UNIVERSITE DE BORDF.A UX II
U. E. R.
DES SCIENCES SOCIALES ET
PSYCHOLOGIQUES
APPROCHE SOCIOLINCU.ISTIQUE DES PROBLElvTh~S
POSES PAR LA CGEXIsrfENCE DES LANGUES
,
DIOULA ET FRANCAI SE EN COTE D'IVOIRE
présentée par
PANl'TAN SOULEYNJANE COULIBALY
. CONSEIL AFR1CA!N l'.!i MAtGAC~n:
1POUR l'E~JSE!GNEMENr SUPEfm:U~ .
_ _ _ _ _ _
1 c, A, M. E. S. -
OU~if950UGOU
C~t! ~ ~ ~ 0\\1.'- - J",::; -:
l Arrivée. 2.~..Um :-1
..
•(J<
. <l
!.En"~3jst~~ s~~_~~n°!!tl:'1.iL. 1
~~e\\,......J, : 1'\\':. l. 1'''''' ~ru.v,. ~t\\-_""_""\\A._·_(,,_I.._H_·~_·\\"_l.~ _ t'-ir·te. eh, [e~~-l.'W1."
~.1t\\..
P
.
(:.A..,L.--r
" , .
A..A.~ -
~\\.,.o
~- ~: k r ft,Y\\'(.Vv\\- &ev..-ott. ~r~ W'~ :r~ .. L~~ I/uv~~k 1 ç(r ~'\\. {~,~ ,
\\-( t.
k r-w (~vj\\.'
dtA.'-Y"'s."\\ W~ ~ vJ-t/\\- .. l< \\'\\A' v~.....~ tr.. 1 cA-I
~
--- -:-...
,,:b t"'I e-lt l\\"t..•- of - Jl~
A~'NEE
1976.
Directeur de recherches :
Monsieur le Professeur Jacqueo WITTW-ER
RE rll ERel E ~1 E NTS
c'est èi Monsieur le ProfAsseur ,J. PITTWER~ diloecteur de
notre thèse~ que vont tout d'a1)Crc1~ nos remerciements. Ses encourage-
ments et ses re717.aT'ques nov.:, ont servi de guide~ et nous ont aidé èi
1'7ener à bien ce travail.
Qu'il nous soit:" par aiZZeul>s> dmmé de tér:7o'ig;-wr notre
reconnaissance :
- à tout le corps pl~ofe$soral de la section des Science8 de
l'Education dont l'enseignement nous a guidé clans notre tlwi)ail>
- à M. SORI CAMAR:",-> de la section d'ethnologie de l'[fniversité
de Bordeaux II~ dont les conseils et l'aide ne nous ont jamais été mé-
nagés~ 211. cours de ce travail. Il nous a fait pl'of1:tcr de ses connais-
SŒfl.Cef:
approfondies des T)l~oblèmes africains.
- r1 M:, Maurice HOUTS> Profe.c;seur à l'Ecoîe Nat7:onale des Langues
Orientales Vivantes .. &mt les consen.G et les séminaiJoes d'été c?e lin-
gw:stique africaine noue ont été très précieu...--:.
- à Melle Geneviève GUIBERT dont les remarques et suggestions
pert1:nentes nous ont beaucouD aidé pendant toute l.a rédaction de ce tra';'
vail.
Enf1:n~ noUf:; voudl'1:ons a1J.8s'i remercier, d 'v.ne manière géné-
rale tous ceUT et celles qU'l.: par 'LeAl' concours.. leur uoutien et
leurs
t ·
~
'l' J
.
3ugges '1.On3;, ont J ac'1. '1.te notre entreprz.se.
PLAN DE LA THESE
INTRODUCTION
7 à 23
J. 0
_
Actualité de la question linguistique en Afrique
7
Noire
2 0
_
P08ition du problème
3 0
-
Hypothèse de travail
18
4° - Plan de la thèse
19
24 à 104
25
26
32
39
S;;:::~_'!?....._J.!_ : ~e~..È.~lect~.E-~!.J.a lang~ :
- Problème de définitions
Ch;;\\.p.
II]
La i~~~:ri2tic~9ll..:mÏ3.le des langue? af!5.=
63
ca~.nE's et ses fonctions
-----........._---------
":
0
,
- Le point de vue de M. DEL..t\\FOSSE
63
2° - Le point de vu.e de D. THEBAULT
65
3 0
- Le point de vue de VV. l\\1AR~A!S
66
lt 0
- Le point de vue de A. OW...BREDANE
68
5° - Réflexions sur ces positions
77
- 2 -
}.
0
_
Les manifestations de cette culpabilité
86
2. 0
-
Les forces de résistance à la domination lin-
99
~'~i.stique
COTE D1IVOIRE
105 à 308
-~----~---
} 01'
l 0
Les Dioul;-J, (lu point de vue hi!3torique
'107
2. 0
_
CaTactéT:,8t~,ques éCO:JOln:qi~,es der:: D·1.(l'.üa
109
3 0
_
Leo DiOlÙê.. d.u point de vue géogr;).p~üque
110
a) - Ea1.:,it,at ;;'.ctuel des Dioula
11 ()
1::) - Délimit.atI0J:l du ch<:'.mp d'étuètrc':
Il J.
4, 0
_
Les Dioulû. du point de vue lingu:btique
l .i../
_ 0
' .,
8.) -. ConsJdéra:dons général-es
bi - Le Dio~la de Côte d'Ivoire
pioula
l 0
_
La société clanS.que D5.oula
121
In:lpla,ntat:~;:,n deo clans sur le sol villageois
I23
?
0
J
Les r elatio:rls <le solidarité
1""
~. 1.. !
a) - Les relations matrimoniales
127
~,)
1
"
.. , ..
~
•. ~ec
'a.!.J.12.l1.CeS à plaisanterie!!
130
4 0
-
Les structÛ.;:,~R 8o<:,~.2..les et l'irnportance de la
1,33
h:i.é:-archie
a) .. La hiérarchie des sexes
,,34
b) - La hiéx-archie des castes
HO
c) - La hiérarchie <les classes d'~.ge
~ 50
d) - Les ordres religieux
151
- 3 -
De l'irrlport:'I.~1.ce G.e la langue mai:er:uell~_
156
dans l'éducation traditionnelle Dioula.
l a
_
Les apprentissages non-verbaux
156
2 0
_
Les apprentissages verbaux
166
a) - Une théorie Dioula du langage
166
b) - Le::; G~r:l:;:'eô li"i:"i;éraü'es Dio"..l1a
168
c) - Litt-é:catu:;.-e orale et société Dioula
170
d) - Règleo et Lïterdits ..:~oncernant la
173
prise de la. parole dans la société Dioula
e) ~ L'e:nseignement par la littérature
lb 1
o:a.·ale
fYI .• Le v\\);;abulahe de la caractérisation 185
moré'.le
ChaPt
VIII : Attiti2.de des Diouia vis-à-vi3 du savoi!... et
~sa transmission orale
200
200
}
0
_
La conception Dioula du savoir
206
pe~sê'c:; explicitée en langage
3 0
-
Du rôle des provm..-bes, jeux de mots,
métaphores
Chape
XX : Lan.gue Dioula et consarvation du savoir
242
l a
La règle de l' "appauvris I:l ement essentiel'I
242
2 0
-
Application de l2.. règle de llllappauvâssement
es;:; er.i.tiel': à quelquet1 contes Dioula
243
3 0
-
Remarques et conclusions
292
TROl5lEME PARTIE
ESquisse d'une pédagogie du bilinguism<é
utilisant les langues ivoiriennes
309 à 378
- 4 -
Chap.
X
Retour au~ langues et aux cultures
309
i voiriefu'"le s
l 0
_
Une_0ontradiction à ~~y~ = les langues ivoLdennes
et la francophonie
310
a) - Les causes d'Wl état de fait
311
historique
b) - Un échec 2.1~.jourd 1hui flag rant
314
Ir - D.-e---!..'im~~;_i:'~~~nce~E....J~~..E;s ivoA;-j.ennes pour la
315
l 0
-
Importanc8 psychologique ès la ~.angue mater:~elle316
2 0
_
1.' école,
l2. famille et la société
318
3 0
-
Im,port:....nce éc;cJp..oC'3.ique je la langue !T.'.aterneJJ.e
321
4 0
_
Les langues :'.voi:d.enues comme véhicules du :o)~.voir
scientliique et technique modernese
322
).0
Con:rl3.is sance è-es lëmgues ivoiriennes et ensei-
gne';.-nent du i:cançais
323
2 0
_
Ens eignement de ha, El e en langues ivoiriennes et
d:i.ffu8Ïm,- c~u f:r:ançais
334
a) - U~l enseignement du français 2èmc
lang'.le : o:t:'alité et authent~.cité
334
b) - L'exemple des Anglais et des Russes 33C
.::) - Le point de vue des linguistes afri-
!.) I./opinion de P.ALEXANDRE
339
2) NotTe point de vue de pédagogue
347
3) La position de M. HOUIS
357
- 5 -
Chap.
XI
Plurilinguisme et enseignement du Diot:'la
en Côte d'Ivoire
365
l
365
0
_
Situation générale des langu~s en Afrique Noire
2 0
_
Les données psycholinguistigues particulières à
la Côte d'Ivoire
368
3 0
_
Propositions pour le choix des langues d'enseigne-
ment
372
4: 0
-
Le "Dioula standard" comme future langue natio-
nale de Côte d'Ivoire
376
5 0
_
Elaboration des programmes pédagogiques nouveaux
377
6 0
-
La formation des éducateurs nouveaux
377
CONCLUSION GENERALE
379 à 387
J.) Résumé d'ensemble
379
2) Les obstacles mis à l'utlisation des langues ivoirien-
nen dans l'enseignement
380
3) Programme proposé
381
a) exposé du programme
381
b) examen critique du programme
382
4) Importance de la sociologie linguistique
385
5) Valeur des cultures africaines pour 1'enseignement
386
BIBLIOGRAPHIE
388 à 4,29
Introduction
388
1 - Histoire Soudanaise et Histoire des Dioula
393
1 0
-
Ouvrages généraux
393
2. 0
-
LI empire du MALI
395
II - Ethnographie des Mandingues en général et des
Dioula en particulier
398
- 6 -
1 0
-
Ethnographie générale
398
2 0
-
La question des castes chez les :Mtndingues
1:01
3 0
-
Les allianc es à plaisanterie
403
4 0
_
L'éducation traditionnelle ~Iandingue
405
III
- Linguistique générale et linguistique africaine
4:10
A
- Linguistique générale
410
1 0
-
Ouvrages généraux
410
2 0
_
Linguistique historique et comparative
410
B - Linguistique mandingue et Dioula
en particulier
416
l
0
!-
Généralités
416
2 0
_
Le Mandé et le Dioula
417
C - LI ethnolinguistigue
422
l 0
_
Généralités
422
2 0
_
Litl:érature orale et tractitioos popu-
laires africaines
424
D - Linguistique et pédagog5.e
427
- 7 - '
:'NT ROD UCTIOl'J
Un recensement des difi8rents aapects du so'us,"dévdop-
pement et des condit~.onG !)u'impE.q:.\\e !la licn:.idatiL'n fait reSEG ..···
tir le rôle esser..tiel de l'éducatiop.. comme lTIoteur à.8 tout.e une
série de changernentfl : formation des cadres techniques,
mïne
en valeur de toutes les :'~eSDOUTces na.tionales e~;:istantes, é',mélio-
ration des techniques de product:î.oll,
etc •.•
Or,
dè s qu'on examine
concrètement les problèmes posés par l' éducation da.~(J.s les condi-
tians des pays é'.frica5.ns,
qu'il s'agisse de la sccladsation d0.s en-
fants et des ad(;lescents ou cie 1: 6ëbcat:i.on populaire s'adresr.·,ant aux
adultes,
se pose :"a question importante de JI L'1strum.cnt lL1'1guist~.que
à utiliser.
,
.
Certe3,
:.~.. o~pin:i.on r;e?.. o~l laquelle il n f est pas necessalre
d'éI.voir clef:; langues locales cl l f)nGcignement et qu' il ·il?'~t mieux
éI.pprendre db.'ec~emen~ la l;:>..ague de l'ancienne puissance colonisatrice
pO~lr "progresser rapidement" o,.~ pour "forger l'unité nationale'l ou
encore llêt~~c réaliste" est aSGez génél-alisée parmi certains péda-
gogues et hommes politiquefl af:dcai;lD et parmi une fraction impo:r-
tante de l'opinion publique af.ricaine encore scus la coupe de la
propagande idéologique colonialiste et néocolonialiste. Il L'on a ainsi
décrété presque pa:rtout en Afrique Noü"e la langue de l'ancien co-
lonisateur 'Ilangue officiellell et comme l'au'Ï'l'ëlche,
on croit avoir
résolu le problème linguistis,ue en .Afrique en se cachant la tête
sous l'ê-ile" note aV'f;C; jUGtes3e A o
MOUlvOUNl (1).
En effet,
faut-il ,-a.ppeler que ce "réalisme" est contre-
(l) A.
MOUMOUN~: : LI Edl!cat.1.on en Afrique Noire, Paris,
F.
Maspé:;~o, 1964
- 8 -
nature et en '~out cas étrange!' h la situa-d011 concrèi:e que vivent
IlLeD Etats nés de l'émancipation des ancie:mee possessions
fr'lnçéÜSes d'Afrique so:,:,.î; souyent appelés aujourd'hui IlA:fri~.~.t1e
fr2.nCop~.1one". Si une telle dénom=-nation a le mérite de la sim-
plicité (pn:.::r ne pas dire 'ie la oim:=:llificatbn) elle pré3ente aussi
le grave 5.nco!lvénient de déformer singulièrement les faits et
de tendre à a.cc!'éditer dans le grand p\\2~lic. l'opinion qne dans
ces pays,
le Fra.:nçais ei:,t d'ores et déjà la langue la plus com-
m':1i.lé:œ,ent parlée.
Or,
il nI en est rien,
puisqu.e le pourcent'lge
de leurs ressort;.ssants connaissant le français ne dépasse pas
10 % de la population totale et qu'il n'y est parlé que par 1 ou
Z % de celle-ci; ceci,
selsn lea estimat;,or..s du Ministè~e Fra.!l-
çais de la coopération,
non suspect de minimiser parei1e chif··
fres" •
Dans le même ordre d'idée.
S.
0P.RR0IA., note : ilL' ex-
pres sion d'Af:rlque franeophon'3,
désignant ql.lato:rze Et~ts i88115
de l'ancienne CO!!1:L1.1.tUlauté française ayant choisi le Françai::; com-
me "langt1e offidellc",
est com.m.unémer~t employée.
lIL,1.1s quelle
réé\\.lit~ Jingtliceque recouv~e-t-elle ? On s'imag~ne trop aisé'ment
en Europe que Cl eet la langue de la :,:ue. Il y <:" qydques années,
une enquête réyé}.ait que Z % des hë.bitants du Sénégal
1
•
:;'. exprl-
maient habituellement. en Français ; ce qui fit méditer bien des
universitaires et des administrateurs".
Pa,~lant de la sit...:ation en
Côte d'Ivoire,
~..AR;:10LA. ajm:te : "Un rap;.de sond2.ge effectué par
ailleurs indique encore qu'à. l'heure actuelle 98 à 100 % des en-
fants de brousse,
35 à 90 % des enfants dee vines a:?:'rivent à
l'école à 6 ans,
sans avoir jamais parlé le F:·ançais.
Le touriste
peut d'ailleurs observer que le Français est la langue de l'admi-
(l)"M. Po F. LACROI;?f ~ "Le }';'(~pd~" des 8-9 ct 17 août 1965,
article : l;Le F:r.ançais et l'Afrique".
- 9 -
nistration,
de l'école et des milieux aisés. Au marché par exem-
ple,
le Français n'est utilisé qu'avec les Français.
Une telle
situation impose que le Français,
"langue officielle" de commùni-
cation soit enseigné à l'école comme une langue étrangère" (1).
Il suffit aussi d'analyser les données relatives à la scolar~.s2.tiol1
dans les pays africains et les résultats actuels de la lutte CO;.ltre
l'analphabétisme pour douter de l'efficacité sinon constater l'im-
praticabilité d'une langue étrangère.
En effet,
l'enfant af:Lkain,
à partir du moment où il est scolarisé dans une langue étrangère,
entre dans une discontinuitè fondamentale dans trois domaines au
moins :
1) La langue de l'école n r est ni la langue familiale ni
celle du milieu social envi::-onnant.
2) L'enfant,
en dehors de l'école,
est imprégné d'ora-
lité. Il a un contact direct avec la réalité dont il reçoit un com-
mentaire oral. A 11 école,
11 enfant est astreint à la lectur.e,
à
l'image,
à l'écriture ; il saisit la réalité à travers une médiat'i.on,
à. travers une technique,
mais,
comme cette t~c1mique lui est in-
r-onnue à priori,
elle reste longtemps en suspension.
3) L'enfant africain qui arrive à l'école possède déjà
une ou plusieurs langues locales, il a une sémantique, une com-
préhension,
une organisation du sens,
il s'est informé dans son
univers mental,
il s'est imprégné de Bon milieu social.
Or,
à
l'éco18,
cet apport de son milieu est frappé d'interdit ct on lui
propose un autre univers mental.
L'enfant français qui apprend
par exemple l'Anglais,
continue cependant à se former dans sa
langue maternelle.
En Afrique par contr e,
on demande à l'enfant
africain qui apprend le Français,
de s'en tenir à cette langue
(l) "Sciences de l' Educatioîl"
Octe
Déc.
1970, n° 4,
p. 46-47
-
10 -
au détriment de la sienne propre.
Ainsi,
à travers la phrasêo-
logie d'attaque,
vont passer des valeurs qui lui sont totalemcr..t
étrangères.
Au cours d'un séminaire sur "La contribution des 1iJ.11-
gues africaines au..'C activités culturelles et aux programmes d'al-
phabétisation", , réuni à YAOUNDE (CAMEROUN) du 10 au 14 août
1970,
PATHE DIAGNE déclarait: II les jeunes scolarisés dans
les langues étrangères quittent dans la proportion de 90 %
l'école j ils sont incapables,
en fait d'accéder au savoir véhiculé
par la langue étrangère officialisée à l'école ; ils rejoignent P en-
semble de la population adulte pour pratiquer les langues locales
dans' la vie quotidienne" (1).
L'enfant français, par contr e 1 se trouve dans une conti-
nuité fonctionnelle : la langue de l'école est sa langue maternelle,
il est habitué au matériel pédagogique et à l'univers mental mis
en jeu à l'école (2).
La discontinuité fondamentale dans laquelle l'enfél:nt afri-
cain entre,
peut cependant s'atténuer à la longue~au~cours de
•
,
•
..
•
~~~i~~,.
sa scolar1te,
mal.S tres souve:nt,
l'enfant Joue.x.a/sur Ô:euxy-regJ.s-
F~'(
\\~.,
tres ; il aura une persoIlll.alité double. Alor'iR' [l€
,ter,rain \\ sera
J'7
.'---.._o..!.:-. 1.
1
disponible pensons-no'\\.1s,
pour la crista1,.li::mtibn ou la"rnise en
'",
/ ..~~,
évidence de toute une série de contradictions.
.....-.----
e\\~!
'-...N·
'''i:~~~~.. ~ ~
modernité contr e tradition
- oralité contre écriture
(1) Pathé DIAGNE : La contr~bution des langues africaines aux
activités culturelles •... ,
Présence Africaine,
n° 76,
4e trimestre,
1970,
p.
194-200.
(2) Signalons cependar.t que même à. l'intérieur d'wl. pays unilingue,
il existe un écart er.tre la langue scolaire et le parler singulier
de l'enfant,
ceci ..:n raison de la référence normative que constitl.l.e
h
langue écrite pour la langue enseignée et parlée à P école,
en
raison aussi des finalités diverses du discours tenu en classe et
dans les autres circonstances de la vie quotidienne (Voir D. WEI~)
"Langage parlé à l'école et (bns la famille'!,
Langue française,
n° 13,
fév.
1973,
p.
71-94.
- 11 -
-
efficacité contre inéfficacité
- évolution dans un statut social contre blocage
dans l'autre.
2 0 /
Position du problème
Face à cette situation d! ensemble,
la solution ne serait-
elle pas,
alors,
dlintégrer les langues africaines à part entière
dans le développement de l'Afrique et,
au départ,
dans l'enseigne-
ment afjn qu'elles ne soient plus en marge de ce développement
mais soient un facteur qui y participe et 11 exprime ?
En effet,
si nous voulons éviter les processus d'acculturation qui sont en
oeuvre partout en Afrique,
ne serons-nous pas amenés inévitable-
ment à évaluer les apports éducatifs du milieu africain en fonction
des nécessités pédagogiques présentes,
issues de l'adoption d'un
nouveau genre de vie et de l'entrée dans la civilisation industrielle ?
Car,
contrairement à l'enseignement colonial qui s'était simplement
juxtaposé à l'éducaticn traditionnelle africaine en l'ignorant et
en
la méprisant,
toute conception nouvelle et qui se voudrait valable
de 11 enseignement et de l'éducation répondant aux co!:d~.tions actuel-
les et aux perspectives d'avenir des pays de l'Afrique Noire,
devra,
pour revêtir u.."'1. caractère national et l-0pulaire réel,
d'une part
emprunter à l'éd'lcation traditionnelle certains de ses aspects pour
les intégrer à une orientation moderne et avancée de l'éducation et
d'autre part cohabiter avec elle pendant un certain temps en SI ef-
forçant de l'influencer {1.).
Pour élaborer un plan d'action en quel-
que domaine que ce soit,
il faut nécessairerllent partir d'un inven-
taire aussi complet que possible des forces en présence,
des poten-
tialités,
des ressources disponibles,
ainsi que d'une juste app:r.écia-
(1) A.
MOUMOUNI
LI éducation en Afrique Noire,
p.
12,
83
-
12 -
tion de la manière dont elles peuvent s'intégrer dans une dyna-
mique du progrès ou au contraire constituer de::; freins et des
obstacles par leur puiss2.nce d'inertie.
Le projet d'avenir qui doit animer toute politique de
développement,
ne peut avoir de valeur et d'efficacité que s'il
Si enracine dans
une vision réaliste du pas'sé et du présent.
Pour comprendre ce qui se passe dans l'esprit et le
coeur du jeune africain d'aujourd'hui,
ne faudrait-il pas,
de toute
évidence,
te;lir compte de l'ensemble des influences qu'il a
subies
et ne pas se refu.ser 2.rbitrairement à prendre er., considér-at:lon
celles qui relèvent de J.'univers coutumier ?
La culture trad:"\\';;ion-
nelle s'exprime en des langues. q" ..l façonnent très précocement
l' existenc e de ceux qu'elles iInprègent de sorte que les apports
modernes,
tels que 11 école,
représentent,
non pas des selnen-
ces jetées dans un champ en friche,
mais des branches greffées
sur un arbre encore plein de vigueur.
Les langues africaines
font partie de ces données de base,
de ce qui est.
C'est grâce
à elles que le passé cor..tinue dans une certaine mesure à être
relié au présent et au futur.
On sent bien Cjul en den1ière analyse,
l'apport de méthodes et de techniques pédagogiques nouvelles,
l'introàuction à Il école af,rica:ine d'un véritable eoprit expérimen-
tal,
le renouvellement de J.2. vision de l'enfant africain à l'aide
de la psychologie moderne,
pour rénovateurs qu'ils soient,
ne
suffisent pas ; Cl est d'une véritable philosophie de l'éducation
que l'Afrique Noire a besoin.
Il convient de souligner tout de suite qu'il ni est pas ques-
tion pour nous de vouloir snpprir.ner l'enseignement des langues
européennes dans leG pays d'Afrique Noire,
pas plus celle de
l'ancienne puissance coloniale que celle des autres pays.
Per-
sonne ne peut nier,
ni détruire les liens d'estime et de respect
-
13 -
réciproques,
de solidarh'§ agissante que l'histoire de leur lutte
commune contre le même cppresseur (la bou:r.geo:1sie impériilJliSre
de l'ancienne métropole) a tissé entre les peuples des pays calO1ù-
sés et ceux des anciens pays colonisatE"~rs ; ,-1.e même,
il ne peut
être question de chercher à affaiblir l'amitié,
la sy:rn.path:i.e et
l'admiration mutuelle qui n'ont pas cessé de se développer ej.T~1:e
les peuples d'Afrique Noire et ceux des autres pays du monde.
Ne
serait-ce que' pour sauvegarder ces liens (dans l'intérêt bien comp:t"is
de nos peuples comme des autres peuples) et pour les dével0I>per,
;:'lOUS
devons enseigner le Français,
l'Ar..glais,
l'Allernand,
l'A.:J:abe,
le Russe,
l'Espagnal,
etc •••
dans nos ér:oles de façon à permet-
tre de::: écha@ge.êif~ue.ru-etl~ et féconds SUl" le f'a:l culturel, scien-
tifique,
technique,
économique,
etc ••.
Ce serait,
certes,
Gaspil-
ler Q~e des plus grandes chances de nos peuples que dly renoncer,
mais on ne peut pas confl":'ndre une telle attitl...de avec l'a.ctuel aban-
don pUT et f3:i.mple de nOG langu.es,
ce renoncement à l'avenir de
nos propres cultures nationa.les étant p::oôné par ~le trop nombretlx
pédagogues et hommes politiques africains et étrangers,
conscients
ou inconsci(1$tts,
ql.".:i.. entonnent san3 aucune gêne ni a-l.....~un trouble
~
les ref.rains des ,4:déologues du colonialisme et du néocolonialisme.
Ce qui importe c'est dl enTaciner profondé~ent le d(ivelop-
pement de l'Afr:l.que dans sa propre culture en le combinê.nt ê,vec
son ouverture 8'.1r le monde moderne.
Il s'agit de dOIll1er~aux lan-
gues africaines Q":\\e place telle qui elles finissent par être les véhi··
cules de la modernité.
Cela suppose une politique qui aurait entre
autres obj.o.ctifs,
la réalisation du passage de l'oralité ~; l'écriture
des langues africaines.
Par ailleurs,
la Hberté d'employe:r. nos langues r....3.tionales
n'a guère de signification sans la pos sibilité de les apprendre et de
les conserver,
en d'autres termes,
sans un enseignement adéquat
-
14: -
de ces langues.
LI école nous apparaît donc comme le cadre le
plus nécess.aire au maintien et au développe:nen:;; des langlws tat
de la culture ai:l"icaines.
En effet,
le meilleur moyen ds cŒ:Ser~
ver leur vitalité à nos lan.gues et à n03 C'LÙtl:res He 8erait,·,il pas
de les introduire dans l'enseignement ?
Cela nous obligera sans
aucun doute à créer de nouve;>,
_ termes ou simplement à en adop-
ter d'autres,
en liaison avec ... ' évolution historique actt'.elle.
L'américanü'ation de la langue française technique,
en r2..ison
de l' exter.c~ion en France d'activité::: et de méth.od-:;;:; nées amr.
U. S. A.
n.:' est-elle :t>as un phénomène de même nature ? Du. l"este,
nous devons comprendre et nous convain-::re que la dérrLarcb.e labo-
rieuse et .~..c:.otJ.de de l'abeille butinant à toutes les fleurs est l'op-
posé de celle du s~.nge s'affublant pour parader du premier. accou-
trement mis à sa portée.
L'école dont nous parlons ne saurait toutefois exister
isolément,
on doit la concevoir dans le cadre d'un système péclê.-
gogique nouveau ; il faudra. ÎOl."mer des ens eignants,
élaborer d'8s
pr7,trammes,
rédiger des manuels scolaires en langues afric.aines
pour les élèves et pour les maîtres,
fournir des d;,:ectives préci-
ses et mettre sur pied 1..1..":1. système d'inspection qui assu:r.e:r.a le
maintien de normes pédagoe;;.ques et linguistiques uniformes.
Pour que les langues africaines soient utilisées dans le
développement et au départ dans l'enseigne:.nent,
une tâche préala-
ble s'impose: étudier ces langues à tous les nivea1..LX afin de les
transcrire,
d'en écrire la gram~naire, de prédser \\L"). inventaire
lexical et phonétique,
ainsi qu' u~ corpus de te~ctes, car on ne
saurait fonder 'lUle F0.dagogie sur une connaissance imparfaite du
matériel phonétique ou des lois de fonction:lemcnt de ces langues.
Certes,
il ex:tste déjà une littérature impo:!.-tante sur les
langues de PAfrique NoÏ1.'€';.
En effet';
pC:ldan-;; longtemps,
explora-
-
J.5 -
teurs,
administrateurs coloniaux,
missionnaires et ethnologues
ont réUi,i une importante docum8ntation et effect~é des travau:;,
de synthèse sur les la.ngues africaines. Assez récemment,
CT)'
peut ajouter aussi un nombre respectable de lL"lg'üstes afr:1.cain3
agissant dans un cadre officiel et universitaire,
enccre qu'il
faille signaler que la grande majorité d'entre eux appartient. à
la zone anglophone de l'Afrique Noire.
Les Congrès et les réu-
nions organisés par la "Société Africame de culture",
par la revue
"Présence Africaine",
par l'UNESCO ont largement cont:dbué à atti j
\\
r el' l'attention du public sur les problèmes lingui::.;tiques en Afri-
que et leurs racines politiques.
Quelques noms africains apparais-
sent également dans la bibliographie antérieurement à l'époque
récente : Did DELOBSON et p.
HAZOUME pom.' l'Ouest africain
ont contriJ:mé indirectement par leurs travaux ethnographiques à
enrichir la documentation linguistique africaine.
Moussa TM. VELE,
quoique bien empiriquement,
a travaillé sur le Bambara.
Nous
devons également à Léopold S.
SENGHOR des articles,
dès 11)-13,
sur le Serer et le Wolof.
Plus récemment,
de no:rn.brewc Africains
ont écrit des articles linguistiques dans les ~\\Notes af:dcaines" de
"l'Instiv.1t Français d'Afrique J'·Toire".
Cependant,
les pel' sOIl.r.ïalités africaines l'estent des cas
isolés et le plus gros des travawc qur les langues africaL-ïes esi;
le fait d'auteurs étrangers au continent africain.
Or pour no:mbre
'e
dl entre eux il s'agissait beaucoup plus de donner un fondernent,
établir ou démontrer un certa~n nornbre de théories relatives à
la " primitivité" ou à "l'irrationalité" de la pensée Nègre que de
faire des analyses linguistiques objectives qui se Geraient effor-
l
cées en particulier de replacer ces langues à l'intérieur de l'an-
cienne culture négro-africaine/ dans leur dynamique propre et
dans leur sy stème de valeurs,
s'i::lterdisant de les juger autre-
- 16 -
ment quI en référ~nce aL....:r. ·fins qu'elles p0'llrsuivaient et à l'~déal
humain qui les an;mait.
Ains;.,
l'aspect structnral et grammaHc:t1 des langues
africaines qu'ils n'0nt abordé que dans cl.es étude:? reht:ivement
récentes,
rares et dispersées et dont l'ambL:i.on éta.it de préci-
ser les
effets du bilinguisme scolaire et,
par déduction,
les ca-
ractéristiques de la stirilUlation linguistique en milieu airicahl,
est dominé par trois thèmes au moins :
;.0/ "La pauvreté des langues afric;?;,nes en notiol1o abs-
traites",
ont-ils répét<S souvent,
est un ob8tac1e "'.u développem.ent
de la pensée conceptuelle :18 11 eniant;·~afric?in
et à 11 e~!:pression
pr0cise de tous les concepts de la scie~lce m~)de="ne.
2 0 /
:Ua onl: a',;ancé également. I l hypoth:Zsc que les i:n.ter-
actions verbale!: trlld\\~lol'l.nel1eS feraient largem~nt uoage de. ce
que BERNSTEIN (1962) appelle "le code public ou restreintll par
opposition au " code formel et élaboré",
c'est-à-dire d'un type
de discours simple,
pe", articulé,
geduel,
où J.es pnrases r..on in-
formatives mais à f.orte valeur émotion:lel1e sont Fr~pondérantel'1.
Ce type de dÎGcours dans l'économie duquel l'affirmat~.on de la
solid2.rit.é ,-vec l'interJ.ocuteur jO'.le tUl rôle central,
serait peu pro-
pice pour le d.3velopperil.ent de la pensée abdr<?He et causale de
l'Africain.
3 0 /
Certains auteurs rappellent la faiblesse des verba-
;,OJ
Hsations à l'âge présçolaire,
la rareté des llpourquoi"
? de l'en-
rant afrir:ain et des réfonses explica'dves des 2.dultes.
Les effets de tons ces facteurs auxquels il faut ajouter
ceux du bilinguisme scolaire et f?.miEal,
seraient à l'origine d'un
"handicap lingdstiqup' 1l chez l'Afdr.ain (VERNON,
1969).
La solution' p!'éconisée finalement par ces auten:rs est
O~le setùe llintroducticn d'une "la:lgue plus riche en notions ç,bs-
-
17 -
traites et en concepts g~:néraw::", l'Anglais ou le Français par
exemple,
dès le début de la scolarisation,
permettrait de pal ..
lier les "carences" des langues africaines (OMSRE.DANE,
1951,
DORMEA U,
1959).
Brièvement,
la thèse défencl12.e est à peu
près la suivante : les langues africaines connaissent des insuf-
fisances,
ce sont des "langues primitive Si , dans leurs structures
et élémentaires dans leurs virtualités.
Il faut donc reniorcer le
Français ou l'Anglais comme instrument de culture et de ci'J':1j.isé\\.-:-
tion dès le début de la. scolarisation,
car lui :Jeul pourra perr....l1et-
tre non seulement le développer.aent de la pensée conceptuelle chez
11 enfant africain,
mais encore à l'Af:dque,
son ouverture sur le
nlOnde moderne,
technique et industriel.
Comn'l.e on le voit,
cette
thèse suppose donc à tern1.e,
l'annulation pure eLsi:mple des lan-
gues africaines qui ne seraient que folklores et en tout cas l'ori-
gine des difficultés intellectuelles que l'eniant africain rencontre
au COt....TS de sa scolarité.
De ce point de vue,
cette thèse nous conce:>:ne profondé-
ment et nous impose de réflécbir sur sa validité d'aurent qui elle
est le principal obstracle à 1111e po5ition
réaliste du problème
linguistique africain et que,
même dans ses formulati.ons les plus
simplistes jeUe compte encore aujoulod1hui des part~sans. Ainsi,
à la question de j-t)voir si ia scolarisation en langue étrangère
développe la pensée abstraite chez l'enfant africëin,
quel est l.~
ressort essentiel de son action? VIGOTSKY (;962) (1) répo1':'.d
etlÛ.\\~rc' est "la pratique de la langue en dehors du contexte et des
référents de l'action et de la perception,
dans l'écriture et le
langage pa.rlée".
ilL' école en langue étrangère,
dit-il,
interdit
le mode ostensif et la dénomination qui supposent un contexte et
(1) VIGOTSKY cité pal' A.
ZEMFLENI dans "Milieu et développe-
ment",
Paris,
PUF,
J.972,·p.
192
- 18 -
des référents,
elle oblige l'enfant à se iéfércr
2. un \\IDiverc lin-
guist;.que autonome".
L'instruction formelle serait donc,
selon
b.i,
le moteur principal des prog~ès cognitifs de l' enfant af:;:.;,~ain.
Le développement de sa pensée conceptuelle serait imputable à
l'exercice prolongé d'une langue étrangère d'L"1.struction " r iche en
concepts abstraits" qui le contraindrait à faire l'analyse et la
synthèse de ses expériences loin de la réalité per<:eptive,
loin
du monde de l'action.
3 0
/
Hypothè:; e de trayali
Beaucoup de ~'echerch~sur les la.ngues africaines ont
été faites dans un esprit de supériori té de la métropole P:;':.l· ra.p-
port à ses anciennes colonies.
Ensuite,
on s'est servi des résul-
tats de ces recherches pour just:i.Her l'introduction de la langue
française qui servait ainsi les int"~"êts de la métropole. Ces re-
cherches 011t été basées essent5.ellemerl'~ sur \\IDE; péjoration cks
langues des pays colonisés qui sert\\ient Ilinférieures conceptuelle-
ment ll ,
incapables de permettre 11 évolution de l'Afrique vers la
modernité et inaptes à devenir l2.ngues dl enseigliemen·;;.
En fait
ces langues sont adaptées à la civilisation africaj.ne et corame tou-
te lang-~1e, leur élargissement et leur ouverture vers l'avenir sont
parallèles à 11 évolution de la société dont elles sont l'image.
Pour
permettre cette ouver'éure et cet élargissement des langues afri-
caines,
il f~ud:r'2.Ït justement les intégrer à part entière dallS le
développement de l'Afrique et au départ dans 11 enseignement afin
qu'allIes ne soient pIns en mal'ge de ce dévdoppement mais soient
le facteur qui y participe et 1'exprime.
Il est facile de déduire de cette hypothèse,
le plan sui-
vant qui s'impose 8. nous.
..b 19 -
4: 0/ _Plan de la thèse
et les la.nr,ues afr:i.caines" s'atta(.~hera à. démont1"eJ~ COlu;nent la
découverte du monde,
poussant les communautés européelli~es à
penser leurs rapports avec les autres,
les a amené à théoriser
leur supériorité sur ces dernières,
cette théorisation pouvant
participer ensuite à la justification de l'entrèprise coloniale.
Cette
démonstration au.rait pu être menée à partir de différents exem-
pIes : le droit,
la reEBion,
l'économie,
etc
Cl est-à-dire par-
tout où les rapports entre difféJ.'cntes comnmnantés htunaines sont
assumés.
Nous nous préoccuperons uniquem",,'t de la lz.ngu~, parce
que la pratique coloniale à laquelle rm théorisation dé.st prêtée
dure toujours.
Dans la secon4e partie intitulée "Société et laneage chez
les Dioula de COTE D'IVOIRE",
nous exposerons n03 propres
observations et conclusions t..'héoriques indispen~\\ables à l'L"'1terpréta-
tion correcte du problème linguisthue afr~.cê'.in et à la m~.s€ à
l , 'epreuve d l
e "
h'
,'lypot ese
1
se on 1aqueIl e 1es 1angues
.
a ("
.. ~"'lcalnes (~
meme
quand elles sont parlées ~ur des a.ires de faible étendue) reflètent
l'orientat5.on des activités et les préoccupations des africains,
q~le
ce sont des langues adaptées à 11 expression. de leurs besoins écono-
miques,
sociaux,
politiques et religieux,
ce qui ne veut pas :-:dire
que ces langues ne sont pas,
dans ce cadre précis,
d'une très
grande richesse.
Notre lTIéthode d'an3.lyse est celle è.e l'etl"m.olinguis.-
tique qui nous perlTIet de replacer la langu8 Dioula. à l'intérieur
de la société négro-<,..fricaine Dioula" c~lans sa dynalTIique propre" et
dans son monde de valeurs,
nous inter~isant ainsi de la juger autre-
lTIent qu'en référence aux fins qu'elle pourouivaH et à l'idéal hmua:i:n
q'.li l'~mait. Qu'une langue BoH un fait social est une idée bien
- 20 -
répandue depuis le développemen'~, au début de ce siècle,
de la
linguistique générale.
Il n'en demeure pas moins que cette idée
complèteraent ignorée par les compara.tistes du 19èrne siècle,
n'intervient encore chez nombre de lingu:i.stes d'aô_1jourd'hui qu'au
niveau des déclarations liminaires,
sans incidences profondes
sur la conduiteLJ;Wf2analyses.
On peut en donner
comme illustra-
tioncertaines conceptions qui tendent à isoler de l'analyse linguis-
tique proprement dite,
les aspects socio-culture1s,
alors qu'ils
en sont partie conr.titutive.
On en voit l'effet da!).s certains tra-
1
.
vau,"'{ récents où le linguiste jou~, savamm,ent avec des corûnations
de schèmes de distrib'ltion ou de règles de transformation (l) com-
me si les man;ipulations linguistiqueR pouvaient avoir 'Lille fin en
soi.
En vérité} les règles de grammaire ne sont qu'un sous-en-
semble de la totalité des règles q'ui régissent l'usage de la lan-
gue et qui sont connues de chacun des membres de la comml:;'l1.3.uté
parlant cette langue.
N
b " 4
•
1
, ..... (tRICAINr'-'
f .
t
il
otre 0 .lectl.l. essentle
n e.tan
nas l.u.e~alre un
ra~.ra
Ip<.>" . r~-r~~~
uniquement tourné vers le passé de':::l~te dl~~'bire, nous nous
/' ~ ( C
'-')\\
f-'
'.il Il
;.-'
sommes également interrogé sur l\\es. \\p<>s'si1>ilités .,et les difficultés
\\, ~ \\
---.1 .....:f
d'une orientation moderne (te la laiig'~e""Dioula;/~J},/ÜaisoLt avec
'\\
~.g
les impératifs historiques actuels.
.
'·'rn.,;;;~/
La ..troisième partie intitclée : l'esquisse d'une pédago-
gie du bilinguisrne utilisant les langues ivoiriennes!' devrait nous
conduire à des conclusions pédagogiques,
largement suggérées
dans le reste de la thèse et présentées déjà dans l'introduction
- d'une part,
le retour nécessai:ï.·e aux ccltures ivoirien-
nes,
par l'adoption d'un enseignement progressif en langues ivoi-
X'ie=1.nes.
(!.) N.
CHOl\\lf..5Kl,
grammaire transformationnelle et distribution-
nelle.
- 21
-
- J'a.utre part l! esquIsse d'une pédagogie du bilingu.i.nrne,
'1 :'-.;' .. ::~: .:.
U""tl·_T.i.s"·a··'·n"~t le F ranç::'..i:::: comrne langue étrangère et de çommun~.c;;:tion
avec l'extérieur ; c~ qui suppose le rcnou"!ellernent nécessaire
de la pédagogie actuelle du Français grâce non s eulement ~
11 étude ::tructurelle des langue!> ivoiriennes,
~nais enco~e à un
enseignement de base dans ces langues.
On pourrait,
vu l' o~ientation générale de notre étude,
nous objecter que "le moment n'est plus de se faire l'avocat des
langues ë..fTicaines,
mais de pense::,
jusqu'aux e::dgences les plus
teclmiqucn,
tout un projet : déb::':"~.der une situation afin de résor-
ber 13s facteurs dlaliénati.oll,
cerner l'implllsio!l que confère le
dynamj.sme du développement à l'usage des langues africaines,
étudier les conditions de leur émergenc e,
prévoir leur normalisa-
tion,
la progresnion graduelle selon laquelle eJJ.es doivent assumer
leur fonction dans l' enseignement,
J.'é\\.dmin~.stration,l'informatlon et
la culture,
définir les modalités qui assument leur équilibre dans
,...
les situations de bilinguisme origir..elles et modernes Il (1).
,..... e
serait -:roir e trop 'lite que le phénomène co~.'J:!l~.aJ. a dispa:;:u et
que sous le masque dES pseudo-indépendances dlaujourd1h'C!Ï, un tel
•
travail est possible.
Tout indique au contraire que le phénorn.ène
colonial es·t loin d ' a7oir disparu et qu'il se survit à lui-même
sous sa forme néocoloniale.
Dan3 ce contexte,
la question de la
démystificatio:r.". 0.U discours colonial sur les langue& afric2.ines
(donc de se faire l'avocat des langues africaines) reste encore
une tâche préalable à t.oute recherche linguistique véritable en
Afrique,
car le disc')urs colonial nI est pas se~ement rC'.ciste et
méprlsant (cre ne so:.:..'I; là que seG manifesta.tions superficielles) 'i.
(1) HOUIS (M), Anthropologie linguistique de l'Afrique Noire.
Paris,
P'UF,
1971,
p.
10
- 22 -
n est avant tout et plus profondément fonctionnel, tout tendu qu'il
est vera un but,
l2. justification d'une politiQue et d'un con"lpe>rte-
ment où le Noir reste encore fuî enfant ou un "primitif" qu'il
faut civiliser méügré lui.
Par ailJ.eurs,
l'ablation des langues lo-
cales à quoi tend ce discours colonial présuppose une langue
de remplacement : c'est le mythe de 11 ascimUation,
maintes fois
ressorti sous des formes diversea.
Ce que toutes les propagandes
ont tenté de présenter comme une idée généreuse nI était bien sûr
c::.u'un avatar de la tactique coloniale,
une ruse de plus.
Il suffit
pour en cerner l'impact de voir quel pourcentage des populations
colonisées,
la cultu:... e f:;:-anç.aise (\\ toudlé.
Yves BEN0T U) a
parfaitement bien décrit ce masque de la "glottophagie" en quel-
ques lignes : "la th.§orie de l'assimilation jouait,
pour le coJ.o.n.ia-
lisme français,
une fonction de propagande tant à l'égard des
africains que de l'opinion française.
Quant à Gon contenu réel,
on
peut retenir la conclu~don de J. SURET:CANALE (Afrique Noire,
H,
p.
116) : "
l'asGimilai:ion n'a.vait qu'une sign:ï.'fic2.Hon négative
elle supprimait ou ignorait les cultt.....reo politiques proprement
africaines,
la culture africaine,
pour y sub3titu.~r les structures
coloniales,
l'enseignement colonial ; cela était "français" sans
doute,
mais profondément différent de ce qui e~dst"\\.it sur le même
plan dans la métropole".
Mais, il faut cependant prendre nos dis-
t~nces avec la fin du passage de SURET -CANALE que Yves BENOT
cite ici,
car le problènle n'est pas v:.-aiment de savoir si le sys-
tème colonial était le même que c€·h.ü
d~U.a métrople. Bien sûr,
],'irnpoature de l'assimilation appar?S'1; clairement lorsqu'on souligne
que les colonisés étaient loin d'avoir les mêm es droits,
les mêmes
(n Yves BENüT, Idéologie des b.dépenclances africaines,
Paris,
F.
Maspéro,
1969, p.
79,
note 20.
- 23 -
possibilités,
}.es mêmes chance:; que les colous.
U",-is,
même
s'ils s'étaient trol.!vés à. égalité de droits et de chances,
c1è::;t··
à-dire que si l'assimilation prise au pied de la lett:r:e avait été
une réalité,
la négaHon de lem~ culture propre aurait été pas··
sible des mêmes critiques de la part des éI.fricains.
Bien sûr,
il s'agit d'un mythe,
mais les mythes ont la peau dure.
Renfor-
cés par leur a.pparence d'évidence,
p::.r cet air d'aller de soi
(lue leur confère la répétition,
Us imprègnent J.a société de thèmes
récurrents et dont la récurrence mêm.e fait la force.
- 24 -
LA THEOl-UE DU LANGAGE ET LES LANGUES AFRICAINES
Dans cette première partie,
nous essayerons de mon-
trer comment une certaine approche théorique du. langage et des
langues,
posant toujours le problème de ::'on objet d'étude en ter-
mes qualitatifs ê. contribué e~ fin de compte ~ ~.ntroduire une con-
fusion entre le~ possibilités d'une lë.mgu~ et l'utilisation qui en
est faite à une période historique donnée.
Notre hypothèse est
que Cl est cette approche théorique du langage et des langues,
ap-
pliquée aux langues de l'Afrique Noire et non pas la coloration
que prennent ces langues du fait des usages qu'on en fait,
qui
a fini par faire croire que les langues africaines ne pourraient
pas satisfai re les nouveGux besoins historiques issus de l'adoption
d'un nouvea.u genre de vIe et de l'entrée de l'Afrique dans la Ciivi-
lisation industrielle.
D'un c.ertain point de vue,
la linguistique
comparative et historique a. été jusqu'à l'aube de notre siècle,
une manière de nier la langue des autres peuples; cette négat:i.cn,
avec d'autrefi,
constituant le fondement idéologique de la l'supério-
rité" de l'Occident chrétien su:." les peuples "primi.tifs!! qu'il ûllait
asservir joyeusement.
Nous allons donc dans cette première partie,
suivre
l'approche du langage et des langues à partir de la Renaissance
française.
Cette étude ne prétendra pas à l'exhaustivité.
Elle
se contente de poser des jalons pour une compréhension générale
du problème qui nous préoccupe ici.
- 25 -
CHAPITRE PRE~v"llER
HISTORIQUE DU PROBLE;ME
La théorie de }a langue est une vieille histoire,
même
si l'on a l'habitude de faire remonter l'origine de la linguistique
à F. de SA U2SURE.
Les historiens de la lingubtique citent tous
par €;:emple
P.A~ITNI dent lé'. des:::ripti()n du sanscrit préfigure une
vision "phonologique'! de la Janglle (1).
:Miis cette référmce même
est idéologique,
c'est-2..-d:i.re quI elle participe d1une certaine ap-
préciation de la linguil3t~.que contemporaine qui,
regardant l'hi3-
toire c~e l'approche du lang:'\\ge à tJ:"avers les lunettes de l'école
structurale,
~st amenée ~ F·:i.vilég:iej~ parmi ces ancêtres ceu::c
que l'on peut ain.si promouyoir en tant que pré::urseurs.
De PAl\\.TINI
\\
(tel qu'on :nous le :iJ:résente) à 12. phonohgi~, il y a la même fuite>
vers le techniCj.'J.e,
le même rdus d8 la philocophie considérée coYUm~
!
non scientifique.
La philo!'>ophif! est pourtant ré.....éla.irice par ce
qu'elle dit et que Bouvent la technique '!oile ou présuppose.
A~.nsi,
peut-on trouver chez PLA TON,
dans le dialogue de C~:-atyle, une
des premières visior..s idéologiques de la langue et des langues
(Cl est-à-dire a.u bout du compte, des rapports entre les COi.'nyuunau-
tés parlant ces langues).
Posant un
au-delà du langage
par l';,;.pport auquel on pourrait sta~:ue:r. sur la " rec l:itudc" ou la
"non rectitude" d'un vocable (les mots bien formés et les moh
(i) R. H.
RU3INS,
"A ~hc,..':: hist()~y of linguintk. [p. 144,
J.48
- 26 -
mal formés),
PLATON. i~oduisait tranquillement l'idée que
le Grec était une lan3ue bien formée,
cc qui revenait àdi:r.e
que les autres langues.
les langues de9 Barbares,
étaient mal
formées.
En réalité,
ce nI est pas pour PLA TON un problème
de comp3.raison de l2.ngues (PLA TON.
dit-on,
ne connais sait
aucune languegbarbare)/mais un problème d'affirmation de py':ln-
cipe,
principe qui est déjà chez lui un héritage culturel et idéo-
logique.
Vau-delà du langage postulé par' PLA TON,
était m&t.a.-
physique,
il sera tl1,éologique au XYlème siècle français,
période
sur laquelle nou::; â,!.lons maintenant nous étendre car on y trouve
conjointement deu~,: éléments intéressants dans leur conjonction
même : un embryon de théorie dl". langage et la connaiss3.nce de
pluoieurs langues jusque là inconnues.
LA
3. 0 /
Le XVlèm~ siècle français eNhiérarchie des
la~~gues.
Le XYlème siècle frê.nçais est mal"::Flé par une fl.orai-
son d'ouvrages sur la lang,-,!c et le langage,
leur COmiJ1.un propos
étant le plus souvent (si lIon excel?te l~s gram.~naires qui com.men-
e-ent à apparaître) de rechercher l'origine des langues,
non pi?":::
tant pour des raisons scientifiques (même si certain~ textes,
en
particulier sur l'Héb::eu,
ont parfoic un intérêt 1'; ci entifique) que
pour des raisons théologiques.
La thèse est à peu près la sui""
vante : Les malheurR
d,~ genre humain datent de la confusion
des langues à Babel,
re~::':ouvons la langue originelle e~ nous re-
tr.."uverons le paradis.
Certes,
cette position théologiq,ue nI eGt
pas partagée par tous,
en particulier,
LUTHER et CALVIN
s'intéressent pIns à la pun~.tion de Babel e'~ à Ses conséquences
qu'à la la~gue pré-babélien."1e.
mais l'am'biance générale suit
- 27 -
cette pente-.là.;:::Con:.me le sotùigne C. G.
DUBOIS = "Les théories
linguiatiquea de la RenaiE"si'2.nce apparaissen'j: ia plupart du temps
comme une tentative pour retrouver le paradis perda,
par voie
grammaticale ou étymologique" (1) et cette langue d'origine ne
pouvant être qu'une "langue noble",
Cl est parmi le
Latin,
le Grec
et l'Hébreu que l'on va tout d'abord chercher l'afeule.
Cette notion même de "langue noble" est à souligner
dIe recO'\\..:.pe les langues s2,crées,
les langues ê.uxquelles on c';)n-
naît une littérature ancienne,
les langues enseignées au collège
de France,
bref,
elle se trouve à l'inte!:"aection d'un certain nom-
bre de canons du reopectable à l'époque.
Face à ces lan~ues
"nobles",
les la~.lgues "vtùgair.es" inéritent moins de considération
on commence certes à les -étudier,
rnais elles n'ont aucune cau-
tion religieuse,
et c'est sans dout~ pa.rce que lec langues locales,
les langues réellement })arlécs par le peuple,
sont pl'ises en comp-
te par la Réforme,
que LUTHER et CALVIN sont déviants sur ce
points (2).
Signific3.tif est à cet i~:Vd le programme d'étude que
GARGANTUA dresse 2.. PANTAGRUEIJ (3) = apprendre le Grec,
le
Latin,
l'Hébreu,
le Chaldée:'},
l'Arabe./~Grec 1 Latin et Héàrcu
servant à fréquenter les éçr;.tures caintes,
l'Arabe se::.-vh:"Cl. à étu-
dier la médecine,
etc,
mais les langues européenne::; conteTD.porai-
nes sont singtùièrement abser..teo.
On dispose donc au départ de deux groupes : les trois
langues sacrées (Grec,
Latin et Hébreu) d'une part,
les langues
vtùgaires d'autre part.
W.:.ais le trilLmvirat n l 4tant pas à.. la mode,
(n c. G. DUBOIS, Mythe et langage au XVlème siècle, p. 20
(2) TULLIO de :MA URO,
Minima linguistica,
II Mulino n° Z 1,
Bologna,
1970
(3) Oeuv:-es de RABELAIS,
Livre II,
cr...a.p. "\\':'I1,
Paril:.,
Garnier,
1950
- 28 -
on va chercher à aCiner cette h~.érarchie. C'est l'Hébreu qui est
le plus gé:léralement retenu corn.:'ne langue première (1).
Iv.b.is
dès lers :,;e pose un problème : le
statut de!; lang-:-.zG \\--..ùgaires
face à l'Hébreu.
La reche:i:che linguistique V<'l. devenir U11.e -raste
foire 4' empoigne où chacun essaie de démontr.er que sa langue
est la plus proche de la langue première ou,
à tont le moins,
des langues sacrées.
Un Flo:t"er;.t:tn tout d'abord,
PIERFRANCESCO
GIAMBULLA:':li,
va affirme:,:, que sa langue,
le Toscê"l.n,
vient de
PHébreu par l'intermédia:i.re de Il Et,.:).sque (2).
L'intérêt de r.ette
f1Hz.tion postulée était double : aiiirmer l'aifinité avec la J.ë>.ngl.lc
origineJ.1e donc valoriser le Toscan et rduser la notion de langue
issue du Latin qui impliquait,
du moins aux Y0UX de GIAMBUL-
LAIU,
dégén~rescence.
JOANNES GOROPIUS,
pour sa part va plus loin;; Il
inverse le schéma et pose à l'origi'·lC une langue germanique.
Se:':
arguments : on trouve des mots germaniques dans touteG les lan-
gues et le mot f>~rmai:l lui-rnême gignHi2:'25t "Ce1.1~~ qu:: ::..assem-
oIent" (3) : "un hom~ne cn proie 2.U dé:'Jir d'c> sse;nblér s'appelle
à proprement p2.rler "ger:rnan" : c'e,,:t pourquoi les germa.ins se
v2.ntaient ouvertemen-:: d'~.1l'le o!'iginc indigène dans l' e)~ter.;;i':m de
ce nom en GAULE (4).
Les Franç.ds,
qui avaient pris dans cette course de
l'G'.vance sur GOROPIUS,
voyaient daïl~ les Gaulois les des':endant~
de NOE (GallieD ne signifie-t-il pas,
en P.:ébreu,
"sauvé des
eaux"
) et posaient ainni le'J.r ca)J.didature à ~a place de prince
(l) par GESSNER,
DU~.ET, PEREP:IUS, peSTEL en particulier
(2) P. GIA. MBULLA RI,
II gello,
Florence,
1546
(3) J.
GOROPIUS,
Origines antwerpianae sive chnmeriol'llITl
Beccellelanû. novem Hbros complexa,
A N"vERS ,
1569
(4) Cité par C. G.
DUBOJ:S
- 29 -
héritier O.).
Cette hypothèse va ae l~.eurter à un vérHable problè-
me : le peu que l'on connaisse du gaulois :ne permet pas de. 10
rattacher ~. lrHéhreu (malGré Gallien),
mais lion c~C-:Ji: S3.\\ro:!.!:'
d'après des inè.ications de Jules CESAR que les Drui.des se ser-
vaient de caractères grecs.
Qu~à cela ne tienne
.
Les Fran-
ça:i.:; s'orienteront dorénavant vers le Grec et dérnont~~eront à
l'envl les profondes <:-ffinités en;::re languc:::fr3.nçaise et langue
g:.'ecq'le (on ::':'erilarquera le rapide passage du Gauloi8 au Fr::m-
çais : le Breton par exemple,
n'ést pas pri.3 en ligne de cOT::1.pte).
C'er,t 11ol'igine de~ o'..:.vrages de Jean BODIN "Methodus ad faci-
lam hisbriar:lnm cogn:i.cionem,
1566: 1,
de He~:lri ESTIENNE
"Tra.ité de h
conform~.té du langage français avec le Grec,
1569",
etc . . . . .
On ava;u:e différentes théories qui ont pour but de démon-
trer l'excellence de la thèse "celtique" et de combatt:t"e celle de
GOROPIUS.
Les Gaulois sont à l'origine des civilisations grec-
ques et romaines,
ils ont occupé d~s terdtci.res germa.èlÏ.':luen
d'où les a:ffj.ni~~s J.cx7.~ale::; relevées par GOROPHJS,
ils sont à
l'odgine de la cuitu:':."e (2).
Comme on le vo:i.t,
ce qui impcrte,
Cl est la
snbordinatiol":\\. d~ la réflexion sur les langues av.:c divers
nat7.c::?lismeR : 18. course 2.UX droits de successicll est une course
Bnguistico-politique.
En autre,
le schém:-,. évolutif des langues
ainsi esquissé est profondément européo-centrizte.
Seules Je::.
lë:l.ngues allemandes et françéd3es,
(et le T0scan,
mais GIAMBUL-
(1) G.
POSTEL, Apologie de la GAULE,
Paris,
J.552
(2) G.
POSTEL,
Hist.
mémorable des expéditions depuys le
déluge faictes par les Gaulois ou Françoys depuis la France
jusques en Asie ou en Thraces et en l'orientale partie de I!Eu-
rope,
C. G.
DUBOIS,
op. cH.
p.
86,92.
- 30 -
:L..ZRR! est isolé) peuvent prétendre à la p:r.emière place.
Et
les autres langues ???
Elles vont s'insére:':' dë\\,ns une pyramide
dont la bas e contenant,
bien sÜr,
le plus gra!1d nombre de lan-
gues est cone.tituée par des langues barbare3 : "On appelle bar-
bares toutes 1 es langues à l'exception du Latin et du Grec.
Nous
en except~::ns également l'Hébreu,
parce que c'est Ja plus ancienne
et comme l'ancêtre dp.s autres ; c'est en outre une langue sacrée
in~pirée par Dieu" (1) ; d'où l'intérêt de cette course à la fl"C.':-
cession: prev.enant plus ou moins directement de l'Hébreu.
ou,
pourquoi pas,
lui ayant donné naissance,
les langues ni en s·~ront
que moins barbares.
Certains sont p:.us mr:>dérés,
comme DU
BELLA Y (Défense et raustration de la -langue f:Y:'ançaise) mais :~
leurs arguments sont étouff,~s par la foule.
Pourquoi cette hystérie ? Tout d'abord,
les locuteur s
des !angues locales ont commencé en Europe à s'insurger contre
l'uaage exclusif du Latin et du Grec dans la littérat>.ue.
C'est le
sens de la tentative de la Pléi"ade et en l'articulier :le DU BEJ:..:LA Y
toutes les langues Ge valent,
d'ailleurs toutes ont la même :?our-
ce,
dès lors,
pourquoi en privilégier une ?
Mais cet4;e relêdvisa-
tion passe loin derrière une tentative d'hégémonie,
Les rivalités
politiques en Europe expliquent en partie GOROPIUS,
Pü15TEL.
ESTIENNE,
etc ... , la lutte entre Valois-Angoulême et Habsbourg,
Charles Qui!lt,
la défaite française de Pavie et la paix de Cam-
brai (l525 -1529),
tout cela est bien sûr à l'origine des contro-
verses sur l'origine des langues,
et ce nI est pas un hasard si
l'oppositio::l théorique ent!'e la thèse ce3:dque et la thèse germani-
que est isomorphe au conflit Valois-Hahsbourg.
Maïa tout aussi
remarquable est le sort réservé 2'.U:~ langues non européennes,
d6a.nitivement repoussées dans les langues b~rb;:.'l.J~e8 au bas de
(1) C.
GESSNER,
M.6ridates,
cHé par C. G.
DUBOIS
- 31
-
la pyr2.mide.
O~ commence poul'tant à cœ:maÎ't:>:'e ces langues
et même à l€'.lr
consacrer des ouvrages : Tnrc,
Sanscrit,
A l'abc,
quelques lan3ues indiennes du BrésiJ.,
Chinois,
etc
(1).
).t.~is elles n'ont pas droit de cité dans cette course à la.
préséance.
Les rapports entre langue~ sont conçus comme des
rapports sociau.'"{,
i~ y a une hiérarchie avec un sommet, avec
peu d'élus,
et une base où se trouve la ma~se. Cettè organisa-
tÎ'::.n pyramidale des langues,
c' est-à-d~.re des peuples quj les
parlent,
rappelle un peu l'architecture de la tour de Babel,
mais
elle rappelle su:-tO".lt l'organisation sociale de l'époque.
C. G.
DUBOIS note justement à ce propos que les métaphores d'Ho
ESTIENNE zont parfois empruntés au langage dc~ caste : "le
grand 'désordre qui est en. notre hngage procède pour la plr,s::.:::' ~
grande part de ce que Messieurs les Courtisans se donnent le
privnège de légitimer les mots français bastards,
et naturalioer
les étrangers " (2). Ainsi la façon dont on analyse l'ensemble des
langues et les rapports 'lu' elles entretienn.ent est profondément
déterminée par l'organisation sociale du sein de laquelle on écrit
et par les confH!s qui opposent la communauté de l'écrivain à
d'autres communautés.
Les hi9t~.riens scolaires et un:i.versitaires
ne retiennent en général q'le DU BELLA Y et La rlêtade pour ce
cr.ri conc erne le XYlème siècle,
c'est-à-dire la branche modérée
du mouvemen.t.
Mais le militantisme francophile du XYlème siè-
cle témoigne d'un ultra chauvinisme qui n'a d'égal que celui du
militantisme germanophile auquel il s'oppose.
Il faut aussi souli-
gne!:' qu'il n'y a pas seulement les Hab~bourgs et donc l'opposition
(1) G.
MO Ul\\ITN,
op.
cït.
pp.
124,
125
(?) H. ESTIENNE, Traité de la conformité
- 32. -
aux thèses de GOROPIUS,
pas seu}sment les langues d'out~ce-
mer que l'on r.:omrnence à mépriser,
il. y il auss:i. en Fra.nce,
à
l'intériéur de l'~xagone, les Bretons et les Languedociens au;~
quels on commence à imposer la langue française ; le Langue-
doc est passé sous domination française au XVII ème siècle,
la Bretagne vient d'être "unie"
à la France (1532) et l'ordonna:.lcc
de V:i.llers-Cotterêts ~ 1539) vient d'imposer le Français dans les
actes juridiques.
Ces différentes directions,
eurcpéocentrisme et exclu-
sion des langueR d'outre-mer qu'on commence à connaître,
natio-
nalisme (S1Utout dans l'opposition à la mn.ison d'Autriche) et
centralisme,
montrent que pour ce 'lui concerne cette seule pé-
riode,
il est impossible de séparer ::'histoire de la Science,
mê-
me si la science linguistique est embryonnaire,
de l'histoire
tout court.
En théorisant les rap?orts entre J,es langues,
c'est
aux rapports en~re les comrnunautés qu'on pense,
et l'idéologie
clominan.-te de l'époque est-;Alors larr.;ement présentt-.
2 0 /
Le XVHème siècle fran.ç-.ais et la cent:,:,alisation
Centralisme et nationalisme sont toujours présent s,
au XVITème siècle,
dan:; la pensée grammaticale,
à travers un
certain nombre de questions qui tournent autour de "1 1"-lsage " :
quelle langue écrire ? Où trouver son modèle ?
etc •...
Les
réponses vont être diverses mais P?s :nécc~sairement contradic-
toires et l'on a peut-être tort d'opposer VA UGELAS à JVALHERBE
comme on l'a souvent fait.
MALIIERBE,
on le sait,
s'étant donné
pmJr tâche d'épurer la langue fré1.nçaise tant des emprunts aux
langueB étrangères et aux langues de l'hexagone que des provin-
- 33 -
cialismes. Sa boutade citée par RACAN tratne partout : "Quand
on lui demandait son avis sur quelques mots français.
il renvoy-
ait ordinairemlint aux crocheteurs du Port-au-foin.
et disait que
i!i~itmt-:ees maîtrés pour le langage"(l). Le propos de MALHER-
BE n' ~st certainement pas de choisir le parler d'un certain groupe
social,
les crocheteurs en l'occurrence,
contre celui d'un autre
groupe social,
il est,
dans la foulée d'H"nri ESTIENNE,
de la
lutte contre le pérégrinisme linguistique.
comme ESTIEMBLE
trois cents ans plus tard luttera contre le franglais j de ce
point de vue,
le crocheteur ne symbolise pas une classe,
il
I~u:nbolise Paris, face à la province et à l'étranger. Ses adver-
saires ne s'y trompent d'ailleurs pas : ce nI est pas tant corrlme
aristocrates qu'ils Se défendent,
que comme poètes réclamant
une plus grande liberté sWlistique '!. "Ils tondent la poésie de
liberté,
de dignité,
de richesse,
et pour le dire en un mot.
de
fleurs,
de fruits et d'espoir",
écrit Mademoiselle de GOURNAY
(2),
et Mathurin REGNIER ~omme Théophile de VIAU réfutent
l'école de MALHERBE pour les mêmes raisons.
Certes REGNIER
lui reproche aussi de prendre son modèle dans le peuple
~; ..
,
'",,~
.. .. ~.'\\ ~..
.'
- '
~
" Comment ~ il noua faut donc, pour [...ire' une oeuvre grande
Qui de la calomnie et du temps se défendent.
Qui trouve quelque place entre les bons auteurs
Parler comme à Saint-Jean parlent les crocheteurs" (3).
(1) RACAN,
Les Mémoires pour la vie de MAl·:;~:~.:'..BE. 1672
(2) Mademoiselle de GOURNAY,
L'ombre,
1627
(3) M.
REGNIER,
Satire IX'.
Le critique outré
- 34 -
et BALZAC,
dans le portrait qu'il en dresse écdt : "ce doc-
teur en langue vulgaire avait accoutumé de dire que depu:iG
tant d'années} il travaillait à dégasconner la Cour et qu'il n'en
pouvait venir à bout" (1).
l'lIais une simple lecture de3 "Stances
à DU PERIER" ou de "L'ode au Roi Louis XIII" montre que
~ALHERBE n'avait rien d'un "docteur en langue vulgaire" et
que son principal propos était bien de "dégasconner" c'est-à-
dire de lutte:: contre les mots étrangers.
On lui reproche ici
et là de faire référence au peuple alors que cette référence est
toute poujadiste: il y trouve une preuve par l'absurde de la jus-
tesse de Ses positions,
comme \\ID Picard qui irait aujourd'hui
reprocher à R.
BARTHES son vocabulaire sous prétexte que les
forts des halles ne le comprennent pas.
lvhis MALHERBE
n'écri.t pas pour le peuple '(qui à l'époque ne savait pas lire),
L1 écrit,
comme tout le monde à l'époque,
pour une infime mino-
rité,
et son souci de simplification n'a de caractère qu'esthéti-
que.
Entre lui et ses adversaires,
c'est une querelle d'esthètes
qui se développe au-dessus de la tête du peuple ; ma.is cette
eatrretique-là repoce aussi sur une certaine idée de la langue,
qui participe antant du chauvinisme (à ba.s les mots étranr-ers \\, )
que du centralisme (à bas les mots provinciaux ~) et c'est sur-
tout cela qui nous paraît chez lui pertinent,
aussi) n'est-il pas
très fondé de l'opposer à VAUGELAS comme on le fait trop
souvent.
De prime abord,
celui-ci semble très moderne dans
BOlll.
refus de la norme et ses renvois constants à l'usage :
"Tant s'en faut que j'entreprenne de me constituer juge des dif-
(i) J. L.
GUEZ de BALZAC,
Socrate chrétien,
] 632
- 35 -
férends de la langue,
que je ne prétend~ passer que pour un
témoin,
qui dépose ce qu'il a vu et ou!''' (1),
mais,
dès qu'il
entreprend de définir ce 9~1 il entend par usage, ~1as choses cle-
.
et le maUV2.10 usage
viennent beaucoup plus claires : il y a l e bon usa.ge.j cette dicho-
tornie recouvrant à pe'.l près l'opposition ent:i:e la COUT. et le peu-
ple : ilLe mauvais uBage se forme du ph19 Grand nombre de pel'-
sonnes,
qui presque en toutes choses n'est pas le meilleu;l:', et le
bon au contra.1re est composé non pas de la pluralité,
In.3.is de
l'élite des voix,
et c' est véritabl~ment celui que l'on !lomme Je
maître des langues".
Bien EUr,
l'opposition avec MALHERBE
semble nette : celui-ci prét3nd se renseigner "en place de grève"
et celui-là auprès "des savants de la langue"
mais,
outre qU.e
l'a.utorité linguistique ~oI'..iérée au "peuple" par WlALHERBE
était toute rhér~~iCluei les deux points de vue se complètent fina-
lement : l'un- fO!lde la suprématie de Paris sur la pro',,-~nce
(MALHERBE) l'autre la suprém~,tie de la noble?~e sur le peuple
(VA UGELAS) et tous les deux collaborent ainsi,
au bout du ~emp
te,
à la justification de l'autodté royale. Il n'est pas inc1iffpr~nt
de rer.o.arquer ici que c'est entre WALHERBE et VA UGELAS que
le Roi,
pOUGsé par RICHELIEU,
crée l'Académie française.
Les
lettres patentes du 29 .Tanvi~r 1635 co:::::t1":'::',e l'article 24 des Sta-
tuts de, l'Académie,
montrent qu'il s'agit bien pour le pouvoir
de "donner des règles certaines à notre langue",
bien entendu
pour "la rendre pure,
éloquente et capable de traiter les arts
et les sciences (2),
mais aussi po;:'.:\\..'" l'as3eoir et la renforcer
comme "la" langue.
celle du RoyauIlle.
Le centralisn"l.e l l.litique
(l) VAUGELAS,
Préface aux Remarques sur la langue française,
1647
(2) RICHELIEU,
art.
24 des Statuts
H
Règlements de l'Aca-
démie ' 1
- 36 -
se donnait là un instrument de centralisation linguistique,
et
l'Académie se' voyait dotée d'un véritable monopole qui témoigne
bien du sens de l'entreprise.
En fait,
les oppositions entre
MALHERBE et VAUGELAS sont des mira.ges ; sur le fond ils
sont d'accord,
sans le savoir peut être,
et l'Acadén~ie défend~a
le Français aussi bien contre le mauvais usage pourfendu par
VA UGELAS que contre les gasconnades pourchassées par
~~i9\\J.UJEnn E
·~Jf1t~1..~tlt-t 1'i:LUJ
•
Par contre,
l'opposition est plus réelle entre la no-
tion de grammaire défendue par VAUGELAS et celle développée
dans la "grammaire générale et raisonnée" de Port-Royal.
Plu-
tôt que de s'interroger sur les usages linguistiques, ARNAULD
et LANCELOT ve'..Ùent faire un "ouvrage de raisonnement" qui
traite "de diverses langues" et recherche "les raisons de plu-
sieurs choses qui sont ou communes à touteG les langues ou
particulières à quelques-unes" (1).
Cette référence à "toutes
les langues" est à noter,
d'autant qu'elle revient souvent dé:'.I:'.s
l'ouvrage : "une chose ...
commune à toutes le8 langues vulgai-
reS de l'Europe" (p.
92),
'~la première, pour 1,,,- plus grande :.1:-
partie,
est la même dans toutes les langues" (p.
104),
"il est
bon de remarquer quelques maximes générales q1..Ü sont de grand
usage dans toutes les langues" (p.
105),
etc ..•
Or,
comme le
note justement G.
MOUNIN (2),
la "Grammaire" ne cite en fait
que quelques langues,
surtout le Latin et le Fr2.nçais.
Lorsqu'-
elle en cite,
rarement,
d'autres.~): c'est pour les plier à un moule
préétabli. Ainsi,
lorsqu'on propose un tableau de voyelles ;:'"
(1) Grammaire générale et raisonnée,
p.
3 Republication Paulet,
Paris,
1969
(2) G.
iv.OUNIN,
op.
cït.
p.
l3!.
- 37 -
(~ 1f\\" !.3) .on nous explique que les alphabets latin, grec et
hébrafque suffisent à donner un aperçu des sons de toutes le3
langues; lorsqu'on veut suggérer que "l'ordre logique" est ce-
lui du Français,
on prend un exemple latin,
"Dominus me regit",
dénué de sens puisque l'ordre est libre dans cette h.1.ngu,~, etc ...
Bien sûr,
ces approximations et ces insuffisances pour-
ra.ient s'expliquer par une méconnaissance des langues du monde ;
mais il n'en est rien.
Les voyages des navigateur:; s'intensifiant,
on commence,
dès le début du XVIIème siècle,
à avoir U-Tle idée
assez exacte de la configuxation du globe terrestre.
On découvre
l'Australie en 1605,
la Nouvelle-Zélande en J742,
on cherche un
passage vers l'Asie au nord de l'Amérique (HUDSON en 1610,
BRIFFIN en 1616),
les côtes de l'Afrique sont bien connues,
comme en témoigne la carte,
exacte pour ses contours,
qu'en
dOi.'me Pierre DAVITY (l),
il Y a bien longtemps que Marco
POLO est allé en Chine (il y a séjourné de ) 272 à 1292),
bref,
l'Europe a une image du monde qui commence à s'éclz.ircir (2)
et,
corrélativement,
elle connaît un certain nombre de lê.ngues
du lnonde.
On emprunte d'ailleurs à Con:t'ad GESSNER,
son ti-
tre de "Mithridates" pour de nomb:':'eU:;~ ouvrages qui recensent
les langues (3),
(MEGISER,
p:lr exemple,
en cite 400 ) ; des
ouvrages consacrés à des l::tngues particulières paraissent
(Ethiopien.
Turc ... ) et la découverte du monde s'accompagne
donc d'une découverte des langues.
CI est pourquoi il eGt impos-
sible de considérer les absences singulières dont témoigne la
(1) P.
DAVITY,
Description de l'Afrique,
1637
(2) F.
1-A\\URO.
L'expansion européerule,
1600.
1870,
Paris,
1964
1
(3) G.
IvDUNIN,
op.
cit.
p.
134,135
- 38 -
IIGrammaire de Port-Royal ll comme des absencés techniq;lE:t; :
ses rédacteurs avaient les moyens de puiser à un nombre im-
portant de sources,
et le fait de traiter l'toutes les langues ll à
travers quelques langues européennes et,
s'~rtout à tra.vers le
Français,
est un cho:tx idéologique bien plus que la marque d'une
incompétence.
CI est bien sûr le postulat de base à.~ cet ouvrage
qui est ici en cause.
IIParler est expliquer seG penséc~ par des
signes" lit-on dès la première page de la Grammaire,
et 1.<=! <-~
t.o.-
tre de la IIlog ique ll de Port-Royal précise : l'logique ou l'art (\\.~
penser".
Le lien postulé eDtre logique et langage est ainsi mo..ni-
feste,
il est présent à toutes les pages de la Grammaire ~ Il
Y a une organisation logique qui se manifest'3 dans toutes les lan.-
gues,
au plan syntaxique; au point Cluf:".-la seule îaçon de conce-
voi:: le problème de l'apprentissage des langues étrangères COn-
siste,
au XVIIème siècle,
à raisonner sur l'apprentiss'è.ge d'lIn
vocabulaire r'Strangcr : les langues ayant une même organisation
logique,
changer de langue Cl est simplement cp..anger de nlOts (1).
Ainsi,
toutes ces approches concordent et collabo:i.'ent
à fonder la supériorité de la l~ngue française.
MALHERBE et
VAUGELAS sont plutôt SUT des positions défensives qui se tra-
dui8ent..
surtout chez MALHEE.BE,
par des réaction:) de refus.
Les Messieurs de Port-Royal,
au contraire,
sont sur des posi-
tions offensives.
Les premiers,
ils thf.orisent la supériorité du
langage : étant la plus proche de l'ordre logique,
la langue fran-
çaise est la plus noble.
Et dans les trois cas (MALHERBE,
VAUGELAS,
Port-Royal),
nous trouvons da.ns l'approche de la
hmgue (et donc des langues,
par opposition) une façon d'aborder
le problème des rapports entre la commun".uté à laquelle appar-
(1) Voir par exemple Géraud de CORDENOY,
Discours physique
de la parole,
1666, p.
19,
20 et 57,
58 de 11 édition
de 1704.
- 39 -
tiennent les auteurs et les ~utres communautés dont on é', COl"J.-
naissance:; qu'il s'agisse de la province;
de l'étranger imr.nédiat
ou des pays Il exotiques" , toutes ces communautés parlent des
langues qui sont condamnées par la pensée parisienne,
soit
qu'on refuse de leur emprunter des termes,
soit qu'on prétende
les juger au nom d'un critère posé comme universel (la logiq1:te
ou l'abstraction) .et-:~inspiré, en fait,
de structures du Français.
3 0 /
Langue,
jargon et inégalités au XVillème sièele
Le XVIUème siècle est avec le siècle précédent,
dans
un rapport de filiation et d'originalité.
La filiation concerne es-
s entiellement la théorie du signe pour laquelle elle atteint même
le sumxnurn du conservatisme : lç dictionnaire de TREVOUX
comme l'Encyclopédie reprennent mot pour mot la définition du
signe dOIù."1.ée dans la "logique" de Fbrt-Royal.
Par contre,
l'ori-
ginalité se manife~te à propos de l'origine et de la formation
des langYles qui vont être abordée;; comme problèmes de compa-
raison (quels sont les r8.pports entre "nos" langues et celles de.~
?utres,
celles des sê.uvages ?)
à partir de deux postulats que
tous les auteur s admettent eans disc'\\.1s sion :
- le postulat sensualiste,
is su de la théorie de
CONDILLAC dans laquelle baigne toute la seconde moitié du siè-
cle (le traité des sensations date de 1754).
- l'idée que les langues,
simples à l'origine,
se sont
peu à peu compliquées avec l'affinement de la pensée.
CONDILLAC lui-même,
dans son "Cours d'étude pour
l'instruction du Prince de Parme" (I) a appliqué seo idées à
(1) Cf, Var;a Linguiatica,
éd.
Ducros 1970,
p.
149,
211
- 40 -
la langue. Au début était ce qu'il::-..?-':rpelle le Illangage d'action ll
c'est-à-dire Illes gestes,
les mouvements du visage et les ac-
cents inarticulés ll et les langues ne furent dans leur commence-
ment qu'un supplément à ce langage d'action,
mais elles n'of-
fraient qu'une suite de mots,
un lexique concret sans Ilgrammairell
c'est-à-dire saAS loi de concaténation.
On nommait alors des
objets (CONDILLAC propose comme ex:emples Ilarbre,
huit,
loup") puis des actions (voir,
toucher,
manger,
fuir) et les
seules phrases posaibles étaient du type "fruit manger ll ,
1I1oup
fuir Il ,
lI ar bre
vob.,n,
le langage gestuel suppléant aux imperf~c
tions de cette langue primaire (1).
Vinrent ensuite les mots pro-
pres à désigner les opérations de l'entendement : IIdes substan-
tifs,
des adjectifs,
des prépositions,
et un
seul verbe,
tel que
le verbe "être ll (2).
Ainsi,
l'histoire de la langue et celle de
la pensée ne font qu'un : IIi! faut encorc:remarquer qu'on a été
longtemps avant de pouvoir exprimer,
dans des propositions,
toutes les vues de l'esprit,
et que,
par conséquent,
les langues
n'ont pu se perfectionner que bien lentement (3).
Se dégage donc
une idée de progression harrn.onieuse dans laquelle langue et
pensée sont strictement par:ülèles,
les progrès de l'une témoi-
gnant des progrès de l'autre,
et l'i:c.achèvement de l'tUle rendant
impossible l'achèvement de l'autre.
Tout le monde tombe d'accord sur ces positions.
MA UPERTUIS,
par exemple,
écrit à peu près la même chose
que CONDILLAC : "Toutes les langues étaient simples dans leurs
(1) Varia Linguistica,
p.
203,
205
(2) op.
dt.
p.
206
(3) op.
dt.
p.
211
- 41
-
COlnmenceme:nts.
Elles ne è.oivent leur origine qu'à des hommes
simples et grossiers,
qui ne formèrent d'abord que le peu d~
signes dont ils avaient besoin pour exprimer leurs"premières
idées" (1).
Jean-Jacques l~OUSSEAU soutient à peu près les mê-
mes idées: l'a.pparition de la langue est liée pour lui aux pas-
sions (et non pas aux besoins: c'est l'influence condillacümne),
':ce n'est ni la faim,
ni la. soif,
mais l'amour,
la haine.
la
pitié,
la. colère,
qui leur ont arraché les premières voix" (?)
et la langue évolue au fur et à rneSUre que la pensée s'affine.
Il étend même ce principe à l'écriture qui devient à son tour
témoin de 11 état d'affinement d'une langue et donc d'une pensée
"Un autre moyen de comparer les langues et de juger de leur
ancienneté se tire de l'écriture,
et cela en raiaon inverse de
la pe:::'fection de cet art.
Plus l'écriture est gros sière,
plus la
langue est antique " (3). Que penser, dès lors, des peuples dont
la langue ne SI écrit pas
Adam SMITH app0rte lui 'aussi sa voix à. ce concert:
l'homme él: d'abord nommé les éléments de son expérience (ar-
bre,
caverne,
fonta~ne) par des noms propres (an seul a.r.b~e,
etc ••. ) qui devinrent peu a peu des noms communs (et dési-
gnent donc alors une multitude d'objets semblables) ; Cl est llau-
·tènomase ou la synecdoque qui serait à l'origine de 11 extension
des langues et de la division des classes,
genres,
espèces (4).
(1) W1AUPERTUIS, Réflexions philosophiques sur l'origbe des
langues et la sienification des mots,
1748
(Z) ROUSSEAU,
Essai sur l'origine des langues,
bibliothèque
graphe,
s.
d.,
p.
505
(3) id.
p.
508
(4) A.
SNlITH,
ConddéraHons sur l'origine et la formation des
languef.'l in Varia Linguistica p.
307
- 42 -
De cette vis~.on de llorigine des langues découle un procédé
heuristique.
Comment étudier l'origine de linos" langues ?
se demande W.lAUPERTUIS.
La réponse est simple = il suffit
de se pencher sur "les jargons des peuples les plus sauvages"
qui,
proche du magma lbguistique origi.nel,
devraient nous ap-
prend!'e beaucoup de choses sur Porigine de ncs langu<;s.
Adam S:rv.o:TH suit le même chemin et,
lorsqu'il tente cl'i:magi.-
ner Ille premier pas vers la formation d'un langar;e",
il met
en scène "deux sauvag':ls" qui vont se donner un l'jargon primi-
tifll (1).
La "grammaire" elle-même,
scien~e du siècle s'il
en est,
va être mise en relation avec Cette évolution d'l. i~u:~on
primitif vers le langage évolué et Françol.s THUROT,
dans
sa préface à l'He:rmès de Harris,
écrit à ce propos : IINous
avons vu la science gramInatic.ale naître chez les Grecs,
après
que leur langue se fut entièrement perfectionnée,
et que les
philosophes eu:cent commencé à l'appliquer aux: théaries pure-
ment cpéculat~.ves et de raiso:lIlement : nOUG ne la verrons re-
naître de même en France,
q'.le lorsque,
notre idiome ayant
déjà acquis le plus haut degré de perfection,
nous aurons eu
des poètes,
des orateurs et e:'1fin des philosophes ":"'"et "ce fut
donc rurrsque notre langue avait acquis sa plus grande perfec-
tion,
que la grammaire générale ct philosophi,~ue exista enfin
pour nous" (2).
On voit déjà,
à travers le vocabulaire, apparaître
11 ethnocentrisme qui sous ··tend cette approche c;le l'histoire des
(l) Varia Linguistica,
p.
307
(2) F.
THUROT,
Tableau des progrès de la science grammati-
cale,
1796,
rééd:i.ticn. ?UX éditions Ducrot,
1970,
p.
97 et 103,
104.
- 43 -
langues : il y a les sû.uvages et les civilisés,
les langues et
les jargons,
ce dernier mot étant fortement connoté de péjora ..
tion comme en témoignait,
au siècle précédent déjà,
ce pz.s-
sage d'une pièce de MOLIERE : "L'impudente
Appeler jargon
le langage fondé sur la raieon et sur le bel usage" (l).
Mais ce qui importe ici le plus,
Cl est que
cette vi-
sion historique est projetée sur tout le siècle,
que cette pos-
tula.tion diachronique est synchroniquement ramassée : MA UPER-
TUrS va chercher les vestiges des langues anciennes dans des
langues contemporaines,
ce qui implique bien entendu qu'il
e~dste hic et nunc des langues civilisées et des langues sauva -
ges : "cette étude est importante,
non seulement par l'influence
que les langues ont sur nos connaissances,
mais encore parce
qu'on peut retrouver dans la construction des langues des ves-
tiges des premiers pas quia fait l'esprit humain.
Peut-être sur
cela les "jargons" des peuplee les plus sau'\\age pourraient nous
être plus utiles que les langues des Nations lea plus exercées
da ns :l'art de parler" (2).
ROUSSEA U,
de son côté,
tente de
donner les caractéristiques générales des "premières langues"
ou "langucl~ primitives"
: elles étaient formées de I1 voixl1 et
cc:mportaient peu:.!!l'artiC'\\::.~i.GC_!)nsl1(voix = voyelles, articulations =
consonnes),
avaient beaucoup d' l1accents" (de tons) et "beaucoup
de synonymes pou:>:" exprimer le même être par ses différents
rapports l1 (3).
Or,
plus clairement encore que dans nos autres
textes,
ROUSSEAU illustre son propos en comparant ces langues
(1) ~-MOLIERE, Le3 Femmes Savantes, II,
6.
(2) Varia Linguistica,
p.
27
(3) Essai sur l'origine des langues,
p.
507
- 44 -
"primitives" à des lan.gues contemporaines,
au Chinois pour
les tons,
à l'Arabe pou?" les synonymes: "ellES re3sembleT.'~j;nt
à la langue chinoise à certains égards; à la grecque à d'::1.U-
tres ; à l'arabe à d'autres" (I).
Les choses sont alors nettes
Ces jargons originels,
nous en trollvons des approximations
dans certaines langues (qui deviennent donc de8 jargons ?)
contemporaines.
Il y a là un phénom.ène trè~ général au XVIIlème
siècle : il s'agit,
dans d~.ve~rs domaines,
de conforter la mo-
dernité de li Europe en l'opposant à la sauvagerie préhistorique
du reste du monde et en transformant cette dispers:.on géogra-
phique en succession historique,
en mettant la synchronique en
perspective diachronique.
La théorisation du rapport à l'autre,
du :2ifférent,
passe par sa "digestion",
l'autre n'étant,
ne pou-
vant être,
qu'un état ancien de notre propre histoire,
qu'une
forme inachevée de notre propre perfection.
Jean BIOU a
av;::.ncé l'idée que "la seule f;=;,çon,
pour le XVIHème siècle,
d'admettre des cultures différentes,
était de les introduire dans
le système européen de coordonnées,
de les déglutir" : "essayons ~4-.'~J
au moins pour conclure Jde réfléchir à l'opin~.on généreuse que
l'occident sut offdr au.x cultnr8S c.;.u'il rencontra: l'assimila-
tion qui,
notre belle âme le déplora souvent,
intervint presque
toujours trop t::>.rd,
lorsque le~ Indiens,
les Noirs,
ou les Ara-
bes eurent pris conscience de leu::~ existence séparée ou furent
morts.
Par sa connotation biologique,
le mot lui-même ren-
voie à une anthropopha.gie réussie.
L'idéologie des lumières
est cannibale dans la mesure où elle nie l'autre dans sa dif-
(I) id. p.
507
- 45 -
f(;rence pour n'en retenir que ce qu'elle peut faire soi" (1).
Les langues des autres (lnais derrière les langues on vise
les cult'l;lres,
les communautés) n'existent que comme preuves
de la supériorité des nôtres,
elles ne vivent que négativement,
fos siles d'un stade r.évolu de notre propre évolution.
Nos lan-
gues,
les langues de l'Europe occidentale -qui ser<;l. bientôt
l'Europe coloniale-,
représentant ainsi "l'épanouissement de la
maturité rationnelle,
term~ et abautisserTlent des erreurs et
des balbutiements,
apoeée d'un parcours qu'elle justifie en le
transcendal1.'t" (2).
Cette " g1o ttophagie",
dont la fin2.lit,~ est le
confort,
porte en germe le racisme et la justification du phéno-
mène cclonial qui la suivra de peu.
Il n'eGt pas indifférent de
noter que l'agencement téléologique que l'on inflige a.ux d:i.verses
J.angues est strictement parallèle à toutes Gortes d'autres agen-
cements : absi les dictionnaires du siècle glosent-ils le plus
souvent le mot nègre par esclave (3) participant d'une organisa-
tion idéologique qui confère la force de la nature à certains sta-
tuts que la culture occidentale a engendré.
Fort de la supér>.:>rité qui découle de son achèvement
historique postulé,
l'occident est prêt pour l'aventure colonialel
qui consistera en fait à aller avec ses langues chez ces parleurs
de jargono. Mais ce racisme,
constHutif de l'approche du lan-
gage au XVIltème siècle,
gardera cependant une dernière tr~·.ce
d'humanisme qu'il perdra très vite et ql.t(il nous faut,
pour con-
clure,
souligner : il croît à la pos sibi15té du pas'sage d'un stade
(1) Jean BlOU,
Lumières et Anthro?0~ogie, P.. eyue des Sciences
Humaines,
fasc.
146,
Juin 3972,
p.
233
(2'.) Judith SCHLANGER,
L'enfance de l'humanité,
Diogène,
n° 73
citée par J.
BIOU
(3) Voir à ce propos S.
DELESALLE,
L.
VALENSI,
"Le met
nègre d2.ns les dictionnaires d'ancien régime",
Lêi.ngue française,
n°
15,
sept.
72.
- 46 -
historique à un autre,
à la possibilité d'une évolution du "jar ..
gon" vers "la langue".
L'inégalité découle,
pour lu.i, d'un état
différent d'avance-ment et non pas d'une infériorité essentielle :
ces sauvages sont,
au fond,
notre trace dé.-n3 l'histoire,
un so11.-·
venir de nos propres origines.
Nous sommes cependant encore
loin du racisme moderne,
celui qui apparaît au XIXème siècle
avec en particulier GOBINEAU et qui introduira une brisure
entre les groupes,
qui refusera toute idée dlorigine commune.
On passera alors de l'cpposiUon entre horr::.mes et pré-hommes
à celle entre hommes et non-hommes.
-1 0 1 Le XIXème E::i.ècle, défense et illustration de
l'Europe aryenne
Ce que nous tentons de souligner dans ces pages
n'est pao à proprement parler U:le histoire de l'a.pproche des
langues,
mais une interrogation Dur le statut historique de cette
approche : comment retrouve-t-on dans la ~~éorie du langage
et des langues tout à la fois la trace d'une représentation idéo-
logique des rapports entre lea diverses communautés et le germe
d'une pratique ultérieure (llatt:ih!.de vis-à-vis des langues afri-
caines),
dont C';itte représentation Eerait l'un des constituants ?
Les défauts et les dangers de cette approche VO!1t être
encore plus nets PoU? ce qui concerne le XIXème siècle.
Cette
période nous permet égc.lement de cerner toute l'ambiguïté de
ce qu'on appelle généralement le "progrès scientifique".
Il eot indéniable que la floraison de textes de toutes
sortes qui caractérise les premières décen........ies du XIXème siè-
cle ont fait faire à la linguic.tique un pas important.
L'intérêt
p:lur le sanscrit,
les étuè.cs tendant à prouver la parenté du
- 47 -
sanscrit et du Latin,
du Frar~çais, du Grec,
de l'Allemand,
etc .•.
l(étude sur l'évolution de la phonétique,
tcut cela par-
Hdpe à la con.stitution d'une linguistique comparative,
ultime
stade pré-saussurien.
SAUSSURE lui-mêmE) s'accorde à recon-
naître les progrès accomplis à cette époque,
lorsqu'il écrit
à propos de F.
BOE~: "éclairer une langue par une autre, ex-
pliquer les formes de l'une par les formes de l'autre,
voilà ce
qui n'avait pas encore été fait" (1).
Certes,
la notion de "sys-
tème" ~.ji apparaît dans le titre de l'ouvrage de BOPP (2) nI est
pas exacten1.ent nouvelle.
On trouva~t déjà au XVnIème siècle de semblables
intuitions. Ainsi,
l'article "étymologie"
de l'Encyclopédie com-
mence-t-il à raisonner en termes de facteurs internes d'évolu-
tion,
tandis que les ouv:rages de DES BROSSES ou de Court
, .,
de GEBELIN considèrent la langue comme une mal:1.cre soumise
aux lois physiques et mécaniques de la nature.
Certes,
la lan-
gue est toujours coupée de ses J.·acines soci~.les, mais elle com-
me::1ce d'apparaître COlume un ensemble,
un sy~tème ayant Ges
lois propces.
CI est au XlXème sIècle aussi que va éclater la
gramnnaire générale et que leG grammairiens vont se pencher
sur l'histoire et la compar~\\ÏDon des langues,
effectuant ainsi
~ bond en avant important du point de vue technique : lois
phonétiques,
reconstructio~·.lS de l'indo-européen, germes de ~11
gIotto-chronologie,
etc . . .
Il faut néanmoins s'arrêter sur l'envers de la médaille.
En effet,
cet aBpect l:cchnique largement positif se double comme
fI):! F.S/-iUBstJRE·" Coure, de !ir,.guistiqùe générale, p.
14
(t?)": Sy"stème: de.cQi:i.~i:f~aiAOn de:là..·:J.a~Rue'G~,na,.criteêomparéà celui
.
~-~
~
def) langues grecques,
latines,
persanes et g€:~c'maniques, p.
181 {,
- 48 -
toujours d'éléme:ltG qui,
sous le couvert de la science baignent
dans l'idéologie et viennent jus~ement tacher d'ambiguité la no-
tion de lIprogrès techniquell •
Tout un pan de la visian ancienn.e,
largement prédominante au XYlème siècle et jamais contestée
par la suite,
s'écroule = on:;ne croit plus à la monogénèse et
à l'Hébreu langue-mère.
F.
SCHLEGEL,
dans son ouvrage de
1808,
propose une typologie des langues fondée sur la producti-
vité relative des racineo : il y aurait des langues l::aexionnelles ll
dont les racines sont productives et des langues IInon -flexionnel-
le~:' sana racines.
On passe ensuite à une typologie à trois termes qui
distingue
- les langues isolantes,
dano leoquelles les unités
sont invariables et où l'on peut distinguer le radical des éléments
grammê.ticaux : le type en est le Chinois.
- les langues agglutina.ntes,
dans lesquelles les unités
sont composéen d'un radical auquel s'ajoutent des affixe~ gram-
maticaux segmentables et analysables (type turc).
- les b.ngues flexicnnelles, dans lesquelles les affixes
ne sont pas segmentables,
étant amalga:més (type latin).
Cette typologie n'est pas contestable en elle-même.
BLOOMFIELD la reprendra plus ou moins à son compte,
la
ramenan~ à deux types (langues analytiques et langues synthé-
tiques) (1) et les dictionnaires modernes de li..-lguistique ne la
mettent pas en cause (2).
Mais elle va être tranoposée à
l'échelle histodque,
mise en perspective diachr.onique,
puis
(1) BLOOMFIELD,
Le langage,
p.
195
(2) Voir dictionnaire de linguistique,' Larousse,
1973
- 49 -
hiérarchique,
en particulier chez A.
SCHLEIDER qui pose
que toutes les langues ont été agglutinantes et qu'enfin les plus
affinées sont devenues flexionnelles.
Il y a là à la fois influ-
ence de HEGEL et DARWIN et prolongement des idées de DES
BROSSES ou de Court de CEBELIN : la langue est un organisme
vivant naturel,
qui se développe et tend vers la mort.
Cf est la
thèse du déclin des langues ; après l'évolution caractérisée par
les trois stades (isolant - agglutinant - flexionnel) les langues
commenceraient à mourir.
Comment expliquer ce déclin des langues au cours
de l'hist!Ùire ?
La plupart des comparatistes,
BOPP et SC~LEI
DER notamment,
l'attribuent à l'attitude de l'l1homme historique "
vis-à-vis de la langue qui est une attitude d'utilisateur.
"L'hom-
me historiquel' traite la langue comrne un simple moyen,
comm.e
un i:ïls~:i:urnent de communication dont l'utilisation doit être rendue
aussi commode et écor_omiql1e que possible.
Les lois phonétiques
auraient justement pou::.' caUGe cette tendance au moindre effort,
qui sac:Lifie l'organisation gram.rnaticale au désir d'une conunu-
nication à bon marché.
Ce qui est à noter dans cette stratifica-
tion,
c'est avant tout son aspcc·~ normadf-européocentristeo
Les
langues fle}::lc:..melles seraient les plus évoluées (aspect normatif)
et correspondraient comme par hasard aux langues indo-euro-
péennes (aspect européo-centriste).
Il faut 2.ussi souligner tout
ce qui sépare cette vioion de celle q'.li prévalait au XYlème siè-
cle où les conflits linguistiques étaient alors liés aux chocs
franco-allemands.
Après la lente découverte du. monde qui marque
les XVIIème et XVIIlème siècles,
nous commes en r.;leine défense
(l) O. DUCROS, Dictionnaire ep.-eyclopédique des SC
du langage.
o
Le Se'.lil,
19'72,
p.
25.
26
- 50 -
de l'occident contre le reste de la pla.nète : il ne s'agit plus
de démontrer la supérior::'té du Français sur l'AlJ.emand ou
vice-versa,
mais la supériorité des langues indo-et".ropéennes
sur les autres.
En outre,
cette unité linguistique est aussi posée
comme unité raciale : on va p:~l!leer de la parenté linguistique
à l'unité primitive de la race.
Il y a ici convergence d'une
série de "tendances" : celle des comparatisteo qui posent la.
plus grande perfection deo langues indo-européennes,
celle des
nat'U~alistes qui, avec MENDEL,
s'avance!lt vers la n.otion d'héré-
dité et enfin celle plus générale des philosophes qui tend à se
pencher sur l'"origine" de toute chose. A la crC'isée de cec
tendances,
se trouve la notion d'aryen que Littré définit ainsi
'Ino:n donné à l'ensemble des peuples qui parlent sanscrit,
per-
san,
grec,
latin,
allen"land,
slave et celtique.
Les langues
aryennes,
dites aus si l:::.ngues japétiques,
langues indo - eurolté ";
ennes'ymontrart par là qu' à l'époque où Littré rédigeait son
dictionInire on avait déjà fait l'assimilation entre u"Uité linguis-
tique et unité raciale.
Or,
entre temps,
le comte de GOjitiEA U
a franchi un pas important encore,
pos"",nt la supériorité origi-.
nelle de la race aryenne Sl~;r les autres.
Le choix même du mot aryen est intéressant et révé-
- lateur. A l'origine,
le terme semble être celui par lequel se
désignaient elles-mêmes,
par opposition aux aborigènes noirs
qu' ell~s dominaient,
des tribus indo-iraniennes entre le xmème
~h' t~,Xème siècles avant notre ère. Ces noirs (les non-aryens)
sont présentés comme des démons: ils n'avaient pas de nez,
avaient trois têtes,
etc ...
En fait,
l'origine du terme pose
des problèmes complexes et E.
BENVENISTE,
après avoir
signalé que le mot " arya ll est une désignation que s'appliquent
- 51 -
à eux-mêmes les hommes libres par opposition aux esclaves"(J.)
conclut que la notion marque chez les Indiens comme chez les
Iraniens "l'éveil d'une conscience nationale" (2) mais refus e de
prendre position sur l'étymologie.
De ces hésitations étymologi-
ques ressortent cependant deux schèmes fondamentaux : le mot
arya semble avoir dénoté une supériorité socide et/ou une cu-
périorité raciale.
Or,
Cl est là,
justement,
le centre de l'argu-
mentation de GOBINEAU.
l ..a dégénérescence e~hnique fonde pour
lui une double direction de supériorité : celle àes envahisseurs
du Nord sur les en~lahis du Sud et celle,
corrélative,
de la no-
blesse sur le peuple.
Cette idée nI est certes pas nouvelle,
elle
est tirée dir.ectement de BOULLINVILLIERS : "Les Gaulois de-
vinrent sujets,
les Français furent maîtres et seigneurs.
Depuis
la c:)nquête,
les Français originaires ont été les véritables no-
bles et les seuls capables de l'être"(3).
Mais cette idée associée
chez GOBINEA U aux découvertes des grammairiens comparatis-
tes (histoire des stades et de la dégénérescence des langues) et
au primat de l'hérédité qui) entre DARWIN et MENDEL,
est alors
dans l'ë'.ir,
va fournir ·im modèle idéologique applicable à diverses
situations.
t1En lui,
d'une part,
l'aristocrate contre révolutionnaire,
le fils du garde des Tuileries,
revitttrès sérieusement le conflit
entre la noblec.se et le Tiers -lYpa,t-\\ comme une guerre entre les
....
l'
d4.\\..,
1
'
Il
.
l' rancs
sa 1ens ~t r1pu';l1res et
eurs Yn.1ncus ga
o-roma1ns.
Et
de l'autre,
l'amateur de voyages et de langues apprend incidem-
1
ment les explorations des linguistes allemands Œ!ans les étymolog1es
communeS aux langues d'Europe (moins le Finnois,
le Hongrois,
(1) et (2) E. BENVENISTE, Vocabulaire des institutions indo-
européennes t.
1,
p.
368 et 373
(3) cité par J. P.
FAYE,
Théorie du récit,
p.
22
- 52 -
et le Basque} et au groupe sanscrit-persan.
