UNIVERSITE RENNES Il
HAUTE BRETAGNE

LABORATOIRE DE CLINIQUES PSYCHOLOGIQUES
.~.,
ESQUISSE THEORIQUE DES PRATIQUES THERAPEUTIQUES
CHEZ LES NAWDEBA DU NORD TOGO.
Contribution à l'étude psychologique de la médecine traditionnelle
en Afrique Noire .
..1'f
THESE DE DOCTORAT D'ETAT
(Psychologie et sciences humaines)
présenté par
DJASSOA C. Gnansa
'-.
Sous la direction du
Professeur LoTck VILLERBU
Directeur du Laboratoire de cliniques Psychologiques
- 1988 -
;......-:

COMPOSITION DU JURY DE SOUTENANCE.
Pr. J. BRENGUES - Rennes 1/.
Pro E. ORT/GUES - Rennes 1.
Pro J.J. KRESS - Brest.
Pro L.V. THOMAS - Paris V.
Pro L.M. VILLERBU - Rennes Il.

REMERe 1EMENTS

Au Professeur Loïck VILLERBU,
qui, malgré vos lourdes charges, avez bien
voulu accepter d'assumer la direction de ma thèse
et de me guider dans la phase décisive de mes
travaux,
j'exprime
mes
profonds
sentiments
de
reconnaissance. Par votre ouverture d'esprit, vous
demeurez
pour
moi
un
modèle
dans
mes
cheminements de chercheur.
-
Il -

ESQUISSE THEORIQUE DES PRATIQUES THERAPEUTIQUES CHEZ LES NAWDEBA
DU NORD-TOGO.
Thèse de Doctorat d'Etat
présenté par : DJASSOA Gnansa.
RESUME
.
.
l
- Le cosmos(l'ho~me et l'univers)est perçu et vécu comme un
système,une totalité,dynamique bidimensionnel,1.e. à la fois
spirituel et physique,émanant de "Sangbande",l'unique être
suprême tr~nant là-haut, au-dessus du firmament.La dimension
spirituelle divino-ancestrale,i.e.ourano-chthonienne,es~
la
source d'explication de tous les phénomènes observés:
rien
ne se produit au hasard.
L'homme,un des éléments vivants du cosmos, est constitué par
un noyau(son individualité) - à la fois corporel(Gbanu),on-
tologique(Lili'igo),vital(Nanéga),et défensif(Kawatia)
-
soudé à son environnement qui le circonscrit en deux dimen-
sions tripolaires : verticalité divino-ancestrale qui fonde
son être,et horizontalité qui fonde,d'une part, son existen-
ce(biolignage) et,d'autre part, son identité(communauté élar-
gie).Son existence évolue,par passages progressifs,du pôle
corporel au pôle spirituel,la mort étant le dernier passage.
Les institutions et pratiques sociales(vie communautaire,éco-
nomique,politique,religieuse,.et éducationnelle) traduisent,
dans la codification et la pratique des conduites humaines,
cette représentation dynamique bidimensionnelle du cosmos.
II - Les conduites thérapeutiques,sytème de pratiques particu-
lières relevant de cet univers nawda,combattent la maladie
conçue comme une agression venant du monde spirituel oura-
no-chthonien et toujours extérieure à Ego,le désarticulant
de ses axes fondamentaux(son environnement)et désorganisant
son noyau biopsychologique. - La démarche curative vise à
réorganiser,à recréer,par des rituels symboliques,cette to-
talité désarticulée,désorganisée.L'efficacité de cette dé-
marche réside,en partie,dans le degré d'adhésion culturelle
(i.e. participation au même univers de sens)et de confiance
au thérapeute.

" ESQUISSE THEORIQUE DES PRATIQUES THERAPEUTIQUES
CHEZ LES NAWDEBA DU NORD-TOGO "
Thèse de Doctorat d'Etat Présentée par
DJASSOA
C. Gnansa
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pulation.
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lire Ophidien au
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Lire 2.
Titre.
P.
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24è,
26é,
1 i gnes ;
Lire SYSTEME THERAPEUTIQUE au
lieu de Situation
thérapeutique
P.P.
782.
4è.
7è.
10è.
12é.
16è
1 i;nes.
783~
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18è.
20é.
22è.
23è.
26è.
2'3è •.
3iJé
Lire:
Occidentale au
lieu de Américano-
euror-eenne.

Au Professeur Ibrahima SOW.
qui avez accepté la lourde tâche de guider
mes pas dans la longue et pénible élaboration de
cette thèse, et qui
n'avez
ménagé
aucun
effort
pour que je puisse
la conduire
à
terme,
je
dis
toute ma profonde reconnaissance.
Vos
conseils,
vos
démarches
méthodologiques
qui m'ont servi de
modèle,
tout
votre enseignement... m'ont ouvert les yeux et ont
transformé
toute ma vision
du
monde.
Dans
ce
sens,
vous
restez
mon
Maître
dans
mes
tâtonnements de chercheur et de praticien.
-
III -

Au Professeur Jacques BRENGUES.
qui.
par
votre
esprit
de
compréhension.
votre savoir-faire et vos conseils. m'avez soutenu
et
aidé
dans
des
moments
particulièrement
difficiles
de
mes
travaux,
je
dis
mes
remerciements les plus sincères.
-
IV -

Je
remercie
sincèrement
le
Professeur
Elsa
SCHMID-KITSIKIS qui, avec amitié, générosité et
dévouement.
mais
aussi
fermeté
et
rigueur
scientifique, m'a guidé dans l'élaboration du projet
de thèse qu'elle a soutenu avec succès devant le
Collège
des
Professeurs
de
la
Faculté
de
Psychologie
et
Sciences
de
l'Education
de
l'Université
de
Genève.
J'ai
beaucoup
regretté
qu'elle
n'ait
pas
continué
à
m'encadrer
jusqu'au
bout. Elle reste la fondation de ce travail.
-
V -

Au
Professeur
T.A.
LAMBO.
qui
m'a
ouvert
la
bibliothèque
de
l'O.MS.
à
Genève,
et
qui
m'a
encouragé à entreprendre ce
travail, je dis
tous
mes remerciements.
-
VI -

Aux
Professeurs
A.JOHNSON.
K.5EDDOH,
et à tous ceux qui. matériellement ou moralement.
m'ont soutenu et aidé à mener à bien ce travail
de longue haleine. je dis un merci sincère.
- VII
-

A mon épouse MARIE-MARGUERITE,
-
toi qui as été toujours présente à mes
côtés
de
corps
ou
d'esprit
tout
au
long
de
la
préparation
et
de
l'exécution
de
ce
travail,
m'apportant
inspiration
et
réconfort
durant
mes
moments
de
blocage,
de
découragement
et
de
désespoir;
- qui as consenti tant de sacrifices pour que
ce travail about isse;
Je te le dédie; il est
notre œuvre à
tous
les deux.
-
VI" -

A mes r'egrettés Parents,
- Adioa Baka KELBA,
- Bogtema BODEGA
de vénérée mémoire.
Vous qui m'avez solidement
moulé dans
la
Tradition
Ances traie,
grâce
à
laquelle
je
peux
assimiler, sans me laisser déraciner et emporter
par
eux,
tous
les
courants
culturels
qui
ont
traversé
et
continuent
à
traverser
ma
vie,
ce
travail est, en fin de compte, le vôtre;
il
est
le
couronnement
de
votre
patiente
et
inlassable
œuvre éducative; vous l'avez édifié et modelé par
mes mains.
-
IX -

page
TABLE DES MATIERES.
INTRODUCTION GENERALE.
15
1. LE CADRE GEOGRAPHIQUE DE NOTRE ETUDE. __________________ 16
2. DEFINITION ETHNIQUE. _______________________________________ 17
3. PROBLEMATIQUE.
18
3.1. Position du problème.
20
3.2. Etat de la question: point des travaux à ce jour.
23
4-. ORIENTATION DE NOTRE APPROCHE.
23
4-.1. Cadre général de référence; "Ethnopsychologie".
24-
4-.2. Cadre théorique de référence.
28
4-.3. Notre hypothèse de travail.
36
4.4. Le plan de notre démarche.
38
5. METHODOLOGIE.
39
5.1. Définition de notre champ de travail.
39
5.2. Définition des variables ou indicateurs.
4-1
5.3. Les procédures de recueil d'informations.
44-
5.4. Le plan de recueil d'informations.
4-5
5.5. Population concernée par notre enquête.
46
5.6. Méthodes de traitement et d'analyse des données.
56
LIVRE 1. UNIVERS DE SENS ET DE SIGNIFICATION NA'NDA.
77
PREMIERE PARTIE. REPRESENTATION DE L'UNIVERS ET DE L'HOMME.
78
CHAPITRE 1. COSMOGONIE.
79
1. REPRESENTATION DE L'UNIVERS PHYSIQUE.
J9
1.1. Structure physique du cosmos.
79
1.2. Signification symbolique.
82
2. STRUCTURE METAPHYSIQUE OU COSMOS.
84
2.1. Données du terrain.
84
2.2. Le cosmos métaphysique.
86
-
1 -


page
3. ORIGINE DU COSMOS.
89
3.1. Origine de l'homme.
89
3.2. Formation du cosmos.
102
CHAPITRE 2. LA DYNAMIQUE COSMIQUE. _______________________________ 103
1. NOTION D'ENERGIE.
103
1,1. Définition.
103
1.2. Nature de l'énergie.
104
1.3. Rapport entre les deux formes d'énergie.
106
2. DISTRIBUTION DE L'ENERGIE DANS LE COSMOS PHYSIQUE ET
106
VIVANT.
2.1. Energie commune au vivvant et au non-vivant.
106
2.2. Energie des êtres vivants et la notion de force vitale.
109
3. LOIS DE LA CIRCULATION Dt: L'ENERGIE ET PROBLEME OF LA
113
CAUSALITE.
3.1. Energie libre et causes fortuites.
113
3.2. Déterminisme et causes nécvessaires.
115
4. RAPPORT DES FORCES DANS LA DYNAMIQUE.
116
4.1. Degré de force.
116
4.2. Interactions des forces.
119
4.3. Dialectique de défense et équilibre de~ force~
121
CHAPITRE 3. LA STRUCTURE DYNAMIQUE DE L'ETRE HUMAIN.
123
1. LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L'HOMME.
123
1.1. Le Gbanu (le corps!.
123
1.2. Le Kawatia.
125
1.3. Le Nanega.
127
1.4. Le Lilïigo.
128
2. RELATION STRUCTURALE ENTRE LES ELEMENTS.
132
2.1. Fonctions vitales de chaque élément.
132
2.2. Totalité structurelle de "être humain.
134
3. STRUCTURE ETENDUE DE L'ETRE HUMAIN.
135
3.1. Gbanu et le cosmos.
136
3.2. Kawatia et le cosmos.
137
- 2 -

page
3.3. Le Nanega et le cosmos.
138
3.4. Lili'igo et le monde spirituel.
I..W
3.5. Conclusion.
142
CHAPITRE 4. LE CYCLE BIOLOGIQUE. ___________________________________ 143
1. LA VIE.
143
1.1. Manifestations de la vie. Données du terrain.
143
1.2. Notion et définition de la vie.
._ 145
1.3. Différentes catégories d'êtres vivants.
147
2. LA VIE HUMAINE ET SA GENESE.
151
2.1. Caractéristiques de la vie humaine.
151
2.2. Genèse de la vie humaine.
152
3. LA MORT.
173
3.1. Le culte des morts.
174
3.2. Concept de la mort.
189
DEUXIEME PARTIE. LES INSTITUTIONS ET PRATIQUES SOCIALES. ________ 193
CHAPITRE 1. INSTITUTIONS SOCIALES.
194
1. ORGANISATION SOCIALE.
194
1.1. Société biolignagère.
194
1.2. Société élargie.
205
2. ORGANISATION SOCIO-SPACIALE.
215
2.1. Découpage de l'aire géographique nawda.
215
2.2. Distribution des terres et système de filiation et d'alliance.219
3. DYNAMIQUE SOCIALE.
222
3.1. Relations sociales.
222
3.2. Interactions sociales
227
- 3 -

page
CHAPITRE 2. INSTITUTIONS POLITIQUES.
243
1. STRUCTURES POLITIQUES. _.
243
1.1. Système de cohésion et d'ordre internes . ._.
244
1.2. Système de défense contre l'extérieur. _.
._ 248
2. STRUCTURES POLITIQUES ET CONTEXTE SOCIAL.
.
253
2.1. Système de parenté et institutions politiques.
253
2.2. Institutions politiques et sacra/ité.
256
________________________ 261
CHAPITRE 3. LES INSTITUTIONS ECONOMIQUES.
1. BASES DE L'ECONOMIE.
.
.
261
1.1. Branches de la production.
261
1.2. Type d'économie.
.
.
267
2. FACTEURS DE PRODUCTION.
no
2.1. Moyens de production.
.
.
270
;?2. Forces de production.
.
272
3. ORGANISATION SOCIALE DE LA PRODUCTION.
275
3.1. Institutions socio-politiques et organisation économique.
275
3.2. Institutions religieuses et organisation économique.
. 277
CHAPITRE 4. INSTITUTIONS RELIGIEUSES.
.
.
282
1. LES CROYANCES RELIGIEUSES.
282
1.1. Le sacré et le profane.
282
1.2. Le monde spirituel.
284
2. RELATION AVEC LE MONDE SPIRITUEL.
287
2.1. Communication avec le monde spirituel.
287
2.2. Pratiques religieuses.
291
3. ORGANISATION REliGIEUSE.
297
3.1. Organisation administrative.
297
3.2. Organisation cultue Ile.
319
- 4 -

page
4
LES CONDUITES MORALES.
3?2
4.1. Les conduites vertueuses.
322
____________________________________ 324
4.2. Les inconduites .
. 5. PROBLEME DU SALUT.
.
.__ .
327
5.1. Survie après 'la mort.
327
5.2. Destin après la mort.
328
6. INSTITUTIONS RELIGIEUSES, SOURCE ET FIN DE LA CULTURE
330
NAWDA.
6.1. Institutions religieuses et organisation de l'économie.
330
6.2. Institutions religieuses et système socio-politique.
330
6.3. Institutions religieuses et système éducatif.
330
CHAPITRE 5. SYSTEME EDUCATIF ET CONSTRUCTION DE LA
332
PERSONNALITE .
1. CONTENU DE L'EDUCATION.
332
1.1. Croyances et système de pensée.
~_ 332
1.2. Organisation sociale.
.
335
1.3. Formation du guerrier et du chasseur.
337
1.4. Domaine économique.
340
2. INSTITUTIONS EDUCATIVES.
.
342
2.1. La famille.
342
2.2. Société élargie.
344
3. METHODES ET TECHNIQUES EDUCATIVlS.
346
3.1. Méthode pratique.
346
3.2. Méthode progressive.
347
3.3. Méthode occasionnelle.
348
3.4. La motivation.
349
4. FINALITES DE L'EDUCATION.
350
4.1. Socialisation.
350
4.2. Théocentrisme.
351
5. OBJECTIFS DE l'EDUCATION.
352
5.1. Habileté au travail physique.
352
5.2. Adresse.
353
5.3. Endurance.
354
- 5 -

page
5.4. Bravoure.
~~
~
-~--
356
5.5. Esprit de solidarité.
.
357
5.6. Vertu de religion.
357
CONCLUSION DU LIVRE 1.
..
:358
LIVRE 2. SITUATION THERAPEUTIQUE.
'360
PREMIERE PARTIE. LE MATERIEL CLINIQUE.
362
CHAPITRE 1. TRAITEMENT DES DONNEES RECUEILLIES.
362
1. PRESENTATION DU MATERIEL.
362
1.1. Caractéristiques du matériel.
362
1.2. Nature des données.
363
1.3. Exploitation du matériel.
365
2. ANALYSE DE CONTENU APPLIQUEE A NOTRE MATERIEL.
365
2.1. Codage.
366
2.2. Catégorisation.
369
3. TRAVAIL TECHNIQUE DE DEPOUILLEMENT.
370
3.1. Critères de catégorisation et grille de lecture.
370
3.2. Convention de numérotation.
,
370
3.3. Grille de lecture.
371
CHAPITRE 2. LA LECTURE DES DONNEES CLINIQUES.
407
1. PARTICULARITE DE NOTRE MATERIEL ET PROBLEME DE LA
407
VARIABILITE.
1.1. Caractère homogène de notre population d'études.
407
1.2. Problème de variabilité de nos données d'enquête. __ .
408
2. PROCEDURE DE LECTURE DES DONNEES .
409
2.1. Utilisation de la grille de lecture.
409
2.2. Présentation.
410
- 6 -

page
3. RESULTATS DE LA LECTURE.
412
3.1. Données fournies par les thérapeutes.
413
3.2. Données fournies par ies malades.
458
CHAPITRE 3. ARTICULATION ENTRE SYSTEMES. _________________________ 500
1. ARTICUlATION INTRA--GROUPE.
500
1.1. Groupe des patients.
500
1.2. Groupe des Tadeba.
503
2. ARTICULA fiON INTER-GROUPE.
503
2.1. Lettrés et illettrés.
504
2.2. Tadeba et patients.
504
3. ARTICULATION SYNDROM IQUE.
508
3.1. syndromes observés.
508
3.2. Diagnostic différentiel du Tada.
509
3.3. Plaintes des patients et signes observés.
510
4. RECHERCHE DES HOMOLOGIES DE STRUCTURE.
511
4.1. Les discordances.
511
4.2. Procédures d'analyse structurale.
513
4.3. Homologiès de structure.
514
5. CONCLUS ION.
518
DEUXIEME PARTIE. ANALYSE ET VALIDATION DE NOS HYPOTHESES.
519
CHAPITRE 1. PERCEPTION SYNTHETIQUE DE LA REALITE.
520
1. CONCEPTION ONTOLOGIQUE.
520
1.1. Totalité existentielle.
520
1.2. Etre et néant.
522
page
2. CROYANCES RfLiGIEUSES.
523
2.1. Le naturel et le surnaturel.
523
2.2. Le sacré et le profane.
524
3. REPRESENTATIONS MORALES.
525
3.1. Absence de manichéisme.
525
3.2. Continuité entre le bien et le mal.
.
526
-
7 -

page
4. lSCHATOLOGIE: LA VIE ET lA MORT.
.
527
4.1. La mort comme etape du cycle de la vie
527
4.2. La mort est un'? mutation vitale.
528
5. SlcJNIFIANT ET SIGNIFiE.
529
5.1. Equation symboii::lue.
529
5.2. Rêve et réalité.
.
531
6. LE COMPOSE HUMAIN.
.
533
6.1. L'être humain est une totalité biopsychique.
533
ô.2. Continuité entre lètre indivicuel et le socio-culturel.
536
CONCLUSION.
540
CHAPITRE
2. MALADIE, DESORDRE DE LA
TOTALITE
542
BIOPSYCHOLOGIQUE
DE L'EGO, VIOLENCE SUBIE PAR LUI
ET EXTERIEURE A LUI, VISANT L'UN DE SES
CONSTITUANTS.
1. MALADIE, DESORDRE BiOPSYCHOLOGIQUE. _____________________ 542
1.1. Désordre ontogénétique de l'Ego.
542
1.2. Désarticulation tripolaire.
545
2. MALADIE, VIOLENCE FAITE A EGO ET EXTERIEURE A LUI.
548
2.1. Maladie comme violence faite à Ego.
548
2.2. Maladie, persécution extérieure à Ego.
549
3. CAUSES INTERNES DES MALADIES, UNE AUTO-AGRESSION?
556
3.1. Indigestion de la chair humaine.
556
3.2. Attaque du propre serpent.
557
3.3. Conclusion.
558
page
4. LE POINT DE MIRE DE L'AITAQUE.
558
4.1. Attaques sociales, le corps noumineux et le noyau vital. __ 558
4.2. Attaques biolignatères et noyau vital.
561
4.3. Attaque verticale.
562
- 8 -

page
CHAPITRE 3. DEMARCHE THERAPEUTIQUE ET PROCESSUS DE LA
565
RECREATION DE LA PERSONNE-PERSONNALl1E.
1. IDENTIFICATION DE L'ATTAQUE ET DE SA PROVENANCE.
565
1.1. Procédures diagnostiques.
.
565
1.2. Détermination de la nature de l'agression.
568
1.3. Origine polaire de l'agresseur.
569
1.4. Raisons ou motifs de "attaque.
571
1.5. Prescription.
573
__ .
574
2. NEUTRALISATION DE LA MALADIE ET RETABLISSEMENT
DE L'EQUILIBRE.
2.1. Procédures curatives, neutralisation du mal et
575
réorganisation de "Ego.
2.2. Réarticulation polaire de l'Ego. _.
581
CHAPITRE 4. LE CLIMAT DE LA RELATION THERAPEUTIQUE ET PROBLEME 584
DE LA GUERISON.
1. ADHESION CULTURELLE ET CONFIANCE AU TADA DANS
584
LA RELATION THERAPEUTIQUE.
1.1. Adhésion culturelle.
584
1.2. Confiance au Tada.
586
2. ADHESION CULTURELLE. CONFIANCE AU TADA ET
589
MODIFICATION DE L'ETAT MORBIDE.
2.1. Adhésion culturelle. condition de la confiance au Tada. _.. _ 589
2.2. Degré de confiance au Tada et modification de l'état
592
morbide durant la cure.
2.3. Confiance au Tada et processus de guérison.
595
TROISIEME
PARTIE. CURE TRADITIONNELlE ET UNIVERS DE SENS.
600
CHAPITRE 1. REPRESENTATION DE L'UNIVERS ET PRATIQUES DE LA
601
SAN1E ET DE LA MALADIE.
1. COSMOGONIE, SANTE ET MALADIE . .
601
1.1. Stucture du cosmos, pratique de la santé et de la maladie.601
1.2. Origine du cosmos. santé et maladie.
607
- 9 -

2. DYNAMIQUE DE LA RE!o'.. ITE ET SANfE-MAi_ADIE . . .
. _... 609
2.1. Fnergie. force el santé-maladie . .
.
._ 609
2.2. Nécessité et santé-maladie.
611
CHAPITRE 2. REPRESENTATION DE L'HOMME ET SANTE-MALADIE.
.. 612
1. STRUCTURE ONTOLOGiQUE DE L'EGO, SANTE ET MALADIE.
.612
1.1. Corps, santé et maladie.
612
1.2. Substance et état de santé.
613
2. ETAT DE SANTE Er RESEAUX RELATIONNELS TRIPOLAIRES.
614
2.1. Pôle phylogénétique. santé et maladie.
615
2.2. Pôle biolignager, santé et maladie.
._ 616
2.3. Pôle communautaire et état de santé.
617
2.4. Le point.
.
618
CHAPITRE 3. LES INSTITUTIONS. SANTE ET MALADIE.
620
1. DYNAMIQUE SOCiAlE ET SANTE-MALADIE.
620
1.1. Interactions au niveau horizontal et santé-maladie.
620
1.2. Interactions verticales et santé-maladie. ____________ .
620
2. INSTITUTIONS POLITIQUES ET PRATIQUES DE LA SANTE
625
ET DE LA MALADIE.
2.1. Organisation judiciaire et conflits morbogènes.
625
2.2. Défense du territoire et santé-maladie.
627
page
3. INSTITUTIONS ECONOMIQUES ET PRATIQUES DE LA SANTE
629
ET DE LA MALADIE.
3.1. Gestion économique et santé-maladie.
629
3.2. Production économique et santé-maladie.
630
3.3. Chasse et santé-maladie.
632
4. INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET MALADIE-SANTE.
632
4.1. Relation avec le monde sacré et santé-maladie.
632
4.2. Organisation religieuse et santé-maladie.
634
4.3. Les conduites morales et santé-maladie.
635
- 10 -

page
CHAPITRE 4. SYSTEME EDUCATIF ET REPRESENTATIONS DE LA
.__ 637
SANTE ET DE LA MALADIE.
__________ 637
1. CONTFNU DE L'EDUCATION ET REPRESENTATIONS DE
LA SANTE ET DE LA MALADIE.
1.1. Système de pensée. la santé et la maladie.
. __ ._ 637
1.2. Catégories sociales et santé-maladie.
.
638
2. INSTITUTIONS ECUCATIVES ET SANTE-MALADIE.
.
639
2.1. Structures sociales et notion de santé-maladie.
639
2.2. Système iniatique et maladie.
640
3. METHODES ET TECHNIQUES EDUCATIVES ET SANTE-MALADIE. _ 641
3.1. Méthode progressive et origine mystérieuse de la maladie. 641
3.2. Méthode occasionnelle et représentation de la maladie
641
et de la santé.
4. CONCLUSION.
.
642
LIVRE 3. PLACE DE LA CURE TRADITIONNELLE NA'WDA __ .
644
DANS L'UNIVERS THERAPEUTIQUE.
PREMIERE PARTIE. CURE TRADITIONNELlE NAWDA ET THERAPEUTIQUE
646
MEDICALE.
CHAPITRE 1. REPRESENTATION DE L'HOMME.
647
1. REPRESENTATIOI\\J OCCIDENTALE DE L'HOMME.
647
1.1. Sources philosophiques. .
.
647
1.2. Dualisme occidental.
648
2. DUALISME OCCIDENTAL ET CONTINUISME NAWDA.
654
2.1. Représentation de la réalité.
654
2.2. Représentation du composé humain.
655
CHAPITRE 2. ORIENTATION DES SCIENCES MEDICALES.
658
1. DUALISME OCCIDENTAL DANS LES SCIENCES MEDICALES.
658
1.1. Représentation de la maladie.
658
1.2. Sciences médicales.
660
-
11 -

page
2. CONTINUISME NAWDA ET SCIENCES MEDICALES. ______________ 673
2.1. Représentation de la maladie
673
2.2. Sciences médicales.
675
CHAPITRE 3. PRATIQUES THERAPEUTIQUES.
680
1. MEDECINE OCCIDENTALE MODERNE.
680
1.1. Thérapeutique organique.
680
1.2. La psychothérapie.
.
682
1.3. Thérapeutique psychosomatique.
684
2. CURE TRADITIONNELLE NAWDA.
686
2.1. Objectif
686
2.2. Méthodes thérapeutiques.
687
2.3. Techniques utilisées.
688
2.4. Cure traditionnelle nawda et traitement psychosomatique. _ 689
DEUXIEME PARTIE. CURE NAWDA DANS LE CHAMP PSYCHOTHERAPIQUE. _ 690
CHAPITRE 1. PSYCHOTHERAPIES DYNAMIQUES ET CURE NAWDA. ________ 691
1. PSYCHANALYSE ET PSYCHOTHERAPIES DERIVEES.
692
1.1. Représentation de l'homme.
692
1.2. Représentation de la maladie.
703
1.3. Pratiques thérapeutiques.
711
______________ 717
2. PSYCHOLOGIE ANALYTIQUE DE C.G. JUNG ET DE
LA CURE NAWDA.
2.1. Représentation de l'homme.
717
2.2. Représentation de la maladie.
737
2.3. Pratiques thérapeutiques.
740
3, PSYCHOLOGIE STRUCTURALE ET CURE NAWDA.
749
3.1. Représentation de l'homme.
749
3.2. Représentation de la maladie.
756
3.3. Pratiques thérapeutiques.
758
-
12 -

page
CHAPITRE 2. THERAPIES BEHAVIORALES ET CURE NA'WDA. ______________ 760
1. REPRESENTATION DE L'HOMME.
.
760
1.1. Behaviorisme.
..
.
760
1.2. Personne-personnalité nawda et personnalité behavioriste. _ 767
2. REPRESENTATION DE LA MALADIE.
769
2.1. Behaviorisme.
.
769
2.2. Conception nawda de la maladie et behaviorisme.
771
3. PRATIQUES THERAPEUTIQUES.
.
773
3.1. Thérapies behaviorales.
773
3.2. Pratiques curatives behaviorales et cure nawda.
780
CHAPITRE 3. CONCLUSION.
.
782
1. OBSERVATIONS.
.______
__ .
.
.
782
1.1. Thérapies américano-européennes.
.
782
1.2. Cure nawda et cure américano-européenne.
783
2. RAISONS DE L A COMPARAISON INTERCULTURELLE.
784
2.1. Irréductibilité culturelle.
.
.
784
2.2. Echanges interculturels.
784
TROISIEME PARTIE. PLACE DE LA CURE TRADITIONNELLE DANS _________ 785
L'ORGANISATION DE LA SANTE PUBLIQUE
AU TOGO.
CHAPITRE 1. CURE TRADITIONNELLE ET MEDECINE MODERNE DURANT
786
LA PERIODE COLONIALE.
1. HIATUS ENTRE CURE TRADITIONNELLE ET MEDECINE MODERNE._ 786
1.1. Rencontre conflictuelle entre les deux médecines.
786
1.2. Condamnation de la cure traditionnelle.
789
2. ORGANISATION COLONIALE DE LA SANTE PUBLIQUE.
791
2.1. Organisation technique.
791
2.2. Domaine de la santé.
793
2.3. Organisation socio-sanitaire.
794
2.4. Interaction entre les deux systèmes de cure.
795
- 13 -

paqe
3. FORMATION DfS MEDECINS ET PERSONNEL SOIGNANT.
796
3.1. Cadre de la formation.
796
3.2. Contenu de la formation.
797
CHAPITRE 2. SITUATION DEPUIS L'INDEPENDANCE.
798
1. PERSISTANCE DE LA COLONISATION.
798
1.1. Formation du personnel de la santé.
798
1.2. Organisation technique de la santé.
j99
2. EVOLUTION DE LA SITUATION.
800
2.1. Changement d'attitude envers la cure traditionnelle.
800
2.2. Facteurs de ce changement.
802
CHAPITRE 3. DIFFERENCES ET COMPLEMENTARITE.
806
1. IRREDUCTIB 1LITE.
806
1.1. Contextes plhilosophiques.
806
1.2. Pratiques de la S3nté et de la maladie.
807
2. NECESSITE D'UNE COLLABORATION.
809
2.1. Insuffisance de chaque système.
809
2.2. Modalité de la "collaboration".
811
CONCLUSION GENERALE.
818
1. L'ATTEINTE DES OBJECTIFS.
819
2. LES CONCLUSIONS DE NOTRE ETUDE.
823
3. LES PROBLEMES RESTES EN SUSPENS.
826
BIBLIOGRAPHIE.
830
-
14 -

INTRODUCTION GENERALE
- 15 -

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La
cure
dite
magique
ou
traditionnelle,
appelée
par
certains
"médecine
primitive", englobe en fait plusieurs systèmes thérapeutiques qui se différencient en
fonction des contextes culturels. Le seul point commun à tous ces systèmes
est
qu'ils
sont
caractérisés
par
l'irrationnel,
le
mystérieux
qui échappe
au
contrôle
rationnel de la démarche scientifique.
Les
pratiques
thérapeutiques
nawda
constituent
l'un
de
ces
innombrables
systèmes qui va faire l'objet d'étude de notre présent travail.
Avant de circonscrire la problématique dont l'analyse permettra de délimiter
notre champ d'étude, nous allons situer le cadre géographique du contexte culturel,
puis procéder à la définition éthnique de la population concernée.
1 . LE CADRE GEOGRAPHIQUE DE NOTRE RECHERCHE.
Comme le titre l'indique, notre recherche se déroule chez les Nawdeba, une
des innombrables ethnies qui peuplent la République Togolaise.
Le Togo est un des états de l'Afrique de l'Ouest. Il est limité, au sud par le
golfe de Guinée
(océan
Atlantique), à
l'Est
par la République
Populaire du
Bénin
(anciennement Dahomey), à l'Ouest par la République du Ghana et au Nord par le
Burkina-Faso (anciennement Haute-Volta).
LE PAYS NAWDA est situé à 400 kilomètres, environ, de la capital Lomé,
qui se trouve sur la côte atlantique. Il fait partie de la préfecture de Doufelgou,
dans la région de la Kara qui connaÎ t un régime climatique de 6 mois de pluie et 6
mois de sècheresse. Il occupe environ le tiers de l'étendue totale de la préfecture,
dessinant
une figure géométrique
irrégulière,
de
forme
plus
ou
moins
ovale,
et
comprend 4 cantons; Baga- Ténéga, Siou, Niambugou-Koka, Agbende-Yaka.
Selon le recensement de
mars
1970 - nous
ne
disposons
pas de données
plus
récentes-
la
population
Nawda
se
chiffre
à
22019
âmes
sur
les
52070
habitants de la préfecture, soit 42,29% (ce qui fait 0,90% des 2500000 habitants
du Togol.
La population. presqu'entièrement paysanne. se voit réduite à l'agriculture de
subsistance qui est pratiquement la seule activité économique de la région. Le sol,
probablement très riche
dans
le
passé,
se
trouve
actuellement
fatigué
par
une
exploitation agricole intensive et continuelle sans engrais. La culture principale est le
mil (sorgho) qui est l'aliment de base. On fait pousser aussi le manioc, le fonio,
l'igname, l'arachide. le haricot, le riz ... Parmi les arbres fruitiers, il faut mentionner
le
palmier
à
huile,
le
karité.
le
manguier,
etc...
L'élevage
est
essentiellement
constitué de volailles (poulets, pintades), d'ovinés (moutons, chèvres surtout) et de
porcins. Le gros bétail est rare et la plupart du temps confié aux nomades Peuhls,
- 16 -

TOGO
REPARTITION
POPULATION
DANS
LA
REGION
DE
LA
KARA
CARTE
DE
SITUATION
l
Limit.
d'Etat
Llmlt. d. 10 r'910n d. la KARA
Route Internationale
A .. lrl1 rouh~
Cauri
d'eau
o
!I
10
15
20
25
50
Souclou
KILOMETRES
CART-M-7!1-!l2
075-818

TOGO
PREFECTURE
DE
DOUFELGOU
Io-N
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j.
CART-toI-76-e
016-311

Il faut noter que le produit agricole et d'élevage est plus que suffisant pour
l'entretien de la population. Le surplus pourrait même être commercialisé. Mais le
Nawda a très peu de propension au commerce, et ne vit que pour sa religion. Ainsi
la presque totalité de la récolte annuelle et du produit de l'élevage est consommée
dans les rites religieux et les fêtes initiatiques. Ce qui rend la période de soudure
très difficile. où la population est chaque année menacée de famine.
2. DEFINITION ETHNIQUE.
Les Nawdeba et les Lamba sont les deux ethnies principales qui peuplent la
préfecture
de
Doufelgou,
dont
le
chef-lieu
est
Niamtougou.
Mais
une
fausse
définition
ethnique
a
toujours
groupé
tous
les
habitants
de
la
préfecture
sous
l'appellation sans contenu de "Losso". A notre connaissance, il n'existe pas d'études
historico-ethnologiques
qui
permettraient
de
clarifier
les
choses,
si
l'on
excepte
l'ouvrage collectif "Les populations du Nord-Togo" (1), qui. s'il a certains mérites, tel
celui de souligner les différences ethniques
profondes entre
les
Nawdeba et
les
Lamba, manque souvent de rigueur scientifique.
L'observation montre que, ethnologiquement, les Nawdeba et les Lamba n'ont
presque pas de caractériques spécifiques communes. Au contraire, par la langue et
certains usages et coutumes, les Lamba paraissent beaucoup plus apparentés aux
Kabyé voisins, et les Nawdeba aux Bassar et aux Moba. Le dialecte Lamba est une
variante de la langue kabyé et les deux peuples se comprennent assez facilement.
Mais le Nawdem (2), le Bassar et
le Moba sont des
langues qui ont
beaucoup
d'affinités montrant que ces peuples ont
peut-être appartenu
à la même souche
ethnique mais qui remonterait loin dans la nuit des temps. Ces trois langues ont
des analogies dans l'intonation, l'accentuation, et certains mots se trouvent partout
identiques avec la même signification. Mais le Nawdem est beaucoup plus éloigné
des deux autres qui ont de profondes ressemblances permettant. semble-t-i1. une
certaine
compréhension
mutuelle.
Selon
certaines
traditions
orales
que
des
observations
tendent à confirmer. les Nawdeba
viendraient
de
l'ethnie
Mossi
de
Haute-Volta (Burkina-Faso). Les mouvements de peuples provoqués par les guerres
tribales et les calamités naturelles pourraient expliquer la présence des Nawdeba au
Togo
et
des
Mossi
en
Haute-Volta.
Les
Nawdeba
seraient
donc
une
ethnie
"étrangère" encerclée par l'ethnie Kabyé. Mais le brassage tend de plus en plus à
réduire
les différences entre ces ethnies: les Nawdeba ont adopté
beaucoup
de
coutumes
k abyé dont la
plus
importante
est
le
système
initiatique
par
groupes
d'âge.
(1), Froelich. J.C.; Alexander. P.• Cornevin, R.• Les populations du Nord Togo, PUF.
Paris, 1963.
(2), le Nawdem est la langue parlée par les Nawdeba.
- 17 -

3. PROBLEMATIQUE.
POSITIOhJ DU PRrJBLEME.
Avant l'avènement des traitements des maladies bases
sur la
connaissa~1c:=
rationnelle et scientifique de lêtre humain, il semble que 1 homme, sous toutes les
lattitudes, a, de tout temps, utilisé des moyens du bord pour lutter contre
toute
atteinte à sa santé, menaçant directement ou indirectement sa vie. Il a eu recours
aux pratiques empiriques et occultes les plus variées fondées
sur une
conception
métaphysique
de
la nature humaine
et comprenant
l'usage
des
plantes,
le
rituel
religieux, les procédés magiques, etc ...
Il y a lieu
de
regrouper
toutes
ces
pratiques
en
deux
grandes
méthodes
thérapeutiques ou curatives:
- une première méthode dite "herboriste" utilise la vertu curative des plantes
et sinsère dans le mouvement naturel de lêtre vivant qui consiste à assimiler lë
milieu extérieur à sa substance pour se développer et survivre.
-
une
deuxième
méthode
que
nous
conviendrons
d'appeler
"surnaturelle".
(celle
que
les
ethnologues
appellent
improprement
la
cure
magique")
est
essentiellement métaphysique; elle utilise, pour guérir, l'intervention des
puissances
et des forces occultes, surnaturelles qui échappent au contrôle expérimental de la
science.
Nous
devons
souligner
que
ces
méthodes
ne
sexcluent
pas
dans
la
pratique. Elles se combinent très souvent dans des traitements associés. Bien plus,
elles
ne
fonctionnent
pas
toujours
de
façon
autonome, et la plante
n'est
jamais
perçue
comme
un
élément
purement
biologique.
En
effet.
pour
des
raisons
métaphysiques, l'homme a toujours trouvé dans la plante qui soigne, comme il le fait
pour les phénomènes de la nature, un pouvoir surnaturel qui, non seulement s'ajoute
et se combine avec l'efficacité du pouvoir naturel, mais tend à se substituer à ce
dernier; si bien que
dans
certaines
situations,
l'usage
des
plantes
n'est,
pour
la
population, que le symbole d'une causalité thérapeutique cachée.
C'est
tout
cet
ensemble
de
procédures
thérapeutiques
complexes
qui
constitue
ce que l'on
a appelé
la . médecine
traditionnelle",
celle-ci
a,
très
tôt,
trouvé dans la médecine scientifique naissante un rival de taille. Pour cette dernière,
en
effet,
les
plantes,
même
si
on
leur
reconnaît
une
certaine
vertu
curative
naturelle, doivent disparaître devant les produits chimiquement préparés qui, seuls,
guérissent efficacement. On parle
avec
mépris
des
recettes
de
grand-mère, des
décoctions d'herbe qui empoisonnent plutôt qu'elles ne guérissent, qui compliquent ou
faussent le diagnostic médical.
En ce qui concerne la méthode curative traditionnelle "surnaturelle", elle est
purement
et
simplement
assimilée
à
des
pratiques
magiques
et
diaboliques
condamnées par le christianisme, ou à des superstitions sans contenu réel
(1),
et
on se livre à la chasse aux "sorciers
(1) cf. Wickert, Frederic R., Readings
in African Psychology, from French sources.
African Studies Center, Michigan State University, 1967, p. 366.
- 18 -

Alors
les
tradipraticiens
se
sont
vus
attribuer
le
terme
péjoratif
de
"charlatan",
c'est
à
dire
imposteurs
qui
exploitent
la
crédulité
publique.
Ils
deviennent
l'objet
de
persécutions,
de
poursuites
judiciaires,
de
condamnations
arbitraires, d'emprisonnements, etc ..., pour pratique
illégale de
la médecine; à
tel
point que, de nos jours, dans les pays de vieille civilisation scientifique, alors que
l'usage des plantes médicinales est toléré et
connaît
même
une certaine relance
encouragée
par
la
"chimiophobie",
les
pratiques
dites
"magico-religieuses"
ont
apparamment presqu'entièrement disparu. La question se pose toutefois de savoir si
la médecine scientifique est, à tous
points
de
vue,
un
produit de
remplacement
satisfaisant et valable! Il semble que non, puisqu'à côté du rationalisme scientifique.
ces pratiques persistent, soit sous leur forme brute (Ieveur de sort, occultisme, .. .l,
soit
en
utilisant
certains
matériaux
de
la
culture
moderne
pour
réaliser
un
déguisement acceptable. C'est le cas par exemple des guérisons dites miraculeuses
au sein de nombreuses
sectes
religieuses
qui connaissent
à l'heure actuelle
une
prolifération accélérée (Antoiniste. Pentecotiste, Alladoura, Assemblée de Dieu .. .l.
Dans les pays dits "neufs", par contre. où
la culture
scientifique n'a pas
encore pris racine. ces pratiques ne sont pas prêtes à disparaître. Elles ne sont
même pas entrées dans la clandestinité malgré la persécution endurée.
Au
Togo,
par exemple, tout le monde croit à ce que l'on appelle communément la "chimie
africaine". Et puis nous sommes à l'heure où nos pays, récemment libérés de la
colonisation,
reprennent
conscience
de
la
valeur
de
leur
patrimoine
culturel.
La
médecine traditionnelle, après une réaction de fuite devant le persécuteur, reprend
sa
place
dans
nos
cultures

elle
cohabite,
désormais,
avec
la
médecine
scientifique
avec
laquelle
elle
réalise
une
sorte
de
syncrétisme
quelque
peu
dangereux quand les malades se permettent d'associer plantes et produits chimiques
en suivant parallèlement les traitements traditionnel et scientifique.
Au Togo, la cure traditionnelle, sous toutes ses formes. rencontre le crédit
de toutes
les
couches
de la population: chez
le tradipraticien,
on
rencontre
les
adeptes de toutes
les
religions
importées
(des
chrétiens,
des
musulmans, .. .l
et
traditionnelles, les pauvres comme les
riches,
l'analphabète comme le diplômé de
l'enseignement supérieur d'université. Cela nous pousse à exclure l'hypothèse selon
laquelle on consulterait le tradipraticien parce qu'on
n'a
pas assez d'argent pour
payer les frais médicaux (la cure traditionnelle revient souvent plus cher). ou bien
parce qu'on est adepte de religion traditionnelle, ou encore parce qu'analphabète ou
non instruit. on ignore la valeur de la médecine scientifique ...La raison relève d'un
autre domaine.
Cette
persistance
de
la
médecine
traditionnelle,
malgré
les
persécutions
endurées dans le passé, le crédit et la confiance qu'elle continue à inspirer. l'attrait
qu'elle
exerce
sur
toutes
les
couches
sociales
malgré
le
progrès
sans
cesse
grandissant
de
la
médecine
scientifique ....
sont
significatifs
des
gratifications
secrètes que les populations en tirent.
Devant
cet
état
de
choses.
les
sciences
médicales
ne
devraient
plus
continuer à ignorer les cures
traditionnelles. à se
braquer contre leur emprise sur
- 19 -

la population, et surtout à partir en guerre contre elles. Leur étude scientifique ne
doit
plus
être
regardée
comme
un
luxe
sans
intérêt
médical
réservé
aux
anthropologues et aux curieux. Si tout le mouvement vers les cures traditionnelles
doit conduire tôt ou tard à l'intégration de celles-ci dans l'organisation générale de
la santé publique, comme le· souhaite à juste titre l'O.M.s .• nous pensons que les
sciences médicales doivent s'interrooer sur leur mécanisme de fonctionnement. . les.
facteurs biologiques et psychologiques en jeu ... qui pourraient expliquer les valeurs
curatives qu'elles véhiculent pour les populations.
2. ETAT DE LA QUESTION.
Il
semble
effectivement
que
de
telles
valeurs
soient
pressenties,
puisque
depuis quelques temps les thérapies traditionnelles se voient accorder une audience
de plus en plus grandissante sur la scène internationale de la pratique et de la
recherche médicales.
En
effet,
depuis
quelques
temps.
les
herboristes
font
l'objet
de
reconnaissance officielle dans certains pays tels que le Ghana, le Cameroun •... Et
puis. actuellement des recherches se font un peu partout, encouragées par l'O.M.s.,
pour la connaissance des
pratiques
traditionnelles
afin
d'entrevoir, éventuellement,
leur
utilisation
rationnelle
ou
du
moins
une
collaboration
entre
médecins
et
tradipraticiens.
Dans ce cadre des centres de recherches
se créent un
peu
partout. On
tend la main aux herboristes qui restent quelque peu
réservés
et
méfiants
pour
plusieurs raisons: ce peut être un piège tendu pour les arrêter, comme ce fut le
cas dans le passé; et puis on peut vouloir aussi leur voler leur pouvoir, découvrir
leur
secret
et
profaner
le
caractère
sacré
de
leurs
pratiques...
On
peut
se
demander
si
c'est
une
bonne
méthode
que
de
vouloir
introduire
tout
de
suite
"analyse chimique dans la pharmacopée sans avoir, au préalable, cherché à instaurer
un dialogue par une recherche participative sur le terrain. La question reste posée.
Toujours est-il que l'opération n'a pas l'air d'enregistrer beaucoup de succès.
Du
côté
de
la
méthode
tradltibnnellèsurnaturellè
les
recherches
sont
surtout axées sur les interprétations et les traitements traditionnels des maladies
mentales
(ethnopsychiatrieL
La
liste
des
travaux
sur
ce
plan
est
pratiquement
inépuisable. En effet, non seulement les publications d'ouvrages et d'articles -sans
parler de communications diverses et des symposia- sont abondantes et continuent
de foisonner tous les jours. mais encore beaucoup de thèses de doctorat sur la
psychiatrie et la psychothérapie
traditionnelles
sont
soutenues
chaque
année.
Ce
serait donc présomptueux de vouloir rappporter ici. ne serait-ce que le dixième de
cette littérature abondante. Nous
allons,
à titre d'exemple. citer quelques noms
symboliques. Notons l'œuvre gigantesque du professeur H.Colomb et de son équipe à
l'hôpital psychiatrique de Fann à Dakar, dont il faut retenir entre autres
noms.
Ortigues.
Zempleni...
Notons également les
villages
thérapeutiques du
professeur
-
20 -

T.A.Lambo au Nigéria et ses innombrables travaux; les travaux de F.Laplantine en
Côte d'Ivoire ...
Mais
il
semble
que
l'on
pense
peu
ou
pas
du
tout
à
l'utilisation
de
la
méthode "surnaturelle" dans le traitement
d'autres
formes
de maladies. Dans
ce
domaine, en effet, les travaux paraissent assez rares. On peut noter à ce sujet
l'œuvre de C.Lévy-Strauss (1), et tout particulièrement "L'anthropologie structurale"
où il tente de donner une explication aux cures chamaniques. D'après l'auteur, la
disproportion observée entre le rituel
thérapeutique
du chamane,
fait
surtout
de
paroles et de gestes, et la disparition d'un
trouble
organique manifeste
ne peut
s'expliquer que par ce qu'il a appelé "l'efficacité symbolique". La cause spirituelle de
la maladie (jnfluence des mauvais esprits)
et l'effet corporel
(guérison organique)
sont médiatisés par des symboles (discours et gestes) qui sont des équivalents du
signifié
relevant
d'un
autre
ordre
de
réalité
que
ce
dernier.
Le
langage
se
substituant à un remède physique aurait
un
effet
psycholc:gique et obtiendrait
la
guérison de l'organisme.
De même, M.P ,Hebga comparant un cas de cure traditionnelle au Cameroun
(un envoûtement) et un cas de cure chamanique (accouchement difficile), relaté par
C.Levy-Strauss,
montre
que
l'interprétation
de
ce
dernier
peut
s'appliquer
aux
thérapies
traditionne!les
pratiquées
au
Cameroun
(2).
Tout
en
dénonçant
les
conceptions dualistes de C.Lévy-Strauss, M.P .Hebga tombe d'accord avec lui sur le
fait
que
les
cures
traditionnelles
ne
sont
pas
différentes
des
thérapeutiques
psychologiques.
De son côté, E.de Rosny, (3), rapportant beaucoup d'observations de séances
de cures
traditionnelies
au Cameroun,
souligne
à propos d'un cas
soldé
par
un
échec. l'attitude de Goute de la patiente
partagée entre
sa foi chrétienne et les
pratiques "magiques" de la cure traditionnelle condamnées par le christianisme. E.de
Rosny fait l'hypothèse que l'échec de cette
cure est
imputable aux doutes
de la
malade. Masamba Ma Mpolo, quant à lui, souligne " ... la compréhension globale de la
maladie par l'Africain, et citant M.Makang Ma Mbog (4), il ajoute que 'ïl n'y a pas
de différences nettes entre maladie mentale et organique pour la simple raison que
chaque
maladie
organique
comporte
un
élément
non-somatique
qui
requiert
une
psychothérapie". C'est pour cette raison que les thérapies traditionnelles n'utilisent
pas seulement les plantes pour guérir. mais aussi la manipulation des esprits, des
ancêtres, les rites, les sacrifices. la socialisation de la faute ... L'auteur relève par
ailleurs que la maladie est considérée comme une force mauvaise qu'exercent sur
les
individus
des
puissances
extérieures
provoquant
la
rupture
de
relations
qui
permet à l'agent destructeur extérieur (microbes, esprits) de pénétrer dans
(1),
C.Lévy-Srauss, Anthropologie structurale. Librairie Plon. Paris 1974. pp. 205-226.
surtout 218 et 221.
(2), Hebga, M.P. Croyance et guérison. Ed. Clé. Yaoundé, 1973. P.42-46.
(3), De Rosny, E., Ndimsi. ceux qui soignent dans la nuit, Ed. Clé. Yaoundé,
1974.
pp. 261-286.
{4 J, Masamba Ma Mpolo,
La
libération
des
envoutés.
Ed.
Clé,
Yaoundé,
1976.
pp 58 et 68 et suivantes.
-
21 -

l'organisme et d'essayer de le détruire. "C'est la raison pour laquelle on soignera
par les rituels destinés à relier le patient à la communauté extérieure".
On
voit
que ces
travaux
dépassent le
cadre
strictement
psychiatrique
et
analysent l'application de la méthode curative que nous avons appelée "surnaturelle"
à toutes formes de maladies. qu'elles soient psychiques ou organiques. C'est dans
cette optique que nous avons envisagé nos recherches.
Cependant. bien que cherchant à comprendre la cure traditionnelle dans son
contexte culturel (c'est le cas surtout de E. de Rosny et de Masamba Ma Mpolo).
les auteurs expliquent le processus de guérison en prenant comme
référence
les
modèles de psychothérapie dynamique occidentale. Ils cherchent à démontrer que la
guérison
observée
dans
la
cure
traditionnelle
est
le
résultat
d'une
dynamique
psychologique comparable à celle décrite dans les psychothérapies occidentales. Ils
aboutissent
à
la
conclusion
que
les
cures
traditionnelles
sont
une
forme
de
psychothérapie dynamique. Les auteurs prennent ainsi comme grille de lecture une
autre culture que celle où se déroule
la cure en
question et
dont celle-ci n'est
qu'un élément.
Cette façon de procéder soulève un certain nombre de questions:

assimiler la cure traditionnelle à la psychothérapie dynamique occidentale
revient-il à dire que l'analyse de mécanismes inconscients du patient est l'objectif du
thérapeute?

le
thérapeute
traditionnel
contrôlerait-il
dans
ce
cas
la
dynamique
inconsciente de la relation
thérapeutique.
comme c'est
le cas
dans
la cure type
analytique occidentale?

dans ce cas la guérison traditionnelle serait-elle le fruit
de la
prise de
conscience et de la résolution des conflits intrapsychiques inconscients?

peut-être
les
auteurs
se
placent
ils
dans
le
cadre
de
la
médecine
psychosomatique? La question est alors de savoir si toutes les maladies traitées en
cure traditionnelle sont
"psychosomatiques"! Et puis
la médecine psychosomatique
appartient.
comme
la
psychotérapie
dynamique.
au
système
de
représentation
occidentale et il importe de savoir si on a le droit de la prendre comme grille de
lecture.

nous
pensons
plutôt
que
les
auteurs
se
situent
dans
le
cadre
de
la
psychologie médicale qui met en
lumière
l'importance des
facteurs
psychologiques
"manipulés"
dans
la
relation
médecin-malade
et
qui
jouent
un
rôle
dans
la
modification de l'état morbide. Ici encore, la question est de savoir si nous avons le
droit de généraliser les conclusions tirées à partir de l'analyse d'une seule culture.
Toutes ces questions et bien d'autres ne peuvent que rester sans réponses
tant qu'il y aura confusion
au niveau des
systèmes
culturels. Nous pensons que
l'étude des
cures
traditionnelles
en prenant comme
éclairage
les
modèles
de
la
thérapie dynamique occidentale peut conduire à une déformation systématique de la
réalité observée.
- 22 -

Cest la position
du
professeur
1. Sow
qui,
bien
qu'inscrivant
ses
travaux
dans
le
cadre
psychiatrique
(1),
fait
un
véritable
tour
d'horizon
des
systèmes
thérapeutiques négro-africains en général, où
il
montre
que
la cure
traditionnelle
africaine n'est intelligible qu'à l'intérieur du contexte
culturel
africain et
non
à la
lumière
des
représentations
culturelles
étrangères.
"
analyse
les
cures
traditionnelles
et
les
systèmes
mantiques
qui
y
préludent
dans
les
pratiques
psychiatriques mais aussi médicales pures, et met en lumière leur articulation avec
les
représentations
africaines
de
la
structure
de
l'homme
et
de
l'univers;
cela
permet de comprendre
la médecine
africaine
sans
référence
à
des
théories
et
pratiques médicales étrangères.
4. ORIENTATION DE NOTRE APPROCHE.
Nous préférons l'orientation du professeur 1. Sow parce que nous pensons
qu'une analyse descriptive et structurelle du contexte culturel de notre champ
de
recherche permet de comprendre ce qui se passe dans la cure traditionnelle et de
formuler des hypothèses explicatives.
Cest dans cette ligne que nous nous sommes engagés: nous avons cherché.
en effet, l'intelligibilité des thérapies traditionnelles nawda à l'intérieur de la culture
nawda après les avoir définies dans ce système culturel où elles
évoluent et
qui
leur donne leur signification.
Dans ce sens. les questions fondamentales que nous nous sommes posé sont
les suivantes:
- quelles sont les représentations de:
• l'univers,
• de l'homme.
• de la santé.
• de la maladie,
chez les Nawdeba?
-
comment s'articulent ces types de représentations dans les conduites et
les pratiques thérapeutiques observées dans ce contexte culturel?
-
comment
fonctionnent
techniquement
et
structurellement
ces
systèmes
thérapeutiques?
- comment expliquer, à l'intérieur de ce système, les modifications de l'état
morbide observées durant la cure?
-
de quelle manière se
situent
les
cures
traditionnelles
par
rapport
aux
autres systèmes thérapeutiques et quelle serait leur place dans l'organisation de la
santé publique?
(1), Sow. 1.• Psyhiatrie Dynamique africaine. Payot, Paris, 1977.
.. .. Les structures anthropologiques de la folie en
Afrique
noire, Payot. Paris,
1978.
- 23 -

Pour
répondre
à
toutes
ces
questions.
nous
avons
formulé
une
série
d'hypothèses
qui ont
guidé
nos
recherches
sur
le
terrain.
Avant
d'exposer
ces
hypothèses, nous allons d'abord présenter le cadre de référence de notre travail.
4.1. CADRE GENERAL DE REFERENCE: "ETHNOPSYCHOLOGIE".
Il ressort de ce qui précède que notre étude appartient au vaste champ de
l'ethnopsychologie.
4.1.1. Eléments de définition de l'ethnopsychologie.
Si
nous
devons
risquer
une
définition,
nous
pouvons
dire
que
l'ethnopsychologie
est
la
psychologie
des
peuples.
On
la
désigne
aussi
sous
le
vocable de "psychologie ethnique".
Selon
le dictionnaire
"Le
petit
Robert",
l'ethnopsychologie
est
l'''étude
des
caractéristiques psychiques des collectivités et des groupes ethniques". Elle repose
sur l'hypothèse qu'il existe un rapport nécessaire entre l'ethnos et l'ethos, i.e. entre
la culture et les structures comportementales observées
au sein
d'un peuple. En
d'autres
termes.
les
structures
comportementales,
ainsi
que
les
mécanismes
psychologiques qui les sous-tendent et les expliquent. seraient confectionnées avec
les matériaux du contexte culturel spécifique de chaque peuple. En effet, quand on
observe des réactions face à une même situation, les variations interindividuelles au
sein
d'une
même
culture
paraissent
négligeables
par
rapport
aux
variations
interculturelles. Alors la liaison entre culture et structures comportementales paraît
évidente.
Mais cette constatation débouche sur l'épineux problème de savoir ce qui est
premier.
Est-ce
la
culture
qui
façonne
les
structures
comportementales
en
fournissant aux
processus
psychologiques
universels
des
contenus
particuliers. ou
bien ce sont ces processus qui différeraient selon les groupes ethniques et. partant,
secréteraient des cultures
isomorphes? Selon
qu'on opte pour la première ou
la
deuxième alternative, on proclame respectivement l'universalité ou
la relativité des
processus psychologiques (1).
Ce problème entre dans le cadre général
de la recherche d'explication de
l'origine
des
différences
en
anthropologie
(différences
raciales.
culturelles.
comportementales .... ). Disons qu'à ce titre, il n'intéresse pas directement le cadre
de
notre
étude
qui
se
situe
d'emblée
au
niveau
du
cohstat
des
différences
ethniques. En effet, avant de se poser la question plus générale de l'origine des
différences
comportementales
interculturelles.
l'ethnopsychologie
se
propose
de
rechercher
la
signification
structurelle
de
modèles
de
comportement
dans
le
(1), Dasen. P.• Inhelder. B. et al .• Naissance de l'intelligence chez l'enfant
baoulé.
Hans Huber. 1978, pp. 15-17.
- 24 -

contexte culturel où ils s'observent. Elle a donc pour objectif fondamental,
l'étude
des comportements des individus et des sociétés sous l'angle de leur appartenance
à un même ethnos, cette réalité sociale
spécifique.
étonnament
complexe,
qu'on
appelle peuple et qui est définie par des critères culturels (1).
On peut dire que chaque culture constitue un cadre
situationnel
particulier
qui offre les mêmes stimulations aux différents individus qui la composent. Mais, en
même temps. les individus ne sont pas laissés totalement libres d'adopter n'importe
quel comportement, la culture leur propose des modèles de conduite, de réactions
bonnes
ou
mauvaises.
convenables
et
non
convenables,
tolérables
et
non
tolérables ....Bref. des modèles de conduite et d'inconduite (2). Ces modèles seraient
des ritualisations des réponses collectives adaptatives à des situations stressantes
particulières constituant ainsi des systèmes de défense collectifs.
Ainsi présentée, l'ethnopsychologie se fixe les objectifs suivants:
1-
Elle
se
propose
de
décrire
les
structures
de
comportements.
de
représentations
collectives,
de
stéréotypes.
...•
propres
aux
différents
contextes
culturels. Elle entend, par
là. mettre en
lumière des
modèles
de comportements
(patterns) caractéristiques de chaque culture (3).
2-
Elle
cherche
ensuite
sous
quelles
influences
se
forment
(ou
se
construisent) ces modèles de comportements; en d'autres termes. elle cherche
à
expliquer les modèles
de
comportements
observés
en
prenant
comme
référence
l'ethnos. l'univers
de sens et de
signification
propre
à
chaque
ethnie,
à
chaque
peuple.
3- Puis elle analyse comment ces modèles comportementaux se construisent.
se développent chez l'enfant et l'adolescent.
4-
L'ethnopsychologie
se
demande
aussi
comment
les
modèles
de
comportements évoluent avec les évènements. i.e. avec les modifications de l'ethnos.
la culture, etc ...
En résumé, nous dirons que l'ethnopsychologie s'efforce de décrire, avec des
techniques appropriées. les différents modèles de conduites psychologiques à travers
les diverses cultures, et de chercher une explication théorique à ces différences.
4.1.2. Le champ de l'ethnopsychologie.
Une telle investigation couvre tous les domaines de la psychologie: domaine
cognitif. domaine affectif. domaine social.
... Le champ
de
l'ethnopsychologie
est
donc
très
vaste;
mais
on
peut
en
faire
un
découpage
"molaire".
(1), Erny, P.• Ethnologie de l'éducation. PUF, Paris, 1981, p.33.
(2). Devereux. G. Essai d'ethnopsychiatrie générale, Ed Gallimard, Paris, 1970, pp.
34, 36.
(3), Cf. Miroglio. A., La psychologie des peuples, P.U.F., Paris, 1971, p.33.
- 25 -

1- L'ethnopsychiatrie, selon R. Lafon (1), est "l'étude des maladies mentales
en
fonction
des
groupes
ethniques
ou
cultures".
Elle
analyse
et
compare
les
tableaux symptomatiques et syndromiques des affections mentales rencontrées dans
différentes cultures. Ainsi, elle peut nous renseigner si les structures pathologiques
sont universelles ou bien si chaque culture a ses maladies mentales particulières.
L'ethnopsychiatrie utilise la méthode d'entretien clinique et d'enquête psychologique
auprès
des
malades
et
de
leur
entourage.
Elle
s'occupe
aussi
des
conduites
thérapeutiques des maladies mentales dans différents contextes culturels. Ajoutons
qu'elle
ne
devrait
pas
se
limiter
à
l'étude
comparative,
mais
doit
chercher
à
comprendre les maladies et les systèmes thérapeutiques à la lumière du contexte
culturel.
2-
L'ethnopsychanalyse
se
propose
de
vérifier,
par
la
méthode
psychanalyt ique,
l'universalité
des
théories
freudiennes
à
travers
les
différents
cultures. Elle utilise l'entretien psychanalitique. D'après M.C. et Ed. Ortigues (2), ce
type de recherche
doit
se
faire
en
situation d'examen et
de psychothérapie.
La
demande
doit
émaner
du
sujet
pour
que
s'établisse
une
relation
véritablement
analytique.
Critiquant
P.Parin,
F.Morgenthaler
et
G.Parin-Mattey
(3)
les
autres
pensent
que
les
entretiens
faits
sous
formes
d'enquête

le
chercheur
est
demandeur paraissent
psychanalitiquement
discutables.
Pour
tirer
des
conclusions
psychanalytiques, il faut utiliser la méthode psychanalitique.
En
principe,
l'ethnopsychanalyse
devrait
aboutir
à
dégager
les
modes
d'organisation dynamique de la personnalité propre à chaque culture.
3-
L'ethnopsychologie
des
fonctions
cognitives
étudie
les
variations
des
conduites cognitives selon les différents milieux culturels. Sa méthode de choix est
la psychométrie utilisant les tests d'efficience et surtout les tests d'intelligence et
de
développement
cognitif.
Elle
devrait
dégager
les
modes
de
fonctionnemement
intellectuel type de chaque culture. Mais le problème des tests est que ceux-ci sont
souvent liés aux facteurs du milieu culturel déterminé où ils ont été construits et
fournissent
alors
des
résultats
biaisés.
Pour
résoudre
ce
problème,
il
serait
intéressant
d'utiliser
les
matériaux
culturels
propres
à
chaque
peuple
pour
construire des épreuves devant mesurer les conduites cognitives dans ce milieu. Le
problème de la comparaison serait alors à revoir.
4- Un domaine mal défini concerne l'étude des conduites thérapeutiques en
tant que réactions culturelles face à la maladie. Ce domaine implique l'étude des
représentations de la maladie.
(1), Lafon, R.• Vocabulaire de psychopédagogie et de psychiatrie de l'enfant. P.U.F.,
Paris. P.347. (2).Ortigues. M-C. et Ed .• Oedipe Africain. Plon. Paris. 1973, pp 15 et
suivantes.
(3). Parin, P.• Morgenthaler, F., Parin-Mattey, G., Les Blancs pensent trop. Payot,
Paris, 1966.
-
26 -

L'ethnopsychiatrie
s'occupe
de
ce
secteur
dans
le
cadre
spécifique
des
maladies mentales. Il serait toutefois intéressant d'envisager le
problème dans
un
cadre plus général englobant les réactions thérapeutiques face à toutes les formes
de
maladie.
Or
il
semble
que
l'étude
des
cures
traditionnelles,
péjorativement
appélées "magiques", paraît sans intérêt et sans valeur pour les
sciences et
les
pratiques médicales, en dehors de celles qui justement s'occupent de la pathologie
mentale. C'est peut-être pour cette raison que l'on ne s'est pas occupé de trouver
une dénomination définissant globalement ce secteur d'étude. Nous avons d'ailleurs
déploré dans "l'Etat de la question" le peu d'intérêt porté à l'étude des méthodes de
traitement des maladies organiques, sauf en ce qui concerne la pharmacopée. Et
pourtant
les
travaux
que
nous
avons
analysés
montrent
que
la
représentation
traditionnelle
de
la
maladie
n'est
pas
du
tout
dualiste
et
qu'il
n'existe
pas
de
méthodes séparées pour le traitement des maladies mentales et celui des maladies
organiques, et que les plantes et les rituels sont censés avoir les mêmes processus
thérapeutiques.
Il
convient
donc
de
prendre
les
faits
tels
qu'ils
sont,
et
de
conserver
au domaine des
conduites
thérapeutiques
son
unité culturelle,
sans
lui
appliquer une grille de lecture exogène.
Pour
fixer
les
idées,
nous
sommes
tentés
d'appeler
ce
domaine
"ethnopsychologie
médicale",
dénomination
peu
heureuse,
mais
dont
nous
nous
contentons, faute de mieux.
"L'ethnopsychologie
médicale" est alors
l'ensemble des études
cherchant
à
dégager les facteurs ethnopsychologiques "manipulés" dans la relation thérapeutique
au cours des procédures curatives observées
dans
différents
contextes
culturels,
puis la valeur curative de ces facteurs ethnopsychologiques.
5-
L'ethnopsychologie
comparée
ou
psychologie
interculturelle,
qui
prend
comme
terme
de
comparaison
la
culture,
cherche
à
mettre
en
lumière
des
invariants psychiques liés aux processus psychologiques universels. i.e. l'équipement
héréditaire
de
l'espèce
humaine,
et
les
différences
se
référant
aux
variations
culturelles.
Le problème eplneux à résoudre à ce niveau est de savoir si tout n'est que
variation (relativité psycho-culturelle), ou si les
variations
observées
se combinent
avec quelques constantes.
6-
L'ethnopsychologie
génétique
étudie
les
modes
de
construction
des
structures ou modèles comportementaux dans différentes cultures. Elle s'intéresse,
entre autre, au rythme du développement i de la croissance psychique et à l'ordre
d'apparition des phases du développement. Les travaux effectués tendent à affirmer
l'invariabilité,
la
constance,
de
l'ordre
d'apparition
des
phases,
la
diversité
s'observant seulement au niveau du rythme du développement, i.e. que les phases
apparaîtront avec plus de lenteur dans certaines cultures que dans d'autres.
-
27 -

7-
Ce
domaine
génétique
est
fondamental
pour
comprendre
celui
de
l'ethnopsychologie de l'enfant et de l'adolescent, qui s'intéresse à
la variation
des
comportements de l'enfant et de "adolescent à travers les cultures, et cherche à
expliquer ces variations à l'intérieur de chaque contexte culturel.
8- L'ethnopsychologie pédagogique étudie les représentations des structures
psychiques de l'enfant et de l'adolescent, et l'utilisation de ces représentations dans
les
systèmes
pédagogiques
des
différentes
cultures.
Par
exemple,
la
pédagogie
traditionnelle européenne se représentait l'enfant comme un adulte en miniature et le
choix des méthodes éducatives était fait en conséquence.
4.1.3. Place de notre étude dans le champ de l'ethnopsychologie.
Notre
étude
intéresse
particulièrement
le
domaine
de
"eth nops ychologie
médicale, car nous nous proposons d'analyser les structures de comportement et
les systèmes de représentation qui sont en jeu dans la relation
thérapeutique
au
sein d'un contexte culturel donné.
4.2. CADRE THEORIQUE DE REFERENCE.
4.2.1. Rejet de l'idée d'un cadre théorique universel.
Dans
le
domaine
général
de
l'ethnologie,
de
l'ethnopsychologie.
et
plus
particulièrement de l'ethnopsychologie médicale. il n'existe pas de système théorique
standard pouvant
servir
de
cadre
de
référence
universel
pour
l'intelligibilité
des
phénomènes observés dans différentes cultures. L'existence d'une
telle
théorie
ne
nous
paraît
pas
possible.
ni
même
souhaitable,
puisqu'il
s'agit
de
cultures
particulières. En effet, toute conclusion théorique en ce domaine est nécessairement
liée à un contexte culturel
donné
et
ne
peut
être
valable
que
pour
la
culture
concernée. Pour cette raison, comme le dit C. Lévy-strauss. "Durkheim et Mauss
ont bien compris que les représentations conscientes des indigènes méritent toujours
plus
d'attention
que
les
théories
issues
-comme
représentations
conscientes
également- de la société de l'observateur. Mêmes inadéquates, les premières offrent
une meilleure voie d'accès
aux catégories
(inconscientes)
de
la
pensée
indigène.
dans la mesure où elles leur sont structurellement liées." (1)
Il est clair que toute
généralisation est abusive et déformante.
En
effet.
"dans la mesure où l'on considère chaque culture comme une entité fonctionnelle,
dans la mesure aussi où l'on se refuse à la replacer sur une échelle de progrès et
(1),
Levy-Strauss.
C .•
Anthropologie
structurale,
Plon.
Paris.
1958 et
1974,
pp.
309-310.
- 28 -

à
l'apprécier. sans. çesse par
rapport
à
celles
qui
sont
censées
se
trouver
en
'dessus
ou
en
dessous
d'elle,
et
surtout
par
rapport
à
cet
étalon
idéal
que
représente la civilisation soi-disant située à la pointe de l'évolution, on est porté à
reconnaître une autonomie qualitative de chaque entité, à lui
attribuer
un
esprit
propre qu'on
ne
peut
juger
selon
des
standards
extérieurs
et
à
admettre
par
conséquent que la diversité des cultures a quelque chose d'irréductible" (1).
C'est dans ce
sens
que des chercheurs
comme
1. Sow luttent contre la
tendance
en
ethnopsychiatrie
et
plus
généralement
en
anthropologie
culturelle
à
utiliser des systèmes théoriques élaborés dans la culture occidentale (considérée à
tort comme
la culture idéale)
comme cadre
de
référence
pour expliquer ce
qui
s'observe dans d'autres cultures en statuant même sur la façon dont cela devrait
se passer. Cela
revient
à dire en
clair
que la culture
occidentale
se
considère
comme critère de référence de l'humanité idéale, comme norme à laquelle toutes les
autres cultures doivent s'ajuster, et
selon
laquelle elles
doivent
se construire,
si
elles veulent, à leur tour, devenir humaines. En d'autres termes, elle serait la norme
de
référence
d'après
laquelle
on
doit
évaluer
le
degré
d'humanité
des
autres
cultures.
1. Sow a montré que la culture négro-africaine, comme toute autre culture,
est une valeur en soi qui n'a pas besoin d'une référence exogène pour s'évaluer et
devenir intelligible. Pour 1. Sow, la culture négro-africaine est une structure ouverte,
certes, mais une structure complète et suffisante pour servir de source exhaustive
de signification, d'intelligibilité, et d'explication à tous les éléments qui la composent.
En effet, tout phénomène observé
dans
un
contexte
culturel
n'a
de
signification
adéquate qu'en référence à l'ensemble parent qui l'a engendré, et non à un système
extérieur. Un élément extrait d'un système culturel
et
transplanté
dans
un
autre
prend une signification totalement différente de celle fournie par la culture mère.
S'il est vrai que les cultures sont des sys tèmes ouverts et susceptibles pour cela
de transformations
les unes sous l'influence des autres, il ne s'ensuit pas qu'elles
soient explicables les unes par les autres. Aucune culture ne peut servir de grille
de lecture pour les autres. C'est pourquoi "l'observation d'évènements, de conduites
et
d'attitudes,
si
minutieuse
soit-elle,
n'apprend
rien
sur
leur
signification
psycholog,ique, en l'abscence de renvois à des faits de paroles, à un discours, à un
code
qui
donne
la
position
des
conduites
dans
un
système
de
significations
collectives
Loo).
Les
représentations
L..)
constituent
un
code
auquel
tout
comportement observé se réfère L..). On est à chaque fois renvoyé à un système
de
significations
dont
la
compréhension
est
indispensable
pour
rendre
les
observations intelligibles." (2)
Dans cette optique, 1. Sow a ouvert une nouvelle voie, riche et authentique
(1), Erny, P., Ethnologie de l'éducation, P.U.F., Paris, 1981, P.78, commentant Franz
Boas.
(2~ Erny, P., Po. cit., PP. 144-145.
- 29 -

pour la recherche en psychologie médicale africaine, en cherchant, à l'intérieur de la
culture
négro-africaine elle-même.
lexplication des phénomènes observés
dans
la
cure traditionnelle de ce contexte culturel.
En ce qui nous concerne, nous avons tout simplement emprunté cette voie
déjà
tracée.
Notre
travail
s'inscrivant
dans
l'aire
culturelle
négro-africaine,
les
conclusions et la méthodologie d'l. Sow nous ont servi de grand cadre théorique de
référence car toutes les cultures négro-africaines émanent d'un fond commun,
4.2.2. Théorie de la psychologie dynamique africaine d'après 1. Sow.
La représentation occidentale dualiste de l'univers qui établit un clivage entre
la matière et l'esprit. le corps et lâme, l'organisme et le psychisme.
... est
une
attitude
étrangère
à
la
pensée
négro-africaine
qui
procède
plutôt
de
façon
synthétique, continuiste. "En Afrique les opérations de la pensée se déploient plus
volontiers en fonction des catégories qui ne sont pas de type dualiste exclusif; on
semblerait
favoriser
une
attitude
continuiste
et
complémentariste.
Ainsi
les
catégories
telles
que:
rationnel- irrationnel.
rêve-réalité.
inactuel-actuel,
imaginaire-réel. monde des symboles-monde des êtres .... sont pensées plus comme
des dimensions significatives hiérarchisées que dans leur aspect séparé. "objectif" et
analytique.
Dans
la
pédagogie
traditionnelle.
elles
sont
enseignées
comme
des
catégories en continuité." (1) Il s'ensuit que dans le contexte culturel négro-africain.
"toute vérité est d'emblée synthétique et non pas analytique. En effet toute réalité
-ou tout phénomène- est d'emblée totale. une et pleine. dans la mesure où elle
n'est pas réductible uniquement à un de ses éléments considéré comme le plus
"originaire" ... Plus fondamentalement. cela veut dire. selon la pensée africaine. au
niveau épistémologique le plus général. que la vérité ne s'établit jamais grâce à la
"simplicitê' de ses constituants. à la manière de la méthode cartésienne. Selon la
rationalité
africaine,
la structure de base
-des choses,
de la
connaissance.
des
êtres, etc ...- est toujours et d'emblée complexe. synthétique. globale. Sur le plan de
la méthode. il faut aller du plus global. au moins global. D'ailleurs. on sait -comme
corolaire-
que
la
transmission
du
savoir
en
Afrique
est
synthétique
et
non
analytique." (2 J.
On peut en déduire que la mentalité négro-africaine se représente la matière
et l'esprit comme deux éléments complémentaires d'une totalité et non pas comme
deux entités autonomes et en
relation conflictuelle. Autrement
dit les
catégories
matière-esprit ne sont
pas
disjointes. en
solution
de continuité.
Il y a bien
une
continuité. une imbrication, une fusion synthétique des deux éléments en une totalité
une et indivisible. Tout élément du cosmos est à la fois sensible et non sensible.
matériel et spirituel. ..
(1). Sow. 1.• Psychiatrie dynamique Africaine. Payot. Paris. 1977. p.33.
(2), Sow. 1.. Op. cit.. pp. 33-34. note.
- 30 -

Ainsi l'homme n'est pas scindable en matière et esprit, en corps et âme, en
organisme
et
psychisme.
Tous
ces
éléments
se
trouvent
imbriqués
dans
une
structure,
une
totalité
dynamique
qu'l.Sow
appelle
"Personne-personnalité".
En
laissant
tomber
les
particularités
liées
aux
représentations
spécifiques
des
sous-cultures, I.Sow dégage trois éléments fondamentaux qui se retrouvent dans les
formulations négro-africaines comme
constituants de la structure dynamique de la
personne-personnalité. (1).
• le premier élément est le corps ou l'enveloppe corporelle.

le deuxième élément comprend
les
principes
vitaux
dont le nombre est
variable, mais qu'on peut ramener à deux principaux:
-
l'un
"contrôle
directement
la
psychologie
du
vivant
et
C..)
est
commun à l'animal et à l'homme ... "
- "l'autre, propre à l'homme C..>, serait à la base de la vie psychique
au sens large du terme. Il s'agirait d'une sorte de principe "organisateur" interne
qui serait en même temps, le centre de la force vitale totale; son rôle, essentiel,
serait
de
vivifier
l'individu
en
tant
que
réalité
bio-psychosociale
(vie,
puissance,
fécond ité)'''
• le troisième élément est le principe spirituel, immortel. impérissable, alors
que
"le corps et les
deux
variétés
de
principes
vitaux
sont
périssables".
Leur
destruction
entraîne
la
mort.
Le
principe
spirituel
indestructible,
devient
alors
autonome et quitte le corps. En effet, il ne demeure jamais dans un corps privé de
principes vitaux. Ce sont ces derniers qui animent le corps et non pas l'Esprit.
Nous voyons ainsi que l'être humain est vécu et représenté dans la culture
négro-africaine comme une véritable structure, i.e. qu'il est constitué de plusieurs
éléments tels que "chacun dépend des autres et ne peut être ce qu'il est que dans
et par sa relation avec eux" (Lalande), et dont la totalité est autre chose que la
somme des parties. Mais cette totalité structurée,
une et
indivible. n'est pas du
tout définie comme une monade fermée, close et repliée sur elle même. L'individu
humain, cette
totalité, est à
la
fois
le
point
de
rencontre
et
un
élément
d'un
système de relations socio-culturelles. En effet, il "ne peut fonctionner (et même
exister)
que
(s'il)
est
étroitement
articulé
avec
les
dimensions
et
axes
définis
culturellement"
comme
constituants
de
l'être
et
de
l'identité
de
Soi
et
qui
garantissent l'équilibre de la personne (2).
Pour cela, "l'Ego C.') est conçu comme une totalité ordonnée. et constituée
par
une
triple
relation
qui
le
situe"
verticalement,
horizontalement
et
ontogénétiquement (3).
(1). Sow, 1.• Op. cit. pp. 77 et suivantes.
(2), Sow, 1.. Op; cit., p.86.
(3). Sow, 1., Op. cit.. p.29.
- 31 -

• L'axe vertical, dimension phylogénétique de l'Ego, articule ce dernier avec
l'Etre Ancestral qui est le pôle majeur et sur qui repose tout le reste. L'Ancêtre
est, en effet, le Fondateur des valeurs et symboles de la culture communautaire,
i.e. de la Tradition Fondamentale: la Loi, le Verbe, "Etre". Cet axe
réalise.
ainsi,
l'unité de tous: individus, famille, lignée. clan, entre eux d'une part. et d'autre part,
de tous avec l'ensemble de la culture (1).
C'est par le principe spirituel de la personne-personnalité que l'Ego s'articule
directement avec le pôle Ancestral. En effet, ce principe spirituel n'est rien d'autre
que "la "parcelle" de l'Ancêtre existant en chacun de nous" (2l. C'est "un élément
de la substance ancestrale"
(2l.
"L'axe vertical
maintient
(donc)
un accès entre
l'esprit
de
l'Ego
et
la
Réalité
ancestrale.
C'est
l'axe
spirituel
de
la
personne-personnalité" (3l. Comme le principe spirituel est indestructible, il retourne
à l'Ancêtre après la dislocation, par la mort de la structure bio-psychologique de la
personne-personnalité .
• L'axe horizontal est la dimension socio-culturelle de l'individu. En effet, par
cet axe, l'Ego s'articule, d'une part avec le pôle biolignager de la famille restreinte
et du système des alliances, et, d'autre part avec le pôle communautaire élargi (3l.
-
Le pôle biolignager est étroitement lié au principe vital psychologique
de
la
personne-personnalité,
tandis
que
la
communauté
élargie
est
en
relation
étroite
avec
j'enveloppe
corporelle
et
le
système
végétatif,
i.e.
le
principe
vital
psychologique.
"L'axe
horizontal
articule
l'Ego
dans
la
communauté
culturelle
actuelle,
autrement
dit
dans
la
synchronie:
structures
et
systèmes
(organisés)
des
hiérarchies,
alliances
bio-socioculturelles
actuelles.
Cet
axe
définit
toutes
les
configurations relationnelles au sein de la communauté; en
particulier
la place de
chacun par rapport à tous, mais aussi, et plus généralement, les règles, institutions,
relations et pratiques sociales, ainsi que les rapports
au
monde et
à la nature,
etco .. "(4l.
L'Ego vit dans cette articulation en harmonie avec la culture quand il est en
conformité parfaite "avec les principaux signifiants, valeurs,
symboles
... culturels
fondés
sur le signifié ancestral"
Il
en
découle
alors
pour
lui
un
sentiment
de
0
sécurité "dans les structures relationnelles biolignagères et communautaires élargies
L.J, un sentiment d"'appartenance" et de solidarité, stimulé par l'un des groupes
concrets institués ... " (5l.
(1), Sow, 1., Op. cit., p.B?
(2), Sow, 1., Op. cit., poB4.
(3), Sow, 1., Op. cit., poBB 0
(4), Sow, 1., Op. cit., p.B?
(5), Sow, 1., Op. cit., p.B?
- 32 -


L'axe ontogénétique constitue la dimension
de l'existant et
le situe
par
rapport
à
son
individualité
-cette
structure
bio-psychologique
de
la
personne-personnalité- qui est étroitement liée au lignage et à la famille restreinte
où l'implication relationnelle maximale dans la solidarité et l'appartenance biolignagère
garantit "l'unité et la totale cohérence des vécus immédiats ... " (1) procurant ainsi à
l'Ego le sentiment de sécurité intérieur et de plénitude d'exister pour soi.
Cette analyse amène 1. Sow à conclure qu
en Afrique. noire traditionnelle, le
trouble mental, au plan du statut notionnel, est un désordre par rapport à l'ordre
culturel, car c'est une violence subie par un Ego conçu comme une totalité"
(2)
structurée cultureliemenL
Cette violence subie par l'Ego est vécue comme une persécution venant de
l'extérieur et qui le coupe soit du phylum génétique vertical, l'atteignant ainsi dans
son
Etre;
soit
des
signifiants
culturels
et
alliances
actuelles
(axe
horizontal).
l'atteinte le
frappe
alors
dans
son
identité;
soit
du
Soi,
l'attaque
vise
alors
à
détruire son existence propre. (3)
"Les persécuteurs violents -qui restent toujours extérieurs à l'Ego- sont en
fait des "doubles" négatifs de l'Ego par rapport
à ses
trois
dimensions
(doublet
vertical, doublet horizontal et doublet du Soi) ... (4)
• Le doublet vertical, négateur de l'être est la catégorie des g enles et des
esprits errants. Ce sont eux qui tentent de couper "Ego de son phylum génétique.
Un conflit s'installe entre Ego et la Tradition la plus Fondamentale de l'Ancêtre.
Le
trouble
de
santé
qui
en
découle
se
manifeste
par
des
maladies
organiques,
des
affections
psychosomatiques,
des
états
névrotiques,
des
échecs
existent iels, etc ... Mais la maladie spécifique de cette disjonction est
"la Folie la
plus
"grave"
parce
que
procédant
du
désordre
le
plus
intime
dans
l'Etre
de
l'Existant". Cette folie consiste concrètement en des décompensations psychotiques,
de même qu'en "la possession par les génies (qui sont) les vecteurs privilégiés du
domaine de la verticalité". (5) .
• Quant au doublet horizontal, négateur de l'identité de l'Ego, il est constitué,
d'une part par le pôle biolignager (famille restreinte et système des alliances) qui
est en même temps le doublet de Soi. négateur de l'existence. parce que le pôle
existentiel est intimement lié à son lignage et à sa famille restreinte; l'agresseur.
ici.
est
le
sorcier
anthropophage.
être
malfaisant,
nocturne,
censé
détruire
à
distance la substance vitale bio-psychique.
(1), Sow. 1.. Op. cil. p.88.
(2). Sow, 1., Op. cil. p.89.
(3), Sow. 1., Op. cil. p.29.
(4), Sow, 1., Op. cil. p.31.
(5), Sow, 1.. Op. cil. p.30.
(6), Sow, 1., Op. cil. p.84.
-
33 -

Le doublet horizontal est, d'autre part, le pôle de la communauté élargie qui
est à l'autre bout de l'axe horizontal. Lagresseur se trouve être, justement, cette
communauté élargie qui utilise le fétichage-maraboutage. l'empoisonnement du corps.
la pratique de la magie noire. (1)
..
L'agresseur
sorcier
du
biolignage
vise
la
destruction
du
principe
vital
psychologique.
mettant
ainsi
en
cause
l'identité
et
l'existence
de
l'Ego...
La
sorcellerie africaine proprement dite est une affaire de famille-lignage et concerne la
circulation, la distribution, l'échange du potentiel humain vital. Le pôle biolignager qui
est pourvoyeur de vies est aussi "mangeur" de vies qu'il donne. (2) Le sorcier est
ainsi "le personnage qui permet la mise en thèmes de l'angoisse de destruction de
,'existant". (3).
Sur le plan nosographique. les troubles morbides sont très variés
puisque la
sorcellerie est censée pénétrer plus profondément étant donné la "profondeur" du
principe de vie. (4). Ainsi la gamme des affections morbides s'étale des maladies
organiques
"bizarres"
aux
troubles
malins.
en
passant
par
toutes
les
séries
de
syndromes
psychosomatiques.
avec
au
plan
psychique.
des
angoisses
aigü es
paroxystiques, une
névrose grave
plus
ou
moins
systématisée,
un
dépérissement
lent, progressif, apparemment
inéluctable ... signant l'atteinte directe de la
vitalité
personnelle ... (4).
..
L'ennemi
agresseur
de
la
communauté
élargie
a
pour
cible
l'enveloppe
corporelle et le système végétatif,
i.e.
le principe
vital
physiologique. mais
visant
indirectement le principe vital psychologique-organisateur.
Les manifestations morbides se réfèrent aux maladies organiques traînantes,
des
affections
psychosomatiques
qui
revêtent
le
dysfonctionnement
du
principe
organisateur de la vie biopsychique. Mais c'est à ce niveau "le lieu essentiel C.J du
développement d'organisations du
type
névrotique,
caractérisées
par
l'inhibition
et
l'échec social en particulier (existence d'échec)" (5),
Tel
est
le
survol
très
rapide
du
canevas
général
des
représentations
négro-africaines de "univers, de l'homme, de sa santé et de sa maladie,
tel
que
l.sow l'a élaboré. Comme on
a pu
le constater,
l'auteur, tout en
inscrivant son
étude dans le cadre psychiatrique, ne s'est pas limité aux maladies mentales. Il a
plutôt
mis
en
lumière
le
fait
que
la
nosologie
négro-africaine
n'établit
pas
de
partition
dichotomique
entre
maladies
mentales
et
maladies
organiques.
cela
conformément à la représentation unitaire, totalitaire, continuiste et synthétique de
l'univers, de la réalité et de l'homme.
Dans ce sens, l'auteur note que les syndromes, tels qu'il les a analysés, ne
sont que des indications approximatives car ils ne sauraient être ni étanches entre
eux, ni exclusifs les
uns
des
autres. En effet, chacune
des catégories causales
discutées plus haut, à savoir: la disjonction de l'Ego et de ses différents pôles
(1), Sow, 1., Op. cit. p.31.
(2), Sow, 1., Op. cit. p.83.
(3), Sow, 1., Op. cit. p.31.
(4). Sow, 1., Op. ciL p.83.
(5), Sow, 1., Op. ciL pp. 82 et 31 (note 16, 2·)
- 34 -

/
socio-culturels et existentiels, est susceptible d'engendrer indifféremment n'importe
quel
syndrome,
n'importe
quelle
maladie.
Ce
qui
importe
pour
le
praticien
traditionnel, ce n'est pas tant la relation entre symptômes et causes expliquant ces
symptômes comme effets immuables et nécessaires, c'est bien plus l'explication du
trouble apparent vécu dans son ensemble comme signfiant. Si bien que" le point de
vue qui domine toute la relation interprétative n'est pas la recherche d'un diagnostic
clinique
en
lui-même
basé
uniquement
sur
des
signes
extérieurs,
mais
bien
le
diagnostic
par
la
cause,
c'est
à
dire
le
diagnostic
par
la
recherche
de
la
signification latente. cachée, du trouble manifeste" (1).
C'est pourquoi l'interprétation par la signification prend toujours le pas sur la
signification clinique. La cause organique elle-même, au sens occidental du
terme,
sans
être
ignorée,
ni
méconnue
par
la
tradition
africaine,
est
toujours
conçue
comme
cause
seconde,
occasionnelle,
instrumentale,
signe
et/ou
résultat
d'une
cause plus fondamentale, toujours de nature conflictuelle. mais qui est inapparente,
cachée et qu'il faut
mettre à jour. Par exemple: si au cours
d'une
tornade, un
arbre tombe sur Monsieur X et lui casse une jambe, il est clair et évident que c'est
un accident banal, et l'Africain ne niera jamais l'évidence; il ne niera pas la relation
de cause à effet. i.e. un arbre qui tombe sur Monsieur X et lui casse la jambe.
Mais ceci étant admis, tout ne s'arrête pas là. La question de fond qu'il se pose
est de savoir "pourquoi" l'arbre est tombé sur Monsieur X et pas sur un autre!. La
réponse à cette question ne peut jamais
postuler
des
facteurs
fortuits,
car
le
hasard
n'explique
rien
pour
l'Africain.
La
réponse
sera
plutôt
une
explication
interprétative,
i.e.
que
la
situation
d'ensemble
de
l'accident
avec
toutes
les
circonstances. revêt un statut de signe de quelque chose de caché. de signifiant
dont il faut chercher le signifié. (2).
Voilà
une
présentation
très
rapide
du
travail
de
synthèse
et
de
systématisation théorique fondamental, le premier à notre connaissance réalisé par
le professeur
ISow, qui montre que la
psychiatrie
et
la
médecine
traditionnelle
négro-africaines ne sont intelligibles qu'à l'intérieur de la structure culturelle mère
dont
elles
ne
sont
que
des
éléments
constitutifs.
Il
dénonce
ainsi
la
tendance
habituelle
et
trop
facile
à
prendre
comme
modèle
et
critère
de
référence
le
système culturel occidental qui est censé donner sens et signification à toutes les
pratiques
culturelles
sous
toutes
les
lattitudes.
A
la
représentation
dualiste
occidentale
de
la
réalité,
de
j'homme
et
de
la
maladie.
qui
a
orienté
le
développement
des
sciences
et
des
pratiques
médicales
dans
deux
directions
exclusives
et
presqu'antagonistes,
le
Professeur
I.Sow
oppose
une
conception
structurelle.
globaliste
et
"continuiste"
négro-africaine
de
l'univers
et
de
la
personne-personnalité. débouchant sur des pratiques thérapeutiques où la totalité de
la personne humaine est prise en charge.
(1), Sow, 1.• Op. cit. p.95.
(2). Sow, 1., Op. cit. p.96.
- 35 -

4.3. NOTRE HYPOTHESE DE TRAVAIL.
Comme l'auteur le dit lui-même, la synthèse de
la pensée
négro-africaine
qu'il a présentée, est un schéma très général, résumé et simplifié. qui dégage les
éléments
fondamentaux
universels
de
la
représentation
de
l'univers.
du
composé
humain et de la maladie
dans
le contexte culturel
négro-africain. Ce schéma se
trouve donc fondamentalement
le même
dans
toute la culture
négro-africaine, et
devrait. par conséquent, s'appliquer à toutes les ethnies ou sous-cultures africaines.
Des
recherches
géographiquement
plus
limitées
ne
feront
que
le
confirmer
et
l'enrichir par de nouveaux apports et en mettant en lumière les diversités.
C'est dans ce cadre que nous voulons apporter notre modeste contribution
en circonscrivant notre étude dans le contexte très limité du
peuple Nawda, une
des 49 ethnies qui peuplent le Togo.
Nous partons donc de ce schéma pour formuler une série d'hypothèses en
réponse aux questions que nous nous sommes posées.
4.3.1. Hypothèse de base.
La représentation de la réalité cosmique et sociale, de l'être humain. et de la
maladie, chez le peuple Nawda, en tant que participant de la culture néfro-africaine,
est du type unitaire, continuiste. synthétique, globaliste. tel
qu'il
apparaît
dans
la
synthèse, opérée par
l.sow,
de
la
pensée
traditionnelle
en
Afrique
noire.
Il
en
découle un
système
de
conduites
thérapeutiques
non
analytique,
mais
également
globaliste.
4.3.2. Formulation opérationnelle de "hypothèse.
Sous la forme présentée ci-dessus. notre hypothèse de base est un concept
théorique condensé, et, pour cela. non exploitable concrètement et empiriquement.
Afin de pouvoir la confronter avec les données empiriques du terrain. nous avons
dû. dans un premier temps, l'analyser, et en déduire les différentes composantes et
dimensions,
i.e.
les
différents
thèmes
plus
simples
et
"concrétisables"
qui
la
composent. Cela nous
a donné une série de
"sous-hypothèses"
que
nous
allons
exposer dans le présent paragraphe.
Dans
un
deuxième
temps,
nous
avons
cherché
à
dégager,
pour
ces
dimensions. des indicateurs. i.e. des phénomènes (ou unités) concrets (faits, gestes,
paroles •.. .> observables sur le terrain. et pouvant servir de
"révélateurs"
ou
de
"négateurs" de ces différentes dimensions de notre hypothèse.
Ces
indicateurs. groupés
sous
forme
de guide d'entretien et
d'observation
directe, seront présentés au chapitre réservé à la méthodologie.
- 36 -

Les différentes "sous-hypothèses" sont les suivantes:
1. Les
éléments constituant
l'univers
cosmique
et
social
Nawda
ne
sont
pas vécus
et conçus
comme
discrets, exclusifs, catégoriels, disjoints, mais
comme en constante continuité.
2. La structure de l'être humain est celle de la personne-personnalité
proposée par
l.sow, i.e. l'enveloppe
corporelle,
les
éléments
vitaux,
et
l'élément
spirituel. Ici, également, ces divers éléments constitutifs ne sont
pas
des entites
exclusives, disjointes, mais en constante continuité, en symbiose fusionnelle, le tout
articulé dans la totalité des réseaux de relations socio-culturelles tripolaires.
3.
La
maladie,
physique
ou
mentale,
est
vécue
comme
une
désorganisation
de
l'ensemble
de
la
structure
bio-psychologique
de
la
personne-personnalité
de
l'Ego
dans
ses
réseaux
de
relations
tripolaires
et
de
l'ordre cosmique.
4. Ce désordre est une violence subie par l'Ego. et extérieure à lui,
sous
forme
d'attaque
persécutive
<Combinée
ou
non)
provenant
des
partenaires
d'interactions socio-culturelles trip6laires, telles qu'elles sont définies et vécues dans
le milieu traditionnel africain.
5.
Le
point
de
mire,
ou
pôle
récepteur
de
l'attaque.
peut
être
sélectivement un des éléments constitutifs de la structure bio-psychologique de la
personne-personnalité,
selon
les
relations
d'articulation de ces
éléments avec
les
dimensions existentielles.
6. La thérapie, qu'elle soit herboriste, rituelle, ou les deux à la fois,
est:
• D'abord un processus d'identification de la nature de l'attaque
et de sa provenance (mantique).
• Ce processus débouche sur un système dynamique d'actions
thérapeutiques ordonnées et d'interactions ayant pour fin de neutraliser l'attaque, de
dénouer les conflits.
• Le thérapeute est vécu comme doté d'un pouvoir surnaturel
supérieur à celui des forces morbogènes.

Le
résultat
escompté
est
le
rétablissement
de
l'équilibre
rompu, la recréation de la personne-personnalité, i.e. le rétablissement de ses liens
socio-culturels disjoints.
7. Les modifications de l'état morbide observées pendant et au terme
de la cure, et sous l'action supposée de celle-ci, pourraient être le signe du degré
d'adhésion du malade aux représentations collectives actualisées et vécues dans la
cure.
8.
Au
cas

l'adhésion
ferme
du
malade
aux
représentations
collectives
est
un
fait
admis,
la modification
négative
(aggravation),
ou
positive
(amélioration), de l'état morbide pourrait être le signe du degré de confiance dans
le climat de relation thérapeutique entre patient et soignant.
-
37 -

4.4. LE PLAN DE NOTRE DEt\\;1ARCHE.
Après avoir, au terme je l'analyse des travaux de recherche sur le problème
de
la
médecine
traditionnelle.
défini
le
domaine
matériellement
peu
abordé
et
formellement galvaudé, puis
formulé
nos
questions
fondamentales
à
ce
sujet,
et
après avoir exposé nos
réponses
provisoires
à ces
questions,
c'est
à
dire
nos
hypothèses. en nous référant au cadre théorique adéquat, il nous reste maintenant
à parler des étapes de la démarche que nous avons adoptée pour la validation de
ces hypothèses.
Notre démarche s'organise selon le plan suivant:
1. Contexte culturel:
Dans
un
premier
temps,
nous
allons
analyser
le
contexte
culturel Nawda
à
partir
des
indices
verbo-linguistiques.
rituels.
symboliques,
institutionnels. mythiques, ...
Cette
analyse
nous
permettra
de
dégager
les
représentations
culturelles
de
l'homme.
et
de
l'univers
cosmique
(physique)
et
social
dans
ce
contexte nawda.
2. Processus thérapeutique:
Une
deuxième
étape
de
notre
démarche
consistera
en
une
étude
systématique
et
descriptive
du
déroulement
de
la
cure
traditionnelle
à
travers
certains de ses modèles. Cette étude fera ressortir les représentations de la santé,
et de la maladie. etc ...
• chez les thérapeutes,
• chez les malades en traitement.
L'articulation de ces
deux
séries
de représentations
nous
permettra
d'évaluer
le
degré de concordance entre elles.
Nous allons dégager. aussi. les différents types de réactions face à
la maladie; la perception et la causal ité thérapeutique.
3. Cure traditionnelle dans le système thérapeutique:
Dans
une
dernière
étape.
nous
allons
essayé
de
chercher
des
éléments
de
réponses
à
des
questions
d'ordre
plus
général.
concernant
en
particulier:
• La place de la culture traditionnelle dans le système thérapeutique
et plus concrètement sa place par rapport
aux autres
procédures
thérapeutiques
occidentales.
• Sa place et le problème de son intégration dans l'organisation de la
santé publique au Togo.
- 38 -

5. METHODOLOGIE.
Nous avons présenté la problématique dans laquelle s'insère notre réflexion,
puis
l'orientation
de
notre
étude.
Il
nous
reste
maintenant
à
analyser
notre
démarche -dont nous venons de résumer les grandes étapes, le plan-; il s'agit, en
d'autres termes, d'exposer la méthodologie, d'analyser les différentes techniques que
nous
avons
adoptées
pour exécuter
notre plan
de travail.
Nous
allons
présenter successivement:
1. Le champ de notre étude.
2. Les variables utilisées comme indicateurs de recherche.
3. Les procédures de recueil d'informations.
4. Le plan de recueil d'informations.
5. La population concernée par l'étude.
6. Les méthodes de traitement et d'analyse des données.
5.1. DEFIf\\IITION DE NOTRE CHAMP DE TRAVAIL.
5.1.1. Objet formel de notre étude.
Notre travail se place sur le plan strictement psychologique. Cela veut dire
que
nous
renonçons
délibérément
à
nous
occuper
des
aspects
organiques
des
traitements. Nous allons, à l'occasion, décrire, quand cela s'avérera utile, les signes
observables de l'état morbide du patient. Mais nous
ne nous
occuperons
pas
du
diagnostic
médical,
ni
de
l'étude
des
effets
physiologiques
des
produits
éventuellement administrés au cours de la cure. Ce qui est intéressant à propos de
ces
produits
sera
de
déterminer
comment
le
thérapeute
perçoit
leur
pouvoir
thérapeutique,
cette
perception
faisant
partie
du
système
de
représentation
qui
constitue un des objets essentiels de notre étude.
5.1.2. Le contexte culturel.
Nous allons étudier le système culturel à titre de contexte nous permettant
d'y définir la place et la signification de la cure traditionnelle qui en est un élément
constitutif.
Donc,
nous
ne
l'aborderons
pas
sous
l'angle
essentiellement
anthropologique. Pour cela, nous avons choisi certains éléments condidérés comme
plus aptes à éclairer notre sujet. Nous
n'allons
donc pas
couvrir
tout
le champ
culturel. Nous allons, par exemple, laisser de côté le domaine artistique, et certains
autres domaines dont l'exploitation nous paraît limitée. Par ailleurs, notre analyse
explicative
est
contextuelle,
c'est-à-dire
que
nous
montrons
la
cohérence
des
- 39 -

phénomènes à l'intérieur du système. sans sortir du système. D'ailleurs nous avons
montré qu'il n'existe pas de cadre
théorique
de référence extérieur à la culture
pour l'intelligibilité de celle-ci.
5.1.3. Les modèles de la cure.
La
cure
que
nous
allons
étudier
présente
plusieurs
variantes
que
nous
convenons
d'appeler
modèles
de
thérapie
et
qui
se
définissent
en
fonction
des
différents types de maladies.
Notons que ces différents types de maladies ne recouvrent pas la nosologie
occidentale.
mais
se
définissent
par
le
diagnostic
du
devin.
Ce
diagnostic
est
lui-même
beaucoup
moins
syndromique
qu'étiologique.
Il
faut
encore
noter
que
l'étiologie du devin n'a rien à voir avec la notion d'étiologie scientifique. mais relève
de l'ordre de représentations culturelles. et est du type plutôt interprétif.
Comme nous venons de le signaler. il existe plusieurs modèles de la cure
traditionnelle. Nous en avons recensé huit (il y en a sûrement davantage) que nous
pouvons
regrouper
en
deux
catégories
selon
qu'ils
répondent
à
la
notion
d'endorcisme (adorcisme) ou d'exorcisme.
5.1.3.1. Les modèles endorcistes
Dans
cette
première
catégorie.
nous
rangeons
tous
les
procédés
thérapeutiques .consistant à restituer à l'Ego tout ou partie de sa substance enlevée.
Dans ce cadre nous avons:
• Délivrance d'enchaînement d'un élément constitutif de l'Ego. retenu
prisonnier loin de lui.
• Libération de la substance de l'Ego ravie par les esprits errants.
• Délivrance de l'Ego de la gueule d'un orphidien (génie).
• Délivrance de la capture par les sorciers (capture sorcière).
5.1.3.2. Les modèles exorcistes.
Dans la seconde catégorie. nous regroupons les modèles de la cure
visant à extraire ou à dégager
de
la
substance
de
l'Ego
des
objets
étrangers
morbogènes:

Extraction
d'objets
mauvais
Œè'èga)
enfoncés
dans
le
corps
de
l'Ego.
• Extraction de la chair humaine introduite dans le ventre de l'Ego.
• Découpage du filet enveloppant et coinçant Ego.
• Découpage des garrots ou des chaînes ligotant Ego pour l'abattoir
des sorciers.
- 40 -

Pour
notre
étude,
nous
allons
laisser
tomber
les
trois
derniers
modèles endorcistes dont deux s'adressent à des maladies spécifiquement infantiles
et le troisième étant rarement pratiqué; nous allons retenir tous les autres parce
qu'ils concernent l'adulte.
Nous éliminons de notre étude les thérapies
infantiles
parce que le
recueil
d'informations.
surtout
par
la
technique
de
l'entretien.
est
pratiquement
impossible avec des enfants. qui. bien souvent. ne sont pas en âge de communiquer
verbalement.
D'autre
part,
la
notion
de
représentation
n'a
pas
encore
une
connotation culturelle suffisamment élaborée.
5.2. DEFINITION DES VARIABLES OU iNDICATEURS.
Notre recherche sur le terrain a porté sur deux grands domaines:
• Le contexte culturel
• Le processus de la cure.
Dans ces domaines. nous avons étudié les
représentations
du
cosmos.
de
l'homme.
de
la
santé.
et
de
la
maladie
ainsi
que
des
pratiques
sociales
et
thérapeutiques permettant de valider nos hypothèses.
Pour ce
faire,
comme nous
le
disions
ci-dessus,
après
avoir
décomposé
notre hypothèse de base
en
ses
différentes
dimensions
(sous-dimensions),
nous
avons construit des variables -indicateurs de ces hypothèses - qui ont servi de grille
pour le recueil des données classables dans l'une ou l'autre de ces catégories de
représentation. Nous avons groupé ces variables sous forme de guide de recherche
que nous présentons ici.
5.2.1. Contexte culturel.
5.2.1.1. Univers cosmique - homme.
• Espace cosmique
- différents objets (choses) du cosmos (énumération).
-
Terre-ciel. en
haut. en
bas; éléments terrestres.
célestes
(énumération) .
-
Différents
phénomènes
cosmiques:
pluie.
vent.
calamités.
(sécheresse. famine. épidémies ... ),
Symbolisme et signification ...
• Le temps
-
découpage du temps: jours. nuits. saisons. mois. années ..
-
différents moments de la journée. de la nuit. de "année .
. Symbolisme et signification ...
• Phénomènes cachés, occultes ....
-
41 -

• La force:
-
les forces de la nature: forces des choses, des objets, des
êtres vivants, des êtres non vivants, force de l'homme, forces
des phénomènes •...
les signes de la vie.
les vivants, les non vivants (énumérer).
"origine de la vie.
la vie de l'homme: conception, naissance,
la mort: la mort et la vie; ce qu'on devient après la mort, la
vie des
morts,
là où
ils
sont,
les
morts et
les
vivants,
les
esprits (énumérer ), habitation des esprits, ...
• L'homme:
différents éléments de l'homme (énumérer),
les catégories d'hommes.
• L'origine:
de l'univers.
de "homme.
cause des phénomènes, des évènements.
5.2.1.2, Phénomènes sociaux.
• Famille:
-
ascendants, descendants. -
différents membres de la famille
(énumération, appellation).
mariage: conjoints possibles, conjoints prohibés.
-
sexualité:
interdits
et
tabous
sexuels.
liberté
sexuelle
et
sanctions,
-
ancêtre familial et lignage.
• Société villageoise:
-
chefs
de
village:
chefs
religieux,
chefs
de
famille,
les
Anciens, ...
-
conflits dans les villages, familles. ..., leur
règlement,
celui
qui les règle.
distribution
des
terres,
règles
de
propriété
et
d'ét ablissement.
-
dangers et menaces extérieures: défense du
village. armes
de guerre, ceux qui vont à la guerre.... , cérémonie de guerre.
-
relations entre villages
nawdeba.
lien
de
parenté,
conflits.
causes •. ,.
- 42 -

• Activités économiques et chasse:
saisons et activités.
culture des champs.
origine des pluies; causes des sécheresses, des famines.
chasse.
• Religion, monde spirituel: divinité, esprits,
le sacré et le profane.
les
rites
et
les
cultes
religieux:
rythme,
signification
des
cultes,
-
le
mal:
origine
du
mal,
différents
types
de
maux,
sanctions, ...
5.2.2. Processus de la cure.
5.2.2.1. Santé-maladie.
• Pratiques de la santé.
-
les rites, les conduites. '"
• Maladie.
causes des maladies.
différentes sortes de maladies.
procédures de traitement.
facteurs responsables de la guerlson (plantes, rites, .. J.
pouvoir du thérapeute, origine de son pouvoir,
5.2.2.2. Déroulement de la cure.
• Rencontre malade-thérapeute.
demande en traitement.
motif de la consultation: description de l'état morbide.
diagnostic du thérapeute: causes, signes, processus morbide.
modèle de la cure adopté.
réaction du malade.
• Préparatifs de la cure.
matériel technique, son symbolisme.
implication du malade.
• Mise en route de la cure.
-
échanges entre malade et thérapeute.
-
technique
d'exécution
de
la
cure:
rites,
paroles.
gestes.
symboles, produits utilisés, ...
différentes
phases
de
la
cure:
variation
technique
et
relationnelle.
-
évolution de l'état morbide: modification négative. positive, pas
de modification.
- 43 -

5.3. LES PROCEDURES DE RECUEIL DE L'INFORMATION.
Pour exploiter cette
grille de recueil
d'informations, nous
avons
utilisé les
techniques d'entretien et d'observation directe
de la méthode d'enquête participative.
5.3.1. Les entretiens.
Précisons d'emblée que nous avons délibérémment refusé d'envisager dans le
cadre de notre étude des entretiens très structurés. basés
sur un ensemble de
questions
élaborées
à
l'avance.
Une
telle
façon
de
procéder
risquait
de
nous
apporter des
informations
de
"surface".
insuffisantes
pour
saisir
la
nature
des
phénomènes que nous
nous
proposions
d'étudier.
Par
conséquent,
tout
en
étant
conscient de ne pas choisir la démarche qui représentait une plus grande facilité au
niveau du traitement et de l'analyse des données, nous avons préféré envisager une
approche susceptible de nous permettre
un
plus
grand
approfondissement
de
la
réalité qui nous intéresse.
Nous avons donc utilisé un type d'entretien plus "clinique". caractérisé par un
fil conducteur -guide de recherche par enquête- constant et précis. tout en gardant
un maximun de souplesse au niveau de son déroulement. Notre guide d'enquête, tel
que nous venons de le présenter ci-dessus, comporte ainsi un certain nombre de
thèmes qui ont été abordés avec chacune des personnes concernées et que nous
avons
introduits
avec des
questions
relativement
générales. Pour
chacun
de
ces
thèmes, une série de questions plus spécifiques nous a permis soit d'amener les
sujets à préciser leurs affirmations ou à approfondir leurs analyses. soit de traiter
des
aspects
importants
relatifs
au
thème
considéré
qui
n'ont
pas
été
abordés
spontanément.
Ces
questions
subsidiaires
n'ont
donc
pas
été
nécessairement
posées
à
chaque personne et/ou toujours dans le même ordre: tout en suivant un
schéma
relativement strict. l'entretien a été, en effet. construit, et, d'une certaine
façon
"improvisé". au fur et à mesure de son déroulement en fonction. notamment, des
informations
qui
apparaissaient
progressivement.
Nous
avons
pu
traiter
les
problèmes qui nous intéressent sans fermer la porte à des éléments qui pouvaient
se
révéler
également
importants
et
tout
en
évitant
les
inconvénients
d'une
interrogation formelle caractérisée par une asymétrie évidente entre les rôles des
partenaires en présence.
5.3.2. L'observation directe.
Cette procédure a été utilisée pour recueillir des informations sur le contenu
non verbal de notre champ de recherche.
- 44 -

Dans
l'étude
du
contexte
culturel,
elle
nous
a
permis,
par
exemple,
d'enregistrer:
• des objets: structures du village, des maisons, le matériel de ménage, de
culte peuplant les maisons, les objets symbolisant le monde spirituel. ..
• des conduites: cérémonies religieuses, déroulement des rites de passage,
initiatiques, culte des morts, réactions
face
aux phénomènes
et aux évènements,
gestes.
mimiques,
indices
verbaux
(dictons,
proverbes
.. J,
activités
économiques,
etc ...
Dans
l'étude
de
la
dynamique
de
la
cure,
l'observation
nous
a
servi
de
technique d'enregistrement des informations concernant:
• les modalités de la demande en thérapie par le patient.

la
réponse
du
thérapeute
à
cette
demande:
procédures
d'examens,
formulation et nature du diagnostic, modèle de la cure choisie ...

les
préparatifs
de
la
cure,
en
particulier:
le
type
de
matériel
que
le
thérapeute
fait
intervenir;
l'implication
du
malade
(préparation
du
malade,
son
intervention dans
les
préparatifs,
.. J; l'implication des
membres
de la famille
du
malade.
• le processus de la cure: techniques et objets utilisés; exécution du rituel
(gestes.
paroles.
mimiques.
..J; phases
de
la
cure;
impact
du
patient
sur
la
variation éventuelle du rituel.
• les signes éventuels de la maladie: signes physiques, plaintes du malade, ...
• évolution de l'état morbide au cours de la cure: modification des signes;
modification des plaintes; appréciation du thérapeute; vécu du patient; etc ...
5.4. LE PLAN DE RECUEIL DE L'INFORMATION.
a. - Les entretiens ont eu lieu aux différents niveaux de l'étude du contexte
culturel pour provoquer les réactions verbales à notre enquête, à propos de l'univers
cosmique, des phénomènes sociaux, de l'homme. Notons que l'ordre présenté sur le
guide d'enquête n'a pas été suivi rigoureusement;
il n'est qu'indicatif. Nous avons
respecté rigoureusement la logique de nos "interlocuteurs"
qui pouvaient.
à partir
d'une question. développer des thèmes se rapportant à d'autres questions.
Les
entretiens
sont
intervenus
aussi
aux
différents
moments
du
processus thérapeutique, plus précisément:

avant le début de la cure, avec les
thérapeutes
et
les
malades,
ayant pour but de recueillir les
indices
des
représentations
de
la
santé.
de
la
maladie ...
• au terme de la cure. pour étudier le stade final de l'évolution de
l'état morbide.
- 45 -

b. -
Les démarches d'observation ont eu lieu pendant tout le déroulement de
l'étude du contexte culturel, parallèlement aux entretiens, et ont eu pour objectif,
comme nous le disions plus haut, l'enregistrement des informations et phénomènes
non verbaux.
-
Par contre au niveau du processus curatif, elles ont lieu aux mêmes
moments
que
les
entretiens,
mais
surtout
durant
l'exécution
de
la
cure

l'entretien
ne
pouvait
se
faire,
la
relation
verbale
étant
interrompue.
Toute
l'exécution de la cure était alors l'objet d'observation directe.
5.5. POPULATION CONCERNEE PAR NOTRE ENQUETE.
L'ethnie
Nawda
comprend
huit
agglomérations
villageoises
qui
sont
les
suivantes:
Niamtougou,
Koka,
Ténéga,
Baga,
Siou,
Yaka,
Agbandé,
et
Pouda.
regroupées deux à deux pour former les cantons.
l\\Jotre
aire
d'enquête
couvre
seulement
les
cinq
premiers
de
ces
huits
villages, à savoir: Niamtougou, Koka, Ténéga. Baga, et Siou. Nous avons exclu les
trois autres à cause de la contamination culturelle dans ces villages. En effet, Yaka
et Agbandé comprennent un fort
contingent
d'immigrants
étrangers
à
la
culture
Nawda (Kabyé, Lamba, .. ,). Les Nawdeba de Pouda sont des éléments déplacés de
la frontière Siou -Koka - Ténéga, en fuyant, semble-HI, les guerres ethniques; ils
se sont installés dans une région comprenant surtout des éléments Kabyé et Lamba.
Avec le temps, le brassage ethnique a abouti, dans ces trois villages, à une
culture-synthèse. Nous avons préféré les exclure de notre population d'étude afin de
conserver une homogénéité culturelle.
Notre population d'enquête comprend une partie de la population d'étude et
doit répondre aux critères d"ïnformateurs". Ce sont les "gardiens de la tradition"
-dont les tradipraticiens- et les malades en cours de traitement traditionnel.
Notre échantillon d'enquête a été
prélevé
donc
sur cette population. Nous
allons d'abord définir ce que nous entendons par "gardien de la tradition", et ensuite
nous présenterons les procédures d'échantillonage.
5.5.1. Les gardiens de la tradition.
Certaines personnes, de par leur statut social, sont des théoriciens de
la
culture aptes à donner des explications sur ce qui se fait et se vit; ce sont eux les
gardiens de la tradition, appelés aussi dépositaires de
la mémoire collective. Ces
théoriciens comprennent les catégories suivantes:
- 46 -

1. Les chefs religieux qui sont:

Les chargés de culte
religieux des
grandes
familles
dans
chaque
village; ce sont en principe les aînés de ces familles.

Les
consacrés, les
oints
du peuple: les
Kowtiba
ou
Gwetiba
en
exercice ou en
retraite;
les
Saamba et
les
Wawreba
oints
à vie;
ce
sont
les
prêtres du village.
2. Les anciens formant le conseil des sages du village.
3. Les tradipraticiens:
• Les herboristes
• Les devins.
• Les devins-thérapeutes
4. Les voyants (non thérapeutes).
Toutes ces catégories de personnes ont reçu une certaine initiation qui les
rend aptes à exercer dans leurs domaines respectifs. De par cette initiation, ces
personnes connaissent bien leurs pratiques et peuvent expliquer ce qu'elles font et
pourquoi elles le font.
Les chargés de culte familial sont d'abord des assistants de leurs aînés et
sont, de ce
fait,
initiés
à
la
technique
et
à
la
compréhension
des
cultes
par
voir-faire.
Quant aux consacrés du peuple. ils sont soumis à un rite d'initiation avant
d'entrer en fonction, et ont ainsi la révélation de beaucoup de choses cachées.
Les anciens ont été initiés, comme les chargés de culte, par voir-faire en
assistant leurs aînés.
Les tradipraticiens et les voyants en général, doués d'un pouvoir surnaturel,
sont les seuls à communiquer avec l'au-delà, et à connaître le monde spirituel et
donc les Ancêtres.
Notons
qu'aucune
de
ces
fonctions
n'est
isolée,
fermée
sur
ellie-même.
Chaque fonction sociale est un élément de tout le système culturel, et tout initié
pour une fonction
donnée doit posséder les
grandes
lignes
de
la
tradition
pour
mieux comprendre sa pratique et être efficace. C'est pourquoi nous donnons à tous
ces initiés
le
nom
de
dépositaires
de
la
mémoire
collective
ou
gardiens
de
la
tradition. Quand il y a divergence sur la modalité d'une pratique ou d'une conduite à
tenir, c'est à eux que l'on se réfère. Ils sont donc les mieux placés pour expliquer
la culture.
5.5.2. Procédure d'échantillonage.
Notons
d'entrée
de
jeu
que
nous
n'avons
pas
utilisé
les
méthodes
systématiques
classiques
d'échantillonage
probabiliste.
D'abord
nous
ne
pouvions
désigner, à l'avance, les éléments de
l'échantillon, n'ayant pas la liste nominative de
- 47 -

la population. Et puis. nous n'aurions pas la chance d'atteindre tous les membres de
"échantillon. étant donné que
la population est
mouvante et que notre recherche
s'est
étalée
sur
plusieurs
années.
D'autre
part.
compte
tenu
du
caractère
traditionnel -donc relativement homogène (nous y reviendrons plus loin) -
de notre
population, ce type d'échantillonage n'était pas nécessaire.
Nous avons utilisé une
procédure rappelant
la
technique
des
quotas:
nous
avons.
en
effet.
opéré
le
choix
de
nos
sujets
par
rencontre
fortuite
et
occasionnelle. mais sans avoir. au préalable. déterminé la taille des quotas. La seule
contrainte que nous nous sommes imposée était que les sujets devaient répondre
aux critères de notre population. i.e. être gardiens de la tradition ou malades en
traitement traditionnel.
Notre enquête a touché en tout cent cinquante (150) sujets dont soixante-dix
malades inégalement répartis chez les thérapeutes; quatre-vingt (80) gardiens de la
tradition. dont vingt (20) tradipraticiens parmi lesquels nous avons retenu cinq (5)
thérapeutes pour l'étude de la cure; dix (10) voyants non thérapeutes; quinze (15)
chefs de culte familial; dix oints
(10)
(prêtres) dont huit (8) Kowtiba et deux (2)
Saamba; vingt-cinq (25) anciens ou sages.
5.5.2.1. Choix des gardiens de la tradition.
Nous avons rencontré un certain nombre de chefs de culte familial au
cours
de l'étude du
contexte culturel.
soit dans
les
maisons.
soit
sur
la
place
publique. Nous avons touché les autres au cours de l'observation systématique des
séances de la cure, surtout lors des séances de délivrance des enchaînés, qui se
prolongeaient souvent par des rites sacrificiels constituant la fonction de ces chefs
de
culte.
Ils
assistaient
alors
le
thérapeute
ou
le
faisaient
eux-mêmes.
Nous
profitions pour faire notre enquête élargie.
Quant aux oints. les rencontres ont été un peu difficiles. Nous avons
"accroché" certains par hasard sur la place publique, mais pour d'autres. comme
les Saamba, il a fallu les chercher chez eux.
Nous
avons
touché
les
Anciens.
les
sages,
également
par
des
rencontres occasionnelles organisées souvent sur la place publique, autour d'un pot
de bière locale <tchoukoudou) offert par nous.
Quant aux tradipraticiens et les voyants non thérapeutes. nous avons
recueilli
leurs
noms
dans
chaque
village.
et
nous
nous
sommes
rendus
à
leur
domicile. nous n'avons pas pu rencontrer tous ceux dont nous avions la liste, mais
la plus grande partie; par contre, nous avons repéré d'autres de façon fortuite.
- 48 -

5.5.2.2. Choix des thérapeutes.
De
tous
ces
tradipraticiens
contactés
lors
de
l'étude
du
contexte
culturel,
ce sont
les
thérapeutes
qui nous
intéressaient
pour
l'observation
de
la
cure. Parmi ceux-ci nous avons sélectionné cinq.
Certaines raisons expliquent ce choix limité:

Nous avons éliminé tous
les
therapeutes
qui,
pour certaines
raisons
de
moralité, ne pouvaient pratiquer tous les modèles
de
la cure
retenus
pour
notre
étude. En effet, il importait que chacun ce nos thérapeutes pût pratiquer tous les
modèles
que
nous
avons
retenus
afin
qu'une
comparaison
éventuelle
pût
être
possible entre ces praticiens .
• Après cette élimination, il restait un second problème à résoudre: celui de
trouver régulièrement des malades en traitement chez les thérapeutes retenus afin
d'éviter des déplacements inutilement coûteux.
Ces raisons nous ont donc poussé à ce choix sévère de cinq
thérapeutes
chez qui nous avons étudié le processus je la cure traditionnelle. Il importe de les
présenter brièvement.
DIKETA YALGOU
âgé de 45 ans environ, Diketa est marié et père de plusieurs
enfants.
Très
tôt,
il
se découvre voyant
I,yenda),
i.e.
doué
d'une
seconde
vue
lui
permettant de communiquer avec le monde spirituel.
A un âge très tendre, il devient orphelin de père et de
mère. Après
une
courte scolarité -qui lui permet de parler un peu français- il apprend la conduite
auto-professionnelle,
et,
ne
trouvant
pas
de
travail,
il
exerce
d'abord
comme
meunier, puis il devient conducteur de transport en commun, poids lourd.
C'est au cours de l'exercice de sa profession qu'il est appelé à s'installer
comme
tradipraticien
(Tada): un
moment donné, il
commence
à voir,
toutes
les
nuits, en songe, deux femmes de sa fam;lle assises à ses côtés, tenant chacune
deux calebasses
contenant
des
cauris.
Les
cauris
constituent
le
matériel
de
la
mantique. Ces rêves signifient donc pour lui une invitation à s'installer comme Tada,
i.e. manticien et thérapeute. Mais il oppose des résistances
à cet appel. Par la
suite, les choses se compliquent: durant la conduite de son véhicule, quand il atteint
sa vitesse de croisière, il lui arrive souvent d'être brusquement frappé de cécité:
subitement, il ne voit plus rien, mais pendant ce temps, le véhicule continue à rouler
à toute vitesse.
Alors
il
a compris
que s'il
n'écoute
pas
les
révélations
reçues
dans
les
rêves, il court le risque d'un accident grave où plusieurs passagers vont perdre la
vie; et si lui même ne meurt pas dans l'accident, il risque de devenir fou.
Il a, alors, abandonné son métier de conducteur pour embrasser celui de
Tada. Personne ne l'a incité comme c'est souvent le cas. Il a compris la situation
et
a
lui-même
pris
spontanément
la
décision
pour
éviter
des
conséquences
fâcheuses.
Et puis il n'a eu
besoin de
personne pour
l'initier à l'exercice de cette
- 49 -

profession.
Pour
faire
face
aux
frais
d'intronisation,
il
a
pratiqué
la
mantique
pendant dix ans, ce qui lui a permis de rassembler une somme de dix mille francs
C.F.A.. C'est alors qu'il a pris contact avec un Tada qui l'a officiellement intronisé.
Diketa est originaire du village de Baga où il est domicilié. Sa maison est
construite dans le style ordinaire de la région, style que nous décrirons plus loin;
pour le moment, disons que les cases des hommes, habituellement situées à l'entrée
de la maison, ont un coin intime isolé du reste de la cour intérieure.
La case de Diketa, de forme rectangulaire, se trouve presqu'à l'entrée de la
maison
(concession), et
s'ouvre sur un
coin
intime qui
accueille
tous
les
jours.
depuis trois ou quatre heures du matin, de nombreux malades venus de tous les
villages
Nawda
et
même
des
ethnies
voisines,
telles
que
l'ethnie
Lamba.
Naturellement nos cas
étudiés
sont
choisis
uniquement
parmi
les
ressortissants
Nawda. Chez Diketa, les malades sont parfois si nombreux qu'ils débordent le coin
intime et envahissent la cour intérieure et même celle
è'xtérieure. Les malades
ne font pratiquement jamais
défaut chez lui. C'est
lui qui nous
a fourni
le
plus
grand nombre de sujets de notre échantillon de malades. Il soigne tous les jours de
quatre-cinq heures du matin jusque vers huit-neuf heures du matin. Après, il part
pour
d'autres
activités
thérapeutiques
au
domicile
des
malades
telles
que
la
délivrance de l'enchaî nement. Diketa es t une personne généreuse et très ouverte à
la collaboration avec d'autres systèmes de traitement, en l'occurence la médecine
occidentale. Il sait faire la part des choses entre les maladies qu'il peut traiter et
celles qui relèvent du ressort de la médecine moderne. Autrefois, dit-il, il conduisait
lui même, au médecin, les malades quil lui adressait. Depuis un certain temps, il ne
le fait plus parce qu'on se moque de lui. Mais il continue d'adresser des malades au
médecin du centre de santé de la
région. En
ce
qui nous
concerne,
Diketa
n';:),
jamais demandé, ni accepté de nos mains, de l'argent pour les services qu'il nous
rendait. Il préférait, par contre, nous offrir à boire où à manger parce que nous
venions de loin. Il nous a fait
connaître
certains
de
ses
collègues
qui nous ont
accepté.
sur
sa
recommandation,
à
travailler
avec
eux.
Mais,
nous
avons
eu
l'impression qu'il nous utilisait un peu, car notre présence à ses côtés lui donnait un
certain prestige qui l'élevait au dessus de ses collègues.
IDJADA: Idjada est
le premier collègue à qui Diketa nous
a présenté.
Les deux
thérapeutes n'habitent pas loin l'un de \\'autre.
Agé de 55 ans environ, Idjada est marié et père de plusieurs enfants.
Il a embrassé la profession de thérapeute alors qu'il était très jeune: il était
tout
petit enfant quand,
un jour,
il est monté dans
un
palmier pour couper
un
régime de palme. Arrivé au sommet de l'arbre, il s'est senti pris de vertige et a
failli tomber. Il a alors commencé à redescendre; quand il est arrivé au milieu du
palmier, la corde qui le soutenait en cercle autour de l'arbre a cédé et il est tombé
sur ses pieds.
La divination a révélé que cet accident était un signe de vocation à devenir
devin-thérapeute <rada). Son grand-père qui avait été Tada était mort. Deux autres
-
50 -

membres de la grande famille avaient successivement pris la relève,
mais étaient
morts à leur tour, et la succession n'a pas continué. Le père d'ldjada, qui vivait
encore
n'était
pas
thérapeute.
C'est
Idjada
qui
était
désigné
pour
prendre
la
succession
et
l'accident
était
un
signe
de
cette
désignation:
ce
sont
les
deux
épouses-esprits (nous l'expliquerons plus loin) du
grand-père qui le
sollicitent; ce
sont elles qui ont provoqué l'accident -signe.
Mais le père d'ldjada, qui admettait l'interprétation, trouva son fils trop jeune
pour une aussi lourde charge et refusa.
Un peu plus tard. Idjada développa une maladie traînante. rebelle à tous les
traitements. et
se manifestant par des douleurs dans les membres inférieurs et
supérieurs. avec difficulté de se mouvoir. C'était une longue maladie entrecoupée de
périodes de rémission. Plusieurs divinations révélèrent la même chose: Idjada avait le
choix
entre deux
alternatives: mourir de cette
maladie
ou
accepter
la
vocation.
auquel cas il guérissait. La famille a dû se
résoudre
et l'intronisation
a eu
lieu.
C'est un maître- Tada qui l'a initié.
Idjada nous explique la nature de l'initiation et le processus de la vocation du
Tada. thèmes que nous développerons plus loin. Mais nous rapportons ici l'explication
d'ldjada.
L'initiation ne consiste pas à communiquer un pouvoir ou à apprendre au
néophyte la technique de la mantique et/ou de la cure. L'initiation est un simple rite
de passage. En effet, le néophyte a tous les pouvoirs et la science infuse. car il
est assisté de ses esprits. Il est vrai qu'au début de sa pratique divinatoire, il n'a
pas encore la langue bien déliée pour
dire
ce
qu'il
voit;
cela
arrive
à
certains
néophytes. mais pas à tout le monde; dans ce cas, le maître initiateur lui montre
comment formuler ce qu'il voit; mais il ne lui apprend pas à "voir".
-
Dans le cas d'une "vocation-héritage", comme celui d'Idjada. ce sont les
deux
épouses-esprits
de
l'Ancêtre
qui
cherchent
une
autre
épouse-esprit
au
néophyte. Cette nouvelle épouse va rester au foyer
pendant que les
deux autres
suivent le Tada partout pour le guider dans sa pratique.
Dans
les
vocations
primaires qui
ne sont pas
la
transmission
du
pouvoir
ancestral, i.e. des vocations qui surviennent sans qu'il y ait eu des antécédents dans
la famille, ce sont des esprits errants qui deviennent épouses de l'élu et le forcent
à devenir Tada. S'il résiste. il est frappé de maladie. souvent une maladie mentale
violente,
tandis
que
le
signe
de
la
vocation-héritage
n'est
jamais
une
maladie
mentale.
La
maladie
mentale
ne
guérit jamais
complètement,
quand
même
l'élu
accepte
son
élection
(cela
explique
les
craintes
du
pire
de
Diketa).
Après
l'intronisation du Tada. elle disparaît mais peut toujours revenir. D'ailleurs ceux qui
deviennent thérapeutes
à
la suite d'une
maladie
mentale ont toujours
des signes
pathologiques
dans
leur
comportement;
leurs
actes
thérapeutiques
gardent
une
marque de la folie.
Après son intronisation. Idjada s'est rendu au Ghana où il a exercé pendant
longtemps. Il a même obtenu un diplôme de l'Etat Ghanéen qui l'autorise à exercer
officiellement (il nous a montré ce diplôme).
-
51 -

On ne trouve pas tous les jours de patients chez
Idjada, et quand on en
trouve, ils sont peu nombreux. Il faut souligner qu'il combine sa fonction de Tada
avec des activités agricoles. C'est peut-être ce qui explique la rareté des patients
chez lui. Idjada lui-même le justifie par cette raison, en
reprochant
à Diketa de
consacrer tout son temps
à la thérapie, peu rentable, en négligeant les travaux
agricoles qui rapportent de quoi vivre. Nous pouvons aussi faire l'hypothèse que la
population trouve Diketa plus compétent.
Par contre Idjada s'est rendu célèbre par ses
séances
de divination où
il
utilise une méthode originale inspirée
d'un modèle courant de la consultation
des
esprits des morts pratiqué dans le culte des morts. Il est devenu ainsi un centre
d'attraction
d'un
monde
fou
venant
parfois
de
très
loin
à
la
recherche
d'une
solution, d'une réponse à leurs problèmes variés. Ce système de divination n'a pas
fait l'objet spécifique de notre recherche étant donné qu'il sera étudié dans le cadre
général de la mantique et de façon plus spécifique dans le culte des morts. La case
d'ldjada est
un
peu
plus
moderne que
celle
de
Diketa.
De
forme
rectangulaire,
couverte de tôle, elle est située au fond de sa concession. On doit dépasser le
foyer central
avant de
l'atteindre.
Elle
s'ouvre
aussi
sur
un
coin
intime,
moins
fermé, qui accueille les patients en consultation, surtout le matin.
Idjada est un homme calme, plus calme que Diketa, assez généreux lui aussi.
Mais il investit moins d'énérgie dans la thérapie.
MABADJAMA MICHEL: Michel est âgé de 50 ans environ. Nous connaissons peu de
choses sur sa vie privée, mais nous savons qu'il est père de famille.
Michel est le troisième Tada que nous avons rencontré. Mais, à vrai dire,
nous l'avons rencontré avant Idjada, lors de notre étude du contexte culturel, de
façon fortuite; nous nous rendions chez un Tada pour notre enquête quand
nous
l'avions
aperçu
par
hasard
dans
une
concession,
par-dessus
une
cloison
en
démolition, en train
d'extraire un Be'ega
(mauvais objet)
à une femme. Nous lui
avions alors posé. en hâte, quelques questions auquel les il avait répondu, paraissant
d'abord
méfiant,
puis
rassuré
par
la:
suite.
Mais
nous
n'avions
pas
pris
ses
coordonnées et nous l'avions ainsi perdu de vue. C'est à travers Diketa que nous
avons retrouvé ses traces; et c'est Diketa qui a procédé à la mise en confiance et
a favorisé la rencontre.
Michel dit exercer depuis vingt quatre ans. Il
a hérité de son
grand-père
pendant
que
son
père
exerçait
lui-même
comme
Tada.
C'est
son
père
qui
l'a
intronisé.
Les épouses-esprits de son grand-père le poursuivaient depuis longtemps. lui
demandant de prendre la relève.
Il refusait et
ne voulait pas
se faire
découvrir
voyant. Un jour. ces esprits lui ont tordu le cou; il souffrait de douleurs atroces. la
tête tournée de côté. ne pouvant regarder droit devant lui. La nuit, il ne pouvait
dormir à cause des douleurs. Les divinations ont révélé que cette maladie était un
moyen de le forcer à accepter la succession de son grand-père; et s'il continuait
de refuser,
il mourrait de cette
maladie.
Il a dû se dévoiler voyant et accepter de
- 52 -

prendre la relève de son grand-père. Alors on lui a remis de l'eau et une baguette
pour le rite de libation à son grand-père. Dés qu'il eut versé l'eau, il eut envie de
dormir. alors qu'il ne dormait plus depuis plusieurs jours déjà. Cette nuit là, il
a
dormi profondément et le lendemain, au réveil, il n'avait plus de douleurs; puis
il
s'est rendu compte qu'il pouvait regarder devant lui, qu'il
pouvait
mouvoir
la tête
sans problème: il était guéri.
Après son
intronisation, Michel
a quitté le Togo et est
allé
s'installer au
Ghana pour exercer car il ne pouvait pas exercer au même endroit que son père.
C'est après
la mort de ce
dernier
qu'il
est
revenu
au
Togo.
Michel
habite
un
quartier
assez éloigné de celui de Diketa et
d'Idjada.
Sa
concession
est
assez
grande, mais sa case est très petite, située au niveau du foyer central. Le coin
intime est, lui aussi, très réduit et largement ouvert sur le foyer central.
Des cinq thérapeutes que nous avons suivis, Michel paraît le moins motivé
pour
sa
profession.
Il
le
manifeste
d'ailleurs
ouvertement;
il
fixe
de
faux
rendez-vous
aux
malades
et
préfère
aller
travailler
dans
ses
champs.
D'après
Diketa, Michel est
très compétent comme
thérapeute, et
très
recherché
par
la
population; mais il exerce ses fonctions de thérapeute à contre-cœur. Pour cela.
Diketa avait hésité à nous le recommander.
Mais nous devons avouer que nous avons fait bon ménage avec Michel. Il a
été
très
coopératif et
honnête
avec
nous.
Il
ne
nous
a
jamais
fixé
de
faux
rendez-vous. Quand il ne pouvait pas nous recevoir, il nous le disait. Contrairement
à Diketa, et, dans une certaine mesure. à Idjada, chez lesquels nous n'avions pas
besoin de nous
annoncer, nous ne pouvions
savoir
quel
jour Michel
pratiquait.
Il
fallait absolument prendre un rendez-vous. Nous avons étudié aussi très peu de cas
avec lui.
BADANSIMA: âgé de soixante-dix ans environ, il est
le doyen
d'âge de nos
cinq
thérapeutes. Il est l'avant-dernier à intégrer le groupe.
Les
débuts ont été très
difficiles
avec
lui.
Il
a
mis
beaucoup
de
temps
pour
comprendre
ce
que
nous
voulions. Il s'est d'abord beaucoup méfié de nous, nous fixant de faux rendez-vous.
Il
donnait
l'impression
d'avoir
pris
nos
recherches
pour
une
épreuve.
un
test
d'efficacité de sa pratique thérapeutique, que nous voulions
lui faire
subir.
Nous
avons usé de la patience et il a fini par comprendre, avec l'aide de Diketa. qu'il ne
s'agissait pas de juger de sa compétence. C'est sur notre demande que Diketa nous
avait
fourni
ses
coordonnées.
La
vocation
de
Badansima
est
mi-héritage,
mi-primaire. En effet. son grand-père avait été thérapeute, mais pas manticien, de
même que son père. Mais c'est un esprit errant qui l'a forcé à devenir Tada. C'est
l'esprit d'un ennemi tué pendant les
guerres
inter-ethniques.
C'est
l'esprit
d'une
femme. qui voulait l'épouser. Cet esprit l'a suivi pendant longtemps. il ne voulait pas
et le chassait en vain. Un jour. Badansima se trouvait. en groupe. en
train
de
travailler dans les champs; l'esprit était encore là. collant;
Badansima l'a chassé,
cette
fois
à
coups
de pierres.
L'esprit
est
allé alerter d'autres esprits de sexe
- 53 -

masculin, leur disant que Badansima l'a battu, lapidé. Ces esprits mâles sont allés
attaquer Badansima par surprise, l'ont roué de coups et il est tombé évanoui. On l'a
transporté à la maison, presque mort. Les consultations ont révélé que l'esprit qui
"avait fait battre voulait l'épouser et le forcer à devenir Tada. Badansima qui ne
voulait pas se dévoiler voyant, se taisait, et
restait
muet
à toutes les questions
qu'on lui posait.
Le~ épouses-esprits de son grand-père se sont fâchées contre
l'esprit
errant
qui
avait
fait
assomer
Badansima,
et
voulaient
le
renvoyer,
le
chasser. Il y eut un grand jugement au terme duquel on décida de ne pas renvoyer
l'esprit amoureux de Badansima, car si on coupait ces relations, Badansima risquait
sa vie. Alors, ce dernier a dû accepter la vocation.
Quand on
a ainsi
découvert la
cause
de
sa
maladie,
on
a
procédé
aux
libations et il s'est rétabli. S il n'avait pas accepté la vocation, cet esprit allait le
tuer. Sa maladie reprend pér;odiquement et constitue à chaque fois un signe qu'il
est temps d'offrir quelque chose à ces esprits; et dès qu'il le fait, tout rentre à
nouveau dans l'ordre.
Pour son intronisation, c'est un vieux Tada qui a été son maître-initiateur. Il
a
planté
les
pierres
symbolisant
les
trois
esprits
(les
deux
épouses
de
son
grand-père et
sa propre épouse);
puis
l'initiateur a sacrifié des
animaux
à
ces
esprits, mais il ne pouvait pas en manger sous peine de devenir fou.
A
partir
de
cette
initiation,
il
était
apte
à
fonctionner
comme
devin-thérapeute.
Badansima habite le village Koka dont il est originaire. Ce village est voisin de
Baga, village de Diketa avec qui Badansima travaille quelquefois. La concession de ce
dernier n'est pas grande. Sa case est située juste à "entrée de la concession; elle
est très petite, de forme rectangulaire, et presque sans coin intime. Il ne donne
pas l'impression d'avoir une grande famille. Il doit avoir des grands enfants qui ne
sont plus avec lui.
Badansima
paraît
aimer
son
métier.
Il
le
pratique
avec,
apparemment,
beaucoup de conscience et de responsabilité. Il a une clientèle nombreuse venant en
partie des autres villages. Il est très matinal, peut-être le plus matinal de tous les
cinq Tadeda que nous avons suivis. Pour assister à ses séances, il nous fallait nous
lever à
trois
heures du
matin.
Mais
il
a
tendance,
lui
aussi,
à
fixer
de
faux
rendez-vous à ses malades.
1/
a
commencé
très
jeune
comme
Tada.
D'après
lui,
on
ne
doit
pas
commencer cette fonction à un âge avancé.
SABIBA KADJA: âgé de trente ans environ, Kadja est
le plus jeune de nos cinq
thérapeutes, et le dernier à intégrer le groupe. Nous connaissons peu de choses de
sa vie privée, mais nous pensons qu'il est marié.
eme
Kadja a fait des études jusqu'en classe de 4
secondaire. Il est le plus
instruit des thérapeutes que nous avons rencontrés, à l'exception d'un seul que nous
avons dû exclure de notre échantillon pour l'observation du processus de la cure,
qui, lui, avait poussé ses études jusqu'en classe de terminale scientifique.
- 54 -

Les épouses-esprits de son grand-père, qui avait exercé comme Tada. l'ont
longtemps poursuivi, lui demandant de prendre la relève. Il a toujours oppposé une
résistance à cet appel et poursuivait ses études. Arrivé en classe de quatrième, il
s'est trouvé bloqué; il ne réussissait plus et ne pouvait plus aller plus loin. S'il avait
cédé plus tôt à l'appel des esprits. il n'aurait pas été si loin dans ses études.
Il a dû arrêter les études donc en classe de quatrième, mais n'a pas pour
autant
accepté
sa
vocation.
Il
s'est
plutôt
engagé
dans
l'apprentissage
de
la
mécanique au Garage Central de Lomé, qui l'a embauché quand il a eu son diplôme.
Une nuit. Kadja était de permanence à son service (garde de nuit)
quand,
brusquement, il fut terrassé et sombra dans le coma. Il fut transporté d'urgence au
C.H.U .. Cette nuit là, il fit même une crise de folie. A l'hôpital quand il reprit un
tout petit peu connaissance, il a compris ce qui lui arrivait; il a alors décidé de
rentrer
au
village.
Dans
un
état
encore
confus,
il
ramassa
tous
ses
papiers
d'hôpital et franchit le grand portail sans être vu. puis arrêta un taxi qui l'a conduit
à son domicile. Le taximan, constatant son état, l'a
accompagné jusque dans sa
chambre et lui a recommandé, en le quittant. de laisser la porte ouverte, car on ne
pouvait
prévoir
comment
son
état
évoluerait.
Il
a
exécuté
la
recommandation;
quelques temps plus tard, un de ses co-habitants qui allait aux toilettes, remarqua
la porte de Kadja
ouverte
et
pensa
aussitôt
aux
voleurs.
car
ce
dernier
était
supposé être au service à cette heure-là; mais il fut surpris de trouver Kadja dans
la chambre au moment où tout le monde le croyait absent. Kadja expliqua ce qui lui
était arrivé et pria son co-habitant d'aller sur le champ quérir son frère, domicilié
dans un autre quartier de Lomé. Dès que son frère fut arrivé et qu'il prit devant lui
la décision de rentrer au village. il reprit complètement connaissance. A son arrivée
au village. il ne souffrait plus de rien; toute sa maladie avait totalement "disparu".
Alors, il décida d'accepter sa vocation. Il abandonna son métier pour s'installer. Au
moment où nous le voyions, il exerçait déjà depuis six ans.
Kadja habite le village
8aga. Sa concession
est
de
grandeur moyenne;
sa
case, située au fond de la maison, est assez petite et n'a pas de coin intime.
Kadja reçoit beaucoup de malades, pratiquement tous les jours, comme son
cousin Diketa. Il est assez consciencieux et semble se donner sérieusement à sa
fonction de thérapeute.
Nous avons rencontré Kadja de façon fortuite. Nous étions à la recherche de
Michel qui éta it attendu pour une consultation des esprits dans une maison, quand
nous sommes tombés sur Kadja. C'est lui qui devait mener la consultation. Michel a
des liens de parenté avec la famille concernée et pouvait donc être impliqué dans
les problèmes qui devaient être traités. Il avait alors demandé à Kadja de présider
la séance. Kadja nous
a donc indiqué sa maison qui nous
est
restée
désormais
ouverte à tout moment.
5.5.2.3. Choix des malades.
Chez les thérapeutes, les malades se présentent pour toutes sortes
de problèmes. Dans tout ce lot, nous avons pris soin de trier ceux qui présentaient
-
55 -

des affections devant être traitées avec l'un ou 1autre des modèles de la cure que
nous avons retenus pour notre étude,
Nous
avons
rencontré
très
peu
de
malades
hospitalisés
chez
nos
thérapeutes;
cétait
tout
au
début
de
notre
enquête
que
nous
avons
observé
quelques uns chez Diketa. La plupart des malades que
nous
avons
suivi s étaient
donc traités en ambulatoire. Une fois le premier contact établi avec le malade. le
thérapeute nous indiquait le calendrier de son programme thérapeutique; cela nous
permettait ainsi de rencontrer les malades chez le thérapeute aux jours et heures
fixés par lui; nous contribuions par là à réduire le poids du facteur perturbant que
notre présence constituait déjà. Nous suivions le thérapeute quand il se rendait chez
un malade pour un traitement à domicile et quand il faisait sa tournée de visites.
Nous
avions
prévu,
dans
notre
projet de
recherche,
de
suivre
une
dizaine de malades par thérapeute. Mais compte tenu de la variation
du
taux
de
malades que nous avons signalée ci-dessus, nous n'avons pas pu respecter
cette
distribution. Certains thérapeutes nous ont fourrli moins de dix malades alors que
chez d'autres nous en avons trouvé plusieurs dizaines.
5.6. METHODES DE TRAITEMENT ET D'ANALYSE DES DONNEES.
Dans notre projet de recherche, nous avions envisagé, pour le traitement et
l'analyse des données, J'utilisation des méthodes qualitatives et quantitatives.
5.6.1. L'utilité des méthodes quantitatives.
Les
méthodes
quantitatives
que
nous
avions
alors
retenues
comportaient
quelques
unes
des
techniques
statistiques
compatibles
avec
le
caractère
essentiellement nominal des données que nous envisagions de recueillir. Il s'agissait,
entre autres, de l'utilisation des pourcentages pour un résumé condensé des faits,
ainsi que la technique du "Chi carré" pour l'étude de la dépendance entre variables,
ou de l'homogénéité entre sous-groupes d'individus. De plus, une méthode d'analyse
multi-variée
(l'analyse
factorielle
des
correspondances)
devait
nous
permettre
d'étudier
le
degré
d'organisation
des
variables
observées
afin
de
pouvoir
en
interpréter les structures éventuellement sous-jacentes.
Mais
l'expérience
du
terrain
nous
a
montré
que
le
caractère
fondamentalement traditionnel de notre population s'observe surtout
au
niveau des
variables retenues pour notre étude. Or toute société traditionnelle est par définition
homogène.
En
effet,
comme
l'écrit
Pierre
Herny,
"les
sociétés
"archaïques"
(entendons
traditionnelles)
sont
souvent
constituées
de
groupes
quantitativement
restreints, à l'échelle humaine, solidaires parce que conscients de leur personnalité,
relativement
homogènes
quoique
différentiés,
à
évolution
lente,
formant
des
ensembles
communautaires
fondés sur
le primat
de la tradition, où tout le monde
- 56 -

se reconnaît, où la communication s'établit sans intermédiaires, sur le mode oral, et
que l'on peut donc espérer appréhender globalement."
(1)
Le caractère homogène
de:~ ',ociéléo; tr aditionnel1es s'explique parTe que les pratiques et les conduites,
résultant du vécu. des r-eprésenLlt.ions. du ',.y':,tèmt:' de "efèr-ence et de •j':lniri::::1f· 'l,.
etc ... , collectifs, se retrouvent à peu près identiques chez tous les individus de la
pop ulation; les variations intragroupes sont de ce fait négligeables.
Ainsi l'homogénéité recherchée se trouve en somme directement observée,
rendant inutile l'analyse statistique. Quant à l'organisation structurale des variables,
des techniques d'analyse qualitative nous ont paru plus fécondes dans le domaine qui
nous concerne, que des procédures d'analyse statistiques.
Pour ces raisons, nous allons devoir abandonner les méthodes quantitatives
au profit de celles qualitatives.
5.6.2. Les méthodes qualitatives
5.6.2.1. Traitement des données: L'analyse de Contenu.
Pour
le
traitement
des
données
du
terrain,
nous
allons
utiliser
quelques unes des techniques de "analyse de contenu que nous présenterons plus
loin en détail.
Ces
techniques
nous
permettront
de
répartir
les
indices
que
sont
les
données recueillies sur le terrain en des classes ou catégories selon des critères
d'équivalence. Nous allons ainsi obtenir un nombre
plus
réduit
de
variables,
une
sorte
de
description
condensée
permettant
de
faire
ressortir
des
indicateurs
molaires facilement interprétables. et qui traduisent la nature des représentations en
jeu.
Notons que
cette
analyse
sera
moins
systématique
pour
les
données
du
"contexte
culturel"
que
pour
celles
du
"processus
thérapeutique".
En
effet
le
contexte
culturel
sert
de
cadre
de
référence
théorique.
et
un
traitement
systématique des données dans ce cadre n'est pas utile et nous n'en voyons même
pas l'opportunité. Nous nous contenterons de la répartition de ces données dans les
catégories
définies
à
l'avance
dans
notre
guide
d'enquête.
Le
travail
de
fond
consistera à faire une synthèse cohérente et systématique de
l'ensemble
de
ce
matétiel
pour
dégager
un
système
culturel.
Présentons
brièvement
la
méthode
d'analyse de contenu.
5.6.2.1. Présentation de la méthode d'analyse de contenu.
a. Définition.
D'après
Laurence
Bardin,
(2),
à
l'heure
actuelle,
on
distingue généralement sous le terme d'analyse de contenu:
(1), Herny, P., Op. cit. p.
(2), Bardin, L., L'analyse de contenu, P.U.F., Paris. 1986, pA3.
- 57 -

Un
ensemble
de
techniques
(méthodes)
d'analyse
des
communications visant par des procédures systématiques et objectives de description
du contenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant
l'inférence
de
connaissances
relatives
aux
conditions
de
production/réception
(variables inférées) de ces messages." Entre dans cette définition, toujours
selon
l'auteur.
toute
démarche
qui
utilise
un
ensemble
de
techniques
partielles
mais
complémentaires
"pour
expliciter
et
systématiser
le
contenu
des
messages
et
l'expression
de
ce
contenu
à
l'aide
d'indices,
quantitatifs
ou
non,
dans
le
but
d'effectuer des déductions logiques et justifiées concernant la source (l'émetteur et
son contexte) -ou éventuellement les effets- des messages pris en considération.
Le chercheur qui utilise la méthode d'analyse de contenu
agit
donc, comme un archéologue, sur des "traces" qui sont les "documents qu'il peut
trouver ou susciter. Ces documents sont traces de quelque chose
que l'analyste
cherche
à
découvrir à
travers
eux
et
par eux,
le
traitement
par
l'analyse
de
contenu permet ainsi au chercheur de remonter à la source du message, d'inférer
des connaissances sur les conditions de l'émission, de la production." (1). D'après
cette définition, la démarche d'analyse de contenu se fait (s'opère) en deux
étapes:
-
la
première
est
une
description
selon
des
procédures
systématiques et objectives du contenu des messages aboutissant à des indicateurs
quantitatifs ou non.
la
deuxième
étape
est
un
processus
de
déduction,
d'inférence. A partir des indicateurs (résultats de la première
étape
qui
est
la
description)
que
l'auteur
appelle
"variables
d'inférence",
l'analyste
infère
des
connaissances
relatives aux
conditions
de
production/réception
du
message.
Ces
connaissances
ou
informations
déduites
sont
appelées,
par
l'auteur,
"variables
inférées" .
Il en ressort qu'on ne peut parler d'analyse de contenu si cette deuxième
étape fait défaut. Toute analyse vise à déduire des connaissances. La description
consista.nt en énumeration, résumee
3pre'~ rr)iteme'lt, des caractériSTiques du texte
ou
du
document,
et
l'interprétation
cherchant
la
signification
accordée
à
ces
caractéristiques, "l'inférence est la procédure intermédiaire permettant le passage,
explicite et contrôlé, de l'une à l'autre" (2), i.e. de la description à l'interprétation.
Roger Mucchielli
a une
position
différente.
Pour
lui,
l'analyse
de
contenu
n'aboutit pas nécessairement à une
inférence.
Elle
peut
s'effectuer
à
différents
niveaux, selon les objectifs fixés et si le contenu se prête à l'hypothèse de ces
différents niveaux. On concevrait donc une analyse de contenu qui se réduirait, se
limiterait à la première étape décrite par L. Bardin. Pour cette raison, l'analyse
documentaire qui consiste à résumer
les
contenus des ouvrages (documents) pour
(1), cf. Ibid, p.39.
(2), cf. Ibid
- 58 -

constituer une banque de données, donc sans franchir l'étape d'inférence, utilise la
procedure d'analyse de contenu.
C'est dans
ce
sens
que
R.
Mucchielli donne
de
l'analyse de contenu la définition suivante: "L'analyse de contenu (d'un document ou
d'une communication) c'est, par des
méthodes
sûres,
rechercher
les
informations
qui s'y trouvent, dégager le sens ou les sens de ce qui y est présenté, formuler et
classer tout ce que "contient" ce document ou cette communication". (1).
b. Notion d'inférence en analyse de contenu.
D'après L. Bardin les
variables
d'inférence
sont des
variables
empiriques, émergeant des données du document analysé; les variables inférées sont
des variables construites à partir de celles empiriques apportant des informations
supplémentaires
adéquates
à l'objectif que l'on
s'est
fixé.
Ce
sont
des
résumés
explicatifs
apportant
plus
d'informations
sur
les
conditions
de
production
du
message. (2) . L'inférence est donc une construction.
R. Mucchielli précise que cette construction
est différente de
l'interprétation qui est une traduction se référant à un code, à une clé extérieure
au document pour décrypter ce dernier. L'inférence est une explication et non une
traduction.
Pour cela, elle cherche à dégager le sens latent, immanent au document et
donnant pleine signification au sens manifeste. "Ce que l'on cherche (à inférer) doit
nécessairement se
trouver
dans
le
contenu,
celui-ci
englobant
une
manifestation
(contenu manifeste) et une immanence (contenu latent), non observable et une
structure plus ou moins voilée, un sens immédiat et un double sens." (3),
Les variables inférées à partir des indicateurs ne transcendent donc pas le
contenu comme c'est le cas dans l'interprétation; elles ne lui sont pas extérieures
mais immanentes; elles font partie de lui.
Comme le dit L.Bardin, (4), l'inférence est donc une procédure intermédiaire
entre les indicateurs (résumant le contenu manifeste) et l'interprétation.
Ainsi définie,
l'inférence qui cherche
à
dégager la
structure
sous-jacente,
non-observable,
mais
construite,
ne
peut
être
l'aboutissement
de
toute
forme
d'analyse de contenu. Selon l'objectif fixé conformément aux hypothèses formulées,
l'analyse de contenu
n'a pas
toujours
besoin
de
rechercher
la structure
latente.
L'inférence est une étape nécessaire et obligatoire dans l'analyse de contenu de type
structurale qui se fixe justement pour objectif de rechercher la structure latente
devant être (une variable) construite à partir du contenu manifeste et expliquant ce
dernier.
(1), Mucchielli, R, L'analyse de contenu des documents et
des communications, Ed.
ESF, Paris, 1984, p.22
(2), Bardin, L., Op. cit. p39.
(3), Ibid.
(4), cf. supra.
- 59 -

L'objet de l'analyse de contenu.
L'objet matériel.
L'objet matériel de l'analyse de contenu est le document que R. Mucchielli
définit
comme
"tout
objet
qui
enseigne
ou
renseigne,
tout
élément
de
connaissances". (1 ).
" y a deux catégories de documents selon leur mode de production.

Le premier type comprend les documents produits spontanément dans la
réalité.
i.e.
donnés
à
priori.
Tout
matériel
de
communication
ou
d'information
existant en dehors de l'opérateur, de l'analyste. entre dans cette catégorie. 1/ peut
être, d'emblée, donné ou rassemblé par le chercheur, l'analyste, suivant certaines
hypothèses; on peut citer les ouvrages, les articles de presse, les critiques d'art,
etc ...
• Le deuxième type de documents est l'ensemble des matériels créés par la
recherche elle-même. Ce sont des documents suscités par les besoins de l'étude.
"L'opérateur, l'analyste fait naître un certain matériel qui contient quelque chose et
ce sont ces contenus qu'il faudra analyser, ... " (2). Les documents créés peuvent
être. par exemple. les réponses aux questionnaires d'enquête, les enregistrements
d'interviews sur des thèmes ou des situations définies, les procoles de test, les
résultats d'expérience. les données de l'observation, ...
1/ est à noter, comme le dit R. Mucchielli, que "le mode de création de ce
matériel est une variable importante en ceci que le matériel suscité se trouve par
les intentions de l'opérateur et par les conditions du surgissement, déjà influencé ou
orienté ... ". (3). Donc on risque de ne trouver au bout de l'analyse que ce que l'on
y
a mis.
C'est
donc
une
variable
qui
risque
de
biaiser
systématiquement
les
résultats
si
l'on
ne
la
contrôle
pas
(si
elle
n'est
pas
contrôlée)
sinon
par
neutralisation totale, du moins en la transformant en variable aléatoire.
Objet formel.
L'analyse de contenu ne vise pas l'aspect formel des documents à la manière
de la linguistique, de la critique d'art, ... Elle appréhende les documents en tant
qu'instruments de communication. Elle s'intéresse au
contenu
en
tant
que
sens,
signification. Qu'elle s'occupe du contenant (aspect formel> ou du contenu (aspect
thématique) lui-même, c'est pour appréhender ce dernier. L'analyse formelle n'est
qu'un procédé pour atteindre, à travers les formes, le contenu. L'analyse cherche
alors à établir une correspondance entre les structures formelles (linguistiques et
autres) et les structures sémantiques et/ou psychologiques
(conduites, idéologies,
attitudes, .. J des énoncés.
(1), Mucchielli, R., Op. cit., p.126.
(2), Mucchielli. R., Op. cit., p.19.
(3), Mucchielli, R., Op. cit., p.19.
- 60 -

"L'analyse de contenu s'intéresse justement (et exclusivement) au signifié, par
définition même. parce qu'elle s'intéresse au sens" (1) et non aux signes. Quel que
soit
le
statut
du
signifiant.
les
significations
ne
peuvent
absolument
pas
être
classées à partir des signifiants ... La signification est indépendante de la nature du
signifiant grâce auquel elle se manifeste". (21. En conséquence, l'analyse de contenu
sera possible quelque
~,oit lE' support ~,ignifiant (écriture. lanq;?lge pêJrlé. irnaqe~,.
musique, média quelconque) ". (3)
Les objectifs.
Les objectifs poursuivis par l'analyse de contenu sont très variés. R.
Mucchielli, se référant au schéma de H.D. Lasswelle, en énumère six. (4). D'après
ce schéma, l'analyse de contenu vise à atteindre:
• Le producteur de messages.
L'analyse
de
contenu
peut
avoir
pour
objectif
la
connaissance
du
producteur du document à analyser, l'émetteur du message, l'auteur de l'œuvre ou
de l'ouvrage. Elle vise dans ce cas
"l'étude de la personnalité de l'auteur de la
communication
ou
du
texte,
l'étude
de
ses
caractéristiques
psychologiques
ou
sociales, de son comportement verbal, de ses valeurs, de son cadre de référence.
de son "univers sémantique"
". etc... Elle part donc de l'hypothèse que l'auteur
s'exprime, se projette (à travers) dans sa production.
• Le message produit.
L'analyse de contenu peut aussi chercher à mettre en lumière "les
caractéristiques du message, L.l, sa valeur informationnelle, les mots. les idées,
les arguments, les conclusions, les affirmations, les négations, bref, ce que l'on a
l'habitude d'appeler littéralement "le contenu" ". L'analyse cherche à saisir le sens
du
message,
l'ensemble
des
signifiés,
la
signification
dont
le
message
est
le
signifiant. On ne parle pas pour ne rien dire. L'auteur doit dire quelque chose par
son œuvre.
• Le destinataire du message.
L'analyse de contenu peut viser à atteindre celui à qui s'adresse le
message, le destinataire, le récepteur: la clientèle, le public, les groupes auxquels
sont destinés les messages, les communications, les informations apparaissent à
travers
les
contenus
soumis
à
l'analyse
orientée
dans
ce
sens.
En
effet,
les
communications sont construites, structurées, selon leurs attentes, leurs valeurs,
leurs
mythes, les conditions psychologiques et sociales de leur réceptivité. On
peut
(1), Mucchielli, R., Op. cit., p.24.
(2), Greimas, A.J., cité par R. Mucchielli, Op. cit., p.24.
(3), Mucchielli, R., Op. cit., p.24.
(4), Mucchielli, R., Op. cit., p.20, cf. aussi Grawitz, M, Méthode des sciences
sociales, Dalloz, 1986, pp.679-682.
-
61 -

donc appréhender, par l'analyse de contenu, le récepteur
à
qui
le
message
est
destiné, adressé.
• La manière dont le message est construit (émis).
L'analyse
de
contenu
étudie,
ici,
la
forme
et
le
véhicule
de
la
communication. "Le choix du support (l'image en couleur, par exemple) et du code,
le style et les figures de style, la structure du "langage adopté" ou du récit dans
son ensemble. la lisibilité du message. etc ... vont devenir les objectifs de l'analyste".
Cet objectif est une médiation pour atteindre autre chose: certaines caractéristiques
psychologiques. sociales •... , ou l'auteur par exemple. Il ne s'arrête pas à l'étude
des signes. du signifiant pour lui-même.
• Le but, les objectifs visés par le message.
L'analyse de contenu cherche à dégager les objectifs, i.e. les effets
(affichés ou cachés) visés par le message au niveau du réel ou des personnes. Les
objectifs
visés
avec
les
effets
attendus,
c'est
ce
que
le
message
cherche
à
provoquer. à modifier,
...• chez
le récepteur, le destinataire.

Les
résultats ou effets observés.
L'analyse
de
contenu
recherche,
ici,
les
effets
réels,
les
buts
effectivement atteints par le message; effets qui ne sont pas forcément congruents
avec les buts préalablement visés.
Le champ d'application de l'analyse de contenu.
Nous avons vu que l'objet (matériel) de l'analyse de contenu est le
document, i.e. toute communication au sens "d'information circulant entre émetteur
et récepteur", producteur et destinataire.
Le champ d'application s'étend donc à toute forme de communication.
Quand
on
prend
la
communication
comme
tout
transport
de
signification,
d'information. de message d'un émetteur à un récepteur, on se rend compte que ce
champ est extrêmement vaste. L. Bardin tente de résumer ce champ par un tableau
indicatif. (1). que nous résumons ici.
- La nature des structures formelles de la communication.
La communication peut être verbale (écrit. oral; ou non verbale
(icône. code sémiotique. paralangage, .. J. La communication est dite verbale quand
elle utilise comme support (véhicule) le "verbe". la parole. concrétisé par une langue
écrite ou orale (enregistrement phonétique). Ici entrent en ligne de compte: livres,
articles, conférences, entretiens, questionnaires, protocoles de tests, ...
La communication non verbale est celle qui utilise des codes
autres
que la parole.
Entrent
dans
cette
catégorie
les représentations figurées
(1), Bardin, L., Op. cit., p. 34.
- 62 -

(images,
sculptures,
peintures,
graphismes,
photographies,
films).
les
codes
sémiotiques (objets symboles, gestes, mimiques. codes objectifs, espace, temps, .. J.
Mode de circulation du message.
L. Bardin distingue:

Le monologue où le producteur
du
message
se
veut
son
propre destinataire. Il est à la fois émetteur et récepteur. Les documents qui sont
concernés
sont:
les
agendas,
les
journaux
intimes,
les
pense-bêtes
(ljstes,
indications quelconques rappelant une tâche à accomplir), rêve, gribouillis, graffitis,
collections d'objets, postures. tics .
• La communication duelle ou dialogue à deux. Ici le message
circule entre deux personnes, l'émetteur est différent du récepteur. Le matériel est
alors constitué par la correspondance (lettres), les réponses à des questionnaires,
les protocoles des tests individuels, les travaux
scolaires, les
conversations,
les
entretiens,
les
communications
picturales.
les
communications
psychomotrices
(gestes, mimiques), les échanges d'objets.

La communication
groupale
(groupe
restreint):
le
message
circule entre
les
membres
d'un
groupe
restreint
(entreprise,
groupe
de
travail,
équipe médicale, .. J Le matériel comprend alors les notes de service, les lettres
cir'culaires,
toutes
les communications écrites, discussions,
entretiens
en
groupe,
conversations, symboles picturaux, icôniques, emblêmes du groupe (dans une société
secrète), attitudes, communications posturales, gestuelles, mimiques.

La
communication
de
masse:
le
message circule
dans
la
société élargie. Les partenaires sont de plus en plus anonymes, faisant partie des
couches
les
plus
variées,
à
moins
qu'il
ne
s'agisse
d'une
communauté,
d'une
collectivité
plus
homogène.
Le
matériel
comprend
les
livres,
les
journaux,
les
affiches, les annonces publicitaires, la littérature, les textes juridiques, les tracts,
les exposés, les discours, les émissions radiophoniques, télévisées, le cinéma, la
publicité, les disques, les signaux routiers, les objets religieux, les rituels, le code
oral coutumier, les films cinémathographiques, la peinture, l'environnement physique
et symbolique, la signalétique urbaine, les monuments, l'art, les institutions,
Différentes méthodes et techniques d'analyse de contenu.
L'analyse
de
contenu
est
en
fait
un
ensemble
de
méthodes
diverses
poursuivant le même objectif, à savoir: l'étude de la sémantique des documents. La
sémantique est entendue ici "non pas au sens de "étude du vocabulaire de la langue
générale" (ce dont s'occupe une partie de la linguistique), mais au sens large de
"recherche du sens"
(ou
des
sens)
d'un
"texte"
",
(1),
d'un
document, d'une
communication. Que ces méthodes se centrent sur l'aspect formel du document, ou
sur son organisation structurelle latente, en passant par son contenu manifeste,
elles s'occupent essentiellement du contenu, i.e.
"ensemble
des signifiés,
ensemble
(1), Mucchielli, R., Op. cit., p.26.
- 63 -

des significations d'un "texte" ". (1), d'une communication.
Roger Mucchielli a regroupé toutes ces méthodes en trois grands groupes,
selon la centration de l'analyse: la forme, le contenu manifeste ou le contenu latent.
Le premier groupe analyse la forme, le contenant pour atteindre le contenu, les
deux derniers analysent directement le contenu soit pour l'organiser de façon plus
claire et logique (analyse sémantique). soit pour en déduire une structure construite
sous-jacente (analyse structuraleL (2)
Application à notre matériel.
Place de notre matériel dans le champ d'application.
Caractère formel de notre matériel.
Notre matériel est en partie verbal et en partie non verbal.
Le matériel verbal comprend les données recueillies au cours
des entretiens semj-directifs, durant les séances de cure. Ce sont des données
orales que nous avons enregistrées par écrit. En plus ce matériel a été produit
dans la langue de nos locuteurs, et transcrit par nous en français. Ajoutons que
nous n'avons
pas
eu
besoin
d'interprètes
étant
nous - même
ressortissant
du
milieu. La traduction a été en partie littérale quand nous le jugions nécessaire pour
une meilleure compréhension de la pensée des locuteurs. Les protocoles dont nous
disposons constituent donc une traduction (transcription française) des discours des
locuteurs.
Le matériel non verbal comprend les données de l'observation
directe
accompagnant.
ou
entre,
les
séances
de
cure.
Il
est
constitué
essentiellement des techniques rituelles de la cure (gestes. paroles. faits. utilisation
d'objets matériels, .. J exécutées par le tradipaticien et le malade dans la pratique
curative.
Quant au paralangage (mimiques du langage. silence, .. J il nous
a été extrêmement difficile de l'enregistrer entièrement conjointement au discours
que
nous
devions
transcrire
en
français.
Comme
le
dit
R.
Mucchielli,
il
est
nécessaire
pour
l'analyse
du
paralangage
de
disposer
d'un
enregistrement
au
magnétoscope avec possibilités d'arrêt sur image (pour les mimiques et les gestes).
Nous avons parfois utilisé le magnétophone qui nous donne des informations sur la
voix et les silences. Pour les dernières séances d'enquête, nous avons pu faire
quelques enregistrements vidéo dont l'exploitation
est difficile
faute
d'un
appareil
reproducteur adéquat.
(1), Mucchielli, R., Op. cit., p.125.
(2), Mucchielli, R., Op. cit., pp.26-27 et 40-114.
- 64 -

Mode de circulation du message.
Le message verbal recueilli a circulé entre chaque locuteur et
nous. C'est une communication duelle, un entretien
individuel.
1/
est vrai
que
ces
entretiens ne se faisaient pas en tête à tête isolé mais en présence des autres
patients et du thérapeute qui nétaient pas si indifférents et quelquefois participaient
activement.
Notre objectif.
Grille de lecture du matériel.
Nous allons d'abord construire
une
grille catégorielle
thématique
qui
nous permettra la lecture rigoureuse et systématique du contenu du matériel. Les
différentes données verbales et non verbales seront regroupées sous des concepts
thématiques généraux facilement exploitables dans le cadre de nos hypothèses.
Le Message.
Notre analyse sera
centrée
sur
le
message
lui-même.
Nous
nous
proposons de cerner le contenu, i.e. ce que contiennent les données des entretiens,
ce que nos locuteurs ont voulu dire, le sens, les significations de leurs discours, les
idées émises par eux, leurs conceptions et l'application de ces conceptions dans la
pratique curative.
La
connaissance
du
contenu
doit
nous
permettre
d'avoir
des
informations sur les locuteurs puisque nous appréhendions le contenu tel
qu'ils
le
vivaient. Mais
nous
ne nous centrons
pas
sur
les
locuteurs
en
tant
que
sujet
d'étude. Notre objectif n'était pas l'étude de leur personnalité, mais de leur système
de pensée en tant que conception de la réalité guidant les conduites thérapeutiques,
C'est dans ce sens que l'analyse du
paralangage,
bien
que
pouvant apporter des
compléments
d'informations
utiles. ne nous
paraît
pas
absolument
nécessaire
et
nous pouvons en faire l'économie sans en appauvrir les résultats, i.e. sans
perte
d'informations.
Contenu manifeste et contenu latent.
Si nous entendons
par contenu latent le sens
implicite
recherché
par les
procédures de type structural, notre objectif ne vise pas ce contenu là. En effet,
nous (n'envisageons pas) ne recherchons pas une quelconque structure universelle,
qui
serait
un
modèle
construit,
organisateur
inconscient
des
discours
de
nos
locuteurs.
D'autres
méthodes
nous
permettront,
au
niveau
de
l'interprétation,
de
dépasser le sens explicite du message émis pour appréhender, au-delà de celui-ci,
le sens, de nature plutôt symbolique, caché et spécifique au contexte
culturel
de
nos locuteurs. Pour le moment nous nous proposons de rendre plus systématique et
interprétable
le
contenu
manifeste.
le
sens
explicite
tel
qu'il
apparaît
dans
le
discours.
- 65 -

Techniques d'analyse adaptées à notre matériel.
Parmi les trois groupes de méthodes d'analyse de contenu que nous avons
présentés ci-dessus, celui qui convient le mieux à l'étude de notre matériel, tel que
nous l'avons défini, et selon nos objectifs, est naturellement le groupe des méthodes
logico-sémantiques de R. Mucchielli. En effet, ces méthodes se centrent directement
sur l'apect sémantique du discours sans prendre en considération l'aspect formel.
Elles
s'attaquent
directement
au
contenu
sans
passer
nécessairement
par
le
contenant.
Et puis elles se limitent à l'aspect sémantique explicite sans se poser des
questions sur le contenu implicite dont la recherche n'est pas notre objectif, comme
nous venons de le souligner plus haut.
Comme
les
autres
groupes,
les
méthodes
logico-sémantiques
utilisent
plusieurs
types de procédures techniques selon les caractéristiques
formelles
du
matériel
(verbal,
non
verbal)
et
les
objectifs
d'analyse.
Nous
utiliseront,
naturellement, les procédures qui s'appliquent à l'analyse de contenu des entretiens
semi-directifs et du matériel non verbal, telles que nous les avons résumées plus
haut, pour condenser de façon systématique toutes les données de notre enquête.
5.6.2.2. Analyse des résultats.
L'analyse interprétative des résultats obtenus à l'issue du traitement
des données sera faite à l'aide de deux méthodes qui cherchent à faire ressortir la
relation d'interdépendance entre variables. Ce sont: la recherche des homologies de
structures, et l'analyse fonctionnelle. Nous allons les présenter brièvement.
Recherche des homologies structurales.
Cette
méthode
est
utilisée
quand,
dans
les
phénomènes
sociaux
complexes
ne
pouvant
être
expliqués
à
l'aide
d'une
causalité
simple,
et

l'utilisation
des
méthodes
quantitatives
est
pratiquement
exclue,
on
veut
mettre en évidence
la
parenté logique entre deux aspects du même contexte. (1).
Cette
méthode
nous
permettra
d'examiner
ainsi
la
correspondance
entre
les
structures
de
comportement
des
différents
groupes
impliqués dans la situation thérapeutique: patients et thérapeutes, patients des deux
sexes, instruits et non instruits ... afin de dégager le degré de concordance et/ou
de discordance. Elle utilise les procédures de la méthode d'analyse structurale.
(1), Bourdon, R., Les méthodes en sociologie, P.U.F., Que sais je? W
1334, Paris,
1980, p.99 et suivantes.
- 66 -

Aperçu de la méthode d'analyse structurale .
• Méthode phénoméno-structurale. (1 >.
-
Postulat de base.
La
méthode
phénoméno-structurale
présuppose
l'existence
d'un
organisateur
-appelé
structure-
d'un
ensemble
de
données
phénoménales. i.e. observables. Cet organisateur qui "rend compte d'une manière
synthétique et logique de l'ensemble des faits observés" (2) se situe à un niveau
inconscient et n'est pas. par conséquent, perceptible directement.
En d'autres termes. la structure est un schéma simple
de règles formelles qui rend compte, de manière cohérente, de la multitude des
faits d'observation, i.e. les organise, et qui est un postulat posé à priori comme
base de l'analyse.
Mais un tel schéma. qui ne peut pas ne pas exister.
n'est pas connu à priori comme le serait un cadre préétabli dans lequel on va
essayer de faire entrer les données. Il doit se déduire, s'inférer du contenu des
faits observés.
Dans
ce
sens,
comme
nous
l'avons
vu
ci-dessus.
l'analyse phénoméno-structurale est une étape de l'analyse de contenu. le contenu
recherché étant latent.
-
Phases de la méthode. (5)'
La méthode phénoméno-structurale a six phases selon
Alex MucchiellL
. La première phase consiste à prendre connaisance de
la totalité des données. Cela revient à parcourir le corpus des faits avec l'idée de
repérer un ou plusieurs sous-ensemble isomorphes. Le. pouvant à priori renvoyer à
une même structure.
. La deuxième phase regroupe les éléments du corpus
(les éléments repérés dans la première phase) en sous-ensembles isomorphes. i.e.
éléments supposés à priori comme relevant d'une même structure où d'un même
élément de structure.
Cette phase subsume
l'unique
sous
la
diversité.
Mais
tous les faits ne renvoient pas toujours à une seule et
même
structure.
"Des
regroupements vont permettre de re monter à quelques structures différentes". (3).
Puis. dans une deuxième étape, on peut "rechercher pour l'ensemble des structures
explicitées. une structure plus générale englobant les schémas formels tirés dans un
premier effort de généralisation." (4 >.
(1).
Mucchielli.
Alex.
L'analyse
phénomènologique
et
structurale
en
sciences
humaines. P.U.F.• Paris. 1983. pp. 60 et suivantes.
(2), Mucchielli, Alex, Op. cit., p.60.
(3), Mucchielli, Alex. Op. cit., p.61.
(4). Mucchielli. Alex, Op. cit.. p.61.
- 67 -

· La troisième phase est une application de la deuxième
phase; elle s'efforce de repérer les
isomorphismes dans les
différents
éléments
regroupés. Ces isomorphismes sont des analogies de sens pouvant aboutir à une
signification d'ensemble qui n'est pas trouvée de l'extérieur par réféfence à des a
priori théoriques. Elle est constituée "à partir d'un effort de compréhension interne
de l'élément examiné". (1l.
Cette phase débouche sur la constitution d'une matrice
structurale qui "est un tableau dans lequel les données analogiques des différents
éléments du corpus sont regroupées (en ligne ou en colonne) de telle manière que
leur lecture
(en
ligne
ou
en
colonne)
restitue
les
différents
éléments
unitaires
considérés, et que la lecture en ligne ou en colonne mette en évidence les analogies
de sens que l'on veut faire apparaître.' (2l.
· La quatrième phase est la formulation de la constante
formelle
rendant
compte
de
toutes
les
sous-unités des
différents
éléments
du
corpus repérés comme analogiques.
Plusieurs
constantes
ou
problématiques
ou
principes
généraux seront ainsi formulés renvoyant respectivement à chacune des sous-unités
regroupant les données isomorphes.
· La cinquième phase consiste à faire la synthèse de
toutes
les
constantes
de
l'ensemble
des
principes
généraux
formulés
dans
la
quatrième phase. Cette synthèse aboutit à un même ensemble représentatif qui est
une
problématique,
une
constante
générale
rendant
compte
de
l'ensemble
des
significations
prêtées
aux
sous-unités
des
éléments
étudiés.
C'est
la
structure
proprement dite.
· La sixième et dernière phase est la vérification de la
structure. Il s'agit de vérifier si la décomposition en sous-ensemble a été bien faite,
si on n'a pas trop découpé ou oublié des éléments pouvant modifier la structure .
• Notion de structure.
Nous
venons
de
présenter
la
méthode
d'analyse
phénoméno-structurale
qui
a
pour
objectif
de
rechercher
un
organisateur
(la
structure)
sous-jacent
à
un
ensemble
de
données
ou
faits
d'observation
apparamments disparates. Afin d'exploiter cette méthode avec fruit, il convient de
préciser la notion de "organisateur recherché.
-
Différentes conceptions de structures.
Les auteurs de la méthode structurale ne s'entendent
pas sur la notion de structure. Une
certaine
confusion
règne
à ce
propos.
R.
Bourdon précise que "les équivoques attachées à la notion de structure tiennent
pour une grande part à ce que le mot apparaît dans
deux types de contextes très
(1), Mucchielli, Alex, Op. cit., p.61.
(2), Mucchielli, Alex, Op. cit., p.61.
- 68 -

différents".
(1).
Il
se
dégage
ainsi
deux
définitions
se
référant
à
ces
deux
contextes.
Dans
le
premier
contexte

la
définition
est
dite
"intentionnelle", la structure est
considérée
comme
"un
ensemble
de
caractères
interdépendants: structure de comportement, structure de l'organisme, etc,
... On
retrouve dans l'objet à étudier ce qu'évoque le terme même de structure et qu'un
synonyme
tel
que
système
pourra
remplacer.
Lorsque
Gurvitch
qualifie
certains
groupes de structurés, il entend par là que ceux-ci forment une totalité et souligne
leur caractère systématique. Le mot structure qualifie donc l'objet, identifié comme
un
système.
Ce
type
de
définition
intentionnelle
comporte
en
général
une
énumération des caractères structurels, le plus souvent apparents ..." (2).
Le deuxième contexte donne "une définition effective" de
la structure:
"il
ne s'agit
plus
ici
de
qualifier
l'objet
de
"structurel",
mais
de
déterminer sa structure. Lorsque Levy-Strauss (en anthropologie) et Spearman (en
psychologie) utilisent le terme (structure) en des matières aussi différentes que la
parenté et l'analyse factorielle, cela signifie qu'il existe quelque chose de commun
aux deux domaines étudiés, et que dans les deux cas les auteurs ont découvert une
construction logique, rendant compte de caractéristiques apparentes du système. La
définition de l'objet devient alors de type constructif. Il ne s'agit plus de dire, "il
existe une structure", mais de définir les éléments de celle-ci,
le
plus
souvent
aussi,
de
se
référer
au
delà
de
ce
qui
est
observable,
à
une
structure
sous-jacente." (3),
L'utilisation du terme de structure se
fait
donc
dans
ces deux contextes qu'il convient de bien distinguer afin d'éviter toute confusion. La
question
se
pose
toutefois
de
savoir
lequel
de
ces
deux
contextes
donne
la
meilleure définition de la structure! La structrue est- elle un système immanent à
l'objet structuré en tant qu'organisation interne plus ou moins apparente, plus ou
moins manifeste, qu'il convient de dégager. ou bien est-ce une construction logique
transcendant l'objet observé, les faits d'observation? Nous allons tenter une réponse
dans le paragraphe suivant.
Dépassement des deux positions.
En réponse à la question que nous venons de poser, Madeleine Grawitz pense qu'en
fait les deux définitions, intentionnelle et effective, peuvent constituer deux étapes
dont la deuxième représente parfois beaucoup plus "approfondissement de l'intention
de la première .." (4), Dans ce sens, il convient de trouver une définition générale
dépassant et coordonnant les deux niveaux. Une telle définition paraît être celle
donnée par Jean Piaget: "En première approximation, une structure est un système
de transformation qui comporte des lois en tant que système (par opposition aux
propriétés des éléments), et qui se
conserve
ou s'enrichit par le jeu même de ses
(1), Grawitz, M., Méthodes de sciences sociales, Dalloz, Paris, 1966, p.460.
2), Grawitz, M., Op. cit., p.461.
(3 ), Grawitz, M., Op. cit. p.461.
(4 ), Grawitz, M., Op. cit. p.461.
- 69 -

transformations, sans que celles-ci aboutissent ou fassent appel
à des éléments
extérieurs. En un mot une structure comprend ainsi les trois caractères de totalité.
de transformation et d'autoréglage. En seconde approximation ... la structure doit
pouvoir donner lieu à une formalisation." (1).
Notre utilisation de la notion de structure.
Pour
ce
qui
concerne
notre
étude,
nous
allons
utiliser
la
structure
définie
comme
un
système
immanent
à
l'ensemble
des
données,
i.e.
comme
organisateur
expliquant
l'interdépendance
des
faits
d'observation.
Nous
n'allons pas nous lancer dans la construction logique des structures transcendant
les faits. Un tel travail nous conduirait immanquablement hors du contexte culturel
que nous
étudions.
faisant
appel
automatiquement
à une
théorie
exogène.
Nous
allons
rester toujours
fidèles
à
notre
option
de
départ
qui
consiste
à analyser
l'univers
de
sens
et
de
signification
en
lui-même,
comme
une
théorie,
sans
référence à une clé d'explication extérieure au système. Nous n'allons pas nous
embarquer,
ici.
dans
les
théories
structuralistes
de
recherche
de
la
"bonne
structure". Nous allons tout simplement exploiter les modèles déjà construits par
les théoriciens de la culture sous forme d'interprétations. des modèles "faits à la
maison"
comme
dit
Lévy-Strauss
(2 l,
sans
nous
préoccuper
de
savoir
s'ils
correspondent ou non à des normes de référence, soi-disant universelles. qui, en
fait, ne sont rien d'autre que des constructions culturelles particulières.
Analyse fonctionnelle.
Comme l'indique R. Bourdon. cette
méthode
"part
de
l'idée simple qu'un moyen efficace pour expliquer les phénomènes et surtout les
institutions, les moeurs et les usages sociaux est de rendre compte des fonctions
qu'ils remplissent, ou du rôle qu'ils jouent", dans un système. A l'aide de l'analyse
fonctionnelle,
on
peut
ainsi
montrer"
qu'un
phénomène
social
est
impliqué
par
!ensemb!e de':: ;)I-ltres". U J.
";sus
allons
utiliser l'ana!yse fonctionnelle
pour
étudier
l'implication de la cure traditionnelle par l'ensemble des autres phénomènes culturels
de la société Nawda. i.e. sa cohérence avec l'ensemble du contexte culturel .
• Définition.
La
méthode
d'analyse
fonctionnelle
consiste
à
examiner
tout
fait
social. toute
institution
dans
ses relations avec la totalité du
(1 l, Piaget, J.• Le structuralisme. P.U.F., Paris, 1968. p.8. cité par Grawitz. M.•
Op. cit.. p.460.
(2 l. cf. Lévy-Strauss. C .• Anthropologie structurale. Plon. Paris. 1974. p.309.
(3l, Bourdon. R.• Op. cit.. pp.98 et 106.
-
70 -

corps social dont il (elle) fait partie. Le fait ou l'institution en question ne dévoile
son sens que si sont appréhendés ses rapports fonctionnels avec les autres faits
ou institutions. "Par exemple. tel rite ne pourra être compris que si on met en
évidence la façon dont il est lié à l'économie ou la politique, définissant ainsi sa
fonction à différents niveaux et du même coup expliquant sa raison d'être." (1 >.
-
Présupposés théoriques.
Comme on le voit,
l'analyse
fonctionnelle
part d'une hypothèse holistique et d'un postulat utilitariste .
• Hypothèse holistique.
L'analyse fonctionnelle part de l'hypothèse
que "la vie sociale est un système dont tous les aspects
-appréhendés à divers
niveaux- sont organiquement liés." (2). En réaction contre la tendance à isoler les
différents éléments culturels, soit pour les comparer (évolutionnisme), soit pour en
suivre
la
diffusion
(diffusionnisme),
les
promoteurs
de
l'analyse
fonctionnelle
considèrent la société comme une totalité organique au sein de laquelle tout a un
rôle à jouer, tout a une fonction, tout est lié à tout. "L'accent se déplace (ainsi)
des
éléments
considérés
en
eux-mêmes
aux
relations
entre
éléments"
(3 >.
La
démarche
de
l'analyse
fonctionnelle
consiste
à
analyser
les
mécanismes
de
fonctionnement d'une société en tant que système, structure, totalité en montrant
l'interdépendance de ses divers éléments cons titutifs.
Une
dimension
importante
de
cette
hypothèse
holistique
est
qu"'on
ne
peut
comprendre
un
fait
social
qu'en
le
rapportant à "ensemble de la structure sociale. Ce sont les relations entre une
institution et l'ensemble du corps social qui permettent d'en découvrir la fonction."
(4 >.
• Postulat utilitariste.
L'analyse
fonctionnelle
se
fonde
sur
le
postulat
d'après
lequel
la
raison
d'être
d'un
système
social
ou
culturel
est
de
satisfaire des besoins individuels ou collectifs. Tous ces éléments remplissent donc
des fonctions
vitales.
"Pour
comprendre
une
institution,
il
faut
comprendre
ses
fonctions". (5)
Bref,
les
éléments
culturels,
les
faits
sociaux, les institutions, et tout le système ne s'expliquent que par leur fonction
utilitaire.
(1), Bourdon, R., Op. cit., pp.98 et 106.
(2), Ibid, p.105.
(3), Erny, P., Ethnologie de l'éducation, P.U.F., Paris, 1981, p.46.
(4),
Colleyn,
J-P.,
Eléments
d'anthropologie
sociale
et
culturelle,
Editions
de
l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 1981, p. 184.
(5), Colleyn, J-P., Op. cit., p.51.
- 71 -

Les
diverses
tendances
fonctionnalistes
n'utilisent pas le terme "fonction" dans le même sens. si bien que la notion de
fonction souffre d'une ambiguïté de langage qu'il convient de clarifier .
• Notion de fonction.
Certains
fonctionnalistes
définissent
la
fonction par
rapport
à
tout
le
système
social
ou
culturel.
et
à
la
société.
la
collectivité dans son ensemble.
-
La
fonction
est
conçue
comme
une
relation d'une partie à un tout, un peu comme en "biologie où elle se rapporte aux
processus vitaux ou organiques dans la mesure où ils contribuent au maintien de
l'organisme." (1). La fonction d'un fait social est (alors) sa relation avec la structure
globale de la société à l'existence et à la continuité de laquelle il contribue." (2). En
d'autres termes. la fonction est la manière dont le fait social ou l'élément culturel
est lié aux autres, à l'ensemble auquel il apporte quelque chose, sa participation;
l'élément fonctionne comme une partie intégrante de l'organisme social. Il contribue
au
maintien
de
"ensemble.
La
fonction
est
conçue
par
rapport
au
système
socioculturel tout entier.
-
Cet
ensemble
social
ou
culturel
est
défini comme une "réalité instrumentale qui satisfait les besoins de l'homme". (3). Il
"a pour raison d'être de satisfaire les grands
besoins
de
"homme.
les
besoins
primaires d'ordre biologique • besoins dérivés de l'ordre de l'organisation et besoins
intégratifs de l'ordre de la synthèse mentale ... "
(4). Dans ce sens la fonction
remplie
par
chaque
élément
culturel
ou
social
est
une
partie
de
cette
instrumentalité; elle contribue à la satisfaction des besoins collectifs, des besoins de
la société entière. "Dans tous les types de civilisation. chaque
coutume,
chaque
objet matériel. chaque idée. chaque croyance. a une fonction vitale. a une tâche à
accomplir. représente une partie
indispensable
d'une
totalité
organique."
(5),
La
fonction
de l'élément contribue
ainsi
au
fonctionnement
de
l'ensemble
destiné
à
satisfaire les besoins de la collectivité dans sa totalité.
Pour d'autres fonctionnalistes. la fonction
est
définie par
rapport
aux
besoins
des
individus
ou
des
groupes
sociaux
se
réclamant. participant du même système culturel ou social.
Les fonctions remplies par divers éléments
sociaux ou
culturels
ne
se
rapportent
pas
à
l'ensemble
du
système
considéré
comme organisme social dans le sens biologique. En effet. le système social n'est
pas aussi intégré que l'organisme. L'interdépendance fonctionnelle entre les
éléments
(1). Grawitz. M., Méthodes des sciences sociales. Dalloz. 1981. p.455.
(2).
Colleyn.
J-P.,
Eléménts
d'anthropologie
sociale
et
culturelle.
Edition
de
l'université de Bruxelles. 1981. p.183.
(3). Grawitz. M .• Op. cit., p.455.
(4), Erny. P., Ethnologie de l'éducation, P.U.F .• Paris. 1981. pp.: 46-47.
(5). Merton. P.K.. Eléments de méthodes sociologiques. cité: par M. Grawitz. Op.
cit.. p.456.
.
- 72 -

constitutifs n'est donc pas absolue, car il existe des éléments disfonctionnels et
afonctionnels,
Par
ailleurs,
les
fonctions
des
divers
éléments ne sont pas nécessairement remplies par rapport à la société dans son
ensemble. En effet, des usages sociaux ou culturels peuvent être fonctionnels pour
certains groupes et afonctionnels, et même disfonctionnels, pour d'autres dans la
même société.
Que la fonction
soit
définie
par
rapport
à l'ensemble socio-culturel
ou
non,
elle
peut
être
consciente
ou
inconsciente,
manifeste ou latente.,
Les fonctions manifestes sont voulues par
les participants, perçues subjectivement par les intéressés, se situant davantage du
côté de l'idéologie.
Les
fonctions
latentes
ne
sont
ni
comprises,
ni voulues.
elles
sont
réelles.
relevées
par
les
observateurs.
et
se
situent davantage du côté de la science. (1)
Les tendances fonctionnalistes.
De la définition de la fonction, se dégagent deux
tendances
fonctionnalistes qui semblent se confondre', Nous pouvons. en effet, distinguer une
tendance ethnologique et une sociologique,
• La tendance ethnologique.
Conçue par les ethonologues Œ. Malinowski) en réaction
contre
l'évolutionnisme
et
le
diffusionnisme,
l'analyse
fonctionnelle
considère
la
société. qui est en fait la collectivité ethnique culturellement homogène et de petite
taille. comme totalité organique où chaque élément remplit une fonction vitale, à
l'instar d'un organe, pour le maintien et la continuité de l'ensemble.
",.,
La
fonction
est
conçue
par
rapport
au
système
social tout entier;
... tous
les
évènements
sociaux
et culturels
remplissent
des
fonctions sociologiques; ... ces éléments sont indispensables." (2L
Le système social est. dans son ensemble. fonctionnel
dans la mesure où il est considéré comme "une réalité instrumentale qui satisfait
les besoins de l'homme". (3L
• La tendance sociologique.
Prônée
par
les
sociologues.
m.K. Merton), l'analyse
fonctionnelle de tendance psychologique s'applique et convient à l'étude
des
sociétés
(1). Grawitz. M .• Op. cit.. p.456 et Erny. P., Op. cit. p.47
(2). Grawitz. M .• Méthodes des sciences sociales. Dalfoz, 1986. p.455.
(3). ib.
- 73 -

complexes,
composées
souvent
de
divers
sous-systèmes
culturels
-ce
qu'on
a
appelé sous-culture- donc culturellement peu homogènes et, la plupart du temps, de
grande taille. Il va sans dire que les diverses sous-cultures n'ont pas toujours les
mêmes
besoins
et ont
même
souvent
des
besoins
contradictoires,
sources
de
tensions conflictuelles qui constituent le moteur de changements
spectaculaires et
violents. Dans ces sociétés. il est donc difficile que tous les éléments culturels et
sociaux
remplissent
des
fonctions
pour
l'ensemble
complexe . Souvent
les
faits
sociaux ou éléments culturels satisfont des besoins de sous-groupes.
La fonction est ainsi définie par
rapport
aux
besoins
des individus et/ou des sous-groupes sociaux. Et comme les faits
sociaux
sont
limités à certains sous-groupes, les sociologues ne voient pas comment ils peuvent
tous
être
interdépendants.
La
fonction
de
chacun
d'eux
ne
peut
se
rapporter
i
nécessairement à l'ensemble du système social considéré comme un tout organique.
!1
f.
Dissipation de l'ambiguïté.
tf
Les conflits entre les deux tendances ne sont qu'apparents. En
1
effet, leur analyse nous permet de voir que la confusion et l'ambiguïté viennnent de
1
l'application de la même méthode (analyse fonctionnelle)
à des systèmes
sociaux
différents:
société
ethnique
et
société
complexe
(pouvant
comprendre
plusieurs
systèmes culturels).
1
Les
autèurs ne
semblent
pas
avoir
perçu
ces
différences,
pourtant profondes, les sociologues et les ethnologues voulant rendre universelles
leurs
démarches
et
leurs
conclusions
respectives.
Or
le
fonctionnement
d'une
société
ethnique
ne
recouvre
pas
celui
d'une
société
complexe
qui
en
compte
plusieurs. La procédure d'analyse doit être adaptée pour chacun de ces systèmes
sociaux.
Les techniques de procédure de l'analyse fonctionnelle.
Il est difficile d'associer à la démarche d'analyse fonctionnelle
une méthode d'analyse précise. (1). Entre l'hypothèse clairement
formulée
et
les
conclusions intéressantes, quelles soient sociologiques ou ethnologiques, on ne voit
pas clairement définies les démarches effectuées. Les auteurs ne proposent pas de
techniques d'analyse précises et bien définies telles que nous les avons exposées
pour l'analyse structurale. Ni les ethnologues, ni les sociologues n'exposent de règles
codifiées des démarches à suivre.
"
semble que
l'analyse
fonctionnelle
ne
représente
pas
une
méthode particulière ayant des procédures techniques propres, mais se confond plus
ou moins avec l'analyse sociologique elle-même. (2). L'analyse fonctionnelle serait
dans ce sens un cas particulier de l'analyse sociologique, et non une méthode à
part avec ses règles.
(1), cf. Bourdon, R., Les méthodes en sociologie, P.U.F., Paris, 1980, p.116.
(2), cf. Grawitz, M., Op. cit., p.4S7.
- 74 -
\\ \\

commence à l'Est, elle monte dans
le ciel et continue vers l'Ouest. Et puis les
dernières pluies de la saison viennent de l'Ouest, presque sans nuages, sous forme
d'orages. L'Ouest marque ainsi la fin des pluies et de la saison des pluies.
L'Ouest est aussi le trou
dans
lequel
entre
le
soleil
couchant.
C'est
en
quelque sorte la case du soleil.
1.1.5. Division du temps, orientation spatiale et organisation sociale.
Les
divisions
du
temps
permettent
la
programrmation
journalière,
hebdomadaire, mensuelle et annuelle, des activités et de la vie sociales, religieuses
et même politiques.
A titre d'exemple, le matin est l'heure du début des
travaux champêtres,
chasse, etc ... qui se terminent le soir quand le soleil décline. Le soir est réservé
aux activités de récupération (loisirs, détente, ... ) et de restauration (alimentation,
boire, .. .l.
Comme les activités champêtres incombent à l'homme et la restauration est
"œuvre de la femme, le matin est le moment fort de l'énergie masculine et le soir
celui de la dépense énergétique féminine. L'homme se lève très tôt le matin pour
vaquer
aux
travaux
champêtres;
si
la
femme
doit
l'y
aider,
elle
le
rejoint
tardivement, mais le soir elle doit s'occuper du repas familial.
Le matin correspond au lever du soleil, l'Est .est le symbole masculin;
le
couchant, l'Ouest est celui féminin.
1
La programmation des activités coopératives se règle sur les six marchés de
la semaine, celles mensuelles sur la révolution lunaire.
1.2. SIGNIFICATION SYMBOLIQUE.
1.2.1 Faga, dessus, désigne la supériorité, la grandeur, "Te jugu faga reba"= ceux
qui sont au dessus de nos têtes, ceux qui nous dépassent en âge, nos aînés, les
sages à qui l'on doit respect et vénération.
1.2.2.1.
Tinga,
par
terre,
en
bas,
est
l'opposé
de
Faga
et
symbolyse
l'infériorité. Te ting'neba, nos petits frères ou nos petites sœurs mot-à-mot, ceux
qui sont (en) bas de nous, ceux qui descendent, naissent après nous; ceux-là ont
besoin de notre protection.
1.2.2.2. Tinga symbolyse aussi l'humilité, "Ma Sunte, magba'ante, ma dote be
tinga", je m'accroupis, je m'agenouille, je me prosterne à tes pieds.
1.2.2.3. Tinga,
c'est aussi l'humiliation. "A dolege, be tingan", a biira be tingan", il t'a étalé
- 82 -

L'utilisation de l'analyse fonctionnelle pour notre étude.
Tendance.
Notre société de référence est une ethnie et dans ce sens
constitue -comme nous le verrons- un système culturel homogène.
Notre
analyse
fonctionnelle
se
fait
donc
dans
le
cadre
ethnologique et non sociologique. Nous allons donc partir de l'hypothèse que la cure
traditionnelle Nawda ne peut être comprise que si nous arrivons à comprendre la
manière dont elle est liée à l'ensemble du système culturel à tous les niveaux, i.e.
ses rapports avec les autres aspects ou éléments de la culture, et la place qu'elle
. y occupe, la fonction qu'elle remplit.
Nous la considérerons donc par rapport à "ensemble organique
du système culturel, et à la société Nawda dans sa totalité et non par rapport à
des
sous-groupes
sociaux.
En
effet
pour
nous,
la
société
Nawda
étant
culturellement
homogène,
son
système
socio-culturel
(ethnos)
est
un
système
"organique" où tout se tient, tout a une fonction.
Cette
affirmation
appelle
quelques
precIsIons:
la
tendance
ethnologique, dont nous nous sommes inspirés, définit l'élément culturel fonctionnel
comme indispensable pour la survie de l'ensemble. Nous relevons là une ambiguïté
qu'il convient de dissiper. On peut se demander avec M. Grawitz.
si c'est la
fonction elle-même qui est indispensable, ou l'élément la remplissant, ou les deux à
la fois.
Nous pensons qu'il faut distinguer la fonction et l'élément (ou
les éléments) qui la remplit. Nous le montrerons en analysant l'équation symbolique.
De même que le symbole, tout en condensant l'énergie de la chose symbolisée qu'il
rayonne reste contingent, de même l'élément qui remplit une fonction ne s'identifie
pas à cette fonction; on peut le remplacer par un autre sans supprimer la fonction.
Par contre la fonction remplie est indispensable pour éviter l'éclatement du système.
Ces remarques permettent de comprendre que la définition de
la culture comme un système proche de "organisme ne lui enlève pas la possibilité
de
se
transformer.
Elle peut
assimiler
des
éléments
extérieurs,
les
substituer
à certains de ses éléments jugés inefficaces, sans se détruire, mais au contraire
pour s'enrichir. C'est de cette façon que les systèmes culturels devraient résoudre
les problèmes que leur pose sans cesse l'histoire, tout en restant
identiques
à
eux-mêmes. C'est ce processus qui assure l'échange fructueux et enrichissant entre
les cultures, sans qu'aucune se prenne pour norme de référence pour détruire les
autres. D'après nous, les cultures meurent pour deux raisons essentielles: ou bien
elles sont plus ou moins détruites par une qui se veut la plus "évoluée", ou bien
elles s'enferment sur elles-mêmes, en vase clos, refusant d'échanger, confondant
éléments
et
fonctions
remplies
par
ces
éléments
et
aboutissant
ainsi
à
un
formalisme desséchant qui ne satisfait plus les besoins sociaux.
-
75 -

La technique utilisée.
Objectif.
Notre objectif, rappelons-le. consiste à montrer l'articulation de
la cure traditionnelle Nawda avec l'ensemble du système culturel à tous les niveaux.
Nous nous proposons de montrer qu'elle remplit une fonction vitale dans le système.
Les fonctions que nous recherchons sont aussi bien manifestes que latentes.
Technique de procédure.
Pour atteindre cet objectif, nous allons
prendre
chacun
des éléments culturels étudiés dans
l'analyse contextuelle
-éléments qui sont les
différents
aspects
ou
niveaux
du
système
culturel-
et
rechercher
les
rapports
d'implication avec les représentations de la santé et de la maladie et les pratiques
curatives qui en sont les conséquences.
Après avoir ainsi introduit notre travail, nous allons, à présent.
entreprendre son exécution suivant le plan que nous avons annoncé. à savoir:
-
le contexte culturel
qui n'est rien d'autre que l'univers de
sens
et
de
signification. i.e. le système de référence du peuple (ethnos) Nawda, constitué par
l'ensemble de modèles de comportements (ethos), c'est en
fait la psychologie du
peuple Nawda. i.e. ses comportements, (pensées. pratiques socio-politico-religieuses)
en tant que sous-tendus par un vécu et une perception particulière de la réalité ou
système de référence.
- le processus thérapeutique qui constitue la psychologie médicale Nawda. i.e.
l'ensemble de réactions adaptatives face à la maladie.
-
cure
traditionnelle
Nawda
dans
le
système
thérapeutique.
qui
est
une
comparaison
du
système
thérapeutique
Nawda.
en
tant
que
modèle
de
comportements ethniques particuliers, à d'autres systèmes thérapeutiques ethniques.
- 76 -

LIVRE 1:
UNIVERS DE SENS
ET
DE SIGNIFICATION
NAWDA.
- 77 -

PREMIERE PARTIE:
REPRESENTATION
DE L'UNIVERS
ET
DE L'HOMME.
- 78 -

CHAPITRE 1 :
COSMOGONIE.
1. REPRESENTATION DE L'UNIVERS PHYSIQLE.
1.1. STRUCTURE PHYSIQUE DU COSMOS.
Les
données
du
terrain
permettant
d'appréhender
la
représentation
du
Cosmos physique chez le Nawda sont plutôt pauvres. Le Cosmos physique semble
une donnée première. On a l'impression que le Nawda ne se pose pas beaucoup de
questions philosophiques sur son origine et sa constitution. Il y a cependant l'idée
d'un être suprême -Sangbande- (Dieu le très haut...) qui semble implicitement la
cause de tout. Mais à notre connaissance, il n'existe pas de théorie élaborée, ni de
mythe expliquant la formation de l'univers.
Toutefois,
certains
faits
et
gestes
suggestifs
semblent
indicatifs
de
la
structure du Cosmos déjà là. Ces faits permettent de diviser l'univers physique en
monde terrestre et en monde céleste.
1.1.1. Le monde terrestre.
Tante (au sens large) est composé de la terre et de tout ce qu'elle contient
(tout ce qu'on y rencontre): les choses -wante- (plantes, animaux, eaux .. .> et les
hommes
(Gnideba
ou
Nideba>'
Mais
il
y
a
aussi,
sur
la
terre,
des
êtres
imperceptibles par nos organes de sens naturels. Nous n'insistons pas ici sur ces
êtres qui feront l'objet d'un chapitre à part.
Tante,
au
sens
restreint,
désigne
la
terre
qui
est
conçue
comme
une
plate-forme aux limites imprécises. L'une des questions brûlantes qui tracassent le
penseur nawda est le problème des limites de Tante (la terre>' Cette plate-forme
qui s'étend à perte de vue s'arrête-t-elle quelque part? Un élément de réponse à
cette question est fourni par la ligne de l'horizon qui donne à cette plate-forme une
délimitation circulaire. Mais le Nawda n'est pas dupe car le piéton-voyageur ne tarde
pas à se rendre compte que cette limite s'éloigne devant lui au fur et à mesure
qu'il avance. Il n'atteint jamais les extrémités de la terre, qui semble ainsi s'étendre
à l'infini.
On a l'impression que le disque plat qu'est Tante (la terre) est mince, fragile
et posé sur du vide. Le mythe du caméléon est significatif à ce sujet. En effet, le
caméléon, Jinjako, marche en posant doucement et avec précaution ses pattes sur
le sol parce qu'il a peur que la terre cède sous le poids et la force de ses pattes.
-
79 -

Jinjako jakma héé, ka sole na Tante la botege, (wègeL Mais l'expérience du labour,
des trous qu'on creuse, des courses, etc ... permet au Nawda de ne pas croire à
ce mythe.
1. 1.2. Le monde céleste -Sangbande-.
Sangbande
est
le
nom
generique
désignant
le
monde
céleste,
i.e.
le
firmament et tout ce qui le peuple: soleil, lune, étoiles, nuages, pluies, météorites,
foudre ou hache du ciel (Sangbanlade), etc ...
Le monde céleste. c'est
tout
ce
qui est
au-dessus
du
disque
terrestre;
morphologiquement, il se présente sous forme d'une voûte, d'un grand panier (farga)
recouvrant le disque terrestre. La ligne d'horizon. qui marque les limites flottantes
de la terre. est, en même temps, le lieu géométrique de tous les points constituant
la ligne de rencontre entre la terre et la voûte céleste. "Tante n Sangbande le n
tog'la n ta rée (là où la terre et le ciel se rencontrent).
Le firmament. ce "rorher"
bleu
sur lequel
sont
incrustés les nuaqes. les
étoïles, et que sillonnent le soleil et la lune, semble s'éloigner à l'infini, au fur et à
mesure qu'on monte. La hauteur-plafond. celle la plus élevée possible. prend le nom
de Sangbanbim (de Sangbande. ciel et de bim; noyau, cœur). Le cœur. le noyau du
ciel "Menga kotege sangbanbim n lege lege" l'oiseau est monté très haut dans le
ciel.
Une hauteur moins élevée N'Faga marque l'espace entre la voûte céleste et
le disque terrestre. Mais N'Faga, en haut, désigne aussi le haut en général. N'Faga
est composé de "N" particule signifiant "dans" et de "Faga" dessus.
C'est du sangbande que tombent les pluies qui arrosent le disque terrestre,
le fécondent pour faire pousser les plantes, les semences.
1.1.3. Le temps.
1. 1.3.1. Le cycle nycthémeral.
La nuit et le jour sont cycliquement réglés par la révolution solaire et
lunaire dans la voûte céleste. Dans ce sens le soleil (wende) et la lune (kidega)
sont le système de référence de la mesure du temps.
Le jour
(muunu.
goore)
commence
par
le
lever du
soleil
(Wende
renem) et se termine par son coucher; la nuit (Yongo) évolue en sens inverse,
commençant par le coucher du soleil ("Wende Lobe") et prenant fin avec son lever,
Le. l'apparition de la lumièrte solaire qui chasse les ténèbres de la nuit.
Le jour est divisé en plusieurs moments dont
les
principaux
sont:
Atog fan ou Yongo fan (dessous de la nuit). le matin. i.e. le moment s'étendant
entre l'aurore ( ou l'aube) et l'apparition du soleil; Mundalgo (soleil tiède). entre le
- 80 -

lever du soleil et sa position zénithale; Wensobre, le zénith, le soleil d'aplomb au
dessus de nos têtes; Wende
jowodeg'm,
quand
le
soleil
marque
le
tournant
et
amorce sa descente vers
le coucher. Wende Sedeg'm, le déclin, le co ucher
du
soleil.
La
nuit
aussi
comp rend
plusieurs
portions
ou
moments:
jebre,
jebeholem, moment qui suit le coucher du soleil et qui est marqué par l'apparition
des premières ténèbres; c'est à ce moment que les derniers travailleurs quittent les
champs; Da'ankadem moment que les gens, rentrés chez eux, passent autour du
foyer
(da'anga).
avant
de
se
coucher;
Yombelgo
ou
Yongo
Hoga,
ou
encore
Tunko'o-Horga, au milieu de la nuit, moment central entre le coucher et le lever du
soleil; Tumbelgo, l'approche de l'aube, de l'aurore.
1.1.3.2. Le cycle saisonnier.
L'année est subdivisée en
deux saisons
réglées
par le reglme
des
pluies:
l'absence de pluies détermine la saison sèche (Faare); où tout est sec (cours d'eau,
arbres
défoliés,
.. J, le
soleil
brûlant.
Cette
saison
fait
place
à
celle
pluvieuse
(Yobre) où l'eau redonne vie à la nature.
Les deux saisons ont une durée sensiblement égale, qui. évaluée en
échelle américano-européenne, est de six mois chacune.
1.1.3.3. Le cycle hebdomadaire (Yako, le marché)
La semaine comprend six (6) jours identifiés chacun par le nom d'un marché
local, Yako qui désigne à la fois le marché et la semaine, i.e. l'étendue de six jours
séparant deux séances, (deux assises) du même marché.
1.1.3.4. Le mois ou la lune (Kidega)
Le
mois
est
réglé
par
la
course
lunaire
qui
commence
à
l'ouest
et
se
termine à l'est.
1. 1.4. Orientation spatiale.
L'espace est construit par référence à "axe est-ouest qui est tracé par le
cours du soleil et de la lune et le mouvement des pluies.
L'axe
nord-sud
n'a
pas
beaucoup
d'importance.
si
bien
qu'il
n'existe
pratiquement pas de noms type désignant le nord et le sud.
L'est (Safan de Saaga, pluie et Fan, en bas, en dessous) est à l'origine des
pluies; c'est de là que sourdent les pluies qui tombent du ciel. Les nuages noirs
annonçant la pluie se forment à l'est, puis montent dans le ciel en donnant la pluie.
L'Est est aussi l'ouverture par où sort le soleil qui marque le commencement
du jour. L'Ouest (N'Faga, Safaga) est l'aboutissement des pluies. Quand la pluie
-
81 -

par terre, il t'a traîné par terre, i.e. il t'a humilié, honni, "Ba holege be tinga". on
t'a rabaissé.
1.2.3.1. Sangbande, cette réalité physique. constituée par le firmament ou le
rocher céleste avec tout ce qui le peuple, est personnifiée. Dans la vie quotidienne,
on le traite comme une personne qui entretient des relations avec les humains et
tout le monde terrestre. Dans ce sens, le firmament, réalité matérielle. est vécu
comme signe visible d'une réalité invisible qui serait
alors
l'être
de
relation.
Le
firmament symbolise ainsi, par sa hauteur, l'être le plus élevé, le très haut, qui est
au dessus de la terre, de l'univers entier, qui voit tout ce qui se passe sur la
terre,
même
dans
l'intimité
du
cœur
humain.
C'est
pourquoi
une
personne
injustement accusée n'hésite pas à prendre à témoin Sangbande qui seul connaît le
cœur humain. L'accusé lève alors les yeux et les mains en haut (au ciel) et montre
le firmament en criant son innocence: "Sangbande je'era lé dif
yen de mile gnida
fauvrè", c'est Sangbande qui se
tient là haut
Oe
firmament),
c'est
lui
seul
qui
connaît le cœur de l'homme. Il apparaît sans équivoque que cet être suprême à qui
rien n'échappe, à qui rien ne peut être caché, est celui que l'on appele Dieu. C'est
d'ailleurs ce mot, toujours au singulier, qui traduit le "Allah" des musulmans et le
"Javeh" des chrétiens.
C'est Sang bande, entendu dans ce
sens qui est le donneur des pluies, le
fécondateur de la terre, symbolisant ainsi l'élément mâle, l'élément actif qui apporte
la vie. Mais Sangbande peut être aussi destructeur de vie quand par trop de pluies,
il fait mourrir les semences et détruit les récoltes, et quand il provoque la famine
en fermant les vannes des pluies, entraînant la sècheresse et ses conséquences.
Alors le bon Sangbande devient Sang bande le méchant: "Sangbande mag'mre".
Devant cette méchanceté de Sangbande, le Nawda, frustré, réagit quelquefois
à
la
manière
de
Prométhée
volant
le
feu
du
ciel.
Par
exemple,
quand
il
y
a sécheresse et que les hommes sont menacés de famine, le Kowtia, homme de
culte consacré par la société et chargé de résoudre le problème de la fécondité de
la terre, monte dans Sangbande (Sangbande'n) pour "cueillir" la pluie ("na a toge
tun"), Par punition divine ou jalousie des méchants hommes, l'échelle dont il s'est
servi pour monter, peut lui être enlevée. Le Kowtia ne pouvant descendre, tombe et
meurt. Le bruit de sa chure retentit comme un tonnerre, et on l'entend de partout.
Nous y reviendrons plus loin.
Ce mythe symbolise à la fois l'audace de t'homme dt~vant la divinité et la
démarche de la femme cherchant le germe fécondant chez l'homme.
1.2.3.2. "Sangbande
n", dans
Sangbande, le soleil
et
la
lune
(Wende
n
kidega), forment un couple dont le soleil est l'élément mâle et la lune, l'élément
femelle. Quand il y a éclipse de
lune, le Nawda dit volontiers que le couple
Wende-Kidega se querelle: ("Kidega n wende le kpelen ta", à l'instar des scènes de
ménage chez les humains), Cette querelle peut dégénérer en
bagarre
sanglante:
"Kidega n wende le wa'an ta", la lune et le soleil se battent, la lune devient alors
- 83 -

rouge de sang.
1.2.3.3. Tante, la terre, la plate-forme terrestre, symbolise l'élément femelle.
par opposition à Sangbande :)u Tungo. Tante est le réceptacle des semences qui
sont fécondées en son sein ;Jar les pluies. germe fécondant envoyé par Sangbande.
Tante
est
donc
pourvoyeuse
de
vie.
dans
ce
sens,
elle
est
aussi
l'élément
maternelle. C'est la terre mere. la mère nourricière, elle est la mamelle qui allaite
plantes. animaux et hommes
numains). Le seul travail hum ain est celui de la terre.
le labour, qui permet à l'hor.-me de tirer de Tante-mère le lait nourricier pour sa
subsistance. C'est ce travail seul qui anoblit l'homme. Le reste <travait intellectuel.
travail administratif) n'est qU::Jisiveté et paresse parce qu'il n'est pas productif (de
nourriture) .
Tante peut devenir la mauvaise mère. la mère frustante quand malgré les
pluies,
elle
ne
sanctionne
'couronne)
pas
le
labeur
humain
par
des
récoltes
abondantes. quand les seme- :::es ne germent pas, ou
quand
les jeunes
pousses
restent malingres.
Tante-mère est aussi ,jévoratrice, mangeuse d'hommes. anthropophage. C'est
elle qui engloutit tous les CO~8S des morts. Elle avale souvent des jeunes fauchés
dans la fleur de l'âge. Qua'"ld on doit ensevelir un corps sans vie, mais plein de
"vigueur" et de "santé" , Tante est vécue comme étant le tueur responsable de la
mort; elle tue pour manger,
'Tante" junen": c'est la terre qui mange (les corps).
Tante peut ainsi devenir obje, de haine et d'agressivité à peine voilée.
2. STRUC11JRES tvETAPHYSIQ..ES DU COSMOS.
2.1. DONNEES DU TERRAIN.
2.1.1. Observations.
Quand on observe la vie quotidienne du peuple nawda. on constate certains
faits
et
gestes,
certaines
pratiques
qui
ne
manquent
pas
de
susciter
quelque
curiosité. La liste exhaustive de ces phénomènes serait pratiquement impossible à
établir. Nous allons en relever. ici. certains des plus frappants.
2.1.1.1.
Nous
notons
un
ferme
attachement
à
divers
objets
matériels;
statuettes en bois ou en argile, annulettes. fer forgé. pierres plantées à l'intérieur
des concessions et quelquefois dans les champs. certains arbres. des ossements
d'animaux. certains animaux, etc ... Le Nawda communique avec ces êtres comme
s'ils étaient des êtres humains doués de relations personnelles. Ces relations sont
la
plupart
du
temps
de
type
religieux:
on
offre
à
ces
êtres
des
sacrifices
- 84 -

d'animaux, des libations, des cultes
fervents, on leur adresse des prières, etc ...
pour obtenir certains avantages tels que la protection, la santé, la réussite sociale,
etc ... Ce sont de véritables rapports de donner et de recevoir.
2.1.1.2. Un autre phénomène frappant est le culte des morts. Comme nous le
verrons plus loin, le Nawda "manipule" son mort comme s'il était un vivant: par
exemple, on l'interroge avant et après l'enterrement, sur les causes de sa mort, le
destin de certains membres de sa famille, etc ... Le rite de l'enterrement est un
véritable
scénario
de
communication
avec
le
mort;
après
l'enterrement,
on
continuera pendant un certain temps à lui resservir sa part de nourriture surtout
au repas du soir.
2 .1.1.3. On observe aussi souvent des familles qui se réunissent dans une
concession ou dans les champs, sous des arbres, pour s'entretenir avec des êtres
invisibles; ces entretiens portent sur les thèmes les plus divers: ce peut être un
j~gement qui se conclut souvent par un règlement des dettes dont les familles
s'acquittent; ce peut être
un
thème
de divination:
la
famille
cherche
alors
une
réponse à une question, la solution à un problème tel que la maladie, un phénomène
mystérieux, l'échec social, une calamité naturelle, un malheur quelconque,
2.1.2. Explications.
Plusieurs faits et pratiques similaires sont quotidiennement observés chez le
peuple nawda. Comme nous le disions plus
haut,
la
liste
serait
trop
longue et
pratiquement inépuisable. Notre enquête a porté sur la signification des phénomènes
relevés ici, et nous livrons le résumé des réponses brutes.
2.1.2.1.
Les
objets
vénérés
symbolisent
des
génies.
Ils
ne
sont
pas
de
simples représentations
imagées.
Ils incarnent la force même
de
ces
génies
et
s'identifient presqu'à cette force. Les génies
sont des êtres vivants commerçant
avec les humains, mais qui échappent à la perception sensible naturelle.
Les objets vénérés
ne
symbolisent
qu'une
partie
de ces
génies
qui
sont
nombreux.
2.1.2.2. C'est avec les génies que les familles s'entretiennent quand elles se
réunissent dans les
concessions
ou
dans
les
champs.
Les
génies
ne
sont
pas
perceptibles par nos sens naturels. Mais certaines personnes, douées d'un
sens
supra-sensible, les perçoivent. C'est par l'intermédiaire de ces personnes que l'on
peut entrer en communication avec les génies.
2.1.2.3. Quant aux morts, ils "ne sont pas morts". "Tekpune n ka méré":
nous survivons après la mort. Les morts disparaissent de notre champ perceptif
- 85 -

mais
continuent
à
vivre
sous
forme
immatérielle,
spirituelle.
Ils
deviennent
des
mânes kpéémba. ou des esprits errants Fagnideba et entrent dans la catégorie des
génies.
A partir de ces explications concernant les morts. on peut se permettre de
tirer la conclusion audacieuse que la mort n'est pas une
destruction.
mais
une
transformation. i.e. le passage d'une forme de vie à l'autre. Cette transformation
est-elle réversible? Le Nawda ne semble pas donner à cette question une réponse
unique. Nous aurons l'occasion de revenir en détails sur le culte des
morts, et
alors. de discuter de cette question.
Pour le moment. nous allons essayer de définir quelques critères d'analyse
contextuelle.
2.2. LE COSMOS METAPHYSIQUE.
2.2.1. Le monde sensible: "Faga".
Faga,
dessus,
surface, désigne
ce
qui
est
apparent,
ce
qui
se
livre
à
l'observation sensible. à notre champ perceptif. Faga est donc tout ce qui n'est pas
occulte. C'est la nature par opposition à la surnature; c'est la vie naturelle par
opposition à la vie surnaturelle, suprasensible: Fagareba ou
Fag'reba.
les
vivants
perceptibles. ceux qui sont debout, sur la surface de la terre. non terrassés par la
mort; ceux qui sont sur terre et non sous terre (tante fan), enterrés,
inhumés;
ceux qui n'ont pas encore passé de la forme de vie sensible. perceptible. apparente,
à la forme de vie non sensible. surnaturelle.
Faga désigne donc tout un monde: le monde apparent, le cosmos
physique
avec tout ce qui le peuple, soumis
aux lois de la nature. tel que
nous
l'avons
présenté plus haut selon le vécu et la représentation nawda. Tout phénomène. tout
comportement humain. toute pratique. explicable par les lois de la nature font partie
de Faga.
2.2.2. Le monde suprasensible ou surnaturel chthonien: Tinga.
2.2.2.1.
Tinga.
par
terre.
en
bas.
désigne
aussi ce
qui est
sous
terre,
enterré. inhumé: Ting'reba(1). ceux d'en bas. de dessous; ceux qui sont (enterrés)
sous
terre.
en
somme.
les
morts.
les
défunts.
En
entrant
sous
terre.
les
(1). c'est quand ce terme est précédé de pronom possessif qu'il signifie inférieur.
"petit frère".
- 86 -

morts
deviennent
infrasensibles.
invisibles,
ils
sont
décomposés,
mangés
par
la
terre. mais ils sont vivants parce qu'ils sont transformés. par la mort. en des êtres
infrasensibles.
2.2.2.2.
Ainsi
par
extension,
Tinga
désigne
tout
ce
qui
est
soustrait
à l'emprise de la perception sensible. tout ce qui est caché. occulte, le surnaturel
par opposition au naturel, le noumène par opposition au phénomène.
Tinga constitue
donc
l'au-delà,
le
monde
occulte.
surnaturel.
spirituel.
Ce
monde englobe les pratiques occultes. les âmes des défunts, les esprits errants. les
genles.
Tout
phénomène
défiant
les
lois
de
la
nature.
toute
pratique
ou
comportement humain inexplicable naturellement... font partie de Tinga.
Tinga
n'est donc composé
que de ce
qui
est
spirituel.
Mais
ce
monde
spirituel est organisé à l'instar du monde sensible: les esprits qui le peuplent, les
génies.
les
mânes,
mènent
une
vie
semblable
à
la
nôtre;
ils
construisent
des
maisons. cultivent des champs, élèvent des animaux. préparent à manger, pratiquent
des activités commerciales. vivent une vie religieuse. etc ...
2.2.3. Sang bande et la conception métaphysique du Cosmos.
Après analyse de la structure métaphysique du Cosmos, qui se révèle être
divisé en deux mondes matériels (sensible) et immatériel (spirituel). on s'attendrait à
ce que Sangbande. être immatériel, soit automatiquement classé dans le monde d'en
bas (Tinga), qui est le monde immatériel, le monde spirituel. Mais dans l'inventaire
des êtres
et
des
éléments
composant
ce
monde.
le
Nawda
ne
mentionne
pas
Sangbande. Un élément d'explication serait le fait que Sang bande est vécu comme
l'être le plus élevé, le plus haut placé, symbolisé par le firmament. Il ne saurait, par
conséquent.
être
un
élément
du
monde
d'en-bas
(Tinga)
qui
se
localiserait
symboliquement quelque part en dessous de la terre par référence à la mise en
terre des morts. Donc, malgré sa spiritualité. Sangbande ne fait
pas
partie
du
monde d'en-bas. Cela signifierait que le monde d'en-bas (Tinga) ne comprend pas
tous les êtres spirituels. Sangbande n'est pas. non plus. mentionné comme élément
de Faga qui ne compte. rappelons-le. que des êtres matériels. perceptibles. qui est
le monde naturel.
Si Sangbande est symbolisé par le
firmament.
cette
voûte
céleste,
il
ne
semble
pas
s'identifier
à
lui.
Le
firmament
symboliserait
plutôt
la
hauteur
inaccessible de Sang bande. En effet. Sangbande semble absent des détails de la vie
quotidienne
du
Nawda.
Parmi
les
objets
et
êtres
faisant
objet
de
vénération
religieuse ne figure aucun symbole de Dieu. Nous reviendrons sur ce sujet.
Sangbande semble plutôt au-dessus des deux mondes matériel et immatériel.
Il fait partie d'un monde spirituel (ou constitue ce monde spirituel) à part que nous
convenons d'appeler surnaturel ouranien par opposition à Tinga qui est surnaturel
chthonien.
- 87 -

2.2.4. Rapport entre Faga et Tinga.
A première vue, on aurait tendance à
penser
qu'il
y a opposition
radicale
entre Faga et Tinga pour le Nawda. Ces deux mondes (Faga et TingaJ ne sont pas
des entités disjointes. Ce sont plutôt les deux faces de la même réalité cosmique.
Le Nawda les vit et les pense globalement. Nous les avons distingués ici par soucis
de clarté analytique.
Le monde sensible (FagaJ semble être le reflet du monde occulte (TingaJ qui
serait la vraie substance cosmique. Faga serait les apparences, l'élément accidentel,
l'ombre visible, le signe de la vraie réalité.
Chaque élément de Faga a son correspondant,
son pendant
immatériel
qui
échappe à la perception sensorielle. Mais la réciproque ne semble pas vraie pour le
monde
immatériel.
Toutefois,
les
éléments
du
monde
spirituel
sont
doués
d'un
pouvoir qui les rend capables de devenir occasionnellement sensibles: le Nawda dit
alors:
"A réd a faga",
il
a émergé
dans
le
monde
sensible.
Les
esprits
errants
peuvent
prendre
la
forme
d'une
personne
connue
pour
tenter
les
enfants;
puis
après, ils disparaissent.
Le passage réversible du monde sensible (Faga) au monde occulte (Tinga) est
également
possible
sous
certaines
conditions.
Certaines
personnes
douées
d'un
pouvoir exceptionnel sont capables de disparaître et de réapparaître.
En
conclusion.
le
Cosmos
est
constitué
d'une
substance
de
nature
immatérielle dont les apparences
constituent
la nature accessible à la perception
sensorielle.
Mais
les
apparences
semblent
détachables,
séparables
de
leur
réplique
substancielle. En effet, on
peut
agir
sur la
substance.
la
détruire,
l'enlever,
la
déplacer,
sans
pour
autant
modifier
les
apparences.
C'est
ainsi
que
le
sorcier
anthropophage détruit et consomme la substance humaine en laissant intactes les
apparences corporelles. De même le voyant méchant peut enlever, s'approprier les
récoltes du voisin en laissant les apparences non modifiées.
Dans ce cas, les apparences sans substance restent "ombre sans contenu
réel, sans consistance. C'est pourquoi ces apparences se dissipent rapidement: les
récoltes dont la substance a été enlevée s'épuisent avec une rapidité étonnante. Le
corps
dont la substance a été détruite, mangée, devient un
corps
inerte et
se
décompose.
La destruction de la substance aboutit-elle à une annihilation? dans ce cas,
en ce qui concerne "homme, il n'y aurait point de survie après
la mort!
Ce qui
remettrait
en
question
la
foi
du
Nawda
en
la
survie.
Nous
discuterons
cette
question dans la suite.
Pour le moment, precisons tout de suite que la séparabilité entre substance
et apparence sensible, le noumène et le phénomène, i.e. le Tinga et le Faga n'est
qu'une illusion. En fait,
les
deux
"mondes"
sont des
points
de
vue,
des
modes
d'exister de l'unique réalité cosmique.
- 88 -

3. ORIGINE DU COSMOS.
Le Cosmos que nous venons d'étudier, comment s'est-t-il formé? Qu'est-ce
qui en est la cause. l'origine? .,. Ce sont les réponses à ces questions que nous
analysons dans les lignes qui suivent. Nous avons classé nos informations en deux
catégories: celles concernant l'origine de l'homme et celles relatives à la formation
de l'Univers.
3.1. ORIGINE DE L'HOMME.
Avant
de
remonter
aux
origines
de
l'homme
nawda,
nous
nous
sommes
penchés sur la formation de l'individu; il ne s'agit pas de savoir comment l'individu
se forme dans
le
sein
maternel
selon
les
lois
biologiques,
cette
question
sera
traitée ultérieurement. Mais il s'agit de comprendre les forces qui le "construisent",
qui expliquent son origine.
3 .1.1. Formation de l'individu: le rata.
L'enfant nawda, surtout avant le sevrage, porte un accoutrement complexe.
constitué par des amulettes de natures diverses (fer forgé, bois. ossements. etc .. .)
symbolisant des objets usuels
(instruments de musique, outils, ornements ...). Ces
amulettes sont enfilées sur des ficelles sous forme de colliers. de bracelets, de
ceintures, qu'on peut observer au cou. aux poignets, aux
reins.
quelquefois
aux
chevilles de l'enfant.
Il Y a lieu
d'observer aussi
certains
rituels
périodiques
que
les
parents
accomplissent sur l'enfant auprès d'un objet symbolisant un génie. un ancêtre, etc ...
(pierre. statuette .. J.
Le port d'amulettes, les rituels, se font la plupart du temps à la suite d'un
trouble de santé de l'enfant. ou d'un évènement insolite quelconque. L'enquête révèle
que les amulettes et les rituels sont des prescriptions du devin qui, consulté.

l'occasion de consultation) interprète les évènements en question.
Les amulettes. les
rituels
ne
sont pas
des
signifiants
univoques. Chaque
amulette, chaque rituel, se réfère à un signifié particulier. Les mêmes symboles
rencontrés
chez
des
sujets
différents
ont
des
significations
variées
selon
la
problématique propre de chaque famille.
Mais communément, on rencontre presque toujours le symbole du Rata de
l'enfant. Rata vient du verbe "Rodebe", sortir, et signifie littéralement celui qui a fait
- 89 -

sortir, ou a sorti quelqu'un, i.e. celui dont un autre émane, qui est son onglne
ontologique. Le Rata d'un enfant est donc celui dont cet enfant émane, dont il est
sorti, celui qui est la source, l'origine de son être, qui se reproduit en lui.
Le Rata est la plupart du temps un ancêtre de la famille; ce peut être aussi
un génie, un animal ...
Le Rata ne se réincarne pas dans l'enfant qui naît pour revivre en lui comme
par métempsychose. Son corps n'est pas animé par l'âme du Rata. Rata est plutôt
celui
qui
le
forme,
le
"construit"
dans
le
sein
maternel,
à
l'aide
de
l'''urine''
(sperme) du père. Et comme l'artisan ou l'artiste, le Rata peut laisser sa marque
sur son œuvre. L'enfant pourra ainsi présenter certaines conformations congénitales
de son Rata. Par exemple. si le Rata était infirme (physiquement ou mentalement).
l'enfant qui émane de lui portera cette infirmité. S'il avait une qualité, une habileté.
un don ... , l'enfant l'aura aussi; dans ce cas l'amulette symbolisant le Rata prendra la
forme
de
j'outil.
ou
de
l'instrument
par
lequel
il
exprimait
son
habileté.
Ces
empreintes du Rata sur son œuvre, qu'est l'enfant. sont appelées "Ratete".
Le Rata peut laisser ou non des empreintes sur son œuvre
{RateteL Les
Ratete peuvent donc se découvrir spontanément lorsque l'enfant, à la naissance ou
au cours de son développement ultérieur. porte les signes patents. manifestes. de
son Rata. Mais le Rata laisse rarement des traces et se manifeste alors par un
évènement insolite qui est souvent une maladie infantile. La divination révèlera que la
maladie n'est qu'un signe choisi par le Rata pour se manifester, se faire connaître
comme le Rata de l'enfant. Ce trouble de santé prend aussi le nom de Ratete. "
a
souvent
un
caractère
spécifique
symbolisant
le
Rata'et
ne
réagit
qu'à
un
traitement spécifique. Par exemple, une dermatose qui prendra un caractère spécial
par son mode d'apparition. d'évolution, son
siège. etc... et reste réfractaire aux
traitements habituels, a de fortes chances d'être Ratete.
Au cours de la consultation, le Rata fera aussi connaître, par la bouche du
devin. ses volontés. l'amulette à porter par
l'enfant.
les
rites
(périodiques)
qu'il
faudra pratiquer sur l'enfant et leur périodicité. les objets le symbolisant
(pierre.
arbre, anima!. ..) qu'il faut constituer et les cultes, les vénérations. les sacrifices que
les parents, puis l'enfant quand il sera grand. devront lui rendre à travers ces
objets.
Chaque être humain a un Rata. Celui-ci pouvant se manifester ou non. Même
si l'enfant ne présente aucune caractéristique spécifique renvoyant à un ancêtre ou
à un génie. sa formation dans le sein maternel a été l'œuvre de quelqu'un qui est
son Rata. Donc il y a des Rateba(1) qui laissent leurs empreintes sur leurs œuvres
et/ou se manifestent en elles par quelque signe. D'autres ne se manifestent pas et
préfèrent rester inconnus.
Chaque personne est donc l'œuvre d'un Rata spécifique. Mais un Rata peut
être l'auteur de plusieurs personnes à la fois.
(1). pluriel de Rata.
- 90 -

3.1.2. L'origine du peuple Nawda
le mythe d'origine.
Chaque individu a donc son Rata. Mais ce Rata est-il le Créateur? i.e. celui
qui fait exister les choses du néant? Si oui,il y aurait alors autant de créateurs que
de Rateba (1), et donc plusieurs Rateba pour l'humanité!
3.1.2.1. A ces questions, le Nawda répond: "Baa wena been a Rata". Chacun
a son Rata; "Gnideba memba bee n rata ayen; wii ne Sangbande". Tous les hommes
ont
un
seul
Rata
qui
est
Sangbande;
"Sang bande
reda
gnideba
memba".
C'est
Sangbande qui a "sorti" tous les hommes (c'est de Sangbande que tous les hommes
sont sortis). "Sangbande roden gnideba memba", c'est Sangbande qui
"sort" tous
les hommes (c'est de Sang bande que tous les hommes sortent); "Sangbande mo'on
gnideba
memba",
c'est
Sangbande
qui
"construit"
tous
les
hommes.
Tous
les
hommes sortent, i.e. émanent de "Sangbande. Donc j'humanité est l'émanation de
Sangbande.
Pour le confirmer, les dépositaires
de
la
mémoire
collective
racontent
le
mythe d'origine du peuple Nawda.
3.1.2.2. Le mythe d'origine.
• "Te yandaba da lanen (da ho'on tenen) Sangbande n, Dawe n Foga"
Nos
ancêtres sont tombés (descendus) de Sangbande. un homme et une femme,
.
• "Rabe'ega n" (2) ..... dans le bois (bosquet, forêt) sacré ....

"Ka ja'rre hode wante n bago wante" ..... ils portaient l'accoutrement de
guerre (guerrier) (littéralement ils portaient les choses de guerre) et de chasse ...

"Kamade
ba Kpabe
(Kpam)
wante
n
wan
bode
ka'ate" .....
Ils
portaient
(tenaient) leurs outils aratoires et leurs semences .....
• "Yôngo hôga" ..... en pleine nuit
.
* "Tungu gni ka ride, ka t aa"
Il pleuvait avec beaucoup d'éclairs et de
détonations de foudre (beaucoup de tonnerre) .....
Des
compléments
d'information
fournis
par
notre
population
d'enquête
favorisent une meilleure compréhension contextuelle de ce mythe.
"Nos ancêtres sont tombés (descendus) de Sangbande " en montrant le ciel,
le firmament.
Ils sont donc tombés du firmament. du ciel, cette hauteur infinie qui constitue
le monde céleste, avec tout ce qui le peuple: nuages, soleil, lune, étoiles .....
Mais ils ne sont pas un élément de la voûte céleste tels que les étoiles, la
lune, les nuages..... Ils ne sont pas non plus précipités sur la terre comme une
(1). pluriel de Rata.
(2), chacune des cinq agglomérations villageoise situe ce bois sacré chez elle.
-
91 -

météorite.
Ils
sont
construits,
formés,
et
descendus
(envoyés)
sur
terre
par
Sangbande
"Sangbande
me'era
ba
n
ho'olegemba
tante
jugun".
Il
s'agit
donc
ici
de
Sangbande
la Divinité, Dieu. symbolisé
par
le
firmament
qui est
le
signifiant
du
signifié immatériel. inaccessible. Les ancêtres sont donc descendus de
Sangbande
émanant de lui "Baren Sangbande", ils sont sortis de Sangbande.
ils émanent
de
Sangbande
"Ils étaient un homme et une femme". un couple.
Les enquêtés précisent que ces premiers hommes ont donné des enfants qui.
en se mariant. se sont dispersés pour fonder tous les villages nawdeba. Le peuple
Nawda était en gestation dans ce couple. Ce couple est
donc
l'origine du
peuple
Nawda.
Ce
couple
originel.
mâle
et
femelle,
symbolise
la
fécondité.
source
de
propagation
et
de
perpétuation.
par
procéation.
du
peuple
Nawda,
de
l'espèce
humaine.
"Ils sont tombés (descendus) dans le bois sacré (Rabe'éga)"
Rabe'éga de
"Rago",
forêt,
bois,
ou
"Raga",
petite
forêt,
bosquet,
et
de
"be'égo"
mal.
malheur.
mauvais.
Ce
qui
veut
dire
littéralement
mauvaise
forêt.
mauvais bosquet.
Mais le mot mauvais ne traduit pas ici l'idée de mal (ce qui ne collerait pas
avec le mot sacré). Mauvais recouvre plut6t le concept d'interdit, de défendu. de
tabou, d'intouchable, sous peine de sanction, de punition. Le vrai
sens est
ici:
la
forêt tabou. frappée d'interdits.
Il est
interdit, par exemple, d'y
couper
du
bois.
d'élaguer ou d'émonder les arbres qui s'y trouvent. de l'incendier. de
labourer ce
bosquet pour y faire pousser des semences. de se l'approprier pour "exploiter
à
des fins personnelles. etc ...
Par
extension,
le
lieu
saint
en
général
se
traduit:
"Be'élanga"
ou
"Kalan
be'éga". de "Kalanga" lieu, emplacement. et de "be'égo" mauvais. Le lieu saint est
presque
toujours
un
bosquet:
puisqu'on
n'y
touche
pas,
tout
y
pousse
à
l'état
sauvage.
Les
lieux saints. et partant, les bosquets
sacrés
sont peuplés
de
genles.
d'esprits. redoutables. prêts à frapper quiconque violerait les interdits en profanant
ces
lieux. Toute infraction. toute violation des
interdits,
entraîne
des
dommages
sévères pour le contrevenant, pour sa famille, sa postérité. et la collectivité entière.
Le lieu saint inspire donc toujours la terreur. parce que source éventuelle de
malheur (be'égoJ en cas de profanation. On doit s'y approcher avec
beaucoup de
précaution. de vénération et de respects.
Rabe'éga étant habité par des forces surnaturelles que sont les génies et les
esprits, les ancêtres qui y descendent
(en choisissant ce lieu)
sont
des
forces
- 92 -

surnaturelles, eux aussi; ils sont donc accueillis à leur descente par des êtres de
même nature qu'eux.
"Ils portaient l'accoutrement de guerre et de chasse".

Nos
ancêtres
devaient
se
défendre
contre
les
bêtes
féroces,
contre
d'autres groupements humains, conquérir un territoire pour s'établir et des terres
pour cultiver. Ils devaient chasser le gibier (Latote).
Notons que la région occupée par les Nawdeba est une reglon de savane, i.e.
de hautes herbes habitées par des animaux féroces tels que les tigres, les lions,
les
éléphants.
les
chacal es , etc...
contre
lesquels
le
Nawda
devait
lutter
pour
défendre sa propre vie et celle du bétail, et des semences.
En outre, il a toujours été en guerre contre ses voisins (les ethnies voisines)
et même n'hésitait pas à engager des guerres fratricides entre villages de même
ethnie.
Les armes symbolisent donc l'esprit belliqueux (1) du peuple nawda.
Par ailleurs c'est un peuple chasseur. La chasse traditionnelle a toujours un
rituel
saisonnier
et
donne
l'occasion
à
des
fêtes
et
à
des
provocations
(manifestations) guerrières.
D'ailleurs la guerre et la chasse sont liées pour le Nawda. En allant à la
chasse, on prévoit aussi des embuscades et des attaques d'ennemis. C'est à la
chasse aussi que des bagarres, des rixes, éclatent entre fractions rivales .
• Nos informateurs précisent que c'est l'homme qui était armé. C'est lui qui
portait les accoutrements de guerre et de chasse.
Chez les Nawdeba en effet, c'est "homme qui défend la collectivité. C'est lui
qui chasse le gibier. La femme ne manie pas les
instruments de guerre
ni de
chasse. Elle ne va pas à la guerre, elle ne chasse pas
("Fogeba ka tao hoda,
Fogeba
ka
yagre
Baago "). Elle
peut
toutefois
accompagner
les
guerriers,
pour
soigner les blessés, leur donner à boire et à manger ("a sa'a mba gualem"l.
"Ils portaient leurs outils aratoires et leurs semences.
"Le lôômba tante jugun na bako ba de". Ils ont été envoyés sur la terre pour
cultiver la terre afin de se nourrir (de manger).
En
dehors
de
son
caractère
belliqueux,
le
peuple
nawda
est
un
peuple
agriculteur. Le seul travail pour le Nawda traditionnel, comme nous le disions plus
haut, est le travail champêtre, plus particulièrement le travail de la terre (Kpaabe),

l'homme
doit
courber
son
échine
sous
le
soleil
brûlant,
imposer
un
effort
(1),
cela
expliquerait
peut
être
la
conception
de
son
habitat
sous
forme
de
forteresse: cases alignées en rond et reliées entre elles par des cloisons, le tout
délimitant
une cour
intérieure
circulaire
à
une
seule
entrée
et
d'accès
assez
difficile.
- 93 -

surhumain
à
sa
musculature
pour
tourner
et
retourner
la
terre,
enlever
les
mauvaises herbes.
Quand on est fatigué, on se repose à l'ombre, assis ou couché. Il est donc
difficilement concevable que dans les bureaux et les salles de classes, où l'on est
assis à l'ombre, on puisse travailler. On pourrait, à la rigueur, parler d'une forme
de travail, d'occupation, mais pas d'un travail défini comme effort fatiguant, la seule
fatigue étant naturellement musculaire, physique.
Ainsi, le terme générique "Maag'be", travail, est moins fréquent que "Kpaabe",
culture de champ. On dit plus couramment "A ko be"? (qu'est-ce qu'il cultive?) que
"A é ben magbe?" (quel travail fait-il?) pour traduire: "Que fait-il?".
Pour le Nawda, ce travail pénible, fatiguant, n'est pas une punition infligée à
l'homme
(par
une
divinité)
pour
une
certaine
faute
commise
contre
un
génie,
l'ancêtre, ou contre Sangbande. En effet, à notre connaissance, il n'existe pas, dans
le système de pensée nawda, l'idée d'un paradis terrestre où tout poussait, où le
bonheur existait sans le travail de l'homme (humain). Dans la tradition nawda, dans
sa philosophie, le travail n'est pas vécu comme dégradant. Plutôt, le travail anoblit;
l'homme travailleur est l'objet d'admiration, d'envie et de jalousie dans la société
nawda. Le travail
champêtre
est
un
critère
de
clivage
social
en
catégories
de
laborieux jouissant d'un prestige social et en paresseux objet de honte et de mépris.
On
comprend
que
pour
le
Nawda,
l'Ancêtre
soit
venu
au
monde
armé
d'instruments aratoires et de semences, symboles du travail agricole devenu loi et
valeur
pour
sa descendance. Le
travail
agricole
a d'autant
plus
de valeur
qu'il
constitue une source de sécurité contre les périodes de famine angoissantes. C'est
un modèle de comportement défensif contre l'angoisse de menace de famine. Dans
les contes, ce thème de famine revient souvent, présentant et décrivant
(comme
menace de disparition du peuple, de l'humanité) des périodes de pénurie alimentaire
extrême, dans un passé lointain: "Ber'mba we'n", ou "Ber'imbaa daa", au temps des
ancêtres, autrefois. Un des contes rapporte l'histoire de deux (personnes) frères
rendus
cachectiques
par
la dénutrition
au
cours
d'une
longue
famine
qui
avait
décimé presque
toute
la
population.
Tous
les
deux
fouillaient
la terre
sous
un
baobab. cherchant des rares grains (enfouis) pour tromper la faim. L'un d'eux a
voulu jeter un grain dans la bouche. mais il est passé à côté et s'est accroché
dans le creux de la ceinture scapulaire, puisqu'il n'avait plus que les os et la peau.
Notre héros s'est mis à chercher par terre
le
grain
qu'il
portait
sur
lui.
Son
compagnon. observant la scène. a piqué une crise de rire à tel point incontrôlable
qu'il perdit le souffle et mourut.
Tout laisse entrevoir donc que le peuple nawda a vécu dans le passé des
périodes de famine angoisssantes et que le travail agricole qui seul permettait de
stocker les vivres a été surévalué comme modèle de comportement défensif.
Les gardiens de la tradition nawda précisent que les outils aratoires étaient
portés par l'homme pendant que la femme tenait des semences (diverses sortes de
grains: mil. haricot. fonio. sorgho. etc....
tout ce qui pousse dans la région). "Dawa
- 94 -

da mada kpabe wante. Foga made wan bo de ka'ate".
Nous retrouvons ici le symbolisme de la fécondité: les outils aratoires tenus
par
l'élément
mâle
sont
destinés
à
agresser
la
terre,
à
la
préparer
pour
la
fécondation, la gestation. Les semences portées par la femme
(l'élément femelle)
symbolisent
le
germe
fécondé
qui
sera porté
en
gestation
dans
le
sein
de
la
terre-mère.
Soulignons que ce symbolisme se retrouve dans la division du travail agricole
entre les sexes: c'est l'homme. élément mâle. qui remue la terre; c'est
lui qui
laboure, pour préparer la terre à la fécondation, à la gestation du germe fécondé.
C'est la femme qui sème, qui enfouit la semence dans la terre labourée, comme
transmettant
sa
propre
gestation
à
la
terre:
"Dawa
kaon
Foga
boode":
c'est
l'homme qui cultive, la femme sème.
Il en va de même de l'entretien de la jeune pousse qui est une tâche dévolue
à la femme: enlever délicatement
la
mauvaise
herbe
qui
étouffe
la
plante.
la
débarrasser de ses feuilles mortes ... pour la libérer et lui permettre de s'épanouir.
tâche analogue qu'elle accomplit auprès de la tendre enfance humaine.
La division du travail dans la société nawda est ainsi une loi des Ancêtres
i.e. une institution remontant dans la nuit des temps.
Pour nous résumer:
• sur le plan politique, la défense de la collectivité, de la société. la chasse,
toute activité impliquant l'affrontement du danger, le maniement d'armes. etc ... est
le devoir de l'homme. alors que la femme prend soin des blessés, soins maternels.

sur le plan économique, toute activité agricole faisant appel à la
force
brutale
est
réservée
à l'homme.
A
la
femme
reviennent
les
tâches
délicates
exigeant le savoir-faire. la patience.
Les
institutions
se
greffent
ainsi
sur
la
psychologie
et
la
biologie
différentielles des sexes.
"En pleine nuit".
• La nuit. par ses ténèbres. ne permet pas de voir ce qui se passe; par ce
biais, la nuit renvoie à l'idée d'occulte, de caché, de Tinga, le monde suprasensible,
le monde imperceptible. habité par les esprits, les génies, les mâmes des ancètres.
• Tout ce qui se passe dans le monde occulte, tout comme tout ce qui se
passe la nuit, dans le noir, est mystérieux. obscur. Le Nawda n'appelle-t-i1 pas tout
phénomène mystérieux, miraculeux "hoologo", qui se traduit littéralement "noir", i.e.
point obscur, dont l'explication échappe aux lois naturelles, aux 10Îs de Faga!
La
nuit est
donc
le
symbole
des
phénomènes
occultes.
A
la
faveur
de
l'obscurité,
en
effet.
certains
phénomènes
incompréhensibles.
inexplicables,
se
déroulent. C'est, par exemple, la nuit que la sorcellerie antropophage s·opère.
Le sorcier se métamorphose la nuit, quitte son lit (sa couche) en y laissant
les apparences. transforme aussi sa victime. en prend la substance en laissant les
- 95 -

apparences. La chair est consommée la nuit. Le marché des sorciers où se fait le
trafic de la chair humaine se tient la nuit.
C'est la nuit aussi que la mort personnifiée circule dans le village sous des
apparences diverses. Ne peuvent l'apercevoir que les noctambules.
La nuit est donc le "royaume" du mystère. Or l'apparition du premier homme
sur la terre est un mystère. En effet, on peut expliquer rationnellement. du moins
partiellement, l'origine. la formation (le processus de formation) de chaque individu,
en se référant aux lois de la procréation et remonter ainsi la phylogenèse. Pour le
Nawda par exemple, c'est l'''urine'' (sperme) du père qui forme l'enfant dans le sein
maternel.
Mais
on
ne
peut
remonter
à
l'infini,
la
phylogenèse.
On
se
heurte
rapidement au problème de l'origine du premier homme. Etant le premier, il n'a pas
de parents. Il est sorti de la " nuit" des temps. Ce n'est pas le jour pour qu'on
puisse voir comment. On ne peut donc s'expliquer de façon observable comment les
choses
se
sont
passées.
Cela
s'est
opéré
de
façon
obscure,
cachée.
occulte,
mystérieuse, pendant la nuit, moment qui symbolise bien l'irrationnel. ce qui échappe
aux lois de la raison.
La nuit peut symboliser aussi le monde obscur du sein maternel. Même si on
sait que ""urine" du père forme l'enfant dans le sein maternel, personne n'a pu
percevoir ce monde où il a pourtant évolué pendant de longs mois. Les premiers
hommes sont formés et sont apparus sur la terre la nuit comme le bébé évolue
dans la nuit du sein maternel; la vie des premiers
hommes commence
dans
le
monde obscur. nocturne du sein de Sangbande.
"II pleuvait, avec beaucoup d'éclairs et de détonnations de foudre".
"Tungu gnï' 01 pleuvait): Les Ancêtres sont tombés avec la pluie, La pluie est
le germe fécondant la terre pour
faire pousser les semences. On peut l'appeler
l'''urine'', i.e. le sperme de "Sangbande.
C'est
ce
sperme
qui
a
apporté
les
premiers
hommes;
ceux-ci
sont
eux-mêmes la semence du peuple Nawda; ils symbolisent la fécondité. C'est eux qui
vont faire produire la terre et l'humanité. Sang bande
a donc
fait
"pleuvoir"
les
premiers hommes du ciel.
La
pluie.
germe
fécondant
la
terre.
est
aussi
annonciatrice
de
grands
évènements. Par exemple le décès d'un homme important. d'un vieux notable. Quand
il pleut abondamment, une pluie d'allure diluvienne. on dit couramment: "Hom i kpii ri
le". Un homme (une personne) important est mort quelque part. On entend alors
familièrement s'exclamer: "Tungu" (pluie) ou Sangbande pleure cet homme. "Tungu
kôma wo", "Sangbande koma wo".
- 96 -

"Ka ride ka taa".
Il faisait des éclairs et tonnait ... La pluie était accompagnée d'éclairs et de
grondements (détonations) de la foudre.
La pluie accompagnée de tonnerre symbolise les forces surnaturelles. C'est la
force venant de Sangbande. armée de la hache du ciel ou de pluie "tungu lade". la
foudre; c'est donc une force agressive. qui tue.
Cette force peut être signe d'un avertissement sévère en cas d'inconduite. Ce
sont les Ancêtres. les génies. les forces surnaturelles qui se fâchent. manifestent
leur courroux. Par exemple, la profanation d'un lieu saint (Kalan be'éga) peut attirer
la colère des génies. se manifestant par des pluies accompagnées de tonnerre. Les
Anciens et les notables doivent immédiatement prier, calmer la
colère
divine en
attendant de réparer la faute.
Cette force surnaturelle peut aussi
annoncer
ou
suivre
(accompagner)
un
évènement important. tel que le décès d'un Saint-homme "Gnide boda". C'est la
manifestation de colère, de chagrin de voir disparaître un tel homme. mais aussi du
"traumatisme" social causé par cette disparition.
Donc, la pluie accompagnée de tonnerre est une situation d'effroi, de terreur,
qui constitue la manifestation des forces surnaturelles.
L'apparition du premier homme sur la terre, évènement mystérieux. est une
manifestation
des
forces
surnaturelles.
qui
se
fait
donc
dans
un
contexte
de
frayeur, de peur.
C'est
aussi
un
évènement
important.
plus
grand
que
le
décès
d'un
Saint-homme. Les forces surnaturelles manifestent ainsi la grandeur de "évènement
qui
vient
modifier
l'ordre
cosmique
comme
la
disparition
d'un
notable.
d'un
Saint-homme. modifie l'ordre social.
3.1.3.
Rata
-
Sangbande et
Rateba
-
Ancêtres-Génies
dans
la
formation
de
l'homme ..
Chacun a son Rata et nous avons tous Sangbande comme Rata commun.
Les
Ancêtres.
les
premiers
hommes,
Symbole
de
l'humanité,
émanent
directement de Sangbande .
Sangbande est donc vécu comme la source. l'origine. de toute l'humanité.
mais aussi de chaque individu. Le rôle du Rata individuel semble être celui du moule
par
lequel
chaque
individu
passe.
et
qui
lui
donne
sa
forme
spécifique,
son
individualité.
Pour utiliser
une
terminologie
cliché,
nous
dirons
que
Sangbande
est
le
créateur. celui qui fait sortir quelque chose ex nihibo (du néant); "Ancêtre ou le
génie est le principe d'individuation. En d'autres termes.Sangbande serait la Cause
première du peuple Nawda, les Ancêtres et les génies Ratebales causes secondes.
- 97 -

3.1.4. Le mythe d'origine et la culture nawda.
Le mythe d'origine présente
les
premiers
hommes
adultes,
portant
les
éléments
de
base
de
la culture,
i.e.
des
modèles.
des
institutions
créées
par
l'homme pour suppléer aux imperfections (combler les lacunes) de la nature.
Ces éléments sont:
• La parenté avec son premier maillon: l'alliance, le mariage, fondement de la
Société. Les premiers hommes sont en effet présentés comme un couple. homme
et femme. donc déjà liés par le mariage. Ce sont des parents potentiels appelés à
donner naissance au peuple Nawda, et qui ont effectivement engendré des enfants.
futurs fondateurs des villages nawda.
La
sexualité
se
trouve
ainsi
être.
dès
l'origine
de
l'humanité,
objet
de
réglementation. Les systèmes d'alliances en vigueur actuellement comme institution
remontent donc aux Ancêtres .
• Le deuxième élément est l'économie: ils portaient les instruments aratoires
et les semences. et les armes de chasse; puis il est précisé que l'homme portait
les instruments aratoires et la femme les semences. Les premiers parents avaient
donc déjà tous les éléments du système de production en vigueur dans la reglon:
économie de subsistance basée sur l'exploitation agricole et sur la chasse. Les lois
qui règlent ce système
remontent
donc
aux
ancêtres:
le
travail
de
l'homme
la
répartition des tâches entre sexes: l'homme tenait les outils aratoires et de chasse,
et la femme tenait les semences. C'est l'homme qui laboure la terre et la femme
sème; c'est l'homme qui chasse le gibier et la femme
apprète les mets
(fait la
cuisine}. ..
L'objet du travail réparti est la terre: on nous dit que l'une des missions des
premiers
hommes
était
de
conquérir
des
terres
pour
cultiver
et
s'établir.
Le
principal
domaine
de
production
économique est
donc
l'agriculture. et
le
peuple
nawda est agriculteur et chasseur.
Les ancêtres fondateurs sont apparus avec aussi les moyens de travail: les
outils agricoles qui comprennent en gros: la houe surtout. et accessoirement
le
coupe-coupe.
Donc,
tous
les
facteurs
de
production
économique
sont
réunis
par
l'Ancêtre-Fondateur de la culture nawda, à savoir: les moyens de production (la
terre, les outils agricoles et les semences); la force productrice qui est ici l'activité
humaine bien répartie entre les deux sexes; il
a institué
ainsi
les
rapports
de
production portant sur le contrôle de l'activité humaine, qui consiste en ce que "les
individus, en tant qu'agents économiques, se chargent. en fonction de la place qu'ils
occupent dans le système Cici, place assignée par le sexe), d'une partie du travail
productif et s'approprient une partie du produit. Ce sont ces rapports sociaux noués
à
l'occasion
de
la
production
que
l'on
appelle
rapports
de
production"
(1).
(1), Colleyn, J.P., .... 1981, p.115.
-
98 -


Le
troisième
élément
culturel
véhiculé
par
le
mythe
d'origine
est
la
politique: le système politique peut être défini. au sens large. comme un ensemble
de
"mécanismes
qui ont
pour
fonction
et
pour
effet
d'assurer
la
cohésion
du
système social" (1). Or. le maintien de la cohésion sociale est subordonné, d'une
part. au contrôle des tensions et troubles internes (en prévenant ou neutralisant les
facteurs qui les engendrent. et en les étouffant quand elles éclatent), et. d'autre
part, à la lutte contre les agressions externes.
Les Ancêtres-Fondateurs du peuple Nawda étaient tout armés pour assurer
cette cohésion. Nous avons vu qu'ils avaient déjà l'élément de base de la parenté: la
liaison matrimoniale. puisqu'ils se sont présentés d'emblée comme un couple déjà
marié. avec. en germe, tout le système lignager qui permettra
l'insémination
du
peuple nawda par la fondation de plusieurs agglomérations villageoises.
Comme nous le verrons, la société nawda est traditionnellement dépourvue
d'institutions politiques centralisées. L'autorité politique est régie par le système de
parenté (le système lignager
segmentaire).
Pour
le
Nawda.
le
sang
humain est
sacré; les frères de "sang" doivent s'unir et lutter ensemble pour le sauvegarder
contre tout ce qui risque de le verser en amputant le "corps". "l'être" familial d'un
de ses membres. A plus forte raison, il est contre nature que ce corps familial
puisse se détruire. se mutiler en versant son propre sang. Cette inconduite est en
soi suffisante pour la rupture définitive et irréversible de lien de parenté. Le sang
versé crée une solution de continuité dans le système de parenté. C'est un fossé
infranchissable qu'on ne peut jamais enjamber.
Ceci peut expliquer l'origine des guerres fratricides qui ont opposé certaines
agglomérations
villageoises
nawda. La
tension
entre
segments
de
lignage
a
pu
aboutir à un incident sanglant signant ainsi la rupture irréparable qui a constitué
des fractions (de frères) ennemies.
Au niveau de chaque agglomération villageoise, les structures politiques ne se
distinguent guère des relat ions de parenté.
C'est récemment que "administration coloniale a imposé un système politique
centralisé basé sur les chefferies "traditionnelles". qui a longtemps fonctionné en
marge de l'organisation sociale comme un corps étranger; depuis un certain temps.
ce système est en train d'être assimilé par la structure (système) sociale: le chef
élu est consacré par un rituel de transmission de pou\\Oir politique traditionnel. La
chefferie comme pouvoir
centralisé
est
ainsi en
train
de
prendre
le
relais
du
système politique lignager.
En résumé, le contrôle de la cohésion sociale est basé à l'intérieur sur un
système politique Iignager qui s'achemine actuellement vers un pouvoir centralisé.
L'Ancêtre-fondateur
a
aussi
institué
un
système
de
défense
contre
les
(1), CoHeyn, J.P., Eléments d'anthropologie sociale et culturelle, Ed. de l'Université de
Bruxelles, Bruxelles, 1979. p.115.
- 99 -

agressions extérieures qui menaceraient l'ethnie. En effet. les ancêtres nawda sont
apparus en accoutrement de guerrier prêts à repousser toute attaque extérieure
visant à compromettre l'existence et la survie de l'ethnie, et même
à agresser
d'autres groupements humains pour la conquête du territoire à occuper.
Nous avons vu plus haut que le peuple Nawda a toujours été en lutte contre
ses voisins. Selon certaines hypothèses historiques, le peuple Nawda serait venu du
Burkina Faso actuel, comme un segment lignager détaché de J'ethnie Mossi, fuyant
probablement des guerres fratricides ou
des
épidémies
meurtrières.
Son
voyage
jusqu'au
Togo
naurait
sûrement
pas
été
pacifique
et,
pour
s'établir,
il
a

conquérir du terrain au prix de luttes armées sanglantes.
Lutter pour assurer la cohésion interne. lutter pour survivre en tant que
groupe
ethnique,
telle
est
la
règle
du
système
politique
transmis
par
les
A ncêtres-fondateurs du peuble Nawda.

