-
ment économiques. Les migrants sont la plupart du temps
des personnes en qu~te d'une situation économiquement
stable et enviable. Quand on sait que la Haute-Volta est
un pays à chômage chronique, que la Haute-Volta connaît
liés àe,.
,
des probl~mes
pluvfmetrie alors que c'est un pays
agricole à 94 %, que la Haute-Volta est un pays faible-
ment industrialisé, alors ces migrations s'expliquent ai-
sément, car partout c'est l'insécurité généralisée avec
des lendemains incertains. Chacun lutte pour sa survie.
Bien entendu les migrations n'ont pas toutes des
causes économiques. Il arrive qu'après un acte honteux ou
scandaleux, l'auteur de cet acte quitte son village pour
un autre, pour une autre ville ou même pour un autre pays.
Il s'agit en de telles circonstances d'une question de
réputation. Cette personne quittera son milieu non plus
pour des raisons écenDmi~ues, mais parce qs'elle n'est plus
adaptée à son milieu d'origine~e telles situations ne sont
pas d'ailleurs uniquement celles de personnes économique-
ment au bas de l'échelle sociale: un homme riche peut
aussi Atre contraint de quitter son village, même si la
société d'accueil lui réserve un avenir économiquement
incertain.
Un fort contingent de Voltaïques quittent chaque
année leur pays et vont travailler dans les Etats voisins,
.../ ...

226
-:,
la Côte-d'Ivoire et le Ghana notamment.
Dans Retour au village de Kollin NOAGA, le
héros, Tenga et ses amis Poussi et Francis sont des exem-
pIes de migrants. De même, dans Dessein Contraire de
Roger NIKIEMA, Perr et Hamido s'en iront successivement
au Ghana à la recherche de situations économiques plus
stables.
En 1973 plus de 500 000 Voltaïques vivaient en
Côte-d'Ivoire comme salariés agricoles pour la plupart,
ouvrie~ instituteurs, etc. Généralement les quelques
francs qu'ils gagnent n'arrivent pas à couvrir leurs be-
soins fondamentaux,
car à leur retour ils aident leur
famille à s'acquitter de leurs impôts annuels; et le
reste de leur argent est employé à l'achat de biens
de
consommation de moindre valeur qu'ils offriront en cadeaux
à leurs amis et parents. Il faut souligner que les parents
et amis émigrés attendent toujours un geste de la part
~
de ceux-cid leur retour. Celui qui à son retour n'apporte
pas de cadeaux,
voit sa réputation diminuée.
Il nous faut peut-être signaler que l'exode a
'~.-
été légalisé par le pouvoir voltaïque à plusieurs reprises.
Ainsi dans les années de l'indépendance politique, des
accords de coopération en matière de main-d'oeuvre avaient
été signée entre la République de Cete-d'Ivoire et la
.../ ...

227
République de Haute-Volta. Ils règlement aient l'exode
de la main-d'oeuvre vo1talque vers la Cete-d'Ivoire, mais
se :sont vite" heurt~s ~ des problèmes.
Vers les années 1974, de nouveaux accords de
m8me type ont été signés entre la Haute-Volta et le Gabon.
Après l'envoi de quelques contingents de travailleurs
voltaïques au Gabon, de nouveaux problèmes ont surgi entre
les deux pays, à la suite de quoi la Haute-Volta a,cessé
d'envoyer de la main-d'oeuvre au Gabon.
Cette législation de l'exode est une façon de
reconnaître que la haute-Volta Be peut absorber toute sa
main-d'oeuvre; mais l'exode peut-il 8tre considéré comme
une solution? Evidemment i l apparaît comme positif puis-
qu'il permet à un certain nombre de Voltaïques de trouver
du travail pour subvenir à leurs besoins vitaux. Dans
Retour au village, Ko11in NOAGA met en scène Francis, un
chemeur en Haute-Volta :
"Francis dut donc se résigner au chemage
et aux artifices divers,
jusqu'au jour où
i l réussit à épargner la somme nécessaire
pour partir vers la Cete-d'Ivoire,
"ce hâvrS'
de bonheur, cette fabuleuse contrée au
peuple hospitalier",
selon ce qu'il avait
appris en cours de géographie".
(1)
(1) Retour au village, Ed. Saint Paul, 1978, p. 69
-
..
.../ ...

228
D'autres s'en vont parce qu'ils cherchent une
rémunération supérieure à celle qu'ils ont en Haute-Volta.
C'est le cas de ce sociologue dont le même Kollin NOAGA
nous parle dans Haro, 1 Camarade Commandant
:
"Et le sociologue de s'indigner:
"Moi,
percevoir un salaire aussi minable après
de si longues études ? Jamais
1 Je suis
sociologue,
psychologme et ethnologue,
je
suis titulaire d'un diplôme international.
Je suis recherché partout dans le monde.
Non,
je m'en vais".
Ses camarades lui brandirent les tribu~s du pa-
triotisme,mais i l leur réplique par une très jolie para-
bole signifiant,
en français pour tous, que sa patrie c'est
là où i l amasse le plus d'argent. C'est mu par cette dis-
position d'esprit égocentrique et égoïste,
et par cette
cupidité écoeurante, que l'éminent
sociologue partit en
CSte-d'Ivoire.
A peine arrivé
et engagé comme Assistant à
l'école Supérieure des Sciences Humaines avec une rémuné-
ration sept fois au-dessus du machin qu'on lui preposait
en famille,
l'apatride étaya sa théorie sur le patriotisme
en déposant au service de l'immigration sa demande de
naturalisation." (1)
(1) Kollin NOAGA,
Haro
1 Camarade Commandant,
Presses Africaines,
Ouagadougou,
1977,
p.
48.
.../ ...

229
Ainsi donc l'exode permét aux uns â'amasser des
sommes d'argent à l'exemple de ce sociologue qui gagnait
pourtant sa vie en Haute-Volta, et aux autres, tel Tenga,
d'avoir le minimum vital.
Il convient néanmoins de faire la part des choses.
En effet les personnes qui s'en vont, sont des jeunes et
des hommes valides, autrement dit, des "bras forts". De ce
point de vue l'exode massif a de graves effets pour le
pays puisqu'il le prive des éléments dynamiques et détour-
ne les hommes valides du développement du pays. C'est là
un fait objectif assez inquiétant.
L'exode se présente en fin de compte comme un
phénomène ambigu, une arme à double tranchant. Il est un
mal nécessaire: c'est une expression évidemment contradic-
taire mais réflétant la nature mAme de ce problème dont la
solution se trouve dans la création de nouveaux emplois et
la dynamisation de l'agriculture.
*
*
*
*
*
*
Il apparaît que la crise de la société voltaïque
ne se limite pas uniquement au plan culturel. 8lle a at-
teint les domaines social, économique, politique. C'est
n~anmoins sur le plan culturel que les écrivains tenteront
d'apporter des solutions •
.~~
'......: ."
. . .1 · ..

230
Chapitre
III
Pour une symbiose culturelle

23I
Face au conflit ouvert entre la tradition et le modernisme, cer-
tains évriv~ins volta!ques ont pris une position claires réaliser une
symbiose culturelle, adapter les tratitions à l'évolution.
Nous étudierons cette position tes écrivains succéssiveaent à
travers le roman et la nouvelle, la poésie et les textes théoriques.
1 Le roman et la nouvelle
Avant t'aborder le terme àu conflit des cultures nous allons au-
paravant nous pencher sur les problèmes lingQistiques dans le roman.
a) Les problèmes linguistiques
Nous avons déjà montré comment Nazi Boni utilise beaucoup d'éle-
mente traàitionnels dans le Crépuscule des Temps Anciens: les africanismes
bwa, les termes bwa, les proverbes bwa, etc. Nous n'allons donc plus nous
étendre sur les problèmes linguistiques dans les autres romans volta!ques.
Le Fils Ainé de Pierre Claver Ilboude contient six proverbes:
- "Nos ancêtres tans leur réalisme ont dit que la femme est un peu
comme l'argent, en ce sens que quand on l'a, il faut s'en occuper, autrement,
elle ira faire le bonheur de quelqu'un d'autre." (1)
- "Nos pères dans leur
incpmmensurable' sagesse
ont dit que la mort est une étrangère, la plus imprévisible de toutes." (2)
(1) Pierre Claver ILBOUDO, Le Fils A!né, page 41
(2) Op. Cit. , p63
, .
;

232
- "Nos pères ont iit qu'un bout de bois est un bout de bois jus-
qu'à ce qu'on en fasse un _ieu." (1)
- "Nos anc3tres ont dit qu'un bon_et en c~ton qui tombe dans une
cotonneraie n'est pas perdu, il est
simplement retourné chez lui."(2)
- "Si tu te fais foin, tu Seras mangé par l'âne." (3)
"La colère contre sa terre natale s'éprouve sur la peau et non
dans les es." (4)
L'emploi de ces proverbes (5) montre que l'auteur reste enraciné
dans les traàitions ancestrales, qu'il tente Q'iaiter le tiscours africain.
Le désir Qe l'auteur de rester près du àiscours africain se manifeste aussi
à certains moments du récit. Ainsi au lieu d'utiliser le terme papa, il
préfère l'expression locale mossi mbaba. Ce terme revient plus te trois fois
dans le récit ainsi que celui te bit~ qui désigne une plante utilisée dans
la préparation de la sauce servant à manger le gâteau de milou te mars.
En fait il n'y
a pas beaucoup d'éleœents traditionnels dans le
roman de Pierre Claver ILBOUDO. Celui-ci écrit dans une langue claire, uti-
lise des phrases simples, courtes, compréhensibles par tous. Le passage
ci-dessous nous en donne une idée:
"Tout cela, conclut Sana, est révolu, passé.
Il avait raison. Il était devenm un homme. Il avait été béni par
son père. IL avait retrouvé Mariam. IÏ avait obtenm une bourse.
Il avait un avenir." (6)
Op.Ci t. ,p 66
Op.ai t. "
84
Op.Cit. , p100
Op.Cit. ,It 102
Le r8le tes proverbes a déjà été mis en lumière plus haut (cf. notre
ieuxième partie)
(6) Op. Ci t. "

:.: . -
233
Tout le reman est éc~it àans ce style. Il est très facile
à lire.
Augustin Sondé COULI~ALY, auteur des Dieux Délinguants,
Amadou KONE, auteur des Frasqu&.s d'Ebinto et de Jusqu'au seuil de
l'irréel, utilisent tous des proverbes dont il n'est pas nécessaire
de faire l'inventaire.
Augustin Sondé COULI3ALY parait être le cas le plus inté-
ressant, car son roman, les Dieux Délinquants
appelle un certain
nombre de remarques linguistiq~es.
Certains personnages s'expriment dans le français local.
Ainsi, Tibila déclare 1
"Ça va tu toi ?" (1)
Nous trouvons le dialogue suivant plus loin:
- "Je .'appelle V."
"Bon ! Z ; ton bidon ?"
Z sortit son porte-feuille
- "Comment l'appelles-tu encore, le bidon ?"
- "Diligence ou dynamite"
- "Bon! Toi H, cale le docteur T. pour que R. s'occupe
de son bidon". (2)
Ces jeunes gens ont donc un langage à eux. Ils ont des mots
pour désigner les êtres et les choses. Il ne s'agit pas d'un argot
commun à la population Ouagalaise (3), mais utilisé uniquement à
l'intérieur de ce petit groupe de ch8meurs. Tout petit groupe, toute
petite société peut ainsi avoir un langage dont le vocabulaire n'est
connu que par les membres du groupe. Par exemple lors de l'initiation
, -

(1) A. S. COULIBALY, les Dieux Délinguants, P. 96
(2 ) Op. Cit. P 108 (caler signifie ici empêcher de passer).
( 3) Les habitants de Ouagadougou s'appellent les Ouagalais.