En composant ce
germe archal"que d'idéologie avec cette découverte très positive,
il cl"éa~t ex nihilo les "races" "aryennes ou sémitiquesl! (1.).
Lutte des classes et lutte des races poprront ainsi alterner,
mais,
pour l'instant,
la théorisation de la supériorité linguisti-
que de 11 Europe se double dlune théorisation de sa supériorité
raciale et,
la conquête de la Gaule par les Francs étant glorifiée
et justifiée,
les conquêtes coloniales de la France vont l'être
par contre-coup.
Ainsi,
le progrès scientifique indéniable que représente
l'hypothèse indo-européenne,
progrès qui est lui-même entaché
d'idéologie raci3te par Ga théorie margin2>le des st::l.des,
se trou··
ve réinvesti dans une théorie plus vaste,
non pas seuleme:lt ra-
ciste mais plutôt élitiste,
les élites étant aussi bien raciales que
sociales.
Lorsque le colonialisme français aura besoin de jus-
tifier sa propre entreprise,
il lui suffira de pu.iser dans cette
théorie de la supériorité du colonisateur et d'y ajouter éventuel-
lement un grain d'humanisme (ils sont infédeurs,
dit en subs-
tance ,j"tùes FERRY,
et notre devoir est de leur apporter la ci-
vilisation).
CI est aussi ce lien entre théorie lin.guiotique et pra-
tique coloniale que note M.
HOUIS quand il écrit : I!ainsi s'eat
incrustée l'idée de langues primitives dans leurs structures et
élé:mentaires dans leur virtualité."
Les travaux dlafricailistes
comme DEUl..FOSSE et WESTER~AAN ont apporté une caution
savante à la politique coloniale.
Cette conjonction,
qui est aussi
une comprom.ission de la science et de la politique,
fait partie
(l) J. P.
FAYE,
Langages totalitaires,
p.
178
- 53 ~
de Ilhistoire de la linguistique négro-africaine.
On ne compren-
drait pas !Jans cela la brochure de DAVESNE sur Il La lang:le
française,
langue de civiEsation en Afriq·..... e occidentale fran.":,
çaise,
éditée à Saint-Louis en ;'933,
laquelle justifie entre
autres arguments,
l'exclusivité du Français dans 11 enseigne:<"-"wnt
sur une péjoration 2. allure scientifique des langues africaines"
(1).
Cette remarque pertinente de M~
HOUIS ne n<ms satisfait
pas complètement.
Elle pourrait faire croire que c'est par ha-
sard ou par facilité,
que la théorie du langage et des langues
a pu être ainsi mise au service du colonialisme.
Il parle de
l'caution cavante à la politiçue coloniale",
de 11 co:rnpromission
'de la science et de la politique",
comme si l'on pouvait condam-
ner rnoralement cette déviation d'une sd.ence "neutre"
clest
tout le contrnire que nOUG avons tenté de montrer tout au long
de ce chapitre.
(1) M.
HOUIS, Anthropologie linguistique de llAfrique Noire.
p.
30,
32
-
5-1 -
CHAPITRE SECOND
LES DIALECTES ET LA LANGUE
L'objet de ce ch2.pitre sera de montrer un autre as-
pect de l'approc~e théorique du langage que nous avons tenté
de cerner dans le chapitre précédent : l'opposition entre langue
et dialecte.
Le terme "dialecte"
semble apparaître pour la
première fois dans la litté:rature française en 1565,
sous la
plume de RONSARD qui,
dans son liA brégé de l'art poétique",
cons~i.ue ainsi les poètes : "Tu sauras deJi":~rem.ent choisir et
approprier à ton Oeuvre les mots les plus significatifs des dia-
lectes de notre France,
quand mêmement tu n' en auras point de
si bons ni de si propres en ta na.tion ; et ne te faut soucie:;." si
les vocables sont gascons,
pcitevins,
normands,
manceaux,
lyonnais ou d'autres pays,
pourvu qu'ils soient bons et que pro-
prement ils signifient ce que tu veux di.re".
Pour RONS_,~_RD, ce
terme est d'abord associé à pays (c'est-à-dire région,
province)
et à nation (c'est-à-dire à peu près la même chose puisque
l'anciemle université de Paris était composée de quatre nations
France,
Picardie,
Normandie et Germanie).
Le dialecte est
donc le parler d'une région,
le "1angage usité" de RABELAIS
qui connote la province,
les marches du royaume.
Il faut sou-
ligner aussi que dans l'énumér?tion de RONSARD.
le francien
n'apparaît pas.
CI est que déjà/le francien était devenu le fran-
çais,
la langue de France,
qu'il convenait pour les poètes de
la Pléïade de snbstituc:1:' au~:: langues latines ou grecques.
- 55 -
S'opposant à la langue du royaume centralisé,
les dialectes
sont donc d'abord définis par leur caractéristique provinciale.
Mais ils ont aussi une caractéristique d'ancienneté : ce sont
des restes,
des traces,
des rides auxquelles s'attachent la
noblesse ciue à l'âge,
bref des "parlers"
dont les vieux mots
garantissent à la langue française ses racines propres.
DU
.,9,flLLA y parlera même à ce propos de "reliques" : "Ne doute
pas que le modéré u3age de tels vocables ne donne grande ma-
jesté aux vers,
à la prose
ainsi que font les "reliques" des
saints aux croix,
et autres joyaux dédiés aux temples"( 1).
Dans les deux cas,
la langue française se trouve en
position privilégiée,
en premier lieu,
géographiquement et p,::;li-
tiquement car étant face aux dialectes régionaux,
en second
lieu,
historiquement puisque,
face à ces dialectes reliques his-
toriques,
elle est la langue moderne.
MOLIERE,
au siècle suivant,
va largement utiliser
la différenc~ Unguistique comrne élément comique.
Ses personna-
ges parlent naturellement français,
mai~, p?rfois,
d'autres idio-
mes apparaissent sous ce glacis.
Ainsi,
dans Don Juan (2),
Charlotte,
Iv1athurine ct Pierrot,
parlent un jargon qui est à la
fois connotation de lieu et de classe.
Et dans le Bourgeoi3
gentilhomnle (3),
l'auteur utilise à des fins comiques un turc
de fantaisie,
mi-inventé et mi-romanisé.
Dans les deux cas,
c'est la différence sociale et/ou géographique impliquée par
(1) RABELAIS, DéfenGe et illustration de la langue française,
II,
6
(2) et (3) I/r.OLIERE, Don Juan, II,
-')
2,
3 et 4
Le Bourgeois Gent:Uhomme,
IV,
Lie et Se ,
l
- 56 -
ces différences J.inguistiques ql:5. est en jeu.
Une fois encore
la différenc e ent convertie en c.cmiC1ue et en i:1.fériorité de
l'a.utre.
Cette ambiguïté sémar~dque ne quittera jarn.ais le terme
"dialecte" .
Au XIXème siècle,
même quand la dialectologie re~
trera dans le champ de 1",.1. science HT.\\guistique,
la notion de
dUtie~te ne sera pas pour 8.utant éclaircie ou précisée. "Il est
difficile de dire en C1uoi conBiste la différence entre une langue
et un dialecte" déclare F.
de SAUSSURE (1)
et po'.'..!' justif5.er
cette position,
il parle de "zones de transitions",
des "isoglos-
ses",
des "ondes d' inno,:-ation".
Pour lui,
il nI est pas question
d'établir une CQ:i.-te des dialectes, m~>..8 tout ç.U plus des atlas
de Iltraits dialectauxll •
Apparelnment,
le cEalecte est une notion
géographique,
mair:- ailleurs SAUSSURE le défi1.Lit historiqu.ement
ilLe:? di:J.lectes sont le produit de Il évolution des langues,
évolu-
tion qui nI est jamais müforrne €~ aboutit Ilà la créat:i.on des for-
mes di~lectales de toute nature ll (2).
11..
Î\\,lEILLET.
dans sa préface au..---: "langues du monde"
(3),
après avoir défini le "parler" comme :'1' en~erHble des moy-
ens linguistiques employés pal' un groupe local à l'intérieur d'un
groupe occupant une aire étenduc ll (Cl €st-à-dire
cornme la forme
locale d'une langue) écrit : "A 1'intéri<::ur d'un grc1..'.pe linguisti-
que étendu.
on constate,
en général,
que certains parlers offrent
des traits communs et que les sujets parlants de certaines ré-
(!) et (2) E. de ,SAUS§.!JRf; Cours de linguistique générale,
p.
2.78,
272-74
(3) A.
IVŒILLET,
"Linguistique h~.storique et linguistique géné-
l'ale",
II,
p.
67
- 57 -
gions ont le sentiment d'appaT.~enir à ~n mên~e sous-groupe :
en p2.reil cas,
on dit que Ces parler s font partie d'un même
dialectell (1).
Le dialecte est alors uniquement un concept syn-
chronique,
l'évolution elle -mÊm~e ne pouvant qu'aboutir à de
nouvelles langues : "dans la mesure où les h:J.bitants de provin-
ceE; difiél'entes cessent de se comprendre,
on pel2.t dire q'..le la
langue commu."'1e est renlplacée par des langues nouvelles (2.).,
Il faut not~r ici une différence important8 entre les
positions de SAUSSURE et celles de 1\\1:8ILLET.
P0ur SAUSSURE
le dialecte est un sous -produit historique de la langue,
"tandis
que chez L1EILLET le dialecte est simplement une forme de
parler géograpl.iciuement étendu de la langue.
N:::-i:ion diachr{)TIi-
que,
le dialecte est nécessairement une notion relative; "lm
ltidion~e" est donc dialecte Ëi 11 on regarde vers J0 passé, laj.~··
gue si l'on regarde vers l'avenir.
Lv:lais notion cynchronique,
le dialecte nI est qui un :rr~oy.;;m G3 description des variations lin-
guistiques conterrJ.l:lOr2.ines.
l',Totre propos n'est p<1S ic~ de tra'J.cher entre ces deux
visiono,
n~&.is de montrer que ce flou {~éfi:i.li~cire Farticipe
d'un nsage extra-ling1.\\Îstique des notions de langue"lî; de d~àlec
te,
notions que 18 colonialisrne irançaiE; utilisera. largem.ent à
propos des langues africaines qui seront considérées dl emb16e
comme des dialeê.tcs.
Ce qu'il importe de noter aussi,
Cl est
que ces arnbîguités 2.U sein rnême de la. lingui.stique ont encou-
ragé,
favorisG,
un usage oppositif,
à fonction sociale et non
cognitive,
des termes "languesll et Ildialectes" par le sens
(1) A.
Î'/:IEILLET,
Linguistique historique et linguistique
générale,
p.
67,
li
(2) id.
p.
53
- 58 -
commun.
Figeant ces opponiti-::.i.1.3 peu sûres,
l'usage tendra
alors à ériger une essence de la langue et une essence du
dialecte.
Or,
ici aussi,
11 existence précède l'essence: le
françaü: ni est pas U:.i.e langue de~::>ute éternité ou de droit di-
vin,
il l'est devenu historiquement,
à partir du dialecte fran-
cien et au cours d'un processus qui n'a rien de linguistique,
comme noua avons essayé de le montrer au':chapitre précédent.
Ivraie,
arrivée en Af1'ique Noire,
12. littérature linguistique va
lai!!sE.l' croire à la validité thèorique de cette oppo:ü\\:ion er.tre
lanEue et dialecte.
E.
SAPIR avait senti la difficulté dès 3931
et,
aprè savoir ra;:pelé avec 'vigueur la définition généalogique
du dialecte,
il écrivait : tlDans un uoage moins technique ou
franchement populaire,
le terme dialecte :l des connotations
assez différentes.
On admet con'lmUnéElent que le langage humain
se présente sous un certain nomb~e de formes :Leconnues,
bien
diffé):enci'~es et normalici;es, appelées tllangueslô,
et ces der-
\\
'TAi~res, à leur tOUï', or..t un certain nornbre de sous-variétés de
11:loindre valeur appelées tlœalec~esll. Cette confusion est due
principz.lerneüt au fait qu~ le p:coblème de la langue Si est trouvé
idenüEé à celui de la. nati"nalité dans le groupe culturel et ethni-
que plus vaste qui finit par nbsorber lai:radition locale.
La lan-
gue d'une telle nêtionalité est en général fondée sur un dialecl:c
local qui acquier;; la prééminence dans le domaine culturel et
se d.éveloppe aux dépens d'autres dialectes dotés à llorigine
du l:llème prestige (1.)11,
Maie ces scrupules et ces hésitations
de SAPIR n'empêchent pas Léonard BLOOlv1FIELD de mélanger,
à la rnême époque 1
toutes ces notions.
Dans son ouvrage ilLe
(1) E.
SAFIR,
Linguistique,
l).
66,67
- 59 -
Lê.ngage"J
il définit successivement le terme dialecte cornme
forme locale de parler national,
puis cornIDe un iC:iorrle "parlé
par la classe la moins privilégiée" et qui s'oppose à la langue
nationale,
et eniin comme dérivé (diachrcniquement) dlune 121'1-
gue (1).
La question qui Cie pose ici est que la notion de diz..lect,~
Tl 1 est pas
une relation univoque avec une situation Li.nguistique
précise.
Elle peut en effet,
selon les définitions adoptées,
irüpli-
quer le rnonoJ.inguisme ou la diglos sie : forrne locale de parlel',
le dialecte est seul,
mais parler de la classe la moins pri vilé-
giée,
il :::loppose a d'autres formes.
CI est pourquoi l'ambiguïté
de départ a pu donner lieu à des interprétation3 tendancieuseG
immédiatern.ent reccnverties en usages politiques : le dialecte
va.gue et mal défini des linguistes devenait le "baragoin" des
colonialistes.
Aujourdl~1Ui encore,
les choses ne sont pas plus cld,res
en témoigne l'extrait suivant de Ïvi.
PHILIPP qui c::mcerne la si-
'..:uation lingu5.stique en AJ$2.C 8 :
"Dans les régions bilingu0s de
11 EGt de la France,
de1..'..x la.ngues sont en contact : une premi~re
langue qui el,;t U:l dia!.ecte,
qui V3.:de d'un village à l'autre,
et
que le locuteur ne peHt utilis el' quI à l' hltérieur de la comm.nnauté
villageoise dans laq'.lelle il v.;.t et clans les co>.nmunautés avoisi-
nantes.
Les patoisants sont obligés de savoir une seconde lan-
gue,
un,e langue nationale,
une koinê dont ils EJe servent pOUT
cornmuniquer avec d2S locuteurs originaires d'autres régions
(2)".
Alsacien et Français sont donc d'abord "de'Luc langues ll
puis la premiè:!'e devient "un dialecte" et ceux qui la parlent
(1) ~_J'LOOMFISLD, Le langage, p.
52,53,54,294,298
(2) lv:tar';;he PHILIPP,
L2. prononciation du français en Alsace,
in La lingu).f.Jtique,
196'!,
1,
p.
63
- 60 -
des "patoisants '!. Cette caricature est bien entendu le produit
des confusions et des ~:pproximations prfalables que nous c:wons
soulignées.
On trouve cependant dans des textes plus récents ':'fl'?
relativisation et un emploi plus prudent de ces termes : TCDOROV
et DUCROT notent par exemple : "Le plus souvent,
la langue
officielle est simplement un parler régional qui e été ét.endu
autoritairenîent à l'e:1senlble d'une nationll (1).
L'apparition de
la notion d 1 auto:dté est ici à souligner,
car elle deT.L1.eül'e encore
rare.
Dans un ouvrage encore plus récent,
on peut lire :
ilLe dialecte est la forme d'une langue qui a son système lexi-
cal,
syntaxique et phonologique propre Clci·eat '..ltilisé d~nG un
environnement plus restreint que la langue elle-rnême"(Z) ce
qui ni efJt jamais que l:'l. reprise de la définition de MEILLET,
et plus loin : IIll:8:mployé cour;'l.n1.!nent pour dialecte régional par
opposition à f!langues 1!,
le dialecte est un sYf~ème de signes et
de règles corno~.natoires de même origine qu'un autre système
considéré comm.e la langue,
r.L1.ais n'ayant pas acquis le statut
culturel et social de cette lê...:ë-igue indépendamment de laquelle
il SI est développ·& (3).
S'imposent alo:i."s à nous deux évidences : du strict
point de vue de la structure interne,
il n'y a selon cette dén-
I
C) Dictionnai~e encyclopéd.:lque des Sciences du langage,
Le Seuil,
1972,
p.
80
(2) Dict~onnaire de linguistique,
L:3.rousse,
1973
(3) op.
ch.
- 61 -
nitio~aucune diff~rence entre une J3.ngue et un dialecte (tc'UG
deux ont un "système lexical,
syntaxique et phonétique propre")
la dïff.§rence rés{de d2.ns 'Lm Iistatut <,.cquis".
Mais la nature de;
ce E:t.3.t'.lt et le processus de son ~cq'L1is:tion ne sont pa.a éclairé:::!
par TODOROV et DUCRüT.
Tout se passe cornm8 si les a'L>
teurs ::"'essentaient la nécessité de dC':J.ner une définLion non
linguistique de l' opposit5.0i.'l entre lan~u<.; et èié'.lecte,
mais qu'il.3
ne se donnaient pas les moyens d 1 ê.l1er jusqu'au bout de cette
tendance.
En effet,
au nom de quels critères décider du f1 S t:2.-
tut culturel et social" de chal"l'n. des parlerr; pO'.lr les clrJ.s ser
ensuite en l:;mgues et en dialectes ?
Cette question,
TODOROV
et DUCROT ne se la posent pas,
leur préoc-:up:>.tion nI est PCiS
de classer,
mais d' entérine~.' une classiHc<'ltion antéri el1.1' e,
Cl est-
?-dire Fn état de fait.
Partant de cet état de f?it et baptisRnt
Ses constii:uan.ts,
ilr; ne font ~ue conforter les rapport:: de force
exis~an~s entre langue ct dialecte.
Une exce:;,ti.on à notre Con··
né\\issancE: cependant dans ce d'''bat où la tendance principale ,~st
à 13. pé~:}raticn ÔU l'dia.lecte!: qui sere.it de nature :nférieure;
:c. SOURerEZ, dn.ns son ;IT'l"écis de phonéti'1.ue française" tente
une approche plus historique,
lorsqu'il écrit: "CI eGt ce diël·3cte
d'île de France,
sous la forrtle spéciale où on le parlait à
Paris qui,
pou:: des motifs politiques,
a fini pa.r Gupplanter
les autres comme langue littéraire.
Dès la fin du XIIèrne si;,:
cle, il affirma~t sa prééminence,
et se répandëüt dEo plus en
plus en raison directe des progrès de la royauté et de la
centralisation administrative qui en fut 1". conséquence.
Toute-
fois Cl est seulenlent à partir du XVème siècle que les autres
dialectes (y compris ceux de la langue dloc,
ë'.U
midi) furent
définitivement réduits ~'>. l'état de patois" (I).
En dehors de
(J) E.
BOURCIE:;'::,
Fréd.:; de phonétique française,
Paris,
3e éd.
p.
~~V.
- 62 -
cette exception,
la tenè.ance des linguistes nI est pas à la lecture
historique des raFPorts entrs les langues,
mais plutôt au gom-
mage de l'histoire et au durcisser.tlent des positions acquises.
La description comme sa théorisation figent des rapports de
force existants en rappc>l.'t de nature,
le hasard historique de··
vient nécessité,
- 63 -
C HA PI'!'.RE ::'ROISI EME
ET SES FONCTIONS
La plupart des linguistes africanistes qu~., au début
de la colonisation,
ont ten'~6 d'étudier les langues des peuples
colonisés,
nI ont pu dans la plus grande partie des cas se défaire
de la vision idéologique des situations linguistiques que nous
avons tenté de cerner tout au long des chapitres précédents.
Ainsi,
lorsque Maurice DELA FOSSE étudie les lan-
gues de l'ancien Soudan,
il exporte l'opposition entre "langue"
et "dialecte" et l'acclimate de la façon la plus simple qui soit
tout est dialecte,
rien n'est langue,
du moins rien n'est langue
aujourd'hu.i. en Afriq"J.e Noire.
Traitant par exemple du Ba~bara,
du Malinké et du Dioula,
il les présente comme trois dialectes
d'une langue,
le Mand.:6,
dont ils seraient issus (;),
ce qui
est
sans doute historiquement juste (2).
IV[ais pourquoi n1accorder le
nom. de langne qu'au Mandé,
disparu depuis bien longtemps ?
Pourquoi ne pas conoidérer le rapport en tre !vIandé d'une part,
et Bambara,
Malinké et Dioula d'aut:t'e part,
de la même façon
que la rapport entre le Latin d'Œ'le part et le Français,
l'Italien
ct l'Espagnol d'autre part ?
C'est qu'ici interfèrent chez lui
deux conceptions du
(1) M~ DELl-\\FOSS~ La langue lV~andingue et ses dialectes,
tome l,
p.
10
(2) ~--9Ary'IARA., Les gens de la parole,
thèse de 3ème cycle,
BORDEA.UX,
1969
- 64 -
"dialecte" : d'une part,
la ç:o~s-epti0n dia~}ll.·oni~, relativement
scientifique,
qui permet à l'évidence de classer le Bambara,
le Mmi:J.:ké od le 0:'011...':.3. comme des è3,a~~~ctes du Mandé, tout
comme elle permet de cl<l,Goer If.) FrQ,nçais C0:mme un dialecte
du Latin et d'autre part,
la conception péjorative,
raciste,
co-
lonialiste qui interdii: de consid~rer le Français et le Bamba'.ra
comme des moyens de communication semblables.
D'ailleurs,
le Français est écrit et le Bambara ne l'est pas,
le Fr?nçais
est la langue d'un peuple à longue tradition culturelie,
ce que
le Bambara ne serait pas ; enfin et peut-être surtout,
le Fran-
çais est la langue du coE'nisatGur blanc,
le Bambara,
celle
du coionisé noir.
E~ Ce rdus de l'égalité ent,re le Blanc et Je
Noir,
entre le colonisateur et le colonisé,
trou-lI'e tou';; n.a.turd-
lcment au plan de la description linguistique 50:1. expresBion
dans le cGuple 11iangue" /"dialecf:~. li. Sans doute serait-il plus
juste de dire que l'utilisation de ce coupJ.e dia~.ectè/langue cons-
·~::.tue à la iois une ace e:p<';2.~ion et un ren~;)rCerflent de cette dis-
cr::m~_na'~~c!.'., main :.a diff~::'.'"Gnc c nI t::ot que de nU3.;l;;e, C2.r l'on
voit ici,
la CO~:Tlp:'0missi ')n con8~':::~l.lt:ive que signalait 1'l~L. HOUIS
entre une science nU~n;:.ine (l.a Enguis·~i-.1ue) et J.e[; nécessités so-
clales de la ~cclété da:ùs t.a,uelle elle se dévE:::';)ppe (le, capitalis-
me à Gon stade hapé~i~liste).
A cc point de notre réùe.id'.:m,
t01.1t l(~ p::wblème est
donc de savoir si -].,"2. linguistique a. une fonction soc:i.ale ou une
fonction cognitive.
L'idéologie a
en effet avant tou~ une fonction
sociale,
elle est 12. pour ':la défense ll d'une class.:: (la clas13c
au pouvoir,
pon:::- l'idéolc:S;.e (~.ominante) ou d'un groupe,
h7"dis
que la science pure (si tant est qu' elle puiase exister) aurait
avant toutJune fonction de connaissance.
lIhis la linguistique
est,
par rapport à cette dichotomie,
dans une position fausse
- 65 -
sa fonct~.on sociale l' em.porte souve:~t sur sa fonction cogn;,t5..v.::::.
Da.ns son ouv!'age déjà dté,
M.
DELAFC'SSE aura
égaleme!~t à coeur de démont~er que la l~n.r:ue Mandingue cet
essentiellement compo~ée de mono3yllab~!1 (les disyllabes,
dit-
il,
"ne peuvent être considéréec comme des ra.cineo pures")
Rang doute afin dl e::l :f'1.ire sans conteste une lc:.:::tgue isolante.
Il
ne s'agit Fa.s ici,
bien eatench..:,
de calcul,
C3.r DELA FOSSE
croyait sincèrement à l'aspect monosyllabique du :Mandinglle.
Le problème est donc de savoir pourquoi il y cr::->yait si forte-
ment au point de dissoudre souvent les faits (1) pour 1 es faire
concorder l3..vec E~ théorie ? Tout indique que Cl est de toute
l'idéoJ,0gie des lang"'les Dimple3 q~lli1 est victime.
D;;I.1:.6
la iign.éf3 de cez théories ethnocentr istes du
siècle pré-::édent,
071.
asdsteré'l. e.ux environs de l' année ~i 933,
à
la pu.blication t'1.~ l'ct.'.v:rage pse-:"K1·;)-scientif:i.~ue dl.l\\.
DAVESNE
qu.i cherche à démontrer ",?ue les la.nguec des colonisés sont
des l':ol:t.s-la.ngues,
incêcpa.b).cs de r~pond:::'e en rien cm défi des
ten'lps r.Q.odern~s. des sciences,
-Je la ~ultu.:..·e (l,' 0Ù la nécess~lté
d l
cl
t
] "
. , "
..."l--.....
pour cme
a. op ·er
.a .'.r..ng'.'.e c.u CO.l.onlSëli·t'(,-.~T.
Partant de ce point de vue,
Désiré TEEBA ULT cher_
che à montrer etue l' élhnin~.non des ID.ngues ind'gènes est un
fait d'évidence,
inéluctable,
et. de :plus souhaité par ~.e3 coloni-
G;~S e~mêmes. A propos C:'3 l'Algérie colC'!liale, il écrit :
(1) M.
HOUIS sigIlô.le "qu'ajO'ù::d'hui,
cn 3ait que du point de
vue de la. lànguc manding1.h:' actueUe,
les disyllabes en tan'i:
que M~~?mes sont statistiquen1ent pJ.UG nombr.;ux "Phrases
Bambara,
Les types dl énoncés.
Afrique et Langage,
série Pédagcgique,
n°
l,
Lyon 19~1l
- 66 -
"La fr"l.nciSRtiOil de l'Alg~::.·:.e! cléjà si avancé~ en Kar..:i.lie et
dans les régions du T@.l,
apparaît donc comme J.e fait l:inguis-
tiqne le plus ;.:nportant ponr l'avenb: de ~e pays. Il corres?ond
a~ besoins véritablec des pop1.\\1.ati(f~ür;) ::i!'oll toujour.s B'.lr le
p).an oentimental,
lnais ç 2rtainerrlent sur le plan de leurs aSDi-
l"ationa au mieux-êtl' ~ d2.::lc une. ~od.ét.é rr..od,e:::-ne où leur place
est e::l pr~paration"
(1).
TEE3A ULT,
pal' son paternalisme évi-
dent oppose habilement les "sentiments" et "les aspirations au
mieuX-être des Algériens".
Pour lui les populations algériennes
veulent encore,
par on ne sait qUel attachement médiéval,
par-
1er leur li:mguG:
mais celle-ci,
à laquelle ne les lient qne les
sentÏ!:::,en:';s J est i::réméà.iablement condamnée,
12. seule possibi-
lité d'btroduction à la modernité résidant pour elles dans la.
langue fra-::lçdse.
Le deveil;ir de ).'Algérie a,
en un peu plus de
10 ans,
ça:.::lque peu démcnd lOG propos de llauteu:,.
En fait,
THEBAULT il') se soucbit pG.;:} de dé:crire une ::;~.tuationl et d'en
tirer des eaoeig:ne~::lents, U défendait une position polit~que,
;:"OC~~ti0!l q'J7. Ee traduis~it au plan géné~:al par la n.otion id'pssi-
mila.'i:ion.
WUHê\\:.:;u MARCAIS,
par ailleuTa connu comme arabi-
")
sart hcnm:able,
nous présente également un por:rait cynique
des sibations de cO::lflits de lé':-Jgu.es e!l Afriqu.e du No:!."d
"Il est imprz,tique,
il ni est par: T::•.i50nnable,
et,
en fait,
il
(1) D.
THEBAULT,
"Langu~ arabe '?:~ parlers maghTébins l '
in Cahie:>:'3 nord-:;d'ricains n° 74,
AoUt-Septembre 1959
- S'l -
est rare que deux idinmeB de civ:Ui~ation coexisten.t très J.c'_-:g-
tempa dans un mêrne pays.
Quand les concurrentD jouisElent
d'un égal prestige,
exprim.ent Ilensiblement les mêlnes choses,
et leB disent a1.:ssi bieD. l'un que J'~.utTe .:1.es raiE:ons de senti-
ment aidant,
ce gr-tspillë,.ge de for-:c pe'_1t se p~olonger. lvîa.is
quand l'une des b.ngues erii; cello, ,des dirigeants,
qu'elle OU-Ire
l'accès d.'une grande ci.,,-i1iGati0n moderne,
qu'elle est claire,
que l'expressior. écrite et l'expression parlée de la pensée s'y
rapprochent au m~ximurn ; que l'autre est lé.'. langue des dir:~-
gés,
quI elle exprime dans ses meilleurs écrits \\L"1 idéal méc.ié-
val,
qu'ene 81:'t arnbigüe,
qu'elle revêt quand on l'écrit un au-
tre aspect que quand en la
parle,
la partie est vraiment inéga-
le : la pre:r.::liè:,:,e dcit fatalemel.'.! fa:i.:re reculer la seconde.
Com-
mp. idiome de la conversation,
celle-ci peut t.outefois Se main-
tenir.
Md~ là. 0\\.1 deu:.~ peuples parlant deux lan~7Ues vivent côte
à côte,
se mêlent étt'05.teraen!,
si l'un conçait,
ordonne et dis-
tribue les salaireB el.: que l'a.l.:tre exécute,
obéit et vit de ces
salai:r:"ee,
il f"".'-~.t 3'attendr", A ce qu'à la longue les dirigéR, les
salé'.:'·~.és trOl..went plus d'ir-té:rêt c';: soient plus porté~ à acquédr
quelque usage de la Ia.ng\\\\c des directeurs,
ues salariants,
que
cewr-ci à ô.:?p7~e!J.dre le pa}~le:L de leurs ~ubordon'1és, de leurs
emploY3s ••• ".
Puis,
il conclut: "telle pa.râît bien être,
les
faits le prouvent,
l'opinion d'un très ~rê.nd nombre è1.e musul-
mans maghrebbo (1).
On peut ..·emarquer dans cette description de W. WlAR -
~AIS une argUi.T1Cl1.tatiO:i.1 dichotom.iç~le (raisonnz.b::'e-déraisGnnable,
(1) w.
:t\\jjA"~\\3V~;l:S, La lang'.le arabe dans l'Afrique du Nord,
in Revue Pédagogique. Alger,
1931
- 63 -
pratique-impratique,
c1.air .. ambigu) qui tourne à vide,
faisant
C'.bstractlon de toutes cc.,nuitiol!.S concrètes,
de toute référence
à des faits dl expérience c?.r qu'est-ce que dans l'abstrait, la
raison,
la pratique ?
En Decond Heu,
le :;"acisme et le mépris
sont au centre de toute la pensée de l'auteur.
En qnoi peut-CT.L
en effet di::... e qu'une langue est claire ? Qu'une autre est ambi-
güe ? Qu'est-ce qu'un idéal médié-.ra.l ? Qu',-'ne grande civilisa-
tion ? Tous ces jugements de valeur ne reposent en définitive
que sur la péjoration de la langue des autres.
Et le plue parC'.-
doxal est ici que la naïveté de 1,-5ARCAIS le mène à pos er au
plan du dénoté Cl est-à-dire de l' e~Tlicite, ce que de plus fins
relèguent dans les sou3-sols de la connotati.on : il y a,
comme
il dit,
la langue des dirige:.c;.:'.'li;s,
celle des dirigés.
et ce statut
détermine tous les jugements de vo.leur relev~s par hû.
CI est
le pouvoir qui aOffile le dl'Oit de supprimer la langue de ceux
our qui il s' exerc e.
IA THE5E J.)1.C;MBREDANE
- " - - ' - - -"-'---"'----'._..--_._-- -.. ---
Considéran-~ la tendanc e chez lea colons du Cong:)
Belge à "imputer les manifest<".tions comporte~nentales des
Noirs à une nê'.ture ensentielle de leur personne sans tenir
compte des multiples facteurs de dtuation dont elles dépen-
dent et dont la variation est à m'èrrle d'entraî!'ler une transfo:i.·-·
mation corrélati..--e du comportement:!. A.
O:rv1BREDANE veut
appor'i:er des sol'U'::.i_o~.r:.· nouvelle::: au d8bë?t pr;ychologique de
- 69 -
1'époque : celu;. du prétendu "arrêt de l'intelligence du Noir à
la. puberté".
Les cal.'.s~s j".lsque là invoquées à l'arrêt de l'intelli-
gence du Noil" à la puber~é éta5.e>;.t en premier lieu, le "mê.nc.ue
de tutelle des Noira après la puberté et en second lieu,
leU!~G
"pr~occupations sexuelles et les excè s qui e'."1"découlent". Pre~
nant le contre-pied de telles ël..:L'gtllroetrtâi.oE:': qu'il qualifie de
subjectives, A.
OMBREDANE pense que "lea attitudes et les
capacités des Noirs ne peuvent être définies,
qu'en fonction
d'un ensemble de conditions physiques,
socio-économ:i.ques,
poli-
tiques,
ctllturel~2Jet techniques qu:i. constituent ce qu'il appelle
"les demandes" et les "contra:ntes" du milieu comporteme:1tal
où le Noir s'est informé d"me part et celles du m.Hieu comp'.::>r-
terr~ental où il est appelé à vivre d'autre part".
Mai s pour lui
1
1
"da.ns les condi'dons actu."3Ues d'affrontement des demandes et
contraintes du milieu comportemental nob: coutumier et celles
du milieu cbrrlportcnlental blanc,
la tension se résoud inélucta-
blement d2.ns le sens d'une accorn.odat~.on. plus ou moins brutale
et grinça.nte du systè::nc no~ r ê.U s'is~)~m.e blant~". Donc,
pour
OMBREDANE,
1er;: questions que le psychologue doit se poser
quand il étudie la p:::\\ychologb der::: Noirs doivent être les sui-
vantes : Qu'at~end-on des Noirs que je v2..is étudiel'" ? Que veut-
on faire d'eux ?
Leur salut ?
Leur bonheur ?
Leur utilisation
r~'.1 profit des blancs ? Et de quel ordre de blancs ? Leur ..
assimilation progressive à la -::ollectivité colonisatrice ou plus
pratiquement leur évc'.1ut:i.on dans lOB limites 'lui leur so~t pro-
pres et où ils peuvent devenir d8S collabo:r.·:'\\teurs des Blancs
dans l'oeuvre de :;:n:i.:::e en va.le'.1.:r de leu.r p2.ys ?
<n. Dans
(1) A.
Ol\\t1BREDANE,
Principes pour une étude psychologique
des Noirs au Congo Belge, Année Psychologique,
1951,
n° 50,
p.
525
- 70 -
une perspective "d'ê.3similati0I?- progressive" du Noir à la col-
lectivité colonisz.t:dce,
Ol\\IBREDANE propose une "éducation
appropriée " car, dit-il,
"l~. où une éducation appropriée a
été ;.ntroduite/le mal (entende? '~ltarrêt de llintellir;euce du t'Joir
~ la pubertéll ) a é~é atténué, clone::. :,'ien ni est irrémédiablement
lié à la nature même de l':i.lY~elligence du Noir r.lais bien à
desr.::CB.uses sociales ll •
Cette lIéducation appropriée" devra non
seulement viser selon OMBREDANE à lIintéresser les noirs
lettrés au travail manuel et à ê.ugmenter le rendement a.u tra-
va.i1 l1 mais encore, à réf:oud:T:'e la question de l;instr1.lment lin-
guistique à uf:ili3er pour l'éducation et 11 enseignement des Noi:r~.;.
En génél<al) dans tont l(~ Congo Belge, 1<>. majeure
partie de l' enseig~ement se faisait en une des Jangues locales
dites véhicu13.ircB C-;; le FraJ:l~.<è~.s pratiquement réservé à une
élite,
était enseigné à la manière d'une langue étra.ngère,
à ll..'"l
stade tardif de 11. scolari.té.
011.ZBREDANE aiIirme "qu'un en-
seignement plus large et plus fJ:L'écot.::e du Français pe·~mettrai.t
d'atténuer 1I1Ia:t':t:"ê~: de l'bte):l.ige:J.ce du Noir à la puberté " et
aurait aus3Î un i:J.té-::-êt au :regard de son Ilrendernent diil..ns le
t:;:avail".
li appuie ceJ.;te t!lèüe d'une part SU:;7 l'e=r.périence tentée
?_ Il école prof€83io!1..J.elle
de 11 Un:1.on l·/Iinière du Ha.ut-Katanga
où tout l'enseigneme:!l: sc faisait en Français) et d'autre part
,
sur des consièérat~.o!ls linguistiques
l er argUI11en.t
Il Y <l,
dit-il,
"80 mots en Swahili (la langue véhicu-
laire 12.. plus éV9hlée du pays) pour désigner 80 espèces d'an-
tilopes et aucun mot nI existe pour désigner 11 antilope en géné-
ral ; il n'y a pas de terme pour nornrne-r le tdangle,
paa de
- 71 -
terme pour exprimer la notion de surface équivalente sinon
le terme de Sawa-Sawa qui correspond au Kif-Kif des Arabes~l
(I).
Citant les travaw: de NORTHCOTT (2),
OMBREDANE
signale aus si : "La difficulté qu'éprouvent les Afric'...:i.ns du
Kénya,
paY:J de l:a.n15ue Swahili/pour e:x-primer des notions tel-·
les que sept-trente-dewcième.
Le mot indien Sootar e!3t utilisé
pour un huitième 6t la fraction sept-trente-deu:;dème est expri-
mée par un Sootar,
un demi-sootar et un petit peu".
Pour
OMBREDANE,
toutes ces données
font du Swahili une la:ngue
pauvre et primit5.ve incapable de lever le défi des temps moder-
nes.
2ème argument
L2. pauvreté du SwahEi p0se à son tour le p"-,oblème
de la performance technique des Noirs dans cette langue.
Pour
û1v1BREDANE "sans les concep~s;;::t les m()ts.d'~_'.ne langue ana-
lytique (entendez le Français) J il est difficile de faire entrer
C:~_\\ns la tête du Noir, l'ùsagc approprié d'instruments tels que
comp;;.3,
rilicromètres,
vern:).·ers ou d'expliquer l'objet et la
fonct:i.on d'une méca::1.içue compliquée".
On peut,
poursuit OMBRE-
DANE ,
"farcir ces langues {a.fricainec) de mots et de tournures
empruntées mais l'opération prendrait ÜDe~t@JJe envergure}qu'il
devient évidenunent plus simple de donner à ces gen.~ l' em.ploi
courant du Français et de le faire le plus précocément possi-
ble" (3).
Cette "langue Ji'.nalytique" est d'autant plus nécessaire}
( 1'
.. ) OM,dREDANE, op. dt. p. 54"'::
(2) NORTHCOTT C. H., African labour effeciency Burney.
1949
(3) 01:vIBREDANE, op.
dt.
p.
54:1
<72 -
que le Swahili est une "langue pauvre".
Mais OMBREDANE
pense que si des "con.cepts et des mots" manquent dans le
Swahili, c'est que cette langue a des limites.
Elle connaît de3
IlsenEs difficiles à !:t:anchir : l'irnprovisatbn con.forrne à u.."'l rap-
port analogique,
le niveau de la règle de trois.
de la pe1.'ccp-
tion du r~pport et de l'e;.bstractionl' •
Ces limites de la langue
SW2.hi1.i ne 30nt en fait,
selon OMBREDANE.
que le reflet d€:3
limites que connaît le développement intellectuel des Noirs.
Les l:imites que la langue Swahili et le développement
de ce peuple connaissent,
ne sont pas cependant définitives.
Selon Ol\\tlBREDANE) "un enseignement plus .}·arge et plus pré-
COce du Franç,üs au Congo permettrait d'atténuer ce mal,
dB
faire f:t"anchir sans difficulté le stade de l'abstracti('n et des
'l·ème argument
Les Européens q'o.:i. se ri.squent à l'usage des la.ngues
locales"n'arrivent qu'à produire un "jargon incompréhensible
et agrzunJ.-natique" et ce jargon finit par avoir des répercus-
sion::; sur les NC'i:.Ls qui l'adaptent au :':'isque de perd!"e Ilusage
co:... rect de leur langue ; il apparaît.
dit OMBREDANE,
que
"la plupart des Européens qui s'adressent aux Noirs en langue
indigè::1e le fon: en un jargon émaillé de contresens.
Le Ki-
kongo que j'ai entendu parler conununément par les blancs dç
la région du Kwan.go est un jargon agrammatique.
un vrai
" pet;;t:nègre",
auquel les Noirs s'habituent.lau risque de per-
- 73 -
dre eux-mêmes l'usage correct de leur langue.
Des faits du
genre de celui-ci sont courants : une dame dit chaque matin
à 80n boy en SwàhiH : l'Fanya mtobo l1 ,
ce qui veut dire: "Fa;.p
vite l."'.ll enf3.nt",
et le boy allume le f8U parce qu:u. sait que
1<1. clarae veut dire : l1fan7ê. (et r,ueux konga) moto mbio,
fais
(et mie~.l::r. allum.e) vite le feu l1 •
5ème a::~ent
Llapprentis~3.ge du Français est d'autant plus néces-
saire aux yeux d'OMBREDANE que la multiplicité des lanGues
du Congo pOGe le problème de l'intercompréhensio7.J. entre les
différents groupes ethniques de ce pays.
Il d:...Jn.ne 11 e::::er.c..ple du
Swahili qu~. serait une langue étT.angère pour les T shHuba.
l1Dans certaines régions comn1.e cene du I\\;!anono,
domaine des
e,~loitaticns de l' étainl1 , dît-il,
11~.a langue véhiculair,~ employée
n'est pê.3 celle que parlent Les Noirs.
On en vient donc à voir
les Blancs utiliser le SwalùH.,
qu'ila connaissent mal,
avec des
Noirs dont la langue est le Tsh:iluba et qui doivent apprendre
le Svro.hili corn:me nI importe quelle autre langue étrangère.
L'u:cidence de tels facteurs sur 13S capacités d'ap-
:::Jrentissage des Noirs est évidentel1 (1).
La thèse dIA.
OMBREDANE dans sa form.ulation,
s'inspire directement de TAYLOR ( l1 La civilisation primitive")
et surtou-i; de LEVI-BRUHL (l'La n1.entalité pT.imitivel1 et "Lê.
mythologie primitive").
Ce sont les premiers Jqui affirmèrent
(1) OMBREDANE,
op.
cit.
p.
5'!:5
- 74 -
que les langues des "primitifs" sont der;; "1angu.es pauvres ll et
q1~e ceci éta:'.t lié à un état de développement de lç:""..:,:,, pensée
-lui était encore s:i.mple et confut'le.
Cependant,
ces mêmes
:::l.u.teu?'sJ ne p0uvant oublier que ces primitib av~ie.·,.t d.Jfl IIh.~(),_
g'l.es :;"ichef," pou:,,' exprimer leu? rnilieu n.at-,-~.':'el SI e).npresBè:;~~~".1t
d'2.ffirme!:' que cette
t.erminologie eot si riche que J'2lS primi-
tifs ne pour:r.ont pas faire de synthèse.
Aussi,
Lcprès avoir in-
sisté sur les "te~dances peu conceptuelles"
de l'espdt primi-
tif,
LEVI-BRUHL écdt : lIil (le primi tif) fo:rme sans dcute des
concepts : comment s'en paoserait-il tout à fa:it ?
1v1:>.5.s ces
conceptl::,
:n.1.oms n02l'lbreu;;: que les nôtres,
ne 30nt pa.s 9:r .'3téma-
tisés cornn1.e e'L~~. Par suite,
leur lang?:ge ne f-.::~mct pas de
passer sans peine dlun concept donné à d'aut~es de généra.lité
moind:;:oe qu.i y sont compris,
0'1 de généralité
m:tpérie':'.re qui
~.es;::compre:nne. Ces primitifs n,? di~osent donc pas de ).ladmira.-
ble mat~riel logique et lingui=dql~.,~ qu~. rp:nd ais:Ses e-:: rapides
pour no':o un gra::ld nombre cropérations rnentales" (J.).
Citant les t~ava1.lX d' ethnolog~'2 néoc<1.1édonie!)ne,
LEVI-BRUHL rapporte cette re:::::-arque de M.
LEENHARDT
"1' inteUigenc·e è-u Ca.naque n'a gu~re claEsé les données de l'ex-
périence sensible; elle nia pas consti.tué des générali8~.tions ;
h.rbre,
animal,
mer,
morsure n'exiatent pas selon le concept
que nous en avons") (2.).
Se référant à 11 étude de M.
OLBRECHTS -:::hez les
Che:rokee,
il écrit : êet "ail-teur "avait remarqué chez les en-
f~.nts de cette grande tribu du S'.ld-Est de llAmérïq'L'.8 du Nord,
(1) LEVI-BRUHL,
La mythologie primitive,
PUF,
1963,
p. XI et Xli
(2.) l'vt
LEENHARDT,
Notes d'eth...,ologie néo-calédonienne,
tra-
vaux et mémoires de l'Institut d'Ethnologie,
VIII,
cité par
LEVI-BRUHL à la p.
XII
- 75 -
u:u.e e:r.:tl'ême vivacité d'btelEgence,
et:chez cer.~ ~nedecine-n"len.
Cl est-a-di7.."e
ce qu10n peu'~ appeler 8011. élUe ~11.i;e.i.iec.::cuel1e, UTt
3uvoir ét.endu et :dclle.
l\\h.is h. méda.ille a
:Jon J~evers : "èou.trjS
cec cûnnaissancec :;:.ont loin dl ê"i::è"e cor1ifiéeD.
Jerne 81.:ti:::; sou';7;;,n:c
dOlli"1é pour tâche d'e~sayer de t-~,oouver jur~qu:à 'i'.le3. poin'~ ce S~·
'loi:\\.- était systélnatisé,
O".l,
comme neus disons,
:':a"Cic:n:nellcrnent
organisé.
C€tté
enquête a toujours abouti à. deD ?:ésu!.tat[;i ';;:rès
défa·...orableG,
quoiq'.le intéressants.
"Un m&decLw-m:'\\n com:r~;'e og., 11n:ï.verroelleme2:r rec)n-
nu pour ê~::t:"e celui qui "savaii: le plus 1l q~lê:!_l1d ~n lui -lem.anda de
1
faire la lis';;e de toutes les èH!érentes maladies qu'i:'. connaisoait,
en lui donn~.nt cïnq jours pour y réflécrllr,
fu"
incapable dl en
t!"ouver plus de trente-huit plus ou moins {~if:::é:;:ent,~s.
"\\ln a.utre,
à qui 11 0::1 delnandait dl émlT..::.érc::.·,
sans pré-
paratio~, celles qu'il cO:li"laissait, ne put pas dépasse:i: la douzD.~,
ne,
en dépit du fait que tous deu>'. devaielJ.i: c.=rt:linement en con-
nê.ttre plus de cent,
puisqu' w~:e corapilation f8.ite par moi orUe-
r.o.ent .••
révèb.. que deux ce:1.t '~rent~ ma:t~die3 environ leur
étaient ccnnues.
"Les :cnêrnes rem~.:':que3 valent pou.."': le\\.'.~~e connaiss8.r~
ces en botanique,
et s'ë.ppliq".le...... aient é:.--"'l.ssi à leur cavo:....' cn re-
Egion et en mythclogie.
"Poursuivant une expérience semblab~.e avec un autre
medecine-man,
conce:;"'nant cette fois la religion,
la vie future,
les esprits qu'il invoquaiî: dans ses fo:-m'J.1es,
je ne p~rvins pas,
par cette méthode,
2. lui faire dire cinq pour cent de ce qu':H
savait ou::." c~s sujeta. A la fin,
par des questions détournées,
je th'ai de lui tout ce q\\.,Ii:t c':>':lnaicsait -et la~r.::.2.sce en (~tait
considérable.
Malgré la .ao:mme im.portan·~e de leur érudition,
et la
- 76 -
supériorité,
dans certains cas,
de leur intelligence,
ces vieu.:;{
m.essieurs !!e 8elnblent guère plus méthodiqueG ;sy.e leurs COT::l-
patriotes laïques
En faH,
deu nombreu::,: medecine-m.en que
j'éd COl1J.ïUS,
QG"
était le seul,
dont on pu~sse di:::e qu'il eût
une ce:::'·~3.ii1.e pe:r:Jpective de s:):ù savoir et qu'il ne fat pas ir~'
rémédiablement incapable de lier enÜ:'e eux deu..::: éléments p,:ù-
venant cIe deux b:A:'ancl1.es différel:te3 de non c2ruditim.!l.
Selon LEVI-BRUi-IL,
le même auteul' a
encore re-
marqué que "lea Cheroke.<:> possèdent des :en.ots po'ar rendre
deccconcepts tels que l'he:;:-be ll en général,
ou sc rapportant à.
certaines famille::'1 défini€:s
de plantes (!:famillcs l' entendues
ici du polnt de vue Cherokee)
par exemple,
"celles qui pous-
sent dans la mon~>~gnell, llcel1es qui sont toujours vertes",
" cell es qui poussent près du fleuve",
etc . . . ,
ma.is qu'ila f-:mt
rarement ucage,
et d'ordinaire ils emploient les noms partic'u-
liers de chaque espèce de pl~,ntes".
Et LEVI-BRUHL de conclure en ceG termes : liCes
quelques observations jettent un peu de lumière sur les procé-
dés h.abituele c.le cette pensée beaucoup moinfJ conceptuelle que
la nôtre.
k':l. aoml:.1.e du savoIr,
ou,
selon 11 expre8sion t:rès
juste de üLBRECHTS,
de l'érudition,
peut s'y élever assez
haut.
MaiG,
faute d'être digérée,
elle reste à il ém';~
inorgani-
que,
et,
pour ainsi dire,
en vrac. L'intelligence ne répartit pas
ce qu'elle acquiert ciano d·ê;s cadres logiquement ordonnés.
Par
sui~e, elle n' €:n 'dispose par; librement. A chaque nouvelle occa-
sion,
elle se réxêre à ce qu'elle a appris en d'autres circons-
t~nces pa:i:'ticulières ; lec rapports
tant soit peu généraux en-
tre des cas plus ou moins (;ifférents h.1i échappent.
Les con-
naissances ne se hié:!."archioent pZ.3 en concepts subordormés
les uns aux autres.
Elles dem.eurent simplement juxtaposées,
- 77 -
snns o:t:'dre.
Elles formen't une sorte r:l'al~':I.~,~ ou je tao. A son
t0\\.?r,
c0tl:e r,ccum.ub.tion C:e données,
iso1.éec q'~0L.:tue voisines,
ne fav::nise pas la. fon.nation de concepts.
Llhabj.t'~de s'enracine
dm-:-.c rle lep 'Lï.tilise:;: telles quelles.
P;:,:.? sui'i'.e,
qUt-"Ues qy.e soient
la vigueur et la vi',a.c~~é r..a~:.lv{:s de leur esprit, le progrès !.ogi-
que de lé'. pensée,
chez ces :[l1.dienE,;.
Ge trouven~ vi te ê..Tl-êté,
l'inst::'UInent ind:tspenfJablc faifJant début.
Le champ reste ain3i
d'autant plue libre aux préli2.isonG mystiques.
Les contradictions
ont cl' ".~tant moh:u:; de chê..::'l.::es cl! ê'i;re senties,
déceJées et rej e-
tées.
Si ce3 habitudes mentâlél:s: s 'bbs ervent encore aujourd'hui
chez les Cherol:ee,
qui.
d-3puis ph.'.Gicurs générations,
vivent
en relations constantes avec les Blanca,
ct qui ont l'eçu d'eu'\\(,
avec l'écriture,
bien d:autres acquisitions,
à plus forte raiscn
dominent-elles chez des primitifs tels que les Australiens et
les Papous.
Cependant.
comrne j'ai eu l'occasion de l'expliquer,
des représentations qui n'ont pas pris la forme de concepts ré-
guliers ne sont pas nécescairement dépou:i.·vueG de généralité (1).
Un élément émotionnel comnun peut suppléer en quelque manière
à la généraEcation logique" (2).
REFLEXIO:N SUR LA THE5E n'A.
üMBREDANE
). "/ Pensée et l?tngage
A propos de 1a dépendance lftroite du langage vis-à-
vîs de la pensée abstraite,
a.rgument central de la thèse d'A.
(1) LEVJ:-BRUHL,
Le surnat~1.rel d
la nature dans la mentalité
primitive,
p.
XXXIII,
XXXVI
(2) LEVI-BRU!-!~, La Mythologie primitive,
ed.
PUF,
1963. p.
Xïl :'i. xv
- 7e -
"
OMBREDANE ,~f de. LSVj}- BRUBL, il s"'T'(l.bJ.e Cil.le lê:13 avili:
s"ient !;"2.7'1;i;\\g.s.,:, .. A;:!ls5.,
1·1.
VIHCENT (J) D.otf~ ~:;e "partant (le
la. Cç').s~at:'.tinn du rô;·~ évidént qlle j0'.'.e le langaze d3.ns l' exer-
ses dh:narches les
plu:) abstra.:i.te~, on €~. vieT.'t faci1.ement à conl;::,dérer que tout.,~
activité d'abstrû,ction SI appo.e nécessairement ~'.l~' le lar.gage ou
In.ême en découle.
Le p,;·oblèl.ne serait d'étud~.er l'impo!.°tance
et
les mécanismer: d'acHcn d".l lê.ngage dans l'activité dlabstract~.')n
car bien des fa~,ts vont à l'enc.:ntre de l'~,ypoihè.se d'une dércn-
dance e:::clusb-'G ou seulement trop étroite de la pensée absü'aite
à l'égé\\rG du l?.ng<:>.ge".
En elEet,
la psychologie de 11 enfant nous enseigne qu'il
existe au COurs du développement de 11 enfant,
de CO?".8tanta déca-
lages entre la pe:'lsze et sa réalisation verbale.
LI enf?-.nt fa1:;; preu-
ve de capacitéA opératoires ::,évélées pz..r la so:!.ütion effective de
problèmes qu5. lui sont soumis,
bien qu'il soit incap~.ble de jus-
tiiier verbalen.'iCnt sQ.s déma:t:ches,
ou seuleL'lent de résoudre
les mêmes problème8 sous une forme purem.ent verbale.
Dans le même ordre d'idée,
H.
WALl...ON note dans
"Les origines de la pe:':.'.Gée ete l'enfant" que l'les sources d'in-
formation dont dispose l'enfant,
expérience directe d'une part,
signification et principe d'explication d'odgine oociale d'autre
part,
ne s'ajustent pas d'err..blée ; bien au co~traire, leurs di-
vergences tendent à enfermer la pensée du jeune enfant dane
des contradictions.
Les "~avoirs V':lrbauxl! peuyent faire tempù-
:L'airernent obstacle à l'interprétaHon correcte de l'expérience
(1) M.
VINCENT,
Sur le rôle d1J. lang:3.se à u..-: niveau élémentaire
de pensée abstr::l.ite,
in Enfance,
n° 4,
sept-oct.
1957
,. 7';
-
i'i.\\'c.::1t qu'Us ne p~~:':me;';:ent de la
'.:n:,. contexte de T!0-
t)' ~ l'
.
, A
. l' " 1 '
.'.,1 U
qUI la uepa S:5'~ eï;
eC ;?,.J.r e.
i~::" WA LLûN ne voit
pas da:..1.s i~ rnz..tér:.,d symbolique ou ··.rerbé....~ nn d.::.n:ble pur et fJ~.m
).l.e de l' czpérience directe <:'1.e l'indiv.i.du..
L'ét(){fe 'ierbale de la
pensée débc~:de l' !3xpérience individuelle ?".rce «:J.1\\' elle est le :re-
flet d'U:l2 expérienc e bien pb.1s V7..ste,
élaboJ:ée p"l.r une ch.riE··
sation et par un group<3 s0cia1.
&'8.ura:l.t non plus se
subst::.tuer simplement à. l'expérience C:5.recte.
C'est des inte:r.-
aC'ôons entre les cleux rn.odeo de conn.ûssa.nce....
directe et "'ym-
bolique,
de leur ajustclnent progressif,
que peuven';; naître les
p!'ogrès de la pen~~ée.
Cette hypoth':èse de WALLON rejoint les p8:r.'spectives
d
l
h 1
·
.J..
Il'
e
a P8YC~ 0 OgH~ SOV1C'C:1.que concernant
uaportél.n.ce des inter-
acUons entre
le premier et le c~e')xiè:me système d.e signalisa-
tion 1 en tc..nt que conditions du développement m~nt:l.l. On peut
admett:l:'s donc) Clue les progrès VGrs l'abet.ra.ctiûn se marquent
par un.e p:rédominance croissar...te de l'a.ppareil symbolique, allémt
d.e pc'-Îre avec une libération prùgressive de la uensé8 vis-à-vis
de nombreuses 1:i.mitations de l' e:;:pédenc('; direo:-:te.
Mais J le déye-
lopp8:<nent de la pensée ô.br:ri::l:aite:::omporte bien den niveaux suc-
cassifs suivant lesquels '::eti:e libération ne saura.~Lt être que pro-
gressive.
On est donc loin,
selon cette hypothèse,
de l'idée
c1.'OMBREDANE 1 selon laquelle la pensée abstraite est réductible
ù. ses formes verbales.
Elle comporte tous les niveC).ux auxquels
s'opère ~le dédoublement d'un signifiant et d'uIl Gignifié,
depuh:
1
les io=-mes qui restent encore les plus engag~! dans llaction,
l'imitation,
le simulacre,
le jeu,
etc . c.
Et ces différents ni-
veat:X d'él(;.boration sym'bolique peuvent êh-e d:i.·rersem.ent impH-
qués am: différentes étaper: du développement de la pensée abs-
trG'.ite.
- 80 -
enfin,
a'l;·,:tnt tout lël:J.gr.ge et par con-
~t5cr:l.ent t,:,w~e 1:":11808 c·::;m.C::'l?tucUe e.f' l6"OAchie, ~e développe chez
J.e béb~ 1..1:::.,," :i.nr:dligence I:H~:,'lFlr:~:d-InQtT:i':e en p:':'2.h1ue qui va si
l' e3 8 entiel de J,' ':.'3pac~ el: de l' Ol)j ct.
de la caF:::aU-~é et du tem,ps,
cette inteJJ.igence servant de substructure li l'intelligence cbncep-
tuelle et dont les mécanismes sont indépenda.nts et entièrement
originaux.
Bien sûr,
g:;"'âcs <:i.U langage,
l'enfant devient cé'.p2.ble
d"é\\~bquer des situations nO!l-actuelles et (~.e se Ebé:v:er des f:r:m-
..
tib."eG de l'espace proche et du présent.
Les obJe~s et les
"
evene-
ments ne flont plus seulement at::eints dans leuT immédiateté per-
ceptive,
rnai13 inséré$ dans un cadre conceptuel et rationnel (!ni
enrichit d'autant leur connaissance
mais le langage est-il pour
autant 12.. source <le l'intelligence ?
Un exame:l des ch2.ngements
de l'intelligence qui se produisent au moment de l'acquisitio:'1
du langa.ge enD eigne qy;e le langage n'est pa.G seul r,gponsable
de tels changements.
Il exieJ'è;. en effet, d'autr~s sources que le
langage,
susceptibles d'expliquer cerl:<ünes représentations et
unec::ertaine sc:hélnatir;ation représentative.
A
côté du langage (système de signes = signifiants
"arbit:t"airesll), Il enfant a besoin d'un c..utre système de signifia.nts.
plus individuels et plus "m.o~ivésll : les symboles (j eu symboli-
que ou jeu d'imagination) or le jeu sym.bolique apparaît à peu
près en même temps que le langage.
mais ~.ildépen.damment de
lui et joue un rôle cons:1.dél·able dans la pensée des petits,
à
tit':e de source de représentations individ'l.... elles (à la fois cogr:i-
tives et affectives) et de schématisation représentative égale-
ment individuelle).
En conclusion,
disons que pour PJAGET,
il existe
une pensée opératoire qui diffère de la pensée verbale même
- 31
-
Di cel;te dernière P(~ut FclrtiG~.p~~T.' à lé? mise en place
Nous 2.VOllD vu dè"J notre int::.-oduction que l'emprunt
1
de termes à d'a'üres lr.-:.nr;ues était une né';.:eG~ité : ~'américa-
n3.sation de la langue fran,;:aise teclmique,
en j:..ison de l'extension
en France d'activ5.tés et de rnéthodes :n.éec au:'. U, S.A.
en témoi-
gne.
Or,
1'e2.nprunt e8t j1.1,-;;tement présen-::é cl"".n~l le discours idéo-
~.ogklUe d'ONIBREDANE cor.nme preu're de l:;.n.capacitz des lan-
gues ;:tfricc.jne~ à trac1.uire le monde rnoderne.
:C. aClrme en ef-
tet/qu'cn peut touj0urs l1f~.rcir ces langues de mots et de tour··
:lures c;.np:n..mtées rn.ais l' opéra·i~:1.o::l prendr;;J.t une telle enve:r.gti.re
qu'il devient évidemment pluG simple de do:.mer à ces gens l'em-
ploi courant du Fran-;ais et de le fa.ire le plus précocem.ent pos-
sible" (I).
Nul,
b~.e:'l.e~ffendu, n'a j~.ma:i.s songé à interpréte'::'
lea emprunts ncmoreux de l'Espagnol cu d:l Fr~.nçais à l'Arabe
ou à l'Amérkain comme preuve de l'inf.sriorité des deu..~ langues
romanes,
m&:s q\\,"importe : l'idéOlogie a la. mémoire courte;
on p:;"éfère souliener avec délectat~.on que lé' yoirure,
quintescence
du moderd:<):i.'l"lC 5.ntroduit pa.r l'occident dan2 sel'; colonies,
ne
pe-at pas êti-e nommée dans ces langues de cauvages.
N~ dit·-on
I I I
pas mobili en Dioula ?
L'emprunt n'est plus conS'iciéré comme
1
Je produit d'un rapport de ~_~ngueo/rê?port de force,
il est d P. .•
tourné.
On ne o'inté:;:-esse p::::s à son mode d'n-ppariticn,
aux
raisons de son a.pparition,
puisque celles-ci sont déjà toutes
- 82 -
trouvées et qu'il ne faut que les justifier.
Cela implique bien
stir qu'on ne voit pas de phénomènes contrairE,;·s,. Aussi ne relè-
vera-t-on p~s le fait que le Dioula,
à partir de ses racines
v
... ...
!I.
,
1
propres so (cheval) et n~g..f:. (fer) a construit le mot nê.g'fso (che-
vale de fe~,
c'est-à-dire bicyclette) à la place d'un quelconque
,;
i
1
/
bicicleti qui aurait conforté le discours colonial.
On oublie aussi
que dans le Bambara,
on a édité des livres de calcul,
qu'on a
aussi créé une termb:10lvgie grammaticale m;.nimum
sana em-
prunt au Français (1) : l'idéologie a le regard séJéctif.
L'emprunt nécesri25.'l'e eet donc pris comme preuve de
la débilité des langues dominées.
Il est incontestable, par ailleurs1 que;le .plurilinguisme
africain évoqué par ON~BREDANE ne facilite pas llint~rcompré
hension.
Mais celé1. nI est pas p:!:op::"e à l'Afrique Noire.
Tous
les peuples du monde ont cormu à un moment ou à un autre/ un
J
plurilinguisme objectif c'esLà-dire,
une différenciation linguisti-
que au sein du même peuple.
En Afrique Noire,
il faut cependant
signaler aussi un plurilinguisme sURcité par le colonisateur.
L'impérialisme linguistique françé.'.is, a en effet, favorisé la dia-
lectisaticn en refusant en particulier d'alphabétiser les peuples
africains dans leurs la.ngues.
Le colonisateur a souvent créé de
toutes pièces des situations plurilingues1 par le simple j eu du
découpage géographique.
On sait que les actuelles républiques
africaines ont vu leur territoire délimité y.::.r la France et que
les langues de grande extension comme le Peul,
le Hausa. ou
le Bambara couvrent plusieurs pays mais ne peuvent être la
langue nationale d'aucun,
puisque da::lS chacun des pays elles
(1) M.
HOUIS,
Anthropologie linguistique de 11 Afrique Noire,
p. 46-72
-·:83 -
coexistent avec de nombreuses autres langues.
La situation de
plurilinguisme inextricable qui en résulte.! fait alor's le j eu de la
domination linguistique française même après la décolonisation
/
théorique : la l'francophonie",
fer de lanse du néocolonialisme
aujourd'hui,
a besoin de ces divisions arbitraires pour régner.
Toujours à propos du plurilinguisme afi'icain,
l\\f.i..
HOUIS écrit : "il nI est certes pas question de nier l'évidence
et de cacher la difficulté,
mais c'est une erreur fallacieuse de
ne voir dans la situation du J2.ngage en Afrique Noire qu'un :
inextricable damie:;.' linguistique.
L'objectio::1 rie tient pas devant
trois arguments.
Tout dlë.boY'd/
il existe des communautés lin-
guistiques démographiquement importê.ntes (Hausa,
Swahili,
JVIan-
.
~
~mg,
Wolof,
Peul.
Yoruba,
Lingala,
Moré,
Ibo,
EWt~,
FoL., Songay,
Sanga,
etc .•• ).
Il Y a plus de locuteurs hauoa
que de cito7ens suisses ou hollandais.
Le prestige et l'exten-
sion de ces lCt.ngues se r~~.re:1.t à une histoire plus ou mob.o
ancienne sebn les l:as,
mais toujcurs à une histoire précolo-
niale.
Enl'mite,
il est très fréquent que les Africai..ïs dont
la langue première ;l'est pas Fllô.1.e de ces langues à preGtige,
soient bilingues.
Les grandes langues en queetion appartiennent
à des conlmunautés autour desquelles gravitent des comm~""lautés
de moindre prestige d2.ns un p X'ocessus lent d'assimilation.
Selon que celles ~ci sont plus ou moins dilViisé$.;".du point de
vue dialectal,
quI elles sont plus ou moins en dépendance écono-
mique,
qu'elles ont hérité du passé une plus ou moins gra;lde
stabilité politique,
elles ne font de la langue à prestige qu'un
usage minimal,
ou au contraire un usage plénier qui polarise
une grande" partie des message,;.
Il y a deo degré:; dans le
bilinguisme.
Ai.nGi les g~andes langues acquièrent
une fonction
- 84 -
véhiculaire qùi peut se manifester très loin de leur territoire
d'origine.
Il y a des langues en pointe,
il y a des langues en
perte de vites se.
Il y a des situations de bilinguisme qui tendent
vers le monolinguisme quand la langue seconde se eubstitue 2-
la langue première g:râce à sa plus grande efficie:1.ce.
La sltèï.a-
tion du langage en Afrique Noire est dynamique.
Enfin,
un troisi~me argument : même là où il y <1.
véritablement une multiplicité de langues,
où aucune ne domine
par le nombre dès locuteurs,
pal" le prestige ou par l'efficacité
pratique,
il est fréquent que ceo la.ngues,
dans 1211.e zone déter-
minée,
soient étroïterilent parenten,
que lel.•.I"s ,,~';'stèmes et leurs
st·=v.ctures soie~"lt le::; mêmes du point de vue typ0logique.
CI est
le cas zntre 11 Ewé et l~ Fon,
ent::"e 11 Ewondo et le P·asa,
er.tre·
le Baulé et l' Atni, on pou:>!r<l.ît m'i.ÙtipIier les e;J:emples.
La
conoéquence es:- qu'une économie certaine au pJ.an péd.agogique
pCltlt êt:i:'e réalisée p-:.liS~lle ces langues entre le;~quelles :il n'y li.
pa.s tonjours intercompréhendon op'èrent néanmoins selon le
même type de fonctionnernent ll (l).
Il seJ~ait crllel d'insister ici sur le quat:dème argument
d'OMBREDANE qui nI est en fait qu'une a!1.ecdote et non pas une
démonstration.. En distordant les faits lorsq11e cela est nécessai:i:'e
et diffusant ses idées sous une forme simpJ.ifiée jusqu'à prendre
l'aspect de slogans,
de mots d'ordre,
avec la vérité frappante
et incontes~able qu'ils prétendent toujours expr;.mel',
OMBREDANE
veut ''démontrer'' poar un publi~ convaincu d'a.vance (lefJ colons
(l) M.
HOUIS, Antl"lropologie linguistique de l'Afl"ique Noire,
Paris,
PUF,
19'1l,
p.
5,6
- 85 -
belges) que les langues des colonisés sont des sous-langues,
incapables de répondre en rien au défi des temps modernes,
des
8ciences,
de la ctûture d'où la nécessité pour eux d'adopter
la
langue du colonisateur.
En vérité,
com.me tous les théoriciens racistes et
ethnocentristes du XIXème siècle,
OIvlBREDANE défend ici une
position avant tout politique
dont la vérité est aillieurs dans
ce passage diA.
DELORME à pr9poS de l' Ail3~rie coloniale :
Il L'instruction
(en langue française) neua fàurnit un
excenen~ moyen d'affaiblir à la. fois l'influence des marabouts
ct celle des Tolba,
vendeurs d'amulettes,
chaJ:").at,J.ns toujou:;:,s
()P?Os~S aux tendances fran'Ç~.ises (l)ll. Car J.3 {('nd du problème
est là : il s'agit 2. tra'rerEl la péjoration des langues loca1;~s,
de m ii:ux asseoir la domination de la langue f~\\.·3.nçaise et d'une
façon plus générale du syst~me colonial français. Daas cette
c!Jtique,
les textes de M.
DELAFOSSE,
de THZBA ULT,
dd.
W.lARCA:S,
et dIOMBREDAN:S sont une arme efficace aux mains
~
du colo:i;.:ia.:Ul1ni:~et du néocolonialisme fr?nçais pour slopposer
à l'introduction des b.:ilgue8 africainec dans 11 enseignement.
(1) Angelani DELORME, in Revue Orientale, oct.
1852,
cité
par Y.
TURIN dans "Affrontements ctûturels dans
l'Afrique coloniale",
Paris,
Maopéro,
1971.
- 86 -
CHAPITRE QUATRIEME
LA CULPABIL!TE LINGUISTIQUE DE L'AFRICAIN
Confronté en constance avec cette image dévalorisée
de sa langue,
et avec cette image survalorisée de la la.ngue du
colonisa,teur,
proposée et imposée dans les institutions comme
dans tOlÎt·:,contact humain,
comment le colonisé n'y réa.girait-il
pas ?
Elle ne pe..lt lui demeurer indiffér·,mte et plt-:quée SUl:' lui
de l'extérieur,
comme une inslùte qUi. vole avec le vent.
Il g-
nit par la reconnat-~re, tel un sobriquet détesté maia devenu un
signal familier.
L'accusation le trouble,
l'inquiète d'autant plus
qu'il admire et craint SO~ puissa~t accusateur.
N'a-t--il pa~~ 'G:::l
peu:çraison,
murmul"e-t-il ? Ne sommes-nous pas tout de même
coupables ?
Souhaité et :l:épandu par le colonisat eur,
ce portait
mythique et dégracbnt de sa lang.:,.ï~
finit,
dans une certaine
mesure, :pà, r, être accepté et vécu par le colonisé.
Dès lors,
la péjoration du "dialecte" ne sera plus seulement le' fait de
~
ceux pour qui il peut être considéré comme1-langue de s
autres,
eHe devient parfois le fait de ses propres locuteurs qui finis-
sent par se situer par rapport à la langue de la nation coloni-
satrice.
Comme dit FANON (1),
"Tout peuple colonisé,
Cl est-
à-dire tout peuple au ~ein duquel a pris naissance un complexe
(1) F.
FANON,
"Le Noir E:t le hngage",
in Peau Noire,
mas-
ques blancs,
p.
33,
52.
- 87 -
d'infériorité du
fait de la mise au tombeau de l'originalité cul-
turelle locale, se situe vis-à-vis du langage de la Nation civili-
1
satrice,
Cl est;;.à....;':H~'e de la culture métr~'piblitaine". Le colonisé
Se
sera d'autant plus échappé de sa brouase qu'il aura fait sien-
nes les valeurs culturelles' de la m.étropole.
Il sera d'autant
plua Ilblanc 1i qu'il aura :rcje'~é sa langue maternelle.
Ce rejet
commencera dans les Sph.(:;l'èS supérieures de la société colonisée
pour ensuite s'étendre à tt~ut le peuple.
Le colonialisme n'eGt
jamais le pu~ affrontement de deux communautés,
affrontement
d'oli ser?-.it absente la lutte des classes.
Phénomène éconornico-
politique,
il tend en effet à reproduire 12 oÙ il se mani.fe8te,
la divia:i.c;l de cb.sGes entretenue Jà d'où il vient.
Aussi trcru.-rel"a-
,
t-on clanA les situations coloniales,
une f:t:'ange de collabor?te·'J.rs
locaux qui s'enrich{ssent de J.' expJ.oitation de leur peuple (celui
dont ils sO:.:t issus).
0:::'). sait aussi que tOut3 invas5.on se concr~-
tise très vite par l'1.mplant~tion de gro11pes miHtairGn et d'admi-
l~.ÎGtrateurs, pEls de co:r:arnerçants,
gén-3raleraent. à.:!.ns les v1Ues.
C' e:::t autour de CCg gro~lpes p::"écisén'len'!; que va tout d'abord se
jO"1.er la bataiHe linguistique.
50 déga.ge alors,
une classe de
collaborateurs loci3'}.:'~., quJ vcn1:,
:l:)é'-~,' nécessité et par intérêt,
utiliser 1<:: langu..:: de 11 envar..:t6Se\\lr.
Il f:'agit b;.c"~ ~~\\?' tout d',).-
t1
bord de ce que l'on 2.ppelle aujourd'hui les bourgeoisies corn.-
Cl
pradores ('1) ~fricaj,nes,
mais cette fonction a été remplie de
0) 1fl comprador, da:'1.8 le cens originel du mot, était le gérant
autochtone ou le premier commis autoch~one dans une entreprise
commerch.le appartena;::l.t à des étrangers.Li,~ c.:>mpradores ser-
vaient t.ét.Bralement les :intérêts économiques étranger::: et ehi: re-
tenaient des relation3 ét:r-citêS avec l'impérialisme et le capital
étranger.
La bov.:rgeoiDie conlpradore afri~~Üne est cette catéGorie
suciale que l'impérialisrne ô, fini par hltéTe3se~~ au mode de pro-
duction capitalist.·:; grâce au système des en'i::;:'e::;n'ises mi.::des.
Elle
rêve de devenir ur-e classe sociale
dynamique susceptible de faire
le dévelo~)pem.en.f; r;.~_plt,ü~.ste de 11 Afr:i.1J.ue.
Sa caractéristique prin-
dpab est cependaf\\i;-- '1,.:1 elle est un ;',~ritable appendice de la bour-
g'8C'lsie des pays cap:ltai.istes ct dépend de l'impéri.&lisme qua:'1.t à
son existence e~ con développen,1.ent.
- 88 -
tout temps par diverses catégories sociales (les comm~rçants,
les juristes,
etc .,.). Ainsi,
dans l'armée coloniale et plus
spécialem.ent dans les régiments de lltirailleu:i:'!l sénégalaiD",
les officiers indigènes étaient-ils avant tout de~ interprètes.
Us seTW'.ient à transD:1",tL::.·e en Français,
à. leurr-; congénères
les ordre3 du l'maître" et ils jouissê.ient ea retour d'une certaine
honorabilité.
Parallèlement et pour les mêmes raisons d'intérêt
et de nécessité,
l.m autre groupe Gocial va apprendre la l".n-
gue dom.:i.~2.:nte : celui des domestiques africa::'üs que l'envahi3-
seur recrute su!' place,
En.fin,
dano l~s citu.ations où les art:3
et les letTcs vivet:t du pouvoir,
l'e::;:presc;ion adopte aussi CE:Lt."ô)
langue dominante.
Ainsi à l'école,
le j eune Africa~..n apprend. 2.
mépriser le "di2.lecte" (1) et certains institateuro traitent leurs
(coliers de tous les nom8 qu.and 5.1s osen·; err.ployer 1er,; la.nguer:
locales.
Il faut que l'el.lfant se surveille dan::; 3':'111 élocution car
c'es-:: à travers elle qu'c·n le J~tgerë:..
.on di:r'a de lui av""c mé-
pris : "11 ne sait m'ème pas pa:d.er F:eançais" o
Lans un groupe
dfl jeunes Airic:ü:nc.;,
ceh.d qu:,. ::;' exp:~'ime bien,
q"..ü possèd8 la
(1) Bernard DADIE,
dans sen r0:man lIClîmbii6!1 ra.conte ses
impressions dl écolier quand fut édicté le règlement interdisant
aux élèves de parler leur 13ügue :maternelle en classe,
mêrne
entre eux,
et comment cette inte:t-diction était devenue un moyen
d e d " · " "
e&!$.~t""3.'.l (38
"l'
c: eves c h "
.arges,
à
-
tlt
re '
ae
-t'
?\\ll"l~. lon,
d es
"
corvees
de b2.::'ayage et de nettoyage de l'école ; et Cl.
WAUTHIER,
de
renchérir: "D'une façon gér..érale,
dans les colonies frança.is,:;,~
d'Afrique Noire,
le Français était la seule lë.ngue à utiliser.
n était i'ormellernent interdit au~.. ffiél.îtres de faire appel aux
langues africaines même pour fa~.xe comprendre leurs messag;""13,
Les élèves eux-mêmes ~taier.tt menacés de sanctions disciplina.i ..
res quand ils s' exprimaient en la:.'!gues maternelles <fans l'en-
ceinte de l'école" - CL
WA UTIDER,
L'Afr:i.que des Afrkains,
ed_
du Seuil.
- 89 -
mai'trise de la langue française est excessivement cra.int ; il
faut fair.e attention à lui; c'est un quasi-blanc (en France,
on dit "parler comme un livrell ,
en Afrique : "parler comme
un Blanc Il).
D'o~:.provL:mt cette 2.1tératiop.. de ;_a p~r90nnalité du
Noir? D'où provient ce nouveau mode d'être?
"Tout id;;on'1e
est une façon de penser'l,
c1isaien: DAMOURETTE et PICHCN.
Et le f2.it pour l'Africain d'a.dopter délibérément un langage
différent de celui de la colleJi",-ité qui l'a vu naître,
manifeste
un décalage,
un clivage de ;33. personnalité.
Le Frofesseur
WESTERl\\1ANN dans IIThe African to-day" écrit qu'll ey,.iste
"Q.'1
sentiment d'infériorité des Noirs qu'éprcuvc:lt surtout Jes
évolués et qu'ils s'efforcent sans ceSGe de dominer ll •
La m8.-
nière employée pour cela,
ajoute-t-il,
est Bouvent naïv-= : IIf'or-
te!' des vêtements européens ou des guenilleo à la c1e:v:ni.ère
mode,
adopte::- les choses dont l'Européen fait use.ge,
ces for-
mes extérieures de chd.1ité,
fleurir le langage indigène dl ex-
pressions el~ropéem"les, user de phrases ampoulée8 en parlant
ou en écrivant da.ns '.J.ne langue eU:i:'opéenne,
tout cela est l'nia
en oeu;rre pour. tent8i" de parven:i:;~ à un se:7lt:i.m.en~ d'égalité avec
l'Européen et son mode d'existenc0" (1).
Ce bili;:-.guisr:r.e ne C0ncern.e au dépar'i: qu'un petit grou-
pe d'i:'J.dividus,
celli:: q1..TI,
sur plac.e,
sont proches du pouvoir
colonial ou le représe:tl.tent et ceux qui travaillent pour lui:
domest::'ques,
c0mmerçants,
juristes,
offid.el" l'l,
etc •.• ,
quant
1 .
à l'imv.lensGP.:më.jorité de la popdaHon,
elle demeure monolin-
gue.
Maio l'idéologie d'wie da.sse dir.igeante,
on le sait,
Se
fait adopter dans une large
.nleSure par les clas3es dirigées.
(1) W~;~STERJ'Y.!ANN : The afrkan to-(~ay, cité par F.
FANON
da~.l.G "Peau Noire",
m~sq"V.es blë'l.ncs", p .
33,
52
- 90 -
La différenciation linguistiqy.e va ainsi s' établir non seulement
selon Il échelle géogrê.phique : le. ville cont:;.-e la campagne.
C 2
changement de direction dans l'extension de la langue don"1..~.nar:.te
o'accompagne d'nn changem'7!nt svperf:tr...•..:::tl.l:'::·:;l importa.nt : on
paE::se lentement ct selon les cas ~.u bilinguisme au monoling ...-Ja-
me ou d'V. mono1in.gu~3mc
au bilingi..::i.ome.
Ainsi,
les classes
supérieures qui an.ient acquis 12. langue domina~te (bilbguiame)
tendent à abandonner les l2.ngt... e~ dominées (paE~agè à. un nou-
veau monolingl1J~mè) t:mdis q:.1e les elasses infé::.-ie.,;ur€5
den vil-
les qui ne p2..rlai.,,;:nt que ~.es langues dominées (monolinguisme)
ten{"~ent 3. acquérir ]a. langue dominante (bilingu~.:n::.:...e). En brd,
ëI.10TS
q ....'.e Jans un premier sta.(':'c nous avi;)ns Ul:C classe au
po:wc.h bilingue (Français et langues locales) et un peuple m:J-
noEngue (lanE'les locales),
nous avons d?ns U:.l second s'bde une
ela.csc au pouv.:>i:: mœ:.olingue (padant Franç::l.is la pb.part du
temps) et UD. pe1.1ple cité. dL:'. billJ.l.g'le (paf."J"'"1'.t le Fr-a:;.ç::1.Îs et les
};:mgueG locaJ.cs) et un peu'.;<le ca.r.üpagnard monolîng'~,e (parlar..t
Ge'~leme:':1t le::: lar~ue8 J.ocaJ.'3s), ce qni. c')nst~.i;ue \\....ne n01lvelle
Ilo·..lperstructurç lingu.:'cstiq.Uf)".
!..a c.:>r;j:US<.;.}SOll de ceS de't.lX ph.§nornèn~[j (différencia-·
tion ville/c"-mpagn~ et différ·'3I:l.ch.tion soci;".le) .'3.vait déjà été
notée pa.r A.
MEILLET à propos de l'extension du Latin en
Gaule : tlS~_ en Gé\\.ule par exemple,
les Cb.RSC'':' dirigeantes,
les hahitants deo villes ne pê.rl2.;_~Jnt l32.ns dou~e qae Latin au
IVème siècle, ÏJJ semble bi~n qt'.e le G2.cicis n'avait pas dL:;-
paru paTto~_1t à 1;:::. camplr.i4netl (l).
En r evenal'lt plus J.oin sur
'b4I
(1) A.
M8ILLET,
Le sens linguistique del'unité latine,
in
L~.T:gulstique hietoriqu!3 et lin~uir:Hque généra.le,
torr.e L
p.
3),4
- 91 -
le même problème,
n insiet,dt avec raisr)~1. sur les racines
économiques de cette évolution
Il Le
fait que les $.lélnents
dirigeants de la nation gauloise,
::-econnaissant la supériorité
de la civi.lisation !'omaine et dés5.:r.ant garde::' :eur situation
domina.nt.e,
ont pron'lptement G.c~:J.'llÎs la conD.~issance du La.tin,
n'a pas empêché 1.-:9 parle:<.-s gaula:!.::; de subdater à côté du
Latin dans des régi.ons rurê.~.~~l, 82.i18 doute durant plusieurs
sièc1E:s.
Il el3t résulté de H~ que p::;:;''1dant d€~ siècles beaucuup
de genB ont pra~~~.q"l:-3 à :~. fais le LE:.ti'J. e~ le G:uJ.ùis.
n y a
don-=: et... durm~t t:e longues an:!.léer:o, des ind3.-,ridt.... s biHng--les dan[;
l':::"!lcien cbmaine gaulois C3.:r·,
d1une part,
les élérnent8 didgeants
c.nt dû ga:::-der quelques conn2.1ssances d ..... Ga"l:lol::; p0ur se faire
entendre den gen!'1 ~ui é·\\:?ien-:: re~)tés fid~lcs au viGil usage et,
~nveTr,errl~nt, bc~ucoup de gens du peuple ont ûû acqu~rir ra-
pidem.ent quelq'.lf)S connaissances (LU LatIn aUi-,rès cleo élémen.ts
.. .
(
. \\
Ci.1.n.geants ~ J .•
Le :?:rocessus id dé~ri~ P:H A.
MEIl..,:L.ET pour le
Ccr:'S
p::-..!'tir ;:l1J.er de l' eXf';::..nG~.on du !..<'.üln,
ment dane le cas de Il 2~,:p aIl310n du Fran~ais en Afr:~'L1.8 Noire.
Maia Di le,::; fonciei.:c:1e:~j;2
0conomiqy,e8 et polib.':iues "le cette évo-
lut:i.c~ sont prir~l,ordiaux, l' évo:;'utio':l elle-~nê:me €le):
largement
f
.
'"
,
f t "
1 •
t
,Jo<-' -
, , , .
1
.
aVO:·,1.3ee par ueR
ac .euro P.lUS con :::::n.gen s : c e,$r la .legls ~t.:Lon
sur l' admin~,stration, les trl~"t',1.aux, 11 éco18,
et de no:;: jours,
la. presse,
la radio et la. tflév;.sion q1Ü 70nt ve:i11:C ::;econder les
rapports de force et faciE~er la r2produ.-:::tion tlsupe:rstructurelle'
lL:'2uisti.que dent nous avens parlé plus haut.
De façcn générale
~ }) ~r.j;E:ILL~T. op. dt. tome Z, p. 105, tlSur les effets des
changements de la::lguee ll
- 92 -
cette extension linguistique est à sens unique: il ne s'agit pas
de vases communicants mais d'inj ection.
Ce qui importe le plus
ici,
Cl est que
ce phénomène est surtout la manifestation linguis-
tique d'un rapport de force économique et poEtique,
et cette
expansion de la langue d'Jminô-nte est pratiq'll.ement sans frein
tant que les condi~ions économiques et politiquer. qui lui ont
donné naissance persistent.
Ce rapport enb~e r.'lbn:lcture du bilinguisme (França:ï.a.,.
langues locales) 0t strnctures économiques et politiques mér:i.té'IC,:·
que nous nOll.8 y arrêtions un m.oment.
En effet,
intervenant en
J.950 dans le débat post-marden (1) Gur lenhème du "mar:;;Jsme
en linguistique",
J.
STALINE (2) 3 1 est att2.ché 8. démontre:t: que
la langue ni est :ni une supersh.'uc·~ure, ni,
consécutiverflE:nt,
l..'.n
fait de classe.
Et l'un èe ses arguine:"ts rr..af', su z
consiste à
:::,ap!?eJer que la Russ:te a connu,
en 1917,
un bouleversern,ent
bûrastructurel alors que la lan~ue n'a pas changé. Au contraire,
d:i.t--":il,
I!la la.ngue est un inst~l1ment qui sert également toute:>
~.es clal';l;eS de la sodété et rnanYE'~"te à leur égar.d un.8 totale
ind5.fi&r.ence : ::J. n'y Cl. pn.s è.e l2.ng;'.e de ch.ose mais simplelnent
d
•
7
1
1
Il
S' Sr.:"t 7\\ t' T N E ' "
. .
1.1.11
US?g e
e c).'H.' S e ce ..a
angue.
1
1 fo'1. J"..,
(i'~ ,l'ouve lCl
éV0qué,
Cl eGt que
'lc\\l1a.nt co;~'.forter U":'.C ûièse en partie juste
(la lan.gue ni est peU; en effet une super8tructure,
mais ce n.1 est
pa'J là que se l'i'1anifeste -0,:'- ne se manifer.te pas- son caractère
de classe : Cl est dan.s son aspect de véhicule privilégié de
(1) l\\T.
lv'i\\~R.J ling".l3.3te sovl.atique cité par J. STALiNE dana
Il ! .. e
M2.rxism.e et les problèmes linguistiques"
éd.
en langues ét:r.a.ngères,
Pékin,
J 974 0
(2) J.
STALIl'fE,
Le Marx:~sme et les problèmes lhlgui.stiques,
éd.
en. langue13 étrangèl'cs,
Fékb,
1974,
p.
54
- 93 -
l'idéologie),
il prend un exemple qui nous concerne et qu'il
traite de façon totalement erronnée.
Cex-tains camaradeG,
dit-il,
ont voulu arg-cler du fait
que pendant une certaine époque les féodaux pa.rlaient França.5.s
en Angleterre tand5.s que le peuple parl?.:~t anglais pour démo~l'
tre~ le caractère de classe de la I<:.ngueo
Ce n'est pas là un
argmnent,
tout au pl-IS une anecdote,
ironise STALINE,
et il
conclut: liOn siit que cet engouement de cem: qui s'a:rnusaie:nt
à parler la lang'-1.c frança:i.se a d5.spa!"u ensuite 8ans laisser de
trace.
faisC'.nt place à la },angue anglaise comm.une à tout le
peuple" (l).
Nons n' j.nsiste:r.ons pas sur les term~s Il en.gol....en"lentll •
Il S' a.TIUS e':"" ,
qui témoignent d'u.ne totale in·compréhencdon du lien
entre rapports d-= force et rapportE' ~inguistique8. l'Tous sod.J.-
gnero:':ls tout juste 2.U pé'-ssage l'ineptis de la Ijrc-pos:td.on sel')n
laquelle 18 Fr;'\\:rJ.çais a disparu :Ja.ns laisser -le trace,
la langue
eUe-m0De : l'Anglais mo-
de:L'ne 0::,t j-l.wten'lell! le p:r.oduit de la confrontation entre le Sa-
:con parlé pr,..." IG peuple et le .f\\ïorrn?nd parlé :ia:i- l'Aristocrat:i.e.
qu~. ~. laissé c1"lB trac.es :ï.rC!l-K'rt2.n·;:es au plc.n lexiaJ.o
Ce qu'il
:i.~:nporte SU:r.tO~lt: de iloter ici,
Cl est la
rigidite du raisonnemeë1t
de STALINE ;
1 0 /
Une lang-ù e :,,::,' est pao de classe,
Z
(:~
0 /
one ] p. Français parlé en Ar...glf:,terre au Nloyen-
f.l.ge ni est p2.P plus d.e das2e que le Fre.nçais p:::,:..-lé en France,
3" / donc les féodC'.ux Si ar.:lUsaient 2. parler cette lan-
(1) J.
STALINE,
op.
dt.
p.
13.
14 ed.
de Példa,
1974.
- 94 ,-
Il est vrê.~ en effet que 1;:-. lél.ngue nI est pas une super-
,
)
struct\\.1re et que le niveau de son rapport à la lutte des cla.:;,·
ses ~bleu!:s: m~iG il est vrai aussi que la pensée ::.talinLmné,
dans sa cimplicité,
ne s'accommode qy.e de situati0ns lL1.ili~
gues.
Le problèm.e eGt tout aut:t:'e dans Jp-s cas de plu::dlinguis-
rnes,
en particulier lorsc:y.. e ce plu:ri1ingi.l:~srrle est le p:;:oduit
d'u"1.e invasion.
Noue a70ns a:i.::-r;;; '.l:ile langue Q')mi:r.2.nte,
celL':l
de l'envahisseur (ou du co).onisateur) que 108 élites parlent par
besoh1. et intzrêt (et non pa,: engoue:rne!~.t} et une ou pluslen::-rJ
langues do:::ninées.
celles des coloniséso
Les 12.ngues deviennent-
el1eD des superElb·";,lcturcs cla.:r~1'I cette c:tuat:i.on nouvelle ? Certes
peU3,
il n'y a anc'U:.'l.e ra.isor: c;,u' elles chang~n'~ de 3tat'...'t.
mais
la division lingui3tique en la.ngue dor~'ünante -la;:...gues domin.0:'3S
peut être ~ons~.dérée, ene,
('.ornme uv. "f::li'è s-~peT8tr-..:·:::turel"
U). Il Y a en effet dans ceG situations, une 'Certaine organisa-
tion dt:.... plurFingcisme,
')rg".:o.i~a:i:io~ sociale et gèo3,~.phique,
c·~tte organiea'don que nous co:nsldérQ:n.s av€r;;
J.
L.
CALVET
comme l'un fait de superstructlE:e ll ,
cele::. nous indiqu~ ainsi
une direction de recherche suggestive : sL'nous revenons à cette
phrase de I\\f.LARX et ENGELS,
dans le ",Manifeste communiste"
selon laquelle "L'histoire de toute la société jusqu'à nos jours
n'a été que l'histoire des luttes de classes",
il est possible
de considérer l'histoire de la "superstructure linguistique"
(définie par J. L.
CA LVET , non pas comme "la langue" ma.is
comme "l'or[;anisation linguistique sociale") com.me une his-
toire particulière de l'histoire ,-le la lutte des classes. Car la
(1) J. L.
CALVET,
Linguistique et colonialisme,
p.
63,
d
e .
P
-t
a}Q',
p .
ariS,
',1.974'-.,
_
- 95 -
thèse de STALINE,
qui veut que la langue comme moyen de
communication entre les hommes dans la société serve égale-
ment toutes les classes,
est manifestement fausse.
Dans l'Angleterre médiévale comme dam: les :'1.éoco-
lonieG ë.fricaines d'a\\....jOl....rd'h1.li,
il en va très différemment parce
que la langue française n! ect plus l:'E:ulemcnt un lTIoyen de COln-
m-..;.nicG.tion,
elle 'èst un m.oyen d'olJpression,
Cette idée de la
langue comiae instrument de ccm:munication,
qui a
eu un large
succès dans la linguistique contemporaine,:::st. déjà en ellr:>"
même suspecte (1),
lorsqu'on l'applique aux sociétés wlilingues.
Appliquée 2. la sit'.lation coloniale et néoc.olunialc,
elle devient
purement ridicule.
En effet,
si 2 2. 3 10 de la population d"~ln
pays parlent la langue d0minante,
la "langue officielle",
t2::o.:i.3
que l'immense majt)rité du peuple parle Ges langues dominées,
il est diffic::.le d'admettre qU0 celé. noit i.ndifférent à la lutte
des classes dana ce pays.
D'a.utant que la Eeule façon d'accé-
der à l'enp-r:mlble deG postes de responEabilité,
au statut de
fonctionnaire par e~:emple, est justelnent de parler la langue
dominante.
Il devient alors clair à nos yeux que cette langue
'(l
sert les intérêts d'une classe,
intérêts que partagent les bour-
d
" f '
.
~
, 11
t
geolsles compra ores a rlcames,
en meme temps qu e
e sel"
le colonialisme et le néocolonia1~~. De oela, STALINE
ne souffle aucun mot.
Roland BARTHES nous fournit également,
pour ana-
lyser ce problème,
un concept réutilisable.
Dans son texte
consacré à IGNACE de LOYOLA et publié,
avant d'être repric
en volwne,
sous le titre de "Comment parler à Dieu" ?,
il
(1) Roland BARTHES: Un regard politique sur le signe,
chap.
l
- 96 -
présente les prescriptions des "Exercices Spirituels" comme
branchées sur l'élaboration de ce qu'il appelle "un chaTIlp
d'exclusion".
Il faut,_ pour p~rler à Dieu,
faire abstraction
de toua les langages antérieurs,
en particulier des Hparoles
oiseuses l1 selon le mot de LOYOLA,
et les recettes des I1Exer;..
cices" s'y prêtent: "Tous ces protocoles,
dit R.
BARTHES,
ont pour fonction d'installer une sorte de vide linguistique,
né-
cessaire à l'élaboration et au triomphe de la langue nouvelle
le vide est idéalement l'espace antérieur de toute sérniopha-
nie" (l).
Il est facile de détourner cette an-alyse de R. BART}IES
et de l'appliquer à la situation linguistique africaine qui nous
concerne.
La questign ni est plus alors "Comment parler à
Dieu fl ? mais IIComment parler à la métropole" ? Cette appro-
che est d'ailleurs susceptible d'être appliquée à l'analyse socio-
logique des rapports linguistiques en i2?.ilieu wlilingue (comment
parler au patron ?
au Directeur ? au Général ?
•.. ) mais là
n'eot pas notre p:,'opos.
Pour lê. question "Comment parler à la
métropole"? la réponse est simple : on parlera à la métropole
en oubliant le Wolof,
le Bam_bara,
le Dioula,
etc ... ,
en fai-
sant le vide de ces langues antérieures pour utiliser le Fran-
çais qui devient alors,
selon les termes de R.
BARTHES,
"lan -
gue exclusive".
Au plan linguistique,
le colonialisme et le :céÎc-colo-
nialisme instituent donc un champ d'excH:rJton linguistique à
double détente : exclusion d'une ou de plusieurs langues (les
langues dominées) des sphères du pouvoir et exclusion des
(1) Roland BARTHES, Sade,
Fourier,
Loyola,
page 55.
- 97 -
locuteurs de ces langues (de ceux qui nI ont pas appris la langue
dominante) de ces m~mes sphères.
Et comme précédemment,
si
la langue n'est toujours pas ici une superstructure,
son stê.tut
de "1angue exclusive" ou de langue tend2.nt à se développer sur
un champ d'exclusion est clair.
il est,
selon J. L.
CALVET,
Il superstructurel".
CI est donc ce statut linguistique qui caractérise cer-
tains rapports de force (pas seulement en situai::on coloniale et
néocoloniale) bilinguisme avec opposition entre langues dominées
et langue dominar.. te,
écrasement d'une ou plusie~rs langues par
\\LIe
autre,
langue exclusive ..•
etc,
que
noué.: appelleron3 avec
J. L.
CALVJl:,T Il supe:rstructure !mguistique".
I\\Jlais parallèlement à ce processus,
d.ans le cadre c:e
cette instauration du champ cl: exclusion et,
d'une façon plus large,
de la "superstructure linguistique",
l'entreprise coloniale et néo-
coloniale a égal'3ment un rapport transitif aux langues : elle agit
pa:': décrets,
pàr choix politiques,
par pl3.:::1ifications scolaires,
Cet.te action est bien é'lidem.:rnent liée à l'établis Gen"!ent deG supe:;~-
, ,..,.
structures que nous venons d evsquer,
mais elle est en Tilêlne
temps le produit d'une certaine idéologie que nous avons tenté de
décrire dans les deux premiers chapitres ; en consentant à cette
idéologie des langues pauvres et primitives,
les classes clomi-
J;r6.:é~13) confirment d'une certaine manière le rôle qu'on leur a as-
signé.
Ce qui explique entre autres,
la relative stabilité des
,.
.!
1 , .
sociétes ; c'est que l'oppression y est,
bon g;re,
mal gre,
tole-
,.
l
~.,.
-
ree par
es ~prlmes eux-meriles.
La car~ctérisation et le rôle assigné à la langue du
colonisé occupent une place de choix dans l'idéologie colonisa-
trice ; caractérisation incohérente en elle-même mais nécessaire
et-:;cohérente à l'intérieur dû cettt:: idéologie et à laquelle le colo-
- 98 -
nisé donne son assentiment troublé,
partiel,
m2.is indéniable.
Voilà la s eu1e parcelle de vérité dans ces notions à la mode
"complexe de
dépendanc ê ",
"colonisabilité des africains",
etc
.
. .. .•
Il existe,
assu:rérnent -à un pa1:;nt de son évolution-,
une
certaine adhésion du colonisé à la colonisation.
N{aia cette
ad..hésion est le résu1tat de la cdt;mi[~ation et non Ga cause ;
elle naît après et non avant l'bccupation colonia.l':l.
Pour que
le colonisateur soit complètement le maître,
il ne suffit pas
qu'il le soit objectiverilent,
îl fant encore qu'il croit à sa légi-
timité ; et,
pour que 'cette légitimité foit entière,
il ne suffit:
pas que le colonisé soit objectivem.ent esclé.we/
il aët nécessaire
qu'il s'accepte tel.
En somme,
le colonisateur doit être reconnu par 12)
colonisé.
Comme le note Albert IvJ:Ei'vHv.n: : "le lien entre le
colonina.:C<""l.1r ct le colonisé est aussi destructeur que cr·éateur.
Il détruit et recrée les deux partenaires de 1::1. colonisation en
coloniséüem: et colonisé : l'un est défiguré en o~:lpresseur, en
être partiel,
incivique,
tricheur,
préoccupé uniquement de ses
privilèges,
de leur défense à tout prix; l'autre,
en oppriώ,
brisé dans son développement,
composant avec son écrasement.
De même que le colonifu·t'~ur est tenté de s'accepter comme
colonis&~1!1r, le colonisé est obligé, pour vivre de s'accepter
comme colonisé" (1).
Apparement,
donc,
le problème pourrait être le
suivant : en Afrique comme en Bretagne,
il y a des "dialectes"
et il y a la "langue française".
En réalité,
contrairement aux
(J.) A.
I\\liElvlIv:Œ : Portrait du colonisé,
J.J.
PAUVET éditeur.
j.96b,
page 126
- 99 -
Bretons qui ne s'estiment pas inférieurs ame Français (Les
Bretons n'ont pas été"civilisés" par le Blê.nc),
dans le conflit
linguistique 'lui habite le colonisé africain,
sa langue m3..ter~'
neUe est l'hunliliée,
l'écrasée,
et ce mépris,
il finit par le
faire sien.
De lui-même,
il se rnet à éca~ter cette lanB"..::.e
infâ.me,
à la cacher au:;~ yeux des étrangers, à ne :t?ar.?~~r~.'.
à:: l'aise que dans la langue du coloni~1;ur. Comme le not·z
A.
MENUv'.Œ !ILe bilinguist.~ colonial n'est ni une diglosie,
où
coexistent un idome populaire et une langue de puriste,
appa:t"-
tenant tous les deux au nJ-êrne univers affectif,
ni une siInple
richesse polyglotte,
qui bénéficie d'un clavier supplémentaire
mais relativement neutre : c'est un drame linguistique" ~1.).
Tout ce qui. précède rn.ontre à l'évidence que le dia-.
lecte ni est jamais qu'une langue battue,
et que la langue eGt
un dialecte qui a réussi politiquement.
Ou,
plus précisément,
un dialecte
dont les locut~urs ont pria une certaine forme de
pouvoir par la médiation de certaines formes sociales et poli-
tiques dans un certain cadre économique.
Les force~ de résistance à la domination linguistique
,.
La langue dominante,
nous l'avons vu,
s llnpose
selon un schéma qui passe par les classes dirigeantes;
puis
par les populations des villes et enfin la campagne, ce pro-
cessus s'accompagnant de bilinguismes successifs là où les
langues dominées résistent.
l'VIais la disparition d'une langue
(;.) A.
Iv1EMlvrr : Portrait du colonisé,
J. J. PA UVET éditeur,
1966,
pages 144-345
-
~é 00 -
ou son contraire dépendent de nombreux facteurs non linguisti-
ques,
en particulier des possibilités de résistance du peuple
qui parle cette langue.