Un
quatrième élément
culturel
véhiculé
par
le
mythe
d'origine
est
le
système de pensée du peuple Nawda: le mythe utilise. en effet. comme cadre. le
monde physique tel que le Nawda se le représente. Sangbande. le firmament. le
monde céleste, qui est en même temps symbole de l'être suprême. de la divinité,
est conçu comme l'origine des Ancêtres. C'est du firmament, et comme émanation
de l'être divin. que les Ancêtres sont tombés. Leur point de chute est la terre', ce
disque plat. cette plate-forme qui s'étale à perte de vue sous la voûte céleste et
qui constitue. avec tout ce qui le peuple. le monde terrestre: Tante.
Le mythe contient aussi des élémen ts du monde
métaphysique:
le
monde
d'en-bas chthonien <Tinga). cette substance de la réalité. avec ses apparences, son
signe perceptible qui est le monde de surface (Faga), y est mentionné. En effet, les
Ancêtres sont tombés dans un bosquet Sacré, demeure des génies et des esprits.
êtres imperceptibles qui forment (constituent) la population du monde d'en-bas, du
monde. occulte; puis les éclairs. le grondement du tonnerre, la pluie, etc... sont la
\\'VI CVvv.. i e Yft:' C. "' ••
manipul<ation des forces surnaturelles, des forces de la divinité. Le tout se passe
dans un climat de mystère, la nuit, qui inspire la frayeur.
Ce monde d'en-bas,
de
mystère, est
la
base,
le
fondement
même
des
croyances et de la pensée mystique qui sous-tendent la pratique religieuse centrée
sur le culte des Ancêtres, des génies, des esprits. Le mythe apporte des éléments
de la vertu de religion: tout ce climat mystérieux et terrifiant
est
signe
de
la
présence divine qui
inspire
la
crainte
révérentielle,
et
invite
au
respect
et
la
vénération du lieu saint, demeure des génies et des esprits, objet du culte religieux.
Les Ancêtres eux-mêmes descendus dans ce lieu vénérable et saint, sont investis
de sacralité et assimilés aux esprits et aux génies: d'ailleurs, il sont l'émanation
directe de l'être divin suprême.. ils sont le résultat, l'émanation de la force vitale
divine, et de ce fait objet de culte religieux. On voit là tout le fondement de la
pratique religieuse Nawda.
La représentation métaphysique du monde (de l'univers) est le support de la
conception
de
la société qui, comme nous le verrons plus loin. englobe les vivants,
-
100 -

les morts, les esprits. les génies, i.e. les habitants du monde de surface (pôle
horizontal) et ceux du monde d'en bas (pôle vertical) . Toute la philosophie et toute
la
psychologie
Nawda
en
découle
car
on
ne
peut
comprendre
l'organisation
sociopolitique et la notion d'interaction sociale chez les Nawda qu'à la lumière de
cette base théorique.
3.1.5. L'Ancêtre-Fondateur, la loi et le problème de l'identité de l'individu.
Le
couple
orlgmaire
du
peuple
Nawda.
portait
donc.
en
descendant
de
Sangbande. les éléments essentiels de la culture. à savoir: les éléments d'institution
de parenté. d'institutions économiques et politiques. et du système de pensée.
Toute la structure culturelle Nawda remonte donc à l'Ancêtre-Fondateur. Les
institutions, les
modèles
de
comportement.
les
systèmes
de
pensées.
ainsi
que
toutes les prescriptions morales. liturgiques. juridiques. les interdits et les tabous •
...• sont codifiés et réglementés (institués) par l'Ancêtre-Fondateur. ou mieux encore
se dégage de l'être même de l'Ancêtre. Ici nature et culture se confondent. dans la
mesure où
la culture
n'est
pas
conçue
comme
élaboration
secondaire: elle est
consubstantielle à l'humanité.
Aucun
mortel.
aucun
vivant.
même
s'il
est
dépositaire ou
gardien
de
la
tradition.
ne
peut
assumer
la
terrible
responsabilité
de
se
présenter
comme
promulgateur de la loi. De par sa position dans la généalogie. dans la hiérarchie. le
gardien
de
la
tradition
(est
chargé)
a pour
fonction
de
transmettre
fidèlement
celle-ci aux générations suivantes; il n'a pas le droit. ni le pouvoir de la changer
impunément.
L'Ancêtre-Fondateur innomé est source de loi. des institutions.
d'interdits.
des tabous, ...
Chaque
individu
de
la
société est
ainsi
relié
directement
à
l'autorité
de
l'Ancêtre émané de Sangbande (Dieu). L'Ancêtre. source de loi de l'être. de force
vitale. et d'autorité est l'objet identificatoire par excellence qui est
constamment
présenté à l'enfant comme modèle. Il est le pôle vertical. source et fin de l'individu
(de l'être individuel et (collectif) social). Il est le Rata qui moule l'individu identique à
soi-même.
Il s'ensuit que tout conflit avec l'autorité. avec la loi. avec les institutions •...•
est
un
conflit
avec
l'Ancêtre.
i.e.
avec
sa
propre
identité.
Toute
tentative
d'autonomisation. de prise de distance par
ra pport
à la collectivité est
source
d'angoisse
de
"morcellement".
de
dissolution
de
soi.
d'autolyse.
Chaque
individu
construira son système défensif adéquat. pathologique ou non. pour contenir cette
angoisse.
- 101 -

3.2. FORMATION DU COSMOS.
L'univers qui sert de réceptacle au premier couple, comment est-il apparu?
Comment est-il formé? Est-il créé? C'est à dire sorti du néant. Que signifie pour
le Nawda ces termes "créer" et "néant"?
3.2.1. La notion du néant.
Le néant est défini comme ce qui s'oppose à l'être; c'est l'absence de l'être,
i.e. le chaos. Ce n'est donc pas l'inexistence, i.e. l'absence d'être concret actuel,
mais aussi d'être virtuel qui peut à tout moment venir à l'existence comme l'enfant
est virtuel, potentiellement présent dans les possibilités maternelles de la femme.
Cet espèce de néant ne semble pas exister pour le Nawda, qui conçoit bien
une absence d'existence, mais pas une absence
d'être.
En
tout
cas,
c'est
une
notion difficile à obtenir du
Nawda.
L'existence
virtuelle
constitue
une
continuité
entre l'être et le néant. Le chaos n'est pas total.
3.2.2. L'être et son commencement.
Quand le couple ancestral fondateur est descendu du ciel, le cosmos existait:
il est tombé du firmament déjà constitué, sur la terre qui existait déjà avec ses
bosquets (sacrés), et qui était arrosée par les pluies, etc...
Le
premier couple
apparaît donc dans un monde déjà constitué, déjà formé.
Mais comment est-il formé?
En réponse à cette question, nos informateurs affirment que toutes choses
émanent de Sangbande: "Sangbande reda wante mente". Tout comme l'homme, le
cosmos, l'univers est émané de Sangbande, qui semble-t-il, n'a pas d'origine.
Il importe de noter que le Nawda emploie le terme de "rodeba", que nous
traduirons improprement par "émaner", au lieu de "Ebe", "faire", "créer". L'univers
est l'émanation de Sangbande, i.e. son expression, sa manifestation; en
d'autres
termes,
il
tire
son origine de
Sangbande.
Sangbande
ne
crée
pas
l'univers,
il
l'exprime,
le
manifeste;
l'univers
le monde
sort
de
lui.
Cette
nuance
est
très
importante pour montrer la présence de Sangbande à travers le cosmos qui est sa
manifestation, sans toutefois se confondre, ni s'identifier avec lui.
Une question qui est restée sans réponse est de savoir dans quel ordre les
éléments de ce cosmos ont émané de Sangbande ; comment ils se sont constitués.
Cependant, la notion d'énergie qui sera l'objet du chapitre prochain introduit
l'idée de rayonnement se condensant en nœuds de force que sont les êtres du
cosmos. Cela apportera un peu plus de lumière sur ce processus d'émanation.
-
102 -

CHAPITRE 2:
LA DYNAMIQUE COSMIQUE.
1 NOTION D'ENERGIE.
1.1. DEFINITION.
1.1.1. Eléments de définition.
La notion d'énergie émerge de certains concepts dont nos informateurs se
sont servis au cours de l'enquête pour la définir, la décrire. Nous allons d'abord
analyser certains de ces concepts dont nous tenterons par la suite de dégager une
définition de l'énergie.
1.1.1.1. "Digo" constitue le premier concept: dans un sens premier, il signifie
tranchant,
affû té.
1\\
s'applique
à
tout
instrument,
tout
objet
pouvant
couper,
trancher, ainsi la lame du couteau, du coupe-coupe, .... l'écorce de la tige du mil,
un morceau de caillou, de verre, etc ""
sont dits "Digo", tranchants. Par extension
et au sens figuré. "digo" signifie: puissant, efficace, ... , et s'applique aux objets
(aux
choses)
inanimés.
Ainsi,
on
dira
d'un
poisson,
d'un
produit
(potasse,
médicament, .. J qu'il est "digo" quand son effet, ou son action, observé dépasse les
attentes.
1.1.1.2. "Date", deuxième concept, vient étymologiquement de "dawa", "daago".
"daaga". ... qui signifie "garçon", "mâle". "Date" dans son sens premier désigne la
virilité, l'énergie, la puissance sexuelle masculine et par contamination les organes
sexuels masculins. Dans
ce sens
"Date" est l'expression comportementale
de
la
virilité, de la force physique. Par extension, "Date" s'emploie pour désigner toute
forme
d'agressivité
animale:
un
chien
méchant,
un
bœuf
excité,
énervé.
une
personne fâchée. en colère est "date" ou fait "date".
1.1.1.3. "Ha'arem"; est la résistance, la
dureté,
la
force
physique.
"Tande
ha'arem", la pierre est dure. Au sens figuré, "Ha'arem" désigne la force morale, la
sthénie, .,. "A fawre ha'aran ", il a du cœur, il est courageux.
1.1.1.4. "Ra'am", est le nom donné au mélange qui sert à empoisonner les
flèches
de
guerre.
Par extension,
il
désigne
toute
forme
de
poison:
venin
de
serpent, énergie nocive du projectile occulte morbogène.(1)
(1), nous y reviendrons dans le Livre 2
-
103 -

Ces concepts nous permettent de circonscrire la notion d'énergie et de force.
1.1.2. Définitions.
1.1.2.1. Energie.
Il ressort de l'analyse de ces concepts. que l'énergie peut être définie comme
le rayonnement actif, l'émanation d'activité qui se dégage de certains éléments du
cosmos. En fait, tout élément cosmique rayonne une telle activité: le cosmos pris
dans son ensemble en est animé.
La circulation de cette activité de cette énergie cosmique. permet d'assigner
à chaque élément une place, un rôle. une fonction précise au sein de l'ensemble qui
constitue ains i une totalité dynamique.
1.1.2.1. La force serait la manifestation de ce rayonnement d'activité. de cette
énergie cosmique sous
forme de vie dans certains éléments du cosmos. La
vie
constitue ainsi une forme spéciale de l'énergie cosmique: la force vitale.
1.2. NATURE DE L'ENERGIE COSMIQUE.
L'énergie
telle
qu'elle
vient
d'être
définie.
quelle
est
sa
place
dans
la
conception. dans la représentation bidimensionnelle de la réalité. à savoir dimension
sensible (fagal et dimension occulte qui englobe le surnaturel ouranien (Sangbande)
et le surnaturel chtonien
CTingal? Nous posons là le problème
de
la nature
de
l'énergie. Est-elle sensible ou occulte ou les deux à la fois? La troisième alternative
va de soi. elle est à la fois sensible et non sensible.
1.2.1. Energie sensible.
1.2.1.1. Description.
"Ra'am", le poison, "Ha'arem", la force, "date", la virilité, "digo", le tranchant,
décrivent l'énergie sous sa forme sensible (faga), naturelle, observable. C'est
l'énergie phénoménale qui se livre à "expérience sensible.
La diversité de significations de ces termes renvoie à l'idée que chaque objet
de la réalité, chaque élément de l'univers exprime l'énergie cosmique d'une manière
particulière, spécifique, qui le caractérise formellement, et détermine comme nous
l'avons souligné ci-dessus, sa fonction dans l'ensemble.
L'énergie cosmique telle qu'elle s'offre à notre expérience
sensible.
paraît
toutefois parcellaire, dispersée.
Chaque élément cosmique
rayonne
isolément
son
énergie.
-
104 -

1.2.1.2. Energie liée. énérgie libre.
Cette énergie est potentielle. à l'état
latent,
accumu lée,
stockée
et
sous
tension
dans
les
éléments
cosmiques.
Sa
mise
en
activité
est
déclenchée
de
manière
intentionnelle
ou
aléatoire.
Ce
déclenchement
peut
être
provoqué
de
"extérieur (êtres inanimés). ou automatique. "automoteur" (force vitale). Le caillou
que je lance met en activité son énergie; cette mise en activité est provoquée par
moi, de l'extérieur au caillou et de façon intentionnelle. La poussée sexuelle envers
une
femme
est
déclenchée
automatiquement.
de
l'intérieur.
de
façon
moins
intentionnelle. Le tesson de bouteille qui me coupe le pied sur la route est provoqué
par un concours de circonstance. une rencontre
"aléatoire" entre deux éléments
énergétiques: ma propre énergie et celle du tesson.
Sensiblement. donc. "énergie
stockée dans
les
divers
éléments
cosmiques.
donc
liée,
peut
être
libérée
de
diverses
manières.
Elle
est
ainsi
utilisable.
manipulable, peut devenir agressive ou non.
1.2.2. Energie surnaturelle.
1.2.2.1.
Nous
constatons
que
les
mots
utilisés
pour
décrire
l'énergie
comportent toujours
un sens second, un sens
figuré ou étendu. qui traduit
une
autre forme d'énergie moins sensible ou pas du tout sensible. mais dont les effets
sont ou peuvent être observables. En d'autres termes. ce sens second désigne une
forme infrasensible. "morale", spirituelle, surnaturelle de l'énergie.
1.2.2.2.
Ces
deux
formes
de
l'énergie
se
trouvent
réunies
dans
chaque
élément: l'être humain -comme nous le verrons- n'a pas que la force physique; le
caillou. dans certaines conditions. peut déployer une activité nocive non observable.
C'est
le
cas
quand
il
sert
de
projectile
morbogène
(be'ega).
Chaque
élément
cosmique rayonne ainsi à la fois l'énergie phénoménale. sensible et noumineuse ou
surnaturelle.
1.2.2.3.
Tous
les
éléments
du
monde
surnaturel
<Chtonien
et
ouranien)
rayonnent essentiellement l'éne rgie noumineuse. surnaturelle. mais avec le pouvoir
de faire incursion dans le monde Faga, en libérant donc l'énergie phénoménale qui
reste
stockée
l~n eux à
l'état
potentiel.
Cette
manifestation
sensible
sort
de
l'ordinaire. On dit que dans ce cas l'élément (surnaturel) a émergé dans Faga ("A
(ou le) reda Faga").
Sinon. l'énergie surnaturelle reste occulte. ses effets pouvant être
perçus
sensiblement. Nous le verrons en détail au chapitre du monde spirituel.
- 105 -

1.3. RAPPORT ENTRE LES DEUX FORMES D'ENERGIES.
1.3.1. La bidimensionnalité de la réalité et les deux formes de l'énergie cosmique.
Chaque élément du cosmos physique sensible étant animé des deux formes
de j'énergie, il apparaît que le cosmos physique tout entier est doué à la fois de
l'énergie noum ineuse et de l'énergie phénoménale.
Puisque
le
monde
physique
est
la
manifestation
sensible
du
cosmos.
ou
mieux, un mode d'exister sensible de l'unique réalité, l'énergie surnaturelle n'est elle
même
que
l'apparence
de
l'énergie
surnaturelle;
c'est
le
mode
d'exister
du
rayonnement surnaturel. sensible, physique de l'unique énergie.
1.3.2. L'énergie liante.
Le caractère dispersé. morcellé de l'énergie sensible n'est donc qu'apparent.
Sa dimension surnaturelle est un courant continu. imperceptible. qui lie entre eux
les divers éléments physiques d'une part. ceux surnaturels d'autre part, et ces deux
mondes en une seule totalité. Tout compte fait. l'énergie liante est
l'énergie du
monde surnaturel. i.e. la dimension surnaturelle de l'unique énergie cosmique.
Ainsi donc par la vertu de l'énergie cosmique, une et bidimensionnelle, les
éléments de l'univers sont soudés et articulés entre eux. ordonnés pour former un
ensemble
signifiant.
Pour
comprendre
l'univers.
il
faut
se
référer
au
monde
surnaturel et plus précisément à celui d'en bas (chtonien).
2. DISTRIBUTION DE L'ENERGIE DANS LE COSMOS PHYSIQUE ET VIVANT.
Cette énergie multiforme et bidimensionnelle qui se retrouve répandue dans
l'univers. comment se distribue-t-efle entre les êtres inanimés d'une part et les
êtres animés d'autre part?
Nous avons distingué. dans la définition, l'énergie physique et l'énergie vitale
que nous avons appelée "force" (vitale). C'est ce que nous entendons préciser ici.
2.1. ENERGIE COMMUNE AU VIVANT ET AU NON-VIVANT.
2.1.1. Energie réelle.
2.1.1.1. L'énergie et l'être des choses.
L'énergie ne semble pas être une qualité des choses .. Elle se confond avec
leur être.
L'existence
est le
rayonnement d'énergie.
Chaque
chose
"est" par le
-
106 -

rayonnement d'énergie qui la constitue. Les choses sont en effet des condensations,
sous formes de nœuds, de l'énergie cosmique rayonnante. L'énergie cosmique libre
se condense en complexes liés. sous
tension, et constitue ainsi les éléments du
cosmos.
Cette énergie condensée rayonne, passe d'un objet à un autre en créant un
champ structuré d'attraction et de répulsion.
2.1.1.2. L'énergie réelle et l'existence virtuelle.
Tout être existant est donc l'énergie cosmique condensée, en acte. L'être
possible est l'accumulation potentielle, non actuelle, de l'énergie fondante. C'est un
être réel, i.e. un rayonnement énergétique réel,
mais
ayant
existence
seulement
virtuelle. Certaines conditions doivent être
remplies
pour
que
cette
condensation
s'actualise. Par exemple, si la jeune fille ne connaÎt pas d'homme, elle mourra avec
tous ses enfants (virtuels) "dans le ventre". Les enfants sont présents chez toute
femme en tant que condensations énergétiques vitales
possibles,
ils
resteront
à
l'existence virtuelle tant que la "mère" ne rencontre pas d'homme. Cependant les
rapports sexuels sont une condition nécessaire, mais pas suffisante; la preuve c'est
que certaines femmes restent stériles, bien que cette condition soit remplie, gardant
tous leurs enfants "dans le ventre". D'autres forces peuvent donc interférer.
2,1.2. Energie symbolique,
2.1.2.1. Objet symbole.
" est très courant chez les Nawda qu'un objet figuratif, un acte, ou un fait,
serve de représentation à une réalité abstraite ou concrète, C'est ainsi que l'eau
symbolise
la
nourriture
en
général,
les
chiffres
trois
et
quatre
symbolisent
respectivement la masculinité et la feminité, .... sur le plan religieux, des pierres
plantées, des modelages, des arbres, des petites huttes, ..., symbolisent des génies
en même temps qu'ils servent d'autels, de sanctuaires pour le culte des génies
symbolisés.
2.1.2.2. Symbole, relais énergétique de l'objet symbolisé.
L'objet symbole, signe conventionnel, n'est pas une simple représentation sans
valeur.
"
est
un
véritable
relais,
un
médiateur
qui
condense
en
lui,
accumule
l'énergie symbolisée et la rayonne. On ne peut pas le profaner, par exemple, sans
porter atteinte, du même coup au signifié dont il est le signifiant. Le symbole est
ainsi l'équivalent significatif du signifié, relevant d'un autre ordre de réalité que ce
dernier. (1)
(1), cf. Lévy-Strauss, C., Anthropologie structurale, Plon, Paris, 1974, p.221
-
107 -

2.1.2.3. Equation symbolique et identité fétichiste.
Il
y
a
donc
une
équation
symbolique
entre
le
signifiant
et
le
signifié.
Cependant. relais. médiateur et transmetteur énergétique de
l'objet
symbolisé.
le
symbole ne se confond pas avec ce dernier. L'eau symbolise la nourriture. mais ne
saurait
la
remplacer.
pas
plus
que
les
chiffres
trois
et
quatre
ne
sauraient
remplacer l'homme et la femme qu'ils symbolisent. De même. la pierre plantée. les
modelages. etc
.... ne se confondent pas avec les génies
représentés.
C'est
le
concept abstrait sous-tendant l'élément matériel qui joue le rôle de symbole et non
tel ou
tel élément concret: une pierre plantée
n'est
pas
choisie
parmi
d'autres
parce qu'elle est telle pierre particulière. mais parce qu'elle est pierre tout court.
Ainsi elle peut être remplacée par une autre et à partir de ce moment sa fonction
symbolique cesse. C'est pourquoi les
termes
"fétichisme"
et
"animisme"
utilisés
pour
ce
rapport
entre
le
symbole
et
la
chose
symbolisée.
dans
les
cultures
africaines sont très impropres et doivent être abandonnés.
2.1.2.4. Symbolisme constant et symbolisme aléatoire.
Certains éléments ont un rapport symbolique
constant
et
permanent
avec
certaines réalités déterminées: c'est le cas
des chiffres
trois et quatre pour le
sexe et de l'eau pour la nourriture. Dans
ce
cas
I~ médiation énergétique est
constante. nécessaire.
D'autres rapports symboliques sont établis de façon aléatoire et ponctuelle.
et peuvent être transitoires car ils sont susceptibles d'être défaits. C'est le cas des
pierres-génies. Aucun type de pierre n'a de rapports constants et permanents avec
le génie symbolisé. Mais comme nous le disions plus haut. c'est l'idée de pierre et
non telle pierre particulière qui remplit la fonction symbolique. La pierre. en général.
comme concept abstrait symbolise le siège. C'est la pierre qui servait de siège
avant la fabrication des tabourets de bois. Donc planter une pierre pour un génie
revient à l'asseoir. l'enraciner. à l'intégrer.
2.1.2.5. Rapport entre énergie réelle et énergie symbolique.
L'énergie réelle -selon ce qui précède- est l'énergie propre. fondante.
qui
constitue chaque être en tant qu'être et lui donne sa forme particulière. L'énergie
symbolique est l'énergie propre. réelle d'une réalité. mais médiatisée par une autre
réalité
d'ordre
différent. qui
a son énergie
propre.
L'énergie
médiatisée
ne
se
confond donc pas avec l'énergie réelle propre de l'objet médiateur. Elle est plutôt
agie, actualisée et rendue opérante hic et nunc par cette dernière. Le processus de
médiatisation serait comme une sorte de liaison complémentaire entre deux énergies
réelles: celle médiatisée et celle médiatrice, la seconde potentialisant et actualisant
la première. C'est donc plus qu'une simple liaison de signifiant à signifié.
-
108 -

2.2. ENERGIE DES ETRES VIVANTS ET NOTION DE FORCE VITALE.
L'énegie réelle et l'énergie symbolique sont communes aux êtres
vivants
et
non vivants. Elles constituent leur fonctionnement énergétique, ou l'énergie cosmique
tout court dont ils sont formés, qui les fondent.
La vie est une forme spéciale de cette énergie cosmique que nous avons
définie par l'expression "force"
(vitale>'
C'est
l'énergie
cosmique
sous
sa
forme
vitale. Nous allons essayer de l'analyser ici.
2.2.1. Caractères de l'énergie vitale ou force vitale.
2.2.1.1. Energie auto-transformante.
La force vitale est essentiellement mouvement
par
lequel
l'être vivant
est
soumis à une transformation tout en restant identique à lui-même: il naît, croît,
dégénère, meurt et survit sous forme immatérielle qui est un retour à la source, à
l'origine. Cette transformation est autogène, endogène et connue sous le nom de
cycle biologique. L'énergie vitale est ainsi une énergie qui se transforme, qui est en
perpétuelle mutation, en perpétuelle métamorphose.
2.2.1.2. Energie reproductrice.
L'énergie vitale se multiplie identique à elle-même. Elle multiplie indéfiniment
ses nœuds de condensation, cette multiplication
ne
vient
pas
directement
de
la
source énergétique première (Sangbande Ancêtre-fondateur): celle-ci est médiatisée
par les nœuds déjà formés. Chaque nœud déjà formé est une source énergétique
potentielle, médiate, de la formation d'autres nœuds. En effet l'énergie condensée
sous forme vitale tend à se libérer, à rayonner, en se condensant
en
d'autres
nœuds. C'est le processus de la procréation qui est une loi nécesaire.
L'énergie vitale s'engendre donc continuellement. Elle se reproduit et cette
reproduction compense le mouvement de transformation, et assure la perpétuation,
la conservation
de
l'énergie
vitale
sous
toutes
ses
formes:
les
nœuds
produits
remplacent ou prennent le relais de ceux retournés à l'origine, à la source, sous
forme immatérielle. Sans elle, le mouvement d'auto-transformation qui affecte les
individus
finirait
par
entraîner
le
passage
de
toute
l'énergie vitale
à
sa
forme
spirituelle.
La
reproduction
permet
la
circularité
du
mouvement,
Le.
du
cycle
biologique; sinon le mouvement serait sans retour et finirait par s'arrêter; ou alors
les individus proviendraient directement de la source première qui serait le
seul
point de jonction, le seul lien entre eux tous.
La transformation autogène se déroule au niveau individuel. La reproduction
est la transposition de cette transformation au niveau des espèces et de la vie en
général.
-
109 -

2.2.2. Variation de l'énergie vitale.
Comme nous le verrons (chapitre
4),
il
Y a plusieurs
catégories
d'êtres
vivants. Cela signifierait que la condensation de la force vitale (énergie vitale) se fait
d'abord par catégorisation et au sein de chaque catégorie surgissent des nœuds
énergétiques individuels. Si la reproduction se rencontre partout, par contre, toutes
les étapes de la transformation ne s'observent pas dans toutes les catégories, du
moins pas dans les mêmes formes.
2.2.2.1. Energie végétale.
La plante naît, croît. dégénère et meurt, mais ne semble pas survivre au
même
titre
que
l'homme. Elle
serait
alors
une
forme
incomplète ou
du
moins
différente de l'énergie vitale. Par ailleurs la structure de l'énergie vitale végatale
n'est pas représentée par le Nawda de façon nette et différenciée. Cette énergie
est certes bidimensionnelle (Faga et Tinga). i.e. dimension bio-physique, expliquée,
fondée
et
expliquée
par
la
dimension
spirituelle,
mais
ses
différents
éléments
constitutifs (constituants) ne sont pas différenciés. Ici le naturel et le surnaturel
sont en
continuum
parfait
comme
ils
semblent
l'être
au
niveau
des
êtres
non
animés.
2.2.2.2. Energie animale.
L'animal est soumis à toutes les transformations du mouvement circulaire
énergétique
vital.
Mais
toutes
les
phases
de
la
transformation
ne
sont
pas
exactement comparables à celles de l'homme.
D'abord
la
structure
énergétique
animale
est
moins
complexe
que
chez
l'homme. En effet, tous les éléments constitutifs de la structure dynamique de l'être
humain (cf. chapitre 3) se réduisent pratiquement à deux chez l'animal: l'enveloppe
qui est l'aspect biologique de l'énergie vitale constitue l'élement observable faisant
partie du monde sensible (FagaJ. L'aspect occulte. latent, surnaturel, se réduit à
Nanega, partie symbolisée, comme son nom l'indique par une araignée. C'est surtout
le Nanéga du bœuf qui se rencontre ordinairement. Il est de même espèce que le
Nanega de l'homme, mais de taille énorme proportionnelement
à
l'animal
dont
il
reproduit les conformations. Sa couleur
(sa teinte)
varie en fonction de l'individu
symbolisé.
En ce qui concerne le cycle biologique, la survie après la mort n'est pas
décrite avec assez de précisions. Beaucoup de pratiques socio-religieuses traduisent
implicitement la croyance à la survie des animaux après la mort. Certains gros
oiseaux tués sont reproduits
à l'intérieur de la concession, contre le mur d'une
case, par un modelage en argile sur lequel on colle les plumes de la volaille. Il en
va de même de certains gros gibiers tels que le buffle dont on conserve le crâne,
etc .... Le modelage (pour l'oiseau), le crâne (pour le buffle) symbolisent la présence
des gibiers dans la famille et servent de sanctuaires, d'autels sur lesquels des rites.
des libations. des sacrifices sont périodiquement effectués en l'honneur de l'âme. de
- 110 -

l'esprit de l'animal tué.
Notons qu'il ne faut pas confondre ces pratiques avec celles où "animal tué
est un esprit errant incarné. Nous traiterons de ces pratiques
dans
la deuxième
partie de ce premier livre (2'è partie. chapitre 1>. Pour le moment. il s'agit ici de
l'esprit de "animal et non d'un esprit qui a pris la forme d'un animal.
Le destin de l'animal après la mort est pratiquement laissé sous silence en
dehors de ces pratiques.
2.2.2.3. Energie vitale humaine.
L'énergie vitale semble plus complexe chez l'homme. Elle revêt en effet des
formes multiples conférant à "Ego plusieurs dimensions. comme nous le verrons au
chapitre 3.
L'énergie
ontogénétique
constitue
l'Ego
dans
son
individualité
existencielle.
C'est l'énergie biogénétique soumise au cycle biologique d'autotransformation observé
chez le végétal et "animal. Elle est constituée par un ensemble structuré de forces
vitales clairement définies qui fera l'objet d'étude au chapitre 3 de cette 1ere partie.
Les
phases
du
mouvement
circulaire
de
transformation
sont
bien
définies
et
ponctuées par des rites de passage (cf. chapitre 4). De plus le devenir de l'homme.
son destin après la dernière étape de transformation marquée par la mort, fait
l'objet d'une doctrine
riche
et
cohérente
qui
sera
étudiée
au
chapitre
4
de
la
présente partie.
L'énergie
phylogénétique,
(1),est
celle
qui
rattache
l'Ego
(chaque
Ego)
à
l'origine ancestrale. mais par la médiation de ses ascendants qui sont pour lui les
sources immédiates d'énergie constituante par le biais de la force reproductrice.
L'énergie phylogénétique. c'est "énergie du monde d'en bas (Tinga). l'énergie
fondante
et
liante;
elle
vient
des
profondeurs
des
origines
et
se
transmet
d'ascendant à descendant par le canal de la tradition et de la reproduction. Chaque
individu de la chaîne, nœud condensé de cette énergie fondante, est à la fois un
point d'arrivée, récepteur, et un point de transmission
(de départ
transitoire)
de
cette énergie. Ainsi chaque individu de la chaîne (chaque Ego) remplit
le rôle de
lien,
de
médiation
entre
l'antériorité,
l'ancestralité
et
la
postérité.
et
cela
biologiquement et culturellement. Il est à la fois énergie rayonnée, condensée, et
énergie rayonnante. source énergétique. Il est en permanence actualisé dans
son
existence par la source énergétique première, médiatisée.
La généalogie permet de remonter à la source énergétique première, à la
fois lointaine et toujours actuelle: "Ancêtre fondateur {Yandawa}, le seul descendu
directement
de
Sangbande
comme
le
rapporte
le
mythe
d'origine.
seul
nœud
condensé d'énergie émanant directement
(seule émanation énergétique directe)
de
Sangbande et donc seul médiateur entre la postérité et Sangbande. La place de
chacun dans la chaîne généalogique est déterminée, fixée par la loi de succession;
(1), cf. Eboussi Boulager, F., La crise du muntu, Présence africaine, Paris, 1977,
pp.SO et suivantes.
-
111 -

la distance qui sépare chaque individu de l'Ancêtre est très importante. La valeur
sacrée de chaque individu est inversement proportionnelle à la grandeur d'une telle
distance. C'est en vertu de cette loi que les "Jugufag'reba". "ceux qui sont placés
au dessus de nos têtes". les plus hauts placés dans la hiérarchie (généalogique)
Jouissent
d'un
respect
social
quelles
que
soient
leurs
performances,
leurs
productions (valeurs humaines et sociales) sociales. Leur position dans la hiérarchie
est le critère essentiel de leur mérite social.
L'énergie socio-génétique.
L'énergie sociogénétique
(sociogénétique)
est
la
force
vitale
attractive
qui.
émanant des individus (ces condensés d'énergie rayonnante), les articule les uns aux
autres dans une coexistence collective (une communauté) ordonnée et harmonieuse.
L'attraction, nous l'avons vu, est l'énergie cosmique liante,
celle
spirituelle
émanant du monde d'en bas, qui constituant l'être des éléments de l'univers, les
soude les uns aux autres pour former un ensemble signifiant.
Comme nous venons de le voir, cette énergie cosmique fondante et liante,
sous sa forme
vitale humaine,
a pour
origine
loi ntaine.
m ais
toujours
actuelle.
l'Ancêtre-Fondateur, premier condensé d'énergie
émanant
d~ Sangbande. qui est
source première, point, zéro.
L'énergie
sociogénétique
est
donc
l'énergie
vitale
qui,
rayonnée
par
l'Ancêtre-fondateur
commun,
se
concentre
en
nœuds
complexes
ou
rameaux
biolignagers rattachés au
tronc
de
l'arbre
directement
ou
médiatement.
par
les
Ancêtres
médiateurs.
L'ensemble
des
rameaux
lignagers
soudés
au
tronc
de
l'Ancêtre-Fondateur Commun forme un vaste système de parenté ou les rapports de
conjonction et de disjonction, d'inclusion
et
d'exclusion.
...•
bref les
associations
permises, prescrites, interdites (prohibées) au sein de la collectivité sont défines et
régies par les distances qui séparent les différents Ancêtres médiateurs sur l'arbre
remontant à l'Ancêtre-fondateur Commun.
2.2.2.4. Condensations ontoénergétiques et socioénergétiques.
De
tout
ce
qui
précède.
il
ressort
que
si
le
rayonnement
énergétique
individuel est primordial. nécessaire (indispensable)
pour l'articulation (la cohésion)
sociogénétique (sociogénique). elle n'est cependant pas première et fondante de la
société.
elle
ne précède
pas
la
société.
Même
l'Ancêtre-Fondateur
est
apparu
comme
couple.
homme et
femme,
donc
déjà
comme
personne
sociale.
Ce
qui
précède
nous
montre
que
l'énergie
vitale
émanée
de
l'Ancêtre
se
condense
(concentre) en rameaux biolignagers qui constituent la première cellule sociale. Le
condensé énergétique individuel n'est possible qu'au sein d'une liaison
énergétique
iner individuelle. L'énergie sociogénétique est par essence pourvoyeuse de vie.
i.e.
féconde et autoreproductrice. L'individu. biologiquement et culturellement. est produit
direct de la société; c'est une fibre du tissu social, une feuille sur une branche qui
-
112 -

ne peut survivre seule,
toute l'énergie vitale. la
sève
vivifiante
lui
venant
de
la
branche. il est un maillon de la chaîne.
3. LOIS DE LA CIRCULATION DE L'ENERGIE ET PROBLEME DE LA CAUSALITE.
Nous
avons
vu
que
l'énergie
vitale
propre
à
l'homme
émane
de
l'Ancêtre-Fondateur et qu'elle est à la fois socioculturelle et biologique. i.e. qu'elle
est à la fois génératrice de culture et de vie. Le mythe d'origine nous enseigne que
l'Ancêtre-Fondateur
lui-même
est
une
force
biogénétique
vitale
émanée
de
Sangbande. et déjà équipé cuJturellement: religion (forêt sacrée. manifestation des
forces
surnaturelles).
économie
(outils
aratoires
et
de
chasse.
semences.
..J.
institution sociale (couple: homme et femme). institution politique (armes de guerre).
représentation bidimensionnelle de l'univers (Faga = univers sensible. Tinga = forces
surnaturelles) .
Nous avons vu aussi que le reste de l'univers (terre. eau. plantes. animaux.
feu.
air.
..J
avait
précédé
l'Ancêtre-Fondateur.
en
descendant
également
de
Sangbande.
Tout
compte
fait
l'énergie
cosmique
qui
constitue
l'univers
physique
et
biologique dans sa structure bidimensionnelle émane de Sangbande.
Le problème qu'il nous reste à résoudre maintenant concerne les lois qui
régissent
la
circulation
de
cette
énergie;
quel
est
son
degré
de
liberté?
Se
propage-t-elle selon les lois du hasard ou est-elle orientée.
guidée
par
quelque
cause nécessaire?
3.1. ENERGIE LIBRE ET CAUSE FORTUITE.
3.1.1. Energie libre et la nature.
3.1.1.1. Energie naturelle.
Nous
avons
déjà
décrit
plus
haut
l'énergie
naturelle
comme
étant
celle
condensée.
stockée
sous
formes
d'éléments
de
"univers
et
par
conséquent
parcellaires. dispersées. Cette énergie constitue le monde sensible (Faga). monde
naturel par opposition au monde d'en bas (Tinga). monde surnaturel.
Soulignons que le monde naturel désigne aussi la nature par opposition à la
culture qui désigne l'énergie ancestrale.
3.1.1.2. Liberté de l'énergie naturelle.
Chaque objet en tant que condensé énergétique est censé dégager. rayonner
librement cette énergie.
-
113 -

Les objets physiques sont soit
doués
d'un
principe
dynamique
interne
qui
commande la libération spontanée de leur énergie stockée. soit dépourvus d'un tel
principe et donc soumis à des rayonnements provoqués.
Les êtres vivants. comme nous l'avons vu.
sont
par
essence
doués
d'un
mouvement énergétique vital
interne
(force vitale)
qui
régit
(commande)
le
cycle
biologique et la reproduction, Le principe moteur sous la forme animale et humaine
permet. en plus. d'effectuer des déplacements. Ces séries de transformations sont
autonomes.
En
dehors
du
cycle
biologique
qui
semble
déterminé.
rien
ne
permet
d'attribuer une cause nécessaire. ou un principe coordinateur. à ces rayonnements
énergétiques de l'univers, Tout se déroule librement dans un désordre anarchique.
incontrôlé,
3.1.2. Interaction énergétique naturelle et causalité.
3.1.2.1. Causes et effets.
Les rayonnements énergétiques anarchiques agissent les uns sur les autres
entraînant préjudices. dommages. dégats pour certains et/ou avantages et profits
pour d'autres. Durant un orage. la foudre peut tuer quelqu'un. un animal. un arbre.
brûler une maison. Des crickets peuvent manger les récoltes d'une localité causant
une famine générale. une maladie peut décimer les troupeaux de Mr X. un monsieur
marchant sur la route peut être ramassé par une voiture. un monsieur qui se noit:
peut être sauvé par un autre.
Tous ces faits de la vie quotidienne mettent en lumière les effets négatifs ou
positifs
qui
peuvent
résulter
des
rayonnements
anarchiques
d'énergie
cosmique
concentrés sous formes d'objets dans l'univers.
3.1.2.2. Caractère aléatoire de ces phénomènes.
Si tous les rayonnements énergétiques décrits ne se produisent pas toujours
par
pur
hasard.
puisque
certains
s'expliquent
par
des
causes
naturelles.
leurs
rencontres paraissent souvent aléatoires. fortuites.
Si Mr X quitte sa maison et se fait tuer par la foudre sur la route. c'est
une rencontre fortuite. c'est une contingence: le mouvement de Mr X a rencontré
par hasard celui de la foudre.
Toutes les causes que rien ne peut prévoir. qui sont irrépétables. sont des
causes fortuites régies par les lois du hasard. Ce sont des phénomènes aléatoires.
Les phénomènes naturels sont donc régis par les lois du hasard.
-
114 -

3.2. DETERMINISME ET CAUSES NECESSAIRES.
3.2.1. Le hasard et la nécessité.
3.2.1.1. Négation du hasard?
Ce qui précède nous montre que le peuple Nawda ne nie pas le hasard. il ne
refuse même pas d'accepter ses lois. Les phénomènes aléatoires sont bien connus
et admis par lui comme fait banal, " est imprégné de l'expérience quotidienne des
lois de probabilité
et
peut.
par
conséquent.
estimer
quel
évènement
a
plus
de
chances de se produire qu'un autre. ou que les autres. même s'il ne manipule pas
les calculs de probabilté.
Mais ces lois ne répondent pas à la question fondamentale du "pourquoi" qu'il
se pose: pourquoi le concours des circonstances donne - t-il plus de chances à un
évènement
plutôt
qu'à un
autre?
Qu'est-ce
qui
ou
qui
est - ce
qui
provoque
le
concours de circonstances. Et puis dans une situation ou tout est possible pourquoi
un seul ou quelques phénomènes se reproduisent
plutôt que
d'autres
tout
aussi
possibles. même si les chances sont plus d'un côté que de l'autre. d'autant plus
(surtout) que la production des évènements ne correspond pas toujours aux attentes
théoriques? (L'évènement rare se produit quelquefois à la place de celui attendu!.
La réponse à ces questions doit
briser
le
cercle
vicieux
et
dépasser
le
hasard et
ses
lois.
sans
les
nier.
Les
lois
de
probabilité
ne
résolvent
pas
le
problème de l'imprévisibilité. et du "pourquoi" du concours de circonstances.
3.2.1.2. L'absurdité du hasard.
La dynamique énergétique. telle que décrite plus haut. obéissant aux seules
lois du hasard où tout est imprévisible n'a aucune signification. parce que le hasard
n'explique
rien.
Tout
compte
fait
c'est
un
pur
désordre
anarchique.
générateur
d'angoisse et d'insécurité.
3.2.2. Logique déterministe.
3.2.2.1. Le hasard est un désordre apparent.
L'énergie
liante émanée
de
l'Ancêtre-Fondateur.
l'énergie
non
sensible
du
monde
d'en
bas
qui
infuse
l'univers
et
le
structure,
répond
au
pourquoi
des
évènements observés. Quand on se réfère
à
ce
système énergétique
qui fonde
réellement le monde. tout devient cohérent et le désordre anarchique observé n'est
qu'apparent.
3.2.2.2. Tout est déterminé par le monde d'en bas.
L'énergie du monde d'en bas. dont le monde observable, celui du hasard, n'est
que l'apparence, est la véritable source énergétique du cosmos. Cette source guide
la circulation énergétique selon des lois précises. procédant de l'Ancêtre-Fondateur.
-
115 -

premier condensé d'énergie émanant de Sangbande. Cette énergie constitue chaque
être avec ses lois dynamiques internes. Ce sont ces lois qui guident le rayonnement
énergétique
des
êtres
et
leurs
interactions
expliquant
ainsi
les
concours
apparamment fortuits des circonstances. Sans référence aux lois énergétiques d'en
bas. le monde reste inintelligible. Le système énergétique des lois du monde d'en
bas est une véritable "métaphysique"; le Tinga est "méta-faga" dans le sens le plus
fort d"'explication" du sensible.
3.2.2.3. La logique du malheur.
C'est dans ce sens seulement que l'on comprend la logique du malheur.
C'est le malheur dans son sens général. dont la maladie et la mort ne sont
que des cas particuliers. qui donne "occasion au Nawda d'exprimer par des faits.
gestes. et raisonnements s'articulant dans des
pratiques rituelles
structurées. sa
logique déterministe.
Aucun malheur n'est explicable par les lois du hasard.
Certains
malheurs
rares sont attribués au Sang bande qui seul est la source des phénomènes qui ne
trouvent
pas
d'explication
dans
le
monde
d'en
bas.
Notons
que
Sangbande
est
invoqué comme cause de ce que nous pouvons appeler des phénomènes naturels par
opposition
au
surnaturel.
Sangbandebe'ee:
maladies
provenant
du
Dieu
(maladies
naturelles). Sangbande'am (l'air de Dieu).
Donc
de
toute
façon
le
hasard
n'explique
rien.
Si
ce
n'est
pas
la
loi
ancestrale. c'est celle du très haut. Tout est déterminé.
4. RAPPORTS DE FORCE DANS LA DYNAMIQUE.
4.1, DEGRE DE FORCE.
4.1.1. Loi de l'inégalité.
L'énergie constituant l'être des éléments n'est pas distribuée avec une égalité
plate. Il y en a qui sont plus puissants que d'autres.
4.1.1.1. Force du monde sensible. (Fagal.
Dans la nature. l'observation et l'expérience quotidienne montrent q uïl y a
physiquement des espèces plus grandes. plus fortes ..... que d'autres: c'est le cas
de certains arbres qui mesurent des centaines de mètres de haut à côté desquels
l'homme apparaît comme une fourmi. /1 y en a qui sont plus gros tel que le baobab.
d'autres très durs et solides à toutes épreuves. Dans le règne animal. il en va de
même. certaines espèces
sont plus grosses. plus
grandes.
plus
fortes.
...•
que
d'autres. par exemple l'éléphant. le lion. etc ...
Au sein d'une même espèce. cette variation d'intensité énergétique
s'observe
-
116 -

aussi, Il Y a par exemple des hommes plus grands, plus forts. ou socialement mieux
placés. plus riches que d'autres,
4.1.1.2. La force de Tinga.
Cette distribution inégale
se
retrouve
au
niveau
de
l'énergie
non
sensible
(Tinga).
il
y a des
génies
plus
terribles,
plus
redoutables.
plus
puissants
que
d'autres. 1'v1ais il convient de noter l'absence de corrélation entre l'énergie sensible
et celle non sensible. En effet, il n'y a aucune relation entre la force physique d'une
personne
et
sa
force
surnaturelle.
Elle
peut
être
faible
physiquement
et
forte
surnaturellement et vice et versa. Elle peut aussi être forte à la fois physiquement
(naturellement) et surnaturellement.
Il est à noter que ce qui importe c'est la force surnaturelle. celle du monde
d'en bas. qui est comme nous
l'avons vu
la vraie énergie substancielle. Elle est
d'autant plus dangereuse qu'elle n'est pas observable.
Cette inégale distribution de l'énergie est une loi fondamentale qui va régir
toute la dynamique interactionnelle de la structure cosmique. C'est elle qui explique
les situations conflictuelles génératrices de perturbations cosmiques de tout genre.
et la possibilité de rééquilibration.
4.1.2. Degré de résistance énergétique.
4.1.2.1. Vulnérabilité.
Les
êtres
vulnéranbles
sont
ceux
qui
sont
susceptibles
d'être
affaiblis,
déforcés, détruits par d'autres décharges énergétiques dans la dynamique cosmique.
Ce sont
les condensés
(concentrés)
qui
peuvent
céder
devant
d'autres
dans
la
circulation énergétique.
Les êtres les plus faibles. de moindre puissance. sont les plus exposés. les
plus vulnérables. Le degré de vulnérabilité varie donc en fonction inverse du degré
de force.
La quantité de force. d'énergie, accumulée pour constituer chaque être étant
naturelle à lui, i.e. donnée par nature et non acquise. le degré de vulnérabilité est
aussi en principe donné. Mais cette quantité d'énergie donnée peut varier et donc la
vulnérabilité est, en quelque sorte acquise. Avant de voir pourquoi il importe de nous
interroger sur la réplique de cette vulnérabilité. i.e. l'invulnérabilité.
4.1.2.2. Invulnérabilité.
Si la vulnérabilité est fonction inverse de l'accumulation de force (d'énergie)
dans l'être des choses. les êtres
les
plus forts
seraient donc invulnérables. i.e.
inattaquables, indestructibles. indéforçables par d'autres.
Mais
il
ne
semble
pas
y
avoir
dans
l'univers
d'êtres
inattaquables.
invulnérables, à part l'Ancestralité et la Divinité (SangbandeL En effet. en dehors de
ces deux sources d'énergie, aucun autre être n'a la plénitude de force (d'énergie)
- 117 -

lui permettant d'être le plus
puissant.
inégalable. Ce sont ces
deux
sources qui
constituent la réserve énergétique inépuisable, la sécurité de l'univers qui ne peut
diminuer.
Tous les autres êtres émanés sont vulnérables. certes à des degrés divers.
Il y en a qui sont plus vulnérables que d'autres.
4.1.3. Variation de l'énergie ontologique.
La
quantité
d'énergie
constituant
un
être
donné
peut-elle
augmenter
ou
diminuer (ou être augmentée ou diminuée) rendant cet être plus fort (puissant) ou
plus faible? C'est à cette question que nous voulons répondre ici.
4.1.3.1. Variations autogènes.
Nous avons
vu plus
haut que la force
vitale
possède
un
principe
interne
d'auto-transformation.
i.e.
que
l'être
vivant
naît
(commence),
croît
(augmente).
dégénère (décroît, diminue) et meurt (mort). Donc l'énergie vitale peut augmenter et
diminuer
en
quantité
biologique.
Mais
sa
puissance
(surnaturelle)
augmente
continuellement (en ligne droite) en fonction linéaire de la longévité. Quand l'énergie
biologique commence à décliner (vieillesse), la puissance· vitale tend vers la sacralité.
donc augmente. Ce mouvement autogène est essentiellement vital.
4.1.3.2. Variations exogènes.
La variation exogène est la modification dont le
principe,
la
cause
est à
l'extérieur de l'être modifié. Une puissance peut déforcer une autre, la diminuer.
l'affaiblir ou même la détruire. Toutes les énergies (tous les êtres) vulnérables sont
exposés à cette variation.
De même une puissance peut renforcer
une autre puissance
(plus
faible)
affaiblie, déforcée par une attaque.
La variation exogène se limite donc à défaire et à refaire, i.e. qu'une force
peut affaiblir le potentiel ontologique d'une autre force ou renforcer une puissance
préalablement affaiblie, lui redonner son potentiel initial, pas plus.
Cette remarque fait ressortir le fait qu'aucune puissance ne peut s'approprier
la force d'une autre pour augmenter son potentiel ontologique et devenir plus forte
que sa nature (et se hisser au dessus de sa natureL En d'autres termes, une
force ne peut s'approprier une autre pour devenir plus que son potentiel ontologique
originel. Un être constitué de force inférieure ne peut s'enrichir aux dépends des
autres et devenir plus fort que ce qui lui a été donné par la nature.
Par contre, certaines puissances peuvent
"prolonger" d'autres
plus
faibles
sans augmenter le potentiel ontologique interne de celles-ci. Tout se passe comme
une sorte de sommation qui consisterait en ce que les premières additionneraient
leurs
forces
à celles
des
secondes;
comme
le
bâton,
l'instrument. prolonge
un
membre sans devenir une partie intégrante du membre.
-
118 -

Par cette
opération.
certaines
puissances
deviennent
protectrices
d'autres
pour prévenir le déforcement de ces dernières. pour leur servir de résistance.
Dans le même sens. une puissance peut utiliser une autre comme instrument
intermédiaire. médium, pour déforcer. affaiblir. détruire certaines autres puissances.
ou pour les renforcer.
Cette dernière pratique pourrait taire penser à une manipulation magique. Il
n'en est rien. La magie. telle qu'elle est pratiquée dans d'autres ethnies au Togo.
demande une initiation; c'est donc une force acquise. Chez les Nawdeba. celui qui
utilise la force d'autres puissances comme instrument a un pouvoir congénital de le
faire. Personne ne peut l'apprendre par initiation. Deuxièmement. il ne subjugue pas
ces (forces) puissances cosmiques comme c'est le cas dans la magie. S'il utilise
des forces inanimées. caillou. sable, .... il le fait comme on se sert d'un bâton. S'il
s'agit d'un esprit (force vitale) il y a eu d'abord alliance entre ces forces et lui.
Ces esprits sont en quelque sorte ses protecteurs ...
De toute façon les pratiques magiques sont étrangères à la mentalité Nawda.
4.2. INTERACTION DES FORCES.
4.2.1. Influence.
1\\ Y a influence quand une force (puissance) agit sur une autre et la modifie
entrinsèquement (ontologiquement) ou extrinsèquement. La variation énergétique dans
le cas d'influence est une variation exogène. Une force varie sous l'influence d'une
autre (qui la modifie intrinsèquement ou extrinsèquement).
L'influence peut être positive ou négative.
4.2.1.1. Influence positive.
L'influence est positive quand la modification subie est une augmentation. un
prolongement
de
la
force
influencée.
La
modification
est
ici
extrinsèque;
un
prolongement. C'est le cas des protecteurs qui prolongent la puissance d'une force
pour la renforcer contre
des attaques
agressives. déforçantes éventuelles. Cette
force acquiert ainsi une variation exogène.
L'influence positive peut être aussi intrinsèque lorsqu'une
(force)
puissance
(énergie) renforce un être déforcé. affaibli. C'est le cas
du
rituel
thérapeutique.
des plantes .,.
4.2 .1.2. Influence négative.
L'influence négative peut consister en ce que les
protecteurs retirent leur
confiance. leur soutien. exposant le protégé à un déforcement
(diminution
de
la
force ontologique intrinsèque) par d'autres forces. Cette sorte d'influence ne déforce
pas elle-même puisqu'elle n'enlève rien au
potentiel ontoénergétique. Elle se retire
- 119 -

simplement en tant que force
additive renforcante augmentant du même coup la
vulnérabilité du protégé, ou mieux le laissant dans son état de vulnérabilité primaire.
L'influence
négative
consiste
aussi
en
déforcement.
affaiblissement
du
potentiel ontoénergétique d'un être par un autre être. Cette influence
peut
être
directe: la puissance influençante agit directement; ou indirecte. i.e. par utilisation
d'un médium instrumental (puissance inerte).
Ce
qui
veut
dire
qu'une
puissance
inférieure
mais
renforée
par
une
protectrice peut très bien déforcer. volontairement ou non, et par l'intermédiaire de
la puissance protectrice. Le déforcement. "affaiblissement,et
même la destruction
d'un être ne sont donc pas l'œuvre exclusive des forces naturellement douées d'un
potentiel ontogénétique supérieur. Cela confirme l'état de vulnérabilité de toute force
émanée.
4.2.2. L'agression.
L'agression
est
une
influence
négative.
violente,
une
attaque
brutale
et
soudaine d'une puissance par une autre dans l'intention de déforcer cette dernière.
4.2.2.1. L'agression vengeresse.
L'agression peut
être
une
riposte.
une
réponse
à
une
influence
négative.
L'agression vengeresse consiste en des représailles contre une violence subie.
4.2.2.2. L'agression défensive.
Une
puissance
peut
agresser
une
autre
pour
défendre
une
troisième
menacée. Il s'agit ici d'écarter le danger, d'éliminer un persécuteur menaçant. La
contre agression défensive prévient l'agression et donc ne la punit pas.
Une puissance peut défendre sa propre intégrité menacée. Elle élimine donc
son agresseur potentiel.
4.2.2.3. L'agression persécutive.
La
plus
fréquente.
l'agression
persécutive
est
l'abus
de
pouvoir
des
puissances de force supérieure contre les plus faibles. C'es t une attaque arbitraire
de certaines puissances dirigée contre d'autres plus vulnérables. L'objectif n'est pas
de s'approprier j'énergie libérée par des forces persécutées. mais de détruire pour
détruire ou pour se débarasser des gêneurs. Leur présence, leur existence, leur
rayonnement,
sans
être
un
danger.
une
menace
quelconque
pour
le
potentiel
onto-énergétique
des
persécuteurs
(auquel
cas
leur
agression
serait
défensive).
constitue une gêne.
C'est
cette
forme
d'agression
qui
explique
la
plupart
des
phénomènes
malheureux.
L'influence
et
l'agression
expliquent
les
phénomènes
apparemment
aléatoires et/ou attribués aux lois de la nature.
-
120 -

4.3. DIALECTIQUE DE DEFENSE ET EQUILIBRE DE FORCE.
4.3.1. Agression et réactions défensives.
Tout être étant exposé à 1agression. dispose d'un certain potentiel de riposte
qui peut être intrinsèque s'il relève de la réserve onto-énergétique personnelle, ou
extrinsèque quand il est apport complémentaire venant de l'extérieur et restant à
l'extérieur, comme force protectrice.
Ce potentiel défensif est
toujours
sous
tension.
prêt
à
prévenir
l'attaque
éventuelle ou à neutraliser et venger une agression en acte.
4.3.2. Défense et équilibre des forces.
Le sytème défensif permet de résister à toute attaque, d'y faire face. Ainsi
la frontière entre forts et faibles n'est pas précise. Personne
n'est donc assuré
qu'il vaincra en attaquant; en effet la défense protectrice est source de sécurité et
de réduction d'angoisse pour les plus faibles.
Le contre-poids défensif équilibre ainsi les forces.
4.3.3. Modifications et rééquilibration.
Cet équilibre des forces n'est pas totalement persuasif. car il n'empêche pas
les attaques agressives de se produire. Son intérêt est surtout de réduire l'angoisse
d'insécurité.
Comme il s'agit d'une structure, tout élément agressé, donc modifié entraîne
la modification de l'ensemble et cette modification
est
toujours
une
perturbation
puisque l'agression est toujours perturbante, déforçante, à but destructif.
Donc toute modification négative, i.e. influence négative, attaque agressive,
menace, de façon plus ou moins imminente, de détruire le système cosmique. Cette
menace est d'autant plus dangereuse, grave (grande)
que la force
attaquée
est
proche de la sacralité, de l'ancestralité. En somme, l'influence négative. surtout sous
sa forme agressive est une dégradation de l'énergie cosmique; tandis que l'influence
positive est toujours un enrichissement de cette énergie.
Si l'interaction cosmique se réduisait aux conflits et attaques agressives, le
système courrait le risque d'autodestruction.
Heureusement,
l'influence
positive,
le
système
de
résistance
défensive,
constituent non seulement un contre-poids, mais aussi un principe de rééquilibration.
d'autorégulation.
d'homéostase
(homéostasis,
homéostasie).
Ce
mécanisme
de
rééquilibration
constante,
d'autorégulation
est
alimenté
par, J'énergie
cosmique
de
réserve,
toujours
disponible sous
sa
forme surnaturelle
c(!)nstituant les éléments
-
121 -

cosmiques.
Cette
énergie
est
libérée
par
le
mécanisme
d'influence
positive.
Ce
mécanisme permet de neutraliser j'action énergétique destructrice et renforcer les
puissances déforcées. L'énergie agressive est souvent transformée. convertie en son
contraire.
-
122 -

CHAPITRE 3 :
LA STRUCTURE DYNAMIQUE
DE L'ETRE HUMAIN. (1)
Les données du terrain décrivent l'homme comme un être très complexe formé de
plusieurs éléments: le "Gbanu" (corps), le "Kawatia", le "Nanega", le "Liliïgo". Nous
allons d'abord analyser ces éléments avant de voir comment ils s'articulent dans la
constitution de l'être humain pour former une totalité structurée.
1. LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L'HOMME.
1.1. LE "GBANU" (le corps).
1.1.1. "Gbanu", élément du monde sensible (Faga).
1.1.1.1. "Gbanu", élément physique.
Le "Gabnu," corps, fait partie du monde physique: il est animé d'énergie physique et
occupe une place dans l'espace comme tout élément du cosmos physique.
1.1.1.2. "Gbanu", élément biologique.
Le "Gbanu" est animé de vie qui le différencie des éléments physiques purs. Il subit
des transformations cycliques (cycle biologique) propres aux êtres vivants: il naît,
grandit, dégénère et meurt. Organiquement, il est
composé
de
plusieurs
parties
visibles:
"Jugo"
(tête),
"Bag'te"
(avant-bras>'
"Kpam'e"
(bras,
coudes),
"Nïe"
(mains),
"Hobe"
(poitrine),
"Rawte"
(abdomen),
"Serga"
(bassin),
"Fab~" (organe
sexuel
féminin ), "Roda"
(organes sexuels masculins), "Taaga"
(cuisses>.
"Dinde"
(genou), "Beega" (jambe), "Namkpa'e" (pieds), etc ...
Et puis plusieurs phénomènes observés sur le corps constituent des critères de vie:
il est animé de souffle. de respiration, ("Bo'eem") qui est l'un des signes importants
de la vie animale; il est capable de motricité qui lui permet de se déplacer dans
l'espace, de déployer son énergie physique; il est doué de capacités d'expression qui
lui
permettent
de
manifester
son
vécu,
de
communiquer
verbalement
ou
gestuellement ou par la mimique, etc ...
(1), Djassoa, G., Etude ethnopsychologique du peuple Nawda, 1965, publié in Annales
de l'Université du Bénin, Lomé, Togo, Tome VII, 1980, Série Lettres, pp.331-337.
- 123 -

1
1.1.1.3. Intériorité-extériorité.
t
Le corps a un intérieur et un extérieur .
• L'extérieur constitue une enveloppe, un contenant. Dans l'épaisseur de ce
contenant circule le sang ("Jim") qui est un élément vital, important et précieux.
L'extériorisation du sang, son expulsion, signale une atteinte à l'intégrité du corps.
Cette épaisseur (du contenant) est parcourue par des "fils" qui véhiculent l'énergie
physique et vitale, ainsi que le sang. Ces "fils" sont les "Jeela" qui comprennent les
vaisseaux sanguins, les nerfs. "Le Jïrra ma Jeela!" (cela m'a coupé les "fils"), cela
m'a fatigué, épuisé. Cette épaisseur est faite de chair, de muscles ("Nemte") et de
squelette ("Daate") qui comprennent l'ensemble des os ("Ko""''':' l. Le "Jiile" qui sont
aussi des "fils" conducteurs d'énergie sont moins observables. Ils véhiculent plutôt
l'énergie
psychique.
"A
ji'rra
ma
jiile",
il
m'a
déçu.
Tout
cet
ensemble
est
entièrement recouvert, protégé extérieurement par la peau ("Gbango") .
• L'intérieur, creux, contient dans la partie superieure "jufote" (de "jungo":
tête et "foote": intestins), le cerveau, centre de la pensée qui permet de réfléchir,
de résoudre les problèmes. Dans la partie médiane, on trouve:
- Des centres digestifs: "Foore" (estomac) qui stocke les aliments ingérés:
"foote" (intestins) qui accueille les aliments "pourris" (digérés) et transformés en
fèces
("binte"), prêts à être évacués à l'extérieur.
-
Des centres vitaux: "fawa"
(poumons. cœur, foie, rate, pancréasl. Ces
centres sont groupés dans la partie médiane supérieure et constituent le "gnam're",
centre vital dont le cœur semble être le pivot.
Le cœur ("reerem fawre"), le "fawre" de sagesse ("reerem"), i.e. le siège
de la sagesse (et/ou de la connaissance) est, avec le cerveau ("jufoote"), le centre
de la pensée, du vécu privé, des dispositions sociales et morales (vertus, les vices,
.. J.
-
La
partie
inférieure
de
l'abdomen
contient
les
éléments
reproducteurs
internes: "mate foogo" Ontestin de maternité), utérus; "hawen" (urine), le sperme.
1.1.2. "Gbanu" comme symbole de l'être humain total.
1.1.2.1. Gnida-homme.
L'homme, l'être humain, (gnida) désigne l'être sensible que l'on voit dans la
vie courante, "Gnida" est le "Gbanu" avec qui on traite. Quand le corps seul subit
une
modification
dans
sa
constitution,
par exemple, grosseur,
maigreur,
on
dit
rarement: son corps a grossi, ou maigri '''A gbanu mo'rran, a kparengen. " Mais
plus souvent il a grossi ou maigri: "A Mo'nan a Kparengen."
"A gbanu mo'rram"
signifie une enflure pathologique, un œdème généralisé.
1.1.2.2. Formules de salutations: "Be gbanu'u" (Bonjourl.
Cette formule se traduit, mot à mot, et imparfaitement: ton corps. Elle est
en fait l'abrégé d'une forme interrogative: "be gbanu bela?". comment est ou va ton
-
124 -

corps. Ce qui veut dire en langage familier; comment te portes- tu? Comment vas-
tu? A quoi l'interlocuteur répond: "u be wole". il (mon corps) est ou va comme ça,
i.e. il n'a pas subi de changements, de modifications (morbide, sous-entendu).
1.1.2.3. Formules descriptives de l'état de santé.
Pour décrire l'état de santé de quelqu'un, on dit ordinairement: "A gbanun"
ou "A nemten
behom be lamego"
L'intérieur de son corps, de sa chair est bon
(bien), i.e. il est en bonne santé, en parfaite santé, il se porte bien, très bien.
Ou bien: "A gbanun ou a nemten Ko'olen "
L'intérieur de son corps, ou sa
chair est perturbé, il a des troubles ou des ennuis de santé. Nous reviendrons en
détail sur cette dernière formule dans le livre 2.
Pour le moment remarquons que le corps, un des
éléments constitutif de
l'être humain. est employé ici pour désigner la totalité de ce composé humain. " est
vécu comme la manifestation visible, sensible, perceptible, les apparences de l'être
ou de la susbstance
totale.
"
fait
partie
du
monde
de
Faga
qui
constitue
les
apparences de Tinga, vraie substance.
1.2. LE "KAWATIA", CELUI QUI EST DERRIERE (MOI).
"Kawa"
veut
dire
derrière
(préposition),
"tia",
particule
qui
n'est
jamais
employée seule, signifie le propriétaire d'une chose, le tenant d'une chose. "Kawatia"
est celui qui tient la place de derrière, qui suit.
1.2.1. Faits et gestes de la vie quotidienne.
1.2.1.1. Formules (expressions) consacrées.
"Ma kawatia selan", mon kawatia a fui, s'exclame souvent la victime d'une
frayeur,
d'un
évènement
brutal
subit
qui
déclenche
des
réactions
réflexes
de
catastrophe.
"Jelege ma kawatia", tu as effrayé mon kawatia, dit souvent le Nawda à celui qui,
surtout
par
derrière,
simule
une
attaque
surprise,
ou
à
celui
qui
adopte
un
comportement non intentionnellement effrayant. " est donc rare que le Nawda dise:
"je suis effrayé" ou "tu m'as effrayé", mais plus souvent "mon kawatia a fui", "tu
as effrayé mon kawatia".
1.2.1.2. Force du "kawatia" et préservation des accidents.
Celui
qui
échappe
"miraculeusement"
à
un
accident,
à un
danger,
a
un
kawatia fort. On entend souvent dire de ces rescapés: "A kawa ha'aran", mot à
mot son dos est fort. Notons qu'ici le kawatia seul n'est pas en cause, il y a aussi
à considérer tous les renforcements venant de l'extérieur qui contribuent à protéger
-
125 -

Ego.
1.2.2. Pratiques sociales et religieuses.
1.2.2.1. Pratiques sociales.
Dans
la
société
Nawda on
ne
doit jamais
se
tenir
debout
derrière
une
personne assise, surtout une personne âgée. Il est même déconseillé de se tenir
debout "sur" un notable assis. L'explication est que assise, une personne est en
position de faiblesse en cas d'attaque. Celui qui est debout est plus fort, en position
de force; la station debout est une posture d'attaque, de domination. Cette seule
attitude suffit à effrayer le kawatia de quelqu'un. Effrayer le kawatia d'une personne
âgée, donc sacralisée et garant social, c'est faire crouler le fondement de sécurité
sociale.
Quand un jeune et une personne âgée marchent dans
la brousse,
sur un
sentier, région où le risque de toute nature peut surgir à tout moment, (serpent,
bête féroce, attaque d'ennemis, ... l le notable préfère souvent placer le jeune devant.
Le vieux a un kawatia plus fort. qui s'est renforcé par "apport énergétique ancestral.
1.2.2.2. Pratiques religieuses.
Les personnes âgées offrent des sacrifices périodiques à leurs kawatiba. (1)
Mais il importe de distinguer entre
kawatia
que
tout
le
monde
possède
et
les
kawatiba qui sont des forces extérieures protectrices. Au fur et à mesure que l'on
tend vers la sacralité (ancestralitél en vieillissant. le kawatia naturel se voit adjoint
des kawatiba renforçateurs qui sont des Génies. des esprits errants, des victimes
de guerre ... Les cultes
sacrificiels
s'adressent plutôt à ces protecteurs, mais à
travers ces rites le "kawatia" se trouve renforcé.
1.2.3. Définition du kawatia.
1.2.3.1. Kawatia. force vitale.
Il ressort de ces données du terrain que le kawatia est une force vitale
faisant partie de la constitution de l'Ego; il participe à la vitalité de l'homme. Il
suffit qu'il quitte, qu'il défaille pour que l'être humain soit déséquilibré. tombe dans
un
état
de
catastrophe.
de
perte
de
contrôle.
conséquence
d'une
diminution
d'énergie. C'est le cas de frayeur qui le fait fuir et provoque un trouble d'équilibre.
un trouble onto-énergétique.
Sa force constitue la sécurité individuelle. le garant de l'individu contre les
menaces extérieures.
(1), pluriel de Kawatia
-
126 -

1.2.3.2. Kawatia: principe de résistance de l'Ego.
" en découle que le kawatia constitue le bouclier, la résistance de l'Ego. Il
est le bouclier qui protège l'individu, l'Ego dans la dynamique conflictuelle cosmique.
C'est la forteresse. le rempart, une aura protectrice qui délimite la distance critique
de l'Ego. C'est la barrière protectrice de sécurité.
Il est en contact direct
avec
l'environnement.
C'est
la
véritable
partie
extérieure,
la
véritable
enveloppe
protectrice.
i.e.
le
système
défensif
de
l'Ego.
C'est
en
somme
Ego
en
lutte
perpétuelle pour la vie.
1.3. NANEGA.
Le "Nanega" est le nom donné à une race spéciale d'arraignée qui symbolise
une composante. un élément constitutif de l'être humain.
Chaque individu humain est représenté dans la nature par un exemplaire de
cette
race
d'arraignée
qui
reproduit
ses
conformations
physiques:
constitution
dimensionnelle des membres. teintes de la peau (nuances de couleurs de la peau);
une femme enceinte aura une arraignée avec un abdomen ballonné. Les enfants ont
des arraignées petites. de leur âge.
1.3.1. Données du terrain.
1.3.1.1. Faits et gestes de la vie quotidienne et pratiques sociales.
Il est formellement interdit de tuer cette race d'arraignée: la tuer reviendrait
à supprimer une vie. En effet tout individu de cette race d'arraignée représente un
être humain,
Quand on en rencontre une. il est conseillé de la ramasser délicatement et
de la déposer sur le toit du séjour des morts. ou n'importe quel toit.
Quand on voit apparaître chez un malade les signes de la mort, il n'est pas
rare d'entendre crier: "a nanega te'e'deg'n", son nanéga est tombé.
Le voleur
laisse
toujours
sur
les
lieux
du
vol
son
nanega
que
le
rituel
d'enquête permet de découvrir sans difficultés. Si l'accusé refuse de reconnaître le
vol. l'épreuve peut aller jusqu'à la destruction de son nanega, ce qui entraîne pour
lui des conséquences graves: il peut être frappé de lèpre ou, dans les pires cas,
mourir.
1.3.1.2. Pratiques religieuses.
Une attaque agressive sur le nanega consiste à enchaîner ce dernier en
dehors de son correspondant humain. entraînant chez lui un trouble de
santé
dont nous (réservons> renvoyons l'étude au livre 3. Si on ne le délivre pas. il risque
de mourir.
-
127 -

Les nane'e (1) sont périodiquement ramenés dans la maison et réintégrés au
séjour des morts. cela pour éviter qu'ils errent dans la nature. Cela constitue un
rituel religieux impliquant le sacrifice de poulets et appelé "bote ba'adeg'm".
Avant d'enterrer une vieille personne décédée, on doit au préalable procéder
au retrait des nane'e des enfants de la famille qu'elle tient entre ses ongles. En
effet la vieille personne dans une famille est la "porteuse" des petits enfants de
cette famille. Le fait de les
porter physiquement, de les gâter. de les choyer. de les
protéger. se traduit
par l'attachement, le refuge des nane'e
(arraignéesl
de ces
enfants
dans
ses
ongles
symbolisant
les
bras
qui
portent.
qui
protègent.
qui
rassurent
et
réchauffent affectivement.
A
sa
mort.
ces
nane'e
ne
sortent
pas
spontanément. il faut faire un rite d'extraction.
1.3.2. Définition de nanega.
1.3.2.1. Nanega, force vitale.
Le
nanega est
une
force
vitale
qui
entre
dans
la composition
de
l'être
humain. Selon les données analysées plus haut. le nanega serait comme source de
vie. principe de vie, Sa destruction entraîne la mort de son correspondant (et celle
de l'homme total). On pour:ait le définir comme le nœud vital de l'être humain.
Mais le "nanega" survit après la mort, puisqu'on le ramène périodiquement au
séjour des morts, pour éviter qu'il erre dans la nature.
1.3.2.1. "Nanega", totalité de l'être humain.
Le "Nanega" semble être non une partie, une composante. mais la totalié de
l'être humain. En effet, "arraignée qui le symbolise. reproduit comme nous "avons
dit,
les
conformations
physiques
de
son
correspondant.
Et
puis
quand
l'attaque
agressive attache. enchaîne ou emprisonne le "Nanega" loin de son corresppondant.
on ne dit jamais qu'on a emprisonné son "Nanega". mais c'est la personne entière
qui
l'a
été.
Et
si
l'attaque
agressive
consiste
à
supprimer
quelqu'un
par
l'intermédiaire d'un accident, par exemple par noyade. on dira que l'Ego a été ligoté
et jeté dans "eau ...
Et encore quand l'enquête identifie le "Nanega" d'un voleur sur les lieux du
(
forfait. on parle du voleur et non de son "Nanega": c'est lui qu'on a trouvé sur les
f
lieux du vol.
1
t
1.4. LE UU'IGO.
Le
mot
"Iili'igo"est
apparenté
à
un
autre
terme.
"Ieem go".
qui
signifie
i
l'ombre.
"Leemgo" est d'abord utilisé au sens propre pour désigner "la zone sombre
l
(1). pluriel de Nanega
~
- 128 -

créée par un corps
opaque
qui
intercepte
la
lumière." (1)
On
parlera
alors
de
"Ieemgo" d'un arbre, d'un homme, dlun objet quelconque, '"
Mais "Ieemgo" est employé aussi au sens figuré et signifie ce qui reste d'un
objet, ou de "homme, quand on extrait l'essentiel de la substance. i.e. l'apparence.
Cette apparence peut être matérielle. Quand le sorcier se rend au marché de nuit.
il laisse son "Ieemgo" sur le lit; de même quand il enlève sa victime, il laisse le
"Ieemgo" de celle-ci et emporte la substance.
Cependant. dans ce sens. le terme "Fako", enveloppe, peau (de fruit) est
préférable à " leemgo" qui est plus usité quand il s'agit d'apparence immatérielle: il
désigne alors "ombre d'un défunt.
C'est dans ce dernier sens que le terme "Ieemgo" rejoint celui de "'iliïgo".
Les deux termes désignent alors l'apparence immatérielle humaine.
1.4 ,1. Uliïgo au cours de la vie de l'homme.
1.4.1.1. lilïigo n'est jamais cible d'agression sociale.
Dans la dynamique conflictuelle où "homme est engagé. Iiliïgo n'est jamais
cité
comme
cible
d'une
espèce
d'attaque
agressive.
contrairement
au
"Gbanu",
kawatia. et nanega. comme nous "avons observé ci-dessus.
liliïgo
serait- il
une
force
vitale.
un
élément
du
composé
humain
hors
d'atteinte des influences et attaques agressives? Mais il y a des attaques dirigées
contre Ego qui ne mettent pas spécifiquement en cause "un de ses pôles. Ego
semble être concerné dans sa substance même. Ces attaques viennent surtout du
monde spirituel: Kpeemba, esprits errants ....
1.4.1.2. Lilïigo n'entre pas dans la description du composé humain.
Les données descriptives du composé de l'être humain ne comprennent pas
"Iilïigo".
L'homme
vivant
est décrit
avec
les
trois
termes;
"Gbanu".
"Kawatia".
"Nanega". Il n'est pratiquement jamais fait mention de "lili'igo".
Souvent on
parle
de Ego
sans
qu'il
s'agisse
spécifiquement
de
"Gbanu".
"Kawatia". "Nanega".
1.4.1.3. "Lili'igo" est absent de la vie courante.
Dans les pratiques sociales et religieuses. il n'est jamais question de "Ii/ïigo"
de personnes vivantes. Les usages courants, les expressions. les relations humaines.
n'accordent pas de place au concept de "'ili'igo". On parlera de "Ieemgo" au sens
d'apparence matérielle d'un objet. d'une victime de sorcellerie en train d'agoniser. Il
n'est plus que l'ombre de lui-même.
Les
rituels
religieux
et
thérapeutiques
qui
visent
à
renforcer
l'Ego,
le
concilier avec le monde ancestral. ne mentionnent pas non plus "liliïgo", mais l'être
(1), définition du dictionnaire "Larousse".
-
129 -

total. Ainsi pour reprendre Ego que les esprits errants sont en train d'enlever, on
ne parle pas de son
"Gbanu"
. de son
"Nanega", de son
"Kawatia", ni de son
. "Iilïigo" mais de lui.
1.4.2. "Lilïigo" après la mort.
1.4.2.1. Nature spirituelle de 'ïiliïgo".
"Liliïgo"
entre
en
ligne
de
compte
surtout
après
la
mort.
Quand
Ego
disparaît on parle de son "Iiliïgo". Ce terme désignerait alors l'esprit du mort, son
"âme". C'est en ce sens
que
les
missionnaires
(les
évangélistes)
chrétiens
ont
utilisé ce terme pour traduire le mot "âme". "Liliïgo" couvrirait donc la même notion
que l'âme.
Ce serait alors. comme l'âme, un élément constitutif de l'être humain, l'esprit
opposé à la matière corporelle, charnelle. Ce serait "élément impérissable, alors que
tous les autres étudiés jusqu'ici, (Gbanu, Kawatia, Nanega) se dissoudraient avec la
mort. Celle -ci serait donc à définir comme la destination des éléments biologiques,
matériels et la libération de l'esprit impérissable. C'est d'ailleurs cette doctrine que
le christianisme enseigne au Nawdeba.
1.4.2.2. Rapport de "Iiliïgo" avec la totalité de l'être humain.
D'après ce qui vient d'être dit, "Iili'igo" serait une partie du composé humain.
Cependant, quand on colle aux données concrètes du terrain, on se rend
compte que les choses sont plus complexes.
D'abord
les
voyants
qui
communiquent
avec
l'au-delà,
décrivent
"Iiliïgo"
comme conservant non seulement toute l'apparence humaine, mais même l'Identité
du
correspondant
défunt,
ses
conformations
bio-physiques,
mais
devenues
immortelles. Le "Iilïigo" d'un Ego conserve les mensurations corporelles de celui-ci,
ses habitudes, ses façons de s'habiller, de parler, sa voix, ses démarches, ." Bref,
rien ne change. Au cours de certains rites où l'on fait parler le défunt, l'assistance,
même sans le voir l'entend, et reconnaît sa voix. Si plusieurs défunts interviennent,
chacun sera reconnu par sa seule voix.
La deuxième donnée du terrain est que dans le langage courant, on ne parle
pas de "Iili'igo" comme d'une partie du défunt. On préfère souvent dire "'e défunt
X" au lieu de son "Iili'igo". Ce qui laisse entrevoir une équation entre lili'igo et la
totalité de l'être humain.
"Lili'igo" serait donc à l'être humain, non pas comme une partie au tout,
mais comme sa réplique immatérielle. Ce n'est pas une partie impérissable de "être
humain qui seule résisterait aux dégradations de la mort, mais l'être humain tout
entier qui aurait subi une certaine transformation, une mutation. La mort serait un
passage, un tournant du cycle biologique et non la fin d'une vie qui ferait place à
une autre vie. Les morts ne sont pas morts. 'Te kpun n ka nere ", ce qui veut dire
mot
à mot: Nous mourrons et
nous
vivons".
Ce
qui
signifie
que
la
mort
ne
- 130 -

détruit pas la vie. ne détruit rien de la vie. La mort c'est l'aboutissement de la
longue et pénible marche de l'Ego vers les siens. les Ancêtres: "A tae a reba men
Il est arrivé chez les siens dit-on de quelqu'un qui vient de mourir.
Rien dans l'homme ne se réduit donc aux apparences sensibles devant être
détruites avec la mort. La totalité de l'être humain est Faga et Tinga à la fois.
D'ailleurs la disparition des apparences avec la mort n'est pas définitive. Le
défunt peut les reprendre et apparaître sous forme sensible.
1.4.3. Définition de liliïgo.
1.4.3.1. Définition.
Lilïigo est l'homme total transformé en esprit par la mort qui est l'étape
finale
du
cycle
biologique.
Il
comprend
tous
les
éléments
constitutifs
de
l'être
humain: gbanu.
kawatia,
nanega.
devenus
immatériels.
Maintenant,
nous
pouvons
comprendre pourquoi Iiliïgo n'est pas mentionné du vivant de l'Ego. Il ne désigne pas
l'homme à cette phase du cycle biologique. Il
ne
désigne pas
un
des
éléments
constitutifs qui se Iibererait après la mort. "Lili'igo" désigne l'homme transformé.
transmué par la mort. "Liliïgo" c'est un autre état de la vie, une autre phase du
cycle biologique.
1.4.3.2. Le nanega et le cycle biologique.
Le nanega qui symbolise le noyau, le centre de la vie nœudale ne disparaît
pas après la mort. Nous avons vu. en effet, qu'il est ramené périodiquement dans le
séjour
des
morts
pour
ne
pas
errer
dans
la
nature.
"
continue
donc
de
représenter. de symboliser le mort. le défunt, i.e. le "'i1i'igo" qui est la même vie
transformée.
1.4.3.3. La survie.
La survie après la mort ne serait donc pas le fait d'un esprit, d'une âme
débarassée
de
la
matière.
C'est
tout
l'être
humain
soustrait
aux
apparences
sensibles.
Le
cycle
biologique
est
la
transformation
progressive
(marche
transformante)
de
l'énergie
vitale, de
Faga
en
Tinga:
sa
forme
de
Tinga
(surnaturelle) prend de plus en plus d'importance. s'intensifie de plus en plus au fur
et à mesure que l'Ego s'approche de la sacralité. Le déclin de la vie de Faga cède
le pas à l'intensification de celle
de
Tinga;
l'énergie
sensible
se
transforme
en
énergie spirituelle qui est "lili'igo".
-
131 -

2. RELATION STRUCTURALE ENTRE LES ELEMENTS.
2.1. FONCTIONS VITALES DE CHAQUE ELEMENT.
2.1.1. "Gbanu".
2 .1.1.1. Enveloppe.
Le Gbanu joue le rôle d'élément enveloppant physique et biologique. Il délimite
l'être humain dans l'espace; il est le contenant qui renferme la substance précieuse.
2.1.1.2. Expression sensible de l'être humain.
Le "Gbanu" est ce par quoi la substance humaine se traduit
sur le plan
observable, sensible. Il est la manifestation sensible de tout l'être invisible. Dans ce
sens "Gbanu" joue
le
rôle
non
d'un
élément
mais
de
manifestation t d'apparence
sensible de tout l'être. Il désigne la totalité humaine en tant que faisant partie du
monde de Faga. Il est le signifiant renvoyant au signifié immatériel. C'est "émanation
sensible matérielle de J'énergie vitale immatérielle non sensible.
2.1.1.3. Le corps et le Tinga.
Le Gbanu en tant que représentant de tout l'être n'est pas que sensible. Il
est aussi spirituel. Mieux, il est à la fois immatériel et matériel. Il est totalement
matériel et totalement immatériel: i.e. phénomène et noumène.
2.1.1.4. Relation physique.
Le "Gbanu" est le principe qui permet le contact de l'être humain avec le
cosmos physique, i.e. avec la dimension physique du cosmos. Par ce biais, l'énergie
bio-physique est articulée à l'être humain et est susceptible de le renforcer dans le
cadre nutritif, thérapeutique et autre, et aussi de le déforcer. C'est donc ce par
quoi
l'être
substantiel
non
seulement
devient
sensible,
mais
s'articule
avec
le
sensible. le physique.
2.1.2. Le Kawatia.
La définition que nous avons donnée plus
haut
de Kawatia,
à partir des
données
du
terrain,
nOliS
permet
de
dégager
trois
fonctions
de
cet
élément
constitutif de l'être humain.
2.1.2.1. Fonction "vitalisante".
Il maintient l'équilibre vital
de l'Ego. C'est une quantité d'énergie cosmique
nécessaire
à
l'épanouissement
vital.
Comme
nous
l'avons
vu,
son
absence
momentanée ou sa défaillance provoque un trouble, une désorganisation pouvant aller
jusqu'à l'évanouissement, la perte d'équilibre et la chute. Il est donc une source de
-
132 -

vitalité pour Ego. C'est Ego en tant qu'énergie vitale.
2.1.2.2. Fonction défensive.
Une autre fonction du Kawatia est la défense de l'Ego. sa protection contre
les menaces extérieures. Sans lui, Ego serait à la merci d'un univers hostile où les
dangers de toutes espèces
le guettent à tout moment. La présence du Kawatia
éloigne les dangers. C'est une force répulsive qui empêche les ennemis de détecter
Ego et de s'approcher de lui. Il est l'ombre qui voile Ego et le soustrait
à la vue de
l'ennemi.
C'est
la
véritable
enveloppe
défensive
de
l'Ego
contre
l'environnement
(physique et spirituel) hostile.
2.1.2.3. Force de résistance de l'Ego.
Quand
l'attaque
a
lieu
malgré
sa
vigilance.
"Kawatia"
constitue
un
contre-poids. Il oppose une résistance qui fait échec à l'agression. C'est quand sa
force cède que l'attaque réussit à attaindre Ego. Il est donc le bouclier contre qui
les attaques buttent.
2.1.3. Nanega.
2.1.3.1. Fonction de pourvoyeur de vie.
A partir de la description faite plus
haut.
une
des
fonctions
du
Nanega
paraît être de diffuser la vie à travers tout l'être humain. Il fonctionnerait comme
une pompe qui distribuerait la sèvé vivifiante à toute la totalité de l'être humain. Sa
destruction coupe cette alimentation vitale et entraîne la mort.
2.1.3.2. Fonction de source vitale (principe de vieL
La vie que le "Nanega" diffuse ne paraît pas venir d'ailleurs. En d'autres
termes. le "Nanega" ne serait pas un simple relais
chargé de pomper une sève
vivifiante dont la source serait ailleurs. Il remplit la fonction de cette source même.
La vie en chaque être humain semble être son "Nanega" même. C'est le noyau qui
fait vivre l'être entier. Amputer l'être de ce noyau. de ce principe de vie, c'est le
détruire d'emblée.
2.1.4. Liliïgo.
2.1.4.1. Principe spirituel.
Lilïigo paraît être l'aspect formel qui constitue l'être humain comme un être
spirituel. qui lui donne sa dimension spirituelle.
2.1.4.2. Substance humaine.
Liliïgo remplit aussi la fonction de fondement. de substance qui fonde l'être
-
133 -

humain
total,
C'est
l'être
même
de
l'homme
qui
le
fait
exister
sous
forme
corporelle ... Lili'igo fonde donc l'être de l'homme. C'est la véritable source de vie
émanée de J'Ancêtre-rata, provenant de Sangbande.
2.2. TOTALITE STRUCTURELLE DE L'ETRE HUMAIN.
2.2.1. Constituants et entités autonomes.
2.2.1.1. Diversité des constituants.
L'analyse que nous avons faite ci-dessus nous montre que l'être humain est
composé de plusieurs éléments: Gbanu, Kawatia, Nanega, Lilïigo. Certains de ces
éléments
(tels
que
le
Kawatia)
donnent
même
l'impression
de
pouvoir
exister
séparés du reste de l'homme. En effet, le Kawatia peut fuir, abandonner. quitter
l'être humain en cas de frayeur: "Ma Kawatia selan", mon Kawatia a fui. Il en est
de même du Nanega qu'on peut emprisonner loin de l'homme; le voleur le laisse
même sur le lieu du vol et continue son chemin.
2.2.1.2. Autonomie des constituants.
Les observations conduisent à la conclusion que les constituants de l'être
humain sont des entités autonomes, pouvant subsister seules, indépendamment de
l'ensemble. C'est leur union seule qui leur donnerait une signification dans l'ensemble
humain.
2.2.2. Relation fusionnelle entre constituants et totalité humaine.
2.2.2.1. Abscence de conflits dynamiques entre constituants.
La
première
constatation
que
nous
livre
les
données
du
terrain,
c'est
"absence de conflits intra-Ego. Cela veut dire, en d'autres
termes, qu'il n'existe
pas de lutte entre les divers constituants, contrairement à ce qui se passe dans le
composé corps-âme (matière-esprit), fruit de la représentation judéo-chrétienne et
gréco-romaine de l'homme. Le composé humain, selon le Nawda, ignore le conflit
intra -Ego. Les conflits opposent plutôt Ego et non-Ego, jamais Ego contre lui-même.
2.2.2.2. Rapports entre constituants et la réalité humaine.
L'analyse nous
a
aussi
montré
que
chacun
des
constituants
désigne
la
totalité. Nous l'avons vu à propos de Gbanu qui est souvent utilisé à la place du
tout auquel il se confond. Nous "avons aussi vu à propos du Nanega qui prend
souvent la place de l'ensemble et surtout à propos du Iiliïgo qui, lui n'est même
pratiquement jamais utilisé comme un élément, une partie du composé humain, mais
désigne la totalité en tant que spirituelle.
Dans
"usage
des
termes
et
dans
la
conception (notion) des choses, il y a donc passage sans obstacle entre la partie et
-
134 -

le tout entre lesquels il ne semble pas y avoir une distinction
(nette). mais une
continuité qui ressemble beaucoup à une confusion si on ne prête pas bien attention
aux nuances.
2.2.2.3. Continuisme et totalité.
Cette liberté de "circulation" entre la partie et le tout faisant fi du principe
de contradiction, n'est pas du tout un quelconque manque de logique. Ce n'est pas
non plus une vision globaliste de la réalité qui se situerait à un stade infantile du
développement intellectuel, avant l'acquisition de la capacité de différenciation.
C'est plutôt une vision unitaire et structurale de la réalité. L'analyse.
ici,
distingue
des
pôles.
des
dimensions
de
la
même
réalité,
au
lieu
des
éléments
morcelés. sans rapports entre eux, en opposition, ou quand bien même articulés.
Ainsi la continuité entre le tout et la partie montre tout simplement que la partie
n'est pas une entité même si on lui laisse une certaine autonomie apparente. C'est
plutôt un pôle. ou mieux une modalité d'être du tout.
Dans ce sens:

Le Gbanu
est
la
modalité
sensible
de
la
force
(énergie)
vitale
qu'est
l'homme ou si l'on veut matérialiser par une image. c'est
le
pôle.
la
dimension
sensible matérielle de l'énergie vitale.

Le Nanega est le
mode
d'exister
de
cette
même
énergie
sous
forme
"vitalisante" .
• Lili'igo est le mode spirituel d'être du condensé énergétique humain.

Le kawatia est le pôle défensif,
d'autoconservation
propre
à
tout
être
vivant.
L'être
humain
se
définit
donc
comme
une
énergie
vitale
multimodale
(multidimensionnelle. multipolaire). sous quelque angle que nous la considérons. nous
la percevons sous cet angle mais en entier. Au tournant du cycle biologique. qui est
la mort, le pôle sensible. matériel de cette énergie disparaît, se soustrait à la
perception sensible. sans pour autant cesser d'exister. Il subit une mutation dans la
transformation de l'ensemble.
Dans ce sens. il va de soi qu'aucune modalité de l'unique énergie ne peut
exister en soi, séparée du reste. C'est la totalité ou rien.
3.STRUCTURE ETENDLE <ELARGIE> DE L'ETRE HUMAIN.
La structure ontologique que nous venons de décrire (dégager) n'est pas un
monde fermé; c'est un élément d'une super-structure cosmique. Il est articulé aux
différentes dimensions de l'univers par ses différents pôles ou modes d'exister.
-
135 -

3.1. GBANU.
3.1.1. Gbanu et Faga.
Comme nous l'avons vu, Gbanu est le mode d'exister sensible de l'énergie
vitale humaine. Par le pôle Gbanu, l'énergie vitale humaine s'articule avec le monde
de surface (Fagal.
3.1.1.1. Gbanu et le monde physique.
Par Gbanu, l'homme
est un élément physique; il établit le contact avec les
éléments du monde physique. Il est en interaction continuelle avec ces éléments,
interactions d'attrait ou de répulsion, d'affinité ou conflictuelle. C'est par le "Gbanu"
que l'homme transforme l'univers physique: il laboure la terre pour la féconder, il
transforme
certains
éléments
en
outils
ou
en
objets
artistiques.
Donc
son
interaction avec le monde physique lui permet de protéger son potentiel énergétique.
Il peut aussi en être négativement influencé, voire agressé.
3.1.1.2. Gbanu et le monde biologique.
Par Gbanu, l'être humain entretient aussi une interaction avec
les
autres
êtres vivants. Il en tire l'énergie vitale pour compléter. corriger. ou renforcer sa
propre énergie, la développer. Il peut aussi être déforcé (influence et agression) par
les autres êtres vivants (attaque
des bêtes féroces. des serpents et autres qui
menacent sa viel.
3.1.2. Gbanu et le monde d'en bas (TingaL
3.1.2.1. Gbanu étant à la fois sensible, matériel et spirituel. est aussi soumis
à l'influence du monde spirituel (Tinga). Cette influence est évidemment immatérielle.
Mais
les
effets
sont
observables.
C'est
le
cas
des
projectiles
morbogènes
qui
perturbent le Gbanu et qui feront l'objet d'étude plus loin.
3.1.2.2. Le Gbanu dans son articulation avec le monde d'en bas. subit la
plupart du temps les influences positives et négatives du monde spirituel. Ceci entre
dans le cadre de la transformation structurale
(toute modification dans un point
entraîne la modification de l'ensemble et de tous les points).
-
136 -

3.2. KAWATIA ET LE COSMOS.
3.2.1. Kawatia et le monde d'en bas (renforcement exogène>'
Kawatia étant la barrière défensive. qui assure la protection et l'immunité de
l'Ego, s'articule surtout avec les forces d'en bas qui interviennent souvent de droit
ou par alliance (contrats) dans la protection.
3.2.1.1. Kawatia et le "Haare".
Le "haare", comme nous le verrons, signifie "maison". Au
sens
figuré.
il
désigne toutes les forces d'en bas qui habitent la maison et qui en constituent le
garant. Ces forces
sont
les
Kpeemba
(esprits
des
défunts,
jusqu'aux
Ancêtres,
habitant le séjour des morts (bakombe ), les génies (tini ou tite) qui font l'objet de
vénération et dont la
plupart
habitent
la
maison.
Notons
que
"haare",
au
sens
figuré, ne se limite pas à la maison, à la concession, mais s'étend à toutes les
forces garantes où qu'elles se trouvent.
Ainsi
le
Kawatia
est
le
pôle
d'articulation
de
l'Ego
avec
ces
forces
protectrices qui se tiennent derrière Ego (te
je'era a
kawa>'
C'est
le
kawatia,
barrière défensive que ces forces viennent renforcer. Car tout seul le Kawatia est
incapable de faire face à toutes les menaces, à tous les dangers qui échappent la
plupart du temps à sa vigilance.
3.2.1.2. Kawatia et les esprits errants.
Comme nous le verrons plus loin, les esprits errants sont par principe
des
forces du mal. Des êtres condamnés pour leurs inconduites, conduites vicieuses.
Ces forces peuvent lier des relations unilatéralement ou bilatéralement (par
consensus mutuel ou contrat> avec les êtres humains vivants. Ces esprits peuvent
devenir de véritables kawatiba (pluriel> protecteurs, renforçant ainsi les défenses du
kawatia naturel .. L'Ego qui bénéficie de ces relations est donc tenu de les entretenir
par
des
rites
sacrificiels
périodiques,
et
domestiquer
ces
esprits
errants,
les
asseoir.
3.2.2. Kawatia et le monde de surface.
C'est
en
tant
que
mode
d'exister
immatériel
de
l'Ego
que
Kawatia
va
s'articuler avec l'environnement physique et social (de ce dernier) évidemment par le
pôle immatériel de cet environnement.
3.2.2.1. Kawatia et le pôle bio-lignager.
Les
personnes
âgées
de
la "ma ison"
tendant
vers
l'ancestralité
et
la
sacralité, et donc ayant accumulé une quantité considérable d'énergie vitale sur le
plan intrinsèque et extrinsèque, constituent des garants protecteurs des
membres
- 137 -

familiaux. Elles sont le relais de la voix des ancêtres. Ainsi. leur voix. la parole
qu'elles prononcent est j'énergie qui renforce ou qui déforce, leur bénédiction est
renforcement. protection. et leur malédiction est déforcement de Kawatia.
Donc
la
protection
des
ancêtres
qui
renforcent
les
défenses
et
les
résistances du kawatia passe par les personnes
âgées
de la lignée
(ou
lignage).
Dans ce sens elles sont renforçateurs du kawatia.
3.2.2.2. Kawatia et la société élargie.
La
sociéié
élargie
entretient
surtout
une
relation
conflictuelle
avec
Ego.
L'influence qu'il en subit est essentiellement d'ordre négatif. L'articulation de l'Ego
avec la société élargie est donc conflictuelle.
Il
présente à la société
son
pôle
Kawatia. pôle défensif qui crée entre la société et lui une ligne de défense. une
barrière protectrice.
Le Kawatia doit opposer une force de résistance au moins égale à l'intensité
de la force d'attaque. C'est le Kawatia renforcé par toutes les forces protectrices
de sa maison et
des
esprits
alliés
qui
permettra
à
Ego
d'affronter
la
société
hostile.
Pour
atteindre
les
éléments
vitaux
de
l'Ego.
l'attaquant
doit
briser
sa
défense. ses
résistances. Cela est possible si la maison tourne le
dos
à
Ego,
l'abandonne et surtout si quelqu'un des siens le trahit, le vend.
3.2.2.3. Kawatia et la force cosmique (Sangban'am).
La force cosmique phy sique ayant un pôle immatériel, et intervenant dans la
dynamique interactionnelle, s'articule avec Ego. Nous avons vu que cette articulation
se fait par le pôle corporel de l'Ego. Cependant le Gbanu n'entre pas directement
dans la lutte. Le Kawatia lui sert de bouclier. de paravent, de barrières contre les
forces
nocives.
C'est
quand
le
Kawatia
cède
que
l'agression
dite
naturelle
(Sangban'aml atteint le corps.
3.3. Le Nanega.
3.3.1. Le Nanega et le Tinga.
Le Nanega est un pôle du
monde
d'en
bas
même
s'il
porte
le
nom
de
"arraignée qui le symbolise physiquement. Donc toutes les articulations que ce pôle
établit avec l'univers sont d'ordre immatériel.
3.3.1.1. Le Nanega et le bio-lignage.
Le "Nanega" est le noyau vital. le potentiel énergétique vital de l'Ego. Ce
noyau vital n'est pas autogène. il jaillit de la source biolignagère. C'est du lignage
qu'Ego tient ce potentiel vital, qui lui a été donné par les géniteurs. Par le pôle
Nanega donc Ego, vient à l'existence; par lui, il est soudé. articulé aux géniteurs et
au lignage. Il est du même sang que les géniteurs, fratries, collatéraux, etc ... Il fait
-
138 -

partie du même tissu vital que tous les membres du lignage.
3.3.1.2. Nanega et l'ancestralité (l'Ancêtre).
Les Nane'e de tous les membres de chaque lignage se trouvent domiciliés au
séjour des morts commun où habitent les esprits des morts depuis l'Ancêtre le plus
reculé de ce lignage. Tous les Nane'e résident là. et doivent périodiquement y être
ramenés pour ne pas errer dans la nature (cf. ci-dessus). Là. tous les membres
du lignage sont reliés à leur Ancêtre commun.
C'est
donc
par
le
pôle
Nanega
que
chaque
Ego
est
soudé
à
l'arbre
généalogique remontant à l'Ancêtre. source première de l'énergie vitale concentrée
en nœuds sous forme d'individus. Chaque Ego tient donc sa vie de l'Ancêtre par la
médiation des ancêtres intermédiaires. puis des géniteurs immédiats.
Il en découle que par le pôle Nanega. l'Ego est articulé à l'Ancêtre commun
du lignage.
3.3.1.3. Nanega et consubstantialité de l'Ego à l'Ancêtre.
Le potentiel onto-énergétique de l'Ego n'est donc pas
viable
séparé de la
source
ancestrale.
Ce
potentiel
est
perpétuellement
alimenté
par
cette
source
ancestrale. Donc Ego n'est pas constitué une fois pour toutes. Son existence est
une émanation énergétique ancestrale toujours en acte.
Cette émanation qui constitue et maintient Ego perpétuellement en vie. n'est
pas un épiphénomène de l'Ancêtre. Elle est de la substance même de l'Ancêtre.
C'est son Hawen
(sperme)
• le
"jim"
(sang)
de
son
"jim".
qui
après
plusieurs
médiations devient Ego. Ego par son pôle Nanega est donc une parcelle de l'énergie
ancestrale; il est consubstantiel à l'Ancêtre. C'est son identité. C'est pourquoi Ego
devenu spirituel (lili'igo) par la mort et retourné à l'Ancêtre conserve son Nanega
(toujours représenté par l'arraignée symbole). En effet. la vie. le noyau vital qu'est
le Nanega n'est pas détruit par la mort mais transformé (devenu plus substanciel)'
3.3.2. Nanega et articulation dynamique avec l'environnement social.
3.3.2.1. Nanega et dynamique bio-lignagère.
Dans la dynamique conflictuelle intra-lignagère. le pâle-Nanega de l'Ego est la
cible privilégiée des attaques agressives. En effet. tous les membres du
lignage
étant du même tissu vital. toute déchirure de ce tissu
isolant Ego de
la
sève
vivifiante est mortelle pour lui. Ce sont les membres du même
lignage
qui ont
l'accès facile au pâle-Nanega de l'Ego. par le canal de la même sève. du même
sang qui coule (circule) en tous. Et puis tous les membres du lignage bénéficient du
renforcement de leurs défenses: celui de la maison. A l'intérieur du lignage. Ego ne
compte que sur son Kawatia naturel. Il devient vulnérable en cas d'attaque. Mais le
système défensif commun se retourne souvent contre l'agresseur. C'est pourquoi
celui-ci prend toujours ses précautions pour tromper la vigilance des protecteurs.
- 139 -

3.3.2.2. Nanega et dynamique sociale.
Dans les interactions conflictuelles sociales, les attaques dirigées contre Ego
visent évidemment sa destruction par l'atteinte de son potentiel vital: le Nanega.
Nous
avons
vu
que
la
barrière
défensive
de
l'Ego
que
constitue
son
Kawatia
renforcé par toute la protection pare les attaques agressives. Le Gbanu, qui est
l'enveloppe, le contenant est plus vulnérable en cas de percée de la défense. Le
Nanega, substance vitale. l'est moins. Mais il n'est pas hors d'atteinte. L'étranger au
lignage peut forcer la barrière jusq u'à cette substance vitale en cas de relâchement
du renforcement défensif. Dans ce cas, il peut réussir à enchaîner Ego par son
pôle Nanega. Mais il ne peut détruire Ego par la sorcellerie anthropophage que si
celui-ci a été trahi, vendu par les siens. "Ka nadia ba bedembe, yeda te bo'ob€".
Si
ton parent ne te trahit (vend) pas, l'étranger ne peut t'avoir. En cas de sorcellerie,
le Nanega sert de pôle de capture et la totalité de l'Ego, et surtout le pôle Gbanu
immatériel, symbolisant l'être total est détruit par manducation.
3.4. L1L1ïGO ET LE MONDE SPIRITUEL.
Comme nous l'avons vu ci-dessus, "liliïgo" est le mode d'exister spiritl,lel de
l'être humain total. Il est la substance émanée de "Sangbande" par la médiation de
l'Ancêtre, qui s'épanouit en être humain multi-polaire: pôle vital ou
bio-génétique
(Nanega), pôle défensif (Ka watia) et pôle corporel sensible (GbanuL
3.4.1. "Lilïigo et le monde spirituel supérieur (Ancêtre et SangbandeL
3.4.1.1. "Lili'igo et l'essence ancestrale.
Le Nanega s'articule à la substance vitale de l'Ancêtre. C'est la parcelle de
l'énergie ancestrale sous sa forme vitale, biogénétique.
Le "Iiliïgo" est la même
parcelle énergétique
ancestrale
constituant
l'Ego
sous sa forme spirituelle. Tout compte fait, "Liliïgo" est la substance spirituelle, le
"Nanega" étant la vie sous ses deux aspects matériel et spirituel.
Ego est donc articulé
à l'Ancêtre par
son
mode d'exister
vital
spirituel
(Nanega) et son mode d'être sp.irituel (Uliïgo). Nous insistons sur le fait qu'il ne
s'agit pas de partie de l'être humain mais d'aspects. i.e. de l'être humain total
perçu sous un angle ou sous un autre. Ici, il est perçu en tant qu'être spirituel
participant de la spiritualité de l'Ancêtre-Fondateur.
3.4.1.2. Lili'igo et "Sangbande".
Par son articulation à la spiritualité de l'Ancêtre-Fondateur, l'être humain
sous sa forme de Iili'igo s'articule médiatement à Sangbande, être essentiellement
spirituel. L'Ancêtre-Fondateur étant la seule énergie, le seul condensé energétique
émané
directement
de
Sangbande,
constitue
le
médiateur
parfait
entre
sa
- 140 -

descendance et Sangbande, source énergétique première.
3.4.2. Liliïgo et le monde spirituel intermédiaire.
3.4.2.1. Le "Kpeema" (le défunt) et le monde des "Kpeemba".
Le "Kpeema" signifie le mort, le défunt, mais le défunt "vivant" spiritualisé.
C'est l'esprit du mort. Ce mot "Kpeema" qui désigne la totalité de l'être humain en
tant qu'ayant subi la transformation par la mort, est plus souvent utilisé que Lili'igo,
mais dans un sens plus spécifique: Il désigne plus spécialement l'esprit du défunt
vivant
à
la
maison,
intégré
à
la
communauté
des
Ancêtres
bienheureux,
par
opposition à "Fagnida", esprit du défunt vivant hors de la maison. dans les champs,
coupé de la communauté bienheureuse des Ancêtres, et condamné à errer sans
demeure fixe (à l'instar du nomade), ou à fixer sa demeure à l'ombre d'un arbre
champêtre.
Donc le Lili'igo, en tant que totalité de l'être humain transformé par la mort
en membre bienheureux de la communauté ancestrale. est appelé "Kpeema". Les
Lilïite des défunts bienheureux forment la communa uté des "Kpeemba".
3.4.2.2. Liliïgo et "Fagnida".
Le
Liliïgo est
appelé
"Fagnida"
quand
il
est
coupé
du
cercle
ancestral
bienheureux et a rejoint les esprits errants ("Fagnida"), dans les champs.
3.4.2.3. Lili'igo et violence à l'Ego.
L'être humain est donc articulé au monde spirituel
intermédiaire (Kpeemba,
génies, esprits errants) par son mode d'exister Liliïgo. Cette articulation soude Ego
naturellement et par phylogénèse au rameau
ancestral
par
la
médiation
de
son
intégration
à
la
communauté
bienheureuse
des
Kpeemba.
Cette
intégration
est
symbolisée par le séjour de son Nanega, noyau vital de Lili'igo, dans le toit
du
séjour des morts.
Par Lilïigo l'homme est aussi articulé. mais de façon conflictuelle avec le
monde des esprits errants damnées et envieux de l'homme.
Cette double articulation entraîne la possibilité pour Ego d'être influncé à
travers son pôle spirituel (Lili'igo).
La maison (Kpeemba (ancêtres) et Génies) constitue une protection pour lui.
renforçant le Kawatia. Un Kpeema ou un Génie peut l'agresser par avertissement.
ou par punition. le rendant malade. provoquant un trouble de santé.
Un Kpeema peut même l'enlever. le ravir prématurément en le transformant
en Kpeema comme lui. soit par punition. soit par vengeance. soit par amour: une
mère. un père. un défunt. donc Kpeema. peut enlever son enfant pour satisfaire son
besoin
d'affection
ou
le
transformer
en
Kpeema
(heureux)
pour
abréger
ses
souffrances.
Un Fagnida peut désarticuler un Ego de ses attaches (racines) ancestrales
-
141 -

par méchanceté, pour le faire souffir, ou par amour, (par exemple: voler un enfant
pour chérir, ou un jeune pour en faire un conjoint, une conjointe). Dans ce cas la
méthode souvent utilisée est la tentation alimentaire. Le Fagnida peut aussi séduire
par des mirages de bonheur. '"
Nous y reviendrons
plus loin. Rappelons que du
vivant de l'Ego quand ces inflences ont lieu, on n'utilise pratiquement pas le terme
de Lili'igo, mais on parle de l'Ego en tant que totalité; on dira par exemple: sa mère
l'a enlevé, "A Gna log 'ra we", son père l'a tué, "A sa Kroawe "- "Fagnideda log'ra
we". les esprits errants l'ont enlevé; "a Kula Fagnida men", il est emménagé, il est
parti chez les esprits errants.
3.5. CONCLUSION.
Toutes ses articulations font de l'Ego une structure élargie où la structure
onto-génétique constitue un élément en interaction dynamique avec toutes les autres
dimensions: phylogénétique (où il s'articule avec Lili'igo). biolignager (où il s'articule
avec le Nanega), le pôle socio-physique (où il s'aricule avec le Gbanu, le Nanega,
directement avec le Kawatia).
L'Ego ne se réduit donc pas à son individualité onto-génétique existencielle.
C'est une structure complexe dont l'individu forme le noyau, le centre nucléaire.
De plus on aura noté qu'il n'existe pas de conflit intra-individuel. Toutes les
forces
intra- individuelles
sont
au
contraire
soudées
en
une
unité
monadique,
indivisible, en perpétuelle interaction avec les éléments extérieurs. Donc les conflits
se situent en de hors et non à l'intérieur de la monade; les forces l'agressent de
l'extérieur. Toutes les attaques lui sont extérieures.
-
142 -

CHAPITRE 4 :
LE CYCLE BIOLOGIQUE.
L'énergie, force vitale, dont nous avons parlé dans le chapitre 2 fera l'objet
du
présent
chapitre.
Nous
allons
en
analyser
le
mouvement
cyclique
qui
la
caractérise essentiellement et que nous avons appelé cycle biologique. Cette analyse
va concerner surtout la vie humaine. Pour ce, nous allons partir des données du
terrain et nous allons circonsc rire la notion de vie et la distribution de celle-ci dans
le cosmos; cela nous permettra de situer l'énergie vitale humaine et de suivre son
cycle.
1. !Jo. VIE.
1.1. MANIFESTATIONS DE LA VIE. DONNEES DU TERRAIN.
1.1.1. Les indices.
1.1.1.1. Souffle, respiration.
"Ka Gnida, la dom bo'aa, Baka mina a neran ", si
l'homme ou
un
animal
respire, on sait qu'il vit. "Bo'emenee nerem", le souffle, la respiration c'est la vie.
"Ka be'etia bo'aa, le Ka be na agni neran", si un malade respire c'est qu'il est
encore en vie. "Ba ka Kuraa gnide agni bo'aa; a neran", on n'enterre pas un
homme quand il respire encore, il est vivant. Quand on veut s'assurer qu'un animal
est encore vivant ou mort, on vérifie sa respiration.
Il en ressort que "un des signes importants de la vie, c'est le souffle. la
respiration <Bo'eml. L'arrêt du souffle chez un animal est signe que la vie a cessé.
C'est la mort.
1.1.1.2. Bourgeonnement.
Une plante dont on a taillé, enlevé les branches. donne signe de vie quand
elle pousse des bourgeons.
Un plant repiqué en terre perd ses feuilles, donc la vie, <Be fa bate Kpiran,
ses feuilles sont mortes: "Be fabate Gbélowen", ses feuilles sont fanées. Quand de
nouvelles feuilles commencent à bourgeonner, on dit qu'il se réveille, qu'il reprend
vie: "Be Himdegen".
Quand une plaie est en voie de guérison, on y voit la chair bourgeonner:
"Nemte tewa nodego gni", la chair pousse dans la plaie.
-
143 -

1.1.1.3. Motricité. déplacement.
"Ka dom nere meka dama kakede,
etc".
Quand
un
animal
est
vivant,
il
bouge. il marche, il se déplace.
Le fait de bouger. de se déplacer, de se mouvoir est plus spectaculaire que
le souffle. La motricité est le premier signe perceptible, observable de la vie. Mais
l'animal peut ne pas bouger et vivre. C'est à ce moment que la respiration devient
importante. Moins perceptible. elle semble la dernière à disparaître, à cesser.
Quand l'animal ne bouge plus, il y a beaucoup de chances qu'il ne vit plus.
1.1.2. Critères de la vie.
Tout être qui bourgeonne, et/ou
respire
et
bouge,
se
transforme
et
se
reproduit.
1.1.2.1. Transformation autogène.
Le
mouvement
est
une
caractéristique
essentielle
de
la
vie.
"
s'agit
de
mouvement en tant que transformation. métamorphose que l'être vivant subit
au
cours de son existence. tout en restant identique à lui-même. L'enfant humain naît
tout
petit
et
blanc,
il
ne
marche
pas.
ne
parle
pas,
n'a
pas
de
dents.
Progressivement,
il
devient
grand,
fort
et
noir,
pousse
des
dents,
acquiert
la
marche. parle et raisonne (âge mur. adulte); puis il devient fatigué. courbé. s'appuie
sur un bâton (la canne) pour marcher. sa peau devient comme des fils (rides), il
vieillit. et, enfin. meurt.
En un mot. l'être humain naît petit, grandit, vieillit.et meurt. Ce mouvement.
qui s'observe chez tous les êtres vivants, n'est pas provoqué de l'extérieur, il est
autogène.
1.1.2.2. La reproduction (multiplication).
L'être vivant produit d'autres êtres vivants. semblables à lui, et qui donnent
naissance à leur tour à d'autres vivants. "Fe'e meda feebïi, ee breng'n mede feebi
baie ... tibe ronna bia; ka ba bode bire, dee reede tibe ... ". Les moutons donnent
naissance à des petits moutons qui grandissent et donnent naissance à d'autres
petits moutons ... L'arbre produit des fruits. si un fruit est mis en terre. il donne
un arbre.
L'être vivant meurt. mais son nom ne meurt pas parce que sa descendance
continue
la
vie;
son
enfant,
c'est
son
nom.
Ainsi
donc
les
êtres
vivants
se
mulitiplient se reproduisent. ils donnent la vie à d'autres êtres. Les êtres meurent.
la vie continue.
-
144 -

1.1.3. Différence entre vivant et non vivant.
Les deux critères décrits s'observent-ils seulement chez les êtres vivants?
1.1.3.1. Transformation autogène.
Les grains de latérite (Jigel, se mettent ensemble, se collent les uns
aux
autres, se soudent pour former un caillou, une pierre, une dalle (Koug'rel. Et puis
un caillou peut se dégrader, s'effriter, s'user, on peut aussi l'écraser pour obtenir
une poudre (tanjoml. C'est une transformation, mais ce n'est pas la même chose
que le changement qui intervient chez un arbre, chez un animal. Le corps du petit
arbre augmente, s'allonge. Le grain de latérite n'augmente pas
de volume. Quand
plusieurs grains se soudent, l'ensemble devient grand. Le grain de latérite reste
petit et ne grandit pas. L'arbre ou l'animal grandit seul, vieillit et meurt. Le grain de
latérite ne meurt pas, ne pourrit pas. Et puis la transformation des êtres
non
vivants n'est pas autogène.
1.1.3.2. Reproduction.
Le non vivant ne donnera pas naissance à un autre.
Une
pierrre
cassée
donne
naissance
à
plusieurs
cailloux
(petites
pierresl.
Mais
ce
n'est
pas
une
naissance, ce n'est pas la
même
chose
que
chez
un
mouton,
une
plante.
Les
cailloux, ou petites pierres, ne sont pas des enfants de la pierre cassée. Ce sont
des morceaux de pierre (Tansatel et la pierre mère n'existe plus comme telle. La
pierre n'enfante pas. Si on la met en terre, elle restera telle. Un homme simple
d'esprit avait semé un grain de sel et l'avait arrosé abondamment d'eau pendant des
semaines, il n'a jamais poussé. Tout le village se moquait de lui car on sait que le
grain de sel ne vit pas. L'être vivant donne la vie. Si on le recoupe en morceaux
comme on casse une pierre en morceaux, ces morceaux ne sont pas des enfants.
Mais
les
morceaux
de
certains
êtres
vivants
peuvent
redonner
d'autres
êtres
vivants: c'est le cas des plantes, un bout de plante mis en terre donne une autre
plante.
1.1.3.3. Bourgeonnement.
L'être non vivant ne bourgeonne pas. Si on casse une pierre, il n'y aura pas
de pousse à la place de la cassure. Si par contre on blesse un homme, la chair
repousse {Nemte te tewo l. Si on émonde un arbre, les branches repoussent.
1.2. NOTION ET DEFINITION DE LA VIE.
1.2.1. Notion.
1.2.1.1. Résumé.
Les
êtres
vivants
respirent,
bourgeonnent,
sont
soumis
à
un
cycle
de
-
145 -

transformation autogène où ils changent tout en restant identiques à eux- mêmes:
ils naissent, croissent, vieillissent et meurent.
Ils
se
reproduisent
identiques
à eux-mêmes,
et
par

perpétuent
leurs
espèces respectives.
1.2.1.2. Conclusion.
Tous les éléments qui caractérisent la vie expriment l'idée du changement. de
la transformation autogène. Nous pouvons
en déduire que la vie est mouvement,
"auto-mobile". expansion. Elle n'est pas statique.
1.2.2. Définition de la vie.
De cette notion, il ressort que la vie est une poussée, une force qui s'épand.
qui se transforme, suivant deux formes de cycle, l'une impliquant l'autre.
1.2.2.1. Cycle biologique.
Cette
poussée.
cette
force
qui
caractérise
l'ensemble
de
la
vie.
qui
est
connue sous la formule, l'expression, devenue désormais class ique. de "force" vitale.
naît, augmente. diminue, puis se transforme, se métamorphose par la mort. Un tel
mouvement cyclique est le cycle biologique.
1.2.2.2. Cycle de reproduction.
C'est la deuxième forme du cycle de la vie. Celle-ci se reproduit. i.e. que la
vie produit la vie qui à son tour produit la vie. Ce qui fait un cercle parfaitement
fermé.
Le
cycle
de
reproduction
assure
ainsi
l'autoconservation
de
la
vie,
sa
perpétuation à travers les espèces. Elle ne s'arrête pas, ne finit pas avec la mort
des
individus.
elle
cesse
pour
continuer
dans
la
descendance:
elle
cesse
apparamment car nous allons voir qu'elle continue sous forme spirituelle après la
mort.
1.2.2.3. La vie spirituelle.
La vie ne se limite pas aux individus que nous observons dans le monde de
surface (FagaL Celle-ci n'est que l'ombre. les apparences de la vraie vie. celle du
monde d'en bas. La mort n'est donc pas la fin de la vie, c'est une étape dans le
processus de transformation de celle-ci. Elle continue son cours au delà de la mort
qui signe sa disparition matérielle du champ perceptif.
-
146 -

1.3. DIFFERENTES CATEGORIES D'ETRES VIVANTS.
1.3.1. Les vivants de "Faga" occupent le monde terrestre.
Les
vivants
que
l'on
peut
observer
dans
le
monde
sensible,
celui
de
surface ("Faga") se regroupent en trois catégories.
1.3.1.1. Les êtres humains (GnidebaJ.
Les êtres humains forment la catégorie la plus
impo rtante des
vivants
de
"Faga": les indices de vie analysés plus haut s'observent chez l'homme. L'homme est
animé de souffle vital CBo'eemJ. Le trouble de Bo'eem chez Ego déclenche l'angoisse
de mort chez lui et l'entourage. Un malade dont le souffle, la respirationn, est
entrecoupé de hoquets est considéré comme condamné à mourir à court terme.
L'homme bourgeonne aussi. Une plaie ne peut guérir si la cha.ir ne pousse
pas pour combler le trou. Le bourgeonnement est signe que la partie blessée n'est
pas pourrie, morte. Si la chair pousse, c'est qu'il y a de la vie, la chair vit.
L'homme bouge également. Il est animé de motricité qui lui permet de bouger,
de se mouvoir, de se déplacer d'un endroit à l'autre.
L'homme se nourrit, s'alimente. C'est nécessaire pour entretenir, augmenter
la vie, la force vitale.
L'homme
est
source
d'activité
intellectuelle
qui
lui
permet
de
se
guider.
L'intelligence se développe au contact, avec l'expérience de la vie et constitue la
sagesse (Réérem) qui évolue vers la sacralité.
L'homme
se
reproduit:
les
hommes
procèdent
ou
naissent
des
autres
hommes. Ils naissent petits, grandissent, vieillissent et meurent et se transforment
en esprits.
1.3.1.2. Les animaux (Dom).
Toutes
les
caractéristiques
vitales
observées
chez
l'homme
se
retrouvent
chez
l'animal.
Les
animaux
respirent,
bourgeonnent,
bougent,
se
nourrissent,
se
métamorphosent.
Mais l'animal n'a pas de sagesse, même si certains d'entre eux tels que les
singes et les chiens ont des comportements intelligents, ils n'ont pas la sagesse
humaine (Réérem). "Dom ka mi reerem". C'est une grave injure que de comparer
un homme à un animal.
Quand l'animal meurt, il se transforme en esprit.
1.3.1.3. Les plantes (Tine).
Les plantes bourgeonnent, se reproduisent et se métamorphosent. La plante
coupée repousse. Elle donne des petites plantes qui grandissent, donnent d'autres
plantes puis vieillissent et meurent.
Les plantes se nourrissent de l'humus, d'engrais. (tante ja'ego, tanja'ete).
Mais la plante n'a pas de souffle, elle ne respire pas comme l'homme et
- 147 -

l'animal. Puis elle ne bouge pas, elle n'a pas de motricité et ne peut se déplacer
d'un endroit à l'autre. Elle reste fixée là où on l'a plantée.
Quand elle meurt, elle ne se transforme pas en esprit. Mais dans le monde
d'en bas poussent des plantes.
1.3.2. Les vivants de "Tinga".
1.3.2.1. Les "Kpeemba".
Les "Kpeemba" sont des hommes transformés en esprits après la mort (ou
par la mort) et habitant la maison. C'est la dernière phase du cycle biologique.
C'est une forme de la vie humaine. "Kpeemba" signfie mort, mais mort-vivant.
Les "Kpeemba" comprennent les Yandaba (les ancêtres) et tous ceux morts
adultes-jeunes et jeunes. Ils continuent une vie semblable à celle terrestre. Mais ils
ne construisent pas de maison car ils ont la maison ancestrale où ils vivent; ils ne
cultivent pas de champs, ils se nourrissent des fruits des cultes sacrificiels.
Les Kpeemba ne sont plus soumis aux transformations cycliques (reproduction
et cycle biologique) qui caractérisent la vie de "Faga". Cependant le Kpeemba est
co-créateur.
1.3.2.2. Les "Fagnideba" ou "Kpamtiba" (ceux des champs).
Les "Fagnideba" forment la deuxième catégorie d'êtres vivants du monde d'en
bas. Ce sont des esprtis divisés en deux sous -groupes (classes):
• Le premier sous-groupe comprend certains hommes transformés en esprits
par la mort, mais n'habitant pas la maison. Désarticulés d'avec l'arbre ancestral, ils
deviennent des esprits errants, des esprits des champs.

Le deuxième groupe est formé d'esprits qui n'ont jamais fait partie du
monde de surface (Faga). Ils ont toujours existé dans le monde d'en bas, le monde
invisible, non sensible.
Les esprits errants mènent aussi une vie semblable à celle terrestre. Plus
que les Kpeemba, les "Fagnideba" forment une véritable réplique des êtres humains
vivants: ils déploient les mêmes activités socio-économiques quotidiennes: ils cultivent
des champs, ils construisent des maisons, ils se nourrissent Ols font la cuisine aux
mêmes heures que les hommes); ils se marient et se reproduisent, les enfants
grandissent, vieillissent. Mais leur mort n'est pas certaine. Ils élèvent des animaux
dont les chiens, les serpents et la volaille.
1.3.2.3. Les génies (Tite. Tine).
Les
génies
sont
des
esprits
souvent
représentés
par
des
symboles
qui
servent d'objet de culte (improprement appelés fétiches par les ethnologues). Ces
objets sont des pierres plantées (Tana, Tansole), des huttes (su ka), des arbres
(Tine), des pots en argile (Oomgo), des fers forgés (8anega=lance), etc ...
Les génies sont soit de purs esprits qui n'ont jamais fait partie du
monde de
-
148 -

surface, soit des esprits de certains animaux tués .. , On peut assimiler aux génies
certains "Fagnideba" qui se sont liés aux hommes.
Les génies sont des esprits généralement bons pour l'homme, contrairement
aux Fagnideba qui sont par principe en conflit avec l'homme et la société humaine à
qui ils tendent toutes sortes de pièges.
Les Tite (génies) ne sont pas anthropomorphes sauf les Fagnideba qui leur
sont assimilés. Ils n'ont pas de forme précise. C'est une catégorie d'esprit où on
classe tout ce qui n'est ni Kpeemba, ni Fagnideba. On ne leur reconnaît pas des
activités semblables à celles des hommes. Puis ils ne se reproduisent pas, ils ne
sont pas soumis au processus du cycle biologique. Mais ils se nourrissent des fruits
des cultes sacrificiels.
1.3.2.4. Caractéristiques de la vie du monde d'en bas (TingaL
La
première
caractéristique
de
la
vie
des
êtres
de
Tinga.
c'est
d'être
invisibles. Ils échappent à la perception sensible.
Mais ils sont perceptibles par la voyance. Les voyants communiquent avec
eux.
/ls peuvent prendre des apparences sensibles et se montrer dans le monde
de Faga.
Ils
se
nourrissent
comme
les
hommes
et
des
mêmes
denrées
que
les
hommes.
/ls utilisent des signes insolites, inhabituels pour communiquer avec le monde
de surface.
1.3.3. Les vivants du monde céleste (SangbandeL
1.3.3.1. Sangbande.
Le couple d'Ancêtres-Fondateurs est descendu de Sangbande.
Les vivants et les non vivants émanent de Sangbande. 1/ est donc considéré
comme source première de l'univers et de la vie.
/1
est
vécu
et
décrit
comme
un
être
vivant.
Mais
les
caractéristiques
observées
chez
les
vivants
de
Faga
et
de
Tinga
ne
sont
pas
appliquées
à
Sangbande. sauf qu'il est invisible comme les esprits de Tinga; mais contrairement à
eux, il n'est même pas perceptible par les voyants qui ne communiquent d'aucune
manière avec lui.
Il n'apparaît jamais dans le monde de Faga. Mais son existence ne fait pas
de doute. 1/ est unique dans son genre. Son nom n'est jamais employé au pluriel.
mais toujours au singulier. 1/ est personnifié. mais ne se mêle pas beaucoup à la vie
courante des hommes.
1.3.3.2. "Wende" et "Kidega". Soleil et lune.
Le soleil et la lune se déplacent dans le ciel. I/s décrivent un demi-cercle
-
149 -

sur la voûte céleste.
Le soleil plus rapide dans sa course, sort (wende rodem) chaque matin de
l'est (Safaan, dessous des pluies) en apportant le jour et plonge (wende loa) tous
les soirs à l'ouest (N'faga, en haut), comme dans un trou profond.
La lune, plus lente, se projette (kidega fewaa) périodiquement de l'ouest et
meurt (kidega kpun) au bout de plusieurs jours à l'est.
Le soleil et la lune forment même un couple. Le soleil est le mari et la lune
l'épouse. Il leur arrive de temps en temps de se livrer à des scènes de ménage
sanglantes
qui
impressionnent
les
hommes.
L'éclipse
de
lune
est
en
effet
une
bagarre entre le mari soleil et sa femme lune, comme nous l'avons souligné dans le
chapitre premier.
La lune a un chien, c'est une étoile qui la suit dans sa course, comme le
chien suit son maître dans sa promenade.
Autant d'éléments qui font de la lune et du soleil des êtres vivants menant
une vie semblable à celle de "homme.
Cependant, tout cet anthropomorphisme n'est que métaphorique. La lune et le
soleil ne sont pas à proprement parler des êtres vivants.
Leur déplacement n'est pas le mouvement, l'acte moteur de certains êtres
vivants qui se transportent à volonté d'un endroit quelconque à un autre. C'est un
mouvement qui suit la même trajectoire. Le caractère périodique de ce mouvement·
pourrait plutôt faire pe-nser au cycle biologique; d'où le terme mourir qui désigne
l'étape
finale
de
la
révolution
lunaire.
Mais
ce
déplacement
n'a
rien
du
cycle
biologique. La lune et le soleil
parcourent la voûte
céleste:
ils
ne
naissent
pas
petits, ne grandissent pas, ne vieillissent pas, ne meurent pas. Le Nawda sait que
la mort de la lune n'est pas une mort mais une analogie. C'est un déplacement et
non une transformation. L'union matrimoniale entre lune et soleil est un symbole de
la fécondité (cf. le rythme saisonnier et soleil et lune). Il est vrai que l'éclipse de
lune paraît un évènement bizarre, insolite et le mythe explicatif laisse à penser à
un véritable couple humain.
Mais aucun des indices biologiques ne s'observent chez eux.
Il
font
partie
du
monde
sensible
(Faga),
puisqu'on
les
voit.
Mais
ils
ne
bourgeonnent pas, ne respirent pas, ne s'alimentent pas, et nous venons de voir
qu'ils sont dépourvus de motricité. Ils ne se reproduisent pas même s'ils forment un
couple: sinon il y aurait plusieurs soleils et lunes. Ils ne subissent aucun processus
de transformation biologique. Donc ils ne sont pas à classer dans les vivants de
Faga, bien qu'étant des éléments de Faga.
Ensuite, ils n'ont aucune des caractéristiques vitales des vivants du monde
d'en bas. Ils sont visibles, sensibles et cela en permanence. Ce ne sont donc pas
des esprits, et ils ne font l'objet d'aucun culte religieux.
Enfin, ils n'ont aucun des attributs de Sang bande, même s'ils font partie du
monde céleste. Donc, ils ne sont classés dans aucune catégorie des êtres vivants.
N'ayant aucun des critères de la vie, on ne peut les classer comme une
catégorie d'êtres vivants.
-
150 -

2. LA VIE HUMAINE ET SA GENESE.
2.1. CARACTERISTIQUES DE LA VIE HUMAINE.
La vie humaine se déroule à la fois dans le monde sensible (Faga) et dans le
monde
d'en-bas
(Tingal.
Cela
vaut
en
partie
(dans
une
certaine
mesure)
pour
l'animal, mais pas pour la plante.
2.1.1. Vie de Faga (Faga Nééreml.
2.1.1,1. Caractéristiques communes aux trois catégories de vivants de Faga.
Nous
avons
énuméré
plus
haut
un
certain
nombre
d'indices
(d'éléments)
caractérisant tous les vivants de Faga; ce sont: le bourgeonnement. la reproduction,
la métamorphose, la nutrition. L'ensemble de ces éléments constitue le critère de
l'existence de la vie.
2.1.1.2. Caractères vitaux communs à l'homme et à l'animal.
En plus des éléments décrits plus haut, nous avons
vu
que
l'homme est
animé de souffle vital qui lui permet de respirer: puis il peut se transporter. se
déplacer d'un endroit quelconque à un autre.
Nous avons retrouvé ces mêmes éléments chez l'animal.
2.1.1.3. Spécificité de la vie humaine: le "Réérem".
Nous avons vu que le cœur de l'homme (Tumbire = le noyau du centre, ou
Réérem Fawre= le "Fawre" de sagesse) et le cerveau (Jufoote) sont le siège, la
source de certaines fonctions spécifiques à l'homme, fonctions qu'on ne retrouve
dans aucune autre catégorie du règne vital.
Ces
fonctions
sont
groupées
sous
le
concept
de
"Réérem"
que
nous
traduisons imparfaitement par Sagesse. Le Réérem n'est pas la connaissance du
papier. Il y a beaucoup de "connaisseurs de papier" qui ont peu ou pas de Réérem
Œaka
mi
Rééreml.
Le
connaisseur
de
papier
(celui
qui
réussit
à
l'école)
est
"wadega
mida",
différent
de
"Réérem
mida".
Le
Réérem
est
essentiellement
le
jugement, le raisonnement, la vertu, le savoir-vivre, le savoir-faire ... qui sont fruits
de
maturité
affective,
morale,
intellectuelle,
sociale,
etc...
maturité
en
principe
directement
proportionnelle
à
la
ma turité
physique
et
doit
atteindre
son
plein
épanouissement avec la phase de la sacralité du vieillissement. Mais, en fait, on
peut trouver des enfants ou des adultes jeunes plus avancés en Réérem que leurs
aînés.
2.1.1.4. La parole.
La
vie
humaine est
une
vie
parlante
et
la
parole. est
une
force
vitale
opérante. Elle bénit, guérit, prie. Elle maudit (rend malade, tue .. J. L'animal ne parle
- 151 -

pas. La parole est le propre de la force vitale humaine.
2.1.2. Vie de Tinga.
2.1.2.1. "Kpééma" (Ting'ra: l'homme d'en-basl.
La vie humaine continue après la mort, à travers le kpééma qui est, comme
nous
l'avons vu, l'être humain transformé en esprit par la mort.
C'est
donc
la
mutation de la vie de Faga, vie matérielle, en vie spirituelle qui est toute latente en
l'homme de Faga.
Nous avons vu que, dans une certaine mesure, l'animal survit à la mort. Mais
la
forme
de
cette
vie
n'est
pas
précisée;
la
survie
ne
semble
même
pas
généralisable à tous les animaux.
En tout cas, sauf les esprits animaux devenus génies et vivant dans des
sanctuaires
édifiés
à
leur
intention
et
se
nourrissant
des
fruits
des
cultes
sacrificiels, il est difficile de savoir où vivent les esprits des animaux défunts, ni
comment ils se nourrissent.
2.1.2.2. Kpééma, transmetteur de vie.
Le Kpééma ne se reproduit pas en se mariant et donnant naissance à des
petits (Kpéé'mbal. Il n'est pas soumis à un autre cycle biologique: il est la dernière
phase du seul cycle biologique.
Cependant, il transmet la vie comme cocréateur. Comme "Rata" (cf plus loin)
il participe à la formation, à la construction du bébé dans le ventre de la mère. Il
marque
aussi
le
bébé,
qu'il
"construit",
de
son
empreinte
(biologique);
le
bébé
reproduira certaines conformations du Kpééma qui l'a bâti. Ces conformations vont
devenir plus
nettes au fur et à mesure que le
bébé
va
évoluer
dans
le
cycle
biologique.
Le "Kpééma-Rata"
se présente ainsi comme
un
moule par
lequel
le
bébé
informe passe et acquiert une forme individuelle.
Cette caractéristique de la vie spirituelle ne se rencontre que chez l'homme,
sauf les animaux-génies en tant qu'esprits, ou totem.
2.2. GENESE DE LA VIE HUMAINE.
Nous ~vons vu que les deux critères (caractéristiques) essentiels de la vie
sont la métamorphose et la reproduction. L'être vivant naît, croît, donne naissance
à d'autres êtres vivants, vieillit et meurt. L'être humain survit au-delà de la mort
qui paraît comme un passage, un tournant, une mutation de la vie.
Ici nous allons étudier ces deux caractéristiques chez l'homme: reproduction
et métamorphose.
-
152 -

2.2.1. Reproduction et commencement de la vie.
2.2.1.1. Chaîne de transmission de vie.
La vie, cette force, cette poussée animée de mouvement autogène, est une
émanation
de
la
source
énergétique
première,
Sangbande,
dont
procèdent
les
Ancêtres Fondateurs. Mais elle n'est pas transmise à chaque
individu directement
par Sangbande (les individus ne descendent pas directement de Sangbande comme
les Ancêtres Fondateurs). Elle lui parvient par une série de médiateurs, de relais,
dont l'Ancêtre, au bout de la chaîne plus près de la source première (Sangbande)
et les couples géniteurs, à l'autre bout, plus près de l'Ego.
La
vie
de
l'Ego
est
ainsi
œuvre,
fruit
d'une
transformation
complexe
impliquant au moins trois (types de) protagonistes: la divinité, l'ancestralité (génie). ..
et l'humanité. Nous allons étudier le rôle de chaque protagoniste de la chaîne. Pour
une meilleure analyse, nous allons scinder le couple géniteur en deux paragraphes
séparés.
2.2.1.2. Rôle fécondateur du Père (Paternité),
La vie reçue de l'Ancêtre contient une force fécondante, transmettrice de vie,
sperme, désigné symboliquement par le terme urine: Hawèm. En effet, le sperme
parcourt la verge comme l'urine. Mais, tandis que l'urine est un déchet qui sort de
la vessie (hawè roga = sac d'urine), le sperme est le produit de la force mâle
(daate) qui comprend les organes sexuels n:asculins: Fumre (verge, pénis) et Rooda
(testicules, gonades).
C'est donc Hawèm, cette force vitale mâle, qui est l'élément fécondant qui
doit être transmis à la femme au cours de contacts sexuels répétés, étalés sur
plusieurs jours.
En effet, un seul jour de pluie ne suffit pas pour que la terre fasse pousser
la graine. Il faut donc une certaine quantité de Hawèm accumulée durant des jours
pour "remplir la jarre". i.e. pour gonfler le ventre de la femme : grossesse. Notons
que le Hawèm contient le sang (1) du père.
2.2.1.3. Conception et rôle de la mère (maternité),
Les organes sexuels féminins constituent donc le réceptacle du Hawèm qui
s'accumule dans le Mate foogo (intestin de maternité, ou matrice) pour former la
grossesse.
Mais le (sperme) Hawèm qui est porteur du sang du père n'agit pas seul. La
mère réceptacle apporte aussi son sang, force vitale féminine, et l'enfant sera le
fruit du mélange des deux ty pes de sang (jim). L'enfant est donc la force vitale
synthèse.
(1), le sang est le symbole, source de vie; la viande crue, saignante est vivante, la
manger signifie manger l'animal vivant.
-
153 -

2.2.1.4. Intervention des forces surnaturelles.
Ce
mélange
n'est
pas
le
fait
du
hasard,
il
est
le
travail
des
forces
surnaturelles.
Le Hawèm est comme l'eau qui ramolit la terre, l'argile.
Un Kpééma (esprit d'un défunt) de la famille et/ou un génie (représentant de
l'Ancêtre) vont pétrir l'argile ainsi ramolie
pour la rendre maléable comme de la
pâte à modeler. C'est avec cette pâte qu'ils vont modeler l'individu un peu à leur
image: ce
"Kpééma"
ou
ce
génie
constructeur
devient
le
"Rata"
de
l'Ego,
i.e .•
mot-à-mot, celui qui sort Ego, celui dont Ego émane.
• Le "Rata" est comme le moule qui donne une forme individuelle à la pâte
informe qu'il a pétrie.
• Le "Grand Rata-Sangbande" est celui qui donne, celui dont émane le cadre
formel
servant de forme humaine générale et individuelle.
C'est
selon
ce
cadre
formel que le Rata ancestral va modeler la matière.
2.2.1.5. Paternité et maternité de l'Ego.
Il ressort de cette analyse que le rôle du couple géniteur est secondaire:

La force
vitale
que
le
père
et
la
mère
de
"Ego
fournissent
pour
sa
constitution
leur
vient
de
la
source
énergétique
Première
(Sangbande)
par
la
médiation de l'Ancêtre-Fondateur.
• Et puis. le "jim" (sàng) des parents ne constitue que la matière première.
Tout
le
travail
de
transformation
de
cette
matière
en
être
humain,
depuis
le
pétrissage jusqu'au modelage. se fait sans eux.

Il
en
découle
que
l'objet
identificatoire
de
l'Ego
est
l'Ancêtre
qui
l'a
construit et modelé à sa propre image.
Nous pouvons dire que dans la chaîne de transmission de la vie. le couple
géniteur joue le rôle de parenté vicariante (parenté par procuration).
2.2.1.6. Mélange de sperme et problème de la vraie paternité.
Quand la mère
a eu
des
rencontres
(rapports)
sexuelles
avec
plus
d'un
homme avant de tomber enceinte, il y a mélange de sperme, puisque chacun de ses
partenaires en a apporté une certaine quantité pour le remplissage de la jarre, ou
le ramolissement de l'argile.
L'enfant à naître sera le fruit de ce mélange. La vraie paternité sera alors
un problème difficile à trancher.
• Si la mère est une femme mariée. elle sera soumise à un rituel dont les
gestes essentiels consistent à lui faire abso rber per os un produit. et à lui souffler
sur le corps. Ce rite confère la vraie paternité au mari de la mère de l'Ego.
• Si elle n'est pas mariée (cas de fille-mère). c'est la mère qui désigne le
père (attribue la paternité à l'un des prétendants, la plupart du temps celui qu'elle
préfère).
-
154 -

2.2.1.7. la grossesse (Fooga) et Formation de l'être humain.
La construction de l'enfant par le "Rata" se fait durant toute la période de
gestation. Au fur et à mesure que l'œuvre de construction prend forme et grandit,
le ventre de la mère augmente de volume et la grossesse évolue (s'achemine) vers
sa pleine maturité. qu'elle atteindra quand la construction de l'enfant sera achevée.
Ce sera. alors. la grossesse mûre (Fo bééléga). à terme. et la phase suivante c'est
l'accouchement (Maadebe. Méédebe).
2.2.1.8. Rites de la grossesse (1).
La
grossesse
ne
fait
pas
l'objet
de
rite
spécial.
C'est
seulement
à
la
première grossesse- et dès l'apparition de celle-ci (volume du ventre)- qui marque
la fin d'une phase du cycle biologique chez la femme. qu'un rite de passage a lieu.
qui fait sortir officiellement l'Ego de son état de jeune fille
(Béra ou Biriga) et
l'intègre dans la catégorie des femmes.
Des scarifications sur le ventre. sur
les
flancs
(et
sur
les
fesses
dans
certains
villages)
la
marquent
comme
femme.
i.e.
qui
donne
la
vie.
qui
est
pourvoyeuse de vie. Le sang qui coule est symbole de vie qui naîtra d'elle. Notons
que la femme stérile. qui n'a jamais porté de grossesses n'est pas soumise à ce
rite: elle est assimilée à un garçon (nous y reviendrons).
A ce rite s'aj()ute un autre. sacrificiel. s'il y a eu des jume.aux dans l'un
et/ou l'autre des deux familles alliées (celles de la femme et de son mari).
Deux poulets blancs et un pot de Tchoukoudou (boisson préparée à base de
mil qui intervient souvent dans les cultes sacrificiels) sont offerts en sacrifice à
l'intention des jumeaux (2)
pour que ceux-ci n'entravent pas l'évolution de cette
première grossesse, qu'ils facilitent l'accouchement et ouvrent la voie pour la future
mère à une maternité abondante.
2.2.2. Etapes du développement humain (3) (phases du cycle biologique humain).
2.2.2.1. Accouchement et naissance.
A la
fin
de
la
construction
de
l'enfant
dans
le
sein
(ventre)
maternel.
l'accouchement a lieu. qui permet à l'Ego de venir au monde. de naître.
Cet évènement important de la vie de l'Ego (cette étape importante) a lieu à
l'intérieur de la concession. dans l'un des "Gnafurï' (4),
Là. la parturiente
s'asseoit
(par
terre)
à
même
le
sol,
les jambes
très
(1). cf. Wasungu.
Arfa. Organisation sociale et politique des Nawdeba. Thèse de
doctorat en sociologie. Paris. 1976.
(2). cf. Wasungu. Arfa. Op. ciL
(3). cf. Wasungu. Arfa. Op. cit.
(4). éthJmol. "Gnam". grande quantité d'eau
(Gnalem) ou bouillie. pus; "furu" de
"Fudebe : action
de verser
de
manière
répétée
= là où on déverse les eaux;
Gnafuru (singJ est la rigole d'évacuation des eaux usées de ménage et de pluie qui
traverse la base d'une des cloisons reliant les cases entre elles et délimitant ainsi
la case intérieure de la concession.
- 155 -

écartées, et s'adosse à une ou deux personnes
(femmes de préférence)
qui
la
soutiennent accroupies, les genoux enfoncés sous ses aisselles, et sur lesquels elle
prendra appui pour pousser. Une autre personne (accoucheuse) attend devant, prête
à accueillir le nouveau-né. Toute l'assistance invite, avec insistance. la parturiente à
pousser (Nura, nura ... lui dit-onl. Le sang de l'accouchement sera recueilli dans un
petit trou. préalablement creusé. pour la circonstance, au bout de la rigole derrière
la cloison (Iodega) et y sera enterré. Cette rigole devient le "Jim gnafuru", la rigole
du sang de l'Ego naissant, et symbolise le lieu de naissance, le village
(la terre)
natal.
2.2.2.2. Accouchement difficile.
Si la délivrance se fait attendre, l'assistance se met à frapper sur des objets
sonores (lames de houes, morceaux de tôles ou de bois .. J, à une cadence rythmée
en poussant des cris. pour faire fuir les esprits malins éventuels qui bloqueraient la
route à l'être attendu. Généralement ce rite exorciste provoque la délivrance.
Mais il arrive qu'il soit sans effet. Les raisons doivent être alors d'un autre
ordre et il faut de toute urgence les chercher. Ce peut être un conflit familial, un
retrait
de
soutien
de
Ting'reba
(ceux
d'en-bas),
une
agression
extérieure
aux
cercles
Iignagers,
etc...
Mais
la
raison
la
plus
fréquente
des
complications
d'accouchement est l'infidélité conjugale de la parturiente. C'est la deuxième retenue
après le rejet de celle des forces surnaturelles du mal. Alors
la parturiente est
invitée à la confession à laquelle ne doit pas assister son mari. Dans la mesure du
possible,
tout
élément
masculin
en
est
exclu.
Un
cercle
restreint
de
femmes
expérimentées et des proches parentes la soumettent à un interrogatoire serré et
recueillent les aveux. Elle ne doit rien oublier.
• C'est ici que le problème de mélange de spermes se pose souvent si les
infidélités ont eu lieu dans la période précédant la grossesse.
• Si elle avoue toutes ses fautes, elle doit être délivrée.
2.2.2.3. Les rites de naissance.
• A la délivrance, le bébé est accueilli par une manifestation générale de joie.
Une
des
accoucheuses
coupe
le
cordon
ombilical
avec
une
lame
de
rasoir
traditionnel (Foongol. Puis, on procède immédiatement à la toilette du bébé et de la
mère: ils sont lavés proprement à grande eau; le bout du cordon ombilical encore
rattaché à l'ombilic est désinfecté par l'application du beurre de karité chauffé.

Puis,
deux
rites
importants
viennent
clôturer
le
cérémonial
de
l'accouchement: l'inhumation du délivre (bède) et l'imposition du nom au nouveau-né.
2.2.2.4. Rites de l'inhumation du délivre (Bède Kurum).
Le Bède (délivre) doit être inhumé. Dès qu'on coupe le cordon ombilical, on
place le délivre dans un
pot en
terre cuite
tout
neuf.
Le
conseil
des
anciens
(Bér'mba) des deux familles alliées se réunit autour du pot. Un poulet blanc • de
-
156 -

même sexe que le bébé. est apprêté. Deux membres du conseil des anciens. de
préférence les chefs sacrificateurs (de culte religieux). un de la famille de la mère
et un de celle du père du bébé, invoquent tour à tour les noms des Ancêtres de
leurs
familles
respectives.
Les
Ancêtres
invoqués
sont
exclusivement
de
sexe
masculin ou féminin selon que le bébé est garçon ou fille. A chaque nom "ancestral"
prononcé. une touffe de plumes est arrachée au poulet blanc et jetée dans le pot
sur le placenta.
A la fin de la litanie des Ancêtres. le pot est emporté avec son contenu.
pour être enterré dans un bosquet sacré (rabe'éga) ou à la croisée des sentiers,
par deux femmes et un homme si le nouveau-né est un garçon et trois femmes et
un homme s'il est une fille (1).
Le
pot
est
placé,
renversé,
dans
une
petite
fosse
creusée
pour
la
circonstance dans le bosquet ou à la croisée des chemins. Avant de le couvrir de
terre. on le perce, à la base (tournée désormais vers le soleil, le haut> de trois
trous si le bébé est garçon et de quatre (trous) s'il est fille (1). Si les trous ne
sont pas pratiqués, le nouveau-né présentera, dans les jours à venir. des difficultés
respiratoires (dyspnée, apnée) et une sudation anormale.
Ce rite est plein de symbolisme qu'il convient de dégager:

Le
"Bede"
(délivre)
et
accessoires.
désignés
sous
le
nom
de
"Be 'ete"
(choses mauvaises, ordures), symbolisent
le bébé; c'est
son double,
sa mauvaise
image.
• Quant au poulet blanc, la couleur blanche symbolise la beauté trompeuse,
le mirage qui cache la souffrance. le malheur, la laideur. C'est pourquoi le monde
de
"Fagnideba"
(esprits
errants)
est
décrit
comme
blanc
(les
"Fagnideba"
sont
blancs ou de
teint
très
clair),
brillant
comme
de
l'or
(ils
portent
souvent
des
parures dorées), etc., donc un monde de séduction, mais trompeur, sans substance,
sans bonheur réel puisqu'il est en dehors du vrai monde, celui des Ancêtres.

Le
bébé
est
effectivement
appelé
"Fagnidebiga"
(enfant
des
esprits
errants). En effet. la
joie
de
sa
venue
au
monde
peut
être
de
courte
durée,
trompeuse: il peut disparaître, mourir, repartir comme il est venu. Et puis, comme
l'esprit errant, il n'est pas rattaché au tronc ancestral, i.e. à la souche, aux racines
culturelles. Le bébé est donc un "Fagnida".
• Le poulet blanc qui est du même sexe que le bébé symbolise ce dernier.
• Le bosquet sacré et la croisée des chemins sont des "Kalambe'e"
(lieux
saints),
domaine
des
forces
surnaturelles
bonnes
(Génies)
et/ou
mauvaises
("Fagnideba", esprits errants). L'inhumation du délivre se fait
ici dans le domaine
des "Fagnideba".
Tous
ces
éléments
permettent
de
comprendre
le
symbolisme
du
rite:
(1), noter le symbolisme des nombres: 3 personnes pour le garçon et 4
pour une
fille.
(2), symbolisme des nombres.
- 157 -


L'inhumation
a signification
de mort symbolique du bébé son
double
(le
"Bede"). détaché de lui et son statut de "Fagnida" que représente le poulet blanc,
sont
symboliquement
tués:
la
section
du
cordon
ombilical
séparant
le
placenta
("Bede") est un meurtre du bébé (on tue son double assimilé à des pourritures). Le
fait de plumer le poulet est aussi un meurtre du bébé-enfant des esprits errants
-(on
supprime
ses
apparences
trompeuses).
Le
tout
est
mis
dans
un
pot
("Taforgo") qu'on renverse dans la fosse.
Or.
mettre
quelqu'un
sous
un
pot
("Balige
we
taforgo
fan"),
c'est
l'embobiner.
le rouler.
Ainsi
donc,
tout
ce
qui
menace
de
faire
de
la
nouvelle
créature une apparence trompeuse (poulet blanc) en la réduisant à des pourritures
est embobiné. trompé. détourné de son dessein. Par là, l'enfant est débarrassé de
ses apparences séduisantes (poulet blanc) mais qui sont en fait ses saletés, ses
déchets, des pourritures, i.e. état auquel la mort risque de le réduire: on tue et
enterre
tout
cela
pour
que
lui
ne
meurt
pas.
Il
se
trouve
en
même
temps
débarrassé de tout
ce
qui
faisai t
de
lui
un être errant,
en
dehors
de
la
loi
ancestrale qui constitue la culture.
On procède simultanément à son enracinement dans la source culturelle par
la litanie des ancêtres biolignagers (maternels et paternels) auxquels il est demandé
d'admettre dans leur cercle le nouvel être qu'ils ont construit dans le sein maternel,
de le greffer sur l'arbre généalogique familial.
Le bébé, dès sa naissance, est ainsi intégré à la culture. cette loi ancestrale
qui définit son identité: il est rattaché à l'arbre généalogique, et sur la branche
correspondante à son sexe; en effet, les ancêtres
invoqués
sont tous
du
même
sexe que le bébé. L'intégration à l'ancestralité est spécifiquement une intégration
sexuelle qui définit nettement dès le départ sa place. L'Ancêtre-Fo ndateur étant un
couple. Ego doit, dès sa naissance, se définir sexuellement et s'imprégner de toute
la signification culturelle
de
son
sexe.
Dans
sa
lutte
pour
la
vie,
ce
sont
les
Ancêtres de son sexe qui seront "derrière lui", qui renforceront son "Kawatia".
Nous devons. avant de tourner cette page. dire un mot du symbolisme sexuel
des nombres dont nous avons déjà parlé et qui reviendra souvent. Le rite prévoit,
pour l'inhumation du délivre ("Bede") trois personnes (un homme et deux femmes) si
le bébé est un garçon et quatre (un homme et trois femmes) s'il est une fille. Puis
le nombre de trous percés au pot est de trois ou quatre selon le sexe du bébé. Le
nombre trois symbolise le sexe masculin et quatre celui féminin. Nous y reviendrons
par la suite.
2.2.2.5. Imposition du nom (Higre ba'am).
L'imposition du nom fait partie des rites de la naissance. Elle a lieu tout de
suite à la naissance. Quand le bébé est expulsé. son sexe identifié. on peut lui
donner un nom. La personne qui impose le nom est en principe étrangère à la
famille, du moins restreinte; parmi les étrangers assistant à l'accouchement. c'est à
celui qui est accouru le premier pour
secourir" la parturiente. en prêtant main
-
158 -

forte aux parents présents, que revient d'office le droit d'imposer le nom.

Le
nom
(imposé)
donné
au
nouveau-né
est
un
nom
déjà
porté
par
quelqu'un, mort, ou vivant, mais étranger au lignage concerné par la naissance. Celui
qui impose le nom peut donner le sien propre, ou (c'est le cas le plus fréquent) le
nom d'un notable de sa famille à lui, de son lignage.

Celui
qui
impose
le
nom
assume
en
quelque
sorte
le
parrainage
du
nouveau-né. Il va se faire l'obligation d'offrir à son filleul des
cadeaux
consistant
surtout
en
articles
de
toilette,
en
condiments
spécifiques
pour
l'alimentation
diététique
de
la
mère
en
couches;
parmi
ces
condiments.
citons:
le
piment
("se lambi") et le "jôônga" (préparation faisandée, à base des grains de né ré et
très riche en protéines végétales), qui constituent les éléments principaux
de la
diète de l'accouchée. Si bien que le nom attribué à la naissance est ordinairement
appelé "Sélambïi higre", ou "jôônga higre", nom de piment ou de "jôônga".
Quelle est la signification contextuelle de ce rite?
Le nom définit "identité de la personne de
l'Ego en
tant
qu'individu,
son
essence ontologique, c'est-à-dire la place qu'il occupe sur l'arbre généalogique du
lignage. et cette place est unique et ne se partage pas. On ne peut l'occuper à
deux. Dans ce sens, un nom ne peut être porté par deux "Ego" du même lignage. Il
y aurait confusion dans les places occupées. Porter le nom de quelqu'un de son
lignage serait usurper sa place, le supprimer; c'est une provocation qui est d'autant
plus dangereuse qu'il s'agit d'un notable ou encore pire d'un ancêtre. L'Ancêtre est
sacré. et les ascendants dans la hiérarchie tendent vers la sacralité ..
L'Ancêtre comme objet d'identification est un modèle, l'idéal à suivre, mais
inégalable. Il est la Loi qui encadre et montre
le
chemin
et
personne
ne
peut
prétendre être cette loi.
Le nom de famille existe; on dira: chez un tel, une telle. en parlant de la
famille. du lignage. Mais les individus (Ego) ne portent pas ce nom (1). Ego peut le
prononcer dans des situations difficiles comme garant de courage, de force, pour
dire qu'il ne va pas démissionner. En le prononçant, Ego ne dit jamais "moi un te'''.
mais "moi le fils ou fille d'un tel. d'une telle".
Donc l'intégration à l'ancestrabilité ne se fait pas par le nom. Le processus
d'identification à l'Ancêtre ne se fait pas par le port de son nom (ce qui serait une
identité de fait. une identification en acte et non en voie), comme c'est le cas dans
certaines ethnies.
Si un nom ne peut désigner plus d'une personne dans une même famille
(lignage). il peut et doit circuler librement à l'extérieur de celle-ci (celui-cil.
/1
peut
circuler
parce
qu'il
peut
être
attribué
à quelqu'un
d'étranger
au
lignage (famille) sans que soit possible au nouveau porteur de prendre la place de
son homonyme, de le détrôner, puisqu'il n'est pas du même sang, du même lignage.
Et puis, le nom doit circuler, trouver le plus
grand
nombre
de
porteurs
(1), le fait que le nom de famille
devient nom et le nom imposé prénom est une
institution coloniale.
- 159 -

possible
pour
ne
pas
disparaître.
Ainsi
l'Ancêtre
survit
à
travers
ceux
qui
perpétuent son nom.
C'est
pour
ces
raisons
que
le
nom
imposé
à
la
naissance,
qui
définit
l'individu, doit être choisi dans un lignage différent de celui du bébé, par un membre
de ce lignage.
Par l'imposition du nom de naissance
(jôônga higre), le nouveau-né, après
avoir été rituellement
intégré à son
lignage,
s'intègre
parallèlement
à
la
société
élargie. Le nom lui donne un modèle extérieur au
lignage, un objet
identificatoire
social, son homonyme, mort ou vivant, qui devient son parrain, son guide, du moins
jusqu'à la première initiation ou un deuxième nom marque sa nouvelle naissance, i.e.
sa sortie de l'enfance et son intégration dans une classe d'âge.
Le parrain, personnellement ou par personne suppléante, va "gâter" son filleul
(en le comblant de présents) qui est appelé à lui survivre et à perpétuer son nom.
A sa mort, le filleul (ou la filleule) va offrir un coq ou une poule selon qu'il
est homme ou femme.
Notons qu'après le nom de naissance, et avant la première initiation,
les
parents
attribuent souvent des
petits
noms
à
leurs
enfants,
noms
qui
ont
une
connotation affective ou surtout philosophique.
2.2.2.6. Rites spécifiques à la naissance des jumeaux (OumbibaL
• Au rite d'inhumation du placenta, s'ajoutent d'autres rites spécifiques aux
jumeaux (Oumbiba).
Dès qu'on se rend
compte à
l'accouchement
qu'il
s'agit
des
jumeaux,
le
conseil des anciens de la famille
choisit un Tada
(manticien ou devin-thérapeute)
pour remplir la fonction de parrain (Oumbibatia). On le fait alors chercher et c'est
lui qui exécute les rites.

"
commence par
s'enquérir de
l'origine
des
jumeaux,
si
le
conseil
de
famille l'informe qu'il y a déjà eu d'autres jumeaux dans la famille, le Tada conclut
que les nouveaux-venus ont suivi leurs aînés. Si, par contre, ils sont les premiers à
naître dans la famille, il (le Tada) fait venir des jumeaux plus adultes d'une autre
famille, qui doivent dire qui a envoyé les nouveaux-venus. La réponse habituelle est
qu'ils viennent d'eux-mêmes.
• La deuxième phase du rituel est l'interrogation des intéressés eux-mêmes.
Le Tada (Oumbibati a) administre à chacun d'eux, par voie nasale, une préparation
poudreuse qui les fait éternuer en signe d'approbation de ce qui vient d'être dit.

Alors
le
Dumbibatia
impose
un
nom
différent
à
chacun
des
jumeaux.
Notons qu'ici ce n'est plus au premier venu à l'accouchement que revient le droit
d'imposer le nom.
• Dorénavant. le Dumbibatia assistera les jumeaux aux étapes importantes de
leur développement et exécutera les rites
de passage marquant ces
étapes
(du
moins jusqu'au sevrage), Nous verrons ces rites au fur
et à mesure que
nous
aborderons les différentes étapes.
Avant
d'aller
plus
loin,
relatons
le
rite
qu'on
doit
accomp Iir
si
- 160 -

maiheureusement la mort vient frapper les jumeau~<.
En cas de décés de l'un d'eui<, le survivant est mene chez le Oumbibatia où
on lui rase la tête à moitié, lui met aux poignets, aux bras, aux hanches, au cou,
aux chevilles, une parure bigarrée (multicolore) de perles de verre et de cauris (1)
enfilés a une ficelle. Il est rebaptisé sous un autre nom en abandonnant celui reçu
a la naissance. Il lui est remis une statuette de bois sculptée pour la circonstance
et
représentant
(symbolisant>
son
frére
défunt.
Il
doit
toujours
porter
cette
statuette avec
lui
et à
chaque
repas
lui
donner
d'abord
a manger
avant
de
se
servir.
Si les deux venaient à mourir, deux statuettes sont remises à la mère les
symbolisant, qu'elle doit porter aussi avec elle.
Il importe de reprendre tous ces rites décrits en deuxième lecture.
Dans ce sens, disons
tout de suite un mot du rite en cas
de
décès
des
jumeaux .
• La parure du survivant et le changement de nom constituent un véritable
déguisement pour que le frère défunt ne le reconnaisse pas, et ne le prenne pas
avec lui. En effet. ils sont venus ensemble, ils ne font qu'une seule chair, un seul
être, la mort de lun est une véritable séparation (division) de leur unique être en
deux
moitiés, et la
moitié disparue
risque
de
revenir
chercher
son
complément.
C'est donc pour prévenir la mort du survivant ravi par son frère défunt que ce rite
de déguisement
a lieu.
Mais
le
survivant
aussi
est
incomplet
et
ne
supportera
sûrement pas de vivre seul
(la solitude). Alors la statuette réactualisant
le
frère
defunt résout le problème pour les deux. A travers elle, le survivant continue à jouir
de la compagnie de son frère défunt, et celui-ci non plus n'est pas seul, puisque
par la médiation de son symbole il retrouve son complément.

Le rasage de la tête du survivant à moitié a une autre
signification:
le
rasage ae la tête est lun des signes de deuil en cas de décès dun parent. Il est
donc normal que le jumeau se rase la tête à la mort de son frère. Mais comme ils
sont deux moitiés du même être, raser la tête entière signifierait la mort des deux
moitiés. La moitié de la tête rasée représente le frère disparu et l'autre non rasée
représente le survivant. C'est le même être qui porte le deuil de sa moitié.
Revenons maintenant au rite de la naissance.
Si l'on se pose des questions sur "origine des jumeaux, c'est que ceux-ci
sont des êtres exceptionnels. Le fait qu'ils sont deux
à
naître
à la fois
est
un
évènement insolite et, en tant que tel, porteur d'un message de l'au-delà, du monde
d'en-bas, qui est généralement une bénédiction ancestrale; mais ce peut être aussi
un message de mauvais augure; les jumeaux peuvent par exemple être des esprits
errants incarnés ... C'est pourquoi on leur demande, par personne interposée. de dire
celui qui les a envoyés, d'où ils viennent. La personne interposée n'est pas choisie
au
hasard.
Ce
sont
d'autres
jumeaux,
comme
eux,
et
donc
mieux
placés
que
(1), cf. Wasungu, A., Op. cit.
-
161 -

quiconque, pour donner une réponse juste. S'il y a déjà eu des
jumeaux
dans
la
famille. cela constitue une hérédité et donc on s'attend à ce que cela se reproduise.
Dans ce sens. les nouveaux venus ont simplement suivi leurs aînés et on n'a pas
besoin de poser des ques tion s.
Cependant. la réponse donnée par les jumeaux adultes. ou celle supposée sur
la base de l'hérédité. doit être
confirmée
par
les
intéressés.
Ce
sont
eux
qui
devraient. en principe. répondre de vive voix. s'ils pouvaient s'exprimer verbalement.
D'autres ont parlé à leur place. ils doivent le confirmer ou l'infirmer. C'est à cette
fin qu'on leur fait inhaler une poudre qui doit en principe provoquer l'éternuement.
Dans le contexte culturel. "éternuement est un signe d'approbation de ce qui se dit
ou se fait. Quand quelqu'un fait
un
rapport devant
une assemblée, "éternuement
d'un membre de l'assistance constitue la meilleure preuve. le meilleur témoignage de
la véracité du rapport, surtout de la (sa) partie qui a tout juste précédé (provoqué)
l'éternuement. En revenant à nos jumeaux. si l'inhalation du produit ne provoque pas
d'éternuement. c'est que les jumeaux ne confirment (n'approuvent) pas ce qui vient
d'être dit. Dans ce cas. ils sont un mauvais présage et vont. peut-être, repartir
(mourir) dès mission accomplie. Il va alors falloir chercher à déchiffrer le message.
Et puis les jumeaux sont (des êtres) doués d'une force supérieure. Ils sont
d'emblée voyants. et des êtres presque
spirituels. C'est
pourquoi on
leur choisit.
pour
parrain.
un
Tada.
lui-même
voyant
et
médiateur
entre
le
monde
spirituel
(d'en-bas) et les humains de Faga. Il es t bien placé pour élucider le mystère des
jumeaux, les aider à passer les étapes de leur développement. Il
sera leur objet
identificatoire dans
la société élargie.
à l'instar
des
"higentur'mba"
(homonymes)
pour les enfants ordinaires.
2.2.2.7. La retraite.
Après
le
rite
de
la
naissance.
la
mère
dénommée
"Fog'me'ela"
(femme
nouvellement accouchée) se retire dans sa chambre avec son bébé pour une durée
de 3 jours si celui-ci est un garçon et de 4 jours si c'est une fille. Durant cette
retraite, la "Fog'me'ela" et l'enfant ne sortent que pour la toilette quotidienne qui a
lieu tous les matins au lever du soleil: la mère et le bébé sont alors lavés à l'eau
tiède

s'infusent
des
branches
et
racines
de
plantes
médicinales.
Durant
la
toilette on procède au massage systématique de "abdomen' de
la
mère
pour
le
rendre souple et lui faire perdre son volume. Quant au
bébé. sa tête est aussi
délicatement massée pour prévenir l'augmentation anarchique de son volume et lui
donner une bonne forme proportionnée et arrondie (rondel.
Après le bain, le beurre de karité est journellement utilisé pour le soin de la
peau du bébé et de la mère et. en application chaude, pour la désinfection et la
cicatrisation rapide des traumatismes de l'accouchement chez la mère et l'ombilic
chez "enfant..
L'alimentation de la mère est constituée, les premiers jours. par de la bouillie
de mil préparée avec une infusion de plantes médicinales. Dans les jours qui suivent
-
162 -

l'accouchement. elle sera mise à l'alimentation progressivement solide. faite de pâte
de mil (pâte de mil d'abord très molle. puis de plus en plus solide. préparée avec la
même infusion de plantes médicinales) et de sauce de grains de baobab (ka'alem)
pilés et de beaucoup de jôônga, le tout fortement pimenté.
Les plantes
médicinales et les piments
intervenant
dans
"alimentation
ont
pour but d'évacuer tous les résidus (les saletés. "be'été") qui sont restés dans le
ventre
après
l'accouchement.
Quant
au
"jôônga"
et
aux
grains
de
baobab.
ils
remplacent la viande (source de protéines) dont la nouvelle accouchée (Fog'mé'ela) a
grandement besoin.
L'alimentation du bébé est constituée exclusivement de lait maternel (dont il
ne
sera
sevré
qu'après
l'acquisition
de
la
marche)
et,
comme
breuvage,
d'une
infusion de plantes médicinales qu'on laisse macérer dans un petit
vase
d'argile
cuite exclusivement réservé au bébé ("soore"). Jusqu'à la marche à quatre pattes.
l'enfant ne s'abreuvera qu'avec cette infusion qu'on doit toujours tiédir avant chaque
usage.
2.2.2.8. Rite de sortie de l'enfant.
A l'issue de cette retraite de 3-4 jours, le bébé va prendre contact avec le
monde mais par étapes progressives.
La première étape consiste à le sortir de la chambre. de l'obscurité. de
l'ombre vers la lumière' (Féélegaa: là où il fait clair, par opposition à l'obscurité de
la chambre). Cette sortie se limite à la cour intérieure dont on doit se garder de
faire franchir le seuil au bébé. Désormais. la mère et le nouveau-né vont passer la
journée sur la cour intérieure et regagner la chambre seulement pour la nuit. Après
la toilette quotidienne, le bébé. le corps
toujours oint de
beurre
de
karité. est
étendu sur une natte où il prend son bain de soleil (afin de perdre la blancheur de
Fagnideba et prendre la couleur brune de ses Ancêtres).
En cas de jumeaux. un rite dit de séparation
des jumeaux
marque cette
première sortie: on tue une chèvre en présence
du
Dumbibatia
(parrain)
et
on
partage la carcasse en deux parties égales
(séparation des jumeaux)
dont
l'une
reviendra à la famille de la mère et l'autre à celle du père.
La deuxième étape de cette prise de contact avec le monde est la sortie du
bébé sur la cour extérieure ("8iga du un réém") qui intervient 3 et 4 semaines de 6
jours (i.e. 18 et 24 jours) après la naissance selon qu'il s'agit de garçon ou de fille.
A cette occasion. on tue une pintade (pour le bébé ordinaire)
et "on procède à
nouveau au partage des jumeaux. La mère prépare la pintade et la mange toute
seule. en mettant un peu de jus dans la bouche du bébé pour lui faire goûter ("A
délége
we").
A
partir
de
ce
jour,
J'enfant
peut
franchir
le
seuil
de
la
cour
intérieure, mais pas au-delà des limites de la cour extérieure. où commencent les
champs. En effet, la mère qui peut maintenant reprendre ses activités champêtres
ne peut mener le nourrisson aux champs. Surtout, celui-ci ne doit pas franchir les
rivières (qui risquent d'emporter sa substance, l'eau étant une force habitée par les
esprits errants qui peuvent voler le bébé).
La
troisième
et
dernière
étape,
qui
survient
2
lunes
environ
après
la
- 163 -

naissance, permet au bébé de franchir les limites de la concession et de s'engager
dans les champs:
un notable de la famille
(lignage)
prend
un
coquelet
(pour
le
garçon) ou une jeune poule (pour la fille), et, accompagné de la mère portant son
bébé,
se
rend
à
la
lisière
de
la
concession,
à
la
croisée
(au
carrefour)
des
sentiers; là, il passe le poulet 3 fois autour du bébé garçon (et 4 fois pour la fille)
en récitant
des
invocations
aux
ancêtres;
puis
sacrifie
l'animal:
une
partie
des
plumes
est
brûlée
et
la
cendre
recueillie,
l'autre
partie
sert
à
confectionner
(fabriquer) un cordon qui est attaché autour des reins (à la ceinture) de l'enfant.
De retour à la maison, la cendre est mélangée à l'huile de karité ou de palmistes
pour oindre le corps de l'enfant avant de le coucher. La mère prépare le poulet et
le mange toute seule. L'enfant peut désormais se rendre dans les champs.
L'ensemble de ce rituel est un véritable processus
d'intégration
sociale du
bébé.

La retraite de 3-4 jours
dans
l'obscurité
de
la chambre
symbolise
la
grossesse. C'est la gestation sociale. Après avoir été construit pendant plusieurs
lunes dans le ventre de la mère, le bébé va être socialement construit pendant 3 à
4 jours dans le ventre de la case.
Ici
la mère et
le
bébé
forment
un
couple
socialement fusionnel comparable à la "fusion gravidique" où le bébé et la mère ne
font qu'une seule personne physique. Il est en train d'être socialement couvé.
La sortie de la chambre est la véritable naissance sociale mais limitée au
lignage. Après l'accouchement de la mère, c'est le biolignage qui accouche. Le bébé
va réellement devenir membre de la Société familiale, s'intégrer à cette structure
où il va désormais fonctionner, en la forçant à se modifier pour lui faire une place.
En effet (car) désormais, la famille ne sera plus ce qu'elle a été jusqu'ici. Elle
devra tenir compte de lui. Evidemment sa venue au monde avait déjà provoqué une
modification de la famille, mais comparable seulement à ce que l'apparition de la
grossesse apporte comme changement, car il s'est aussitôt retiré de la circulation
(scène de la vie) familiale et a vécu pendant 3-4 jours, en marge, en vase clos
avec la mère.
Le rite de séparation des jumeaux à cette phase est significatif à cet effet:
ils ne vont pas occuper une seule
place
dans
le
cercle
familial.
On
devra
les
considérer comme deux êtres et assigner à chacun la place qui lui revient. Ensuite,
ils appartiennent au bi lignage, l'un du côté maternel et l'autre du côté paternel.
La sortie sur la cour extérieure marque la naissance à la société élargie.
Après l'intégration au bilignage

il
a
construit
ses
liens
sociaux,
le
bébé
va
maintenant s'articuler, se fusionner à la société élargie où les systèmes de relation
sont ambigus. La cour intérieure, c'est l'intimité familiale où l'on peut vivre sans se
mêler à la grande société; la cour extérieure est plutôt la place publique où l'on ne
peut échapper aux regards, où l'on ne peut vivre en marge de la société. Sortir sur
la cour extérieure, c'est se montrer à la population, se faire voir, c'est être en
dehors du cercle familial des "Kpée'mba". C'est s'engager dans des systèmes de
relations ambiguës et plus conflictualisées. La pintade sacrifiée est un produit de
remplacement pour déjouer les dangers de mort qui guettent le nouveau membre
dans ce réseau de conflits où il s'engage. Que l'animal prenne sur lui les attaques
agressives. En principe, il doit consommer cet animal qui meurt afin qu'il vive. qui
-
164 -

donne sa vie pour lui. pour s3uver la sienne et ainsi participer à la mort de cet
animal qui symbolise et remplace sa propre mort. C'est pour cela qu'on lui en donne
le jus. infusion de tout l'animal. La mère le mange à sa place. Et il ne faut pas
oublier que c'est de la chair (du corps) de celle-ci que le bébé tire son alimentation
(sa nourriture) lactée.
La sortie des limites de la concession constitue la sortie des agglomérations
humaines et la rencontre avec les champs (Kpam) i.e. l'étendue spaciale inhabitée.
s0urce d'angoisse et de solitude. remplie [j'esprits
errants
(FagnidebaJ.
Le
champ
est synonyme de
séparation d'avec
le
groupe
social
sécurisant.
c'est
l'isolement.
l'affrontement en solitaire avec les forces dangereuses; celles de la nature. telles
que pluies. soleil
deshydratant. cours
d'eau
furieux.
bêtes
féroces.
reptiles ....
et
celles
du
monde
d'en-bas.
spirituelles
invisibles:
esprits
errants
(Fagnideba),
spectres de la mort rôdant ... Lenfant va maintenant affronter ces mondes surtout
celui de Fagnideba • qui peuvent agir sur lui directement ou par la médiation des
forces naturelles.
Le sacrifice du rite du poulet rappelle le rite de l'enterrement du placenter.
L'animal est jeune comme lenfant et de même sexe que lui. La différence s'établit
au niveau de la couleur du piumage qui est, ici. indifférente. A la naissance. il était
Fagnida, que le
poulet
blanc
symbolisait.
Ici.
il
doit
entrer
en
relation
avec
les
Fagnideba. où
le sexe n'est pas
toujours
indifférent.
Les
Fagnideba
le
séduiront
souvent en tant que garçon ou femme. Le sacrifice de ce poulet symbolise le risque
de séduction et de mort qu'il va désormais courir en s'éloignant des agglomérations
habitées. Tout comme. et même plus. que dans
le rite
dintégration
à
la grande
société. le poulet tué ici est un produit de remplacement qui prend sur lui la mort
de l'Ego. Passer le poulet autour de lui est un geste de purification, symbolisant le
lavage. Comme l'eau versée sur le corps, ce geste débarasse, préventivement. le
bébé des esprits errants. Les plumes aux reins et la cendre de plumes dans l'huile
dont on
doit
oindre
son
corps.
constituent
une
auréole
protectrice:
les
esprits
errants, friands de viande. vont s'arrêter à ce symbole du poulet. Ce n'est pas par
hasard que le sacrifice a lieu ( se fait) à la croisée des sentiers. Les sentiers sont
fréquentés, non seulement par les hommes. mais à tout moment par les esprits et
le
carrefour
de
(ces)
sentiers
constituent
le
point
de
rencontre.
le
lieu
d'affrontement souvent conflictuel de ces esprits. C'est à ces endroits que l'on est
fréquemment victime d'attaques par les esprits.
Il est interdit
aux enfants, dans
leurs courses ludiques, de s'y arrêter. Le bébé immobilisé un certain temps à cet
endroit va attirer des esprits qui vont le suivre jusque dans
sa chambre
la nuit
(moment où agissent plus efficacement les forces du mal). Il sera alors protégé.
d'aiileurs
les
ancêtres
invoqués
durant
la
ceremonie
ne
vont
pas
dormir,
et
dorénavant ils seront à ses côtés et l'accompagneront dans les champs renforçant
ainsi son Kawatia.
2.2.2.9. De la sortie du bébé au sevrage.
Le bébé va rester au 'Oein jusquau sevrage. On va progessivement associé à
cette alimentation lactée. la nourriture adulte. D'abord la bouillie de mil, puis de la
pâte molle accompagnée de sauce liquide. légère.
\\1 sera confié à un
Rawa" (nourrice) qui le gardera pendant que la mère
vaque à ses occupations champêtres et domestiques. Le "Rawa" est généralement le
-
165 -

frère ou la sœur aîné qui vient avant le frère direct du bébé, ce dernier n'étant
pas assez fort pour porter son PUI ne. Au cas où le bébé n'a pas de frère (ou de
sœur) plus âgé, on cherchera le Rawa dans une autre famille. Le Rawa est appelé
la "mère" du bébé. En effet.
il
joue
le
rôle d'une deuxième mère.
Il
veille
à la
propreté sphinctérienne du bébé. le nourrit et le désaltère en \\'abscence de la mère:
c'est
lui qui garde par exemple
sa nourriture de la journée,
le
mène chez
une
femme nourrice pour ,'alaiter s'il n'est pas encore à l'alimentation adulte.
Le Rawa est choisi dès la naissance du bébé et est initié à son entretien et
sa surveillance durant la période de la retraite et du séjour dans la cour intérieure.
Depuis
la
naissance
du
bébé
jusqu'au
sevrage,
la
mère
va
s'abstenir
impérativement
des
rapports
sexuels,
car
ceux-ci
risquent
de
la
faire
tomber
enceinte avant que l'enfant soit assez mûr pour le sevrage.
Si cela
arrivait, elle
serait obligé de procéder à l'ablactation prématurée du bébé (A feera le ban ta). Ce
qui entraîne souvent
l'apparition du
syndrôme de Kwashiorkor,
surtout
si l'enfant
n'est
pas
encore
à
l'âge
d'assimiler
l'alimentation
adulte.
L'ablactation
s'avère
indispensable car la nouvelle grossesse
intoxique
le lait
maternel
qui
devient
un
poison impropre à la consommation sous peine de mort certaine.
2.2.2.10. Le sevrage.
Le sevrage est une véritable coupure
du cordon ombilical
socio-affectif.
Il
comporte deux aspects essentiels: alimentaire et affectif.
Sur le plan alimentaire. le sevrage consiste en l'ablactation catégorique. On
lui
coupe
le
lait
maternel,
le
sein.
Dorénavant
il
est
soumis
exclusivement
à
l'alimentation adulte à laquelle il était progressivement initié.
Au même moment l'enfant est physiquement séparé de la mère: jusqu'ici il
était collé peau à peau à elle et se faisait porter au dos, sur les genoux. dormant
sur
la même natte. dans
ses
bras. Tout cela lui
procurait
la
chaleur
affective
sécurisante. Quand
il n'était
pas
collé
à la
mère,
l'enfant
cherchait
souvent
sa
compagnie pour se faire dorloter.
Au sevrage. tout cela doit cesser. L'attitude autoritaire du père, de I·oncle.
des grands-frères va le dissuader; ils le blâment. lui font
comprendre
qu'il
est
grand. et que s'accrocher à la mère est honteux pour les grands; certains, surtout
étrangers à la maison. lui font comprendre que sa mère est la femme de son père
et non la sienne. La mère frotte quelquefois des herbes amères aux mamelons.
Les critères du sevrage se résument surtout dans l'acquisition de la marche
qui est signe de maturié et d'autonomie de l'enfant. Or l'acquisition de la marche
est souvent tributaire de "état de santé de l'enfant. En effet les maladies infantiles
sont la plupart du temps cause d'un retard considérable de la marche. Il n'est pas
rare que jusque 24-30 mois, l'enfant ne marche pas encore.
Cependant au delà d'une certaine limite les parents désespèrent et procèdent
au sevrage.
-
166 -

Le processus de sevrage tel que nous venons de le décrire est associé à un
rite de passage qui se déroule devant le séjour des morts
Œakombe. Bug nonga).
autel familial. Un Tada invité pour la circonstance est installé devant Bakombe muni
de son matériel d'enquête Œaabe).
Le conseil
des
notables
de
la famille,
réuni
autour
du
Tada.
invoque
les
ancêtres du lignage et à chaque nom pronocé. laisse
tomber
un. caillou
dans
un
vase
(une assiette d'argile cuite)
apprêtée à
cet
effet
(pour la
circonstance); le
Kewodego (1), traduit alors la réponse de l'Ancêtre invoqué. Les jumeaux subissent
leur dernier rite de séparation.
Le séjour des morts Œakombe) est le lieu symbolique de la résidence des
Kpeemba. des esprits des morts. surtout adultes, et tout spécialement les Ancêtres.
C'est pourquoi il sert d'autel de famille pour les sacrifices généraux (cf. deuxième
partie. premier chapitre). C'est la première fois depuis la naissance que le rite de
passage se déroule devant le Bakombe. Cela signifie que le sevrage est un passage
à
la
catégorie
des
êtres
humains
pouvant
occuper
leur
place
sur
l'arbre
généalogique en tant qu'individu autonome. maître de ses mouvements
(marche) et
non parasitaire (lait maternel) et dépendant (pour les déplacements: être porté), Les
ancêtres
qui
doivent
l'installer
à
cette
place
jusqu'ici
vacante
doivent
répondre
présents devant tout le monde, et approuver cette décision des vivants. Les cailloux
jettés dans l'assiette. vase symbolisant la nourriture. représentent chaque Ancêtre
en personne.
Le sevrage est donc au niveau du monde de surface (Faga) le passage à la
société des adultes par l'ablactation et le sevrage affectif (on dit d'ailleurs à l'enfant
qu'il n'est plus bébé) et au niveau du monde d'en bas l'intégration dans la hiérarchie
lignagère.
2.2.2.11. Du sevrage à la classe d'âge.
L'enfant coupé affectivement de sa mère (rupture du parasitisme) développe
ses
relations
avec
les
autres
membres
de
la
famille:
il
trouve
des
substituts
maternels
dans
les
tantes.
les
grandes
sœurs
éventuelles,
et
surtout
les
grand-mères
qui le dorlotent un peu
trop.
Il est
pris en charge
par
la
fratrie
(frères, sœurs. neveux. cousins. cousines habitant la même maison) qui l'intègre au
groupe plus élargi des pairs du quartier; là il va s'initier à la sous-culture infantile
marquée par des
activités
ludiques
surtout symboliques
qui
reflètent
surtout
les
pratiques sociales et les systèmes de relations et de croyances sodo-culturelles et
affinent
le
processus
d'identification
et
d'assimilation
culturelle.
Parmi
les
jeux
symboliques on peut noter à titre d'exemple: les jeux de ménage où
les enfants
jouent au couple marié avec ce que cela suppose de division du travail. "L'épouse"
imitera la mère en faisant la cuisine où le sable symbolise la farine. des feuilles
d'arbres les légumes, des morceaux de pots les marmites et les assiettes. etc ... Un
morceau de bois solidement attaché au dos avec une feuille de palme symbolise le
(1), Matériel d'enquête qui joue le rôle de médium.
- 167 -

bébé, Pendant ce temps, "l'époux" va imiter le père, remuant la terre, ou chassant
le gibier, en se servant de bouts de bois comme houes ou gourdins de chasse. Il
n'est pas rare qu'ils procèdent aussi au rite sacrificiel se servant des lézards, des
criquets, ... , comme animaux de sacrifice ...
Ces
rites
font
souvent
suite
aux
séances
de
divination

l'un
d'eux
joue
au
manticien qui peut aussi pratiquer des actes thérapeutiques
etc ... Quelquefois,
ils
effraient les adultes en organisant des pleurs d'enterrement. On peut continuer la
liste et toute la vie socio-culturelle y passe.
Les
relations
de
l'Ego
avec
les
adultes
sont
ponctuées
de
frustrations
frappant ses désirs
instinctuels, affectifs,
ses
curiosités
intellectuelles, normales.
Ces frustrations ont pour objectif d'inciter chez lui des renoncements en faveur des
plus
jeunes,
et
de
développer
le
sens
du
respect
du
programme
éducatif
(du
calendrier de la transmission des connaissances, de la révélation). Par rapport aux
enfants plus âgés, l'Ego est objet de certaines gratifications devant des situations
dépassant ses
forces, ces
gratifications impliquent chez les aînés, un devoir de
renoncement.
Ce
double
processus
de
gratification
et
de
frustration
est
le
moteur
d'intégration
progressive
au
statut
d'adulte,
et
au
système
culturel
sans
traumatisme.
2.2.2.12. Sortie de l'enfance.
La fin de l'enfance est marquée par l'apparition de la puberté, quand la jeune
fille a ses premières menstruations ou menstrues ("A yena a kidega"; elle a vu son
mois) et le garçon sa première éjaculation ou pollution nocturne ("A hawen wegran":
son (urine) sperme est cassée, i.e. rupture de la poche de sperme), et que les
deux
présentent
les
caractères
sexuels
secondaires
(pilosité
pubienne
et
des
aiselles, barbe. poussée des seins).
A partir de ce moment Ego entame sa véritable et longue maturation adulte
qui va être découpée en
plusieurs
étapes
ponctuées
des
rites
de
passage.
Ce
processus
initiatique a été enrichi par
l'emprunt
du
système
initiatique
"Kabyé",
ethnie voisine avec laquelle les Nawdeba entretiennent des relations étroites de bon
voisinage
et
d'échanges
culturels.
Le
contenu
très
riche
de
ce
système
a
pratiquement été repris tel quel et vécu comme élément d'emprunt étranger à la
culture. Nous n'allons pas reproduire ce contenu en détail, ce qui serait d'ailleurs
démesurément long; ce qui va nous intéresser, c'est la signification symbolique, i.e.
l'esprit qui sous tend et guide les rites de passage.
La première initiation qui intègre Ego dans une classe d'âge est caractérisée
par la pratique de scarifications qui sont limitées à l'abdomen pour la jeune fille et
beaucoup plus étendues pour le garçon: poitrine, abdomen, visage; les scarifications
sont de véritables tatouages d'identification. Un fond commun marque l'identification
ethnique. mais une partie est constituée de motifs variables
selon l'agglomération
villageoise d'origine à l'intérieur de laquelle on note quelques variations en fonction
des villages.
Les scarifications
servaient
ainsi
de
signes
distinctifs
pendant
les
-
168 -

guerres inter et intra-ethniques, et permettaient de faire la part entre ennemis et
amis, d'identifier le cadavre d'un
individu
méconnaissable
(tombé à la guerre par
exemple), et de spécifier son village d'appartenance. Désormais Ego n'est plus un
enfant:
le
petit
garçon:
Œidawoga=enfant
mâle)
et
la
petite
fille
(bifoka=enfant
femelle) deviennent respectivement le Fala ou Kwela ou Ku liga (jeune homme) et
Beera ou Biriga {jeune fille).Pour marquer sa coupure d'avec l'enfance. Ego change
de nom, on lui impose un autre nom qui va pratiquement remplacer dans
l'usage
courant son nom de naissance. celui de Joonga. Nul n'a plus le droit de l'appeler
par le nom de naissance qui l'identifie à son enfance. sauf ses
parents et
les
personnes âgées qui continuent à voir en lui l'enfant qu'elles ont materné et dorloté.
Le passage à la classe d'âge est donc une véritable seconde naissance.
Revenons au rite de passage pour noter qu'il est
plus
complexe
pour
le
garçon
et
ne
comporte
pas
que
des
scarifications.
Après
la
ceremonie
de
scarifications (tatouages) qui se déroule dans une situation de violence faite à Ego
(car la famille s'y oppose rituellement et ce sont les aînés de l'Ego qui le capturent
de force) celui-ci est soit laissé dans la famille, soit conduit chez un parent de la
famille élargie où il est soumis à une retraite fermée de une semaine (6 jours),
durant laquelle il est littéralement suralimenté, parce qu'il doit prendre beaucoup de
poids, Durant cette retraite, il est reclus (cloî tré) dans sa chambre et ne doit pas
se faire voir, il ne sort que la nuit pour prendre l'air et satisfaire ses besoins.
Le jour de la sortie est marqué par une cérémonie sacrificielle où l'on offre
des poulets aux ancêtres. L'initié après avoir communié à ce sacrifice. est ramené
chez lui, d'où il doit participer avec ses collègues à une danse rituelle organisée
pour leurs aînés et qui dure une semaine (6 jours).
Cette
première
initiation
soumet
l'adolescent
(le
pubaire)
à
une
série
d'interdits,
de
tabous,
de
prescriptions
qui
ont
pour
objectif
de
former
Ego
à
l'endurance dans tous les domaines. Parmi ces prescriptions et interdits. il
n'y a
pratiquement qu'un qui intéresse les deux sexes: c'est d'accorder à la prise des
repas l'intimité la plus stricte. L'adolescent ne doit pas manger en public surtout le
garçon en présence des jeunes filles et vice-versa. Ils doivent prendre leurs repas
hors des regards de leurs collègues de sexe opposé. Manger devient ainsi un acte
honteux.
Les autres prescriptions et interdits intéressent le garçon. Restons dans le
domaine
des
comportements
alimentaires
pour
noter
ce
qui
regarde
tout
spécialement le garçon. En plus de l'intimité, il lui est prescrit la sobriété. Il doit
renoncer au profit des enfants. Il ne se plaindra pas de faim le matin et ne doit
pas se disputer le petit
déjeuner avec les enfants. Puis
il
ne doit
pas
manger
n'importe où: il est autorisé à prendre ses repas seulement chez lui et dans des
maisons
parentes.
et
dans
ces
maisons
l'endroit
permis
est
réduit
à
la
cour
intérieure et à la rigueur à celle extérieure: l'espace s'étendant au-delà de cette
cour est cultivable et donc considéré comme les champs. le domaine du travail où
le garçon initié doit faire preuve de résistance à la faim. Dans ce domaine interdit.
il est seulement autorisé à boire de l'eau ou de la bière de mil (Dam. Tchoukoudou •
.. .l mais pas la bouillie qui est une véritable nourriture. Si un voyage le conduit loin
-
169 -

de son village pour plusieurs jours, il
peut
manger
(se
nourrirJ.
Il
ne
doit
pas
manger dans
une
marmite qui symbolise le
travail
de
la femme. sous
peine
de
perdre sa virilité.
Dans
les
activités
sociales
et
artistiques,
le
jeune
initié
doit
cultiver
la
bravoure, l'habilité, l'adresse de façon compétitive.
La deuxième
initiation
intervient
un
an environ
après
la
première
pour
le
garçon et à la première grossesse pour la fille.
Pour la fille enceinte le seul rite est les scarifications pratiquées sans trop
de cérémonial
au bas ventre et quelquefois à la poitrine et sur le dos. Les
scarifications sur le bas ventre constituent une ouverture symbolique du mate foogo
(intestin de maternité) pour faciliter j'accouchement, pour que l'enfant ne reste pas
dans le ventre (fausse coucheJ.
Quant au
garçon cette
deuxième
étape
est
marquée
par
un
rite
qui
se
subdivise en deux phases: la première phase a lieu en saison sèche (janvier, février,
mars) dans certains villages quelques deux semaines avant l'ouverture de la chasse
traditionnelle qui en marque la clôture. Le rite sacrificiel consiste en l'immolation de
poulets, mais en plus de ces poulets le repas est constitué de sauce de grenouille
et d'un mélange pilé de crabes séchés et d'arachide grillée fortement pigmenté pour
stimuler la soif et faire boire du Dam (1). L'initié se rase la tête laissant au milieu
une bande transversale pointue aux extrémités, qu'il orne pour la danse avec des
peignes, des
plumes
d'oiseaux,
...
L'accoutrement
pour
la
danse
qui
dure
deux
semaines de six jours est composé d'éléments divers
dont
nous
ne citerons
que
l'essentiel:
un
petit
poignard
en
cuivre
enfilé
à
la
main
droite,
une
hachette
totalement
métallique
qu'il
tient
à
la
main
gauche,
des
castagnettes
qu'il
tient
à l'index et au pouce droits. puis aux hanches une tresse de cauris
et de perles
en forme de pagne, etc ...• la danse se fait à la queue leu leu et en cercle autour
des joueurs. Dans les villages où la clôture de l'initiation coïncide avec l'ouverture de
la
chasse,
une
compétition
de
course
marathon
oppose
différents
villages
ou
quartiers.
La
deuxième
phase
a lieu
durant
la
saison
pluvieuse
(des
pluies)
(août,
septembre) qui suit la première phase. L'initié se tresse cette fois la tête avec des
ficelles et des cauris, et
sur cette
tresse
seront
plantés
des
plumeaux
pour la
danse. La cérémonie sacrificielle est un rite de purification. qui consiste à passer
autour
du
corps
de
l'Ego
des
poulets
et
quelquefois
un
bouc.
Cela
se
passe
à l'endroit de la concession où sont suspendus les arcs des ancêtres (et Kpeemba)
guerriers. Ce rite initie Ego à la consommation
du repas
rituel
de
sacrifice aux
arcs qui lui était interdit jusqu'ici. A ce
repas
on
a mélangé la poudre
"virile".
Daragre, que la femme en
période de fécondité ne doit pas
goûter
sous
peine
(d'être
frappée)
de
stérilité.
Ce
produit
est
l'un
des
fortifiants
des
guerriers.
L'accoutrement pour la danse est plus agressif et riche: les éléments
principaux
sont les suivants: nous venons de décrire plus haut la coiffe; une grande peau de
(1). bière de mil.
-
170 -

bête ceint les reins en se prolongeant par derrière en une longue traîne qui sera
soulevée par un filleul au cours de 'la danse. Sur cette peau des perles
enfilées
entourent le bassin; des grelots cousus sur des peaux de bêtes sont enfilés aux
cuisses, au niveau des genoux et feront un bruit rythmé durant la danse. Au bras
gauche es t enfilé un bouc! ier long en métal, à la main droite il tient un long grelot
(malo) et au pouce un anneau de fer plat qui marquera le rythme en frappant sur
le grelot. La danse dure une semaine de six jours. Les danseurs s'alignent côte à
côte et dansent sur place.
La troisième initiation a lieu tous les cinq ans, en saison des pluies et groupe
à chaque
fois
cinq
classes
d'âge.
Cette
étape
est
marquée
aussi
par
un
rite
sacrificiel suivi de danse initiatique. Les candidats sont d'abord capturés un soir, on
leur enfile au cou un collier métallique et les force à une retraite fermée qui dure
une dizaine de jours et pendant laquelle l'initié vit cloîtré (reclus) dans sa chambre
et soumis à un régime alimentaire copieux et abondant qui doit lui faire prendre du
poids. Le jour de la sortie de retraite. l'initié est soumis à un rite de purification
avec une chèvre comme un guerrier. L'accoutrement est composé d'une chaîne de
grelots enfilés sur une peau de bête enroulée autour des chevilles de chaque pied
(Gnangbare), d'une cloche
(Kpandel
attachée au
poignet droit
par
une
corde
et
tenue par une anse à la main droite; un anneau de fer plat au pouce droit; une
petite canne à la main gauche; une tresse de ficelle lui masquant le visage; de la
laine blanche de mouton nouée aux genoux ...
La danse se fait courbé à la queue leu leu, et en procession où chacun a
une place fixe surtout le premier et le dernier de la file
qui
sont les chefs
et
choisis sur plusieurs critères et surtout ceux d'appartenance à
certaines
familles
(Da'aneel. Ils porteront plus longtemps que les autres leur statut d'initié et auront
un rituel sacrificiel plus long et plus complexe. Le point culminant de la danse qui
dure une quinzaine de jours est le jour de la montée sur la butte sacrée, une butte
géante élevée depuis les origines dans un sanctuaire (Kalan Be 'ega) et renouvelée
(restaurée) à chaque occasion, i.e.
tous
les
5 ans. Du
premier au
dernier, les
Sendeba doivent grimper sur la butte par un escalier de pierres, frapper sur leur
cloche en la lançant et rattrapant avec l'anneau enfilé au pouce, puis redescendre
du côté opposé par un autre escalier. Chaque son de cloche frappé est salué par
un concert de cris des femmes. Si quelqu'un rate le coup, c'est un mauvais signe
qu'il faudra chercher à interpréter. Il Y a sûrement un problème familial non résolu
pour le Senda. C'est pourquoi, avant cette cérémonie,
qui se déroule en un lieu
sacré.
la
famille
doit
exécuter
(faire)
toutes
les
cérémonies
qui
s'imposent.
consulter au besoin le manticien pour démasquer tous les problèmes cachés et les
résoudre.
A la fin de cette initiation, Ego devient le Senkpéma, i.e. l'ancien Senda.
La troisième initiation et dernière de
la
femme
intervient
à
la
fin
de
la
première grossesse que celle-ci aboutisse à un accouchement ou
à
une
fausse
couche. Le rite de passage consiste à placer à la nouvelle accouchée un cache-sexe
- 171 -

Œô'ôgo). On lui enfile au bassin (aux reins) des ficelles (Gbu rmi) tressées avec les
fibres des capsules du néré (arbre très nourrissant) de couleur violette. A cette
ceinture de ficelles. on accroche le Bô'ôgo par un bout. par derrière. qu'on passe
ensuite
entre
les
jambes
et
l'accroche
par
l'autre
bout
par
devant
sous
le
bas -ventre.
La femme devient ainsi la Bô'ôtia. celle qui porte le Bô'ôgo. Elle n'est plus
fille. elle est devenue femme. pourvoyeuse de vie.
Le cache-sexe remplace l'hymen rompu à l'accouchement par le passage du
bébé. lequel accouchement fait sortir Ego de son état de fille pour en
faire
une
femme
Œô'ôtia).
Il est
symbole de
chasteté.
de
fidélité
au
mari.
Il
garantit
la
continence sexuelle de la femme et ne peut être ôté que par le mari. A la mort du
mari.
il devra être coupé
avec
la
ceinture
pour
permettre
à
la
femme
de
se
remarier.
Les femmes stériles ne bénéficient pas d'un rite officiel du port du Bô·ôgo.
La quatrième et dernière étape du système initiatique est marquée par une
série de rites de passage progressif à la catégorie des sages. rites distribués dans
le temps.
La quatrième année après la troisième
initiation, a lieu
le premier rite de
passage de cette étape (la Sensote). pendant la saison des
pluies. alors
que se
déroule parallèlement
\\a deuxième phase
de
la deuxième initiation. Au
cours
des
séances de danse qui marquent cette deuxième phase. les Senkpemba. coiffés de
leur casque de guerre et armés de leur hachette. se rassemblent dans un coin de
la cour où se déroule la danse. Là ils forment un cercle délimitant un espace vide.
où deux à deux ils se rencontrent. se défient par des injures rituelles qui mettent
en exergue (stigmatisent) les faiblesses et manquements de l'adversaire devant les
épreuves qui leur étaient imposées jusqu'ici. A chaque injure. les collègues profèrent
des
huées en entrecroisant
leur
hachette au-dessus de
la
tête
du
protagoniste
humilié. l'incitant à trouver une injure plus spectaculaire. C'est une forme socialisée
de résolution
des conflits
interindividuels qui se
passe
sans
incident.
sans
suite
(acting out). conséquence. dans la vie courante.
Le deuxième rite se réduit à la danse initiatique. La dernière est organisee
pendant la saison sèche qui suit le Sensote. Cette danse semble être la syn thèse
de toutes les danses initiatiques qui ont eu lieu jusqu'ici. L'accoutrement du danseur
résume
en
effet
les
différents
accoutrements
étudiés
jusqu'ici;
le
rythme
et
l'exécution de la danse reflètent aussi les éléments des autres danses.
Le
troisième
rite.
qui
a
lieu
la
même
année.
consiste
à
initier
les
Senkpéémba à la rupture des interdits alimentaires qui les liaient depuis la première
initiation. Le contenu du rite varie selon les villages. L'esprit commun est de rompre
les
interdits
et
tabous
concernant
les
comportements
<Conduites)
alimentaires.
Dorénavant, le Senkpéémba peut manger n'importe où, devant n'importe qui, mais le
renoncement au petit déjeuner reste en vigueur. bien que moins strict.
Le quatrième rite a lieu pendant la saison sèche de "année suivante. i.e. un
- 172 -

an après la danse-syn thèse. C'est le rite de Jutek paabe (le rasage des têtes), qui
se 1imite à un repas rituel familial sans manifestation populaire collective: pas de
danse; ni rien 'd'autre qui rassemble la population (la collectivitél.
Chaque Ego organise à son domicile une cérémonie au cours de laquelle il se
rase la tête, remplace son casque de guerre par un chapeau réservé aux notables,
puis il se soumet à un sacrifice purificatoire tel qu'il l'a eu à la deuxième phase de
la deuxième initiation. On tue ensuite d'autres bêtes dont surtout un gros
porc
gras, pour le repas de fête ouverte à tout le village. Une partie du repas de la fête
sera distribuée à toutes les familles de ses épouses.
Ce rite marque la fin de la quatrième initiation, qui intègre Ego dans
la
catégorie des sages où rien d'extérieur ne distingue plus
les
classes
d'âge.
La
hiérarchie seule détermine à chacun sa place dans la collectivité (société). Ego a
gravi tous les échelons de la vie, surmonté toutes les épreuves d'initiation, où il a
fait
preuve
de
courage
et
de
ténacité.
Il
est
maintenant
devenu
une
source
inépuisable d'expériences, grenier de la sagesse traditionnelle. Il va pouvoir siéger
dans le conseil des sages, des Anciens, où se discutent les grands problèmes de la
vie. Ses potentiabilités physiques ont commencé à décliner: il se rend compte que
les actes héroïques dépassent ses limites
(ne sont plus de son ressort>' Mais,
inversement, sa force
morale
s'intensifie
(augmente).
La force
vitale
désinvestit
progressivement le pôle physique, le pôle de Faga pour investir davantage le pôle
surnaturel et sacré. Il s'approchera de plus en plus des Ancêtres dont il sera,
auprès des humains de Faga, l'écho, le médiateur direct. Il tend lui-même
vers
l'ancestralité, la sacralité. La vieillesse le conduit à l'angle du tournant de la vie d'où
il pourra contempler le chemin déjà parcouru qui le rattache encore avec Faga et
au bout de celui qui lui reste à faire, le point d'arrivée final.
A
cet
angle du
tournant, il attendra pati emment le grand passage, vers le monde d'en-bas, la mort,
passage que seuls les Ancêtres sont habilités à exécuter au moment qui leur plaira,
par le moyen choisi par eux; c'est ce passage (rite) qui lui permettra de couvrir la
distance qui le sépare maintenant des siens, c'est par ce passage (rite) que la
force vitale va totalement désinvestir le pôle (de Faga) physique pour investir celui
surnaturel.
3. LA MORT.
La mort, ce grand passage, est comme les autres passages du cycle de la
vie
(biologique),
exécutée
par
le
monde
d'en-bas
(Tinga).
Comme
les
autres
passages aussi, la mort est prise en charge par la société du monde de surface
(Fag'reba:
ceux
de
surface)
à travers
des
rites
de
passage
que
nous
nous
proposons maintenant d'examiner. Cela nous permettra de dégager la conception
théorique, la représentation de la mort.
- 173 -

3.1. LE CULTE DES MORTS.
3.1.1. L'agonie.
L'agonie est
le moment
crucial
de la séparation et. comme
tel.
doit être
marquée par un rite de séparation,
3.1.1.1. Nécessité de la présence d'un proche parent.
A "agonie. le mourant entre dans
un
état
d'agitation.
et
peut
rouler.
se
cogner la tête partout. contre les murs de la chambre où il est couché. Celui qui
n'a personne. qui n'a jamais eu denfants. qui a perdu tous les parents et alliés. et
qui vit seul, meurt souvent de cette manière (dans de telles conditions)
si aucun
voisin (personne du voisinage) ne le découvre
à temps. Pour ce. toute personne
souhaite vivement avoir à son chevet d'agonie au moins un des siens. surtout ses
enfants. qui le soutienne pour
lui éviter de
se cogner
la tête
contre
les
murs
comme un chien. (Na alaa kpi Ka wa'a a jugu n dabira baaga dela). celui qui meurt
entouré des siens meurt d'une bonne mort; si quelqu'un meurt en l'absence de ses
enfants. il meurt abandonné et les enfants doivent offrir un sacrifice de réparation
pour éviter de le payer de leur vie ou de leur santé. Pour l'enfant agonisant. ce
sont ses parents qui l'assistent.
Le parent qui assiste un agonisant doit donc le tenir, pour éviter qu'il sautille
(se débatte) comme un poulet qu'on vient d'égorger. au risque de se mutiler en se
cognant.
3.1.1.2. Rite de l'agonie Œoorebe).
Si un mourant est une personne agee. un groupe de jeunes du village font.
souvent, plusieurs (3-4) tours de la maison en poussant des cris et en secouant la
paille du toit de sa case.
Ce rite a lieu surtout en cas d'une agonie traînante (quand la personne a
une agonie traînante), jugée trop longue par la jeunesse (les jeunes) impatiente (qui
sont impatients), car le décès d'un vieux
ou
d'une vieille
(d'un
vieillard)
est
une
occasion de réjouissement. une danse rituelle devant être organisée pour saluer et
fêter sa longévité.
3.1.2. Rites de la mort.
Dès que le malade rend le souffle. certains rites doivent être exécutés.
3.1.2.1. Les cris d'alarme.
La
première
réaction
de
la
famille
consiste
dans
les
pleurs
et
cris
de
désespoir. Mais ces pleurs qui traduisent (expriment) la douleur morale, l'affliction.
constituent aussi un message qui alerte le village. appelant à l'aide.
-
174 -

Si
le
défunt
est
une
personne
âgée,
les
cris
d'alarme
sont
doublés
de
roulements du tam- tam annonçant l'organisation de la danse.
3.1.2.2. Préparation du corps.
On procède immédiatement à la fermeture de la bouche si le défunt est un
jeune.
S'il
s'agit d'une personne
âgée.
on
se
presse
au
contraire
de
lui
ouvrir
largement
la
bouche.
En
effet.
c'est
une
personne
sacralisée
qui
entre
dans
l'ancestralité
et
va
participer,
comme
Rata,
à
la
construction.
au
moulage
de
nouveaux
êtres
humains
à
naître.
Et
comme
nous
le
savons,
le
constructeur
imprime sa marque à son œuvre; il moule celui qu'il
forme. à
son
image, et lui
confère certaines de ses conformations. Donc, les enfants qui émaneraient de lui
risqueraient de ne pas acquerw la parole et resteraient muets toute la vie, si on ne
lui avait pas ouvert la bouche.
Après ce rite, si l'enterrement doit avoir lieu dans les heures qui suivent, on
procède à l'assouplissement
des
articulations,
afin
de
faciliter
la manipulation
du
corps.
Au cas où l'on voudrait conserver le corps pendànt plus d'une journée, on
1f
évite
de
l'assouplir;
on
passe
sur
lui
une
solution
de
poudre
de
l'écorce
des
capsules du néré, qui sert généralement comme teinture des murs et surtout des
l
sols damés avec de la latérite; on le couche sur du sable et on dépose près de lui
des houes.
3.1.3. Les rites de l'enterrement.
1
3.1.3.1. Le bain.
\\
Un groupe de femmes. ayant de l'expérience en la matière. porte le défunt
1
(Kpiira) dans le "Gnafru n" (rigole d'évacuation
des eaux de ménage) et
là elles
p
1
procèdent à sa toilette. Le corps est lavé à grande eau,
assoupli par
massage.
Ensuite, le tube digestif inférieur est vidé de son contenu. C'est le dernier bain du
t
défunt afin qu'il arrive propre dans le cercle familial des Ancêtres. Ainsi
lavé, le
corps est oint d'huile de palmiste et assis devant le séjour des morts.
3 .1.3.2. Rites sacrificiels pour personnes âgées.
S'il s'agit d'une personne âgée. on lui offre en
sacrifice
un poulet et une
chèvre pour une femme. un poulet et un bouc
pour un homme. On prépare les
animaux sacrifiés, puis un peu de pâte de mil et on offre à manger au défunt: on
lui présente près de la bouche 3 bouchées (qu'on jette à chaque fois) de chaque
animal. Le reste de la viande préparée sera portée dans de: petits vases par les
petits enfants du défunt durant ses dernières visites. On lui attache aux poignets,
aux chevilles, aux genoux, au cou, des lamelles de peau poilue de la chèvre. Les
poumons crus sont suspendus à son cou.
- 175 -

Puis, on lui offre des échantillons de chaque sorte de céréales.
Ces sacrifices et offrandes signent
le caractère
sacré
(sacral)
du défunt.
Désormais
intégré
au
cercle
des
Kpeemba
dans
le
séjour
des
morts,
il
sera
entretenu par les fruits du travail de ses fils, et des siens. Pour aujourd'hui, il se
présentera aux Ancêtres paré des peaux des bêtes sacrifiées en son honneur et
portant les fruits du travail de la terre.
3.1.3.3, Togec1a (imitatrice) pour personnes âgées.
Une femme, généralement choisie parmi les épouses des fils ou collatéraux
du défunt, devient son imitatrice. Le choix est souvent fait du vivant du défunt (de
l'Ego) et par lui-même. selon certaines normes. L'élue sera gâtée par celui dont elle
prendra la place demain.
A sa mort, on
va
la chercher;
on
lui
met
un
vêtement
d'homme
ou
de
femme,
selon
le sexe
de celui
qu'elle
imite.
Elle
portera
désormais
le
nom
du
défunt. sera respectée et vénérée
par les enfants
et
la
famille
de celui-ci. Elle
participera à toutes les cérémonies sacrificielles en l'honneur du
défunt
(de
celui
qu'elle imite) et aura droit à des cérémonies rituelles périodiques.
L'imitatrice
s'identifie
pratiquement
à
celui
ou
à
celle
qu'elle
imite.
Par
exemple, quand une femme imite un homme, elle
s'intègre dans
la catégorie
des
hommes; elle sera soumise à certaines cérémonies qu'on ne fait qu'aux hommes en
tant que guerriers potentiels ou ayant réellement fait la guerre; à sa mort, les rites
d'enterrement sont ceux des hommes: son imitatrice portera des habits d'homme,
on lui tuera un bouc au lieu d'une chèvre, on ira à la guerre de vengeance simulée
(Ba'ago), comme nous le verrons ci-dessous.
3.1.3.4. Danse pour personnes âgées.
Les
personnes
âgées
sont
honorées,
à
leur
mort,
par
une
danse
(Bina)
rituelle qui marque leur statut sacral. Dès le décès, le son du cor (Gantande) et le
roulement du grand tam tam (Jinjé'égo) annoncent la nouvelle au village, pendant que
la famille pousse des cris d'alarme et des pleurs.
Les hommes adultes jeunes armés vont simuler une guerre de vengeance.
souvent dans les champs d'une ethnie autrefois ennemie. Là, ils prennent une partie
symbolique
des
récoltes
de
"ennemi
(si
c'est
la
saison),
tuent
le
gibier
qu'ils
rencontrent, et ramènent le tout à la maison mortuaire en poussant des cris
de
guerre et en courant en rangs serrés.
l'~otons que la guerre simulée n'a lieu que quand le défunt est un vieillard. ou
un jeune homme mort accidentellement. ou une vieille femme qui
avait
imité
un
homme. ou avait accompagné les guerriers pour soigner les blessés. En effet. c'est
une
guerre
de
vengeance
qui
concerne
les
guerriers
potentiels.
donc
pas
les
femmes et enfants qui ne participent pas à la guerre.
Au
cas

le
décès
d'une
personne
agee
survient
dans
la
journée.
l'enterrement ne peut avoir lieu le même jour. On procède au rite de conservation,
et
une
veillée
funèbre
faite
de danse
est
organisée par la jeunesse sur la cour
- 176 -

extérieure de la maison jusqu'au matin où a lieu ia guerre simulée.
En principe, toute personne âgée a droit à une danse à sa mort. Mais, s'il y
a dans
la famille une personne vivante plus
âgée que le mort, on ne
doit
pas
danser. Le défunt est alors supposé mourir jeune.
3.1.3.5. Déplacement du mort.
Après la préparation du corps, et le rituel d'offrande (en cas de personnes
âgées), le mort doit se déplacer, rendre les dernières visites, montrer (ou indiquer)
la cause de sa mort, avant d'être enterré.
Pour ce faire, il est porté par trois femmes: l'une le prend à califourchon
sur les épaules, la deuxième, sur laquelle repose tout le corps couché sur le dos,
le prend par 1e buste sur son épaule gauche et lui soutient les bras; la troisième
lui soutient la tête pour qu'elle ne balance pas
(ne
soit
pas
ballante).
Pour
le
déplacement, les trois femmes se suivent donc à la queue leu leu, dirigées dans
leur
marche
par
le
mort
qui
les
pousse,
les
oriente,
et
freine
quand
il
veut
s'arrêter.
Cette manière de porter le mort ne se pratique pas à tout âge. Un bébé
mort avant le deuxième rite de passage après la naissance, i.e. le rite de sortie
sur la cour extérieure, est porté dans les bras
par
une
seule
femme,
et
est
enterré sans circuler. C'est à partir de cet âge qu'il est porté de la même manière
qu'un adulte.
Le port des morts se fait exclusivement par les femmes, sauf si l'on doit se
déplacer sur une longue distance, les hommes prennent alors la relève.
Le Kpira (mort) n'est pas un corps inerte. C'est lui qui se déplace porté par
les femmes; il choisit sa direction, s'arrête quand il veut, etc ... Les porteuses se
limitant à exécuter ses volontés.
Ainsi porté, le vieux mort (le défunt vieux) participe à la danse organisee en
son honneur, derrière (en suivant) tous ses petits enfants portant des restes du
repas rituel préparé pour lui.
3.1.3.6. Dernières visites aux familles.
Avant l'enterrement, le Kpira (le mort) doit visiter la famille de son double
lignage (bilignage): la famille paternelle et/ou celle maternelle, i.e. les maisons qui
constituent les foyers centraux de ces lignages et sont, pour cela, dites les grandes
maisons. C'est toujours
porté par les trois
femmes
qu'il
fait
ces
visites.
Dans
chaque maison, on le fait asseoir devant le Bakombe (séjour des morts) et on le
pleure abondamment. Il est présenté ainsi au cercle ancestral de son double lignage
qui doit l'accueillir dans son sein.
3.1.3.7. Visite des familles alliées. (pour un défunt marié).
Si le Kpira est un homme marié, il va visiter sa belle famille où on lui offre
à boire comme il en avait l'habitude de son vivant: on lui présente à la bouche
quelques gouttes de Dam. Un homme ne
mange
pas
dans
sa
belle
famille
("A
- 177 -

yag'baal. Quand il y va en visite, on lui offre à boire. Alors le Kpira au cours de
cette dernière visite d'adieu doit boire pour la dernière fois.
Si le Kpira est une femme, elle prend son dernier bain dans sa belle famille
(la
grande
maison
de
son
mari)
et
on
lui
offre
un
beau
nouveau
cache-sexe
(8o'ogo) comme à l'occasion de son premier accouchement. C'est en effet dans
cette famille qu'elle avait perdu son hymen que remplace maintenant le cache-sexe.
Le Bo'ogo (cache-sexe) comme produit de remplacement du signe de sa virginité,
est un don de cette maison. Aujourd'hui, elle doit rejoindre
(retournez chez)
les
siens,
les
ancêtres
en
tant
que
femme
mariée
et
mère.
Même
si
elle
s'était
remariée pour cause de divorce, ou de décès du mari, c'est chez ce dernier qui est
en
fait
son
seul
mari
(pour
avoir
détruit
sa
virginité).
qu'elle
ira
chercher
le
cache-sexe, symbole de femme mariée.
3.1.3.8. "Interrogatoire" du mort.
Après ces visites le mort regagne la maison qui doit l'enterrer
(la maison
enterrante -où il doit être enterré). Là on l'asseoit devant le Bakombe (séjour des
morts) et on le pleure abondamment pendant quelques temps. En ce moment. s'il a
des petits enfants. ceux-ci lui sont confiés pour la protection (pour qu'il renforce
leur Kawatia): on les
prend
"un après l'autre,
les
fait
asseoir
sur
ses
genoux
pendant quelques temps et les enlève. Ceci veut dire "nous confions à ta protection
tes petits enfants que tu as toujours
portés
sur
tes
genoux,
qui ont
toujours
cherché sécurité dans ton giron. Prend les avec toi continue à les protéger toute la
vie.".
Après
ce
dernier
cérémonial,
on
porte
de
nouveau
le
mort
pour
l'interrogatoire devant le Bakombe. Le chef du conseil
familial
(de
famille)
de la
maison enterrante demande au Kpira de montrer l'origine (indiquer la cause) de sa
mort. En général. le mort court cogner l'endroit où habite l'agresseur. ou l'endroit
où on l'a agressé.
Quand il ne le fait pas les questions deviennent plus structurées. fermées,
invitant le Kpira à répondre par oui ou par non. Si le Kpira (pour répondre) avance
et revient à sa place initiale. c'est une réponse affirmative. Si par contre il ne
bouge pas ou exécute un mouvement latéral. ondule. la réponse est négative.
Le questionnaire va s'étendre à d'autres problèmes familiaux tels que le sort
des enfants laissés orphelins: à qui désire-t-il les confier? Les causes des maladies
dont
souffrent
certains
membres
de
la
famille;
l'état
de
santé
des
autres
apparemment sains ... Le Kpira pourra ainsi révéler des conflits familiaux latents, des
machinations occultes. sources de malheurs imminents.
3.1.3.9. Derniers rites d'adieu pour personnes âgées.
Après l'interrogatoire, le mort doit en principe prendre le chemin du caveau
familial où il doit être enterré. Mais s'il est une personne âgée. il sort sur la cour
extérieure. fait
trois ou quatre fois.
selon
son
sexe.
le
tour
de
la concession
(Honee'be. a honaa haare) avant de prendre le chemin de la tombe. Par ce geste. il
- 178 -

garantit la maison de sa protection; il en gardera l'enceinte contre toute violation de
l'esprit malin, par les forces du mal.
3.1.4. Inhumation.
3.1.4.1. Choix de la famille enterrante.
Ego est enterré soit dans le lignage maternel. soit dans celui paternel. Les
enfants
sont répartis
entre
les
deux
lignages
selon
leur
rang
de
naissance
et
compte tenu de certains critères tels que le lieu de résidence des enfants et de la
mère,
....
selon
lesquels
un
lignage
aura
plus
à
enterrer
que
"autre.
Nous
reviendrons en détail sur ce problème dans la deuxième partie de ce livre.
Ce n'est donc pas le jour du décès que la famille "enterrante" est choisie.
Le choix est préprogrammé: généralement l'aîné et/ou
le
dernier
sont
enterrés
chez la mère, les autres chez le père.
Toutefois le conseil
de famille
se réunit
toujours pour élucider les obscurités, pour dissiper les doutes éventuels.
3.1.4.2. Préparatifs.
Une fois la famille enterrante clairement définie. il s'agit maintenant de savoir
dans quel caveau l'enterrer. car le lignage dispose de (possède) plusieurs caveaux
familiaux communs. on n'y enterre pas
n'importe comment. Par exemple certains
types de conflits opposants deux membres d'une même famille (d'un même lignage)
interdisent (empêchent> qu'on les enterre dans le même caveau, ''l'un sur l'autre".
i.e. quand "un d'eux meurt. là où on l'enterre on n'y entererra pas l'autre. Et puis il
peut être prescrit d'enterrer un tel sur son père ou sa mère.
Ces
problèmes
réglés.
le
chef
du
conseil
de
famille
sort
la
houe
qui
symboliquement creusera la tombe (déjà creusée puisque c'est un caveau familial). Il
prend le devant suivi des enfants, petits enfants et conjoint du défunt puis de ce
dernier.... Les enfants. les petits enfants et le
conjoint
prennent
le
devant
pour
conduire le défunt aux ancêtres: cela signifie qu'il ne rejoint pas les siens les mains
vides. 1\\ s'est marié et la vie qui lui avait été donnée par l'Ancêtre a porté des
fruits.
Son
nom et
celui
de
l'Ancêtre
du
lignage
n'est
donc
pas
éteint.
Cette
descendance s'occupera des cultes de vénération en leur honneur. Elle perpétura le
lignage et le nom de son ancêtre.
3.1.4.3. Cérémonial de l'enterrement.
A
"arrivée
sur
la
tombe
les
femmes
et
les
membres
de
la
famille
se
groupent à l'écart avec le Kpira et le pleurent une dernière fois pendant que les
hommes
ouvrent
le
caveau.
On
ôte
la
pierre
tombale
et
un
spécialiste
de
l'enterrement (jI
faut être voyant et avoir
une
respiration
entraînée
pour éviter
d'inhaler ces pourritures) descend dedans (y pénètre). le nettoie en mettant de côté
les squelettes non encore dégarnis, sort les vieux ossements qui seront ensevelis
dans le bosquet d'à
côté
(la tombe, Bilu. étant le plus souvent à la lisière d'un
- 179 -

bosquet>, Puis le corps est pris
des mains
des
femmes
(qui restent
toujours à
l'écart avec les proches du défunt>. On le balance au dessus de la tombe trois ou
quatre
fois
selon
le
sexe
du
défunt.
On
le
descend
ensuite
dans
le
caveau,
"l'enterrant" le reçoit, le dépouille de tout ce qu'il portait comme habillement, et
l'étend nu sur le flanc dans la position du dormeur, les mains sous la joue, la face
(figure) tournée vers l'est si c'est un homme, vers l'ouest si c'est un femme. Si le
défunt femme était stérile, (n'a jamais conçu) on lui pratique au bas
ventre les
scarifications qu'elle aurait dû avoir lors de sa première grossesse (et qu'elle n'avait
jamais eues). Si le défunt homme était célibataire, on lui met comme oreiller le
crâne d'une femme.
Le
Kpira est
enterré
tout
nu
parce
que
l'Ancêtre
descendu
du
ciel
était
nu.
L'habillement est une agression extérieure, une violence faite à la culture ancestrale,
Le Kpira ne doit pas retourner chez les ancêtres déguisé et méconnaissable;
il
risque de les effrayer et de se faire renvoyer.
La face tournée vers l'est (l'orient> pour l'homme signifie qu'il doit surveiller
le soleil levant ou l'heure matinale pour se rendre à ses travaux champêtres (aux
champs pour les travaux agricoles)
qui
constituent
sa
part
dans
la division
du
travail. La femme a la face tournée vers l'ouest parce qu'elle surveille le soleil
couchant pour commencer à apprêter le repas du soir qui était le repas principal et
souvent le seul de la journée réunissant tous les membres de la famille. C'est la
tâche principale qui résume toute l'activité de la femme comme mère nourricière du
foyer. Son nom, Ta Gnaa (mère de notre maison) ou
"Haare Gna"
(mère de la
maison,
du
foyer)
signifie
mère
des
enfants,
ce
sont
eux
le
Haare;
i.e.
qui
constituent la maison, le foyer de demain; mais aussi mère nourricière (source de
nourriture)
qui
nourrit
toute
la
maisonnée
qui
détient
la
clé
des
provisions
alimentaires, les distribue. Les fruits du labeur du père sont ramenés des champs
par elle, stockés, gérés et distribués par elle. Le père ne
sait
pas
dans
quel
grenier se trouve quoi. (1).
Les scarifications pratiquées au bas ventre de la femme stérile symbolisent
une opération chirurgicale ayant pour objectif d'ouvrir le Mate Fo'ogo (utérus) qui
est resté fermé, afin que la fille dont elle sera le Rata ne soit pas stérile.
Le crâne de la femme est offert au défunt célibataire afin que l'enfant dont
il sera Rata ne soit pas (ne reste pas) célibataire lui aussi.
3.1.5. Cas spéciaux.
3.1.5.1. Rites d'enterrement d'un lépreux.
De par sa maladie mystérieuse, le lépreux qui ne vit pourtant pas rejeté de
(1), nous y reviendrons plus loin.
- 180 -

la société, a, à sa mort un rituel spécial d'enterrement.
Il n'est pas porté comme un mort ordinaire: il ne visite pas les familles, on
ne le sort pas par la porte de la maison, on ne le baigne pas, on pleure à peine. Il
n'est pas enterré dans le caveau (commun) familial.
On l'emballe (l'enveloppe) dans une tresse de paille, on le sort en le faisant
passer par dessus une des cloisons de la maison où il est mort, et porté par des
hommes, il est porté directement dans une tombe réservée aux lépreux.
L'abscence de rites n'a pas pour objectif (de rejeter le défunt) de couper le
défunt du cercle des ancêtres. Durant sa vie, il était bien intégré à la société de
Faga. Il sera aussi intégré à celle de Tinga. Mais c'est pour bloquer son activité
créatrice. On veut
l'empêcher
de
devenir
Rata
des
enfants
qui
porteraient
son
empreinte d'homme, de personne mutilée, sans doigts, ni orteils.
3.1.5.2. Le Kpira mort à la guerre ou dans un accident quelconque n'est pas
introduit
à
l'intérieur
de
la
maison
(concession).
Après
quelques
cérémonies
sommaires sur la cour extérieure. il part directement pour la tombe. On déposera à
côté de celui qui est mort à la guerre une flèche l'incitant ainsi à la vengeance. Et
puis on organisera une guerre de vengeance simulée (Tobago)
On ne l'introduit pas à la maison pour éviter une série de morts tragiques.
car ce qui l'a tué le suit et pourra s'installer pour de bon dans la famille.
3.1.6. Jeûne "mortuaire".
Depuis l'instant où le défunt expire jusqu'au lendemain de l'enterrement, rien
ne doit être préparé sur le foyer de la maison. Toute la famille reste inconsolable
et personne ne mange, sauf les enfants. Les voisins apportent à manger et à boire.
Ce sont les enfants qui mangent. Les grandes personnes se contentent de boire à
peine, incitées par les étrangers.
Ce jeûne traduit l'affliction, la douleur morale, qui affecte les parents à la
mort d'un être cher. Mais il y a deux autres significations profondes .
• La première est que préparer et manger veut dire qu'on se réjouit de la
mort de "autre. On est content qu'il soit mort ou on l'a éliminé pour avoir plus à
manger. ("Na wenbiga yadega"= pour que la calebasse devienne plus large, quand on
est nombreux on se sert dans de petites calebasses ...). Il faut qu'on prouve par le
jeûne qu'on n'a pas causé sa mort. ni ne l'a pas souhaitée.

La
deuxième
signification
est
que
préparer
à manger
est
la
cuisine
sorcière. Quand le corps n'est pas encore enterré, c'est ce corps que l'on mange
sous les apparences de la nourriture. On l'a tué pour le manger.
Sa calebasse est déposée dans le foyer.
Quand on reprend la cuisine dans la maison, on lui sert chaque fois sa part.
-
181 -

3.1.7. Les rites après l'enterrement.
3.1. 7.1, Rites purificatoires.
Dès
le retour de la
tombe,
les
parents
proches
du
défunt
sont
lavés
à
grande eau sur la cour extérieure avant d'entrer dans la maison.
La purification des veufs fait partie d'un rite spécial que nous étudierons au
paragraphe suivant.
Tous les étrangers présents sont soumis à des ablutions. Ils se lavent les
mains, les
bras
avec
les
feuilles
d'un
ficus
(Fédego)
qui,
frottées,
servent
de
désinfectant.
L'enterreur se lave à grande eau.
Ces
ablutions et bains
ne constituent
pas
seulement
un
simple
geste
de
purification hygiénique. C'est un débarras de la mort. Celui qui entre à la maison
sans se laver réintroduit la mort dans la maison avec, comme conséquence, une
série d'autres tueries. Les "Nakankète" ou "Nakakète" (les saletés) du Kpiira signifie
la mort qui l'a tué.
3.1.7.2. Cérémonies du troisième, quatrième jour, "Ja'abe".
La nuit du deuxième jour après l'enterrement d'un
homme et du troisième
jour après celui d'une femme, a lieu une veillée funèbre au
cours
de laquellè on
célèbre
(est
célébrée)
la
première
partie
du
rite
de
"Ja'abe";
c'est
le
"Yongo
Ja'abe". Un
repas
rituel
(confectionné sans
aucun
condiment)
est
servi
à
toute
l'assistance, composée surtout de femmes (qui le reçoit directement dans la main).
Puis a lieu une séance de pleurs dont le signal est donné par les personnes les
plus
affectées
(mère,
père,
époux,
épouse...
du
défunt).
Si
le
défunt
est
une
personne âgée, le son de cor ouvre la séance et énumère les
noms des Génies
Ιga)
du lignage
(Da'anga), et, à chaque nom invoqué, répond le
roulement
du
grand tam-tam. Ensuite commencent les pleurs et, parallèlement, la danse. Le tout
dure une à deux heures de temps.
Le lendemain matin, un groupe d'hommes se rend sur la tombe du défunt, s'il
s'agit d'un homme âgé ou d'une femme assimilée (imitatrice, infirmière de guerre ... ),
pour le "tourner" (Tindég'm). Ils y vont en dansant au son de musique animée. C'est
un rite qui consiste en principe à tourner le corps sur l'autre flanc, comme
le
dormeur qui se retourne. En fait, on n'ouvre même pas la tombe, on oint la pierre
tombale d'huile et on s'en retourne. toujours en dansant.
Le rite de "Ja'abe de jour" (Munun Ja'abe) commence dans la matinée par le
rasage des têtes de tous
les
membres de la famille mortuaire. Chacun
se fait
raser
complètement
la
tête;
c'est
un
groupe
de
femmes:
qui
effectuent
cette
besogne. Vers
midi, un
repas
rituel
est apprêté et consommé dans
les
mêmes
conditions que celui de la veille. Puis a lieu une séance de' pleurs qui peut durer
jusqu'au soir.
Ce rite de "Ja'abe" marque en même temps le début d~ deuil que nous allons
étudier ci-dessous.
-
182 -

Le rite du troisième-quatrième jour est célébré le jour où, selon son sexe. le
mort (Kpiira) commence à se décomposer (à pourrirl. En effet, c'est le troisième
jour après l'enterrement pour l'homme, et le quatrième jour pour la femme, que le
bas-ventre du cadav re rompt (A hirga fan (bas-ventre) Jiteg'n), et le contenu de
l'abdomen s'écoule. C'est ce jour-là que la mort devient réalité. La décomposition. le
pourrissement, confirme la mort. Jusque là, c'était comme un rêve. On n'y croyait
pas encore. Maintenant, la famille doit se rendre à la triste réalité et prendre le
deuil.
On
se
rassemble
pour
pleurer
comme
le
premier
jour
du
décès,
de
l'enterrement. Le repas est l'invitation officielle faite à la famille à se remettre à
s'alimenter, à rompre le jeûne mortuaire et à se reslgner. Mais. quand on constate
l'absence réelle du disparu
au
repas, on
prend
douloureusement
conscience
qu'il
n'est plus et les pleurs éclatent à nouveau. Toute l'assistance fait écho à la famille,
et tout le monde pleure comme au jour du décès, de l'enterremen t.
Le rite de "Tindeg'm" des personnes âgées s'insère dans le même contexte.
3.1.7.3. Rite du dix-huitième. vingt-quatrième jour (Lig'bire: divination).
Trois
ou
quatre
semaines
de
six
jours
après
l'enterrement,
i.e.
le
dix-huitième ou le vingt quatrième jour, a lieu une séance solennelle de divination
pour rechercher les causes,
l'origine de ce
malheur, qui a frappé
la famille.
La
boisson de mil (dam) Tchoukoridou) est préparée pour la circonstance. L~' retour de
cette séance, qui se fait généralement loin du village, a lieu le soir et est annoncé
à l'entrée du village, par
des
pleurs;
les
gens
se
rassemblent
dans
la
maison
mortuaire et les pleurs s'animent pendant près de trente minutes. Puis, le Dam est
servi à toute "assistance a près quelques libations à l'intention du défunt.
La recherche des causes a pour objectif de résoudre les problèmes éventuels
en suspens.
En effet,
le
décès
d'un
seul
peut
être
un
avertisement
et
si
on
n'élucide pas la situation, un malheur plus grand peut frapper la famille.
3.1.8. Le deuil et le veuvage (Fogelebel.
3.1.8.1. Qui porte le deuil?
En dehors du veuf et de la veuve, si le défunt était marié, les membres de
la famille qui doivent porter (prendre)
le deuil sont
surtout du sexe
féminin:
la
mère, la sœur, une des
filles du défunt, selon
son rang dans
la hiérarchie
de
naissance. Puis viennent certains parents par alliance.
Généralement, l'homme ne porte le deuil que de son épouse. Quand il s'agit
d'un membre quelconque de la famille, ce sont les femmes qui portent (prennent) le
deuil, du moins sous sa forme extérieure et ses contraintes.
3.1.8.2. Rites préparatoires.
Les premiers rites du deuil et du veuvage ont lieu aussitôt après (le jour de)
l'enterrement, dès le retour de la tombe. Toutes les
personnes devant porter le
-
183 -

deuil
sont
prises
en
charge
par
un
conseil
des
femmes
mûres
du
village,
connaisseuses
en
la matière
-qui
se chargent
de laver
toutes
ces
personnes
à
grande eau, comme tous les membres de la famille mortuaire, en plein air, sur la
cour extérieure- et attendront le troisième- quatrième jour pour porter le deuil.
Le veuf ou la (les) veuve (s) est soumis à un rite plus complexe.
En cas de décès d'une femme, son époux est conduit chez lui après le bain
et soumis à une retraite fermée de quatre jours dans sa chambre. On lui affecte
un parrain, qui a lui-même été veuf. pour l'initier et le guider.
Quant à la (aux) veuve (s), le conseil des femmes l'installe assise, dans le
dépotoir sur la cour extérieure de la maison
mortuaire. Là, avec
le poignard
du
(défunt)
mari
défunt,
on
lui
tranche
la
ceinture
de
ficelle
qui
soutient
son
cache-sexe. ainsi que ce dernier. Le tout est enlevé et jeté. Elle est a lors lavée,
conduite dans la chambre du mari et soumise à une retraite fermée de trois jours.
On lui affecte une marraine ayant elle-même été veuve. qui jouera le même rôle
que le parrain pour le veuf. On lui ceint les reins avec des
fibres
à tresser
la
corde (Miite) et les mêmes fibres servent de cache-sexe (Bô'ôgol.
Les veufs doivent se déplacer avec une extrême lenteur, soutenus par leur
parrain ou marraine. Durant la retraite, ils sont soumis à une alimentation légère.
faite de bouillie et du dam. En
fait,
ils pleurent
beaucoup
et
mangent
peu.
Le
parrain ou la marraine les incite à s'alimenter.
Si
une
mère
vient
à
perdre
son
enfant
en
bas
âge,
on
lui
enlève
le
cache-sexe et la ceinture
de - ficelle,
sans
les couper, et, après
le bain, on
les
remplace par des fibres servant au tressage des cordes. Elle n'est pas soumise à
la retraite. puisque ce n'est pas un veuvage.
3.1.8.3. Ja'abe et début du deuil.
Le rite du troisième. quatrième jour marque la fin de la retraite des veufs et
le début du deuil.
La sortie des veufs se fait (a lieu) le matin du "Munun' Ja'abe" (le Ja'abe du
jour), par leur parrain ou marraine; on leur rase
la tête et on
procède au rite
central du port du deuil auquel sont soumis tous ceux qui doivent porter le deuil (et
à qui on a aussi rasé la têtel. Le rite du port de deuil consiste à ceindre les reins
des intéressés avec des ficelles
(dont se servent généralement
les
femmes
pour
soutenir
leur
cache-sexel.
Ces
ficelles
doivent
être
noires.
C'est
le
rite
de
"Ghurmbobe".
C'est
à
ces
ficelles
que
les
porteuses
de
deuil
vont
désormais
attacher leur cache-sexe.
En plus de ce rite. les veufs (veuves) sont coiffés d'une calebasse (Wanga)
passée à l'huile de palmiste; on leur remet aussi une canne en tige de mil (Daaga),
passée aussi à "huile de palmiste. qu'ils doivent tenir en marchant.
Après le rite du dix-huitième. vingt-quatrième jour. les veufs
sont réinitiés
par leur parrain ou marraine aux activités de la vie quotidienne: travaux champêtres.
marchés ...
-
184 -

3.1.8.4. Durée du deuil et du veuvage.
Le deuil qui commence le troisième ou quatrième jour après l'enterrement et
le veuvage qui commence dès le décès du conjoint durent trois ans si le défunt est
un homme et quatre ans si ces t (en cas de) une femme.
Durant cette période. tous les porteurs de deuil doivent respecter certaines
prescriptions.
Ils doivent s'oindre journellement (quotidiennement) le corps avec de Ihuile de
palmiste, arborer
les
signes extérieurs
du deuil;
ils
s'astreindront
à l'abstinence
alimentaire
telle
qu'elle
est
imposée
au
jeune
homme
à
partir
de
sa
première
initiation (son passage dans la classe d'âge). Cela veut dire qu'ils s'abstiendront de
manger dans les champs et n importe où. Ils doivent faire des ablutions des mains
avant de manger quoi que ce soit ou de boire.
En plus de ces prescriptions, les veufs, surtout les veuves, sont soumis à
l'abstinence sexuelle: ils ne doivent pas se remarier et doivent s'abstenir
de tout
rapport sexuel. Cette règle concerne surtout les femmes, étant donné que l'homme
est généralement polygame (polygy ne). Puis, le veuf ou la veuve ne peut partager le
contenu de sa calebasse (le dam) qu'avec des personnes veuves ou l'ayant été.
Durant toute la période de deuil, des libations (Kpi'ida) périodiques sont faites
à l'intention du défunt, surtout au début de chaque saison (sèche ou pluvieuse).
3.1.8.5. Consultation des Tingreba (ceux d'en-bas) (Hedégo-Sumgan Gbube).
Ce rite. qui est une véritable assemblée générale réunissant les deux pôles
du
lignage,
i.e.
les
Tingreba
(ceux
du
monde
d'en-bas)
dont
le
défunt,
et
les
Fagreba (ceux du monde de surface) s'occupe de la destinée (destin) du
"Kpiira"
(défunt) dans l'au-delà, et a lieu quelques semaines après le "Lig'bire" (divination du
18ème-24ème jour) dans la grande maison du lignage.
Il varie dans son contenu selon
les
villages
et
nous
allons
en
exposer
ici
deux modèles: le Hédégo et le Sumgan Gbube.

Hédégo.
Le
jour
fixé,
le
Dam
est
apprêté
dans
la
grande
maison
(Habermre) du lignage, où tous les membres du monde de surface (les Fagreba) se
réunissent en assemblée générale autour d'un Tada qui n'avait pas été consulté lors
des divinations précédentes. Les étrangers au lignage ne sont pas exclus de cette
assemblée.
Le Tada s'isole dans la grande cuisine de la maison où il est entouré d'un
paillasson. Là, par j'intermédiaire de l'une de ses épouses-esprits, la Hééga (1), dont
la voix féminine est entendue par l'assistance, convoque
l'assemblée générale des
Tingreba (ceux d'en-bas) du lignage, à qui il expose l'objet (l'ordre du jour) de la
réunion, à savoir:
(1), Héga, onomatopé désignant d'abord le timbre aigu de la voix de "l'épouse esprit"
du Tada, puis cette épouse elle-même. Ce mot a donné: Hedego=I'encios de Héga.
-
185 -

Le sort réservé dans j'au-delà au membre du lignage récemment
sorti du monde de surface: est-il bien arrivé chez eux, et
bien
accueilli dans le
cercle familial? Ou bien est-il plutôt coupé du lignage et voué à j'errance dans les
champs? S'il est dans les champs, à quel endroit se trouve-t-i1? est-il enchaîné par
les Fagnideba, ou libre de ses mouvements? Et pour quelles raisons a-t-il choisi les
champs?
Et puis, le décès de l'Ego en tant que langage de Tinga doit être
élucidé: quelles sont les causes (raisons) qui expliquent la sortie de l'Ego du monde
de surface (Faga)? Y a-t-il eu des manquements de la part des Fagreba (ceux de
Faga)
à
l'égard
des
Tingreba
(ceux
d'en-bas)
en
ce
qui
concerne
les
devoirs
religieux (sacrifices périodiques, libations, rites divers.,.)? En effet, même si Ego a
été victime d'agression extérieure maintenant connue, cela n'a pu être possible que
dans la mesure où la "Maison" lui a tourné le dos en l'abandonnant à l'agresseur.
Et puis les Tingreba eux-mêmes peuvent "avoir appelé pour certaines raisons.
Alors les Tingreba (ceux d'en-bas) se présentent à tour de rôle, déclinent
leur identité, développent les sujets à l'ordre du jour à l'attention des Fagreba (ceux
de
Faga)
qui
les
entendent
directement,
reconnaissent
leur
voix
telle
qu'ils
s'exprimaient quand ils étaient encore parmi les vivants de Faga. Oonc, le Tada ne
sert plus ici d'intermédiaire en traduisant ce que disent les Tingreba. C'est une
communication directe, un véritable face-à-face entre les Tingreba et les Fagreba,
sans médiation, sauf que les derniers (Fagreba) entendent les premiers (Tingreba)
sans les voir .

Le Sumgan Gbube est le même rite se déroulant dans un autre village,
Tout comme le Hédégo, il se déroule dans la grande "Maison" (Habermre) où tous
les Tingreba
(ceux d'en-bas)
et les Fagreba (ceux
de
surface)
du
lignage
sont
rassemblés
autour
d'un
Tada
compétent
non
consulté
jusqu'ici:
l'assemblée
est
ouverte aussi aux étrangers aux lignage.
Par contre, dans le Sumgan Gbube, le Tada s'installe en plein air, à la vue
de tout le monde. à l'entrée de la maison (concession); on lui apporte une grande
assiette (Sumga) en argile cuite, remplie d'eau, dans laquelle on a renversé une
calebasse. Armé d'un bâton
(la
branche verte
d'un
arbre), le Tada tape sur la
calebasse qui résonne comme un tambour, d'où le terme
"Gbube", jouer au tam
tam. Donc "Sumgan Gbube" signifie jouer dans l'assiette. Il tape un certain nombre
de
coups
pour
appeler
les
Tingreba
(ceux
d'en-bas)
pour
l'assemblée
générale.
L'ordre du jour est
le
même
que
dans
H édégo.
Ici, comme
dans
Hédégo,
les
Tingreba (ceux d'en-bas) rassemblés défilent l'un après l'autre; mais c'est par la
bouche du Tada qu'ils déclinent leur identité, analysent les sujets à l'ordre du jour
et tirent les conclusions. Le médium du Tada (son épouse-esprit), bien qu'opérant
avec lui, ne se fait pas entendre comme dans le Hédégo.
Ces deux modèles ont la même structure qui comprend les éléments suivants:
- 186 -

'" le Faga (les membres du lignage vivant dans le monde sensible!.
• le Tinga (les membres du. même lignage vivant dans le monde spirituel)

le médium (le Tada qui
fait partie du
monde sensible
mais
communique
avec le monde spirituel).
Le problème qui réunit les deux mondes est le sort d'un de leurs membres
récemment décédé, i.e. passé du monde sensible à celui spirituel.
Le
monde
(pôle)
sensible
du
lignage
sinforme
auprès
du
monde
(pôle)
spirituel du même lignage sur le sort réservé à l'un des siens qui a rejoint l'autre
monde, et par ce biais élucide un certain nombre de problèmes latents liés de loin
ou de près à la mort de l'Ego: rechercher les voies et moyens pour normaliser ses
relations avec le Tinga, s'assurer sa protection afin (d'éviter à l'avenir) de prévenir
d'autres malheurs dans le lignage parmi les Fagdeba vulnérables.
3.1.8,6. Sortie du deuil.
Après
trois-quatre
ans
de Folgelebe,
la
sortie
du
deuil
a
lieu:
tous
les
porteurs de deuil
(veufs et autres) se font raser
la tête:
puis on
les
lave. Les
parures de deuil sont enlevées. Les ceintures de ficelle noire sont remplacées chez
les veuves par d'autres teintes en rouge
(rose) (Gburn Molenga); leur cache-sexe
de deuil est remplacé par un nouveau.
Quant aux
veufs,
on
leur met aussi aux
reins une ceinture de ficelle teintée de rouge en remplacement de celle noire qu'ils
portaient. Mais
ils
ne garderont cette
ceinture
que
pour
un
temps
relativement
court. A leur poignet ainsi qu'au poignet de tous les membres, on enfile aussi des
bracelets de ficelle rouge. Les autres porteurs de deuil de sexe féminin remplacent
aussi leur ceinture de deuil par une rouge. Ce rite signe la rupture de tous
les
interdits et prescriptions du veuvage et du deuil. Les veuves peuvent se remarier si
elles le désirent. Ensuite a lieu un repas rituel arrosé de Dam.
Si le défunt était une pesonne âgée, la sortie de deuil est alimentée par une
danse
rituelle
comme
à
l'enterrement
et
au
rite
de
troisième-quatrième
jour
Ua'abe). Le jour précédant la cérémonie une veillée est ouverte par le son du cor
cérémonial énumérant les génies (Boga) du lignage, ponctué par les roulements du
grand tam-tam.
Le jour même, la danse s'anime dans l'après-midi, après les cérémonies de
sortie de deuil, et dure une partie de la nuit.
3.1.8.7. Signification du deuil et du veuvage.
L'installation de la veuve dans le dépotoire symbolise sa situation actuelle: elle
est maintenant dans les saletés, la boue: en effet elle porte en elle les saletés de
son mari. Le dépotoire, Tanfondre, est l'endroit où l'on jette tous les immondices,
toutes les ordures ménagères de la maison. Le sperme est les saletés du mari, la
femme
qui
le
recueille,
le
dépotoire.
"Souviens- toi
de
celui
qui
devient
ordure
aujourd'hui, tu portes en toi
ses
saletés."
Son cache-sexe et la ceinture qui le
soutient sont tranchés avec le poignard du défunt. Le poignard symbolise le défunt.
C'est un instrument masculin, une arme de guerre qui n'est porté que
par
les
- 187 -

hommes (la femme ne fait pas la guerre). Couper le cache-sexe. c'est libérer les
saletés (Nakankete) qu'il bloquait,
Rappelons que le cache-sexe remplace l'hymen rompu par le mari, en même
temps qu'il bouche la voie ouverte pour le bébé naissant. C'est pourquoi c'est après
le
premier
accouchement
que
la
femme
porte
officiellement
le
cache-sexe.
Il
symbolise à la fois
l'alliance
matrimoniale
signée
par
les
actes
conjugaux
et
la
maternité de la femme: c'est IUÎ qui fait de la fille d'hier la femme mariée et mère.
les deux étant inséparables puisque mariage et procréation ne sont que les
deux
pôles de la même réalité. et maternité et féminité vont de paire.
Couper
le
cache-sexe,
c'est
libérer
la
voie
pour
évacuer
les
saletés
(l'Jakankete) qu'il bloquait. i.e. le sperme du mari mort. C'est aussi la rupture de
l'alliance.
du
lien
conjugal
et
la
libération
de
la
veuve
de
ses
obligations
matrimoniales envers un homme désormais absent (disparu). Cette rupture se fait
avec une arme de guerre car celui qui prendra cette femme sera le rival du mari
défunt. son ennemi. Il faudra un rite de réconciliation entre les deux sauf en cas de
lévirat.
La liberté de se remarier n'est pas donnée tout de suite à la veuve. Celle-ci
doit en
effet
extérioriser
par
le
deuil
et
pendant
les
trois
ans
symbolisant
la
masculinité (virilité)
sa situation de dépotoir des
saletés
du
mari. et cela.
quand
même elle aurait été divorcée et remariée. Car le seul mari c'est le premier.
Le veuf se
trouve
à peu près
dans
la
même
situation:
il
est
dans
une
certaine
mesure
les
saletés
de
sa
femme.
Mais
comme
lui
ne
conserve
pratiquement rien des actes conjugaux. il l'est moins. C'est pour cette raison qu'il
n'est pas installé dans le dépotoir. Mais comme la veuve, il va porter le deuil et
être astreint aux mêmes interdits et prescriptions qu'elle.
La
calebasse
imposée
aux
veufs
et
aux
veuves
est
le
symbole
de
la
mendicité. la canne est le bâton du malheureux. Le fait d'être enfermé trois et/ou
quatre jours fermes et de s'alimenter à peine constitue la mort et l'enterrement
symboliques (dans certaines cultures africaines. Zaïre. la veuve est enterrée vivante
avec le cadavre de son mari). Au terme de la retraite. ils renaissent comme des
enfants:
le
"darota".
le
parrain
et
la
marraine
doivent
leur
réapprendre
leurs
activités quotidiennes (activités agricoles et ménagères, fréquentation des marchés
et places publiques). Les rites de sortie de la chambre et sur la cour extérieure et
dans les champs, rappellent ceux de l'intégration du bébé à la société.
La marche lente qui leur est imposée traduit le poids de la douleur morale.
de l'affliction. Celui qui a perdu un membre est malheureux,
inconsolable.
parce
qu'abandonné. Il n'a plus personne pour s'occuper de lui. Le veuf n'a personne pour
lui donner de l'eau: "eau symbole de la nourriture. de tout ménage. C'est l'épouse
qui s'occupe de nourriture à la maison. elle est nourricière. C'est dans ce sens que
son épouse remplace sa mère. Donc il a perdu la mère nourricière qui lui donne de
l'eau,
i.e.
à
manger
dans
la
calebasse.
"
portera
pendant
les
quatre
années
-
188 -

symbolisant la femme. la calebasse vide renversée sur la tête en
signe d'homme
abandonné. n'ayant personne.
La veuve a perdu celui qui lui ramenait des champs les fruits de la terre
dans la calebasse qui devient désormais vide et renversée sur la tête. Elle n'a plus
personne pour s'occuper d'elle.
Tout cela est un poids douloureux et affligeant. trop lourd à supporter, qui
abat. "déforce". Le malheureux qui peut marcher à peine doit s'appuyer sur une
canne et a besoin de quelqu'un qui le soutienne. le tire (Darota: parrain. marraine),
Le veuf et la veuve ne partagent pas leurs boissons avec d'autres pour que
le même sort ne les frappe pas. Ils saluent les gens sans leur serrer la main pour
la même raison.
La ceinture de ficelles noires
symbolise
l'abstinence
sexuelle
en
tant
que
ceinture et le deuil par sa couleur noire. L'huile de palmiste par opposition à l'huile
de palme, rouge. symbolise la fécondité de la terre, "abondance, la pluie, .... mais
aussi la tristesse. L'huile
sur le corps,
la
ceinture,
la
calebasse,
symbolise
les
saletés qu'on porte.
3.2. CONCEPT DE LA MORT.
3.2.1. Le mythe de la mort. (1).
Le mythe de la mort existe en deux versions.
3.2.1.1. Première version.
A "origine les hommes ne mouraient pas.
Un jour on
a envoyé
quelqu'un
porter un message à l'origine de l'homme. et ramener (rapporter) la suite. Mais le
messager ne revint pas. il y avait trouvé un arbre fruitier
(Gaaga. improprement
appelé ébénier)
portant des
fruits
mûrs
succulents.
Il se mit à s'en régaler et
oublia de revenir. On envoya un second à sa suite qui tomba dans le même filet et
ne revint pas. Depuis ils partent et ne reviennent plus. d'où l'expression: Ba Kpum
Ka Kpataa, i.e. ils meurent et y restent (sans retour),
3.2.1.2. La deuxième version est la suivante:
Un messager fut envoyé aux hommes (par l'Origine) pour leur apporter
la
garantie d'immortalité: ils vivraient éternellement. Après le départ du messager vers
les hommes, l'Origine changea d'avis en décidant que les hommes devaient mourir,
et dépêcha un deuxième messager qui arriva chez les hommes avant le premier.
Celui-ci, porteur du message d'immortalité, était séduit par les fruits succulents et
(1), cf. WasunguA, Op. cit. pp86-89.
-
189 -

oublia, pour un temps. sa mission. Quand il arriva avec beaucoup de retard chez les
hommes. la mort était déjà entrée dans le monde. C'était trop tard.
3.2.1.3. Un proverbe nawda dit que "nous sommes tous venus au marché et
devons retourner chez nous". Ce qui veut dire que le monde de surface
(Faga)
n'est pas (notre "chez saï') chez nous; nous y sommes de passage, au marché.
3.2.1.4. Essai d'analyse.
Nous voyons dans les deux versions du mythe le fruit (gorona) tentateur qui
se trouve à l'Origine de l'homme (Gnida ren LangaL Les "gorona" sont des fruits
très sucrés d'un arbre répandu dans le pays nawda, qui mûrissent au début de la
saison sèche, janvier ,février. Il est recherché pour son goût suc ré. Dans le mythe,
il symbolise l'agréable, le bonheur. L'origine de l'homme. là où ce fruit retient les
messagers, est le lieu où l'on "mange le bonheur" (Ban ju Lamegu re, Lame gu de'
LangaL Le mythe ne le présente pas comme un fruit défendu: ceux qui le mangent
ne transgressent aucune Loi. sauf qu'ils oublient de remplir leur mission, tellement
le fruit est bon.
Les messagers de la première version n'encourent aucune punition pour avoir
mangé ce fruit. Tout ce qui est regrettable, c'est qu'ils ne sont pas revenus rendre
compte de leur mission, et ceux qui les ont envoyés sont restés sur leùr soif. Ils
ont
trouvé
un
plus
grand
bonheur
là-bas
que
sur
terre.
Pour
cette
première
version, la mort c'est le non-retour des messagers, ce n'est pas un mal, la mort
n'est pas un malheur qui les frappe, puisqu'ils ne regrettent pas leur non-retour. Ils
ne reviennent pas parce qu'ils ont trouvé le bonheur, Le proverbe "Te daan Yako"
fait écho à cette version: la vie de Faga n'est pas chez nous; nous sommes venus
au marché et nous devons retourner chez nous sans regret.
L'envoyé de la deuxième version n'arrive pas à temps
chez les vivants
de
Faga, parce que retenu par le bonheur, le même bonheur; lui non plus
ne
subit
aucun châtiment pour avoir dégusté le fruit du bonheur. Mais, à la différence de la
première version, la mort est vécue ici comme un phénomène regrettable. La vie
éternelle dont les hommes devraient bénéficier est la vie de Faga, La mort apparaît
alors
comme
une
disparition,
une
suppression
de
cette
vie.
Ici,
cette
vie
est
regrettée,
contrairement
à la première version où on
l'oublie
en
découvrant
le
bonheur dans l'au-delà.
Ces deux thèmes sont présents dans le vécu et la représentation de la mort.
Celle-ci apparaît à la fois comme une libération qui permet de trouver le bonheur
parmi les siens et un moment angoissant, redoutable, qui vous arrache à la vie .