234
dans certaines ethnies, un langage secret que ne comprend pas le
' ..-~.
profane est enseigné aux initiés. Il existe donc un code à l'inté-
rieur de chaque groupe.
On remarque également dans le roman, la présence d'une
langue familière qu'on peut appeler parfois petit - nègre. Ainsi
lorsque le commissaire demande à Titenga sa carte d'identité il
répond :
"J'en ai pas" (1)
Tibila dira quant à lui :
nA dix sept ans j'ai pas droit au travail, que faire d'i-
dentit' ?" (2)
Nous sOmmes tenté de croire que la présence de ce langage
reflète
le niveau d'instruction des personnages. Titenga ne possède
que le certificat, Tibila, .le B. E. P. C. Parmi les chômeurs certains
n'ont même pas été à l'école.
L'auteur reste donc très près du langage réellement emplo-
yé dans le milieu qu'il décrit.
Peut-on ainsi 'déceler dans la littérature voltarque la nais-
sance d'une forme de créole?
On ne peut pour l'instant l'affirmer avec netteté parce que
ce "créole" naissant n'est pas ou pas encore fixé par une série d'é-
crits (romans, etc.) et de textes théoriques (grammaire, etc.).
b) Le thème du conflit des cultures
b- b1 La position de Augustin Sondé COULIBALY
Augustin Sondé COULIBALY s'exprime dans son livre à travers
plusieurs personnages selon les problèmes posés. Son point de
(1) Op. Cit., P.96 (langue familière)
(2) OP. Cit, P.96 (identité pour une carte d'identité)

235
vue sur le conflit entre la ville et la campagne, il l'exprime à
travers l'avocat défenseur de Titenga. C'est à travers Sortinata qu'il
expose sa position sur le conflit des cultures, position qu'on peut
cerner en partant des prises de position de Sortinata sur la religion.
Mais qui est Sorbnata ? L'auteur nous a confié que ce per-
sonnage a réellement existé et vécu à Ouagadougou. Sortinata est une
femme. C'est elle qui dans le roman, héberge Titenga lorsque celui-ci
est mis à la porte par son cousin. Dans Sa vie sociale, elle a gagné
toute la sympathie de l'auteur. Elle incarnait la piété, la bonté.
Tout au long du récit elle milite en faveur d'une symbiose des reli-
gions.
Le Dialogue suivant, engagé entre elle et Titenga est révé-
lateur à cet égard
- "Dis-moi maman, es-tu vraiment chrétienne ?"
- "Je m'appelle Marie-Claire Sortinata".
- "Marie Noire plutôt t"
- "Oui, je cherche un point de rencontre entre les nouvelles
religions et celle de mon père".
"C'est dire que tu as déjà été musulmane ?"
"Pendant longtemps, et je le suis encore ; car, quand je
suis chez mon oncle qui est Imam dans la ville de Gaoua,
je prie à sa manière, moins par peur de lui que pour le
comprendre davantage. Cela ne me gêne pas, pourvu que je
croie en mes dieux".
- "Tes dieux ?"
- "Oui, les dieux de Dieu que mon père adore" •
...1.·.

236
- "Tu es donc paIeana, musulmane et chrétienne à la fois 1"
- "Parfaitement, mes enfants le savent d'ailleurs, et cela
leur fait plaisir parce que cela me préserve". (1)
Sortinata prêche ici la rencontre des religions et à tra-
vers elles, celle des civilisations. Elle ne pratique pas les reli-
gions par obligation, elle ne les pratique pas non plus par opportu-
nisme. Elle pratique par exemple la religion musulmane pour mieux
comprendre son oncle qui est Iman, nous dit-elle.
Toutes les religions professent les valeurs spirituelles,
morales et sociales. Les valeurs d'honnêteté, de sincérité, de dé-
fense de voler ou de tuer, sont enseignées par plus d'une religion.
Il existe des valeurs universelles que reconnaissent toutes les reli-
gions.Pourquoi donc Sortinata n'embrasserait-elle pas les trois
religions : - animisme, islam, christianisme - pour les comprendre
davantage, voir ce qu'elles ont de commun, ce qui peut être retenu
de positif pour chacune, et enfin découvrir ce qui fait la spécifi-
cité de chacune d'entre elles 1
En pratiquant les trois religions, elle pourra aussi mieux
comprendre et mieux communiquer avec les animistes, les chrétiens et
les musulmans.
E~ clair, Sortinata veut certainement réaliser une synthèse
des valeurs positives des trois religions qu'elle pratique; elle est
pour un syncrétisme religieux. Une telle attitude est très possible,
car bien des musulxmans o~ des catholiques de la capitale, replongent
dans les pratiques animistes au cours de leurs séjours à la campagne~"
Il y a donc une sorte de complémentarité des religions.
(1) Op. Cit, P. 64 - 65
...1...

?37
b.2.- La position d'Amadou KONE
Amadou KONE est Voltarque d'origine, mais a vécu en Côte
d'Ivoire avec ses parents depuis éon enfance. Il semblerait même
qu'il ait pris la nationalité ivoirienne.
C'est un jeune écrivain qui se révèle déjà plein de talents.
En 1972, sa pièce de théâtre, De la ChaIne au Trône, a été primée
lors du Concours Théâtral Inter-Africain. Elle se déroule dans une
tribu de l'Ouest voltarque où survivent des coutumes assez étonnantes.
Cette tribu a toujours besoin d'un prince coutumier qui durant son
règne absolu, a droit à tous les plaisirs de la vie: mets plantu-
reux, boissons délicieuses, femmes de son choix, etc. En somme, le
prince vit dans une sorte de paradis terrestre. Malheureusement la
tradition exige qu'après douze ans de pouvoir, le prince soit mis à
mort. La dernière fille avec qui il a vécu est chargée de l'exécution
de ce rite qui consiste à piquer le prince à l'aide d'une aiguille
que lui donnent les patriarchesde la tribu, gardiens de la tradition.
Dans la pièce d "Amadou KONE, un Professeur d 'Universi té
obtient ce poste. A la fin des douze années de règne, il refuse de
mourir, donc de respecter la tradition. Mais ce refus D'était qu'ap-
parent et finalement K il se laissera faire.
Son roman, Les Frasques d'Ebiato, publié chez Ratier en
1980, est l'histoire d'un jeune homme, Ebinto, qui est contraint
d'épouser une jeune fille, Monique, qu'il a aimée une seule nuit et
qui se trouve enceinte. Ebinto, alors titulaire du B. E. P. C. est
contraint de quitter l'école pour chercher du travail afin de subve-
..
nir aux besoins de sa famille. Il n'aime pas réellement Monique, mais ",
' . 'r
"..
était plutôt amoureux d'une autre fille de bonne condition sociale:
~uriel. Celle-oi quitte l'Afrique pour l'Europe, rendant ainsi impoe-
sible la réalisation des rêves d'Ebinto, qui, dès lors frust~é, rend
. . .1· · ·

238
volontairement la vie impossible à Monique. Leur enfant est mort-né
et à la fin du roman, Monique mourra elle aussi.
Comme on peut le constater, Amadou KONE ne pose pas dans ce
roman le problème du conflit entre la tradition et le modernisme en
tant que tel. C'est dans la pièce théâtrale intitulée re Respect des
morts, parue en 1980 aux Editions Ratier, qu'il traite de la question
le gouvernement a décidé la construction d'un barrage dans un petit
village traditionnel. Pour cela, on de~ande aux habitants d'aller
s'installer ailleurs. Les anciens du village, aU cours d'un conseil,
décident de ne pas partir. C'est Anougba, le chef du village, qui,
s'adressant au Sous/Préfet venu les informer de la décision du gouver~
nement, donne le point de vue des habitants:
"Commandant, peut-être vaut-il mieux dire au gouvernement
dès maintenant que nous ne pourrons pas partir, que nous ne pourrons
pas abandonner nos morts ici. Non, nous ne partirons pas. Les morts
et les génies nous aideront". (1)
Ainsi, pour le chef du village et sa suite, partir, c'est
laisser construire le barrage et La.i sa e r ses EB.UX recouvrir les morts
"qui ne sont jamais morts".
Anougba poursuit en ces termes:
"Nous ne pouvons permettre que notre village s'efface de la
terre. Nous ne pourrons pas laisser engloutir ces lieux qui sont une
partie de nous-mêmes; laisser s'effacer les traces de nos pères, les
traces des pères de nos pères". (2)
( 1) Op. Ci t
• p. 24
(2) Op. Ci t
• p. 41
. '-:J
.~.