Le Latin n'a pas supplanté le Gaulois
parce qu'il lui était linguistiquement l'supérieur",
il l'a sup-
planté parc e que les 2.:!:'méCG romaines étaient militairement
supérieures é'.UX arm.ées ga1.i.i.ois es,
dans,';un premier temps.
et parce que,
dans un aecon:: terrlps,
l'Etat romain a pu ~.ssu-
lncr une longue occupation m.iHtaire de la Gaule,
doublée d'une
colonisation rationnelle où tout était mis en ocuv!'e pour assu-
rer la victoire d'une forme de civilisatiol'l.
Au bout du cortlpte,
le Gaulois n l 2, pas éi:é victime de la langue Int:i.n~, il a été vic-
time de l'impérialisme :::omain.
De la même façcn,
les langues
africai.."'les Bont aujourd'hui victimes~non pas de la supériorité
linguistique du Français, n'lais ci:;) l'irnpérialisme franç;;l.Îs.
La
description du processus de :;.liquida.tion des langues africaines,
doit être liée à celle des force.s de résistanc e à cette liquida-
tion,
car du rapport entre celle-ci et celle-là dépend llissu
du combat.
L'un des principaux facteurs de résistance qui nous
vient à l'esprit est la religion.
Le fait est général,
on sait
en effet que toutes les religionl'3 ont fait la fortune d'une langue
qu'elles ont iuaintenue contre vents et marées.
C'est le cas
du sanscrit pour le brahmanisme,
du Latin pour le catholicisme,
de l'Hébreu pour la religion israélite,
etc ...
Mais la Réforme
a eu ceci de particulier car au contraire de toutes les!jfreligions
elle a toujours adopté la langue parlée par le peuple et non pas
une langue morte ou en passe de le devenir.
Ainsi,
les traduc-
tions de la Bible,
des catéchismes et de divers ouvrages reli-
1
gieux en ;,±ngues africaines jouent un rôle non négligeable dans
la transcription et la sauvegarde de ces langues.
La religion
-
101
-
peut donc sauver une langue,
mais Don intervention est ambiguë
car elle restreint en rnême temps cette langue à certains SeC-
teurs,
ceux précisément que lui abandonne la langue dorninante.
Citant l'exemple du Pays de Galle,
J. L.
CALVET note que
dans ce pay ::" "face à l'Anglais langue officielle de Padministra-
tion et de 11 école,
le Gallois restera,
du XYlème au 2ŒXème
siècle,
la langue des écoles parallèles".
Dans le même ordre d'idée,
Mostef't LACHERAF si-
gnale par exemple qu'en Algérie lichez le peuple,
la langue
française fat décrétée lanE;ue d'ici-bas,
pa.r oppcsition à l'Ara-
be qui devenait langue du n'lérite opirituel dE..ns l'autre vie".
Cette sauvegarde d'une langue peut donc se transformer asgez
vite en autre forme d'enterrement.
La langue dor:.flinante
(ici
le Fr~.nçaiB) occupe le domaine pLofane c'est-à-dire tout ce
qui concerne la vie quotidienne,
l'administration,
la justice,
les techniques,
la politique,
les études,
etc ...
Tandis que
la langue dominée (ici l'Arabe) est refoulée vers le domaine
sacré. Ainsi,
l'opposition langue dominée - langue dominante
se trouve convertie en opposition entre ancien et nouveau : la
langue dominée Bst plus ou moL""l!'; obligée de s'assumer cornme
langue confessionnelle,
rétrograde,
du moins est-ce l'i:tna.ge
que les mass-media lui renvoient d'elle-même.
Cette organi':.
sation linguistique porte en germe la disparition à terme de
la langue dominée.
La langue ainsi "sauvegardée" n'a aucune
force,
aucun dynamisme qui lui permette de reprendre le des-
sus,
tout au plus peut-on retarder son agonie.
Et cela tant
que les conditions sociales,
économiques et politiques la refou-
lent du côté de l,uancien".
Si l'intervention de la religion ne
fait que retarder llagonie de la langue domi née,
le plUE sür
ressort de la résistance n'est-il pas la conscience nationale
-
~ 02. -
du peuple opprimé qui le fera éventuellement Se dresser contre
l'oppresseur? Car de la mêrrle fàçon qu'il niy a pas de danse
"pour soi" (par opposition à la classe "en soi") sans conscience
de classe,
il n'y a pas
de Nation "pour soi" sans conscience
nadonale .. , ·~..;tte conscience étant liée à toùte lutte de libération.
C'est donc la lutte d'un peuple contre l'oppression extérieure
qui constitue le plus souvent la p!:incipale force de résistance
à la liquidation de l'orig::ru:lité lL~gu:i.stique et cult'J.relle. Ci est
la raison pour laquelle,
par e::;.(e:m~:lle, le Français,
disposan.t
de l'aide irnportaI:'.te de l'a.ppa.reil d'Etat français,
véritable rou-
lcau compre~seur ou machine à détruire les o-u-:':ren cultures, ne
s'est jamais vr;;>;;.ffisnt imposé en ALGERIE en cent trente ans
de colonisation.
n ê.vait en face de lui, il est vrai, une langu'Ol
écrite C2.vec une fo:i:'te tradition culturelle (l'Arabe) renforcée
par son rôle reJ.igieux et une langue reh'anchée da.ns les mon~<\\-
gnes où vivait le peuple qui la parle,
le berbère,
bien sûr,
mais surtout un peuple refusant l'oppression et qui prendra fi-
nalement les armes::contre la présence politique et écono:mique
française.
De ce point de vue,
ne peut-on pas alors dire que
des tentatives comme celles de
CHEIKH ANTA DIOP (traduc-
f,.,
tion de LANGEVIN en viTOLOF) sont p·@."Htêtre déphasée ?
Elles
tentent bien sûr de répondre au discours colonial évoq~é au
chapitre précédent et selon lequel les langues "prin1.itives" Se-
raient inaptes à transmettre u..'"l contenu scientifique.
Mais est-
ce bien là le problème prioritaire ?
r",.ut-il
assurer quelques
universitaires qu'ils pourraient faire leur métier dans leur
langue,
à l'heure où la majorité des publications~ scientifiques
se font en Anglais ? Ou faut-il tenter de rendre aux langues
africaines leur place,
de rendre aux peuples
africains le droit
à la parole ?
C;;1.r Ces peuples ne sont pour l'instant que peu
- 103 -
concernés par LANGEVIN ou par EINSTEIN.
beaucoup plus
par ides problèmes quotidilms sociaux et politiques.
D'un certain point de vue n'est-il pas plus urgent
de leur apprendre à lire et à écrire des tracts,
2, rédiger
des brochures politiques et syndicales dans leurs langues.
que
de trad'lllre des textes de physique nucléaire ?
En fait,
ces deux Jérnarches ne 0' ex.cluent pas l'une
l'z.utre ; elles sont complémentaires.
Tout en étudiant nos lan-
gues avec toute la rigueur scientifique qui E;tirD:!ose,
nous ne
devons pas perdre de vue que seu1e une nécesGaire lutte de
libération nationale réelle pourra nous pc:'mr:.ttre d'appliquer
une polidquc linguistique vrairnent nationale.
DaD.s le c2.dr0 cl<.e
cette b.ltt:~ où toutes leûforces patriotiques doivent être moèHi-
sées,
il nI est peut-être pas ~':J."uti1e d'assurer quelques imiv(Or-
dtaires qu·· l ils pourraient faire leu!' métier dans leur langue.
LI essentiel est aussi que ceB b.tellectuelc ne restent pas da.ns
leur tour d'ivoire,
r.l1ais s'intègrent résolurnent aux masses
popu1aires africaines pour les inior'mer et 3e fotmer
auprès d'elles et contribuer ainsi à leur prise de cons-
cience.
Sans cette intégration aux masses populaires et tant que
le débat linguistique restera limité à des minorités intellectuel-
les,
les ouvriers et les paysans africains n'auront que peu de
chance d'apprendre à lire et à écrire leurs langues.
En conclu~i0n, il apparaît au terme de notre analyse
dans cette première partie,
que la découverte du monde,
pous-
sant les communautés à penser leurs rapports,
a amené les
peuples d'Europe à théoriser leur supériorité sur les autres
et la linguistique contribuera à l'affirmer et à la renforcer.
En effet,
la science du langage s'est affirmée jusqu'au XV;:ème
- I04 -
comme essentiellement corilparatïste et historique.
L'idée-
force la plus répandue était que les langues de la famille indo-
européenne étaient au sommet de l'évolution et les lang'.les des
Noirs au plus bê.S de l'échelle.
Celles-ci présentaient toutefois
l'intérêt,
pensait-on,
de lb-rel" un état proche de l'état originel
du lang::>.ge,
où les languen seraiem sn_ns gramn:uüre,
le dis--
courS fu"J.e suite de monosyllabe:::,
et le lexique re.:;treint à Ul1.
inventaire élémentaire. 1\\:(.::181,
Gle~t incrustée l':i.dée que C0S
\\
langues ét4'.ient "primitives " , Itpauv:res"
r:la.:ne leuï'S structures
et él ém.entaires d9.ns leurs virtualités.
Cede idée a d!aut<>..nt
plus été caressée qll'elle justifiah (el; jUJtif:l.e enc':)re) une po·"
litique 0-' un comporterilent où le Ncli1" ect un eLiant ou un p:'.'Î-
mitE c;u'il faut l'civiliser"
malgré lui.
On ne cumprendrait pas sans cette "conjonctio:..1.,
q-J.i
est aussi une com.pra:cnission de la edence et de 1;:>. politique"
(1.) les dtiférents discolirn qui. j'..lStifient,
entre autres argn:ments,
l'exclusivité du Français dans l'enseignement en Afrique SUr
une péjoration à allure scientifique des langues locales.
Finalement,
le grand défaut de la linguistique compa-
ratiste et historique a été de n'avoir pas cherché à rephcer
les langues africaines à l'intérieur de la culture négro-africaine,
dans leur dynamique propre et dans leur monde de valeurs,
s'interdisant de les juger autrement qu'en référence aux fins
qu'elles poursuivaient et à l'idéal humain qui les animait.
(l) M.
HOUIS,
Anthropologie linguistique de l'Afrique Noire,
p.
30
- 1.05 -
DEUXIEME PARTIE
SOCIETE ET LAN:.:TAGE CHEZ LES DIOULA DE l'{\\ COTE
.-
-
D'IVOIRE
Nous 2vons montré tout au long de 1ê. pr.el"!lière par-
I
tie,
que la. démarche des l:ix:1guistes co~np2~:atiotes a toujours
consisté à poser le problèrr.e de leuT objet d' étude e~ termer-.:
qualitatifs.
ils ont Hni ainsi parcQuper la la.~g·.le G-e son mi-
Üeu eocial et culturel,
pour J'analyse:,: en fonctioI). de critères
Aujourd'hui. encore,
q '.land C 8rtai.ns linguistes Im:mll-
lent des granimaires par axemple,
ils tiennet,t rarement compte
de l'organisation socio-culturelle de la c::>mnnmauté,
qui n'est
pas pertinente
à leurs yeux. lis essayent de décrire Cè qui est
conunun à tous les membres de la cOlnmunauté,
sans considé-
rer l'âge,
le sm!:e,
la fonction,
le lieu,
etc ... ,
ou bien/ils
cherchent \\LJ. l'parleur-écouteur idéal" (CHOllvISKY,
J.965 : 3).
Une idée bien répandue depuis le développement,
au
début de ce siècle,
de la linguistique générale,
est cependant
qu'u..TJ.e langue est un fait social.
Les~règles de grammaire
par exemple,
ne sont l.u' un sous-ensemble de la totalité des r·è-
gles qui régissent l'usage de la parole et qui sont connues de
chacun des rnenlbres de la communauté parlant cette langue.
Dans cette Èeu::::ième partie,
nous commencerons donc
par décrire la communauté Dioula et par étudier ensuite les
-
106 -
relations entre son organisation et l'usage linguistique cal) le
contenu de la langue Dioul;;.:. est en liaison étroite avec l' orien·~
tation des activités et les pr'~0ccupations des Dioulas.
Il y ai,-
rait donc un rapport étroit entre les comportem.ents linguistiques
des indLridus et leurs comportements aoda-culturels.
-
107 -
PRESENTATION DE L' ETHNIE DIOULA
}0/ Les Dioula du point de vue histori"..2:'.e
Les traditions africaineG,
confirmfes par. les a.rc.héo-
logue:; et lee historiens,
<',ifiTment qu'aux en.virons de 11ère
chrétienne,
la Maurit<".n.ie,
le Soud?.n septentriona.l et u.""lC p3.rtie
du Sah:r..'.r? étaient occupés par deo NO;.TB dont les principê.1.u:
groupes ue trouvaient alors d:3.:!.'1s le Hndh,
en contact avec
les Berbères"
0!1 adm.et ~.us8i que ces Noirs plu.::> ou. moins
métissés ont donné naissance à troiu des grands rameaux ethni-
ques ayant contri1::-ué à peuple~: le Soudan occidental : à. l'Est
les proto-serers ; à l'Cueot,
l,~s Sonrhaïs, D.U centl'e,
ceux
qu'on nomme parfois les Wangara,
et qui sont les ancêtres des
Mandingues.
Ce del"nier groupe comprend trois populations :
les MALINKE,
les BA IvlBARA ,
et celle qui nous intéressera
tout au long de cette étude : les DIüULA.
Deux fact:4.i:l:.!1r,s; essentiels pa:Laissen';; éwoir provoqué
le recul de ces populations noires vers le Sud. Le premier
est l'assèchen'1ent du S2.hara et du Sahel,
le second est l'hos-
tilité des Berbères.
Pendant de longues années,
ceux-ci ne
furent guère redoutables pour les sédentaires noirs,
mais}
vers la fin de l'Empire,
les ROElains introduisirent en Ber-
bérie.
le chameau,
récemment venu d'ASIE et d'EGYFTE.
Cet anin'1al,
utilisé comme r.o.onture,
était accor.o.pagné par ses
conducteurs habituels,
les nomades,
qui ne tardèrent pas :
-
lOS -
à s'en servir pour entreprendre,
à travers le désert,
des
expéditions à granda rayons.
Bientôt la fréquence des attaques
qu'ils sub:tssaient de J..~ p<:..rt des chê.melie~, pillards,
déter-
mina les agdculteurs n0:1.rs à se replier vers la v3hée du
iHger.
Il est ma::heureusement irnpossible de recC'nGt~tuer àvec
certitude l'ordre et les itinl~aires è.e ces migratior.s et de cel-
les qui les ont précédées.
L~~ hablt:cl.nt.;: cl" pa~lc mimc1.ing1.'.::: ne so!.-::t pao désignés
pa.r une 3.ppe::J.~tion général::;"
On les norrnne :.;uJva:.1t les con-
trées : )l,jalinké,
Kas sonké,
Ba.!Y'.~ara ou Ba:mar..:l.,
d 1 UI~ ou
Dara,
Mandig.'J o...
Mais qui sont prédsément J.ec Diol.lla ?
Différent êE explicatiorls ont été pYOp:)<,.8es P0U:- .les terœes
I./Ialin!cé,
Ba.inb:).~·'l 0'-'- E~nJ:::>na et d'UJ.a.
1.,13:3
dlT]la tireTaient
leur nom de d'u (fond,
Rouche),
ce q-v.i leur permet de faire
l'emonter le'nr origin·::, 2. "..lne ë:'.ncien""le noblesse,
ë'.yan·:; d'après
eux,
occupé le M\\ESINP.
oc:,;ide:;).~:.?.l 2. l'.I'l~ épGque ri::culée (1).
Suivant DELAFOSSE (2),
le peuple mandingue ét3.it déjà formé
au début de l'ère chrétienne.
Ayant p r i s >
nai.ssance
comme
il a
été dit plus haut,
dans la l'/1a.uritanie actuelle,
peut-être
dans la région du !-Iodh,
il aur3.it g3.g:,..é les paYfl voisins en
occupant peu à pe'}. des territoires s:'.t·ùés plus au Sud,
parvenant
ainsi jusqu'aux districts auri:z:::es de la Bas.:;e-Famélé et du
Bambouk,
qui eurent une influence remarq~lable sur ses desti-
nées.
Hs h')urni~ent~ en. effet, pe:::1dar:.t de :0ngues années la
plus grande partie de i' or qui alimentait le Proche-Orient par
(1) LABOURET (H) : Les mandingues
et leur langue
Bull.
du Comité d'études hist.
et scient.
de l'A. O. F.
n°
l,
Paris,
1934,
t.
XVIII
(2) DELAFOSSE (M) : 'La
lnügue mandingue et ses dialectes,
t.
l,
1929
- ] 09 -
le marché de KCUMBI,
capitale du puirlsant empire du CANA,
dont le Mandingue devi'1t\\tbientôt le tributaire.
Lorsque cet
Etat s'affaiblit au XI'3me siècle,
par suite du déss khe.ment
de la contrée et des attaques cond~ite3 par les Almoravides,
le Mandingue repris son indépend::-.nc e.
L'histoire de ce pays,
il est vrai,
est encore rnal connue,
surtout à l'origine,
en
dépit des importants trava".l.X de DELA FOSSE,
VIDAL,
GAIL-
LARD,
MONTEIL.
Cepend2.nt,
à la lumière deG t:-aV2.UX récents
de Sory CAlv1ARA (1) nous '~ssayerl)ns de ::..-époj'ldre à la ques··
tion précise de 83."1'011.' qui s::mt. les .iY':OUL..l,
?
De tout te,.ups,
le:> DIOiJLA furent E:t demeu.rent en·-·
core de nos jours parmi .1.es pluR gri:ln.ds ma:J:chai1cl.z. de l'Afv-j...
que de l'Ouest.
Depuis 1'2' M:oyen-Age, ils se livr;i1.ient à un
vaste commerce régj,on~J qui les me::!aient des confins de 1<'.
forêt animiste aux abords du. SahaX'a.
rvIONTEIL et tout récem-
ment R.
:rv1A UNY ont largement insi3té ::;ur cette influence éco-
nomique des Mandingues en génér~.l et de8 DIOULA en particu-
lier,
en Afrique Noire de ]' OUeD! (2).
Nos colporteurs Dioulas
sillonnaient donc l'Afrique r'~oi!"e de J.'Oueat en tous ~ens. Du
Sud au Nord,
ils importaient vers DJENNE,
TOl\\.1BOUCTOU et
GAO,
llor provenant du MALI et ses dépendances,
les noix de
~a et l'ivoire des régiOl:'s forestrières.
(1) CAl-AARA (Sory) : Les gens de la parole
essai sur le rÔle
et la condition du griot dans la société Malinké.
(Thèse de 3ème
cyole,
BORDEAUX,
fac.
des Lettres,
1969,
2 tomes).
(2) MONTEIL :~Leh:"'f,eopires du MALI, Bull. du Comité d'études
hist.
et scient.
de l'A. O. F.
R. MAUNY: Evocation de l'Empire du MALI,
n° spécial
de NOTES AFRICAINES
-
110 ..
C~G prod"l'.its étê'_:'.e:~:i: ven.Gus aûX :march2.nds berbè:i.··o 8
et arabes.
En écha:=lge,
l~s Di:mla ache~~aient deG pièces dl étoffe,
des ver:r.ots:;<cs,
dE',r;
mal"oqlJ.~ne:d,,:·G', et Gurtou~ ô.:. :Je! g e:mmé
proveP..3nt des sali:'J.es cl:l S~ha~~..
Par 12.. 91jite le trafic cormner-
. l d
't
" .
' f '
.
1
'''1..
r
..
.. r·r-'"
....
1
(J'
Cla
eval
s ln:cenS~l~ler Jus(j'.'.ç",.J. ~..;;.,..,1.L at'. -'•. vleme Slec e l '
On pense que les D~:OUL..\\
écl':l.'O:.ageaient 1e8 l).:)iJ: d,,:~ kola qu'ils
achetaient au.x r...3.bi"·~~nts de l'P..NN8,
CO:1tre les ;-'üou.tons du
J.e truchemen:~ de .:-:e '<"'d.stG cc.mlnerce intex-··régional,
leo DIOULA
.
è
. t
.-
"'''1
tf!' f' '- ... ~ ;.' ~
"1- -,.,~ ·!I(O ..•__ .
~; -'-f) rI
~!.~ .~- '" CP
JOu ren
ffi~
ru e CCI'J\\ll'".ce.cr." •. ,·'" ._r.......~ .f .,,-'~~JalA·-,lo..·..... 8 '..;.n•.. ll·..n ._
culturelle de leu~ pays bien a1.4-delà de ses fro':1tières.
trant au loin cl;::,,:::>.:: ,-
.r )_""..
KT c:::
.t.r:::•
..... ~
J .
...-.~.,
~.J-f'J.J
~"'a"-:;'~L"''''' .' . R
\\fV.r...
\\...... ~> •...~ 't.,1.G:
'~'r.
_ •.1 ·1.",·",~
......... ~4."
C~
do Ccr,:!.0-
SO (cité clet! BOBO et des DT.OUI..P<.,
K,{YN'G,
BONDO'':JKOU,
etc
JI naM~a..;: r.:.ctt~el des .crOULA
..
-----------------,--
Tous ces mou'.renlents d'tul peuple essentle:lc:-.nent
ma :x:hand contribuèrent à ~tf-mdre consi.:J.érablernent l'élire
géographique où les DIOULA ,,-lvent aujourd'hui en minorités
( 1) ;:d lê.ütj/e~~l"~.j_jf:idt~::'tlk J~:E.'1tit :·toi1.~: l~t;.l'./.Dye'i:l;;'Ag..e,le. :}l!A LI
_
.:
2.Gt,3U~·f0t.ü·i'liGseur d'or et d'e~cJa·les du monde
médiévaL
-
III
-
importantes ou en majorité (l).
CeBe-ci couvre actuellemen~
les régions comprises entre J.e Sud de la République du SENE-
GAL (incJ.ese) et J.e Nord-Ouest de l'actuelle république de
COTE D'IVOIRE.
Cette a.ire repréaemte la forme d'un croissant
qui commence ver::; 1? GAMBIE,
13 1 étend
ensuite dan.s la circons-
cription de KEDOUGOU (République du SENtAL,
HAUTE FA~EtjE).
A partir des trois localit~Fl f('jrmées pa:r KA "lES,
K{TA et
TABOU (pointe O'Ue~t. de J.'ac.tuelle l{''::l:lubUque dn l\\>ij'arLt~), ce
croissant ::::'incurve vers ~'A'l;lé'.nt.i~.uc, pé:lètre a1m.·s p:rofo:n.d&ment
d
S
1
t
._., .... ~_.,
,':..... '''71 fT',TTII T\\.T(
ST.'"':.TT7Rl
an
e
.el ~ .t~O_.1" g !l~_le,·
;.u--~." .. ,
'.'_ ~
_
,
KA.NKAN,
KOUROUS-
SA,
FAP-..c'\\NA).
Enfin,
l!~.ni!e ~xtrémité de cette é'.Ïre géog?:2.-
phique el.3t fo:':'méc ?a}~ l.G l'~('!'d.-O..:test èB b . .République de
COTE n'IVOI.RE (S'ld d'0.rIENNE et ~or-i dfl ~.-1AN (2).
') / D'l'
,
.
l
1.-
l ' .... t
'
.~
e :I.~:;l1tat:.Qn. r u~2.:mp c. e '-'G.e
Nous ni avons pas l'intention.
évidem:r.ent.
d'étud5.cr
les DIOULA de toutes ces régions.
Nous'.:rnus
cantonnerons
dans une aire très limitée,
ceHe dont nous so:mmes originaj.l'e
c'est la partie ivoirienne de l'aire ci-dessus décrite.
En gros
il s'agit du paye centré a.'J.tOl.~1" ("~ec localités d'ODIENNE,
SEGUELA,
KONG et KORHOGO.
Cette ~·égion const:î.i::1.le aujour-
d'hui le pays DIOULA paT excellenceo
(1) On les retrouve en colonies plus ou moins nombreuses en
Afrique Occidentale (MALI.
COTE D'IVOIRE,
HAUTE VOLTA,
GUINEE,
GHANA,
LIBERIA.
SIERRA LEONE et à moindre
degré au SEN'EGAL et en GAMBIE) et en Afrique Centrale
(CONGO K{NSHASSA.
CONGO BRAZZA,
Rép.
CENTRAFRIC1.,INE,
etc ,..
) Mo
DIOP,
Histoire des classes sociales dans l'Afrique
de l'Ouest,
p.
135
(2) CA"WlARA (5) : Les gens de la parole,
],969
-
] 12 -
La conr:ddération géograpl:d.que trè s large sur la com-
munauté linguistio.ue D:l:OUL..A a pour but aussi de montrer que,
par delà Il'!. multiplicité des langues et des dialectes que tout
',m chacun se plaît à {voquer et trouve même à invoquer pour
ju.stifie:::- "tme ce:r:'trdne politique r.:,. c::"'.lrte vue,
il est poos~.ble,
au ;1.ivrot:è de PAfriquc Noire ocr.:::cle:ntale actuelle,
dE; définir,
pour C8 (PÜ relève essentiel1em·:mt de la i:)~.cdon C0l1.Ti:D.unica-
tive du langag e,
de vasteE dom.c,i:i1.~s pr.opre3 ~. u:",-e langue
(le DIüULA) dont P exte~2~";:n géographique et h",'rr..aine dépasse ~
largemer..: les :~imiî;es de::: com.rD.'.mautél:' ethniques 011 elle est
parlée comme ~.2.ngue maternelle,
n s'ag:i.t de dépasser la vi,::ion
manichée~:tn~ q,d. ne voit dans la sHè:a.ticn d1..~ langage en Af:i."Î'lue
Noire qu"m :ti~e,~tricable dami<31' ling\\.1~sHque;r (1.), Il existe
en Afrique clef". cOT':u:n.unautés lingu\\stis.ues démogr.aphiquement
impor"""ntee>
...
L,..,:•• _ . . . ('-l['
1 .F:1. TJSSl\\
•
. . ,
c'''IAHTT
U
\\j
• •
T
.i-J. _ J
'""rOLO'"
li.
.1..:
,
PZUL,
"{ORUBA,
LUJGAr..A.
etc •.. ),
P,
A;'..JEXAND.RE r..o':e 'l'.l~ le groupe Mandé,
oui nous intéresse ici est llprobablement le plu3 important du
SOUDAN occidental aveC près de 7ingt millions de locuteurs
(SENEGAL,
MALI GUINEE,
Gilli\\JEE BISSAU,
GAMBIE,
HAUTE
VOLTA,
/SOTE D'IVOIRE,
GHANA,
SIERRA LEONE,
NIGER,
?viA URITANlE) 11 ; c'est dor.c dire q1~1 une poliHque linguistique
inter-africaine est fort possible.
Le prestige et l'extension du DIOULA se poursuivent
et se :;"éfèrent z. une histoire plus ou moins ancienne selon les
cas,
mais touSours à tille )x1stoire précoloniale.
L'importance
actuelle de certains dialects'j mandi.ngues (BAMBARA,
Iv'IALIN.,.,:
KE,
Df:OULf..),
s'explique p<\\.r l'impo:r.tance historique du IvIALI ;
0) ~ HOUIS, Antb\\tUpologie linguistique rle l'Afrique Noire,
p.
5-6
.. 1 7.3 -
quant à 11 expansion 2\\.C'i:'.lelle de. BAMBARA et du DIOULA,
elle
s'éclaire si on la réfère à 1.1Etat de SEGOU (-;;JI. 1660-1.861) ei:
au développetx:er:~ d-:l x~5seau commercial en direction de la eût&-
(
....
t
d'
l
"'r~ -,
• ...
1
l
.
.
con...:;').c s
e::;. e ... V eme
Siec e avec
e comportol:" portuga1s
..
-
~
d' ZL IvENt~ et d,l.nt les priD.cipaUJ{ agents ét?:er:t les J)IOUf-d"~.
( 1).
~l 0/ Les DIOUL?!. du. point de vue linE'",j~;;~.que
; /
CGnsidérations g~.:'lér:i.leS
Les linguistes co:nsidè:i:"e:;;lt :tes DiOUL!-:·. comme l'un
des prbcipa'Uc '~ep~.. ése!lté'.!lts du g:ro'_~pe linguistique M,"l.NDE,
dont l'extens5.on deiJ.'leure considérable en Afr~que Occiden·i;ale.
BUSA,
BISA,
KURANKO,
TOURA,
l'AENDE,
DAN: .•.
etc •...
Cependant,
pour un gr::"!ld no:mbre de ces populations,
cette
parenté linguistique demeure sans grande portée pratique.
La
possibilité d'une communication directe entre interlocuteurs
de languesmandéGdifférentes n'existe en fait que pour celles
que les ethnologues et les historiens ont coutume d'appeler
les MANDINGUES (francisation du mot rvLANDENKAN qui si-
gnifie II gens du IV'JANDEN" - le J\\,iANDEN désignant lui-même
une région géographique dtcée sur le fleuve :Niger en amont
de
BAlv"'.L1\\KO (.:MA1....I) et en aY'a.1 de KOUROUSSA (GUINEE).
Ce dernier groupe comprend trois populations : les 1iALINKE,
( 1) M.
HOUIS : op.
cit.
p.
109 -Il 0
- 114 -
les BA~I'J.BARA ct celle qui nous bl, .. resse précisément id ~; les
DIOULA •
L~s c1Hférer:.ces dialectê.les qui séparent 1::3 trois }:::.:i:l-
gues sont m.:i.nimes et ne déterminent. pas de di:Ficultés insur··
montables pour une communication directe.
On penrJe aujourd'hui;
que ces populations dure:'J.t parler antérieurement à l'avènerr:.,mt
de l'Empire :nédiéval du lV'I.ALI (dont elles furent précisGmell-::
les fondatrices),une lang1.".e parfaitement homogène dont les
trois l~.ngues ci-dessus citées représentent des faciès contem-
porains.
Combien de tem?s dura ce prc:ceS3UG de différenciation ?
Avait-il dé5à ~ttebt son terme aV2.nt les conquêtes lnalienneG ?
Si M.
HOurS pe~l:>e que Ill<"\\. fl'agmentatiOJ:: actllcU", des di2.1ec'~es
MALINKE c1.oit êtrE: mis e en corré}.~,tior.~ avc';: la destructicn du
W:.LI (.fin du XV~me siècle} par l'Etat de GAO €'~ la disperoion
1·: k'"
~
1
•.,
•
·tll (1\\
ma .,n.. e quo S e~_ SU1Vl
" ! '
il CGt génér~lenE'nt difficile de
ùonner une rçp;:'fL'le pré-::i.se 2.'.n:: de-lJ{ qu.l~sti4'ns ci-dessus po-
sées.
A-.;.sd est-il malaisé de pa.rler d'l.me histoire médiévale
des seuls DIOULA.
CI est pou:r.quoi les }..ictorienf" traitant du
)
l'IIV\\LI préfèrent le terme général de Ma.ndingue et dl Empire man-
dingue,
aux appe).ations plus précises de MALINKE,
BAMBARA,
ou DIOULA. Cependant, il semble que ces derniers aient été
les éléments les plus dynamiques des con~uêtes maliennes)
g~âce à leurs activités économiqueG.
Le TARIKH EL FETTACH,
OUV:i'age d'histoL'e écrit en arabe par un noir de TOMBOUCTOU
(ethnie Soninké) cOr'JlU SO'lV3 le nom de :MAHMOTJD KA TI
(1519-1.597) parlait déjà des ~NANG.(.I.RA (DIOULA) en p?:t'1ant du
(1) M. !"lOUIS, Anthropologie linguistique de l'Afrique Noire,
p.
109-110,
Pads,
P.U.F.,
1971
-
1J.5 -
l',,1A.L! à l'époque de KANK~N IvIO'C'SSA (1307-1332) : l'ni VOUS
dèmandez quelle différence il y a eatre MALINKE et 'V/ANGARA,
cachez que les ~HANGi>.RA sont de même origine qne les
I#..LINKE,
mais que WiALINKE Si emploie pour désizner les
guerriers,
tandis eue WANGARA s'emploie pour dé:::;igner le3
négociantn qui font le colpoï'tage de pa.y[~ en paysl1.
A l'intérieur du vaste ensem.b:'e ~......Li::..:v.dir.gue,
le DiOULA
de COTE D'JVOIRE occupe une place à part.
Ce pêi.rler ect ~n
eL:~et unE- extensic'n du Mandingue hors de son cq~~).e géograph:-
qU8 traditionnel,
nettement plus sGpbntrional.
:d r:st "lxdIisé
comme prendère et surtout co~cnme deuxième langue pa.r en-
viro)."}. :<'1. moitié C:e la population ï"§8i,~.:;nt en CCTE D'IVOIRE
et se m.anifeste I~JUI) ùet::.': for~n.efl r.najeure~
a) le DIOULA d' origine p~:.;.·lé dana les régions ,de
KORHOGO,
KOI'·TG,
BCNDOUKOU,
etr: •..
où il coexiste avec
d'autres parlers mandingues :
- Malinks d'aDIENNE
- Koyag,- de SEG UELA
L!:~tercompréhension est ~xès largement attestée ce-
pendant entre IV;ALINKE,
KOYAGA et DIOULA.
Intercompré-
hen;:;:~(;n, mais pa,;; ~imilitudè car, bs MALINKE dlODIENNE ou
les F:OïAGA de SEGUELA ne l'<.::co:nnaissent pas dans le
DIOULA de la régiu,. de KOHllOGO tltA. de KONG,
leur propre
pc.rler.
Il Y a
entre ces di.fférents parlers,
;lne différence de
prononcÏ2.tion et de tonalité.
Le DIOULA lui-même est trèe cli2.lectalisé : le
nIOULA de KORHOGO diffère de celui (h:~ KONG,
.eelui de
WARAGNENE .1,::: ~dui de KORHOGO et de celui de DJENDANA,
etc ....
Ce DIOUL..A.. est une \\tlingua frt'l.nca' 1 :;::J,0Il U~ "p::.,j.g~.n
encore moins U.'!1 créolE!' (l) et est utilisé par un pourcentage
inlporta,nt d'ivoS.de::ls ct de; non-ivoirier..G dans le....n·tl rapportG
lid
quo'
"le!lG ,) , 1
,t
es
p 1us U +-'1'"
..l
13"3
dans 1es vines qu.e dar.s les vil-
l:-:ge,"1 €t
est très app;:;.uvri par rapport au DIOULA dlorighie
dont H e:::t '1.ssu.
IJ. repréc~nte d'aille".:l:t's mo:i.ns lm l'J.alecte 1"'ro-
'"
1
gré l' e,:istencç-les corre~pol1da~,ts du .oXOULA odginel : s2.bu,
l
,
iko,
nga. ; c' est égale~TIe:a\\; le C:?D Ô'a.i:1S le v:)caonlaire :::Ol.ll-ant :
-
-=-
1
\\
\\ .
l
,
,
j~ (poche), u;zoni (pou~3Se:i.·), :J\\1.g-;.!E,. (façon), 80:.'11: parfois rem-
placés par leurs équiv<?lent3 f~(,êl,::,'~ais. Il n'est pas rare de trouver
dans ULïe phrase d'~ DrCULA standa1.,4,dont l'ordre des terrnes
reste spécifique,
trois ou quatre rJlots fran~?is ad~,ptés ou non
au phoné-Hsme particulie:r: de la lang'-,.e ernprunteuse.
Un son-
dae; 3 SUI· des textes enregbtl'és r8présentant 12 000 mots,
four-
nH un ch::ffre <:.-pp:t'oximatif d8 5 % d' emprunts au français (2),
em}?rmètc qu: pGèlvent ê,t:i' e cornplètem ent ii.'ltégrés dans le sys-
t'ème de la. langu2,
Gomme le ï.i.'::mt:t'e les exeluples suivants :
1
/
(1) C. DUlVlESTRE et G."J::::,A
RETG~~p : KC DI ? Couro de
o
DIOULA,
Unive7.~sQ D'J\\BIDJ'AN,
1974,
p.
3
(2) G.
DUMESTRE : op.
cité.
-·117 -
1
1 J. ~ ,
"
'
.. ,
1
balontanyoro (st<:.cl.; bal1.on + f;(apper + lieu),
a pe:,:,esel!'@'nlo (il
,
t
est pressé),
l~kol-4$;' (écolier = école + enfant).
La limite entre ce DIOULA otandard et le DIOULA
originel eGt assez nette d'un point de vae sociologique : l'i-
mage du nIOULA standard est très généralement négative d".DS
l'opinion publique ivoirienne ; celle du DIOULA d'origine ne
l'est pas,
cene du MALINKE ou de tout Q.:üre par:el' mandb-
gue de ~~erToir non plus.
Cette image négative esi: rornm-ü.ne du
reste 2 to'~s 1er; parlers devenuo langues véhkulaires hors de
,
l'3ü:~ pl'op:':"e aire gSographique.
En f~Lrr~plEiant, nous diron.s que
l:'! DIO'iJLP... standard Cl est du mandbg'l~p. pa:r.:.~ ~.J~.:~ des non-man-
J
,':':.ng.1E:;J,
c'est le DIOULA de lë- rue.
L~; DIOr,::·:;:".t~ standard
e::r~ 1;1_ l~ng\\:e d8G non-Jioula Les"".n::aic d:'.ov~~$ç/pa:rlaüt, euz,
le DIOULA orig::.nel.
Cl est le DIOUL...l\\. standa ,,:,d.,
il est vr.ai,
';1.1.:
es~ généraler~lent pl'atiq:-'.lé pa.r les aut::-ec. €;·.:hde3
de la
COTE .C"IVOIRE.
Cc, DIOULA n'est pa.fJ un parler de "terroir",
il n'est pas n~n plus eAac~·E:lned.... la lc..'.ngue ciea parents. Il
est é'.ppris ~lorG, co~mc deuxième J.<;'\\.ngue.
Ce :t:7clénomène
s'observe dans le Nord de la COTE D'I~/OIR~, d2.ns les villa-
ges sénoufo ou dj:\\minl en vO:!.e dG :::Olnplète asGimilation au
DIOULA...
Cepenchnt,
dans les villes,
il an':'ve que les enfa.nts
appre:n.::J.e:nt le DICULA atanda:::d pr?t:~quement comme première
akrj (;.(Ille d?:;~ f,::>.ë.ents et ,:;,e leur gTo'-'.pe ethnique.
En règle
géné:-:<''.:ê,
l'ô.: .rX~C!ïJLA
stanlard. est pr,-clr la plupart des loc\\).-
teurG,
une deœ:ièm.e J.~.ngueo L" A:P.:J; ,:'!·::s personnes parlant
un parle:;,' m:;mdingue (DIOULA originel par exemple) est évidem-
ment différent : le DIOULA staI:'.darù,
peur e'.~x, nI est pas véri-
tablement une deuxième langue,
rna~,;:) plutôt \\L."'le deuxième façon
de parler.
·~-
-
; 18 -
,CI est le DIOULA originel,
langue première,
qui nous
intéressera dans cette étude.
VOYJns donc m:tl.intenant quels sont
ses caractères cssen'dcls et s'il se distingue,
par eux,
deo
autres parlers mandingues.
Du point de vue de la syntaxe ,
il Y 2. trè s peu de
différence â.vec lè BAMBARll.. et le MALINKE : certaines for-
mes complexes Gont simplement remplacées par d'autres,
mais
le système :: este, dans un':: énorrne proportion, trt:ed1que.
Le
même phén0mène se retrouve dans le -.système tonal : les tons
inhérents ['ont identiques à ceux du BAMBARA,
les règles to-
m~.les :;ryntagv~tiques également.
Le système vocalique est le
::nême qu1 C:l BAMBARA et en ïvIALINXE.
Le GYi:f~ème conso-
nanticpe,
~e.~·~a:ppoLt au BAMBARA,
est légèrement modüié
gb remplace g et gw.
les prénasaliséec, ont en général disparu
m<;:.is ces tr2.:i.ts existent également dans ce:ë~ins parlers malin-
kés.
Le DIOULA connait';quatorze voyelles : 7 voyelles ora-
i
les,
que l'on écrit : a, é! • :;
e,
0,
i,
u,
et 7 voyelles nasa-
les correspondantes que l'on écri-;; an, (n, :)n,
e:<l.,
on.
in.
un.
Les mêmes 7 voyelleE oralr::s se retrouvent en français : a de
chat, ~ de lait, ~ de bol,
e cl.'; thé,
0
de pot,
i de riz,
u de
cou ; CIl trouve êff~le:ment €::i.'l françai~ les voyelles nasales an
et
n (camp,
p5.~-1) ; les 5 a';-':~:::'ec voye~.J.p-::l nasales du DIOULA
sont d.i:::~:érenter cle celles d".l français.
Il existe en DIOULA des
voyelles longues,
que l'on peut conE7.:::'érer comme le réstilt6t
de la chute d'une consonne i~tervc(;:\\\\lq\\..'..e. Ces voyelles lon-
gues.
aSBez rares,
seront graphiqu"::T.. ent notées da.ns notre
texte,
p2.r le redoublement de la voyelle : aa,
H,
00,
etc ...
Le DIOULA connaît aussi 20 consonnes,
que l'on
éc:rit
h,
d. j, f,
g,
gb,
h,
k,
l,
m.
n,
p,
r,
s,
ny, "
- J.l9 -
t,
c,
w,
y ; 9 d'entre elles ne font aucune difficulté pour un
locutev.r français : h,
d,
f,
1,
m,
n,
p,
s,
t.
Nous ferons
à propos des 4.~ autres les remarques suivantes :
j\\
: correspond d'assez près au 30n entendu à 1'ini..
tiale des mots f:i.·ançais,
<l5I\\$t:'.tl.t,
diurne,
diète.
g : corr.espond au g de garde.
gris,
guide.
Notons
aussi que,
de manière très fréquente,
un g placé enh-e deux
a,
deux J, deux 0 peut se prononcer comme \\1..11 r français
(R) :
, ,
, ,
Daga se prononce (daga) ou (dara)
, ,
, ,
Sogo se prononce (sogo) ou (soro)
,
\\
\\
\\
M~g~ se prononce (tmlg7.io) ou (rn.1r.:;)
GB : Cette graphie rend de manière très imparfaite le son
auquel il veut correspondre. il s'agit d!un 80:101 doublement et
simultanément articulé,
prononcé 3. la fois à l'arrière et à
l' avant de la bouche.
H
toujours fortement aspiré (anglais : hot)
K
la graphie K du DIOULl
correspond fl.U son unique des gra-
phies françaises C (co:rps~ QU (qui), K (képi)
NY
le GN des mots français SIGNER, AGNEA U
~l c'est le son des mots 2nglais, KING, SINGER, SONG. Ce
son est cependant très rare en DIOULA.
R : le R DIOULA est "battutl ,
plus proche à l'oreille du L que
du R (rouge).
li efJt né;:'l.nmoins nécessaire de distinguer ce son
du R qui.
nous l'avons vu plus haut,
est la réalisation de G
dans certains contex.1es.
Dans cey.!à::i.ns mots R et L peuvent
fonction.T1cr comme des variantes : SéRi ou SéLi (= prier J.
C : à peu près le son <luron entend à l'initiale des mots fran-
çais TIARE,
TIERS,
TIENS •••
-
120 -
W
c'est le son de OUATE,
OUI,
WILLIAM
y
c'est le son cie YAOURT,
CAi:lIER,
P/-..:::!:"'LE
Enfin , le DIOULA est une langz.e à tonr: : celé'. si-
gnifL~ que dew:. mots homophones,
Cl est-8.-,:1ire
constitués des
-
memes "
.:-ons,
p '"
·_,Y-t,...",
_uve, .. ~ e·_ e
r·~··~-·
Cll.U:-.;.>. en,~;~
......... s
-"""1->'
pP.... - ..c. 1"
,.""
..aut.~t:_r
"1
me
].'
ou,que
à laquelle il,,, sont I:x'JnOi:"lCés.
Le DIO~JLA cO!l:2a~t dem:: tons :
un ton haut noté (c!.) et un bas noté L~..;. Cea l~~~".:;~ tons, on
se combinant sur '.lll mot d'u':"'le seule syll:"i.be p:t"oduiseat un ton
modulé,
noté (~).
Aprà::: ces brèves indicë"~~ion8 émr les ca:.'.:"~ctérist:i.~ues
historiques,
économiqu.es,
géographiques et linguistiques des
DIOULA,
il nous faut à pré3ent
ej~am.;.ne:;: leur organisation
sociale et domestique.
Ce oerê, l'objet du pro chah). chapitr'ç,
-
J2.l
-
CHAPiTRE il
- - - - - - - -
DïCULA
La. société DIOULA. est '..m.e société clanique.
0:1 peut définir i.e clan seJ.':m trcis critères : \\ID nom
,
.f
l
'
commun ou jamu,
un ancêtre commun,
~~écl ou mythique (Bernba)
1 1
et un totem ou tana.
1 1
a) Le nom clani9~e ou ja~u
TO'lt individu DIOlJIA ô.ppartient néceseairement à un
cf'
1 1 (
clan déterwiné,
qui il FiaH no;")le,
captif ou ny8.ma kala ,homme
de caste inférieure).
Cet~e appa.:rtenance est déterminée d'abord
1
"1
. 1 .'
.1
/
, 1
d
par
e nom qu l
porte: .:;amu,
et ce Jamu est aUSE'.1
e nom
e
1
1
son clan ; de ce fait,
tous les individus portant le même jamu
(nom clanique) sont considérés comme apprtenant au mêr:t1.e clan
et tous les membres d:un groupe clanique [le considèrent comme
des parents,
et par conséquent comme issus de la même $ou~
1 r\\
che.
Le jam'.1 renvoie justement à cette communauté de souche.
Le nom est considéré ici non seulement comme mar-
quant l'identité d'une pe:;"sonne,
mais aussi et eurtout comme un
,
attribut honorifique dont l~ l'crteur s'enoreueillit. Ainsi,
on ne
-
122 -
le dit que pour rendre hommage à quelqu'un,
pour le glorifier.
Le:;)
règles de V'.::ns0ance comman.dent par exemple
que lion aborde une p,~r80nne à qui l'on veut témoigner du
respect,
en la saluant par son jamu. Ah1.G2"
sj. vous
re!lcon-
.
trez un :;:':ULIBA::',I (c'ent;m nc-m d",fO[que;',
yeu::: le :32,1'Uere~>;
en lui dinant : "I K"lîLIBAY."1
Il ce qui signifie : "Toi KULI~,
BALI
11
et 'llini:e:i.loc1.lteu:r vous r6pondra aveC une humilité
trahis sant '-ID c erta5.n orgu.':lil.
b) LICl,::'lcêtre et l'animal toter::Üque 01..1 tar.,~,
Si le jamù. apparan comme un résunlé généalogiq'l10,
il évoque aussi les aventures de l'ar.cêtre fondateur C'.l,l clan :
/
.
B emba.
la vie et les périCl'inaticns de ce
",
ne::.·oS,
da;,lS le tem,ps
mythique,
chern:nements li(lS -..::n général aux actions salvatrices
,
J
1
d'un animal totemi',;iue (tc\\D.;:>,}.
A Ce sujet,
H est remarquable
de constatez que tou'ces les lézender' tcterniqueD concernant le
clan ont en commun le th?;rnc~ de l'échange vital ; l'hornme qui
doit devenir la sou.::he d'un clan est sa1::,vl'é de lé'. mort grâce aux
services G."un an:,ma1.
De ce jour, lui et s('n c1?,!l d'une part,
l'animal cauveur ct son esp'3ce d;a·~{.:t:e part,
~e)~ont '.lésor1nais
liés par QT],e véritable aLi.:ance.
Les hommes du clan s'interdi-
ront de manger d~ la chair de leur tana,
i18 ne tueront aucun
animal de cette espèce ; lorsqu'un animal tana. vient à être
captuJ."é vivant p<'.r quelque chasseur, ils viendront racheter sym-
boliquement sa liber~ê. Ils appellent les animaux de cette espè-
ce be.fnbci,
ce qui veut dire " gran ~èrell ou " anc être". Dans la
pensée traditionnelle DIOULA,
lras80c~ation est si étroite entre
l'idée de l'anc~tre et celle du totem que l'on,~ croit encore dans
-
123 -
certains villa.ges, ~'.le certdns hommes particuliè rement âgé,,:,
peuvent prendre 1?:- form·:o a.:n~.nl(?~~.e de Jeu:,:, t.C~~IJ~~..
Mais le [c.ït
d'avc:i.::~ reçu quelav.e r:-..hos€
de Vit2.'. d'l',::le~Sp~ce a:,':I,i:male,
:?lê.Cr::~ du même ~'::c.'Up let": h()"~c1.mer: dt'. r..lô.71 da.ns UT.'e pasiHon
•
, .
,
.-
L . . . . . . . .
n . . ! .
Infe:'·lC'.l1"0 et ·],u~.nerab1.e par ral)p0r.Ç a l' eR?eCQ ~ote)':'n.:~.~ue:
if"" 'ff "'Y.nt
r; " " ,
•. \\... ...m .,a
...~ à
.
". .1..
0
•
jJ. B
s' ejt.~oa en.t ~ d. e smala -
·i
f
f
d:i.es,
ce cont e'1X qui (~o;1Vc:Jt avoir du re~pGct po'C..1r :le t::'.na
et non l'inverse.
Ce respec.f.' CA. dû avo:i.r 8ub:e:ois un caractère
religieu:;: t~È:B :.n",.:è'~llé.
E:;'l résumé,
1e clan DY.OULA est un e::lsemble d':i.ncii-
,
1
vidus portant le ~:nê1'l1.e jamu,
se réclamant d'nn.. :i.nê'TIe ~w:~ê):re
,
.'
ber{lba et [; ('; considérant par conséqu.ent con'1me des ~arent8Q
B. s'agit d;,o la éiesc:ri·~::y3.on de b. manière cJont ce r:qs-
t'ème clan1.q·1,1.e s'o:rga:")iD12 dans l'e8pÇ\\'~'eQ Pout' ce fê~.re, nous par-
tiront> dLt'e,r.~:3ment d,.', ',cl1l2.ge,
et nous "erron.:'! appa:>:'aftre les
cJ.?n!'; <".u. r..:l-:.reau (~,es qt~~:rtie:r8,
a) L8 village et le:.:.; qU8.rtiers
J.., l organ5.cation de l' espace- villageois DIOtTLA dépend
des rc:..pports des c 1::l.ns,
En effet,
le schéma type de l'occ12pa-
'don du sol villageois .oIOULA est J.e suivant : les clan/:: aut0~h-
tones ou les premiers occupantD s'inst2.11ent aIl centre du vi~_
lê.ge et f0urnissent le chef politi'éJ.ue ; autour dl eu;!:,
les alliés
".1
,
\\
.
1 1 .\\
(furugnolaw) ; et autour de ceux-d.,
des étrcmger8 (lonaw) Èt
-
124, -
qui l'on avait dor..::c.~ J.'ho8p:i~;3.~.ité. Ch8.que g:r:oupe cJ.aD.:1.que Con3-
oon e:dstence pacsée.
Voici pal' exemple quelqt:-tes r..om.c de
,
quar'derr:: : Kondé::La,
Quatt.aï~-la, .ttt"::!.J.'(-lé';.:. L::; t;:;"enner quar-
l\\:?'~.:i.s il faut are ..' plus é\\.v,,'.nt Jans l'E.;'-:;:llye.'.) cl.es à'::.Y~.-
nique d.es èJ3.yJ.sicns ter:-itori,:ües.
"
}
hj J.... es b~)londa'. i......u subcUvisions du:....SLu.::I.rt~~
En effet,
l'observe.tion des quartiers montre que
1
ceu..'X-ci sont divisés fèn "-.'.nités s:;:;atic:les plus petites : les bo-
l 1
l:.-ndê'.o
G es dernières sont nettemer.:t délimitées p~r nne clôtu~e
1
l
, J
(jasca.) ou un ITmr (kogo).
Blle8 abrit'?ôüi gt.:nér?.leme:ùi des gens
. 1
1 .!
app2<.rten?nt a::J. n"lÊlne dan et portant: e. mê:ne jam.u. Znfin,
ces
unités spat~.3J::'iJ portent le rnême nom que ceux qui les h2..bitent.
•
1
J
A "
.
cl
" ' , ' d
d't
lnSl,
on trouve
'2-13
C·O.;.·~':'l a
1 s
KDLIBAU>,LA (chez les COTJLIBALY)
CISSERA. -LA (chez les CISSE)
SER.'(FU~LA (chez les SERIFt-<.)
..'
Chacun de ~es B6londa~ constitue une corlmunauté
ayant une place publi~ue centrale (kènè) pour les ré'.ssem.ble-
me'.lts,
la prière,
les côrémo~1Ïes de mariage,
etc ..•
Cha-
I
/
/ .
CU-."1.
dl eux est dirigé pa.::: u:n chef,
bolondatigi,
entouré d'un
conseil d'ancien:> pou= juger 1er> conflits opposant le<;rs gens.
Evidemment,
l'homogér..éitè des b6~.o~d.f. renforce le consensus
- 125 -
social ê.U sein de css Br:J1.'.per:: ; IYl:';l.lS on peut se de:.:nander è-ans
q·.·~elle m~8'.l~7"2 'oHe "lI a,(f.aHili,r pa.a l;;~ .)oEdarité dE.- ces~ommu·,
pas
n:?utés entre r~l1 es,
En (,;(xet,
leurs rapports :;:.e Gont !exe~pt8
de confHts,
Des :dvalités et des antagonismes sont souvent
réveillés pal' des évènemer.;.ts tels que la construction d'une
/ .
1
/
mosquée par un bClo:m1.a.
des manifestationlJ esthétiques,
etc
1
c) La ,:ommunéJ.1.üé cl.om..~.g}hFï.e ou },rv.L-
/
Les bolonda se dh-:i.sént a leur tour en cellules plus
/
petites ou lu : c'est ce que l'admi!.l.is·~ration colo!)i.~le 2. êppelé
"concesdon",
terme évidemment assez imt'ropre,
Les auteurs
andens (adminiat:rateurs coloniaux en général) ont esc,a,yéppar
la suite de subst7.tuer à ce terme,
cl 1 autres noms : pout"
TAUX"[ER,
c'est la "c2.1·rée",
pour TELJ.."l.ER,
c1est 3-d. l'case".
Ces difficultés d~ t~:aductions tr2.h:i.sGent en !cdt un ph'oblème
de ,:omparaison entre des réalités GOd2J.es et cultur.elle<; bien
diiférentes : ceE8s que désiene le nîO~; h~ ne trouvent pas d'équi-
velent en Fra.n.ee.
11 désigne en effet une communauté domesti-
que dont les membre;J D.e Se réduisent presque jamais à la
simple famille COi'!jugaie1 telle que la famille eüropéenne actuelle.
Du reste,
la famille conjugale ne constitue jamais,
dans la
société nIOULA tTaditionnelle,
une réalité socic>logique.
Le ter- ..
1
ritoire du lu abrite une population nombreuse de plusieurs
-
ménages polygames et des membres d'autres communautés do-
mestlques a
lees.
xterleurement,
e l'
Il' ,
E " ·
1
u se
Jo!"
o
reconnaJ~,. comme
l
"
le bl11\\Ulda,
à 11 enceinte qui l'entoure (généralement Une haie
de roseaux tressés ou une haie vive).
On y accède par une
case vestibule à deux portes comme Cl est le cas pour les
bo~
1
1
londa ; mais ce fait est r2.re aujourd'hui,
la case vestibule
- 126 -
q~1.êe dans 11 e:nce~nte ; ce fa.it eet h::lernent ûaract6r~s~b,ue cie
cette cornmunauté domeadque que le terme d' "enclos ùo;nesd-
quel! forgé par les ethnographes pour1)lésigner est aujo"Ùro.'hl1i
d'un usage fort courémt.
A l'int~rieur de l'enceinte,
les cases entourent un
1
espace libre (lu kènè),
où tout le monde peut circuler librement
et où lion reçoit les alliés et les V'irisins lors des différentes
cérémonies (circoncision,
rnadage,
etc .•. ).
DanR les cases
vivent plusieurs frères,
m.a.riés ou ;.lon )sous l'autorii:é d',;:n
aillé ou de leur pè:re,quand ce de:,'nier est e,-!coLe v:Î.van·i;"
n
faut aje'hter au nombre des membres de cÏlac\\.L11 des loyers 1J.. -
lygam ec,
les membres de familles alliées, tels que J.3S aever...:;:
utérins et parfcis des be?ux-frères et des belles - SO€,;~::s (ca-
dets et cadettes de femmes des chefs de ces foyc:rs).
Cette
fanülle étendue pect cOrP-I'ter pa:dois une centair.e de personnes.
Cependani:,
le nombre moyen d:habitr"1.nts ne dépaGse pas 80U-
vent lé'. vingt:\\ine.
Le chef de ce-;;:e comrn.1mautê,
est aussi le
gérant des biens dfmt il é'. hérité au nom de c'~ux qui vivent
130U13
son autorité,
et en son norn propre.
Généralement,
tout
le monde consacre une partie de son temps aux besognes de
la communauté (traditionnellement : cinq jours sur sept) ; le
reste du temps,
chacun vaque à ses propres affaires.
Les
biens communs servent à F!').yer les impôts,
à payer les dots
qu'exige le mariage des jeunes gens de la famille,
etc .•.
En résumé,
nous avons voulu insister ~4ns ce para-
graphe sur l'aspect segmentaire de l'organisation sociale.
La
société DIOULA nous apparaî't d'abord comme fondée sur le
- 1.27 -
clan.
C'est la projection des rapports entre les groupes cla-
niques qui détermine l'organisation spaHale du village.
Or,
du village à l'enclos domestique élémentaire,
semble s'effectuer
un processus,
non de différenciation,
mais de divisions suc-
cessives en ~lités de plus en plus petites,
certes,
mais dont
la structure et les fonctions demeurent identiques à tous 1er-
niveaux ; le dugu ou village,
le s6 ou quartier (t:rritoire,.
du clan),
le bolonda (habité par un Egnage),
et enfin le lu
(enclos de la famP.le étendue) occupent,
ché'.,:un à son niveau;
un territoire é\\W' f!'ontières bien concr€'dsées
chacun une struC~;llre autorit;;:.ir e é'. ve-: \\41. chef et un CC\\lS eil '3t
ont leur vie religieuse propre.
En face de ce proceé'.s....l.s de cloisonnement,
le pl'C-
blème qui se pos e est alors de savoir s'il y a dec ::apport:;;
de solidarité liant ces différer~ts groupes et qu' dIe est la
n~ture de ces reh..Vons ?
2.
Les ::Zela:i50ns de Solidarité
Il n~ S'ê.g:'.l'é\\. pae ici d't.'.ne !;t".lc1e de tous les fac-
teu!'s qui fonden: le consensus social ou la coh~d.on des
DIOULA.
Nous nous contenterons se'..Ùeme..."1.t de décrire les
relations qui nous ont paru les plus importantes quant am,
rapports inter-claniques : les relations matrimoniales et
,-
les "alliances à plaisan1;erie~" ou senankuya.
l'" /
Les relations m~.trb:noniales
Les clans DIOULAS sont patrilinéahes et exogames,
Cl est-à-dire G,ne 1;lndiv5.dll porte
auton~2.tiquernent f.~ nom de
- 128 -
son père,
re3pecte les mêlJ.'lea interdits totémiques que celui-
ci et ne peut pa::; se m2'.rier da::ls le clan dont il pOJ:'te le nom.
Le fait de l'exogamie clanique suggère l'ouvertu:ce de groupes
dont la tendance à se fermer sur eux-mêmes a été mis,;:: en
lUr.lière dans l'étude de la société clanique.
Une différencia-
tion de ces éléments qui nous ont d'abord appa:'u co:r.m'le de13
segments plue ou moins semblables les uns aux autl"'2s.
En
dfet,
l' étude de:§~ srelaticns matri:mof.1.alec :moni::~e quel pour
un individu ·ionné,
un clan ne S Cè;'é
pL1S
ide!:::~.que à 1.m 2:..1tl'2,
Il s'agira,
soit d'uD gJ:'oupe où n peut px-endre fei",'une,
soit
d'un g:i."oU:pe dont les fiEeo 1<.",:1. sont :lntG:':"di~e~ ; d'un c6<:é le::>
. / '
, !
' , . '
'_,4,-
falal~aw (ceux du côté du. p0::e), de l'autre, les bla.nar.kam,v
(ceux du côté de la mère).
Ceae différenda.tion introc1nit t0.ut
naturellernent ~'îe interdépenc1ance.
::':n effet,
l' excg::cmie d~:::.i•.
que n'est pas seulement la règle négative qui interd:t c1e pren-
dre fe111me dans un gronpe do::nestique donné,
~nais encore
une règle én'lÏnemment positive qui o~:;Hge les membres d'~:m;::
famille à Si engageY' dan~ des rap:jor'i:c cie solidarité avec d'".n-
tres.
L'échange matrimoniaL
moyen de lien entre em: de
groupes claniqi.leS,
ü.é·(;e:t'm:·~ne des obH;;atior..c d'en.tr<'.ic1e,
d'as-
s:l.st?nce,
de dC:ilS e'i:: de contre donG dCl.::ls toutes les ci:t'~ons-
tances importantes de la vie sociale,
ce qui conErme ainsi
la pérennité des liens que symbolisait l'échange des femmes.
Il faut signaler cependant chez les DIOULA/l'existence d'un
mariage préférentiel entre cousins germains croisés,
Cl est-
à-dire le mariage en~ re les enfants d'un frère et d'une soeur
ici,
il s'agit du désü· très m;:,.rqué d'tL'1 garçon d'épouser la
fille de Gon oncle utérin: par contré,
les enfants mâles d'un
homrne n'épousent point les filles de la soeu~~ de -:elui-ci.
- 129 -
Ainsi donc,
au niveau des fam.illec alliées du point de vu matri-
l'nonial,
ce type d'échange détermiae un certain déséquilibre
entre les parties en présence.
L'un.::: devient par rapport à l'a.n-
tre un pourvoyeur. d'épouses.
D'où la nécessité de s'adresser.
à une troisième f2.mille.
La po'ygamie qui rend poss~.ble, pour un individu rr..'~le
dOll..."'lé,
l.~ne Tnultitude c1'alEances m2:i;~,'hnfJllialeG. étcJ.~d considé-
rao7',:;ment et multiplie le d.l·cuit élérne:ntaire que nC-"':"9 venons
de d{crirc.
Il cn résulte une vas'C": trame de bolidarité rnatri·.
n-lOniale.
Cette hlterdépenclance des g:::."oupc:s ela.niques,
avec la.
B?écialisation qu' eH8 imp~.:ï.(r-:;'<3, déte1'mine pour ~haque ind:'.vidu,
deu$ types de parenté : d 1u.i1.e par~, le8 l.apports ave8 le père
et 1er' n1.embres du clan paternel,
faJ.~ka.!lw ; dl Q.utre pa.:i."t. les
liens ayec la mère et les mcmb:;:es du dan utérin ou béléni,:a-
-
~.
Les r2pports c.·..·ec les paternels 80nt <:;;J.~até!'is~s pé!.T. la
soumission à l'autorité.
la défé:;:",:lce ct les h1ter<ii1:s.
La pare!'.';é
utér5.ne représr.mte le pôle affect~f des l'elations de pê.rsnté,
ce-
l
,
,
....
1.
1 . d
.. '
t
1"
..
-
" ,
..'
d · · t
0""'.J ••
1 ' ,
UI
cs senLlmen S
1(:;3
a .:.a represen~:ô ..10n
u laI.
.;lnuJI \\.!. eau
du sein).
Les bé1. énânkan'j-/ repré83nte~lt ;l1.!SDi pour chacun/l l es-
poir.
En effet.
Cl ')st
2. et:X -les oncles u~érinl3- que l! on Pe:ut
slacl'~êcser dans les mornents dif:(~.dles de la via. Souvent}ils
viennent en aide matériellement à leurs neve.....uc.
Dans ce Cas,
une manière élégante consiste à leur donner en mariage leurs
filles.
Vexogamie et Da spécification,
le mariage préférentiel
entre cousins croisés.
la polygamie enfin,
marquent l'ouverture
de chacun des clans ve:.t:s tous les autres.
Cependant,
ce pro-
cessns matrimonial rencontre m'le restriction importante :
11 en20gamie des ca.stes qui h~troduit dans ce vaste circuit des
échanges Tnatrimoniaux une rupture qui conduit à se poser deux
-
130 -
questions
JO/ CorD.ment la sodé::.2 DIOUJ...A peu.t-eHe oompen-
ser cet a..fiaiblissement de sen cor8ensus
?
2 0 /
N'y a+t-il pas d'autres moyens de lier
les
clans entre eux,
en dehors du n~arjage ?
li existe chez les DIOULA, justement, un type de
s':>Hdadté interclanique f~'-li exclut précisément l! éch~r..3e rnatr:î.-
~.0ni('.1 : le s allianc cs à p1ai sant e:;.-i e ':>u s e:l~nl".uya,
Des relations nomrnées COT.l.iL'.unément "parenté à plai-
1
,1
,
1
saDte,~ie" (oar..ankuY8.) sont établies entre les fami.Her,: D:tOULAS
,
: 1
respectant des interdits et po!'tan~ des noms daniqué;s (jarin:)
différents.
C'eet ainsi C1u'un KULIBALI est séna:')l::u d'un KEITA
.
Il
1
Q4A.
et d'un TANGAR.!.,
chez les Bl'-l'·;ffiARA e~ d'nn C~UA'I'TARAI~UDt. I~
d'cm :BAI\\I.iBA. chez
leS> DIOUl..f\\. de CO'!.'E D'JVOIRE.
Cette a'.-
liance est sou.Yent~p. consén·.lence d'-.~lle longue ar.cdtié entre
...
.
a ·cra.vers ('ôu.x,
eng2.gcut tOu.s leurs descer..-
dants.
"Au lVîa:!.dé,
ZlOtc
G.
DIETERLEi'T,
'1.'.11
KULIB1l.LI et un
'i'f:. !'!G.A RA ,
étn.n~ liée d'une longue et du.rable aml-;;i.é,
décidèrent
de la sceller de fa1çon défînitive.
Ils s' o'lvdrer.t les
veines et
mirent un peu de s2.nt; de l'une des plaies sur l'autre,
réali-
sant l'ë.lliance par cet échange.
Puis ils préparèrent un repas
qu'ils consommèrent 8nsemble en proférant le serment de ne
plus faire couler réciproquement leur sang.
Ainsi fut consacré
entre em: et leurs descendants,
le dyon bénaty'é" (J.).
Une telle
( 1)
i
",
b"
qy~71.a t'~
ye (l':!.tt.
:
d
<lccor-
entre nous ) ;
..
p2.:i."ente à p l '
alsan-
terie.
Voir Go
DIETERLEN,
Essai sur la religion
Ba:mbal-a,p.
8.3
- 131
-
alli::,nce
a la valeur d'une pa:centé ; elle comporte l'obligation
1
1
absolue de ne jamais attenter à la vie,
am, biens des Sénanku.
Les parties se doivent assistance dans de nombreux cas : ser-
vices de nourriture,
de logement,
aide matérielle ; secours
en cas de guerre,
de poursuites judiciaires ; présence obliga~
toire au courf: de cérémonico religieuses,
;.natrimoniales ou
de puriiicatiOl":" (en C:'..3 de ruptu:re d' i~;1.j;erdit).
Ces règles impli(.i.,-',ent que J.'allia'.1.ce '3.:Hecte non ~elÙe-
ment
l'indivIdu dans son aspect sodal,
mais aUEsi dé'.ns ses
principes sp:l:d.::uelrJ.
1
1
,l,
Le
Se_rikuest '-me sorte de jllmea'll de tout in3J.v:1dl.l
appartena.nt 2. l';'H.'.t:re fëmiEe cl2.~:liql:'i'-"
de Gon par.·cenaire et led?roqueTnento
De cc fait,
leb réadlü;'.G
f
\\ . '
\\
(
déclenchées par l'h'3ulte
ném'mi;2u:l.3o plaisantede \\.logobo/,
sont pal"ticdièrec. : le ,~!nk{ en'j;endra de la bo-..che de J.'au-
tre,
sans
fY3 :fâcl:. er,
d'2s moq·c·.crieo q'l'-'~~l ::e '~ol~r8r;:::~it pas L2,bi-
tuelle:w.~ent. CeG moqueries ne :J'instaurent pc.s néce",saircr.aent
entre personnes de I!1.ême â.ge,
ni (1'9 :i.i.":'ême sexe.
Ici l'er..f...nt
peut E: e moqueo:' de son :J§n2.nl~u v~.eilla:;.·C:: !:l fei~:lme Ge l'homme.
T-,ec; plais8.nteries 1?e~1.,ent âtre de tr.è~~ rn,au-.ra.i<:J goüt et les in-
cl
d l
b
" . "
"1)
M·
l
"
'k'
... "I!f.IA
s' tes
une 0
cen~.te ree .e.
.e-.:t8
C
Si?;-..an u ne saural"
~
être affectéJPuisque les paroles s'adresjent à la parcelle de
son être qui lui vient de son insulteur.
Mieux,
la plaisanterie
ou l'injure,
sans l'atteindre dans ses principes,
a pour effe'~
de le confirmer dans sa sit"Lèation vis -à-vis de celui qui l'li
parle,
d'affirmer l'état des deux parties,
donc d'augmenter
leur vit<\\lité.
Elle détermine des mouvements de forces dont
lc"'1 deux interlocuteurs re,;oivent,
comme d'une parole bénéfi·.
que,
"un bienfait r6ciproque" (1)0
Cet effet eSÎ; utilisé dans de
.,-,--------_ .._-
(1) D:~ETERLE!.N, essai sur la religiÇ)n Bambara, p. 84
- D2 -
du partenaire
nombreus es occasions,
notamment lors de l'accession à
ll.1'l
nouvel état social ou à un nouveau grade.
Le sénanku plaisante
un nouveau-né dès l'imposition du nom et,
plus tard,
le jour
où il porte son premier vêtement.
Le sénarik~ est seul habilité, dans certains tas, à pro-
céder à des rites de purification rendus nécessaires par \\L..e
, t
rupture d!intel'dits (tana).
Il a en effet dans les "clavkules"
et seulement vis-à-vis de son parit"~.::).ire, "le double desgrr.::,l1.CS
symboHques" (l),
soit seize.
Il ent de ce fé::i.t quô.lifié,
par [',on
geste puriEcateur et par son rôle essentiel de P01.1.:i:'voyeur D.O~:!.
ricier,
à faire réintégrer dans les clavic'G:~es "du coupable"
"les graines" qui llavaient quitté.
S:i. J.a faute t;st légè:':'8,
J.0
contrevenant lui donn8 du miel,
de l'a:;.~gent ou t'~~ objet.
Le
nyfm~ (2) de l!animal lésé se dépose SUl' l'objet et le séna~,k~
(1) SUT le pian r.,'létaphysiCiue, il y a, aux yeux de::;.DIOULA,
identité du corps de l'homme " gra in du mœ:::le '1 et de la graine
de céréale.
Les DIGULA et les ]I/iANDINGUES en géné1'al,
dis-
tingue~t dans celle-ci Gcpt pa:rtj ~s qui COl'::" espo::1dent à une divi-
s5.on en sept gr'Jupes des organes h'.....mains.
Homme et grain sont
consubstànd.els. ,D'aut:;.-e par'I:,
les nO'.\\rritt".rcs de base,
Cl est-à-
dire les huit céréales principales sont symboliquement présen-
tent dans les claviculer; : l'homme porte ei'l lui ces substances
dont la situation refl8te la situation générale de la personne.
Témoins de l'intéerité spirituelle de l' homme,
ces grains le
quittent lorsqu'il est en état d'impureté.
Il est alors vidé de sa
substance et de sa subsistance.
La purification cl pour bui:: le
rétablissement de cette intégrité.
(2) Nya'm~ : le tere, un des principes spirituels constitutifsde la
personne chez les Mandingues est à la fois "le caractère de l'hom-
me,
sa force,
sa conscience et la partie de son être,
q'_lÎ,
a
travers le corps,
le rend sensible aux contingences.
Si l'homme
est vulnérable son doubl e (dya),
c'est son tere qu'affecte toute
rupture d'interc.:.it,
qui reî-0it et subit l'impureté. Siègeant clans
le sang et dans la tête,
il se développe dans le foetus au cours
de la geatation ; il est composé d'une part de celui de seG pa-
rentG,
à laquelle vient 8~ajoute:!:' celui du défu..~t dont l'enfant a
- 133-(
qui le reçoit en débarasse l'intéressé sans que lui··même en soit
affecté.
Si la faute est plus grave,
les deux alliés Se rendent
1
,
à une croisée de chemin : le sénanku fait tourner de gauche à
droite une torche de paille en forme de crobe autour de la tête
du coupable.
L'être offensé
par la faute ne peut rien refuser
1
~
devant cette procédure.
Il :,:etire le nyama qu'il avait inflie ,,:;,
et l'hom.r.ile,
pu.iss~.:o:nment secouru par les forces de pu:dficateur,
r6cupè:;e celles qu'il avait perdues,
symbolisées par."1es g~j
ne.f d€
'fS'iCiJêWicu!es". Ce rôle cathartique par réint6gratiop.
des Dubstancec. dans l eUT :~i.'ège h1.'.main e:'l'i; illustre dans la 'iie
courante par les prerJ'i.:2.tio:nS é".lin"leu.t?.i:;.. es aw,:quehr-:,,: sont tel"lUeS
le:) alHéç.
:l y a là comme une repr.ésentation 1â.~.·q'le et m8;!\\G-
rielle d'une opération invisible de puriHccLtion.
L~::, nt;:..·.v:tures sot;iales
---'_.~~---~
hié:<:arch{e
.
---
La ,socié~é DIOULA n'est pas s,::;ulerncnt 1.ln ensemble
de groupes claniques rendus solidaire~ g:cSce aœ::§'~;:;.2.nges ma-
."
"""(2-.)~s-u-it-e-:-h-e-""-·1-·t-i/~--;;J.-; e'~ ~ double ('dY':Y'. Le tere de plus se
IT.:'JdiHe lorsqu'il est détaché de son support normal ; il de-
vient a.lors nvalna,
force qui agit à l' cxtérie'lr du cOJ:.'ps.
Ma-
nifeste dans l'acte,
le fait est déjà sensible dans l'émission
de la parole,
porteuse de nyama affectant immédiatement ce-
lui auqu.el elle s'adresse.
Les conséquences de cette action
du Verbe sont multip~es.
C'est au moment de la mort que le tere est complètement li-
b " "
ere,
T
ransf "
orme e
·n
"
nyama
.
qUl se d--;--
_1
egage uU corps,
'1
l
d
'
eVlent
alore. "Hue forme trèG active qui peut,
dans certa5.n cas,
s'atta-
Cl,uer à celui qu'elle c:n:s·".d':':re ':cmme reAprnsable du décès.
Seul s. les êtres sac::.-·ifiés,
horn.met'l ml animau;~, les plantes
utilisées rituellement ~le délèguent jamah: de nyama dangereux.
(G.
DIETERLEIN,
essai S'':~7 la religion. Bambara, p.
61
et
suiv. ).
-
13.;'e -
trimoniaux et aux alliances à plaisanterie.
Cl est aussi une
société dont les groupes sont subordonnés les uns aux autres
Cl est
le problème capital de la hiérarchie : hiérarchie des
sexes,
hiérarchie des castes et hiérarchie des classes d'âge.
1 0 /
La hiérarchie des sexes
subordonne les femmes DIOii'JLA3 ê.UX h0mm.-:èS ~8t le com.m.3.n-
clement ; l' G.utorité appaTart dans J.a SOclRt'3 DIOULA comme un
attrih,)t exclusiverr.ent maGc'clin ; (;',; 12 ferr~rfle C0rnt.ne un êt:, e
qui n'aur[l.it pas accédé à la mé\\.tu.:d.tê sod?le.
Ce qui a pc·\\:.r
conséquence une s'~:dcte séparation dé'C, clo:rnaine~, des act:i.vl-
tés et des caractères.
l
- La hiérarchie d,o;::; se:Kes et C,:, fC::D.ction
-----.-----, -_.
On peut €:;nm~.ner la fo~,!,~t:i.(I;:l de cette hiérarchie des
Ge~u::S sous 1.:Il :lFpect :,:,eligieux,
soci;:;_~. et politic;,'.le,
Dans la société DrOULA traditionnelle et pré-isla-
mique,
les phénomènes religieux étaie~t avant tout une affaire
d'hommes.
Les femnes (et les enfants) étaient généralement
tenues à l'écart du domaine du sacré.
Dans les rites.
le sa-
crifke aux div~.nités constHllait le moment cap:;:i:al,
or, le S2.··
criiicateur nI é·~"-:i.t jél.rllais une L::mme mais tO'llj:)UrS un homme.
Les cérémo~1.~.es religieuses p::.-etlaient toujrYJ.rf' la forme dfun
,-.
t l
""t
1
r
•
L.-,.-
1
d
mysc-2::e e
e 12\\1
qu.e
eS I8m"men ~\\.le:r:.t"' ece ez.c ues
e ces
-
135 -
assemblées religieuses affaiblissait considérablernent leUl' statut
car le s communautés religieuses masculines jouaient également
un rôle considérable dans la vie politique et sociale (1).
En
effet,
les fonctions
spirituelles et temporelles demeu.raient
étroitement liées (2).
Les sociétés d'iniHë.tion masculines,
d,.l
moins par certai:r: de leu:"'8 ë.spects,
apparaissaient comm.e des
instr'.lment'] dont leo ~onllnes disposaient ponr ma:i.ntenir les
!:I.on-initiés (enfants) e~ hé' :i"on-init:~.bles (les fenJ.:-.nes) dans
une anxis'té ;~onst::::l.nte, ce '0ui les tenait d?.no un étê.t de sUgg'=8-
_.____
.
------_._---
..
0) La vie féminine n'ètaH p0:mt dépoü.rvue cq:enc>nt de maniics-
tations rehgieu.seo.
Il y a~r.:l.it des ç.ivinitéc t,-"~2hi:teG pour les
femr::les,
des divinHés de la fécondité en général..
Les adeptes
~cnr faisaient des ofiraades de nourrit:.::.res.
Mais,
ces D'lanife::;-
tations religie1.lReS ne dépaseaient jamais le r..:.n:::3.:.l des rHes
pour atteindre celui d'une organisation dont l' irnporté!.nc e débor-
derait des buts hnmécHô.ts (CO:mr!.lP. la fécon.it.'l).
(2.) Le chef du 'vill2..ge dug~tlgti1 (:;::"'laître de la terre) éta.i~: pres(lue
tonjours,
le prêtre des divinités loca1es.
C'est lui epi procédait
aux sacrifices et ê.U;; c..'.f:frandes.
CeI-·''::l::.rlar..t,
il arrivahparfois
que le vérUabJ.e m.':'.itre de ].a tet.'1'3 fLlt €iclipsé
p2.r le chef d'un
gl'oape de nouve2'.m; venus : ce qu~. avait~·· '.. pour résultat 11:'18
division des pouvoirs.
L'un cons8!.'vait le pouvoir spirituel,
tan-
d~.s que l'autre aÇ.céda.it au pouvoir tern.po~·el.
(3) Il en est ains~. de Ir inctitu'~ion du K6mt. : Cl est une communauté
religieuse dont le grand prêtre est porteur d'un rra sque.
Ce per-
sonnage fait périodiquement des irruptions nocturnes dans le vil-
lage ; son arrivée est annoncée par des cris étranges et des
bruits de rhombes ; alors femmes et enfants se barricadent
jusqu'au matin.
Ces terreurs noctu:rnes,
pensons-nous,
renfor-
çaient l'autorité des adultes initiés et s'.tr les femmes,
et sur
les enfants.
Mungo Park note dans son "Voyage à l'intérieur de
l'Afriq·,.. e :U95-96-97" t.
l,
p.
59 et s'li~.vanteG, 2. p:::opos du
lAombo .Tambo : "~..JC peroomliJ.ge le plus éminent de cette société
sécrète faiSilt donc de teI':;"lps en tem.ps,
une ·i.Y'.cursion noctu:':'ne
da:ll, le village; il -.renaît s'enquérL: deI? différents conjugaux
(adultères férilinillc
en ~,arti(:ulL3::';' Dès q;;.' elles ~nte:ndaient
- 136 -
L'impact de la religion musulmane n'a point modifié cet état
de choses ; elle l'a même renforcé.
En effet,
les marabouts
nIOULA (ceUx qui sont passés martres dans la connaissance du
Koran) nous dis ent aujourd'hui que le jour du jugement dernier,
la femme n'aura rien à dire.
Ainsi l'épouse ne devra son
accès au pa.radis qu'à l'lon époux.
hiéI'archie
D2.ns la "',Tie sociale quotidieIL."'"le,
Ifautorité rev'ient ;~~
l'hom.r.o.8.
La ferr.<.me doit de.nel:re:t:' soumis P.
.'jan::: le village
COT.."1.me au sein de l;:'i communauté domestique,
l'hom.rne le
plus 2.gé joue le rôle du pê.tri8.rche. Autour de 11.'.;.,
';;.n
con!:dl
fS.miliêcl for.mé d'hommes :mariés,
sièBe.
La fer:':l~C ne peut
nai:urel1ement faire partie de ce cO:.:'.S eil (1) à plus forte raison
en deve:dr le chef,
lutlgui.
Ce GO:'J."i:: .les honllTles,
qlÙ
gèrent le p2.trimoine ethni-
que,
décide:,~'~ du mornent de la c5.rconcisio:l des enfa1è.t'3, arran-
(3 r ,;mite : les ~~Oai~;;;s ~ll::lonc:î.at"Wn d-u ~-nbo t9.m2o, les
femxne~ SI enfermaient.
C E::·,·d. -ci arrivsJt,
prof6rait des menaces
':ontre les femmes infidè1.8G :
;'la cérélnonie commence par
des chansons et des dans es qui durent jusCfu'Â minuit.
Alors,
le mombo jombo désigne la femme coupable.
Cette infortunée
est saisie,
rnise à n'.l.e,
attachée à un poteau et cruellement frap-
pée par la baguette du Elombo jombo J
at~ rn.Hieu des cris et
de la. risée de tous les spectateurs".
(]) Cependant la femme peut influenc er ,eon/8.iclérablement son
mari; s'il se -;;rouve que celui-do est lutigy~., son influence,
in-
formelle il e~t v:ra~., peut devenir rem"'_rq\\);:,~:lle ?l.U po~.nt q'J.e sou-
vent,
il est fort ha.bile de passer par elle pour obtenir du
111timii ce qUOl"! désire.
-
137 -
gent les mariages,
etc ...
en. La femme, elle, de l'encloc
parental à l'enclos conjugal ne fait guère que changer de tu·i:elle.
L'énorme dot payée par son épow~ à ses parents n'est point
pour alléger sa dépendanc e.
Et puis,
surz(mt,
la significati,-=,u
sociale du n.ariage -concensus entre les clans-,
la sévérité
à. l'endroit des femmes célibataires,
rer-forcent considé,:ablelî"lent
sa suboréU.:>"lation et Ra soumission (2).
Les mé\\nife::~tatio:J.~~ de cette sour:rt::; s~.··)n ma-cp.: ;)::lt les
conduites quotidiennes e::: les attitudes de celles-ci envers le3
homnles.
Ainsi l'épouse DlÜUJ....A,
ne pe'_lt a.ppeler son mari
par son norr....,
C~· serait un s~.gne d'ir:t:"especto Ell? ::"~.ppE;}lcl'2.
\\
\\
pal' exemple DtJ<~n ,l'm on frère",
ou b~€n n' tér5
i'mc::l aTn~".
EUo ne peut 8'adTesse:;~ à lui en pub~.ic (-::' est-à-(U.l"e en préGen-
.,
,
appa:o:-aître COï.nr:"le une man::.ere Cee
le,
le respect,
1<3. diffé:;:oen.ce de 8·~a.tut dans les relations humai-
-:-------_.__..-
. ,
(J.) Souvent les j eunAS f:Hles é'tJ.-:l e:&.1.1: rna.:necs };'ar leurs pa.ren.ts
S?i.LC
leur cens entea~eI:;t : ce qui n'allait pas sa.ns ~_l...TJ.e certaine
arne:i:'tume chez elles ; maie. la. décision des :i:)2.J-,e:D::::-; ne pouvait
pa8 êtrE; mise en C2.·L'.S2"
(2) Un dic}0)l af~irmeJque la dté du divorc e ne peut tenir de-
bout : fJ.rusa s 0 té là.
L'on c rayait a us si que si l'on prononçait
le divorce sous un arbre,
celui-ci mourrait.
Enfin,
il est une
croyance encore vivace aujourd'hui qui déterm.ine l'attitude de
soumission de l'épouse à
son rilari.
On croit en effet,
que le
fils d'une femme o,rrogjn!~ ou insou.m.ise est condaïnné a deve-
.
f i l . . .
' )
nir un vaurien , ..n6go kutan .
(3) C.el'J.i~ci tra.nsmettl'a au m~.ri en disant f. out simpler.nent
k~ k~. à. là. sé i :-:-,,-'à : "que cela p,Ule j1.....squ'à toi" ; ou. bien,
- - _ .
l '
7
1
il di:.:' 2. encore l b'?;.ra k.lma :.:üèn , "tu as entendu la parole".
-
138 -
Enfin,
en ce qui concerne l'aspect politique de cette
hiérarchie,
qu'il nous suffise de dire que la femme ne peut en
aucune manière accéder au pouvoir,
même comme régente.
JI - Les effets de la hiérarchie des sexes
Cette hiérarchie des sexes a pour effet une divi.si:m,
une séparation mar1.uée des tâches,
de l'haMtêt,
voire même
des caractères.
Les nrOULA tiennent à marquer cette séparé.tion dèG
la naissance.
AU~l.·efoic, ',-:J:Uà comment 1'011 sYluboJisait cette
division sexneUe des occu~)ations : le jour. de la prenüère par-
,1
,
l
, -
tie de 2' enfant (de""worolo) c' cst-3.-dire en réalité le jonr de
l'imposition du nom,
on réu.."1issa.it ~ous 1.es parents elr tous 1.e3
ê.llié8 que 1'0:\\ "'.v<üt pu joindre.
Après le sè.".crifice d1u'r).e v:ktime ('lm mouton en géné-
ral) e\\: le pa:i"tâge d'] v/tr~ (~'.:.ll:;"
l'('lnc1e pPl.'i::8rnel (l'afn.G èu
pè:i:'e de l'enfant) 9ér..étra.:' dans la caSe où demeu::-"'3lt:lt la mère
et 11 enfan'i::.
Il res sort"iÏ"i:,
tirant 2.. lui la mère par le truchement
d'un arc passé autour du cou de celle-ci lorsque 11 enfant était
un garçon,
ou bien par le moyen d'un usten3ile de ménage dit
l
' 1
dongala,
lorsque c'éta.it une fille.
Ainsi affifi\\'lt8.it-on symboli-
quement,
la sépa:::atior., sexuelle Ges tê-cheG futu:.-:es : l'ë.rc figu-
1 1 1
n'.it lél. cillasse ct la guerre,
le dongala,
les travaux ménagers
et lé". cuisine en pa!'ticulier (1).
La fen'lme pourra également
(nSpry CAMARA : !ILes gens de la paroI e, Il thèse de 3ème
c~Tcle, BORD:8.A UX,
1969.
- 139 -
cultiver un petit jardin potager d'où elle fera venir les condi-
ments nécessaires à la sauce (aubergine,
gombo,
tomate,
pi-
ment).
Elle 1'.0 labourera pas les cham.ps,
car c'est là u.'1.e
occupation typiquement masculine,
m.ais elle aidera son mari,
lors du désherbage,
de3 semailles et des ré-::oltes.
Elle pourra
,
s'occuper aussi de teinture de vêtements
"
(galado : tremper
dans l'indigo),
de poterie,
dl égrinage et àe fi>.ge du coton
(l':.o'~()·dé). !..eEJ occl.'.pation3 fémini:::~es s0l1t interditeo aux hom-
mes.
Parfois,
le contact a.vec des inctruments utilisés dan::>
certains de ces travaux fê~minins est censé nuire à la virilh:.::;
de l'homme o.).,
Ainsi donc,
l'i:lOmrr~e doit s'éloigner du dor::.'.c:!.Î.-
n·a des activités féminines sous peine d'avilissement ou de dé-
chéance m.orale,
voire même physique.
b) La divis5.on sexuelle de l'habitat
,
J' t'A :lb....) Dans 11 e:!:'r.::1Qs domestiqu8, on d~.st;'nguera ê\\ fj ~ ez bien
1
1 l
1
lea cases rnasculines Cèbo:1-!
des cases fénünines,
rm..'.8Dbon.
Le toit des ?remi?::res sc ter:mine eZi Bon f2.flé pa:':" ,me sorte
de c:r.0i~ horizontale surmonU~e d'un8 :;,::'ointe verticale ; les
secondes '.'le pose:èdeEt que la croix horizontale.
IVlé.:dées ou
non,
les femmes !:abiteiY;; SCUvênt avec pltJ.sieu.n; aut:i:eD dan8
une même case -ce qu;. nI est pas le cas des hommes m.ariéG-.
(J) La femme DIOULA se sert d'une petite tige métalliG,ue,
cyHndrique et allongée,
p.Qur égréner le cotOH ;
le cor.t2..ct de ce'~ instrumer.t est censé provoquer
l'impuissance chez l'homme.
- HO -
Ces derniers disposent d'une case personnelle.
Leo fernmes
n'accèdent à la case maritale que lo:r~que "l eur tout:' de rôlell
leur perlnet de faire au mari leur visite conjugale.
M. "" 0~J La date d'apparition cl es castes chez les populatiom;
de l'Ouest-Africain est cliiijd.~.e à détenui:\\ler. Il semble ce);'·",ll.-
,
.
dant qu'1.t.t:.e !cngue évolution <:l.it été n'3CeSCalre et qu'au maill')
trois phv,ses puissent être retenl..",-es
- ~n premie~u,
il y ent à 11 origine une division
du travail sodal avec la sé?ar,üion des métiers de l'agriculture
sans aucune idée de r.:i.érardde.
- ~n second lieu..
il C'.pparut une hiérarchisation des
, .
. " " .
t
l
/ t'~ -~ (
mchers avec Q"J.e p.:.ace preern·.1J.1~n.c pour
82
t(~:n- 19"L1:1.
porteurs
de ca:;:·::J.1.1uis) cu gu.c::::-iers.
Les rnét:i.'2rs liés aw.:: arm.eS Oc.c·':,-
pèrent alorr:. une ?lace prestigieuse (a:cchen:,
mais aussi chas-
seurs C"~ forgeron.s).
- .!:;a tr·~i.:::d.'~me pha_~ est :le pasl:;age de la "hiétraf"'"
chie technique" si on pe\\."",~ dire,
à une "hiérarchie mée aphysi-
que" c'est-à-dire à l'élabO!:ation d'une iciéologie religieuse
avec l'apparition de la notion cl~ pur et d'impur.
Ce oerait c-:::rtainement ~ cette phaSE; que 11 antagonis-
P
1 F
. t
~
..:] "..
....
(1)
me
eu -
orgeror.. prl
sa ,-orme "'Lennl~lve
•
idée pr.écise en ce qui concerne l'apparition des deux premières
(1) (119 DIOP : Histoire des classes sociales dans l'Afrique de
l'Ouest,
Tome l,
Le Mali,
JVhspé:'Co,
1971,
p.
42 à 67 0
- 141
-
phases.
La dernière quant à elle,
est a.pparue au Ték:r.cur
probablement après le VIIème siècle avec les p:-emH,.res mi-
grations Peul du Thermès,
C'est ainsi que les Tou~ouleurs
(Mauritanie) et les Wolof (Sénégal) en héritèrent.
Vraisemblablement,
le système des castes était
complètement mis en place bien avant la fin des Dénian Kobé
(l776).
I\\.1ais on peut dire qu'il n'était pas encore mûr pour
l'exportation au XIIIème siècle.
C'est ainsi qu'on peut comprenc:b:e,
chez les B~rrl
bara,
l~ règne de Da!!l_angu:.l~, e8clave de .::ordonnier e': fonn"\\.-
teur de la dynastie des DiaWt~"a (1270) et ~elui (les _~S::·~t<é,
forgerons de.-Sosso.
De mêlne,
tout porte à croire que les
rôles des Sorko dans la fondation de Gao (VIIème sièr::le) et
des Somono dans celle de SéGOU ne pouvait non plus ë".ller dA
pair avec le mépris d'une caste de pêcheurs.
Plus au Nord,
chez les Maures,
le mépris des f'yrgerons ne dô.te que du XVème
avec les conq,uêtes c13S Hassan.
Si l' '::>n ?.joute à ce~ f~h8 le ca-
ractère d'intouchc>.biEté des rel;:-.·don~ f'8"i:!l- ·forge:ron, 0n pe'.l~
effectiveiD.ent concl'~l"e avec Ea~.:mê'.nn, que J.e système des cCJ.stes
est étranger aux popub.tion,s d!ag~7.iculteurs noirs,
à l'origine.
Quand SURET-CANALE dlt c~onc que les castes sor.t d'brigine
Peul,
:.1 :..' est ctfrtainement pas loin de la vérité,
b) Orgênisé\\Hon des castes
Nous savons,
l)ar ailleurs,
q'l'.c les Toucouleurs ne for-
Inent pas une ei:hnie définie.
Le Tél-!m4' ayant été
un melting pot,
nou s avons affaire à un mélange devenu I1poularophone" de " pro _
towolofll,
de Serère,
de Sonînké,
de Socé,
de M3.ures.
CI est
dans ce creuset que s'est élaboré le systèm.e de castes Ouest-
"'- 142 -
i\\.fricain le plus com.plet (1),
En eff0t,
nons trouvons ~r.mtorz8
sous-castes au Fouta-Toro,
organiséeB 8n trois groupes de cas-
tes : le premier g:rO'L1pe cornprend les Ri.robé benangatobé (c'est-
à-dire 1e3 hommes qui ne recev~ient paf' de dons, qi:li ne qué-
mandaient pas; le secon.d,
les Rirobé Na"A*tobé (constituant les
"castes ·i.nf3r:i.eures" essentiellement artisê'.nalea) ; le troisième
les Ma'i:i01..1.~')é ou esclaves,
reclôGsés d::'.ns le syst8me.
Evidemmr:mt leG Foulbé sr étG.ient donné le b·eau rôle,
tout au Il.:lOinS jusqu'à la .fin deo: t?~,î~:fi2:.ü•
.Dap.;,,; le dét.a:il,
1.:~\\ hiéx'j.T.chie d8!2 cas;;cs était donc la
1) Foulbé
P e'L'.Y.
2) Torobé
ari8tocr~tie musulmane
popul2'.tlon,
fo~::':'ni:3sant les chefs Satigui (au t.::mps de la aupré-
mat:i.e de8 D8ni2.nkobé) et :?..1nt?.ny (a:;;'eç 1'8.vènement des Torobé).
3) Sébbé : gue:::riers,
a.S:... i(';lI1t~'r;;;,
cha.sBeurc,
pê-
cheurs occasion:lelf',
80us-castes de situation interméci:iair.e.
1) 30ubalbé : pêcheu~G prof.essionnels
5) Diawanb6 : groupe ethnoiorme sans profession
définie.
(l) M. D~.9..?, opus cité p, 42, 67
-
143 -
6) Mtboubé : tioserands
7) Sakèbé : cordonniers
8) Laobé : bikherons,
menuisbrs,
charpe:r.'.d.ers
9) Waylibé : forgerons,
bijout:i.er::;,
luthiers,
armu-
riers,
et';· •...
} 1) Aoulonhé
~~io~s, cr.anteuro
12) Funé : 2.utre group;:; ethnoiùrrne s,us profession
IL~ _. Ma':;ioui::::é 0'':< esc12.-.-ec·
_.-_._"",-- __
.
.,-_._-_.
-~
l3) Matioubé : esclaves de h:. première cénération
....
:iln Galankobé : escla.ve(~ de~ deuxlèr~~e, h:oJ.G::.ern e
générations,
etc ....
En étudiant l':l.mpa~~: de c0ti:e organisation clcl.nG les
2'.utr2s ethnies,
on voit net'l:em.en·:; :-::>mn~eni: J.es vieUJ.er- sociétés
cl'Afl'iq'l'.e de l' Oues+;'")nt ét6 1Y'.od:i.:Héec, t01:~.',
à t c_,:c. .A.ins~. les
fo::"p,erons 0ccupent ic::. ~a ne'..n--:î.è:me p08lô.:;r.. J.?~18 h. hiÉ:;:':.r~h:i.':',
l
1,
( ~
) "
. . , . t
4.
t l
eG
aga Jorgercnc
Y).enneï::r~ <2:;.~core :è1.l.~.E~e(:12... H:a€Pt
avan
es
dc~: Wolofs et de~ Mandingues: le3 forgel'ons reprennent la
première place trê.ditj.o:~md.le clans la h:l.ér~rchle des classes
artisanales,
immédiatement aprèG les"ca.stes supédeures".
On pourrait supposer par là,
et l'histoire semble le
confirmer,
que le systèrn.e deG r;as'~es élaboré. au Tékrour
a d'abord influencé les SoninIcé et plus tard tJeulement les
autres,
chez leoquels les forgerons ont gardé un peu de l'élu-
r éol e t:::aC:itionn dl e.
- 14~ -
Cepend?nt ici, comme en Inde,
le système a
ses inco-
hérences.
Alors que les Brahrnanes,
qui constituent la caste
supérieu.re en Inde,
exercent,
pour des quesHons ("i.e pureté de
la nourriture, le métier'~c1e cuisinier,
GerVaI~.t ainsi des ca.ste::;
"inférieures",
ici les métiers de barbier,
fermier,
tailleur,
jar-
dinier,
laitier,
pâtre,
maçon,
chqSSeUT,
ne sont pas pratiqués
par des personnes des Ca[ltes "in.fér!e1."!.rea l' •
Cl est ainsi qU I W1
..-,
,
Tounl<-..a,
lE; prince ~'og0n'lera,
fut vannier,
et <::1.'.'.e,
jusqu'à no:::
jo\\.'.rs,
leG femme8 pC-"lleB,
tl'ès se::'.l3ïblcs par ailleurs à la ~':,;.6-
ra,l'chie des caste;;,
e:::erCClJt encore Id. vannerie.
On sait que
Cheik..h.ou Amadou,
Pe'lù et Roi GU l·l.l<".cina,
p:;,·atit1".12..1t, COtDr!lC
profes sion G econdê.~.re.
la corderie.
Les Cé:.stes ne sont donc pas inven'i~6e8, comnle Fa C]'U
Ch.
Ivl0NTEIL (1),
par deo C;émHc8 nNnades,
engloly,:..nt G<:,l.ns le
même mépris gén61'2.1 'covtes les prcfe3~ions non pae\\:c.rales.
E],ènes de su!~inlpOGitio;n arn(m.~~.nt 1,:.;, "v3.8Sê.lïBrÜion" der; professions
cl,ét."".:ni:'J.0es dane une cert;a~.ne aiTe géogl'aphique et ;; une époque
dOfuïée.
Ain~:5)lr ex'pUca'd.on de Ch
M0NTEU_, nI est ~y.e partielle.
o
r-Aais il est cert~.h:·. que nous avons affaire à un systè:me de cas-
tes et que Tautin (2) avait hÜflon sur RAFFBNEL,
qui,
on ne
sa.it pourquoi,
soutenaît 11 existence de c:tmples corporations.
On ne peut pas égakment (Hre comme CHEJKH A 1\\'1"1.·. DIOP,
Fe);Uc BH1GAUr~{ à certains n~oments)J et d'autres paT la suite,
(~) ~h.~ 1\\-1.0!~TEIL. Le3 KJ:.a:i sç·nkés. Pa:c:is, Le~<"C"lX, 1915
( '? )
, ' , . \\ Tf·
TN (n)
"'1'.T t
1
t '
l
~ ~
cl·
'-.
.l~~~
_
.~.:!..!'
:
.1.,0 e3
sur
es ca.3 'es cn.ez . es l\\I.!.M.n ~ngues
et
en particulier chez lel:l Bamb~ra", Revue dl ethnographie,
E.
Leroux,
1885.
qu'il y avait des hommes de
cae.teo et des horrnnes non-caetés.
"En véli'lIé,
toute la
était organisée selon un
syotème générôJ.: de c?.stes et i:01.•'~ se passe comm,::; si (; a
fonction essentielle est de voner des r,.'ppoT;::Z entre les hom-
raes,
profondément inégalitaires e'~ fondam8n'~;:,iement G~~lava-
gl'~t _ll(]\\
•
0
e...
.).
En prenant~om:tne exemple la socié):{; Malinl.çé du teElpS
d'.'. Soundiata,
noua avonB d'a.près Fily De.bo SIU~OKO l'orgê.n:ï. ..
sation suiv3.nte :
l) NNl:.Rl : ie Roi comprL"', ds.:1o ·~1.':l clan
Z) Le T01.'.::,étë.-d:i.o:n : iO::Mé Far les esclaves de la
ccuronne,
gue:t:riere,
sei~?'e c12,ns.
3) Les Diabifédio::l : VaGS2.mc ro}"atu:::,
quat:t'<'3 cl;;'T~3
4) Les Marabout:': : d.7.lq. dp:.:::).G
1
1
1
~
5) Les Niam?.~'-2.1a ::;.u IIC:vit'~G iD.férieu:-:'êc",
'lu~t:re
SOUG -castes,
L0s Di2.bif.tdio!l co:n:.p:r:'en;::üent lea qU2.-:::re dans suivants
,Trao~é, Kax:.té, K'3.TX18ti:/ .Do'J.lnbi~..
l,es Ivfu.:;..about;) :':"egroup'?.ient les ch"l.q çJ.ans : Tou:'.'G,
L'2.8 qu;:"i:re e.Ol),8-caster; l!:i.nférieu:o.. esl! étai0!:).t les fOJ~gc:..ons,
les
g:dots,
les cordCinnierz et les fin.a.•
Au totalJon pouva:i.t è1ire q,n'n y ava:i.t t~.. ente FlOUS-
ca.stes.
Ivrais ft y 2. une a:ncrnaH'3 c1ann la cln.seiD.,::ation donnée
ci-dessus par Fily Dabo CWSOKO (2) ; l~s esclaves de la. cou-
(:.) ïv~E~;,~r:~()U~ ."?iqF,
~~listüire deo cl2.sses Gociales clanr;; l'Afri-
que de l' CUE:8t,
tome l,
p.
46
('») 'le"'"
D b
C-.... SOT.rO
" T . ,
l·t
t '
. ·'·t"
d
N '
11
.~.
"':s~.0'_ ...._~--2- __~_._'~~_
: "J\\.Y.1, pO~.l e.r.:se e
... ep. C1"-1.'.:t eG
es. 011'8 1
in Bull.
dec ~er.he:rches souda:.:aisè8,
i936,
0
11.
2
Eily Da.bo CISSOrZO : J../hurn.our af=':icain.
Pa:riG,
}'"-'r,sse:Jce
Afde.
1950,
fn.FC.
8 .. Q
.' <
- 146 -
ronne,
même gu~rriers, sont placés a·~.nt lea vasaaux roya~~
/
/
nobles (horon) et avant les I!12.rabouts (mari).
Traditionnellement,
la hiérarchie doni'lée par Ch.