Le premier thème est surtout
incarné par les personnes âgées qui ont
franchi toutes les étapes de la vie, accompli toute la Loi ancestrale et n'ont plus
rien à attendre de la vie de Faga. Ils sont arrivés au bout de celle-ci, se trouvent
à l'angle du tournant d'où ils regardent la vie de Faga et celle d'en-bas.
Ils ont
alors le loisir de comparer, et de trouver plus de bonheur "en
bas",
vers
les
- 190 -

origines ancestrales. Ainsi. ils attendent souvent la mort avec beaucoup de sérénité.
Ils
sont
comblés
de
voir
les
enfants
de
leurs
enfants.
Ils
ont
laissé
des
successeurs. des continuateurs du lignage. Ils peuvent maintenant rejoindre les leurs
en paix. Certes. à aucun moment. la sortie de la vie. la mort. n'est considérée
comme
un
fait
naturel.
A
quelque
âge
qu'elle
survienne.
elle
est
toujours
une
agression. Mais, à la vieillesse, elle est "appel de l'Ancêtre (le hô'ô we - Tinga hô'ô
we). qui peut utiliser n'importe quel moyen agressif; il
suffit qu'il
vous
tourne le
dos.
vous
retire
sa
protection;
donc,
les
agresseurs
attaquent
parce
que
les
Tingreba l'ont voulu en vous retirant leur protection. vous rappelant à eux.

Le
deuxième
thème,
d'angoisse.
exprime
le
vécu
des
jeunes
qui.
en
principe, ne devraient pas mourir prématurément. être arrachés comme des jeunes
plants. avant d'avoir accompli la mission de l'Ancêtre-Fondateur. Dans ce cas. la
mort apparaît comme une agression injuste. Il faut ajouter que les jeunes n'ont pas
le recul que les personnes âgées ont par rapport à la vie de Faga. recul qui les
rapproche de l'ancestralité. dont ils deviennent l'écho auprès des Fagreba.
3.2.2. Définition de la mort.
L'analyse
qui
précède
nous
permet
de
définir
la
mort
par
approches
progressives.
3.2.2.1. Mort et vie de Faga.
Considérée par rapport à Faga, la mort se définit comme la disparition. la
cessation
de
la
vie;
un
être
mort
cesse
de
respirer,
de
bourgeonner.
de
se
reproduire. de grandir. ne s'alimente plus. Il se décompose, il pourrit. La mort est
donc le départ, la sortie de la vie sans retour. Aucun mort n'est jamais revenu.
3.2.2.2. Mort et Tinga.
Les morts ne reviennent pas. mais ils vivent dans l'au-delà: ils ne sont pas
morts. Nos yeux ne les perçoivent pas. nos oreilles ne les entendent pas, mais ils
nous parlent par les évènements de la vie. Nous ne les voyons pas manger. mais Ils
mangent des fruits des sacrifices. Les Yendeba (voyants) les voient. communiquent
avec eux et nous en parlent.
Donc, la mort n'est pas la cessation de la vie. mais
la
transformation,
la
transmutation de celle-ci.
-
191 -

3.2.3. Signification métaphysique de la mort.
La définition ci-dessus introduit à la vision métaphysique de la mort.
3.2.3.1. Mort, tournant de la vie.
La mort comme maillon du cycle biologique est un tournant qui permet de
boucler le cercle. La vie devient ainsi un courant qui s'autoalimente continuellement:
on naît, on grandit. on dégénère (vieillit); la mort permet de renaître à la vie et de
générer la vie, par la participation à la création des êtres vivants. à la propagation
de la force vitale. et non par la réincarnation.
La mort transforme l'être en force génératrice de vie. L'énergie libérée par
la mort retourne à l'origine. à la source-première de l'énergie. à l'ancestralité, qui
est source du courant vital.
3.2.3.2. La mort, un passage.
Dans ce sens, la mort est un passage de la vie de Faga. à la vie d'en-bas.
Elle est la dernière étape du cycle biologique, l'étape par laquelle le courant vital
émané de l'ancêtre et condensé en êtres vivants à deux pôles. à deux dimensions
(physique
et
spirituel)
se
propage
en
désinvestissant
progressivement
le
pôle
physique pour investir celui spirituel et s'y condenser, s'y concentrer.
La mort est donc le grand passage. et comme tous les passages du cycle
biologique, toutes les étapes de la vie. elle est célébrée par des rites de passage,
tels que nous venons de les étudier. A la lumière de cette vision, tous les rites.
depuis "agonie jusqu'à la sortie de deuil, célèbrent la mort comme passage: passage
de Faga à Tinga.
-
192 -

DEUXIEME PARTIE:
LES INSTITUTIONS
ET
PRATIQUES SOCIALES.
-
193 -

CHAPITRE 1:
INSTITUTIONS
SOCIALES.
1. ORGANISATION SOCIALE.
1.1. SOCIETE BIOLIGNAGERE. (STRUCTURE DE PARENTE)'
1.1.1. Système de filiation et famille.
1.1.1.1. Lignage et le rite de "Ka'abe".
La filiation chez les Nawdeba est un problème très complexe. L'observateur
étranger se trouve en effet devant une· espèce de confusion où il ne comprendra
rien s'il doit se contenter de ce qu'il observe:
• Certains enfants se réclament du père: ils héritent des terres du côté
paternel. sont même plus ou moins rejetés par le côté maternel. C'est le nom des
oncles, ancêtres paternels qu'ils prononcent devant des situations difficiles pour se
donner du courage.
• D'autres se réclament plutôt du côté maternel, s'identifiant aux ancêtres
et oncles maternels ...
• D'autres encore appartiennent aux deux côtés, ou bien une partie des
enfants du même couple sont du côté paternel et les autres de celui maternel.
Certaines
pratiques
sociales,
telles
que
le
culte
des
morts,
viennent
compliquer
ce
problème
déjà complexe:
même


les
enfants
se
réclament
exclusivement soit de la mère. soit du père. on observe
que
les
deux
familles
(maternelle et paternelle) se partagent les enfants pour l'enterrement. Nous avons
vu plus haut que. enterrer dans une famille, c'est intégrer le défunt (Ego)
aux
Ancêtres, à l'arbre généalogique de cette famille. Si Ego. de son vivant. n'était pas
affilié à cette famille. pourquoi, à sa mort on le fait? et pourquoi tous les enfants
d'un même couple ne sont-ils pas affiliés à la même famille de leur vivant et à leur
mort? En tout cas, cette situation soulève beaucoup de questions à l'observateur
étranger. Les réponses à ces questions durant notre enquête (participative) ainsi
que notre vécu personnel nous ont permis d'élucider le problème.
Selon la règle ancestrale de filiation. les enfants appartiennent au lignage
maternel. L'enfant est, avant tout l'enfant de la mère avant d'être celui d'un père.
C'est la mère qui l'a porté. c'est dans le sein maternel qu'il a été construit par les
-
194 -

ancêtres. les Tingreba (ceux d'en-bas) qui sont ses Rateba ..
Toutefois,
le père
a la possibilité de racheter les enfants
par
un
rite:
Ka'abe ou Kori ka'abe.
Le rite de Ka'abe a lieu, en principe, à la naissance du premier enfant,
mais peut se faire plus tard, après la naissance de plusieurs enfants.
La famille du mari donne à la famille de l'épouse douze jarres, ou plus, de
dam (bière de mil) et une vingtaine de poulets.
Ka'abe signifie casser, briser; on dit: "A ka'ara
a Foga jugun": "II a cassé,
brisé sur la tête de sa femme".
La matière du rite est le Dam et les poulets. Le Dam est
une boisson
courante,
qui accompagne
tous
les
rites,
toutes
les
activités
sociales.
Dans
les
rites, il joue souvent comme libation ou monnaie pour payer, ou réparer
un
tort;
dans les activités sociales, il intervient comme monnaie d'échange: on offre souvent
à boire en échange d'un service rendu, de l'amitié ...
Quant au poulet,
il est
l'animal
courant
qui
prend la place de l'homme,
offre sa vie à sa place, meurt pour qu'il vive. C'est dans ce sens qu'il est l'animal
de sacrifice privilégié. C'est lui qui est
sacrifié à la place de l'homme. L'homme
consomme l'animal sacrifié pour remplacer sa force, son énergie vitale. La vie de
l'animal sacrifié ne disparaît pas mais renforce celle de
l'homme pour qui il est
mort.
Nous y reviendrons au chapitre des institutions religieuses.
Dans le rite de Ka'abe (rachat), le dam est un geste de remerciement aux
Ancêtres de la famille qui a cédé une fille pourvoyeuse de vie, qui l'a offerte à la
famille du mari, de l'avoir prêtée (Ba jem we). Insistons sur le fait qu'à travers la
femme, prêtée, c'est pour les enfants qu'on remercie. Le fait est que le rite de
Ka 'abe ne se fait pas si la femme prêtée est stérile.
Quant aux poulets, ils remplacent les enfants. En tant qu'animaux symboles
de l'homme, ils constituent une véritable· monnaie d'échange. Notons toutefois qu'ils
ne sont pas sacrifiés, ils ne sont pas tués, immolés en sacrifice à la place des
enfants. Mais il semble qu'autrefois, on leur brisait effectivement les pattes comme
le dit l'expression "Kore'e ka'abe", i.e. le fait de casser, de briser les poulets. Les
poulets ont ainsi les pattes cassées à la place des enfants qu'ils symbolisent pour
que
(afin que)
ceux-ci
(ces
derniers)
ne
puissent
pas
(pour
les
empêcher
de)
retourner chez la mère.
Ce
rite
de
rachat
est
systématique
dans
certains
villages.
Quand
un
homme se marie, il le pratique systématiquement à la naissance du premier enfant
ou plus tard. C'est dans ces villages qu'on observe un rattachement au patrilignage.
Dans d'autres villages, il est facultatif. Le père est libre de racheter ou
non les enfants. S'il le fait,
les enfants
sont rattachés
à: son lignage, sinon
ils
restent dans la lignée maternelle.
Le rite de
rachat, qu'il
soit
systématique
ou
fac Itatif,
ne
"brise"
pas
totalement le lien d'appartenance
(rattachement des enfant ) au
matrilignage.
En
effet, ils continuent à remplir certains devoirs religieux enve s le lignage maternel,
-
195 -

et. comme nous l'avons noté plus haut, certains d'entre eux seront enterrés chez la
mère. Les poulets qui prennent leur place ne constituent pas un véritable échange,
mais une sorte de médiation vitale qui rattache à leurs racines maternelles, source
vivifiante.
Notons aussi que sans le rachat, le lien avec le père n'est pas inexistant.
Ils sont rattachés au lignage paternel avec, certes, moins de force et de solidité
qu'avec la mère. Ils accomplissent les devoirs religieux dans le lignage paternel et
certains d'entre eux y sont enterrés.
De cette analyse, il apparaît que la filiation est bilinéaire, mais faible du
côté paternel. L'enfant est à la fois rattaché au lignage maternel. qui est privilégié,
et à celui paternel.
1.1.1.2. Fôôgo. Famille conjugale (ménage) et lignage (bilignagel.
Le Fôôgo signifie gros
intestin et nous avons
vu
que
Mate
(maternité)
Fôôgo (gros intestin) désigne l'utérus. C'est ce sens qu'il faut entendre ici. le terme
"Mate" étant simplement (seulement) sous-entendu. Utilisé ici
au
sens
figuré,
il
s'applique à son contenu, i.e. aux enfants qui en sortent. On parle alors de Fôôgon
taaba, i.e. ceux qui sont du même Fôôgo qu'Ego; ou encore Tôblogo réba" ceux du
même Fôôgo.
Cependant, "Fôôgontaaba" ou "Fôblogoreba" ne se (limitent> réduisent pas
seulement aux frères utérins. Ils comprennent les germains. les consanguins. Quand
la mère de l'Ego a des enfants d'autres hommes que son père,
et/ou
que
ce
dernier a des enfants d'autres femmes. tous sont ses (les) Fôôgontaaba (de l'Egol.
Par extension. les Fôôgontaaba comprennent donc toute la lignée paternelle
et
celle
maternelle.
i.e.
tous
ceux
qui
se
réclament
(sont
issus)
de
l'Ancêtre
commun du côté maternel et ceux du côté paternel.
1.1.1.3. Groupe de lignage et famille étendue (1l.
Si nous considérons le Fôôgo (bilignage) dans toute son extension aussi
bien du côté paternel que maternel, il englobe le bilignage de chacun des géniteurs,
ceux des collatéraux, etc.
Le lignage de l'Ego, qui est bilignage, est en fait un groupe lignager, i.e.
qu'il regroupe plusieurs lignages, lesquels sont des groupes lignagers s'emboîtant
dans d'autres groupes lignagers, et on peut remonter à l'infini.
Mais, au fur et à mesure que l'on s'éloigne de l'Ego, les
contours
du
lignage deviennent difficiles à circonscrire, et la parenté de plus en plus vague.
1.1.1.4. Segmentation biolignagère et Da 'anga.
Cette
extension
à
l'infini
du
groupe
lignager
rend
l'organisation
socio-religieuse et politique difficile, le départage entre parents et étrangers étant
(1), Colleyn, J.P., Eléments d'anthropologie sociale et culturelle, Edition de l'Université
de Bruxelles. 1981, p.75.
-
196 -

impossible.
Alors il s'est opéré une condensation des (relations) liens de parenté en
unités (groupes) plus définis, plus limités. A l'intérieur de chacune de ces unités, les
liens
parentaux
sont
plus
forts,
plus
intenses,
les
mailles
du
tissu
social
plus
serrées.
Ces condensations définissent des contours plus precIs de Fôôgo qui se
limitent
du
côté
de
chaque
géniteur
de
l'Ego,
aux
grands-parents
et
leurs
collatéraux directs.
Ces groupes lignagers (Fôôte) bien (ainsi) circonscrits, entretiennent entre
eux des relations plus fluides, connaissant des temps forts à des périodes précises
de l'année, et/ou à des occasions telles que décès, certains rites sacrificiels ... qui
(réunissent) rassemblent tous les groupes lignagers.
Chaque Fôôgo étendu ou groupe lignager est ainsi découpé en de petits
Fôôte (plur.l (segments lignagers) bien circonscrits et l'ensemble forme un système
de parenté plus large appelé Da'anga. Le da' anga est donc le groupe lignager d'un
géni teur (le grand Fôôgo) déterminé de l'Ego, s'étendant à l'infini. Ego est pour ainsi
dire situé entre deux da'anée: celui de son père et celui de sa mère. Le Da'anga
signifie le Foyer et a une maison centrale appelée "Grande maison". Il porte un nom
qui est celui de son Ancêtre-Fondateur ou d'un Génie.
1.1.1.5. Système segmentaire et clan en Pays Nawda.
La société nawda est donc une société segmentaire. Le Da'anga, lignage
segmentaire,
groupe
de
fôôte.
couvre
la
notion
de
ce
que
les
anthropologues
appellent clan, i.e. "un groupe (Iignager) dont les membres se considèrent comme
descendants d'un Ancêtre commun, légendaire ou mythique, sans pouvoir (ou vouloir)
reconstituer leur généalogie précise"
(1)
Le Da'anga qui est un système lignager
unitaire. ayant un Ancêtre commun éponyme, (tel que nous l'avons décrit plus haut)
répond bien à cette définition. Les membres du Da'anga descendent en effet d'un
Ancêtre commun qui peut être un Génie, ou
un
Kpééma perdu dans
la nuit des
temps, et dont on ne peut reconstituer la généalogie. Le Da'anga dont l'Ancêtre est
fondateur porte le nom de ce dernier.
La société nawda est un système clanique dont le Da'anga (clan) est l'unité
(d'organisation) administrative, religieuse et politique (du village).
1.1.1.6. Système d'appellation,
Commençons par définir les (différents) termes utilisés pour désigner les
différents membres de la parenté .
• "Sa" désigne le géniteur mâle, le père de l'Ego en Fr ançais ,"Ma Sa".
mon père. celui qui m'a engendré. Mais ce terme désigne aussi les frères des
géniteurs (les oncles en Français) et peut s'étendre à tout collatéral mâle de l'âge
du père tels que grands-cousins même éloignés.
(1), Colleyn. J.P .• Op. cit .• p.75, cf. aussi Panoff
et Perrin, M .• Dictionnaire de
l'ethnologie. Payot, Paris. 1973, p.61.
-
197 -

• Gna désigne le géniteur femelle. la mère de l'Ego en Français. mais aussi
les
sœurs
des
géniteurs
et
même
toute
collatérale
de
l'âge
de
la
mère.
les
coépouses de la mère (épouses du père).

Maara s'applique aux frères et sœurs
aînés de
l'Ego. et s'étend aux
cousins. cousines (quel que soit leur degré). aux fils et filles des frères et sœurs.
plus âgés qu'Ego.

Gnafaala
(littéralement fils
de la
mère)
s'applique
au
frère
puîné
de
l'Ego. aux petits neveux. petits cousins. etc.

Gnabèe'ra (littéralement fille de la mère)
désigne
la
sœur
aînée.
les
petites nièces. cousines ... de l'Ego.
• Yandawa désigne le grand-père. l'ancêtre.
• Yoga désigne la grannd-mère. ancêtre du sexe féminin.
Par
extension.
Yandawaa
(chez
le
grand-père)
et
Yogaa
(chez
la
grand-mère) désigne respectivement le lignage paternel et maternel.
On
voit que. mis
à
part
les
grands-parents.
l'ensemble
des
personnes
désignées par un terme (chaque terme) occupent. par rapport à l'Ego. des places
fort différentes dans la généalogie et la génération.
Quelquefois. ce terme ne met même pas
de différence entre
les
sexes
comme le cas de Maara.
Nous avons là ce que les anthropologues appellent parenté classificatoire.
En effet. nous constatons que les parents sont classés
dans
diverses
catégories
selon des critères autres que purement biologiques.
Les rôles remplis par ces différents parents correspondent au statut social
qu'on leur donne et non pas à la place biologique qu'ils occupent par rapport à Ego;
celui-ci aura. en retour.
des
attitudes
et
des
comportements
correspondant
au
statut social qu'il occupe par rapport à chaque catégorie. Il se conduira en fils par
rapport à tous les Saamba (plurJ et à toutes les Gnaamba (plurJ. etc ... tout en
faisant
la
distinction
entre
les
vrais
géniteurs
et
les
autres.
Ceci
permet
une
meilleure intégration dans le
Fôôgo(lignage)
et
le
Da'anga
(clan)
(diversification
d'objets identificatoires).
Il semble qu'autrefois. le système de parenté était beaucoup plus dénotatif
et descriptif. i.e. que chaque parent était désigné
par un
terme
précis
selon sa
position généalogique. générationnelle et sexuelle par rapport à l'Ego. et descriptif
quand une certaine catégorie de parents
ne pouvaient avoir une désignation pour
chaque individu.
1.1.2. Système d'alliance matrimoniale.
1.1.2.1.
Représentation
de
la
sexualité
et
règlementation
des
conduites
sexuelles.
La sexualité est source de fécondité et de perpétuation du lignage. du clan
et de l'humanité. par le processus de reproduction. C'est à travers elle que l'énergie
vitale. émanée de l'Ancêtre. se concrétise en êtres vivants
concrets. Nous avons
-
198 -

analysé plus haut
(1)
les
rôles
respectifs
des
géniteurs
et
des
Tingreba
(ceux
d'en-bas) dans la construction de l'enfant. La sexualité participe ainsi de la sacralité
ancestrale productrice d'énergie
(fonction sacrée de l'Ancêtre). C'est en effet la
force,
l'énergie
reproductrice
de
l'Ancêtre
confiée
à
l'homme
et
qui
peut
se
retourner contre ce dernier,. en cas de mésusage. " faut utiliser cette force dans
le cadre prescrit. établi. institué par l'Ancêtre.
C'est dans ce sens que la sexualité, surtout celle de la femme où se
déroule
tout
le
rnys tère
de
la
procréation
(reproduction).
est
soumise
à
une
règlementation stricte dont nous énonçons ici quelques lignes.
Les rapports sexuels
(actes sexuels) doivent se
dérouler dans
certains
lieux précis. hors desquels
ils deviennent profanation grave pouvant entraî ner de
grands malheurs. Par exemple. les rapports sexuels entretenus (consommés) dans
les
champs
entrent
en
conflit
avec
la
fécondité
de
la
terre-mère
et
peuvent
provoquer sécheresse. brûlure des semences. et famine. si aucune réparation n'est
faite.
Deux hommes (ou plus) ne doivent
pas
se
rencontrer
"chez
la
même
femme". i.e. qu'ils ne doivent pas mélanger leurs spermes en elle. En effet. deux
hommes qui entretiennent des rapports sexuels avec la même femme profanent la
force sacrée reproductrice: il s'établit entre eux une rupture de lien que rien. même
la mort de "un d'eux, ne peut totalement réparer. et qui entraîne. pour les deux.
des conséquences dramatiques: si "un d'eux offre à manger ou à boire à "autre. ce
dernier perdra la vue; il a mangé "au revers de ses mains". i.e. l'endroit visqueux,
sale .... donc ses propres saletés (sperme) mélangées à celles de l'autre. Manger
ses saletés n'a aucun inconvénient. manger celle d'autrui (ami. parent) non plus. Le
fruit du rite purificatoire (saletés) est consommé (et doit l'être) par l'intéressé. et
parents et amis y communient. Mais manger ses saletés mélangées à celles des
autres est toxique (poison du conflit).
Un
rite
de
réconciliation
permet
de
résoudre
le
problème.
mais
pas
totalement: en effet ce rite permet aux deux antagonistes (rivaux) de manger et
boire ensemble sans conséquence néfaste; ce rite doit être pratiqué au remariage
d'une veuve; le nouveau mari doit se réconcilier symboliquement avec son rival mort;
mais l'un ne doit pas consommer le repas sacrificiel du rite purificatoire de l'autre;
il subira les mêmes conséquences. i.e. cécité. malgré la réconciliation.
De même, deux coépouses ou deux femmes entretenant ou ayant entretenu
des rapports sexuels avec le même homme. ne doivent pas communier au repas du
rite purificatoire
l'une de
l'autre.
au
risque
de
subir
les
mêmes
conséquences:
cécité.
Les rivaux (hommes seulement) ne peuvent pas visiter
simultanément un
malade;
il
est
même conseillé
que
si l'un
a déjà
visité. l'autre
ou
les
autres
s'abstiennent.
Sinon.
"leurs
pieds
lourds"
vont
rendre
la
maladie
"pesante"
i.e.
l'aggraver et précipiter la mort du malade.
(1). cf. commencement de la vie.
-
199 -

D'autre part, aucun ne doit visiter l'autre (ou les autres) malade pour les
mêmes raisons.
Les
rivaux
ne
doivent
pas
traverser
la
rigole
qui
draÎ ne
le
sang
des
couches
pendant
l'accouchement
de
leur
femme
commune,
celle-ci
mourrait
en
couches.
Puis la femme qui entretient ou a entretenu des rapports sexuels avec un
homme ne doit pas consommer le repas du rite purificatoire de cet homme (1), et,
réciproquement, l'homme ne doit pas consommer le repas du rite purificatoire de sa
femme ou de toute femme entretenant ou ayant eu des rapports sexuels avec lui.
C'est la cécité dans l'un et l'autre cas.
En quoi consistent au fond les rapports sexuels? Nous
avons
parlé plus
haut de mélange de spermes. C'est en effet de cela
qu'il
s'agit.
L'émission
du
sperme pendant (durant, au cours des) les rapports sexuels est essentielle. Il faut
que l'homme éjacule
"dans
sa partenaire"
pour
que
les
rapports
sexuels
soient
consommés
avec
toutes
les
conséquences.
Si
un
homme
qui
a
entretenu
des
rapports sexuels complets, i.e. jusqu'à l'orgasme, avec la femme (l'épouse) d'autrui
peut apporter la preuve
formelle
(prouver
formellement)
qu'il
n'a pas
laissé
une
goutte de sperme en elle,
les
deux rivaux et la femme
n'encourent aucune
des
conséquences
néfastes.
Le
mari
manifestera
sûrement
sa
mauvaise
humeur,
sa
jalousie, mais cela ne va pas plus loin.
Et
puis,
les
rapports
sexuels
entre
membres
du
même
Fôôgo
sont
prohibés. Ils sont punis de diverses maladies par le monde d'en-bas.
Cette règlementation des activités sexuelles va être la toile de fond de la
codification du système d'alliance matrimoniale.
1.1.2.2. Structure d'alliance.
Les conjoints prohibés par le système d'alliance matrimon iale au sein de la
société
sont
circonscrits
au
Fôôgo
au
sens
restreint,
i.e.
la
fratrie
(germains,
utérins, consanguins) les neveux et nièces de l'Ego, ses géniteurs (le mari de la
mère, les épouses du père). A ce cercle frappé d'interdit strict, il faut ajouter les
cousins germains O.e. les fils et filles des oncles et tantes).
Cette interdiction se justifie dans la mesure où les géniteurs ne peuvent
pas entretenir de rapports sexuels avec leur propre hawem (sperme) et Jim (sangl.
Un enfant qui est sorti du Fôôgo (utérus) de la mère ne peut pas y retourner, et
le père ne peut pas se replonger dans ses saletés.
Et puis
le même sang, le même sperme
(la fratrie,
neveux,
nièces
et
cousins germains) ne peut se mélanger pour la bonne raison
que quand on
veut
obtenir un produit nouveau, on ne mélange pas un produit avec lui-même
En dehors de ce cercle interdit, toute liaison est possible; il n'existe pas
d'alliance
prescriptive
ni
préférentielle.
Nous
avons

une
structure
d'alliance
(1), aucune femme en période de fécondité ne consomme de repas qui contient des
produits pour homme (daragne) stérilisant pour les femmes
-
200 -

complexe car on ne peut prévoir. pour un Ego déterminé, de conjoints possibles.
Tout semble pratiquement aléatoire.
Toutefois, les
futurs
conjoints
ne
sont
pas
totalement
libres
dans
leur
choix. La collectivité les prend en charge et très tôt.
C'est souvent le lignage de l'homme qui demande la main de la femme au
lignage de celle-ci. Le chef du lignage, ou les géniteurs de l'Ego, demandent à la
famille de la fille de leur prêter celle-ci pour qu'elle leur "donne de l'eau à boire".
Comme nous l'avons déjà vu
"donner de
l'eau"
désigne
symboliquement
toute
la
tâche ménagère de l'épouse ...
Ces négociations se passent souvent entre chefs de familles (les chefs des
deux familles. lignages) à l'insu des intéressés qui ne sont informés que plus tard.
En effet, ceux-ci sont généralement jeunes quand les démarches sont entreprises,
surtout la femme dont l'âge des fiançailles se situe autour des 8-10 ans, pouvant
être même d'un jour (i.e. à la naissance) dans certains villages. De toute façon, elle
n'a alors aucune conscience de la situation et devra s'en rendre compte plus tard
surtout à la puberté.
Quant au garçon
(à l'homme), il est en principe
fiancé
à sa
première
initiation i.e. à la puberté, quand il sort de l'enfance et entre dans la classe d'âge.
Pourquoi ce décalage, d'âges, et surtout pourquoi l'homme est plus âgé que
la femme?
• Les Nawdeba disent que la femme (fille) grandit comme un plant de mil:
elle se développe beaucoup plus vite que le garçon. Si, au mariage, les époux sont
du même âge. la femme vieillira plus vite et deviendra comme la mère de son mari.
• Et puis cette règle prévient les conséquences de la liberté sexuelle à la
puberté. A supposer qu'une fille non fiancée, multiplie, à la puberté, les flirts, elle
multiplie par là-même des rivaux avec tout ce que cela entraîne de rupture de liens
irréversible
(1);
c'est
toute
l'organisation
sociale
avec
tous
ses
systèmes
de
solidarité et d'entraides qui s'effondre. La liaison des filles dès le bas âge prévient
ce désordre social à conséquences néfastes tel que nous l'avons analysé plus haut
(1) .
• La troisième raison est que le jeune homme au sortir de l'enfance doit
apprendre, en même temps que les autres obligations auxquelles il est soumis, à
assumer la responsabilité
économique
et
morale
de
sa
famille.
Il
est
appelé
à
entretenir
(matériellement)
sa
femme
et
ses
enfants,
ses
parents
(ses
beaux-parents) (2 ); il doit prendre sa future épouse en charge dès le bas âge et
lui assurer
une
bonne
croissance
physique.
en
contribuant
à
son
(alimentation)
entretien alimentaire, vestimentaire et autre. Ainsi donc, dès que les fiançailles sont
conclues. le futur époux est mis au courant et soumis avec l'aide de sa famille. à
des prestations à l'égard de
la
famille
de
la
fiancée.
Donnons
un
bref aperçu
descriptif de ces prestations:
(n, cf. plus haut, réglementation des activités sexuelles.
(2), cf. plus loin, méthodes d'éducation.
-
201 -


A chaque saison des récoltes,
il est envoyé
à
/a
famille
de
la
fiancée une certaine quantité de céréales (par exemple un panier de mil. de sorgho,
d'haricot, .. .l, une cuvette (jebaka) de tubercules d'igname, de manioc ...

A chaque
saison des semailles, une ou deux parcelles
de
terre
appartenant
au
lignage
du
garçon
sont
labourées
par
ce
dernier,
qui
invite
la
belle-mère à les ensemencer, en lui remettant (la 1ère année) les semences. Ces
parcelles constituent "héritage du garçon et reviendront à sa femme et aux enfants
que celle-ci lui donnera.
• La belle-famille sollicite des services et l'aide de leur futur gendre
à tout moment pour divers travaux.

De
temps
en
temps, le garçon
offrira aux
beaux-parents
divers
cadeaux et à sa fiancée, surtout quand celle-ci commencera à se faire coquette.
Toutes ces prestations
ne sont
pas
à
sens
unique:
la
belle-famille
du
garçon est soumise aussi à certaines contre-prestations:
• La be/le-mère. et plus tard la fille, apportera souvent à manger et
à boire au garçon et à sa famille. C'est un geste symbolisant le rôle nourricier de
la maîtresse de maison que deviendra plus tard la fiancée. On lui apprend ainsi son
futur rôle. En effet. si dans le ménage le mari doit veiller à ce que sa femme et
ses enfants ne manquent de rien, la maîtresse de maison veillera à ce que les
récoltes rentrées soient effectivement transformées en produit consommable et que
son mari et ses enfants ne se couchent pas le ventre affamé.
• Au fur et à mesure que la fille grandit, elle sera sollicitée par la
mère de son fiancé (sa future belle-mère) à lui porter son aide dans des travaux
divers: culture. travaux ménagers ...
Ce système est une véritable école de mariage où les futurs époux sont
initiés à la responsabilité conjugale et parentale. sans oublier leurs devoirs envers
leurs deux familles désormais devenues une pour eux.
Nous
disions
plus
haut
que
les
fiançailles
sont
conclues
à
l'insu
des
intéressés qui sont informés plus tard. Cela conditionne peut-être leur choix, mais
sans les astreindre vraiment à faire la volonté de leurs parents. Ils ont la possibilité
de rejeter le choix (et les cas ne sont pas très
rares où la fille ou
le garçon
décide
autrement
que
ses
parents).
Evidemment
les
parents
utiliseront
des
arguments persuasifs, mais jamais la contrainte. Aucune fille n'a jamais été ligotée
et
donnée
de
force
à
son
mari.
Certains
rapts
rituels
ne
doivent
pas
être
confondus avec la contrainte.
1.1.2.3. Endogamie - Exogamie.
Nous avons analysé plus haut les limites en deçà desquelles les conjoints
sont prohibés et au delà desquelles
tous
les conjoints
(toutes les liaisons) sont
possibles.
Cependant
exceptionnellement.
on
observe
des
alliances
entre
cousins
germains. On dit alors qu'on "ramène l'eau à la maison"
("Ba melegena
gnalem
haga"). la femme étant celle qui donne de l'eau. i.e. qui nourrit (gnalem sa'adal.
-
202 -

Il semble que cette forme
d'endogamie dérogatoire soit
introduite à une
époque

des
conflits
intestins
divisaient
l'ethnie,
en
opposant
les
différents
da'a née.
1.1.2.4. Problème de lévirat.
La règlementation des
conduites
sexuelles
qui
interdit
"la
rencontre
de
deux hommes (ou plus) chez (dans) la même femme" devrait en principe être plus
rigoureuse pour les frères.
Effectivement, certaines agglomérations villageoises appliquent littéralement
cette interdiction. Ego ne peut en aucun cas entretenir des rapports sexuels avec la
femme de son frère, ni avec le mari de sa sœur, et cela du vivant de son frère
(ou sœur) et même après sa mort. Il est donc impensable d'envisager dans ces
villages le lévirat qui oblige la veuve à se remarier avec le frère de son défunt
mari, ni le sororat qui oblige le veuf à se remarier avec la sœur de sa femme
défunte.
En
effet.
comme
nous
l'avons
vu.
les
conséquences
néfastes
de
ses
"désordres sexuels" ne sont pas supprimées. caduques. après le décès
d'un des
rivaux. et sont en vigueur au cas même où les rapports
sexuels avec
un autre
auraient lieu après le décès du conjoint (ou partenaire sexuel).
Donc dès la rupture des liens conjugaux par divorce ou par décès de l'un
des conjoints, l'autre doit sortir du Fôôgo pour se remarier.
Par contre, d'autres agglomérations vïllageoises pratiquent le lévirat (non le
sororat). Il semble qu'il est seulement autorisé. peut-être fortement conseillé, plutôt
que prescrit. Une des raisons d'entorse à la loi serait d'ordre économique; il ne
convient pas que la veuve quitte le Fôôgo après tout l'investissement que la famille
du mari a fait
pour son entretien depuis sa tendre enfance.
Si
l'investissement
économique est invoqué. ce n'est pas par hasard. car c'est dans ces agglomérations
villageoises que la femme est fiancée dès sa naissance. C'est
souvent le propre
frère aîné du défunt qui devient le nouveau mari de la veuve.
Une deuxième raison évoquée est la continuité de la lignée. En effet, c'est
le mari défunt qui continue sa vie conjugale avec sa veuve à travers
son frère.
Dans ce cas. ce dernier est celui qui entretient la veuve de son frère. il n'est pas
son mari. puisque les relations sexuelles qu'il entretient avec elle sont en réalité
celles du mari défunt. De fait. les enfants qui naissent de cette nouvelle union ont
comme père le mari défunt et non son frère.
1.1.2.5. Polygamie. monogamie.
Si nous retenons la définition de la polygamie comme "forme de mariage
selon laquelle un homme épouse plusieurs femmes ou une femme plusieurs hommes"
(1). nous devons la considérer du côté de l'homme et du côté
de la femme. En
effet
polygamie
veut
dire
"mariage plural".
i.e.
"mariage
par
lequel
un
individu
(homme ou femme) a plusieurs conjoints simultanément. Il peut donc être
polygyne
(1). Colleyn, J.P., Op. cit.. p.187.
- 203 -

ou polyandre'
(1)
Le système d'alliance nawda autorise, conseille, sans prescrire, la polygynie:
un homme
a
le
droit
d'épouser
plusieurs
femmes,
de
contracter
simultanément
plusieurs alliances matrimoniales.
Par contre, la polyandrie est formellement prohibée, interdite, la femme n'a
pas
le
droit
de
contracter
simultanément
plusieurs
alliances,
plusieurs
liaisons
matrimoniales; cela pour éviter les conséquences néfastes des liaisons multiples de
la femme, conséquences qui, rappelons-le, désorganisent le systè!me social par les
ruptures des liens entre les protagonistes sexuels.
1.1.3. Résidence (conjugale) des conjoints.
Le lignage et le lieu de résidence étant en principe liés, ce dernier devrait
être
matrilocal
(L'xorilocale).
Mais
le
rite
de
Ka'abe
(rachat)
qui
rattache
les
enfants au lignage paternel modifie souvent cet état des choses.
1.1.3.1. Le rite de Ka'abe systématique et virilocalité (Patrilocalité J.
Les villages où le rite de rachat des enfants (Ka'abe) est systématique, la
résidence des époux et des enfants est patrilocale (virilocale!. Les époux et leurs
enfants vivent dans la' famille du père ou sur des terres de sa famille. Si l'homme
est polygyne, toutes ses épouses et leurs enfants vivent avec lui.
Dans certains de ces villages, à la mort des deux parents ou de l'un d'eux
les enfants ont la possibilité de rejoindre le foyer maternel où ils sont accueillis par
les oncles et/ou cousins.
1.1.3.2. Le Ka'abe facultatif et bilocalité.
Dans les villages où le rite de rachat (Ka'abe) des enfants est facultatif, la
résidence de l'époux, du père, ne change pas. Mais celle de la mère et des enfants
n'est pas définie (elle varie!.
Le Ka'abe. quand il a lieu, ne signe pas automatiquement la patrilocalité. La
mère peut continuer à vivre chez elle avec tout ou partie de ses enfants, si. par
exemple,
la "Maison"
(i.e.
les Ancêtres)
demande
qu'elle
reste,
qu'elle
garde
la
maison, qu'elle ne laisse pas le foyer sans feu, parce qu'il n'y a pas de femme dans
la maison.
Quand
même
la
résidence
doit
être
patrilocale.
en
principe,
certains
enfants. l'aîné, doivent rester chez la mère
pendant que celle-ci se trouve chez
l'époux avec les autres enfants.
Si
le
Ka'abe"
n'a
pas
lieu,
les
enfants
et
la
mère
vivent
chez
cette
dernière,
et
le
père
chez
lui.
Les
enfants
rendent
visite
à
leur
père.
mais
retournent dormir chez la mère.
(1). Panoff. M .• Perrin, M .• Op. cit. p.215.
- 204 -

1.2. SOCIETE ELARGIE.
1.2.1. Structure de la Société.
1.2.1.1. Village et système de parenté.
Le village est structuré (organisé) sur la base du système de parenté tel
que nous l'avons décrit plus haut. Un ensemble des
différents Da'ane'e ou clans
constitue
la
communauté
villageoise.
Des
liens
de
parenté
intersegmentaires
coordonnent un ensemble de Da'ane'e. les
soudent
en
une
sous-communauté
ou
sous-groupe
ethnique
plus
condensé
appelé
village.
Cet
ensemble
de
Da'ane'e
descend théoriquement de IAncêtre qui serait le fondateur du village. mais qui est
pratiquement innomé. Cependant. une analyse empirique approfondie laisse entrevoir
que le village regroupe plusieurs fondateurs qui sont les Ancêtres des Da'ane'e. En
effet, ceux-ci ne semblent pas avoir tous les liens de parenté; sûrement certains
remontent au même Ancêtre. Mais. par la suite. d'autres seraient venus d'ailleurs.
pour des raisons diverses. Il n'est donc pas sûr que le village ait un seul fondateur.
Ce qui est certain, c'est que des
liens de parenté
se sont
tissés au cours
de
"histoire entre tous ces Da'ane'e par le système d'alliance, qui est plus intense. à
l'intérieur des
villages. qu'entre villages. Ainsi le village constitue un sous-groupe
ethnique avec sa sous-culture. En effet. quand on analyse les éléments culturels.
leur variation intra-villages est négligeable par rapport à leur variation inter-villages.
C'est le cas par exemple de la langue nawda.
1.2.1.2. Segmentation lignagère et agglomérations villageoises.
Un ensemble de villages unis par des liens de parenté plus étroits forme
une
"agglomération
villageoise".
Les
différences
entre
agglomérations
villageoises
paraissent plus tranchées. plus nettes. qu'entre villages d'une même agglomération.
Comment l'expliquer?

Le
mythe
d'origine
nous
enseigne
que
les
différentes
agglomérations
villageoises sont fondées par les différents enfants du Premier Couple-Fondateur de
l'ethnie nawda .
• Ainsi le processus de segmentation lignagère. alimenté par des conflits
et divisions entre divers groupes de segments
a pu
conduire à une insémination
géographique sous forme de colonies villageoises représentant les "frères séparés".
Chaque colonie comprendrait au départ plusieurs groupes de segments lignagers, ou
Da'ane'e.
chaque
groupe
(ou plusieurs)
constituant
l'embrion
d'un
village.
auquel
pourraient s'ajouter d'autres segments venus d'ailleurs.
Les agglomérations
villageoises se seraient ainsi constituées
par
affinité
et/ou par proximité des liens de sang entre segments de lignage.
1.2.1.3. Horizontalité - Verticalité.
La Société Nawda, qui couvre toutes ces agglomérations villageoises, est
définie
par deux
axes ou dimensions: l'axe horizontal et l'axe vertical. fonctionnant
- 205 -

respectivement en deux systèmes coordonnés, le système hiérarchique et le système
généalog ique.
Laxe, ou dimension, horizontal qui constitue le pôle sensible de la société,
i.e, le"Cosmos Social de Faga", est organisé hiérarchiquement. La hiérarchie est un
système stratifié
de
la
Société
en
tranches
ou
couches
sociales
graduées
par
paliers, constituant l'échelle hiérarchique. Chaque palier constitue une classe d'âge et
peut s'étendre à un groupe de classes d'âge. Les paliers sont définis par des rites
de passage tels que nous les avons analysés plus haut (1). Ego peut ainsi se situer
sur l'échelle, à la place précise qui lui convient, dans le palier de sa classe d'âge.
En montant et en descendant "échelle hiérarchique, on peut
situer chaque strate
par rapport aux autres, et
chaque Ego par
rapport
à tous les membres de la
Société.
Les "Jugufabreba" d'un Ego situé dans une strate donnée sont tous ceux
qui sont au-dessus de lui, ceux des classes d'âge supérieures à la sienne. On peut
remonter l'échelle jusqu'à la strate des Anciens, qui se trouvent à "angle formé par
la rencontre des deux dimensions: horizontale et verticale de la Société, ce tournant
de la vie d'où
"on peut contempler
le chemin
parcouru de la vie de
"Faga"
et
entrevoir celle de "Tinga". Le palier des Anciens Sacralisés marque donc le point
Zéro de l'échelle hiérarchique, un Zéro relatif, car en vérité, il constitue le tournant
du même trajet, du même parcours conduisant au véritable commencement.
Les "Wagantabe" de l'Ego sont ses pairs, ceux qui sont groupés dans la
même classe d'âge que lui, et qui franchissent avec lui, toutes les étapes de la vie.
Au-dessous de "Ego, viennent tous ses "Tingreba" (2), ses inférieurs qui
sont ou seront groupés dans des classes d'âge inférieures à la sienne. Ce srot les
"Tingreba" actuels et possibles, i.e. les contemporains de l'Ego et ceux qui ne sont
pas encore nés.
L'axe vertical qui comprend le pôle de "Tinga" est structuré sur la base
généalogique. "La généalogie retrace la provenance" (3). Par l'analyse des relatiœs
de parenté. elle remonte à l'origine du lignage, du clan (Oa'anga) et de la Société
nawda. jusqu'à l'Ancêtre-Fondateur qui est la racine. L'arbre généalogique (lignage,
clan,
société)
est,
comme
l'échelle
hiérarchique,
une
stratification
en
couches
sociales
graduées, en paliers qui sont des générations et non plus
des
classes
d'âges. La dimension horizontale de la société (société de "Faga") étant un pôle, un
aspect de la société totale dont l'autre
pôle
est
la dimension
verticale,
chaque
individu de "Faga" occupe une place sur j'arbre généalogique. La société nawda est
ainsi un système où chaque individu est défini par deux points qui constituent ses
coordonnées, le situant sur les deux axes.
(1), cf. Livre 1, 1ere partie, chapitre 4: Cycle biologique.
(2), A ne pas
confondre avec le même terme
utilisé dans un sens plus
figuré
désignant ceux qui sont sous terre, les morts, les infra-sensibles du monde d'en
bas.
(3), Ebousi 8oulag, F. Op. cit. p.S1.
- 206 -

Le critère
qui permet de
déterminer
la
place
des
individus
sur
l'arbre
généalogique est le lien de parenté, le
système de
filiation et
non
plus
le cycle
biologique
comme
c'est
le
cas
pour
"échelle
hiérarchique.
Tous
les
biolignages
(Fôôte} sont des ramifications des branches (Da'ane'e), qui sont rattachées au seul
arbre
généalogique
de
l'ethnie.
Les
"Jugufagreba"
et
les
"Tingreba"
de
l'Ego
désignent
respectivement
ses
ascendants
et
ses
descendants,
i,e.
ceux
des
générations ascendantes et ceux des
générations
descendantes, par rapport
à la
sienne, qui regroupe autour de lui ses frères et sœurs, ses cousins et cousines,
ses
pairs
de
la
société
élargie.
Les
"Jugufagreba"
constituent
donc
toutes
les
générations au-dessus de celle de l'Ego, qui remontent jusqu'à IAncêre-Fondateur de
l'ethnie, le Premier, le "Yandawa" qui marque l'origine, la provenance, le Point Zéro
obsolu.
L'horizontalité
et
la
verticalité
constituent
ainsi
les
deux
axes
des
coordonnées permettant de définir la place exacte et précise de chaque individu
dans
l'espace
social
(et
même
cosmique,
biodimensionnelL
A
chaque
point
représentant
une
génération
sur
l'axe
vertical
correspondent
plusieurs
paliers
hiérarchiques sur "axe horizontal. En effet, la génération comprend plusieurs classes
d'âge. Elle regroupe les
contemporains hiérarchiquement définis par leurs classes
d'âge d'appartenance. Ainsi, l'unité de mesure sur les deux axes
ne se recouvre
pas.
Toutefois, les générations et les classes d'âge qui définissent la place des
individus sur l'arbre généalogique et sur l'échelle hiérarchique sont déterminées et
évaluées par rapport à l'Origine, i.e. par la plus ou moins grande distance qui les
sépare de l'origine, ou de celui qui actualise cette origine en la représentant
(1).
Plus une génération ou une classe
s'approche de 1origine,
plus elle prend de la
valeur(1) .
Nous avons
démontré
plus
haut
(2)
que
plus
l'énergie
vitale
spirituelle
s'hypertrophie
et
confère
aux
personnes
âgées
la
valeur
ancestrale
et
sacrale,
justement parce que plus on avance· en
âge, plus on
s'approche de l'Origine, du
Point Zéro, par sa génération et sa classe
d'âge. Ainsi,
les Anciens, arrivés au
point d'intersection des deux axes (horizontal et vertical), deviennent la pièces de
jonction, d'articulation entre les deux pôles; ils occupent
une place de
médiation
entre
"Faga",
dont
ils
sont
arrivés
au
bout,
et
"Tinga"
dont
ils
amorcent
le
parcours. Ils représentent l'Origine, i.e. le "Tinga" qui donne sens et signification
à "Faga" cet aspect sensible.
1.2.2. Catégories sociales.
1.2.2.1. Le monde Social de Faga.
Le clivage du monde social de "Faga" en couches ou catégories s'opère (se
(1), Ebous; Boulag, F.. Op. cit., p.51.
(2), cf. Le cycle de vie.
- 207 -

fait) selon trois critères: l'échelle hiérarchique, le sexe et la voyance (yendeml.
L'étude de la genèse de la vie, et surtout les étapes du développement
avec tous ses
rites
de passage,
ainsi
que la structure
de
la
Société
nous a
démontré l'importance de la hiérarchie dans le clivage social. En effet, le système
hiérarchique qui découpe la Société en strates graduées définit avec précision la
place de l'individu dans "organisation sociale; cette place détermine son statut, les
rôles et activités qui y sont liés (liés à ce statut), ses attributions envers les aînés
(Jugufagreba) et les cadets (Tingreba); chacun sait ainsi ce
qu'il
doit
savoir et
savoir (pouvoir) faire selon son groupe d'âge, et ce qu'il ne doit pas encore savoir
et faire.
En contractant plusieurs strates ensemble, nous avons les tranches d'âge
suivantes qui constituent ce que nous appelons les catégories sociales:

De la naissance au premier rite de passage, i.e. jusqu'à
la
puberté,
groupe
les
enfants
(Bi'e).
C'est
la
période
de
l'enfance
(bigente),
l'âge
de
l'insouciance, d'irresponsabilité sociale, bien que, au fur et à mesure qu'il grandit,
l'enfant participe à la production sociale.
ère
ème
• De la 1
à la 3
initiation exclue (ménopause pour la femme), ce
sont les "Hakpara" (litt. cultivateurs. producteurs de la pâte (1) à manger): c'est la
tranche active, productive, dans tous les domaines: économique, artistique, de vie
(procréation). C'est sur eux que repose l'essor de la Société. Ils sont dans la force
de l'âge.
ème
• de la 3
à la 4ème étape inclue, ce sont les "Sendeba", les oints, les
(soldats) guerriers accomplis. C'est sur leurs épaules que repose la défense contre
l'invasion, l'attaque (l'agression) extérieurs. ils sont les garants de la sécurité. Leurs
correspondantes féminines, les femmes à partir de la ménopause, participent au
maintien de l'ordre social.

A la fin de la 4ème étape, les "Senkpeemba" ou anciens
"Sendeba"
entrent dans la catégorie des sages, où les différents degrés sont définis selon la
proximité de l'ancestralité. Les anciens (hommes et femmes) les plus âgés de la
Société ("Béremba"), forment le noyau porte-parole, fondé de pouvoir et ministre
des Ancêtres. Ils ont atteint le degré de sagesse le plus élevé, pour avoir vu et
vécu beaucoup de choses que peut-être jamais les générations montantes n'auront
l'occasion
de
vivre.
Ils
sont
seuls
capables
d'expliquer
certaines
choses,
de
connaître le secret de certains rites d'initiation et de passage, des cultes religieux ...
Ils sont les dépositaires de la mémoire collective, les garants de la tradition. Au fur
et à mesure qu'ils approchent le tournant de la vie, le grand passage, la mort, ils
révèlent ces
secrets
à leurs
assistants
et
cadets
(descendants)
directs.
Leur
parole, qui véhicule l'énergie ancestrale, est force: force enseignante, force créative,
force destructrice ...
Dans ce découpage, la place de la femme est moins précise que celle de
<1>, boule préparée à base de farine de mil. mais, sorgho.
- 208 -

l'homme, puisqu'elle
a peu
de
rites
de
passage.
Mais
son
intégration
dans
les
différentes catégories n'est pas laissée au hasard .
er
• Jusqu'à la puberté que consacre le 1
rite de passage, elle est enfant
comme le garçon. A partir du rite de passage, elle entre dans la catégoirie des
f
d
"
.
1
2ème
3ème
.
d
d
orees pro uctlves qUi est consacree par
es
et
rites
e passage
ans
la catégorie des
femmes,
à sa première grossese et à son
accouchement. Elle
reste dans cette catégorie jusqu'à la ménopause qui signe son entrée dans la classe
des sages. Dans les rites de passage et d'initiation, une grande part est réservée à
la
femme
qui en
est
la
source
de
secrets
et
d'enseignement.
Nous
avons
vu
spécialement les rites du culte des morts où elle a la responsabilité quasi exclusive,
cela sans parler de "accouchement et des rites qui suivent, etc ... C'est la catégorie
des
femmes
sages
qui
sont
j'écho
de
l'Ancêtre,
dépositaires
de
la
mémoire
collective.
Après le système
hiérarchique,
le
sexe
constitue
le
second
critère
de
classification sociale. Comme l'âge, il est en soi un statut qui marque, définit, la
position sociale de l'individu. La différence de
sexe détermine l'aspect formel
de
l'é nergie vitale et fonde la division du travail. Par lui-même, le sexe indique ce que
l'individu peut faire et ce qu'il ne peut pas faire. La division du travail attribue des
activités agricoles, politiques, administratives, religieuses, ménagères ... à la femme
et à l'homme selon leur statut défini
par
l'identité
sexuelle.
L'ensemble
de
ces
activités
lié
au
statut, 'définit
(constitue)
le
rôle
que
chacune
des
catégories
sexuelles doit jouer dans le fonctionnement de la Société.
ème
Le 3
critère de classification, de clivage. de catégorisation sociale,
est le Yendem ( la voyance). C'est le
critère
le
plus
important:
il
explique
en
profondeur toute la dynamique sociale.
Tous les hommes naissent avec deux yeux. Mais chez certains
individus.
ces deux yeux sont doublés de deux autres, qui relèvent de l'ordre surnaturel, du
monde d'en-bas et échappent pour cela à la perception
sensible.
Seuls ceux
qui
sont doués de Yendem le savent, et se connaissent parce qu'ils peuvent voir ces
deux yeux surnaturels.
Les
hommes
sont
ainsi
répartis
en
deux
catégories.
selon
qu'ils
sont
voyants (Yendeba) ou non-voyants (Joomba: aveugles).
Les Yendeba (sing. Yenda) (voyants) sont regroupés dans la catégorie de
ceux
qui
ont
quatre
yeux.
Le
yendem
qui
est
congénital
peut
être
transmis
génétiquement par les ascendants (qui sont eux-mêmes voyants) ou être donné à
l'individu
directement
par
le
créateur
(son
Rata)
comme
marque
distinctive
personnelle. Il ne peut donc être ac quis par apprentissage ou accidentellement. On
naît voyant, on ne le devient pas. Il faut préciser (souligner) que cette transmission
(don, équipement> héréditaire est aléatoire. On ne s'explique pas pourquoi tel individu
naît voyant et tel autre non. En effet. personne n'y est nécessairement prédestiné.
ni par son sexe, ni même par le fait qu'on descend (naît) des parents (géniteurs)
- 209 -

voyants:
la
voyance
se
rencontre
indifféremment
chez
les
personnes
des
deux
sexes. puis tous les enfants des voyants ne sont pas nécessairement voyants. et
beaucoup naissent voyants (beaucoup de voyants naissent) de parents non-voyants.
La voyance est liée au pôle surnaturel de l'être humain. Elle n'est pas un
simple sens surnaturel de la vue. C'est une fonction énergétique; le regard de la
voyance est une force opérante qui agit
dans
le dessous
des
choses.
de façon
occulte. Il permet au voyant d'entrer en communication non seulement visuelle. mais
aussi
auditive,
sympathique.
active,
manipulatoire...
avec
le
monde
d'en-bas.
Il
entretient aussi avec le monde d'en-bas
des
relations
comparables
aux
relations
sociales naturelles. Il peut converser avec les esprits. établir des rapports d'amitié
et/ou d'inimitié avec eux. manger avec eux ... Le voyant peut se transformer en une
autre personne. en animal ou autre chose. Il peut utiliser son pouvoir pour faire du
bien ou du mal. Par là. il peut devenir dangereux pour les autres et même pour
lui- même. Il peut en effet s'attirer. par son regard provocateur. la colère mortelle
des esprits.
Les Joomba (non-voyants) englobent. comprennent tous ceux qui ne sont
pas
doués
de
Yendem
et
se
contentent
de
leurs
deux
yeux
naturels.
Le
pôle
surnaturel
du
Joomma
(sing.
de
Joomba)
est
dépourvu
de
la
fonction
voyante.
Plongés dans le monde spirituel. les Joomba ne voient pas ce qui s'y passe (autour
d'eux). Ils sont comparables à une personne de Faga qui serait dépourvue du sens
de la vue, i.e. un aveugle de naissance. L'aveugle, pourtant vivant dans le monde de
Faga ne participe pas visuellement à ce monde. Le sort du non-voyant est pire que
celui de l'aveugle. Il ne manque à ce dernier que la vue. Il conserve les autres sens
qui lui permettent
d'entretenir des
relations
avec
son
monde. de participer à la
dynamique de Faga, aux interactions sociales. Le non-voyant est privé de la fonction
voyante qui seule permet la vie
de relation
avec
le
monde d'en-bas.
Il n'a donc
aucun
moyen
d'entrer
en
communication
avec
l'au-delà.
même
pas
par
une
quelconque initiation, la magie étant inconnue dans les milieux nawda.
1.2.2.2. Le monde d'en-bas (Chthonien. spirituel),
Le monde d'en-bas (Tinga) par opposition au monde de surface (Faga) se
réfère à la destinée des morts qui sont enfouis sous terre, enterrés. Les morts
sont sous terre (Tante faanJ. Mais ce sens étymologique est largement dépassé. En
effet, Tinga désigne tout ce
qui appartient au
monde spirituel
infrasensible
(par
opposition
au
monde
spirituel
ouranien
suprasensible:
Sangbande),
et
donc
ne
s'applique pas à un quelconque espace qui serait localisé sous terre. sous l'espace
visible de Faga. Tinga (monde chthonien), "c'est ce qui dépasse la vue et le savoir
du commun des mortels. Nous dirions que c'est le dessous des choses, le monde
des intentions secrètes et des desseins cachés" (1). C'est le monde des mystères.
Dans ce sens, le Tinga est partout: il est au milieu de nous, dans nos maisons,
(1), Rosny (de), F., Ndimsi, ceux qui soignent la nuit, Edition Clé,
Yaoundé,
1974,
p.81.
-
210 -

dans nos villages, dans les champs, dans les bosquets, il fait partie de nous,. il est
en nous, il est nous. il est tout élément du cosmos. L'être cosmique est à la fois
Tinga et Faga. Tinga et Faga sont deux modalités d'être de la réalité cosmique.
Le
Tinga
omniprésent
est
peuplé
(le
royaume)
de
plusieurs
catégories
d'esprits, d'êtres spirituels que nous allons présenter brièvement:
Les Kpeemba
(Kpum"
mourir;
"Kpéém're"
cadavérique;
"Kpééma"
le
mort, plur. "Kpeemba") sont les esprits des défunts, des morts de tous âges, qui
ont vécu en conformité avec la
loi de l'Ancêtre-Fondateur
(loi ancestrale)
i.e. la
culture. A leur mort, qui est le passage de Faga à Tinga, ils sont accueillis dans le
cercle de la famille ancestrale, les Tingreba. où ils vivent heureux soudés à l'arbre
généalogique qui les alimente de sa sève vivifiante. L'ensemble de Kpeemba constitue
le Haaré i.e. La Maison, la concession. En effet, ce sont eux la souche ancestrale
du lignage, le fondement du groupe lignager de Faga. Ils forment avec les membres
lignagers de Faga les deux di mens ions verticale et horizontale du Haaré {maisonl.
Pour ce, ils ont leur demeure au milieu des leurs, dans la "Maison".
Dans chaque concession (maison), si petite soit-elle, deux chambres: une
pour les hommes (Bakombe ou Bogononega) et
une pour les
femmes
(Dugunone)
symbolisent (forment) le couple du séjour des morts {Kpeembal. C'est dans le toit
de ces cases que résident les Nane'e de tous les Fagreba (ceux de surface) de la
concession. Le monde des Kpeemba n'est donc pas séparé de celui de Faga, les
deux
sont
les
deux
faces
de
la
même
réalité
familiale.
Le
Bakombe
est
le
sanctuaire, l'autel familial où se déroulent les cultes religieux généraux. moyen de
communication entre Faga et Tinga. Aucun interdit ne frappe la consommation
du
repas rituel des sacrifices offerts devant Bakombe. Tout le monde peut manger la
chair
(viande)
des animaux
qu'on
y immole. à
moins
d'avoir un interdit pour
un
animal déterminé (donné). Par contre, Dugunone est un autel
réservé à certains
sacrifices et cultes spécifiques aux femmes. Un homme dont la femme est (morte)
décédée et qui habite donc Dugunone ne doit pas consommer le repas rituel d'un
sacrifice offert à cet endroit. En effet ce sacrifice équivaut à une purification de sa
femme.
Bakombé
est
pratiquement
le
séjour
commun,
la
demeure
de
tout
le
monde, hommes et femmes mélangés. Rappelons que le culte des morts se déroule
devant Bakombé ou les pleurs rituelles des Fagreba accompagnent le défunt dans
son passage vers Tinga: là il doit être accueilli dans cette demeure même.
Dugunone est le coin réservé aux femmes à part la demeure commune.
Les Fagnideba sont des esprits errants, vivant dans les champs, sous des
arbres
(certains
arbres
spécialement).
Ils
comprennent
deux
sous-catégories
d'esprits: les esprits de certains défunts et les Fagnideba purs.
Les Fagnideba purs sont
des
esprits
anthropomorphes.
mais
qui
n'ont
jamais fait partie du monde de surface {Fagal. ils n'ont pas d'origine familiale liée
-
211 -

au
monde
de
Faga.
Ils
construisent
leurs
maisons
sous
des
arbres,
dans
les
champs, ou sous ['eau des rivières ou des étangs.
Les Fagnideba purs sont des esprits très rusés, des êtres essentiellement
méchants, qui cherchent à nUire aux hommes, leur tendant des pièges, les trompant
pour les induire
en
erreur.
Certaines
personnes
de
Faga
(Fagreba)
se
laissent
prendre et deviennent des Fagnideba à leur mort.
Les esprits des défunts devenus Fagnideba sont ceux qui se sont détachés
du phylum ancestral.
Certains voyants. de leur vivant mènent une vie délibérément en désaccord
avec la culture. Ils se rebellent contre la loi ancestrale (culturel, qui serait pour
eux trop exigeante et contraignante. Ils recherchent des satisfactions immédiates et
faciles. Avec leur voyance, ils commercent avec les Fagnideba qui leur font miroiter
une vie de bonheur en leur compagnie:
vie
de
luxe,
ménage
heureux
avec
une
Fagnide foga (une femme Fagnidal ... Séduits par ce mirage, ils précipitent ou hâtent
leur mort (1) pour rejoindre ce monde de bonheur rêvé.
Arrivés là, ils ne trouvent que déceptions et tribulations: soit parce qu'ils
ne sont pas accueillis comme promis, mais refoulés et condamnés
à errer, soit
parce que l'accueil qui leur est réservé ne répond pas à ce qui leur était promis.
Dans
leur
désespoir.
certains
tentent
de
rejoindre
la
maison
ancestrale.
Mais
comme ils se sont coupés du phyl um, les
ancêtres
les refoulent.
Ils regrettent,
mais la mort qu'ils ont précipitée, hâtée, est irréversible.
Certains autres voyants "emménagent dans les champs", au royaume des
Fagnideba (chez les Fagnideba)
(Bakulaa Kpam, Fagnideba man)
à leur mort
par
décision
délibérée,
sans
être
influencés
ni
séduits
par
aucun
Fagnida.
Ils
se
détachent volontairement du phylum ancestral et préfèrent vivre dans les champs,
en solitaires.
Des enfants voyants sont trompés, détournés, par les Fagnideba purs ou
des esprits des morts devenus Fagnideba, qui leur présentent leur monde comme un
monde de rêve, de plaisir, sans déplaisir. Ces enfants se livrent à eux et hâtent
par là leur mort pour aller jouir de ce bonheur en compagnie de leurs ravisseurs
qui jo ueront pour eux le rôle de parents 0 u d'époux.
D'autres
enfants
non-voyants
sont
volés,
enlevés
par
des
Fagnideba,
surtout ceux qui étaient de leur vivant membres
de
la
famille
de
l'enfant.
Les
esprits de ces enfants enlevés et tués prématurément. deviennent des Fagnideba biï
ou Fabnidebi'i, enfants des Fagnideba ou petits Fagnideba, pour étancher, assouvir la
soif d'amour maternel ou paternel de leurs ravisseurs.
La vie des Fagnideba, purs ou esprits des défunts. n'est pas une vie de
bonheur.
Ils
souffrent
d'une
soif
perpétuellement
inassouvie,
dans
un
monde
désertique, chaud. sec et parfois froid; où ils errent sans repos, ni paix, manquant
de fondement vivifiant qui découle de la source ancestrale, et iengendre des liens de
(1), hâter ou précipiter sa mort ne signifie pas se suicider.
- 212 -

vie culturelle. Ils s'abritent sous des arbres et construisent des maisons. mais qui
ne procurent pas le bonheur ancestral où la communion dans les rites sacrificiels
faits
de
libations,
d'immolation
d'animaux,
étanche
la
soif,
satisfait
la
faim,
la
nostalgie.
L'insatisfaction des Fagnideba est source de jalousie et d'envie envers les
hommes heureux, cela explique leur méchanceté.
Il y a pourtant de bons Fagnideba.
Les Génies (Boga,
titi ou
tini). Nous
regroupons
sous
ce
terme
(cette
appellation) tous les esprits du monde d'en-bas (Tinga) qui ne sont ni Kpeemba, ni
Fagnideba. Les génies sont très nombreux et nous pouvons les regrouper dans des
sous -catégories.
Les esprits animaux. Nous n'entendons pas cette expression dans le sens
cartésien. Il s'agit, ici, des esprits de certains animaux sauvages tués à la chasse,
ou occasionnellement, qui deviennent des génies protecteurs de leurs agresseurs. Le
fait que ces
animaux se sont laissé ou
fait
tuer par tel
individu, est un signe
d'élection: ils l'ont suivi, se sont attachés à lui. L'esprit animal révèlera ce lien avec
son
tueur
par
un
signe
(maladie,
évènement
inhabituel,
insolite,
etc .. .)
que
le
manticien
interprétera,
déchiffrera.
Une
fois
la
vérité
découverte,
le
tueur
doit
asseoir sa victime protectrice dans la maison et la vénérer.
Il lui construira un
sanctuaire symbolique: un oiseau sera représenté par un modelage mural en forme
d'oiseau, sur lequel on plantera des plumes pour former les ailes et les plumages;
le
crâne
d'un
quadrupède
(buffle
par
exemple)
sera
conservé
comme
relique
symbolisant l'animal.
Dans d'autres cas, l'animal tué peut être un esprit incarné. Ici, ce n'est
plus
l'esprit
de
l'animal
qui
s'attache
à
son
tueur,
mais
un
esprit
errant,
un
Fagnideba qui, pour se révéler à quelqu'un qu'il a choisi de suivre, apparaît sous la
fome d'un animal qui se fait tuer par l'intéressé, "élu, mais d'une façon qui sort
assez de l'ordinaire pour attirer l'attention tout de suite. Si le tueur ne se rend
tout de même pas compte, un autre signe révélateur apparaîtra et sera décodé par
le manticien: une maladie qui l'oblige à consulter, un fait banal de la vie quotidienne
mais se produisant dans des circonstances (situations)
telles qu'il attire l'attention
sur son origine non fortuite et conduise par là chez le manticien. 1/ faudra asseoir
l'esprit. On installe cette fois non plus le crâne, ni un modelage de l'animal, mais
une pierre plantée (implantée) dans un coin de la cour intérieure de la concession,
généralement devant la chambre à coucher de l'élu. La pierre symbolise le siège.
Autrefois,
avant
la
fabrication
des
tabourets
en
bois,
ce
sont
les
pierres
qui
servaient de siège (1).
(1), cf. plus haut.
-
213 -

Les arbres-esprits tite. Au sens restreint du terme, tite ou tine, c'est le
pluriel de Tibe, arbre. Ce sont donc de véritables
arbres
symbolisant des
forces
surnaturelles. Durant la vie nomade, avant la sédentarisation, les arbres servaient
de véritables toits contre le soleil et la pluie. Aujourd'hui encore, dans les champs
durant les travaux agricoles, les arbres offrent généreusement leurs ombres contre
le soleil et la pluie. C'est pour cette raison que les esprits errants sans maison, au
sens plein du terme, se réfugient (trouvent refuge) sous des arbres.
Certaines
espèces
(certains
types)
d'arbres
(cocaires)
font
l'objet
de
prédilection.
L'endroit

pousse
l'arbre-esprit,
dans
la
cour
extérieure
de
la
concession, dans les champs ... constitue (devient) le sanctuaire. C'est
là que
les
cultes sacrificiels prériodiques auront lieu.
Au
sens
large
Tite
est
un
terme
générique
qui
désigne
tout
génie
protecteur, qui fait l'objet de vénération. Dans ce
sens,
les
Tite sont
symbolisés
(représentés) par toutes sortes d'objets tels que le fer forgé (ex. Banega: lance. la
force qui perce); le pot d'argile (en argile) (ex. Oongo: couveuse. force fécondatrice
des volailles. la basse-cour}. .. L'objet symbolise la fonction de la force représentée.
Les sanctuaires de ces forces se trouvent à l'intérieur de la concession.
Suka (hutte) est la demeure d'un ou plusieurs genles située souvent dans
un bosquet sacré. Cette demeure confectionnée par "homme devient le sanctuaire
de culte.
Les
esprits
orphidiens.
(Kpawage,
Jiwune l.
Ce
sont
des
serpents
surnaturels. Les voyants les décrivent comme des monstres qui sont des serpents
géants avec une ou deux cornes sur la tête. " y en a qui ont plus de deux têtes.
Ces monstres ont la forme et la longueur du boa ou du python mais souvent moins
géants. Ils sont élevés par certains voyants comme on élève des chiens de garde
ou de chasse, pour leur protection ou leur chasse. Ils se reproduisent comme tout
animal et on les achète aux Fagnideba ou aux genles, ordinairement jeunes, afin de
les
dresser
à volonté.
Ces
serpens
se
nourrissent
des
animaux
et
des
êtres
humains, comme le boa et le python.
- 214 -

2. ORGANISATION SOCIO-SPACIALE (ORGANISATION SOCIALE DE L'ESPACE DE
VIEl.
2.1. DECOUPAGE DE L'AIRE GEOGRAPHIQUE NAWDA (ESPACE VITAU.
2.1.1. Distribution de la population sur le territoire nawda.
2.1.1.1. Système de village.

Sur
l'étendue
(l'aire)
géographique
du
pays
nawda.
la
population
se
concentre,
se
condense
en
plusieurs
agglomérations
humaines
appelées
"Korne"
(pluriel de Korgo>.

"Korgo",
agglomérat,
désigne
toute
agglomération
de
maisons,
d'habitations humaines. ville. village. pays, nation ... Ici, Ko rgo est pris (employé) au
sens de ce qu'en français on désigne sous le terme de village.

L'espace de vie nawda est
(donc)
ainsi organisé en
un
système,
un
ensemble de villages (Korne) séparés par des espaces vides plus ou moins étendus.
parfois inexistants ou se réduisant à une frontière naturelle telle que le cours d'eau.
2.1.1.2. Le village ("Korgo").
Le village est une agglomération, un ensemble de concessions (Haya, plur.
de Haare: habitation) disposées sous forme d'habitat dispersé. Les concessions sont
séparées entre elles par des espaces vides cultivables. Ces espaces sont souvent
couverts
d'arbres
fruitiers,
entre
lesquels
poussent
en
saison
de
pluies
des
semences de céréales et des plantes com es tibles.
Les
concessions
"Haya"
sont
de
véritables
forteresses
conçues
pour
abriter la population contre les bêtes féroces et les ennemis en temps de guerre.
2.1.1.3. "Haare". Concession.
Le
"Haare"
ou
concession
est
composé
de
plusieurs
cases
rondes
ou
rectangulaires en toit de paille cônique. coiffé d'un pot d'argile. disposées en rond et
reliées par des cloisons de fortification (Iode'e) délimitant ainsi une cour intérieure.
La concession n'a qu'un seul portail (Fonore) s'ouvrant sur une cour extérieure qui
aboutit à un dépotoir où l'on jette toutes les ordures ménagères. En décomposition,
les ordures
servent
de
fumier,
d'engrais
pour
les
champs.
Le
sol
de
la
cour
intérieure est dammé et poli avec de la latérite, ce qui permet un entretien facile
(balayage, absence de boue en saison de pluies>' Toutes les cases s'ouvrent sur la
cour intérieure.
Celle-ci est divisée en deux compartiments (parties): une cour plus réduite
appelée
"Waago"
s'ouvrant.
par
un
petit
portail,
sur
une
deuxième
plus
grande
"Haaga".
• Le "Waago" est un coin intime dont l'accès est réservé aux membres de
la maison (les Haaretiba). Il est composé d'un nombre de cases
utilisées comme
-
215 -

débarras ou comme magasin de provision de bois de chauffage pour la saison des
pluies. La cour intérieure du waago sert de séchoir pour les grains fraîchement
récoltés. C'est l'une des
raisons
pour
lesquelles
le
waago est
un
coin
d'accès
réservé
car
un
étranger
peut
"voler"
les
récoltes
en
laissant
les
apparences
matérielles.

Le "Haaga", cour intérieure plus grande et ouverte au public, sert de
séjour. Le Haaga est peuplé de greniers qui accueillent, pour le stockage, les grains
préalablement séchés et battus dans Waago. Au milieu du "Haaga"
se trouve le
foyer central "Da'anga".
• Le "Da'anga" est à double foyer: il est confectionné avec de grosses
pierres de latérite, plantées en rond, reliées entre elles par des cloisons de pierres
de granit plates. Le "Da'anga" est subdivisé en deux foyers munis chacun d'une
ouverture pour les bûches. Les cloisons forment une ceinture compacte qui retient
le feu et réduit la déperdition de l'énergie. Le "Da'anga" est érigé en plein air, sous
un grenier, ou sous une paillotte.

Une
des
cases,
le
"Jango",
grande,
ronde,
avec
une
antichambre,
contenant aussÎ un 'aa'anga", des grosses marmites montées en système pour la
préparation de la bière de mil (dam), des jarres pour la réserve d'eau potable, sert
de cuisine et de séjour en cas de pluie.

Les autres cases sont soit simples, soit doublées d'une antichambre.
Ces dernières sont généralement les cases d'habitations, chambres à coucher. Les
autres
servent
de
poulaillers,
d'enclos
pour
chèvres
et/ou
moutons.
Deux
sont
réservées pour le séjour des ancêtres: "Bakômbe" et "Dugunone".
• Le grenier Œôôgo, plur. Bôôte) est une construction en argile dosée en
forme de deux cônes ou entonnoirs renversés l'un sur l'autre, dont celui d'en-bas,
de dessous, est sur pointe et l'autre, celui de dessus, le couvre, le coiffe comme
un chapeau, la pointe tournée vers le haut, le ciel, et sectionnée en
queue
de
poisson libérant une ouverture circulaire (ronde) qui sert d'entrée du grenier. Donc,
pour entrer dans le grenier, il faut le grimper, puis descendre par cette ouverture.
Une pierre plate sert de couvercle à cette ouverture, le tout coiffé par un chapeau
cônique de paille faisant suite à une tresse de paille couvrant le grenier au niveau
de la rencontre des 2 cônes. Cet habillage de paille empêche la pluie de démolir
l'édifice en dissolvant l'argile. Tout l'édifice du grenier repose sur une fondation de
pierres
composée
d'une
pierre
plate
disposée
horizontalement
sur
une
rangée
circulaire d'autres pierres plantées debout, dans le sol. La pierre plate sert de
socle au grenier.
Les Bôôte sont de véritables silos où se conservent pendant longtemps
(des
années
parfois)
diverses
céréales
bien
séchées:
mil,
sorgho.
hairicot,
riz,
arachide ...
• A la base de chaque grenier, autour de la rangée circulaire de pierres
de la fondation, on édifie une dalle (dunde) en latérite bien lisse qui sert de siège
aux visiteurs. A la base des murs des cases, surtout à leur devanture, on construit
des dalles similaires.

A
la base de certaines
cloisons
reliant
les
cases, on
pratique
une
- 216 -

ou.verture (Gnafuru) aboutissant à (débouchant sur) une rigole qui sert à évacuer
les eaux des pluies et de ménage. Au damage, on aménage les pentes nécessaires
vers ces "Gnafuri" permettant ['écoulement facile des eaux. Ainsi. pas de stagnation
d'eau sur la cour intérieure.
Quand chaque
garçon de
la famille se marie.
il
construit un Lôloka ou
Gotega (une espèce de waago servant de Haaga en
miniature), s'ouvrant sur le
Haaga (cour intérieure), où il se retire avec sa femme et ses enfants (s'il a fait le
rite de
Ka'abe).
Ce
Lôloka,
Gotega,
est
un
Haaga
en
miniature
avec
tous
les
dispositifs essentiels de ce dernier: greniers, Da'anga (foyer), jango (cuisine), Duna
(dalles-sièges).
Le foyer central est réservé à la mère de la maison et revient, à la mort
de celle-ci. à la première femme de l'héritier.
Quand le Haare compte plusieurs garçons, mariés, le nombre de "Lologe'é,
"Gote'e"
est multiplié par le nombre d'épouses.
La concession qui
conserve
son
entrée unique, à moins qu'il s'agisse de deux concessions jumelées, chacune devant
avoir son entrée, s'étend à l'infini et devient un véritable labyrinthe où un inhabitué
peut facilement se perdre. C'est un système qui était en vigueur surtout aux temps
des guerres où la présence des garçons en un seul lieu était nécessaire pour la
défense du Haare, puis le rassemblement rapide en cas d'alerte. De nos jours, on
préfère quitter la concession-mère pour fonder son foyer ailleurs.
Les limites de la concession ne se réduisent pas à sa muraille de cases et
de cloisons. Elles s'étendent jusqu'aux frontières de la parcelle sur laquelle elle est
implantée. Donc la concession ce n'est pas l'édifice, la maçonnerie, c'est toute la
propriété.
2.1.1.4. "Kpamte" (sing: kpam; kpambe), les champs.
Les espaces
vides qui s'étendent au-delà des limites
des
frontières
du
village sont des champs. "Kpamte". Les champs sont des espaces inhabités loin des
agglomérations humaines. Ils sont habités par des bêtes sauvages parfois féroces.
Les (champs) "Kpamte" se définissent par opposition à "Duune", la cour extérieure
de la concession et par extension l'espace vide entre les concessions dispersées.
Dans ce sens, on parlera de
"Kpam kot e" pour
désigner
les
parcelles
cultivables loin des maisons, et du "Duunkote" pour désigner celles sur la cour.
2.1.1.5.
Village
d'appartenance
comme
(origine)
racines
ancestrales
de
l'individu.
Le village d'origine est l'espace géographique où sont implantées les racines
de chaque individu. Il est l'humus culturel qui donne santé, vie et bonheur. C'est là
que l'Ancêtre comme un grain enfoui sous (dans la) terre. fait jaillir les racines du
lignage, du Fôôgo. du Da'anga dont celles de chaque membre.
Le village est irremplaçable. Loin du village, l'individu 'est comme une plante
déracinée, comme un poisson hors de son milieu aquatique favori. Il doit y retourner
périodiquement. s'y
replonger
pour
s'oxygéner.
refaire
ses· forces,
sa
santé.
en
-
217 -

renouant avec ses racines, seul canal qui, comme le cordon ombilical, lui apporte
l'énergie
ancestrale
(vivifiante),
vitale.
Sinon,
il
déssèchera
comme
une
branche
coupée du tronc et sevrée de la sève vivifiante.
2.1.2. Distribution des villages sur l'aire géographique.
2.1.2.1. Groupe de villages.
Les
villages
(Korne)
Nawda
sont
distribués
sur
l'aire
géographique
par
ensembles massés. On observe ainsi des agglomérations de villages.
Certaines agglomérations donnent l'impression d'un seul village, très étendu,
tellement les
villages
sont enchevêtrés les
uns dans
les
autres,
sans
frontières
précises.
Ces agglomérations de villages se regroupent
en deux grands ensembles
assez distincts séparés par une plus grande distance.
2.1.2.2. Groupes de villages et affinité lignagère.
Cette distribution des villages nawda par groupes n'est sûrement pas
un
fait du hasard. En effet, certaines
différences
culturelles
s'observent
entre
ces
différents groupes. Sans entrer dans les détails, disons que ces différences sont
plus accentuées entre les
deux grands ensembles
regroupant
chacun
un
certain
nombre de groupes de villages. Citons, à titre d'exemple: le problème du lévirat, le
système de filiation, la variation linguistique.
Le lévirat, comme nous l'avons vu, est pratiqué dans l'un des ensembles
alors que dans l'autre il est vécu comme un scandale abominable.
Pour le système de filiation matrilinéaire dans sa structure de base, nous
avons vu que dans l'un des deux ensembles d'agglomérations de villages, les pères
pratiquent le rachat systématique des enfants avec résidence patrilocale; alors que
dans
l'autre,
le
rachat
est
facultatif
et
n'entraîne
pas
nécessairement
la
patrilocalité.
Entre les deux ensembles d'agglomérations, la variation linguistique (accent,
morphologie
des
mots ... )
est
beaucoup
plus
accentuée
qu'à
l'intérieur
de
ces
ensembles.
Ces faits, et certains autres que nous mettrons en lumière par la suite
(tels
que
le
droit
d'héritage)
nous
conduisent
à
faire
l'hypothèse
d'une
affinité
lignagère
qui
serait
la
force
attractive
pouvant
expliquer
les
regroupements
géographiques.
2.1.2.3 Liens entre villages et conflits intra-ethniques.
Avant la colonisation. des conflits armés ont divisé l'ethnie Nawda. Sans
prétendre remonter aux causes et aux facteurs qui ont déclenché ces conflits, nous
observons
qu'ils
n'avaient
pas
en
fait
opposé
les
deux
grands
ensembles
d'agglomérations villageoises (de villages), même pas des groupes de villages, mais
-
218 -

certains villages. Ils ont même provoqué le déplacement de tout un village hors du
territoire nawda.
Ceci indique peut-être que le degré de lien de parenté n'avait pas joué un
grand rôle dans la genèse ou le déclenchement de ces conflits. Nous avons noté
quelque part (plus haut> la valeur que le Nawda attache au sang versé qui signifie
la destruction de la vie, i.e. la rupture du lien de sang, rupture qui ne se répare
pas. même entre frères. Il est donc probable que des disputes aient abouti à un
bain de sang, provoquant ainsi la scission de l'ethnie en des factions ennemies, quel
que soit le lien de parenté qui pouvait les unir.
2.2. DISTRIBUTION DES TERRES ET SYSTEME DE FILIATION ET D'ALLIANCE.
2.2.1. La propriété terrienne.
2.2.1.1. Filiation et héritage terrien.
Nous avons vu qu'aux fiançailles, le fiancé cultive des parcelles de terre,
que sa future belle-mère. puis sa fiancée sème. Si le mariage a lieu, ces terres
reviennent à l'épouse, puis aux enfants plus tard. Ces terrains donnés à la femme
sont des "Tintiga": terres cédées à l'épouse.
Dans
les
agglomérations
villageoises

le
rachat
des
enfants
est
systématique
(avec
patrilocalité),
ceux-ci
n'héritent
que
du
côté
paternel.
Nous
verrons plus loin pourquoi. Par contre, là où le rachat est facultatif, l'héritage des
terres est de règle du côté maternel. Mais s'il y a rachat avec patrilocalité. c'est
du côté paternel, tout en profitant des terres que la mère apporte comme héritage.
S'il n'y a pas de rachat, les enfants conservent les "Tintiga" de leur mère.
En clair, l'enfant peut hériter de son bilignage.
2.2.1.2. Ancêtre. lignage et origine de la propriété.
Chaque fois qu'il y a conflit entre parents à propos des terres, la voie qui
conduit généralement à la vérité est la généalogie qui remonte à l'Ancêtre-fondateur
du lignage
propriétaire
des
terres.
Cela
permet
de
voir
comment
la
terre
est
parvenue à Ego: par "Tintiga" de sa mère, par donation, par héritage ou par prêt.
La terre du lignage est la propriété de l'Ancêtre-fondateur de ce lignage.
C'est lui qui l'a occupée. héritée, etc... L'origine du lignage est en même
temps
l'origine de ses terres.
2.2.1.3. Propriété terrienne villageoise et lignage.
L'espace occupé par un village est géré et défenqu jalousement par ce
village comme propriété commune. Chaque Da'anga du vil/age a ses parcelles qu'il
distribue à ses membres. Mais l'ensemble appartient collectivement au village.
Cela
veut
dire
que
ce
n'est
pas
par
hasard
que
les
membres
(les
habitants) de ce village se sont retrouvés groupés là; ce n'est pas un évènement
-
219 -

fortuit
qui
les
a
regroupés
sur
un
même
espace
géographique.
Cet
espace
appartient sûrement à un Ancêtre commun, l'Ancêtre-Fondateur du village (1).
Donc le regroupement par village peut permettre de retrouver les traces
du lignage.
Ce ne serait pas non plus par hasard que plusieurs villages se retrouvent
plus rapprochés les uns des autres, formant ce que nous avons appelé groupes de
villages, puis ensemble de groupes de villages. L'espace occupé par un groupe, et un
ensemble de groupes de villages est probablement la propriété d'un Ancêtre commun
à ces villages. Ces remarques apportent un indice de plus de leur affinité Iignagère.
2.2.1.4. Implantation des concessions, inhumation et propriété terrienne.
Au sein d'un village, le choix des lieux d'implantation des concessions ne se
fait pas au hasard. Il est réglementé
(réglé, régi)
par le système de
propriété
terrienne.
Chacun
construit
sa
maison
sur
ses
terres,
ses
parcelles
de
terre.
L'espace vide autour de la
maison constitue
le reste
de
la
parcelle
qui
sera
agricolement exploitée jusqu'à ses dernières limites. Donc personne, surtout étranger
au lignage, n'a le droit de construire sa maison sur ce même espace. Cela explique
pourquoi l'habitat est dispersé.
L'inhumation ne se fait que dans les caveaux familiaux, claniques, qui sont
creusés sur les terres du clan (Da'anga>' Si on doit creuser une tombe individuelle,
on le fera toujours sur la propriété du clan. Personne ne peut être enterré sur la
propriété d'un autre Da'anga (clan), à moins d'emprunter la terre (Ba jem tante>'
Donc on est enraciné sur les terres des ancêtres, on y vit comme une
plante, puis on y est semé comme un
grain destiné à donner
naissance
à
de
nouveaux plants. C'est ainsi que les ancêtres (Rateba) construisent des enfants. Le
caveau familial symbolise la maison, le Haare, où tous les membres de lignage, les
Fagreba et les Tingreba. sont rassemblés. Les membres du Da'anga sont réunis
dans les mêmes caveaux comme ils le sont dans les Haya (maisons) composant le
Da'anga, et construits sur les propriétés terriennes. L'individu est comme un arbre:
il pousse et meurt là où il a poussé: il fait un avec sa terre.
Quand même l'individu doit être enterré à l'étranger, ses ongles et ses
cheveux (extrémités symbolisant la totalité) doivent être ramenés au village pour
être ensevelis dans sa famille.
2.2.2. Lignage et sa localisation géographique.
2.2.2.1. Bilignage et problème de localisation géographique. Le Fôôgo tel que
nous
l'avons
défini ne se prête pas
à
une
localisation
géographique.
Ego
est
toujours à cheval sur le lignage paternel et celui maternel, qui appartiennent à des
Da'ane'e (clans) différents, donc n'ayant pas la même propriété terrienne. lieu de
(1), cf. plus haut Structure de la société.
- 220 -

fixation géographique.
Il faut aussi souligner que (les propriétés terriennes) les terres du même
lignage ne sont jamais groupées. Les parcelles sont dispersées à travers le village
et quelquefois même au-delà (hors) de ses frontières.
Donc le lignage n'est
jamais
localisé
géographiquement,
mais
la Grande
Maison. celle de l'Ancêtre-Fondateur du lignage (Chef-Fondateur) sert de point de
convergence où tous les membres se rencontrent périodiquement pour des cultes
religieux, des deuils, des rites de toutes sortes.
2.2.2.2. Groupes lignagers et dispersion géographique.
L'alliance polygyne entraî ne le morcellement des terres lignagères. Comme
ces
terres
sont
dispersées,
cela
conduit
à
la
dispersion
géographique
des
propriétés.
Le "Da'anga' comme clan et même le lignage ne sont jamais des réalités
géographiquement définies. Leur unité concrétisée dans
les relations et pratiques
socio-religieuses et symbolisée par la Grande Maison, se fonde sur le système de
filiation et d'alliance plutôt que sur une implantation géographique. Nous avons noté
plus haut la dispersion des propriétés terriennes qui dépassent même les frontières
du
village.
Cela
s'explique
par
la
liberté
d'alliance
exogamique
qui
favorise
des
liaisons entre individus de villages différents avec ce que cela implique sur le plan
d'héritage terrien.
L'unité géographique de la propriété villageoise et même celle du groupe de
villages n'implique (n'entraîne) donc pas celle du lignage et du clan. A l'intérieur de
la propriété villageoise commune, la dispersion des propriétés lignagères et clan iques
se fait au hasard des liaisons matrimoniales.
2.2.3. Propriété terrienne et culte des Ancêtres.
2.2.3.1. Fruit de la terre et culte des Ancêtres.
Le
culte
religieux
entraîne
Umplique)
un
investissement
économique
considérable en produits agricoles, céréales et d'élevage qui sont tirés des terres
cultivées.
Les Ancêtres, origines des terres, assurent la fécondité de celles-ci. Les
fruits de l'exploitation terrienne doivent féconder, raffermir les liens entre le Faga
et le Tinga. Le devoir religieux des Fagreba est de
faire vivre les Ancêtres
des
fruits de la terre. Nous avons vu que
chaque
élément
cosmique est
à la
fois
matériel et spirituel. En tant que matériel, il fait partie de Faga et en tant que
spirituel il fait partie de Tinga. Donc, les fruits de la terre nourrissent à la fois les
Tingreba et les Fagreba. Ils constituent ce lieu de communication de la famille en
tant que totalité physique et spirituelle.
2.2.3.2. Pratique cultuelle et loi de propriété terrienne.
La propriété terrienne est fondée sur le culte (religieux) des Ancêtres. La
-
221 -

terre est aux Ancêtres. son exploitation doit être faite pour les Ancêtres. i.e. pour
les cultes religieux. Les fruits de la terre doivent servir au culte où tout le monde
communie.
Celui qui s'acquitte effectivement de ce devoir religieux. quel que soit son
rang dans
le lignage. est en droit de revendiquer la propriété
des
terres
sans
lesquelles le culte est impossible. Si par exemple "héritier légal de par sa position
dans le lignage se soustrait à ses devoirs religieux (absence prolongée du village.
refus délibéré), il perd ses droits d'héritier au profit du membre du lignage (car
c'est un parent qui doit accomplir le culte religieux et jamais un étranger) qui le
fait à sa place.
L'héritage terrien est à proprement parler l'hé ritag e du culte religieux. On
prend la place des anciens. qui ne sont plus pour entretenir, par le culte, le lien
avec les Ancêtres. On ne peut
donc pas hériter
des
terres
si
l'on
renonce
à
l'héritage cultuel.
2.2.3.3. Localisation géographique des Génies terriens et propriété.
Les Génies
terriens
(Tite, arbres-esprits. Suka.
hutte
abritant
génies .. .)
familiaux
sont implantés dans la propriété (le domaine)
terrienne du
lignage.
Un
cocaire-esprit qui pousse par exemple dans la propriété de M. X ne peut incarner
le génie protecteur du Da'anga Y.
3. DYNAMIQUE SOCIALE.
3.1. RELATIONS SOCIALES.
3.1.1. Statuts et rôles.
L'analyse du système hiérarchique, des catégories sociales. etc ... a mis en
lumière les éléments et les critères définissant les statuts et les rôles
sociaux.
Nous avons vu que le sexe est par lui-même un statut. En effet le sexe en tant
que critère de classification (classement) permet de définir les statuts et rôles de
chaque catégorie de la partition.
Il en va de même de l'âge
qui est
l'unité
de
mesure
(l'indice)
de
"échelle
hiérarchique
sociale.
ainsi
que
de
la
voyance
qui
détermine
le
degré
de force
vitale et
de
vulnérabilité.
Nous
allons
dégager
et
résumer brièvement ces statuts et rôles.
3.1.1.1. Statuts et rôles selon le sexe.
Comme nous l'avons vu, le sexe classe les membres de la société en deux
catégories: les hommes et les femmes. Chaque catégorie a un statut social, i.e. une
position.
une
place
dans
le
système
social,
dont
découlent
ses
rôles,
i.e.
les
-
222 -

conduites attendues, ses fonctions sociales .
• Le statut cie la femme se résume dans Wenbiga (litt. petit Wanga: petite
calebasse)
qui signifie· calebasse. La calebasse est un
récipient
(vase)
à usage
périalimentaire multiple; elle sert surtout de vaisselle:
• C'est dans le Wenbiga (calebasse) que l'on sert le repas: le plat de
résistance qui est la pâte obtenue par la cuisson
de la farine
de céréale
(mil.
sorgho, maïs .. .) pétrie dans de l'eau, est servi à chacun dans sa calebasse. Avant
l'invention de la vaisselle en argile cuite, la sauce qui accompagne la pâte était
servie aussi dans la calebasse; actuellement. un bol en argile (sumga) accueille la
sauce.
• C'est dans Wenbiga que l'on sert de l'eau ou tout autre liquide à
boire. Nous avons déjà vu que l'eau symbolise la nourriture et, par extension, tout
le ménage, y compris le soin des enfants.
• A partir de cet usage, de ce rôle de vaisselle, le Wenbiga devient
le
symbole
du
contenant (l aliment
général.
C'es t
dans
ce
sens
que
l'image
du
mendiant est celui qui a sa calebasse sur la tête, dans laquelle il va recueillir les
poignées de grains qu'on lui offre.
• Mais avant que la nourriture soit servie dans la calebasse, elle doit
d'abord germer dans la terre; la nourriture ne tombe pas du ciel; elle est le fruit
de la terre. C'est dans Wenbiga que la femme met les grains pour les semailles.
Par extension, la calebasse symbolise le grain à germer, le germe lui-même, puis la
terre qui accueille la semense, et la pluie, élément fécondant de la terre .
• Puis la femme elle-même est la source fécondante pour la procréation,
le contenant (de) du germe, de la semence humaine, comme la calebasse, puis la
terre est le contenant de la semence. La calebasse symbolise ainsi la fécondité.
On voit
ainsi que Wenbiga, calebasse, contenant
alimentaire
(pâte,
eau,
grains)
devient
le
symbole
du
contenu;
contenant
de
semence
destinée
à
être
fécondée en terre, devient le symbole de la fécondité; puis de la femme
qui est
source de fécondité humaine, d'alimentation et par conséquent agent de fécondité de
la terre.
La femme est donc le Wenbiga de la famille, de la société, i.e. la fécondité
humaine et
terrienne,
la
terre-mère,
la
mamelle
de
la
société.
De
ce
statut
découlent les rôles suivants:

Rôle agricole. elle sème
(met la
semence
en
terre),
soigne
les
plants jusqu'à maturité; elle est l'économe du foyer parce qu'elle assure le stockage
et la gestion des provisions alimentaires: donc elle suit la graine depuis la terre où
elle l'enfouit jusqu'au grenier où elle le conserve; et c'est elle qui "apprête pour la
con sommat ion.
• Rôle procréateur: elle est pourvoyeuse de vie, et par là le relais de
l'Ancêtre dont émane la force vitale pour la multiplication 'et la perpétuation de
l'ethnie.
- 223 -

• Rôle nourricier; elle est maîtresse de maison. la mère nourricière
telle que nous lavons décrite à propos du veuvage et du deuil.
Au fond. ce ne sont pas trois rôles:
tout
se
résume dans le
rôle
maternel et nourricier.
Nous retrouverons le Wenbiga dans la symbolique (le symbolisme) de
la fécondité,
quand
nous
traiterons
le
chapitre
concernant
(sur)
les
institutions
religieuses .
.. L homme. quant à lui. a pour statut le Oagbè 'èra. massue. La massue
est
l'arme
de
chasse.
de
défense,
portée
exclusivement
par
"homme.
(Confectionnée)
Fabriquée
avec
une
branche
d'arbre,
elle
est
la première
arme
perfectionnée qui a remplacé le simple bâton. Plus tard (par la suite) apparurent la
flèche et l'arc. la lance. le poignard. le coupe-coupe.
le
bouclier, etc ... quand le
Nawda a découvert le fer et sa transformation.
A ctue/lement
(aujourd'hui)
le Dagbè'èra symbolise
l'armement
tout
court:
arme de chasse, de guerre. etc ... et par extension, la chasse, la guerre. la force
physique. la défense de la
société,
l'agression
physique
ou
spirituelle;
Dagbè'èra
symbolise ainsi la houe i.e. "outil
agricole
qui
agresse
la
terre
pour
la
rendre
féconde.
De cette position de force. il découle que le rôle de l'homme est d'assurer
la sécurité:

Sécurité contre
la faim
(la famine);
il doit labourer la terre, la
rendre disponible à recevoir la semence. Puis il doit, par la chasse et surtout par
l'élevage, assurer l'alimentation carnée, apporter de quoi faire la sauce, produire
l'animal de sacrifice cultu el aux Ancêtres.
• Sécurité contre la nature: il doit construire un gîte pour la famille,
lutter contre les bêtes féroces qui menacent la vie humaine.

Sécurité
contre
d'autres
hommes
ennemis:
il
doit
protéger
la
société. le village contre l'invasion ennemie.
On peut penser qu'autrefois. avant la sédentarisation
(avant que j'ethnie
devienne sédentaire), la division du
travail
attribuait
à
l'homme
la
chasse
et
la
guerre et à la femme la cueillette des légumes. du bois de chauffage. et ... pour la
préparation du produit de chasse. d'où son lien avec la fécondité de la terre et la
nourriture: c'est elle qui confectionne le repas.
3.1.1.2. Statuts et rôles selon "âge,
Nous avons vu plus haut que la hiérarchie
sociale
se
construit
sur
le
critère d'âge. Au chapitre
traitant des étapes du développement de
la vie,
nous
avons analysé tous
les
degrés
de
"échelle
hiérarchique.
Nous
nous
en
sommes
servis pour construire les catégories hiérarchiques sociales. Nous allons reprendre,
ici, ces catégories sociales et dégager les statuts et rôles qui en découlent.
-
224 -


La
catégorie Enfance
Œigente)
a
comme
position
sociale
ou
statut
l'immaturité. C'est le germe de la vie en développement. Il est caractérisé par la
faiblesse,
la
fragilité.
l'irresponsabilité,
l'ignorance
intellectuelle
(théorique)
et
pratique.
Son
rôle
est
l'apprentissage,
l'imprégnation
socio-cuiturelle;
c'est
un
apprentissage . productif.
car
il
doit
prolonger
j'adulte
en
apprenant,
l'activité
apprenante étant féconde et consommable.
• Hakpara (sing. Hakpade). A ce groupe désignant la catégorie masculine
regroupant
les
classes
d'âges
du
premier
rite
de
passage
au
Senden
exclu,
s'assimile
la
tranche
des
femmes
allant
du
rite
de
passage
pubertaire
à
la
ménopause.
Cette
catégorie
a pour
statut
social:
la
production.
C'est
la
force
productrice.
Son rôle est d'assumer:
• La production économique: c'est en effet la population active dans
"exploitation agricole: les hommes labourent, les femmes sèment, entretiennent et
soignent les plantes. Les hommes pratiquent la chasse et l'élevage. Dans toutes ces
activités. l'émulation, l'entraide, la solidarité sont des moyens efficaces. Quand on
connaît (sait) l'importance des produits agricoles et d'élevage (dans) pour le culte
(religieux) des Ancêtres, on comprend ta valeur de cette catégorie pour la société.
• La procréation. C'est la période la plus féconde de l'activité (la vie)
reproductrice; elle est décisive à ce point de vue pour la femme. La production des
membres de la société dépend essentiellement de cette catégorie sociale. Elle joue
le rôle de relais de l'Ancêtre, Source de vie.
• La production artistique: les rites de passage de cette période sont
riches
en
danses
artistiques
compétitives.
Les
talents
musicaux:
musique
instrumentale (instruments à vent:
cor,
flûte .. .)
et
vocale
(chants)
fleurissent
à
cette période.
• Sendeba (sing. Senda) classes d'âge des troisième et quatrième étape,
regroupe uniquement les hommes. Cette catégorie a le statut militaire. guerrier. Les
Sendeba sont des Hoodeba guerriers. Ce sont des officiers de la force armée. de
la défense '~ationale': de la collectivité.
Leur rôle est donc de veiller à la sécurité sociale, à la paix. Ils doivent
assurer la défense du territoire contre l'invasion ennemie. être prêts à répondre
efficacement à toute agression ennemie, pour éviter l'humiliation et la honte de la
défaite, sauver "honneur de la collectivité. Ils doivent agresser "ennemi si cela est
nécessaire. l'anéantir pour conquérir les terres. et agrandir l'espace vital. Ils sont
initiés au secret militaire.
Les Beremba, Kpalma. les grands, les vieux, les Anciens. C'est la tranche
d'âge qui commence, pour les hommes à la fin de la quatrième et dernière étape
des rites de passage, et à partir de la ménopause pour les femmes.
- 225 -

Les Beremba occupent le statut, la position de sages.
Leur rôle est d'être les conseillers. les
législateurs. les gardiens de
la
tradition. les dépositaires de la mémoire collective.
3.1.1.3. Rôles selon le Yendem. la voyance.
Le Yenda (voyant). La voyance confère à son détenteur une position sociale
de force. de puissance surnaturelle.
Son rôle est de servir
d'intermédiaire. de médiateur entre
les
Tingreba
(ceux d'en-bas). avec qui il commerce, et les Fagreba (ceux de surface) dont il fait
partie. Dans cette médiation, il est chargé de la protection de la société contre le
mal qui trouve justement sa source dans Tinga, Il doit permettre de le prévenir. de
le neutraliser quand il se produit.
Le Yenda (voyant) joue aussi un rôle dangereux dans la mesure où il peut
être l'agent du mal.
Le Jooma (non-voyant), dépourvu de ce pouvoir qu'est le Yendem (voyance)
est en position de faiblesse. Son statut social est l'infériorité, la vulnérabilité.
Son rôle social est de prévenir le mal, le déforcement, en accomplissant la
loi ancestrale; de combattre le mal avec l'aide médiat rice du Yenda (voyant).
3.1.2. Règlementation des rapports sociaux.
Afin (pour) que chacun remplisse correctement les rôles liés à son statut
social. pour le bon fonctionnement de la société. le maintien de l'ordre ancestral;
afin de (pour) prévenir les abus que les individus peuvent faire des forces dont les
Ancêtres
les
ont
dotés,
certaines
institutions
(un
code légal)
règlementent
les
rapports sociaux.
3.1.2,1. Institutions juridiques.
Dans le ménage. l'homme, chargé de la sécurité de sa famille, doit veiller
à ce que femme et enfants ne manquent pas du minimum vital. Il doit s'adonner à
l'agriculture qui est l'activité économique
principale:
il
doit
labourer
pour
que
la
femme sème. S'il ne le fait pas, la femme a le droit de porter plainte, et, à la
limite. de le quitter.
De même. la
femme
doit
assumer
son
rôle
de
Wenbiga
madeta,
de
Gnaalem sa'ada, celle qui tient la calebasse. qui donne de l'eau.
i.e.
nourrit
la
famille, qui sème et entretient le champ cultivé, labouré par le mari. Elle doit tenir
l'économie domestique. Si elle ne remplit pas ce rôle, l'homme est en droit de la
convoquer en justice. Souvent. il va jusqu'à la répudier.
Donc,
outre
la
honte.
le
déshonneur
qui
découlent
de
la
paresse
les
institutions judiciaires prévoient des sanctions.
La polyandrie étant prohibée pour les raisons évoquées plus haut. l'adultère
est
une
inconduite
grave:
la
femme
n'a
pas
le
droit
d'entretenir
des
relations
sexuelles
extra-conjugales.
L'homme
n'a
pas
le
droit
d'entretenir
des
rapports
- 226 -

sexuels avec
la femme d'autrui. Ces
inconduites
sont
sévèrement
punies
par
le
tribunal.
La voyance aussi fait l'objet d'une règlementation juridique. Le voyant doit
utiliser
son
pouvoir
dans
le
sens
du
bien.
Tout
usage
abusif
de
cette
force
surnaturelle, tendant à nuire à la société, aux
individus. entraîne des poursuites
judiciaires pouvant aller jusqu'à la peine d'emprisonnement, ou à l'exclusion de la
société. Le fautif, danger public, est chassé de la société et peut s'exiler où il veut.
Beaucoup de malfaiteurs voyants sont ainsi obligés de demander asile dans un autre
village. où hors de l'ethnie nawda.
3.1.22. Institutions morales.
Ici, la règlementation ne fait pas l'objet de prescription judiciaire entraînant
des sanctions physiques, mais constitue une obligation morale. La sanction est plutôt
sociale. ancestrale ou divine.
La paresse et l'oisiveté, ainsi que toute
démission
aux
devoirs
sociaux,
sont signe d'incapacité. de manque d'endurance, et insuffisance de contrôle de soi.
La sanction sociale est le blâme, la moquerie, la dévalorisation qui entraînent chez
Ego un complexe d'infériorité, un profond sentiment de honte.
Il en va de même de la licence sexuelle. En effet. toute inconduite sexuelle
est honteuse; aussi, l'homme qui ne contrôle pas sa sexualité, la jeune fille légère,
l'épouse adultère ... font l'objet de blâme social, de moquerie.
En plus. l'inconduite sexuelle
fait
l'objet
de
sanction
ancestr.ale,
comme
nous J'avons vu plus haut. L'adultère, outre les sanctions judiciaires, est une rupture
de liens sociaux irréparables. Puis la femme adultère a l'accouchement difficile et
peut en mourir si elle ne se confesse pas. Nous avons expliqué ce
problème à
propos de système d'alliance matrimoniale. Nous
avons aussi
parlé
ailleurs
(plus
haut)
des conséquences qu'entraînent
des
rapports
sexuels
entretenus
dans
les
champs et bloquant la fécondité de la terre.
3.2. INTERACTIONS SOCIALES.
Toutes
les
catégories
sociales
que
nous
avons
étudiées
plus
haut
s'inter-agissent continuellement. s'influençant positivement ou négativement. Mais les
statuts et rôles que nous venons d'expliquer brièvement et qui ne concernent que la
monde de Faga. ne suffisent pas à expliquer les phénomènes
inter-actionnels. En
effet. comme nous l'avons vu au chapitre sur la dynamique cosmique (de la réalité).
les lois naturelles du monde de surface (Fagal n'expliquent pas, ne fournissent pas
les
causes
profondes
de
la
dynamique.
Les
seules
combinaisons
de
forces
qui
rendent compte des phénomènes observés se déroulent dans le monde-d'en-bas.
Ainsi les vraies interactions sociales sont celles qui se déroulent dans le
monde souterrain, en dessous
de la réalité
sensible.
dans
le
monde
immatériel.
spirituel, entre toutes les catégories sociales étudiées ci-dessus. faisant partie à la
-
227 -

fois du monde sensible (Faga) et du monde d'en-bas (Tinga).
Ce sont ces interactions que nous allons décrire ici.
3.2.1. Actions des voyants (Yendebal.
Les
voyants étant
les
moins
vulnérables
des
Fagreba et
entretenant
des
relations avec les Tingreba (ceux d'en -bas). jouent un rôle très important dans la
dynamique
interactionnelle
sociale
par
leurs
influences
négatives
et
positives.
En
effet, le voyant peut utiliser son pouvoir pour influencer les Fagreba et les Tingreba
en bien ou en mal. Son influence dans le monde de Faga s'exerce sur les Joomba
(non-voyants) aussi bien que sur ses Yendetaaba (ses collègues non-voyants}. Quant
à
sa
relation
avec
les
Tingreba,
il
peut
influencer
tous
les
esprits
(Kpeemba,
Fagnideba. Génies). Nous allons présenter certaines de ces influences négatives et
positives.
3.2.1.1. Influences maléfiques (négatives).
La plupart des malheurs qui arrivent aux hommes et dans le monde sont les
résultats ou les conséquences des activités maléfiques
des
voyants méchants.
Ils
pratiquent le mal par jalousie. envie, ou par pur plaisir de nuire, ou pour montrer
leur supériorité sur les autres Fagreba. Ils peuvent nuire aussi pour en
tirer un
profit matériel.
Ainsi les réussites sociales de tous
genres
provoquent souvent jalousie et
envie
qui
poussent
les
voyants
à
des
machinations
occultes
pour
éliminer
physiquement,
déforcer,
invalider
ceux
qui
tentent
de
se
rendre
socialement
célèbres, d'attirer "attention par
leurs exploits. Les
voyants
utilisent souvent
des
moyens détournés pour réussir leur entreprise. C'est
ainsi
que des machinations
mortelles
peuvent
être
déguisées
en
louanges.
félicitations
et
admiration.
Ces
valorisations sont plutôt des paroles malicieuses opérantes. c'est une force verbale
destructrice. "Ce n'est pas la bouche seule qui parle; ils n'utilisent pas la bouche
seule" (Ba ka baala noora hènal. Pour cela, le Nawda est très réservé, et même
méfiant
à
"égard
de
toute
forme
d'éloges,
et
recherche
systématiquement
la
modestie, se dévalorisant à la
limite.
Il
prendra
soin
de
camoufler
tout
exploit
pouvant attirer les regards (l'attention).
Les actions maléfiques des Yendeba (voyants) peuvent revêtir les formes les
plus diverses (variées). Nous allons rapporter ici les plus courantes.

La
trahison.
Les
Yendeba
(voyants)
peuvent
vendre
aux
"Fagnideba"
(esprits errants) ou aux sorciers anthropophages (1) leurs propres parents pour de
"argent. Précisons au passage
qu'ils
ne
peuvent
vendre
que
leurs
parents.
car
personne n'a le pouvoir de livrer un autre qui n'a aucun lien de sang avec lui, à
moins que la victime ne lui soit vendue par ses propres parents.
(1), la sorcellerie africaine est une anthropologie immatérielle
- 228 -

Les Fagnideba (esprits errants) ont souvent besoin d'un enfant pour assouvir
(satisfaire) leur instinct maternel et/ou paternel. S'ils ne peuvent
pas
en trouver
eux-mêmes (dans leur famille de Faga), ils négocient avec
1.1 n
voyant qui leur livre
un enfant de sa famille. C'est souvent l'enfant d'un frère, d'une sœur. d'un oncle.
d'une tante. On peut livrer aussi son propre frère ou son propre enfant.
Ces trafics se font aussi avec les sorciers anthropophages comme nous le
verrons dans le paragraphe suivant. Le résultat de la trahison est que la victime
mourra subitement ou après une maladie plus ou moins brève (longue).

La
sorcellerie
anthropophage
(1)
est
une
pratique
qui
consiste
en
un
cannibalisme immatériel. Il n'y a que les voyants qui soient capables de ce manège;
eux
seuls,
en
effet,
parmi
les
Fagreba.
peuvent
influencer,
immatériellement
(spirituellement) leurs semblables. C'est dire que tout
sorcier est nécessairement
voyant.
Ce cannibalisme ne se pratique pas en plein jour. mais à une heure tardive
de la nuit. entre minuit et 2-3 heures du matin au moment où (quand)
toute la
nature
est
endormie.
Alors
les
voyants
qui
s'adonnent
à
cette
activité.
se
transforment. se métamorphosent en êtres spirituels: ils laissent leurs apparences
corporelles
(Fako,
Rôôgo,
enveloppe)
sur
le
lit
donnant
l'impression
d'être
endormis(2l. Le sorcier en acte est ainsi
un être
immatériel,
spirituel. sorti de
Faga. Il est donc invisible.
C'est de la même façon qu'il va enlever sa victime: il prend sa substance
(immatérielle) laissant les apparences (accidents) corporelles sur le lit. Il va ligoter
sa victime immatérielle, ou J'emballer (la prendre) dans un filet, et la mener (portant
sur la tête) à l'abattoir (toujours du monde souterrain) où elle sera tuée, dépecée.
vendue au marché sorcier (de nuit) et! ou consommée.
Le cannibalisme. j'anthropophagie sorcière, aboutit nécessairement à la mort
de
la
victime
(puisque
celle-ci
est
dépecée
et
mangéel.
Comme
les
morts
deviennent plus forts (plus puissants) et plus dangereux. les voyants sont vigilants
et cherchent à éliminer une deuxiÈme fois leurs victimes
(que celles-ci aient été
tuées
par sorcellerie
(anthropophagie)
ou
par
d'autres
moyens.
s'ils
les
sentent
menaçantes. C'est la seconde mort. En fait il
ne s'agit
pas
d'une véritable
mort
(auquel cas ce serait une anihilation de la victime), puisque les Kpeemba ne meurent
pas. mais d'un déforcement qui rend les victimes inoffensives.
Mais toutes les victimes de la sorcellerie ne meurent pas nécessairement.
Elles ne meurent que si elles ont été dépecées et mangées. Si une personne ligotée
pour l'abattoir n'est pas encore tuée. elle tombe seulement malade. et le thérapeute
peut la délivrer en coupant les cordes ou le filet. La victime peut n'avoir qu'une
(1). la sorcellerie africaine est une anthropologie immatérielle.
(2), d'autres voyants peuvent nuire aux sorciers en mettant du pigment dans cette
enveloppe. Quand ils voudront les enfiler. ils ne pourront pas à cause des piqures
de pigment et mourront.
-
229 -

atteinte partielle avant l'intervention salvatrice (libératrice). On peut par exemple ne
lui
arracher
(enlever)
qu'un
membre;
si
l'on
sauve
cette
personne,
elle
perdra
effectivement ce membre et deviendra matériellement (organiquement) infirme de ce
membre.
Comme le traître, le sorcier ne peut mettre la main sur une personne que
s'il
a un lien de parenté avec
(elle)
cette
personne;
on
ne
peut
disposer
d'un
étranger que s'il a été livré, vendu par quelqu'un des siens (un parent sorcier ou
traître) ou si sa Maison (Haare: Ancêtres et Génies protecteurs) lu i a retiré sa
protection, i.e. l'a coupé du phylum ancestral, ce qui équivaut à une livraison. une
trahison, car celle-ci consiste justement à couper Ego du phylum ancestral qui est
source de vie, et personne n'est capable de cette (d'une telle) opération s'il n'est
(n'appartient) pas (au) du même phylum. C'est seulement un parent qui peut vendre
ou mener à l'abattoir un parent.
Les
sorciers organisent généralement
des
marchés
de
chair
humaine
qui
s'animent la nuit à certains endroits du village. Ils peuvent même quitter le village et
parcourir de longues distances pour
participer à
des
marchés
sorciers
d'autres
villages ou même d'autres pays. Souvent ils achètent des avions immatériels pour
effectuer ces longs voyages,
Dans
ces
marchés,
ils
allument
des
feux.
visibles
à
l'œil
naturel,
avec
lesquels ils font cuir la viande des victimes tuées. Ainsi ceux qui désirent manger la
chai r humaine peuvent aller en acheter à ces marchés.
Mais
souvent
les
sorciers
s'associent en
confréries ou
en
clubs
pour
la
consommation
et
le
trafic
de
la
chair
humaine.
Les
membres
du
club
doivent
apporter des victimes à
tour de rôle; et comme on
n'a
aucun
pouvoir
sur
les
étrangers, chaque associé ne peut livrer que les siens. à moins d'en acheter à prix
d'argent. Conformément aux termes du pacte des clubs.
si le tour d'un membre
arrive et qu'il se trouve dans l'incapacité de livrer une victime, il deviendra lui-même
victime et sera par conséquent tué et mangé par ses confrères, Ce qui veut dire
en clair que si un sorcier s'engage dans une confrérie il risque de décimer toute sa
famille.
On peut toutefois manger de la chair humaine
si on le désire sans être
obligé de se faire membre d'une confrérie. Dans ce cas, il faut nécessairement en
acheter à prix d'argent au marché sorcier. En effet si on se présente à un club,
on obtient facilement à manger. mais on devient par le fait même débiteur car rien
n'est
gratuit.
On
devra
rembourser
en
nature,
c'est-à-dire
qu'on
contracte
automatiquement le statut de membre et qu'on tombe sous la loi du contrat: on
devra
alors
apporter
à
son
tour
une
victime
sous
peine
de
se
faire
manger
soi-même.
Qu'on
s oit
membre
d'une
confrérie
ou
non,
pour
consommer
la
chair
humaine, les sorciers doivent quitter leurs maisons. Les
lieux de rencontre
sont
généralement les marchés de nuit où
se trouvent les
abattoirs, jamais dans les
maisons.
Pour
quitter
leurs
maisons,
les
sorciers
escaladent
les
murs.
Ils
ne
passent
jamais
par
la
porte
qui
est
soigneusement
gardée
par
les
esprits
- 230 -

protecteurs
(mânes et
\\ini .. .l, ceux-ci punissent
de
mort cette
inconduite
grave.
Dans certaines maisons bien gardées, même l'escalade est impossible. Les voyants
de ces maisons n'ont
aucune chance
de devenir
sorciers, de goûter
à
la
chair
humaine s'ils le désirent. S'ils le tentent, on les trouve raides morts le matin.
• Utilisations nocives de la chair humaine.
Les
sorciers peuvent
se servir de la chair humaine qu'il
manipulent
pour
nuire.
C'est ainsi qu'ils peuvent gaver quelqu'un avec cette chair qui n'est digestible
que par le pouvoir surnaturel du sorcier. Le non-voyant gavé, non
seulement
ne
peut digérer cette chair, mais va s'en intoxiquer.
Ce
sont surtout les
jeunes
enfants
qui
sont
victimes
de
ce
gavage.
La
victime
va
développer
un
ballonnement
abdominal
avec
des
œdèmes
terminaux,
quelquefois un œdème facial, et souvent une peau squameuse aux membres.
Les sorcÎers peuvent aussi lancer cette chair sur un passant qui développera
par la suite des
cloques
aux endroits
atteints
comme
s'il
avait
été
victime
de
brûlures.
Les
sorciers
enterrent aussi des
marmites
pleines
de
graisses
humaines
dans
la
chambre
à
coucher
des
personnes
à
qui
ils
veulent
nuire.
La
victime
présentera de l'insomnie partielle ou totale, avec des
démangeaisons
sur. tout
le
corps.
Bè'étebe ou lancement des projectiles morbogènes, pathogènes.
Le voyant peut enfoncer un objet quelconque doué d'un
pouvoir pathogène
surnaturel dans la chair d'un autre, dans le but de le rendre malade pour le faire
simplement
souffrir
ou
de
le
faire
mourir.
Les
objets
qui
servent
le
plus
couramment de projectiles sont: des cailloux (souvent très lisses), des morceaux de
ferrailles, des cauris, même des animaux vivants tels que le crapaud.
Le mal
se
traduira chez
la victime par
des
douleurs
localisées
dans
un
muscle, sous la peau, dans les viscères, au niveau des organes génitaux. dans la
tête ... selon l'endroit atteint. Une enflure peut éventuellement apparaître à l'endroit
douloureux.
EnchaÎnement ou emprisonnement.
Le voyant peut enchaîner ou emprisonner
un autre homme
dans
le creux
d'un arbre, dans un trou de la terre, dans un arbre ... Ici il E!.st spécifié que c'est le
Nanéga, le principe vital qui est enchaîné ou emprisonné loi~ de son correspondant
humain. Effectivement quand le thérapeute entreprend de délivrer le sujet enchaî né
ou emp risonné, il rapporte toujours une araignée dans une boîte.
L'enchaînement se traduit par un malaise général: la victime maigrit, souffre
de vertiges, devient pâle, perd quelquefois l'appétit...
!
Ce procédé explique
aussi
certains
accidents.
On
~ira par exemple d'un
homme écrasé par un véhicule qu'il a été enchaîné sous ce véhicule, d'un noyé qu'il
- 231 -

a été ligoté et jeté dans l'eau,
• Elevage des serpents-esprits.
Les voyants qui élèvent les serpents-esprits ont
toujours l'intention de s'en
servir pour nuire à leurs semblables.
-
Le
serpent est
souvent
dressé
pour
ramasser
les
récoltes
des
voisins et enrichir son maître. " le fait évidemment de façon occulte. immatérielle; il
prend la substance en laissant les apparences. Si bien que quelqu'un peut avoir un
grand champ de céréales bien réussies, mais à la récolte, il ne rentre qu'une petite
poignée qui va le nourrir à peine pendant quelques semaines. On peut même rentrer
une récolte abondante. Le serpent pourra passer à la maison pour la ramasser; ce
qui va
se
traduire
par
un
épuisement
accéléré
du
stock.
Les
propriétaires
de
serpents.
qui
n'ont peut-être presque
rien
semé.
vont
nager
toute
l'année
dans
l'abondance
à la
surprise
générale,
alors
que
les
autres
meurent
de
faim.
Le
serpent peut aussi ramasser la fortune de quelqu'un pour enrichir son maître.
-
Nous
avons
vu
plus haut
que
le
serpent-esprit est carnivore et
pleut s'attaquer à l'homme, surtout aux enfants qu'il tue et avale. L'attaque par le
serpent se manifes te
par une chute brutale avec
perte
de conscience, le corps
flasque et sans force. On peut sauver la victime si l'on intervient à temps.
- Le propriétaire du serpent peut l'élever avec l'intention seulement de
s'enrichir. Oans ce cas. dès l'achat du serpent tout jeune. il lui râcle les dents pour
le rendre inoffensif, l'empêcher de s'attaquer aux hommes. Le propriétaire prendra
soin de le nourrir lui-même en lui offrant des
animaux.
Le
serpent
se
chargera
alors de ramasser les richesses des autres.
- L'éleveur du se rpent peut, au contraire, avoir une intention sadique
de tuer les autres. Il laisse alors à son serpent toutes ses dents et le dresse en
conséquence. " le laissera affamé le poussant ainsi à agresser le premier passant
qu'il rencontre. Il détruit aussi le bétail pour se nourrir ou par méchanceté.
-
Une troisième catégorie
d'éleveurs
de serpents est composée
de
ceux qui ont cette double intention: s'enrichir aux dépens des autres, et éliminer
physiquement les autres.
- L'achat du serpent peut constituer une source de calamité publique.
C'est le cas par exemple quand un voyant va chercher son serpent dans un lieu
saint. Cela peut déclencher des pluies torrentielles entraînant inondations et surtout
destruction des récoltes, ou au contraire une sécheresse dramatique; ce qui a pour
conséquence la famine. Cela peut aussi être à l'origine d'une épidémie mortelle.
Telles sont, en bref, quelques-unes des innombrables actions maléfiques des
voyants.
Généralement
les
voyants
qui
font
mauvais
usagè
de
leur
don
ne
se
révèlent pas de leur vivant. Ils passent la plupart du temps. pour des Joomba, des
non-voyants, et c'est seulement après leur mort que "on découvre tout.
- 232 -

3.2.1.2. Influences bénéfiques des voyants. Mantique thérapeutique.
Heureusement cette utilisation
méchante
de
la
voyance
n'est
que
j'œuvre
d'une catégorie de voyants. Certains autres au contraire mettent leur pouvoir au
service de l'humanité. Ce sont les devins. les thérapeutes ... qui ont pour mission de
combattre ou de conjurer le mal
sous
toutes
ses
formes.
Ils
diagnostiquent par
divination le mal (m al adies et autres .. .l à partir de certains
signes
avertisseurs.
Tout
mal
est
en
lui~même un signe dont il faut chercher
le
signifié.
.
Ils
préviennent ou guérissent les maladies; ils préviennent ou arrêtent les cataclysmes
et tout
mal
public
collectif ou
individuel.
La
maladie
est
un
cas
particulier
du
malheur compris comme un phénomène général dont les manifestations particulières
ont une cause unique: les actions maléfiques des méchants. En effet les raisons qui
expliquent la maladie d'un individu ont la même origine que celles qui expliquent les
échecs socio-économiques, les calamités plubliques (sécheresse. inondations. foudre,
incendie , famine .. .l.
Les moyens utilisés pour conjurer le mal sont variés:

On peut conjurer le
mal en détruisant les
machinations
maléfiques
des
méchants; c'est le cas de la délivrance d'un enchaîné. de l'extraction du Bè'éga ...

On
peut
détruire
le
mal
à
sa
racine
en
s'attaquant
directement
au
malfaiteur; c'est l'exemple de l'élimination physique de l'esprit malin qui s'attache à
u'ne
femme
pour
la
rendre
malheureuse
(1);
ou
de
l'exécution
du
sorcier
anthropophage.

Quand
le
mal
provient
de
la
colère
des
esprits
protecteurs.
ïl
faut
négocier avec ceux-ci, les supplier et les calmer.

Si ce
sont de mauvais esprits
(Fagnideba)
qui ont
volé ou
trompé
un
enfant. c'est souvent la procédure judiciaire qui permet de confondre ces esprits ou
de fixer la quantité de ce qu'il faut payer pour reprendre l'enfant.
Devin-thérapeute: Tada.
Divination
et
traitement
sont
deux
moments
successifs
du
processus
thérapeutique. La divination pose le diagnostic et le traitement permet de s'attaquer
au
mal.
Ces
deux
moments
constituent
l'acte
médical
exécuté
par
le
Tada
(thérapeute). tout comme le médecin pose son diagnostic et organise le traitement.
Mais dans certains cas. certains Tadeba (2) se contentent de diagnostiquer le mal
sans oser entreprendre le traitement. Ils adressent le patient à d'autres. C'est le
cas
notamment
de
"extraction
de
Bè'éga.
Nous
avons
cherché
à
élucider
ce
problème. Mais les réponses à nos questions étaient évasives. C'est par la suite
que nous nous sommes rendu compte que nous touchions là à un secret médical.
Sur une vingtaine de Tadeba interrogés. deux seulement ont accepté de nous livrer
ce secret; "un d'eux extrait le Bè'éga et l'autre non. Ils nous ont donné "explication
(1), cf. ci-dessous. les actions des Fagnideba.
(2). pluriel de Tada.
- 233 -

suivante:
l'extraction
de
Bè'éga
se
fait
habituellement
par
la
bouche
(1);
le
thérapeute mord l'endroit malade et extrait l'objet mauvais qu'il
crache. Ce geste
buccal
symbolise
un
véritable
cannibalisme
analogue
aux
procédés
du
sorcier
.anthropophage, dont il ne diffère que par l'intention de guérir. C'est une véritable
opération chirurgicale dans la chair humaine, jusque dans la substance vitale, avec la
bouche
comme
bistouri,
pour
extraire
J'objet
étranger.
N'importe
quelle
bouche,
même celle d'un voyant, ne peut procéder à cette opération. Pour le faire, il faut
avoir été initié à la consommation de la chair humaine en compagnie des sorciers
anthropophages
au
marché de nuit. Mais
la sorcellerie est
un
mal!
Comment le
thérapeute peut -il se donner le droit de commettre le mal qu'il prétend combattre?
Eh bien! il se rend au marché de nuit où il achète de sa poche un morceau de
chair qu'il mange; il ne commet aucun mal, puisqu'il ne tue personne, et le fait qu'il
paie de l'argent le libère de tout engagement à apporter en retour une victime, dans
lequel cas il se verrait dans j'obligation sinon de tuer, du moins de livrer quelqu'un
de sa famille, sous peine de se constituer victime lui-même.
Cette condition ne peut pas être remplie par tous les Tadeba. Nous avons vu
plus haut que pour se rendre
au marché
sorcier,
il faut
escalader
le
mur,
et
certaines
maisons
sont si bien
gardées
que
même
l'escalade
est
impossible;
le
sorcier se ferait abattre par les Ancêtres gardiens.
Tout
Tada
issu
de
ces
maisons
ne
peut
donc
remplir
la
condition
indispensable pour J'extraction du Bè'éga. Il pourra voir le Bè'éga, le diagnostiquer,
mais ne pourra pas l'extraire. Il se limitera donc au rôle de devin en laissant la
fonction thérapeutique proprement dite à un autre collègue Tada à qui il enverra le
patient.
Notons en passant que tous les traitements ne relèvent pas du Tada. Une
bonne partie d'entre eux consistent en des cérémonies religieuses qui ont pour but
de concilier le malade avec les esprits protecteurs. Et ces cérémonies se font à la
maison
par
le
représentant
du
culte
de
la
famille.
L'acte
essentiel
qui
revient
spécifiquement au Tada est la divination.
La pratique de la divination revêt des formes variées et connaît des degrés
divers.

La divination peut
se
faire sous
forme de consultation
des
esprits
de
maison, les Ancêtres (les Kpeemba), ou des esprits des champs
(les Fagnideba)
pour chercher la cause d'un malheur qui peut être une maladie ou autre. C'est le
devin qui fait
toujours
l'interprète, l'intermédiaire entre les esprits et
les vivants
concernés.
Le devin
transmet aux esprits
qu'il voit
et entend
les questions
des
vivants. et à ces derniers, il communique les réponses des esprits .
• Elle peut prendre la forme d'une consultation du devin lui-même. C'est la
forme habituelle quand il
s'agit de diagnostiquer une
maladie, ou
d'interpréter un
signe, un évènement inhabituel. La consultation des esprits peut en être
la suite
quand le devin trouve que c'est eux qui détiennent la clef de la vérité. Le matériel
(1), certains Tadeba préfèrent extraire avec la main ou avec
une chasse mouche.
Nous n'avons pas encore éclairci de ce côté.
- 234 -

utilisé dans cette forme de divination est constitué par deux ou trois cauris dans
lesquels le devin est censé lire la vérité.
Les
cauris
sont jetés devant le devin;
assisté de ses femmes-esprits qui l'inspirent, l'éclairent, celui-ci se met
dans un
état
presque
second et
répond
aux
questions
d'un
interviewer
spécialiste.
à
un
rythme accéléré. avec des intonations de voix spéciales. Cette forme
avec
cauris
est
le
degré
supérieur
de
la
divination
qu'on
n'atteint
qu'apr'ès
un
cérémonial
d'intronisation sans lequel le devin se limite à un modèle inférieur, dégradé où la
révélation manque de clarté et de précision .
• Le devin est directement consulté aussi en cas de vol ou de soupçon de
sorcellerie. Le matériel utilisé dans ce cas est la Corne" magique '1 qui répond
aux
questions du devin portant sur les noms de tous les membres de l'assistance et
des gens soupçonnés. Le cou pable sera désigné quand, à l'appel de son nom, la
corne va donner une réponse positive par des
gestes
appropriés. En cas
de vol
surtout, on peut
utiliser
aussi
une autre
méthode
qui
consiste
à
rechercher
la
présence du Nanéga, du voleur sur les lieux.
En conclusion, disons que le traitement
d'une maladie ou la punition
d'un
malfaiteur, la prévention d'un malheur ... sont la mise à exécution des prescriptions
du Tada au cours de la divination. Il peut exécuter ces prescriptions lui-même ou
en
laisser
le
soin
aux
notables
de
la
famille
concernée
si
c'est
un
problème
strictement religieux. La divination est donc la chasse-gardée du Tada. Il est pour
cela plus devin que thérapeute. Et pourtant le terme Tada veut dire soignant et non
devin. C'est dire que dans les représentations collectives, Tada est avant tout celui
qui soigne, puisqu'il diagnostique et prescrit. Même les
traitements qu'il
n'exécute
pas
lui-même
lui
reviennent
de
droit.
C'est
comme
le
malade
qui
prend
des
comprimés prescrits par un médecin, il ne fait que suivre aveuglément le traitement
médical. Ce n'est pas lui qui se traite.
'" Vocation du Tada (devin-thérapeute).
L'appel à utiliser la voyance
au
service de l'humanité
semble une violence
faite à l'homme. En effet sur 20 thérapeutes interrogés, aucun ne dit être installé
de son gré. Tous affirment avoir reçu un ordre impératif. La vocation du thérapeute
est souvent l'appel à succéder à quelqu'un qui avait exercé dans la famille directe,
ou collatérale (ancêtre, grand-père, père, oncle, cousin .. J. Mais cet appel peut aussi
ne se référer
à aucun ascendant. Le signe de l'appel
impératif
semble
être
la
maladie. Tous nos
interviewés
disent
en
effet
avoir
passé
par
l'épreuve
de
la
maladie, la plupart du temps mentale, qui est la conséquence d'une lutte intérieure
où le sujet se débat contre un destin auquel il ne peut se soustraire sans dommage
pOur lui-même. Il est mis en demeure de choisir entre accepter de mettre son
pouvoir au service de l'h umanité, ce qui entraînerait sa guérison automatique (sans
autre
traitement),
et
s'enfoncer
dans
la
désorganisation
mentale
et
vivre
en
marginal.
Cette maladie est l'action des esprits des champs bien intentionnés. Ce sont
- 235 -

des Fagnideba de sexe féminin qui ont établi
un contrat
de
mariage
(1)
avec le
voyant. Ce sont eux qui dérangent ses fonctions
mentales. qui le divisent contre
lui-même. revendiquent le droit d'être installés comme épouses-oracles. Ce sont ces
esprits qui inspirent le Tada durant la divination. Leur
nombre est variable. Mais
généralement ils sont deux. l'un étant la
femme de
l'ancêtre
ou
du
grand-père
éventuel dont le nouvel élu est appe lé à prendre la relève. et l'autre étant la propre
femme de l'élu.
La maladie comme signe d'appel n'a rien de particulier qui la caractérise. Elle
s'installe apparemment comme toute forme de maladie mentale. Quelquefois il peut y
avoir un élément inhabituel qui joue le rôle d'indice. mais cet élément reste souvent
discret.
C'est
souvent
après
un
long
tâtonnement
qu'on
découvre
la
vraie
signification
de
la
maladie.
Le
malade
a
peut-être
déjà
subi
des
traitements
herboristes ou médicaux. mais sans succès. C'est au cours de multiples divinations
que va se dégager l'idée d'appel.
intronisation: cérémonie thérapeute.
L'intronisation du
Tada consiste
à asseoir.
à
installer
les
esprits
qui
se
veulent épouses du candidat. Cette installation cimente l'union. Les esprits cessent
d'être errants pour élire domicile chez leur époux. Les asseoir revient à planter une
pierre symbolisant chacun d'eux. A chacune de ces pierres devenues sanctuaires. on
immole
une
chèvre
que
le Tada-époux ne doit pas manger. En effet selon la
coutume. il est interdit au
mari de communier aux
cérémonies
purificatoires
de
sa/ses
femmes
ou
de
n'importe
quelle
femme
avec
qui
il
a
eu
des
rapports
sexuels. cela sous peine de perdre la vue et de devenir aveugle. Ainsi. s'il mange de
la chèvre sacrifiée à ses esprits-oracles qui sont ses véritables épouses. il perd sa
voyance. La ou les épouses naturelles du Tada ne doivent pas non plus en manger
au risque de perdre la vue elles aussi. car le même interdit frappe les coépouses
ou les femmes ayant eu des rapports sexuels avec le même homme.
En dehors des
chèvres
sacrifiées
aux
esprits-oracles.
un
bélier
est
tué
devant le séjour des morts pour garçons (Bakombé)' Le Tada peut en manger ainsi
que sa/ses épouses naturelles; un bouc est immolé aux arcs des guerriers. Seul le
Tada et les garçons adultes peuvent en manger (2).
Si la maladie était vraiment signe de vocation à la fonction de Tada. cette
cérémonie est une véritable cure qui suffit à guérir le malade. mais à condition qu'il
accepte de pratiquer. Une cérémonie d'initiation va le consacrer officiellement Tada.
La famille du
nouvel élu peut se trouver dans
l'incapacité économique
de
répondre aux
exigences
de
la
cérémonie
d'intronisation.
l'achat
des
animaux
de
sacrifice (chèvres. béliers. boucs .. '> étant au-dessus de leurs moyens financiers.
Dans ce cas. on adresse des
prières
aux
esprits.
promettant
d'organiser
sans
{1}. cf. ci-dessous. actions des Fagnideba.
(2). les femmes et les enfants. y compris les garçons qui n'ont pas encore atteint
l'âge d'être enrolé dans l'armée. n'ont pas le droit de consommer la viande
des
animaux immolés aux arcs des guerriers.
- 236 -

tarder les cérémonies dès qu'on aura les moyens. En principe, le malade recouvre
la
santé
et
va
pratiquer en
mettant
de
côté
ses
honoraires
pour
l'achat
des
animaux de sacrifice. Mais comme il n'est pas encore initié aux cauris, il ne peut
utiliser
ce
matériel,
et
ses
révélations
manquent
de
détails,
de
clarté
et
de
précision.
Initiation à la pratique divinatoire.
Cette initiation à l'utilisation des cauris est un véritable test qu'un notable de
la famille administre au candidat en lui soumettant un problème dont la solution est
déjà connue du notable-testeur.
Le testeur se présente très tôt à l'aube devant la case du candidat avant le
lever de ce dernier et à son insu; il y jette deux cauris puis se cache dans un coin
pour guêter le néophyte et observer ses réactions. La réaction attendue est que,
dès
qu'il
sort
de
sa
case.
le
candidat
doit
ramasser
les
cauris.
les
scruter,
comprendre le problème qui lui est posé et découvrir sa solu tion. Le testeur surgit
alors de sa cachette et vérifie l'exactitude de ce que le candidat
va révéler, en
l'aidant à approfondir sa révélation par des questions. Si c'est exact, le nouvel élu
est invité à commencer sa carrière. Si c'est inexact, c'est qu'il y a un obstacle
qu'on doit chercher à découvrir et à lever. Si la recherche de cet obstacle est
vaine et si les tests et retests se révèlent toujours négatifs, on invitera le candidat
à orienter sa voyance vers d'autres domaines modestes mais utilitaires, car ce ne
sont pas tous les voyants qui sont capables de divination.
Le candidat peut ne pas ramasser les cauris jetés devant sa case, peut-être
parce qu'il ne les a pas vus. Le testeur va recommencer son test plusieurs fois et.
si les réactions du candidat ne changent pas, cela pourrait signifier qu'il oppose des
résistances à sa vocation. Dans ce cas, on le convoque devant un conseil de famille
et lui rappelle qu'il ne doit pas se servir de son pouvoir pour nuire. pour satisfaire
des désirs défendus. Donc il doit accepter d'en faire profiter les autres.
3.2.2. Actions de Joomba.
Les Joomba. dépourvus de tout pouvoir surnaturel, ne peuvent influencer les
autres que naturellement, sur le plan physique. Ils n'ont aucune emprise directe sur
la substance humaine nucléaire. Ils peuvent tout juste influencer le corps (l'agresser.
le manipuler ... J. Mais ce n'est pas une influence négligeable. car le corps n'est pas
une entité séparée du reste. Il est la manifestation du noyau vital;
c'est l'aspect
visible. palpable d'une
réalité
invisible;
et
ce
n'est
qu'un
aspect.
Sa
destruction
entraîne indirectement la destruction du noyau. Dans ce sens, le Nawda ne sépare
pas le corps du reste. Même si certaines maladies
peuvent
être
théoriquement
considérées comme maladies du corps, en principe sans gravité, il y a toujours une
arrière pensée d'influence nucléaire. Donc l'influence corporelle des Joomba est à
prendre au sérieux d'autant plus qu'on ne peut jamais savoir· qui est voyant et qui
-
237 -

ne l'est pas. même si on
peut le soupçonner ou
l'affirmer à partir de certains
comportements.
Si
les
Joomba
sont
dépourvus
de
tout
pouvoir
surnaturel,
ils
peuvent
exercer. indirectement. sur leurs semblables. les mêmes actions
que les voyants,
cela par l'intermédiaire des esprits.
3.2.2.1.
Par
leur
malédiction,
leurs
lamentations
ou
leur
bénédiction,
les
Joomba peuvent attirer sur les autres la colère. ou la bienveillance des mânes. des
Kpeemba.
3.2.2.2. I/s peuvent être suivis, souvent à leur
insu, d'un esprit malin qui
commet toutes sortes de maux contre les voisins, et qu'on attribue injustement au
sujet non- voyant en le traitant à tort de voyant.
3.2.2.3. Par ailleurs, ils ne sont pas du tout à la merci des voyants et des
mauvais
esprits;
sinon,
ils
vivraient
dans
l'insécurité
totale.
Ils
sont
sous
la
protection de leur maison. c'est-à-dire les mânes. les totems, les arbres-esprits ...
Ils ne sont généralement victimes des maléfices des méchants que s'ils sont, par
suite d'infidélité, d'indifférence. ou de négligence. abandonnés par leur maison, leurs
protecteurs.
3.2.2.4. De plus,
s'ils
sont, de leur vivant, handicapés et
défa vorisés, ils
acquièrent, après leur mort, toute la puissance surnaturelle, et leurs âmes ne se
distinguent en rien de celles des voyants. Ils deviennent par là source de protection
mais
aussi,
dans
certains
cas,
de
malheur,
pour
leur
famille
et
pour
d'autres
personnes. Donc les voyants n'exercent pas toujours impunément leurs maléfices sur
les non-voyants. Ils craignent aussi une certaine riposte qui peut leur être fatale.
On peut dire, en toute logique, que le don de la voyance est lié à l'appareil
psychique et
constitue
une
activité
psycho-
physiologique.
Dans
ce
sens,
il
ne
jouerait, après la mort, que par
le
simple fait pour
les
voyants
de
pouvoir
se
transformer en Fagnideba (esprits des champs), de vivre hors des maisons. Sinon, il
ne leur donne aucun autre avantage sur les autres dans l'au-delà.
3.2.3. Actions des esprits.
3.2.3.1. Actions des Kpeemba ou mânes, des Génies et arbres-Esprits.
Les Tini et les Kpeemba sont de véritables protecteurs des vivants contre
les dangers qui les menacent, tels que les maléfices des voyants et des mauvais
esprits. Ils peuvent punir de mort subite les tentatives de sorcellerie de certains
membres de la famille. C'est pour cela que les sorciers ne sortent jamais par la
porte de la concession et que, dans certaines familles, aucun voyant ne peut même
tenter d'escalaer le mur la nuit pour aller participer au marché des sorciers. Ainsi
- 238 -

chaque vivant, voyant ou non, compte sur la protection de sa maison pour échapper
aux pièges invisibles que lui tendent les voyants méchants et les mauvais esprits.
Les Kpeemba et les Tini peuvent aussi engendrer des maladies ou provoquer
certains autres malheurs (faillite, échec social.. J.
Cette maladie, ce malheur, peut être un avertissement: "Vous devez rectifier
votre conduite pour éviter un danger qui vous guette". Quand ces esprits veulent
vous écarter d'un danger, ils le manifestent par un signe qui se produit sous forme
d'un évènement inhabituel; cet évènement est souvent une maladie. La maladie,
le
malheur de tout genre, est un présage. un code. un message codé que seul le Tada
peut décoder. C'est pourquoi la réaction spontanée du Nawda face à tout évènement
inhabituel, c'est de courir chez le Tada.
La maladie. le malheur. peut être envoyé aussi par les Kpeemba et les Tini
comme un coup de fouet pour vous réveiller parce que vous
oubliez
vos
devoirs
religieux; ou bien comme une punition d'une inconduite. d'un manquement grave à
leur égard.
Si vous les ignorez, si vous les négligez et refusez
de
les
vénérer,
vous
risquez d'être abandonné par eux.
Ils
vous
"tournent
le dos", vous
enlèvent leur
protection et vous laissent tomber aux mains des malfaiteurs. Vous serez exposé à
toutes sortes de malheurs (maladies. malchance. échec social ou professionnel ... ).
Les Kpeemba peuvent infliger des malheurs pour se venger: si par exemple
quelqu'un meurt tué par un membre de la famille (sorcellerie. action
de serpentJ,
que
le
défunt
soit
voyant
ou
non.
une
fois
devenu
Kpééma
(1),
entrera
en
connaissance de toutes les machinations qui sont à la base de sa mort, et pourra
régler les comptes en rendant malade, malheureux, ou en supprimant physiquement
l'auteur de sa mort. Après
la mort, le défunt devenu Kpééma
acquiert donc
la
capacité de connaître des choses que de son vivant il était incapable de connaître.
Il devient aussi puissant, capable d'action surnaturelle dont il était incapable de son
vivant, à moins d'être voyant. Pour cela. avant d'enterrer son mort, le Nawda lui
demandera d'indiquer
la cause
de
sa disparition, et lui recommandera
d'assumer
lui-même sa propre vengeance dans le cas où c'est quelqu'un qui a voulu le détruire
méchamment.
Le Kpééma peut même utiliser sa puissance,
son pouvoir.
pour venger
de
petits conflits, de petites brouilles ... qui, de son vivant, l'avaient opposé à d'autres
membres de la fami Ile, même si ces conflits n'ont joué aucun rôle dans sa mort.
C'est
ainsi
qu'un
Kpééma
peut
faire
souffrir
un
parent
survivant
pour
exiger
réparation d'un conflit banal qui était même oublié avant sa mort. mais dont il aurait
gardé rancune. Le survivant doit réparer,
payer. pour préserver sa vie,
face
au
défunt devenu plus fort et redoutable.
Ainsi pour se concilier les bonnes grâces des esprits protecteurs et prévenir
leur
colère
redoutable.
le
vivant
doit
les
vénérer.
leur offrir
les
prémices
des
champs, leur immoler des animaux. leur faire des libations, les prier, leur vouer des
(1), Kpeema est le singulier de Kpeemba.
-
239 -

cultes...
Ce
sont

les
préoccupations
centrales
de
la
vie
religieuse
chez
les
Nawdeba. Ainsi, il y a des cultes
réguliers
qui
reviennent
périodiquement et des
cultes occasionnels, exigés dans des circonstances précises par les esprits.
Cela
explique que le
Nawda
investit
toute
sa
fortune
dans
des
actes
religieux
pour
mériter la bienveillance des Kpéémba et des Tini, et/ou pour apaiser leur colère,
afin de vivre dans la sécurité.
3.2.3.2. Actions des Fagnideba (Esprits des champs).
Qu'ils
soient
des
génies
ou
des
âmes
de
morts,
les
Fa gnideba
sont
généralement des esprits méchants qui organisent tout contre les vivants.
Ils peuvent, par exemple, tromper un enfant affamé en se présentant à lui
sous les apparences d'un parent (mère, père, tante, oncle, frère, sœur), pour lui
offrir à manger. Cette nourriture est une dette qu'il faut rembourser au plus vite,
sinon, les Fégnideba prennent le corps en échange. L'enfant présentera des œdèmes
terminaux, facial, un
ballonnement
abdominal,
deviendra
anorexique,
anémié,
teint
pâle, cheveux lisses ... et évoluera vers la mort si "on n'intervient pas vite.
Au
fond l'intention des Fagnideba
est
de
prendre
l'âme
de
l'enfant
pour
satisfaire
leur
instinct
parental.
Mais
ils
peuvent,
dans
certaines
circonstances,
vouloir prendre véritablement l'enfant en otage pour avoir à manger en rançon. En
remboursement de ce
qu'ils
lui
ont
donné
à
manger,
ils
exigent
dix
fois
plus.
Généralement une cuisse de poulet équivaut à 2 ou 3 poulets; un petit morceau de
viande de mouton équivaut à un mouton tout entier qu'il faut tuer, préparer à l'huile
rouge et déposer dans la brousse à l'endroit où habitent les esprits en question. Ce
sont eux qui fixent unilatéralement le montant ou la quantité du remboursement, et
si l'on refuse de les satisfaire, ils ne rendent pas l'âme de l'enfant. Ainsi quand ils
désirent des offrandes, des sacrifices auxquels ils
n'ont
pas
droit
puisqu'ils sont
dissidents, ils tentent les enfants pour obtenir ce qu'ils cherchent.
Les Fagnideba peuvent aussi, par plaisir sadique de faire souffrir, lancer le
Bè'èga à quelqu'un. Mais souvent ils s'abritent derrière un vivant, qu'ils ont choisi de
suivre,
pour
commettre
ces
sortilèges
qui
sont
injustement
attribués
à
leur
partenaire
vivant.
En effet,
c'est
chaque
fois
que
l'infortuné
partenaire' de
ces
esprits passe à côté de quelqu'un que ce dernier sent des malaises qui se révèlent
plus tard être les symptômes d'un Bè'èga. Mais l'attaque des Fagnideba n'est pas
toujours capricieuse. Quelquefois, les vivants voyants les provoquent par leur regard
de voyance qui est opérant, leur demandent à manger, surtout les enfants quand ils
ont faim. Dans ce cas leurs actions maléfiques sont jugées défensives.
Les Fagnideba peuvent aussi établir des relations d'amitié avec les vivants.
On dit alors qu'un esprit suit quelqu'un. Ces relations sont en fait de type conjugal,
matrimonial. C'est un véritable mariage, car c'est toujours un esprit de sexe féminin
qui s'attache à un homme.
Mais cette
relation
n'est
pas
toujours
un
véritable
contrat,
les
relations
pouvant se nouer à l'insu du partenaire vivant. C'est toujours le cas quand celui-ci
- 240 -

est non voyant (Jooma). L'esprit choisit sans demander l'avis de l'intéressé. "
se
révèlera, en
faisant
connaître
son attachement, par cert ains signes.
Il peut
par
exemple apparaître sous la forme d'un animal sauvage (biche, buffle ... ) qui se fait
tuer
par
l'intéressé,
mais
d'une
façon
qui
sort
de
l'ordinaire;
un
petit
caillou
faiblement lancé, mais qui abat un gros animal... Une telle disporportion entre la
cause et l'effet suffit souvent à pousser l'entourage à chercher I·explication. Mais
ce fait banal peut ne pas attirer l'attention. C'est peut-tre une maladie attaquant
l'intéressé ou quelqu'un de ses proches qui amènera la famille en consultation où il
sera révélé que cette maladie n'est qu'un signe qui veut faire découvrir que l'animal
tué il y a X temps n'était en fait qu'un esprit déguisé pour suivre l'intéressé. Cet
esprit peut se faire connaître aussi par d'autres faits de la vie quotidienne; faits se
produisant
dans
des
situations
telle s
qu'ils
sortent
de
l'ordinaire
et
attirent
l'attention sur leur origine non fortuite, leur caractère symbolique, leur finalité, et
conduisant ainsi chez le devin.
La relation conjugale entre le vivant et l'esprit se construit donc souvent sur
un mode unilatéral; le choix est imposé au partenaire vivant qui doit le subir comme
un destin auquel il ne peut se soustraire sans dommage.
Cependant, si le partenaire vivant est voyant, l'attrait peut être reclproque,
et l'assentiment aussi, du fait que le voyant voit et communique avec les esprits. Il
peut même être le premier à solliciter la relation. Mais il faut noter que tous les
voyants
ne
contractent
pas
nécessairement
le
mariage
spirituel
sauf
s'ils
sont
Tadéba" (devins-thérapeutes). Ils ont alors une ou deux épouses-esprits.
Que le choix soit imposé ou
réciproque, les deux conjoints
établissent en
règle générale des
relations d'échanges
mutuels. Une fois
que
l'esprit
s'est
fait
connaître, le partenaire vivant doit l'asseoir, l'installer chez lui en
implantant une
pierre qui symbolise l'esprit, et à cette pierre, il offrira des sacrifices périodiques
pour faire manger son conjoint. En retour, l'esprit protège son partenaire contre les
méchants, lui donne toutes les chances de réussite dans la vie. Les épouses-esprits
des Tadéba leur révèlent les secrets de la nature pouvant aider à combattre le mal.
Durant les séances de divination, les Tadéba entrent comme dans un état second où
ils sont en communication avec leurs esprits. Tout ce qu'ils disent comme révélation
leur
est
communiqué
par
ces
esprits.
C'est
pourquoi
ils
ne
conservent
aucun
souvenir de ces révélations une fois que la séance de divination est terminée. Ce
sont
aussi
ces
esprits
qui
leur
montrent
les
secrets
des
vertus
des
plantes
médicinales.
Mais certains esprits établissent la relation sur le mode oral. Ils manœuvrent
leurs partenaires pour des satisfactions égoites. Ecartés des maisons où les mânes
vivent dans l'abondance des sacrifices que leur offrent les vivants, ces esprits ont
des besoins jamais satisfaits et sucent avec avidité le partenaire sans rien donner
en retour. Au contraire ils sont quelquefois tyrans et cruels, et peuvent satisfaire
leur soif sadique en faisant des massacres d'enfants, de bêtes ... dans la famille du
partenaire. ou en créant des malheurs de tous genres {maladies, stérilité .. .>. Ces
esprits sont généralement très possessifs et leur jalousie morbide ne tolère pas que
-
241 -

le partenaire entretienne d'autres re lations conjugales avec les vivants. C'est ainsi
qu'on peut rencontrer des jeunes gens voyants qui vivent apparemment célibataires.
mais c'est parce qu'ils ont une femme-esprit.
Ces genres de liaisons malheureuses pour le partenaire naturel, et néfaste s
pour
la
collectivité,
doivent
être
cassées;
et
on
y
parvient
par
des
procédés
d'exorcisme

l'esprit
malin est
généralement
tué
surtout
quand
il
détruit
la
maternité d'une jeune femme en décimant toute sa progéniture ou en la rendant
stérile. Le thérapeute- exorciste guette l'esprit malin
au coin d'une rue (ou sentier)
à une heure vespérale. où la femme est invitée à passer. Et comme l'esprit est
toujours derrière son partenaire. dès que la femme arrive au niveau du thérapeute.
celui-ci se jette par attaque-surprise sur l'esprit et le massacre de plusieurs coups
de coupe-coupe. Il semble que même les non-voyants peuvent entendre les cris, les
hurlements de l'esprit mourant. Ses restes sont incinérés sur les lieux-mêmes où il
est tombé.
3.2.3.3. Les actions des esprits-animaux.
Les esprits-animaux
que
nous
avons
définis
plus
haut
font
partie
de
la
catégorie
des
amis
de
l'homme.
Comme
les
Kpeemba
et
les
Tini,
les
esprits-animaux s'attachent généralement à l'homme
pour
le
rendre
prospère
et
bénéficier.
en
retour.
des
offrandes
et
libations.
Un
esprit-oiseau
protège
la
basse-cour et féconde l'élevage de la vollaille. Un cervidé fera de même pour les
ovins et les caprins ...
Mais les esprits-animaux peuvent
causer
à
leur
partenaire
des
malheurs
gratuits. Dans le même ordre d'idées, notons pour compléter ce que nous disions
des Tini que ceux-ci. à la différence des Kpeemba qui ne font jamais le mal pour le
mal
mais
toujours
pour
attirer
un
bonheur
plus
grand
(sauf
dans
le
cas
de
vengeance considérée comme légitime défense), peuvent causer des
malheurs par
méchanceté. C'est ainsi qu'ils peuvent lancer des Bè'éé (plur. de Bè'éga) comme le
font les Fagnideba. Ils s'abritent alors derrière un homme à qui leurs maléfices
seront attribués.
En
revenant
aux
esprits-animaux,
signalons
qu'en
ce
qui
concerne
leurs
relations avec les hommes, on ne parle pas de mariage. D'ailleurs le facteur sexuel
ne joue pas de rôle dans le choix du partenaire. Une femme ou un homme sont
suivis indifféremment par les animaux femelles ou mâles.
-
242 -

CHAPITRE 2:
INSTITUTIONS POLITIQUES
Le contrôle et
le respect
des
ins titutions
sociales
et la sécurité publique
sont assurés par un système politique comprenant un ensemble d'institutions. Nous
allons en analyser les structures et leurs fonctions sociales.
1. STRUCTURES POLITIQUES.
Traditionnellement. l'ethnie
Nawda
ne
constitue
pas
une
unité
politique.
Il
n'existe pas d'instances politiques centralisées. Chaque village est une unité (entité)
territoriale définie (cf. plus haut). ayant une organisation politique autonome. Cette
organisation politique villageoise ne gravite pas autour d'un pouvoir apparent. et cela.
malgré la chefferie centrale mise en place par la colonisation et confirmée après
l'accession
du
pays
à
l'indépendance.
En
effet,
si
le
chef
de
village
(ou
chef
traditionnel
comme
on
l'appelle)
est
accepté
et
intégré
à
l'organisation
politique
villageoise.
il
est vécu
comme
le
délégué,
le
représentant
du
pouvoir
politique
colonial,
chargé
de
faire
appliquer
la
législation
des
blancs
basée
sur
le
raisonnement rationaliste qui camoufle souvent le mensonge. L'ordre ancestral
qui
garantit la cohésion sociale continue d'être assuré par l'organisation traditionnelle.
Et puis le découpage administratif regroupant plusieurs
villages en entités
cantonales placées sous (le contrôle) la juridiction d'un chef unique par canton, chef
de canton, rencontre souvent. dans cette ethnie, beaucoup de résistances quand les
villages concernés sont d'anciens ennemis, Le. jadis opposés par des conflits armés
ethniques.
La structure (le système) politique traditionnelle qui assure le contrôle social
est identique dans
tous
les
villages.
Nous
allons
étudier
les
différents
organes
(instances) de ce
système
en
l'élargissant
à
la
chefferie
centrale
d'introduction
récente.
- 243 -

1.1. SYSTEME DE COHESION ET D'ORDRE INTERNES.
1.1.1. Organisation administrative.
L'organisation administrative se compose de plusieurs (organes) instances.
1.1.1.1. Chefs des clans ou lignages {Da'ane'el. Les chefs de Da'ane'e sont les
représentants des différents lignages composant
le village. Au
sein
de
l'appareil
administratif, ils interviennent comme des spécialistes des problèmes spécifiques de
leurs
lignages
respectifs.
En
effet
chaque
lignage
a
son
système
de
règles
ancestrales, avec ses tabous, interdits ... dont la transgression par les membres du
lignage ou par d'autres peut troubler l'ordre public. Les chefs du lignage possèdent
seuls
les
procédures
de
normalisation
et
de
rétablissement
de
l'ordre
social
éventuellement perturbé.
Le respect de ces règles est
source
de
fécondité,
de
prospérité
et
de
bien-être pour tout le village.
Les chefs de Da'ane'e sont exclusivement du sexe masculin. Ils sont les plus
âgés de leur lignage. La femme est exclue de l'organisme administratif (politique) à
cause de l'implication surtout militaire et aussi de son rôle de mère du foyer (Haare
Nyal.
1.1.1.2. Les chefs religieux (Kowtiba, Gwetiba. Sama .. J.
Les chefs de Da'ane'e sont chefs religieux de leurs Da'ane'e. Mais il y a des
chefs religieux publics qui sont les oints,
les prêtres du village. les Kowtiba ou
Gwetiba. les Samba... que nous étudierons plus
loin au chapitre
des
institutions
religieuses.
Les Kowtiba sont dépositaires des lois et règles de l'ordre public. les lois qui
régissent
l'unité
des
Da'ane'e.
i.e.
l'articulation
entre
les
lignages.
Ils
sont
les
garants du bien-être du village et sont pour cela liés (ou soumis) au respect de
certains
interdits et tabous dont la
transgression
est
à l'origine des calamités,
cataclysmes. La population a des devoirs à leur égard, dont le non respect peut
entraîner les mêmes malheurs.
Les Kowtiba sont les seuls à pouvoir résoudre certains problèmes d'ordre
public.
1.1.1.3. Les Anciens ou Sages.
Les Anciens constituent la catégorie de la classe d'âge supérieure. Ils n'ont
plus d'aînés vivants. Ils sont au sommet de la hiérarchie que nous avons étudiée
ci-dessus. Ce sont les vieux. les personnes
les plus âgées. Ils sont attentifs à
l'évolution. aux modifications de l'ordre social. Tout changement anormal attire leur
attention. Ils
se
consultent
d'abord.
identifient
le
problème.
puis
convoquent
les
autres organes de l'appareil administratif. i.e. les chefs des Da'ane'e et les Kowtiba.
- 244 -

Dépositaires de la mémoire collective, ils expliquent ce qui se faisait aux
temps des Ancêtres et/ou s'est toujours fait, en pareilles circonstances, comment il
faut procéder et qui doit faire quoi: (à quel Da'anga revient le problème: "Wenaa
baate nee?"). Les Anciens peuvent être en même temps
des chefs de Da'ane'e.
mais ceux-ci ne sont pas toujours des anciens du village étant donné que le chef
du lignage est le plus âgé de son Da'anga. mais n'est pas nécessairement parmi les
plus âgés du village. Et puis il peut être même un jeune homme au cas où il n'y a
pas de personne âgée dans la famille.
1.1.1.4. Le chef traditionnel.
Le chef traditionnel qui incarne le pouvoir central du village, du canton, n'a
rien à voir avec la tradition nawda. C'est le colonisateur qui, ne comprenant rien à
l'organisation politique des Nawdeba, a imposé cette instance qui était probablement
déjà en vigueur chez les ethnies voisines telles que les Kotokolis, les Ewe ...
Comme
nous
le
disions
dans
l'introduction
de
ce
sous-chapitre,
le
chef
traditionnel incarne la domination coloniale dans le village. Au temps colonial. il a
vraiment été, à certains égards. un despote. caricaturant le pouvoir dictatorial et
exploiteur du colon: il imposait de façon arbitraire les travaux forcés, s'appropriait
pour sa propre consommation les biens de la population (bétail, volailles, céréales.
etc .. ,). des femmes, et la population devait se résigner pour éviter des châtiments
cruels.
En
voulant
s'identifier
à
son
patron
le
colon,
il
pratiquait
ainsi
une
exploitation caricaturale.
Actuellement, surtout depuis l'indépendance du pays où son pouvoir est assèz
circonscrit et contrôlé. il est en voie d'intégration progressive au système politique
traditionnel: son élection est organisée au suffrage universel par le pouvoir publique
national; puis son intronisation est entourée d'un rituel traditionnel qui le rattache
en quelque sorte à la sacralité ancestrale.
Malgré cela, il reste encore en marge du système politique traditionnel qui
continue à gérer l'ordre social
fondamental. En effet. le chef traditionnel est le
gardien de l'ordre juridique hérité de la colonisation. et qui est l'un des facteurs
unificateurs de la Nation Togolaise. Ce code. fondé sur le principe du formalisme
hypothético-déductif occidental. est vécu
par la population comme un procédé de
raisonnement qui prête flanc au mensonge. En effet. dans la situation judiciaire, il
suffit à l'accusé (pour se défendre), de construire un raisonnement
formellement
logique. fondé sur des hypothèses probables mais fausses, pour se tirer d'affaire;
alors qu'un autre qui dit la vérité sans preuves formelles peut se noyer. Le Nawda
dit que dans le raisonnement du Blanc. il suffit de tenir la même parole. même si
elle est fausse. pour se tirer d'affaire. C'est le conseil que les parents donnent à
leurs enfants qui doivent se présenter devant le chef.
Et puis le rationalisme occidental se limite aux données du monde sensible
(Faga). qui sont en réalité (pour le Nawda) le produit du monde caché (Tinga). le
vrai monde. le monde substantiel. que le raisonnement du Blanc ne contrôle pas.
Donc le pouvoir du chef traditionnel (de village ou de canton) se limite à trancher
- 245 -

les litiges selon les procédés
juridiques
des
Blancs.
S'il
faut
atteindre
la vraie
réalité, il n'est pas habilité.
Et puis, l'ordre et la cohésion
sociale ne se limitent pas
à la coercition
juridique. Il y a t out le domaine du sacré que le chef traditionnel ne maîtrise pas.
1.1.2. Organisation juridico-morale.
1.1.2.1. Codification juridico-morale.
Le fondement de toute la loi nawda est la vie humaine. Le plus grand crime
que l'on puisse commettre est d'enlever la vie à quelqu'un.
Mais le moyen par lequel on commet ce crime est plus important que l'acte
lui-même. C'est ainsi que l'attaque occulte, la destruction de la vie par machination
occulte
est
l'acte
le
plus
odieux,
le
crime
le
plus
grand:
la
sorcellerie
anthropophage,
l'atteinte
morbogène
de
toutes
sortes
(be'ega,
enchaînement,
Kpawagebe, trahison .. .) sont les inconduites les plus redoutées, les plus intolérables.
Toutes ces activités sont appelées Nagemte. C'est par ces procédés, incontrôlables
par des moyens naturels, que les criminels peuvent détruire la société.
La destruction physique de la vie humaine est grave en
soi, mais on se
demande souvent si l'assassin n'a pas été l'instrument aveugle aux mains des forces
occultes.
En
d'autres
termes,
cet
acte
est
vécu
comme
un
signe
qu'il
faut
décripter, déchiffrer.
La destruction physique de la vie, ainsi que toutes les inconduites naturelles
(de surface, Faga) sont appelées Fabe'ega (plur. Fabe'ee). Le Fabe'ega est un acte
mauvais
de
Faga,
sensible,
non
occulte
en
soi,
mais
pouvant
être
le
signe
(apparent), les apparences de quelque chose de caché.
Ainsi, le principe qui guide la codification juridico-morale devant assurer le
maintien de "ordre social est que le droit à la vie est sacré; la vie c'est l'Ancêtre,
c'est Sangbande; tout le monde a droit à la vie, et le devoir de chacun c'est de
contribuer à la garantir, à l'épanouir.
C'est de ce principe que vont découler les obligations et les devoirs qui vont
régir les relations sociales du village et des villages entre eux.
Concrètement, les réglementations vont concerner:
• Le respect de la personne dans son être, son existence et ses biens;
• Les conduites sexuelles en tant que facteurs indirects de destruction de la
vie. Nous en avons parlé plus haut (cf. la vie, les institutions sociales).
1.1.2.2. Instances judiciaires.
Les instances judiciaires sont les suivantes:
• Les Tadeba (thérapeute-devins) qui constituent l'appareil policier qui mène
l'enquête, et/ou le juge d'instruction qui instruit le procès par le procédé mantique
(divinatoire) et identifie le coupable.
• Les Anciens constituent les juges: dépositaires de la loi, ils sont à même
- 246 -

de mesurer la gravité de la faute et de prononcer la sentance convenable.
• Le chef traditionnel se charge de juger les actes répréhensibles. selon la
loi héritée de la colonisation. Mais de plus en plus, certains crimes de Nagemte,
passibles en principe de lourdes peines telles que la peine de mort et l'exil, sont
jugés
par
le
chef
et
même
le
juge
de
la
préfecture
(qui
regroupe
plusieurs
cantons) .
1.1.2.3. Maintien de l'ordre et méthodes judiciaires.
L'application de la loi ne requiert pas, sur le plan traditionnel. de forces de
l'ordre
de
type
policier.
Les
obligations
et
codes
juridiques
sont
simplement
présentés à la conscience de chacun, avec les sanctions qui en découlent en cas de
transgression, le seul Gendarme étant l'Ancêtre Législateur.
Le
maintien
de
l'ordre
social
se
fait
donc
par
la
peur
des
sanctions
ancestrales.
Les procédures judiciaires en cas de transgression se déroulent au niveau
des
instances
analysées
ci-dessus:
un
membre
soupçonné
d'inconduite
(vol,
anthropophagie.
machinations
occultes ... )
fait
l'objet
d'enquêtes
menées
par
les
Tadeba (devins) qui établissent les preuves par la mantique. et si "accusé continue
à proclamer son innocence, on passe à l'épreuve qui seule établira la vérité par
ordalie.
La
même
procédure est
utilisée
pour
identifier
le
coupable,
en
cas
de
désordre sans présomption (fautif présumé).
Si
la
preuve est
établie,
la
sentence
est
prononcée
par
le
conseil
des
Anciens et exécutée par eux.
1.1.2.4. Sanctions.
La sanction par ordalie survient à l'issue de l'épreuve de vérité si "accusé
se proclame innocent alors qu'il est coupable.
• Le Baabe est une forme de mantique par laquelle le Devin fait apparaître
et ramasse (a baadega) le Naré ga (Araignée) du coupable resté sur les lieux du
forfait. Rappelons
que
le
Nanéga
(A raignée)
symbolise
un
des
modes
d'exister,
d'être de l'individu, et reproduit les conformations de son correspondant. Donc quand
le Nanéga (Araignée) apparaît. le Devin rema rque tout de suite de qui il s'agit.
Si l'accusé nie sa faute, on le soumet à l'épreuve qui consiste à détruire
l'araignée (Nanéga) par le feu ou en l'écrasant. L'accusé devra mourir, ou dans les
meilleurs des cas. il sera frappé de lèpre.
• Le Semu'u est aussi une épreuve qui consiste en une potion que l'on fait
boire à l'accusé ou aux accusés qui nient les faits. Cette potion, préparée par un
bourreau au cours d'une cérémonie rituelle, sur un grand feu allumé en un lieu
sacré (Kalan bè'èga). est administrée à l'accusé en 3 ou 4 mesures successives
selon qu'il est de sexe masculin ou féminin. Si l'accusé est réellement coupable. il
-
247 -

n'élimine
pas
la
potion;
ce
qui
se
traduit
par
un
ballonnement
abdominal
qui
augmente de vol ume à chacune
des
mesures
administrées.
Le
coupable mourra
d'intoxication et d'indigestion ou sera achevé par le bourreau qui le transperce de
coups de lance ŒaanegaJ. En cas d'innocence. la potion est éliminée au fur et à
mesure, soit par diarrhée, soit par vomissement.
• La sanction par rejet social se traduit soit par l'exil du coupable, soit par
la pression sociale .
• L'exil frappe le Nagma (auteur de crime d'anthropophagie. d'influence
morbigène) endurci. dont on ne peut attendre aucun repentir et qui risque par là de
décimer
toute
sa
famille
ou
la
société
entière.
Exclu,
chassé
de
la
société
villageoise. il peut demander asile au village de son choix dans l'ethnie nawda. ou en
dehors de l'ethnie. Si un village "accepte, il s'y réfugie, s'établit sur les terres du
lignage qui l'accueille en son sein. Il peut se marier (son village d'accueil lui offre
souvent un conjoint) et fonder une famille. Ainsi dans les villages nawda, il existe
certains lignages dont l'un des ancêtres (homme ou femme). ou les deux à la fois
était réfugié criminel. Souvent,
le
réfugié
ne
trouble
pas
l'ordre
de
son
village
d'adoption. C'est l'un des processus par lesquels des Da'ane'e étrangers viennent
s'ajouter aux Da'ane'e originaires et fondateurs du village.

La
pression
sociale
n'est
pas
une
sanction
prononcée
par
l'institution
judiciaire;
c'est
la
société
dans
son
ensemble
qui
devient
juge,
qui
condamne. C'est un rejet plutôt psychologique qui se traduit par des attitudes de
raillerie. de moquerie, de bouderie. de
réprimande...
de
l'entourage.
Le
coupable
développe
un
profond
sentiment
de
honte
et
de
rejet,
pouvant
aboutir
à
un
dépérissement dépressif: Ego cesse de s'alimenter, maigrit, s'isole.
1.2. SYSTEME DE DEFENSE CONTRE L'EXTERIEUR.
Comme l'organisation administrative (politique) contrôle l'ordre et la cohésion
au sein de
chaque village.
il
existe
une organisation
qui
assure
la défense
du
territoire contre les attaques extérieures et la violation des frontières. Ce système
de défense contracte des alliances avec d'autres villages. même à l'extérieur de
l'ethnie (étrangers à l'ethnie) contre les agresseurs.
1.2.1. Formation militaire.
En vue d'organiser cette défense et d'assurer la sécurité. les ressortissants
de chaque village sont soumis à une
formation
militaire
qui
les
prépare à des
affrontements guerriers. à des conflits armés.
- 248 -

1.2.1.1, Conditions de recrutement des guerriers,
Le recrutement des guerriers se fait selon certains critères qui définissent
les conditions qu'un individu doit remplir pour devenir guerrier.

"
y a d'abord
le
critère
sexe:
les
femmes
sont
exclues
de
l'activité
guerrière. Pourvoyeuses de vies et sources de la fécondité humaine et terrienne,
nous avons vu que, dans la division du travail, elles se chargent de l'agriculture et
de la puériculture, en laissant à l'homme la chasse
et
la
guerre.
Et
puis
leur
constitution physique ne les dispose pas au maniement des armes et au déploiement
intensif de la force physique. Ainsi elles font partie de la tranche (sociale) de la
population qu'il
faut défendre. Cependant, les
femmes
participent
aux
expéditions
militaires où elles jouent le rôle d'infirmières pour soigner les blessés. Alors elles
ont certaines conditions à remplir: elles doivent être chastes, i.e. qu'elles ne doivent
connaître
qu'un
seul
homme
dans
leur
vie;
cela
pour
éviter
les
conséquences
mortelles de la rivalité que nous avons soulignées plus haut. Et puis. elles doivent
être à la ménopause: en effet, elles sont obligées, en tant que guerrières. de subir
certains rites avec l'absorption de certains produits antidote bloquant la fécondité
féminine
(rendant
les
femmes
stériles)
et
dont
la
consommation
est,
par
conséquent, interdite aux femmes en période de fécondité.
C'est donc exclusivement le sexe masculin qui est destiné à la défense du
territoire (à assurer la sécurité du village>'
• Mais les hommes ne sont pas aptes à n'importe quelle étape de leur vie.
Alors entre en ligne de compte le deuxième critère, celui d'âge:
C'est à partir du rite de passage qui marque la fin de l'enfance et l'entrée
dans la catégorie des adultes que commence la formation militaire. L'homme est
physiquement apte à manier les armes, à supporter les privations, les épreuves ...
qui feront de lui un homme résistant, apte à la guerre.
1.2.1.2. Contenu de la formation.
Le programme de la formation militaire comprend tout l'enseignement reçu
au
cours
du
système
initiatique des
hommes.
Les
domaines
essentiels
de
cet
enseignement sont les suivants: interdits alimentaires. entraînement physique par les
travaux champêtres, les sports (courses .. ,). A cela il faut ajouter la lutte corps à
corps
qui
déve loppe
la
force
physique.
On
doit
pouvoir. mettre
à
terre
son
adversaire; da'ls cette position il n'a plus de force. on dispose totalement de lui.
Ainsi en sera-t-il de l'ennemi,
Le maniement des armes est le domaine essentiel de la formation militaire.
Durant le processus d'initiation, le jeune s'exerce au lancer des armes: la massue
est l'arme banale qui est le vade-mecum de tout garçon.
"
n'y a donc pas un
temps fixe pour apprendre à la manier. Le tir à l'arc est u~ exercice courant qui
se pratique même sous forme de sport: dans ce cas. on utilise, à la place des
flèches (très dangereuses), des boulets qui sont des agglomérés durs de sève de
l'arbre
à
karité
enroulés
au bout
des roseaux.
L'entraînement
se
fait
par
- 249 -

affrontement
deux
à
deux,
chacun
des
protagonistes
servant
de
cible
à
son
adversaire,
et
par
conséquent
doit
apprendre
à
esquiver
les
projectiles
de
ce
dernier qui s'exerce à l'adresse.
1.2.1.3. Calendrier de la formation.
Quand
commence
et
quand
s'achève
la
formation,
et
à
quelle
étape
s'enseigne quoi?
Le découpage du contenu
de la formation est celui du système initiatique
masculin. Les différentes étapes du système initiatique masculin sont celles de la
formation militaire qui cumule avec le sendem. La massue est l'arme officielle du
jeune qui sort de l'enfance et
subit le rite de passage dans la classe d'âge.
Il
devient le chasseur, la massue étant l'arme essentielle de la chasse. Au deuxième
rite de passage qui se déroule, nous le rappelons en deux étapes (une à la saison
sèche et l'autre à la saison pluvieuse qui suit). l'initié reçoit officiellement son arc;
à la deuxième phase (étape) du rite, il est installé devant l'autel des arcs des
Ancêtres et subit son premier rite de guerrier; il communie pour la première fois
au
sacrifice
offert
au
cours
du
rite.
et
dorénavant,
il
consommera
le
repas
sacrificiel du culte des arcs. Il est donc présenté aux arcs des Ancêtres comme on
présente le drapeau aux nouvelles recrues. Il reçoit l'arc et le bouclier, non pas
pour la guerre, mais pour l'entraînement. D'ailleurs durant la danse initiatique, il y a
souvent bataille simulée, incitant les initiés à parer le coup avec le bouclier. Il est
intégré à l'armée sous la bannière (l'autel des arcs) de l'Ancêtre guerrier. Au rite
de passage au Sendem qui suit cette étape, le senda reçoit le bouclier, armure de
protection durant le combat. C'est le symbole du guerrier accompli. Il a appris à
manier les armes, il doit pouvoir se défendre à la guerre, venir à bout de l'ennemi
sans se faire tuer.
L a répartition de la formation sur l'année est faite en fonction des saisons:
la
saison
des
pluies,
période
des
travaux
champêtres
(agricoles)
est
celle

prédomine
l'entraînement
à
l'effort
physique,
à
la
résistance
à
la
faim.
L'entraînement à la lutte meuble quelquefois le temps de repos. La saison sèche est
réservée à la chasse à laquelle est
associée
la course.
La
chasse
permet
de
mettre à
l'épreuve
l'entraînement
au
maniement
des
armes
surtout
l'adresse à
lancer la
massue
pour
abattre
le
gibier.
Les
temps
morts
sont
consacrés
à
l'exercice au tir à l'arc.
L'entraînement au maniement des armes ne commence pas avec le passage
à la classe d'âge. Il commence très tôt chez le petit garçon. L'enfant de deux-trois
ans a sa première massue avec laquelle il chasse les criquets. Un peu plus tard, on
lui confectionne son petit arc, avec des tiges de roseau ou de grosse paille comme
flèches. Ces armes alimentent ses jeux symboliques.
- 250 -

1.2.2. Equipement du guerrier et du chasseur.
1.2.2.1. Arc, carquois et flèches empoisonnées.
L'armement de guerre le plus essentiel est constitué par l'arc et les flèches
stockées dans le carquois.
L'arc est fabriqué avec le bois d'une sorte de bambou
(aango). Ce même
bois sert à fabriquer la canne (daaga) de la veuve qui porte le deuil de son mari.
La tige de mil, plus ordinaire, remplace souvent le bambou plus rare. Cette canne
est pratiquement l'arme de la veuve. Mais elle ne doit pas
s'en servir n'importe
comment, pour battre (frapper) n'importe qui. La canne représente l'arc du mari et
symbolise ce dernier.
Le carquois est taillé dans la tige d'une autre espèce de bambou (ou roseau)
à grosse moelle. En enlevant cette moelle,
on
libère
un
cylindre
creux
pouvant
accueillir jusqu'à trente flèches.
Ce même bambou sert à fabriquer la spatule avec laquelle la femme brasse
l'eau chaude et la farine mélangées dans la préparation de la pâte de mil (ou de
maïs) qui est le plat de base de la cuisine locale.
Le rapprochement des deux instruments nous renvoie à la division du travail
que nous avons longuement commentée. Notons
ici
le
fait
qu'on
ne
frappe
pas
surtout l'homme avec la spatule: on le rend impuissant.
Ainsi donc la même plante sert à fabriquer l'instrument de guerre dont se
sert l'homme pour protéger la famille
(femmes, enfants)
et un instrument
avec
lequel la mère de maison apprête de
quoi
nourrir
la
famille
(son
mari et
ses
enfants).
1.2.2.2. Procédure d'empoisonnement des flèches.
L'empoisonnement des flèches fait partie des secrets militaires. L'ennemi ne
doit pas connaître la composition du poison (Ra'am). Sinon, il en cherche l'antidote.
C'est dans le secret le plus absolu que chaque village compose son poison.
La procédure même d'empoisonnement des flèches constitue un rituel qui, lui
aussi, est tenu secret. Au sein du village, cette cérémonie ne regroupe pas
(ne
rassemble pas) tous
les lignages ensemble. Elle se fait par lignage et tous
les
lignages (Da'ane'e) le font le même jour. Chaque lignage, qui constitue une unité
liturgique, s'organise pour la préparation du poison dans
lequel
les
flèches
sont
ensuite trempées. Cela se fait donc sous le regard protecteur et bénédicteur des
Ancêtres du lignage.
Pour la préparation du poison, un membre masculin du lignage Wa'anga) va
chercher de j'eau à la fontaine, travail qui revient d'habitude aux femmes parce qu'il
fait partie du ménage; la femme ne doit pas participer à ce rite. L'homme choisi
doit s'abstenir de rapports sexuels la nuit qui précède le jour de la cérémonie O.e.
la veilleL
Pour se rendre à la fontaine, il doit se lever très tôt avant tout le monde,
être le premier à couper les fils que les araignées ont tendus en travers du sentier
-
251 -

menant à la fontaine: cela veut dire qu'il
doit être le
premier
à
emprunter
ce
sentier. Il ne doit, en principe, croiser (rencontrer) personne sur ce sentier, ni à
l'aller, ni au retour. S'il rencontre quelqu'un, il ne doit pas lui parler, ni lui répondre.
La préparation se fait
sur
la
cour
extérieure
de
la
concession
et dure
pratiquement toute la journée.
Le tout se termine par le sacrifice d'un poulet qui doit être tué avec une
des flèches empoisonnées.
Les flèches, armes mortelles, représentent la force destructrice, la mort.
Introduite dans la maison cette force
risque de détruire les
membres
de
cette
maison. Le poulet sacrifié par la flèche est le substitut qui meurt à la place des
membres du lignage. Ainsi la force destructrice se trouve neutralisée: un obstacle
(le poulet) se trouve intercalé entre elle et
les
personnes, arrêtant
comme
un
bouclier, ses émanations mortelles. Ce poulet est aussi le symbole de l'ennemi que
la force-flèche doit faire mourir pour épargner la vie aux habitants du village. Dans
ce sens le temps qu'il met pour mourir, une fois transpercé de flèche, témoigne de
la force du poison.
Le poulet tué est préparé et consommé par
tous les membres mâles du
lignage. Toute sa chair, imbibée de poison, est très amère (goût du poison). Pour le
rendre consommable, on le prépare avec l'antidote. Les femmes n'y mangent pas:
l'antidote bloque la fécondité féminine.
1.2.2.3. Le poignard.
Après
les
flèches
et
l'arc,
l'arme
de
guerre
la
plus
importante
est
le
poignard. C'est un couteau à lame longue et pointue, légèrement courbée à l'instar
d'une faucille, emmanchée d'un anneau éliptique par lequel l'arme est enfilée à la
main qui l'empoigne. Il aide à tendre la corde de l'arc dans le lancer de la flèche.
Puis il sert à poignarder l'ennemi dans un corps à corps, ou à l'achever quand il
est terrassé par une flèche.
Le poignard ne fait pas l'objet d'un traitement empoisonnant comme c'est le
cas pour la flèche.
1.2.2.4. Le casque de guerre.
Le casque de guerre est un couvre-chef rond. C'est un chapeau épais et
dur tressé avec des feuilles et nervures du rô nier. " permet d'amortir le choc d'un
coup reçu à la tête. On s'en sert aussi pour puiser de "eau à boire dans les
rivières au cours des expéditions. Il est plus utile à la chasse où l'arme la plus
utilisée est la massue. Ainsi il peut parer les coups perdus.
1.2.2.5. Le bouclier.
Le
bouclier
est
une
pièce
métalliq ue
en
tôle
dure,
large,
longue
et
Ilégèrement repliée en demi-cylindre, avec, à l'intérieur, des crochets permettant de
l'enfiler au bras (gauche). " sert à parer les
flèches
de l'ennemi, les coups de
lance, de massues ou de tout autre projectile. Il est essentiellement destiné à ce
-
252 -

combat guerrier, car il est encombrant à la chasse.
1.2.2.6. La lance Œaanegal.
La lance semble plus ancienne que l'arc et la flèche. Elle a dû faire son
apparition avec la découverte du fer et aurait servi comme seule arme de guerre et
de chasse. L'arc et la flèche "ont pratiquement remplacée et éclipsée. Elle continue
d'être utilisée dans des conditions rarissimes. Elle devient actuellement une relique
sacrée et symbolise un génie (le Baanega).
1.2.2.7. La massue {Dagbè'éreL
La massue semble la première arme perfectionnée qui a remplacé le simple
bâton.
C'est une pièce de bois taillée avec, à un bout, une tête grosse et plus ou
moins arrondie servant de poids pour le lancement. Le reste du corps, assez long,
sert de manche par lequel on la tient pour frapper ou lancer.
2. STRUCTURES POLITIQUES ET CONTEXTE SOCIAL.
2.1. SYSTEME DE PARENTE ET INSTITUTIONS POLITIQUES.
2.1.1. Filiation et organisation politique.
L'organisation politique telle que nous venons de la présenter plus haut est,
comme on le voit, bien fondée sur le système lignager. En effet, il n'existe pas de
pouvoir politique centralisé mais une fédération des lignages.
2.1.1.1. Les lignages sont représentés au sein du gouvernement villageois par
leurs délégués que sont les chefs de Da'ane'e, i.e. les vieux, les plus âgés des
lignages, les plus proches de l' ances tralité.
2.1.1.2. Les chefs religieux, les oints. les prêtres du village ne sont pas
désignés n'importe comment. Comme nous le verrons plus loin, ils sont choisis en
fonction de leur appartenance à des familles (lignages) déterminées. Certaines de
ces fonctions sacerdotales se transmettent
(de famille à famille)
d'une famille à
l'autre, par une sorte de roulement. D'autres, comme celle du Saama, sont des
élections
surnaturelles,
divines,
s'adressant
à
des
individus
appartenant
à
des
familles, elles-mêmes élues. Il existe justement des Da'ane'e de sacerdoce portant
le nom de Saama: Samaa.
Donc,
les
chefs
religieux
tout
en
remplissant
une
fonction
publique
représentent des familles qui ont le charisme de ces fonctions.
- 253 -

2.1.1.3. Les Anciens sont pratiquement les
seuls
à se distribuer de façon
aléatoire dans les lignages. Ils entrent d'office dans l'équipe dirigeante de par leur
âge. Ils sont en effet ceux qui sont plus proches de l'ancestralité.
Cependant ils sont nécessairement chefs de leurs lignages respectifs, étant
donné qu'ils sont les plus âgés de ces lignages. Evidemment si le gouvernement ne
se limitait qu'à eux, tous les lignages n'y seraient pas représentés. Ceux où il n'y a
pas de vieux seraient automatiquement exclus du conseil gouvernemental.
Ainsi donc, tout compte fait, l'organisation politique est faite sur la base du
système lignager du village.
2.1.1.4. Le conseil de guerre.
Ce
sont
les
trois
instances
de
l'organisation
politique
qui
constituent
le
conseil
de guerre. Nous avons
vu
que
le
guerrier
accompli
c'est
le
Senda.
La
catégorie des Sendeba constitue la dernière étape de la formation militaire qui se
confond, comme nous l'avons vu, avec le système initiatique masculin. L'étape qui
suit le Sendem marque le passage dans la catégorie des Anciens, des Sages. Les
Sende-Kpemba (les Sendeba retraités ou anciens Sendeba) sont les assistants des
Anciens et apprennent par voir-faire.
Le Sendem constitue donc le grade supérieur dans la formation
militaire,
c'est le grade d'officier supérieur. Les Sendeba sont entourés du gouvernement que
forment les trois instances, ce sont les chefs religieux qui forment l'Etat Major, en
quelque sorte, le Ministère de la Défense. Leur fonction est de défendre le village
contre toutes sortes de calamités: famine, sécheresse, épidémie, et guerre. Ils sont
les gardiens des secrets militaires. Les rites avant, pendant et à la fin des guerres
sont accomplis par et pour eux.
2.1.2. Ancêtres et organisation politique.
2.1.2.1. Gouvernement et ancestralité.
Les chefs des lignages, et les chefs religieux
sont les ambassadeurs, les
fondés de pouvoir des Ancêtres de leurs lignages respectifs.
Les Anciens sont les représentants de l'Ancêtre-Fondateur du village.
En effet, les chefs des lignages et les Anciens sont les plus proches de
l'ancestralité. Par leur âge ils se situent entre
l'ancestralité
Iignagère
et/ou
du
village et les autres membres de la collectivité. Les
chefs religieux
(Prêtres du
village) par leur élection, leur consécration, et malgré leur jeune âge, sont aussi
proches de l'ancestralité, incarnent plus précisément la Sacralité ancestrale.
Toutes ces trois instances servent, de ce fait, de médiateurs entre le monde
ancestral et la société villageoise de Faga. Elles sont les porte-paroles, la voix des
Ancêtres.
A travers elles, c'est donc les Ancêtres qui exercent le pouvoir politique.
-
254 -

2.1.2.2. Institutions juridiques et ancestralité.
Les lois qui règlent les
relations
sociales, la cohésion,
et
la
défense
du
territoire, émanent des
Ancêtres.
Ces
lois
ne sont
rien
d'autre que la Tradition
ancestrale qui fonde la culture. La Tradition est le système d'institutions venant des
profondeurs des origines et mode 1ant les conduites et inconduites, i.e. définissant
les
modèles de réactions
bonnes
ou
mauvaises
face
aux
diverses
situations.
Ce
système d'institutions est transmis
à la société par
les
Ancêtres
lignagers
que
représentent les chefs des lignages, les Anciens et les chefs religieux.
2.1.2.3. L'Ancêtre-Fondateur et le pouvoir politique.
Les Ancêtres des lignages sont des intermédiaires, des médiateurs entre le
peuple et le Fondateur de la collectivité villageoise. Ce sont eux qui, à travers leurs
fondés de pouvoir, contractent la distance qui sépare le peuple de leur Fondateur,
et rendent actuels la parole, le verbe de ce dernier. La Tradition n'est donc pas le
résultat de ce qui est transmis une fois pour toutes, elle est l'acte transmetteur
lui-même, le processus de transmission toujours en acte. Par la Tradition, l'Ancêtre
parle continuellement à toute la chaîne de la descendance, se fait présent, actuel, à
tout moment, à chaque personne de la chaîne.
Donc apparemment le pouvoir politique est assuré
(assumé)
par plusieurs
personnes. Mais il n'a rien à voir avec la démocratie de type occidental où chacun
peut,
en
principe,
avoir
son
opinion
personnelle,
encore
que
se
référant
aux
doctrines des partis politiques, sur toutes les questions, décharger à tau t moment
ses émotions, se défouler. Dans le système politique nawda, les fondés de pouvoir
sont
l'Echo
de
l'Ancêtre-Fondateur
multiforme
dans
les
divers
lignages,
mais
toujours
Un
et
Unique,
car
ces
lignages
émanent
des
rameaux,
que
sont
les
Ancêtres lignagers, de l'unique Arbre Généalogique.
C'est
l'Ancêtre-Fondateur
l'unique
chef
politique
qui
centralise
le
pouvoir
entre ses mains. C'est lui le seul principe de cohésion sociale. C'est en se référant
à lui, à travers ses ministres. les Ancêtres lignagers, que les fondés de pouvoir
règlent toutes sortes de problèmes. dénouent les tensions sociales, les conflits les
plus venimeux, au cours des réunions
d'étude interprétatives
de la
Loi-Tradition,
réunions improprement et péjorativement appelées Palabres. Aucun de ces fondés de
pouvoir n'est "auteur de la Loi. Ils en sont les gardiens. les dépositaires.
2.1.3. Signification ancestrale des sanctions judiciaires.
2.1.3.1. Ordalie.
La potion du Semu'u non éliminée est bloquée par les intentions mauvaises
non confessées, la mauvaise foi de l'accusé. Elle est administrée en cas de non
aveu de la faute.
Quand une faute n'est pas avouée, elle reste à l'intérieur et bloque toutes
les issues, toutes les soupapes d'é Iimination, d'épuration
de l'être. Les
impuretés
- 255 -

que sont les mauvaises intentions accumulent leurs forces nocives; le sujet s'enfle.
gonfle. s'auto-intoxique et meurt. C'est dans ce sens qu'une femme adultère risque
de mourir en couches si elle n'avoue pas ses fautes pour faciliter la délivrance. Ego
qui ne dit pas la vérité est coupé de la source énergétique ancestrale qui assure la
circulation normale de l'énergie. de la force en lui. Tout s'arrête. tout se bloque et
la mort s'ensuit.
Il en va de
même de la destruction du Nanega
(araignée)
symbole de la
force vitale. C'est la Loi ancestrale de constitution ontologique de l'individu qui est
aussi morcelante. Le respect de la Loi ancestrale unifie l'être. Son irrespect est un
désordre
cosmique
qui
s'installe
d'abord
au
niveau
de
l'être
du
coupable.
le
désorganise.
et
retient
sa
force
vitale
(Nanega)
sur
les
lieux
du
forfait:
s'il
reconnaît les faits au moment de l'enquête divinatoire, il rétablit ipso-facto l'ordre
perturbé. Sinon la destruction de ce principe vital entraîne la mort.
2.1.3.2. Rejet social.
Le rejet social est la plus grave des sanctions après l'ordalie. En effet. le
rejet social désarticule l'Ego de son identité et par conséquent le détache de l'arbre
généalogique, le coupant ainsi de ses racines ancestrales. Son inconduite est, de ce
fait, source de désordre social où lui-même est victime. Coupé de la sève vivifiante
de son identité sociale (Faga et Tinga), il dépérit.
2.2. INSTITUTIONS POLITIQUES ET SACRALITE.
2.2.1. Ancêtre législateur et le sacré.
2.2.1.1. Sacralité de l'Ancêtre et de sa Parole.
L'Ancêtre émané directement de Sangbande est la sacralité même.
Il est
l'énergie de Sangbande.
Son énergie qui constitue les choses, dans leur être, par condensation en
des nœuds concentrés, est, par le fait même, la norme de leur existence, la loi
existentielle, le verbe qui prescrit le code de l'existence, i.e. la Tradition fondant la
Culture.
La
Loi qui
règle
,'existence
des
hommes
est
ainsi
le
Verbe
sacré
de
l'Ancêtre. l'énergie constitutive et normative. Le code juridico-moral n'est donc pas
différent et surajouté à l'énergie ancestrale qui crée, qui constitue les êtres. Il est
plutôt une modalité de celle-ci. Comme elle, il est divin, sacré et non prescription
humaine.
2.2.1.2. Cohésion sociale et la Sacralité.
La société de Faga n'étant que l'apparence de la société ancestrale (qui est
sacrée), la cohésion sociale est le signe sensible de l'unité fondante d'en-bas, la
vraie réalité qui donne sens à la réalité sensible. L'énergie fondante qui est en
- 256 -

même temps le verbe, la loi émanant de l'Ancêtre, parcelle divine, est sacrée.
2.2.1.3. Inconduite et trouble de l'ordre sacré.
Dans ce sens,
toute
inconduite, toute transgression
de la loi,
tout
refus
(rejet)
de
la
Tradition
est
une
perturbation
grave
de
l'ordre
sacré.
Certaines
inconduites entraînent le déchaînement des forces
surnaturelles: pluies
diluviennes
émaillées (accompagnées)
de
tonnerre, sécheresse, épidémies .. Ceci
manifeste
la
rupturé de l'apparence et de la réalité, la coupure d'avec le phylum, non seulement
de l'individu, coupable. mais. par son acte, de l'ordre social, de "ordre cosmique;
car l'individu n'est qu'une modalité, une façon concrète d'être de l'ordre social et
cosmique. Les forces sacrées qui maintiennent la cohésion
dans
l'ordre ancestral
deviennent dangereusement menaçantes, i.e. désordonnées chaque fois qu'un élément
du système symphonique devient discordant et sonne
faux:
tout
le
système
est
menacé de destruction.
2.2.2. Sanction et le Sacré.
2.2.2.1. Sanction et retrait de la protection.
Ego qui s'écarte de la Loi ancestrale perd ipso facto la protection de
sa
Maison (ancêtres, génies .. ,). La protection de la Maison n'est pas un épiphénomène,
c'est
l'actualisation
constante
de
l'énergie
ancestrale
fondante,
constitutive
et
normative. Tout écart par rapport à
celle-ci
est
le
refus
de
la
protection:
La
Maison vous tourne le dos (Haare bidebe kawrel.
2.2.2.2. Sanction acte divin.
La
sanction
consécutive
à
toute
inconduite
est
d'ordre
divin.
L'acte
d'inconduite porte en lui-même le germe de la sanction: l'ordalie, que nous
avons
analysée ci-dessus, n'est que le signe circonstancié du processus implicite à toute
transgression. C'est la conséquence au niveau du coupable, de la perturbation de
l'ordre sacré. L'inconduite est une désarticulation d'avec l'ordre sacré ancestral. Le
système
perturbé,
menacé
de
destruction,
tend
à
se
réorganiser
en
rejetant
l'élément perturbant, et ce rejet est en lui-même destructif.
La
mort
par
ordalie
et
le
rejet
social
ne
sont
que
la
conséquence
existentielle de cette destruction ontologique.
2.2.3. Expiation et conciliation avec le sacré.
2.2.3.1. Réparation.
A part les inconduites qui sont punies de mort par ordalie (de peine capitale)
ou
d'exclusion
sociale,
et
qui
marquent
donc
une
rupture
irréparable
d'avec
l'ancestralité, les transgressions sont réparables. Les
inconduites
punies de peine
capitale
sont
celles
d'obstination,
donc
celles
de
refus
de
réparer.
Quand
le
coupable reconnaît son erreur, tout est réparable. Le coupable rétablit donc l'ordre
- 257 -

social perturbé qui ne se limite pas, comme nous l'avons vu, à j'ordre de la société
apparente.
2.2.3.2. Rituel de réparation et le sacré.
Le
rituel
de réparation
est
un
acte
religieux,
une
cérémonie
d'offrande
sacrificielle surtout d'animaux. Encore une fois, l'animal est le substitut qui meurt à
la place du coupable. lequel méritait la mort. L'énergie vitale qui circule dans l'animal
rétablit l'ordre mortellement perturbé.
C'est
le
cas
par
exemple
des
relations
sexuelles
entretenues
dans
les
champs: la réparation consiste à sacrifier un animal dont la force vitale entraîne le
déblocage de la fécondité de la terre. C'est le cas aussi des conflits entre parents,
souvent c'est le plus jeune qui doit réparer, payer le plus âgé outragé.
2.2.4. Prêtrise (sacerdoce) et organisation politique.
2.2.4.1. Ministère du culte et cohésion sociale.
Les chefs religieux sont les ministres du culte religieux qui est l'ensemble de
rites actualisant symboliquement
l'articulation
du
monde
de Faga
avec
le
monde
d'en-bas
et
tout
spécialement
le
monde
ancestral.
sacral.
Les
rites
sont
des
comportements normés, un ensemble de gestes, paroles, attitudes ... exécutés selon
la norme ancestrale. Ils sont, par ce fait. signifiants de la cohésion, de la soudure.
entre Faga et Tinga.
2.2.4.2. Sacerdoce et l'ordre sacré.
Les chefs religieux sont des élus. des oints qui. quel que soit leur âge, sont
des
médiateurs
directs
entre
le
monde
sacré
et
le
monde
profane.
Ils
sont
sacralisés. Les Anciens
sont sacralisés de par
leur âge qui
les
situe,
dans
la
généalogie,
proches
de
l'Ancêtre.
Les
oints
sont
proches
de
l'Ancêtre
par
consécration. Ils sont les pontifes entre Tinga et Faga. i.e. la pièce d'articulation
entre le monde physique et le monde sacré. Ils actualisent cette articulation entre
Tinga et Faga, entre le sacré et le profane.
2.2.4.3. Chefs religieux. gardiens de la Loi Sacrée.
Par leur consécration, les chefs religieux sont les gardiens
de
la
loi
de
l'Ancêtre, la Tradition-Fondante. Eux-mêmes
sont souvent soumis à des interdits
sévères
qui les
tiennent
loin
du
profane déstructurant.
Le
nom
Kowtia
signifie
homme de culte (Kowte); on désigne aussi le prêtre ou chef religieux par le terme
Gwètia, gardien de la parole (Gwète ou Saate) (sous-entendu: en ordre). celui qui
(arrange la parole. celui qui ramène "ordre, qui résoud les problèmes du village, le
Idésordre. la brouïlle. c'est la "Parole Perturbée (Gwète ou
Saate
Ko'ofemL
Cela
signifie: ne pas agir selon l'ordre de la Loi, du Verbe ancestral, qui est la clarté. la
logique. Le Prêtre c'est le garant de cette
parole,
de
ce
verbe.
de cet
ordre
- 258 -

f
logique. Quand cet ordre est dérangé, c'est lui qui remet de l'ordre. Le désordre se
manifeste
souvent
comme
nous
l'avons
vu,
par
un
désordre
cosmique:
famine.
sécheresse. calamité ... C'est le Prêtre qui intervient.
2.2.5. Caractère sacré de l'organisation militaire.
2.2.5.1. Sendeba et Kowtiba.
Le
Kowtia.
homme
du
culte.
prêtre.
oint,
chef
religieux.
s'appelle
aussi
Senda. celui que le rite de passage érige en guerrier. Ce parallèle n'est pas une
simple coïncidence, un hasard. Le rite de passage au rang de Sendem et le rite
d'initiation du Kowtia, s'ils ne sont pas les mêmes, sont structurellement similaires:
la capture. la retraite, le gavage alimentaire. application d'huile de palmiste sur le
corps entier; puis il y a aussi la similitude d'instruments.
Les deux ont la même fonction politique: défense du territoire; nous avons vu
que les Sendeba sont les officiers supérieurs de l'armée. et que les Kowtiba sont
les
ministres
de
la
défense.
Dans
le
village.
les
Prêtres
(Kowtiba,
Saamba .. J
forment le conseil ministériel de la défense du territoire. Ils sont les dépositaires.
les gardiens du secret militaire auquel
nous n'avons pas
pu
accéder
(que
nous
n'avons pas pu percer). L'initiation des Sendeba leur ouvre aussi la porte du secret
militaire.
Les ministres de la défense. qui sont en même temps les ministres du culte
religieux. se chargent d'instaurer les conditions nécessaires pour que la guerre se
déroule suivant les lois ancestrales, i.e. sans obstacles. Médiateurs entre le Sacré
et le Profane. ils exécutent certains
rites
destinés
à
neutraliser
les
forces
de
l'ennemi.
Par exemple.
tuer
une
personne
ennemie.
c'est
s'exposer
à
se
faire
persécuter par cette personne à qui on a enlevé la vie. Les ministres de culte
doivent neutraliser cette persécution. éviter que les ennemis tués envahissent
le
village pour se livrer à une guerre souterraine contre les vivants.
2.2.5.2. Les Prêtres et la puissance guerrière de l'Ancêtre.
Les prêtres sont les fondés de pouvoir de l'Ancêtre-défenseur du territoire.
La protection ancestrale consiste à écarter toute forme de menace destructrice de
la vie de sa descendance, de chaque individu et de toute la société. L'une des
menaces les plus graves est la destruction guerrière du village; il y a aussi la
famine. la sécheresse, les épidémies ...
Les prêtres. vicaires de l'Ancêtre. exercent régulièrement cette fonction; ils
préviennent toutes sortes de calamité. de dangers publics.
Ils représentent dans le monde de Faga ce que l'Ancêtre fait dans le monde
de Tinga. En d'autres termes. par ses activités sacerdotales • l'Antrêtre assure sa
protection sur le village.
-
259 -

'"
2.2.5.3. Caractère sacré des armes.
Les
armes
sont
les
instruments
qui
éloignent
le
mal,
par
lesquels
on
neutralise les
forces
destructrices
de l'ennemi. Elles
sont
le
prolongement de
la
force sacrée de l'Ancêtre-Protecteur.
Elles
symbolisent
cette
force
et
l'incarnent.
La
force
physique
qu'elles
déploient n'est rien d'autre que la manifestation sens ible de l'énergie destructrice de
l'Ancêtre. Ainsi donc:

Les arcs
des
Ancêtres
et
de
tous
les
défunts
masculins
en
âge
de
combattre sont suspendues soit à l'entrée de chaque concession, soit à l'une des
cloisons reliant les cases entre elles et formant une forteresse. Ils constituent la
force qui monte
la garde,
la sentinelle
interdisant
l'accès
de
la
concession
non
seulement
aux esprits
des
ennemis
tués,
mais
aussi
à
toute
force
malveillante
qu'elle soit de la famille ou étrangère à celle-ci.
Les arcs représentent ainsi la force protectrice ancestrale.

La
massue
et
surtout
la
lance
symbolisent
le
génie
de
la
force
qui
assomme, ou qui transperce. Il y a un génie du nom de Baanega. La massue quant
à elle
symbolise
souvent
un
mauvais
genle:
une
force
destructrice.
Au
lieu
de
protéger elle détruit. Les méchants se lient avec lui pour
réaliser
leurs desseins
mortels. La massue, Dagbè'ère, c'est la mort.
-
260 -

CHAPITRE 3 :
LES INSTITUTIONS ECONOMIQUES.
1. BASES DE L'ECONOMIE.
L'économie nawda est essentiellement basée sur l'agriculture. La chasse et
l'artisanat sont des activités marginales.
1.1. BRANCHES DE LA PRODUCTION.
1.1.1. La chasse.
1.1.1.1. Saison de la chasse.
La chasse est une activité saisonnière: elle n'est possible qu'en saison sèche,
après les
récoltes. En
saison des
pluies, en effet,
la campagne est
remplie de
hautes herbes vertes, impénétrables, rendant
difficile la poursuite du
gibier.
Les
terres cultivées sont remplies de cultures. Et puis la saison pluvieuse est occupée
par les travaux agricoles qui ne laissent pas de temps pour la chasse. L'agriculteur
doit savoir
faire
une
course
contre
la
montre
pour
s'accorder
avec
les
pluies
capricieuses.
Et
pourtant,
c'est
la
saison

les
animaux
embêtent
le
paysan,
détruisant ses semences. ses plantes, ses
ré co ltes. S'il
réussit
à contrôler les
animaux domestiques qu'il peut enfermer ou encadrer, il n'a aucune prise sur les
animaux sauvages. Il doit mener une lutte ardue pour sauver la plantation. La seule
méthode de chasse qu'il peut utiliser en saison de pluies est
l'usage des pièges,
méthode très peu exploitée en raison des dangers qu'elle comporte pour l'homme.
1.1.1.2. Le gibier.
Le gibier est assez diversifié. Le plus couramment rencontré est: la perdrix,
le
lièvre,
les
antilopidés,
les
singes,
les
pintades
sauvages,
très
rarement
des
buffles qui sont très dangereux. Autrefois il y avait des lions et des éléphants qui
pouvaient aussi constituer un danger à la chasse; ce qui explique le recours à la
protection des Ancêtres à l'ouverture de la chasse, comme nous le verrons
plus
loin. Mais ces animaux ont aujourd'hui pratiquement disparu.
A part cet ensemble de gibier, d'autres
animaux comestibles
tels
que les
oiseaux ... ne font pas d'objet de chasse organisée.
1.1.1.3. Le chasseur.
La chasse est une acti vité spécifiquement masculine. Les femmes en sont
exclues.
Elle
est
une
forme
de
guerre:
guerre
contre
les
bêtes
féroces
qui,
-
261 -

autrefois, constituaient une menace destructrice de la population; mais aussi guerre
inter-groupes, car au cours de la chasse, on peut rencontrer des groupes ennemis
avec des affrontements sanglants; ou même un conflit peut opposer deux membres
de deux villages
chassant
ensemble
et
dégénérer
en
bagarres
sanglantes
entre
villages.
Les couches de la population qui chassent sont variables selon l'ampleur de
la chasse et l'éloignement du terrain de chasse. Des petites battues aux environs
du village peuvent rassembler des individus de tous âges. Mais quand il s'agit d'aller
loin, et surtout de se mélanger avec d'autres villages, ne peuvent aller que ceux qui
sont capables de résister à la faim, à la soif, et aussi de faire face aux bagarres
éventuelles, et puis marcher au rythme du groupe pour ne pas s'égarer (se perdre)
dans la campagne (les champs).
Alors, les enfants sont exclus. Tous les adultes qui ont franchi le passage à
la classe d'âge vont à la chasse. Les vieux qui sont encore solides accompagnent
ces
chasseurs
pour
contrôler
les
tensions
éventuelles
qui
peuvent
surgir
entre
individus ou villages, souvent favorisées par l'impulsivité juvénile.
1.1.1.4. Les armes de chasse.
L'arme essentielle de chasse est la massue, taillée d'une pièce dans du bois
(Dagbè'ère) ou constituée d'une pièce métallique emmanchée d'un long bâton (jodre).
Chaque chasseur en prend une certaine quantité: on
peut en perdre, en casser;
quand on lance une, on peut être surp ris par un animal. Il faut éviter l'épuisement
des armes.
On ne s'équipe des armes de guerre (arc, carquois avec flèches, poignard,
boucl ier .. .l qu'en temps de guerre, et surtout lorsqu'il y a risque d'affrontement
sanglant avec un con tingent ennemi.
1.1.1.5. Rite (rituel) d'ouverture de la chasse.
La chasse s'ouvre au mois de janvier-février quand on a rentré les récoltes,
et coupé la paille pour la couverture des maisons.
C'est un clan (Da'anga) dont J'Ancêtre est le Génie de la chasse qui procède
à "ouverture de celle-ci: il fixe le jour, prépare la bière de mil qui servira au rituel
de libation aux Ancêtres ce
jour-là,
leur
demandant
d'ouvrir
le
chemin
pour
la
chasse. S'il y a un obstacle, les Ancêtres lignagers le signalent soit avant, soit le
jour même au moment de la libation.
Le jour venu, le chef religieux du lignage concerné procède donc très tôt aux
libations
et
sonne
la
flûte
de
la
chasse.
Tous
les
chasseurs
du
village
se
rassemblent à la sortie du village, en un lieu sacré, avant le lever du jour; le chef
du clan de la chasse invoque enCore une fois les Ancêtres du clan, puis ceux du
village et place les chasseurs sous leur protection (confie à leur protection): "Te
kawanen gnète, te nonganen feelgu"
(obscurité derrière nous et lumière devant);
c'est une prière faite aux Ancêtres d'écarter des chasseurs, en les protégeant, en
les couvrant par derrière de leur ombre, tout danger, toute attaque surprise (des
- 262 -

bêtes féroces, des ennemis ... ), et de les éclairer pour qu'ils voient et localisent le
danger sans être vus, attaquent sans être attaqués. C'est la même prière que l'on
récite lors des expéditions guerrières.
Après cette courte prière, le chef du clan de chasse prend le devant et tout
le monde le suit à la queue leu leu (en file indienne) jusqu'au terrain de chasse où
on allume le premier feu de brousse qui va libérer le gibier. Ce jour marque le
début du feu de brousse. Tout le monde a maintenant l'autorisation de brûler les
herbes
désséchées
par
l'arrêt
des
pluies.
Aux
prochaines
premières
pluies,
de
nouvelles herbes vont pousser sur les souches des autres.
1.1.2. Artisanat.
1.1.2.1. La poterie est étrangère à
l'artisanat nawda. Ce sont
les ethnies
voisines (Kabyè et Lamba) qui fournissent au Nawda les vases d'argile (marmites,
jarres, canaris, assiettes .. ,).
1.1.2.2. La forge même est très peu développée. Elle est surtout pratiquée à
Baga. Ce sont les Kabyè qui fournissent les instruments métalliques (houes, flèches,
grelots, lances ... )
1.1.2.3. Le travail de bois est assez pratiqué. Il produit divers objets tels que
les manches des instruments métalliques, les tabourets, les mortiers et pilons, les
massues, les portes des concessions, les statuettes sacrées, les cuvettes en bois
(jebaka) .
1.1.2.4. La vannerie consiste dans la fabrication des paniers de
toutes
les
tailles et de tous types pour les usages les plus divers, des cages à poussins, des
cuvettes, etc...
à
base
des
lamelles
prélevées
sur
les
branches
de
palme.
On
fabrique aussi des nattes, des sacs ... à base de feuilles du rônier.
1.1.3. Elevage.
1.1.3.1.
L'élevage
de
la
volaille
est
le
plus
important
et
comprend
principalement des poulets. A l'intérieur de chaque concession sont aménagés une
multitude de poulaillers sous (en bas des) les greniers, dans de petites cases, etc ...
Cet élevage est associé à l'agriculture. Tous les garçons, en se rendant au champ,
transportent sur l'épaule accrochées à une perche une ou deux cages chargées de
poussins (et de la poule-mère) qui vont le suivre durant le labour pour se nourrir
des vers et des insectes. Sur
les
cours
des
concessions,
des
poules
traînent
derrière elles une nombreuse couvée qu'elles nourrissent en toute liberté.
Les déchets des poulets servent de fumier pour certaines cultures.
-
263 -

L'élevage des pintades est moins important. Elles sont par ailleurs difficiles à
domestiquer, ne couvent pas d'œufs et n'élèvent pas
de petiL. Leurs
œufs
sont
couvés par les poules qui élèvent les petits éclos.
1.1.3.2. Petits ruminants.
Après la volaille, viennent les chèvres. Dans chaqu e concession, il existe des
enclos en forme de cases, qui abritent des chèvres durant la saison des pluies pour
les empêcher de détruire les cultures. En saison sèche, elles sont laissées en totale
liberté et on ne les récupère qu'aux premières pluies.
Parmi les petits ruminants, les chèvres sont les plus abondamment élevées.
Les moutons sont aussi élevés mais en
moindre quantité. Seules
quelques
familles possèdent quelques têtes. Leur entretien (élevage) est plus difficile que celui
des
chèvres.
En
effet
les
moutons
réussissent
mieux
en
totale
liberté;
ils
ne
supportent pas longtemps l'enclos, et pour ce, on doit les mener paître tous les
jours en plein air et les surveiller continuellement pour qu'ils ne détruisent pas les
cultures.
Ce
sont
des
enfants
qui
font
cette
besogne
de
berger,
les
grandes
personnes s'occupant des travaux agricoles. Et puis physiquement, les moutons sont
moins résistants que les chèvres
qui sont très
sobres dans
le boire. Tous ces
inconvénients font que tout le monde ne se paie pas le luxe d'élever les moutons.
1.1.3.3. Le gros bétail.
Du gros bétail, on ne rencontre chez les Nawdeba que quelques
têtes de
bovins~ le cheval, l'âne, le mulet... sont exclus de l'élevage. D'ailleurs la chair de ces
bêtes n'est pas comestible pour le Nawda.
Quant aux bovins, on les rencontre dans
quelques
très
rares
familles.
Ils
sont encore plus rares que les moutons. Ils posent les mêmes problèmes que ces
derniers. Gros mangeurs, ils ne peuvent supporter l'enclos, en saison de pluies, où
ils sont mal nourris. Ils exigent un gardiennage plus difficile que les moutons. En
liberté
pendant
la
saison
sèche,
les
bœufs
causent
souvent
des
ravages
en
détruisant des buttes, des
sillons
portant des boutures de manioc ou
des têtes
d'ignames à peine plantées.
La plupart des familles qui en possèdent préfèrent les confier aux éleveurs
nomades.
1.1.3.4. Les porcins.
Les porcs sont relativement plus faciles à élever, sauf qu'on doit aussi les
mettre en enclos pendant la saison pluvieuse, enclos où ils risquent de mourir s'ils
ne sont pas bien nourris. La population s'intéresse peu à l'élevage du porc et nous
verrons pourquoi.
-
264 -

1.1.4. Agriculture.
1.1.4.1. Mil.
Le mil constitue la principale culture. Il est semé sur des b ilions, il
met
longtemps à mûrir: 5 à 6 mois et demande beaucoup de soin.
Dans certains villages, le mil constitue l'aliment de base. Il sert à préparer
la "pâte", plat essentiel et aussi de la bière locale.
D'autres villages
utilisent
le
mil
principalement
pour
la
préparation
de
la
bière, préférant d'autres céréales pour la préparation de la "p âte".
1.1.4.2. Le Fonio.
Le fonio est, après le mil, la céréale la plus cultivée. Le travail du fonio, qui
est semé à la volée, n'est pas aussi complexe que celui du mil, mais plus difficile
et demande beaucoup de patience et de délicatesse, surtout le sarclage où l'on
risque d'arracher la bonne plante avec la mauvaise herbe. C'est la femme qui est
mieux placée pour ce genre de sarclage.
Le fonio, par sa disposition à augmenter de volume (de quantité), à gonfler
à la préparation, est une meilleure garantie contre toute menace de famine. Il suffit
d'une petite quantité pour nourrir toute une famille. Il sert presqu'exclusivement à la
préparation de la pâte, seul ou en combinaison avec (mélangé à) la farine d'autres
céréales (mil, manioc ... ).
1.1.4.3. Le manioc.
Le manioc est très cultivé un peu partout, mais plus intensivement
dans
certains villages. Le sol étant latéritique et caillouteux, la culture du manioc exige
l'élévation des buttes ou des billons assez hauts pour que les tubercules puissent
pénétrer profondément dans le sol et grossir.
Séché, le manioc est pilé, moulu et mélangé au foin et/ou à la farine du mil
pour rendre la pâte liée et élastique. On
le mange aussi bouilli ou cuit sous la
cendre.
1.1.4.4. Le haricot.
Le
haricot
est
abondamment
cultivé.
Il
est
rarement
semé
seul;
il
est
souvent en association avec le mil, le manioc, l'arachide, le pois de terre ...
Le haricot a un usage multiple: ses feuilles constituent un légume qui entre
dans la préparation de sauce, les grains aussi; mais ses grains servent en outre à
la préparation des beignets, des galettes. En période de soudure, ils sont grillés et
moulus pour la pâte.
1.1.4.5. L'arachide.
L'arachide est cultivée en assolement avec le fonio dont la paille lui sert de
fumier. On la réussit en élevant des buttes en début de saison sèche que l'on étale
en saison pluvieuse pour la semer ou bien en élevant des billons.
- 265 -

L'arachide sert surtout dans la préparation de la sauce, seule ou mélangée
(combinée avec) à certaines feuilles.
Sa culture était rendue obligatoire
pendant
la colonisation. Les
paysans
la
vendaient à l'administration coloniale pour avoir de quoi payer l'impôt.
1.1.4.6. L'igname.
L'igname est une tubercule qui exige de
la
terre
assez
molle
pour mieux
pousser, pénétrer dans
la terre et
grossir,
tout
comme
le
manioc.
Elle
réussit
mieux dans des terrains marécageux où l'on élève de hautes buttes pour faciliter la
pénétration des tubercules dans le sol. Sa culture
ne
demande pas
beaucoup de
soin, mais exige un sol humide.
L'igname
bouillie
et
pilée
donne
une
pâte
élastique
assez
estimée
(recherchée) qui se mange accompagnée de sauce. On peut aussi la piler avec de
l'arachide grillée et du sel. L'igname est également consommée bouillie ou cuite sous
la cendre.
1.1.4.7. Pois de terre.
Le pois
de
terre
est
cultivé
seul
ou
en
association
avec
le
haricot
ou
l'arachide. Sa récolte demande de la patience et c'est la femme qui s'en charge.
Le pois sert surtout à préparer des galettes; grillé et moulu, il donne une
bonne pâte ou de la bouillie.
1.1.4.8. Palmier à huile.
Le palmier est cultivé pour ses
noix dont la pulpe jaune donne une huile
jaunâtre appelée huile rouge, et le copra, l'huile de palmiste incolore.
L'huile rouge est recherchée pour la préparation de beaucoup de variétés de
sauces, tandis que l'huile de palmiste sert à faire les beignets, et pour le soin de la
peau; elle intervient aussi dans certains rituels que nous verrons plus loin.
Les branches de palmier, les palmes, donnent des fibres très utilisées dans
la vannerie: les nervures des feuilles servent à fabriquer des balais; l'écorce de la
nervure principale est utilisée pour le tressage des paniers.
Le tronc du palmier donne des planches servant de charpente pour le toit
des maisons. Sa sève donne du vin de palme très peu exploité en pays nawda.
1.1.4.9. Le baobab.
Le baobab est cultivé pour ses fruits et ses feuilles. Les fruits, capsules en
forme de gros œufs. sont faits d'une coque assez dure contenant un amas farineux
blanc qui cimente les grains. Cette farine, acidulée, est associée à de la farine de
mil pour la préparation d'une bouillie recommandée aux malades convalescents.
Les grains, en forme d'haricot. et de couleur brune, contiennent une pulpe
blanche qu i, moulue, donne une sauce appréciée.
Les feuilles du baobab servent de légume légèrement gluant et entrent dans
la préparation des sauces.
-
266 -

1.1.4.10. Le nére' (ou nétél.
C'est un arbre très exploité. Ses fruits, des capsules allongées comme des
gousses de certains haricots, sont formés d'une peau dure renfermant un amas de
farine jaune très sucrée entourant les grains
plats et circulaires. La farine
très
précieuse en période de famine, est ordinairement utilisée à engraisser les porcs.
Pétrie dans de j'eau, elle donne une pâte agréable au goût.
Les graines bouillies
et débarassées de leur peau fine
donnent un
disque
blanc nacré en deux cotylédons, qui. faisandé. fournit une pâte à odeur très forte
appelée moutarde. Très
riche en
protéine, cette
pâte sert d'assaisonnement des
sauces.
L'écorce
de
la
peau
du
fruit,
de
couleur
acajou,
réduite
en
poudre
et
dissoute dans de l'eau, donne une teinture collante qui protège le revêtement du sol
fait de latérite damée et polie.
Le nére fournit aussi du bois de chauffage.
1.1.4.11. D'autres plantes et arbres sont cultivés pour leurs feuilles, ou fleurs,
qui
servent
de
légume.
Le
Nawda
est
un
grand
végétarien;
ses
sauces
sont
composées presqu'à cent pour cent de légumes dont quatre vingt pour cent sont
des feuilles. Ces sauces, comme nous l'avons vu, accompagnent la plupart du temps
la pâte de mil (ou d'igname) et quelquefois le riz. Ainsi donc, il tire la plus gande
partie des éléments nutritifs des plantes; les protides lui viennent du baobab (ses
feuilles et graines), du nére (grains) etc ...• les lipides du palmier (huile rouge, huïle
de palmiste ... ), de l'arachide, les glucides de toutes les céréales (mil. fonio, etc .. ,)
et tubercules (ignames. manioc .. ,).
1.1.4.12. L'arbre à karité.
La
pulpe
des
fruits
de
l'arbre
à karité.
de
goût
légèrement
sucré.
est
comestible. Le noyau, en forme d'œuf d'oiseau
, contie nt une amande qui donne
l'huile ou beurre de karité utilisée pour le soin de la peau du bébé et de la nouvelle
accouchée. Elle entre rarement dans des préparations culinaires.
La sève, très collante, de "arbre à karité donne des agglomérés utilisés dans
la fabrication des boulets à arc. Fondus à la chaleur, ces agglomérés entrent dans
la préparation de la glue servant de piège pour les gros oiseaux.
1.2. TYPE D'ECONOMIE.
1.2.1. Activité commerciale et économie de marché.
1.2.1.1. L'échange commercial.
Chez le peuple nawda, l'idée d'échanger un objet (produit) contre un autre a
de tous temps existé, que l'un des objets soit en espèce ou que les deux soient en
nature.
Avant
la
colonisation,
le
cauris
(Lug'bire)
était
utilisé
comme
monnaie
-
267 -

d'échange.
i.e.
qu'il
pouvait
s'échanger
(était
échangé)
contre
tout
produit
consommable. Il a toujours
servi aussi comme matériel de la mantique. Comme il
peut être troqué contre une personne dans la trahison. les intentions secrètes et
les causes cachées des évènements et phénomènes observables s'inscrivent sur lui.
Dans certaines ethnies, les devins modernes ont tendance à remplacer (substituer)
le cauris par le franc. monnaie moderne. ce qui montre que c'est bien la valeur de
monnaie qui joue un rôle dans la mantique.
Aujourd'hui encore, la mantique conserve le nom de Lug'bire qui désigne en
même temps l'argent, la monnaie.
Mais le véritable troc qui consiste à échanger des produits en nature semble
le commerce le plus ancien, le cauris étant d'apparition
relativement
récente.
Ce
troc n'a pas du tout disparu, malgré l'usage généralisé de la monnaie moderne. Il
est toujours pratiqué, du moins occasionnellement. Celui qui a beaucoup de mil et a
besoin d'haricot, se rend au marché avec son mil pour le troquer contre le haricot.
Les artisans troquent aussi les produits
de leur travail
contre
d'autres produits.
généralement agricoles
(mil, arachide ... ).
Il
y
a
aussi
des
trocs
d'animaux,
soit
animal contre animal (chien contre chèvre), soit animal contre produits agricoles ou
artisanaux (plus rare).
En
conclusion,
l'activité
commerciale
a
été
toujours
associée
à
l'activité
économique.
Mais peut-on alors parler d'économie de marché?
1.2.1.2. Economie de marché.
Dans l'économie de marché, le travailleur vend son énergie, ses forces, ses
services, contre de l'argent. Ce qu'il produit ne l'intéresse pas. L'argent gagné est
échangé contre des objets, des articles qui lui sont nécessaires ou seulement utiles.
Et puis celui qui vend l'argent contre la force ou l'énergie humaine investit
cette énergie dans la production des denrées qui sont destinées à la vente, et non
à
sa
propre
consommation.
Les
produits
du
travail
doivent
rapporter
beaucoup
d'argent. L'argent
devient ainsi la pièce
maîtresse de l'économie de marché. On
travaille, i.e. qu'on investit son énergie dans le travail, pour de "argent et le fruit du
travail est vendu contre de l'argent. Dans ce sens, rien n'est gratuit: personne ne
travaille pour rien (pas de service gratuit), et rien n'est donné gratuitement. Toute
activité, ou tout objet comme moyen de relation sociale est monnayé, rémunéré.
1.2.2. Activité productrice Nawda et l'économie de subsistance.
1.2.2.1. Economie de subsistance.
Le système économique nawda est bien différent d'une économie marchande.
L'activité
commerciale
que
nous
venons
de
décrire
est
une
activité
purement
marginale. qui
n'est
pas
du
tout
le
fondement
du
système
économique.
On
ne
produit pas pour de l'argent. L'activité productrice n'est pas monnayée, vendue pour
- 268 -

de
l'argent.
Le
travail
est
un
échange
relationnel
et
non
commercial;
il
est
réglementé en termes de devoirs et droits, d'obligations sociales; il est destiné à la
production des biens consommables par le producteur et non des biens à vendre,
Tout ce qui est produit est consommé par la communauté productrice; une partie
peut être commercialisée. mais souvent pour acquérir d'autres denrées déficitaires;
si les conditions sont favorables. on les troque directement. Donc. l'argent n'est pas
l'essentiel
et
l'échange
commercial
n'est
pas
l'argent
en
soi,
destiné
à
la
capitalisation. Cela explique que tout le monde produit la même chose et dans les
mêmes conditions; ce qui serait mortel dans l'économie de marché où le producteur
a besoin de consommateurs pour écouler toute sa production. Ici on produit juste
de quoi vivre; le surplus éventuel est sotcké en prévision des périodes de famine.
Celui qui stocke beaucoup est
à l'abri de toute menace de famine.
Il est alors
riche. La notion de richesse couvre celle de stockage. Le riche (Kega) c'est celui
qui épargne une partie de sa production agricole. Dans l'économie de marché, un
grand stock de produits signifie souvent l'impossibilité de les écouler. donc le crac
et la pauvreté.
1.2.2.2. Economie de subsistance et loi ancestrale.
La
commercialisation
des
produits
agricoles
et
d'élevage
fait
l'objet
de
prohib ition ancestrale. Vendre signifie que l'on en a trop. Celui qui vend les produits
du sol ou d'élevage ne peut avoir d'excuse devant les Ancêtres s'il n'arrive pas à
honorer
ses
obligations
cultuelles,
religieuses,
qui
demandent
beaucoup
d'investissement
économique,
dont
la
quantité
varie
en
fonction
du
degré
de
richesse. Plus on possède. plus on doit offrir. En d'autres termes, le riche ne doit
pas investir dans le culte la même chose que le pauvre. 1/ est donc dangereux de
se dire pauvre tout en vendant
le surplus. On
ne
peut
par exemple offrir deux
poulets
alors
qu'il
faut
cinq
et
vendre
des
poulets
au
marché.
Les
Ancêtres
protestent sans tarder: "Nous avons accepté le peu que tu nous as offert croyant
que tu n'en avais pas assez. D'où vient ce surplus que tu vends?". Cette question
se traduit par un signe, souvent une maladie frappant un parent de l'Ego ou Ego
lui-même; ce peut être un autre
malheur
(mort des
bêtes
par exemple) ou
un
évènement insolite.
Même
si
la
commercia lisation
des
produits
était
autorisée
par
la
loi
ancestrale, le Nawda ne serait pas enclin à le faire pour ne pas attirer l'attention
de l'entourage sur sa richesse. En effet les riches
qui sotckent
le font
dans le
secret
absolu
pour éviter
toute jalousie
qui
pourrait
être
mortelle.
Les
riches
adoptent souvent des comportements de miséreux
(alimentation
insuffisante)
pour
camouffler leur richesse.
Ainsi donc lié par la Tradition, le Verbe de l'Ancêtre, le Nawda ne conçoit
pas une économie de marché.
-
269 -

2. FACTEURS DE PRODUCTION. (1)
2.1. MOYENS DE PRODUCTION.
2.1.1. Objet de travail.
2.1.1.1. La terre.
La propriété terrienne, nous l'avons vu, est un leg s ancestral sacré, compte
tenu de l'importance des fruits de la terre dans "articulation entre le Faga et le
Tinga, le monde de surface et le monde d'en-bas.
A ce
titre,
la
propriété
villageoise
est
à
défendre
contre
toute
invasion
étrangère, les parcelles des clans contre tout grignotage
des
frontaliers. Et
puis
dans le même clan (Da'anga)
chaque concession
défend
ses
parcelles contre les
concessions -sœurs.
La terre est l'objet de production économique par excellence. C'est la mère
nourricière. Sans elle
il
n'y aurait pas d'agriculture. d'élevage, bref, il
n'y aurait
aucune des activités économiques que nous avons énumérées ci-dessus.
Donc la première condition est de disposer de terre. De ce point de vue, il
n'existe personne sans terre; chaque clan, chaque famille, a ses terres. Les conflits
surgissent souvent parce que dans les familles il y en a qui sont plus accaparants
et ont tendance à déposséder d'autres.
Pu is, mis à part quelques malentendu s, les frontières entre villages sont bien
tracées et à peu près sûres.
En résumé, la terre ne s'acquiert pas, elle ne s'achète pas à prix d'argent.
C'est un héritage qui se transmet d'ascendants à descendants. Elle fait partie de la
culture, et est régie par la loi ancestrale: c'est sur elle que l'Ancêtre-Fondateur est
descendu
du
ciel
selon
le
mythe
d'origine.
C'est
lui
qui
l'a
répartie
entre
ses
enfants, signant ainsi (par là) la fondation des différentes collectivités villageoises.
C'est sous cette terre que les Ancêtres sont enterrés. C'est le dessous de cette
terre qui symbolise le monde d'en-bas, le Tinga.
Ainsi
donc
chaque
village
est
enraciné
sur
son
Ancêtre-Fondateur
qui,
comme un grain mis en terre, y a fait pousser, germer sa descendance.
C'est donc un legs inaliénable règlementé par la Loi, le Verbe, la Tradition
ancestrale. C'est la Terre-Mère, la Terre-Nourricière. Elle a donné (donne) la vie et
nourrit par ses fruits.
2.1.1.2. Le territoire de chasse.
Le territoire de chasse ne recouvre pas la terre, objet de "agriculture. La
chasse se fait hors des villages, hors des agglomérations habitées. excluant par là
une partie des terres villageoises cultivables. De plus. le territoire
de chasse ne
s'arrête pas nécessairement aux frontières des terres villageoises. Il s'étend plus
(1), Colleyn, J.P., Eléments d'anthropologie sociale et culturelle, Edition de l'Université
de Bruxelles, 1981
- 270 -

loin. mordant sur les
champs
d'autres
villages.
En effet
le gibier comprend
des
animaux
sauvages
qui
ne
sont
la
propriété
de
personne
et
qui
ignorent
les
frontières territoriales tracées par l'homme (les délimitations villageoises). Plusieurs
villages peuvent d'ailleurs organiser une chasse commune, ou bien on peut participer
à la chasse organisée par un village voisin.
Cependant il est hasardeux de chasser tout près des maisons ennemies; cela
peut paraître une véritable provocation, une agression indirecte. C'est comme si les
chasseurs assimilent les animaux domestiques de l'ennemi au gibier. C'est une façon
de le minimiser, de le piétiner. Cela peut engendrer une guerre.
2.1.1.3. La matière première d'artisanat.
La
matière
première
d'artisanat
est
fournie
par
la
terre
(argile.
fibres
végétales. bois .. .). En principe on peut
se
la procurer gratuitement n'importe où.
Mais cela ne doit pas entraîner des dommages aux plantes ou à la terre d'autrui.
Du fait que l'artisanat n'est pas une activité intense. mais un passe-temps. à côté
de
la
vraie
activité
qui
est
celle
agricole.
les
lois
de
propriété
n'y
sont
pas
sensibles.
2.1.2. Moyens de travail.
2.1.2.1. Outillage.
La houe constitue l'instrument principal
de l'agriculture.
Elle
a
différentes
tailles correspondant aux différentes fonctions auxquelles elle est destinée, ainsi qu'à
la catégorie d'appartenance de l'utilisateur.
La
houe
est
constituée
d'une
lame
métallique
triangulaire
dont
les
deux
angles de la base se prolongent en forme d'ailes servant éventuellement à accrocher
la main pour mieux enfoncer la lame dans la terre.
La base est munie, en
son
milieu, d'une pointe longue qui permet d'enfiler la lame dans un manche en bois.
La grande houe. longue et large. est utilisée par les hommes adultes pour
fouiller et retourner la terre. La houe moyenne courte et mince est utilisée par les
femmes pour le sarclage. Elle permet d'enlever délicatement les mauvaises herbes
sous
les
plantes,
sans
détruire
celles-ci.
Les
jeunes
garçons
qui
s'initient
au
labourage se servent de ce type de houe. La petite houe, dure, est l'instrument des
adultes
âgés
(les
vieux). elle sert à débarrasser
le champ
des
souches et des
arbustes pour faciliter le labour.
Le coupe-coupe sert à tailler les arbres, à couper les
branches
pour en
faire du bois de chauffage. ou pour l'artisanat. Quelquefois on s'en sert pour couper
les régimes de palmes; mais le travail est plus efficace avec la hache qui est aussi
utilisée pour couper les troncs d'arbres.
- 271 -

l_es couteaux et canifs sont utilisés par les artisans pour tailler le matériel
en bois ou fibres végétales.
Il n'existe pas d'outils mécaniques.
2.1.2.1. Technique agricole.
La procédure agricole consiste, dans un premier temps, à débarrasser le sol
d'herbes ou de souches
de mil
(Wa'ebe), puis
à les brûler. Dans une deuxième
étape, on laboure la terre ainsi nettoyée, sous forme de billons, de buttes ou de
terrasses, sur lesquels le grain est semé.
La fumure est constituée de la couche d'herbes
brûlées,
des
plantes
ou
herbes renversées durant le labourage. des déchets de volaille, de petits ruminants,
d'ovins
(pour ceux qui en ont). de
la
terre
noire
de
dépotoires
sur
les
cours
extérieures des concessions. Les déchets humains sont aussi utilisés mais sur les
cours.
L'eau
est
celle
des
pluies.
Sur
ce
point,
le
paysan
(agriculteur)
dépend
totalement
des
aléas
de
la
nature, des
saisons.
La
plupart
des
famines
sont
consécutives
à
une
longue
période
de
sécheresse.
Il
y
a
aussi
des
famines
entraînées
par
des
pluies
trop
abondantes
au
moment
inopportun,
lavant,
par
exemple, systématiquement le pollen des plantes, et empêchant la fécondation; les
épis du mil se forment bien mais sans grains. D'autres sont provoquées par le
passage des criquets-voyageurs (pélerins).
2.2. FORCES DE PRODUCTIONS.
2.2.1. Energie technique.
2.2.1.1. Outils.
Les outils énumérés ci-dessus déploient très peu d'énergie. Et puis, ils ne
sont
dotés
d'aucun
automatisme,
la
mécanisation
n'étant
pas
connue
dans
le
système éconmique nawda.
2.2.1.2. Force animale.
L'animal de trait est inconnu dans le système nawda. Il n'existe pas d'âne, ni
de cheval. Les rares bœufs qui existent sont élevés pour leur chair. Et puis leurs
déchets
comme
engrais
ne
suscitent
pas
beaucoup
d'intérêt;
sinon
beaucoup
chercheraient à associer leur élevage à l'agriculture.
Donc aucun animal ne participe à l'activité économique:. Le Nawda n'a jamais
pensé à exploiter l'énergie animale,
ni
pour
les
travaux
de
labour,
ni
pour
les
transports. L'homme
parcourt
de
longues
distances
à
pieds,
portant
de
lourds
fardeaux sur la tête ou sur les épaules.
-
272 -

2.2.2. Energie humaine.
L'insuffisance
de
l'énergie mécanique
de
l'outillage
et
lïnexploitation
de
la
force animale sont compensées en totalité par l'énergie humaine. L'homme doit donc
déployer
une force
hors
mesure pour produire
tous
les
biens
nécessaires
à
sa
consommation. Toute la population doit donc être mobilisée. Mais l'état physique de
certaines catégories (sociales) de personnes ne leur permet pas de supporter cette
dépense énergétique intense. Et puis toutes les catégories de personnes actives ne
peuvent pas exécuter tous les types de travaux. Ainsi une certaine couche de la
population
reste
à
charge
à
une
autre,
active.
qui
se
partage
le
travail
de
production.
2.2.2.1. Personnes actives.
Les
personnes
actives
comprennent la
couche
de
la
population
des
deux
sexes qui est sous le régime initiatique: il
s'agit plus
précisément de la tranche
comprise
entre
le
passage
à
la
classe
d'âge
et
la
fin
du
système
initiatique
(masculin). Dans cette tranche. c'est surtout la catégorie allant de la première à la
troisième initiation
pour
les
hommes, et
à
la
ménopause
pour
les
femmes.
qui
investit plus d'énergie dans la production. Comme nous l'avons souligné à propos des
catégories sociales, cette tranche
de la population est
le véritable
moteur de
la
production économique et sociale (art. procréation). Elle est composée. en effet, des
jeunes, dans la force de l'âge, sur eux repose nt l'essor et la prospérité matérielle
de la société, et la (survie) perpétuation de celle-ci,
2.2.2.2. Personnes inactives.
La couche de la population inactive est composée de personnes âgées, dont
les forces physiques déclinent, des infirmes (ou invalides) et des enfants .
• Assimilées aux Ancêtres dont elles sont les plus proches. les personnes
âgées
sont
sacralisées
et
objet
de
vénération.
Elles
ont
engendré
et
nourri
physiquement cette jeunesse, et continuent de
la nourrir de l'aliment spirituel,
la
parole. le verbe, la tradition ancestrale. Dans le déploiement de l'énergie productive,
la
jeunesse
est
guidée
par
les
personnes
âgées.
L'ombre
des
Ancêtres,
les
personnes âgées
doivent être traitées avec les mêmes égards que ces
derniers.
Rien ne doit leur être refusé; elles peuvent demander ce qu'elles veulent à n'importe
quel jeune, celui-ci le fait avec empressement .