~39
Dans ce village, les habitants croient fermement en la
protection des morts et en la générosité des génies. C'est pourquoi
par l'intermédiaire de leur devin Niangbo, ils vont demander l'aide
des génies des eaux pour qu'ils empêchent la construction du barrage.
Ces derniers demandent en échange qu'on leur offre en sacrifice
un
jeune enfant: c'est celui de N'Douba, le fils d'Anougba. N'Douba est
un intéllectuel formé à l'école du blanc. C'est par son intermédiaire
que l'auteur exprime ses idées.
S'agissant du conflit entre tradition et modernisme, Amadou
KONE est de ceux qui pensent que certains aspects de la tradition
empêchent le progrès. Ainsi, dans le Respect des Morts, face aU refus
des anciens de quitter leur village, N'Douba explique le bénéfice
qu'on pourra tirer de l'implantation du barrage hydro-électrique:
"Grâce donc à cette électricité, des usines pourront être
mises sur place. Nous pourrons ainsi fabriquer beaucoup
d'objets que les Blancs nous vendent très cher. Vous com-
prenez donc l'importance de cette chose." (1)
On s'aperçoit d'ailleurs que cette idée est chère à l'au-
teur, car il l'avait déjà abordée en 1972 dans sa pièce de théâtre
De la Chatne au Trene. Dans cette autre oeuvre en effet, un des prin-
cipaux personnages, le prince coutumier en l'occurence, affirme:
"Regarde ces vastes terrains tout autour du palais, c'est
de la bonne terre qui ne demande que des bras vigoureux,
des machines pour être un gigantesque grenier qui soula-
gerait toute la tribu. C'était un de mes rêves. J'ai voulu
prendre tout cet or, inutilement entassé depuis des siècl
(1) Op. Cit., p 33

pour acheter les machines et les mettre à la disposition du peuple.
Alors je me suis heurté à la coutume, on a crié au sacrilège t Car
tout cet or est sacré, ces terrains qui sont les meilleurs de la ré-
gion, sont sacrés. On m'a dit qu'on ne changeait pas la coutume mais
qu'on obéIssait seulement à la coutume. Il fallait jouir uniquement
puis mourir après." (1)
Dans ce long passage, Amadou KONE soulève un problème im-
portant qui n'est d'ailleurs pas spécifique à une localité donnée,
mais commun à tous les milieux animistes voltatques. Aux alentours
de bon nombre de villages, il y a des bosquets et des terrains inter-
dits à la culture sous préte~te qu'ils sont le domaine des génies. De
tels espaces devraient Gtre mis en valeur quand on sait que certaines
régions voltarques manquent de terres fertiles et que l'agriculture
est l'activité de la majorité de la population. Ainsi une question
s'impose d'elle-même: quand les intérêts ,vitaux de la population sont
en contradiction avec la tradition, que faut-il faire? A ce sujet,
les propos suivants de N'Douba sont intéressants:
"Nous garderons ce qui ne nous empêchera pas de nous réa-
liser. Nous respecterons les rites dans la mesure du possible, je
veux dire : dans la mesure où ils ne sont pas en contradiction avec
nos intérêts vitaux". (2)
Quand on sait que pour les anciens, la vie repose essen-
tiellement sur'les traditions, cette attitude de N'Douba ne constitue-
t-elle pas à leurs yeux, une remise en cause des coutumes ? On ne
peut que répondre par l'affirmative, car dans Le respect des Morts,
Op. Cit., p 52 - 53
Op. Cit., p 66

241
les anciens ont finalement offert en holocauste le jeune enfant de
N'Douba, pour empêcher la construction du barrage qui a été malgré
tout construit. Une telle situation ne pouvait manquer de semer le
trouble et le doute dans l'esprit de la population à telle enseigne
que N'Da, un notable du village, fait cette réflexion 1
"Vraiment ce monde me dépasse. Déterrer les morts, on n'a-
vait jamais vu ça !
Oui, impuissance! Nous vivons une vie où on ne peut même
plus faire confiance aux génies. A qui doit-on faire confiance main-
tenant ?" (1)
Ainsi la tradition se révèle dans la pièce, impuissante
devant le modernisme. Mais l'échec de la tradition dans la pièce ne
signifie pas que l'auteur la rejette totalement. Amadou KONE veut
enseigner, et nous sommes fondamentalement d'accord avec lui, qu'il
ne faut pas croire que la tradition peut résoudre tous les problèmes.
Il faut souvent la dépasser quand la situation l'exige.
Amadou KONE préconise l'adaptation des traditions à l'évo-
1ution du monde. Il combat l'immobilisme. C'est pourquoi par la voix
de N'Douba, i l déclare:
"Partout nous pouvons adapter la coutume aux exigences de
notre nouvelle vie". (2)
Amadou KONE, à l'instar d'Augustin Sondé COULIBALY, semble
donc favorable à un métissage culturel.
(1) Op. Cit., p. 67
(2) Op. Cit., p 22
. . ·1· ..

· ~- .
b3.- La position d'Andr~ NYAMBA
La nouvelle d'André NYAMBA, Avance mon peuple, pose le
problème d'un intellectuel, nommé Jacques, qui avait aimé Fanta, fille
originaire d'un village de la brousse, sous les yeux des ancêtres et
des génies de la nature. Cet amour est un grand crime que le village
ne peut pardonner, Jacques f~t-il le "Monsieur" du village.
"Les traditions sont les traditions et nul n'est au des-
sus". (1) Jacques et Fanta devraient donc subir, comme la coutume
l'exige, le châtiment du feu, dont l'auteur lui-même explique en quoi
il consiste 1
"Ce châtiment était des plus cruels; pour apaiser le cour-
roux des dieux et des génies de la brousse, on subissait le châti-
ment du feu 1 ~n vous déshabille tous deux, et l'on vous met au mi-
lieu d'un cercle de feu ardent; sous les yeux de l'assistance, vous
traversez ce cercle à plusieurs reprises, généralement trois fois
pour l'homme et quatre fois pour la femme. Vous faites cette opéra-
tion jusqu'à ce que vos "poils d'en bas" soient roussis par le feu
purificateur; cinq hommes vigoure.ux, les cinq plus forts du village,
veillaient au bon déroulement de la purification et à l'examen final.
Ainsi purifiés, vous êtes chassés du village, vous et vos familles
respectives, avec des cris de haine et des jurons grossiers". (2)
Une telle pratique, André NYAMBA ne la soutient pas ; ce
serait revenir au temps de la cueillette et de la barbarie. Les tra-
ditions doivent être adaptées aux ~xigences d'un monde en pleine mu-
t a t I on ,
(1) Op. Cit., p 22
(2) Op. Cit., p 29 - 30

243
.' ".
C'est le vieux Lawagon qui est le porte-parole de l'auteur.
Du point de vue pratique, l'adaptation des traditions aux exigences
de l'évolution du monde moderne consiste, selon lui, à immoler un
bélier blanc pour apaiser le courroux des dieux, au lieu de retourner
à des pratiques cruelles. Il est le porte-parole de l'auteur et il
défend comme lui l'idée de symbiose culturelle. Certaines de ses
interventions sont en effet révélatrices à cet égard :
"Nobles fils de Sampié, nous sommes en marche vers un monde
où tous les hommes se tiendront par la main, un monde où chacun aura
laissé beaucoup de soi-m8me et pris beaucoup de l'autre". (1)
Et plus loin s
"Regardez autour de vous: c'est l'heure où le blanc et le
noir s'harmonisent; c'est l'heure où le jaune et le rouge brillent
ensemble f" (2)
Il s'avère ainsi qu'André NYAMBA professe la rencontre des
cultures et des civilisations et milite pour elle.
Le fait que le héros d'André NYAMBA soit un intellectuel
n'est certainement pas un hasard. En premier lieu parce que le con-
flit se pose avec plus d'actité chez les intellectuels; et ceci
s'explique aisément dans la mesure où ils ont reçu à travers l'école,
une éducation occidentale. Ils ont souvent été arrachés à leur terroir
sans avoir eu le temps de s'imprégner de la vision du monde de leur
milieu, sans avoir eu le temps de connattre l'histoire de telle ou
telle pierre, de tel ou tel bosquet, bref sana avoir eu le temps de
s'imprégner de toutes les valeurs culturelles de leur milieu. Ils
(1) Op. Cit., p 33
(2) Op. Cit., p 34
.../ ...

sont à cet égard, de véritables déracinés culturels. En deuxième lieu,
parce que, parmi la couche des intellectuels africains, certains épou_
sent des attitudes de mépris ou contractent des complexes de supérto_
'rité à l'égard des traditions. Ils se complaisent dans leur peau d.
déracinés et le plus souvent passent leur temps véritablement à "stn_
gerD les Blancs.
Mais nous ne voulons nullement dire que le conflit soit
inexistant au niveau des non-intellectuels. Il existe bien à leur
niveau, car le développement a des exigences auxquelles l'on doit aQ
plier. De telles exigences peuvent certainement à certains moments
être incompatibles avec l'esprit des traditions.
b4.- La position de Pierre Claver ILBOUDO
Pierre Claver ILBOUDO est un jeune écrivain dont le premlQr
roman, Le Fils Aîné, vient d'être publié aux Presses Africaines à
Ouagadougou en janvier 1982.
Ce roman nous relate "un drame qui se trame entre un vieu~
père qui s'accroche à son fils aîné au nom de la tradition et un fl1 s
aîné qui s'accroche à ses études, poussé par son désir frénétique dg
s'accomplir".
De prime abord Le Fils A!né se conçoit comme une oeuvre d~ns
laquelle s'opposent deux mondes antagonistes a le monde traditionn61
et le monde moderne ; le premier est représenté par le père, Bila, le
second par le fils aîné, Sana. On s'aperçoit que le monde traditionnel
échoue, puisque Bila meurt, tandis que le monde moderne trio~phe C~r
le roman finit sur le bonheur de Sanaa
·.·1.·.
,
1
,
~

245
"Il avait raison. Il était devenu un homme. Il avait été
béni par son père. Il avait retrouvé Mariam. Il avait obtenu une
bourse.
Il avait un avenir". (1)
En réalité une telle lecture du roman est superficielle,
voire erronée. En effet, il n'y a pas deux mondes, mais un seul, per-
çu différemment par chacun des protagonistes. Sana par exemple ne
peut pas être considéré comme un pur produit du monde moderne. Bien
sax il est un produit de "l'école du Blanc", mais il n'oublie pas
pour autant les tradi tions africaines à propos desquelles il déclare :1
"Je donnerai tout l'or du monde pour recueillir et publier
tous les proverbes de notre tradition, cette inépuisable
richesse q~e de malencontreux revers de civilisation ont
étouffée et condamnée à s'effriter et à sombrer inexora-
blement dans la nuit de l'oubli". (2)
Le héros de Pierre Claver ILBOUDO est un être idéal. Il a
su allier les diff~rentes cultures. D'autres personnages du roman
sont aussi dans ce cas. On peut citer par exemple, Tiga, l'oncle de
Sana à propos duquel Bila déclare :
n •••
Car, il conna!t comme moi les coutumes de nos pères et
comme toi le papier". (3)
Bila lui-même, bien qu'il soit le gardien des traditions,
n'a-t-il pas autorisé son fils à aller à l'école? N'est-ce pas
là"une disponibilité à l'acquisition de nouvelles valeurs?
( 1 ) Op. Ci t., p 136
(2) Op. Ci t., p 102
~~. -:; .
(3) Op. Ci t., p 67
."
-";"".::,;
ca
......umkS.tQJL::at+!Q3tlS8li!lt}lËAts4;;ca:; ..tc4ilZSiAAr. ....\\;:(CiaYb.::5tfiGI• •a.SCS

246
Nous ne pensons pas que Bila soit opposé fondamentalement
à l'école, mais il veut éviter que Sana n'embrasse un occidentalisme
excessif.
Bref, la présence dans le roman de personnages ouverts au
brassage culturel est le signe que Pierre Claver ILBOUDO est favora-
ble comme d'autres romanciers voltarques, à une symbiose culturelle.
Mais qu'en pensent les poêtes ?