MONTEIL (1) pour les Khasnonké (peuple mandé) est certai!:le···
ment la bonne,
EUe s'opère comlue suit
( l) - Fankama ou Roi
. /
(2) - Haron ou Foron,
nobles
(3) - Ni::.makala ou ge:;'l3 de cantes "inférieures!'
(4) D;.o:'1 ou enclaves.
Effectivement,
à l'origine, la société IVaHnké se GubdivJsait en
trois castes.
La caste supérieure était [·;)rmée ùl:::.gZ":;,ct.ùteurs,
" 1 1
.
T / t' 1 " " 1
"
cl
t
eventue
enlent guerrIers ou
on ~.glU ; 1 Y ~va::.~ . e'L"L",{ ca,s es
inférieures : Niima}:~la (Oil Nir..ra.) et Dion. Par. la suj:~e, avec
l'islamio2.tion,
est é'.pparue la c~Gtei:;:'ltermédiaire des !·/Ïo:d ou
Marabouts. Ilvec le àévcïopperî.l.eat de la société l\\.1alinké,
on
distingu.era com.me Haron,
les La.3siri ou m<:>.i'tTes cie la terre,
les Siguin:fè ou FO".lrC'l:.inogo:'l (une 80:>:~;è de clientèle) et les
j'C'lntlê:n ou étrancern :.:.Ob},13S.
Chez les D:J:OUi.P.·. de la COTE D'IVOIRE 1
l'organisa
tian des caetes est l;:~. même que cèlle des M5.lin.ké (2) et de8
Khassofl":'i.{,é (telle que nous la donl1(: Ch.
MONTEIL).
Il nous
a donc pa:ru im:.tile de la reprendre u.~.e seconde fois.
En r6sumé de tout ce qui v.~.cnt d'être dit,
on voit
que la hiéra.rchisation était la suivante par ordre d'importance,
en errJ.ployant la terminologie Bambara
(1) Ch~MONTEIL, op. déj2_ cité
(2) Voir la thèse de §o!'_'LÇAIViA RA ,
déjà dtée par n.illeurs.
- 14:7 -
-J
1
C_P._.S_T_r._'-'_S
-t-
F_O...;..N_C_T_!_O_t_:r_S__+
C_LA
__
S_S_E_S_ _
.,
castes l1 sup érieures"
J.•
Falna
maîtres d'esciaves
1
Z.
Horon
l
castes "inférieur es 11
3.
Nyô-luZ:.lcal:.:..
escl2..ves
4.
Dio:-,
1
On distingue alors que l' organisaHon esciavagiste
recouvre mieux ia socié'~é, tê<.ndis que l' ~rgan.isation en caste
apparaît comme une juxtapoaition sec0nda~re,
III - Impo~ta.nc~_~·elat:i.ve des Cé'\\stes
Il Y a enco:::e iuoins de données statistiq',l-e,:; SU:l.' les
ca.stes.
r...:1ais grt..ce à certains s'2'nd:;l.ges (1) on pe"l't s'en faire
une idée approx:b:native.
Ainsi,
en 1944,
dans la :t'égion de Kita,
il y avait
5 000 horn.ITlf;S des cas':efl l1inférieu:.:es" sur Uz.le p0Fulation de
82 000 t>2bitants.
(Dans les décmYl.ptes.
les esclaves ne sont
pas compris dans les C::.l.stes "inférieures").
Dans le Mand.é
actuel là population peut se répar-
tir com.me suit :
- hom.m.es des ca::;~es l1 sup é:deures" : 90 %
o
homrnes des cas!~es 115.:::"férieures l1
10 %
Ces 10 % se réparti9 sent à leur tour en :
- forgerons : 4:
%
- griot~ : 3. 5 10
(1) M.
DIOP
opus cité p.
47
- 14S -
- somono : 1 %
- aut:'eJ : l, 5 %
Les hommes COnllYle les esclaves d'a.:Uleu:rs,
occu-
td.,
paient selon leu.r caste,
des fonctions définies J?1.nD la société.olG,.o ....
s'eRt-à-d:'.re que ce'!'t~.:tne,~ plY)ff';1s~.l)ns ~taieD.t. rp.servées 'i'\\ te1-
le ou t'9lle caste,
Les fon(~·;::;.onc ét:ôd.ent soit électiVes,
soit
hé1"édita!' l'es au s-é;;~n deG c2.zt.es,
ou quelquefois attri0uées pa:."
les Rois.
v - C2.stes en Inde et en Afrique
On peut se demander quelle an.alogie il y 8. entre .I.e
système des castes e..î Afr''tqu<:~ E':~ en :':ude où il es t s;. dévelop-
pé)qu'il se:;.·t habituellemeùt de :i.'éfé1"ence,
Il y a certe:; des reRsernb1<=mces dans le faJt qu1ici
comlTlC là des C'Jrps de Inétier::: Ge sont repF,és: sur eux-::nêlnes,
ba.0ge,
h', socié);§ eIJ.tn~re f!' <;3t hiérarchisée,
On peut êussi no-
ter l~ dmilitu.de des ~;t'J.ô.tions créées pa ..' le f;:,it de conquê-
tes de populations nègres 8édentaires ct agraires,
par des no-
r...'!ades blancs rn.aîtrï.sant moins le8 techniques artisana.les.
Cependant,
H y :3 des d:lffé:i:encea notables.
En Inde,
le système des Dj2.!:io est dé::-ivé de celui
d.es qUé'.tre Varnas.
Il semble qu'il y <lit eu effectivemep..t ?U début,
dans
lea deux pays,
une confL'.sion. du temporel et du spirituel.
Ma:i.s
- 149 -
cependant,
en Inde,
la séparation des pouvoirs Si est faite au
bénéfice du sp::dtl.lCü.
EffectivcI!"10Dt,
la :Jrem:;.~xe place revient
aux Brah.:manc8.
Lea Kshat~j1as, le r"i y cornpris,
occ1.1p€nt
la d·e'J..1.':ième position dans la hiérarchie ..
En Afî'ique,
par cor.:i,:>:,c,
la p~'-'elni~re place revient:
sans conte.::.te au temporel.
En effet,
déjà d?ns 18 Ghana,
le
TOlUlka
et les sie:;:J.r3 ava5.err;; la préêrn.ine~1.cC Sllr lOG prêtres du
OUé'.gé'.dou.·Bida.
vu l-c: rôle c1ec Foulb{,
,--
sys\\.e:-.o. ,3
tel qu'il a pris naissance ,":;ans la Tékrour,
vc~l3. les éleveu~L8
en prer.nière p:lsition.
Les agriculteurs vena.nt i:T1Tilédiate:;-;J_e:~t
?.p:t'ès.
Dans tous les payé' noirG,
le3 ~,griculteur8 ne sont :r.c:é-
prinés que chez certains TouEt.l"eg.
Cepen.dant,
1C1,
le Roi
n l est pas,
com:me en Chine 01.1 Tch~ClU-Li,
le premier agrici.'l-
teur,
et les cultivateurs sont Gouvent gens de pC..l d(~ bleno.
Le p3.G8age en inde du syo-;;zme des Varnas au systè-
me des c~.2tes crée une conf'.lElion fa,~lle au niveal: de$ Shudras
q'ci é~.ie:')t d'ab·::>rd c;es ùe:!:'vi~eur8 n:Yi1. HbreE;, 2. 1; er.dus;~;:m des
Intouchables.
L'o7.'ganh<~.tio.a de:: Djci.tis en reg~co-~1pan-i; ce:rtaines
p:;:-ofesdonD manue1.les aVe'~ :i.ee Shu.dras rend fI':.:lde 1::;. limite
En AÎ~:iq'E'2; par contre,
où le ca:"'éLctèrc J.1intouchabi-
liéé n! er::t pas ai r.caT.l}uéc,
les NIr!n-~kJ:' reg::'Qupent <l.1.'..3si
bien les professio::'ls ~,rtisanaies q".v~ l,~s "intouchaoles".
Dans ce:;:taincB E:ni tes défh~.ies, il y a également
comme noua l'a',rons dé,;à vu,
une intouchabilité :F'oulbé-forge-
rons.
Mais il faut aj9u~e?' que dans le clcgrè dl e:->litement 30-
- 150 -
cial donné pê.r MURPHY (4),
se··,1
. '
•
q,.
_V..
t
l
.i.GL~
pOln s
,
2,
7 et 8 sont
tenus en conddél·atiol'~. Ajoutcms que chez les popu!:Zi.tions du
Nord,
Touareg ou autres,
qui ont le; lnép:::io le plus forlnel r,our
les professions mo.nuelles,
on l'etr("~~"V'3 parfo~c3 le respec-:: d~F.l
fo:rge:':'ons et tou}:)....'.!'c, 12. r·lt'.s hË!.1:!.te est~me l"our 1er: puic::,.:de":s.
n'a., jan1.aia de caractère réciproque,
les caRtes "inférieu:res",
"recevant" p<:\\r 'iiéfinit5.cn des C2.aZCG supérieures.
en Afriq';'le qui en l::lde,
l'TuD.8 pa:t't,
f.,ucun Roi ne pouva.it prom.Ju-
voir ,:..n8 caste ou faire pa.:-':E'er une pe:t"sm'lne d'une Cé'.:Jte à une
autre
Il était encorlôl plu,., inconcevable,
da~.H: le R~,rstèm.e den
o
Ci•. stes
africa~.:lJ.eR, dl excon:lm'lmier ou di exclure des r~Gsordc:·'
En dehors de lé'. stratiHcation principale (n'la:t\\;J~e cll e6-
C2.stes Il sup~rieu~:e s Il
- har.arn.es de castes "iniérieu:r.e:::") li. en
'1
existe ;.me troisième,
plus a;)de:i'lne ei: qui joue égale:ment son
rôle
il s'agit de la hiérarchisation par cl2Dsès d.'âge,
cor"':l'lue
chez les DIOULA. eOU0 le nom de Fla~kl·:u. E1l8 comprend gros-
so mJQo trois rC:cngs ecsentiels : les enfants,
les jeu.nes et les
notûbles.
l'l.à.is il eot évide:.lt que du point de vue politique/ seu-
les les deux dernières jouent un rôle.
Ces dêm~ ch.G8eS d'ho:m-
(1) MURPH:I cité par :\\;.':~T9P clan.o Hi:::i:ùire o.e3 c:'~GSe9 socia-
les dans l'Afr;.q·u~ de ~~O'l1er::t, t, r" M:::..Jpéro, 1971
-
151
-
mGS
adl~ltes fo:; .. :·:~:..<:nt J.es deux pi'Sles cl' u~.e c.o:...-::::-adj.<:tîon ql1.Ï ::: e
tr?·.Ql.!lt ':lau[\\ l.a ,;~,'atiquc );.~;.r l ~Yf'Posi.tion
i
:lo#;.bles j3u:?::'.el'l,
O'~.
vj.eux (mogGkoXO;~é'''7~ le gOt.':~rer":.'.':'rn.-=nt ((03 hornr:!es c';- l' acl:':'n~~.i.is
tration des bie:is,
et.,
LUX
j eUi""leS (dt>t1.icinw~,
les fo·;.~ct:iÇJr.~'; Je
tr~\\",ü.il et rle guerre,
elle prend ég;üement l'2.sp~ct ·.'1.'u..,-c Ci?PD-
C ~ d' . .
.
elle
- l.Y:l.Sl0n LI. p:;:~.D
manfsre 3. lui don:.ler 1.1..'::>. rIY'"C'. ~pédfique, un langa.ge spéci(.l
aux fon·c:tionE p::éd'F;G. i, ~.:ilS~. toute ].' ('~:ga.nis(.<:i':m S()c:~.~.le cleF
D:~()DL.A est ba:::ée Bur cette dj~ri9ion : l'économie, If'. polh:~·::'-l.e,
'.a cnLm:"e {J;ducatio~l, ;:'.:t"t:
n.orale,
etc ..• ).
A -"ec le dévelop-
pemeut de la production et de l'ei"clr:.vage,
les S1..1rp~.'odu].:i;s
accwnulés :Jh.î l~s vieu:.'( et l,,;SI notables f?::ïul.'lsèren"t la diffé-
renciation BociaJ.e baoée su:~ :1.1~ge (géron·tocr2.tis),
Un certain
A
Enfin,
pour d0nne::· un tableau. plvs complet de Il:c 3.
lutte c~.'~ cl?'.Gse.~'1 a-..,. ::-.ehl de la ~ociété M:aniline'..:·e,
n fau'::
me:rr~::c.:uler l'anldjonisrne entre l('.s r~Egions anim5.s·;;co et
•
);'5.3larn,
é.:1tô,gc:n.i.:;r:·.l.c 4JüD 0PpOS? da::l8 l.es dYl1Gstiefl et les
peu?~es, les tl.·adh'.cnnalistE:<'J at:X r\\lusulma.~::-.
Le l·lIa).:i. et surtO\\:'.t le Songhat ~(l.e pur€n~; échê.pper au
Cà.ré'.ctè:..'e destructeur de c(,;~'j;e réalité.
Depuis lors,
les gra:n-
des luttes politiqueo internes et 0xtérieures revêtirent 30U-
vent cet aspect.
Les lutte:::: ~ntr.0 liiacinankobé E~·i: B3.xubara
- J.52 -
de Ségou.,
Jes gt:',:):~res d'El H:o:.Jj omO',r et de ~2.mG::"''', f7Jl:~r. 1':10'
sons islalniques.
Cette qU<.1!riènle contradiction vint donc COlU-
plèter le tableau des arr(;z..gonisr"'1es entre cl?sseG e'~ couches
,
sClciale:l dan::; notre f:;~dàté DIOULA.
Lutte des e~c1aveD contre les maître:;, lu·~te des
castes ,ginférieures l1 contre les castes "supérieures",
lutte
des jeunes contre les "....ieux,
Intl;~ des musu1:rr.ans contre les
anirnistes : v:>i1à les (F~at:;:e cor:~po3a!"l~es de :lIa lt.':i:te des cL:.c-
s ea ll au sein de la sociét( D:~O~n.A tI'adit~.onnelle de Côte d'Ivoire.
Cet unive:;:s à "quatre ::lhnensions ll sera toutefois domhlé par
l'oppo:Jition dec. maît::es d'escla,'es 0t des esch'~ves. Les autl'.::.8
cont:::-aclf:ct::'ons de 12. société restent s econdair es rnêrr. e si,
a
certa.ines époques,
l'une ou l'2.ut:..-e sernble prer:'.(.~re la prernière
placeo
Co:nme on le voit,
la 8:>ci~'i:é traditionneHB CrOULA
n'est nulle:mc:J.t une société harrnoniet'.se d'où
ser,dr-mt' abüentes
Jes contradictions internes.
l'·tais l'erreur la plus grave serait
de croire que les castes "inférieures",
puigqu'elles sont essen-
tiellement formées de travailleurs manuels d'une part,
et qu'-
elles sont,
d'autre part,
l'objet d'une intolérable discrimina-
tion,
forment une catégorie T.évolutionna.ire.
Le Lieutenant
DESPLAGUES (1) s'était déjà t::.-ompé à l'époque sur ce point,
en pensant que les français trou7e~.e'J.t en elles un appci
',:our la colonisation.
---
"Les T-l'yamakala. (gens de :::astes inférieures) sont
tOl:~; l~ co:;:].traire d'une forcc" même potendellement révolution-
naire!' (2).
Non r-a.s tant,
comm.e certai:;:].s l'ont aff~.:.. mé,
parce-
(1) P:8SPLAGTJES,
Lt,
Le Plateau central n ;;gérien,
Parie,
Larose
(2) M.
DIOP,
op.
cité.
-
J.53 -
qu'ils bénéficient de "Compensations matérielles" qui les dé-
domma.geaint économiquement de leu:.: él.liénation morale.
En
..
"
vérité tout Nya:rnakal? était lein d'être un magll~.to Il pouvait
to...t juste suivre le sort de son " seigneuz- II ,
être plus riche
s'il dépend2.it dl,.lIl plus riche,
etc ...
, " ,
Sans conteste
Nyamakala conscients souffràient,
danG~leur chair et leur âme,
d't::ne double aliénation,
éconOlni-
que et morale,
rendue enC(Jre pl~e odieuse pa:." le faH : çue
la soci-sté DIOULA traditionnelle ne donnait a1.1c'..me issue pour
en sortir,
ù.uoei n-::ilisaien';:-ils t01:.teô les occasions pour slé-
lever s::cialen'1en'i:,
faicant ainsi preuve d'Un opportunisme n·':)-
1 1
·1 ,
toire.
Les Nyamaka.la étaient les forces Je:;; plus conserv-at1:i-·
ces de la société DIOULA t:.:aditionnelle.
Certai'J.s même,
j,es
griots,
n'étaient ni plus ni moins,
par vocation.
que les gar-
die.ns intra.n:::igeants de la t::-aditio:·1..
La société DIOD'LA a éla.-
bO:t"é une iormi(',able superstrncture que la flégrégat:\\.on et l'en-
dogarnie des castes ont fossilisée et scellée en carcan de gra-
nit.
Les intellectuels Ny c1rr;{kl1' d'aujourd'hui, parce qu'ils
ont brisé la dépendance'lé~onomiquetraditionnelle,
sont les seuls
membres des castes "inférieures" capables de concevoir une
certaine révolution sod.ë'.le et de l'appeler de tous leurs voeux.
Vais la société traditionnelle DIOULA ticn{o- encore chactL'1. de
e es éléments pa.r de IntÙtip!es fils.
"Uhomo africanus",
écrit
Majhem~.:)Ut rIO:'? 11 est
con'!.:~,nuellement tenu en laiss e par sa.
famille,
par son milieu,
et la n'large de ~anoeuvre est d'au-
ta.nt plus faible qne le rnjlieu est conser.vateur (1),
Le malheur
veut que cet état de choses soit d'une très grande stabilité.
(l) ~iherno'L't Drop, opus cité, p.
67
C'est ainsi qu'AUB.~~T écrivait en J939 : "quelque effort qu'on
ait fait pour la faire dioparattre,
1;:1. distinction reste n.ette en-
tre les indigènes.
n. y a act'lellement des gens libres,
des cap-
tifs,
et des gens de castes" 0).
On Ba:i:!: qll 1au !v'B.-:in2.,
du temps de la. D~na, J.e Gr::mcl
Conseil ~e bas2.nt sar le Corr,n,
décida la suppression totale
des castes.
Cheikhou Aj\\lV)?OU,
',?,ui ne man~u,;>5.t n:i. de p~.été,
ni de f'lagesoe,
s'y opposa et les r.hoses en restèrent là
Mais l~., où échouèrent '.es autocrat:i.es africainec et les co'.:nlÎ-
sateurR,
échouè~ent égaleme~t 1eR 80uve~nements, mêmes
"révoll.1tiolli-:\\aires",
issus des ;'nc1épem~ancel3 (2),
Peut'';'être
le problème n'avait-il jamais été étudié et bien posé ?
Cê.r.
la
DoJ.ution de la division en caBtes de la sodété DIOUIA
" .,
reS:l.<le
dans un bouleversement intéGral des rapportr: rle pl·o·.-:uction,
en défhlitive des fOTees productives et non dr:'.ns leur. pC!:v:-pé'i;ua-
tion ou dans des tenta.~ives stériles d'amélioration.
Notons enfin que le système des castes de la société
DIOULA a réussi à voiler les rapports de product:i.on éscla-
vagistes et à les rendre plus tolérables,
plus supportables
et en définitive,
plus ntables.
il a permis dans les campagnes
DIOULAS de Côte d'Ivo:i.re,
la persistance,
jusqu'à nos jours,
de ctructures précoloni;:ücr. ..
En conclusion,
nOUG
pouvons dire qu'il est apparu au
terme de cette étude,
que lès ~r3.Tiables sociales IGs plus im-·
partantes chez les DIOUIJ\\S étaient le sexe,
le statut et J.es
occupationG ; l'âge jouait ê,U8Si un rôle dans cert2:i.ns conteX:~es.
(1) A1fxed ApBERT,
coutume Bambara,
coutmniera juriciiques,
Paris,
Larose,
1939.
(~:) !;vI. DIQP, cr,ms cité, p. 67
• 1.55 •
Garçons et filles étaient séparés c18S la naissance.
Les gaT.-
çons étaient i:mrnêcHatement considérés C01YlI.Cle des Homme2,
et,
dès qu'Hs en étaJ.ent capables,
COm1Y,enç.;:).~er~t à apprend:;:.:;
leuT rôle au.x côtés de·~.:4Q't..l:>::J pères, les observant et le8 ir:m.··
tant.
De J.1J.êllle les :r.Ules restaient ai.:'.D!'ès Je leurs rnèl-es pour
apprendre L=mr rôle de femme.
Hom.J:ne et femrr~e pOl'.:vë'.ieli~: c eper..dant 0 1 D.donner in-
diffé!"emment au ccr.nmeree,
Le;;; DIOULA. "Valorisaient beau-
ecnp la fore,;:: et le courage_
Du l.)oin·t de vue du rang,
·~o\\.~t le monde naissait
./
h~ro~, jo~ ou ny~~kala. et ~e passage dlu~J.e catégo:de à l'au-
tre était irnpoGdble,
cependant J.9. solidarli:é du srOl".pe camp"
tait beaucoup.
Ces inc'.ications r";l_-,r l'ethn.ie DIOULJ" et ElO~ orga:dsa-
d.on domestique et scd.ale étant p::'éciséeS iJ. noua faut exar"::l.5.-
I
ner ~naintena!lt le8 reb.tio:>:l.8 cni:re cette o:r.g?nisation socio-
culturelle et l'usage linguistique.
-
j 56
-
CHA.PJ:TRE ID
Les te:narüs de la thèse des "lacuîles conceptuelles" et
de la lIpauvr""i;ell des J.::l.ngues africain~3 font jor~e:~ il la langue
maternelle des individus 11,:ïl rôle décisif pour l'acceadon à di{-
férentes compréhension.s complexes,
A les suivre.
0:'.1. croirait
c,ue pour ew~,
ce sone leu.ro langues qui ont per:miG aux euro-
péens de comprendre. Flt de rnaîtri::;er lei;; problèmes teclmiquen
et scientifiques qui fant aujourd'hui,
le développement industriel
et technologique de l'Europe.
Ainsi pour üMBREDANE,
comme
nous l'avons déjà vu,
sans l'introduction d'u''1.e langue européenne
l I p l us
riche en concepts abstraits".
l'Afrique ne pouTJ."a pas m.aî-
triser les pJ."oblèmea techniques et scientifiques que pose son
entrée dans le monde rilOderne.
Notre hypothèse est que la lan-
gue maternelle des individus n'a pas nécessairernent W1 rôle
décisif pour l'ace es don alU{ problèmes techniques et scientifi-
(~ues.
En effet,
lorsC1,ue l'on considère le développe:rnent in-
dustriel de l'Europe elle-même.
il apparaît qu'il n'a. rien de
linguistique.
La vapeur et :ttL machL."'lisme.
tels furent les dei.L'C
faci:eur8 qci ont comm<'-.nc1é de façon décisive.
le développement
des forces productives des 8cci8tés 8'l.lropéennes.
Du res'::e,
dans la société DlüUU,
bea.u.coup de cO::ul2.issances sont trans-
-
157 -
mises par voie de particp3.t:i.on et de ft'\\çon non-verbale.
Cette
méthode à'apptr~~sage pourrait fort bien s'appliquer à l'ac-
quir.dtion dee compétences techniques et indulJtriel1e::: dont l'I.-
frique a besoin pour son cléveloppen'lent.
Dz\\ns ce registre, 0,11
t
j .
t'
" ...
'r.'Cn'-'f<'ç
(1)
t '
peu' (1.9 :!.:i.lguer avec .Vl,
.LI
.1:\\.1. .l:."j
, ..
,
l'OlS
~t:
grar.LL1, p1'0C~SSU8
d'a.pp:i.·entiss~ge : lliElitation, l'identiIic;::.tion et la coopéra.tloI;l.
muya lo~, Allah l~ k~. -rire. il. la~! :
lôpersom::~ ne lTIontf,-e comm. eut fr,rger. :.:ou rH3 du [0):-
Beron,
slil f.1a:i.t fo:;:ge:o:,
c'est Dieu qui le lui 2
;:-.,?pr:'.s" dit 1':\\
proverbe DIOUIA.,
que l'JS bté:ressés interprètent: a7.nsi :
,
, . : , '
i ;
' - { .
"Ni i 1~~ bar<:'. kè i den l;:o~o; a. ba deg\\. l 10na. Allah
.,
7
loka flè ni dég-.;;:i. di d~ Ml. Ni:i. ta cJ.ën bé kov; yéni dégui a
1 .,
y'èré T"D:::l., Aa;:-,h :0 r..a dég-..li a 1811
"8i i;'.::, fais un travail et qU8 tu laisses regarder t011
garçon,
il apprendra vite.
Cl est Dieu ~ui a donné à l'enfant
l!aptitude à observer et à iTnit8r ; ci ton fils apprend'.: comme
de lui-mên'1e ce qu'il voit faire souvent,
Cl est en réalité Dien
qui le lu.i ê'.pprend'I.
L'~"mitê.t:1.on est ainsi cour3idé:'."é.tpé'.:ro les DIOPLA. com-
me u.n élément flAÛl:at'e."tIr entre ce qui est donné r.'4;r Diell et
ce qui est inventé p::l.T. l'hom.o.-ne,
ent":."e ;1'in3tinct et l'intelli-
gence ; elle est le fr.:mdement de toute création person..T'lelle ul-
térieure.
On demande cl.onc ici i:.:npEcite].nent à l' e~l.f::·~').t d'ob3er-
-"er,
Fuis d'imiter,
de 8 1 exerce:""
d'eRsayer par lu:·,n.èê:rne.
(J..' I\\/.t
FORTES,
Sodal and psycholog5.cal ô.8pecta of education
in ~i'd.el3.nd, p.
4 L1
- 158 -
Dans le dom.aine de l'habil.eté technique et scientifir,t.ue,
on peut
rèDUJ-îlel' J.3 xê>le éduc2.tif d~ l'c:,dulte en disant qU'il vit et t,,:3.-
vaille devant leEl ye-:.u~ des jeun.QS,
0'~ occasi2'D.:J.elle:r."r:;~1.tcom-
pIète ce q1.:'...1 (;10';: aim::i tran:'TD.ls de m.anière informelle par p.1:'.e
in3tl'ur.t:~.on donnée de préférence à l'aide de for:mule~~ plu" 01.1
moills la]?:'idail'cso
On peut dO:lc cone:ture que c.hez les DIOULA,
clans bea.ucoup d'app!"entiscages,
12. p3.L't verbalisée :3embb ré-
duite.
On n~ontre tel objet,
:ix..cliquant (Ion nom ct :n. fonction
mais Dans :i':"-'lsir:-:ter Bur leo cxplil~2,.dons 7c~baJ.ec p:c'opJ..'ernent
ditE;s.
La J.2_ngl~.~ DJ\\)UU.... f:E'~:i.t du reste du 'verbe "apprendre:'l
un Bynonyïne du Verbe "ir.nitf~:>.'" (éi.~gui : appronàre, irrl~.te<;:',
enseignel").
On voit pJ.utôt d'un ma.u';r:>Îs oeil l83 1nes';;iûï1S deS
plus jeune8 aux anciens et l'on préfère 'lUI 1.:i.S se C0n~entent de
ce qu'iJ.1:i ,,-,oient faire.
Pou:~ les popu.la:t.~Gns DI0 D'I...A. , l'hab:lleté
tecl1:'lique et F~iendD=iue consiste à l'ê.voir de bonc yeux" pour
imiteX' et copi-eX'.
Quand quslq"..le chose se pf.E'Se,
les e:.!.f~ntlJ
sont d'ailleurs toujours pré3ent:3,
atteni:Hs et muets,
écoutant
mais surtout regardant et enregistrant.
Ils sauront ensuite re-
produire fiè'8lement par Je geste,
la mimique et éventuellement
par la parole,
avec un détail extraordinaire et un art aCCOTtl-
pli,
tout ce qui s'est déro'·J.1é seus leurs yeux.
W.i.ain il ne suf-
fira. pas de bien vO~Lr, b:i.en :i.'egarder,
il f2.1.'..-jra auss:i. prati-
quer.
LI énorm.e intérêt pour )..")(3 ;:\\J:~ti7itéf, des aînés Se
retrouve du resteJ très tôt) d2.ns les 4ibat3 spontanés des en··
fants DIOULA.
Une gré'!.l1de partie des apprentisE'a.Gen,
en q"lol-
que doma.ine que c·~ DOit,
Ge ré;;::'.lise aine~ sur un mode lud~.-
q&,l.e.
D"c, re3!E',le ,ÎE'U D.' est pas d'abord,
P0\\.i.:O:
}' enfant DJ.OU.r...Jl.,.,
de"tente,
dl·vertl·C,..
~
~
Ivaga l.on ana:r.c.:l1qy'.'G e
J
semenY.,
""e--:cre"a~'l'on,
..
d'
t·
l '
t
tm"I1uJ.1:ueuse ~our cal:·J-.. ar les nerfs,
qu'ni:end. lie plus i::n pluo
-~59 -
à de?enir pour l' e~far;t d' occiden;;. .92.7.18 J.a. civiJ.:;.8ation h'adition-
ndL: DiO"0U. U;1. '"Jut enCL,:t'8 obse~l.°vcJ:' des cü~')àCi.:J:~G' h:..cIi~'1ue'J
e'l
'1u::01que GO:i:tE ~. l'état p'.lr, caract1ir;:3é4~::JJ" une adHv.de 2i .::-
-::réat:rice,
le goùt de l' dfort et le plai3ir qu'on y trouve.
Tout en apprenan'~ 8. conna.fi:re Je ~l."éel, J.' el"riant y prend
conscience de lui-raeme e'': de sor.:'. émpirc }'U:: le, choses. . .Lle
J~ puise 8e3 prétextes dê.Yl~3 Je milieu cultu':el envlrormant, m:'1is
,
l'
t ' 1
.....,.
~i'
1"
t··
:Jans s yen. l:;:e:'.' e
f.:<::'·.Cft24llG> .l.'1j:,..u.~ser avec
U:l!.C
:.i.:~:eT '" 50uve-
l'aine U).
L'univers ludi<::lue est en Afrique Nairc d1une ext;·:ê:i.ne
l
variété,
toutes les enquêtes qui l'ont pris pO"tu.' objet, e:::'. témoi-
gn.'mt (2).
V0nf::.n·'; jouit :;,.ouvent d'une grande liberté,
PQUV2::iJr
s'éloigne::: du viHô.ge ou rest8:t' dehors au clair de lu::-~e pour
s'adonner au ,ieu alors que ses parent8 dOl'meat déja.
L'imitation f:OU9 toutes J.es {ormes pC3sibles des occu-
pation::: adultes p:i.'édomine dan3 le jeu enfantin DIOULA.
On joue
à la mère et à li enfant,
au mariage,
à la palàbre ou a'_, tribu-
nal,
aux soins donnés aw,: ma.lades,
aux rites et awe sacrifices,
aux inltiatbns,
aux funérailles,
aux travaux chanlpêtl'es et ména-
gers,
à l'homme blanc; on s'adonne à la petite chasse, à la
constl'u:;tion de huttes e'~ de villages m:i.':'.iatures,
au je'~ de la
poupée,
à la fabrication d'outils et è,':i.;:,.îstruments ùe musique.
Les enfants n'irn.itent pas seulernent les éléments que leur fournit
la tradition,
mais aU3si tou:'::er:: lee nou'r:2".i.utés ~r,i 88 présentent.
Ce nI est '-lue dana les dom,d.:o.es qu:~ blesseraient lea f:1entiments
i; ~ D
ëlE" ,.. TI'T
lIl' ",·,·,f.,.,..,.-
h
." .
à t.,
.-~
o .
ro
,.
•
. . ' 1
\\ "i
!;d_-"-?_·".:;.f:.·_·~_._.!
"'_....••J... ~
1;;.).
aI'l(;;:~î
r ....ve ..-". .,e,:> Jeu:!'.:·.
en ~~GR~_~ïLE, je\\ü:: dagons ; M. T_. CEl'~r'{E:~, l'enfa.::1.t ?.ir:tcain
et ses j 0UX dans le cadre de :ia vie trô.ditiormelJ.e a'.' Kanya. ;
C....:._ BEl'o'-RT:
jeu:~ et jOl;~t'" de 1Io'J.est afTi'.cai:a ; S. C(jlv.rr-~l:.IR:C-
J?X.:;:.,V.t\\lli, "j eu::~ CO:lg018j.S".
·.1 sO -
de retenue,
de p1~.+:::u.r, de crainte ~~'Bligiet.'.88 ~t (18 :t'~vé:r.E'ncç,
G.:le :.~.').(~.uJte ;"')' ~f:::o!"cG ,:~. ,) (~lc;CGlX,i~:~ger c.cB,;;e:,:t~·,<::.';,"":::5 cJe t&:,:\\~o ..
duct.~.'.).~~ '11..". r-,:n:',té de ~."', sphtrG. ~od.a1..c, l! 8C':~~.vit;:; lu''i:1..:~Ue. ::],,:
\\
l:(,;Tfant Q..::;bcuche trtl précoce:n.....e:~..-;: e';;;'z j.:act1::ri::é :1p.r;'('~'.B~ 'ct
ter sans qu'on pui.!>se 1(;$ è,iDsod.8r.
"Les jeux ne pon.t G':luvC'nt,
écrit J,
ZENYATTA,
cette rrans5.tiO::l pl?(jgr.~8f:iY{~, cette l':'~lative ~.ncilGt:inrtion, ont
fait dh'3 ~ de nrty,b:;:-e1.L:: obr;e'l'va.;; eurs f:uperficie113 'lue }.' enfant
d'Afrique De j()'..i~:i.t guère O'i]. ne SêV?.ît pa& jouer (l}. II/iais E.
FRI.l..NKE est 3a.:;'16 doute plc:.3 prèr< cl::: J.e. 1'ê3.Ei:é quand n 8Cl'it
d'Afrique s' éduque elle-m~rr"f daZHJ u..'1e lé'.rge mesure" (3).
Tendu veT.S son intégration dans le n--:.onde a.dulte,
1\\ enfant
DIOULA se rnontre ê.vide d'en aS3lLTner les tâch.€8
et les res-·
ponsabilités.
Il nt est pas nn récepteur purement passif,
ma.il1
pa:r.tici.p<3 d'-lule manière ér.:.:.:tncr.cnnent active à l'éducation ql1 J on
lui dorme.
Il app:':"end en fais2-"1t,
voire en ense:i.gnau1:,
caT. il.
est In.;.-m~m.e, sans cesse invcati d'u."'1. rôle tféducateu:,,: à l'é-
e;ard des plus j enne8.
l ' \\
J.
KE:tnrAl'T~
\\ ! 1
Au pied d11 m<::n.t Ké~:,ya,
p.
99
(Z) }v1.::7. KJ~~EI~,
L'enf~.nt rv:mKONGO, p.
171
( ~),
...., E. :.i]V\\.N""Â~'~' die g ?~.3·ô.ge en1;-wkkllliJ.g dp.:,:, :ncgerk::'::1.d:3l',
r. 2~6
- ~. 61 -
li n'oppose paf,; de:.résistance à une formation qui
ne constitue pao une fcn(:t:î.on à part.
mai'3 représente simple-
ment un aspect de lé), vie cou.:r.?nte.
Un ê.pprentissage est to-...1-·
jOl.~:t"S plus signifiant et pa:;.- c:onE.J6quent obj<st de modvatiol'ls p.h:ts
intenses l&. où il est reJ.::.é et intégré à ]a vie• .Q~JSlDD a b~ ;:::1.
s'opère en Afrique du Sud : '~Qu:>.nd les enfav.ts sont petj.t8,
dit-il,
ils apprennent de leur mère
quand ils lnettent leur
seconde dentit:i.o~ils quectionnent les grands ; le~ gr:::..nda ques-
tionnent les jeunes gens,
et enfin les jeunes gens interrogent
/
les persolUles ~gées. De cette maniè:'4 e,
les c·:):~.maif;sances et
les informat:!.ons deGcendent en cascade l'échelle des tges".
Dans:.::·::eite pCL"spective on peut dire qu'habituellement
donc,
le sav;}ir technique et scientifique chez les DIOULA. ne
se transmet pas ê..U tT.'~vers Jl'\\:G'l ensemble de concept::: a.bstraits
so:i.gneusem.ent délimités,
de r~gles et de norme:J f0rmulées de
manière précise.
Dès son jeu..Tle â~e,
l'enfant est familiarisé
pa.r la pratique,
avec les gX'~i,nds thèmes qui constitueront le
contenu de sa pensée toute sa vi'8 durant.
II/'LéLlo ila lui sont
proposés sur un n'lode qui lui est a.ccessible ; on ne Chel"che pas
à les expl:i.citer verbalement mais simplement à les faire -viv:;7e.
L'individu baigne dano l~ne atmoGphère l'emplie de fêtes,
d'ini-
ti2.tionG,
de rites reEgieux liés aux rythmes cosmiq:aes,
de
sacrifices,
de pOGsess5.ons,
de gestes visant à scru'éer llavenir
Jans unz poignée de cauris répandus ou les traces lai6s~par
un animaL
Or,
cet u..TliverE: où les actions et les gcste6 SJ.gnifi-
catifs l'empo:ctent l?.rgen.,,:,.ent sur l'e:::pression verbalisée d1une
pensée conceptua.lisée,
n'agit pas sur l'enfant en lui apportant
dèG l'abord une idéologie toute faite,
m.::l.is en faço:mant et en
Cl:rdonnant un corn;üexe d'images cha:::"gées d'émotions qui pren-
- 162 -
dront par la suite Valeur archétypique.
Sous quelque forme et à q1~e1que niveau Qu'il soit
prodigué,
l'enseignement techn:i.q':te et sdentific'."'.J.e .~toujours
llaccent sur la manière de se comporter,
rra:1:iquemer..t da.ns 11!1e
conjoncture donnée.
Appre!1dre pour les DlüULA,
c' est B'~,daf'-'
te!' aux nfcessités d'une situation réelle,
cherch~r à. comblol"
l'atter..te d(ls:::~autres, s'iè.elltifie~(" à des modèles que l'on a 801..,.$
les yeux,
SI engager
dans des tâches vivantes.
Si 1'enfant DIOULA
participe ausei tôt,
aussi complètement et aussi intenrém.ent
que possible à l'existence des al-l.ultes,
Cl est qu1i1
SI est
ét.ê.bli
une sorte d'équivalence entre Il éducé'.tion et la vie elle-nlêlne?
Le contenu de l'éducation c'est l'ensemble de la cultur.., "'-"tee
seS usages,
les attitudes qu'elle exige,
sen pat:r.im.oine en sa-
voir-faire,
savoir-v5.';re,
savoir-dire et surtout ~avo~.~ être.
Ici,
\\11' école c'est la société,
et la société c'est l' 8col e !l écrit
G. M.
CHILDS (1).
ilL' éduc~tion tribale, note de l'lon côté J.
KENYATTA (2),
met avant tout'l'é\\ccent sur le concrettl ,
Au
cours de sa
croissance,
l'enfant DI0ULA accumule sans cesse
une maf?oe de connaissances.
L'extrêm.e liberté qui lui
.e!:'t
accordée lui perrnet de rec'!eHlir toutes sortes de renseignements
sur le n'lilieu ambia.nt.
Il n r est pas 8~né par un enseignement
rigide et formel '1ui n ' ;;>_ très souvent que peu de raprorts é':\\Tec
ses véritables intérêts et besoins •.•
(r.:~lui qu'51 re<;oit) a
pOUl"
but de lui don.ner dl)s cO::ula.i~sançes pra~ig.ue3, :il est en-
tièrement conditionné par la conJ:nlt.e que l'enfant anra à tenir
on lui apprend à exécuter ce {PU lui est demandé en ~el1e ou
telle occasion et on ne lui permet p~.[' de faire ce qui nI est pas
( 1) G. M:.
CHILD§.,
Umb')..nder Kindship and character,
p.
121.
(2) .J.
KENYATTA, Au pied du mont Ke~·~y:1. p.
li)2-U3.
- 163 -
encore à sa portéeo
En paraphrël,sant J.
K.EJ>TYATTA,
nous pou-
;;'üri> dire que la valeur de l'éd\\:Lcadon DIOULA réside dans scn
intérôt pratiq1:~'~, Alor~ 10.1 e"ù :CurGpc Dt,- 3:::1 l'-mé:dy'ue l::~t3 écoles
cUspensent deo cour s d' 8d~J.catior. dvitp.e [',f" rno:4ë..le, J:;), In~th'.)de
•
DIOULA. co:n.8i.:!te t:. ind:qaer d~re.r~tem.8'1.t comm?nt 1'0:1 do~,:: l3e
cornpoxter a7CC les pare:).tc.,
les grands-pê.::"~1'lL:J, 1:-:. fa!n.ilJ.e pa-
t'3?"neDe 01.1 rnaternelle ; <.u heu Glun e:J.zc1gi.J.<::m,ent zcolaire et
généTal,
11 enfant DIOULA ç~ppre~lC1 le nom. dee pl::tr;.te8,
l',~tili1:é
libre de dévelcpp-:::r C:):Gîl.....':l.'2 il l'en:::e.ld Des expé:r'ienr::es ei: de
pe1'fectionner r,l.'e;;1 connalf.:2~·~Tlce3.
L? péd~.go8ie DIOULA ne sé-
paT.G donc
~ne;nt. Le ressort de Gon efficacité réside dans le :!len COl'lat',lnt
qui elle entrE.tient aveç le vécu.
La particip2.tiol\\ ;:\\.ux actes et
rappor';;s sodau:;.~ CE'~ à !a ioi3 son obj et ct :=;3. madè:!:e.
"L' '3ll.-
f<),nt Dogon,
écrit M.
GF..:.:AULE,
c:::>mme beê.uconp d1autrec pe·-
tits indigènes,
est plongé directement dar..s b.·J·ie,
Il joui'(; de
cet inappr:~ciable avantage Rur les eniants 0uropée),5 ùe ne pas
avoir devant lui l'écl'i?n mon3tuueu:::: que notre oystènîê ('i.e dres-
sage et d 1il'1st:ruction élève ent:~e e'Ux et la :;,-.salité.
Il :nhl. pa,l> pour
n est plaCG d_~.:l:J u.n cFmat f;:"milbl très diff~Tent. Il est ~. mê-
rne 1~. v:i.e et, à l'éS?l de,;; horilme!- :faitS' qui c:ü des instii;ut'ions
eux
propre::: O~l/ Geu!:: p.2n~trent., il a. des refugef3,
lea jem:.:,
où] es
grands ne v:i.efuî€n"t
pC).s et qu'ils ont. oublié.
Par les j('nnc: il é;e
prépare à sa m.an'.~re pOUl." la lutte qui :i.'ati.;C'::'1d.
E procède
lui-même ~t sa propre éducati·.m et il ne négllge auc'~e des
:i.nr>tHntions,
des sent:imelita,
des prat5queg deva~1.t lesquels il
-------------
( !) '.(1.
G....,Ti\\T~T ~
_
l L .
r.h.w-" .~~~,
J eux Dogons,
p.
27
- 164 -
se trouvera plus t2.rd" (J).
Si dans 11essentiel,
la citation de
M.
GlUA ULE,
nous satisfaj.t et est applicable à l'enfant DIOULAi
il n0'18 {aut y apporter un co:':"rectif important;
Il faut, en effe~
préciser que cne.~ lès DIOU:LA on t.:r01r::·aH parfo:ic,
r~1.iéG ph.j'
C''.l
moin::: à la pédagogie initiatique,
des modes d'instructicn P,)U-
v2.nt Si étendre Bur un laps de te:mps impû:d2.nt,
des Inois et
m~me den années.
En cc cas,
il est possible de parler de 'j,:;-
ritables "écoles".
Si Y soustraire,
Cl était
en général encoul'h'
le mépris de la collectivité.
et ainsi s'exerçai;; la plue con.tr<?~.-
gnante des pressions s0ciales.
Le con';;enu de cette instructiO::.t
variait considérablement comporia.nt au rninimt:m un ens C:iTIbl e
de règles conce-..:-nant la vie en collectivité,
la vie seJruelle et
les relations avec les """nciens,
mais pouvant a.ussi véhicule1' un
patrimoinè E!téraire,
juridique,
gnom::'::lne, ésotérique et sapien-
tiel qui donnait vie et char:o:ne à la traè.ition,
un ensemble eztrê-
meme:tlt cohérent et divf:;1'si.:.·:ié de spéculations reiigieuses,
cot.:-
m.ologiques et moral~s, SUl' Je plan p?oprernel1.t JJeligieux.
les
ctages dans le3 l'bois sacrés!' par eXêrnple constituent les insti-
tutions sans doute les plUE; l; ... enantes Jcar) dans ces Jat\\Cr~J~
s'opérait non 13eu.leInent la ·,;:::'aI'.s:rnis:Jion 4u savoir Jacerdotaî
et l'divin" maü; s'accOlTIplisE?:J.ient aussi d'extra.ordinaires t:r..'ô.ns-
formations de 180 person....alité (2).
0:U11.8
:?nRnièr~ générale, mêrne 3i eUes ne s'étencJent
que sur deR période:::; plus :t.~éd-L1.ites, 1(';8 initiatiOJ.1.s de jeunesh~
peuvent ttre compa.rées à des écoleS} en tant qu'instituti.ons p(Ja-
gogiques véritable:; ; elles présentent en effet Ul'l caractère pu-
(l) ~~. GRIAUL~, Jeu;~ D(;Bon~, p, 27
U~) n .. ZAHP.N, Sociét6 cl'Ü1.~~i'2,:don B:"..mb<l.ra,
le Nlkorno
- 16r; -
blic et se déroulent selcu un calendr;'e~ :réguliel' ; on y assiste
à l'émergence ':le [one;:~.::.ns éducatives spécialisées dont lc[ dé··
tc:)(,;,;:.:rc SOD'; ehois:i.s }''l!' dt.1~J.èS CO~.2~;.è.2.\\.·:;,.tiOr.'.s (~.e famille et
\\
I~ ")a- "'nte'
""L A
"n e cr .B•.".; ,'" -, tl'on ''l'''~ • n ·<:tl~ ")d"~' (.," -1" C:- \\1-,.; "
(ff1J .....
J:
.L
.... - -
"F
,-.. (;
p "
lo.L
_rG•.-l. ... , ..• c...
•.. ~.. ,:....
...... ~
J.
c;_,
,.... '1'
'0..-:.'..1.
~c..... v.~ __ o
fO'c~t le conté:Ci'l;I de Il éduc8.t:ion vJ-4iculi2 pr0,-(€~er;,FLent P?~: dit/tV'J
agents est ~\\ p:r.écent co~Jirlné. cor~"lplété et d'une cc-rta.ine :..na,·
n:i.ère st~;nda:.:dis(; et rassemblé en un systèl"'üe cohél'cnt.,
Ce qu:l
jusque-là nI étê.it 11 obj et ql.'.e d'u:J. appr entissage 0cc2.sionncl 8an.S
règle~ fixes, est 2. présent e:;'PEci~:;é et comm1.mio.ué de man:i.~rQ.
sclenne3.J.e.
liA t: moment de J.a drconcisio:a,
dit J.
KEN~lATTJ\\,
les enfants apprep":'lent en quelque Gorte la tbéoJ:t:le des p:r.incj,pes
qui ils applique!":'; quotidie:::..nement" (1).
La quaHtlf émod0nnEl1(~
des r.elations qui président aux apprent:i.38ages ne peut do~:l.c être
déHnie d'une ma:a.ière 8i.rnple.
En fait,
toute la gah1.l'ne des ~i?Cs-
8ibi.lités e:::-;; présente;..
N'ou!'! ~t:;,·o·.lvons par e:;:emple ·one action au-
torita~.re au moment des in:l:da.tio!ls,
prép<=.rée ';Ollt a"..1 long de
l'enfance par celle courante,
des :Un08 de la c12sf,0 drage su-
périeure et par celle de la famille davantage ré8crvée à cer-
bines cÎ'.L::onstances de la vie oodale.
l1lf.3.u" bien :pl:rs i~~1.por
tan.te eGt J'arrlb:i.a.nce de laiE'se~...fai::e,
l'atrnocphère émineYD.:ca.ent
perîTüosive gr;:?,.ce à laquetL '~r er..lfant I::l:OUIJ. i:-.-lite,
appre:iJ.c~
'pa:~ ecsaia et e.rre-'ll'r~, s':~:.:npreg:J.e de ce qu'il voit et fait, eIn-
m.<:1.gas:l.ne U:;., !32.vc5..: "Lui ne lui eGt soU~t~~(;OiL.:::•.lun~,qué qu,,~ fel.'-
tuite:ment et :~nddemmeni; par le l~ngël.ge par).:~.
En cont:lusion,
0:'::'.
peut dire qu'il nI est Fas Ïï'ldispenea-
ble à.!avoir une la.ngue pOUl
maîtriser leG problemes tech:niq-.l?s
ê,uquel une société peut faire face à un moment donné.
(1) J.
KENYATTA,
Au pied du mO:'lt Kénya,
p.
108
-
} 6€-,
-
s: ~a'}1».4Uervt2:'J.t ~,4- 82Voi:c f)r ~.:::,,2:·?:: c';' le R2.·~-~'~_T
.t,.A_L ...,;.;",,,
?,;. c..(f·.tI:"'Hfl·~'-" ft.., ...,;,.,..·,··:~,.. J.I'If).., 'IF' cr.<lI ,J,.",~olt ..-.-:"_"'_\\
~~.n..",:.. -.. -
-... r
. c,._ ..._ "~.."'~ ,*,"1 J; _.... _c...-~.......... -._- ~ .. t.AP~.,.,...,e;iK _.,- """'J
2.1:
"'::aven) cll~" 8n8c:;:ë.':::·~~ de çcn~t~ abat":':'l.\\ts 'c:p.,ne:11.6C~'}''lc:xl-'
,. .
délimités;
de règles et ae r..armeD prE:c~.sec,
DJ.O":.TLA,
les aciions et 1eR gestes signiEcat:ifa l'emp"':t'tent lar"
gement sur 1: e~~p;:essj.cD. d'une pensée conceptu"tFsée,
verbaE-
sée,
il serait ineX':'.ct de din~ clye shez les DIOULA,
le lang~ge
ne jOl:;.e r~aB un J:ôle 5.1npo::;,·t::;:'lt d':-"ns l'acces3ion à, dîffé~'entes
comprél~ensions
cO:':nplcxeFl_
Du reste dans \\lT).e 3cciété e·:-:sen'tiel-
lement ora13 ce:-:nme la ::OC:~8t;'; DIüUU,. de Côte d'Ivoire,
faFf!':
il SI ~tonner du rôle c1.'';.e joue la langue d~,ns la vie l'locb.le et
sur J,e plan pédagogique ?
Comme dans t0u'te S'odé'~é orale,
]:'
langue sera ici le m0yen de çonlmunication privilégi.,5 et d.le
reflèt'-"ra l'orientation clef, activit.ég et le::' préor:cupat:i.ons des
DIOULfi..
Telle est l'hypothèse c.me m~'us ~rrnulons face à la
cr5:~;':i.Que des tenant;:; de la. thès0. c1.c .,],::<. p(\\.uy::-eté der: l'->"ngues
ê.f:d..caine:;II"
Lé'. langue DlOULA.. ~e:;:t l' ex';)r~S2.iOD des bW':0b.s
,.
.
eco:n..om~'0.1.leo ,
'iaT.. l' Ce.. cadre ;;'1'éc:lG et 12-:'1. ratp,)rt aver; l' é~pe de déve.loppe ..
':nc:.•t , atteint:e tar cet::c société,
cette la:'.1guE' ~e coit pas Ûhl':.''-::
très g:':"ancl€'
ric"'.:Gue ou ':.lu' elle n8 :,,"2c~J.e lX'.s de virtualités
5.mmenses.
a) Une théorie DIOULA d:l J.~ngag~
Aux DIOULA }û. tradition appaxaît comme la II parol e
- 167 -
ancienne." (1).
Elle comprend essentiellement,
à leurs yeux,
les récits mythiques et l'ensemble des idées et des interpréta-
tions verbales héritées des anciens conce:tnant les mystères du
monde et de l'exister..ce.
Le sage D!OULA est celui qui "connai,....l? parole"
1
f
,
1
(ka kuma Ion),
ést èapable de la transmettre et de la monnz.yer
dans les circonstances concrètes de lavie sociale;
en donnant
des èonseils utiles.
D.
ZAHAN (2) et S.
CAMARA (3) ont dé·,
crit également chez les BAMBARA et les 11\\ LINKE,
une phy··
siologie et une psychologie de la production et de la réception
du verbe correspondant à llir.l1.age que l'on se fait dans ces
sociétés de l'organisation spirituelle de l'homme.
Ces élabora-
tions souvent complexes et en tout cas fort richee :i.'endent comp-
te aux yeœ:: des intéressés de c'ertaines dispositions d'ordre
1
(1) "La langue est
~e langag2 moins la paroI e " (F. de
SA USSURE,
Cours,
p.
112).
"La langue est structure socialisée,
que la parole asservH à des fins individuelles et inters'lbjecti-
ves,
lui ajo'.ltant ainsi un des sin nouveau et strictement person-
nel.
La langue est lm système commun à tous ; le discours est
2. lC\\. fois porteur d'un message et i:rlstrument d'action" (E.
BENVENISTE,
"La fonction du langage",
p.
6).
Cette distÎ11.c-
tion f'st a.illeurs remise en qu.estion par certains linguistes
contempor?ins : cette distinction,
fort utile entre langue et pa-
role,
peut entraîner à croü-e que la parole possède une orGani-
sation indépendante de celle de la langue,
de telle sorte qu'on
pourrait par exemple envisager l'existence d'une linguistique de
la parole en face de la linguistique de la langue.
Or,
il faut. bien
Se convaincre que la parole ne fait que concrétiser 11 organis~üion
de la langue" (A.
M\\RTINET,
Eléments,
p.
30-31).
Nous L,spi-
rant de la conc eption de MARTINET,
nous utiliserons dans notre
texte le plus eouvent le terme de "parole" dans la !!leSUre oÙ elle
est la concrétisation de la langue.
(2) D.
ZAHli.NJ
La dialectique du Verbe chez les Bambara,
Paris,
Mouton,
J. 9 63,
207 p.
(3) S.
CA MA RA ,
Les gens de la parole,
Thèse de 3ème cycle,
Bordeaux,
1969.
- 168 -
pédagogique ayant pour but de donner à la langue toute sa po:r-
tée et toute son efficacité iniorm2.:;ive et formatrice.
Le lan-
gage est lui-même don àivin,
plein d'intentions symboliques
et qui se chiffre à la na nière d'un vaste champ de signes,
exacteme::lt comme l'un.ivers matériel.
On trouve donc chez
les peuples mandingues e:1 général une véritable théorie de la
langue,
de sa nature,
de sa naiosance,
de sa vie et de sa
mort,
ainai qu'une réflexion t?ès poussée sur le langage en
général comme moyen privilégié pour accéder à la compré-
hension et à la. maîh:is e de t'Jute cO:'1n.aissance.
Cette concep-
tion même de la la::lgue nI est-t- elle pas eminemTi.'1.e::1t riche ?
J..}hor:!1.me DIOULA a en tout cas conscience qu'il pe1.lt trOllve:r
dans sa lanGue lm reflet de sa culture ct il se pl?:.lt à Y puiser
des justific<1.tions à ses idées.
CI eot donc par la tra;::'.smi3s~,o::l
orale du pa.t:'7imoine litiéraire que so réaliecrê. une péC'.rt capi-
tale de son éducation,
son instruct5.0:'1. et "-on enseignement tou-
que,
sdentifique,
Godale,
ethique,
estllétiq',le que polit~1':i't:e< La
litté:m.tur.e oTale .L'IOULA véhicule ces n'less~,ges à ';;),·a.vers tIDe
série de thèlnec et 2.U moyen de d:ffé:'enül genres.
b) Les--8enreG littérai.:>:es DIOULA_ê..
PouJ:' c ernel" les différents genres de la 1ittérat1".~:e
orale DIOULA,
on peut s'aider (et nous noue SOlnmes aidés)
des catégories classiques telles que mythes,
l-:5gendec,
épo-
pées,
contes,
fables,
chan.tefables,
chants,
devinettes,
prover-
sans
bes,
devises mais/perdre de vue qu'il s'agit de divisions arti-
ficielles et ocddentales cbnt les limites sont très floup-s,
Il
- ]69 -
est souvent arbj.traire en effet,
dt.. vouloir distinguer mythes
et contee selon des critère3 exté:d.eur3,
de nombreuses cu1tu.-
reG africaines ne
iaisa:':'?of. pas la diatinction entre les deux.
Contes et chants s'ë~ssocient daDS le genre composite' de la
chan1;efahle.
LI épopée est une légende donnée sous une forme
poétique,
aouvc,,,t musica.le,
dont certains éléments ~'PF~,rtien..
nent à la tradition historique,
d'autres au mythe,
d'autres
encore au conte.
Quant à la distinction entre poés5.e et pros e,
elle comporte également une zone floue qu'on appelle prose
poétique,
ce qui ne fait que recu10r le problème,
Toutes ceG
productions exercent une action absolument déd.sive quant à
l'impY"6gn"ltion de la. personne DIOULA par sa cultm~e" Leo
FRpBENU!? a ::nontré qu'il existrt:it dans l'Afrique t::-adidonnelle
delL~ couches, deux ,tates, deux l'âmesll culturelles, deux
patcleuma très différ~ntG. Au niveau le plus ancien,
tout p6.né-
tré encore de puis r,anccs IIdérncniaques ll ,
débordant de vie et
(~.e f?;TTe,
apï?artienneni; les contes et les fable3,
Béa dê.ns leur
Ü'lspi1.'ation a.ux ma~ques, CI.UX sociétés initiatic].1.leG,
à la magie.
D'un n:i:ve21:. plus récent,
relèvent 11 épopée et la poésie lyr,ique,
liées 1~t à elles 3.. i' édosion d ' 1l.r?e dvilisation urbaine, aux
grandos constructions,
à J.Cl. vie de cour,
à l'usage d'un vête-
ment ample et riche dl ornements.
Même dans les sociétés
où les productions du
,")econd type se sont pleinement épanouies,
c'est l'inspiration la plus archatque qui prévaut aux prernier:3
stade~ c1e l'évol'L'.tion enfantinell 0
Dans une scciét'& sanG éc ritU:ï:' e,
comme la socié~;6
'oIûULA. ,eut:.on pê.rler d'une littél'é'."Cure stable ?
Les DIOULA ~.nsistent volontiers RU:;:- le caractère
stable de leur littérature orale et pensent que les textes Se
transmettent sous lL'le fOi'me idéalement in';,i'ar~.able.
Négliseant
-
170 -
les inévitables var:i.c.,-::ions de style et sans exclure les possib:t-
lités c1'appo:rts indh"idueh,
ils :mc~i:ent llaec::n: sur la perTI~').·-
nenc e
de la p:3.r::üe 1 en tant ç.ue t:!'adidon Cil'ale as su:r,'ant la ccm,-
tinuité du groupe sodai.
Ce souci de perm.?nence se Y'ctro-tt:tl4
égale:ne".t dans de ncm0reuses sociétés africaines ainsi r.t'lJ.. e
l'idée qu.e l<'\\. trad.ition o'<:.le aS3ï)'1"e le :maintien et la cohésb::;,
du groupe social.
Le DOGCN la définit par exem.ple comm.e "une
bande de tissu jamais ,:oupée qui se ,tisse d'une gér..'h'ation 2..
11 c.:.........tre" ,
ou encln'e comme "un héritage de pa:'cles q1.l~.,
comm.e
la ten.·e doit t':"·~150u:.'s reater dans 1.::.!. famille':,
PO'.l:!' les GULA
(1),
elle eGt aucsi "la pél.l'ole de toujOU:i:'S qui Jê'~rd~ aS.3ise e:'l
terre" et pour lec BA1rBAFJ, '1,:.:'1. legs des ancêtl'es,
une J~c
trine efficace et fncon:i:csta.ble qui sert éle norme au:;~ actes
accomplis :::.uj01~xd'hui (2)",
C eii>3 importance- attribu.éE: à 11 ":::,3-
sise:! de 1;:>, société ex\\?ECf.le la p:ï.·éc'ccupati:-n qu'c:.'l les DIO'JLA
de reproduire fidèle:i.D.ent les t0;zi::es tra:csmiF;,
De ce point de
'':\\.'.3,
on peu:: 0bs 8rve.1:" dans la. liti:.f::'2.ture 01'21c DIOUiJ-i. une
volonté de cons erV2J~~m.c quJ s' oppos e cependant à leur cara':tè-
Le :l731e GOclêJ. joué par la littérature ora:"é.! DIOULA
demeure conoidéra.b~e. :':::npl'égnée des réalités culturelle; s,
elle
constitue un tén"lcJ:i,g!:<acc h:r",m:çhç2.ble sur leurs institutions,
leurs
( l '
C
-J
nOUM-le-G:,'a:n::J.,
Village d'h'o,
Paris)
1966,
J ,
p.
JI 0
(2) .g, ZAHAN,
,.
_..-;...,. dia~ecHq,'..e du verbe ch-:::z les Bo.mbara,
?e:.r:';s,
19~3, p.
123
- 171
-
systèmes de valen"l:'s et lenr VHl1'::::n du raonde.
an a a:ls'Ji mis
et
e::;.
évidence dans le.: cO:'ltesjles ri:.ji:h'3G m8.:':1ci].:~.3ue::-, la Pr'cjç\\.: ..
tien des oystèmes de par.ent€,
de la cuJ.tu:·e matér~,2.~~e, d;::1"
ir..stitutions relig:i.euG es ou politicj:~es (I). D('::" te~:te[; saCr.3S,
mettant eCl cause l'ensemble de la cultuJ~e mandii.1.gue et néç,:;t,'si.-
t
t cl
1
t .
t '
l
t ' t '
. ,. ..
(,... )
an
e
ongD commen "'.:'.:.~t:''3, on
oga eme:n
e e p1.·..)l.1es
(~.
On peut aussi étnd5er à t,:-aV8rc la littérél.ture orale des inctitu-
tions actue~.1ement dÎ8pa:rues cu en voie de dispad:~~'J::1. dont ,
en raison de son caractère conservateur elle :::er.te l'm::..ique tÉ-
moi~n:'~ge. C'es'~ aî.nni q1..'."; J. THOl'ir.L\\.S a pu étudier 2. travers
les contes,
la société d'initiadon NgbaJ'-:ê,
dont 51 ne reste pas
d'autres traces.(3).
AT.ch~.vee de j.'hiG·,~oire sociale, la litté=at-'.lre orale
DJ:OTJLA. est aUDs::' le v6.:hicde de l'histoire tout COUl<;,
IV-o/the,
épClpée,
légsade,
poésie sénéalogiqu~ sont pou~: les h:~Btol.'iens
modernes v.ne dec p;~·].ncipa.l.el'J S'Jurce3 à pB.'::i:r. deBq'.lellec ils
?::'>::onstruisent 'L."J.e h1.r;·èo:.i:e cl':'o3 l\\!::anè.lngue en gén<2::.'al et des
DJ.OULP~ en paT.ticu~.:'.e:;_· (.~). IvJ.a:ts il ne faut ras oublier quI ils
ont: t01_1joU.:':'8 jou':; ce rôle pour les intéressés eUY.-rrÙ':lnes et
qu'ils conGtHuaient d~ms ces sociét.és le chenal pr5.vilégié pa:!."
lequel Ge tfli2fi'5"ft\\et~::.it la C()L:nê<tr:Gr:~,~e de levr ~sé.
Quant au sys1.~:me des valeurs propres à 1,:" société
DIOULI~. il é'PF'l.rai'c dar.'] J.:". morale, c:;.:plicit'c ou iri.~.plicite,
des contes ou des p~Jver;)es Q'l"'.-'2 l'on raCOi:te qu:~t.::.diennement.
Nous cannaicBor..8 Jeo c.C'ntes dans lesq.ue1ô U:;~:. délateur est p'.mi,
(1) Voi.r les t:ravaux de .Q<,-J:>~.lI}.... l\\lI;c, p, ALX:.:~UDP~I'!. T. O.
BEïD.?;:J-.Iv.'L:'\\N,
M.
et F.
HEBSK()VITS
(2) 'Travaux de ~__Pl.I:~1'X~~E~T,
A o
HA !vtPA~':'E lL~.!
L. v.,
THOMAS
(3) .r~l-IOr.t:f..:')..:.;:;, Société d'b.itiation N! gbaka
(4) Travaux de J.
VANSINA
-
172 -
bien qu'il ,dt en fait :'ëévélé la mann.l~e illégale dont le héros
DIGULA n'est pas l'apologie du Vol (s~::;.gmêd;:\\. 58 Ch8'!' les DIOULA
t
'1'
)
' 1 1 '
..
.".
t
1 '1
....
comme pP.!" out éU .~e'.lrs, ma:.s c. 1nconVCUlcn
q'J. 1.. Y n. are ..
prendre deR parole(.; inconsidérées et à se mêle:r des affaiT8:>
d'au':ruj,
attit-:,'de qui r.t. oe cornpre:c'.d 'lue par ::éf0rerLce à U71.e
conception très élaborée de la parole et de son rôle sociaL
De ré·::ents t::éwau.::.:: (1) indiquent que la vj.s:lon du ;'-:'"lon-
de d'tUl peuple peut ce projeter aussi èË'.ns ca Ettérature orale,
mais à un :r:ô.ve~u F~~uS p:·~oiol1.d et T::-~oin8 consc.i.ent,
oue seule
la méthode de l'a:c":.?.lys'3 8'~ruc:tu::-ale pent mettre en évidence.
NO'lE n~avons pas d'éléments préciG pour voir ce quln en est
chez
Iea DIOni.A..
Nems dgnalons cependan~ cet.te piste de re-
\\
Chel'Ghe que n01;3 ni a-:"onG })é'.s pu e;:plo;r:-er.
SJ. donc la lltté::at'.lr e orûe DIOULA est t'ne Gorte de
mirC'ir. dans lequel ~.a société .'JJ:OU.LA s'observe et m.esu.re sa
l)rop~e r-tab:i l1:::é, eH:" 8:lt au~:c le fTu.chement pê.7' lequel s'ex-
'Orirne::~t des 1.dée~ ::.~~ d·:;;] scn,:imentR qui ne peuvent apparaî'i:l:e
c 1.airenv:nt dan2 ~"~ vic couran':e ~f: é~cot dIe con:s;t:'.t'he le mode
peuvent
se l-:0.;").nif::~:te:'· aurci et peut-ê:;i:re da:n3 une.ce,,·~:::).ine mesure se
dénouer !.cs ten.cions ;)0ciales,
les conflits de g6n6raUon et de
d8GSeS'.'ue C0I1":J.2.~~ lé. :;/_'c~.été DI0tTLt'.... o AlCJ!'G que la tradition
et le.".. rnorê.le sodû.::.e te:,>dent géné:,:,a.1 e~ne!:'.~ à ét,:,bHr un systèrne
de v;:>leu.::~s far.dé r:nr la hiérarch::':) de l'âgp.,
du se:;{e ou de ~.a
fonct;.on,
et que nombre de récits bien pen.Gants eXê.ltent ces va-
leu~sJ dépe:iB:<:'.en~ le:;! ch~tim'2:"l'~s 8t:.bis P?:,· ''':3''X qu~ les rentent,
- 173 -
un courant exactemt"::!)i; c(".nt!'a~.rc t(md 2. prOUV'2r au nloyen de
q~lC les élèves pel1vev.t dClUner
des :'.eçons à Icurs m3.îtzes,
qu'une fe'~(1me avi9lfe se moque f<:l.c!,~,emc'nt d'un rn.ari jalon:" et
tY:i:'ann:.t::j:t.... c,
que 1.('\\. juetice divine favo:rise l'homn10 p3.Uyr3 et
vcr.!·'JCW::: al'. détriment du c}}ef crue'. e~~ av:i.de,
(; es contes 1I$'1b_
versUs'! font éV~.df~m.ment rire a'l'X dépens de t::elui dont l'aut;-
rité est r/lise en cause,
ci:: '":c ri:,:e €3t
libérateur.
C'est aur:Gi
par le rire que l'auditoire Galu~ la défc.. He (11.1 héros négatH,
personnage 8o·;lrm2.nd (n'1g0t)),
ég{::-~ste et stnride, berné pa:ro
le héros :rusé et ::ntell:i.g,o;nf:.,
La icncti071 comiq\\.w des conl~e8
n' 2S"l: donc pas à négHee:.',
et I?s usagers DIOULAS se plait~ent
à GouligneJ:' le T01c c',e divertisse:r,nent joué par la lltt6rat:.lre
ora.le dans le1'.r soci{;té.
cl) i;_:::gle~ et ...~!lterdi:~ s:..q~E,~!"I..Ll.ê:.....Prif3~ (~e h,
~Jle ~~~ IA..''-'ci(1;_é DIOUI.:!3.
On p~l':; .meG\\.;.~.·er égale~:-~îe:.1'".l.a cO~:t:'e~~~...,.d~\\nce Ian-
' ' - ' ' - '
-
D")"TT"\\
~.
"'.fl
.
(l'
•
g1.:(è:, / SQCleï:C C.!.C;: ".e3
J.\\
'.,..-:L,
O'o'lX
r"~ eG et ~.nte~: .".ts qUl en-
·~Ol.::!.'el:lt ifs inanEcr.tattons dE l?ES3.,-'e, Nous "'.3 vc)ulc'nS pas
parle:::- senJern ,o:d des t.::-xtes à 7aleu!' religie':lse et r~.tuelle,
•
r2DlJ.t lê, :!.'écitô;~j.()y.l 02t étlldèm:ment S(".-;m:i.se ~, des p?écautic~s
les p':1.1S profanes,
'1'.li nè pi:::1.1YCÜ ;:"voir 15 8'.1 .·.i~rem:;nt,
sans
8o~ci de tcrr:ps,
de lieu C'u.:le pRrsor-reso
Une den règles
les plüs constantes est celle qui obEge Iee C::hangec à se
tenir après le cm.::.cher du soleHo
Dive:o:j rr..é'-lhe~:rS :':"':lenacent/
-
174 -
am diresdeR DIOU.Tj'.l.,
ceJ.ui qui traüsgreS/38 la règle.
A:!.nsi) Le;
cC'L'.pable peut provoqner la. rnort r~e sa mèJ."e ::'lU c'.'u'-1.e per~':n.:::\\c
de sa famiUe maternelle.
La défenl::e conceY;'"lz.::>t 12'. IUl.'Ylière
diurne ne s'applique cependant qu'à une partie de la litté:rê.t:::'~>e
orale DIOULA.
En fait il semble q'.l'une oppositio:Q <:;01'1: faite
)
aSSez S011vent ent::.:e les ~i5toires v~d.('iqueG ou. considé7.'ées
comme telles,
qui s'acc0mndent du jouJ.",
et les r~cits ir.o.aei-
nair es,
donc Ilmensong ers\\l ou symboliques qui ne doivent l,·tre
dits que dane l'e>bsCl...rité.
O~.ltre l'oppositon :r.llJ;'t/jOll.:':", on trouve des règles s~i
sonniè res faJaant ë:lppê'.:':"af·';re 11..11e opposition 83.ison sèche/hiver-
nage.
Ainsi,
che? les Mt\\LINKE et les BAMBARA. selon Y.
CISSE (1) l'on comm.ence à. conter à p:'l.rtir d'océO're,
après
1.2.
récolte du m.::.ïs et du iODio (qui sont les premières céréa-
les récoltées) et l'on cesse en Ivia5",
:a en est e;:actement de
même chez leG DIOULli. de C0TE n'IVOIRE.
En ce qui co:-:::cerne les ::'·~31e~ C18 lieu,
il semble que
des 0pp0s'-tions iz-iJ.?ort2.ntes 80ient également faites dent les
pri.ndpa.les par?:;·' r.;",nt 8·.~"'e : ded;:-nc-: /::1 ?-hors,
ma:i'''',",-::l/;:,J.a~e pu-
bHq'Ue 011 villa.2e/brour~se, e~,. raghl't ~.,tI~ d'a.l:·'i;:;,·es ténes que
feT..c.:ri:.es ,nariéeG/SeU?l.ef; genE ncn-marié8,
Les {:;:terdits peuver..l: enfin conC~::T.':Oi" leG pereo:J.nec.
q'LV; -::he~ le'J DIOU.7'.A,
certains,01 catégor~.')s de pSl.renté auto-
(1) CIS~ (YI .dté ~ar G. '; (l. L.A VIE -GRIA ULE dans IIE-'our
une
étude ethnolinguistique des Lttératures orales afdcaines",
Langages,
n a
J 8 ,
Juin' 970 ,
p.
28
- 175 -
ce dernier cas llin·:ezoèJ.t el exe~ce géné:·('lJ8me:..:,~ d:".nc le sens
gories complémentaires,
comme g1.'and-pè~e, pet:tt-fil~' ft "etl-
t
/
liée à :p~.a1santede" (s-5nanku.)
Cette réglernentati:.m conce:':';:;[~
0
r:;pécialement les contes,
devinettes et pla5.::,ant ::'ios,
catégc:~ies
verbales pOUl" lesquelles no':'.s trouvons un interdit cupplémen-
taire,
ce)."li qui conce;~.·\\\\e lee proches pare:ntë-l.
Chez les DICULA.,
l'inte::-c1it de J.itté:':-ê..tu~0 oral e eGt stricte entre père et fille
nubile,
mè:1."0 ct fils,
frère et SOCi:'X nubile,
oeam>parents et
gendre,
m.ari et soeul' cl0 lé\\. fenune,
neyeu ct t3.nte pat8rnel1e.
Ces catégories d~ pê..rent;] ';-::an-;: cellec qui excluent le::: rappoTtB
s ey.~.lels,
il est ten~ar.t de faire le rapt :~och.eme!'.t syr.abolique
cntre ceux-ci et la IHtérature orale.
Il est :rare qu'une explic2.tion r~utre qu.e c eUe de la
cout,'.me ou des raisons pratic.'..CI~G puisse t:tre invoquée par 1eR
DIOULA pour juctiFe:,:" !.':3 d.i..,.~r!é'e~ë tsgles concerna.nt la priee
cc' !:"ègl.es st i::-~~:!:0.::.te, :-\\OU8 nO!:;.~ ;,Jo:tBil1,:;s :('éf'~ré-' à i'hypothèse
•
C:T}.ic:=..thrc de G. ':.~, G~i.l(""iI.ULE (1). GtVAULE e:b ef:i:.'ef; constate
tions se ra:r.c.0n~Lt a~n:: 0F7:;ositi:JTl.G que ncuc réjltmOns dan!:; ::'e
t;1blc~.u ·:le la 1=',2,g e l".uiY'-'.:"lte :
(J.:;_G.,_i.:'.o GRI!'l.ULE,
l'Pour u...ne étude eC'D..:.,1.i::J.~,",.~,,:,,t5.q'.... e des litt:.
orale'3 afric ll •
~3.:c~·:1);;a g~.~; , n 0
l 8,
.h:.in ]:;, 7 0
- 176 -
GRANDES OPPOSITIONS
r
Nuit (obscurité)
/
l
Imaginaire / Réel
1
jour (clc..;~té)
il
Mariage / non mariage
Dedans / Dehors
!
--------------t----------------
i
II!
Vie /
l\\1ort
i Humidité / Sécheresse
Interpr~tatior.. du tableau
Par m.2,riage(no!l-mariage,
GRIA ULE ent(::nd le~ catégories so-
ciales entre lesquelles le ma:riage est licite (ainsi que les échan-
ges de littérat'.lre orale) par opposition à ceJ.les qui excluent les
deux formes d'échange et pour lesquelles le mariage,
s'il avait
lieu,
prendrait la forme de l'inceste e'~ deviendrait,
sous une
fo:t'me affaibli""
11 impos sibiEté de se mader.
L'opposition est
complétée par c~lle du de(J~I]:'J (associé au :-aariage, les femmes
mariées assistant 2. cleo veinées httéraires à l'i:r..tédeur deo mai- ~
sens) et du dehQ.~s (l'.38 j8unes gene nGn mê_riés Re réunissent
pour conter à l'extérieu.: solt deR
habitations,
soit du village).
La relation inversée que l'on trouve ·::;hez les l>Jgbaka,
où c'est
le père (et non la m.ère) 'lui conte (~e j.:mr (et non de nuit) dans
J.'.\\. brousse,
donc "dehors'!,
alors q'-1.e les jeunes gens non-:i."na-
dés content la nuit d"'.ilS le village (cependant à l'extérie12l' d,:s
maisons) pourr2.:i.t s'expliquer seloil GlUA ULE l'par une y;'.'.l.0:"fsa-
tion par~icu1ière, dar.'3 cette ethnie,
de 130 forêt,
considérée com-
rne le domaine des 2..::-'.cêtres,
donc aS80ciée 2. 11 enseign.ement du
- 177 -
père de famille.;C;'est la brousse qui devient alors en quelque
serte le lIdedansll.
mais on ob3e:.-vc anDsitôt une inversio:'l de
tous les signes.
et c'est le père qui rllourra S:l. [;on fils tente
de se SubDtitl.ler à lui en contant de jour.
"Noue l'etYOUV0nO ici
l'idée du père.
comme iilnage de l'ancêtre inégalable" (ORTI-
GUES).
L'OpP0E;;;.t5.on vie/mort est 31..1Bgé~:ée par les sanctiou3
qui
menacent celui qui conte de jour : J.él mort de sa n'1ère
ou d'un membre de sa fa.m:îJJ.e maternelle (l\\.1ALINKE,
BAMBA-
RA,
DIüULA) qui devient dans une relation afi2.iblie,
la dimi-
nution du J.='1it de va~he, (7':"luareg du Niger) image maternelle
·:m encore la mort du c Ol).pê.ble lui-même,
(pat noyade: Degon)
sa mOLt sociale (n devient sourd-n'1u,~t - Peul de l'Adamawa,
renseignement de F. F.
LACROIX -,
il se change en pan:ier
-
Ma:r.tiniq~le, :renseignement de In? CESAIRE -). L:idée de ..,;i,e
n'eet donnée que nég:3.tivernent cians Ce coni:exte.
DI ailleurs
00
la retrouve dans l'oppcsition humidité/sécheresse.
Grâce è.
l'interdit saisonnier,
"arrêter les pluieG lI (les DIOULA.. de
C.1.
refusent de conter pendant l'hiverliage,
cal' cela arrête-
rait les pluies) devie~T~ dans ·C.1. auL'e contezte fe.ire r.n.cl1:dr la
mè:'e ; or,
llident5.té symbuEque eD~:êe la mère (ou la féminité
.,"."
1) l'h
'd'~~
1
.
. b"
"t b"
,
1
en geüera,.
"uml l~e et ..='1 VIe em;
:~2n e a J.Ie,
çüe~
es
Mandingue e::l eénéral et les DIGUL.A. en pa.rtlculier.
A part:,r
de ces paires oppositionneJ.les fonda!':lentales,
on peut recons-
truixe un système à pluoicUlS niveau;~, en prenant ~haque fois
l'une d'elles pou:=, point de dép2.rt et e:':1 les c~nf:'~' '::cnt à. la
}.ittérature orale DI0UI..J\\ eHe-mêmeo
.c/L
'
t'I
-.
cl
l"
".
a nU:;.t es
... e regne
e _ ooscur.
Elle est donc
J.iée au caractère énig:natique de J.8. :iieérature orale DIOULA"
Pose:: les én::.gmE·Q et les réooud~~e pendant la u,.lit (en donnant
- 178 -
la réponse aux devinettes,
ou en menant les contes jusqu!to. leur
dénouement).::ontribue:t"a
à fai:i.'e sortir le clair de J.' ObSC1.li~,
donc
à faire su~céder le jour à la nuit. S'1.::::" un autxe plan, la iLI.1.1: est
associée au mariage puisqu'elle est le mome:nt privilégié pou::.'
le8 rz.pports se:~'~els (1).
Enfin,
elle est associée à la mère,
car
l'enfant dal1.S son sein,
cs": plongé dans l'obscu:dté,
et c'est au
moment de sa naissô.nc.e <:lu'il "voit J.e jour".
Corol.ne la soh'.tion
de l'énigme,
la naissance est un. passage de l'obscur au clair .
.
Ce nI est pas tL'1. hasard si le héros oedipie;"'.,
démG de nomhreux
mythes et co:ntes é'.f;::ï.ca5.nc deyi0nt aveugle ou est t:':'21i.lsforrné en
anim.a.J. nocturne.
Cond<':,:rnné à 11 obscurité déf:i.nit:ive,
il reto~;;.rne
sym'Joli quement pou:::, ·toujours au seIn maternel.
2 0 _
La !!!~r~ est associée à la nui.t,
cor',"1l11.e nOU8 ve-
nons de le V0~.!",
Elle est ,;,ussi,
pour Ego,
le non-mar.iage.
Elle
est d'a;'1.tre paxt,
le ' l ded<i:':1g 'i , car le ventre m.aternel et l'ir..~é-
rieur de la Inai80n protectrice sont cY!ncoliq....'.ement équivaJ.ents.
Quant aux rô.:rports de l;:\\, mère avec le k?lg2.ge,
ils sont étroits
la Lnère f';;,;t t011j0urs pOUT lee enfa.nts la p~·ern5.ère c.ùnteUSG et
de même qu'en Occident,
en parle de "contes de nourrice:',
les
}~iIOUI..A ,e0/Sidèrfltque l'on "boit'! les contes avec 12 la.it de sa
...
('\\i'd")
me~'e
81n j1 .
3"
- Le ~na.r~.age, associ.§ à la. n .....·'.::t:,
l'est aussi au
"dedan;:.
Dans l'Eôulie D!.üUL1\\ traciitioi.ll1el1e,
le8 rapports
sexuels devaient aVOl:;:- lie'.l à l'intérieu::, de la maison,
ou
tout au moins dans 11 enceinte du village.
Chez lee DlüULi\\.,
- 179 -
comm~ nous l'avo!lG c1sjà dit, les rapI''Jrts seyu.elo en brousse
penS2.it-O:'1.,
mett2.icnt en d2.nger la fécond:U:é iT~êmf) de l.a t",rre
( 1 .
.. ) .
de' nélI::"J.br",ux pe,-,.pl~,,~,
l'én:i.gn'1e tient une pJ.ace pr.~'7iJ.-3g:i.é~ dan:::
les ép:reuveG que d:)it st"",:,.:,.' le h{ ..,os pour o0::'~nir J.::.. main de
l'hérotne.
De ce T.':,.ppo:':"t symb:.liqy.e é:::::l.bli '0'.\\' nhreau du r.e>-r::>',
sod2.1es. A.i~{).oi da>:'.8
devaJ'i:,
pou!' c0te!1.i::~ ;.e dJ~oj.t d.e r.ejoïnd:r·c ca femrr~e le noj,' de
s es noces,
répondre à des devinettes que lui posaie:1t 8e2
beaux-parents.
Le p:r.~tenda:~,;: dogon cm."~-\\rGre~ pô.:' 5nig:.:nes ;:nec
fHles des p12'.ÏsantericG ê:r.d.gmc:i:iq'lcs,
de ~ar~.'1tèr'3 [;onve~.t G!'o-
~:
,.'.que (2 ).
QU3.nr1 un j eUl"")e peul est â.ly:ourr:mx,
"mêrne s'il ["agit
de ,'.ire les ChO:';88 1er ~")lu8 oJ:c1b.a:ixes/ il j"le f2ut pas les
façon ccdin?·.i:re ; .;:' est J.e "y~.c1.~." 'JU Ilj~u des am';:-,:L.ts" (3 ).
pos aux én:i.gmes tradh::o:!'1.elle:? fait partie également de l' 6élu-
cé\\tion des filles par la mèr e DIOUI.A,
Cl est une
façon de la
préparer au mar:'C\\ge,
(J.) C, C. GRi'\\.ULE,
p.
3~6 ; G. D:-:ETERLEN, 19~5, p. 69',
note 3.
(2) G. C.
GRJA ULE,
1965,
p.
324 ei: sui'lantes
(3) EPART,
1'165,
n, p. 719
-
1.80
-
L'épreuve d'intelligence que constitue cette forme très
répandue,
de conversation énig::Y.i.a.i::i..que et qui sert parfois 2. ).;:).
justifier, ni est d'':>:lC qU'lJ.i.1. des é'.;3L>~cts du problènle.
Ca.r,l':';;
énigmes/comme Cil vient de lE. voh p'3uVel'.t ê..usd jouer
l
l.L.À
~Le
dans la vilè! amoureU8e.
Il
~;emble en effet que lee veinées c,i].
l'on conte soient t-:0ui- :LeI:' je-eneG gens l'occaDion de :r.encon!:l;er
les filles : l'l e3 jeU:1es hor.c.mes cou..·tisaient leurs belles,
et il
semble qu'une des manièl'es de leur faire la cour et de les dis-
traire ai: été de leur cEre des contes".
Cette phrase,
écrite à
propos de la Bretagne (lé'. Haute-BTetagne) par A.
de FELIC:;:;
(l) pou'~ra::t !J 1 appliquer fort bien à la société DIOUiA de eOT E
D'IVOIRE.
La littérature orale chez ~.es DIOULA est donc asso-
ciée d' t1rJ.C part au lnariage (entre p3rsonnes pour lesquelles il
est licite) d'aut:ce part à la mère et au non-mariage,
puisqu'-
elle correspond à l'inceste lorsqu'elle est échangée entre des
catégodes prohibées.
Por.al';t l'énigme à résoudre,
elle est Ol.S-
sociée 8. l'obscur dont il faudl'2. faire sOTtir de la lumière,
dé:
même qu'il faut arnene::.' a'14 jaïn l'enfant qui est dans le sein
de sa m'8re.
Elle est 136e par conAéq'l"',e:lt à la périodicité n'_litl
jour,
et plu::: la:'gement t 12. P(~:r:i.oJicité saisom:.ière et à l'alt.ôlr-
nance de l'humide et du zec,
qu't1fe. con.tribue à établ:i.r.
ElJ.",
est ::'iée à la v:ï.c cl.2.ns 13. :.:ne9Ure
"
o~ ('l).e favo~i3e !!.1.a:dage et
nalSS2:.:,ce,
et à la mo:rt parce q't.J.~ elle peut être le symbole de
l'inceste.
Et fbalement,
elle est as30ciée à la création, du mon-
de car 1ID parallélisme symbolique est établi par les DIOULA
ent:-c l!20ctc de crée:;~, q'15. consiste à fa:irG ::wrtir leE' êtreD du
né2.nt (à le~ "devine:t"), ce~:..li de rr.e'ttre 2,'.1 mO!lde U-'1 enfant et
cehli de {,:tire FlO:ctir la lumière de l'obccudté qui e a . ' t les
choses,
-----
(1) A, D;8 :r~ELICE, 1954, p. IV
-
J.8l
-
Au terme de l'analyse ci-dessus,
il apparaît
que les racines de la langue Dlo"ULi'... plcngent profond:5ment d2.ns
l'humus de la culture DlüUl..A.
Cette langue est en liaison é~roite
avec les préoccupations sociales des DlüULA.
C'est p0urquoi,
sans doute.
elle joue un rôle si important. sm: le plan p~dê.gogique.
une de ses fonctions
essendeJ.les étant l'enseignem.ent.
~) L 1 enseignement par la littérature o:-:ale
07.1 sait qu! c:: existe chez 1er.; I/[ANDINGUES
une littératu:"e initi<:.i:ique.
:"ouvent distincte de la litté:(ature pro-
fa:De,
et dont
l'uuage est stl'icterilent r~glementé. De nombre1..-,::::
aute1.~:'·8 ont signé.lé le fait depui~ longtemps.
De longs textec ini-
tiatiques ont été publiés par G.
DIET ERLEN,
en 1965 ou par_iL:.
ZAHAN,
en 1963.
Cependaat,
si l'ai;tention des chercheurs a
été attirée: par cette littératuxe spécialisée,
on i1'a que rarelnEo.:lt
s!.gnalé l'utilisatic,. des devinettes,
des contes et pro~el'bes en
appê.rence profanes,
soit dolons les retr<>.ites i:'liti;:;.'Liques,
soit
clans l'ensdgnemeI:l"~ exotél'ique qui pe"Jt s'exercer à plu;:::j,r.;ul"S
p'_:blia••t des devinettes SwahEi d-...1 Ker~yê..,
hit cette ::-e:.:....-:.2.rque
of the ric:dles reco!"ded abov;:è,
are Uf: cd in the inithtion Dchools.
:;'::1e1'e,
they have cOlllplete?-,y differ-ent rneémings.
In gene1'al thej:e
a:l:'e th:;'ee distinct il~tcrp1'eta·t!.on8 of rid=les,
aph:>risme and ve:r3es
based in 'che schocis.
The fi:::st is the single and usua':Jy clear
nleé'.ning v!hie~ can be tc.ld a::'fone, including c~,-ildl:en. The second
has sorne ftrJora or leBs obv:~ous sexual signHica.nce which is explé'.i-
ned to young (first-grade) initiat8s.
The th:i.1'd interpretationA is
csoteri·;: avd iL '-:-eveded te n'>:>ne bui jull ~.nitiates .••
Intelliger..t
-
182 -
guess work in sucb interpretation would requir~ a considerable
the social implicatbr.;: oî'_~ld.m::'.~:;t init:i.::.tion" (1) . De ] ·,?-'.1r C;)te~
M.
et F.
IiBR5KOV;':'I'S n0L~:,lt à ,?::opo~ ·le la d;.":v~.nette che::.:;
lec Po!'. du Dahenne;- ·:e t:':é'it qui pour:!.."ait C'â.Fpliqt'.C':::, hri ?.'.lE8~
\\
12.. sociét,i n:.O'TCA. ': "i~ appeal lie.s .;::I,rt o!'.ly ~.n the hidcien
mean:i.ng of the soludon,
btA.t more especially in hs "double
.entend.re",
'::'hc plo.y on Y;G~:~3 that is sc in'lpo·:rh.nt an eleme:o·f
of Dahomean commu:üca·î:~.onll (2).
C'est prédsément ce "~oubl.:-
.entendre" qui est ut".:d.sé "':;,ar.lS l'ensdgner.nent D10Li'LA et qui
f'3rmet \\::Il usa:;e p;.1.1S a::1o-ii:l auprès ûeG enfants t:r.op jeun.es.
Le j eu de::. devir.d~e:J a chez le:::; DIO'(iiA comme partout e11
Afric:ü.e Noi~:e, un intérêt p ~è.;~gog:lç-:le i"econnu,
c.a::ls la meSure
c.ù,
bien avant 0'::::: sonl!aît::-ôllG sen.s caCl1.è,
les tmian'~s exe:::.'-
cent grâce à lui,
leu"-' mèmoire e·t leur rapidité de compréhen-
:lion (3).
..
-----
(1.) Ih..I:.._LA~:~J2~g.::;',
IIE',e.ne r:i.ddle;::, !:rom tb.e 8Qu.thern Kenya
cast",
in Swahili jou:"~3.1 of {ac East Afrkan
Swahili comrrô.tee,
~/"ol.
3 3
c ' "
- , f. 2 /..
1 7
,
r.
::: ,
1 '; .J
J,
p.
~
(::::,)
l'Il.,
et F •. HF;>::§.~;9=~T!:_~, nar_c'm~a:1 r'.~.rl·at;.ve. A cross-cul-
t'tAraI analysis (Eval~Rt0n 19:;8, p,
5<,).
(3) j~Ghn B}j\\Ci~::~I'r;;;, d2.nG'T'n article sur la valeur cc:ciale dE.;:~
c1~v~.a8ttes V 0.:':'.113., b.it G.8D ob:J erv:.tions qu~. co~-~ii:>:'.\\.c.ent le car2.C-
tère secr.mdaire du sens,
Lee; devinettes s::nt uti1.isées par leG
jeunes é.'.l courE ,le jeu.~~ cO:i.~,::pétitifs. :S::'lc3
f.ont éJ.uc3.tives,
elles
30nt l' occas3.on cl' une pl;,w gr~·!.1d'3 ?ard.c::r3.tbn 't. la v~e sodale
mais ce ne sont ras des e:r.el'cices i~~ellect'.lels. La question
et J.a r'3ponse snnt ~_pp:d~~cG comme ur.. tout et ~e q'1:l irnport'ô:.
cr est de donne:>: 2 'leC v~.rl'\\dté la r~pc.nse :'. la quesHon comme
pre1.we de la. cOIù.~aissance de l' ensemble.
L~ rély'nse est Je
',:e:'rne d'une rnémo,:is;;.don,
mz.is,
rerD,arque J.'auteur,
0:;;1
cher-
che :ra:':'ement la réponse; on la saü 01,,:' on :":l€.
la saH pao"
Con-
n"t!tre des dev~nettes, c'est pour l'enfa.nt ê.frica:-n être éq1.lipé
pour 188 jeux collectlfo,
c~est p0t!.vcL: [Oe J,cnnc:-:' confiance,
com-
pe:::lse~~ une nQ.~8sance Î':''.fé:.. ~eure 01.:. c'2.f:".;rrr:e;: comme i'er:"~8~!l-
- 183 -
De nomhreusef: devinettes DIOULAS contiennent ce-
;.end.a.:'J.t \\!.!). ens eig~.J.e:nen': qu~. p,:;·rte 2. 1<"... f(\\:~.s su:r. la linguJotiquc,
Sur b. conn.sj.ssanr.e du rniHeu ~-:aturel DJOULA ct le savoir
technJque e~ "sd.entE~.que;l. Les D.r;)ULA Or.'.t ausf:i une sér::,;
des connaiss8.nc~s myÔi,,?ues.
Ce 'H."il f;~.'l:: bien voir,
crest q'le
les tE':~;t.eG de style c::aJ.
r.Llême J.o;:~èql1' ilo sont ::"e dépôt d'Une
infoi~m.é\\_Hon pat~::'.m.onl';\\.le, ne ·Jélücule:t'.~ ceh:d- c:;. ~'UI à l' OCC'3.s::'.:m
d'une anditi0!l publique.:Jn :J. dit et :;:6pété ql..l.e l.:~s provel"'bes
étaient 1'expression de la :Jagesss p:~?'l1é'l.i:r.e DIG.:,UU ; il est
en efiet facHe de :::etrouve:r. à t::ê.verc. eux le système deo VO.~·
leurs et la psy'-:holog5.e so~ia.1e D:OULAS,
Noton::: cependant';~'le
les proverbes DIOULAs p~uve!:t at:;.88Î,
comme les devinettes,
comporter un cens ésotérique et qu: il ne faut pas t01.....jours s' :'o..r-
rêter 2. leur sens apparent.
Dos peuvent enfin,
toujom."s comme
ce terminent pa:.:' une T.n0ra1e explicite ou implicHe,
~"10nt gé:ilé-
illust:r.és de pro v 8rbcs et proposés ~omme 1):ne Ipçun,
positive
ou nt:gatïve,
de compo:i.'-cemE.71t 8C<~:I.alo
llia:;.rJ He peu.T.Toni; aussi
(3,
.3 u:lt e)
tr"nt d'nnE. d.asce d'age ou Cr~L l\\~~1.age, c'est l'cccaslon de faire
h::mneul' cl. 'j:ra":ïers soi à une entlt8 sr.:iale dont la re::lO::nrLlée
retom1:-e DUr.
Goi (l.<2~~.1 BI::,g,I~-l:\\'·JG, :.'he :.-;cd,.;>.l value cf Venda
-dddJ.eG, i\\frican Siudies,
·\\i[it'.v?·~e::"9:'-ê_:'ltl, ?;"
1961,
p.
1-3?).
-
J.84 -
Dans ln. rnest1.!'e 0à ils sont :l'exp:;..'escion d'u...71e ce:rt.?ine
visiOJ.l du monde dont les gi.·and::i b.1èrne2 :Zt):nd2.r..lentaux appi1.~>:,i.s-
sent à tTaVC:rs euz 80US une forr...'1e syrrlbolique,
la. iaI::1ili;::.r~!;,';
avec eux,
acquise des li enfa:nce,
ccnGtitue 8~1 ('01. un.e f(crn2.ti~n
DlüULA.
DIOUL!\\ e t ' e servent è~es conte2- p01.~r i~~:;.rcd'.D.i'e .~. 12. CC:.lna.1S-
Sémce des mY~:!1ef;, e4ft·-JlI'Sc(:'ndd.~\\;...c/~t' qU2 3.e5 ccnt~8 :3'1U: en
qnel<r:le L'Drte ".1].'.;~ hâd~~f.i~'P.r~.s··tlli.",lG1Jo'!~~;lL3 f2.. c::.lemer~·t
2.ccessible.
Les DOG-()!\\l' son~ UD. des. 0;~.{e;:.apleB ies plus rem.2.r-
quables rie cette intuitio~l ~es !'appc:;:t.i stncturaux e;ristLlnt en-
tre rIlyth'3r.: c'(: contes (1) ,~.J.'.1i, conctruit~ ['.U le même sYB~·.ème
ment effecti;,rement selon ::.2. mB:i.île I1gramrr..?i.rell.
l1Les contes,
dit LEVI-STRf-;. DES,
sont des myttes en m~.niat·.:l:'e, .~~ les rr'.2-
mes oppositkJns sor.t t:?:'<."Lnsposées à F3t:UC écheE'2l1 (2).
None
pouv;:as con·:::l:l1o~ a.u te-L'me de cette at\\At~"e que le la~gage chez
les DICVJLt_.
d~ moins :::;o....'.s la fo:c·ms de J::t lii:tér"l.1:1..'.y.0 oral(;:),
?ppa.:::a:tt revêtu d'WlC d(}\\.1~le fouchon : d't1.".'2 pa~t iJ. r.t1et e:'J. J.u-
:r::1.Îère deo fait::>,
urau'ère part n con>:rihue au fp.,;.,:m:nelneni: Q,-:;:.;
Ces ?rcriu·ct5.cns littéra::::ec n ervent ég;ü,'OmE:::"lt de ma-
tière pri"ilégié'~ à Il éducation fOl'1:ceJ1.e des DIor:, LA ,
F:':':'~' JSS
préceptes r.n~r2,.,.«. ct J.es rè::;les de CO:i.'1.dUî.t8 (P_'.' olJ.'3G ~..éh:cnlent,
(1) Go C.
G!~Z.:[1:;.Y~~1j:_, Etanolog:i.8 et langq,g e, lê. parOJ.ë chez les
DOGON,
p,
462
CZ)~. ~~V!_-STRAU§.S, "La ,t'rut.ture et la forme··Ré.D.exions
sur un :')t;vrage de "\\/:t2..cli.:.ni:c paOpp!l,
in C2.hie:t:'8 de l:institut
de~ Sd.eD.Ce9 éco:l.o, 8;::,pJ:'.q-.::ées, n° 9';',
Mars
10 60,
p.
zu
-
185 -
de marr5.ère i:Ja:do:i.s expUcite ; m2.~L plus souvent.
dJ.e,·· 13.5.2··
DeL! au:~ auditeurs le ooi:1. de dégage:i.' le c;onte!2t:'. la.':eni: O~.J. les
en imprègnent san:3 l':lêm0 ~.Ul:i.ls ;:;1 e:"l J.·snde;.1.·~o. cern.pte,
Le contenu principa:;.emcn·~ r:,a7.':i:'::'J.tH cl'..:'. patIîmc:ine cul-
lIe·tI ..t-, (~galem.ent son C8.T?c1:ère ,;iva:J.t, hü "Oernlett::J.:0.t d.'être
~
'.
,-
i' eveCU .;:.
c.~la·=lue
l 6
plus fort
?,:puJ:ai:r.e afdç~;.l.·. :i~a}>p .. :~·t6 C..::: L~\\lcb.e & treille selo:iï leG n01:-
1":0.•"38
t~("aditioif.llelJ.eG,
nlGt à I::"..ot,
dan::; :.'7).e }i.d!jJJté tc,taJe d::;,]
gesteL"
et -3.e.:: :i.ntc:;:").2.~:~'-;~lS,
",rqui. d19pal·aftf0filcme;.").t là ou
cc m~me co:r:-âe est lu et'dt' ce fa5.f: r.:t:.ême, pri'l"f ùe son Lrne
et ~.ntellect'Uau.s~.
La langue DI()UI/'~ ni est cependo.n·i; pas faite uniqu.e ..
.
ment de contes,
de,·Yt'nettes,
myth8s et p:;:C1ve:·:bes dont la rl-
chessc est évidente,
co~nrile n01.1.s avons essayé de le m-onhE!..":"
tout a.J. long de.t45 fa3ts,
n comp:l:r.te ègë.lernen·tèont un ,roca-
L1~~aire préds que 11 cm d'3couvre d2.:"S les conVersdb.~,:r:~S quoti-
diennes.
I.,' èxe:~npJ.'è le plus C2.:t"2.C·~.&:i:Ïs'i:~.q'.1e :.'.-:)1.13
eG~; fou:'::.:'. pEn~
le vocabulaire de la ca:)~acté~~i8ati0n n"lc:ale.
:r é'l. r;'lr~~.~"':érisati'~"J m-o:r.ale e::l .1JIOULA est précis e,
~
.-,_..
t
' .
• ...
. d ~
1
J
n~~.3_n.'":.ee
el. !1:le.':'"lJ.e es
Farnc;:~_:.~.eremenr
eve..oppee pour
è_éGigne~~ ies q"él1Hés ou de::: d-ffauts en r::'_pport. avet~ la soda-
, • 1 .... ~
t:'
. A '
• L ~l"
~.
-....,
l
~
OJ... h0,-:e _,:e
s..,Cn:"1- :':i:C gr.:1- ~.ppS.:L:::":.r_ 7~,:e ,,::omme
a preoccupa-
tian essentielle en milieu .D:LOULA.. AutrEE traits caracté:-istiqueu,
-
186 -
à la foiR l:i.ngu:i.l;t3.gu('3 8t p8~rçb.{)::.'-:)gique~J1,8<- n:,<::'yens d.e cett~
caractéri[':;J..t~o:cl sont eDs'::ntlene~'n~nt cOr:'.ctets 8t a.ntJ.lr(.~,c·mQr
phi1.'..l8S : la ?lupart G.t'. teril.ps,
Un trait de carC'.ctérisa.tJcm
n' cot pas désig.né par un mot Il;>.hGi:rait "
encore ~noins, bien.
tl.I;.~du, p",.r
es~
li7.\\.
xnot Il savant" cC'mrne Cl
J.e sas u<:;.n,g ] es
héquents 8.'1 demeLlra.,.·t~néd.s à
n' or:.t' paR à. l' c":5.gL;::>.e,
un s ens r.no~:al ,y(. é... bc.t~(ür spé::-ialisé.
On pel1
~.maB'h.e":
';:
toute une typOl!)g.l~ dcl': $8:1timentl
3t l'ext6rietv: étr.n!; Be::ntis._
par co,;:; '.: é?uE'ni: corvune liés l'r...n à
l'z,ut>:e,
cÔ.ne c:et'ce è.:i.d.loto"·nie Gcd.d.eni:ale ?t r.h~ét;ie!).ne qu~ op-
pose irr éd.u.ct.:th'.ernent la ch;"-Ï:-: et l'el?prit,
le deda:l.D et le d:·;-
hor""
l'abstrait et le c0:;}r;r.et,
le pensé C~ ~ s vécu,
le Berl.sible
et l'intdligil:-le.