Quant aux
infirmes, qu'ils
le
soient
de
naissance
ou
par
accident,
ils
constituent une œuvre de Sangbande qui a fait exprès quelque chose de raté, pour
éprouver les hommes, ceux qui en riront, ou refuseront de les assister, risquent de
subir le même sort qu'eux; ils seront eux-mêmes ou quelqu'un des leurs
(leurs
parents ou descendance) frappés de la même infirmité. Donc les invalides sont aussi
liés à la
sacralité
parce
que
œuvre
divine.
Ils
ont
droit
à
la
vénération
et
à
l'assistance de ceux
qui
sont
solides.
La
force
qui
leur
manque
est
donnée
à
d'autres pour la prospérité commune.
- 273 -

En
ce
qui
concerne
les
enfants
qui
n'ont
pas
encore
la
force
vitale
développée. ils sont les protégés de la collectivité. Ce sont eux l'espoir de demain,
la force du futur. A cause d'eux. le nom de l'Ancêtre ne sera pas éteint. A travers
eux les ascendants seront vénérés, enterrés avec dignité. La véritable richesse, ce
sont les enfants. Celui qui a transmis en abondance la vie qui lui a été donnée par
l'Ancêtre peut
mourir en
paix. car
il
n'a
pas
vécu
inutilement,
"Son
nom
sera
prononcé" .
Souffrir pour faire vivre les enfants, renoncer en leur faveur est donc une
tâche noble. C'est pour eux et les Ancêtres que l'on produit. S'il y a peu à manger,
ils seront les seuls servis.
Mais les enfants participent
à la production économique en
accomplissant,
dans le cadre de leur éducation, des tâches compatibles avec leur âge et leur degré
de force. En effet l'acte éducatif n'est pas stérile. mais productif. L'enfant apprend
à faire une chose en
l'exécutant. et
le
produit de son action est consommable.
Ainsi. au fur et à mesure qu'ils grandissent, les enfants assument un rôle de plus
en plus prépondérant dans le système productif. Ce n'est donc pas à l'entrée dans
la classe d'âge que l'on commence à apprendre. La classe d'âge érige officiellement
en producteurs économiques les gens qui l'étaient déjà.
2.2.2.3. Division du travail.
Dans ce qui précède. nous avons fait allusion, chemin faisant, à la division
du travail que nous avons même. à certains égards. analysée.
En
gros.
la
guerre.
la
chasse....
tout
ce
qui
implique
agressivité
(i.e.
décharge énergétique intense) et destruction de la vie. est le domaine de l'activité
masculine. C'est le cas aussi des rites religieux impliquant le sacrifice anima 1 donc
destruction de vie.
Tandis que tout ce qui touche à la production et à l'entretien de la vie, i.e.
culture de la vie,
relève de l'activité féminine. C'est ainsi que
l'agriculture et
la
puériculture (production et soin de l'enfant) qui sont liées à la fécondité terrienne et
humaine, sont les domaines d'activité de la femme.
Mais
cela ne revient
pas
à dire
que
dans
la
pratique
tous
les
travaux
agricoles
sont
aux
mains
des
femmes.
L'observation
montre
plutôt
que
c'est
l'homme qui fait le gros du
travail.
Il
le fait justement
parce que c'est le gros
œuvre qui demande le déploiement de force destructrice. tel
que
le débroussage
(destruction violente des plantes), labourage (agression faite à 1a terre).
Tout ce qui est production. respect. entretien de la vie exige le savoir faire,
la délicatesse et la patience. Tous ces travaux agricoles sont confiés aux femmes.
Ce sont par exemple: semailles, sarclages. récoltes. stockage de grains ...
Si nous nous plaçons d'un point de vue moins symbolique, nous dirons que la
division du travail s'est faite selon le degré d'énergie musculaire accumulée dans ou
potentielle de chacun des deux sexes. L'homme plus fort physiquement assume tous
les travaux exigeant un investissement intensif d'éner_gie musculaire, laissant à la
femme les travaux plus délicats exigeant de la patience et de l'habileté manuelle
-
274 -

(sarclage du fonio, par exemple). L'homme est la force vitale brute, la femme est la
force raffinée.
Ceci rejoint le symbolisme et le renforce: la force brute est destructrice de
la vie,
elle
casse
tout
sur
son
passage,
sans
discernement;
la
force
raffinée
protège la vie.
La division du travail ne se fait pas seulement entre sexes. Elle s'observe
aussi entre catégories sociales hiérarchisées, selon les âges. Les catégories qui ont
accumulé plus d'énergie physique feront les gros travaux. C'est la tranche de la
population que nous avons appelée productrice. On confiera aux enfants les travaux
moins
lourds,
aux
personnes
agees
les
travaux
de
déblayage
consistant
à
débarrasser le terrain à labourer des arbustes et souches en les coupant, et des
cailloux et pierres en les rassemblant en tas (Kama'e).
3. ORGANISATION SOCIALE DE LA PRODUCTION.
3.1. INSTITUTIONS SOCIO-POLITIQUES ET ORGANISATION ECONOMIQUE.
3.1.1. Système de parenté et organisation économique.
3.1.1.1. Lignage et unité de production.
Nous avons
défini
le
système
lignager
nawda
comme
s'approchant
de
la
notion du clan puisque l'Ancêtre-Fondateur du Da'anga se perd
dans
la nuit des
temps. Ce lignage comprend plusieurs segments, ou
familles
élargies, qui à leur
tour, comprennent (se subdivisent en), chacun des ménages ou familles nucléaires
(Foogo) .
L'unité de production économique ne s'étend pas à tout le clan. ni même à
la
famille
élargie
ou
segment
lignager.
Elle
se
limite
à
la
famille
nucléaire
ou
ménage,
souvent
polygynique,
qu and
celui-ci
est
géographiquement
circonscrit.
Souvent, elle est faite de plusieurs familles nucléaires vivant sous le même toit (la
même concession), l'unique système familial qui regroupait autrefois tous les enfants
et leurs épouses autour du foyer résidentiel, donnant à la concession cette forme
de labyrinthe que nous avons décrit plus
haut. Dans
ce
cas,
les
récoltes
sont
stockées dans les greniers du foyer central, et gérées par la maîtresse de maison,
i.e. du foyer
central,
qui
les
distribue
aux
foyers
annexes.
Dans
le
cas
d'une
concession ne groupant qu'un ménage. la gestion est plus simplifiée.
Dans tous les cas, c'est la maîtresse de maison qui stocke et gère les
récoltes qu'elle distribue pour la consommation.
Tous
les
membres
actifs
de
la
concession
travaillent
pour
la
collectivité
familiale. (avec) sur des parcelles de terre réservées à la concession.
- 275 -

3.1.1.2. Société élargie et organisations coopératives.
L'organisation de l'activité productrice au niveau de la société villageoise se
fait par un système de coopératives qui fonctionne sur deux modèles d'entraide .
• Un modèle régulier est une organisation associative qui fonctionne de façon
roulante. Le nombre des associés varie de deux à dix personnes environ. Le groupe
travaille pour chacun de ses membres à tour de rôle. Donc une fois tous les N
jours
(selon
la
taille
du
groupe),
chaque
membre
bénéficie
d'un
travail
communautaire.
Ici
l'échange
est
donnant-donnant:
"Je
travaille
pour
chacun
du
groupe, et tout le groupe travaille pour moï'.

le
deuxième
modèle
fonctionne
plutôt
de
façon
occasionnelle,
et
sur
demande adressée à toute la population active du village. Le demandeur fixe le jour
(où il pense avoir plus de chance de rassembler beaucoup de monde). prépare la
bière de mil, fait la campagne, s'adressant à des individus et/ou à des associations
coopératives. Après le travail, tout le monde se rend dans la concession concernée
pour un rafraîchissement fait de bière de mil. La bière semble être ici la monnaie
d'échange, mais ce n'est pas tout. On reste redevable envers tous ceux qui sont
venus
travailler. Quand
leur
tour
viendra, on est
bien
obligé
de
leur
rendre
la
monnaie en participant au travail qu'ils organiseront.
Avec ce système d'entraite, même ceux
qui n'ont
pas de
membres actifs
dans
leur
famille
sont
à
l'abri
de
tout
danger
de
pauvreté.
Ceux-là
exploitent
davantage le deuxième modèle d'entraide.
3.1.2. Rapport de production.
3.1.2.1. Le lien d'allégeance.
Les individus sont liés par une sorte d'allégence à leurs ascendants, à leurs
alliés. à leurs progénitures. Nous avons fait allusion à
ce
type
de relation
quand
nous avons étudié la dynamique sociale impliquant les différentes catégories de la
société, plus spécialement la règlementation des rapports sociaux en fonction
des
statuts et rôles. Nous
avons
analysé l'interdépendance des différentes
catégories
dans
tous
les
domaines
de
la
vie
sociale.
Le
domaine
qui
nous
intéresse
particulièrement ici est celui de la production économique. Nous avons
vu. à ce
propos, les devoirs de l'homme envers son (ses) épouse (s) et ses enfants; celui de
la femme envers son mari et ses enfants. Nous avons analysé aussi les obligations
socio-économiques des Hakpara, cette tranche active de la population.
Revenons sur ces points pour préciser que dans la famille élargie, le couple
n'est
pas
libre
d'organiser
son
économie
comme
il
"entend.
et
dans
la
famille
nucléaire ou
ménage. les
individus: en l'occurence
les enfants
même
grands,
ne
peuvent produire pour leur propre compte,
surtout tant qu'ils vivent
sous
le toit
parental. C'est la communauté des biens et tout le monde (chacun) est lié par cette
interdépendance communautaire. Les
biens
sont
produits
par
une
fraction
de
la
famille, et sont mis en commun pour la consommation collective (communautaire).
-
276 -

La classe
productrice ne
peut prétendre
à
une
quelconque
rémunération
de
leur
travail
pour
la
bonne
raison
qu'ils
ont
été
nourris
des
fruits
du
travail
des
ascendants pour grandir et qu'ils
ont le
devoir
d'assurer
les
vieux jours
de
ces
derniers, et de faire grandir, à leur tour, leurs cadets et leur progéniture. C'est un
système de solidarité agissante, d'une chaîne d'é nergie vitale dont la rupture en un
endroit
quelconque
par
la
démission
d'une
génération
donnée
entraînerait
la
dislocation de tout le système social. C'est pour cette raison que la paresse et le
parasitisme des jeunes sont socialement intolérables et sanctionnés par la moquerie,
la raillerie, la brimade, coupant l'Ego de ses articulations sociales et le rejetant hors
du milieu sécurisant. Pour se faire accepter et valoriser, chacun doit développer au
maximum son potentiel de rentabilité.
3.1.2.2. Codification des liens d'allégeance.
Ces
liens
d'allégeance,
apparemment
fondés
sur
la
solidarité
sociale,
s'enracinent profondément dans la loi ancestrale qui en assure la codification.
Nous avons vu que le fondement ancestral de la propriété terrienne est le
culte des A ncêtres, i.e. que les fruits de (la production) l'exploitation terrienne sont
destinés
aux
activités
cultuelles
qui
actualisent
à
tout
moment
la
présence
de
l'Ancêtre-Fondateur et vrai propriétaire des terres, Dans ce cadre, les terres des
Ancêtres sont léguées à ceux qui s'acquittent de ce devoir cultuel.
Morceler
les
fruits
de
la
production
économique
entre
les
différents
membres de la famille reviendrait donc à morceler le culte religieux qui est familial,
qui articule la famille avec le même Ancêtre. Donc. l'individu n'est relié à l' Ancestre
qu'en tant que membre d'une famille. Ainsi, chaque fois qu'un individu se détache du
t oit parental pour fonder une concession, il doit meubler cette nouvelle concession
de tous les sanctuaires possibles dont le culte sera à sa charge, en plus de sa
participation au culte de la concession-mère (Haberm'reL
Donc tant que l'on vit dans la même concession qui a ses
terres, on
ne
peut avoir un culte à part, donc pas de propriété personnelle. Si l'on quitte, on
prend une partie des terres pour assurer le culte dans la nouvelle concession.
3.2. INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET ORGANISATION ECONOMIQUE.
3.2.1. Système écologique et forces surnaturelles.
3.2.1.1. Pluies et forces surnaturelles.
Les pluies ne tombent pas au hasard: elles sont contrôlées par les lois du
monde d'en-bas. Il existe dans chaque village des "maisons de pluies". des Oa'ane'e
fondées par un Génie de pluies. Chaque Génie de Oa'anga est reconnaissable par le
caractère
de
ses
pluies.
Il
y
a
des
pluies
calmes.
abondantes,
d'autres
sont
violentes
avec
du
vent
qui
ravage
tout
sur
son
passage,
d'autres
encore
sont
accompagnées d'éclairs et de tonnerre. etc ...
- 277 -

Les pluies sont ainsi l'expression des forces d'en-bas. Leur reglme est règ lé
(règlementé) par une loi immuable, qui se traduit dans le monde de surface (Faga)
par des pratiques rituelles. des institutions, des interdits à respecter.
Toute
transgression
ou
tout
manquement
dans
ce
domaine
entraîne
des
troubles cosmiques se traduisant. entre autres, par des calamités. C'est dans ce
sens que s'expliquent les sécheresses. les inondations •... qui entraînent la famine.
Quelquefois. il suffit que le Notable (le vieux) du Da'anga exprime (manifeste)
son mécontentement. verbalement ou non. pour que la pluie tombe subitement, ou
qu'il
y ait
arrêt
des
pluies,
en
pleine
saison
pluvieuse.
Le
décès
d'un
notable
sacralisé, membre d'un clan
de pluie, déclenche
souvent une
pluie
diluvienne
qui
symbolise les
larmes du
monde d'en-bas. des An cêtres
du
Da'anga.
pleurant
le
disparu.
3.2.1.2. l'Jature du sol. emplacement du terrain et forces surnaturelles.
Quelquefois la nature du sol est signe de la présence des esprits: un sol
sans herbes. à l'aspect balayé. rappelant les endroits où la présence de l'homme
empêche la
poussée
de
l'herbe.
est
un
endroit
habité
par
les
Tingreba,
ceux
d'en-bas.
Comme les Kpeemba habitent la maison, une habitation dans les champs ne
peut l'être que par les esprits errants.
Les
voyants
voient
à
ces
endroits
des
maisons et ceux qui y habitent. Il arrive que les animaux domestiques de ce monde
d'en-bas (des poussins, des poulets .... ) fassent irruption dans le monde sensible par
des apparitions brusques. puis. disparaissent à nouveau.
Ces terres ne peuvent rien produire et on ne doit rien y cultiver.
Il existe aussi des endroits réservés. des Kaldmbe'e (mauvais
lieux). Lieux
Saints. Sacrés. Ces endroits sont généralement habités par des Génies (Tite, Baga).
Ce sont des lieux intouchables. On n'a pas le droit d'y cultiver quoi que ce soit. ni
de
couper
les
plantes
et
arbres
qui
y
poussent.
Ces
plantes
poussent
donc
sauvagement donnant naissance à de petits bosquets. C'est pour cette raison que la
plupart des Lieux Saints sont des forêts sacrées. Tout ce qui y pousse est sacré.
Toute violation de ces places, culture, défrichage, déclenche des désordres
cosmiques. La nature du désordre dépend du clan
d'appartenance du
Lieu
Saint
profané; si c'est un clan de pluie, le désordre sera d'ordre météorologique (pluie,
sécheresse ... ). Si c'est un clan du Génie de la mort, une épidémie peut éclater.
3.2.1.3. La chasse et le monde d'en-bas.
Nous avons vu que la chasse annuelle s'ouvre
par un rite
religieux
qui a
pour objectif d'obtenir la protection des ancêtres contre le danger.
Ce rite qui se prolonge par le premier feu de brousse, comme nous l'avons
souligné. a un autre but: c'est de demander aux
forces
surnaturelles
(ancêtres.
esprits errants, génies)
de libérer les
animaux
sauvages. Ces animaux
sont,
en
effet.
sauvages
et
sans
propriétaire
pour
nous,
mais
ce
sont
les
animaux
domestiques du monde d'en-bas. Comme nous prenons
soin de nos
chèvres, nos
- 278 -

poulets, pintades, de même les esprits s'occupent des animaux que nous appelons
sauvages. Ils les enferment dans des enclos, leur donnent à manger et
à boire,
comme nous faisons pour les nôtres. Pour que les chasseurs puissent rencontrer
ces animaux, il faut qu'ils soient libérés par leurs propriétaires qui donnent par là
l'autorisation de les tuer.
Les animaux sauvages sont donc un don, un cadeau du monde d'en-bas. Une
chasse stérile pour un individu est une affaire de famille:
il a des
problèmes à
régler
avec
les
ancêtres
de
son
clan.
Mais
une
chasse
stérile
pour
toute
la
collectivité villageoise signifie que les animaux n'ont pas été libérés: il y a donc un
problème public. communautaire qui doit être réglé au niveau de la société élargie.
Peut-être le clan
responsable a eu
des manquements, ou
bien
quelqu'un
d'autre
aurait transgressé une loi de ce clan.
3.2.2. Production économique et culte religieux.
3.2.2.1. Produits agricoles et culte religieux.
Le mil sert surtout à préparer la bière qui est l'un des éléments essentiels
du culte religieux. En effet, la bière accompagne la plupart des rites sacrificiels.
Puis, c'est la pâte du mil qui constitue le repas sacrificiel.
Ainsi
donc
la
culture
du
mil
est
d'une
importance
capitale.
Le
fonio
et
d'autres
céréales
peuvent
suppléer
à
son
manque,
surtout
pour
la
pâte.
Son
intervention dans la préparation de la bière est pratiquement indispensable.
Les graines de baobab (Ka'alem), l'arachide. ... interviennent aussi dans
la
préparation du repas rituel. Ce sont ces graines qui servent à préparer la sauce
avec le bouillon de l'animal sacrifié, sauce qui accompagne la pâte du mil.
Le ha ricot est utilisé au moins une fois dans l'année pour la préparation des
beignets rituels.
Dans
tous
les
repas
rituels.
l'huile
rouge
et
l'huile
de
palmiste
sont
indispensables. Les sauces, sauf interdit, sont préparées
à "huile
rouge
qui
est
ext raite de l'enveloppe pulpeuse des noix de palme. La viande bouillie des animaux
sacrifiés est abondamment arrosée de l'huile rouge (ou de palmiste) et du sel avant
la consommation. Il semble que l'huile rouge exerce un attrait particulier
sur les
esprits. Quand la consommation de l'huile rouge est interdite pour un rite donné,
elle est remplacée par l'huile de palmiste. Puis les beignets rituels sont faits avec
l'huile de palmiste; le rite des
prémices
des
ignames
utilise
l'huile
de
palmiste.
D'ailleurs. en principe. on ne mange pas l'igname avec de l'huile rouge, sinon les
plants d'igname vont jaunir et brûler.
Ainsi l'importance donnée à la culture des diverses denrées n'est pas un
hasard, et ne répond pas uniquement à un intérêt matériel.
3.2.2.2. Elevage et rites sacrificiels.
L'élevage, comme nous l'avons noté, produit des animaux pour l'autel. Si nous
- 279 -

revoyons la liste des animaux élevés en pays nawda. nous constatons que certains
font l'objet de production intensive, alors que d'autres sont pratiquement négligés. La
clef du problème se trouve dans le fait que l'élevage intensif concerne les animaux
les plus recherchés pour le culte religieux. Par exemple. le poulet est l'objet banal
du sacrifice. Le poulet est présent dans tout culte sacrificiel, se ul ou en association
avec d'autres animaux. C'est ainsi que l'élevage du poulet est le plus intensif. C'est
l'animal
que l'on rencontre
dans
toutes
les
concessions.
Tout Nawda, pauvre
ou
riche. a toujours des poulets chez lui. Le poulet. c'est la vie de l'homme. Il est le
substitut qui meurt à la place de l'homme.
Après
le
poulet,
vient
la
chèvre
que
l'on
trouve
aussi
dans
toutes
les
concessions. Mais
le
sacrifice de la chèvre n'est pas
aussi
banal
que
celui
du
poulet. Il y a dans l'année certains rites cycliques où la chèvre intervient, toujours
accompagnée
de
poulets.
Ce
sont
des
sacrifices
importants.
Les
sacrifices
extraordinaires où
la
chèvre
est
tuée
sur
"demande"
(des
esprits)
sont
assez
rares, en tout cas plus rares que ceux des poulets. Ce sont des cas de problèmes
assez graves.
Le sacrifice du mouton est encore plus
rare
que celui
de la chèvre.
Le
mouton remplace la chèvre quand celle-ci est frappée d'interdit.
Les
bovins
sont
pratiquement
inexistants
à
part
quelques
têtes
que
l'on
rencontre dans quelques concessions. La raison en est simple: le sacrifice du bœuf
est exceptionnel, et constitue souvent un rite de prestige. Celui qui est riche. il lui
sera demandé
plus.
S'il
n'a
pas
de
bœufs.
il
en
achète.
Il
ne
peut
pas
être
demandé l'impossible au
pauvre. Et
puis
quand on élève des
bœufs,
on
doit
de
temps en temps en sacrifier pour assurer la prospérité.
Comme
les
produits
du
sol.
les
produits
d'élevage
sont
exclusivement
destinés
aux rites
cultuels
qui
entretiennent
la
vie
de
l'homme,
et
ses
bonnes
relations avec le monde d'en-bas.
Comme nous l'avons pu constater, tous les animaux élevés ont ce
destin,
sauf le porc; et nous
avons vu
que malgré
son
élevage
relativement
facile,
ce
dernier est négligé.
Le porc est le seul animal de boucherie tradition nelle: on le tue pour vendre;
on le vend aux bouchers, alors que les autres animaux sont frappés d'interdit de
vente.
3.2.3. Lois divino-ancestrales et organisation du travail.
3.2.3.1. Les prêtres et l'agriculture.
Les ministres du culte public sont. comme nous l'avons vu. ministres de la
guerre. Ils sont aussi les ministres de l'économie (chasse. agriculture).
Comme nous le verrons,
le
sacerdoce symbolise les
deux éléments
de la
fécondité: J'élément mâle symbolisé par la massue (Oagbè'ère) instrument ou arme
de chasse;
l'élément
femelle
symbolisé
par
la
calebasse
(Wenbiga)
ustensile
de
- 280 -

Le
grand
prêtre
(Saama)
représentant
de
l'Ancêtre-Fondateur
(quïl
ménage.
par le sac de peau de chèvre qu'il porte en bandoulière) coiffe ces deux
symbolise
éléments.
Ces ministres de l'économie sont les gardiens, les dépositaires de toutes les
lois
favorisant
et
réglementant
la
fécondité de
la terre: lois
des
pluies,
lois
de
bonne santé des plantes ... Ils sont pour cela soumis à des interdits dont
le non
respect déclenche des perturbations agricoles entraînant la famine. Un exemple de
ces
interdits
est
celui
qui
frappe
l'huile
rouge,
dont
la
consommation
par
les
ministres de l'économie entraîne le jaunissement et la brûlure des plantes, malgré
les pluies. Ils sont donc contraints à l'usage de l'huile de palmiste plus noire dont
ils enduisent (oignent) le corps, et qui entre dans leur alimentation remplaçant dans
tous les cas l'huile rouge. Cela donne aux plantes une bonne santé se manifestant
par leur couleur vert foncé, prometteuse d'une bonne récolte abondante.
3.2.3.2. Chasse et rituel religieux.
La
chasse.
activité
économique,
est
aussi
un
rite
religieux.
Le
feu
de
brousse, s'il
libère
les
animaux
pour la chasse.
est
aussi
destiné
à
purifier
le
village.
en
consumant,
en
chassant
tout
mal
(épidémie
en
l'occurence)
qui
menacerait le village en ce début de saison sèche.
Puis le feu de brousse et la chasse ouvrent la porte aux pluies. Il Y a en
effet "Tom ou Bolem Tungo". pluies de cendres ou de feu, qui tombe tout de suite
après le feu de brousse pour faire pénétrer la cendre (engrais) dans le sol pour le
fumer. Si le feu de brousse et la chasse qui constituent un rite ancestral ne se
font pas. les Ancêtres risquent de retenir les pluies cette année-là.
La chasse est donc un rite saisonnier qui fait place aux cultures, sinon la
chaîne est bloquée.
3.2.3.3. Produits de chasse et interdit.
Le jeune qui tue un animal à la chasse ne le consomme pas. Il le laisse aux
femmes, aux enfants et aux personnes âgées.
Nous faisions plus haut allusion à certains problèmes familiaux qui peuvent
expliquer la chasse stérile d'un individu, i.e. qu'il va à la chasse et revient bredouille
alors que ses camarades ont tué du gibier.
Le gibier est le don des Ancêtres. S'il n'est pas donné à Ego de tuer un
animal à la chasse, il ne peut rien de lui-même.
Le gibier ramené de la chasse est d'abord déposé sur le toit du sejour des
morts qui est. rappelons-le, l'autel familial. où habitent les Ancêtres et les Kpeemba
de la famille. Le gibier est donc offert aux Ancêtres. Les
personnes âgées, les
femmes et les enfants de la famille le partagent avec les A ncêtres. Celui qui l'a
tué ainsi que tous les jeunes de sa génération n'y touchent pas sous peine de ne
plus rien tuer.
-
281 -

CHAPITRE 4:
INSTITUTIONS RELIGIEUSES.
1. LES CROYANCES RELIGIEUSES.
1.1. LE SACRE ET LE PROFANE.
1.1.1. Le monde d'en-bas (Tinga) et le monde de surface (Faga).
Le monde d'en-bas et le monde de surface,
nous
l'avons
vu,
sont
deux
modes (modalités) d'exister de la réalité. Ce ne sont pas deux entités
séparées.
encore moins opposées, conflictuelles.
Le
monde d'en-bas
est
la
vraie
réalité,
dont
le
monde
de
surface
est
l'apparence sensible. C'est la substance. l'essence de la réalité. Tout au long de
l'analyse que nous avons faite jusqu'ici, nous avons découvert et fait ressortir cette
unicité, cette totalité de la réalité. Chaque élément du cosmos, de l'univers est à la
fois d'en-bas et de surface. L'explication profonde de tous les évènements, de tous
les phénomènes que nous observons est le monde d'en-bas. C'est lui le signifié, le
monde
de
surface
en
est
le
signe.
Pour
comprendre
la
raison
profonde
de
l'existence des choses, de la manière d'apparition et d'être des phénomènes, de la
façon dont se déroulent les évènements, il
faut descendre à leur racine, ou, en
d'autres
termes,
remonter
à
leur
source
fondante,
qui
est
(qu'est)
le
monde
d'en-bas. Nous observons, dans le monde de surface, comment se combinent les
évènements,
comment
les
circonstances
se
rencontrent
pour
produire
un
effet
heureux
ou
malheureux.
Mais
pourquoi les
choses
se
combinent-elles
de
cette
façon,
pourquoi
certaines
se
produisent-elles
plutôt
que
d'autres
également
possibles ...?
La réponse à ces questions ne s'offre pas à notre observation sensible. Elle
se
trouve
dans
le
monde
d'en-bas
qui
échappe
à
l'expérience
sensible,
à
la
connaissance empirique des phénomènes.
Le monde d'en-bas est structuré par la loi ancestrale et organisé suivant le
principe divino-ancestral qui fonde l'être et explique l'existence.
1.1.2. Le Sacré.
1.1.2.1. Le Surnaturel et le Sacré (Tinga et Sacré),
Nous
venons
de
voir
que
le
monde
de
Faga,
qui
est
donné
dans
la
perception, est l'apparence, le signe du Tinga, de "énergie surnaturelle qui le fonde
et l'explique.
-
282 -

",,-----
Ce
pôle
caché
de
lunivers
est
le
surnaturel
immanent.
le
dessous
des
choses.
Le
monde
de
Faga
(l'univers.
le
cosr:los)
se
révèle
donc
de
lui-même
comme différent, plus que ce qui est simplement donné dans la perception sensible.
Il
est
le
révélateur du
surnaturel
qui lui
est
immanent
et
en
fonde
les
règles
d'existence.
Le sacré ne se réduit pas à l'être surnaturel des choses. i.e. ce pôle caché
de l'univers qui est le surnaturel immanent. Le sacré est la source, l'origine de ce
surnaturel immanent à l'univers. En d'autres termes, le pôle surnaturel de l'univers.
du cosmos, est l'émanation de l'énergie divino-ancestrale sacrée qui transcende cet
univers. C'est une émanation énergétique qui, nous l'avons vu, fonde l'être cosmique
par sa concentration, sa condensation, en des rœuds de forces qui constituent les
éléments cosmiques existants. La source énergétique ne se confond pas avec son
émanation, son rayonnement, elle lui est transce"dante.
Il y a donc le Surnaturel immanent au Faga qui est le dessous des choses,
le pôle de Tinga, le signifié de Faga et puis le Surnaturel Transcendant qui est la
source divino-ancestrale du cosmos. C'est ce dernier qui est le sacré.
1.1.2.2. Hiérophanies.
Si le sacré est transcendant et différent
de son émanation qui constitue
l'univers, il n'est pas pour autant totalement inaccessible. Il choisit certains modes
pour se rendre directement présent dans le cosmos, soit de façon permanente, soit
occas ionnellement.
Le sacré est
constamment
présent dans
certains
endroits,
au sein
de la
concession,
ou
dans
le
village.
Ces
endroits
sont
des
Lieux
Saints,
ou
plus
précisément des Kalanbe'e, littéralement des mauvais lieux, mauvais étant employé
ici au sens de terrifiants, intouchables, inapprochables, inspirant le respect.
A l'intérieur des concessions, ces lieux sont les sanctuaires et/ou autels de
culte familial; dans le village, ce sont des Lieux Saints: bosquets
sacrés,
marres
sacrées ...
La présence constante du Sacré se manifeste dans les objets sacrés (objets
de
culte,
objets
symbolisant
les
Génies,
les
esprits .. ,)
et
dans
les
personnes
sacralisées telles que les prêtres (ou oint~, les notables et! ou les Anciens.
Le
Sacré
peut
se
manifester
occasionnellement
par
des
évènements
ou
phénomènes
(naturels)
insolites.
ou
notoirement
perturbants
(calamités.
troubles
atmosphériques,
perturbations
des
saisons ... )
qui
signalent
une
perturbation
de
l'ordre ancestral.
Selon le mythe d'origine, l'apparition de l'homme sur la terre s'effectue dans
l'hiérophanie occasionnelle. C'est le Sacré constituant l'Ancêtre-Fondate ur qui est la
parcelle de Sangbande.
-
283 -

1.1.3. Le Profane.
1.1.3.1. Définition classique.
"Est Profane toute chose que l'on peut élaborer dans la vie quotidienne selon
les données de nos sens. Le Profane ne récèle aucun pouvoir qui ne soit connu et
délimité. Tailler une branche d'arbre, modeler un vase, sont des actes ressortissant
du profane"
(1).
Les phénomènes naturels, i.e. rationnellement explicables. relèvent
donc du domaine du profane. Dans
ce sens,
l'explication
des phénomènes
par la
rencontre (le concours) nécessaire ou fortuite des circonstances observées est une
connaissance profane.
1.1.3.2. Le Sacré et le Profane.
Le profane tel qu'il est défini ci-dessus. non seulement est en solution de
continuité, en disjonction avec le sacré, mais s'oppose
à lui. Comme le dit Alain
Birou
(2).
on
oppose
toujours
le
sacré
au
profane
comme
on
oppose
la
vie
religieuse à la vie séculière. Cette opposition nous situe ici dans lé\\. représentation
dualiste de la réalité.
Mais comme nous venons de le voir. les phénomènes cosmiques ne peuvent
pas
s'expliquer
uniquement
par
la
façon
dont
se
combinent
les
évènements
aboutissant
à
leur
production.
La
question
profonde
est
de
savoir
pourquoi
les
combinaisons des évènements sont ce qu'elles sont et pas autrement. La réponse
dépasse
le simple observable pour se situer au
niveau
de dessous
des
choses.
L'observable n'est que le signe du surnaturel inobservable qui est immanent à l'être
cosmique, son pôle substantiel. émanation du Surnaturel transcendant, le Sacré.
Il y a donc une continuité entre le profane et le sacré. continuité qui n'est
pas confusion.
Ainsi le sacré et le profane ne se définissent pas en termes de di chotomie.
mais de totalité. Il n'y a pas de séparation nette entre sacré et profane. Tailler une
branche d'arbre ou modeler un vase, selon l'exemple de J.A.Mauduit. peuvent bien
être des actes sacrés. rituels. Le tout dépend de l'objectif. de l'intention que l'on
assigne à un acte et non à l'acte en soi. Par exemple. nettoyer une forêt sacrée
implique qu'on taille les branches des arbres. C'est un rituel sacré.
1.2. LE MONDE SPIRITUEL.
Nous avons
déjà
analysé
le
monde
spirituel
dans
le
chapitre
traitant
de
"organisation
sociale.
en
tant
qu'étant
la
dimension
verticale
de
la
Société.
et
comme telle. il comprend diverses catégories sociales. Ici. nous al/ons le reprendre
sous l'angle religieux.
(1), Mauduit, J.A., Manuel d'ethnographie. Payot, Paris, 1960, p.259.
(2), Birou, Alain. Vocabulaire
pratique
des
sciences
sociales.
Editions
Ouvrières.
Paris. 1966. (voir le mot sacré).
- 284 -

1.2.1. Le surnaturel chtonien: monde d'en-bas.
Jusqu'ici. nous
avons
parlé du
surnaturel
pratiquement
sans
distinction
et
notre discours a concerné essentiellement le monde d'en-bas, le Tinga.
Il importe de préciser que Tinga. monde d'en-bas, ne désigne (ne s'applique
qu'à) qu'un aspect du monde surnaturel, spirituel.
Comme nous l'avons déjà noté. Tinga renvoie à la terre et signifie: en bas.
sur terre, sous terre ... par opposition au ciel. T ~'nga est employé dans un sens
second pour symboliser le lieu où résident les esprits des morts, par référence au
sort
réservé
aux
restes
des
défunts:
l'ensevelissement,
la
mise
sous
terre,
l'enterrement.
Tous
les
défunts disparaissent
sous
terre et constituent
la population
du
monde souterrain chthonien. Ce monde spirituel comprend tous les morts depuis les
origines, depuis l'Ancêtre-Fondateur qui était
le
premier enseveli et qui est
pour
cela
celui
qui
a
ouvert
aux
hommes
la
porte
du
monde
spirituel
(chthonien)
d'en-bas.
Par
extension
cette
notion
s'applique
à
tous
les
génies
et
esprits
non
humains peuplant le monde d'en-bas etau pôle surnaturel de la réalité cosmique.
On peut influencer quelqu'un, ou prendre une chose Faga (de façon observable) ou
Tinga (de façon occulte).
Ce monde est composé de trois catégories d'êtres spirituels: les Kpee mba
(es prits des morts, les morts. habitant la maison) ; les Génies (Tite, Boga), bons
ou mauvais, les esprits errants (FagnidebaJ.
C'est cet ensemble que
nous appelons
surnaturel chthonien,
qui n'est
pas
localisé, comme
son
nom le
fait croire,
dans
le
souterrain, mais fait
partie
du
monde terrestre,
se mélange au
quotidien
de
la
vie,
échappant
seulement
à
la
perception sensible.
Le
surnaturel chthonien est
le culturel
(par
opposition)
se
distinguant
du
naturel.
C'est
la
forme
culturelle
que
revêt
la
création,
celle-ci
émanée
de
Sangbande passe par le moule du Verbe ancestral, i.e. la Tradition qui la marque du
sceau de l'Ancêtre. Celui-ci descendu du ciel, émané de Sangbande, a reçu de son
Créateur le pouvoir (la capacité) de modeler, de transformer le cosmos, i.e. de lui
donner une forme signifiante. Le cosmos sorti des mains du Créateur est ambigu,
polysémique. L'Ancêtre lui donne un sens, une signification, qui en font un système
cohérent (où tout s'e;<plique). 1a culture qui permet d'expliquer les phénomènes, le
fonctionnement du cosmos.
Le surnaturel chthonien devient ainsi le fondement, le contenu sémantique du
cosmos formalisé (mis en forme) par l'Ancêtre, i.e. la Tradition.
Dans ce système dynamique par essence, l'énergie se distribue en
forces
positives liant et ordonnant le cosmos selon la loi de la vie, et en forces négatives
déliant et désorganisant l'ordre cosmique dans le sens de l'anti-vie.
Nous avons étudié ces deux catégories de forces. Les premières constituent
l'ancestralité liante. fondante et comprennent les Kpeemba et les bons Génies. vivant
- 285 -

dans
l'ordre
traditionnel.
Les
secondes
forment
le
monde
du
désordre
et
comprennent surtout les esprits errants et les mauvais Génies (génies de la mort).
1.2.1.1. Les Kpeemba.
Les
Kpeemba
sont
tous
les
esprits
des
défunts
restés
soudés
au
tronc
ancestral. Ils sont intégrés au surnaturel ancestral et entrent ainsi dans le cadre
sacré, objet de vénération religieuse.
1.2.1.2. Les Génies.
Ce sont des forces spirituelles, protectrices, qui n'ont jamais fait partie du
monde de Faga. Ils sont en quelque sorte des attributs de l'Ancêtre et font partie
du sacré.
1.2.1.3. Les esprits errants.
Ils
comprennent.
comme
nous
l'avons
vu,
des
esprits
n'ayant
jamais
fait
partie du monde de Faga et des
esprits
de certains
morts qui les ont
rejoints,
détachés du tronc ances tral.
A l'inverse des Génies qui, en principe, n'ont pas de forme déterminée, les
esprits errants sont des
êtres
anthropomonphiques.
Ils
vivent
hors
de la sphère
cohérente et ordonnée de l'Ancêtre.
1.2.2. Le Surnaturel Ouranien (ou uranien) Sangbande.
1.2.2.1. Sangbande, Dieu.
Le surnaturel ouranien est l'Etre spirituel suprê me au-dessus de la Culture,
de la Loi ancestrale traditiobnnelle.
Il
est
l'Origine
de
tout:
de
l'Ancêtre
et
du
Cosmos. Sa Loi est polysémique et correspond à ce qu'on peut appeler "nature". Le
concept de "nature" est au fond étranger à la pensée nawda. Il yale Faga, le
Tinga et le Sangbande.
La Loi polysémique de Sangbande peut être formalisée de diverses manières.
Chaque
peuple
peut
la
formaliser
à sa manière et
construire
son
système
de
signification.
C'est
pourquoi
le
Nawda
respecte
les
cultures.
les
traditions
des
autres peuples, des ethnies voisines. Il accepte les différences et se contente de
remarquer: "Chez eux c'est comme ça. chez nous c'est autrement". C'est dans ce
sens qu'il n'a jamais imposé ses croyances à qui que ce soit.
La Loi de Sang bande est au-dessus de toutes les cultures et permet de
tout
expliquer.
Ce
qui
ne
peut
être
expliqué
par
la
Tradition
ancestrale.
c'est
Sangbande qui peut l'expliquer. Dans l'explication des phénomènes. il y a la place
pour Dieu.
Sangbande. cette
Divinité Suprême, est
la
transcendance- même.
C'est
le
fondement du Transcendant, le sacré du sacré.
Le monde de Sangbande n'est peuplé que de ce seul Etre.
- 286 -

1.2.2.2. L'Ancêtre et le Sangbande.
L'Ancêtre est le Médiateur entre Sangbande dont il est émané directement
et l'humanité qui est
sa descendance. C'est
lui
qui rend
présent
la Divinité. qui
l'actualise par sa Loi, son Verbe. Il est le reflet de Sangbande. son Vicaire. son
Fondé de Pouvoir. Par la Plac e d'Origine de l'humanité qu'il occupe. l'Ancêtre est
plus proche de la Transcendance divine. Il est transcendance parce qu'il participe à
cette Transcendance absolue. qui est hors d'atteinte de la portée des hommes.
Quand on observe les conduites religieuses des Nawdeba. on se rend compte
qu'elles ne s'adressent qu'aux Ancêtres. mettant Sangbande hors-circuit. Il n'existe
ni à l'intérieur des concessions, ni au niveau du (dans le) village, aucun sanctuaire
réservé
au
culte de Sangbande.
L'observateur étranger et
extérieur
au
système
parlera de polythéisme, ou d'ancestrolâtrie.
Mais le Nawda dit qu'à travers les ancêtres, les mânes, les Kpeemba, c'est
à Sang bande que ses conduites religieuses s'adressent. De fait avant d'immoler son
poulet ou n'importe quel animal, le Nawda prononce d'abord le nom de Sangbande.
2. RELATION AVEC LE MONDE SPIRITUEL.
2.1. COMMUNICATION AVEC LE MONDE SPIRITUEL.
2.1.1. La Voyance.
La voyance, comme nous l'avons vu, est un pouvoir personnel de certaines
personnes permettant de communiquer avec le
monde surnaturel et de participer
activement aux interactions se déroulant dans le monde d'en-bas. Le
voyant
sert
ainsi
d'intermédiaire
dans
la
communication
entre
le
monde
de
Faga
et
celui
Surnaturel.
2.1.1.1. La voyance et le Surnaturel Chthonien.
Le
voyant
communique
avec
le
monde
spirituel
chthonienn
avec
lequel
il
entretient des relations d'échanges, d'interactions positives et/ou négatives.
C'est par les voyants
que les Fagreba ont
une
représentation
du
monde
d'en-bas. Les voyants fournissent, en effet, une description abondante et détaillée
de la composition et de la structure du monde de dessous. Il est décrit comme
constitué sur le même modèle que le monde de Faga.
Les
voyants
assistent
(observent
les)
et/ou
participent
aux
influences
positives et négatives de ce monde sur les Fagreba aveugles (Jôômba).
La catégorie des voyants sert de relais entre les deux pôles de la réalité. Ils
localisent dans les champs les défunts qui sont devenus
des esprits errants.
Ils
repèrent leur point de fixatiqn. Ils décrivent les Kpeemba habitant les maisons, puis
les Génies (Boga, Tite) qui peuplent les concessions et le village.
- 287 -

2.1.1.2. La voyance et le Surnaturel Ouranien.
Les
voyants
n'ont
aucune
relation
avec
le
Sang bande
qui
est
la
Transcendance absolue. Par cette transcendance absolue qui le place au-dessus de
la culture. Sangbande semble trop loin. inaccessible. On sait qu'il existe, qu'il trône
là-haut. au-delà du firmament. Mais personne ne sait comment il est, de quoi est
composé son monde.
C'est quand un phénomène ne trouve pas son explication dans le Tinga que
"on pense à Sangbande. C'est pour cette raison qu'il n'est pas tellement pris
en
compte dans les pratiques religieuses.
2.1.2. Langage du monde spirituel.
Le
monde de Faga.
reflet
et
signifiant
de
celui
de
Tinga
qui
en
est
le
fondement, le signifié, (sert de signe révélateur) signale les modifications intervenant
(survenant) dans ce dernier. Ces
modifications
surnaturelles
entraînent, en effet,
des modifications parallèles dans le monde de Faga. Nous allons analyser certains
phénomènes de Faga qui sont les signaux du sacré,
2.1.2.1. Comportements de certains animaux.
Les
comportements,
manifestations
(cris.
apparition,
présence
insolite
en
certains endroits ... ) de certains animaux
(luciole,
hibou,
serpent,
scorpion .. .)
dans
certaines
circonstances
(lieu,
moment
de
la
journée ... )
sont
révélateurs
des
modifications survenues dans le monde sacré. C'est ainsi que la luciole, voltigeant la
nuit à l'intérieur de la concession (et surtout sa façon de circuler), est un langage
du monde sacré qu'il faut déchiffrer; les cris de certaines espèces de hiboux, la
nuit, près des maisons surtout, sont ceux respectifs de certains Génies; un serpent
ou un scorpion que l'on rencontre dans la concession est porteur, par sa présence,
en ce lieu, d'un message sacré.
S'il
mord ou
pique quelqu'un, c'est encore
plus
grave; notons que le serpent dans la maison peut être le Génie Orphidien ayant pris
des apparences sensibles; le cri d'un certain insecte rappelant le bruit que provoque
la rencontre violente de deux fils de fer est celui du Génie de la Lance Sacrée
(Baanega).
2.1.2.2. Evènements insolites.
Les évènements insolites constituent, comme les conduites des animaux. un
langage du monde sacré. Tout évènement spe ctaculaire, ou banal, mais survenant
dans des circonstances insolites, inhabituelles, ne se produit pas au hasard. Il doit
attirer l'attention. C'est un message du monde sacré. Un animal sauvage (souvent
un quadrupède) qui se fait tuer d'une façon peu ordinaire: par exemple, son espèce
ne se rencontre pratiquement jamais là où on "a tué, et puis l'arme qui "a abattu
est
disproportionnée
à sa
taille
(un
caillou,
un
petit
bâton .. .),
le
caractère
du
chasseur (un enfant, une femme .. qui ne sont pas entraînés au lancer ... ) est un
- 288 -

phénomène bizarre qu'on
doit
déchiffrer.
Très
souvent,
un
tel
animal
n'est
que
l'apparence d'un Génie, un esprit errant, un Ancêtre ... qui a voulu se manifester à
la personne qui tue l'animal, prendre possession de lui (1), le suivre ... Les jarres
pleines
de
bière
de
mil,
qui
explosent
sans
que
rien
apparemment
explique
le
phénomène,
signalent
habituellement
un
problème
souvent
lié
à
ce
à
quoi
était
destinée la bière.
2.1.2.3, Le malheur.
Le malheur est le langage le plus communément utilisé par le monde sacré
pour s'adresser aux hommes. Alors qu'on ne s'attache pas à interpréter tous les
évènements de la vie, sauf quand ils sortent quelque peu de l'ordinaire, alors même
que théoriquement rien n'arrive au hasard, le malheur est toujours déchiffré. Tous
les malheurs: brûlures des plantations, pestes des animaux, famine, échec social, et
surtout maladie et mort... constituent le langage le plus efficacement utilisé pour
communiquer les grands problèmes.
2.1.2.4. Le succès.
Le succès est généralement l'effet de protection ancestrale et doit être suivi
d'un rite à la fois de reconnaissance et de
(purification)
protection contre
toute
machination jalouse éventuelle.
Dans
certains
cas,
un
succès
subit
peut
être
la
puce
à
l'oreille.
une
tentation, une mise à l'épreuve de l'attitude de gratitude.
2.1.2.5. Les phénomènes atmosphériques.
Les pluies, la sécheresse, les inondations, le vent... sont souvent porteurs de
message du monde sacré, selon le caractère, les circonstances, de leur production.
2.1.2.6. Les gestes des victimes de sacrifice.
Le poulet ou tout animal immolé au cours du sacrifice doit exécuter certains
gestes pour signifier que le sacrifice est accepté par les Ancêtres. Sinon, c'est que
l'offrande
est
refusée
pour
certaines
raisons
qu'il
faut
chercher
à
éluc.ider,
à
connaître.
2.1.2.7. Les rêves
Les rêves sont les voies directes d'accès au mondt? d'en-bas. Les Ancêtres
et les Génies peuvent parler à l'homme dans le sommeil, lui annonçant un danger
imminent ou lui prédisant un évènement heureux.
Ainsi on peut voir en rêve, dans le sommeil, ce qui se machine dans
les
dessous des choses: les sorciers qui cherchent à ligoter Ego pour le marché de
(1),
la vraie possession au sens d'entrer dans le corps de l'Ego, d'élire demeure
dans son corps n'existe pas chez les Nawdeba. Possession a ici le sens d'amour
possessif envers Ego.
- 289 -

nuit peuven t être vus en rêve penrlan t qu'ils exécu tent leur forfait.
Le
rêve, voix
du
monde
d'en-bas, est
le
seul
moyen
pour
le
non-voyant
(Jooma) d'entrer en communication directe avec le Tinga.
2.1.3. Décodage du langage spirituel.
Généralement, aucun de ces signes n'a en soi un sens précis et constant
(permanent). Chaque signe (phénomène) est polysémique nécessitant. à chaque fois
qu'il se produit. un déchiffrage. Plusieurs techniques de décodages sont utilisées que
nous allons analyser.
2.1.3.1. Mantique (ou divination).
En attendant de revenir plus en détail sur cette technique au livre Il, nous
dirons ici que la mantique relève du charisme personnel du Tada (devin-thérapeute).
Alors que dans les
autres techniques le devin joue
le
rôle
d'intermédiaire et de
messager fidèle entre les Tingreba et les Fagreba, ici (dans la mantique) c'est lui
qui voit
ce qui se
passe et le dit. Le
langage du
tinga
(du
monde
Sacré)
est
déchiffré, décodé par lui.
2.1.3.2. Interrogation des morts.
Nous avons vu qu'avant j'enterrement, le mort est interrogé sur les causes
de son décès. sur tous les problèmes de la famille. du clan ... S'il s'est produit un
langage du monde sacré, on en profite pour lui demander de le déchiffrer. En effet,
voyant ou non de son vivant, Ego, une fois entré dans le monde d'en-bas
par la mort, sait ce qui s'y passe et devient capable de déchiffrer le langage du
sacré.
Mais le mort n'explique rien, puisqu'il n'utilise pas
le langage verbal.
Il
se
contente de répondre
par des signes. à des
interrogations. En outre
il
ne
peut
prendre l'initiative de parler. sauf dans certains cas où il se déplace pour s'arrêter
là où se trouve un problème, ou pour cogner l'individu concerné ou responsable. Par
exemple, le mort peut courir et s'arrêter là où se trouve enchaîné quelqu'un de la
famille ou du village; il peut cogner celui qui est enchaîné, ou qui est à l'origine de
sa mort, ou la case de l'individu concerné. Là encore le mort attend des questions
pour répondre par des gestes.
2.1.3.3. L'interrogation des Kpeemba (Kpeemba GbaambeL
L'interrogation des Kpeemba (défunts habitant la maison) se déroule au cours
d'un conseil de famille réunissant les membres vivants et morts en vue de mettre
au clair un problème, déchiffrer un message, un signe venu du monde sacré. le plus
souvent, ce signe est un malheur traînant.
Au jour fixé, un Tada choisi va servir de relais (d'intermédiaire) entre les
Fagreba (ceux du monde de surface) et les Tingreba (ceux du monde d'en-bas) de
- 290 -

la famille. Les Fagreba
se
rassemblent
dans
la concession
concernée,
autour
du
Tada qui convoque les Tingreba. Quand ceux-ci se sont rassemblés à leur tour, le
Tada avise les Fagreba qui ouvrent la séance et posent le problème qui réunit le
conseil. et la discussion (le débat) s'engage. Le Tada transmet, tel un interprète,
les
interventions
des
Tingreba
qui,
eux,
n'ont
pas
besoin
d'intermédiaire
pour
entendre ce que disent les Fagreba. Cela veut dire que les Fagreba, à l'exception
du Tada, n'entendent ni ne voient les Tingreba, alors que ces derniers entendent et
voient les premiers. La discussion entre les deux dimensions verticale et horizontale
de la famille, va tirer au clair toutes les ficel/es du problème et déboucher sur une
solution qui consiste -presque toujours à rétablir l'ordre perturbé en exécutant
un
rite
religieux. Ce conseil
de famille est
occasionnel:
il
se
tient
quand
le
Tada,
consulté pour un problème, conseille d'interroger les Kpeemba,
Une autre forme de cette
interrogation
se
fait
systématiquement
quelques
temps après le décès d'un membre de la famille. C'est le Hédéégo ou Sumgogbube
que nous avons décrit à l'occasion de l'étude du culte des morts.
C'est
aussi
une
forme
de
conseil
de
famille
regroupant
(réunissant)
les
Tingreba et les Fagreba. Ceux-ci veulent s'enquérir du destin réser'vé au
nouveau
défunt dans l'au-delà. A partir de ce problème on fait le tour de tous les autres.
2.1.3.4. Interrogation des Fagnideba (esprits errants).
Cette interrogation a lieu chaque fois qu'il y a un problème dans la famille,
lié aux Fagnideba. Ce peut être un problème nécessitant un débat avec les membres
défunts de la famille, devenus Fagnideba. Alors le débat se déroule sur le mode du
conseil de famille étudié plus haut. Ce peut être plutôt une agression des Fagnideba
(membres de la famille ou non) subie par un Ego de la famil/e de Faga. Le débat se
déroule alors sur le mode d'un véritable jugement où le Tada sert d'intermédiaire
interprète comme dans le conseil de famille. L'agression peut consister en tentative
de rapt ou d'enlèvement d'enfant, en amour possessif envers un enfant. Entre la
victime et les Fagnideba, il y a toujours eu des échanges: ceux-ci ont donné quelque
chose (la plupart du temps le manger) à la victime contre son consentement qui
symbolise le don de soi. Il est déjà en instance d'enlèvement c'est pourquoi il est
malade. Pour
le délivrer, il
faut
payer, rembourser ce qu'on
lui avait
donné.
Si
l'enfant avait mangé une cuisse de poulet, il
faut
rembourser jusqu'à dix
poulets
entiers, les apparences sont insignifiantes (petites), symboliques, mais la substance
immatérielle est énorme.
2.2. PRATIQUES RELIGIEUSES.
Notons
que la magie, qui est définie comme un ensembl e d'actes
rituels
censés
contraindre directement les forces surnaturelles à procurer à "homme un
résultat déterminé à l'avance, est inconnue chez les Nawdeba.
La relation avec le surnaturel considéré comme sacré, i.e. transcendant, se
-
291 -

fait à travers des ritps de soumission, de vénération et de crainte qui caractérisent
les conduites religieuses, et qu i laissent totale liberté aux forces surnaturelles. En
effet, les
demandes, les
supplications,
ne
forcent
en
rien
l'être
transcendant
à
accomplir un acte, mais impliquent toujours une possibilité de refus de sa part.
2.2.1. Pratiques sacrificielles.
2.2.1.1. Offrandes des prémices.
Les
premières
récoltes
de
certaines
denrées
ne
doivent
pas
être
consommées sans que les Ancêtres en aient d'abord goûté.
C'est ainsi que la toute première récolte de l'année qui concerne le petit mil
cultivé
dans
certains
villages
fait
l'objet
d'offrande
anx
Ancêtres
avant
consommation.
Cette
offrande
consiste
en
une
simple
libation.
On
fait
moudre
(écrase)
une
petite
quantité
de
grains
frais
qu'on
dilue
dans
de
l'eau.
Cette
préparation est
versée en
libation
à
l'entrée
de
la
concession.
A
partir
de
ce
moment, la famille peut commencer à consommer la nouvelle récolte.
A la récolte
des ignames
qui
survient
plus
tard,
l'offrande
des
prémices
prend
une
forme
plutôt
sacrificielle.
On
organise
une
cérémonie
sacrificielle
au
cours de laquelle on immole des poulets, des chèvres ... Puis en plus de la pâte de
mil accompagnée de sauce à base de bouillon des animaux tués, on pile la nouvelle
igname bouillie avec du sel et un produit noir, le tout arrosé d'huile de palmiste.
Le
produit
noir
prévient
contre
une
réaction
maladive,
souvent
un
amaigrissement, que peut provoquer
la consommation
de
la
nouvelle
igname.
Ce
produit combiné
avec
l'huile de palmiste, donne
à la boule d'igname une couleur
sombre
(noire)
destinée à conférer une bonne santé
aux
plantes
d'igname
(vert
foncé) et prévenir le jaunissemebnt qui signe la mort du
champ d'igname
(Yawre
Kum). Ce repas rituel est accompagné de bière de mil. La libation va consister ici à
verser aux Ancêtres une petite quantité (symbolique) de bière et un peu de pâte
d'igname pilée, ainsi que des échantillons de viande et de pâte de mil. C'est après
cela que le repas est servi et consommé. A
partir de ce
moment, la voie est
ouverte pour la consommation de la nouvelle igname.
2.2.1.2. Sacrifice aux arcs.
Les arcs des Ancêtres et des défunts de sexe masculin en âge de guerre
sont, nous l'avons vu, suspendus à un endroit de la concession symbolisant la force
protectrice des Ancêtres
sur
la maison.
Au
début
de
chaque
saison
(sèche
et
pluvieuse), on sacrifie des poulets et un bouc à ces arcs. On dit alors qu'on "coupe
l'arc" (Ba jita tabeL En effet, les arcs, comme
nous
l'avons vu, constituent
(le
symbole de) la force guerrière des Ancêtres. Ce sont des armes qui ont tué ou
sont destinées à tuer des ennemis. Donc ce sont des forces dangereuses qui sont

pour
défen dre
la
concession
mais
peuvent
se
retourner
contre
celle-ci.
Le
sacrifice est destiné à neutraliser cette menace. Il coupe la corde de "arc pour
-
292 -

l'empêcher de lancer les
flèches en direction de
la maison qu'il
doit protéger et
défendre. En fait les Ancêtres défenseurs que symbolisent les arcs ont
besoin de
boire de l'eau, de manger; sinon ils peuvent devenir furieux et tirer sur la maison.
Ce sont eux que ,'on calme, et en
même temps,
on
sollicite
leur protection au
début de chaque saison, période critique de passage.
Seules les personnes de sexe malsculin en âge de guerriers et qui ont subi
le rite de passage dans cette catégorie communient à ce (repas) sacrifice.
2.2.1.3. Sacrifices aux Génies (Tite Gbube, Tite KpïibeJ.
Les
Génies
protecteurs
(Tite,
Boga ... )
font
l'objet
de
culte,
de
rites
sacrificiels. Les animaux sacrifiés varient selon l'attribut du Génie. Comme aux arcs
des
ancêtres,
on
leur
offre
périodiquement
des
sacrifices,
des
libations
(Tite
Kpïibe). Les libations ont
lieu en début des saisons
de pluies.
On
leur donne à
boire. L'eau de libation symbolise la pluie que l'on souhaite abondante pour que les
cultures réussissent.
Au début de la saison sèche, après les récoltes, on leur offre cette fois,
non plus des libations, mais à manger: ce sont des rites sacrificiels (Tite Gbube)
qui consistent en offrande d'animaux et de boisson de mil suivie, selon le cas, de
repas sacrificiel. Par ce rite, on leur présente le produit du sol et d'élevage qu'ils
ont contribué à produire et en même temps on implore leur protection pour mieux
passer à la saison sèche, et bien accomplir les activités de celle-ci telles que la
chasse. Une chasse infertile peut s'expliquer par une omission à ce niveau.
La
consommation
du
repas
sacrificiel
se
fait,
soit
par
les
hommes
uniquement, soit par tout le monde selon l'attribut du Génie.
2.2.1.4. Sacrifices généraux (maglebe) Ces sacrifices sont offerts à toute la
communauté des Ancêtres.
Ils ont lieu principalement devant le séjour des morts
qui constitue, comme nOUS
l'avons
dit,
l'autel
familial
central.

tout
le
monde
(hommes, femmes, enfants) communie. C'est à ce sacrifice que l'on tue beaucoup
de chèvres, de poulets, éventuellement quelques moutons, pintades et quelquefois un
bœuf.
A
part
l'autel
central,
on
profite
souvent
pour
honorer
les
sanctuaires
annexes de quelques poulets, par exemple, la case de la grand'mère qui symbolise
le séjour des défunts femmes; les pierres plantées pour le grand'père. ou le père,
pour une épouse ou un époux-esprit.
Ce sacrifice s'appelle Manglebe, arrangement, remise en ordre: on ne remet
en ordre que ce qui est dérangé. C'est le réajustement des relations avec tout le
monde ancestral.
Il réunit tous les membres du Da'anga
(clan). 0 u Foogo, avec
tous
leurs
enfants, et les colatéraux. Il symbolise ainsi le rassemblement de tous les membres,
morts ou
vivants, du lignage,
soudés
autour
de
l'Ancêtre-Fondateur.
Il
réajuste,
resserre ainsi périodiquement les liens entre les
deux
dimensions
horizontale
et
verticale du lignage. tout comme on doit remonter périodiquement le ressort d'une
- 293 -

montr'e.
A tous les sacrifices. le~.) duvets des poulets immolés sont collés avec le
sang de la victime au mur du sanctuaire. les pennes plantées dans le toit en paille.
Le contenu de l'estomac des quadrupèdes est arrosé sur les murs et le crâne de
la bête planté dans le toit.
2.2.2. Pratiques exorcistes.
Les
pratiques
exorcistes
sont
des
rites
organises
périodiquement
pour
purifier des personnes ou le village des mauvais esprits. des forces du mal.
2.2.2.1. Purification des personnes.
Les hommes ayant fait la guerre ou simplement guerriers formés et initiés.
doivent
être
périodiquement
purifiés
des
esprits
des
ennemis
effectivement
ou
potentiellement tués et aussi des
mauvais
sorts
que la
société élargie
peut
leur
avoir
jetés.
et
de
tous
les
esprits
étrangers
qui
se
collent
à
eux
durant
les
voyages. Ce rite est le Jo'obe.
Ces purifications ont lie u à l'entrée
de la concession où à quelque autre
endroit où se trouvent suspendus
les
arcs
des
Ancêtres
guerriers. Les
animaux
sacrifiés sont surtout le bouc. les poulets. les pintades ... Ego s'asseoit à l'endroit
de la cérémonie
torse nu; on
lui passe
sur
le corps
les
animaux
avant
de les
égorger. puis on mélange à l'huile de palmiste le produit de guerre (Daragre) et on
lui oint le corps.
Si
la purification
ne
se
fait
pas.
il
maigrit.
se
sent
mal
dans
sa
peau.
dérangé par ces mauvais esprits. Le sacrifice le débarrasse de ces esprits et
il
reprend ses forces.
Les femmes.
les
rivaux
de l'Ego
(ayant eu
des
rapports
sexuels
avec
la
même femme que lui) ne doivent pas communier à ce repas
rituel. Les
femmes
peuvent boire de la bière du mil accompagnant le repas.
Les femmes ayant imité un défunt âgé. de sexe masculin. donc guerrier. et
celles qui avaient accompagné les guerriers durant les expéditions
militaires. sont
CI~1 ~5r soumises périodiquement à ce rite qui se déroule devant le séjour des morts
femmes. Le
mari
de
l'Ego
et
tout
autre
homme
ayant
entretenu
des
rapports
sexuels avec Ego ne doivent pas communier à ce sacrifice. Ils peuvent boire de la
bière du mil.
2.2.2.2. Purification du village .

Le Bè'éte bo'odem. la chasse des forces
du mal
est
un rite public de
purification du village de tous les mauvais esprits groupés sous le nom de Kum. la
Mort. C'est le Génie de la Mort qui circule dans le village. s'accumule. et devient
source d'épidémie. de sécheresse. de mauvaises récoltes ... " a lieu périodiquement
tous les 3 ou 5 ans. selon les villages.
Il est accompli uniquement par les hommes. qui jusqu'à une époque récente.
- 294 -

devaient
être
totalement
nus
comme
le
Génie
de
la
Mcwt
lui-même.
Tous
les
hommes du village jusqu'aux enfants de 8-10 ans doivent sortir. Les femmes et les
tout
petits
n'y
participent
pas;
ils
doivent
même
se
cacher
à
l'intérieur
des
concessions et ne pas se montrer au dehors.
Ce
rite
consis te
en
une
danse
autour
d'une
marmite
en
argile
Œe'é te
Taforga, marmite du mauvais) où vont être recueillies toutes les forces du mal du
village pour être
jetées
loin
dans
un
bosquet
appelé
Be'éte
Raaga,
Bosquet
du
mauvais.
La veille de la cérémonie, les notables du Da'anga qui supervise et organise
le Be'éte vont au marché chercher la marmite, elle ne s'achète pas; on la prend
chez le vendeur sans être vu. Si le vendeur surprend celui qui prend la marmite,
celui-ci la dépose, et ne fait plus une deuxième tentative. C'est signe que le jour
choisi
ne
convient
pas
au
monde
sacré.
La
cérémonie
n'aura
pas
lieu
cette
semaine-là. Elle est reportée d'une semaine; on reviendra au même (dans le même)
marché. Une fois la marmite prise, on quitte le marché et on rentre tout de suite
au village. Chaque chef de concession fait coucher les siens de très bonne heure, à
peine la nuit tombée. Personne ne doit veiller tard car cette nui t-Ià le Génie de la
Mort va rôder dans le village. En effet, quelques éléments,
membres
du
Da'anga
organisateur, vont dans les
champs,
à la nuit
tombante, dans
une forêt
sacrée,
appeler le Génie de la Mort. Ils le provoquent, en tapant des arbres et en sonnant
du cor, puis, reviennent au village en courant, pourSUIvIS par lui. Arrivés au village,
ils entrent vite dans leur concession, ferment la porte et se couchent.
Le
lendemain
matin,
chaque
lignage
offre
des
sacrifices
aux
Génies
des
bosquets sacrés, et ce sont uniquement des garçons qui en mangent. Et puis tout
ce monde se rend à la danse rituelle qui doit canaliser les forces du mal. en un
lieu devenu sacré pour la circonstance. Là on danse sur place pendant un certain
temps. Quand toutes les forces du mal sont attirées à cet endroit par la danse
rituelle. le Da'anga à qui appartient la propriété terrienne où la danse se déroule.
désigne un de
ses
membres. voyant, pour
prendre
la marmite.
Notons
qu'aucun
non-voyant ne peut prendre cette marmite, parce qu'elle est très lourde et qu'il faut
un pouvoir surnaturel pour la soulever; et puis il faut voir les forces du mal pour
les orienter. Le non-voyant ne peut faire ni l'un, ni l'autre. Un voyant prend donc la
marmite et ouvre la procession; il danse devant suivant un sentier sacré. sur lequel
il oriente les forces du mal. jusqu'à la limite de la propriété
clan ique. Là. il dépose
la marmite et c'est au tour du Da'anga dont la propriété terrienne suit de prendre
la marmite. On va se la passer ainsi à tour de rôle jusqu'à l'arbre sacré situé
à l'orée du village dans lequel se trouve le Grand Génie de la Mort. La procession
s'arrête. on dépose la marmite. le chef du Da'anga organisateur s'entretient avec le
Génie, lui demandant de vite libérer la population qui doit le conduire à sa demeure.
Puis on
lance des
caflloux
dans
l'arbre
sacré
pour
le
faire
descendre.
Il
peut
opposer une certaine résistance. nécessitant une nouvelle intervention du chef du
Da'anga
organisateur.
Quand
il
descend,
tout
le
monde
présent.
même
les
non-voyants. voit l'arbre secoué (remuer)
fortement et. au fur et à mesure qu'il
- 295 -

descend. on voit des écorces
(écailles)
s'arr'acher de
l'arbre et
tomber.
Tout
le
monde pousse alors des cris en lançant toujours des cailloux. Dès qu'il met pied à
terre, les sons de tam-tam reprennent, celui qui doit prendre la marmite la prend
et la procesion redémarre jusqu'à la forêt sacrée située en dehors du village très
loin dans les champs d'un autre village. Là, on jette la marmite, la musique et la
danse cessent. et aussitôt tout le monde fait demi-tour et retourne au village en
courant à grande vitesse.
l_a
marmite est
mystérieuse: elle est
petite.
mais
très
lourde,
et
ne
se
remplit jamais. Durant la procession. tous les animaux sauvages que l'on rencontre:
perdrix, lièvre. antilope ... on
tue et on
met dans
cette
marmite sans
jamais
la
remplir.
La
marmite
comporte
ici
un
symbolisme:
la
marmite
sert
à
cuire
la
nourriture, et comme telle, elle symbolise la nourriture. la vie.
Puis c'est dans la marmite qu'est préparé le repas rituel du sacrifice offert
aux A ncêtres. repas auquel communient les deux dimensions horizontale et verticale
de la famille, du lignage. La marmite symbolise par là le point de jonction entre le
Tinga et le Faga. Dans la même marmite se rencontrent les deux dimensions
du
lignage. Nous reviendrons sur ce point plus loin.
Ici, la marmite est neuve, elle n'a jamais servi. C'est une marmite qui n'a
pas
scellé
les
liens
entre
Faga
et
Tinga,
elle
n'a
d'attache
avec
aucune
des
dimensions
lignagères.
Elle
est
encore
neutre.
Elle
est
utilisée
pour
attirer
les
forces du mal. L'homme n'offre aucun sacrifice à ces forces. Rien n'est mis dans la
marmite pour les forces du mal. Tout ce qu'on y met en guise d'appât ce sont des
animaux sauvages qui n'ont pas été élevés par l'homme. Ils sont tués au hasard,
peut-être attirés par ces forces. Donc 1homme évite ici d'établir des attaches avec
l'esprit dont il
se débarrasse. L'esprit est pris dans la
marmite qui n'a aucune
attache avec l'homme. pour n'avoir jamais été utilisée par lui.
Un autre élément à relever
est que
même devant
les
forces
du
ma l,
le
comportement du Nawda est éminemment religieux, et n'a rien de magique; en effet,
on n'impose aucune contrainte à la force du mal, on négocie avec elle .
• Le Habre. est un rite de purification du village pratiqué chez l'ethnie Kabyé
voisine. Chez les Nawdeba. il est un emprunt et revêt la même allure que le Be'éte
Bo'odem. Ici, les voyants exhibent toutes leurs puissances
par des démonstations
qui dépassent l'humain.
2.2.3. Pratiques réparatrices (FateL
Certaines
inconduites
des
hommes
constituent
une
offense
grave
de
l'ancestralité, perturbant ainsi l'ordre sacré. Une réparation est
alors
nécessaire
pour rétablir l'ordre. L'Ego peut avoir offensé un membre de la famille qui, devenu
Kpééma
(après
son
décès)
manifeste
son
mécontentement;
l'offense
peut
être
dirigée contre un vieux sacralisé: c'est alors \\'ancestralité dans son ensemble qui
est concernée par l'inconduite, qui est atteinte. Ce peut être un
manquement de
-
296 -

l'Ego à l'égard d'un Génie. ou de l'Ancestralité directement.
Le décodage du langage sacré
dira le type
et
la nature
de
la réparation
(Fatel.
D'autre
part.
si
l'un
des
géniteurs
de
l'Ego
(père,
mère)
meurt
et
est
enterré en son absence.
il
doit
payer. En effet le devoir sacré
de
chacun
est
d'entretenir ses géniteurs. de les assister à leur dernière heure. et de les enterrer;
les abandonner. les laisser mourir en se cognant contre les murs est
une
faute
grave.
Toutes
ces
inconduites sont
réparées
par des
rites
spécifiques
à chaque
cas, qui normalisent les relations entre Ego et le monde ancestral sacré.
3. ORGANISATION RELIGIEUSE.
3.1. ORGANISATION ADMINISTRATIVE.
3.1.1. Chefs religieux.
Les chefs religieux forment deux catégories:

La catégorie des Grands -Prêtres;
Saama
ou
Gwetia
(plur.
Saamba
ou
Gwètibal. Au niveau de chaque village, le Saama est seul.
• La deuxième catégorie est celle des Kowtiba (sing. Kowtia) qui sont par
couple. chaque village pouvant compter plusieurs
couples.
Nous
allons étudier les
deux catégories ici.
• Une troisième catégorie qui se rencontre dans certains village est celle de
Wawra.
3.1.1.1. Le Saama ou Gwetia.
• Election du Saama: Le Saama est élu dès le sein maternel. Il est créé
Saama. Il ne le devient pas. C'est un don congénital, sans être héréditaire. i.e. il ne
se transmet pas d'ascendant à descendant. son Rata est plutôt un Ancêtre Saama.
A la naissance, le Saama est reconnaissable à ses cheveu x, en partie ou en totalité
lisses comme ceux des Blancs. et quelquefois roux. Ceci explique pourquoi le Nawda
appelle le Blanc Saama, puisqu'il a les cheveux lisses comme le Saama.
Une
fois
que
le
bébé
a
été
identifié
à
sa
naissance
comme
Saambiga.
enfant-Saama, ou Saamte-biga, enfant investi de sacerdoce. en principe. on ne doit
jamais lui couper les cheveux qui sont, comme toute sa personne, sacrés. Mais pour
raison d'hygiène, on fait entorse à cette Loi: une fois l'an, au moment d'offrir les
prémices d'ignames, l'enfant est cond uit dans
la Concession Centrale
(la grande
maison Habermre) du Clan Saama. appelé Samaa (chez Saama) ou Saamte Haare
(Maison de Sacerdoce). Là on lui coupe rituellement les cheveux que l'on conserve
- 297 -

dans un pot sacré. Puis la cérémonie de prémices d'ignames est organisée au cours
de laquelle on sacrifie
(immole)
une chèvre
noire et une poule
noire,
devant
la
demeure du
Saama, où
l'on offre
aussi
une
tubercule
d'ignames.
Le
repas
est
préparé avec "huile de palmiste,
avec
laquelle l'enfant est oint.
Nous
avons
déjà
étudié le rituel
des
prémices d'ignames. Notons
ici que
la
couleur
des
animaux
immolés est comme nous le verrons plus loin, celle
du
sacerdoce, ministère de
l'économie (agriculture). Ce sacrifice a pour objectif d'offrir au Saamte la nouvelle
igname avant que "enfant Saama en
consomme;
mais
aussi elle
est
destinée
à
réparer l'entorse faite à la Loi Sacrée en coupant les cheveux sacrés. En effet ces
cheveux symbolisent la végétation exubérante, signe d'abondance agricole; les couper
c'est abattre cette végétation et causer la famine. Le monde sacré arrêterait les
pluies, la sécheresse s'installerait, etc ... La couleur noire des bêtes immolées et de
l'huile de palmiste est celle du vert sombre de la bonne végétation .
• Consécration du Saama.
Chaque village n'a qu'un seul Saama ou Gwetia qui est consacré à vie. Donc
"enfant Saama ne sera consacré et intronisé que si le Saama en exercice venait à
mourir.
Il
peut
arriver
qu'il
y
ait
dans
un
même
village
deux
ou
plusieurs
enfants-Saamba. A la mort du Saama en exercice, le choix pour son remplacement
est difficile. Mais s'agissant d'une investiture sacerdotale, donc sacrée, le problème
se résoud facilement. Les Tingreba vont se charger eux-mêmes de choisir le mieux
placé,
et
le
manifester
aux
Fagreba
par
un
signe,
un
évènement
insolite:
par
exemple, une maladie, ou un malheur quelconque, frappant "un des prédisposés se
révèle, à la consultation du Devin (manticien), être le signe d'élection, le signe que
Ego est choisi par Tinga pour succéder au Saama défunt. Alors le chef du Da'anga
Saama fait des libations, demandant au Tingreba de confirmer l'interprétation
du
manticien,
si
elle
est
vraie,
en
libérant
Ego
de
son
malheur.
Si
Ego
est
effectivement libéré de son mal, il sera retenu. Quelquefois, avant d'être enterré, le
Saama défunt désigne lui-même son
successeur, au cours
de l'interrogatoire
du
mort ou spontanément dès qu'on le porte: il cogne l'intéressé s'il est présent ou la
case où ce dernier dort, langage qu'il explicite à la suite des questions précises.
Le Saama ainsi désigné est consacré au cours d'une cérémonie rituelle que
nous regrettons de ne pouvoir décrire en détail, faute d'informations précises que
nous n'avons pu obtenir.
Nous allons en présenter cependant le processus général.
Le Saama désigné par Tinga est soumis à une retraite fermée de deux mois
environ dans la grande Maison de Saamte, i.e. la grande Maison du Da'anga appelée
Samaa. Durant cette retraite, il est progressivement initié à sa fonction: on
lui
remet les objets-symboles tels que le collier en fer rond tout blanc et brillant, qu'il
doit toujours porter au cou, une peau de chèvre noire qu'il devra toujours porter en
bandoulière. On lui apprend l'habitude de s'oindre toujours tout le corps d'huile de
palmiste.
- 298 -

• Sortie de retraite et intronisation.
La fin de la r'etraite est marquée par la cérémonie rituelle d'intronisation du
Saama à ses nouvelles fonctions. Le dam (bière de mil) est apprêté pour le jour de
la cérémonie. Le chef du Daanga-Samaa entouré des Anciens du village. fait sortir
le Saama de sa retraite: il porte au cou son collier en fer bien poli et brillant, sa
peau de chèvre noire en bandoulière; il a le corps entièrement trernpé
d'huile de
palmiste. Il est conduit en procession sur le
sentier sacré de
Saamte divisé en
trois stations dont chacune est marquée par une pierre sacrée induite d'huile
de
palmiste. A chaque
station. la procession
marque
une
pause,
un
arrêt.
et,
sur
l'invitation. le Saama s'asseoit pendant un certain temps sur la pierre sacrée. A la
fin
de
la procession. le
Saama est
reconduuit
à la maison
pour
la suite
de la
cérémonie.
• Symbolisme.
Les cheveux
du
Saama
qui.
rappelons-le.
ne
doivent
être
rasés.
coupés
n'importe quand. symbolisent avec l'huile de palmiste l'exubérance de la végétation.
signe
de
santé
agricole.
et
peut-être
aussi
la
chasse.
et
de
toute
façon
la
production carnée. La peau de chèvre noire symbolise l'élevage. Nous avons là les
deux éléments de la fonction économique du Saama sur laquelle nous reviendrons
plus loin.
Le collier, comme
nous
le verrons
pour
les
Kowtiba.
est
le
symbole
de
privation de liberté. Le Saama est enchaîné à vie pour le peuple. il est esclave au
service de la société. cette société bidimensionnelle. Nous y reviendrons plus loin.
La procession de la cérémonie d'int ronisation fait penser beaucoup à la vie
nomade que le peuple Nawda avait très probablement menée avant de se fixer. Le
Sentier Sacré symbolise la longue marche, le long déplacement nomade. Les stations
constituent les tentatives de
sédentarisation: la pierre servant autrefois
de
siège
qu'elle symbolise aujourd'hui marque à chaque station le passage de la vie nomade à
la vie sédentaire. L'huile de
palmiste dont les
pierres sont enduites.
symbole
de
l'agriculture. signe la liaison entre cette dernière et la sédentarisation (signifié par
la pierre). Le Saama. représentant du Génie de l'agriculture qui est la conséquence
ou la raison de la sédent arisation. refait la longue marche de la vie d'errance vers
la stabilisati on assise. la sédentarisation.
• Statut du Saama.
Le Saama est le Grand Prêtre. le Gwetiberma (du Gwetia::: prêtre et Berma:::
grand>' C'est lui l'Origine du Sacerdoce; il coiffe l'ordre sacerdotal bisexué. tel que
nous J'analyserons
plus
loin. Toute la fonction
sacerdotale concentrée en
lui
est
rayonnée.
fractionnée
en
différents
organes
que
sont
les
autres
institutions
sacerdotales. Celles-ci constituent les différents ministères de cette même fonction.
• Obligations du Saama .
• Le Saama. comme ses ministres. ne doit pas manger d'huile rouge
- 299 -

(huile de la pulpe jaune des noix de palme). Sinon les plantes jaunissent et meurent
sans porter de fruits et c'est 13 famine. Il détruirait ainsi l'agriculture dont il est le
garant.
• Le Saama ne doit jamais passer la nui t en dehors de sa maison, ni
nulle part ailleurs
que
dans
sa
case,
qui
est
la
case
sacrée,
la
résidence
du
Saamte ou Génie du Sacerdoce. Puis il ne
doit
pas être
surpris
par
la nuit en
dehors de sa maison, Sinon cest une infidélité envers le Génie du Sacerdoce .
• Il doit toujours porter sur lui la peau de chèvre noire et surtout le
collier
qui est
signe
d'alliance
avec
le
sacré
et
la
communauté:
i.e.
la
société
bidimensionnelle. Il doit
toujours
s'oindre le cor-ps
entier d'huile de palmiste pour
assurer la prospérité agricole. Dans certains villages, le Saama refuse toujours de
s'habiller.
• Garant de la cohésion sociale et de la sécurité publique en
tous
domaines (économique. politique. sanitaire .. .J le Saama doit être d'un caractère doux,
homme de conciliation, pacificateur à l'intérieur comme à l'extérieur du village. Dans
ce sens, il doit pouvoir résoudre tout conflit, source de division, entre les membres
de la collectivité; il doit lui-même éviter la division, les conflits.
Il ne doit accepter une guerre que quand elle est défensive, pour rep ousser
une menace de la collectivité, ou quand elle est
indispensable pour la survie de
celle-ci. Nous verrons plus loin son rôle décisif dans le déclenchement des guerres.
• Le Saama doit être homme de bien, promoteur et garant de la vie
qui est, comme nous le verrons, l'essence même du Bien. Il ne doit en aucun cas
porter atteinte à la vie par ses inconduites, et tout particulièrement, il doit éviter
l'inconduite la plus grave contre la vie: la sorcellerie anthropophage (comme nous le
verrons plus loin). La
sanction d'une
telle
pratique est la mort
tragique
(foudre,
noyade, .. .J ou déshonorante: le jour ou personne n'est à la maison, ou un jour de
Be'ete (exorcisme du village).

Il
doit
effectuer
les
rites
sacrificiels
périodiques
au
Génie
de
Saamte: i.e. avant le début de la saison des pluies et avant de manger les nouvelles
récoltes (offrande des prémices) .
• Droits du Saama.

Le Saama a droit au respect absolu de la part de la population.
Son seul passage doit inspirer vénération. Prenons un seul exemple en attendant
d'en citer d'autres plus lo;n. Symbole de la paix, sa seule présence suffit à faire
cesser toute querelle, toute dispute, tout conflit. Se quereller en sa présence est
un manque grave de respect envers 1ui. La réaction du Saama est d'enlever son
collier et de le déposer devant ceux qui se querellent. ces fauteurs de trouble, ces
perturbateurs de l'ordre public et de partir. Or nous savons que le collier ne doit
jamais le quitter. Il le fait en signe de protestation. L'amende infligée aux fautifs est
lourde: ils doivent apporter, pour réparer,
une chèvre noire. un poulet noir, une
jarre de bière de mil (dam), une calebasse toute neuve, un pot d'argile cuite tout
neuf. Tous ces éléments vont servir au rituel de réparation que les notables vont
- 300 -

org3ni.'~er .
3.1.1.2. Le Kowtia.
Contrairement
au
Saarnte
qui
est
à
vie,
le
Kowte
est
un
sacerdoce
temporaire qui se transmet de famille à famille.
Le Kowtia est choisi pour une durée de 6 à 10 ans (selon les villages) au
bout desquels il va transmettre la charge à un autre et devenir un Senkpééma. un
ancien Kowtia, qui continue à participer au sacerdoce du village.
Le Kowtia est choisi généralement jeune adulte. Les enfants et les vieux sont
en principe exclus. Mais qua nd les circonstances l'exigent. un vieux ou un jeune à
peine sorti de "enfance peut être investi de ce sacerdoce.
Le
Kowte
se
présente
en
couple
symbolisant
les
deux
éléments
de
la
fécondité: "élément mâle Oagbè'ère incarné par Hamkpada. et l'élément femelle Kide,
Wembiga, incarné par Senda.
L'élément mâle est représenté par une sorte de massue Oagbè'è re dont la
tête ovale est toute couverte de plumes (duvets) de pintade, en forme de plumeau.
La pintade est un
oiseau
sauvage,
à peine
domestiqué.
qui
garde
beaucoup
de
distance vis-à-vis de l 'homme. Il symbolise le gibier de chasse, domaine d'activité
de la masculinité: chasser,
détruire
la vie.
Le Kowtia
de
Oagbè'ère
porte
cette
massue durant
la danse;
il
la tient
de la main
gauche, par
le manche.
la
tête
pointée vers le ciel. et soulevée en l'air. A la droite, il est armé d'un poignard; aux
deux jambes. il porte des grelots (Boora) enroulés entre les genoux et les cuisses;
il porte aussi un bouclier au bras gauche. Il danse debout et presqu'à la course. Le
Kowtia de Oagbè'ère est désigné sous le nom de Hamkpada.
L'élément femelle est représenté par une gourde (calebasse) Kide. vidée et
refermée. où on a introduit de petits cailloux, avec l'ombilic très allongé et recourbé
servant d'anse. Sur toute la circonférence de la gourde, est plantée une rangée de
pennes de poulets entourant l'anse. Notons qu'il s'agit ici de plumes de poulet et
non de pintade. Le poulet. à l'inverse de la pintade, est un oiseau très domestiqué
qui contribue à domestiquer la pintade en couvant ses œufs et en élevant les petits.
Le poulet symbolise. dans ce sens. l'élevage domestique. puis l'agriculture, qui est.
comme nous "avons vu. le domaine de la féminité: produire, conserver et entretenir
la vie.
Le Kowtia de Kide. désigné sous "appellation de Senda. porte le Kide durant
la danse; il le tient soit dans la paume des deux mains, la soutenant en bas, soit
d'une main, empoignant j'anse. Il porte en outre des chaînons de grelots enfilés au
niveau des chevilles, et un bouclier au b ras gauche. Le Senda danse baissé tenant
des deux mains sa gourde au ras du sol. ou du moins légèrement baissé la tenant
d'une seule main. Il évolue lentement sans se presser.
Le Kowtia. Hamkpada ou Se nda, porte des cheveux hirsutes imbibés, comme
tout son corps, d'huile de palmiste. Ces cheveux sont coupés une seule fois l'an au
cours
de
la cérémonie sacrificielle de prémices d'ignames. où
des
libations
sont
faites au Kowte {Kide et Oagbè'ère}, Génie de l'économie et de guerre. Les cheveux
-
301 -

ne sont pas coupés complètement: on épargne une touffe au milieu de la tête qui,
combinés avec des ficelles, sert à confectionner une longue tresse dure (Sumre),
terminée par
une douille
métallique. Pour
cacher
les
cheveux
coupés,
le
Kowtia
porte une calotte (Kpaaga) en raphia percée en son milieu pour laisser passer le
Sumre qui pousse comme une corne recourbée (par derrière) vers la nuque.
Le
Kowtia porte en
permanence
un
collier
en
fer
lisse
de
6
(Konde
ou
Kumbirel. Son corps doit être continuellement oint d'huile de palmiste. Le Kide et le
Dagbè'ère sont gardés dans la case sacrée et ne sont sortis que quand une danse
est organisée dans le village, et uniquement pour la danse. Avant chaque sortie, on
doit offrir un poulet au Kowte.
-Symbolisme.
Le collier en fil de fer sym bolise la chaîne du prisonnier qui était attaché
par une corde au cou. Le fer est encore une prison plus dure. Le Kowtia est le
prisonnier du sacré. Il est sacrifié pour la prospérité du village. Il est, en effet, lié,
soumis à de lourdes obligations (interdits, tabous .. ,) qui ne le laissent pas libre de
vivre comme les autres. Il est sorti de l'ordinaire par sa consécration, et mis
à
part. hors du commun. Nous reviendrons sur le symbolisme du collier.
L'huile
de palmiste dont
il
doit
s'oindre
le
corps,
les
cheveux,
les
objets
sacrés,
symbolise
la
végétation
verdoyante,
signe
de
la
fécondité
terrienne.
Sa
couleur rappelle l'aspect sombre du ciel qui annonce la pluie, puis la nature sombre
couverte de végétation, et le vert sombre foncé qui caractérise la bonne santé des
plantes. En somme. l'huile de palmiste c'est
l'abondance agricole, nous
l'avons
vu
plus haut.
Les cheveux touffus, hirsutes, ont le
même sens
que j'huile de
palmiste,
symbole de végétation qui pousse. Les couper reviendrait à détruire les plantes. On
les coupe une fois par an, comme on récolte une fois par an. Mais la récolte ne
détruit pas la plante. ou du moins, ne doit pas la détruire complètement. Puis, en
temps d'abondance, les produits des récoltes ne sont pas totalement consommés.
La touffe de cheveux mise sous forme de tresse symbolise la source intarrissable
de
la
fécondité
terrienne
et
la
réserve
alimentaire
d'où
l'on
puisera
pour
les
prochaines semailles. Les épis sélectionnés et mis de côté pour la semence sont
souvent tressés.
La lance et le bouclier sont les armes de guerre, le Kowtia étant le ministre
de la défense du territoire.
Les
grelots
sont
des
instruments
de
frayeur.
de
par
les
bruits
qu'il
émettent. Ils effrayent. éloignent les mauvais esprits. Attachés aux chevilles, ils font
du Kowtia l'élément femelle du Kowte; attachés aux genoux, ils font de lui "élément
mâle. En effet, la parure des femmes aux membres inférieurs se porte souvent aux
chevilles: ce sont souvent des parures rituelles. Quand elles les portent à la jambe
(parure de danse), c'est entre les mollets et les genoux. Quant aux hommes, ils
portent leur parure de danse entre les cuisses
et les
genoux. C'est
pourquoi le
Senda, élément femelle du
Kowte, porte ses grelots aux
chevilles,
tandis
que le
- 302 -

Hamkpada, élément mâle. les porte entre le genou et la cuisse.
Venons-en aux éléments principaux du Kowte:
• La calebasse, Kide, nous l'avons étudiée en détail, est un ustensile
à usage féminin et symbolise la fécondité humaine et terrienne .

La
massue,
nous
l'avons
étudié e
aussi,
est
j'arme
de
chasse,
fonction essentiellement masculine .
• La manière de danser du Kowtia est aussi un langage: la danse
courbée du Senda exprime le poids de la calebasse qui est le grenier du village,
puis c'est un vase délicat. La danse rapide du Hamkpada exprime la course à la
chasse, à la poursuite du gibier. Il tient sa massue en l'air, prêt à frapper .
• Consécration du Kowtia .
• Les rites d'initiation.

Désignation
du
successeur.
Nous
avons
vu
que
le
Kowte
(Sendem ou Dagbè'èreJ est un sacerdoce temporaire qui se transmet d'un lignage à
l'autre. Aucun lignage n'est désigné à l'avance pour succéder à un Kowtia. Plusieurs
lignages sont susceptibles de prendre la relève. L'un d'eux
se porte candidat,
de
lui-même. par l'engagement de son chef: à chacun des sacrifices que le Kowtia en
exercice offre chaque année au cours de son mandat, le chef du lignage candidat
communie discrètement au repas rituel. Il le fait comptant sur l'un des jeunes gens
de son
lignage pour prendre la relève,
mais
à
l'insu
de
ces
derniers
qui,
s'ils
venaient à le savoir, prendraient la fuite et quitteraient le village. Pour retenir (le
candidat), le successeur présumé, le vieux,
s'arrange à
le
faire
posséder par le
Génie du Kowte: après chacun des repas sacrificiels offerts au Kowte, le chef du
lignage enfonce les os de la viande qu'il a consommée dans le toit en paille de la
case du successeur désigné.
• Capture du candidat. A la fin du mandat, le candidat désigné
est guêté et capturé par surprise. Dès que l'on met la main sur lui. on lui passe
sur le corps une touffe de plumes prélevées sur les instruments sacrés du Kowte.
Par ce rite hâtif de touffe de plumes. le Kowte prend définitivement possession du
candidat. Celui-ci ne peut plus se soustraire à cette charge sans dommage pour
lui-même. En effet. si. malgré tout cela, il s'enfuit, il va tomber gravement malade
et mourir, à moins de revenir prendre fonction, dans ce dernier cas seulement il
guérit.

Si
le
candidat
désigné
s'enfuit
avant
d'être
capturé.· on
le
remplacera par un autre jeune du lignage. S'il n'yen a pas d'autres. on sera obligé
de prendre un enfant
proche de la classe
d'âge
(1)
ou
le
chef
(1)
du
lignage
lui-même.
(1). on exclut les vieux parce que le mandat dure 6 à 10 ans et on n'est pas sûr
que le vieux
vivra encore
longtemps. et
puis
il
n'est
plus
solide. On
exclut
les
enfants parce qu'ils ne sont pas en âge de supporter les obligations imposées au
Kowbia.
- 303 -

• La retraite et l'initiation. Une fois le rite de capture terminé,
on passe au cou de l'élu le collier en fer symbolisant. comme nous l'avons vu, à 13
fois son intégration (articulation) dans le monde sacré et sa condition de serviteur
du peuple; puis la retraite initiatique va commencer.
Dans
certains
villages
(O.
l'élu est conduit dans
la Maison
du
Kowte
du
village. où on le fait asseoir devant l'autel du Kowte pour lui faire subir le test de
capacité: on lui sert par trois fois une calebassée de bière de mil qu'il doit boire
d'un trait et produire un rot après chacune des trois calebassées. S'il n'éructe pas
du tout, c'est qu'il n'est pas fait pour le Kowte. On doit le remplacer par un autre,
qui sera soumis à la même épreuve
qui a pour objectif d'exclure du sacerdoce les
candidats animés de mauvaises intentions. et faisant le mal. les Nag'fnba, i.e. les
voyants qui utilisent leur pouvoir surnaturel pour détruire la vie, faire du mal. C'est
quand cette épreuve est concluante que l'on retient l'élu pour l'initiation.
D'autres villages se passent de ce test, et, tout de suite après le rite de
capture, l'élu est retenu .

Retenu d'office ou
après
l'épreuve,
l'élu est conduit
chez
le
Kowtia sortant qui devient son parrain, son Senkpèèma. C'est là que, pendant 2 à 3
lunes de retraite fermée. le Kowtia va être instruit à la science et aux pratiques
sacrées de ses fonctions. On lui remet une lance, arme de guerre (et de chasse).
Durant les 2 ou 3 lunes, il vivra reclu chez son parrain dans une case (apprêtée à
cet effet) devant laquelle on a pris soin d'ériger un apatam avec des branches de
palme
pour qu'il
soit à l'ombre. Dans certains
villages, l'apatam, bien
fermé,
se
trouve plutôt derrière la case
à l'extérieur de la concession, dans le jardin. On
prend soin alors de pratiquer une ouverture de la case donnant sur cet apatam. où
le Kowtia va prendre son repos quotidien à l'abri des regards indiscrets. En effet,
le Kowtia
ne doit
pas
se faire
voir
du
public, à
l'exception
du
Saama,
et
des
Senkpèèmba, surtout son parrain. qui assurent journellement
son
initiation.
Il
doit
s'oindre quotidiennement et abondamment d'huile de palmiste. Il n'a pas le droit de
se laver, ni de se faire couper les cheveux durant la retraite, au risque de chasser
le pouvoir qu'il est en train de recevoir.
• On lui adjoint deux jeunes avant la classe d'âge: une jeune fille
(Gnabèèra)
et
un
garçon
Sendebiga
(s'il
est
Senda).
Les
deux
s'oignent
aussi
quotidiennement
d'huile
de
palmiste
et
laissent
pousser
les
cheveux.
Le
garçon
s'occupe de la toilette du Kowtia et du nettoyage de ses instruments sacrés qui ne
doivent pas être touchés par les femmes. La
fille
s'occupe du
ménage et de la
cuisine.
• Le Kowtia doit manger beaucoup et boire beaucoup de bière de
mil. Son parrain doit le vérifier quotidiennement et l'y contraindre. Il doit manger,
boire et dormir. Il est soumis pratiquement à une cure d'engraissement. En effet, il
doit être gros et gras le jour de la sortie, sinon, le parrain qui est obligé d'investir
pour cela va essuyer des moqueries et des railleries de la part de la population qui
(1), cf. Wasungu. A., Op. cit. p.173.
- 304 -

le traitera de pauvre ou d'avare.
Le Kowtia mange seul. Les restes sont conommés par le garçon
qui l'accompagne. son filleul. La filleule ne doit pas manger la même sauce que la
Kowtia à cause des produits qu'on y met et qui sont néfastes
aux
femmes.
La
sauce du Kowtia est très salée. Le sel contribue à augmenter sa masse.

Le Kowtia doit toujours se laver
les
mains
chaque
fois
qu'il
met
quelque
chose
dans
la
bouche
(manger,
boire,
chiquer,
rnâcher ... ).
S'il
ne
pratique pas cette
ablution
purificatoire.
il
mange
ses
saletés. et
va,
pour cela,
maigrir et mourir. Ceci nous renvoie au mystère de la fécondation avec les germes
fécondants
comme
saletés.
Le
Kowtia participe du
sacré et
symbolise
le
germe
(pluie) fécondant la terre .

Avant
de manger ou
boire.
il
doit
jeter
trois
boulettes
de
nourriture ou trois gorgées de boisson par terre en offrande au Génie du Kowte. et
à travers lui, à tout le monde sacré dont il est le serviteur et qui doivent goûter
avant lui. Ministre de l'économie, il produit par et pour les Ancêtres.
La retraite est une période d'initiation du rant laquelle le Senkpèèma entoure
de très près son filleul et lui apprend les secrets de ses fonctions, les rituels' qu'il
doit exécuter, et l'introduit ainsi au mys tère du Kowte: toutes choses relatives à la
guerre, à l'agriculture. à
la chasse,
aux
lois
des
Ancêtres.
i.e. la Tradition. les
conditions du respect de cette dernière. les dangers encourus par le Kowtia et le
peuple
entier
en
cas
de
transgression...
Le
Kowtia
sera
ainsi
progressivement
instruit des devoirs. des obligations, des interdits, des tabous auxquels est
lié le
corps sacerdotal. ainsi que du respect qui lui est dû.
Durant
toute
cette
initiation,
le
Kowtia
est
contraint
au
silence.
Pour
réprimer facilement tout réflexe d'ouvrir la bouche pour parler. il doit garder une
brindille de paille coincée entre les lèvres. Pour communiquer un message, il
doit
chuchoter.
Tous les jours, une soirée musicale rituelle est organisee dans la cour de la
maison de retraite, faite de tam-tam et de chants, c'est le Senbina .
• Fin d'initiation et sortie de retraite.
Vers
la
fin
des
2-3
lunes,
certains
rites
marquent
la
fin
de
l'initiation et préparent en même temps la sortie solennelle de retraite.
A une semaine de cette
sortie,
le Kowtia, qui
ne s'est
pas
lavé
jusque là, prend son premier bain rituel.
A partir de ce jour. le filleul rassemble et astique (nettoie) tous les
objets sacrés du Kowte. qui serviront le jour de la sortie solennelle.
La veille de celle-ci. le Kowtia est introduit. la nuit, dans
la forêt
sacrée du Kowte, par le Senkpèèma (son parrain) et le Saama pour les dernière
initiations aux secrets de la guerre (militaires). Cette forêt sacrée est. en effet. la
- 305 -

résidence, le sanctuaire du Génie de la guerre où les restes des ennemis tués (1)
sont
profanés
et
r-itue!lement
ensevelis
dans
une
fos~;e ou
plutôt
un
gouffre
mystérieux (qui ne
se
remplit
jamais). Dans
certains
villages,
une
partie de ces
restes est ensevelie sous les autels familiaux de Kowte. C'est un rite qui neutralise
la force
agressive de
la
victime,
et
prévient
une
vengeance
éventuelle.
Ce
rite
permet (donne l'occasion) aux KONtiba de se laver et de boir'e de l'eau.
Nous sommes ici au point de jonction de l'agriculture et de la guerre. Pour
boire de l'eau (ce qui symbolise, comme nous l'avons vu plus haut, le manger, la
nour riture, et par extension la vie), il faut
éliminer
l'ennemi
(physiquement)
et
le
neutraliser (surnaturellement). Sinon, il
te
prendra ce
que
tu
as,
à la limite, te
tuera, et
tu
ne boira~)
plus,
tu
ne
vivras
plus.
La
guerre
est
donc
un
moyen
efficace pour protéger la vie et l'économie du village, économie qui, nous l'avons vu,
est essentiellement basée sur l'agriculture dont la terre est
la
matière première.
L'obiectif
premier
de
la
guerre
est
de
déFendre
les
terres
des
Ancêtres.
de
circonscrire. définir (et protéger) les frontières
sures de l'espace géographique de
vie. et de la terre nourricière; en une deuxième étape, la guerre peut consister à
étendre ces frontières par la conquête d'autres terres; elle peut. en troisième lieu.
être une guerre de prestige. de domination. pour imposer sa loi,
son
hégémonie,
aux autres, étendre son pouvoir sur les autres. Mais tout cela revient à contrôler
la plus grande
partie possible de l'économie,
des
terres. Donc,
le Nawda établit
cette relation entre l'économie et la guerre. Le Kowtia, délégué du monde sacré,
doit contrôler' les deux; et
le tout peut se résumer dans: " Si tu
veux
manger.
prépare la guerre".
Et
pour
manger,
il
faut
que
la
terre
produise.
Nous
retrouvons
ici
le
deuxième
élément
de
ce
rite
dont
l'accomplissement
permet
au
Kowtia
de
se
laver". Se laver pour un
Kowtia. c'est
féconder
la terre.
L'huile de
palmiste
qui
imbibe
(ruisselle
sur)
son
corps
symbolise,
comme
nous
l'avons
vu.
la
bonne
semence, le germe fécondant la terre. Quand il l'enlève, la nettoie avec de l'eau et
la répand par terre, elle y pénètre et assure l'abondance agricole. Or on ne peut
semer que sur ses terres. Si on n'en a pas, on ne sème nulle part. Donc le Kowtia
ne
peut
pas semer
(i.e. se
laver)
s'il
n'a pas de terre,
si ses
terres ont été
arrachées, occupées
par
l'ennemi. Pour conserver
ses
terres
il
faut
comb attre,
écraser l'usurpateur.
Pour ces raisons, i.e. pour lui permettre de "se laver" et de "boire
de l'eau". l'initiation conduit le nouveau Kowtia dans la forêt sacrée où on lui remet.
après instruction aux choses de la guerre, les armes: la lance Œaanega) à la main,
le
bouclier
au
bras
gauche
et
le
collier
en
fer
(Kumbire).
signe
de
ses
responsabilités
et
obligations
envers
le
peuple.
On
lui
remet
aussi
de
longues
tresse s de cheveux
(Juf iite)
qui vont masquer tout
son corps
pendant la sortie
solennelle.
(1). les rites se déroulaient durant les guerres inter-ethniques; actuellement certains
animaux comme les singes servent de substitut humain.
- 306 -

Après cette remise d'armes au Kowtia, l'initiation à la pratique de la
guerre commence: le K.owtia et le Senkpèèma, puis le Saama, passent la nuit à la
belle étoile, quel que soit le temps qu'il fait. Durant cette nuit. une bataille simulée.
va
êtr'e
organisée
pour
entraîner
le
Kowtia
au
combat
contre
les
autres.
ses
parrains, formant un camp.
Avant le lever du jour, le Kowtia et ses parrains initiateurs rejoignent
discrètement la maison de retraite où
la
soirée
musicale
habituelle
se
prolonge
toute cette dernière nuit: les chants du griot perché sur le grenier le plus élevé
scandent, au rythme du tam-tam, tour à tour, des éloges. des provocations. et des
défis à l'endroit du Kowtia et de son parrain initiateur. Ces jugements moraux sont
chantés sur le grenier le plus élevé, donc le plus grand, qui symbolise la richesse,
l'abondance, la prospérité agricole que le Kowtia est appelé à promouvoir, à assurer,
pour le bien-être de la population.
A leur arrivée, le Kowtia et son parrain regagnent la case de retraite
pour la toilette de sortie qui se déroule hors du regard du public occupé par la
musique.
Le Kowtia est lavé (il a symboliquement neutralisé l'ennemi dans la
forêt sacrée. et peut maintenant "féconder" la terre sans crainte de la perdre). Le
parrain l'oint d'huile de palmiste (source intarissable de la fécondité terrienne). on
l'habille d'une
nouvelle
parure
astiquée
pour
la
solennité:
un
collier
au
cou,
un
bouclier
au
bras
gauche; on
lui
tresse
le
Sumre
(longue
tresse
de
cheveux
en
forme d'une corne au milieu de la tête). Si c'est un Senda, on lui remet le Kide
(calebasse);
si c'est
plutôt un Hamkpada, on
lui
remet
le
Dagbe'ere
à
la
main
gauche
et
le
poignard
à
la
main
droite.
Des
chaî nons
de
grelots
sont
enfilés
au-dessus des genoux de Hamkpada (Boora) et aux chevilles du Senda (Gnangbare).
La toilette terminée, le parrain sort de la case, avec la lance qu'il
plante
dans le Foyer (Da'anga) central de la concession, foyer où l'on prépare à manger,
et qui symbolise donc la nourriture, puis ceux qui vivent de cette nourriture, tous
ceux qui se groupent chaque soir autour de ce foyer pour le repas familial: c'est
tout le clan (Da'anga) et par extension le village entier. La lance, arme de guerre,
plantée dans le foyer symbolise la menace de destruction du clan et du village par
la guerre. Nous retrouvons ici cette jonction l'économie-vie et la guerre. Le Kowtia
qui a fini son stage d'initiation et qui est prêtre accompli. doit maintenant prendre
en main ses responsabilités: défendre la terre nourricière. défendre la vie du village.
Après ce discours symbolique, le parrain invite son filleul à quitter la
case
de
la
retraite
(pour
s'engager
dans
la
vie,
prendre
ses
responsabilités).
Celui-ci
oppose
une
résistance
rituelle
(la
charge
est
trop
lourde);
Le
parrain
réitère l'appel (l'invitation) par trois fois
(symbole masculin) et après
le
troisième
appel, tire de force son filleul dehors. Dès que celui-ci sort, on se précipite pour
lui enfiler le masque
(fait de tresse de cheveux)
qui le dérobe, le
soustrait au
regard (à la curiosité) du public. Le masque tressé probablement avec les cheveux
des ennemis tués à la guerre est un déguisement, un faux-passeport, qui permet
d'échapper aux mêmes ennemis.
- 307 -

la réinsertion rituelle progressive du Kowtia dans la vie ',~ourante, qui va suivre la
sortie .
• Réinsertion progressive à la vie sociale.
• Autorisation de participer à la chasse.
Une semaine environ après
la
fin
de
la
retraite,
le
clan
du
Kowte
prépare la bière de mil et organise une chasse symbolique à laquelle est convié le
Kowtia
avec
son
parrain.
et
qui
se
déroule
dans
le
village
aux
alentours
des
maisons. Les chasseurs tuent tout animal,
domestique
(pintade,
poulet. .. ) ou
non.
qu'ils rencontrent et apportent tout ce gibier à la maison du Kowte où on leur offre
à boire. Le gibier revient
à
cette
famille
de
Kowte.
Le
Kowtia
ne
doit
pas
en
manger. Dorénava nt,
il
peut
sortir
de
sa
maison
pour
une
promenade
dans
le
village. Mais il n'est pas autorisé à boire ni de l'eau, ni de la bière de mil ailleurs
que chez lui. De plus, il ne peut se laver dans une rivière.
• Autorisation de vaquer aux travaux champêtres.
• Introduction au champ et autorisation d'y boire de l'eau.
La Grande Maison de
Kowte
invite
le
Kowtia
avec
le
Saama et
le
Senkpèèma (parrain) à un simulacre de travail champêtre. Ils se rendent au champ
avec les houes comme pour travailler la terre. Là au cours du travail symbolique,
on présente au Kowtia à boire, de l'eau mélangée à de la fa.'In<!. de petit mil
(1).
C'est le Gnaalem Sa'abe. Il en avale quelques gorgées et désormais il peut boire de
l'eau (seulement) n'importe où, mais pas encore de la bière de mil.
• Autorisation de se laver n'importe où.
Sur
le
chemin
de
retour
de
ce
travail
champêtre
symbolique,
le
Saama va donner l'autorisation au Kowtia de se laver dans une rivière, comme tout
le monde le fait au retour des champs. Mais il ne doit pas
(et jamais) se laver
dans la rivière, comme le fait tout le monde. de peur que l'eau courante emporte
l'huile dont il est oint et qui est source de fécondité terrienne. Si cela arrivait, c'est
toute la semence qui serait emportée par le cours d'eau. Le Kowtia doit prendre de
l'eau dans un récipient et se laver sur la berge. Ainsi l'huile fécondante va s'infiltrer
dans le sol et devenir source de vie végétale. Le Kowtia vient d'exécuter un labour
symbolique dans
les
champs;
le
bain
constitue
des
semailles
symboliques
de
ce
labour. Son bain, comme les semailles, se fait après le labour et sur les labours.

Boire de l'eau
dans les
champs
(et partant
n'importe où)
et
se
laver à la rivière, sont liés aux travaux champêtres. En effet, celui qui travaille la
terre perd de l'eau en transpirant et doit compenser cette perte en buvant. On ne
peut donc travailler sans boire. Et quand on a fini de travailler. on est sale. couvert
de terre, de boue, de poussière dont on doit se débarrasser à une rivière ou à une
marre, avant d'arriver chez soi. C'est pourquoi les interdits de boire et de se laver
n'importe où sont levés à J'occasion d'un travail champêtre symbolique,
(1),
la façon ordinaire pour l'adulte Nawda de boire de l'eau est
d'y
diluer de la
farine de mil ou de petit mil. C'est de cette manière qu'il étanche sa soif durant les
travaux champêtres.
- 309 -

• Autori~;ation de boire de la bière de mil n'importe où.
Cest dU cours d'un rite secr-et
qui se dér-oule dans la for-êt
sacr-ée
du Kowte, forêt où étaient profanés et ensevelis les restes des ennemis tués, que
le Kowtia aura l'autorisation de boire de la bière n'importe où.
Nous avons vu que le rite de profanation des corps des ennemis dans
la
forêt
sacrée
permettait
aux
Kowtiba
de
boire
de
l'eau.
Ce
rite
dont
nous
ignorons le contenu, gardé secret, doit donc profaner symboliquement l'ennemi pour
que le nouveau kowtia ait l'autorisation de boire de la bière n'importe où.
Ce rite se déroule de nuit dans cette forêt sacr-ée où le Saama a
fait
transporter
des
pots
de
bière de
mil
qui sera
servie
au
Kowtia
durant
la
cérémonie à laquelle participent le parrain et d'autres Senkpèèmba. A partir de ce
jour, le Kowtia peut boire de la bière en dehors de sa maison (et n'importe où).
• Introduction au marché.
Le Kowtia est
introduit
par
~)on parrain, et
de
façon
rituelle,
au
marché du village où il
se
fait offrir par
les
commerçants, ou
se
sert
sur
les
étagères,
des
échantillons
de
marchandises
(ce
sont
surtout
des
denrées
alimentaires). Dorénavant, il peut se rendre à n'importe quel marché, où il pourra
acheter n'importe quoi et même boire de la bière de mil .
• Obligations du Kowtia.
• Tenue vestimentaire.
Le kowtia, comme le Saama, n'avait pas l'autorisation de s'habiller, et
cela
jusqu'à
une
date
relativement
récente.
Participant
de
(à)
la
sacralité
de
l'Ancêtre,
le
Kowtia
devait
être,
comme
lui,
à
l'état
authentique.
La
Tradition
ancestrale n'avait rien prévu pour masquer le corps, sauf un cache-sexe pour des
femmes
mariées, cache-sexe
dont
nous
avons
analysé
plus
haut
le
symbolisme.
L'une des agressions de la culture occidentale était de suggérer la honte du propre
corps et la nécessité de le cacher. La réaction réflexe de la culture nawda était,
dans un premier temps, la mise à distance de cette ingérance brutale, avant d'en
assimiler certains éléments. L'adoption de l'habillement était signe de rupture avec la
Tradition sacrée. Ceux qui cachaient leur corps sous des habits cherchaient, en fait,
à
camoufler
des
maladies
sexuelles,
des
diformités...
résultats
des
inconduites
sexuelles, en contradiction avec la Tradition. On pouvait tolérer ce désordre
pour
les profanes, et dans la vie profane, mais pas pour les gardiens de la Tradition qui
sont pour cela sacrés et intégrés à l'ancestralité.
Actuellement,
les
choses
ont
évolué;
l'assimilation
progressive
du
système vestimentaire est chose
faite.
Le
Kowtia est
autorisé à s'habiller, à se
vêtir, mais tout de noir, conformément au symbolisme de l'huile de palmiste .
• Interdits alimentaires.
Si le Kowtia a la permission de boire n'importe quoi et n'importe où,
il n'a cependant pas celle de manger n'importe quoi et n'importe où. Le Kowtia ne
doit
pas
manger
n'importe
quoi.
L'huile
de
palme,
appelée
huile
rouge,
lui
est
formellement
interdite. Par sa couleur,
qui est en
fait, jaune, elle
symbolise les
- 310 -

plantes, la végétation brulées, jaunies par la sécheresse. Si le Kowtia, source
de
germe fécondant de la terre, consomme de l'huile rouge,
toutes
les
plantes
vont
jaunir, même sil ne s 'arrê te pas de pleuvüir. Les plantes jaunies son t malades. et
ne produisent pas: c'est donc la famine.
De plus, le Kowtia ne doit pas manger n'importe où: il lui est interdit
de manger dans les champs. i.e. hors des limites de sa maison, et dans toutes les
maisons étrangères à son clan (Da'angaJ. Manger dans les champs et partout est
signe
de
l'incapacité
de
maîtriser
ses
instincts
alimentaires,
signe
de
voracité
incontrôlée qui est contraire au sens d'économie. et provoque la famine .
• Rites obligatoires.
• Kpïrre (KpïidreJ.
C'est le rite périodique de libations au Kowte, qui a lieu deux fois l'an
au début des semailles et au moment des récoltes (rite de prémicesJ.
C'est le parrain (SenkpèèmaJ qui accomplit ces rites en immolant les
poulets et pintades au Kide et/ou Dagbe'ere et en faisant des libations avec la bière
de mil.
Le rite de début des semailles ouvre la voie à la fécondité terrienne.
Celui des récoltes permet au Kowtia d'offrir les prémices au Génie de Kowte et aux
Ancêtres avant d'en manger. Il lui est en effet interdit de goûter à toute nouvelle
récolte sans en avoir d'abord offert à ceux qui assurent la production agricole.
A ces occasions, le Kowtia se fait couper les cheveux et renouvelle la
tresse (SumreJ. Le chef du lignage-candidat à la succession communie à tous ces
repas sacrificiels (rituels).
• Application d'huile de palmiste.
Le corps du Kowtia ne doit jamais être sec. Sa peau ne doit jamais
"blanchir". Tout son corps, cheveux compris. doit être abondamment trempé d'huile
toute la journée. L'application rituelle d'huile de palmiste doit se faire plusieurs fois
par jour, autant de fois qu'il est nécessaire.
Comme
nous
l'avons
répété
plusieurs
fois,
le
corps
trempé
d'huile
symbolise l'humidité, la terre trempée d'eau, fécondée, le vert sombre, foncé. des
plantes en bonne santé. Le non usage d'huile, entraînant la sécheresse du corps, de
la peau, équivaut à la consommation de "huile rouge (huile de palme) qui provoque le
jaunissement des plantes.
• Les abl utions.
Le Kowtia ne doit jamais, durant son mandat de 6-10 ans, manger,
boire ... quoi que ce soit sans
se laver
les
mains. Nous
avons étudié
plus
haut
(initiation) le symbolisme de l'huile qui représente, comme dans le veuvage, le germe
fécondant dont il tient l'appellation saletés. Nous avons aussi parlé des dangers que
l'on encourt quand on consomme ses saletés.
-
311 -

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infinie (donc une gr'onde quantité de vulatile'; et
unE' grand,:: quanlité de bif're), La
combinaison
poulets -pintade
symbolisp
les
deux
pôll::s
de
la
tonction
économique
'o3cerdotale: !'pit;v.3ge (poulrèt~) associè } ïaqr iculture (bière de mil) d'une pdd, f?t Id
chas~,;e (pintade) (fautre pJrt. CCJmmp now', \\'avonc:' vu, le'; poulets ~:,,)nt dp~:, oiseaux
domestiques, tandis qUE' fa pintade l-'~:,1 Url ciseau s,luvclge difiicilernent dornec:,ticable.
Par
,lÎlleIJr',~, ir) qU3ntite ""duite' ,je pintdc' rrlJrqui' Il rnuinLirl,:' impor tance de la
':hac,';r; dan~, i'(or"-)nornie. El,,,, reqre~~,',' au pr'ufi! de l'agriculture.
CI<, élérnf'?r, t'; :"acrific il,j,o ',ent
raS',I"mbif",
ddns la maison
du Kowtia
'~ortant qui e~,l. !'ntouré, ;>:::ur la l.. irG:n~;tdnce, du ~;aJma. et Je~; ~:'F'nkpèèrnbJ. Les
neuf poulet':' (:?t la pintade ,,()nt di:;poc,[>"
pattt's liées. autour d'une d(os on,'e iarre c,
de bière. la jarre principale. En effet. ',~()mrl'1f:' nous le di';ionc; ci-dessus. CP n'est
pas
ie
nornbre
de
jarre':;
qui
compte,
mais
la
quantité
Supp(1~;ée faire
un
tout
symbolisé par laiarre pr:nipdie .
• Urie ierw'1p ~)arée dp
"Jus',inet:, !?nfilf~':, un ~ r:haque puignet et un
dU ccu. prend les dix vc t al:ies,
..
Le
~ow1;J
prend
deux
(;~)
gourdes
(Kida)
ou
deux
mac'.c,ues
(Daghè'a) en plumeaux, syrnho!es du Kowte (Spndem, Dagbe'ere).
..
Le
Senkpt"èrna.
parrain
init iateur
du
Kowt ia,
prend
le
devant.
le
Kowtia
le
suit
et
la
femme
fer ml"
ia
mar-che
(ces
d~;ux
derniers
avec
leur
charyemenU.
Le's
trois~,cTtE'nt
de
la
C()rtU'~s'"ion
I-'t
s'éloigm'nt
par
un
sentier.
Arrivés à un croisement
de
chemins,
les
troi,:)sp
di,:,per,:"pnt
prenant
chacun
un
sentier différent, et simulant la fuite .
• La femme symbolise l'économie domestique dont elle est la gérante.
Les coussinets qu'elle porte. servent. dans la vie sociale. à amortir la pression de,;
fardeaux portés sur la tête par- les femmes. Le far-deau est porté sur la tête mais
é,outenu
par
les
deux
bras
qui
le
maintiennent
en
équilibre.
Les
coussinets
symbolisent
donc
une
lourde
charge
sociale;
dans
le
rite
il
::;'agit
de
la
charge
économique dont la femme tient l'aspect domestique et qui pèse sur sa tête et ses
bras. Les volatiles
que
la
femme
tient
en
main
symbolisent
l'élevage;
ils
portent
symboliquement la bière autour de laquelle ils étaient disposés. et qui représente ici
l'agriculture.
Ces
deux
éléments.
l'élevage
et
l'agriculture.
constituent
la
charge
sociale. le fardeau que le Kowtia a porté durant six ou dix ans. L'ordre du
défilé
(procession) est significatif: le parrain prend le devant car il a porté cette charge
avant son filleul, qui. pour cela. prend place derrière son prédécesseur, La femme
prend la place qu'elle tient dans le système économique: elle s'occupe surtout
de
-
312

s\\ockt'r et de gérer' le" fruits de: 1,] production qui ')'c:nt l'aboutissement des travaux
deé, homme s .
• La fuite des hommes Kowtiba au uJisement des chemins laisse la
femme seule sur son sentier avec la charge du Kowte. Ils ont terminé leur mandat.
ils se déchargent là. Le Génie de Kowte doit chercher un autre pour
prendre la
charge, où mieux, retenir le candidat. le préposé déià choisi. Ils n'abandonnent pas
ie Kowte. puisqu'ils fuient avec le symbole: Kide (gourde) ou Dagbe'ere (massue). Ils
déposent la charge pour qu'un autre la prenne. Ils restent consacrés pour la vie; le
sanctuaire du Kowte ne disparaîtra pas de leur maison même après leur mort.
Ici ils laissent toute la charge sur la tête de la femme qui ne peut
supporter que l'aspect domestique. Il faut un homme.
Après
cette
décharge
symbolique,
ils
retournent
tous
trois
à
la
maison, où les poulets et la pintade sont immolés et un repas rituel préparé. Seuls
les Senkpèèmba et le Saama communient à ce repas. La bière est servie à toute
i'assistance: d'abord on fait boire en premier lieu au Saama une partie de la jarre
principale. Le reste est distribué à l'assistance. Une partie est réservée dans un
pot pour le chef du lignage. candidat à la succession.
Ce
sacrifice
couronne
le
rite
de
déménagement
du
Kowte,
avec
l'étalage de la quantité
infinie des
produits
économiques
qu'il
a
fournie
sous
le
mandat de l'Ego .
• Le dernier rite sacrificiel.
Le
dernier
rite
sacrificiel
a
lieu
le
lendemain
du
déménagement.
Les
Senkpèèmba et le Saama se rassemblent dans la concession du Kowtia. Le parrain
de ce dernier immole un coq rouge au Kide ou au Dagbe'ere. Une quantité de bière
est préalablement (préparée) apprêtée.
Aucun homme ne goûte à la viande du coq. qui est en totalité consommée
par une femme ménopausée. Les hommes boivent seulement la bière.
La couleur rouge du coq est significative. Elle symbolise d'abord le sang. Le
Kowtia étant ministre de la guerre, donc gardien de la paix, la fin de son mandat
signifie vacance du ministère et donc menace de la paix, et village en sang. Ensuite
le rouge. c'est le brûlé de la sécheresse ayant comme conséquence la famine. Le
Kowtia est ministre
de
l'économie
(agriculture).
La
vacance
du
ministère
risque
d'entraîner la sécheresse.
Ce discours symbolique invite le Génie du Kowte et les Ancêtres à retenir
l'élu pressenti pour que le ministère ne soit pas longtemps vacant.
Les
hommes
refusent
de
communier
au
repas
rituel,
car,
comme
nous
"avons
vu, le Kowte entre mieux en
possession
du
successeur
pressenti
quand
celui-ci,
à
travers
le
chef
de
son
lignage,
communie
aux
repas
rituels
des
différentes libations. Nous
savons
aussi
que
le
chef
du
lignage
candidat,
après
chaque consommation de viande sacrificielle, enfonce les os dans le toit en paille de
la case du pressenti, lui faisant ainsi communier symboliquement au Kowte.
Si le Kowtia sortant communie à ce rite d'adieu, le Kowte (ne quittera pas
- 313 -

la
maison)
ne
le
quitter,) pas.
Et
puis.
il
risque
de
'~e coller à tout autre qui
cornrnun ier élit.
I_a viande est donnée donc à une femme d'abord pour éviter que le Kowte se
fixe sur n'importe quel homme qui y communierait.
Et
puis.
la couche
fragile
et
précieuse de la population ce sont les femmes. Elles sont plus vulnérables quand la
. paix
est
menacée.
et/ou
quand
la
famine
s'installe.
A
travers
elles.
c'est
la
population entière dont elles
sont
la source
(pourvoyeuses
de vie)
et
d'entretien
(économie domestique), qui est menacée.
La femme
choisie
pour consommer le coq
est
ménopausée, car
le
repas
rituel contient le produit masculin (Daragre) produit de guerre, qui, comme nous le
savons, rend les femmes stériles.
3.1.1.3. Les fonctions sacerdotales (Kowtia + 5aama) .
• Fonction politique .
• Politique intérieure. Comme nous l'avons étudié plus haut. les
Kowtiba et le Saama participent au conseil gouvernemental du village qui assure la
politique
intérieure
consistant
à
organiser
la
société
administrativement,
juridiquement,
moralement,
etc...
aux
fins
de
contrôler
les
tensions
internes
et
éviter
ainsi
l'éclatement
de
la
société.
La
politique
intérieure
consiste
donc
à
assurer la paix sociale interne: bonnes relations entre les membres de la société
par la réduction et la résolution des conflits.
Dans le conseil gouvernemental, le rôle du
prêtre est
celui
du
Pacificateur social, du Conciliateur dans toutes les situations conflictuelles telles que
mésententes
conjugales.
tensions
entre
individus
ou
entre
Da'anee
(clans).
Par
exemple, dans les mésententes familiales, si une femme abandonne le toit conjugal.
le Saama, ou le Kowtia va la chercher ,la ramener à son mari et rétablir la bonne
entente entre eux. Il est le représentant de l'Ancêtre qui, à travers le mariage et
la stabilité conjugale, donne et maintient la vie. Quand c'est lui qui se présente, la
femme ne peut pas refuser de rejoindre son mari et celui-ci ne peut pas refuser
de la reprendre. De même en cas de rixe, la seule présence du prêtre
suffit
à
mettre fin au combat. Le prêtre est invulnérable. Personne n'a la droit de mettre la
main sur lui. Sinon, la sécheresse s'installe et le coupable devra payer lourdement
sa profanation. Tout le monde même le chef du village, représentant le Blanc,
le
respecte et reconnaît sa suprématie traditionnelle sacrée.
En cas d'inconduite morale reconnue et confessée par le coupable, c'est le
prêtre qui préside au rite de purification qui se fait par un bain d'eau mélangée aux
feuilles de néré (Dobaate).
• Politique extérieure. La défense de la population contre toute
agression
extérieure
relève
du
ministère
du
prêtre:
une
bonne
partie
de
ses
ornements sacrés sont des armes: la lance, le bouclier, le poignard ... et puis nous
avons analysé le rite dans la forêt sacrée du Kowte qui se rapporte à la guerre ...
Dans
la
société,
l'initiation
de
la
classe
d'âge
des
guerriers
(Sendeba) se fait sous la supervision des prêtres. Ce sont eux qui les entraînent
-
314 -

au combat.
Ils jouent le
rôle
du
héraut
(jans
la déclaration
de
guerre. Cest
le
~:;aama qui entérine la décision de declarer la guerre. et quand il juge une guerre
inutile et/ou néfaste. il
pose
son
véto.
Il
déclenche
l'arrêt
des hostilités
en
se
couvrant le corps de cendres. si les belligérants ne veulent pas suivre ses conseils.
La cendre e'3t l'antinomie de Ihulle de palmiste qui doit couvrir son corps et être la
source d'abondance. Si les belligérants enjambent cette barrière qui est la cendre.
ils commettent une faute grave qui entraîne l'arrêt des pluies. La cendre est
en
effet l'obstacle infranchissable. Quelqu'un qui refuse de quitter un lieu dont on
le
chasse, doit absolument s'exécuter si l'on y répand de la cendre. Il ne peut plus y
rester
ni
y entrer.
Et
puis
la
cendre
c'est
le
reste
de
brûlis.
le
feu.
la
sécheres se ...
• Fonction économique.
La politique étant l'art d'assurer la paix sociale par le contrôle
des
tensions internes et
par
la garantie de la sécurité
contre
l'agression extérieure.
aboutit
(vise)
à protéger les
moyens
de
production
économique
(la
terre)
et
à
favoriser
par

l'abondance.
la
prospérité
et
le
bien-être
de
la
population.
Le
Prêtre. qui est ministre de la défense. est aussi
ministre de l'économie
(cf plus
haut). La plupart des interdits et prescriptions qui lui sont imposés le sont pour la
prospérité économique
(agriculture. chasse .. .). Ses
instruments
sacrés
principaux:
Kide (calebasse) et Dagbe'ere (massue) pour le Kowtiba. l'usage de l'huile et la peau
de chèvre pour le Saama. symbolisent les deux branches principales de l'économie:
agriculture et chasse. La guerre est un moyen. l'économie est un objectif essentiel.
En
cas
de
famine.
de
sécheresse
ou
de
pluies
trop
abondantes
entraînant
l'inondation
des
cultures.
cest
au
prêtre
que
l'on
s'adresse.
Il
doit
accomplir
certains
rites
ou
faire
certaines
prières
au
Génie
du
Kowte
et
aux
Ancêtres pour résoudre le problème. Un mythe raconte quen temps de sécheresse.
le prêtre entreprend certaines démarches surnaturelles osées: il dresse une échelle
entre le ciel
(Sangbande)
et la terre et
monte
pour
cueillir
la
pluie
(naa
toge
tungol.
Il
arrive que certains
voyants
méchants enlèvent
l'échelle après
qu'il
est
monté au ciel. En
voulant
descendre.
une
fois
sa
mission
accomplie.
le
prêtre
s'engage dans le vide. sécrase sur la terre (le sol) et meurt. Le bruit de sa chute
retentit comme un tonnerre et secoue la terre entière (1).
Si les chenilles ou les criquets pélerins envahissent les plantations et
dévorent
les jeunes pousses ou
les
récoltes.
c'est
un langage de
Tinga.
Si
les
prières
du prêtre
sont inéfficaces pour éloigner ce
fléau.
le
Saama se
lève
en
pleine nuit. à l'insu de tout le monde et se rend dans les champs pour pleurer. Ses
larmes obtiennent l'intervention des Ancêtres pour écarter les forces du mal.
• Fo nctions religieuses.
Le prêtre
(Kowtia.
Saama)
personne
sacrée
et
consacrée.
est
le
(1). cf Livre 1. 1ere partie. chapitre 1.
- 315 -

Ministre
du
culte.
Intermédiaire.
médiateur
entre
la
Divinité
(Sangbande)
et
les
hommes, il e~)t. par sa personne et ses conduites. le point de rencontre entre
l'homme et le sacré. C'est lui qui constitue la fonction religieuse de la société. Tous
ses actes conformément aux prescriptions, sont des rites religieux; ses fonctions
politico-économiques
que nous avons
étudiées
sont
des
fonctions
religieuses.
En
effet. il ressort de cette étude que le prêtre assume
le fondement
sacré de la
production économique. de l'organisation administrative et de la défense du territoire.
Sur le plan économique. il représente la force fécondante. et sur le plan politique.
la force protectrice de l'Ancêtre sacré.
Quant
aux
cultes
sacrificiels
religieux,
ils
sont
essentiellement
familiaux. Même les cultes
publics, comme nous
venons
de le voir. relèvent des
Da'ane'e en tant qLE charismes. Donc le prêtre n'est pas un
sacrificateur
public.
Les Génies de Kowte. et de Saamte. bien que protecteurs de la collectivité entière.
sont des charismes des lignages ou clans qui les abritent ou
s'en
réclament. Le
culte sacrificiel qui leur est voué se fait dans un cadre familial.
Le prêtre est le gardien, le dépositaire du système des règles. des
lois. i.e. la liturgie régissant l'organisation et l'exécution du culte religieux qui assure
le processus de relation, d'articulation de chaque Da'anga. de tout le village. de tout
le
peuple
Nawda
avec
le
Sacré.
fondement,
principe
et
fin
de
toute
la
vie
socio-politique et économique .
• Sacerdoce et sacrifice de soi-même.
Le prêtre est le ~erviteur du peuple. l'esclave, le prisonnier, enchaîné
au
service de la
prospérité,
du
bien-être
public.
Des
jeunes
gens
de
son
âge
jouissent de leur liberté.
Ils peuvent quitter le village, voyager comme bon
leur semble, et y
revenir quand ils veulent. ou se fixer, s'établir à l'étranger; le prêtre. lui. n'a pas le
droit de partir; il est condamné à rester au village jusqu'à la fin de son mandat. si
ses fonctions sont temporaires. ou pour toujours s'il est élu à vie.
Ses camarades d'âge sont libres de s 'habiller comme ils veulent. de
suivre la mode; à lui, il est prescrit de rester nu comme l'Ancêtre qu'il représente.
et d'imbiber le corps d'huile de palmiste toute la journée. A tout le moins, il lui est
autorisé de mettre un habillement sommaire mais de couleur toujours noire et cela.
sans abandonner l'usage de l'huile.
Ses collègues sont libres de manger ce qu'ils veulent. Mais le prêtre
est soumis à des interdits alimentaires: il y a des choses. des aliments. qu'il ne
doit jamais goûter. tels que l'huile rouge (huile de palme). Pour les autres aliments.
il doit attendre pour les goûter le rite des prémices même si les récoltes viennent
après une longue période de famine.
La transgression, par lui, de l'une
ou
l'autre
de
ces
prescriptions
(préceptes) entraîne
la
catastrophe
populaire.
Toute
la
vie
du
peuple
est
donc
suspendue à ses conduites.
Cette prison, temporaire ou à vie. est symbolisée, nous
l'avons
vu.
- 316 -

...
par
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cullier' en fer
qui ["1
tuui(iIH', (c:ml';t.JrnnIPnt) ~u:)pf'n(ju ;) :3(Jn ((il, vérit.lble
cl'Iainp qui le rive au p,,'uple pt lui :lliene lcJIJte :~;j liber'Us, Un (orllpr-r-nd p('Lir-quoi le~)
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sacrée.
On
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pcurquoi
le
candidat au Kowte, dÉ'signé par
son
lignage, n'est
jamais informé de
sa
pl'Ochaine
investiture.
.. Place f:t priv;!ège~; du prêtre d3ns la :)ociété.
En
échan'je
de
cet te
liberté
perdue,
aliénée,
le
prêtre
iouit
d'un
prestige, d'un respect, d'une vénera.tion
presque divins.
Ld
première
pl'ëlce
lui
est
réservée dans les assemblées, il passe avant les Anciens et les Notables. Puis il ne
deit pas mourir de soif dan'~ la mF:'~;ure OIJ c'p~;t lui le Maître de l'eau. Comme il
est généralement le plus grand buveur' de bière de mil
par
'00n initiation, il est
le
bien venu dans toutes les maisons (}IJ il Y ,lèl boire. ~,a caleba';se est c;pè<'ia!e, plus
vciumineU':;e que les autres, sans déchirure ni couture. de fcnne ronde et r10n ovale,
Elle est
ré'~er'vée à lui seul. Personne ne doit y boire. Il est toujouré; le premier
servi. S'il n'y a qu'une qeutte de bière,
il
sera le
seul
servi.
Les
dutres
doivent
renoncer en sa faveur.
Nous avons déjà parlé du r"espect qui lui est réserve dans son rôle de
pacificateur' social: ~)on passage seul suffit à faire cesser toute querelle. La femme
np discute pdS quand il lui demande de rejoindre son mari, celui-ci non pius. quand
il lui dit d'~ reprendre sa femme.
Pour
le
décie;\\chernent
et/ou
l'arrêt
des
~lOc;tilités, sa
voix
est
décisive, indiscutable.
3.1.1.4. Les notables.
I_es Anciens, et chefs de Da'dne'e. font
partie. comme nous
l'avons vu. du
conseil du village char(jé de tous les problèmes sodo-politiques et économiques dont
le fondement, le soubdssement
est
le sacré, i,p. la basp de la sphère
religieuse.
Dès
qu'il
y a un prcblèrne, un désordre cosrnique, ce
sont
les
notables
qui
se
réunissent
pour
étudier
les
modalités
pour
convoquer
le
conseil
et
toucher
les
prêtres (Kowtiba et Sa3ma (Gwetibema).
Etant les plus proches de l'Ancestralité, les notables
(surtout les
Anciens)
sont
les
dépositaires
de
la
mémoire
collective
et
donc
des
pratiques
et
de
la
connaissance du rituel religieux, tel qu'il a été toujours pratiqué.
3.1.1.5. Hiérarchie des Da'ane'e (clans).
Dans chaque village, il yale Da'anga (clan)
fondateur, celui dont l'Ancêtre
avait, le premier, occupé la terre et a fondé le village. Ensuite, viennent les autres
Da'ane'e, se classant par ordre d'arrivée.
Au cours de certains rites publics, tels que le Be'ete Bo'odem, cet ordre est
suivi. C'est le premier Da'anga qui prend le devant et les autres suivent par ordre.
Il
en
va
de
même
des
rites
sacrificiels
saisonniers,
tels
que
les
libations.
les
prémices. Cest le premier Daanga qui doit commencer et donner le ton aux autres.
- 317 -

Si cet ordre n'est pas (suivi) respecté, l'ordre ancestral est perturbé entraînant le
trouble cosmique.
Il y a un autre critère de classement, c'est celui des charismes des génies
des Da'ane'e. Nous avons vu que chaque Da'anga porte le nom d'un génie (Segre)
ou d'un Ancêtre-fondateur
qui a une
fonction
spécifique dans la
protection
du
village. Il y a des Da'ane'e de pluies, le Oa'anga de chasse, le Da'anga de Kowte, le
Oa'anga de Saamte ...
Quand le rituel public touche chacun
de ces
domaines, c'est Je Da'anga
concerné qui prend le devant ou même s'engage seul pour le village.
3.1.2. Chefs de culte.
3.1.2.1. Sacrificateurs (familiaux) clan iques et Iignager.
Les chefs des Oa'ane'e sont les sacrificateurs familiaux. Ce sont eux qui
"tiennent le couteau" de leurs Da'ane'e respectifs. Dans chaque Oa'anga, il n' y a
qu'un seul "couteau", i.e. un seul sacrificateur. C'est lui qui immole les animaux de
sacrifice et fait les libations dans toutes les concessions formant le Da'anga. S'il
n'est pas là, on doit l'attendre, personne ne peut le faire à sa place, sinon par
délégation.
Le
sacrificateur
familial
est
le
prêtre
du
clan.
Il
n'a
reçu
aucune
consécration formelle comme le prêtre du village. Ce pouvoir lui a été transmis par
l'Ancêtre du clan, par la médiation de son prédécesseur direct. En ce sens, il est
généralement la personne du sexe masculin la plus âgée du clan, et qui reste au
village. C'est le chef du clan.
Les sacrificateurs sont les techniciens du culte religieux qui est, sur le plan
pratique, essentiellement
familial.
Les
Prêtres
du
village
sont
les
gardiens
des
principes cultu els, du système liturgique, qui gèrent le cadre général et veillent à
ce que tout se déroule bien, qu'il n'y ait pas d'omission au niveau des Da'ane'e.
3.1.2.2. Prieurs publics.
Les prieurs publics sont les prêtres du village (Kowtiba, Saama). Dans ce qui
précède, nous avons suffisamment analysé leurs fonctions sur ce point. Cependant,
si le Génie a supplier relève du charisme d'un Da'anga, c'est le chef de ce Da'anga
qui devient prieur public pour la circonstance, comme c'est le cas à l'ouverture de
la chasse.
-
318 -

i
3.2. ORGANISATION CULTUELLE.
1
l
3.2.1. Les cultes familiaux.
1
1
3.2.1.1. Les lieux saints et les sanctuaires familiaux.
Dans la cour intérieure de chaque concession, et éventuellement sur la cour
extérieure, se trouvent les sanctuaires ou lieux saints qui constituent autant d'autels
sacrificiels sur lesquels célèbrent les membres habitant cette concession et les
personnes apparentées, mals habitant ailleurs (enfants domiciliés chez le père ou la
mère... me mbres des concessions issues de celle-cil.
Il y a d'abord l'autel central (Bakombe, Bogononega) où résident les Nane'e
des vivants et des morts de la concession. C'est le séjour principal des morts. Il
est le lieu symbolique de l'articulation entre les Tingreba (ceux d'en-bas) et les
Fagreba <Ceux de surface, les vivants). entre la verticalité et l'horizontalité.
A Bakombe s'ajoutent les autels annexes et secondaires:
• Le séjour des morts réservé aux femmes. Dugonone (littéralement
devant la case. sous-entendu de la grand'mère).
• Les arcs des Ancêtres suspendus à l'entrée de la concession ou à
l'une des cloisons reliant les cases entre elles. C'est la force armée. l'autel de la
défense familiale.
• Autels des Génies et esprits divers représentés par des stèles, des
pierres plantées qui symbolisent les sièges permettant à ces
Génies
ou
esprits
(errants ou non) de s'asseoir, de s'enraciner dans la concession, ou représentés
par certains autres objets tels que la lance Œaanéga), Génie de la guerre, le pot
en argile avec de la terre dedans (Oongo J, la couveuse. Génie de l'élevage de la
volaille.
Sur la cour extérieure et dans les champs, d'autres Génies éventuels sont
souvent représentés par des arbres tels que le cocaire (Kpadebe), Kpalga ...
Les autels ou sanctuaires familiaux s'étendent à (comprennent aussi) ceux
des concessions-mères dont sont issues les autres maisons du lignage ou du clan.
3.2.1.2. Cultes standards à toutes les familles (tous les Da'ane'e).
Les
rites
sacrificiels
saisonniers
sont
standard
et
ont
lieu
aux
mêmes
périodes de "année dans toutes les concessions des lignages. Ce sont, par exemple.
les cultes des arcs ancestraux qui ont lieu deux fois l'an au début de chaque saison
sèche et pluvieuse.
Nous avons déjà parlé de ce culte
qui
a pour
but
de
faire
manger
les
Ancêtres gardiens et défenseurs de la concession. Ce sont eux qui assurent la
sécurité
des
vivants,
et
ont
besoin
de manger
périodiquement.
Ces
défenseurs
comprennent les Ancêtres et les esprits de tous les hommes morts en âge de
guerrier.
Ils
maîtrisent et
contrôlent
la
force
agressive
qui
sont
les
arcs
et
l'utilisent pour parer toute attaque dirigée contre la concession. Cette force peut se
retourner contre la concession qu'elle protège si les gardiens ne sont pas satisfaits.
-
319 -

Nous reviendrons plus en profondeur sur la fonction du sacrifice aux Ancêtres.
Il Y a aussi
les Génies
des
champs:
Tite,
qui
sont
souvent
dans
des
bosquets sacrés. On leur offre des libations à l'approche de la saison des pluies
pour demander des pluies abondantes et après les récoltes pour leur présenter les
fruits de la production agricole. A cette dernière occasion, on nettoie sous ces
arbres, dans les bosquets sacrés, autour des huttes sacrées abritant des Génies.
Ces libations visent aussi à écarter toutes sortes de malheurs.
Les sacrifices généraux devant l'autel central sont aussi standard à toutes
les familles. Mals ils ne se déroulent pas nécessairement à la même période pour
tous les lignages. Chaque concession décide, après la célébration dans la grande
Maison du clan, de la période convenable pour son culte.
Les libations à l'occasion des prémices ont lieu dans toutes les familles au
début des récoltes principales: le petit mil dans certains villages qui le cultivent; les
premières ignames, la récolte du mil.
3.2.1.3. Cultes spécifiques à chaque famille.
En
dehors
des
cultes
standards,
chaque
famille
célèbre
des
cultes
spécifiques
se
rapportant
à des
Génies
particuliers.
Par
exemple,
les
esprits
animaux, les esprits errants ... qui ont suivi un membre quelconque de la famille sont
vénérés par ce dernier de son vivant. selon des modalités spécifiques. Mais après
sa mort ils deviennent des génies familiaux.
3.2.2. Cultes publics.
3.2.2.1. Lieux saints et sanctuaires publics.
Les Kalanbe'e ou lieux saints publics sont en fait en nombre très limité. Ce
sont les forêts sacrées (qui sont forêts parce qu'intouchables) qui abritent surtout
des Génies assurant la sécurité publique et relevant, pour cela, du ministère de la
défense, telles que le bosquet ou forêt sacrée où réside le Génie de la guerre que
nous avons déjà étudié à propos de l'initiation du Kowtia. Il existe d'autres bosquets
dans chaque village, peuplés des Génies de la défense publique. Pendant les guerres
inter-ethniques, lorsqu'on ramenait le corps d'un ennemi tué (à la guerre) au cours
des batailles ou à l'intérieur du village où il s'était égaré, on le profanait à travers
certains
sentiers
du
village
en
s'arrêtant
à chacun
de ces
bosquets
pour
des
cérémonies rituelles; on terminait par le bosquet du Génie de la guerre où ses
restes étaient insevelis dans le gouffre, comme nous l'avons vu plus haut. Ce rituel
de profanation se clôturait par une danse guerrière
(so'odogo)

les
danseurs
étaient
armés
jusqu'aux
dents
pour
faire
face
à
une
tentative
éventuelle
de
vengeance ennemie. C'était
une danse
rituelle
de
vénération
aux
Génies
de
la
défense du territoire, mais en même temps une sorte de provocation et de défi à
l'endroit du village de la victime.
Et puis, les Nawdeba n'étant
pas
esclavagistes,
tout ennemi égaré dans le
-
320 -

village était purement et simplement passé par les armes. On le passait d'abord
dans tous les bosquets sacrés abritant les Génies de la défense du territoire. et
dans chacun de ces bosquets, on lui donnait de l'eau à boire, l'eau sacrée du Génie.
afin de neutraliser sa force vengeresse, i.e. afin que les Génies éloignent du peuple
sa force vengeresse. C'est un rite qui était desti né à montrer qu'on ne supprimait
pas une vie par malveillance, mais parce qu'il était une menace pour la vie
du
peuple entier.
3.2.2.2. Les pratiques publiques.
Les cultes publics sont adressés à ces Génies de la défense du territoire.
Ces cultes consistent surtout en libations exécutées par les ministres de la guerre:
Saama et Kowtiba. associés aux Ancêtres.
4. LES CONDUITES MORALES.
4.1. LES CONDUITES VERTUEUSES.
4.1.1. Notion de bien.
4.1.1.1. Les indices du bien.
"A era ma homgo". il m'a fait du bien, en parlant de quelqu'un qui m'a
comblé de cadeaux, m'a nourri quand j'avais faim, m'a donné à boire quand j'avais
soif. Homgotia, l'homme de bien: c'est l'homme généreux, qui distribue ses
biens
sans compter, qui soulage les souffrances des malheureux, qui vient au secours des
pauvres; Gnidehoma, l'homme bon qui nourrit de bons sentiments envers les autres,
les écarte du mal. se soucie de leur bien-être, de leur santé. C'est l'homme de bon
cœur Fawhomrtia (Kwhomretia), conciliant. qui établit l'union sociale.
Faire du bien, c'est être généreux en secourant les malheureux. mettant ses
biens à la disposition des nécessiteux. C'est avoir un bon cœur promouvant l'unité
sociale.
Les nécessiteux, les pauvres, sont ceux qui n'ont pas de quoi vivre. ceux qui
sont menacés dans leur existence par la faim, qui risquent de mourir. de perdre
leur vie parce qu'ils n'ont pas de quoi la maintenir. Secourir les nécessiteux c'est
donc leur sauver la vie. La nourriture est le meilleur garant de la vie. Elle entretient
la vie.
Faire du bien à quelqu'un. c'est donc sauvegarder sa vie, ne pas chercher à
la détruire. C'est respecter la vie, éviter de la détruire (homicide), de la diminuer
(maladie). C'est aussi respecter et promouvoir ce qui entretient la vie: récoltes,
jeunes pousses, semences ...
-
321 -

4.1.1.2. Définition du Bien (Homgo>'
Le bien, c'est tout ce qui est conforme à la Loi de l'Ancêtre-Fondateur, Loi
que Sangbande a transmise par la médiation de l'Ancêtre, i.e. à travers la culture,
la Tradition. Cette Loi, nous l'avons vu (cf Institutions Politiques et Sacralité>, est
celle qui constitue les choses. dont l'homme. dans leur être et devient ainsi la
norme
de
leur
existence.
et
de
leur
signification.
En
effet.
le
code
légal
juridico-moral n'est rien d'autre que la norme qui constitue et règle les éléments
cosmiques selon l'ordre idéal divina-ancestral. La vie qui est la force vitale de cette
énergie constitutive est ce qui explique l'existence. Tout peut être sacrifié pour la
vie. La vie végétale. la vie animale. la vie humaine: ces trois formes d'énergie vitale
constituent l'objectif de la Loi divino-ancestrale. Condenser l'énergie créatrice en
êtres a pour objectif de faire éclater la force vitale. de "entretenir. Mals la vie
humaine est fa plus précieuse. la raison d'être.
le
principe et la fin
de la loi
constitutive divino-ancestrale. Les autres formes de vie lui sont sacrifiées. Dans
l'acte religieux, nous l'avons vu, la vie végétale et surtout celle animale servent de
substitut pour sauver, sauvegarder la vie humaine. Le sacrifice humain n'existe pas
dans le culte religieux nawda. C'est autour de la vie humaine et pour elle que tout
s'organise:
c'est
le
bien
le
plus
précieux.
La
vie
humaine
de
Faga
est
la
manifestation, l'apparence de la vie ancestrale en chaque individu.
4.1.1.3. Le Bien. l'Ancêtre et Sangbande (Dieu>'
Ce bien précieux qui est la vie de l'Ancêtre-Fondateur, éparpillée sous forme
d'individus, émane. nous l'avons vu, de Sangbande (Dieu), L'Ancêtre, comme le dit le
mythe d'origine. est descendu de Sangbande. Donc la vie est l'énergie émanée de
Sangbande et condensée en couple Ancestral et destinée à être transmise par ce
dernier. Ce couple, en la transmettant. lui confère une forme culturelle qui est la
Tradition. Nous avons vu comment l'Ancêtre participe à l'œuvre créatrice divine en
donnant une
forme
à la
vie.
en
moulant à
son
image,
l'individu
dans
le
sein
maternel. L'individu ne naît pas "nature" pour assimiler la Tradition, Loi ancestrale,
par la suite. Il naît déjà marqué du sceau de la Tradition; il est pétri de Tradition
au cours de sa formation; de sa construction.
4.1.2. Pratique du bien.
4.1.2.1. L'acte vertueux.
L'acte vertueux est celui qui se conforme à cette définition du Bien, i.e. qui
s'organise autour de la vie qui doit être principe et fin de toute conduite. L'acte
vertueux s'accomplit toujours pour le respect et la promotion de la vie et surtout la
vie humaine: il favorise son épanouissement et l'entretient en lui, subordonnant les
autres formes vitales (alimentation, nutrition, actes religieux>.
En un mot, la conduite vertueuse est celle qui sauve
la vie,
"entretient,
l'augmente, l'épanouit. Tous les interdits et tabous sont explicables dans ce sens: ils
-
322 -

sont
des garde-fous
qui empêchent
la destruction
de
la vie.
Les
prescriptions
indiquent les conduites à tenir dans toutes les circonstances pour que la vie soit
sauvegardée et épanouie. L'acte vertueux est celui qui
respecte
les
interdits
et
tabous
et
s'accomplit
conformément
aux
prescriptions.
Interdits,
tabous
et
prescriptions (religieux, moraux ou juridiques) sont les applications concrètes de la
Loi Ancestrale, de la Tradition Fondamentale, du Verbe
divino-ancestral vivifiant.
Toutes les prescriptions, tous
les
interdits
et
tabous
touchent
directement
ou
indirectement, de loin ou de près, à la vie individuelle et sociale.
4.1.2.2. L'homme vertueux et la Tradition Ancestrale.
L'homme
vertueux
est
donc
celuI
qui
organise
tout
le
système
comportemental de son existence, selon la Tradition dont il est luI-même pétri, I.e.
la LoI Ancestrale constitutive de la vie. Sa propre vie s'épanouit parce que baIgnant
dans la sève vivifiante qui est cette Loi Ancestrale.
4.1.2.3. L'tomme de bien et intégration sociale.
L'homme
de
bien
vivant
conformément
à
la
Tradition
Ancestrale
est
solidement soudé à l'arbre généalogique et donc à la famille et partant, à la grande
société élargie. La pratique du bien
évite
les
divisions.
les conflits
familiaux
et
sociaux. L'homme vertueux respecte et épanouit la vie de chaque membre de la
société biolignagère et élargie; il est source de cohésion familiale et sociale.
4.2. LES INCONDUITES.
4.2.1. Notion du mal.
4.2.1.1. Les actes mauvais.
Les actes mauvais sont ceux qui tendent à détruire l'ordre divino-ancestral.
Les inconduites portent atteinte directement ou indirectement à la vie et surtout à
la vie humaine et par là perturbent l'ordre cosmique qui s'organise, comme nous
l'avons vu, autour de la vie et pour la vie.
L'inconduite la plus grave est celle qui vise directement la vie humaine, sa
destruction. C'est la Loi divino-ancestrale qui est atteinte dans son principe. Mais
comme
nous
le
disions
plus
haut
(cf
organisation
juridico-morale,
institutions
politiques),
les
moyens
utilisés
pour
ce
forfait
sont
plus
importants
que
l'acte
lui-même. Le degré de gravité de ce dernier dépend du caractère matériel (Faaga)
ou immatériel (Tinga) des premiers.
4.2.1.2. Inconduites matérielles (Faga): Fabe'ega.
La
destruction
physique
de
la
vie
par
des
moyens
matériels
directs
(assassinat, meutre .. ,) et/ou indirects (manque d'assistance. abandon .. ,) entre dans
le cadre des conduites observables, relevant du système de Faga. Ces inconduites
-
323 -

sont groupées sous le nom de Fabe'èga (plur. Fabe'el.
Le
sang
coulé
(dans
la
destruction directe de
la vie)
est
indélébile et
criera vengeance. L'auteur
sera
poursuivi par l'esprit de la victime. Il n'aura pas de repos. Tout homme, voyant ou
non, est capable de cette inconduite.
4.2.1.3. Les inconduites immatérielles (Tinga): Nagemte.
Les inconduites qui utilisent des machinations occultes relevant du monde de
TInga sont désignées par le terme Nagemte. Ce sont les voyants seuls qui en sont
capables. Comme nous le disions plus haut, ce sont les inconduites les plus graves,
les
crimes
les
plus
odieux
groupant
la
sorcellerie
cannibale,
les
influences
morbogènes
de
toutes
sortes
(cf
Institutions
Politiques:
organisation s
jurldico-morales) .
4.2.1.4. Définition du mal.
Le mal c'est l'antl-vie. la négation de la vie. Il est l'énergie déforçante, la
force vitale retournée contre elle-même, devenant ainsi le principe du désordre. En
cherchant à réduire la vie au néant. le mal provoque une désorganisation cosmique:
le
trouble
de
l'ordre
surnaturel
se
manifeste
par
le
déchaînement
des
forces
cosmiques
physiques
(pluies.
tonnerre,
vent,
sécheresse .. .l
et
même
vitale:
agressivité animale (morsure de chien, de serpent, piqûre de scorpion).
C'est dans ce sens que la maladie, la mort, sont des troubles qui ne se
limitent pas à "individu déforcé, ni à la société, mais
s'étendent
à
tout
l'ordre
cosmique.
4.2.2. Origine du mal.
4.2.2.1. L'homme et le mal.
La
force
vitale
humaine
peut
se
retourner
contre
la
vie.
L'individu
peut
chercher à éliminer la vie des autres. Le mal moral se trouve dans la conduite
humaine. L'homme peut utiliser l'énergie vitale qui le constitue pour .f:airele bien ou
le mal. Il peut choisir d'aller à l'encontre de la loi qui constitue cette force vitale.
Donc la force vitale concentrée en être humain est à double tranchant; c'est cela
qui
nécessite
le
code
juridico-moral
qui
établit
les
garde-fous
et
trace
les
orientations de la bonne conduite.
4.2.2.2. Mythe d'origine et le mal.
Le mythe d'origine du
peuple Nawda
ne
mentionne
pas,
comme
le
font
d'autres mythes, l'origine du mal. Il ne présente pas le couple ancestral comme
innocent à l'origine, se rendant ensuite coupable d'une faute. D'abord
Sangbande
dont. il émane ne lui impose aucune loi extérieure qu'il aurait transgressée par la
suite. Son être vital, comme émanation divine, constitue la seule loi. La lutte de
l'homme pour vivre
contre
une
nature
hostile et
rebelle
qu'il
doit constamment
-
324 -

maîtriser, au prix de durs travaux, n'est jamais présentée et vécue comme une
quelconque
punition
infligée
à l'Ancêtre
fautif.
Le
travail,
la
lutte...
sont
plutôt
présentés comme une nécessité vitale. Sangbande jette l'homme sur terre, armé,
équipé de toute l'énergie potentielle pour lutter, se battre, pour la vie, contre toutes
les forces hostiles: le coupl e descend, en effet, armé, équipé pour la guerre, la
chasse, et pour l'agriculture. Il ne trouve pas un jardin d'Eden, un paradis tout fait

il
peut
vivre
sans
travailler,
sans
souffrance,
sans
maladie.
Le
surnaturel
. chthonien est là (forêt sacrée qui accueille le couple, les forces surnaturelles se
manifestant par des troub les cosmiques ..,), code légal, tradition communiquée à
l'Ancêtre, et qui doit guider et soutenir son effort, sa lutte pour la vie.
Donc l'effort physique avec ses conséquences douloureuses. n'est pas vécu
comme un mal, mais constitue une force vitale qui doit transformer la nature.
4.2.23. Sangbande et le mal.
On entend souvent des expressions
comme
celles-ci:
"Sangban nag'mre",
"Sangbande fabe'ega", "Dieu criminel, faute, péché de Dieu" (1)
Ces expressions se disent quand il pleut trop entralnant la destruction des
plantes et des récoltes, ou quand il ne pleut pas du tout (sécheresse). Ici le terme
Sangbande désigne la pluie et non la Divinité. La pluie est une force de la nature
que l'on personnifie de façon métaphysique. Elle est, certes, envoyée par Dieu, et
comme telle, l'acte de Sangbande: c'est l'acte qui est mauvais, pas Sangbande.
Ainsi donc le Nawda n'attribue l'origine du mal ni à Dieu, ni à une faute de
l'homme. Le mal, tel que nous l'avons défini (mal moral) n'est pas une force en soi,
une entité. Il est dans la conduite.
4.2.3. Le mal et la vie de Faga.
4.2.3.1. Le malfaiteur dans la société.
Le meutre et l'assassinat sont extrêmement rares dans la société Nawda.
Quand ils se produis.ent, ils créent une rupture pratiquement irréparable entre le
criminel et la société, du moins la famille de la victime. Certains rites
peuvent
atténuer, réduire l'écart, mais sans le supprimer. Le criminel ne peut jamais boire
de l'eau dans la famille au risque de perdre la vie.
D'ailleurs
ces
inconduites
sont
souvent
considérées
comme
signes
d'un
message
souterrain,
un
langage
d'en-bas.
Le
criminel
dans
ce
cas
n'est
pas
responsable de ses
actes,
du
moins
pas
totalement.
Il
est
utilisé
comme
un
instrument par
des
forces
surnaturelles,
le
sacré
ou
les
forces
du
mal,
pour
résoudre un problème, communiquer un message.
L'atteinte indirecte à la vie (refus d'hospitalité, non assistance aux affamés,
aux malheureux, aux infirmes ...) est par contre assez fréquente. Dans ce cas, le
(1), cf. Livre 1, 1ere partie, chapitre 1.
-
325 -

monde
spirituel
sacré
(Sangbande,
Yandaba
(Ancêtres))
se
charge
souvent
d'éprouver le malfaiteur: un esprit quelconque. envoyé par le monde sacré. peut se
présenter à lui sous les apparences d'un malheureux, d'un mendiant ou d'un infirme.
S'il lui refuse
l'assistance.
il en recueille les fruits: ses richesses. sa santé ...
peuvent lui être enlevées.
Quant au Nagemte qui est le plus fréquent, la plus ordinaire des Inconduites.
il fait souvent de son auteur un déviant. un marginal. rejeté, blâmé et abhorré par
la société. Oans le pire des cas. quand il constitue un véritable danger public, il est.
comme nous l'avons vu. exilé. chassé du village et doit chercher refuge et asile
ailleurs dans le village de son choix. Il s'agit surtout du sorcier cannibale. Ceux qui
pratiquent des influences morbogènes sont souvent la terreur
publique; on évite
volontiers de les rencontrer. de les croiser en
route, et surtout. on tient
les
enfants (êtres vulnérables) hors de leur portée.
4.2.3.2. Le malfaiteur et le monde spirituel.
Le malfaiteur. ennemi de la vie, doit redouter l'attaque des Génies et des
Kpeemba. Ceux-ci étant les protecteurs de la Maison et de tous les individus du
lignage. montent la garde. et l'agresseur éventuel. surtout le sorcier anthropophage.
peut être abattu par les gardiens. C'est pourquoi les malfaiteurs meurent souvent
de mort subite.
4.2.3.3. Le pouvoir surnaturel et les inconduites.
Le
Fabe'èga est
un
mal
que tout
homme
peut
commettre.
Les
voyants
(Yendeba) comme les non-voyants (Joomba) sont capables de Fabe'èga. qui est un
acte de Faga utilisant des moyens de Faga.
Le Nagemte est perpétré uniquement par les voyants (Yendebal qui par leur
pouvoir surnaturel sont seuls capables de machinations souterraines. Ce sont eux
qui
lancent
des
projectiles
morbogènes.
enchaînent
les
Nane'e.
Ils
entrent
en
communication
(relation)
avec
le
pôle
surnaturel
de
chaque
homme
et
peuvent
influencer leurs semblables à
travers
ce
pôle.
Il
en
va de même
de tous
les
éléments
cosmiques
vivants
ou
non
vivants;
quand
ils
lancent des
cailloux,
des
morceaux de ferrailles ... comme proj ectiles morbogènes. c'est en les manipulant sur
le plan surnaturel. en utilisant le pôle surnaturel caché de leur énergie. De même ils
peuvent enlever des récoltes en laissant les apparences, tuer les animaux d'élevage
(domestiques) de façon immatérielle.
-
326 -

5. PR08LEM: DU SALUT.
5.1. SURVIE APRES LA MORT.
5.1.1. Le monde d'en-bas.
5.1.1.1. Le séjour des morts.
La survie après la mort ne fait pas
de doute
chez les
Nawdeba. Nous
l'avons assez analysé dans ce qui précède.
Les morts sont bien vivants, ils ne sont pas morts. La mort n'est qu'un
passage d'une vie à deux pôles à une vie concentrée dans un seul pôle (spirituel>
plus condensée en énergie et force, donc plus puissante.
Nous avons étudié le séjour des morts à l'intérieur de la concession et dans
les champs. Le monde d'en-bas est peuplé, outre des Génies et esprits errants,
des esprits des défunts qui sont les uns dans le cercle ancestral, d'autres chez les
esprits errants (Fagnideba men).
5.1.1.2. Voyants et communication avec les esprits des morts.
Nous avons vu que les voyants, grâce à leur pouvoir surnaturel, entrent en
relation
avec
le
monde
d'en-bas.
Ils
commercent
tout
spécialement
avec
les
Fagnideba et les Kpeemba.
Par ces relations avec le monde d'en-bas, les voyants sont les garants de
"existence de la survie après la mort. Ils voient les esprits des personnes décédées
et peuvent dire ce que sont devenues ces personnes, quelles activités elles mènent,
etc.
5.1.2. La vie dans l'au-delà.
5.1.2.1. Mode de vie surnaturelle.
La vie surnaturelle est décrite par les voyants comme semblable à" cetle.. de
Faga. Les Kpeemba, eux, vivent dans les maisons
déjà construites,
les
maisons
ancestrales de leurs
familles d'origine et communient aux mêmes repas que les
Fagreba (ceux de surface) de la famille.
Le s
Fagnideba
(esprits
errants)
s'organisent
comme
les
Fagreba:
ils
construisent des maisons, s'adonnent à l'agriculture, à l'élevage et à la chasse. Ils
font la cuisine comme les Fagreba. se marient, se multiplient.
5.1.2.2. Problème de la vie éternelle.
Les esprits des morts ne meurent plus. Et pourtant, les Nawdeba parlent
d'une deuxième mort: un esprit errant qui prend possession d'une femme. i.e. qui
s'éprend
pour
elle
d'un
amour-passion
dangereux.
peut
être
tué
par
le
Tada
(thérapeute) pour libérer la femme. C'est une sorte d'exorcisme. Et puis un individu
- 327 -

tué ou mangé par un autre, peut être tué une deuxième fois par le même individu,
s'il devient un danger menaçant pour lui (l'agresseur). Le problème est de savoir si
l'on peut parler de survie après cette deuxième mort. La vie après la mort ne
serait donc pas éternelle. Il n'existe pas de réponse claire et formelle
à cette
question. Mais dans la pratique on continue à vénérer le mort tué une deuxième
fois. En tout cas. la vie ne s'annihile pas. Nous avons vu que la mort est
un
passage vers plus de force vitale. Tuer quelqu'un une deuxième fois revient à le
déforcer, à lui enlever les armes de vengeance, ou la capacité de nuire, à le
neutraliser. On ne le supprime donc pas. Le passage vers plus de vie, plus de
force, ouvre à la vie sans fin.
5.2. DESTIN APRES LA MORT.
5.2.1. Damnation.
5.2.1.1. Damnation et compagnie des Ancêtres.
La damnation est la rupture, la coupure avec la vie de bonheur ancestrale.
L'individu damné est une branche détachée de l'arbre généalogique. Il est celui qui,
après
avoir,
de
son
vivant,
rejeté
la
Tradition,
et
vécu
en
dehors
de
la
Loi
ancestrale et contre elle, se retrouve, après la mort, hors du cercle ancestral, seul
lieu de bonheur.
Se conduire à l'encontre de la Loi ancestrale est un choix volontaire que
l'individu fait durant sa vie de Faga. Il choisit la vie de facilité, en refusant de se
plier aux contraintes et exigeances salutaires de la Loi.
5.2.1.2. La vie d'errance et la souffrance éternelle.
La souffrance du damné réside dans cette coupure, cette rupture avec la Loi
vivifiante
de
l'Ancêtre,
la
grande
famille

il
fait
bon
vivre:
cette
rupture
le
condamne à errer, comme
nous
"avons
souligné
à
plusieurs
reprises,
dans
les
champs déserts, loin des maisons. De son vivant, il s'était laissé séduire par les
mirages des Fagni deba qui l'ont ainsi arraché à l'arbre ancestral, le sevrant de la
sève vivifiante. Une fois mort, il se rend à la triste et dure réalité de ce mirage. Il
se retrouve dans les champs désertiques. sans ombres véritables. brûlés par la
chaleur
torride,
sans
eau.
La
souffrance,
c'est
la
soif
inassouvie
qui
ronge
perpétuellement
le
damné:
il
erre
de
mirage
en
mirage,
à
la recherche
de
la
fraîcheur, de l'eau, et du repos, bref, à la recherche du bonheur (Paradis) perdu.
5.2.2. Le salut.
5.2.2.1. Définition du salut.
La notion de salut telle que la pensée judéo-chrétienne la conçoit ne
se
- 328 -

trouve pas dans la conception Nawda du destin de l'homme après la mort. En effet
la destinée normale, naturelle de la vie humaine est sa mutation, son passage, par
la mort, à une vie de bonheur plus grand. Nous avons vu que la notion de faute
originelle qui aurait perdu l'homme, qui l'aurait coupé de son destin, de son bonheur,
n'existe pas pour le Nawda. Donc l'homme n'a pas besoin d'être sauvé (de rachat>.
Il suffit qu'il mène une vie conforme à la Loi ancestrale qu'est la Tradition pour
retrouver les siens dans l'au-delà. Une tranche qui demeure rattachée à l'arbre n'a
pas besoin d'y être rattachée (rachetée). La faute originelle judée-chrétienne coupe
l'humanité
de
sa
source
de bonheur
qu'est
Dieu.
avec
pour
conséquences
la
souffrance sur terre (tu gagneras désormais ton pain à la sueur de ton front> et la
mort. Le salut est alors le rattachement avec cette source. Nous avons vu que le
mythe d'origine Nawda ne parle d'aucune faute des premiers parents. et que la
souffrance et la mort ne sont pas vécues comme conséquence de la faute. La
souffrance et la mort sont quelquefois vécues comme une punition divine infligée à
l'individu à cause de ses inconduites. Mais la mort est généralement un passage,
une étape du cycle de la vie. Elle paraît anormale, une agression injuste. surtout
quand elle survient avant l'étape attendue Oa vieillesse>' Le vieillard attend plutôt,
avec beaucoup de sérénité, la mort, ce passage qui lui permet de rejoindre les
siens. Rejoindre ses Ancêtres, seule source de bonheur, est le processus normal.
Se damner paraît plutôt un refus individuel, et non collectif, de la Tradition. Le
salut est collectif. destinée normale (pour tout le monde) de l'humanité; la damnation
est un choix individuel, un sous-produit d'un processus normal.
5.2.2.2. Le contenu du bonheur.
Le bonheur consiste à vivre avec les siens. en sécurité. à l'ombre (autour)
de l'Ancêtre. Comme tel, il est déjà en acte dans le monde de Faga. Il devient
complet quand on retrouve ceux qui avaient disparu de notre champ perceptif, parce
que le tournant de la mort-passage les avait cachés à notre expérience sensible. Le
défunt qui retrouve ses parents disparus ne perd pas les Fagreba. En effet les
Tingreba voient les Fagreba sans être vus. Dans ce sens. les défunts vivent en
parfaite communion avec la grande famille verticale et horizontale, et c'est là le
bonheur. Ce bonheur est continuellement alimenté par l'échange cultuel. religieux.
Fagreba et Tingreba vivent tous des fruits de la terre-mère.
La
nourriture. élément essentiel
d'entretien
de
la
vie.
ce
Bien
suprême
(essentieD,
symbolise cette
vie.
C'est
pourquoi
les
fruits
de
l'agriculture et
de
l'élevage sont le contenu du culte religieux. de l'offrande aux Ancêtres. Donner une
offrande aux mânes. ce qui entretient, symbolise la vie dont ils sont l'auteur. revient
à leur sacrifier sa propre vie. Les fruits de l'agriculture et de l'élevage constituent
les deux formes de vie végétale et animale qui alimentent, et entretiennent la vie
humaine. Ils sont donc le meilleur symbole de celle-ci, son meilleur substitut dans le
sacrifice religieux. Sacrifier son animal, ses céréales
aux
mânes
revient
à
leur
sacrifier sa vie; leur faire manger cet holocauste revient à fusionner sa vie avec la
leur.
Le
sacrifice
n'est
pas
une
destruction
de
la
vie
mais
plutôt
le
retour
-
329 -

permanent et perpétuel, par l'acte religieux, aux sources intarissables de
vie,
à
l'origine ancestrale. C'est pour l'Ancêtre que la vie s'engendre. La vie retourne à la
vie.
Le
bonheur
consiste
en
une
vie
cycliquement
renouvelée,
enrichie.
Les
Fagreba la renvoient à la source ancestrale par le rite sacrificiel et la reprennent
plus
enrichie.
Celui
qui
n'accomplit
pas
de
rite
sacrificiel
aux
Ancêtres
est
condamné à dépérir et à périr. Donner de l'eau aux Ancêtres. i.e. leur donner à
manger. c'est retourner en eux. être en communion vitale avec eux.
5.2.2.3. Salut et Sacralité.
L'ancestralité. c'est la sacralité. L'intégration de l'esprit du défunt à cette
sacralité est une sacralisation. Le Kpééma. esprit du défunt (quel que soit son âge)
est sacralisé par son intégration au monde ancestral sacré.
6. INSTITUTIONS RELIGIEUSES. SOURCE ET FIN DE LA CULTURE NAWDA.
6.1. INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET ORGANISATION ECONOMIQUE.
Nous avons vu que la vie économique est organisée en fonction de la vie
religieuse. On produit par la religion (intervention du sacré dans le processus de
production, sacerdoce comme ministère de l'économie). C'est par la relation cultuelle
avec les Ancêtres que l'on obtient les fruits de l'économie. Une mauvaise production
est signe d'une négligeance religieuse.
On produit pour la religion: tout le produit est destiné au culte religieux.
6.2. INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET SYSTEME SOCIO-POLITIQUE.
Le système socio-politique, nous "avons aussi vu, s'organise autour de la vie
religieuse. Le gouvernement, le pouvoir politique et administratif est assuré par les
Ancêtres, le sacré que représente le conseil gouvernemental du village. Nous avons
analysé le caractère sacré de l'organisation juridico-morale qui régit l'administation
et le contrôle social interne, ainsi que l'organisation militaire surtout administrée par
l'ordre sacré des prêtres. Tout se réfère à l'Ancêtre-Fondateur
6.3. INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET SYSTEME EDUCATIF.
Le système éducatif que nous allons étudier dans le chapitre suivant est
organisé lui aussi autour de la vie religieuse. Le système éducatif est en effet le
moyen
efficace
de
transmission
de
la
Tradition
ancestrale
aux
générations
-
330 -

montantes (suivantes): le fondement de la Tradition étant la sacralité ancestrale,
l'éducation consiste
à imprégner l'enfant de toutes les
croyances,
les
vécus,
et
pratiques religieuses sur lesquelles se fonde toute la vie.
- 331 -

CHAPITRE 5:
SYSTEME EDUCATIF
ET
CONSTRUCTION DE LA PERSONNALITE
1. CONTENU DE L'EDUCAnON.
1.1. CROYANCES ET SYSTEME DE PENSEE.
1.1.1. Croyances religieuses.
1.1.1.1. Causalité et causes du malheur.
Dans
le
processus
éducatif,
"enfant
est
sensibilisé
au
fait
que
les
évènements (observés) et ceux qu'il vit ont une cause cachée, immatérielle, au-delà
des causes matérielles qu'il lui est souvent donné d'observer. Cela est vrai tout
spécialement du malheur. Le malheur qu'il vit lui-même, ou qu'il observe autour de
lui, lui est présenté comme provoqué par des forces
mauvaises, méchantes, qui
sont
souterraines
et
qui
attaquent
de
l'extérieur.
Comme
ces
notions
lui
sont
enseignées à partir des faits d'expérience vécue, l'enfant
assimile
rapidement
la
logique du malheur. et apprend à raisonner en dépassant le niveau de l'observable
où se jouent les causes apparemment fortuites.
1.1.1.2. Le monde spirituel.
On enseigne à l'enfant que la cause cachée
des
évènements
relève
d'un
autre
domaine
que
celui
observable.
Il
existe
un
monde
échappant
à
notre
expérience sensible, un monde peuplé d'esprits: les esprits de maison
(Kpeemba),
les esprits errants (Fagnideba). les Génies (Tite). Certains enfants doués de voyance
(Yendem) font l'expérience immédiate de ce monde: ils voient des esprits, et croient
que tout le monde voit comme eux. Ces enfants sont souvent victimes de duperies
des
Fagnideba
(esprits
errants)
qu'ils
suivent
naïvement;
parfois
les
Fagnideba
apparaissent aux enfants non voyants, leur donnent à manger. leur promettent un
monde de bonheur. On explique à l'enfant que derrière cette façade trompeuse des
Fagnideba se cache la misère. la souffrance... Les
Fagnideba
sont
la
cause.
la
source de certains malheurs qui arrivent à l'homme.
1.1.1.3. Le monde sacré.
A l'intérieur de
la
concession
et
dans
le
village,
certains
endroits
sont
présentés
à
l'enfant
comme
source
de
terreur,
lieux
"mauvais"
(saints>'
On
-
332 -

l'empêche de s'y asseoir, d'y jouer, lui expliquant que là résident les esprits de
maison (Kpeemba), ceux des Ancêtres (Yandata), les Génies. On lui recommande de
ne pas regarder ces esprits s'il les voit, parce que ses yeux de voyant éventuel ont
une force opérante, provocatrice, qui agresse les esprits.
On lui montre aussi certains objets peuplant la maison et lou le village, lui
disant qu'ils ne sont pas comme les autres objets qui leur ressemblent; ils sont
comme les
lieux
saints;
ils
sont
habités
par
des
Génies,
des
esprits...
qu'ils
représentent (symbolisent>: les pierres plantées, stèles.
arbres. etc...
"
doit se
garder de les manipuler.
L'enfant apprend ainsi qu'il existe des forces sacrées au milieu des hommes.
mais qu'on ne voit pas. résidant dans certains endroits et lou dans certains objets.
à travers la maison et le village. C'est à ces endroits et objets qu'on le fait
participer et communier aux rites sacrificiels, lui expliquant que ce sont des forces
protectrices.
Ces forces sont donc à la fois protectrices et terrifiantes. L'enfant apprend
ainsi à faire la différence entre le sacré (forces terrifiantes qui exigent respect et
vénération) et le profane où il peut faire ce qu'il veut.
1.1.2. L'au-delà de la vie.
1.1.2.1. La survie après la mort.
Ceux
que l'enfant
voit
mourir,
les
grandes
personnes,
ses
parents,
ses
frères et sœurs, ses petits compagnons de jeux ... on
lui dit
qu'ils
meurent
et
vivent. Ils vivent dans le monde d'en-bas. Ils deviennent des esprits. Ce sont eux
qui peuplent les maisons
(dans certains
lieux
saints:
les
Kpeemba),
les
champs
(sous les arbres: les Fagnideba).
L'enfant va ainsi admettre que la mort qui lu i arrache douloureusement ses
parents, ses petits amis. qu'on enterre et qu'il ne revoit plus, est un passage vers
une autre vie invisible.
1.1.2.2. Destin dans l'au-delà.
On apprend à l'enfant que les morts qui vivent dans la maison, le Kpeemba,
bénéficient
de
l'affection
des
Ancêtres;
ils
vivent
des
offrandes
et
sacrifices
religieux. Ils trouvent à boire, et à manger. Ils sont heureux. Ils sont accueillis par
les Ancêtres parce qu'ils ont vécu
en
accord
avec
la
Tradition,
respectant
les
interdits, ne faisant de mal à personne, partageant leur bien avec ceux qui n'en ont
pas, ne s'adonnant pas au Nagemte (sorcellerie cannibale. influences morbogènes .. J,
s'acquittant de leurs devoirs religieux.
Ceux qui quittent la maison après la mort et vont dans les champs chez les
Fagnideba. se sont laissés tromper par ces derniers; ils sont pris dans leur mirage
et, maintenant, ils vivent malheureux: ils meurent de soif, de faim Cils ne trouvent
pas à manger); ils souffrent de chaleur. Ils donnent l'impression d'être riches d'avoir
- 333 -

tout; c'est un aspect trompeur. Ils n'ont rien. Les enfants qui se laissent tromper
par eux seront malheureux,
1.1.3. Représentation de l'univers et de l'homme.
1.1.3.1. Monde céleste. Monde terrestre.
Les rites d'jntégration progressive de l'enfant après la naissance que nous
avons analysés
(sorties,
introduction
dans
les
champs .. '>
permettent
à
l'enfant
d'élargir son espace géographique: case,
cours
(intérieure puis extérieure de la
concession), champs ... Au fur et à mesure que l'enfant grandit, il découvre, en se
promenant dans le village et en suivant ses parents aux champs ou dans d'autres
villages, que le monde n'est pas limité à sa maison, mais s'étend à l'infini comme
une plate-forme terrestre qui rencontre la voûte céleste au loin et est coiffée par
elle.
Quant à la voûte céleste
elle-même,
l'enfant est
impressionné
par
son
élévation, par les éléments qui la peuplent (soleil, lune, étoiles, nuages .. .>. On lui
répète tous les jours que le soleil sort le matin à l'est, qu'il monte jusqu'au-dessus
de nos
têtes,
puis
décline et plonge comme
dans
un trou,
à l'ouest. L'enfant
luj-même observe le phénomène. On lui apprend que tout cet ensemble s'appelle
Sangbande, Firmament. C'est progressivement qu'il apprendra que Sangbande est au
fond un Etre Suprême qu'on ne voit pas et qui donne la pluie.
1.1.3.2. Structure de l'être humain.
L'enfant est sensibilisé aux diverses composantes de l'être humain à travers
des expériences vécues que les adultes lui expliquent.
D'abord, il perçoit les êtres humains (parents, fratrie, maisons) sous forme
corporelle; puis il fait l'expérience de son propre corps.
Le Nanega est la deuxième composante à laquelle l'enfant sera sensibilisé.
On lui montre cette espèce d'araignée-symbole, lui disant qu'on ne le tue pas, car
c'est un homme, une personne humaine. Puis un jour, on lui montre son propre
Nanéga en l'informant que si on le tue, lui-même va mourir ou devenir lépreux.
Le Kawatia et
le
Lilïigo qui
ne sont
pas
médiatisés
par
des
symboles
(sensibles) matériels sont difficiles à concevoir par l'enfant. Mais il entendra parler
du Kawotia protecteur, du Lili'igo, des morts, i.e. leurs esprits, et en grandissant il
s'imprègne de ces notions.
- 334 -

1.2. ORGANISATION SOCIALE.
1.2.1. Système de parenté.
1.2.1.1. Lignage: Foogo.
Très tôt, l'enfant est mis
en contact
avec
toute
la lignée paternelle et
maternelle. SI la résidence est patrilocale
(pour
toutes les épouses
en cas
de
polygynie), il n'y a pas de problème: les consa1guins vivant ensemble se connaissent
très vite et les adultes n'ont pas de peine à leur faire comprendre qu'ils sont du
même Foogo, I.e. (frères consanguins), frères de sang. SI par contre certaines
femmes (ou toutes) habitent chacune chez elle avec ses enfants, des rencontres
fortuites ou périodiques régulières (au cours des cultes religieux surtout> dans la
maison paternelle permettent la prise de contact entre demi-frères et la découverte
des liens consanguins.
Il
en
va
de
même
des
collatéraux:
oncles,
tantes,
cousins,
cousines
(paternels et maternels) sont connus par l'enfant au cours des visites réciproques,
s'ils n'habitent pas la même concession, et des rencontres de famille à l'occasion
surtout des cultes religieux.
1.2.1.2. Da'anga. clan.
La connaissance du clan, du côté paternel comme du côté maternel, suit le
même processus, mais se fait plus lentement à cause de l'étendue du Da'anga et
des rencontres moins fréquentes entre les membres. Certaines occasions telles que
décès, cultes sacrificiels dans la Grande Maison
(concession) clanique permettent
ces rencontres. Mais certains membres du clan, plus familiers,
se
visitent
plus
souvent: ce qui donne l'occasion de faire découvrir aux enfants les liens de parenté.
1.2.1.3. Hiérarchie au sein de la famille.
L'ordre hiérarchique familial est présenté à l'enfant comme une nécessité, où
les
grands
sont
responsables
des
petits
qu'ils
protègent
et
soutiennent.
Les
géniteurs donnent la vie, s'occupent des petits qui les souille nt de leurs excréments;
ils les nourrissent, les soignent...; les frères et sœurs
sont les Jugufagreba: ce
sont eux qui ont défriché le chemin pour permett re aux plus petits de sortir sans
difficulté du ventre maternel; ils ont reçu l'air de la nature avant les plus jeunes. Le
petit doit donc du respect à ses parents, ses frères aî nés et à toute personne
plus âgée. A son tour, il a droit au respect de ses frères puînés à qui il doit
protection.
Les grands-parents qui gâtent toujours leurs petits - enfants sont vécus par
ces derniers comme refuge sécurisant contre tout danger: menace de punition des
géniteurs, des oncles,
frères
et
sœurs
aînés.
Les
grands-parents
aident
ainsi
l'enfant à se construire l'image de l'Ancêtre tout-puissant,
inégalable; protecteur
contre toute agression extérieure.
Notons que dans la famille Nawda, il n'y a pas une trop grande distance
- 335 -

entre les enfants et
les
géniteurs
en
particulier et
les
grandes
personnes
en
général. En effet, les grands n'imposent pas de règles de soumission rigide aux
enfants. Sauf les oncles qui incarnent l'autorité et se présentent comme gardiens
de la loi familiale,
les
grandes
personnes
ne
sont
généralement
pas
sévères.
Généralement, les parents répugnent à battre leurs propres enfants: ils préfèrent
que d'autres le fassent à leur place. En grandissant, les enfants acquièrent vite une
autonomie relative.
1.2.1.4. Identité sexuelle.
Le clivage de la société en deux catégories suivant le sexe, puis la division
du travail selon le même critère, créent le cadre propice pour l'identification de
l'enfant
à
son
propre
sexe.
Dans
les
diverses
situations
sociales
(travaux
champêtres, associations d'entraide, danse, .. J les individus se groupent par sexe.
Et généralement il est pratiquement honteux d'avoir tendance à se mêler, ou à
fréquenter régulièrement le groupe de l'autre sexe. L'homme ne doit pas toujours
être derrière les femmes et vice-versa.
Dès l'acquisition de la marche, l'enfant est récupéré par le groupe de son
sexe. Dorénavant, il va s'entraîner à accomplir les activités dévolues à son sexe, et
avec les personnes de son sexe, qui jouent un rôle de plus en plus prédominant
dans son éducation. C'est la catégorie de son sexe qui est présentée à l'enfant
comme "idéal du Moi, avec des stéréotypes négatifs pour l'autre groupe sexuel
(l'autre
sexeL
Une
telle
éducation
sexuelle
communique
aux
enfants
les
responsabilités sociales de la femme et de l'homme et prépare ainsi la future mère
et épouse, et le futur père et époux de la famille.
1.2.2. Société élargie.
1.2.2.1. Relation entre clans {Da'ane'eL
Très tôt, on indique à l'enfant les concessions (maisons) où il peut manger
et qui appartiennent à son clan
(Da'anga), et celles

il
n'a
pas
le. droit de
manger. On lui explique qu'il ne doit pas manger chez tel et tel parce qu'il font
partie des clans qui n'ont aucune relation avec le sien.
Il apprend ainsi qu'il y a plusieurs clans différents qui n'ont pas de liens de
parenté entre eux.
Puis les cultes religieux saisonniers qui suivent l'ordre hiérarchique des clans
(Da'ane'e) permettent d'expliquer à l'enfant le système de relation entre clans qui
constituent la structure du village. On lui apprend que c'est tel clan (Da'anga) qui
doit d'abord exécuter tel rite saisonnier, puis suit tel autre et ainsi de suite.
1.2.2.2. Statuts et rôles sociaux.
En s'identifiant à son sexe et en s'intégrant au groupe de son âge (dans son
groupe d'âge), l'enfant découvre son statut, celui de l'homme et/ou de la femme,
- 336 -

celui de son âge, et celui des autres catégories sociales. Progressivement. dans la
vie active. il découvrira les rôles qui découlent de ces différents statuts, On ne
cesse. en effet. de lui répéter: tu es homme. tu es femme. tu appartiens à tel
groupe d'âge ... voici ce qu'on attend de toi; les personnes de ton sexe et de ton
âge doivent accomplir tel ty pe d'activités. elles doivent faire ceci pour leur famille.
pou r la société ...
1.2.2.3. Hiérarchie sociale.
La sensibilisation de l'enfant à la hiérarchie familiale lui permet de découvrir
cette hiérarchie au
niveau de la société élargie. Chaque membre de la famille
intègre. comme lui. un groupe social correspondant à son âge (et à son sexe).
Il lui est demandé du respect envers les personnes plus âgées que lui. et Il
observe les attitudes de chaque groupe d'âge envers les autres. On lui explique le
système Initiatique de passage où la hiérarchie est bien définie. Lui-même assiste
aux manifestations initiatiques.
1.2.2.4. Catégories sociales.
Le
processus
d'identification
sexuelle et
le
découpage
selon
les
groupes
d'âge. permet à l'enfant de découvrir les catégories sociales selon le sexe et le
système
hiérarchique.
Il
sait
distinguer
entre
hommes
et
femmes,
entre
les
générations selon les groupes d'âge.
Par
ailleurs,
on
lui
apprend
que
certaines
personnes.
dont.
peut-être.
lui-même. sont douées du pouvoir de la voyance et se groupent sous l'appellation de
Yendeba, voyants, opposés aux Joomba, aveugles. non-voyants.
Quant au monde spirituel, on lui énumère les différentes catégories dont il
est
composé:
les
Fagni deba,
méchants
et
trompeurs,
les
Kpeemba
et
les
Tite
(Génies)
protecteurs;
les
esprits
orphidiens
qui
sont
friands
des
enfants
qu'ils
attrapent, cassent et avalent, entraînant leur mort. Il fait l'expérience de certains
de ses camarades morts subitement et qu'on dit avoir été avalés par des serpents.
ces génies orphédiens. On lui conseille de ne rien recevoir des mains d'un inconnu;
et si une personne familière lui donne quelque chose en l'absence de ses parents.
de le garder jusqu'au retour de ces derniers.
1.3. FORMATION DU GUERRIER ET DU CHASSEUR.
Cette formation s'adresse exclusivement aux garçons.
1.3.1. Apprentissage du tir à l'arc.
1.3.1.1. Maniement des flèches (Fiimi) et des boulets (Joda'aL
Les flèches, empoisonnées ou non. ne sont pas laissées à
la portée des
enfants. ni facilement manipulées dans la vie courante. à cause du danger qu'elles
-
337 -

constituent.
A la place des flèches, des boulets, moins dangereux. sont manipulés pour
l'apprentissage du tir à l'arc. D'abord les
tout
petits
ont leur
petit
arc et
se
servent du roseau, brindille de paille, ou de tige de mil, comme substitut de flèche
pour tirer à l'arc. Quand ils atteignent un certain âge, ils utilisent des boulets plus
lourds.
1.3.1.2. L'âge des premiers arcs.
Très jeune, vers
2-3 ans, dès
que l'enfant acquiert
la
marche,
on
lui
confectionne des armes-jouets dont l'arc. " se sert de roseaux, de brindilles de
paille pour s'exercer au tir à l'arc. " est vrai que depuis un certain temps, cette
habitude tombe en dessuèt ude.
1.3.1.3. Objets symboles des armes.
Pour alimenter les jeux
symboliques
de l'enfant,
l'adulte lui
fabrique
des
objets symbolisant les armes, qu'il porte. Nous venons de parler de l'arc, il y a
aussi la massue, les autres, telles que le poignard, le casque, le bouclier ... L'enfant
lui-même se les fabrique à l'occasion. Alors il joue au guerrier en mimant ce qu'il
voit chez l'adulte.
Les
objets
fabriqués
par
l'adulte
tels
que
l'arc,
la
massue...
sont
de
véritables
armes
miniatures
à
la
portée
de
l'enfant,
des
armes-jouets.
Ceux
fabriqués par l'enfant lui-même ont peu
de
rapport
avec
la
réalité
et
ont
une
véritable fonction symbolique.
1.3.2. Maniement de la massue et port d'armes.
1.3.2.1. Entraînement au maniement de la massue.
Avec
ses
premières
massues-jouets,
l'enfant
s'entraîne
à
chasser
les
criquets, les lézards, et quand il en tue, il organise, en groupe, une
danse
de
chasseurs, à l'instar des adultes revenant de la chasse avec du gibier:.
1.3.2.2. Circulation et port d'armes.
Le petit garçon est habitué très tôt à circuler dans le village, à se rendre
au champ, au marché, avec sa massue qu'il tient toujours en position d'attaque. En
effet, un homme ne doit jamais se promener les mains vides. Il faut qu'il soit en
mesure de se défendre contre toute attaque, ou d'attaquer le premier: ennemis,
reptiles, bêtes féroces ...
Aux temps des guerres, il devait porter carrément l'arc et les flèches. Un
homme circulant sans armes est
traité de
femme
(Foko, Foga).
L'arme est
le
symbole masculin.
- 338 -

1.3.2.3. Danses et port d'armes.
Les hommes doivent danser armés, non seulement de (leur) massue, comme
pour la circulation, mais de carquois pleins de flèches, d'arc et de poignard, en
principe aussi de casque de guerre, donc prêts au combat.
Aux temps des guerres, la danse était signe de triomphe sur l'ennemi, donc
une provocation. un défi. Et comme elle se déroule la nuit (de l'après-midi jusque
tard la nuit), l'ennemi profitait alors de l'obscurité pour attaquer, et assouvir sa
soif de vengeance. C'est pour cette raison que les hommes encerclent toujours les
femmes en dansant, prêts à les protéger en cas d'attaque ennemie.
Le petit garçon est entralné donc à porter, d'abord sa massue. à la danse;
et. plus tard à partir de la classe d'âge. il s'arme. comme l'adulte, de carquois
plein de flèches, de son arc et de son poignard.
1.3.3. Maniement du poignard.
1.3.3.1. Passage à la classe d'âge et port du poignard.
En principe, le poignard est officiellement porté après le passage à la classe
d'âge, i.e. à la sortie de l'enfance et l'entrée dans la catégorie des adultes.
Avant
cet
âge,
il
s'entraîne,
comme
nous
l'avons
vu,
avec
un
arc
confectionné à sa taille, mais on ne confectionne pas de poignard pour l'enfant,
même pas avec du matériel non ferreux, lui-même se le fabrique.
1.3.3.2. Apprentissage au tir à l'arc et port du poignard.
C'est à la classe d'âge que l'on remet au garçon son véritable arc; on lui
tend
son arc d'adulte (Tabe Ba'am), différent de l'arc-jouet:
il
devient
alors
un
homme (non plus un enfant) avec son arc (Dawéé n a tabeL S'il meurt maintenant,
son arc doit figurer parmi les arcs des Ancestres
guerriers
de
la
concession.
Dorénavant, il ne peut plus changer de maison. En tant qu'enfant, il pouvait quitter
provisoirement ou définitivement sa concession de résidence pour une autre; par
exemple:
quitter
la
maison
paternelle
pour
celle
maternelle,
ou
vice-versa.
Maintenant, ce n'est plus possible: il restera fixé dans la concession où il a reçu
son arc. On ne change pas de maison avec son arc. Un homme armé, guerrier, ne
change pas de maison. On est armé pour défendre une concession, donc on y est
enraciné.
C'est à partir de la classe
d'âge
que
"entraînement
du
guerrier
devient
systématique et sérieux. Ce n'est plus un jeu symbolique. On lui remet l'arc, c'est
pour
qu'il
apprenne
à
1e
manier
comme
à
la
guerre.
L'entraînement
se
fait
effectivement
en
bataille
rangée:
les
jeunes
gens
s'organisent
en
factions
antagonistes, rivales, et se livrent à l'exercice du tir à l'arc, avec des boulets qui
sont moins dangereux que les flèches.
Le tir à l'arc se fait avec le poignard enfilé à la main, qui aide à empoigner
la corde de l'arc et la tendre pour lancer la flèche ou te boulet. Le jeune qui
-
339 -

s'exerce au tir à l'arc doit donc porter son poignard.
1.3.4. Epreuve de force physique.
1.3.4.1. Lutte.
Le jeune garçon s'Initie très tôt à la lutte. Les tout petits s'affrontent quand
ils se rencontrent entre pairs, entre camarades d'âge; c'est une honte de se faire
renverser par terre par son camarade d'âge. Une telle défaite est souvent mal
supportée par la famille. C'est comme si ses membres étaient des faibles.
Par la lutte, le garçon développe sa force physique en même temps qu'"
l'éprouve. Ce sont souvent les adultes qui incitent les enfants à lutter. Puis. si un
enfant se hasarde dans un autre quartier. il verra défiler tous ses camarades d'âge
Je provoquant à la lutte.
L'entraînement à la lutte semble, de nos jours. se limiter à l'enfance. En
effet. après le passage à la classe d'âge. le jeune s'adonne très peu à la lutte.
Autrefois. la lutte devait être l'une des épreuves initiatiques pour développer la force
du guerrier.
1.3.4.2. Travaux manuels.
On confie à l'enfant de petits travaux manuels dont la nature varie selon le
sexe.
Les travaux exigeant un effort physique intense sont confiés au garçon, cela
dans l'optique
de la formation
du
guerrier, et du
chasseur,
qui
est
appelé
à
affronter le danger.
1.4. DOMAINE ECONOMIQUE.
1.4.1. Apprentissage agro-pastoral.
1.4.1.1. Travaux champêtres.
Autour (aux environs) de 9-10 ans, l'enfant commence
son
initiation
aux
travaux champêtres. Avec de petites houes. garçons et filles apprennent d'abord à
sarcler. En grandissant. le garçon sera progressivement
initié
au labourage.
qui
demande plus d'effort.
L'enfant est assisté par l'adulte qui rectifie les erreurs et lui permet de
perfectionner ses performances.
1.4.1.2. Initiation à l'élevage.
C'est surtout le garçon qui est initié à l'élevage. La garde des moutons et
des bœufs au pâturage pendant la saison des pluies lui est confiée. Comme nous le
disions plus haut. les moutons et les bœufs supportent mal l'enclos et nécessitent
- 340 -

le gardiennage au pâturage, encadrement qui les empêche de détruire les cultures.
Quand la famille ne dispose pas de garçon, la fille peut exceptionnellement garder
(surveiller) les moutons, mais rarement les bœufs.
Quant aux chèvres, enfermées pendant la saison pluvieuse, c'est le garçon,
et quelquefois la fille, qui cherche de l'herbe (branches de palme, feuilles de miL ..>
pour les nourrir.
C'est également le garçon qui s'occupe des poussins et des poulets; il les
fait rentrer,
le soir, dans la cage et/ou le poulailler pour les
soustraire
aux
prédateurs nocturnes; il les libère le matin et leur donne à manger. le garçon plus
grand mène les poussins en cage pour les nourrir dans les champs, où ils picorent
les vers libérés au cours du labour. Le garçon cherche aussi des termites pour les
jeunes poussins.
Ces activités donnent l'occasion à l'adulte de sensibiliser l'enfant à l'objectif
religieux de l'élevage, l'importance de l'animal dans la relation à l'Ancêtre sacré.
1.4.1.3. Travaux domestiques.
Les travaux domestiques concernent en grande partie le ménage. Dans ce
sens. l'initiation concerne davantage la fille. Elle participe au stockage des récoltes
dans le grenier, à la corvée d'eau. au nettoyage de la maison. à la cuisine (moulure
des grains. préparation de la sauce et de la pâte .. J. à la préparation de la bière
qui est un travail délicat, long et demande de la patience; elle prend part aussi à la
puériculture
(soins
des
petits
enfants).
etc ... ;
tout
cela
est
supervisé
par
la
maîtresse de maison qui est responsable de l'éducation de la fille.
Mais il existe certains travaux relevant du domaine masculin que le garçon
doit apprendre. Nous avons déjà parlé de l'élevage domestique (soin du bétail, de la
volaille .. '>; il y a aussi l'entretien des constructions: il faut renouveler la paille du
toit des cases, reconstruire celles qui sont lézardées. Le garçon doit apprendre ce
travail: il se charge de démolir les cases à reconstruire, de chercher l'argile et de
la pétrir. Il tresse la paille pour renouveler le toit pourri, et couvrir les nouvelles
cons tructions.
1.4.2. La chasse et la pêche.
Le jeune garçon est initié assez jeune à la chasse et à la pêche. Dès l'âge
de 9-10 ans, il peut participer aux battues organisées dans les environs du village.
Encadré par les adultes, il apprend à chasser d'abord le petit gibier: souris des
champs, la perdrix, le lièvre ... Puis les enfants s'organisent en groupe pour traquer
les souris dans leurs trous, courant le danger d'y rencontrer des serpents.
Au début de la saison sèche, quand les cours d'eau commencent à tarir. les
enfants, encadrés
par
leurs
aînés, construisent
des
barrages
pour
pêcher
les
grenouilles, et les crabes. Ils participent à la pêche rituelle dont le produit est
destiné au rite de passage.
-
341 -

2. INSTllUTlONS EDUCATIVES.
Tout ce contenu éducatif, dont nous n'avons passé en revue que l'essentiel,
est communiqué à l'enfant au sein des institutions sociales ayant, essentiellement ou
parallèlement, pour fonction d'éduquer, de transmettre la Tradition à la descendance.
2.1. LA FAMILLE.
2.1.1. La famille nucléaire.
2.1.1.1. Maternage: de la naissance au sevrage.
L'éducation de la naissance au sevrage. Le. jusqu'à l'acquisition de la marche.
est un véritable maternage où l'enfant est nourri au sein, sur demande. en contact
permanent peau à peau avec la mère 01 dort sur la même natte que la mère et
collé à celle-ci, il est attaché au dos durant les travaux, porté sur les genoux ou à
califourchon sur le flanc pendant les heures de repos); ce contact est source de
sécurité et de chaleur affectives.
La relation mère-enfant, au cours de ce maternage. n'est pas exclusivement
dyatique: l'enfant est manipulé par tous les membres de la famille, il passe de main
à main: tout le monde s'occupe de lui pour les soins corporels (bains, propreté .. J
et le contact peau à peau, sauf pour l'allaitement où la mère seule intervient. Là
encore. d'autres femmes, même étrangères à la famille, en période de lactation
peuvent
suppléer
à
l'absence
de
la
mère.
La
grand-mère.
sans
lait,
donne
quelquefois le sein. Donc la relation duelle est très diversifiée. Mais deux personnes
restent,
tout
de
même,
des
figures
centrales:
c'est
la
mère
et
le
substitut-
maternel
choisi
et
agrege
à
la
mère
dès
la
naissance
de
l'enfant.
Le
substitut-maternel est un jeune enfant, fille de préférence, de la famille ou hors de
.
.
la famille. Dans la famille, on prend généralement une sœur, ou un frère. du bébé.
qui vient avant le frère ou sœur direct de celui-ci. La mère et son substitut sont
les deux personnes qui s'occupent régulièrement du bébé, les autres personnes de
la famille n'intervenant qu'occasionnellement.
2.1.1.2. A partir du sevrage: intégration familiale.
Le sevrage consiste à séparer l'enfant de la mère et du substitut-maternel
par le processus d'ablactation, et de coupure de contact peau à peau. A partir de
ce moment, l'enfant est pris en charge par la fratrie. pour l'intégration dans son
groupe d'âge. et par le groupe de son sexe qui se charge. comme nous avons vu
plus
haut.
de
façonner
son
identité sexuelle.
Il
prend
ainsi
sa
place
dans
la
structure familiale. Cette place va se préciser, se confirmer. à travers les diverses
interactions
éducationnelles
horizontales
(au
sein
de
la
fratrie)
et
verticales
(identification sexuelle. situation par rapport aux grands). Ceci permet son insertion
-
342 -

dans la société élargie.
2.1.1.3. Rôles éducatifs des différents membres de la famille.
La mère. bien que frappée d'interdit. est demeurée la figure centrale de
source de satisfaction des besoins alimentaires et affectifs par sa présence. Elle
prend la fille en charge pour l'identité sexuelle. mais son rôle en tant que Loi.
autorité, est relayé par la tante qui est la vraie Initiatrice en matière féminine.
Mère et tante développeront chez la fille les attitudes sociales, les comportements
qui caractérisent la femme.
Le garçon. lui. est pris en charge par les éléments masculins: frères afnés.
cousins, père et surtout l'oncle. qui vont lui façonner son image d'homme: les
activités masculines. attitudes (sociales) et comportements qui caractérisent l'homme
dans la société. C'est l'oncle qui est le gardien de la Loi, de l'autorité dans la
maison, il l'est surtout pour les garçons. mais aussi pour les filles que la tendresse
féminine des
éducatrices
(mère,
tante)
n'arrive
pas
à
mettre
au
pas.
Il
fait
respecter les interdits familiaux. les tabous ... Quand les enfants font des chantages
affectifs aux parents, c'est l'oncle qui intervient. En l'absence de l'oncle, c'est le
frère aîné ou un grand cousin qui prend la place, qui incarne l'autorité.
La fratrie, dans son ensemble, joue le rôle de relais social: c'est dans la
fratrie. surtout les frères et sœurs qui sont plus proches de l'enfant par leur âge,
que
Ego
apprend
ses
premières
notions
de
sous-culture
infantile,
avant
de
rencontrer le groupe des pairs du quartier. et du village et de s'y intégrer.
Les
grands-parents,
comme
nous
l'avons
vu,
sont
l'image
de
la
toute-puissance protectrice. Ils ne grondent jamais, ne châtient pas, protègent et
gâtent. Ils sont source de sécurité physique et affective
2.1. 2. Famille étendue (Da' angaL
2.1.2.1. Ancêtre-Educateur.
C'est surtout par les rites sacrificiels qui groupent périodiqu61r::nent tous .. les
membres du clan
(Da'anga) dans
la grande
concession
(Habermre), et
auxquels
l'enfant participe, que ce dernier apprend peu à peu son appartenance à un Ancêtre
qui serait source de vie de tout le clan.
Quelquefois,
des
expériences
douloureuses
personnellement
vécues
par
l'enfant telles que la maladie, devant lesquelles les parents se remettent à l'Ancêtre
pour le soulagement du mal. vont renforcer son sentiment d'appartenance à cet
Ancêtre.
Ces vécus religieux et ces expériences personnelles, avec les explications
interprétatives des grandes personnes. vont sensibiliser "enfant à la nécessité de se
conformer à la règle ancestrale. à faire comme l'Ancêtre. En effet. les grandes
personnes
imputent
toutes
les
perturbations,
tous
les
malheurs
qui
arrivent
maintenant au fait que la Tradition ancestrale n'est plus respectée. Aux temps des
- 343 -

Ancêtres, les conduites des gens étaient conformes à la Traditiobn et il n'y avait
jamais de sécheresse, d'épidémies ... Ce sont des inconduites de nos jours qui sont
source de tous les malheurs.
La manifestation éventuelle du Rata-Ancêtre de l'enfant va être un facteur
de plus pour attirer son attention sur sa conformité avec un Ancêtre qui l'a bâti à
sa propre image. Cette manifestation (révélation) se fait surtout par l'apparition
d'une maladie-signe sur l'enfant, dont la guérison est conditionnée par un rite de
vénération envers cet Ancêtre.
Toute l'éducation donnée à l'enfant lui est présentée comme la volx
de
l'Ancêtre. Les adultes ne sont que des transmetteurs, des messagers. L'enfant est
ainsi invité à s'Identifier non pas à une figure adulte observable qui Incarnerait
l'autorité, mals à l'Ancêtre absent, présenté comme l'Idéal à suivre. Tant qu'on le
suit, tous les malheurs sont écartés et le bonheur règne.
2.1.2.2. La Loi de l'Ancêtre - Ancêtre Législateur.
L'identification à l'Ancêtre familial clanique implique le respect de certaines
Lois spécifiques au clan, qui définissent les membres du clan. Toutes ces lois sont
présentées à l'enfant comme venant de l'Ancêtre, émanant du monde sacré, donc
indiscutables. Leur transgression entraîne des dommages
pour
l'enfant, pour
les
membres de la famille: maladie, mort. Même les grandes personnes ne sont pas la
source de la Loi. Ils sont les gardiens, les dépositaires, du verbe ancestral. Toute
désobéissance est dirigée contre l'Ancêtre législateur et non contre les gardiens.
C'est l'Ancêtre qui est la source de la Loi, c'est lui qui incarne l'autorité; c'est lui
qui châtie, punit les inconduites.
2.1.2.3. Religion comme pratique de la Loi ancestrale.
La religion, culte des Ancêtres, est présentée à l'enfant comme pratique de
la Loi Ancestrale, pratique à laquelle tout le reste, toutes les autres activités sont
subordonnées.
2.2. SOCIETE ELARGIE.
2.2.1. Rôle éducatif des personnes âgées.
2.2.1.1. Responsabilité collective.
Chaque
personne
âgée,
et
chaque
adulte,
en
tant
que
gardiens
de
la
Tradition. se sentent responsables des conduites et inconduites de tous les enfants
du village. Chacun veille à ce que les jeunes respectent la Loi Sacrée. Ainsi, quand
l'occasion se présente, ils orientent les jeunes sur le droit chemin, rectifiant leurs
conduites et les châtient au besoin.
- 344 -

2.2.1.2. Transmetteurs de la Tradition.
Les
personnes
âgées
(Anciens)
et. par
délégation,
les
adultes,
sont
les
gardiens et dépositaires de la Tradition qu'ils sont chargés de transmettre à la
génération descendante. Ils doivent les mouler dans l'ordre ancestral pour perpétuer
la culture.
A l'occation des rites publics (religi eux, initiatiques de passage>, ils sont
toujours là pour tracer aux jeunes la voie à suivre: montrer et expliquer comment
les rites s'accomplissent et dans quel ordre ils se déroulent, et ce qui entrafne le
non-respect du code.
2.2.1.3. Conseillers des jeunes.
Avant d'entreprendre toute activité importante, les jeunes doivent demander
conseil aux Anciens. Eux seuls peuvent juger de ce qui convient dans
les cas
concrets.
2.2.2. Les ainés.
2.2.2.1. Entrainement.
Les
ainés
sont
chargés
d'entrainer
les
jeunes,
leurs
cadets,
dans
les
exercices éducatifs.
Ce
sont
les ainés qui
encadrent
les
enfants
durant
les
apprentissages
agricoles, les techniques de guerre (maniement des armes, tactiques et habileté).
l'exercice sportif et artistique. la chasse, la course, etc.
2.2.2.2. Initiateurs.
Les ainés encadrent aussi leurs cadets pour l'apprentissage et exécution des
techniques initiatiques au cours des rites de passage.
Chaque jeune homme a son Senkpèèma. parrain, qui l'assiste à toutes les
étapes des
rites
de
passage.
Les
femmes
ont
leur
Tetawa,
marraine, qu i les
assiste aussi aux rites de passage de la jeunesse. Les marraines sont de véritables
mères pour 1eurs filleules qui doivent porter le deuil à leur mort.
2.2.3. Le système initiatique.
Par
ses
prescriptions,
ses
interdits,
et
les
techniques
et
secrets
qu'il
apprend aux jeunes. le
système initiatique est
une véritable école de formation
religieuse. sociale. économique et politique.
2.2.3.1. Les épreuves.
Les scarifications auxquelles les jeunes sont soumis au rite de passage à la
classe d'âge, les danses rituelles qu'ils doivent apprendre. les courses. etc... sont
autant
d'épreuves
de
maturation
qui
développent
chez
eux
force
physique
et
caractère.
- 345 -

2.2.3.2. Les interdits et prescriptions.
Les prescriptions et interdits que l'on impose à l'initié, contribuent à former,
chez lui, le sens de la Loi, et le contrôle de
la vie
instinctuelle; en effet,
ils
l'obligent à élaborer un système défensif pour se socialiser, se conformer à la Loi
ancestrale, aux exigeances de la culture.
2.2.3.3. Les rites religieux.
Les rites religieux qui émaillent la plupart des étapes initiatiques de passage,
constituent les diverses étapes de la formation religieuse.
2.2.4. Système coopératif.
2.2.4.1. Association d'entraide agricole.
Dès que l'enfant commence son initiation aux travaux agricoles, il intègre une
association d'entraide déjà existante, ou en fonde une avec quelques-uns de ses
camarades d'âge. Dans ce type d'association, l'esprit d'émula tian est le moteur de
la rapidité. Le plus rapide impose sa loi, son système à tout le groupe.
2.2.4.2. L'entraide occasionnelle pour tous travaux.
L'enfant
est
sollicité
individuellement
ou
en
groupe
pour
des
entraides
occasionnelles de culture, d'entretien des cases, de préparation de bière, de corvée
d'eau, de transport de fardeau, etc. Lui-même doit en retour solliciter ses pairs,
sur la demande de ses parents.
Le système coopératif est
une véritable
école de formation
au
sens
de
"autre, à l'esprit de solidarité collective, et à 1a découverte de l'interdépendance
sociale.
3. ~ODES ET lECHNIQUES EDUCATIVES.
3.1. METHODES PRATIQUES.
La méthode éducative utilisée est éminemment pratique.
3.1.1. Apprentissage par voir faire
L'enfant apprend en observant ce que fait l'adulte: la technique, l'aisance, la
rapidité, etc ... avec lesquelles l'adulte exécute une tâche doivent être enregistrées
par l'enfant. L'adulte explique très peu théoriquement ce qu'il fait et comment il le
fait.
Il
se
contente
de
montrer
comme
on
le
fait,
en
le
faisant
lui-même.
L'éducation consite à présenter, à l'apprenant, des modèles de conduites à imiter.
- 346 -

L'enfant est donc
invité à enregistrer toutes
les
actions
et
leurs
combinaisons
aboutissant à l'accomplissement parfait de la tâche.
Cette méthode développe davantage le sens de "observation concrète de la
réalité: cela explique l'abondance des détails dans les récits rapportés par le Nawda
qui s'occupe très peu de résumés synthétiques.
3.1.2. Apprendre en faisant.
L'enfant est invité à observer afin de faire ce qu'il a vu faire. L'observation
ne consiste pas à tirer des conclusions théoriques, mais à enregistrer et reproduire
des
modèles.
Le
Nawda
ne
sépare
pas
l'enseignement
notionnel,

1
faut
apprendre, par observation, comment se font les choses, et "exécution pratique de
ce qu'on a appris; les deux sont intimement liés. Enseigner, c'est faire-faire; et
l'apprenant assimile en
faisant.
"
améliore
ses
performances
en
s'entraînant
à
"faire" à répétition.
3.1.3. Essai et erreur.
En reproduisant le modèle tracé par j'adulte, l'enfant se rend compte de ses
imperfections: il n'arrive pas à reproduire exactement et parfaitement le modèle;
puis, il se rend compte qu'il ne le fait pas avec la même aisance que l'adulte. Alors
sa réaction pourrait être une attitude d'infériorité où il perd confiance en lui-même,
ou plutôt une attitude d'auto-dépassement. de recherche de mieux. en observant
davantage l'adulte et en se donnant plus de peine. Il choisit souvent la deuxième
réaction parce que "adulte ne supporte pas toujours ses erreurs et le traite sans
ménagement
en
le
ridiculisant.
en
le
honnissant.
Le
sentiment
de
honte
est
insupportable, et l'enfant doit déployer son potentiel énergétique pour se prouver à
lui-même et
aux
autres
ses
capacités.
C'est
ce
mécanisme
qui
lui permet
de
corriger
progressivement
ses
erreurs,
d'améliorer
ses
essais
ratés,
ses
performances médiocres.
3.2. METHODE PROGRESSIVE.
3.2.1. Révélation par étapes.
Le contenu mystérieux de la Tradition Sacrée est transmis
à
l'enfant
par
étapes, suivant un programme établi selon le découpage en groupes d'âges. " n'est
pas bon que "enfant sache certaines choses, trop jeune. Le grand découpage prévoit
deux grandes
étapes
dans
l'éducation: d'un côté
les enfants,
et
de l'autre
les
adultes, les hommes mûrs. L'enfance, nous l'avons vu, va de la naissance à
la
- 347 -

classe d'âge; le passage dans la classe d'âge signe l'intégration, l'entrée dans la
catégorie des adultes. Mais à l'intérieur de ces grandes catégories,
il y a des
sous-catégories,
des
sous-étapes,

le
message
éducatif
se
révèle
progressivement.
L'éducation est donc progressive depuis la naissance. Chaque chose doit être
enseignée à une phase. à une étape déterminée de la maturation de l'individu. Toute
curiosité précoce est réprimée. Cette progression suit le calendrier des rites de
passage qui permet de franchir les degrés hiérarchiques.
3.2.2. Système initiatique.
Le système initiatique qui procède par les rites de passage est donc celui
qui met mieux en
lumière la méthode progressive de l'éducation. Les
rites
de
passage signent les capacités de l'Ego (du sujet) à assimiler et à faire des choses
supérieures à ce qu'il savait et/ou faisait dans l'étape dont il sort. Celui qui vient
de passer dans la classe d'âge, à peine sorti de l'enfance, ne peut pas ou ne doit
pas savoir et faire ce qui est réservé à la dernière étape de l'initiation qui prépare
les guerriers et leur communique les secrets militaires. Avant d'en arriver là, le
jeune doit passer par les étapes
intermédiaires

l'apprentissage
progressif et
initiations qui y sont liées le préparent et l'introduisent aux grandes choses. Les
rites sont liés à la maturité de l'Ego et sont opérants en eux-mêmes, i.e. qu'ils
rendent l'individu apte à comprendre, à assimiler, à faire ...
3.3. METHODE OCCASIONNELLE.
La
transmission
du
message
éducatif
ne
se
fait
pas
pour
elle-même.
L'éducation n'est pas programmée en dehors. de la vie; elle est la vie. Comme elle
est éminemment pratique, elle est intimement liée aux situations concrètes de la vie.
Ainsi l'enfant n'apprend que quand ces situations lui donnent l'occasion, quand elles
se présentent. Nous allons analyser quelques-unes de ces situations.
3.3.1. Occasions extérieures au sujet.
3.3 .1.1. Saisons agricoles et de chasse.
Pour apprendre à l'enfant à cultiver la terre et à chasser, on ne le met pas
dans une salle de classe pour lui expliquer les techniques agricoles et cynégétiques.
On
ne
le met pas
non
plus
dans
un
laboratoire,
pour
lui
faire
manipuler.
les
situations simulées avant de se rendre sur le terrain.
Il
doit apprendre
sur
le
terrain. Il n'y a même pas d'essai préliminaire; il est plongé directement dans la
réalité du terrain. Et comme on
ne cultive
ni
ne
chasse
toute
l'année,
il
doit
- 348 -

attendre la saison qui lui donnera l'occasion
unique d'apprendre. S'il
rate
cette
occasion (maladie, absence) il n'apprendra pas, ou du moins il sera retardé par
rapport à ses camarades d'âges.
3.3.1.2. Rites sacrificiels et initiation religieuse.
Il en va de même de /'initiation, de la sensibilisation aux choses religieuses.
C'est
à
l'occasion
des
cérémonies
et
rites
religieux
que
l'enfant
a
l'occasion
d'apprendre certaines choses: techniques sacrificielles, croyances, appartenance à
"Ancêtre clanique.
3.3.2. Vécu du sujet.
3.3.2.1. Maladies.
La maladie est une expérience où l'individu qui la vit se sent menacé dans
/'intégralité de son être. C'est l'occasion pour l'enfant d'assimiler les représentations
collectives de la maladie, tendant à réduire "angoisse: ses causes, son processus,
les
facteurs
contribuant
à
sa
neutralisatioon.
Toutes
ces
représentations
sont
vécues dans la pratique thérapeutique comme opérantes, efficaces.
Et comme les maladies infantiles sont loin d'être rares, l'expérience de ce
vécu, avec toute la thérapeutique représentative, est une véritable imprégnation, un
conditionnement.
3.3.2.2. Situations difficiles.
Les situations difficiles telles que l'échec social des plarents provoquent la
mise
en
thèmes
persécutifs,
qui
donne
à
l'enfant
l'occasion
d'expérimenter
la
relation (le lien) entre malheur et attaque persécutive. Ces situations ne sont pas
rares puisqu'on ne réussit jamais dans tous les domaines à la fois. Et puis il y a
les perturbations cosmiques qui donnent lieu aux explications interprétatives.
3.4. LA MOTIVATION.
Le renforcement de l'apprentissage éducatif est surtout du type négatif et se
formule (présente) en termes de sanction sociale et ancestrale.
3.4.1. Sanction sociale.
Comme nous y avons fait allusion ci-dessus,
"incapacité ou
l'imperfection
dans l'accomplissement d'une tâche suscite la moquerie populaire qui engendre le
sentiment de honte et d'infériorité sociale. L'éducateur utilise cet argument pour
débloquer le potentiel énergétique de son élève. Pour échapper
à la honte tout
-
349 -

enfant met tout en œuvre pour bien faire ce qu'il apprend.
La sanction corporelle existe, mais elle a moins d'impact que la sanction
sociale. La réussite est socialement gratifiante (admiration, respect, éloges .. '>. Ces
gratifications, comme nous l'avons vu, sont à double tranchant: elles
attirent
la
jalousie meurtrière de ceux qui réussissent moins ou craignent d'être dépassés.
3.4.2. Sanction divino-ancestrale.
Sur le plan moral et religieux, en plus de la sanction sociale, il y a celle du
Sacré. Nous y avons aussi fait allusion dans ce qui précède. Les interdits et tabous
imposés à l'enfant le sont sous la menace de maladie ou de mort en cas de
transgression. Il lui est signifié que le monde sacré frappe de maladie et de mort
quiconque
transgresse
les
(contrevient
à)
interdits
(violation
des
lieux
saints,
consommation
d'aliments
interdits ..'>
ou
ne
(conforme
pas
ses
conduites)
se
conforme pas aux prescriptions.
L'apprenant se conforme aux lois sacrées par peur de mourir.
4. FINALITES DE L'EDUCATION.
4.1. SOCIALISATION.
4.1.1. Intégration sociale de l'individu.
4.1.1.1. Conformité avec la Tradition.
L'éducation a pour but de mouler l'enfant dans la Tradition Ancestrale. La
Tradition, ce système sémantique du cosmos, élaboré par l'Ancêtre-Fondateur, doit
imprégner tous les membres de la collectivité Nawda. Les générations ascendantes
doivent veiller àce que les enfants se conforment à ce
système.
Il
faut
que,
devenus grands. ils se comportent, se conduisent, en tous domaines, en Nawdeba
authentiques, et non en étrangers.
4.1.1.2. Membre du système productif.
Les adultes. membres actifs. qui assurent la production économique. humaine
et sociale doivent préparer la relève pour assurer la survie du peuple.
Le
seul
travail qui existe. pour le Nawda traditionnel. nous l'avons vu. est le travail agricole.
C'est ce travail qui produit les fruits de la vie.
Nous
avons
parlé
aussi
de la
production humaine (procréation) qui perpétue l'ethnie.
L'éducation a pour but de préparer les membres producteurs sur qui repose
la société. Nous avons vu que dès l'acquisition de la marche. l'enfant est récupéré
par le groupe familial. puis social de son sexe pour préparer en lui le futur conjoint
- 350 -

et géniteur (parent). i.e. pourvoyeur
de vie.
Dans
le domaine économique.
nous
avons vu que l'éducation se donne à l'occasion des travaux concrets. Ajoutons que
dans ce domaine surtout. l'éducation est une activité product ive. Cela signifie que
l'acte éducatif produit
des
fruits
socialement consommables.
L'enfant
apprend
à
travailler la terre en produisant effectivement. " en va de même de l'apprentissage
ménager: la
fillette
qui
apprend
le ménage le
fait en
accomplissant
des
actes
ménagers
consommables.
L'enfant
produit
dès
qu'il
commence
l'apprentissage.
L'enfant
apprenant est
d'emblée intégré dans le
système
productif
à
l'intérieur
duquel il perfectionne ses performances.
4.1.2. Conserver l'identité ethnique.
4.1.2.1. Assurer la pérénité de la Tradition.
Les enfants assimilent la Tradition
pour eux-mêmes, mais
aussi pour la
postérité. A leur tour, ils doivent devenir. pour leurs enfants. des transmetteurs de
la Tradition. L'apprentissage leur pe rmet de devenir plus
tard
les gardiens.
les
dépositaires de la Tradition. et pour cela. des médiateurs entre j'ancestralité et leur
progéniture. Ainsi. de génération en génération. l'identité ethnique sera conservée.
L'éducation prépare donc des
membres
moulés
dans
la
Tradition
et leur
confère (confie) par là-même (en même temps) le devoir de devenir à leur tour des
éducateurs, des maîtres. des enseignants.
4.1.2.2. Eviter la contamination culturelle.
La
pérénité
de
la
Tradition
est
une
forme
de
protection
contre
la
dénaturation culturelle possible à tous moments par le phénomène de déculturation.
L'assimilation des cultures voisines est dangereuse pour la survie de la culture. Et
si celle-ci n'est pas solidement enracinée dans les jeunes générations. ces dernières
auront tendance à perdre leur identité.
4.2. THEOCENTRISME.
4.2.1. Identification à l'Ancêtre-Fondateur.
Mouler
l'enfant dans
la
Tradition
ancestrale. c'est
le rendre
identique
à
l'Ancêtre. le conformer à la ligne ancestrale. Suivre la Loi de l'Ancêtre. qui est la
Tradition. c'est faire comme lui. agir comme lu i. se conduire en toute situation
comme il le faisait. La Tradition, c'est l'ensemble des faits et gestes de l'Ancêtre
qui
sont
devenus
Lois;
c'est
la
ritualisation
de
ses
réactions
adaptatives
aux
situations où l'équipement instinctif naturel ne suffisait plus. En fait. s'identifier à
l'Ancêtre. c'est être et agir comme lui. Ses réponses adaptatives aux situations.
problèmes. sont devenues des modèles. Il était et est le Nawda authentique idéal, et
- 351 -

tout jeune Nawda en développement, en formation doit tendre à se conformer à Lui.
C'est Lui la Loi, la no rme parfaite vers laquelle on doit tendre. Toute éducation doit
poser l'Ancêtre comme modèle, idéal à qui il faut s'identifier.
4.2.2. Hors de l'Ancêtre point de salut.
Nous avons analysé le problème du salut et du bonheur dans le chapitre
réservé aux (traitant de) institutions religieuses. Nous avons
vu
que le bonheur
consistait à rester soudé au tronc de l'arbre ancestral par la conformité à la
Tradition.
Nous
y
sommes
revenu,
dans
ce
chapitre.
à
propos
de
l'éducation
religieuse. L'enfant est sensibilisé à ce fait qu'en dehors du cadre ancestral, il n'y a
que souffrance et malheur. L'une des finalités de l'éducation est justement de créer
chez l'enfant la conviction que, pour éviter la vie d'errance, celle de ceux qui se
sont détachés du tronc ancestral, le seul moyen est de se conformer à fa Loi
sacrée.
5. OBJECTIFS DE L'EDUCATION.
Pour atteindre ces finalités, l'éducation nawda se fixe des objectifs précis.
5.1. HABILETE AU TRAVAIL PHYSIQUE.
5.1.1. Valorisation de l'effort physique.
Le système éducatif nawda valorise l'effort physique. Tout est organise aux
fins d'inciter l'enfant, surtout le garçon, â déployer au maximum sa force physique.
L'énergie physique est, en effet, nécessaire dans les activités productives (agricoles,
cynégétiques .. .) et dans la guerre. Nous avons noté que l'homme Nawda conçoit la
vie comme une lutte, et que l'effort physique pénible est vécu comme normal dans
cette lutte. Le Créateur a doté l'Ancêtre de force dont il s'est servi dans la lutte
pour la vie, érigeant ainsi un modèle pour sa descendance.
Donc l'éducation doit préparer l'enfant à faire face aux difficultés de la vie.
La démission devant les difficultés est une honte. La faiblesse physique n'est pas
socialement tolérée, elle est acceptée comme exception dans le cas de maladie,
d'invalidité (jnfirmité) et de vieillesse. C'est pourquoi l'éducation vise à développer
chez l'enfant la résistance physique.
- 352 -

5.1.2. Rapidité et perfection dans le travail.
La rapidité. la précision et la perfection dans le travail constituent un autre
objectif. Comptant
sur
ses
propres
forces.
l'homme
nawda
doit
accomplir
ses
tâches au rythme du temps. Il a. par exemple. des étendues de terre à mettre en
valeur. à faire fructifier pendant la durée d'une saison où les pluies sont souvent
capricieuses. Il faut donc vite faire. Mais un travail mal fait donne une production
médiocre.
Si. par exemple, un travail de labour ou de sarclage ne couvre pas ou
n'arrache pas toutes les mauvaises herbes. la première pluie redonne la vie à
celles-cl et le travail devient Inutile.
On doit donc apprendre à l'enfant à travailler vite et bien, à exécuter un
travail rapide et soigné.
La mollesse. la paresse. la négligeance. sont durement pénalisées
par la
société. To ute personne enclin à la démission devant l'effort fait l'objet de raillerie.
de moquerie et d'intolérance sociale.
5.2. ADRESSE.
5.2.1. Adresse artistique.
L'art le plus cultivé est la musique et surtout la danse. Nous avons vu que
les
rites
de
passage
à différentes
étapes
de
développement
sont
émaillés
de
danses. A chaque étape, il y a une danse spécifique. L'apprentissage de ces danses
fait
partie
de
l'initiation.
L'initié
doit
réussir
techniquement
ces
danses
à
la
perfection, sinon il recueille moqueries et railleries sociales.
5.2.2. Adresse sportive.
Le
sport
consiste
surtout
en
compétion
de
course.
qui
est
rituellement
organisée chaque année. du moins dans certains villages. où elle fait partie des
épreuves initiatiques. La compétition de course doit opposer souvent deux villages.
Les enfants sont préparés dès le bas-âge en vue de cette compétition. Celui qui
remporte l'épreuve fait l'honneur de son village.
5.2.3. Adresse guerrière et cynégétique.
Le domaine où l'adresse constitue un facteur vital est celui de la guerre et
de la chasse. Il faut être plus adroit que l'ennemi et lou l'animal (surtout féroce)
pour avoir la vie sauve. et sauver la vie du village.
-
353 -

C'est pourquoi l'éducation met plus d'accent sur l'adresse et l'habileté dans
le maniement des armes de guerre et de chasse. Autrefois. quand les
guerres
ethniques étaient de règle. l'entraînement au tir à l'arc était de rigueur ainsi que
toute
la
stratégie
guerrière.
avec.
pour
objectif.
de
développer
chez
le
jeune
l'adresse. le savoir-faire, la ruse.
Le maniement des armes de chasse constitue, encore
de nos jours, un
facteur important.
5.3. ENDURANCE.
5.3.1. Sobriété alimentaire.
5.3.1.1. Renoncer au profit des jeunes.
Un adulte doit être en mesure de se sentir responsable des plus jeunes.
Dans ce sens, il doit pouvoir renoncer en
leur
faveur,
s'il
n'y a pas
assez
à
manger. L'enfant est plus fragile. plus vulnérable. il ne peut maîtriser la faim. il
n'est pas résistant, il meurt plus vite de faim que l'adulte. L'enfant
nawda est
entraîné dès le bas-âge à penser à ses frères plus jeunes. On le dresse à pouvoir
les servir d'abord. Quand les parents s'absentent. c'est à l'aîné qu'ils confient la
garde de
ses
frères
plus jeunes
avec
recommandation
de
les
nourrir. de
leur
donner à manger.
L'éducation vise ainsi à développer chez l'enfant le système de freinage, de
contrôle
de
ses
(besoins)
instincts
alimentaires,
et
le
rendre
capable
de
renoncement au profit des plus jeunes. L'homme doit aussi être capable de renoncer
en faveur des femmes. C'est pourquoi la discipline alimentaire est plus sévère pour
l'homme. Les interdits alimentaires à la classe d'âge viSEnt en partie cet objectif.
5.3.1.2. Réduction de la quantité alimentaire.
L'adulte doit réduire sa quantité alimentaire. se contenter de peu pour que
les enfants ne manquent de rien. Cet entraînement commence surtou.t, nous l'avons
vu. à partir de la classe d'âge où le jeune est soumis à des interdits alimentaires.
L'adulte ne finit jamais son assiette. Il doit toujours y laisser un reste pour les
enfants. même s'il n'a pas mangé à sa faim. " doit veiller à ce que les enfants
mangent à leur faim. Les interdits alimentaires ont donc pour deuxième objectif
d'entraîner le jeune à serrer la ceinture. à "contracter" son estomac pour que les
plus petits puissent manger en abondance.
5.3.1.3. Réduction du nombre journalier de repas.
Les interdits alimentaires de la classe d'âge visent en outre à habituer le
jeune adulte à un seul repas par jour: celui du soir. L'adulte se lève de bon matin
et va travailler toute la journée dans les champs. sans se soue ier du petit déjeuner
qui est laissé aux enfants. Or, nous avons vu que les interdits alimentaires limitent
-
354 -

la prise de repas uniquement à la maison. Ainsi donc, le jeune adulte qui travaille
toute la journée hors de sa maison est contraint au jeûne et attendra le soir pour
manger.
Les enfants eux. font les trois repas par jour. Les femmes non plus, ne
sont pas trop (contraintes) liées par cette règle: en effet. elles peuvent manger à
l'extérieur de leur maison et donc dans les champs où elles travaillent.
5.3.2. Résistance à la faim.
5.3.2.1. Auto-contrôle contre la faim.
Ces
restrictions
alimentaires
ne
sont
accompagnées
d'aucune
drogue
supprimant la sensation de faim. Qaund le jeune ne mange pas à sa faim (réduction
quantitative par repas) et réduit le nombre de ses repas journaliers,
il vit une
sensation intense de faim. L'interdiction de manger n'importe où vise à développer
chez le jeune des mécanismes de défense. de résistance contre la faim.
Il doit
pouvoir accomplir normalement son travail toute la journée. sans se laisser abattre
par la faim.
Notons que, par compensation, les adultes développent l'habitude de boire de
la bière de mil qui, comme nous l'avons vu, est très nourrissante. Mais ils évitent
de la consommer durant le travail car elle est alcoolisée et pourrait déprimer les
centre nerveux, et empêcher de travailler.
5.3.2.2. Contrôle social de la faim.
Le système défensif intrapsychique est renforcé par la sanction sociale qui
interdit à l'adulte de se plaindre de faim comme un enfant. C'est une honte pour un
adulte de dire qu'il a faim. Il devient la risée. objet de moquerie et de raillerie.
L'adulte doit adopter une attitude stoïque devant toutes sortes de douleurs
et plus particulièrement la sensation de faim.
5.3.3. Résistance à la fatique.
5.3.3.1. Effort prolongé.
L'adulte Nawda doit travailler toute la journée sans interruption quand les
circonstances l'exigent. Pour s'adapter aux aléas climatiques dont il dépend, il doit
pouvoir lutter contre la montre, comme nous l'avons vu, en labourant en quelques
jours des étendues de terre en flagrante disproportion avec ses instruments de
travail.
Pour cet effet, l'éducation vise à développer chez l'enfant la capacité de
résister à l'effort prolongé et soutenu, et à la fatique.
-
355 -

5.3.3.2. Négation de la fatigue.
Cet objectif exige des moyens solides de contrôle intrapsychique contre la
sensation de fatigue. L'éducation nawda vise
à développer chez l'enfant de tels
mécanismes de contrôle, en le poussant souvent jusqu'à la négation de la fatigue
quand celle-ci dépasse ses limites de tolérance.
5.3.4. Résistance à la maladie et à la douleur.
L'adulte. surtout l'homme. ne doit pas geindre à la moindre douleur ou au
moindre signe de trouble de santé. 1/ doit se montrer stoTque. Si bien que quand le
Nawda se plaint de la maladie ou de la douleur, c'est que celles-ci ont atteint un
degré intolérable. Même là. l'adulte. surtout l'homme. doit pouvoir les supporter en
silence. L'éducation doit viser à préparer l'enfant à cette résistance. On se souvient
de l'épreuve de scarification que le jeune doit stoTquement supporter durant le rite
de passage à la classe d'âge.
5.4. BRAVOURE.
5.4.1. Audace.
L'homme Nawda ne doit pas avoir peur du danger. Il est le garant de la
sécurité familiale et publique. C'est
lui
qui
protège
les
femmes
et
les
enfants.
Devant le danger, il doit se montrer brave, donner confiance à la population.
L'éducation du garçon surtout vise à former son caractère dans ce sens:
développer chez lui l'audace, le pouvoir de défier le danger. La famille, la Société
doivent cultiver, chez tous les garçons, le sentiment de l'honneur.
5.4.2. Le courage.
L'audace suppose (implique) le courage: on ne peut pas défier, braver le
danger
sans
en
avoir
la
force
morale.
Ce
que
poursuit,
en
fin
de
compte,
l'éducation nawda est d'armer l'enfant d'énergie morale, de fermeté qui lui permette
d'affronter le danger. La vie de la collectivité villageoise en dépend. Si les hommes
manquent de courage, alors, l'ennemi, les bêtes féroces ... auront raison du peuple.
L'ennemi lui prendra toutes ses terres, le chassera, le condamnant ainsi à errer
sans gîte, sans "pierre" pour s'asseoir.
- 356 -

5.5. ESPRIT DE SOLIDARITE.
5.5.1. Disponibilité pour autrui.
L'éducation vise aussi à développer chez l'enfant le sens de l'autre, l'attention
à autrui, la conscience d'interdépendance collective. Les associations coopératives
développent tout spécialement cette attitude. L'enfant se rend compte, très tôt, qu'il
ne peut, tout seul, se suffire à lui-même dans ses travaux; il a besoin des autres;
" dépend d'eux. Les autres ont besoin de ses services.
5.5.2. Assistance et aide aux faibles.
Si
l'entraide
est
réciproque,
il
y
a
certaines
personnes
qui
dépendent
totalement des autres, de la collectivité: ce sont les personnes âgées, les infirmes,
les Invalides, et dans une certaine mesure, les femmes seules. Nous avons vu que
toutes ces catégories de personnes sont des manifestations divines et participent de
la sacralité. L'enfant est éduqué
à aider ces
personnes
sans
rien
attendre en
retour.
L'aide qu'il
leur
apporte est
une
vénération
au
monde
sacré,
un
acte
religieux. i.e. l'accomplissement de la Loi divino-ancestrale. Tout manquement dans
ce domaine entraîne la sanction divine.
5.5.3. Participation au bonheur et au malheur d'autrui.
Le bonheur. comme le malheur. doit être partagé en commun. Refuser de
participer à la joie de quelqu'un. c'est signe que vous refuserez de l'enterrer quand
il mourra. Même si on n'a pas de temps. on doit faire acte de présence, L'enfant
est sensibilisé au fait qu'on doit participer à la fête, au culte religieux. organisés
par le voisin. et quand il· est malade ou frappé de tout autre malheur. on doit
l'assister, le visiter régulièrement quand il est malade. l'assister quand il perd un
membre de sa famille, en participant activement aux rites d'enterrement. Chaque
fois qu'il y a de tels évènements dans le village. on pousse les jeunes adultes à y
participer. à s'y associer.
5.6. VERTU DE RELIGION.
L'objectif fondamental de l'éducation nawda qui se veut théocentrique est de
développer chez le jeune la vertu de religion, seul canal conduisant à l'Ancêtre.
- 357 -

5.6.1. Respect et vénération des Ancêtres et Génies.
Les
croyances
religieuses
enseignées
à
l'enfant,
les
pratiques
cultuelles
auxquelles il participe ou qu'on lui fait
accomplir,
ont pour objectif d'éveiller et
d'entretenir chez lui le respect des Ancêtres, sur qui se fonde, comme nous l'avons
vu, la religion Nawda. L'Ancêtre est le protecteur de la famille, du village. Aucun
bonheur ne se produit en dehors des Ancêtres; ils protègent contre tout malheur.
Le malheur arrive parce qu'ils ont abandonné, tourné le dos à leurs protégés pour
des raisons d'inconduites. Avec eux, c'est la sécurité. Seule la relation religieuse
assure cette sécurité.
5.6.2. Respect des interdits et tabous.
Le respect de l'Ancêtre implique le respect de Sa Loi qui s'exprime souvent
par des interdits et tabous. La transgresion de ces interdits entrai ne, comme nous
l'avons vu, une sanction.
L'éducation met donc l'accent sur le caractère sacré des interdits et vise à
développer chez l'enfant leur respect formel et absolu.
5.6.3. Respect de la Tradition.
La Tradition, c'est la Loi ancestrale, qui est la base de la vie religieuse, et
qui infuse tous les autres domaines de la vie. L'éducation va prévenir contre la
tentation de déculturation, qui signifierait la disparition de la Tradition ancestrale.
L'éducation
vise
à
sensibiliser
l'enfant
au
fait
que
l'abandon
de
la
Tradition
ancestrale entraine les malheurs de toutes sortes: épidémie, famine, perturbations
cosmiques et apocalyptiques de tous genres. Elle induit chez "enfant des conduites
conformes à la Tradi tion et lui inspire la peur
de
l'ingérance de
tout élément
étranger menaçant l'ordre traditionnel.
- 358 -

CONCLUSION DU LIVRE 1
Nous venons de formuler, à partir des données du terrain, l'univers de sens
et de signification du peuple Nawda, i.e. sa perception de la réalité, le sens qu'il
donne aux phénomènes naturels, le système de la réalité tel qu'il le construit. C'est
son être-au-monde, son ethos, son système de référence, qui sous-tend et guide
ses comportements, ses pratiques collectives.
Cet ethos n'est rien d'autre que l'ethnopsychologie du peuple Nawda. Nous
l'appelons "ethnopsychologie" parce qu'elle lui est propre, définit sa particularité
culturelle. Les membres d'une même collectivité culturelle ont tendance à réagir de
façon semblable face aux mêmes situations. Cela s'explique parce que la culture
elle-même n'est rien d'autre qu'un système ritualisé de réactions, de
réponses
adaptives à l'environnement, et devenu système de référence, d'identité collective
qu'on peut appeler Tradition.
Ce système est le fruit, le résultat de l'interaction entre la réalité objective
et la perception qu'on en a.
La psychologie du peuple Nawda est donc l'angle sous lequel ce
peuple
perçoit la réalité et tente de
la transformer,
la modifier pour s'y adapter (en
l'assimilant et en s'y accommodant).
- 359 -

LIVRE 2:
SITUATION THERAPEUTIQUE.
- 360 -

UNIVERSllE RENNES"
HAUTE BRETAGNE
LABORATOIRE DE CLINIQUES PSYCHOLOGIQUES

ESQUISSE THEORIQUE DES PRATIQUES THERAPEUTIQUES
CHEZ LES NAWDEBA DU NORD TOGO.
Contribution à l'étude Dsychologique de la médecine traditionnelle
en Afrique l'Joire.
THESE DE DOCTORAT D'ETAT
(Psychologie et sciences humaines)
présenté par
DJASSOA C. Gnansa
Sous la direction du
Professeur LoTck VILLERBU
Jire::teur du Laboratoire de cliniques Psychologiques
Il
- 1988 -
J

UNIVERSI1E RENNES "
HAlffE BRETAGNE

LABORATOIRE DE CLINIQUES PSYCHOLOGIQUES
ESQUISSE THEORIQUE DES PRATIQUES THERAPEUTIQUES
CHEZ LES NAINDEBADU NORD TOGO.
Contribution à l'étude psychologique de la médecine traditionnelle
en Afrique Noire.
THESE DE DOCTORAT D'ETAT
(Psycholog je et sciences humaines)
présenté par
DJASSOA C. Gnansa
Sous la direction du
Professeur LoTck VILLERBU
)ire:::teur du Laboratoire de cliniques Psychologiques
Il
- 1988 -
1

LIVRE 2:
SITUATION THERAPEUTIQUE.
- 360 -

PREMIERE PARTIE:
LE MATERIEL CLINIQUE.
-
361 -

L'univers
de
sens
et
de
signification
Nawda
que
nous
venons
d'étudier
représente le llcadre théorique de référence 1/ permettant l'intelligibilité des pratiques
curatives qui feront l'objet de ce deuxième livre.
Avant
de
montrer
l'articulation
fonctionnelle
de
ces
pratiques
avec
leur
contexte culturel de référence, nous allons d'abord analyser les données cliniques du
terrain
et
les
confronter
à
nos
hypothèses,
élaborées,
rappelons
le,
à partir
de
la
formalisation,
par
le
professeur
1.
Sow,
de
la
psychologie
médicale
négro-africaine.
CHAPITRE 1.
TRAITEMENT DES DONNEES
RECUEILLIES.
1. PRESENTATION DU MATERIEL.
1.1. CARI\\CTERISTIQUES DU MATERIEL.
1.1.1. Entretien d'enquête semi-directif.
Notre
matériel
est
constitué
en
partie
par
un
corpus
de
protocoles
d'entretiens semi-directifs. i.e. encadrés par un guide qui laisse une liberté
aux
répondants.
1.1.1.1. Guide d'entretien thématique.
Nous avons présenté le guide d'entretien dans l'introduction. construit selon
un schéma thématique qui invite les divers (différents> sujets répondants à exprimer
leurs représentations de différents domaines de la réalité. Ce n'est donc pas un
t
questionnaire,
i.e.
une
interview
structurée
à
questions
ouvertes
(ou
fermées>,
élaborées a "priori de façon
standard.
Ce
n'est
pas
non
plus
un
entretien
non
directif de type psychanalytique ou du moins thérapeutique où l'enquêteur pose peu
- 362 -

de questions. laissant à l'enquêté la liberté de choisir même le secteur de son
discours. Le but de notre entretien était moins centré sur le sujet que sur ses
représentations.
1.1.1.2. Liberté des locuteurs à l'intérieur des thèmes.
- Ce qui précède signifie que la liberté des locuteurs n'est ni circonscrite
dans
des
questions-cadres
rigides
(questionnaire).
ni
illimitée
(entretien
psychanalyt iqueL Elle a été limitée par
les
thèmes
choisis
et
programmées
à
l'avance selon nos hypothèses de recherche. Mais
les
locuteurs ont
une
liberté
relative à l'intérieur de chaque thème qui agit comme question "starter". Le locuteur
a développé ses idées spontanément. encouragé par notre attitude
non directive.
plutôt d'écoute et d'apprenant. Les détails notés sous les thèmes ont servis de
questions subsidiaires permettant clarification. approfondissement de la pensée des
locuteurs.
1.1.2. Observations.
1.1.2.1. Guide moins précis
Le matériel recueilli par l'observation directe a suivi un guide similaire, mais
moins précis. Nous nous étions donné un plan directeur qui a permis d'observer
tout le non dit, toutes les données non verbales dans les séances thérapeutiques.
ou verbales servant de communication entre thérapeute et malade.
1.1.2.2. Matériel non verbal.
Le matériel de l'observation directe est essentiellement non verbal comprenant
les faits, les gestes. les lieux,
les
objets,
....
mais
aussi
des
paroles
rituelles
prononcées comme matériel thérapeutique. et, des communications verbales entre
thérapeute et malades, thérapeutes entre eux (s'ils sont nombreux), thérapeute et
membres de la famille du malade., ... Ce matériel s'est ajouté au matériel verbal
des entretiens pour constituer tout le corpus du matériel clinique d'enquête qui va
faire l'objet de traitement.
1.2. NATURE DES DONNES.
1.2.1. Données essentiellement nominales.
Comme
nous
le
disions
dans
"introduction,
notre
matériel
d'enquête
est
essentiellem~t nominal; c'est-à-dire que rien ne nous permet de le définir par des
valeurs
quantitatives
ou
mesures,
ni
d'y
introduire
une
relation
d'ordre.
l\\Jos
procédures de recueil d'informations guidées par notre objectif ne pouvaient pas
nous fournir des données quantifiables.
- 363 -

1.2.1.1. Absence de critères quantitatifs.
Les
réponses
thématiques
fournies
à
notre
guide
d'entretien
par
nos
locuteurs. et le matériel verbal résultant de nos observations directes ne sont pas
des variables au sens mathématique et physique du terme, dont les différentes
valeurs pourraient être soumises à des opérations mathématiques basées sur des
intervalles et/ou des rapports égaux. comme par exemple, les variables telles que
l'âge. la taille. le poids. etc ...• ou les protocoles de tests psychométriques.
1.2.1.2. Absence de critère d'ordre.
Par
ailleurs. ce
matériel dans
son
ensemble
ne
peut
se
prêter
à
une
distribution ordonnée. Chaque répondant nous a livré ses représentations en réponse
aux questions et nous avons observé différents éléments non verbaux. Aucun critère
ne nous permet de les ordonner suivant une échelle hiérarchique. Même si cela se
révélait faisable. nous n'y voyons pas d'utilité compte tenu des objectifs que nous
nous sommes fixés en formulant nos hypothèses.
1.2.2. Données "représentationnelles".
1.2.2.1. Vécu des locuteurs.
Le matériel traduit le vécu des locuteurs confrontés à des situations dont ils
expriment
la réalité,
par exemple
les
malades
en
traitement qui parlent
de
la
maladie et de la situation de traitement qu'ils sont en train de vivre. Ils livrent cette
expérience
sur le vif,
sans
recul.
Les
tradipraticiens
qui
parlent
des
maladies
auxquelles ils sont confrontés et doivent trouver une solution.
1.2.2.2. Perception de la réalité.
Les
données
traduisent
la
conception.
la
perception
de
la
réalité.
i.e.
"élaboration intellectuelle explicative de la réalité systématisée à partir d'une longue
expérience collective situationnelle.
1.2.2.3. Croyances.
Le matériel exprime d'autre part les convictions des locuteurs. leur foi, leurs
croyances qui guident leurs activités, leurs conduites. leur vie.
C'est donc un matériel qui traduit la mentalité collective, la culture.
- 364 -

1.3. EXPLOITATION DU MATERIEL.
1.3.1. Difficultés d'exploitation des données brutes.
;li'
Il est clair que le matériel sous sa forme de données brutes 'est inexplo1table
directement pour une étude telle que nous l'avons envisagée. Il faut lui donnet une
forme résumée, condensée et claire, facilement exploitable.
1.3.2. Nécessité d'un traitement.
Cette reformulation nécessite un traitement qui permettrait la mise en ordre
claire.
Mais tout ce qui précède écarte un traitement
de
type
quantitatif.
Nous
"avons annoncé dans l'introduction et nous venons de montrer l'absence de critères
quantitatifs. nos données étant essentiellement nominales.
C'est pour cette raison que. dans l'introduction, nous avons choisi d'utiliser
plutôt des méthodes qualitatives
pour le traitement et l'analyse de ces données.
Nous y avons présenté la méthode de traitement adéquate. l'analyse de contenu, et
circonscrit son champ d'application. Nous allons voir comment l'exploiter ici pour
notre matériel.
2. ANALYSE DE CONTENU APPLIQUEE A NOlRE MATERIEL.
Nous allons suivre le schéma général du déroulement d'une analyse. schéma
que nous allons adapter à notre matériel et à nos objectifs.
Ce schéma est brièvement le suivant:
1. constitution de documents: choix des documents existants ou production du
document et constitution du corpus.
2. formulation des hypothèses et objectifs, si ce n'est pas fait à priori.
3. repérage des indices
4. élaboration des indicateurs
5. définition des critères des catégories
6. codage
7. décompte fréquentiel
Ce schéma peut se ramener à trois grands points:
1. formulation des hypothèses et objectifs - constitution des documents
2. codage qui détermine les règles de découpage et d'énumération.
3. catégorisation qui comprend la définition des critères, des indicateurs, le
- 365 -

repérage des indices et leur
classement dans
les
indicateurs
et
leur décompte
fréquentiel.
Notre
matériel
étant
déjà
constitué.
conformément
aux
hypothèses
et
objectifs déjà formulés. il nous reste maintenant à le coder et à définir une grille
catégorielle qui servira dans le chapitre suivant à la lecture des données par la
répartition de tous les indices dans les différentes catégories.
2.1. LE CODAGE.
2.1.1. L'unité d'enregistrement: le thème.
Il
Y a
souvent
ambigurté
au
niveau
des
critères
de
découpage
et
de
distinction des unités d'enregistrement (quelle unité minimale
va entrer
dans
les
catégories?).
Certains
découpages
se
font.
en
effet.
suivant
des
critères
sémantiques (thème par exemple). d'autres suivant des critères linguistiques (mot.
phrase •.. J. Mais l'analyse de contenu cherchant à atteindre le sens et non le signe.
l'aspect sémantique et non formel du document. le critère de découpage est en fait
toujours
d'ordre
sémantique.
cela
quand
même
l'unité
choisie
est
apparemment
linguistique (elles sont alors de moyens et non de fin de l'analyse).
2.1.1.1. Notre critère de découpage.
En ce qui nous concerne notre critère de découpage est d'ordre sémantique.
L'unité que nous choisissons pour l'enregistrement dans les catégories est donc le
thème qui se réfère directement au sens et non à la forme. Dans ce sens. il peut
se réduire à un mot comme il peut s'étendre à une phrase. à un paragraphe.
Ce découpage thématique correspond très bien aux caractéristiques de notre
matériel qui comprend des entretiens semi-directifs. En effet. sont souvent analysés
sur la base des thèmes. les réponses à des questions ouvertes, les entretiens non
directifs
ou
semi-directifs.
individuels
ou
de
groupes.
d'enquête
ou
de
psychothérapie.
Et puis
notre
matériel
étant
constitué
par
les
représentations.
se
prête
essentiellement au découpage sémantique. car c'est dans l'étude de ce genre de
matériel
(motivations. croyances.
opinions.
valeurs ... .> que l'unité d'enregistrement
thématique est recommandée.
Par ailleurs notre objectif est de faire ressortir les thèmes interprétables.
2.1.1.2. Définition du thème.
Comme
nous
l'avons
vu
en
étudiant
la méthode
d'analyse
sémantique
et
structurale de contenu. le thème a deux sens:
-
dans son sens restreint.
il
est
l'orientation
de
base
d'un
texte.
l'idée
maftresse ou
leitmotiv.
C'est
le
thème
ainsi
défini
que
recherche
la
méthode
d'analyse structurale: c'est le squelette. "ossature. la structure immuable qui est le
-
366 -

(sens) sens second. implicite du document analysé; le thème n'est pas empirique.
donné. mais construit.
- dans un sens plus large. le thème correspond à une catégorie ou à une
unité de sens destinée à être enregistrée dans une catégorie. Le thème est comme
le dit M.C. d'UNRUNG: "une unité de signification complexe. de longueur variable; sa
réalité n'est pas d'ordre linguistique. mais d'ordre psychologique: une
affirmation.
mais aussi une allusion peuvent constituer un thème; inversement un thème peut
être
développé
en
plusieurs
affirmations
(ou
propositions).
Enfin
un
fragment
quelconque peut renvoyer (et renvoie généralement) à plusieurs thèmes ..... (1)
Donc la règle de découpage du thème n'est pas donnée une fois pour toutes;
le
découpage
"dépend
du
niveau
d'analyse
et
non
de
manifestations
formelles
réglées. Il ne peut y avoir de définition de l'unité thématique comme il y a définition
des unités linguistiques." (2)
Toujours dans ce deuxième sens. le thème peut être défini aussi comme
objet ou référent: "il s'agit de thèmes pivots autour desquels s'organise le discours"
(2) comme dans le cas d'entretiens centrés ou semi-directifs. Il est alors ce qui
déclenche le discours du locuteur; c'est
le
réactif,
le
stimulus,
le
"starter"
du
discours qu'il oriente dans un sens voulu par le chercheur. La liste de ces thèmes
dans une enquête par entretien semi-directif constitue ce que l'on appelle le guide
d'entretien.
Quand le matériel à analyser est construit autour des thèmes pivots, le
découpage du texte (pour l'analyse) se fait "en fonction de ces thèmes pivots et on
groupe autour d'eux tout ce que le locuteur exprime à leur sujet" (3).
2.1.2. Unité d'enregistrement du matériel non verbal.
Pour le matériel non verbal observé durant la technique de la cure, nous
choisissons
comme
unité
de
découpage
et
d'enregistrement
toujours
le
thème,
véhiculé cette fois par un support non verbal (gestes, objets. isolés ou organisés,
combinés .... J
2.1.3. Unité de contexte.
L'unité
de
contexte
"comprend
un
segment. du
message
dont
la
taille
(supérie,ure à l'unité d'enregistrement) est optimale pour saisir la signification exacte
de l'unité d'enregistrement" (4).
(1).
d'Unrung. M.C., Analyse de contenu et actes de paroles,
Editions
Universitaires.
1974, cité par L.Bardin, Op. cit. p1ü4.
(2), Bardin, L., Op. cit. p1üS.
(3), Bardin. L.• Op. cit. plüS.
(4). Bardin. L.• Op. cit. p1ü6.
-
367 -

Nous
prenons
comme
unité
de
contexte,
l'ensemble
des
réponses
des
locuteurs
au thème
pivot ou référent qui déclenche
un
discours
type.
En
effet,
l'unité de contexte
servant d'unité de compréhension
pour coder l'enregistrement,
nous avons pensé que tout le matériel produit par nos locuteurs à chaque référence
pourra
servir
de
meilleur
contexte
pour
que
les
thèmes
qui
seront
les
unités
d'enregistrement aient un sens.
2.1.4. Le problème d'énumération et de quantification.
Notre analyse se veut plutôt qualitative. Comme nous le verrons plus loin,
notre
population
d'enquête
étant
une
collectivité
traditionnelle,
est
par
définition
homogène.
Dans
ce
sens
le
décompte
fréquentiel
apporterait
peu
d'informations
significatives. La présence ou l'absence des thèmes ou d'éléments d'observation est
plus significative que leur fréquence d'apparition. C'est le meilleur indicateur de ce
que nous cherchons à atteindre.
Donc sans exclure totalement l'idée du décompte fréquentiel, nous préférons
nous arrêter au thème.
2.2. CATEGORISATION.
Après avoir défini nos unités d'enregistrement,
il
nous
reste
maintenant à
présenter
les
procédures
de
catégorisation:
selon
quels
critères
devons- nous
délimiter les catégories ou classes d'équivalence dans lesquelles seront distribuées
les
unités
d'enregistrement,
et
quels
sont
les
indicateurs
sous
lesquels
seront
répartis ces unités cu indices?
Avant de commencer le travail technique proprement dit, il faudra définir ces
concepts.
2.2.1. Catégories.
-
Nous
allons
définir
des
rubriques,
ou
classes
d'equivalence,
qui
vont
rassembler
un
groupe
d'unités
d'enregistrement,
en
ra.ison
de
leur
signification
commune, sous un titre générique.
2.2.1.1. Source de la catégorisation.
Comme nous J'avons vu plus haut, les catégories
peuvent être déduites, a
priori, des hypothèses de la recherche, ou
induites empiriquement du contenu
du
matériel à analyser.
En ce qui nous concerne, nous seront à cheval sur ces deux sources: nos
catégories seront déduites de nos hypothèses de recherche.
Notre guide d'entretien
- 368 -

....
qui
constitue
l'opérationnalisation
des
hypothèses,
n'est
rien
d'autre
qu'une
succession, une liste de catégories assez générales. A l'intérieur de ces catégories
préétablies, les données d'entretien et d'observation seront distribuées en èatégories
plus précises induites, celles-là. du, contenu du matériel.
2.2.1.2. Critères de catégorisation.
Les unités d'enregistrement qui seront réparties dans les catégories étant
des thèmes, nos catégories seront thématiques. Leur titres génériques seront des
thèmes généraux devant englober les thèmes plus différenciés. Les critères, i.e. ces
titres, qui vont désigner les catégories seront donc sémantiques. Selon la définition
que nous avons donnée du thème, l'utilisation des critères syntaxiques. lexiquaux,
expressifs, ou tout autre. ne conviendrait pas ici.
2.2.2. Les indicateurs de catégories.
Les
indicateurs
d'une
catégorie
sont
"ce
à
quoi
on
peut
reconnaître
objectivement la présence ou l'abscence de la catégorie Lool. Ce sont les indicateurs
qui
permettent
le
relevé
et
le
codage
des
indices
que
portent
les
unités
d'enregistrement." (11.
Donc toute catégorie. ou sous-catégorie. doit être accompagnée d'une liste
d'indicateurs permettant le classement des unités d'enregistrement. Nos indicateurs
seront
sémantiques
comme
nos
critères
de
catégorisation.
Cela
veut
dire
que
chaque
indicateur sera
ce
que
tous
les
thèmes
à classer ont de
commun.
Il
traduira l'indice, le concept qui unit tous les thèmes à classer. En d'autres termes,
l'indicateur est l'organisation sémantique des indices (ici les thèmesl.
3. TRAVAIL TECHNIQUE DE DEPOUIllEMENT.
3.1. CRITERE DE CATEGORISATION ET GRILLE DE LECTURE.
Nous allons maintenant construire la grille catégorielle que nous allons utiliser
dans le chapitre suivant pour la lecture du matériel.
Plus
concrètement
nous
allons
construire
sous
les
catégories
générales
issues des hypothèses. le:o sous-catégories émergeant du matériel d'enquête; pour
cela
nous
allons
définir
les
critères
de
ces
catégories
ainsi
que
des
sous-catégories, et les indicateurs.
(1). Mucchielli. R., Op. cit. p37.
-
369 -

3.2. CONVENTION DE NUMEROTATION.
Nous convenons d'adopter la numérotation suivante:

les expressions désignant les catégories
très
générales ne seront pas
numérotées.

les désignations
de catégories
moins
générales
venant
directement
en
dessous
des
catégories
très
générales.
seront
numérotées
avec
des
chiffres
romains.

puis
viennent
les en-têtes
des
catégories
plus
spécifiques
qui
seront
numérotées avec les lettres latines majuscules.
• tandis que les sous-catégories en dessous de ces dernières porteront les
numérotations en lettres latines minuscules.
• quant aux indicateurs. ils seront numérotés avec les chiffres arabes.
- 370 -

GRIUE CATEGORIEUE.
Définition des critères et des indicateurs.
SANTE
1. REPRESENTATION DE LA SANTE.
Les locuteurs donnent la conception qu'ils ont de la santé en décrivant ces
différentes manifestations et le vécu qu'ils en ont, "expérience qu'ils en font.
A. Manifestations de la santé.
La santé se traduit par des signes observables par l'entourage qui
peut "décider", juger ou affirmer, en se basant sur ces signes que
tel
individu
est en
bonne
santé.
Ces
signes
se
manifestent
dans
diiérents domaines de la vie quotidienne.
a. Activité.
La santé se manifeste par l'activité, i.e. que
l'individu
vaque
normalement
à
ses
occupations
quotidiennes
sociales.
économiques,
privées,
soutenues
par
une
décharge
régulière
d'énergie.
1. Activité économique.
L'individu
déploie
la
quantité
d'énergie
attendue
dans
l'activité économique.
2. Activité sociale.
L'individu déploie beaucoup d'énergie dans les activités et
les relations sociales.
3. Loisirs.
L'homme
en
bonne
santé
s'adonne
à
des
activités
distractives seul ou en groupe.
b. Vitalité.
L'énergie déchargée (investie) par l'individu en bonne santé dans
ses activités quotidiennes es t intense et rapide.
1. Intensité d'action
L'énergie
déployée
atteint
un
degré
correspondant
au
potentiel attribué à l'individu, et à ses habitudes.
-
371 -

2. Rapidité.
L'individu en bonne santé agit à un rythme normalement
accéléré.
c. Intégrité corporelle.
Le corps de l'individu en bonne santé n'a subi aucune altération
morphologique, ni organique.
1. Intégrité morphologique.
L'aspect
général
du
corps,
sa
forme,
n'a
pas
subi
d'altération.
2. Intégrité organique.
Toutes les parties du corps sont présentes.
8. Vécu de la santé.
L'individu
décrit
la
santé
telle
qu'il
la
perçoit
dans
l'expérience
subjective.
a. Sensation de bien-être.
L'individu se sent plein de vitalité, d'énergie, éprouve le plaisir,
le bonheur, la joie de vivre et de se dépenser physiquement.
1. Plaisir de dépense physique.
l'individu en bonne santé éprouve une certaine jouissance
dans l'effort physique.
2. Joie de vivre.
j'individu en bonne santé
éprouve
un
certain
plaisir
à
participer à toutes les réjouissances sociales.
b. Harmonie de l'être.
L'individu en bonne santé vit son être comme une unité, une
totalité.
1. Unité organique.
Toutes les parties corporelles (du corps) sont senties,
perçues comme une unité parfaite.
2. Unité ontoligique.
Tous les éléments de l'.être sont perçus en association
parfaite.
- 372 -

Il. PRATIQUE DE LA SANTE.
La santé est entretenue
par
certaines
conduites
type
souvent
ritualisées
s'exécutant dans divers domaines: religieux, moral, social et médical.
A. Pratiques religieuses.
Des rites cultuels sont adressés au monde sacré sollicitant protection
et prévention des troubles de santé.
1. Culte des ancêtres et des génies protecteurs.
Les cultes sacrificiels et libationnels réguliers étalés sur l'année
et adressés aux ancêtres et génies protecteurs sont destinés
à obtenir la prévention des troubles de santé.
2. Port des objets sacrés.
Certains objets portés au cou, aux poignets. aux chevilles par
les
femmes
et
les
enfants
symbolisent
le
monde
sacré
protecteur contre les troubles de santé.
3. Culte des morts.
Si le rituel
du culte des morts n'est pas accompli dans de
bonnes et dues formes, le
mort
devenu
esprit
se
révoltera
contre les responsables les rendant malades.
4. Rites exorcistes.
Certains
rites
contribuent
à
débarasser
le
village
ou
des
individus des forces morbogènes menaçant la santé.
B. Pratiques morales.
Les bonnes conduites morales sont génératrices de bonne santé.
a. Respect des interdits et tabous.
Le
fait
de
s'abstenir
des
choses
défendues
est
source
de
bonne santé.
1. Conduites défendues (frappées d'interdits)
2. Objets. choses défendues.
3. lieux interdits.
4. Interdits alimentaires.
- 373 -

b. Prescriptions
Les conduites conformément aux lois ancestrales sont source
de santé.
1. Respect de la vie.
2. Vénération des anciens.
C. Pratiques sociales.
Certaines conduites sociales contribuent à préserver la santé.
a. Conduite d'évitement.
La fuite des situations sociales dangereuses contribue à conserver la
santé.
1. Evitement des malfaiteurs.
2. Camouflage des réussites sociales dangereuses.
b. Sanctions sociales.
La
mise
à
l'écart.
le
rejet
social
et
la
punition
des
malfaiteurs
préservent la santé.
1. Rejet social (exclusion) des malfaiteurs.
2.lsolement social des malfaiteurs.
3. Poursuite judiciaire.
O. Pratiques hygiéniques.
L'évitement
et
la
neutralisation
des
situations
et
éléments
physiques
pathogènes contribuent à conserver la santé.
a. Hygiène corporelle.
Il
faut
soustraire
le
corps
à
certaines
situations
physiques
pour
conserver la santé.
1. Propreté corporelle.
2. Récupération physique.
- 374 -

b. Hygiène alimentaire.
La consommation des aliments, leur conditionnement, leur préparation
respectent certaines règles relatives à la conservation de la santé.
1. Préparation des aliments.
2. Consommation des aliments.
c. Lutte contre les microbes.
La protection des microbes permet de préserver la santé.
1. Propreté
2. Conditionnement alimentaire.
3. Protection.
E. Pratiques curatives.
La population adopte certaines
conduites
pour
neutraliser
les
troubles
de
santé qu'on n'a pas pu prévenir, ni éviter.
a. Cure traditionnelle.
Certaines des conduites
permettant
de
neutraliser
les
troubles
de
santé utilisent des méthodes et techniques culturelles.
1. Méthodes et techniques des tradipraticiens
2. Méthodes et techniques religieuses
b. Cure des blancs.
La
neutralisation
des
troubles
de
santé
utilise
des
méthodes
des
blancs.
1. Neutralisation des troubles par le "docteur".
2. "Auto-traitement" par les procédures des blancs.
- 375 -

MALADIE.
1. CONCEPTION DE LA MALADIE.
Les locuteurs décrivent les maladies telles
qu'Us
se
la représentent:
ses
manifestations, son vécu.
A. Manifestations de la maladie.
La maladie se traduit, s'exprime
par
des
signes
observables
dans
différents
domaines
de
la vie
de
l'individu. L'entourage
utilise
ces
signes pour décrire quelqu'un comme malade.
a. Modification de l'activité.
La maladie se manifeste par une détérioration de "activité, i.e.
du déploiement énergétique du sujet malade.
1. Baisse de l'activité.
2. Abs ence d'activité
b. Détérioration physique.
La
maladie
se
traduit
par
une
détérioration
affectant
la
morphologie du corps, l'aspect organique.
1. Détérioration morphologique.
2. Détérioration organique.
c. Détérioration mentale.
La
maladie
se
manifeste
par
une
désorganisation
psychique
observable.
1. Désordre du raisonnement.
2. Désordre (trouble) de comportement.
B. Vécu de la maladie.
les locuteurs décrivent la maladie telle que le malade
peut
l'expérimenter
dans son vécu subjectif dans sa perception proprio et interoceptive.
a. Trouble du potentiel énergétique vital
Le malade peut sentir une perturbation au niveau
énergétique
qu'il
décrit comme faiblesse ou exaltation.
- 376 -

1. Diminution (baisse) du potentiel énergétique.
Les locuteurs décrivent les difficultés du malade à l'effort, et
la baisse de l'énergie qui le rend faible.
2. Exaltation de l'énergie.
Le malade peut sentir une poussée de trop plein d'énergie qu'il
ne peut maîtriser.
b. Processus morbide.
Les locuteurs décrivent le mécanisme dynamique
de
la
maladie, le
travail destructeur, morbide tel que le malade le perçoit dans son
expérience vécue.
1. Le mal désintégra,nt dissociant.
f
Les
locuteurs
décrivent
des
processus
de
morcellement,
de
dissociation tels que le malade les perçoit.
2. Le mal mobile circulant.
Le mal peut être
vécu
et
décrit
par
le
malade
comme
se
déplaçant à travers son corps, se faisant sentir tantôt à un
endroit, tantôt à un autre de son corps
3. Le mal inhibant.
Le mal peut être perçu et décrit comme exerçant sur tout ou
partie du corps du malade, de façon localisée ou diffuse, une
force
contraire
à
la
motricité
normale
(volontaire
ou
automatique).
c. Réactions expressives à la maladie.
Le malade peut réagir à son vécu (aux sensations vécues) par
des plaintes ou des lamentations.
1. Plaintes
2. Lamentations.
Il. PRATIQUE DE LA MALADIE.
A. Causes ou origines de la maladie.
Les
locuteurs
décrivent
les
forces
agressives
qui
sont
la
cause,
l'origine, l'agent causal de la maladie.
- 377 -

a. Nature de la cause (agent causal).
La
cause
de
la
maladie
est
décrite
comme
pouvant
être
naturelle ou surnaturelle, i.e. matérielle, observable, sensible, ou
Immatérielle. occulte. cachée.
1. Cause naturelle.
La
maladie
est
causée
par
des
facteurs
physiques,
observables. sensibles et aléatoires. Ils font partie
du
"monde de surface" (FagaL
2. Cause surnaturelle chtonienne.
La maladie est causée par une
force
surnaturelle
du
monde d'en bas (Tinga) donc occulte.
3. Cause surnaturelle ouranienne.
La maladie est causée par une force
surnaturelle du
monde divin (SangbandeL
b. Provenance de la cause.
La cause de la maladie est décrite comme une agression extérieure
ou intérieure au sujet malade.
1. Attaque agressive extérieure à Ego.
La
maladie
est
une
violence
extérieure
faite
à
Ego
et
extérieure à lui.
2. Attaque agressive intérieure à Ego.
La cause de la maladie est décrite comme le retournement,
contre
le
malade
de
ses
propres
forces
agressives
primairement dirigées contre autrui.
C. Fonction de l'agent agresseur.
L'attaque agressive morbogène remplit un rôle, une mission précise
qui peut être persécutive, punitive.
1. Attaque persécutive.
L'attaque est une
agression
méchante
ayant
souvent
comme
mobile la jalousie, la gratuité.
2. Attaque punitive.
L'attaque
agressive
morbogène
est
une
sanction
d'une
inconduite du sujet malade ou d'un de ses parents.
- 378 -

3. Attaque vindicative.
L'attaque morbogène est un règlement de comptes qui rend la
monnaie (au sujet malade) à Ego, L'agent agresseur se venge
d'un affront subi par lui-même ou par d'autre de la part de
l'Ego.
4. Attaque préventive.
L'agent agresseur avertit Ego par cette attaque d'un
danger
imminent, attire son attention sur le mal qui le guette.
B. Moyens utilisés.
L'agent agresseur se sert, pour attaquer, des capacités personnelles
(ses
forces) et des intermédiaires instrumentaux.
a. Moyens formels.
Nous
désignons
par
moyens
formels
les
capacités,
les
forces
naturelles de l'agent agresseur, ses attributs matériels ou spirituels.
1. Forces du monde de surface (Fagal.
L'agent agresseur utilise ses
forces, ses capacités physiques
relevant du monde sensible, du monde de surface.
2. Forces du monde d'en bas (Tingal.
L'agresseur fait usage de ses capacités, ses pouvoirs occultes.
i.e. forces surnaturelles immanentes.
b. Moyens instrumentaux.
Les forces
utilisées par l'agresseur sont extérieures à lui et sont
manipulées par lui comme des instruments.
1. Les objets de la natur-e sensible.
les forces utilisées sont des objets ordinaires et banals de la
nature sensible du monde de surface (Faga).
2. Phénomènes naturels.
Les forces utilisées sont des phénomènes de la nature.
3. Eléments et phénomènes surnaturels.
Les
intermédiaires
utilisés
comme
instruments
agressifs
morbogènes sont du monde d'en bas.
- 379 -

III. FACTEURS RESPONSABLES DE LA GUERISON.
Plusieurs éléments interviennent dans le processus curatif de la maladie et
concourent à la neutralisation, à la guérison de la maladie.
A. Facteurs surnaturels.
Les éléments concourant à la neutralisation de la maladie sont d'ordre
immatériel
et
sont
véhiculés
par
des
rites
(gestes,
paroles,
.. J
thérapeutiques
exécutés
par
le
tradipraticien
ou
le
sacrificateur
familial.
a. Rites thérapepeutiques.
Les forces neutralisant la maladie sont des rites thérapeutiques
exécutés par le tradipraticien ou le sacrificateur familial.
1. Rituels "médicaux". Rites (rituels) curatifs.
Les forces qui guérissent sont celles véhiculées par les
rites exécutés par le tradipraticien durant la cure.
2. Rituel religieux.
Les forces responsables de la guérison sont des rites
religieux,
sacrificiels.
cultuels.
adressés
aux
ancêtres.
aux génies, aux esprits.
b. Forces surnaturelles.
Les forces curatives
sont
celles
immatérielles
(surnaturelles)
qui agissent en dehors du cadre thérapeutique. Elles émanent
des personnages. ou sources. non thérapeutes ni sacrificateurs.
1. Forces curatives des voyants non thérapeutes.
La maladie est neutralisée.
guérie
par
des
personnes
douées
de
voyance
et
n'exerçant
pas
comme
thérapeutes. Ces
personnes
sont ou non ,responsables
de la maladie qu'elles guérissent.
2. Forces curatives des esprits.
La
force
qui
neutralise
la
maladie
est
celle
des
ancêtres. des esprits errants, des génies.
en dehors
de tout contexte (ou cadre) cultuel.
- 380 -