247
2) LA POESIE
a).Poésie traditionnelle voltargue et poésie moderne oooidentale
Il existe deux sortes de poésie occidentale 1 la poésie
occidentale classique qui respecte les règles de la mesure, de la ri-
me et du rythme, et la poésie en vers libres qui piétine les règles
de la mesure et de la rime.
La poésie traditionnelle voltarque est une poésie en vers
_ libres, mais en plus elle a les caractéristiques suivantes :
- Elle est composée en langue nationale ; ainsi chaque ethnie
a sa poésie.
Elle est chantée.
On distingue des chants ésotériques comme ceux de l'ini-
tiation, de la danse de masques, et des chants accessibles
à tous (ceux des réjouissances populaires). Un individu
peut reprendre un chant populaire durant son travail pour
se donner de l'entrain.
- La poésie traditionnelle est souvent composée en strophes
comme la poésie moderne, mais à la différence de celle-ci,
elle a un refrain. On peut faire le rapprochement avec les
chants de l'Eglise qui sont disposés en strophes avec cha-
que fois u~ refrain entre cel1~i.C'est sans doute là le
propre de toute poésie populaire puisqu'il semble que ces
caractéristiques se retrouvent en Côte d'Ivoire, au Séné-
gal, au Mali etc.
. .. 1...

b) La poésie moderne voltarque
Il s'agit de la poésie ecrite en français par les intellectuels
voltarques, tels que Titenga PACERE, Jules SANON, Ar.m~ndBALlMA,
etc.
Cette poésie a les ressemblances suivantes avec la poésie occidentale:
- Elle est écrite en français, ce qui la rend inaccessible à la
masse des populations vôltarques. Elle a ainsi un public très réduit compo-
sé de la minorité de voltarques sachant lire (le taux de scolarisation e s t '
de 14 %en Haute-Volta), et des étranges francophones.
- Sur le plan de la forme certains voltarques s'inspirent des
poètes français. Armand BALIMA et Jacques GUEGANE s'inspirent de Saint-
John Perse. Le premier a d'ailleurs composé un poème en l'honneur de
Saint-John Perse intitulé: Hommage au poète Saint-John Perse. (1)
Sur le plan thématique, il y a aussi une certaine imitation de
l'étranGer. Ainsi, si dans la poésie traditionnelle on ne chante pas indi-
viduellement son Amour, en revanche Jules SANON chante sa bien-aimée (cf le
poème Souvenirs (2»
comme le faisait Ronsard à l'égard de Marie ou
de Cassandre.
c) Les éléments traditionnels dans la poésie moderne voltaïque
Nous décélons la présence des élements traditionnels suivants dans
la poésie voltaïque moderne: la répétition, les refrains, les termes et
les expressions locales.
(1) Armand BALIMA, Voiles Marines, p. 29
(2) Jules SANON, Ténèbres de lumière p. 21

249
01 La répétition
La répétition est une caractéristique du discours africain.
Reprendre un mot plusieurs fois, c'est lui accorder une certaine impor-
tance, c'est le mettre en relief. Ainsi dans le poème Je ne sais pas
rire (1), Jules SANON reprend onze fois le mot rire. Cette
répétition
a pour r~le d'insister et de mettre en valeur la profondeur du rire du
nègre qui malheureusement n'est compris que par les siens.
Dans cet autre poème intitulé Cité ~es Hommes,il dit~
~Pendant longtemps je dus me taire
Pendant longtemps je dus garde le silence
Pendant longtemps je me tairai encore
Pendant longtemps je souffrirai en silence.
Comme toi je suis sans cris
Comme toi je peine en silence
Comme toi ne ne puis m'exprimer
Comme toi j'ai tant à dire, que je n'ai plus rien à dire
Comme toi je sombre et demeure dans l'anonymat! les sans
Paroles." (2)
La reprise quatre fois de l'expression "pendant longtemps"
traduit l'intensité et la longue durée de la souffrance de l'auteur. En
insistant sur l'expression "Comme toi" il veut faire prendre conscience
au lecteur (c'est à lui qu'il s'adresse) de l'identité de sort qui les
lie, il veut le convaincre.
On constate par ailleurs que la répétition de ces deux expres-
sions donne plus de force à la poésie de Jules SANON. Ce dernier aurait
pu dire,
"Pendant longtemps je dus me taire,
(1) Jules SANON, !énèbres de Lumière, p. 15
(2) Op. ci e, , p. 11

Je dus garder le silence,
Je me tairai encore, etc."
Mais un tel texte est plus plat, il est moins poétique.
Dans Son poète Une carte postale, Titenga PACERE écrite
Vers 1: Tu m'enverras une carte postale
Vers 12: Tu m'enverras cette lumière des nuits
Vers 14: Tu m'enverras ce diamant des ténèbres. (1)
L'auteur qui est en France pour des études s'adresse à sa
fiancée restée en Haute-Volta. La triple répétition de "Tu m"enverras"
traduit son désir de recevoir quelque chose de Sa fiancée. L'auteur a
",
peur de la solitude. L'insistance avec laquelle il invite sa fiancée à
lui envoyer "quelque chose" traduit san désir d'être "loin des yeux"
de celle-ci mais "près de son coeur".
La répétition ne semble pas être cependant un phénomène spéci-
fique à la poésie voltarque et africaine, car on peut la retrouver
facilement dans la poésie française par exemple. Le discours africain
s'est-il inspiré de l'extérieur ou vice-versa? C'est là une question à
laquelle nous ne pouvons répondre pour l'instant.
En fait il n'y a pas que des répétitions dans la poésie moderne
voltarque, on note également la présence de refrains.
c2 Les refrains
La poésie moderne voltarque a conservé les refrains de la poésie
traditionnelle. Ecoutons Jules SANON:
"Ronde du temps
Aujourd'hui fille,
(1) Titenga PACERE, Refrains sous le Sahel, p. 26

25I
r1ère Demain
Aujourd'hui fils,
Père Demain
Tour à tour nous passons
Tour à tour nous vieillissons
Chacun son heure
Chacun sa t~che
Chacun sa peine
Chacun sa honte.
Tour à tour nous paSsons
Tour à tour nous vieillissons
Et puis cela recommence
Et puis cela s'arrête.
Tragique du temps,
Tragirtue de la destinée.
Tour à tour nous paSsons
Tour à tour nous vieillissons
Et la Roue tourne,
Tourne et tourne.
Hier "jeunot" aujourd'hui "v:i!eillot"
Hier c'est Demain et Demain Aujourd'hui
Et tour à tour nous passons
Et tour à tour nous vieillissons.(1)
(1) Jules SANON, Op. Cit., p. 37

252
Le poème Manga (t) de Titenga PACERE commence par les trois
vers suivants,
Vers 1 , nJe suis né dans un village,
Vers 2 : Perdu des savanes,
Vers 3 , Dans la chaleur du sahel!"
Ces trois vers seront repris aux vers 13, 14, 15, puis 34, 35,
36, enfin aux vers 60, 61, 62.
Dans Je suis triste (~) le refrain,
"Je suis triste
Je suis né'dans la tristesse"
est repris successivement aux vers 1 et 2, 20 et 21, 40 et 41.
Dans l'Appel du Tambour (5) nous relevons le refrain suivant:
"Fils de mes Pères,
Allons sur la place du Marché!
Les archers y jettent les flèches du sahel."
Il est repris des.vers 1 à 3, 45 à 47, 87 à 89, 119 à 121,
236 à 238.
La liste des refrains serait
. longue à dresser et ceux que nous
avons ~numér~s sont assez représentatifs.
Le raIe du refrain seœble être de donner l'idée générale du
poème, l'idée de base, l'idée charnière. Le retour sans cesse du refrain
traduit l'attache qu'on a vis à vis de l'idée principale, il traduit
plus ou moins une obsession •
......
(1) Titenga PACERE, Refrains sous le Sahel, p. 9
(2) Op. ci e,; p. 16
:~ .
(3) Titenga PACERE, ~a tire sous"· le Sahel, p. 5

253
c3
Les termes et les expressions locales.
Les poètes utilisent très peu les termes et les expressions
locales. On relève chez Titenga PACERE quatorze phrases dans lesquelles
il utilise des termes mooré (1).
Première phrase s "Tous ceux de TRMPELGA,
La Montagne Blanche,
Où chaque coq
Aigle
Ou faucon
Préserve sa part de nègre". etc. (2)
L'auteur a donné le sens de Tampelga ; ce mot signifie la
montagne blanche.
Deuxi~rne Phrases
"Naaba,
Sambo et moi,
Nous sommes tous des peulhs 1" (3)
Naaba signifie le chef, le roi.
Troisi~me phr~se: "C'est le concours de Warba" (4)
Le ~arba désigne une danse traditionnelle des Mossis.
(1) Le mooré désigne la langue des Mossis, ethnie majoritaire de la
Haute-Volta.
(a) T{tel~ga PACERE, Ça tire sous le Sahel, p. 18
(3) Op. Cf t,p. 2~
(4) 6p. Cit., p. 29