L'Jn allr?it envie de pa:de~ ici d'une sOY.'te de
mo~:J.iGme. il Eau4: certeE ~.,iter d.e [;ystél'nat:tse.,~ ? l' ~xcès 1er
}:.:dt de lé'. 1.2nguetl
Pour r:'squées c,u' eUes SOi-êT.·.·t,
cie tel-
.
d'
Cl
'..\\ L" ~.. (l)
(t U1te
'l'n
_.s-:2.:(~:.:0
'
alle~.< dans le Gens d'1.me 5ty Uyt:i.-
que des langnes,
et non plus sirnple.!:'Qent d'u.ne s171i2u'qU0 lit-
té:-a.ire,
ou e:'.,
:l la su.ite de M.
FOUCA U1:I. (2.),
J.!-:-n ·".eut
dégager,
à pa:.H;: du lé'.ngage,
une so:(te dl épistGrnologie du
s",.voir,
a.vec sel coilditior.ner.ne:nts c·~ res Emites.
L'ou ~Iaper-
morale en DI01JU insiste peu sur les yale"1"2 ré:EexiY0S ou
--------_..----
...../ 1 1
(J.) Cl'..
BA~LY,cité ':,ar T '0
.~ ~ .L
•
lNAJJDhU-~NN dans Sankore. ):'cvue se-
rnest"t"iel1e 'n° 1,
spé':.ial~ :};2\\."[1··~~;-: 74:,
1;.,
11.4
2) XvI.
FQ,I} CA i1I./f,
Les mots et les Ch'C:3 e3.
-
187 -
',~.1t:'OS!?ect:=:~e:: lc~; c:Ltri~4.5 e~ Jtj evm~;jGj;";~2:;~'0nfJ $ot\\r
J
(JkXJ
f-i,ï1e.ne:ilt ::üiL -.::n lumiè~"·4. .. L'ab~,eilC8 C:e~e::milJ. ..::logie J;~cct-;
l' :~.i.r:,prel'ldor, de l'homogénéité cu1t117:'eUe de::: 1ccuteul'S DlüULAS.
L'on V8rr:'. tout de
nue ../.,::1,
.. -.- ~/.;
ca~.C',c(c., .. "'-t!
.,co. ..·.0 ..~
.... ,
:r~
une ,:'0:::L'1.'3 part; se {ait en aD:ec';:a:lt une partie dn. co:cps,
siège
du sentiment ç:l è-e l'<>.ff8cl. cO~L:;:"dé:i:é, d;\\.:l~ a;;tribut,
r;&né:,:,ôJ.e-
rr:en
.•
"'. le"
~o"'11e"
",,~
u.....~
".'
,~"·'n·:,·,,·"'t"'J"J·ster'
..; C',
.
~
,,:,_
. ' . '
. 0
. . nv(
.
IJ'u'gU'
n,,,l ,...'"
~~~
,
_
~_
"' • .t
'-~"'/"g'~!
",
~L:".J1
P", r
C l . -
1.
fois 00..
/~:deE, e<c
(
.1' ~ k. u, AI Vkf Je.
t.,..Jl,
A'''..t: )
~:~'J ~';'1, I}rlf.#-( .,.Ko (M )
E~~EMPLES
._--
,
1/ 1
j
...
...
A boro ka nyi
52.. me.in est bG:'.me (il est Hbéral,
eene-
reux)
Sa na'lme est dnre (il est avare)
beau p-'1r::'.3l.u:,
un dis8ùr il.e bonimente)
1
.J 1
1. sen kê. di
Son p::.ed .38~ ben (:".J 8St "'-güe,
adrc:'.t
.', J
~'0,:olJ!3 aussi cll.nceu::::,
se dH cic<.: E::cns
, ,
qui tomb~n':; juste :J. 11he'l1re de nMnger)
f
f
A
""
se!'. ma di
, ,
,
Malad::o:i.t,
:':'12.1 chall': eux
A
""
sel! d Cbo
Il
1:
-
GeTid5ya,
""
" .\\
cengboya,
b ' "'\\
g e.te
'1
1
1
A
n0g:::' ka, bo
So~ ventre,
sec boyaux sont gros
il
- 188 -
, " I /
N'ta do i boro
Je ne te fais pas confiance su.r ce
point,
je ne me fie à toi quI à demi
(Si quelqu'v.'.1 prend une décioion et demande quand
,
même un avis,
on peut diTe :
l
1 1
1 \\
1 N I ' (
a boh é vè~è la la, n'ta Ion i boro
Cl est
sorti de
t')i-même,
que veux-tu c,ue je dises
?).
A UTRES EXPRESSIQ~LS formées,
elles,
à p2.rtir ded supports
:moins matériels,
lnoins organiquea :
( l, 1 1
A nison ka d5.
Il est de bonne hur.'leur,
il a bon c.'u"ac-
t~re,
il e3C ~ociable, avenant (son coeur
""V
est bon : san::: coeur)
1
1
-
ni ::: l'â.me,
la vie ;
..,.
""'"
nison ::: caractère
Il se tient bien,
il
--
l
"r 1 ,:f
A
son ka nyi
,
sait se conduire
.....'
, ,
Asan ka ca
Son. coeur est nombreux ::: il n'est pas
sans reproches
1
J , \\
Anisa?, ka gb~
Il a mauvais ca:-actèl' e
,
1 ~
l
,
1
•
A nison ka bo
Il a mauvais ca:;-,'actère \\. J.'a:ncunle"!:,
vin~
dicatif,
susceptible)
" ,
/ 1 /
1
A jusu sumani 10
Son er;p:dt est froid
H est calme,
paci-
Hque
,
1
, l '
A jusu boni 1("..1
Il est furieux (Eon esprit est sor'i~:l)
( \\"
(Jusu
dège des affect,
mentalité)
,
1 \\
, -.:r
A
jUDu ka nyi
Il a une bo:me mentalité,
il est a~"'.ble
, ./,
1
/ .' .'
A
jUSll ks.31nl la
Son COeur pleu:.e,
il est très affect'~,
, ,,JI ,,1.1
tri~te,
afflig é
A nison diyani 10
Son coeur s'est amélioré
il est con~
salé,
apa:1.sé
- 189 -
1
l '
,
l
/
A hakili ka di
Son esprit est bon
il est.: vif,
intel-
ligent
/
1/
(H l'l'
.1"
....
cl
- J '
1"
)
aKl 1 : e8~;:n.,
S:1.ege
e J. lr..te...llgence
l ' h/k~l~7 cl?
:.. _ a :l. l man
1
r: est bête, stupide, lourdaud
·r'h{'!'
_
rl .....l 1
b/
a
l
la
,
,;::?
?
Fais -tu attention,
ton espo:it y
1
• 1
1
(Ha~d.l:i.dai1 = in2.ttenï:if, dï.etrait, sans id.<fes)
-
...... k' ,1 \\
A tere
Cl.
Jugu
n a la pG3.sse
( /
/
/
1 1
A fari ~<a cl:. a yé
Son '.:0rps L:~'. plêit
iJ. est -iéE.ca'1:)
doniEct
1 Il
./ 1\\
A naga ka jugu
Son ventre est m~uvais (il est gour-
~n.nd et m2.nge en ç:tchette,
Sâ.!1.G
èbn-
r.2r aux a':~::t"es)
1 l
,
~ugutna:!"l, eour:mand)
Sa ?ard8,
sa. voix est benne,
douc~ (il
est a:;'~_3é,
sf..)n a-vis
est s2.. ge,
judicieux
,
û
aunsi le sem? physique: 8a 70ix est
l,\\t
. f I
agréable··('1. kan ka di)
1
,
'
l
'
A ta b~ro ka (~j~
Sa convers2.tion es~ agréable
"
1
1
l'!. fè haro }.-.;~ cl).
c epte la cO:<l.·r.~r!.?9.tion ; SL'.. ·::onversation
.., f I l
,1
./
est agré::.iJle : a t3. ba):';") ka di.
1 1 l
,
1
A joli ka di
Son sang est agréable (il plaît,
:.l est
,
bei":ù,
attirant,
a
du charme)
1 1 l
,
A joli ka rH né yé
Je 81.::;'8 amotp::')UJr. de telle person:!1G
.,
1
l
1
A 3~)1j lv"l gbo
Son sa'.:'9 e8~:. dét'-'.2.isant (antipê..~hiSY'é";,
r cpous sant)
.
/ ,
1
, ....
( substc:lntH
jDliJ......1.<è.::.diya,
jct.mangboe)
"
-
190 -
A UTRES EXPRESSIONS ayec les ·orea.nes du corps
,J J .1
NI Sen ta la
Mon p~.ed n'y eGt pa.:.> (j e ne parti::~.pe
pas,
j8 n'en seL:; pas -pour mange:.. ,
par e:::::emf'le,
ou pO".lJ: pa.;~t7~d.per?
'l'Xi
jeu)
" 1. 1
\\ \\
A
bar? gboya
de sens ; il prend mal
if 1
n!boro
meS aV?nce8,
sante:r:î.es ; il fait le bêcheur.
il p~,'cnd
la mOEche,
gâl:e1.e plëdsir.
fait!.e .rabat-
j07e
1
/1
•
-/ 1
A
bai-a diya nlboro
Scn.8 contr::J.res : entre d3.ns le je'u,
•
1
I~I
11
NI ta 101'1 i bora
Je i1.e s;o~"s pas ce que tu en penses
i
""
(Ion = G~voir)
-
Je ne J.e sais pas en'~=e tes mains
LA DrSTRLCTI.',)N
( 1 1
1
1
A to:ro ba la
Son ore:Ule y est
E écoute avec
f
1
attent::.on
, ,
A nya ba J.a
Il regarde ô.ttentivement
""
, 1 1
('
1
A
taro kà di
Son o:-eille e~~ bon~.e (5.d.ée d~ per8~)i-
,/
1
cadté)
'.v
1
A nya ka di
S:--n oeil est bon : il reconna5't les gens
et 1';3 choses après \\1:'.1. ong déla.i
, 1
f I
A .b.aIdE ta la
Tu ne prêtes pas attention
1 1
T hl, 'l'
..
a.t1 l
sigi
liA:; sieds ton eS?:i°5.t"
fais éütention
, f
1
(cogo
--
Ion
Httér,
sache la mi'r' ière
-
191
..
1/
il
"\\,/'
'\\;
Kun et nya,
avec C3.
variante nyè.
entrent chus tant d' expres-
sions qu'ils méritent un paragr2.pne partictüier.
L'on est sûr,
d'ava.nce,
d'en oublier quelques ll.."1.3"
Nous n'2:,VClî2 rete!l1_' 3.d,
que celles qui ont Q.n Gens :'1ette:r..'1.cnt 'mOl"al.
,; /
1 JJ
A nya ka j1.1g1.1
Son oeil est mauvaic ::: Cl est un piq~.le-
ô~ssiette, 't.ln égoïste, \\..:r~ e~:lvi8'.UC:
1 1 1 ,
"/ 1 (substa.ntif
,
nyanajugu)
~
.
Nya J.'ugu.
/
l,' J
A n'Jal ka. ebo
Son oen est ::nal.,-'.rais Uè.ie cl':mvie}
1
1 .1
A nYa ha ~.a
1
; , . / "
./1
A hé mogo Xtya du...'u
CeJ.d. t:':'ou!ll~ l'oeil def' g~n3 (ceb
trcubh~ )
sidni 10
Il e-:-t tl'~.ste,
n a le coeur gros
cf
wiléni 10
S
" , . .
"1
t
l'
1
0::1
OSl....
eG L
r~uge,
l
eG
en
co ere
,
:1
~
mis enw n'12.n L::i,~
'J
l:a r:ya
"
rIo
,
Inogo
"
."
l<.crohaw la :
Les enfants ne doivent pas fi."{er ostensiblement les grandes
"1
les yeux}
1
1
K,3.
n'la na DO
Compre::,dre,
arrêter,
è.écider que
(sorti!: Gon :;:egard) m2.ig aUGci j. yé
..! 1 1 f -
1"1
",/
11
nya ~o
en r~2. : l
2. convoIte te
e
}
.,
.1
ch')ze ~sortir s')u reGard St~.r elle)
N
'\\,
. . . . . .
Nya kun ou nya "'"
C' est un efircnté
gbèlè,
N
,
.1 1
.P... nla ka kuna
Sc:n l'eil c:::t amer
Cl 8st un effronté
~.....
1
~
l'J'ya na ~'be
1
..
Réjod.S8"l.nCeS
J
N~. !:lL îtn
- 192 -
.'"
J'VI
,
A kun ka kènè
Sa tête est vive,
saine
il est aler.te,
.J1
.1
fi. lcun ma
Sa t3t,~ ezt mauvaise : il est st'-'l}l~.de
K1(n~il
l
"C'est l}.Ile t;';;~,:, ob~~.ure
un ignor?nt"
A ktm sanï 10
Une têt.e :Glorte : j:;::.?,rte,
passif,
,~v 1 1
A b~l t? 13.
S?, tête n'y est pas (n?: fai.s pas at',:en-
tian,
est bête) ; peut signif:î.er ausni :
,leu
.'
1
-
kl1D.nts.n
sans tpte,
m;ü<l.:::-:ds,
bête et
grosE::~e!~)
/
/
Ce mot,
~_..,....
.....
.:,"~~~.J,
très intércssa:r.:.t :
...:.
'-:I
~,
Cl esi::
une des pires cd:dques (lue J.:on puisse forrrmleJ: eur quel<;J.n' un,
preuve q'l~e la. soci2..blli'.:é,
lef'· bonnes roé'.n:'-ères c.-:-nt aussi Ci:;
ql.,.1 H
Y a de pJ.u::; pdsé.· Et.:e S"',:;";:; tt;te,
ce ni est P::1S tellement
un d.éfaut de Jri;,'l;;eE~.gence qU:l.;:l d~i:raut du coeur et d,l cOïnporte-
ment.
!/
1
1
Y,'J,n -na:'1- :-:~j
c;o1nme nO:i-.t ?ropre d3 perGon:ae
ki::"'lnê.::J.(:~:i.Y2. : le fai~. d' ;>.voLt::' ùe la
ch~nce)
1
__
1 ./1
" 1 l
K~
. un n?,n gbo
h1a~c:hanceux (k'.mna!'.g bOY:;l
le fait
d'
.., .....
8 .. re
~l'h
)
m~ c_...anceux
.1
~
1
\\
Kun. nan tiêt.~l
"Dé·(:~:u:i.;':8 12'. tête" : détourner quel-
(J.'i2! '.ln
de con devoir moral,
surtout
les parents et les bienfa:i.:eurs.
t
..
.. "" ,
1;:-,,"1.m00.r~r e3
-
193 -
r 1 (1
'\\1
Kun nasJ.ri
Faire hO:Dte à quelqu'un (a yé n'k"-.1n
nasi:;:i ; :Lt m'a fait honte,
couvert de
CO ..... .(u"':;
.........
~ •• ....
' - l ...
,,L _at·c.~.
Jl,._# chI:
.....
J".c, t:ô~''')
' J
... \\;J
(G~ ~etrou-'iï~ra pb.ls bas ).'utilisaticn dé; ':si6"
V
et IItikè Il)
Ill'
1 1 , /
A kun gba.S:i.71~ le
Tète Ü"appée : il ec"i; bien élevé,
il
sP..:lt se tenir,
il (3 e de:ü oien.
V
Jà donne aussi lieu a d'intére;:;santes format:ï.on3 : IIJa ll ,
c'e[:~
11 0n1bre,
majt' aFssi le doubie '~non F3.8 )., ombre JI un mur. Fc:'.:'"
;f /
exempie Il suma ll) or::la::'z l' orubre p01'tée d'une peraonne,
qui p::'.r-
ticipe de la persun.îe.
ja eB'~ d:aillcurs le mol' .9IGD"LA q.1..1i
S 0,.. ..
'.;,
,:..,' '\\C.;ry···l ... .,..
1--
ph~v..or:raD~·').;e
ou l'l'mage
'j"'V';'l·ej'"'j'-·;-l c:..
..... 1.
5
.. ~_....
•
A je. dgini 10
Son om.b,:a est af:8ise : il Sè tient
tranquD.le,
fais at;;~ntion
. 1 !:'.' \\
1 V
" \\J~ [;~g;m. bD
ina~:tentif, remuant)
A ja wb:::. n7~ 10
Son or:n.~ns es); debou';:
agité,
distrait
pa:: ê.gitz·;don
'.V
,\\ \\ ,
A Ja ghèlèy",. la
Son OE10J.'C SI e3t dUr'cie
:i.1.. c'est
..
rassuj,:'e
l ' \\ "
Jatigè bagoto
~'r()uc carel
imag es ().vec
gwan ou gban 0;.1 gbani
J~ l
K3nogwan
ennui,
souci,
pr.éoccupa.üon
1
\\
I !
1
1
}..:; ni c~ té do nya-gwan r...C\\
:
ri' oi alo:c s,
tll r... e te compHque:::
L'""'l.vail,
efiort- l'tu ni entres pas dans
1'effo:.+ 1).
-l94 -
A UT RES FORMA TIaNS IMAGEES
'1
!
f
;/i
Cè
dabaya dabla san
A rrête tes vanta::dises
.
(dcilid : grande gue<il.e,
fait allusion
2.1X(
promesses que l'on ne peut tenir - offres de
Gasee:,.)
J'Ill
Den juguya
';l\\rIé.'l.uvci.:l.s petit l1 : le fait de. cell.rl qui
mange de bonneR ChCSC2 En cachette
,
(en Suisse)
1
:1
,/
A
ta ko l:a di
son Clffai:t'e est agréable : il plaît,
c' est Cl'lel-
qU'lm de charmant
1
1
: /
• .1,
A ka mlsen
Ii est petit : d2.ns le r ens de' man:i.Cl-
que,
mesq"l'.in,
tadllon
Signalon aussi qu81ques !:~,.§::a.ph~c à sens mOTal
1
1 1 /
A
fun!.:na
n. est enflé : il s'est fd.ché
J
1.1 '.\\ V
A
bé mogokorob2.w
"Il grandit les adlùtes ; il respect3
1 4.-
bonya 1
lea CTandes personnes
f i '
,/
1 f
A
jusu bo 1;Œ.téli
Il est iT.:t'3.ocible,
susceptible - I1S on
coeUi:"
est rapide à. E'o:;:'tir l1
f
(
se rend Dar l'sum.û.lény~11 (frafcheur,
frcideut) et là
encore on vo;'t r.::l.CCe'.1t rnis 81.1r l'apparence,
le comportement,
la gravité,
le calme extériem:-.
L'agitation plus ou moins hys·
térique est peut-êtl"e ce qui convient le plus à l'éthique DIOU-
l
'
LA ..•
le ph:" grand O:loge,
Ilmc'z'a 8·èb~~1. 1011 (ct est un hon-
nête' horrJ.me) s'il veut dire "pr0bE/',
"bon",
cornote éI.ussi les
',rrtleuI's de l?. polîte2ge et d.e gra~,rité du maintien.
Un bouf-
ion agit~ et versatü~ ne peut être Ii mogo sèb~n", même s'il
ne vole ni n€.
ment.
- 195 -
RE:MARQUES
'..
. 0/ T ermes
" .
specl.ame
Il se:::-ait évidemment {am=: de ci'ùire que toute la.
ter.minologie dl'. DIOULA est ê.:l.nsi constitu.ée rI'exp:essions
imagées et néCeSSéi.:'r~n:l'2nt dérivée~. Il exil3te des termes pro-
plCr,le1.2t psychologiques.
Nous venons d'évoque!' ci-dessus
"sébèn" dont le noyau 3émique semble êhe l'v:-:a:i.,
authentiql.1.e lt ,
1 .1
'.I mogo
sébèn" , Cl est donc l'homme humain forn:1.ule tautologique
mais express5.ve.
IJ. y <'I.urait d'autres termes éminemment ô.bs··
/
y /
traits à citer: "k<:·kult ,
ilia:d lt ,
It sa bu"
(ingénieux,
malin; dur,
-
~
violent; à cause Je).
Ces termes Se caractérisent à notre
avis par une polysémie très ma:::quée,
et,
par conséquent,
une
cha.rge affective et ém,;:,tionnel1e inten.s e.
H "
1
'
- / ,
l'
~ :
a compascllon ; ;:1an1 : co cre,
~.
CD.agrln,
ou plutôt "ch.a_
grinlt au sens du XVIIème siècle,
pitié,
soin (sens classique
aussi),
soupirs,
soucis ; d.!~~ : colère,
ir~:itati0n, humiliation
subie et cuisante,
insatidaction : voiJ.à des mots ricHes et den-
ses.
Mais il ni en est aucun qui soit au.ssi chargé de sens que
1 1/
r 1 ~
!ll~lo_ ou .IE.'?J:121-ê;.. : 1<'. hente, la retenue, la rfse:::ve, la noblesse
d.'allure,
l'élégance ci.isÇ.rète du comporterne:\\!t,
la maîtrise de
soi,
le sentiment de gène si l'on eGt importun,
la gène ô.ussi
ressentie à lé'. vue de quelqu'un qui se donne bêtement en
I l
:L
f
( /
J!
spectacle (a taa ~rèrè Ion, a té mogo Ion : il ne se connaît
0' 1
pas soi-même,
il ne connaît pas les hommes ... ).
E malo
!
..
\\ ,
ka d~~ : ta honte est petite = tu ne sais pas te conduire,
tu ne respectes pas le code sociaL
Quelqu'un est-il mal reçu dans une maison ?
Ne
le fait-on pas asseoir,
ne lui présente-t-cn pa:;; de boisson,
- 196 -
•
1
il dira né malovala (rai eu honte,
j'ai été humilié .•. ).
L'on
ni en finirait pas si l'on vou::'C'.it épuiser les possibilités d'emploi
de ce mot.
Mal~ est à notre avis au coeur de toute l'éduc<-....tioll
ct de toute 10'. ?~noso?;li S Gocial.:) dec DI(H.TLA.
:IJ connote avant
·tout. un ;; ueemcnt .:;ocial et se r.a:lPorte à Ui.'l statut.
Suh-ant qu'on
.
.
.
/
1
est enfant (~i1~:k~:i~o)
0'L1 q,-,.I on devient k~nh~lé (aci.::l1escent), _:'::'la.ko.,.
!
1
.
.
l
,
1'o-:-i:.. (ad.ulte) ~t ~61,:orcb3. (deillard).
suiV2.nt qu' cn est horo!:'.
1
..
j
J
;
(àom:-ne c1.e caste supériem.·e),
is:~_ (esclave), !2y'amaké'J.;'l. (homme
de caste Inférieuïe),
11 an pourra ou non faire telle ou telle
chose.
:n ne semble paf! que le moteur Ju bon comportement
~bit pour les DIOU!.A. de Côte d'Ivoire da.ns les ~xamens de
conscience,
dan~ 1èS ler'-,-pules intimes et dans les cOllsi déra-
tions abstraites cl.'une éthique introspective ; il est ,Jans Pinté-
gration à la socié~é, ~':'.:égrat~.on rendue possible par cette sarte
...
J
de dignité qui ::éslùte dl.: maloya.
':;omme nous l'avons :fait ~~·em.a.::(}uer à partir des
exemples cités,
le vocabulaire DIOU:LA est peu différencié.
Les
mots proprement psychologiques sont peu nombreux et eux-mG-
mes polysémiques.
L'absence de mots spéciaux confère une
grande unité au vocabulaire DIOULA,
à l'inverse des strates
culturelles qui existent dans les langues euri!:.l:;.nnea et dans
la pensée psychologique qui leur correspond r( des termes t:'."i-
viaux (il s'en fout),
i"'lmiliers (il est fâché),
soutenus (un
homme avisé),
et les terme:> d'éc'Jle (un sadique-anal,
un
maniaque-dépressif),
il y a des abîmes socio-cultu:!"els.
Dès
lors,
éta:::-t donné la pluralité des emplois,
se dégage une
imnres6~.on de dê:8Sifé et de r:i.chesc~L.-!!QILE?_s une dchesse
- 197 -
par le nombre deR mots mai, rich~sse par la plénitude sémC'..l~t.!..:
]
que de ces mota.
Cl est ce que les ten3.nts de la thèse de la
pauvl-eté des la:.-...gues ;;,.!ricaines n1ônt pas cornpris.
Com.me il fai.t rendre les nu~nces a3Sez subtiles des
perceptions et des jugements moraux avec relativement ?8U de
mots différents,
la langue DIC'ULA a recours an champ syntag-
matique.
Nou::: pouv.::ms 20nger ici à un rapprochement très far-
lant : au XVIlème <.iècle,
RACINE,
avec un no;:-nbre de lnotE
très réduits,
restreints enccre par le purisme et sans mots
d'école,
arrive,
par le recours à la phras e,
au :0: ynt:::l.gmatique ,
à rendre d'iniin;GG nuances,
d'U-T1e très grande richesse.
Les nombreuses expressions citées ci-deasus mon-
trent que Cl est l'union de deux mots ,en ew:::-mêmes tout à fait
banatf,qui crée une désigna:don vigoureuse et savoureuse.
Ces
expressions,
cO:.lt':airc!'uent aux mots spéciaux dont usent 1er>
Européens d3.ns leurG langues,
ont le mérLe de parler,
mêr.ae
à l'usager simple DIOULA, par une étymologie évidente cons-
tamment perceptible : le locuteur DIOULA n'est pas dans le
cas,
fréquent chez le locuteur européen,
de ne pas compren-
dre les termes qu'il utilise et qui proviennent du Grec ou du
Latin.
Là encore,
unit8 culturelle du corps social.
1} 0 /
Recours aux ~:mages
Qu'on relise les exp!'ession::; citées,
et l'on se ren-
dr;:" compte qui il ni est point besoin ici <lI un Jcng commentaire
-
198 -
les possibilités expressives,
voire poéHques de ces désigna-
tions sont évidenter..
LI on ~erna,~cp.ie;;a tout de même que,
dans l'ensemble,
1
~d ~
1
~
t
t ~
.
e proce e emp oye ez· assez sys ematlque ; c'est une pê.rtie
du corps q\\.u est considérée r;omme 'I.e siège de l'aHect,
affGc~
bon cu mauvais,
(to'..ljours lez ynêmes termes revenanrK; ny-t
I l
- -
jug".:.,
bon,
etc .•. ).
L'on j::8ut donc infé:t'er toute une topologie
c;...o;.-
des a.ffects.
Leur s:i.ège étê'.nt IG: :corps de tout nn Ch2.Cun,
les Sen-
L '
t
L
l
r..-..
1
t
.
d
J,..~ •
d' b t
. L
1.1men se;... es a,Uec,.s n on
T.".en
e mYL;Cèr:leu:~ ot"'.
a
s rah :
unité donc,
de la p~rception du corps et de l'âme; unité é)'..H;si,
par elnpê.:>:lie,
de la per,:;ep'1:i.on de ses propr.es é'.ffects et de
ceux des a1.l.tres.
On le devine,
c'est par cette idé~ de l'unité
que nous terminerons ce chapitre : unité du corps s:::;cial,
dont
chaque membre com:?:.r'end sans peine les rnots qu'H emplcd. ;
un:i.té et cohérence ('les procédés de désignation ; u:,::'.ité entre
le phys;.que et le mental,
entre l'a::?pa~ence et les profondeu:-,:,s
unité dans le jugemen:~ moral i:mpl:i.dte,
e~ qui 1;'"envo~.e pres'l.ue
5.nvariabler.nent a'~"'i: valcu:i:'s de la sociabilité.
On n'a pas ki
Pimage d'un monde divisé contre lui-même et tendu vers d'in-
concilia bl es cont~('adictions.
Une question se pose cependant au terme de ce cha-
pitre : pourquoi tous ces sous -entendus,
cette façon de procé-
der par énigmes et dl éviter. les révélat~.()ns directes en langage
clair ? Pourquoi cette absence calculée de précision dans ln
plupart des énoncés,
le "double entendre",
11 an~lsion volonta~...
rement vague,
l'euphémisme,
l'allégorie,
l'abondance des
proverbes,
des contes et des mythes même dans les conversa-
tions DIOULAS les plus banales ?
Car,
U serr:.ble que bien
- 199 -
plus que le vocabtùahe,
les T..'1ythes,
légendes,
contes et pro-
verbes que l'9r. ra(:onte,
ce qu:i. carac1::é:ri3e la langue DIOULA,
c'est son ca::actè:.:e ;J/lfllif,
non tftém.atiquc,
sa façon de t:,:ans··
luet;;re les ch0,~e::; en 'lt'.E::~'11.le sorts 7.8.tt.r~leme:'t. Tout De
passe e:l effe~/comme SIU s'a.g~i;f;~ûra la {O~_8 de r.évéle1· et de
c?cher,
de découvr5.r et dl envelopper,
d'aHéch.::r l'esprit pl'.:'.;.::
d~12 laisser ::;ur sa faIm.
Cet aspect de la 12.ngue DrOULA ;;1 éclaire si l'on 3e
réfère à leur ccncept.ion du savoi:: et de sr.. t:ranc:m:i!':sion.
- 200 -
./:.'TTIT'l'lDE DES DXOULl"
._.
.. _ _ .
V:':S··A-VJS
_ ~_ _
~ _ . _ . . w
DU Si~VOIB.
.•_.,
_
_
r:rSA
_ _~_
T R.ANS1.vD:SS:\\Or:<i
----_ -...._.__ ....
._~
L e
.
(l"
savo~.r
~ \\
~n.~:t-..l~ es t
. d" "d
conSl ere
ans 1a
. 't" D""
SOCle e
_U U -
LA t:,:aditionnelle,
COmi'"':le une ~7l.tité spécifique,
jouissant d'une
existance propre et dot,~ de surc:::oît d'une puissance redouta-
ble.
Celui qui sait,
inspire toujours de la crain;;e,
c'J.el que soit
le domaine où 3' eJ~erce sa science.
maj eu~~es.
'"
à tous,
(J.'l~i fait l'objet d'u..ne t:':'n:asr.:1:\\.ssj.on oblig?-toire,
d.e corte
que tout le monde puisse partic:!.per,
à un haut degré,
à la con.-
naissance générale de la vie sociale quotidienne.
A un sec..2nd niveau!,
se situent d'autres formes de
savoir,
confiné§ dans d::)s cercles spécialisés,
.~.:i~ profession-
nels quand il SI agit dl ésoté·.dsme.
L'enseignernent qui y con'es-
pond se révèleré'. hautement sélectif~· ne pouvant être commu.-
niqué que dans l..m cadre social ou familial précis et à des
indiv{dus présentant les qualités r ',-"quis es.
Dans ces deux lnê.nifestations,
le savoir reste cei)çm.-
da~t pouvoir, puissance et surtout secret et est lié à la C'.lV:t-
sion en C2..stes de la société DIOULA,
E:n. effet, se10n les faT.oil-
- 201
-
les,
le statut i:OU~lq1."'.e, religicu::c ou p:;~ofes8ionnel du ''''jndje.
0'':
des pa.i.'er..;:~;, on GLit\\St'-'Ûltd2.;~H: d,':s domaines ;._~r'~fé:r.'enî;ieJr.
D::.>ns sa deE'('.:t.'ipt~.on de la vie du jeune MaJlnké,
CA lviARl\\
LA YE (1) mCD.b~e ce que peut ê):re l' cxpé:;:ien:::e Ù'1.}:('. enfa:':1t (1""
divination ou à. des é'..ctca rituels,
3.. des tré\\:c1s2'ctions
cor"îffie1"-
ciales,
à dec p:rOC~8 et à des j';lgc:mcnts, 01.2 ,1.: êt:;.-e envoyés
, l
"
au loin comme porteu:cs de mes88.ges (cèrê':::0J.r:. en DIOULA).
Dans le même &~dre. dt idée P , ~R:r'r'[,
ciV.nt son expé:r:>mce
~/~dtv::'ateur dana U:':le école ?rir:.'1.a~.l-e d1un.e p~tHe lor.aJ.ité afJ:~-
caine,
écri'~ : "Nct:t'e e~~rédence 021..:nC une éc:C'l:; ;yt'irnaire
dtune petite Joc::J.1.:i.té nous CI. montré comb:i.en la c:::.+:ée,::>rie p70-
fessionnelle des pa.:rents,
n1a:r:cha.ndc.
agriculteurs,
chefs,
b:'.·n-
:o:-actère et le mode:;
en classe,
parce qu'elle oricn-
tait toute Itactivité extra-scoJ2).:re,
r:o:1féré'.it a.'J':;~ enia:':'.tB tU). C:'t-
voir sp~cb.lisé 'lu'::. le'1Y permet"':~J.t de jouer aut0:mat;iqueme::.~;
un rôle de xnev.eur en certains d'ymainec et de relnplir dés of-
fices précis auxquels les autres nI étaient pas préparés'(~'
Dans les sociétés africaines traditionnelles en général,
:il faut
donc tenir compte,
pour comprendre la' vie de l' ,"'n'fant,
de tous
les clivages possibles (Voir notre chapii:re sur la présentation
de l'ethnie D1üUL-:\\. et Gon organis",i;j ,n sociale et domes/::i.que).
Un individu nI est ja111;:1.is mis en contact unifo:r-:rnément avec ;;;a
(:1.) CA~'R.A LP...YE,
L'enfant noir (Poche)
(2) P.
ER:f\\TY.2
L'enfant et son milieu Eùl Afrique Ndre,
édh;.
Payot,
Paris,
J972,
p.
150
- 202 -
cu.l.t'l1:re,
mais i'\\.V8C de8 seçteurs pl"':\\v:i.Jégiés liés à son appar-
ra1 au se:i.n d!un mêtne J.:i.gn2.se et iJ. arr-:;.ve qus 1e'1:.'8 t",n::-~::;J;8
fa.ssenrpa.:tie d'une vBT;'î;8.ble caste c'~a,~tir:anc t"'.~T~:>i; ITléprisée,
tantôt h0n.orée T.....l2.is toujouT3 r::raint::; ~ ca'nee de C'Œ"l Bavoir mys-
térif'ùx et de son contact avec te:/. ..::léITlent ou tel r.natériau.
1 1
C'est précisé:ment le cas dec; forgerons (nu:;:""'"1\\:"\\ 'lui tielliJ.ent
toujOU1"S une pl2.ce P~'.;:'tic:ulière 2.U seia de J.;:>, sod.été DAOUlJL
Le forgel:on cet. id. c:elu~. qn~" t1"anGform~ l~ ITlinerai de fer
8n ITlétal Pl..u·,
do:::me form.e à une m<".sse qui n'en a pas,
mê.nie
ce qui es';~ encore rnalléabJ.e,
aSs;.8te activement ?"l~ passage
du " rnou" au "du"'".
Chez les DIOULA,
sa feITlIDe exerce pn.:,>-
fois J.e métier de potn~!'e et son rôle à Il égard ~~e l". matiè!::,E;
est a:na1.0Eue.
L.<e rcrE:')nnage du i0:'~geron conn~ a.'..1Ssi l'id':;(~
de vé ri-;;é ,
pa:r.<:..: e qlJ.; U ti-availlc ·\\'1L'l0 ln2.t:ière dure,
d5.fHdle
à déformer.
Che~ leG BA IVLB.AHA,
n ect J.e mO:'>:re de lê. so-
llhom:n1.e et de 13. conna5.ssan,-::e.
En cela. :U stoppaGe ê:'~l g:dat
(jéli) qui,
en tant que poète,
a pour rôle d'embellir,
de dépas-
s er la vérité,
et apparaît comrlle un "menteu.r" e]::clu de tou-
tes les sociétés initiatiques qui sont en relation avec .la recher-
che du vrai (J.).
Le forgeron et la potizre ('ut pou:!.: rôle de "former"
et il n'est do7.:'.c pas f,tonn2;;~.t que da~s la société DIOULA,
on
les retrouve là où il s'agit de donner à l'être,
une orientation
- 203 -
~{,ue.. f.." dé O1um~yt~Io~1 -eJe,rJp fgrgeron e1: '.0. potl~ qui
}'Jnt les ~og~f.s JeJ tité..c de dreO:aei[Ji..~~ ef.J(8X.C~S:(I~ etdQs
Dans ce rapport entre se.vo;.r et: apparte:::..al1.cc de caste
ou de classe,
on constate' que des spécialités comme la méde-
cin? ou la divination constituent souvent des biens de famille,
un patrimoine transmis par héritage.
L'apprentissage dans
ces Cêd3 repose sur leG :n":::mes principes que pour les autres
techniques = l' enfê"1.!~ sc fe.miliad.o'? le )l'J.s jeune possible :.\\vec
son futur rr:..étieJ:" p<>.r nne présence et une p3.rtkipation ac't;.ve.
C' en!: seûlem.ent ".;;::nquc· le s?voi~ doit êt:i.·~ pl"éservé d'une •
trop gï.·ande div\\.'lp,aEo~ qu'on ;').csiste à une véritable inith.....h.on,
à une transmirsion '1:d s"Jpère d.c maître à é10ve r12..ns le 58-
cret.,
!O~ ~1ue 18 bé::lé'':iciaire do~t l'louvent att~nr'.:;:e ?ongu.ernent
et paye:: che~:' en espè-:::e,
en G8:;:v:i.ce~ on C1'l douleurr; suppo~:-
tés.
La douleuJ:' appara!':: du ret~'~e dans J.a flodété n;:OULA. de
CC:e d'Ivoi:;:e 1;01':1.r_".8 t.m élén .18nt péd?\\.[ogique cnpitai.
Criel'
ou pleU:"R:o:' au :-nome,-l1: de le..... cÜ'concisicn par exemple,
eet
la plus grande hov);e que lion puiGse faire é'.UX parents
"l'en-
fant qui crie woy ~ sous le fer, cet enfant fait regretter à sa
mère de 11 avo ir mis au monde" dit un chant DIOULA.
Il ne
doit rien manifester à l'extérieur.
Des occasions de' maîtrise
de soi sent offe:;.·t8s d'ailJ.eurs tout au long des initiations.
Brhnades et injures sont syct§ma.t:i.qucs et laissées à la li-
bre ;.nitiativc des l'gardiens".
Le::; mutilations sexuelles,
on
le sait,
peuvent aller chez la je",me fille,
d'une légère exco-
riation )l1.Jqu'à i' e~,-cision totale des petites lèvres et d\\.\\ cli-
taris.
Chez le petit gé'..rçon,
Cl es~ le prépuce qui
est coupé.
- 204 -
Tout cela GC~.z ~fO;?end2_:cj.t. être supporté stoïq,uemel".t,
sans révolte et r:a:',s murrr:u:'.·e
pi..'J~ les ialtiecl. De :inême que
la m.utiln:don e8~ -"::''1 cign:~
que llhomale es~ CI.utre chose que
ce que la nature l'a. fait,
G.e nlêlne J.é\\ douleur acceptée volo:".-
tairement correspond à un rehl8 de prendre b. vie telle qu' elle
est donnée.
Tout dans la. nature,
pous se à fui.r la souffrance.
"Souffir sans autre raison que de vouloir supporter la douleur, \\\\ACV:.s
c'est bien une des manières les plus sûres d' "'.!firmer qu'on
transcende la né':.turell (1).
Il Y a dans les brimades infligéeo
au néophyte DICUIA,
une volonU~ de le dresser,
de l' entra~>·
ner aux. rudes tâches qui l'attendent ; mail> aussi une vO).:Jnt,~
de lui faire comprendre une autre définition du sayoir : le
savoir est douleur.
J'ai souHert,
donc je 8étia !
E~URI~:.H~XM a montré aussi que les br:bnades
ava.ient une porté~ mystique : cel',1i qui les subit et les sup-
porte Il est pIns fort que la natGl'e puisl'",(ù' il la fa.it ta.:i.re 1ô (2).
Valeur éducative et valellr religie1J.Ge de la dO'.ùeur se confon-
dent donc ici.
La d.:mleur met l'inè.i'ddu hc:r-s de lui-même,
elle
le IIdépersonnalioe ll en quelque sorte,
lui fait perdre conscience,
elle fait mourir l'ancienne personnalité et lui Dermet ainsi de
miew~ endossel-' la personnalité collective nouveUe,
de renaï-
tre en tant
~~""
qU·Gf:r.-e
.
soc~a l .
Elle place l'homme dans un état
particulier de réceptivité ct d'ftbm;nation.
De la maîtrise
de la douleur,
on passe plus facilement 2. la maîtrise du se-
(1) J.
CAZENEUVE,
L.es rites e~ la condition humaine d'après
des documents ethnographiques,
P. U. F.
1958,
500 p.
(2) E__
DURKHEIM,
L'éducation mora~e, P. U. F.,
1934,
242 p.
- 205 -
cret et de la parole.
COInme tout autr8 obj et humain 0l~ c(\\!?ri1i.q~_~e, le 82-
voir est r-loumis chez Ip-s D:'OUJ..A il une division d'ordre Ge-·
xuel : quand un homIne DIOUJA\\ a~:Jr,"'rocb,;; J.e~ feInID"'lO qui
parlent et échan.gent leurs confidences en filant le coton ~_
l'oInbre de leurs cases,
elles font iInInédiateInent silence.
On Ile peut donc jaInais apprécier. exacteInent ni la nature,
ni surtout l'étendu du savoir que détient celU' de l'al .ltre "'-L~~'
Mair quel que soit son sexe,
le détenteur du savoir doi';; le
cacher,
affirm.er publiquement son ignoré'.:r::ce, ,le préser~rer
de toute divulgatior. inci"tle e~ au besoin s'ent.clUrer de tot't l.lU
systèIne défensif.
D8.nc les rnyt.hes p:v~ exemple,
le savoir est
souvent présenté COInIne fais2':!lt l'objet d'v...n vol,
d'un arrache-
Inent par la for(:e.
Pou!: 3e le gê.rd8r,
n fél.l.1.t moins l'eJ'.poGer.
Si J.; on ni a pa:::: compris cette C'.ttitude vis -6-vis du
savoir et de '32.. di'lulgê.tion,
0'::\\
8' expose
a"t'x jue;eInents de
LEVJ.-BRUHL
"Dn médecinê-Ift""n comU1C OG,
t\\:'1~.VE'r8elle-
ment :.·econnu p0ur être celui qui "sa."='H:'·le plus,
quand on lui
deInanda de faire Ja HSt8 d.3 to'}tes 1er (Efférentes 'TI:'1.1adies
qu'il connaissait,
en lui Qormant d::lq joUJ:'s pour y :réfléchir,
fut incapable d! er.. trouver plus de trei'lte huit,
plus ou mohu;
différentes.
Un autre,
à qui l'on deIna.n.dait d'ér..l1luérer,
Sé<n:;;
préparation,
celles qu'il. conna.issait,
ne put pas dépasser. la
douzaine,
en dépii,: d,.l fa.it C"le toP.!;; d ~'lX de'V'd.ient certainen"cnt
en connaît~,e plus de cent,
puisqn'ur..e cO!r.pEation b.ite pé'.r
rnoi oralement ...
révèla que deU7. cent trente Inaladies env~
ron leur Sta~.rmt connue::, .• , ~1I. Le Gavoi:c est E'~,"1 réalit6,
chez les DIOtJLA par exeInple,
pui'Olsar..ce,
l'0uvoir et Gurtout
U) LEVr-BRUH~,
La Inythologie priInitive,
Paris,
P. U. F. ,
p.
XE et XIII
- 206 -
secret que son déte:;:1teur doit garde.t' jalousement et affirmer
publiquement son ignorance car l'efficacité même de eon sa-
voir en dépend.
Cependant,
malgré cette conc eption protection-
niste,
c~ savoir venu de la communauté DIOULA doit y retom.--
ner pour contribl.... e!" à maintenir son équilibre,
sa continuité et
son identité.
Comment les DJOULA font-ils pour satisfaire ces
deux exigences apparemment contradictoires ?
Pour le savoir,
il faut examiner leur manière de transmettre le savoir.
2 0 /
L;::ngue D!OULA et transm:'s Gion du savoir et
de la pensée
Lorsque l'on veut étudier pé'tr exemple la· philosoph:'.e
de PLATON,
on se reno ccmpte CI,J'n a. tille forme ~~.rticuHè:.'e
de transrn.iosion du savoir ; il e:mpJ.o;.e des métaphore::; et des
analogies.
:1 use par exemple, dn "mythe de la cavernell pour
expliquer que les hommes sont dê_ns un monde alién-é et que ce
monde aliéné les empêche de voir immédiatement la vérité.
Il
fait 'tL... e sorte de parabole.
Pour que les hommes voient la réa-
lité,
PLA. TON pense qu'il faut q1.:e par la violence,
ils se libèrent.
Cette fo:':'me pédagogique se trouve se rapprocher de la forme
de transmission du savoir et de la pensée chez les DIOULA de
Côte d'Ivoire.
Pour comprendre donc les DIJULA,
il faut se
l"éférer à leur propre manière de t:.-alpmettt'e U:.ï. savoir.
Cew(
qui étudient la ph:'losophie de PLA TON,
se réfèrent assez sou-
vent à la langue grecque elle-même/pour certains besoins de tra-
duction parce qu'il existe certains mots grecs qui ne sont pas
traduisibles en Français par exemple.
On peut donc dire que
pour connartre et trnnsmettre,
il faut aussi s'adresser à la
langue des individus.
Pareillement,
à la question de savoir
- 207 -
quel est le type de transmission du savoir chez les DIOULA,
nous répondrons que pour le savoir,
il faut vair leur attitude
vis-à-vis de leur langue.
La parale n'est pas considérée '~niquement par les
DIOULA comme un ensemble de 90ns signifiants organisés,
mais elle est mise en rapport avec la personne et les choses
et dans cette relation aw~ ·::hoses et aux personnes,
la parole
est constamment fausse,
c'est-à-dire qu'elle est en déviatio:J.
par rapport au réel.
Elle introduit tme non-vérité dans les
rapports de l'homMe avec le réel et d::-ns ses rapports avec
les autres hommes.
Pour les DIOULA,
il n'y a de mensonge
,
:
j
/
que pour les êtreq qui "parle la parole" (ka kuma fo) : 1. lé .
1
bé k~mâ. yèlèMa'. dira le DIOULA à celui qui, aliéné par
l'intérêt,
interprète les choses dans un Sens inexact.
Ce qui
veut dire "toi tu tranSf01"lneS la i=,arole" entendez "toi,
ta fa.l-
sifies le sens de3 choses l1 •
Id:i1.si,
il semble que pour les
DIOULA le mensonge soit conten.1.porain de l'êpparition de la
parole dans le nlo:nde,
car co:rn.ment peut-il De fa.ire ql."'.e les
choses paraissent autremen':: qu' elles ne le sont en réalité,
du
simple fait de la pa:i:ole ? :aI nous a
' .. '
e~e
difficile d'élucider
l'action de la parole dans ce problème.
l'.'!ais venons à la sa-
gesse pop1ùaire DIOULA qui semble jeter un éclairage sur
/
' !
f
(
".
..
f
1
cette question : dadân
té p.t; wia fola,
mogo le v!~a fola
l'animal ne peut C:ire le mensonge,
Cl est J.'homme qui dit le
mensonge,
dit un proverbe D!OULA-.
IVrais pourquoi en est-il ainsi ?
La réponse est dans
le texte du proverbe lui-même.
En effet,
cet énoncé est bâti
sur l'opposition que les DrOULA introduisent dans le monde
entre les "êtres qui parlent la parole" et "ceux qui ne la
parlent pas".
Dans la première cél.tégorie,
se trouve l'homme
- 208
-
et dans la seconde,
l'a~ima,L Du cût é de celui-d, il y a U:le
impossibilité Ge me::lsonge qui est exclue de l'::'.utre,
et cette
différence est fondée sur la nature même des êtres ainsi op-
posés.
1
Celui qui est inc••pable de mentir porte le nom de
1 ~
dadan (sans bouche) ou. (qul. ne parle pê.S).
L'animal ne peut
pas nentir pa:t:ce que précisément il ne possède pas la paroJ.e.
C'est donc avec la parole que le menso~ge fait son appari"i:ion
dans le monde,
aux ye~.L"" dec: DIO:JLA ; Cl est pourquoi en voulant
dire directement ie3 choses conune ell\\...s sont,
l'on risque de
passer à côté dl eHes.
Pour éviter cette dév:i.ati0n.tl'idéal ne
serait-il pas de PC pas parler du tout ?
Car r.rloins on parJ.8
et plue OD, e3t près du réel et de soi-même.
n'où l'attrait
du silence chez les D:':OULA..
Maiscomnle on ne peut se ré··
sOi:,dre éter:aellement au silence,
sous peine de t\\):::uber ma12/e,
on parlera sous une forme paL·U.culière qui permettra a'~x cho-
ses et aux ~tre8 de ga:>:der leu:c d~.n"1ension r8elle Cl est-à-d~.l'e
mys~érieuse. Abs':, en premier. lieu, la parole du D~:OD',LA ne
sera pas tout à fait explicitée,
d:où l'ünpcY'i:ance des proverbes,
des onornatopées,
des rnots 'Cou:ver'i:c et deIJ analogies mêrne
dans les con-,rersatians les plus banales.
Pierre EP~.Y signale
que "l es sous-entendus,
une absence Qi:'.lculée de précision dans
un énoncé,
l'é'.lludon vnlor:i:airemeut yag1..'.e,
l' cuphémis1Tle,
l'al-
légorie,
la rétice:a.ce à livrer ce que l'on sa~:i:, font partie des
techniques les plus COUl."antes de l'expression orale ..•
" (/:}.
En second lieu,
on parlera sous farIne de récits mythiques,
de
légendes,
de fables,
de contes et de devinette::.
Tout se passe
(1) Pierre ERNY,
LI enfant et son milieu en Afrique NoiX'e,
p.
164
- 209 -
comme s'il ne s'agissait pas d'anêJy~'er les choses (car Cl es-::
en analysant qu'an in<;erp ..oète),
de ~.es "1,ru1ga~isel', mais de l,~o
annoncer sous une forme enveloppée et ambigüe afin de laisser
à chacun, la possibilité d'interpréter ce que i'on a dit.
Per:::onne
n'a pour râle d'interprèter,
d'expliquer da.ns la société DrOULA.
Ains:.,
le canteur vous :mett,,'a devant une sHuation exposée de
faço!' I:1.yth:i.qne (qui reste à e:=::p1:i.quer).
n ne vous di:ra par; tout
ce qu'il sait.
Il czposera le conte et vous laisGe:.a. la poscibHité
d' en t~rer un usage personnel,
L::>.. p2.role,
Z.AHAN,
chez
les BAlvlBARA constitue fu.e 8or'~C de maGque Bonore derrière
lequel se cache la pensée dont llinterlacuteul' est i.nvité à détec-
ter le véritable vis~.ge (1).
Ces o0servaticns noua perrnettent de forrr..uler l'hypo-
thèse selon laqueJ.le Iea D:(OULA or..t 'n::"le cÜ:1.ception et lLTle att:.-
tude profondê:ment péjora~ive c'i; md5.n.nte vis-à-vis dt'. langage
et de la pensée e~:pJ.icitée ",Tl lcmgage qui ee:-:n~le sym~oliser à
l0u:::,s Y2UJC tou~:'3~ les pos sibilitéo de <lésé\\,ccnrd,
dl inadéquation
et de mensonge rar rapport élU réeJ..
ES3a.yŒ18
m.éI.:i.:ltenant de
vérifier cette hypcthèse en ezam5.n;::mt cette c071.cepi1:icn .orüULA
du langage.
1 0 /
Le co:>:ps humain comme parole
Pour les .:.JIOULA,
comme pou~: les lv1ANDINGUES en
général,
la pa ..·olc commence dans la. divinité elle-même,
la
parole est un don de Dieu,
mais Gon Heu d'élaboration immé-
diat est le corps humain.
La parole est alors com.para.ble à un
élément physique de la personne,
organe qui complète en quel-
------------
(1) .o. ZAHAN,
La religion africaine,
Cours polycopié II,
p.
Il
- 2 JO -
'.'l~e sorte et paraCh0ïTe l' individu.~.!.H6 humain'.:) è.ont il eGt SO}.:l-
daire,
tal';; sur le p~an matériel,
!ln:.:. d;:ms le ci-:>maine spir,:-
tuel (J.).
La parole e3t chez les D!.ûULt-_ associée à certaines
parties du corps.
n s'agit F!'Încipalement des orgai1.~s de la
phonation comm,:, la bouche,
la lê!.np,ue,
le cou.
CepeDdant,
en
dehors de ceux-là,
il en e st d'autres que les .oIOULA acsocient
à c.ette fonction ; il en est ainsi du ventzoe,
dans le sen:> le
plus large et vague de ce mot.
Lê. boucbe (d{) syrnbolise la parole en tant q1..... e com-
munication et pa::.otant lien entre les hommes; d'cù les eXi;nes-
(~,
/
sions ';':'IOULA : Lda b9-E:~I).r':. = IItte lé'.. bouch~ de moiti," ne :7.l l a-
dresse pas la parole':.
Ceci arrive c.ouve:lt à la sd.t'2 d!'tUle dis-
pute.
Dans la c'J18::'e et pon!:' ~ne';t.re un. teJ~;:-.1.e aux prcpos o..'li
l'excèd.ent,
le DIOULA. lé\\.ncera cette phra::;e ~ Gon in:e:,:,locuteur.
'd~
C
l '
'"
l'
l
'"
b i / l " "
,~
.
e a.ernler pOl.::':';~é'. r cp lquer
n te n
(',
0
=.
a, ' Je Tl oter::o.~.
pas rna b01.1~.he de toitl ,
s'il es';: décidé à. pou')3e? GOr.. adve:r.nai-
re à b0ut.
L'agreesé,
f2j.::iê.nt preuve de sang froid peut cepen-
...
Î
1
i
1
i
dant dire à son interlocuteur; tli kan.? i da do n'na wo ko tl ,lI ne
dit'.ige plus ta bouche vers moi é'.près c01;:>.II.
Ces expresGions
consacrées (ôter,
diriger,
vers) font al.'.usion à une fonction
éminemm.ent posin-;"c de la bblJ.~ltt Cc?mme ins·;;::.oument de r-om-
munication.
A
cette parolc s'opposera celle de 12. bouche :i.nju-
rieuse.
De quelqu'un qui n'ouvre fréquemment la bouche que
pour dire des paroles injurieuses,
sarcastiques ou rr..aléfiques.
(l) D.
ZAHAN,
La dialectique du verbe chez les BAIV1BAR..A..
- 2 Jl
-
che est mauva.~,3e, a mauva.is goûf'
ou encore ~'l' effet de sa
/
I l " , ,
"
1"
bouche est désastreux (a dara ké'-n 1:30 j'..lgu).
Certains disent
1
(
l
1
de fa'Çon polie "?_ da ka bo ll = Il sél.bo"ilche eG'i: grande ll ou enC():'.~ e
/
"
,
a d;'). fa.ra.l? := Il sa b0uche eGt déch;.rée".
Dans le mêmJ~ o~:dre
d '~dée,
d'un sujet tabou,
sacré par exemple,
le DIOULA di:ra
.
•
J
1
"WO k2. bo ni da mali ="cela est (trop) e7."and pour mél. bouche".
Certes dans ce dernier cas,
il ne s'agit plus à proprernent par-
lé d'injure.
Cependant,
le sens en demeure très proche.
En ef-
fet,
traiter d'un sujet t.abou,
en fa~.re J'n!Jjet d'u.."1.e conversat:'on
banale,
ni est-ce pas se rend!"e coupable d'une profanation ?
Et
la profanation n' e5".- elle pan ~'.L"C veu;: de:= DJOUI.A '-':le sorte
d'injure,
su:::, le p!.aI"A~.:~ré ?
La bO't::'.r.he (d,,!) ne détermine pa.s f,rw'.ement des eff<::'"s
~.njurieux.
Parfo5.s,
elle ~e fCi.it "donce",
::':è
pare pO~-:l' ~édui1"e
et emporter l'adJ::.8::d.on de 1! j!Y~P'Tlocnteul·.
Air.si,
d'une pe:..'sor.ne
qyi es*: "'.Tersée d::'.n.s l'art dn lang2.ge,
des effets
magis.u~s, frtIJ
! ' .
"
dit qu'elle a "la. bouche à-::nce ll ou "s1".c::rée'1 Jél. 0 k~ di), D".'~e
personne hô.bne 2. se tire:c dlai!a.:'.~:e grâce à. lla!"t de l~. parol~,
1
. ' ,
1
qui sait séduire et persuader,
CD.
dira : ci d::,~ dahèl'l:i. 10 = Sr?'.
bouche est é\\.rr~ngée~' ou :':Tô.eux Il sa b01.\\'~he est ê.justée l '.
Voir ré"llmé sous forme de ~:è.ble;:u paGe
s'"'ivante.
- 2 J.2
-
-~----_.. '--._"
1
l
COLONNE (1)
_._~('LON~Œ (~
Significatio~".3 positives
Sign:ifications negatlves
,
AlluflioD. à une fonction
positive :
La comrnunication
,
i da b:; n'na = ôte ta
1
bouche de moi
,
.'
1
1
i kana i d2. do n'na wo ko
!
ne di:-d.ge p:us ta 1.;)ouche
1
ve-rs moi après ~ela.
1
1
_._------ ~ ._.. .__,
.
...
l
!
Qua15.B.catlo:;. p:>sit~>ve
1
QualificaHon néga.t;.ve
1
et effets posÎ'i::f's
et efiGts nég8.tïfs
,1
i
-:~ d~.·'~~-:-::- bouc~'~-'-1--~:-c\\a:~- ~~. =.,a-~ouch~---::;i
est douce
,
grande
..
A da dahènl 10 = sa 00';'-
1
1; dL !~.ral~ = se. bouohe est
che est ar.Z'é'.ngée,
ajustée
1
déchirél:
INTERPRETATION DU TABLE/-\\.. U
------.
.
1
La ltbouche déchirée 'l (da /!r'n·fJ de la colonne (2)
est celle qui est incapable de retenir son verbe,
celle dont
la parole sort de manière désordonnée.
La "grande bouche"
1 .\\
(da ba) de la même colonne est celle qui est enflée du fait
des mots inte:rdits qu'elle profère.
- 213 -
DistenE::.on 8t déc~.irul"e SJ~.t des effets •.·.8gatHs dl','ne
parole e;l:~eGsive, énorme qui irr:i.te l'interJ.oc1.'::;;el.l~, Cl est ce
que traduisen~ les f::pressions :
;
1
~
1 1
- daraka, :;~ll : bauche ~ effets desa3t:i:'eu.x:
"
:
~
i
- dal"é.k,;,.a gb2 : bouche dont leB paroles ont
goût,
Ces effets s'opposent apparemment à cew:: que font
.
.
i
1
la "bouche douce" (dà di.m~nn et la l'bouche arrangée (da: c!~èni),
En r~~aE";§, l'aspect péjoratif existe implicitement dans la co-
lonne (1),
En effet,
les DIOU!'....A Se métient toujours des beé'.ux
parleurs car l'h2.hUeté r:e 12.. "bouche arrangée",
"ê.justée",
Ja
beauté du verbe ch la r:jJcuche douce" en -ro'.J.1ant ~Ûf:té= l'imag:i.-
nat~\\Qn et plonger la p'3l'sonne déms l' émoi, alt~rent le sens du
ç·"'..1eil et
'.'
,
DIOU:.J\\
cnVG~S
le'?
.~.;
1
k,i -"
; . _ "
~
1J...I-.\\.....-..
hl 'NO b6 i
Es t·~ ::nène:eont à ta j,';:;.lnell •
VOil'.:l ~onr: 1.ille a.üitnde n0tte:r.lent
négative e1: oppoJ<3e aux qualific9.t:l.ons e:;:pHcîtes de "douce",
rat5.ve couv:t'e incf)nte8ta~lement le3 deux c010nnec de notre t::t-
blean.
Cela est d'autê.nt plu? vrai que mêm2 le l~.au·;; de 19. co-
lonne (:) nI échappe pas 2.U caractère négatU.
Bien qne faisant
\\
JI
.
~
~
t·
r·t;o !I,.
r·
:' P""'"
- . '
~ ::: +-
l
b
b
a. USIC'~:l G;, une .·.one l"'n p._., I.Il.1.V _ u .... om.. nJ.r...·_c_.~lon,
a
ouc .. e
n'y donne Heu en eHet qu1à des çxp:r.e3:JÏons expliciternent né-
gatives (ôter sa bouche de quelqu'w1,
ne pas diriger sa bouche
vers quelqu'un),
d'où le tableau de la page suivante (1)
(l) ~!\\-I\\f.aA...RA Sory,
Les gens de la parole,
essai sur la condi-
tion et la fonct:ï.o~1. det griots rnaUnké,
Thèse de 3èrne cycle,
BORDEAUX IL
) 969,
2 tomes,
- 214: -
-----------._--_.,------_._-_._-~."'.•. _ - - -
COLONNE H
1
CC ::':",ONNE III
l----.-------t
BO'l'.che grande
Bou;:he douce
ôtzr ea bouche de
q\\.1elq~.:i'U::'11
Bouché; déchirée
Bouche arran-
ne pas diriger sa
gée
bouche vers quel-
qu',-'n
.
Significatio:iï exp!-icite
Sign~,.ccation
Signification
"
eX.pJ.l-
e:<.~pl;.·-;ite
cite
A
nég2.tive
nGgê,-;;.t1i e
négative
Significa:i::lor, imp~::'.c:i.t~
Signification
Signi.f.ir.ation im·-
implicite
pl:k.i.i:e
n.ég""t~ve
aUusion à. une
fo;:.. (:Lc,p p:x:-î::::ivr,;
_
~----._-
..._---_.---
INT ERP.'R.E'I'A J:':~O:N DU 7A:OLEA U
che signifie parole,
iJ. n' en est p::).f~ une r' c:ul,~ '1.ui :r~f é<.it expJici-
tement ou implicitement l..'IJle signifi.:::ation :,'J'~g2.tive.
/
La seconde est q ....le,
~01!ÇU com.me p?:::,ole, le mot _c:!'!...
ne donne lieu qu'à d~s expreGsion~ q-:.:" :;i.g:'J.J.fient un8 rupture
de communication (ôter sa bouche de quelqu'un,
ne plus diri-
ger sa bouche vers quelqu'un) une injure ou une grossiéreté,
ce
qui produit exactement les mêmes effets.
Ces deux faits nous
révèlent une ch'J:?e trèo ;.mpo::..--tante : l'attitude pI'ofondément
méfiante des DICUJ....A à l'égard de la bouche comme oymbole
- 215 -
de la parole.
La sagesse DlüUU.. ne recommande-t-elle pas
dans :?es p:.'7ovcrbes ,
"tenez bon !. vos 1;)ouchcl3, Cl est la bouche
-
i
/ '
1 / 1 / '
qui est l'ennerr..i de i!hcmme ll (ô:..-Y.é gbèlèya a daw_la,
mogo da
V i f 1
le a iugu yé) 1.
En effet,
la bO':lche est le lieu où l'homme :cJ.s-
que de se la~sser déborder par la parole,
risquant du mê:rne
coup d'ali~~sa personne ou de s'al5éner le monde.
Comme
dit un autre proverbe DIOULA,
le IlHeu de saisie de l'homme
i , .
! 1 . .
i
J
est sa bouchell (mogo mlna yoro yé a da yé).
D'où la nécessité
d'avoi1" un soUde empire eUT sa bouche,
si l'on veut être un
,
i
homme d:i.gne de ce nom.
S~. avoir une " grande bouche" (d~ ba)
ou une "bouche déch7.:r.ée l' est péjoratif,
s'appliquer à en ré-
duir.e le volume e:t la :ente,
c' est-~-dire parler le moins pos-
sible,
devient une vertu aux ye'l1:.'~ des DIOULA.
Par opposi'i:5.on à cette fonction péjorative de la
bouche,
le cou nlaffirme cornme une parole éminenlment pOGi-
tive,
celle o.g 11 engagemm.t,
Pour un DIOULA donner sa parole
i
t
". l
i
Ge dit "donner ..;:~n cou" (k:~) k<i:~,Jj.). Dire t:c 'luelqueun qu'U
ni a pas de C0'}"
sir;::li:::"l qy'.':i.l ne ti8nt pas ses prornes ses.
1
Le COt.~ se dit kl'n en DIOULA.. Au sens figuré,
ce
,fI
1 ~
1
!
mot désigne dlabord la voix humaine : muso ni k':in ka di =
ilIa voix de cette femme est douce" O'l "cette femme a une
belle voix".
Dans le mêlne Crd::e ,il idée,
on appr écie la voix
.
. .
/
il 1
d'une personne en disant: a k~i'n kawara, le mot wara étant
un qualificatü qui s'applique à tout ce qui irrite,
provoque
des démangeaisons.
Cette image signifie que la personne qui
parIe a quelrlue chose d'irri'i:ant dane le timbre de la voix.
- 216 -
1
Par extension,
k~ est la langue dl tUl peuple quel-
conque.
EXEMPLE!) :
l
- dioulaka'n ou langue des DJOULA
~I
"
i
!
tubabukan ou lan~ue des Blrct
l
1
Kan signifie aussi parole : ~é n'ta 1'.;uma k:t men (écoutez
t
mes paroles).
La différence entre kuma et kU:~ak;'~ rési5ie
dans le fait que le set:::ond indique plus précisément les sons
caractéristiques du langage articulé.
Cl est ainsi qu.e le cou
(kan) a fini par désigner le bruit caractéristique d'un objet
ou d'une chose quelconque
EXE
'LES:
,j
J
- morifakan = coup de fusil
l ,'T:!
- mobilikan = le bruit d'une voiture
- j ~~ki!h = "on du tambour
Mais le mot~ s'appliq1.le avant toute chose au langage arti-
culé,
à la voÏJ:: humaine et en génél'al à tous les sons signifi-
catifs produits par 11 hOl:nxne.
EXEMPLES :~
i
,jJ
dén kasil:::an = les pleurs du bébé
- musa kÛ1ékan = les cds de la femme
En conclusion,
no~ pouvons dire que contraireITlent
1
""\\,(
à la bouche (da),
le cou (kaon) est le moyen ~ar lequel on
,7
1
à
N 'k"'V
" . 1"
Biao/esse positivement
une personne.
an t e l
e ma,
n'kt:J't~n'Yèrè lè m~ ="ce n'est pas à toi que je m'adresse, je
m'adresse à moi-même ll • Cela équivaut à annuler les effets
psychologiques d'une parole injurieuse par exemple.
Lorsque
la personne que la parole malencontreuse a irrité s'avère
implacable,
ou bien lorsqu'il s'agit dlune personne bien plus
- 2). 7 -
âgée que l'offenseur,
celui-ci fourra détol'.rnerj'injure vers
A,'
'
\\'
Y 1
1,
d '
di
t
'k
t ... · 1"
" k
...
'k
1
un
es S1eps en
SC'.~'1: E-. an
.C 1.e rlla
:n .. an ye n
or0..~
;
ma = "ce n'est pas à toi que je m'adresse,
c'est à
mou f:r."'àZ'e
(1) que je m'adresse".
Enfin,
il reste à considérer le cas où
l'offenseur ne tient pas du tout à :::etirer ses paroles ou à
r;>:n
changer la destination.
L'offensé peut alors sIen charger 11..1i-
!
"'"
f
'
m~r·\\e. Il répondra à l'injure en disant : i k~n té né ma, i
kin ré i Xèrè 1~ m~ = "ce n'est pas à moi que tu t'adress8~,
c'est à toi-même".
Mais il est rare que l'offense se règle ainsi direc-
tement entre les deux intéressés.
On a généralement recours
à un intermédiair';',
soit que l'offenseur le sollicite d'aller
présenter ses excuses à l'offensé,
soit que
de lui-même il
s'efforce de faire entendre raison aux deux parties.
L'interven-
tion de l'intermédiaire,
g.§néralement un hom.me d'âge mur
dont la parole a du poids (chef de famille,
vieillard sage,
pa-
rent à plaisanterie) a pm.w effet de faixe réfléchir les deux par-
I
1"
,1 ~
tics,
de leur permettre de "refroid:i.:J:" leur coeur" ~usu Guma),
(1) A propos de l'oedipe 2.fricd.n,
ORTIGUES écrit qu"l en mi-
lieu africain,
l'agressiv5.té n'est pas àirectement exprimable
contre le père.
La figure du père en tant que législateur et
rival,
tend à se confondre avec l'image de l'autorité collective
des ancttres,
du groupe des ancieno dép~sita.ires de la loi.
Or,
l'on ne peut se penFJer égal ou supérieur à 'l'ancêtre.
L'an-
goisse d'être abandonné par le groupe est l'expression privilé-
giée de la menace de castr2.tion.
La rivalité tend à être dépla-
cée sur les égé'.Ux d'âge,
les frères (souligné par nous) qui pola-
risent les pulsions agressives.
L'agressivité contre les frères
s'exprime principalement sous fonne persécutive,
la culpabi-
lité est peu intériorisée : "le mal n'est pas dans moi,
il est chez
autrui" ; la rivalité est surcompensée par u."J.e très forte solidarité
à l'intérieur de la classe d'âge,
"être homme c'est être l'égal de
ses frères,
intégré à leur groupe .•. 11 (L' Oeè.ipe africab cité par
ZEMPLENI :in "'l-.Hlieu 'Ct dévelopF'=nent",
P. U. F.,
1972,
p.
120)
- 2;,8 -
d'oublier la T.ê'.ncnne et les n"lau.Yé'.~s sentiï-::,',ents et de pense:!:'
1
1
aux conséqu"mces 90cil".les dr-:s II m ;:q.lv:üses p"l.J:'ol~s't (kumCl.
1
1
jÙgu)~ La société DIO'GLA, nous semble-t-il, s'efforce par
ce moyen,
dl é-.,riter l'accu ml.Ùation àes :':'CI,D.cunes entre ses
membres.
Tout le groupe social est solidaire dea rapports tn-
dividuelr:: entre ses membres.
::Sn cas de dispute trèe grave
enh e un horrlme plus âgé et t......Tl pIus jeune unis par des liens
de pCl.renté ou non (le cas extrênlC étant la dispute entxe père
et fils),
Cl est toujours le plus âgé que l'on considère comme
l'offensé,
même si en réalité Cl est lui t:·;.u a tort.
Dans la
société nIOULA on n'a jamais le droit en effet de donner ~~ort
à celui !lui est pl'..ls âgé devant le plue jeune,
Ce 8erait nuire
à un enfant par exemple que de lui donne:;: raicor.. CUI' son
père ou c'r,r une grandP- person.::.'le q'_1elconque,
car cette espèce
de renversexnent des génératiO:18 oerait t.me façon dl établir
le désordre dans la société et dans le monde.
Dans le même
esprit,
on ne dO~'lnera jar.l.2.1s Ta.ison non plus à une femme sur
son mari.
Si le mari reconnaît tour de mSme qu'il a tort et
fait pl"éser..ter ses excuses à son épouoe,
celle-ci devra les
lui renvoyer,
pour éviter qu'il ne snbsic.te des rancunes.
n 'l a
ici u~c conception gérontocrê,tiqUG et phallocratique des rapports
interpersonnelles qu'il. nous faut stigmatiser.
Ce n'est pa.s seulement en cas de parole offe:'::~,"ê'.n'i·eG
qu'il y a lieu de le!'; réparer.
C'est aussi lorsqu'o!l a parJ8
inconsidérément ei.: tl'2.hi des secrets.
Celui qui a la "bouche
légère" n'inspire pô,s confiance.
Le seul moyen de l'emp?;cher
de trop parler est de ne rien lui dire.
C'est pourquoi les
confidences cessent a.u mom.ent où il apparô,ît.
La légèreté de
la bouche provient aux yeux des DIOULA,
de celle du coeux.
- 219 -
Aux dires des DIOUI...A_,
les fe:rnmes y sera:ï.ent plus sujettes
qu".:: les homrnes.
~Jn proverbe CO"tA.~:'t sur ce;:hèrr~e
k~.~ n'lin
f i ,
1
l
'
bé i kono,
i. ka:la a fo i mus~ yé = ,lIa parole qui est all fond
de toi,
ne la dis pas à ta femme'!.
'1l c l;;"6'ô',
la. femme est
toujours capable de vous quitter pour un 2.utr ~ homm.e à la
moindre querelle et elle t:'.·2.~1.ira tous vos secrets chez ce
nOllveau Inari.
L'homme au contraire,
a le coeur lourd,
il
est pondéré,
réfléchi et ne parle pas à la légère.
!'Tous voyons
que l'antagonisme homme-femme dans la société DIOULA est
mis ici en lumière.
Laisser sortir de:,: paroles que l'cn devait "garder
_
i l "
:
/
dan!? sor.. ventre" ,~ka a ta :i kono) eet pou::, le DIOULA une t:\\,ès
gra-J"e i.:'l.ute qu:l néces site llile réparat::on importan"i:e.
La bouche
trop légè7::e qu.i n'a pas DU retcr..i:: les yaroles est aussitô~ 2,;:;-
similée ici ù l'ouverture honteuse du corps (l'2.nus) ci' où vieTl-
nent les excréments et dont la corâ:inenr::e est le signe de 12.
convenance sociale,
de même que la rnaItrise de l~. parole est
1 l
1
le signe que l'on connaît ho h0:'J.te (tnaloya).
Le tableau ci-des-
sous rl10ntre ceHe opposition de h:-. bouche et d'l C0ï.l,
conçus
tOUG les deux corr_me parole
l
1
ORGANES
COMMUNICATION
1
INJURES
Bouche
Rupture de comInU- Il
Injures adres-
r.ication
sées à au::c.li
Cou
Etablissement de
Annulation ré-
la communication
tro-active des
injures adres-
sées à autrui
- 220 -
Ce tableau nous permet d'apprécier par cont!'aste
avec la fonction positive du cou,
le rôle n8gatif de la bouche
dans la communication.
Il nous faut cependant considérer un autre aspect
singulier du cou comme parole.
En effet,
grâce au cou,
la
parole acqui.ert constance et hardiesse ; elle devient fructueuse
et s~rtout immuable.
Kan signifie alol's la parole jonnée,
la foi
.
,
Juree et 1e DIOULA se d '
Olt d anS ce cas d'Aetre k"Vk'l""
.'l!; e et1gUl,
Cl est-à-dire maître ou possesseur de la parole unique.
La parole du cou engage,
en effet à travers l'homme,
toutes les forces visibles et invisibles.
De là découle logique-
ment son énorme puissance,
le respect et la crainte qu'elle
inspire.
Si pour le profane,
ou mieux pour le connaisseur moyen,
la parole est 11 oeuvre de la personne et constitue,
dans une Cer-
taine mesure,
son bien propre,
elle ef:lt pour le sage DIOULA
avant tout,
une entité divine et cosmique,
à laquelle "le labo-
ratoire humain'I ne fait que donner corps.
Le vrai fondement
du respect que les DI0ULA Aprouvent pour leur langue réside
donc dans cette conception de 5ê. nature.
La parole est '-me
parcelle de la vie consciente de la personne,
or,
ces facultés
constituent le j( ou "double de llhe>mme", pièce maÎ'tresse
de la
-
conception de la personne chez les DIOULA.
CI est èi'.l."e
qu'un rapport étroit unit le j'ft et la parole.
-
Donner sa parole,
Cl est en quelque sorte donner son
"double".
Prendre la parole de quelqu'un,
c'est lui retirer son
jt' (1). D'un point de vue psychologique, la parole est aussi force.
C'est pourquoi un texte DIOULA proféré doit l'être sans erreurs,
(1) G.
GRIAULE,
Ethnologie et Langé'.ge,
p.
29
- 221
-
sinon il Y a un déséquilibre dans le lien interne du signifiant
et du signifié,
et le fautif est puni.
B.
HOLAS écrit : " ...
la parole bien dite et au moment juste,
a valeur de l'acte
lui-même ll •
Il faut ajouter aussi avec M.
HOUIS que "les
joutes oratoires èngagent parfois à titre définitif des prestiges
qui,
à travers des individus,
engagent ewc.-mêrrles le groupe so-
cial.
Absi,
celui qui prend la parole dans la société DIOULA,
lors d'une manifestation publique par exemple,
engage son
groupe et incite par là-même l'auditoire à participer.
Celui-ci
connaît généralement le texte (contes,
légenàes,
etc ••. ),
c'eGt
pourquoi le diseur doit toujours lui redonner vie.
"La pa:r.ole
proférée assume alo:rs une fonction d'intégration sociale" (1).
On pourrait dire que la cohérence des paroles,
ava:lt
d'appartenir à l'ordre réflexif,
se manifeste d'abord au niveau
des comportements,
à propos de situations et face à un public
déterminé.
Il serait intér es sant d' interrog er la sémantique
nIOULA.
Le chant par exemple nI est pas gratuit,
il est une
incitation au mouvement du corps.
En DrOULA le chant se di·~
1 1 1
1 1
/
-9:onk:i.li (litt.
l'appel (kHi) de la dans e (don))
la dans e est
par ailleurs conçue cern r:ne un mouvement des jambes,
ainsi
que l'atteF;te le sens du verbo-nominal don (piétiner),
1/
"-
c) La langue comn1.e parole (n't,,)
Les nIOULA sont toujours demeurés un peuple de mar-
chands et à ce titre,
ils ont dû faire un grand usage de leur
(1) M.
HOUIS, Anthropologie linguistique de l'Afrique Noire,
p.
57
- 222 -
)/
~
langue (nv) pour faire acheter leurs marchandis es.
Ils ont
acquis véritablement "l'a.rt de la. parole'! qui sait convctincl'e et
entraîner l'adhésion.
Cependant,
contrairement à ce qui se,....
."'"
passe chez dIes gens de la grande terre'l (1),
la langue (nt-)
est loin dl être Four les DIOUL.A. un symoole de puissance seu-
lement.
Par la possibilité qu'il a d'être unique ou double,
cet
organe peut rendre une seule et même chose par une ou plu-
sieurs paroles introduisant ainsi le mensonge et partant la dé-
fiance dans les rapports humains.
Derrière les a'ratars d'une la:-.gue qui nI est plus 1Ule
Inais double,
fourchue,
légère,
la personne elle-même se
révèle faible,
verSatile,
fausse,
bêlant avec les moutons et
hurlant avec les loups selon les circonstances,
tournant telle
une girouette aux grès des vents contraires.
De cette personne dont la parole n'offre aUC1Ule gaxan-
tie,
(lui médit des uns
lorsqu'elle est avec les autres,
vous
natte quand vous êtes présent et vous dénigre quand vous êtes
,
~ 1
f
ablJent,
les DIOULA disent: â. n~ ké". di = "sa langue Jst dou~f"
./"'Ie.
l
'!\\of
entendez "88. langue est fO'.E·;::hue".
On dit allS si : a n~ ka fib... =
"sa langue est légèrell ce qui pour eux,
est une injure graVe.
Si la bouche est "déchirée",
si la pa:.:ole du cou
n'est que celle de 11 engagement,
de la foi jurée et si la lan-
gue est fourchue,
ne vaut-il pas mieux alors Si efforcer de
contenir sa parole dans son ventre ?
J
J
cl) Le ventre (&~,~~) et la parole
Contrairement auz organes précédents,
le ventre
(1) LEENHARDT (!vI) ; DO KAlv5:0,
Paris,
Gallimard,
)947
- 223 -
n'est pas considéré par les nIOULA comme un symbole de la
, 1/
parole.
~'h:m est ce qui permet plutôt de contenir le verbe,
de 1'empêcher de s' échapper pour aller semer le désordre au-
dehors.
C'est lui qui rend l'homme DIOULA maître de lui-mê-
•
•
8
i ,
me,
car ni i m~ sé i d~ minalci., i té sé i yt,rcz, mj.nala
="si
tu n'as pas pu maîtriser ta parole,
tu ne peux te maîtriser
toi-même".
Et le meilleur moyen d'empêcher le débordement
n'est-il pas d'empêcher la parole dl arriver jusqu'à la bouche ?
De là l'importance considérable de cette fonction de rétention
remplie par le ventre.
De là aucsi vienrent pour les DIOU LA ,
la chance et la malchance de l'homme dans sa vie sociale.
Un
proverbe DIOUr neus enseifne flue :
J
~ J
j "
,l
Kuma té tora m;) gJ mi k;)!1Z'tt
/
"
i
t
Ko té diyara wolÈ>.
"L'homme dont le ventre ne peut contenir (retenir.)
la parole.
Celui-là ne réus sit en rien".
COI'TCLUSI0N
Les aventures de la parole à travers le corps
humain
Si no'l'.s suivons la parole dans le mom.-ement qui la
mène du ventre à la bouche,
en passant par le cou,
on s'aper-
çoit qu'à meSure qu'elle SI éloigne du ventre,
les choses cll!:vien-
nent de plus en plus dramatiques :
Premier épi~ode, lorsqu'ell" s'échappe du ventre et
s'engage dans le cou pour s'identifier à cet organe,
la parole
engage l'avenir par le serment.
L'homme niOULA Se doit
Il
;
f
i
alors d'être ktnkélétigui (possesseur d'tUle seule parole) tan-
dis que le temps et les choses changent constamment.
- 224 -
Deuxième épisode ,
lorsqu' e:tfe pr~nn. ln. lorme de la
bouche,
la parole devient injure ou volonté de refus de commu-
nication.
Troisième épisode,
lorsqu'enfin elle passe sur la lal1-
gue,
la parole court le risque dl être mensongère,
dans la me-
sure où celle-ci peut être j'fourchue" et "légère".
Cela signi-
fie ~l'.e plus un organe est directement associé au moment cru-
cial de llémj~sion de la parole, plus l'appréciation dont il fait
l'objet chez les DIOULA,
devient péjorative et cela traduit se-
lon nous l'attitude profondément méfiante des DIOULA à l'égard
de la parole.
Ici se tai7.e ou "garder sa parole dans son ven-
..
I l
/l'';~
tre" (ka kuma to i k~nO) devient une vertu.
L'étude de "la
parole abstraite" va nous confirmer encore l'attitude méfiante
et péjorative de3 DIOULA vis -à-vis de la parole.
Ici,
la paro-
le dans son rapport aux chos es sera en perpétuelle déviation
par rapport au réel..
2 0 /
Mise en rapport de la parole et des choses
En dehors des düférents symboles que nous venons
dl étudier,
il existe dans la langue DIOULA elle-même,
des
mots qui signifient véritablement "parole".
Le premier est
!
KUma.
Ce mot est à la fois un substantif et un verbe.
1 (
a) La parole kurna
Kuma signifie d'abord discours sur un sujet quelconque. Aussi
les conteurs DIOULAS com.mencent-ils souvent leurs récits
, (
par l'expression: n'bé ~};:~ma là ..• que l'on peut traduire par
- 225 -
"je parle de ...
" ou "je vais tenir un discours sur
".
Far
.'
1
...
kuma,
on peut aussi entendre les conseils que l'on donne a lLue
; ' ,
');
personne : kuma i dtn fè = "parle à ton enfant" entendez "donne
un conseil à ton enfantll •
Dans certaines expresaions consacrées,
/
1'-
,:!
" 1
kuma sign.:i.fi~
"répondre à" : n'té kumala f6r6 fè,
fa
f
,
' /
. à k'
ru
a
"k~
n
8.n
aura.~.t fait le to'.!r de mon cou". C'est là une menace que le
DIOULA. profère pour signifier qu' 11 est capable de Rupporter
les vexations et que sa réaction,
lorsqu'elle viendra à se pro-
duire,
ni en sera que plus v;.olente.
Cette parole longtemps conte-
nUe est mordante,
explosive,
donc éminemment efficace.
La maî-
trise préalable est à l'origine de cette accum'L'.1ation de force.
e ependant, on ne pourrait contenir indéfiniment une telle p2.role
/
{
~
sans da.nger pou:,: son équU:1.bxe pe:t'sonnel : ni n'ma kuma,
Cl.
bé
1
i , '
kè n'na ban'a yé = "si je ne parle pas,
cela me rendra malade".
Voilà donc 'Lme parole qui,
si elle n'est pas projetée au-dehors,
devient nuisible pour la personne.
Elle est liée à certains sen-
timents,
certaines émotions.
:n en eGt ainci de la colère, de
l'indignation ou du senHment de l'irjustice.
Cew~ qui ne peuvent
exprimer librement et publiquenlent ces sentiments-là,
sr expo-
sent donc à den maladies.
Cette ~.T~tuition populaire DIOULA
est riche de sagesse en matière de psychologie et de pGychopa~
thologie.
Elle pose en effet le problème de la conversation so-
matique et de la vertu thérapeutique de la parole.
Les guerris-
seurs DIOULAS qui connaisoent fort bien cette vertu,
en font
largement usage lorsque les remèdes ordinaires échouent de-
vant certaines maladies extraordinaires.
Ils concluent alors
1
1
1
1
par l'expression : a yé kÙE1a • (il faut) qu'elle parle. Alors,
-
de véritables entretiens psychothérapiques s'instaurent.
Le guer-
risseur vient voir le patient (qui est en général une femme,
- (~26 -
car dit-on,
ces "névroses du silence"
frappent plus généra.le-·
ment les ferilmes que les hommes).
La malade lui confie ce
qu'elle n'a pu e:r:pr:imer ailleurs.
Ces confeodons ne portent
pas seulem,ent sur les paroles que le sujet tient à dire et (il).C:
la société DIOULA. 11 oblige habituellement à dire.
Elle8 C0:1'::e.r-
nent aussi celles que 1'on ne tient pas du tout à dire.
Il s'agit
alor.; de fautes graves : rupture d'lnte"l'dita,
vols,
adultère,
voire même si ces vélléités ne (,:e oont jamais réalisées,
Tou-
tes ces conduites condamnées,
qui elles soient l"éelles ou fan-
tastiques,
sont autant de paroles qui seraient nocives si elles
ne venaient pas à être exprimées devant une tierce personne.
Dans certaines circonstances,
ces paroles retenues
sont sensées provoquer de graves accidents.
Aussi,
a'vant les
temps forts de la vie sociale DIOULA que SO:lt les :r:'ites de
r
l' exciSioJ~ ~u dJ
a~couchernent par exemple, les ""J.eiUes fem-
lues" (m,uso k~rtb,iw) demêndent aux femmes de ?a~ler. Le~
jeunes fillea qui vont subir 11 excision,
confess 8 ..t leurs incond:Ji-
\\ 1 " . /
tes précoces : Cfit;)g2>f:k>u "déno':ldation d'hommes".
Elles li··
vrent le nom des jeuneG ge~s avec lesquels elles ont eU des
rapports se::melA.
Rappelons ici que 1<.".. virg~.nité est une chose
sacrée dans la société t:c-aditbnneile DIOULA.
Les femmes
mariées avouent l'adultère dont elles ont pu Se rendre coupa-
bles.
Dans Ce cas la pan-\\J.e doit être ré'.pportée au mari,
car
seul le pardon de ce dernier peut purifier la coupable et lui
éviter les accidents qui pourraient se produire lors de l'ac-
couchement. A ce niveau donc,
la parole proférée apparaît
comme l'antidote dec actes désordonnés ou des intentions rIlor-
bides de la pe:o:-sonne.
Elle :,:,établit l'équilibre de l'individu et
celui de la société.
Mais à cet aspect positif.
s'oppose un as-
- 227 -
, f
!
;
1
i
..
/
pect nettement néjaUf : ni i ré fa1"at.i kumala,
woJ.9 l-:a 9} ou
" , . 1
1
encore maku k:>r" t.é lr?r?_ ce qui signifie qu'il est bon de se
méfier de la parole et "le des SOUE; du silence est incommu."·J.:Ï.{.;<l-
ble".
D'où l'importance du silence,
du. secret c/.: du mystèl'e
chez les DIOULAS,
Ici toute rév:§lation inconsidérée équivm·."i:
.
à une profanation.
La science et la sagesse elles-mêmes corn-
me nT.. l'a déjà vu,
ne peuvent être les objets d'aucune vulgad.-
sation.
Elles sont d'ordinaire rés ervées à un petit n~:m'lbre d'ini-
tiés comme dans la RépubEq.l.1e de PLA TON.
C es paroles sont
\\!
1 1 1
du domaine du lE ou du _kojugu.
'fi
l ' 1
b) Les paroles d'~ secret et du mystère
10 et kojugu
La parole ne pre~d sa pleine valeur que m.artriaée,
dominée.
Cornme le secret valorise la connaissance,
Je silence
valoris e le verbe.
K~j'~8u désigne en génér2.l tout ce que l'homme ou la
femme D!OULA doH garder dans le secre);.
tout ce qu'il ne doit,
pas divulguer,
ce dont il ne doit paF> parle::.- 2. un.e tierce person-
. ,
"
ne.
Une person~'le qui se révèle ca.pable de garder le ké.ii&..u cst
sensée acqv.érir une so:r:-te de densité morale et sp:i.rHuelle par
ce fait même.
Il en résulte que le DIOULA ta:'!. ra généraler~'"lent
tout ce qu'j.1 nI est pas nécessaire à ses yeux,
de dire.
Lorsqu'-
il est obligé de parler.
il ê.ime à Si exprimer par énigmes
d'où l'importance des mots couverts,
des analogies et des pro-
verbes rnême dans les conversations les plus banales.
CeJ.a lui
permet de parler avec cette sorte de pudeur qui laisse aux cho-
ses leur. dimension myoté:deuse.
Les en.fants désireux d'at:qué-
rir ce pouvoir d'être cec:i:"ct,
créent souvent du lljav-anais" dont
- 228
-
eux seuls connaissent le code.
Cela leur pe::omet de comm.uni-
quer. entre eux sans que personne dlautre ne corrlprenne le con-
tenu de leur discours.
Cet uaage par les enfants de langage::;
artificiels (de "javanais ll ) poursuit un triple but; d'abord lem.'
permettre une so:;:te d'évasion ho::..·s du système de corrnTIuni.ca-
tion habituel,
vers un autre dont ils ont l'impression ou plus
exacte:nent l'illusion d'être les créateurs et les maîtres,
en-
suite les familiariser consciemluent avec la manipulation du se-
cret et d'une connaissance rése:rvée à Ceux qui détiennent la
clef du code qui en ~égit la communication.
Enfin,
stimuler
l'intelligence grâce à une gyrnnastique orale,
qui sert d'intro-
duction à l'exercice de la pensée et lui confère une plus gran-
de mobilité.
Plus tard,
lorsqu'ils auront] 'âge d'être circoncis,
ils auront enfin lloccasion de porter la responsabilité de vérita-
bles sec rets.
Llopératio:l chirurgicale elle-même et les ens ei-
gnements raétaphysiques qu'on dispense a P.occasion de la cir~
concision,
doivent rester secrets.
Cl est le l i O'le nous tradui-
-, i fI"
sons par "mystère",
pour le distinguer du kojugu qui conserv\\~.
encore quelque chas e de public,
qu'il tient de son caractère
profane.
Le l't tient du sacré.
Les plus grands malheures guet-
tent la personne qui le d:i.vulgue aux enfants et am::: feJ.umes.
Les personnes que lpurs activités mettent en :'7apport avec les
forces surnaturelles,
doivent plus que quiconque garder le se-
cret des chooes.
Le guerrisseur ne révèle jamais le nom des
plantes dont il se sert.
Les mots qu'il prononce en l~s acin'li-
nistrant sont généralement inaudibles car n en va de l'efficacité
même de sa médecine.
Chez les nIOULA on est guerrisseur
de père en fils.
Cela favorise le caractère mystérièux de cet
art qui fait d'ailleurs 11 objet d'une initiation souvent tardive.
- 229 -
Le père n'initiera son fils que lorsque ce de:ï."!.lier aura atteb.t
un certain âge et qu'il anra fait preuve d'l.'.ne cc~ta;.ne force
de caractère.
Si entre temps,
une mort subite le f:r:-appe,
il
(le père) disparaît aver. le secret de sa science.
Cf est Jà " .
e,,1.-
demment un aspect négatif de cette conception des choses.
Si l'on va plus loin,
on pourrait dire ç'l..'..e dans la
société D:tOULA,
on parle par mythes,
contee et légendes.
Il
y a a.!;~ssi 'I..'n 'I..:.sage cons;.déra'ble des onomatopé~8. Il ne s'agit
pê.S,
pour les DIOUl...fi_,
d'analyser,
d'expHqueJ:' les choses,
de
les vulgaris el" mais de les ann:,nc el.' BOUS l.me forme enveloppé~.
Ici,
l'idéal serait de ne pao du tOU.t parler, <:.\\.iID-si on pourr<l.it
conserver at.1X choses leur réalité (car c'est en pa::,lant qu'on
interprète).
Un conte DIOULA faH allus;.on à des démiurges
qui ne parlaient q:~.lune fois par an.
Leur souci était justement
(~J éviter !;;-. déformation du r-éel pal' 1.me parole trop fréquente.
Tout oe passe comme si a.ux yen:;;. des DIOULA,
n y aurait U-:le
harmon;.e préétablie des chose~ qu'E faut respecter.
Ce qui est
dessous do;.t reste:.' dess0 1.ls et ce Q.u~ est dessuc doit rester des-
sus.
Clest en fin de compte pO'u' e'.l.X,
le sens des choses.
!vlais
il y a par.fois débordemer.t.
En tant ç'J..e dévoUement,
la pa1"ole
,1 1
·41 ,/
tire '!ers le dessu~, ce q.'.1i ét"'.it au-dessous.
KUE:l§':.-!~ few
.'
'
/ i
korobola = !lc' est J.a parole qui fait sortir. le fond des choses ll ,
Elle en révèle le sens,
elle exhume le dessous.
C'est là pré-
cisément le désordre,
la rupture d'harmonie.
Nous co:mpre-
nons alorc: pourquoi lé'. parole est arrugant:e,
C'est e!.l tout Cê.S
cette concepHon fondamentale q.u..i. no '}.S permet d'éI.ppréhender
dans u..... e seule et même intuition,
des faits apparemment hét·s-
rogènes comme les inju:'es et les louanges.
- 230 -
~/'/
c ) La p~Eo1e i.njudeus e (~j.)
Il est des choses qui font partie de l'intimité de J.a
peroonne chez les DIOULA : pal'mi elles,
le p~;énorn et le8
organes gén~.tau.x,
J381 les
inju~:es les pIns gl:aves con.sistent
à nommer les organes génHam:: de l'inter1ocuteu.T.'.
Ce qui p!.·o-
voque p!'esque toujours de violentes réactions.
Cependant,
il
est é'.U moins den.x caB CJl~..i. font exceptions.
C' est en_E~l!J.ie~
lieu celui du dialOGue entre IIparent8 cu alliés ~:t pla.i.santerie'!.
Le second cas est celui où l':injure pre.~d le sens d'Une invite.
L'injure Cl. alors 'me intention agressive.
Elle est géné ..
ratrice de désordre.
Elle est une v:1.01ence contT.'e la personne
d'aut"'ui.
Cette violence 3.ppelle consciClument une L vio1ence de
même ordre.
En nommant 1euTG organes génitaux respectifs,
les partenaires DIOULA exh:i.bent par la parole leur intimité.
C'est là un acte c1oublerneT.'t d§sorc1onné,
en premier lieu parce
qu'il e!3t un C.ort1.portement. anti-toda1 ; en deU1dème Heu,
pë1:'~e
que l'on f,:dt uSê.ge d'un 1ang'lge p?.!' t:>:op natu:;:el.
En fait le
désord:re fon.dé.\\menta1 COD.silJ"i:e à nier le temps qu'c~~ge tout
échange h."\\'1,ffi<,,:1.n.
J....'~.nju.re t::OT.nrnc il1.v3.te petT.o.et de brûler lc[;
étapes.
Dans le. même ordre d'idée,
il est :i.Trcspectueux,
voire insolent d'ô.ppeler qu.e1qu'1.m de respectable par son pré-
nom.
Il y a aU1:: yeux des DIOULA,
comme u:!J.e connection
réelle et phydque entre Irhor~'1me et son prénmn.
Prononcer
\\t
le prénom,
c'est agir S1.1r l'âme o.9;:,},
la provoquer,
la con-
t:raindre.
Pour évitBr cela,
on es?: obligé de faire t:.:-ès souvent
i
.\\
usage de pé!'iphraseG ou du nom claniQue .Lia~1 A;nsi l'acte
de nommer apparan,
du point de vue que nous venons de con-
- 1.31.
-
sidérer, comm.e arro2û.ur.:e et com.m~ décordre.
Comment expH.-
quer alors la parole de louange qui consinte à. exhalter non
f i l
!
sel.ùemen.t le nom (~~j~~~ ma~,s :mcore le prénom (makj.~i) ?
;'
1
(
bo>· par,9lr d~ louange, m8.kL'~. et m2'.,i2.m~1
C et aspect de .la parol.e est conf:i.é ?ar l::l société
..
,
l':.'0U!--IA ê,'l.~r. 8'7:;;::-1:5 (5-,?L~t?!': q\\.'.:i. ô·F.:''?rc,i3scnt. ~.:,:,J.~i comme ~.e?
[l:(}'~Çi2Jjr::t8S dE:,r; ~.o')2.?lBeq,
He pe1;t."7E'r.t r}v>..r'.t2!:' 18.9 lcn.?nges d'une
1
; /
~
i
'
.'
P ersonne en exhaltant s,on l':,:'éno:m.. (k1:l. r.1'!.~g~ maki ri) ou son nom
.
/ 1
/ '
r--'---'-' - -.....'-------.
clanique {ka mi>~ ma:i~~Lp.2:0. Dans ceE' deux c ..\\C, la personne
intére3née éprouve .Jouvent \\LT1 sentïm.ent d'orgueil indé!'}.é'.bl·:;,
de là des libé!:alités financi(,;,:es souvent r.1Ïneus es.
Mais il
sorte de gê:ne,
de t),L'.è.eur 0"..1 d l 6::.'l':l1.'Vement.
Ilr:> 8' emp..'esseD::'
alor.'.:' de donner. \\.'':1 cadeau au G;:d.ot peur le fai:::-e taire.
Da:;'l,:}
tous le3 cas,
51. ~r ?
un :mala:!.se '?1J.e les cade,,'.l.'..x et la. Hn c1e~~
lc.nangeF; d~s;;~i;::en:. D'où ',ien/!'ce ma12.ise ? Ea exhaJ..t(\\.}:~t le
p~:énom. de l';on hÔ'~e, le griot' fait de celui-d, le cent:;:e d'un
d'::lut:r'es.
En exhaltant [lon nom. c1n.nique,
il fait de lu:l.. la fin
(au sens de HnaJ.ité) d'1..m~ géné<::J.;)gie épique dont la perconne
inté:;"es:Jée n'est PQuvcnt qU'UiJ. xnm.'nent Ga::lZ éclê.~,
Il y a là
comme lllle di::tQn::~.')n des rappoT.·,:;s,
un", nsurp2.tioI:'. cil'. nom
claniCJ.ue.
D'oll les di-Terses T'éactionr de ceu:~ pour quj. le griot
ché'.?lte : b:ritation,
pudeu:-..· o·c. orgue:.! selon les car2.ctèretl •
Tous ces m.ouvemen.-';e d f h1.:.:'ueu:Z' vL:mnent de l'intuH~on ph.'..8
ou moine confl~s8 de cette distorsion cl.cs rapports sod.al,L"{.
Ainsi donc,
la parole du [::rbt dérange d
tr2.nsforme les rap-
- ?32 -
ports naturels sodaUY. ~t mo:':'am:: ,:,le9 Ê:tres et des choses.
On
compr.end dèc lors que la nuit so~.t le mo:rn~nt le plus favorable
au déploiement de ce verbe.
Une des règles lec plus con-;:ta:ües
que nous avons déjà signalée par ailleurs,
est c elle qui obHge
certains échanses à r-e se tenir CJ.1.1'ap:.:,ès le cout::heT du soleil.
L'enquêteur qui ignorerait cette obligation SI exposerait à la
même aven';;'}:':"'e 1,...e Ho J...P..BGUJ1ET qui X'.0~ait : l'j';>.i cru. pen-
da~t'.l~ngt('mpp ~,-,I D. n' et(Df;a;~' p;>.c .~1c li~f;~:::'at1~:::e or2J.e en p~yr
L .,m,4}A
(';;:'-
,te
........ o.r,.·I,,-::è.<;
'•.." ....] .~. _.". l' 1-1~...., ..... , '.." dc>,~
.-. _r.
à'l'f'F:'(:"'~'b'" 'j')'>-n ,:,".:.",.",-1
•• • • J . . . . . . . .
ç ,
" " "
'- ...•-'._.1.1. ~ ..
(....••
"'~'''''''i'V'''7'
pC',
",
",
","
~ .... ~.
des ~.nfo~mateUJ7S et ~ me doc'}.mE.:i.'l'teT SMJ\\ce f'ujet.
C'est seu-
bme nt apJ:ès plus d'un an de séjour que Je recueillis les p1:'e-
miers contes . . .
Je nIai plus eu de difficultés pour ré').ru.r .....'n
nombre assez grand de récits dès que j'ai pu les recueill:i.::
dans les trois p:·incip~.les l?ngues 1.:Jcales et SUJ:tou~ I"1-.mnd je
me suis ô.visé çu.til étô.H: ;.ntsro.:'..t cl,,,: conter de o1ou:::, , ,.
Je nIai
pu savoir pourqlloJ. il é\\;él.it inte::~è::.'i; de r:onter 2. -nain:> d'êtr<:' dans
U:D.8
ob8'~udi:é :>:'~J.ative" (1). A J.::I.. b.m.~ère de nO'~:re é'.naly:::e de.n.s
interdj.t de cor.te:>:' de j00Y,
:0:1 1101.'8 faut ajou':er anssi ::.~'~~' en fait,
sitj.on soit fai~e chez les DIOUJj.,. de Côte d'I-v·o:il'r:;,
asse?, sou-
vent,
ent:':'e les histoÏ:;.·e3 ve:ddiques O~.l consici-Srées comme tel-
les qui s'accomodent du jou!',
et J.'ë:S rédt~ 5.:r.laginaires (consi-
dérés comme IIrnensonge:rs\\' 01.1 symbc-1iques) i:iui ne doivent
êtr.e d~.ts que dans l'obalèuritéo
La parole de louange,
dans la
mesu::e où elJe
:?l.ppara1t"'dans ~.3. bouche du grio:c comm.e
irllaginaire et "mensong(~re", ne pourra être prof6ré8 que de
(1)
H..
LABOURET--!.
Le rÔ.rneau LOBI,
1931,
p.
200
- 233 -
nuit.
Cette opposition peut jouer pa.rfo~_s à un niveau plus P}~o-
fond encore. i\\ins~., r.hez les BA MBARA 1 les textes récités par
les griots de KELA (Rép'\\;.blique du MALI) au moment de la
cérémoni.e septénale de KANGABA,
sont dits exclucivement
pendant la nuit et doivent cesser au levé du jour.
Ce~o. s'ex··
plique par le fait que les textes de KANGABA concernent la
descente de l'a.rche mythique et des premiers 2..ncêtres,
des-
cente qui est J.a représentaHo::l symbolique de la naissance et
a. lieu la nuit (1).
Il nous rer;te maintenar-t à cor.1idérer deux autres C1.S-
de~ DIOULA
pects de l'attitude/vis-à-vis de la parole et de la. pensée exp:',id.-
tée en parole,
ceux que s:i.gn.ifient respectivement les mots cl
1
et ko.