-.
B. Facteurs nàturels de guérison.
Les
éléments
neutralisan't
la
maladie
sont
de
nature
sensible.
physique.
matérielle: ils font partie du "monde de surface" (Faaga>. et sont observables. Ils
sont véhiculés par des procédures traditionnelles ou modernes (de la médecine des
blancs>'
a. Procédures thérapeutiques traditionnelles.
La guérison est l'effet des éléments curatifs naturels utilisés dans la
cure
traditionnelle,
tels
que
les
produits
médicamenteux,
les
techniques curatives.
1. Les produits médicamenteux.
La guérison est l'effet des produits introduits dans le corps
(ingestion,
scarification
cutanée.
..J.
frottés
sur
le
corps:
plantes. poudres. produits carnés.
2. Les actes du tradipraticien sur le corps.
La
guérison
est
l'effet
des
actes
non
médicamenteux
du
tradipraticien sur le corps du malade.
b. Procédures thérapeutiques des blancs.
La force qui neutralise la maladie est celle des méthodes (techniques>
curatives des blancs.
1. Les produits pharmaceutiques
La force curative est produite par les médicaments des blancs
prescrits par le médecin: comprimés, ampoules, pommades •...
2. Actes médicaux non médicamenteux.
Les
médecins
des
blancs
guérissent
la
maladie
par
des
techniques non médicamenteuses.
C. Mode d'action de~. facteurs curatifs.
Les
différentes
forces
curatives
agissent
seules
ou
en
association
avec
d'autres pour assurer la guérison.
a. Action combinée.
La guérison est assurée par l'administration combinée, associée. de
plusieurs éléments ou (procédures) procédés curatifs.
- 381 -

1. Procédés naturels et surnaturels traditionnels.
L'association
des
procédés
thérapeutiques
surnaturels
avec
ceux naturels traditionnels assure la guérison.
2. Procédés traditionnels et médecine des blancs.
La guérison de la maladie est assurée par l'action combinée
des traitements médical et traditionnel.
3. Facteurs surnaturels traditionnels combinés.
La
guérison
est
l'effet
combiné
de
plusieurs
procédures
traditionnelles
surnaturelles
exécutées
sur
des
registres
différents: registre tradipraticien, et registre cultu el religieux.
b. Action solitaire.
Seul un facteur agit pour assurer la guérison.
1. Rites du tradipraticien.
Seuls
les
rites
exécutés
par
le
tradipraticien
expliquent
la
guérison.
2. Rituels religieux.
Les rites religieux assurent seuls la guérison.
3. Procédés naturels traditionnels.
Les facteurs du monde sensible seuls expliquent la guérison:
médicaments, actes "médicaux".
4. Procédés médicaux des blancs.
Seuls les traitements médicaux suivis dans un hôpital, centre
de santé ou dispensaire, chez le médecin en privé ou agent de
santé, ou produit pharmaceutiques pris en automédication,
guérissent les malades.
IV. POUVOIR DU TRADIPRATICIEN.
Les locuteurs décrivent le pouvoir du Tada (tradipraticien), son essence, son
contenu, ses sources, les conditions de son exercice.
A. Essence du pouvoir du Tada.
Les
locuteurs· décrivent
les
différents
facteurs
qui
constituent
la
nature du pouvoir du Tada (tradipraticienL
- 382 -

a. la voyance.
Le pouvoir du Tada est lié à la voyance qui est définie comme
la
capacité
de
communiquer
avec
le
monde
invisible,
le
surnaturel. de voir le dessous des choses.
1. Le Tada est voyant.
Les Tadeba Ctradipraticiens) sont doués de voyance.
2. L'herboriste n'est pas voyant.
Celui
qui
ne
soigne
qu'avec
les
plantes
et/ou
les
médicaments n'est pas voyant.
3. Pas de Tada sans voyance.
Personne ne peut devenir Tada s'il n'a pas la voyance.
b. Pouvoirs des esprits-épouses.
Le Tada Ctradipraticien) est aidé dans ses fonctions par des
esprits qui sont ses épouses. et qui l'inspirent, le guident et lui
révèlent beaucoup de choses.
1. Epouses de l'Ancêtre Tada.
Les esprits qui assistent le Tada sont les épouses de
son Ancêtre qui était lui-même Tada.
2. Epouses personnelles du Tada.
Le Tada est aidé par des esprits qui sont ses propres
épouses.
B. Sources du pouvoir du Tada.
Les locuteurs décrivent les différentes origines de la compétence du
Tada.
a. Origine divine de la voyance.
La voyance qui fonde le pouvoir du Tada lui est donné par Dieu
qui l'a créé ainsi.
;
1. La voyance est don de Dieu.
La voyance
dont émane
le
pouvoir
du
Tada
vient
de
Sang bande (DieuL
- 383 -

2. La voyance est congénitale.
La voyance n'est pas acquise, on naît avec elle. Dieu la
donne dans le sein maternel.
3. La voyance n'est pas héréditaire.
La
voyance
n'est
pas
forcément
transmise
par
les
ascendants.
b. Election spirituelle (surnaturelleL
Le voyant est choisi par le monde spirituel pour devenir Tada
(tradipraticien) .
1. Le Tate est une élection.
La
voyance
est
une
condition
nécessaire
mais
non
suffisante: le voyant doit être choisi, élu.
2. Election ancestrale.
L'Ego voyant est choisi par son Ancêtre Tada pour lui
succéder.
3. Election par les esprits errants.
Ego voyant est choisi par des esprits errants qui sont
ses épouses (ou son époux) pour exercer comme Tada.
C. Contenu du pouvoir du Tada.
Les locuteurs décrivent les différentes
fonctions
qui
constituent
le
contenu du pouvoir du Tada, i.e. les fonctions qui découlent de ce contenu.
a. Fonction divinatrice.
Le Tada est celui qui voit le dessous des choses et qui révèle
les causes inconnues, cachées, des phénomènes observés, les
machinations occultes qui expliquent les
processus du monde
sensible.
1
1. Vision directe.
Le Tada voit directement l'aspect, le pôle immatériel de
la réalité, des phénomènes.
- 384 -

2. Mantiqué.
Le
Tada
procède
systématiquement
au
cours
des
séances rituelles de divination pour découvrir et révéler
les dessous des choses.
b. Fonction "pharmaceutique".
Le Tada a le pouvoir de reconnaitre, de découvrir, de "voir"
les
éléments
naturels
utilisables
comme
médicaments
pour
lutter contre les maladies.
1. La connaissance des plantes médicinales.
Le Tada (tradipraticien) a le charisme de connaitre les
plantes, les éléments végétaux qui ont la vertu curative.
2. Les produits non végétaux.
Le Tada a le
pouvoir
de
connaître
des
produits
non
végétaux (produits carnés, terre, .. J qui aident à guérir
les maladies.
3. Préparation des médicaments.
Le Tada (tradipraticien) sait combiner plusieurs éléments
pour préparer des médicaments.
c. Fonction curative.
Le Tada a le pouvoir de neutraliser le mal et de guérir les
maladies.
1. Le Tada est plus fort que le malfaiteur (Nag'm aL
La force du Tada, sa puissance. est plus grande que
celle des méchants, des malfaiteurs.
2. Le Tada neutralise la maladie.
Le Tada détruit le processus morbide, sauve de la mort
et rétablit la santé.
D. Conditions d'exercice.
Pour
exercer
ses
fonctions.
i.e.
traduire
sa
compétence
en
performance, le Tada doit satisfaire à certaines exigences.
a. Conditions générales.
Le voyant doit remplir certaines conditions pour devnir Tada.
- 385 -

.;
1. Se déclarer voyant.
Le candidat doit reconnaitre ou révéler qu'il est voyant
(implicitement ou explicitement).
2. Renoncer à utiliser sa voyance à des fins égoistes.
Le
voyant
doit
accepter
de
mettre
sa
voyance
exclusivement au service de la collectivité.
3. Accepter d'exercer.
Le
voyant
doit
répondre
positivement
à
la
voix
de
l'Ancêtre
et/ou
des
esprits
qui
le
choisissent,
et
l'appellent,
l'exhortent
à
s'installer
comme
Tada
(tradipraticien) .
b. Conditions de divination.
Pour remplir les fonctions de devin, le Tada doit satisfaire à
des conditions indispensables.
1. Intronisation.
L'intronisation qui consis te à asseoir les esprits-épouses
du Tada permet à ce dernier d'exercer pleinement les
fonctions de devin.
2. Initiation.
Le Tada doit être assisté à ses débuts par un expert
qui le guide dans la formulation du message à révéler et
qui teste ses capacités.
c. Conditions d'''exorcisme''.
Pour
remplir
ses
fonctions
d'exorciste,
notamment
celle
d'extracteur de Bee'ga. le
Tada doit satisfaire des exigences
dont certaines font
entorse à la morale.
1. Initiation cannibalique.
Le Tada doit consommer une fois la chair humaine au
marché des sorciers anthropophages.
2. Ne pas être sorcier lui-même.
Le Tada (tradipraticien)
ne doit
pas
devenir
lui-même
sorcier
anthropophage.
malfaiteur:
c'est
incompatible
avec ses fonctions sociales.
- 386 -

V. EFFETS ATTENDUS DE LA CURE.
Les
locuteurs
décrivent
les
résultats
escomptés
au
terme
de
la
cure,
résultats qui peuvent être positifs ou négatifs.
A. Effets positifs.
Le malade et/ou le tradipraticien pensent que la cure va modifier la
maladie dans le sens positif.
a. Simple amélioration.
Les effets positifs attendus sont
décrits
comme
une
simple
réduction plus ou moins durable des phénomènes désagréables
de la maladie, des phénomènes morbogènes.
1. Soulagement passager.
2. Réduction durable de "etat morbide.
b. Guérison totale.
Les effets positifs escomptés sont décrits comme la disparition
totale et complète de l'état morbide. et le recouvrement de la
santé.
1. On pense que cela va guérir.
2. On est sûr que la maladie va guérir.
B. Effets négatifs.
Le malade et/ou le tradipraticien décrivent les résultats escomptés
comme aléatoires ou franchement décevants.
a. Effets douteux.
Les effets attendus
ne sont pas sûrs; ils peuvent être soit
positifs. soit négatifs.
1. Crainte d'une complication.
Le
malade
et/ou
le
thérapeute
craignent
qu'il
y
ait
d'autres
facteurs
morbogènes
non
décelés
ou
que
le
diagnos tic ne soit pas jus te.
2. Ne connaît pas l'issue.
Les locuteurs disent ne pas connaître l'issue de la cure.
- 387 -

b. Effets décevants.
Les
effets
attendus
sont
décrits
comme
n'apportant aucune
amélioration de l'état de santé.
1. On ne pense pas que cela va guérir.
2. On est sûr que cela ne va pas guérir.
DYNAMIQUE DE LA CURE.
Nous entendans par "dynamique" de la cure, l'ensemble du déroulement de la
séance thérapeutique comprenant: le problème qui amène le malade en consultation,
le diagnostic du Tada (tradipraticien), les procédures techniques du traitement, ...
1. MOTIFS DE LA CONSULTATION.
Le malade décrit les phénomènes. les troubles de santé qui l'amènent en
consultation.
A. Plaintes du malade.
Le problème qui amène le malade en consultation est présenté sous
forme de plaintes décrivant le mal tel qu'il le vit et l'expérimente.
a. Plaintes somatiques.
Les maux dont se plaint le malade sont des troubles ressentis
au n~eau du corps.
1. Douleurs localisées à une partie du corps
2. Douleurs généralisées.
3. Malaises.
4. Troubles digestifs.
5. Troubles neurologiques
6. Troubles de la sensibilité périphérique.
7. Troubles polymorphes.
- 388 -

b. Plaintes psychiques.
Les troubles dont se plaint le malade sont d'ordre mental. Il se
produit en lui des phénomènes psychiques inhabituels.
1. Troubles de l'humeur.
B. Signes observables.
La maladie
du
patient
se
manifeste
par
des
signes
observables
objectifs.
a. Troubles morphologiques.
Les
troubles
observables
constituent
des
modifications
des
formes corporelles. de l'aspect général du corps.
1. Diminution de la masse corporelle.
La masse du corps accuse une réduction généralisée ou
localisée.
2. Augmentation de la masse du corps.
Le mal se manifeste par un accroissement généralisé ou
localisé de la masse du corps.
b. Troubles organiques.
La maladie est une atteinte organique observable.
1. Atteinte lésionnelle.
La
maladie
se
manifeste
par
des
ulcérations,
des
des tructions tissulaires.
2. Troubles pigmentaires.
Le mal se traduit par une modification de la couleur du
corps (peau, yeux).
3. Signes d'atteinte interne.
Les
signes
observés
montrent
une
atteinte
d'organes
internes.
c. Troubles moteurs.
La maladie se traduit par une perturbation de la motricité.
1. Troubles des mouvements.
2. Troubles posturaux.
- 389 -

C. Vécu de la maladie par le patient.
Le malade décrit la maladie telle qu'il l'expérimente.
a. Troubles de l'énergie vitale.
Le
malade
sent
une
perturbation
au
niveau
de
l'expression
énergétique qu'il décri.t en termes de faiblesse ou d'exaltation.
1. Baisse de l'énergie.
Le
malade
éprouve
un
manque
de
force
et
des
difficultés à exécuter certaines tâches.
2. Exaltation de l'énergie.
Le malade sent une poussée énergétique qu'il maitrise
mal.
b. Processus morbide.
Le malade décrit le travail destructeur de la maladie tel qu'il
l'expérimente dans son vécu.
1. Le mal désintégrant. dissociant.
Le mal est décrit comme un processus de morcellement
de "être du malade.
2. Le mal mobile, circulant.
Le
ma"ade
décrit
sa
maladie comme
se
déplaçant
à
travers son corps.
3. Le mal inhibant.
Le malade décrit son trouble comme un poids s'exerçant
sur une partie ou tout le corps.
Il. DIAGNOSTIC DU TADA (TRADIPRATICIEN).
Le tradipraticien donne le tableau syndromique de la maladie, son processus,
ses causes.
A. Diagnostic syndromique.
Le tradipraticien énumère un ensemble de signes qui constituent la
manifestation
type d'une maladie donnée.
Il définit ou
détermine
la
nature de cette maladie à partir de ces signes.
- 390 -

a. Signes du Be'ega.
Le
tradipraticien
décrit
les
signes
qui
constituent
la
manifestation
de
la présence
d'un
objet
morbogène
<Be'ega)
dans l'organisme.
1. Douleurs localisées ou généralisées.
2. Troubles de la sensibilté.
3. Troubles digestifs.
4. Troubles organiques.
5. Troubles moteurs.
b. Signes du filet.
Le tradipraticien décrit les signes qui renvoie à la capture d'un
individu par un filet. objet morbogène qui emprisonne le sujet et
le coince.
1. Douleurs généralisées.
2. Signes polymorphes.
c. Signes du Nanega emprisonné.
Le
tradipraticien
décrit
les
signes
qui
traduisent
l'emprisonnement.
l'enchaînement
du
Nanega
loin
de
son
correspondant.
1. Troubles de l'équilibre.
2. Troubles neurologiques.
3. Céphalées.
4. Troubles digestifs.
5. Troubles de la sensibilité.
6. Douleurs généralisées.
7. Troubles de l'audition.
- 391 -

B. Diagnostic étiologique.
Le tradipraticien détermine la nature de la maladie à partir de ses
causes, des facteurs qui en sont la source.
a. Existence de la cause.
Le
trouble
présenté
par
le
patient
a
ou
non
une
cause
décelable par le tradipraticien.
1. Cause décelable.
2. Cause non décelable.
3. Cause naturelle.
b. Essence surnaturelle de la cause.
La
cause
décelée
par
le
tradipraticien
est
de
caractère
surnaturel et régie par les lois du monde d'en bas. C'est une
machination de dessous.
1. Force humaine occulte.
2. Force spirituelle d'en bas.
c. Provenance de la cause.
La cause pathogène est extérieure à Ego ou intérieure à lui.
1. Cause extérieure à Ego.
2. Cause interne à Ego.
C. Diagnostic processual .
Le tradipraticien décrit le mécanisme du fonctionnement pathogène du
mal dans l'être du malade.
a. Mal lytique. corosif de l'énergie.
Le mal détruit l'énergie vitale substancielle de l'Ego.
1. Lésion de l'énergie.
2. Intoxication de l'énergie.
- 392 -

b. Mal comprimant l'énergie.
Le mal est décrit comme un
mécanisme
inhibant
l'expansion
énergétique de l'être. de l'Ego.
1. Enveloppement.
2. ligotage.
c. Mal dissociant. morcelant l'énergie.
Le mal est décrit comme une dissociàtion de l'être.
1. Enchaî nement.
Un constituant énergétique du patient est
emprisonné.
séparé de "enveloppe corporelle dépérissant.
2. Capture.
L'énergie vitale du patient
est
capturée
par
un
génie
féroce ordinairement orphidien.
3. Enlèvement.
L'énergie substancielle de l'Ego malade est ravie par les
esprits laissant l'enveloppe corporelle dépérissant.
III. METHODES DIAGNOSTIQUES.
Le Tada utilise des procédures
précises
pour
établir
son
diagnostic. Ces
procédures permettent de dégager les différentes étapes du diagnostic.
A. Méthode directe.
Le Tada voit directement la maladie soit à travers
l'organisme
du
malade présent, soit à distance dans les cauris servant de miroir.
1. Lecture à travers l'organisme du malade.
Le
Tada
par
le
regard
de
la
voyance
perce
le
corps
phénoménal du ma lade et identifie le
mal
"localisé"
dans
le
noumène
2. Lecture à travers les cauris.
Le
Tada
par
le
regard
de la
voyance,
se
sert
des
cauris
comme
un
miroir
pour
identifier
le
mal
qui
siège
dans
le
noumène du patient, non présent actuellement devant lui.
-
393 -

B. La mantique inspirée.
Le tada utilise la procédure rituelle de la mantique par laquelle ses
épouses esprits lui inspirent le message qu'il communique par étapes progressives.
en l'occurence la nature. l'origine. les raisons de l'agression morbogène.
a. Le matériel de la mantique.
Tout le matériel de la mantique se réduit à deux cauris.
1. Lecture non configurable.
La configuration dessinée par les cauris disposés n'est pas un
langage. ce n'est pas un signifiant se référant à un signifié.
Elle n'est pas une clef de lecture.
2. Rôle spéculai re du matériel.
Les cauris jouent un rôle de miroir.
b. Devin instrument.
Le
devin
joue
le
rôle
d'un
instrument,
d'un
médiateur
qui
transmet un message venu d'ailleurs. message inspiré par ses
épouses esprits.
1. Etat second et communication avec les esprits.
La communication avec les esprits épouses se traduit
par "état second dans lequel entre le Tada.
2. Transmission instrumentale du message.
La transmission du message se fait comme si le Tada
répétait mécaniquement ce qu'on lui dicte.
c. Teél-)niques utilisées.
Le
Tada combine
des
techniques
hypnotiques.
déductives
et
d'essais et d'erreurs. au cours d'un entretien duel dont il est
l'interviewé.
1. Techniques d'entretien.
Le consultant engage un entretien serré avec le Tada à
qui
il
pose
des
questions
à
un
rythme
accéléré,
questions qui sont formulées au fur et à mesure des
réponses du Tada.
2. Techniques hypothético- déductives.
Le Tada procède par des réponses
hypothétiques
aux
questions du consultant.
- 394 -

3. Techniques d'essais et d'erreurs.
Les réponses
hypothétiques
sont éprouvées par
divers
éléments
intervenant
dans
l'entretien,
puis
rejetées,
reformulées.
et/ou
retenues
en
fonction
du
climat
général
de
l'entretien et surtout
des
réactions
du
consultant intuitivement saisies par le Tada.
d. Identification du mal et du patient.
La première étape consiste pour le Tada à découvrir et définir
le problème qui amène en consultation, et dans le cas de la
maladie, le mal dont souffre le patient, l'identité du malade.
1. Description du mal physique.
Le Tada décrit les signes physiques et physiologiques du
mal, son siège.
2. Identification de la personne malade.
L_e
Tada
décrit
le
patient,
son
sexe,
son
degré
de
maturité (enfant, jeune. adulte, vieux, .. ,J
3. Nature du mal.
Le Tada définit le mal: un be'ega, un enchaînement, une
capture par le serpent.
e. Origine du mal ou désignation de l'agresseur.
Le Tada. dans cette deuxième étape, identifie l'origine polaire
du mal dont souffre le patient.
1. Biolignage.
L'origine du mal est le bio-lignage. j'agresseur est un
"frère" .
2. Verticalité.
L'origine du mal est le pôle ancestral: l'agresseur est un
Kpeemma
(esprits
d'un
défunt
familial
J,
un
génie
protecteur (Tibe), un esprit errant (Tagnida. KpantiaJ.
3. Société élargie.
L'origine
du
mal
est
le
pôle
communautaire
élargi:
l'agresseur est un partenaire social.
- 395 -

4. Ego lui-même.
L'origine du mal dont souffre Ego est Ego lui-même. Le
mal
est
le
retournement
contre
lui
de
sa
propre
agressivité. Ce retournement, cet infléchissement de sa
méchanceté est opéré par:
• la victime agressée par Ego
• un co-agresseur de l'Ego
• le propre Haare (maison) de l'Ego
• le propre serpent (génie orphidien) de l'Ego
f. Raisons de l'agression.
La
troisième
étape
consiste
à
expliquer
pourquoi
cette
agression a pu avoir lieu, i.e. quels mobiles,
quelles
raisons
l'agresseur s'est données. Ces raisons sont très diverses.
1. Conflits familiaux.
2. Jalousie et envie des partenaires sociaux.
3. Punition ancestrale.
4. Vengeance
5. Prévention, avertissement ancestral.
6. Victime de remplacement
7. Bouc émissaire.
g. Prescription.
Le Tada après avoir cerné le mal, propose les remèdes. " va
proposer des modèles de traitement, variables selon l'origine et
les motifs de l'agression.
1. ~~ituel curatif.
2. Rituel religieux.
3. Paie, réparation. (Fate)
- 396 -

v. REACTION DU PATIENT AU DIAGNOSTIC DU TADA.
Le
malade
réagit
favorablement
ou
défavorablement
au
diagnostic
et
au
modèle de cure proposés par le tradipraticien.
A. Réaction positive.
Le malade tombe d'accord
avec
le
diagnostic
ainsi que le
modèle
thérapeutique proposés par le tradipraticien.
a. Le malade confirme le diagnostic.
Le malade corrobore
le
diagnostic
du
tradipraticien
par
des
commentaires et apports personnels.
1. Donne complément d'information.
2. Diagnostic correspondant au vécu du malade.
b. Le malade accepte le diagnostic.
Sans nécessairement le confirmer, le malade est d'accord avec
le diagnostic posé par le tradipraticien (TadaL
1. Approuve le diagnos tic.
2. S'abandonne au tradipraticien.
B. Réacton négative.
Le malade n'est pas d'accord avec le diagnostic posé par le Tada. et
n'accepte pas le modèle de la cure proposée.
a. Rejet de l'agent causal.
Le patient conteste la cause désignée de sa maladie.
1. Conteste l'agresseur extérieur.
2. Conteste sa propre implication dans la maladie.
b. Rejet du contenu de la maladie.
1. Remplace le contenu par un autre.
Le malade rejette le contenu de la maladie décrit par le
Tada et propose un autre.
2. Conteste le contenu décrit par le Tada.
- 397 -

c. Acceptation du diagnostic précédemment rejeté.
Sur
persuasion
du
Tada.
le
patient
finit
par
accepter
le
diagnostic qu'il vient de rejeter.
1. Reconnaît l'agresseur extérieur.
Le malade qui contestait l'agresseur désigné par le Tada
comme cause de sa maladie. le reconnaît comme tel.
2. Reconnaît sa propre implication.
Le patient. qui contestait son implication dans la cause
de sa maladie. finit par avouer sa responsabilité.
3. Reconnaît le contenu du diagnostic.
Le patient qui contestait le contenu du diagnostic décrit
par le Tada. reconnaît que ce dernier a raison.
d. Persiste malgré le Tada.
Malgré l'explication et la persuasion du Tada, le malade ne se
laisse pas convaincre.
V. PRATIQUE DE LA CURE.
Le tradipraticien par un ensemble de techniques rituelles exécute la cure.
A. Modèle "exorciste".
La cure consiste à évacuer du malade un objet, un élément, étranger
morbogène intérieur ou à la surface de l'organisme du sujet.
a. Emploi des adjuvants.
Le tradipraticien combine des produits (poudre, plante, .. J avec
des rites d'évacuation de l'objet morbogène.
1. Adjuvants f acilitateurs.
Le
tradipraticien
utilise
ou
administre
au
patient,
par
voie
orale ou
externe,
des
produits
ou
plantes
pour
faciliter
l'''extraction''
ou
l'évacuation
de
l'objet
morbogène.
2. Adjuvant neutralisants ou stérilisants.
Le tradipraticien utilise ou administre
(ou prescrit) au
patient
des
produits
médicamenteux,
pendant
et/ou
après l'extraction, pour neutraliser le poison. la "toxine"
de l'objet morbogène.
- 398 -

b. Extraction sans adjuvants.
Le tradipraticien n'utilise. ni
ne
prescrit
(ni
n'administre)
au
malade aucun
produit ou
plante
avant
et/ou
pendant
et/ou
après l'extraction.
1. Be'ega nouvellement mis.
2. Be'ega superficiel.
c. Techniques d'extraction.
Le
tradipraticien
utilise
un
ensemble de
procédures
rituelles
pour l'extraction de l'objet morbogène.
1. Procédé oral (buccal).
Le
tradipraticien
utilise
sa
bouche
comme
instrument
pour enlever, extraire l'objet morbigène de
l'organisme
du malade. Il procède par morsure de l'endroit malade,
puis suçage, expulsion par crach age de l'objet.
2. Procédé manuel.
Le
tradipraticien
utilise
sa
main
comme
instrument
d'extraction. Il empoigne l'endroit malade. presse la peau
entre le pouce et les autres doigts; "objet morbogène
est expulsé dans la paume de la main et est jeté.
3. Procédé "chasse-mouche".
Le tradipraticien se sert d'une "chasse-mouche" (queue
d'animal) pour expulser l'objet morbogène du corps du
malade.
Il
évente
l'endroit
malade
à
l'aide
de
la
"chasse-mouche"; et à chaque coup de chasse-mouche
on entend et voit gicler de petits grains bruns. objets
morbogènes.
4. Procédé couteau.
"
Le
tradipraticien
utilise
un
couteau
ou
un
canif
pour
découper l'objet enveloppant le corps du malade.
B. Modèle "endorciste".
Le modèle de cure consiste à délivrer l'élément dissocié de l'Ego et
enchaîné
ou emprisonn~ • capturé. loin de lui et à l'intégrer à son
être individuel et social.
- 399 -

a. Préparatifs.
Le
tradipraticien
apprête
les
éléments
nécessaires
pour
la
délivrance
et
l'intégration
de
l'élément
constitutif
de
l'être
malade.
1. Matériel curatif adjuvant.
Le tradipraticien se munit du matériel (produit, plantes,
.. J
qui
servira
pendant
la
délivrance
et
l'intégration
comme adjuvants curatifs.
2. Matériel instrumental.
Le
tradipraticien
se
fait
remettre,
par
la
famille
du
malade, le matériel qui servira d'outil
ou
d'instrument
pour le travail
de délivrance des nane'e
(coupe-coupe.
capsule de Kapok ou autre flacon, brindille
de
palme,
.. J.
b. Processus de délivrance.
Le tradipraticien exécute un ensemble d'opérations techniques
coordonnées,
destinées
à
libérer
les
nane'e
du
malade
enchaî nés ou emprisonnés.
1. Exploration.
Le
tradipraticien
examine.
inspecte
la
région

sont
emprisonnés ou enchaînés les nane'e du malade, cherche
à localiser l'endroit exact et précis.
2. Fouilles.
Le tradipraticien
fouille
le sol. inspecte les arbres,
la
paille des toits, .... à la recherche des nane'e.
3. Recueil des Nane'e (araignées),
Le tradipraticien enlève les
araignées
(Nane'e) de leur
trou. de leur nid. de leur toile ..... et les met dans un
flacon qu'il bouche.
c. Réintégration.
Les Nane'e sont "réintégrés" à l'être du malade et au toit du
séjour des morts par un ensemble de techniques rituelles.
- 400 -

1. Préparation du malade devant le séjour des morts.
2. Préparation du matériel.
3. Vaporisation.
4. Rites de res titutions des Nane 'e au malade.
5. Immolations de poulets.
L'immolation des poulets a lieu quand l'enchaînement des
Nane'e a été l'œuvre des ancêtres et non des méchants.
6. Insertion des Nane'e au séjour des morts.
b. Administration des médicaments adjuvants.
A
la
fin
des
rites
de
réintégration
des
Nane'e.
le
Tada
administre
ou
non
des
produits
médicamenteux
au
malade
comme adjuvants curatifs.
1. Produits buvables.
2. Produits à usage externe.
D. Attitudes du patient durant la cure.
Le
malade
adopte
certains
comportements
en
réponse
aux
actes
curatifs du tradipraticien.
a. Réactions réflexes.
Les
actes curatifs
techniques
arrachent au
patient
certaines
réponses inco,1trôlées.
1. Exprime la douleur. le désagrément.
2. Exprime la "panique".
3. Exprime le soulagement.
b. Réactions de dépendance vis à vis du Tada.
Le
malade
exprime
l'accrochage
à
la
toute
puissance
du
tradipraticien.
-
401 -

1. Soumission.
2. Recherche de sécurité.
E. Attitudes du Tada envers le patient.
Le tradipraticien par certains comportements, exprime ses attitudes
envers le malade durant la cure.
a. Attitude sécurisante.
Le tradipraticien inspire confiance et assurance au malade.
1. Dissipe les inquiétudes, les craintes.
2. Protège contre le mal.
b. Attitude d'autorité.
Le Tada montre, exprime son ascendant sur le malade.
1. Menace.
2. Fermeté.
3. Convainc,
c. Attitude d'enseignant.
Le
Tada
transmet
des
connaissances
sur
le
processus
thérapeutique et sur la maladie.
1. Explique le processus thérapeutique.
2. Explique les signes pathologiques.
VI. MODIFICATIONS CONSECUTIVES A LA CURE:.
Le traitement est suivi, ou non, d'un changement observé et/ou
vécu
de
l'état morbide du malade et des représentations des partenaires de la cure.
A. Modifications de l'état morbide.
La cure est suivie, ou non, d'une modification positive ou négative de
l'état "morbide, observable et/ou vécue par le malade.
- 402 -

a. Modifications observées.
La modification dè l'état morbide du malade survenue, au terme
de la cure, se traduit par des signes observables.
1. Modification positive.
La cure est suivie d'une amélioration sensible de. l'état
de santé du malade (diminution ou disparition des signes
pathologiques, apparition des signes de santé).
2. Modification négative.
L'état morbide du patient est aggravé au terme de la
cure.
3. Absence de modification.
A la fin de la cure, l'état morbide du patient est resté
inchangé. i.e. le même qu'avant le traitement.
b. Modifications vécues.
La modification
positive ou
négative, observable
ou
non,
est
vécue. expérimentée par le malade lui-même.
1. Modification positive observable.
Le malade sent que son état de santé s'est amélioré et
en décrit les signes. Cette amélioration se traduit par
des signes observables.
2. Modification positive vécue non observable.
Le patient décrit l'amélioration de son
état
de
santé.
mais qui ne se traduit pas par des signes observables.
3. Modification négative vécue observable.
Le malade
décrit
l'état
d'aggravation
de
son
état
de
santé qui se traduit par des signes observables.
4. Modification négative vécue non observable.
Le malade sent que son état de santé s'est aggravé au
terme
de
la cure.
Aucun
signe
de
cette
aggravation
n'est observable.
,.
- 403 -

5. Absence de modification vécue observable.
Le malade ne sent aucun changement de son état de
santé. Cette
abscence
de
changement
se
traduit
par
des signes observables.
6. Absence de modification vécue non observable.
Le malade sent que son état de santé n'a pas changé
après
la
cure.
Aucun
signe
de
ce
manque
de
changement n'est observable.
c. Modifications évaluées par le tradipraticien.
Le tradipraticien estime qu'il y a eu ou non
changement
de
l'état morbide du malade qu'il soigne.
1. Constat d'amélioration confirmé par le malade.
2. Constat d'amélioration confirmé par le malade et observable.
3. Constat d'amélioration contesté par le malade.
4. Constat d'aggravation observable.
5. Constat d'aggravation non observable.
6. Absence de modification.
B. Modification au niveau des représentations.
Le patient et/ou le tradipraticien expriment, pendant et/ou à la fin de
la cure, le contraire ou un point de vue différent de ce qu'ils avaient
exprimé avant le début de la cure.
a. Modification du diagnostic du Tada (tradipraticienl.
Le
patient
et! ou
le
tradipraticien
remettent
en
cause
le
diagnostic formulé avant la cure.
1. Rejet du diagnostic.
2. Reformulation, remaniement du diagnostic.
3 Formulation d'un autre diagnostic. remplaçant le premier.
-
404 -

b. Modification de la perception de la causalité thérapeutique.
Les facteurs de la guérison sont perçus autrement à la fin de
la cure qu'au début.
1. Rejet du rituel curatif du Tada.
Le malade et/ou le tradipraticien nient la valeur curative
du rituel
thérapeutique
du
Tada
qu'ils
avaient
affirmé
durant la cure.
2. Rejet de la vertu curative des médicaments;
Les partenaires de la cure nient la valeur curative des
plantes.
3. Changement de pondération.
Les partenaires de la cure
donnent
plus
d'importance
aux facteurs qui étaient considérés comme secondaires
avant la cure.
c. Modification de la perception du pouvoir du Tada.
Le pouvoir du tradipraticien est perçu autrement
qu'avant
la
cure.
1. Négation de tout pouvoir au tradipraticien.
2. Négation d'une partie du pouvoir du tradipraticien.
3. Accentuation du pouvoir du tradipraticien.
d. Modification de la perception des effets de la cure.
Les effets attendus,décrits au début de la cure sont présentés
autrement à la fin de celle-ci.
1. Rejet des effets attendus.
2. Les effets perçus au début sont les mêmes à la fin.
3. Surestimation des effets attendus.
e. Ce qui a effectivement guéri.
Les malades guéris et les tradipraticiens disent dans le cas
concret quel facteur a été décisif ou unique dans la guérison.
- 405 -

1. Les rituels curatifs,
2. Les médicaments.
- 406 -

CHAPITRE 2.
LA LECTURE DES DONNEES CLINIQUES.
Après avoir construit la grille de lecture à partir des catégories préétablies.
déduites de nos hypothèses et précisées par induction des données du terrain. nous
allons
maintenant
répartir
dans
cette
grille
le
corpus
du
matériel
recueilli.
Evidemment le rangement de toutes les données serait trop volumineux. Nous allons
résoudre le problème en opérant une sorte d'échantillonnage.
Avant de procéder à la partition. faisons une mise au point sur le problème
de la variabilité qui guidera la distribution.
1. PARTICULARITE DE NOTRE MATERIEL ET PROBLEME DE LA VARIABILITE.
1.1. CARACTERE HOMOGENE DE NOTRE POPULATION D'ETUDE.
1.1.1. Caractère homogène des sociétés traditionnelles.
La société traditionnelle est constituée par le même ethnos ou peuple. ethnie.
Ses membres participent du même patrimoine culturel qui est l'héritage ancestral
transmis oralement de génération en génération et connu sous le nom de tradition.
La société traditionnelle est donc, comme son nom l'indique, organisée sur le
primat
de
la
tradition
ancestrale
théoriquement
immuable
et
s'imposant
comme
norme impérative et indiscutable de vie, qui règle les conduites (ethos) individuelles
et collectives. Tous
les individus qui la composent baignent ainsi
dans
le
même
système
de
représentations
(pensées,
philosophie),
de
croyances
et
pratiques
sociales.
J'eligieuses,
économiques
et
politiques,
et
utilisent
le
même
code
linguistique. Ils ont le sentiment d'appartenir à une même communauté bien définie
par rapport aux communautés voisines, ne partageant pas avec elles les mêmes
caractères ou traits culturels.
Il en découle que la société traditionnelle ou ethnie est une entité
culturellement homogène par opposition à la nation qui est une société complexe
formée d'une multitude hétérogène J'ethnies adhérant plus ou moins au sentiment
national.
- 407 -

1.1.2. Critère de "traditionnalité" de notre population.
Notre population d'étude constitue bien une société traditionnelle. Le contexte
culturel étudié dans le Livre 1 montre que tous les individus de cette population
participent du même univers de sens et de significations, transmis oralement depuis
l'Ancêtre-Fondateur, considéré, théoriquement, comme immuable et s'imposant
comme règle impérative de conduite, la loi, le verbe ancestral.
Tous
les
individus
de
cette
population
ont
conscience
d'appartenir à
une
même collectivité culturelle. définie et démarquée des autres collectivités culturelles
dont le contexte culturel diffère quelque peu.
Dans ce sens, la société Nawda couvrant les cinq agglomérations villageoises
qui sont
l'objet
de
notre
étude
mérite
bien
la
dénomination
d'ethnie,
donc
culturellement homogène. Cela veut dire que tous les membres de cette société ont
tendance à réagir de façons semblables face aux diverses sit'Jations.
1.2. PROBLEME DE VARIABILITE DE NOS DONNEES D'ENQUETE.
1.2.1. Variabilité inter-individuelle.
Les données de nos enquêtes, recueillies sur les membres d'une population
culturellement
homogène.
ont
par
définition
une
variabilité
inter-individuelle
négligeable.
Les
domaines abordés
par
notre enquête
(santé.
maladie,
conduites
curatives,
.. J
touchent
le
fond
même
de
la
culture
traditionnelle,
vivace
et
imprégnant
l'être
profond
de
tous
les
membres
de
la
collectivité,
qui
y
fixent
solidement leurs racines.
Il serait donc pratiquement vain
de
tabler
notre
analyse
de
contenu
sur
l'hypothèse
de
la
variabilité
inter-individuelle
des
données
recueillies
avec
pour
objectif de dégager ce qui serait commun à ces données, i.e. homogène. Ce serait
nous lancer à la recherche de ce qui est une donnée première.
Nous avons
déjà
évoqué
cet
argument
pour
faire
l'économie
de
l'analyse
statistique. Nous avons jugé nécessaire d'y revenir
ici pour justifier notre option
pour
l'analyse
de
contenu
essentiellement
qualitative
excluant
tout
décompte
fréquentiel. Cette mise au point nous a paru opportune. surtout au
moment

après avoir construit une grille de lecture des données. nous
nous apprêtons à
meubler. à remplir cette grille avec les éléments indiciels (pour la lecture),
1.2.2. Variabilité "catégorielle".
A
l'intérieur
de
notre
population
culturellement
homogène.
nous
pouvons
constituer
des
catégories
plus
fines
regroupant,
chacune.
des
fndividus
jugés
équivalents
quant à certains
critères
et
analyser
une
variation
inter-catégorielle
- 408 -

éventuelle.
En
effet,
nous
avons
fait
l'hypothèse
qu'à
l'intérieur
de
chacune
des
catégories, les individus auront tendance à une plus grande concordance dans leurs
façons de voir la réalité, de vivre les évènements. de réagir aux situations •... Cette
répartition
catégorielle
des
répondants
se
fait
selon
les
variables:
sexe
(homme-femme).
partenaires
thérapeutiques
(saignants-soignés),
instructions
(lettrés-illettrés), type de maladie (8e'ega-NanegaL
1.2.2.1. Sexe.
Nous avons vu dans le Livre 1 de notre étude la catégorisation culturelle et
ses conséquences dans la vie sociale et économique. Une différence peut s'observer
entre les hommes et les femmes dans la situation thérapeutique.
1.2.2.2. Partenaires thérapeutiques.
Le
tradipraticien
qui
maîtrise
la
situation
morbogène
par
ses
conduites
thérapeutiques. et le malade qui dépend de lui, ont sûrement tendance à réagir
différemment face à cette situation thérapeutique.
1.2.2.3. Instruction.
L'instruction véhicule une culture étrangère. en l'occurence celle occidentale
qui contamine la culture traditionnelle et entre généralement en conflit avec elle.
Une différence de réactions entre lettrés et illettrés dans la situation thérapeutique
est fort probable.
1.2.2.4. Type de maladie.
Le vécu de la maldie dont on souffre pouvant influencer la façon de voir les
choses. la perception de la réalité. nous pensons que les réactions des malades et
des tradipraticiens
sont susceptibles de varier selon le type de maladie qui fait
l'objet de thérapie.
2. PROCEDE DE LECTURE DES DONNEES.
2.1. UTILISATION DE LA GRILLE DE LECTURE.
2.1.1. Deux processus possibles.
2.1.1.1. Etude séparée de chaque catégorie de la population.
Nous pouvons appliquer la grille de lecture au matériel fourni par chacune
des catégories
de notre population
telles
que nous les avons définies ci-dessus.
Nous devons dans ce cas isoler chaque catégorie et l'étudier séparément avec la
- 409 -

grille. Nous avons alors les catégories suivantes: Tadeba, lettrés, illettrés, hommes,
femmes, patients souffrant de Be'ega, patients souffrant d'enchaînement de Nanega.
2.1.1.2. Etude combinée de toutes les catégories de la population.
Une deuxième possibilité est d'envisager une relation hiérarchisée entre ces
catégories; ce qui donnerait un ensemble combiné de catégories et sous-catégories.
Nous
pourrions,
dans
ce
cas,
avoir
deux
grandes
catégories
regroupant
respectivement les Tadeba puis
les
patients, et
à l'intérieur de chacune d'elles
définir des
sous-groupes
selon
les
variables
"sexe".
"instruction".
et
"type
de
maladie". En appliquant
la grille de lecture
à tout
cet
ensemble
à la fois, on
opérerait une lecture synoptique des données.
2 .1.2. Quelle procédure choisir?
2.1.2.1. Avantages et inconvénients.
L'étude
séparée
des
catégories
isolées
présente
l'avantage
d'une
présentation spatiale claire permettant d'éviter l'encombrement et la confusion. Mais
une telle clarté entraîne des redites puisque certaines
catégories
sont
liées
de
façon
factorielle
entre
elles
et
ne
peuvent.
dans
ce
cas.
être
disjointes.
Par
exemple, un même individu peut être à la fois homme. lettré. patient souffrant de
Be'ega ou Tada. Cet individu fera donc partie de plusieurs catégories à la fois. Cela
entraîne une difficulté insurmontable au niveau de la distribution des indices dans
les catégories.
- La deuxième procédure permet de résoudre en grande partie ce problème.
car si elle ne satisfait pas totalement à la loi d'exclusivité des
catégories,
elle
contourne la difficulté en fournissant une sorte de "plan factoriel" où la lecture des
données est sans ambiguïté. Son inconvénient est la présentation
spatiale
assez
encombrée, rendant malaisée la transcription des
indices.
Pour
contourner
cette
difficulté. il faudrait utiliser des feuilles de grand format.
2.1.2.2. Notre procédure.
Les inconvénients de cette dernière procédure sont négligeables par rapport
aux avantages qu'elle présente. C'est pourquoi nous la préférons à la première.
2.2. PRESENTATION.
2.2.1. Présentation tabulaire.
2.2.1.1. Tableau à double entrée.
Puisque nous avons deux variables en covariation (le matériel et la population
-
410 -

des locuteurs) il convient de les croiser sur un tableau
à double entrée. Nous
conviendrons de porter (mettre) dans les lignes les catégories dans lesquelles se
distribue le matériel, Le. les données recueillies, et dans les colonnes celles où se
distribue la population des locuteurs.
2.2.1.2. Présentation du tableau.
Pour résoudre le problème d'économie d'espace, que pose notre procédure,
nous allons dédoubler notre tableau de lecture: au lieu d'un seul tableau synoptique
-qui serait plus intéressant pour la lecture comparée- nous allons présenter deux
sous-tableaux dont l'un portera la catégorie des Tadeba et l'autre celle des patients;
nous utiliserons l'unique grille pour l'étude de ces deux tableaux.
2.2.2. Subdivision de la population des locuteurs.
2.2.2.1. Sous-catégories et répartition de la population.
Dans la catégorie des patients, nous définissons
deux sous-catégories
(ou
sous-classes) que nous dénommons : sous-classe Be'ega, et sous-classe Nanega.
Les
malades
étant
sous
l'emprise
d'un
objet
morbogène
(Be'ega,
Bedebe
(filet),
Dedenemte (chair humaine), etc ... ) seront groupés dans la sous-catégorie Be'ega et
ceux souffrant d'enchaînement dans la sous-catégorie Nanega.
Dans chacune de ces sous-catégories, nous distinguerons les malades selon
le sexe, et dans chaque sexe selon le critère "instruction". Nous aurons ainsi une
sorte d'emboîtement de catégories.
En ce qui concerne la catégorie groupant les Tadeba, nous ne ferons pas de
regroupements
selon
les
modèles
de
traitement
"exorciste"
et
"endorciste"
correspondant respectivement aux sous-classes Be'ega et Nanega des patients. En
effet notre échantillon de Tadeba pratique les deux modèles de cure
(ainsi
que
beaucoup d'autres modèles que nous avons exclus de notre étude); il n'y a donc pas
de raison
que leur façon
de voir la réalité
soit
déterminée
par
l'un
ou
l'autre
seulement.
Par ailleurs notre échantillon de Tadeba est composé exclusivement d'hommes
(des
femmes
Tedaba existent
mais
sont
extrêmement
rares),
La
variable
sexe
n'intervient donc pas comme critère de partition.
La seule variable prise en considération est l'instruction. Nous aurons donc
les
sous-classes
"lettrés"
et
"illettrés"
s'emboîtant
dans
la
grande
catégorie
Tadeba.
2.2.2.2. Légendes.
Afin d'économiser de l'espace nous allons procéder à certaines abréviations
qui concernent exclusivement la catégorie "patients".
- 411 -

H sera lu
homme
F sera lu
femme
1 sera lu
illettré
L sera lu
lettré
3. RESULTATS DE LA LECTURE.
Les résultats
de
la
lecture des
données
sont présentés
sous
forme
de
tableaux ci-dessous.
-
412 -

3.1. DONNEES FOURNIES PAR LES THERAPEUTES.
-
413
-

Lecture du matériel fourni par les Tradipraticiens.
catégorie et
indices
indicateur
lettrés
illettrés
SANTE
1. Représentations
A. Manifestations
a. activités
1. activités économiques.
"L'individu en bonne santé va tous les jours au champ
(pour
travailler)" .
"Quand on est bien portant on ne
manque jamais
"entraide
(Kpatru)" .
"Une
femme
en
bonne
santé
sort
le
matin.
va
au
champ,
revient
le
soir,
puise
de
l'eau,
écrase
le
grain
et
fait
à
manger."
"L'homme
bien
portant
entretient
la
maison:
reconstruit les cases lézardées, tresse la paille pour refaire le
toit."
2. activités sociales.
"Quand
on
se
porte
bien,
on
participe
aux
travaux
de
coopéra tive."
" L'individu bien portant participe aux rites d'enterrement."
"Le bien portant rend visite aux malades."
3. loisirs.
"L'homme en bonne santé participe aux danses: Baago, Kamu,
Oeerem"
"L'homme bien portant prend part à toutes les distractions du
village (Sa'ala)". "L'individu qui
se porte bien prend part aux
fes tivités saisonnières."
b. vitalité.
1. intensité d'activité.
"Quand l'homme est bien dans son corps, il travaille beaucoup,
intensément. "
"L'homme bien
portant passe
beaucoup
de
temps
au
travail
sans se fatiguer."
-
414 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. rapidité.
"L'individu qui se porte bien exécute ses travaux avec beaucoup
de rapidité."
"L'homme
qui
est
bien
portant
réagit
vite
dans
toutes
les
situations."
c .intégrité corporelle.
1. intégrité morphologique.
"L'individu en bonne santé n'a pas le corps enflé."
" ... il n'a aucune partie du corps enflée."
"Quand on se porte bien, on ne maigrit pas."
2.intégrité organique.
"L'homme bien portant ne porte pas de plaies sur le corps".
"La peau de l'homme bien portant n'est pas pâle."
"Quand c'est pâle c'est le sang qui manque dans son corps."
"Ses yeux montrent qu'il a du sang."
S.Vécu de la santé.
a. sensation de bien-être.
1. besoin de dépenses physiques.
"Quand on se porte bien, on éprouve du plaisir à travailler."
"L'homme
qui
se
porte
bien
se
plaît
à
se
dépenser
physiquement."
2. joie de vivre.
"Etre en
bonne santé, c'est
se sentir
bien dans
son
corps
(Gbanum Lamegu)."
"Etre en bonne santé. c'est sentir le plaisir d'exister."
b.harmonie de l'être.
1. unité organique.
2. unité ontologique.
- 415 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
Il.PRATIQUES DE LA SANTE.
A. Pratiques religieuses.
1. culte des a ncêtres et des génies.
"Notre vie est garantie par les sacrifices aux ancêtres et aux
génies."
"Si tu vénères
les
Kpeemba par
des
sacrifices
cultuels.
ils
protègent ta santé."
"Quand on
donne
à
manger
aux
Kpeemba
et
aux
11 ite.
ils
protègent contre les Nagemba. (les malfaiteurs)."
2. port d'objets sacrés.
"Tout ce que nos bébés portent au cou les protègent contre
les maladies."
"Ce que tu vois au cou des enfants constitue des objets des
ancêtres et des génies qui les gardent en bonne santé."
"Les
femmes
portent
aussi quelquefois des
fers
forgés
aux
chevilles qui les protègent contre certaines maladies."
"Ce
sont
les
ancêtres
et
les
génies
qui
demandent
(prescrivent) les objets pour garantir la santé
"
3. culte des morts.
"Les vieilles personnes ont
droit à une danse de vénération;
quand on ne le
fait pas,
toute
la
famille
risque
de
tomber
malade."
"Le vieux ou la vieille qui n'est pas honoré par une danse à sa
mort, se fâche et sa colère est morbogène."
"On n'enterre pas n'importe où: chaque personne est destinée
à un caveau familial, si on les respecte pas, les ancêtres se
fâchent et les membres de la famille tombent malades."
"Si on refuse de porter le deuil et le veuvage de sa femme,
on tombe malade."
"La femme qui refuse de porter le deuil de son mari, même si
elle l'avait quitté, tombe malade."
"Toutes
les
cérémonies
après
l'enterrement
d'un
homme
doivent
être
faites:
tout
manquement
en
ce
domaine
est
morbogène."
-
416 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
4. rites exorcistes préventifs.
"Le
Be'ete
Bo'odem,
le
Ha'bre,
sont
des
cérémonies
qui
chassent l'esprit malin pour que la population se porte bien:'
"L'homme qui a fait la guerre est poursuivi par les esprits des
ennemis tués. Une purification périodique doit le débarrasser
de ces esprits pour lui garantir une bonne santé."
"Un homme en âge de guerre doit subir de temps en temps le
rite de purification sinon il tombe malade."
"Les femmes d'un âge avancé qui ont soigné les blessés à la
guerre. doivent subir le rite de purification. de temps en temps
afin qu'elles soient en bonne santé."
"Une femme qui "imite" et remplace un vieux défunt doit de
temps
en
temps
subir
le
rite
de
purification
comme
les
hommes. et cela quand elle devient
vieille,
sinon
elle
tombe
malade."
B. Pratiques morales.
a. respect des interdits.
1. conduites défendues.
"Si
tu
te
moques
d'un
infirme,
tu
seras
frappé
d'infirmité
comme lui."
"Si tu rend les autres malades, ta méchanceté risque de se
retourner contre toi."
"On ne frappe pas le garçon avec la spatule au risque de le
rendre impuissant."
2. objets interdits.
"II est défendu de profaner les objets sacrés sous peine de
tomber malade."
"Si quelqu'un coupe un arbre sacré représentant un génie. il
tombera malade."
-
417 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
3. interdits alimentaires.
"Un enfant qui mange le repas de sacrifice aux arcs tombe
malade."
"Une femme qui mange le repas de sacrifice a ux arcs devient
stérile."
"Si quelqu'un mange les huîtres, il attrape une maladie de la
peau."
"Le Tada ne doit pas communier au
sacrifice
offert
à
ses
épouses-esprits. Il perd sa voyance."
4. lieux saints.
"Quand on s'asseoit à "entrée de la concession, on court le
risque d'être piétiné par les Kpeemba."
b. Prescription.
1. respect de la vie humaine.
"Si vous accueillez l'étranger sans gîte, sans vous demander
d'où il vient, Dieu (Sangbande) et les ancêtres vous assurent la
vie et la' santé."
Si vous donnez à manger à l'étranger qui meurt de faim, vous
évitez certaines maladies."
"Si
vous
protégez
la
vie
humaine.
la
vôtre
sera
aussi
protégée,"
2. vénération des anciens.
"Les vieux sont comme les ancêtres; il faut les vénérer pour
bénéficier de leur protection contre les maladies."
"Un
grand-père.
une
grand-mère.
sont
des
t<:peemba
qui
portent les enfants et
garantissent
leur
santé.
On
doit
les
vénérer.
"Le respect et la vénération des vieux attirent la bénédiction
ancestrale sur nous."
-
418 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
C. Pratiques sociales.
a. conduite d'évitement.
1. évitement des malfaiteurs.
"Les non-voyants évitent souvent de rencontrer les malfaiteurs
(Nagemba)
de
notoriété
publique,
afin
d'échapper
à
leurs
machinations agressives."
"Quand on le peut, il faut éviter de croiser les malfaiteurs."
"Les parents demandent aux enfants de se cacher quand le
malfaiteur approche."
"Nous les Tadeba nous ne nous cachons pas: nous connaissons
beaucoup de Nagemba (malfaiteurs): ils savent que nous voyons
ce qu'ils font: ils nous craignent."
2. camouflage des réussites sociales.
"II
vaut
mieux
ne
pas
étaler
ses
richesses,
afin
de
vivre
longtemps."
"L'étalage de ses richesses attire la méchanceté des jaloux."
"Si vous avez beaucoup d'enfants. il vaut mieux ne pas trop en
parler: les jaloux pourraient les tuer."
"Un
jeune
homme
qui
réussit
dans
la
production
agricole,
risque d'être victime de la jalousie
de
ceux
qui
réussissent
moins."
b. sanctions sociales ..
1. rejet social.
"Le malfaiteur (Nagemba) doit être chassé du village. sinon il
va tuer tout le monde".
"Nous,
les
Tadeba,
nous
dénonçons
certains
Nage mba
(malfaiteurs) pour qu'on les mette au banc de la Société".
"Si nous connaissons
un
malfaiteur qui
est
danger
public,
nous devons demander qu'on le chasse du village".
-
419 -

catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. isolement social.
"II faut dénoncer publiquement les malfaiteurs: comme çà ils
ont honte".
"Les malfaiteurs font l'objet de raillerie sociale".
"Le Nagemte est une conduite honteuse".
"Quand le Nagema est démasqué. il a honte devant les gens
qui le montrent du doigt".
3. poursuite jud iciaire.
"Le tribunal des Blancs se charge de juger les Nagemb a".
"Ceux qui détruisent la santé et la vie des autres sont des
"criminels". Le tribunal des Blancs doit les condamner".
"J'avais menacé un qui avait enterré un pot de graisse humaine
dans la chambre de son oncle: je voulais le traîner devant le
tribunal: il s'est sauvé".
D. Pratiques hygiéniques.
a. hygiène corporelle.
1. propreté corporelle.
"Quand
le
Tada
ne
décèle
pas
de
maladie,
quelquefois
la
souffrance du patient est causée par les saletés".
"Quand on ne se lave pas, on peut avoir des douleurs dans le
corps
"Les saletés rendent le corps lourd et malade".
2, récupération physique,
"II faut se masser le corps avec de l'eau chaude pour éviter
de tomber malade".
"Quand on
se
repose
après
le
travail,
on
évite
de
tomber
malade".
b. hygiène alimentaire.
1. préparation.
" Il faut bien cuire le haricot pour éviter les maux de ventre".
"II ne faut pas préparer la sauce d'arachide avec beaucoup de
bouillon de viande: cela donne la diarrhée".
- 420 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. consommation.
"On
ne
doit
pas
consommer
trop
de graisse animale
pour
éviter la diarrhée".
"On ne doit pas manger beaucoup de manioc amer pour ne
pas avoir des maux de tête".
"II ne faut pas consommer la sauce avariée pour ne pas avoir
l'indigestion" (FidegaL
c. lutte contre les microbes.
1. propreté.
"Nous
devons
tenir
propres
nos
instruments
de
cure
pour
éviter d'inculquer des maladies
aux patients".
"Je désinfecte toujours les
lames de rasoir que j'utilise
pour scarifier: pour
cela
j'ai
besoin
d'alcool
à
brûler;
c'est
pour éviter le tétanos".
2. conditionnement alimentaire.
3. protection.
E. Pratiques curatives.
a. cure traditiobnnelle.
1. Tada.
"Le rada redonne la santé en enlevant les maladies".
"Nous. les Tadeba. nous sommes choisis pour garantir la santé
du peuple".
"Nous luttons contre les maladies des Nagemba".
"Ce sont les Tadeba qui empêchent les maladies de tuer".
-
421
-

catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. cultes religieux.
"Quand
nous
voyons
que
c'est
la
main
des
Kpeemba
qui
explique la maladie. nous prescrivons au malade les cérémonies
à faire pour retrouver la santé".
"Pour certaines maladies, le malade doit verser de l'eau pour
recouvrer la santé".
"Le Tibe (Génie) peut causer une maladie. le Tada ne peut pas
soigner: le malade règle le problème avec le Génie".
b. cure des Blancs.
1. cure médicale.
"Quand
je
ne
vois
pas
de
maladie,
j'envoie
le
malade
à
l'hôpital" .
"Les
docteurs
aussi
luttent
contre
certaines
maladies
et
assurent la santé".
2. Automédication.
"II m'arrive de prendre un comprimé d'Aspro".
"Les médicarr.::mts des Blancs aident quelquefois à recouvrer la
santé" .
"Je donne quelquefois des comprimés
à
mes
enfants
et
çà
passe" .
MALADIE.
1. CONCEPTIONS DE LA MALADIE.
A. Manifestation de la maladie.
a. troubles de l'activité.
1. baisse de l'activité.
"Quand quelqu'un tombe malade. on constate qu'il n'arrive plus
à travailler comme avant".
"Le malade perd
la force".
"Le malade devient faible".
- 422 -

catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. Absence d'activité.
"Le malade reste couché".
Un homme malade ne se déplace plus".
"Si un individu est malade, on ne le voit plus en public".
b. détérioration physique.
1. détérioration morphologique.
"Les malades que je reçois
sont souvent maigres; quand
ils
guérissent. ils grossissent".
"La maladie fait maigrir".
"Certaines maladies enflent le malade".
"II Y a des maladies qui font enfler les pieds et les mains".
"Ce bébé a les joues enflées: on l'a amené parce qu'il
est
malade".
"Cet enfant a l'abdomen ballonné, les joues, les mains et les
pieds enflés".
2. détérioration organique.
"Certaines maladies boivent
le sang du malade; sa peau
et ses yeux deviennent blancs".
'La maladie peut être une plaie: tu
vois
ce vieux. il a des
plaies sur la tête.
"La vieille que je suis en train de traiter a un Œil fermé par la
maladie".
c. détérioration mentale.
1. désordre du raisonnement.
"Les malades du cerveau n'ont pas "le parler en ordre .....
"Ceux qui ont le cerveau troublé mélangent les paroles".
2. trouble de comportements.
"Le malade qui a la
tête
"dérangée"
cherche
quelquefois
à
battre les gens".
"Quand
ils
ont
le
raisonnement
troublé.
quelquefois.
ils
se
mettent à crier et à courir".
- 423 -

catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
B. Vécu du malade.
a. trouble de l'énergie vitale.
1. Baisse du potentiel énergétique.
"Les malades disent se sentir faibles".
"II Y a des
malades qui disent être incapables
de
se
tenir
debout" .
2. exaltation de l'énergie vitale.
"Certains malades disent qu'ils sont excités".
"J'ai reçu un qui me disait que son "cœur est chaud" et qu'il
a envie de battre les gens.
b. processus morbide.
1. le mal désintégrant.
"Certains malades vous disent qu'ils ont la tête qui se fend
en deux".
"" y a des malades qui vous disent que le mal leur arrache le
bras".
"Certains
malades disent
que
le
mal
leur
coupe
le
dos
en
morceaux" .
r
2. le mal circulant.
"II
y a des
maladies
qui
se
promènent
dans
le
corps
du
malade".
"Le
malade
peut
sentir
le
mal
se
déplacer
d'une
partie
à
l'autre de son corps".
3. le mal inhibant.
"Les malades
se plaignent souvent d'un
mal qui oppresse la
poitrine. empêchant de respirer'.
"II Y a des malades qui sentent leurs jambes enchaînées, les
empêchant de marcher".
"Certains
sentent
tout
le
corps
ligoté et
ne
peuvent
point
bouger" .
- 424 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
c. expression de la maladie.
1. plaintes.
"Les malades se plaignent des douleurs à des parties variables
de leur corps".
"Je reçois des malades qui se plaignent des maux de tête".
"Certains malades disent avoir mal au ventre".
2. lamentations.
"Quand jls ont mal, les malades gémissent souvent".
"II Y a des malades, surtout des femmes, qui crient".
Il. PRATIQUES DE LA MALADIE.
A. Causes de la maladie.
a. nature de la cause.
1. causes naturelles.
2. causes surnaturelles chthoniennes.
"Les
Nagemba
utilisent
leur
voyance
pour
causer
des
maladies".
"Les Tite (Génies protecteurs) donnent des maladies".
"Les Kpeemba (esprits des morts) sont à l'origine de certaines
maladies".
"Les Fagnideba (esprits errants) causent des maladies".
"Les Nagemba peuvent lancer des Be'e, enchaîner les Nane'e.
devenir des sorciers -an thropophages".
"La plupart des maladies que nous les Tadeba soignons sont
causées
par
les
Nagemba".
3. causes surnaturelles ouraniennes.
"L'air de Dieu (Sangban am) donne certaines maladies".
"II Y a des maladies qui sont envoyées par Dieu (Sangbande)".
"Certaines maladies sont véhiculées par l'air de Dieu (Sangban
am)".
- 425 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
b. provenance de la cause.
1. attaque agressive extérieure à Ego.
"Les
Nagemba
attaquent
d'autres
hommes
plus
vulnérables
qu'eux"
"Les esprits errants tendent
"des pièges" aux hommes pour
leur nuire".
2. agression interne à Ego.
"La
méchanceté du
Nagema
(malfaiteur)
peut
se
retourner
contre lui et le rendre malade".
"Si
la victime
agressée
par
le
Nagema
(malfaiteur)
a
"sa
maison derrière elle". l'agression retourne à son auteur".
c. fonction de l'agression.
1. attaque persécutive.
"Les
Nagemba
rendent
leurs
semblabes
malades
par
méchanceté" .
"II Y a des Nagemba qui ne supportent pas que les autres
vivent comme eux; alors ils cherchent à les tuer".
"Certains hommes sont jaloux de la réussite
des
autres
et
cherchent à les éliminer".
"Certains Nagemba cherchent à affaiblir ceux qui les dépassent
(qui réussissent mieux qu'eux) en les rendant malades".
2. attaque punitive.
"Les
Kpee mba
punissent
certains
manquements
en
rendant
malade".
"Sangbande (Dieu) punit des inconduites par des maladies.
3. attaque vindicative.
"Si quelqu'un a été tué par un Nagema, arrivé dans le monde
de
Tinga
(monde
d'en-bas.
de
dessous),
il
attaque
son
agresseur pour se venger".
"Si
quelqu'un
meurt
vous
"tenant
dans
son
cœur"
(vous
gardant rancune) il peut vous rendre malade pour se venger".
- 426 -

catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
4. attaque préventive.
"Certaines maladies causées par les Kpeemba visent à prévenir
un plus grand mal".
"Les kpeemba qui écartent une agression dirigée contre vous,
vous donnent un coup de fouet en vous rendant malade pour
vous avertir qu'un mal vous guette".
"La
maladie
peut
vous
signaler
un
guet-apens
sur
votre
chemin".
B. Moyens utilisés.
a. moyens formels.
1. forces du monde de surface (FaagaL
"Le regard du Nagema est dangereux, car il véhicule sa force
cachée",
"La bouche du vieux qui maudit rend malade".
"Quand le vieux parle mal de vous, vous tombez malade".
2. forces du monde d'en-bas (TingaL
"Les kpeemba frappent avec leurs forces".
"Les Fagnideba peuvent vous influencer directement".
"Le Génie orphidien vous attaque lui-même"',
"Les Nagemba attrapent le Nanéga pour l'enchaîner".
b. moyens instrumentaux.
1. objets du monde de surface (FaagaL
"Les méchants lancent les Be'e avec des cailloux".
"Les Nagemba utilisent des morceaux de tissu comme Be'ega".
"Les cauris sont utilisés comme Be'e par les Génies".
1
"Les Ancêtres envoient des serpents. des scorpions pour faire
du mal aux gens".
2. phénomènes de la nature.
"Les
Kpeemba
utilisent
la
"hache
du
ciel"
(foudre)
pour
frapper" .
"Les
Nagemba
se
servent
des
accidents
pour
frapper
leur
victime" .
"Les Nagemba peuvent jeter quelqu'un sous un véhicule"
"Les KPeemba peuvent faire tomber quelqu'un d'un arbre",
- 427 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
3. éléments et phénomènes surnaturels.
"Les
Kpeemba
envoient
les
Tite
(Génies)
frapper.
rendre
malade".
"Les Nagemba envoient leurs Orphidiens attaquer les gens".
III. FACTEURS RESPONSABLES DE LA GUERISON.
A. Facteurs surnaturels.
a. rituels thérapeutiques.
1. rites curatifs.
"Si quelqu'un tombe malade parce que les sorciers l'ont mangé.
le Tada le remplace par un poulet ou un mouton qui meurt à
sa place et il guérit".
"Le malade souffrant de Be'ega ne peut guérir si le Tada ne
lui extrait pas le Be'ega".
"Un malade dont on a emprisonné les Nane'e ne peut guérir
par les médicaments. il faut qu'on délivre les Nane'e".
"Les
maladies
causées
par
les
Nagemba
ne
peuvent
être
guéries à l'hôpital; c'est le Tada qui peut neutraliser le mal".
"Les médicaments ne guérissent pas les maladies causées par
les méchants. Le Tada doit intervenir".
2. rituels religieux.
"Quand la maladie est l'œuvre des Kpeemba. je prescris
au
malade des rites à faire et il guérit".
"Quand le Tada voit dans la maladie la main du Kpeema, il dit
au malade ce que le Kpeema désire; et si le malade le fait, il
guérit" .
"II Y a des maladies qui proviennent des Kpeemba ou des Tite
(Génies protecteurs). Le malade supplie en versant de l'eau et
il guérit".
- 428 -

catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
b. forces surnturelles.
1. force curative des voyants non Tadeba.
"Le Nagema peut lui retirer le Be'ega qu'il vient de mettre à
quelqu·un".
"Une femme. en traitement chez moi. avait lancé un Be'ega à
une autre patiente qui l'a vue et l'a forcée à retirer le mal.
Elle l'a retiré avec un geste de main".
"Un simple voyant peut délivrer un parent enchaîné".
2. force curative des esprits.
"Les
Kpeemba
peuvent
arracher
quelqu'un
des
mains
des
sorciers anthropophages".
"Les
kpeemba
peuvent
délivrer
un
parent
enchaîné
par
les
Nagemba".
B. Facteurs naturels de guerlson.
a. procédures traditionnelles.
1. médicaments.
"Pour
certains
traitements,
nous
donnons
aussi
des
médicaments"
"Avant
d'extraire
le
Be'ega,
j'utilise
quelquefois
les
médicaments"
"Les médicaments aident aussi dans le traitement de certaines
maladies" .
"Les médicaments guérissent certaines maladies".
2. Actes thérapeutiques.
"Pour
soigner un
abcès,
on
l'incise
pour
faire
sortir
le
pus".
b. procédures des Blancs.
1. médicaments.
"Les
docteurs
soignent
avec
des
"grains
de
médicaments"
<Comprimés)" .
"Pour
certaines
maladies.
les
"grains
de
médicaments"
des
docteurs sont efficaces".
"Les
docteurs
donnent
des
piqûres
qui
guérissent
des
maladies" .
- 429 -

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indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. actes médicaux.
"Pour
certaines
maladies,
les
docteurs
ouvrent
le
corps
(opèrent) et enlèvent le mal".
C. Modes d'action des facteurs curatifs.
a. actions combinées.
1. procédés naturels et surnaturels traditionnels.
"Après
l'extraction
du
Be'ega.
nous
donnons
quelquefois
le
médicament pour fermer la plaie".
"Le médicament donné ne tue pas le Be'ega. il ferme la plaie
laissée par le Be'ega".
"Certains médicaments sont donnés pour "tuer" (neutraliser) le
poison du Be'ega".
"Quelquefois, nous donnons les médicaments avant pour
faire
remonter le Be'ega à la surface".
"Après
la
délivrance
des
Nane'e,
nous
donnons
des
médicaments pour renforcer
le
malade;
les
médicaments
ne
libèrent pas les Nane'e".
2. procédés traditionnels et procédés des Blancs.
"Pour
certaines
maladies,
les
procédés
des
docteurs
ne
guérissent
pas
tout;
il
faut
faire
certaines
cérémonies
en
famille".
"Les libations et les sacrifices aux Kpeemba sont
quelquefois
nécessaires pour ouvrir la route à l'action des docteurs".
"Quelquefois, quand le docteur soigne, nous devons enlever la
vraie maladie".
3. facteurs surnaturels traditionnels combinés.
"Certains Be'e sont lancés par des Tites (Génies protecteursl.
Avant que le Tada les enlève. le malade doit d'abord offrir des
sacrifices au Tibe (Génie) qui a lancé le Be'ega".
"Après avoir libéré les Nane'e cachés par les Kpeemba, on doit
immoler un poulet à ces derniers".
- 430 -

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indices-Tadeba
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lettrés
illettrés
b. action solitaire.
1. rituels du Tada seuls.
"II
y
a
des
Be'e
que
nous
extrayons
sans
utiliser
aucun
médicament"
"La
délivrance
du
filet
peut
se
faire
sans
utïlisation
des
médicaments et sans rite religieux".
2. rites religieux seuls.
"Quand la maladie est causée par les Kpeemba seulement. les
cérémonies religieuses seules sont efficaces.
"Certaines maladies guérissent avec les cérémonies religieuses
seulement" .
3. procédés naturels seuls.
"Les maladies envoyées par Sangbande (Dieu) sont guéries par
les plantes seulement".
"Les herboristes ne guérissent que les maladies envoyées par
Sangbande" .
4. procédés des Blancs seuls.
"Les
maladies
que
les
herboristes
guérissent
peuvent
être
guéries aussi par les docteurs".
"Ce sont les maladies envoyées par Sangbande (Dieu) que
la
cure des docteurs seule guérit".
"Si ce sont des maladies venant de Dieu. le Tada ne voit pas
de mal. C'est le docteur seul qui peut soigner".
"Les
cérémonies
religieuses
et
la
cure
des
Tadeba
ne
guérissent pas les maladies venant de Dieu; les herboristes et
les docteurs les guérissent".
- 431 -

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indicateurs
lettrés
illettrés
IV. POUVOIR DU TADA.
A. Essence du pouvoir du Tada.
a. la voyance.
1. le Tada est voyant.
"Le pouvoir du Tada vient de sa voyance".
"Le Tada est voyant".
"C'est la voyance qui permet au Tada de voir les maladies et
de les guérir".
2. "herboriste n'est pas voyant.
"Ceux qui soignent seulement avec les
plantes
n'ont
pas
la
voyance" .
"Les
herboristes
ne
voient
pas
les
maladies
comme
les
Tadeba" .
3. Pas de Tada sans voyance.
"Personne ne peut devenir Tada s'il n'a pas la voyance"
"Pour être Tada. on doit être d'abord un voyant".
"On ne peut être Ta::Ja sans voyance".
b. pouvoir des esprits.
1. épouses de l'Ancêtre-Tada.
"Le
Tada
est
assisté
par
les
esprits-épouses
de
son
Ancêtre- Tada".
"Le
Tada
tient
son
pouvoir
des
esprits-épouses
de
son
Ancêtre- Tada".
"Ce
sont
les
esprits-épouses
de
son
Ancêtre- Tada
qui
le
guident dans l'exercice de ses fonctions".
2. épouses personnelles.
"Le Tada a ses propres esprits-épouses qui l'aident".
"Le Tada épouse des femmes Fagnideba (esprits errants) qui le
guident et j'assistent".
- 432 -

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illettrés
B. Sources du pouvoir du Tada.
a. Origine divine de la voyance.
1. la voyance est don de Dieu.
"C'est Dieu qui donne la voyance".
"La voyance vient de Dieu (SangbandeL
2. La voyance est congénitale.
"On naît avec la voyance".
''Tous les voyants naissent avec leur voyance".
"La voyance n'est pas acquise. mais on naît voyant".
3. la voyance n'est pas héréditaire.
"La voyance n'est pas un attribut de famille".
"Certains voyants naissent des parents non-voyants".
b. élection spirituelle du Tada.
1. 1 e Tate est une élection.
"Le voyant ne peut devenir Tada s'II n'est pas choisi par Tinga
(le monde d'en-bas)".
"II faut que le voyant soit choisi par Tinga pour devenir Tada".
"Tous les voyants ne deviennent pas Tadeba".
"Le Tada ne peut pas refuser la vocation".
2. élection ancestrale.
"L e pouvoir du Tada vient des Ancêtres".
"Un Ancêtre qui avait été Tada choisit un jeune voyant de la
famille pour lui succéder".
"Le signe d'élection est le trouble de santé dont la guérison
n'intervient que s'il accepte la vocation".
"Le Tada hérite sa fonction de son Ancê tre- Tada".
3. élection des esprits.
"Le Tada peut être choisi seulement par des esprits errants
(Fagnideba)
qui
le
suivent.
deviennent
ses
épouses
et
lui
demandent de s'installer".
"Les
esprits
qui
veulent
l'épi 'Jser
le
dérangent.
le
rendent
malade; la divination révèle qu'il est appelé à être Tada".
"Des esprits errants
le
suivent
et
le
dérangent,
le
rendent
malade. demandant à être installés comme ses épouses pour
l'aider à exercer comme Tada".
-
433 -

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illettrés
C. Contenu du pouvoir du Tada.
a. fonction divinatoire.
1. vision directe.
"Le Tada regarde l'endroit malade et voit directement le Be'ega
qui est dedans".
"Si le Tada n'est pas encore intronisé, il voit directement dans
le cauris et dit sans détail ce qu'il voit".
"Le Tada non intronisé n'est pas aidé par ses esprits-épouses,
sa divination est directe et imparfaite".
"Le tada qui lit directement dans les
cauris
ne voit pas
les
détails" .
"Le Tada voit directement là où se trouvent les Nane'e pour
les délivrer".
2. mantique.
"Le
Tada consulté en
cas
de
phénomène
insolite
décortique
toute
la
situation
et
révèle
la
signification
détaillée
du
phénomène" .
"Le Tada est assisté dans la mantique par ses épouses qui lui
révèlent les détails de la vérité".
"Le
Tada
consulte
les
Kpeemba,
les
voit
et
les
entend
et
communique leur message à la population".
"L'épouse-esprit
du
Tada
dialogue
avec
les
Kpeemba
et
transmet leur message".
b. fonction pharmaceutique.
1. connaissdnce des plantes.
"Guidé par ses esprits--épouses. le Tada découvre les plantes
qui soignent les maladies"?
"Les
esprits -épouses
du
Tada
lui
montrent
les
plantes
médicinales" .
"La
voyance
permet
au
Tada
de
découvrir
les
plantes
qui
guérissent" .
"Le Tada est un connaisseur des plantes qui l'aident à guérir
les maladies".
- 434 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. produits curatifs non végétaux.
"Certaines parties des animaux nous servent de médicaments".
"L'animal peut être un médicament pour nous les Tadeba".
"Nous utilisons d'autres éléments que les plantes pour guérir
les maladies".
"Le
Tada
utilise
beaucoup
d'élémen ts
comme
la
potasse
(Kawre. Sakpelem) comme médicaments.
3. préparation des médicaments.
"Le
Tada obtient
des
médicaments
en
mélangeant
plusieurs
éléments".
"Le
Tad a
sait
préparer
des
médicaments
avec
beaucoup
d'éléments mis ensemble".
"Les
esprits-épouses
du
Tada
lui
montrent
les
différents
éléments pour obtenir un médicament".
c. fonction curative.
1. le Tada est plus fort que le malfaiteur.
"Le Tada détecte le mal que le Nagema fait".
"Le Tada identifie le Nagema (malfaiteur) à travers son mal".
"En voyant la maladie. le Tada découvre son auteur".
"Les
Nagemba
ont
peur
du
Tada
qui
connaît
leurs
machinations" .
"Nous
les
Tadeba.
nous
avons
plus
de
forces
que
les
Nagemba".
2. Le Tada neutralise le mal.
"Le Tada a le pouvoir de défaire le mal que les Nagemba. les
Fagnideba (esprits errants) font aux hommes".
"Le Tada voit la maladie c3chée et la guérit".
"Le Tada voit la volonté des
Kpeemba dans
les
maladies et
aide le malade à recouvrer la santé".
"Le
Tada
utilise
sa
voyance
pour
libérer
les
gens
de
la
maladie".
- 435 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
O. Conditions d'exercice.
a. conditions générales.
1. se déclarer voyant.
"Le Tada élu doit déclarer publiquement qu'il est voyant".
"Quand quelqu'un est élu pour devenir Tada. il
ne doit
plus
camoufler sa voyance".
"Accepter de devenir Tada. c'est déclarer sa voyance".
"Ceux qui te choisissent pour être Tada
exigent
que
tu
te
dévoiles voyant".
2. renoncer à la voyance égoiste.
"Le Tada doit cesser d'utiliser sa voyance pour faire du mal".
"Le Tada est choisi pour mettre sa voyance au service de la
santé" .
"Le Tada ne doit plus faire le mal qu'il est appelé à détruire".
"Le Tada a reçu sa voyance pour lutter contre le mal".
3. accepter d'exercer.
"Le Tada élu doit accepter sa vocation, sous peine de mourir"
"Si
les esprits
demandent
à
un
voyant
de
devenir
Tada,
il
refuse. les esprits le rendent malade. et il meurt".
"Le Tada élu tombe malade parce qu'il refuse d'exercer".
"Le Tada est forcé d'accepter sa vocation, sinon il meurt".
b. conditions de divination.
1. intronisation.
"Pour
pratiquer
la
mantique,
le
Tada
élu
doit
asseoir
ses
épouses-esprits qui doivent l'assister".
"Si le Tada ne plante pas de pierres pour
ses
esprits,
il
ne
peut pratiquer la mantique".
"Si les esprits
ne sont
pas
assis,
ils
ne vont pas
aider
le
Tada à pratiquer la mantique (Fe'éébé)".
-
4·36 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. initiation.
"Le
Tada
qui
commence
comme
devin
est
parrainé
par
un
devin expérimenté qui le guide".
"Un devin expérimenté doit aider le
Tada.
à
ses
débuts,
à
exprimer ce qu'il voit".
"Le devin expérimenté qui guide le jeune Tada ne lui apprend
pas à voir, mais à exprimer ce qu'il voit".
"Le jeune devin a besoin d'un guide à ses débuts".
c. conditions d'exorcisme.
1. initiation cannibalique.
"Le
Tada
doit
goûter
à
la
chair
humaine
au
marché
des
sorciers, sinon, il ne peut pas mordre le corps humain pour
extraire le Be'ega".
"Le Tada va au marché de nuit des sorciers. où il achète un
morceau de viande de sa poche pour manger. Ainsi, il pourra
extraire le Be'ega".
"Le Tada ne doit pas lui-même tuer une personne et manger,
mais
il
doit
acheter
la
viande
vendue,
de
sa
poche,
pour
s'initier à "extraction du Be'ega".
"Si le Tada ne goûte pas à la chair humaine des sorciers, il
ne peut extraire le Be'ega".
2. ne pas devenir sorcier.
"Le Tada ne goûte qu'une
seule fois
la chair humaine, juste
pour s'initier à l'extraction buccale du Be'ega".
"Le Tada ne doit pas se laisser prendre dans des confréries
sorcières. Pour cela, il doit refuser de recevoir de la viande
gratuitement."
"Le Tada doit être libre de tout engagement avec les sorciers.
en achetant de sa poche le morceau qu'il veut manger."
'Le Tada doit goûter une seule fois la chair humaine et éviter
de prendre l'habitude d'en manger comme les sorciers."
V. EFFETS ATIENDUS DE LA CURE.
A. Effets ··positifs.
a. Simple amélioration.
1. Soulagement passager.
-
437 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. Réduction durable.
b. guerlson totale.
1. On pense que cela va guérir.
"Si Dieu (Sangbande) nous aide, je vais le guérir."
"S'il n'y a pas autre chose en dessous, ce que je vais faire va
la guérir."
"Si aucun problème de famille ne s'y mêle. le traitement va la
guérir."
"Si sa maladie n'est pas signe d'un autre problème. je vais la
guérir ."
2. On est sûr de la guérison.
"II n'y a aucun problème. le traitement va la guerlr.
"Si je délivre les Nane'e, ils vont guérir tous les deux."
"L'extraction de 8e'ega va le guérir."
"Quand j'aurai fini d'extraire les
Dedenemte
(chair
humaine),
elle va guérir si elle cesse de manger."
8. Effets négatifs.
a. Effets douteux.
1. Crainte d'une complication.
2. Ne connaît pas l'issue.
b. effets decevants.
1. Ne pense pas que cela va guérir.
2. certitude de non guérison.
- 438 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
DYNAMIQUE DE LA CURE.
1. MOTIFS DE LA CONSULTATION.
A. Plaintes du malade.
a. plaintes somatiques.
1. Troubles localisés.
2. Troubles généralisés.
Il. DIAGNOSTIC DU TADA.
A. Diagnostic syndromique.
a. signes de l'objet morbigène dans le corps.
1. douleurs localisées ou généralisées.
"Tu as mal ici (bas ventre)?
C'est un Be'ega qui est là, je
le vois."
"II y a des Be'e dans son corps sous forme de petits grains.
c'est çà qui provoque les douleurs qu'il a dans tout le corps."
"Les maux de ventre proviennent du Be'ega qui est dans son
ventre."
"Les maux de tête dont elle souffre sont causés par des Be'e
au milieu de la tête."
2. Troubles de la sensibilité.
"II a piétiné quelque chose qui lui est monté dans les jambes
et les rend insensibles."
3. Troubles digestifs.
"La
nausée
qu'elle
sent
provient
de
la
présence
d'un
objet
morbogène dans son ventre."
"On lui a mis beaucoup de choses sales dans le ventre, qui lui
donnent envie de vomir."
"Le
ballonnement dont elle
souffre est une indigestion
de la
chair humaine."
- 439 -

catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
"Elle ne va pas à la selle: c'est la chair humaine qu'elle a
mangé qui refuse de sortir."
4. Troubles organiques.
"Tu vois comme ses chevilles sont enflées! Il y a un Be'ega
dedans."
"Les plaies qu'elle a sur la tête montrent qu'on lui a versé
quelque chose qui l'a brûlée et est entré dans son corps."
5. Troubles moteurs.
"On lui a calé les reins avec un Be'ega; c'est pourquoi il ne
peut se tenir droit."
"II ne peut pas redresser le genou: il y a un Be'ega dedans."
b. signes du filet.
1. douleurs généralisées.
"Les
douleurs
dans
tout
le
corps
sont
l'effet
du
filet
qui
l'enveloppe."
"II est tombé dans le filet qui rend son corps douloureux".
"Son corps lui fait mal à cause du filet qui l'enveloppe."
2. signes polymorphes.
"Ce qu'il sent provient du filet: le filet provoque des vertiges.
de la fatigue. le tremblement de tout le corps."
c. signes du Nanega.
1. troubles de l'équilibre.
"Le
malade
souffre
de
vertiges
parce
que
son
Nanega
est
enchaî né loin de lui."
"Le
malade
perd
l'équilibre
en
marchant:
son
Nanega
est
emprisonné. "
"Elle s'essouffle.
perd
l'équilibre
et
tombe
parce
qu'elle
est
enchaînée."
2. troubles neurologiques.
"Quand les doigts se recroquevillent. comme c'est le cas chez
cette malade. c'est le signe de l'enchaînement de son Nanega."
"Ses doigts se croisent parce qu'elle est enchaînée."
- 440 -

catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
3. céphalées.
"Quand
le
Nanega
est
enchaîné,
le
malade
présente
de
l'échauffement
à la
tête,
comme
nous
l'observons
chez
ce
patient."
"Elle dit qu'elle a la tête lourde, des maux de tête; c'est que
son Nanega est emprisonné loin d'elle."
4. troubles digestifs.
"La diarrhée dont elles souffrent toutes les deux provient de
l'enchaînement de leurs Nane'e."
5. troubles de la sensibilité.
"Le malade doit avoir froid aux pieds: c'est l'enchaînement qui
se manifeste comme cela."
"La malade doit avoir une insensibilité aux doigts et aux orteils:
elle est enchaînée."
6. douleurs généralisées.
"II
a
des
douleurs
dans
tout
le
corps
parce
qu'il
est
emprisonné."
7. troubles de l'audition.
"II
est
enchaîné;
c'est
pourquoi
il
a
des
bourdonnements
d'oreille qui l'empêchent d'entendre".
B. Diagnostic étiologique.
a. existence de la cause.
1. cause décelable.
"II y a une maladie dans ton corps".
"M. X...• d'où vient ce que ta fille a dans son bas-ventre?".
"On a enterré un pot de graisse humaine dans sa case".
"Je vois que cet homme a été enchaîné; si on ne le délivre
pas. il va mourir".
"Cette malade est tombée dans un filet".
2. cause non dé celable.
"Je ne vois pas de maladie dans sa tête".
"II n'y.a pas de pathogénie dans son corps",
"Je
ne
peux
pas
te
tromper.
cela
ne
relève
pas
de
mon
domaine" .
-
441 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
"Je n'y vols absolument rien".
3. cause naturelle.
"Cela s'est
produit

découvert"
(de
façon
naturelle":
les
forces de Faga.
"C'est peut-être des microbes".
"C'est l'épilepsie, il faut aller à l'hôpital".
b. essence surnaturelle de la cause.
1. force humaine.
"C'est l'œuvre des voyants méchants (Nagemba)".
"Ce sont des Nagemba qui j'ont enchaîné".
"C'est la machination des Nagemba".
"C'est la méchanceté des hommes Nagemba qui te tue".
"Ce sont tes collègues de service qui te cherchent du mal"
"C'est
son
Nagemte
(méchanceté
occulte)
qui
se
retourne
contre elle".
"Ce sont tes pratiques sorcières qui te ballonnent le ventre".
2. force spirituelle.
"Ce sont les Kpeemba qui sont la cause".
"C'est la punition des Kpeemba".
"" est dérangé par des esprits errants".
"C'est leur grand-père qui a caché leur Nane'e".
"C'est le serpent de son père qui a mis ce Be'ega".
"C'est le Génie de la Lance (Sanega) qui lui a piqué les côtes".
3. force spirituelle ouranienne,
"C'est une maladie envoyée par- Sang bande (Dieu)".
c. provenance de la cause.
1. cause extérieure à Ego.
"Les Nagemba, les Kpeemba, les esprits errants,
le Sangbande .,. sont tous des agresseurs extérieurs à Ego".
2. cause interne à Ego.
"Le Nagemte (méchanceté) de l'Ego se retourne contre lui".
"C'est son propre Nagemte qui la tue".
"Ce sont tes pratiques sorcières qui te ballonnent le ventre".
"C'es t ton serpent qui te dérange".
- 442 -

catégories et
indices - Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
C. Diagnostic processual.
a. mal lytique de l'énergie.
1. lyse lésionnelle.
"Le Be'ega a creusé une plaie dans l'être du malade".
"La
graisse
humaine enterrée
dans
sa
chambre
à
coucher
provoque des démangeaisons sur tout son corps"
"L'objet
morbogène
sur
lequel
il
s'est
assis
provoque
des
erruptions ano-génitales".
"Des morceaux de chair humaine lancés sur lui ont provoqué
des cloques sur son corps".
2. lyse toxique.
"La chair humaine dont il est gavé empoisonne son organisme
"Le Be'ega a laissé beaucoup de poison dans son corps".
b. mal comprimant l'énergie.
1. enveloppement.
"Le patient est pris dans un filet qui lui couvre tout le corps".
"Le malade est coincé. comprimé par le filet dans lequel il est
tombé" .
2. ligotage.
"Les sorciers l'ont ligoté et il ne peut plus bouger".
"II est ligoté pour l'abattoir des sorciers".
"Ses pieds et mains sont liés par les sorciers. ïI ne peut plus
marcher" .
c. mal dissociant. morcelant l'énergie.
1. enchaînement.
"On l'a enchaîné loin; il ne reste que l'enveloppe".
"Elle est emprisonnée. il n'y a que son ombre qui se promène".
2. capture par le serpent.
"Le serpent l'a capturé; si on ne le sauve pas, il va mourir".
"Le serpent le tient; il ne l'a pas encore étouffé".
3. enlèvement par les esprits.
"II est déjà parti chez les Fagnideba (esprits errants); il n'est
que mort-vivant".
- 443 -

catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
"Sa mère "a enlevé. si elle n'acepte pas de le libérer. il va
mourir".
"Le Tada cherche à le reprendre aux Fagnideba".
III. METHODES DIAGNOSTIQUES.
A. Méthode directe.
1. lecture à travers l'organisme du malade.
"Le
Tada
examine
le
bas-ventre
de
la
patiente:
il
y a
un
Be'ega dedans".
"Le
Tada
fixe
du
regard
l'abdomen
du
malade;
il
palpe
le
ventre: c'est un Be'ega".
"Le Tada regarde le bras enflé du malade: c'est un Be'ega".
"Le Tada regarde l'abodmen de la patiente: c'est l'indigestion
de la chair humaine".
"Le Tada jette un regard sur la jeune femme: elle est
prise
dans un fdet".
"Le
Tada
regarde
la
petite,
palpe
les
mains
et
les
pieds
œdèmateux: on l'a gavée de chair humaine".
2. lecture à travers les cauris.
"Le Tada prend les cauris que lui tend le consultant, les tient
dans la main, fixe leur face (tournée vers lui): il y a eu un
problème,
un
enfant
tombé,
un
enfant
agité,
non!
c'est
un
jeune
homme,
il
est
tombé
évanoui;
c'est
le
Génie
qui
l'a
frappé ... le Génie de son grand-père: il estime être négligé".
O. La mantique inspirée.
a. le matériel de la mantique: une paire de cauris.
1. lecture non cOflfigurale.
"U~s deux cauris sont jetés par terre devant le Tada. Celui-ci
les regarde et parle, ne dit rien de leur configuration".
"Le Tada ramasse
les
cauris
dans sa main,
les
regarde en
parlant" .
"Je lis dans
les
cauris:
leur
disposition
spatiale
ne
me
dit
rien",
- 444 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. rôle spéculaire du matériel.
"Dans les cauris, je vois ce qu'il faut dire".
"Les cauris reflètent, réfléchissent le message à transmettre".
b. devin-instrument.
1. état second et communication avec les esprits.
"Le Tada change de ton".
"On
observe
une
perte
partielle
de
communication
avec
le
rée'''.
"II est concentré comme s'il communiquait avec l'invisible".
2. transmission instrumentale du message.
"Le Tada dit répéter, transmettre le message des esprits".
"II est inspiré par les épouses -esprits" .
"II lit le message des esprits inscrit dans les cauris".
"Les esprits lui parlent. lui infusent la connaissance".
c. techniques utilisées.
1. technique d'entretien.
"Un interviewer dialogue avec le Tada".
"Le dialogue se fait par question-réponse".
"L'interviewer suit un schéma de questions".
"L'interviewer
formule
des
questions
subsidiaires
selon
les
réponses du Tada".
"Les réponses du Tada sont des informations-révélations".
2. technique hypothético-déductive.
"Une
réponse-révélation
est
confirmée
ou
rejetée.
selon
la
réaction de l'interviewer".
"C'est
une
femme
C'est
une
femme?
non
c'est
un
homme".
"Le Tada déduit de la réaction de l'interviewer la véracité ou la
fausseté de sa révélation".
3. technique d'essais et erreurs.
"Le
Tada
procède
par
affirmation-négation:
une
affirmation
(essai)
est
aussitôt
niée
(erreur),
puis,
éventuellement.
reprise" .
"Une affirmation est aussitôt remplacée par son contraire".
- 445 -

"
catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
b. identification du mal et du patient.
1. description du mal physique.
"II est malade"
"II a mal au bras".
"II a le pied enflé".
"II est paralysé".
"II souffre d'une plaie au genou".
2. identification de la personne malade.
"C'est une femme, non, c'est un homme".
" C'est une jeune femme".
"C'est un enfant".
3. nature du mal.
"C'est une sorcellerie".
"Elle est ensorcelée".
"II souffre d'un Be'ega".
"II est enchaîné".
e. origine du mal.
1. biolignage.
"C'est une affaire de famille".
"L'agresseur est de la maison"
"C'est un membre de la famille qui l'a vendu".
"Quelqu'un a parlé contre lui".
2. Verticalité.
"Cela vient de Tinga".
"Les Tingreba se sont fâchés".
"Les Tingreba lui ont tourné le dos".
"C'est son père défunt qui est l'agresseur'.
3. société élargie.
"L'agresseur est un étranger (au lignage)".
"Ce sont ses collègues qui lui en veulent".
4. Ego lui-même.
"Cela vient de lui-même".
"Interrogez-le bien".
"Son Nagemte se retourne contre lui".
-
446 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
"II sort la nui t (sorcellerie)".
"C'est son serpent qui lui faiL."
f. Raisons de l'agression.
1. conflits familiaux.
"II est en désaccord avec un parent".
"Quelqu'un a pris un serpent dans la famille".
2. jalousie des partenaires sociaux.
"Ses collègues sont jaloux de lui".
"II se montre trop".
3. punition ancestrale.
"Les Tingreba <Ceux d'en-bas) sont mécontents de lui".
"Les Tingreba sont négligés".
"II a délaissé l'arc de son grand-père".
4. vengeance.
, "Elle avait un problème avec son frère défunt".
"Sa tante s'est brouillée avec elle avant sa mort".
"C'est lui qui est la cause du décès de son frère".
5. prévention, avertissement.
"II
est
poursuivi
par
ses
collègues
et
le
Tibe
(Génie)
l'en
avertit" .
'C'est les ancêtres qui lui disent de savoir marcher".
6. victime de remplacement.
"C'est sa mère que l'agression visait".
"Si lui n'avait pas reçu .le coup. c'est son père qui mourrait".
7. bouc émissaire.
"II Y a eu des querelles dans la famille".
"La famille a négligé un Tibe (Géniel."
g. prescription.
1. rituel. curatif.
"Si le Tada n'intervient pas. c'est la mort".
- 447 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. rituel religieux.
"II faut sacrifier une chèvre noire à la pierre de son père".
3. réparation.
"II doit payer. réparer le tort causé à son frère défunt".
IV. REACTIONS DU PATIENT AU DIAGNOSTIC DU TADA.
V. PRATIQUE DE LA CURE.
A. modèle exorciste.
a. emploi des adjuvants.
1. adjuvants facilitateurs.
"Le Tada frotte une poudre au sternum du patient: c'est pour
décoller le Be'ega qui s'y trouve, de la substance du
malade
afin de l'enlever facilement".
"Le Tada donne un produit à boire au malade avant l'extraction
du
Be'ega:
c'est
pour
le
faire
remonter
à
la
surface
et
l'extraire facilement".
2. adjuvants neutralisants.
"Le Tada met des
feuilles
vertes
de basilic
dans
sa bouche
avant de mordre pour enlever
le
Be'ega:
c'est
pour
que
le
poison du Be'ega ne m'attaque pas".
"Le Tada met une poudre dans
la bouche
avant de
mordre
pour extraire le Be'ega: cest pour ne pas être intoxiqué par le
Be'ega" .
"Le Tada frotte une poudre à l'endroit où il vient d'extraire le
Be'ega: pour fermer la plaie causée par le Be'ega".
"Le Tada donne un produit à boire au malade après l'extraction
du Be'ega: pour guérir 13 plaie causée par le Be'ega".
"Le Tada donne un produit à boire au malade après l'extraction
du Be'ega: pour neutraliser le poison du Be'ega".
"Le Tada scarifie le corps de la patiente et
met
un
produit
après le découpage du filet: pour le ranimer".
- 448 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
b. extraction sans adjuvant.
1. Be'ega récent.
"Je
n'utilise
pas
de
médicament
parce
que
le
Be'ega
vient
d'être lancé: il n'adhère pas encore solidement à la chair du
malade; il n'a pas encore diffusé son venin".
2. Be'ega superficiel.
"Je
n'utilise
pas
de
produit
parce
que
le
Be'ega
n'est
pas
profondément enfoui dans le (corps du) malade".
c. technique d'extraction.
1. procédé buccal.
"Le Tada serre le malade contre lui. applique sa bouche sur le
sternum, mord. suce. crache un morceau de ferraille"
"Le Tada mord à la cheville du malade. enlève un clou".
2. procédé manuel.
"Le Tada saisit le ventre de la malade
avec
la
main droite.
presse la peau entre le pouce et l'index. puis ouvre la paume
de la main et jette un crapaud vivant par terre".
3. procédé chasse-mouche.
"Le Tada évente la tête du patient avec un chasse-mouche et
à
chaque
coup,
de
petits
grains
bruns
giclent
par
terre.
produisant un bruit sec comme de petits cailloux".
"Le
Tada
évente,
avec
un
chasse-mouche.
le
derrière
du
patient, dans la brousse: on entend, à chaque coup. tomber de
petits
grains
faisant
un
bruit
sec,
sur
des
feuilles
d'arbres
mortes et recroquevillées".
4. procédé couteau.
"Avec un canif. le Tada découpe le filet couvrant tout le corps
du malade: il commence au sommet de la tête. descend le long
de l'échine. des bras. des flancs, des jambes. des
pieds, du
nez, de l'abdomen: à chaque coup de couteau. on entend un
bruit sec comme s'il coupait une ficelle.
Avec une touffe
de
plume de poulet. il enroule le filet qu'il va jeter".
-
449 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
B. Modèle endorciste.
a. préparatifs.
1. matériel curatif adjuvant.
"Le Tada apprête un flacon
(calebasse)
contenant un produit
en poudre.
"Le
Tada
met
dans
son
sac
un
flacon
de
poudre
médicamenteuse" .
"Le Tada prend avec lui un flacon de médicament en poudre".
2. matériel instrumental.
"Le Tada fait apprêter un coupe-coupe par la famille de la
patiente" .
"Le Tada se fait fournir par la famille du patient deux capsules
de Kapok qu'il vide de leur duvet".
"Le Tada apprête des nervures de feuille de palmier".
b. processus de délivrance.
1. exploration,
"Le Tada s'éloigne de la maison du patient, s'arrête derrière
une concession: il examine le sol, le toit de la concession.
"Le Tada s'éloigne, arrive dans les champs, s'arrête sous un
baobab: il examine le tronc, les racines, tourne tout autour en
examinant le sol",
2. fouilles.
"Le Tada se baisse sous le baobab, fouille le sol, à la racine
de l'arbre, avec la pointe du coupe-coupe".
"Le Tada creuse tout autour d'une case de la concession avec
la pointe du coupe-coupe, blesse une araignée. sort son flacon
de poudre. la soigne".
"Le Tada fouille la paille du toit d'une des cases".
3. recueil des Nane'e.
"Le Tada découvre un trou en fouillant le sol, y enfonce une
brindille,
y découvre une
araignée.
la
ramasse
délicatement
avec les doigts, la met dans l'une des capsules. bouche avec
des feuilles vertes d'arbre".
- 450 -

catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
4. explication.
"Chaque personne a deux Nane'e (araignée), un mâle et une
femelle: je dois
maintenant
chercher
le
deuxième.
Tu
vois.
celui-ci ressemble au malade".
c. rites de réintégration des Nane'e.
1. préparation du malade.
"Le Tada fait apprêter un tabouret devant le séjour des morts
de la concession, y invite le malade à s'y asseoir".
"Le Tada invite la malade à s'asseoir sur la dalle de latérite
devant le séjour des morts, les jambres dressées et jointes.
"Sur invitation du Tada, le malade enlève sa chemise et reste
torse nu".
"Le Tada demande à la malade de se mettre torse nu.
2. préparation du matériel.
"Le Tada fait apprêter un poulet, pattes lié€s,
déposé devant le
séjour des morts".
"Le Tada fait chercher une calebasse d'eau".
"Le Tada fait apprêter un vase d'huile de palmiste".
"Le Tada fait apprêter une gourde de bière de mil".
"Le Tada fait chercher une calebasse vide".
"Le
Tada
sort
de
sa
poche
un
flacon
de
médicament
en
poudre" .
3. vaporisation.
"Le Tada ouvre le flacon de poudre, en prend une pincée dans
la bouche. prend une bouchée d'eau sur la poudre, penche la
tête de la patiente à gauche, vaporise le mélange (buccal) dans
l'oreille droite".
"Le Tada penche la tête de la patiente à droite. vaporise le
reste du mélange dans l'oreille gauche".
"Le Tada refait le mélange dans sa bouche. vaporise sur le
dos de la patiente".
"Le
Tada
vaporise
le
reste
du
mélange
sur
les
capsules
contenant les Nane'e: je le fais pour la ranimer, pour la faire
revenir, elle était absente. Tu vois comme elle a sursauté".
-
451 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
4. rites de restitution des Nane'e au malade.
"Le Tada roule la capsule contenant les Nane'e sur la tête du
patient. fait plusieurs fois le tour de la tête; arrive à l'oreille
droite. place la capsule à l'entrée de l'oreille. souffle dedans:
c'est pour le réveiller".
"Le Tada roule la capsule de Nane'e sur le corps du patient:
autour du cou. du tronc. des bras joints. des jambes jointes.
place la capsule entre les 2 pieds joints".
"Le Tada saisit la main droite du patient. tire sur le pouce.
l'index. le majeur. l'annulaire et l'auriculaire".
"Le Tada saisit la main gauche. tire sur chacun des doigts.
l'un après l'autre".
"Le Tada saisit le pied droit. puis le pied
gauche,
tire
sur
chacun des orteils".
5. immolation des poulets.
"Je tue le poulet parce que les deux malades ont été cachés
par
leur
grand-père:
l'enchaînement
n'est
pas
fait
par
les
Nagemba méchants".
"Le Tada prend le poulet. lui délie les pattes. lui fend le bec
avec un couteau . fait couler du sang sur la capsule. puis sur
les pouces joints et les gros orteils joints".
"Le Tada arrache une touffe de duvet, colle sur les pouces
joints" .
"Le
Tada
arrache
une
touffe
de
duvet.
colle
sur
les
gros
orteils joints".
"Le Tada arrache une touffe de duvet. colle sur la capsule".
"Le Tada saisit le poulet par les pattes, dépose sa tête sur le
sol. frappe le cou de deux ou trois .coups secs avec un bâton;
jette le poulet par terre, le poulet sautille, se débat, fait un
dernier saut et
tombe
sur le dos, les
ailes
ouvertes:
c'est
pour saluer Sangbande (Dieu): c'est le signe que les Ancêtres
ont bien accepté le sacrifice".
6. insertion des Nane'e au séjour des morts.
"Le Tada enlève le bouchon de feuille qui ferme la capsule de
Nane'e; il soulève
la
paille
du
toit
du
séjour
des
morts,
y
enfonce la capsule ouverte".
"Le Tada enfonce la capsule des Nane'e ouverte dans le toit
en paille du séjour des morts".
- 452 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
d. administration des médicaments adjuvants.
1. produits à boire.
"Le Tada remplit une calebasse de bière de mil, y verse de la
poudre de son flacon, remet le tout au maladé: "brasse avec
le doigt pour bien mélanger, verse un peu par terre pour les
Ancêtres, puis bois le tout''''.
"Le Tada remet au malade de la poudre: "tu prépareras une
sauce
de
grains
de
baobab
avec
ce
médicament
et
tu
en
mangeras midi et soir"
"Le Tada donne des racines
à la malade: "tu écraseras ce
médicament que tu mélangeras avec de la bière de mil pour
boire 2 fois par jour".
2. produits à usage externe.
"Le Tada verse une quantité de poudre de son flacon dans un
cornet
en
papier,
remet
à
la
patiente:
"tu
mélangeras
ce
médicament avec l'huile de palmiste et
tu
t'induiras le corps
aujourd'hui
et
demain.
Tu
répéteras
l'opération
jusqu'à
épuisement de la poudre".
D. Attitudes du patient durant la cure.
E, Attitudes du Tada envers le patient.
a. attitudes sécurisantes.
1. dissipe les inquiétudes.
"Ce n'est pas grave, je vais te guérir"
"Ne crains rien, tu vas guérir".
"Je vais te soigner et tu guériras".
"J'ai enlevé tout le mal: cela ne va plus recommencer".
2. protège contre le mal.
"Le Tada dénonce l'agresseur désigné".
"Le Tada menace de traduire "agresseur en justice",
"Le Tada tue j'esprit errant qui menace la vie de la malade",
- 453 -

catégories et
indices - Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
b, attitude d'autorité.
1. menace,
"Si tu ne reconnais pas que tu es voyante, la maladie que j'ai
enlevée va revenir"
"Si tu ne cesses pas tes pratiques sorcières, tu
finiras
par
mourir d'intoxication de chair humaine".
"Si tu continues à nier. je te fais
passer par
l'épreuve
de
vérité (Fern)".
2. convainc.
"Tu ne veux pas reconnaître le Be'ega que tu as mis là. parce
que tu veux la mort de ton enfant?"
"Tu as un serpent, je le vois et tu ne dois pas continuer à
nier",
"Le Be'ega qui se trouve là-dedans est de toi et tu dois dire
la vérité".
3. fermeté.
"Tu dois faire exactement ce que je t'ai prescrit".
"Je t'ai interdit formellement l'huile rouge, tu ne dois pas jouer
avec la maladie".
c. attitude magistrale.
1. explique le processus thérapeutique.
"Tu prendras ce médicament. il fera remonter le Be'ega à la
surface pour que je puisse l'extraire. Tu reviendras dans trois
jours".
"Tu boiras ce médicament pour tuer (neutraliser) le poison que
le Be'ega a laissé dans ton corps".
"II
Y a encore
la
plaie
que
le Be'ega
a
laissée.
tiens
ce
produit; il "tuera" (fermera) la plaie".
2. explique les signes pathologiques.
"Le raidissement des doigts dont tu souffres est conséquence
de l'enchaînement de tes Nane'e",
"Tu as
du piétiner quelque chose
qui
t'est
monté
dans
les
pieds; c'est pourquoi tu as des brûlures".
- 454 -

catégories et
indices-Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
"C'est un filet qu'on t'a tendu en prononçant ton nom; ce n'est
donc pas par hasard que tu avais emprunté ce chemin pour
tomber dans ce filet".
VI. MODIFICATIONS CONSECUTIVES A LA CURE.
A. Modifications de l'état morbide.
a. modifications observées.
b. modifications vécues.
c. modifications évaluées par le Tada.
1. constat d'amélioration confirmé par le malade.
"Je
ne
vois
plus
aucun
Be'ega
dans
les
chevilles,
j'ai
tout
enlevé" .
"Je ne sens plus de douleur au niveau des chevilles, il reste au
niveau des genoux".
"Le filet découpé l'a dégagée et elle va mieux".
"Mon
corps
que
je
sentais
brûlant
comme
du
feu
s'est
raffraÎchi" .
"Elle va mieux depuis que j'ai libéré ses Nane'e".
"Je me porte bien, sinon tu ne m'aurais pas vLle dehors".
2. constat d'amélioration confirmé par le malade et observable.
"J'ai enlevé tout le mal; il ne reste plus rien dans son corps.
Elle se porte bien".
"Les maux de tête qui me clouaient au lit sont calmés et je
suis bien".
"La
patiente
qui
était
couchée,
il
y
a
deux
jours,
vaque
effectivement à ses occupations ménagères".
"J'ai extrait tous les clous de ses genoux et il se porte bien".
"Je ne sens plus aucun mal, et je marche sans problème, je
peux même courir".
"Le patient qui
se
déplaçait
péniblement,
marche
maintenant
sans peine".
- 455 -

catégories et .. indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
3. constat d'amélioration contesté.
"Je l'ai libérée; elle n'a plus de problème".
"Rien n'a changé depuis la délivrance des Nane'e, j'ai toujours
le vertige. mes doigts sont raidis".
4. constat d'aggravation.
"son état s'est empiré! il doit y avoir un problème de famille.
car j'ai enlevé tous les Be'e",
5. absence de modification.
"II n'y a pas de changement: cette maladie ne guérit pas vite;
il faut au moins 2 à 3 semaines".
B. Modification des représentations.
a. modification du diagnostic du Tada.
1. rejet du diagnostic.
2. reformulation du diagnostic.
"Si sor, état ne change pas, c'est qu'il y a autre chose que je
n'avais pas vu".
"Madame, si votre état s'est aggravé, c'est qu'il y a sûrement
un autre problème".
3. formulation d'un autre diagnostic remplaçant le premier.
b. modification de la perception de la causalité thérapeutique.
c. modification de la perception du pouvoir du Tada.
d. modification de la perception des effets de la cure.
1. rejet des effets attendus.
- 456 -

catégories et
indices- Tadeba
indicateurs
lettrés
illettrés
2. les effets attendus inchangés.
"II y a un problème qui explique l'aggravation. Je vais chercher
et elle va guérir".
"II suffit de trouver et de résoudre le problème cadré pour
que son état s'améliore".
"II va guérir. même si son état reste inchangé jusqu'ici".
3. surestimation des effets attendus.
e. ce qui a effectivement guéri.
1. rituels curatifs.
"Si je n'avais pas extrait le Be'ega, elle ne serait pas guérie".
"Les
médicaments
que j'ai
donnés
ne
font
qu'aider:
ils
ne
guérissent pas les maladies que nous voyons".
"J'ai délivré les Nane'e de M. X, sans donner de médicament;
tu as vu, il est guéri".
"Je lui avais
donné
des
médicaments
pour
la calmer;
c'est
quand j'ai découpé le filet qu'elle est guérie".
2. médicaments.
"Les médicaments ont remonté le Be'ega sans le supprimer".
"Les médicaments guérissent les maladies de Sangbande. pas
celles d'en-bas".
- 457 -

3.2. OONNEES FOURNIES PAR LES MALADES.
- 458 -

1ndices -patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
SANTE.
1. REPRESENTATIONS.
A. Manifestations.
a. activité.
1. activités économiques.
"L'homme qui se porte bien
sort tous les
matins
pour aller
dans son champ."
"L'homme bien portant ne reste jamais à la maison pendant la
saison des pluies."
"Quand on est en bonne santé. on ne peut pas
s'asseoir et
regarder les travaux."
"L'homme bien portant doit vaquer à ses occupations: la femme
puise l'eau. balaie la maison. écrase le mil. prépare à manger,
"L'homme doit labourer pour que la femme
sème, il
ne peut
pas rester assis s'il est bien portant."
"Si Dieu
(Sang bande)
te
donne la
santé,
c'est
pour
que
tu
cultives la terre."
2. activités sociales.
"Dans le village c'est la solidarité: si tu es en bonne santé tu
dois participer aux travaux de coopératives organisés par les
autres."
"Quand
nous
allons
à
l'enterrement,
nous
regardons.
si
quelqu'un manque c'est qu'il n'est pas bien portant."
"L'enterrement est l'occasion de rencontrer tout le monde, si
quelqu'un manque c'est qu'il est malade."
"Quand on est en bonne santé. on sort .. on se promène dans
le village. on visite les gens."
"Quand
on
n'est
pas
malade,
on
participe
aux
travaux
communautaires de solidarité dans le village."
- 459 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
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F
H
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L L
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3. loisirs.
"L'homme bien portant s'il n'est pas trop vieux, participe aux
activités dis tractives du village."
"Les
fêtes
saisonnières

il
y
a
beaucoup
à
boire
sont
l'occasion de rencontres: si quelqu'un manque, il est malade."
"Quand il y a danse dans le village, l'homme bien portant ne
doit pas manquer."
b. vitalité.
1. intensit,é d'activité.
"L'individu en bonne santé déploie beaucoup de force dans ses
activités."
"L'homme en bonne santé montre une grande force dans son
travail. "
"L'homme bien portant ne se fatigue pas vite."
"Celui q'.li se porte bien se montre fort en tout."
2. rapidité.
"Quand on est bien portant. on est rapide dans tout ce
que
l'on fait."
"L'homme qui est bien portant est prompt dans le travail."
"L'homme
en
bonne
santé
se
montre
prompt
dans
ses
activités."
c. intégrité corporelle.
1. intégrité morphologique.
'Quand on est en bonne santé, on a bonne mine.
"L'homme bien portant n'est pas maigre."
2. intégrité organique.
"L'homme
bien
portant
ne
présente
pas
de
plaies
sur
le
corps."
- 460 -