254
Quatrième phrase 1 "L'a!né
Eut pour nom
Passawindin" (1)
Passaxindin 1 nom propre de personne, signifie qu'il en reste chez le
créateur.
Cinquième phrase : "Bougoume
Eut beaucoup d'enfants" (2)
Bougoume 1 nom propre de personne, signifie le feu.
Sixième phrase : "Cette année là
Yilsé
Eut beaucoup d'enfants" (3)
Yilsé 1 nom propre de personne, désigne un arbuste local.
Septième phr~se : "Tinga,
C'était une femme !" (4)
Tinga 1 nom propre de personne, signifie la terre.
Huitième phrase: "Tout y est suspendu,
Sur
Des reliques,
Des lagunes,
( 1 ) Ti tenga P;\\CERE, Quand s'envolent les Grues Couronnées. p 11
(2) Op. Ci t., P 11
(3) Op. Ci t., p 11
(4) Op. Ci t , , P 12
. . .1. . ·

255
Et des "alloko ft épicés t " (1)
Alloko 1 nom commun de chose, désigne de grosses bananes généralement
utilisées pour l'obtention d'une pâte qu'on consomme accom-
pagnée de sauce.
Neuvième phrase s "Adieu forêts de Kombaongo" (2)
Koumbaongo : nom commun de chose, désigne des arbres.
Dixième phrase
"Tous les carmans
y sont sacrés
:s·t adorés
Depuis Naba Rogbènga ! " (,)
Rogbènga
nom propre de personne, signifie cuire des haricots.
Onzième phrase s "Des masques gourounsi
Dansent tous les quatorze juillet 1" (4)
Gourounsi
adjectif dérivé du substantif Gourounsi qui désigne une
ethnie de la Haute-Volta.
Douzième phrase s "Quand elles vont à Waogdo
Porter
Les lourds beignets
aUX époux encharnés 1" (5 )
!~I Op. Cit., p 28
Op. Ci t., p 36
Op. Ci t., p 24
~~ Op. Cit., p 25
Op. Ci t., p 39
. . .1· ..

256
Waogdo : nom propre de village.
Treizième phrase :"Sous le ciel de Manéga
On n'entend plus
Que ce philosophe à la barbe de poussière
Qui bat
Le Kounga" (1)
Kounga : nom cOmmum de chose, désigne un instrument de musique.
Quatorzième phrase : "Prête vie,
Prête langue vie à Lébé'ndé
Et permets aux hommes,
Aux hommes encore de s'aimer !" (2)
Lébé'ndé : nom propre de personne, signifie" "à l'envers".
~
Sur le plan des expressions, nous n'avons trouvé qu'une
seule, chez Titenga PACERE dans son recueil Ca tire sous le sahel.
Il s'agit de l'expression "Fils de mes pères" reprise cinq fois,
successivement aux pages 5, 8, 11, 13, 21. En fait c'est du mooré
traduit en français. En mooré on dit: "M saam biisi" ce qui signi-
fie littéralement "Mes pères fils" et en français "Mes frères".
Chez les autres poètes nous n'avons pas relevé d'expres-
sions locales.
Nous allons à présent nous pencher sur le thème du con-
flit des cultures.
(1) Op. Cit., p 44
(2) Titenga PACZRE, Refrains Sous le Sahel, p. 42
...1...

257
d) Le thème du conflit des cultures dans la poésie
voltarque
Rares sont les poètes qui ont réussi à publier leurs oeuvres
Ceux qui l'ont fait n'abordent pas le conflit de cultures comme thème
privilégié de leurs_écrits.
Néanmoïns, à travers les écrits que nous avons en notre
possession, on arrive à discerner en filigrane que les poètes ne sont
pas non plus hostiles à la symbiose culturelle.
Ainsi, dans son poème intitulé Le Sourire d'un physycien,
Armand BALHTA écri t:
"Le destin a voulu
Que meS pas
He mènent vers ses humbles cimes
La douceur voluptueuse de son sourire et son franc regard
M'ont fait savourer
Les plaisirs d'un autre monde
Les dieux ont voulu que ceux qui sont animés
D'un m3me amour pour les choses d'Outre-tombe
Se rencontrent en ce bas-monde
Un seul contact suffit parfois un seul regard
Et derrière un rideau se déroule
Une autre scène gardée secrète même aux plus évolués
Des hommes
Dans ce monde règne en parfait Martre le juste
Equilibre des choses." (1)
(1) Armand BALIMA, Voiles Marines, Ed. St-Germain-Des-Prés,
1979, p. 27

258
Pour lui le contact entre deux civilisations est
fructueux et enrichissant. Il est le point de départ d'une nou-
velle vie.
Titenga PACERE ne condamne pas non plus la rencontre
des civilisations. Dans le recueil Quand s'envolent les Grues
couronnées, il déclare à propos de l'école.
"Il faut qu'il (1) aille
Là-bas,
Mais qu'il revienne
Ici !
Nous avons perdu
Mais le verdict éternel
Appartient à ces fils !
Demain
Il ira à l"école des Blancs." (2)
"Aller là-bas" signifie aller à l'écoles des blancs,
autrement dit, aller à la quête des valeurs occidentales.
En revanche, "Mais qu'il revienne ici" signifie qu'il
ne doit pas oublier pour autant les coutumes ancestrales. Il
doit éviter le déracinement culturel.
Plus loin d'ailleurs l'auteur dénonce ceux qui se laiss~t
emporter dans un occidentalisme excessif •
"En mil neuf cent soixante-huit
Il n'y avait
Sous le ciel sans nuage,
Que des frères retrouvés
(1) Il s'agit de l'auteur
(2) Op., Cit., p. 23

259
Maie,
Perdus
Qui se suicident
Qu'ils vinrent
Du Mali,
Du vent de Dan
Ou qu'ils aient suivi Ouédraogo
Dans ses mille péripéties,
Ils perdirent
Dans la mêlée
Cette fraternité
A laquelle aspirent
Les peuples qui n'ont pas retrouvé
Leur enfance !" (1)
Et à la page suivante il ajoute 1
"Adieu
Tous les frères nègres ethnmcidés" (2)
Titenga PACERE se prononce donc pour un enrichissement
des cultures mais contre le déracinement et l'ethnocide.
Un ancien étudiant de l'Université de Lyon II a
publié en 1981, un recueil de poèmes intitulé TENEBRES DE LUMIERE,
préfacé par Solange Xavier L:\\,'(Ci.rtrn
Il s'agi t de K. D. Bowuvoségué
Jules SANON qui prépare actuellement un D.E.A. de linguistique à
Paris.
(1) Op. Cit., p. 50
(2) 6p. Cit., p. 51
. ,
~ - '1 •
';l.
i'
;"
~ .
-

260
Présentant le recueil, Vinu Muntu YE, professeur de
linguistique à l'Université de Ouagadougou écrit 1
"Le récuei1 se compose de vingt-trois
poèmes : dix figurent sous la rubrique
"Méditations" et treiae sous la rubrique
"Ode à Auben , Jules SANON confronte les
valeurs humaines qui sont les siennes avec
Les dures images de la réalité. Cette con-
frontation débouche parfois sur le découra-
gement (cf. Cité des Hommes) sur la détresse
(cf. Sur la route de France) ou le
. combat.
A ces germes de souffrances s'opposent les
essences qui prennent figure d'allégories,
la Solitude accompagnée d'Austérité
et Séré-
nité, l'Amitié en laquelle on cherche recon-
fort, ainsi qu~ Tendresse, Compréhension,
Amour qui se dressent comme des piliers au
milieu desquels erre l'auteur désemparé,
accablé de souffrance, mais espérant la
renaissance, aspirant à la consolation
Jules SANON aborde ainsi beaucoup de thèmes dans son
recueil. Notre attention a été attirée par cette disponibilité
du poète, son combat pour une amitié universelle.
(1) L'Observateur.
' n o2224 des 24 et 25 novembre 1981 P"7

261
Il lance d'abord un appel à tous les hommes de la terre
en faveur de la paix. Cet ; app~l se fait entendre à travers le
poème Sur les Routes de France 1
"Terre de Misère, Terre de Perversion
Je te pleure comme une mère pleure son
enfant.
Terre Sainte, Terre d'Afrique
Terre d'Asie, Terre d'Amérique
Quand déposeras-tu les armes pour la PAIX ?
Pes fils sont las de pleur~r, las d'attendre,
enfin las de souffrances." (1)
Dans Si un jour je n'étais plus il exprime sa déception
devant la division des hommes. Le poète croyait en la fraternité
et au contact entre les hommes. Mais il se rend compte avec
amertume de cette illusion 1
"R~veur, Humaniste et Penseur,
Il ignorait que les Hommes étaient faits
Pour se détester, pour se harr.
Pendant longtemps i l l'ignora
Pendant longtemps il vécut dans l'illusion,
Pendant longtemps, il se leurra." (2)
Par delà ces mots, l'auteur n'affirme-t-il pas sa
disponibilité et son désir de coopération avec les hommes? Il
voudrait rester lui-m3me, le BOBO (3), le"nègre" voltarque, mais
cependant s'ouvrir aux autres.
1
Jules SANON, Ténèbres de Lumière, p. 12
2
Op. 6it., p. 21
3
Le terme Bobo désigne l'ethnie de Jules SANON.

262
On consta~e finalement que pour les écrivains voltarques
l'Afrieain_
de demain, n'est pas celui qui s'accroche désespérément
au passén ni celui que l'Europe a perdu en l'éblouissant, mais celui qui
rest lucide pour avancer vers l'Europe tout en restant lui-même.
Comme le dit si bien N'Douba dans Le Respect de~ Morts, "Nous avons
besoin de la technilf\\le, nous avonS besoin de la modernisation."
3) Les textes théoriques
Après avoir an~lyé la présënce de la tradition et du moder-
nisme dans le roman et la poésie voltarques, nous allons à présent nous
pencher sur les textes théoriques. Nous aborderons les problèmes
. linguistiques, le thème du conflit des cultures et les formes de
communication.
3.1 Les problèmes linguistiques
a) Les interventions dans les assemblées de village
Les assemblées de village relroupent les personnes âgées.
Parmi elles, certaines s'expriment dans une langue nationale pure.
Beaucoup par contre utilisent de nombreux termes d'emprunt dont les
plus fréquents sonts mais, donc, alors.
Quelques exemples!
\\",
a) PhrasB tradi t Lonne Lt e s
,
/
"
l~
- " "
-
\\ \\
n'
z a n
zJn)1 k~
n'
ji
kLm'è.
bSo
Il
je être
la
maison mais je
ne pas voler
choses
::
rentré
'f .
.,.
.~,
b) Phr~se dans laquelle l'orateur emprunte le terme français
"mais"
-,
--
n'
z'}n

-
,,
"-
"
/
r
z3no 1 ...!!!.L
n'
ji
kt m'è.
boo
Il
(mais)
0) Traduction en français.
Je suis rentré dans la maison mais je n'ai rien volé.