/
e) La ~~ole dite
fe$)
Si la parole app<'.raît souvent comme facteur de clésor-
dre,
il nI e7'. reste p~s moins vrai qu'elle s'avère parfois capa-
ble de rétablir l'équilibre qu'elle aVé'.ft d'abcd comprom~s. Ni
!
1
i l !
;,
,
i
lCl_ka. ..E:_~...nl."t'~iLtu.i;;."L = "c! est moi qai l'ai dit, je ne le dis
}":;"18" •
Nous ::: 'ë;·r.r.on70ns ici le procédé d' annclation :,:,étroact~.ve
que nous éwons signalé avec l' exp~.. e8sion E:'kin té né mi, n'ka~
yé n'yèrè lb ~{ (ce nI est pas à toi '-lue je m'ô.dresse, je m'a-
dresse à moi-même).
En dehors des cas où ce verbe a peu.r
complément d' obj el'; dÎ}:ectJ(~!:n~ et Ot' il Gignif:i.e "dire" ou
l'proférer la parole" comlZW dans k;{ kJ~~ fIl il signifie
"dire du m3.lll •
(1) G.
DIETERLEN,
1955,
p.
73
- 234 -
EXEMPLES
1
1
r
1
!
N'ma fo ~ogo rna = je n!ai dit (du mal) de personne
N'ma kè mogo l~ = je nIai fait (du mal) à personne
Cemal sous -e:)tendu ici devien'~ explicite dans le mot dérivé
ma.'fa'lii ou mo'gb k~r~ f~li (la médisance). D'où le contraste
entre les deu::: significations de la parole fo'.
Cn retrouve éga-
/
lement cette ~mb~.guité sémz..ntique dans le mot ko',
/
f) La parole dite
Kü
Ce verbe est à la fois "ill.~ verbe et l.ù~ substantif.
En
tant que verbe,
il ~ndique l'a.cte de parler ; i ko di ? (q\\.18 dis-
.
,
1
l'
:
\\./
l
.'
1
l
:
~,
:"
.,~'
, . .
tu ?).
N'l,o ni yé basa yé jotigi karanân a nya bé a ku bo yaro
li. (je dis que si tu vois un lézard en train de se coudre un
ca.leçon ,
CI est qu'il prévoiera le trou par où sortira sa queue).
Lorsqu'on ni a pas compris ce que vient de dire son interlocu-
1
teur,
on dit i ko' di ? On peut solliciter aussi son avis en di-
sant: i koÎd;, WO~ê~"? (que dls-tu,'1.e cela ?).
En tê.'~it que substantif,
K.Ü prend 'l:l l''ens très vague
!
et signif~.e "chace"
~:::tn'3 l'acception abstraite de ce terme,
Kow
~
i
,.
bara gbèlèyà :: "le8 chose:, sont devenues difficiles".
Il
a
aussi J.e G,ens d'affaireü.
de prs<.;·..;c1;.pationr-:.
de besoins Cl est-·z,.-
dire tout ce ql'.:l peut toucher de près la perzonne.
Wariko : "affa.ires d'argent" = difficultés financi"3res
éprouvées par quelqu'un
.J"f
Den ko : préoccupatione ayant des rapports avec la
fécondité
- 235 -
,
( '
!VillaO ko
"affaires de femme",
il s'agit de préoc-
cupationD sexuelles
d'un sujet mâle,
tar..dis que cèko,
que l'on
peut traduire par "affaires de m;;l:le",
désigne les préoccupations
sexuelles d'une femme.
i
r
Mako est aussi le besoin que l'on peut avoir d'un
..
J
objet,
d'une chose et même d'un être humain.
N'mako tè moISE..
i
1
/
i
1
la t1;!g~.jje n'ai plus besoin de quelqu'un).
Mako peut enfin dé-
signer les intérêts fondamentaux d'une personne : ~@j.w bé i
!,.
1
1
, . ;
/
ma.ko sa ni tali wo ta k~ma m.a = "les griots tueront tes af-
faires si tu suis leurs paroles"
entende:!. "l~s griots te ruh1e-
J
J !
1
!
ront ... ".
Doro bé mogo m?ko sa = l'alcool tuP..
Dans un sens plu.s précis,
on dira par exemple d'un
j
•
l
,
f
hom:;:ne atteint d'une impuissance quelconque,
wo ka a. mak6 sa =
on l'a détruit.
On retrouve ici l'idée déjà formulée par ailleurs
selon laquelle,
la culpabilité en milieu DIOULA est très peu
intériorisée.
Le mal me vient toujours d'ailleurs.
1
KO désigne donc toutes le8 préoc.cupations hUInaines.
Il suffit de le suffixer à un q'....elconque nom de chose,
d'objet
ou de personne.
En conclus~.on, on peut noter que tout au long de cette
analyse,
une dlOse se dégage,
la conception péjorê.tive que les
DIOULA ont de la paJ:'ole.
Celle-ci semble en effet symboliser
à leurs yeux,
tontes les possibil:i.tés de ruptu~'e
d'harmonie
et de désordre (arrogance,
injure,
mensonge,
dévoilement :m-
considéré de l'êt::e et du savoir). Alnrs moins on parlera et
mieux cela vaud:.:a.
Comme on ne peut se résoudre au siler..ce
(sous peine de tomber malade) il faut trouver un langage sobre,
mesuré,
châtié,
énigmatique pour transmettre ce que l'on sait.
D'où l'impo:r.-tance des proverbes,
des contes,
etc
Enfin,
- 236 -
certaines paroles doivent être définitivement bannies de la
bour;he de ltPhonnête homme", celles q.ue l' 0:1 utilis e pour flat··
ter les sens,
l'imagination et les passions (hormis la colère
et le courage qui sont valorisés dans la société DIOULA.) ;
celles qui SI écoulent d'une "bouche douce lt et "arrê.~'lgée" pour
séduire.
2
pu
0 /
rôl.e des pr5)Verb~ieux de mots e!:.-E1é.!9:..:.
phor.-es da.ns la t.r<:msmir:-.sio:t;l d~savo:ir.
De.ns la transm:1.s oi.on du savoir chez les DIOULA,
signalonr; que jeux de mots,
à peu près,
calembo1~rs et
pseudo-étymologie règlent le jeu de la plurisignlfication des
mots donc leur richesse,
J2S
proverbes ramassent en une
courte phrase métaphoriqt,fE..} un enseignement d'autant plus
indiscutable qu'il est proféré sur un ton pérentoire et affir-
matif.
Jeux de mots et proverbes pris au pied de la lettre
deviennent ainsi des déf:i.nit:i.ons do·dlr::ment acceptées.
Toute~:
ces form1.:'.1es ressassées jou:rnellen~ent, aSS11rent \\.m certain
automat:i.sme verbal et établ~.8se,W\\i\\{ des liaisons entre les di·
vers élétX'.'=.mts de la phrase.
Selon :[. B.~ERNfd\\iT, "les rè-
gles de la composition chez les grecs andens exigent que le
char:.teur dispose non seulement d'll..n canevas de thèmes et de
récits,
mais d l u.'1.e technique de diction formulaire qu'il util:i.se
toute faite et co:o:-nporte l'emploi d'ex.-pressions traditionnelles,
de combinaison3 de mots déjà f..u:és,
de recettes établies de
ve:rsification" (l).
(1) J.P.
VERNANrf,
"Aspects mystiques de la mémoire en
Gl"èce" in 1I1.~ythes et Pensée chez les Grecs,
Paris,
Maspéro,
1971,
p.
80
- 237 -
De même, chez les Chino:ls,
3e10:1 Mar.-::el GRANET,
"la litté-
ratur8 eGt fon.dée sur des r-entons.
Q1.'..and ils veulent prouve:r
et expliq1."..er,
quand ilG songent à raconter ou à décrire,
les
auteurs les plus originau.x se servent d'historiettes stéréoty-
pées et d'expressions convenues puisées au fonckcommun (... ).
La poésie chinoise aime à se parer de toute la sagesse et de
tout le prestige des proverbes (. . . ).
Les sentences allégoriques
,
révèlent l'ordre de la natnre et pê,r suite dévoilent et provo-
quent le destin (. ... ).
Si les au-ceu:'."8 s'appliquent 2. parJ.er
par proverbes,
ce n'est point qu'ils pen;.;.ent de façon commune,
c'est que la bonne façon,
et la plus fine,
de f8.~re vn.loir une
pensée est de la glisser dans ll.'1e formule épro"~"'7ée dont eHe
empruntera tout le crédH.
Les centons possèdent une corte de
force,
neutre et concrète,
qui peut,
de façon latente,
se parti-
cula:dser à l'infini,
tont en conservant dans les appl:ications
les plus singulières,
un réel pouvoi r d'inviter à "agir" (1).
C es considérations à prOfbs
des Grecs et des Chinois sont
valables pour la c:i.viJ.:i.sation DIOULA et nous ODS ervons que s' é-
tablissent chez etu,
des liaiGons grâce aux jeux ve:rb'l1.."'..x deE:
doubles sens,
beaucoup plus perc8fnbles à l'oreille dans le
l8.ngage,
qu'alu,: ye\\~x dans la choce écrite,
au:: habHudes de
langage,
aux incipHs des histoires.
Avec les métapho::8s,
nous abordons un des éléments
les plus précieux de la langue DIOTH.A pour t~:ansrnettre le [':ê.-
voir,
en ce sens qu' dIe3 sont nombr"'uses et fort usitées.
0;:1.
rencontre avec les métaphores,
l'anthropomorphisme qu.i in-
(1) Marcel GRA.NEt cité par P.
VERGER in "L'HOMME",
Paris,
r,/Iouton,
n° d'Avril-Janvier,
1972,
p.
5-46
- 238 -
vestit la nature et les choses d'une humanité et la choe:t.fica-
tion qui apprécie les sentiments et états d'âme de Ilhomme
avec les qualificatife réservés,
en Frincipe,
au monde inan5.mé.
En tout état de cause,
les métaphores rétablissent la p~ renté
cosmogonique des êtres et des choses-la nature-que la rnét2.phy-
sique des Il so ciétés antér:ï.é'~l·es" a matérialisé dans la "toute
pu;srance des idées fl décrite pal" FREUD d,ms "TOTEM et
TABOU,i.
Voici quelqu.es e~'emples de métaph:):;"es DIOULA
.,
~.if 1 /
~
I~no
~<I'(
)
/
bo!'"i
1
)
kDnf)
ventre
bClI·i ~ court
pour dire diarrhée.
-
1
1
Kuma k~rb
kuma (parole)
koro (dess01.w)
pour cUre le Sens profond
de la parole.
:
1
i
i
Musa sigi
sigi (asseoir)
musa (fe:mlne)
se marier.
K~J.~
:
sa
Y.2.lo (la l'",J,lle)
sa (mort)
fin du moL].
,
1
Jusù gban
5U5U (coeur)
V
(
)
gb2.!1
chaud
pour db: e mécontent.
1
;
i
\\ .
!
Jusu suw.a
jUGU
(coeur)
numa. (-froid)
pour dir e bon co eUT.
L'usage fréquent des métaphores appdle lui aussi
U:-1.e réflexion.
Pou.rquoi ce foisonnement de métaphores daM,
la langue DIOULA
?
Comment se fait-il que l'entendement
- 239 -
DrOULA ait cho:i.si comme véhicule privUér,ié du savoi:,:"
la m.6ta-
phore ? On est tenté de croire que c'est l'ordre normal des
choses que le raisonnement DIOULA inverse et rend particl.ùie:'.
Si la langue DIOULA. expdme la culture de ('.eux qui l'ont créée
et la parlent,
le choix du moyen de la métaphore s'avère :b::d:;.-
catH.
En effet,
l'unité de la natu:re est un postulat que les
DIOULA prouvent par l'attribution indifférenciée ël.U..X êtres et
aux choses de la conscience qui s'attache à leu:!' état,
Les soi.ns él.pportés au d:i.::;cours pa~ les MANDL"NGUES
en général et par les D!OULA. en particulier trouveraient leur
justification dans leur volonté de faü"e de la la.ngue,
l' ou.til pT:.
mordial des rapp:JJ:t-s s'edam;: (beaucoup 3avoir et dire peu,
tel-
le doit être la conduite d'l.Ul hom.me de vertu),
mais cette vo-
lonté ne pouvait pas écha.pper à la foi dans ICI. puis sance du c1éGi.!f',
que FREUD a appelé "1a toute p~_1is~ance des idées".
Les hom-
mes,
dit FREUD,
ont pris pa~..• erreur l'ordre de leurs idées
pour l'ordre de la nature et se Gont i:maginés que puisqu'ils
sont capables d' exerCer un contrôle sn!" leul'o id~es, ils doi-
vent également être en mesure de contrè).e:.:'
les choses. Le
pouvoir ainsi attribué au mot,
à la parole,
en faisait ainsi
u.n moyen pratique d'5ntervention dans l' organisaHon de la vie.
"La parole qui contrecarre la puissance expansive de la vie"
chez les DOGON,
comme la parole des forml.ùes magiques qui
donne l.Ule ve:t.'tu cu~,'2.tive /J- la plante médicale'l est en tout point
comparable à celle du ~5.~~ (injuTe) e.l'du d~g: (mauvais r.ou-
-'-.rI
.
--
hait) des DIOU1..A.
Le !1_gni~J. comme on l'a déjà vu au cours
de not re étude,
consiste à proférer des phrases ou membres
de phrases nommant ouvertement leB parties intimes d'une
personne ou à mettre en scène des obscénités qui ~.m_pliquent
- 240 -
des partenaires sacrés (parents directg le plus souvent).
Quand
, "1 • !
par e:;.:emple,
le DIOULA dU à quelqu"ln : l'm'bé i fa ka/a t~.gèll
(je m'en vail: couper le phallus de ton père),
l'intention de
supprimer la sou:::'ce de lô. vie est manifestée.
Mais quand il
1 V
"1
IJ
dit simplement IIi fa kayal!~ (le phallus de ton père~, l'inten-
tion demeure identique à la première mais ici,
il s'agit de
contreca.rrer par la parole,
la seule parole chargée de désü:,
sanS promesse d'a.çtion,
ia puissanr.e v5.ta.le qu'incarne le ph.al-
1 1
v
lus.
C'est un autre mot
cl
.
1"
.
1
f
ang~. Qm. exp 2cl.tera -:rneux
a
O:i.'.'-:;-
---.'-'"
~
1
tion de la parole chargée de désL' o
Da'.gG'.,
en effet,
sign~ne
"mé\\Uva:\\s so\\.mait".
On dira par
----
ey..E:t.;:lple,
à propos de que!cf'J.11ID
qui ne réussit en rien ou qn:t n'a p~~ S beaucoupte r.har~.ce dans
i
l ,1
(
sa vie sociale ou P/Of8ssionneHe ,
n'Vo ka a da.ng?-II (on retrou-
~
l '
'"
•
..
• •
"
ve dans ce mot danga,
le prefJ.~:e _i~ qUlslgnlf1e let l'bouchell ) =
on lui a fait bouche pour dire nn ê. été atte5nt par l'2s maléfi-·
/
;/"
CeS de 12'. parole,
on lui a jeté le mauvais sort ll .
Le _d~':p~~_
est aussi 18. parole nocive,
le "mauvaLc:: Aouha:i.tll q.u'u..'1. parent
peut fa:i.:!:e à son filB ou à Be:\\ fille dé80béis Gants ou insolents.
Cette malédiction est considérée par les DI0ULA,
comme la
pJ.us dangerel:'.::;e pa.::~ce qu'clle vous G1t/toute votre vie dUl'ant
et se substitt'::: à vot!'e destin.
Le d~~ peut être cependant
lloeuvre d'une pe!'eonne 'lL\\elqconque de la s075été,
pourvue
. 1
quI eUe so~t pJ.1 âgée que celui à qui son d~ga_ s'adresse.
Quand le d:fn::;-'l,''lt l'oeuv~e d'u..11. sorcier ou dtun marabout
il de-vie::lt l:~E:yj.:o.i (chercher le visê_~e) = envouter1.ent.
Les DICUIA utiJ.is ent deux autres mots dê'.U3 le Be!J.S
1
de :ht "p"l.role nocive ll ,
ce cont les expressions da (bouche) ct
~-
ni: (langue) que nouS avens an~_lysé par ailleurs.
Cette Iltoute
pubtJô.nce des 5.dées ll
féd.t jouer un rôle t:..-ès hnportant à la
parole chez 1e3 DIOULA.
- 241
-
En conclusion,
on peut donc dire que l'utilisation de:;
métaphor.es se justifie par le fait qu'elles constituent des anten-
nes d'une métaphysique qui apparente tout l'univers,
homm,es,
bêtes et choses;
Si,
comme cela 4jr~pparu dans la forme de trans:mis-
sion du savoir,
il ne s'agit pao d'analyser les choses,
de ).es
vulgari!:ler,
mais
~.e 1er:; annoncer sous u.... e forme enveloppée
et ambieüe afin de laiscer à chacun la posDibilité d'interp='~
ter ce que l'on a dit.
Si le conteur DIOULA vous met devant
une situation expoDée de façon mythique- (qui reste à expliquer),
s'il ne vonD dH pas tout/mais
vous laisse la poss:i.bUité de
t.irer de son conte,
un usa8e personnel,
comment un message
peut-il être t!'ansmis d l 1.U1e personne à une autre,
d'une géné-
ration à une autre sans qu'il soit déformé ? Cette question
est d'autant plus importante que le texte des contes (t,{l'-)
nI est pas fixé par écrit.
L' odys ée est une tradition orale mis e
par écrit.
De ce point de vue,
on peut' dire qu'HOME.RE a été
sauvé.
Il en est de même pour PLATON.
Mais que reste-t-il
du messo.ge originel que v6h5.cule par exemple les proverbes,
mythes et conten DIOULA après h\\ longue chaîne de tra.nsmis-
sion qui est son destin ?
Ce messa8e se tranforme-t-il au
point de devenir définiU.vement autre ?
Ou bien existe-t-il
des "schèmes" relativement stables que l'on développe en des
récits singuliers sans les modifier ?
Ce sont à ces différen-
tes questions qne :nous es oayerons de répondre au chapitre
suivant.
- 242 -
CHAPITRE
V
LANGUE DIOUU ET CONSE~.VATION .oU SAVOIR
J. 0/ La :r:ègle de "l'appau'ldssement eSGent5.el"
Dans son analyse des chants et formules
qui OUV1'ent les contes mandenka (1) et les c!ocent,
Sory
CAlvf-\\.RA (2) signale que "cornlne le devin,
le conteu1" menden-
ka nous décrit le spectacle que lu;' se'.1l est censÉ G\\.",·oir Vl1;
mais à. la différence de ce dernier,
le conteur veut nous faire
découvrir son mystérieux Hi.Üvers ; il veut nous amener à le
voir,
li ne faut donc l'écouter que pour voir""
Ma~.s que fa.ut-~l
,
1
1
1
v':Jir ? Tout ce que le r.onteur (t~l~nlàla) dé-::dt ? Pas pour
l'instant; car il s'ag;.t avant tont d'appréhende:r. des représen ..
tê.tions collec',~iv'2co Or,
comm(~ nO\\~.2 l'avons dit plus haut, let·'
,-
t~len (contes) sont objets de tradHion orale, et chaque texte
doit êt;:e ~onsidéré comme ur,8 interprétation singl1Hère de quel-
que chose qu.e le conteu::.- n'a pas inventé,
CI est précisément
ce quelque chose qu'il faut voir d'abord et q\\.1.e l'analyse dDit
séparer des interp!'étations individuelles, Aussi faut-il repré,:"
senter le talen à la man:cère d'u."1 ch'ame,
dans le temps et
l'espace ; un drame muet,
q,.li serait dépr,uillé à l'excès,
car
nous sommes de,ns l'im.agini'\\ire pur,
comme l'analyse de l'art
du conteur le révèlerait : êtres et chosea devront se réduirent
à des traits essentiels,
car cela seul est susceptible d'être
(1) Mandenka = gens du MANDEN c'est-à-dire : !v1alin1cé, Bambara;
et Dioula.
(2) S.
CA Iv1ARA,
Paroles de nuit : pour une anthropologie de l'ima-
ginair.e,
te;....te polycopié,
p,
6
- 2-13 -
transmis de bouche à oreille,
de géné:!."ations à générations 8211S
altération.
Toutes les paroles,
toutes les descriptions singuJ.iè-
res ne demeurent que le tempE: de chaque narration particu1.:i.B:r.e
nul ne saurait ou ne songerait en effet,
à retenir le texte in'i:6-
gral d'un ta.len.
Un même con;,eur ne se répète en général jamais
!
exactement.
On à. ev1'2. dŒ1C s;:;hémat:i.Ger Je ~.J.er.. en lui faic?.nt
subir un 'lIappauvrissement essentiel l '.
Cet appauVriGSelnent ne
doit ::ependant paR êtJ:'e i:t'réve~:3:i.bleo A pa:::"';jr d,l sç:hème ainsi
obtenu,
on doit de nouveau conter le même talen.
Or,
ce q'ne
l'on "voie' alors,
ce sont des êtres
e:1 :inouvemen"1: les U~.18 par
rapport aux autres clans 11 ecpace du conte,
ei: dont les dép1ace-
ments G' ordonnent dans le temps.
E 8 sC'. ;.ronG mainten.ant r,.veC Sory CA JlvIAR.A, de rneto'::r e
à l'épreuve cet~:é règle de "l!~ppauv:risseme!lt escentiel'i en
l'appliquant à l'analyse de qndquea contes ma.ndenka.
n se:nb1e que les talin DIOULA se regroupe'.1.t pCI.:ê
"famj.lles l1 et que lors den na:...'rations,
Ce reg:-:o'.1pernent â
lieu
tout na·i:ureliement.
Le conte1.::r,
après les formules ::l!introc1uc-
tion,
annonce iG1méd:l.ê.temeni: le R!J.jet : II C ' ét?it une fille.
EUe
i l . '
ne voulait pas se :narier ..
(:3Ung1..~n~
0
\\1
cl)
b.h la. ..0. ko iLté
hlr~ ...• )
Par un phénOluène dl cn~raînement, les
cor..te1..'!.1"D
sui-
vants sont généra1ernent té:ltés ci,; rep!:'endj,4 e le mêlue thèn~ç,
d'en dire d'autres val':o.ntes.
On découv:ce alors q'l:e le refus
du mariage constitue le sujet d'un nombre considéra.ble de
cont-28 chez les D~OT]LA et les IvLANDU'-TGUES en général.
On
- 244 -
peut <'.lor.s se den1.ander S), ce reg:l.·011pernent repose su:!: une
organisation shnilaire des réciè::; en qu.ection.
Ces dernie::.-tl
se développent-ils selon un schème analogue ?
L'hypoth?;se
que nous formulons ici est celle d 1u..""1e correspondance ent:r..:;
les thème:,; deE talen et lel.._ s schèmes.
Peur le vérifi0r,
comn'îençons par n'îontrer que 181"
contes DJ.OULA s'organisent toujeurs dans un temps et dê.nc
un espace singuliers.
PO\\:,,~~ ce fa.ire,
exarn5,n0ns J.eR talen nui-
vants :
cl
;
1
1
f
Mari dl') tun k?
r'l,.;,riguru i\\uu.
l'JI ga à. tùn bana ko a t< tagél. a
c\\ so.
A tun dégira 1':3: tàg~ t01o~ kè a' kélé s~fè kongo la. A
•
,.
f
,
, :
tun b'3 donkili la: ; mogo kélé talon,
Inogo kélé tJgon,
né bo
,
;
i
J
1
.'
Î
Su do. mori denw tagara sungn!"u nyini yo'!:o.
1
.
: :
; !
1
Do ya yé kongo la',
A yé do:nl:ili J.a.
Sunguru sinana dé bori
1
J
, t !
'
ka .taga dug'.:.. ko:i'îo.
N'ga. ban bè tun t ....'gm:2"
kato !nod ta.
{ I
1
(
Ka.Ïnbelé
gban ni ;: ko,
P.
donan a C',' ta bon na kC'.
i
•
toyl.
/
"Un marabout (mo:"';.) ë.vait épClUS é u.."1e jeune L.lleo
Mals ce!J.e-ci refl'sa.it. de fJ~anchi:r. le seuil conjugal.
Elle
avait coutume d'aBer jouer tonte seule le soir à POi"ée d0
lé'. brousse.
Elle chanta~ t
"jeux solitaires.
jeux solitaire:::,
moi,
je joue tov.te Bede",
Les jeunes disciples du rnarabo'.lt,
une nuit,
vont à l.a recherche dz l~ jeune fille cn fugueo
L'un
d'eu:;;: la trouve à '..'orée <"I.e la b:~o1..1s:::e. Il chante une chanson.
La jeune fille p~end peUl".
Elle s'enfu.it vero le village.
Mais
toutes les portes éta.ient closes,
exceptée cene du rnarabout.
Pou.rsuivj.e pa,r J.a chans':ln du .i eune garçon,
elle entre dans la
- 245 -
case de Son époux.
EUe y demeu:t"e".
Les pr~.ncipaux pel"SOnnê.ges de ce conte se regroupent
en deux camps.
Cette dis tinction est déterminée par l'attitude
m.ême de la jeune fille qui ne veut pas abandonner la rnaison
des parents pour la case de 11 époux :
Parents de 1::1 jeune HUe
L..,i-
Fiancé de la jeune fille
1 -1..'
(!
Jeune fHle
l Disdple du fiancé
L'acte de l'héroïne opère m'èmement un(.. différenciation du mi-
crocosme du cante.
Rejetant la norme villageoise du lY'Ja.rhee,
eHe s'enfdt dans la brou8s0.
Ce que l'on pe"::'~; schémat~.se:t:'
ainsi :
VILL.!\\GE
OP.EE DE LA. BROUSSE
Parents de la jeune fille '\\
.:; eu:.. e Hll e
Fiancé de la jeune fille
. / ,
_ _.
...-1..
. _
C J est la situation initia.le..>· :';-~";:'>:: du récit,
la jeune fille
a changé d'attitude.
Elle a
~v:)lué.
Cette évolu.~;:~on egt signi-
fiée da:ls le l?ngage spatial du conte par un cha:'.1.genlent de
position :
Voir tableau page 8111v3.n·c8.
VILUiGE
-----r~RE~-DE ~ BROü'SSE
-' 1
• •~~': :
C·
Ep~ux de la jeune Elle
J
f...
eun.8 fill e
1
. . . •
--_.__.._----
Cela S11?pOSe naturelleme::lt une durée qui,
elle
aussi es'.: cancrèteTo.8!1t e:x.p:dm.ée Pê,L' de. ~llov.ve"'Yl.,=nts. Nous
considé~,-::.ms que J.es m J'1.veP:lents
r'"
... :U..'.C
e"i: 1e3 (',~.:;.t:::"es p~:t"30'r..né'.ges ent:re J.a s:.tu.at:.on ~:nit:.ô.le r-."; :.::>. si-
t1.:l2.i:::.on finale e::;.:priment,
ex.pJ.iqy.ei:1t eon évolutio:o. :
-
Fugue de J.a .i e une fille tontes le3 nuits à. l'orée
d
1
b
(
,
"t"·"
' . l
cl
" )
,e
a
rousse
:-epc l'~10n exp!.'lma.n:: _a
1.'.ree
- Apparii:ion des jeunes è.~.8ciples mâles auprès du
Hancé
- {,' un d' euz reh·ou."e J.;). J cune Hi;. e : il C~la11.te
-
Fn:l.~e de la jeune fille "-"'rs le village,
suivie
par le garçon
- Jeune fHle e1. garçon sc:a'i: devémt lé~ porte du
fiancé
-
Entrée de la jeune fille dan!' l~ case
-
Le garçon dispa:r:'afi:.
On peut d;,stingv.e:·~~705.f1 phar.;e;:~ J:-,us cette évolution :
Premiè:':e :PJ~.?:.8E;. : Vi", et ~rient de la jellile fille entre
le village et la
brousse
Deuxième pha~ : Déplacement d'un nouveau pe:rson-
nag e du villag e ver s la brous se
- ?',/!:7 -
: Dt6p."i.acement en sep'·q inverS8 de
la je·.1n8 fiUe et du garço!.~ V8rc l e \\.d.n~ge
Po":.]; ~ir,(lpED.cr 138 choces,
cOi.so:\\s que deux. critères
rpermettent de distïng,-,er ces phases
en prenüer lieu,
on
cGl'npte une phase ~hê.qne {-:J.. ':. q'l.'.'un nOl:veau personna.ge passe
d'une zone dans llaut!'e (v:iJJage et brousse constituant ces
zonee).
En Gecond lieu,
on compter3. une phase,
chaque fois
que le senr:;
. '
,
:sera Inverse,
si J.e per-
sonnage q111 se 'J.èpb.ce de:"',;.'èure le mÊ.1Xle.
Ces phases sont
LI enseml;)le de seS ri~,OllVen'),en-;;s constitue le schèlnc du conte!!
( 1).
Le t2.b182.u Ge la page suivante iJb.~;tre le Gcb.èrne
du talen n Q
dont il a
été que8tic~:. p::écédcmr.c.enî:.
(1)
S.2!X CAJ:lf.f))'0,
texte polycopi.é cité p.
{>
- 248 -
1.\\r1ouvelnents
Village
Orée de 12, brousse
Jeune fine
Parents
1
-------------------r' ----------------------
l
Parents
F "
1
lance
•
1
Dü:cipleG dll
fiancé
-----._~----- _.. -._---------_.
Jeune fille
":~.'
II
Fi;:>.ncé
-!
d5.sciples
jeune fille
III
Parents de
la jeune
.'
fille
jeune fille:
disciples
l
". ".-,
. • - .... ....y ..
fiancé
' ....
. , .... -~ .. ",' -. .'
------_._~-----
C et-i:e schématisation constitue inconteetablement un
t1 appauvris8 emé.:mt"
d,.l j~écit.
M.ais il demeure cepend3.nt pos-
sible de le reconstituer à partir d,l schème ainsi défini.
Le
nouveau texte ne sera pas identique à l'initial,
mais cela
importe peu car le talen mandenka se transmet de bouche à
oreille et le conteur ne cherchG jamais à retenir le texte
original (il ne le pm11.'rait pa::>,
du Ireste).
Son récit est une
création,
'Une interpr8~ation, Ce qu'il interprète ainsi,
c'eet
précisément un schème,
relati-:eraent constant par rapport à
un texte élnineInm2nt variable.
En cunclusion,
nous pouvons
- 249 -
,
dire que pOUl" les DIOULA et les W.iANDINGUE en général il
existe un schème narratif qui est toujours conservé malgré
les multip~.E;s transmJsûons,
Ce schème est visuel et le lan-
gage du conteur consiste à décri'7e ce schème visuel.
Tout
se pas8e comrn_e :olil s'<:l.gissait de trouver un autre langage
qui ni est pas la le.ngue courante mais que cette dernière per-
met de décrir e. Il y aurait comme une langue appropriée
mais au deuxième degré qt1.e le conteur ne change pas et
c'est cela qui est permanent.
A U::l s11.jet ~orrespond nn typ-= de support de me::Hla-
ge,
type de suppor-t de message qui permet au message èi'être
fixé à travers les e;énérations,
Les mouvemenés du 8chème que nous venons de met-
tre en valeur soulèvent de nomb!'euses questions.
Et d'abord
que signifient les fugues répétées de la jeune fille,
et ses
j eux solitaires
?
Les situer dans le contexte peut les éclai-
rer quelque peu;
La fugue hors du village est contemporaine
du refus de se marier,
7. OU';: se passe comme si cela était
la conséquence de ceci.
Le:: rejet de la norme du village s'ac-
compagne du loef01ùerrwnt p€:dociiq'.1€
de l'hérotne aux confï:i1.S
de la brousse.
C ependanc,
le mariage nI est pas seulement
une règle ~jiE3.geoiGc ; il ne fait qu'informer une fonction
l'naturelle'l.
Il semble que la jeune fille ne refuse pas l'ac-
complissement de cette fonction,
mais en rejette la forme
villageoise.
S'il en est ainsi,
il faudra bien quI elle y substi-
tue une autre forme.
Or,
la fugue et les jeux solitaires ont
lieu au rnoment luême deo :rapports conugaux.
Peut-être en
s:'):;".t.-ils la compensation ? Dans cc cas fugue et j eux solitai-
res auraient la 1TIê,n-:e signification que les rapports conjugaux.
- 250 -
D s'agit lci d'une hypoth~se qui restera ~ vérifier. Une aut:l·e
question se pose : que représente les petits garçons (les dis-
ciples du marabout) ? A
cette question est liée une autre :
comn1.ent explique:.:" la i\\ùte de Ja jeune fiUe vers le vnlc>.ge
lorsq'u' elle entend l'un d'eux:
Remarquons que le rôle du
jeune disciple se réduit à -.:::ne sirnple médiation entl'e le village
et l'orée de la brousse,
entre le fiancé et la jeu.ne fille en
fuite.
Il apparaît quand oellEJ"ci st enfuit du village ; il dispa-
'::,:\\~;.:] lorsqu'elle y :revient. n. demeu.."c auprès d'elle et, sem-
ble-t-il,
l'émeut tant qu'elle est loin de son fiancé.
Dès qu'elle
• rentre dans le lit conjugal,
il cesse de la troubler et di spa r?·.h\\,
Cependant,
comment san fJeul chant peut-il suffire à faire i7.1-
terrompre les jeu:~ de la jeune fille et à la faire s' enfuir ver~)
le village ?
Car le disciple est
lui-même bien inoffensif et
son chant n'a rien d'inquiètant..
Mais la jeune fille en est intri c •
guée et peut-être effrayée,
effroi que le talen traduit par une
fuite vers le vilb.ge,
et qui paralt b:\\.en démesuré par rapport
à la cause qui le suscite.
Le tê.len suivant nous perrnettra peut-
être de répondre à toutes ces questions.
TA.. LEN N° 2
i
f
,
"
."..
1 ;
~
(
.A taga tUma séra mig~ a c,_ sa, sunguru borir:i ka
t';'g~ kéng~ k' n·' , k6d~l~ ni <i ~ gbâ-kè min~n yé. A tor<i
i
1
yi d';; domini k,.· • A
c (' téric ..: yé donk; fen do làl~ga, ko
.
! "
~
sîbino,
jéli tonsow bé min fo.
A
tagara kodara.
A yé sibine
1
1
f; dé donkili la. Sun.g~!'Ù b~:;"üa ka ta.g~ dùg~ k' n~. A ka a
..
1
w~rc;' bagt~w ni a b~kor~biw yé alé d6gb. A b~f-;orbblw ya yugu
..
i
..
1
"
yugu de a lataga a
Ac,
t~ric,_ gb~n mi. à ko~ Sungur~
- 251
-
.'
!
1
l
\\
dona ming'- a
c·
ta bon na,
a c:.
ted.c~.
ségi kora".
liA u moment de F8.rtir pour la demeure conj uga1e,
la jeune fille SI enfuit dans la brousse,
au bord d'une rivière.
avec tous ses ustensiles de cuisine.
Elle sly installe et sly
nourrié.
Llami de son épom: monte un instTument de musique,
le sibino,
dont jouent habituelle:ment les griots chasseurs.
Il va au bord de la rivière, Il joue du 8!.biî!.'? en chantant.
L2.
jeune fille s'enfuit au village.
Elle demande c'.sile à ses pa-
rents et grands parentso
Sa grand-:mère,
en la bousculant
quelque peu,
la conduH chez son époux.
LI a:mi de cebJ;.- C).
l'y suit.
Lorsqu' elle pénètre dans la caSe maritale, l'ami de
l'épou..:i;:: rebrousse r.he'::·::'.in".
Le schème de ce ~leÎl est résumé dans le tableau
suivant
VILLl\\GE
BROUSSE (Bord de la
1
..,
n.~."lE'
.\\
r~.~l.
_ J
Fiancé
Parents de le. j.
fille
Jeu:! e HU e
Fiancé
Parents de la j.
J.
fille (avec ses ustensiles
de cuisine)
Parents
Fiancé
A1Ui du fiancé
Parents
Fiancé
ami du fi2.:J'= é
jeun~ fille
-----"'------_._-_._--------_._-----~
- 252 -
... Parents
._ ~.
ami du Hancé
1
F~ancé
g::-anp.. mère
_.
.--
J. fille
II,
~are..n.~o
1.....__
• _l:'_l_a_n_c_e_
.._
.._
..._ ..._..o_-_
..._
...._..._._.._..._
..._.._
..._
...._._-_..._-.._..._.-.._
...
~
- - -
.0-'
Dans son en3emblc,
ce schème est semblab12 Cl.U
premier : entr e la sit~!3.Hol1 initiale et la situation finale,
on obs erve dans les deux cas W1 renversement total.
Après
avoir repoussé le mari::lge et fui la cité des hommes et Sel':
normes,
la jeune f:i.:C.JY y ;-evient et franchH le seuU co::.::.yugal.
L'évolution ainsi accomplie CGt justifiée par un mouvement
de médiation i un habitant du village j.nte~vient aup:-:ès de la
jeune fille.
De même que dans le pre:.n:i.er Cë.5,
le médiate'ur
masculin est associé au fiancé : il est son ami.
Enfin 1
le
sens des troi:J mouvemen'i:n est identique.
Nous pouvons donc
considérer que les deux schèmes sont identiques.
Les va:::iations que nous allons noter à présent
seront con'Ji::1é)~ées :::o;:rllne sècond3.h:O>8 et nop significatives
quant au changement du thème.
Elles doivent cependant être
prises en considé::ation à un autre niveau que nous défin:iron<:
ultérieurement. A us si est-il utile de s' y arrêter un L.·"lStant.
En p:remier lieu,
on remarquera une nuance dans l'organisa-
tion de l'espace.
La différenciation entre les
clem: zones est
plus nla.rquée : la première peut êt:,: e appelée cité des hom-
mes,
quant à la seconde,
on pe.ut la désigner comme monde
E.Y.hre,?tre ou c1SJriY'.ine des L.uves.
Tontes les aventures des
- 253 -
héros se déroulent. dans ce cadre"
et !~ur desf::i.n s'y joue.
Comme dans le ta1en Il:-l, Ph/~~'oi.~e s' eni:,~-;; hors du vina.ge.
Ma;,~ n ne s'agit pa.s d'L~'1.e ter..t:':i:i.ve d'évasion toujours recom-
:m.encée,
elie a \\.:!.n c2.:ractère du;;<?ble : la jeune B.Ue s'instaUe
dans la 7);r.'ousse
Cet~e
o
foio..
elle ne jOl~.e guère,
eHe mà.ng'2~
Toutes ses act:b....il:és sont d'ordre clù~.nu.ire et alhnffiltaÏ!'e.
POUl'
m.anque pas d' étonne~. Mais pOl'.1: comprendrE: ce point du talen,
il fa1.\\t s e :I.·éfé:l.·")~.' 2l. Jo. vi.e :";'~ oddi€l':rne
des DIC '\\3 LA •
Nous s:a. yons
que chez p'ùJ::,
fab~e la cuisine est., pour une relnme,
asscc ;.Ci
au partage de la
couche madtale,
Aussi Pact:i.v:i.té clÙinaJ.re de
l'héroïne évoque-t··elle la sexual:i..èé.
l'viais comme dans le .:Çf~JSl~
nO?, li". jeune i:Ule ne çi~L:.~,ne pouY.' aueu.n homm<3,
com.rne eHe
ne nov.Tl'it personne d'autre qu'elle-m'ème,
le cycle,
cuis'.ne
".. '~"---:',. '-,:
plat offert au mar:1.
.............
rapports sexuels a.vec lui ~.-'
n'est-il pas interrompu ?
Le comportement de la jeune iil1e
n'est finalement qU'U.i"J. appel à l' éGhang e sexuel,
mais un appel
étouffé e1; pô.r cons<3quen~ sans <3(':110,
Tout se passe COlXlrn.e si le
li-'lrer.1. des actes dont
l'achèvement nI est poss:;.bJ.e que clans le m.adage.
Cet ?ppel avorté ce x"ctrouve dans un autre acte.
La
fuite aboutit au bord de la rivière,
or,
le chem.in qui mène
à la rivière est généralernent p:i'opice aux rencontres furtives
avec les garçons; c'est le chemin oh se nouent les amours
juvéniles,
Cl est aussi
celui qui ei'TIpr.unte l'adultère.
L'espa.ce
villa.geois n'est pao p:::oopice à de telles rencontres,
au contXOë:.ire
de la brousse.
Le cho;.:::: de la :d.v:i.ère évoque donc lui ê.ussi
la sexualité,
mais une sexuaJ.~.tb non enco:cc socialisée ou déjà
échappée aux n.o:::.:nes.
On peut donc légitimement a7ancer,
à la
- 254 -
lumière de ces faits,
l'idée que la signification des pr6..-'ccu-
pations culinaires et alimentaires de la jeune fille en fugue est
d'ordre sexuel.
Ce qui confirme l'hypothèse émise à propos
1
_.
du talen n°
1.
selon laquelle fugue et jeux solitaires ".uraient
la même signification que les rapports cOIjugaux dans la me-
sure où cette fuite et ces jeux solitaires ont Heu au moment
même des rapports conjugaux.
Mais il ne faut pas manquer de
noter la nuance au niveau de la figuration de l'acte,
Une 2.utre variation apparaît au courE du deuxième
mouvernent : le ;::c!.êdiateur nI est plus une représentation réduite
Ue fiancé eL plus ,~eune) ; il représ ente le fia::lcé sous les
trai~s d'un homI:.1e 2.duhe (il est l'ami du fhncé). Cela consti-
tue une évolution qu'il faut metb'e en rapport avec l'éloigne-
ment de la jeu:ae fille dans la br.)usse et son établissement
durabie dans ces parages.
L'intervention du médiateur devra
donc être d'autant p~us effkace.
L'homme est caractérisé par
un at~ribut nouveau,
le sibino : un inDtL."'.:;.ment de musique à
sept cor.des.
En jouent,
les griots DIOULA qui chantent les
exploits cp.égétiqr'.":lc,
La ril\\.'..sique é'roque ainsi
fuite de la jeï7-·0.e fille.
Dans le présent contexte,
tout se passe
comme si elle 6tait d·:l.r~.J la situation du "gibier". Au demeu-
rant,
elle vit dans la brousse; à ce titre,
cr est un "être sau-
vage"J
et elle est poursuivie jusqu'au seuil de la case de son
époux.
Il faut également noter que l'homme qui poursuit }C,
jeune fille ni est à aucun moment perçu par celle-ci.
Si elle
entend les bruits qu'il fait,
elle ne peut pas les rattacher à
un homme.
Ne dit-elle pas,
dans la chanson: fin cl :~ (quelque
- 255 -
chose) ?
L'anxiété éprou~ée nt en est que pJ.us gra.nde. Dans
le premier talen,
l'héroine qui entendait u..'1 chant,
pOl.<9.'a.it
penser à U-'1.e personne,
à nn être h ....~mai:;.'lc
Id.,
rien de tel,
:den
qu'une appréhension.
La d~mdème va::-iation est introduite paZ' PinterventJ.on
de la grand'mère,
qui constitue en quelque sorte nn redouble-
ment de la m.édiaûo n.
Elle r'intervient que d'ins le v:i.llage,
pour achever la tâche entreprise par l'autre (1' am~. de 11 époux)
dans la brousse.
EUe di.ffère cepend::mt de celni .. ci par le
sexe et ltorig:ne,
9uieq'l'elle est femme et appartient à la
famille de la jeune f:iJJ.e,
alors q·.le le média~e'"'r masculin est
lié au fiancé.
:u nous {2.u<1:,:(>, reche:;:cher la dgnifica.tion de cette
médiation famHiê_le.
Tout t;e que nous venon::; de noter constitue donc u:.a
ensemble de variations pa~\\.· rapport. au schème principal qui
pour sa part,
ch:neure constant.
Cette èist:i.nction n'im.plique
pas que seul le Achème,
parce qu':l.nva:::-:i.able est sign.ifica.tif,
et que le reste,
pa~... ce qu'alé2.~3.=e, est a:r:-bHraire. Il s'agie:
tout au contraire de deux niveaux de s;.gr..ification et de richesse.
Mais pour êt:r:-e à mtme de foncle17 cette hypothèse,
il faudrait
établir auparê.vant le caractère const.ant du schème par llam'.-
lyse d'un grand nombre de récits.
TALEN N° 3
,
t
. ' ;
.
Tuma 0
tuma,
a hé taga h.o
k.<;.·a. A
bé a sinw b.: ,
ka VIa k6 dè wo blci fa'ni gb'~ kan, téré
'.
;
,
i
k::.r·.
L- n d ..
a c teric
y: lémala' konon yé,
d~ sùnguru sinw,
!
l'
,
,
/ :
i .
1
j
•
1
1
ta ~.~-:\\. taga wo di il. c'
ma,
Suugu~u sind~n nana dugu k~n' a sin
l ;
.'...
.~
~
!
,.
t
j
,.,--'
:'
nyini y~rb, n' ga mogosi il worobagaw la ma se ka a d;~_mln ka
- 256 -
1
..
"
1
ta a bakoroba. A yé a lataga a cf so. A yé donkiri la mL"'léf:.
f
i
"
a CI yé ~ d~mina d~' sibino f6.
a c'~
koro,
a yé a sinw yé l~yoro la".
Il La
jeune fille ne veut pas se marier.
Régulièrement,
elle
elle s'en va se ba~,gner ~-). L:t rivière.
Là,/ ôte ses seins, les
lave puis les pose sur un pagne blanc,
au soleiL
Un jour,
l'ami de son fiancé se métamorphose en épervier 0
e:ùève les
seins de la jeurle fille et les apporte au fiancé.
La jeune fUle
démunie et désemparée,
s'en revient 2.U v5.11age cnerchex- ses
seins,
mais personne dans sa fam~lle ne peut liaider, horrr,;i.E\\
sa grand'mère.
Celle-ci la conduit au seuil de scn épom~. A
son chant,
celui-ci réçond en jouant du r.·: l --::na.
Dans le lit
conjugal,
elle retrou·/e ses seins".
Tableau du TALEN N° 3
VILLAGE
RIVIERE
La jeune fille
Ses parents
Le prétendant
Les parents
La jeune fille
1
Le prétendant
Les seins de la j.
filld
l
(elle les ôte,
les la:~1
Le prétendant
1
L'ami du prétendant
Il se métamorphose
en épervier
- 257 -
.-
Le préte:hda:lt
i
LI épervier
Il
1
La jeune fille
Les seins de la j. Blle
,
1
l'ami-épervier."
le prétendant
les seins de 1'1 j.
:Ulle
1
1
._--_.
parents de J.a j.
f::..J.le
r
1
grand' 1:<îè r e
1
i
III
1
J.
HIle
1
fiancé
Dans son ensemble,
ce tablea:l est analogue aux de-~'..K
autres: les déplacements des personnages et le sens de ces
déplacements sont identiques ; le nombre de mouvements étant
le même aussL
On peut considérer que le ,clchème est sem-
blable.
Le jeu avec les sei:ls constitue,
par rapport aux acti-
vités culinaires,
une variati')l! secondaÜ"e.
La poitrine est con-
sidérée par les DIOULA comme une partie érotique du corps.
La langue DIOULA comporte du reste des f01"mtles au rythme
singulièrement suggestif pour dépeindre la danse des seins
pendant la n1arche.
Dans les' cases de jeunes,
les jeux éroti-
ques sont orientés vers 1'attouchernent des seins.
Le geste de
l'héroïne revêt donc ici clairement une signHication sexuelle.
En concentrant son attention sur les seine,
elle oriente nos re-
- 258 -
gards vers eux.
En les exposant,
elle se livre à, la prédation.
Comme le pous s;.n imp:rudent qui s'écarte de l'aile protectrice
de sa mère,
les seins seront enlevés par l'épervier.
La sym-
bolique cynégétique,
faiblement suggérée par aHleurs,
est
ici évidente.
L'épervier n'est-il pas le chasseur sylvestre le
plus connu du viJ.lage ?
N'y menace.:t-il pas quotidiennement
les oiseam~ des basse-cours ? Pdnsi la relation cynégétique
rem-o:'e-t-eJ.le à la sexualité,
car,
d'une part,
la proie est
objet de désir se~=uel> d'aut!'e par'~, cette chasse constitue un
prélude à l' ?cte CŒjjugaJ..
En effet,
la j 8u.ne fille ne peut der."leu-
rer pIns longtemps ainr:d dévêtue de fém~.n~.té. Ce n'est plus
l'anxiété qui la chasse de J.2. brousGe,
mais l'incomplétude
réelle de l'étê.t dans leauel elle s'est mise en rejetant le ma··
riage.
Hors du v~.HafSe: le 0esoin auquel cette institution so-
ciale donne forme,
demeure ;.nsat:i.siait.
Il iau.dra rebrousser.
chemin.
Finalement,
c'eGt mue par son propre désir de retrou-
ver sa fém;nité que la je~)~e fille entrera da.ns J.a case conju -
gale et dans c ette occure~ce, elle paraît moi:ls inconsciente
de Ga démarche proprf':,
que dans les autres cas où e1J.e fuyait
par pure panique.
Si dé'.ns U~ pre.m.:i.er temps,
elle nI él.vait pas
une entière conscience des c,onséquences pORsi'bJ.es de l'exhi-
bition de sor:. r0~:ps,
eJ..l,e est !_n;.',3.nten2..~).~ tout à faH consciente
du but de sa fuite : rei:7ouse!' toute sa fémin~.té" r.elle dont le
rejet de l'homme l'avait dépouillée. Au"si ne J.a trouve-t-elle
qu'à l';,nstant même où elle partage 12. couche de l'époux.
Pour Ja première fois le médiateur est représenté
par un animal (oiseau de proie).
L'ami se métamorphose.
ainsi avant de manifester sa présence dans la brousse.
Ce phé-
nomène nI est pas totalement nouveau.
Dans le récit précédent,
l'ami du fiancé devait se munir d'un instrument de musique
- 259 -
avant de pénétrer dans la brm....r:.se.
C'était UJ."1e m2.nière de
transfiguration car les sons par lesquels il s'annonçait deve-
naient étranges,
méconnaissables.
L'incapacité que la jeune
fille éprouvait à les identif.i.er,
confirme q'.le la transfigura.tion
équivalait à la métamorphose. Dans les deu..'C cas,
l' effet p:':'o,~
duit sur la jeune fille,
la fonct;:i.on de l'acte,
sont idenHques.,
Au demeui:'ant,
la jeune fille ne rencontre pas plus
l'animal qu'elle nIa rencontl'é Phomme qui jo,.mit le sibine.
Elle ressent seulement l'impression d'une p~~ésence. Ainsi,
le
médiateur entre la jeune fille l'sauvage" et son futur l:B1.'tena.!.re
sex'lJ.el du village est apparu successivement sous les traits d'un
enfant dont on nI entend que la voix,
d'un homme ad'..'ùte qui se
manifeste pa:,; des sons étl'ê.nges et enfih diun animê.l.
Ces va-
riations des tra~:j;s pour des agents accomplissant une fonct5.on
identique (médiat~.on) n8 sont pô.s arbitraires.
Elles dévoilent
un Sens que chacun des traits pris en soi ne pourrait pern'lettre
d'établir de f2.çon ce:;.'taine.
N01.... S avions déjà vu que le person-
nage du média:(eur ètait une représentation de l' époux.
L'ana~
lyse du ~·~e.~ révèle qu'il constit.ue aussi la représentation
du besoin qu'éprouve La. jE'U':J.e fiG.~ en fuite.
C'est maintenant
qu'il devient possible de m.'F.ncer le personnage du r.nédiateur.
Celui-ci ne peut être d~n_:l:'. CûI~l:r.ne ilnage de l'époux,
lequel,
dans la réali~é matrimoniale DZüULA ni évoque souvent rien de
séduisant pour la jeune Hlle.
n eGt se1.Ùement celui à qui ces
parents la destinent généralement Sé'ns lui demander son av:i.s.
!
1
.'..
Souvent,
il ne correnpond pas à son attente.
Dans le t.alen n° 3,
le personnage du médiateur devient l'incarnation du désir propre
de la jeune fille.
Ce qu'il représente ne procède plus seulement
de l'extérieur mais fait écho à 11 intériorité de l'héroihe.
Aussi
- 260 -
doit-on parler de représentatioE~artenairesexuel et non de
l'épDux.
La nuance a son impor.tance,
elle signifie que l'image
du partenaire sexuel
peut ne pas correspondre à celle de
l'époux reconnu par là loi du village.
Certes,
dans le dernier
récit,
cette image évolue vers la représentat~.on de l'époux,
mais en sera-t-il top.jours de rn,ême ?
LI épervier rapportera-
t-il toujours les seins au mari,
comme un
chien bien dressé
rapportera le gibier au maître ? Rieti de moins sûr.
TALEN N° -:'
--_._._---
1
1
ltSùngm'u déni d~ tun 1:aga!'a k'ngo la ni a k ,r'; w yé.
"
, \\
; ' ,
"
1
A yé g) ,to yé woU k·1,a.
A yé tolm k;. ni wo yé.
A k.:r:w
. ,
:
J i " ' : " ; "
ségi k:ra dug~. !.::n·, k2. a toyi. Wo yé a d.:·g c:: lataga a nyini
y. r~ d~g~ Si gb, wo r..
l 'n bè o
NI g~ sùng~r~ déni b~n~ k~ a
!
f
tena d~g~ k,~n.'. A b~'.'"lyia.na k'ng~ k.'n::. C· mi~ tlÙl ka. a. kofo
\\'.,.
;
1
•
.,.~
...~
f
1
dimina. A tél':i, <10 Ica ~, 1.::~ ad! m:in. A yé n". g , manganan do a
l
' . :
..
\\.
(
sèri ni a bor~ :,~, d~ tk..6~ Sm1.g111<":' dén.;' ko ,kémgb la. S~gur~ yé
1
" " , '
' . . :
i
.,'
: . ' ;
.'
1
a kan min mig':.
,
a
si':'.anan dë bor.~, ka:':lan dùgu k:n,- • N~: g;.
1
/
.
: i
1 /
kà.~ gban na: ;. :~ )
A
::;'éra m5.ns.
GO,
bo~da b '- t~n déttugura,
!
1
!
1
~
1
,
,1
~
,
J
, J
i
"
n'ga a bàkor.oba yé ci btag2. a c'
so a ta dOnkili lala,
a c;
yé
, I v
•
1
!
1
!
1
1
1
•
\\.
d
il. da m1nan
e s:;.b~,~,10 in
.s~~:::>g"':·'l d,§I:',~ donan ming; a c,:' ta bon
o
,
{
(
"
i
bon nan,
l 'v
,
' "
maga
~an Je 1:2.. "
"Une petit.e {:".lie nI en "Iâ ,Jans ~.a brousse avec ses
frères.
Elle y rencontre des monstren (gooto) jOU2.nt au woH
et se met à jouer a-,rec eux.
Seo frères retournent au village
sans elle.
On envoie son frère cadet la chercher le lendemain,
puis les jours suivants,
mais en vain.
Elle grandit dans la
brousse.
L'homme qui avait der,nandé sa main se désole.
Un
ami lui propose de l'aider.
Il porte aux chevilles et aux poi-
- 261
-
gnets des sonnailles qui font un étrange bruit.
C'est ainsi qu'il
va surprendre la jeune fille dans la brousse.
Celle-ci,
en l'en-
tendant,
prend peur et s'enfuit au village,
toujours suivie par
le bruit étrange. A la maison,
elle trouve porte close,
mais sa
grand'rrlère la condn:1.t chez son époux. A la chanson celui-ci
répond en jouant du _sibi~. Dès qu'elle se couche dans le lit
conj ugal,
le bruit ét:::-ange s'évanouit.
TABI,EAU DU TALEN_ N° 4
VILLAGE
1
BROUSSE
-
- - - - / - - - -
- -
-
-
1
La mère
1
Plusieurs enfants
lA
La jeune fille
La mère
. - -0_.0 ... ';
Dépa:d des enfants
,
...' "_' Départ de la jeune fille
La fillette
Les génies jouant au woli
Lee gél1ies
lB
jouant 'au
La fillette
woU
Retour des autres
enfants
Les camarades de la
jeune fille préparent et
- 262 -
subissent l'excision;
Elles
sont conduites chez leurs
époux.
.~..,
'la et vient
1
":. __ ..... '·1
du cadet
1
--"'.---- ·1·_·---··_·_;
Si Illon nous ;;. ·,çorde que les déplacements la et lb
consti tuent un même mouvement,
ce tableau demeure donc
semblable alL~ autres dans son ensenmble.
Le redoublement de la méd;,ation ne modifie guère
le sens général du récit.
Le schème reste le même.
On pel'.t
en effet supprimer l'int~rve:ation du cadet sans changer fondé'.-
mentalement le sens du talen.
Son intervention est donc secon--
daire quant au I1chèmeo
O~ doit également considérer comme
i l "
telle la présence des mf):n.r.trec (gooto) chns la brousse,
puis-
qu'on peut les f>·~"i)pri.me'· S::.:>:'.8 Ch2l:.geJ:' le sens du récit.
Tous cestalen :nous ont ;rllontl-2 qt1'H est des façons
multiples pour \\.1..... e jeune fille,
de è.emem:er dans la brous se.
On peut y jouer toute seule,
ôter ses seins,
faire la cuisine,
on peut enfin y jouer avec des partenaires sylvestres.
Ce sont
des actes variables par ::apport iJ. url. schème relativement sta-
ble.
Ceci dit,
, '1
S LB
ne ~:()nf.: pas significatifs au niveau du schè-
me,
ils peuvent l'être à un autre rd.vea.u.
Ils peX'mettent,
en
quelque aorte,
de::: études de cas,
de personnalités différentes
se trouvant dans des situations analogues.
Par opposition à la
situation commune concrétir~ée par le schème,
ils n'acquièrent
de signification que par lem." var;,":'-tion même,
tandis que la
signification du schème est liée à sa relative stabilité.
Or,
- 263 -
.: /
1
"
que sont les R:::...)t." ? De petits êtres velus,
anthropomorphes,
qU1. sont censés vivre dê~nG la brousse.
On rapporte qu'ils
marchent le9 talons devant.
Ils sont généralement représent(.~s
sous des traits masculins et se:mblent doués d'une puissance
s u.r natu::: elle.
En tant qu'être sylvestres,
ils évoquent 11 éper-
vier du c~ n° -1..
Ma:i.s alors que ce dernier " c hassel1 la
! :
1
jeune fille et la " ra bê,s;l vers le vHlage,
les .f2.!.L, la fûsc:l-
neI~t et la retie......ment G?n8 la brousse.
De plus,
leur relation
i
......
avec la jeune nlle n' c<: ;:~').r. habj:i: uelle.
Le woEté1- 2. 0
est un
jeu exclusivem.8nt mé'.~;Cl.l~.h1. En y jouant avec des "mâles",
la jeune fille se situ.e en po.:te-à-faux par rapport à la con·~
dition fémin:lne : elle s' j.dentine à !!homme.
Ene rde ainsi la
relation con"(ugale qui es'~ sa vocat:'..on villageoise"
L'hérol::!e
est YT.'airnent une "el~f?"nt sauvage"
: elle a vécl..1 dans la brousse
toutes les phasec im.portani:es de son enfa~ce et de sa je~.esse.
d
J:'
' )
....
U
.<.lance .
- .~
.'. :. :-:'~:
est c elu! cl e la IlH1a -
turation" co:mxne dise::\\~: les ps:),,:b:.. "~;0~~"'~'
Cela r:d.gni+:ie que le
retour au village esi; fon-:'don n0D ')c'llc;nent de 11 efficience d'i:<
médiateur mais aussi d3 la matur;'·,:;(~ :le la. jmme ftUe.
Jusqu'à
présent,
tous l0E' méci.iateurc avaienè réussi; :nais llhéroine
était alors n~.1.b~.~.e au !!'.:y:nent d"'; P:iv:1:ervention.
Cette cofuci-
si,
malgré ;,.:on. âge,o
):-,2::-,
ai.lt~'.'(é'3 (~T'"S den adultes, le problème
ne se pose pa:"
Dana le cao p!:~Be:J.t. le prcrnier m,~-:1iateur est jeune,
comme l'était le petit garçon du premier talen.
Mais il inter-
vient durant la période où la jeune fille n'est pas pa:r.venue à
l'âge de se marier : il échoue dans sa tâche.
De"renue nubile,
- 264 -
elle sera sensible à l'intervention d'un homme,
mais adulte
celui-là.
On peut,
à ce propos,
remarquer que les média-
teurs et les partenaires sylvestres de la jeune fille demeu-
rent indifférents à leur présence réciproqu.e : ils sont pour-
tant en position d'adversaires par rapport à la jeune fille.
li
y a là un conflit latent (1).
S'il éclatait,
pourrait-il mettre
en cause 11 évolution affective de la jeune fille ?
Le sens
même du talen en serc.it alors chargé.
Il nous faut entendre
le talen suivant SUI: IF.: ::::-êrr.8 thème pour pouvoir y répondre.
,.
TALEl'·T N° 5
"Une jeune fille décide que son futur époux ne devra
porter la marque d'aucune cicatrice,
ce qui élimine tous les
prétendants car tout b.omrne DIOULA doit être circoncis.
Un
serpent, . ayant appris la nouvelle,
se métamorphose en un
beau jeune homme e'.; vient au v:Ulage pour épouser la jeune
fille.
Transformé 2n rnOtV::EE:,
J.e c2.det de la jeune fille
va visiter les part~.e3 ~ Ô'~ plus sec.·~·ète8 de son corps et ne
lui trouve effectiveme:r:.t aucune cicatrice.
L'homrne-serpent
amène la jeune fille d:.1!l.3 la b:i.'8i,lsse.
Le cadet-mouche les
suit et,
un jour,
déco ':.. '.'1' e que ::! épo;~'..X de sa so eur est un
serpent.
Il s'enf'-lit cc';' .o,;": ~il.e ""!·~:':"s lE: village.
Un petit oi-
seau leur fait fJ~·an·,":hil' -';;:::le ::::i'~"-:':'~J:'3 rr,:=tis noie l'homme-ser-
pente
Le frère et ::;a coenr rentrent chez leurs parents au
(1) La société traditionnelle africaine nI est pas une société har-
monieuse d'où serait absent tout conflit.
L'homme traditionnel
DIOULA nI est pas le "bon sauvage'l de Jo J.
ROUSSEAU.
- 265 -
villagell •
.,
i l :
{
i
/
I1Sunguru, d-, ka a c~· té nan k( ni jorifon yé. ïHo·
1
1
f
i
kuma ka c',.' b;
gbin (j~l~ C bè bé k/ni: ), sil: db yé wd nilil
....
"
,.,
'.. ( .
.-
/
,
,-
,i
_(
1 .
,-
i
ming~ , a y't1;ma l~ lcambDé yum~ yé de nan dugu k.:·n~;, sun-
./
:
/:'
,.
f
....\\.'....
t ;
..
j
i
. : '
/
f
{
guru furu yoro.
Sunguru ùogo~~ y~ l fma la sim6go (ou limogo)
yé dei ta'g~ s'~ y/r:' b/ n/ . :...' mcin jorÜo~ yé kfmbélé kin..
\\.
1...
/
f..
1
Ki'mbélé tigara' ni subguru yé kong~ k~n6,
simogo
........ '
1
1
J'
l ,
!
'
."
{
gbdn na wo ko.
L:on do a ya yé ko
a k~'r: muso c( yé
1
/
/
. ;
,.
t"
sa' 10 yé. A borila ni ai k,)r.:;mùs~ yé ka nan dugu k.::n- •
Kfnn.:>TI do yé wo dèma k~ kb tig '.. d~e s~ tun~ j/ la'. su~e;~r~
.
.
1
.i
(
1
ni a <i' g. c.r tagara
11
60
•
'-
Tab1..e3.u du talen n° 5
Mouvements
Village
Brousse
Parents de la j.
fille
Jeune fille
Serpent
Cadet
Parent.s
l
Jeune fille
Cadet métamorphosé
Serpent devenu
homme
Parents
'.1
- - - - - - -
1
Serpent devenu
II
i,
".
-"_. -- -...,,- -- .-.- .../
homme
1
!
l
------- /)
Jeune fille
- 266 -
cadet devenu animal
1
i
Parents
Rivière
Demeure
1
du se~pentl
J.
fLJ e
III
cadet
\\.
serpent
Prents de
la j.
fille
J.
fille '!
se rp ent.,.... .._.
.__ .
,,"-"""
,
\\
cadet
i
mort
..-j
Ce tableau i:r-.augure un changement fondamental par
rapport aux autres : 2.pparent déjà dans la direction des dé-
placements.
Pour le schém.atiser,
nous ferons usage de sym-
boles : si,
l'on prend la lettre V conune code du village et
B comme code de la brouGse,
on peut représenter un déplace-
-.
.. " .. "',
ment du village vers la brousse par le r. )de YB.
Le déplace-
:- ",-,.
ment dans le sens inverse sera signiLé par YB.
Le schème
des contes précédent peut être représenté ainsi :
.... -.-:""';
VB
conte n° 2
.. .
~
"/
YB
conte n° 3
.' _.....
VB
conte n° 4.
Cependant,
pour pouvoir fonder la simHitude des
schèmes des quatre premiers contes,
il faut aussi tenir compte
des personnages qui effect'Q.ont ces mouvements.
Or,
dans ces
cas,
nous avons affaire à une jeune fille dans le premier n'lOU-
...
."
/
vement : YB jeune fille.
à une représentation du fiancé dans
le second mouvement (VB" ami du fiancé de la jeune fille),
a
- 267 -
la jeune fille et à l'homme associé a'.! fiancé,
dans le tro~.-
.. '--~.
-,
sieme : jeune fille et ami du fiancé: VB.
Le schème demeure donc identique à lui-même.
Cette
constance est significative quant au dénouement du drameo
En
effet,
dans ces récits,
la j e.me fille accède à une s exuz..Et~
normale : elle se mar.ie.
Que se passe-t-il dans le r.as présent?
En prem.:icl"
lieu,
on constÔ.nte que les mouvements ont changé ~ e s~ns :
.•. _---
/
\\
VB
(l~
1
1
Mouvernents
':;
:
J
VB
(Il)
!
1
colonnes du table3.u
dans le tableau
\\.
\\,rB
(III)
n°
i
5
n° 5
J
D'autre part,
le su.jet du deu..;:ième mouvement n'est
plus le même : au 1~.8U d'un homme associé au fianc~, il s'a-
git d'un petit garçon associé à la jeune fille,
un cadet.
Il
était annoncé dans le récit précédent certes,
mais ses in-
tentions étaient sans effet.
Pour c es deu:;~ :;:aisons,
nous d;.-
rons qu.'il y 2. eu changement de echème,
ce qui correspond
à un changement de thèn~~~" ~l ne s'agit pl1..~.s de la jeune fille
qui ne désire pas aller chez son fiancé.
Cette fois,
l'héroihe
impose une condHion inhuxnaine à ses prétendants.
Ce faisa:lt,
elle fait plus qu'é1i.m.:;.ner les partenaires possible du village.
Son acte implique un ê.ppel.
Etant donné l'organisation du
microcosme du talen,
seul un partenaire sylvestre peut y :1:'2-
pondre.
De là l'ir.ruption du serpent dans le villag e.
Il est vrai que cette inte~vention d'un partenaire syl-
vestre dans les aventures de la j e1me fille ni est pas une chol3e
nouvelle.
Mais le récit présent introduit un élément nouveau,
ce que la relation avec le partenaire sylvestre est une repré-
s entation con,ing;:le parfaite : l'héroi:'1.e -rit chez l'époux,
elle
- 268 -
fait la cuisine pOUl" lui.
Ces moclifications introduisent un
changement de schème. Aussi peut-on s'attendre à ce qu'un
cheminement différent aboutisse à un dénouement autre: pour
la première fois,
l~ retour de la jetL."'le Elle au village la con-
duit
à la demeu.re de ses parents.
Elle ne se m.ar~.e pas,
ce
qui se traduit sur le plan spatial,
par une indifiéren.da'i;ion du
village.
Par contre,
la brousse '-'Gt parfaitement différenciée
au détriment du village.
Aus si,
le chemin de la jel.ll1e fUIe
ne peut-il mener ailleurs que chez ses parente,
puisqu'elle
a déjà f:;:nnchi le seuHcm~:]ugal dans la brousse.
De ph".::.; le
partenaire sylvestre,
c'est-·à-dire la représent.ation exogam;'que
du partenaire,
a péri dans la dvière.
Cette mOl·t explique
l'impossibilité pour l'hêroiiîe d'accéder à une se~a~a1ité norma··
le : il n'y a pas d'ex')gamie possible,
si l'image du Ra.,EteEY::"-
re d'ailleurs_s'(·]:'~.~~.r,)',.L La tragédie sylvest:re est d'autant
plus révélatrice de la nuite des évènements,
que la mort du
partenaire de la brousse est dûe à ~':tntervent:i.on d'un person-
..
J I ·
nage venu du côté parental (faJ.~,k;;t~l~) du village : le frère
cadet.
Ici,
éclate le conflit qui était latent entre le~adet et
..
;'
les gooto du talèn_~':'.-i.. Latent, il nI entravait pas l'accession
de l'héroi::le à l'accomplissement normal de sa sexualité; mani;
feste,
il l'empêche. Ce conflie est un phénomène qui mérite
une ar..alyse plus approfcn:'He.
En effet,
il révèle que le média-
teur n'est pas indifférent,
dans le cheminement affectif de la
jeune fille : selon qu'il
3St associé à la zone parentale où à
la zone maritale du village.
La sign:i.fication et 11 effet de son
intervention varient.
Le cadet est un familier de la jeune
fille.
Il fait partie de son milieu premier de vie.
Par ce
fait même,
sa médiation est orientée.
Il ne peut mener l'hé-
- 269 -
roihe qu'à la demeure parentale.
P'3.r contre,
l'am;. du nancé,
eszent:l.eJ.1eme:lt Eé à celu;.-d, la conduit à. la demeu!"e coI':;:~-
gale, A1..... sG:l. proposons-nous de traduire çe fait par un code.
Tout méd~.ateur sera désigné par (h) ou (f) selon
qu'il sera un homme ou l'.ne .Lemme.
S'il est un f2..miHer de
J,a jeune fille,
il sera (ho) ou (fo).
Les parents 3e:':'or.-:.t symbo-
lieés par le code (pp),
le fiancé par (H-v) et J.~ jeune f:i.lle p~T
(F)
Tout parte~aire sylvestre masculin sera dt3Gigné par (!-{b).
Le schème du talel,), que nous sommes ea tr.ain d1ana-
lyser se décompos0r::'l. co:mme Gmt :
pp + F + ho
( - -
f pp + F + ho + Hb ~~~--~--- VB
-~_..._;.
/
.'
pn - - - - - - ,- - ~ - - - - - ", - - ~ - ~ ~ - - V B - - - - - F +hQ + Eb
)
'.
~-
pp + F + ho --------u-~VB -----~-f'lb (le trait
[
1
transversal sigr..if1.e que le
\\
per20nnage est mort).
Selon le même procéd0.
on. peut représenter le
schème dl".. talen n° <1: de cette manière :
pp + F + ho
\\TB
?
?
(h.,9) + F + Rb Hb
",
ho ---- VB
tho) + F + Rb Hb
Hv + h
Hv -------·,---------~VB ---- h + F + Hb Rb
\\
c' ._.-
\\
pp + fa + ~ + h ----~VB ---------- (Hb Hb)
Hv + F + (fa + h)
Dans ce code,
le redoublement dl un terme signifie
- 270 -
la multJplicat1Œ: di.l personnage en question.
Ainai,
les 800to,
parte:nab.'es sylveei!"es,
sont symbolisés par Hb Hb.
Les ter-
mes soulignés h:diquent quels personnages :;e sont dépla:::és.
" "
e ! f t r e . . .
...
Un element du code mis
1
parentheses renvoie a la dispa:d.-
tian du. personnage qui lui correspond.
Le personnage Si effa.-:e
ou n'intervient plus dan:;) la s·aite du récit : il en. est ainsi
des gooto après le reto-..ll' de l'h8rcïne au viJ.lage,
de l'ami
du fiancé et de la grand'm?~re (fo),
après son en';;rée dans la
case nuptiale.
Cette cod:i.fic2.tion préoente l'avantage de sim-
plifier le s:~~lème sa.:J.t trop llappanvrir,
et la comparaja:;,n en
de~rien.t d'autant plus aisée. Ainsi, on remarque que le média-
teur associé à la zone paloe:.1tale du viUage n'aliène pas né-
cessairement la jeune ~ille à la vie con;>0ê.le. Selon qu'il est
un homme (ho) ou une femme (fo),
il l'en èétourne ou l'y
mène jC' est du moins ce que l'on peut 2.ffirnîer dans l'état
actuel des choses. Au demeurant,
il sem.bIe que lorsqu'il
s'agit d'une médiatrice (fo),
elle n'intervient jamais dans la
brousse,
mais au v~.:aageo C'est dire qui elle n'est qu'u.."1.e con-
seUlère,
un guide.
Elle :ü'a pas s·(;r;;<.;:é le UlOuvement en
cours,
elle l'inforn1.e.
Par contre,
dan,c:; le conte n° 3,
Pai-
gle enlève les seins de j.:::.. je"lme iille (évocation de la sexua-
lit é par la ..'elation CYl~0gétïque) et il en résulte la réunion
de la jeune fille et du Hancé.
Ici,
l'oiseau enlève de la même
façon la jeune fille mais avec son cadet,
et il leur fait fran-
chir la rivière.
Tout se passe comme si cet acte réuniasait
les deux personnages,
cle telle sorte qu'on peut schématiser
llanalogie de ~~a façon suivante
oiseau .....,
Jeune fille ...;H"'-· j
........ :
"'-,
épou.i~
Jeune fille
-..
1:
...
.I.rere
"
........ ;
/-'1
.- oiseau ---
- 271 -
L'analogie place ainsi le frère en situaHon d'épo'lu::.
Du reste,
"passer la r;.vière avec q1.1.elq,-,.Iu:n" s:i.g:"liHe pOUl"
une jeune iHle D!.ÜULA a.voir des rapparts Ge:-::uelr.
Dans leurs
chansons au clair Je lune,
leI> j eu..nes filles DIO'ULA char..tent
pa:dois :
"Si je ne c:,:,aigm-d.s pas le jug emenf; d"'..l Roi
.Te franchirais ia l":1:v-ière avec to;1I
.""\\.,
1
:'
1
..,.:,
:
1
,.
1
"Ni: n'tu tr;.. sinanan :fz..ga:rna dê. nye:.
.....
i
i
/
n' tu b ém:.. ka tig(L :tyE i -ré 11 •
S'L.. en est 83.2:?::.
on pe1.1t ce dema::'J.cl'Sj~ s~ la situa-
tian du frère et de la EOG;}.1" ne p:.. ~ggul"e pas une rc1at:lon
incestueuse.
Cette hypothèse de:meure :hagile tant "l'l'on n'a.
pas établi la constance de l'Îl"'.<:e!".rention de l' oise3.u et du f:eè ..'
re,
en rapport avec l'::.mpoGs:l.bilité pou.:.: la jeu::8 fllle de se
marier.
Le conte n° 6 nous y z.idera peut êt:i:'e.
l
1
I
i
i
J
"S~~gUl"U d.. ko a lé bé-"1a Ct oodi':gadan lé furu. Sa
:
1
.'
;
I , i
.
..~:'
,.
1
do YL 1 mala de na dugu le no ni k~a30 m:·~ g.=-. d~w 'lé. Su,'"lgu:t'u
l '
, . f /
I f
. " , . '
i ! !
I !
, - - , !
d~"g; ci. y?l~man:l simOE') yé, do J.a sa ta cakoto k Ir ..' de ya.
•
'.•'
~, ./
,
, . / : '
/
. '
f
1
.~
!
yé k6 b6d:i.~ga.:' t~ la. 5:.ingU1'1/ yé sa f'urt,," Simozo gban na a
"
.'
l i '
.'
, !
. I !
1
..
i :
!
/
(
ko'.
Sire:. la,
kO::lgo m~g)w y(l'::mala wo jogoya k;\\rJ la (yiri,
k~b~k~r~, d~g~lk~r~). 'vvd, séni kohgo! là, si~~g~ ya yé ko
i
/
1
. ' .
(
, /
, 1
Y
a k:J r.: mùao c j yé sa 16 yé. Abori la :d a k ...r ..:..'muco yé.
Sa
,~
.1
1
1
_ .
,"
{ i
i . '
;' /
!
1
gban na wo ko.
D.' go' c \\. Y: 1-; maIn. k' n "n ,'lé,
a k:.r~muso
, .
•
,
! ,
i l ,
/
.
l
,.'
I l !
y{ l~Imlla yirî yé. K:,n:., sigîra yi:d kà:n jàngq sa ka.na wo yé.
!
/
/
i
1
1 -'
,.
/
!
/
1
..'
/
Wo ko son d)g;:.c{· ni a k-~~r;'muGo sera ka nan SOli.
11 La
jeune fille dit q'l'.' elle
épousera l'homme q\\l:i.
- 272 -
n'aurait pas d'anuD .. Un serpent se métamorphose et vient au
,rillage accompagné de représentants de la b:;,·ousoe.
L? cadet
de la jeune fille,
métamo:rphos8 en mou~he, vole sous la cu-
lotte de l'homme- serpent et ne lui. trouve pas d'ê'.nus.
L=.
jeune fille épouse l'homme-serpent,
le su:lt,
accompagnœ de
son cadet,
toujours métamorph:>sé en mouche.
En route,
ies
r eprés entants de la brous s e reprennent chacœ-~ à leur tour
leur apparence originelle (a::-b:re,
caillou,
terre).
Arrivé dans
la brousse,
le cadet è.écou7re q-u.e son. beau-frère est un ser-
Le ca-
det se tran-:;Jo:rme er.. ';~l oiseau. posé f:: 11!' sa soeur,
méta··
morphosée en Gauche dl arbre,
pO\\l~: 'i;:7omper ~ 'J ser:pel'.t.
C'est ainsi qulH parvient à ramener sa soeur c!1ez ses pé'.-
rents".
Voil- tableau du. TALEN n° 6 page
SUi72.nte~
- 273 -
___t :,:r::E
~.serpe~::::::: I
homm:-
Jeune fille
,! Caillon deVéll"!l homme
l'
Cadet-mouch3 (8xamL""J.c
Boue dcvemle homme
l
les prétenda:1tz)
A rb'lste ct eve~u homme
Bambc'l'. deve:lu homme 1
1
/
l ".
1
----:·--------------·---+-I----·------·--·--··J1
Parent;:;; de '.-'1. J.
1
fiJJ.ê
1
Jeune fille
Cadet··mouche
Serpent devenu hom:r:'1.e
Caillou
Il
1
\\
1-1. rbuste
I l
/
<.
Bouc
Il
Bambou
Il
, /
..
Parents
Homme devenu bar~1.-
bou
II
11
arbuste
Il
boue
Il
caillou
homme-serpent
;.
jeune fille
cadet
Parents
jeune fille")
III
cadet
_______________________________________ '::::::'::'
s_e..r..r:e..!':t
_
- 274 -
Parenta
J ~un 8 fiU e
Serpent _.._
.-
\\
".
! 1
Cadet
1
1
cadet-oiseau,
en r=3.ppo:;..t avec l' é~hec CO:c1j-j,ga.:. Ge la soeul'.
Elle donne ainsi plu3 de fore e à notr e hypotl.lè s e 8t<.1" ~.a 1"81;).-
tion incestueuse e:lt:t"e f,..~re e~: 3ce~J:',
~ai8 ce r~1 Nit pas la
précédent : les person:::.ages et les mCUVE::r~1.en·i:3 sont compa-
rables.
,J..,'hypothèae dlu:i1e ccrrespond:.:nc.e entre le8 thèrneo
•
1
des t~l~~ et leu.rs schèmer, que nous avions formtl.l·ée au
début de ce chap:tr'è:,
80
védf:e d'.):l'::.
Cela est d'aut"mt plus
signüicatif que nous considérons chaque schème comme figu-
rant un che:minement psychique s~-:::.gu1ier, une évolution parti-
culière de jeune fille madenka.
S'il était possible de dresser
un tableau de tous Je;; sch~mes conce=-nant les récits relatant
le mariage de la jeune f:iJ.J.s D?QTJ7,.i\\,
:':.Ot~S D'.)u.,..:.-ior,G établir
une typologie €:;r.tausti'Je
dont on im~8ine l' ir~:portance.
Dès maintenani;,
il est u~ne de remarquer que cer-
taines constantes sous-tendent la variabilité des schèmes :
En premier lieu,
la fUGue apparaît comme un mou-
vement nécessaire,
une phase inéJ uctable de l'évolution de llhé-
roi'ne.
La jeune fille ny.OULA doit répondre à l'appel de la
brousse avant de franchir le seuil con;:·.lgal.
En second. lieu,
il faut l'intervention d'un média-
teur masculin,
ca:r. la je'l1,\\1C fiUe ne quitte ja~aiG spontané-
:r.lent la brousse,
Les médiateurs féminins n'interviennent que
lorsqu'elle est reve::lue au village,
donc lorsqu'elle y est
- 275 -
poussée par 1'hor.r..me.
Ces deu:.:: trai~R établis3ent ainsi une continui'~é entre
des schèmes qui,
par ailleurs,
sont différents : schèmes des
/
1
'..
...
talen ou la j e'L....ne fille ne veut pas se rLlal'ier par opposition
à ce\\1:i: ot: elle pose des conditioI!B inht'-m3.ines à seR éventl.'.els
prétendan·i:s.
Cependant,
Co. àe:t'nie:. CCii~.te inü'C'duh: un détaJ'.
1
,
'.'"
nouvea
0
1J.
:
la mu.Li..pEcité des compagnons.
Le talen 11
.1 fai·"
sait aUGsi apparaître am~ côtés du fiancé 1.'r.e mul>:i;:ude de corn-
pagnons.
Ma.:ls Cl étai en); de:; hê.b::.~c.nts c~u \\-H12>~e qui s'apprê~'
taient a. envahh J.e dor'l2.:;.n::: sy::'vesü"e ; S81Ù '~m médiateur par-
venait jusqu1au lieu de :a. {cgne. Ici, 1'2.1' contre,
(" est le
prétendant Il 82.t:vage",
2"leC tout sm', ~.li6U, q-c.i investit la
demeure de ,h jeu!)e HUe.
lité de partcnaireG s·Y:'.vestres,
pô.l'ait 8e r2.pprochel' davantage
de celui que nous étudions m8.intenant,
Cl est-à.~ c:.l'e le~'lt,?
n° 6.
Cepend3.nt,
il y a une diff~rence : sI la pluralité des
partenaires de la ~)ro1.,:we de:meure :i.~:T8ductible dans le conte
n° <1
i:~i l'unif~.cs:i:;.on se prod"uiL L'l.:.:: >: ~.a:lUite de l'a:....t:re,
les cornpagnol'ls du :::erpeni: quittent la p:"'ocession et repennent
leur forme et leur place habituelles.
Le visage sauvage de
l'homme-serpent est ainsi révélé progressivement par ses
retours successifs au..'C origines sylvest:t:es.
L'illusion SI éva-
nouit peu à peu. A la fin,
le cadet découvrir~ l'étrange époux
sans anus SOUf:: son apparence vérit2.ble de serpent.
Dans le
, '/
talen n ° .~:J.. l'évolution SI op~re par changements brusques,
par
" mutation::;'! : à l'image dC'~ multiples petHs êtres sylvestres,
succède cene,
u:~ique, d'un pet:i.t garç-:m puj.s celle d'un homme
mûr.
Contrai~:'ement à ce processus, les dew: derniers récits
rapportés :réyèlent u.n... conflit entre dem~ types de représ entation
- 276 -
masculine : le cadet,
représentat50n x3.milière de l'hornrne,
(l'homme de chez soi) neutraEoG ou él:l,mine le serpent
(l'homme d!ailleu!'s).
Ce faisant,
il rend impossible la réaH-
sat:on cle l'exogamie au viJlage.
CI est cet"ce hypothèse que nous
allons cons:i.dé ..·er cl. la lu:m:~ère du conte suivant :
TALEN N° 7
'~'------
1
!
liT éri mu.sa f1~ yé C\\ !o;:élé fl~ru, Vn
Y,élé.
Wo
1
;
/
1
!
worola l)n
1. "1"
t [ "1 "
" , . ", "'~ _. .: 1
dl.
/'
1 .,.1
::\\Oe e.
L •• e
en Y8 c{ Cl8n ',\\TOrO,
.>nI YE; m.1.lCOcen
/
/
: )
!
,1
,
;
.......;.
" "
~
j
,.
r
woro.
Den iIa bonyana keLm :'8. Den musa l:aga L'n
a C 'so,
.
1
1
/ /
,
i !
!
i
r
,
,0'
• .1
,
,
.
a. ko a d::·g) c\\ ye x.tan nI a le ye.
A
ù:.;g..u: 'r
sL~a :::d 3. :ni a
/
i
J ;
"
1
l
'
! .
l ,
f
cE. y8. DU8U s(.gbi., numo g.. C( :,{e ,. muso ù)g.:'c~. faga klngo
r
'
,
,
/
'
I l !
la:. NI g~ musa yé a d.~g....c '; lé'!.k-unu r.1 fié\\. yé. Sa f.'n ;a tun 1<".3.
f
1
i
;
;'
\\ j
1
1
1 i
wo fla vira a .La.
IC'r.'m.nso ni à dJ~; c C ségi 1':.0 ra,
80,
de
i
1
f
i
furu siri"
ItDeux fem!Tlec inséparable::: ~pousent le rnême jour
le même hom:me (les D!0ULA en général sont polygames).
Elles mettent au m.onde,
le mêrne jO';lr,
l'une un gaJ:çon)
l'au-
tre une HUe.
Les deux enfants grandicsent inséparables.
Quand la jeune fille doit partir pour la demenre conjugale,
elle exige que son frère l'accoH'1pagne.
Celui-ci passe la
nuit dans la case nuptiale avec sa soeur et son beau-frère.
Le lendemain,
il est assassiné dans 13. brousse par ce der-
nier,
rnais sa soeur le ré89ucite,
grâce à u~.e médecine qli.e
lui indiquent deux serpents.
Frère et soeur reviennent au
village où on les marie".
- 27'7 -
TABLE:A.U DU J:'ALEN ~'To 7
- -
.---_._-------
VD.... U\\.GE
1
BROUSSE
~
.
Vil12.,S':e dl,,-j---
------- ,
Village des
G
-,
1
J
,
pa~:en-;;s
1
Îi.!b!),cé
1
1
--.J.
1
f
- -
1'---:------'.--,-------
1
~.:::i;ille
Fiancé 1
1
Cadet
1
--------------------1
Parent;:;
1
J. E'.l e -",-- --->F1,anc é
1
Cadet
.. '_,,,.
1
_____L__
,-__,_1
Pare11ts
- - - -
Parento
Il
Fiancé
,
J.
Fille
F!"8re mort
---_.
-+1
-"_._--"_._._--._"-""-,..,,-"--,.._'"'"",-,,.,,_.-.._.--'-;'
.__•
~
Parents
Fiancé
F:>:ère mort
Serpent
Jeune fille
...'
"'.i
Fian:::é
Serpent
Jeune fille
Frère ressuc:i.té
1
----~---- .--------------!---------------r
!
Mariés
(.\\
;
J.
Fine
\\
Frère
1
1
- 278 -
Nous remax'quons que :Vorg2.nlsaHml spaU.ale de ce
t.alen pré3entB une originalité: le villz,ge de la jeune fille
est pO'D,,' J<.. pl~E'mière fois,
séparé de celui de sor.. f:i.ancé,
A pren:d.è:!."e V'J.C.
ce tableau renvoie au prerr.ier 'cype de sch)~-
me obsel·y8.
Si en efiet,
on fait abshacHon des pe:t'sonn.:'l.g,es
qui les cHect:'..1ent,
les déplé'.cements de~n(;urent identiq~.1.el.J :
-" ._~.
VB
VB
car selon lé'. rnéthode diê.. :':'lê.lyse que nO~lS aVQ:l.18 adcpté.
les
personn?ges ont.
au mo;,ns.
autant d'impo~:tance que les Inon-
vements cl<:'.r..s J.I élucidation du r;d.1.8m.e.
Or,
dar'.s ~c tableal.1.
préaent le prem:i.er InOUVC:;-!~.C1T~ est effectué par le frère,
le
deuxièn'1e pal" la jeune HI!. ·~o
Par rapport au p::rcmie:r type de
schème rencont:.-é,
il se p.t:'odu1i.: donc une permiltatïon des
person.'12.ges dans ce::' deux p::;'~:m.iers 1noUvements. Au clen'1e·;J.·,
rant,
le d0nQ1.~eTnent es';; tO';;alement dHférent de ce que nOUG
avons vu j"UCQ1J8 là : la. jeune fille êpon8 e so:;.1. frb~e • La
modification du sch~rne am:lOnce un changement dans le dé-
nouement du drame imaginaire.
Certes,
on peut observer une
certaine continuité dans les rapports entre les personnages,
On
retrouve la. même relation trilogique entre la jeune fille.
son frère et. son fiancé,
dê:.ns les trois derniel.'s talen.
Les
rapports de 12. jeune Hlle et de Gon parte;'1a:i.re sexuel sont.
dans les trois cas,
perturbés aus si par l'antagoniame qui
oppose sor.. f1.2.r:~é à son frère,
l'homme-d'aHleurs à l'homlne
de chez soio
Mais le conflit a considérableme:lt évolué.
Cette
fois,
il confronte,
sans c~.2tour, le il'ère et l'époux. du villa8e.
- 279 -
Parallèlenlent,
le frèt'e n'est phi.;3 ua cadet.
Il a le mêm.e
âge que Ja jeune fUIe.
Ce qui CO:'~!'N:.pOlld O"<..\\"'e rapproche
davant.age de J'image de l'époux. dans la l'éaJ.:i.té quod.diem::>'<2.
L'homme est 2.1.1 moin.8 ::\\.ussi âgé r{ue son époll.!:'e,
sbr':r1 pJ.'1.";,
Aussi le confl:1.t éC:-.ate:·::1 scandaJ.cuse!:!l~nt e':? ple:o.:\\ ~r.u18.ge.
Il n' ~Gt ,-~lnG refculé dë.ns J.'.". brousr>e.
La t::.'aeédie ne sacrifie pas la rllême victin,-e : au
lieu de l'hornme d'all:''3UJ:"'S,
Cl est l'homme
de chez soi q'ui
meurt tout d'abord: le frè::e est assassiné par l'épow=.
Pa-
radoxaler.o.ent,
18. conséc1'.le:r1Ce de cette tragéd'.e .... s"l: LI. rnêY':le
pour 18. jew1e fUIe : l' e~;:og8.:mie c1er.aeure irnpt)fc~sibie, m2.1g:::-fi
la mOl't du personnage qui ce:mbla.lt l' e:r.rtr;:).~..-eZ'. :U y 2. plus :
L:\\ tendance iv.cestuenr:e,
ailleu:.o implicite~er.·.t e::':p:::o:1.mée,
se
réalise effectivement ici,
....~or..ii:l.·T.(.1.6T.'.t d.ns;. l'hypothÈ'!.?8 que
nons avion::: formulé Dar arU.eurs.
Remarqllo:.1z cependant,
pour nuancer les cno3es ~!}':l 1.2'. jeune fille n'époa88 q1.1'U..!l
fantôme (le fr.ère i'e8GUcité).
Le i-J7èT,; r:10t17:ra aupara·..ra.nt dans
la brouose,
('.~.:7 '}:':l vElage D~OUIJ\\ ne pe;):;; abriter impunément
ceux qui 7iclen': la r;;;;gle fonda:mŒ1.tale .:.i. e
1'exoga.mie.
L'hmnme
qui reviendra ép011!:' el' sa soeur est déjà mort de son exio"i:e:nc e
villageoise. li vit d'une vie issue de la b:r:ousse (la médecine
des serpents).
Or,
Ci est
sa soeur qui a utilisé cette médecine.
On peut donc d5.re que le frère incestu.eux ne réssucite que
par l'acte "sauvage" de sa soeur.
Dans un langage moins con-
cret,
on peut Se récumer ainsi : )-·;en que r.o.ortellement refoulé
dans la bl~ousse, le frè:r:e 5.:'1cestue'u. revit dans le psychism.e
de la jeune fine et l'en'1pêche d'épouser un e.u.t:r:e homme.
Le
schème livre donc un mes nage qu'il f2.'.lt. développer : bien que
la coexiste:o::ce de l'homme de chez soi (sous les traits du
- 280 -
fr 'ere)
-'
e···'" ..:le'
( . . 1 7'ho'mmp
. .
J.
_
,JI?·l"lle··'··'O'"
.....~
~,. ...J",.
......L ... Q I
Elle CS\\: GUf.Œ"irée PG'·:i: la c0~nFa:;~aisœl du sd-lèrD.e
1
12. je'll:ne fUle fuit ver:; :i.e vi:l.lage.
Cllez ses i::.m:;.o',ê;nts,
8~.},G
der daï'u: c:e c;:s.
C: 8!:::/: 6i:o:e que tou:;;·.:; :',! ~:m.?.ge ma.scull:ne fam.i·~
lière devient (':;.d·L'.::;ue.
:8;:l pe:;:ci~:..nt GOll. effic~.cnc(; ").:n ïil0l,1").e:nt où
me de càez sol :.:~e l',eut plus, dece fa:1:~ rnêmE:,
s'opposer à la
rep:t'ésentation de llhornn"le dl ailleurs.
Parce ("~ue les deux rcpré-
s entations contradictoires ne sont pas dl égale force au lnoment
de leur rencon.t:re,
elles se succèdent sans yj,olence.
Or.
Cl est
précisément le contr;Ü:r.e qui se produit ians J.8_~:O~ n° 2- '
Cl est-à-dire ici.
Z.n.n;l}ucnce clï..1 fJ~ère s'e::8:t"ce avec une régu..
larité 8'~ u-::e ~.ntensité ég2.:;.. d~ F;l.1.T. lé> j e1}.n8 fine,
jusque
dans
:;.'archa:t::m.e de la reD:... ésen:i;af:ion de l'hom.i-n.e sous les trê:j:~s
de l'homme de chez GO~.o On :~)en'~ donc dire que dan,; tous leEl
cas où Ilhérollie accède à une :Jexualit3 normale,
elle conSG:r"fe
- 281
cous les ·~r<:. :'.ts c~ ~
de cI~ez ;Joi,
conservent désespérément le r.üêm.'2 sep.~ : l! endogamie et l'in-
tôt,
e!.les f1.gu.:t"ep.:~ 1.:':1. f2,uve {asc:1râ./l"i: qni d8tou:.:ne J.a jeune fille
tique (qui chasse po'..\\:t:' l' époux v~JJ.a8coi3). Enfin·
(L~,ns bea~.:coup
de '.:a,s ce ne Gont que d,:",; honlmes transSGil!'é.=:.
CI 8st le cas
1
des cl::.:::ciple,s d'2 l' é:D':>ux,:.anG ).e t.?J~7l_ n o_.,L et ceci pour deux
raisor-.8 : la p:i.·emière est Clue le,,: petl~:8 ga:i.'çOn3 appa7.·aissent
cl
1
~
","
" '
'ans
es r.nenles cm.1Clv:'..on.3 q'.::.:=' .i.ec an1maux.
Le. jeune f:llle
la ph,.s i:r:"lpor·i:?T.:.e- es~ d' o!"dre hl.sto:d.que.
L ~ t;:).len l'apporté
ses disciples.
Ce changement en provoque d'autres.
A la plé'lce
1
""
du cibi.'1o,
instrument de musique évoquant la. chasse,
le mêc:i.:i.a-
teur ne dispose plus que de sa voix propre,
C'est ce qui pré-
cisément,
a
rendu la transfie;urz.t:1.on ;.rr;pel'cept:i.ble.
Il ne pe1.lt
donc plus provoquer la pe'.lr qui chasse lél, je'J.ne fEle de la
brous~)e ei; lé\\ pousse vers J.e v:ilJ.aSé. Voilà pour:j,1'ni on ne
pouvai;; paf' cO''':'lpreEdre le retom: de ccUe-d vers la dté des
homm.:;s.
Cette mise éX. poir.t historiq'_'.e Axpliqt:.e donc parfaite-
<.
28? -
l'ho:m:rr...:; de che:'", coi,
1(', frèl"e.
Arr.:;.yé à ce pc.,';,1;·,
1..l.
d"'·~.err~:
pass5.ble de fa~.:;'·8 une Técapitulatlon néce~saire à l' {~.l_1.c:;'.c1ation
certa~.n.G
perso;~.nagGF,
nOl'l,S ayo:ns pa:d~ de :~ en :;: .~~ s (;:.~ ',~3.ti çJi \\ 8 et
....--_.
__
_4._.' ......_ ......
~.I_·C~"'"
9.' imalS '3 c , à,l'e.:w1ï:'EJi.nn de::> a:ctreo, Qus.J.es son'; les raisons
qni justifient c ev'i;e disti'l"~t:i.or.
?
P Y.'..r répOT~dr€ '" c et}·.e qlles-·
tion capHale,
î'kus
sa.\\'ons déjà c:'.ue le cor"te'F:.' aI0ULA veut dCl'.·J.er à v:)5.3:.
E!:l. siui-
delà le discoure. scn0J: e des mots ct des onoL'.LiatvpéeB.
t.m l?n··
évolution dans ~'8é.\\paCE., m~.c::cocOST'}.0, d'"
talen,
et J.e7'.1' suce e,")-
s:i.on,
conot:ï.tuen;: ,:e que nous avons appelé sch8::ne.
Or,
cLms
c e con\\:;:;~::te la q·".~s·~::'~)n doit être l' efornw.ï.ée.
.uë..ns cet un:1.vers
d'êtres et de choses en mouvement,
com:-nent peut··on distin··
guer les êtres ~}i"généJ:'j2 de ceux qui ne GO'.1t que des rep~~:
~~_I}!E:!i?E~' qui ne font qne renvoyer à d'autres réalités ?
Pour résoud:re ce problème,
il 1'10'.'.8 suf:~:<: de ren"larquer qu'une
comparaison cleo schèr.aes f2.it appa1'a:tt:re q'1e c~rta:1r..s pG:;~8on-
pal:' exemple,
de la jeune fi.JJ.e,
de Don fié\\n~é ; ils conservent
déf:i.nitiv'3me:1t leu.l' for:rr..~ oriE~nelle. Conh..?irement. à ceux-ci,
ce:\\"'ta:i.ns présentent dps appa:cences ambigüec
- 283 ..
J) _.:\\~~!l):ï.gt~~.t( (mo~:.tctrl;·~G 2.r.l.t~:.:-:c.)J?r:rl:..o~p~"'l.e:'~
300tC)
'"-.J
/) Vic-. fa.r':~·.r:·~:Léc:.tiq~.,.e (fJ:>7~r) x·e2P",H)c.it~ q1).:i. (~?O-é1Be sa
pr.e à "-1ne ec:oèc'O'. eJ.:ïlférent') éle J(\\ S12m:.e,
pa:'~ exemple
:=.nLnc.1 par12nt CO:"Tt'T.3 "Ut'- hOll"lrllC)
Grâce à cee cr:.U:ères,
il devient possi.ble de c1.:i.stin-
guer object.ivement. en se référant à 12. .{Q~.c an 1;~ngage concret
,
du fa.1.8n et la ~~éa.Eté, tl'ois c::;tégod.es d r ê~:.!'es
- le3 :r.eprét';e:nt2.tio·".s de 80::. :Je ~.nodèlc,'J d'identification
- Z81 -
c()nt5.e~1.t toujonrs des (;:.:5":.H~nts .:.,;: on l~e Iv~nt-:-c-~pJ:::mdre
~utièrement sans fê.i~~e él.??el à iJ:!.u.Gi~.}.l"::: ê.,~7.:;"ei:;, Nm,s 1:"Btr.OU-
.·'.T'.C
id l':i.d(eTuc ::;':\\'1:,; a:-..:.wn('\\o:;.,::; ;:-'2.!" "'.7,'.'.:7.1J.7'n ' J.l1.U1~.t2 d~
12. lèDgue DY.üUI.A.
La comparaison de dÎ"v-:;:i.,'s Gchèr::..::s :;"év~10 des ï;~ria
t1.ons aui 2.pp03.:tent des informat:i.ons fOl:t.
riches
A la. ~j_mhe,
o
ne pOl:.xrait-cü pas di:i:e qu!un oeul talen ne pC;'-l-;; ê~:re e:~pliq~.\\é
déf:i.nitivement que si lIon a a 1.lpa:;,"avant in7ent.:>rié t()~:'..c, :!.:::~~
t::J.ens ?
Et s'n e.1 &·::a.it ainsi, l'ë.nalyse ne pO"..::·G-,.1~.7:t"aL:"ellc
pas vainernent '..ID terme q<.:-,,3. s: éloigne h1.cléHnirr..ent ?
l'Tatre méthode cl'2>llëclyc'3 permet d! é'i:ablir des ni~
veaux dl explicaiJon (donc de r:'.cheSS6 sémantique) qui :Lésa}.'"
vent cette dl:E:ficuHé.
On ét.a::lit tOi...t d1abord des schèmes,
p ...:.is
on les :r.egroupe par fami1.1ec.
A pard r de :La comparaiS01'1
de quelques exenipleo d'un ty-pe,
1l devient pcs sible d'iJ.1.Ve:i.1tç)~
rier,
a pria::::/.,
la f:oté..lité des schèmes tbéori.quement possibles.
Le type cie codificaUon adcpt,~· POl.';:;:' ).0. tra:1script~.on des schè-
mes facil:i.te consicléJ:al:lems!:.t cet-;;e comparaison.
L~ tableê.u
su.ivant permet d'en comparer tI'ois.
Il devra ~t:;.:e 1'.1 vr:::rtka-
lement par colonne (1),
(li),
(El).
Voir tableau pêlg3 sui....anteo
!---.-.:J-~-,"-~h-.·-?=-m-e-7---"I-" ~:'~~-,:,è-'1-:"""l-f; -----,--~~~:i·,-,~-':-,~,-".,- -,-.-.,-~--_...--1
'~~·---···-~'-·-"-.F-·'-l('· '
--'-r~ --<:~"i' .---------]'
l. __ •
y" ?:
, - - c·,.
'Ott D
..... - - - ~ ., -".....: ...
__
.... _ -
~..... F' ~
.. ~
<• •
DIO
. . . . . . .
t,· -'. --.'.~ - ~
_.~
~. ~ -1'--." ....--~ -
--1
' 0
- . : .
-
-
-
-
_ .
-
-
-
. '
G O ' _
• • n " ,
" ' ' . -
, ' ,
-
• •
n , ' . . . .'
-
-
-
- "
-
1
.--."
i
1
"'VB
1
!
~.
j __,
~ _'_"
!
••
'" ,. '" c"
•
' .
_ _ "" _ •• _ _ .. _ _ '., _ ' . _ •• _ _
c,
..
l
'.
'"
:
, .. )
, - _..:;'
"-' -:,'
1
YB
.
YE
YÛ -----~-- F
t
--------------.. --_... i. -----------_..