1ndices -patients.
Be'ega
Nanega
H
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H
F
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B. Vécu de la santé.
a. sensations de bien-être.
1. besoin de dépenses physiques.
"Quand je me porte bien le travail me plaît beaucoup."
"C'est quand je suis en bonne santé que je trouve du plaisir à
travailler."
"En bonne santé, on sent du plaisir dans le corps en remuent
la terre."
2. joie de vivre.
"Etre en bonne santé, c'est se sentir bien dans son corps."
"quand je sens de l'agrément dans mon corps, je sais que je
suis bien portant."
"Etre
en
bonne
santé
pour
moi,
c'est
quand
j'ai
le
plaisir
d'exister ."
b. harmonie de l'être.
1. unité organique.
"On es t bien portant quand
on sent son corps fonction-
ner de façon unitaire."
"Quand j'étais en bonne santé
je ne sentais pas mon bras
s'arr acher."
"Avant de tomber malade,
~~~-------
mon dos ne se coupait pas
en morceaux.
2. unité ontologique.
" Q,Jand mon Nanega n'était
pas enchaîné loin de moi,
je me sentais bien."
"On est en bonne santé
quand on est entier, moi on
m'a emprisonnée, il ne me
reste que l'enveloppe."
-
461 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
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H
F
L .L
L L
II. PRATIQUES DE LA SANTE.
A. Pratiques religieuses.
1. culte des Kpeemba et des Tite.
"II faut offrir des sacrifices aux Kpeemba et aux Tite (génies)
pour bénéficier en retour de leur protection contre la maladie
"Nous donnons à manger aux Kpeemba pour avoir une bonne
santé."
"Les Tite nous suivent partout et protègent notre santé contre
le mal, il ne faut pas les négl iger ."
"Nous offrons des sacrifices
aux Kpeemba et aux Tite pour
qu'ils garantissent notre' santé."
"Quand les
Kpeemba se détournent de toi parce que tu
les
négliges,
les Nagemba ont raison de toi."
2. port d'objets sacrés.
"Nous mettons au cou et aux reins
ces petits
enfants
des
objets indiqués par les ancêtres et les Tite pour les protéger
contre la maladie."
"Les objets que les enfants portent au cou et aux reins sont
la main des ancêtres et des Tite qui les protègent contre les
influences morbogènes.··
"Les ancêtres demandent à certaines femmes de mettre des
fers forgés aux chevilles pour les garder en bonne santé."
3. culte des morts.
"On doit offrir une danse aux vieux qui meurent sinon ils ne
se sentent pas honorés et se fâchent en rendant les membres
de la famille malades."
"On doit enterrer chacun
dans
le caveau
familial
qui lui est
destiné pour éviter des problèmes tels que la maladie."
"Si· ta femme meurt et que tu ne portes pas le deuil. tu vas
tomber malade."
"Si f a femme refuse de porter le deuil de son
mari défunt,
elle tombe malade."
- 462 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
"Les libations après l'enterrement doivent être faites sinon le
défunt se fâche contre la famille et les gens seront malades."
4. rites exorcistes préventifs.
"Le Be'ete Bo'odem chasse du village le mauvais. les forces du
malin et garantit une bonne santé à la population."
"L'homme guerrier doit se
faire purifier de temps en temps
des esprits ennemis qui menacent sa santé."
"Quand
la
femme
a
accompagné
les
guerriers
ou
a
été
"imitatrice" d'un homme, elle doit se faire purifier de temps en
temps pour éviter la maladie."
B. Pratiques morales.
a. respect des interdits.
1. conduites défendues.
"Sangbande
(Dieu)
ne
supporte
pas
qu'on
se
moque
des
:nfirmes.
ceux
qui
le
font
tombent
malades
comme
les
infirmes."
"La méchanceté du Nagema se retourne souvent contre lui et il
devient malade et meurt."
2. objets interdits.
"Si tu
ne respectes
pas les objets
sacrés, les Ancêtres
te
rendent malade".
"Si tu joue avec la lance sacrée. elle te casse les côtes".
3. interdits alimentaires.
"Un enfant ne doit pas manger le repas du sacrifice aux arcs,
sinon il tombe malade".
"Si une femme mange le repas du sacrifice offert aux arcs,
elle cesse de donner des enfants",
"Si un homme communie au rite purificatoire de son rival. il
devient aveugle".
-
463 -

1ndices -patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F

L L
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4. lieux saints.
"Les
lieux
saints
sont
habités
par
les
Génies,
si
on
ne
respecte pas ces lieux, les Génies vous frappent".
"II est interdit de s'asseoir aux endroits-sanctuaires. On risque
d'être piétiné par les Kpeemba ou les Génies".
b. prescriptions.
1. respect de la vie humaine.
"Les Ancêtres et Sang bande donnent une bonne santé à celui
qui ne laisse pas mourir de faim les malheureux".
"Celui qui tue une personne humaine sera mentalement dérangé
par l'esprit de la victime".
2. vénération des Anciens.
"La vénération du grand-père et de la grand-mère, attire la
bénédiction ancestrale qui assure la santé".
"Le respect des géniteurs garantit la santé".
'Quand on respecte les personnes
âgées,
leur
bouche
(leur
parole) vous protège contre les' maladies".
C. Pratiques sociales.
a. conduites d'évitement.
1. évitement des malfaiteurs.
"Quand
tu
vois
de
loin
un
Nagema
(malfaiteur)
venir
à
ta
rencontre,
il
vaut mieux changer de chemin pour éviter
ses
influences morbogènes".
"Quand
un
Nagema
arrive, on
demande
aux
enfants
de
se
cacher pour se sous traire à ses projectiles morbogènes".
"Quand
tu
es
surpris
par
la
nu it.
il
vaut
mieux
éviter
de
traverser
les
marchés
des
sorciers
anthropophages:
ils
risquent
de
te
lancer
des
morceaux
de
chair
humaine
qui
provoquent des cloques sur le corps".
- 464 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
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F
, , - - - - - -
L L
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2. camouflage des réussites sociales.
"Si
quelqu'un
réussit
dans
les
travaux
champêtres,
il
vaut
mieux qu'il
ne
se
montre
pas
trop,
sinon
on risque
de
le
rendre" malade".
"Si tu as beaucoup d'adresse dans la danse, ou la course, ou
la
chasse,
il
ne
faut
pas
l'étaler.
au
risque
d'attirer
la
méchanceté des jaloux".
"Quand on réussit
mieux que les autres, ils vous
tuent par
jalousie" .
b. sanctions sociales.
1. rejet social.
"Quand un Nagema (malfaiteur) devient dangereux, on doit le
chasser du village".
"Si le Nagema (malfaiteur)
est
un
sorcier
anthropophage,
il
devient danger public et doit être chassé du village".
"II Y a des
Nagemba
qui
rendent
malades
tous
ceux
qu'ils
rencontrent, on doit 'les expulser du village pour assurer une
bonne santé publique".
2, isolement social.
"Le Nagemte
(pratique occulte du mal) est une honte; c'est
pourquoi ils le font en cachette".
"Les
voyants
doivent
les
dénoncer
pour
qu'ils
soient
pt...bliquement raillés".
"Quand
on
honnit
publiquement
le
Nagema,
il
recommence
rarement".
3. pousuites judiciaires.
"On doit juger et emprisonner les Nagemba car ce sont des
criminels" "
"Les
sorciers reconnus
coupables sont jugés
par
le
tribunal
des Blancs""
"Au tribunal, les sorciers avouent souvent qu'ils ont des avions
pour transporter leurs victimes".
- 465 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
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D. Pratiques hygiéniques.
a. hygiène corporelle.
1. propreté corporelle.
"Quand on dort avec les saletés, le lendemain on est malade".
"La main gauche ramasse des saletés; quand on mange avec
cette main, on est malade".
2. récupération physique.
"Après le travail, il faut se masser le corps avec
de
l'eau
chaude pour ne pas tomber malade".
"La fatigue donne des douleurs dans
le corps; quand on
se
repose, ça passe".
"Quand on est fatigué. si on
ne
se
repose
pas,
on
tombe
malade".
b. hygiène alimentaire.
1. préparation des aliments.
"Si la
sauce
n'est
pas
bien
cuite,
ça
donne
des
maux
de
ventre" .
"Quand
on
met
trop
d'huile
dans
la
sauce,
ça
donne
la
diarrhée" .
2. consommation.
"Si vous mangez les aliments pourris. vous avez des maux de
ventre".
"Les sauces gâtées donnent l'indigestion".
"Trop de graisse animale donne la diarrhée".
c. lutte contre les microbes.
1. propreté.
"Les feuilles de
• • •
salades mal lavées
• • •
contiennent des
• • •
amibes. "
• • •
- 466 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
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"Si on ne se lave
• • •
pas les mains
• • •
avant les repas, on - - - - - -
• • •
mange avec des
• • •
microbes qui don-
• • •
nent des maladies."------
• • •
"Quand on ne se
• • •
lave pas. on attra- - - - - - -
• • •
pe la gale."
• • •
2. conditionnement alimentaire.
"La nourriture tom-
bée par terre, ra-
masse des microbes
qui donnent des
maladies."
3. protect ion.
"Pour éviter le palu-
• • •
disme, il faut se
• • •
protéger contre les
• • •
microbes."
• • •
E. Pratiques curatives.
a. cure traditionnelle.
1. Tada.
"l e Tada nous enlève la maladie et nous redonne la santé".
"C'est le Tada qui garantit notre santé'.
"C'est le Tada qui nous redonne la santé".
"Nous nous
portons
bien parce que
le
T ada
lutte
contre
la
maladie".
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Indices-patients.
Be'ega
Nanega
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.L L
2. cultes religieux.
"Quand le Tada nous dit que ce sont les Kpeemba
qui ont
causé la maladie, nous faisons des libations aux Ancêtres pour
recouvrer la santé".
"Les
cérémonies
réparatrices
aux
Kpeemba
permettent
de
recouvrer la santé".
"Quelquefois, le Tada voit que ce sont les Fagnideba (esprits
errants)
qui
ont
causé
la
maladie,
il
nous
prescrit
les
cérémonies à faire pour recouvrer la santé".
b. cure des Blancs.
1. cure médicale.
"Quand
la
maladie
ne
relève
pas
du
Tada,
le
docteur
ou
l'herboriste guérit".
- - -
"Les docteurs
-
-
-
nous sauvent des
- - -
maladies causées
• • •
par des' microbes.
• • •
2. automédication.
"J'ai des "grains" de médicament (comprimés): quand je sens
mal à la tête, je prends et la santé revient".
"Quand l'enfant est malade, je lui donne d'abord un
grain" de
nivaquine; si ça ne passe pas, je "emmène chez le docteur".
,"
"Je prends souvent l'Aspro et mes maux de tête passent".
"Quand je me blesse dans les champs. je mets le liquide rouge
(mercurochrome) et la plaie guérit".
- 468 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
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MAlADIE.
1. CONCEPTION DE LA MALADIE.
A. Manifestations.
a. troubles de "activité.
1. baisse de l'activité.
"Quand quelqu'un est malade, il ne travaille plus comme avant".
"Le malade n'a plus beaucoup d'énergie".
"Le malade déploie moins d'énergie".
"La
maladie
affaiblit
l'homme
et
il
ne
travaille
pas
comme
avant" .
"Le malade s'efforce péniblement".
2. absence d'activité.
"Le malade ne fait plus rien".
"Le malade ne peut plus se lever".
"Le malade grave ne peut plus sortir de sa case"
"Le malade ne se promène plus dans le village".
"Le malade n'a plus d'énergie: il reste couché".
"Quand on est gravement malade, on ne se déplace plus".
b. détérioration physique.
1. détérioration morphologique.
"La maladie fait maigrir l'individu.
"Quand ma mère était malade, elle avait maigri, il n'y avait que
des os".
"La maladie fait enfler le sujet".
"Certaines maladies font enfler les pieds".
"II Y a des maladies qui rendent le ventre ballonné".
"Certaines
personnes,
quand
elles
sont
malades,
deviennent
énormes".
"II y a des malades qui ont tout le corps enflé".
- 469 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
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2. détérioration organique.
"Certaines maladies provoquent des plaies sur le corps.
"La lèpre commence par des
taches
sur le corps,
puis
les
doigts tombent".
"II Y a des maladies qui rongent le nez.
c. détérioration mentale.
1. désordre du raisonnement.
"Quand le cerveau est troublé, le malade parle en désordre".
"Quand la région frontale
(la
tête)
est détraquée. le malade
mélange les idées".
2. trouble de comportement.
"Certains
deviennent
nerveux
quand
la
tête
ne
tourne
pas
bien".
"Quand le raisonnement est troublé, le malade agresse tous
ceux qu'il rencontre".
"Le malade de cerveau crie quelquefois et cherche à fuir dans
la brousse".
"Certains malades de cerveau restent indifférents à tout ce qui
se passe autour d'eux".
B. Vécu de 13 maladie.
a. troub les du poten liel énergétique vital.
1. baisse du potentiel énergétique.
"La maladie affaiblit"
"Quand on est malade. on se tient difficilement debout".
"Le malade se sent inca pable d'effort physique".
2. exaltation de l'énergie.
"Quelquefois.
le
malade
dit
qu'il
a
envie
de
fuir
dans
la
brousse" .
"Certains malades disent que ça les pousse à battre les gens".
"II Y en a qui disent que ça les met brusquement debout et les
pousse à crier".
- 470 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
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b. processus morbide.
1. le mal désintégrant.
"Quelquefois, le mal te fend la tête".
"On peut sentir le mal qui vous déchire la poitrine".
"Dans
certaines
maladies,
on
sent
que
ça
vous
brise
le
bassin" .
"On sent le mal qui vous déchire le dos".
2. le mal circulant.
"Quelquefois, on dirait que le mal marche à travers le corps".
"On le sent tantôt ici, on le sent tantôt là".
"Certains Be'e ne restent
pas
en
place;
ils
se
déplacent
à
travers le corps".
"La chose peut se déplacer depuis la poitrine jusqu'au ventre".
"Ca peut vous transpercer de part en part".
3. le mal inhibant.
"Le mal peut vous comprimer les côtes".
"Quelquefois, ça vous oppres se la poitrine et vous empêche de
respirer" .
"II Y a des maladies qui "ligotent" la bouche et le malade ne
peut parler".
"Ça peut vous 1igoter les jambes. vous empêchant de marcher".
"Quand
le
serpent
capture,
il
s'enroule
autour
du
sujet
et
"immobilise" .
c. expression de la maladie par le malade.
1. plaintes.
"Le mal peut se trouver dans la tête: on sent des maux de
tête" .
"Quelquefois, le cœur fait mal".
"On peut avoir des douleurs dans les jambes".
-
471 -

1ndices -pa tients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
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L L
L L
2. lamentations.
"Ce sont souvent les femmes qui gémissent".
"Quand les enfants ont mal. ils pleurent".
"Les enfants
hurlent
de
douleur.
parce
qu'ils
ne
supportent
pas".
"Certaines
maladies
sont
tellement
attroces
que les
malades
crient en disant qu'ils ne savent pas ce qu'il faut faire".
II. PRATIQUES DE LA MALADIE.
A. Causes de la maladie.
a. nature de la cause.
1. causes naturelles.
"Les maladies na-
~l
• •
turelles sont cau-
• • •
sées par des
• • •
microbes. "
• • •
• • •
La maladie peut
• • •
être causée par
• • •
J'envahissement
• • •
de "organisme par
• • •
des microbes. "
"Le poison peut
• • •
rendre malade."
• • •
"Si tu manges
• • •
quelquechose de
• • •
mauvais, tu tombes
• • •
malade."
• • •
2. causes surnaturelles chthnoniennes.
"Nos semblables nous enfoncent
des objets dans le corps."
"Ils sont les Nagemba qui nous
mettent les Be'e dans le corps." ,
- 472 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
"C'est ton semblable qui
t'enchaîne pour que tu
meurs."
----"Certaines maladies
-
-
-
- - - - sont causées par
-
-
-
les diables."
-
-
-
"II Y a des maladies causées par les Kpemba."
"Beaucoup
de
maladies
sont
l'œuvre
des
Nagemba
(malfai-
teurs) ."
"Les esprits errants sont à l'origine de beaucoup de maladies."
"Les génies (Tite) causent des maladies."
"Les maladies pro-
viennent des fées."
-_ .. --------
-_.
"Le vent qui souffle
- - - - -
-
à minuit est chargé
- - -
.. ---------
de plusieurs maladies - -
--------------
...
car c'est le moment
- -
- - - - - - - -
...
de la purification de
- - -
- - - - - - - -
....
la nature et le pas-
- -
- - - - - - - -
sage des esprits."
3. causes surnaturelles ouraniennes.
"L'air de Sang bande (Dieu) cause certaines maladies".
"II existe des maladies venant de Dieu (Sangbande)".
"L'air de Dieu (Sangbande) peut provoquer certaines maladies".
"Sangbande (Dieu) es t la cause de certaifles maladies".
b. provenance de la cause.
1. attaque agressive extérieure à Ego.
"Les Kpeemba, les esprits errants, "air de Dieu,
les Nagemba, qui rendent
l'homme
malade sont différents de
lui" .
"Les maladies viennent de l'extérieur à l'homme".
"Ce
sont
les
hommes
Nagemba
qui
attaquent
d'autres
hommes".
- 473 -

Indices -patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
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L
L
L L
2. attaque agressive interne à Ego.
"L'individu peut tomber malade parce qu'il est méchant contre
les autres".
"L'individu
cherche
à
rendre
les
autres
malades
et
son
agressivité se retourne contre lui".
"Le
Nagemte
(méchanceté-occulte)
du
Nagema
(malfaiteur
occulte) peut se retourner contre lui".
"Quelqu'un
peut
te
tendre
un
piège
et
tomber
lui-même
dedans".
"Si ta maison est debout derrière toi, l'agression dirigée contre
toi se retourne contre son auteu r".
c, fonction de l'agression.
1. attaques persécutives.
"Les hommes vous rendent malades parce qu'ils vous envient".
"Quand vous réussissez, les autres sont jaloux et cherchent à
vous tuer".
"Les méchants vous lancent les Be'e pour vous empêcher de
les dépasser".
"II Y en a qui ne supportent pas que vous viviez comme eux;
ils cherchent à vous éliminer".
2. attaques punitives.
"Quand vous ne respectez
pas
les
interdits, Sangbande peut
vous punir".
"Si vous n'offrez pas les sacrifices, les Kpeemba peuvent vous
punir".
"Les Kpeemba peuvent vous faire souffrir pour vous corriger".
3. attaques vindicatives.
"Si tu as tué quelqu'un. son esprit peut te rendre malade pour
se venger".
"Si tu es en
situation conflictuelle avec quelqu'un, il
faut
te
réconcilier avec lui avant sa mort, sinon, arrivé dans l'au-delà,
il se venge de toi en te rendant malade".
-
474 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
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F
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L L
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4. attaques préventives.
"Les Kpeemba envoient des maladies pour nous prévenir d'un
plus grand mal".
"Les maladies causées par les Kpeemba nous signalent qu'il y a
un malheur qui nous guette".
"La maladie peut nous signaler un obstacle à éviter".
8. Moyens utilisés.
a. moyens formels.
1. forces du monde de surface.
- - - - - " L e poison agit sur
• • •
· ..
-----forganisme."
- - - -
- - - - - "Les microbes uti-
• • •
- - - - - lisent leurs propres
• • •
- - - - (orees ,"
• • •
2. forces de Tinga.
"Les Kpeemba utilisent leurs forces surnaturelles pour rendre
malade".
"Les Kpeemba ne lancent pas de Be'e".
b. moyens instrumentaux,
1. objets naturels.
"Les méchants utilisent des torchons pour lancer des 8e'e".
"Les Nagemba utilisent des morceaux de fer comme 8e'e".
"Les lanceurs de Be'e se servent des clous".
2. phénomènes naturels.
"Les Nagemba peuvent ligoter une personne et la jeter dans un
fleuve, et elle se noie".
"La
noyade
peut
être
utilisée
par
les
Nagemba
pour
faire
mourir des gens".
"Quand quelqu'un tombe d'un arbre et se casse la jambe, ce
sont les Nagemba qui l'ont provoqué".
"Si ta case prend feu et que tu as des brûlures, ce n'est pas
par hasard: Les Kpeemba ont leur main dedans".
-
475 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
3. éléments et phénomènes surnaturels.
"Les
Nagemba
envoient
leurs
chiens
que
sont
les
Génies
Orphidiens pour chasser les enfants comme du gibier".
"Les Ancêtres envoient les Génies protecteurs
(Tite) frapper
de maladie ceux qui se conduisent mal".
"Les
Génies
Orphidiens
exécutent
les
consignes
de
leurs
maîtres. les Nagemba. pour lancer des Be'e aux gens".
III. FACTEURS RESPONSABLES DE LA GUERISON
(causalité thérapeutique).
A. Facteurs surnaturels.
a. rituels thérapeutiques.
1. rites curatifs.
"Si le Tada enlève le Be'ega.
"Si le Tada ramène mon Na-
on est guéri,"
nega. je serai guéri."
"C'est quand le Tada enlève
"s i le Tada ne délivre pas
la maladie de votre corps
votre Nanega. vous ne pou-
que vous guérissez.
vez guérir."
"C'est l'extraction du Be'ega
"Si vous êtes enchaînés. on
qui provoque la guérison."
doit vous libérer. sinon vous
ne guérisser pas.
"Si un homme tombe malade parce qu'on l'a mangé (mangé par
les
sorciers
anthropophages).
le
Tada
le
remplace
par
un
poulet ou un mouton qui meurt à sa place, et il guérit".
"Ce - sont les actions du Tada qui guérissent".
"Quand le Tada extr3it le Be'ega. ou délivre le Nanega. on est
guéri"
2. rituels. religieux.
"Les maladies causées par les Kpeemba sont guéries par les
libations" .
"Quand
le
Tada
voit
que
la
maladie
est
causée
par
les
Kpeemba. il dit de verser, de "eau et de prier, et cela guérit".
-
476 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
"Quand le Kpeem a t'envoie la maladie, tu le supplie en versant
de l'eau et ta maladie doit guérir".
"Si le Kpeema te rend malade parce qu'il veut un poulet, tu lui
offres le poulet et tu es guéri".
b. forces surnaturelles.
1. force curative des voyants non thérapeutes.
"Le Nagema qui enfonce un Be'ega dans le corps de quelqu'un
peut
l'enlever
quelquefois
en
faisant
un
geste
à
l'endroit
malade".
"Un
enfant
voyant
avait
délivré
son
père
enchaîné
par
un
Nagema et avait mis à sa place l'agresseur lui-même".
2. force curative des esprits.
B. Facteurs naturels de guérison.
a. procédures traditionnelles.
1. médicaments.
"Après avoir extrait le Be'ega.
"Après la délivrance de ton
le Tada donne des médica-
Nanega, le Tada te donne
ment..>."
des médicaments à boire."
"Les médicaments que le Tada donne aident à guérir".
"Le Tada donne des médicaments pour nous guerlr .
"Ce sont les médicaments du Tada qui guérissent les maladies".
2. actes thérapeutiques.
"Le massage guérit les douleurs causées par la fatigue".
"Quand on perce l'abcès, il guérit".
- 477 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
b. procédures des Blancs.
1. médicaments.
"Les comprimés que le docteur donne guérissent les maladies".
"Les
plqures
guérissent·
mieux
les
maladies
que
les
médicaments à boire".
"Les docteurs guérissent les plaies avec des médicaments".
2. actes médicaux.
----.:..:."Quand on se foule
• • •
- - - - l e pied, le docteur
• • •
- - - - l e met dans le plâ-
• • •
- - - - - t r e et cela le gué-
• • •
- - - - r i t . "
• • •
"Les
docteurs
opèrent
pour
enlever
les
maladies
et
on
recouvre la santé".
C. Modes d'action des facteurs curatifs.
a. actions combinées.
1. procédés naturels et surnaturels traditionnels.
"Les
médicaments
que
le
Tada
donne
après
l'extraction
du
Be'ega guérissent la plaie laissée par le Be'ega".
"Le
Tada
donne
les
médicaments
pour
tuer
le
poison
du
Be'ega".
"Si on ne donne pas le médicament, la plaie ne va pas guerlr".
"Les médicaments ne guériss~nt pas le Be'ega si le Tada ne
l'enlève pas".
"Après
la délivrance des enchaînés, le Tada leur donne des
médicaments pour les renforcer".
"Les
médicaments
ne peuvent pas
guérir
un
enchaîné
si
le
Tada ne le délivre pas".
"Les
Tadeba
transmettent
leur
pouvoir
aux
plantes
avec
lesquelles
ils
nous
guérissent.
Quand
nous-mêmes
nous
utilisons ces mêmes plantes. ça ne guérit pas".
- 478 -

1ndices -patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
2. procédés surnaturels traditionnels et procédés des Blancs.
"Quand
le
malade
est
soigné
à
l'hôpital,
il
faut
faire
les
cérémonies aux Kpeemba à la maison".
"Le traitement du docteur seul ne guérit pas toute la maladie;
le Tada doit enlever la maladie cachée".
3. procédés surnaturels traditionnels combinés.
"Quand le Be'ega est lancé par un Tibe (Génie protecteur), le
Tada
demande
de
faire
des
libations
au
Génie
avant
qu'il
l'enlève" .
"Le Nanega peut être retenu loin par les Kpeemba; après sa
délivrance, il faut sacrifier un poulet aux Ancêtres pour être
guéri".
b. action solitaire.
1. rituels curatifs.
"Le
Tada
extrait
quelquefois
le
Be'ega
sans
utiliser
de
médicament" .
"Quand le Tada enlève le Be'ega. il ne donne pas toujours des
médicaments" .
"La
délivrance
des
Nane'e
ne
nécessite
pas
toujours
des
médicaments" .
"Quand
le
Tada
arrache
quelqu'un
de
la
prise
du
Génie
Orphidien. il ne donne pas toujours des médicaments".
2. rituels rel ig ieux.
"Quelquefois. le Tada dit que la maladie est causée par les
Kpeemba qui demandent un poulet; alors on sacrifie un poulet
et on est guéri".
"La
maladie
causée
par
les
Kpeemba
est
guérie
par
des
libations suivies de sacrifices d'animaux".
"Souvent.
les
maladies
causées
par
les
Kpeemba
n'ont
pas
besoin
de
traitement
du
Tada:
on
fait
des
cérémonies
religieuses aux Kpeemba et on est guérï'.
- 479 -

Indices-patients.
.. Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
3. procédés naturels traditionnels.
"Les maladies envoyées par Sangbande (Dieu) sont guéries par
les plantes".
"Les maladies natu-
-
-
-
- - - - relies peuvent être
-
-
-
- - - - guéries par des plan-
-
-
-
- - - - tes."
-
-
-
"Quand
le
Tada
ne voit
pas
de
Be'e
dans
l'organisme.
les
plantes seules peuvent guérir".
4. procédés des docteurs (Blancs).
"Les maladies envoyées par Sangbande (Dieu) sont guéries par
les docteurs".
"Quelquefois. le Tada dit qu'il ne voit pas de maladie et vous
dit d'aller à l'hôpital et là on vous guérit".
----"Les maladies cau-



- - - - s é e s par les micro-
-
-
•.
- - - - b e s sont guéries
-
-
-
par les docteurs."



"Si ce sont des maladies de Sangbande (Dieu), le Tada ne peut
rien;
il
vous
dit
d'aller
à
l'hôpital

les
docteurs
vous
guérissent" .
IV. Pouvoir du Tada.
A. Essence du pouvoir du Tada.
a. la voyance.
1. le Tada est voyant.
"Le Tada tire son pouvoir de sa voyance".
"Le Tada traite les maladies parce qu'il est voyant".
"Le Tada ne peut pas voir les maladies s'il n'est pas voyant".
- 480 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
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2. l'herboriste n'est pas voyant.
"'es gens qui guérissent avec les plantes seules ne sont pas
voyants".
"Les herboristes ne pratiquent pas la divination".
"Les herboristes ne peuvent pas voir le
mal
causé
par
les
Nagemba".
3. Pas de Tada sans voyance.
"Le Tada est d'abord un voyant".
"On ne peut pas devenir Tada si on n'a pas la voyance".
"Si on ne voit
pas, on
ne
peut
pas
exercer
le
métier
de
Tada".
"M. X est Tada parce qu'il est voyant".
"Le Tada voit les maladies que les autres ne voient pas
"Le pouvoir de Tada n'est pas donné aux non-voyants".
b. pouvoir des esprits -épouses.
1. épouses de l'Ancêtre Tada.
2. épouses personnelles du Tada.
"Le Tada est "suivi" par des Fagnideba
(esprits errants)
qui
l'aident dans ses fonctions".
"Le Tada a une épouse Fagnida (esprit errant) qui lui montre
ce quil faut faire".
"Les Tadeba se marient à des Fagnideba (esprits errants) qui
leur montrent les secrets de leurs. fonctions".
"Les Tadeba disent qu'ils ont des épouses Fagnideba qui les
aident' .
-
481 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
B. Sources du pouvoir du Tada.
a. origine divine de la voyance.
1. la voyance est don de Dieu.
"C'est Sangbande (Dieu) qui donne la voyance au Tada pour
qu'il voit les maladies".
"La voyance du Tada vient de Sangbande (Dieu).
"Le
pouvoir que
Sangbande donne
au Tada pour guérir les
hommes, c'est la voyance".
2. la voyance est congénitale.
"Sangbande a créé le Tada avec la voyance",
"On naît avec la voyance, elle ne s'apprend pas':.
"Tous ceux qui voient naissent voyants".
"Le Tada est voyant de naissance",
3. la voyance n'est pas héréditaire.
"Les voyants peuvent naître des parents non-voyants",
"La voyance n'est pas un don familial".
"Les parents des voyants ne sont pas toujours voyants".
"Les
parents
voyants
ne donnent
pas
toujours
des
enfarY
voyants" .
"Tous les enfants d'une famille ne sont pas voyants".
b. élection spirituelle.
1. le Tate (fonction du Tada) est une élection.
"Le Tada est choisi par le monde d'en-bas (Tinga)".
"Tous les voyants ne deviennent pas Tadeba, il faut
par les Tingreba (ceux d'en-bas),
'Le voyant tombe malade et la divination révèle
pour devenir Tada".
2. élection ancestrale.
- 482 -

\\
Indices-patients.
8e'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
8. Sources du pouvoir du Tada.
a. origine divine de la voyance.
1. la voyance est don de Dieu.
"C'est Sangbande
(Dieu) qui donne la voyance au Tada pour
qu'il voit les maladies".
"La voyance du Tada vient de Sangbande (Dieu).
"Le
pouvoir
que
Sang bande
donne
au
Tada
pour
guérir
les
hommes, c'est la voyance".
2. la voyance est congénitale.
"Sangbande a créé le Tada avec la voyance
"On naît avec la voyance, elle ne s'apprend pas':.
"Tous ceux qui volent naissent voyants".
"Le Tada est voyant de naissance".
3. la voyance n'est pas héréditaire.
"Les voyants pe uvent naître des parents non-voyants".
"La voyance n'est pas un don familial".
"Les parents des voyants ne sont pas toujours voyants".
"Les
parents
voyants
ne
donnent
pas
toujours
des
enfants
voyants" .
"Tous les enfants d'une famille ne sont pas voyants".
b. élection spirituelle.
1. le Tate (fonction du Tada) est une élection.
"Le Tada est choisi par le monde d'en-bas (Tinga)".
"Tous les voyants ne deviennent pas Tadeba, il faut être choisi
par les Tingreba (ceux d'en-bas).
"Le voyant tombe malade et la divination révèle qui est choisi
pour devenir Tada".
2. élection ancestrale.
- 482 -

1ndices -patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
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3. élection des esprits.
C. Contenu du pouvoir du Tada.
a. fonction divinatoire.
1. vision directe.
"Le Tada voit la maladie quand on vient le consulter".
"Le Tada regarde seulement l'endroit malade et voit la maladie
qui est dedans. mais sans dire la cause".
"Quand il y a un évènement. le Tada non
intronisé entrevoit
directement la signification sans détails éclairants".
"Le Tada voit les Nane'e qui sont emprisonnés sous la terre".
2. mantique.
"En cas d'évènement insolite (Dogega), nous consultons le Tada
qui donne la signification détaillée de l'évènement".
"II
n'y
a
que
le
Tada
installé
qui
pratique
le
Fè'éébe
(la
mantique)" .
"Le Tada voit directement la maladie dans votre corps, mais,
par le Fè'éébe. il vous révèle la cause".
b. fonction pharmaceutique.
1. connaissance des plantes médicinales.
'Sang bande (Dieu) montre au Tada les plantes qui soignent les
maladies" .
"Les épouses Fagnideba (esprits errants) du Tada lui montrent
les plantes pour le traitement des maladies".
"Avec sa voyance, le Tada découvre les herbes qui guérissent
les maladies".
2. produits curatifs non végétaux.
3. préparation des médicaments.
- 483 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
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c. fonction curative.
1. le Tada est plus fort que le Nagema (malfaiteur>'
"Le Tada voit ce que les Nagemba (malfaiteurs) font".
1
"Le
Tada
peut
tuer
les
esprits
nuisibles
qui
suivent
les
1
femmes".
t
"Le Tada démasque les Nagemba (malfaiteurs>'
"Le Tada détruit les machinations des Nagemba.
1
f
2. le Tada neutralise la maladie.
"C'est
le
Tada
qui
détruit
les
maladies
causées
par
les
méchants".
"Dieu
a donné
le
pouvoir
au
Tada
de
guérir
les
maladies
causées par le monde d'en-bas".
"Le Tada enlève les Be'e que
"Le Tada délivre les Nane'e
les méchants mettent dans
emprisonnés loin de nous."
notre corps."
D. conditions d'exercice.
a. conditions générales.
1. se déclarer voyant.
"Quand le voyant est choisi pour être Tada. il doit avouer qu'il
est voyant, sinon il meurt".
2. renoncer à la voyance égoïste.
"Le
Tada
ne
doit
pas
utiliser
sa
voyance
pour
faire
la
sorcellerie" .
"Le
Tada
ne
doit
pas
pratiquer
le
Nagemte
(méchanceté-occulte)" .
"Le Tada doit utiliser sa voyance pour voir la maladie et la
détruire" .
- 484 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
3. accepter d'exercer.
"Si
le
Tada
n'accepte
pas
sa
vocation.
les
esprits
qui
le
suivent vont le tuer".
"S'il n'accepte pas, les esprits vont le déranger et le rendre
malade".
"S'il refuse d'être Tada. il tombe malade".
b. conditions de divination.
1. intronisation.
"Pour que le Tada devienne devin, on doit asseoir ses épouses
Fagnideba (esprits errants)':
"Le Tada doit planter des pierres pour asseoir les esprits qui
doivent "aider dans la divination".
2. initiation.
c. condition d'exorcisme.
1. initiation cannibalique.
2. ne pas devenir sorcier.
V. EFFETS ATIENDUS DE LA CURE.
A. Effets positifs.
a. simple amélioration.
1. soulagement passager.
"Cela va guerlr mais le méchant va remettre la maladie".
"Cela fait plusieurs fois qu'on me soigne et à chaque fois je
retombe malade après une rémission"..
- 485 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
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L L
L L
2. réduction durable.
"Le traitement va améliorer mon état".
"S'il me soigne. cela ira un peu mieux".
"Je pense qu'avec le traitement du Tada. cela va aller mieux".
b. guérison totale.
1. on pense que cela va guérir.
"Je crois que le traitement va me guérir".
"S'il ne me trompe pas. cela va guérir".
"Je pense que je vais guerlr .
"Si Sangbande (Dieu) aide. il va me guérir".
2. on est sûr de guérir.
"Le traitement va me délivrer du mal".
"Avec le traitement du Tada, je dois guérir".
"J'attends que le Tada me guérisse".
"Je dois guérir car je suis innocent".
"Je serai complètement guéri".
B. Effets négatifs.
a. effets douteux.
1. crainte d'une complication.
"Je vais attendre
la
fin
de
la
cure
pour
voir
ce sue
cela
donne" .
"Je voudrais essayer chez le Tada pour voir si cela va guérir".
"S'il n'y a rien d'autre. je pense que cela va guérir".
"Je crains qu'il y ait d'autres choses".
2. ne connaît pas l'issue.
"Je ne sais pas si cela va guérir".
"Je
souhaite
guérir.
mais
je
ne
sais
pas
ce
que
cela
va
donner" .
"Je ne peux pas savoir à l'avance si cela va guérir"
"Je ne sais pas si je vais guérir ou non".
"Je ne sais pas pour le moment".
- 486 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
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L L
L L
b. effets décevants.
1. ne pense pas guérir.
"Je ne crois
pas que cela va guérir. je suis
passé
partout
avec cette maladie".
"Je ne suis pas sûr de guérir".
2. certitude de non-guérison.
"Même si le Tada me soigne. mon état ne vas pas changer".
DYNAMIQUE DE LA CURE.
1. MOTIFS DE LA CONSULTATION.
A. Plaintes du malade.
a. plaintes somatiques.
1. douleurs localisées.
J'ai des maux de tête."
"J'ai des échauffements à la tê-
"J'éprouve beaucoup de
te."
douleurs dans le ventre."
",J'ai des maux de tête."
"J'ai une douleur
lan-
cinante
d ans le bas-
ventre.
"J'ai des picotements
dans le bas-ventre."
2. douleurs généralisées.
"Tout le corps me fait
"J'ai des douleurs dans tout le
mal."
corps."
'J'ai des maux de tête
"J'ai des maux de tête et des
et des douleurs dans
douleurs dans tout le corps."
tout le corps."
"J'ai mal dans tout le corps avec
envie de m'étirer."
- 487 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
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3. malaises.
"J'ai des tremblements
des membres et de tout
le corps, je suis essou-
fié et je n'arrive pas à
respirer, je tombe du
lit en dormant."
4. troubles digestifs.
"J'ai la nausée et des
"J'ai la diarrhée."
vomissements. "
"J'ai le ballonnement du
ventre et je ne vais pas
à la selle."
5. troubles neurologiques.
"J'ai des doigts qui se re-,
croquevillent et se croisent."
6. troubles de la sensibilité périphérique.
"J'ai des fourmillements
"j'ai une insensibilité aux
et une insensibilité aux pieds."
doigts et aux orteils."
7. troubles polymorphes.
"J'ai des maux de tête. des
"Mes doigts se recroquevil-
picotements dans les yeux,
lent et se croisent, j'ai
je vois du brouiilard."
froid aux pieds, j'ai le ver-
tige."
',j'ai des maux de tête se
déplaçant dans le dos, j'ai
une in sens ibil ité aux doigts."
b. plaintes phychiques.
1. troubles de l'humeur.
"Je sens une excitation générale".
"Je me sens énervée, irritée, agacée. sans raison".
- 488 -

Indices-patients.
8e'ega
Nanega
H
F
H
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L L
L L
8. Signes observables.
a. troubles morphologiques.
1. diminution de la masse corporelle.
"la patiente qui dit vomir
"La patiente qui se plaint de
et ne rien manger est
diarrhée est maigre."
très maigre avec les yeux
"Mme K est maigre: elle se
creux."
plaint de vagues malaises."
"Mme Z. qui se plaint de ver-
tige et des douleurs générali-
sées est décharnée."
2. a,ugmentation de la masse du corps.
"La malade qu'on dit gavée de
chair humaine a l'abdomen vo-
lumineux."
"le malade a des pieds enflés,
il a des objets morbogènes
dans les chevilles."
"Le petit est gavé de chair hu-
maine, il présente des œdèmes
des pieds, des mains et de la
face."
b. troubles organiques.
1. atteintes lésionnelles.
"La patiente a des plaies à la
tête ct à la face. un œil fermé
et se plaint de maux de tête."
"La patiente a une plaie à la
cheville: c'est la conséquence
d'un 8e'ega."
"Le malade (Tada lui-même) a
une plaie
au genou droit,
il a un Be'ega dedans."
- 489 -

indices-pat ients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L
L
L
L
"Le mal?de. envahi par des ob-
jets morbogènes diffus dans
corps, présente des erruptions
ano-genitales. "
2, troubles pigmentaires.
"La malade qui dit vomir parce
quelle a un Be'eÇ,l3 dans le ven-
tre, a le tein 1, pâlE.
c, troubles moteurs.
1. troubles de mouvements.
"Le malade qui se plaint des
"La maiade presence des
douleurs darls les genoux, mar-
tremblements ces ''I!::;.ins:
che péniblement."
elle se plaint c'inser::iiité
dans les doigts."
2. troubles posturaux.
"L2 malade qui se plaint de
douleurs au bassin 'le peut se
tenir droit debout."
C. Vécu de la maladie.
a. trouble de "énergie vitale.
1. baisse de "énergie.
"Je mange, cela ne reste pas
"Cela me tourne sur moi-
dans mon ventre (elle vomit!,
même (vertige), je 'le peux
je suis très faible.'
pas tenir debout.
2. exaltation de l'énergie.
"Je sens comme
une force qui me pousse à courir."
b. processus morbide.
1. le mal désintégrant.
"Ca me déchire le bras à par-
"Cela me brise le bassin
tir dïci (épaules)."
quand je vais à la selle."
"Ma tête se fend en deux."
- 490 -

Indices -patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
1
L L
2. le mal circulant.
"Je le sens marcher: ça part
"Le mal me traverse de la
de ma poitrine et ç a va s'ar-
poitrine au dos."
rêter à mon bas-ventre."
"Le mal me fend la tête."
"Tantôt je sens le mal à la
"le mal se promène
depuis
nuque. tantôt je le sens au
le bassin jusqu'au flanc droit".
dos."
3. le mal inhibant.
"Cela m'oppresse la poitrine
"Je sens que cela me serre
et m'empêche de respirer.
les côtes."
Cela m'étouffe.
"Mes jambes sont ligotées. je
ne peux pas marcher."
4. le mal pesant.
'Cela me pèse dans les reins."
"Je sens la tête lourde."
il Y 3. un poids dans ma poi-
"Tout mon dos est lourd."
trine."
"J'ai un poids dans la tête."
Il. DIAGNOSTIC DU TADA.
III. METHODES DIAGNOSTIQUES.
IV. REACTIONS DU MALADE ,';u DIAGNOSTIC DU f:\\DA.
A. Réactions positives.
a. le malade confirml='.
1. donne le complément d'information.
"Une
nuit
sur
un
sentier.
j'ai
eu
effectivement
l'impression
d'avoir été pris dans une toile d'araignée. Je me suis nettoyé
en vain: c'était donc le filet".
-
491 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L
L
L L
"C'est vraiment le Be'ega qui est dans mon ventre et me fait
vomir; Jal
amené
la
personne
que
voici
qui
m'a
donné
ce
Be'ega; je l'avais surprise sur le champ et elle l'avait reconnu,
mais elle ne peut l'enlever".
2. le diagnostic correspondant au vécu du malade.
"C'est vraiment comme s'il y avait quelque chose.
un
corps
étranger dans ma tête: je sens une telle tension (crânienne)".
"Je sens effectivement comme un poids dans la poitrine".
"On m'a enchaîné. c'est pourquoi je ne me concentre pas et
j'ai des vertiges'.
b. le malade accepte le diagnostic.
1. approuve le diagnostic.
"C'est vraiment !e Be'ega puisque les docteurs n'ont pas pu me
soigner" .
"Je presser"itais que c'est le Be'ega".
'C'est vraiment un filet; à l'hôpital, on a examiné mon sang et
mes selles sans rien trouver".
'C'est une maiadie des Kpeemba; je les ai négligés".
'Les docteurs (nfirmiersl m'ont dit que c'est une maladie pour
le Tada".
2. s'abandonne au Tada.
'C'est le Tada qui voit ce qu'il y a dans mon corps; ce qu'il dit
doit être vraï .
"Le Tada dit ce qu'il voit; mOI, Je ne vois pas, j'accepte".
"Je
suis
venu
Dour
qu'il
me
soigne;
lui
seul
peut
voir
la
maladie.
- 492 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
B. Réactions négatives.
a. rejet de l'agent causal.
1. contes te l'agresseur extérieur.
"Cela m'étonne que ce soit mon Ancêtre. car je lui ai offert un
sacrifice" .
"Ce
n'est
pas
mon
associé
de
sorcellerie
qui
m'a
rendu
malade; je ne suis pas sorcière".
2. conteste sa propre implication.
"Ce n'est pas mon serpent qui m'a lancé le Be'ega. je ne suis
pas voyante".
"S'il Y a de la chair humaine dans mon ventre. ce n'est pas
moi qui l'ai mangée; je ne suis pas sorcière".
"Je n'ai pas pris de serpent, c'est celui de ma mère qui me
suit" .
"Ce n'est pas mon agressivité qui s'est retournée contre moi,
je ne suis pas un Nagema".
b. rejet du contenu de la maladie.
1. donne un autre contenu.
"C'est un Be',=,ga que j'ai dans mon ventre; ce n'est pas de la
chair humaine".
2. conteste le contenu décrit par le fada.
"Je
ne pense
pas
que ce
soit le
Be'ega;
un
autre
Tapa
a
extrait
un
Be'ega
là-bas,
mais
ça
n'a
rien
changé:
j'ai
les
mêmes douleur'3.
c. accepte le diagnostic préalablement rejeté.
1. reconnaÎ t l'agresseur extérieur,
"Tu as raison, j'avais oublié la pierre de l'Ancêtre".
"C'est vrai, je pratiquais la sorcellerie avec lui; nous avons eu
un conflit, je lai tué; maintenant. il me poursuit".
- 493 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
2. reconnaît sa propre implication.
"J'ai un serpent; c'est ma mère qui me l'avait donné".
"C'est vrai... je pratique la sorcellerie; mais je
ne
tue
pas;
j'achète la viande".
"Oui! le serpent est mien".
"Oui!
il
m'arrive
de
pratiquer
du
Nagemte
(méchanceté
occulte)" .
3. reconnaît le contenu du diagnostic préalablement rejeté.
"c'est de la chair humaine qui me ballonne le ventre".
b. persiste malgré le Tada.
"Cela doit absolument être autre chose. car on m'avait enlevé
le Be'ega et la douleur continue. Tu vas enlever quand même
et nous verrons".
D. Attitudes du patient.
a. réactions réflexes.
1. exprime la douleur et le désagrément.
"Le malade réagit à la morsure d'extraction en grimaçant de
douleur" .
"Les
coups
de
lame
scarifiant
la
tête
arrachent
des
gémissements à la patiente".
"Le Tada
frotte
une
poudre
noire
sur
les
scarifications,
la
patiente se tord et frémit de douleur".
"Le Tada découpe le filet: la patiente réagit à chaque coup de
couteau en sursautant et en gémissant".
'Le patient boit la potion et grimace de désagrément".
2. réaction de panique.
"La patiente sursaute et soupire quand le Tada vaporise l'eau
sur elle".
- 494 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
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L L
L L
3. exprime le soulagement.
"Mon corps s'est raffraîchi aussitôt après cette extraction de
Be'ega et je vais pouvoir dormir cette nuit tout mon sommeil".
"L'extraction du Be'ega m'a beaucoup soulagée".
b. réaction de dépendance.
1. soumission.
"Assise
devant
le
séjour
des
morts,
la
malade
exécute
scrupuleusement
les
instructions
du
Tada:
présente
"oreille
droite, puis gauche".
"Le malade boit toute la calebasse de produit très amer tout
en grimaçant, accepte encore une 2ème calebassée".
"Le malade exécute minutieusement ,'ordonnance du Tada".
2. recherche de sécurité.
"Si tu ne me délivres pas, je suis perdue".
"Que dois-Je devenir si tu me laisses encore aujourd'hui dans
cet état?".
"La malade s'accroche au Tada, le harcèle de questions sur le
pronostic de son état".
E. Attitudes du Tada.
V. MOOIFICA fiONS CONSECUTIVES A LA CURE.
A. Modifications de l'état morbide.
a. modifications observées.
1. modifications positives.
"Le
malade
qui
boîtait
marche
mieux
après
l'extraction
des
clous de genou".
"Le malade qui était maigre a meilleure mine".
"Le teint pâle du malade s'est coloré".
"Le patient ne tousse plus".
- 495 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L
L
L
L
2. modifications négatives.
"La vieille dont le Tada a délivré les Nane'e paraît plus maigre.
plus décharnée".
3. absence de modification.
"Le malade à qui on a extrait
des
clous
aux
deux
genoux
marche toujours avec difficulté. les genoux étant enflés".
b. modifications vécues.
1. modifications positives vécues observables.
"Après l'extraction de chair humaine.
mon ventre est devenu
plat,
mes
pieds
ne
sont
plus
enflés".
"Apparemment.
on
n'observe
plus
de
ballonnement
abdominal,
ni
d'œdème
des
pieds".
"Après
l'extraction du Be'ega. je
n'ai plus
de nausée,
ie
ne
vomis plus. je mange mieux": "On observe que la patiente a
meilleure mine".
2. modifications positives vécues non-observables.
"Après
l'extraction
du
Be'ega.
je
n'ai
plus
de
douleurs
abdominales" .
"i_e patient ne se plaint plus de vertiges après la délivrance de
N3ne'e" .
'Mes maux
de tête ont disparu
depuis
qu'on
m'a
enlevé
le
cduris" .
3. modifications négatives observables.
'j'ai plus de douleurs qu'avant et mon pied est plus enflé": "I_e
pied semble effectivement plus enflé".
4. modifications néqatives non observables.
"Mes crampes adominales se sont aggravées".
Mes maux de tête sont devenus plus intenses. c'est pourquoi
je suis revenue".
"Mon état
s'est aggravé depuis
l'extraction
des Nane'e: mes
pieds sont devenus très froids, mon corps très douloureux. Je
souffre beaucoup plus qu'avant".
- 496 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
5. absence de modification observable.
"Mes
démangeaisons
continuent,
je
me
gratte
sur
tout
le
corps.
Il
n'y a aucun changement
après
le
traitement".
"Le
malade continue effectivement à se gratter".
6. absence de modification non observable.
"II n'y a pas d'amélioration après l'extraction de Be'ega: hier je
sentais la douleur du côté droit; aujourd'hui je la sens du côté
gauche" .
"La délivrance des Nane'e n'a apporté aucun changement. J'ai
toujours le vertige. et la chaleur dans la tête".
c. modifications évaluées par le Tada.
B. Modification des représentations.
a. modification du diagnostic du Tada.
1. rejet du diagnostic par le malade.
"Ma maladie n'est pas causée par l'enchaînement des Nane'e".
2. reformulation du diagnostic.
3. formulation d'un autre diagnostic remplaçant le premi~r.
'Je ne suis pas enchaîné. Jai dû piétiner quelque chose, ou
bien j'ai un serpent" .
b. modifications de la perception de la causalité thérapeutique.
1. rejet du rituel du Tada.
"La délivrance des Nane'e n'a jamais guéri personne; cela peut
juste réduire le vertige, mais pas guérir une maladie comme la
mienne" .
"Les Tadeba ne guérissent pas".
- 497 -

1ndices -patients.
Be'ega
H
F
F
L L
L L
2. Rejet de la vertu curative des médicaments.
"Les médicaments ne guérissent pas".
3. changement de pondération affectée aux facteurs curatifs.
"Les maladies sont guéries par les
produits. les herbes que
donnent les Tadeba".
"Les herbes font plus de travail".
"Si le Tada ne fait pas le travail, les herbes ne font rien".
c. modification de la perception du pouvoir du Tada.
1. négation de tout pouvoir au Tada.
"Même si j'ai piétiné quelque chose. le Tada ne peut rien me
dire".
"Je ne consulte plus les Tadeba".
"Le Tada ne peut rien voir".
"Comment le Tada peut-il voir?".
2. négation d'une partie du pouvoir du Tada.
"Les Tadeba guérissent les maladies avec des plantes".
"Les Tadeba ont la voyance pour voir les bonnes
plantes
qui
guérissent les maladies".
3. accentuation du pouvoir du Tada.
'Même les herbes que le Tada utilise lui sont révélées par les
esprits" .
"C'est la voyance du Tada qui donne le pouvoir aux plantes. Si
nous utilisons les mêmes plantes, cela ne réussit pas".
d. modifications de la perception des effets de la cure.
1. rejet des effets attendus.
"II n'y a plus d'espoir".
"Je sais que je suis en train de vivre mes derniers jours".
- 498 -

Indices-patients.
Be'ega
Nanega
H
F
H
F
L L
L L
2. les effets perçus au début restent inchangés.
"Je pense que je vais guérir complètement, car mon état s'est
beaucoup amélioré".
"Je ne sais pas comment ça va évoluer".
3. surestimation des effets attendus.
"Maintenant, je suis sûr que je vais guérir complètement".
"Je suis guéri et je pense que c'est définitif".
"Je n'ai plus de nausée, je mange bien, c'est le Tada qui m'a
guérie" .
"La cure du Tada est plus efficace que celle des docteurs".
e. ce qui a guéri.
1. rituels curatifs.
"C'est l'extraction du Be'ega qui
"Quand on est enchaîné
m'a guéri, les médicaments n'ont
comme je l'ai été, les mé-
rien fait."
dicamments ne peuvent
"C'est le pouvoir du Tada. qui
rien faire si le Tada n'inter-
m'a guéri, les plantes n'enlè-
vient pas.
vent pas le Be'ega."
2. médicaments.
"Ce sont les
médicaments que le
Tada m'a
donnés
qui
ont
arrêté ma diarrhée".
'Ce sont les médicaments (jui m'ont guéri les maux de tête.
- 499 -

CH-AP ITRE 3 .
ARTICULATION
ENTRE SYSTEMES
Nous avons effectué "analyse de contenu sur deux groupes de données: celui
des tradipraticiens <Tadeba) et celui des patients en traitement. Puis à l'intérieur de
chaque groupe, nous avons opéré des subdivisions. Il convient de voir comment les
résultats de l'analyse des données
de ces divers groupes
s'articulent entre eux.
Cela revient à étudier les concordances et les discordances entre les sous-unités.
Cette étude va s'effectuer à l'intérieur de chaque groupe, i.e. entre sous-groupes
d'une part et d'autre part entre les groupes.
1. ARTICULATION INTRA-GROUPE.
Nous
nous
proposons
j'analyser
ici
les
concordances
et
les
discordances
entre les systèmes à l'intérieur du groupe des patients. puis à "intérieur de celui
des Tadeba (tradipraticiensJ. Cette articulation sera étudiée entre les sous-groupes
de chaque catégorie. ainsi quernre les systèmes d'un même groupe ou sous-groupe
à divers moments ou dans différentes situations.
1.1. GROUPE DES PATIENTS.
1.1.1. Be 'ega et Nanega.
Il s'agit d'étudier l'articu',ation entre les malades souffrant d'objet morbogène
ou Be'ega et ceux souffrant rj'enr;haÎnement de Nanega.
1.1.1.1. Représentations.
Nous n'observons pas je jivergences entre les deux groupes de patients de
notre échantillon en ce qui r;oncerne les manifestations de la santé et de la maladie.
1/ y a donc concordance entre ,es thèmes fournis par les deux groupes.
C'est
dans
le
domaine
JU
vécu
de
la
santé
que
nous
notons
quelques
différences;

Les 'thèmes
recueillis
à
propos
de
"l'unité
organique"
viennent
tous
de
patients souffrant d'invasion dOD;ets morbogènes. L'un des critères de la santé pour
ce
groupe est l'unité organique
de l'être.
i.e. l'absence de tout
déchirement. de
toute désorganisation. de toute dissociation (vécue par le malade) de l'organisme .
• Pour ce qui est de iunité ontologique. c'est exclusivement le groupe des
- 500 -

patients
souffrant de d'enchaînement qui fournit
le matériel. La santé se définit
comme une unité ontologique du sujet, excluant toute dissociation de l'être, comme
c'est le cas dans "enchaînement où la substance (Nanegal est emprisonnée loin de
l'enveloppe corporelle.

Par contre aucune divergence n'est observable au
niveau du vécu de la
maladie.

Mais
la
perception
de
la
causalité
thérapeutique
comporte
quelques
divergences. Comme dans le vécu de la santé, les malades ont tendance. ici. à se
centrer sur l'expérience qu'ils vivent de leur maladie ou la représentation qu'ils en
ont. C'est ainsi que les rites curatifs du Tada sont réduits à l"'exorcisme" par des
malades souffrant de Be'ega. alors qu'ils sont perçus comme "endorcisme" par les
"enchaînés".

Il Y a concordance de perception du pouvoir du Tada sauf de sa fonction
curative
qui est réduite
au modèle curatif de la maladie vécue par les
patients
locuteurs. Ceux qui souffrent de Be'ega ont tendance à réduire la fonction curative
du Tada au
pouvoir d'extraire l'objet morbogène. ou d'enlever le mal
qui envahit
l'homme, alors que les "enchaînés" y voient la pratique endorciste.
1.1.1.2, Pratique de la santé et de la maladie.
On
ne
note
aucune
discordance
entre
les
représentations
que
les
deux
groupes ont des pratiques de la santé et de la maladie.
1.1.1,3, Dynamique de la cure,
-
Les plaintes somatiques exprimées varient un peu dans leurs
formes
et
aussi dans leurs contenus selon le type de maladie vécue par les patients.
En
ce
qui
concerne
la
forme
des
plaintes,
nous
constatons
que
les
malades souffrant de Be'ega se plaignent surtout de troubles
localisés
dans une
partie du corps. Les troubles généralisés se
rencontrent
indifféremment dans les
deux groupes de maladies avec une prédominance pour l'enchaînement du Nanega,
- Quant au contenu des plaintes, j'objet morbogène envahissant l'organisme a
un effet surtout douloureux. Il est vécu et perçu par le malade comme une douleur.
Cela s'observe tout particLJlièrement pour
l'objet
morbogène
interne à l'organisme,
!
tels que les morceaux de fer, les clous, les cauris, les caillous, etc ...
Le
filet
objet
morbogène
envahissant
"e xtérieur
du
corps,
provoque
des
plaintes moins précises et plutôt rn1ymorphes avec des contenus variés.
L'en~haÎnement du Nanega a ceci de particulier qu'il provoque des plaintes
intéressant particulièrement les extrémités des membres: les doigts, et les orteils
qui deviennent insensibles, froids, se croisent et se recroquevillent. Cependant ces
plaintes ne se rencontrent pas dans toutes les formes d'enchaînement, Mais elles
s'observent
aussi dans d'autres
types
de maladies telles
que
le
Be'ega
qu'on
a
ramassé ou sur
lequel on a marché, ou qu'on
a
piétiné.
De
même
la
douleur,
surtout
les
céphalées,
qui
se
rencontrent
particulièrement
dans
le
Be'ega,
s'observent aussi dans l'enchaînement.
-
501 -

Tout compte fait,
les plaintes des
malades ne constituent pas
un critère
valable pour un diagnostic différentiel précis.
-
Les signes ol:lservables que nous avons relevés accusent
aussi
quelques
variations quant à la forme et surtout au contenu.
-
Les troubles morphologiques consistant en une modification de la
masse corporelle se rencontrent dans les deux types de maladies. -
Il en va de
même des troubles moteurs se traduisant par des difficultés de mouvements.
-
Mais en ce qui cncerne l'augmentation morphologique de la masse
corporelle,
les
troubles
organiques
et
posturaux,
nous
les
avons
observés
exclusivement chez les malades de notre échantillon souffrant de Be'ega.
-
Les réactions des patients au diagnostic du Tada, leurs attitudes durant la
cure, ainsi que les
modifications observées au
terme de
la cure
ne varient
pas
selon les types des maladies.
En conclusion, nous notons que face à certaines situations. les malades ont
tendance à réagir en fonction de l'expérience vécue qu'il ont de la maladie dont ils
souffrent actuellement. Quant aux plaintes. elles ne sont pas spécifiques selon les
maladies,
1.1.2. Hommes et femmes.
Comme le montrent les résultats, on n'observent nulle part de divergences
entre les hommes et les femmes, L'hypothèse qui nous a poussé à cette subdivision
(distinction) n'est donc pas vérifiée, du moins en ce qui concerne notre échantillon.
1.1.3. Lettrés et illettrés.
r--jous
observons
quelques
divergences
entre
les
patients
lettrés
et
les
patients illettrés. sans distinction du type de maladie dont ils souffrent.
Ces
divergences
s'observent
dans
les
domaines
suivants;
pratiques
de
la
santé
et
de
la
maladie,
causalité
thérapeutique
(facteurs
responsables
de
la
guérison) .
Dans la pratique de la santé, les lettrés introduisent la notion de lutte contre
les microbes. notion inconnue des illettrés.
Ils
développent
cette
notion
dans
la
pratique
de
la
malad ie:
certaines
maladies
sont
dites
par
eux
naturelles
qui
sont
causées
par
des
microbes,
le
poison .. ,_
Pour certains d'entre eux les causes des maladies surnaturelles chtoniennes
sont
les
"diables",
les
"fées",
concepts
renvoyant
à
la
représentation
- 502 -

judéo-chrétienne du mal. Nous avons là une contamination culturelle. au même titre
que les concepts de maladies naturelles, de microbes.
Dans
le
domaine
des
facteurs
responsables
de
la
guérison.
les
lettrés
affirment que les maladies naturelles causées par les microbes sont guéries par les
médecins
et
les
herboristes.
En
d'autres
termes,
les
maladies
naturelles
sont
guéries par des procédés naturels. tandis que celles surnaturelles le sont par des
méthodes surnaturelles.
A part ces divergences, les lettrés et les illettrés s'accordent sur tous les
autres points.
1.2. GROUPE DES TADEBA.
1.2.1. Les lettrés.
Dans les manifestations de la santé et de la maladie. s'agissant de l'intégrité
organique. les Tadeba lettrés désignent la pâleur du teint et la blancheur des yeux
comme signe. d'absence du sang dans le corps du malade. Cette idée est confirmée
par la pratique diagnostic

le
Tada
lettré
examine
les
yeux
du
patient
pour
vérifier la présence éventuelle d'anémie.
En ce qui concerne la pratique de la santé, les Tadeba lettrés introduisent la
notion de propreté dans
l'entretien
du matériel
de
cure.
Certains
disent
utiliser
l'alcool
pour
désinfecter
les
lames
de
rasoir
dont
ils
se
servent
pour
les
scarifications, afin d'éviter le téthanos.
Dans
la recherche du diagnostic, les
Tadeba lettrés évoquent
l'action des
microbes dans certaines maladies. Ces maladies si elles sont causées uniquement
par les microbes, ainsi que d'autres comme l'épilepsie, sont exclues du répertoire
des affections traitables (guérissables) par eux.
1.2.2. Les illettrés.
Les Tedaba illetrés (tout comme les
malades
illettrés)
n'apportent
rien
de
particulier.
Le~rs différences par rapport aux lettrés consistent en ce que ces
derniers véhiculent des concepts étrangers à la culture.
2. ARTICULATIONS INTER-GROUPES.
Ici la comparaison va opposer les deux grandes catégories d'acteurs de la
si~uation thérapeutique: il s'agit de la catégorie des patients d'une part et de celle
des' Tadeba d'autre part. Nous serons
ainsi
amenés
à
comparer
entre
eux
les
- 503 -

sous-groupes
parallèles.
i.e.
ceux
qui,
tels
que les
lettrés
et
les
illettrés.
se
retrouvent dans les deux catégories. Cela permettra de voir si le fait d'appartenir à
l'une ou
à l'autre des deux catégories a quelque influence sur les
caractères
communs.
2.1. LEITRES ET ILLEITRES.
2.1.1. Lettrés.
La notion de microbes comme une des causes des maladies
se rencontre
chez les lettrés des deux groupes (patients et TadebaL
L'idée
de
maladie
naturelle
manque
de
précision
et
de
netteté
chez
les
Tadeba
lettrés.
Même
s'ils
évoquent
les
microbes
comme
cause
de
certaines
maladies. ils n'utilisent jamais l'expression "maladie naturelle". La maladie est pour
eux surnaturelle. soit chtonienne (Tinga), soit ouranienne (SangbandeL
Les maladies ouraniennes sont guéries par les herboristes et les docteurs.
mais les Tadeba ne les voient pas et ne les guérissent pas. Rappelons
que les
malades lettrés disent la même chose des maladies qu'ils appellent naturelles: les
Tadeba ne les voient pas et donc ne les guérissent pas. Ce sont les herboristes et
les docteurs qui les guérissent.
2.1.2. Illettrés.
Dans chacun des
deux
grands
groupes
(patients
et
Tadeba)
les
illettrés
n'apportent
rien
de
particulier
qui
sorte
du
commun.
On
pourrait
dire
qu'ils
représentent les paramètres de référence de la culture. C'est par référence à eux
que les déviations. les écarts par rapport à la culture peuvent être évalués. estimés
et mesurés si possible.
2.2. TADEBA ET PATIENTS.
Maintenant, nÇ)us allons étudier les articulations entre les deux groupes dans
leur ensemble. Nous allons les comparer par rapport aux grands thèmes du matériel
clinique comme nous l'avons fait dans l'analyse intra--groupe.
,.
2.2.1. Les représentations.
2.2.1.1. Santé.
Dans les manifestations de la santé. les patients développent le
thème de
- 504 -

l'harmonie de l'être, i.e. l'unité
organique et
"unité
ontologique
comme
signe
de
bonne santé. Ce thème ne s'observe pas chez les Tadeba. C'est, encore une fois,
une centration sur l'expérience vécue de la maladie.
2.2.1.2. Maladie.
En ce qui concerne les représentations de la maladie, nous venons de voir
que le thème de maladie naturelle causée par les microbes, le poison, ... , est plus
clairement développé par les patients seuls. L'idée de maladie naturelle, surtout, est
absente des données fournies par les Tadeba.
S'agissant de
la
causalité
thérapeutique,
les
Tadeba
seuls
développent
le
thème des forces curatives des esprits qui guérissent les maladies en dehors de
tout rituel thérapeutique.
2.2.1.3. Pouvoir du Tada.
Les thèmes concernant l'élection du Tada comme successeur de son Ancêtre
Tada dont il prend en héritage les esprits-épouses
sont fournis
par les
Tadeba
seuls.
De
même
les
Tadeba
seuls
fournissent
les
thèmes
concernant
la
connaissance des médicaments
non végétaux
et
la
préparation
des
médicaments
combinant plusieurs produits,
Les thèmes se rapportant à l'initiation cannibalique du Tada sont développés
par les
Tadeba seuls.
Ils relèvent
des
secrets
de
l'initiation
qui
échappent
aux
profanes,
2.2.1.4. Effets attendus de la cure.
Parmi les effets attendus de la cure, seuls les patients évoquent les thèmes
concernant
la
simple
amélioration
(non
la
guérison)
de
la
maladie:
thèmes
de
soulagement passager et de réduction
durable
de
la
maladie.
... , comme
effets
attendus de la cure.
De même ce sont les patients seuls qui fournisssent les thèmes concernant
les effets négatifs de la cure. Les malades émettent des doutes ou des réserves
sur l'issue heureuse de la C'jre, ou affirment qu'ils n'en attendent rien de bon, leur
certitude de ne pas guérir. Cette attitude ne paraît pas un manque de confiance
dans la cure, ni dans la compétence du Tada; c'est plutôt une sorte de fatalisme:
on se croit (sans l'avouer) victime d'une condamnation surnaturelle à ne pas guérir.
2.2.1.5. Modification des représentations.
L'expérience négative vécue de la cure provoque chez certains malades,
le
rejet du rituel curatif du Tada. des ,effets positifs de la cure
tels
qu'ils' étaient
perçus et affirmés avant la cure; ils nient aussi le pouvoir reconnu au Tada, et la
vertu curative des médicaments.
Ces thèmes négatifs ne se rencontrent pas dans le matériel fourni par les
Tadeba. Notons qu'ils sont développés par les patients non guéris à l'issue de la
- 505 -

cure et constituént une réaction de déception et de désespoir.
Cer.-tains patients guéris attribuent leur guérison au rituel thérapeutique, les
médicaments ayant joué le rôle d'adjuvant véhiculant toujours la puissance du Tada.
Certains pensent que ce sont les médicaments donnés par le Tada qui les ont
guéris.
Pour les Tadeba, la guérison est l'œuvre du rituel curatif; les médicaments
ont joué des rôles adjuvants variés.
2.2.2. Pratique de la santé.
Les
malades
lettrés
seuls
développent
les
thèmes
de
conditionnement
alimentaire et de protection contre les microbes, comme pratiques de la santé. Les
Tadeba,
même
lettrés,
n'en
parlent
pas.
Sur
tous
les
autres
points,
il
y
a
concordance entre les deux groupes.
2.2.3. Pratique de la cure.
2.2.3.1. Plaintes des patients et diagnostic syndromique du Tada.
Les
résultats
de l'analyse
de
contenu
nous
montrent
que' le
Tada
part
presque toujours des plaintes exprimées par les patients pour établir son diagnostic
syndromique, insinuant que les plaintes renvoient à un mal précis.
2.2.3.2. Vécu des patients et diagnostic processual.
Le diagnostic processual du Tada et le vécu par les patients du processus
morbide ne se recouvrent pas malgré quelques analogies apparentes.
- Le mal désintégrant des patients renvoie aux thèmes de morcellement, de
déchirement physique, vécu et ressenti au niveau du corps par le malade. Le mal
dissociant du Tada est un concept métaphysique désignant le processus opéré par
la maladie dans le composé de l'être humain; c'est la désintégration de la structure
bio-psychologique de
la
personne-personnalité.
Le
Nanega,
élément
constitutif du
composé
de l'être
humain,
en
est
séparé,
dissocié
et
enchaîné
loin.
Le
génie
orphidien capture la substance vitale et laisse
l'enveloppe
de
la
victime
qui
est
condamnée à mourir si l'on n'intervient pas à temps pour la sauver avant qu'elle
soit étouffée et avalée.
-
Le mal lytique du Tada n'est pas du
tout le trouble de l'énergie vitale du
patient. Le Tada décrit la destruction lésionnelle (plaie) ou la décomposition (par le
poison
du Be'ega)
de
l'énergie
substancielle, de la substance
vitale
humaine.
Ce
processus morbide peut se traduire par des signes observables ou vécus
par le
malade tels que l'œdème, la douleur, etc ... Quant au processus vécu par le malade,
sous forme de trouble énergétique, il est perçu comme une sensation de faiblesse
- 506 -

physique ou d'exaltation énergétique. On voit ainsi que le processus morbide lytique
décrit par le Tada correspond à des vécus autres que ceux de troubles de l'énergie
décrit par le malade.
-
Le mal comprimant décrit par le Tada coince, oppresse la substance vitale
sans être nécessairement perçu comme tel par le malade. Par contre quand le
malade a la sensa~ion d'être oppressé, étouffé, inhibé dans son énergie vitale, le
Tada n'y voit pas toujours un mal comprimant tel que le filet ou le ligotage. " peut
s'agir d'un objet morbogène logé par exemple dans la cage thoracique et empêchant
la respiration ou autre chose, mais plus souvent des objets morbogènes internes.
Quelquefois
il
peut
s'agir
du
filet,
mais
nous
avons
vu
que
la
sensation
d'étouffement s'accompagne de plusieurs autres plaintes.
Donc le processus comprimant décrit par le Tada peut coïncider avec le
vécu
du
même
genre,
exprimé
par
le
malade,
mais
il
n'existe
pas
de
correspondance nécessaire entre les deux ordres de représentations,
En conclusion, il ressort que s'il y a correspondance entre les plaintes des
patients et le diagnostic syndromique du Tada, le diagnostic processual. lui. n'a pas
de relations avec le vécu des patients; il semble relever d'un autre ordre de réalité,
2.2.3.3. Diagnostic étiologique et réactions des malades.
Les attitudes des patients face au diagnostic étiologique du Tada vont de la
confirmation active au rejet, au refus d'accepter la décision du Tada, en passant
par une acceptation passive et "abandon.
Notons que les réactions de rejet se manifestent surtout quand le diagnostic
implique
directement
ou
indirectement
le
malade
dans
la
cause
de
sa
propre
maladie. Ainsi quand il conteste l'agresseur extérieur désigné par le Tada, c'est que
ce dernier par l'identité de ,'agresseur, reproche implicitement au patient
d'avoir
manque a ses devoirs religieux. ou le convainc indirectement de
voyance
ou
de
"Nagemte" (méchanceté occulte). Quand le patient se sent directement impliqué, il
est
gêné
et
réagit
en
refusant
d'accepter,
d'assumer
sa
responsabilité.
son
implication dans la genèse de sa maladie.
Mais
l'attitude
persuasive,
ferme
du
Tada
amène
pratiquement
tous
à
changer d'attitude en revenant sur
leur
position
négativiste.
Cest
ainsi
que
les
patients contestant l'agresseur désigné ou le contenu du diagnostic ont été forcés
de reconnaître la "véracité"
du diagnostic du Tada.
sauf ceux
qui,
malgré
leur
irréductibilé, se soumettent tout de même au traitement.
2.2.4. Modifications consécutives à la cure.
2.2.4.1. Modifications de l'état morbide du patient.
Les
modifications
de
l'état
morbide
vécues
par
les
patients
et
les
modifications évaluées par le Tada coïncident dans leur ensemble.
Mais certains patients contestent le constat du Tada: ils se sentent malades
- 507 -

alors
que
le Ta da affirme
leur guertson. Dans
ces
cas
le
Tada
reformule
son
diagnostic en faisant
l'hypothèse d'éléments pathogènes lui ayant échappé et qu'il
faut rechercher.
2.2.4.2. Modifications du diagnostic du Tada.
Certains malades rejettent le diagnostic du Tada et/ou reformulent un autre
à la place quand ils sentent que la cure n'a pas donné les effets ou résultats
escomptés.
Face à "échec de la cure, les Tadeba de notre échantillon ne fournissent
aucun thème de rejet de leur diagnostic ni de remplacement de ce dernier par un
autre.
Ils
maintiennent
toujours
le
premier
diagnostic
en
le
reformulant
si
cela
s'avère
nécessaire.
Les
patients
de
notre
échantillon
ne
reformulent
pas
le
diagnostic, s'ils ne le rejettent et/ou le remplacent par un autre.
2.2.4.3. Causalité thérapeutique.
La représentation des facteurs responsables de la guérison, du
pouvoir du
Tada, des effets attendus
de la cure
ne subissent aucune
modification
chez
les
Tadeba après la cure quelle que soit l'issue de celle-ci.
-
C'est chez les patients que les trois types de représentations subissent
des modifications variées allant d'une surestimation au rejet, à la négation de ce qui
était perçu et affirmé avant la cure: les éléments préalablement affirmés comme
les facteurs responsables de la guérison sont déclarés comme n'ayant aucune valeur
curative: le rituel du Tada et les médicaments n'ont plus de valeur curative; la toute
puissance du Tada est purement et simplement niée: il ne voit pas les maladies, il
n'a aucun pouvoir contre les maladies; la guérison escomptée avant la cure n'étant
pas réalisée, on se déclare déçu et sans espoir. condamné à mourir.
A côté de ce négativisme des patients dont les attentes sont déçues. ceux
qui ont bénéficié d'une amélioration de leur état ou d'une guérison complète, ont
tendance à surévaluer l'action thérapeutique du Tada.
3. ARTICULATIONS SYNDROMIQUES.
3.1. SYNDROMES OBSERVES.
3.1.1. Articulation entre Be'ega et Nanega.
Les
signes
que
nous
avons
observés
se
rencontrent
surtout
dans
les
affections de Be'ega. C'est seulement la diminution de la masse corporelle et les
troubles de mouvements (difficulté de déplacement) qui s'observent dans
les deux
types de maladies. Cela veut dire, en d'autres termes, que, dans notre échantillon
du moins, les affections d'enchaînement ne se traduisent pas
beaucoup par des
- 508 -

signes objectivement observables. Evidemment, il y a des signes observables tels que
la diarrhée dont se plaignent certains "enchaînés". Mais l'occasion ne s'est pas
offerte, pour nous, de les observer. Il en va de même de vomissements fréquents
dans le Be'ega abdominal. Nous n'avons pas
noté
ces
signes
dans la catégorie
d"'observable" parce que nous ne les avons pas observés.
3.1.2. Signes spécifiques à chaque maladie.
Dans les enchaînements, les signes observables que l'on rencontre le plus
fréquemment sont les troubles moteur qui confirme les troubles de la sensibilité des
extrémités
des
membres
dont
se
plaignent
presque
tous
les
"enchaînés".
Ces
signes paraissent donc spécifiques à l'enchaînement.
Par
contre,
dans
l'envahissement par
des
objets
morbogènes,
les
signes
spécifiques semblent varier avec le type de Be'ega!
C'est ainsi que l'intoxication par la chair humaine se manifeste spécifiquement
par
l'augmentation
de
la
masse
du
corps:
ballonnement
abdominal,
œdèmes
terminaux et de la face.
L'objet
morbogène
dans
l'organisme
se
traduit
par
des
troubles
moteurs
(mouvements
et
postures)
chaque
fois
que
le
Be'ega
est
localisé
dans
les
articulations ou la musculature (striée) des membres.
Le Be'ega diffus ne semble pas avoir de signes spécifiques observables. De
toute façon, nous n'en avons pas observés.
3.1.3. Signes poylvalents.
Comme
nous
l'avons
noté
en
étudiant
les
articulations
entre
Be'ega
et
Nanega, les signes que nous avons observés dans les deux groupes
de maladies
sont la maigreur et les troubles de la motricité.
3.2. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DU TADA.
3.2.1. Diagnostic différentiel et symptômes.
Nous avons vu ci-dessus que le Tada part presque toujours des plaintes des
patients pour établir son diagnostic syndromique montrant par là la relation entre
ces plaintes et le mal qui les engendre.
Mais quand on analyse le diagnostic syndromique basé sur ces plaintes et
d'autres signes relevés par le Tada, on se rend compte d'une certaine confusion.
En effet, à l'exception de certains signes tels que la diarrhée, le trouble de
l'audition. la sensation de froid aux pieds. l'échauffement de la tête que nous
avons
- 509 -

rencontré
seulement
dans
l'enchaînement.
les
nausées
et
vomissements.
le
ballonnement abdominal. l'indigestion et la constipation. les troubles organiques qui se
limitent aux divers types de Be'ega. tous les autres signes sont polyvalents. Par
ailleurs, l'association de ces signes ne constituent pas des structures syndromiques
typiques et constantes renvoyant à des affections morbides et spécifiques. i.e. des
entités
nosologiques
précises.
Une
même
structure.
non
seulement
renvoie
à
plusieurs affections différentes, mais peut aussi pour la même affection varier dans
ses
constituants.
Par
exemple.
deux
personnes
qui
se
présentent
souffrant
d'enchaînement peuvent présenter des tableaux syndromiques qui se
ressemblent
très peu. ou pas du tout, selon les signes qui les composent.
Cette confusion montre que le Tada n'établit pas son diagnostic différentiel à
partir des signes qu'il observe et/ou des plaintes des patients.
3.2.2. Diagnostic syndromique du Tada et signes observés.
En comparant le diagnostic syndromique du Tada et les signes observés par
nous, nous constatons que le Tada mentionne les deux types de troubles organiques
lésionnels et pigmentaires. En ce qui concerne les troubles morphologiques, il
ne
mentionne que l'augmentation de la masse corporelle. Quant aux troubles moteurs.
c'est surtout les troubles posturaux qu'il relève.
Le Tada est surtout sensibilisé par les plaintes des malades.
3.3. PLAINTES DES PATIENTS ET SIGNES OBSERVES.
Les signes que nous avons observés ont, la plupart du temps. quelques liens
avec les plaintes des patients.
3.3.1. Troubles morphologiques et plaintes des patients.
3.3.1.1. Diminution de la masse corporelle.
La diminution de la masse du corps (fonte musculaire) se rencontre souvent
dans
les
cas
de
nausée
et
de
vomissement,
des
diarrhées,
dans
le
manque
d'appétit, les maladies vagues et indéterminées.
3.3.1.2. Augmentation de la masse du corps.
Les
signes
observés
dans
ce
domaÎne
constituent
en
même
temps
les
plaintes des malades; c'est· à -dire que les problèmes qui conduisent le malade en
consultation: ballonnement abdominal,
enflement,œdèmes
terminaux
et
faciaux,
constituent le contenu des plaintes du malade.
-
510 -

3.3.2. Troubles organiques et plaintes des patients.
3.3.2.1. Atteintes lésionnelles.
Dans ce domaine aussi, plaintes et signes observés coïncident: les patients
se plaignent des plaies, des éruption cutanées, ...
Néanmoins certains
de ces signes sont doublés de
plaintes
inobservables,
mais qui ont un certain lien avec ces
signes. C'est le
cas
des
maux
de
tête
correspondant aux plaies observées sur la tête.
3.3.2.2 . Troubles pigmentaires.
La pâleur de teint que nous avons observée n'a pas de lien évident avec les
vomissements dont se plaint le malade.
3.3.3. Troubles moteur.
3.3.3.1. Troubles de mouvements.
Nous notons ici également que les troubles de mouvements observés (marche
pénible.
c1audification,
.. J
correspondent
aux
douleurs
et
à
l'insensibilité
des
membres dont se plaignent les patients.
3.3.3.2. Troubles posturaux.
Les troubles
posturaux que nous avons observés correspondent aussi aux
douleurs lombaires dont se plaignent les patients.
4. RECHERCHE DES HOMOLOGUES DE STRUCTURE.
4.1. LES DISCORDANCES.
L'analyse des articulations entre systèmes
nous a permis de dégager des
concordances, mais aussi certaines discordances inter-groupes et intra-groupes. Ce
sont ces discordances que nous nous proposons d'analyser et de comparer ici à
l'aide
de
la
méthode
phénoméno-structurale
que
nous
avons
définie
dans
l'introduction. Nous devons. au préalable. relever ces discordances.
- 511 -

4.1.1. Discordances intra-groupes.
Les discordances intra-groupes sont de deux ordres.
4.1.1.1. Discordances synchroniques.
Celles
que
nous
convenons
d'appeler
"synchronique"
parce
qu'elles
se
produisent "au même moment" sur un
plan
transversal
entre
des
sous-groupes
placés dans la même situation. Nous avons, par exemple, noter la tendance des
patients à interpréter ou à se représenter certains phénomènes en
fonction
de
l'expérience
morbide
qu'ils
sont
en
train
de
vivre.
Nous
avons
noté
aussi
les
divergences entre les sous-groupes des lettrés et des illettrés à propos de l'origine
de la maladie dite naturelle.
4.1.1.2. Discordance "diachronique".
La deuxième catégorie des discordances intra-groupes comprend celles que
nous appelons "diachroniques" parce qu'elles s'observent entre les productions du
même groupe face au même objet dans des situations différentes.
Ces discordances sont induites, donc. non plus par la diversité des groupes
placés dans la même situation -comme c'est le cas dans la synchronie- mais plutôt
par la variation de situations auxquelles est soumis successivement le même groupe.
Le cas
type est celui de divergence
entre
les
représentations
que
les
patients
fournissent
de
certains
phénomènes.
au
début
de
la
cure
d'une
part,
et
les
représentations des mêmes phénomènes données par les mêmes patients à la fin de
la cure. Le début et la fin de la cure sont deux situations différentes qui expliquent
la variation des représentations.
4.1.2. Discordance inter-groupe.
Ces divergences sont par définition "synchroniques" puisqu'elles constituent la
variation d'attitudes ou de comportements entre deux groupes différents face aux
mêmes phénomènes et sont supposées rester constantes quand les phénomènes en
question varient comme c'est le cas de la cure.
Les deux groupes considérés sont, rappelons- le, les Tadeba d'une part et
les patients de l'autre. Les discordances entre ces deux groupes, telles que nous
les avons relevées dans l'analyse des articulations entre systèmes, concernent les
représentations de la maladie, du pouvoir du Tada, des effets attendus de la cure,
et du processus de la maladie.
Ces
discordances
sont
expliquées
par
la
différence
de
statuts
et
de
compétence entre les deux groupes. Les Tadeba sont en effet les dépositaires de la
mémoire collective et donc des théoriciens qui construisent des modèles explicatifs
du vécu collectif. Dans l'ensemble, leurs représentations sont plus métaphysiques et
comportent des éléments explicatifs qui font défaut dans le matériel fourni par les
- 512 -

patients. 1/ ne s'agit donc pas de véritables discordances entre ces deux séries de
représentations
mais
plutôt
d'un
décalage
dans
le
degré
de
savoir
entre
les
théoriciens qui expliquent et le commun des mortels qui exprime et pratique ce qu'il
vit.
4.1.3. Objet de notre analyse.
Ce
qui
fera
l'objet
de
notre
analyse
structurelle
se
réduit
donc
aux
discordances
intra-groupes.
Parmi
les
discordances
synchroniques,
i.e.
entre
sous-groupes. nous retenons celles qui opposent lettrés et illettrés à propos de
l'origine de la maladie. Nous avons en effet observé que les lettrés malades (et
dans
une
certaine
mesure
les
Tedeba
lettrés)
distinguent
entre
les
maladies
naturelles causées par des agents naturels tels que les microbes. le poison, ...• qui
sont guéries par les
herboristes
et
les
docteurs.
et
les
maladies
surnaturelles
causées par le monde spirituel chtonien et guéries par les Tadeba. Les illettrés et
les
Tadeba,
quant
à
eux.
font
la
différence
entre
les
maladies
surnaturelles
ouraniennes
guéries
par
les
herboristes
et
les,
docteurs.
et
les
maladies
chtoniennes.
Ces deux ordres de représentation méritent une analyse
structurale
pour
mettre en lumière des homologies éventuelles.
Nous
ne
prenons
pas
en
considération
les
discordances
entre
les
sous-groupes de malades souffrant respectivement de Be'ega et de Nanega parce
que ces différences relèvent du vécu de la maladie qui ne fait que colorer, sans
réellement le's modifier, les représentations collectives.
En
ce
qui
concerne
les
discordances
diachroniques,
nous
retenons
pour
l'analyse. celles observées entre les représentations des malades avant et après la
cure concernant la causalité thérapeutique, le pouvoir du Tada. les effets attendus
de la cure.
En effet, comme le montrent les résultats de l'analyse de co,tenu, certains
malades après avoir, au début de la cure, affirmé
la
toute
puissance
du
Tada
contre la maladie, attribué le pouvoir de guérison aux rituels curatifs aidés par les
plantes, et formulé clairement leur espoir et leur conviction de guérir, fournissent
des représentations complètement contraires à la fin de la cure quand celle-ci s'est
soldée par un échec.
Nous allons par l'analyse structurale rechercher
les homologies éventuelles
entre ces réactions contradictoires.
4.2. PROCEDURE D'ANALYSE STRUCTURALE.
Pour aboutir à des structures comparables, nous devons. en principe, opérer
une analyse phénoméno-structurale selon le schéma d'Alex Mucchielli que nous avons
-
513 -

résumé dans l'introduction. Cela signifie que nous devons
recenser tous les faits
d'observations (ou phénomènes>, en dégager les
isomorphismes par regroupement
selon
des
analogies
de
sens,
et
aboutir
ainsi
à
des
organisateurs
non
immédiatement· apparents. ou structures.
Mais
nous
n'allons
pas
refairé
les
six
phases
de
la
méthode
phénoméno-structurale. En effet, "analyse de contenu nous a permis de regrouper
les données en ensembles isomorphes, selon des analogies de sens. Nous allons, à
partir
de
ces
isomorphismes,
construire
des
matrices
structurales
dont
nous
pourrons dégager des problématiques générales.
4.3. HOMOLOGIE DE STRUCTURE.
4.3.1. Maladies naturelles-maladies ouraniennes.
4.3.1.1. Matrice structurale.
Nous
allons
d'abord
construire
une
matrice
structurale
avec
les
représentations des
lettrés
et
celles
des
illettrés
à
propos
des origines
de
la
maladie. Rappelons que ces deux sous-groupes ne divergent pas en ce qui concerne
l'origine chtonienne de certaines maladies, mais c'est la distinction entre celles-ci et
les maladies naturelles d'une part, et les maladies surnaturelles ouraniennes d'autre
part, qui posent les problèmes que nous cherchons à résoudre. Donc la matrice va
comporter les éléments des représentations concernant les deux types de maladies
(naturelles
et
ouraniennesL
Nous
prétendons
que
ces
deux
séries
ont
un
organisateur commun.
Matrice structurale pour les représentations de:
• 1 Maladie ouranienne
• 2 Maladie naturelle
la maladie
causée par
n'est pas guérie
elle est ,guérie par
ouranienne
Dieu ou
par le Tada
les docteurs et les
l'air de Dieu
herboristes
2
la maladie
causée par
n'est pas guerle
elle est guérie par
naturelle
les microbes, par le Tada
les docteurs et les
le poison
herboristes
Cette matrice montre une analogie quand on la lit colonne par colonne: les
deux premières colonnes divergent, alors
que les deux dernières
sont identiques.
Une première synthèse de la matrice peut être formulée comme suit:
-
514 -

Les maladies qui sont "œuvre de Dieu et celles qui sont l'œuvre de la nature
ne sont pas guéries par les Tadeba, mais par les docteurs et les herboristes.
4.3.1.2. Formulation de la structure commune.
Dans le contexte culturel
que nous avons analysé
au
Livre
l,
Sangbande
(Dieu), monde ouranien, est le créateur, ou mieux celui dont émane la terre et
toutes les choses, c'est à dire la nature. Notons que la langue Nawda ne dispose
pas de terme pour exprimer la notion de nature que constituent la terre et toutes
les choses.
La
nature' émanée
de
Dieu
est,
comme
nous
l'avons
vu
au
livre
l,
polysémique. L'Ancêtre-fondateur est l'origine de la tradition, i.e. la culture Nawda
qui
donne sens et
signification
chtonienne
à la nature (la terre et toutes
les
choses>' Il existe des choses inexplicables par cet univers chtonien de sens et de
signification Nawda. C'est Sangbande (Dieu)
seul, monde surnaturel
ouranien,
qui
peut expliquer ces choses. C'est lui seul
qui
possède
la
clé
de
la
nature
non
expliquée, non maitrîsée par la culture. C'est dans cet ordre d'idée qu'il existe des
maladies que la culture ne peut expliquer, ne peut maîtriser et dont Dieu
seul
possède le secret. C'est pour cela qu'on les appelle "maladies envoyées par Dieu,
par l'air de Dieu", ou plus brièvement les "maladies. de Dieu"
(Sangbande Be'el.
C'est cette notion que les lettrés traduisent en- langage occidental quand ils disent
que les maladies non expliquées, non maîtrisées par les forces d'en bas, les forces
chtoniennes,
sont
l'œuvre
de
la nature
et
guéries
par
des
procédés
purement
naturels.
Ainsi donc, maladie ouranienne et maladie naturelle, désignent une seule et
même réalité. Nous pouvons donc formuler la structure de l'organisateur commun:
Les maladies que la culture ne peut expliquer ne sont pas maîtrisée
(ou guéries) par les Tadeba. mais sont guéries par les docteurs et les herboristes.
4.3.2. Représentations avant et après la cure.
Ici notre analyse phénoméno-structurale sera de type situationnel, puisque les
données que nous analysons constituent différentes réactions des mêmes individus
(du même groupe d'individus) face à des situations différentes.
La première situation (ou situation 1) est celle d'espoir, de confiance dans de
bons effets de la cure qui va commencer.
La deuxième situation (ou situation 2) est celle de désespoir, et de perte de
confiance, d'angoisse et d'insécurité devant les résultats décevants observés de la
cure ..
- 515 -

4.3.2.1. Matrice structurale.
Nous allons construire deux matrices structurales, une pour
chacune
des
situations.
La première
matrice va comporter les
données
des
représentations
des
malades avant la cure, qui sont positives, i.e. que les locuteurs affirment la toute
puissance du Tada et pensent que les facteurs responsables de la guérison sont les
rites thérapeutiques complétés par les médicaments et espèrent ou sont sOrs de
guérir avec la cure.
La deuxième matrice va comporter les données des représentations du même
groupe de sujets après la cure, représentations qui annulent les pre mières: le Tada
n'est pas puissant, il ne voit pas, il ne guérit pas ni par les rituels, ni par les
médicaments; on n'attend plus rien de la cure.
Matrice structurale pour la situation 1.
1 Le Tada
est puissant
contre la maladie
il protège la population
Le Tada
est voyant:
la maladie
il guérit les maladies
voit
avec les rituels et les
médicaments
Le Tada
reçoit son
pour remplir
pour délivrer la population
pouvoir de
une fonction
du mal
Dieu et des
sociale (pas
Ancêtres (le
pour un inté-
pouvoir ne lui
rêt égoïste)
appartient pas
Le Tada
puissant
contre la maladie
va me guérir
L'organisateur qui se dégage de cette structure est le suivant:
Le Tada est puissant et source de sécurité publique parce qu'il guérit les
maladies. et s'il guérit c'est parce qu'il tient son pouvoir du monde surnaturel (Dieu
et les Ancêtres). J'espère et je
suis
sûr
qu'il
va
me
guérir.
La problématique
générale est la sécurité que le Tada. par sa puissance, inspire contre l'angoisse de
la maladie.
- 516 -

Matrice structurale pour la situation
2
2. le Tada
n'est pas puissant
contre la maladie
il ne guérit pas les
malades.
le Tada
ne voit pas
les maladies
il ne peut les guérir
le Tada
ne maÎ trise pas
les maladies
ni ses rituels, ni ses
médicaments ne gué-
rissent les maladies.
le Tada
n'est pas puissant
contre les ma-
Parce qu'il n'a pas guéri
ladies
ma maladie; je n'attend
rien de lui, de tout ce
qu'il fait.
le Tada
ne peut rien me
concernant la
je suis condamné à
dire, ni me faire
maladie
mourir.
L'organisateur de cet ensemble de données est le suivant:
Le Tada ne peut se dire puissant contre la maladie, il ne peut être puissant
pour moi, s'il ne me le montre pas par ses actes sécurisants en me guérissant.
4.3.2.2. La structure.
C'est quand le Tada me guérit qu'il est puissant. Il ne peut être puissant
choisi
par
Dieu
et
les
Ancêtres
sans
guérir.
Son
pouvoir
est
une
force
emminemment opérante.
4.3.3. Structure générale.
Nous pensons qu'un organisateur général rend compte de ces deux systèmes
malgré leur contradiction apparente. Nous pouvons formuler cette structure générale
comme suit:
Le
Tada investi par Dieu et par les
Ancêtres
du
pouvoir
de
guérir
doit
remplir cette fonction en donnant sécurité et protection à la population contre la
maladie. L'individu qui souffre ne tolère pas d'échec. Celui-ci entraîne le retrait de
la
confiance
placée
en
Tada.
L'échec
est
signe
que
le
Tada
ne
fait
pas
correctement son devoir.
Au lieu d'être une négation de la toute puissance du Tada. c'est plutôt un cri
d'alarme qu'on lui lance sous forme de reproches et de défi, l'invitant à exploiter au
- 517 -

maximun le pouvoir qui lui est conféré par le monde surnaturel.
Le Tada par définition signifie guérisseur.
CONCLUSION.
L'analyse des données cliniques nous a permis de dégager les contenus des
représentations
collectives
de
la
santé,
de
la
maladie,
et
de
la
causalité
thérapeutique, ainsi que de l'image du thérapeute (Tada) tel qu'il est perçu et vécu,
et des effets attendus, escomptés de la cure.
Cet ensemble de modèles
de comportements
face
à
la
situation
morbide
constitue ce que
nous convenons
d'appeler
''l'ethnopsychologie médicale du
peuple
Nawda'. En effet, ces modèles de comportements
nous
permettent d'appréhender
les
réactions
et attitudes
collectives
face à
la
maladie, envers
le
thérapeute
et
envers
le
"remèdEè",
i.e. les
conduites
thérapeutiques.
Ils
mettent
également
en
lumière la psychologie du malade et celle du thérapeute, ainsi que les mécanismes
en jeu dans la relation thérapeutique.
Nous allons essayer dans les chapitres suivants de voir que cette psychologie
participe du fond commun de la psychologie négro-africaine.
-
518 -

DEUXIEME PARTIE:
ANALYSE
ET
VALIDATION
DES HYPOTHESES.
-
519 --

Nous
nous
proposons
dans
cette
2eme
partie
du
Livre
2
de
partir
du
contexte culturel que nous avons essayé de systématiser. et des résultats d'analyse
du matériel clinique. pour tenter de valider les hypothèses que nous avons formulées
en réponse 3 nos questions et en nous inspirant du cadre théorique de référence.
Nous allons les prendre
une à une et voir
dans
quelle mesure elles
sont
vérifiées par le résultat des données recueillies sur le terrain.
CHAPITRE 1:
PERCEPTION SYNTHETIQUE
DE LA REALITE.
Notre première hypothèse affirme que "'es éléments constitutifs de l'univers
physique et social Nawda ne sont pas vécus et conçus comme discrets, exclusifs.
catégoriels. disjoints. mais comme en constante continuité". Elle implique la deuxième
concernant la structure de l'être humain qui n'en est qu'une conséquence.
L'univers de sens et de signification qui constitue le contexte cu,turel Nawda tel que
nous l'avons analysé et résumé montre en effet une certaine continuité entre des
éléments qui. dans d'autres cultures telles que la culture occidentale, ont tendance
à sopposer: il sagit tout particulièrement des concepts métaphysiques comme: être
et néant. naturel et surnaturel. esprit et matière. âme et corps, le bien et le mal.
la vie et la mort.
...• puis
des
systèmes
sémiotiques comme le signifiant et
le
signifié, le rêve et la réalité, le symbole et l'être symbolisé.
Nous allons. à titre d'exemple. analyser certains de ces couples pour montrer
que le cosmos Nawda est une réalité structurée.
1. CONCEPTION ONTOLOGIQUE.
1.1. TOTALITE EXISTENTIELLE.
1.1.1. Continuité entre les existants (les êtres>'
Nous
avons
vu
dans
le
Livre
1 que
les
êtres.
les
existants.
sont
des
condensations en nœuds de force de lénergie ontogénétique émanée de Sangbande
(Dieu). Ainsi donc tous les êtres animés et inanimés sont constitués par la même
énergie fondante. Ils sont des accumulations de la même énergie ontogénétique.
- 520 -

1.1.2. Energie liante.
Ces
"accumulateurs"
d'énergie
que
sont
les
êtres
cosmiques
nous
apparaissent dispersés. discrets. isolé.s les uns des autres. Cette dispersion n'est
qu'apparente, car l'énergie ontogénétique fondante qui les constitue est un courant
continu, le courant ontologique et existenciel dans lequel ils baignent tous, et dont
ils font partie. En d'autres termes, l'énergie constituante est une étendue dont les
différents êtres cosmiques sont des points en continuité.
L'énergie
cosmique,
ontogénétique,
émanée
de
Sangbande,
qui
fonde
les
êtres du cosmos, est aussi, dans le même temps, l'énergie liante qui les tient en
parfaite
continuité.
C'est
cette
continuité,
cette
interrelation
totalitaire
qui
rend
possible
cette
dynamique
cosmique
faite
d'influences
réciproques
formant
un
ensemble structuré
d'interactions
continuelles
que nous
avons
étudiées
ci-dessus.
L'énergie liante est une donnée ontologique, tissu dont participent tous les étants.
Mais ces étants rayonnent l'énergie dont ils sont les condensés et cela forme ainsi
un réseau d'interactions cosmiques.
Il
en
va de même du système
social: le
tissus
social
est
engendré
par
l'énergie liante.
Mais
la
force
vitale attractive
émanant
des
individus
(nœuds
de
force
vitale)
articule
ces
derniers
les
uns
aux
autres
dans
une
coexistence
collective structurée.
1.1,2. Existence et non-existence.
L'existant c'est l'être en
acte, observable
sensible
(Faga)
ou
non
sensible
(Tinga). Cest
énergie ontologique condensée en nœuds formant l'être achevé.
1
'_e ~='"1-2\\ st3.nc n'?st:>Lo l'absence
tQta1e,
cOr'l'lp1ète.
d'ex:ster>ce;
ce
n'est
virtuelle, pOîentielie. et comme tel il 1" est pas à opposer à 1existant en tant qu ètre
en acte.
C'est pourquoi la jeune fille. la femme stérile, le jeune homme, etc, portent
en eux tous les enfants dont le· créateur les a dotés. Ces
enfants
ne
sont
pas
encore des êtres en acte, mais ils existent d'une existence virtuelle, potentielle. La
stérilité n'est
pas
un
défaut
physique,
bioiogique.
Cest
un
blocage.
Une
femme
stérile est dite bloquée par quelque chose qui barre la route, ferme la sortie aux
enfants existant en elle. Un homme stérile ou impuissant a son sperme bloqué ou
enlevé par quelque méchant et enfoui sous terre. Il faut le libérer pour débloquer la
fécondité.
Un.e
femme,
un
homme
qui
refusent
de
se
marier,
qui
veulent
se
conserver vierges, refusent de faire sortir les enfants qui existent en eux.
Une femme stérile doit subir à son enterrement -comme nous l'avons noté
au Livre 1 -
les rites de la première grossesse pour que dans l'au-delà elle puisse
-
521 -

bâtir des enfants, et des enfants non stériles. En effet, les rites de la première
grossesse -rappelons- le- consistent
à ouvrir
symboliquement la
voie
au
premier
enfant
que
l'on
porte
(ainsi
qu'à
tous
ceux
qui
le
suivront)
en
scarifiant
le
bas-ventre de la future mère.
Dans le
même
ordre
d'idée,
les
personnes
âgées
deviennent,
après
leur
mort, des co-créateurs en puissance. Les enfants
qu'ils
bâtiront
en
mélangeant
-comme nous l'avons vu- les germes dans le sein maternel, existent virtuellement
en eux. A leur enterrement,
les
dispositions
doivent
être
prises
pour
qu'ils
ne
bâtissent pas des enfants ratés. En effet,
rappelons-
le,
les
germes
pétris
et
mélangés
passent
ensuite
par
eux
comme. par
des
moules
et
prennent
leurs
conformations. C'est pourquoi ces personnes sont, par exemple, enterrées la bouche
ouverte pour que les enfants qu'ils bâtiront ne soient pas muets.
Ainsi donc, entre l'existant et le non-existant il
n'y a pas de
solution de
continuité.
L'existence
en
acte
et
l'existence
virtuelle
sont
différentes
formes
d'existence. Le vide, le fossé entre l'existence et la non-existence est comblé par
l'énergie ontogénétique qui est susceptible de
se constituer en acte, qui est
un
courant continu.
1.2. ETRE ET NEANT.
1.2.1. L'être.
L'être est la substance,
lessence
des
choses
qui
n'est
rien
d'autre
que
1énergie ontogénétique; comme, nous l'avons vu, cette énergie émane de Sangbande
et se condense pour constituer les êtres parcellaires que nous observons et ceux
du monde d'en-bas (les Tingrebal.
L'existence
est
cette
manifestation
parcellaire
(de
l'énergie)
observable
(apparence de Faga) et/ou non observable (Tinga) de l'être, de la substance. Sans
la substance,
l'existence en
acte
ou
virtuelle
n'est
pas
possible.
l'existence
non
actualisée est toujours, nous venons de le voir, 'une e:<istence parce qu'il y a une
énergie fondante dont elle peut, à tout moment, jaillir.
Donc
l'énergie
cosmique
constitutive
des
êtres.
cest
cela
la
substance,
lessence, l'être.
1.2.2. Le néant.
Le
néant
serait
l'abscence
de
la
substance,
de
l'énergie
fondante.
Nous
venons de voir que, sans cette énergie, aucune existence n'est possible. Tout est
donc absence et vide. Le néant serait alors ce vide, le néant c'est un chaos total.
- 522 -

1.2.3. Continuité entre l'être et le néant.
Nous avons yu que le néant défini comme chaos n'est pas concevable dans
la pensée Nawda. En effet, le commencement de l'existence n'est pas une création,
mais une émanation. La création suppose l'apparition brutale de quelque chose là où
il n'y avait rien. Créer c'est
"fabriquer"
du
néant, faire jaillir une substance qui
n'exista it pas.
L'émanation est un flux
continu
toujours
actuel, un courant
d'énergie.
Le
Nawda ne dit pas: "Dieu nous a faits, nous
a créés"
(Sangbande era te), mais
"Dieu
nous
a
sortis",
"exprimés",
"manifestés"
(Sangbande
reda
te).
i.e.
nous
émanons de Dieu, nous sortons de Dieu, nous tirons notre origine de Dieu.
L'idée même d'émaner au lieu de créer établit un
pont entre l'être et le
néant. Le néant comme abs ence totale de substance, de "essence, i.e. de l'énergie
ontogénétique, ne semble pas exister comme notion chez les Nawdeba.
Le
néant
et
l'être
ne
s'oppose nt
donc
pas,
ce
sont
plutôt
des
étapes
successives, progressives et hiérarchisées de l'ontogenèse. Le néant ne doit pas,
dans ce cas, être défini comme chaos, absence totale de substance, mais être en
gestation.
1.2.4. Chaos culturel.
Le chaos
culturel
initial
est
l'homme
"nature",
sorti
de
Sang bande
sans
culture, i,e. sans outils pour prolonger l'équipement naturel,
Or, le mythe d'origine montre que ce chaos n'a réellement jamais existé pour
le
Nawda.
L'Ancêtre-fondateur
était
déjà
culturellement
armé:
technique
de
production économique (outils aratoires, semences, armes de chasse), organisation
sociale (couple ancêtre, homme et femme). religion (la forêt sacrée qui accueille le
couple, les forces surnaturelles qui saluent larrivée du couple par la perturbation
cosmique), l'organisation politique (armes de guerre),
2. CROYANCES RELIGIEUSES.
2,1. LE NATUREL ET LE SURNATUREL.
2,1.1, Le Faga,
Nous
avons
défini
le
Faga
comme
étant
la
réalité
sensible,
parcellaire,
soumise
aux
lois
du
hasard.
Mais
nous
avons
montré
que
tout
cela
n'est
qu'apparent. D'abord tout être de Faga a un
pôle de
Tinga,
i.e. chaque
élément
observable, sensible
du
cosmos
a un
dessous
inobservable,
occulte.
En
d'autres
termes, le surnaturel est immanent au naturel à qui il donne une signification. Tout
-
523 -

le cosmos est à la fois phénomène (apparence) et noumène (spirituell, sensible et
s uprasens ible.
Et
puis
nous
avons
souligné
que
le
pôle
sensible
est
la
manifestation,
l'apparence de la substance qui est de l'ordre noumineux.
2.1.2. Le Tinga.
Le Tinga est le noumène, le dessous non sensible du cosmos. Certes, il y a
des êtres noumineux purs. C'est le cas des Tite ou Tini
(génies), des Fagnideba
(esprits errants), ... Mais ces êtres ont le pouvoir de prendre les apparences de
Faga. Nous
avons
vu
que
l'énergie
liante
qui
coordonne
le
cosmos
en
un
tout
structuré est le pôle noumineux de ce cosmos, le Tinga, l'énergie cosmique occulte.
C'est
cette
énergie
liante
qui
sert
de
point
de
jonction
à
tous
les
êtres
apparemment
parcellaires
du
cosmos.
C'est
elle
qui
constitue
le
principe
d'explication, d'intelligibilité du cosmos. Les lois du hasard n'expliquent pas tout. Elles
montrent comment les choses se passent comment les phénomènes se produisent,
s'enchaînent, mais pas pourquoi ils s'enchaînent ainsi. C'est le dessous des choses,
qui est le Tinga,
qui
fournit
la
logique
déterministe
permettant
de
dépasser
le
hasard.
2.1.3. Conclusion.
Il . n'y
a
donc
pas
de
dichotomie,
et
encore
moins
d'opposition
entre
le
naturel et le surnaturel. Ce sont les deux faces de la même réalité cosmique. Le
surnaturel
ouranien
(Sangbande)
explique
tout;
le
surnaturel
chtonien
(Tinga-ancestralité) explique le culturel.
2.2. LE SACRE ET LE PROFANE.
2.2.1. Opposition apparente.
2.2.1.1. Sacré inaccessible et saint.
Le sacré est le transcendant inaccessible, intouchable, inapprochable. Il est
lointain,
inspire
peur
et
vénération.
Toute
approche
profanatoire
entraîne
des
sanctions sévères qui frappent l'individu par la maladie, la mort, ou
la collectivité
par
des
perturbations
cosmiques
(hiérophanies
occasionnelles.
menaçantes,
destructrices) .
2.2.1.2. Profane avilisant, dégradant.
Le profane
par rapport au
sacré est avilisant, dégradant.
Il est
terre à
- 524 -

terre,
le
commun,
l'ordinaire.
Traiter
le
sacré
comme
le
profane
est
un
acte
mauvais, car déshonorant. C'est ravaler le sùprême au rang de la bassesse.
Il existe donc un fossé entre le sacré et le
profane, fossé,
semble-t-il,
infranchissable.
2.2.2. Continuité entre sacré et profane.
Une telle opposition entre sacré et profane ne semble pas exister pour le
Nawda. En effet, nous avons relevé dans le Livre 1 un manque de distinction nette
entre les deux ordres de réalités.
D'abord le cosmos ne se réduit pas au
sensible, à "observable qui serait
matière opposée à j'esprit, naturel opposé au surnaturel. Comme nous venons de le
rappeler, le cosmos a un pôle sensible et un pôle surnaturel qui est sa substance,
son essence, qui lui est donc immanent.
Et
puis
ce
surnaturel
immanent
à
l'être
cosmique
est
l'émanation
du
surnaturel
transcendant,
i.e.
le
sacré.
C'est
en
effet
l'énergie
ontogénétique
divino-ancestrale.
Ainsi donc l'explication des phénomènes observables, de l'être cosmique qui
est
le
noumène
immanent
se
trouve
être,
en
dernière
analyse,
le
surnaturel
transcendant
source de ce
dernier. C'est la loi
divino-ancestrale,
loi
sacrée
qui
explique et fonde le monde, le cosmos.
En conclusion, le naturel observable (Faga) est la manifestation du surnaturel
immanent qui émane du sacré. Il ne peut donc pas exister deux ordres de réalités
complètement
disjointes
et
opposées.
Les
deux
sont
comme
une
gradation
progressive, ou plutôt deux modes d'être de l'unique réalité.
3. REPRESENTATIONS MORALES.
3.1. ABSENCE DE MANICHEISME.
3.1.1. Le bien et le mal ne sont pas des entités.
Nous avons montré dans le Livre 1 que le bien et le mal ne sont
pas
deux
principes, deux entités. Même les êtres considérés comme intrinsèquement mauvais
tels que les Fagnideba ne constituent pas le principe du mal. Nous avons en effet
vu qu'ils peuvent devenir
bons, en
se liant à
l'homme. C'est le cas
des
esprits
épouses
des
Tadeba,
c'est
le
cas
de
certaines
liaisons
amoureuses
entre
les
hommes
et
les
Fagnideba.
Dans
ces
liaisons
les
Fagnideba
deviennent
les
protecteurs renforçant les
Kawatia de
leurs
partenaires
et peuvent construire
le
bonheur de ces derniers.
Il
s'intègrent à
la vie
ancestrale de la famille et
font
- 525 -

l'objet de culte au même titre que les Kpeemba et les genles protecteurs.
Même le génie orphidien
n'est
pas
totalement
mauvais.
Il
est
comme
un
chien qu'on dresse. S'il est méchant c'est parce que son maître le veut ainsi.
3.1.1. Le bien et le mal sont des conduites.
Le bien et le mal ne sont donc pas des principes, des entités, mais des
conduites. C'est parce que Je Fagnida agit mal qu'il est mauvais. Il peut devenir bon
s'il agit bien. En ce sens le Fagnida ne peut être considéré comme l'équivalent du
diable
judéo-chrétien
considéré
comme
le
principe
du
mal
par
excellence,
radicalement opposé au bien représenté par Dieu.
3.2. CONTINUITE ENTRE LE BIEN ET LE MAL.
3.2.1. Bien et mal procèdent du même principe: la force.
Le
bien
et
le mal
définis
comme
des
conduites
et
non des
entités,
des
principes, sont produits par le même principe, la force.
La force peut construire. comme elle peut détruire. Elle constitue le principe
dynamique. La force construit quand elle se déploie en conformité avec la loi divino-
ancestrale. i.e. quand elle est dans la ligne de l'énergie constituante qui fonde et
maintient les
choses
en
existence,
en
vie.
Elle
détruit
quand
elle
se
déploie
à
l'encontre
de
cette
loi;
quand
elle
devient
l'anti-énergie
constituante,
fondante,
ontogénétique. Le mal est l'autodestruction de l'énergie ontogénétique. il provoque la
perturbation de l'ordre cosmique. Quand le malade est cause de sa propre maladie.
on dit que c'est son Nagemte. i.e. sa force maléfique, qui se retourne contre lui.
Le
bien
et
le
mal
sont
ainsi
beaucoup
plus
de
l'ordre
dynamique
quontologique. Même la vie,
qui est
définie
comme étant
le bien par excellence,
correspond à cette notior, dynamique; en effet la vie est une fo("rne d'ér,ergie: la
force vitale, c'est la forme vitalisante de l'énergie ontogénetique.
3.2.2. Le maJ est l'envers du bien.
Procédant du même principe dynamique, le bien et le mal sont
considérés
comme l'envers l'un de l'autre. Le bien et le mal sont les deux pôles de la force,
de "énergie qui peut construire et/ou détruire. Elle peut se déployer et revenir au
point
zéro,
i.e.
à
la
source.
Nous
ne
pouvons
pas
parler
d'annulation
car
la
destruction
de
l'étant
n'annule
pas
la
substance.
Celle-ci
retourne
:i la
source
divino-ancestrale, au monde spirituel ourano-chtonien.
- 526 -

Le bien et le mal sont les deux pôles positifs et négatifs de l'énergie qui se
déploie. Dans ce sens il n'y a pas une catégorie spéciale d'êtres qui détruisent et
d'autres
qui
construisent.
Toute
l'énergie
est
susceptible
de
détruire
et
de
construire. Sangbande (Dieu) peut détruire ce qu'il a construit. Le Nawda. rappelons
le. n'hésite pas à taxer Sangbande (Dieu) de malfaiteur: "Sangban Nagem'r". mais
nous
avons
vu
que
ce
terme
de
"Nagente"
(méchanceté
occulte)
attribué
à
Sang bande ne "est pas
dans
son sens
plein. C'est une façon
familière. un
peu
affectueuse
de
parler.
Cependant
cela
montre
que
le
Nawda
observe
certaines
conduites
mauvaises,
destructrices
qu'il
attribue
à Sangbande;
par
exemple.
les
pluies trop abondantes détruisant les semences, ou les récoltes. sont attribuées à
Sang bande quand on se refuse à leur trouver une explication culturelle. Nous avons
noté que le terme "Sang bande" est à prendre ici beaucoup plus dans le sens de
firmament. Sang bande envoie aussi des maladies, etc ...
Quant
aux
conduites
destructrices
de
l'Ancêtre
ou
des
ancêtres
et
des
génies
protecteurs,
elles
ne
sont
pas
rares.
Nombre
de
maladies
leur
sont
attribuées ainsi que des cataclysmes, des perturbations cosmiques graves qui sont
signe de la colère des ancêtres.
Mais
seulement,
ces
destructions,
ce
mal
"perpétré"
par
le
monde
divino-ancestral, est accueilli sans révolte, mais avec beaucoup de vénération et de
crainte révérentielle. Ce mal, en effet, ne constitue pas des destructions méchantes.
Il constitue le retrait de la puissance constituante et protectrice divino-ancestrale à
cause des inconduites des hommes. L'Ancêtre, ou Dieu, tourne le dos ... Le mal
méchant
c'est
celui
qui 1 émanant
de
toutes
forces
inférieures,
non
fondantes,
(Fagnideba,
Yendeba
ou
voyants)
détruit
pour
en
tirer
des
profitS
égoïstes:
satisfactions personnelles aux dépens de la collectivité.
En conclusion, le mal ontologique qui se définirait comme néant, chaos total,
principe
de non être,
dannulation,
... , n'existe
pas.
Le
mal
moral
en
tant
que
conduite destructrice existe,
seulement comme contraire et non
contradiction
du
bien: puisque les deux poussent sur le même arbre et sont en relation dialectique,
qui est source de la dynamique structurale.
4. ESCHATOLOGIE: LA VIE ET LA MORT.
4.1. LA MORT COMME ETAPE DU CYCLE DE VIE.
4.1.1. La mort est un tournant du courant vital.
Nous avons vu que l'une des significations métaphysiques de la mort est qu'elle
marque
un tournant
dans le cycle vital.
Dernière étape du
cycle biologique, la mort
- 527 -

marque un tournant qui ferme le cercle. En effet, la vie ne disparaît pas avec la
mort, elle continue au-delà. Elle est seulement cachée par le tournant. La biogenèse
continue sa marche derrière l'écran du tournant qui le masque. La disparition des
apparences de Faga n'est donc pas la disparition de la vie. La mort est un obstacle
perceptif: la vie continue. Les morts ne
sont pas
morts, i.e.
qu'ils
ne
sont
pas
anéantis.
4.1.2. La mort est source de vie.
Nous savons que les Kpeemba sont des forces génératrices de vie. Le mort
ne continue pas seulement sa vie derrière l'écran, mais il devient générateur de vie.
C'est le cas tout particulièrement des personnes âgées sacralisées de leur vivant.
La mort est comme
les
semailles.
Le
mort, fruit
mûr, mis
en
terre, germe et
produit une nouvelle vie.
Mais nous l'avons
vu,
ce
processus
n'est
nullement
une
réincarnation;
le
mort ne se relncarne pas dans de nouveaux êtres pour revenir à la vie. Le mort ne
reprend pas une forme charnelle pour renaître, car ,c'est cela la réincarnation: un
esprit qui s'est débarassé, par la mort, de sa chair, reprend chair et renaît. Le
mort Nawda ne revient pas à la vie sensible, il "engendre, il la donne à de nouveaux
êtres, différents de lui. Il est générateur de vie par participation à la 'création' des
êtres vivants qu'il modèle à son image, marque de son sceau, sans se confondre à
eux.
4.2. LA MORT EST UNE MUTATION VITALE.
4.2.1. Mort comme mue de 1 être vivant.
La mort n'est pas seulement un tournant dans la trajectoire biogénétique, un
changement
de
direction,
une
transformation
structurale
tot:ile.
La
modification
intervenue au niveau des apparences, i.e. du pôle sensible
(le Faga), imprime une
modification
aux
autres
éléments
vitaux
entraînant
ainsi
une
transformation
de
l'ensemble.
Par la mort, la vie ne cesse pas, ne disparaît pas, mais change de forme.
l\\Jous avons vu que chaque étape du cycle biologique marque un changement,
une
modification de rapport entre les deux pôles sensible (Faga) et non sensible (Tinga)
de l'être vivant, de l'énergie vitale: le pôle naturel croît, puis décline au profit du
pôle surnaturel qui s'hypertrophie. La mort marque la transformation du pôle naturel
en surnaturel. Ainsi la mort est un processus de mue qui permet à l'être vivant de
changer de forme de vie.
La vie est donc un tout cyclique qui change de forme à chaque étape.
à
chaque phase de sa révolution.
- 528 -

4.2.2. Vie nouvelle plus riche et plus puissante.
La nouvelle vie est plus riche, plus féconde en énergie substancielle que la
vie de Faga. La force vitale, comme nous venons
de le voir, désinvestit le pôle
naturel
pour
investir
le
pôle
surnaturel
et
sacré.
L'énergie
devenue
totalement
su~naturelle est plus puissante. L'esprit du mort, ou Kpeemba, est capable de faire
beaucoup de
choses
qu'Ego
ne
pouvait
faire
durant
la
vie
de
Faga.
Il
connaît
maintenant le dessous des choses
qui lui échappait à
moins
qu'il
fût
voyant.
Il
comprend et maîtrise la mécanique
souterraine,
et
peut
exercer
des
influences
maléfiques ou bénéfiques sur les vivants de Faga. Il devient -surtout s'il est mort
vieux-
capable
de
générer
la
vie,
i.e.
de
construire
des
bébés
dans
le
sein
maternelle, à son image. Il peut prendre les
apparences
de faga et se montrer
dans le monde sensible.
4.2.3. La mort est un pont et non une rupture.
La . mort devient ainsi un
pont jeté entre
deux
domaines
considérés
dans
certaines cultures comme opposés. contradictoires: le monde spirituel et le monde
matériel, la vie naturelle et la vie surnaturelle. La mort ne divise pas l'homme en
deux
dont
la
partie matérielle.
le
corps.
se
décomposerait.
alors
que
la
partie
spirituelle rejoindrait le monde surnaturel. La mort est un chemin qui conduit tout
l'être d'un pôle à l'autre. La mort est un passage comme tous les
passages
qui
ponctuent les différentes~tapes du cycle biologique; c'est le dernier passage qui
signe la fin des transformations biogénétiques, la fin de la biogenèse de l'individu,
faisant de lui une source éventuelle d'une nouvelle biogenèse.
En conclusion. il n'y a pas de rupture entre la vie et la mort puisque celle-là
ne
cesse
pas.
ne
disparaît
pas
avec
celle-ci.
mais
augmente
en
intensité.
en
puissance. La mort n'est pas une rupture entre le Faga et le Tinga, puisque l'esprit
peut reprendre ses apparences sensibles. La vie est un tout, un courant de force
cyclique qui passe par des étapes de transformation: on naît, on grandit, on vieillit,
et on meurt pour régénérer. devenir source de vie.
5. SIGNIFIANT ET SIGNIFIE.
5.1. EQUATION SYMBOLIQUE.
Tout le contexte culturel que nous avons analysé et la relation thérapeutique
que
nous
avons
étudiée.
véhiculent
dans
le
processus
de
communication,
de
représentations, de pratiques sociales. etc .... un langage hautement symbolique où le
- 529 -

signifié est représenté par
des
signifiants
symboliques. C'est le rapport entre le
symbole et la chose symbolisée qui nous intéresse ici.
5.1.1. Objets symboles et choses symbolisées.
Nous avons vu que les objets
utilisés
comme
symboles
pour
représenter
certaines réalités: pierres plantées. modelages. arbres. huttes •...• représentant les
génies. nombres trois et quatre symbolisant le sexe. etc ...• sont vécus et perçus
comme
équivalents
des
choses
symbolisées.
En
effet
ces
symboles
sont
de
véritables médiateurs qui actualisent la chose symbolisée en condensant en eux son
énergie qu'ils rayonnent. A travers eux, la chose représentée est opérante:
Ainsi on ne peut porter atteinte au symbole sans "blesser". par la même
occasion, son signifié. Couper. par exemple, l'arbre génie revient à mutiler le génie
lui-même qui est pur esprit; la souffrance du génie
provoque
des
perturbations
cosmiques. Un homme peut faire preuve de sang froid et de patience quand on le
provoque une fois, puis une deuxième fois. Mais à la troisième fois, s'il ne réagit
pas, ce n'est plus de la patience, c'est de la lâcheté. Car il laisse bafouer, détruire
sa virilité, sa masculinité. La réponse violente, même incontrôlée, en ces occasions,
est la réponse attendue.
Ecraser le Nanega (araignée) de quelqu'un, c'est le tuer; c'est détruire sa
substance vitale que l'araignée symbolise, Extraire le caillou, le cauris, le morceau
de fer symbolisant la maladie, c'est extraire la maladie,
Inversement des influences positivès sur le symbole s'adressent directement
à
la
réalité
symbolisée.
C'est
ainsi
que
le
culte,
la
vénération
envers
l'objet
symbolisant
un
génie
s'adresse
directement
au
Génie.
Un
poulet
sacrifié.
par
exemple aux Kpeemba, se fait devant la case -symbole du séjour des morts; Les
pennes sont plantées dans le toit de la case-symbole, alors que son duvet est collé,
à ['aide de son sang, sur la devanture murale de cette case.
Nous
avons
noté, au
cours
de
l'analyse contextuelle,
certains rites

le
nombre
symbolisant, le
se:œ
doit
être
respecté
pour
que
le
rite
soit
efficace.
Rappelons, à titre d'exemple, le rite du culte des morts où le deuil doit être porté
durant trois ou quatre ans quand
il
s'agit respectivement d'un
défunt homme DL.:
femme; de même le rite de Jaabe qui marque le début du deuil a lieu le troisième
ou le quatrième jour après l'enterrement, etc.,.
On
voit
donc que !objet,
une fois
choisi
pour
jouer
le
rôle
de
symbole,
incarne la réalité symbolisée. Il faut, répetons- le, qu'il soit choisi pour symboliser
une
force.
Sinon, en
soi
il
ne
représente
que
lui-même,
sous
son
double
pôle
naturel et surnaturel. L'objet en soi n'est pas animé, n'est pas habité par une àme.
-
530 -

5.1.2. Comportements symboliques et réalité symbolisée.
Ce
qui
est
dit
pour
les
objets
symboles
vaut
pour
les
comportements
symboliques.
La
parole
de
bénédiction
ou
de
malédiction,
de
prière,
etc ...,
prononcée
surtout par une personne d'autorité (vieux, sacrificateur, personne sacrée, .. J est
en soi opérante parce qu'elle véhicule la force opérante de ce qu'elle signifie. Elle
rend présent, réalise ce qu'elle signifie. Evidemment la prière peut être exaucée ou
non pour des raisons diverses, mais elle est au moins entendue.
Le geste symbolisant une action est aussi efficace que l'action elle-même.
La pratique curative, comme nous l'avons constaté en analysant le matériel clinique,
utilise abondamment les gestes (et la parole) symbolisant des réalités qu'ils rendent
présentes, opérantes et efficaces. Par la morsure, le Tada extrait immatériellement
la maladie. Il découpe aussi immatériellement le filet immatériel.
Dans
le
même
ordre
d'idée,
nous
avons
vu
que
les
médicaments
sont
perçus comme symbolisant une force occulte dont ils transmettent l'énergie occulte
opérante. Ils ferment la plaie immatérielle, rendent facile l'extraction du Be'ega.
5.1.3. Le point.
Il Y a donc équivalence, équation entre le symbole et la réalité symbolisée.
Le symbole agit comme relais entre la réalité symbolisée et son effet. Il canalise .
condense et rayonne l'énergie opérante de la réalité symbolisée. Le symbole est le
représentant d'une réalité abstraite, immatérielle qu'il matérialise et rend actuelle et
opérante. Il n'est donc pas en soi animé d'une âme qui lui serait immanente comme
un attribut. Son équation, son équivalence avec la réalité symbolisée
n'est rendue
possible que sous certaines conditions bien déterminées. On ne peut pas ramasser.
par exemple, un objet
sur
la
route
et
lui
faire
accomplir
certaines
opérations.
comme si on utilisait sa propre énergie. Cest ce que les étrangers à la culture
n'ont pas compris quand ils parlent d'animisme et de fétichisme.
5.2. REVE ET REALITE.
Comme
nous
lavons
vu,
les
rêves
peuvent
être
classés
en
plusieurs
catégories. Mais leur point commun est qu'ils sont tous des messages du monde
d'en bas. Ce st la voie
d'accès
directe
au
monde
d'en
bas.
Par
les
rêves,
on
communique
directement
avec
i e
Tinga.
Revoyons
rapidement
les
différentes
càtégories de rêves.
-
531
-

5.2.1. Rêve et voix des ancêtres.
Les ancêtres ou Kpeemba peuvent communiquer directement avec Ego durant
son sommeil. Ainsi Ego peut rencontrer un membre mort de la famille avec qui il
discute, ou fait quelque chose. Ou
bien
il
assiste passivement aux
actes de ce
dernier, etc ... Au réveil Ego dira avoir passé la nuit avec un tel. La rencontre avec
le mort peut être agréable ou non agréable. Il peut lui avoir apporté un bon ou un
mauvais message.
Ainsi donc le sommeil est le lieu
provilégié que les Kpeemba choississent
pour apparaître aux Fagreba (ceux de surface), leur communiquer des messages,
leur faire certaines révélations directes, les prévenir de certains dangers.
5.2.2. Rêves et voix des génies et des esprits errants.
Les génies (Tite) et les esprits errants apparaissent aussi à Ego durant le
sommeil.
Le
langage
des
Tite
est
différent
de
celui
des
Kpeemba.
ils
peuvent
s'exprimer par des bruits, des cris ou apparaitre sous des formes imprécises et
bizarres, quelquefois sous la forme d'animaux (serpents),
... , souvent effrayantes,
qui provoquent des réveils en sursaut.
Les Fagnideba peuvent avoir le langage des Kpeemba, se montrer sous des
apparences humaines. Ils emploient aussi des langages séducteurs quand il s'agit de
relations amoureuses.
Les
génies
et
les
esprits
errants
apparaissent dans
les
rêves
soit
pour
protéger Ego dun danger imminent (agression sorcière, .. J, soit pour le frapper par
méchanceté (Fagnideba) ou par punition d'une inconduite (génies).
5.2.3. Rêves et visions des machinations sorcières.
C'est
la nuit que les
sorciers
anthropophages
opèrent.
Ils
enlèver:t
leurs
victimes durant le sommeil et les ligotent soit pour aller les vendre, soit Dour les
mener
directement
à
"abattoir.
La
victime
peut
percevoir,
voir,
en
rêve,
ces
machinations
la
concernant
et
assister
ainsi
à
son
propre
enlèvement
par
les
sorciers. Ego se voit ainsi en rêve ligoter, transporter, etc ... Quelquefois il se débat
et se réveille en criant. D'autres fois, il assiste passivement à l'agression menée
contre lui. Il peut reconnaître ses agresseurs qui sont des personnes connues, en
bon ou mauvais
terme
avec
lui
dans
la
vie
ordinaire.
Quelquefois
ce
sont
des
inconnus indescriptibles.
-
532 -

En général ces genres de rêves sont interrompus par un réveil en sursaut.
Le rêveur raconte alors que des gens sont venus l'enlever.
5.2.4. Rêve et programmation de l'avenir.
Parmi les rêves analysés plus haut, certains sont prémonitoires. i.e. qu'ils
montrent à Ego ce qui va se passer dans un avenir plus ou moins proche.
Ces rêves amènent souvent les gens à modifier leurs programmes. Comme
ils
prédisent
l'avenir.
ils
jouent
un
rôle
important
dans
la
prise
des
décisions.
l'organisation des activités individuelles ou collectives. Par exemple quelqu'un qui rêve
d'un accident. d'évènements violents.
sanglants.
...• à
la veille
d'un voyage.
d'une
partie
de
chasse
ou
de
quelque
activité
dangereuse.
préfère
renoncer
à
ces
activités.
Certains rêves cependant -et cela dé pend souvent du
rêveur-
indiquent le
contraire
de ce
qui va se
produire: la fête
avec
beaucoup
de
bêtes
immolées.
surtout du gros bétail, .... annonce un décès dans la famille.
5.2.5. Conclusion.
Comme dans le symbolisme, le rêve en tant que signifiant est l'équivalent de
lévènement rêvé.
Il
est la voix
du
monde den
bas.
Le
sommeil étant
le
"petit
frère" de la mort, est un tournant, un passage réversible dans l'au -delà. " nous
fait faire une brève incursion dans le dessous des choses, dans le monde de Tinga

nous
entrons
en
contact
direct
avec
la
réalité
surnaturelle,
i.e.
les
lois
divino-ancestrales
qui
rendent
compte
des
réalités
cosmiques
apparamment
inintelligibles. les expliquent. leur donnent sens et signification. Nous pouvons ainsi
voir directement non seulement ce qui se passe dans le présent, mais ce qui se
passera dans le futur.
6. lE COMPOSE HUMAIN.
6.1. L'ETRE HUMAIN EST Uf\\JE REALITE BIOPSYCHIQUE.
6.1.1. Quatre éléments structuren t l'être humain.
L'analyse du composé
humain
nous
a permis
d'isoler
quatre
éléments
qui
forment un ensemble structuré que nous pouvons appeler la personnalité humaine.
L'homme est en effet formé de Gbanu. Kawatia. Nanega. et Lili'igo que nous avons
décrits dans le Livre 1.
- 533-

6.1.2. Pas d'opposition entre ces éléments.
Nous avons noté aussi que ces
éléments constitutifs
de l'être humain ne
s'opposent pas entre eux comme
c'est
le
cas
dans
la dynamique
psychologique
occidentale que nous analyserons plus loin. Il n'existe même pas d'opposition entre
matière
et
esprit,
corps
et
âme,
comme
cela
se
constate
dan.s
la
pensée
judéo-chrétienne qui a abouti à un manichéisme radical.
6.1.3. Les éléments ne sont pas des entités.
L'analyse a fait ressortir aussi que les éléments constitutifs de l'être humain
ne sont pas des entités isolables malgré des représentations symboliques telle que
le Nanega et surtout malgré la description du Kawatia comme pouvant se séparer
de
l'Ego.
Les
constituants
de
l'être
humain
sont
plus
en
parfaite
coordination
structurale
de
sorte
qu'une
modification
quelconque
de
l'un
d'eux
entraîne
la
modification de tous les autres et de l'ensemble. Dans ce sens le composé humain
est comme une véritable structure qui présente "les trois caractères de totalité, de
trans formation et d'autorégulation"
(1).
Ainsi
chaque
élément
rempl it une fonction
précise pour la survie de l'ensemble dont le fonctionnement rend compte de tous les
éléments.
6.1.4. Chaque élément constitue l'ensemble.
L'analyse
nous
a
enfin
conduit
à
la
conclusion
très
importante
que
le
composé humain n awda n'est pas une structure comme les
autres: la notion de
structure prend
en
effet
une
signification
toute
particulière:
chacun
des
quatre
éléments constitue, représente j'ensemble. Cela veut dire que la "partie" égale le
tout. Cette affirmation paraît quelque peu logiquement contradictoire.
Mais la partie, ici, n'est pas une part, une portion de l'ensemble. La partie
signifie
"forme""
point
de
vue.
Ainsi
le
composé
humain,
en
fait,
n'est
pas
j'association, la
coordination
de
plusieurs
éléments,
mais
une
totalité,
une
unité
polymorphe, multiforme. Chaque élément est une des formes de I·ensemble. i.e. un
mode
dêtre,
dexister
de
l'unique
réalité
humaine.
Les
fonctions
remplies
par
chacune de ces formes sont les différents modes d'exister, de fonctionner de cette
réalité.
6.1.4.1. Le Gbanu est l'être total.
Le (3banu est lêtre total en tant que phénomène. apparence sensible. Lêtre
(1), Piaget, J., Le structuralisme, P.U.F. (Que sais je?), Paris, 1968, p8.
-
534 -

humain existe dans le monde de Faga et comme un élément de Faga sous la forme
de Gbanu
(corps).
Il est alors
un
être
physique,
avec
une
certaine
masse
qui
occupe une place, un volume dans l'espace. Il est un élément cosmique soumis aux
lois de la nature. C'est en tant que Gbanu (corps> que l'être humain est soumis aux
influences (positives et négatives) du cosmos physique.
6.1.4.2. Le Lili'igo et l'être total.
Le Lili'igo est l'être humain
total
dans
la mesure où il
est
la
substance
fondant l'être et l'existence. En tant que Lili'igo, l'être humain est un être spirituel
participant de la
réalité
ontologique
du
monde
d'en-bas,
du
monde
chtonien,
et
soumis
aux
lois
des
dessous
des
choses,
lois
qui
rendent
compte
du
cosmos
physique. L'être humain sous sa forme de Lilïigo est un élément spirituel et, en
tant que tel, participe de la réalité surnaturelle: l'être humain en tant que Lili'igo est
un esprit.
6.1.4.3. Le Kawatia et l'être total.
Le
Kawatia
est
la
totalité
dynamique
de
l'être
humain
engagé
dans
la
dialectique interactionnelle confliçtuelle cosmique. Lhomme est considéré ici sous son
angle
d'existence
combattante
pour
la
vie,
pour
son
autoconservation.
Dans
l'interaction cosmique, il offense et se défend;
il
est
l'être en
tant que
système
dautorégulation faite d'assimilation et d'accomodation, de
répulsion et d'attraction,
d'imperméabilité et de perméabilité,
face à l'environnement extérieur auquel il doit
constamment et continuellement sadapter. Le Kawatia en tant qu'être humain total
est
le
condensé
de
l'énergie
ontogénétique
e~
nœud
de
force
qui
rayonne
en
direction du monde environnant émettant une puissance et se modulant en fonction
des autres puissances cosmiques
(de Faga et
de
Tinga).
Le
kawatia cest lêtre
humain en perpétuelle modification adaptative. Il souvre aux influences
bénéfiques,
positives de l'environnement et se ferme à ses agressions, à ses influences nocives,
destructrices.
6.1.4.4. Le Nanega et 1 être total.
Le Nanega est l'être humain en tant que force, energie vitale. Il est lêtre
humain vivant
à la fois
de Faga et de
Tinga.
Le
nœud
condensé
de
force
qui
constitue
l'être
humain
est
la
force
vitale
émanée
de
IAncêtre
médiateur
de
Sang bande
(Dieu)
dans
la
transmission
de
la
'lie.
Le
Nanega
est
l'être
humain
considéré sous cet angle. Cette analyse montre que les différents constituants de
l'être humain ne sont pas des éléments. mais des façons, des modes d'être de la
même réalité. On
peut concevoir
celle-ci
comme être
physique
sensible
(Gbanu),
comme être spirituel
(Liliigo),
comme
système
d'adaptation
(Kawatia), ou
comme
force vitale, être vivant (NanegaJ. Tout dépend du point de vue duquel on se place,
de "angle sous lequel on le prend.
Ainsi il y. a une continuité entre tous les constituants.
- 535 -

6.2. CONTINUITE ENTRE L'ETRE INDIVIDUEL ET LE SOCIO-CULTUREL.
6.2.1. Articulation de l'Ego avec le pôle biolignager.
Nous avons vu que la société nawda fonctionne sur un système parental de
double lignage avec la prévalence du matrilinéat, et que c'est seulement par rachat,
le rite du "Ka'abe" que la prévalence bascule. du côté paternel.
6.2.1.1. Le lignage maternel.
Comme nous l'avons vu, l'enfant est d'abord le fils ou la fille de sa mère
avant d'être de son père. C'est dans le ventre
de la mère qu'il a été pétri et
construit par les mains des ancêtres. C'est la chair
de la mère
qui a servi de
matière
arrosée
par
le
Haween
(le
sperme)
du
père
pour
la
construction
de
l'enfant. Ce n'est pas par hasard si le terme qui désigne le lignage est celui
de
"Mate
Fôôgo",
gros
intestin
de
maternité,
i.e.
l'utérus.
Tout
le
travail
de
construction de l'enfant se fait dans ce Fôôgo qui est de la mère, et qui fournit la
substance. Lenfant est donc de la même substance que la mère. Toute la fratrie
sortant du même Fôôgo, quel que soit leur père,
sont de
la même lignée. ~~ous
avons vu
que c'est par extension
que
ce
terme
"Fôôgo'
désigne l'ensemble des
frères et sœurs utérins et consanguins.
La lignée de la mère, les utérins participent du même tissu biologique que de
cette dernière.
6.2.1.2. Lignage du père.
Si les enfants sont construits dans le sein maternel avec la substance de la
mère, cela ne signifie pas qu'ils n'ont rien de leur père. Ce dernier en effet donne
son Haween et nous avons vu qu'en fin de compte, les enfants sont la synthèse de
deux apports. Les enfants sont le Haween de leur père, donc aussi de la même
substance que lui.
Donc s'ils sont plus du tissu maternel pour les raisons évoquées plus haut,
ils sont aussi du père. Le rachat ne fait donc pas de l'Ego un
enfant purement
légal, mais consiste à renforcer le lien charnel.
6.2.1.3. Double articulation biolignagère.
L'analyse ci-dessus permet de comprendre pourquoi l'enfant est articulé :3. la
fois au lignage maternel et paternel.
Cette articulation se fait par tout lêtre. l'être total sous toutes ses formes,
toutes ses modalités d'exister.
Le
corps
participe
du
double
lignage
parce
qu'il
est
du
même
tissu
biologique que les géniteurs. Il est le sang de la mère et du père, il est constitué
de la même substance~ dont partic,ipe tout le Fôôgo au sens étendu, et tout le
- 536 -

double Da'anga. C'est le m,ême sang qui coule dans les veines de tous les membres.
Le corps est la chair familiale collective: chacun la condense en lui-même sans en
avoir
une
partie
pour
lui
tout
seul.
Personne
ne
peut découper
la
substance
biologique familiale en de petits morceaux autonomes et isolés, Tout se tient.
Le Kawatia participe de la force défensive du double lignage. Le Haare qui
est
le
rempart
protecteur,
la
source
de
"organisation
défensive,
constitue
la
collectivité
Iignagère
enracinée
sur
le
même
Konde,
i.e.
la
citadelle,
le
noyau
inviolable. Ce noyau est l'expression de la racine ancestrale qui s'éparpille en divers
Kawatiba individuels. Aucun Kawatia n'est vi,able isolé de ce roc familial collectif qui
jaillit de la source ancestrale. Quand le haare, la maison, tourne le dos à Ego, tout
le système défensif de ce dernier s'effondre. Au fond le Kawatia, mode d'exister
défensif, adaptatif de l'Ego, représente la défense familiale collective vue sous l'angle
individuel.
Le Nanega est l'essence même de l'articulation lignagère. En tant que noyau
vital de l'Ego, en tant que mode d'exister vital de tout son être, le Nanega procède
de la source lignagère de vie dont participent tous les individus. Il est le courant
vital familial
accumulé en
nœuds
de
force
individuels
que
sont
les
membres
du
Fôôgo, du Da'anga ... C'est le même courant d'énergie vitale qui alimente tous les
membres.
C'est
ce
même
courant
vital
qui
se
manifeste
en
des
éléments
biocorporels, se conserve par le système d'autodéfense (Haare, Kawatiba).
Tout
comme
la
substance
corporeille
et
!e
système
défensif,
le
Nanega
courant
vital
familial,
ne
se
morcèle
pas.
1/
est
un
en
plusieurs.
Chacun
l'a
pleinement et ne peut avoir une partie pour lui tout seul, isolé de l'ensemble. Coupé
de cet ensemble vital, l'individu s'étiole: enchaîner quelqu'un c'est couper sa vie de
l'ensemble vital de la famille. C'est pourquoi la délivrance est suivie de l'intégration
3.U
séjour des morts, symbole du tissu vital lignager,
Le Liliïgo, synthèse substancielle de tous les
éléments
de la structure de
lêtre humain, ou mieux, mode d'exister spirituel, surnaturel de lêtre humain total,
est bien sûr le pôle de l'Ego qui plonge dans les dessous du lignage jusqu au socle
::Je la substance ancestrale.
1/
constitue la substance
biolignagère
une et indivise
dont participe chaque membre.
6,2.2, Ego articulé au pôle ancestral.
Le courant vital familial indivis dont participe chaque être humain, procède de
j'Ancêtre, source de la vie. Les géniteurs qui communiquent la vie le font en tant
que médiateurs. L'énergie ancestrale, avons-nous vu, constitue chaque être en force
vitale, mais pas directement. Chaque individu vivant est un
point d'arrivée de ce
courant vital émané de l'Ancêtre, et
passé par
la chaîne généalogique de relais,
- 537 -

mais aussi un point de départ, devenant à son tour un relais, un médiateur.
Ainsi le Nanega est le courant vital animant le lignage à la fois sur le plan
horizontal où
il
rass!,!mble
tous
les vivants
de Faga ou Fagreba et
sur
le
plan
vertical où il récapitule toute la généalogie jusqu'à l'Ancêtre-fondateur du Oa'anga et
du Fôôgo qui en est la source.
Le ciment substantiel de cette
articulation
à
l'Ancêtre
est
le
Liliïgo.
Le
Liliïgo est en
effet
la
parcelle
substantielle
de
l'Ancêtre
lignager
actualisé
et
condensé en nœud de force, toujours par le système de médiation.
Cette substance biolignagère indivise dont participent tous les membres est
l'énergie émanée de l'Ancêtre lignager.
Il est vrai que le corps et le Kawatia sont rattachés à l'Ancêtre lignager,
comme nous venons de le voir, au même titre que le Nanega et le Liliïgo. Mais ces
deux derniers éléments en tant que fondements de deux premiers et les impliquant,
sont considérés comme racines rattachées à l'Ancêtre. Le corps et le Kawatia en
sont l'épanouissement final.
6.2,3. Ego articulé avec le pôle social.
6.2.3.1. Sur le plan ontologique et existenciel.
Nous
avons
vu
que
Ego
s'articule
avec
l'environnement
par
son
mode
d'exister défensif. En tant que Kawatia, i.e. système de défense et d'adaptation au
monde extérieur, Ego module ses relations avec \\'entourage social.
C'est par ce pôle défensif qui est le condensé du système défensif familial,
qu Ego se protège contre
les
attaques,
les
influences
négatives
de
la
société et
attire sur lui les influences positives
Mais Ego sarticule aussi de façon
participative
avec
le pôle
social
élar-gi.
Son
Gbanu
(corps),
son
Nanega
et
son
Lili'igo
participent
de
la
substance
énergétique ontogénétique émanée de
l';\\ncêtre-fondateur
commun
(du
village,
de
1
l'ethnie). Chaque Ego à travers son lignage participe de la substance (Liliigo) et de
la force vitale collective de la société élargie.
6.2.3.2. Sur le plan social et collectif.
Nous avons vu en étudiant l'organisation sociale que chaque individu est un
maillon
du
système social
qui lui donne
son
sens
et
sa
signification.
la
société
définit sa place par une série de statuts en fonction de son sexe, de son âge, de
sa puissance surnaturelle (voyance), etc ... De ces statuts découlent les rôles qu'il
doit jouer, les conduites que la collectivité attend de lui. Nous avons,vu que sur la
base de cette catégorisation se construit "organisation, puis le fonctionnement de la
société où
chaque
individu
et/ou
groupe
dépend
totalement
des
autres
pour
la
- 538 -

satisfaction de ses besoins et pour son épanouissement dans
tous
les domaines:
économiques, religieux, politique, etc ...
Dans le domaine économique, l'organisation
des
systèmes
de
coopératives
montre l'importance de la solidarité collective. vitale pour la production économique
et sociale.
Les représentations et pratiques collectives (sociales, religieuses, éducatives,
.. Jmettent à sa disposition un système de pensée et de conduites
codifié par
la
tradition ancestrale sacrée,
indiscutable: constituant ainsi un
cadre
de
référence
identificatoire.
Ainsi Ego est un élément d'un système collectif dont il ne peut s'isoler sans
dommage. Il est le condensé du tissu collectif élargi tout comme il l'est de son
biolignage.
6.2.4. Ego, élément d'une totalité cosmique.
En tant qu'être cosmique, Ego est articulé aux autres êtres par le courant
de 1énergie liante qui les fonde et dont ils ne sont que des points. Il est l'un de
ces nœuds de force cosmique qui sont les
condensés
de
l'énergie ontogénétique.
C'est en tant que corps -phénomène qu'il
particioe
de la
substance ontogénétique
cosmique,
le noumène étant vitalisé
et
spiritua:isé,
ce
qui
n'est
pas
le
cas
du
noumène
cosmique.
Rappelons
que
lêtre
humain
fait
partie
de
la
forme
vitale,
vivante de ce cosmos constitué par 1énergie ontogénétique. Il est le pôle humain de
cette force vitale, et en tant que tel, il a passé par 1étamine de 1Ancêtre-fondateur
à qui Dieu a donné pouvoir de reproduire ia vie humaine.
Comme
élément
du
système
cosmique
1être
humain
est
à
la
fois
consubstantiel aux autres éléments cosmiques et art:culés à eux dans la dynamique
conflictuelle. Ici,
il
se déploie en
tant
que
système de défense luttant pour
son
adaptation et sa conservation.
6.2.5. Conclusion.
Il apparaît que 1être humain dans son individualité, est une structure dont
les
divers
éléments
sont
interdépendants,
se
coordonnent
en
une
totalité
autorèglable et transformable, et où tout conflit, toute opposition, toute
dichotomie
internes sont exclus.
Cette
structure
est
ouverte
et
devient
elle-même
un
élément
de
la
superstructure physico-sociale cosmique dont elle est le parfait résumé condensé.
- 539 -

L'individu humain est ainsi perçu comme une totalité complexe: il ne se réduit
pas à son individualité ontolcgique et existentielle; il s'élargit aux dimensions de l'être
collectif social et phylogénétique, et aux
dimensions de
l'être cosmique.
Il est le
condensé de toutes ces dimensions qui s'organisent en lui en cercles concentriques,
le noyau individu entouré de la couverture biolignagère qui à son tour s'enveloppe de
la couverture collective, le tout protégé par le cosmos culturel.
CONCLUSION GENERALE.
Ce
premier
chapitre
a
pour
objectif
de
valider
nos
deux
premières
hypothèses:
La
première
prétend
retrouver
chez
les
Nawdeba
la
vision
unitaire
de
l'univers
physique et
social
dont les éléments cons titutifs
sont
vécus
et
conçus
comme
en
relation
de
constante
continuité
excluant
toute
disjonction,
toute
catégorisation tranchée et exclusive.
La
deuxième,
qui
est
une
conséquence
de
la
prémière
affirme
que
la
structure de l'être humain est celle de la personne- personnalité proposée par I.Sow,
dont les éléments constitutifs sont:
l'enveloppe corporelle,
les éléments
vitaux et
l'élément
spirituel,
tous
articulés
et
coordonnés
entre
eux
dans
une
continuité
excluant également
toute disjonction;
puis
l'être humain
individuel
est à
son
tour
articulé aux dimensions socio-culturelles tripolaires.
L'analyse que nous venons d'opérer semble confirmer les
deux
hypothèses.
Voyons comment.
1. La première hypothèse.
Notre analyse se centrant sur certains domaines que nos investigations sur
le
terrain
ont
particulièrement
explorés,
fait
apparaître
que
le
Nawda
conçoit
l'univers
comme
une
totalité
dont
les
éléments
se
coordonnent
en
un
système
cosmique.
Dans cette totalité, les séparations, les disjonctions, les oppositions,
etc ... ,
ne sont pas tranchées, exclusives. On sent plutôt une certaine continuité.
I.univers
nest donc
pas
perçu
comme
morcelé
en
éléments
discrets
qui
s'opposeraient
et/ou
s'exclueraient,
mais
comme
un
tout
unitaire.
L'opposition
conflictuelle est une tension beaucoup plus dynamique qu'une exclusion ontologique.
2. La deuxième hypothèse.
L'analyse de la structure de l'être humain telle que la culture Nawda se la
represente confirme également notre hypothèse dans sa généralité.
- 540 -

Sur le plan ontogénétique:
Les trois éléments constitutifs de la personne-personnalité décrits par
le
professeur
l.5ow
se
retrouvent
dans
la
représentation
Nawda
du
composé
humain.
L'enveloppe corporelle est le Gbanu, comme cela apparaît à travers l'analyse;
le Gbanu qui situe la personne-personnalité dans l'espace en tant qu'être physique
apparent. Il renferme les deux autres éléments vitaux et spirituels.
Le Nanega, comme nous l'avons relevé, est le noyau vital, la force vitale qui
fait de l'être humain un être vivant, un être animé de vie de Faga et de Tinga.
Le Kawatia est le système défensif, le pôle adaptatif de cette force vitale.
Le Uli'igo est l'élément spirituel, synthèse de la personne-personnalité.
Cependant le Kawatia, ce système défensif, ne semble pas faire partie du
noyau vital, le Nanega. Il est décrit comme un double, extérieur à Ego et séparé de
lui, alors que le Nanega est la substance vitale interne.
Le Kawatia serait une sorte d'aura enveloppant Ego comme un rempart. une
armure pare-attaque
qui
le
protégerait
contre
les
influences
nocives
venant
de
l'extérieur.
Par
ailleurs,
il
est,
comme
nous
"avons
vu,
l'individualisation,
la
condensation individuelle du système de défense familial, le Haare. Il
semble donc
jouer le rôle d'enveloppe invisible puisquil est
immatériel. (est lui qui arrête les
attaques dirigées contre j'être en tant que corps (Gbanu), force vitale (Nanega) et
synthèse spirituelle (Uli'igo).
Ce serait là une des particularités de la culture Nawda.
Quoi qu'il en soit, les éléments constitutifs de la personne-personnalité, loin
de s'exclure sont en constante continuité. en symbiose fusionnelle. Nous avons vu
que chaque élément
est
une
forme
du
tout,
un
mode
d'être et
dexister
de
la
totalité. excluant ainsi tout conflit intra-psychique, ou mieux intra-individuel.
Le
conflit
se
situe,
ou
se
développe
plutôt
entre
lindividu
et
le
monde
extérieur. Dans le systeme cosmique physico-social dont lêtre humain n est
quun
élément. le conflit se développe entre les éléments et non à l'intérieur de chaque
élément.
Sur le plan socio et phylogénétique, il apparaît aussi que, comme l'a souligné
le professeur I.Sow, lêtre humain ne se réduit pas a son individualite, il s'étend aux
dimensions de la société verticale et horizontale. En d'autres
termes,
il
s'articule
aux dimensions tripolaires socio--culturelles. Il ne peut s'isoler impunément de ces
trois pôles: il serait condamné à disparaltre car ces trois pôles font encore partie
de lui.
Puis il apparaît aussi que Ego est un élément du système cosmique; il lui
est consubstantiel et en subit toutes les modifications. tout comme tout changement
à
son
niveau
provoque
une
modification
de
l'ordre
cosmique.
Les
calamités
cosmiques l'atteignent dans son individualité et son être social. La mort d'un notable
entraine, provoque un déchainement des forces cosmiques: pluies. tonnerre, etc.
-
541 -

CHAPITRE 2:
MALADIE, DESORDRE DE LA TOTALITE
BIOPSYCHOLOGIQUE DE L'EGO,
VIOLENCE SUBIE PAR LUI ET
EXTERIEURE A LUI ET VISANT L'UN
DE SES CONSTITUANTS.
Ce chapitre propose l'analyse et la validation de nos hypothèses
3, 4 et 5.
qui concernent la représentation de la maladie; son processus, son origine et son
point d'impact sur l'être humain, i.e. l'élément visé de la structure biopsychologique
de la personne-per,sonnalité.
1. MALADIE. DESORDRE BIOPSYCHOLOGIQUE.
1.1. DESORDRE ONTOGEf\\IETIQUE DE L'EGO.
1.1.1. La pathologénie ou processus morbide (diagnostic processuaJ).
1.1.1.1. Le mal dissociant.
L'analyse des données cliniques
fait ressortir que la théorie p3.thologique du
Tada
définit
certains
troubles
de
santé,
certaines
maladies
comme
un
processus
dissociatif de la structure de l'Ego. Ego est morcelé:
le noumène est
sépa.ré
du
phénomène,
de l'enveloppe
sensible
(Fako).
Le
noumene
(corps
noumineux,
noyau
vital,
... ),
principe
fondant
G9
l'être
humain,
ainsi
séparé
de
ses
apparences
(phénomène) va subir les sévices du mal: il va être enchaîné et emprisonné loin du
phénomène dont il f::st la source de 'lie et dexistence. Cest ce qui se passe dans
le cas d'enchaînement. Il peut être la proie
dun
génie orphidien
(Kpawagbe)
l'lui
l'étouffera,
entraînant
la
disparition
du
phénomène
qui
ne
peut
exister
sans
le
noumène
Il
peut
être
mené
a
labattoir
sorcier.
Il
peut
être
gardé
chez
les
Fagnideba
(esprits
errants),
etc...
Une
telle
scission
de
l'être
entraîne
une
per-turbation,
un
désordre ontologique
qui
se
traduit
par
le
trouble
de
santé,
la
maladie. pouvant aboutir à la mort à plus ou moins long terme. L'étouffement du
noumène par le génie or.phidien, son abattage par les sorciers, son emprisonnement
par les méchants, son vol par les Fagnideba,
.... coupe Ego de son existence. La
mort est brutale
quand
létouffement où
l'abattage à
lieu. Elle est
plutôt a long
- 542 -

terme quand "emprisonnement et le rapt tiennent le noumène trop longtemps loin du
phénomène, des apparences. Dans- l'univers de sens et de signification Nawda, cette
scission consiste en une fission dé l'énergie vitale. C'est la fragmentation du nœud
de force que constitue Ego, en tant qu'existant, être vivant.
1.1.1.2. Le mal comprimant.
Le mal
peut ne pas dissocier l'être humain, mais
le comprimer. l'inhiber,
l'empêchant de rayonner en tant
qu'énergie vitale. C'est toujours
le
noumène
qui
subit ce sévice.
Le
filet
(Bedebe)
qui
enveloppe
tout
le
corps
noumineux
(le
filet
est
imperceptible, il
n'est pas
apparent>
coince ce
dernier, le
comprime,
inhibant
le
rayonnement, la propagation de l'énergie vitale. Ainsi comprimée l'énergie tourne en
rond entraînant le disfonctionnement ontolll]ique. Les signes décrits par le Tada et
par
les
patients
et/ou
observés
traduisent
ce
trouble,
cette
perturbation
du
fonctionnement de j'énergie vitale au niveau du corps en tant que phénomène.
Le ligotage provoque le même
processus
pathologique. L'énergie ligotée ne
circule plus librement ou ne circule plus du tout, bloquant ainsi l'épanouissement de
l'être
total. Cela se traduit
au
nievau
phénoménal, rappelons
le, par
un
blocage
moteur.
1.1.1.3. Le mal lytique.
Le mal lytique atteint le corps en tant qu'énergie noumineuse sous sa forme
vitale et non ontogénétique, provoquant des troubles iésionnels ou dissolvants. C'est
le cas du Be'ega, objet morbogène interne qui cause des lésions observables ou non
et diffuse son poison dans les tissus noumineux corporels. C'est le cas également
de
la
chair
humaine:
quand
Ingeree
elle
devient
indigeste,
elle
empoisonne
le
noumène corporel; ce qui se manifeste par des œdèmes. Quand elle est lancée sur
Ego comme des projectiles, elle provoque des lésions qui se traduisent au
niveau
phénoménal par des cloques sur le corps comme des brulures.
1.1.2. Vécu des patients.
L'analyse
du
vecu
des
patients
fait
apparai(re
la
représentation
de
ce
processus pathologique a partir de l'expérience de la rnaladie. Comme nous l'avons
vu, le vécu ne recouvre pas la théorie pathogénique du Tada parce que ce dernier
se place sous 1 angle de la représentation métaphysique de lêtre humain, alors que
le malade exprime la sensation, la per ception sensible surtout au niveau du corps
phénoménal des effets de la maladie qu'il vit, qu'il expérimente. C'est pour cela que
nous étudions ces deux types de représentations séparément.
1.1.2.1. Le mal mobile, circulant.
Le mal est décrit comme circulant dans le corps du malade. La perturbation
-
543 -

qu'il provoque n'est pas sentie à un seul endroit, ni à plusieurs endroits à la fois,
mais tantôt à un endroit, tantôt à un autre. On dirait qu'il est traqué
par
les
défenses de l'Ego. Chaque région du corps le rejette, le chasse. On peut dire aussi
qu'il se promène librement à sa guise. Quoi qu'il en soit. la désorganisation touche
successivement
plusieurs
reglons
du
corps.
Ainsi
certaines
douleurs
sont
dites
mobiles par le malade qui peut les sentir tantôt au bras, tantôt au dos.
La maladie est perçue alors comme une force, un flux, un courant d'énergie
désagréable,
destructrice
qui
circule,
qui
se
déplace
à
travers
le
corps.
C'est
comme quelque chose de vivant, un objet vivant: il exécute en effet un mouvement
automatique de déplacement, il marche à travers le corps. C'est une force vitale qui
désorganise,
puisqu'elle
perturbe
j'unité
de
l'organisme,
l'uniformité
du
vécu:
la
sensation de bien-être, d'harmonie de l'être n'est plus uniforme.
1.1.2.2. Le mal désintégrant.
Le malade décrit son mal comme désagrégeant "organisme. Le mal sépare
une partie du reste
de l'organisme, ou
fend tout ou
partie
du
corps
en
deux;
déchire le corps ou le coupe en morceaux:
- le malade sent le mal lui couper le dos en morceaux, lui arracher un bras,
lui fendre la tête, lui déchirer le dos, lui briser les reins. Ici le flux vital morbogène,
: énergie destructrice morcèle l'organisme.
1.1.2.3. Le mal inhibant.
Le malade décrit sa maladie comme un mal bloquant son énergie vitale: il le
comprime, l'oppresse.
Le
mal
peut
par
exemple
comprimer 'Ies
côtes
et
rendre
la
respiration
douloureuse.
Il
peut
oppresser
la
poitrine
et
couper
le
souffle,
entraînant
l'étouffement. " peut "ligoter" ou coudre la bouche et rendre muet, supprimant la
Darole et empêchant de parler. Le mal peut enchaîner Ego, lui ligoter les jambes,
:es bras ou tout le corps, bloquant l'énergie vitale et empêchant de
marcher,
de
bouger, de se déplacer.
Comme on le voit, le courant vital nocif, destructeur bloque la force vitale du
malade empêchant l'énergie de rayonner, de sépandre et de s'épanouir.
,
1,1,2,4. Baisse du potentiel energétique.
La désorganisation peut être vécue par le malade comme une baisse de la
réserve, du potentiel énergétique qui constitue le stock organique autotonifiant. C est
i'énergie,
ia
force
tonique
de
i'Ego
qui
maintient
ce
dernier
permanemmenr
en
forme, le dispose à l'action.
La maladie peut s'attaquer à cette force de réserve qui est le support de
!être. Le malade se sent alors affaibli, incapable d'efforts physiques ou de se tenir
debout. Cette dissolution de l'énergie vitale vide la masse de IEgo de sa force, la
masse devient un poids sans support, incontrôlable. Ego ne peut plus contrôler sa
masse, lorienter dans ['espace.
- 544 -

1.1.2.5. Exaltation de l'énergie.
Le potentiel
énergétique.
cette
force de
réserve,
peut être, au contraire,
sentie, perçue comme disproportionnellement augmentée. La maladie est vécue alors
comme une forme d'inflation de l'énergie vitale qui échappe au contrale du système
de synthèse et crée un déséquilibre. une désorganisation existentielle.
Conclusion.
Ainsi la maladie est vécue par le malade comme un contre-courant vital, une
force contraire à la force vitale, qui désorganise celle-ci de diverses manières: elle
. la
déséquilibre.
la
désintègre,
ou
la
dissocie,
la
fait
exploser
ou
la
bloque,
la
comprime.
1.2. DESARTICULATION TRIPOLAIRE.
Ce trouble ontologique de
l'individu,
cette
désorganisation
de
la
structure
ontologique,
n'est
pas autogène.
Il
vient
d'une
désarticulation
de
l'individualité
de
l'Ego. de la superstructure dont il est à la fois un élément et un condensé, et qui,
nous l'avons vu, lui est source d'énergie vitale ontogénetique et existentielle.
La maladie avant de désorganiser la structure individuelle de l'Ego, ComrT1ence
d'abord
par
désarticuler
ce
dernier
de
ses
axes
essentiels,
principaux
et
fondamentaux. Il est en effet coupé, soit de j'axe vertical qui le rattache au pôle
ancestral, à IEtre de iAncêtre; soit de l'axe existentiel biolignager qui le rattache
au pôle familial, relais de IAncêtre li gnager, qui le constitue comme
un
existant
individuel;
soit
de laxe
horizontal
social
qui
lui
assure
son
identité en
tant
que
membre dune communauté culturelle se réclamant uu même Ancêtre-fondateur et,
partant, de la même tradition sacrée; soit enfin de l'axe cosmique qui larticule à
l'origine de la nature non explicable par la culture: ici Ego est perçu sous 1 angle de
son appartenance à 1 être cosmique naturel.
1,2.1. Ego coupé du pôle phylogénétique vertical.
La maladie peut couper laxe reliant Ego a l'Ancêtre, source énergétique qui
le constitue en tant quétre vivant, substance "vitalisée". Ego est alors disjoncté de
cette source fondant son être substanciel. son Lili'igo qui est la synthèse de toute
sa structure. Cette coupure est la négation de ce qui est
fondamental,
essentiel
dans Ego: son Etre. Ego est nié, attaqué, agressé en tant quêtre, i.e. verbe de
l'Ancêtre, énergie ontogénétique ancestrale spirituelle qui le condense en nœud de
force spirituelle (Liliigo), source fondant sa 'lie, son existence et son identité. Il
est
- 545 -

donc menacé dans sa substantique moelle, dans ses racines. Si le Lilïigo qui est la
synthèse de tous les éléments structurels est menacé, c'est toute la structure qui
se désagrège. C'est un trouble polymorphe, une perturbation non spécifique de l'être
total.
1.2.2. Ego coupé du pôle existentiel biolignager.
L'énergie fondante émanée de l'Ancêtre, qui constitue les êtres humains, est
animée de vie spirituelle et porte en elle le germe de l'existence potentielle, virtuelle
qui est actuée par le biolignage et moulée (par un
ancêtre
lignager)
sous forme
individuelle dans le sein maternel.
Ego
existe
ainsi
en
tant
qu'individu,
résumé,
condensé
du
biolignage.
La
maladie peut couper j'axe qui le rattache au biolignage, le disjonctant ainsi de la
source de l'existence. En effet. comme nous l'avons noté. l'existence (tout comme la
création) n'est pas donnée une fois
pour toutes. Elle est l'émanation en acte. La
coupure de cette source est la négation de l'existence, la destruction de l'Ego en
tant qu'existant actuel, participant de la substance existentielle du lignage.
Cette
coupure ['atteint
dans
son
noyau
vital,
le
Nanega,
qui
est
le
pôle
d'articulation
privilégié
avec
le
biolignage.
Il
est
donc
menacé
d'abord
en
tant
qu'existant, ncn en tant qu'étant. C'est le retrait de sa vie sous son angle corporel
noumineux. Le trouble vital déclenche la désorganisation de l'ensemble structural. Le
trouble
est
de
type
dissociatif
(enchaînement,
rapt,
sorcellerie,
.. J
ou
lytique
(gavage de i~hair humaine>'
1.2.3. Ego coupé du pôle communautaire.
La
maladie
peut
couper
l'axe
qui
rattache
Ego
au
pôle
communautaire
collectif. Il se trouve ainsi disjoncté de ses références
identificatoires. En effet, il
est membre d'une communauté, "morceau"
d'un
tissu
social
dont les
fibres
sont
faites
de
la
substance
du
meme
Ancêtre-fondateur,
ascendant
des
ancêtres
biolignagers qui en sont les relais, les médiateurs. C'est de cette source, de cette
origine
ancestrale
càmmune
que
tous
les
existants
mernbres
de
la
colleccivitè,
tiennent
leur
identité
culturelle
fondée
sur
la
tr:idition,
verbe
et
loi
de
cet
Ancêtre-fondateur.
Comme
nous
lavons
vu,
cette
tradition
qui
donne
sens
et
signification au monde phénoménal, règle lorganisation socio-politico-religieusp. où la
place de chacun est déterminé, codifie les pratiques sociales, les institutions et les
normes de conduites.
Ego coupé
de cette
source
identificatcire
devient étranger
et
socialement
diminué. Son existence en tant qu ètre social est menacée. Il est amputé de son
rayonnement social qui se traduit par ses activités communautaires. ses conduites.
Ce qui est atteint en lui, c'est le principe énergétique, le potentiel d'énergie
-
546 -

qui constitue la source
de
l'activité
communautaire.
Ce
potentiel
énergétique
se
trouve être le corps sous ses deux formes noumineuse et phénoménale.
C'est en effet par le corps qu'Ego s'articule avec la société élargie; c'est
par le corps qu'il s'implique dans le jeu interactionnel de la dynamique sociale: les
relations
sociales.
les
luttes
pour, la
réussite
communautaire.
l'épanouissement
collectif telles que les actions de solidarité. de coopérative. de défense collective,
etc ...• qui sont en même temps source de réussite et d'épanouissement familiaux et
individuels. s'opèrent par l'énergie que déploie le corps. Les
travaux
champêtres.
source de production économique.
la
chasse.
la
guerre.
les
activités
artistiques
(musiques. danses). les compétitions sportives. etc ...• sont impossibles sans l'énergie
corporelle. Nous savons que cette énergie sourde des tréfonds noumineux du corps.
et que le noumène est source fondante du phénomène. L'affaiblissement. le blocage.
la destruction,
de cette énergie entraîne la mort sociale qui fait de l'Ego l'épave
de la société.
Le trouble que traduit cette disjonction sociale est surtout du
type
lytique
(lésionnel
et/ou
dissolvant),
La
lyse
de
l'énergie
corporelle
entraîne
l'incapacité
physique (dépérissement. manque d'activité.
...> et provoque un sentiment d'échec
social.
La coupure du pôle social peut se faire aussi par latteinte du noyau vital,
Nanega.
C'est
le
processus
de
dissociation
par
lequel
le
Nanega
est
retenu
prisonnier loin de l'enveloppe corporelle (Fakol. C'est l'atteinte à la racine même de
1énergie corporelle numineuse, car elle nest rien dautre que la forme
'corporelle"
de l'énergie vitale.
Par cette coupure. l'Ego est disjoncté à la fois de l'axe existentiel biolignager
et de l'axe communautaire. Il y a négation à la fois de l'existence et de l'identité.
C'est la négation de toute sa dimension horizontale: existence et identité.
1.2.4. Ego coupé de l'axe cosmique.
La maladie peut cosntituer une coupure de l'axe qui rattache Ego au monde
1
naturel. Il se trouve ainsi disjoncté de l'univers dont il est un maillon en tant que
participant de 1être cosmique.
Ici cest son universalité ontologique qui est niée. r~ous avons vu que c'est
en
tant
que
corps
phénoménal,
surtout,
qu'Ego
participe
de
la
substance
ontogénétique cosmique, car le nouméne du corps humain est vitalisé (comme tout
être animé) mais aussi spiritualisé; ce qui n'est pas le cas du noumene cosmique
non '/italisé, i.e. Ego en tant qu être physique.
La disjonction atteint donc Ego dans son corps phénoménal pur. Le trouble
est
essentiellement
"superficiel"
n'atteignant
pas
la
substance
de
l'Ego
\\corps
noumineux, noyau vital, synthèse spirituelle). Mais un tel trouble peut aller jusqu'à
retirer Ego de 1existence (mort) puisque le phénomène c'est l'être total en tant que
-
547-

physique,
sensible.
C'est
pourquoi,
il
n'est
pas
pris
à
la
légère.
En
effet,
le
phénomène n'existe pas en
soi.
Il est phénomène, i.e.
manifestation
sensible
de
quelque chose. Il ne peut donc pas être détruit en soi, son atteinte provoque un
trouble de l'être total. comme irradiation, le point "névralgique" étant évidemment le
phénomène.
Conclusion.
La maladie est donc un désordre, une désarticulation de l'Ego de ses axes
essentiels qui fondent son être, son existence en tant qu'individu, son identité en
tant qu'être social, son universalité en qu'être cosmique. Cette disjonction qui coupe
Ego de l'axe phylogénétique, de l'axe biolignager, de "axe communautaire et de l'axe
cosmique, désorganise sa structure individuelle qui perd sa cohérence ontologique et
fonctionnelle interne; son existence est mise en péril.
En
effet,
chacun
de
ces
axes
est
une
source
d'énergie
fondante,
constituante
de
l'Ego.
L'univers
cosmique
et
social
forme
un
tout,
une
totalité
consubstantiel Ile
dont
Ego
est
le
résumé
condensé.
Ce
qui
veut
dire
qu'une
perturbation en un point entraîne la perturbation de l'ensemble.
2. MALADIE, VIOLENCE FAITE A EGO ET EXTERIEURE A LUI.
La
maladie,
désarticulation
de
l'Ego
de
ses
axes
essentiels
"qui
le
constituent. le consolident, le maintiennent" (1) est une véritable violence faite à Ego
et extérieure à lui.
2.1. MALADIE COMME VIOLENCE FAITE A EGO.
2.1.1. Maladie: une agression.
2.1.1.1. Maladie comme un évenement bru tal.
La maladie est une effraction perpétrée contre l'édifice humain. Elle force la
barrière
défensive que constitue le
Kawatia individuel et
le Haare pour
atteindre
l'individu dans son existence et dans son être vital.
La maladie est toujours une agression vitale contre la personne de l'Ego. Elle
constitue toujours un changement brutal. Même si elle s installe progressivement, sa
survenue, quand l'Ego et/ou l'entourage commence a la percevoir, est vécue comme
changement subit dans l'être et ,'existence de l'Ego.
(1), Sow, 1., Psychiatrie Dynamique Africaine. Payot, Paris, 1977, p91.
- 548 -

2.1.1.2. Maladie comme violation de J'ordre biopsychique.
Une
telle
agression
brutale
est
perpétrée
contre
l'ordre
structurel
ontogénétique divino-ancestral.
Toute maladie provoque un changement, une modifjcation dans "état de santé
qui est défini comme un ordre fonctionnel biopsychologique constitué. nous
l'avons
vu. par " activité, la vitalité. l'intégrité corporelle ..... cet ensemble étant perçu au
niveau du vécu comme la sensation de bien-être et l'harmonie de j'être. (1)
La
désorganisation
ontologique
et
existentielle
ainsi
que
la
désarticulation
ontogénétique substantielle que nous
avons
analysées
plus
haut sont l'effet d'une
telle violation de l'ordre biopsychologique.
2.1.2. Maladie comme attaque au principe vital.
La
maladie.
comme
agression
brutale
désorganisant
l'être
humain
total.
menace en dernière analyse la destruction du noyau vital.
2.1.2.1. Maladie, affaiblissement de la force vitale.
La maladie est un déforcement. La manifestation et le vécu de la maladie,
décrits par les patients, font état de ia baisse du
potentiel
énergétique
vital,
se
traduisant par une diminution, un ralentissement ou une suppression de l'activité. Le
malade ne déploie plus les activités qu'on lui connaît habituellement.
Ce
déforcement
peut
consister
aussi
à
libérer
l'énergie
de
façon
incontrôlable. dont la poussée et le déploiement sont intolérables par J'entourage et
quelquefois
angoissants
pour
le
malade.
L'affaiblissement
touche
ici
le
principe
d'équilibre qui opère ia synthèse de ia personne-personnalité.
2.1.2.2. Maladie, porte ouverte vers la mort.
L'agression
morbide,
quelle
qu'elle
soit,
est
dirigée
directement
ou
indirectement -nous venons de le voir- contre le noyau vital. L'aboutissement final
de cette attaque est le retrait de l'Ego de l'existence. i.e. la mon.
2.2. MALADIE, PEPSECUTION EXTERIEURE A EGO.
L'agent de
cette violence
est
perçu et vécu
comme
persécuteur
toujours
extérieur à Ego. Cela veut dire tout simplement que la maladie n'est jamais vécue
comme une autoagression. Elle traduit toujours une situation conflictuelle entre Ego
et ses pôles essentiels :e constituant: ancestralité, biolignage, communauté élargie,
cosmos ou monde physique.
(1), cf L'analyse de contenu, ~;1anifestations de la santé.
-
549 -

2.2.1. Conflit avec le pôle ancestral.
2.2.1.1. Conflit entre Ego et l'ancestralité.
L'ancestralité comprend: l'Ancêtre médiatisé par la communauté des Kpeemba
du lignage; les génies protecteurs (Tite) qui sont les "tentacules" de l'Ancêtre; les
esprits
errants,
ces
branches
détachées
de
l'arbre
ancestral
et
devenues
malveillantes, méchantes.
La
maladie
peut
être
une
punition
venant
des
Kpeemba
médiateurs
de
l'Ancêtre, ou des génies
protecteurs
(Tite), parce
qu'Ego a
failli
à
ses
devoirs
religieux, ou
bien pour
des
inconduites
diverses
dont
les
plus
graves
sont
des
atteintes à la vie d'autrui. Elle peut être un avertissement.
La maladie peut être aussi une vengeance
de la part d'un
membre de la
famille qu'Ego a tué ~ donc un Kpeemba, un membre devenu Kpeemba par la faute
de IEgo, qui se venge ou un membre mort (Kpeemba) en situation de conflit avec
Ego.
Le monde ancestral peut ne pas envoyer directement la maladie à Ego, mais
lui retirer sa protection. Nous savons que quand
le Haare
(la maison)
n'est pas
jerr'ère
lui,
Ego
est
démuni
contre
les
attaques
du
monde
extérieur.
Ainsi
la
piupart des maladies surviennent parce que le Haare a retiré sa protection, et cela
Darce que Ego est en désaccord avec l'ancestralité, la néglige.
Nous
avons
vu
aussi
que
le
notable
de
la
famille,
du
lignage,
le
vieux
saC'"3.lisé
peut
maudire
Ego
parce
que
celui -ci
est
en
désaccord
avec
lui;
la
malédiction
prononcée par
le
vieux,
tout
comme
sa
bénédiction,
est
déjà
parole
d.Ancêtre et, partant, opérante et efficace. La malédiction du vieux est donc source
Je ~,aladie.
LAncêtre
(médiatisé
par
les
Kpeemba)
et
les
génies
(Tite)
envoie
ùirectement la maladie en
agissant
sur
le
pôle
de
IEgo
articulé
directement
à
! Ar:c:étre, i.e. le Liliigo qui est la substance de IEgo, !a parcelle de
l'Ancêtre en lui,
qui
'e
constitue
en
tant
qu être.
LAncêtre
peut
retirer
prématurément
cette
s.Jt:stance, précipitant ainsi la mort de IEgo: c'est
par
ce
procédé
que
IAncêtre
3.p::,::,:e les existants
à
lui.
Puisque
cest
lui
qui
constitue
permanemment
cette
s'.Jcstance, un quelconque
relâchement
de
son
action
constitutive,
de
son
action
for, '::: ante , entraîne une perturbation dans l'être vital et existentiel Je IEgo: c'est la
m;;n,Gie. C'est en
effet l'énergie vitale
ancestrale
qui
se
condense,
comme
nous
i'3.VC"IS '11.1, en nœuds de rorce vitale constituant ainsi les étants individuels, et cette
c:on:ensation rappelons - le, ne se fait pas une fois pour toutes; elle est continuelle,
'ou::-urs
en
acte;
c'est
une
o§m3.nation
d'énergie.
1/
suffit
donc
qu'il
y
ait
r3.ientissement
de
cette
émanation
pour
qu'Ego
tombe
malade.
Il
y
a
donc
dés3.rticulation de l'Ego vis·à-vis de 1 Ancêtre.
Il est en conflit avec sa dimension
.erticale;
la désarticualtion
verticale consiste
donc en
un
relâchement de l'action
fordante ancestrale constitutive de l'Ego.
- 550 -

Le retrait de la protection ancestrale consiste à
laisser Ego à découvert.
Rappelons que le Kawatia individuel est le condensé du rempart du système défensif
familial qui agit comme un courant continu
alimentant continuellement
le système
défensif individuel. Le ralentissement de ce courant protecteur en direction d'un Ego,
laisse ce dernier sans défense et exposé par conséquent aux attaques venant de
"extérieur. La protection ou la défense consiste non seulement à encaisser, mais
aussi à esquiver les attaques, à se dérober. Ego est protégé par son Haare quand
ce dernier le soustrait
à
temps
à un
danger
qu'il
n'aurait
pas
pu
éviter.
Par
exemple, Mr X rate son train et quelques kilomètres plus loin, ce train quitte les
rails et tous les ·passagers sont tués, c'est le Haare de Mr X qui l'a retenu pour
qu'il soit en retard. Le retrait de la protection
va consister non
seulement dans
l'incapacité de "Ego d'encaisser les attaques, mais aussi dans
sa tendance à s'y
exposer.
à
les
rechercher.
Quelqu'un
qui
quitte
sa
maison
parce
qu'il
a
"apparemment" envie de se promener, ou d'aller visiter un ami, un parent, etc ...• et
en
chemin
est
mordu
par
un
serpent:
ce
n'est
pas
un
enchaînement
fortuit
d'évènements. "Ca" l'a conduit exprès, "ça" l'a poussé à aller se faire mordre. Le
'ça"
peut être la maison, Haare; et même si c'est
autre
chose,
c'est
que
sa
maison (Haare) lui a retiré sa protection.
La malédiction du vieux de la famille
peut agir en
tant que retrait de la
protection ancestrale ou en tant qu'une action directe du monde ancestral dont le
vieux fait désormais partie. "II a parlé et ça a reçu", i.e. les Ancêtres ont accepté,
approuvé, cautionné sa voix.
La désarticulation avec l'ancestralité peut être
l'œuvre des esprits errants
(Fagnidebal. Ceux-ci, nous l'avons vu. enlèvent le Liliigo. la substance, principe de
synthèse de l'Ego, i,e. Ego en tant qu'esprit, pour en faire époux. enfant, '"
L'action
des Fagnideba est possible soit avec le consentement de "Ego, soit parce que ce
dernier
est
trahi
par
un
parent,
soit
le
Fagnideba
ravisseur
est
lui-même
un
membre de la famille de la victime
(une mère,
un
père, une tante,
.. J. Faisant
partie de l'aile ancestrale en
tant
qu'aile dissidente,
les
Fagnideba ont donc
une
prise directe sur le Lilïigo.
1
2.2.1.2. Conflit entre l'ancestralité et un autre membre du pôle biolignager.
Les désarticulations du pôle ancestral ne frappent pas toujours Ego à cause
de ses propres
inconduites ou
des
problèmes
le concernant
directement.
il
peut
payer pour un parent. Ici l'Ancêtre n envoie pas une punition, une vengeance ou un
avertissement individuel; il s'adresse à la collectivité familiale, au lignage entier. r~ous
savons que lêtre individuel est le résumé condensé, le concentré de l'être
ignager.
1
Tout malheur qui frappe un membre fait souffrir le lignage. Et puis si un autre que
le fautif est frappé, c'est pour faire souffrir ce dernier. Par exemple un géniteur
préfère mourir que de perdre son enfant. Il préfère être lui-même malade que de
voir souffir son enfant ou un être cher de la famille. Souvent les parents souhaitent
être à la place de leurs enfants, prendre sur eux leurs souffrances, leur éviter de
-
551 -

souffrir.
Ainsi donc toute la famille 'la souffrir dans un de ses membres: la maladie
est, dans ce cas, une élection: le membre est choisi pour représenter la souffrance
du lignage; c'est le bouc émissaire désigné pour porter le fardeau des inconduites
familliales.
"
est le
symptôme d'un
mal collectif,
d'un
problème
famillial
dont
la
solution, le dénouement ne doit pas se limiter à son mal individuel.
2.2.2. Conflit avec le pôle biolignager.
2.2.2.1. Conflit entre Ego et un membre du biolignage.
Nous avons noté plus haut la malédiction du vieux
de la famille. Un conflit
peut donc opposer Ego au vieux, qui est vicaire de l'Ancestralité dans le lignage. Et
nous avons vu comment la malédiction de ce dernier peut être opérante.
Ego
peut être agressé
par
un
membre
du
lignage
qui
lenlève
pour
des
pratiques sorcières. La sorcellerie anthropophage
n'est possible
qu'entre membres
du même lignage. La même énergie ontogénétique qui assure l'existence des étants
est,
en
même
temps,
mangeuse
ce
vie
qu elle
engendre.
Seuls
les
individus
constitués de la même
substance
iignagère,
familiale,
peuvent
se
'manger
entre
eux, se dévorer les uns les autres. ,"'.ucun étranger au lignage ne peut franchir la
distance qui sépare les lignages peur mettre la main sur un individu membre d'une
autre famille. La sorcellerie ne se pr3.tique pas comme le Be'ega où les projectiles
lancés franchissent les distances inter-"ignagères. Un étranger à la famille ne peut
avoir un membre de celle-ci que sil lui a été livré, vendu par un "frère" de sang.
Donc si quelqu'un est malade pour C3.use de sorcellerie, c'est qu'il est enlevé
par un membre de son lignage, Les existants dun même lignage sont comme des
vases communiquants où circule la même
seve
substantielle
(ou
sang
du
lignage)
constitutive de l'existence. Ces exist3.nts sont séparés les uns des autres seulement
par des membr3.nes semi-perméables. Tout membre du lignage peut par une sorte
d'osmose pomper, sucer l'existence :Je l'autre, '/ider l'autre de son existence, cette
concentration, cette condensation de iénerg;~ vitale.
Une' autre pratique conflictuelle entre membre du même lignage est 1 utilisation
des
génies
orphidiens.
Un
membre
de
la
famille,
du
lignage,
peut
dresser
son
serpent contre ~go, l'inciter
à
'itr3.':Jue r
Eg'J.
Capturé
par
ie
serpent Ego
tombe
malade, frappé par une crise brutale, fulgunnte. Le serpent est comme un chien
élevé pour diverses besognes, dont la "chasse". Pour enlever l'existence El Ego, l'un
de ses frères de sang lance son serpent "chasseur" à ses trousses, qui le capture
et l'étouffe pour le digérer.
Un
autre
procédé
persécutif famillial
est
le
différend
opposant
Ego
à
un
membre du lignage. Ego peut tomber malade suite
a ce différerd. Mais ici c'est
- 552 -

l'intervention
de
l'ancestralité
qui
explique
cette
maladie:
le
différend signifie
que
l'adversaire de l'Ego cherche la mort, la disparition de ce dernier qui est pour lui un
élément génant.
L'Ancêtre
intervient, menace
(par
la maladie)
de retirer
Ego de
l'existence pour laisser la
"paix"
à
t'autre.
Au
fond
c'est
un
avertissement
à
l'adversaire de l'Ego que
l'Ancêtre désapp rouve.
L'Ancêtre
lui signifie, en
rendant
Ego
malade,
qu'il
veut
la
disparition
de
la
famille
pour
vivre
seul,
ce
qui
est
impossible car il ne peut rien tout seul séparé du lignage. Oonc la maladie de l'Ego
est
ici
un
moyen
pour
l'Ancêtre
de
mettre
en
lumière
l'indispensable
solidarité
familiale et de condamner toute division, toute manœuvre égoiste.
Ego peut être enlevé et fait prisonnier par un membre du lignage. Celui-ci
enchaîne le noyau vital, le Nanega, source de l'existence, visant ainsi à supprimer
cette
dernière.
C'est
le
même
phénomène
osmotique
que
celui
utilisé
dans
la
sorcellerie
anthropophage;
Ego
est
enchaîné,
emprisonné,
en
tant
que
vie
et
existence.
Le gavage de chair humaine est
un
autre
procédé
utilisé dans
l'agression
venant
du
biolignage.
Un
sorcier
9ave
Ego
-souvent
enfant-
de
chair
humaine
ramenée du marché de nuit. Ego qui est non voyant et donc n'a aucun pouvoir sur
ia chair humaine ne peut digérer cette dernière, ni l'éliminer. Elle devient un poison
qui
intoxique
l'organisme
de
l'Ego,
son
corps
noumineux,
atteignant
les
éléments
vitaux et la dernière étape (qui est le but visé) étant la mort.
2.2.2.2. Conflits entre membres du lignage extérieurs à Ego.
Nous avons vu plus haut que 1Ancêtre peut rendre Ego malade à cause de
: inconduite
d'un
autre.
Nous
sorrlmes
ici
en
face' d'une
situation
similaire.
L'opposition conflictuelle entre menr,bres d'une famille entraîne ia division
de
cette
famille. Cette situation peut avoir ccmme conséquence ie trouble de santé de l'Ego
qui est pourtant en dehors du cc"i'it. La "subs tance" familiaie, lign3.gère est une,
indivisible.
Elle
ne
se
partage
pas.
Toute
tentative
de
division
entre
certains
membres pr,ovoquel'éc1atement de feut j'édifice entraînant désarticulations de tous
lES
individus,
et
ce
sont
les
ètres
les
plus
chers
qui
paient
les
frais.
Nous
retrouvons ;ci le thème de bouc en-,;ssJ.ire, symptôme de leclatement familial.
2.2.3. Conflit avec fe pôlé social élargi.
2.2.3.1. Conflit entre Ego e r i:::S parten3.ires sociaux.
La coupure de l'Ego du morde communautaire qui est la négation de l'identité
est toujours
l'œuvre,
l'action
persé':utive
de
la
société
élargie.
Celle-ci
étant
la
source de son identité, peut toujours la lui retirer. Ego est ainsi mis en situation
conflictuelle avec
sa propre
identité,
son
objet
identificatoire.
La
société
cherche
surtout à detruire Ego comme ètre social, à le retirer de 1existence sociale, mais
- 553 -

elle peut chercher à le nier en tant qu'existant tout court. Les
procédés
utilisés
sont
surtout
les différentes formes
du
Be'ega. i.e.
l'objet
morbogène
interne
et
externe. Mais l'enchaînement est aussi souvent utilisé.
Le Be'ega est
le
type
même
de
conflit
qui
oppose
Ego
aux
partenaires
sqciaux. L'usage des projectiles est le cas le plus fréquent: ce sont des cailloux.
des
morceaux
de
ferrailles.
torchons
...•
tout
objet
pouvant
être
introduit
dans
l'organisme noumineux de "enveloppe corporelle.
La chair humaine est aussi utilisée comme poison. mais vendue ou donnée
sous
les
apparences
alimentaires
normales.
En
effet
le
gavage
occulte
semble
impossible entre individus. partenaires sociaux n'étant pas du même lignage.
Ces formes internes du Be'ega ont pour action la lyse de l'énergie par lésion
et/ou
par
intoxication.
Il
en
va
de
même
de
la
chair
humaine
utilisée
comme
projectile mais qui atteint Ego superficiellement.
Le filet, forme externe par excellence du
Be'ega.
ne
dissout
pas l'énergie
mais la comprime, l'empêche de rayonner, de se déployer.
La lyse et la compression, l'inhibition de l'énergie signent ainsi. nous l'avons
vu,
la mort
sociale
de
l'Ego,
son
retrait
de
la
vie
active

il
manifeste
ses
capacités, s'exprime en tant que condensé du tissu collectif, incarnation des valeurs
culturelles. Le degré de cette incarnation est souvent
la
source
du
conflit
parce
qu'elle suscite jalousie. envie, sentiment d'infériorité .. , de la part des partenaires
sociaux.
Le
déforcement
Dar
attaque
agressive
élimine
socialement
un
partenaire
dangereux.
L'enchaînement par lequel Ego est emprisonné loin de son enveloppe, de ses
apparences,
atteint
la racine
même
de
la
vie,
source
du
principe
d'activité
qui
rayonne le degré d identité culturelle de chaque individu. Alors que le Be'ega peut
dissoudre ou bloquer une partie seulement du potentiel actif, l'enchaînement atteint
!e
principe
dans
sa
totalité,
coupant
Ego
de
la
société
et
menaçant
mème
directement son existence.
La :yse, 1inhibition de iénergie et 'a 'jissociation de i'Ego (par ['enchainernentl
visent surtout l'affaiblissement, le déforcement provoquant l'inaptitude sociale, mais à
plus ou moins long terme le retrait de l'Ego de l'existence.
L'attaque
persécutive
venam
de
la
société
élargie
cherche
à
éliminer
socialement un partenaire dangereux.
2.2.3.2. Conflit entre société et un autre membre du biolignage qu'Ego.
Le conflit avec la société élargie peut se jouer entre un "frère" de sang à
Ego et les
partenaires
sociaux.
Ego
"intercepte
alors
l'attaque
dirigée
non
pas
contre
lui
mais
contre
un
de
ses
"frères".
Il
devient
alors
la
victime
de
- 554 -

remplacement.
Les
partenaires
sociaux
ne
pardonnent
pas
à
un
"frère"
de
"Ego
ses
réussites sociales qu; font de lui un "dangereux", un rival. Leurs attaques ratent la
cible et atteignent Ego qui n'était pas visé.
L'explication de ce phénomène réside dans
la complexité
de la distribution
des défenses familiales. La défense est collective mais les individus n'en bénéficient
pas au même dégré au même moment. Il y a des moments de faible protection,
variables
selon les individus. A chacun
son jour,
C'est
pourquoi
quand
quelqu'un
échappe à un malheur qui lui était destiné, on dit que son jour n'était pas encore
arrivé. Celui qui l'intercepte est considéré
comme
se ·trouvant à un moment
de
faible résistance. Son Kawatia s'est affaibli.
Ce qui est important ici. c'est qu'une attaque lancée contre un membre de la
famille est destinée à toute la famille, qu'elle atteigne l'objectif visé par "agresseur
ou non. L'attaque peut être écartée si les barrières défensives de la famille sont en
situation de force. Si l'attaque arrive à un moment de faible résistance familiale, les
membres les plus vulnérables, les moins protégés, prennent le choc.
Ego peut donc être désarticulé de la société élargie à la place d'un autre
membre de sa famille.
Les procédés utilisés par l'agresseur sont exactement les mêmes que dans
les
conflits
directs
avec
la
victime.
Ego
peut
intercepter
les
projectiles
lancés
contre un de ses frères. consommer la chair humaine destinée à un autre, tomber
dans un filet tendu à un autre membre de sa famille, et même être enchaîné à la
place d'un autre.
2.2.4. Conflit avec j'ordre cosmique.
Le type de conflit avec le cosmos est l'agression dite 'Sangbande am"
(air
·'Je Dieu), i.e. causée par lair de Dieu; l'air signifie ici t~ut ce qui circule dans la
nature, imperceptible, qu'on ne peut expliquer, que Dieu 3eul peut expliquer. C'est ce
type d'agression que les lettrés de notre échantillon aopellent "naturelle".
La désarticulation
du
cosmos
est donc
l'œuvre
dEfs
phénomènes
naturels,
soumis aux lois du hasard pur que la culture ne peut expliquer.
Les procédés utilisés par l'agresseur ne sont pas ':::onnus. Les manifestations
ne sont pas différentes de celles des autres agressions. Seulement le Tada n'arri'/e
pas à identifier l'agression, ni à la neutraliser.
Il ressort de cette étude que la désarticulation triaolaire (1) qui constitue la
maladie a toujours sa cause à l'extérieur de l'Ego, et cor,stitue une persécution.
Cependant l'analyse des données cliniques a fait apparaître
que. parmi
les
(n, nous incluons le cosmos dans la verticalité, même
si nous
l'étudions
souvent
séparémment. En effet il est directement rattaché à Sangbande et explicable par lui
seul.
- 555 -

causes de la maladie, il y en a qui sont intérieures au malade, et donc ne semblent
pas
provenir de
"extérieur.
La
maladie
serait
dans
ce
cas
une
auto-agression;
l'énergie agressive de l'Ego. son Nagente, primairement dirigé vers
"extérieur, se
retourne contre lui. C'est
le cas
d'auto-intoxication par la chair humaine ingérée.
consommée par le sorcier; c'est le cas aussi de l'attaque par
le propre
serpent
(génie orphidien) etc ...
L'analyse
de
ces
cas
nous
permettra
de
voir
dans
quelle
mesure
nous
pouvons faire face à une auto-agression.
3. CAUSES INTERNES DES MALADIES, UNE AUTO-AGRESSION?
3.1. INDIGESTION DE CHAIR HUMAINE.
Le
sorcier
(anthropophage)
qui
"dévore"
la
chair
humaine
peut
en
avoir
l'indigestion. La chair mangée, ingérée, "refuse" de "sortir du ventre" de l'Ego, elle
se transforme en poison et devient un mal lytique.
Les causes de ce phénomène sont diverses. Ce peut être un affrontement
entre Ego et sa victime; ce peut être un conflit entre Ego et un de ses confrères
sorciers; ou bien le Haare de l'Ego peut se
lever contre
les
pratiques
sorcières
immorales de ce dernier.
3.1.1. AJfrontement entre Ego et sa victime,
L'indigestion
peut
avoir
pour
cause
une
lutte
3.charnée
entre
Ego
et
la
victime de sa sorcellerie canniba1ique, Ego 3. DU capturer la victime et l'a "dévoree",
Mais le pouvoir post-mortem de cette dernière devient plus puissant, plus fort que
ceiui de l'Egu sorcier. La victime s'est laissée consommer mais refuse de se laisser
digérer. se transforme en fClrce, en énergie destructr;ce, devenant ainsi un danger
de mort pour son agresseur,
3,1.2. Conflit entre Ego et un autre sorcier.
Un
autre
sorcier,
confrère
de
"Ego,
en
situ3.t ion
conflictuelle
contre
ce
dernier. peut se liguer avec la victime et rendre la chair de celle-ci indigeste pour
Ego.
Cela se produit quand, dans la lutte entre deux sorciers, j'un meurt vaincu
et tué par "autre. Le mort, par vengeance, empêche son agresseur de digérer la
chair quil consomme. La chair rendue indigeste refuse de quitter le ventre de l'Ego
- 556 -

et se transforme en poison.
3.1.3. Conflit entre Ego et son Haare.
Le Haare de l'Ego peut se lever contre lui et lui faire payer ses inconduites:
il ne digèrera pas la chair de son "frère", son Nagemte n'ira pas jusqu'au bout. Le
Haare barre la route à son
Nagemte,
à
sa
méchanceté,
et
celle-ci
se
retourne
contre son origine. i.e. lui.
3.2. ATTAQUE DU PROPRE SERPENT.
Comme r:'~IS l'avons déià noté, le serpent. génie orphidien, est ge r1éralemem
élevé par un vo.',ar'it pOLIr lui rendre les
services
les
plus
divers: il assure surtout
l'enrichissement Je son maitre; mais il sert aussi de chien de chasse qui capture
et étouffe les ir::::'vidus que son maitre veut agresser. Notons que ces victimes som
membres du lignê;Je du maitre du serpent.
Remarqucns que le Génie orphidien est un carnassier qui, pour se nourrir,
s'attaque aux ar,;maux, et surtout aux êtres humains.
Il arrive conc quil sattaque a son maître, cela pour plusieurs raisons:
3.2.1. Le serpent affamé.
Le
maître
du
serpent
doit
lui
assurer
sa
nourriture
quotidienne.
Si
le
serpent est aff;;"mé,
il peut se jeter sur le premier être animé quil rencontre.
Il
devient alors dar,gereux pour les membres de la famille.
C'est dans ce cas que le maître, qui néglige de lui donner à manger, peut
être attaqué par lui. Le serpent qui est son moyen dagressioon contre
les
autres
se retourne contre lui.
3.2.2. Le conflit entre le maître et le Haare.
Le Haare du propriétaire du serpent n'accepte pas la présence de ce dernier
dans
la famille.
car
il
constitue
une
menace pour
les
membres
du
lignage
qu'il
risque
d'exterminer.
Alors.
le
Haare
s'insurge
contre
le
Nagema
(le
malfaiteur
occulte) et le brouille avec son serpent qui se retourne contre lui.
- 557 -

CONCLUSION.
Cette brève analyse nous montre que la cause de la maladie interne à Ego
est bien un retournement de sa propre méchanceté contre lui. Mais ce n'est pas
une auto-agression. Il ne s'auto-agresse pas. C'est un autre, extérieur à lui, qui
infléchit le courant de
son
action
agressive
pour
le frapper.
C'est un
agresseur
extérieur qui utilise les propres armes de l'Ego pour le frapper. On ne peut donc
pas
mettre
ce
mécanisme
d'agression
interne
à Ego sur le même plan que les
conduites suicidaires où le sujet s'auto-agresse pour des raisons les plus diverses,
parmi lesquelles nous pouvons mentionner les perturbations de l'appareil
psychique
telles que la mélancolie, la schizophrénie, etc.
Dans la mélancolie, le malade retourne l'agressivité contre lui-même pour se
punir des crimes qu'il croit avoir commis.
Dans
les
états
schizophréniques,
la
dissociation
du
moi
crée
un
clivage
interne entre
forces
contraires
qui
fonctionnent
désormais
comme
de
véritables
individus autonomes pouvant conduire le malade à s'auto-agresser, se prenant pour
un persécuteur extérieur à sa personne,
Dans ces deux cas, le retournement de !a force agressive contre soi-même
est
un
comportement délirant;
le mélancolique est
convaincu
d'avoir
commis
des
crimes et se punit pour se déculpabiliser, Le sc:hizophrène
s'auto-agresse, croyant
attaquer un autre.
Nous avons simplifié à "extrême des situ3.tions complexes pour mieux faire
ressortir les divergences entre deux phénomènes incomparables: iauto-agression en
psychopathologie et le Drocessus d'agression interne nawda.
Tout
compte
fait,
la
maladie,
dans
ia
représentation
nawda,
est
une
dgression persécutive
toujours
extérieure
3. Ego,
pou'/ant
utiliser
des
instruments
externes ou internes à iui.
4. LE POINT DE MIRE DE L'ATIAQUE.
4.1. ATTAQUES SOCIALES, LE CORPS f\\jOU~/W\\JEi.J:< ET Œ NOYAU VITAL.
4.1.1. Objets morboyènes et enveloppe corporelle.
"
La cible privilégiée des attaques venant du pôle communautaire élargi est le
corps (Gbanul. Comme nous lavons vu, c est !a piece d'articulation de IEgo avec le
pôle social élargi. Rappelons que l'attaque 'lise ie corps ici sous
sa forme ou son
;-
mode d exister noumineux; en effet, les agressions lancées contre le Gbanu sont de
caractère occulte, surnaturel.
L'impact de l'attaque peut se situer à !a surface ou à l'intérieur du corps.
En effet, le 'noumène n'est localisé nulle Dart dans le corps physique. puisqu'il est
- 558 -

d'essence surnaturelle, spirituelle. Il infuse tout le corps intérieur comme extérieur.
1/ est le corps total sous sa forme noumineuse, tout comme le corps phénoménal
est tout le corps
sous
sa forme
sensible.
Ce
sont
deux
façons
d'exister
de
la
même réalité.
4.1.1.1. Be'ega et l'intérieur du corps.
Le Be'ega, dans son sens restreint, est un projectile lancé par l'agresseur.
Ce projectile peut être, comme nous l'avons vu, un caillou, un morceau de ferraille,
un torchon, un cauris, des grains ... Le projectile traverse la chair (sans laisser de
traces
observables)
et va
loger.
se
fixer
à
l'intérieur
de
l'organisme,
dans
les
muscles,
les
os,
le
cerveau,
les
viscères,
etc.
Ces
différents
organes
sont
physiquement
perturbés;
les
troubles
physiques
sont
des
conséquences,
des
symptômes sensibles du mal, et non le mal lui-même, puisquil se trouve dans le
noumène.
Les
objets
utilisés
comme
projectiles
sont
des
objets
naturels
cosmiques.
Mais le malfaiteur les utilise sous leur forme noumineuse, leur
énergie
de
Tinga.
C'est leur énergie stockée sous sa forme noumineuse qui est exploitée ici et qui va
agir comme destructrice du noumène. Comme nous l'avons déjà noté, le Be'ega peut
être local ou généralisé, diffus. Il provoque des troubles physiques et physiologiques
lytiques
de
lénergie
(noumineuse)
par
des
lésions
et
lintoxication
qui
bloquent
1 activité sociale et désorganisent progressivement
tout l'être.
4.1.1.2. Filet et pression cutanée.
Le filet tBedebe) est un piège tendu par le Nagema (le malfaiteur occulte)
dans lequel Ego tombe. Le Bedebe. au sens propre du terme, est un filet à bagages
dont
les
femmes
se
servent
pour emballer
leur
chargement
composé
de
divers
objets entassés dans une cuvette
(Jerebaka. Serga) quon doit porter sur la tête.
Pour
éviter
que
ces
objets
se
dispersent,
glissent
et
tombent
au
cours
de
la
marche, on emballe le tout avec Bedebe, P3.r exlension, le Bedebe désigne le filet
de pêche qui est utilisé par les pêcheurs en mer pour capt,urer les poissons.
C'est dans ce sens que le Filet est utilisé par les malfaiteurs pour capturer
leurs victimes, mais avec l'idée d'embJ.liage comme !e filet à LJagages.
Capturé et embalié, le Gbanu de l'E'jo, en
tant que noumène, ne peut plus
rayonner
librement
l'énergie
source
d'activité
sociale.
L'énergie
embailée
se
comprime; elle est coincée à l'instar des objets entassés dans la cuvette; elle ne
peut
pius
bouger
librement,
ie,
r':lyonner,
se
déployer.
Elle
étouffe,
dégénère,
s anéantit, provoquant des troubles de tout i être de l'Ego.
Contrairement au Beega qui comprend
des
objets
naturels
observables.
le
filet nest observable, visible que par le Ta.da et les
Yendeba (voyants). Quand
le
Tada le découpe, on "entend" bien les coups secs du canife, mais on ne voit pas ce
qu'il
découpe. Donc,
le
filet
est
utilisé
ici
uniquement
sous
sa
forme
purement
noumineuse. Les apparences sont cachées. Il atteint le Gbanu en tant que noumène
avec
des
manifestations
au
niveau
des
apparences,
du
Gbanu
sous
sa
forme
- 559 -

phénoménale.
4.1.2. Enchaînement et noyau vital Nanega.
L'enchaînement vise directement le principe vital, le Nanega, qui est capturé
et emprisonné, nous le savons, loin du corps-enveloppe, condamné à périr puisqu'il
n'est plus alimenté en vie. C'est une opération destinée à retirer Ego de "existence.
Mais, ici, la société élargie vise surtout à détruire à sa racine l'énergie sociale. le
retrait de l'existence étant secondaire.
4.1.3. Le Kawatia et l'agression en général.
Toute attaque venant de ,'extérieur au lignage. avant d'atteindre Ego dans sa
forme
vitale
ou
corporelle,
doit
d'abord
franchir
les
barrières
défensives
que
constitue le Kawatia. représentant l'incarnation du Haare. défense familiale.
Ainsi donc, chaque fois qu'Ego est agressé. c'est que cette barrière a été
forcée. Toutes les attaques extérieures au lignage forcent toujours le Kawatia qui
constitue. pour cela. le premier point d'impact de toute agression. Il ne fait donc
pas "objet d'une attaque spéciale.
CONCLUS ION.
Le point d'impact ontologique des agressions venant du pôle communautaire
est
l'identité.
Le
système
des
valeurs
culturelles
secrétées
par
la
Tradition
ancestrale est l'idéal poursuivi par la collectivité.
Les
membres
de la
collectivité
s'efforcent
de
s'identifier
à
ce
système
parfaitement
incarné
par
l'Ancêtre-Fondateur.
Le
degré
de
réalisation
de
cet
idéal,
i.e.
le
degré
d'identification, est variable selon les individus. Il y en a qui atteignent un très haut
degré, attirant admiration, estime,
respect
de la part de la société,
mais
aussi
jalousie, envie, haine. Les attaques agressives visent à détruire cette identité, à la
nier pour se débarrasser d'un concurrent dangereux.
L'élément structurel
de l'Ego privilégié de l'attaque est
le
corps
sous
sa
forme
noumineuse
comme
accumulateur
de
l'énergie
permettant
à
l'individu
de
construire son
identité.
Mais
l'attaque peut
viser
le
noyau
vit al
comme
source.
racine de cette énergie sociale.
- 560 -

4.2. ATTAQUES BIOLIGNAGERES ET NOYAU VITAL.
4.2.1. Attaque sorcière et principe vital.
L'élément
structurel
de
choix
des
attaques
venant
du
pôle
existentiel
biolignager est le noyau vital qui constitue l'individu en tant qu'existant. Nous avons
vu que c'est par ce pôle qu'Ego s'articule davantage avec le lignage. Ce noyau vital
est agressé par le sorcier anthropophage sous sa forme existentielle en acte, et
non sous sa forme ontologique spirituelle. C'est pourquoi après la mort le Nanega
continue
à
exister
en
tant
que
principe
de
vie.
C'est
cette
forme
ontologique,
substantielle, spirituelle qui s'articule avec le Ulïigo, principe de synthèse de l'être
humain. L'objectif visé est de retirer Ego de l'existence, de dévorer son existence.
L'attaque sorcière entraîne souvent la mort brutale. Le sorcier dépèce et dévore
l'existence d'Ego.
4.2.2. Attaque par le serpent et noyau vital.
Le serpent, "chien" de chasse d'un membre du lignage, attaque Ego pour le
dévorer comme le sorcier le dévorerait. L'élément structurel-cible est toujours
le
noyau vital existentiel. Le serpent, Génie orphidien, étouffe Ego avant de· "avaler,
exactement comme le serpent naturel (python par exemple) étouffe sa proie avant
de l'avaler. La prise, ou la capture par le serpent est suivie de chute brutale avec
coma et si l'intervention n'est pas rapide, Ego trépasse. Donc, "objectif visé est de
soustraire Ego de l'existence, de le supprimer. Le serpent étouffe et dévore son
existence.
4.2.3. Enchaînement et Nanega.
L'enchaînement, comme nous l'avons vu, consiste à emprisonner Ego en tant
que noyau vital en laissant les
apparences
corporelles
qui
présenteront
certains
signes de dépérissement.
C'est le noyau vital existentiel, symbolisé par un couple d'araignées (Nanega
ou Nane'e au pluriel) qui est attaché, emprisonné. Il ne peut plus rayonner l'énergie
vitale alimentant le corps enveloppe et assurant J'existence.
Cette
coupure.
cette
déconnection
entre
élément
vital
de
la
structure
humaine
et
le. reste
existentiel
entraîne
les
troubles
que
nous
avons
décrits.
conduisant à la mort. L'objectif visé ici est de couper l'existence de sa source vitale
et de la laisser dépérir.
-
561 -

4.3. ATTAQUE VERTICALE.
Nous
incluons
dans
le
monde
vertical
les
lois
du
hasard
pur
que
seul
Sangbande (Dieu) peut expliquer. Ce sont les lois purement naturelles échappant à
la logique de Tinga, la logique de la culture.
Les maladies obéissant à ces seules lois de la nature s'attaqu,:nt uniquement
au Gbanu phénoménal, i.e. corps en tant que phénomè ne. Et nous savons que dans
la logique culturelle de Tinga, le phénomène n'a pas de sens en soi. Considéré en
soi,
il
ne
peut
être
expliqué
par
le
système
culturel,
l'univers
de
sens
et
de
signification. .
Par contre, "attaque venant du pôle vertical phylogénétique, Le. du monde
ancestral
(Ancêtre
médiatisé
par
les
Kpeemba,
les
Génies
ou
Tite,
les
esprits
errants ou Fagnideba) a pour cible le Liliïgo, cette substance synthèse qui est la
parcelle de l'Ancêtre
dans
l'être
humain.
L'objectif visé
est
le
retrait
de
cette
substance qui est l'être même de l'Ego. C'est le courant énergétique ontogénétique
émanant de l'Ancêtre-Fondateur. se condensant en nœud de force pour constituer
Ego. Il suffit de couper ce courant pour anéantir Ego.
4.3.1. Maladie naturelle et enveloppe corporelle phénoménale.
Ego est articulé au pôle naturel par le corps sous sa forme phénoménale. et
nous avons vu que toute maladie naturelle est une disjonction de i'Ego de ce pôle.
disjonction étant synonyme de négation de son appartenance à l'univers physique, la
négation de sa corporéité. de son exi'stence sensible. physique comme tout corps de
l'univers.
En effet. la dynamique interactionnelle de l'Ego avec le cosmos physique ne
se fait pas ordinairement sur le plan noumineux. Le pôle noumineux du cosmos
physique est un potentiel d'énergie stockée non auto-active. Cette énergie ne se
met en acte que sous l'action des forces de Tinga. C'est ainsi que les Nagemba
(méchants occultes) l'exploitent pour agresser le noumène corporel. Les Be'e sont
des objets
naturels mais utilisés
sous
leur
forme
noum 1. neuse pour
atteindre le
.
noumène corporel.
Le cosmos physique ne déploie automatiquement et spontanément qUE: son
énergie phénoménale. i.e. qu'il ne fonctionne qu'en tant qu'énergie physique. Tant que
l'émanation
de
cette
énergie
phénoménale
n'est
pas
sous-tendue
par
l'énergie
noumineuse. elle obéit aux lois du pur hasard. et pour cela. explicable uniquement
par le surnaturel ouranien (Sangbande).
'C'est
en
tant
que
phénomène
que
"univers
physique
agresse
le
corps
phénoménal
causant
les
maladies
naturelles.
En
d'autres
termes.
toute
maladie
naturelle.
régie
par
les
lois
du
pur
hasard.
se
limite
à
l'enveloppe
corporell,e
phénomél1ale sans atteindre le noumène qui relève du ressort culturel explicable par
la Tradition ancestrale. Le phénomène détaché du noumène ne peut être expliqué
- 562 -

par la logique ancestrale. puisqu'il n'a pas de dessous. Le. de signifié culturel. Le
Tada qui perce le phénomène par son
Yendem
(voyance), comme
les
rayons
X
traversent la chair. et voit directement le noumène. ne peut voir les traces des
agressions naturelles qui s'arrêtent au phénomène. C'est pourquoi. quand il examine
de tels cas. il dit souvent "Je ne vois pas de maladie dedans" et adresse les
malades soit à l'herboriste. soit aux médecins. à moins
qu'il
veuille
les
soigner
lui-même en tant qu'herboriste.
4.3.2. Attaque du monde ancestral protecteur et le Lili'igo.
La cible de l'attaque ancestrale est toujours
le Lili'igo.
L'attaque
consiste
seulement à retirer cette parcelle de l'Ancêtre. à cesser de la maintenir en acte
par l'émanation de l'énergie ontogénétique constitutive.
L'agression
ancestrale
n'a
pas
besoin
de
forcer.
de
franchir
la
barrière
défensive
(Kawatia et/ou
HaareL
D'abord
tout
se
passe
à
l'intérieur
de
cette
barrière.
tout
comme
"attaque
du
pôle
biolignager.
Et
puis.
et
surtout.
c'est
l'ancestralité même qui constitue cette forterese. L'Ancêtre ralentit seulement son
action
constitutive
de
l'Etre
de
l'Ego.
en
baissant
l'intensité
de
l'émanation
énergétique; il s'ensuit ainsi J'affaiblissement de l'axe qui relie l'existence de l'Ego au
monde ancestral. source de son être. Cet affaiblissement constitue la maladie tandis
que la rupture de l'axe
par
la
cessation
de
l'émanation
de
l'énergie
ancestrale
ontogénétique retire Ego de l'existence.
4-.3.3. Attaque des esprits errants. le Kawatia et le Lili'igo.
L'attaque des esprits errants (Fagnideba) peut être possessive, amoureuse.
ou un rapt. un enlèvement,
4-.3.3.1. L'attaque possessive et le Kawatia.
L'attaque possessive des esprits errants consiste à faire violence à Ego. le
forcer à établir des rapports amoureux avec eux. En ce cas. l'agression force la
barrière défensive qui est
le
Kawatia.
La
forteresse
franchie.
l'esprit
amoureux
prend
possession
de
l'Ego,
son
objet
d'amour
et
signale
sa
présence
par
des
troubles de santé. Une fois qu'il est reconnu et accepté, "esprit amoureux devient
souvent le renforçateur du Kawatia et protège son objet d'amour, Quelquefois, il
continue à faire le malheur de ce dernier. C'est le cas de l'esprit amant qui détruit
toute la progéniture de la femme aimée.
Donc. la cible de "attaque possessive est le Kawatia qui. une fois déforcé.
laisse l'accès libre à la possession de l'être aimé. La possession ne retire pas l'Ego
de l'existence.
- 563 -

4.3.3.2. Enlèvement ou rapt et le Lili'igo.
L'enlèvement ou le rapt consiste à retirer Ego de l'existence pour en faire
un Fagnida
(esprit errant)
afin
de
satisfaire le
besoin
d'amour ou
l'instinct
de
maternité ou paternité du ravisseur.
Dans ce cas, la cible de l'attaque est le Lilïigo, l'être substanciel de l'Ego.
Le rapt, quand il est perpétré par les esprits errants, membres du lignage de la
victime, n'a pas besoin de forcer la barrière défensive, puisqu'ils sont de la maison.
Quand ils sont étrangers au lignage, le rapt, considéré comme un vol, se fait
souvent avec le consentement de l'Ego qui s'est laissé tromper et prendre dans les
pièges des Fagnideba. Pour arriver à leur fin, ces derniers ont dû forcer la barrière
défensive qui constitue la première cible de l'attaque. Une fois franchie cette étape,
l'objectif final est de s'emparer de la substance spirituelle, en désarticulant Ego du
pôle
phylogénétique:
l'Ancêtre.
Ils
coupent
l'axe
qui
relie
cette
substance
à
l'existence, Entre la capture et le retrait de l'existence (la mort), il yale temps de
la maladie. Ego agressé s'affaiblit et dépérit.
- 564 -

CHAPITRE 3.
DEMARCHE THERAPELJTIQUE
ET PROCESSUS DE LA RECREATION
DE LA PERSONNE-PERSONNALITE
Ce troisième chapitre se propose de valider
notre
sixième
hypothèse
qui
affirme que:
"La thérapie. qu'elle soit herboriste. rituelle ou les deux à la fois. est:

D'abord un processus d'identification de la nature de l'attaque et de sa
provenance;

Ce
processus
débouche
ensuite
sur
un
système
dynamique
d'actions
thérapeutiques (curatives) ordonnées et d'interactions ayant pour fins de neutraliser
l'attaque. de dénouer le conflit.

Le
résultat
escompté
est
le
rétablissement
de
"équilibre
rompu,
la
recréation
de
personne- personnalité,
i.e.
le
rétablissement
de
ses
liens
socio-culturels disjoints".
1. IDENTIFICATION DE L'ATIAQUE ET DE SA PROVENANCE.
L'identification du mal est la première phase de la démarche thérapeutique
(curative). Les procédures utilisées sont assez variées. Nous les avons brièvement
exposées dans l'analyse contextuelle: interrogation des défunts avant l'enterrement,
la consultation des esprits
(Kpeemba et Fagnideba), la mantique, etc. Nous
allons
voir ici comment ces méthodes permettent de cerner la maladie.
1.1. PROCEDURES DIAGNOSTIQUES.
Nous n'allons pas passer en revue toutes
les méthodes
qui permettent
la
lecture de tout message du monde d'en-bas. Nous nous limiterons à quelques-unes
qui,
sans
être
toutes
exclusivement
réservées
aux
diagnostics
des
troubles
de
santé, sont
plus constamment
utilisées
à
cet
effet.
Il
s'agit
essentiellement
de
l'examen du malade et de la mantique.
- 565 -

1.1.1. L'examen du malade.
1.1.1.1. Le rôle des signes.
Nous
avons
montré
plus
haut
que
le
Tada
n'utilise
pas
les
signes
pathologiques, signes observés par lui, les plaintes des patients, les signes observés
par nous, pour l'établissement du diagnostic différentiel et/ou pour la définition des
entités nosologiques.
D'abord,
le
regroupement
des
signes
en
ensembles
syndromiques
(nosographiques) ne constitue pas des
catégories
disjointes,
beaucoup
de
signes
pouvant se retrouver partout, rendant ainsi la classification confuse.
Ensuite,
la
présence
des
signes
dans
une
affection
donnée
n'est
pas
constante. Ai nsi, leur combinaison définissant chaque affection est très variable.
Cet état de choses ne semble pas gêner le praticien traditionnel qui, comme
dit
le
Professeur
I.Sow
"n'opère
pas
essentiellement
à
partir
des
catégories
cliniques externes banales,
visibles,
bien
définies et
connues
de
tous.
Son
rôle
consistera
à
articuler
de
manière
satisfaisante
la
maladie
déjà
là,
résistante,
reconnue, manifeste, avec l'univers latent de significations" (1).
Le Tada ne part donc pas des signes pour définir et classer les maladies,
mais plutôt de leurs causes qui déterminent les processus.
1.1.1.2. La vision directe de la maladie.
Quand
le
malade
se
présente
de
lui-même
devant
le
Tada.
ce
dernier
procède à l'examen. Comme nous venons de le dire, les signes cliniques ont peu
d'intérêt pour lui; même, si, au cours de l'examen, il procède par des touchers ou
toute autre manipulation du corps, telle que l'examen des yeux, et que certains'
signes retiennent son attention (décoloration des yeux, maigreur, pâleur .. .).
C'est la vision directe du mal qui permet au Tada de l'identifier et de poser
son diagnostic. Son regard de veyant
(Yenda), à l'instar des
rayons
X, perce le
phénomène corporel, jusqu'au nCKnène où le mal siège. Cette méthode est utilisée
essentiellement dans l'identification
du Be'ega.
Rappelons
que
le
Be'ega,
au
sens
d'envahissement interne et externe je l'être de l'Ego par des objets morbogènes,
agresse l'enveloppe corporelle:;cJs 3a forme noumir,euse et se manifeste au niveau
l
phénoménal
par
des
troubles
organiques
et/ou
fonctionnels
physiquement
et
sensiblement observables.
Le regard de la voyance cermet donc au Tada de repérer le Be'ega dans le
noumène corporel et de le locai iser.
Il en va de même de la c3.pture de j'Ego par le serpent (Génie orphidienL
(1),
Sow, 1., Les structures anthropologiques de la folie en Afrique Noire, Payot,
Paris, 1978, p69.
-
566 -

1.1.2. La mantique.
L'examen du malade n'est pas toujours possible. Souvent c'est la famille qui
consulte le Tada, comme elle le fait à la recherche de signification de phénomène
insolite susceptible d'être la voix, le langage du monde d'en-bas (Tinga). La maladie
en
tant que phénomène insolite entre dans ce cadre général. C'est
le
cas
des
affections plus profondes survenant brutalement
(brusquement), traÎ nantes ou
se
compliquant
malgré
les
traitements,
telles
que
les
attaques
sorcières,
les
enchaînements, les agressions ancestrales ...
Ces maladies frappant d'habitude plus gravement que le Be'ega, la famille
recourt souvent à la mantique où la présence du malade n'est pas nécessaire; elle
est même pratiquement inutile.
1.1.2.1. Définition et différents types de mantiques.
On distingue ordinairement deux types de mantiques, que le Professeur l.5ow
appelle
mantique
objective
ou
déductive,
et
mantique
inspwee .
• La mantique objective, essentiellement rationnelle "va déchiffrer les
évènements actuels à partir des configurations d'objets disposés par les procédures
aléatoires ou la lecture des signes d'écriture idéographique, ou pictographique ... " (1).
Pour atteindre cet objectif, déchiffrage des évènements, la mantique objective va
mettre
"en
branle
toute
une
série
de
techniques
déduc lives
et
d'interprétations
basées
sur
l'utilisation
des
séries
aléatoires"
(2).
Le
devin
est
un
véritable
interprète des phénomènes du hasard d'où il
cherche
à extraire, à dégager des
structures de signification régies par la nécessité, qui sous-tendent les apparences
aléatoires.
Il
cherche, en
fait,
à établir, à l'aide d'une clef,
des
homologies
de
structures et des correspondances entre les constituants de la structure de l'être
humain et les configurations obtenues
par des procédures
de distributions et de
combinaisons aléatoires représentant le règne du hasard que r:onstituent les lois de
la
nature.
La
mantique
déductive
veut
montrer
qU'3.ussi
bien
les
apparences
humaines que celles
cosmiques
ne
sont
pas
expliquées
par
les
lois
du
hasard,
comme l'observation nous le fait croire. mais qu'en-dessous du hasard existe un
univers de sens et de significations. Toute combin3.lson obtenue par des procédures
aléatoires a un sens qui se trouve par delà les lois de Drobabilité.

Quant à
la mantique
inspirée
(3),
eile est une
forme
de
vision
mystique,
non
discursive,
une
communication
directe
de
la
connaissance
suprasensible. qui fait l'économie du discours rationnel, une révélation par l'extase.
Le devin n'interprète pas, il est un messager. Dans un état extatique second, un
état de possession, de transe. il joue un rôle instrumental, médiumique. Il fait un
(1). Sow.
1., Les structures anthropologiques de la folie en Afrique Noire, Payot,
Paris, 1978. p61,
(2), Sow, 1., Op. cit. pS9.
(3), Sow. 1., Op. cit. ppS9-60.
-
567 -

voyage dans le monde spirituel, dans le monde d'en-bas. des dessous des choses.
d'où il sert de canal de communication entre le sacré et les humains. Les esprits
parlent aux hommes par sa bouche.
Il utilise peu ou pas du tout le matériel divinatoire. Les objets auguraux.
instruments
de
signification.
font
place
à
la
personne
du
devin.
Il
parle
sous
l'inspiration du monde spirituel sans avoir à déchiffrer les structures phénoménales.
1.1.2.2. La mantique du Tada Nawda.
C'est ce dernier type de mantique. la mantique inspirée. qui est utilisée par
les Tadeba dans le contexte culturel nawda.
Les résultats de l'analyse de nos données cliniques font apparaître que la
mantique
nawda
n'a
pour
matériel
divinatoire
qu'une
paire
de
cauris
dont
les
combinaisons configurantes aléatoires obtenues lors des consultations
n'ont aucun
caractère
de
signifiant.
renvoyant.
comme
dans
la
mantique
déductive.
à
des
structures de sens, de signifiés. Les cauris servent de miroir. C'est le devin qui est
"instrument. le médium. Par un état second, il entre en communication avec ses
épouses-esprits qui lui inspirent le message explicatif de la situation-problème.
1.1.2.3. Les techniques de la mantique nawda.
L'entretien, où le Tada est l'interviewé, est construit
selon
une dynamique
interactionnelle
duale
permettant
à
ce
dernier
d'utiliser
des
techniques
de
raisonnement hypothético-déductives et d'essais et erreurs pour analyser la situation
problème et repérer les conflits latents ou manifestes, larvés ou ouverts qui tissent
la trame de la problématique.
Cette démarche inspirée fait émerger la nature, l'origine et les motifs de
l'agression. et se conclut par la prescription d'éléments de solution.
1.2. DETERMINATION DE LA NATURE DE L'AGRESSION.
La mantique, aussi bien que la vision directe. permet d'abord d'identifier, de
définir,
la
nature
de
"agression.
En
effet,
la
connaissance
de
la
nature
de
"agression est essentielle pour l'orientation de la recherche de solution. L'agression
peut être d'ordre naturel ou surnaturel. Dans la technique "d'essais et erreurs", les
réponses du Tada alternent entre naturel et surnaturel. Il affirme l'un, aussitôt nié
et remplacé par "autre, jusqu'à ce qu'il se fixe définitivement sur la bonne réponse.
1.2.1. Agression d'ordre surnaturel.
L'3gression d'ordre surnaturel peut être causée par un élément du
monde
sensible (Faga) ou un élément du monde de dessous (Tingal.
- 568 -

1.2.1.1. L'agresseur est un élément de Faga.
L'agresseur désigné est défini comme relevant du monde sensible. du monde
de surface. Faga. Mais il utilise des forces de dessous, des machinations de Tinga.
Ce type d'agrèsseurs se recrute exclusivement parmi les êtres humains voyants. En
effet. eux seuls. par le pouvoir de la voyance, ont l'usage de l'énergie noumineuse
stockée en chaque être de Faga. Cette énergie ne devient opérationnelle chez les
non-voyants qu'après la mort qui transforme l'individu en pur noumène.
Donc, après avoir circonscrit le champ surnaturel de l'agression. le Tada
précise que c'est un Nagema. i.e. un voyant utilisant méchamment son pouvoir de
voyance.
1.2.1.2. L'agresseur est un élément de Tinga.
Ici. l'agresseur désigné est présenté comme faisant partie du monde spirituel
chthonien.
le
monde
de
Tinga,
qui
est
vaste,
car
tous
ses
éléments
sont
susceptibles d'agression surnaturelle. C'est pourquoi l'interviewer va chercher à fixer
les idées en passant en revue toutes les catégories d'êtres surnaturels chthoniens:
Les
Ancêtres
(Kpeemba),
les
Génies
protecteurs
(Tite),
les
esprits
errants
(Fagnideba, Kpamtiba).
1.2.2. Agression d'ordre naturel.
Ces t quand il utilise la procédure de la vis ion directe que le Tada se permet
quelquefois de dire qu'il "ne voit pas de maladie", i.e. que le noumène du malade
n'est pas agressé. Il dit quelquefois aussi que c'est le Sangban'am. air de Dieu, ou
bien que cela vient de Faga, du monde de surface, Comme son Yendem (voyance)
traverse le corps phénoménal, il ne peut préciser de quel type d'agression il s'agit,
à moins qu'il ne soit en même temps herboriste.
L'agresseur
utilise
son
énergie
phénoménale
pour
attaquer,
déforcer
le
phénomène de l'Ego.
1.3. ORIGINE POLAIRE DE L'AGRESSEUR.
La détermination de la nature de j'agression permet de situer "agresseur
dans l'un des pôles du système biodimensionnel de l'Ego.
1.3.1. Dimension horizontale.
La localisation de l'agresseur ace ulte au niveau du monde de Faga permet de
le
situer automatiquement
dans
la dimension
horizontale.
\\1
reste
maintenant
à
déterminer son appartenance pôlaire: il ne peut appartenir qu'au pôle biolignager ou
- 569 -

communautaire élargi.
1.3.1.1. Pôle biolignager.
Après
avoir annoncé
la couleur
sensible
(Faga)
de
l'agresseur.
le
Tada
précise qu'il est de la famille. de la Maison (A reda Haga). La Maison désigne ici
tout le lignage. le Da'anga. famille restreinte comme famille étendue.
Généralement. le Tada s'arrête là. Il ne va pas jusqu'à désigner nommément
l'agresseur, à moins que ce dernier ne constitue. pour la famille. un danger public
réddiviste. ou bien l'agression est une situation conflictuelle qu'il faut absolument
résoudre pour la guérison de l'Ego et prévenir l'installation du mal dans 1a famille.
ou encore l'instrument d'agression est' un Génie orphidien
(serpent) élevé par un
membre du lignage. qu'il faut chasser pour éviter la destruction de toute la famille.
C'est dans de tels cas et d'autres similaires. que le Tada doit dénoncer l'agresseur.
Si l'agression provient d'Ego lui-même. le Tada se contente d'inviter la famille
à l'interroger. ou l'interroge lui-même.
La dénonciation n'est pas nécessaire si c'est une agression sans suite. En
effet. le problème peut se régler.
En
désignant
l'agresseur
biolignager.
le
Tada
précise
la
nature
du
mal.
de
l'agression:
sorcellerie.
capture
par
le
serpent.
enchaî nement.
1.3.1.2. Pôle social élargi.
Si le biolignage est éliminé, le Tada s'oriente vers la communauté élargie. Il
dit alors que l'agresseur est en dehors de la Maison, c'est un étranger au lignage.
Le Tada pourra donner plus de précisions sur la catégorie sociale de l'agresseur
(son sexe. sa classe ou groupe d'âge) ou sa position géographique par rapport à
Ego (ses voisins. ses cohabitants .. .l.
Comme il s'agit généralement de Be'ega ou d'enchaînement. le problème peut
être résolu sans l'agresseur. Donc. sa désignation nominale n'a pas d'importance.
Remarque:
Le
refus
de
désigner
nommément
l'agresseur
humain
vivant
est
compréhensible dans la mesure où cela pourrait créer et entretenir des
\\ensions
sociales plutôt que les résoudre. les
dissiper. Comme nous
le disions plus haut,
c'est quand la dénonciation doit permettre d'éviter un malheur plus grand qu'elle est
conseillée et s'avère même nécessaire et obligatoire.
1.3.2. Dimension verticale.
1,3.2.1. Pôle ancestral.
L'agresseur localisé au niveau de Tinga. i.e. du monde surnaturel chthonien
se recrute nécessairement dans le pôle ancestral qui comprend les Kpeemba,
les
Tite (Génies protecteurs), les Fagnideba (esprits errants).
- 570 -

Le Tada est alors invité à préciser la catégorie d'appartenance de l'esprit
agresseur.
Ici, une désignation nominale s'impose dans la mesure où
l'agresseur
intervient directement dans le règlement du problème, une fois qu'on aura défini ses
exigences. les raisons qui expliquent son action. son attaque. Et sa désignation n'est
susceptible d'entraîner aucun danger de tension sociale.
1.3.2.2. L'axe cosmique (naturel.
Comme nous l'avons noté plus haut, c'est par l'examen direct du malade que
. le Tada constate
quelquefois
qu'il
"ne
voit
pas
de
maladie".
i.e.
qu'il
n'observe
aucune trace d'attaque dans le noumène.
Cette constatation exclut toute machination occulte et désigne un agresseur
(anonyme) du monde naturel. C'est un élément de Faga régi par les seules lois du
hasard,
i.e.
un
phénomène
fortuit,
aléatoire,
qui
est
l'agresseur.
L'affection
physiquement observée est considérée comme une simple manifestation apparente
sans contenu culturel. C'est Sangbande seul
qu i possède la clé des phénomènes
purement
aléatoires,
la
théorie
de
probabilité
étant
insuffisante
pour
en
rendre
compte.
1.4. RAISONS OU MOTIFS DE L'ATIAQUE.
Chaque fois que le Tada désigne l'agresseur (sa nature d'abord et son pôle
d'appartenance ensuite), il donne les raisons qui motivent son attaque, i.e. le conflit
éventuel qui oppose Ego à l'agresseur
(1).
puis, et
surtout. les exigences
de ce
dernier.
1.4.1. Raisons des attaques ancestrales.
1.4.1.1. Attaques des Kpeemba et du Tite.
Les
raisons
des
attaques
venant
des
Kpeemba
et/ou
du
Tite
(Génies
protecteurs)
sont souvent les
inconduites
de
l'Ego qui
consistent,
la
plupart
du
temps, en négligences ou omission de ses devoirs religieux. L'attaque est alors une
punition: on lui tire les oreilles, les vieux, les ancestres, lui donnent un coup de
canne pour le faire revenir de ses égarements, le remet tre sur la bonne vOÎe, il
est demandé qu'il se remette en règle avec l'ancestralité.
Linconduite peut être un affront, un conflit. non résolu. avec un membre de
la
famille,
devenu
par
la
suite
Kpéémma,
i.e.
un
membre
de
famille
mort
en
situation conflictuelle avec Ego. L'agression est alors une vengeance, ou mieux, un
chantage exigeant réparation (Fate).
L'attaque peut avoir pour motif de prévenir Ego d'un danger qui le menace:
(1), cf. cÎ-dessus.
-
571 -

c'est une "puce à l'oreille".
1.4.1.2. Les attaques des esprits errants.
Les
esprits
errants
attaquent
toujours
pour
des
intérêts
égoites:
amour-passion. instinct paternel-maternel.
Dans ces cas. soit ils exigent de se faire "asseoir" e~ être reconnus comme
époux et intégrés au cercle des esprits protecteurs. soit ils veulent emporter Ego
avec eux. utilisant la procédure de rapt. Rappelons que. dans le cas de rapt. les
esprits errants utilisent des moyens astucieux: leur agression peut consister à faire
manger à Ego leur nourriture que
le
corps -
enveloppe
ne
peut
digérer et
qui
intoxique le noumène corporel, visant à retirer Ego de "existence. et en faire un
Fagnida. un des leurs. Si la famille veut reprendre Ego déjà entre leurs mains. ils
exigent le remboursement intégral de ce qu'ils lui ont donné à manger.
Le rapt peut se faire directement sans passer par le piège du repas toxique
quand le ravisseur est un parent à Ego (père. mère. tante, oncle .. ,) devenu Fagnida.
La raison évoquée est qu'il veut prendre son enfant avec lui.
1.4.1.3. Ego. victime de remplacement. bouc émissaire.
Les raisons motivant l'agression ancestrale peuvent être extérieures à Ego:
d'autres ont fauté, il est désigné pour payer. Nous avons
vu plus
haut que les
inconduites
d'un
membre
du
lignage
ou
du
lignage
tout
entier,
les
tensions
conflictuelles entre membres du lignage ... peuvent être source de troubles de santé
de l'Ego. Nous avons
vu aussi que Ego peut intercepter une
agression
du
pôle
communautaire élargi destinée à un autre membre du lignage.
Tous ces phénomènes sont régis par les Ancêtres qui désignent Ego comme
victime de remplacement, ou comme bouc émissaire.
1.4.2. Raisons d.es attaques biolignagères.
1.4.2.1. Attaques sorcières et du serpent.
Les attaques sorcières, qu'elles consistent à dévorer Ego ou à l'intoxiquer
1
avec
la
chair
humaine,
ainsi
que
les
attaques
par
le
serpent,
ont
pour
motif
l'égoïsme, le refus du partage communautaire. On
veut avoir
toutE: la substance
lignagère pour soi. Le motif peut être aussi la jalousie, l'envie.
La dévoration consiste, pour l'agresseur, à vider
toute
la substance de la
victime pour gonfler la sienne, I_'agresseur transforme la substance existentielle de
l'Ego en la sienne. Comme les membres du lignage sont des vases communicants où
circule la même énergie, la même sève existentielle, l'agresseur, plus concentré en
force surnaturelle (Yendem, voyance), attire à lui. suce, boit toute l'existence de sa
victime. Il satisfait ainsi à la fois ses désirs carnassiers et de plénitude. Il
peut
aussi le vendre, le livrer à d'autres. soit pour de l'argent. soit par jalousie.
L'intoxication à la chair humaine et l'agression par le serpent ont surtout
- 572 -

pour
motif
la
jalousie.
l'envie.
L'agresseur
veut
éliminer
ou
faire
souffrir
un
concurrent. Par exemple. il n'a pas eu d'enfant et ne supporte pas que son frère
et/ou sa sœur en aient. Il en est jaloux. il les envie. Par l'intoxication à la chair
humaine. ou en incitant son serpent à les étouffer et dévorer. il va tenter d'éliminer
les enfants pour que son frère ou sa sœur et lui soient égaux.
1.4.2.3. Conflit avec Ego.
Une tension conflictuelle entre Ego et son agresseur pour diverses raisons
peut être le motif de "attaque morbogène. L'agresseur utilise
alors
son
pouvoir
surnaturel pour éliminer son frère devenu antagoniste gênant.
1.4.3. Raisons des attaques sociales.
Comme nous l'avons déjà vu plus haut. c'est souvent la concurrence entre
partenaires sociaux qui est à la base des agressions venant du pôle communautaire
élargi.
Les
partenaires
sociaux
ne
supportent
pas
les
prouesses,
les
réussites
sociales de "Ego. Ils "agressent par envie et jalousie.
1.5. PRESCRIPTIONS.
Une fois
que le Tada a circonscrit
le
mal,
sa
nature,
ses
causes,
son
origine,
les
raisons
qui
l'ont
motivé,
il
lui
reste
maintenant
à
proposer
des
. procédures pour "éradiquer. le neutraliser.
Les procédures de traitement varient selon la nature, l'origine du mal et les
raisons qui l'ont motivé. Nous les répartirons en trois groupes: le rituel religieux, le
rituel curatif du Tada, le traitement herboriste.
1.5,1. Le rituel religieux.,
Le
rituel
religieux
comme
procédure
curative
est
prescrit
dans
les
cas
d'agressions
ancestrales
qui,
comme
nous
l'avons
vu.
viennent
de
l'Ancêtre
(Kpeemba, Tite) et des esprits errants (Fagnideba ou Kpamtibal.
Dans cet ordre d'idée, nous envisageons le rituel religieux dans son sens le
plus large, englobant les négociations et tractations avec les esprits errants, qui, en
soi, ne sont pas de véritables actes religieux.
- 573 -

1.5.2. Le rituel curatif du Tada.
Ce rituel est prescrit dans les agressions biolignagères (sorcellerie, capture
de serpent, enchaînement) et les agressions provenant de la communauté élargie.
1.5.3. La cure herboriste ou médicale.
Le Tada recommande la cure herboriste ou médicale quand, à l'examen du
malade, il "ne voit pas de maladie", i.e. n'observe aucune trace d'agression morbide
dans le noumène, et conclut à une maladie explicable par le surnaturel ouranien,
appelée maladie naturelle.
Le Tada adresse alors le malade aux "docteurs" ou à l'herboriste.
1.5.4. Procédures associées.
Quelques maladies font l'objet de prescription de procédures thérapeutiques
associées. Ce sont celles qui ont une origine complexe .

Un Be'ega
(externe
ou
interne)
peut
être
l'agression
d'un
Tibe,
Génie
protecteur.
Alors
le
rituel
curatif
de
Tada
et
le
rituel
religieux
seront
prescrits
en
association.
Souvent,
la
cure
du
Tada
doit
suivre
les
cérémonies
religieuses qui résolvent d'abord les conflits avec l'ancestralité .
• Certaines maladies naturelles sont causées parce que la Maison, le
Haare, la Maison de j'Ego lui a tourné
le dos,
lui
a
retiré
sa ptotection
pour
inconduites
graves.
Le
traitement
médical
ou
herboriste
est
recommandé,
en
association avec un rituel religieux curatif.
Notons que le rituel
curatif est
souvent
associé au
traitement herboriste,
mais
pour
d'autres
raisons
que
la
double
origine
de
la
maladie.
Nous
aurons
l'occasion d'y revenir par la suite.
2. NEUTRALISATION DE LA MALADIE ET RETABLISSEMENT DE L'EQUILIBRE.
Les
procédures
curatives,
dans
leur
organisation
dynamique.
visent
à
neutraliser le mal, à réorganiser l'Ego et à le réarticuler à ses dimensions verticale
et/ou horizontale.
-
574 -

2.1. PROCEDURES CURATIVES, NEUTRALISATION OU MAL ET REORGANISATION
DE L'EGO.
2.1.1. Rituel religieux.
2.1.1.1. La libation.
Quand le Tada prescrit le rituel religieux curatif, la première démarche à
faire en cas de maladie grave est la
libation.
On
ne
peut, en
effet.
sacrifier.
immoler un animal, verser du sang dans la famille quand un membre est alité. C'est
le malade qu'on immolerait. La libation qui consiste à verser, aux Ancestres, de
l'eau
mélangée
à
de
la
farine
de
mil,
symbolise
la
nourriture,
la
paix,
le
raffraîchissement.
L'eau, nous l'avons vu, est le symbole de la nourriture: donner de l'eau à
quelqu'un, c'est lui donner à manger. L'eau mélangée à de la farine de mil symbolise
la pâte
confectionnée justement
en
mélangeant
de
la
farine
de
mil
à de l'eau
bouillante. La pâte est la nourriture de base.
Recevoir de l'eau de la main de quelqu'un, i.e. accepter de manger de sa
main, c'est signe de paix avec lui. Les conflits conjugaux. les scènes de. ménage se
traduisent
habituellement,
dans
le
comportement
de
l'époux,
par
le
refus
de
nourriture qu'apprête
l'épouse.
mère
de
maison.
Le
jour

l'époux
accepte
de
manger (de boire de l'eau) de la main de sa femme, c'est que le conflit est résolu
et la paix est revenue dans le foyer. C'est donc signer la paix avec un adversaire,
un antagoniste, que d'accepter de manger de sa main.
L'eau que l'on boit raffraîchit, apporte calme et paix du cœur. Une personne
assoiffée, brûlée par le soleil, â le cœur chaud; elle est irritable et dans cet état,
ne peut discuter; elle est susceptible et agressive. C'est pourquoi quand quelqu'un
rentre des champs, il faut le laisser d'abord boire de l'eau avant d'introduire tout
sujet de discussion. La chaleur du cœur réactive en effet tous les conflits latents.
L'eau apaise le cœur et
fait émerger à la surface les
meilleurs
sentiments.
le
système d'auto-contrôle. source de bonnes relations sociales.
Cette brève analyse permet de comprendre le sens de la libation curative;
elle est
faite
aux
Kpeemba
(Ancestres)
et
aux
Tite
(Génies
protecteurs)
avec
l
lesquels
Ego
malade
est
en
situation
conflictuelle.
Elle
neutralise
le
conflit
en
attendant
la
réparation
qui
va
consister
en
repas
sacrificiel
que
la
libation
symbolise.
Elle
est
destinée
à
calmer
le
courroux
ancestral.
Si
les
Ancêtres
acceptent la libation. cela signifie qu'ils signent la paix avec Ego et. dans ce cas.
l'état de santé de ce dernier doit s'améliorer comme signe de cette paix. 1/
doit
alors quitte~ le lit sans que nécessairement la maladie disparaisse totalement. C'est
pourquoi le s.acrificateur familial. en versant l'eau de libation, dit aux Ancêtres que
si c'est vraiment leur main qui pèse sur Ego (le rendant malade), cette eau doit
apporter paix et fraîcheur. entraînant une amélioration de son état de santé. afin
que lui-même procède au culte proprement dit. Oonc. la libation est une signature
de cesser-le-feu entre les deux parties en conflit avant la réparation.
-
575 -

2.1.1.2. Rites sacrificiels.
Si la maladie de l'Ego n'est pas grave, la libation initiale, préparatoire, n'est
pas nécessaire. Si faite, elle est suivie d'amélioration de l'état de santé du malade,
alors
a lieu
la phase
centrale
et essentielle
du
rituel
religieux
curatif:
le
rite
sacrificiel.
Ce rite consiste,
la plupart du temps, en immolation d'un animal: volaille,
quadrupède ... L'animal immolé est une victime de remplacement qui paie pour les
inconduites de l'Ego. qui prend sa maladie et meurt pour qu'il vive; son existence
est retirée à la place de celle de l'Ego.
Le sang de l'animal, sa vie sacrifiée, neutralisent le mal; ce mal, c'est le
retrait, par l'Ancêtre, du Lili'igo qui est la condensation de l'énergie ontogénétique
ancestrale constituant la substance de l'Ego. C'est ce retrait, nous l'avons vu, du
moins
le
ralentissement
de
l'émanation
énergétique
ancestrale,
qui
constitue
le
trouble de santé de l'Ego. La libation ralentit ce retrait et le rite sacrificiel l'arrête
totalement .. Ego en tant qu'individu ou en tant que représentant le lignage, i.e. bouc
émissaire, se réorganise, retrouve son unité, son équilibre.
2.1.1.3. Le troc et la négociation avec les esprits errants,
L'attaque, l'agression venant des esprits errants, consistant en enlèvement,
en
rapt de la substance de
l'Ego,
doit
être
neutralisée
par
un
rituel
de
troc,
Certains éléments, généralement un animal, exigés par les Fagnideba, sont échangés,
troqués contre la substance ravie et Ego retrouve son équilibre.
En cas d'amour-passion, qui est une forme de possession, le rite curatif
consiste à asseoir l'esprit amoureux, selon les termes d'une négociation. Une pierre,
symbole de siège, est plantée devant la chambre du possédé, en guise d'autel où un
culte sacrificiel (libation, immolation d'animaux) sera régulièrement offert à l'esprit
désormais intégré au cercle des forces protectrices de la maison.
Une fois
ses exigences
satisfaites, l'esprit
rétablit
la
santé
de
l'Ego,
lui
remet sa substance qu'il possédait, car c'est une forme de menace d'enlèvement qui
peut être effectif avec retrait de l'Ego de lexistence si ce dernier ne donne pas
satisfaction, en échange d'une relation désormais duel le (non possessive).
2.1.2. Modèle curatif exorciste.
2.1.2.1, Médicaments adjuvants, Notons d'entrée de jeu que les médicaments
agissent ici sur le noumène corporel, ils se comportent comme énergie noumineuse
et non comme principe actif biochimique qui relève du phénomène.
C'est dans ce sens que les médicaments sont utilisés dans les procédures
exorcistes,
soit
comme
facilitateurs
de
l'extraction
du
8e'ega,
soit
comme
neutralisants de son action lytique.
En
tant
que
facilitateurs,
les
médicaments
déforcent,
affaiblissent
l'objet
morbogène et le rendent facilement maîtrisable, neutralisable par j'acte curatif du
- 576 -

Tad a. Ils le déracinent, le font remonter à la surface, le décolent de l'organisme,
de la substance à laquelle il adhère.
En tant que neutralisants, ils s'attaquent à j'énergie morbogène du Be'ega,
non à lui-même. Ils neutralisent cette énergie toxique, le poison que le Be'ega émet
et qui peut être dangereux, durant lextraction, pour le Tada, ou qui se diffuse dans
le noumène corporel du mlade et continue à agir, à "intoxiquer après et
malgré
l'extraction.
Ils ferment
aussi les
plaies causées
dans
le
noumène
corporel
par
l'objet
morbogène:
ils
agissent
alors
comme
un
greffon;
ils
ont
une
action
de
remplissage du vide
malin.
Ils
agissent
aussi comme
une pompe évacuatrice
des
séquelles du mal, des
saletés
laissées
dans
les
viscères
par
l'objet
morbogène.
L'évacuation se fait sous forme de diarrhée en cas d'indigestion et de constipation
toxique de chair humaine.
2.1.2.2. Procédure d'extraction buccale.
L'extraction buccale est une destruction du mal par
dévoration symbolique.
C'est une lutte orale avec le mal: le Tada mange, absorbe symboliquement le mal
pour le neutraliser, le tuer. En effet, il le prend dans sa bouche, puis le rejette. Sa
puissance lui ,permet de le rejeter, contrairement au malade qui ne peut pas. En
prenant le mal
dans
sa bouche, le
Tada
prend
aussi
la
chair
(noumineuse)
du
patient dans laquelle il
s'était englué;
il
détruit, meurtrit le corps
noumineux
du
patient avant d'atteindre et d'extraire le mal. C'est une véritable chirurgie
avec,
comme bistouri, les dents du Tada,
Et puis, dans l'extraction de la chair
humaine indigeste, le
Tada suce
les
morceaux de celle-ci dans sa bouche, qu'il rejette.
En définitive, dans l'extraction du Be'ega comme celle de la chair humaine. le
Tada ne peut éviter de manipuler, dans sa bouche,
la chair humaine.
C'est pour
cette raison qu'il doit s'initier au canni balisme sorcier en achetant et consommant la
chair humaine au marché sorcier.
2.1.2.3. Procédure manuelle.
La procédure manuelle d'extraction du Be'ega ressemble à celle buccale dans
la mesure où le Tada affronte le mal corps à corps, sans utiliser d'instrument. Ici,
il le maîtrise, le neutralise avec la force de sa main; il exerce
sur lui la force
physique
manuelle:
ceci
rappelle
le
mécanisme
de
la
lutte
coutumière

les
protagonistes
se
servent de leurs
mains pour
maîtriser j'adversaire,
l'empoigner,
comprimer son énergie.
D.ans la procédure buccale comme dans celle manuelle. le Tada prend en lui
et sur lui le mal pour le maîtriser avec sa force noumineuse, avec le risque que le
mal se retourne contre lui, ait raison de lui, et l'attaque. C'est pour cela qu'il est
obligé quelquefois de prendre des adjuvants préventifs.
2,1.2.4. Procédure chasse-mouche.
Par ce procédé,
le mal est chassé
du
corps
du
malade;
il
est
évacué,
-
577 -

éloigné par la chasse. Le chasse-mouche exerce une force attractive sur le mal
introduit dans le corps du malade, et d'expulsion, le neutralise par expulsion. Le
Tada livre ainsi la chasse au mal et en débarrasse le corps infesté du patient.
2.1.2.5. Procédure canif ou couteau.
Le Tada, par le canif ou le couteau, détruit le mal en
le
découpant en
morceaux, l'empêchant ainsi de nuire. Le filet mis en morceaux perd sa capacité
d'emballer, d'emprisonner l'énergie vitale; il ne peut plus servir de piège. Le filet
découpé
meurt,
s'anihile.
L'être
de
l'Ego
peut
ainsi
retrouver
sa
liberté,
son
rayonnement puisqu'il n'est plus emballé, inhibé, comprimé. Par la destruction du
mal-filet, le Tada libère l'énergie vitale existentielle qui était en
train
d'étouffer,
d'être comprimée.
Les
procédures
curatives
exorcistes
libèrent
l'être
de
l'Ego
du
mal
qui
l'envahit, et le déforce. Le Tada procède à la destruction du mal libéré. L'énergie du
patient libérée retrouve son unité, son rayonnement et son épanouissement.
2.1.3. Modèles curatifs endorcistes.
Les
procédures
endorcistes
utilisent
des
techniques
variables
selon
qu'il
s'agit de délivrance des Nane'e de l'Ego, de la substance de "Ego ravie, enlevée "par
les Fagnideba, les sorciers, ou capturée par le serpent.
Notre analyse se limitera ici à la technique de délivrance des Nane'e de l'Ego
emprisonnés, la seule que nous ayons eu j'occasion
d'observer
dans
la
pratique
clinique de la cure.
2.1.3.1. Recherche de Nane 'e cachés par le ravisseur.
Par son
Yendem
(voyance)
le
Tada
circonscrit
la
région

est
cachée,
emprisonnée la substance de l'Ego malade. Il explore cette région, découvre le lieu
de la cachette qui fait l'objet de fouille systématique.
Le premier problème à résoudre dans le processus de délivrance des Nane'e
est de savoir où on les a emprisonnés. " faut les découvrir, sinon, on ne peut les
délivrer et les ramener'. La délimitation de la région par l'exploration. puis du lieu de
la cachette et le travail de fouilles systématiques sont absolument primordiaux. C'est
seulement un voyant qui peut procéder à cette recherche. Le Tada qui utilise sa
voyance pour le bien public est le mieux placé. Il y a en effet des voyants méchants
qui découvrent des Nane'e emprisonnés et Ie.s cachent davantage.
2.1.3.2. Recueil des Nane'e.
Au fur et à mesure que les Nane'e sont découverts, le Tada les recueille
délicatement. les soigne s'ils sont blessés au cours des fouilles, et les met dans
une boîte (flacon) pour le transport à la maison.
- 578 -

Les Nane'e découverts et délivrés, mais non recueillis, deviennent des êtres
errants dans la nature, à travers les champs, toujours séparés, dissociés de l'Ego.
Le recueil des Nane'e est donc la deuxième étape importante de la procédure de
délivrance-réintégration. En effet, même à l'Intérieur de la concession, quand on volt
un Nanega en train d'errer, on doit le ramasser et le mettre sur le toit d'une des
cases, de préférence celui du séjour des morts ŒakombéL
2.1.3.3. Réintégration des Nane'e et réunification de l'Ego.
La phase centrale, essentielle de la procédure est la réintégration structurale
de l'Ego. L'élément 'séparé, dissocié de la structure est ramené et réintégré au
système. Le Nanéga, substance vitale de l'Ego, noyau qui vivifie Ego total en tant
qu'être à la fois
matériel et spirituel, et qui était emprisonné, enchaîné loin de
l'ensemble, est restitué. Le désordre structural que constituait le trouble de santé
créé, provoqué par cette dissociation, est ainsi réparé, Ego réorganisé.
La
restitution
de
son
Nanega
à
Ego
s'opère
par
un
rituel
symbolique:
vaporisation sur le patient et les Nane'e d'un produit médicamenteux dissous dans
de l'eau, roulement des Nane'e autour du corps de l'Ego, soufflement dans
ses
oreilles.
Le Tada dit lui-même, en vaporisant l'eau sur le patient, que c'est pour le
réveiller. Quand quelqu'un s'évanouit, perd
connaissance,
on
l'arrose
d'eau
froide
pour le réveiller. Nous savons que le corps sans le Nanega, noyau vital, dépérit,
s'évanouit. Ce mélange d'eau et de médicament vaporisé
sur Ego et son Nanega
réveille, mais agit aussi comme suture qui rattache le Nanéga à la structure de
l'Ego. En effet, sa dissociation a provoqué .un traumatisme. Il n'est pas en soi une
entité séparable de l'ensemble. Donc, la dissociation a été une véritable mutilation.
La restitution, la réintégration est un véritable processus de soudure par suture. Le
médicament dissout dans l'eau de vaporisation agit comme fil (ou colle) d'essence
noumineuse, ce n'est pas une action biochimique.
Après
donc
avoir
induit
les
deux
éléments
(corps
et
Nanega)
de
colle
(solution médicamenteuse), le Tada va procéder à la soudure: il roule les Nane'e sur
le corps et tout autour de celui-ci,
surtout la
tête et le tronc.
Il souffle dans
chaque oreille quand il
arrive
à
son
niveau:
ce
sont
des
orifices
conduisant
à
l'intérieur de l'être, mais pas au noumène. Le noumène. nous le savons, n'est pas
topographiquement situé; il nest pas intérieur ou extérieur au corps; il est esprit,
donc non localisable; il est une façon d'être de l'être humain total. Donc. le Nanéga
en tant que noumène est inséré à l'être humain où il reprend sa place de noyau
vital. il est infusé dans l'être humain qui redevient vitalisé.
i2 .1.3 .4. Médicaments adjuvants.
Nous venons de voir
l'action suturale du
médicament
mélangé
à l'eau
et
vaporisé sur le patient et le Nanéga. Ici, il agit comme ciment, comme colle.
" agit aussi comme réveil: mélangé à l'eau et vaporisé sur le patient, il le
réveille le fait revivre, le sort de son évanouissement.
- 579 -

Absorbé ou induit sur le corps, le même médicament neutralise les effets
traumatiques de la dissociation. Il cicatrise les
traumatismes, fait
disparaTtre les
signes observés de la maladie.
Rappelons que toutes ces propriétés se comportent comme des adjuvants. Le
médicament ne peut, en effet, tout seul guérir. Il ne peut pas construire tout le
mécanisme curatif de la procédure. tel que nous
l'avons analysé. Il ne constitue
qu'un facteur secondaire de la causalité thérapeutique.
2.1.4. Modèle curatif herboriste.
2.1.4.1. Les plantes et le corps phénoménal.
Dans le traitement des maladies naturelles qui n'atteignent pas le noumène
de
"Ego,
les
plantes
déploient,
comme
principe
actif,
curatif.
leur
énergie
phénoménale. i.e. l'action biochimique. Cette action est inefficace dans les agressions
profondes
qui
siègent
au
niveau
du
noumène,
puisqu'elle
ne
dépasse
pas
le
phénomène.
Les agressions naturelles régies par, les lois du hasard, et non explicables
culturellement,
désorganisent
Ego
en
tant
que
phénomène.
C'est
l'énergie
phénoménale, naturelle des plantes qui neutralise ce désordre.
2.1.4.2. L'énergie noumineuse des plantes dans le traitement herboriste.
Si le traitement herboriste n'utilise les plantes et les médicaments que sous
leur
forme,
leur
manière
d'être
phénoménale.
l'énergie
nc.~Jmineuse qui fonde le
phénomène ne reste pas pour autant inactive. Elle intervient comme support des
apparences
phénoménales
qui
sont
justement
les
manifestations
sensibles
du
noumène. vraie
substance.
et
ne
peuvent
être
et
exister
sans
lui,
Et
puis,
le
traitement est une réalité. une force hautement surnaturelle, de Sangbande. appelée
Médicament
(Ragre J,
prenant
ainsi
le
nom
du
produit
médicamenteux
qui
la
symbolise.
C'est dans ce sens que l'herboriste n'utilise pas la plante comme un objet
quelconque. Il ne la manipule pas comme un légume, des feuilles à faire la sauce. Il
communique avec elle par des
rites.
Le
traitement
herboriste
suit
en
effet
un
certain rituel: on doit toujours remplir certaines conditions pour pouvoir découvrir la
plante, qu'on ne
cueille
ni n'arrache n'importe
quand
et
n'importe
comment.
La
transformation de la plante en produit médicamenteux est
régie
par
des
règles
rituelles. Sa prise par le malade obéit à un système rituel. L'herboriste entretient
donc un dialogue cons t'::ln t avec la plante. symbole de la puissance divine. force de
Sang bande qui peut toujours refuser de guérir si certaines conditions ne sont pas
remplies.
Une cérémonie rituelle, voire cultuelle impliquant immolation d'animaux, clôture
pratiquement
toujours
la
fin
du
traitement,
afin
que
la
maladie.
identifiée
au
médicament (Ragre) 'quitte définitivement la maison de l'Ego. Si ce rite n'a pas lieu.
-
580 -

c'est comme si le malade n'est pas guéri. Le Médicament y restera, retournant sa
force destructrice de la maladie contre les bien portants. Ego peut ainsi rechuter
ou quelqu'un des siens peut prendre la relève et souffrir de la même maladie. Le
Médicament
peut
faire
même
plusieurs
victimes
à
la
fols
créant
une
sorte
d'épidémie
familiale.
1\\
faut
absolument
la
cérémonie
de
sortie
pour
sortir
le
Médic.ament de la maison. Cette cérémonie ne s'adresse pas aux Kpeemba, force
chthonienne, mais à Ragre comme force ouranienne.
2.2. REARTICULATION POLAIRE DE L'EGO.
2.2.1. Cure herboriste et réarticulation avec la nature.
La plante, le médicament, élément de la nature et symbolisant celle-ci, la
condensant, sert de pièce d'articulation de l'Ego avec elle.
C'est en effet essentiellement par la plante que "homme est lié à la nature,
entretient des échanges
avec
elle;
la
plante est
source
de
nourriture.
C'est
à
travers la plante que l'homme assimile la nature à sa substance. Nous avons vu que
toute l'économie nawda est fondée sur "agriculture: les grains, les légumes ... sont
source de subsistance.
Ils
maintiennent
la
vie,
élaborent
la
substance
de
l'être
humain en tant que phénomène, i.e. en tant qu'un des éléments de la nature. La
désarticulation, la coupure d'avec la nature consiste justement, nous l'avons vu, à
agresser et détruire cette substance qu'Ego a en commun avec la nature, à la nier,
à nier l'appartenance d'Ego à la nature, son existence en tant qu'être naturel. En
d'autres
termes,
la
négation
de
l'appartenance
de
l'Ego
à
la
nature
est
sa
destruction, par la nature (microbes), en tant qu'être naturel.
Pour le réarticuler avec la nature, il faut refaire sa substance phénoménale.
La plante qui participe à l'élaboration de cette substance (en tant qu'aliment) est la
mieux placée pour la reconstru ire (en tant que médicament), et raccrocher ainsi
Ego à là nature, au système cosmique physique dont il fait partie. Elle lui redonne
l'énergie substantielle qui es t le corps phénoménal, et par laquelle il fonctionne dans
le système cosmique naturel comme un élément du système.
La cure médicale est perçue comme agissant dans
le même sens
que la
cure
herborisle.
Elle
n'intéresse
que
le
phénomène
qu'elle
corrige,
répare,
en
mettant en branle uniquement l'énergie
phénoménale
des
produits
médicamenteux
élaborés à partir d'éléments naturels, et/ou des procédures naturelles.
2.2.2. Rituel religieux et l'articulation avec l'ancestralité.
Comme
nous
le
disions
dans
l'analyse
contextuelle,
le
culte
religieux,
sacrificiel, est la pièce d'articulation vitale entre les existants humains et le monde
sacré. Le courant vital ontogénétique entre "Ancêtre et les existants humains passe
- 581 -

par l'acte religieux qui fonctionne comme un disjoncteur: il maintient le courant vital
entre la Source (Ancêtre) et le point d'alimentation (existants humains) quand il est
branché, i.e. quand la relation culturelle est maintenue; il coupe le courant quand la
relation religieuse est interrompue.
C'est cette interruption qui désarticule Ego de l'Ancêtre.
Notons que la relation religieuse ne se réduit pas aux rites religieux, malgré
l'importance
capitale
de
ceux-ci.
EHe
englobe
toutes
les
conduites
morales
conformes à la Tradition Sacrée qui est le Verbe, la Loi de l'Ancêtre. Tout écart de
cette Loi disjoncte l'Ego de la Source Ancestrale de son être, de son existence et
de sa vie. La relation religieuse, c'est la vie.
La réarticulation de l'Ego avec l'Ancêtre est le rétablissement du courant
ontogénétique par l'acte religieux.
La libation neutralise le conflit qui oppose Ego à l'Ancêtre, si celui-ci veut
bien l'accepter. C'est quand il l'accepte que le malade récupère un peu: cela veut
dire que le courant passe de nouveau, i.e. que l'Ancêtre recommence de nouveau à
diffuser son énergie constitutive de l'être, le Liliïgo de l'Ego. La désarticulation de
l'Ego d'avec l'Ancêtre est une mort pour lui. puisque la substance qui constitue son
être, le Liliïgo, cette parcelle de l'Ancêtre est retirée. Pour la retrouver, il faut la
rejoindre chez l'Ancêtre, i.e. sortir de l'existence; il
doit donner sa vie, l'envoyer
chez l'Ancêtre pour
raccrocher
avec
la
substance.
Ce
qui
signifie,
en
d'autres
termes,
que
pour
récupérer
sa
substance
(Liliïgo)
qui
fonde
sa
vie
et
son
existence, .Ego
doit
mourir.
Le
culte
religieux
résoud
ce
dilemme.
Il
constitue
symboliquement cette mort de l'Ego. L'animal immolé. victime de remplacement, de
substitution, symbolise la mort de l'Ego. Son existence est retirée à la place de
celle de l'Ego. Sa vie en tant que symbole de celle de l'Ego remonte à la Source
(Ancêtre). raccroche la substance de l'Ego et rétablit ainsi le courant ontogénétique
entre lui et la Source.
C'est ce
thème de mort symbolique qui se retrouve
sous
une
forme
de
marchandage dans le cas où cette coupure d'avec l'Ancêtre est opérée par des
esprits errants, les Fagni deba ou Kpamtiba, qui volent la substance: on doit troquer
des denrées alimentaires ou des animaux contre la substance de l'Ego. En effet,
comme nous l'avons vu, c'est Ego qui a vendu sa substance contre de la viande ou
de la nourriture. piège que les esprits errants tendent souvent aux enfants. Ego a
accepté d'aller vivre chez eux en acceptant de manger ce qu'ils lui donnent et par
le fait même. se fait enlever, se désarticulant de l'Ancêtre.
2.2.3. Rituel curatif du Tada et réarticulation avec l'horizontalité et la verticalité.
2.2.3.1. Exorcisme et réarticulation sociale.
L'exorcisme
en
neutralisant
l'agression
sociale
lancée
contre
Ego,
libère
et/ou reconstruit l'énergie sociale de ce dernier, lui permettant ainsi de raccrocher
avec
la
communauté
élargie
source
de
son
identité
culturelle.
L'énergie
libérée,
- 582 -

restaurée par la cure exosciste, rayonne à nouveau, permettant à Ego de reprendre
ses activités collectives par lesquelles il se construit en
tant que membre de la
communauté, réalisant les valeurs culturelles.
2.2.3.2. Endorcisme et réarticulation biolignagère.
La sorcellerie, l'enchaînement, la capture par le serpent... sont des procédés
de négation de l'existence biolignagère de l'Ego.
Les
procédures
endorcistes
qui
consistent
à
réunifier
l'Ego
dissocié,
rétablissent par là son existence niée, et le réarticulent au biolignage, source de
cette existence. Son existence vidée, sucée par l'agresseur lui est restituée,
le
ressoudant au courant existentiel du lignage, à la sève vitale qui fait exister tout le
lignage en coulant dans l'être de tous les membres, véritables vases communicants.
2,2.3.3. Endorcisme et réarticulation ancestrale.
Nous
avons
vu
que
la
restitution
des
Nane'e
au
malade
est
suivie
de
l'immolation d'un poulet quand l'agression dissociative a été l'œuvre des Ancêtres.
Nous retrouvons là le thème fondamental de la réarticulation à l'Ancêtre par la mort
symbolique dans le rite religieux que nous avons développé plus haut.
Mais toute délivrance de l'enchaînement, après les rites
de restitution,
se
clôture tou jours par l'introduction des Nane'e libérés dans le toit du séjour des
morts (Kpeemba).
Ce rite symbolique est très significatif de l'articulation de tous les membres
du lignage à "Ancestralité familiale. Le Nanega, noyau vital, est la forme existentielle
de la substance. Lili'igo, qui est la parcelle de l'Ancêtre dans chaque Ego. Le nanega
est la forme vitale du Lilïigo. Son enlèvement et son enchaînement coupent Ego de
l'Ancestralité. Ainsi donc, son intégration à la structure individuelle de l'Ego ne suffit
pas, ce dernier ne pouvant vivre, exister coupé de l'Ancêtre. Son introduction dans
le
séjour
des
morts
constitue
l'articulation
de
la
vie
de
l'Ego
à
l'Ancestralité
familiale, source de la vie et de l'existence de tout le lignage.
Ainsi
le
traitement,
qu'il
soit
herboriste
ou
cultu el,
est
une
véritable
recréation de l'existence de "Ego dissociée, détruite, niée par l'agresseur, négation
qui se manifeste par la maladie. La réorganisation de l'Ego nucléaire ne suffit pas,
car ce noyau tire son existence des pôles fondamentaux qui sont les sources de
ses différentes formes ou modalités d'exister, Ego nucléaire reconstruit doit donc
être réarticulé à l'axe, au pôle dont la maladie le coupe,
- 583 -

CHAPITRE 4:
LE CLIMAT DE LA RELATION
ET PROBLEME DE LA GUERISON.
Dans ce dernier chapitre, nous allons procéder à l'analyse des septième et
huitième hypothèses de notre étude. Rappelons que ces hypothèses affirment que:
"Les modifications de l'état morbide observées pendant et au terme de la
cure, et sous
l'action
supposée
de celle-ci
pourraient
être
le
signe
du
degré
d'adhésion du malade aux représentations collectives actualisées et vécues dans la
cure"
"Au cas où l'adhésion ferme du malade aux représentations collectives est un
fait admis, la modification négative (aggravation) ou positive (amélioration) de "état
morbide serait le signe du degré de confiance dans le climat de relation
entre
patient et soignants".
1.
ADHESION
CULTURELLE
ET
CONFIANCE
AU
TADA
DANS
LA
RELATION
THERAPEUTIQUE.
1.1. ADHESION CULTURELLE.
1.1.1. Définition.
1.1.1.1. Adhésion.
Adhérer à une chose, dans le sens physique du terme, c'est tenir fortement,
se coller, se souder presqu'à cette chose.
Dans un sens plus moral, adhérer c'est devenir membre d'une
association,
d'un
parti, en partageant évidemment ses opinions, ses croyances, ses convictions, etc.
1.1.1.2. Adhésion culturelle.
Nous entendons "adhésion culturelle dans le deuxième sens de la définition
ci-dessus, i.e. le sens moral.
Dans ce sens, pris littéralement, l'adhésion culturelle serait le fait de devenir
membre d'une culture. partager ses représentations, ses croyances, ses convictions,
ses pratiques. Ce serait une sorte de "conversion culturelle"., c'est-à-dire qu'un
individu se convertirait à une culture étrangère à la sienne, ce qui impliquerait une
- 584 -

situation conflictuelle avec certains éléments de
sa
propre culture
entraînant
le
refoulement, le rejet, total ou partiel, de celle-ci et son remplacement par la culture
d'adoption, ou un syncrétisme ..
Mais nous n'attribuons pas. à l'adhésion culturelle. ce sens de conversion.
Nous lui assignons plutôt le sens du résultat de l'enculturation. i.e. le "processus de
conditionnement par lequel un individu assimile, au cours de sa vie, les traditions
LJ de son groupe et agit en fonction de celles-ci· (1). Le processus d'enculturation
aboutit à la formation
de ce
qu'on
a appelé ethos,
Le.
le
"caractère
habituel
possédé en commun par les membres d'une société déterminée. L'ethos correspond
à un ensemble hiérarchisé de valeurs sociales qui donne à chaque culture son
caractère propre ..." (1). L'ethos constitue l'identité culturelle qui est la participation
de tous les membres d'une collectivité, d'un peuple au même système de valeurs, de
croyances, de représentations, de pratiques ...
1.1.2. Indicateurs d'adhésion culturelle nawda.
Les représentations, les croyances. les pratiques sociales que nous avons
étudiées
dans
le
Li vre
1 de
notre
travail
constituent
les
indicateurs
d'adhésion
culturelle que l'on doit s'attendre à rencontrer chez un Nawda enculturé.
Les malades que nou,s avons observés et
interviewés
durant la cure, ont
traduit, dans leurs
réponses
à nos
questions, leurs
réactions, leurs attitudes et
pratiques ... leurs degrés
d'adhésion
culturelle
par
ces
différents
indicateurs
que
nOI)S tenterons de définir.
1.1.2.1. La représentation de l'univers,
La représentation
biodimensionnelle de l'univers physique et social est une
référence culturelle. Un enculturé Nawda devrait en principe se représenter l'univers
sous ses deux dimensions, i.e. deux modalités d'exister: en tant que noumène et
phénomène, condensé du surnaturel (chthonien ou Tinga, et Ouranien ou Sangbande)
et du naturel
(Faga), dont les éléments
concentrés d'énergie s'organisent en
un
système dynamique où la dialectique interactionnelle, sour'ce de tensions conflictuelles
et
de
liaisons .constructives
explique
les
transformations
structurales
négatives
(malheur. maladies .. '> et/ ou positives (réussites, guérisons, épanouissement ... ).
1.1.2.2. Représentation du composé humain.
Un autre indicateur culturel est la représentation du composé humain comme
une structure biodimensionnelle
(noumène
et
phénomène)
de
quatre
éléments
ou
aspects, articulée à deux dimensions tripolaires. faisant de l'Ego une émanation de
l'énergie divino-ancestrale, qui lui confère un être à la fois matériel (élément de la
(1), P anoff, M. et Parain, M, Dictionnaire de l'ethnologie, Payot, Paris. 1973.
- 585 -

nature phénoménale) et spirituel, puis membre d'un biolignage et d'une communauté
élargie.
1.1.2.3. La maladie.
Un autre indicateur de fa culture est la représentation de la maladie, son
processus, ses causes, les facteurs de la guérison ... telle que nous l'avons analysée
plus haut. Elle doit être vécue chez le Nawda encu/turé comme un cas particulier
de la logique du malheur, dénouement malheureux de la dialectique interactionnelle
cosmique dont Ego est l'un des acteurs.
1.1.2.4. L'organisation et
les
pratiques
politico-sociales et
religieuses
sont
construites à base de système théorique qui doit être complété
par les
autres
éléments analysés dans le Livre 1 et au début du Livre 2.
Si nous trouvons ces indicateurs chez un individu Nawda. nous concluons à
son adhésion culturelle. En effet, cette investigation est nécessaire dans la mesure
où tous les ressortissants Nawdeba ne sont pas nécessairement imprégnés de la
culture Nawda. Nous connaissons en effet des cas où des individus nés de parents
Nawdeba dans un milieu culturel étranger. sont totalement imprégnés par la culture
d'adoption et n'ont rien de Nawda que le sang. Il serait int éressant d'étudier un de
ces cas en cure traditionnelle Nawda. Notre échantillon de malades n'en contient
pratiquement pas.
1.2. CONFIANCE AU TADA.
1.2.1. Notion de confiance.
1.2.1.1. Confiance.
La confiance est le sentiment d'assurance. de sécurité de celui qui se fie à
quelqu'un, à quelque chose.
Avoir confiance en quelqu'un. c'est le considérer comme source de sécurité,
comme garant contre tout mal, tout danger; en face de la personne de confiance,
on n'a rien à redouter. Cette personne possède certains attributs. fantasmés ou
réels. qui inspirent ce sentiment de sécurité et qui lu i confèrent une image de toute
puissance.
1.2.1.2. Confiance au Tada.
Le Tada est vécu comme source de sécurité contre le danger de mort. Il
garantit,
rassure
contre
la
menace
de
mort
que
constitue
la
maladie
et
plus
généralement contre le malheur. Le Tada est vécu comme tout-puissant.
- 586 -

1.2.2. Indicateurs de la confiance au Tada.
1.2.2.1. La toute-puissance du Tada.
L'analyse des données cliniques a fait ressortir l'image de toute-puissance du
Tada.
Le Tada est perçu par les patients comme plus
fort que le Nagema (le
malfaiteur occulte), auteur du mal en général et de la maladie en particulier. Il est
plus fort que les forces du mal de toutes
catégories:
forces
de
Tinga
comme
forces
de
Faga.
Le
Tada
inspire
ainsi
sécurité,
garantie
contre
ces
forces
redoutables contre lesquelles le peuple n'a aucun pouvoir. surtout quand la Maison
tourne le dos, retire sa protection.
Les sources de cette puissance du Tada sont:

D'abord la voyance, force surnaturelle qu'on ne peut acquérir
ni
tenir de ses parents, mais qui est le don de Sang bande (Dieu) créateur.

Vient ensuite
la vocation,
par
laquelle
le
monde
divino-ancestral
sacré délègue au Tada sa toute-puissance contre les forces du mal. Le Tada est
élu, choisi parmi plusieurs voyants pour mettre sa voyance, cet équipement naturel,
au
service
du
bien
contre
le
mal.
Concentrant
en
lui
la
force
du
monde
divino-ancestral, le Tada devient plus fort que les autres voyants parmi lesquels se
recrutent les Nagemba, ces représentants humains des forces du mal.
Cette compétence permet ainsi au Tada de neutraliser le mal, la maladie. Il
voit directement, à travers l'être humain. la maladie, il circonscrit tous les malheurs
par
la
technique
de
la
mantique.
Par
ses
conduites,
il
détruit
le
mal
mis
à
découvert par lui.
Le
Tada
est
ainsi
doué
d'une
compétence
par
délégation,
qui
le
rend
performant dans la lutte contre le mal.
1.2.2.2. Valeur rassurante des attitudes thérapeutiques du Tada.
Le Tada rayonne cette toute-puissance dans ses comportements et attitudes
thérapeutiques. L'analyse des données cliniques a fait ressortir ce rayonnement dans
la relation thérapeutique du Tada avec le malade.
Il adopte une attitude d'autorité où il est persuasif, convaincant, menaçant au
besoin, amenant le malade à avouer des choses qu'il voulait cacher. " menace par
exemple de renoncer à la lutte qu'il a engagée contre la maladie si le malade ne
reconnaît pas son implication dans la cause de sa maladie, ou s'il ne cesse pas
certaines pratiques
favorisant ou renforçant la
maladie,
telles
que
les
pratiques
sorcières.
Le
Tada
montre
ainsi
qu'il
est
réellement
voyant:
rien
ne
peut
lui
échapper; son regard perce jusque dans l'intimité la plus secrète du cœur humain,
comme il perce jusqu'au noumène pour détecter la maladie. Son autorité se traduit
aussi par la fermeté dans j'exécution, par le malade, des prescriptions curatives.
Le Tada adopte aussi une attitude magistrale. d'enseignant montrant par là
sa martrise de J'univers de sens qui constitue un système
théorique cohérent où
tous
les faits
s'intègrent et
trouvent
leur
signification.
Il
se
pose
ainsi
comme
- 587 -

dépositaire de la Tradition sacrée, source de sécurité collective. Le Tada explique,
par exemple, au malade le processus de la maladie qui le ronge, la relation entre
les troubles observés et/ou vécus par le malade et le type de mal qui les cause,
puis comment les forces du mal ont agi, et comment les actes curatifs agissent,
procèdent pour neutraliser ces forces.
Face à l'angoisse du malade, il adopte des ~ttitudes sécurisantes: il dissipe
les inquiétudes du malade, en le rassurant que son mal n'est pas grave, qu'il a tout
ce qu'il faut pour le neutraliser. Puis il rassure contre l'agresseur méchant qu'il dit
connaître; il fera tout pour qu'il ne· recommence pas son attaque morbogène. Il
dénonce parfois ce dernier, quand il est un
Nagema, et
menace
de
le
traîner
devant le tribunal s'il est prêt à recommencer. Il tue l'esprit malin qui perturbe la
vie de la jeune femme, détruit sa progéniture.
1.2.2.3. Attitudes confiantes du malade.
Toutes
ces
attitudes
rassurantes
du
Tada
renforcent
son
image
de
toute-puissance sécurisante, et renforcent la confiance du patient.
Les attitudes de ce dernier face au diagnostic du Tada sont significatives: il
accepte, confirme le diagnostic et/ou s'y abandonne sans commentaire: le Tada voit,
lit exactement ce qui se passe en lui, car tout ce qu'il dit révèle, correspond à ce
que le patient ressent, à ce qu'il vit.
Quand le patient remet le diagnostic en
cause
(en
doute),
c'est
souvent
parce qu'il révèle des choses gênantes pour lui, des choses qu'il voulait camoufler
surtout son implication dans les causes de sa propre maladie. L'analyse des données
cliniques a montré que, la plupart du temps, cette fraude
ne résiste
pas
à la
perspicacité et à la' technique persuasive du Tada qui le pousse à abandonner ses
défenses et avouer. Décidément, on ne peut rien cacher au Tada.
Face aux actes thérapeutiques du Tada,
le patient adopte une attitude de
dépendance faite de soumission et de recherche de sécurité et de protection. En
effet, il exécute
fi dèlement les
prescriptions,
se
comporte
docilement
durant
la
cure, où le Tada manipule son corps, en se soumettant aux consignes et en les
accomplissant avec exactitude. Puis, quand il est quelque peu angoissé, il se confond
en propos plaintifs, recherchant ainsi réassurance, sécurisation et protection.
La perception de la causalité thérapeutique par le malade montre que ce
dernier accorde généralement peu de valeur curative aux médicaments administrés
qui
n'auraient
aucun
effet
sans
les
rites
thérapeutiques
du
Tada,
chargés
de
puissance
d'en-bas.
C'est
l'extraction
du
Be'ega.
ia
délivrance
du
Nanega...
qui
guérissent.
- 588 -

2. ADHESION CULTUREli.E. CONFIANCE AU TADA ET MODIFICATION DE L'ETAT
MORBIDE.
2.1. ADHESION CULTURELLE ET CONFIANCE AU TADA.
2.1.1. Adhésion culturelle condition de la confiance au Tada.
L'analyse que nous venons de faire montre que les critères du pouvoir du
Tada
sont
des
facteurs
culturels.
C'est
un
élément
du
système
cohérent
de
conception culturelle de l'univers; en d'autres termes, le pouvoir du Tada ne peut
être saisi, compris, qu'à l'intérieur de l'univers de sens et de signification . L'origine
surnaturelle du pouvoir
du
Tada
telle
que
nous
l'avons
expliquée,
ne
peut
être
comprise qu'à l'intérieur de ce système. Or, nous venons de le montrer, l'image de
la toute-puissance
du
Tada
comme
garant contre
la
menace
de
mort,
est
le
fondement même de la confiance au Tada.
Ensuite, on ne peut comprendre cette puissance surnaturelle, son importance,
si l'on ne connaît pas et/ou n'accepte pas l'explication surnaturelle des causes des
maladies
et
du
mal.
Cette
explication
elle-même
suppose
l'assimilation
de
la
conception biodimensionnelle du monde, etc ... nous
pouvons continuer ainsi jusqu'à
dérouler les fils du rouleau. L'univers de sens est une structure, un système; pour
comprendre
chaque
élément,
il
faut
comprendre
l'ensemble.
Tout
se
tient.
La
confiance
au
Tada,
un
élément
de
l'ensemble,
implique
l'adhésion
à
l'ensemble
culturel.
2.1.2. Adhésion culturelle et absence de confiance au Tada.
L'adhésion culturelle entraîne-t-elle automatiquement la confiance
au
Tada?
En d'autres termes, peut-on être culturellement Nawda
sans
avoir
confiance
au
Tada? Sans hésiter, nous répondons qu'en principe l'adhésion culturelle implique la
confiance au Tada. En effet, comme nous venons de le voir, tout dans le système
culturel se tient: en tirer un élément, c'est tirer tout le système.
Ce qu'il faut préciser, c'est que la notion de Tada,
telle
que nous l'avons
définie,
est
un
concept
abstrait,
un
idéal.
L'adhésion
culturelle
implique
cette
définition. La chose devient différente quand ce concept, cet idéal, est incarné par
des individus concrets, car les compétences attribuées au Tada abstrait doivent se
traduire par des performances. Dans ce cas, la relation entre l'adhésion culturelle
et la confiance au Tada cesse d'être nécessaire, car la confiance au Tada idéal,
abstrait, n'implique pas la confiance à tous les Tadeba particuliers. Ceux-ci, invités
à traduire dans leurs pratiques les compétences
qu'ils sont censés posséder, ne
seront pas nécessairement performa,nts au même degré. L'écart entre l'idéal et la
réalité concrète va donc varier selon les individus. entraînant la variation du degré
de confiance.
- 589 -

2.1.2.1. Compétences et performances du Tada.
Les compétences sont décrites plus haut: détecter le mal, le neutraliser ...
cette neutralisation devant entraîner la guérison dans le cas de maladie.
La performance consiste, dans la pratique concrète. à répondre aux attentes
de chaque patient, et de tous les patients.
Les révélations du Tada au cours des consultations, et les pratiques curatives
doivent être
véritablement
cliniques.
Le.
répondre
aux
problèmes
particuliers
du
patient
situé
dans
la configuration
de
ses
réseaux
de
relations
tripolaires.
En
d'autres termes, les performances du Tada doivent trouver une résonnance chez
Ego, lui
permettre
de
faire
des
mises
en
relation
des
expériences
vécues
ou
fantasmées (par lui ou par son cercle de relations); elles doivent être, dans tous
les cas, vraisemblables pour lui et/ou
ses
proches, en
références
à
ses
axes
d'articulation dimensionnelle. E Iles doivent être perçues par lui et/ou par sa famille
comme justes, répondant à
sa ou
à leur vé rité et non
seulement
à la vérité
culturelle objective. En effet, les révélations et pratiques thérapeutiques du Tada
peuvent être conformes au système de représentations culturelles, et elles le sont
toujours,
donc
objectivement
vraisemblables;
mais
elles
ne
cadrent
pas
nécessairement avec les problèmes particuliers des malades en tant qu'expériences
individuelles et/ou familiales des représentations collectives.
Les problèmes particuliers de tous les lignages (et de tous les individus) ne
se recouvrent pas. Chaque lignage a son petit univers de sens et de signification
dont les éléments structurels concrets ne recouvrent pas ceux des autres lignages.
La performance du Tada consiste à percer ces systèmes lignagers qui s'articulent
pour former le grand univers culturel conceptuel dont ils sont des concrétisations
particulières. Par exemple, les Tite ou Génies protecteurs ne sont pas les mêmes
d'un lignage à l'autre, et leurs exigences ne sont pas les mêmes, etc.
2.1.2.2. Variation de performance et degré de confiance au Tada.
Ainsi
donc.
la
confiance
au
Tada
varie
selon
sa
performance,
i.e.
son
rendement
clinique
sur
le
terrain.
Si
l'on
faisait
une
étude
statistique,
on
sapercevrait que tous les Tadeba n'ont pas la même cote de popularité.
Nous
l'avons
constaté
au
cours
de
notre
échantillonnage
des
Tadeba:
la
population
les
énumérait
et
les
classait
selon
le
critère
d'efficacité,
et
nous
conseillait fortement les meilleurs.
Quand
les
Tadeba
eux-mêmes
nous
désignaient
leurs
collègues,
ils
nous
orientaient vers les meilleurs, les plus efficaces. Et puis nous avons pu observer
nous-même, au cours de l'étude des séances de cure, et nous l'avons signalé à
l'occasion, que certains Tadeba recevaient, en consultation et en traitement, plus de
patients
que
d'autres.
La
population
consulte,
en
effet,
ceux
qu'elle
juge
plus
efficaces. Donc, les Tadeba qui ont une cote de popularité plus élevée dans ce
domaine reçoivent naturellement plus de malades.
- 590 -

2.1.2.3. Contre-performance et perte de confiance.
La
contre-performance.
d'après
ce
que
nous
avons
observé
durant
les
séances de cure, est le fruit d'un certain nombre de facteurs dont nous citons ici
quelques-uns à titre d'exemples:

Il Y a d'abord le manque
d'autorité: Le
Tada
donne
l'impression
d'hésiter; il manque d'assurance et de fermeté; ce qui a pour effet de mettre les
malades sous tension, de créer l'anxiété et d'intensifier, d'augmenter l'angoisse de la
maladie.

Et puis, il donne l'impression de manipuler la foule. d'exploiter sa
crédulité. Par exemple. il peut laisser soupçonner que les objets morbogènes qu'il
prétend extraire du corps des malades sont en fait camouflés dans sa bouche ou
dans sa main.

Il
n'est
pas
convaincant
dans
ses
révélations,
ses
perceptions
directes de la maladie. Ces facteurs entraînent généralement des échecs.
Alors. les malades qui vivent de telles experlences, déduisent que le Tada en
question est un charlatan, i.e. celui qui trompe le peuple. se présentant sous des
apparences fallacieuses
de compétence.
Le charlatan
peut être
un
fraudeur
non
voyant; ou bien il est voyant, mais n'a aucun mandat d'exercer: il n'a pas fait l'objet
d'élection divino-ancestrale; ou bien encore. il est voyant, élu et installé en bonne et
due forme, mais se rend indigne par ses inconduites, son irrespect de règles et de
la morale de la pratique curative. Par exemple. s'il mange des fruits de sa pratique
(ses honoraires), ce qui lui est formellement interdit parce que cela représente les
saletés de ses épouses-esprits. il perdra la voyance comme un mari est frappé de
cécité quand il a consommé le repas sacrificiel du rite purificatoire de son épouse.
i.e. quand il a mangé les saletés de son épouse. Si un Tada perd la voyance, c'est
toute sa puissance qui est perdue. En principe, il doit cesser de pratiquer.
Pour la population, ce sont
ces
catégories
de Tadeba qui accumulent des
contre-performances: ils sont des menteurs.
Ces étiquettes
ternissent
l'image
de marque
du Tada, effritent,
et
même
annulent la confiance du peuple en lui. Le Tada classé comme charlatan
n'a plus
aucun crédit.
Entre le charlatan et le Tada le
plus
performant.
s'échelonnent
tous
les
degrés. selon la fréquence et l'intensité des performances.
Nous voyons donc que la perte de confiance au Tada n'est pas incompatible
avec l'adhésion culturelle. Bien au contraire. celle-ci permet d'évaluer la performance
du Tada en référence à une image idéale tracée par la Tradition.
- 591 -

2.2. DEGRE DE CONFIANCE AU TADA ET MODIFICATION DE
L'ETAT MORBIDE
DURANT LA CURE.
Comme l'analyse' des
données
cliniques
l'a
fait
ressortir,
la
modification
observée durant la cure est positive ou négative.
2.2.1. Modification positive.
2.2.1.1. Amélioration.
L'amélioration consiste en une baisse, en
une
diminution
des
troubles
de
santé. Le malade
est
soulagé,
mais
les toubles
de
santé
n'ont
pas
totalement
disparu; le malade n'a pas totalement recouvré la santé.
2.2.1.2. La guérison.
La guérison se définit par la disparition totale des troubles de santé et un
rétablissement
complet
du
malade.
La
maladie est
totalement
neutralisée
et
le
malade recouvre la santé.
2.2.1.3. Critères de la modification positive.
Qu'elle soit une simple amélioration ou une guerlson, la modification positive
de l'état de santé' peut être vécue. objectivement observée et/ou constatée par le
Tada soignant.
La modification positive vécue est celle qui se manifeste par un changement
dans l'attitude et les comportements du malade:
Il cesse de se plaindre des désagrém ents, ou s'en plaint moins; il dit ne plus
les sentir beaucoup ou totalement; il affirme leur diminution ou leur disparition: par
exemple, le
malade
ne
se
plaint
plus
ou
peu
des
douleurs,
des
malaises,
des
troubles neurologiques, des troubles de l'énergie, de la désintégration de son êt re,
etc ... Il affirme la disparition de ces troubles, et même leur transformation en un
état plus ou moins agréable. Le malade dit avoir retrouvé totalement ou en partie
son état de bien--être, l'unité de son être.
La
modification
positive
peut
être
observée
quand
les
troubles
objectifs
(morphologiques, organiques, moteurs, etc.) ont diminué ou ont disparu.
Cette modification observée etlou vécue doit être confirmée par
le
Tada
soignant. Il peut en effet constater qu'une telle modification n'est qu'apparente: la
maladie n'est pas encore jugulée. totalement neutralisée. C'est pourquoi son avis
final e~ t important pour confirmer le tableau observé et/ ou vécu.
2.2.2. Modification négative.
La modification de l'état
morbide peut être négative
comme
l'analyse
des
- 592 -

données cliniques l'a fait ressortir.
Comme la modification positive. elle peut être purement vécue par le malade.
ou en même temps observée. et doit être constatée et confirmée par le Tada qui
donne son avis définitif.
La
modification
négative
peut
aussi
varier
d'un
état
stationnaire

les
troubles .observés
et/ou
vécus
ne
changent
pas
malgré
le
traitement.
à
une
aggravation qui est une modification dans le sens contraire aux attentes. aux effets
escomptés par les partenaires de la cure. Cela aboutit à l'échec de celle-ci.
2.2.3. Rapport entre modification et degré de confiance au Tada.
2.2.3.1. Modification positive et confiance au Tada.
La modification positive tendant
vers
la
guerlson
entraîne
logiquement
un
renforcement de la confiance du patient au Tada. L'analyse des données cliniques l'a
fait res sortir.
Cette confiance se traduit par la valorisation du pouvoir du Tada: les patients
guéris ou simplement améliorés, affirment que ce sont les rites curatifs du Tada
(extraction du Be'ega, délivrance des Nane'e, enlèvement du filet) qui les ont guerls.
et attribuent un pouvoir curatif secondaire aux médicaments éventuellement utilisés
durant la cure. Certains ne leur rer::onnaissent même pas un pouvoir curatif propre:
leur action est la traduction de l'action du Tada: en effet, utilisés par d'autres que
leTada, les médicaments n'ont pas d'effet curatif.
Certains
patients,
bien
qcle
guéris,
restent
toutefois
sceptiques
quant
à
l'efficacité
des
rites
curatifs
du
Tad a,
et
affirment
être
guéris
ou
améliorés
uniquement par les médicaments donnés ou administrés par le Tada.
L'explication de ce scepticisme se trouve très probablement dans l'expérience
d'échec vécue par les patients concernés comme nous le montrions ci-dessus, dans
des cures précédemment suivies
par ces
malades, chez
le même Tada ou chez
d'autres, ou bien durant la prése.1te cure, les maladresses du Tada ont effrité ou
détruit le crédit aux rites curatifs. Les patients se présentent alors chez le Tada
comme chez un simple herboriste, parce qu'ils croient uniquement à l'efficacité de la
plante.
Notons toutefois que ce scepticisme n'enlève rien à l'adhésion culturelle de
ces malades, ils doutent des compétences de certaines personnes Tadeba et non
pas de tous les Tadeba, ni du Tada en
général
comme fonction
socio-culturelle.
L'entretien avant la cure sur la santé, la maladie, le pouvoir du Tada, les facteurs
de la causalité thérapeutique ... montre, comme l'indiquent les résultats de l'analyse
des données cliniques, que tous
les
malades
interrogés
expriment
leur
adhésion
culturelle, même au pouvoir curatif du Tada. telle que nous l'avons définie plus haut.
Et
puis,
le
scepticisme
relevé
est
souvent
superficiel.
Généralement,
à
l'occasion des
troubles plus graves. plus
profonds, ces
personnes
régressent
et
abandonnent ce vernis de défense rationnelle pour recourir au Tada, comme source
- 593 -

de sécurité. D'ailleurs. le fait qu'elles consultent le Tada est ambigu. même si on
suppose qu'elles le consultent en tant qu'herboriste.
2.2.3.2. Modification négative et confiance au Tada.
La modification négative
qui
signe
l'échec
de la cure
devrait
logiquement
entraîner la perte de confiance au Tada. Remarquons que nous avons noté très peu
de cas d'échec. Le. de modification négative. surtout sous sa forme d'aggravation.
Paradoxalement. parmi ces quelques cas d'échec. il n'y a qu'un seul qui ait
modifié ses représentations du pouvoir au Tada. niant même le pouvoir des plantes.
En effet. il faut noter que "échec de la cure O.e. la modification négative) ne
signe pas nécessairement la fin ou l'arrêt de
celle-ci.
Quand
le
Tada constate
l'échec,
il
propose de
revoir
le
cas.
en
expliquant
que
quelque
facteur
a

échapper
à
son
examen.
Ce
n'est
pas
un
aveu
d'incompétence.
C'est
la
contre-performance qui est
le
signe de
l'incompétence;
or.
l'échec
est
toujours
admis comme possible sans contre-performance. En effet. un agresseur ancestral
peut maquiller son agression en attaque horizontale et camoufler ainsi toutes ses
traces à l'examen direct du malade.
Seules
des
séances
répétées
de
mantique
pourront un jour faire découvrir la vérité. C'est un élément admis dans la culture.
C'est pourquoi on ne se contente jamais d'une seule séance de mantique. ni de la
consultation d'un seul Tada. La consultation de plusieurs Tadeba permet d'estimer,
d'évaluer le degré de recoupement des révélations. et tout nouvel élément attire
l'attention des consultants.
Donc. les malades qui ne voient pas leur état s'améliorer avec la cure ne
perdent
généralement
pas
confiance
au
Tada.
à
moins
qu'ils
soupçonnent
des
contre-performances dans sa pratique. et acceptent de recommencer. Ils sont alors
libres de changer de Tada ou de continuer avec le même.
C'est cela qui explique j'absence de modification des représentations du Tada
et de son pouvoir chez la plupart des malades. malgré l'échec de la cure.
2.2.3.3. Effet du degré de confiance au Tada sur la modification.
L'entretien, avant la cure, sur la maladie. le pouvoir du Tada, les facteurs de
la guérison. les effets attendus ou escomptés de la cure ... a montré (1) que tous
!
les malades interrogés viennent en consultation avec la ferme conviction que le Tada
va les guérir. même si certains anxieux, cherchant rassurance auprès du Tada.
affirment craindre une complication, ne pas connaître l'issue de la cure, ne pas
penser guérir ou même avoir la certitude de ne pas guérir. Ils présentent le Tada
comme doué d'un pouvoir surnaturel (Yendem) et objet d'élection divino-ancestrale
qui lui donne toute puissance sur la maladie.
L'analyse
des
interactions
durant
la
cure
montre
que
le
Tada,
par
ses
attitudes,
souvent
en
réponse
à celles
du
patient.
se
module
sur
ce
dernier.
devenant tour à tour autoritaire. ferme, convaincant. rassurant. etc. Toutes
ces
(0, cf les résultats de l'analyse des données cliniques.
- 594 -

attitudes
face à l'angoisse du patient ont pour effet de
renforcer
constamment
cette confiance que le patient place en lui.
Pour nous, c'est cette confiance qui, fournie par la culture (qui confère au
Tada la toute-puissance
sur la
maladie)
et
renforcée
et
confirmée,
ou
plutôt
effritée, dans la situation concrète de la cure (par les attitudes du Tada) est, en
grande partie, responsable de toute modification
observée,
agissant,
soit
comme
facilitateur d'autres facteurs curatifs, soit comme facteur psychologique essentiel.
C'est ce
que
nous
allons
tenter
d'analyser
dans
le
dernier
paragraphe
de
ce
chapitre.
2.3. CONFIANCE AU TADA ET PROCESSUS DE GUERISON.
2.3.1. Croyance au Tada.
2.3.1.1. Tada, symbole de la force ancestrale contre le mal.
Les résultats de l'analyse des données cliniques montrent que le Tada tient
sa puissance à la fois de Sangbande et du monde ancestral.
Il tient son Yendem (voyance) de naissance. C'est Sangbande (Dieu) qui l'a
créé comme cela. Et puis, en le créant, Dieu l'a prédestiné à sa fonction de Tada.
A la question de savoir d'où vient le pouvoir
divinatoire
et
curatif du
Tada.
la
réponse est qu'il vient de Dieu. C'est Sangbande (Dieu) qui le lui a donné; il ne lui
appartient pas; entendons qu'il ne l'a pas acquis, conquis par ses propres forces.
Ce don de Sangbande (Dieu) est consacré par l'ordre ancestral qui le choisit.
souvent contre son, gré, soit pour continuer une fonction familiale, biolignagère déjà
instituée, et c'est alors
un ancêtre
familial, Tada lui-même, qui
fait de
lui
son
successeur, soit pour instituer la
fonction: dans ce cas, des
éléments
de
l'aile
dissidente
du
monde
ancestral,
les
Fagni deba
ou
Kpamtiba
(esprits
errants)
le
forcent à s'installer pour les prendre comme épouses inspiratrices. Dans tous les
cas. qu'il soit élu par un ancêtre ou directement par les esprits errants, le Tada
aura ces derniers comme collaborateurs. Il convertit ainsi les forces du mal contre
le mal. La meilleure arme contre l'ennemi. c'est sa propre arme. On n'est trahi,
, vendu que par quelqu'un des siens; tout comme le sorcier, négateur de l'existence,
ne peut être que de la Maison, les
traîtres du mal, les
négateurs
du
mal
ne
peuvent être que les forces du mal.
Le
Tada
devient
ainsi
le
symbole
de
la
force
divino-ancestrale
perpétuellement en lutte contre le mal, i.e. contre les forces anti-vie, car, nous le
savons, le seul bien c'est la vie qui a pour source première Sangbande, mais rendue
culturellement intelligible par l'Ancêtre qui est chargé de la transmettre et de la
maintenir par la Tradition sacrée. véritable code, Loi vitale. Le maintien et même la
transmission de la vie serait impossible sans le Tada. Il intervient dans les cas de
stérilité. d'accouchement difficile. et surtout pour lutter contre là destruction de la
vie une fois transmise.
Le sacrificateur ou l'officiant familial qui accomplit le rite religieux préventif
- 595 -

(pratique de la santé) et curatif (traitement de la maladie) est le vicaire du Tada: il
exécute, en effet, ce que le Tada prescrit parce que ce dernier ne s'ingère pas
dans des problèmes internes à la famille, qui doivent être résolus par les membres,
suivant ses prescriptions.
2.3.1.2. La force du symbole.
En analysant ce que nous avons appelé l'équation symbolioque, nous avons
montré que le symbole n'est pas une simple représentation extérieure, une simple
image de l'objet symbolisé, mais qu'il
l'incarne. L'énergie, la force émanée de la
chose symbolisée se condense, se concentre dans le symbole qui se comporte alors
comme un relais, rayonnant cette énergie et la rendant opérante. Ainsi en va-t-il du
Tada. Il incarne la force divino-ancestrale neutralisatrice du mal qu'il symbolise et la
rend opérante par son fonctionnement. Tous ses actes curatifs, rites, administration
des
médicaments,
divination...
sont
l'expression
opérante
de
cette
force.
Les
existants
sont
des
condensations
de
l'énergie
constitutive
divino-ancestrale,
condensations intentionnellement orientées vers la vie comme fin et la vie humaine
comme
épanouissement
ultime.
Cette
énergie
créatrice
est
du
même
coup
fondamentalement une lutte contre le mal qui, lui, est destructeur des étants, des
existants, et donc de la vie. Nous avons vu que la cure est
un
processus
de
recréation.
Le
Tada,
symbole
de
la
force
créatrice
divino-ancestrale,
condense,
concentre
celle-ci
dans
sa
personne
pour
la
rendre
continuellement. opérante,
continuellement à l'œuvre contre le travail de sape des forces du mal qui menacent
la vie. Pour recréer, il retourne ces forces du mal contre elles-mêmes.
Quand le Tada ne symbolise pas ou plus rien, il est forcément inefficace; il
présente en effet une image peu sécurisante, voire terrorisante, donc destructrice,
aggravante de la maladie. Il ne peut plus guérir; il détruit. La Tada ne symbolise
pas ou plus quand il est ou devient un signe vide de sens, i.e. sans signifié, un
symbole de nom qui ne renvoie à rien. Alors il n'est plus opérant, car ce n'est pas
le signe qui opère,
mais
le
signifié
qu'il
représente
et
condense
parce
qu'il
le
représente. Le non-voyant qui dupe le peuple se présentant comme Tada, ou le
voyant qui s'installe sans être élu. ou encore le Tada élu. mais déchu par ses
inconduites ... ne rayonnent aucune force parce que ne symbolisant aucune. De même
un Tada remplissant objectivement toutes
les conditions, peut ne rien
symboliser
pour un malade donné. Il devient ainsi inefficace pour ce malade. Nous touchons là
à tout le
secret
de
la
croyance
comme
condition
de
guérison.
Et
si
certains
malades sont sceptiques vis-à-vis d'un Tada, c'est parce qu'ils ne croient pas ou
plus en lui; et s'ils ne croient pas, ils ont moins de chance d'être guéris par lui.
- 596 -

2.3.2. Efficacité symbolique.
2.3.2.1. Efficacité symbolique d'après C.Lévi-Strauss <1>.
A partir de l'étude d'un rituel thérapeutique
de
l'ethnie Cuna
du
Panama
(Amérique du sud). fait surtout de matériel verbal, un chant, destiné à résoudre un
problème d'accouchement difficile. C.Lévi-Strauss fait une analyse dont nous nous
inspirons sans toutefois épouser toutes les conclusions théoriques de "auteur.
C.Lévi-Strauss montre comment les représentations psychologiques, induites
du dehors par le Chaman. permettent à la parturiente d'opérer une modification
physiologique qui entraîne la dilatation de l'organe génital, favorisant la délivrance.
Ces
représentations
induites
agissent
comme
une
manipulation
purement
psychologique de l'organe génital de la malade par le Chaman (en effet, ce dernier
ne touche pas au corps ni n'administre de médicaments). qui
provoque
ainsi la
modification physio logique. Ce sont donc des facteurs psychologiques qui résolvent
Ici un problème physiologique.
Pour expliquer le mécanisme de cette
action
curative
d'origine
psychique,
l'auteur
attire
l'attention
sur
l'organisation
du
matériel
verbal
<texte)

une
oscillation
de
plus
en
plus
rapide
entre
les
thèmes
mythiques
et
les
thèm es
physiologiques se comporte "comme s'il s'agissait d'abolir. dans l'esprit de la malade,
la distinction qui les sépare et de
rendre
impossible
la
différenciation
de
leurs
attributs respectifs"
(2). Cette oscillation fondrait ainsi en un tout unitaire deux
ordres de réalité dichotomiques: le psychisme et l'organisme. Les représentations
psychologiques induites par le Chaman fournissent à la malade le mythe culturel de
la
lutte
entre
les
esprits
protecteurs
et
les
esprits
malfaisants
(monstres
surnaturels et animaux magiques) qui sont à l'origine de son trouble physiologique.
Que ce mythe ne
corresponde pas
à la réalité
n'a aucune
importance. ce
qui
importe. c'est que la malade y croit. Tout le contenu du mythe fait partie d'un
système cohérent qui fonde la conception culturelle de l'univers que la patiente n'a
jamais remise en doute. Ce sont plutôt les douleurs qu'elle n'accepte pas parce que
perçues
et
vécues
comme
incohérentes
et
arbitraires
constituant
un
élément
étranger à son
système.
Par
l'induction
du
mythe.
le
Chaman
va
replacer
cet
élément, perçu par la malade comme étranger. dans un ensemble (culture/} où tout
se tient. i.e. qu'il
va
le
réintégrer.
pour
la compréhension
de
la malade.
dans
l'univers de sens et de signification de la culture. Le
mythe
sensibilise
ainsi
la
malade à l'origine surnaturelle de sa maladie. Des agresseurs relevant de l'ordre
surnaturel
(psychique)
c réent.
chez
elle.
des
troubles
d'ordre
organique.
Les
douleurs ne sont donc pas un élément étranger au système. La malade est ainsi
invitée à ne pas les rejeter. mais à les intégrer dans le système culturel qu'elle
accepte. Les facteurs qui vont affronter ces agresseurs relèvent aussi de l'ordre
surnaturel. ce sont les esprits protecteurs.
<1>. Lévy-Strauss. C .• Anthropologie structurale. Plon. 1970. pp205-226.
(2), Lévy-Strauss. C.• Loc. ciL p213.
-
597 -

La compréhension et l'acceptation par la malade de ce processus entraînent
sa guérison. "Le Chaman fournit (ainsi) à sa malade un langage, dans lequel peuvent
s'exprimer des états informulés, et autrement informulables. Et c'est le passage à
cette expérience verbale C." qui provoque le déblocage du processus physiologique,
c'est-à-dire
la
réorganisation,
dans
un
sens
favorable,
de
la
séquence
dont
la
malade subit le déroulement" (1). En effet, la relation de cause à effet entre les
monstres mythiques et la maladie, puis entre les esprits protecteurs et la guérison,
est
intérieure
à l'esprit
de
la
malade:
c'est
une
relation
de
symbole
à
chose
symbolisée,
de
signifiant
au
signifié.
Les
agresseurs
mythiques
symbolisent
les
forces du mal, les esprits protecteurs (également mythiques) symbolisent les forces
du bien, les forces constructrices qui doivent refaire ce que le mal. a défait.
Le symbole possède donc la force opérante de la chose symbolisée. Il est
efficace au même titre que la réalité symbolisée, Cette efficacité symbolique garantit
l'harmonie du parallélisme entre mythe et opérations. Le Chaman fournit le mythe et
la malade accomplit les opérations (2).
2.3.2.2. Représentations Nawda et efficacité symbolique.
Le paradoxe que C.Lévi-Strauss veut résoudre en analysant ce processus de
l'efficacité symbolique est la re lat ion de cause à effet entre deux ordres de réalité
considérés
comme
dichotomiques:
des
facteurs
psychiques
résolvant
un
trouble
d'ordre organique.
Ce paradoxe n'existe pas dans le système de représentations nawda. Nous
l'avons montré dans le premier chapitre de cette partie, la conception nawda de
l'homme, et de l'univers. n'est pas dualiste, mais de type synthétique continuiste,
unitaire. Le noumène (psychisme, esprit, âme .. .l et le phénomène (organisme, corps,
matière) sont deux modalités d'exister de la même réalité, de l'être humain.
Dans le composé humain. il n'y a pas de cloison, même perméable, entre
psychisme et organisme, comme
c'est
le
cas
dans
les
représentations
du
type
dualiste. La circulation de l'énergie entre ces deux modes d'exister, ces deux pôles