263
Deuxième phrasel
;-
'-
.....
a)

m'
:Mn
--
:Ben
'"
/
'" /
jiri
It k!>
hie
mf
Il
je
fututr venir demain
et toi
attendre
moi
(sens
de donc)
1 1
"-
~
/ / ....
, \\. 1 "-
b) m'
Ben
:Ben
jiri 1 difiki
k:l
hie
mt Il
(donc)
c) Je viens defiain, i l faut donc m'attendre.
Troisième phrase:
a) n n
tU
c
/
n'
han
wo
Il
mon
coeur ~tre brûlé et moi
avoir frappé
lu!.
(sens
de alors)
-, -,
\\
_.-
.....
.. "
"-
b) n~n
tH
c{
/ f.r"~
n'
han
wo
Il
(alors)
c) J'étais énervé, alors je l'ai frappé.
Dans le disoours des jeunes ces termes d'emprunt sont
nettement plus nombreux que chez les vieillards. La raison est que les
jeunes disent généralement tout ce
qui est neuf, moderne, alors
que les vieillards sont plus conservateurs.
I~ais y a t-il des éléments traditionnels dans le discours
politique?
b) Le discours politique
Nous nous sommes intéressé
aux discours prononcés par
les responsables de l'Etat, les partis politiques, etc., et nous pou-
vons les ranger en deux catégories:
La première catégorie regroupe les discours dont le début
est semblable à celui-cil
"Monsieur le Ministre de l'Education Nationale et de la
Culture,
Monsieur le Représentant Résident du Programme des
Nations Unies pour le Développement,

Honeieur le le Représentant de l'UNESCO pour les Affaires
Sahéliennes,
Messieurs le Directeurs et Chefs de Service,
Eessieurs les Stagiaires et Chers Collègues,
Mesda~es et Messieurs, ••• " (1)
Le Ministre de l'Education Nationale et de la Culture au
cours de la m@me cérémoniel
"Monsieur le Représentant Résident de P.N.U.D.,
Mor.sieur le Représentant de l'UNESCO pour les Affaires
Sahéliennes,
Messieurs le Directeurs et Bhefs de Service,
Messieurs les Stagiaires,
Mesdames, Messieurs, ••• " (2)
La deuxième catégorie regroupe les discours qui commencent
en ces termes,
"Mes pères,
Mes mères,
Mes frères,
Mes soeurs, etc" (3)
(1) Allocution prononcée par Ignace SANDWIDI, Directeur de l'Institut
National d'Education, à la séance d'ouverture d. stage des martres
expérimentateurs de la réforme de l"éducation
.le 6 Août 1979.
Cette
·allocution a été publiée dans la Revue ARC de novembre 1979 p. 4.
(2) Intervention de Monsieur Domba KONATE, Ministre de l'Education Na-
tionale dt de la Culture, publiée dans la Hevue ARC de novembre
1979, p. 4
(3) cf. Alfred SAWADOGO, Ma première campagne électorale, p. 30, 31,
50 et 62.

265
Cette deuxième formule nous semble plus proche de la réa-
lité africaine. A travers ces quelques mots on comprend que les liens
et le
,
existant entre
l'orateur
.
public sont chaleureux. L'orateur se presente
d'ailleurs comme un membre de cette grande famille que constitue le
public.
3.2
Les thèmes
Dans les assemblées de village on distingue des thèmes
traditionnels et des thèmes modernes.
En ce qui concernee les thèmes traditionnels il peut s'agir de
prendre une sanction contre un individu qui a mal agi, discuter sur
la refection d'un toit,
rechercher les causes de la sécheresse, :
réconcilier deux familles en discorde, etc.
Le8 thèmes modernes peuvent concerner la construction d'une
école, l'organisation de l'accueil du sous-préfet qui doit venir en
visite dans la localité, etc.
Le discours politique pour sa part développe nécessairement
des thèmes modernes puisqu'il s'agit de proposer une autre organisa-
tion de l'Etat. La plupart des pays africains ont
.eopié les struc-
tures étatiques modernes de l'ancien colonisateur.
On constate don, une cohabitation de la tradition et du
modernisme. Le théoricien Joseph KI-ZERBO est favorable à une telle
cohabitation. Ce dernier est historien, premier agrégé d'histoire en
Afrique et internationnalement connu. Il n'est à proprement parler,
ni poète, ni romancier, ni dramaturge. Le thème du conflit des cul-
tures il l'aborde surtout au cours de seS conférences, des collo~ues
internationaux, ainsi qu'à travers les nombreuses interviews, telle
•.• 1•• ·

266
açcordée ,
~ue celle ~u'il a'
a Marcelle COLARDELLE en 1919 à Libre-
ville pour le compte de l'Union. (1) Sa position sur la culture
a fait l'objet d'une étude menée par Marie Claire NIKIEMAr Idées
culturelles de Joseph KI-ZERB9 et leur jonction avec celles des
écrivains africains. (2)
Nous tenterons d'apporter notre contribution à cette
étude et dans notre entreprise nous nous limiterons (3) essentiel-
lement à l' interviell: que Jos,ph KI-ZERBO a 'c;cordée à LIU nion,
ainsi ~u'à ses interventions au cours de la rencontre ~ interna-
tionnale de Bouaké en 1962 en C~te-d'Ivoire.
Sur le plan de la religion, Joseph KI-ZERBO sait ~ue
l'Afrique est profondément religie~~eet qu~elle pratique
une
religion traditionnelle. Cependant)pour lui, le christianisme,
religion nouvelle, a un
rôle positifr
"Le christianisme est un ferment positif et incoercible
~ui a été apporté aux Africains et qui est aussi une
source de révolution extraordinaire." (4)
Pourtant Joseph KI-ZERBO ne nie pas Bon plus le carac-
tère positif des religions traditionnel!es. On pourrait donc trouver
dans sa position et son appréciation des religions, une sorte
d'ambiguïté. Mais cette ambigufté n'est ~u'une apparence selon lui,
(1) Quotidien d'information de l~ République du Gabon.
~2) Mémoire de Maftrise de Lettres Modernes présenté à l'U.E.R. de
littér~ture comparée de l'Université de la Sorbonne Nouvelle
(PAris III) en 1916.
(3) C'est dans ces textes ~u'on trouve l'essentiel de ses idées
sur le t~ème du conflit des cultures.
(4) Rencontre Internationale de Bouaké, Tradition et Modernisme
en Afrique Noire,Paris, Seuil, 1965, p. 123 •
•.• 1.••

267
"Dans la mesure où certaines choses qui existent dans les
rites des Baoulés sont considérées comme non fondamentalement anta-
gonistes par rapport à la religion catholique, à ce moment-là on
peut très bien rester baoulé et catholique." (1)
Joseph KI-ZERBO parle ici du cas particulier des Baoulés(2)
mais ce point de vue s'élargit de toute évidence à l'Afrique Noire
en général. Autrement dit, pour lui, on peut très bien être ca tho-
lique et continuer à participer à des cérémonies religieuse de sa
communauté tra.di tionnelle. Sur ce point, il rejoint le romancier
Augustin Sond~ COULIB!LY. Tous deux sont favorables à une sorte
de syncrétisne religieux.
Concernant la culture de façon générale, Joseph KI-ZERBO
trouve que les gouvernements africains ne lui accordent pas la
place qui lui revient dans le processus de iéveloppement des paysi
"Il Y a des pays aujourd'hui qui vivent
littéralement de la culture qui s'est dévelop-
pée chez eux depuis des millénaires et des
siècles; par exemple l'Italie, la Grèce,
l'Egypte, ces pays récoltent chaque année des
milliards de dollars uniquement parce que des
touristes viennent contempler ce que les ancê-
tres ont réalisé dans la peinture, la sculptu-
re, l'architecture. Cela nous montre que la
culture n'est pas détachable de l'économie puis-
qu'elle produit de l'Argent." (3)
1
Op. Ci t., p. 111
2
Les Baoulés sont une ethnie de la CSte d'Ivoire à laquelle
appartient le Président Félix Houphouet Boigny.
(3) J. KI-ZERBO, Interview accordée à l'Union des 31 Rars et 1er
avril 1979.

268
Comme on le constate, selon: Joseph KI-ZERBO, la cul ture
peut être une source de devises. Nous n'en disconvenons pas, mais
une telle situation ne fait pas honneur à la culture; il ne s'agit
là en réalité que d'une utilisation dégradée de la culture.
Joseph KI-EERBO est cependant conscient de la crise cul tu-
relle que traverse l'Afrique et propose la solution suivante:
r,
"Dans cette crise nous devions nous co~porter
comme un jardinier qui élague certains éléments pour, au
contraire, magnifier, donner plus de chances et d'épanouis-
sement à d'autres éléments. En effet, la culture n'est pas
comme un compte en banque qui serait immobilisé, mais une
sorte de tissu vivant qui comporte des éléments qui sont
sclérosés, mais elle comporte aussi des éléments qui sont
des fleurs et des fruits. Il nouS appartient d'élaguer ces
éléments sclérosés pour mettre en valeur tous les éléments
sains qui peuvent ~tre cotés honorablement dans la bourse
internationale
des valeurs humaines."(1)
Joseph KI-ZERBO souhaite donc que chaque peuple opère un
choix parmi ses valeurs culturelles. Ce sont de telles valeurs qui
devront conduire à la symbiose culturelle universelle:
"6n a constaté d'ailleurs, que les métissages donnent des
produits qui sont souvent meilleurs que les deux parties".(2)
(1) Rencontre Internationlle de Bouaké, Tradition et Modernisme
en Afrique Noire, p. 131
(2) Op. Ci t., p. 131
. . .1· · ·

2~
En somme pour cet intellectuel voltarque, on peut parvenir
à quèlque chose de cohérent, on peut atteindre un équilibre fécond,
en alliant des éléments traditionnels et des éléments modernes.
Joseph KI-ZERBO pense à une sorte de complémentarité des cultures
o. peut-être à une une culture universelle come but dernier à atteindre.
Conclusion de la troisième partie
D'une manière générale, les écrivains volta!ques,à l'excep-
tion de Nazi BONI, qui est d'une autre génération, se démarquent de
la négritude narcissique; ils ne se contentent pas de crier aveuglé-
ment à la sauvegarde des valeurs africaines traditionnelles, mais
combattent pour résoudre certains problèmes africains contemporains.
Ainsi Augustin Sondé COULIBALY lutte farouchement contre le
chemage, l'exode rural et la délinquance juvénile qui sont, selon
lui, liés à la mauvaise gestion de l'appareil d'Etat. Il préconise
un gouvernement fort,capable de redresser la situation.
Jose9h KI-ZERBO, pour sa part, s'attaque au système édu-
catif qui doit faire l'objet d'une réforme.
. ..1...