-'f" ---_.- ----... -------
,
(-_..
1 : . c - - - .
~.)
c" . . -
<~--
\\i
,
F - .. ---- .. --- YB 1
F -- .. ----- YBI
F -- .. ----- YB
_._-_...- .. -
.....
_
_._------~-~'--_._._..
........-._._-----_......
e..."··-,.....,"'mpc
~..a.",n.
.LJ. ~ __
(=:>
-".~, l,..I.
11f"'xcep_
J.
__ .. ~
tian de 12.. jeune fiL:c,
p~)l;;.r 1.:m miT.'}.ln1 lm d'1,:'o.îtel.L.gib:iJ::t€).
Cela
nm::s pf::1Ttlettra,
o.C'J'l.S
11:1
b,ci:ar.:~,
cl'.? fail·c. va:d.ej,G les pe:r.sOlli1.a-
es rrlouvements
restant conotants,
on change les pC::I:scnn.ages.
1) T ransformati<;:Q...~Je type (l)
Envisageons maintenant la transformation intervenue
en passant du schème (II) au schème (1). Ld premier et le
dernier mouvement derr,eurent identiques.
:M:iis il se produit
un redoublelnent du deuxième mouvement
--_..... ~
~VB
....-.__+..,
..
VB
En variant les p8!'sonnages qui pourraient accomplir
ces deux rrwuvem.ents,
en pe7J.t :nventorier tous les cas 'lhéori-
- 2,86 ,-
\\,'13
.. - - ho F
h J un ht)::nm.:;'; d ' a.Ul'O:n::.·s
c) U~8 iernms, de c.hsc<: Goi
cl) une fern:.:ae d'ailleur3
d.e ces t:,rpes,
Un ;néd:i.3.-t:eur,
quand n.6cl:.c".e t,:ne f0~.(J,
écho:le
t01.1jOU:r.'f],
D'aut:-:-e pa.rt.
11.r!.e fernn:.e ::le v-a 5a11.":l.:::.:1.i: clan.s b. brousse
J.e Sec.':""':':D.o. ré'\\is-
a) :.'3 p:rem~e,:·:::léd::.atel'.:t
~ct ·:;~Î. h-c:mme é:::ran-
fille,
il réussit.
REMARQUE
Nous n'avons jamais rencontré ce cas.
b) le premier médiateur est un homme de
chez soi; il échoue.
Le second,
l'homme d'a"llleurs réussit
(cas du conte n° 'n.
- - - ' j
YB. ---------- .• F
...::.
"
V:S
110 F
'P-'.:'",":
VB
h F
H F h ---------------- .• -- YB
- 287 -
II) T ransformation de type (E)
Le nC'mb:re de mcuvements deE::.e1.'.:·~e le même,
ma:!.s
on ch;;~.:1.ge la d:b'ection des rnouvements ; cn m"3me temps,
de
s/1ve~"t~:e qui ne: se C:L§plCl.ce pas dan:; ),e coni;e, passe dès J.3
p::,emie::- mOUV2 i.nent de J.3. ~rC'u88::: â'J. v:'.lIage"
O::~ peut J.rnaginer
id. J.es moclificaHona :'>üiv?ntes .~
1)
Lo:.
jeu..T1':": :HEe 8éd-c:.:i.fe,
ernme.':1ée dans la brOl1.113e
8'V
c:.éba.rasse de son pa:,:;:<o-:nai:;:e sylvesh''3 par ses propres
moycns~ pu:i.s A"ev~.ènt &~J. village
• . • _ _ A '
Hb
Vh
VB ------ .. --._1:..',
Etb
..-
.. ~.
.F
- - - .. -., - - ~ '" -
~vB - - - - - - - - - ~.6
n la défend ('.:)U~l"e l'anim2.1 et :"3. r-amè:J.e au v:1.11,:,.,[;e :
.<._~...
Ub
"TB
- -~... - '. - Q, E,
Hb
..È.J --.E --------
VB ------- 1iO
3) Un homme de chez soi accompagne la jeune fiUe
il éHm:i,ne l'animal et !:"amène la jeu...'18
L
__
fille au v:tllage :
'-.
Hb
'lB
.... ----,'
È:,9,
F
-----.-- \\i?
--~--- Ijb
REMARQUE : parm~s ces cas logiquement possibles,
le seul
schème que les DIOULA conçoivent est le troisième (conte
- 288 -
nO 5).
Le deuxième ne se conçoit pas : ceJ.a signifie sans
doute qu'à ce stade de son évolution (stade sylvestre),
la jeune
fille ne se faH paD e:î.1COre du pa!'tenairc sy~..{estre,
cne rep:i:6-
s entation e.:.;:ogc),',.'.1.iq-..le,
Set'.l,
l'homme de chez ''1oi peut ene,or··;)
la. sat::"er du dange:;.' de l' ;;:J.iénatJ.on syJ.ve3t:;.·c.
Ce pH'!rlie1.' c~s est êgal8~::lent élim~.D< ,
co::: qu~. j.n~
dicJ'ue c!.'::.e l' évcl.'~.tic~'1. de la jeune fIlle ne dépend p:lS de sa
l3e'.JJ.e volonté conf.' -::ie:r>oi:e mais om:tout des :repl'ésentations de
l'ho::nm.~ dO:'-lt le mn:t0~.'. a f:;,;;;ro:>:,::'sé en e:J.e l' édosi~n. C' est ~.a
Con.sidérant mail1t.c.na:-kt le s:',:hème (II) tout seul :
supposons invaTiablesles perso1Ulë.ges et le sens des mouvements,
Mais réduisonc le nop.c.br",~ de céuz:-d.
:) La jet:.neiilJ'::: s'en v':'. dans la brm.v:,;.te et y demeure
définitivement :
._--:)'
YB ----------.- P
Le schènle se réduirait à cet unique mouvement.
2) La jeune fille et; l'homme de chez soi s'enfuient
-
d
1
b
t
cl
nt d "f' 't'
+
en meme temp's
'ans
a
rousse e
y
emeu::."e
e lrtl lvemen~
--
YB ---------- h'2..
F
3) La jeune fille s'en va dans la brousse,
un homme
de chez soi l'y rejoint~ ils y cleme'.l:r.ent définitivement :
-~'.'
YB --.,--------.;?
-_.,.~':..
YB ---------- ho,
F
1) Cha.."1geons à présent l'ordre des mouvements de
ce
schème:
- 281 -
.
~
-. .•...
VB -----~-y----- ho
VB - - .- - ~ - - - - - - _.. F,
ho
Dc tO":~S CAS ca~,
seuls le clemd.è:ne F.t le qua'i;:i.·:i.~n'1e
sont :::éi:'.liGés dar..s les c'Jnte:::: DiOULA.
Tous deï....~=: donnent Er;:,:;.
ses.
Po~cnt 'J.' est besoin de :::ont:·~~,.\\eJ.' ce~ Llventaire
ces
ilh.'.strations rr.t.::':1trent q\\.7.' on peut parJaitement le mene:::o à son
terme.
Tl appa:i:aît aus si que,
parmis les schèmes logiq1.!ement
pOG 5ibles,
les DX(,TJLA et :.es J\\,1anden}.~a en général n'en réa.l:i.-
sent qU'lm nombre Hm:i.té en leurs contes,
posar:t aj.nGÏ le pro-
blèrn.e de la d~.ffé:;,·en.~e f':~tre J.es po:::siL:~i.ités 10Giq"'..les de leur
la:,"'.gue et les ·':'..sages qP.!J.1s e~l font à ·u.n mome~ü dOIE:\\é.
L'a~2ê..!.Y8e der::: 1"apports entre ces schèlnes actuë.lisés
et cell..~ qui ne prennent cc:,'ps d::'.nB ancun conte effectH ne peut-
elle pas don.c"1.er une idée :i:elativemcnt précise des conceptions
psychologiques des DIC'Div.\\
'?
Ji l'intérieur de Funivern imaginaire ains:i. délimi\\,; é
par ce chob:,
on a constaté que certains éléments varient tan··
di'; que d'autres man:iieet.ent u.."1.e certaine constance.
Ce qui
demeure constant dans tout le::; :récits rapportés et qui est trans-
mis de bouche à oreille et de génération à gér.~:'·ation,
c'est
tout d'abo:::-cl la @t:t"ü~tUT.e de la scène du drame,
où r:m distin-
gue deux régions différentes : d'u..ne pô.:rt,
le v:ilbge,
de l'autre
la brousse.
C'est aussi la fugue de la jeune fille dans la brous-
se,
cette phase de son évolution paraissant comlne n:::cessaire
et inéluctable.
- 290 -
Si l'on considère mai:1'~enant l03s personnages intervenant
dan.:;; cette aventu::ce syIves<;..'e,
on cüIlstate que pOUl' certaines
jewlCC'; fiUe:;.
la médiation avec J.e vil1;;"ge est as~mrée pa!' llhom-
me d'ailJ.eurs ; que peui' c1f at.'.tr es , c'est le frère qui ::empJ3.t
c ett~ fOIlc.tlon,
et j~m.a.ir~ l,~ pè re.
Or,
ce fc..i,... ant,
il :;: end imp"s-
s:l.ble l'ac:cess·lon dt sa soeur à 'L".11e relation exoBr.;.rn:'-quc.
!le' est
dire q'.:e le noeud du dr,-llue de la jeun~ flUe m2.nde!1ka e::rl: pl"i.l1-
.
1·-
4·.....
ct,··..,·'
,... '"
(,.p·.olt
(1)
clpa... €~nen., .... on'" .. I.ue pa..
.,on .,..• _,.'. _
•
CI eet la t:Ill [(',.it cap:ttal
déro'.llent J.es a-;rentu:r.'cs de la jeune fille rep:;.'ésente le c:h?:o:np
dl accéder à la pJ.én:itnde de Il sa vie villageoic e ll •
Cependant, œ1te
broU3se ni e8'~ pal:' :la mêine pou:!.' tm.l:: lOf: ty:?es de jeunes i~.lles :
8I!.ée.
Elle abl"ite par.·!o:l.s un aa:Lrnal menaçant,
ma:i.s dans d! étU-
tre!J caG on n'y 'i;::'-'J'-1ve que de pe'dts Ê:'~~c'es sylve5tl'es avec qui
gie de ~a jeune fUIe DIOULA o Si nous a'V7lons pu alJol.'der ici les
COTJ.te3
rela.t2..nt le n1.ar:~age dtl je"\\.111.e hOIYlr.tle.
nc'~~.s aurions cons-
tater sans d~ute l..iTl cha.ngement de charnp psych:i.que.
Celui-ci
se diifére!L'.ierah alo ..·s en -croie zones,
Cl e5t-à~d:tre deux villa-
ges s~parés par la b=ousse :
le vill2.g e
de chez soi
~ la b:-oucse
- le villag e de l' épo'L'.s t
éventuelle
- 291
-
!
1
Villag-:. de
Brousse
1 1
Bro·,..u::se
è.·~}neurs
; 1. _c.hez ,so;.
-----1---.------4 ,
---{--- --......;..
chez soi-
.. ;-....
. -. J. homme
conJo~_nt
J.
Fille
exoJél.me
,
..
..--_.·_.I .,
~.----
ailleurs
/
"
~.
conj')int
exogame
Cela indique que la déviation endogamLlue est évitée
par le garçon du fait de la structure même du champ.
Le vinage
de la femme à épouser y est séparé de celui de 13. femme de
chez soi,
alors que la structUJ:e du champ de l'imaginaire iémi-
nin est telle que l'homme d'ailleurs et .llhomme de ~hez soi
habitent le même village. Aussi comprend-on qu'au sortir de la
broucse,
Cl est -à.-dire au moment de se marier,
la jeune fille
retourne parfois chez les siens •.•..
- 292 -
cJ e l2c la.ngt~.p.
D:l.üULAS
La langue et d'UJ.le façon générale 1: édu!:;ation tl'adi'i:j.on··
. -
nelle DIOULl\\ répondaient 8'_~.X conditions éco!lorrdq~.les, sOC::':~..i.CB
et politiquee de la scciété tri'\\.c1itlonn ;,;I;.e DJ.:OULA.
CI est aUGs:'~
par :r.appol't à ces condHions que nm:.s les é\\"ïOr.3 ~:mm:~nées e•.
analys ées dana n.otre deü);:i~rr..e pa!.qt:i.e.
De ce point de V'J.e,
on peut dire que cette éducati.on traditionnelle et cet:e lang·i.:t\\o.
ont largenlent été capc>.hles de foul"nh- et de véh:kl1.1e:' les élé~
Ine:n.tsnéce8sab~es au maintien dans 11 essent5.el, du n~.veal1 atteint
par la sodété DIOULA d;:m.s son évolut:ï.oll.,
Sl'n·
le~, plans éçor~o-·
mique,
Gocial,
techn:i.que et cuJ.t~lreL En Cê sens,
on pêl1t di:::-e
qu.e ceb:e éducat~.an ei; cr;·.:~·.3 langu.e .o10'01,;/'$ crr:~ at':ént leurs
ob:;cct:iis.
Cependa.nt,
la constatatio:;,'1 de ce '-'~-'C~è3 rela·;.~·1.:? appelle
un certa~.n nombre de remarques :
de 11 éducation et de la langue,
et leur traduction prat5.que et
concrète sont étrClitement li~ au .c:ntexte écono LCi.:i..que et 80-
cial,
à l'importance et au volume de ).'~éritage tra.n2r.o.ls à
l'en fant et à l'adolescent.
Dans cette société dont le stade
de développement dans tous les domaines était relativement
arriéré (sans d'ailleurs l'avoir été toujou:r.s par rapport à ce··
l . d
. "t "
,
,
l
~
"
)... l
d
Ul
es SOCle es europee!1nea ûe
a meme .:::poque
ou
a pro uc-
-:'
: ....;-.: J.'
:'.nex:i.stence de llécrHu:::-e,
aucun 2.t1.t:ï:e moyen. ("ci') t:;:·al.lsmiss~.u;l
cl
11
... ."..
-
~
l' _. :'1.:., - f(: d~· ~ '1'1,11-
e
expe.. :ten· .• e
.·.1X.llc •• ,·... E:
\\ .Ln
/.V:.u..,.c.. e,
JEI. production"
T.2.·',·cm.ent du cad:rc d'un vUh.'.ge eE8 :110 pouTia5'1: êtr8 eîB.cie:cte
que da2.~s le ~,acL.'e d' une~:i(:onomie agraiTe et d' \\.1.~C société où
1et'...•8 celles des struct'.ues économiques,
des ~.n8titutJo:n.s socia-
3 0
L~
)
languE.. D:i.OULA dans ce contexte,
G embJ.Clit
connaît:;:e également der,; ~~:tmite8 et deo insuffisances : très
- 294 -
a.c\\8.ptée à la simple t:::"?:.r..Gmis sion deI' e}::pér:le:n...~<:) des â"""!1és ;:I.U;'C
et e8s,:;nti8UE;:;:-nent emp:i.:~'..~ue,
elle semblait ne pa2 ~'.o'uvoij" oÎ~
Hl' ni le cadre,
ni 18 GUPPQ~t à. des p;:'0é;r:'~~; lllHiriel:<.i.'8 pa~ llln-
t6gration et b
g6:':lé:::,~J~,3atlŒJ, gra.duelles <:e. n.,:;")velles ex.périences
dudlement,
donc isolément.
Elle semblait cO:::J.à.am.:;::
p8'~er et rester immuable.
En f<lit les boul,evcrn emel').ts OOClé'-U:,;:
et les changements poEt:i.ques importants ent.::L'ab.és par le cœli:act
de la société DIOULJ\\ aVGC les représentaD:i:s de la cultu:o:oe el)...·
ropéenne,
ont provoqué en'i:re autres conséquences,
l'{nf:1.'oducd.on
dans la, société DlüUL!'_ d'une foule de réalité!'; ~'1011vene.s> incon-
nues de la cult11re traditiolliïelle DIO.JIA.
En effet,
les mal'cha.nds,
•
les missionnairec et les administrateurs coloniawr. Q1'):i; 2.ppo:;."t:.5
a''"3C e-ex,
toutes sortes de techniques,
d'outils,
è.e matériaux
et d'aliments nouveaux.
Dans une propor.tion plus ou moins
grande,
ce~-ci seront adoptés par les populations DIOULASo De
même,
en ce qui concerne l'organis ation socio-écononlique et
la religion,
plusieu:a."s concepts,
inconnu:3' jusqu'aloro,
se :ront
imposés
de gré ou de fl}rce.
L'hypothèse que nous formulons
alors ici est q'.le cette forme d'acculturation aUl'a sa contre-p2.:t·-
tie sur le plan linguistique,
En effet,
dans la mesure où la
population DI()UL·~ a consel'vé sa lang1.'!.e maternelle,
il lui faut
bien nommer ces réalit6s nouvelles.
Le le:;dque DIOULt\\ va
donc se transformer ea fonction d~s changements culturels.
CI est
ici alor8 q'..1e nous rencontrons la réflexion selon laquelle nos lan-
sont
6l,~p/"conceptuenement
pa.uvres" pour pouvoir exprimer
toutes ces nouvelles réalités techniques et scientifiques.
Si
l'on veut dire par là que notre civUisat:i.on,
du point de vue de
son n:i.veau de développeme~1.t technologique et scientHique a.ccu~e
- 295 -
l.::l
retard
par :i~2,pror,ë à l' Occ::'dE.;::lt et que nos langues,
sigîl.:'.-
'Ças ~.CJ,. et rnainteno.nt l' ens e•.nble des conceF;s techyr:ques pa.:i:
lesquûs :.'0cd.clent in':erp!."·~e ca p:'.'o~:':e ~;5.YilisationJ rend com.p-
te de sa l-':..'opre 87.;p':'::d.ence t8dm;.q'lc,
sdem::;.iique,
".?c .•..•
L'cbject:i.Dn nou r
scmèle Sa:D.9 con"tç3te ?,~r;'ê;ph::.blc. E:.l ",HeL
on che:;.'chcl'.::J. en va~.n ·:.;'.u CO~1.C0pt o:;::i.gin2J. clésie;nêmt d2.ns nos
langues lU1.e fus8e;
la téJ.év:ls::'e>n on un rada:,:"o
:;:·/.[a.is
est~,r;e ~~
dire q'>'.e n08 la.ngues sont i:.'.'::ê.pables de rer:dre cornpte dB
ces
données de Il expér::.e:nce b.1.'.m;;,.i:ue ? Pa,,~ cl'). tout,
Car ~o""'.te
réponse affirmative à. cette question rendraH compte de l'un
ou l!;:).utre des fait::: su5.vants (ou des deux ? la fo:i.s) que nous
a "..rO:ilS sig:nal é pa r ailJ. eul.' El ;
a) Le p;-.:·oblème de l'aptitude de nos la:l.gues
2 ë.ppréhe:n.der et à L:!terpréter les dime:D.sions scientti5.nues et
techx!.iques de l'expé:rience h':>:rné'.L.,e ·un:1verse1.le a été ma.l posé
nos langues ont été cO:.1.r.idé?'ées non pas d"".ns nne perspective
dynamique,
më.ls d'un point de vue statique et même dans ce
de:t.~nier cas, nos la.ngues ont été coup€es
de lenT.' contexte 80-
cio-culturel pou:;.- être 2.v.alysées (c'esi: l'hypothèse que nous
avons défen J-:;'.e dans la première et le. deuxième parties de ce
travail).
b) Victin"le d'une colonisation puis d'une
néocolonisë,tion aliénantes,
nous ne pouvons avoir foi en nos
langtles et par suite en nous -mêmes.
Nous avons L':ltériorisé
et fait nôtre,
~e jugement d~p:réciateur du colonisateu:i.'.
cr est
ce que nous avons appelé e~ son temps ilIa cuJ.pabH:i.té linguis-
tique de l'africain".
- 296 -
attend de h. :i.angue qu! 011e fJ')~t omn~.puis sant·".:; et cee
en cleho.:' 3
les mot.s ;:-,lgèbre,
psychologie,
pédagoeJe,
tc:~:.~·g:t'.0..ph:ie: ·:.:~tc .,
te:::' qu' €'i:ymologiquement
C'3G
mots or..~ une orig~.l;.e arabe pouX' le
prem~er et gréco .. latinc pOl1T leG antre~"
Ponrtant,
eTn~:·!"·lt!Jt~5s
puis rnocle],(~8 et as s:Î.m.ilés ,
en Gomme nnatll!"al:i.E:,ês" par la. lan-
gue française,
HG sont aujou.:i:'cl'bui des mots p:top;:es ~. ~etb
la~.gue. L' empruD:~ est bel et bien une réaHté de l;histohe du
l.angaee h'J.:mam : appo:;,·t duGreç et duLa.th'l :::-.l'i\\ngléds,
au :':<:;~an-
çais,
~~ 1'Espagnol,
etc
apport de J?."". :i:abe et du I0:'ançals
au..x langues africaines,
apJ.)ort du CrOULA ë.u SENOUFO,
etc
Cn~ oserait e,dger du locuteuï.' DIOUL,'\\, SEI'~OTJFO 0'1 BAOUL:C
qu'il renonce a,.,. mot m.obiE pou.r désigne:': ,_...."1 véh1.cu1.e aU'i;omo··
bile ?
Le recou!'s a'xx: mots dlo:dgID.e ét.!"angè::re J.o~. n d~ être
la preuve de l'incô.pac:i.té de nos langues à exprimer leG réali~
tés nouvelles,
est devenu aujourd'hui tort à fait normal pour
toute langue.
Ces mots "naturalisés" par nos langues,
sont
c1eTl"enn~ des mots de ceG langueG au même Htre que leurs Yoca-
bles les plus 0 rigina1..1x.
Un système Enguistique étan~; donné,
il pe1:.·i~,
eY.'. fonct:!.on de ses Ca.:ë'8." ·~:8ris.J':·<..::1"'··' phonologiques pro-
p~~~s et de sop.. lD:-lde p:;"opre d'~.gencem.e~t des unité::; phoniques,
bl'cf en f.onction de son propre mode de fonctionnement,
assi-
- 297 -
tor:i.ques g3,rantissent 12> SU1'''le du vucable d: elY1pn:. clt.
irI:méd:i.3..~cmeHt fon ..:;iOl':·:lel que les teD"~d\\:;ive~j Je ·;;:ra(Juc~î.on
...,
.
;'
pe Tlphra s:i.que.,
pé:dence de ces GU-.lrie:;:"G c:;.l:'.3.lphabèi;es nombl'e~x q\\.'.Ï dans P e:;r.e:t;'~
cice ~T1otidien dl:-
el:lY p:t'o:Ce8~ion,
f.ont 1.1.3a8'O) de concepts tecllni~
origh1e:i.s,
w-a5.e dont Es maÎ'i:::r.it;;e:i.,.1: parf.aHe:ment :~.;;l EignH:;.~a~:'i.()n.
"k'
e
.
.e:1:":1. ("
,equerre ) ,
dalasi
(mètre),
etc J • • • • ,
de la même mê.niè1"e que spo<J..tnik,
démographie,
démoc:::atie,
et p:i.peljn.e sont français.
Ne nO'{"D cl'oyons donc pa:è c"!;J.:1.géG,
par je ne sais quel esprit d'3;u~hen~id.té 8.nc'2stralç;, de :COT.amer
au moyen de vocables 'i:ypiqllenlcnt DIOULA.,
baou.1.ê,
agni ou
sénollfo, X,
Y,
VX,
X2 ou/\\ (delta) par exemple da.ns l'ensei-
gnen.ent des m2.thémat5.gues en langues ivoiriennes.
Ce C1U.i. n~
signifie pas qu'il fa~.ne banir du langage mathématique,
les
consacrait,
A
ce propos,
sigù?lons ;.d. les nombreu..x term.eG
de calcul dont c'i.:;pose la langue CrOULA
et qui pourraient
t~<;·:e utilisés au :liveau de l' ,;·xlseigneme!lf; du calcel au cou:':s
(l-6mentah e :
-
/':18
-
.
' .
,,7? ·~:(.=~I<,~..l~i.:~
Da
2
, ,..
j ,
J
ké16 ni l~Ja
tb.:Ï;i:és
lr:é14w
ké
DizaJ.'J.c
Mw
b
C 8,::,.t?.in e::;
k t.:m(:;":j,i
~:::,
1\\..:5.11e
'baaw
b:l
Notic:ns de clas R8S
__.,.-,----'--
- - . _ - - - - - ~ _ . - .
CJ.asse
...
Classe deE~
baa. nona
'.
5e:r:-e
unités Girnples
..
Classe des
baa sèrè
milles
Classe de::>
:c'.1.:ï.llion8
mHlicm
Voh" tableau de c1aE',s~.:flcaHon page suivante.
- 2.99 -
~ -----_._-_.~....
... _--_._-~-~---_ ..--_._---_._-------------
" -
".
~,
!
h2.a sè~~~~
b~.~ nana [~ r.:;: :;~(~~
l
IvliJ.licn ~ e:cè
1;---'~---"'-""--~"-.-_.-- _
_.,-------
........
......._.__..
-_
--":-_.'-
... .......
... -...
-
-.._~.,
kèmèw
bi',!
j::éléw
k'mÈ.'i.v
biw
ké~.~' '7
kèmèw biw
kéléw
. ,
( l~é)
( 0)
(ké)
(i) i
~k<2)
(ké)
(b)
(ké)
.-----_...._
__
..• _.... _._
_--_
....,---..~-,-_.
..__. __ ..
..._--_.. _-~
Problème
Rai;:;o~ne:CtleLi:
nyanyb.l
i
"
Opérat:i.oG
Jatém:i.l13.
,.
Solution
Jaab{
Sorolén
-
[
Caleul mental
Ku:.n.:;.jaté
Révis~..)n
Ségikoni
D~rajô.té
Jatésèbè
Con-.rez-sation
Kùmafoni
Pr1x
Songo
Bénéfice
Tono,
nafa
, .
Perte
Bono
Capital
Jagokun
:Prix d'achat
Sànc1~
Prix de vente
Féréda
Economie
MaraJé
Acheter
~an
Vendre
7T
n.a {;.",
~
~.t.ere
1
PaY'êlr <>.
:K.a sara
Gagner
sore
Ka bor.on
Le coût
- 300 -
1
Coûte1'
ka songo fa
Econor~::o:tr;El!'
Peser
Ka ka x.ta • kê. Gl1.rnG. ( mes ur. ~;\\:)
.:
J:-.::T~ ::20.
1.) ilc1di(::i.:m
_ _ •.
r,_."'-_'~ _ _
. '
1
le
/ - \\
\\ -,
se dit ka.:.:.yan n2.,
yé
EXEMPLE: 2 ~- :-;,
Siei YOTO man!
..
" :
.
,
"
1
le sign8 ~];:) sigiyorom2.l2. ce dh <;iejY0:,.'o:G'lGl
~;:'X;E~'{b"PL0.: 2 x 5 ::: 10 se di:ra_ll~~_..~i?Jy6~~!~~_1:9.ri.l 0 yé
M\\.;.J.dpEcé'.nde
sigS.yo:l'om.a"ta
1
•
Produit
sigiyoromalé
i
Tlali
, '
(
le signe ,:) tlalan s e di.~ tlani
yé
EXEMPLE : 20 : 5 = 4 pe '-'lira ~F:":-±lan} loru la 0 ré naani
Div:!.c1.ende
tlata
Dhlst=:,'.r
tlalila
Reste
ta
-
301
1,,; CG f:i:é.~cti01J)::
........- ... ...-._..... ..__.-._-
~
~
·Plar.
m r •.(,.1° #.
-: /:'.
J: .... e
.
~
- / ...
l.
:.J
KéJ.é ':J;~J..::t naba la
"/N
t.,
~J
F:Llo. a?j.~.l J.oru 1.2.
/.k
,
J
l'Jotion de ":o::':';~e
F'-rrr-
l·r-12.
~ .:). J•..::.
::n ,
c'..(..
\\ !
m ,
J
r:}.~:.:,
•
0
1
La nl0!Hlaie
50 c811ti::neG
25 (;. ~nt:i.rne::::
'0 centimeE:
'IUITlê,
AEn6e
MC.if>
Kalo
Sernaine
Logol,-un
Jour
Téré
Cornme on le voJ.t à trc;.vezos ce bref inventaire,
Je
DIOULA. dispose d'un impo~~tant voc?bulai:;:,e qu'on pourrait fo:r.t
bien ),tiHser pOUT 11 enseignerne!:'."' des mathématiques au niveau
élément."'l.iren
C'0,st donc ll..'1 non-seuS que de dire d1une langue
qu! elle nI est pas scie:n.t~fiqueo Toute laneue est scientifique ou
l' est vi:rtul..'ll1 em.en!.
-
)02
...
étrangère.
NO\\::G
;301nn,-e,~ des :·",,-Uê!.l~8, c:::.r:wciento Ot-:. non de no-
tre condition,
.ï..:<?8 .i'a~.t8 h.i.sto:d\\.r:J.r~q
e~~:pllq'~~8nt r.lôirem.ent cet
éÜ1t de cho2Je.
n eet tenlpS q.'.18 nous p:i:'en:i.ons conscience de
ce faH e'i; t:;."avë.nlb:~.~ à ~dqLücl8r. cei:,te stérile prop8:",..s}on zi. la
...
,
12.n
progres Ge rna:3FJe
ou. un progrè3 de miD.orit(Î,.
E
'3Gt temps de démocratiser les
moyens d'a.ccès à la cultnr."
et au dé·veJ.oppement technique llbé-
rateur.
Les l;:;ne;ues ivoiriennes étant l'un de ces rr-.oyens es~, p...."1.-
tiels,
cette dér.noc:'"ê.tis2.tlon suppose J.e :::'8cours 2. ces langue.s.
langues eE't l:i.ngn~stiquemeLi: f2·.ü8se.~!1l"ce qu'elie on.1:>He que tIJU-
te
langue éVJlue en nlê:;-l~e '~emp8 que se t:i.·ans:Zol.'ment les '::on-
(U.~ions et le mode de 'de de la société qui ta parle,
:Ca langue
.
..
es';; une proclcctlon P,"':t' ï::tqu.elle
/
"
l:r.Le
80':',J.8,;-::;
consigne,
:i.nterpète
-
303 -
~t fOTITlalise SOP.. ':;:r.:pér::.encG vécue•.L';,.ins~. ~? l?:r..'Sue f:c'uj,,;alse
::1'1.1:.:.e ·f·;rolut1on.
A
ce propoG,
::."a.ppe:'.':)llB 1'..'.e chez; les DIGUL':"S
'.i.e Côte d'Ivoire,
COl'nme
(':')le'-~!'G che:?; d'all'~re;:; peuples airi-
1:::IJ.e (français pl'in~:'.p2..J.e:':-Denj;) Ct pi'ofond(me:2t modifié la cd-
tu:re tXé'.c1itionnelle DIOUl..A.
effet,
les nÜs:·;.on.naires,
les
coml:.C:·:v.r:'!t6 et le3 admin:i.Gt:ra·~eurs colon:l?u:~ ont appo::,·té 2.."1(;(;
eu:;: "i:O'.ltes 1.1.ne série de i:echniqne et d' obj et3 jusque lE. :1.n~u1.··
nus des populatïon:::OIOU.Ll-\\C o
Au niveau de la religion,
cer~
tw.:i.:11S co:o..septs nouveau:;;: on.t été imposés.
:::1 y au:~a donc accul·
l.ation DI0ULA C0:n[~enre sa '.anT,:2 ?t J;:'.. pa:c:e ciar..sl tC>U3 les rap-
vocabulaire s'ajustera au cO::ltex'~e cl.ùtureJ. n.ouveau.
n y aUTa
donc "acculturation le:;:kale" (1).
Voyolle donc le. fa;;c.n don.t les DIOULA ont réussi cet
e.;justernent et particulièrement les dEférente5 mani~';:i.. es dOD.t on
s'eGt pds pom.. cl-éer des
s~gnific2.-l..ic:.. c nouvelles,
ai:~1ei q·'.le
~'~
W'2:1I.
...... _ _
(1) _D9I~IS (L" ,I),
L'acc1l1turaHon lexicale chez les Esquimaux
du I...abrador in }.-,a!22~f!,~f?, n° 1.8,
Juin 197·'),
p.
65-77
- 304 -
11ré;'.l~.;:.§G n.ouvelles Il ,
danE: le dcma::,ne de la cd.ture matérle~U.8
et du ":ocabnlaire,
·'-·''ôlnc.lyse esqlJ.issée i<:i po:;:tel'a su.X' deux séries d~:XD.i-
et ....:nc séde Engu.'.stiqucr
J~(;. ei:Eet,
cornme nous l'avons déF, dit,
----_._._-._-- -
ur:. ohs €:i'V0
dans la sl;.:::i.:2té D::~OUl.JL d'aujo'.E'd'hui. c:t= l..'.nG pr.'\\.l.'t un
".·>~·::.·1.,.., nomt··:·",·
C
r': l "t,~ ch: .l')....·i~ ':.
... _~; .. "".';1.." •... , .• -.,
et,..,) Q"'; nI üV-'; ",<• ., "ent
>
"'..........
~
~_ '.'
u
'-'
oJ ~ .. ,
• _
"'.>
'
•
'".
..
_ ':;d '" ••<o.~
J~at:ton.
La
en p"lranè1.c cles deux
:D.e pose,
la
plupar: dl..". tempE,
2.l'C'.l:\\.1
pI:·obJ.ème maje1lr.
At:'n élément cul-
turel :,'.OU7ea.ll co.:::espond génér.alemellt un ter.me DIOULA mo··
de "''''e
ci on tï.ent compte d~s difféJ:er).r. c
.1. .......
(ou
.'
pl'···"·'Ptl1""
•
",.. i.:J,L -'
_
2s
1 ..'
tP1""'"''''S
••' . _
... ..LL ",1
1
dialeGtales ou des paders lO·~ê.i.:lx), :~l arr5.ve même qu'un me\\:
nO~1VS?_U désigne plusieurs réalités culturelles, Ilans quelquo:;s
C<:'S,
la rnise eH pa:l.·allèle des sérf.es (':ultt:?eJ.1e!1J
et linguisd(r..1es
e.st plus dii;~idle. li ar:dve par exemple qu1ü:o. objet existant
- 305 d
tr;:>.dit:tonne118me~l.t (donc abs()n';; Cl8
cul;.1J.r eUe) soit 1 "
Ge-
I:'.er et qui restera à mener plus t2.):d peut,·être) a;rec l'aide
"
:':lJ.:i.m :;T'tatian,
hab:1.tat~.on, etc ." ,. )
On pe1J,t ::}.asser dans cette catégode tons les mots
DIOUJ....'\\.
En efiet,
à par~:":r de y.'ê.cF.:auz et d'afibcec, n est
facHe de créeJ:" den t.e::mcs ncuvea1.;;x.
Donc,
tOUD ~.8S terr).'les
composés de r2r1icauy. et dl affb::es déjà e~68t?nts fercnt p2,rLi,,~
de ce.t'.~e prerr:d,èl"8 ~ ê.t6gode,
à condition!."',:,-,,: leu:·::, éléme:o.tG
aient été gro1.1p&s dans le but spécifique de donner à l'ensem,·
- 306 -
hIe une s:i.gnificatL'D :n.o1:'..vdJ.,~ oie:".
iCgalBms:lt fermé le mot n~9;è·~T~.~"1J.SO (J
F ' .," ....., ,
.es
-· •
sign:i:::":i e
_ .,...t;;I-'"......
.'.o.',,}
où '~U:rl1
~, _ _ .,
t.{.
_
Gan des Dls de fel',
ceci e;:l :J:.'éfé:;:ence auz. nomb:t..'eux HIs tO.·~ph:.J1:.i-
On peut,
ed aH.i.~·~~,l!.;~ ~tl ana:ys e,
fô.Ïl·e des snbdiv:i.sions
. é
"
v:u;
El
e:il 'L:~:OlS
ex'D:': e3 r::-.0ns dfcrjyant son appa-
:c:nct~ 0.ê':,iena.::lt
u~'1 éi;:Sm.ent de la
.-
c;cs tro~~~ GO'i].B -ca.tAgories sem2.n-
selcn
de la 12.?1.gue DI(YLil,l\\.,
d'impor-
tance inégale.
Il 8en:.b~.e, en eife'c que les rnots déc~d.vant la fDnc-
tian des obj ets soient p~.U8 nornDreux q'.le les au.t:·es"
La conc1u-
sion qui ::;lirüpDse &10::0 à nDUC,
est (jlLe le vDcabuln.:i.re DIOU Li,_
s'aUachc plus à e;::p:c' iITI '2:':' le côté p::::aür.jue qy,e l~appa>:ence des
C!.l0 Ses 0
- 307 -
2)
de la catégorie p::"'r:§~éde.::\\tE;; A~l I::loin.t de V'.le sémantique,
on pet:t
dans le lansage co'want c1é::1:\\g!'.e:..1.t liD.!:' :\\,·éférer:..ce t;én(~J:ale (acHe!',
::el
'
mOQ·2J:'ne,
toue les nornbroœ:: te1::m8G sl:•.\\îpl.e:.: (8<".118 "uf:Li.xab.c:l DlüUU'L)
qui ont été ernpl"untéo à '.lne autJ~e la.Eguè.
Ces r::mpr"L'.nü: vlen-
nent prind.palem.é;::(~ C~'l1 fJ"ans-.2..is et de l'ara'l)eo
R~pétons encore
id que l'empr'Jr.;; ec,t ï.Jl2e ~:é3.l:i.té ch'. langage huma5.:'l ë~Jaujourdlhui.
et q~e nOUG ne devrons pan
re::lonce:.-
à Y ret:oul'ir chaque fois
Que cela. 9~;1'r:~ nécer.:s::l:,,"-'e.
Du rer·;'te,
les n-:ot8 dfjà empruntés aux
a'~tres langues é~;;~angèl"eo, par la langue .oJOULi~ se Gont par~
fait'~ment intég::.."és à sa S~3"IJ.,·tu:':'e phonologi·::p1.e ,
- 308 -
Pour ce qui conce:i'ne J.':impn.:rtance de chacun de C0S
m.oder1 de désignation des réal.7.téo nouvBUes,
œ1
ct:lnstc:\\,",era qu.' on
l1tilj,se le [m',ds indigC':'.-:le de façon J?:t'esque e~:c1u.sive. Plua de
90 10 d0s mots nou';:eaux SOI:t st:dci:ement DJ.üUL/". Qua.:Ü. ::~EZ
empnu11:8,
on peut di:o~e que " na t'LFalisés il ,
assimiJ.és et trd.Hés
par la l,a.ngue DIOU.LA,
::,:1.8
Boni; de"le:nus cler: m.ots de cette hn~
gue 2,'..:' rü~me titre que ses autre:; vocables J,es plu::; m:ig:1,11.c-..'lX.
D. es;; donc nécessa3,r.e et poss;.ble dl utilise'.' D.I)~, lang:2es nc-..~~,b
ndes dans le développerrwzl':: dE; notre pays e'j; au départ d2.ns
llense:i.g~lem,ent pa ,Tc-..l1è l ern e::l':', à Œ1 usage t"2:rd:;.{ .lu i,f'rançais.
Ce sera l'objet de not:r:e tn:-:lsièrne pa!."tie.
- 309 -
ESQr..gS5E D'l.TN.~ P~PAC~'2'~;iIEpU ~lJ.dJ'TGm:~(\\.u~ T.r~:7}:.JISAI'l}~
LES LA. NG UES >;'/OrR1E):r~ES
_._---
__
..
.
...
~----.--_------~_
......
---....--.:~-
_~,
qu.el" qUE;
fb.èse cles déicnseurs de 12. ilpa'}.Y:~eté C(J~.ceptùe~!J..ell
der:: li::~:13ues a.iricaixle G
giquf.;u
:La dé::l;u'c:~le r.n?thoàoJ.cBiq1.1c adùptée p0U;~ jL'.GtiB.er cei:te
des rappo!:'ts entre la 30c).êté DIOULt-\\
et sa lans;ue.
de resi-
tuer' les langues a.f:dca.::.:....l.es dans 1.a c111tu:re n6gro.·a:C:ric:;çJ.ne.
des pl·éocçnp~·:::;.O:l.G de ce'x;:: qui la pa.rIent.
LeI. J.a::·\\f,H.e elle-r.'1ême
évolue ave~ lI6\\i'uluHon 6e c;'::~: ?:ct.:1."':;.té3 et préo'.~cupation8. 1.c.,:1.n
,
·1· .......
d'h-"A..i.,
reê..·.Hes.
Il est donc i:üd;.spensable cF ':::-·.w;,-:L: les yeux sur c et~e vérité.
CHi\\.PfTRE la
Dans ce chap::.tre,
nous e):am:Lüe~:ons le pl'oblèrne des
langues ivoiriennes SOUG l' aspe(':~ plus géné::.-al de l0';lr 7.rr·.po~:ta.nr.:e
-
310 -
dan:J 11 éd~.lcadon et P enseignen-l'èn~ pa:: :rapFori: au fl"an.ça~.8n Il
l'ér:ninente dignit§ et le caractère Ï,::rem.plé'Si2.b1e de la lang't"..c
population tot~üe (1.).
à 12. l:::.ien:;:laJe de la la::::\\gue fraùFise Et QU'EBBe en septemb:;;e
(1) s. SA.H.r;'OL~. revue Sr:. Of': ~.'Ed.u~at~,on. oct. Déc.
1970,
na ".::~
p.
~~~.
- 31)
le frança:tD comme lap.glle officbV,'3) "ln. de ?:~ro ~'lGqu' à 11 é~:'~,-
l'Académ5.e F;~ançC".isell (l~.
Que~les son~~ J.e:; ·";e,us e::: de cet éta;; de iai,- ?
rnent rer'lonter le cours ch": ::rl:j.8~;oire
récente de la colonisë,t:!.on.
On se sou~rle:ct, b5.cn s'('~,'
q"J.e SO".lC le :,:.§gime colonial ira::ç::lis,
l'enseignement C:':l Côte d'bd.1"e é';a:'t obEeê\\:o:i,::ement d5,~;pG:ns~
en français,
dans toutes les m2.t;:~~!'ec et ?. tous les niveau:~
(aujourd'hu.i encore,
malgré le masqt,e de l'5,ndépenc1anc0.
êU;:: inDt~.tt·.~eurs de s' e:~Lrimer da:),E) les la~g:'8s j.··o~d.e:2nes. Les
l'école,
:r.."leme dane la r.:ours de :~é~ré2.l:ior.., é':aie:"':i: G~vè:7err.-3i:lt
P'lnl's
\\,
c'"... "'oum~'"
...'1
_ . . . . . . .::'
"'''
C ... '.
~'·';;t~"'"'er't
l. .. :.J.c~
.... .:..a. -
-..
"("\\"'''n''A~
'" ...... .&. 1- . .'. ~......
(2)
\\
...
dans 11 enseigne:rnent,
],1 ern,p:i.oi des ;,anguez locales,
~omlne le
(J) A. nO:'?PAGNE cité pa:: h-ÇH!.l~PIOIJ. in "Lé~S ~,3.ngueG
é.h~k:ah~.eG et la f.:;:'<.:I.nc;opàon~c
(2) Voj.r le Tom'::.:;,". de .'-,.:,:,.__I.2,A.Q.;':ER.,
C !.,IMBXE
- 312 -
çaises au cont:;.·êj.~e, reçurent des sub·;re~1.tJ.ci1E pour faire ccs-
ser cet état de cb.C'3es ei; pO~.lr el'-.8dg::.lcr ·,:::{ï~q'l... err... cnt le f:l:ar...
çais 2..l1':'.~ Carn.e:':"ou:Hais (l).
J.'.~n fa.::.t,
l'aclm:i.nist;;:a'i:lo:n colo-c.>.:Ï.ê.lc n'a jama.:'s cherché
à répandre la 13.~.gue irança.:i.se clans toute h
popala.tion l.'Vüb~:'.én··
ciat:'.on de::; X'ésuJ.ta-;;::.
Elle a Î a. scoJ.a6sé que les élhes : 'Ifîle
de notabJ.Gc,
de ::onc~~io:D.:aahes de J.!ô.clrf'.~.:n:tsL·:.:t:.Jn, dl e:mp1.oyés
:J:t"e 1<3 ô:ançais,
clé:";ormais 8ubme:~g3 pé'.r l'l'idiome du p2.ys lô (2).
va:'.ent leu:;:,s éhl.ds8,
des m8ûlOd8s cr enseignement e:mployées
et du Tnatériel,
des :maTlueJe en par;:ic~".ier, qu~. ig:i'J.oraient les
:':\\:'oblè:mes d:l1. b:;.F~).3'Uisrnc
et c:Jnsicié:,:,a:i..ent Je fran~ais ni pl::;c
ni :::1'10i118,
que comr:.-j.c unë l='..ngu.E' ma t8rnelle pOTr .les ivo-i.rie)::uJ
dor.:i: l'eTdJeignem.cn·'; pou';-ait êt!~c pè.rtou·;: le même,.
N'ouhlions
officielle,
qui,
comme dans Je Noxd d2 1<>. CMe dl Ivo7.:r.e
1:1.:œ.i-
3
tait enc':Jl'e l' effo~ê''Ç; de ~icolari.8adon 2. b. aCU}8 école coranique.
Contraiï:ement à ce qui ~'est passé 8;,1 i>.lrope Centrale lors
de la conquête des indépendances nationales,
ou en Russie lors
de la chute du t::;a:r.isme où les langues locales ont été le porte-
(l) Exemple tiré cl 'u:le'ltable ronde sur les langues africaines",
revue Présence Africaine,
n° 678,
3ème trimestre 1968
(2) A.
MOUlv10UNI,
L'éducation en Afrique Noire,
F.
Maspéro,
2ème édit,
- 313 -
drapeau de lé'. libération.,
la J.angue fr~.nçaise a bénéficié danf;
8a zone d' L'1:f:luenc e africaine,
1) de Ia valci.~r propre de la~.gue de comm'llIlicat:i.cn
il'!t e l'nat:i.oné',~.~,
dentaJ.lsées" de lê.!:.gue de h2.ute civi.lisation,
prestIge ;:01.'VeIl';:
occidentale hée 2. ;.2'. p:,:,ol'1lOdu:n sC('.i2.1e,
''l' éE~;e ·i:radit:i.m.è"'1elle"
s e :rail:i.an~ sans doute à ~e rn.ou·V'·e[nen~; maJ.gx·r:; ;,: es r6';;lcences,
dans J. eU~ dé si::.' caché de percer le secrei de la réllss:ite mr:âé-
l}Curql.wi
TO'.ües ces raisons
~> ,'11
·'-/1
1 "
~
_ _
f::'
•
p"""'- -:':'t.
:.
e~".t~.·...que.1L
..... i:> gouv ... ! ..<J.cmeD 8
:1.:mpos é pa:;:, :1.a coJ.o:::-:.:i.~ation,
au Heu de proc}.ê..:mel.' officielles DC'8
langues nationale:? .
:Li e8.1: vréd a~::.ssi. qu.e leG i:~'on;~~)'~::..·es po!.i-
t:j9.~.les, étabUe.3 au h2.S2..1'd j(')8 cO:.'.q'.:ètes coloniales et qu'on nia
jama~.s aux fron~:ière8 :U.:n.guici::i.qy.. er.;. C elles .. ci, d. i aiU.eu:r.s sont··
elles ho:;,:c~()gènes ?
Le domaine BAl'·T'rU du CAMEROUN,
Dê.:!:
exemple,
eut 101'1; éloigné géog:raphiquem8:::1t de celui des deux
CONGOS.
Les domaines HA 'C5A et ivI/:-..NDINGUE sont également
dispersés.
Les PEULS,
primitivement: nomades.
ont essaimés
de DAKAR au TCHAD en conservant partout leur langue propre.
Les gouvernements de ces pays ont choisi comme la Côte
d'Ivoire:
la "f:r.ancopho:i1ie" et ont voulu chercher le chemin de
- 3JA -
l'unification nationale et de la centralisation étatique clans la
francisa.tian. de l'enseignernent.
re!u.sant le pJ.us souvent de tenir
compte des 12.ngues lo~aIes pour la sr.olar:uJat~on et l'alphê.béti-
sat::.on.
0:'1. a m~me vu r-2c emmcr·.;~ u:n pays de 110. C A. lVL
(l)
n
ret:i.:r.er GU prog1"ê.mm.e des eXê.'me::1.S de P enseig'J.emen~~ secon-
seconde langue .
Ce rnouvement a cl'ailleut"s été favor:'sé par Iee O7.'ga-
nismes i..:lternationaux comme l' G. No E. S .. C. G,
qui,
a lancé de
grandeEl c2.mpagnes cl 1alphabétisation en langue occidentale.
Pourquoi cacher que l'échec de cette politique lingu.:Ls-
tique est fl2'EP~ant. par su:1.te de P5.nsuffisê.nce de3 moyens et cl",
la natu..:e des choses ?
Trop p8'~: de nmÎ"i:res com.pétent.G.,
t:l::op
de mat~!'es f01::<.0.88 à la hâte,
ensdgnem'2nt danD "l'.ne lanGue
qu'ils ne c01ulaissen~ pas ou q?'~'i1s ne r.onna:3se::1.t qu'à peine.
trop d'élèves dans des cl.' es sU:::8hargées,
t:r.'op cie ~;edoubla~'1ts
et d'abse::lts,
trop d';1b;;:.ndona en cO'."!.ro d'ét.ur.!es par suite des
d:i.stances qui sép-3.rent les écoles Q88 c2.mpagner,
l;rop peu de
moyens en manuels
E;'C
iEst1"u:mentE:: a1."ldio-vis'lJ.els,
impossibilité
d'alphabét;.ser les adlLLtes.
etc
Pourtant l'obstacle majeur
pour nous n'est pas là.
n est dano le choix même de la hmgue
française con1.me langue de première scolarisation et d'alphabé-
tisation,
car il faut admettre avec Présence Africaine,
que l'en-
seignement prématuré en français entraîne une énorme déperdi-
( )) O. C. A. 11/1.
=
organisation comrnune africaine et malgache
.. 315 -
tion des effectifs.
Les causes sont d'abord l'isolement du mi-
lieu socio ..culturel familial par rapport au livre,
à l'image,
2-
la parole d'origine française.
Enc.,~~:te, il fëmt admet;t:~e que
l'en;f<lnt de six à sept ans,
lancé dans l'aventure scolail'e est
en pleine mMurê.tiop.. psychologique et doit assimiler les premiers
éléments de' connaissance dans une langue nouvelle dont il doit
apprendre en même temps les premiers rudiments.
D'où la si-
tuat~.on conflictuelle permanente qui porte en elle-même toua
les risques d'échecs.
Il est en tout cas remarquable que,
dans les ane: 3n-
nes colonies "\\nglaises et :~elges, où l'enseignement prima:1.re
était condu:1.t en langue maternelle,
le taux d'alphabétisation et
de scolarisation étaient beaucoup plus élevés que là où l'ensei-
gnement avait ét·~ donné exclusivement en français.
En 1958,
par exemple,
le taux de Ec~larisation pour l'A. O. F o
et l'A. E. F. ,
était respectivement de 9 et ;,3,/i 10 alors qu'H était pour le
seul GHANA de 52 10.
Les analphabètes repl'ésentent aujourd'hui
en ex. A. O. F.
et A. E, F.
95 % de la population pour 4:0 %
au GHANA et ~'O % a1.'. !'TIGERIl\\. (1).
Nou:> sommes tentés alors
de f01"muler ici l'l~ypothèse selon laquelle,
~~~_?J.~~ fa~jsa!1t
l'enseignement~tmaireen J.ang~h:oirienn~s_qu'on obtiendra
d'une part un l}}~':!E-ta~.si~.21ar;.sationet d'alphab.§..~~.tion
et d'autre' part,
la facilité d'acquisiJion!-...p'lus tars!.L-.~.~s mas-
ses ivoiriennes,
des langues
curoE~ennes, à condition gue ces
dernières soient enseignées comme langues étrangè:res.
II - De l'importance des langues ivoiriennes pour la
scolarisation et l' alphabétisat~.on
(1) A.
MOUMOUNI,
d'après World Survey of Education,
UNESCO,
p.
422 - :39-''!:78
316
1)
Importance psychologique de lô langue maternelle
Avec l'apprentissage de la langue maternelle dans le jeu
même de la parole, se réalise de manière privilégiée cette partie
la plus profonde de la sociabilisation, qu'est l'imprégnation cul-
turelle. Non seulement la langue maternelle sert d'outil à l'ensem-
ble des autres acquisitions, mais elle constitue par elle-même
le principal mO~8n d'échange et de communication. Oans ses
" Pro légomènes à une théorie du langage"
L. HJEU~SLE\\J
écrit
que la langue maternelle est
"
l'instrument gr~ce auquel
l'homme façonne
s~ pensée,
ses sentiments,
ses émotions,
ses efforts,
sa volonté et ses
actes,
l'instrument grSce
auquel
il
influence et est influencé,
l'ultime et
le
plus profond fondement dela personnalité.
(1).
En effet,
sans qu'ils
s'en rendent compte,
l'entourage familial
etsocial sont
sans
cesse en train
de sanctionner,
de puniret derécomp8nser,
d'approuver
ou de désapprouver l'enfant,
ne fût-ce
que par des
in-
tonations de voix.
L'adulte,
lui-même,
change sa manière
de parler selon
la qualité et
le statut de
l'interlocuteur
et permet
ainsi ~
l'enfant qui écoute,
d'opérer une clas-
sification sociale et psychologique implicites mais
ri-
goureuses.
Enfin,
face à
ce~x de
l'extérieur,
c'est-~-dire ~
tous
ceux qui parlent autrement,
sa
l~ngue maternelle,perme~
à
tout
individu de s'identifier à
son groupe et d'entretenir
ses sentiments
d'appartenance.
Sa langue maternelle n'est
donc pas pour l'individu,un simple compagnon,mais elle est
un fils
profondément tissé dans
le trame de
sa pensée.
Elle
est
pour lui trésor de la mémoire et conscience vigilante transmis de
père
(1)
L. HJELMSLEV, Prolègomènes à une théorie du langage,
Ed. de ~inuit, Paris, 1968 - 1971, p. 9 - 18
- 317 -
en fil,'].,
E!.1. bien co:m!11e en :Lr..al,18. lang 1.1.e mateJ::n.elle est la mar-
,
..
J.a .langue
rr"'",
~t c,,:ço·'i1,., c·i:''''''-;'''o~,j",o'' t)\\
b
u",_
ç
~ ••
,·. __ v
•... ~_hJ
.... '.' ,,-.
\\ . 1
•
cla.ns
h
c. hque
"'1
com:rnu:~:l'autz' (Z·').·
é'.U trave~:G duquel ::m V'0it les chao 0S,
2'.u t'r·c.vers duqueJ. cm.
dlnne t~adU;io:n p3.Tt:i.C1.ùr~).'e. F;:n l'ix;. c,-pprenant à. par}.er,
1'ento12-
-------_._----
(1) E.::-. BEl',JV~tJI~'J.'ffi,
'Tenc1a:<F;el'J réGentes en Unguist:lque Béllé·.
ra.le.
p"
133,
;.34
(;;~) ~.~:rv.L-'\\~~~!,JET, Elémcn'~3 ~e J.::"''1guigt~.ql...e g0nf~):aJ.e, p. 16-:;'.;;
- 318 -
:L'age
déterïninz et f.a~::on.ne d2..:i:~S 1m.e la.rge nles,ure sa pensée,
•b"""
.-
na.
se~(").Sl Lu.te,
quI H adoptera à sor.. !fgard
8\\.'.1'
o
le pli'.l.n Ilf:;ychoJ.ogi.que,
on peu,
des différents : celui de l'école et celui de la "<.e,,
En e::Îet,
les langues africaines sont,
on D.e le dira jamais assez,
comme
toute langue,
le SU.ppOl't d' nne pen.sée et le véhicule d'actes de
communi~é\\.tionQ Quand l'école se dé:l.'oule,
mettons en f:l:'anç2.1s.
comn~e c'est encore J.e cas en Côte dl~Yoire aujollJ:'d'hui, n Y'
2.
u.ne rupture eT\\'~:':'e 11 édi:.r.at:1.a:a s~cla.i:r.0. :~t 1.' édl.'.c;).tion familiale
m~.3 aie.n, xnair:. ~lle 51,
é'œ.l'tt clon.!lé q'Œe 18. la:":lgue est transpc:...ren.te
fonctio!:'.:G.ellemeni: à la pe:nsée,
corrnne 3uppo:d: de l;;\\ pensée"
On. a touj O'.lT :., di~ q ne c cla e~ltrël.:tne U':l r eta:,:,d: ".lll t:;:;?:'u~
lnat:ts:r:..~e. 1\\1ê:;:.:)(~ si cel? nI a p~.s eneo:r.e été r).gC'ureusemen~: C~0-
montré,
il rente qu.e cette hypothl:se 0.;>:tt ê'lTC prise au Eéd.GdX.,
Il nous semble cependant que ces );l'2.umati8mes"
sanE: cloute im~
pel'cept:l.bl.es a11. stade de l' enfance (~a souplesse et la récepti-
v:1.té du cerveau de l' enfant éta~11: apte!lt à ~r palUel' pro,,:-J.Bo:i.re-
ment) apparaissent plue tar.d aïl cours de li'.l. scoladV:S. Ajoutons
sm:tont que 11 ense:tg:n.em.ent dane 'l111e langue qu:ï. nI esi; pas l.nltia-
- 319 -
Ilement Co:riL\\J.e de l'élève est l~w.G ant::.,··éc.ono:rr-.cir:: et par là m.;~ŒJ.:te,
'-'cl
.
0-
f
c l ' •
-. .
,
l"
.
.
1
A.'
1·(Lr.e anl;,.-pe agog'.e,
~n re UEJe c- e
t1:r'e:r pr'O:LH de
acqtt:l.s P:':0:'lCO
Ilaixe et parascolaire de If enfant.
On ins~anre une discont::.rF:l:;.t8
radicale gui dépasse J.arge·(o.er:.t llaspect 1':t:r:-icteP.'.le:rlt J.:bo.gu\\st5.qnec
q'û s':i.g:o.'lorent
CO:l:(lpa.ra-dvement,
dans les écoles de l'':~<a.:l}.,,:e, ~l
o
y a
continuité quan~ à. la langue utilisée et a.us8:i. q';,.1.ô.nt au com'~
por-·tem.ent glo~')2~~. des enfants e,,'l ta.:\\'t que locu'i;e'_'.~s .. puisquE: leu:,'
suelle (lect·.ue) et maÏ.:.eeUe (é(".ritu:~e) par l'ad;;vité ludique) p2.r
l'observat:i.oI'. de~ aîb.és,
pa:':" la materneU.e- ,.:ot ",,:~ü'in quant à If
veJ~s mel1:;;al qui C'.. pr5.s corps par l'attention continue au'Y: ce:o.··
tres d'intérêts partagés par la comlnunauté,
qu'ils r~lèYent de
la technologie,
de la syxTJ):,lique ou de l' f';~:1Ïquea
L'enfant ivc:t-
rien ar.rive à J.' école avec tme lang '1e spécifique q'lÜ, dans 11 en-
c.einte scolai::e actuelle sera .frappée d'une motion ct=inut:ï.lit;~, ce
qufil a hérité de sa commum:.-ùté,
Cl e::>t '1Oe tech:nique
de CŒl1n11'... ··
. ..
n:J.c.a'/::lon o1"ale qt-j, prlv:i.lég:i.c J.a :c.,..~;.r.ep'do:n. 2:.ud:î.tive et
')
VlSUe.L'.\\::~,
la mérno:dsation p2.r socio-drar.Cl0,
1'éducation par dialogue,
E!J..fin,
Gon ·,.;mive:l:'s ~:~:::lr~tal,
SI:U
nI est pas totalem.ent e:::.clu de
l'école a ctueJ.1e , ne :I:ê:'\\ppa~'ilitra néann'1ol\\ls que p"rtieHeme:<.1t,
après qu'il a'_!J:'a réussi à associer les modèles proposéa clan:,1
les livres et les leçons 2't1X situations quih1i sont familières.
dans le cadre des systèl'nes existants et hérités du sYRtème
l..:oloniaJ,
tend à :\\.sole:\\:' Il enfant et lfadolescent de leur milieu
familial et social p<'.x· l'utiJ.isat~.on exclusive d'une langue éh'an-
g prc
-
CO·.;-DJJ'!"l·se
-
et
1~
pa.r,. ~e par \\l.ne f 'b'
2o1.1.e
.
't~
m~.:':'..OI'!. e
'5
t
...
a ! ,
. 0 tT/.
fO
d e
- 320 -
LI enfant et l'adolescent sont en effet constamment awe prises
avec deux mondes diffé~<'ents, j1une pa:r.t,
celui de la vie fami-
Hale et sociale ; de It autre,
celui combien artificiel de 1'école
d'où une rupture psychologique p:!::manente,
un tiraille:.>ent et
ll:.1
dépaysement intellectuel glfnérateurs de complexes d'Lnstabi-
lité,
et,
par~des8us tout,
responsables de l'identification :i.nsuf-
lisante voire inexistante,
de l'élève avec son milieu social et
avec les valeurs de la culture nationale:" Il n'est donc pas ét:nl-
nant que la société lvoil-ienne ne se reconna;.sse pas dans les
hommes p:r.oduits pc.r le systè:me éducatif actuel,
ni que ceux··ci
à leur tour,
se perçoi'Te:o.t comme en marge de la Doc5.été et
coupésde leur entoUl:age.
Toute vie scolaire à l'heure actuelle
participe en effet à pa rticula riE:: e= et à singulariser l'élève ivoi-
rien vis-à-vis des autres enfants et adolescents,
vis-à-vis de
s es :.:!r·~'n_-:..'·s et des autres adultes.
Consciemment ou non,
8 "1ns-
talle le mythe de la supériorité de la culture étrangère fran,;aise,
dont la langue di ensej.gnenlent est évide:mmellt le support.
Le
résultat est alo:':'s l'inadaptation au milieu familial et social,l'in-
compréhension,
la méco!'L1:l,:\\J.ssance quand cc n'est pas l' ignoranc e
de la valeu.r et de la portée de la culture nationaJ.e.
Le corol-
laire naturel d'une telle situation de fait est l'inapdt1.1c1e,
ou t'K'--~
ê.pti·~u.de in.cuffisante,
à agir SUT. ce milieu social et fél.mUiaI.
Le système actuel d'éducaHon,
du fait de l'ignorance
des cultures et de:;; langues ivoiriennes qui le caractérise,
f::.wo-
rise pluG,
quand il ne le frein.e pas ou le contrecarre,
le dévelop~
pcment de celles-ci et fonctionne objectivement comme un l'ouage
perpétuant la situation héritée du régime colonial,
circonstance
qui,
à la réflexion,
n'est pas pour étonner,
puisque Cl eGt pré-
cisément le rôle dévolu au sy GtÈ::me d'éduç,ation conçu et implanté
- 321
-
par la puissance néocolon;;,.ale.
Une ét'lde comparze dï.', cotH de l'éducation d'une p,L;~t
dana les systèmec hé:d'i;és dïl régime colonial,
de l'autre da:;,,-G
de!> systàmes fondés sur l'1.1tili3ation d'une ou plusieurs des
lang 1-les nationa\\es et sauve tt, ardant les cultures natioru:,les,
peut
difficilerrlent,
au ~~:ade actuel,
revèt~.r un caractère qu.an~7.I.tatix.
Peu de pays afdcah:lG ont en effet entrepris '~ne expérience du
deuxième type,
et,
mêm.e quand c'est le cas,
le caractère re-
lativement récent et encore incomplet des sys'i;èlnes rrâ.s en place
ne permet pas de dispos er de données complètement déLt:nit.5.ves.
On peut cependarri: avojr une représentation qui,
bien que non
chiffrée,
n'en permet p" ....... Jnoins d'en tirer des conclusions.
Le
coût relativement important des investis sements initiaux destInés
à l'élaboration et à la pro:Jvct1on du matériel d~lda.ctique et pé~
ciagogique notam~ent lorsque la. ou les langues nationales ni étaient
pas écriies auparavant,
est neitemE:ll.t équ:i.Ebré par la possibEté
d'une ut::'lisation générale de ce lJ.'latéx·iel tant au niveau de la
scolarisation des enfants et des adolescents que pOl.1r 11 alphabé-
tJsation des adultes.
L'util:1.sat:1.on d'une langue nationale comme lane;ue d'en-
s eignement permet généralement de raccourcir de façon notable
la .durée de la seolarisa'i:.îon primaire et secondaire,
la. rame-
nant généralement de treize à dix ou onze ans en moyenne.
Parallèlen~ent, la forlnation des ".,,~.~'~\\;l,r du cycle élémentaire
eJdge alol's un tenlps nettement plus court.
Enfîn et snrtOl....t,
l'enseignement dans une langue nationale (maternelle ou parlée
- 322 '"
par l'enicm-:;) conde:J.t à li'iJ. :':'E.:~~der.(lep..t de loin rJ.leHleur,
partic-:l-
lièremep.,t pm.~.:r. ce ql:d ect d.lJ.. cycle ~u.;me;:'):ai~:e, L'exemple è!.e
pcYG commIS le GHAI·]/::. a déjà n"lontr.ê :1;0'. snpério~:./
d! un ~VS'
fème qill. par.t dlJ la langur" r::.,ater.nelle des élèves.
C' est clc~J.c.:
un m.oyen ds réc:'J5.:;.-e le po'x'.'-:entage d'échecs eD.xeglstrés et
d'assure!: la f01"1.T.'.at:ton p1":~p ~~c!.p:'i.de'.:: .~: pl1.1.:ël c{Hcace de dlZC:.1pe
de m.:D.l:1.eX'8 de cad:,:es 81....p0:d.e:u:'s et :moyeL8 dont la Côte dl}: ..
voi.re a besoino
1: )
L?~'P-guel" :\\·~~o ~:~:~r.0.~~E,...2.2.mI!'~~Y éhicu1 'êE_S'!~:.._~~E:.:g..oi~
_!~,Ç;!.!Xl}:.9.2~_.~~_ 8Ci9.~];:sh{10 ;1~~2.C:!!':.L.D:9...
L'utHisation des laD.8aes jvo:~denr.'.ê:s est un fact·3U:':
d'adaptation au monde ruade:n::'.e.
C' est le rXlOyen pour que le
contact avec la sd."3:nce et les tecb.:~:tqne;s u'1ode:::ne8 r:e fa.sse
pho.s vite et à 1t écb.eJJe de!J masses poplil;:d.:~eso Ci est aussi
'J::l
facteur cl! e:i:1!:lchj.s s cme:i:J.t~.e Y'.C s langu.es.
:CSl - v~g:l. e ~-.!':.;.?:'~y d.l~E_:0:-~(}T..J~~n ::,~bg,~_jn.~~.Ldu i raI)S:s:'~9.
..~'?:__ ·::~t~.".sJ.~D?:~·:'22-.
l\\fous avons cignalé plus d'une fois au cm.'..:.s de
cette étude
que la :r.ev6r.dicatioD. de l'j.l'1s·i:a1.:Œation des lanGues
1
ivoiriennes dans l' 0D.1::eignement ni est pas voulu CD·mn:le 1:1..."1. sin,··
pIe ac1;e d1hostiHté à ii égard de 18. la::lgue L:ançaise et des <:Hl-
tres la:ëlgues étrangères>
NauD so!nmes parfaitement. conscient
du. caractère évolutif de la mémoire collective et pat:dm.orùale
ivo:L:ier.cne.
En ·effet,
ULe mê.SS e grandissante du peuple ivoirir;!l
e:::t de plus en plu3 rée epO.ve a'l".:i~ appor'i:s e:d:éx'ieurs,
ei~ conG ~
.. 323 -
ciente de l'amplitude des échanges à l'échelle mondiale. n
faut donc éviter qu'apparaisse ou qu.e s'instaure l'h ostiHté
à l'égard des cultures et des lang1.1es des auh"es peuples cal'
l'enriclüssement de la culture ivoi:den'D.e en dépend.
Notre hy--
~eign~~av~profit et .s!~I~:.s les m:eiJ.1e.Ers-E~Qn.~!iqns~_tant à.
d~_.enfant~~_q!!' à _de.ê.-ê:.~EJte~ iyoi!i~!1s _g~.:'::.._~i c~t ens~nemp:p'..L
se fonde dl~~-I?.art sur ~L~issance d~_s faHg. J\\'S~~tl:::ri:~-s~
g::~.12tant..9ansJl\\ laBE}~_mate!..I!..~±le...2-_~_1 1 enfa~~~~~ de l'a"qllltL
Cl eet-à-di:r.e les ~?Eit~~U?h.Çl.!~.2;;.oqi;j,:IlEl~_tp.~;:p"ho.!Qgigue~.
et l~
.2.tructures g!ê:..IE!!?:.3.t~_~~f:~L.de cetl:e_ q~n;.èr_~-l.ê:.I)'p,.E~.-Sf.ê:~ltrepart
sur nn e~~~ment de bflse en langues ivoir:le:r~:nes: Comme
le note J.
CHAM?10~T, l'enseigner les langues locales afdcai-
nes,
c'est à plus ou moins longue échéance,
faire progresDer
les chances d'augrne:!l'i:er le nornore et la gy.alité des futurs lo-
cuteurs français,
donc pJ.'épare;;~ une francophonie plus authenti-
que en n:r:nénageant un terrain de base 'pour des fondations plus
sol:i.des,
rétabJ.:i.r un maillon de la chaine qui a manqué jusqu'ici
à nos pédagogues" (1)0
1) Connainsance deE...).a.l1gues ivoiriennes et enseig~~:'
ment du fl'ançais
Cette connaissance des langues locales permet l'éla-
boration de Inéi:hodes d'enaeienemer.:t qui,
tenant compte de l'ac-
quis de l'élève,
peuvent passer rap5.dement sur ce que les deux
langues possèdent en comm1m ou cc qui ne présente aucune dif-
(1) J
CHiUvIPION,
0
Les langues africaines et la francophonie,
p.
12
- 324 -
ficulté,
et s'attarder sur les divergences en s'attachant à les
faire acquérir. au moyen "d'exerciees de phonétique corrective"
et lld' exercices 8tl'uc<;u:t."aux" nor.abl'e'.1x et inlassablement répé-
tés.
Les centres de 1:i.nguistiq•.1e appliqnée de .OAY..A.R (C. L. A o D. ) ,
la. section de Eng'.l.i.s·d~ue appliq'l'..Ce de "'{.A.OUNDE (So L,A,),
et
l':;:nG\\:~~:t'Ut de l:i.ngu~.si:.i.que 2'.ppHquée dlABIDJAN (L L.A.), ont en-
trepris des trayaux. de recherche et d'enquêtea dans cette op~
tique et tendent d.nsi. à. conD.r.mer l'hypo\\:hese que nOU8 avona
f04'mulée ci-dessus.
Des En.8't,.i.st0s 8pédaJj:i;'O;D de l'enseignement
du irê.":'\\çais et des linguisL~8 2,.tric~n:~E·i;88, collaborent étroHem.ent.
à 1'élaboratj.on de nouvelles m.éthodes dl enseignement de la. la:..'2-
gue fl'an,çais e o
:L~s enq'uêtes et les l"echE'.~:ches en C01.:u'S portent
sur le français p?.rié et le fra::1'çalIJ éc"'it des enf2.:::lts scolar:l3L~8
et des instituteurs et mo:niteul's,
des relevés de fautes ~~t~l1.t è'La.-
bUs.
Le niveau de l2.ngue auq:ùel doit parvenir l'élève à. la fin
de chaque année de se. 8cola~:};~::l.ti.on est fixé en fonction d[.LLTle
part du niveau a.tteint par dez e~iants f:rar.f·,:.7.s et d'autre part
dn contexte sodo-culturel de l! €:r...ian.t
africain; à p2.;'t't5.l.· de là,
Ul1l.C
rnéthode d' app:;:"ent:ls r,age de la l?ng'..:.e ;t>:ançaise eDt mise
au p':l:1.n.t après
de nCmb:i..·~l".ses expé~'imentat:i.olls, ainsi
qu'une batterie d'exl=::rckes de cor:r.ect:1.on phonéüquea ct d'exer-
cices ::;tr'Uctura.l.lX destinés 1er,; uns aux er..fants,
les autres au
recyclage des moniteurs et instituteurs.
Une nO'..-.velle méthode
d'enseignement télévisuel inter·..
disciplinaire est actuellement en courD d'application en Côte
d'Ivoire.
Cet'~e méthode a É.t~ élaborée à BOUAKE (Centre de
Côte d'Ivoire) en collaboration avec les chercheurs de l'Insti-
tut de linguistiq1.1e appliquée d'ABIDJAN,
L;nn des im.pératifs absolus de ces rnéthodes nouvelles
est le rapport de la lecture et de l'éc:dture à p~.usieurs mois,
- 325 -
'foire à une anné e compU:'te,
LI enfant du:ra!.'.t (~es quelques rr.:coh:,
ou cette année,
apprençlra. à parle:r ul1.:i.quer.aent le français sans que 1'0;1 fas:;:;,,,:
inte:r.iére:r les d:lflicultés de la langue :çarlée et celles de la.
langue é::::l':i.teo
·."üon G.
CANU (;.),
11 expéxience semb1.e avoir
démontré,
au SENEGAL en particulier,
que loin d'être du ten:-ps
perdu,
le report de la lecture et de 11 écriture permet aw:: jeu-
nes enfants de s' e·.··:~:)rimer assez rapidement et couramrnent en
français,
pratiquement sans fauteo de prononciation,
Les méca-
n..{smes de la. langL~e pal'}.~e éi;3.nt a~quiG et fixés,
cetl.i::: de la
langue éc:r:i.te gont aUEl8~ v'lte asdrr1Ïlés qu'en France.
On ê..vait
jusque là trop tendance à oublier que l'enfant à qui l'on ensei-
gne à l'école sa langue Inatel'nel1e,
le français,
en France par
exemple,
parle cette langue avant d1apprendre à lire et écrire.
Il faut donr.: eS~jayer de replal..~el' 1.l élève africain dans ces I1 con-
diiions natu:r.elles" n<..~cel~saires, pour un bon apprentJ.ssage de
la langue française.
Cc
CAND ajoute plus loin,
liOn.
n'insistera
jamais
t:;:oJ; SUI' le fait cr '~.l est absolument ;.ndispensa.b1e
d'évi.':er 10. ruptu.:ce brutale entre deux type[~ de civlEsation,
donc
que le contexte socio··cu}tu.:rel ùe l'en.iant doit êt:i.·e ref::pecU~.
L'élève,
en efi e'l:,
s':1.ntéresoera ·::l'autani: plus a-;l 1;}:avail scclaJ.re
dans les premiers mois qu'il aura l'inîpre:sl'lion de demem.<er
dans ::;on milieu naturel et de pou:c8uivre ses occupat:i.o!1o et
préoccupations préscolaires quotidienneo' l •
Dans ce but,
l'Inst.itut de linguistique appl:ï.ql1ée et
l'Inst.itut d' etl1no·"s ;'1'ciologie d'ABIDJAN effectuent cO:;'îjointement
une enquête aUf,rès des enfants scolaris.:l bIen afin de con:naitre
(1) G,
CA Nt!,
"Coopération et Développem.ent",
n° 37,
:Jept-oct.
1. 971,
po
3 - J. 0
- 326 -
leurs gof:tG~ le11::"'8 jeux, 1"'.....1:1..·8 ch.anis,
leurs t:;"ava-L'x,
en tm
mot lcur.s Occupê.:dons au st"'.de pJ:é3colal:re t'.:'-nt en m:llicu
dans la rrl.éthode de langage,
des SiC"li.J.t:i.or.s replaça;:y(; 11 '"3nf<s.::~:);
d8.ns 810;0 conditions d() v:\\e de tO'l~S lcs j01.1:.'3 et non pas ')..'.1•
....
enfant africain r.aenant une ·,n.e q-,.:d ne serait qu'une grossle:r.e
transposition de celle que mène un pet:'.t B~?€,i;on on un petit
Provençal en Franc e.
PouX' (;8 qui conce;l~l1e l'alphabétîsaticn des ad'lùtes,
Gn
CAND pense l1\\le "Cl est muHiplie:i.· les difficultés que de
vouloir obliger des ir.td:LridU8,
a;..rant largemen\\: dépassé lli):ge
Gcolaü:e et pris par dlaut~.. es t:ravaU:K,
à appre:J.dre en même
temps à parle!:,
à lire et à écrh:e une la.ngue qu! ils ne CO!l'"
llaisDent point".
Pou,.. lui,
de'L1.x DolntioD.s sloffrent à nous p01;,..r
alphabédser les ad1J.ltes :
La _~~iè,..e cons:i.ste à aJ.phabétiser,
d2,ns un preYXl~.:)r
de l'alphabétis8.t:'.on.
Cette la:ng',;:.e dQit donc possédel' une 6.crHure
rep:r:oduisant g!'8.phic:!yern3nt C'.har.~·u:n des sons Ge la lé'.ngue de
soigneus er.acnt en Il établis sant,
les abe:r.l'at:i.ol':'.s o:r.,thogr.aphiques
et on Si en tiendra à la règle suivante : à Œî son ne correspond
qu'un se1.Ù s;;'!nbo1.e et chaque syrnbole ne représente qu1un !'JeuJ.
son.
Da::ls un deu~;::tème ternp3,
il Gera possible d lapprenc1re à
l'adtùte é'.lphabét:lsé une la:Llgue éÜ"ê.Dgère,
la. la.ngue officielle,
le ü-ançais en Afriqu.e,
d'expression franç2:'::~ S0"..18 '=.es deux
fm.·mes,
la forme pa:ï.'J.ée précédent 12.
.~orme écrite,
à l'aide
de méthodes a.udiO-'11sue!J.efo:.
- 327 -
la. langue ét~r:'angè:t:'e par les métJlOc1es 2.udio-viGuelles. il s'agit
cl'apprend;.~e a'l'!.x adultes 2t pa:;"le:~ çett e L\\1'lgue étrangère en fai-
sant abstr2.cti.on,
au déhl1t,
de tout ce qui er3t graphIque.
Ce
nI est que lorsque l'adulte aura acq;;J5.s le 'lo-::i3.bv..laire e';; les Tüé-
(:::.nismes de base et se!'a cap2.ble de çomrnev.cer à. 1'3! expriï.né1.'
oraleluent que lIon pour:;"a entreprendre avec pr.ofit l'étude de la
lecture et de l'écriture ll •
C'est la deuxième :;:;olution qui a l'assentiment de
Go
CANU (i) et c'est aussi celle qll.:i. a été choj.s?e par la Côte
d'Ivoire.
En eHe!;,
pa:;:,lant de la :J:i:~uation paT't:ici..·JH~j?e de 11 eilse:i.-
gnenlent primaire en CÔ'~e cPXvoire J
).' ex-Müâ.8t~ce de
l'Ed1.lc3.tÎon,
!Vi"
LA.IVillER'l AMON TANOH déclar':l.it : "S U :':" 10 000 élèves
entrant une année donnée,
au coux's préparatoire,
::: 000 at'i;ei-
gn~"c::·. J.a classe 8uj.v2.nte, d0:o.t plus de la moitié après avoir
doublé ou tr5.plé la classe,
E:1.vir0D. 3D
10 de ce gronpe de départ
atte5.gnent le COUT.S m.oyen 1ère année et 20 10 le cO\\u:s m.oyen.
2ème année,
).:~. plupaT.·~, après ?,
8 ou 10 2.ns de s.:;olaritéo
SU.r ces
J.O 000 entrés en ':èOU:t's préparatoi.re,
] 535 setùement
négligé par nos autodtéc poE\\.:iques (selon leu:t:'s propres d:i.l'e:;)
t-on Gans r.elG.che,
conS2.cre 25 10 de son budget nat~.onal à
l'Education) et pédagogique pour lutter contre ces déperditio:nG.
U) La r.üéthode d' enseignem.ent télév~.fJuel du frança~.8 étaat déjà
en applicai;~.on au n~.-J'e2.u de l'ensf;:lSD.8Inent pr:i.rnaire :i.voirien,
l'Institut de llnguist5.que appliquée d'ABIDJAN,
sous J.a direction
de G~
CANU.,J
envisage clE'.n8 son p:l:"ogramn1.e de tra.,rail des
proché'.ines ,...:rmées,
Ja J:éa:U.cation d'une méthC'de audio-v.l·;:;uelle
de français destinée al.l.x ad"tùtes africa~.ns.
- 328 -
L~G tél'.'X de redoublerne:::~t e;::::essUs de J.96~ (43 '10
ê.U
CPl,
26 10 au CEZ et 25.5 % au CM!.:) ont semé la panique
au Gein de 18. cliql.~e dh:igeo.nte et de::; pa.rents d'élèves et ont
conàl6t le 2Viinistre de l'Edl).eat:i.on Nationale à propOG er un cer-
- réduction du nombre de classeG à !.Z par
école,
- nombr 08 d' élèves limité à 60 par clas,~8,
ce nombre devant tendre vers 45 dans les cours préparatoires
1..
. ' -
.. ere annee,
- Hm3:~at:L:m de la du:-:ée de J.a scola:dsation
à 8 ans,
n'auturisant que deux redoublements,
_. choix de rfleilleurs enseignants pour les
cours préparatoires 1ère anné'ê,
-
entrée à 11 éc:)le à 7 ans et Hm..1Lê.tion du
nombre d'élèves admis dé'.ns les CPl aux pos sibil:i.tés de l'école
(une ou deux classes max:i,mm:n).
En fait,
annonçë.it le l'/Iinistre,
il s'agH d'ml. p:i."emier
pas vArD 'liJ.e "réfln'me de l! el-:"oeignernentll qu.:i. Si orientera selon
les schèl"nes suivants
- d';':~'ée ae la sco1arité : 6 ""ns en deux cycles
Premier ~le d' enG e7.r.nement fondamp~!(l.l
de 4 ans,
puis division des élèves en dell:;~ sections,
l'une pou::
les plus aptes,
préparant à 1'entrée dans l'enseignement s econ-
daire,
l'autre orientée vers l'L""lse:i..tion dans la vie active (cyct~
Eratiq ue term~n.al).
Le passage est possible cependant d'une section à l'au-
tre en cour.s de cycle.
Cette "~éforme de structure" est accom-
pagnée d''tUle "réforme pédagogique!' dont l'élément primordial
est,
conl.me nous l'avons déjà signalé,
120 déd.sJ.on prise par les
- 329 -
çZ'jr:;
.3. 12. c0C':péJ.~:'on) d'utlli8el" la télév:i.d.t,;Xl peur 11 E:~1s,èig!1e··
.."
"
a ..ta f.·_~l\\G e
- une école nornlé.~le d'instituteurs 2.. BOUAKE
un C. A o F o On Po
e:;~érimental qui est doté dlu..'l c.i:»
cuit fermé de télé~d.Bion dans la même v:1De
- un Institu.t de recherche pédaeog:l.qï.1e 2. .ABIDJAN
-, Cuve:i~ture de 15 classes e~~péT.'ime:nta es dans la
rF,;gion de BCJUAKE.
Le pivot de tou '; (',e
sYG'i:ème
nouve,,;u reste cepen-
dant la langue il'anç:aise.
Mais devant l'importa:c.ce du cOU:I.'ant
revendicatif en faveur de 1r'.ltiH.82.t:'.:):;'1 des 13.ngues n'3.tionales
af:dcaines qui balaie notl"e con·~:'.nent et qui n'épa:l."gncl'a pas la
Côte d'Ivoire,
on a fini par admet~re que le f:l-:ançais soit en-
s eigné à l'école,
non pluG coznn'le une lang'~e n;"':.ternel1e des
,
l'
eco 10:;:0
~voiriens, rnais cG::J:üne une langue ét:::angè:r.e ; dl où
la nH~t~Lr,(le dl enseig:i.1ernent aucEo-ol",üe du français retenue.
D'une façon gé'.né1.·a~lI:}, lesfondementc r.:..';;thodolog:1.ques et linguis-
t:tques retenus sont ce~JJ: qu.i ont étz c1.6f:tr.:'.is par le C. R. E. Do 1. F.
pour l'enseignement du franç.ais,
langue ét>:aneère.
Audio-visuelles ou audio-o!"ales,
J.es méthodes récen-
tes de 1'enseignement du L."ançais,
langue étrangèl"e,
prétendent
2. 1J.:le plus grand.;: efficacité que celles cFÜ len 1.::1:t précédé,
parce
- 330 -
qu'elles olatt:t":i.buent une soHd:Uê de ccnception et clec.fonclements
scientHiques qu~. faisaient défal~,t élans Ce dom.a~ne c.."l1.para'l.'ë:.::r;.
Du coup,
la rénovation de 1'enseign.ement du frança:i.e a p:r~.s
dans ce:r:t-:dns pays africains (Hige:c et Côte d'Ivoire notamment)
l'allu:;.. e cPune croisade cont:t'e les er'rements du passé au nom
d'une védté enfb révélée,
I\\lIais aujourd'hui tout donne à pen-
sel' que la part faite à la r.aéthocie télévisuelle est trop grande
I l
et trop belle et nous craigpns qu.' elle ni apporte aucune solu-
tion v6rit'1.ble n:i. à 11 enseignement du fra~çais, ni au problème
de l'éducati.on en général en Côte d'Ivoire.
C'est en tout cao un
moyen commode pour éluder le problème linguistique tel que
nous le posons.
Au NIGER,
où cette méthode télévisuelle é';;ait appli-
quée,
on s'est aperçu,
après quelques années d'enth.ouaiasme
prima:i.re et d'investisRement; fabuleux,
que le SUC~è3 de la mét.ho-
de télévisuelle manquait d'éclats.
Les désillusions arrivaient et
les crédits partaient. Par aHlel1rs,
iJ. faut d5.re que les cours
é'..udio-v:1suels Œlt 'lm goût prononcé de méthode dL.. ecte qui ce
caractérise,
d'abord,
p"'.:t' le reiua,
dè[j qu:il slae~.t d'apprendre
le français,
de cet exercice :1nc1.ireçt qu'est la traduction.
Au
Heu d'établir dans l'esprit de l'élève.
grâce au thème et à la
version,
un r.éseau dl équivalences entre langue ét:i:angère et
langue maternelle de l'enhnt,
la :méthode audio-visuelle recher-
che un contact direct,
sans écart et sans intermédiaire.
On
se propose de placer l'élève africain dam1 ·L"..n "bain de langage
français"
et de reproduire dans la classe africaine des condi-
tions d'acquisition du frë.nçêds aussi I natureUes" qu'en FRP_NCE;
On pense que de L·rem..:: que l'enfar.t f:r.ançr.l.:Ï.s apprend sa lang'l~.e
materneH e. le français,
à force d'y être expoGé,
le candid3.t
- 331
-
.
. .
..."
....
cl
f
.
lV01;:-len.
a .. apprent.:.l.3 sage
u. :r.'3.~1ça:LS, n'""ttelnè.::'a non but que
rd. Itenscig:nem.ent J.u~. don.:1e Foccê.sion cl'wl.e prê.H.que constante
et o:rale.
:n [l'agi!; ici d'une illnsîon p",1re e',: s:i.1J.îple, d'une m.ys~
tE:i.cation de grande envergu"·0 car,
comme n0US avons essayé
cL~ le r:'1o:nt:t"er d<'·,ns cette étude, 1~. Ilfra.r..coph011Je ll donne une
idée faus Ge et en. tout cas 6uperf:tcielle de la réalité linguisti ..
que ivoirieIh'"le actuelle.
Ho:rs de l'école,
la majorité des éco-
liers ivoiriens n'ont guère
l'occasion dl entend:o:e ni de pal"ler
le français,
ce qui ni est pas le cas de l'écolier français.
Dans
l'e::1céllte de 11 école et en dehorr. de l'éçole,
celui-ci continue
à pratiquer le français qui est du reste sa langue maternelle.
Dans les condhions spécifiques de la Côte d'Ivoire,
il s'agit
aussi de savoir si l'élève qui arrive à l'école à 7 ou g ans
donc avec un acquis linguistique et culturel propres à son mi-
lie'.l socio-culturel peut accéder facilement sans traduction à
la compréhension du français
? Vouloh- place:t" un tel enfant
dans un Ilbain de langage français ll nI eot~c::c pas là f?J.re fi d,
tout l'acquis venant de son milieu d' orig:i.ne ? 1\\[' est-ce pas ou··
vrir toutes grandes les pOl"tes à Pa1iénat~.on cuJ.turelle et à l'as-
similation pure et s;.mple ?
iH.1
regê.rd de la pratique pédagogique,
on peut égale-
m.ent se demand0r si la m.éthode audio-visuelle ni encourage pas
d'autant plus la traduction qu'elle n'y fait pas appel.
Nous pensons enfin que les problèmes dl';) l'éducation
en Côte c1 I Ivcire ont été trop souvent conçus jusque là en fonction
du matériel pédagogique (magnétophon0s et projecteurs de diapo-
sitives,
télévision,
etc ... ) la pratique la plus courante con-
siste en effet à s'abriter derrière ces solutions de facilité en
matière de politique cultureHe,
pour éC?l.rter n1.ême sur le plan
- 332 -
tech..n:~queJ
toute réD.exion sérieus·? sur 11ne écc~.e :boirie:;:me Yn.O-
.Jerne,
les (1:i.:dgeaE~:s actuels de·'.ctre ~Jé_YG ay,:,nt chois::. à tor.t
de reco:~c1uüoe purernent et oirnplern-=nt leu p'-'adqu'2s a[;sim:Ua~
t~.on;-ij.Gtes de 1ê" cclC':'1isatior:"'
Il f2..udra.~.~: pel].! êt=e attacher (le
l
plus er.. pIus d'impo:ct2.nc8 ~l.. une ,:é:a.exion glooale suJ:' l'échtca··
tion ivoirienne dans une per.spective de libératIon nationale et.
non d'une adaptation au néo-coloniaJ.iIJlne.
Ce qui suppos e une
option fonc1amentc:le en faveur de nos lang',lec. nationales co:m:me
base de départ pour un enseign0.ment authentiquement na..d.o~al
ca·r. Il enf::1.n:!: ivoi:~~.e:'J. de 7 au 8 ans qui {ranch~.t la porte d'une
C!as~e pour la pI"e.:m:i.ère foio es); loin d'être une page
bla.nche sur laquelle le martre insc::ira un texte not.....veéH.lo
Ses
acquisitions psycholinguistiques lYlaternel1es auront une influence
cons:1..dérable GU:&:' tout progrè[: linguistique ultérieur en f:rançais.
e e'i:te approche der:; prob18r.'les péd2.gog:iquc8 :i.voiriens
à partir d'une option fond<trnen'i;.::.le en. faveur de nOE: langues
Hlaterne1l8s a deux aVê.. ntages au moj.ns :
:)
1,l eD.se igne:ment du fran~;ais sera le plus efficace
et conxor:me aux pdnci~es de la pédagoe~.e nlOderne,
à partir
,'hl momen~ où 1'on part de J! élèYe~
de sa langue n'laternelle.
des
difEcultés qu~. se posent à lui,
de ces besoins et désirs.
2) Cette démazoche qui consiste à partir des langues
ivoirien.."les pour ô.pp~e1J.clre plus tard le français,
est aussi un
puissant moyen de développement et d'en:.'ichjssement de nos
langues.
Comme le note A.
!vIOU1VtOUNI,
"J-".ltilisation syst:§rna-
tique dans l'enseignement,
les actes d~ !a vie ,:::i.vile et adrninis-
t:cative,
des langues af:dcaines.
favoriserait non .:;eulement une
participation effective des popu12.tion.: à 1"" 'de poliHqt..... e,
adminis-
trative et à la gestion de leurs prDp:i:e.3 ;::<faL','es,
m3..is créerait
- 333 -
s5.m.ul~aném~nt les conditions d'un d.é·~·EJ.oppemen-~ r::'l.picle, cl" ..l'n
c::~nchJ.;::':: ement de c ,,"s langues st leu:::' plus gr::'.nde G.clapt::l.tion
à Il expres6~.on des concepts de la vie r:n.o(1("::r.-:ne co~tempor("l_:'i.::.'.e
ie tout S1":':;:' li.."1e base populC\\ire,
infi:>Ümp.nt ph1S :r.iche q·ù.'"U:l
m0nopo13 de fait exe:r.cé par' des l'D::>éd;:).l:i.8tes~1 (l),
N:ms pen~
sons que c'est en tout cas la condit.5.on sine qua non ce la
naissance cl'une culture nat~.onGl.le authentique,
car s'il est vrai
quI il faut dom1er a '1X ivoiriens " une langue de d.vilication, le
français ... ",
une ::'angue qui s'écrive,
g."l:.i Si en.tende cla:DS tout
le monde dvib8é
EUe ne peut pas 8upplanter C01:.rlTDC :;.:,.ngue de cu1tnr~, telle
ou telle langue négro-africé'.--':'ne qui adhère
6~:.<lc·>::m.ent a-u::, for-
TIles de pensée qui lIon forgée,
aux êtres et au:;:: cnoGes des
milietm très différents des !).ôt:r.-es ll (Z).
L8. crise de II enseisnex-üe:'J.t en Côte d'lv0il'e~ n'est pas
pour nc-;.~s une crise des méthodes dl enscigl""'.ement,
elle ne P€ut
pas
être cOITlprise à partir des riléthoc.les;
des rnaniè~es d'ensdg ..1.'2l'.
C' est une cris8 des contenus et de l' oTient2.tiOD. de l'e:nseignernent.
Par ici,
co:mme dans le dOITlaine de toute transformat:i.on socjal.~,
il ne peu;~ et ne saurait y avoir de ~:oludon8 pv.rem.ent techniques,
tant :1.1 eS'i; vrai q·f.l.'ïl ne saurait y avoir de changeITlents profonds
du systè:me éducatif actuel,
changements qui consisteraient à t~ou-
ver u~e éducation scier..tifiquernent plus adaptée aux perspectives
de déve1 oppexnent de la Côte d'Ivoire sa.ns un changement d' or-
clre politique,
économique et social.
Nous ne devor..s pas espérer
(]) A.:_)/lOUN~OUNI, Retour ;·:'.UX la.ngues et aL'.X cul~\\.Ees nationales
texte V~;J:;copié, [0
9
(2) Présence africaine,
n° 76,
4,·ème trimest;:-8 1970,
"Homr~îage
à H.::'chard IvlOLl'~.RDII.
- 33,~ -
que la toU'~geoü::i,e poHtico ..bure2.uC:J:a.:::i.r~ue
qui eci: aujo'l1rd'hui
;'lU
ponvoi:: en Côte dl Ivoire fera le:; .~hanGal"nentG
,
..
nec.e88èl.lreS
qui s'imposc;"t car elle eGt aco..uise à la cause de l'impér:lzJ..isme
iran~ais.
Le meilleur nlOyen de faire progresser le français
comme 18!lgue .;'e diffusion :b.iter:lat:i.onale (francophonie),
Cl est
rle fab:e enceign.ex- d 1 êl.bord les langues loc3.lcs Ivojxj.cnnes au
stade élé:menta1::'e.
Cf est le seul moyen que nous ayons d'étendre
l'alphabétisation aux masses populaires
il leur dor..nerait la
capacité de lire,
d'écrire et de traduire,
dans le respect de~:;
structures inteJ.1ectuelles et l:i.ngu.i.stiqne~tranom),ses par le :mï··
lieu n2..;;urel ivoirien,
êl.utremen';; que par des références aux
catégories de la grammaire iranç,alse,
Q1.1
par si:m.ple transla-
tion de séquences grarrlITû.\\.tica.les étrang8resc
ol'alit8 et authep..t~d.té
Cet enseignement de base en langues ivoiriennes per-
mettrait ensuite d'enseigner le français à partir d'une rét:lité
authentique,
sans dépayncment n~L déracinernent culturel mais
par rapprochcm.ens successifs de schèm.es lint;'üetiques et de
champs sémantique8 des deux lallgues.
Il serait enfin le seul
rnoyen d'obtenir l'épanOl:issem.ent psychologique,
intellectuel
surtoui;,
des jeunes ivoiriens G.anG Je-;...rs u'.pilcïtés instructives,
en vue cleJeu:::.- faire pl'endre en m.';.in Jeu!' pr.opre c1estin~ de ies
- 335 ..
fa.ire éventup,Uement deo cadres :;.noY8:::.s ou 81.:'.pédeu:':"s dont on
8.
-ccmi: b2S0it'. en cleho:':"8 des bUreé\\t'.]{ ê.drD.hüsi:rat:i.:::3 déjà Gurchar-
g6t;,
seuls end.T'oits où on paX'le le f:J:'8.nc,:.ais.
Quelques exemples suff5.ro:r::>.'i: à. montr.er i':mportance
de 11 enjeu,
du point de vue de la pédagogie cl....... français.
Le fait de llorc'.lité dans la piupart des langues ivoi-
riennes i:mpos e évidem.ment une p(~dé\\goEie active fondée sur Id.
"correcti.on phonétiquB II et le. conversation plutôt que sur la lec -
tu.:re
de te:Ktes l:i.n--:;raires,
au~\\s:t b,";;;I.m:: soien'i>H::;,
dont la la.''lgue
est figée dans 1-:; passé,
La différence des champs Démant.:ï..quE:3,
correspondent
à une c1ifférenc e de perc eption cleo réalités vécues, ~tm].)ose
aus si '.me app}~oche lexicale nouvelle : la dj Gtinction occidentale
entre l'enfan.t et llad1.1J.te,
pal' é~r.emple, ne cadre p:·~.f.~exacte-
ment avec celle que faH llivoiricn et P2.f:d.caîn en général entre
rnême re:r::Q;:..:.:':"qu'~ p~ln' 1;:>, clistinction
des sexes qui 2.ppa~~ai"~ insignifiante dans la langue de certains
peuples africains,
ou enco:rp,
pour la distinction entre le lJ.'1ort
et le ·.,rîvant,
puisque le nlOJ:;; cmü0,rE:'2 à ·vj.vre comTne pu:i.Gsance
protectr:ic e du vivant.
Enfin,
comme le remarque C,,_.~EVI-STRAUSS dans
"l'anthropologie G'Ï:1'uctu1"C\\.le!I,
les la:o::gues o-:;cidentales écrites,
retirent au message quI elles tra1~.I3Hlettent, 11 authenticité des
rapports concrets entre les persoTL.'1.'3s que l'oralité confère al1}~
langues africaines.
L'effoJ:'t
paul" les écrire et les
xer grarclnl:l.ticalement pourrait donc en faire mieux percevoir
?
.., ,
-
..)J,.:!
-
b) LI exemple des JHJGY...li\\.IS 6~ des RUSSES
.. -
_,_._-- -"
- - - _ . ~
;
,-, _."."--"" ._-"---""-.... .
n.ies.
CI est la :ègle au pays de CaHes et dans cert?.5nes parties
de l'ECOSSE,
comme au NIGERU.. et é'.U GHANP.•
Cette ati:itud~,
inspirée Sè,n.'J dOl1.te~b~~ les habitudes de p~nsée et de tem.pé:l:a-
n"ent Clue P'" l' ..:l p.... l'ntent1' on" 1. u .."" ::11'; t·,;~· es (." ,.],.,.,....~ ,~~ "-" v-at: 01' • .,.
....
"].
G.
'J. _ '"
.
'"
l i
!.ue........0. ... -'.
'-'.u......'....·..,.~) 1. ,.
....
~
1na1"'
recte) des coJ,0nia)jr;i:es ?ngIa1.s,
a
eu c.,:p ..mà2.. nt pour résuli:21c
une avance consîdér.able des 2.nglo-sax::;':ls d,n'lI'; l' ~'cude des lan-
gues afric2.5.nes (même si ces études laieser:t parfois à désirer)
et,
pal'2.doxalement une diffusion de l'J\\ngla.is pIns vaste que
celle du Français en Afrique.
Donc
meilJ<:;'"lre alphabétisation
t
2.U
m.ilieu na'i:urel,
me5Jleure c3.i:f{'l'f:':l.on d.e la culture étrangère,
les deuz résultats étant vraülE.rtlbhlblement liés.
On Deut faire la mêT!le rer.cJ.ar"1'-'..'2 2.. propos de la po-
EHque lin3ui2tj.~11.e de3 RUSGeA qui sont pê.rver'.llS à faire parler
et éc6re IF: Russe à tous leG soviétiques rl1iisie en comrr.ençant
par leur i:ür.e ,6crh' e leu:-c propres J.a;lgues locë.. les et mater-
neL<~8. En. effet., les répL'..bliques orientales et asiatiques ont
reçu depuis 1917,
des diz.aines de m.ilJ.:i.o!ls d.'im!Digrés russes
qui ont en. fait jo,-lé le rôl':, "d'assistants technj,cpes" ou de
"colons",
mais cpj. se sont plié S S2.ns dj.iflC'o..ltés am~ conditions
linguistiq'.~es local~s en s'ar-:sinlilant à 12. population.
Les lanr:r,ues
locales O1'.t pu maintenir et mêrlle déveJopp8r leur irnplantation
dans l'enseigneITlent,
dans la 'lie courante et même dans la
littérature.
En effet,
depuis
197.0 les linguistes rus ses ont
développé systématiquement la §;l'aln:;.naire e~ l'écriture d'une
- 337 -
soixantaine de dialectes et de langues distinctes dans l'enser.Cl-
ble de l' U. ho S. S.
Ces idiomes sont ense:i.fnés à l'école pr:i-
:maire.
Les plue imrortant'J con-cinuent d'être la n gue cl' ene ei-
gn'Srn.ent dans lq secondair;c: et pa:·foic. è.?nr: ~.e supé:deur.
L'al··
p!:.cebétis?.-don der; adultes c' est,-à~db:e l'apprentiscé'ge de 11 écr:i.-
ture danG les langues locales,
était chose faite pra-r.i;~uement
pa :.tout dès 19':l:O.
En même ternps le Rus s e,
langue offici21le
(le l'union est enc eigné aprè e quelq1.~cG ann~es dans toutes 1er;
'"
1
. ,
(
f '
eco es prlm;:nren
en
alt,
il l!.'Y 0.. pas de cépar,ltio!:. entre le
primaire ej: le s eC('.:lda~.re en Go rz.. 0 S.,
l'ens"'"rllble V2- de sept
0
;; di:::- Ci ept a. ns) .
comp';;e de 13. l'éalité pcHtico-histor ique et linguistique -ï;elle
qu'elle se présente en .Afrique NO:.:r'e et: e::!Côte d'Ivoire en
p~;' ~iculier. pour 'Toir si 18 péG_agcgue qu.':.'; no1..~S somme;:;,
est
autorisé à utiEs.er ce modèle.
Disons tOl'~: de suite que ce n'est
pas au pédagogue de pJ:'endre des dé(,:loi-:-":l::J rrn;.s de présenter
lé'. solutio:~' Féd3.g.~giq~\\e
la plus adéquate s~lon seo obsei·V2.tiol1s
et ses conclusioLls tlléoriques.
D::.sonr. éGé\\_l~r.'le:'.èt que 11 option
fondament2le q,J'3 no\\.::::; déù~·QdonG
ici,
ne paraîtra trop ambitieuse
ou utopique quI à un regard superficiel.
Outre l'exer.nple de
l' U. R. S. S.,
le problème de l'enseignement primaire en langue
maternelle est largement posé en AFRIQUE NOIRE même.