(si l'on veut), que cette énergie parte du pôle organique ou du pôle psychique, ne
rencontre aucun obstacle, aucune barrière à franchir. De son point d'impact, elle
retentit dans tout l'être.
C'est
ce
qui
explique,
pour
nous,
la
force
curative
du
symbole.
Qu'il
s'adresse au corps (manipulations curatives du corps: morsure, médication .. .l ou au
psychisme (langage verbal et gestuel dans le culte religieux), le symbole véhicule une
force curative (la force de la chose symbolisée qu'il condense en lui) qui réorganise,
reconstruit, recrée, dans sa totalité, l'être du malade désorganisé par le mal. Les
rituels curatifs. constituent, en effet, un symbole collectif de la lutte de l'homme
pour la vie, contre le mal, l'anéantissement, l'anti-vie ... mal lui-même symbolisé par
des forces mythiques: les agresseurs.
(1), Lév,Strauss, C., Loc. cit. p218.
(2), cf lb. p222.
- 598 -

Ce langage collectif (auquel adhère le
malade)
induit par
le Tada. ou
le
sacrificateur (l'officiant) familial. et reçu du dehors par le malade. sensibilise ce
dernier. l'incitant à reconstruire son être dans
la cohérence du
système. en y
intégrant et résolvant le conflit morbogène. Le rite curatif, acte opératoire concret
du Tada ou de l'officiant familial. symbolisant la force divino-ancestrale invincible.
provoque dans les tréfonds de l'être du malade (véritable condensé culturel) une
résonnance,
un
retentissement.
que
nous
appelons.
avec
C.Lévi-Strauss
(1)
"adréaction"
(le
contraire
d'abréaction)
qui
réorganise
le
processus
psychophysiologique dans
un
sens
positif.
favorisant
la résolution
du trouble
de
santé. qu'il soit de nature organique ou psychique. Ce qui rappellerait le mécanisme
supposé de l'effet placebo. Nous pensons. en effet. que l'assimilation curative des
produits médicamenteux n'est possible que si la disposition psycho-physiologique la
rend possible.
(1), Lévy-Straus~. 01., Op. ciL p220.
- 599 -

TROISIEME PARTIE:
CURE TRADITIONNELLE
ET
UNIVERS DE SENS.
- 600 -

NOTRE DEMARCHE METHODOLOOIQUE.
Cette
troisième
partie
envisage
de
dégager
et
d'étudier
les
mécanismes
d'implication de la cure traditionnelle par les autres phénomènes culturels, afin de
montrer comment cette pratique sociale particulière est expliquée par sa cohérence
avec l'ensemble des institutions. sa concordance avec l'ensemble des usages propres
à la Société Nawda, et ne peut. par conséquent, être comprise que par référence à
la totalité du système culturel.
Pour cette entreprise. nous nous
sommes
proposé
d'utiliser
la
procédure
d'analyse fonctionnelle, que nous avons analysée dans l'introduction.
CHAPITRE 1:
REPRESENTATIONS DE L'UNIVERS
ET
PRATIQUES DE LA SANTE
ET DE LA MALADIE
1. COSMOGONIE, SANTE ET MALADIE.
1.1. STRUCTURE DU COSMOS, PRATIQUE DE LA SANTE ET DE LA MALADIE.
1.1.1. Cosmos physique et maladie.
1.1.1.1. Maladie naturelle comme Sangban am.
L'univers physique qui est, comme nous l'avons vu. responsable
de ce
que
nous avons appelé maladie naturelle. constitue le monde de Faga. de dessus, de
surface. opposé à Tinga. Faga, dans son sens premier, désigne, rappelons-le, ce qui
est à la sur face ou au-dessus de la terre (Tante Faga) par opposition à ce qui se
trouve sous la terre (Tante Fan). Faga englobe tout l'espace qui couvre la surface
du disque terrestre, et
qui
est
dé1imité
par
la
voûte
céleste,
le
firmament
ou
Sangbande, où se trouvent incrustées les étoiles et que sillonnent le
soleil et la
lune. Faga comprend toutes les choses à portée de la vue: ce qui est au-dessus du
disque terrestre est éclairé par le soleil et la lune; tout se voit. s'observe. s'offre à
l'expérience sensible. C'est cet aspect phénoménal du Faga qui' constitue son sens
figuré.
C'est dans cet espace sous l'œil
direct de l'homme et dominé. supervisé par
- 601 -

Sangbande (Dieu) dont il émane, dont il tire son explication et son sens que circule
l'air. L'air, cet élément de Faga fait partie du monde céleste; il est un élément de
Sangbande. Il est au-dessus du disque terrestre, envahit tout "espace sous la voûte
céleste. Tous les éléments de cet espace baignent dans l'air. L'homme baigne dans
l'air; il le sent sur la peau: il le brûle quand il fait chaud, il le glace quand il fait
froid.
Mais
l'air
échappe
à
la
perception
visuelle,
et,
de
ce
fait,
inspire
quelqu'angoisse; il peut devenir une force terrible: le vent qui renverse tout sur son
passage (arbres, maisons, .. .) .. L'air sert de véhicule à beaucoup de choses invisibles
qui peuvent être mauvaises; certaines sont perceptibles, sensibles; par exemple, les
émanations malodorantes toxiques telles que celle des cadavres en décomposition,
sont communiquées à l'homme par l'air; d'autres sont imperceptibles, donc qu'on ne
peut éviter, et peuvent agresser l'homme quand elles entrent en contact avec lui.
L'harmattan par exemple, ce vent froid et sec, soufflant au début de la saison
sèche, transporte des maladies qu'il transmet à l'homme. A cette époque, en effet,
il y a souvent épidémie de rhume et de toux
(Kolako'ote)
qui
est
une
maladie
naturelle.
Donc,
l'air,
Sangban'am,
cet
élément
du
monde
céleste,
produit
par
Sang bande
(Dieu),
chargé
de
choses
nuisibles
à
la
santé,
est
le
symbole
par
excellence des forces naturelles morbogènes. forces que le système de Tinga ne
peut expliquer et dont Sangbande seul peut rendre compte.
1.1.1.2. Points cardinaux et certaines maladies.
Nous avons vu que l'Est et l'Ouest symbolisent respectivement l'homme et la
femme. L'homme est en effet enterré face tournée vers l'Est: il surveille le soleil
levant pour vaquer aux travaux champêtres, La femme est enterrée face tournée
vers l'Ouest: elle surveille le soleil couchant pour commencer la cuisine.
L'Est, le levant. symbolise l'heure matinale, moment fort du déploiement de
l'énergie productive masculine dans les travaux agricoles et la chasse.
L'Ouest.
le
couchant.
symbolise
le
moment
fort.
dans
la
journée,
du
déploiement de la force productrice féminine dans la confection de l'unique repas
quotidien. Par ce repas. la femme refait les forces de la famille. qui doivent être
dépensées le jour suivant. le lendemain, dans les travaux.
C'est à ces moments forts que, l'homme et la femme. par le déploiement
intense
de
leur
potentiel
énergétique,
entrent
dans
la
dynamique
interactionnelle
cosmique. Ils agressent la n<3.ture, ils établ.issent des
relations
avec
la dimension
sociale
biolignagère
et
communautaire.
Oonc.
ce
sont
des
moments
de
lutte.
d'émulation, des moments où
l'homme se
trouve en situation conflictuelle ouverte
avec le cosmos physique et social.
Le
déploiement
intensif
du
potentiel
énergétique
en
ces
moments
rend
l'homme vulnérable: les partenaires de la situation conflictuelle peuvent avoir raison
de lui. Ce sont en effet les
moments où
il est productif; en
produisant,
il
se
dépense et donc s'affaiblit, se fatigue.
Le symbolisme de ces moments est plus apparent quand ils sont considérés
- 602 -

par rapport à la révolution
lunaire.
La
phase
de
cette
révolution
qui
va de
la
nouvelle lune à la pleine lune, i.e. quand la lune se trouve à l'Ouest, est le moment
le plus critique pour la femme. Celle qui va de la pleine lune au dernier croissant,
quand la lune se trouve à l'Est. est la plus critique pour l'homme.
C'est pourquoi ces phases de la révolution lunaire sont plus favorables à des
agressions morbogènes.
Ainsi
y a-t-il
des
maladies
infantiles
qui se
produisent
normalement à ces moments. On s'attend que ces maladies se produ isent chez la
fillette
quand
la
lune
apparaît
le
soir
à
l'Ouest
et
chez
le garçon
quand
elle
apparaît à l'Est. La fillette fera sa crise de diarrhée au
début de la lune et le
garçon à la fin de la course lunaire.
Ces maladies infantiles qui sont considérées comme des crises normales de
croissance montrent, par leurs moments respectifs d'apparition chez les filles et
chez les garçons, que la division du travail remonte à l'Origine divino-ancestrale. et
que chaque être humain est ontologiquement destiné à exercer tel type d'activité de
par son sexe. L'être humain est
ainsi prédisposé, en
venant à l'existence, à se
mettre sous tension énergétique à certaines périodes de la révolution solaire, et de
celle lunaire, selon son sexe, qui sont les moments forts de sa vitalité et de sa
vl!lnérabilité dans sa participation à la dynamique cosmique.
1.1.1.3. La nuit et la maladie.
La nuit, ce moment d'obscurité, ce royaume des ténèbres, est
le
champ
d'action des forces du mai.
C'est la nuit que la mort personnifiée circule, semant les maladies de toutes
sortes. C'est la nuit que les esprits malfaisants morbogènes empruntent l'air sous
son aspect noumineux, c:)mme véhicule
pour circuler à travers
l'espace. L'air du
milieu de la nuit (Yongo hôôga ou Tonko'ohorga n am) est mauvais. Il est déconseillé
de sortir à ces heures-là.
C'est la nuit aussi ':lue les Yendeba (voyants) deviennent actifs. Alors que la
perception visuelle naturelle devient inopérante la nuit. le Yendem
(voyance). cette
vue surnaturelle. perce ies ténèbres. La nuit est comme le jour pour eux, ou du
moins
il n'y a pas
de d;Hérence entre la nuit et le jour pour les Yendeba.
Ils
profitent du handicap visuel des non-voyants pour opérer la nuit. C'est pourquoi la
sorcellerie, la pratique rnéc"lante la plus monstrueuse, a lieu la nuit. C'est la nuit
que se tiennent les marc nés de trafic humain: les victimes sont enlevées par leurs
frères de sang et vendues.
Cette
analyse
nous
permet
de
comprendre
l'angoisse
et
l'insécurité
que
constitue la nuit, angoisse ':lui serait intolérable si les pratiques curatives n'existaient
pas.
- 603 -

1.1.2. Le monde surnaturel et santé-maladie.
1.1.2.1. Tinga comme fondement de la santé.
Nous savons que l'énergie de Tinga, celle immanent à l'être cosmique, i.e. le
Noumène, est la vraie
réalité,
la
substance
dont
l'être
physique,
le
Faga
est
l'apparence.
La
barrière
défensive
de
l'être
humain,
le
Kawatia,
qui
le
protège
des
agressions
morbides
et
donc
conserve
sa
santé,
fait
partie
de
son
existence
noumineuse. Nous avons vu que le Kawatia ne peut
fonctionner efficacement que
renforcé par le monde protecteur ancestral qui est transcendant et sacré. C'est ce
monde
ancestral
sacré
qui
est
le
vrai
fondement
de
la
santé.
Les
forces
protectrices de Tinga (Kpeemba, Tite) qui constituent le monde ancestral
fondent
l'existence de
l'être
humain
et
le
maintiennent
en
bonne
santé
par
la barrière
défensive que constitue la Maison. Le monde d'en-bas, où se décide le destin de
l'homme, échappe
à
l'expérience
sensible,
et
donc
est
incontrôlable
et,
partant,
angoissant. L'homme est totalement désarmé face aux attaques des forces du mal
chthoniennes.
Les forces
protectrices
ancestrales
contrôlent
pour
lui
la
situation.
Elles
voient ce qui s'y passe, le protègent contre les attaques morbogènes.
1.1.2.2. Tinga comme source d'explication de la maladie.
Rappelons
que
la plupart des
maladies
sont
des
agressions
provenant
de
Tinga, ou utilisant l'énergie de Tinga, et atteignent l'homme en tant que noumène.
Nous l'avons assez démontré dans ce qui précède et nous n'y reviendrons pas ici.
On ne peut donc comprendre la conception de la maladie, ses causes. son
processus, si on ne connaît ses rapports d'implication avec le monde d'en-bas. Pour
le
Nawda,
la vraie
source
des
maladies
est
le
monde
de
dessous,
le
monde
chthonien,
tel
qu'il
le
définit.
Supprimer
ce
monde
et
la
maladie
devient
un
phénomène inintelligible, sans signification, et donc source d'angoisse et d'insécurité
intolérable.
1.1.2.3. Le surnaturfl ouranien comme explication de la maladie natureiie.
Nous
avons
expliqué
comment
le
Sangban
am
en
tant
que
symbole
des
forces morbogènes de Faga peut engendrer la maladie naturelle. Mais ces forces,
regles
par
les
lois
du
hasard
pur,
échappent
à
l'explication
ancestrale.
Elles
n'entrent pas dans le système logique de Tinga qui est la clé ancestrale de sens et
de signification.
Cependant, comme
la rencontre
fort uite
des
phénomènes
et
ses
lois
de
probabilité n'expliquent rien (les lois du hasard montrent comment les phénomènes
se combinent. comment les évènements se produisent, mais pas pourquoi cela arrive
ainsi), il faut se référer à Sangbande, source première de tout, qui seul possède la
clé d'une explication exhaustive. L'expression Sangban am, tout en symbolisant les
forces morbogènes de la nature, renvoie en même temps à Sangbande (Dieu), Etre
- 604 -

spirituel
transcendant,
incommunicable,
qui est
source
de
tout
et
comprend
le
pourquoi de tout. Le hasard pur, s'il n'est pas explicable dans le système théorique
ancestral, l'est par Sangbande. Rien ne se combine par hasard, il n'y a pas de
rencontre
fortuite
de
phénomènes.
Il
y a
toujours
une
explication
logique
et
nécessaire de tout, surtout du malheur dont la maladie n'est qu'un cas particulier.
La clé de cette explication est soit le système théorique ancestral (Tinga), soit la
Loi divine qui échappe à l'entendement humain. Sang bande
guide et
contrôle
les
combinaisons
apparemment aléatoires. C'est lui seul
qui
peut
dire
pourquoi
telle
combinaison et pas telle autre. C'est dans ce cadre que s'expliquent les maladies
dites naturelles. Celles-ci sont considérées comme provenant de Sangbande. Quand
une maladie ne peut pas s'expliquer dans le cadre du système théorique de Tinga,
c'est Sangbande qui peut expliquer la raison de son apparition.
1.1.3. Tinga et le pouvoir du Tada.
1.1.3.1. Insuffisance du système défensif,
Les forces protectrices de Tinga et le Kawatia de chacun, qui constituent la
barrière défensive contre le malheur en général et la maladie en particulier, ne sont
pas
efficaces
à cent
pour
cent:
les
maladies
existent,
les
gens
meurent,
les
malheurs de toutes
sortes
se produisent. Donc, l'homme est agressé
malgr§
le
système défensif ancestral qui le protège. Mais, même ce rempart protecteur peut
lui-même devenir dangereux, se retourner contre l'homme qu'il protège. Nous avons
vu, en effet, que le Haare peut tourner le dos à l'homme, le laisser à découvert,
face à ses persécuteurs. Le Haare (l'ancestralitél peut même l'agresser, en
lui
retirant
son
être.
Ainsi
donc,
"angoisse
intolérable.
la
peur
des
agressions
incontrôlables de Tinga, n'est qu'atténuée par la notion de protection ancestrale; elle
n'est pas totalement dissipée.
1.1.3.2. Nécessité d'une sécurité contre la maladie déjà là.
La maladie se produit donc malgré ce rempart de protection et même avec
sa
complicité.
Elle
a.pparaît
avec
tout
son
cortège
d'angoisse
de
dissolution,
!
d'angoisse
de
mort,
conséquence
de
son
origine
mystérieuse,
inconnue
donc
incontrôlable. En effet, on ne peut neutraliser un mal qu'en l'attaquant à sa racine.
Il faut connaître cette racine et être capable de la détruire.
Le Tada apparaît comme celui qui est capable de répondre à toutes
ces
inquiétudes.
1.1.3.3. Pouvoir du Tada à la mesure du mal.
Pour répondre au besoin de sécurité, le Tada doit être capable de découvrir
1
la racine du mal et de la détruire, de la neutraliser. Il doi t donc, avoir un pouvoir
au moins égal à celui des agresseurs. Comme les racines
du mal sont plongées
dans le monde de Tinga, le pouvoir de les découvrir, puis de les neutraliser, doit
- 605 -

être de Tinga.
La définition du Tada répond donc à cette source de sécurité. Il est voyant,
élu de Sangbande et des Ancêtres qui lui communiquent le pouvoir de voir le mal,
de le neutraliser (rituel thérapeutique>. Le Tada symbolise la source de sécurité
contre les maladies quand elles se produisent.
1.1.4. Univers bidimensionnel et efficacité symboliqùe.
On
ne
peut
comprendre
le
processus
de
l'efficacité
symbolique
sans
le
replacer
dans
le contexte
de
la
représentation
bidimensionnelle
de
"univers.
En
d'autres termes, le processus de l'efficacité symbolique est impliqué par le cosmos
bidimensionnel tel que le Nawda le conçoit.
Réduite à son aspect purement matériel, la cure traditionnelle apparaît à
l'observateur étranger comme pure supercherie. En effet, les rituels curatifs, tels
que nous les avons observés et décrits plus haut, sont des séries d'actes concrets
relevant du monde physique, sensible.
Ils
consistent en manipulation du corps du
malade
par
le
Tada
(morsure.
découpage
du
filet,
intégration
du
Nanega,
administration
des
médicaments)
et
en
rites
religieux
(immolation
des
animaux,
libation, gestes et paroles imploratoires, ou prières .. '>. Comme l'écrit C.Lévi-Strauss,
en
parlant
justement
de
la
méthode
thérapeutique
traditionnelle.
"Quand
elle
s'attaque directement à la partie malsaine, elle est trop grossièrement concrète (en
général. pure supercherie) pour qu'on lui reconnaisse une valeur intrinsèque" (1). On
voit
que.
même
cet
éminent
ethnologue
moderne
semble
taxer
de
supercherie
l'aspect matériel de la cure traditionnelle, qu'il présente comme trop grossièremènt
concret.
Notons
au
passage
que
cet
auteur,
malgré
son
analyse
pertinente
de
l'efficacité symbolique, donne l'impression d'accorder plus le sta tut de sy mbole au
rituel verbal, plus abstrait, donc plus proche du matériel utilisé par la psychanalyse
à laquelle il aime volontiers comparer la cure traditionnelle.
Quand même on prend cet aspect concret de la cure comme sy mbole d'une
réalité plus profonde au sens où nous l'avons expliqué dans ce qui précède, on a de
la peine à admettre son efficacité dans un système de représentation dualiste de la
1
réalité.
Nous
avons
essayé,
tenté
de
résoudre
ce
paradoxe
dans
l'étude
de
l'efficacité symbolique.
Nous y revenons ici pour preciser que la conception synthétique, continuiste
de la réalité, à la-- fois matérielle et spirituelle, n'est pas une perception purement
mentale et spéculative. mais une représentation vécue, Le Nawda vit le cosmos et
se vit lui-même comme une réalité à deux modalités d'exister.
II
se vit comme
existant spirituellement et matériellement, le mode ou l'aspect matériel étant (vécu
comme) l'apparence, le symbole de celui spirituel et qui est la réalité substantielle.
Alors donc, les rites curatifs concrets sont des apparences symbolisant ce
(1), Lévy-Strauss, C., Anthropologie structurale, Plon, Paris, 1974, p211.
- 606 -

qu'il sont spirituellement pour le Nawda, et celui-ci vit leur action dans
son être
total.
Nous répétons que ce n'est pas une simple croyance, mais il faut l'entendre
au sens de vécu, avec toute la force de signification psychosomatique que ce terme
implique (pour la mentalité occidentale).
C'est dans ce sens que le symbole condense la force, l'énergie de la chose
symbolisée et agit.
1.2. ORIGINE DU COSMOS. SANTE ET MALADIE.
1.2.1. Loi originelle. santé, maladie (et mortl.
1.2.1.1. Conformité à la Tradition et santé.
L'analyse
contextuelle
a
fait
apparaître
que
la
Tradition
est
la
Loi
de
l'Ancêtre. son Verbe. En effet, elle n'est rien d'autre que la Culture elle-même qui
est constituée par les faits et gestes de l'Ancêtre-Fondateur innomé. codifiés en
modèles
de
conduites
et
d'inconduites.
i.e,
prescriptions
et
interdits.
Donc,
la
Tradition n'a jamais été promulguée sous forme Verbale. mais comme modèle d'être
et d'agir (de faire). Les éléments structuraux fondamentaux de la Culture transmis
par l'Ancêtre-Fondateur tels que nous les avons fait ressortir du mythe d'origine,
sont des
faits,
des
gestes
et
non
des
paroles.
L'Ancêtre-Fondateur
n'a jamais
transmis à sa descendance une
table des
Lois.
Il
a agi et
ses
faits
et
gestes
constituent la Loi. la Culture qui unit les Nawdeba sous le même chapeau. Rappelons
brièvement ces faits et gestes constitutifs de la culture:
L'Ancêtre-Fondateur est descendu du ciel en tant que couple formé (Alliance
matrimoniale Source de la parenté, élément de base des institutions sociales). Il est
descendu portant des armes (éléments des institutions politiques). Il porte aussi des
instruments
aratoires
et
des
semences.
puis
des
armes
de
chasse
(éléments
d'agriculture et de chasse. base de la production économique). Son
apparition se
fait
la
nuit,
dans
un
lieu
saint,
s'accompagne
de
la
manifestation
des
forces
surnaturelles mystérieuses (éléments du systè me de pensée: univers biodimensionnel.
éléments des institutions religieuses). L'Ancêtre a donc communiqué. enseigné à sa
descendance ce qu'il faut faire. par des actes. en le faisant lui-même (éléments du
système éducatif: enseigner par l'exemple, apprendre à faire en faisant).
Le Verbe de l'Ancêtre-Fondateur
est
donc
Acte
et
non
Parole.
ou.
plus
exactement. Action ~vant d'être Parole, Il parle. enseigne par des actes. Son Code
des Lois est un. système de conduites
et d'inconduites à
imiter.
i.e.
des
actes
modèles comme i,déal à suivre. dont le contraire constitue des inconduites.
Ce
Code
de
conduites
(et
d'inconduites)
devenu
Tradition,
Culture,
est
consubstantiel à l'Ancêtre-Fondateur. puisqu'il émane de lui. est sa Loi d'être et
donc d'agir. C'est cette Loi qui
fonde
les hommes en
tant
qu'êtres
dynamiques
(condensations en nœuds
de
force
vitale
de
l'énergie
ancestrale),
Ils
sont
donc
- 607 -

consubstantiels à l'A ncêtre-Fondateur et, partant, à la Tradition.
La Tradition n'est donc pas une loi extérieure à "homme, loi à laquelle il
pourrait se soustraire sans dommage. C'est la Loi de son être. Elle est la poussée
énergétique que constitue son être vers le plus être, vers l'épanouissement. Ce
plus-être, cet épanouissement, n'est rien d'autre que la santé. La pratique de la
santé consiste
à pratiquer la Tradition. Nous verrons
plus
loin
comment
cette
pratique doit
se
faire
concrètement
à
chaque
niveau
ou
élément
structurel
du
système culturel.
1.2.1.2. Rejet de la Tradition et maladie.
L'analyse que nous venons de faire permet de dégager deux alternatives: être
culturellement ou ne pas être du tout.
La
pratique
de
la
Tradition
qui
est
l'idéal
culturel
assure
le
bien-être,
"épanouissement
ontologique
et
existentiel
maximum
qui
sont
les
éléments
constitutifs de santé. L'irrespect de la Tradition, i.e. les inconduites, la violation des
tabous, des interdits ... constitue la marche à contre-courant de l'élan vital, de la
poussée vers l'épanouissement de l'être humain lui-même. C'est le retournement de
l'énergie constitutive contre elle, une sorte d'auto-destruction. C'est dans ce sens
que les inconduites sont source de maladies considérées comme punition ancestrale,
ou retournement du Nagemte contre son auteur. Ego qui se conduit mal, qui rejette
la
Tradition
pratique
une
auto-négation,
la
négation
de
son
être,
et
donc
se
désarticule du pôle ancestral, i.e. se coupe de l'Ancêtre: le Haare ou les Ancêtres
lui tournent le dos ou le punissent activement.
1.2.2. Identité ancestrale et santé et maladie.
1.2.2.1. Etre et identité.
L'analyse ci-dessus fait
apparaître que l'Ancêtre fonde à
la fois
l'être et
l'identité des existants, II les institue en tant qu'êtres par la médiation des Ancêtres
biolignagers qui se comportent comme des Rateba. La communauté élargie prend le
relais de l'Ancêtre-Fondateur comme dépositaire de la Tradition, Loi de l'identité de
tous les existants.
1.2.2.2. Identité et santé .
. Par
le
système
de
pensée
codifié,
l'organisatio n
et
les
pratiques
socio~rêligieuses. la_ société donne à l'individu les éléments de constru ire. de réaliser
son identité. C'est dans ce cadre que, rappelons-le, l'individu déploie son énergie
productive pour se construire culturellement, se réaliser, poursuivre le degré le plus
élevé possible de l'idéal social. Cette expansion, cet épanouissement en tant qu'être
social admiré, estimé, constitue le bien-être social non séparable de son existence
et de son être. C'est la s3nté sous son aspect plus psycho-social.
- 608 -

1.2.2.3. Maladie comme négation de l'identité.
Nous avons vu comment les partenaires sociaux, par envie, jalousie ou autres
mobiles, peuvent couper Ego de cette identité culturelle, en détruisant l'énergie qui
lui permet de construire cette identité. cet idéal social auquel tout le monde aspire.
Cette négation de l'identité n'est possible que par l'instance même qui rend
présent à l'individu ce modèle de comportement identificatoire à l'Ancêtre qu'est la
Tradition.
Tout
comme
le
biolignage
pourvoyeur
de
vie
et
de
l'existence
est
aussi
mangeur de vie, négateur de l'existence, c'est la société élargie
seule
qui
peut
détruire chez l'individu l'identité qu'elle lui confère, i.e. le nier comme partenaire
social.
1.2.3. Principe du cosmos, santé et maladie.
Nous avons montré, plus haut,
comment
Sangbande
constitue
la dernière
explication des maladies inexplicables culturellement.
Nous venons d'analyser les rapports qui lient la maladie et la santé à la Loi
ancestrale originelle.
Ces
deux
séries
d'analyse
font
apparaître
que
c'est
"Origine
Ourano-Chthonienne
du
Cosmos
(physique
et
social)
qui
est
aussi
source
d'explication de la santé et de la maladie. Ces deux processus de J'énergie vitale de
l'être
humain
(épanouissement
et
dégradation)
ne
sont
pas
des
accidents
de
parcours. Ils constituent bien la Loi de l'existence qui remonte à l'origine. Ce sont
deux aiternatives: exister ou ne pas exister.
En
effet,
l'émanation
énergétique,
constitutive
des
êtres,
de
l'être
du
Cosmos. se déploie suivant un ordre, une Loi qui oriente l'existence individuelle et
cosmique vers sa plénitude définie comme santé chez l'homme. Toute perturbation
dans cet ordre cosmique se traduit par des troubles de santé chez j'homme.
Ainsi
donc
pour
comprendre
la santé
et
la
maladie,
il
faut
remonter
à
l'origine du Cosmos; il faut comprendre le principe originel
du Cosmos. C'est
ce
princiDe qui régit les représentations de la santé et de la maladie (puis la mort).
2. DYNAMIQUE DE LA REALITE ET SANTE-MALADIE.
2.1. E~JERGiF, FORCE ET SANTE-MALADIE.
2.1.'1. Equilibre de forces et santé.
2.1.U. Unité ontologique et santé.
Le 'Iécu de la santé comme bien-être découle de l'unité naturelle de "être.
- 609 -

C'est "être dynamique çlans sa totalité qui constitue cette poussée énergétique vers
la plénitude de l'existence. l'épanouissement qu'est la santé et que nous avons décrit
plus haut. Nous savons
que· la
représentation
de
la·· structure
dynamique
de
la
personnalité exclut tout conflit interne. Les différents éléments de cette structure
étant des aspects de la même réalité. il n'y a pas d'opposition possible.
La santé est la préservation de cette unité intérieure, l'intégrité du noumène
et du phénomène. C'est la conservation de l'énergie qui constitue l'être, la plénitude
de
force
vitale
qui
assure
à
la fois
le
tonus
ontologique
et
existentiel
et
le
rayonnement de l'Ego dans son activité productive et ses relations avec le Cosmos
physique et social.
2.1.1.2. Equilibre relationnel systémique.
La santé comme équilibre ontologique est la conséquence de l'équilibre de
l'être
humain
avec
le
Cosmos.
puisque
tout
déséquilibre
interne
lui
vient
de
l'extérieur.
Son
rayonnement
d'énergie
en
tant
qu'élément
du
Cosmos
est
en
harmonie. en symphonie parfaite avec le rayonnement des autres énergies dans la
dynamique
interactionnelle.
Toutes
les
interactions
constituent
des
influences
positives.
renforcent
le
potentiel
énergétique
de
l'Ego.
permettent
son
épanouissement;
elles
constituent
un
échange
enrichissant
et
harmonieux
entre
éléments cosmiques (dont l'homme), ces condensés d'énergie émanée de la source
divino-ancestrale. La santé est ainsi synonyme de l'ordre cosmique.
2.1.2. Energie cosmique et notion d'attaque morbide.
2.1.2.1. Interaction et conflit.
L'interaction
cosmique
n'est
pas
toujours
un
échange
harmonieux
et
enrichissant. Elle est souvent conflictuelle. chaque élément cherchant à se renforcer
aux
dépens
des
autres,
en
les
déforçant,
les
détruisant,
les
attaquant,
les
agressant.
La
dynamique
interactionnelle
devient
ainsi
une
lutte

les
plus
forts
détruisent les plus faibles. Le conflit est la lutte d'influence entre les êtres. Le~
plus vulnérables sont déforcés.
2.1.2.2. Conflit et maladie.
C'est
dans
ces
affrontements
cosmiques
conflictuels
que
se
situent
les
attaques morbides. Les notions d'influences négatives, de déforcement, d'agression
étudiées
dans
l'analyse
conflictuelle
permettent
de
comprendre
les
phénomènes
d'attaques morbides.
- 610 -

2.2. NECESSITE ET SANTE-MALADIE.
2.2.1. Déterminisme et santé.
Nous avons présenté la santé comme conséquence de l'ordre cosmique.
Cet ordre n'est pas le produit des phénomènes
aléatoires, mais s'explique
par
des
causes
nécessaires.
Les
échanges
interactionnels
enrichissants
et
harmonieux qui déterminent cet ordre au sein du système cosmique ne se font pas
au hasard. Toute influence positive que subit un être de la part d'un autre est
toujours intentionnelle: renforcer, protéger, etc.
Ainsi donc, les causes
qui rendent compte
d'un
bon
état
de
santé
sont
nécessaires, déterminées, intentionnelles.
2.2.2. Déterminisme et maladie.
2.2.2.1. La logique du malheur et l'explication de la maladie.
On
ne peut pas comprendre le déterminisme
de
la
maladie
si
on
ne
le
replace pas dans le contexte de la logique du malheur dont, nous le savons. elle
n'est qu'un cas particulier. L'explication du malheur sert de système cohérent qui
implique le déterminisme de la maladie, comme nous l'avons montré dans l'analyse
contextuelle.
C'est le même système logique. où toute contingence est exclue. qui explique
les évènements contraires que sont la santé et la maladie. La maladie, ainsi que le
malheur
en
général,
est.
comme
la
santé,
le
résultat
infaillible
des
causes
nécessaires qui sont voilées par les apparences fort uites.
2.2.2.2. Degré de vulnérabilité et logique de la maladie.
La notion de vulnérabilité
et
d'invulnérabilité permet de comprendre encore
mieux le déterminisme de la maladie.
Dans la dynamique conflictuelle. en effet, le fait que certaines forces soient
plus vulnérables que d'autres, conduit inévitablement au déforcem~nt
des premières
par les
secondes. Et
nous
savons
que
le
degré
de
vulnérabilité
n'est
pas
une
constante.
mais
varie
intentionnellement,
rendant
la
maladie
inévitable
dans
le
système interactionnel cosmique. Le retrait de protection par exemple expose Ego
aux attaques inévitables.
- 611 -

CHAPITRE 2:
REPRESENTATION DE
L'HOMME ET SANTE MALADIE.
1. STRUCTURE ONTOLOGIQUE DE L'EGO, SANTE ET MALADIE.
On ne peut comprendre la représentation du processus de la santé et de la
maladie. des techniques diagnostiques telles que la vision directe. si on ne se refère
pas à la représentation de la structure ontologique de l'être humain. L'analyse de
nos hypothèses l'a fait indirectement apparaître. Ici. nous allons apporter quelques
précisions.
1.1. CORPS. SANTE ET MALADIE.
1.1.1. Corps comme phénomène et manifestation de la santé et de la maladie.
1.1.1.1. Corps comme support symptomatique de la. maladie.
Le corps phénomène de l'être humain. apparence de la
substance. est
le
support des troubles manifestes de santé. l_a maladie conçue comme attaque de la
substance
inobservable
a.
comme
celle-ci,
une
apparence
manifeste,
une
façon
d'exister
sensible
qui
se
traduit
dans
le
phénomène
qu'est
le
corps.
Les
manifestations sensibles, physiques des maladies, i.e. les troubles organiques vécus
et/ou observables. sont donc
des symptômes. Evidemment. nous
n'entendons pas
symptômes au sens de signes observés renvoyant à des troubles latents situés au
niveau du corps phénomène et pouvant être eux-mêmes observables sous certaines
conditions. Les symptômes sont entendus ici au sens des apparences des troubles
siégeant
au
niveau
du
noumène
(substance)
échappant
à
l'observation.
à
la
perception sensible. et décelables seulement. comme nous l'avons vu. par le regard
de la voyance. Les troubles physiques sont le mode d'être sensible. phénoménal de
la maladie.
1.1.1.2. Corps 'phénomène et santé.
COr1')me la maladie, la santé révèle à travers le corps phénomène l'état de la
substance
fondante.
Cet
état
se
manifeste
de
façon
sensible
au
niveau
du
corps-phénomène. Les expres;;ions "Gbanu n La mègu". bien-être corporel; "Nemten
hom" , être bien dans sa chair ... traduisent cette manifestation sensible de la santé.
surtout au niveau de l'expérience vécue.
- 612 -

L'intégrité corporelle. le potentiel énergétique. en sont les signifiants. et ont
rang de symbole au sens où nous l'avons défini plus haut.
1.1.2. Corps et maladie naturelle.
Pour ce qui concerne la maladiè naturelle. le corps apparaît à la fois comme
support et siège de l'attaque. Les troubles physiques observés sont des symptômes
renvoyant à des troubles latents siègeant au niveau du corps-phénomène. et pouvant
être rendus observables. Ici. le symptôme revêt la même signification que 'celle que
lui donne la médecine moderne.
1.2. SUBSTANCE ET ETAT DE SANTE.
1.2.1. Santé et harmonie substantielle.
La santé définie comme harmonie. intégrité de l'être. s'entend donc de la
substance. du noumène, i.e. cette modalité d'être authentique de l'homme. Tous les
éléments
structurels
de
la
substance
sont
intégrés.
Le
milieu
substantiel
est
homogène,
i.e.
sans
corps
étranger.
Il
est
intègre,
sans
lésion
traumatique
ni
toxique,
C'est cette harmonie, cette intégrité, qui sont reflétées au niveau du corps.
Comme celui-ci n'est pas une partie. mais l'apparence du tout, il reflète en général
la totalité. le rend sensible.
1.2.2. Maladie et substance.
1.2.2.1. Maladie surnaturelle.
La
maladie
est
d'abord
un
trouble
de
la
substance.
Rappelons
que
le
processus décrit par le Tada se déroule au niveau du noumène: la dissociatipn, les
lésions. l'intoxication. etc. qu'il décrit ne sont observables que par la voyance. Tout
se déroule au niveau de la substance fondante, C'est la désorganisation de celle-ci
qui constitue la mal"adie. C'est cette désorganisation qui se rend
sensible par le
vécu. les plaintes du. malad~. et peut se traduire au niveau du corps et devenir
observable: désordres phys iques. organiques.
1.2.2.2, Maladie naturelle et intégrité substantielle.
La' maladie
naturelle.
comme
nous
venons
de
le
voir.
ne
perturbe
que
l'apparence. le corps phénomène où elle a son siège. La substance reste intègre.
C'est pourquoi le Tad·a, dans le cas des maladies naturelles, ne voit rien dans la
substance. Celle-ci reste indemne de "attaque.
- 613 -

Analogiquement,
la
substance,
le
noumène
(qu'on
pourrait
comparer
au
psychisme) est au phénomène corporel ce que l'organisme est au psychisme dans la
médecine moderne. Quand les plaintes du patient ne correspondent pas à un trouble
organique, le médecin conclut à des phénomènes psychologiques, sous-entendant que
ce n'est pas une maladie, mais un vécu imaginaire qu'on peut faire disparaître en
rassurant le malade. Po ur lui, l'atteinte organique est plus sérieuse. Pour le Tada,
le point de vue se trouve inversé. Quand, au cours de l'examen du malade, le Tada
dit ne rien voir, cela
signifie
que
la
substance
n'est pas
atteinte et
que, par
conséquent, cela paraît moins grave. Cependant, il ne s'ensuit pas que la maladie
naturelle, qui attaque l'organisme, n'est pas mortelle, comme le- médecin le laisse
entendre de la maladie psychique. En effet, la destruction de "apparence corporelle,
i.e.
du mode d'existence
sensible,
signe
la
mort.
C'est
pourquoi
le
traitement
herboriste ou médical est aussi sérieux que celui du Tada,
Notons que les maladies naturelles affectant uniquement le corps-phénomène,
paraissent assez rares dans la pratique. La tendance est plutôt au mixage: une
maladie naturelle se mêle, se combine souvent avec des problèmes de Tinga. Et
puis la mort n'est pratiquement jamais naturelle, même si théoriquement on admet
des maladies naturelles mortelles.
1.2.2.3. Conclusion.
L'analyse
qui
vient
d'être
faite
laisse
apparaître
que la
distinction
entre
maladie naturelle et surnaturelle, outre l'origine de l'attaque, n'est compréhensible
que dans le système de la représentation bidimensionnelle de la structure de l'être
humain. Le corps, mode d'exister sensible de la totalité de l'être humain, apparaît
en même temps comme une carapace, une enveloppe, point d'impact des attaques
venant du cosmos naturel alors que la substance est vaporeuse, volatile, ne pouvant
capter les forces naturelles.
2. ETAT DE SANTE ET RESEAUX RELATIONNELS TRIPOLAIRES.
Dans l'analyse de nos hypothèses, nous avons montré que l'état de santé de
l'Ego
dépend
intimement
de
ses
articulations
tripolaires,
étant
donné
que
toute
agression vient de l'extérieur, l'intra-personne unitaire ignorant des divisions, des
oppositions, des conflits.
Nous allons préciser ici les rapports
de
ces
trois
pôles
avec
Ego.
Cela
éclairera un peu plus les lois qui régissent les mécanismes polaires de la santé et
de la maladie.
- 614 -

2.1. POLE PHYLOGENETIQUE, SANTE ET MALADIE.
Ego
n'est
rien,
il
n'est
pas,
il
n'existe
pas
si
on
le
coupe
du
pôle
phylogénétique, origine et fin de son être,
d'où
découlent
son
existence et
son
identité.
2.1.1. Phylum, être et santé.
Nous avons démontré tout au long de ce qui précède la relation entre l'être
de l'Ego et l'Ancestralité.
Nous avons noté entre autre que l'émanation de l'être humain de l'Ancêtre ne
se fait pas une fois pour toutes, mais est continuellement en acte. Ego en tant
qu'étant est la condensation de l'énergie ontogénétique de l'Ancêtre en acte.
Cette
émanation
en
acte
assure
le
maintien
de
l'être
de
l'Ego,
son
épanouissement,
son
expansion,
donc
sa
santé.
Le
système
de
protection
que
constitue l'Ancestralité, la Maison (Haare) pour chaque Ego n'est rien d'autre que
cette émanation
de
l'énergie
ancestrale
se
condensant
en
nœud
de
force.
La
barrière
défensive
dont
participe
le
Kawatia
de
chaque
individu
est
une
autre
manière de définir Ego en tant que rayonnement continuel de l'Ancêtre.
Ego, tout en étant distinct, différent de l'Ancêtre, est une parcelle de ce
dernier. Il est à l'Ancêtre ce que la branche est au tronc de l'arbre. Il en découle
que l'épanouissement de l'Ego, sa santé, n'est possible que par rapport à l'Ancêtre
dont il est une pousse comme le bourgeon de "arbre.
Son
épanouissement
est
conditionné. déterminé par la circulation de la sève nutritive, constitutive de son
être:
l'énergie ontogénétique
ancestrale.
Si
on
ne
comprend
pas
ces
rapports
d'implication, il est difficile de comprendre l'importance que revêt l'Ancêtre dans la
pratique
de
la
santé.
En
effet,
l'apport
énergétique
ancestral
n'est
pas
un
déterminisme.
A
la
différence
de
la
branche
sur
l'arbre,
Ego
a
une
relation
personnelle
à
l'A ncêtre
et
doit
co Ilaborer,
contribuer
à
l'action
énergétique
ancestrale. Celle-ci dépend de sa disposition comme nous l'avons démontré à propos
de la nécessité de se conformer à la tradition.
2.1.2. Phylum et maladie.
Il découle de ce qui précède que toute coupure entre l'Ancêtre et Ego est
mortelle. C'est pourquoi toute désarticulation, toute suspension ou baisse du volume
d'émanation énergétiquequ1 constitue Ego en
tant
qu'être
entrai ne
la
diminution
d'être de ce dernier, se manifestant par le trouble de santé, la maladie, telle que
nous l'avons décrite plus haut; le 'diagnostic se formulera alors comme un retrait de
protection: c'est la Maison (Haare) qui a tourné le dos.
Tout conflit avec l'Ancestralité est comme une tentative de détachement de
- 615 -

la branche de l'arbre qui la porte, une blessure qui interrompt l'apport de la sève
vivifiante, ontogénétique ,qui fait être la branche, la constitue. Scier la branche, c'est
automatiquement interrompre l'apport de l'énergie qui la fait être, c'est créer une
solution de continuité entre la branche et le tronc, entre l'être et la source d'être.
C'est dans ce sens que toute désarticulation de l'Ego d'avec l'Ancêtre est la
négation de son être.
2.2. POLE BIOLIGNAGER, SANTE ET MALADIE.
2.2.1. L'existence et santé.
L'existence de l'Ego est greffée sur celle du lignage comme son être est
greffé
sur
l'Ancêtre. So n
individualité
n'est
que
la
condensation
de
l'existence
biolignagère. En tant qu'existant, il est la condensation du lignage.
Le
biolignage
fondé
sur
les
ancêtres
familiaux,
médiateurs
de
l'Ancêtre-Fondateur, communique continuellement à Ego son existence. L'existence
n'est
pas
communiquée
une
fois
pour
toutes.
Comme ,l'émanation
de
l'être,
la
communication de l'existence est toujours en
acte.
Le
lignage
maintient Ego en
existence, en vie. Il est source de son existence comme l'Ancêtre-Fondateur est
source de son être. L'existence de l'Ego participe, ou, mieux, est une par-:elle de
celle communiquée au lignage par le couple ancestral. Cette existence se distribue
et
se
recombine
par
le
jeu
des
systèmes
d'alliance
qui
est
à
l'origine
des
ramifications lignagères.
Ego, parce fie de l'existence biolignagère, ne peut exister que dans et par le
lignage. La plénitude de son existence qui définit la plénitude de sa santé est la
condensation
maximale
du
lignage
en
lui.
Son
épanouissement
total
en
tant
qu'existant est déterminé par son rattachement permanent et ferme au lignage. Ce
rattachement n'est possible que dans l'entente harmonieuse entre les membres du
lignage.
"
2.2.2. Maladie et existence lignagère.
On comprend à présent pourquoi tout conflit familial est source de trouble
de l'existence biolignagère, trouble qui, par le jeu de régulation homéostatique, peut
inves tir, comme nous l'avons vu, un membre quelconque, impliqué ou
non dans le
conflit.
Cette
régulation
est
considérée
comme
un
sacrifice
d'un
membre
pour
sauver d'autres,
ou
le
tout,
le
reste.
C'est
pourquoi
la
maladie
apparaît
alors
comme
un
symptôme
d'un
trouble.
d'une
perturbation
latente
de
l'existence
du
lignage, qu'il faut dé'cripter.
On peut comprendre aussi pourquoi la sorcellerie ne peut être qu'une affaire
de famille, un conflit entre membres
du lignage,
consistant
en
ce
que
les
uns
- 616 -

vident. mangent l'existence des autres par ce mécanisme de vases communiquants
comme nous l'avons montré plus haut. Le lignage. source de "existence. est le seul
qui puisse la retirer à l'un de ses membres par délégation de queiques-uns de ses
membres. Le lignage constituant continuellement j'existence, peut cesser de le faire.
" n'y a que le lignage qui puisse nier à Ego l'existence qu'il lui donne. C'est dans ce
sens que toute agression morbogène venant du lignage est définie comme négation
de l'existence. Ego agressé est coupé de la source de l'existence: son existence est
menacée de disparition. Le cordon ombilical qui le lie au lignage est coupé.
2.3. POLE COMMUNAUTAIRE ET ETAT DE SANTE.
2.3.1. Pôle social et santé.
Nous avons
montré
que
c'est
du
pôle
social
que Ego
tient
son
identité
culturelle. Nous avons montré aussi que la Tradition, autre nom de la culture. est
consubstantielle à l'A ncêtre et à toute sa descendance dont Ego. Ego se trouve
donc
culturellement
soudé
à
la
communauté,
à
l'ensemble
de
la
descendance
ancestrale. Il lui est consubstantiel, il en est une parcelle. Il participe en effet de
l'ethos social, ce système ritualisé de conduites ancestrales.
C'est
à travers
la
société qu'il est culturellement relié à l'Ancêtre-Fondateur. La société est, en effet,
le modèle ancestral qu'il doit épouser, qui lui trace la ligne de son devenir, de son
épanouissement. La société c'est la dimension du devenir de l'Ego.
C'est en effet la société qui lui communique la sève culturelle, véritable arme
de lutte pour la vie. L'Ancêtre lui communique l'énergie potentielle de cette lutte.
Mais le code de conduites qui en trace les lignes et la direction, c'est la société qui
en
est
le
dépositaire.
Elle
est
constituée
de
structures
vitales
(institutions,
pratiques, systèmes de pensées et de croyances ... ), comme nous l'avons
montré
dans l'analyse contextuelle, qui polarisent, à tous les niveaux (artistique, économique.
politique,
biologique,
religieux ... )
son
énergie
créatrice
et
ontogénétique,
lui
définissant un programme d'activités qui ponctuent les différentes étapes de son
devenir. Devenir, c'est se créer, se construire dans et par la société, modeler son
être sur celui de l'Ancêtre. Nous avons vu que ce modelage est l'expression de soi
vers
le
plus
être,
la
conformation
de
soi
à la
Loi
de
l'être
promulguée
par
l'Ancêtre-Fondateur
à
travers
ses
actes;
on
ne
peut
devenir
comme
l'Ancêtre,
s'identifier à lui qu'en se socialisant. qu'en se conformant à
son
modèle
social.
Construire son
identité, c'est
se
socialiser.
c'est
construire
sa
santé.
L'énergie
productrice, dont Ego est constitué, est sa dimension sociale, i.e. le pôle qui fait de
lui une parcelle de la sociBté; formellement, c'est son
mode d'être social, de se
déployer selon le modèle ancestral que constitue la société.
- 617 -

2.3.2. Société élargie et maladie.
Cela explique pourquoi toute agression sociale vise à détruire Ego en tant
qu'être actif. Désarticuler Ego de la société consiste à détruire cette dimension qui
le
plonge
dans
le
tissu
social.
détruire
l'énergie
qu'il
déploie
pour
son
épanouissement. la construction de son identité. Cette dimension faisant partie du
tissu social est la cible des partenaires sociaux. Si elle est détruite. l'individu ne
peut plus participer de la société. Nous avons dit qu'il est mort socialement. Cela
signifie qu'il
perd
l'équipement
naturel
lui
permettant
de
construire
son
identité
culturelle. C'est l'annulation de son projet d'épouser le modèle ancestral présenté à
travers
la
société.
Il
devient
alors
le
faible
Œaala),
l'épave
de
la
société,
le
sous-produit de la société en marche. Son avenir est gelé. Il devient la risée. Il n'a
plus de force pour faire comme les autres,
cultiver ses capacités culturelles
à tous les niveaux.
La meilleure façon donc de nier à quelqu'un son identité c'est de casser son
ressort, ce potentiel énergétique qui lui permet de rayonner dans la société, de
participer aux activités sociales, productives et autres, source d'auto-construction.
2.4. LE POINT.
2.4.1. Ego et ses dimensions tripolaires.
L'analyse que nous venons
de
faire
laisse
apparaître
que
les
dimensions
(verticale et
horizontale)
tripolaires
(phylogenèse,
biolignage,
communauté
élargie)
sont distinctes de l'Ego et extérieures à lui. Il n'y a, en effet, aucune confusion
possible entre Ego en tant qu'individu et l'Ancestralité, surtout l'Ancêtre-Fondateur
innommé et
inégalable,
le
biolignage
tel
que
nous
l'avons
défini
et
décrit
dans
l'analyse contextuelle, la communauté élargie constituée de plusieurs lignages dont le
sien.
Mais, ces dimensions tripolaires sont. dans le même temps, inséparables de
l'Ego. Ce sont des paramètres qui le défin:ssent en tant qu'être complexe et total.
1
Ces dimensions dont les trois pôles se coordonnent forment un encadrement dont
Ego tient le centre. L'existence de l'Ego est impensable sans ces dimensions.
Comme nous l'avons mO(ltré, cet encadrement forme un ensemble de réseaux
d'interactions conflictuelles dont Ego est acteur.
Donc toute la problématique de l'Ego, son bien-être comme ses malheurs. ne
sont
pas
inintelligibles
en
dehors
de
ces
coordonnées
qui
le
définissent.
Ego
détaché. extrait de ce cadre socio--culturel, et considéré uniquement comme individu
. est un élément sans signification.
-
618 -

2.4.2. La cure comme nécessité.
2.4.2.1. Désarticulation inévitable.
Ego baigne dans ce réseau complexe d'interactions conflictuelles se déroulant
au niveau de chaque pôle et entre les pôles comme nous "avons montré.
C:est pourquoi les désarticulations pôlaires de l'Ego sont inévitables comme le
fait ressortir surtout l'analy se de nos hypothèses. En effet, au niveau des trois
pôles,
l'harmonie
paraît
plutôt
précaire,
Ego
étant.
dans
la
pratique,
soumis
continuellement à des agressions, visant à le désarticuler de l'un ou l'autre de ses
pôles.
Chaque être se trouve ainsi menacé dans son être, son existence et son
identité.
2.4.2.2. La nécessite de contenir la menace.
Ces agressions qui se traduisent la plupart du temps par des maladies, des
troubles
de
santé.
menacent
la
destruction
des
être
humains
et
appellent
une
organisation défensive.
La cure, avec tout ce qu'elle implique de mantique, est donc une institution
ancestrale nécessaire pour parer à cette menace de destruction de la collectivité.
du genre humain.
La cure permet de réarticuler continuellement Ego à ses axes vitaux pour
éviter sa destruction, son anéantissement. On comprend bien l'angoisse intolérable
qu'engendrerait
une
situation
conflictuelle

les
hommes
seraient
menacés
d'extermination s'il n'existait aucun système sécurisant.
La cure permettant de neutraliser le mal désarticulant est le meilleur solvant
de l'angoisse, du moins elle contribue à réduire
considérablement celle-ci: elle a
donc pour fonction de procurer sécurité contre la menace de mort. de destruction.
La possibilité de localiser le mal, de le circonscrire.
puis
de le contrôler. et le
neutraliser, est une source de sécurité.
-
619 -

CHAPITRE 3:
LES INSTITUTIONS, SANTE
ET MALADIE.
1. DYNAMIQUE SOCIAlE ET SANTE-MALADIE.
Les
interactions
conflictuelles
polaires,
dont
nous
avons
parlé
dans
le
chapitre précédent, se concrétisent au
niveau
de
ce
que
nous
avons
appelé
la
grande
société,
comprenant
celle
de
Faga,
celle
des
vivants, qui
constitue
la
dimension
horizontale,
et
celle
de
Tinga,
ou
surnaturelle
chthonien
qui
est
la
dimension verticale.
Précisons
que
cette
dynamique
conflictuelle
n'englobe
pas
le
surnaturel
ouranien qui semble se situer hors circuit, même s'il peut faire incursion de temps
en temps dans la mêlée pour causer les maladies dites naturelles.
Par ailleurs, la dynamique conflictuelle semble se dérouler uniquement dans le
monde de Tinga, le Faga y participant par son pôle noumineux qui le plonge dans le
monde d'en-bas.
Nous
avons
défini,
dans
"analyse
contextuelle,
les
différentes
catégories
sociales et précisé
les
actions
de
chacune
d'elles.
Ici,
nous
allons
revenir
sur
certaines de ces actions pour mettre en lumière les rapports d'implication entre
cette dynamique et le problème de la maladie et de la santé, puis la nécessité de la
cure.
1.1. INTERACTION AU NIVEAU HORIZONTAL ET SANTE~MALADIE.
1.1.1. Yendeba et Joomba.
La distinc~ion
entre Yendeba (voyants)
et
Joomba
(aveubles,
non
voyants)
permet d'expliquer l'influence occu Ite de certains hommes sur leurs semblables.
Le
Yendem
(voyance),
comme
nous
avons
eu
l'occasion
de
l'expliquer
à
maintes reprises, ne se limite pas au· processus de la perception visuelle occulte,
i.e. à voir ce qui est invisible aux Joomba, ce qui échappe à leur vision naturelle. à
savoir le monde spirituel chthonien. La voyance est une fonction plus complexe et
plus étendue que son nom le laisse entendre. C'est un regard opérant, une force en
acte.
C'est
la
mise
en
marche
de
toutes
les
fonctions
humaines
au
niveau
noumineux. Le Yendem est l'usage des fonctions noumineuses, fonctions dont tout
homme en tant que modalité d'être spirituel est doté, mais dont certains seulement
ont le pouvoir d'user. En effet, par la capacité dont elles sont douées de percevoir
- 620 -

le
monde
spirituel
chthonien.
certaines
personnes
peuvent
fonctionner
(de
leur
vivant) au niveau de leur noumène. et cela tout en fonctionnant. comme tous
les
autres hommes. au niveau phénoménal. Le. naturel.
Cette capacité leur permet d'influencer. de manipuler à volonté le noumène
des Joomba et même des autres voyants.
Notons
que
le
noumène
des
Joomba
fonctionne
uniquement
au
niveau
phénoménal. Ils n'ont pas le pouvoir (la voyance)
de l'utiliser au niveau spirituel.
n'ayant aucun moyen de contrôler ce monde.
Les
interactions
entre
les
Joomba
et
les
Yendeba
se
déroulent
donc
pratiquement à sens unique. les derniers influençant sans réplique les premiers.
1.1.2. Les yendeba et la maladie.
Cette brève analyse permet de comprendre le
mécanisme
des
agressions
morbogènes provenant de la dimension horizontale de la grande société. Qu'elles
soient d'origine biolignagère ou communautaire (société élargie), ces agressions se
déroulent de façon uniquement surnaturelle. L'attaque morbogène est un mécanisme
purement
occulte
provoquant
un
désordre
occulte.
Seules
les
manifestations
physiques, i.e. les apparences corporelles de l'attaque sont observables. Rappelons,
en
effet.
qwe
la
maladie
s'attaque
aux
éléments
substantiels
noumineux
de
la
structure
de
l'être
humain,
entraînant
une
désorganisation
structurale.
Ego
est
agressé de façon occulte. inobservable, par son semblable, et à son insu, à moins
qu'il soit lui-même voyant. Les
projectiles
morbogènes
Œé'étabe).
l'enchaînement
.(Nane'eba'am), le filet
Œedebe), la sorcellerie
anthropophage
(Gnidebe),
etc.
que
nous avons étudiés, ne sont explicables que par ces procédés occultes. Ainsi donc,
c'est
par
les
fonctions
noumineuses
que
les
voyants
(Yendeba)
agressent
le
noumène de leurs semblables.
1.1.3. Yendeba et pratique de la santé.
1.1.3.1. Neutralisation de la maladie.
Les voyants (Yendeba) qui agressent ne sont, en général. pas capables de
défaire
le
mal
qu'ils
causent.
Dans
de
rares
cas,
certains
auteurs
de
Be'ee
(projectiles morbogènes) peuvent les enlever d'un geste symbolique. et cela surtout
si la victime. voyante elle-même. les surprend en flagrant délit en train d'opérer et
le leur demande avec insistance. Sinon, les actions
maléfiques des voyants
sont
généralement irréversibles. Ils sont capables de détruire mais non de reconstruire.
Ils sont des praticiens de la maladie, mais non de la santé.
Pour défaire le mal des voyants. le Yendem (voyance) ne suffit donc pas.
C'est pourquoi certains Yendeba (voyants) son t élus
et consacrés Tadeba par le
monde sacré. Cette élection renforce leurs pouvoirs. surnaturels
et oriente leurs
- 621 -

fonctions noumineuses vers la pratique du bien. Ils fonctionnent pour le bien, sans
se détourner totalement de la pratique du mal, les fonctions noumineuses du Tada
acquièrent le pouvoir de reconstr uire ce que d'autres détruisent. C'est dans
ce
sens qu'il faut comprendre la fonction recréatrice de la cure pratiquée par le Tada
ou selon ses prescriptions. Il travaille à recréer, à réarticuler le malade désarticulé.
1.1.3.2. Prévention de la maladie.
Le Tada ne se contente pas de réparer, de recréer, de reconstruire ce qui
est détruit. " prévient aussi la destruction. Il peut voir, à partir d'un signe insolite,
ce qui se prépare et prescrire les conduites préventives. Généralement, dans la
pratique préventive, le Tada lui-même n'exécute pas de rites. Il ne prononce pas
d'incantations, n'exécute pas de gestes, ne confectionne pas d'objets, etc., bref tout
procédé magique qui aurait pour fonction de capter et de domestiquer des forces
cosmiques
pour
protéger
Ego
contre
ses
persécuteurs
et/ou
d'agresser,
de
déforcer ses partenaires sociaux, d'écarter de lui tout malheur.
Comme
nous
l'avons
vu,
la
protection
est
exclusivement
une
fonction
ancestrale qui parvient à Ego par la médiation de sa Maison (Haare) ou le cercle
des ancêtres lignagers. La prévention du Tada consiste donc à prescrire des rites,
des objets. etc. sy mbolisant la protection ancestrale familiale (ou lignagère) et, pour
cela, condensant l'énergie protectrice de l'Ancêtre ou du Génie symbolisé. Ces rites
sont exécutés par la famille oule lignage de ['Ego.
C'est dans ce sens qu'il
faut
comprendre
les
amulettes
portées
par
les
enfants et certains adultes surtout du sexe féminin, amulettes dont nous avons fait
mention dans ce qui précède.
1.2. INTERACTlül\\JS VERTICALES ET SANTE-MALADIE.
1.2.1. Kpeemba et Tite.
Nous avons
vu qu'au
fur et à mesure que "homme avance en
âge,
qu'il
vieillit. l'énergie phénoménale. i.e. les fonctions sensibles, décline au profit de celle
noumineuse, spirituelle. L'homme avançant vers la mort entre ainsi progressivement
en usage de ses fonctions noumineuses. son énergie désinvestit le phénomène pour
investir le noumène.
La
mort
est
ainsi
une
transformation
qui
convertit
le
fonctionnement
sensib le. phénoménal de l'être humain en fonctionnement noumineux, spirituel. Les
morts (Kpeemba), qu'ils aient été ou non voyants de leur vivant, fonctionnent donc
exclusivement sur
le
mode
spirituel.
De
ce
fait,
ils
entrent
dans
la dynamique
interactionnelle
purement
chthonienne.
C'est
dans
ce
sens
que
les
Kpeemba
deviennent des praticiens de la santé et de la maladie.
Quant aux Tite
(Génies
protecteurs).
n'ayant jamais
été
de
Faga.
ils
ne
connaissent que fonctionnement spirituel.
- 622 -

1.2.1.1. Kpeemba, Tite et la santé.
C'est cette transformation qui rend les Kpeemba capables d'intervenir dans la
pratique de la santé. Dès
la mort. ils entrent automatiquement dans le système
défensif de la famille. du lignage. Dorénavant. ils voient ce qu'il ne voyaient pas et
peuvent ce qu'ils ne pouvaient pas de leur vivant.
Dans
la dynamique sociale,
ils
agissent comme protecteurs, défenseurs des vivants. Ils peuvent voir. et contrôler
le mal qui menace les membres vivants du lignage.
Les Kpeemba entrent dans "ancestralité qui constitue la prévention contre la
maladie et le malheur en général, le garant de la santé familiale.
Leur fonction
rejoint
ainsi
celle
créatrice
de
l'Ancêtre-Fondateur
dont
ils
deviennent
les
médiateurs, et qu'ils actualisent.
Au niveau de chaque lignage, ils constituent, avec les Génies. la souche, la
racine, le tronc, ou mieux, la substance dont les vivants sont les apparences. Ils
sont le mode d'exister spirituel du lignage, la dimension verticale. C'est le canal par
lequel l'énergie ontogénétique (toujours en acte) de l'Ancêtre-Fondateur parvient à la
dimension horizontale du lignage. C'est cette énergie draînée par eux qui constitue
la sève vivifiante dont nous avons parlé ci-dessus et qui est la santé circulant en
chacun des membres.
C'est de cette manière que les Kpeemba garantissent la santé au niveau de
chaque lignage. Nous avons étudié plus haut les conduites exigées des hommes en
échange de cette protection.
1.1.1.2. Kpeemba, Tite et la maladie. L'entrée en possession, par la mort, des
fonctions
noumineuses
rend
les
Kpeemba
également
capables
d'être
causes
des
maladies. En harmonie avec les Tite, ils s'attaquent au noumène de l'homme. ou lui
retirent la protection ancestrale.
Mais, rappelons que l'action agressive ancestrale n'est pas capricieuse; elle
est
la
conséquence
des
inconduites,
du
conflit
de
l'Ego
ou
du
lignage
avec
l'ancestralité.
C'est de cette manière que se fait la désarticulation de l'Ego d'avec l'axe
vertical.
1.2.2. Les esprits errants et la santé-maladie.
Rappelons
les
deux
catégories
d'esprits
errants:
les
purs
esprits
et
les
morts devenus Fagnideba.
Ces derniers, généralement voyants de leur vivant, donc ayant fonctionné à la
fois
comme 'phénomène
et
noumène,
se
transforment
à
la
mort,
comme
les
Kpeemba,
en
leur
mode
d'exister
et
de
fonctionnement
uniquement
noumineux,
spirituel. Seulement, ils vivent en conflit avec le cercle ancestral et les hommes.
Les Fagnideba, esprits purs, n'ont jamais fait partie du monde de Faga. Ils
ont donc toujours fonctionné, comme les Génies, sur le mode uniquement noumineux,
- 623 -

spirituel.
Qu'ils soient esprits· purs ou hommes devenus Fagnideba. les esprits errants
fonctionnent donc uniquement en tant qu'esprits. sur le mode purement noumineux.
1.2.2.1. Esprits errants et maladie.
C'est cette action purement occulte des Fagnideba qui explique les agressions
que nous avons analysées ci-dessus.
Dans
la
dynamique
interactionnelle
sociale.
les
actions
des
Fagnideba
consistent essentiellement. à la différence de celle
des
Kpeemba.
à détruire. à
déforcer
les
hommes.
Nous
avons
décrit
plus
haut
les
mécanismes
de
cette
des truction.
Les
rapts.
l'amour
possessif.
l'élection
du
Tada
par
la
maladie.
etc.
s'expliquent dans cette optique. comme actions agressives des Fagnideba. influençant
le noumène de l'homme, que nous avons analysées en détail dans ce qui précède.
Tout se passe comme si les esprits errants étaient les ennemis jurés de l'homme.
Ils sont, avec les Yendeba de Faga, les catégories sociales les plus redoutées de
l'homme.
1.2.2.2. Esprits errants et la santé.
Cependant, les esprits errants ne font pas que du mal à l'homme. Certains
deviennent des alliés et des protecteurs de l'homme. Dans ce sens, quelques-unes
des agressions signalées ci-dessus sont à interpréter comme des signes d'alliance.
C'est le cas de certaines liaisons amoureuses possessives, des maladies comme
signe d'élection du Tada.
Rappelons que dans le cas d'amour possessif, les esprits errants intègrent le
système
de
défense
lignager
et
se
conduisent
en
de
véritables
Kawatiba
(1),
protégeant leurs conjoints.
Et puis, nous avons vu que les esprits errants, devenus épouses du Tada.
participent au rituel curatif de ce dernier en tant que collaboratrices indispensables,
par exemple dans le diagnostic et la recherche des plantes médicinales.
1.2.3. Conclusion.
Ce bref aperçu nous mon,tre que les interactions sociales ne se déroulent
jamais
au
niveau
sensible
et
observable.
Toute
manifestation
à
ce
niveau
est
l'apparence de ce qui se passe dans le dessous des choses, dans le monde de
Tinga.
C'est pourquoi toutes les démarches de la cure consistent à analyser ces
interactions pour rechercher l'agresseur et modifier le système relationnel afin de
neutraliser le mal.
(1), pluriel de Kawatia.
- 624 -

2. INSTITUTIONS POLITIQUES ET PRATIQUES DE LA SANTE ET DE LA MALADIE.
2.1. ORGANISATION JUDICIAIRE ET CONFLITS MORBOGENES.
2.1.1. Code juridique et interactions sociales.
Les
interactions
dont
il
s'agit
ici
sont
celles
qui
se
déroulent
dans
les
dessous des choses, au niveau des deux dimensions de la grande sociét.
Le code juridique ne fait d'ailleurs pas
de
différence
entre
les
conduites
occultes
et
celles
observables,
les
conduites
surnaturelles
et
les
conduites
naturelles. celles-ci étant les apparences de celles-là. Rappelons que ce
sont les
machinations occultes (Nagemte) qui sont les plus sévèrement sanctionnées par le
code pénal.
2.1.2. Code jurïdique et Loi ancestrale.
L'analyse contextuelle nous a montré que le code juridico-moral n'est pas une
Loi humaine. Elle est la concrétisation de la Loi ancestrale constitutive de l'être. et
qui régit l'agir de l'existant. Le code indique comment cette Loi doit être pratiquée
dans
les
situations
concrètes
de
lexistence
quotidienne,
comment
elle
régit
le
rayonnement des êtres humains. rayonnement que nous appelons conduites. agir. Le
code est ainsi l'opérationnalisation
de
la
Loi.
Il
répond
à la question: comment
dois-je me conduire, que dois-je faire et comment dans telles ou telles situations
concrètes de mon existence?
Toutes ces indications concrètes ne sont pas l'œuvre des hommes. Comme
nous l'avons montré ci-dessus. ce sont les
faits et gestes de l'Ancêtre-Fondateur
qui sont ritualisés et codifiés puis transmis de générations en générations. C'est le
système d'actes de l'Ancêtre.
2.1.3. Respect de la Loi et santé.
Le respect du code juridico-moral est donc le respect de la Loi de la vie,
source d'épanouissement ontologique et existentiel.
i.e.
de
la
santé.
Le
test
de
Semu'u (ordalie) montre chez l'acçusé innocent la circulation libre de l'énergie. le
ray?nnement et l'expansion de l'être. En effet, l'élimination de la potion de vérité
(Sému'u) telle que nous l'avons étudiée dans l'analyse contextuelle montre l'énergie
ontogénétique en activité. -se débarrassant de tout ce qui peut bloquer. étouffer la
vie. i.e. rendre malade et entraîner la mort. Sous la poussée. la force de "énergie
vitale. le poison ne peut se fixer dans l'être. il est rej eté comme un corps étranger
aux
éléments
vitaux
par
le
flot
irrésistible
de
"expansion
ontogénétique
et
existentielle.
- 625 -

De même, le Baabe, qui est la technique de la recherche, par le devin, des
traces
du
malfaiteur,
montre
que
l'innocent
reste
intègre
dans
sa
structure
ontologique. En effet, on ne trouve pas son Nanéga sur les lieux du forfait. Il n'est
donc pas dissocié. L'innocence conserve l'unité ontologique. l'harmonie structurelle de
l'être, qui est la définition même de la santé.
L'énergie ontogénétique ancestrale coule donc, rayonne dans celui qui pratique
la Loi et maintient son être en unité, Le. en bonne santé.
2.1.4. Violation de la Loi et maladie.
2.1.4.1. Désarticulation de l'axe ancestral.
La violation de la Loi entraîne le blocage de l'énergie. Encas de Semu'u
(test d'ordalie), l'accusé n'élimine pas le poison. Tout se bloque en
lui,
rien
ne
circule. L'Ancêtre a coupé le courant énergétique qui nettoie l'être, le débarrasse du
mauvais. La force énergétique qui constitue "être est bloquée: elle ne rayonne pas;
coupée de la source ancestrale, elle se retourne contre elle-même, s'auto-détruit.
Cela rappelle le retournement de la méchanceté contre son auteur. L'énergie vitale
bloquée ne peut plus débarrasser l'être du poison ingéré, la potion de vérité. L'être
coupé de la source énergétique échappe à la poussée
libératrice, purificatrice de
celle-ci.
Il
s'étouffe.
s'étiole.
C'est
une
véritable
situation
morbide.
2.1.4.2. Dissociation ontologique.
La violation de la Loi désorganise, dissocie la structure de "être humain: le
Nanega du malfaiteur est retenu prisonnier sur les lieux du forfait. Ceci rappelle
étrangement
le
processus
de
l'enchaînement
morbogène
que
nous
avons
étudié.
L'irrespect de la Loi entraîne donc une dissociation de l'être. un désordre structurel
comparable au désordre morbide. Le malfaiteur est donc un malade même si cela
ne se manifeste pas.
La désarticulation du pôle ancestral et du pôle social (que nous analyserons
ci-dessous)
entraîne une désorganisation
ontologique
exactement
comme
cela
se
passe dans le processus morbide.
2.1.4.3. Négation de l'identité.
La
violation
de
la
Loi
est
un
conflit
avec
la
société,
dépositaire
de
la
Tradition (autre nom de la Loj). Ego est donc désarticulé de l'axe communautaire.
coupé de la société: la raillerie sociale qui condamne l'inconduite et le malfaiteur est
la négation de l'identité de ce dernier. Déta ché de la collectivité détentrice de la Loi
ancestrale, Ego perd son statut de membre. Toute incond uite est une négation. un
refus de ·Ia Tradition, qui constitue l'idendité culturelle de la communauté. qui est
"actuation de J'Ancêtre commun comme idéal. Le sentiment de honte et le retrait
social que cette raillerie provoque chez Ego est
un
sentiment
de
mort
sociale,
culturelle.
- 626 -

C'est pourquoi ce sentiment entraîne
le
dépérissement
dépressif: Ego
se
cache. maigrit. développe l'anorexie ...
L'exclusion de la société est encore plus grave: la rupture avec la source
d'identité qui est la société est sensiblement consommée. Ego
devient
un
corps
étranger que la société rejette de son sein.
Celui qui viole la Loi se coupe donc automatiquement de la société, niant
ainsi son identité. Il devient un membre mort et quelquefois gênant et est alors
exclu.
2.1.4.4. Sanction sociale. sanction ancestrale.
Il
se
dégage
de ce
qui
précède
que
la
sanction
sociale
des
conduites
humaines
n'est
pas
non
plus
une
œuvre
humaine.
Elle
est
la
conséquence
automatique de la conduite. Ego se désarticule à la fois de la société et du phylum
qui
sont,
rappelons-le,
ses
dimensions
constitutives
et,
partant,
se
désorganise
ontologiquement. On comprend pourquoi toute inconduite est génératrice de maladie.
La
preuve
du
Semu'u,
la
destruction
du
Nanéga.
suite
au
Baabe,
et
l'exclusion
de
la
société,
sont
des
mécanismes
de
l'homéostasie
sociale.
Pour
conserver sa stabilité, son harmonie, son identité, la collectivité, par les mécanismes
d'autorégulation
et
de
compensation,
rejette
de
son
sein
les
membres
devenus
dangereux,
menaçant
de
destruction
l'Ancêtre-Fondateur
lui-même.
Donc.
ces
conduites de rejet remontent à ce dernier.
2.1.4.5. Réparation et cure.
Quand le coupable reconnaÎ t sa faute et décide de rectifier sa conduite, la
réparation prescrite
par
la
société est
celle
dictée
par
l'Ancêtre.
Le
rituel
de
réparation
symbolise
le
rétablissement
des
liens
rompus:
Ego
se
réarticule
au
phylum ancestral, source de j'être, et se réintègre automatiquement à la société où
il reprend sa place de membre et son identité. Du même coup, il retrouve l'unité de
son être, l'énergie bloquée par la coupure du courant ancestral
se débloque.
le
libér ant comme énergie. La détérioration morbogène en cours se trouve arrêtée.
Ainsi, la réparation des inconduites sociales est une véritable prévention de
"~éclatement
de
la
maladie
déjà
là.
latente.
non
encore
manifeste.
Arrêtant
le
processus
morbide
amorcé,
elle
constitue
déjà
une
cure,
puisqu'elle
réarticule,
rétablit les disjonctions. La réparation est donc à la fois préventive et curative.
2.2. DEFENSE DU TERRITOIRE ET SANTE-MALADIE.
2.2.1. Ennemis tués et maladie.
Les esprits des ennemis tués deviennent source d'agress ions morbides.
Ils
poursuivent Ego, le persécutent. Le genre de trouble de santé généralement observé
dans ces cas est la maladie mentale. Ego est dérangé par les ennemis tués.
- 627 -

2.2.2. Pratiques préventives.
Pour éviter ces persécutions, il est prévu des pratiques rituelles préventives.
2.2.2.1. Libations.
L'exécution
?es
prisonniers
de
guerre est
précédée des
libations
qui
se
déroulent dans des bosquets sacrés à l'attention des Génies de la guerre, et en
présence du condamné. On conduit ce dernier dans ces lieux saints où on lui donne
à boire de l'eau de libation. Ainsi, les Génies le prennent en charge et servent de
rempart, de barrière de protection contre ses agresseurs. Les Génies de la guerre
servent ainsi de tampon entre l'esprit vengeur et les hommes; de cette façon, les
poursuites sont neutralisées.
2.2.2.2. Purification du guerrier.
Comme les ennemis tués à la guerre durant les combats ne passent pas
préalablement
devant
les
Génies
de
la
guerre,
leurs
menaces
ne
sont
pas
neutralisées. Ils poursuivent donc leurs agresseurs qui risquent
des
troubles
de
santé. ainsi que leur famille,.
C'est pourquoi le guerrier, de retour de la guerre,
ne
doit pas
franchir
l'entrée du village tant qu'il n'a pas été soumis à un rite de purification: un poussin
lui est passé sur le corps, symbole de nettoyage, de lavage, puis est
tué, cuit,
imbibé d'huile et enfilé au bout d'une perche qu'on plante à l'entrée du village et/ou
de la propriété familiale de l'Ego.
Puis, par la suite, il doit périodiqueMent subir la grande purification (Jo'obel
qui se déroule à l'entrée de sa concession, avec des poulets et pintades comme
nous
"avons
expliqué
dans
l'analyse
contextuelle.
2.2.3.
Arcs,
symbole
de
la protection ancestrale.
Les arcs de guerre, comme nous l'avons
vu,
constituent
le
symbole
des
Ancêtres défenseurs de chaque maison ou concession. Ils protègent le lignage, la
Maison
contre
les
attaques
morbogènes
de
toutes
espèces,
Armes
de
combat
contre l'ennemi pour la défer,se du territoire, les arcs représentent la manifestation
sensible de l'énergie défensive, protectrice de l'Ancêtre.
C'est pourquoi, rappelons-le. ils sont suspendus à j'entrée de la concession
ou à une des cloisons reliant les
cases
entre
elles,
pour
monter
la
garde
en
permanence. jour et nuit. Aucun agresseur ne peut violer impunément la concession.
- 628 -

3. INS1TTUTIONS ECONOMIQUES ET PRATIQUES
DE
LA
SANTE ET DE
LA
MALADIE.
3.1. GESTION ECONOMIQUE ET SANTE-MALADIE.
3.1.1. La gestion économique et la santé.
L'analyse contextuelle des institutions économiques fait
ressortir
que toute
l'activité économique (agricultu re et élevage) est subordonnée au culte religieux, qui,
comme nous le savons, est la pratique de la santé.
C'est pourquoi, si le troc est autorisé (on peut échanger le produit qu'on a
en trop contre celui qui fait défaut), la vente, i.e. l'échange du produit contre de
"argent, est
formellement
interdite,
dans
la
mesure

l'argent
n'intervient pas
directement
dans
la
relation
cultuelle
à
l'Ancêtre,
et
que,
surtout,
la
quantité
d'offrande, du contenu du culte, risquerait de se réduire au profit de la spéculation
pécunière.
Le culte étant un sacrifice, comme nous allons le voir bientôt, son contenu
doit être proportionnel à la situation économique de l'Ego. Plus on possède, plus on
doit offrir à l'Ancêtre. La richesse reflète l'étendue de la propriété terri en ne héritée
de l'Ancêtre-Fondateur
(par la médiation
des
Ancêtres
lignagers)
et
la capacité
productrice de l'Ego. Or, nous avons montré que la Loi qui régit le système de
propriété, d'héritage, est celle du culte religieux. Celui sur qui repose le culte doit
posséder les terres lignagères dont les fruits constituent la matière de culte. En
effet. le culte assure la bonne
santé non
seulement de
l'Ego.
mais
de
tout
le
lignage. Donc. si on exploite les terres, c'est pour le culte qui est d'intérêt collectif
et non pour la vente qui satisfait des besoins égoïtes.
Ensuite,
la
capacité
de
production,
qui
est
l'énergie
humaine,
n'est
rien
d'autre que cette énergie vitale. ontogénétique de ,'Ancêtre qui se condense pour
former les individus. Sa production doit être réorientée vers l'origine, vers l'Ancêtre,
qui
l'alimente
constamment,
la
maintient
en
bonne
santé,
et
non
vers
la
marginalisation égoïste de la société qui n'est
rien
d'autre que la disjonction de
l'Ancêtre.
La
production
économique
est
donc
l'acte,
la
conduite
qui
doit
se
faire
conformément au code ancestral; i.e. la manière de le faire, et le but pour lequel
on le fait.
Pour la bonne santé des
individus et de la collectivité, les biens produits
conformément à la Loi doivent être gérés selon la Loi. Les biens produits, fruits de
l'énergie agissante, symbolisent celle-ci et doivent pour cela servir à l'épanouir, à
maintenir- sa relation avec la source.
- 629 -

3.1.2. Gestion économique et maladie.
Quand la gestion ne se Jait pas dans ce sens, elle coupe l'Ego de la source
et de la communauté. Il détourne les produits de leur fin collective et ancestrale et
les oriente vers la satisfaction égoïste: la recherche de l'argent. Ce faisant. il se
détache du tronc.
C'est pourquoi on tombe malade quand on n'offre pas les produits que l'on a
pourtant stockés. Et celui qui vend une partie de sa production doit se justifier.
sinon il tombe malade. Les produits. ce symbole de la vie, s'ils n'alimentent pas la
vie. la coupe de sa source. et la fait tarir.
3.1.3. Richesse et maladie.
La richesse, le stockage des biens, peut attirer la jalousie et l'envie des
partenaires sociaux. Celui qui produit beaucoup, qui a beaucoup stocké. s'expose
ainsi
à "agression
du
pôle
communautaire,
parce
que,
par
ce
biais,
il
tente
d'atteindre un degré plus élevé dans la poursuite de l'idéal. de l'identité culturelle.
Ceci pourrait naturellement conduire à produire peu pour éviter de s'attirer
des ennuis. Très peu de gens tiennent pourtant un tel raisonnement. Tout le monde
cherche à produire, mais en cachette. Ceci explique la discrétion, le camouflage des
richesses, de ce qu'on posède. Comme nous l'avons expliqué,
certains
préfèrent
vivre plus pauvrement que les pauvres, se conduisant en véritables avares.
3.2. PRODUCTION ECONOMIQUE ET SANTE-MALADIE.
3.2.1. Produits agricoles et santé-maladie.
Nous avons montré. dans le contexte culturel. comment les produits agricoles
interviennent dans la relation de l'homme avec l'ancestralité. relation concrétisée par
les cultes religieux,
et
les rites
de négociation avec le
monde
spirituel
(comme
pratiques de la santé).
Nous avons aussi
montré
l'importance
relative
de
chaque
produit
agricole
dans cette relation, le rôle qu'il joue concrètement.
Tout cela donne quelques éclaircissements sur le rapport entre la production
agricole et la pratique de la santé, à travers les rites religieux. En effet. il semble
que I:on développe intensément la culture, la production des denrées qui ont
plus
d'importance pour le culte. Mais on pourrait se demander aussi si ce ne sont pas
les
denrées
qui
sont
produites
abondamment
dans
la
région
parce
que
mieux
. adaptées à la nature du sol et au climat qui sont les plus utilisées dans le culte
religieux. é'est le cas type du mil qui semble favorisé par le sol et le
système
climatique de la région.
- 630 -

Cette hypothèse confirme la contingence du symbole par rapport à la réalité
symbolisée. Dans ce cas, le remplacement éventuel des denrées actuellement en
vogue
par
d'autres
ne
changerait
rien
au
système
culturel;
les
symboles,
les
contenus changeraient alors que le système culturel resterait formellement identique.
Les produtis agricoles jouent donc le rôle
de
symbole
de
la
vie
qui
est
sacrifiée. offerte à l'Ancêtre. Ils interviennent dans tous les cultes religieux qui sont
des rites thérapeutiques: libations. repas sacrificiel.
3.2.2. Elevage et santé-maladie.
Tout
ce
que
nous
venons
de
dire
des
produits
agricoles
vaut
pour
les
produits d'élevage. Mais la production animale semble plus en fonction des besoins
cultuels que ne le sont les produits agricoles: prenons seulement le cas de l'élevage
du porc qui, bien que plus facile que certains autres animaux. n'est pas du tout
développé parce que cet animal est jugé impropre à la pratique cultuelle.
Une deuxième différence entre l'animal et les produits agricoles est que le
premier remplace plus valablement l'homme que les secondes.
3.2.2.1. L'animal et le culte thérapeutique préventif.
Dans
les
cultes
qui
constituent
le
rituel
thérapeutique
préventif,
i.e.
la
pratique de la santé, l'animal, rappelons-le,
remplace l'homme. La pratique de la
santé, nous l'avons vu, signifie qu'il faut se conformer à la Loi constitutive de l'être
pour épanouir celui-ci au
maximum. Cela
implique
le
sacrifice
de
la
liberté,
de
l'autonomie par rapport à la collectivité, etc., bref, le sacrifice de la vie qu'on veut
sauvegarder
et
développer.
Le
culte
religieux
s'appelle
Manglebe:
arrangement,
réparation, ou Bidebe, Vite: sacrifice. On répare. on redresse
les relations
avec
l'Ancestralité, on les maintient. Pour ce faire, il faut se sacrifier (Bidebe). L'animal
qui est le plus proche de lui dans le règne biologique. prend valablement sa place,
et est sacrifié en remplacement de sa vie. Son sang, signe de vie, est versé à la
place de celui de l'homme; sa vie, son existence, son être, sacrifiés, alimentent la
vie, l'existence et l'être de l'homme, i.e. r"enforcent sa santé.
Dans la prévention de l'agression par les esprits
des ennemis
tués, c'est
l'animal qui remplace l'homme, qui sert d'appât.
3.2.2.2. L'animal et le culte thérapeutique curatif.
Dans le culte curatif qui soigne l'homme malade, qui rétablit
les relations
coupées entre Ego et l'Ancêtre, l'animal sert de pont. " comble le fossé, la solution
de continuité qui isole Ego de l'Ancestralité. Il meurt à la place de l'homme déjà
condamné par cette coupure.
"
ne prévient pas
la coupure
comme dans le cas
précédent, mais il la rétablit. Sa vie sacrifiée établit le pont entre Ego et la source
ancestrale d'énergie.
Dans le rapt par les esprits errants par exemple, l'animal sert souvent de
- 631 -

monnaie d'échange. On échange "animal contre la vie de l'Ego, on achète sa santé
au prix d'animal.
3.3. CHASSE ET SANTE-MALADIE.
3.3.1. Chasse comme pratique de la santé.
Le feu de brousse, avons-nous vu, purifie le village d'agents pathogènes; il le
débarrasse des esprits méchants, des
faces
du
mal qui menacent la population.
Dans
ce
sens,
le
feu
de
brousse équivaut
aux
rites
exorcistes
qui
chassent,
éloignent du village les forces morbogènes, source surtout d'épidémies, et, par là,
garantit la santé de la population.
Ainsi, le feu de brousse qu i ouvre la chasse du gibier, constitue avec cette
dernière, la chasse des esprits
malveillants. Ce
n'est donc pas par
hasard
que
certains esprits prennent la forme de l'animal pour s'atta cher à l'homme. A u lieu
de fuir devant la menace du feu. les esprits en mal d'amour se transforment en
animaux, se font tuer par celui dont ils sont tombés amoureux pour assouvir leurs
désirs, en réalisant, par ce moyen, des liaisons amoureuses avec les hommes.
3.3.2. Chasse et lien avec l'ancestralité.
Les
fruits
de
la
chasse
constituent
un
test
de
l'état
du
lien
avec
l'ancestralité. Nous avons souligné que quand Ego fait une chasse fructueuse, c'est
qu'il est béni par l'Ancêtre; donc. ses relations avec l'ancestralité sont au beau fixe,
et. partant, il n'a rien à craindre pour sa santé.
Quand il rentre bredouille, c'est qu'il y a un
problème:
il
faut chercher
à
comprendre ce qui ne va pas dans sa re lation, et dans celle de tout le clan, avec
la Maison. La chasse stérile est
donc
signe d'un
trouble latent de relation
avec
l'ancestralité, i.e. une maladie (ou un malheur) qui couve et qui pourrait éclater un
jour si l'on ne cherchait pas le rT'a\\ pour le neutraliser.
4. INSTITUTIONS RELIGIEUSES, ET MALADIE-SANTE
4.1. RELATION AVEC LE MONDE SACRE ET SANTE-MALADIE.
4.1.1. Langage du monde sacré et santé~maladie.
4.1.1.1. Message du monde sacré et prévention de la maladie.
Le message du monde sacré peut faire canna ître à l'avance des menaces de
-
632 -

malheur dans la dynamique interactionnelle. Quand les interactions (souterraines) se
dégradent. le monde sacré. a fin de protéger ses fidèles, leur envoie un message qui
peut revêtir l'une des formes que nous avons décrites dans "analyse contextuelle.
Le décryptage. l'interprétation
de
ce
message permet
de
circonscrire
le
malheur en gestation. La maladie étant un cas particulier du malheur, beaucoup de
menaces de maladie peuvent être ainsi perçues à l'avance.
Le message révélateur contenant toujours
la prescription de ce
qu'il
faut
faire pour éviter le malheur imminent, en l'occurence la maladie, il est donc une
source de prévention.
4.1.1.2. Message et pratique curative.
Le message venu du monde sacré peut être l'indication des origines d'une
maladie déjà là. Son décryptage permet alors de neutraliser le mal par des rites
curatifs adéquats impliqués par le message.
La maladie elle-même peut constituer un message du monde sacré. un signe
d'un malheur plus grand; elle peut être par exemple le prélude d'une série noire
dont la cause doit être cherchée et éradiquée. Dans ce cas, le message permet de
guérir la maladie et de prévenir dans le même temps celles latentes.
Le langage du monde sacré constitue donc un facteur-clé dans la pratique
de la santé; il permet de prévenir et de guérir les
maladies. Mais
il passe par
l'intermédiaire du Tada qui le décrypte et en précise les prescriptions.
4.1.2. Pratiques religieuses. maladie et santé.
4.1.2.1. Cultes religieux.
Nous
avons
suffisamment
montré,
dans
ce
qui
précède.
la
fonction
thérapeutique du culte religieux. Il est un rite thérapeutique préventif quand il est
pratiqué en tant qu'acte de relation avec le sacré ancestral; il est curatif s'il vise à
guérir une maladie. i.e. à rétablir la relation rompue entre l'Ego et l'ancestralité.
c'est le cas des pratiques réparatrices.
4.1.2.2. 'Pratiques exorcistes.
Les
pratiques
exorcistes,
une forme
particulière
de
cultes
religieux.
ont
surtout une fonction préventive. Elles chassent, éloignent les forces spirituelles du
mal. et ainsi préviennent le malheur.
Les pl:Jrifications des personnes, qui sont des rites
familiaux, s'occupent de
la santé individuelle en éloignant de .1'Ego les esprits qui le poursuivent, alors que les
rites exorcistes publics. en débarrassant le village des forces du mal, assurent la
santé collective en prévenant les épidémies.
- 633 -

La fonction des pratiques religieuses. en tant que rites thérapeutiques. est
donc de dissiper. de réduire l'angoisse du malheur dont la maladie est la forme la
plus prègnante.
4.2. ORGANISATION RELIGIEUSE ET SANTE-MALADIE.
4.2.1. Sacerdoce et santé-maladie.
4.2.1.1. Sacerdoce. un autre mode de relation à l'Ancêtre.
La vocation au sacerdoce change les paramètres, les données de la relation
de l'Ego avec l'ancestralité. Elle cesse d'être celle ordinaire symbolisée par le rituel
religieux où la vie humaine. monnaie d'échange. est remplacée par \\a vie végétale et
surtout animale. Ego prêtre semble être lui-même l'être sacrifié. Sa vie retourne à
l'Ancêtre sans être substituée par autre chose. Les obligations auxquelles il est
soumis et les
symboles tels
que le collier de
fer,
l'huile
de
palmiste,
"appareil
vestimentaire.
etc.
qui
le
rapprochent
physiquement
de
l'Ancêtre
sont
assez
parlants.
Au lieu de substituer le sacrifice des autres formes de vie à la sienne, il est
demandé au prêtre de sacrifier la sienne. C'est sur cette nouvelle forme de relation
à l'Ancêtre-Fondateur que va se négocier le prix de sa santé.
4.2.1.2. Refus de l'élection et maladie.
Cela nous permet maintenant de comprendre pourquoi Ego tombe malade s'il
refuse
d'accepter
son
élection
au
sacerdoce.
Dès
que
le
rite
de
consécration
l'intègre au monde sacré, Ego ne peut plus dire non sans dommage pour sa vie qu'il
ne peut plus échanger contre quoi que ce soit. Il commence à dépérir et aucun des
rites curatifs ordinaires ne peut le sauver.
4.2.1.3. Sacerdoce et pratique de la santé.
Ego ne peut recouvrer la santé que s'il revient sur son refus et se résigne
à son nouvel état. Il guérit alors sans traitement. Son nouveau mode de relation
constitue ainsi
un
type
spécifique
de
pratique
de
la
santé.
La
sève
ancestrale
pourvoyeuse de vitalité et de santé ne lui es t communiquée que par ce canal.
Il
n'est plus un homme ordinaire et ne devrait plus subir la Loi de
tout le monde.
C'est pourquoi. le Kowtia. prêtre temporaire, ne devrait en principe pas mourir en
fonction. Le prêtre devrait d'ailleurs être immunisé contre la maladie s'il remplit bien
ses fonctions.
4.2.1.4. Violation d'interdit et maladie.
Cela permet de comprendre pourquoi la violation d'interdit. si elle perturbe de
façon spectaculaire l'ordre cosmique. entraînant des malheurs collectifs. compromet
- 634 -

souvent la santé du prêtre lui-même. C'est ainsi que manger et/ou boire sans avoir
fait les ablutions rituelles prescrites provoque l'amaigrissement de l'Ego, malgré la
suralimentation à laquelle il est soumis.
4.2.2. Organisation administrative, religieuse et santé publique.
L'organisation administrative met en place les différents ministères du culte
et attribue à chacun un rôle dont l'exercice permet le maintien de la relation avec
le monde sacré.
En effet, ces ministères sont les dépositaires de la liturgie, i.e. législation
qui organise
les
structures,
le
fonctionnement
du
culte;
ils
encadrent
ainsi
la
pratique cultue Ile en déterminant dans chaque cas les conduites à teni r
pour le
maintien ou le rétablissement de la relation avec l'ancestralité.
L'organisation administrative constitue ainsi le cadre structurel et fonctionnel
de la pratique cultuelle qui n'est rien d'autre que la pratique de la santé au niveau
collectif et lignager.
4.2.3. Organisation cultuelle et processus thérapeutique.
L'organisation cultuelle qui se fait surtout au niveau familial, telle que nous
l'avons analysée, concrétise et individualise la pratique cultuelle par la mise en place
des sanctuaires. Elle établit par ailleurs le programme cultuel et indique la technique
rituelle. Dans ce sens, elle constitue la procédure thérapeutique religieuse préventive
et curative.
4.3. LES CONDUITES MORALES ET SANTE-MALADIE.
En analysant la Loi de l'Ancêtre et le code juridico-moral, nous avons fait
ressortir lïmp lication de la santé et de la maladie dans les conduites humaines. Ici
nous ferons quelques précisions à propos des conduites spécifiquement morales.
4.3.1. Les conduites vertueuses et pratiques de la santé.
Les conduites vertueuses
telles que nous les avons décrites contribuent à
l'épanouissement
de
la
vie
du
prochain.
Elles
constituent,
dans
la
dynamique
interactionnelle,
des
influences
positives
et,
dans
ce
sens,
sont
de
véritables
pratiques de la santé.
On peut dire q'ue les conduites vertueuses participent à l'action ontogénétique
- 635 -

divino-ancestrale qui est la création toujours en acte. Elles constituent la thérapie
préventive de la maladie.
4.3.2. Les inconduites et les mal~dies.
4.3.2.1. Inconduites de Faga {Fabe'e} et maladie.
Les inconduites de Faga ou Fabe'e qui sont des agressions contre la vie
utilisant des procédures naturelles, observables, constituent souvent des sources de
troubles graves de santé pour leurs auteurs, se traduisant généralement par des
maladies mentales.
En effet, les assassinats, les tueries de guerre, les exécutions capitales, etc.
tous actes légaux ou
non, qui consistent à détruire la vie
d'autrui,
créent
des
situations conflictuelles où "agresseur devient la victime. L'esprit du mort devient un
persécuteur acharné et impl acable qui ne 1aisse pas de répit à son agresseur. C'est
pourquoi la Tradition prévoit pour tous ces cas des rites préventifs et purificatoires
pour neutraliser ces influences persécutoires.
Certaines de ces inconduites, dites Fabe'e, agressent la vie d'autrui sans la
détruire. C'est le cas de non assistance aux malheureux, aux infirmes, aux affamés.
Ce refus de contribuer à l'épanouissement de la vie du prochain est une agression
morbogène indirecte. Ego peut en subir les conséquences;
entre
autres,
il
peut
tomber malade, payant ainsi le prix de ses inconduites à Sangbande.
4.3.2.2. Inconduites de Tinga et maladie.
Les
inconduites
occultes
connues
sous
le
nom
de
Nagemte
constituent
l'agression morbogène banale contre Ego. venant de la société horizontale. que nous
avons suffisamment analysée.
Ces inconduites. surtout quand elles viennent du pôle biolignager de l'Ego.
sont souvent aussi sanctionnées par la maladie et même la mort subite par les
Kpeemba protecteurs.
- 636 -

CHAPITRE 4:
'.
SYSTEME EDUCATIF
ET R·EPRESENTATIONS DE
LA SANTE ET DE LA MALADIE.
Les représentations et
le vécu de la santé, de
la maladie, du
pouvoir du
Tada, des pratiques curatives, etc ... tels qu'ils se dégagent de l'analyse des données
de notre étude, font partie de la personnalité du Nawda et se construisent, par
conséquent,
au
cours
du
processus
éducatif
que
nous
préférons
appeler
enculturation.
En
effet,
ces
représentations
et
vécus
sont
véhiculés
et
induits
par
le
contenu de l'éducation,
les
institutions
éducatives
(qui
servent
de
cadre)
et
les
méthodes et techniques éducatives (qui permettent à "enfant d'assimiler le message
éducatif). Nous allons essayer de faire ressortir ce rapport d'implication.
1. LE CONlENU DE L'EDUCATION ET REPRESENTATiaNS DE LA SANlE ET DE LA
MALADIE.
Le contenu de
l'éducation
tel
que
nous
l'avons
exposé
dans
l'analyse
du
contexte culturel (système éducatif) reflète tous les éléments des représentations
de
la
santé.
de
la
maladie.
et
des
pratiques
curatives
dont
l'enfant
devra
s'imprégner au cours de son développement. Nous allons dégager certains de ces
éléments.
1.1. SYSTEME DE PENSE:E, LA SANTE ET LA MALADIE.
1.1.1. Causalité, logique du malheur et· de la maladie.
La notion de causalité invite l'enfant à dépasser l'enchaTnement fortuit des
évènements qui se livre à son expérience sensible et admettre l'origine occulte et
infaillible de tous les évènements vécus et! ou observés.
L'explication de la logique du malheur surtout lui montre que tous les maux,
dont
la
maladie.
ont
toujours
une
cause
intentionnelle
attribuée
à
des
forces
occultes extérieures à Ego.
- 637 -

1.1.2. Le monde bidimensionnel, santé et maladie.
Le message éducatif présente à l'enfant une réalité, un univers à deux faces:
une face qui se livre à son expérience sensible et une face cachée, occulte, où se
combinent les mécanismes intentionnels de la maladie et de la santé.
1.1.3. Représentation de l'homme et maladie.
La représentation de l'être humain, sa structure bidimensionnelle d'abord qui
fait de lui un élément cosmique à deux faces. puis ses éléments constitutifs permet
de faire comprendre à l'enfant les points d'attaque de la maladie et ses processus
inobservables.
1,2. CATEGORIES SOCIALES ET SANTE-MALADIE.
1.2.1. Le monde spirituel et santé-maladie.
L'enfant est sensibilisé au fait que la dimension cachée de l'univers plonge
dans un
monde
peuplé
de
forces
spi rituelles
et
structuré
à l'instar du
monde
sensible. Les actions des différentes catégories de ces forces spirituelles expliquent
le mécanisme de la maladie et de la santé. Les mauvais esprits sont présentés
comme source du mal; leurs actions intentionnelles expliquent la logique du malheur.
de la maladie et de la mort. Les bons esprits (Kpeemba, Tite) sont les protecteurs
de j'homme, ils lui assurent la santé.
1.2.2. La voyance, santé et maladie.
Les voyants sont présentés comme des hommes qui manipulent les dessous
des
choses,
la
face
cachée
de
l'univers,
et
sont,
pour
cela,
des
agresseurs
morbogènes; ils sont les auteurs de beaucoup de maladies que l'enfant observe ou
vit.
D'autres voyants. appelés
radeba, sont présentés comme luttant contre le
mal causé par les premiers, les Nagemba; ils sont forts et neutralisent le mal, la
maladie. Ils sont, pour cela, source de sécurité de l'homme contre la maladie et la
mort.
- 638 -

2. INSTITIJTIONS EDUCATIVES ET SANTE-MALADIE.
Ce programme éducatif va être assimilé par l'enfant au
sein d'institutions
spécifiques qui l'encadrent et le forment.
2.1. STRUCTURES SOCIALES ET NOTION DE SANTE-MALADIE.
2.1.1. Dynamique familiale.
2.1.1.1. Relations familiales et agressions morbogènes.
Dans
la
famille
qui est
son
premier
cadre
d'expérience
sociale.
l'enfant
observe les interactions qui se jouent entre les membres. Il assiste à des tensions
conflictuelles

les
adultes
se
prêtent
souvent
des
intentions
persécutives.
Quelquefois. on parle du serpent d'un membre de la famille qui rend les enfants des
autres malades, les tue. " a peut-être perdu des frères ou des cousins, ou bien
ceux-ci sont malades. ou encore
c'est
lui-même.
et
c'est
l'explication
qu'on
en
donne.
De temps en temps. le Tada vient régler des problèmes. des conflits entre
les
vivants
et
les
morts.
Il
assiste
ainsi
à
des
jugements

il
est
question
d'agressions morbogènes venant des personnes mortes, qu'il a peut-ête connues et
qui habitent dans les champs, sous des arbres (Kpamtiba, Fagnideba) ou dans la
maison (Kpeemba).
Ces situations lui permettent de découvrir l'origine biolignagère de la maladie.
Les relations d'amour qu'il observe peuvent caché
des intentions mauvaises; une
tante ou un oncle peut élever des serpents pour avaler les enfants.
Il expérimente aussi la notion de verticalité dans la genèse de la maladie.
2.1.1.2. Jalousie fraternelle et interprétations persécutives.
La jalousie fraternelle. source de conflit. va permettre
à l'enfant de vivre
l'expérience de la persécution où il aura plus d'une fois le sentiment d'être rejeté
par ses parents au profit d'un frère. Le système dinterprétations persécutives que
,
lui offre la culture va
lui
permettre
de
résoudre
ses
ambivalences
envers
ses
frères en transformant ses sentiments de haine pour eux en agression-persécutive
dont il est victime. Il serait intéressant de faire des études plus poussées sur ce
domaine. afin de rechercher des éléments pouvant donner un rayon de lumière sur
le mécanisme de la formation du système interprétatif de type persécutif durant le
processus d'enculturation. Dans le cadre de ce travail, nous ne pouvons que nous
contenter d'hypothèses.
- 639 -

2.1.2. Dynamique sociale et système de persécution.
Les
parents
mettent
l'enfant
en
garde
contre
certaines
personnes
considérées comme des Nagemba (malfaiteurs
occultes>.
On
lui demande de se
cacher quand ces personnes arrivent, de se soustraire à leur regard agressif et
meurtrier. On lui .dit que ces personnes peuvent le rendre malade. On les appelle
Egbamba (chasseurs>' Ils lancent en effet des projectiles morbogènes aux hommes
comme les chasseurs le font au gibier.
Quand l'enfant commence à s'intégrer au système de production économique
et sociale où la compétition est de règle comme moteur, ces recommandations vont
devenir plus pressantes, plus précises, et le sensibiliser au danger. En effet, dans
ce système de production où
il s'intègre aux groupes de
coopérative,
il
devient
acteur de la dynamique interactionnelle sociale, cherche à se valoriser, à se mettre
en
vedette
par
ses
performances.
S'il
réussit,
il
fait
nécessairement
des
mécontents, des jaloux. Les parents vont lui répéter que les louanges et "admiration
sont souvent la façade qui cache une jalousie mortelle. Tous
les revers sociaux,
échecs. insuccès, troubles de santé, etc. vont être
interprétés
comme
attaques
persécutives. Il va être recommandé à Ego de la modération dans la poursuite du
succès social et surtout de la modestie, de la circonspection.
Tout cela contribue à l'imprégner à l'idée de persécution.
2.2. SYSTEME INITIATIQUE ET MALADIE.
2.2.1. Interdits. tabous et angoisses de la maladie.
Le système initiatique présente au pubère et à l'adolescent les interdits et
tabous comme code venant
de
l'Ancêtre-Fondateur
innommé.
donc
ce
code
est
indiscutable. il doit accepter sans condition. Ces interdits lui indiquent les inconduites
non
conformes
qui
compromettraient
g:avement
la
réalisation
de
son
identité
culturelle, i.e. son
adéquation à l'Ancêtre. Donc. leur transgression, leur violation
entraîne
des
troubles
graves
de
son
existence,
(els
que
la
maladie,
et
des
désordres cosmiques. Ces interdits et tabous sont donc anxiogènes. Les sentiments
de rêvai te devant leurs eXigences ne peuvent qu'accentuer son angoisse, éveiller la
peur[c la sanction
ancestrale qu'il ne peut
contrôler, puisque le législateur est
diffus. innommé.
Ainsi.
la
crainte
de
la
mala.die.
du
malheur
va
garantir
le
respect
de
la Tradition.
- 640 -

2.2.2. Emulation et idée de persécution.
Dans
les
épreuves
initiatiques

l'émulation
prend
l'allure
affichée
d'une
véritable compétition. les réussites et les revers sociaux de l'Ego vont se nourrir
d'idées de persécution déjà éveillées, comme nous l'avons vu ci-dessus, par l'entrée
de l'enfant dans la dynamique de la grande société: ses collègues veulent le tuer,
l'éliminer parce qu'il travaille beaucoup, ïl réussit mieux qu'eux, il est plus serviable
et attire la sympathie de la population.
3. METIiODES ET TECHNIQUES EDUCATIVES ET SANTE-MALADIE.
3.1. METHODE PROGRESIVE ET ORIGINE MYSTERIEUSE DE LA MALADIE.
3.1.1. Idées de mystère et forces occultes.
Comme nous "avons vu, la Tradition sacrée qui est le contenu de l'éducation
est présentée à j'enfant comme un mystère qui doit se révéler à lui par étapes en
fonction de son développement.
Cette
procédure
met
l'accent
sur
les
forces
occultes
qui
contrôlent
la
dynamique souterraine et qui, seules, possèdent la clé de tout. Elles ne se révèlent
qu'à des initiés, à travers un langage à clé, le langage du monde d'en-bas.
3.1.2. Idée de mystère et origine occulte de la maladie et de la santé.
Les mécanismes de la santé et de la maladie plongent leurs racines dans ce
monde
mystérieux,
Seules
ces
forces
cachées
qui
possèdent
la
clé
de
tout
phénomène observé r)nt le secret de la maladie et de la santé.
3.2. METHODFS OCCASIONNELLES ET ~iErRESENTATION DE LA MALADIE ET DE
LA SANTE.
Nous avons vu que le message éducatif se transmet à travers les situations
de la vie qui four"nissent à l'enfant l'occasion d'appren..dre ce qu'il n'aurait pas appris
autrement. Parmi ces situations occasionnelles, il faut noter le vécu personnel des
évènements
qui permet
u'apprendre.
ou,
mieux,
de
s'imprégner
de
beaucoup
de
choses, surtout concernant le malheur et la maladie. Celui qui a fait
l'expérience
d'une maladie peut mieux en comprendre rertaines représentations"
i
-
641 -

3.2.1. Vécu personnel et logique' du malheur.
L'explication de la logique du malheur n'est enracinée dans les tréfonds de
l'être. n'imprègne les fibres de la personnalité qu'à travers l'expérience vécue. La
mise en thèmes persécutifs par l'entourage et par le Tada du malheur de l'Ego.
puis confirmée par une procédure de neutralisatio n efficace concourent à renforcer
le rapport de cause à effet entre la dynamique
interactionnelle souterraine et
la
genèse du malheur. Ainsi donc. l'expérience de la souffrance. puis du soulagement.
interprétée
dans
cette
logique
est
la
meilleure
méthode
d'imprégnation.
d'enculturation.
3.2.2. Vécu de la maladie et représentation de la maladie.
A partir de cette imprégnation de la logique du malheur qui est. la plupart
du temps, la maladie. vont se construire les représentations
de la maladie
telles
qu'elles ressortent de notre étude.
L'expérience
de
la
maladie
met
Ego
dans
une
situation
privilégiée
pour
assimiler les représentations collectives qui lui étaient extérieures jusque- là. Ces
représentations, qui lui apportent une explication à son mal, lui permettent
de
le
contrôler dans une certaine mesura et d'en réduire ainsi l'angoisse.
3.2.3. Expérience de la thérapie et développement de la confiance au Tada.
Les
effets
positifs
des
cur'es
(rituels
du
Tada,
rituels
religieux
sur
prescription du Tada) vont développer et renforcer l'image de la toute-puissance du
Tada face à la maladie.
Le Tada va être ainsi de plus en plus vécu comme le "sauveur" qui, seul,
pénètre le mystère de la maladie, la neutralise et redonne la santé. Il est la source
de sécurité contre l'angoisse de la mort.
CONCLUSION.
Au terme de cette
analyse, où
nous
avons essayé,
tenté. de
dégager,
de
faire
ressortir
les
rapports
d'implication
entre
les
démard18s
thérapeutiques
traditionnelles comme réponse à un système de représentations de la santé et de la
maladie, et le contexte culturel, nous pouvons formuler les conclusions suivantes:
• La conception bidimensionnelle de la réalité et de l'homme, où la face qui
échappe au contrôle de l'expérience sensible renferme les forces qui régissent toute
la dynamique interactionnelle, est source d'angoisse intolérable; en effet, dans cette
,- 642 -

dynamique. le contrôle des forces du mal par celles protectrices ne semble pas
efficace à cent pour cent.
• Une organisation structurée plus rassurante de lutte contre le mal s'avère
nécessaire:
cette
organisation
est
le
système
de
conduites
thérapeutiques
(préventives
et
curatives)
ayant
pour
fonction
de
réduire
l'angoisse
devant
le
malheur, en l'occurence, la maladie.
C'est pourquoi la guérison doit avoir un lien avec la réduction de l'angoisse,
conséquence de l'assurance. de sécurité qui inspire l'organisation thérapeutique.
Ainsi, les pratiques thérapeutiques ont une fonction culturelle vitale et on ne
peut les comprendre si on ne connaît pas leurs rapports d'implication avec tout le
système culturel.
- 643 -
1

UNIVERSllE RENNES Il
HAUlE BRETAGNE
LABORATOIRE DE CLINIQUES PSYCHOLOGIQUES

ESQUISSE lHEORIQUE DES PRATIQUES lHERAPEUTIQUES
CHEZ LES NAWDEBA DU NORD TOGO.
Contribution à l'étude psychologique de la médecine traditionnelle
en Afrique Noire.
THESE DE DOCTORAT D'ETAT
(Psychologie et sciences humaines)
présenté par
DJASSOA C. Gnansa
Sous la dIrection du
Professeur LoTck VILlERBU
Directeur du Laboratoire de cliniques Psychologiques
III
- 1988 -
1

LIVRE 3.
PLACE DE LA CURE TRADITIONNELLE
NAWDA
DANS L'UNIVERS THERAPEUTIQUE.
- 644 -
i
t
1
!
1

Nous envisageons de chercher ici à situer la cure traditionnelle par rapport
à
tous
les
autres
systèmes
thérapeutiques.
Cela
revient
à
opérer
une
étude
inter-culturelle qui consisterait à comparer la cure traditionnelle Nawda à tous les
autres systèmes curatifs analysés dans leurs contextes culturels
respectifs. et à
dégager les liens qui l'unissent à eux ainsi que les différences qui l'en séparent.
Comme on peut le voir, c'est un travail vaste puisque les systèmes culturels
sont
innombrables.
Mais
les
spécialistes
de
ce
domaine,
en
faisant
des
regroupements en aires culturelles diachroniques, ont délimité les secteurs suivants.
qu'on peut considérer du point de vue de "ethno-médecine.
1. La médecine préhistorique et/ou archaique, précurseur de la médecine occidentale
. moderne. Du point de vue ethno-médical, nous convenons de l'appeler "médecine
occidentale" .
2. La médecine Egyptienne.
3. La médecine Assyro-babylonienne.
4. La médecine Chinoise.
5. La médecine Hindoue.
6. La médecine dite "Magique" qui regroupe la mécecine préhistorique occidentale,
certains
aspects
des
autres
médecines
ci-dessus,
ainsi
que
la
médecine
traditionnelle actuellement pratiquée en Afrique Noire et dans d'autres
cultures
(indienne, mélanésienne. polynésienne. etc .. J.
Comme la plupart de tous ces systèmes médicaux sont en voie de disparition
ou ont déjà disparu devant l'invasion
de
la médecine
occidentale
moderne.
notre
travail se limitera à situer la cure traditionnelle Nawda par rapport à cette dernière.
En ce qui concerne son
rapport
avec
la médecine
traditionnelle actuelle, la cure
traditionnelle
Nawda
en
est
une
variante,
du
moins
dans
l'aire
culturelle
négro-africaine. Notre travail, comme nous l'avons souligné dans l'introduction, est
une contribution à l'étude de la médecine africaine. Oonc la comparaison avec cette
dernière devient inutile ici.
- 645 -

PREMIERE PARTIE:
CURE TRADITIONNELLE NAV\\lDA
ET
THERAPEUTIQUE MEDICALE.
- 646 -

CHAPITRE 1:
REPRESENTATION DE L'HOMME.
1. REPRESENTATION OCCIDENTALE DE L'HOMME.
1.1. SOURCES PHILOSOPHIQUES.
1.1.1. Philosophie grecque.
1.1.1.1. La représentation de la réalité.
Pour Platon (1), la réalité est constituée de deux séries d'éléments: d'un côté
des êtres sensibles, divers, en perpétuel devenir qui aboutit à la destruction; d'un
autre côté, des modèles
universels. immuables, éternels que
l'auteur
appelle
les
Formes ou les Idées. Les Idées sont les seuls êtres qui existent réellement. Les
êtres sensibles sont les apparences, les ombres des Idées. Ils en sont des copies
imparfaites; ils n'ont pas d'existence réelle.
En résumé, il y a deux mondes: le monde sensible, matériel, qui n'est qu'une
ombre du monde des Idées (Idées du Beau, du Juste. du Bien qui est la plus haute
dans
la
hiérarchie),
le
monde
des
Idées,
qui
est
le
seul
intelligible,
objet
de
connaissance, car il n'y a de science que de ce qui est fixe et immuable. Le monde
des Idées est source de vie et de toute action. Chaque catégorie, chaque espèce
d'êtres sensibles est le reflet d'une Idée immuable.
Aristote, qui accepte cette distinction, rejette
la
notion d'existence en
soi
des Idées. Pour lui, la réalité est
composée
de la matière,
substance, et de la
forme.
"Tout
être.
toute
substance
se
compose
de
trois
éléments,
qu'y
peut
distinguer la raison: la matière, d'abord, qui n'est par elle-même rien de déterminé,
et n'est qu'une simple puissance, la forme qui détermine l'être, lui donne un nom. le
fait ce quil est, puis, en troisiè.me lieu, l'être lui même composé de la matière et
de la forme, l'être tel que nos sens nous le montrent" (2).
(1), cf. Platon. Œuvres complètes, Tome
l, Traduction nouvelle par Emile Chambry.
Librairie Garnier Frères. 1947, Notices p.X et suivantes
(2),' Aristote, Œuvre, Traité de l'âme, Traduction française par J. Barthélémy Saint
Hilaire, Librairie Philosophique de lachange, Paris, 1866, Préface pp.XVII-XVIlI.
- 647 -

1.1.1.2. La représentation de l'homme.
1.1.1.2.1. Platon (1)
se
représente l'être humain
comme composé
de
deux éléments incompatibles: l'âme, qui est d'essence spirituellè, comme les
Idées,
et,
par
conséquent,
éternelle;
puis
le
corps,
d'essence
matérielle,
destructible,
périssable.
L'union
entre
ces
deux
éléments
se
fait
de
façon
pratiquement
artificielle,
fortuite,
accidentelle,
et
aux
dépens
de
l'âme
qui
perd,
par
cette
!
cohabitation, sa pureté.
L'âme est
composée, elle-même, de
trois
parties
différeQtes:
"une
partie supérieure, le NOUS, ou la raison, faculté contemplative, faite poûr gouverner
et maintenir l'harmonie entre elle et
les
parties
inférieures. Ces
parties
sont le
Th!Amos, ou
le courage,
faculté
noble et
généreuse qui comprend
à la
fois
les
désirs élevés de notre nature et la volonté; et l'Epithumeticon, c'est-à":dire l'instinct
et le désir qui tirent l'homme vers les objets sensibles et les désirs grossiers. (2)
La
structure
psychique,
i.e.
l'âme,
fonctionne
donc
de
façon
conflictuelle:
les
deux
éléments
superieurs
et
nobles
(le
Nous
et
le
T humos)
s'opposent à l'élément instinctuel (l'Epithumeticon) qui constitue le penchant vers la
matière
sensible,
l'avilissement
de
l'âme.
Ce
penchant
répond
aux
aspirations
corporelles, charnelles. qui n'ont pas d'existence réelle. Donc il entraîne l'âme ver"s
l'ombre de la réalité idéale.
Le corps
est
une masse de plomb qui constitue
une entrave
pour
l'âme. l'arrête dans son envol vers les régions supérieures de l'Idée. Il est la prison
de l'âme qui l'avilit. Il faut
mortifier le corps pour affranchir l'âme des grossiers
besoins, des désirs instinctuels dont il est la cause.
La
vertu
consiste
à
subordonner
les
désirs
instinctuels
au
désir
superieur de
connaître.
Il
suffit,
en
effet,
de
connaître
le
bien
pour
le
faire.
L'homme vertueux doit tendre à rendre à l'âme l'état de pureté que lui a fait perdre
son union avec le corps. Selon que l'âme aura bien ou mal vécu, elle retournera,
après la mort (destruction du corps) dans l'astre (dieu) d'où elle est descendue. ou
passera dans d'autres corps jusqu'à ce qu'elle soit purifiée (3).
Le corps
et
l'âme sont donc deux entités
indépendantes,
en
union
conflictuelle.
1.1.1.2.2. Tout comme dans
la représentation de
la réalité, Aristote
(4) ne suit pas son maître dans celle de l'être humain.
Pour lui, en effet, "l'âme est indissolublement unie au corps: elle ne
(1), Platon, Œuvres complètes, Loc. ci1., p.XIV-XV.
(2), ibid, p. XIV.
(3), cf. Platon, Œuvres complètes, Ibid, p.XVII.
(4), Aristote, Œuvre, Traité de l'âme, Loc. ci1., p. XII.
- 648 -

peut plus être séparée de lui qu'on ne peut séparer d'un objet quelconque la forme
qui le limite et le définit. Les passions de l'âme ... sont toujours accompagnées de
certaines modifications du corps" (1). Ainsi. "on ne peut bien connaître la nature si
l'on ne connaît pas l'âme qui est ... le principe des êtres animés. la partie principale
des êtres vivants" (1).
L'âme est la forme du corps. Elle est ce qui informe le corps, qui,
sans elle. ne serait qu'une simple puissance. une virtualité. C'est l'âme qui "active.
le fait exister. le détermine, le définit, lui donne son nom, le fait être ce qu'il est
(2 l.
La liaison entre l'âme et le corps n'est pas un phénomène ou
un
processus aléatoire. L'âme n'informe pas le premier corps venu, mais
un
corps
formé par la nature, doué par elle d'organes qui le rendent capable de vivre, donc
un corps organisé: "l'âme. en venant se joindre à la matière organisée, lui apporte
donc actuellement la vie. De la simple puissance, elle la fait passer à la réalité,
entière et complète. L'âme est donc l'achèvement du corps, sa perfection, son acte,
et son entéléchie" (3)
Mais l'âme ne se confond pas avec le corps, pas
plus que la cire
(matière) ne se confond avec l'empreinte (formel qu'elle reçoit.
"L'âme est l'essence du corps qui sans elle n'est plus ce qu'il est,
tout comme un œil de pierre, un œil de peinture n'est pas un œil véritable, mais
une représentation, une copie de l'œil véritable. Donc l'âme est l'être véritable, le
corps, sa copie. L'âme n'est pas tout à fait le corps: elle est quelque chose du
corps, mais elle n'en peut être séparée" (4).
"L'âme ainsi comprise est la cause du corps vivant: c'est elle qui, en
lui donnant la vie, le fait ce 'qu'il est. Elle la lui donne par quatre facultés diverses:
la nutrition, la sensibilité, l'intelligence, la locomotion. Partout où l'on voit l'une de
ces facultés, on peut affirmer qu'il y a vie, qu'il y a une âme" (5).
Pour Aristote, l'âme c'est "La cause directe de la nutrition et de la
génération. destinées, l'une à conserver l'individu, l'autre à perpétuer la race" (6),
i.e. l'espèce.
,1.1.1.3. Opposition entre corps et esprit.
La distinction entre le corps et l'âme dans le composé humain apparaît chez
les deux auteurs.
Mais la théorie aristotéticienne ne semble pas opposer le corps et l'âme, la
matière et l'esprit; celui-ci est la forme de la première et ne peut s'en séparer.
(1), 0p·.cit., p.VIIi
(2), Op. cit. pp. XVII-XVIII
(3),
Aristote, Œuvre, Traité de l'âme, Librairie Philosophique de Lachange. Paris,
1866, Livre2, chapitre 1
(4), Aristote. Op. cit., Notices. pp. XVII-XVIII
(5), Op. cit. pp.xVIII-XIX.
(6), Op. cit. p. XIX
- 649 -

Par contre Platon fait de l'âme une entité indépendante du cor:ps. L'union
entre les deux est artificielle et en même temps conflictuelle: le corps ILltte, par le
biais des désirs instinctuels, à subjuguer l'âme pour la satisfaction de ses 'besoins
matériels; l'âme lutte pour se libérer de ces entraves. retrouver sa liberté. son
indépendance et sa pureté. C'est donc un avilissement de l'âme que, de s'unir au
corps.
Platon établit donc un dualisme. une dichotomie insurmontable entre l'âme qui
est esprit et le corps qui est matière. Les deux sont incompatibles.
1.1.2. Philosophie judéo-chrét ienne.
Dans
la Bible, la morale, la législation et les
pratiques
judéo-chrétiennes,
s'affirment la séparation, puis l'opposition entre le pur et l'impur, l'esprit et la chair,
l'âme et le corps. Le corps et l'âme s'affrontent dans une lutte sans merci dont
l'enjeu est le salut de l'âme.
Cette
philosophie
juridico-morale
va
trouver
son
écho
dans
la
pensée
grecque, surtout chez Platon.
Sans doute l'apport d'Aristote aux sciences théologiques est beaucoup plus
considérable dans d'autres domaines. Mais, dans celui qui nous intéresse, relation
entre les éléments structurels de l'homme (corps et âme). c'est Platon qui a le plus
marqué la pensée chrétienne.
1.1.2.1. Corps comme matière.
Dans la Bible, Dieu a modelé le corps de l'homme avec la boue, puis y a
insufflé
une
âme.
Le
corps
est
poussière
et
retournera
en
poussière.
C'est
l'élément périssable du composé humain.
" est matière, source des désirs charnels, des instincts les plus bas, de
concupiscence. Le manger. le besoin sexuel, etc ... sont charnels, liés au corps.
1.1.2.2. L'âme comme reflet divin.
L'âme est donc le sou fie de Dieu qui anime le corps fait de limon. C'est ce
souffle qui a donné vie au corps. Ce souffle correspond à la respiration. signe de
vie. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles les Hébreux ne consomment
pas la chair d'animaux étouffés.
L'âme étant
le
souffle
de
Dieu
est
pur
esprit.
immortelle
comme
Dieu
lui-même. Elle est le reflet de Dieu dans l'homme. Comme Dieu avait d'abord créé
le corps du premier homme avant d'y insuffler l'âme. celle-ci est indépendante. Elle
vient donc s'unir au corps à un moment donné du cycle de la vie. Une question qui
a longtemps divisé les théologiens est de savoir à quel moment de la conception
Dieu intervient pour insuffler une âme à l'embryon humain. La réponse
à cette
question est capitale pour résoudre le problème de la
définition
de
l'avortement
comme homicide.
- 650 -

Le corps et l'âme sont ainsi deux entités distinctes, autonomes. L'âme a ses
facultés: volonté, raison, etc ... et le corps a ses instincts.
1.1.2.3. Opposition conflictuelle entre corps et âme.
Tout comme Platon, la pensée judéo-chrétienne affirme une opposition entre
les tendances du corps, les instincts charnels qui sont bas, éloignent de Dieu, et
les tendances nobles de l'âme qui élèvent l'homme, l'orientent vers la poursuite du
bien.
L'homme
doit
donc
écouter
la
voix
de
son
âme
qui
retentit
dans
sa
conscience, opposer un refus catégorique aux désirs charnels pour sauver· son âme.
Il faut dominer le corps et en faire un instrument au service de l'âme. L'esprit doit
pouvoir dominer la matière, la chair.
Il Y a donc une contradiction dans l'homme entre les demandes instinctuelles,
charnelles et la poussée de l'âme vers la pratique du bien. Cette contradiction est
la source de la dynamique conflictuelle centrale qui divise l'homme.
1.2. DUALISME OCCIDENTAL.
La rencontre entre ces deux philosophies grecque et judéo-chrétienne et leur
fusion donne naissance au dualisme occidental qui établit une dichotomie entre la
matière et l'esprit, le monde spirituel et le monde matériel.
La logique formelle d'Aristote, radicalisée par le rationalisme cartésien, sert
d'ins trument tranchant qui sectionne, isole, individualise, désarticule
les
différents
éléments du cosmos et de l'homme. Le composé humain qui nous intéresse plus
particulièrement ici devient ainsi un ensemble d'éléments isolables.
1.2.1. L'âme.
L'âme reste celle décrite par Platon: entité autonome, spirituelle, immortelle,
elle devient dans la représentation moderne inaccessible à l'expérience sensible. Le
monde scientifique ne parle plus de facultés de "âme, de manifestations corporelles
de l'âme telle que Aristote les étudie dans les Opuscules (1).
Ainsi isolée du monde de la recherche scientifique, l'âme est reléguée au
domaine exclusivement religieux. Si elle a encore quelque intérêt scientifique, c'est
pour les théologiens.
Elle est pratiquement
évacuée
du
monde profane.
Beaucoup
ignorent,
et
même nient sinon son existence, du moins son immortalité.
(1), Aristote. Œuvres, Psychologie, 1, Opuscules, Librairie Philosophique de Lachange,
Paris" 1866.
- 651 -

1.?2. Organisme et Psychisme.
Le composé humain se limite pratiquement à l'organisme et au psychisme. Ce
sont
ces
deux
éléments
qui
constituent
la
structure
de
"être
h'umain
et
des
animaux. C'est
à
ce
niveau
que
se
déplace
la
tendancè
dualiste
héritée
de
la
philosophie grecque et judéo-chrétienne.
1.2.2.1. Organisme biologique.
Le corps se présente. sans équivoque, comme
une donnée de
"expérience
sensible. Il est une matière vivante. organisee comme une machine autonome: son
existence et son fonctionnement ne postulent apparemment aucune source autre que
lui-même.
Il
est
composé
d'organes
qui
sont,
à
leur
tour,
formés
de
tissus
constitués de fibres. etc. A chacun de ces niveaux d'organisation, l'interdépendance
entre éléments est parfaite à tel
point qu'un élérrent
isolé
de l'ensemble
meurt.
C'est cette organisation qui fait du corps un organisme. Les fibres. les tissus, les
organes, se coordonnent dans une organisation fonctionnelle autonome, en un cÎrcuit
fermé. clos. bien que la source d'alimentation en énergie soit extérieure. En effet,
les éléments pris à "environnement (nourriture, air) sont traités par des fonctions
appropriées de l'organisme et assimilés à sa substance. Sans
ce traitement,
ces
éléments sont vécus comme des corps étrangers dangereux qui sont, en principe,
automatiquement expulsés, rejetés par d'autres fonctions a ppropriées de l'organisme.
L'organisme
est
donc
un
système
dont
les
différents
éléments
sont
spécialisés dans des fonctions bien définies.
Mais on constate qu'un élément (fibre. tissu, ou surtout organe)
détruit ou
altéré tend à être automatiquement suppléé par les autres qui prennent sa fonction
en charge probablement pour sauver "ensemble. Ce qu i montre la primauté de la vie
de
l'ensemble
sur
celle
des
parties
et
confirme
à
l'organisme
le
statut
d'une
véritable structure où la totalité est autre chose que la somme des parties.
1.2.2.2. Le psychisme.
Le psychisme est
davantage une
construction
théorique
qu'une
donnée
de
l'expérience,
un phénomène observé.
A partir des
comportements
qui,
eux,
sont
observés. évalués
et
même
quantifiés,
on
induit
un
système
théorique
organisé,
constitué de fonctions. Les fonctions sont inter dépendantes et se coordonnent entre
elles pour former une structure dynamique, celle de la personnalité. La nature du
psychisme n'est pas explicitement définie. Il échappe à l'expérience sensible comme
nous venons de le dire. Donc, il n'est pas matériel. On parle volontiers, pour le
désigner, de la vie, des fonctions, de la santé ... mentales ou psychiques. Ces mots
(mental et psychique) au sens étymologique, se rapportent respectivement à "esprit"
et à "âme". Cependant toutes les caractéristiques spécifiques de l'âme: immortalité,
spiritualité, existence propre ... ne semblent pas s'appliquer au psychisme.
Cette
notion
construite,
ambigue,
est
postulée
pour
rendre
compte
des
phénomènes comportementaux livrés à l'expérience sensible mais ne pouvant trouver
- 652 -

une explication satisfaisante au sein de la structure de l'organisme biologique. Elle
remplace
ainsi
le
concept
d'âme
abandonné et
relégué
au
domaine
strictement
religieux.
En effet, l'âme définie par Jes philosophies grecque et judéo-chrétienne était
la
source
d'explication
de
certaines
manifestations
corporelles
non
explicables
biologiquement. Ces manifestations étaient définies comme étant celles de l'âme au
niveau du corps.
Le psychisme prend donc
le relais
de l'âme
sans
en
épouser
la nature
platonicienne et judéo-chrétienne.
1.2.2.3. Dichotomie entre organisme et psychisme.
Le psychisme et l'organisme, ainsi définis, devraient logiquement être
des
éléments
structurels
interdépendants,
ne
pouvant
exister
l'un
sans
l'autre,
s'influençant
et
se
conditionnant
mutuellement,
agissant
réciproquement
"un
sur
l'autre. C'est en tout cas ce qui se laisse sous-entendre. Dans ce sens, ces deux
éléments devraient en principe, être considérés sinon comme des modes d'exister,
des points de vue de la même réalité humaine ainsi que se le représentent les
Nawdeba, du moins fonctionner à la manière de la représentation aristotéticienne de
l'être humain en tant que matière et forme.
De
fait,
le
psychisme
et
l'organisme,
tels
qu'ils
sont
décrits
dans
la
conception
occidentale
moderne,
rappellent
l'âme
(forme)
et
le
corps
(matière)
d'Aristote. La description minutieuse et exacte que cet auteur fait de l'organisation
du
corps,
de
ses
diverses
composantes,
fait
de
lui
l'un
des
précurseurs
de
l'anatomie moderne et peut-être le fondateur de l'anatomie comparée.
Puis,
son
analyse des manifestations de l'âme au niveau du corps (1) reste le fondement de la
psychophysiologie et de psychophysique modernes.
En
ce
qui
concerne
la
relation
des
deux
éléments
du
composé
humain,
Aristote pense que l'âme est la cause du corps; sans l'âme, le corps n'existerait
pas; il serait resté, simple puissance. La représentation occidentale moderne tend
plutôt à démontrer le contraire: en observant les modifications comportementales
consécutives à des modifications organiques ou fonctionnelles on tend à tirer
la
conclusion que c'est l'organisme qui secrèt e le psychisme. C'est en tout cas la
thèse affirmée de l'école organiciste. L'action
du
psychisme
sur
"organisme
fait
l'objet de peu d'études. mais commence à devenir
un
centre
d'intérêt
dans
les
sciences médicales. Nous y reviendrons plus loin, ainsi que sur l'organicisme.
Malgré tous ces éléments en faveur de l'interdépendance entre le psychisme
et l'organisme, le problème dans ce domaine reste entier. Tous se passe en effet
dans la pratique
comme
si
les
deux
éléments
du
composé
humain
étaient
des
entités autonomes ayant chacune une existence propre, cela quand l'un des deux
termes n'est pas réduit purement et simplement à l'autre comme dans l'organicisme
ou le psychologisme.
(1), Aristote, Œuvres psychologiques, l, Opuscules.
- 653 -

Notons
que
ces
réductionnismes
ne
sont
que
des
tendances.
L'attitude
générale de base reste la dichotomie, le dualisme hérité des philosophies grecque et
judéo-chrétienne malgré l'abandon du concept de l'âme.
Sans toutefois s'opposer comme dans la philosophie morale platonicienne et
judéo-chrétienne, l'organisme et le psychisme restent
isolables; ils
s'ignorent.
On
peut manipuler l'un sans se préoccuper de l'autre. Chacun fonctionne en vase clos.
L'autonomie
de
la
structure
organique
que
nous
avons
montrée
plus
haut
se
retrouve au niveau du psychisme.
2. DUALISME OCCIDENTAL ET CONTINUISME NAWDA.
2.1. REPRESENTATION DE LA REALITE.
2.1.1. Le monde bidimensionnel.
Le Nawda, reppelons-le. se représente l'univers comme une réalité à double
face: Noumène (Tinga) et Phénomène (Faga).
Il ressort du résumé que nous avons fait de la philosophie grecque que le
Tinga Nawda peut analogiquement correspondre au monde des Idées Platonicien et à
la forme d'Aristote, et le Faga à la réalité sensible. à la matière.
2.1.2. Relation entre les deux dimensions.
Chez le Nawdeba, le Tinga (Noumène) et le Faga (Phénomène) de la réalité
ne sont pas séparés, scindés comme chez Platon pour qui le monde sensib le est
ulle
copie
imparfaite
destructible.
changeante.
d'une
réalité
éternelle,
immuable,
composée des Idées.
Le
Noumène
(Tinga)
Nawda r?st
le mode dexister
spirituel.
surnaturel
de
l'univers, et. dans ce
sens.
rappelle
analogiquement
la
forme
aristotélicienne
qui
définit
la
réalité.
la
fonde.
la
fait
exister,
lui
donne
un
nom.
Le
Faga
est
l'apparence, I.e mode d'exister sensible de la même réalité, i.e. la réalité en tant qu
accessible
à
l'expérience
sensible,
le
Yendem
(voyance)
la
percevant
sous
son
aspect noumineux. Il a y donc continuité et non clivage entre un objet en tant que
surnaturel, spirituel et le même objet en tant que sensible. Dans l'objet aristotélicien
offert à l'expérience sensible, il n'y a pas de clivage, de scission entre la forme et
la matière qui le compose.
Si la mentalité occidentale
avait
suivi la
représentation
aristotélicienne
de
l'univec§, elle serait peut-être plus proche de la mentalité nawda.
- 654 -

2.2. REPRESENTATION DU COMPOSE HUMAIN.
2.2.1. Structure de l'être humain.
2.2.1.1. Pluralité des constituants.
Nous constatons une certaine analogie entre les représentations occidentales
et Nawda du composé humain:
Chez Platon et chez Aristote,
et,
partant,
dans
la
mentalité
occidentale,
l'être humain est composé de plusieurs éléments:
D'abord les
deux
grandes
divisions:
le
corps
et
l'âme,
l'organisme
et
le
psychisme, qui se subdivisent à leur tour en organes et facultés (ou fonctions), que
nous
avons
analysés
plus
haut.
Revenons
ici
sur
les
constituants
de
l'âme
ou
psychisme et rappelons que pour Platon "âme se compose de trois facultés:
la
raison, le courage et les tendances instinctuelles; tandis qu'Aristote distingue quatre
facultés: la nutrition (et la génération), la sensibilité, l'intelligence et la locomotion.
Quant
à
la
mentalité
occidentale
moderne,
qui
préfère
une
approche
dynamique de l'être humain, elle opère une classification des constituants psychiques
selon les domaines d'activité du sujet humain: ainsi on a, entre autres, les fonctions
perceptive, cognitive, affective, psychomotrice, etc.
La
fonction
affective
a
fait
l'objet
d'un
intérêt
spécial
pour
l'une
des
innombrables
écoles
qui
se
sont
engagées
dans
l'étude
de
la
structure
de
la
personnalité; il s'agit
de
l'Ecole
psychanalytique
avec
tous
les
courants
annexes
dissidents ou non. Nous préfèrons parler de cette Ecole, à l'exception des autres, à
cause du rôle important qu'elle joue dans les sciences médicales. Elle
distingue,
comme constituants de la personnalité, trois grandes instances
qui
entretiennent
entre elles des relations quelque peu conflictuelles, et à travers lesquelles l'individu
se définit de façon plus ou moins réussie par rapport à la réalité. Ces instances ne
sont pas sans rappeler les facultés de Platon. Le ça, domaine pulsionnel, à la limite
entre le psychique et l'organique, est la présentation sous
forme de désirs, i.e.
expressions
psychiques
des
besoins
biologiques.
Dans
ce
sens,
le
ç a
est
le
représentant, dans le système freudien, du domaine instinctuel
platonicien
qui
pousse l'âme vers la satisfaction des désirs bas, charnels. Le surmoi, représentant
de la société, qui est l'instance morale distinguant, dans la réalité, entre les objets
bons, permis et mauvais, interdits, devant être utilisés dans la poursuite du bien et
de
l'idéal,
n'est
rien
d'autre
que
la raison
(Nous)
platonicienne
qui
permet
de
connaître le Bien, l'Idée la plus parfaite, et de le poursuivre. Le moi, enfin, qui est
l'instance active, le pouvoir de décision
et
d'exécution, jouant
pour
cela
le
rôle
d'arbitre, de synthèse, de compromis entre les demandes pulsionnelles du ça et le
code légal du surmoi rappelle le Thumos, le courage (ou volonté) de Platon, avec
cette différence que
le Thumos
platonicien
n'a
pas
le
pouvoir exécutif
du
moi
freudien; ce pouvoir semble attribué à la raison, puisque, pour Platon, il suffit de
connaître le bien pour le faire.
- 655 -

Donc la culture occidentale, à la suite de la philosophie grecque dont elle est
l'héritière,
se
représente
le
psychisme
humain
comme
comoosé
de
plusieurs
constituants.
Les Nawdeba distinguent aussi plusieurs constituants
de
l'être
humain:
le
corps
(phénomène) et l'esprit
(noumène)
qui
est
composé
à
son
tour
de
trois
éléments que nous avons analysés dans le contexte culturel.
2.2.1.2. Relation entre les éléments.
En ce qui concerne la relation entre constituants de
l'être
humain,
nous
notons que des différences profondes séparent la représentation occidentale et celle
Nawda.
Ce qui précède fait ressortir que la mentalité occidentale sépare les deux
grandes divisions de l'homme: l'âme et le corps, le psychisme et l'organisme, et en
fait deux entités autonomes, Mais les éléments constituants de chacune de
ces
entités sont interdépendants, se coordonnent entre eux pour former un système, un
ensemble structuré.
Chez
les
Nawdeba,
nous
savons
que
l'esprit
et
le
corps
ne
sont
pas
séparables; ils ne sont que des modalités d'exister de la même réalité. Ce ne sont
pas deux éléments réunis.
L'être
humain
existe
en
tant
que
corps
et
en
tant
qu'esprit à la fois.
De même les trois éléments constitutifs de l'esprit sont des modes d'exister,
des façons d'être, des formes diverses au sens de points de vue de niveaux ou
aspects.
Tout
comme
au
niveau
de
la représentation
de
"univers,
ici
encore,
la
position
d'Aristote
se
rapproche
davantage
de
celle
Nawda:
l'âme
n'est
pas
séparable du corps. C'est la forme du corps.
Mais
Aristote
laisse
entendre
que
l'âme
préexiste,
en
tant
qu'esprit, au
corps qui est matière et, partant, simple puissance. C'est une fois l'union réalisée
que corps et âme deviennent une totalité. Il y a donc au départ une dualité: deux
éléments d'abord séparés. Mais aristote n'oppose pas corps et âme.
Puis
au
niveau
de
chacun
de
ces
deux
éléments,
les
constituants
sont
coordonnés en un ensemble structuré.
2.2.2. Individu et société: relation et conflit.
2.2.2.1. Relation individu-société.
Nous avons analysé ci-dessus les
articulations
tripolaires
de
l'Ego
qui le
situent
verticalement
sur
l'axe
généalogique
le
reliant
au
pôle
ancestral,
et
horizontalement
sur
les
axes
le
rattachant
d'une
part
au
pôle
de
l'existence
biolignagère et, d'autre part, à celui
de
la
communauté
élargie,
source
de
son
identité.
Nous avons aussi souligné que ces articulations
ne
sont
pas
de
simples
- 656 -

relations formelles, mais de véritables soudures de l'Ego à chacun de ces pôles, qui
deviennent des éléments constitutifs de la "superstructure" de sa personnalité. Ces
pôles sont des sources d'alimentation énergétique de l'''infrastructure'' de l'Ego sans
lesquelles ce dernier ne peut exister. C'est pourquoi la désarticulation est source de
maladie et de mort.
Dans le contexte culturel occidental, la tendance au clivage que nous avons
relevée à propos de la représentation de la réalité, et du composé
humain,
se
retrouve au niveau des relations interhumaines. Ces relations qui articulent Ego avec
la société sont purement formelles et extérieures. Elles sont en effet formellement
codifiées dans tous les domaines (juridique, moral. etc.) laissant peu de place à la
spontanéité. d'où
l'importance
accordée
aux
marques
extérieures
de
l'amour, de
"amitié. de la haine ...
L'individu devient ainsi une monade isolée, une forteresse close, murée. Pour
combler le vide, le fossé qui le coupe de la société, rétablir la solution de continuité
qui le sépare des autres. Ego va mettre en marche les mécanismes intrapsychiques:
il va élaborer des fantasmes, construire des symboles. des images ... représentant
les partenaires sociaux de la dimension
verticale
et
celle
horizontale.
Ainsi
son
monde intérieur sera peuplé; il va constituer la réplique symbolique de la société
avec ses paramètres relationnels. interactionnels.
2.2.2.2. Dynamique conflictuelle.
Cette intériorisation de la société avec sa dynamique interactionnelle va être
la
source
du
clivage
intrapsychique:
les
symboles
des
partenaires
sociaux
des
dimensions verticale et horizontale seront représentés sous forme de moi, d'idéal du
moi, de permis et de défendu. C'est entre ces représentants que va se construire
la dynamique interactionnelle sauvant conflictuelle sur laquelle nous reviendrons plus
loin.
Ainsi donc les interactions (conflictuelles ou non) vécues dans la culture
nawda entre Ego et ses
partenaires
sociaux
(réels)
et que nous avons décrites
dans
l'analyse
contextuelle,
sont
transposées
ici
dans
le
monde
intrapsychique
strictement
individuel. En
effet.
la
réplique
symbolique
des
interactions
sociales
intériorisée
va
servir
de
grille
de
lecture
de
la
réalité
et
conditionner
(ou
déterminer) la relation de l'Ego avec elle: tout ce qui sera perçu non conforme aux
normes collectives intériorisées va soulever l'angoisse de culpabilité et tendra à être
réprimé. rejeté hors de la conscience par de multiples mécanismes de défense mis
en lumière par l'Ecole freudienne.
- 657 -

CHAPITRE 2:
ORIENTATION
DES
SCIENCES MEDICALES.
1. DUALISME OCCIDENTAL DANS LES SCIENCES MEDICALES.
1.1. REPRESENTATION DE LA MALADIE.
Le dualisme dans la conception de la réalité et surtout de l'homme débouche
sur la représentation de la maladie comme une variable dichotomique: elle attaque
soit le corps, soit l'esprit. Ainsi, les différents troubles de santé sont rangés dans
deux classes d'équivalence disjointes: maladies organiques
ou
physiques,
maladies
mentales ou psychiques. Mais cette dichotomie est le résultat, l'aboutissement d'un
long processus conflictuel entre les deux courants. Nous allons d'abord analyser les
deux termes de la dichotomie avant de remonter l'histoire des sciences médicales.
1.1.1. Maladie organique.
Il Y a donc des maladies qui ne concernent que le corps, se limitent
à
l'organisme sans influence sur "esprit, le psychisme.
1.1.1.1. Causes.
Les
causes
des
maladies
organiques
ou
physiques
sont
elles-mêmes
physico-chimiques,
donc
des
facteurs
matériels
qui
n'ont
rien
de
spirituel,
de
psychique.
Ces
causes
peuvent
être
exogènes:
elles
sont
alors
des
agressions
extérieures à l'organisme, auxquelles ce dernier peut se soustraire par l'évitement
par exemple.
Ce
sont, entre
autres,
les
invasions
microbiennes,
les
agressions
traumatiques ...
Elles peuvent aussi être endogènes, i.e. se situer à l'intérieur de l'organisme
sans aucune influence extérieure. Elles sont souvent un défaut de fonctionnement
interne ou une dégénérescence tissulaire, organique. On peut citer par exemple les
auto-intoxications.
1.1.1.2. Processus.
"La maladie (organique, physique) est un trouble dans la forme ou la fonction
- 658 -

de l'organisme dû à des causes externes ou internes" (1), i.e. que la pathologie est
morphologique ou physiologique.
Les
maladies
organiques
ont
donc
un
processus
ana toma-physiologique
observable. On peut analyser expérimentalement
la
désorganisation
organique
(ou
tissulaire) et la dégradation fonctionnelle.
1.1.2. Maladies mentales.
Certaines autres maladies ne frappent que l'esprit et sont, pour cela, dites
mentales (du latin mens, mentis, esprit), Elles constituent donc une perturbation de
la partie spirituelle de l'homme.
1.1.2.1.Causes.
Leurs causes peuvent être un désordre au niveau du corps .
• Elles sont dites organiques quand elles sont consécutives à des affections
lésionnelles du tissu nerveux .
• On les appelle fonctionnelles quand elles se développent à la suite des
troubles organiques fonctionnels.
Mais
les
maladies
mentales
peuvent
être
provoquées
par
une
désorganisatiobn de l'appareil psychique sans que cette désorganisation puisse être
liée à des désordres au niveau de l'organisme. Elles sont alors dites psychogènes.
Le désordre psychique est autogène, essentiel.
1.1.2.2. Processus.
Quand
les
maladies
mentales
sont
d'origine
organique.
on
observe
une
pathologie psychobiologique: les troubles organiques biologiques s'accompagnent d'une
désorganisation
des
conduites.
Ce
sont
les
centres
cérébraux
qui
sont
spécifiquement
concernés,
soit
directement
(lésion)
ou
indirectement
(atteinte
consécutive au désordre d'autres organes tels que le système endocrinien).
Les
troubles
psychiques
observés
à
la
suite
des
dégâts
matériels
ou
organiques
sont
dits
symptomatiques
ou
instrumentaux.
Cette
appellation
est
significativement intéressante: elle met en lumière la nécessité de sauver à tout prix
le dualisme chaque fois qu'il est menacé. Rappelons que la philosophie platonicienne
qui est le fondement du dualisme occidental considère le corps comme instrument
dans les mains de l'âme. Et Aristote précise que l'âme se manifeste à travers le
corps. Quand le corps-instrument devient défectueux, les manifestations de l'âme
sont perturbées. Ceci justifie la formule classique qui désignait la maladie mentale
comme la perte de l'usage de la raison. La raison étant la faculté supérieure de
l'âme, immortelle, on ne peut pas la perdre, ou du moins, elle ne peut pas être
détruite. On ne peut perdre que son usage quand l'instrument qui permet celui-ci
(1), Lichentaler, C .• Histoire de la médecine, Fayard, 1978, Paris, p.56.
-
659 -

est perturbé.
Donc
dans
la
conception
moderne,
la
maladie
mentale
causée
par
des
désordres organiques n'est pas un trouble mental, mais une maladie organique avec
des symptomes psychiques. Elle doit donc être rangée dans la catégorie "organique"
de la dichotomie. Nous verrons
plus loin jusqu'où on
a poussé
cette
conception
organique.
Les
troubles
psychiques
proprement
dits
sont
d'origine
psychique.
Leur
processus est un désordre essentiel de la personnalité. Ils sont dits structuraux,
par
opposition
à
instrumental,
parce
qu'ils
consituent
une
cassure,
une
désorganisation de la structure psychique.
1.2. SCIENCES MEDICALES.
Le clivage entre organique et psychique, puis entre maladies physiques et
maladies mentales, entraîne un dualisme dans l'orientation des
sciences
médicales
et, partant, des procédures thérapeutiques. Ce dualisme remonte à deux traditions
médicales grecques: celle des Asclépiades et celle d'Hippocrate, qui se sont disputé
la maladie et son traitement, les premiers la voulant exclusivement spirituelle et le
second la réduisant au seul corps.
En fait, ces deux courants parallèles remontent aux Orlgmes de la pensée
grecque. Ils ne font
que
prendre
un
tournant
décisif avec
l'institution
du
culte
d'Asclépios
(pour la
médecine
sacerdotale),
puis
la
révolution
hippocratique
pour
médecine organique.
Nous allons analyser ici les sciences médicales que nous comparerons avec
la conception
Nawda.
laissant
les
procédures
thérapeutiques
modernes
pour
le
chapitre suivant.
1.2.1. La tradition d'Asclépios et la médecine de l'esprit.
1.2.1.1. Les précurseurs.
Homère dans l'IlIiade et l'Odyssée. puis les dramaturges tels que Sophocle.
nous renseignent sur les concepts médicaux des Grecs antiques.
La
maladie,
d'après
les
Grecs
d'alors.
est
envoyée
par
les
puissances
surnaturelles, par les dieux pour punir les
fautes.
"Comme
les
Babyloniens.
les
Assyriens. puis les Israéliens, les Grecs s'avouent responsables de leur détresse et
se reconnaissent victimes d'un châtiment par les puissances surnaturelles que leurs
fautes ont justement irritées" (1). Dans ce sens. la maladie est vécue comme la
conséquence d'une souillure. d'une impureté.
Mais ce n'est pas une impureté morale. comme chez les Assyro-Babyloniens
(1). Sendrail. Histoire culturelle de la maladie. Privat. Toulouse. 1980. p.90.
- 660 -

et les Israéliens. "Le symptôme morbide n'est pas la traduction corporelle d'une
souillure morale, un trouble intérieur secondairement
manifesté
dans
la chair.
Il
équivaut à une impureté physique, infligée du dehors" (1). Ainsi, le malade n'est pas
"un
pécheur
qui
doit
assumer
dans
ses
entrailles
les
conséquences
d'une
transgression
morale"
(1).
"Alors
même
qu'il
se
juge
victime
de
puissances
invisibles, (il) assimile sa lésion à une souillure matérielle, à une impureté physique"
(1). C'est comme un miasme au sens matériel du terme, i.e. une tâche de sang sur
le corps qui dénonce le meurtrier. La faute semble, aux yeux des Grecs, beaucoup
moins comparable à une transgression qu'à une malchance, une erreur fatale. Ainsi,
les maladies, envoyées par les dieux pour
la
punir,
sont
produits
d'une
fatalité
inéluctable.
Pour conjurer le mal, pour guérir la maladie, le seul remède est le recours
aux sacrifices expiatoires qui ne sont que des rites de purification physique (la
catharsis) devant effacer la souillure physique, le miasme morbide.
1.2.1.2. Les Asclépiades.
Cette médecine sacerdotale trouve
son
expression
majeure dans
le culte
d'Asclépios qui prend son origine en Thessalie, à Trikkè, l'actuelle Trikkala, où les
fouilles archéologiques ont dégagé les vestiges d'une très ancienne enceinte sacrée
(2). "En des temps encore fabuleux (3), on y vit éclore l'histoire mythique du dieu
(Asclépios), fils d'Apollon et de Coronis, la Corneille blanche, auquel le Centaure
Chiron avait révélé les vertus magiques des pierres et des plantes" (4). Asclépios
est ainsi devenu le dieu de la médecine, correspondant d'Esculape des Latins et de
l'Assyrien Mardouk.
La descendance d'Asclépios s'établit à Cos, où elle forme une confrérie de
Lévites (prêtres) appelés Ascl épiades, qui, autour du feu ranimé à chaque aurore
sur l'autel du
dieu
solaire,
ont perpétué,
des
siècles
durant,
le don de guérir
héréditaire (3). En dehors de Cos, les temples
d'Asclépios, appelés Asclépéions,
s'élèvent à Cnide, à Pergame. etc ... (5), Mais la résidence d'élection d'Asclépios est
fixée à Epidaure, en Argolide, qui est devenu le centre le plus important. le plus
populaire de la médecine sacerdotale.
1.2.1.3. La médecine sacerdotale d'Asclépios.
Pour
les
Asclépiades,
les
maladies
sont
envoyées
par
les
dieux.
Elles
constituent
un
châtiment,
une
punition;
elles
continuent
d'être
une
souillure
corporelle, physique. Ce n'est
pas
un
désordre de
l'âme.
La maladie n'est pas
(1), Ibid, p.91.
(2), cf. Sendrail, M., Op. cit. p.105.
(3), vers le Xe siècle avant J.C., d'après J. Fauvet, Histoire de la médecine, P.U.F.,
(Que sais je W31), Paris, 1957, p.14.
(4), Sendrail, M., Op. cit., p.105.
(5). Fauvet, J., Op. cit., p. 14.
- 661 -

intérieure à l'âme, c'est une attaque extérieure, qui vient du dehors.
Envoyée s par les dieux, les ma ladies ne peuvent être guéries que par le
dieu de la médecine, le malade doit donc se soumettre à des rites expiatoires dans
les Asclépéions qui sont, à la fois, des temples, des sanctuaires de prières et des
cliniques. Charles Lichtenthaeler dit qu'''on y pratiquait une médecine typiquement
magique" (1). Dans ces temples, en effet, les prêtres apprennent aux malades "à
prononcer
les
incantations
selon
les
formules
liturgiques,
en
vertu
de
l'antique
croyance que les mots ont pouvoir d'agir magiquement sur la réalité physique (i.e.
modifier un trouble physique, organique par exemple) et de séduire la faveur ou
plutôt de contraindre l'assistance des forces secourables" (2). Mais la guérison est
surtout obtenue dans le sommeil, par la pratique de l'incubation; le malade
doit
dormir (incubation) au moins une nuit dans le temple. Purifiés par le jeûne et un
bain
lustral,
les
patients
pénètrent
le
soir
sous
les
portiques
de
l'Asclépéion
(temple) où ils s'allongent sur des lits de feuillages et, dans les ténèbres, le dieu
vient en songe leur révéler la nature de leur mal et les moyens d'y remédier (3)
"les inscriptions votives nous renseignent sur les visions hypnagogiques dont furent
favorisés nombre de miraculés" (4)' Ces rêves thérapeutiques sont interprétés par
des prêtres expérimentés, en état extatique (5)'
Marcel Sendrail rapporte qu'il a été découvert "dans l'épigraphie épidaurienne
le
plus
riche
répertoire
de
rêves
thérapeutiques
qui
ait
été
recueilli
jusqu'aux
investigations
de
nos
psychanalistes"
(6),
Il
ajoute
que
les
investigations
psychanalytiques
"nous
permettent
aujourd'hui
de
mieux
comprendre
comment
la
conviction de guérison, acquise au cours de la vie
onirique.
peut jouer
un
rôle
déterminant sur la guérison effective" (6).
Cette brève analyse nous permet de conclure que la médecine d'Asclépios
relève d'une science mystique et non positive. aboutissant ainsi
à des
pratiques
curatives purement religieuses et spirituelles.
Mais
nous
relevons
déjà
quelques
pierres
d'attente
des
psychothérapies
modernes. L'interprétation
des
rêves,
même
si
elle
est
une
divination
de
type
religieux, ne manque pas d'analogie avec la méthode psychanalytique où le rêve est
la voie royale qui conduit à l'inconscient. Et puis "l'antique croyance que les mots
ont pouvoir d'agir magiquement sur les réalités physiques" constitue l'écho. l'intuition
lointaine de la psychosomatique moderne.
(1). Lichentaeler. C .• Histoire de la médecine. Librairie Arthème. Fayard, Paris, 1978.
pp.142-143.
(2). Sendrail. M., Op. cît. pp.l0S.
(3). cf. Sendrail. M.• Op. cit. p. 106.
(4). Op. cit. p. 106.
(S). Lichentaeler. C., Op. cit., p. 143.
(6). Sendrail. M., Op. cit.. p.l06.
- 662 -

1.2.2. Hippocrate et la médecine du corps.
1.2.2.1. Les précurseurs.
Les épopées homériques ne mentionnent pas que la médecine sacerdotale.
Elles font allusion à des maladies qui ne sont pas envoyées par les dieux et qui
doivent être maîtrisées par l'homme. Les maladies liées à une violence corporelle
manifeste, une agression physique, sont évitables par nature (1). Elles ne relèvent
donc pas d'une fatalité inéluctable, du déterminisme surnaturel auquel on ne peut se
sous traire.
Ainsi donc, à côté de la médecine sacertotale, végète une médecine où la
maladie peut être maîtrisée par l'homme sans recours aux forces surnaturelles.
A partir
du
V Ilème siècle, le déterminisme religieux prend
la forme
du
déterminisme scientifique. On
s'efforce
"d'édifier
une
doctrine
rationnelle
de
la
maladie" (2). On établit, à cette fin, un système objectif et cohérent de la réalité
physique.
C'est
à cela que s'attachent
les
physiologues
présocratiques
tels
que
Thalès, Alcméon, Empédocle, Démocrite.
Parmi eux, Alcméon retient davantage l'attention.
Il apporte les premières
notions utiles pour la connaissance du corps et de ses maux. La dissection des
cadavres le conduit à des découvertes anatomiques et physiologiques décisives. Il
est le premier à distinguer le rôle des veines de celui des artères et même à
ébaucher une théorie de la circulation qui devançait de vingt siècles celle de William
Harvey. Il est aussi le premier à découvrir que le siège des perceptions sensorielles
et de la pensée se situe dans les centres encéphaliques au lieu du cœur comme le
pensaient les Milésiens. Il devance Eustache en repérant le conduit auditif qui porte
le nom de ce dernier. "II
précise la
propagation
des
ondes
sonores
à travers
l'oreille moyenne, la transmission des images, identifiées à des particules ignées, par
les voies optiques. Ces multiples sensations convergent, par le canal des nerfs vers
le
cerveau

réside
l'âme
qui
participe,
comme
l'enseignait
Pythagore.
de
l'immortalité dévolue aux astres et aux autres corps célestes" (3L
Alcméon
fournit
aussi
la
plus
ancienne
interprétation
naturaliste
de
la
maladie. "La santé, expression corporelle de la Justice inhérente à la nature des
choses, se conserve par l'isonomie, l'équilibre des puissances organiques, l'humidité
et le sec, le froid et le chaud, "amer et le doux ..... (4L La norme qui détermine la
santé est l'harmonie. la symétrie parfaite entre tous les éléments constitutifs du
corps. Une rupture de cette harmonie. de cette symétrie. par exemple un excès de
chaleur ou de froid. une surabondance ou un défaut de nourriture. un effort abusif.
une violence exercée par des agents étrangers. bref, la prédominance (la
(1), cf Sendrail, M., Op.cit. p. 90.
(2). Sendrail. M., Op. cit. p.96.
(3). Sendrail,M .• Op. dt. p. 97-98, cf. Ibid pour tout le paragraphe.
(4). Sendrail. M .• p. 98
- 663 -

monarchia) de j'une des puissances internes. provoquera la perturbation morbide (1).
"La guérison visera à restaurer les équilibres antérieurs ... " (2l.
Ainsi donc.
1 a
santé et
la maladie sont
conditionnées
par
une
régulation
structurale,
interne,
autonome,
du
corps.
Une
telle
théorie
ne
doit
rien
au
ressentiment des dieux, ni à la conscience du péché (2).
C'est cette tradition naturaliste que Hippocrate, connu comme le
fondateur
de la médecine occidentale moderne. va continuer en éliminant toute considération
d'ordre spirituel.
1.2.2.2. Hippocrate. Notes biographiques (3l.
Hippocrate naît à Cos au Vème siècle avant Jésus-Christ, descendant de la
lignée
d'Asclépios.
Son
père.
Héracléide,
était
prêtre
d'Asclépios.
donc
médecin
sacerdotal, ainsi que
tous
ses ancêtres, depuis
plusieurs générations. Hippocrate
reçoit donc une éducation moulée dans la tradition sacerdotale et médicale familiale.
/1
étudie
en
effet
avec
son
père
qui
le
forme
à
la
science et
aux
pratiques
médicales d'Asclépios, puisqu'il devait continuer la dynastie. /1 étudie aussi avec le
philosophe
Démocrite,
"un
des
naturalistes
qui
ont
préparé
le
terrain
pour
la
médecine positive du corps. /1 se met également à l'école du sophiste Gorgias.
Pour
compléter
cette
formation,
Hippocrate
voyage
beaucoup
à
travers
pratiquement
tout
le
monde
connu
d'alors,
et
s'instruit
au
contact
de
divers
courants de pensée et de pratiques médicales. C'est cette ouverture d'esprit qui va
lui
perrrett re
de
remettre
en
question
sa
formation
initiale
à
la
médecine
sacertotale, et de se démarquer de celle-ci.
A son retour de ce long voyage, Hippocrate s'installe à Cos, sa ville natale,
qu i est déjà un centre médical important, et où il existait des temples d'Asclépios
abritant la médecine sacerdotale.
1.2.2.3. Conflits avec la médecine sacerdotale.
Convaincu que les maladies n'ont de causes que celles naturelles, Hippocrate
est décidé à combattre la médecine sacerdotale
de ses ancêtres.
"Une
légende
raconte qu'il aurait brûlé le temple d'Asclépios
à Cos pour détruuire les travaux
médicaux qui auraient pu lui porter outrage"
(4l. Son
"traité sur le mal
sacré
(épileps iel. .. s'élève avec vigueur contre la magie qui fleurissait à l'époque" (5), En
effet ce
traité
"fait justice de toutes
les
interpré tations
surnaturelles
de
cette
maladie
impressionnante:
l'auteur
s'emploie
à
démontrer
que
sa
véritable
cause
réside dans les obstacles entravant la libre circulation du "souffle" entre le cerveau
(1), cf Sendrait, M., p.98.
(2), lb
(3), cf Fauvet, J., Op. cil., p .. 16
(4), Fauvet, J .• Op.ciL, p.16.
(5), Lichentaeler, C., Op. cil., p.98.
- 664 -

et le reste du corps" (1); explication insoutenable aujourd'hui, mais qui "invoque un
système de causes et d'effets mécaniques, et, de ce fait, pose le problème de la
maladie dans un langage et sur un plan d'intelligibilité qui sont eux-mêmes de la
pensée scientifique"
(1l.
"La maladie est
abordée d'un
point
de
vue
strictement
naturaliste" (2l. 1/ ne fait jamais allusion à un dieu capable de provoquer ou de
guérir les maladies. Il est impossible de modifier l'influence des forces naturelles,
qui déterminent la maladie, par le moyen du rite et de l'invocation (3l. "Ce qui est
indispensable
au
médecin,
c'est
la
connaissance
des
causes
naturelles,
qui
ne
s'acquièrent que par l'expérience et par le raisonnement correct" (4l.
1.2.2.4. La doctrine médicale d'Hippocrate (5).
Si
Hippocrate
obéit
au
même
souci
que
ses
précurseurs,
puis
ses
contemporains
philosophes, d'insérer
la
maladie
et
la
santé
dans
les
séquences
concrètes
de
la
nature,
son
génie
a consisté
dans
l'élaboration
d'un
corps
de
doctrine adaptée aux exigences essentiel/es des réalités humaines.
Après avoir éliminé l'âme et toute explication spirituelle. et surnaturelle, il
instaure une science et une pratique fondées uniquement sur le corps. Dans la
représentation dualiste de l'être humain. il prend ainsi parti pour le corps.
Puisque le corps seul est le siège des attaques morbides, pour comprendre
la maladie, il faut commencer par observer ses signes. i.e. les symptômes cliniques.
les grouper en
tableaux.
Chaque
maladie
est
ainsi
caractérisée
par
un
tableau
typique
(syndrome). Cette
méthode
permet
de
différencier
les
divers
types
de
maladies, à partir de leurs signes cliniques externes. La classification synd romique
devient une norme infaillible, immuable. pour l'identification des maladies. En effet, le
tableau
ou
syndrome
est
la
forme.
l'image
de
la
maladie,
i.e.
l'entité
morbide
actuelle. C'est pourquoi Hippocrate et ses disciples sont particulièrement sensibles à
l'entité morbide qu'ils cernent avec grande sûreté. "Si un symptôme manque, ou si
une
manifestation
inhabituelle
se
produit.
(ils)
enregistrent
immédiatement
cette
anomalie. Il en va de même pour les irrégularités dans l'évolution clinique" (6).
Hippocrate
est
ainsi
le
premier
à
élaborer
une
méthode
pour
l'analyse
scientifique de la morphologie clinique qui débouche sur la première
doctrine de
nosologie cohérente.
"Les signes extérieurs renvoient à un processus interne. invisible, qu'il faut
(1),
Starobinski. J., Histoire de la médecine. Edition Rencontre. Lausanne.
1963.
pp.29-30.
(2). Starobinski. J .• Op. cit. p.19.
(3) cf. lb.
(4), lB.
(5,
pour
une
documentation
plus
détaillée,
cf.
Lichentaeler.
C..
Histoire
de
la
médecine. Fayard. Paris, 1978, pp.94-138.
(6). Lichentaeler. c.. Histoire de la médecine.
- 665 -

élucider" (1).
Mais Hippocrate et
son école de Cos connaissaient mal le corps.
Ils
en
possédaient une
science presque
uniquement exté rieure.
"Ils connaissaient certes
les principaux organes, mais non pas leurs fonctions" (2l. Ainsi "les
phénomènes
physiologiques
et
pathologiques
étaient
expliqués
de
manière
plus
ou
moins
spéculative d'après le modèle d'évènements analogues dans la nature, la technique,
la société. En conséquence. la pathologie de cette école ne pouvait pas être aussi
scientifique
que
son
étiologie
et
sa
nosologie"
(2l.
Elle
s'appuie.
comme
ses
prédécesseurs, sur la représentation de l'équilibre de l'univers et de la santé de
l'être
humain
comme
l'harmonie.
la
symétrie
des
contraires
(chaud-froid,
sec-humide). Le processus
morbide consiste donc dans le dérèglement
de
cette
symétrie. de cette harmonie, créant un dangereux déséquilibre intérieur (dyscrasie)
(3l. C'est dans ce sens que la pathogénie humorale. la surabondance de certaines
humeurs. dérègle la symétrie de l'organisme.
Bref. l'explication hippocratique du processus pathologique est pauvre.
"Elle
ne se fonde pas sur des connaissances anatomiques et
physiologiques"
(41. Mais
Hippocrate a le mérite d'avoir défini ce domaine des sciences médicales. A partir de
lui s'élabore une pathologie positive: la maladie attaque le corps et son processus
se déroule à l'intérieur du corps par la destructuration de ce dernier.
Ce processus a des causes uniquement naturelles. Comme nous l'avons vu,
Hippocrate rejette
toute origine
divine. surnaturelle. de
la
maladie.
Ce
sont
des
facteurs naturels qui expliquent la genèse des maladies.
D'abord le premier facteur étiologique général retenu par Hippocrate est le
facteur géographique. La situation et la nature du terrain. les cours d'eau. l'action
du soleil et du vent sur le sol... sont
responsables
"des
maladies dont on
peut
prévoir l'apparition, et l'évolution: lente ou rapide, favorable ou défavorable" (S). Il
faut préciser qu'au temps d'Hippocrate, la microbiologie était naturellement inconnue.
Donc ces éléments géographiques agissent tous et à chaque fois directement. La
méthode
expérimentale
faisant
aussi
défaut,
c'est
l'observation
de
la
présence
simultanée de certains troubles de santé et de certains éléments géographiques, par
exemple l'apparition fréquente d'un certain type de maladie, en présence de certains
de
ces
éléments,
qui
a
conduit
Hippocrate
à
la
théorie
de
la
pathologie
géographique.
Le deuxième facteur général de "étiologie hippocratique est le climat. Les
saisons malsaines, les perturbations du cycle saisonnier, les brusques changements
de
temps,
perturbent
la
santé
des
populations.
Encore
ici,
l'apparition
presque
(1), Lichentaeler, C., Op. cit;, p.10S.
(2), Op. ciL p.107.(3).
(3), Starobinski, j., Histoire de
la
médecine, Edition
Rencontre,
Lausanne,
1963,
p.30.
(4), Lichentaeler, C., Op. cit. p.107.
(S), Lichentaeler, C., Op. ciL p. 103.
-
666 -

régulière de certaines maladies en présence de certains facteurs climatiques porte
Hippocrate à affirmer que le climat "est le principal responsable des épidémiques"
(1).
En
effet,
ïl
constate
que
de
telles
maladies
frappent
massivement
les
populations.
Un troisième facteur responsable de la maladie est ce qu'on pourrait appeler
aujourd'hui la variation biologique individuelle. Chaque être humain est constitué d'un
mélange d'humeurs qui fait son harmonie individuelle. En effet. les quatre humeurs
(le sang. la pituite, la bile et l'atrabile)
se combinent différemment pour
former
différents
types
d'êtres
humains:
le
sanguin,
le
flegmatique.
le
colèrique.
le
mélancolique. Chaque
type est
prédisposé à certaines
maladies
particulières.
"Le
sanguin pléthorique n'aura pas les mêmes maladies que le flegmatique"
(2).
Puis,
l'âge et le sexe sont aussi source de variation individuelle de la maladie: certaines
maladies sont spécifiques à certains âges. d'autres au sexe mas cul in ou féminin. Le
mode de vie, les écarts de régime alimentaire. expliquent d'autres maladies.
La nosologie (la clinique). la pathologie et l'étiologie conduisent le médecin à
faire la prévision de l'évolution
(lente ou
rapide.
favorable ou défovorable)
de
la
maladie, i.e. à poser le pronostic (prognose>'
La
prognose
joue
un
rôle
ce ntral
dans
les
sciences
médicales.
hippocratiques. D'abord. elle est exigée par le climat culturel où la prédicion est de
règle. Donc les malade s attendent de leur médecin un pronostic exact. Ensuite et
surtout, c'est de la prognose que dépend la décision thérapeutique. C'est en effet la
prognose qui doit permettre de savoir si la maladie est courte ou longue, curable ou
mortelle. En fonction de ces prédictions, le médecin doit décider s'il faut commencer
le traitement et comment l'organiser.
La prognose comporte plusieurs éléments: le pronostic des symptômes pris
séparément où le médecin se prononce: sur l'évolution
de
chaque
symptôme.
le
pronostic propre à chaque syndrome qui prédit l'évolution de l'entité morbide prise
dans son ensemble, le pronostic "supra-nosologique" qui concerne un ensemble de
maladies. par exemple, en cas d'épidémie. ou toutes les maladies les plus habituelles
(3).
Mais
pour
le
pronostic
individuel,
c'est
le
processus
humoral
qui
est
déterminant: "Lui seul indique en dernier ressort si le patient mourra ou guérira, ou
s'il y aura des récidives" (4)'
Les procédures thérapeutiques que la prognose permet de préconiser sont
variées. Elles
"visent en
principe
à favoriser
l'œuvre
de
la
nature.
car
celle-ci
possède une "force médiatrice" à laquelle il faut faire confiance. Grâce à la chaleur
innée (le chaud vital contraire du froid mortel. éléments constitutifs de l'être vivant),
(1), Lichentaeler. C .• Op. cit. p.1ü4.
(2), Ibid.
(3), lb., p. 121.
(4), lb .• p.124.
- 667 -

les humeurs crues passent spontanément au stade de coction. Le repos, la diète,
des bouillons légers suffiront dans la plupart des cas. Dans les
maladies
graves,
interviendront
des
médications
plus
énergiques:
purgatifs,
vomitifs,
saignées,
qui
permettront d'éliminer les
humeurs
dont la surabondance dérègle la
symétrie
de
l'organisme et crée un dangereux déséquilibre intérieur" (1).
Hippocrate
et
son
école
recourent
assez
rarement
à
la
chirurgie.
Les
pratiques chirurgicales concernaient surtout les fractures et les luxations auxquelles
on applique un
traitement
conservateur, en recourant
au besoin à des
appareils
ingénieux de réduction et de contention (2).
Tel est le schéma général des sciences médicales élaboré par Hippocrate,
qui marque un tournant décisif et constitue le fondement de la médecine occidentale
moderne.
Certes,
il
n'a pas
tout inventé,
mais
il
a
coordonné
et
systématisé
des
éléments épars élaborés par ses prédécesseurs et des cultures parallèles. éléments
qu'il a reformulés de façon rationnelle et cohérente.
Ce
schéma est la première
formulation scientifique positive des sciences médicales modernes. Mais comparé aux
sciences
médicales
d'aujourd'hui,
ce
schéma
comporte
des
lacunes
et
des
incorrections
dues
à
la
mauvaise
connaissance
de
la
structure
fonctionnelle
du
corps,
puis
à
la
méthode
scientifique
utilisée:
le
raisonnement
analogique
qui
recherche dans la nature, la société, la technique, des points de comparaison pour
résoudre des
inconnues
au lieu de découvrir
ces
dernières
par
des
procédures
expérimentales. "Les choses
se passent de
telle
ou
telle
façon
dans
le
monde
extérieur. le macrocosme, donc elles doivent se passer de la même manière dans le
corps humain. ou microcosme" (3). Cette déduction, qui a le statut d'une hypothèse
à vérifier, constitue, pour les hippocratistes, une loi scientifique.
Ce raisonnement analogique est fondé surtout sur la théorie présocratique de
l'harmonie des contraires qui proclame l'équilibre dans les tensions bipolaires. "C'est
par leur opposition que les points de vue antithétiques prennent toute leur valeu r"
(4J. C'est par ces
tensions
bipolaires
qu'est construit l'ordre cosmique:
tout est
harmonie dans la nature et analogiquement dans le corps humain, et les processus
morbides sont disharmonie. Tout est unité dans la diversité.
1.2.2.5. Hippocrate et la maladie mentale.
Hippocrate n'a pas une théorie explicite des maladies mentales. Il ne donne
pas l'impression de leur avoir réservé un intérêt particu lier, ni surtout d'en avoir
fait une entité à part.
(1).
Starobinski. J .. Histoire de la médecine. Editions
Rencontre, Lausanne.
1963.
p.30.
(2). cf. Ibid.
(3). Lichentaeler. C.• Op. cit.. p.129.
(4), Ibid .• p.132.
- 668 -

Il Y fait allus ion en les assimilant
purement
et
simplement
aux
maladies
organiques. Dans ses "Pronostics", Hippocrate laisse entendre que les maladies qui
attaquent l'âme sont plus dangereuses que les autres. 1/ ne parle cependant pas de
l'âme en soi, mais de son siège dans le corps. C'est ainsi qu'il considère que "'a
phrénitis, fièvre accompagnée de troubles psychiques, est plus dangereuse que le
causus; elle s'attaque en effet à la région du diaphragme (Phren d'où le nom de la
maladie), siège de l'âme ..."
(1).
Il va sans dire que cette fièvre est
considérée
comme une attaque du siège de
l'âme
parce
qu'elle
s'accompagne
des
troubles
psychiques, i.e. désordres des manifestations de l'âme.
Ainsi, nous nous permettons de conclure que, pour Hippocrate et son école,
la maladie mentale est une
maladie organique,
i.e.
un
trouble
de
l'harmonie du
corps, ayant des causes naturelles, comme toute autre maladie. Mais, comme le
siège de l'âme est la région vitale, cette maladie est d'un pronostic défavorable.
1.2.3. Médecine occidentale moderne.
1.2.3.1. Médecine du corps.
Armée de la maieutique socratique, de la logique formelle
(du syllogisme)
aristotélicienne,
de
la scolastique
écclésias tique
et
du
rationalisme
cartésien,
la
mentalité
occidentale
brise
l'harmonie
hippocratique.
Elle
sépare
les
contraires,
élimine
les
oppositions
au
nom
du
principe
de
non
contradiction.
Charles
Lichtenthaeler
le
dit
si
bien
dans
son
Histoire
de
la
médecine:
"Quand
nous
rencontrons aujourd'hui de telles contradictions, nous cherchons à les éliminer ou, si
nous n'y parvenons pas, à les refouler"
(2). Malgré ces divergences, 1e schéma
hippocratique est resté le modèle des sciences médicales occidentales modernes.
L'utilisation de la méthode expérimentale en médecine permet d'améliorer le contenu
de ce schéma. Comme Hippocrate, la mentalité occidentale considère la maladie,
qu'elle soit physique ou mentale, comme un désordre organique d'origine naturelle,
qui doit être scientifiquement et expérimentalement étudié de façon approfondie. 1/
faut
arriver
à
établir
une
relation
expérimentalement
démontrée
entre
les
symptômes et
le processus
pathologique,
puis
entre ce
dernier et
la
causalité
bio-physique.
Cette
nécessité
explique
la
prolifération
des
laboratoires
et
des
procédures
expérimentales
de
toutes
sortes,
afin
de
cerner
la
structure,
le
fonctionnement normal et pathologique du corps humain et de pouvoir à partir de
chaque type de pathologie, remonter à 1a cause. Le diagnostic clinique n'est digne
de foi que quand il est confirmé par le laboratoire.
Le
corps
ainsi
réduit
à
une
machine
biologique,
sans
âme,
entièrement
soumise à l'expérimentation, la maladie devient un objet d'étude en soi, in abstracto,
sans référence au malade, détachée du sujet qui la porte. C'est l'objectivation totale
aboutissant aux lois les plus générales possibles. On raisonne en termes de cause à
<1>, Lichentaeler. C., Op. cit., p.121.
(2), Ibid., p.132.
- 669 -

effet. le malade exclu de cette relation. Tout ce qui sort du contexte expérimental
est. sinon
nié et
rejeté. comme
n'ayant
aucun
fondement.
du
moins
source
de
réticence. scepticisme et même ironie. et moquerie. C'est le cas des causes non
organiques des maladies
mentales. A partir
de
constatations
expérimentales
que
certains
désordres
organiques
provoquent
j'éclosion
des
troubles
psychiques
(l'intuition d'Hippocrate est ainsi vérifiée), on conclut à l'organicité de toutes les
maladies mentales. Même dans les cas où on
n'observe pas
cette organicité. on
invoque
le
"minimal
brain
damage".
infimes
dégâts
du
cerveau,
imperceptibles.
échappant à l'observation.
La vie mentale est considérée. ni plus
ni moins. comme
un
produit.
une
"sécrétion" du cerveau. Il en ressort que la maladie mentale est une maladie du
cerveau et partant une maladie organique, comme nous l'avons observé ci-dessus.
La théorie de la maladie est purement et simplement organiciste.
L'expérimentation a centré la médecine moderne encore plus exclusivement
sur le corps que le modèle hippocratique qui en est l'ancêtre. Hippocrate avait en
effet insisté sur les facteurs naturels responsables de la maladie et de la guérison,
éliminant toute invocation des forces surnaturelles, c es facteurs
naturels pouvant
aussi bien être
organiques
que
psychiques.
Certains
auteurs
de
l'histoire
de
la
médecine pensent même qu'Hippocrate aurait inclu dans les causes endogènes de la
maladie le caractère et le moral du malade qui seraient des facteurs prédisposants
aussi bien pour le déclenchement de la maladie que sa guérison. C'est dans ce sens
que "celui qui veut guérir se rétablit plus vite, celui qui perd tout espoir aggrave le
pronostic" (n.
Mais la médecine occidentale met hors cricuit toute la partie spirituelle et
psychique de "homme.
1.2.3.2. Médecine théosophique.
En marge
de
la
médecine
officielle.
purement
organiciste.
continue
à
se
développer une médecine de l'âme, une médecine spiritualiste pour qui les causes
des
maladies
ainsi
que
leur
guérison
sont
surnaturelles.
Ce
courant
englobe
plusieurs mouvements ou tendances spiritualistes. Ce sont. à titre d'exemples. les
sectes religieuses. les confessions religieuses judéo-chrétiennes, les occultistes. Les
sectes
religieuses,
telles
que
Alladoura.
Assemblée
de
Dieu,
Pentecôtiste.
Antoiniste ...• sont de véritables communautés
médicales, à l'instar des confréries
d'Asclépiades, où les guérisons s'obtiennent au moyen de la prière. Les confessions
judéo-chrétiennes
admettent
en
leur
sein
des
guérisons
miraculeuses
comme
interventions divines exceptionnelles.
Ce courant religieux
définit la maladie comme
un
châtiment,
une
punition
divine. conséquence du péché (originel ou individuel}. La guérison est en quelque
sorte le pardon, l'effacement de ce châtiment. Les prières ne sont souvent pas des
procédures thérapeutiques, mais des
supplications
pour
l'obtention
de
ce
pardon
(1), Lichentaeler, C., Op. cit., p.104.
- 670 -

curatif.
Les
occultistes
(voyants.
médiums,
chiromanciens.
spiritistes.
magiciens ... l
considèrent la maladie comme une nécessité. un déterminisme inéluctable lié à la
destinée
de
l'individu.
On
peut.
toutefois,
dans
certaines
conditions.
déjouer
ce
destin. changer le cours des choses. du programme préétabli. et obtenir la guérison
par la manipulation ou la maîtrise des forces surnaturelles. occultes.
Comme on le voit. ces deux courants spiritualistes relèvent de la médecine
d'Asclépios, avec cette particularité que le courant religieux attribue une connotation
morale à la notion de péché qui lui vient de son héritage hébraïque. Ils sont d'une
certaine
manière
les
continuateurs
modernes
d'Asclépios
comme
la
médecine
organiste l'est d'Hippocrate. Par rapport à cette dernière. ils sont restés en dehors
du courant scientifique.
1.2.3.3. Médecine scientifique de l'esprit.
Cependant.
la
médecine
spiritualiste
d'Asclépios
trouve
une
formulation
scientifique
dans
les
travaux
de
Sigmund
Freud.
qui
constituent
la
synthèse
cohérente
et
positive.
la
systématisation
théorique
achevée
de
quelques
études
isolées et éparses.
L'objet d'étude de cette orientation
scientifique de
la médecine spiritualJste
est ce domaine ambigu. se définissant mal entre le corps et l'âme. que nous avons
analysé au chapitre 1 de cette partie. sous le nom, lui-même ambigu. de psychisme.
Comme
nous
l'avons
souligné
dans
le
même
chapitre.
plusieurs
courants
psychologiques existent. mais nous avons choisi le courant freudien à cause de son
importance médicale.
Les travaux de S. Freud marquent. en effet. une véritable révolution dans
les sciences médicales occidentales. Ils montrent que le psychisme humain est aussi
structuré que l'organisme. C'est un système dont l'équilibre dépend des interactions
entre les différentes fonctions. ayant pour enjeu la réalité extérieure. Ce système
est un champ conflictuel, donc dynamique. et susceptible de transformation. ou de
modification
structurelle
positive
ou
négative.
selon
le
mode
de
résolution
des
conflits internes. Cela veut dire que la transformation
structurelle peut
aboutir à
une
désorganisation,
un
désordre
morbide.
à
un
déséquilibre
pathologique
de
la
personnalité.
Donc
les
troubles
mentaux
ne
sont
pas
toujours
symptômes
des
désordres
organiques.
Ils
peuvent
être
psychogènes,
fruit
d'un
désaccord
intrapsychique. Le psychisme peut être désorganisé. laissant l'organisme intact. qui
sert quelque fois de véhicule expressif de la maladie. du désordre psychique. C'est
le cas des troubles hystériques, étudiés par Freud. où
le désordre psychique
se
convertit en troubles corporels. alors que l'organisme. le corps
se révèle
sain
à
l'examen.
Dans
ce
cas.
la
connaissance
du
corps
a
peu
d'intérêt
pour
la
compréhension de la maladie et son traitement.
Il faut
chercher
à savoir
comment est organise, structuré. le psychisme.
comment
il
fonctionne et
selon quelles
lois
d'autorégulation,
d'homéostasie,
selon
quelle logique. En termes imagés, il faut étudier ''''anatomie'' et la "physiologie" du
- 671 -

psychisme.
Cette
étude
est
malaisée
dans
la
mesure

l'objet
d'étude
n'est
pas
observable en soi sinon à travers les symptômes. Il ne peut donc être directement
soumis
à l'expérimentation comme le corps.
De
plus.
même
ses
manifestations
observables, qui
constituent
sa dimension observée, ne se
laissent pas enfermer
dans le cadre de la logique formelle fondée sur le principe de non-contradiction, car
la logique psychique ne rejette pas
les
contradictions.
Par exemple, la fréquence
obsessionnelle d'un thème dans un discours ou dans une vie, et l'absence totale et
surprenante du même thème peuvent
avoir la
même
signification,
renvoyer
à la
même structure pathologique. Cliniquement,
cela ne pose pas de problème.
Mais
comment
procéder pour
la
validation
expérimentale
de
ces
observations
afin
de
dégager une Loi scientifique générale dans l'optique du principe de non-contradiction?
S. Freud a soumis ses hypothèses non à l'épreuve de laboratoire, mais de la
pratique curative, de sorte que
même
si
ses
conclusions
théoriques
laissent
la
logique formelle et l'expérimentation perplexes, elles sont cliniquement opératoires.
Ainsi donc, face à la médecine axée uniquement sur le corps,
s'érige une
médecine s'occupant du psychisme sans
trop
s'occuper du corps. En
effet,
non
seulement elle fait découvrir que certaines
maladies
mentales
sont
psychogènes,
mais elle montre même que les troubles psychiques d'origine organique sont dans
une
certaine
mesure
psychogènes.
Les
désordres
organiques
sont
surtout
des
facteurs déclenchants: les mêmes dégâts organiques ne produisent pas toujours des
tableaux
cliniques
identiques.
Ceux-ci
dépendent
de
la
structure
psychique
sous-jacente, de l'organisation mentale avant les désordres organiques. On ne peut
donc les comprendre sans analyser la structure de la personnalité du patient. La
maladie
mentale
passe
ainsi
progresivement
de
la
psychiatrie
organiciste
à
la
psychothérapie "psychologiste". Les courants organiciste et psychologiste coupent les
quelques
liens
qui
rattachent
encore
l'organisme
et
le
psychisme
et
signent
le
divorce absolu entre les deux entités de l'être humain.
1.2.3.4. Médecine psychosomatique et dissipation du dualisme.
Cependant, les découvertes, par S. Freud, de l'utilisation du corps par les
fonctions psychiques dans les conversions hystériques avaient reposé le problème.
supposé
résolu,
de la relation
entre l'organisme et le psychisme.
Selon
certains
auteurs, S. Freud aurait suggéré, à deux reprises, que la description en
termes
ps ychologiq~es de la structure des psychoses et des névroses disparaisse un jour
devant une
conception
physiologique et
même
bio-chimique
(1).
Cette
s~ggestion
montre la relation étroite qui existe. pour Freud, entre l'organisme et le psychisme.
La mise en évidence. par la suite, des lésions organiques et des
troubles
fonctionnels
psychogènes
ajoutée
aux
processus
ps ychopathologiques
d'origine
organique déjà observés force à accepter l'hypothèse d'une certaine interdépendance
entre
le
psychisme
et
l'organisme.
et
suscite
l'intérêt
pour
des
recherches
(1), Lévy--strauss, C., Anthropologie structurale, Plon, Paris, 1974, p.222.
- 672 -

neuropsychologiques, psychophysiologiques et psychopharmacologiques dans ce sens.
Depuis lors. une nouvelle science médicale est en train
de
se
construire
laborieusement
sous
le
nom très
significatif
de
"médecine
psychosomatique"
ou
"somato-psychique". selon que c'est le corps ou l'esprit qui est émetteur dans le
système de "communication" régissant les deux entités. Notons que c'est le terme
"psychosomatique" qui tend à s'imposer dans l'usage.
La
"médecine
psychosomatique"
tente
de
démontrer,
surtout
de
façon
opératoire, l'interaction entre l'organisme et le psychisme. Elle a établi surtout que
certaines maladies organiques ont en fait une base psychique et que par conséquent
la
connaissance
des
fonctions
psychiques
s'impose,
car
le
traitement
de
ces
troubles relève davantage des méthodes psychothérapiques. Ce sont des maladies
dites
psychosomatiques
qui
regroupent
en
fait
des
troubles
fonctionnels.
des
conversions
hystériques,
des
troubles
lésionnels
psychogènes.
Selon
certains
spécialistes. ce sont ces derniers qui méritent l'appellation "psychosomatique". car
des facteurs psychologiques détruisent réellement des organes, le soma.
Quoi qu'il en soit des subtilités. il y a. dans ce courant, une volonté évidente.
un effort
non
négligeable de
réconcilier
le
corps
et
l'esprit.
de
réunifier
l'être
humain. arbitrairement divisé. artificiellement coupé en deux.
C'est
dans
cette
ligne qu'est
née
la
"Psychologie
médicale"
qui
met
en
lumière l'importance des facteurs psychiques dans la relation thérapeutique entre le
médecin et le malade. et leurs influences décisives sur la modification positive ou
négative de l'état morbide. La maladie n'est plus un objet d'étude et de soin détaché
du malade. On découvre l'influence de celui-ci sur sa maladie. et sur les procédures
thérapeutiques. L'étude de l'effet Placebo est particulièreme nt instructive dans ce
sens.
Cependant. cette tentative d'unification de l'être humain est. sinon avortée. du
moins pas encore totalement réussie. En effet, la dénomination même de la nouvelle
science trahit une unification forcée et artificielle des deux termes de la dichotomie:
"Psycho-soma". La cloison. jadis étanche entre les deux entités disjointes, semble,
avec
la
nouvelle
science,
devenue
seulement
semi-perméable,
permettant
la
possibilité d'un certain échange entre les deux, d'une certaine influence de "une sur
l'autre,
mais
ne
semble
pas
réaliser
"union
de
matière
et
forme
selon
la
représentation
aristotéticienne.
Cela dénote une
forte
résistance
à
renoncer
au
dualisme. Ainsi la dichotomie, désormais seulement voilée, demeure entière.
2. CONTINUIS~ NAWDA ET SCIENCES ~DICAlES.
2.1. REPRESENTATION DE LA MALADIE.
Comme nous l'avons montré dans le Livre Il, le Nawda se représente aussi
1a maladie comme une variable dichotomique. JI distingue entre maladies naturelles
- 673 -

et
maladies
surnaturelles.
Cette
dichotomie
ne
recouvre
pas
celle
occidentale
moderne qui répartit les maladies, comme nous l'avons vu, en troubles organiques et
mentaux.
La
classification
nawda
se
rapproche
davantage
de
celle
des
Grecs
antiques, pour qui la violence physique était plus contrôl able par l'homme que les
agressions
d'ordre divin, ou
surnaturel. Ce
rapprochement
voile
des
différences
essentielles, et risque de donner le change. Une mise au point s'impose.
2.1.1. Maladie surnaturelle nawda et violence physique grecque.
La violence physique des Grecs est une agression naturelle, observable: une
personne attaque une autre et lui cause des dégâts corporels observables. Ego peut
aussi être victime d'une agression
animale ou
de
toute
autre
attaque physique.
L'homme
peut,
selon
les
Grecs, contrôler
ces
types
d'agressions
morbides,
s'y
soustraire par la prévention ou par des pratiques curatives naturelles.
Cette définition ne s'applique pas à la maladie naturelle nawda telle que nous
l'avons analysée plus haut: pour le Nawda, le critère du caractère naturel d'une
affection morbide n'est pas le facteur physique qui en est responsable. Nous avons
vu que ces facteurs physiques observables en eux-mêmes n'expliquent rien. C'est un
déterminisme inobservable qui met ces facteurs en mouvement, s'en sert comme
instrument.
Ce
déterminisme
est
la
force
surnaturelle
ouranienne,
donc
imperceptible. C'est le spécialiste initié, le Tada, qui découvre ce déterminisme, ou
plutôt
l'invoque
en
l'absence
de
tout
autre
facteur
"observable"
par
lui
seul.
L'interrogation du malade ne renseigne sur rien.
Donc, la maladie naturelle nawda est une maladie téléguidée par des forces
surnaturelles ouraniennes, la main divine. C'est Dieu seul qui manipule les facteurs
physiques cosmiques que le monde ancestral ne
peut expliquer
ni
contrôler.
La
maladie naturelle siège au niveau du corps phénomène, mais sa force destructrice
envahit la substance, la noumène et entraîne le retrait de l'Ego de l'existence. Et
toutes les maladies naturelles nawda ne sont pas nécessairement des agressions
physiques.
2.1.2. Maladie surnaturelle.
La maladie surnaturelle des Grecs est un châtiment divin, une punition d'un
manquement, et, comme nous l'avons vu, cette punition n'est pas du tout morale,
mais purement extérieure et vécue comme un destin, une nécessité inéluctable, à
laquelle on
ne
peut
se
soustraire.
Le
malade,
conscient
de
sa
responsabilité,
considère toutefois son inconduite comme une erreur nécessaire inévitable; il est
alors victime d'un déterminisme surnaturel.
La maladie surnaturelle du Nawda n'est pas seulement un châtiment divin.
Celui-ci n'est qu'une des causes possibles de la maladie, qui sont très variées: elles
peuvent
faire
partie
du
monde
physique
sensible,
ou
du
monde
surnaturel.
- 674 -

L'important. c'est qu'elles
utilisent l'énergie cosmique
sous
sa forme
noumineuse,
surnaturelle. pour attaquer l'homme
sous
sa forme
noumineuse. Le critère
d'une
maladie
surnaturelle.
c'est
qu'elle
siège
au
niveau
du
noumène
et
naturellement
atteint
le
phénomène
(corps)
qui
n'est
que
l'apparence
du
noumène.
ou
plutôt
l'existence en tant que sensible.
2.1.3. Maladie et totalité de l'être.
Qu'e Ile
attaque
l'existence
physique
sensible,
phénoménale
ou
noumineuse.
surnaturelle, la maladie atteint tout l'être. unique. total et bidimensionnel. En effet.
comme
nous
l'avons
montré
longuement,
les
deux
dimensions,
phénoménale
et
noumineuse. ne sont pas des parties. encore moins des entités séparables. Ce sont
des modes d'exister. des points de vue. La maladie peut donc attaquer l'être humain
du point de vue physique ou du point de vue spirituel. noumineux
(psychique), La
distinction dichotomique de la maladie n'implique donc pas un quelconque dualisme.
C'est une distinction purement formelle, qui indique l'angle sous lequel on se situe.
le point de vue duquel on se place.
La distinction antique grecque entre violence physique et attaque surnaturelle
pourrai t être interprétée comme concernant l'être humain en tant qu'unité: mais il
semble
que
cet
être
se
réduise
au
corps.
En
effet.
qu'elle
soit
physique
ou
surnaturelle. la maladie s'attaque au corps: c'est une tache physique. alors que le
Nawda considère les deux dimensions en donnant plus d'importance au noumène,
La
distinction
grecque
antique est
le
point
de
départ
de
la
di chotomie
dualiste.
2.2. SCIENCES MEDICALES.
La compréhension de la maladie suppose. pour le Nawda. la connaissance de
la structure de la personne-personnalité. i.e. la structure de
l'individu
dans
ses
articulations
avec
les
axes
bidimensionnels
le
reliant
aux
trois
pôles
socio-cosmiques. source d'énergie vivifiante aussi bien que morbogène.
2.2.1. Les sciences médicales de l'herboriste.
L'herboriste. en principe non voyant. a de l'homme une connaissance surtout
extérieure.
Il
le connaît
surtout
comme
phénomène.
comme
existence
physique.
sensible. en articulation avec le cosmos physique. C'est dans cette articulation que
se situe sa science médicale: santé. maladie. thérapeutique.
Ses
critères
de
la
santé
sont
l'activité
de
l'Ego.
par
laquelle
il
déploie
l'éne rgie
physique
dans
la
vie
courante;
l'intégrité
corporelle
morphologique
et
- 675 -

organique. puis la sensation de bien-être vécue et exprimée par l'Ego. Donc pour
l'herboriste.
l'individu
en
bonne
santé
est
celui
qu i
vaque
normalement
à
ses
affaires
avec
le
rythme
qu'on
lui
a
toujours
connu,
dont
le
corps
ne
souffre
d'aucune altération morphologique (maigreur, œdème, enflure .. .) ni organique (lésion,
traumatisme .. .) et qui ne se plaint d'aucune maladie, d'aucune sensation désagréable.
Les critères de la maladie sont la détérioration corporelle ou mentale observables,
les pl aintes de l'Ego concernant son corps. Il faut que l'herboriste soit assuré que
tout cela n'a rien à voir avec le dessous des choses qui dépasse ses compétences.
Mais
comme
le
corps
est
pure
apparence,
l'herboriste
sait
que
les
altérations observées rayonnent sur tout l'être. Ces altérations sont des agressions
du monde physique avec lequel Ego est en articulation interactionnelle. Il doit aussi
connaître ce monde: les forces agressives qui attaquent l'homme et la façon dont
elles le font, et les forces vivifiantes qui permettent à Ego d'entretenir sa santé et
surtout celles qui permette nt de corriger les altérations de celle-ci. La maîtrise de
ces dernières forces constitue ce qu'on a appelé la pharmacopée.
En ce qui concerne les méthodes de toutes ces connaissances, il convient de
noter qu'elles n'ont rien
de commun
avec
l'expérimentation et
la logique formelle
(exclusive
des
oppositions)
dont
nous
avons
parlé
plus
haut.
C'est
le
vécu,
l'observation, l'empirisme... liés
au
monde
mystique. En effet, la connaissance se
limite
au
corps
phénomène
sans
le
couper
(artificiellement)
de
son
signifié.
le
noumène. C'est d'ailleurs une pauvreté de langage que de parler du corps, car c'est
de l'être en tant que phénomène qu'il s'agit. Les plantes et les éléments physiques
curatifs sont aussi connus en tant que phénomène et noumène. L'herboriste parle à
son médicament qui est une force noumineuse agissant certes contre la maladie.
mais peut la provoquer dans certaines conditions. Comme nous l'avons vu, la fin du
traitement est marquée par un rite qui doit permettre au médicament de quitter la
maison du malade guéri.
Sinon.
le
médicament
s'y
installe
et.
soit
provoque
la
rechute de l'Ego ou s'attaque à d'autres
membres de la maison. Le médicament
symbolisé par un objet teint
à sa couleur devient le gardien de la propriété de
l'herboriste contre le vol. Le voleur est automatiquement frappé de la maladie que
soigne le médicament.
Donc, les connaissances médicales de l'herboriste, si elles natteignent pas les
interactions
surnaturelles
chthoniennes

se
nouent
et
se
dénouent
les
machinations
morbides
et
curatives,
n'ignorent
pas
le
noumène,
le
surnaturel
immanent à l'être du monde comme mode spirituel d'exister.
Le contenu de la connaissance de l'homme n'est pas ana tomo-physiologique.
L'herboriste connaît certes les principaux organes de l'homme, tels
que nous
les
avons étudiés au chapitre traitant du composé
humain. Mais la connaissance est
beaucoup plus extérieure et surtout mystique.
La plante et les éléments curatifs physiques ne sont pas non plus connus
comme
forces
bio-chimiques,
mais
comme
forces
tout
court,
i.e.
énergie
destructrice de l'homme et/ ou de la maladie. Ces forces, comme nous venons de le
voir,
n'ont
pas
nécessairement
besoin
d'entrer
en
contact
physique
avec
l'être
- 676 -

humain pour exercer leurs effets surtout morbogènes, puisque le médicament agit à
distance. Donc, c'est une énergie qui ne se limite pas au phénomène observable,
mais qui se répand, rayonne au-delà de celui-ci.
2.2.2. Sciences médicales du Tada.
2.2.2.1. Connaissance de l'homme.
Le Tada a de l'homme une connaissance totale: extérieure et intérieure.
Comme l'herboriste, le Tada connaît l'homme en tant qu'existence physique
phénomènale, ainsi que le système d'articulation interactionnel qui le lie au cosmos
physique .. Il connaît ce dernier comme
constitué
de
forces
bidimensionnelles
qui
agissent positivement ou négativement sur l'homme en tant qu'existence sensible.
Cela lui permet d'identifier les éléments de la nature, ainsi que leurs combinaisons
pouvant corriger les dégâts morbogènes que cette interaction peut provoquer sur
l'homme.
Par ces connaissances, le Tada est de plein droit herboriste, un herboriste
généraliste, alors que l'herboriste tout court est habituellement spécialisé dans la
connaissance et le traitement de certaines affections spécifiques.
En plus de cette connaissance commune, le Tada, voyant et initié comme
nous
l'avons montré plus
haut, a une science
mystique
extrêmement
profonde.
Tandis que l'herboriste manipule le noumène sans le connaître, sans le voir, le Tada
scrute du regard de la voyance l'intérieur de l'homme. 1\\ connaît parfaitement les
divers constituants de la structure de l'homme tels que nous les avons analysés.
C'est
du
Tada
que
l'on
tient
les
renseignements
précis
sur
cette
structure
noumineuse. Le Lili'igu, le Kawatia, le Nanéga, ne sont perçus que par le regard de
la voyance. Ce ne sont pas des données de l'expérience sensible, seules accessibles
aux
non-voyants
(JoombaL
Le
Tada
connaît
les
fonctions
de
chacun
des
constituants et les lois qui régissent leur système d'ensemble en tant que totalité.
Cela lui permet de dégager les critères d'une bonne santé.
Le Tada connaît ensuite les systèmes d'articulations tripo laires qui rattachent
chaque individu à ses deux dimensions phylogénétique et socio-culturelle. Il observe
Cet éventuellement y participe) les interactions surnaturelles qui se
déroulent au
niveau de ces dimensions, dans les dessous des choses, dans le monde chthonien
entre Ego et les êtres qui constituent ces dimensions.
1\\ a une connaissance détaillée de ce monde d'en-bas: sa composition, son
organisation, la dynamique qui s'y déroule impliquant tout homme à
son
insu

moins qu'il soit voyant).
2.2.2.2. Connaissance des phénomènes morbides.
Cette science occulte, mystique, permet au Tada d'identifier les forces et les
actions bénéfiques et/ou maléfiques qui, dans la dynamique interactionnelle d'en-bas,
influencent l'homme. Ainsi il analyse les processus morbogènes spécifiques causés
- 677 -

par chaque type d'influence négative.
C'est
ce
qui
lui
permet
de
déterminer
les
causes
des
maladies,
la
provenance polaire de ces causes, les intentions qui les animent, les moyens qu'elles
utilisent, la cible visée dans l'existence multiforme de l'homme et d'observer
les
résultats pathologiques de chaque attaque.
C'est
à partir
de
ce
bagage
de
sciences
que
le
Tada
peut
poser
son
diagnostic étiologique, processual dans les cas concrets.
Il convient de souligner que ces connaissances
ne sont pas
acquises par
initiation (ou formation) et stockées en mémoire à laquelle chaque cas clinique doit
être
confronté.
Ce
sont
des
connaissances
toujours
actuelles.
Le
Tada
opère
toujours une lecture directe et actuelle de la situation qui lui est présentée. Tous
les évènements passés s'actualisent sous son regard. C'est ce qui lui permet de
lire directement dans l'être, comme nous l'avons vu, à l'instar des rayons X et d'y
découvrir l'objet morbogène, les dégâts pathologiques, et l'ag resseur. C'est la même
raison qui explique qu'il pose souvent le diagnostic en l'absence du malade.
Son pouvoir consiste en la connaissance actuelle du problème, de la situation,
par le regard de la voyance et l'aide de ses esprits collaborateurs qui l'assistent.
2.2.2.3 . Connaissance des méthodes et techniques thérapeutiques.
Les méthodes d'investigation
(mantique),
regard
direct,
les
procédures
et
techniques curatives telles que l'extraction du Be'ega, la délivrance d'enchaînement,
du
rapt...
qui
constituent
la
performance
du
Tada,
ne
proviennent
pas
d'un
savoir-faire laborieusement acquis au cours d'un long apprentissage par essais et
erreurs,
à
l'instar
de
la
formation
médicale
moderne.
Elles
procèdent
d'un
"pouvoir-faire" qui est la compétence infuse, non apprise.
Les symboles utilisés (objets, gestes, paroles ... ) ne sont pas opérants par
eux-mêmes comme dans la magie, mais condensent ce pouvoir, cette compétence
du Tada qui est une énergie opérante liée à sa personne et congénitale comme
nous l'avons montré. Les
symboles ne sont donc pas de véritables instruments,
mais des relais, des médiateurs.
2.2.2.4. Méthodes et contenu des connaissances médicales du Tada.
Il en ressort que pour la connaissance de l'être humain, des phénomènes
morbides, des procédures thérapeutiques, le Tada ne recourt pas à des méthodes
expérimentales. D'abord, comme nous venons de le souligner, ces connaissances ne
sont pas le fruit d'un apprentissage, peut-être exception faite de la connaissance
des différents organes du corps, qui est
le
fr uit
de
l'observation
comme
pour
l'herboriste. Même la connaissance des plantes médicinales, rappelons-le, est censée
lui être inspirée, révélée par les esprits qui l'assistent.
Les
connaissances
cliniques
sont
actuelles.
par
le
regard
direct
de
la
voyance, source de la compétence infuse.
En ce qui concerne le contenu de cette connaissance, il nous faut aussi faire
des mises a.u point.
- 678 -

La connaissance que le Tada a de l'être humain n'a rien de commun avec la
connaissance médicale occidentale basée sur
l'anatomie
et
la
physiologie,
ni
sur
"analyse et la mesure des comportements. Peut-être la connaissance des principaux
organes du corps humain est une connais sance anatomique sans dissection, sinon
animale. Mais la structure psychologique de 'a personnalité n'est pas du tout une
construction théorique à partir dïnterpré tation des comportements. Le psychisme
selon
le
Nawda
n'a
pas
de
dimension
observable.
Le
corps
dans
sa
structure
fonctionnelle globale est le
phénomène
de
l'être
humain.
son
existence
sensible.
comme nous l'avons souvent souligné.
- 679 -

CHAPITRE 3:
PRATIQUES THERAPEUTIQUES
1. MEDECINE OCCIDENTALE MODERNE.
Le
clivage
entre
l'organisme
et
le
psychisme
entraînant
la
classification
dichotomique des maladies et l'orientation dualiste des sciences
médicales aboutit
nécessairement à deux systèmes d'approche curative,
1.1. THERAPEUTIQUE ORGANIQUE.
1,1.1. Objectif.
La réduction de
"homme
au
corps
implique
la
centration
des
démarches
thérapeutiques sur l'organisme.
L'objectif visé par ces démarches est double: réparer les tissus lésés, et/ou
rétablir les fonctions perturbées.
1.1.1.1. Réparation des tissus et organes.
Quand l'organisme est détraqué, ce peut être
parce
que
certains
tissus.
certaines cellules ... qui en sont les pièces de base, sont défectueux. La conduite
thérapeutique vise alors la réparation de ces pièces afin de remettre "organisme en
bon état. Il pe ut plutôt y avoir des tissus ou des organes détruits, "objectif est
alors de les enlever, puis. éventuellement, les remplacer.
1.1.1.2. Rétablissement des fonctions perturbées.
Il
va
de
soi
que
quand
des
tissus
ou
des
organes
sont
endommagés,
défectueux ou détruits. le fonctionnement de "organisme s'en
trouve perturbé. La
réparation de ces éléments rétablit en principe leur bon fonctionnement et celui de
l'organisme entier.
Mais la perturbation
fonctionnelle existe quelquefois en
l'absence de
toute
atteinte organique: les organes sont en
bon
état,
mais
fonctionnent
mal
ou
ne
fonctionnent pas du tout.
L'objectif poursuivi par la démarche curative est alors de rétablir la fonction,
de restaurer tout le système fonctionnel.
L'organisme humain est alors comparable, ni plus
ni moins, à un système
mécanique: c'est une machine biologique. Le médecin est le mécanicien qui s'occupe
de
son
entretien,
répare
et/ou
change
les
pièces
défectueuses,
règle
et
fixe
celles-ci.
débarrasse
la machine
des
objets
étrangers.
parasites, pour rétablir le
- 680 -

bon fonctionnement du moteur.
1.1.2. Méthodes et techniques.
Les
procédures
adoptées
pour
atteindre
ces
objectifs
consistent
dans
la
manipulation du corps seul, tout comme le mécanicien manipule sa machine pour la
remettre en état de bien fonctionner.
1.1.2.1. Recherche des causes.
La
recherche
des
causes,
des
facteurs
responsables
des
détériorations
organiques est la première étape de l'approche curative. Elle
part des
signes ou
symptômes, soigneusement observés et groupés en
tableaux
(syndromes)
selon
la
démarche initiée par Hippocrate.
Les causes, toujours physico-chimiques, biologiques. peuvent être externes ou
internes
à
l'organisme.
Les
méthodes
du
laboratoire
ou
l'examen
direct
de
l'organisme sont, comme nous l'avons vu,
les
procédures
idéales
pour valider les
hypothèses
élaborées
à
partir
des
signes.
A
leur
défaut,
on
se
contente
des
observations cliniques.
Connaissant ainsi la cause puis la relation entre elle et l'effet pathologique. le
trouble,
il
suffit
de
supprimer
celle-là
pour
réduire
ou
anéantir
celui-ci.
Les
procédures sont étudiées et mises au point selon la nature de la cause.
1.1.2.2. Destruction chimique de j'agent pathogène.
Dans
les maladies
infectieuses,
parasitaires....
l'agent
causal
est
un
être
vivant, envahissant l'organisme de iextérieur; dans les intoxications. l'agresseur est
un produit introduit dans l'organisme directement ou indirectement, ou fabriqué par
l'organisme lui-même, etc.
Dans tous ces cas, les procédures curatives utilisées sont généralement des
méthodes
chimiques
destinées
à
détruire
l'agent
pathogène
afin
de
libérer
l'organisme. Ce sont des méthodes chimiothérapiques. Le produit antidote doit être
de nature contraire à celle de l'agent pathogène. C'est le principe de base de la
médecine
allopathique
qui
constitue
la
médecine
officielle
moderne.
Toutefois.
la
thérapeutique homéopathique est en train de reconquérir
du terrain,
proposant le
traitement des mal3dies par les facteurs qui en
sont responsables,
mais
à dose
infime.
Quoi qu'il
en
soit,
c'est
un
agent
chimique
biologique
qui.
introduit
dans
l'organisme malade, détruit ou chasse l'agresseur morbogène.
1.1.2.3. Apport des substances.
Certaines
maladies
sont
dites
déficitaires,
parce
qu'elles
s'installent
par
insuffisance ou par manque de certains constituants biologiques. Ce déficit est dû
soit à une autodestruction organique, soit à un manque d'apport extérieur.
- 681 -

Les
méthodes
de
traitement
sont
étudiées
en
fonction
de
la
cause.
En
général, s'agissant d'un simple déficit essentiel, il suffit d'apporter à l'organisme les
substances qui lui font défaut pour rétablir l'équilibre organique.
Ces
substances
sont
introduites
dans l'organisme par
diverses
techniques:
voie parentérale, voie digestive.
1.1.2.4. 1ntervention chirurgicale.
L'intervention
chirurgicale
est
la
méthode
réparatrice
par
excellence.
Elle
procède à la recréation, en quelque sorte, de "organisme vivant; elle le débarasse
d'objets
malins,
restaure
les
tissus.
les
organes
endommagés
ou
défectueux,
remplace certains autres détruits ou irréparables.
1.1.2.5. Les caractéristiques de la médecine organique.
Il ressort de cette analyse très succinte que les thérapeutiques organiques
ne s'occupent que de la maladie perçue comme
destruction de
"organisme
seul.
C'est cette destruction
de
l'organisme
que
l'on
combat.
Les
quelques
méthodes
thérapeutiques auxquelles nous venons de faire allusion en témoignent suffisamment.
La maladie est ainsi le seul objet de préoccupation de la médecine organique.
Mais
le
malade
qui
la
porte
fait
l'objet
de
peu
d'attention.
Il
est
mis
entre
parenthèses. On s'occupe de sa maladie, on répare
son organisme. mais
l'on
se
pose peu ou pas de questions sur le vécu de cette maladie. La chirurgie où, par
nécessité,
le
malade
est
artificiellement
transformé
en
un
objet
au
moyen
des
procédés anesthésiques, est la situation idéale qui illustre cet état d'esprit. Ici. la
vie mentale (psychique) est réduite à sa plus simple expression par la suppression
anesthésique du
système de relation. Le médecin
n'a
qu'un
corps
qu'il
manipule
directement. Mais dans les autres situations où rien ne nécessite l'endormissement
de
la
vie
mentale
du
malade,
celle-ci
est
purement
et
simplement
mise
entre
parenthèses, hors circuit; le corps et sa maladie sont manipulés directement.
1.2. LA PSYCHOTHERAPIE.
Comme la médecine organique ne s'occupe que du corps et de ses maladies.
y compris celles qui provoquent des troubles psychiques. la psychothérapie a pour
objet unique les maladies mentale psychogènes.
1.2.1. Objectif.
L'objectif
poursuivi
par
les
procédures
psychothérapeutiques
est
le
rétablissement de l'équilibre psychique dont la perturbation constitue la pathologie
mentale. En effet. le processus pathologique de la maladie mentale consiste. comme
nous l'avons défini ci-dessus. en une destructuration essentielle de la personnalité
- 682 -

provoquan t le fonctionnement anarchique des diverses instances.
La
cure
psychologique
vise
donc
à
rétablir
la
relation
harmonieuse
des
diverses fonctions. Nous retrouvons ici la représentation grecque de l'harmonie des
contraires qui définit l'équilibre cosmique.
1.2.2. Méthodes et techniques utilisées.
Les procédures thérapiques utilisées n'ont rien à voir avec l'anatomie et la
physiologie
qui
ne
sont
possibles
que
sur
l'organisme.
Elles
s'adressent
toutes
directement au
psychisme afin d'atteindre l'objectif curatif. Comme
les
méthodes
organiques manipulent le corps, elles manipulent la dimension observée de l'appareil
psychique,
i.e.
le
système
comportemental
qui
est
l'expression
de
la
dimension
théorique, construite.
1.2.2.1. L'expression verbale.
Pour rechercher les facteurs responsables du trouble. le thérapeute manipule
l'expression verbale du patient. La structuration de celle-ci lui permet de remonter
à la structure pathologique de la personnalité pertur bée. par repérage des nœuds
conflictuels et leurs modes de résolution, source de blocage pathogène.
L'observation des gestes, des postures ... est indispensable comme expression
complémentaire de la parole. Ils traduisent les non-dits.
La manipulation de la parole est dans le même temps une technique curative.
Elle conduit le malade à verbaliser ses désirs réprimés et ainsi à les débarrasser
de leur charge affective angoissante intolérable qui explique leur rejet. leur exclusion
du
système
fonctionnel
de
la
personnalité.
Bref.
la
verbalisation
permet
de
dédramatiser les
désirs effrayants et de les
intégrer
à
la
personnalité
pour
la
rééquilibrer.
Le
thérapeute
peut
manipuler
sa
propre
parole
pour
instaurer
des
comportements
positifs contraires
à ceux
pathogènes;
c'est
la
technique
utilisée
surtout dans l'hypnose. la suggestion. la désensibilisation, le déconditionnement, etc.
Nous voyons ainsi réhabilitée la force curative de la parole. du verbe déjà en
usage dans la médecine sacerdotale d'Asclépios.
1.2.2.2. Méthodes expressives non-verbales.
Certains
patients
n'ont
pas
l'usage
de
la
parole.
soit
par
l'effet
de
la
maladie. soit parce qu'ils ne l'ont pas encore maîtrisée.
Pour ces raisons ou par choix préférentiel. le thérapeute manipule certains
types d'expressions non-verbales pour la recherche diagnostique. Dans ce cas, le
malade
est
soumis
à
des
épreuves
dites
de
performance
qui
permettent
de
"mesurer"
ses
aptitudes
à
résoudre
certains
problèmes,
et/ou
d'évaluer
sa
personnalité
globale.
Ce
sont
des
épreuves
d'efficience
et
de
personnalité.
Ces
dernières
provoquent
l'expression
des
conflits
internes
qui
serait
impossible
ou
- 683 -

moins aisée par la parole.
O'autres
types
d'expressions
non-verbales
sont
des
techniques
curatives
et/ou
des
méthodes
diagnostiques
tout
à
la
fois.
Les
plus
usuelles
sont
les
expressions
graphiques
(dessins.
peinture ... ),
les
expressions
constructives
(ergothérapie), les expressions ludiques (jeux symboliques .. .) etc.
1.3. THERAPEUTIQUE PSYCHO-SOMATIQUE.
1.3.1. Psychothérapie et médecine.
Les deux
systèmes
d'approche
thérapeutique
tels
que
nous venons
de
les
résumer
très
succintement
sont des
méthodes
parallèles
qui
n'ont
apparemment
aucun
point de rencontre. Chacun
s'occupe strictement d'un
des
secteurs
de
la
dichotomie sans se poser des questions sur l'autre. Aucun ne se permet d'envahir
le
domaine
de
l'autre.
Les
deux
systèmes
thérapeutiques
s'opposent
de
façon
exclusive
comme
le
corps
et
l'âme,
la
matière
et
l'esprit.
le
mal
et
le
bien
s'opposent et s'excluent mutuellement. Certes. ici, il ne s'agit pas d'une opposition
morale.
mais
scientifique
et
pratique.
Il
s'avère
impensable
que
des
méthodes
psychothérapiques
aient
quelques
effets
sur
des
maladies
organiques.
Ainsi
les
maladies mentales d'origine organique sont traitées uniquement avec des méthodes
physico-chimiques; et que dire des thérapies
rituelles
"non
scientifiques" appelées
"parapsychologiques"
ou
"occultistes" ...
quand
elles
sont
pratiquées
par
les
occidentaux. et "cures magiques" ou "primitives" quand elles le sont par d'autres.
Ces thérapies. appliquées aux maladies organiques. sont souvent taxées d'impostures
qui font obstacle au progrès de la médecine. Certains de leurs résultats évidents et
indiscutables sont assimilés à des miracles ou à des œuvres diaboliques inexplicables
dans l'optique dualiste.
Oe
même
les
maladies
mentales
psychogènes
sans
base
organique
sont
restées longtemps réfractaires à toute thérapeutique bio-médicale malgré quelques
effets
éphémères
surtout
des
sucs
végétaux,
des
sédatifs.
des
hypnotiques ...•
jusqu'aux découvertes révolutionnaires des premiers neuroleptiques (1952). puis des
antidépresseurs (1957), découvertes qui ouvrent la voie
à la psychopharmacologie;
celle-ci a tenté de réduire la distance entre les deux parallèles.
Bien que les troubles psychogènes profonds (psychoses) restent rebelles à la
psychothérapie, ils sont rangés dans le domaine de celle-ci. Oes perfectionnements
techniques doivent conduire à leur maîtrise. Et effectivement
des
techniques
de
maternage,
manipulant
des
symboles
non
verbaux
plus
proches
de
la
réalité
concrète, initiées par M.A. Sechehaye (1) montrent que la schigophrémie, considérée
comme la plus grave des psychoses, peut être contrôlée par la psychotérapie.
(1), Sechehaye, M.A., La réalisation symbolique, in Revue suisse de psychologie et de
psychologie appliquée, Supplément n012, Berne, 1947, cf., Lévy-Strauss, C .• Op. cit.,
p.220.
- 684 -

Les deux systèmes de procédures thérapeutiques sont donc restés parallèles
jusqu'à l'apparition de la médecine psychosomatique dont nous avons fait ci-dessus
une brève analyse théorique. Voyons ici comment elle procède sur le plan
curatif
dans sa tentative de rapprocher les deux courants parallèles.
1.3.2. Cure psychosomatique.
Depuis la révolution psychopharmacologique et les recherches qui s'ensuivirent
sur
les
modifications
biochimiques
sous
l'effet
des
drogues
et
sous
celui
des
modifications psychiques. on sait qu'un trouble psychique peut être corrigé. du moins
jusqu'à un certain point, par la chimiothérapie.
D'autres
méthodes
plus
physiques
telles
que
la
sismothérapie
(électrochoc)
ont
même
vu
le
jour
et
donnent
des
résultats assez satisfaisants (bien que dangereux à long terme) dans certains cas.
Par
ailleurs,
le progrès de la psychothérapie
a
permis
de
constater
que
certaines maladies organiques (somatiques), pourtant réfractaires aux thérapeutiques
bio-médicales. réagissent favorablement à des procédures psychothérapiques.
Et puis, s'ingérant plus avant dans le domaine strictement médical. là où les
méthodes physico-chimiques règnent en maître absolu, la psychothérapie a montré
qu'on peut améliorer énormément le rendement de celles-ci en prenant en compte
les
facteurs
psychologiques
manipulés
dans l'interaction entre
le
médecin
et
son
malade, souvent à l'insu des deux. Cette
recommandation
invite
le
médecin
non
seulement à prendre en compte et à intégrer, dans le processus thérapeutique. le
vécu psychique du malade, mais aussi à prendre conscience de sa propre équation
personnelle. Ainsi le traitement doit concerner la totalité de la personne du malade
et non seulement son organisme et sa maladie.
Cependant. dans la pratique. l'unité du malade ne semble pas réalisée. Les
deux domaines psychique et organique, bien que simultanément
présents,
restent
toujours distincts, séparés. On cherche à évaluer la part qui revient aux facteurs
psychiques et celle attribuable à l'action physico·'chimique. Cela apparaît clairement
dans la définition de l'''effet placebo" comme la différence entre l'action attendue
d'un produit ou d'un acte thérapeutique et "effet observé (positif ou négatif); cette
dé finition montre que l'effet attendu d'une procédure thérapeutique. c'est-à-dire la
modification biologique entraînant celle de l'état morbide, est le résultat d'une action
purement
physico-chimique
et
mécanique,
en
"absence
totale
de
toute
influence
psychique. On cherche ainsi toujours
à établir des limites précises entre le pur
biologique et le pur psychique. Le ra ngement dichotomique est toujours de rigueur.
La
distance
entre
les
deux
termes
est
pratiquement
annulée
mais
ils
ne
s'interpénètrent toujours pas.
Dans les traitements des maladies organiques psychogènes et des
troubles
psychiques d'origine organique, cette séparation reste entière: en effet ces maladies
sont considérées comme des symptômes organiques
et
psychiques
respectivement
des désordres mentaux et organiques. Leur traitement tend à être soit purement
- 685 -

psychologique, soit purement physico-chimique,
sauf dans
les
cas

l'on
se voit
obligé
de
corriger
dos
dégâts
organiques
ou
psychiques
irréductibles
par
la
psychothérapie ou le traitement médical.
Il ressort de tout cela qu'à part les tendances extrêmistes (organiciste et
psychologiste) qui continuent à se disputer le monopole
thérapeutique
(surtout en
psychiatrie),
les
positions
dualistes
n'ont
pas
beaucoup
évolué
avec
la
psychosomatique.
Les
deux
termes
de
la
dichotomie
sont
restés
autonomes,
seulement ils
ne
sont plus
incompatibles. On
admet
de plus en
plus, sinon
leur
interpénétration, du moins leurs
influences
réciproques,
leurs
interactions
dans
le
maintien de la santé et dans le genèse de la maladie.
2. CURE TRADITIONNELLE NAWDA.
2.1. OBJECTIF.
L'objectif de la cure traditionnelle Nawda, tel qu'il ressort de l'étude que nous
avons faite au livre Il, est de recréer la totalité
de
l'Ego: rétablir
son harmonie
individuelle. nucléaire et cosmique.
2.1.1. Libération des forces vitales de j'Ego.
2.1.1.1. Libération des forces comprimées ou envahies.
Le traitement peut consister à libérer les forces vitales de l'Ego comprimées
ou envahies par des attaques agressives venant de l'extérieur. C'est l'objectif que
poursuivent
le
découpage
du
filet,
l'extraction
du
Be'ega.
etc.
que
nous
avons
étudiés.
Ces forces comprimees ou envahies étouffent. se dissolvent, dégénèrent et
l'existence
de
l'Ego
est
menacée.
Donc
la
maladie
fait
"œuvre
contraire
de
la
création
que
nous
avons
définie
comme
émanation
d'énergie
vitale
constitutive
toujours
en acte. La thérapie. en détruisant l'agent pathogène. libère
l'existence.
rétablit le courant d'énergie rayonnante qui définit l'existant.
2.1.1.2. Libération des forces dissociées.
Quand la maladie consiste en un arrachement des forces de l'Ego et leur
maintien à distance, loin de lui, le traitement vise à libérer ces forces puis à les
restituer
à
l'Ego.
C'est
ce
que
nous
avons
étudié
dans
la
libération
et
le
déchaînement du Nanega. C'est ce qui se passe aussi lorsqu'il s'agit de libérer Ego
du
rapt
des
esprits
errants.
de
la
capture
du
serpent
ou
des
sorciers
anthropophages.
L'arrachement des forces constitue la dissociation de l'Ego. de son retrait de
- 686 -

i'existence. Le traitement vise
à récupérer ces
forces.
qui ne
sont rien
d'autre
qu'une des formes de l'existence de l'Ego.
2.1.2. Réarticulation des forces de l'Ego.
2.1.2.1. Réarticulation interne.
La libération des forces n'est pas l'objectif final. Elle vise la réarticulation de
ces
forces
avec
l'ensemble
pour
refaire
la
totalité
de
l'existence
multiforme.
L'objectif ultime est de refaire la structure nucléaire défaite. Toutes les formes de
l'existence de l'Ego sont réunifiées dans une totalité.
2.1.2.2. Réarticuiation polaire.
Comme nous l'avons vu, la maladie est d'abord une désarticulation de l'Ego,
une coupure des axes qui le rattachent aux trois pôles sans lesquels son existence
est impossible.
Le traitement
visera
d'abord
à
rétablir
ces
liens
axiaux,
conducteurs
du
courant vital qui constitue et alimente l'être. l'existence et l'identité de l'Ego. C'est
le premier objectif poursuivi après la libération des forces. Son atteinte implique la
reconstruction de la structure nucléaire.
2.2. METHODES THERAPEUTIQUES.
2.2.1. Désignation de l'agresseur.
Pour atteindre ces objectifs. la première démarche entreprise
par le Tada
est d'identifier l'agresseur. son origine polaire. C'est cette démarche qui conduit à la
découverte
de
l'axe
coupé,
du
moyen
utilisé
par
l'agresseur,
de
la
forme
de
l'existence de l'Ego qui a été la cible de l'attaque. et par conséquent du processus
pathologique.
La désignation de l'agresseur est donc la démarche-clé. indispensable pour la
suite
du
traitement.
C'est
quand
l'agresseur
a
été
identifié
que
la
procédure
thérapeutique peut être mise en route.
C'est ce qui constitue le diagnostic étiologique qui implique celui processual.
2.2.2. Neutralisation de l'agression.
La deuxième étape de la démarche thérapeutique consiste à détruire le mal,
à le rendre inopérant, à le neutraliser. Comme nous l'avons vu. les
procédures
utilisées sont surtout surnaturelles. Le mal consiste en machinations souterraines.
Les
méthodes
pour
le
combattre
sont
aussi
souterraines.
Elles
échappent
au
- 687 -

contrôle "al ionnel et sont pour cela dites ir-rationnelles (mais non illogiques),
2,2,3, Restauration de la circuiation énergétique.
La
neutralisation
des
forces
morbides
est
souvent
accompagnée
des
traitements
adjuvants qui
débarrassent
l'être
de
l'Ego
des
résidus
morbides,
et
restaurent, rétablissent la circulation de l'énergie vitale.
2.3. TECHNIQUES UTILISEES.
Ces
méthodes
utilisent
des
techniques
appropriées
que
nous
avons
déjà
décrites et qui sont basées sur la manipulation
des
symboles: utilisation
d'objets,
gestes, paroles, symboles; man;pulation symbolique du corps.
2.3.1. Mantique et vision directe.
La
mantique
et
la
vision
directe
sont
des
techniques
symboliques
de
diagnostic qui permettent au Tada d'analyser toute la situation morbide. C'est cette
analyse
qui
conduit
à
l'identification
du
mal
dans
l'être
du
malade,
du
dégât
(processus pathologique) qu'il cause, de son ampleur sociale. Cela débouche sur la
découverte du pôle dimensionne! responsable.
2.3.2. Rituels thérapeutiques.
La
neutralisation
du
mal
procède
par
des
pratiques
rituelles
constituées
d'actes symboliques: la morsure pour l'extraction d'objet morbogène, le découpage du
nlet, l'extraction de terre des forces, sous forme d'araignées, enchaînées, etc ... ne
sont
pas
des
actes
grossiers
comme
le
pense
C.
Lévi-Strauss
(1),
mais
des
symboles des comportements
occultes.
Le
Tada
et
les
patients
le
vivent
ainsi,
participant
du système culturel collectif.
2.3.3. Les plantes et leur double efficacité.
Les plantes. et les médicaments en général. sont utilisés, nous l'avons
vu,
comme des adjuvants. Leur énergie biologique curative
est en même
temps
une
énergie noumineuse. En effet, la plante elle-même est
un élément bidimensionnel
(1), Lévy-Strauss, C., Op. cit., p.211.
- 688 -

(phénoméne et noumène). ~ôon energie l'est -Jussi. Elle ne suigne pdS une entité en
"oi, <.'Ile 01imine le
pois,on, &rer-gie
i,oumineuse
der, éléments,
cusmiques
exploitée,
manipulée par les machinatior13 occultes des malfaiteurs (Nagemba).
Donc les médicaments, la plante, sont des symboles des forces surnaturelles
comme le mal.
2.4. CURE TRADITIONNELLE NAWDA ET TRAITEMENT PSYCHOSOMATIQUE.
2.4.1. Psychosomatique.
L'objet de la médecine psychosomatique, nous l'avons vu, est de prendre en
charge la totalité de l'être humain, corps et âme, organisme et psychisme. Elle vise
à
mettre
un
terme
à
l'opposition
entre
deux
ordres
des
sciences
médicales
soccupant de la même réalité humaine. Elle
veut
donc
résoudre
un
problème de
dichotomisation
artificielle,
tlle
veut
recoller
les
morceaux
de
l'homme
déchiré,
écartelé.
Mais nous venons de découvrir que, pour le moment en tout cas. cet objectif
est
loin d'être
atteint.
Sous
le
couvert
d'une
approche
unitaire
de
l'homme,
la
médecine psychosomatique continue à cultiver la dichotomie, à entretenir la division;
celle-ci reste masquée, mais pas résolue.
2.4.2. Cure traditionnelle Nawda.
La cure traditionnelle Nawda ne se propose pas de résoudre un quelconque
problème
de
dichotomie.
Elle
traite
l'homme
d'emblée
comme
une
totalité.
Les
maladies sont diverses, 'nais atteignent l'homme en tant que totalité. Les différentes
maladies ne renvoient pas à des entités isolées de l'homme, mais à des aspects et
chaque fois quun aspect est
touché,
tout
l'être
souffre et
la cure le prend en
charge.
- 689 -

DEUXIEME PARTIE:
CURE N A\\NDA DANS
LE CHAMP PSYCHOTHERAPIQUE.
- 690 -

CHAPITRE 1:
PSYCHOTHERAPIES DYNAMIQUES
ET CURE NAWDA.
Les psychothérapies dynamiques sont celles qui fondent leur théorie su rune
dialectique conflictuelle entre plusieurs systèmes énergétiques internes à l'individu.
C'est de cette dialectique que dépend la santé mentale, i.e. l'équilibre psychique.
C'est
dire
que la
génèse
de
la
maladie
mentale
est
un
trouble
de
l'équilibre
psychique.
Nous avons retenu pour notre étude les deux écoles fondamentales de ce
courant: il s'agit de celle freudienne, la plus répandue en occident, qui a donné
naissance à plusieurs ramifications, et celle jugienne. Nous avons laissé de côté
d'autres
écoles
telles
que
l'analyse
de
la
destinée
de
Léopold
Szondi,
et
la
psychologie individuelle d'Alfred Adler,
L'école szondienne. mettant au centre de
ses
études
et
de
sa
pratique,
l'inconscient familial héréditaire comme champ de conflit ou se décident l'équilibre de
la personne et les aménagements pathologiques, se veut une synthèse entre les
inconscients individuel et collectif de S. Freud et de C. G. Jung. Elle a élaboré de
l'appareil
psychique
humain
une
structure
dynamique
basée
sur
quatre
pulsions
subidvisées chacune en deux facteurs (soit huit en toutl. lesquels sont l'expression
de seize besoins (deux par facteur,
soit quatre par
pulsionl.
Signalons, à
titre
informatif, les quatre pulsions qui sont toujours combinées chez chaque individu dans
des proportions très variables définissant les divers types psychologiques familiaux.
Nous
avons:
la
pulsion
sexuelle
(S),
la pulsion
éthique ou
paroxystique
(P),
la
pulsion du moi (1 = ich) et la pulsion de contact (C ou Kl.
Malgré son intérêt, cette école a une audience limitée pratiquement
à
la
Suisse Allémanique où elle est née.
L'école
d'Adler,
fo ndant
la
dynamique
psychologique
sur
le
sentiment
d'infériorité et le processus de compensation a aussi une audience très limitée.
En plus des deux écoles
fondamentales
que
nous
avons
retenues
et
qui
fondent
la
psychologie
médicale
occidentale,
nous
avons
prévu
d'analyser
une
troisième:
"Psychopathologie
structurale"
qui
est
une
résurgence
moderne
des
courants caractérologique et typologique, sous l'impulsion du structuralisme et de la
phénoménologie. Notons que la phénoménologie a donné
naissance
à
un
courant
psychothérapique
sous
l'appellation
d"'Analyse existentielle"
rattaché
par
certains
(Lugdwig Binswanger)
à la psychanalyse
comme
variante et
par
d'autres
(Roger
Mucchielli)
à
la
psychologie
structurale.
Ses
procédures
sont
utilisées
comme
méthode d'analyse en psychopathologie structurale.
- 691 -

1. PSYCHANALYSE ET PSYCHOTHERAPIES DERIVEES.
1.1. REPRESENTATION DE L·HOMME.
L'homme est représenté comme organisme et
psychisme. ce
dernier étant
l'objet exclusif des préoccupations psychanalytiques et courants dérivés, alors que le
cor'ps est laissé à la médecine organique. Mais comme nous l'avons vu, l'observation
clinique
des
incursions
psychiques
dans
le
domaine
organique
a
conduit
à
une
tentative d'unification du corps et du psychisme par la médecine psychosomatique.
1.1.1. Théorie psychanalytique du psychisme humain.
1.1.1.1. Structure de la personnalité.
La personnalité, d'après l'école freudienne, est constituée de trois instances:
le ça (ES), le moi (jch) et le surmoi (Uberich).
Ces
trois
instances
ne
sont
pas
des
données
héréditaires.
Elles
se
construisent et se différencient au cours du développement de l'individu. Une seule,
cependant, par sa jonction avec le biologique, est donnée. C'est le ça "A l'origine
tout était ça. Le moi s'est développé à partir du ça, sous l'influence persistante du
monde extérieur" (1).
Le moi se forme donc, se constitue, chez chaque individu, par l'émergeance
progressive, le détachement d'une fraction du ça, au cours du développement, par
identification s
successives
à
des
objets
du
monde
extérieur
qui
sont
ainsi
intériorisés. D'après A. Hesnard (2), cette deuxième organisation n'est possible qu'à
partir
de
la
couche
corticale
originelle
armée
d'organ es
aptes
à
recevoir
les
excitations et à s'en protéger.
L'influence parentale durant la longue période de l'enfance, ainsi que celle des
institutions sociales éducatives, va être à l'origine de la constitution de la troisième
instance: le surmoi qui se détache du moi et sy oppose (3l. Mais J.J. Boulanger
(4) pense plutôt que le surmoi tire son origine du ça;
car, dit-il, le
surmoi est
lidentification avec l'objet
d'amour
(jnterdit!
du
ça,
ayant
pour
but
d'amener
ce
dernier
à y renoncer. De ce
fait,
le surmoi
récupère l'énergie
que
le
ça
avait
investie
sur
cette
représentation.
Nous
partageons
plutôt
la
conception
de
A.
Hesnard.
dans
la
mesure

le
surmoi,
se
formant
plus
tardivement
et
sous
l'influence d'une réalité extérieure spécifique, particulière. celle éthique ne peut être
qu'une portion spécialisée du moi. déjà formé au contact de la réalité générale.
(1),
Freud,
5 .•
Abrégé
de
psychanalyse
(1938).
P.U.F .•
Paris.
1950.
cité
par
Bergeret. J., Abrégé de psychologie pathologique. Masson, Paris, 1982, p.52.
(2), Hesnard, A., L'œuvre de Freud, Payot, Paris, 1960, pp.58-59.
(3), cf. Hesnard, A., Op. cit. p.39.
(4), Boulanga. J.J., de Aspect métapsychologique, in Bergeret, J .. Op. cit., p.53 .•
Hesnad, A., Op. cit. p.58.
-
692 -

Aprés ce
~,ljrvol
génétique.
voyons
à
présent
la
structure
fonctionnelle
de
(;h Kune des
installces.
Le ça es1
le pôle
pulsionnel
de
l'appareil
psychique.
'Son
contenu englobe
tout ce que l'être apporte à sa naissance. tout ce qui a été constitutionnellement
déterminé". donc avant tout les "pulsions" ... " (1 J.
:rcstance
la
plus
ancienne.
formation
psychique
archaïque
de
l'homme.
pratiquennent congénitale.
le
r;a
est
totalement
inconscient.
situé
aux
confins
du
biologique
et
du
psychique.
Comme
le
dit
S.
Freud.
c'est
"la
partie
obscure.
impénétrable de notre personnalité; nous nous le représentons débouchant d'un côté
dans le somatique et y accueillant les besoins pulsionnels qui trouvent en lui leur
expression psychique" (2J.
Le ça est donc constitué
de
pulsions.
expressions
psychiques
des
besoins
organiques. i.e. des demandes qui sourdent du tréfonds de l'être. des
excitations
venant de l'intérieur. Mais le ça
inconscient
abrite
aussi
les
représentations
de
choses refoulées par le
moi
dés
sa naissance.
sous
les
exigences
de
la
réalité
(limites
personnelles
devant
ces
exigences.
limitations
imposées
par
les
normes
sociales ... ); en effet. "le
moi jeune repousse
dans
l'inconscient certains
contenus
qu'il avait déjà intégrés et qui constituent ainsi la partie du "Es" que l'on appelle le
Refoulé" (3).
Les lois qui régissent le ça sont celles du
processus
primaire
caractérisé
par l'état libre de l'énergie psychique. c'est-à-dire la tendance à la décharge sans
entrave.
"Cette
énergie
libre
circule
donc
facilement,
à
ce
niveau,
d'une
représentation à une autre" (4); cela se traduit cliniquement par
les
phénomènes
psychiques tels que le déplacement, la condensation, l'identité de perception. etc. Le
déplacement
est
"l'écoulement,
le
glissement
d'une
énergie
le
long
d'une
voie
associative enchaînant diverses représentations, ce qui aboutit à faire figurer une
représentation à la place d'une autre " (4). La condensation, au contraire. est le
mécanisme par lequel "une représentation unique apparaît comme un point commun
à
plusieurs
chaînes
associatives
de
représentations"
(4 J.
Cette
représentation
unique prend donc la place de
toutes
les
autres
qui
se
rejoignent en elle. et
y
investissent leurs énergies. En ce qui concerne l'identité de perception, les traces
mnésiques
de
l'objet
qui
fait
disparaître
une
tension
sont
fortement
réinvesties
chaque fois que cette tension (ou désir) ou une autre semblable réapparaî 1.
Le processus primaire est régi par le principe de plaisir, automatisme qui
pousse à éviter le déplaisir et à rechercher le plaisir.
(1), Hesnard, A.. Op. cil.. p.58.
(2). Freud, S., Nouvelles conférences sur la psychanalyse (1932), Gallimard, Paris,
1936, cité par Bergeret, J., Op. cil. p.51.
(3), Hesnard. A., Op. cil.. p.60.
(4), Bergeret, J., Op. cil., p.57.
-
693 -

Ainsi, les processus qui se déroulent dans le ça n'obéissent pas aux lois
logiques de la pensée. "Le principe de contradiction n'y existe pas. On n'y trouve
rien qui puisse être comparé à la négation. Le postulat selon lequel l'espace et le
temps sont les formes obligatoires de nos actes psychiques s'y trouve en défaut.
De plus. le ça ignore les jugements de valeur. le bien, le mal. la morale" (1). Donc
les
pulsions,
tous
les
phénomènes,
les
mécanismes
psychiques,
bien
que
contradictoires
les
uns
aux
autres.
coexistent
dans
le
ça
sans
opposition
conflictuelle.
Le moi est le pôle défensif "entre les exigences pulsionnelles du ça,
les
contraintes
de la
réalité
extérieure,
et
les
exigences
du
surmoi...
Le
moi
se
présente en médiateur chargé, en quelque sorte, des
intérêts
de
la
totalité
du
sujet" (2J.
Le moi analyse les excitations venant du monde extérieur, en accumule, par
la mémorisation, les expériences qu'elles lui apportent. Il s'adapte aux excitations
modérées qu'il peut assimiler, mais rejette, évite, fuit, celles qui sont trop fortes et,
par conséquent, dangereuses pour l'équilibre de la personnalité. Cette analyse lui
permet d'agir sur le monde extérieur à son profit. Il utilise certains éléments du
monde extérieur pour satisfaire les demandes du ça.
Face à ce dernier, il se comporte aussi comme un filtre.
Il
analyse
les
excitations que
sont
les
demandes
pulsionnelles,
donne
satisfaction
à
celles
qui
s'accordent avec la réalité et/ou les exigences du surmoi, réprime celles qui leur
sont contraires.
Face au surmoi, il réprime donc certaines demandes pulsionnelles interdites
par lui. Mais, en principe, le moi n'est pas toujours soumis au surmoi.
Il a la
possibilité de se soustraire à ses exigences si l'intérêt de la personne est menacé.
Bref, le moi se comporte en arbitre entre les exigences du surmoi, celles du
ça et de la réalité extérieure. Il est guidé dans cette "activité par l'appréciation des
tensions que provoquent
à
la
fois
les
excitations
extérieures
et
les
excitations
intérieures; l'accroissement de tension provoquant généralement du déplaisir et sa
diminution,
du
plaisir"
(3 J.
Le
déplaisir
consécutif
à
l'augmentation
de
tension
constitue l'angoisse signalant l'excitation, la tension, comme un danger intérieur ou
extérieur menaçant la personne. En effet, la tension crée un certain déséquilibre
psychique.
Pour
rétablir
l'équilibre,
il
faut
faire
disparaître
la
tension
par
la
décharge, la satisfaction ou par l'élimination de l'excitation au moyen de fuite quand
elle est extérieure ou de répression quand elle est intérieure.
"Contrairement au ça qui est morcelé en tendances indépendantes les unes
des autres, le moi apparaTt comme une unité et comme l'instance qui assure la
(1), Freud, 5., Nouvelles conférences sur la psychanalyse, cf. Bergeret, J., Op. cit.,
p.52.
(2), Bergeret, J., p.52.
(3), Hesnard, A., Op. cit., p.61.
- 694 -

stabilité et l'identité. de la personne" (1). Il est la fonction de synthèse. de contrôle,
d'organisation et d'adaptation à la réalité. Il se comporte ainsi comme régulateur et
gardien de l'équilibre.
Il assure la fonction de conscience qui le situe à la périphérie de l'appareil
psychique en contact avec le monde extérieur. C'est ce qui lui permet d'enregistrer
les
informations
venant
de
l'extérieur,
mais
aussi
de
percevoir
les
sensations
intérieures
de
la
série
plaisir-déplaisir.
Il
est
le
siège
des
reviviscences
des
souvenirs, de la pensée, du raisonnement.
C'est
à
son
niveau
que
se
situe
aussi
le
préconscient
qui
inscrit
les
informations perçues par le conscient. En effet. celui-ci ne conserve aucune trace
durable des excitations qu'il enregistre, Le pré-conscient sert ainsi de mémoire de
stockage des informations recueillies par le conscient sous forme de représentations
de mots, opposées aux représentations de choses qui sont dans l'inconscient. Nous
reviendrons plus loin sur ces notions.
En tant que fonction de conscient et de préconscient, le moi est régi par le
processus
secondaire
basé
sur
le principe de
réalité.
L'énergie
n'y
circule
pas
librement.
Elle
est
liée,
contrôlée
en
fonction
de
l'intérêt
de
la
personne.
conditionnée
par
les
exigences
de
la
réalité
extérieure
et
intérieure
qui
ne
permettent pas toujours la décharge immédiate des tensions à la recherche du seul
plaisir. Cette décharge est contrôlée, inhibée quand elle joue contre l'intérêt de la
personne ou confrontée aux limites imposées par la réalité.
Mais le moi ne fonctionne pas totalement comme conscient et préconscient.
Il "est pour une grande part inconscient. ceci .... apparaît plus précisément dans
certains mécanismes de défense" (2) tels que les comportements obsessionnels où
le sujet ignore le motif et les mécanismes de son comportement. Cette fonction
inconsciente du moi obéit au processus primaire, car "ignorance de la réalité dont
font preuve les mécanismes obsessionnels de compulsion, de répétion, indique leur
fuite du déplaisir et leur recherche du plaisir contre toute considération logique.
Puis
ces
mécanismes,
étant
automatiques,
obéissent
à
la
circulation
libre
de
J'énergie psychique.
Le surmoi. en tant qu'héritié du complexe d'Oedipe, est l'instance gardienne
des lois morales et le projet, le modèle
auquel
l'individu
doit
s'identifier.
Il
est
l'image des parents. représentants symboliques de la Loi. \\1 constitue. dans ce sens.
la cristallisation
des
règles
sociales
intériorisées
par
Ego
à
travers
l'influence
qu'exercent sur lui les parents, relayés en partie par les institutions éducatives.
Ainsi défini, le surmoi remplit trois fonctions:
• \\1 est l'observateur des conduites et des activités du moi surtout face aux
pulsions du ça .
• Ce rôle d'observateur est doublé de celui de juge: il se présente comme
critère en tant que représentant des normes éthiques. Dans ce sens. il est
la
(1), Bergeret. J .• Op. cit. p.61.
(2), Bergeret. J., Op. cit.. p.53.
-
695 -

co"'science morale, la censure. Il oriente le moi dans le choix d'objet de satisfaction,
de sécharge des pulsions selon les notions de bien et de mal, telle~; que le ~;lJjet se
les représente .

Le
surmoi
fonctionne
aussi
comme
l'idéal
du
moi,
i.e.
le
modèle,
la
perFection vers laquelle doit tendre le moi dans ses activités. Si en tant que juge,
loi morale. il montre au moi les inconduites'! éviter, ici, en tant qu'idéal, il lui trace
les règles de bonnes conduites.
Ainsi, juge et modèle, le surmoi pousse le m,Ji à se construire des systèmes
de défense contre les demandes pulsionnelles du ça qui ne Scrlt en accord ni avec
l'ordre moral, ni avec l'idéal.
Le conflit entre le surmoi et le moi à propos de l'ordre moral se solde par
un sentiment de culpabilité de ce dernier, tandis qu'une divergence concernant l'idéal
provoque un sentiment d'infériorité du moi.
Les
spécialistes
freudiens
soulignent
la
distirwtion
que
le
père
de
la
psychanalyse semble avoir établie entre les expressions idèal du moi et moi idéal.
L'idéal du moi, comme nous venons de le définir, désigne l'idéal que le surmoi
présente au moi comme
modèle
de
perfection, de
dépassement
personnel, tandis
que le moi idéal semble désigner, d'après J.-J. Boulanger (1) "une formation
trés
archaïque correspondant à l'idéal de toute-puissance du narcisme primaire ou, en
tout cas, du narcisme infantile".
1.1.1.2. Dynamique de la personnalité.
Comme
l'analyse
structurale
le
montre
déià,
les
trois
instances
ne
sont
nullement statiques. Ce sont des forces, des systèmes dynamiques qui constituent
un champ d'interactions dont dépend l'équilibre de la personnalité,
Pour résumer brièvement ce qui
ressort
de
notre analyse structurale;
les
demandes
du
ça
sont
formulées
au
moi
qui
est
en
relation
avec
la
réalité
extèrieure, dont il trie les objets de satisfaction des besoins de la personne.
Le
moi
juge
de
la
possibilité
de
réalisation
de
ces
demandes
face
aux
contraintes de la réalité extérieure et intérieure (capacité de la personne). Mais le
surmoi
lui signale la
loi
morale et
l'idéal auxquels
il
doit
toujours
accorder
ses
conduites. C'est en fonction de ces exigences; réalité, morale et idéal, que le moi
va choisir d'accepter ou de rejeter les demandes du ça,
Dans la situation idéale, les
demande~ du ça concordent avec les lois du
surmoi, et leur satisfaction ne trouve pas d'obstacle face à la réalité. Alors, le moi
s'exécute
en
principe,
s'il
n'y
a
pas
d'autres
demandes
contradictoires
jugées
prioritaires.
Cependant, un tel accord parfait est souvent difficile à réaliser. Dans ce cas,
le moi est obligé de choisir contre au moins l'une des trois exigences .

S'il choisit contre
la
réalité, il
y a déception, frustration,
car
c'est
la
réalité qui fournit la matière, l'objet et les possibilités de satisfaction. Dans ce cas,
(1), Boulanger, J., Op. cit., p.54.
- 696 -

pour dissiper ou réduirE' la
frustration. le moi opte .souvent pour une
satisfaction
hallucinatoire, en créant un objet de satisfaction imaginaire, fantasme. Cela conduit
dans
les
pires
des
cas
au
refoulement
de
la
réalité,
l'imaginaire
devenant
la
néo-réalité .
• S'il choisit contre les exigences du surmoi, la satisfaction a lieu, mais est
suivie, comme nous l'avons montré, de sentiment de culpabilité ou d'infériorité selon
que l'inconduite contredit la loi morale ou l'idéal du moi .

Au
cas

le choix
consiste
à
rejeter
les
demandes
du
ça,
celles-ci
devront être réprimées.
C'est à ces
trois
niveaux
conflictuels
que
se
situent
les
possibilités,
les
risques
de
rupture morbide
de
l'équilibre de
la
personnalité.
En effet,
à
chaque
niveau, le moi met en place des mécanismes défense pour se protéger contre la
tension angoissante créée par le conflit, i.e. l'excitation refusée. De l'issue de ces
défenses dépend la santé mentale.
Les
phénomènes
psychiques
apparaissent
ainsi
comme
résultant
d'une
composition, d'une combinaison de forces plus ou moins antagonistes, et dans
ce
sens, constituent des formations de compromis dont les exemples types
sont
les
symptômes, les rêves, certains traits de caractères. etc ... (1),
Cette brève analyse simplifiée montre la circulation, entre les trois instances,
d'énergie intense dont
la quantité varie
considérablement
selon
l'effort
à
fournir,
surtout de la part du
moi. Cette énergie,
sur
laquelle nous
reviendrons
plus
en
détail
dans
le paragraphe
suivant.
provient
exclusivement
du
ça
qui
est
le
pôle
pulsionnel, i.e. énergétique.
Pour décrire les lois de circulation et de quantification de cette énergie, les
spécialistes empruntent aux
sciences
économiques
le concept
d'investissement, et
parlent alors du "point de vue économique" pour désigner ces mécanismes.
Afin d'assurer une meilleure compréhension de ce processus d'investissement
psychique, il importe d'éclaircir d'abord certaines notions.
Dans la vie psychique, il faut distinguer
d'une part
des
représentations
et
d'autre part des affects qui leur sont liés.
La représentation est le contenu d'une pensée, ce que l'on
se
représente,
mais aussi l'élément qui représente un phénomène psychique, qui est là à sa place.
Une représentation
est
donc
une
trace
mnésique.
On
distingue
deux
sortes
de
traces mnésiques ou représentations: la représentation de mots ou verbale, qui est
la trace
mnésique
de
l'objet
nommé,
auditivement
perçu;
elle
est
donc
d'ordre
accoustique. Elle s'oppose à la représentation de choses qui est la trace mnésique
de la chose vue, visuellement perçue, elle est d'ordre visuel.
Donc, le même objet perçu laisse ces deux aspects de traces mnésiques. La
trace visuelle est généralement inscrite dans l'inconscient, dans le ça, tandis que la
(1), cf. Begeret, J., Op. cil., p.44-45.
- 697 -

trace verbale est enrégistrée dans le préconscient sous lE' contrôle du moi.
L'affect es t l'énergie psychique quantifiée attachée à chaque représentation,
et dont la source est pulsionnelle, Dans la psychosomatique. surtout les phénoménes
de conversion.
il y a séparation entre
l'affect.
i,e,
la
charge
énergétique
et
la
représentation; celle-ci est refoulée alors que la charge énergétique est transférée
dans le corps.
La représentation (verbale ou visuelle) est donc une trace mnésique plus ou
moins
investie
affectivement
(1).
Ces
précisions
nous
permettent
de
donner
la
définition de l'investissement: "Le fait
qu'une certaine
quantité
d'énergie
psychique
soit
liée à
une
représentation
mentale ou
à
un
objet
extérieur
réel
est
appelé
investissement" (2).
L'affect
se
présente
alors
comme
facteur
énergétique
qui
se
lie
à
une
représentation
ou
à
un
objet
extérieur
senti,
vécu.
ou
perçu
comme
pouvant
satisfaire
un
besoin. En
d'autres
termes.
un
objet
perçu
comme
susceptible
de
satisfaire un
besoin devient un objet d'investissement affectif.
Pour
fixer
les
idées,
nous
pensons
que
la
représentation
n'est
qu'une
construction mentale. un modèle construit, à partir d'expérience (perception d'objet
réel)
ou
purement
fantasmé.
de
ce
qui
peut
satisfaire
un
besoin.
Cette
représentation va rechercher un objet réel correspondant. dans la réalité. Ainsi donc
l'objet est investi (dans sa représentation construite) avant d'être perçu,
La quantité d'affect investie dans une
r'eprésentation
ou un
objet
varie
en
fonction de l'importance de cette representation ou cet objet dans la satisfaction du
besoin. Cela explique le pt-énomène de surinvestissement où l'objet investi reçoit une
charge énergétique supplémentaire.
Par ailleurs. l'énergie investie dans un objet peut être retirée pour plusieurs
raisons:
c'est
peut-être
qu'un
autre
objet
est
perçu
comme
plus
apte
que
le
premier, ou bien celui-ci peut inspirer déception quand il se révèle autre chose que
les apparences qui avaient attiré l'investissement, ou encore. l'objet désiré aimé (i.e.
investiJ
a
disparu,
cessé
d'exister.
Dans
tous
ces
cas.
on
parle
de
désinvestissement affectif. Ainsi. un être aimé qui vient à disparaître, à mourir. est
en principe désinvesti par le travail de deuil. Faire le deuil d'un être aimé disparu.
c'est le désinvestir.
Mais l'objet ou la représentation
investie
peut
disparaître
par
répression.
refoulement.
L'énergie
retirée
par
désinvestissement
peut
être
utilisée
dans
le
contre-investissement pour barrer la route de retour au refoulé. le maintenir dans
l'inconscient.
L'affect retiré peut aussi être investi dans un objet de substitution: il subit
alors un déplacement. c'est ce qui se passe dans le déplacement phobique.
C'est l'investissement affectif d'une représentation ou d'un objet qui crée une
(1). cf. Bergeret. J .. Op. cit.. p,49.
(2), Bergeret, J .. Op. cit.. p.54.
- 698 -

t"'r':.;ion dont l'augmentation est s['ntie p3r le moi cornme un déplaisir'. une angoisse,
'e roussant à rechercher les voi!"s de décharge pouvant faire disparaitre ou réduire
la tension, Celte tendance du moi à la décharge cherche "à maintenir à un niveau
aussi bas que possible. ou tout au moins au",si constant que possible. la quantité
d'excitation
qu'il
contient"
(1).
C'est
ce
principe
de
constance
qui
permet
l'auto-régulation du psychisme.
1,1.1,3. Théorie pulsionnelle et primat de la sexualité
Nous
avons
vu
que
le
moi
est
le
centre
détecteur
et
décodeur
des
excitations
extérieures
et
intérieures
auxquelles
est
soumis
l'organisme.
l'être
humain, Les excitations extérieures sont "discontinues. circonstantielles; on peut s'y
soustraire par la fuite" (2l. Les excitations intérieures ou 'endogènes excercent une
pression plus ou moins continue; leur pression
correspond
à ce que recouvre
le
terme de besoin;
n'y a évidemment aucune possibilité de s'y soustraire"
(2). de
les fuire. "C'est à ce type
d'excitation
qu'on
donne
le
nom de
pulsions"
(2), de
préférence au
terme
d'instincts
qui
désigne
"des
comportements
non
seulement
héréditaires (propres à l'espéce) mais fixés et définis" (2). Ce sont des schémes
étroitement spécifiés dans leur visée comme dans leur déroulement" (2l.
La
pulsion
(excitation endogène
donc)
est définie
"comme
le
représentant
psychique des excitations issues de l'intérieur du corps et provenant au psychisme
comme
une
mesure
de
l'exigence
du
travail
qui
est
imposé
au
psychisme
en
conséquence de sa liaison au corporel" (3l. La pulsion. excitation psychique ayant sa
source dans l'organisme, est une poussée dont le but est la disparition, au moyen
d'une décharge, de la tension créée par l'émergence de cette poussée; la décharge.
définie comme l'écoulement, à l'extérieur du système, de l'énergie apparue, se fait
par un objet qui est très variable parce que non organiquement lié à la pulsion qui
est l'investissement affectif d'une représentation construite comme nous l'avons dit
plus haut. La pulsion, ainsi définie, est une force, une énergie, une poussée du ça.
Freud a
isolé
deux
catégories
de
pulsions
opposées:
pulsions
de
vie
<Eros)
et
pulsions de
mort
(Thanatos)
qui
sont
l'expression
de
deux
besoins
antagonistes:
besoin de construction et besoin de destruction, i.e. besoin
d'aimer et
besoir
de
haïr.
La pulsion de mort (Thanatos) est définie comme tendance à briser tous les
rapports, à détruire toute chose; le but final étant
de
ramener
la vie
(système
organisé) à l'état inorganique. i.e. de morl.
La pulsion de vie
(Eros)
est
la tendance contraire qui a pour
but d'unir,
d'organiser. d'établir de grandes unités afin de les conserver.
Ces deux pulsions, issues du ça. sont assumées par le moi qui, seul, peut
les décharger dans des objets réels ou imaginaires <fantasmesl. Au niveau du moi.
(1)" Bergeret, J., Op. cil., p.S8.
(2). Bergeret, J., Op. cil., p.59.
(3), Freud, 5., Les pulsions et leur destin, cité par Boulanger. J.J., Op. cil., pS9.
-
699 -

elles se subdivisent, ch3cune, 9n deux élspects:
Un aspect de la pulsion de mort est orienté vers
la de"truction des objets
du
monde
extérieur.
L'autre
aspect
se
retourne
contre
le
moi
sous
forme
d'auto-agression, et cela à "avènement du surmoi qui lui impose des comportements
auto-punitifs pour dissiper le sentiment de culpabilitè en cas de conflit avec l'ordre
moral,
Quant à la pulsion de vie (Eros), un de ses deux aspects se lie aux objets
extérieurs et pousse le moi à la conservation de
l'espèce et
à
l'amour objectal,
tandis que l'autre aspect se tourne vers le moi sous forme d'auto-conservation et
de narcissisme.
Cependant,
les
pulsions.
entant
que
produit
du
ça,
sont
régies
fondamentalement
par
le
principe
de
plaisir
que
constitue
la
pulsion
de
vie,
La
pulsion de mort contraire à la recherche du plaisir ne peut donc fonctionner que
liée
à
la
pulsion
de
vie
(Eros).
i,e.
la
libido,
Ce
qui
veut
dire
que
même
la
destruction des autres et de soi (auto-agression) procure, au moi, un certain plaisir
à des degrés variables selon la CO'lcentration de la libido dans le Thanatos,
Inversement, la libido utilise
le
Thanatos
pour
se
décharger;
par exemple,
l'assaut
amoureux
est
une
vèritable
agression,
et
puis,
certaines
formes
d'impuissance sexuelle ont pour base l'inhibition de l'agressivité sexuelle.
A
partir d'un
certain
seuil
de concentration
libidinale,
le
Thanatos
devient
sadisme,
quand
il
est
orientè
vers
la
destruction
des
objets
extérieurs,
et
masochisme quand il se transforme en auto-agression du moi. Dans
ces
cas,
le
plaisir devient la fin, le but final de la destruction, On détruit
pour
le
plaisir
de
détruire.
"II apparaît donc que pulsions
de vie et
de
mort
sont
toujours
unies
(ou
fusionnées,
ou
intriquéesJ.
Lorsqu'il
y
a
désintrication
des
pulsions,
apparaît
l'ambivalence
amour-haine"
(1).
L'intrication
"tient
à l'action propre
de
l'Eros
qui
toujours cherche à lier, à assembler" (1).
Ainsi, les tendances destructrices et organisatrices de l'homme sont toujours
érogènes. De cette façon se définit le primat de la sexualité dans le fonctionnement
psychique.
1.1.1.4. Intériorisation des interactions sociales.
Cette
analyse
de
la
structure
dynamique
de
l'homme
fait
ressortir
un
phénomène intéressant.
Le
moi
et
le
surmoi
sont
des
introjections
des
réalités
sociales
et
cosmiques, le moi est construit, nous l'avons vu, par identifications successives aux
objets relationnels, dont la mère est centrale, en utilisant des fractions du ça, en
se différenciant de lu i, et en s'opposant à lui. Le surmoi se détache du moi ainsi
formé, à l'émergence du père dans le système relationnel, et se construit aussi par
identification dont le père est le centre.
(1), Bergeret, J., Op. cit., pp.69-70.
-
700 -

Nous retrouvons là les trois partenaires de
la
relation
triangulaire:
le
moi
représente la mère qui symbolise la réalité pour lenfant. Le surmoi est
le père,
symbole de
la Loi,
système
social
normatif.
Le ça,
c'est Ego lui-même en
tant
qu'enfant. L'analyse transactionnelle met justement en lumière ces trois partenaires
sociaux dont se compose Ego: le ça,
c'est
l'enfant
en
nous,
fonctionnant
sur
la
base du primat, du principe de plaisir. Le moi, c'est l'adulte, soumis au principe de
réalité; le parent se confond avec le surmoi en tant que système juridico-·moral et
idéal à suivre: il protège, punit.
Ainsi, la dynamique conflictuelle de "appareil
psychique
c'est
l'intériorisation
des
interactions
familiales,
modèle
réduit
des
ralations
sociales
élargies.
L'articulation de l'Ego avec la société verticale et horizontale se trouve, comme nous
l'avons vu, transposée en lui.
1.1.1.5. Inconscient individuel.
L'inconscient décrit par Freud est essentiellement individuel, personnel. Nous
avons vu qu'il couvre tout le ça et une partie du moi. Même si le ça plonge dans le
fonds
phylogénétique par
son
enracinement
dans
l'organisme,
l'inconscient
ne
se
réduit pas à cet aspect.
Il est constitué des représentants des pulsions, i.e. des représentations des
choses qui n'ont jamais émergé dans le conscient, mais aussi des représentations
des choses qui ont subi le ref oulement primaire.
Ainsi donc, chaque individu a un
inconscient
spécifié
par
ses
refoulements
(tout
le
monde
ne
refoule
pas
exactement
les
mêmes
choses,
les
mêmes
représentations,
et
pour
les
mêmes
raisons).
Autour
du
noyau
héréditaire
phylogénétique, l'inconscient est, pour l'essentiel, constitué historiquement au cours
de
l'ontogénèse,
et
surtout
pendant
l'enfance
dans
les
expériences
vécues
au
premier contact avec la réalité.
1.1.2. Théorie traditionnelle de la personne-personnalité.
Si nous comparons le système conceptuel en métapsychologie freudien, que
nous venons d'analyser, avec la théorie Nawda de la personne-personnalité telle que
nous l'avons exposée, nous relevons des différences profondes essentielles. C'est ce
que nous voulons tenter de faire ici.
1.1.2.1. La structure de l'Ego et appareil psychique.
La
théorie
nawda
de
la
personnalité
inclut
le
corps
parmi
les
éléments
constitutifs
de
l'Ego,
alors
que
la
psychanalyse
oppose
l'appareil
psychique
à
l'organisme; malgré les liens étroits qu'elle relève entre les deux, la psychanalyse
considère les deux réalités comme distinctes. La définition que Freud donne de la
pulsion et que nous avons déjà citée est sans équivoque sur ce point: "Un concept
limite entre le psychique et
le somatique, comme
le
représentant
psychique
des
-
701 -

excitations
issues de l'intérieur du corps et parvenélnt
au
psv;hisme.
'[1"lrne
une
mesure de l'exigence du travail qui est impo~é au psychisme e~ '__ onséquenŒ de sa
liaison au corporel" (1),
Par ailleurs. le
Nawda considère les
quatre éléments
constitutifs
de
l'Ego
r.omme des modes d'exister. des asper.ts de la même réalité et non comme
des
parties séparées. encore moins des entités. Donc il ne peut y avoir. et il ny il pas.
d'opposition conflictuelle entre ces éléments, Cest pourquoi le ~'vstème
conceptuel
nawda ne décrit aucun conflit interne Ji Ego, Par contre. nous vc'nons de voir que
l'appareil psychique décrit par la psychanalyse est
un
systéme
dynamique interne,
Les divers éléments constituants
sont
de
véritables
instances.
des
structures en
interactions conflictuelles. les unes avec les autres comme nous ,'avons mO'ltré plus
haut,
Pour résumer. Ego est une unité parfaite, multiforme. et non un ensemble
d'éléments formant un systéme dynamique conflictuel,
1.1.1.2. Extériorité et articulation po laire. Comme nous l'avons expliqué dans
la première partie de ce Livre 3, la relation entre Ego. cette "monade" unitaire, et
l'extérieur
est
une
soudure
pratiquement
"biologique"
et
non
une
règlementation
purement formelle juridico-morale. comme c'est le cas dans ie contexte occidental
où l'individu est isolé, muré en vase clos.
Dans le système nawda. Ego, en tant qu'unité n'est pas
fermé.
Il s'articule
avec les axes phylogénétiqüe (dimension verticale) et sociai
(dimension horizontale)
qui lui sont extérieurs,
La dynamique qui se situe justement
à ces
nœuds darticulation n'est
pas
intériorisée.
Ainsi.
les
interactions
conflictuelles
restent
extérieures
à
Ego.
qui
devient un protagonis te en tant qu'unité. total ité. Il ne
les
intériorise pas comme
l'individu
freudien.
Cest
pourquoi
le
système
nawda
ne
décrit
pas
de
conflit
intra-Ego. mais entre Ego et les autres.
L'individu
freudien
qui placerait
les
interactions
intériorisées en
dehors
du
système intra-psychique opèrerait une projection qui est un mécanisme de défense
plus ou moins pathologique. Une telle interprétation n'a pas de signification dans le
système conceptuel nawda.
1.1.1.3. Energie psychique et force vitale.
Il ressort de ['analyse du :;ystème freudien que l'énergie psychique est une
excitation interne. intra-Ego. dont la source se situe dans l'organique sous formes
de
besoins.
C'est
cette
énergie
qui
détermine
toute
la
dynamique
conflictuelle
interne. car tout se déroule autour de la décharge des pulsions qui sont l'expression
de cette énergie. Cette énergie est liée à l'intérieur par le processus
secondaire
représenté par le moi et le surmoi.
Dans le système nawda. Ego. dans sa totalité. en tant qu'existence, est une
(1). Freud. 5 .. Les pulsions et el ur destin. cité par Bergeret. J .. Op. cit.. p59.
-
702 -

condensation de "énergie ancestrale sous forme de force vitale. Cette force vitale
s'exprime
dans
les
formes
de
l'existence
qui
constitue
l'Ego.
Elle
est
source
d'activité orientée, dirigée vers l'extérieur de l'Ego. Elle n'est pas liée à l'intérieur de
l'Ego, sinon par sa propre loi, celle de l'être opposé au non-être. Elle est encadrée
à l'extérieur par la Tradition, Loi ancestrale qui définit les critères des conduites et
des inconduites.
1.2. REPRESENTATION DE LA MALADIE.
L'analyse des deux systèmes de représentations de l'homme nous permet de
repérer, dans chacun d'eux, à quels niveaux de l'organisation de l'être humain se
développent les troubles de santé. Cest ce que nous envisageons de préciser dans
ce paragraphe.
1.2.1. Représentation psychanalytique des troubles psychiques.
L'étude de la structure et de la dynamique de la personnalité nous permet de
dégager les points d'articulation conflictuelle du moi avec la réalité extérieure, le
surmoi et le ça. En effet, étant le pôle actif et défensif de l'intérêt de la personne,
le moi s'articule avec ces trois autres pôles
de l'appareil psychique et entre en
interaction conflictuelle avec eux.
Nous
avons
vu
que
devant
les
pulsions
du
ça
exigeant
décharge
ou
satisfaction immédiate, le moi se trouve face aux exigences de la réalité et du
surmoi qui s'accordent rarement avec les demandes pulsionnelles, et entre elles. Le
moi est mis alors en demeure d'opérer un choix difficile, délicat et douloureux.
La maturité du moi dans ces choix et leur exécution est décisive pour le
maintien de l'équilibre psychique ou l'éclosion de la maladie.
1.2.1.1. Pulsions et réalité.
Quand les pulsions émergent, le moi peut donc se trouver confronté avec la
réalité seule, soit parce que le surmoi est faible, inexistant, soit parce que les
demandes pulsionnelles lui sont indifférentes.
Si les exigences de la réalité ne permettent pas la décharge pulsionnelle, le
moi se trouve coincé entre le monde extérieur inadéquat et le ça exigeant. Au cas
où il choisit de satisfaire les pulsions contre la réalité, nous avons noté qu'il ne
trouve pas d'objet réel extérieur, ou bien ses propres limites l'empêchent d'atteindre
cet objet. Dans ce cas, le moi est
obligé
de
fantasmer l'objet
de
satisfaction,
d'utiliser
les
représentants
construits
de
la
réalité
pour
une
satisfaction
hallucinatoire.
En attendant d'analyser le processus pathologique de ce choix, disons déjà
que ce
"comportement"
est,
par
soi,
l'expression
de
l'immaturité
et/ou
de
la
- 703 -

faiblesse du moi qui ne peut résister devant le flot envahissant des pulsions du ça.
Nous verrons
plus loin les conséquences de cet
envahissement
et
de l'angoisse
devant les exigences de la réalité.
1.2.1.2. Pulsions et surmoi.
Face aux demandes pulsionnelles, le moi peut choisir contre les injonctions
du surmoi. Nous avons vu que la satisfaction est possible dans la mesure où l'objet
est disponible dans la réalité.
Dans ce cas, plusieurs situations morbogènes peuvent se présenter .
• Si le surmoi est fort, la satisfaction est suivie d'une sanction punitive. Le
surmoi oblige le moi à s'auto-agresser (ce qui se manifeste par le sentiment de
culpabilité)
ou
à
se
dévaloriser
entraînant
le
sentiment
d'infériorité.
Cette
auto-punition du moi peut empoisonner tout le psychisme, lui donnant une coloration
dépressive que nous analyserons plus loin .
• Le surmoi peut être faible ou même inexistant devant un moi hypertrophié.
Ego va ainsi s'articuler de façon pathologique avec l'entourage social alors qu'il a
une bonne adaptation avec la réalité
intérieure
et
extérieure.
Le
fonctionnement
psychique tourne alors autour de la conservation narcissique du moi seul, sans celle
de l'espèce. L'amour objectal n'existe pas par manque d'identification primaire, de
conflit primaire avec l'objet relationnel symbole de la société et ses normes, ce qui
explique la non formation du surmoi. C'est le développement de la sociopathie sous
forme de délinquance vraie {11.

Quand le
surmoi
est
inexistant
et
le
moi
faible,
il
y a
aménagement
psychopathique caractérisé par le passage à l'acte (acting out), i.e. la décharge
immédiate
des
pulsions.
Les
psychopathes
utilisent
"sans
culpabilité
ni
conflit
intrapsychique l'agir comme mode exclusif d'expression de pulsions archaïques et ne
peuvent établir de relation stable avec l'autre" {2l. Aucun processus d'attente, de
détour. de mentalisation (de fantasmation) n'est mis en place dans le psychisme du
psychopathe . L'acte joue comme mécanisme de défense ayant pour fonction d'éviter
l'émergence de l'angoisse qui serait intolérable et destructrice.
"L'absence du surmoi génital et intériorisé est frappante. C'est le parent, la
société
qui
constituent
des
béquilles
pseudo-surmoïques
parce
que
toujours
extérieures. Le conflit lui-même n'est jamais entre deux instances intériorisées, il ne
peut naître qu'entre le ça et la réalité. conflit "équilibré" car aucun des deux n'est
annihilé par l'autre" (2 l. Le moi s'est construit uniquement sur le mode narcissique
primaire. "Le nourrisson futur psychopathe investit sur un mode primaire et aussi
défensif la motricité plutôt que d'autres fonctions corporelles ou le corps entier"
(2).
Le
psychopathe
fonctionne
ainsi
sur
le
processus
primaire.
appliquant
le
principe de constance: "chaque acte a pour but de ramener par la voie la plus
directe l'excitation au point zéro" (21.
{1}. Mucchielli. R., Comment ils deviennent délinquants, Edition ESF, Paris. 1981.
(2). Bergeret, j .• Op. cit.. p270.
-
704 -

1.2.1.3. Pulsions face au moi.
Dans les situations précitées, le moi, au lieu de céder devant les demandes
pulsionnelles. peut plutôt accomplir la volonté du surmoi, se plier aux contraintes de
la réalité.
Dans
ce
cas,
il
entre en
conflit
avec
le
ça
et
réprime
les
demandes
pulsionnelles. Si la répression réussit, Ego vivra sans problème apparant, et tous les
hommes dits normaux sont dans ce cas puisque. d'après S. Freud. "homme est
obligé de refouler pour se civiliser (nous dirions s'enculturerl.
Mais souvent. devant la poussée du ça. le moi ne contrôle qu'imparfaitement
la
situation;
les
pulsions
réprimées
prennent
tous
les
masques.
tous
les
déguisements
possibles
pour
tromper
la
vigilance
de
la
censure
du
moi.
La
résolution de ces conflits aboutit souvent à la formation des compromis entre les
demandes
pulsionnelles
et
la
censure,
compromis
qui
se
manifestent
par
des
comportements-symptômes mal adaptés à la réalité.
Dans cette situation, c'est souvent le surmoi qui est hypertrophié. Le moi
faible par rapport au surmoi développe des mécanismes de défense sous forme de
censure pour réprimer le ça.
1.2.1.4. Conflits intrapsychiques et troubles de la personnalité.
De cette analyse. il apparaît que les troubles de la personnalité. i.e. les
désordres morbides sont des résultantes des conflits intrapsychiques mal résolus,
des affrontements inégaux entre les diverses instances.
Le
conflit
avec
la
réalité
débouche
sur
l'organisation
psychotique
de
la
personnalité qui se produit chez les sujets dont le moi n'a
pas
pu
élaborer
la
structuration objectale et ses stratifications. La relation
d'objet psychotique
"est
essentiellement caractérisée par une fixation et un non-dépassement du registre
pré-objectal"
(1).
Rappelons
que ce
registre
pré-objectal
topiquement
situé
aux
stades prégénitaux. se module sur une relation d'objet plus ou moins fusionnelle où
il n'existe pas de séparation entre le sujet et son entourage. Les échanges sont
perçus comme une expansion et non une acquisition. un "donner" et "recevoir". Il
n'existe pas de possibilité pour le sujet de distinguer entre un dehors et un dedans.
i.e.
différencier
la
réalité
extérieure
de
celle
intérieure.
par
manque
d'une
distanciation objectale bipolaire. C'est plutôt une fusion unipolaire où le moi n'est que
partiellement ébauché sans être vraiment autonome, i.e. séparé du non-moi. A peine
émergé du ça. il n'est pas encore détaché de lui. ni ne se distingue pas encore de
la réalité extérieure. celle-ci n'étant pas perçue et vécue comme étant hors du moi.
Un moi aussi peu organisé ne peut faire face aux contraintes de la réalité
qui semble faire partie de lui. ni tenir tête aux demandes pulsionnelles du ça dont il
n'est pas encore séparé. Devant les exigences de la réalité contre laquelle il n'est
pas armé. le moi ne peut s'opposer. faire front aux pulsions du ça où il s'englue. Il
ne peut donc les refouler. les réprimer. Elles paraissent plutôt plus sécurisantes
(1). Bergeret. J .• Op. cit.. p166.
- 705 -

que la réalité qui est vécue comme dangereuse, menaçante.
Le moi embryonnaire le sent comme une menace de destruction, d'anihilation
qui engendre l'angoisse de morcellement, puisque les pulsions qui envahissent le moi,
et
dont
celui-ci
fait
partie,
sont
des
poussées
sans
unité
disloqua nt
le
moi
ambryonnaire,
poussées
projetées
dans
le
monde
extérieur
et
identifiées
à
lui.
Devant
cette
angoisse.
le
moi
s'engage
dans
une
fuite
régressive
vers
le
ça
consubstantiel et plus sécurisant, s'accrochant au système défensif, souvent oral, le
seul vraiment élaboré.
Ainsi. la réalité menaçante est mise à distance, refoulée, niée. Mais comme
elle fait partie du moi en tant que confondue à ses représentants fantasmatiques. le
moi va opérer un processus de clivage séparant entre le bon et le mauvais objet.
"Une partie de ce qui était intérieur doit être vécu comme extérieur aux limites du
moi"
(1).
Le
moi
crée
ainsi
une
néo-réalité
dont
la
bonne
partie
sert
à
la
satisfaction hallucinatoire des pulsions.
Ce clivage ne résoud pas le problème et va en s'accentuant sous la pression
de la réalité et aboutit à l'éclatement, au morcellement, à la fragmentation du moi
"en noyaux épars ayant perdu toute liaison entre eux" (21.
Cet éclatement va alimenter le vécu et l'expression délirante où la néo-réalité
prend la place de la réalité refoulée tenue à distance, non directement perçue mais
déformée par la néo-réalité.
Au niveau de la schizophrénie et de la paranoïa, le mauvais objet, i.e. le
mauvais morceau du moi est projeté dans cette autre partie de lui-même qui est le
monde extérieur dont il n'est pas différencié.
Ce mauvais morceau,
cette
mauvaise
partie,
est.
soit
considérée
comme
menaçante et vécue. dans le délire paranoïde. comme persécutrice de l'autre partie
faible. soit dominée par l'autre partie qui subit alors une inflation défensive de toute
puissance qui se traduit dans le délire de grandeur paranoïaque.
Au
niveau
de la mélancolie
et
de
la
manie,
la
régression
paraît
moins
profonde. Certains auteurs pensent même qu'il y a une "relation réelle et objective
avec
le
monde
extérieur ..."
(31.
Quoi
qu'il
en
soit,
l'organisation
du
moi
est
pré-objectale.
Dans
le
clivage
défensif
du
moi.
le
mélancolique
s'identifie
au
mauvais
morceau, qui est persécuté et puni, pour ses fautes, par le bon morceau nié et
projeté dans la néo-réalité morale. Cela explique le vécu dépressif du mélancolique
constitué par l'auto-dépréciation fondamentale [sentiment d'infériorité), la tristesse.
le pessimisme foncier. l'absence de tout élan vital, ... se manifestant cliniquement
par
l'effondrement psycho-moteur,
le ralentissement
de
la
parole
et
du
geste,
l'idéation lente. la douleur morale, le sentiment de culpabilité profond ... (4).
(1), Bergeret. J., Op. cit., p180.
(2), Ibid .• p.179.
(3), Dubor, P. in Bergeret, J .• Op. cit.. p171.
(4), Dubor. P., Op. cit., p178.
-
706 -

L'organisation
maniaque
est
la
négation
défensive
de
la
dépression
mélancolique. Le mauvais objet, le mauvais morceau du moi divisé est nié, projeté,
tandis
qu'Ego s'identifie au
bon
morceau
qui
se
dilate
et
devient omni-présent,
envahissant. dans sa relation avec l'autre morceau confondu à la réalité extérieure.
Le
maniaque
ne
respecte
pas
les
distances
dans
ses
relations,
parce
que
ne
connaissant pas les limites entre l'autre et lui. Cliniquement, la manie se manifeste
par "la joie brouillante et parfois élastique. l'agitation psychomotrice, la fuite des
idées, les associations ludiques, les jeux de mots. le débit verbal
(Ioghorréel et
gestuel augmenté ... " (1)
Ces deux états, dépressif et maniaque, étant la négation défensive l'un de
l'autre,
alternent
souvent
chez
le
même
sujet,
donnant
ainsi
naissance
à
une
organisation cyclique dite maniaco-dépressive.
En conclusion, le trouble psychotique de la personnonalité est essentiellement
une dissociation du moi, sa fragmentation en plusieurs morceaux rendant impossible
la
synthèse
mentale.
et
entraînant
l'incoordination,
le
jeu
anarchique
de
ses
différentes parties et l'invasion pulsionnelle incontrôlable de l'appareil psychique. Le
malade
fonctionne
à
des
phases
topiques
pré-objectables,
pré-génitaux.
Cette
régression est un mécanisme défensif contre l'angoisse de morcellement face aux
contraintes
de
la
réalité
qu'un
moi
embryonnaire
partiellement
élaboré
ne
peut
supporter.
Le conflit avec le surmoi inexistant ou faible débouche, comme nous l'avons
vu, sur la sociopathie (ou délinquance vraie) quand le moi est bien organisé, et sur
la psychopathie quand le moi est faible, narcissique, mais en bonne relation avec la
réalité extérieure. Nous n'allons pas revenir en détail sur ces deux organisations
pathologiques dont l'abord psychothérapique
(et même "médico-curatif")
n'est pas
très avancé.
Le
conflit
opposant
le
moi
et
les
pulsions
du
ça,
commandé
par
les
exigences surmoiques, débouche sur des troubles névrotiques de la personnalité.
Le conflit névrotique est de nature sexuelle (2) génitale
(par opposition au
conflit psychotique libidinal prégénitall. Il "se
situe
au
niveau génital
de
l'œdipe,
même si les aptitudes défensives conduisent à emprunter les voies de régressions
prégénitales (anales, voies orales)" (3l. Il découle de la rivalité œdipienne avec le
parent du même sexe dans le projet de conquérir le parent du sexe opposé. Sans
entrer dans les détails des démarches propres à chaque sexe (4), soulignons que
(1). Dubor. P.• Op. cit.. p178.
(2), cf. Bergeret. J.• Op. cit., p135.
(3). Op. cit., Ibid.
(4), Bergeret. J .• Op. cit .• pp 135-138. et p151.
- 707 -

l'interdiction de l'inceste est vécue par Ego comme menace de destruction (chez le
garçon) et destruction effective (chez la fille) des organes génitaux "coupables". Le
garçon, en effet, nourrit l'angoisse de perdre son sexe, et la fille est angoissée de
l'avoir perdu, à cause de leurs désirs incestueux. Concrètement, le rival est symbole
de la Loi "castrante" et le renoncement à l'inceste se fait par crainte de cette
castration comme mesure de rétorsion du rival. Cette interdiction intériorisée sous
forme de surmoi crée donc l'angoisse de castration qui pousse au refoulement des
pulsions libidinales, sexuelles,
C'est quand le refoulement n'est pas réussi
que les
troubles
névrotiques
s'installent: il y a formation de compromis entre les exigences pulsionnelles et les
défenses du moi, qui permettent aux pulsions une satisfaction déguisée trompant lco.
vigilance
du
surmoi.
Ce
sont
ces
compromis
qui
se
traduisent
par
des
comportements discordants symptômatiques.
Les
symptômes
névrotiques
expriment
ainsi
la
distorsion
du
moi
qui
se
déforme, sous la poussée libidinale et
l'œil
vigilant
du
surmoi,
pour
ne pas
se
morceler, se désintégrer, Dans son incapacité de s'organiser génitalement face aux
exigences surmoiques et
aux
demandes
sexuelles,
le
moi recourt
aux
défenses
régressives prégénitales, qui avaient fait leur preuve.
Ainsi l'hystérique n'hésite pas à utiliser certains comportements du type oral
pour habiller, déguiser les comportements sexuels et les rendre méconnaissables
par le surmoi. par exemple, la dévoration phallique imaginaire se traduit par l'avidité
affective. Mais dès que ce jeu subtil est démasqué (par exemple la réponse à la
demande sexuelle), l'hystérique rompt la relation et se retire. En effet, la duperie
démasquée est vécue comme menace de castration. Ainsi donc l'hystérique utilise le
double mouvement de séduction se xuelle (déguisée) et de retrait.
Chez
l'hystérique,
le
clivage
s'opère
au
niveau
des
pulsions
sexuelles.
Celles-ci sont scindées en leurs représentations (des choses) qui sont refoulées de
façon
réussie
et
les
affects
qui
sont
investis
dans
le
corps
en
symptômes
somatiques symboliques (la grande crise hystérique et ses équivalents mineurs, les
troubles d'allure neurologiques tels que les paralysies, les anesthésies, les œdèmes
localisés, les manifestations algiques ...) ou en leurs équivalents psychiques qui se
traduisent par l'érotisation du corps, des attitudes, des gestes, de la relation, la
provocation,
le
manqe
de
contrôle
émotionnel,
la
précipitation
affective
ayant
tendance à raccourcir spontanément les distances avec l'autre, etc. (1).
Dans la phobie, l'angoisse
de
castration
suscite
le refoulement.
Mais
ce
dernier ne réussit pas et laisse filtrer l'angoisse qui est alors souvent déplacée sur
un autre objet de remplacement symbolique.
Comme on le voit, la défense de choix ici est le déplacement. Le véritable
objet
désinvesti
n'inspire
plus
l'angoisse
qui
serait
plus
intolérable.
L'objet
de
remplacement est mis à distance.
L'obsessionnel, quant à lui, recourt aux systèmes de défense de la phase
(1), Bergeret, J., Op. cit., p148,
- 708 -

anale. Devant l'angoisse de castration. il opère, comme l'hystérique. un clivage des
pulsions en représentations et en affects. Ces derniers subissent une régression
sur les représentations anales. Cet investissement des représentations anales est
une véritable régression du moi, "intérêt génital étant déplacé sur l'intérêt anal. Le
moi réutilise ainsi le matériel anal en fonction des besoins de l'organisation libidinale
face aux problèmes œdipiens (1).
Quant
aux
représentations
sexuelles
ainsi
amputées
de l'affect,
du
désir
sexuel. elles sont
isolées
dans
la relation à
autrui qui
frappe
par
sa froideur
stérilisante. Elles
investissent la pensée
et
la
parole
qui
s'hypertrophient
pour
remplacer l'acte dans la relation. "Cette réduction de l'acte à la pensée est un
mécanisme particulier du refoulement". (2l.La représentation sexuelle. amputée du
désir. est ainsi modifiée de
façon
à être considérée comme
acceptable par le
surmoi (21. "Les pensées peuvent désormais comporter une thématisation sexuelle.
elles ont subi le mécanisme d'isolation, le désir ne les suit pas"
(21. La pensée
désexualisée va servir d'écran entre Ego et les autres: par elle, l'obsessionnel met
la distance entre lui et les autres, se retire affectivement.
"L'isolation permet (donc) une mise à distance de toute proximité affective
d'où la froideur de ses gestes et l'absence d'émotivité ..... (31.
Mais l'isolation et le retrait affe ct if ne suffisent pas comme défense; ils sont
complétés par le contrôle obsédant. mécanisme anal que l'obsessionnel utilise contre
l'insistance des
pulsions
sexuelles.
Ce
contrôle
se
traduit
cliniquement
par: les
lavements répétitifs et compulsifs des mains, qui sont des formati ons réactionnelles
contre le désir de manipulation de matière fécale symbolisant elles-mêmes l'acte
sexuel moralement impur; la propreté. qui dans sa pratique sert de moyen détourné
à
l'obsessionnel
de
manipuler
les
saletés;
l'ordre.
la
précision,
la
vérification
compulsionnelle des issues ... qui constituent le contrôle, la censure. des pulsions
sexuelles à peine contenues; la constipation qui est la conservation du bol fécal
symbolisant le phallus. etc.
Tel est le survol très rapide de la conception psychanalytique de la pathologie
mentale. Essayons de la comparer à celle Nawda de la maladie.
1.2.1.5. Niveau de perception par le malade de son trouble.
Dans les psychoses, en général. le malade n'a aucune conscience. ni de sa
maladie. ni des causes de celle-ci.
En effet, le psychotique ne se rend pas compte de l'incohérence de ses
comportements,
et
ne
perçoit
pas,
comme
un
phénomène
anormal,
son
vécu
psychologique, les transformations qui se produisent en lui. peut-être confusément
au début de la maladie, mais pas durant la période d'état. Le malade est submergé
par son état. son trouble et aucune prise de distance n'est possible pour s'en
(1), Bergeret. J .• Op. cit., pp.154-159.
(2), Bergeret, J., Op. cit., p157.
(3), Bergeret. J., Op. cit., p155.
- 709 -

rendre compte. A plus forte raison, le malade est incapable de percevoir les causes
de ces changements. Il les interprète à sa manière. Il est convaincu que le divorce
entre la réalité
(physico-socialeJ
et
lui est
la
faute
des
autres
(schiz ophrénie,
paranoTa .. .J ou sa propre faute (mélancolieJ. Cette conviction constitue les thèmes
du délire psychotique.
Quant au névrosé, il se rend compte de son trouble, de l'incohérence de ses
comportements,
des
transformations
qui se
produisent
en
lui.
Il
les
vit
même
quelquefois trop intensément et en souffre souvent. Mais il lui est impossible d'en
connaître les causes et donc de s'en sortir seul. Tous les mécanismes psychogènes
lui
échappent
et
sont
profondément
enfouis
dans
l'inconscient.
La
prise
de
conscience
de
ceux-ci
entraînerait
celle
des
éléments
désagréables
refoulés.
réprimés parce qu'angoissants.
L'inconscience. que ce soit du trouble dans sa totalité, ou de ses causes
seulement.
fait
partie
de
la
maladie
qui,
comme
nous
l'avons
vu,
est
un
aménagement de compromis précaire.
1.2.2. Représentations Nawda et psychanalytique de la maladie.
1.2.2.1. Processus pathologique.
Dans les deux systèmes de représentations. la pathologie consiste en une
désorganisation du noyau de l'Ego.
Dans les cas graves. tels que la psychose, l'enchaînement du Nanega, le
rapt, la sorcellerie ... le noyau central de l'Ego subit une scission, il est dissocié en
ses
éléments
constitutifs:
il est fragmenté,
divisé:
une
partie
est
projetée
ou
retenue hors de la structure.
Quant aux cas légers comme la névrose, le Be'ega et dérivés. l'éclatement
du noyau n'a pas lieu, mais il subit un trouble sérieux: le moi se déforme. subit une
distorsion dans la névrose, et ses relations avec la ralité sont perturbées. Dans le
Be'eba. le noyau de l'Ego subit une lyse se traduisant par des smptômes somatiques
marqués, très souvent localisés. que nous avons relevés et décrits dans le livre 2.
1.2.2.2. Conflit et réalité.
Ces
désordres
résultent
d'un
conflit
entre
Ego
et
la
réalité:
dans
la
psychose. le conflit oppose Ego et la réalité extérieure globale, physique et sociale.
Dans la névrose. c'est plutôt la réalité sociale surtout sous sa forme normative,
juridico-morale. légale qui entre en conflit avec Ego.
La
maladie.
dans
la
conception
nawda.
est
provoquée
aussi
par
une
désarticulation entre Ego et la réalité sociale et physique. Nous avons étudié les
trois pôles de la société qui sont en relation surtout conflictuelle avec Ego. et donc
source de troubles de santé. Nous avons parlé aussi de la réalité physique qui est,
en fait. le prolongement du pôle social vertical.
Dans les deux systèmes de représentations. donc, c'est le choc de l'Ego
- 710 -

avec la réalité, qu'elle soit sociale ou physique, qui est source de maladie.
1.2.2.3. Siège de l'agression et l'agresseur.
Pour la psychanalyse, tout le conflit, bien qu'avec la réalité, se déroule à
l'intérieur de l'Ego. Cette réalité extérieure, qu'elle soit physique ou
morale. est
intériorisée
par
l'Ego
sous
forme
de
représentation
(fantasme)
ou
d'instance
(surmoi); elle constitue une identification. une introjection, et pour cela. fait partie
du tissu psychique de l'Ego. Ce sont donc les éléments constitutifs du psychisme de
l'Ego qui forment un système de relation conflictuelle engendrant la maladie.
Tout
compte
fait.
c'est
Ego
lui-même
qui
est
l'artisan
de
sa
propre
destruction, le tout dépendant de ses attitudes, ses aménagements relationnels avec
la réalité fantasmée. construite.
D'après
la
conception
nawda.
la
réalité
n'est
pas
une
construction
fantasmatique, ni une identification. Elle est "réelle" et extérieure à Ego. Tout son
être fait bloc contre elle dans la dynamique conflictuelle. Il s'articule de façon vitale
avec elle certes. mais elle lui reste extérieure. C'est au niveau de ces articulations
extérieures que se situent les conflits. La maladie consiste en rupture conflictuelle
d'articulations.
Donc. l'agresseur est toujours extérieur à l'Ego et différent de lui. Même si
celui-ci s'implique quelquefois dans lct genèse. la survenue de sa maladie, c'est en
tant que provocateur de son agresseur. Il ne s'attaque pas à lui-même; il subit la
rétorsion. la riposte à son attaque, à son agression. L'agression est toujours une
attaque persécutive comme nous l'avons suffisamment montré au Livre 2.
1.2.2.4. Siège du processus pathologique.
Nous avons vu que le processus pathologique est le trouble du noyau de
l'Ego.
II
importe
de
préciser
la
signification
que
chacun
des
deux
systèmes
conceptuels donne à ce noyau.
La psychanalyse. rappelons-le. ne considère que l'appareil psychique séparé
de l'appareil organique et opposé à lui. Le noyau dont il s'agit ici est le moi. C'est
celui qui se fragmente dans les aménagements psychotiques et se déforme dans les
organisations névrotiques. sous les forces conjuguées de la réalité intériorisée et
des pulsions du ça. forme psychique des besoins organiques. en l'occurence. les
besoins sexuels.
La cure nawda considère Ego et ses articulations comme la structure totale.
la personne-personnalité. puisque les pôles, sans être intériorisés. restent source
vitale pour Ego. Ce sont les coordonnées. les dimensions qui le définissent. Son
noyau, c'est lui-même en tant qu'être individuel. se manifestant de façon sensible
par le corps. Donc ce dernier n'est
pas un élément séparable de l'ensemble. du
tout. Il est. comme nous l'avons
souvent
souligné,
la
façon.
le
mode apparent.
sensible de l'exister de l'Ego. C'est la dissociation, la déformation ou la lyse de ce
noyau qui constitue la pathologie. La pathologie siège donc au niveau de l'Ego individu
tout entier et non de l'une quelconque de ses parties. Comme nous l'avons vu, l'une
-
711 -

ou l'autre de ses modalités d'exister peut être le point de mire, la cible de l'attaque
agressive, mais c'est tout l'être qui est ébranlé, tous les autres modes d'exister
étant atteints.
C'est pourquoi la maladie est un trouble de la totalité de l'Ego. Désarticulé
de ses axes fondamentaux qui sont ses dimensions sociales, il se disloque ou se
dissout.
1.3. PRAÎIQUES THERAPEUTIQUES.
Ces deux systèmes de représentations de la maladie laissent entrevoir les
orientations
thérapeutiques
respectives.
Nous
avons
déjà
analysé
les
pratiques
curatives
nawda.
Nous
allons
faire
ici
un
aperçu
rapide
des
pratiques
psychanalytiques
et
dérivés;
cela
permettra
une
étude
comparative
des
deux
systèmes.
1.3.1. Psychothérapies.
L'individu qui s'est détruit face à la réalité doit se
reconstruire
face
au
thérapeute symbolisant la réalité.
1.3.1.1. Histoire individuelle et diagnostic étiologique.
Il
ressort
de
l'étude
que
nous
avons
faite
de
la
représentation
psychanalytique
de
la
maladie
que
celle-ci,
même
si
elle
s'installe
souvent
apparemment brusquement, a une genèse évolutive qui arpente, parcourt ou jalonne
le cours du développement
psychique
de
l'individu,
et
a
ses
racines
dans
les
différentes étapes de celui-ci.
Donc pour comprendre la maladie, ses causes, le thérapeute va mettre au
centre de son approche l'histoire du développement individuel. L'analyse détaillée de
cette histoire individuelle permet au thérapeute d'élaborer au moins ses hypothèses
diagnostiques étiologiques, en circonscrivant les évènements, les situations probables
ayant pu, à l'une ou à l'autre des étapes critiques du développement psychique, être
responsables des accrochages, des traumatismes ou des blocages conflictuels.
1.3.1.2. Rôle des facteurs sociaux dans le genèse de la maladie.
La construction de l'histoire individuelle se fait par l'articulation entre Ego et
l'environnement social qui permet à l'être en évolution de construire son image de la
réalité et ses relations avec elle. C'est la relation avec la société représentée, par
la mère d'abord, puis la fratrie, le père ... que Ego construit son psychisme. Nous
avons vu qu'il n'a, en naissant, que le ça. d'où vont émerger progressivement le
moi, puis le surmoi, par identifications successives avec les objets relationnels que
sont tout spécialement les parents, pas nécessairement physiques. mais ceux qui
- 712 -

jouent
un
rôle
primordial
dans
la
satisfaction
des
besoins
vitaux,
s'exprimant
psychiquement par les demandes pulsionnelles . Le climat affectif de cette relation
est important pour l'équilibre psychique de l'Ego.
Les
situations
éducatives
d'imprégnation
créées
par
ce
monde
qui
accompagne l'enfant dans son développement, surtout en ce qui concerne le mode
de satisfaction
de ses
besoins,
avec
ce
que
cela
implique
de
discipline,
sont
décisives pour l'avenir mental de l'enfant.
Les facteurs sociaux jouent donc un rôl e très important dans 10. genèse de
la maladie mentale.
Cependant, nous avons vu que la réalité, si elle peut engendrer des troubles
psychiques
ce
n'est
pas
en
tant
que
des
faits
objectifs,
mais
en
tant
que
représentations,
images,
vécus...
que
Ego
en
construit.
Ajoutons
que
cette
construction se fait surtout en référence à la coloration affective dont les parents
imprègnent les situations éducatives. Ainsi l'enfant réagit et s'identifie au moi et au
surmoi des parents.
La
maladie
mentale
est
donc,
comme
nous
l'avons
vu,
le
résultat
d'articulation conflictuelle entre Ego et la société, car c'est de l'image que lui donne
la société que dépendra son degré de sécurité contre les exigences, les contraintes
de la réalité.
1.3 .1.1. Techniques utilisées.
La psychanalyse et les thérapies
dérivées
utilisent,
comme
instrument de
pénétration du psychisme, l'expression verbale du malade. Ce dernier, mis dans un
climat de détente et de relaxation afin de favoriser le relâchement des défenses,
est invité à donner libre cours à sa pensée, et à l'ex primer par un discours auquel
il ne cherche pas à imposer les règles de la logique, mais qui se développe selon le
processus d'association libre des idées. Le travail de déguisement défensif construit
par le moi est ainsi mis en thèmes apparemment sans liens, mais, qui s'attirent et
s'associent par affinité de contenu latent; ce que le malade ignore évidemment.
Le
thérapeute,
par
son
attitude
d'écoute
et
de
neutralité
bienveillante,
symbolise
la
société
permissive,
corrigeant
ainsi
les
distorsions
perceptives
et
représentatives
pathologiques
que
le
patient
s'est
construites
de
la
réalité.
Il
constitue, par là, un facteur favorisant du relâchement des défenses.
Le patient, disposé par cette permissivité, va reporter sur le thérapeute les
émois (sentiments de haine et/ ou d'amour) autrefois ressentis, nourris envers les
objets
de relation, et qui étaient
réprimés
(repoussés
dans
l'inconscient)
parce
qu'interdits par le surmoi, ou en désaccord avec la réalité. Ce report relationnel sur
la personne du thérapeute, qui constitue le transfert, va être analysé ou utilisé pour
faire avancer la cure.
Le thérapeute va donc interpréter le matériel ainsi livré par la technique
d'association libre et surtout le matériel du transfert, par lequel le patient, dans sa
régression, a retrouvé, face à lui, la relation privilégiée entretenue avec les parents,
aux phases critiques de son développement.
- 713 -

Cette interpré tation est livrée au patient au moment où le thérapeute le juge
capable d'y faire face sans trop d'angoisse. C'est à ce niveau que le thérapeute va
affronter l'obstacle thérapeutique le plus
important et le plus
délicat. En
effet.
l'interprétation provoque l'émergence du refoulé au niveau de la conscience amenant
avec lui ce qui avait poussé à sa répression. i.e. l'angoisse. Donc ce sont des
évènements pénibles qui font irruption dans le domaine conscient du moi. Malgré les
précautions du thérapeute pour réduire l'angoisse. ces évènements ne vont pas être
acceptés facilement. La censure va opposer des résistances à leur retour à
la
conscience. ravivant ainsi le conflit. Le travail du thérapeute consistera à amener le
patient à vaincre ces résistances.
1.3.1.4. Processus de "guérison".
La condition de guérison est la prise de conscient et la réintégration. au
psychisme. du matériel refoulé.
Le
relâchement
progressif
des
résistances
va
permettre
au
patient
de
reconnaTtre. de
dédramatiser les évènements
pénibles.
autrefois refoulés.
et de
réduire
ainsi
l'angoisse.
L'attitude
d'écoute
et
de
"neutralité
bienveillante"
rend
tolérable la réactivation du conflit où le patient l'implique par le transfert. Cela crée
un climat de sécurité favorisant la maturation du moi et permet ainsi la résolution
des conflits sur un plan plus réaliste.
1.3.1.5. Portée de la cure analytique.
Le schéma thérapeutique que nous venons de tracer est celui de la cure
type.
Mais
il
est
applicable.
mutatis
mutandis.
à
toutes
les
psychothérapies
d'inspiration psychanalytique.
Cette
méthode
thérapeutique
est
indiquée
dans
le
cas
des
névroses
classiques. i.e. l'hystérie. la phobie. la névrose obsessionnelle. Mais elle reste peu
efficace dans
les
perversions
sexuelles.
certaines
dépressions.
et
pratiquement
inefficace dans les psychoses. la psychopathie. la sociopathie vraie.
Cependant.
l'approche
psychanalytique
des
psychoses
semble
possible
en
substituant à l'expression verbale les actes symboliques exécutés par le thérapeute.
C'est la tentative initiée par Mme Sechehaye (1) dans le traitement réussi d'un cas
de schizophrénie: elle pratique le maternage symbolique. Ici le thérapeute "dialogue
avec son sujet. non par la parole. mais par des opérations concrètes. véritables
rites
qui traversent
l'écran
de
la
conscience
sans
rencontrer
d'obstacle.
pour
apporter directement leur message à l'inconscient" (2).
(1). Sechehaye. M.A.• La réalisation symbolique. Revue suisse de psychologie et de
psychologie appliquée. supplément n012. Berne. 1947.
(2). Lévy-Strauss. c .• Anthropologie structurale. Plon. Paris. 1954-1974. p.221.
-
714 -

1.3.2. Cure nawda et psychanalyse.
1.3.2.1. Histoire personnelle et diagnostic.
Dans la cure nawda, le tada ne fait pas de l'histoire individuelle le centre de
son approche diagnostic comme c'est le cas en psychanalyse.
Il lui arrive d'évoquer certains évènements de cette histoire, souvent élargie
à celle du lignage, pour révéler ou rappeler à la famille que la maladie de l'Ego a un
rapport avec certains épisodes, certaines relations remontant à son enfance; il a
été par exemple objet d'élection d'un Génie quand il était petit et ce Génie a été
par la suite oublié; ses parents ont contracté des
contrats
avec
un Génie,
un
ancêtre, un esprit ... qui se manifeste en lui.
Comme
on
le
voit,
le
recours
à
l'histoire
individuelle
n'est
pas
pour
rechercher les racines lointaines et inconscientes de la maladie. La
maladie
est
toujours un conflit actuel en train de se dérouler qu'il faut dénouer. Si on remonte
l'histoire du malade, c'est pour identifier l'agresseur, l'origine de sa relation avec le
malade, au nom de laquelle il agit maintenant.
1.3.2.2. Reconstruction de la structure de l'Ego.
En psychanalyse, le conflit se déroulant dans le noyau central de l'Ego, la
reconstruction de la structure désorganisée, est un travail interne. Le déblocage, i.e.
le relâchement de la censure, des résistances internes est la condition nécessaire
pour l'expression des conflits et leur dénouement. C'est cette réorganisation de la
structure interne de l'Ego qu i conditio nne la réarticulation de ce dernier avec la
réalité.
En cure nawda, c'est l'inverse: la réarticulation extérieure, avec les pôles
vitaux, est essentielle pour la restructuration interne. Rappelons que c'est le conflit
extérieur à Ego qui provoque la désorganisation interne. On ne peut donc rétablir
l'équilibre du noyau si la réarticulation extérieure n'est pas faite.
1.3.2.3. L'artisan de la reconstruction.
Dans les deux systèmes thérapeutiques, il
s'agit
donc
de reconstruire
le
noyau
désorganisé
du
patient.
Nous
voulons
montrer
ici
que
l'artisan,
le
reconstructeur, le réparateur, varie de l'un à l'autre.
Dans la cure nawda, c'est le Tada qui est l'artisan. Etant donné
que le
patient n'est pas l'auteur de sa désorganisation. il n'a aucun pouvoir de se réparer
lui-même. Même les causes des maladies résultant de ses inconduites lui restent
extérieures comme nous l'avons montré. C'est donc le Tada qui est l'acteur central
dans le processus de reconstruction. Par des rites symboliques, il neutralise le mal.
après avoir désigné l'agresseur, et réarticule le sujet à ses axes fondamentaux.
En psychanalyse, c'est plutôt le patient. artisan de sa maladie, qui doit se
reconstruire. Puisque la destruction s'est réalisée par sa "volonté", personne d'autre