270
Sa position a été très claire à la rencontre Internation-
nale de Bouaké où i l
a déol.a ,ré:
.:.: -
,
"Donc, au point de vue éducation,
le pro-
blème se trouve dans la décolonisation et
et l'africanisation de l'enseignement,
c'est ensuite l'adaptation de cet ensei-
gnement à la situation d'un pays sous-
développé qui doit, dans un temps court,
combler son retard."
(1)
E~ dans le même sens, concernant l'histoire en-
seignée dans les lycées et collèges africains,
i l affirmera
dans l'interview accordée à l'Union
"En effet cette histoire, comme vous savez,
devrait être plus ou moins reprise de fond
en comble pour être présentée aux Africains
d'une manière spécifique. Vous savez que
cette histoire était étudiée de l'extérieur
avec une optique particulière; i l n'est
pas question de faire leur procès, mais de
dire que c'est pas ce genre d'histoire qui
convient
mieux aux Africains"
(2)
En fait,
Joseph KI-ZERHO et Amadou KüNE se sont
clairement prononcés sur le caractère dépassé de la nétri-
tude. Dans Les Frasques d'Ebinto,
parlant des écrivains
de la nétritude,
Amadou KüNE par la voix d'Ebinto, affirme
Rencontre Internationale de Bouaké, Trad. et Mod.
en Afr.
Noire,
seuil,
1965, p.
1 J2
Joseph KI-ZERBO, L'UNIO~ du J1
mars et 1er avril 1979,
p. 2
/

27I
"Je sais qu'ils ont eu le courage de dire
à l'Europe que les Nègres n'étaient pas un
"peuple enfant" et qu'ils avaient une cul tu-
re. Mais lfl. n'est plus la question."(1)
De même Joseph KI-ZERBO dans son Histoire générale
de l'Afrique Noire
"Il ne s'agit plus tellement de chanter la
négritude mais d'agir.
Il ne s'agit plus de
se lamenter sur un paradis perdu, car i l n'y
a pas de paradis perdu. Il ne s'agit pas de
roucouler notre peine, ni de célébrer nos
valeurs passées, mais de transformer notre
propre
moi collectif afin de trouver des
raisons d'espérer." (2)
Ainsi donc l'heure est à la lutte pour le progrès.
Les Africains doivent lutter pour résoudre les problèmes concrets
de chaque jour, pour l'amélioration de leurs conditions de vie.
Il semble que selon les écrivains,
i l ne s'agit plus tellement
de s'acharner sur un mal de provenance extérieure, mais de
résoudre,avant tout, des problèmes internes à la société
africaine, même s'il~ ont des sources extérieures.
P.
J8
P. 64J
o • • /
• • •

272
Conclusion Générale
Au terme de notre étude, deux grandes idées se
dégagent: heurs et malneurs d'une rencontre,
l'avenir du conflit des cultures.
1. Heurs et malheurs d'une rencontre
Notre étude nous aura permis de découvrir que
la vie traditionnelle voltaïque,
telle flue nous l'avons
présentée à travers l'exemple du peuple bwa, repose tota-
lement sur les traditions et les coutumes et que la
"littérature orale~ y joue un raIe essentiel, car elle
est un véri ta"}):o
enseignement des structures de la société
et de ses valeurs.
Mais l'irruption du monde occidental a bouleversé
jusque dans ses fondements les structures sociales de ce
monde voltaïque de paix relative, de bonheur, et épris des
grandes valeurs de dignité et de gloire
Au mode d'éducation
populaire de la société
africaine, voltaïque en particulier, le mouveau monde
allait substituer un mode d'éducation à caractère élitaire.
L'école coloniale, ce centre privilégié d'~nstruction de
la nouvelle société en devenir, se révèlera l'instrument
non sanglant de l'acculturation, mais de loin le plus
dangereux. La culture bourgeoise qu'elle èispensera sera
le pale d'attraction des intellectuels africains, voltaïques
en particulier, formés en son sein.
.../ ...

273
En dernière analyse, la nouvelle société entraîne
toute une série de conflits
: conflit des générations,
conflit des cultures, "substitution progressive d'une
économie de marché à vocation industrielle, à une économie
agricole et autarcique, provoquant l'exode rural et une
croissance urbaine précipitée et difficile à contr&ler,"
etc.
(1)
La littérature orale pour sa part se verra
menacée de disparition. Non seulement le nouveau mode
d'éducation du monde moderne, l'école, se substitue à elle,
mais encore les mass media attirent les jeunes, qui, par
voie de conséquence, manifesteront une absence d'intér3t
voire un dégoat à l'égard de cette littérature orale. Ceci
légitime le cri de certains intellectuels qui, comme Nazi
BONI, conscients du danger que représente le monde moder-
ne pour les traditions, ont lancé un B.O.S en faveur de
ces traditions.
Mais le monde moderne n'a pas uniquement
"détruit" l'Afrique. Il serait simpliste ou insuffisant de
ne voir que cet aspect. Le monde moderne a aussi apporté
à l'Afrique et à la Haute-Volta en particulier, sa science
et sa technique. Il a permis à l'Afrique d'avoir une ouver-
ture sur le monde par les moyens de transport,
la presse
et les structures étatiques.
(1) Jean Pierre GOURDEAU t La littp.rature négro-africaine
4,expression francajse.
HATIE~tParis 1973; p. 116
.../ ...

2~
Dès lors quelle attitude adopter vis-à-vis-
du
conflit des culture?
2.
L'avenir du conflit des cultures
Les positi~ns des écrivains vo1taiques sur le
conflit des cultures ne se sont pas faites attendre. Pro-
fessant la lutte contre le passéisme et les coutumes rétro-
grades, ils optent en général pour une
adaptation des tra-
ditions et des valeurs traditionnelles à l'évolution du
monde.
Ces écrivains, ce faisant,
ne font pas autre cho-
se que plaider pour eux-m@mes,
se défendre à la fois con-
tre leurs compatriotes et les occidentaux, puisqu'ils sont,
qu'ils le veuillent ou non, des êtres à double culture.
A ce moment, une autre question s'impose d'el1e-
m@me
quelle vision de l'avenir doit-on avoir de l'Afrique
dans le contexte actuel de mutations, de conflits et de
transformations ?
Il est très difficile de dresser avec précision
des proBostics sans faire oeuvre de charlatan. Néanmoins
quelques axes semblent être sars.
L'éducation, comme on le sait, est le moyen par
lequel une société initie la jeune génération aux valeurs
et aux techniques qui caractérisent sa propre vie. De ce
point de vue, dès la plus tendre enfance, l'enfant africain,
voltaïque en particulier, devra @tre éduqué selon le con-
texte socio-culture1 de la société traditionnelle. A mesure
.../ .. ,

215
qu'il grandit, i l devra être sensibilisé à un idéal.
Cette éducation que l'enfant devra recevoir dès
son jeune Age, visera à faire plus tard de lui
lm
adulte
adapté, c'est-à-dire qui vit conformément aux règles éta-
blies par sa société.
Il est évident que l'Age scolaire verra surgir
des problèmes et en premier lieu celui de la langue. L'adop-
tion ou la conservation d'une langue européenne, conçue com-
me moteur du développement .u moyen de transformation des
structures mentales, peut se justifier, mais en aucun cas
elle ne doit s'accompagner du mépris des langues maternelles
ou de leur oubli total dans l'enseignement. Le mieux sera de
définir la place des langues nationales dans l'enseignement
et surtout le statut de la langue coloniale, en l'occurence
le français pour la Haute-Volta. A ce niveau la réforme de
l'enseignement en cours actuellement est déjà un pas positif
quoiqu'encore insuffisant qui devra ~tre suivi d'autres pas.
En ce qui concerne les programmes, ils devront
~tre pensés conformément au génie propre à la Haute-Volta
et devront se débarrasser complèment des modèles importés
inadaptés. Il ne suffira donc pas de se contenter de la
récitation mécanique des leçons apprises par coeur à l'ex-
térieur, i l faudra plutôt mettre l'accent sur les ressources
culturelles du territoire national comme base de la person-
nalité voltaique en même temps que de l'essor économique •
. . .1. . ·

276
Sur le plan philosophique i l importe au plus
haut point pour les pays africains de recueillir leur
propre héritage en l'adaptant au monde moderne, comme par-
tie intégrante de l'apport original qu'ils peuvent apporter
à l'humanité. Cette tâche est d'autant plus impérieuse
que
les mutations mondiales sont en train de faire disparattre
les ressources culturelles du continent africain.
Ainsi, les contes,
les proverbes,les mythes, etc.
très riches philosophiquement - nous l'avons montré en
prenant l'exemple des B~ABA de Haute-Volta
, devront
faire l'objet d'une étude approfondie, qui pourra être
soumise à la réflexion des élèves de Terminale par exemple.
Nous ne disons pas qu'il faut abandonner complè-
tement la pensée européenne, mais i l faut savoir opérer
un tri qui consiste à rejeter ce qui est mauvais et à
garder ce qui peut nous être profitable. Autrement dit, à
l'heure actuelle, aucune culture, aucune civilisation ne
se suffit à elle-même. Une culture ou une civilisation,
si elle est coupée des autres, si elle reste sectaire,
périrait d'elle-même.
Ainsi, un pays, la Haute-Volta par exemple, peut
solliciter l'influence d'un autre pays sur le plan culturel.
Il s'agira alors de coopération culturelle ou d'accultura-
tion planifiée. Dans ce cadre,
la Haute-Volta devra être
. . . 1. . .