ne peut
refaire l'ordre
sans
et
contre
cette
"volonté".
En
effet,
on
voit
mal
comment arracher à
l'inconscient de l'Ego les évènements pénibles
maintenus par
- 715 -

les forces défensives de ce dernier, et nous savons pourquoi. Le thérapeute n'est là
que comme adjuvant, guide éclairé. lanterne de sécurité qui dirige le patient dans la
descente vers les profondeurs obscures.
1.3.2.4. Techniques utilisées.
La
psychanalyse.
dans
cette
entreprise.
utilise,
comme
nous
l'avons
vu.
l'expression verbale. Ce sont les symboles verbaux livrés par le patient qui sont
décodés. interpré tés. lus par le thérapeute, révélant ainsi le patient à lui-même.
Dans la cure nawda, l'expression est polymorphe. Que ce soit au niveau du
diagnostic ou de la pratique curative elle-même, les symboles véhiculés par le Tada
sont variés: paroles. gestes. attitudes. objets. situations. animaux. manipulation du
corps du patient... sont autant de re lais qui actuent et rendent opératoire l'énergie.
la force curative. Le Tada agit, "opère". alors que le psychothérapeute parle et fait
parler son patient.
1.3.2.5. Inconscient et thérapie.
Dans les deux systèmes de cure. le malade vit son trouble. mais en ignore
le processus et les causes.
La psychanalyse explique que cette ignorance est plutôt une inconscience. Le
sujet les vit
inconsciemment; il
a, lui-même,
"voulu"
ainsi.
Nous avons
montré.
ci-dessus.
pour
quelles
raisons
ces
mécanismes
morbogènes
sont
"voulus"
inconscients. et nous avons souligné que c'est la prise de conscience seule qui peut
amener à leur intégration et à la guérison.
C'est pourquoi
le travail
du
thérapeute
vise
à les
faire
remonter
à
la
conscience
et
à
les
faire
intégrer. Pour
ce
faire,
le
thérapeute
lutte
pour
le
relâchement des résistances.
Contrairement à ce que pense Claude Lévi-Strauss à propos
de la
cure
chamanique,
le Tada
Nawda
ne
se
propose
pas.
comme
le
psychanalyste.
de
"ramener
à
la
conscience
des
conflits
et
des
résistances
restés
jusqu'alors
inconscients" (1). Pour le Nawda, en effet. les conflits ne se déroulent pas. ne se
nouent pas dans l'inconscient du malade. même pas en lui. Nous avons vu que c'est
à l'extérieur de lui. en dehors de toute intervention de sa part et souvent à son
insu que tout se passe. Quand les microbes vous envahissent à votre insu. on ne
peut parler d'une attaque inconsciente; et quand le médecin vous
explique cette
attaque. il ne vous en fait pas prendre conscience. mais il vous l'apprend, vous le
révèle.
Et puis ajoutons que quand même on voudrait voir dans les troubles que
guérit le Tada des désordres relevant des conflits psychiques. le Tada ne le voit
pas dans ce sens
et ne se fixe
pas
comme objectif de dénouer des
conflits
inconscients, Même s'il le faisait, ce n'est pas du tout intentionnel. Pour lui. la
(1). Lévy-Strauss. C.• Op. cit.. p219.
- 716 -

maladie est un désordre dont l'explication est surnaturelle, et il adopte une approche
surnaturelle, et cela selon la conception culturelle.
Donc
il
est
très
délicat
de
partir
abusivement
des
conclusions
psychanalytiques comme
références,
grille
de lecture
de
ce qui
se
passe
dans
d'autres cultures. Encore que la psychanalyse ne fait pas l'unanimité de la cure
occidentale, et nous nous proposons d'analyser d'autres approches.
2. PSYCHOLOGIE ANALYTIQUE DE C. G. JUNG ET LA CURE NAWDA.
2.1. REPRESENTATION DE L'HOMME.
2.1.1. Théorie Jungienne.
Bien que, fondamentalement, l'école jungienne se réfère à la même conception
(représentation) de l'homme que celle freudienne, les bases théoriques et, partant,
les
pratiques
thérapeutiques
des
deux
systèmes
présentent
des
différences
profondes.
C'est
pourquoi,
après
avoir
situé
la
cure
nawda
par
rapport
à celle
freudienne,
il
convient
de
faire
la
même
chose
par
rapport
à
la
psychologie
analytique de C.G.Jung. Nous allons adopter à peu près le même plan.
Notons d'entrée de jeu que contrairement à S.Freud, soucieux de clarté et
de précision théorique, C.G. Jung, beaucoup plus attaché au
concret,
comme
le
soulignent ses commentateurs, laisse des confusions et des contradictions dans les
définitions des concepts de base. Si bien que l'analyse de son système est très
malaisée. Tout porte à croire que C.G. Jung n'arrive pas à trouver le lien entre les
données du terrain appparemment contradictoires, ce qui l'empêche d'opérer
des
synthèses
conceptuelles.
C'est
ainsi
qu'une
même
notion
reçoit
souvent.
et
quelquefois
dans
le
même
ouvrage.
plusieurs
définitions
différentes
et
contradictoires.
Nous allons essayer de dégager de ce système complexe et inextricable un
résumé.
2.1.1.1. Structure de la personnalité.
La structure de la personnalité selon C.G. Jung comporte plusieurs éléments
constitutifs répartis dans deux niveaux: le niveau conscient et le niveau inconscient.
Commençons par circonscrire ces deux niveaux de l'appareil psychique:
La notion de la conscience chez Jung est assez circonscrite: on distingue
généralement
entre
conscience
directe.
qui
consiste
en
la
perception
des
phénomènes qui nous renseignent sur le monde, et conscience réfléchie ou réfle xive,
qui est le fait pour la conscience directe de s'observer elle-même, de se prendre
pour objet. La conscience, pour Jung, se réduit à ce dernier niveau. Elle est alors
- 717 -

définie comme "la possibilité de rapporter au moi des contenus psychiques, pour
autant que le moi perçoit ces rapports" (1). Donc, pour Jung, il ne peut y avoir
conscience "tant qu'il n'y a pas de contenus que le sujet rapporte consciemment et
explicitement à son moi" (1).
Dans ce sens, la conscience est un produit de la "civilisation", "un acquis
des cinq derniers millénaires" (1). "Les processus et les fonctions psychiques ont
précédé de beaucoup l'éveil de la conscience. Les hommes ont eu des pensées bien
avant qu'un homme ne se soit avisé de dire: "je suis conscient que je pense'''' (1).
La conscience étant le fruit de la "civilisation", l'enfant et le primitif qui sont,
d'après Jung, sans "civilisation" n'ont pas de conscience. Il n'apparalt pas, chez eux,
ni
le
moi,
ni
la
volonté
(2)
qui
sont,
comme
nous
le
verrons,
les
éléments
constituant la structure de la conscience. "Ils mènent une vie humaine, bien sûr, ils
pensent et ils aiment, ils souffrent et ils se réjouissent, sans aucun doute, mais ils
ne le savent pas consciemment" (3).
Donc, l'enfant et le primitif "sont incapables de mener une vie
psychique
réflexive et de prendre consciemment position vis-à-vis du monde
tant
intérieur
qu'extérieur" (4)'
La conscience, ainsi définie, se manifeste par deux attitudes opposées qu'on
peut
adopter
vis-à-vis
du
monde
extérieur.
Il
s'agit
de
l'extraversion
et
de
l'introversion qu i constituent les deux grandes catégories de la typologie jungienne
(5)'
Dans l'extraversion, les évènements extérieurs au sujet sont primordiaux et
jouent
un
rôle
décisif.
L'extraverti
accorde
un
intérêt
fondamental
au
monde
extérieur à l'objet, et leur attribue une importance et une valeur essentielles. Il
entretient des contacts plus faciles avec la vie, les gens "Les contenus du conscient
se réfèrent en majorité à des objets du monde extérieur" (6).
L'introversion est caractérisée par la réaction subjective aux évènements. "Le
monde objectif subit une sorte de dénigrement, de déconsidération au profit du sujet
lui-même, qu i accapare alors l'intérêt de l'individu et entre, pour ainsi dire, seul en
ligne de compte à ses propres yeux" (7).
Ces deux types d'attitudes sont exclusives l'une de l'autre, quand un individu
adopte
consciemment
l'une
d'elles,
l'autre
disparaît.
Elles
sont
cependant
(1), Hostie, R., Du mythe à la religion, La psychologie analytique de Jung, Desclée de
Bronwer, Paris, 1955, p.69.
(2), cf. Beaudouin, Ch., L'œuvre de Jung. Payot, Paris, 1963. p.214.
(3), Beaudouin, Ch .• Ibid, Hostic, R.• Op. cit., p69.
(4), Hostie. R., Op. cit., p69.
(5). cf. Bennet, E.A., Ce que Jung a vraiment dit, Edition
Stock. Paris.
1968.
pp.51-59. Hostic, R, Op. cit., pp.70-71., Beaudouin, Ch .• Op. cit., pp109-127.
(6). Bennet, E.A., Ce que Jung a vraiment dit, Edition Stock, Paris, 1968. p.55
(7), Hostie, R., Op. cit .• p70.
- 718 -

complémentaires.
Chacun
de
ces
deux
types
fondamentaux
d'attitude
a
quatre
manières possibles de fonctionner, et c'est seulement J'une d'elle qui sera pleinement
mise en lumière par la conscience: il s'agit de la
pensée,
du
sentiment,
de la
sensation, de l'intuition. Cela donne au total huit types fonctionnels que nous allons
sommairement décrire. Nous allons partir de chacun des deux types fondamentaux
pour dégager ces fonctions (1).
Les quatre types fonctionnels de J'extraverson sont les suivants:
• Le type pensée extravertie "se dirige selon des règles de conduite
rigoureuses" (2l. Sa vie est régie plus par des principes tels que devoir, vérité,
justice ... qui constituent
le
pivot
de
son
action.
Il
pense
moins
à la personne
concernée par son action qu'à ces principes. Il a tendance à l'autoritarisme dans
son cercle intime où il aime faire prévaloir ses idées, alors que dans son milieu
social et professionnel, il est généralement apprécié pour son sens du devoir. du
travail bien fait. Dans ses relations ''il est susceptible. sujet au ressentiment" (2l.
• Le type sentiment extraverti, quant à lui. se conforme aux valeurs
apprises, assimilées dans l'enfance et la jeunesse. Il oriente davantage ses choix
selon les convenances et les conventions du milieu social et tient compte de ce qui
convient à autrui. Il s'intéresse surtout à ce qui touche son intimité. son cœur, il
nourrit, par contre, peu d'intérêts objectifs et
abstraits.
Pour
communiquer
ses
impressions, il recourt souvent à des epxressions vives. colorées, superlatives. Il
manifeste ses sentiments avec exubérance et excès.
• Le type sensation extravertie n'a pratiquement pas de penchant pour
l'ascétisme.
Il
aime
la
bonne
table,
est
gourmet;
il
"s'adapte
facilement
aux
circonstances, attache de l'importance à son habillement. (et) passe pour joyeux
compagnon" (3).
• "Le type intuition extravertie a le flair des possibilités nouvelles, des
filons à prospecter" 8l. Il a horreur des situations stables où il craint de s'enliser
et de se sentir prisonnier. Il s'enthousiasme, s'enflamme plutôt pour des choses.
des idées. des vues nouvelles. qu'il abandonne dès qu'elles commencent à durer. à
devenir anciennes. Il a du goût pour le commerce. J'entreprise. la spéculation. les
affaires. la politique. Mais il se sent assez peu responsable de la prospérité de
ceux qui dépendent de lui.
A
ces
quatre
types
extravertis.
s'opposent
terme
à
terme
les
types
(1), Baudouin. Ch .• Op. cit.. pp.12H23.
(2). Baudouin. Ch .• Op. cit., p121.
(3). Baudouin. Ch., Op. cit.. p122.
- 719 -

introvertis.
• Le type pensée introvertie est volontiers audacieux, voire subversif~
sur le plan intellectuel, il préfère approfondir ses idées, ses connaissances, que les
multiplier, les varier, en élargir le champ, Il "manque de sens pratique, fait souvent
des expériences désagréables avec ses concurrents, ses collègues"
(1).
Dans
la
résolution des problèmes, il est souvent scrupuleux, se laisse aller à des hésitations
qui peuvent l'empêcher d'aboutir.

Le
type
sentiment
introverti
est
réservé,
silencieux,
"a
des
résistances à vaincre lorsqu'il s'agit de se mettre en avant" (1). Il se trouve à l'aise
dans le milieu social où il est effacé, où il n'est pas sollicité. obligé de se dépenser,
de payer de sa personne. Il préfère un climat calme et agréable, Il a tendance à
repousser les émotions qu'il juge trop impétueuses. accorde surtout du prix aux
sentiments qui sont secrets et intenses" (2). Tout jugement négatif à son égard
l'atteint vivement et profondément.

Le
type
sensation
introvertie
"est
surtout
sensible
aux
objets,
couleurs, sons, etc. pour leur retentissement intérieur. leur qualité esthétique" (2).
Il redoute les extravagances et se défie de l'enthousiasme, Le monde est pour lui
un jeu d'apparence et une comédie. Face aux personnes et aux choses, il adopte
une attitude de neutralité bienveillante empreinte de bonhomie. Il est amateur d'art,
aime l'esthétique et collectionne de belles choses,

Le
type
intuition
introvertie
se
montre
original,
fantaisiste,
CapriCieUX, bizarre. Il est conducteur d'homme, possédé par une idée. ce qui fait de
lui un illuminé souvent fanatique. Il apparaît à l'entourage comme poursuivant des
rêveries stériles. dans des entreprises qu'il juge lui-même très importantes.
Telle est la description que Jung fait de la conscience qui. répétons-le, se
réduit à la conscience réflexive, produit de la "civilisation". Ainsi définie, elle
a
émergé lentement de l'inconscient primordial.
En effet, l'inconscient, d'après Jung. comme d'après Freud, est la donnée
première. De la définition
de la conscience,
il
faut
déduire
logiquement que
la
conscience directe (non réflexive) fait partie de l'inconscient jungien. Celui-ci est
l'envers
du
conscient.
Tout
ce
qui
est
absent
du
conscient
se
trouve
dans
l'inconscient. Ainsi donc, les deux types fondamentaux d'attitude opposés sont en
fait deux éléments complémentaires de la psyché humaine. Chaque individu est à la
fois introverti et extraverti avec toutes les fonctions associées, Mais un seulement
(1). Baudouin, Ch., Op. cit., p122.
(2), Baudouin. Ch .• Op. cit .• p123.
- 720 -

prédomine dans le conscient, avec une des fonctions, l'autre type, ainsi que les
autres fonctions. étant maintenu inconscient.
L'inconscient possède une vie propre, différente de celle de la conscience (1).
"L'inconscient ... est doué d'une activité autonome. i.e. d'une activité qui se manifeste
en gardant son indépendance vis-à-vis des motivations conscientes de l'individu" (2 J.
L'inconscient jungien est une réalité à deux niveaux. dont l'un est propre à
l'individu et prend le nom de l'inconscient personnel
et l'autre commun à
toute
l'humanité dont participe "individu de par son appartenance à l'espèce humaine. Ce
niveau est appelé par Jung "inconscient collectif'. Nous allons faire un survol de ces
deux niveaux d'inconscient.
L'inconscient personnel est constitué de contenus nés du refoulement, il est
la sédimentation des expériences personnelles. "La théorie du refoulement de Freud
parut
à
Jung
apporter
une
explication
légitime
des
raisons
pour
lesquelles
l'inconscient était devenu inconscient: un fait conscient qui s'avère inacceptable et
qui provoque un conflit se trouve refoulé et devient ainsi inconscient. S'il n'y avait
pas eu refoulement, le fait. l'évènement. serait demeuré conscient; l..J. L'inconscient
ainsi constitué de matériaux refoulés est qualitativement identique au conscient..."
(3 J.
Mais, pour Jung. les matériaux refoulés ne sauraient, à eux seuls. couvrir
tout le champ inconscient, car celui-ci ne se réduit pas à ces "miettes tombées de
la table du conscient" (4J. En effet. Jung. comme Freud d'ailleurs. peut-être inspiré
par Jung. pense qu'en plus
de
l'expérience personnelle
qui
est
à
l'origine
des
matériaux refoulés, l'inconscient renferme d'autres contenus qui n'ont jamais
été
conscients. et qui, par conséquent. ne sont pas le résultat d'un refoulement au
niveau de l'individu. Ces contenus "sont impersonnels ou collectifs" (SJ.
Jung
conçoit
donc.
à
côté
de
l'inconscient
personnel
d'acquisition.
de
constitution récente, un inconscient collectif plus archaïque et plus primitif.
Mais "il ne s'agit pas de l'âme du groupe, de l'action inconsciente exercée
par une
foule
qui
se
substituerait
à
l'activité
inconsciente
de
l'individu"
(6 J.
L'inconscient
collectif
renferme
des
contenus
communs
à
toute
l'humanité:
ils
"proviennent
d'une
même
structure.
des
mêmes
possibilités
congénitales
de
fonctionnement psychique ..." (6J. Il est donc héréditaire, s'enracine dans le biologique
mais est aussi. en partie "le dépôt constitué par l'expérience ancestrale depuis des
(1), cf. Bennet. E.A., Ce que Jung a vraiment dit. Edition Stock. Paris, 1968, p.61.
(2), Bennet. E.A.• Op. cit., p67.
(3). Bennet. E.A .• Op. cit., p70.
(4), Baudouin. Ch .• Op. cit., pS8.
(S), Bennet. EA. Op. cit.. p69.
(6). Bennet, E.A.• Op. cit., p70.
-
721 -

millions d'années. l'écho de la préhistoire et chaque siècle y ajoute une quantité
infinitésimale de variation et de différentiation" (1). L'inconscient collectif est donc le
même partout. "Autrement dit, il est identique en chaque homme et représente un
substratum psychique de nature supra-personnelle commune" (21.
2.1.1.2. Eléments constitutifs de la structure de la personnalité.
Nous venons de décrire la conscience et l'inconscient qui sont les différents
niveaux
de l'appareil
psychique.
Il
nous
reste
maintenant
à
voir
comment
ces
différents
niveaux
sont
structurés.
Nous
allons
donc
inventorier
les
éléments
constitutifs de chaque niveau .
• Le conscient est constitué de : persona, moi, volonté. esprit.
• La persona est la face périphérique du système conscient
(3) . Elle comprend "une complexité de fonctions qui s'est formée pour des raisons
d'adaptation ou de commodité nécessaire"
(41.
Compromis entre
l'individu
et
sa
société, la persona se rapporte uniquement aux relations avec les objets, le monde
extérieur. Elle est ce que l'individu paraît être, i.e. le masque qui cache la vraie
réalité. C'est la façade protectrice nécessaire
qui
témoigne,
dans
les
conditions
normales, d'une bonne adaptation avec la réalité extérieure et intérieure. Dans ce
sens, elle assure un contact naturel, régulier et aisé avec le monde extérieur. Elle
constitue
alors
un
ensemble
de
comportements
variés
selon
les
situations
de
relation.
Organe
d'adaptation
au
monde
extérieur.
la
persona
a
généralement partie liée avec la fonction sociale de l'individu.
• Derrière ce masque. cette carapace, ce paraître, se trouve
le moi qui est l'être. Le moi constitue le centre de la conscience. "II ne peut y
avoir conscience sans un moi qu i perçoive le rapport"
(51. Le conscient est, en
effet. défini par Jung comme la mise en connexion des contenus psychiques avec le
moi. Ce dernier est "un complexe de représentations formant, pour moi-même. le
centre du champ conscientiel"
(61.
Il constitue ainsi le sujet de tous
les
actes
conscients personnels.
• Comme instance active, le moi est armé de la volonté qui
(1). Bennet. Ch .• Op. cit.. p62.
(2), Bennet. Ch .• Op. cit.. p71.
(3), Glover. E., Freud ou Jung? P.U.F.• Paris. 1954. p.13.
(4), Baudouin. Ch .• Op. cit., p209.
(5). Bennet, E.A.• Op. cit.. p59.
(6), Baudouin. Ch., Op. cit.. p212.
-
722 -

est "la somme d'énergie à la disposition de la conscience" (1). Conquête tardive de
l'humanité, la volonté est le pouvoir, la force créatrice du moi. Elle peut décupler,
accroître
l'énergie
spécifique d'une
fonction,
"la
diriger,
la
rendre
exclusive
en
éduquant certains de ses registres
aux dépens de certains
autres"
(1).
Donc la
volonté est
le
pouvoir
mobilisateur
d'énergie
dont
dispose
le
moi,
qui
est
un
"complexe" autonome, libre.

Cette
activité
psychique
consciente
est
parfois
appelée
"esprit" qui se trouve être assimilé à l'intelligence. C'est J'es prit (2) dont le moi est
le centre, qui constitue la résistance aux instincts, et qui serait le correspondant du
surmoi freudien.
Mais
contrairement
au
surmoi,
l'esprit
n'est
pas
réductible
au
résultat de J'éducation, à une sorte de conditionnement du milieu. C'est un principe
sui generis, une sorte de surmoi héréditaire, préformé, qui émerge de l'inconscient
collectif. Il est déjà présent chez l'enfant, même si Jung refuse à ce dernier la
conscience.
L'esprit ou
l'intelligence est
un
autre
nom
de
la
conscience.
C'est
pourquoi il a le moi pour centre. C'est la conscience en tant que force répressive
des instincts, i.e. conscience sous son aspect normatif.
Ainsi donc, la conscience, ou J'esprit, ou encore l'intelligence,
est donc structurée du moi qui en est le noyau central, de la persona qui constitue
la carapace protectrice, défensive, "organe" de contact adaptatif avec la réalité, et
d'une énergie, la volonté qui est la force du moi. La conscience ou l'esprit est la
partie de la personnalité qui est acceptée et "civilisée".

L'inconscient
personnel
comprend,
comme
nous
l'avons
dit,
des
matériaux
qui
sont
les
tendances
refoulées.
Ces
matériaux,
ces
tendances
s'intriquent, s'entremêlent pour
former
des
nœuds,
des
conglomérats
autonomes
appelés "complexes".
Le complexe est ainsi 1a réunion, dans un même faisceau, d'éléments
extrêmement disparates
aux
yeux
de
la
conscience
et
de
la
logique
(3);
ces
éléments peuvent appartenir à des régions fort différentes de la psyché (3). "Le
complexe, ce faisceau d'éléments, se compose d'un élément central et d'un grand
nombre d'associations secondaires constellées. L'élément central se distingue par ce
\\qu'on appelle le ton sentimental, l'accentuation affective. Cette accentuation affective
est, énergétiquement parlant, une valeur-quantité" (4). Le complexe ainsi décrit peut
Ise définir comme une association, un faisceau de tendances unies, liées par un
laffect.
\\(1), B"do""'. Ch.. Op. oit.• p213.
[(2), cf. Glover, E., Op. cit., p12,
(3), cf, Baudouin, Ch"
Op, cit., p143.
1(4), cf, Baudouin, Ch., Op. cit., p159.
-
723 -

"L'affect désigne la charge énergétique constante, toujours susceptible
de
s'extérioriser
en
émotions"
(1),
i.e.
ébranlement
accidentel
momentané,
en
réponse à quelque rencontre actuelle. L'affect est l'énergie potentielle "dont l'émotion
.est l'expression actuelle. Il ne serait donc plus de l'ordre des évènements, mais de
celui des structures. Or, ces structures sont ici des réseaux associatifs. L'affect
n'existe pas
isolé, suspendu
dans
le
vide,
mais
bien
noué
à tout
un
ensemble
d'idées, de souvenirs, de conduites" (2).
L'affect
serait
ainsi
le
ciment.
la
force,
l'énergie
qui
assure
la
cohésion du complexe et suscite la violence occasionnelle de ses effets, violence
appelée émotion (2).
L'affect
ainsi
défini.
i.e.
une
structure
énergétique
nouée
à
un
ensemble d'idées, de souvenirs ... "a tendance à devenir un complexe autonome, à se
détacher de la hiérarchie de la conscience et,
dans
la
mesure
du
possible.
à
entraîner le moi après lui" (2).
Dans la formation du complexe, le processus d'association est, dans
ce sens, accidentel, dépendant des circonstances de la vie de chacun et de sa
manière
propre d'y
réagir.
Ainsi,
chacun
a
ses
complexes.
Dans
ce
sens,
le
complexe "provient apparemment de la collision entre une nécessité d'adaptation et
la constitution de l'individu incapable de s'y soumettre" (3), il paraît ainsi être une
crise individuelle d'adaptation.
Cependant
s'il
se
produit
accidentellement.
il
n'est
pas
pour
cela
fortuit, contingent. Une analyse plus approfondie permet de regrouper les complexes
variés,
disparates.
en
"des
formes
types
fondamentales
relativement
peu
nombreuses, qui s'édifient toutes sur les premiers évènements de l'enfance" (3l.
Ces
formes,
identiques
chez
tous
les
hommes, plongent
leurs
racines
dans
la
psychologie primitive. le fonds commun de l'humaine nature.
Le complexe, structure personnelle refoulée, donc acquise. plongeant
/
ses racines dans le tréfonds héréditaire de l'humanité, a donc deux niveaux: un
niveau personnel et un niveau primitif. En d'autres termes, il y a des complexes
primitifs et des complexes personnels issus des premiers (4).
Les complexes personnels, ces faisceaux de tendances solidaires, ces
fragments psychiques scindés du système conscient, sont des reliquats notables de
l'état d'esprit primitif
(4l. Les
complexes
étant
des
faisceaux
de
tendances
et
celles-ci étant innées. Charles Baudouin (5), disciple de Freud et surtout de Jung.
pense que les complexes primitifs sont des associations de ces troncs puissants et
constants
dont les
complexes personnels
ne
seraient que
"les
ultimes
ramilles
(1). Baudouin, Ch., Op. cit.. pl37
(2). Baudouin. Ch., Op. cit.. pl37
(3). lb., p.138.
(4). cf. Baudouin. Ch., Op. cit., p139.
(5), Baudouin. Ch .• Op. cit.. pp.139-140.
-
724 -

capricieuses" (1).
Les complexes personnels apparaîtraient ainsi comme sous-produit de
la "civilisation" puisque tout le monde est obligé de refouler pour
se
"civiliser".
L'émergence de la conscience, cette instance logique, a entraîné la répression des
tendances qui n'étaient pas en accord avec les exigences de la "civilisation". Ce
sont ces tendances qui se regroupent en complexes dans l'inconscient.
Quant
aux
complexes
primitifs
constitués
par
l'association
des
tendances
fondamentales, nous nous
demandons
si
ce
sont eux
qui
forment
le
contenu
du
conscient
personnel
des
"primitifs".
Jung
et
ses
disciples
ne
se
prononcent pas clairement sur ce point. Mais la réponse à notre question semble
positive. En effet, dans "Problème de l'âme moderne", "Phénomènes occultes" cités
par
Ch. Baudouin,
il
est
affirmé
que
tout
affect ayant
tendance
à devenir
un
complexe autonome, à se détacher de la hiérarchie de la conscience et, dans la
mesure du possible, à entraîner le moi après lui, il n'y a "rien d'étonnant dans ce
cas que lentendement primitif voit
là l'activité d'un être étranger,
invisible,
d'un
esprit"
(2l. Et
puis
Ch. Baudouin lui-même écrit
que
"par leur
autonomie,
les
complexes évoquent les multiples esprits et puissances qui hantent l'homme primitif"
(3l. Même si les auteurs ne précisent pas de quel type de complexe il s'agit, ils
sont suffisamment clairs. Le primitif qui n'a pas encore accédé à la "civilisation" et
manque
de conscience,
comme
nous
l'avons
relevé
plus
haut, a un
inconscient
personnel structuré de complexes primitifs. Seulement,
rien
ne nous
permet
de
savoir si ces complexes ont été refoulés et si oui par quel moyen en l'absence de
la conscience et
de la civilisation.
Il
serait
peut-être
sage
de nier
au
primitif
l'inconscient personnel, cela supprimerait du même coup le problème.
Après avoir circonscrit la nature et les caractéristiques des contenus de
l'inconscient personnel, il convient de donner quelques exemples concrets
de ces
contenus.
Il y a donc, à en croire Jung, plusieurs complexes autonomes qui peuplent
l'inconscient pesonnel. Parmi eux,
il
décrit
les
complexes
parentaux
scindés
en
complexe paternel et complexe maternel qui remplacent les complexes freudiens de
castration et d'œdipe. Jung ne conçoit pas le complexe parental dans la situation
triangulaire freudienne, mais étudie séparément, "isolément la gamme des attitudes
soit envers le père, soit envers la mère" (4l. Dans sa description des complexes
parentaux, Jung ne distingue pas avec netteté les stades de leur formation. Par
exemple dans le complexe maternel, il remonte verticalement l'histoire de l'individu
sans phases précises: la mère dévoratrice renvoie à des phantasmes de la petit€
(1), Baudouin, Ch., Op. cit., p140.
(2), Baudouin, Ch., Op. cit., p137.
(3), Baudouin, Ch .• Op. cit., p139.
(4), Baudouin. Ch., Op. cit.. p142.
- 725 -

enfance; il parlera aussi du complexe de sevrage, etc ... (O.
A parties complexes parentaux. Jung décrit le complexe de puissance qui
renvoie à la théorie adlérienne et correspond au complexe de castration freudien.
Nous disions plus haut que J'affect, en devenant complexe. peut entraîner le
moi
avec
lui.
Effectivement
des
éléments
du
moi
tombés
dans
l'inconscient
s'associent pour former ce que nous nous permettons d'appeler le "complexe du
moi". qui constituerait le centre de l'inconscient personnel. Ce complexe est désigné
par Jung sous le nom significatif d'ombre. ou de double, ou encore d'alter ego.
L'ombre apparaît dans les scènes
oniriques
et
l'imagination
sous
la
forme
d'un
véritable personnage du même sexe qu'Ego. Elle est une véritable personnification de
cette partie de nous-même que nous n'avons pas voulu accepter et que nous avons
rejetée du champ conscient, cachée dans "obscurité. dans le monde obscure de
l'inconscient. Elle est notre ombre. notre double. un autre nous-même (Alter Ego>'
Cette
partie
rejetée
à
cause
des
exigences
de
la
civilisation
n'a
pas
subi
le
processus de maturation comme le moi conscient; elle n'a pas été civilisée. C'est
pourquoi Jung l'appelle aussi le primitif.
Ainsi donc, les complexes
gravitent
autour
de l'ombre.
cet
alter ego en
désaccord avec le moi conscient qui est accepté par nous et par les autres et
"civilisé" .
Les Jungiens pensent
que
"chez
les
primitifs....
J'ombre est
souvent
une
entité
nommément
désignée
et
connue"
<2>'
L'ombre
serait
ainsi.
comme
tout
complexe, projetée dans le monde extérieur et identifiée
à une personne. à un
esprit ou à autre chose.
La
psyché
de
l'homme
"primitif"
correspondrait
ainsi
à
J'inconscient
de
J'homme civilisé; ce qui permet à Ch. Baudouin d'affirmer qu'''ici comme ailleurs.
dans notre inconscient, nous ne sommes pas si loin des primitifs" (2).
Cet ailleurs. c'est bien l'inconscient collectif que Jung a prétendu saisir à
travers J'exploration de la mentalité primitive (3). En attendant de faire une mise au
point sur ces affirmations abusives, voyons les éléments structurels de l'inconscient
collectif.
Les matériaux contenus dans cette couche, la plus profonde de l'inconscient,
s'associent en nœuds, en faisceaux, à l'instar des complexes, mais prennent le nom
d'archétypes. Dans ce sens "l'archétype ... est une manière de complexe" (4)' Mais
contrairement
au
complexe
résultant
d'éléments
refoulés,
l'archétype
est
un
complexe
inné.
L'inconscient
collectif
est
ainsi
structuré
de
points
nodaux
ou
complexes innés appelés archétypes.
L'archétype comporte trois aspects essentiels: l'image archaîque, l'archétype
(1), Baudouin, Ch .• Op. cit., p142.
(2). Baudouin. Ch .• Op. cit.. p.26.
(3). Baudouin, Ch .• Op. ciL p.64.
(4). Baudouin, Ch., Op. cit., p.181.
-
726 -

lui-même, et l'engramme (1l.
"L'image
archaïque
est
la
forme
symbolique
(ou
imagée)
sous
laquelle
l'archétype affleure à la conscience,., Elle seule peut être directement appréhendée
par la conscience" (2l. Elle comprend le symbole et l'imago qui, tout deux, "ne sont
que la manifestation d'un archétype dans une forme concrète, i.e. influencée par des
facteurs extérieurs" <3l.
Le rôle psychologique de l'image archaïque, qu'elle soit symbole ou imago,
"consiste ... dans la projection d'une force psychique, qui s'accroche à un objet réel
en le transformant, de telle sorte qu'il représente tout autant, si pas plus, la force
psychique subjective que la réalité objective" (2l.
Par ce processus, ce rôle, l'image archaïque (symbole et imago) unifie le
conscient et l'inconscient. Elle exprime la totalité psychique dans sa constellation
actuelle.
Mais dans l'imago, "cette constellation est occasionnée (provoquée) par un
objet extérieur <Concret) qui reste porteur de la projection (4)
tant que l'apport
original du sujet reste inconscient" (5l. Par exemple, dans l'image parentale,
"le
père est un être objectif et indépendant, avec lequel l'enfant entretient des rapports
bien réels.
Mais
il
se
peut que
le
père,
en
tant
qu'objet,
active
des
forces
présentes à l'état latent (dans l'inconscient de l'enfantl. Ces forces projetées dans
le père sembleront lui appartenir, bien qu'elles proviennent en fait de l'inconscient du
sujet lui-même" (6l.
Dans le cas du symbole, la constellation psychique actuelle "procède d'une
opération
spontanée
du
sujet,
opération
que
Jung
attribue
à
l'activité
des
archétypes" (7). Comme nous le verrons plus loin, ceux-ci sont autonomes comme
les complexes et constituent des centres énergétiques.
Les symboles ainsi définis apparaissent tout particulièrement dans tous les
états où situation de relâchement de la conscience "i.e. de la pensée orientée vers
des buts bien précis et dominée par la logique" (8l.
Un tel
relâchement,
qui laisse libre
cours
aux
processus
psychiques,
se
rencontre dans le rê ve chez tout homme; "chez des adultes normaux, mais vivant
dans
une
atmosphère
primitive"
(3)

les
symboles
se
manifestent
dans
la
création des mythes. "Chez l'enfant, ils se trahissent dans la fascination exercée
(1), cf Hostie, R., Du mythe à la religion (Psychologie analytique de Jung), Desclée
de Bronwer, Paris, 1955.
(2), Hostie, R., Op. cit, p57.
(3), Hostic, R., Op. cit. p64.
(4), "Jung définit la projection
comme le processus
inconscient qui attribue
un
élément subjectif inconscient à un objet, de telle façon que l'élément en question
semble lui appartenir". Hostie, R., Op. cit. p38, note 1.
(S), Hostie, R., Op. cit. p47.
(6). Hostie, R.• Op. cit. ppS7-S8.
(7), Hostie, R., Op. cit. pp.47-48
(8), Hostie, R"
Op. cit. p64.
- 727 -

par les contes de fées et les
histoires merveilleuses. Chez les malades
et
les
déséquilibrés
psychiques.
les
symboles
se
font
jour
dans
le
délire
et
les
hallucinations. Enfin, ils se révèlent, en collaboration intime et mystérieuse avec la
vie consciente, dans l'inspiration de l'artiste et du poète, dont la concentration et
l'attention sont polarisées par la force créatrice qu'ils portent en eux" (1).
L'image archaïque, sous ces deux formes, n'est donc pas l'archétype, mais
son contenu, sa représentation. L'archétype est défini comme une possibilité donnée
à priori, une disposition "à produire toujours les mêmes représentations mythiques"
(2).
Les
archétypes
sont
des
structures,
des
pures
formes,' ou
mieux,
des
éléments purement formels,
des
"facultates
preformandi".
En
tant
que
tels,
les
archétypes
ne
possèdent
aucune
existence
propre.
Ce
sont
des
centres
énergétiques, i.e. des puissances actives. ou des activités en puissance, dispositions
dynamiques qui tendent
vers
leur réalisation. Ces
centres
"désignent selon leurs
propres
lois
toute
l'énergie
psychique
spontanée
qui
n'est
pas
orientée
par
la
conscience" (3).
Comme
l'inconscient
collectif
dont
ils
sont
les
éléments
formels,
les
archétypes
sont
des
structures
innées,
universelles,
i.e.
communes
à
tous
les
hommes. Ce sont les structures de la psyché humaine.
Il ressort de cette analyse qu"'il faut distinguer le motif mythologique ou
image archaïque, affleurant à la conscience, de l'archétype ou centre énergétique qui
est leur origine et se combine avec l'apport extérieur pour les consittuer. Ces deux
réalités sont cependant inséparables, comme la matière et la forme" (4),
L'archétype, élément formel ainsi distingué de son contenu imagé, s'enracine
dans le biologique. Il "est de façon ou d'autre, très
intimement lié au processus
physiologique" (5)' Il constitue. en quelque sorte pour Jung, un caractère acquis au
cours de la phylogenèse, qui est devenu par la suite héréditaire. "L'homme s'est
trouvé régulièrement
dans
des
situations
identiques,
du
moins
fort
semblables.
Chaque fois, il a dû s'adapter au monde extérieur. Quoi de plus normal. .. que le
résultat de ces expériences répétées, qui se chiffrent non par milliers ou millions,
mais par des nombres incalculables, ait laissé une trace presque indélébile dans le
cerveau humain. Ces expériences,
bien
sûr,
ne
nous
ont
pas
enrichis
d'images
toutes faites, mais le cerveau qui s'est efforcé à tout instant de
résoudre
les
mêmes problèmes a pris certains plis. Ces plis ou cheminements des idées se sont
incrustés dans le cerveau et orientent dorénavant notre activité inconsciente" (6),
Les
archétypes
sont
donc
des
structures
bio-psychologiques
ou
(1), Hostie, R., Op. cit. p64.
(2). Hostie. R., Op. cit. p58.
(3), Hostie. R., Op. cit. p60.
(4). Hostie, R., Op. cit. p63-64.
(5), Hostie. R., Op. cit. p61.
(6), Hostie, R.• Op. cit. p61.
- 728 -

psycho-biologiques qui sont à l'origine des images, archaïques ou grandes
figures
archétypiques. Ces grandes figures archétypiques sont, comme nous l'avons vu, des
projections qui, en tant que telles, ne répondent pas fidèlement à la réalité de leur
objet, mais ne renvoient pas non plus seulement à la subjectivité individuelle de leur
production. Elles présentent des traits communs, universels, dont on retrouve des
parallèles dans les mythes de tous les peuples et de tous les temps (1).
Les grandes figures archétypiques sont nombreuses. A titre d'exemple, nous
pouvons
citer
les
mythes
de
la
création
(ou
cosmogonies),
les
mythes
de
la
naissance virginale, les mythes des formes du serpent, la figure de la Grande Mère,
l'éternel féminin, le paradis, le vieux sage ...
L'une des grandes figures ou images archétypiques les plus importantes sont
les images de la femme et de l'homme qui sont les personnifications des deux
éléments
sexués
opposés
et
complémentaires,
qui constituent
l'âme
humaine,
la
psyché. Jung a désigné ces deux éléments par les termes d'anima pour l'élément
féminin et d'animus pour celui masculin (2).
La
psyché
complète
est
constituée
de
ces
deux
éléments,
en
d'autres
termes, elle est un couple d'éléments féminin et masculin. Ainsi, tout individu, qu'il
soit homme ou femme, est un composé animus-anima. La différenciation des sexes
est seulement une question de dosage. La prédominance de l'un ou l'autre élément
détermine le sexe de l'individu. L'animus et l'anima sont respectivement la minorité
des gênes masculins dans le corps féminin et la minorité des gênes féminins dans
le
corps
masculin.
(3).
L'animus
et
l'anima,
comme
tout
archétype,
s'enracine
biologiquement et psychiquement dans la nature humaine et demeure héréditaire. Ce
couple sexué constitue la dominante de l'inconscient collectif.
Au
cours
du développement,
l'éducation,
en
valorisant,
pour
l'enfant,
les
modèles de son sexe, favorise l'émergence à la conscience des caractères de ce
sexe au détriment de ceux de l'autre, maintenus dans l'inconscient. L'individu va
donc développer normalement les traits de son sexe, projeter les traits de l'autre
sexe sur les personnes qui le portent: les parents d'abord et surtout, qui sont ses
premiers compagnons sexuels. Ainsi, le garçon projettera son anima (sa composante
féminine) sur la mère, et la fille, son animus sur le père.
Seulement comme l'importance de la mère et du père décroTt à mesure que
le fils et la fille grandissent, la figure maternelle et celle paternelle vont alimenter
de plus en plus les figures féminine et masculine inconscientes respectivement de la
personnalité de l'homme et
de
celle de
la femme.
Ces
processus
vont être
à
l'origine de certains attributs de l'anima et de l'animus, par exemple, l'image idéale
de la femme chez l'homme et celle de l'homme chez la femme.
La naissance de l'amou r
va être ainsi la projection sur une personne de
(1l, Hostie, R., Op. cit. p58.
(2), cf. Bennet, EA, Op. cit., pp.134-151.
cf. Baudouin, Ch., Op. cit., p.p.186-189.
(3), cf. Bennet, E.A., Op. Cit. p. 142.
-
729 -

l'autre
sexe
de
cette
image
idéale
de
ce
sexe,
qui
n'est
que
la
combinaison,
l'association des expériences acquises aux contacts avec les parents, expériences
introjectées, et la structure archétypique de l'anima ou de l'animus.
L'animus et l'anima sont des constellations des influences des parents réels,
des représentations sociales et culturelles. de l'homme idéal et de la femme idéale,
et des expériences personnelles des femmes, qui se combinent avec les projections
qu'elles déclenchent, des dispositions héréditaires de l'autre sexe dans la psyché de
l'Ego.
L'animus et l'anima apparaissent dans les rêves sous forme des personnages
de sexe opposé à celui du rêveur, Sous le masque de ces personnages, ce sont
l'élément
masculin
(animus)
dans
la
femme,
et
l'élément
féminin
(anima)
dans
l'homme. qui hantent les rêves, situation où la conscience est relâchée.
Dans
les
conditions
normales.
ces
deux
éléments
opposés
mais
complémentaires
de
la
psyché
se
marient
harmonieusement
et
concourent
à
l'équilibre de la personnalité de l'individu.
2.1.1.3. Le soi. la psyché.
Jung désigne par "soi" (selbst) la totalité structurée de la psychisé. i.e. la
personnalité. Le soi est ainsi constitué par le conscient, l'inconscient personnel et
l'inconscient collectif, tels que nous les avons étudiés plus haut.
Par l'inconscient collectif, qui est sa couche la plus profonde. le soi plonge
ses racines dans l'ancestralité, dans l'axe phylogénétique de l'humaine nature. De ce
fait, le soi, ou la psyché est héréditaire.
Le
terme
soi
revêt
cependant
une
signification
toute
particulière,
qui
la
différencie de la notion
de psyché
ou
personnalité. Jung l'emploie
surtout
pour
désigner la totalité psychique en tant qu'équilibre harmonieux de tous les éléments
psychiques. Dans ce sens, il est souvent le terme du processus thérapeutique que
nous allons étudier ci-dessous.
2,1.1.4. L'énergétique de l'âme et le fonctionnement psychique.
La
libido
freudienne
définie
comme
énergie
sexuelle
devient
chez
Jung
l'énergie psychique tout court qui englobe, outre l'instinct sexuel. toutes les autres
fonctions instinctuelles. La libido est l'énergie de tout instinct, ou mieux, désigne
tout instinct en tant qu'énergie.
L'énergie psychique est ainsi une poussée neutre, sans caractère propre. "En
soi, elle est radicalement indifférenciée, et susceptible, par là. de se manifester à
tout
niveau"
(1);
elle peut,
de
ce
fait,
s'investir
tant
dans
la
sexualité
(libido
freudienne) que dans le désir de puissance (d'A. Adler) (1).
Cette énergie psychique neutre, indifférenciée et poly valente, se condense en
ces faisceaux de forces que sont les complexes et les archétypes en investissant
sous forme de tendances les éléments des domaines les plus variés, pour former
(1), Hostie, R., Op. cit. p84.
- 730 -

l'inconscient, ce niveau obscur de la psyché.
Les complexes et les
archétypes
sont ainsi des centres, des nœuds, des
réseaux
à l'intérieur
desquels
la circulation
de
l'énergie
rencontre
une
moindre
résistance.
Ainsi donc, l'énergie psychique inconsciente se condense en des faisceaux ou
réseaux de forces autonomes.
Au niveau de l'inconscient personnel, ces faisceaux ou réseaux de forces que
sont
les
complexes
se
traduisent
dans
la
conscience
par
des
réactions,
des
comportements passionnels. "Excité en un point, c'est toute l'énergie du réseau qui
se précipite pour provoquer en ce point une réaction disproportionnée ... Cela permet
de comprendre le caractère tellement exagéré et
absurde qui
marque
certaines
réactions
complexuelles,
notamment
observables
dans
la
condu ite
hystérique ...
l'accès de colère violente éclatant hors de propos lorsqu'un point sensible est frôlé"
(1).
L'énergie
de
l'inconscient
collectif condensée
sous
forme
archétypique
se
manifeste au niveau de la conscience par des images archaïques symboliques. En
effet, ici, "la machine transformatrice d'énergie est le symbole" (2). Un exemple
type est ce que Jung appelle la magie, qui est le premier fruit arraché par le
primitif à l'énergie instinctuelle par la formation d'analogies.
Cette énergie inconsciente, autonome, libre, est comparée, par Jung "à un
fleuve continu qui déverse largement ses eaux dans le monde du réel" (3).
A ce courant violent, s'oppose une résistance qui n'est pas statique comme
un rocher dans le lit du fleuve, mais "un reflux qui repousse les eaux vers la
source au lieu de les laisser couler vers l'embouchure" (3).
Cette résistance active, cette énergie bloquant l'envahissement du conscient
par les flots tumultueux de l'inconscient est le conscient lui-même dans sa fonction
d'esprit que nous avons étudié plus haut. Nous avons vu que l'esprit jungien est
l'équivalent du surmoi freudien, mais constituant tout le champ conscient avec, au
centre le moi armé de la volonté qui analyse cette énergie sauvage, capricieuse,
bloquée, coincée dans les faisceaux archétypiques et complexuels.
Dans des conditions normales, au lieu de refouler cette énergie en totalité, le
moi-volonté
la
mobilise
en
partie.
la
redistribue
dans
des
secteurs
d'activité
consciente.
La conscience (ou l'esprit) avec tout ce qu'elle implique de moi, de volonté,
de logique ... est, nous l'avons vu, la fonction active de l'homme civilisé. Le primitif
qu i n'a pas de conscience manipule, à la place de la volonté, les rituels qui ont
pour fonction de mobiliser l'énergie (4),
(1), Baudouin, Ch., Op. cit., p.160.
(2), Baudouin, Ch., Op. cit., p.165.
Hostie, R., Op. cit. p65.
(3), Baudouin, Ch .• Op. cit., p.166.
(4). Baudouin, Ch"
Op. cit., p.164.
- 731 -

Ainsi
donc,
les
sources
énergétiques
sont
au
niveau
inconscient
les
archétypes
et
les
complexes,
et
au
niveau
conscient,
la
volonté.
L'énergie
inconsciente circule librement alors
qu'elle
est
liée,
orientée et
utilisée
dans
le
système conscient.
Quelle est la relation entre cette énergie
psychique
et
celle
physique ou
biologique?
Bien
que Jung
affirme
"que
la
psyché
lui
paraît
être
un
système
suffisamment
clos,
pour
que
l'énergie
qui
s'y
dépense
mérite
d'être
spécifiée,
distinguée du moins de l'énergie physique" (1), il admet cependant la difficulté "de
tracer une frontière entre psychologie et biologie, et qu'on est très vite amené à
parler d'énergie vitale" (2l.
2.1.2. Théorie traditionnelle Nawda.
2.1.2.1. Enveloppe corporelle et persona.
La persona jungienne présente quelques analogies avec l'enveloppe corporelle
nawda,
le
Gbanu.
En
effet
comme
celle-ci,
la
persona
est
le
paraître,
le
phénomène; c'est l'aspect perceptible, observable.
Cependant,
les
différences
entre
les
deux
éléments
sont
profondes
et
essentielles; d'abord la persona est un aspect de la psyché qui est opposée au
corps. C'est le phénomène social, le moi social. Elle n'est observable, sensible que
dans ses fonctions sociales.
Le Gbanu nawda est Ego total; c'est le mode corporel d'être de l'Ego, son
existence physique, sensible. Ce n'est pas un élément séparable du reste de l'Ego.
C'est Ego tout entier du point de vue biologique, physique.
Ensuite, la persona est un masque construit par Ego pour cacher ce qui
n'est pas toléré, accepté par lui et par la collectivité. C'est un faux self, le paraître
opposé à l'être avec qui il peut être en
contradiction
flagrante.
Le corps,
par
contre, est une donnée naturelle, la dimension sensible de l'être. Il ne peut entrer
en contradiction avec l'être dont il est l'apparence.
2.1.2.2. Persona et Kawatia.
La persona, en tant qu'aspect de la psyché et carapace protectrice, système
de défense sociale, rappellerait plus le Kawatia nawda. Comme 1 ui, en effet, il sert
de bouclier, de paravent à Ego dans ses relations avec l'environnement social.
Toutefois la persona, comme nous l'avons vu, est une construction. C'est le
résultat
de l'expérience psychique,
alors
que le Kawatia,
comme
le
Gbanu
est
héréditaire,
et
constitue
Ego
total
en
tant
que
combattant.
C'est
par
cette
dimension qu'Ego entre dans la dialectique interactionnelle avec le cosmos, le monde
spirituel et le monde social.
(1), Baudouin, Ch., Op. cit., p.162.
(2), Baudouin, Ch., Op. cit., p.163.
-
732 -

La persona jungienne semble se réduire au moi social, surtout la
fonction
sociale. Nous avons vu que c'est plutôt en tant qu'être corporel qu'Ego participe à
l'activité sociale. l'énergie vitale se traduisant par l'énergie corporelle investie dans le
social. Le Kawatia n'intervient dans les rapports
sociaux que pour protéger
Ego
contre les agressions.
Le Kawatia, par ailleurs, ne peut entrer en conflit contre Ego comme c'est le
cas entre persona et moi.
2,1.2.3. Le double jungien et Lili'igo nawda.
Le double jungien. encore appelé l'ombre. est constitué par les éléments du
moi refoulés parce qu'inacceptables. C'est une sorte de dédoublement du moi; c'est
pourquoi il est appelé l'alter ego. Le moi se scinde donc en deux parties dont l'une
est refusée, réprimée, rejetée dans l'ombre de l'inconscient parce que dépréciée.
mauvaise, alors que l'autre, jugée bonne, est
valorisée,
développée et
maintenue
consciente,
Nous avons vu que Lili'igo nawda signifie aussi l'ombre. Mais il n'a rien à voir
avec l'ombre jungienne. Il n'est pas le fruit d'une
scission,
d'une
division,
Il
ne
s'oppose pas au moi; il n'est même pas
séparable, autonome, c'est la dimension
ancestrale de l'Ego, c'est Ego en tant que parcelle de l'Ancêtre.
Et puis, il est Ego transformé par la mort.
ce
grand
passage.
en être
spirituel, non sensible, intégré à l'ancestralité. retourné à l'Ancêtre, Chez le Nawda,
l'énergie ne se dégrade pas, elle se conserve dans le processus de transformation,
C'est
pourquoi,
même
après
la
mort,
le
Lilïigo
peut
revêtir
les
apparences
corporelles,
2.1.2.4. Représentations collectives et inconscient collectif.
Si nous suivons le raisonnement de Jung, qui fait d'ailleurs échos
à bien
d'autres, tels que Levy-Bruhl, Pierre Janet, Freud, ... les représentations collectives,
telles que nous les avons analysées dans le Livre 1 de
notre
travail,
sont
des
projections de l'inconscient collectif. Tous les esprits, les génies ... qui constituent le
monde d'en-bas, seraient des éléments psychiques. des
fragments
de la psyché
inconsciente universelle personnifiés et projetés dans la réalité extérieure. Jung va
même plus loin: ces personnifications traduisent chez les primitifs, qui ne sont pas
différents des enfants. un adualisme, un état indifférencié où le sujet et l'objet r.e
sont pas distincts. Les forces magiques, 1 es démons,
qui
peuplent
l'univers
des
primitifs constituent ou traduisent l'identité entre le sujet et l'objet. En effet, "la
nature débute par la condensation, et c'est à la conscience claire qu'il incombe
ensuite de décondenser"
(1J. Ainsi donc. les projections sont premières. et
leur
retrait vient ensuite (2) par l'œuvre de la conscience. C'est pourquoi les projections
rencontrées au cours de l'analyse thérapeutique sont les résidus. (chez le civilisé,
(1), Baudouin, Ch., Op. cit., p.8!.
(2), Baudouin, Ch., Op. cit., p.78.
-
733 -

de cette identité primitive) chez le malade civilisé; donc elles sont une régression au
stade d'adualisme primitif (1),
Il en découle que tous les rituels religieux, curatifs."
seraient les substituts
de
la
volonté ayant
pour fonction
de
mobiliser
l'énergie
psychique,
puisque
les
primitifs n'ont pas de conscience, et, partant, pas de moi, ni de volonté, Ce qui fait
que l'inconscient collectif fonctionne chez eux sans barrage, sans résistance.
Toutes ces affirmations auraient quelques fondements hypothétiques si l'on se
plaçait
dans
une
perspective ethnocentrique
et
évolutionniste
qui
était
celle
de
l'auteur, Or, une telle perspective fait preuve d'une incapacité de décentration au
sens piagétien du terme. Ceux qui interprètent les choses dans cette perspective
donnent l'impression de ne pouvoir sortir de leur propre culture pour voir les autres
telle qu'elles, Ils paraissent incapables de se décentrer de leur point de vue pour
juger les choses du point de vue des autres.
Nous
prêtons
donc
de
bonnes
intentions
à
Jung,
car,
nous
sommes
convaincus que, s'il vivait à notre époque où ces croyances ethnocentriques dites
scientifiques sont de plus en plus abandonnées au profit de véritables recherches
objectives, il aurait vu les choses autrement.
Pour
ces
raisons,
nous
n'allons
pas
nous
lancer
dans
une
polémique
passionnelle. Quelques mises au point s'imposent toutefois.
Remarquons
tout
d'abord
que Jung
a parfaitement
le
droit
de
comparer
plusieurs époques d'une même culture, en l'occurence, celle occidentale qu'il est
censé bien connaître. Le terme de primitif peut dans ce cas seulement s'appliquer
aux étapes les plus reculées dans l'échelle de l'évolution de cette société. Mais
quand il se croit autorisé à interpréter les autres cultures à l'aide d'une grille de
lecture construite
à partir
des
données
de la
culture occidentale
prise
comme
référence, et se permet, par ce biais. d'étendre abusivement la notion d'adualisme
observé chez l'enfant aux adultes de ces cultures inconnues de lui. et de les traiter
de primitifs. cela frôle un manque d'esprit de discrimination que Jung revendique
avec véhémence comme critère de civilisation.
D'un autre
côté,
si Jung entend
par conscience
le
raisonnement
logique
comme il l'a d'ailleurs clairement affirmé. nous regrettons qu'il n'ait pas pris la
peine d'étudier en soi ces sociétés dites primitives que 1es ethnologues s'accordent
pour
reconnaître
comme
pêchant plutôt
par
excès
de
logique
déterministe,
en
cherchant, au-delà des
phénomènes
aléatoires
qu'elles
connaissent
très
bien.
la
cause
première
et
nécessaire
des
évènements.
comme
nous
l'avons
montré
ci-dessus. Si par contre
la
logique jungienne
désigne
le
rationalisme
positiviste,
véritable caricature de la logique, ce serait bien dommage que cet auteur se soit
laissé engluer dans l'obscurantisme prétentieux de cette dernière tendance qui ferme
la voie à la recherche scientifique en condamnant à l'inexistence ce qui dépasse
actuellement les instruments de la raison humaine; le rationalisme donne en effet à
croire que la science. à son stade actuel. a résolu tous les problèmes, qu'elle ne
(1). Baudouin, Ch., Op. cit.. p.7a.
- 734 -

peut avoir qu'un seul instrument pour les résoudre: la logique qui, par son principe
central de non contradiction, épuise toutes les possibilités, toutes les potentialités
de l'intelligence humaine. Dans ce sens, quand on ne peut démontrer logiquement
l'existence ou l'inexistence d'une chose, on préfère affirmer son inexistence, c'est
plus scientifique.
Par ailleurs, présenter les rituels comme
substituts de la volonté chez le
primitif qui en est dépourvu fait preuve d'un jugement gratuit et étriqué. Traiter des
personnes adultes qui se sont adaptées à de dures conditions de la nature comme
manquant de volonté, trahit un manque d'esprit de discernement et d'analyse de
situation. Et puis faire de la production des rituels l'apanage des seuls
primitifs
montre une certaine hypermétropie chez Jung. En effet, cet auteur, dont le père
était pasteur, ne peut pas nous dire qu'il n'a jamais rencontré de rituels dans la
société qui est la sienne et qui était déjà à son époque le modèle de la civilisation.
Les rituels existent dans toutes les sociétés. modernes comme
traditionnelles, et
sous les formes les plus variées, depuis la liturgie religieuse jusqu'aux cérémonies
officelles. Pour comprendre
ces
rituels,
il
suffit
d'interroger
chaque
culture.
La
religion chrétienne qui était celle de Jung, a combiné dans
sa liturgie les rituels
judaïques, romains, etc. Ces
rituels
chrétiens,
richement
colorés
et
variés,
ont
malheureusement échappé à Jung qui y baignait comme un poisson dans l'eau. C'est
dommage qu'il
ait
été obligé d'aller
dans
des
forêts
vierges
à des
milliers
de
kilomètres pour chercher ce dans quoi il baignait et qui constituait sûrement la
trame de sa psyché inconsciente. Il a opéré là une projection sans le savoir.
Quant
à
la
croyance
aux
esprits,
nous
voulons
bien
que
ce
soit
des
projections
des
fragments
psychiques.
Jung
a
parfaitement
le
droit
de
les
interpréter comme il veut, mais là où nous ne lui laissons pas cette liberté c'est à
partir du moment où il semble en faire l'apanage des peuples dits primitifs. Le
monde
spirituel
n'existe
pas
que
chez
ces
peuples;
sans
entrer
dans
une
énumération fastidieuse. nous nous contentons de renvoyer Jung encore une fois à
la religion chrétienne où il a grandi: la croyance aux anges. aux mauvais esprits
groupés sous le nom de démons, n'est pas plus scientifique que ce qu'on
peut
trouver ailleurs.
Pour ce qui concerne la magie, Jung laisse encore entendre que c'est une
attitude propre aux dits primitifs. Evidemment, puisqu'ils ne sont pas différents des
enfants, leur développement psychologique ne dépasse pas le stade magique de ces
derniers. Là
encore,
Jung
a
mieux
vu
ce
qui
était
plus
loin
que
plus
près:
l'occultisme habillé du terme de "sciences occultes" n'est pas de la magie parce
qu'occidental, donc civilisé.
On peut allonger la liste à l'infini. Nous remarquons
tout simplement que
Jung aurait pu
exploiter
ce
riche
matériel
pour étudier
à
fond
sa
société,
sa
culture. au lieu de prétendre que ce qu'il trouvait dans des cultures qu'il connaissait
très mal lui permettait de mieux comprendre la sienne dite plus avancée.
- 735 -

2.1.2.5. Energie psychique et force vitale.
La
notion
d'énergie psychique
chez Jung est
plus
intéressante
et
moins
étriquée que
chez
Freud.
Et
puis Jung, bien
qu'hésitant, ne
s'empêche pas
de
penser que c'est la même énergie qui serait à la fois psychique et biologique, et la
désigne sous le terme significatif d'énergie vitale (1).
Dans ce sens étendu, la notion jungienne d'énergie couvre celle nawda, que
nous avons étudiée ci-dessus.
D'autre part, comme Jung, le Nawda distingue l'énergie cosmique (physique)
dont tous les êtres sont des
condensations et
l'énergie vitale,
que
nous
avons
appelée force vitale, qui est la forme vitale de l'énergie cosmique.
Un troisième point de convergence est la tendance qu'a cette énergie à se
condenser en noeuds de forces.
Mais si ces noeuds de forces sont, pour Jung, des illots, des fragments
autonomes
de
la
psyché
qui
s'opposent
et
que
l'auteur
appelle
complexes
et
archétypes,
le Nawda les
considère comme des
êtres
entiers.
Chaque
individu,
chaque être, est une condensation d'énergie en noeud de force. Chaque noeud de
force, en
tant
qu'être
total, entre
en
interaction
avec
les
autres
noeuds.
Les
oppositions
conflictuelles
se
déroulent
donc
en
dehors
et
non
à
l'intérieur
de
l'individu. Ego, être en harmonie, entre en interaction conflictuelle avec les éléments
du monde extérieur social et physique.
2.1.2.6. Animus-Anima et couple de Nane'e.
Nous
avons
vu, en étudiant
le
composé
humain
chez
les
Nawdeba
que
l'aspect Nanega de chaque personne, qu'elle soit homme ou femme, est symbolisé
par un coupl e d'araignées mâle et femelle.
Nous
sommes
convaincu
que
si
Jung
avait
été
en
possession
de
ces
informations, il les aurait traitées à l'aide de sa grille et en aurait automatiquement
tiré
une
projection
d'animus
et
anima.
Même
si
l'on
doit
appliquer
la
grille
d'interpré tation jungienne, on
ne peut
parler
de
projection
puisque
ce
symbole
renvoie au composé humain lui-même. Tout être humain, pour le Nawda comme
pour Jung, est
composé
d'un principe
féminin
et
d'un
principe
ma sculin.
Cela
montre que la pensée dite primitive ne se nourrit pas seulement de projections
personnifiées.
Mais le couple de Nane'e n'est pas un couple divisé dont l'un des conjoints
serait
maintenu
conscient
et
projeté
sur
le
sexe
opposé.
L'unité
parfaite,
harmonieuse qui est l'objet recherché par la cure de la psychologie analytique existe,
naturellement, dans ce couple. Quand le Nanega est dissocié et enchaîné loin de
l'Ego, il l'est en tant que couple tout entier. En d'autres permes, le Nanéga ne se
sépare pas de la structure de l'Ego parce qu'il y a conflit interne au couple; c'est
plutôt une agression extérieure.
(1), Baudouin, Ch., Op. cit., p.163.
-
736 -

2.2. REPRESENTATION DE LA MALADIE.
2.2.1. Psychologie analytique.
2.2.1.1. Conflit, complexes, archétype et la maladie.
Pour Jung. la maladie mentale est la résultante de conflit entre le conscient
et l'inconscient, entre l'esprit, ce surmoi jungien, et les tendances instinctuelles. Ce
conflit peut aboutir à un divorce entre les complexes et les archétypes d'une part
et le moi conscient de l'autre. La maladie mentale est la manifestation, l'expression
de ce divorce. Les complexes et les archétypes échappant au contrôle de la volonté
vont être projetés par le malade sous forme d'imagos, et de symboles dans ses
relations avec la réalité extérieure, ou apparaître dans les scénarios oniriques.
Ainsi, l'identification malsaine avec la persona est une tentative de résoudre
le conflit entre cette dernière et le moi authentique. Il va y avoir donc divorce entre
les deux. Le moi refoulé dans
l'inconscient
devient
le
complexe
de l'ombre,
ce
personnage onirique, de même sexe, menaçant et effrayant qui
hante
les
rêves
souvent angoissants et terrorisants de l'Ego. L'ombre peut être aussi projetée sur
certaines personnes et aller jusqu'à créer un délire de persécution qui empoisonne
les relations avec l'autre.
De même. quand il y a divorce entre l'animus et l'anima, l'un des principes
sexués est maintenu dans l'inconscient
(collectif) et
devient objet
de
projections
personnifiées ou un personnage onirique de sexe opposé.
Le symbole archétypique non accepté, incompris par le conscient, agit comme
un corps étranger qui
s'oppose
à
la
conscience
et
la
"tyrannise
sous
forme
d'esprits. de voix, d'allucinations et d'autres symboles névrotiques et psychotiques"
(1).
2.2.1.2. Processus pathologique.
Il ressort de ce qui précède que le processus pathologique d'après Jung est
une dissociation de la psyché. Les complexes et les archétypes, ces faisceaux de
forces, se détachent de la conscience comme des âmes partielles autonomes. C'est
le divorce entre le conscient et l'inconscient qui entraîne ce processus dissociatif.
Ce
divorce
intervient
quand
l'inconscient
échappe
au
contrôle
de
la
conscience, soit parce que le moi s'est affaibli, soit parce que l'inconscient a une
force exceptionnelle. L'inconscient envahit alors le conscient et se traduit par des
réactions passionnelles, ou délirantes dont nous avons parlé plus haut.
La
psyché
jungienne
constituée
de
paires
opposées
et
couplées
dont
l'ensemble est en principe contrôlé par le soi, la dissociation en cas de maladie
consiste en cassure de ces paires. La scission entre animus et anima a lieu quand
l'individu
s'identifie
à
l'un
des
principes
sexués.
Il
peut
refuser
d'accepter
la
composante de l'autre sexe qu'il maintient dans l'inconscient, ou bien s'identifier à
(1) .. Hostie. R., Op. cit. p65.
- 737 -

elle et refuser son propre sexe. Le divorce peut s'installer entre le moi et l'ombre,
le double, entre l'introversion et l'extraversion ainsi qu'entre les diverses fonctions.
C'est la partie rejetée, ou non émergée à la conscience, qui constitue un
complexe ou un archétype autonome, menaçant et envahissant le conscient. Cette
partie est projetée dans la réalité extérieure comme un non-moi. Ce
processus
s'observe plus particulièrement dans le délire de persécution.
2.2.1.3. Névrose et psychose.
Jung
n'établit
pas
une
dinstinction
assez
nette
entre
la
névrose
et
la
psychose. Il souligne seulement que la psychose est un trouble de la fonction du
réel.
Il
tire
cette
conclusion
à
partir
de
l'observation
de
la
schizophrénie
ou
démence précoce qu'il
a particulièrement
étudiée.
La
psychose,
dissociation
plus
profonde. est beaucoup plus en conflit avec l'inconscient collectif. Le moi faible cède
devant les flots tumultueux de l'inconscient collectif qui envahit la conscience. Le
délire psychotique véhicule des lambeaux, des
morceaux
de
l'inconscient
collectif
sous forme de symboles ou d'images archétypiques.
La
névrose,
au
contraire,
est
définie
comme
un
échec
d'adaptation
nécessaire. Dans ce sens, il traduit
davantage un
conflit entre
le
conscient
et
l'inconscient personnel.
C'est pourquoi
le
matériel
individuel
prédomine
dans
les
productions
projectives
et/ou
oniriques
névrotiques,
trahissant
ainsi
les
ratés
d'expériences adaptatives du sujet.
Ainsi donc, la dissociation de la psyché se fait, dans la psychose, au niveau
de l'inconscient collectif. Evidemment, quand le fondement même de la psyché est
brisé, tout le reste s'envole: l'inconscient personnel ainsi que la conscience. Dans la
névrose. la désorganisation concerne surtout l'inconscient personnel mais
pouvant
descendre un peu plus en profondeur.
2.2,1.4. Genèse de la maladie.
Comme
Freud,
Jung
postule
l'étiologie
infantile
des
maladies
psychiques,
Celles-ci constituent
les
errements
d'un
développement
perturbé.
En
effet,
les
conflits surgissent devant "incapacité du sujet à s'adapter à la réalité intérieure et
extérieure. C'est une déviation dans la trajectoire évolutive normale
de
l'énergie.
"Dès qu'un obstacle. de quelque nature qu'il soit.
se
met en
travers
du
cours
normal de l'énergie, le développement psychique est enrayé" (1). Le flot de l'énergie
ainsi bloqué s'accumule sur place, et quand sa force de pression s'intensifie, il
déborde,
cherche
un exutoire.
Ne pouvant
aller
de
l'avant.
"l'énergie
psychique
remonte le courant et reprend le chemin qu'elle avait déjà parcouru" (1), réactivant
ainsi les états antérieurs infantiles et
s'investit
dans
des
réactions
régressives.
inefficaces dans l'adaptation au monde adulte.
Mais la maladie. pour Jung, ne se réduit pas à ces égarements négatifs de
l'énergie psychique; elle
constitue aussi une
force
constructive
et
créatrice
de
(1), Hostie, R., Op. cit. p35.
- 738 -

l'avenir de la personnalité. Dans ce sens, la régression n'est pas uniquement un
retour en arrière. "Elle manifeste tout autant le désir d'aller
de l'avant"
W. Le
retour
en
arrière
est
intentionnellement
la
recherche
des
moyens
d'adaptation
autrefois réussis. "II y a donc en fait un double mécanisme dans toute régression,
Négativement, elle est un échec devant la réalité; mais positivement, elle est la
recherche d'une solution hélas avec des moyens
dépassés
ou
infantiles"
(1).
Le
psychotique régresse jusqu'à l'inconscient collectif, utilise les moyens de solution plus
primitifs qu i remontent au-delà de l'histoire individuelle et puisent dans les réserves
phylogénétiques. Le névrosé résoud les problèmes d'adaptation avec les mécanismes
immatures mais puisés dans l'expérience individuelle.
Contrairement à Freud, Jung ne conçoit donc pas la genèse de la maladie
comme causale. Il évite d'invoquer des causes pour expliquer la régression, telles
que la fixation au père, à la mère, fixation au stade oral, etc. La régression est un
processus plutôt finalisé: elle est provoquée par la nécessité de rechercher à tout
prix une solution au
problème
d'adaptation
par
les
chemins
les
plus
détournés,
Régresser est une façon, pour le malade, de contourner "obstacle qui l'empêche de
s'adapter. C'est pourquoi elle exprime
l'état
inférieur
avec
le
langage
de
l'état
supérieur adulte, La fonction psychique qui se prête le mieux à cette expression est
le
symbole qui, bien
qu'appartenant
au
niveau
supérieur,
traduit,
exprime
l'état
inférieur; par exemple, "l'église-mère pourra dégager l'énergie psychique qui s'est
investie dans une fixation à la mère et l'élever au niveau religieux" (1),
Dans ce sens, ce qui compte, ce qui doit retenir plus l'attention, ce n'est
pas la régression en tant que retour en arrière, mais en tant que tentative avortée
d'adaptation, et, comme dit Freud, un compromis. C'est dans cette optique que la
névrose est, pour Jung. "la tension entre l'attitude adulte désirée, mais irréalisable
et l'attitude infantile réalisée mais indésirable. Comme la fièvre, elle est symptôme
d'un déséquilibre, mais en même temps, elle est effort de rétablissement" (1). Ainsi,
"dans
la
névrose
comme
symptôme
d'une
adaptation
défectueuse,
les
troubles
sexuels
sont
bien
plus
des
conséquences...
des
reflets
que
des
causes
(du)
déséquilibre" (2) psychique.
2.2.2. Maladie dans la cure nawda et conception jungienne.
2.2.2.1. Processus pathologique.
Nous notons quelques analogies entre les conceptions nawda et jungienne en
ce qui concerne le processus de la maladie: celle-ci est dissociation de l'Ego.
La dissociation jungienne se fait entre le conscient et l'inconscient, entre la
persona et le moi, entre le moi et le double, entre l'animus et l'anima, et dans les
cas les plus graves entre Ego et la phylogenèse qui est l'inconscient collectif qui
(1), Hostie, R., Op. cit. p35.
(2), Hostie, R., Op. cit. p36.
- 739 -

remonte à l'Ancêtre. Ce divorce interne est lié à un trouble de relation de l'Ego
avec l'extérieur (échec d'adaptation ou trouble de la fonction du réel).
Nous avons vu que chez le Nawda, la maladie est aussi une désorganisation
de l'Ego en tant qu'existence individuelle, consécutive à une désarticulation entre lui
et ses objets de relation extérieure dont l'ancestralité.
Cependant,
le
Nawda
conçoit
Ego dans
sa
totalité.
et
non
seulement
la
psyché. Et puis, chez Jung, si la désorganisation est due à
la faiblesse du moi
comme elle est due à la faiblesse de Kawatia chez le Nawda. elle n'est pas une
attaque persécutive venant de l'extérieur, elle est indirectement l'œuvre de l'Ego qui
refuse d'accepter et d'intégrer la totalité de sa psyché. Cela veut dire qu'en fin de
compte, le conflit est d'abord interne à Ego, le divise, et ce sont certains éléments
considérés comme mauvais qui sont projetés dans
la réalité,
entraînant, comme
conséquence. des difficultés, des troubles de relation
avec cette
dernière.
"Toute
contradiction interne. qu'elle soit délibérée ou non, aboutira fatalement à la névrose"
{11. Alors que chez le Nawda, le conflit avec l'extérieur est premier. la dissociation
interne étant la conséquence.
2.2.2.2. Etiologie et genèse de la maladie.
Le
Nawda
invoque
une cause
comme
élément
central.
essentiel,
dans
la
genèse de la maladie. La maladie ne peut se développer sans cause précise et bien
définie. Le Nawda situe cette cause à l'extérieur de l'Ego. Le processus dissociatif
est une attaque persécutive actuelle qui ne se construit pas au cours de l'histoire.
Elle désorganise actuellement l'énergie vitale.
Jung, par contre, conçoit la maladie comme u ne genèse historique, mais en
même temps, il met la causalité
entre
parenthèses;
il
ne
définit
aucune
cause
precise
qui
se
situerait
avec
exactitude
à
l'une
des
phases
critiques
du
développement
comme
le
fait
Freud.
Même
la
faiblesse
du
moi,
ou
la
force
exceptionnelle de l'énergie inconsciente, ne sont pas retenues comme des causes
suffisantes. /1 met plutôt l'action sur la genèse finalisée de la maladie. La maladie
est une recherche de l'équilibre rompu par l'incapacité d'adaptation. c'est une lutte
contre
le
mal-obstacle.
La
désorganisation
est
plus
un
symptôme
de
l'échec
d'adaptation que d'une attaque. d'une agression intérieure ou extérieure.
2.3, PRATIQUES THERAPEUTIQUES.
2.3.1. Thérapeutique jungienne,
2.3.1.1. L'objectif poursuivi.
L'objectif poursuivi par la cure de la psychologie analytique est ce que Jung a
appelé
le
processus
d'individuation,
i.e.
'Tépanouissement
de
l'individu
en
sa
(1), Hostie. R.• Op. cit. p67.
- 740 -

totaiite Derso'1nelle.
1 c esli
le but essentiel que vise la DSYChologie analytique' (1).
Lindividuation, :'est le devenir soi-même.
Il s'agit, pour l'analyste, d'amener
le malade à réintégrer, autour du centre de gravité, d'équilibre, qu'est le soi ou la
personne, les éléments de la psyché dissociée.
Pour atteindre cet objectif final, le thérapeute doit viser a provoquer chez le
malade la prise de conscience de ces parties de lui-même, ces
morceaux
de
sa
psyche, qui flottent dans 1ombre, le fonds obscur de 1inconscient comme des corps
etrangers, menaçants et dangereux. Cette prise de conscience doit conduire Ego a
les reconnaître comme siens, comme faisant partie de sa psyché.
Par
lindividuation,
l'homme
permet
consciemment
à
ses
aptitudes
de
se
développer sans
entrave, en
Incorporant
les
dispositions
inconscientes
à
l'attitude
consciente.
L'individuation
conduit
donc
à
la
confrontation - intégration
de
la
conscience et de l'inconscient.
2.3.1.2. Diagnostic et histoire du malade.
Jung admet, comme nous l'avons vu, les facteurs historiques dans la genése
de la maladie. Les expériences de l'individu dans la prime enfance et au cours de
son
développement
sont
importantes
pour
son
équilibre
futur.
Ses
attitudes
primaires
face
aux
tendances
instinctuelles
conscientes
et
inconscientes
de
sa
psychique sont des facteurs importants comme prédispositions à la maladie.
Mais comme Jung 'met la causalité entre parenthéses au profit de la finalité,
il s'occupe trés peu du diagnostic étiologique. Il ne s'acharne pas, comme Freud, à
remonter
le
cours
de
l'histoire
du
malade,
à
la
recherche
des
racteurs
qui
pourraient
constituer
les
causes
de
sa maladie.
S'il
s'intéresse
aux
expériences
passées du malade, c'est en tant que facteurs intervenant dans la réaction actuelle
comme symptôme d adaptation
avortée.
C est dans
ce
sens
surtout
que
lanalyse
anamnestique est utilisée comme prelude à 1analyse proprement dite (2l.
2.3.1.3. Méthode synthétique ou constructive.
Prenant à son compte la fameuse découverte de Freud que le rêve est la
voie royale qui conduit vers 1inconscient, Jung fait du rêve le matériel essentiel et
presqu'exclusif de son analyse. Il trouve que l'analyse du matériel tout venant risque
d'égarer l'analyse loin du véritable nœud de la maladie.
A l'analys e du rêve, Jung applique la méthode dite synthétique ou constructive
par opposition à la methode
réductive
de Freud qui 'interprète toute expression
symbolique comme un simple signe de réalité sexuelle"
(3),
en perdant
de vue la
véritable portée du synr,bole.
Rappelons que pour Jung, le symbole est différent du signe qui renvoie à un
(1), Hostie, R., Op. cit. p68.
(2), Baudouin, Ch., Op. cit. p239.
(3), Hostie, R., Op. cit. p45.
-
741 -

signifié precIs. Le symbole est plutôt l'expression ramassée, condensée de plusieurs
signifiés, d'une constellation de faits psychiques divers et même disparates, Il est
l'expression
imagée
consciente
d'un
faisceau
de
tendances,
de
phénomènes
énergétiques inconscients, i.e. d'un complexe ou d'un archétype. Dans ce faisceau de
tendances (complexe ou archétype), il peut y avoir l'instinct sexuel auquel on n'a pas
le droit
de
réduire
tout
le
symbole.
Or,
Freud
ne
prend
en
considération
que
l'instinct sexuel en ignorant les autres tendances.
A cette méthode réductive freudienne, Jung "oppose ... comme complément et
non comme substitut ... la méthode synthétique ou constructive" (1). Celle-ci part des
expressions symboliques de l'inconscient
"qui nous présentent par anticipation les
possibilités d'une évolution psychique à venir" (1), puisque la maladie, exprimée dans
les symboles, est considérée par Jung comme une tentative de guérison (2). C'est
donc moins les attitudes réelles passées vis-à-vis des objets et des personnes, que
celles subjectives actuelles à leurs égards que la méthode constructive cherche à
découvrir. Elle ne cherche pas à savoir d'où vient la maladie, mais où elle va; elle
ne cherche pas à l'arracher comme une dent malade, répétant par là l'erreur de la
vieille médecine qui luttait à tout prix contre la fièvre (2),
La méthode synthétique jungienne utilise, certes, les mêmes instruments, les
mêmes
matériaux
que
celle
réductive
de
Freud;
elle
étudie
les
parallèles
mythologiques, folkloriques, littéraires (3), Mais elle est orientée vers le déploiement
futur
de
l'individu
dans
sa
réalisation
personnelle;
elle
vise
la
construction,
la
synthèse de l'individu. Elle part de l'inconscient, ce fonds collectif dans l'individu, qui
affleure à la conscience par les expressions symboliques pour extraire le malade,
l'individualiser, te construire en tant que totalité personnelle autonome.
La méthode réductive, quant à elle, part de l'individu, fait une anatomie de
son histoire pour découvrir dans son passé les attitudes collectives; elle fait donc
l'inverse de celle constructive. Si une telle méthode est maniée de façon exagérée
et unilatérale, elle devient destructive (4), désorganisatrice du psychisme, car elle le
dépèce pour enlever, extraire le mal, mais ne rassemble pas les
morceaux; elle
détruit sans reconstruire, analyse sans synthétiser.
Cependant, pour Jung, cette méthode réductive, qu'il
ne
rejette
pas
mais
trouve incomplète, "est spécialement indiquée pour le traitement psychothérapeutique
des gens relativement jeunes...
Il est
(en effet)
capital à
cet
âge d'intégrer la
sexualité à l'ensemble de la vie psychique. Quand il y a stagnation ou régression, ce
sera surtout à cause d'une intégration déficitaire de la sexualité ...
A cet instant, l'énergie psychique est encore dans une période
de vitalité
débordante. Dès que l'obstacle, sous forme de fixation infantile par exemple, a été
(1), Hostie, R., Op. cit. p45.
(2), Baudouin, Ch., Op. cit. p233.
(3), Hostie, R., Op. cit. p47.
(4), Baudouin, Ch., Op. cit. p234.
- 742 -

éliminé. l'énergie se précipite de soi dans la bonne direction, Il s'agit donc moins de
diriger cette énergie que de lui enlever l'obs tacle" (1 J. Chez les gens plus avancés
en âge. où les problèmes sexuels sont sinon résolus. du moins dépassés. "il est
trop
tard de refaire le
chemin
même
si
l'on
s'est
égaré en
route,
Une
seule
solution s'impose: c'est de s'accommoder le mieux possible du passé irrévocable en
vue de l'avenir, Plutôt que de vouloir retourner au point de départ trop distant. il
faut rejoindre au plus vite la route par un biais" (0,
2,3,1.4. Les techniques de la méthode,
Pour
l'interprétation
des
rêves.
Jung
préfère
à
la
technique
freudienne
d'association libre celle dite du
'contexte du rêve" ou méthode d'amplification, C'est
une technique d'associations moins libres. moins lâchées en tous sens. plus centrées
sur les éléments du rêve qui sont des indicateurs à ne pas perdre de vue,
"L'amplification est donc une sorte de travail d'association délimité. cohérent
et dirigé. qui ramène toujours à la quintessence du rêve et qui cherche à l'élucider
en l'éclairant de tous les côtés possibles" (2 J,
Jung rejette la technique d'association libre parce qu'elle
peut
conduire
à
n'importe quel complexe qui ne soit pas nécessairement celui du rêve. S'il ne s'agit
que de chercher des complexes. on n'a pas besoin de rêve pour cela. Il suffirait
d'utiliser n'importe quel thème banal. même un jeu de cartes, Il suffit de quelques
chaî nons d'associations pour plonger dans les complexes pour la détection desquels
les
rêves
sont
superflus
(3 J.
Pour
Jung.
cependant.
le
rêve
est
le
meilleur
révèlateur du complexe, c'est "un indicateur particulièrement actif. Il inspire plus
que le fait divers" (3). Le rêve est l'expression du fonctionnement naturel et inné
de la psyché. qui indique le chemin à suivre pour lib érer du complexe. La névrose
étant la tentative avortée de guérison. le rêve. cette expression non provoquée de
l'inconscient "n'est pas un reflet passif des désirs et de leurs conflits. mais une
activité autonome pour compenser ceux-là. pour résoudre ceux-ci" (4J,
Ce sont les raisons pour lesquelles Jung préfère se centrer sur le rêve,
cette
production
spontanée et
naturelle
de
la
psyché.
plutôt
que
de
provoquer
artificiellement "apparition des complexes hors propos, Pour décortiquer le rêve de
tous les côtés. l'~malyste ne doit pas laisser au patient d'associer n'importe quoi et
n'importe comment; il doit constamment l'y ramener, mieux. il doit associer avec lui
au lieu de le faire monologuer. Donc. le rêveur ne doit pas être seul à apporter sa
contri bution aux associations. L'analyste doit intervenir. et même par les analogies
qu'il fournit pour éclairer l'apport du patient. déterminer l'orientation que vont
(1), Hostie, R.. Op. cit. p47.
(2), Baudouin, Ch., Op. cit. p73.
(3), Baudouin, Ch .. Op. cit. p74.
,A-) Baudouin, Ch., Op. cit. p75,
- 743 -

orerdre les associations de ce dernier (1).
Cependar,t, cet ir,terver,tio~r,isme r,e se fait pas n'i~porte comment. "C'est
strictement lorsque le sujet touche de
toute
évidence
des
images
collectives
que
l'analyste, se trouvant devant un patrimoine commun, se sent le droit d'encharner"
11). Il s'agit alors moins dassociations que dapport d'analogies, de rapprochements
de caractere objectif (1), Le patient associe seul sous le guide de l'analyste quand
les éléments,
le
matériel,
re/event
de
l'inconscient
personnel: .Jung
remarque
que
dans ce cas, l'association est tres
abondante, le patient ayant
moins
de
peine
à
reconnartre les éléments comme siens. Quand il descend dans l'inconscient collectif,
il n arrive plus à associer, le matériel du rêve lui paraissant totalement étranger.
Alors lanalyste doit intervenir, et par 1apport danalogies, orienter le patient.
La
méthode
d'amplification
distingue
"deux
interprétations
possibles
et
valables du rêve: 1une sur le plan de lobiet, 1autre sur le plan du sujet
(2).
Pour
mieux
decortiquer
le
rêve,
est
opportun
d envisager
tour
a
tour
les
deux
interpré tations.
Sur le plan de I·objet. le matériel
du
rêve
symbolise
les
objets
extérieurs
avec lequels le rêveur est en relation.
Mais
ce
même
matériel,
interprété
sur
le
plan
du
sujet,
constitue
la
projection des tendances du rêveur sur la réalité extérieure, les objets de relation
auxquels il prête ses propres désirs, ses matériaux inconscients (personnels comme
co,lectifs) (2).
Cette
méthode
d'amplification
est
complétée
par
ce
que
.Jung
appelle
l'imagination active (3), qui consiste a inviter le patient 'à suivre attentivement et à
ér,oncer les rêves éveillés qui se forment en lui" (3). Ceux qui s'y prêtent le plus
sont les personnes naturellement imaginatives et rêveuses. Les rêveries de létat de
veille ont ceci de différent avec les rêves
qu elles sont moins passivement reçues;
elles empruntent une disposition active du sujet, qui peut être exploitée
de façon
constructive. Donc elles ne font pas double emploi avec
lanalyse des rèves, mais
elles
la
complètent,
en
personnèfiant
comme
le
rêve
les
complexes
et
les
archétypes.On peut
inviter le sujet à dialoguer avec ces personnages imaginaires
(4),
Une autre technique complémentaire est le dessin et la peinture spontanés.
On invite également le sujet "à dessiner ou à peindre, à partir des productions de
son rêve ou de son imagination active
(5) .11 se servira des couleurs appropriées
pour rendre ces visions colorées qui lont particulièrement frappe, Contrairement aux
freudiens qui s'intéressent au caractère cathartique du dessin, surtout utilisé chez
(1), Baudouin, Ch., Op. cit. p75.
(2), Baudouin, Ch., Op. cit. p76.
(3), cf. Baudouin. Ch., Op.
cit.
p236;
Bennet,
E.A .•
p119.
(4),
Baudouin,
Ch.,
Op.
cit.
p137.
(5), Baudouin, Ch., Op. cit. p138
744

l'enfant, les jungiens insistent sur son rôle actif, constructif. aussi bien chez l'enfant
que chez l'adulte. Ainsi, le malade ne se contente pas de parler ces images, il les
écrit, les peint dans un acte du moi, mariant par là le pur phantasme à un élément
de
réalité.
"
y a là
un
germe d'indépendance,
une
transition
vers
la
maturité
psychologique (1) qui est le processus d'individuation, le passage du moi (centre de
la conscience) au soi (centre de la personnalité totale, clé de voûte de la psyché).
2.3.1.5. Relation thérapeutique.
La méthode d'amplification fait apparaltre l'intervention active de
l'analyste
dans la relation thérapeutique, En effet, Jung ne croit pas à
la possibilité d'une
attitude
neutre
de
l'analyste
vis-à-vis
du
patient.
Il
trouve
que
la
"neutralité
bienveillante" freudienne est une illusion, un
leurre. Le thérapeute ne peut pas ne
pas
s'impliquer,
avec
tous
"ses
présupposés
subjectifs,
tant
caractériels
que
philosophiques ou religieux" (2). " vaut mieux le savoir pour ne pas se leurrer.
Pour réduire les dangers que constitue cette équation personnelle inévitable,
Jung a été le premier à conseiller l'analyse didactique du thérapeute. Celui qui veut
analyser les autres doit d'abord lui-même se faire analyser par un psychanalyste
compétent, afin de prendre conscience, le plus possible, de son propre inconscient.
En effet, les "présupposés subjectifs" "sont d'autant plus traltres qu'ils demeurent
davantage latents, inconscients; l'on gagne fort à faire tout le possible pour les tirer
au
clair"
(2).
Pour
ne
pas
violenter
son
malade,
l'analyste
doit
connaltre
son
équation personnelle (3l.
Cela
lui
permet
de
contrôler
les
interactions
qui
tissent
la
relation
thérapeutique sous forme de transfert, projection et introjection,
Le transfert général, phénomène courant et constant dans la vie normale,
aussi bien que névrotique "consiste essentiellement en ce fait qu'un sentiment, une
attitude, une tendance, se déplace de son objet propre sur un nouvel objet associé
au premier" (4l.
Dans la situation analytique, ce phénomène revêt une importance particulière.
C'est sur l'analyste que le malade va reporter
ses affects autrefois ressentis
à
l'égard de ses parents. Le transfert prend alors le nom de transfert d'analyse que
nous avons étudié dans le système freudien et qui est essentiellement incestueux.
Jung admet ce transfert freudien teinté de sexualité.
" y attache, comme
Freud, une grande importance. Mais il ne tient pas à provoquer une mise en scène
d'un transfert spectaculaire qui, sous cette forme, "marque simplement une erreur
thérapeutique et signifie une surcompensation pour le manque de rapports humains
(1), cf. Baudouin, Ch., Op. cit. pp138-139.
(2), Baudouin, Ch., Op. cit. p231.
(3), cf. Baudouin, Ch., Op. cit. p232.
(4), Baudouin, Ch., Op. cit. p240.
-
745 -

réels et justes entre le patient et l'analyste" (1 J. Il préfère un transfert en douceur,
qui passe même inaperçu.
Si Jung accorde beaucoup d'importance au transfert, il n'en fait pas l'élément
essentiel
et
unique
se
produisant
dans
l'interaction
thérapeutique.
Dans
la
réactivation transférentielle de son passé infantile où le malade revit ses relations
avec
ses
parents,
il y
a une
part
importante
de
projection
que
Jung
appelle
"transfert de projections".
Le contenu des projections autrefois opérées
sur les
parents s'est détaché de ceux-ci et s'est projeté à nouveau sur la personne de
l'analyste.
L'aspect projectif revêt plus d'importance pour Jung que celui transférentiel.
Comme
dans
le
rêve,
le
transfert
traduit
le
pôle
objectif
de
la
relation
thérapeutique,
alors
que
l'aspect
projectif
exprime
le
pôle
subjectif.
La
preuve
indéniable de cet aspect projectif est la présence dans le matériel fourni
par le
malade des fragments
de l'inconscient collectif. Jung constate, en
effet
dans
la
pratique, que le malade attribue quelquefois à "analyste des images archaiques qui
relèvent de l'inconscient collectif. Or, ces structures collectives ou archétypiques ne
se
constituent
pas,
comme les complexes, par l'expérience vécue
du
sujet
en
fonction d'un objet. Elles ne sont donc pas transférées mais projetées. Jung va plus
loin: même dans le processus transférentiel, au-delà du père réel ou de la mère
réelle,
il
faut
voir
la
projection
d'un
archétype
paternel
ou
maternel
issu
de
l'inconscient
collectif.
On
peut
en
conclure
que
l'aspect
transférentiel
est
de
surf ace. Il faut le dépasser pour atteindre la couche profonde qui recèle les vraies
tendances du sujet sous forme projective.
Ce
processus,
transfert-projection,
n'est
pas
unilatéral,
à
sens
unique.
Comme l'analyste s'implique nécessairement dans la relation, il y a toujours de sa
part une action en retour dans ce jeu transférentiel et projectif; on pourrait alors
parler d'un contre-transfert et d'une contre-projection. Il peut ainsi se créer entre
l'analyste et le patient un chassé-croisé d'actions réciproques. Les deux personnes
réelles en présence projetant chacune sur l'autre un personnnage imaginaire. Il y a
là donc une relation dialectique, un jeu réciproque de deux systèmes psychiques où
l'analyste "est contraint
de
sortir
de
son
anonymat
et
de
rendre
compte
de
lui-même
tout
comme
il
l'exige
de
la
part
de
son
patient"
(2).
Ainsi
"toute
imperfection dans l'intégrité de la personnalité de l'analyste
sera
impitoyablement
révélée, et aucun analyste ne peut vraiment aider un malade au-delà du niveau de
sa prise de conscience personnelle. La personnalité et l'intégrité de l'analyste sont
donc en fin de compte infiniment plus importantes que sa technique" (2).
Un autre facteur manipulé dans la relation thérapeutique est ce que Jung
appelle introjection. Le retrait de la projection et la liquidation du transfert, par la
prise de conscience,
entraîne en
symétrie la
tendance,
chez
le
malade,
à
se
modeler sur la personne de l'analyste, à s'accommoder à lui, et pour ainsi dire, à
(1), Baudouin, Ch., Op. cit. p242.
(2), Baudouin, Ch., Op. cit. p245.
746

l'introjecter comme il avait autrefois introjecté la mère. le père ou un autre objet.
Ceci s'explique dans
la mesure où l'analyste enlève au patient les
identi fications
antérieures
sur
lesquelles
sa personnalité
s'était
construite,
laissant
un
vide
à
combler,

l'image
du
thérapeute
risque
de
s'engouffrer.
Dans
le
cas
de
la
neutralité bienveillante freudienne où
l'analyste
refuse
de
satisfaire
le besoin
du
patient de trouver un maître, l'introjection devient un raté. Le patient se rattrape
comme il peut "en happant chez l'analyste quelques traits
à imiter (1) et tombe
souvent
sur
les
moins
contrôlables,
qui
sont,
la
plupart
du
temps,
les
plus
superficiels, les plus extérieurs, et les moins valables (1). L'analysé va rester ainsi
au
stade
du
moi
extérieur,
son
processus
d'individuation,
de
formation
de
la
personne (ou soil étant raté. C'est ainsi que certains sujets analysés par un même
thérapeute "tendent (tous) à lui ressembler. à prendre ses tics. à le mimer ..... (1)
de façon caricaturale.
Or l'introjection authentique a pour fonction d'aider à la construction de la
personnalité.
L'analyste
doit
"éveiller
et
guider
cette
fonction
spontanée
de
la
construction de la personnalité authentique (1). En effet, il ne suffit pas d'avoir des
modèles pour être soi-même.
Il ressort de tout cela que la cure jungienne aide le malade à confronter son
inconscient et sa conscience,
à
les
mettre
d'accord, et
pour
ainsi
dire
à
se
rattacher à ses racines socio-familiales, et phylogénétiques (ancestralitél.
2.3.2. Pratique curative nawda et celle jungienne.
2.3.2.1. Objectif nawda et celui jungien.
Ce projet de la psychologie analytique jungienne ressemble beaucoup à celui
d'articulations polaires de la cure nawda.
En effet. dans la pratique jungienne, mettre le conscient, aspect socialisé de
la psyché, d'accord avec l'inconscient, rattacher l'Ego avec l'ancestralité, revient en
quelque sorte à le réarticuler avec ses axes
fondamentaux comme dans la cure
nawda.
Cependant, la remarque que nous avons faite en comparant la cure nawda et
celle
freudienne
vaut
ici.
La
réarticulation
jungienne
Se
fait
d'abord
entre
les
morceaux internes de l'Ego, alors que chez le Nawda l'articulation extérieure est
primordiale. Le projet de Jung est de voir comment la psyché réagit à sa déchirure,
quelle
tentative de correction
elle
fait
de
cette
déchirure.
et
de
l'aider
à la
refermer; la cure nawda cherche l'origine de la désorganisation à l'extérieur
du
sujet, et vise à neutraliser le mal.
2.3.2.2. Rituels curatifs du Tada et interventionnisme jungien.
L'intervention thérapeutique jungienne ressemble un peu à l'opération du Tada
qui
induit
de
l'extérieur
la
force
curative
à
travers
les
sy mboles
du
rituel.
(1), Baudouin, Ch., Op. cit. p242.
747

En effet, comme nous venons de le voir, l'intervention jungienne se déroule
au niveau des symboles collectifs. L'amplification de l'analyste intègre les symboles
archétypiques, produits par le malade, dans le contexte culturel collectif universel et
lui permet d'en prendre conscience et de les intègre r, pour se ressouder au fonds
commun de l'humaine nature.
Et nous avons vu que le Tada analyse le problème du malade en l'intègrant
au contexte culturel qui est le fonds commun de la collectivité.
Cependant. l'analyste jungien ne fait qu'accompagner le malade, éclairer par
son apport ce que ce dernier produit. Donc ces productions sont indispensables
pour le jungien.
Le Tada n'a pas besoin de la production du malade. Il produit intègralement à
travers les symboles du rituel curatif, la force thérapeutique, l'énergie qui enlève,
neutralise le mal,
Et puis, Jung prétend intégrer le cas individuel du malade au fonds culturel
universel.
Le
Tada
n'a
pas
cette
prétention.
Il
sait
que
son
malade
et
lui
appartiennent
à
une
collectivité
culturelle
limitée
et
admet
l'existence
d'autres
cultures différentes.
2.3.2.3. Recréation intégrative de l'Ego et construction du soi.
Le processus
de
l'individuation jungienne aboutit
à
la
confrontation
entre
l'inconscient et le conscient.
conduisant
à
la prise
de
conscience
des
éléments
complexuels refoulés et des archétypes non acceptés. Comme le refoulement et la
non acceptation des tendances conduisent à leur projection sur la réalité extérieure.
la prise de conscience de ce processus est suivie du retrait des projections, puis de
l'introjection de l'analyste. La guérison est le résultat de l'intégration de tous
les
éléments de la psyché autour d'un point de jonction central psychique appelé soi ou
personne.
Nous
avons
vu
que
la
cure
nawda
aboutit
aussi
à
l'intégration
de
la
personne-personnalité. L'articulation
de
l'Ego
avec
les
trois
pôles
fondamentaux
entraîne la réorganisation interne ayant comme résultat la guérison.
Cependant. dans la cure jungienne. c'est l'individu qui se construit. sous le
guide de l'analyste, certes, mais tout le
travail.
commencé
déjà
par
la maladie
comme une tentative avortée de guérison, est fait par le malade. L'intervention du
thérapeute consiste à orienter.
Dans la cure nawda, la prise de conscience n'existe pas. Il y a plutôt une
révélation, une mise en relation des évènements plus ou
moins connus.
rendant
cohérente et logique la problèmatique. Et cette mise en forme est faite par le Tada
qui fait découvrir au malade la liaison de son problème avec les autres éléments
culturels. sa place logique au sein du système. Puis. la solution de ce problème est
l'œuvre du Tada qui rassemble les morceaux de l'Ego comme un acte chirurgical.
Donc, '''' recréation. la guérison est intègralement l'œuvre du Tada, C'est un travail
extérieur à Ego tout comme l'agression est extérieure à lui.
-
748 -

3. PSYCHOLOGIE STRUCTURALE ET CURE NAWDA.
Plusieurs courants
psychologiques
présentent
le
psychisme
humain
comme
une structure
donnée.
i.e.
un
schéma
formel
héréditaire
et
constitutionnel
qui
détermine dans une certaine mesure la destinée des individus et explique l'éclosion
des maladies mentales. Nous avons déjà fait allusion à l'analyse de la destinée de
Léopold Szondi, que nous ne prendrons pas en considération ici pour des raisons
que
nous
avons
évoquées
dans
l'introduction
du
présent
chapitre
s ur
les
psychothérapeutes
dynamiques.
D'autres
courants
structuralistes
adoptent
une
orientation
commune
et
connaissent
actuellement
des
développements
intenses
à l'université de Lille III (France) où des études sont publiées sous le
titre
de
"Psychopathologie structurale", se démarquant nettement des deux écoles que nous
venons d'étudier.
Cette
conception
structurale
de
l'homme
parait
intéressante
pour
notre
travail. Nous allons en faire un survol rapide afin de la situer par rapport à la cure
nawda.
3.1. REPRESENTATION DE L'HOMME.
3.1.1. Psychologie structurale.
3.1.1.1. Structure de la personnalité.
La personne est considérée comme un tout organisé qui se manifeste en
totalité dans tous les actes psychiques, dans ses
rapports avec l'environnement.
C'est un tout structuré, i.e, un cadre formel
constitué
d'éléments structurels en
nombre réduits.
Cet ensemble structurel est dynamique. Il est un centre de force, d'énergie
potentielle déterminée par la tension entre les éléments structurels opposés. Les
pôles
constitués
par
les
éléments
structurels
sont
des
forces
vectorielles
qui
s'opposent,
si
bien
qu'un
pôle
plus
puissant
que
les
autres
devient
l'élément
dominant tendant à constituer le centre de la structure entière. Les modèles de
structures varient donc d'un individu à l'autre, selon que c'est tel ou tel élément qui
est prédominant, central. Mais les modèles structuraux ne varient pas à l'infini: il y
a
un
nombre
limité
de
modèles
structuraux
fondamentaux
dans
lesquels
se
distribuent
tous
les
individus
humains,
et
qui
déterminent
ainsi
des
types
de
personnalité.
La
psychologie
structurale
débouche
ainsi
sur
la
classification
typologique des individus humains.
Il
existe
une
foule
d'écoles
typologiques.
Rappelons
encore
une
fois
la
typologie de L. Szol1di; nous avons parlé de celle de C.G. Jung; il y a la biotypologie
de L. Corman, etc. Mais les théories typologiques d'orientation structuraliste sont
celles
de
Ernest
Kretschmer
et
de
Françoise
Minkowska
qui
s'inspirent
du
prédédent. Pour cette école structuraliste tout particulièrement, le ty pe est défini
749

comme un fonds mental constitutionnel héréditaire.
ri
est donné, congenital et non
C::lnstruit. Ce nest pas une aC:Juisition, c'est un héritage.
Partant de la distinction dichotomique, désormais classique, operee par Emile
Kraepelin (1) entre schizcphrénie et maladie maniaco-dépress:ve, E. Kretschmer (2)
remonte aux structures normales qui prédisposent à oes maladies.
La schizophrénie ou démence précoce est décrite par
E.
Kraepelin
comme
une entité nosographique faite de troubles
profonds de l'affectivité, avec perte de
l'unité intérieure et désagrégation progressive; quant au troubie maniaco-dépressif, il
est
fait
de
manifestations
pathologiques
par
phases,
comprenant
ies
accés
d'excitation maniaque et de dépressiOn mélancolique (3) qui s'alternent.
Rassemblant
des
données
anthropométriques,
comportementales,
caractérielles,
et
des
données
genéa!ogiques,
E.
Kretschmer
etablit
des
affinités
entre la configuration morphologique, le fond
(type)
mental et la maladie
menta,e,
d'Une
part,
et
les
types
samato-psychologiques
apoartenant
à
la
même
lignée
familiale, d'autre part. Il remonte ainsi à l'origine constitutionnelle et hérédita;re du
type psychologique.
Sur
la
base
de
la
classification
dichotomique
des
maladies
mentales,
E.
Kretschmer
dégage
de
san
étude
deux
lignées
de
types
somato-psychiques
s'étendant, chacune,
du
malade
au
normal
en
passant
par
le
cas
limitrophe
du
pathologique (4),
.. La lignee schizophrène-schizoïde-schizotr,yme. Le fond
affectif central
du
schizoïde est l'absence d'un contact direct
avec
1 entourage;
le
sujet
est
distant,
oscille
entre
ia
froideur
et
l'hyperesthésie
qui
ne
concerne
que
son
domaine
personnel. Sur le plan intellectuel, il a tendance à l'abstraction, à l'évasion, et un
penchant
vers
l'irréel. Son
action est tenace
quand
il
poursuit
une
idée
ou
au
contraire décousue et franchement inadaptée.
La constitution
physique
qui prédomine
chez
les
individus
du
tempérament
schizoïde
est
de
type
leptosome
ou
asthénique,
à
la
silhouette
longiline,
les
membres décharnus, la face allongée ou angulaire et pâle.
.. La lignée
cyclique-cycloïde-cyclothyme
a
une
configuration
morphologique
dominante de type picnique avec tendance aux lignes arrondies, le tronc épais, les
membres fuselés, le visage large et coloré. Le caractère central du tempérament
cycloïde est le cOntact affectif chaleureux avec j·ambiance. Il est ouvert et sociable,
noue facilement des relations, il exprime volontiers ses sentiments et ses émotions.
Sur
le
plan
intellectuel,
il
s'adapte
rapidement,
fait
preuve
de
sens
pratique
(1), Kraepi/'" E., Traité des maladies mentales (1890-1913)).
(2), Kretschner. E., Structure du corps et caractère, 1921.
(3), Helman, Z, Psychopathologie structurale, 3, Presses Universitaire de Lille, 1980,
p21.
(4), Helman, Z., Op. cit. pp21-22.
750

et de sOlJplesse.
Il oscille entre les
deux
pôles de
humeur: gaieté et tristesse
in
Entre ces deux types fondamemaux,
tous
les
alliages
constitutionnels
sont
possibles, où des dispositions néréditaires mixtes
peuvent apparaitre simultanément
ou même l'une après 1 autre chez le même individu au cours de la vie.
Le type constitutionnel ou temperament, qui est heréditaire, est à distinguer
du
caractère qu;
eSt
acquis,
construit
par
le
concours
du
milieu,
des
relations
sociales, de 1échelle des valeurs.
Ainsi
donc,
sur
le
même
êerrain,
à partir du
même temperament, sont susceptibles de s'édifier des tabl eaux caracterologiques de
valeur trés différente' (2), La typologie héréditaire n'est donc oas 'ataliste, bien que
sous la variabilité du :::aractère, le tempérament demeure stable.
Le
facteur
psychologique
central
à
la
typologie
kretschmérienne
est
le
contact affectif. qui reg1e !e ::iegré d'ouverture vers l'ambiance, au monde extérieur,
a
'envlrcnnement.
il
'r"forme
tous
ies
a.utres
domaines,
tels
que
l'intelligence,
la
Ds/:;""C'rn,)(ric:re et ,'a:::::':n.
Ainsi c-:;nc, ~L..;~--,'j
'2
:-=grg ::f21-,'i9r!.u r e :;ffe:ti'le au rv-'~"de 9St p:us
~ra.nd,
comme da"ls le temcèramenr cyclo'~'de, 'e ,:ontac: inteilectuel avec: ia réa1ite est plus
concret, moins abstrait, l'acfon plus
intense, utilisant à fond ia décharge motrice.
e'est pourquoi On peut dire que le cycloïde participe totalement à J'environnement.
Pour mieux traduire cene participation, E. Bleuler a remplacé le terme cycloïdie par
celui de syntonie, qui s;gnifie "vibration à l'unisson avec j'ambiance".
F. Minkowska reprend l'étude de E. Kretschmer, en partant, comme lui, de la
dassification
dichotomique
des
maladies
menta,les .
Mais.
à
la
place
du
trouble
maniaco-dépressif, elle etudie l'épilepsie qu'elle oppose à la schizophrénie. L'analyse
de l'épilepsie
conduit
au
type
èpileptoïde
ou
glischroïde
Ide
glischros,
visqueux).
"L'epi\\eptoïde a une afTectivitè concer,trée et visqueuse, qui creuse en profondeur et
adhère à l'ambiance, rattachant fortement l'individu à son groupe. Intellectuelfement,
cest
un
être
ralenti,
qui
s arrête
aux
détails
et
perd
de
V'Je
l'ensemble.
Le
ralentissement visqueux mène à une stase qui provoque des décharges explosives:
coléres violentes, crises s'il sagit de malades .... Le type glischrolde (ou épileptoïde)
se caractérise par deux pôles: l'adhésivité, qui est primordiale, et l'explosivité" (3),
Ses
recherches
ont
amené
F.
Minkows k a
à
redéfinir
le
couple
de
types
kretschmenie n:
le
type
cycloïde
devient
épilepto-sensoriel
opposé
au
type
schizo-rationnel.
Elle
met
ainsi
en
lumiére
le
mécanisme
affectivo-intellectuel
qui
d'aprés elle est le facteur psychique essentiel.
Notons
que le tempérament
épilepto-sensoriel
de F.
Minkowska,
dans
ses
grandes lignes, n'est pas
tellement
différent
de
celui
cycloïde de
E. Kretschmer.
C'est souvent la terminologie qui varie, recouvrant un fond conceptuel identique dans
I·ensemble.
Il), Helman, Z., Op. cil. p22.
(2), Helman, Z., Op. cil. p22-23.
(3),
Helman, Z., Op. cit. p24.
-
751

La structure de la personnalité se présente ainsi comme le fond mental, le
noyau formel de la personne, dont les domaines affectif, cognitif, moteur ... sont des
modes d'être. des façons d'être au monde. des phénomènes.
3.1.1.2. Transformation structurale.
La structure typologique, si elle est héréditaire et constitutionnelle, n'est pas
statique. Selon que l'élément central cède la place à un autre, ou,
en
d'autres
termes, selon que la puissance. la concentration énergétique glisse d'un élément à
un autre, la structure tend à se transformer, à déplacer son
centre de gravité.
Ainsi, "L'alternance possible des composantes typologiques. les déplacements entre
les deux pôles de chaque constitution. les influences extérieures en interaction avec
le tempérament, laissent le champ libre aux possibilités de variation dans le temps.
La structure constituée par les cadres typologiques reste stable, tout en incluant un
potentiel qui donne richesse et souplesse à ses manifestations" (1). C'est ainsi que
l'on observe
souvent "un adolescent hypersensible devenant un homme froid"
(2)
passant d'un pôle à l'autre du type schzoide. On peut aussi observer un malade
maniaque de constitution picnique évoluer vers la schizophrénie en même temps que
sa configuration morphologique devient asthénique, leptosome (2). La transformation
structurale
s'observe
de
façon
systématique
au
cours
du
développement
psychologique de l'individu. Zéna Helman,
dans
son étude
intitulée
"Structure et
évolution" (3). analyse les mécanismes de cette transformation, en s"appuyant sur
les travaux de H. Wallon. Elle découvre "que les facteurs
typologiques jouent
à
chaque
âge et
que cependant
le
passage
d'une
étape
à
l'autre
comporte
des
modifications
structurales.
Typologie
et
étude
génétique
se
rejoignent
(alors)
obligatoirement
en
psychologie
de
l'enfant"
(4),
Les
travaux
de
la
psychologie
génétique lui permettent de constater "que les différences entre l'enfant et l'adulte
ne
son t
pas
seulement
de
niveau,
mais
aussi
de
structure.....
(5),
Certaines
descriptions des phases du développement recouvrent un des types qui serait propre
à l'enfance. C'est dans ce sens que "Wallon rapproche le type moteur du stade
auquel il donne le même nom, autour de la notion d'une pensée encore indivise avec
l'action"
(5).
De
même
Z.
Helman
voit
aussi
des
traits
communs
entre
l'épilepto-sensorialité et ce
que la
psychologie génétique
décrit depuis
Claparéde
(1908) sous l'appellation de syncrétisme, pour caractériser un mode de vision et de
réaction confus et indifférencié" (5), Cela amène Z. Helman à conclure que malgré
les différences typologiques d'un individu à l'autre 'ï'enfant nous apparaît en général
plus sensoriel que l'adulte. Le jeune âge lia période pré-scolaire surtout) favorise
(1), Helman, Z .. Op. cit. p23.
(2), Helman, Z., Op. cit. p22.
(3), He/man, Z .. Op. cit. p7-53.
(4), Helman, Z.o Op. cit. p44.
(5), Helman, Z., Op. cit. p35.
-
752 -

particuliièrement les caractères épilepto-sensoriels" (1).
Les
facteurs
typologiques
de
l'enfant
se
résument
donc
en
caractères
épilepto-sensoriels et en tendance à l'hyper-synchronie électrique du cerveau, dont
l'ensembie est désigné par ie nom de "structure sensori-motrlce".
Il ressort de l'analyse que nous venons de faire que les variations
de la
structure mentale peuvent apparaître dans certaines conditions psychoiogiques en
rapport
avec
des
facteurs
tels
que
le dérouiement de
la
maiadie.
l'action
des
traitements, l'évolution normale de "enfant e?). Donc. la structure peut être modifiée
sous l'influence des facteurs externes ou internes.
3.1.1.3. Méthode d'investigation structurale.
Pour appréhender la structure typologique. la "psychopathologie structurale"
utilise la méthode dite "d'analyse phénoméno-structurale".
Comme
l'indique
son
nom.
cette
méthode
est
une
analyse
à
la
fois
phénomélogique
et
structurale
des
faits
psychologiques.
Elle
part
des
actes
psychiques
comme
des
phénomènes
pour
remonter
à
la
structure
mentale
sous-jacente.
Elle ne considère donc pas les actes psychiques comme des contenus ni des
effets renvoyant à des
causes. Elle
rejette
toute
explication
causale
des
actes
psychiques. Les actes psychiques sont des orientations du sujet agissant vers des
objets. L'acte n'est acte qu'orienté vers un objet. C'est ce rapport sujet-objet que
Edmund Husserl, fondateur de la phénoménologie. appelle ''intentionnalité'' des actes
de ia conscience. "L'égo psychologique n'est pas une entité transcendante (en soil: il
a pour réalité d'être constamment et par essence "jeté au monde" et "engagé dans
des situations". Le psychisme est donc défini par son rapport avec l'environnement,
par son intentionnalité"
(3). L'égo. en tant que conscience, n'existe que dans la
relation moi-situation. "Husserl montre qu'au-dessous du niveau de la conscience
réfléchie est vécu un autre niveau qui n'est pas l'inconscient, c'est l'intentionnalité
impiicite et inattentive de la conscience préobjective vers un monde de signification
existentielle" (3).
En psychologie et sciences humaines en
général,
il
n'existe pas
de faits
purement objectifs. "Un objet ne se constitue comme objet signifiant qu'au regard
d'une subjectivité située. La conscience est donatrice de sens" (3).
Tout acte psychique en tant qu'intentionnalité est un phénoméne. La tâche de
la psychologie n'est pas d'étudier les faits objectifs, les contenus des actes, mais
les significations. les phénomènes en tant qu'ils signifient pour le sujet (1).
C'est dans cette optique que l'analyse phénoméno-structurale va considérer
(1). Helman. Z .• Op. cil. p35.
(2). Helman. Z .• Op. cit. p44.
(3). Mucchielli. A.. L'analyse phénoménologique et structurale. P.U.F .. Paris. 1983.
p16. cf. aussi Helman. Z .. Psychopathologie structurale. Edition Universitaire Lille.
1973, p117.
-
753 -

les actes psychiques. Elle va y voir non pas des f ails à expliquer, à rattacher à des
causes, mais des phénomènes, i.e. ego en situations. Donc, tout acte psychique,
tout comportement, renvoie directement à ego, au sujet agissant comme essence et
non pas à des causes.
Cet ego est une structure typologique qui donne la signification qui confère la
valeur
d'èvènement
aux
objets en
tant
que jetès,
eux
aussi,
au
monde.
Cette
structure étant donnée et non construite, il s'agit de la décrire et non de l'expliquer,
de lui trouver une cause.
Alex
Mucchielli
(1)
donne
les
règles
générales
de
cette
méthode
phénoméno-structurale que nous résumons ci-dessous.
Le psychologue doit d'abord se débarrasser de tous ses a priori, de tous
ses systémes explicatifs de référence, afin d'appréhender la signification de chaque
objet pour le sujet, de comprendre le champ sémantique original et spécifique de
chacun de ses concepts. Il doit le faire dans le contexte existentiel et concret du
sujet, ce qui le pousse à tenir compte de tous les éléments donnés dans l'instant
présent. Ensuite, il doit dégager les invariants communs qui sous-tendent tous les
phénomènes
"car
ceux-ci
se
présentent
à
lui
comme
autant
de
variations
particulières révélant une (ou plusieurs) signification d'ordre général" (2).
Ces significations générales, clairement formulées, lui permettent d'atteindre
les
principes
transcendantaux
de
la constitution
du
monde
par
une
conscience
humaine
particulière.
Mais
ces
principes,
en
tant
que
transcendantaux,
sont
accessibles à toutes les consciences. Un tel travail doit aboutir à la construction
d'un
système
cohérent
ou
structure
reliant
et
expliquant
tous
ces
principes
généraux, système sur lequel le psychologue peut raisonner.
C'est le cheminement qui a conduit "la psychopathologie structurale" à
la
définition des structures typologiques.
Cette méthode est complétée et corroborée par des techniques
d'examen
psychologique sous l'angie de tests de personnalité, Les techniques les plus utilisées
sont notamment le test de RorsChach, puis des épreuves de dessins étalonnés ou
non, des rêves éveillés .. , En plus de ces
examens, les
chercheurs
utilisent
les
résultats des techniques d'examen biologiques telles que l'E.E.G.
3.1.2. Théorie nawda et typologie structurale.
3.1.2.1. Notion de totalité.
La structure typologique décrite par la psychologie structurale, et présentée
sous le double aspect so matique et psychologique rappelle beaucoup la structure de
la personne-personnalité, que nous a livrée la conception nawda. Parmi tous les
systèmes étudiés jusqu'ici, c'est le seul qui inclut le corps dans la structure de la
(1), Mucchielli, A .. Op. cit. pp19-20.
(2), Mucchielli, A., Op. cit. p19.
- 754 -

personnalité. présentée comme une totalité biopsychologique ou somato-psychique.
De plus. comme pour les Nawdeba, cette structure est donnée et non pas
construite. produit du développement. Elle est héritée du pôle biolignager et reste
fondamentalement stable malgré et à travers les transformations qu'elle peut subir,
Cependant.
la
structure
biotypologique
n'est
pas
identique
chez
tous
les
individus, comme la structure de la personne-personnalité. Certes. le Nawda classe
aussi
les
individus en
deux
catégories:
les
Yendeba et
le
Joomba.
Mais
cette
dichotomie
se
situe
au
niveau
fonctionnel
et
non
structurel.
Aucun
élément
structurel ne diffère d'une catégorie à l'autre.
La
variation
biotypologique.
quant
à
elle.
est
structurale,
C'est
une
différentiation au niveau des éléments structurels (constitution morphologique. degré
de contact avec l'ambiance) qui définit et détermine les types,
3,1.2.2, Phénomène et structure latente,
Chez le Nawdeba. l'être ou l'Ego, jeté au monde. c'est le corps. En d'autres
termes.
c'est
par
le
corps
qu'Ego Se
manifeste
de
façon
sensible. observable.
devient phénomène.
La biotypologie structurale. au contraire. considère l'agir comme phénomène;
la structure latente se manifeste. devient phénomène par l'acte. l'agir. qui traduit
son
être-au-monde
Le
corps
comme
configuration
morphologique
est
une
composante de la structure latente. Bien qu'observable. la constitution physique ne
peut servir de phénomène puisqu'elle ne correspond pas toujours au fond mental. et
par là. l'invariant n'est pas fiable.
3.1.2.3. Transformation structurale.
Le principe de la variation structurale est le même dans les deux systèmes
de pensée. En effet.
la
modification
d'un
aspect. d'un élément
de
la
structure
entraîne la transformation de l'ensemble.
Les facteurs
de transformation restent aussi sensiblement les mêmes, ils
sont externes
(milieux. relations
sociales ... ) et/ou
internes
(dynamique évolutiveJ.
Nous avons en effet vu que chez les Nawdeba. Ego est en interaction continuelle
avec les trois pôles extérieurs qui peuvent à tout moment
modifier
un
de
ses
aspects structurels. entraînant la modification (positive ou négative) de l'ensemble.
Puis nous avons étudié aussi la transformation structurale avec l'âge. la modalité
d'exister noumineuse ou force vitale spirituelle prenant de l'importance avec l'âge
alors que le phénomène se développe puis décline.
Ces
deux
catégories
de
facteurs
sont
évoqués
dans
la
modification
typologique comme nous venons de le voir ci-dessus.
Mais le contenu de la modification structurale varie d'un système à l'autre.
En effet. dans la transformation
typologique.
il
peut
avoir
passage d'un
type
à
l'autre. d'un pâle à l'autre dans le même type. Le problème de la transformation ne
se p ose pas sous cet
angle
dans
le
système
nawda
qui
ne
construit
pas de
typologue.
- 755 -

3.2. REPRESENTATION Df LA MALADIE.
3.2.1. Psychologie structurale.
3.2.1.1. Modification structurale et maladie.
La maladie
est
une
modification
structurale, chaque
type
biopsychologique
étant prédisposé à une forme de maladie. Quand la tendance vectorielle du type
devient prédominante chez un individu au point de réduire toute la structure à cette
seule
tendance,
alors
la
maladie
éclate.
Etant
donné
que
la
relation
avec
l'environnement, la réalité, est le facteur central, la tendance à la distance, à la
coupure (schizoïdie) ou à la fusion <Cycloïdie, glischroïdie) avec l'ambiance qui définit
chaque type respectif, peut devenir prédominant, tendre à l'exclusivité, à annihiler
l'autre tendance, causant ainsi la rupture avec l'autre: c'est l'éclosion de la maladie.
La modification structurale morbide peut être, dans ce sens, définie comme
la rupture, chez un individu, entre les deux tendances de la structure typologique
dans
la
relation
avec
la
réalité.
Cette
rupture
entraîne
la
modification
de
l'être-au-monde du sujet, constituant le symptôme. Même si les auteurs que nous
avons consultés
ne font
pas
cette
analyse,
la
description
qu'ils
donnent
de
la
structure pathologique la laisse entrevoir.
3.2.1.2. Explication de la rupture.
Nous avons vu que la psychologie structurale rejette l'explication causale. Là
où la psychanalyse évoquerait la causalité historique inconsciente et en chercherait
les fac teurs dans les phases critiques du développement individuel, là où le courant
beha vioriste incriminerait le conditionnement social, la psychopathologie structurale
cherche la signification du symptôme en tant que phénomène, l'être au monde. Le
symptôme ne doit être rattaché ni à l'hérédite, ni à l'histoire de l'évolution, ni au
milieu physique ou
social, comme un effet à sa cause.
Tous
ces
éléments
ont
certainement quelques effets, une
action
stressante
sur
l'individu,
mais
"'restent
secondaires, incapables à eux seuls de créer le trouble"' (1). Cest le fond mental
qui leur confère la valeur d'évènement pour le sujet. Cest pourquoi, au lieu d'une
recherche de corrélations causales, il faut rechercher les corrélations essentielles.
"'Ce qu'il faut considérer, c'est l'organisation de la vie consciente sous l'angle du
mouvant
et
du
dynamique,
c'est
la
structure
mentale
non
en
tant
que
les
symptômes lui sont rattachés secondairement, mais détermine les symptômes .. :' (1).
Le symptôme en tant qu'être-au-monde renvoie donc directement à la structure et
non à une cause.
3.2.1.3. Maladie et totalité de l'être humain.
La
psychologie
structurale
conçoit
l'être
humain
comme
une
totalité
bio-'psychologique. Mais il semble qu'au niveau de la maladie cette totalité se scinde
(1), Helman, Z., Op. cit. tomel p117.
- 756 -

en deux entités dichotomiques corps et âme. organisme et psychisme. Le dualisme
occidental réapparaî t et reprend ses droits. En effet, la psychopathologie structurale
ne s'occupe que de la maiadie mentale. ne cherche pas à expliquer la genèse de la
maladie organique corporelle, celle que traite la médecine. Quand il y a rupture dans
la structure bio-psychologique. ii n'y a que le trouble mental qui éclate. Certes. la
constitution somatique liée à la structure. au type psychologique. peut se modifier
quand ce dernier se modifie. Mais. la modification constitutionnelle. morphologique,
n'est pas morbide.
Cependant.
ce
paradoxe
tombe
de
soi
quand
on
considère
que
pour
la
psychologie
structurale
les
éléments
structurels
se
réduisent
aux
caractères
psychiques
résumés
dans
le
mode
de
contact
affectif.
l_e
corps
n'est
pas
expressément mentionné comme entrant dans la structure. Il est en queique sorte
un signe. un épi-phénomène.
3,2,2, Cure nawda,
3.2 ,2 .1. Modification structurale et maladie.
Dans le système nawda, comme dans celui de psychopathologie structurale,
ia maladie est une modification inadaptée de la structure de l'être humain, Nous
avons vu que le Nawda conçoit la maladie comme une rupture polaire. Il suffit que
l'Ego soit désarticulé de l'un de ses trois pôles fondamentaux pour que la structure
nucléaire se désorganise. provoquant l'éclosion de la maladie. Donc comme pour la
psychopathologie structurale, il suffit qu'un élément
de
la structure
subisse
une
modification pour que l'ensemble soit perturbé.
3.2.2.2, Processus de la maladie.
La psychopathologie structurale décrit la maiadie comme la tendance normale
exagérée.
une
hypertrophie,
hyperactivité de
i'élément
dominant
de
la
structure
typologique;
et
comme
nous
l'avons
fait
remarquer.
cette
hypertrophie.
cette
poussée exagérée vers
un des pôles, vers
une des
tendances,
crée
la
rupture
structurale.
Pour le Nawda, \\e processus est variable, selon le type de maladie. de la
compression de l'énergie à la dissociation en passant par la lyse, Le tout se résume
en une désorganisation de l'énergie structurale vitale.
3.2.2.3, Maladie et totalité structurale.
La
psychopathologie
structurale
limite.
comme
nous
venons
de
le
voir
ci-dessus, le trouble structural à la maladie mentale et garde le silence sur la
maladie organique,
Le Nawda conçoit la maladie comme trouble global. EUe atteint l'être humain
dans
sa 'totalité
structurale
bio-psychologique.
Quel
que
soit
l'élément,
l'aspect
modifié de la structure, c'est l'être total qui est désorganisé et qui souffre.
-
757 -

CHAPITRE 2 :
THERAPIES BEHAVIORALES
ET CURE NAWDA.
1. REPRESENTATION DE L'HOM~E:.
1.1. BEHAVIORISME.
1.1.1. Structure de la personnalité.
1.1.1.1. Déinition.
D'après J.B. Watson, "La personnalité est le produit final du système de nos
habitudes". (1). Cette définition lapidaire résume la conception behavioriste qui met
l'accent sur l'aspect extérieur observable et appris, rejetant toute idée d'hérédité.
En effet,
le
terme
"habitudes"
souligne
le
caractère
appris
de
la
personnalité.
L'habitude
est,
dans
la
conception
behavioriste,
un
comportement
acquis
par
répétition. La personnalité est donc constituée
par
le
répertoire,
l'ensemble
des
comportements acquis selon les lois,
les
mécanismes
de
l'apprentissage
mis
en
lumière par les behavioristes.
La définition précise, en plus, que la personnalité, est le "produit final" de
cet apprentissage, soulignant ainsi le processus génétique de la personnalité.
Nous allons préciser la notion de comportement, puis nous verrons par la
suite par quels mécanismes il s'acquiert et constitue la genèse de la personnalité.
1.1.1.2. Comportement.
Le
comportement
est
l'objet
central
et
unique
d'étude
du
système
behavioriste. "L'environnement se compose d'une multitude de stimulations et d'objets
auxquels l'organisme doit s'adapter. Le behavioriste identifie ces stimuli et voit leur
action sur l'organisme grâce au comportement. La psychologie
s'attache
alors
à
l'étude du comportement et aux conditions extérieures qui le contrôlent, plutôt qu'à
la connaissance de l'esprit ou du psychisme. Le comportement est retenu comme le
seul matériel accessible à l'étude et son unique objet"
(2l. Il est
défini
comme
"toute réponse
(ou
toute
performance)
observable et
mesurable
d'un organisme
incluant les modifications internes et leurs effets,
les
sécrétions
glandulaires
et
(1), Eysenck, H.J., Les dimensions de la personnalité, P.U.F., Paris, 1950, p29.
(2), Malcuit, G. et AI, Les thérapies behaviorales, Presses de l'Université de Laval,
Québec. 1972, pp27-28.
-
760 -

leurs effets" (1).
Qu'elle soit externe ou interne. une telle performance doit être observable.
ce qui signifie que le terme
interne
ne
s'entend
pas
dans
le
sens
d'intériorité
psychique qui échappe justement à l'observateur et souvent construite à partir de
données de l'expérience.
De plus. le comportement doit être mesurable. i.e. que certains paramètres
doivent permettre de contrôler
quantitativement
sa variation
en
fonction
de
ces
coordonnées précisées aussi quantitativement.
Les comportements ainsi définis sont répartis en
deux
catégories
suivant
qu'ils sont émis en réponse à un stimulus spécifique ou spontanément produits par
l'organisme
pour
modifier
l'environnement.
La
première
catégorie
comprend
les
comportements dits répondants qui sont contrôlés par leurs antécédents. i,e. les
stimuli qui provoquent leur apparition; le deuxième groupe. quant à lui. est constitué
par les comportements dits opérants ou instrumentaux qui sont contrôlés par leurs
conséquences immédiates. i.e, les stimuli qui suivent leur émission comme réponse.
modification de l'environnement.
Les comportements sont ainsi les réactions adaptatives de l'organisme face à
son milieu. à l'environnement. et en ce qui concerne l'homme. à son environnement
social.
1.1,2, Modification de comportement et genèse de la personnalité.
Les comportements étant des habitudes. i,e, des réactions acquises. ne sont
donc
pas
innés.
Ce
sont
les
résultats
des
modifications
de
l'organisme
en
interaction
avec
son
milieu, Les
modifications
ou
apprentissages
se
font
selon
certaines lois. certains mécanismes dits d'apprentissage, expérimentalement isolés et
définis par les behavioristes. Ce sont les mécanismes de conditionnement répondant
et de conditionnement opérant correspondant respectivement aux deux catégories de
comportements.
1.1.2.1. Conditionnement répondant ou classique.
Le conditionnement répondant dit classique est
basé
sur
les mécanismes
d'apprentissage décrits par le physiologiste russe I.P. Pavlov (2) dans l'instauration
du réflexe dit conditionné de salivation chez le chien. Par couplage ou association
répété entre l'audition d'un son et la présentation de la viande au chien, Pavlov
découvre qu'après un certain nombre de séances le son qui, auparavant.
n'avait
aucune influence sur le réflexe de salivation, en arrive à produire ce dernier en
l'absence de la viande qui en est la stimulation "naturelle". Dans ce contexte, la
viande est appelée stimulus inconditionnel (SI) de la réponse inconditionnelle (RI) de
(1), Malcuit, G. et AI, Les thérapies behaviorales, Presses
de l'Université de Laval,
Québec, 1972, pp5-6.
(2). Pavlov, I.P., Conditionned reflexes. London. Oxford University Press, 1927.
- 761 -

salivation. Quant au son, stimulus neutre au départ, devenu opérant à la suite de
son association avec le stimulus inconditionnel, devient le stimulus conditionnel (SCL
La réponse de salivation désormais provoquée par ce stimulus conditionnel devient,
dans ce sens, réponse conditionnelle (RCl.
Ce
mécanisme
d'acquisition
d'habitudes
découvert
chez
les
animaux
est
appliqué aux Etats-Unis d'Amérique à l'étude du comportement humain, surtout par
J.B. Watson et R. Rayner (1), qui provoquent, par cette méthode, l'apparition d'une
réponse émotionnelle de peur chez un enfant de 11 mois (2) en associant à un rat
blanc, donc attrayant pour
l'enfant, un bruit violent qui provoque chez
lui
une
réaction de peur. Après un certain nombre de répétitions, la vue du rat blanc seule
provoque la peur au lieu d'attrait.
Le conditionnement classique démontre donc "qu'un stimulus qui, au début,
provoquait un effet X (le son provoque un effet nul, rien, le rat blanc un attrait),
après queique temps en vient à produire un effet Y (le son provoque la salivation, le
rat blanc la peur)"
(3l.
Cela
n'a
été possible
que
parce que
"le
stimulus
qui
provoque désormais
un
nouveau
comportement
a
d'abord
été
associé
avec
un
stimulus qui, lui-même, provoquait déjà ce comportement (la viande provoquait déjà
la salivation et le bruit violent la peur)" (3l.
L'association
ou
le
couplage
du
stimulus
inconditionnel
avec
le
stimulus
conditionnel
constitue
ce
que
l'on
appelle
"renforcement"
en
conditionnement
classique. On voit donc que le renforcement dans le processus d'apprentissage n'est
ni un stimulus ni une récompense', le renforcement est ''l'appariage temporel du
stimulus conditionnel avec le stimulus inconditionnel. Cette procèdure "renforce" la
probabilité qu'a le stimulus conditionnel de produire la réponse conditionnelle" (4l.
Mais le couplage, l'association entre les deux stimuli ne peut produire l'effet
renforçant
attendu
que
si
le
stimulus
conditionnel
(SC)
précède
le
stimulus
inconditionnel (SIl. Si le contraire se produit, Le. "si le SC est présenté après le
SI, il n'y aura pas de conditionnement" (5 l.
Quand même cette condition est remplie, si l'intervalle temporel qui s'écoule
entre
le
début
du
SC
et
le
début
du
SI
est
trop
grand,
il
n'y
a
pas
de
conditionnement possible.
"Une fois le conditionnement établi, si le SC est présenté seul un trop grand
nombre de fois sans jamais être suivi du SI (Le. sans jamais être renforcé), la
réponse conditionnelle s'amenuise lentement pour finir par disparaTtre" (6). C'est le
phénomène dit d'extinction: la réponse ne recevant plus de renforcement s'éteint.
(1),
Watson,
J.B.,
et
Rayner,
Conditionned
emotional
reactions,
Journal
of
experimental psychology, 3, 1-4.
(2), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p8
(3), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p9
(4), Malcuit, G. et AI, Op. cit. pp1ü-11..
(5), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p11.
(6), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p12.
- 762 -

Mais
il
semble
que
l'extinction
soit
plus
facile
avec
un
SI
présentant
pour
l'organisme un caractère appétitif qu'avec un SI aversif. Ainsi, il est plus difficile de
faire disparaître, d'éteindre, une réponse conditionnelle de peur, de phobie, qu'une
RC appétitive.
Cependant,
l'extinction
ne
semble
pas
un
conditionnement
facile,
car
un
certain temps après qu'elle est établie, si l'on présente de
nouveau
le
stimulus
conditionnel (SC) on observe souvent un phénomène de recouvrement spontané de la
réponse
conditionnelle, même
si
celle-ci
est
appétitive,
cela
signifierait
que
le
processus d'extinctiçon ne la fait pas disparaître, ne l'efface pas mais l'inhibe. En
effet, la réponse, une fois acquise, ne s'éteint pas, mais l'organisme se refuse à
l'émettre si elle n'est plus suivie de renforcement.
Une autre observation importante est le phénomène de généralisation appelé
aussi transfert par certains auteurs. Les expériences ont montré qu'une réponse
conditionnelle tend à s'étendre à d'autres stimuli "qui, auparavant, ne la produisaient
pas et qui n'ont jamais été directement conditionnés, i.e. appariés, associés avec le
stimulus inconditionnel" (1). Cela s'explique parce que tous ces stimuli ont quelque
analogie,
du moins
apparente,
avec
le
stimulus
conditionnel
qui
a
provoqué
la
réponse. C'est le principe de similarité qui s'exprime comme suit: "Lorsqu'une RC
est produite par un SC donné, elle peut aussi être produite par d'autres stimuli
présentant
des
caractères
de
similarité
avec
le
SC.
L'intensité
de
la
réponse
produite dépendra alors du degré de similarité entre SC original et le stimulus avec
lequel il y a généralisation" (1). Le phénomène de généralisation se retrouve aussi
au niveau de l'extinction d'une RC. Pour instaurer l'extinction, si on présente sans
renforcement
le stimulus
similaire au lieu
du SC, on
observe,
en
présentant
à
nouveau ce dernier, que la RC est moins forte qu·auparavant.
On peut instaurer le processus de discrimination entre le SC original et ceux
similaires, si, à certains essais, on apparie SC original avec SI, et qu'à d'autres
essais, on
présente
les
stimuli
similaires
sans
les
associer au
SI;
la
réponse
conditionnelle
diminue
puis
disparaît.
L'organisme
a
fini
par
acquérir
un
comportement
de
différenciation,
de
discrimination
entre
ces
stimuli
et
le
SC
original.
1.1.2.2. Conditionnement opérant ou instrumental.
Dans le comportement opérant, contrairement à celui répondant que nous
venons d'étudier, la réponse n'est pas produite par un stimulus, c'est une réaction
spontanée de l'organisme cherchant à modifier l'environnement. Cette modification
constitue pour l'organisme un stimulus associé à sa réaction comme conséquence
(loi de contingence). Mais pour que la réaction ait des chances de se reproduire, de
se fixer, il faut que les conséquences la suivent immédiatement dans le temps: cet
intervalle temporel ne doit pas dépasser 5 secondes, sinon on risque de renforcer
un autre comportement au lieu de celui choisi
(/oi de contiguTté temporelle), Par
(1), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p13.
- 763 -

exemple, un rat affamé placé dans une cage explore celle-ci en émettant plusieurs
comportements variés, Par hasard, il appuie sur un levier qui libère une boulette
de
nourriture,
On
observe
l'abandon
progressif
des
autres
comportements
exploratoires et l'augmentation de la fréquence d'apparition de ce
dernier;
et
si
chaque émission de ce comportement est suivie de la boulette de nourriture comme
conséquence, il deviendra le seul et se fixera,
Ainsi donc, la cause initiale de l'opérant n'est pas un stimulus extérieur, mais
"semble résider dans l'organisme lui-même" (1), Il est émis spontanément et si les
conséquences sont favorables, s'il modifie favorablement le milieu, il se fixera et
deviendra habitude, Le conditionnement opérant est basé sur le principe d'essais et
erreurs, Avant toute procédure de conditionnement, la réaction spontanée demeure à
un niveau dit opérant, Lorsqu'elle est suivie d'une conséquence X, c'est l'instauration
du processus de conditionnement,
Si après le conditionnement, la réponse n'est plus suivie de conséquence, le
processus d'extinction s'installe,
Tout stimulus qui suit immédiatement l'émission d'un
comportement
et en
modifie la probabilité d'apparition est appelé agent de renforcement, Le renforcement
lui-même est cette modification de la probabilité d'apparition d'un comportement suivi
d'un agent de renforcement.
Le renforcement est positif ou négatif, selon que la modification provoquée
par un agent de renforcement est positive ou négative, i.e, selon que l'agent de
renforcement augmente ou diminue la probabilité d'apparition du comportement
qui
suit et dont il est la conséquence, Il en ressort que le renforcement ne réside pas
dans le stimulus qui est agent
de
renforcement,
mais
dans
ses effets
comme
conséquences du comportement.
Par
la
méthode
de
conditionnement
opérant,
on
peut
façonner
un
comportement que l'organisme n'émet pas spontanément. en l'amenant à produire. à
émettre le comportement désiré, Pour ce faire, on procède au renforcement des
réactions
de
l'organisme qui s'approchent
de plus
en
plus
du
comportement
à
instaurer, Par exemple. pour apprendre à un enfant à prononcer correctement un
mot, on renforce graduellement les sons qui se rapprochent de plus en plus du son
juste, Ce procédé est très délicat. car le renforcement exagéré des approximations
risque
d'amener
l'organisme à
se
fixer
sur
l'une d'elles
et
ne
plus
trouver
la
nécessité de progresser,
Le conditionnement opérant connaît aussi
le
phénomène
de généralisation,
"Une réponse renforcée dans une situation peut se produire dans des situations
similaires" (2), Le comportement: "presser un levier", renforcé dans une boîte aura
tendance à se généraliser aux leviers placés dans des boites un peu différentes de
la première.
Pour éviter la confusion à laquelle peut parfois conduire cette généralisation
(l), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p14,
(2), Malcuit, G. et AI, Op. cit. pla.
- 764 -

quand elle est poussée à l'extrême, il convient, dans certains cas, de provoquer le
processus de discrimination, en renforçant
le
comportement-cible
dans
certaines
situations en présence de certains stimuli. et en ne le renforçant pas dans d'autres
situations
et
en
l'absence
de
ces
stimuli
discriminatifs
(SD).
Le
stimulus
discriminatif a donc un effet sur la probabilité d'apparition d'un comportement en sa
présence. En d'autres termes, sa présence augmente la probabilité d'apparition de
ce comportement. Ainsi "la fréquence d'un opérant sera élevée en présence d'un
stimulus discriminatif qui. dans le passé. a accompagné la production de cet opérant
et a signalé l'occasion de son renforcement"
(1).
La consigne serait
la suivante:
"dans telle situation, on fait ou ne fait pas cela" (2).
Une dernière remarque est que dans le milieu
naturel
de
l'organisme.
le
renforcement continu, i.e. chaque émission de comportement suivi de conséquence.
est
très
rare.
Il
se
distribue
plutôt
de
façon
plus
ou
moins
programmée.
Le
programme de renforcement peut être établi en fonction du nombre de réponses
émises
(programme
à
proposition)
ou
en
fonction
du
temps
(programme
à
intervalle). L'un et l'autre peut être fixe (quand le renforcement se fait après un
nombre de réponses fixe ou après un intervalle temporel fixe) ou aléatoire (quand
ces deux paramètres varient au hasard) (2).
1.1.2.3. Contrôle ou maintien des comportements.
Nous venons de décrire les mécanismes de formation des comportements ou
réactions apprises d'un organisme.
Mais nous avons vu aussi qu'II ne suffit pas que le comportement soit formé,
établi
par
ces
mécanismes
de
conditionnement
pour
se
maintenir.
devenir
des
habitudes stables et permanentes. Il faut qu'II continue d'être contrôlé par certains
stimuli, sinon il s'éteint ou est inhibé.
Généralement. ce
sont
les
stimuli qui
l'ont
produit ou
ont
renforcé
son
émission qui continuent à le maintenir en activité. à le contrôler. A ces stimuli
s'ajoutent ceux discriminatifs qui participent au contrôle du comportement renforcé
en leur présence. (3).
1.1.2.4. Genèse de la personnalité.
La personnalité se construit donc progressivement par la sommation de ces
comportements qui se forment et se maintiennent, au cours du développement de
l'être humain et surtout durant l'enfance où le conditionnement social est intense et
systématisé sous forme d'Institutions éducatives (famille. école, armée .. .).
L'élément
social
dans
cette
construction
est
dominant.
Par
les
conditionnements, répondant et opérant. les institutions éducatives
façonnent chez
l'enfant
des
modèles
de
comportements
acceptés
et
valorisés
par
la
société.
(1), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p19.
(2). Malcuit, G. et AI, Op. cit. pp19-24.
(3), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p18.
- 765 -

L'adulte est ainsi la somme, le répertoire, de tous ces comportements forgés par la
société depuis son jeune âge.
Il en ressort que les behavioristes rejettent l'hérédité
(tout est construit,
tout est appris, rien n'est inné ... ), l'intériorité psychique qui rappelle l'esprit, l'âme.
La réflexologie pavlovienne réduit toute la personnalité à la psychophysiologie, au jeu
des associations neuronniques; le behaviorisme américain de tendance classique met
plutôt l'accent sur le conditionnement du milieu social; la personnalité est un pur
produit
de
la
société,
l'individu
ne
participant
pratiquement
pas
à
sa
propre
construction. Il vient au monde comme une table rase où l'environnement et surtout
le milieu social écrivent ce qu'ils veulent, en font l'homme qu'ils désirent.
C'est le conditionnement opérant qui admet une certaine activité spontanée
de l'organisme; entre le stimulus et la réponse. il y a les variables intermédiaires
que certains. tels que C .L.Huli définissent comme besoins physiologiques
primaires
de l'organisme (tels que la faim, la soif, le besoin sexue!. .. ). Donc. ces
variables
intermédiaires sont elles aussi observables. La cause initiale de l'activité spontanée
de l'organisme est
la
recherche
de
réduction
de
ces
besoins.
Les
modéles
ou
répertoires de comportements se construisent donc autour de la satisfaction ou la
non-satisfaction de ces
besoins. Les
besoins
sociaux,
communautaires,
qui
sont
primordiaux dans le conditionnement répondant deviennent secondaires, greffés sur
les
besoins
primaires
de
l'organisme
qui
n'apprend
que
si
les
conséquences
renforçant son activité correspondent à ces besoins.
1.1.2.5. Problème de l'unité de la personne.
Les
répertoires
ou
modèles
de
performances
acquis
que
constitue
la
personnalité ne semblent pas avoir un centre d'unité psychique.
En effet dans l'étude structurale du psychisme telle que l'analyse factorielle
des
conduites
cognitives
(L.L.Thurstone)
et
des
traits
de
personnalité,
les
behavioristes
postulent
plusieurs
variables
condensées,
ou
facteurs,
qui,
théoriquement,
devraient
être
indépendants.
Mais,
mathématiquement,
la
représentation graphique de ces facteurs montre souvent le contraire (les axes sont
obliques au lieu d'être perpendiculaires dans Un espace multidimensionnel), Malgré
ces
constatations,
les
behavioristes
préfèrent
quelquefois
négliger
la
variance
résiduelle dont l'exploitation à fond permet de dégager un
facteur
général
qu'ils
appellent de second ordre, mais qui ne laisse pas moins entrevoir un lien structural
entre les dimensions psychiques, postulant a insi une unité psychique.
C'est
pour cette
raison
que
le
facteur
G est
un
peu
gênant
pour
les
behavioristes qui refusent de descendre dans les profondeurs du psychisme qu'ils
préfèrent appeler organisme. En effet, s'ils admettent cet indice de liaison et lui
donnent l'importance qui lui revient, ils se verront obligés d'aller jusqu'au bout. et de
l'expliquer au-delà de l'observable. D'après eux, les données objectives ne suffisent
pas à une telle explication.
- 766 -

1.2. PERSONNE-PERSONNALITE NAWDA ET PERSONNALITE BEHAVIORISTE.
1.2 .1. Hérédité et structure de la personnalité.
Dans la conception
nawda, les
éléments
structurels
qui
composent
l'être
humain ne sont pas acquis par l'apprentissage. Ce sont des aspects de la force
vitale émanée de l'Ancêtre par la' médiation des géniteurs. Ils sont donc congénitaux
et héréditaires.
Les
behavioristes,
au
contraire,
considèrent
la
personnalité
comme
un
répertoire de comportements appris, un conditionnement social, et rejettent toute
idée d'équipement héréditaire, qui ne soit pas à tout le moins biologique.
1.2.2. Facteurs sociaux et personnalité.
Nous avons vu que la personne-personnalité nawda a une dimension sociale
et une phylogénétique. Cette dernière ayant trait à la transmission héréditaire de
l'être, puis de l'existence de l'Ego par l'intermédiaire du pôle biolignager, la société
élargie est transmettrice de la
Tradition
véhiculée
par
la
Cu Iture qui constitue
l'identité de l'existant avec l'Ancêtre Commun Fondateur.
Cette dernière
dimension
socio-culturelle
de
l'Ego pourrait
avoir
quelques
analogies
avec
la conception
behavioriste
de l'action
sociale
constructrice de
la
personnalité de l'individu. On serait tenté dans ce sens de rapprocher l'intégration
sociale de l'individu nawda avec le conditionnement social de l'individu behavioriste.
Certes, le système éducatif nawda, transmetteur de la culture, tel que nous l'avons
analysé laisse penser à un cas spécifique de conditionnement social.
Une
telle
analogie
n'est
qu'apparente,
car,
dans
la
transmission
de
la
Tradition à la descendance au cours du processus éducatif, le Nawda s'adresse
plutôt à l'intériorité et non à l'extériorité de l'être. D'ailleurs comme nous l'avons
démontré, les deux ne sont pas séparables, étant différents aspects de la même
réalité. L'éducation établit un rapport direct sans intermédiaire entre l'enfant et la
spiritualité, le monde sacré ancestral, le message qui lui est transmis vient
de
l'Ancêtre. C'est lui le modèle, objet identificatoire pour l'enfant et pour l'adulte.
On peut trouver là un renforcement des réactions anxieuses, renforcement
visant à instaurer la crainte de la loi érigée en loi ancestrale, afin de faciliter la
docilité et la cohésion sociale.
Quand même ce serait le cas, cette cohésion sociale n'est pas un système
extérieur à l'individu Nawda. C'est un besoin intérieur, un besoin vitai (pas seulement
biologique>'
C'est
pourquoi
l'environnement
extérieur,
pour
le
Nawda,
n'est
pas
séparable de l'individu. Il est rattaché, articulé à l'environnement comme la branche
à l'arbre. Donc, l'influence sociale que les behavioristes appellent conditionnement
n'est pas une construction en dehors de l'individu. Elle est plutôt une dimension
vitale de l'individu. La dimension ph ylogénétique est surtout ontologique. Celle sociale
- 767 -

est existentielle et culturelle. L'être humain émané de Sang bande par la médiation
de l'Ancêtre est une force formelle: nous l'avons définie comme moule. L'existence.
c'est cet être mais en acte, réalisé concrètement. Cet être en acte est formulé
par le milieu social
selon le
moule,
la
forme
définie
et
construite
par
l'origine
divino-ancestrale.
1.2.3. Extériorité.
Les behavioristes mettent l"intériorité entre parenthèses. Le sujet n'est pas
étudié en tant que tel. Ce sont les stimulations du mil ieu extérieur en rapport avec
ses réactions en tant q'extérieures qui constituent lobjet d'étude. Le sujet lui-même
en tant que centre énergétique, dont
les
comportements
observables
constituent
quelques-uns
des
rayonnements,
est
défini
comme
un
ensemble
de
variables
intermédiaires.
Quand
celles-ci
ne
sont
pas
réduites
aux
seuls
besoins
physiologiques, elles sont dites "boîte noire"; boite parce que fermée à l'expérience
sensible. à l'observation, noire parce que même si elle possède une ouverture. rien
ne permet d'y voir quoi que ce soit. Il n'y a pas de données objectives permettant
de l'étudier. La personnalité se construit donc à l'extérieur, à la périphérie de cette
boite. Et puisqu'on n'y voit rien,
rien
n'y existe
pouvant
expliquer
la
périphérie.
Toute la personnalité se réduit donc à l'extérieur observable, phénoménal de cette
boîte.
Chez le Nawda. l'extérieur. le phénomène n'est que le reflet,
l'expression
symbolique de l'intérieur qui est la substance. Et puis, l'extérieur ne se réduit pas à
l'enveloppe corporelle observable. sensible. L'extérieur c'est aussi toute
la
réalité
phénomènale et noumineuse, matérielle et spirituelle en dehors de l'Ego. Ainsi, les
interactions,
conflictuelles
ou
non,
entre
Ego
et
les
trois
pôles
sont
dites
extérieures à lui. alors qu'elles sont essentiellement spirituelles, surnaturelles, donc
inobservables.
1.2.4. Totalité Nawda et répertoire comportemental behavioriste.
Le Nawda conçoit la personne-personnalité comme une totalité
structurée
Les
différents
éléments
structurels
du
noyau
de
l'Ego.
de
son
individualité
existentielle.
sont
des
aspects,
des
modes
d'être,
donc
non
séparables.
non
scindables.
Ego lui-même et
son
environnement
phylogénético-social
forment
un
ensemble
structuré.
Ego
est
vitalement
articulé
à
son
environnement
et
n'est
intelligible que relié à lui.
Pour les behavioristes. la personnalité est un ensemble de répertoires ou de
modèles disparates de comportements. non structurés. sans relation • non correlés
entre
eux.
Puis
l'articulation
de
l"individu
avec
son
milieu
semble
obéir
à
un
processus fortuit. C'est le hasard qui explique les liaisons S-R et R-S. i.e. entre
-
768 -

les performances de l'individu et son milieu, liaisons qu i sont à la base
de
la
construction de la personnalité, qui constituent les répertoires de comportements.
1.2.5. Histoire individuelle et personnalité.
La
personnalité,
pour
les
behavioristes,
se
construit
au
cours
du
développement individuel. L'histoire de l'individu est donc la trame des répertoires de
comportements dont la somme définit sa personnalité.
Nous avons vu que pour le Nawda la structure de la personnalité est une
totalité
donnée,
héréditaire.
Certes,
elle
subit
des
modifications
hiérarchisées,
ponctuées par les rites de passages au cours du cycle de la vie. Mais ce sont des
modif~tions
autogènes
qui
n'ont
rien
à
voir
avec
l'influence
du
milieu,
l'apprentissage.
2. REPRESENTATION DE LA MALADIE.
2.1. BEHAVIORISME.
2.1.1. La notion de maladie mentale.
Les troubles psychologiques sont des comportements inadaptés
persistants
acquis par conditionnement comme tout autre comportement. Ils sont inadaptés pour
des
raisons
les
plus
diverses.
Toujours
est-il
qu'ils
ne
sont
pas
adaptés
à
l'environnement.
Or,
nous
avons
vu
que
l'individu
est
en
interaction
avec
l'environnement
et
que
ses
comportements
sont
des
réactions,
des
réponses
adaptatives à cet environnement. Les troubles
sont donc des tentatives
avortées
d'adaptation
au milieu. Ces
comportements
sont
inadaptés
soit
parce
que
les
stimuli qui les précèdent sont subjectivement aversifs et intolérables pour le sujet,
soit parce que la société les réprime.
2.1.1.1. Inadaptation subjective.
Certains comportements sont dits perturbés, inadaptés, parce qu'ils sont des
réponses, des réactions inadéquates à la situation stimulante. En d'autres termes,
les stimuli qui déclenchent ces comportements sont objectivement inoffensifs. Cest
surtout l'exemple
des
troubles
à
forte
composante
d'anxiété.
Dans
ce
cas,
le
comportement est dit "inadapté s'il se traduit par un niveau élevé d'anxiété alors
que
les
stimuli
qui
le
déclenchent
ne
sont
pas
objectivement
menaçants"
(1).
Précisons
que
l'anxiété
est
définie
par
les
behavioristes
"comme
un
ensemble
(1), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p33
- 769 -

spécifique de réponses du systéme nerveux autonome" (1).
Généralement. le sujet névrosé a conscience de l'innocuité des stimuli qui lui
paraissent aversifs et intolérables. Son compportement inadapté lui est gênant; il en
souffre et veut s'en débarrasser.
2.1.1.2. Inadaptation sociale.
D'autres comportements sont inadaptés
parce qu'ils sont réprouvés
par la
société qui les réprime. Ce sont des comportements socialement déviants. mais qui.
souvent. ne gênent pas en soi leur auteur et peuvent même entraîner pour lui des
conséquences agréables. Mais il peut en souffrir parce qu'il éprouve la culpabilité. la
peur de la société. une pression trop forte de n'être pas comme les
autres. de
n'être pas conforme au modéle général (2).
2.1.2. Histoire individuelle et maladie mentale.
2.1.2.1. Maladie mentale et genése de la personnalité.
La maladie mentale étant définie comme comportement inadapté appris. elle
s'acquiert.
se
forme
au
cours
du
développement
individuel
comme
les
autres
comportements.
Ainsi.
l'étude
de
l'histoire
individuelle
permet
de
comprendre
et
d'expliquer comment les comportements
déviants. inadaptés,
se
sont
formés.
En
effet. si les mécanismes de conditionnement sont régis par des lois générales. les
réactions
entraînées chez
divers
individus
par
les
mêmes
stimuli
peuvent
être
propres
à
chaque
individu.
puisque
chacun
a
connu
des
contiguTtés
et
des
contingences particulières entre stimuli et réponses (3).
En d'autres termes. certains
stimuli prennent
une
signification
particulière
dans certaines situations au cours de l'histoire individuelle. Cela explique que devant
les
mêmes
situations
stimulantes
certains
développent
des
comportements
pathologiques.
2.1.2.2. Maladie et interactions sociales.
Comme
nous
l'avons
montré
plus
haut. ce
sont
surtout
les
stimulations
sociales
qui façonnent
les
comportements
des
individus.
au
cours
de
l'histoire
individuelle.
Le conditionnement
social
auquel
l'individu
est
confronté
le
force
à
apprendre certains modèles de comportements attendus parce que valorisés par le
milieu. Les maladies sont la plupart du temps les réactions inadaptées du sujet aux
stimulations du milieu social. Dans ce sens. la maladie mentale est en quelque sorte
une
action
nocive
de
l'environnement,
surtout
social,
sur
l'individu
qui
est
en
interaction avec ce milieu auquel il doit s'adapter. C'est pourquoi elle
peut être
(1). Malcuit. G. et AI. Op. cit. p33.
(2). Malcuit, G. et AI, Op. cil. pp32-34.
(3). Malcuit. G. et AI. Op. cil. p34.
- 770 -

définie comme une inadaptation surtout sociale. Elle est aussi l'action
nocive
du
comportement individuel sur la société et pour cela réprouvé
par celle-ci
comme
inadapté. i.e. non conforme aux attentes sociales.
2.1.3. Maladie et situation actuelle.
Si
l'histoire
individuelle
permet
de
comprendre
l'éclosion
de
la
maladie
mentale. elle ne suffit pas à elle seule à expliquer son maintien actuel. Comme pour
tout comportement. il faut chercher les raisons de ce maintien dans la situation
actuelle; car "seuls les évènements actuels peuvent faire comprendre pourquoi tel
comportement persiste" (1) et ainsi fournir les paramètres de la maladie. En effet.
"si les èvènements passés étaient les seuls
facteurs en jeu, ou bien l'extinction
serait déjà survenue ou bien elle serait en bonne voie" (1). puisque les stimuli ou les
conséquences qui avaient provoqué la maladie seraient du passé et celle- ci ne serait
pas entretenue. Donc, certains éléments
de
la
situation
actuelle
maintiennent
le
comportement déviant en acte. Les évènements actuels sont donc plus importants
que l'histoire passée.
2.2. CONCEPTION NAWDA DE LA MALADIE ET BEHAVIORISME.
2.2.1. Environnement de l'Ego et conflit morbogène.
Le behaviorisme situe le conflit morbogène non à l'intérieur de l'Ego, comme
le font
les
systèmes
psychologiques
dynamiques,
mais
entre
l'organisme
et
son
milieu surtout social
auquel
il
doit
s·adapter.
D'ailleurs.
nous
avons
vu
que
les
behavioristes se refusent à fouiller l'intérieur de l'organisme. La maladie est donc
une relation
conflictuelle
entre Ego
et
son
environnement
(social),
Comme
nous
l'avons fait remarquer plus haut, la maladie est une action nocive du milieu extérieur
sur Ego. une agression
extérieure.
Ego est
matraqué,
agressé
par
des
stimuli
extérieurs auxquels il n'arrive pas à s'adapter.
Dans ce sens, le behaviorisme rejoint en
partie
la
conception
nawda
qui
place. comme nous l'avons vu. les conflits morbogènes à l'extérieur de l'Ego. La
maladie est une agression extérieure à Ego. Mais nous avons montré que le terme
extérieur ne recouvre pas la même réalité dans les deux systèmes conceptuels.
Et puis. la maladie comme déviance. refus du sujet de se conformer à la
société (maladie objective) est
analogue
à
la
notion
nawda
du retournement
de
l'agression contre Ego. Le malade behavioriste souffre de la pression
sociale; le
malade nawda est agressé par sa propre méchanceté infléchie par '·extérieur.
(1), Malcuit, G. et AI. Op. cit. p37.
- 771 -

2,2,2, Agression extérieure el logique du malheur,
Le
behaviorisme
explique
l'agression
morbogène
extérieure
comme
une
rencontre
fortuite entre l'organisme et le
stimulus,
Même
si
le
conditionnement
social est systématique, il n'a pas pour objectif de rendre Ego malade, mais de le
conformer
au
modèle
social.
Donc,
c'est
accidentellement
que
des
contiguïtés
particulières entre Ego et certains
stimuli créent et
entretiennent
des
réactions
inadaptées qui constituent les troubles psychiques,
Or, nous avons vu que pour le Nawda, au-delà de la rencontre fortuite des
évènements observables dont résultent les troubles de santé, la mort, etc .. , il y a
une explication plus profonde postulant la nécessité de la logique du malheur.
2.2,3. Processus morbide et symptôme,
Si, pour le Nawda, l'agression, ou le conflit morbogène, est extérieur à Ego,
toute la pathologie ne se réduit pas à ce conflit. Il est la cause et non pas
le
processus
morbide
qui,
lui,
se
déroule
à
l'intérieur
de
l'Ego
et
échappe
à
l'expérience sensible. Le
symptôme, en
tant
que
traduction,
expression
sensible,
observable de ce
trouble,
prend
valeur
de
symbole
et
donc
n'a en
soi
aucune
signification morbide,
Les behavioristes quant à eux, réduisent toute la pathologie au symptôme, La
maladie, le processus morbide, c'est le trouble comportemental, le comportement
déviant,
inadapté.
Certes,
le
comportement
décrit
par
les
behavioristes
est
complexe; mais tous ses paramètres sont extérieurs dans le sens behavioriste, i.e,
observables au-delà desquels il n'est postulé aucune
autre
réalité.
Les
variables
intermédiaires postulées par certains, nous le savons, sont, soit inconnaissables, soit
réduites aux besoins physiologiques eux aussi observables et mesurables.
Ainsi donc, la pathologie behavioriste ne distingue pas entre le symptôme et
le processus morbide.
2.2.4. Trouble morbide et totalité de l'Ego.
La personnalité étant conçue par les behavioristes comme une somme de
modèles disparates de comportements, la maladie est, dans ce
sens, un
trouble
isolé se limitant à un modèle comportemental donné.
De plus, les behavioristes rejettent la notion du psychisme tel qu'il est défini
dans
la
psychologie
dynamique, entre
le
concept
religieux
de
l'âme
(esprit)
et
l'organisme.
Les
behavioristes
confondent
l'âme
et
le
psychisme
ainsi
défini
et
rejettent les deux notions comme inaccessibles à la science empirique. Mais ils ne
réduisent pas
totalement l'être humain
à
l'organisme.
Le
comportement
est
une
manifestation
de
l'organisme
mais
qui
n'est
pas
organique.
Cette
position
- 772 -

inconfortable ne nous permet pas de définir la nature de la personnalité et celle de
la maladie behavioriste. Pour éviter la confusion, nous avons pris le risque d'utiliser
l'expression: "maladie mentale".
Quant
au
Nawda,
nous
l'avons
vu,
il
conçoit
la
maladie
comme
une
destructuration de la totalité de l'Ego. Quel que soit
l'aspect
agressé,
le
mode
d'exister qui est
cible,
c'est
la
totalité
qui est
atteinte,
désorganisée.
Cela
se
comprend
bien
dans
une
optique
structurale

une
modification
en
un
point
quelconque entraîne la modification de l'ensemble.
3. PRATIQUES THERAPEUTIQUES.
3.1. THERAPIES BEHAVIORALES.
3,1.1, Objectif.
L'objectif
poursuivi
par
les
thérapies
behaviorales
est
la
suppression
du
symptôme qui, comme nous l'avons vu, constitue tout le processus morbide.
Sa
suppression signe donc la guérison.
Les
thérapies
behaviorales
visent
donc
ia
destruction
du
comportement
gênant ou l'instauration d'un comportement faisant défaut dans le répertoire du sujet
et constituant par là le trouble morbide.
Les deux démarches sont même souvent complémentaires car la suppression
d'un comportement entraîne généralement l'instauration de son contraire en principe
plus adapté.
3.1.2, Diagnostic.
Etant donné que la maladie psychique est un résultat fâcheux de l'interaction
entre
l'organisme
et
son
environnement,
le
diagnostic
cherche
natureliement
à
"découvrir les lois et les relations entre le comportement et le milieu" (1).
Nous venons
de voir l'importance de l'histoire individuelle dans l'acquisition
des
comportements
et
plus
particulièrement
dans
la
formation
des
troubles
psychiques qui sont des comportements déviants. Mais nous savons aussi que les
évènements
passés
ne
permettent
pas
de
comprendre pourquoi
la
maladie
se
maintient actuellement.
C'est pourquoi le diagnostic behavioriste ne consiste pas à remonter le cours
de l'histoire individuelle à la recherche des associations pathogènes qui seraient à
l'origine de la maladie actuelle. Cette recherche est inutile parce qu'elle ne permet
(1). Malcuit, G. et AI, Op. cit. p26.
-
773 -

pas
de
comprendre
la
situation
présente
qui
est
importante
pour
la
décision
thérapeutique
à
prendre.
Ce
sont
les
évènements
de
la
situation
actuelle
qui
expliquent la persistance de la maladie, Donc le diagnostic consiste à analyser cette
situation, à rechercher ces événements: pour ce, il faut d'abord bien circonscrire le
comportement perturbé dans ses para métres actuels, i,e, stimulus-réponse, Ensuite,
il
faut
isoler
tous
les
stimuli
qui
le
maintiennent
actuellement
en
activité,
sans
lesquels
il serait voué à l'extinction. Ceia
revient
à
déterminer
et
a
circonscrire
avec
precIsion
les
agents
renforçants
originaux
et
discriminatifs,
puis
les
généralisations éventuelles, En d'autres termes, le diagnostic doit mettre en lumiére
tous les stimuli originaux et similaires qui, actuellement, déclenchent ou renforcent
le comportement déviant.
Cest seulement aprés ce
travail
minutieux
que
la procédure
thérapeutique
peut être mise en route.
3,1.3, Procédures thérapeutiques,
Les procédures thérapeutiques s'inspirent des deux mécanismes d'acquisition
des
modéles
de
comportements,
i.e.
le
conditionnement
répondant
et
le
conditionnement opérant que nous avons étudiés plus haut.
Avant d'analyser ces deux types de procédures, il convient de noter que "la
relation client-thérapeute s'avére ne pas être une variable essentielle au succés ou
à l'échec de la thérapie" (1). Cela se comprend dans la mesure ou les behavioristes
n'admettent
pas
la
dynamique
conflictuelle
intra
et
inter-psychique
basée
sur
l'énergie affective, élément intérieur échappant au contrôle expérimental.
3,1,3.1. Modification curative des comportements répondants (2).
La modification corrective des comportements répondants
utilise
les
quatre
procédures
fondamentales
suivantes
basées
sur
les
principes
du
conditionnement
classique: l'inhibition réciproque, l'immersion, l'aversion et la formation des réponses
positives.
Les
deux
premiéres
procédures
sont
indiquèes
dans
l'élimination
des
comportements
déviants,
ou
inadaptés

l'anxiété
domine;
alors
que
les
deux
dernières sont utilisées pour instaurer, chez un sujet, des comportements
faisant
défaut.
3.1.3.1.1. L'inhibition réciproque et l'immersion.
Les troubles à
forte
composante anxiogène
que
H.J.Eysenck
appelle
névroses dysthymiques sont appris (3). J.Wolpe donne de la névrose et de l'anxiété
(1), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p38.
(2), Malcuit, G, et AI, Op. cit. p39 et p59.
(3), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p39.
- 774 -

les définitions suivantes:
• La névrose est un modèle (pattern)
'acquis de comportement
inadapté ou l'anxiété est presque toujours dominante, et qui est contracté dans des
situations génératrices d'anxiété" (1) .

"L'anxiété est un pattern
(modèle)
de réponse du
système
nerveux autonome qui fait typiquement partie de la réponse de l'organisme à une
stimulation aversive" (lL
Ainsi donc, toute réponse d'anxiété apparaissant dans des circonstances où il
n'y a pas de menace objective est une réponse inadaptée. Elle est engendrée par
l'association entre un stimulus neutre et un stimulus nociceptif. L'association répétée
des
deux
stimuli
confère
à
celui
neutre
un
caractère
aversif,
désagréable,
produisant l'anxiété.
L'élimination de ces troubles se fait par la technique d'inhibition réciproque ou
celle d'immersion.
L'inhibition reclproque, appelée encore désensibilisation systématique, consiste
à placer le malade dans une situation agréable réelle ou imaginée et à approcher
graduellement de lui la situation anxiogéne, elle aussi réelle ou imaginée. La situation
agréable va progressivement inhiber l'anxiété suivant le principe énoncé par J.Wolpe:
"Si une réponse
inhibitrice de ['anxiété peut être émise
en
présence
de
stimuli
évoquant l'anxiété, elle affaiblira le lien entre ces stimuli et l'anxiété" 12 L
Des situations agréables et anxiogènes réelles peuvent être utilisées
pour
réduire la peur apprise d'objets anodins. "Par exemple chez un enfant qui a peur
des souris blanches, on placera dans un coin trés éloigné de la pièce une souris
blanche dans une cage en même temps que l'on donnera à l'enfant les friandises
qu'il préfère. On approchera ensuite graduellement la cage en même temps
que
l'enfant mange les friandises. La réponse d'anxiété produite habituellement par la vue
du petit animal sera inhibée par la sensation plaisante produite par la vue et la
dégustation des friandises" (3L L'enfant finira par toucher la cage, puis acceptera
qu'on ouvre la cage
et
touchera
enfin
la souris et
se
rendra
compte
de
son
innocuité.
Dans des situations imaginées, on utilise
les
représentations
mentales
du
malade au lieu des stimuli (agréables et anxiogènes) réels. L'approche graduelle est
remplacée ici par l'intensité graduelle de l'anxiété imaginée. Dans ce sens, il faut, au
préalable,
établir
avec
le
malade
une
liste
hiérarchique
de
représentations
anxiogènes.
La
situation
agréable,
inhibitrice
de
l'anxiété,
est
alors
l'état
de
(1), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p39.
(2), Wolpe, J., cité par Malcuit, G. et AI, Op. cit. p43.
(3), Ibid. pp42-43.
- 775 -

relaxation.
"On
jerT'ande
au
patient,
en
état
de
relaxation
profonde
de
se
représenter
memaiement
la
première
siwation-stimulus
de
la
hiérarchie
préalablement établie (i.e. la situation la moins anxiogéne)" (1). A cause de l'état de
relaxation,
cette
situation
réduit
la
reponse
d'anxiété.
La
procédure
est
reprise
plusieurs
fOIs
jusqu'a ce
que
!'item
n'évoque
plus
aucune
réponse
d'anxiété.
On
procédera ainsi jusqu'à 1épuisement total de la liste, i.e. jusqu'à la représentation ia
plus anx iogéne.
Le
principe
dinhibition
réciproque
a
un
fondement,
une
base
psychophysiologique, Il est démontré que le systéme nerveux autonome sympathique
est
le
centre
d'excitation
alors
que
celui
para-sympathique
est
le
centre
de
relaxation.
Ainsi
donc,
la
peur,
l'anxiété
qui
met
l'organisme
sous
tension,
le
préparant à la fuite ou à l'attaque agressive, est sous la commande du sympathique
qui
annihile
alors
ïactivité
relaxante
du
parasympathique
lequel
inhibe
l'action
excitante
du
sympathique
et,
partant,
la
réponse
d'anxiété.
Le
nom
d'inhibition
réciproque donné à cette technique est lie au fait que les deux systémes nerveux
autonomes
s'inhibent
réciproquement.
L'exposition
graduelle
de
l'objet
anxiogéne
permet
la désensibilisation
progressive,
l'objet
anxiogéne
perdant
progressivement
son caractére menaçant. C'est donc une technique de contre-conditionnement,
La
procédure
d'immersion
(flooding)
contrairement
à
la
désensibilisation
systématique, consite à immerger d'emblée
le
sujet
dans
la
situation
anxiogéne.
C'est "une confrontation brutale et totale avec la situation ou les stimuli anxiogénes"
(2). Comme la technique de
désensibilisation systématique, l'immersion peut utiliser
des
situations anxiogènes réelles
(in vivo)
ou imaginées; dans ce
dernier
cas,
on
doit, au
cours
d'une ou
plusieurs
entrevues,
déterminer
chez
le sujet,
les
aires
critiques de confl it et de peur,
Une fois
ploo"é dans la situation anxiogéne
(réelle ou
imaginée)
le
patient
doit y ètre mainter,u, y demeurer jusqu'à l'extinction de sa réponse
d'anxiété,
On
doit alors prendre soin de bloquer tout comportement d'évitement, Pour ce, dans la
situation réelle, on met le patient face à face avec l'objet anxiogène en lui enlevant
toute possibilité de fuite, d'éloignement; dans celle imaginée, on lui demande de se
représenter
mentalement
la situation anxiogène, en
mème temps
qu'on
lui
décrit
cette situation en
insistant
sur
les
détails
les
plus
anxiogènes
quon
grossit
de
façon à produire la réaction émotionnelle la plus violente (3J.
"II s'agit, en plaçant l'organisme dans la situation anxiogène en l'absence de
stimuli
nociceptifs
réels,
de
provoquer
l'extinction
de
la
réponse
conditionnelle
émotive inadaptée" (4).
(1), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p45.
(2), Malcuit, G. et AI, Op, cit, p54,
(3), Malcuit, G, et AI, Op. cit. p55.
(4), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p56.
-
776 -

La
désensibilisation
systématique
et
l'immersion
sont
donc
en
fait
des
procédures classiques d'extinction des réponses inadaptées, indésirables,
3.1.3.1.2, Le conditionnement des réponses aversives et positives.
Le conditionnement des réponses
avers ives
"cherche
à éliminer
un
comportement
inadapté
en
appariant
un
stimulus
inconditionnel
avers if
avec
un
stimulus qui produit chez l'organisme un effet agréable" (1),
Après plusieurs répétitions de cette association, le stimulus à effet agréable
devient
désagréable;
comme
dans
les
procédures
précédentes,
les
situations
réalisées
peuvent
être
réelles
(thérapie
d'aversion)
ou
imaginées
(aversion
par
provocation d'images).
Dans
la
situation
réelle
ou
thérapie
d'aversion,
les
stimuli
désagréables,
nociceptifs
associés
à
ceux
agréables,
sont
généralement
les
médicaments
émétiques, les stimulations électriques, les sons intenses,
La
situation
imaginée
(ou
l'aversion
par
provocation
d'images)
utilise
des
représentations mentales au lieu d'agents nociceptifs réels, Le patient placé dans
une situation de relaxation, "on lui explique que son comportement
inadapté
est
devenu une très
forte habitude qui lui donne
beaucoup
de
plaisir"(2)
et
que
la
me illeure
façon
de
l'éliminer
est
l'association
à
une
sensation
déplaisante,
désagréable. Pour ce, il doit s'imaginer en train de déployer ce comportement et
d'associer cette imagination à une stimulation très déplaisante, désagréable. Aprés
plusieurs essais dans le bureau du thérapeute, le patient peut répéter la procédure
tout seul chez lui, plusieurs
fois
par jour, ou chaque
fois
qu'il ressent le désir
d'émettre le comportement inadapté.
Comme
on
le
voit,
malgré
les
apparences,
la
procédure
ne
vise
pas
l'élimination d'un comportement, mais à"induire une réponse conditionnelle avers ive
qui inhibera la réponse agréable produite par la situation-stimulus" (3J.
Ces
réponses
agréables
étant
contrôlées
au
niveau
physiologique
par
le
parasympathique,
l'objectif
du
traitement
est
d'associer
à
cette
activité
parasympathique une stimulation sympathique conditionnée intense.
Le conditionnement des réponses avers ives "s'adresse surtout à des troubles
du
second
ordre
qui
ne
sont
pas,
à
l'origine,
vécus
par
le
sujet
comme
désagréables mais qui peuvent s'accompagner d'une certaine anxiété à cause de la
réprobation
sociale
qui
leur
est
propre"(4J.
C'est
le
cas
des
perversions
et
inversions sexuelles, de l'alcoolisme, etc.
(1), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p56.
(2), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p67.
(3), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p60.
(4), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p63.
- 777 -

Le conditionnement des réponses positives vise à restaurer un comportement
positif attendu. Cette technique est particulièrement indiquée dans l'établissement (ou
rétablissementJ
d'une réponse physiologique absente, i.e. faisant
défaut
chez
un
organisme,
telle
que
le
manque
de
contrôle
sphinctériel
dans
l'énurésie
non
organique, le manque de stimulation rectale dans la constipation fonctionnelle. Elle
peut être aussi utilisée comme substitut ou aide à la désensibilisation systématique,
pour amener un individu à maîtriser son anxiété.
Dans
l'établissement
d'une
réponse
physiologique,
on
conditionne
mécaniquement
ou
électriquement
cette
réponse.
Par
exemple
une
stimulation
électrique de l'ampoule rectale chez le constipé et le réveil par une forte sonnerie
chez "énurésique associés respectivement et de façon répétée à la présence d'un
bol
fécal
dans
le
rectum
et
au
passage
de
l'urine,
finissent
par
rétablir
les
réponses physiologiques spontanées,
En ce qui concerne l'utilisation de cette procédure dans la désensibilisation,
on associe un stimulus neutre
avec
l'arrêt
d'une
stimulation
aversive,
arrêt
qui
produit une sensation de soulagement. Ce stimulus neutre devenu conditionnel peut
servir, par généralisation, à arrêter l'accès d'anxiété,
3.1.3.2. Modification corrective des comportements opérants.
L'objectif de cette procédure est
d'instaurer
un
comportement
adapté ou
d'éliminer un comportement inadapté chez un patient en associant à ses réactions
spontanées une conséquence agréable ou désagréable.
Cette procédure est basée sur le postulat que "l'opérant se définit toujours
par ses conséquences. Une classe de comportements est un ensemble de réponses
produisant les mêmes conséquences".
Mais
il
semble
que
ces
conséquences
ne
peuvent
pas
être
perçues
à
l'avance,
prévues.
C'est
pourquoi
d'après
les
behavio ristes
"au lieu de dire qu'un homme agit à cause des
conséquences
qui
suivront son comportement, il est préférable de dire simplement qu'il agit à cause
de conséquences obtenues après un comportement sembiable dans le passé."
(1),
Cela veut dire que l'agent de renforcement ne renforce pas ia réponse qui précède,
mais les réponses futures.
Les techniques thérapeutiques utilisées sont les suivantes:
Pour l'instauration des comportements absents ou défaillants, la technique de
"façonnement" est indiquée. Quand le comportement n'est pas totalement absent, la
technique dite d"'intermédiaire de renforcement" permet d'augmenter sa fréquence
d'apparition.
Pour
l'extinction d'un comportement
déviant, on
utilise
les
techniques
de
retrait de renforcement, de punition, d'omission.
Ces
techniques
ont
permis
la
modification
des
comportements
des
psychotiques profonds chroniques réfractaires à la chimiothérapie.
(1), Malcuit, G. et AI, Op. cit. p77
-
778 -

3.1.3.2.1. Instauration des comportements
La
technique
de
"façonnement"
des
comportements
consiste
à
renforcer
graduellement les essais du sujet. comme nous l'avons vu ci-dessus. au fur et à
mesure qu'il s'approche du comportement attendu.
Cette
technique
a permis
de
rétablir
les
comportements
verbaux
de
schyzophrènes
muets.
des
enfants
autistiques.
L'utilisation des intermédiaires de renforcement
s'avère
nécessaire
lorsque
dans
le
milieu
thérapeutique.
tel
que
le
milieu
hospitalier.
les
agents
de
renforcement
du
milieu
naturel
ne
sont
pas
accessibles.
Les
intermédiaires
de
renforcement sont donc des agents d'importation qui vont jouer "un rôle de transit
avant que les comportements
tombent
de
nouveau
sous
les
stimuli
de contrôle
sociaux
habituels."
(1l.
Cest
ainsi
que
dans
les
hôpitaux
psychiatriques.
le
conditionnement opérant avec "jetons" a été introduit et pratiqué avec succès. En
effet ce système permet le réveil actif des schizophrènes apathiques présentant le
syndrome dit de retrait affectif. d'indifférence..... apparenté à la chronicisation.
Le
terme
"jeton"
désigne
tout
objet
de
symbole
qui
sert
de
monnaie
d'échange permettant d'acquérir un objet de satisfaction. Le "jeton" n'est donc pas
en soi un agent de renforcement. mais un intermédiaire entre l'opérant et l'agent de
renforcement. On le troque contre certains objets désirés ou essentiels qui sont
des agents de renforcement. En tant que monnaie d'échange, le jeton peut être
donc symbolisé par n'importe quoi: timbre, morceau de carton, chiffre,
Dès après l'émission de chacun des comportements cibles. le patient reçoit
un jeton. Selon le degré d'apathie des malades, ces "jetons" sont essentiels pour la
satisfaction des besoins primaires -(pour les apathiques profondsl-
(telle que la
nourriture quotidienne. le lit pour le sommeil, .. J; ou des besoins secondaires -(pour
les apathiques moins profonds)- (par exemple le choix du menu, le droit à la salle à
manger luxueuse,
la
chambre privée, la
permission
de
sortie,
.. J.
Toutes
ces
satisfactions de besoins se paient avec des jetons. Les
comportements renforcés
sont entres autres se lever le matin. s'habiller, se laver la figure, se raser ... en
un temps record; se laver les dents, se doucher une ou deux fois par semaine ....
laver la vaisselle, faire le ménage, faire les commissions ...
Le nombre de jetons distribués par jour et par semaine va progressivement
baisser (diminuer) au fur et à mesure que l'activité progresse.
3.1.3.2. Elimination des comportements inadaptés.
Pour éliminer ou réduire les comportements inadaptés, il suffit de modifier
les contingences du milieu en réorganisant les stimuli de contrôle soit par retrait
d'agent
renforçant,
soit
en
omettant
le
renforcement,
soit
en
associant
au
comportement-cible un renforcement négatif (technique punitivsl.
(1). Malcuit, G. et AI. Op. cit. p98.
- 779 -

• La technique de retrait d'agent de renforcement consiste à
cesser de renforcer un comportement inadapté. Pour ce, l'analyse de la situation
permet
d'isoler
les
stimuli
onglnaux
et
discriminatifs
qui
maintiennent
le
comportement
déviant
en
force
et
à
les
retrancher.
La
répétition
de
ce
comportement désormais
non
suivi
de
son
agent
de
renforcement
entraI ne
son
extinction. Mais on a constaté que l'extinction trop brutale d'un comportement par
cette
technique
entraI ne
chez
le
sujet
la
frustration
qui.
au
lieu
de
diminuer,
augmente
la
fréquence
d'apparition
du
comportement,
et
peut
aboutir
à
la
substitution de symptôme. Pour ce. il faut procéder progressivement. graduellement.
Par
ailleurs.
pour
combattre
le
phénomène
de
recouvrement
spontané.
il
faut
répéter le processus d'extinction à chaque réapparition.
• La technique d'omission permet de déplacer le renforcement
d'un comportement déviant à un comportement adapté, en fournissant au patient des
stimuli positifs chaque fois qu'il omet d'effectuer le comportement inadapté.
Ainsi. les conséquences agréables que l'organisme obtenait en
émettant un comportement déviant. se trouvent fournies par un autre comportement
(j'omisslonl. Le comportement déviant est alors abandonné en faveur de cet autre
plus adapté.

La
méthode
punitive
consiste
à
faire
suivre.
comme
conséquence. l'émission du comportement déviant par un stimulus aversif; ie résultat
habituellement noté après un certain nombre de répétitions est la réduction, puis la
disparition de la
probabilité
d'apparition
de
ce
comportement.
Il
s'agit.
ici,
d'un
mécanisme
d'inhibition
qui
rappelle
l'inhibition
réciproque
par
conditionnement
répondant.
3.2. PRATIQUES CURATIVES BEHAVIORALES ET CURE NAWDA.
3.2.1. Les objectifs.
Alors
que
les
cures
behavioristes
visent
la
destruction
du
symptôme
considéré isolément de l'ensemble de l'organisme, qui n'est d'ailleurs pas conçu de
façon
structurale.
la
cure
nawda
vise
la
restructuration.
ia
réarticulation
de
l'ensemble structural. La cure
nawda est
ainsi, comme
nous
l'avons
vu,
définie
comme une procédure de recréation. puisqu'elle refait le travail de condensation de
l'énergie. émanée de l'Ancêtre. en nœud de force vitale existentielle.
3.2.2. Diagnostic.
Les
thérapies
behavioristes
examinent.
analysent
la
situation
actuelle
du
-
780 -

malade en interaction avec
son
environnement,
pour
déceler
les
stimulations
du
milieu qui agressent présentement Ego.
Dans ce sens, elles
semblent
rejoindre
la
démarche
nawda
qui
place
le
conflit
entre Ego et
son
environnement.
Le
diagnostic
nawda
consiste
aussi
à
chercher la cause de l'agression morbide dans la situation actuelle du malade en
interaction avec le milieu.
Cependant,
comme
nous
l'avons
déjà
noté,
cette
ressemblance
n'est
qu'apparente. En effet, le conflit, pour le Nawda, est spirituel, surnaturel, échappant
à l'expérience sensible. Cest pourquoi le diagnostic ne consiste pas, ici, à analyser
le phénomène, mais le noumène, la face cachée de la réalité, celle-là même que les
behavioristes rejettent comme inconnaissable. Et puis, la conception nawda du conflit
est dynamique, le milieu
n'agit
pas
passivement
sur
Ego;
ce
sont des
groupes
multiples de forces qui s'affrontent: les forces d'agression persécutive et les forces
défensives, protectrices
de
l'Ego.
Le
diagnostic
nawda
a pour
but
de
désigner
I·agresseur.
D'autre part, la découverte de l'origine polaire de cet agresseur ne suffit
pas. Il faut analyser, découvrir son impact sur Ego en tant que structure. Il faut
ciconscrire
l'aspect-cible
de
la
structure
de
l'Ego
agressé.
Cela
conduit
au
diagnostic processual après celui étiologique. Il faut analyser le processus morbide
qui ne se livre pas à l'observation. En résumé, le diagnostic nawda répond à la
double question: "qui a fait? et qu'est-ce qu'il a fait?"
3.2.3. Procédures thérapeutiques.
Les deux systèmes de cure manipulent des variables observables, sensibles,
sous forme d'actes, de paroles ... Le Tada et le thérapeute behavia-iste manipulent
le corps du malade, mais aussi des éléments matériels qui sont censés agir sur le
malade, modifier son état de santé.
Mais les variables observables utilisées par le Tada sont des symboles qui
transmettent la force personnelle du Tada en tant qu'énergie curative.
Pour le behavioriste, les variables observables manipulées ne signifient rien
d'autre qu'elles-mêmes. Ce ne sont pas des signes, des symboles renvoyant à une
réalité cachée. Les éléments ou stimuli transmettent leur propre force, non celle du
thérapeute.
Ces stimuli peuvent agir mécaniquement sans la présence du thérapeute.
-
781 -

CONCLUSION.
1. OBSERVATIONS.
Au cours
de
cette
analyse
comparative,
nous avons
noté qu'il
existe, à
l'intérieur de la culture américano-européenne une multitude d'approches curatives
dont nous n'avons abordé que quelques-unes. Cette constatation débouche sur la
question de savoir si, au-delà de cette diversité, il existe un point commun qui
permettrait de parler de "thérapies américano-européennes", En effet, nous avons
essayé de situer la cure nawda face à chacun de ces modèles thérapeutiques. Il
serait alors intéressant de voir comment la cure nawda se situe face à l'ensemble,
1.1. THERAPIES AMERICANO-EUROPENNES.
LU, Diversité intraculturelle.
les quelques systèmes thérapeutiques amencano-européens que nous avons
étudiés plus haut montrent, par leur diversité, qu'à lïnérieur de cette culture la
représentation de l'homme et de la maladie subit des variations profondes. variations
qui expliquent cette multiplicité d'approches curatives.
La culture américano-européenne qui se réclame à tort de la science n'a
donc pas une façon unique de concevoir l'homme et la maladie. C'est la preuve
même que ces systèmes conceptuels et thérapeutiques dépendent beaucoup plus des
représentations idéologiques, des croyances. des professions de foi a priori que des
démarches scientifiques, Utiliser les outils
scientifiques,
tels
que
les
procédures
logiques,
expérimentales,
emplnques,
pour
montrer
le
bien-fondé
de
ses
représentations, justifier a posteriori ses croyances et convictions, voilà la véritable
démarche qui se dégage de ces systèmes divers. Il n'existe pas, dans ce domaine.
de science pure et objective. L'hypothèse même de travail est déjà une idéologie,
une croyance ... que l'on se propose de faire accepter aux autres en la moulant
dans des catégories scientifiques; si bien qu'on ne trouve au bout que ce qu'on y a
m is au départ.
En effet, si toutes ces écoles appréhendent ce qu'il y a d'universel dans
l'homme,
comme
elles
le
prétendent,
elles
aboutiraient
aux
mêmes
conclusions
scientifiques, et, par conséquent, aux procédures thérapeutiques moins variées,
Ce qu'il peut y avoir d'objectif dans ces représentations, dans ces croyances,
ce
sont
les
différents
aspects
de
la
réalité.
Ces
représentations
sont
donc
différents
points
de
vue
de
la
même
réalité.
Mais
comme
elles
se
veulent
- 782 -

scientifiques, comme chacuné'croit appréhender toute la réalité et, par conséquent,
posséder toute la vérité, elles deviennent, par la force des choses, réductionnistes:
chacunecherche à réduire toute la réalité à son point de vue.
Il nous semble que ce sont ces démarches qui expliquent la diversité que
nous observons.
1.1.2. Le fonds commun culturel.
Mais,
à
travers
cette
diversité
de
systèmes,
se
dégagent
les
traits
essentiels de la représentation de l'homme qui constituent le fonds commun de la
culture américano-européenne. Ces
traits
se résument
dans la vision
dualiste de
l'homme que nous avons dégagée au début de cette partie de notre travail; c'est à
partir de ce dualisme que se développent tous les systèmes thérapeutiques
que
nous avons analysés. D'abord, la grande dichotomie corps-esprit a donné naissance
aux deux branches des sciences
et
pratiques
médicales:
médecine organique
et
médecine psychique. Tous les autres développements ne sont que des ramifications
surtout de cette dernière. Donc, chacune de ces ramifications est basée sur cette
dichotomie.
Ce
fonds
commun
nous
permet
donc
de
parler
de
thérapies
américano-européennes comme d'un bloc, d'un ensemble homogène auquel s'oppose
toute autre forme de thérapie. C'est dans ce sens que nous pouvons situer la cure
nawda face à l'ensemble des thérapies américano-européennes, et parler de cure au
singulier.
1.2. CURE NAWDA ET CURE AMERICANO-EUROPENNE.
1.2.1. Cure nawda face à la diversité américano-européenne.
L'analyse comparative nous a montré que la cure nawda présente quelques
analogies
plus
ou
moins
profondes
avec
chacune
des
approches
curatives
américano-européennes.
Mais, nous avons noté aussi qu'elle ne ressemble entièrement à aucune et
encore moins ne peut se confondre avec aucune.
1.2.2. Cure nawda face au bloc américano-européen.
La cure américano-européenne comme un ensemble, et la cure nawda ne se
recouvrent pas, malgré les ressemblances partielles multiples.
La conception dualiste d'un côté et celle continuiste de l'autre, concernant la
même réalité humaine creusent un fossé infranchissable entre les deux systèmes de
-
783 -

cure. Cette différence est essentielle, elle
marque
la frontiére
interculturelle
et
montre le fondement idéologique des conduites thérapeutiques. Ces t pourquoi nous
avons essayé de replacer la cure nawda dans son contexte culturel d'origine pour
mieux la comprendre.
2. RAISONS DE LA COMPARAISON INTERCULTUREUE.
2.1. IRREDUCTIBiLITE CULTURELLE.
Nous avons entrepris cette comparaison pour montrer que chaque élément.
chaque fait
culturel, doit être lu
dans
son
contexte d'origine avec
la
grille
du
contexte pour être pleinement intelligible. Cest pourquoi nous avons évité autant que
possible
d'utiliser
un raisonnement
soit-disant
universel,
même
au
niveau
de
la
comparaison.
Nous avons fait parler chaque système dans son propre langage, avec ses
symboles,
ses
catégories
de
raisonnement,
qui
faisait
mieux
ressortir
ses
représentations de la réalité.
Une telle analyse comparative nous a montré qu'on ne doit pas abusivement
appliquer
à
la
lecture
d'une
conduite
culturelle,
en
l'occurence
la
conduite
thérapeutique,
l'idéologie
sous-tendant et expliquant
une
autre. Cest
pour cette
raison que, malgré quelques analogies et même de profondes
ressemblances que
nous avons relevées cà et là entre la cure nawda et
les
autres, aucune
cure
étrangère ne saurait se substituer purement et simplement à elle sans que cela
entraîne de graves dommages pour la santé du peuple dont elle est issue comme
expression et comme moyen de lutte contre les agressions morbides.
2.2. ECHANGES INTERCULTURELS.
Cette
affirmation
ne
saurait
être
une
quelconque
fermeture
monadique
culturaliste, mais elle exprime la nécessité de conserver l'identité de chaque peuple
dans les échanges interculturels. Aucune culture n'est supérieure, l'idéal, le modèle
vers lequel toutes les autres tendent dans leur évolution. Aucune ne peut remplacer
les autres sans détruire en même temps les racines des peuples dont elles sont
l'expression, L'enrichissement se trouve dans la découverte et le respect mutuels
des
cultures,
découvertes
qui
permettent
des
échanges.
i.e.
des
emprunts
d'éléments d'une culture à l'autre et leur assimilation.
-
784 -

TROISIEME PARTIE:
PLACE DE LA CURE
TRADITIONNELLE DANS
L'ORGAN ISATION DE LA
SANTE PUBLIQUE AU TOGO.
- 785 -

Après
avoir
étudié
la
cure
nawda.
l'une
des
innombrables
pratiques
thérapeutiques traditionnelles au Togo. il convient de nous interroger sur le place
que la cure traditionnelle en général occupe dans l'organisation de la santé publique
dans ce pays qui a connu un passé colonial et qui, aujourd'hui indépendant. en garde
quelques marques profondes, Nous allons d'abord voir le sort (le destin) réservé aux
pratiques curatives durant la période coloniale, ensuite ce qui leur advient depuis
l'indépendance. et pour finir, nous définirons le rôle qui leur revient de droit.
CHAPITRE 1:
CURE TRADITIONNELLE ET
MEDECINE MODERNE DURANT
LA PERIODE COLONIALE.
1. HIATUS ENTRE CURE TRADITIONNEUE ET II.€DECINE
MODERNE.
1.1. RENCONTRE CONFLICTUELLE ENTRE LES DEUX MEDECINES.
1.1.1. Colonisation et cultures traditionnelles,
1.1.1,1. Conception évolutionniste des cultures.
Les travaux de Charles Darwin sont venus confirmer, corroborer, justifier
"scientifiquement" un état d'esprit qui opposait civilisation et primitivité, Comme les
espèces se perfectionnent, évoluent en passant de l'état animal à celui humain, ainsi
les cultures se transforment en passant des comportements animaux, primitifs aux
comportements plus humains, plus évolués, et le sommet de la trajectoire c'est la
civilisation. Le critère de mesure et d'évaluation de cette évolution est ie niveau
intellectuel. L'intelligence étant la facuité
qui
permet de
résoudre
les
problèmes
posés par l'environnement et de s'adapter à des situations nouvelles, on peut définir
son
degré
chez
un
peuple
en
observant
les
instruments
qu'il
fabrique
pour
transformer le milieu et s'adapter à lui, Après avoir observé, sur ce point. le fossé
- 786 -

infranchissable entre l'homme et l'animal. on ne manque pas de constater que tous
les peuples
humains ne sont pas égaux,
Il
y en
a qui
sont
plus
proches
des
animaux à tel point qu'on doute de leur humanité, Mais. dans l'optique évolutionniste.
on peut admettre qu'ils sont des hommes. mais retardés, Ainsi donc. il y a des
peuples plus évolués que d'autres, A travers les vestiges archéologiques on a pu
suivre les étapes de cette évolution, Les peuples retardés
sont dits
primitifs ou
archaïques. parce qu'ils sont restés au premier stade de l'humanité, Ils n'ont pas
encore atteint l'étape de la civilisation qui est le sommet de l'évolution,
Cette thése mérite un examen sérieux et des
mises au point. Mais cela
nous éloignerait de notre sujet. Notons tout simplement qu'en restant dans l'optique
évolutionniste. nous constatons que les tenants de cette théorie considérent tous les
"enviro nnements" auxquels sont confrontés les
différents
peuples
sur
la
planéte
comme
standard.
exigeant
le
même
effort
intellectuel.
les
mêmes
types
de
réactions ... : si nous sommes d'accord sur ce point. alors nous partagerons leur
point de vue. encore qu'il y a d'autres facteurs à considérer.
1.1.1.2. Civilisation et ethnocentrisme.
La civilisation qui est à la pointe de l'évolution humaine n'est rien d'autre que
la culture américano-européenne. Cette culture se trouve donc être le centre
de
référence de toutes les autres cultures. Elles sont toutes évaluées. appréciées. par
rapport à celle-là. Elle est le modèle de la perfection humaine. Tout peuple dont la
culture
est
différente
de
ce
modèle
n'est
pas
civilisé;
il
est
barbare.
primitif.
archaïque ...
Pour découvrir ses racines. ses fondements archaïques. primitifs, le peuple
civilisé étudie les autres peuples qui sont restés à un stade primitif. Il analyse leurs
mœurs, les modes de vie. de penser. de raisonner et les compare à ses propres
modèles. Cela permet de voir la distance qui sépare ces peuples de la civilisation.
Cette science s'appelle l'ethnologie.
1.1.1.3. Colonisation, civilisation et les autres cultures.
La
colonisation
est
l'invasion
des
peuples
dits
primitifs
par
des
peuples
"civilisés" , i.e. des américano-européens, avec l'intention d'occuper les terres, de
se les approprier. Le sort des peuples autochtones et de 1eurs cultures dépend de
la philosophie du colonisateur, philosophie dont nous pouvons distinguer deux grands
courants:
• Un premier courant qui considére les peuples "primitifs" comme à
la limite entre
l'homme et
l'animal
et
donc
incapables
(ou
même
indignes)
de
civilisation,
puisqu'intellectuellement
inférieurs.
Les
conséquences
auxquelles
peut
aboutir
une
telle
conception
peuvent
être
dramatiques.
On
peut
purement
et
simplement
les
éliminer
(c'est
le
cas
des
Indiens
d'Amérique,
des
Aborigènes
d'Australie ... qui ont résisté. Dieu merci. à l'extermination), ou plutôt les parquer
dans des réserves et pratiquer
ce que l'on a
appelé le développement séparé des
- 787 -

cultures
(Apartheid
Sud-Africainl.
Dans
le
meilleur
des
cas.
ces
peuples
sont
intégrés,
mais
subissent
une
discrimination
sévère
à
tous
les
niveaux
et
tout
spécialement dans le domaine éducatif où ils
reçoivent
une formation au rabais,
mais quelquefois compensée par un développement de
leurs
propres
cultures

quelque chose malheur est bonl.

Le deuxiéme courant considère ces
peuples comme des
hommes,
mais sans civilisation
(entendons
sans
culturel.
La
colonisation
devient
alors
un
mouvement
civilisateur
qui
doit
forcer
ces
peuples
à
abandonner
leurs
cultures
(dévalorisées et considérées comme des mœurs et des pratiques primitives)
pour
assimiler la civilisation ... Il s'agit donc de les élever dans l'échelle de l'évolution à un
niveau plus humain. en les sortant de leur état sauvage.
Ces deux courants sont des tendances plutôt que des positions tranchées;
elles sont mêlées dans les pratiques coloniales, et représentent des dominantes.
1.1.2. Colonisation et cure traditionnelle.
1.1.2.1. Cure traditionnelle comme pratique primitive.
La cure traditionnelle, dite magique. est l'une des pratiques qui constituent la
culture primitive. Dans ce sens, les coionisateurs qui se donnent pour mission de
civiliser le monde trouvent en elle un comportement archaïque. Comme les autres
éléments
primitifs.
elle
doit
être
évacuée
et
remplacée
par
des
conduites
thérapeutiques civilisées.
Ceux
qui
prônent
le
développement
séparé
des
cultures,
imposent
des
pratiques
curatives
civilisées
parallèles,
en
tolérant
plus
ou
moins
les
cures
traditionnelles.
Le
Togo
a
subi
les
deux
courants
de
colonisation:
d'abord
celui
ségrégationniste et séparatiste pratiqué par les Allemands, qui étaient les premiers
colonisateurs; puis le courant assimilationniste pratiqué par les Français.
1.1.2.2. Cure traditionnelle comme superstition.
A part l'usage des plantes médicinales qui peut avoir quelque efficacité, la
cure
traditionnelle
est
considérée
comme
une
superstition.
Elle
est
bâtie
sur
l'ignorance des phénomènes naturels. et constitue donc des pratiques magiques. se
référant à des choses
imaginaires qui n'existent pas. Donc. ces
pratiques
n'ont
aucun effet sur les maladies, puisqu'elles
ne s'attaquent pas à la cause qu'elles
ignorent.
Même l'usage des plantes se fait de façon intuitive, empirique. sans analyse
scientifique. et donc. inspire peu de confiance. Bref, la cure traditionnelle. qu'elle
soit herboriste ou purement "magique". n'a pas de fondement
scientifique et les
guérisons. si elles existent. n'ont aucun critère objectif.
1.1.2.3. Cure traditionnelle comme imposture.
Non seulement la cure traditionnelle est une pratique superstitieuse, basée
- 788 -

sur des
croyances
non
fondées.
mais
elle
est
un
mirage
pour
le
peuple.
Les
tradipraticiens sont de mauvaise foi. Ils exploitent la crédulité de la population et
abusent de sa confiance pour la manipuler. Ce sont des menteurs qui passent pour
des médecins. C'est pour cette raison que les colonisateurs leur ont donné le nom
de "charlatan" qui est actuellement d'usage courant.
1.2. CONDAMNATION DE LA CURE TRADITIONNELLE.
1.2.1. Pratique illégale de la médecine.
Toutes ces
raisons
classent
la
cure
traditionnelle
dans
la
catégorie des
pratiques illégales de la médecine.
Le "décret du 23 août 1952 rendant applicable aux territoires d'Outre-Mer
et
aux
territoires
sous
tutelle
du
Cameroun
et
du
Togo.
l'ordonnance
du
24
septepmbre
1945.
relative
à
l'exercice
et
à
l'organisation
des
professions
de
médecin. de chirurgien-dentiste et de sage-femme" (1). au Titre Premier. chapitre
Premier.
articles
1
à
7.
énumère
les
différentes
catégories
des
personnes
remplissant les conditions d'exercer la fonction médicale. sans faire aucune mention
des tradipraticiens. C'est dire que leurs pratiques n'étaient pas considérées par la
puissance coloniale comme une fonction médicale. Cela ne fait que confirmer ce que
nous avons dit de l'ethnocentrisme.
S'agissant de j'exercice illégal de la médecine (chapitre 3 du même Titre).
cette ordonnance stipule à l'article 8 que: "exerce illégalement la médecine toute
personne qui prend part. habituellement ou par direction suivie. même en présence
d'un médecin. à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de
maladies
ou
d'affections chirurgicales. congénitales ou acquises. réelles ou supposées. par actes
personnels. consultations verbales ou écrites. ou par tous autres procédés. quels
qu'ils
soient.
ou
pratique
l'un
des
actes
professionnels
prévus
dans
une
nomenclature qui sera fixée par arrêté du Ministre de la Santé Publique. pris après
avis de l'Académie de Médecine. sans être titulaire du diplôme d'Etat de docteur en
médecine. ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales visées au paragraphe
1er de l'article premier. à l'article 2. à l'article 5. et à l'article 70 de la présente
ordonnance" (2 L
Ce
texte.
suffisamment
clair.
condamne
implicitement
les
pratiques
thérapeutiques traditionnelles comme exercice illégal de la médecine. même s'il ne
les
nomme
pas
expressément.
En
effet.
les
tradipraticiens
procèdent
à
des
consultations (verbales). établissent des diagnostics et traitent des maladies et/ou
des affections chirurgicales. congénitales ou acquises. réelles ou supposées ... mais
(1).
Recueil annoté des textes de droit pénal
applicables
en
Afrique Occidentale
Française. p425.
(2). Op. cit. pp427-428.
- 789 -

sans
être
titulaires
d'aucun
diplôme
d'Etat
de
docteur
en
médecine
et
sans
bénéficier d'aucune disposition dérogatoire spéciale comme nous l'avons vu plus haut.
Donc, ils remplissent toutes les conditions pour tomber sous le coup de cette loi.
L'article 10 de ladite ordonnance définit de la même façon l'exercice illégal
de la pratique d'accouchement (1).
1,2,2. Poursuites judiciaires.
A l'article 12 de cette ordonnance, il est écrit que "l'exercice illégal de la
profesion de médecin ou de chirurgien-dentiste est puni d'une amende de 240000 à
1200000 francs
et
en
cas
de
récidive,
d'une
amende
de
1200000
francs
à
2400000 francs et d'un emprisonnement de six jours à six mois, ou de l'une de
ces deux peines seulement...
L'exercice illégal de la profession de sage-femme est puni d'une amende de
120000 à 240000 francs,
et
en
cas
de
récidive, d'une
amende
de
240000 à
1200000 francs, et d'un emprisonnement de six jours à six mois, ou de l'une de
ces deux peines seulement" (2).
Les tradipraticiens, considérés comme pratiquant illégalement la médecine (et
l'accouchement quand ils en font) encourent donc ces poursuites judiciaires.
1.2.3, Pratiques dites diaboliques.
Les religions importées, notamment la religion chrétienne, voient dans
les
cures
traditionelles
des
pratiques
diaboliques
ou
de
la
magie
noire.
C'est
ce
caractère qui peut expliquer certaines guérisons d'allure miraculeuse. Les chefs de
ces religions interdisent alors à leurs fidèles, sous peine de péché, de s'adonner
et/ou
de
se
prêter
à ces
pratiques-là.
Si
bien
que
le
tradipraticien
est
par
définition un païen, un infidèle. Pour
devenir
adepte
de
ces
religions,
l'une
des
conditions essentielles est de renoncer à ces pratiques curatives,
Nous avons mentionné dans notre introduction le cas d'une patiente en cure
traditionnelle, rapporté par Hebga, dont le traitement s'est
soldé par
un
échec,
parce
qu'elle
était
partagée
entre
sa
foi
chrétienne
qui
lui
interdit
de
telles
pratiques et son désir de guérir. Ce cas illustre bien la situation de déracinement
du colonisé et du converti, sur laquelle nous reviendrons pius loin,
(1), Op. cit. p428.
(2), Op. cit. p429.
-
790 -

2. ORGANISATION COLONIALE DE LA SANTE PUBLIQUE.
2.1. ORGANISATION TECHNIQUE.
2.1.1. Structures d'accueil.
2.1.1.1. Conception architecturale.
L'hôpital, le dispensaire, le centre de santé, qui accueillent les malades. sont
conçus
sur
le
modèle
amerlcano-européen,
avec
son
cachet
d'isolement,
de
cloisonnement, d'individualisation. Il n'y a pas de place publique, de cour ... où les
malades peuvent se rencontrer. vivre en société.
A l'hôpital, le malade est enfermé dans une chambre. qu'elle soit privée ou
commune. et doit y demeurer jusqu'à sa sortie. Aucun endroit n'est prévu pour la
famille. On pense que le malade est ainsi mis dans des meilleures conditions à tous
points de vue pour le traitement.
Puisque
ces
conceptions
et
ces
réalisations
traduisent
l'évolution.
les
conditions de vie des peuples civilisés, elles doivent constituer un apport positif pour
les primitifs, améliorer leurs conditions de vie.
2.1.1.2. Coupure avec le milieu socio-familial,
La conception architecturale n'ayant pas prévu la présence des parents à
côté du malade, celui-ci doit rester seul. Les visites sont strictement réglementées.
A la fin de la journée. les accompagnants sont chassés, renvoyés de l'hôpital pour
laisser le malade dormir seul,
Remarquons que cette conception architecturale et ces mesures d'isolement
du
malade
sont
en
contradiction
flagrante
avec
nos
contextes
culturels,

le
malade n'est jamais laissé seul, sauf. dans certaines ethnies, en cas de certaines
affections contagieuses mortelles, telles que la variole. Sinon, le malade est toujours
entouré et sous surveillance des parents proches. Le thérapeute n'intervient que
pour les séances de cure, les visites. mais ne peut remplacer la présence humaine
dont le malade a besoin. et qui est assurée par les parents seuls. Elle est si
fondamentale. si importante dans le processus de la cure que. chez les Nawdeba,
l'hospitalisation traditionnelle a généralement lieu à domicile. C'est le thérapeute qui
se déplace. Quand l'hospitalisation doit avoir lieu chez ce dernier, certains membres
(surtout féminins) de la famille doivent accompagner le malade et dormir à côté de
lui, dans la même chambre, sur la même natte, si possible. La satisfaction
de
besoins
fondamentaux
(alimentation,
toilette ... ) est
assurée
par
les
parents.
Le
malade bénéficie des visites régulières de tous les autres membres de la famille, de
la collectivité villageoise, etc.
Le
malade
est
pris
en
charge
comme
un
enfant:
la
maladie
est
une
agression déforçante, qui lui a enlevé son énergie d'adulte. C'est pourquoi il est
materné, pris en charge affectivement et matériellement par les parents, comme un
-
791 -

enfant
impuissant
et
démuni.
Ainsi,
le
processus
régressif
de
la
maladie
est
socialement
assuré
dans
le
milieu
traditionnel:
la
famille
par
ce
maternage
va
accompagner le malade, l'aider à refaire le chemin vers la reprise d'autonomie: le
sevrage
va
être
progressif,
graduel,
sur
le
plan
affectif
comme
sur
le
plan
alimentaire, au fur et à mesure que la guérison s'installe et que le malade reprend
ses forces et son autono mie.
Chez les Nawdeba, à travers la famille horizontale, c'est celle verticale qui
assiste le malade, renforce la barriére protectrice.
C'est
pour
ces
raisons
que
nous
pensons
que
la
prétention,
dans
les
hôpitaux coloniaux, de remplacer
la présence des parents auprès du malade par
celle du personnel soignant, comme cela se fait dans les pays américano-européens,
est une entreprise
vaine
qui
a d'ailleurs
complétement
échoué,
comme
nous
le
verrons plus loin.
Certains chercheurs tels que H .Collomb ont bien compris ce problème et ont
préconisé de prévoir la place des accompagnants dans la construction des hôpitaux.
2.1.2. Organisations thérapeutiques.
2.1.2.1. Méthodes thérapeutiques officielles.
Les méthodes thérapeutiques officielles sont celles de la médecine organique
américano-européenne;
tout
est
conçu
exclusivement
pour
réparer
le
corps:
chimiothérapie, intervention chirurgicale. Tout ce que le malade ressent au-delà du
biologique
observable,
et
l'exprime
dans
son
langage
culturel,
est
taxé
de
superstitieux et n'est pas pris en considération.
2.1.2.2. Pharmacopée.
Les plantes médicinales et
les préparations médicamenteuses
locales
sont
regardées avec dédain. Si on ne rejette pas totalement les plantes, on ne leur
accorde aucun intérêt. Aucun effort, même de recherche scientifique, n'est fait pour
l'étude de la pharmacopée, pour son intégration dans l'organisation des soins. La
chimiothérapie importée constitue la seule médication valable.
Ainsi donc, la pharmacopée est à peine tolérée, mais jamais officiellement
admise.
-
792 -

2.2. DOMAINES DE LA SANTE.
Les domaines de la santé correspondent au découpage américano-européen,
distinguant médecine du corps et médecine mentale.
2.2.1. Santé physique.
La
santé
physique,
celle
du
corps,
est
la
mieux
organisée,
la
mieux
développée. La mise en place des structure d'accueil, la formation du
personnel
soignant, l'encadrement de la population, etc ... ne concernent pratiquement que ce
domaine. Ainsi la santé ne semble concerner que le corps.
2.2.2. Santé mentale.
2.2.2.1. Structure d'accueil.
Pour
ce
qui
concerne
la
santé
mentale,
le
gouvernement
colonial
n'a
pratiquement rien fait.
La mise en place des structures d'accueil se réduit à un seul centre pour
tout le territoire. Ce centre fait pendant à la prison du lieu où il est construit;
c'est pratiquement la même maison coupée en deux compartiments
par un mur,
dont l'un sert de prison civile et l'autre de centre psychiatrique. Ce fait, significatif
en soi, est encore mieux éclairé quand on sait que le centre psychiatrique est géré,
selon les lois françaises, à la fois par le Ministère de la Santé et le Ministère de
l'Intérieur, surtout par ce dernier.
2.2.2,2. Organisation thérapeutique.
Il
n'existe
pas
de
traitement
psychiatrique.
Aucun
spécialiste
de
santé
mentale n'y est affecté.
Il est sous le contrtôle médical du médecin-chef de la
subdivision sanitaire.
Quant à la condition des malades, elle est carcérale. Ils sont encharnés et
enfermés
comme
des
prisonniers.
De
fait,
ils
sont
considérés
comme
des
prisonniers, et c'est pour cette raison
qu'il n'y
a pas de
différence entre
leur
centre et la prison; c'est pour cela aussi qu'iis sont sous le regard du Ministère de
l'Intérieur, et leur admission doit faire l'objet d'autorisation de ce Ministère. Comme
les
prisonniers
en effet,
ils
sont
des
perturbateurs
de
l'ordre
public,
et
c'est
souvent pour cela qu'ils sont arrêtés et internés. Seulement leur cas est un peu
spécial: ils n'ont pas la responsabilité de leurs actes: ils ont perdu la raison. Cela
explique qu'ils ont une prison spéciale.
- 793 -

2.3. ORGANISATION SOCIO-SANITAIRE.
2.3.1. Médecine préventive et contexte culturel.
Comme l'organisation technique de la santé, l'organisation socio-sanitaire se
fait sans tenir compte des facteurs culturels et même avec pour objectif de les
combattre mais sans les connaître vraiment.
Comme
les
populations
n'ont
pas
de
civilisation,
l'éducation
sanitaire
ne
s'occupe pas de comprendre leur façon de vivre et de penser le monde.
Ainsi, à titre
d'exemple,
l'éducation
sanitaire
combat
la
malnutrition
sans
chercher à comprendre les
raisons
des habitudes alimentaires. On les interprète
plutôt à l'aide de la grille de lecture modelée sur les habitudes des peuples civilisés.
2.3.2. Objectif.
Si le but de la médecine préventive est d'amener la population à se prémunir
contre
les
maladies,
l'objectif essentiel
pour
le
colonisateur
semble
consister
à
combattre la cure traditionnelle considérée comme un obstacle à la promotion de la
santé.
On
doit
amener
la
population
à
abandonner
ces
pratiques
dites
superstitieuses pour adopter la médecine scientifique.
En d'autres termes, on vise à remplacer purement et simplement la cure
traditionnelle, expression culturelle de la lutte contre la maladie, par des pratiques
curatives d'importation.
2.3.3. Moyens motivationnels.
Pour motiver la population à changer ses habitudes, et surtout à renoncer à
la
cure
traditionnelle,
le
gouvernement
colonial
propose
la
gratuité
des
soins
médicaux
et
de
pratiques
préventives
(campagnes
de
vaccinations
gratuites ...).
Certes, la gratuité des soins
ne se réduit pas à cela; elle
peut
avoir d'autres
raisons (politiques. économiques et autres). Mais son caractère motivationnel ne fait
pas de doute
et
semble
être central.
Il
s'agissait
d'amener
progressivement
la
population à expérimenter l'efficacité de la médecine scientitique et à en devenir
dépendante. Cet objectif a été pratiquement atteint, mais sans toutefois décider la
population à abandonner les pratiques curatives ancestrales. Les deux systèmes de
cure vont coexister et nous verrons dans le paragraphe suivant les conséquences
de cette coexis tence.
- 794 -

2.4. INTERACTION ENTRE LES DEUX SYSTEMES DE CURE.
2.4.1. Adhésion de la population à la médecine importée.
La
médecine
d'importation
a
apporté
des
améliorations
indéniables
et
spectaculaires à la situation sanitaire. Ces améliorations même si elles ne répondent
pas à toutes les attentes de la population, si elles ne
résolvent
pas
tous
ses
problèmes, sont suffisamment convaincantes. C'est surtout concernant les maladies
que
les
Nawdeba
appellent
"maladies
de
Sang bande" ,
celles
qui
résultent
de
l'interaction entre Ego et
les
phénomènes
cosmiques,
celles
qui ont
pour
cible
l'enveloppe corporelle, i.e. Ego en tant
que phénomène, en
tant qu'être sensible;
bref, les maladies dont le Tada ne voit pas de trace dans le noumène de l'Ego et
qui sont maÎtrisées par j'herboriste ... que la médecine importée a des succès. La
population apprécie progressivement les
bienfaits
de
la
médecine
importée
à
ce
niveau.
Ces
bienfaits
ainsi
que
la
gratuité
de
soins
expliquent
l'adhésion
de
la
population à la nouvelle médecine.
2.4.2. Pratique syncrétique.
Le fait que cette nouvelle médecine ne réussit
que
partiellement,
et
par
conséquent ne répond pas à toutes les attentes de la population ne provoque pas
l'abandon pur et simple des pratiques traditionnelles.
Et puis nous avons noté chez les Nawdeba ia difficulté à tracer une ligne de
démarcation nette entre maladie de Dieu (Sangbande) et maladies des méchants ou
des
Ancêtres. Ce qui veut
dire
que
dans
la
plupart
des
cas,
quand
même la
médecine
importée
guérit
un
mal,
cette
guerrson
ne
va
pas
jusqu'au
fond
des
choses, elle n'atteint pas les dessous des choses où se situe souvent la racine du
mal.
Aussi, la population trouve-t-elle nécessaire de combiner les apports de la
nouvelle médecine avec l'héritage traditionnel. Cela se traduit concrètement par la
pratique simultanée, successive ou alternée des deux systèmes de cure: on est
traité par le médecin pendant que le tradipraticien fait ce qui concerne la "maison",
i.e. que le médecin fait son travail et le tradipraticien fait le sien; ou bien après le
traitement
médical
on
va
faire
le
traitement
traditionnel
complémentaire

la
maison"
ou
chez
le
tradipraticien)
ou
vice
versa;
ou
encore
on
consulte
alternativement le médecin et le tradipraticien jusqu'à ce qu'on trouve satisfaction.
2.4.3. Conséquence de ce syncrétisme.
Dans cette combinaison syncrétique, le malade ne trouve aucun inconvénient
à
consommer
simultanément
produits
chimiques,
plantes
(ou
préparations
- 795 -

traditionnelles),
Cela
entraîne
quelquefois
des
interférences
pharmacologiques
fâcheuses; en effet, si plusieurs médicaments ont un même effet curatif,
il
ne
s'ensuit pas que leurs actions biochimiques soient identiques, A ce niveau, ainsi qu'à
d'autres,
des
processus,
dont
beaucoup
restent
encore
inexpliqués,
peuvent
provoquer des effets désagréables dangereux,
C'est dans ce sens qu'il est extrêmement difficile de décider ce qui explique
une complication ou même une guérison (quand les effets de la combinaison sont
positifs>'
Ce syncrétisme n'est pas à condamner a priori, malgré les risques et les
dangers auxquels il expose.
Il traduit un besoin profond de complémentarité
des
deux systèmes de cure. C'est parce que la manipulation des deux cures est faite à
l'aveuglette que les risques et les dangers sont incontrôlables.
Or,
l'organisation
coloniale
de
la santé escamote
cette
complémentarité
au
profit
d'un
désir
de
domination aveugle.
3. FORMATION DES MEDECINS ET PERSONNEL SOIGNANT.
3.1. CADRE DE LA FORMATION.
3.1.1. Médecins.
3.1.1.1. Formation à l'étranger.
Les meilleurs centres de formation médicale sont ceux de la Métropole. Ils
sont donc implantés dans un environnement culturel complètement étranger pour les
colonisés. D'ailleurs, puisque cet environnement
culturel
est
considéré
comme
la
meilleure forme de civilisation, ou la civilisation tout court, c'est un honneur pour les
ressortissants des
peuples
colonisés
que
d'aller étudier
là-bas. C'est
même
un
privilège que de
faire
partie
des
rares
candidats
sévèrement
sélectionnés
pour
entrer en formation dans ces centres.
3.1.1.2. Formation dans le milieu africain.
Certains centres de formation médicale existent dans le milieu africain, tel
que l'Ecole de Médecine de Dakar.
Mais malheureusement, la formation y est donnée au rabais, si bien que les
diplômés de ces centres ont besoin, pour exercer la profession médicale,
d'une
dérogation légale spéciale, et leur champ d'activité se limite à la région d'Afrique
pour laquelle l'Ecole a été créée.
Par exemple, en ce qui concerne l'Ecole de Médecine de Dakar, la dérogation
d'exercer n'est valable que pour l'Afrique Occidentale Française, l'Afrique Equatoriale
- 796 -

Française et le Cameroun et le Togo (1).
3.1.2. Personnel soignant.
Le personnel soignant est formé en partie à l'étranger, en partie sur place.
Mais bien avant la création des centres de formation en milieu africain, la formation
sur le tas était de règle. Les candidats
sont attachés à des médecins qui leur
apprennent les techniques élémentaires de soins.
3.2. CONTENU DE LA FORMATION.
Qu'elle ait lieu à la Métropole ou dans un milieu africain, la formation offre
au candidat un contenu qui le coupe des réalités culturelles du milieu où il devra
exercer.
3.2.1. Etude dichotomique de l'homme et de la maladie.
Le
programme
de
formation
concerne
en
principe
les
deux
entités
dichotomiques de l'homme et de la maladie; l'organisme et le psychisme. Mais. en
fait, il se limite à l'étude anatomo-physiologique du corps et de la maladie comme
détérioration
organique.
La
formation
psychologique
est
souvent
négligée;
les
quelques notions élémentaires sont présentées comme ayant peu ou pas de rapport
avec le corps, qui seul intéresse réellement le médecin et le soignant.
3.2.2. Rejet des représentations traditionnelles.
Les représentations
traditionnelles de l'homme et de la maladie sont, non
seulement ignorées, mais activement rejetées. Elles
sont traitées
de superstitions
qui n'ont rien
à voir avec la réalité
dl< corps
et
de la
maladie bioiogiquement
observée. Ainsi, les médecins autochtones sont armés pour devenir plus colonialistes
que les colons.
(1), cf. Recueil annoté des textes de droit pénal applicables en Afrique Occidentale
Française, Décret du 23 août 1952, Article 1er, Beme ...
- 797 -

'.
CHAPITRE 2:
SITUATION
DEPUIS
L' 1NDEPENDANCE
1. PERSISTANCE DE LA COLONISATION.
L'indépendance de nos pays s'est limitée en fait au domaine politique. encore
que sur ce point l'analyse profonde appelle à beaucoup de réserves, Celle-ci sert de
couverture
à une
colonisation
raffinée
et
pernicieuse
dans
les
autres
domaines
(économique.
culturel, éducationnel.
administratif. ..l. La dévalorisation
et
la
sape
systématique de nos cultures ont provoqué une telle dépendance que tout se refè re
désormais à la culture américano-européenne présentée comme seule civilisation et
norme de référence, si bien que l'indépendance n'a absolument rien changé, elle
n'est que de nom.
Au niveau de la santé qui nous intéresse ici. rien n'a donc bougé au Togo.
1.1. FORMATION DU PERSONNEL DE SANTE,
1.1.1. Formation sur place.
A partir de l'indépendance. la formation du personnel de la santé (médecins
et auxiliaires médicaux) se fait de plus en plus sur place. du moins dans le milieu
africain.
Avant
l'ouverture
de
l'université
au
Togo,
les
médecins
sont
formés
à
l'étranger, dont une part plus importante dans les universités africaines telles que
Dakar, Abidjan ... Les auxiliaires médicaux sont presqu'entièrement formés dans des
écoles nationales.
Cette formation sur place et dans les universités africaines a l'avantage de
familiariser les étudiants aux réalités négra-africaines avec lesquelles ils sont et
seront quotidiennement confrontés dans l'exercice de leurs fonctions, telles que les
maladies tropicales, les facteurs socio-culturels de la santé, etc.
Malheureusement, beaucoup de facteurs les rendent encore aveugles à ces
réalités dans lesquelles ils sont eux-mêmes bon gré, mal gré, immergés. En effet,
le personnel d'encadrement de la formation (enseignants, encadreurs des travaux
pratiques et des stages) reste en core en majorité des expatriés qui continuent les
manipulations ethnocentriques. Et puis le programme reste naturellement inchangé,
- 798 -

1.1.2. Contenu de l'enseignement.
En
effet,
si
la
formation
pratique
oblige
les
étudiants
à
affronter
les
maladies endémiques, le programme continue à se développer en marge du contexte
culturel, sur le modèle dualiste. Les études médicales s'intéressent uniquement, et
beaucoup plus qu'en Métropole, à la machine corporelle et s'ingénient à montrer aux
étudiants comment il faut la démonter et la réparer en cas de panne. C'est donc le
corps et la maladie qui restent l'unique objet d'études, la personne humaine restant
inconnue, ignorée. ou du moins réduite à la carcasse charnelle.
La psychologie
est pratiquement exclue du programme d'enseignement si
l'on excepte quelques notions d'initiation à la psychiatrie qui est purement théorique.
puisque les étudiants n'effectuent aucun stage dans ce domaine. malgré la présence
d'un centre psychiatrique.
Et. naturellement. aucune ouverture n'est faite sur le milieu culturel. Toutes
les représentations et les pratiques curatives continuent de faire l'objet de rejet et
de dévalorisation.
Ainsi donc. l'étudiant en sciences médicales, bien que plongé dans sa réalité
culturelle, continue d'ignorer celle-ci. de la refouler et de lui substituer une réalité
culturelle étrangère.
1.2. ORGANISATION TECHNIQUE DE LA SANTE.
1.2.1. Structures d'accueil.
Les structures d'accueil restent les mêmes. La construction des nouveaux
centres hospitaliers se fait sur le même modèle imposé par la colonisation. Aucune
inspiration n'est faite des habitudes du milieu afin de mettre le malade le plus poche
possible de son environnement naturel. Le modèle imposé continue d'être l'idéal du
développement. D'ailleurs, l'étude du projet, du plan et la réalisation
se
font
par
l'ex-puissance coloniale qui continue d'imposer ses conditions.
1.2.2. Situation sociale du malade.
Dans
ces
situations,
le
malade
continue
d'être
isolé
de
son
milieu
socio-familial; la chasse est toujours faite aux accompagnants; le malade dort seul.
se contentant des visites diurnes.
Dans ces conditions, les re lations entre le malade et le personnel soignant.
désormais
presqu'exclusivement
national.
se
dégradent.
Celui-ci.
n'étant
pas
sensibilisé à la psychologie du malade, trouve ce dernier trop exigeant et ne se sent
pas disposé à répondre à toutes ses demandes "infantiles". Cela ternit l'image de
l'hôpital dans l'opinion publique.
- 799 -

Ces
raisons
et bien d'autres
conduisent
la
famille
à reprendre
sa
place
auprès
du
malade.
malgrè
l'interdiction
formelle.
le
manque
de
place
pour
les
accompagnants et la chasse qui est
toujours
faite aux
parents. La loi est donc
contournèe. souvent avec la complicité du personnel de
garde.
les
habitudes
du
milieu s'imposent et deviennent une situation de fait.
2. EVOLUTION DE LA SITUATION.
La situation que nous venons de décrire est bien différente aujourd'hui. On
observe. en effet. entre autres. un certain changement d'attitude envers la cure
traditionnelle
au
Togo.
Nous
allons
d'abord
analyser
quelques
aspects
de
ce
changement avant d'en chercher les facteurs.
2.1. CHANGEMENT D'AITI TUDE ENVERS LA CURE TRADITIONNELLE.
2.1.1. Reconnaissance de fait de la cure.
La cure traditionnelle bénéficie actuellement. au Togo. de la reconnaissance
tacite de fait. Les tradipraticiens ne sont plus poursuivis pour pratique Illégale de la
médecine. Evidemment. il existe de véritables
charlatans qui usurpent le titre
de
tradipraticien et se livrent à des escroqueries. entralnant souvent des dommages
graves sur la personne des malades. tels que mutilation. intoxications .... quelquefois
suivis de décès. Ces personnes. quand elles sont dénoncées. sont poursuivies pour
ces fautes et non plus pour pratique illégale de la médecine.
Bien plus. la cure traditionnelle est acceptée comme répondant aux besoins
de la population. en tant
qu'expression
culturelle
de
la
lutte
contre
la
maladie.
Personne n'éprouve plus de honte. en cas de maladie. à "essayer à l'indigénat".
Même les malades s'entendent quelquefois dire par les auxiliaires médicaux que leur
maladie ne peut être soignée à l'hôpital. i.e. qu'elle dépasse les compétences de la
médecine importée. et relève de la cure traditionnelle. C'est cette complicité qui
explique. en partie du moins.
certaines
évasions
de
l'hôpital. et
les
traitements
traditionnels conjoints durant l'hospitalisation.
2.1.2. Intérêt scientifique de la cure traditionnelle.
Les
pratiques
curatives
traditionnelles
deviennent
un
centre
d'intétêt
des
recherches en sciences médicales. C'est le cas
surtout de la
pharmacopée. qui
suscite la curiosité du laboratoire togolais de la recheche en pharmacologie. Les
contacts
sont
pris
avec
les
tradipraticiens
afin
de
soumettre
leurs
produits
à
- 800 -

l'analyse chimique. espérant ainsi percer leur mystère. en isolant le principe actif
curatif. Cela permettrait une plus grande diffusion du
patrimoine
pharmaceutique
national et sa mise à la portée de tous.
On
pourrait
en
effet
maîtriser
les
propriétés
biochimiques
des
produits
utilisés par les tradipraticiens. et mieux les contrôler scientifiquement.
Le côté rituel des pratiques curatives traditionnelles n'est nullement négligé.
L'étude se veut globale, embrassant l'aspect biochimique et celui psychologique. Mais
ce dernier aspect est laissé en jachère par manque de chercheurs. Notre présente
étude serait une amorce pour combler ce vide.
Bref, la cure traditionnelle commence à susciter de l'intérêt au Togo. On
commence à comprendre qu'elle récèle des richesses, qu'elle a quelque chose à
apporter à la solution des problèmes de la santé publique.
2.1.3. Difficultés et problèmes de ce changement.
2.1.3.1. Absence de collaboration réelle.
Le personnel de la santé, une partie du moins, dénonce l'insuffisance de la
médecine scientitique, son incapacité à répondre aux attentes de la population. Ce
personnel décourage certains malades qui espèrent
trouver
dans
cette
médecine
plus que ce qu'elle ne peut donner.
Mais.
bien
que
cette
relativisation
soit
théoriquement
louable,
les
comportements
qu'elle induit chez le personnel
soignant sont dangereux. dans
la
mesure où ils sont d'abord psychologiquement maladroits. En effet, il faut se garder
de détruire la confiance
qui pousse le
malade
à
consulter
le
médecin
sans
lui
trouver
une
sécurité
de
remplacement.
Il
faut
beaucoup
de
prudence
dans
ce
domaine. Et puis, ces comportements encouragent le syncrétisme thérapeutique dont
nous
avons
analysé
ci-dessus
les
risques
au
niveau
des
interférences
pharmacologiques.
La découverte des limites des deux systèmes thérapeutiques doit déboucher
sur
une
collaboration
authentique
entre
médecins
et
tradipraticiens.
Nous
y
reviendrons par la suite.
2.1.3.2. Méfiance des tradipraticiens.
La sollicitation des tradipraticiens par les pharmaciens suscite chez ceux-là
un certain intérêt, mêlé de méfiance. Ils sont contents qu'on s'intéresse à eux et
en parlent avec une certaine complaisance. Ils souhaitent, en effet, avoir un statut
officiel d'exercer
leur
profession.
Durant
nos
recherches,
nous
avons
reçu
des
demandes dans ce sens: beaucoup nous ont prié d'intervenir auprès des autorités
compétentes afin qu'il obtiennent le certificat d'exerce. Certains d'entre eux nous
ont montré le certificat qu'ils ont obtenu dans des pays voisins tels que le Ghana.
L'intérêt que les chercheurs portent à leurs pratiques leur donne de l'espoir dans
ce sens.
- 801 -

Mais ils sont en même temps méfiants, La maniére dont la demande des
chercheurs est formulée est suspecte et les inquiète beaucoup. Ils ont l'impression
qu'on veut leur voler leurs secrets, les déposséder de leur art. En effet, le but de
l'analyse chimique qu'on veut faire de leurs produits n'est pas clair, Cette analyse
peut profaner, violer le domaine sacrè de la thérapeutique, Et puis,
surtout, les
chercheurs risquent de s'approprier, d'usurper une pratique qui ne s'apprend pas à
l'école, dans le papier, mais se communique par l'initiation mystique introduisant au
monde surnaturel.
2.1.3.3. Résistances.
Cette
méfiance
explique
en
partie
la
résistance
des
tradipraticiens
aux
sollicitations des chercheurs. Et puis ia
préparation
des
produits
médicamentaux
traditionnels est régie par une régie de secret. La recette n'est communiquée qu'à
une personne de confiance, souvent un élu du monde sacré.
Il n'est donc pas étonnant que
les
tradipraticiens
refusent
de
donner
la
recette de leurs préparations aux chercheurs pharmaciens. Quand ils ac ceptent de
livrer leurs produits, ils les donnent tout préparés (une poudre, une solution ... ) sans
détailler les ingrédients et le procédé de leur combinaison. Certains tradipraticiens
refusent de se présenter à l'invitation pour ne pas avoir à donner ce qu'on leur
demande,
2.1.3.4. Remarques.
Nous pensons que la procédure de prise de contact avec les tradipraticiens
et la demande de leurs produits doit être revue et corrigée. Il importe de nous
demander s'il est opportun que la médecine se presse de s'approprier les recettes,
les extraire de leur contexte. C'est encore signe que i'on continue à négliger le
contexte culturel. Nous reviendrons plus loin sur cette question. Pour le moment,
essayons d'analyser les
facteurs
du
changement
d'attitude
à
l'égard
de ia
cure
traditionnelle,
2,2. FACTEURS DE CE CHANGEMENT.
2.2.1, Evolution des idées,
2.2,1.1. Ethnologie et anthropologie culturelle.
Des courants de recherche en ethnologie tels que le fonctionnalisme et le
culturalisme
dénoncent,
depuis
les
années
trente,
les
thèses
évolutionnistes
et
ethnocentristes, mettent l'accent sur la spécificité de chaque culture en tant que
système complet qui, pour être intelligible, doit être ét udiée en soi, sans référence
à une norme d'évaluation exogène,
Ainsi, les cultures dites primitives ou archaïques, ne sont pas des étapes
retardées
d'une
trajectoire
unique
d'évolution,
mais
des
façons
différentes,
- 802 -

spécifiques
d·être.
des
expressions
spécifiques
des
peuples
différents.
et
non
inférieurs.
Ces chercheurs montrent donc que chaque culture est un système autonome.
dynamique. fonctionnel. qui peut changer de forme. se modifier sans nécessairement
emboîter le pas d'une autre. On ne doit donc pas placer les cultures
sur
une
échelle de progrès et les évaluer par rapport à une considérée comme plus évoluée
et donc norme de référence.
2.2.1.2. Conséquences pour les cures traditionnelles.
Ces conceptions font donc de chaque culture une valeur en soi. Tous ses
éléments constitutifs sont des fonctions complémentaires de l'ensemble. et ne sont
intelligibles qu'à l'intérieur de cet ensemle.
Dans ce sens. les conduites
thérapeutiques propres à chaque
culture
ne
fonctionnent de façon intelligible qu'à l'intérieur du contexte culturel. En tant que
fonctions. elles satisfont les besoins du peuple qui les produit comme expression
culturelle de lutte contre la maladie.
2.2.1.3. Intérêt de l'O.M.s. pour les cures traditionnelles.
Ces courants
anthropologiques trouvent des échos dans le domaine de la
santé. Des recherches scientifiques et des initiatives pratiques. dans ce domaine.
permettent
de
découvrir
l'efficacité
indéniable
des
cures
traditionnelles
et
leur
caractère culturel irremplaçable pour les populations concernées. Tout cela explique
le ferme attachement des peuples à ces pratiques ancestrales. malgré l'expansion
de la médecine scientifique, D'un autre côté. ces cures ont l'avantage de répondre
aux conditions financières des populations économiquement défavorisées. En effet,
elles sont généralement des éléments structurels des systèmes culturels non fondés
sur l'économie du marché.
Pour toutes ces raisons, l'Organisation Mondiale de la
Santé.
ayant
pour
mission de promouvoir la santé
des
peuples
en
mettant
à leur disposition des
moyens efficaces, recommande, non seulement le respect de ces cures, mais leur
étude approfondie et leur exploitation dans l'organisation de la santé publique. Les
recherches pharmacologiques s'intéressant à la pharmacopée, telles que nous les
avons mentionnées ci-dessus, sont les conséquences de ces recommandations.
L'O.M.S. continue d'encourager les efforts de collaboration entre médecins et
tradipraticiens entrepris surtout dans le domaine psychiatrique.
2.2.2. Redécouverte des valeurs culturelles autochtones.
Les
pays
accédés
à l'indépendance
découvrent
progressivement
la
valeur
irremplaçable de leurs patrimoines culturels autrefois dépréciés par les colonisateurs
qui
leur
substituaient,
comme
nous
l'avons
vu.
leur
propre
culture
dénommée
"civilisation". Ils constatent que les valeurs étrangères
imposées ne cadrent
pas
- 803 -

toujours avec le contexte local, et même détruisent la culture autochtone sans la
remplacer, Appelés à prendre en main le destin de leurs pays, les dirigeants se
rendent compte que les
valeurs
prônées
par
les
colonisateurs
et
transmises
à
travers
la
formation
intellectuelle
ne
s'adaptent
pas
toujours
aux
situations
concrètes, qu'il faut transformer pour le développement des peuples dans tous les
domaines (politique, économique, social, culturel, sanitaire, .. l.
Une telle inadaptation qui constitue un véritable frein au développement est
combattue sur plusieurs
fronts et de diverses manières. Le Togo a adopté une
stratégie dont nous signalerons seulement certains aspects,
2,2.2.1. Mouvement d'authenticité,
Certains
pays,
dont
le
Togo,
définisent
une
orientation,
une
véritable
révolution appelée "Mouvement d'authenticité", ayant pour finalité de reconvertir les
mentalités déformées par la colonisation. Pour ce faire, le mouvement d'authenticité
incite à la revalorisation du patrimoine culturel, à la recherche et la redécouverte
des
valeurs
vraies,
authentiques,
issues
du
terroir.
En
effet,
les
valeurs
d'importation restent étrangères, inassimilables, tant qu'elles prétendent remplacer
les
valeurs
locales,
se
substituer
à
elles.
Elles
façonnent
des
personnalités
artificielles, déracinées. Qu'elles soient religieuses, politiques, sociales, alimentaires ...
elles nous confèrent un
faux-self,
un masque qui nous aliène,
fait de nous des
étrangers dans nos propres pays, à nos propres contextes culturels.
2,2.2.2. Revalorisation des cultures locales.
Pour revaloriser la culture, il faut recenser tous les éléments constituants.
Le recensement est nécessaire parce que le mouvement de l'authenticité n'est pas
un simple retour en arrière. Il y a en effet des éléments dépassés qui seraient
anachroniques
actuellement.
Les
contenus
de
la
culture
sont
de
toute
façon
contingents et ne doivent pas se confondre
avec les structures
formelles
de la
culture
qui,
elles,
sont
essentielles,
fondamentales,
Le
recensement
permet
d'inventorier tous les contenus dépassés et de les remplacer par d'autres contenus
acceptables,
compatibles
avec
le
temps,
les
exigences
nationales,
sans
détruire
l'esprit de la culture. Les valeurs retenues doivent être cultivées, développées,
Cette revalorisation concerne, entre autres domaines, celui de la santé et
des conduites thérapeutiques qui nous intéressent ici.
2.2.2.3. Intégration des matériaux locaux dans l'enseignement.
Le mouvement d'authenticité concerne aussi et surtout l'éducation nationale
qui doit intégrer au programme de l'enseignement les matériaux locaux et culturels,
L'analyse scientifique, qu'elle soit biologique, chimique, physique, psychologique,
juridique, économique, littéraire, médicale ... doit utiliser le matériel sur place, et non
continuer à copier et à diffuser les conclusions tirées à
partir des
recherches
faites sur le matériel étranger, Ainsi,
l'application
technique
sera
facile
pour la
transformation de l'environnement aux
fins d'un développement authentique qui ne
- 804 -

peut être
rien
d'autre
que
l'épanouissement
du
patrimoine
culturel.
Dans
cette
optique, le Togo avait procédé à la réforme de l'enseignement mettant l'accent sur
la connaissance, par le jeune en formation, de son environnement immédiat, qu'il soit
physique ou social.
2,2.2.4, Lutte contre le déracinement culturel.
L'objectif poursuivi par le mouvement d'authenticité est de lutter contre le
déracinement
auquel
expose
l'aliénation
coloniale.
Le
refoulement
de
la
propre
culture équivaut à arracher les racines qui fixent solidement l'homme à son milieu
autochtone.
Ce
déracinement
entraîne
le
trouble
de
l'identité:
on
adopte
des
habitudes étrangères inadaptées à son milieu, à son environnement psycho-social et
même
physique.
La
revalorisation
du
patrimoine
culturel,
et
l'intégration
des
matériaux locaux et culturels au système éducatif vise à réenraciner l'homme dans
sa culture, à le réarticuler à
son
patrimoine
ancestral, et
ainsi
à
reconstruire
l'identité culturelle par la réassimilation des éléments niés, refoulés.
- 805 -

CHAPITRE 3.
DIFFERENCES
ET
COMPLEMENTAR ITES.
1. IRREDUCTIBILIlE.
Le dualisme américano-européen tel que nous l'avons analysé au début du
présent Livre et le continuisme négro-africain tel qu'il ressort de la synthèse opérée
par I,Sow sont radicalement irréductibles. Ils sont à l'opposé l'un de j'autre.
1.1. CONTEXTES PHILOSOPHIQUES,
1.1.1. Conceptions de l'univers,
La mentalité
négro-africaine
ne
peut
concevoir
l'univers
scindé
en
deux
entités: spirituelle et matérielle. Il n'y a pas de solution de continuité entre les deux.
L'analyse que nous avons faite des représentations nawda montre que ces
deux domaines de la réalité ne sont même pas des éléments séparables, isolables.
mais deux aspects, deux façons d'être, d'exister de la même réalité, l'univers se
présentant d'un point de vue spirituel et d'un point de vue matériel, sensible.
Cette façon de concevoir est étrangère à la mentalité américano-européenne
qui préfère isoler et opposer matière et esprit,
Et puis, au point de vue dynamique, la mentalité négro-africaine considère la
causalité fortuite comme
secondaire et devant être expliquée elle-même par une
causalité nécessaire plus fondamentale se déroulant au niveau spirituel de l'univers,
La représentation américano-européenne, au contraire, donne plus d'importance au
hasard qui se livre à l'observation sensible.
1.1.2. Conceptions de l'homme.
La mentalité continuiste établit des liens plus étroits, des articulations vitales,
biologiques, entre Ego et son environnement physique, social et phylogénétique. Ainsi,
l'individu et son environnement constituent une totalité structurée, dynamique.
Ego lui-même constitue une unité dont les différents éléments constitutifs
sont plutôt des modes d'être que des entités séparables et en opposition. Nous
- 806 -

avons vu chez le Nawda que la dynamique conflictuelle se situe plutôt entre Ego et
l'environnement et non pas à l'intérieur de lui-même,
1.2. PRATIQUES DE LA SANTE ET DE LA MALADIE.
Cette différence philosophique explique les divergences
conceptuelles
de la
santé et de la maladie, et, partant, celles des pratiques thérapeutiques.
1.2.1. Dualisme et morcellement.
La
conception
dualiste
de
l'homme
institue
des
barrières
infranchissables
entre la médecine organique et la psychothérapie. Nous avonS
vu
que le courant
psychosomat ique
n'a
pas
réussi
à
combler
le
fossé
entre
les
deux
"entités"
thérapeutiques. En effet, cela n'est pas possible sans que soit d'abord comblé le
fossé
entre
le psychisme et
l'organisme,
Malgré
l'effort
de
la
psychosomatique
tendant à recoller les morceaux, la scission demeure entière.
1.2.2. Continuisme négro-agricain dans la pratique curative.
Le continuisme négra-africain qui s'oppose au dualisme amencano-européen
s'applique aussi aux pratiques curatives, comme cela apparaît chez les Nawdeba.
En effet, les deux approches curatives: herboriste et rituelle
(surnaturelle)
ne
s'opposent
pas
comme
c'est
le
cas
pour
la
médecine
organique
et
la
psychothérapie dans le contexte américano-européen. La cure herboriste, qui lutte
contre la désarticulation de l'Ego d'avec le cosmos, le monde physique, n'est pas
purement organique. Il est vrai que l'herboriste n'est pas nécessairement un voyant;
mais il n'utilise pas
seulement l'énergie biochimique de la plante comme principe
curatif.
Nous
avons
vu
que
l'énergie
cosmique
a
les
deux
faces,
ou
pôles:
phénoménal et
noumineux,
ce
dernier
pôle
étant essentiel
dont
le
premier
est
l'apparence
sensible.
Donc,
la
plante,
le produit
médicamenteux, tout
comme
le
corps humain, ne se réduit pas à l'aspect sensible qui n'est que l'apparence de la
totalité, le mode d'exister observable de celle-ci.
La cure herboriste mobilise, comme celle rituelle, l'énergie totale du produit
utilisé. La différence se trouve seulement au niveau de l'aspect-cible. L'herboriste
mobilise l'énergie curative des éléments physiques à partir de leur mode d'exister
physique, sensible, alors que le thérapeute le fait à partir de l'aspect noumineux.
Quel que soit l'aspect-cible, toute l'énergie est mobilisée pour regénérer tout l'être
humain.
En
effet,
nous
savons
que,
quel
que
soit
le
mode
d'exister
par

l'agression morbogène atteint
Ego, c'est
tout
son
être
qui est désorganisé.
Le
thérapeute perçoit et combat la maladie qui a pour cible le noumène, tandis que
- 807 -

l'herboriste lutte contre le mal qui a pour cible le mode d'exister phénoménal. Dans
tous les cas, l'homme est soigné en tant qu'être total noumène et phénomène.
1.2.3. Continuisme et dualisme.
Les
deux
systèmes
de
cure
dualiste
et
continuiste
sont
diamétralement
opposés et irréductibles.
Il est difficile à un Américano-Européen habitué au dualisme de percevoir la
cure africaine comme s'adressant à une totalité à la fois sensible et spirituelle, à la
fois organique et psychique. Inversement, un Négra-Africain a du mal à concevoir
une cure qui se limiterait à un aspect spirituel ou corporel.
Si
bien
qu'un
Africain
traité
à
la
médecine
européenne
percevra,
consciemment ou inconsciemment, tous les actes médicaux comme s'adressant à la
totalité de sa personne. Ces actes sont perçus et vécus
comme
des
symboles
véhiculant une énergie phénoméno-noumineuse. Ce phénomène a sûrement joué et
continue à jouer actueliement dans l'intégration de la
médecine
scientifique
à
la
conscience culturelle, et il
serait très
dangereux
de
vouloir
l'évacuer
comme
le
vernis rationnaliste imposé par la colonisation tend à le faire encore de nos jours.
Nous
pensons
que
c'est
un
facteur
important
à
exploiter
dans
la
psychologie
médicale africaine. Les modalités de cette exploitation restent à étudier et à définir.
En envisageant le problème du côté dualiste, si un Européen se soumet à la
cure traditionnelle africaine, il la réduira soit à un jeu biochimique entre la plante et
le corps, soit il y verra purement et simplement un acte psychique ou surnaturel
s'adressant uniquement à sa partie non corporelle. Il lui est difficile de concevoir ies
deux en un seui, en une réalité unique.
Dans les deux cas, la perception ou conception dont nous parlons est moins
cérébrale que vécue. Il s'agit du vécu du malade qui expérimente le processus de
sa maladie et l'effet thérapeutique sur ce processus selon son système culturel
d'appartenance.
Il est par contre parfaitement possible à un Européen et à un Africain de
comprendre de façon purement cérébrale, conceptuelle, respectivement les points de
vue continuiste et dualiste. Mais quand on est plongé dans i'irrationnel de la maladie,
on s'enferme par réaction régressive dans son propre système culturel qui marque
la couche
radicale
de
la
personnalité.
La
structure
rationnelle.
secondairement
constituée cède en général sous la poussée de "angoisse de la maladie.
Donc, aucun système culturel ne peut recouvrir totalement un autre et se
substituer à lui. Au contraire, chaque système, parce qu'imparfait, demande à être
complété et enrichi par d'autres sans se dénaturer.
- 808 -

2. NECESSITE D'UNE COLLABORATION.
L'irréductibilité des deux systèmes de cure ne signifie donc pas qu'ils soient
des monades closes et complètes. Ils sont imparfaits l'un et l'autre, et appellent
des compléments, des enrichissements et sont, pour cela, ouverts l'un à l'autre,
2,1. INSUFFISANCES DE CHAQUE SYSTEME.
2.1.1. Cure traditionnelle et manque de contrôle scientifique.
2.1.1.1. Caractéristiques biologiques des produits médicamenteux.
La
connaissance
par
le
thérapeute
et
l'herboriste
des
cractéristiques
biologiques des plantes et des produits qu'ils
manipulent
dans
la
cure
est
très
insuffisante. Ils connaissent en effet ces produits de façon intuitive. Si on analysait
par
exemple
tous
les
rituels
qui
entourent
et
accompagnent
la
cueillette,
la
préparation et l'utilisation
des
plantes,
ainsi
que
leur combinaison
avec
d'autres
produits, ce ne serait pas étonnant de constater que ces rituels sont régis en fait
par les lois de la nature, qui dictent les conduites à tenir afin que le produit soit
préparé
dans
les
meilleures
conditions
possibles
pour
assurer
un
maximum
d'efficacité. Par exemple,
le
fait
de
cueillir
certaines
plantes,
ou
de
chercher
certains produits, à un moment déterminé de la journée (très tôt le matin, le soir
au coucher du soleil, ... ) ou à une période déterminée de l'année, ou encore à un
endroit
bien
défini...
n'est
pas
sans
rapport
avec
les
constantes
biologiques,
physiques ou chimiques du produit. Le moment, la période, l'endroit, etc, pourraient
être, entre autres, ceux où le principe actif ou les éléments curatifs se trouvent le
plus concentrés ou le mieux réunis, Le thérapeute et l'herboriste sont en contact
harmonieux avec la nature et vibrent à l'unisson avec elle. Ils n'ont donc pas besoin
de
recourir
à
l'analyse
expérimentale
pour
découvrir
l'action
thérapeutique
de
l'énergie cosmique.
Cependant,
cette
intuition
si
géniale
soit-elle
mérite
d'être
prolongée
et
éclairée par la précision de l'analyse
scientifique.
Elle
serait
plus
riche
et
plus
approfondie; cela permettrait de préciser le dosage, les conditions de préparation et
de conservation, d'éviter les
incompatibilités
pharmacologiques.
Et
puis,
certains
effets secondaires très dangereux sont ignorés par le thérapeute et l'herboriste. La
connaissance scientifique des traitements biochimiques des produits par i'organisme,
les
voies
d'élimination
des
déchets,
l'état
des
organes
du
malade,
etc ...
permettraient
par
exemple
de
prévenir
les
surcharges
rénales,
les
désordres
hépatiques,
cardiaques
et
autres.
Ces
effets
secondaires
sont
d'autant
plus
incontrôlables qu'Ils sont à retardement et se produisent avec un certain décalage
temporel.
Dans ce sens, l'étude pharmacologique de la pharmacopée reste une méthode
indispensable mais, comme nous l'avons dit, il faut savoir s'y prendre, combiner les
- 809 -

méthodes de recherche en
sciences humaines avec celles du laboratoire, car
le
premier obstacle à franchir ici est l'homme, l'herboriste, qui doit fournir la matière
d'analyse.
2,1.1.2, Processus organique et physiologique de la maladie.
Les
tradipraticiens
ignorent
aussi
le
processus
corporel
de
la
maladie,
L'étude anatomique fait défaut. Dans le contexte culturel nawda et généralement en
Afrique
Noire,
la dissection
des
cadavres
humains
est
inconcevable.
C'est
une
profanation du mort sacralisé, Dans certaines ethnies, peut-être. certaines pratiques
rituelles l'autorisent en des circonstances très exceptionnelles. Là encore, ce n'est
pas fait à des fins scientifiques, i.e. pour l'étude anatomique et physiologique.
La connaissance du corps
est
donc
purement extérieure.
Les
parties
et
organes internes sont connus par analogie à ceux des animaux de l'abattoir ou de
façon accidentelle, dans le cas par exemple de dislocation traumatique accidentelle
du corps humain.
Donc, le travail destructeur de la maladie à l'intérieur du corps est ignoré.
Les résultats
accumulés sur ce point par la médecine organique
constit uent
un
apport complémentaire précieux, mais qui ne doit nullement réduire l'homme à n'être
qu'un assemblage d'éléments biologiques. D'ailleurs, ils ne remettent nullement en
question la conception traditionnelle de l'homme, Nous avons vu, en effet, que les
Tadeba intègrent facilement à leur système des notions scientifiques qui ne font que
preciser
sans
les
remplacer
les
représentations
culturelles.
Par
exemple,
l'assimilation de la notion d'infection microbienne ne fait que clarifier et préciser la
représentation culturelle de Sangban'am (air de Dieul.
2.1,2. Morcellement de l'homme.
2.1.2.1. Ignorance du malade par la médecine organique.
La médecine organique américano-européenne s'occupe uniquement du corps
comme d'un objet quelconque sans tenir compte de la personnalité. A la limite, elle
a pour objet
la
maladie,
ce
trouble
organique
isolé.
Le
malade,
en
tant
que
structure psycho-somatique, est mis entre parenthèses. L'homme malade est ainsi
réduit
à
sa
maladie.
Tout
se
définit
en
termes
de
réactions
chimiques
ou
mécaniques comme si l'on avait affaire à une matière. La spécialisation à outrance
pousse même à isoler les organes de l'ensemble organique. Chaque spécialité prend
un organe et a tendance à ignorer le reste. L'organisme lui~même se trouve ainsi
morcelé.
2.1.2.2. Ignorance du corps par la psychothérapie.
La psychothérapie, de son côté, s'occupe uniquement du psychisme comme si
ce
dernier
existait
et
fonctionnait
indépendamment
du
corps,
et
sans
base
organique, ou plutôt on limite cette base organique au système nerveux cérébral.
- 810 -

Quelquefois. elle réduit tout à la psychophysiologie.
2.1.2.3. Effort psychosomatique.
L'effort de la
psychosomatique
est
louable;
mais,
rappelons-le,
elle
tente
d'établir un pont jeté dans le vide pour relier les deux ilôts de l'être humain. Elle ne
fait pas ressortir la véritable implication des deux entités qui s'imbriquent ou du
moins sont les deux faces. les deux points de vue, les deux modes ou
façons
d'apparaître de l'unique et complexe réalité humaine.
2.1.2.4. Ignorances des facteurs culturels.
La
médecine
organique,
la
psychothérapie
et
même
la
psychosomatique,
prétendent s'occuper de l'homme universel, cette abstraction qui n'existe nulle part.
L'homme en tant qu'existence concrète et culturelle est ignoré alors que c'est lui
justement qui est concerné, et non pas son ombre, son essence abstraite.
Quand
même
l'intérêt
est
porté
à
l'individu,
comme
c'est
le
cas
dans
certaines approches psychothérapeutiques. ce dernier est considéré indépendamment
de
son
contexte
culturel.
ou,
plus
exactement.
en
référence
au
contexte
américano-européen. quel que soit le sien. Ainsi. des conclusions tirées à partir du
contexte
culturel
américano-européen
sont
généralisées
sans
réserve
à
toute
l'humanité. Les différences obligatoirement observées sont cl 3ssées sur l'échelle de
l'évolution et interprétées en termes de comparaison, comme si toutes les cultures
devaient épouser le même modèle.
On pourrait allonger la liste des' insuffisances des deux systèmes de cure.
Celles-ci suffisent à montrer la nécesité d'échange entre les deux. quand ils doivent
coexister comme c'est le cas au Togo. Ils doivent collaborer pour la meilleure santé
de la population.
2.2, MODALITE DE LA COLLABORATION.
2.2.1. Formation médicale et psychologique.
2.2.1.1. Dimension humaine et psychologique.
Les recherches en psychologie médicale découvrent que la maladie physique a
un
retentissement
profond
sur
l'appareil
psychique
du
malade
(tout
comme
la
maladie mentale modifie l'expression corporelle. provoque des troubles physiologiques
et organiquesl.
Le malade réagit à sa maladie par un état d'insécurité et d'angoisse qui
désorganise tout son
système psychique. entraîne une régression plus
ou
moins
massive suivant les personnalités et le degré de l'atteinte morbide. Son système de
référence se modifie. provoquant une perception
plus ou
moins
déformée
de
la
réalité.
Cela montre que la maladie physique ne se limite pas au corps. mais atteint
- 811 -

tout l'être et plonge le malade dans
un univers psychiquement
morbide.
Il vit et
interprète sa maladie à sa façon, selon son système de référence modifié qui n'est
pas celui du médecin branché sur l'analyse objective.
Ce vécu influence, à son tour, le processus de la maladie, créant ainsi une
réaction circulaire en chaîne dont le mécanisme psychophysiologique est
très peu
connu.
Les conduites thérapeutiques ne doivent pas ignorer ce processus complexe.
Elles doivent s'adresser non seulement au corps, mais aussi à cette perturbation
psychique qui modifie la maladie et dont l'impact peut être capital et décisif.
Pour ces raisons, le médecin ne doit pas se limiter à la connaissance et à
la manipulation des mécanismes organiques normaux et pathologiques; il doit aussi
connaître
ceux
psychiques.
Le
programme
de
formation
médicale
doit
donc
concerner "homme total.
2.2.1.2. Facteurs psychiques dans la relation thérapeutique.
La relation thérapeutique est un~ interaction dynamique entre le médecin et
son malade. Donc qu'il veuille s'occuper de la psychologie ou non, il n'y échappe pas.
Toute rencontre avec son malade se fait psychiquement.
Au cours de cette interaction, le malade élabore une image plus ou moins
sécurisante du médecin, selon le degré de confiance et d'assurance que ce dernier
inspire. Cette confiance est souvent fonction de la façon dont le médecin maîtrise
et
contrôle
la
relation
thérapeutique.
L'énergie
curative
véhiculée
par
les
médicaments et les actes médicaux est
une
force
émanant
de
la
personne
du
médecin, de l'image qu'il inspire au malade.
Les médicaments et les actes médicaux sont beaucoup plus perçus comme
des
symboles
condensant
la
force
curative
du
médecin.
Les
bons
médecins
percrivent
toujours
de
bons
médicaments.
Cela
signifie
qu'un
même médicament
prescrit par deux médecins peut ne pas avoir la même efficacité.
Donc,
les
facteurs
psychologiques
manipulés
dans
la
relatioon
entre
le
médecin et le malade jouent un rôle plus ou moins important dans l'évolution de la
maladie. Ils peuvent constituer un élément aggravant ou curatif.
2.2.2. Formation médicale du psychothérapeute.
Le
psychothérapeute
ne
devrait
pas
non
plus
ignorer
les
mécanismes
organiques
normaux
et
pathologiques,
Le
programme
de
psychologie
prévoit
effectivement une formation en ce sens, dont le contenu varie selon les pays, allant
de la simple initiation au x sciences biologiques animales à une sensibilisation aux
données médicales, des étudiants se spécialisant en psychopathologie clin ique, Dans
certains pays même, cette branche de la
psychologie était,
autrefois
du
moins,
intégrée purement et simplement à la médecine,
Ce manque de coordination est assez fâcheux. Mais chaque pays s'organise
-
812 -

selDn
des
Dbjectifs
precIs,
dDnt,
entre
autres,
le
SDuci
d'appréhender
l'hDmme
malade cDmme une unité DU nDn.
En ce qui cDncerne
la fDrmatiDn
du. psychDthérapeute, elle échappe, dans
beaucDup de pays, à l'DrganisatiDn Dfficielle de l'enseignement et Duvre ses pDrtes
sDit à des psychDIDgues et psychiatres seu lement (c'est le cas en principe pDur les
thérapies bihaviDralesl, sDit à tDUt venant (cDmme la psychanalyse). NDus penSDns
qu'un psychDthérapeute devrait être en mesure d'appréhender l'hDmme cDmme une
tDtalité, et pDur ce,
sans
aller jusqu'à
une
fDrmatiDn
prDfDndément
médicale,
il
devrait cDnnaître l'homme en tant qu'existence biologique aussi.
En effet, comme nous l'avons déjà souligné, la maladie, qu'elle soit organique
ou mentale, est un trouble de l'homme dans sa totalité, et les pôles organiques et
psychiques ne sont que des voies d'entrée, des points-cibles qu'il faut absolu ment
maîtriser. Le psychothérapeute devrait être en mesure de comprendre, même s'il ne
peut pas les prendre en charge
thérapeutique. les trDubles organo-physiologiques
des
maladies
mentales,
Sa
collaboratiDn
avec
les
spécialistes
de
la
médecine
organique
serait
plus efficace.
On
éviterait
le psychologisme.
cette
tendance
à
réduire l'hDmme au psychDlogique, qui est le pendant de l'organicisme.
2,2.3, Formation en sciences médicales et culture,
2,2.3,1. Insuffisance de la formation psychologique du médecin.
La fDrmatiDn
psychDIDgique nécessaire au
médecin,
telle
que
nous
l'avons
définie ci-dessus. est elle-même insuffisante pour exercer dans nos milieux. Elle
est, en effet, axée sur la
représentation
dualiste
du
monde et
de
l'homme et
véhicule dans ce sens la culture
américano-européenne.
Elle
ne
permet
pas au
médecin, ni au psychDlogue et au psychothérapeute, de comprendre l'hDmme africain,
Et puis la psychologie prétend appréhender l'homme universel abstrait qui se
confond concrètement avec l'homme américano-européen. C'est cette subtilité qui
voile, au médecin et au psychologue, la réalité
de l'hDmme africain: en effet, ils
croient l'appréhender à travers la grille de lecture universaliste.
2.2.3.2. Nécessité d'adapter cette fDrmation à la culture locale.
Le
mDdèle
de
persDnnalité
américanD-européen
ne
doit
donc
pas
être
généralisé à tDutes les cultures.
C'est pDurquDi le contenu de la fDrmatiDn en psycholDgie dDit intégrer
la
culture IDcale, celle qui fDurnit les matériaux de cDnstructiDn de la persDnnalité des
peuples cDncernés, des malades CDncrets dDnt s'occupent les
sciences médicales.
En effet, l'objet de la psycholDgie est l'hDmme concret qui construit sa persDnnalité
en interactiDn avec des situatiDns environnementales cDncrètes.
L'hDmme
universel
est
constitué
par
l'équipement
héréditaire
propre
à
l'espèce
humaine
que
pDrte
chaque
individu.
Mais
il
faut
préciser
que
cet
équipement, surtDut sur le plan psychique, constitue des
pDssibilités qui prennent
- 813 -

une forme en s'accommodant aux situations culturelles et physiques concrètes dans
lesquelles l'individu est très tôt engagé,
i.e. dès sa venue à l'existence en
tant
qu'embryon humain. En effet, le sein maternel n'est pas un environnement standard,
neutre et universel pour tous, puisqu'en tant que milieu physiologique de la mère, il
est sous l'influence de la psychologie. de la personnalité de celle-ci, personnalité
construite par un environnement précis et souvent engagé dans cet environnement.
Donc,
l'équipement
héréditaire est
déjà
culturalisé
dès
le
sein
maternel.
Quand les Nawda parlent de la construction de l'individu dans le sein maternel par
l'Ancêtre qui le pétrit et le modèle à son image, c'est dans ce sens qu'il convient
de l'entendre. Equipement héréditaire en tant que facteur universel fondamentalement
le même chez tous les individus et dans toutes les cultures, est une abstraction
qu'on ne peut jamais rencontrer telle qu'elle nulle part dans l'existence concrète.
Une telle abstraction peut et doit même faire l'objet de la psychologie, mais
en tant que forme qui n'existe pas en soi. C'est à partir du concret divers qu'elle
est dégagée a postériori, i.e. construite. Quand elle veut se substituer à la diversité
concrète,
elle
ne
peut
être
qu'un
modèle
culturel
donné
qui
se
généralise
abusivement à tous les autres.
2.2.3.3. Sensibilisation au contexte socio-psychologique du milieu traditionnel.
La
formation
psychologique
n'est
donc
pas
authentique
sans
une
sensibilisation au contexte culturel du milieu. Elle doit étudier les facteurs du milieu
culturel qui fournissent les matériaux de construction de la personnalité. C'est en
connaissant ces matériaux que l'on peut comprendre la personnalité des individus.
Pour comprendre la maladie et le malade dans toutes leurs dimensions, le
médecin doit
s'imprégner
de
ces
facteurs
du
milieu
et
tout
spécialement
des
problèmes
de
relation
entre
l'individu
et
la
collectivité,
de
la
dynamique
interactionnelle qui régit la vie de la collectivité,
ainsi que les représentations de
j'univers
et
de
l'homme qui expliquent
cette
dynamique.
Cela
est
d'autant
plus
important que l'impact de la collectivité sur l'individu dans le milieu africain est
primordial. Le médecin ne peut comprendre l'individu malade qu'il a devant lui s'il
ignore le contexte socio-culturel dans lequel il se meut.
2.2.3.4. Sensibilisation à la cure traditionnelle.
Nous pensons que la formation médicale ne doit pas ignorer les pratiques
curatives
traditionnelles,
la
connaissance
des
représentations
et
du
vécu
de
la
maladie et les conduites qui tendent à combattre celle-ci. Cette connaissance est
indispensable
pour
lui
permettre
d'appréhender
la
maladie
dans
ses
aspects
objectifs et le vécu collectif que le malade en a, ainsi que les attentes du malade
qui le consulte. Notons que le médecin autochtone comprend intuitivement ces vécus
et attentes du malade, mais formé au rationnalisme, il les rejette comme n'ayant
aucu n fondement, et par conséquent n'ayant rien à voir
avec la maladie.
Etant
lui-même plongé dans ce vécu qu'il a refoulé pour se rationnaliser, il éprouve une
certaine angoisse à écouter le malade qui lui renvoie son image spéculaire, et réagit
-
814 -

contre cette angoisse en cherchant sécurité dans le scientisme.
2.2.4. Vers la constitution d'une chaîne thérapeutique.
2.2.4.1. Impossible substitution du médecin au trad/praticien.
'La
connaissance
du
milieu
culturel
et
des
pratiques
curatives
traditionnelles
ne
donne
pas
au
médecin
la
compétence
lui
permettant
de
se
substituer
au
tradipraticien.
Nous
avons
vu
de
quoi ce
dernier
tient
sa
compétence
chez
les
Nawdeba. Généralement, celle-ci
ne
s'apprend
pas,
du
moins
pas
à
la
maniére
scolaire. La sensibilisation permet seulement au médecin de comprendre son malade,
et de découvrir la valeur curative des pratiques thérapeutiques traditionnelles qu'il a
tendance à rejeter a priori au nom de la science. Il apprendra par là à estimer le
tradipraticien
et à le
respecter
comme
étant
capable
de
quelque
chose
qui
lui
échappe.
2.2.4.2. Collaboration thérapeutique.
La
cure
traditionnelle
et
la
médecine
scientifique
sont
deux
approches
différentes de la maladie. Nous avons relevé les
insuffisances de chacune de ces
deux approches et noté la nécessité
de leur
complémentarité. Cette collaboration
n'est possible que quand le médecin reconnaît ses limites et reconnaît, comme nous
venons de le voir, la valeur du tradipraticien.
Nous
avons
noté
la
disponibilité
des
tradipraticiens
chez
les
Nawda,
du
moins
certains,
à
collaborer
avec
les
médecins.
Ils
connaissent
en
effet
leurs
limites. Quand ils ne voient pas de mal dans le corps du malade, ils adressent ce
dernier soit à l'herboriste qualifié, soit au médecin. L'un d'eux était si désireux de
cette collaboration quil en prenait 1initiative: il conduisait lui-même, chez le médecin,
les malades quil lui adressait, avec le désir d'échanger avec lui, de lui expliquer ce
qu'il connaissait des
cas,
i,e, de
"transmettre
les
dossiers".
Mais
il
n'a
trouvé
qu'incompréhension de la part du personnel soignant dont il devenait la risée.
Nous avons vu aussi que les malades éprouvent ce besoin de rencontre, de
complémentarité des deux
systémes
de
cure
qUI
leur
sont
désormais
proposés.
C'est l'absence de cette rencontre qui provoque les comportements syncrétiques que
nous avons déplorés plus haut.
La
collaboration
entre
médecins
et
tradipraticiens
permettrait
à
chaque
système curatif de faire ce ~u; relève de sa spécialité sans que ies deux actions
entrent en interaction fâcheuse pour le malade, comme on peut le craindre dans la
pratique syncrétique.
Les modalités de la collaboration seraient à définir; mais elle ne peut être
qu une chaîne
thérapeutique
qui pourrait se
définir
comme
une
sorte
de
travail
d'équipe autour du malade; médecin et tradipraticlen choisis par la famille travaillent
simultanément et de concert pour un cas. Nous avons vu que certaines
maladies
sont perçues comme mixtes, pour lesquelles le malade se fait soigner simultanément
-
815 -

par le tradipraticien et \\e médecin à l'insu de ce dernier. Une concertation entre
soignants
permettrait
d'éviter
les
risques
qu'implique
cette
pratique,
D'autres
maladies sont considérées comme relevant totalement de la cure traditionnelle ou
dépassant les
compétences
du
tradipraticien.
Puis
le
médecin
expérimente
des
maladies
traînantes
pour
lesquelles
il
ne
trouve
pas
de
bases
organiques
observables
et
qu'il
a
tendance
à
considérer
comme
imaginaires.
Dans
ces
situations, l'échange des cas entre tradipraticien et médecin pourrait se faire pour
le bien du malade, avec le consentement de ce dernier et de sa famille. Si la
confiance mutuelle et la collaboration s'instaure, un cas que le médecin ne peut
traiter peut être adressé au tradipraticien et vice-versa.
De
toute
façon,
si
le
médecin ne pense jamais à prendre une telle décision, elle est souvent prise à sa
place
par
les
auxiliaires
médicaux
qui
conseillent
aux
malades
hospitalisés
de
retourner au tradipraticien parce que leur maladie ne peut être guérie à l'hôpital;
c'est une affaire de famille. Cela explique bon nombre de désertions des hôpitaux,
comme nous l'avons dit.
2.2.5. Reconnaissance officielle de la cure traditionnelle.
Pour que la collaboration que nous souhaitons puisse s'instaurer, il faut que
la cure traditionnelle soit
enfin
officiellement
reconnue
au
Togo
par
des
textes
juridiques appropriés.
2.2.5.1. Délivrance des licences de pratiques.
Ces
textes
juridiques
devront
statuer,
définir
les
conditions
précises
à
remplir par les tradipraticiens pour être officiellement reconnus. Dans certains pays,
tels que le Ghana voisin, il semble que, pour reconnaître un herboriste, on doit
soumettre ses produits médicamenteux à l'analyse de laboratoire, afin de déterminer
leur degré d'efficacité.
En tout cas, nous souhaitons que le Togo emboîte le pas à ces
pays et
définisse des conditions et des méthodes de validation de l'art des tradipraticiens
pour la reconnaissance officielle de leur compétence. Cette compétence devra être
sanctionnée par une licence délivrée par les autorités compétentes permettant aux
tradipraticiens d'être légalement protégés dans l'exercice de leurs fonctions, comme
l'est le médecin.
2.2.5.2. Intégration dans l'organisation de la santé publique.
Les
tradipraticiens
officiellement
reconnus
peuvent
être
intégrés,
s'ils
le
désirent, dans l'organisation de la santé publique. Il faudra, là aussi, déterminer les
modalités
de cette
intégration. Cela
veut
dire
que
l'intégration
ne
signifie
pas
nécessairement leur installation dans les hôpitaux ou centres de santé. A priori,
nous ne sommes pas pour cette méthode dans la mesure où les tradipraticiens ont
un cadre traditionnel qui fait partie intégrante de leur fonction thérapeutique. Les
- 816 -

transplanter
dans
les
hôpitaux
serait
les
déraciner,
enlever
un
facteur
assez
important de l'efficacité de leur art. D'ailleurs. il semble que cette méthode a été
tentée dans certains pays au niveau de la psychiatrie, sans succès.
Les modalités concrètes devront donc être étudiées en fonction des facteurs
socio-culturels.
Cela
signifie
que
ces
modalités
ne
seront
pas
nécessairement
standard dans un pays comme leTogo où il y a une cinquantaine d'ethnies.
- 817 -

CONCLUSION GENERALE.
- 818 -

Nous sommes arrivés au terme de notre étude des pratiques thérapeutiques
chez les Nawdeba du Nord-Togo. Notre démarche a évolué en trois phases suivant
le plan que nous avons annoncé dans l'introduction: nous avons d'abord analysé le
contexte culturel, puis la situation thérapeutique, que nous avons enfin comparée à
d'autres systèmes thérapeutiques.
Cette démarche poursuivait certains objectifs que nous nous étions fixés et
devant conduire à la validation d'une série d'hypothèses de travail que nous avions
formulées. En voulant résoudre tous ces problèmes nous avons soulevé implicitement
certains autres que nous avons laissés en suspens.
Il convient maintenant de faire le point. Dans ce sens, nous nous proposons
d'estimer dans quelle mesure nos objectifs ont été atteints, puis de résumer les
conclusions auxquelles ont abouti nos discussions et la validation de nos hypothèses,
et enfin de poser, de façon plus explicite, les problèmes que nos démarches ont
soulevés.
1. L'ATTEINTE DE NOS OBJECTIFS.
1.1. L'ETHOS NAWDA.
L'étude du contexte culturel avait pour objectif de circonscrire. de définir,
l'univers de sens et de signification Nawda, i.e. l'éthos Nawda.
L'analyse des données du terrain nous a permis de dégager cet éthos, cette
mentalité Nawda. i.e. les systèmes de représentation du peuple Nawda, qui modèle
ses comportements sociaux, politiques, économiques, religieux et éducatifs.
Nous avons ainsi élaboré une ethnopsychologie du peuple Nawda que nous
avons
postulée
comme
cadre
théorique
de
référence
pour
l'intelligibilité
des
représentations et des pratiques de la santé et de la maladie chez ce peuple.
Nous avons fait cette analyse en sortant des chemins battus, i.e. que nous
n'avons pas voulu chercher une explication de l'ethos Nawda à l'extérieur de cet
et hos. de cet univers de sens et de signification; en d'autres termes, nous n'avons
pas voulu étudier la psychologie Nawda en prenant comme référence une théorie
psychologique construite à partir de matériaux d'une autre culture, même si toutes
les théories actuellement en vigueur se veulent universelles. Nous avons interrogé le
contexte culturel lui-même, qui nous a
fourni
les
données
du
terrain
faites
de
matériaux
verbaux
et
non
verbaux,
traduisant
sous
forme
symbolique
le
vécu
- 819 -

collectif. Cela nous a permis d'expliciter les bases théoriques sous-tendant ce vécu.
La question peut toutefois se poser de savoir dans quelle mesure nous y
avons réussi. Si nous avons refusé de nous référer explicitement à des théories
d'interprétations
extérieures
au
système,
avons- nous
pu
nous
libérer
de
notre
propre
système de référence construit à partir des cultures étrangères qui ont
marqué notre formation?
Nous admettons la difficulté pour le chercheur d'abandonner totalement son
système de référence. Nous avons conscience de cette équation personnelle, et pour
cela, nous nous sommes appuyés sur les dépositaires de la mémoire coliective, les
gardiens de la tradition, i.e. les théoriciens de la culture qui constituent l'équipe de
nos
informateurs.
Ils
nous
ont
servi
de
garde-fou,
de
véritable
guide
dans
l'interprétation théorique des données qu'ils nous fournissaient, ou que l'observation
directe
nous
livrait;
l'explication
des
symbolismes,
la
recherche
des
sources
historiques de certaines données, etc, tout cela nous
a
permis
d'éviter
-ou
du
moins de réduire- le risque de déformation interprétative.
Dans ce sens, nous pouvons estimer avoir atteint l'objectif de cette partie
de notre travail
qui consistait, rappelons-
le, à
formuler
de
façon
systématique
l'univers du peuple Nawda, i.e. son être au monde, sa perception de la réalité qui
permet de comprendre ses modèles
de comportements.
Nous
n'avons
donc
pas
étudié le systéme culturel pour lui-même, en ethnologue ou en anthropologue.
C'est pour cette raison que nous avons délibérément laissé de côté certains
éléments culturels tels que l'aspect linguistique, l'aspect artistique, etc, qui n'ont pas
de rapport direct avec notre objectif.
1.2. SITUATION THERAPEUTIQUE.
La psychologie nawda devait rendre intelligibles les comportements observés
dans la situation thérapeutique, qui devaient être l'objet d'étude de notre Livre 2.
Cette étude avait pour objectifs:
al d'utiliser des techniques appropriées pour:
• opérer une description condensée, un résumé des données cliniques
recueillies
dans
la
situation
thérapeutique,
afin
de
mieux
faire
ressortir
les
comportements collectifs face à la maladie;

étudier
la
dépendance
entre
les
variables,
obtenues
par
la
description, et leur degré d'organisation structurale, afin d'appréhender l'homogénéité
entre sous-groupes d'individus;
b) de valider nos hypothèses à l'aide des résultats de l'analyse des données
et du cadre théorique du Livre 1;
c) d'étudier les mécanismes d'articulation entre les pratiques
curatives
et
l'ethos nawda, i.e. le cadre culturel de référence.
- 820 -

Voyons à
présent.
brièvement.
dans
quelle
mesure
ces
objectifs
ont
été
alleints.
1.2.1. Description condensée des données cliniques.
A l'aide de certaines procédures d'analyse de contenu. nous avons résumé en
un nombre réduit de variables thématiques toutes les données cliniques recueillies au
cours de l'observation des séances de cure,
Les
variables
thématiques
obtenues
constituent
des
notions
générales
englobant des données liées par des analogies de sens. La lecture nous a permis
d'en
reproduire
des
échantillons.
Ces
notions
générales
sont
des
constantes
théoriques servant de critères de classification et non des clés d'interprétation. dont
l'ensemble forme une grille d'observation
clinique
telle
qu'elle
est
vécue
par
les
partenaires de la relation thérapeutique, Dans ce sens. nous pouvons dire que nous
avons opéré une conceptualisation théorique de la médecine traditionnelle nawda,
Cette
conceptualisation
est
une
explicitation
de
la
théorie
implicite
qui
sous-tend les conduites, les pratiques curatives du peuple nawda, Dans ce sens,
elle ne se veut nullement
universelle; elle traduit les modéles de comportements
culturels particuliers qui tissent la trame de la situation thérapeutique; l'ensemble de
ces modèles de comportements constitue ce que nous pouvons appeler "psychologie
médicale nawda", qui nous permet d'appréhender les représentations que le peuple
nawda a de la santé, de la maladie, de la
causalité
thérapeutique;
l'image
qu'il
construit du thérapeute; les effets qu'il allent de la cure ...
1.2.2. Rapport entre la cure et le cadre culturel.
Cette
"psychologie médicale", n'étant pas universelle. ne
renferme
pas
en
elle-même les principes de son intelligibilité. Par exemple.
des concepts
tels que
"mal lytique", "mal comprimant", "mal dissociant". etc. ne sont pas en eux-mêmes
intelligibles et peuvent se prêter
à toutes les interprétations aussi éloignées que
possible de la signification contextuelle qu'ils ont ici.
C'est pourquoi, à l'aide de la procédure d'analyse fonctionnelle, nous avons
mis en
lumière
les
mécanismes
d'articulation entre
les
pratiques
curatives,
les
comportements thérapeutiques, avec
tous les
aspects
du
contexte culturel.
Cela
permet de comprendre que la psychologie médicale nawda n'est
pas
inintelligible
sans référence à la psychologie générale du peuple nawda telle qu'elle est véhiculée
par le système culturel.
- 821 -

1.2.3, Relation entre variables,
l.'analyse
des
articulations
entre
les
sous-groupes
de
notre
échantillon,
surtout avec la méthode structurale, a montré la concordance des points de vue
apparemment
discordants,
confirmant
ainsi
le
caractère
homogène
de
notre
population d'étude, i.e, la participation de tous ses membres à un même ethos, aux
mêmes modèles de comportements,
1.2.4. Validation des hypothèses,
Le dernier objectif de notre livre 2 était de soumettre nos hypothèses à
l'épreuve des données du
terrain, Les modèles de
comportements
dégagés
sous
forme de variables
thématiques, par l'analyse des données,
nous
ont
permis
de
valider toutes les hypothèses formulées dans l'introduction générale de notre travail.
Les résultats
de cette épreuve d'hypothèses montrent que
la
"psychologie
nawda"
-générale
et
médicale-
participe
au
fonds
commun
de
la
psychologie
négra-africaine telle qu'elle a été formulée par l, Sow.
1,3. LA CURE NAWOA ET LES AUTRES.
Une dernière série d'objectifs était de définir la place de la cure traditionnelle
nawda face aux autres systèmes thérapeutiques, Pour ce faire, il nous aurait fallu
inventorier et analyser les
modèles
de
conduites
curatives
à
travers
les
divers
systèmes culturels; ce qui est une entreprise extrêmement longue et fastidieuse,
Nous avons préféré nous limiter à quelques-uns des systèmes américano-européens
qui sont directement en interaction avec notre objet d'étude, Nous n'avons donc
qu'en partie atteint ces objectifs,
Cependant.
la
limitation
du
sujet
nous
a
permis
d'approfondir
l'analyse
comparative. Nous avons ainsi
fait
ressortir la spécificité de la cure nawda par
rapport
à
la
médecine
purement
organique
et
aux
principales
procédures
psychothérapiques
américano-européennes.
Cela
nous
a
conduit
à
déterminer
la
place des cures traditionnelles dans l'organisation de la santé publique au
Togo,
organisation
qui
pivote
autour
des
sciences
et
techniques
thérapeutiques
américano-européennes.
Ce tour d'horizon nous permet d'estimer que nous avons pratiquement atteint
tous les objectifs que nous nous étions fixés.
Il nous reste maintenant à formuler les différentes conclusions auxquelles a
pu aboutir notre démarche, Ces conclusions concernent surtout la validation de nos
hypothèses; mais l'analyse des mécanismes d'articulation entre la cure nawda et son
cadre culturel de référence, puis la définition de la cure nawda face aux autres
- 822 -

systèmes thérapeutiques aboutissent à des conclusions
qu'il
faudra tirer au clair,
C'est ce qui fait l'objet du paragraphe suivant.
2. LES CONCLUSIONS DE NOTRE ETUDE.
2.\\. RESULTATS DE L'ANALYSE DES HYPOTHESES.
A l'issue de l'é preuve de nos hypothéses, des conclusions se sont dégagées
que nous tenterons de résumer ici.
2,1.1. L'univers nawda est une "variable continue".
L'analyse des données du terrain étudiées dans le Livre
1 de notre
travail
confirment l'idée que, pour le Nawda, les êtres cosmiques, les éléments de l'univers
qui s'offrent à l'expérience sensible comme discrets, dispersés, sans lien entre eux,
le sont en apparence. Ils sont soudés les uns aux autres par l'énergie fondante et
liante qui forme un courant continu dont Ils sont des condensations sous forme de
nœuds, de faisceaux de forces.
Ainsi
donc,
les
couples
tels
que
l'être
et
le
néant,
l'existence
et
la
non-existence, le naturel et le surnaturel, le phénomène et le noumène, la matiére
et l'esprit, le sacré et le profane, le bien et le mai, la vie et ia mort, le signifiant
et le signifié, le rêve et la réalité, et puis les différents éléments du composé
humain ... sont en parfaite continuité, et l'univers forme un tout lié.
Cette continuité, pour le Nawda, est encore plus forte au niveau des parties
d'un ensemble: chacun des éléments
de l'ensemble sont plutôt des aspects, des
modes d'être et d'exister de cet ensemble, et non des parties. Il n'y a donc pas
une simple continuité entre éléments ou parties, mais c'est
une véritable totalité
multiforme, polymorphe. C'est pourquoi le Nawda n'hésite pas à désigner le tout par
un de ses éléments -nous dirons désormais ses aspects-. Par exemple, le corps, le
\\
Lili'igo désigne tout l'être humain.
De
plus,
la
structure
de
la
personne-personnalité
Nawda
présente
une
particularité qui la différencie légèrem ent de notre cadre théorique de référence
élaboré par le Professeur l.sow. Quand on considère la fonction remplie par chaque
aspect
de la personne-personnalité,
le
corps
n'apparaît
pas
comme
la
véritable
enveloppe renfermant les aspects vitaux et spirituels. Certes, il est l'extériorisation
sensible. matérielle. de j'être humain total, Mais c'est le "Kawatia", aspect non collé
à l'Ego, qui constitue l'enveloppe, la carapace. C'est une aura de force enveloppant
Ego
et
le
protégeant
contre
les
agressions
de
l'environnement.
C'est
par
l'intermédiaire
du
"Kawatia"
qu'Ego
entretient
des
relations
de
contiguïté
avec
- 823 -

l'environnement. C'est lui que les
influences
de
l'environnement
doivent
traverser
pour atteindre Ego, soit en tant que corps, soit en tant qu'esprit.
Une autre particularité est
qu'Ego
est
articulé,
non
seulement
aux
pôles
phylogénétique, biolignager et communautaire, mais aussi à celui cosmique, physique,
que nous avons appelé naturel, cet aspect de la réalité, qui reste inexpliqué par la
Tradition
ancestrale
ou
Culture,
et
dont,
seul,
Sangbande
posséde
la
clef
de
signification.
Malgré ces particularités, la conception
nawda de i'univers et de l'homme
reste fondamentalement la même que celle négra-africaine, mise en lumière par les
études du Professeur ISow.
2.1.2. La maladie est une attaque persécutive extérieure à Ego.
L'individu étant une totalité multiforme -i.e. que ses éléments structurels ne
sont
pas
des
parties
séparables,
encore
moins
opposées-
une
dynamique
conflictuelle
intra-Ego est impensable, contradictoire. Ego, en
tant
que
nœud
de
force, est en interaction avec les autres faisceaux énergétiques. Les influences que
rayonne chacun de ces
nœuds dans
la dynamique
interactionnelle,
atteignent
les
autres à travers le courant continu de l'énergie liante qui les soude les uns aux
autres;
Les
données
cliniques
confirment
que
la
maladie,
qui
est
une
forme
d'influence négative, est ainsi une attaque persécutive, une violence faite à Ego et
extérieure à
lui. Cette
agression
l'atteint
par
son
aspect
qui
l'articule
à l'être
agresseur. La maladie est ainsi primairement une désarticulation de l'Ego d'au moins
l'un de ses axes fondamentaux, et secondairement une attaque destructrice de son
être individuel nucléaire.
2.1.3. Recréation thérapeutique.
Il s'ensuit que la démarche curative consiste à réarticuler, à rattacher Ego à
ses pôles fondamentaux, sources d'énergie vitale qui le constituent en tant qu'être,
existence et identité. La maladie est une destruction; la cure est une reconstitution,
reconstruction, une recréation.
La
démarche
curative
est
ainsi
un
acte
complexe:
elle
doit
identifier
l'agression et sa provenance
polaire,
puis
procéder
à
sa
neutralisation, afin
de
rétablir le courant vital qui soude Ego à ses axes fondamentaux.
- 824 -

2.1.4. Croyance et guérison.
Il ressort de l'analyse des données cliniques que le processus
de guerlson
dans la cure nawda est, du moins en partie, imputable à ladhésion culturelle et à la
confiance au Tada traitant, vécu comme doué de toute-puissance curative explicable
culturellement en termes de condensation symbolique de la force
divino-ancestrale
contre le mal, qui n'est rien d autre que la force créatrice.
Cela
signifie
que
des
patients
étrangers
à
!a
culture
auraient
moins
de
chance de guérir dans la mesure où ils se représentent autrement la réalité. Par
exemple,
une
représentation
dualiste
établit
une
solution
de
continuité
entre
l'organique et le psychique, la matiére et l'esprit, le naturel et le surnaturel, le
symbole et la chose symbolisée. Ces scissions rendent impossible la libre circulation
de l'énergie vitale d'un pôle à lautre des couples. Ego, au cours de l'enculturation,
construit sa personnalité en bloquant l'énergie vitale qui l'anime dans chacun de ses
secteurs séparés, et vit la réalité de cette façon; si bien qu'il est difficile à une
action
se
déroulant
dans
l'un
des
secteurs
de
se
répercuter
sur
les
autres,
puisqu'Ego n'y "croit" pas et ne "laisse" pas l'énergie circuler.
Pour confirmer formellement ce principe. il aurait
fallu
comparer
à notre
échantillon de malades un groupe de patients de préférence étrangers à la culture
négra-africaine. Ce
travail
intéressant était
pratiquement
impossible.
du
fait
que
nous n'avions pas la possibilité de constituer le deuxiéme groupe.
Ces conclusions montrent que toutes nos hypothéses soumises
à
l'épreuve
des données du terrain sont vérifiées. Le cadre théorique élaboré par le Professeur
I.Sow. concernant la médecine traditionnelle négra-africaine, se trouve ainsi confirmé
par les procédures thérapeutiques observées dans une ethnie africaine particuliére.
2.2. LA CURE NAWDA ET SA FONCTION CULTURELLE.
L'analyse fonctionnelle de l'articulation entre la cure
traditionnelle nawda et
son cadre culturel de référence fait ressortir que la représentation de l'univers et
du composé humain. les institutions et pratiques sociales et religieuses. le système
éducatif. constituent. à des degrés divers, des pratiques de la santé. Tout paraît.
en effet. pensé et organisé dans le but fondamental de conserver et d'épanouir la
vie humaine. L'idée directrice du systéme conceptuel de l'univers concerne l'origine
de l'existence humaine (Sangbande, Ancêtre-Fondateur), son apparition sur la terre
et
jes
mesures
prises
trés
tôt
pour
la
conserver
et
l'épanouir
(moyens
de
subsistance.
de
lutte
armée.
etcJ.
L'organisation
et
les
pratiques
de
la
vie
quotidienne visent directement ou indirectement à écarter les dangers qui menacent
la vie et à épano uir celle"ci.
On
peut
dire
que
la
culture
nawda
est
structuralement
une
médecine
préventive
(pratique
de
la
santé)
et
curative
(pratiques
thérapeutiques
et
- 825 -

religieuses). Dans ce sens, la cure
traditionnelle remplit
la
fonction
de
sécurité
contre les dangers de mort, de destruction de la vie. Elle répond donc aux attentes
el aux besoins fondamentaux du peuple qui l'a conçue et la pratique. Elle ne peut
être comprise qu'en référence à l'univers de sens et de signification de ce peuple.
2.3. LA CURE NAWDA ET LES AUTRES CURES.
La comparaison de la cure nawda avec d'autres types de cure confirme l'idée
que
la
définition
des
conduites
thérapeutiques
(objectifs,
procédures,
etc,)
est
tributaire d'un univers particulier de senS et de signification; en d'autres termes, les
différents systèmes thèrapeutiques sont des élèments culturels et ne peuvent être
compris qu'à l'intérieur de leur cadre culturel de référence. Leur organisation, leur
exècution, et, dans une large mesure, leur efficacitè, dépendent de la représentation
culturelle de l'homme, de la santè, de la maladie.
Dans
ce
sens,
la
cure
nawda,
une
variante
de
la
cure
traditionnelle
nègro-africaine, s'avère irréductible à tout autre système thérapeutique.
En
tant
que
rèpondant
aux
besoins
fondamentaux
d'un
peuple
donné,
et
comme toutes les autres pratiques thérapeutiques en vigueur au Togo, elle a une
place irremplaçable dans l'organisation de la santé publique dans ce pays.
3, LES PROBLEMES RESTES EN SUSPENS.
Notre démarche nous a sensibilisé à certains problèmes qui, bien que liés à
l'objet de notre étude, sortent un peu du cadre de nos objectifs, i.e. de l'angle sous
lequel nous avons envisagé notre objet d'étude. Nous voulons retenir ici deux de ces
problèmes que nous essayerons de formuler clairement: il s'agit, d'une part, de ce
qu'on pourrait définir comme modèle de personnalité du peu pie Nawda, et, d'autre
part, de la définition des procédures psychothérapiques adaptées à ce modèle de
personnalité et de la personnalité africaine en général.
3.1. MODELE DE PERSONNALITE NAWDA?
Notre étude a abordé le peuple nawda sous l'angle comportemental collectif.
Qu'il s'agisse du système conceptuel,
des
institutions
et
pratiques
sociales,
des
procédures
thérapeutiques,
etc.
nous
avons
tenté
de
dégager
des
modèles
de
comportements collectifs
observables,
qui
constituent
ce
que
nous
avons
appelé
"Psychologie
-générale
et
médicale-
du
peuple
nawda.
C'est
une
analyse
phénoménologique par laquelle nous avons essayé de saisir l'organisation apparente.
le
systéme
de
comportements,
tel
qu'il
est
vécu
et
perçu,
plus
ou
moins
- 826 -

consciemment, et expliqué par le peuple nawda.
Nous
n'a"'ns
pas
cherché
à
appréhender
l'organisation
structurale
sous-jacente
inobser,able
qui
constituerait
le
fondement
explicatif,
sou,ent
inconscient, de la personnalité nawda, tel que le chercheur peut le dégager sous
forme de modéle construit à partir de l'organisation des nriables obser,ées.
C'est ici que la tentation serait grande de recourir à des
modèles décrits
dans d'autres systémes culturels. à des notions classées comme uni,erselles. Nous
savons en effet que les chercheurs ethnologues et ethnopsychologues se ré férent à
des
théories
psychologiques
telles
que
la
psychanalyse,
la
psychologie
analytique
jungienne,
le
beha,iorisme,
etc.
comme
grilles
d'interprétation
universelles,
pour
construire des modèles de personnalité aux sociétés qu'ils étudient. Le problème est
de savoir dans quelle mesure on peut se permettre une telle démarche, quand nous
en connaissons les dangers de biais! La
question reste ouverte
et,
comme
elle
dépasse le cadre de notre tra,ail, elle pourrait faire i'objet d'un projet de recherche
spécifique.
Ce
serait
un
tra,ail
délicat
et
difficile,
qui
demande
un
accrochage
continuel au contexte cul turel.
3.2. UNE PSYCHOTHERAPIE NEGRO-AFRI CAINE?
Nous a,ons souligné la nécessité. pour les praticiens de la santé (médecins.
psychothérapeutes), dans nos pays. de connaître les cultures locales et les cures
traditionnelles qui s'y pratiquent. Nous avons ajouté qu'une telle connaissance ne les
autorise
pas
à
se
substituer
aux
tradipraticiens,
mais
leur
permet
de
mieux
connaître et comprendre leurs malades d'une part. et d'établir
une
collaboration
franche a'ec leurs collégues "traditionnels". d'autre part.
Une telle collaboration ne de,rait pas poser de
problème
majeur
dans
le
domaine de la médecine organique, où il est plus facile de compléter celle-ci par
l'action du tradipraticien. Les choses se présentent autrement dans le domaine de la
psychothérapie.
qui
reléve
plus
fondamentalement
des
contingences
culturelles.
comme
l'étude
comparative
l'a
fait
apparaître.
En
effet.
la
construction
de
la
personnalité
se
fait
a,ec
les
matériaux
culturels
spécifiques.
Les
procédures
psychothérapiques
sont conçues et pratiquées en
fonction de cette
construction.
Dans
ce
sens.
il
est
théoriquement
difficile
de
construire
une
méthode
psychothérapique universelle. qui réponde aux modèles de personnalité des diverses
cultures.
Notre expérience dans la pratique clinique tend à confirmer cette idée. Nous
avons. en effet. observé que les thérapies dynamiques d'inspiration psychanalytique
donnent
généralement
de
bons
effets
avec
des
patients
de
culture
américano-européenne, mais aboutissent à des résultats décevants quand elles sont
appliquées aux sujets de culture négro-africaine. Nous n'avons pas encore essayé
d'autres
systèmes
de
psychothérapie,
mais
nous
pensons
qu'une
procédure
- 827 -

psychothérapique
construite
pour
répondre
aux
troubles
de
la
personnalité
négro-africaine -qui reste à définir- est une nécessité.
On peut
se demander si, aprés
tout ce
que nous
avons
dit
de
la
cure
traditionnelle nawda et africaine qui se charge du malade perçu comme une totaiité
dans
sa
réalité
psychosomatique
individuelle
soudée
à
son
environnement
phylogénétique et social, il y a encore de la place pour la psychothérapie dans le
contexte
culturel
négro-africain.
Cette
pratique
n'implique-t-elle
pas
une
psychothérapie? Théoriquement, ce problème mérite d'être débattu. Mais, quand on
se réfère à la pratique clinique quotidienne, on est obligé d'admettre la nécessité
d'une psychothérapie en Afrique, en dehors de la cure traditionnelle, vu l'importance
de la demande d'aide. En effet, un nombre important de personnes, présentant des
troubles
légers
ou
profonds
de
la
personnalité,
ressortissants
des
différentes
ethnies et couches sociales, cherchent une solution à leurs problèmes en
dehors
des
institutions
psychiatriques
considérées
comme
maison
des
"fous',
et
des
pratiques curatives traditionnelles.
La plupart de ces personnes ont fait l'objet d'un long traitement médical ou
traditionnel, souvent pour des plaintes somatiques. Elles envahissent alors le bureau
du psychothérapeute dont elles ont vaguement entendu parler. Elles se présentent
spontanément
ou
sont
adressées,
soit
par
leur
famille,
soit
par
les
médecins
traitants.
Tout cela montre que la psychothérapie n'est pas superflue, ni un luxe en
Afrique. Seulement, nous pensons que, pour être efficace, elle devrait être africaine.
Il
importe
donc
de
penser
à
des
éléments
d'élaboration
des
procédures
psychothérapiques adaptées.
Des recherches entreprises pour résoudre ces deux problèmes permettraient
d'élargir et d'approfondir notre travail.
En dehors de ces deux problèmes, qui méritent une étude particulière, nous
pensons que notre travail (qui se limite au peuple nawda) n'est qu'une introduction à
une recherche pl us élargie, couvrant les autres ethnies du Togo.
Une telle recherche d'envergure a l'intérêt d'apporter une contribution plus
large
et plus
enrichissante
à l'étude fondamentale
de
la
médecine
traditionnelle
négro-africaine, Comme nous le savons, le Togo compte une cinquantaine d'ethnies
qui pratiquent, chacune, une variante de \\a cure négro-africaine. Nous n'avons donc
étudié qu'une infime partie de ce vaste champ. Notre étude concerne, en effet, les
pratiques curatives de 0.9% de la population togolaise. Or, une collaboration entre
médecins et tradipraticiens est difficile, si l'on ne connalt pas ces derniers et leurs
pratiques. Et puis. une prise de décision, par les dirigeants, dans le sens
de la
reconnaissance officielle de la médecine traditionnelle et de son intégration
dans
l'organisation
de
la
santé
publique,
nécessite
des
informations
précises
et
systématiques.
- 828 -

Notre élude
ouvre
donc
un
champ
de
recherche
pleine
de
promesse
et
d'espoir;
nous
pensons
poursuivre
cette
recherche,
que
nous
souhaitons
pluridisciplinaire,
afin
de
cerner
tous
les
aspects
(pharmacologique
et
médico-socio··psychologique) de la médecine traditionnelle togolaise,
1
1
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