271
très vigilante ; pour éviter par exemple les changements
et les crises trop pénibles, elle ne dwvra pas détruire
systématiquement ses propres valeurs, mais réinterpréter
les traits
culturels qu'elle veut introduire.
Bref, les Africains,
les Voltaïques en particulier;
conscients du relativisme culturel devront chercher à valo-
riser l'héritage ancestral' selon des normes adaptées au
monde moderne.
Il est évident que l'Africain ne peut devenir
Français ou Japonais, du moins sur le plan culturelZ Cet
objectif serait utopique,
car selon un proverbe af~icain,
"si vous semez un grain de maïs, vous ne récolterez pas des
grains de sorgho".
A ce niveau la politique assimilationniste des
Français en Afrique ne pouvait que courir à l'échec, car,
seèon un autre proverbe africain,
"l'abeille qu'on met de
force dans une ruche ne fera pas de bon miel."
En dernière analyse, la visDon que nous pouvons
avoir se résume dans cette formule condensée de Joseph KI.
ZERBO
"Ainsi donc,
oui au modernisme technique mais
surtout oui à la personnalité africaine.
Oui à la science universelle, mais surtout
oui aussi à la conscience africaine." (1)
(1) Histoire gJnJrale de l'Afrique Noire.
p. 644 •
.../ ...

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III
LA BOUCLE DE LA VOLTA NOIRE. ( d'après Biyibo DmIBDS )
fronti~res du BWAMU.
frontières linguistiques.
- - - -----
vo i es de communi ca tion
l
MUKIOHO
]
régions géo-linguistiques
II
KIOHO
du BWAMU.
I I I
'fUlMAN (ou KADEM:r1U)

284
Bibliographie
.1:

285
1.
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en collaboration avec
Michèle d'HUART et Philippe
BONNEFOND,
"Bibliographie Générale de la
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JOOp.
Françoise IZARD,
"Bibliographie générale des Mossi"
Etudes Voltaïqueè,
J, 1962 (Bwa
pp.
80-81)
J. CAPRON
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Centre IFAN - ORSTOM (nouvelle série),
4, 1 96 J, p. 12 J
J. CAPRON
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Etudes Voltaïgues, 5, 1964-1966
P. 201-205.
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a) Romans
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256 p.
.../ ...

286
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Imprimerie Nationale, Ouagadou-
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1975,
Noaga KOLLIN
Ha ro 1 Camarade Commandant,
Presses Africaines, Ouagadougou,
1977, 110 p;
Noaga KOLLIN,
Retour au village,
Editions Saint Paul, 1978, 139 P;
Pierre Claver ILBOUDO, Le Fils Aîné
Presses Africaines, Ouagadougou,
1981, 136 P.
b) Nouvelles
André NYAMBA,
Avance mon peuple,
Presses Africaines, Ouagadougou,
1974, J4p.
Roger NIKIEMA,
Les Deux Adorables Rivales,
C.L.E, Yaoundé,
1971 •
.../ ...

287
c)
Théâtre
Pierre DABIRE,
Sansoa
o •R. T •F, 1969
Roger NIKIEMA,
Les Soleils de la terre
C.L.E, Yaoundé, 1971
d ]
Poésie
Jacques GUEGANE,
Nativité,
Bouvelles Editions Africaines,
Dakar 1977.
Jacques GUEGANE,
La Guerre des Sabres,
Presses Africaines, Ouagadougou,
1979,
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Vinu YE,
Appels,
Nouvelles Editions Africaines,
Dakar,
1977.
Daniel ZONGO,
Charivaris,
Imprimerie Pinson 85 100 les Sables-
d'Olonne, 1977,
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Titenga PACERE,
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Editions Pierre Jean Oswald, Paris,
1976
J.
.../ ...

288
Titenga PACERE,
Ça tire sous le Sahel
Edit. Pierre Jean Oswald, Paris,
1976
Titenga PACERE,
Quand s'envolent les grues
couronnées,
Ed. Pierre Jean Oswald, Paris, 1976
Issiaka Soumaïla KARANTA,
Poèmes pour enfants,
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Roger NIKIEMA,
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Voiles Marines
Ed.
Saint Germain-des-Prés, 1979,
e)
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Presses Africaines, Ouagadougou,
J) Etudes et oeuvres critiques sur la littérature
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290
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Idées' culturelles de KI-ZERBO
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Mémoire de Maitrise de lettres
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4)
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Jacques CHEVRIER,
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1er Janvier 1964
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Haute-Volta de 1898 à 1978 ou le
passage de la Haute-Volta sous domi-
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Mémoire de Mattrise de sociologie,
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la, ...,
vers~i&ft d'une communauté païenne
au Christ ..
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thèse
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de théologie, 4ec~ 1970
294 p •

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Jean Pierre GOURDEAU,
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d'expression française,
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156 p.
Recherche pédagogique et
culture
n " 29-30, mai-aofit 1977
"Tr-ad I ti on orale et nrusique"
Action Réflexion et
culture
nO 1 nov. 1979
I.N.E. Ouagadougou
"S~écial réforme"

Tab:""
des
matières

297
Introduction Générale
........•.......•.....•... . p.1
PREMIERE PARTIE : Panorama culturel de la Haute-Volta
.. vt ,
Introduction
. . . . . .
.p.8

• • • • • •
Chapitre l
La littérature
.
.
• •

p.9
• • • • • • • • •
1 ) La littérature écrite
. •
.p.lO
• • • • •
2) La littérature orale
. • • • • • • :P2S
Chapitre II
La musique
0
• • • • • • • • • • • • • .p.29
,
1 )
La musique traditionnelle
· e • • .p.30
2) La musique moderne
• • • • • • p.32
Chapitre III
Les associations et la promotion culturelle
en Haute-Volta
• • • • • • • • • • • •• p.34
1) Les Maisons des Jeunes et de la Culture
(M.J.C.)
• • • • • • • • • • • • • • •
2) Les associations culturelles
• • • • p.36
Chapitre IV
Tradition et modernisme au niveau de
l'église
• • • • • •
• • • • • • • • • • pAO
1 )
La langue
• • • • • • • • • • • • • p.41
2) Les chants
• • • • • • • • • • • • • p.4 2
Conclusion de la première partie
• • • • • • . . • • • .p.43
.../ ...

DEUXIE!oœ
PARTI~ z Présence de la tradition dans la
litt~ratur. voltaïque d'expression
française
• • ••
• • • • • • • • • • .p.44
. . .
Introduction
• • • • • • • • • • • • • • • • .p.45
Chapitre l
Le Crépuscule des Temps Anciens 2 situation
de cette oeuvre dans la littérature
vo1taiq'Je
•• • • • • • • • • ••••• • • • • p.47
L'auteur
• • • • • • • • • • • • • • • p.47
Le réSt'U'Qé du roman "1 • .hl.
.L
Le con~ex~e po~i~ co-
storique
Le Crépuscule des Temps Anciens
importante contribution au courant de
la négritude

• • • • • • • • • •..• p.58
Chapitre I I
Le DW8D1U

. . • • • • • • • • • • • • • • • • p.62
1) Signification du terme
• • • • • • • .pp.63 X
2) Situation eéographiqu8
• • • • • • p.65
J) Hétérog~neité du Bvamu, une hétérogenéité
dans l'hémogénétté.
•• • • • • •• ~ •• p~66
4) Dwan, th~âtre du Crépuscule des Temps
Anciens
• • • • • • • • • • • • • • p.10
Chapitre III Les formes narratives dans la littérature orale bwa. p.14
A) Hythes, légendes, contes, proverbes, et devinettes
dans le C.T.A o







Q
• •
0







p.75
1 )
Les mythes
· · · · . . . · · ••• • • • '.75
2) La léffcnde totémique
........
J) La 1éeende historique
• • • • • • •
p.90
.../ ...

~)
Les re
. . . .
C.l t s
ue
. . .
C ili:1~.:>t::
. . ,
.
0
5) Les proverbes
· • • • • • • • • • • • • · • • • • ., 'p.101
6) Les devinettes · • • • • • • · • · · · • • • • • • p.ll9
7 ) Les contes

0









• • • • • •

• p.I22
B) Rapports entre formes narratives et roman • • • • • • • • • • • p.I24
1 ) Les différences
• • • • • • • • ~ • • • • • p.l24~
••
2) Les ressemblances
• • • • • • • • • • • • • • • • p.l28
Chapitre IV
De certains aspects de la vie tradi tionneU.e bwa. p.l29'
1 )
La danse
• • • • • • • • • • • • • • • • • • .p.I30
2) L'image de la femme
· • • • • • • • • • • • • • piE42
J) L'initiation
· · • • • • • • • • • • • • • p.I50



4) Le thème de la mort dans le Crépuscule des
Temps Anciens

• • • • • • • • • • • • • •p.I6l
Chapitre V
Le traitement de la tradition dans le
Crépuscule des Temps Anci~
• • •• • • • • • • p.l7I
1) La chronique, forme privilégiée du
Crépuscule des Temps Anciens
• • • • • • • • p.l72
2) Les tlAfricanismes bwa"
• • • • • • • • • • • • ~.l76
J);Les termes bwa
·
• • • • • • •
. .. . . • • p.I80
Conclusion de la deuxibme partie
• • • • • • • • • • • • • • p.I9I
TROISIEr-lE pARTIE
Le conflit de la tradition et du modernismeo p.I92
Introduction
. • • • • • • • • • • • • . • • • • • . • • .p.I93
.../ ...

jUU
Chapitre l
Les nouveaux milieux : facteurs de chan-
gement de la société voltaïque tradition-
nelle.
• • • et • • • • • • • • • • • • · . ..
1 ) L'école et l'administration
0
• • • • p.I99
2) La ville
• • • • • • • • • • • .. • • • p.202
J) La religion
• • • • • • • • • • •
.. ..
o
• p.204
Chapitre II
Les mutations de la société voltaique
o
"..206
1) La destabilisation de la société voltaïque
• • • • • • • p.207
traditionnelle

et
• • •
2) La crise de la société vol taique moderne P.2I3
p..230
Chapitre III
Pour une symbiose culturelle
• • • • • • • •
1 )
:L..:: roman r- et la nouvelle
. <t- .. • .. .. .' p.23I
2)
La poésie
0'
• • • • • • • • • • • • • • .. p..241
J)
Les textes t hé or-Lquers
Il'
0
0
p ..262
• • • • • • •
vi.
,.,
Conclusion de la troisième
Conclusion générale
Appendices l
. . .. .





0

• • • • • • • • • • •
Bibliographie
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ••
Table des matières.
















0



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