Les
exemples du RUANDA et de la TANZANIE sont déjà bien con""
nus.
Le courant en faveur de nos langues nationales s'est
étendu sur le IV[ALI,
la GCTNEE,
le CONGO-KINSfu\\S.èÎ. (ZAIRE).
La. Côte d'Ivoire n'échappera pas à ce proces sus inéluctable
de réhabilitation des laneues africaines.
Du côté français,
en
tout cas,
on cherche à
se ITlettre au d~apason de l'l'istoire afri-
- 333 -
caine.
LE: nlOuver.nent y est lancé et de nomGreux coop0rants
ud.versitaires,
sans doute à la recherche d'une meilleure
pédagoe;ie de leur la.ngue (rnais aussi dans le soud d1une m.eiJ.-
leu::~e adaptation au processus que nous avons signalé), on dé-
c:mvert la néces8ité d'up..c deccription même Gom.maire des 120n··
gues en contact et de prendre une posHion en f2tVel'.1." de l'intro··
duction des langues africaines dans 11 enseignement.
Des Hn8u~.s-
tes éminel'l"~S de Il école des langues o:dentaler: vivantefJ et de
l'éco:J.e pratique cl es ha.ute:> '3t'_lCl,~s, apporter:t à CE: ::nouvement,
tOl'.t le pcids de le-:"."-·8 ccnnê.5.SG::.nces des lang11es africaines,
tels
J.eD pr'ofecseurs P, ALEXAI'/DRE,
SAUy'I\\GEOT,
1\\/l,
HOUIS,
sans oublier .les Bpéd;).lü:tes phonéticie.:1.s de GRE1\\iOBLE et
D'AI/C-EN-PRüVENCE.
Les l.·aFpm:ts de ces c.hr::rr;heurs sont
étroits avec le groupe belge de TERVUREN,
rlhigé par le
Professeur I-./(OEUS~El'T en. rapp01"t lu:',-:mêmc ·a"c·~ J.•:;s-. chel'cheurs
a:ngJ0-8é'.:;r:ons.
~CC;LG r;.:,s àLdcal1.~.stes app1".:i.ent con.starllITlent,
l'ac-
r é>:: em:c~ent da~t)J; ..
.
.. "
.J.-3t·~
'tl.'KllVerSl·ces
de DAL::A. :':{,
YI'i.üUNDE.
Les langues ch ce::; pays corn.:c:lenceélt il y être dB,·
cd.tes dar..s leu:i.'s st:'7nctuJ."~~; rllOTphologiques et syntaxiqu~Go Ces
travaux perr.nettent dans une cel't;-üne mesure,
une meilleure
connaissance et une meilleure diffusion de nos langues nationales
(1).
Ils permettent
Également cle mieux comprendre et respecter
(1) CI est ainsi qu'au S>;;:'·~~r~{J~,. l:ar exemple, la langue VrOLOF
prend une importance cro:î.ssante,
non seulerrent par son ex-
pansion géographIque progressive mais aussi par sa desc:dp-
-don de plus en plus précise au sein du C. L. A. D.
- 339 -
la personnalité africai::.)e et ménage!'
"
.
son epanOUH.;se-
ment iutur..
Interrogeons mainten2.nt certains de ces 1:ï.nE{uistes
africanistes,
811:':'
ce p:roblème capital qui est l'introduction (:.e13
langues afr:i.caincs dans l' er,s eignernent en Afrique Haire.
1) L'opin:.=o de Pie::-re ALEY..t'l..NDRE
, --~--~-"-'._"-'--"--'----"".._...__ _
.......
..._--
P.
A LEf.ANDRE e:n traite longuemer.~ et COI.l1.p.lètement
danG le chél.pitre IV de Il).aDgues 8'; langage en AfT.'~que Noire {l}.
Résumons son poi:D.t de vue :
Avar:i: la ce3.on:Î.sation i)on:(' lui,
"ùn ne !':éiit pratiquement
r:.en de la fJOcioï.ogie lingubt:ki':J·e de l'Af:6que préc.colo:aié'..le" ct
"le èegré c~.e A'ésista....!ce on de frC'.&::i.li}:~ den lang1}.es africaines
est lié non seulement à des avatars des sociétés où elles sont
parlées,
mais encore à dE::~ facteurs démographiques •••
et à
d'autres variables pas tcujùurs aisées à précise!:"t1.
Ainsi,
du
KIKONGO qui s'eGt.ffiaintenu à peu près intact du XVIIhne
"
Ele ...·
cIe à nos jours,
alors y.~~ :::;::;::VI,/{U voisin,
bien décrit en 191;_,
a corn_pIètement disparu aujo'1X'd'h'.ü,
on ne sait: riena
lin y a
(1) P,
ALEXANDRE,
Langu$ et Langage en ~\\fr:que l>Toire,
Paris ?payot,
196'7
-
31:0 M
aus'si le mystère des PYGMEES,
dont on ,-"
sait encore s'ils
ont eu une lang'l'.e particulière".
tant ils vivent en syrnbiose
économ.ique avec les peupler; qu'ils côtoient,
sans jamais se
confondre avec eux o
Ce qu"on sait sûrernent,
Cl est qu'il
n'y a presque
jamais coïncidence entre le type physique.
la
civilisation et la
langue.
La colonisation va bouleverser les rapports Hnguisti~
ques corn,me les r'apports cOIll.merciaux ou sociaux.
D'ab':'lrd,
la politique des néGriers a développé 188 l'pidgins côtiers" sous
l'influence des "martres de langues ll sui jouai8l1.t Âe rôie d'in-
terprètes en lra,n-;ais, Anglais, Hollandais ou p:.ortugais.
La traite
tarit le recrutement des prêtres linguistiques mais la colonisa-
tion impérialiste en. pénétrant à l'intérieur du continent,
impose
'l!J.ne cOITH'.îlunication directe avec les populations.
Deux solutions
théoriques o'iITlpoùent alors: en. hnposer c..J. langue aux colonisés.
ou s'inîposer d'apprendre la langue du
colonisé.
"Les i:JUissances
anglo-gerrnaniques tend.irent ainsi plutôt vers l'emploi deo 12.,n-
gues locales,
les puissan~:es latines vers la diffusion de la leur".
La politique française
La politique française,
centralisatrice depuis FRANCOIS
1 er,
pouvait apparaître aussi généreuse que celle des anglo-ger-
maniques et des Belges dans la mesure où elle faisait bénéficier
tous les peuples de la p~11 (" "j,~.:.le langue et de la plus belle
littérature du monde",
En fait,
la culture",
dit P. A LEX.Pd\\TD RE ,
alors que le respect marqué par les Allemands et les Britanni-
ques pour les langues locales pourrart être interprété cmnme le
ma.sque de leur supérior i té,
les Belges voyant surtout dans le
- 342 -
Français la langue des mauvais m.aftres (V')LTAIRE
J\\U:..RX).
P.
ALE:KANDRE rn:::mie admirablement comme on peut le voir,
l'ironie tout au long de ces pages très sévères pour le colo-
nialisn'1e.
Du point de vue linguistique,
la politique française
de la fréquentation scolaire oblizatoire a porté un coup déci-
sif à l'ancienne éducation coutumi~re "qui,
contrairen'1ent à ce
qu'on croît trop souvent,
comportait un véritable enseignem.2·~Ll;
de la langue sous fonne notamment d'apprentissage de la rhéto-
rique et,
parfois,
de la poétique tradihonnelle.
l'/(ais elle a
fa.. vorisé par aille-,lrs le Fore contact entre le~ diHérencs dia-
lectes voisins,
jusqu'a·.ors figés dans leurs frontières étroites,
permettant les contaminations ïna~.S aUG si les regroupen'lents
concurentiels et favorisant une certaine unificaticn.
La_P..2lïtig~~glé!}.8~,
bel.B~~..LR~Emêmi9.~~.
Du côté bl'it.2.n..Tlique,
beige ou allemand,
Ille choix
des langues locale:::: officielles" U) à promouvoir a été souvent
livré au hasard,
soit parce GU'u,:. rnlss5.onnaire aVi'l.it f2.it un
dictionnaire ou une gramrnaire de la langue en question,
soit
que l'implantation géographique de l'administration se soit faite
dans son dorrlaine d' iniluenc e.
Inconvénient : la langue imposé.~ par l'administration était S011-
vent étrangère pour l' é~.è,.rp -~TY1~ne pour le profess eur et J.~\\n··
glais fort mal traité finalement était cependant l'objet d'un ar-
dent désir de connaissance de la part des élèves.
(1) Pal';rni les quatre langues officielles du CONGO,
écrit :P.
ALEXANDRE on comptait le "KIKONGO simplifié ll ou IIdu gouverne-
mentll ,
le TSHILUBA de base et le "KISWAHILI KINGWANA" c-à-d-
d'après un congolais caustique" réduit au niveau mental de base du
Flamand gouvernemental simplifié ll p.
32
!}~ntélR~:
Développement dfune abondant..:· littérature africaine
et alphabétisation ben pluG pou3Dée des m::l.DSeS rurales.
Enfin,
:::noindre déchet scolaire du fah; d'une plus grande osrnose entre
l'école et le milieu local.
Ce qui est s'Ûr,
Cl est que
"1es ad-
rninistrateur s
.-
b:dtanniques êta:i.erü supposes apprend:re une lan·~
gue au CO'-lrn de leur premier séjour et rester p,,:,esque toute
leur carrière dc:ms la zone où elle éte.it utilisée",
alors que
les aciministrë..teu:t:'G français qui s'intéressaiep..;; trop 2.1.1Jf: Jangè!es
locales étaient '~rès vite mutés de peul" qu'iL::; p:::-enne:nt trop
c1'influençe dans la polit:i.r.::.ue locale.
Inv,~n;ernent, dans le c1o-
J'D.aine b:l'iî:::tnniq-)..e,
.'.".'.:::~d.r.ain qui j;.CJ.dait "trop b:en l'·:·\\].glaic
était Goupçon~,1.é de n'la' vais esprit.
Le résulti".t de ceG poErJ.ques opposées c' est J.)eut~être
une me::.Ueure diffusion du f:t'ançais qne de l'angL:ds,
COïume
lanGue clecolur.J.1.ünicat:Lon ent~:e af:dcains,
du fait de la scolari-
Gation obHsatoi:re en rr('.i.nç;:';j.so
Q-l.l.o:1.o.y.':i.l 8n soit,
ane1ophones
et fran('.o~)hone;:; dignes de ce noxn,
iie
r'.épacsent pas d'.·'près
P, .ALEX.ANDRi~, 10 10 et encore,
de 13. pop-,1.:i.a.tion totale d.e
l'Afrique.
"Le f;::dt demeu:C'8 :rH~antnoü".G qne le lTrançais et
l'A nglais sont effectivelnen~, irtl1:c.\\édiatement avant l'A rabe,
les
prindpales langues d'Afrique Noire,
non pas tant par 1'effec-
tif de leurs locuteurs -probablement inférieurs à celui des
gens qui parlent le SWi\\HILI-,
'.{lais par leur qt-".alité,
par
l'importance des qualités Gociales qu'ils occupent",
Et P.
ALE]L:\\NDRE de conclu"''''' . "F::n fait ces trois langue::> -deux
européennes et une s~mii:iq1.... e- SC'.::lt les outils les plus efficaces,
1;~8 instrU:r'Der,ts indispensab).es,
mêr.ne de toute construction
polit:i,que ou idéologique à l'échelle africaine l '.
Notre auteur traite enGu:tte des efforts de "décoloni-
sation linguistique",
à l'origine les plus "fantaisistes",
l'nais
liés à l'idée de l'unité africaine.
On f2.it évidemment fausse
route,
pour P.
A LEXANDRE,
en cherchant a priori une lan-
gue u..."üque POUl" l'Afrique,
ou même deux langues locales qui
seraient finalement aue ai difficiles sinon plus dHficileo à appren-
dre que le IrraI:'.çais ou J.'!:'-".gl2.i.s pour l' ens emble des africains.
CI est pourquoi,
" e :'.""l terrnes d'uO.lit~ pl'atique irnméciiate!l,
les
Etats af'Ticains c::l'i: ~ 8L.n:\\ P. ALEXA NDRE "ir..t~rêt 2. partiT de
l'acquiG positif don. t j ,6 ont hérité et à développer l'usage du
Français et de l'Anglais i :.
C'est c1'ai~.leurG ce qu'ils ont faH,
maie,
constate noô:-e 3.uteü,~, !!souvent parfois au~: dépens cie
sa qualité!!.
Po A:;~BXANDRE pose 3. ju~te titre ensuite, le problè-
me linguistique africain en terme de développement.
Mais il
s'agit 3<üon lui pour les africains qui tiennent les leviers de
commande "de faire passer avec le maximum d'efficacité et
d'éconolnie le courant d'information nécessaire à la réali sa-
tion de programmes de développe:ment.
Trois solutions pos si-
bles : usage d'une l2.nge.e p"r'''péenne préalablement ens eign.ée
à la masse qu'on veut toucher ; fo:r~ulation immédiate des
problèmes en langues vern3.culairep, ; usage de traducteurs
et d' interpxètesl!.
La prel'uière solution est utopique dit P.
ALEYJlNDRE,
dans la mesure cù elle suppose un développe-
- 345 -
ment déjà supérieur des pays africains et
'es rrlOyens finan-
ciers et lnaté~~iels (}'..1'ils Gant justem0mt en tra.in de rechercher
pour ce fai:\\'c o
3:...3. seccnc1.e so11.'.-;;;,on rer..con~:re des obstacles
maje'J.rs,
dit P.
ALEXi\\NDF.E : multipUcité des dialectes,
divi-
sions polidques et tribale~, prer::tige des langues enrOl)éennes
auprès des élites et clar.s une certaine mesure auprès des mas-
s es populaires africaines.
ou plusien:;7s ~ar.gues Inr:alcs peut "t:ü'Îc; '..l.:ile bon.D.e solution à
condition
nO!Y.tbre,
PUiSSE;i1t
êü"e ascept'8es ~j2r l'ep.8emble de la pop.'.1ation
d'un pays dôierrr.iné cam.m.":: 12.ügue CD:i.UffiU1l8 ou véhiculaire,
en !èoit pCGsible ~ partir c11 un
certain corr-\\us éc rit ou SC'Dor Go
Suit une analyse très détaillée (1) de la situation
actuelle des différents Etats africains par rapport à Ce pro-
blème,
et l'auteur établit une classification en
- Ztats linguistiquem"\\Ilt homogènes
Eta"~s lingti:i~'t:j.guement hétérogènes mais posséchnt
\\'..i1.e cu pluaieur:;; langues 2.fr5.caines donlinantes,
--'---'---'--'."--
(1) p. lil.::.EZ.~r,TDR~, L::l.ngues el: langage.:: en Lfrique Noire,
::?i".ris,
Payot,
1967;
p.
125-126
- 346 -
- Etats à hétérogénéité linguisti:,üe moyenne,
-
Etats à forte hété:i..·ogénéité linguistique.
Même là où. les langues locales ont une pos~üon très favorable
et peuvent -ètre trans'.::rites correctement (SWAHILI,
YORUBA,
KIRUNDI,
HAUSA.
SANGO,
U:NGALA.
KIKONGO,
VrOLOF ••• )
notre auteur pense que 'lIeur emploi généralisé se heurte à
des difficultés techniques considérables" du fait que Il évo1ution
linguistique ne suit pas le ryéhrlle de l'évolution sociale et scien-
tifiqueo
La clifficult~ est _'lOinS de transmettre le vocabulaire
symboHque des scien-:es exactes que celui des techniques cou-
rantes de la vie moderne et encore plus des relations sociales
et des idéolc,gies.
Réforme de l' ens eigner.!1.ent des langues e\\.1ropée!U1~_s
,Sur la troisième solution théorique envisagée,
l'e:m-
ploi des interpl'ètes ou des traducteurs,.
P.
ALEXANDRE est
tout aussi pessimiste que sur les p:.:emières et il propose en
désespoir de cause de l'combiner les trois méthodes de façon
très souple,
dans des proportions variant avec les besoins et
avec les résultats recherchés".
Naturellement, i l pense qu'il.
faut,
tout en llintens:i.fiant,
réforrner profondément 11 enseigne-
ment du Français,
peut-être moins par la pratique coûteuse
de l'audio-visuel que par l'adaptation au milieu linguistique
local.
"Il s'agit,
dit-il,
de 8' ",.•quérir,
avant de mettre au point
le contenu et la progression des leçonG de ~ançais, de la pho-
nologie et des structures
gramrna.ticales de la langue des élèves,
de façon à prévoir les difficultés probables et les remèdes pos-
sibles".
- 347 -
l,a place des vernaculaires
Pourtant,
il pense qu'il iaut donne':" "une place privi-
légiée'! ;::mx vernaculaires dans 11 alphabétisation des adultes (mé-
thode LAUBACH (1) pa:>: exemple) ne fierait-ce que pour les :î.ni-
tier localement am: progrè s de l'agriculture.
11 pense aussi que
"milieu et langue locale" doivent pénétrer ens en.ble à l'école
sinon so·<).s forme de textes <§crits,
du moins par des "documents
sonores,
bandes magnétique,; ou disques",
ces moyens étant
souvent ..nains chers à prC'!Juire que les livres.
Pour préciser notre point de vue,
nous pô.:!."tirons d'un
certain nornbre de remarq'..les que suscite chez nous,
le poî:i1.\\: de
vue du Professeur?
A LEY.-..t""!.NDRE.
a) Histoire
Selon P.
ALEXANDRE,
le résultat des politiques colo-
niales opposées que menèrent la France et l'Angleterre en lHri-
que,
est peut être une meilleur e diffusion du Français que l'An-
glais,
comme langue de cornrnunication entre africains.
du fait
de la scolarisation obligatoi.re el. Français. Il nous semble que
Cl est le
contraire qui est vrai.
Nous avons en effet indiqué par
ailleurs que le f?it poux 1e- : ... :lt,lai.s dl être partis d'un enseignc-
ment de base en langues ai:,,'icaL'1.es.
a permis une meilleure dif-
fusion de l' i~ngla.is ql~e du Français.
En 1953 par exemple.
le
taux de scolarisation po\\.~r l'AOF et l'AEF était respectivement
de 9 et ~.3, I.~ 10 alors qu'il était pour le GHAN.l\\ de 52 10.
Les
(l) LA UBACH êta it un pionnier de l'alphabétisation suivant le
principe l'à chacun son élève". Il a commencé ses travaux en
1929 aux Philippines.
- 3LL8 -
ê.!lalphabèt88 repl.-ésentent aujourd!hu5. en ex··AOF et AEF,
95 % de la populatic:l pOUl" ,ç~o % a~J GHA.NA et 50 1" ?...~'t NIG:::':;RlA.
Ces chifü-es (1) plai.de.'.").t donc en f?:ve ....~': d'un enr.ejBnemen..~ de
ba.se en langl'!.es aL.-icô.'.'H<JE o
S;EI12.101.l'''!
eT:. p2 snant les p::ésup;J:>-
sés irnpHd.tes de Po ALEïCl\\.NDF(.1:;: sur leE' langues africaines.
EL'. effet c.Ofilmen1: peut-il
les l(~D.gues eUl'"opéennes
(França~::;, Anglais) et la langue )") {;<.:'.5.dque (l'Arabe) sont les
"outHs
};es plus
p-fficac es,
les ine'i:,.-ument3 indisp0nsables
victim.e de l'idéologie des langues supér:1.8"\\'el;;,
liés à l'idée de J. 1'"ln5.té africaine,
entreprir:: par ce3:tains Etats
africainG,_
:p. l\\. L,:t~X.I\\l'LORj~,
estime que ces Etats font évidem-
n-lent fauGse :route en cherchant une lc.ngue li."l:i.que pour l~Afri-
que ou :mêrne deux langues J.ocê..les
Selon luj.,
c·'::o },).ngnes
o
se:r?lent i:i.nalement a'Usd difficiJ.es oinon plus difficiles à ap-
prendre que le Franç2.is ou l'i",nglê-5.s.
Sans n;.e,: l'intérêt et
l'iulportance du Fra:açéüs et (le l'Anglais pour les peuplee afri-
cains,
au niveau d.e la comm'Lmication int~rafricaine et inte!"na~
tionale,
il nous
faut précise:. les choses,
en nous appuyant
sur l'analyse pel"ti.né:;nte clP j-\\.
jV..lJTHJOUl"-TI.
J_,ê'. moind~e analyse
sérieuse dit r"!..
]\\.iOUMOUNI i2) montre,
et l(~s faite confirment,
j '1
(
1.\\..
1~vI0gNI,
op.' cité,
p.
422
~. 1
(r.:, ) ABDOU_:iv~:crJIv1cr"JNI., ~: Le problème linguistique en Africaine
Noi:>.-e",
Revue Ph-RTISANS,
n° ':13,
Nev.
1965,
Pc,rie,
F.
Maspéro
- 349 -
qu~ le rrüt::;:o-nationalisme de Cb:Co:l.stanr.e E:E.t s&ns lender.a.ain :
. .
d '
1 't'
( r . . )
.
2l.UCU:î
magIcIen
e .Lê. PO"l ~.ll'-.1e
a:O::i.·lcalne
I.îe
potu'ra convalnCrp.
le HAOUSSA de l'!lAF..ADr quiil est ét~anger au HAOUSSA de
I"'_,.~,NO, pas plus que le D.!ERlVIA de DOSSO ou 18 SONRHAI de
TERA qu'Us sont llétrangers'i à ceux de GAO,
ou le
TOROUBA
du DAUOIvIEY de se méfier de celui du NIGERIA.,
et nous en
sommee déjà. au moment où même
certaine f; couches,
qui parti-
e::'i,~;:-~.:j;aup'ouvoir d'Et2.t (néocolop..ian, (les m:i.E";:aj.:t"es ':on parti··
culier) ne se J.é'.is::;ent p:,llS c...lengler par de teUes arguties ••.• "
C'il est vra~.,
conce:,·~,...:tnt J.l'.....!ü:::icatior. der. pc.ys africa.in:;,
qu'elle
dc~n'a passer par ci.i.ffér':mtes étê.pes,
iJ. nI ~n reste pas moins
vrai qu'olle ne pOUl' ra v ::>~r le jour 82...15 une soJ.ution correcte
et effective de la questio!l l:i.ngu.i~,tique, ~n CI. acs ez répété que
les frontières actuelles des Etatc 2.J::dcains ne recouvrent exacte-
ment ni des e.~semble8 8th.::iq\\1'2S O~l lingu:i.stiqnes,
ni des entités
historiques fonoée::;.
On :;: em.bJ.e fermer confoX'tablem. ent les yeux
fp:~r Ie fa5.t que les rnêmes ::;el'_ples contin:,ent à êt:r:~ Ettéralement
p3.rt8.géB ent:;:,e clir[Are:il~~8 E·~2.. i:8.
IJ. eGt UluGoi:re de penser enfin
:J'.1):'
le pl.an cu1tu::~el que les ).")oJ?ulé'..tions <.\\:~ricaine8 c')nt:î.nueront
2. attendl'e le jour prohlémat::q1..'.e où.
selon les promesses fai-
tes par les une et J.es autres,
une scolarisat5.on cond'.'.ite en An-
glais ou en Frctnçais leur apportera,
avec l'instruction,
les bien-
faits de la "civilisationl1 •
Il semble plutôt que lliHriq11e Noire f::>.it aujourd'hui
l'expérience histo::-ique douloll.!.'~~:..e qu'aucun :Stat ne peut surgir
san3 une base historique
et linguis6q1.1e.
Il r~st à peine nécessa.i-
re de soulig!ler aue cene sont ni la colonisation,
ni la langue
d~l colonir;a::e1..1.r qui peuvent teni.r Heu de l'une ou de l'autre.
L'his-
toire des autres peuples (et en premier lieu llh:istoire du peuple
- 350 -
frança5.s)
et des autres continen1:s conduit ('.._ reste aux mêmes
co:u:h.,-s5.0J:'.G : il n'eet a.ucun exe!'np1.A. où,
du
SF:lUJ.
faH de la con-
quête,
sans méticcage du peuple "conquérant!! avec
b. popula-
tio:! autochtone,
à m05.n.E; ciro: la desi;)~'..l.ct:i.on complète de cette
rlernièzoe,
:a langue du pre:.:-:1ier soit deven1.,-e celle du pays
conquis.
Si,
comme l'écdt PrL"iNTZ FANON (J.),
"chaque gé-
nération doit dans une relati',re opacité déc0uv~.·ir sa mission,
la reTnpli}~ on la trahir",
3t darlG la mesure ot: J.'indl§pendance
politique acquise;.
J.2 '~âche effect:O.vl~rt~.en.t pos~e est l'unité afri-
caJne comr..'1e rnoyen e~~ voie d' épanol'.:1.s s cment des peupJ.es afri-
cains,
alors il selnble c:ue notY:e g-3nér8.tioll se doit de porter
une gra::,.de atten~;:"on à 1". question du rôle du fac+..el)\\" lin8uis-
tique africain ('1..2.:"1.S 1: édificadon de l'unHé africaine".
L.a SO~"ltion, qui consicte'~2.:;'·~, pour 1e13 Etats africêd.ns
à f::>r:!."'naler irnmédiateeent les problèmes de dévelo~pe:mentJ
en langues locales,
ren::Ol':>.tl-erait sel'Jn P.
ALEXANDRE,
des
obstacles majeurs : multipH.cité des langues,
divisions politi-
ques et tribales,
prestige des langues europ~enneG auprès des
élites et des m.asseS africaines.
Cependant,
il pense que lladop-
tion d'W1.e langue ou de plusieurs languep J.oca~.es serait une
bonne solu.tion ~. condition
n qu'une langue unique ol.: plusieurs, limitées en
nombre puissent être acceptées par l'ensemble de la population
Il) 1:'7
\\ .
.
Les damnés de la terre,
Paris,
F. Maspéro
- 351
Z) que la tranr;cripdon enGoit pof:-&lbh: à. parti::: d'un
cer":ain COJ:'pU8 éc:di .. e~ 8c.noreo
Des rernarqLes générales slimposcJ.:t. face à çe;te ?l.:r-
gumcEtation
-
La multiplicité des lang1..~es et des dialecbs é~i!'icains
est présenté par F o
ALEZANDR)1: ccmm2- '.:U1e d~fflc1..'.lt~ Ï:!1Gurmon-
g):'oup.::: :)1..'. :far:·~j!.le de L:mgc. G et de cEalectes (grc:.lpe Mi".NDE.
~,22 '.:illS des <.\\utre ..~.
rr.3..1.s aU38:, de 1.1:::.ut:>:(~. le phénornè:le général
qu:t Si est. c1.ével::)ppé encore 1'='\\,'.1::: depu~.G:
au point CF8 certa7.nes
lë;l1gues (VTOLOF.
I-il\\.. OUSS>. pcmr a.~ padel' que de l'Afrique
de l'Ouest) tendent à. devenir ou con~ devenueD des langues de
comm.nni.-:at:i.on 1êreernent ::épanchJ.er- en dehors des groupes ethni-
·:;ues co!"responc.1ants.
CI e,:,t pourquoi nUL'.:> ne pO'.lvons pas vala~
blement prendre le rare. du. 1Ier.aoe lS,ngu]'['·d.quc!t ~~d que le diifi-
-
Lee aJ.·gume!.l'~s 1Ipoiidq',:'.es;' avancês pc,'.r justifier
l'im.possibiJité du choi:~ d'-.:me l2.ngue 01,~ de plusieurs langues
a:fr:;.caines dans un Et2.t donné (divlcd.ons poli':iq1JeC et tribales)
méritent qu'on r;'y arr~te également clans la !nesure où cette
argumentaHon jette le doute dane l' ~sprit mèn:.e de certains par-
tisans siIv:èl'es cl", l'ut:i.Esat:i.on :les langues africaines clans le
développe:;:i'1ent de l!Afrique et au dépa.rt danp l'en,c;eignement.
Fa;.Gons re1'!larquer avec li
JVI0UlvlOùNI,
o
Il qu' à
1.'5.ntérieur d'un
Etat donné,
on observe souvent différents remous,
spontanés
ou non,
surgis sant la plupart du temps de la politique régiona-
liste,
voire triba.listc ou plate.ment familiale,
menée par les
- 352 -
cercles cliriee2!lts eux-mêmes (1'38 jJolltidens africains s'inE';{"
n~,ent en C,~f8t à 1'.t:i.liser le:::: facteu:t'c e:;}nüques comme trerilpti,n
politi':;,'.lC).
Le. où est }.l:'J.enée '_'.ne polHique o:..'.:i.ne dan::: len 1"2.p..·
porto entre groupern.ents ethniques c1Hférerl::c,
c;~ les objectiit::
de td ou tel g:rm::pe et}~.ni(r~.e O~. tr:1.baJ...
d.one :r.e"êtant forcém.ent
tée natio:'J.aJe,
dB tels :-er.i"l'.:Jl}.S SOI.1"i; pr8.tiqtlero.e::l"t ine}::istants.
div~.sl():n des pCi.'.ples africEiJ.ns) ou
non,
Fon const:2.tl:' qu!il y a Ot! qu'l.1 n'y a p2.S ci.e p::-oblèrD.c de
l'utilisat:1.o.). cliu:~.e 0'.1 de pl.l.le,i.eu.};,G langues !12.tionale8
La véri-
o
iiob8taf~le de loin,
le plus ?mport",-nt,
et ô.e l'aut:,-e qu.e vovJ.Oü·
le C2.E~1
011.
quaEEe de t::'5.ba.Er:E18 toute r:J.aJ.).if.?~·~at:î.O:rl concrète
de l'existence et la juxt2.position sans facteur d'unité réel et
obj ectif,
de diffé:.·ents groupements ethniqu.es et linGuistiques.
"Tout indique,
au contrô.ire,
pom:'sli\\';; A.
MOUMOUNI,
que,
dans un contexte autre que
zelui de ,~'Afrique domi.née
par le n60coloniô.lisme et bn.lkan:i.s6e d' aujou:::d ' hui, les langues
africaines seroT"t,
non 1..'..0 vust~.(;le,
!.Dais un des facteurs de la
réalisation
de l'unité afz'lcaine ; d'abord,
parce que cette c1er-
n:~ère n'a pas pour base l'inlagination. ot;. les J:'êves creux de
tel ou tel':!:cicain,
rrlaÎG
l'existence réeEe et véritable de peu-
pIes ayant un'3 histoire com.mul'l'3.
ayant vécu l'experience commune
- 353 -
de la conquête et de la dornination colo:::üal<? "
pu1.c de la lutte
cl::: libérat:i.on e'~ qt::i.,
q1.18iqi).laujouJ:'clii.'.u~ e·.. c.01"e Ino:rcellés entre
dif:(éI"e~üs Etat.s, ni en ont pas Inoins :i.us r":lèmes ln'i:ér.êts, les
nlêmes aspî:r'atio;:)'G,
Ir.:. inêr.ne volant':: de pre~dre en rnai:-:lE; ~eur
con.--lrn.une d'2sd.née.
:St
•
'
ces
........._ , _ ... "
peuplez
_... ~ ....._ , . ' ~ ~. . . . . . __ ..
é,.u·iüurd:lmi
_ ~ • . . . . " .
~ _ _ Or
" _ ' ~ _ _...
ne p~l.rlent
.._
...._ .... , _ ,
' "
n;...
:2.~:: nous l!.e va 1'o1'.l.s pas, à rncins ùe les VO'.-le:o: à il analphabétisme
p(;;nna':;'2n);,
CO~lner..t Hs p"'"xraient édifier u~e ::uhure nationale,
( 1).
l'oUl" ce q'"Ji cO:',cerne le çhoix des lalÀgues à utiLiser,
soulignonn seule:i-ne:r:t qu'il :'1.e peut ~~tre question cPimpc{,è el"
. '. "
t l'
l
"D-elle
0\\"1
e ~.e
a~lgue
3.voi:d.élme 2. ~el ou tel g!'01..·P·3 e'tb':'1ique coxnme
à notre cOl"::.naisrance,
de:n:la.ndé l'avi[: des ivoirien,:;, avant de leur
faire a~lcp·teX' ·~el~.e on '~eü,;; lanGuE- ::OV(;:'.:.tÎ.Enne,
aJ.':':;, <:; que l':L"'1.-
verse est allègrenlent pOE:~tI1.1é en ce qui concerne les langues
et l'africain en général es~ à genoux devant tout ce qui est eu-
ropéen ou toujours prêt à cC)urber 11 échine, lib:..'e à ceux qui le
',reulent de le iai.!'c,
rnais 5.1::; 11'~ 'i:a:!'de::ünt pas à déchanter.
Le probJ.ème de l'é'.dOptiO:i1 d'un sys~~me de transcrip -
tian de la laDgue cho5.sie est également posé pa:..' P.
ALEXl~.NDRE.
--, --
('.) Jh-fv:~OlLl.-10~j~-;1:-,_ Le problème linSuisti'_rJ.e en Afrique Noire,
p,
13
- 354 -
i:;'.1tre quo e:l général un ou plusieurs sYGtèr, ..-:s existent déjà
(travaux des n1isËionnai~es, de spécialisL~s eur'~tJéens ou é.t.fri-
cains),
les caractères latins nou:,; 83'.:"J.blent ·Je-voir siimposo<:l'
dans tous les CélS,
quit-,e à recour].i.· à l'ac1ju~ction de signeE>
spéciaux pour c erta~.!'.3 pho::!.8rLes.
'. n. a,
alo:;.'s le Q":;;.lble 3.van-
tJ.ge d'l..~lle g::anc::e E~..mpEd.té et ,li uue e~~ploi·~aL;.·..:: u:.~,;~~·ieu=~e
éventuelJ..::: en vue de l'app:re~1tissage è.".llîe langue européenne
(le Français par exemlJle). Il est évidemmer..i: 8ol..ù1a:'d:able,
dann
ce do!:'ûaine de ne pas abo1..~i:.· à une anarchie qui p0urra:l2 facile-
ment conci0.:i.re à. des syst8!:D.es de transc1·:i.pt:i.on dHféren.ts pour
'.li'-e mêrne langue pour deu:;: ou. trois E~ai:8 où eUe est pê.rlée.
Il cuffirait de tenir cor:-lpte des systèmes déjà utilisés dans les
anciennes colonies anglaises,
belg er.: ou alJ.crna'.ldes,
de rnaintenir
des contacts étroits et une collaboration ei7.tre les diff",,;!"ents spé-
c::1.li.stes qui s'occuper.•: de ces qU3stions ~0U;: év:i.ter èie telles
alternatives.
Ll~.nté:,êt, dai:s ce c1oma.ine COmL'1e C::.".ns tous les
8.u-;:res,
c~.'t1Ue coopérc.tior. des Etats afdcains e~t é-vident : mise
en comL1un des n:.oyens divers,
d'où \\'é'.L:.'ègemeùt (l<:~s charges.
A"7ec la tr2.r.bGript:~on de J.8. lar.gue choiL<c:,
:3e
)~OS·::: al..... :Jsi le pro-
blème inlportc.:.nt du pas;;age de l' ,-'l'alité d :..: éC1: ~;;ure.
Ce passage
ne devra pao être ~. notre avis,
1\\ annuiat:~on cie Il oral et l'é DC-i"-
ge:'-lce d'un éc:::-it uniquement ori.~'..::,~ sux r ;;>.jJpo:·~ du monde exté-
rieur,
étant en t:;:ndu que l'oral. n'est pas uniquement à la :mesure
de la tradition ma.ls qu'il la déborde en incluant les incidences
de l'actualité et la créativ:'té (~e8 africah18.Sans nier l'i:mpor-
tance de l'éc:i:it et de son 5.:~sertion danD ~e iéveloppement, il
importe de voir que 110raU·té constitue un moyen de d.iffusion et
de fo rma tic>:-
·'.''J.t adéquat· à la civilisation :i.voirienne
et aixicaine qui,
voulant s'ouvrir sur le monde moderne,
se doit
- 355 -
de témoigner de l'apport positif de son orali}:é ".'t de sa mémoire
patrimo':!.Ïale.
Il s'agit donc de rOT".(lpre tme polarisation des
rn.oyens de communicG.tion et de désarticule:.' J.a cé2::t"éga".:1.on
qui a toujours ey-ist.~e entre l'oraI et l'écrit.
"L'écritur(~ <\\
été souve!.!.t ressentie,
di~ ~•._HO'l!l?,
comme IDl. f:r<lit cie: civi.
lisation et Don abs e~'lçe comme le propre d: 'me civilisation dans
les lang ;;",.
Les textes oraw:: seraient du foJ};:J.r;noe,
Cê.as qu'on
d:~.8tingue ce qui eGt pourtant eS8e:r:..t~.el, s'ib SOl~t encore vécus
ou slils ne sont que deo dépôts lTIOrts" (1).
L'oraJ.:i,té envisagée
comme technique de coml: 'mication,
si elle ne l'édste pas en
face de l'efficacité de l'écrii:ure,
comporte une dimension irnpor-
tante que l'écriture é: perd-.}.
LEVI-01' HA USS,
C'D'.\\S
:e label de
Ill' authenticité!! des relations,
après avoir fait Y3.lcir que les
quaHfkatifs privat~fs du type Il sans écr:L:ure ll ,
l ' sans
m~!Jb.:)Js
mell accolés aux sociétés :t p 1"imh:i:'les",
ont le tort de dissim-...ller
11ae
réalité positive,
écrit : "ces sociétés son!: ft)ndées sur oes
relations pcrGonnel1en,
sur des 1.4apports concrets entre individus,lI
et enco:':'e "nos rélationû 2.vec êcu~;rui ne Gont pl'lS que de façon
o(:casionnelle et fra.gme:':1taire im1C1ées 21::.r cette expérience 310-
béüe,
cette appr;';her:.s:.on concJ:'~·~t8 d'un r.u;;",·~ pé'.:' un autre.
Elles
résultent,
ponr une large part,
de recone-l:ructirjns ind.irectes,
à travers des èi,oc'G-ments écrits..
'Nous somme? reliés à notre
passé non plus par une tradüion orale qu:!. im.plique un contact
vécu avec des personnes-conteurs,
prêtres,
sages ou anciens-,
mais par des liV:i."8S entassés da.ns des bibl~.oth8ques et à travers
lesq1.lels la c:dtique s'évertue -·::'.Vec quelques difficultés- à re-
constituer le vi3age de le'.!!'s auteurs.
E~ sur le plan présent,
nous comrnun;,q".l"''''',s ".vec l'j.mmense maja:,:ité de nos contempo-
rains par t':l'ites ~urtes d 1interrnédiaires -d.ocuments écrits ou
mécanisITles administratifs- qui élargissent sans doute immen-
(1) M. Homs. Anthorpologie linguistique de 1'Ai.
Noire.
p.
48
;:;~men':: nos contacts. mais leur confère:lt .::,~_ mêm8 ten'.DG un
,
'.'
1"
. ,
-
:"" .. ,';:.(2
·,ce Ul-C:L
eCl;
c.:.CJ'eDU ;.2.
rl.1él.rq\\.:e
des rappo:rts entre 18 ::itoyer.. et 1ec pouvoirs-" (l).
CErtes,
il n0 ::;l ag:t pas de se livl'er au pa::-adoxe
absurde de nier l':1.m,portétnce dz cette révol'..:tion quI est l'2.ppa-
6tion de 1lécritu7'e ou (.lê,:::'f;,~!1:1er l'e:6cteT'.ce d'un "bon 'Ci-:'l'\\',"!f.,se"
. .
q'.u ne "a""::I!t
c>
...,... c,.I.
p",c.:. ....
.. 1
_ e"..,
que pOUl" cli"'c
•
la 're~·....';t0.,.,
-
rr.ais en l:..üique.
dans ce contiT.,,"')~'; où l'6voJution e8~ ma.rquée.
tiré de l')JU:na:ni~:.é, ohnerve LEV:::-S'fBA ~JS0, que1cue chose
ci: eSf:en~iel
el: m0rne te'.J.1.ps qu'eUe lui apportê.h t2.nt de bien-
:Pour c':>nc1u:;:e,
gulU nous soit perm~,~ (le p,=p..ser que
les 30luHons p:-éc-:rüséeo p~'.. 2· P, ALF":XP.!:'TDRE (7.),
ne peuvent
:",uifire à ins:p~re~ valableme::ü t'on pro8ra~nme pédv.gogique de
. ,t actuel assi,·
gué aux 1angu~~ de
prendre au
plus tOt une opt::.on théoriq"ilC r;(,,~'~\\;:{-' en ::> ';'''\\.'.\\' de l'introduction
der, lanBues airi-:.:aines dans 1: en8 elg:o.ernenr (quelles que soient
(1) LEVI-ST.E:::~.Y§..Q.. Anthr(,,:-,lüg~e si:ructllX'C:-.1e,
"':"aris,
Plon,
:958.
p. 40G
(2) En dé ~espoh de caus e,
:':-'0 ALEXANDRF propose une combinai-
son simultanée des traie ::'Cl",';;hodes (usage ,,:'une langue européenne
préalable:.ne:'.1~ en"""')ignée cl. 12. n~,3.sse r;u'on ve-.:'~ touc:1.er ; formu-
lation irnm6Ji'li;e -4 :s problèmes en langue3 vernaculaires ; usage
de traducteurs et dl interprètêz).
- ;; 57 -
les difficultés),
penser les problèmes pédaf')Bi~ues en fonction
de cette opt~,on fondamentale et la mise en Oeuvre des :!:lOyens
2_Pp!·op:d.és pour en assurer la réalisation.
Un autI-e linguiste aîricaniste,
M.
HOUrS,
nous aidera
pe~t·-·être à mieu;:: préciser ce point de vue 30'.ltenu. tout au lon8
de notre thèse.
Toutes 8e~ reche::;::hes sont,
poun..ait-on dire,
un plaidoyer en laveur deI
laD.gueG africainen et le,.11' ernploi
progressif dans et pour l'enseign'3ment scolaire (1).
l-!L
HOUIS co:m.m.en(:~ par constater comme un fait,
l'insertion du monde africain clans le monde mo~e:;:neo Du point
de vue de la poHtique linguist~.que, 11. faudra d~.;:-il, l'répondTe
,".vec ou sal":'s ~le8 J.anguesc'.id,c.?i::.les '~
L>çcnt<Sf·i:ë.blement,
le
cn:::le limite C'2 :n~.v8au,
ce::te E~n:;';;e ~.'·.e '.ê. coL)nisation a imposée.
S'l1s ne s'opr.;;rent pas pal' lec "r~j.e[' officielles,
ils se feront
par une pOUG;:ér-:: lente,
mais ce:·~t2.ine de le_ base ll •
(1) _M. HQ.1!I.ê
Aperçu sur les strustures grammaticales des
lang".-1es nég :!;'o-?.fr.-i.cain (s--:~ v~, Gç : l1.éfl e:;~>::l1G cur l' exerc:i.c e
du langage en Afrique Noi:o:e) polycOF.=.é,
'c', ,
Hontée de Fourvière.
LYON,
J 967 J
p,
,'J6
'.nthro;JClogie linguistique de l'Aü+-.rc:e Noire,
:2. 'lL F,
Paris,
1971
- 358 -
Les attitudes coJ,onialistes
Suit une analyse historique comme chezp.
ALE:riAN-
DRE,
des attitudes colonialistes,
opposées apparemment des
Français et des Anglais.
Mais,
M.
HOUIS,
insiste sur
le
fai t que ces deux politiques ont eu toutes deux pour conséq,-'!.(-on-
ces,
quoiqu'à des degrés différents,
de réduirel'influence des
langues locales et d'arrêter le processus d'adapta tion de ces
langues au monde modern\\...
Du côté Anglais
Du côté Anglais,
par exemple,
si WESTERlv.IANl'T (1)
écrivait généreusement : " c ' eGt dans la langue maternelle que
la civilisation d'un gronpe humaiT:. trouve le meilleur moyen de
s'exprimer •••
parce qu' elle es~ imprégnée de la sensibilité
des locute'.lrs et e;;:prime leur intériorité",
cette affirmation
restait dans la pratique ty"pique d'un certain idéalisme roman-
tique propre au~, anglo-saxons et qui accompagne un certain
cydsme utilitaire,
puisqu'il écrivait pa.r ailleurs : Il il va de
soi que les tradit:'ons populairec ne se trouvent pas à leur pla-
ce dans un enseignement à l'européenne et qu'elles doivent
s'effacer devant Il enseignement utilitaire du rationnalisr.ne moder-
ne ou deva:"'lt l'enthoushsme .••
inspiré par un idéal nouveau".
Une tene attitude qui s~:mble exclure l'adaptation des
langues africaines à un enseignement moder~e, justifierait les
craintes de leurs partisans hontewc.
Pour avoir une vue cornplète
(J.) VvESTERl-/'u-i.NN,
Les peuples et les civilisations de l'Afrique.
traduct.
française,
Pario,
Payot,
1948
- 359 -
de la complexité d'un problème ramené pa~' WESTERMANN à
celui de II expression d'une sensibilité intime,
M.
HOUIS pré-
sente un tableau dressé par U.
WEINREICH dans "languages
in contact" (l),
où les langues (indigènes et européennes) peu-
ve:nt être comparées du po~.nt de vue de leur compétence rela-
tive,
de leur modalité d'usage,
de 1eu.r chronologie,
de leurs
implications ém.o~:ionnel1es, de leur utilité pratique,
de leur
valeur de promotion sociale,
et de leur vaJ.eur culturelle et
litté rair e.
De toute façon,
'.a rupture complète de compétence
entre deux langues en situation de bilinguisme entraîne fatale-
rnent llatropbie de la langue rejetée hors de l'officialité et
l'impossibilité de composer cette atrophie dans la pratique
de la langue seconde.
La position française,
fondée sur la considération de
la supériorité de la langue française sur toutes les autres et
de l'infériorité conceptuelle des langues africaines ainsi que de
leur multipHcité anarchique,
enferme Ilcomrne dan.s un corset
de fer,
la langue françai'::e et les langues africaines,
écrit
M.
HOUIS,
dans une alternative telle que Je Français se justi-
fie dans la rnesure où les langues a.fricaines sont frappées
d'un discrédit absolu".
En fait les deux politiques,
fr.ança l.se et anglaise,
--------------
(1) WEINREICH,
Languages in contact,
findings and problems,
~Tew York, pub!.
of the linguistic circle of NEW YORK
1.953
- 360 -
s e rejoignen'~ dans la m'ème intention COIOl.j..3atrice "d'éduquer
les africaine afin d'en faJ.l"e des &.uxiliaitec ma::.:> non afin
d'aboutir à un développement plénier".
Sui~ une crHique assez
sévère des études anglaises sur lee langues af;~icaines, "va:"a-
ble.:::,
selon j\\-5..
HOUJ:S,
pou:;:' la phonétique et,
par :aécessité,
car il fallait élaborer des orthogrë:'.phes.
Malheureusement,
les
bons dicticnnairec,
et,
encore plu~, les ::'onnes grammai:i:es
sont rares",
car elles sont cO!'lçuel3 principalemer.t en vue de
la ~raduction et îondées St' - un concordisme quasi absolu.
Le
beau roman en langue SESu'Tû de THOIvù'\\S IviOFOL0 : CHfUffi
(925) aujourd'h"..1i célèbre,
est,
avec quelques textes en I-IAUSA
et en SWAHILI,
une exc-eption à mettl'e au compte cl;, dynamis-
me des communautés linguistiques africaines.
b) ~erçu socioloeique ~~.lr le bilinguisme
Reprenant ensuite un article publié dans les Notes
Africaines,
n° 96,
d'Octûb:re '.96Z,
sous le titre: "Aperçu
sociologique sur le bHinguisme",
Mo
HOUIS ess2.ie de carac-
téds el' la situation linguisti.que, des africains par rapport à
leurs propre8 langues et aux langues européen:lcs.
Constatant
que tout africain se trouve en naissant en si-::uation de bilinguis-
me,
voire de m.7.:.1tilingulsme,
il voudrait "si~uer les problèmes
de bilin.gubme d"'.r~s la perspective du contact des civilisationl3
ou des cultureG,
donc décrire les situations en fonction des
deux pôles entre lesque18 elles évoh ...;nt,
celui du ç~flit et
cflki de J.~.5S'J.ilibre".
Un phénomène évolutif
Mais alors que le bilinguisme est en
- 36~. -
Europe inst5.tutio!!.nalisé.
il est en Af:dque ''ln phénomène évo- .
lutH dû Gans doute à la E1tructare même des sociétés pré-colo-
nialec : caractère féfé:r-al des Etats dans 1'Ouest africain pa:;."
exemple,
et amplet'.r géographique des déplacements de person-
nes,
ér:hanges entre peuples donateu:,:s et peuples
Jean ROUCI.:1
dans son Evre,
"les SONGAY",
donne l'exem.ple
de la d:i1fusbn du SONGA y comme langue seconde véhiculaire
chez les peuples avois5.nants du NIGER qui ont conservé entre
eux leurs dialectes propren,
aJ.ors q,-'.e la langue SONGA y ori-
ginelle nI est plus parlée -'le par quelq-,'.es ceni.;~";.nes de 10c'2teurs.
Nous avons nOU8-nîême signalé un phénomène de même nature
avec la diffusion des languec }'\\Jil""l.NDINGUES (BAMBARA,
L1L\\LIN-
KE et DIOU Li\\.).
Deuxième forme du bilinguisme en Afrique : le .bilin-
y,uisme afriç.?-no-europé~g: Il a relativement pe'..1 influencé le dy-
namisme interne deo échanges entre africains,
sauf qu'il a fa-
vorisé les langues des groupes donateurs ou dominants et a
privilégié la langue des interprètes,
notamment dans la typony-
mie,
que les administrateurs anglais ou fran.çais ont fixés
d'après ceux-ci.
Le prindpal obstacle à une solution favorable
aux langues africaines,
est,
pour 1'..11.
HOUIS,
la situation con-
flictuelle créée en franr.ophonie,
par l'école officielle qui
les langues afric:l.Înes
ignore, / et qui a plu';ôt fait progresser le '·:r.ançais depuis les
indépendances.
'::ituation conflictuelle atténuéecons1,dérl;l,blcment
par les résistanc es du milieu africain qui a freiné de son côté
la fréquentation de l'école officielle.
princip::],Jement pour les
filles et en. milieu musulman; ccci explique en pa!'tie l'infime
minorité de locuteur s français J
notamment en ancienne AEF
et AüF.
- 362 -
J... ' oJ::,sta~le profond,
c'est le "dicc:-édH d,') ces la:ngues",
parti V:is sans va J.e\\:..r ni linBu~.st:i.q'le, n::, p~dagoglque,
C2.:::'
cha-
à une ant:::'è,
du mon1.ent q~1'ale pot r\\d2.vtée 2.UX be8oi::1s de ceux
qui l'emploient.
Lez languec africaine::: l'sont f~.~.tes pour des
gens q1}j. Gont D8 s rura'lX,
qui ont besoi:l,
plut.ôt que de divis cr
le temps,
de saisir ['on rythme a\\:::: Ene d;~:r..~ m~n.leu:re eff:i,ça-
concepi;ualisatio:':1 que pour ceux qui,
c:'oy~.r..t les p?~'lel", n,r u t:1.-
:is ent que troi3 ou Cj..~.m.t:;,~e cents ~llO:;<> ,..
En7sT::'~i!-; est incom-
pr8hensible aussi bien pour un Français moyen que pour nn
cf)
Wolof moyen,
ma:i.s ~e ne Gont pê.S leD Gtr',1ctuTe8 de leurs ];è.n-
gues qui f'0!'t en jeu".
Il s'ag:i.t dc:l':,
d'ap1"ès !IiI.
r-:OlJI3,
d'un
fa"'J.J~ prob1È:m.e
j\\1.
HOUIS dl:esse ensuite un.e "typologie des sitnatiOl1S
du b:i.linguicmel! peu::, l'l\\friqu'2,
qn:i. offre un te!"rai!l de choix
Fe,u ..' r étude dE: ces ph,é::lomè:.:les par .:apport à l'Europe.
dont
chê.que peuple vit en oituation fel'r~'lée de m,0uùlingu;.sme ou de
1:il.i:ng~ismp. statique (STJ:'.:SSE, BELGIQUE}. Le bilinguisme géné-
raliDé de l' AfJ:"iS'le "appa'.·ê,~~:: cor::,m,e le stade t!"ansitoire d'un
processus dyn?:mj.que qni <-on.duit la cornmn:n:"...uté -/ers le rnono-
lbguiame".
Il C2'Ï: dfte:è'rn1.né par ):vl.
HOUIS au regard de d.nq
critères :
)) :Les groupes sociam;: intéressé s (par exemple les
en
sociétés/ ,'" :1i,~inction de la presqu'île de KALUN,
chez les BAGA.) ,
- 363 -
,.
2;) Lsc cultu:t"ec en pX::-~88nce (par ~xemple, les socié-
tés animistes f2..ce à celles qui 3cn~ liées à lr;~ slam),
3) Les Eeux où se pratique le biEnguisme, notamrr.ent
1'88
noeuds de comm·uI.l.icatioTI,
/:':) Le degré d' acc eptation de la lang~:e s c:~(:mdé' ('1":
Hnit par s'imposer pour des raison::; é ...;~nom~.llues tandis que
la langue première se réfugie d<'>:i.'ls la vie familiale ou les
contacts tribaux,
5) Les conc~iticnp de llacquisi~::i.on :i.r..dividuelle de cette
langue seconde,
qui se s~.\\; ~ ve:!'s lladolescence et GOUS lli:c.-
!b!ence d.es ambi;;~.onJ materr..elles à 11 égard des enfc:\\~1ts.
A
côté du 11bil:i.nguis~nç généralisé",
M.
HOUIS
examine le "bilinguisr.:v3 or.j.enté~', selon les :::nêmes critèreG
grQupes sociaux plus r.eGtreints que dans 18 pl'emier cas)
cul-
ture:;; génél"alement plus différe;.~.dées, phu; vaste zone d'ex-
tension géographique (courants commcrciau:: pOUl" le DIOULA,
par exemple),
ar.cc<:}'té'.~:;.on l:mitée à lé'. fO~:-;l-3 baaicue de la lan-
4
4
gn.e dominante,
acqni8~Ltion plus é';;roitement motivée aux nécessi-
tés pratiques.
.no
,.
.
1
~:~nf:n, l"
bilinguisme ?frl(f.l. -europeen qUl S est imposé
pa:- la scolarisL:.î:ion oLEgatoire,
a mis en contact depuis peu
den civilisations sans al}.C 11n trait, comnlUD qu~. actuellement sont
en situatioT.' d' équiJ.~cbre par le fait des ir.1dépendanc es mais cet
équilibre est précab:e et lIil iat'.dr-a. bien que les gouvernernents
,
. .
se posent la question du bilinguislnf:: et que uv-s commlSSlons
étudient la question du passage de quelques langues africaines
da;:ul l'enseif.l"nement,
soit com:;:ne ITlatière,
soit comme véhîcules ll •
l'Il.
ROUili s'efforce,
en concl:!.\\S~on, de montrer que
- 364 -
la "fran~cphoniejf nIé. :den à perira,
au ccm;ra:lré, . à majorer
le statut et llu;:.,age des langues ~il·icu.-L""'les, m~me dans le domaine
de pensée cuveri; SUl' le monde li1.oderne et !~é8e:t'vé générale;-':lent
z.. l'usage, par les africains, d'un ::('ançais bas:i.que de valeur con-
testable.
Or,
"dam: b5.cn des :~as,
dit HOUIS.
).eur jjropre ::'<:&.ngue
n1.aternelle pm~:~J:'ait ;:.... s~ul"'er ceG m.::ssages.
Il sl....ffit d'une rnott-
vation".
Nous accepbns
dlautant rnieux cet'.:e condusion,
qu'elle
nous permet de justEier p T -ù.n no.......vel argum.ent,
l'introduction
des langues ivo:lrie:meo d2.1L<3 11 ens eig:lcmer..t par Dne sa ine pro-
motion du bilingl.:.ic:ne.
A in:;;;,
1er; deux la.ngue.:,
ccp~..:ne les deux
cultures se cümplèteron:. dans une conception du développement
à ln. fois respectueur.: e du génie africain et souc:'euG (;; du progrés
technique et sc5.entifique qUl~ 1lOccident p:..'opoee à ).'Afrique Noire.
CFAPITRE
il
PI,"J!.U:LrNGUIS1\\J~E ET ENSE:r:GNEl'·tiE~~TT DU .Dlr."7n.../'!. E~
- - _..-
-#'._-
-_.""'"-,-_ ..,-_ ,-_ -_._----.
_~"-
ni est paû,
il r::-è';: ~,;ra;.,
sar:> pose-: de sérieux proi:>lèmes pratiques
c~1.oix: de b. Ou deJ lane;ues à enseigner,
élab~:;.'at:'c.r des program-
;."ûes,
fo:::..nation des IL .....!t:r. 8G,
etc . , . .
N0U:;;
::\\oun p:!'"opoGons de
fornluler (;<::.n8 Ce chap;.tre,
les ooh\\~ions q ....1e '10116 ::'..~.-2..nçons.
La question du choix de la 01.1 dea la:n.gues ivoi:dennes
à enseigner,
pour être bien abordée,
présuppose un examen de
la situation générale de8 langues en Afriqae selon les données
linguistiques g6néraleG el; les données psycholing....listiques parti-
cdières à la Côte d'>oire.
n SitUé'.t:i.on ...,génél'?.le des lp..ngues en Afr:i.Q~
Vafdque est une aire de t:::ès grande diversité linguis-
tique parfois estimée à plus de 300 knglles différentes.
Bien qu'il
puisse paraî'tre non scientifique de classer ces langues selon leur
statut politique et leur répartition géographique,
ces facteurs
nous ont paru linguistiquement ::;~:::'tinents dl.üne part,
par c e que
le fait que des langues soien'j: parlées par des groupes particuliers
dans Cel"U.:...ns endroits précis,
se reflètera dans lenrs langues
elles-mêmes,
d'autre part,
cette c1assific2.tion politico-géographi-
- 366 -
..
que est inévitable avec l,'ac'tuelle connaissance imparfaite des
la:ngues af:l7ica.l-:.es,
en c0mparaison avec les enreg~GtZ'ements
bien docUTnentécdes l~.nguea LTldo-européennes.
La c1assificô.tion pr.oposée par ~REENBE~Q..
en 1963 et que nous adGpteron~ id,
fait J:"esso::dr lJ.uatre g:;:'an-
des familles linguistiques en Afrique
1) - le KHOISi-:...l".J
2) - les la ngues AFRO-AS!A TIQUES
3) - le ~H:_,O-SAHAR"':EN
1) - le l\\i:l:JER-CONGO-KORDOFANIEN.
1) Le F.H01::AN eË'~ le nom donné am: langueP.l d€:3
peuples p:..-é-
-~"-"'.'-
bantou de l'Afrique du Sud,
easentiÛ!('ffient les BUSEME:N et les
HOTT ENTOTS.
2) Les lanE:y'es AFRO:f.:'.2!P.t~QU:g:J?, comme IE.ur nom l'indique,
ne sont pa.s lim:t'~éeG à. J.'Af::.·::.que,
,~':la~s SI étendent largement en
I .. de.
La famille la p>~E:: im.portalüe de ce groupe linguistique
ei:it la famille sémitique dont la principale langue est l'Arabe,
pa.rlé de llI.RAK ju::;q'.l'~ IjEst d'.t V~AROC,
par 50 millions de
gens au n'loinD. A
l'Gùezi: du lMA.ROC,
l'Ara.be se subdivise
en diffél'entes formes d~rüect3.1es moclt2rnec.
Dans cette famille
sém~.tique, on trouve ~galement l'Héb:.;'€'.l,
parlé en ISRAEL
ainsi que la la;'lgue natlor.3.le éthiopienne,
l'A rvfHARIQUE.
Les autres familles du g:roupe afro~asiatiq,'O.e sont les
famUles Berbèr~A. ~"'~ùuchitique:J et Chadiques.
Le groupe Ber-
b~re co:mprend 2~ langues avec un total d'au mo~.ns 11 millions
d.e locuteu''cb.
Les langues Be:rb~,:.:eG sont parlées surtout au
MAROC,
en ALGERIE et da.na c~uelqueG autres parges de
- 30,7 -
l'Afrique d·... No.'~d.
J... es >ngueG Kouchitiques s'étendent sur '.ln vaste
terdtoÏl'e <le 11 :F;st af:!..·j.ail1,
ETHIOPIE,SO'~~))AN, SOîv.rl..LIE,
KENYA e'~ TANZANIE.
Les la:'lguez d.e la lam.j.UE; ClL....d:~que 8C::-:~,
eEes,
prin-
c::palen'!"3nt parl.§es dans la :""ég:lOH du lac TCHAD e~ concernent
le NIGE1:uA,
le l'i'IGER,
le C/'.i\\JIEROD'N,
le TCHAD et la Répu-
bHque C entrafr;.caine.
La principaJ.e lang..."e cle' c etL famille
chadique,
le I-:'AOUSSA,
eE'r p::.:.:dée par plus de 9 m;.llions
d0. personnes et est très rf:;pémdue également en Afdque Oc-
cidentale.
3! Le NILC-SAH!-~P..IEN comprend pi.asieurs fê.miEes de langlies
dont 1139 r.=:'.a;ions sont actuellement loin dl être claireB.
La lan-
Bue la plus importante de ce g:r::mpe,
le Kiü1URI,
est :Ç!"\\rlée
p:;:lncip",J.emsnt :'l.'.} ::\\l'!:GI~.R. ct au l>TIGERIA,
par plu.s d:un million
de personnes.
2} Le ~.~Oi'~OFANIEN
1) Le NiGER-CONGO comp:..'end lül~mêrne, plusieurs sous-
gx'oupes linguistic~-.J.es
a) -I.e sS-u.E..:".R.ronpe ~g~nti&·.le de l'Ü~est qui cornprend
Sl.:rtout le Vvolof parlé ::tU SENEG.AL et ~e Peul..
bi le sous -groupe J:v1...!iJ>IDE qui comprend les langues
m -·ndl'
Co'
..... c·" ">c
.1.-6 \\..:. "-, 0
fBamha-"
\\
_
' . . . .
J. (.:"
Mali.r.L:.d ee Dicula).
le ",Tay,
le Susu,
1
- :'>68 -
le !':péJ.é,
le ;:.'oura,
le Yacouba (Dan).
le I.j.agou,
le Bobo et
le Samo.
c) J._~~..Q!l2..'~I'oupe_Y..Q.:!d!.~IQU~ (Gur). il s'agit d'u.:;.,.
enGemblede lémgues que.l'on trouve en l-L-'\\.UTE-VOLTA:au nord
du GHA.NA,
du DAHOMEY et du TOGO.
La lanr;'J.e la plus 'm-
'"'Iort3.nte du sous '"groupe VO:~TAK~UE, est le MORE,
comm~~
nérr..ent 2.ppelé l.\\fOSSI.
Viennent 81:st:ite def' hngu8s cor:m.'Yle le
LOB!,
le SEN0D'FO.
le DeClON et. le GURUN3L
2) Le I$.QBPC1::A~JIE.:~ con~erne les population::> habitant autour
6u KORDOFA!.~· (1).
2) ..b.~.~~_ ~!?-!lf~~sy'choliv.g'listiques pa_:::ticulières de
l~Çôt.e c111Y.2-i~.
;_,CG :ro.::r:iè:"8s dont héritèrent les je'l.."::'.es Etata afri-
t:":ainc an le:1.demain dec Il;'ndépendances de ;.960 '1 ont ét.é déter-
r::'linées par la cup).dh:§ du capitaE'::Y..:le à son stade impéraliGte.
E.J.eo g~.rde!l~ ~~es::"'·f'3r'. :1e J.;:>. }?ê~:.étrê.tion militaire ou reflè-
L:;t la ;)r60Ccup2.tioT" !':la~ '~ure de ~.I éconoI:1.ie coloniale : l'éva-
cuation des produit::: des pays coJ.onlpéo vers la mét:!'opole.
Ce morcelleme:'1.': de l'.l"f:d"nc Noire n'a tenu compte
ni de la réalité linguistique ni de la réalit.é socio-politique qui
exictaient sur le continc::1.': à l' épO;}'H~ préco.1.oniale.
En effet,
alors qu'en Af:-ique occid;,t'~:ale. par exemple.
les zones cli-
matiques et les gen:res de v~.e r.e :!'épartiscent selon des zones
odent€c8
cl l Est en. O'~est.
les ixontiè:res actuelles s'orientent
du No:rd ël.U Sud r~' passent à t:':"avers les peuples,
creusant
(1) Le Kordofan est Une montagne du SOUDAN.
- 369 -
jusqu'au coeur de l'Afrique
d'é'~roitG couloirs par lesquels n'é-
t
coulent les richesses du continent. Déjà la t:t"aite des Nègres
avait boulevè:i.·sé les échanges économiques tradit i.c:mels afri-
cains qui étaient axés vers l!i.'"1térieur du continent africain,
pour les dirige~ .,ers les côte:; maritimes.
L'inst2J.l;.tlor.. 'J.a.r.B
'les zones côtières,
des plal."ltations de cultures d'ex[,ortation,
(café,
cacao,
bananes,
hé-,éa,
:'.,'",miers à hr,lle,
coton,
etc .".),
des ports,
des villes,
en un mot dc;s "débouchés'I,
a
entraîné
un développe:r:'1ent inégal et :ocalisé du continent africain dont
4 '70 6 eulernent de la supe~1Î.cie tota.le produit 85 '70 des expor-
tations.
Pour établir ~.es domaines impérialistes, les frontiè-
re8 ont été forcées;
Ainsi,
certaines des grandes familles lin-
guistiques décrites ci-dessus,
ont été briséer;; pour constituer
des ensembles hétéroclites.
La COte d'Ivoire est l' e~~emple par-
ticulièrement réussi de cet assemblage hétéroclite.
On y compte
en effet
en moyenne,
une soixantaine d3 langues et diaJ.ectes
t
différents les uns des autres.
Cependant pour la commodité,
les linguistes qui se sont p:;:éoccupés du problème linguistique
ivoirien,
regroupent ceG langues et dialectes différents en cinq
grandes familles :
1) La famille EBURN:E::O- VOLTAIQUE
qui concerne
ecsentiellement le Nord de la Côte d'Ivoire a deux noyaux prin-
cipaux : le LOBI et le SENOUFO.
Le SENOUFO est lui-même
subdivisible en différents p~rJerG : DJIMINl,
TA GO UANc').,
NA FA RA ,
TIEMBARA,
KOUFOULO,
etc ...••
2) La famille MANDE recouvre le Nord-Ouest de la
Côte d'Ivoire et a pour noyau principal,
le MALINKE D'ODIENNE.
Le MALIWAE comportz à son tour différents parlers (ou dialec-
- 370 -
tes)
: le KOYAGA,
le }\\1AOU,
le WORGDOUGOTJK.1l..N et le
DlüULl~ vel'aac'L'Oi.aire \\::,Lui est p:'-'..rJé et com.pris par une majo-
xité -::o-û.jou::'J croissante du peuple ivo~r;.e:':l). Signc.1.o118 cl:;"no
cette famiL!.e,
le DIOULA. cr Orl8:.ne:
qui est une langue plé··
nière d; qu.;. cor";;:l~S.'i; ég~.1ern.eï.l;; plv.si.euro parlers différents.
Le DIOtiLA d'urighlG,
J.e MALI.0TKE et le BAl\\lBARA fo~.. m.eILt
le groupe l\\1ANj)il~GU:F~.
:3) La famine l:J:S--f:;L c,:,ncer'J.e t!')u~ le cent!:.0 de lE',
CMe L':PX.voire ei: 3. troi:-:3 noyaw~ prindpaux
- les ABRONS
- le!;' .:\\GNIS
- les BAOULE.
"
AuÛn::r de ces;- roL.;
.n 0Y?-:.lX,
graviteni; des ~rouper,; hét0rocli~
rons de la l;>.,gune ébûÉ: qu:1. SI étend de GRAJ\\l.:J-b...\\SSA!.i jus-.
l'ABOURS,
l~ :cvrOTIRE (0'1 'V'iTf(:0: Ol.~ 'EHüT:t:L:C), l'EBRIE,
l'ABE,
IlA:Lf'...DLt\\.N,
l'ADIOUKl"{C;U,
liAHïZI,
le 3IUGNA!',Y
f i ' TIrT?' 1\\ 1\\.T)
' I f , ';', ID J"
( ou
.r.. \\ .w:.~-.I..1 ' l ,
... ./:'...0
1 ,
etc •.•. v
.~} l:~ fê.mille KROtT j.Q!.L~R.AO~ concerne les NEYOS
ch Sud-Ouest CI.::l notre pays.
Ce sont pdllcipaleme:lt les BETES,
les DIDAS,
les KWAD-:{A.S,
les BAKvYES,
les GODES,
les
GUERES et les \\VOBES.,
5) La famille 'p~\\N. La grande ville ivoirienne de ce
groupe linguisti.que,
est iV[il..N (capite"lJ.e de 1lOuest de la Côte
d'Ivoire).
Le groupe D/\\j'J conCe:n>.e lE-:s YACOTJBAS et les GOUROS
ess entiellenlent.
- 371 -
A côté de ces .. cinq grands groupes lir.3uistiques,
011 en
trouve d'autres moS.ns grands que les linguistes appellent "grou-
pes .reliques" ou "groupes charnières".
a) Les groupes reliques
Il s:agit de l'.ADIOUKROU (DA BO'iJ),
l'AHIZI. (DABOU
et JACQUEVILLE),
le SOUA.MELE (TJASSALE),
le OUAJ:~
(BEOUl\\.ll,
MANKONO),
le NGi..AN (M'BAHlAKRO) et le GAGOU
(OU ME).
b) Les MO Upp'q charnières_ ont pour caractéristique
sociologique essentielle,
d'avoir une filiati.on à 12. fois en ligne
paternelle et maternelle aJ.crs que générale ment,
le groupe
AKAN auquel ils a.ppar.t:em).ent du point de vue lingd.stique,
con-
na1't seulement ,me filiation en ligne maternelle.
Il s'agit des
ADIOUKROU,
des DIDA et des AI-IIZI.
La st:t:'atification linguistique ivoil"ienne est encore
cO~lpliquée du i2.it que très sou vent une couche primaire des
lê.ngues maternelles,
dont l'aÎle de diffuaion est exigüe.
est tra-
versée plus ou moins complètement par une couche secondaire
de langues de communication.
On en distingue trois types :
celles qui ont servi au commerce comme le DIOTJLA,
celles
qui ont éliminé en pa::'°tie les autres idio mes par assimilation
enfin celles qui ont eu comme centre de diffusion une ville
importante (ABIDJAN pou:.: l'EBRIE,
BOUAKE pour le BAOULE,
M.AN pour le YACOUBA .0.).
On peut donc dire que l'Ivoirien
parle au
moins deux langues locales,
mais ce bilinguisme
ou ce plurilinguisme n'a pas partout le même aspect du fait que
- 372. -
le \\.cC'l1t2.',\\r
ne Si en sert pas selon des critères égalerrlent répar-
t";'
Ces critères i3"'n.+, : la. fréquence d'emploi,
le type d'utili-
sation (littérair e et cultux- elle,
technique et scientifique),
le type
d'usage (compréhension et/ou e:h.'Pression OJ n.L;) l'ordre et l'~ge
d'apprentissage,
la fonction Dedale (langue véhiculaire ou fami-
liale).
A ces couches supperpooées et gross:i.èrement parallè-
les est venu s'ajouter le França.is.
D'a.près ces cri tères,
on peut distbguer cinq types
de locuteurs auditeurs en Côte d'Ivoire : leG unilingues de lan-
gues ivoiriennes,
les bilingues de langues ivoirie:imeo~ les plu!'i-
lingues qui parlent le Français clans certain5:s circonsta.~ces,
lea plurilingues qui parlent le plus souvent le Français ; on
peut enfin,
imaginer tme cinqui~me catégorie d'ivoiriens dont
la seule langue pratlq"'..lé8 est le Français •
3) R.J'0poc:ï.l,;19.t}.fl...PQ1,1!-".1e. (hd.x des lç.ngue~. è' ~l'\\ati.
gnement
l I ' : ""..... ûa:-~~_~ ~ Lê'l r./"mtexte Hnguistiqne,
de privilé-
,r" _.. une ou c1eu:~;;: 12..ngues en V-JC de li enseignem-=;nt.
On constate
que,
même si les En.guistes sont tons d';vccord po'..'.:>:" dire qu'au-
ct.'n8 langue nat:i.ona.le ne domine vraiment en Côte d'Ivoire comme
le WOLOF au SEN i:LGAL ou le BAMBARA au IvIALI,
on peut ad-
mettre cependant que,
pour ),~. conscience de P ...'voir:i.en et pour
la commodité,
la Côte d'Ivoire est un pays à dewe langues véhi-
culé'..ires : le BAOULE et le DIOULA..
Ces deux langues parais-
.
.Se7.'lt
donJ.Ler et s'étendre chez toutes les ethniGo de- ~o&........ r"'''''' (1)
,~
(1) Voir les travawt de S!__~f.RRO~..
déjà cités par ailleur s.
- 373 -
C'est donc le bilinguisme franco-ivoi:..ien qui nous pa-
rait être la solution capable de satisfaire les besoins actuels·
de la Côte d'Ivoire,
étant entendu tlue ce bilinguisn"l.e peut être
à plusiel..~:r.s optj.ons,
selon les régions de notr~ pays ou,
en c... t-
tendant mieux,
un trilinguism.e,
le Fré'.nça..ia servant de
mo~ren
de commu:rication avec l'étranger et d1accès à 1.8. technique 8;;
am::: disciplines scientifiques,
les langues ivoi:dennes couvra:::rt
tous les autres domaines.
En tout cas,
la soluti.on actuelle de
llunilingubrne fran::ais,
plus l.':léoriql..~e que pratique, nous l'avons
vu,
est le fait dlun lluniversaHG:me aliénateur!!.
En effet,
pour
des rainons qui 1"elève:r:.t de l'et..hno-psycholoe:le et du nationalisme
culturel,
il
1
:.1 est pad
Fcssible que la Côte d'lvoj.re renonce com-
plètement à ses langues au proHt du seul Français.
D'ailleurs,
le Français reste étranger à 11 esprit et au coeur des masses
ivoiriennes,
et si l'élite aime parler Français,
il nI est pas
vrai que cette é1i~e n'aime parler que le Français en négligeant
systématiquement les langues ivoiriennes.
La Côte d'Ivoire ne
peut donc ..·efuoer de développer une conscience de la solidarité
linguistique de ses habitants.
L'essentiel est Clue la tendance au
nationalislne culturel ne s'accentue pas à ou.trance.
Reste donc
à traiter le problème de 1'enseignement dans le plurilinguisme.
Puisque aUCl..me lang11e ivoirier-.:ne ne s'impose vraiment
à l'en:.::emble du pays,
comme le BAMBARh. au ~1ALI ou le
VvOLOF au SEI'·TEGAL.
et F.ans entrer dans les polém.iq·o.les sur
l'utilité d~~ bilinguislue et sur S~ valeur formatrice, nous pro-
posons ceci :
374
' 0
~) Jusqu'à huit ans en-viron, donc les deux premiè=es
années prixnaires : ens eignernent en langue véhic-.liaire de la
région dforigine.
,
Z) A pa.rtir de ].3. troisièl'ne anne2,
début d e ~'appr entis-
sage ~.~1.tengif du Fra~çais avec,
Co:i:nrne objectif à la fin du pd~
maire,
le niveau égal à celui du Français fonda :mental,
Je,.;.d~'.r:ne
degré.
Parallèle:o:nent,
poursuite de l'enseignernent en langue:;;
ivoiriennr::s et étude de ces lanS'_1..es d;:\\ùs leur g::·ammaire et J.eur
vocabula,i:r.e,
QU;:l,nt à J.' er.s eignement post~pr::'nliü:rc,
il utHir:; e';~a
le Français;
con"lme dans le systême actuel,
mais devra COD:1.-
vêhicula:'.:r.es :i,voiriennes : DIOUI.A..J\\ ou BAOULE par exe:mple,
L,~~ poslticn que nous prenons ici au niveau de 1'ensei-
enement post-primê'!.re,
(;1 explique
par J.e fê.it qu'il importe
dans ce déJ.icat problème de l':i.ni;:;:oduction des langues ivoirien-
nes dans l'enseignement de procéder prudernment et par étapes
sucees sives.
Les langc.en m:d;ionales devront être adoptées comme
lê.ngues d'enseignement,
à un prer.Q:i.e~~ stade en vue de l'alphabé-
tisation des adultes,
des e:n.fan'i;s et des adole::'cents,
au n:i.v~au
du primai:Le. A un stade 1.11 i:é ri e'-l:';' et ap~ès une expérience vécue
de leurs possibilités respectives de développeme:1!.t et de leur
dyuc.misme culturel sur le plan national,
l'utilisation des langues
locales au niveau de li enseigner.rJ.ent secondaire pu5.s supérieur
serait prog:-essivernent généralisée et planifiée.
n y aurait donc. r:..vec le8 propodtions qu.e nous fai-
sons,
continuhé dans Il ace zssion ame deux ~-::üt"ù.res (français'e
et ivoirienne) et non rupture brutale,
ni perturbation grave,
comme c'est le cas ·actuellement.
Naturellemer..t,
il faudrait
·~rallsforn1.e!' l' c:lGe~.gnem'Jment du Français selon les principes
- 375 -
de ia pr:î.r-'-"la~J.té à l' m:aEté (qui ,::st J...8 J;l:op.'e de l'Afrique) et
ë.
l' etap~ L.ctuel1e,
de la Tné'éhode 2.ctlve.
Il est cer"i:(~s indispens2.ble/à nos fuh~:.:·s
éco:::''Jnîistc8,
ingénieurs et rnéciecinD de savoir rédiger c~t (1;.:3·~
couril" en Français,
nlais il n'eet :pas D.(~ceGsé'.:i.re peu:,:,' cela
, '1
SU 1.. 8
conn.aissent le~ dix siècler; de Hi:tél'a'i:1.'.re fl-?1'1,;?.is8.
de su'.:cè::::,
1.411.e quest:'.on pré<lJabl?- et fonc1amenèaJe à 'èO'j.;:'~ éga:::ds
mérite 5.ci une ai::'i:entie-.'::'
celle de l'alphab':;·i:iG2:ô.œl C\\<:,8 2.dè·J.-
tes.
Aucun développ2:::'lez:·.è QP-S langues et des ç-u.J.tn:..:es !'121,tionales
du peuple,
':p.1Ï d,;;rr:.z:\\J.J:(; e:,l ·dfe'i: le RelÜ gar;1.ie:J. et d~positai:re
de toui; le t!:écol' Ct1 ....tn:·d natio.~lal ·:Lepu:i.s 11 :tIUp:i.:'.ntati.on de
ll~ sole colonial f;,
{Jue c",mpae;ne na~~S;0na.le dl alphabétisation des
adultes,
des adolescents .:,:~ deG enfants non 3colarisés cons-:-i-
tue la pl'ioJ::ité des priorités danE le c<:l.dJ~e des act.~.ons à entre-
prendre.
Pa 1" r..Lllel.1rs,
son orga.nis~~ion; r~on dél"oulenlent,
la
p2.rticipatiJn de tous ceux,
sa.nG except~cm, qu:1. U2.vent lire et
tion générale et d'tlne prise de cO'nGcience glol)3.1e de 12. ",Tale'ur
des langues et des cultures nat~.()',-.ales et de In.lr rôle d2.ns la
8auvegc;,:;~de de l'identit,§ cultu:i:'811c d''.'.ne na tio:·:;>.,
Pour les parti-
cipants (n.,.a:'tt:es comn~e élèves),
ce pour:;:2.:It êtr-c \\lne Qeç.-:l.sion
gnèTüeni: peu"'erj'j; êtt''S ?lorr' cla:lre:r.r... ent perçus et des 2.morces
LlaJ.phabéd~>2t~.on de 12.. pcpulc.tion advlte, par nJ.lleur3,
crée. les co:nd5ti.0':1S de bé'..se de la na:;.s[J2,nce d'U.'1.8 8cole nouvelle
- 376 .,
Inn isolé", ck la vie socü:'.l,f:.' e"2 iarn:D.ialc,
,o;'j:
où l'enfant sco::'a-
sa langue maternelle O'.l ur.e lang:;;,e cr:"'-:':l:rnun&:rüen~
parlée ê.utour de lui) ceSSera d'êt:i:'c sb.guEer à ses prop:;,'es
yeux,
à ceux de Gd faiuilJ.e et au regù:rd de 12. GOCJ,éié tO'.'l.I:e
end8}~e,
La C3te d'I-voi:r:e,
,;::nall3.té JO!! plurll.:i,i.1guisme objectif,
re:::; : le BAO'ULE et le DIOULA. st2.nc1ard.
lV1<=.is parmi ces
deux langues,
la dernière pa.râf";; dom:~neI' et
I
G étendi:e p:Logl'es-
siven1.ent 9. tout le paye.
C e'i::i:e léL::IBue er-tel:·. effet c01np:e:i.s e
d'i!"lS
~;OU8 les rapports quC'"i;~.diens. Elle CGt donc ·très bien placée
pour jO....lel' le rôle de le:. f\\.:i:.\\.re langue nationale ivoj,rienne.
Par
aillcu:r.s
da:i.1.c la Inesure ci::: cette l~nGue n'est P;"9 une lang'.le
l
de "terroir lt
D'lais l'érnergence :::Pur. parle:;:, [)·;;211d?rd,
elle est
déjà pratiquée p3.l' toutes le3 eth:c.::es de notre pays et m(;me
par des non.-ivoiriens S'V'.8 que cela. pose le probJèrlle poli'Hquc
du t:db~1is:"-.êJ.e.
L'importance ,'",ctuelle du IJI0ULA. [Ji explique sans doute
pa:- l'importa:'lce histo·.rique de l'em?ire ciu l\\·iAJ 11 au temps de
SOUNDIf-... TA ICEITA ; qua.n~ à. so~ expansion actuelle elle 8 1 éclaire
si or. la. réfêl'e à. F Etat de SEGOU (
].660-1861) et au dévelop-
peme!1.t des r~3eaux commercia'ux en direction de la côte :mï;\\.riti-
rne dO!lt le;~ pri(lcipau;~ agents
furent les .GrODLAS.
;]-V.:<: le l'}.an li:nguistique,
il existe déjà une littérature
- 377 -
abond2.nte 8'.'.:1:" le DTOULA et .t.es la.ngues I\\.;:J\\NDJNCUES en
"'
"'
gene-
:cal.
C (~Cl est un p1"éô.ew,: point de départ rour ~. étude et
l'app:rofond~.sselnent des recJ.'lerches sur ('P.ti:.,~ l3.Dg1.:..(c~, eE ·\\i1.U~ de
son ut5.Es2.tion ra:~ionnelle CO:ITnne Tn.:)ye:a. de c-:;:;rl1Tùur...icat:'.on
1(;8 lang'i).es MANDINGUFS 8:::>:"lt (~.éjà. J.88 obj ets d'études app'L'o-
des adultes (i\\U,LI et GU:U'·''!?E).
L'intérêt de cette collaboration
est év:l.dentë : F':JS s:;.bii:;'~:é de s' insp5:;~er de l' c::pê::::i.e::lce de. ces
pays et :cni:Je en commun des Ttloye:0.3 divers,
d'où l'alH::gelnEmt
des charges.
1\\)?r08 le dlOJx de la ou des lc.nguGs h..-o:i.rielmes ~t en-
seigner,
l'é12.horation de nlanueIs et ;).utres ma~:=:~.·iaux didacd-
ques et l:;éclagogiqu~s t;:,ïJt p::l'.l:r ~leB écoles (ccoIa::,,'1S2.d.on) que
pour les c':t,:npagr.I.l:H:i d'alp1:".bétisc..t18D. généI'ale des adultet3,
de-
vrait J:et:~ni:i' l'attentior..
:'?arallèl("i.J.'1':;nt,
la conct:ption et la
réd2.ct:i.on de grarn.maires,
de lexiques de base,
de èlct:i.ünnai...;
res,
etc •..
et une é-::ude apprdondie des procédés et méthodes
cl' en:r.ich:i.c:s,;;offient des J.anBues ivoiriennes devrG.~_e21.t être des
objcct~:fs priodt2.irec.
clage et ~.:n.e fonr..s.tion i.:Jennanente des maît:':'es actuels clans le
doma3.D.e de la lin.'?;uisti0ue et des problèmes spécifiques à l'uti-
- 378 -
Usat~_on des langu.es ivoir.iennes co:mme langue::; d'enseignement
l2. ln:i..se en oeuvre de nouveaux: programmes de formation des
éducateurs à cïiffénmtc niv~amc ave: une souples-::e suffisante
pour per;:-.üett:re,
2. ton'~ mornent,
de ne p-18 é:i.:mine:r- l~s ma!-
tres <::.yar..t déjà E:ntarné l' anr:1;;)nnê fo~.'mat:ion jusqu'à la dispari-
Hon complète de t.;elle-ci ; farmation pê.:rticulièrc des cé.dres de
l' aJ.phabétisadon.
La. récrgar..L::;.üion complèt~ du syr:tème cl; éduc2.tion
sn:t:' la base ·:1e l'ut:i.Hs:=-,tion dr::s b.ngue8 ivoirien:~.. e, ccmme 12.:(1-
gt'.es d'E::'2seignernent. ZOU n.~."2Z.·ù du pr:'m2..ire,
la pédagogie cle
l'er..GGisnement (l,es :.anguee étrangères (nous n~ le répèterons
• •
') cl
...
" 1 ....
"
.
Jama~_G é'.ssez
.,'ë:Vl·a:::l. cet egarr:
E:t:i.'e ~'epensE:e ·:1ar..s ce conte:~-
te ; de même,
~2. plë.çe fa::'te à différentes étapes de l'implanta-
tion du nouveau système devra être p:..-écisée en fon.ction des
objectifs de r enseignement de c.eG langu'3s de comm:.'.nication
exté ri eur e.
La lis~e des probn:~·.îles que pose la conc1''.ite de l'en-
s e5,gnement da1l3 nOD langues natiOl1.a)e3,
es:: loin d'être ex.haus-
t~ve et permet de comprendre J.3. è.émisdon et Ja capitulation
dont font p~.'euv':5 les autol'~.i:é.:; polJ:i::.ques actuel1E:s de nos pays
devant les :.ndisper.sablf<3 d.2cisionc 2. prer..dre l r)Tsqu'il s'agit
du pasc?ge des syatème.:J ac~.uels d'éclucatic::1 à de nO'weawc sys-
tèmes qui restituer2.h:nt aux langues et aux c1Jl~re8 africaines,
12. Fl2.C'~ jusqu'ici monop olisée p~r la langue e'~ la culture de
l'ancienne puissance coloniale.
Oïl. préfère toujours Se réfugier
derri~re les Golu'i:ions de facilité du genre télévision scolaire.
- 379 -
CONCLUSIO:N GENERA LE
---_._-~~-'.
présente th':: Ge,
la théorie du langage et des langues fac8 a1;X
langue8 af:dc.3.h:<.=s..
qui ét;>.bj.~.8. P" r des analyses his·~or~.que8
}j.J'.S'.liS·;::C1ue des déferLseurs de J.a thèse de la I1pauvn'.lté concep-
tueHe" des la:cl.sues d'Afrique Nah'e.
Cette idéologie réductJ.on-
::liste,
confine,
eU
efiet,
T"C'S
lanGues daan un 1:prim5.tivismc ll
(;;t une IJ D 2.'l'.vre·;:é" q'lÜ len1: enJ::::vent toute potentialité
et virtu2.-
lité ncta:m.ment le11.1· 5.ntrod'l'.ctio!l dans 11 enseignement afric,,?Ï.3.1..
C 2t\\:e idéolog:i.e nous est ap')a~:'ue C()UUDe L; fondemer-.t
de la colO!l5.sation EJ'.f,'.J.istique de l'Afrique Noire.
cés de rnontl'e~o que toute langu"~ est en r.appoTt avec les con-
cl:i.tions et le mode de vie de la société qui h
pc'.:d~:. CI est
clone pal' rt..pport à ce!! d~·)nn.ées Cpl1il fê.ut é\\.J'.~üyser ei: non en
fonctio:l de facteurs
ext(;rieurs c m:rune le for;:: les défenseurs
de la thèse de la IL~2.llVreté des lan3ues 8.fJ~ka5.n8sll.
La lang'L'.e évo~.'.1e é5ale:t:nen~: avec l'é .....olution :même
de la
Elle ne I.lf':ut clone pe.8 no:n plus être 11 0bjet
d'lme sb:nple 2.r.alyse ste.tique telle que nous la pr{;;:;entc ":'. ,,;
défenseurs de la thèse de J.a Ilpauvreté conceptuelle ll des lan-
gues afric2:.ine3.
Pot:r verifier ce:, hY';>othèses.
nOUiJ avons analysé
- 380 -
les rapports entr~ une langue de notre pays (la Côte d'Ivo:lre)
le DIOUUi et la société pa:rlarit cette langue.
Nous avons
l' esquis s e d' Wîe pédagü,.·
gie du biling1l...i.sme (fra.nçais-langues ivo):dennes).
fJlais
il
nouG est ;>.,:?paru tout au long de ce t:t'avaÜ et Cl est notre co:>
clue.ion,
que,
seule,
l'utilîsation des langues ivoiriennea,
COlf!.-
me langues dt en3 eignement éJ.érnentaire da::.s 183 cin(1 0'.1. six
p:':~!X1Ïè:re.g C'.nnées, puis CO!Xllne rrlatière scolaire au niveau du
st:La:i1.gèr-es introciu:itec pIv8 tard,
pOilvait remettre Je 8ystBm~
éd'lca~'if ivo:i.rien Si.~:'." sen pieds"
L'avenir,
non seulement éthi-
qu;~ et ~1.l1tll:r..::J..>
m"1.:i.5
ccientifi:iue et économique de la Cô1:e
).ntelFgcnces et ta:.dt les nîotivations,
perh;x1'Je les
notions (~t
les options de ba.:i e,
Fê:;, "cin sys;:ème É1\\~UC?tif. narf:::.:.:i.tement ina-
dapté à son objet.
Le8 obstacle:'.: à 'ln redressement de b. situation ac-
tuelle sont conGidérables et se trouvent élevés souvent par les
inté~essés eux-r.oêr.C'.es,
ent:retenus dans l'idée fausse et néoco-
loniale que la langue ei: la cult.ure occidentales sont pour eux
la seule ph...nche de calut (voho n.otre paragraphe su:\\.' IlIa culpa-
bilit-§ Unguj8t~.que de 11 afJ.'l'::ah:..lI ).
}1ais il sufHt qu'un petit
nombTe (~' esprits soien.~ convaincus et résolur. pour que l'idée
- 381
-
ment,
fasse son chemin et qu1u..."J. jour,
elle appara:i.sse COTIlTüe
la som:ce nécessaire du progrès pédagogique ivoirien et aü';i-
cain en général.
C'~8f; le mérite des pr6fes3eur3 P. A.LEXANDRE,
M.
HOUts et 1\\.
MQUrv1.0UNI,
par exemple,
de maintenh avec
force ce point de vue en ·l"appu.:vant du poids c1elcu): érudidon.
Da:":'l.s cette perspëcd.ve,
le programme de recherche
et d!em::eigne:ment l:i.n13uist:i.que propaGé pa): 1\\.1.
HOUIS en con·..
clusion de son étude (I) prend tou.te :J<". va.J.e::.r ici,
bien qu.' il
soH sur pb.lsi8U.:>:S pOlr..ts déjà n"lÎs en oeuvre,
paT
exemple à
DAI<i\\.R,
ABIDJAN et 7.l\\0UNDE.
Il rejo;'::l! :::e.lu~. que prOpaGE
le gronpe de r.rERVUREN en BELGIQUE.
:) EJ.aboratit>n d'un.e orthograph e étayée sur une a.na-
lyse phonologique de la langue,
2) Elaboration de c1esc:I.'~.ptions élémenud.res de la gram-
rnaire et des stl'Uctul'es êiD.si Cj..-"'.e du lexique dans. une perspec-
tj.ve pédagogique autre!L-)f~nt c;.ue par référe!.1.ce aux catégories
grammaticales du Français,
3) Descriptions scient:tHqu.es
et dicH.onn"\\b-es servant
à Il établiGsernent de rnan;,"ccls du lîl3.1'tre et de lexiques con~us
par bmilles Gén-lantiqueG,
(l) rvL!-iÇJUIS, aperçu sur les structures grammaticales des lan-
gues négro-·af:dcaines,
polycopié,
1"
1\\1œ:\\i:ée ·-le Fourvière, LYON,
,967,
p.
309-31L
- 382 -
/.l) Présentation de texte:" tirés du pah·'.rno5.ne cultuxel
ancien r.:m récent,
5) Ela.boration et prés entat::'an de tTaductions cl' oeuv:~ e;::
'.
.~"- .".
d'auteur~: o..fd;:ains ::-t d'oeu",rres mO:::ld:!.ale,nent conn.uec,
-}./. Li e c;
.:.' .~...
6) Recherches d:~2.chrol1.~qu8~' et d.i.aJ.e~tologiques pe:'.'·"
""
': ..:.
mettant l'établissement d'un Il cycle d'évolution de c~que lë.n8ue
c. <:: :.
étudiée,
des diff,§rences c1iô.lectales qui l'ê.ffecten·~, des possi-
.;:;......
~._.~
,',.
' , ;
.~'~,
~
,·?:Ù~té~.'i41~in~~gen(:è: di1J.~le langue c9m~une, et des pos sibHités
di'k!'tifly~'t~;t;i\\~:;.'d:~i\\Jh~~ti;;b3y,.té:ll~~t,;;~:,i:=Chives oono-
:ceci' :êt:;~.~i.l~~~~;rn;;;t:oe:r..~pi~qÛ~~/i ::~ vue d'étaye:,: un enseignen~ent
;1;; :".:' .. ~
~ \\ ,'1~!.
.
. A
"
, ; . :
; .
ol'âl;"'d 'o:c'·;,;E.~;~·h.' de régrences pour 12. ling'..iisc:~'::.J.ue.
la mnsi-
t::::::i't·}) ~ii "~ .. ',f. ~ .. .
co~)1jgie;;rill ethnologie des ~!ym~)oles'; et 12. soc:::.üogie d'~1 langag"'~.
l'~';.J ;
En quoi ce p.:cgr::'.Tllme est-il :,lOuveau et mêm~ "ré-."o-
lr,tiont'lLlh'ell ?
En ce qu'au lieu de pél.r~~,r deG voc2.buln.ires (ks
;.a.ngues africG.~:.ne1; fê.l)riq'Jés à pa:i.'-d1" des notio:aG occidentales
pô-:' traclur.:-âon ;:pproxim2.,thr e et c·:'):,:CactD ~ar.::a 't'd8U::.~,
il Che:i,'che
à "déc~ire lé:.. grë.rpmaire deiJ lat:gues ~n question à p.:trtir d'ana-
.
~
;
t,'
lys es phonologiq~ep". C Î.'+d. 9Y.PPO~,~ q~e)e mee ~age parlé soit
enregistré au rnJ.gnétophone et étudifi avec d03 informateurs
soigneusernent cho:'sis pO'L1r leur "so:mpétence" dans la langue en
question.
La critiq'L.... e du tér.lQisna3e .L'.nguifJtique n'est pas chose
aiGée,
car l'infç\\rmatcul' ou le h'aducteur n'est pas forcé:cnent
un grammê.irien ni un phonéticien.
Il faut donc noter soigneus e-
Glcnt les é:-::.cmcéG structui'és et les "essayer" en contexte.
Pour le vocabulaire,
des ques;:;'onnaires-types d' 3nquête
- 383 -
ont été fabriqués,
conune celui de GREENBERC (J.) complé~é,
pour les B;;:mtouistes,
par celui de TERVUREN (en
tout 632
le:i:èmes).
ViALMERS a rnême composé un questionnaire gra:i.n"
mati cal qui relève 359 syntagmes comme 11 écri·~ le ,~"b..P= .Q0NEUX
qui les introduit et le::; présente en An.glais et er:. Français :
"Tout chercheur e..1. linguir;tique,
dit le J.:."•• P.
D91\\TP~U~, sait
qu'il ni est pa,:::; de questionnaire si complet soit",',l,
qui puisse
le dispenser d'"\\.'.:.! d.ia1ogue direct,
empirique ê.vec la langue
à laquelle il se cO!lsacre" (2).
C'ect là que le magn.3tophone
est un instrument indi3pensab1 e.
Bien ql.'e des informateur::::
se trouvent ciaL:> 1er.: univcTsitéc occident3.1es et que la langue
DIOULA. soit ':101;..'8 prc~p.ce la11g1.48 :r.\\1a~;ernelle,
le contact direct
avec les populations DI.(>JLP~S séiuqosait ~ noue.
et nécessi ..
tait des d~plac eme;'1.ts fré'.":J.u!'";:;:~.ts qu'il ne nQUG ~. pas été scu-
vr·mt possible d'effectuer PC;'l.:" deo l"ê.:1.00nS rr..atérlelles.
Il man·,
que de ce fait à notre travail,
tout le côt;€;
enquête prolongée
CUl"
le terr<~.i:u. Noua considérorc.8 donc notre t:i.?Vê.E comme
llarnoY'ce d'ur.. tr2.vall de longu.e halei~üè à poursuivre plus tê.:':"'d
Gur place.
En ce qï.lÎ COi"iCel"ne "11 cn:-thographe et 7.·3, transcription
des 12.n.gues!!,
s~i.gnalon'J 11 étude qu:a :Zait~ le (;. L. A. D •. et,
pOUT J.3.. descri}?tion,
les remarquables travaux de OUMAR BA
:mr le :Peul (3).
(:) oL.-Ç:.1l9ENB:s;g.Q! Tr..e langua,:rec. of Af:d.ca, La Haye, Liouton,
)963
(2) Ra p. DONA U:!C
IIIntrocluctioll pratique à. 1: étude et à la descrip-
tion des 1.-:>,~".g".le8 africah'").e~;~!, et "questiOl1...1'laires dl enqu~te linguisti-
que,
GREENBERG-TERVUREN--v1JALMERS",
polycopiés dtAE'RIQUE
ct PAROLE,
DAE/:..R,
Fr2.ternité St DC1:tr:'.idque,
J. 9(;·6 et 1968.
(3) O!JIv:rAR 1?P (chargé de recherches à 1;1. F.A. N.
en )968) Petit
lexiqt::ê F·eu.l~'F1.'anç<l.is de la faune et de la flore du FüUTA-TORO,
XX:~~·V- bis,
et
Pet~t voc3.bulaLt"e de 1:3. la~üg-,le PSGL parlée au FOUTA-
TORO,
-
384,
-
3.:'ou1' les "textes",
signalons également que le C. L. A. D.
(Centre de lingu.i.f,tique appliqué8 de DAKAR) él publié des ü"a-
d'~.ctions cJ.u WOLOF à partir d'enregistren'lents.
Le professeur
P. ALE:ifl\\NDRE d2.ns "Langu2s ei: la:agage en idrique l'--Toire 1f
a préaenté au ch3.pitl'e III (Comment peut-on p2.=der PERSAN ?)
des transcriptions,
tra.duc'~kns et an2.J.yses rédisées par lui
et ses collèguec afrir:anistes de l'école des langl\\es orientales,
en SWAHILI,
BULU,
FUFULDE,
SONGAY,
HA;:JSA,
YORUBA,
}jf..ANIKA,
et SUSU •....
Un travC'.i.l in'lme;:1.se reS';:6 ~. ié1.:'.re,
les langues en voie
cie clisp<'..rition étant sou\\"ent les plus b:i:2ress~:::teo dans l.l...""le F'8I"S-
pective diachl oniqt.~e. lv!;:j,s le phw 'I:'.r ger..t e st cl 1 ntilis el',
Èl. par·-
tir des travaax même irnparfaits
déj~~ ré8.lisés,
les la:1gues
l
de grande dif:usion.
Or,
déjà le 3'N"AHILI a
reçn le s:l"..atui; eJ.,=
l~ng:!.e nationale en TANZ...:\\NIE e'i; ~ ZANZIBAR, le EAUSA,
da.ns le NIGERI;0 è:.1 Nord,
le Li:NYARWANDA a".l P.i_TANDA,
le
VIRUN.oI au B'0R"(JN.0I,
le SANC':) en R o CoA o et le :qAl'·!~3AHA
au rv1ALI.
:Pour b. CGte d'Ivoire,
qui nous intéresse,
l':::nstitut
de linguis-:;'ique app~iquée d'AE~IDJAr"T a déjà fé'.vorisé la dercrip-
tion de deux lar..gues de gra:lde c1.iif·..lG~on (BAO(JL2~ et .crOULA).
De nonlbreux. textes,
Gans dou.te un pe".l trop empiriquement éta-
blis,
circulent également sur d'autres langusl:i ivoiriennes : BETE,
AGI\\:l:,
etc •.•..•
Pcmr concl'u"e,
d5.;,:;oTts qu'u.n proj et de trancforl.nation
de 11 enseignement à parti..." che lang'.lC's ivo~1"Ïennes devrait être
discuté également entre éc':>nornistes,
pédagogues,
Hnguistes et
p,"ofesseu!"s de langues,
au. niveau national.
Cet.te perspective
pluridiscipHnaire permeth:ait de bien cel'ner "Cous les problèmes
- 385 -
que posent l'emploi de nos langues dans le déve:"oppement de
notre pays.
En at"~e:ldan~, toute l'10ère pédagogie en Côte d!Ivoire
c1evrz..:1.t s'appuyer sur let:; tr.avau:;;: E:t:!.gges'~ii8 àe 1v1. HOUIS,
uotalnment "l'ethnologie des symboles et la sodologie du lan,·
gage" à part~.r d'aréhives sonores et cinématographiques.
Nens
ne Eaurons trop recommander à ce D-..:Lje';; 2. titre d'exernp!e,
les t:;:avau:;~ de S odologie linguictiq'ue Ô.".l Ru P,. ,.PAIl"-A UL~ ,
rassemblés dans ~]::. t.hèôe "BOUI\\/l-LE··GRAND (-village d'Il:ZO)'''
monographie accOlnpagnée de fi1::.l1.G et de bandes mél.gnétiqaes"
Nous avons eu le privilège d.lê~r6 sor. €lève
en 1ère ei: en 2ème
11
o.nnée de Sociologie à l'Institut d' e'r,h.osociologie crAB:~.D.:r,I~I'r en
1967 et :~ 968 et de l'avoir entendu commenter ses travaux. Ils
nous placent au centre de la vie profonde et intime d'une Afri-
que que l'enseignement colonial et néocolonial nous a toujours
caché:<. La vie sociale d'Un village nous y apparaît comrne liée
à des signes précis,
dans la mesure où tout geste et toute
parole revêt un caractèl'e significatif,
c'est-à-dire culturel.
Le lan.gage padé ~Iy trouve immergé,
pour ainsi dire,
dans
un système sémiologique (1.).
Chaque la~,lga6':; particulier étant
solidai2'e de tel ou tel comporternent culturel,
le langage des
femmes étant fort d~;,:;tinct de celui des hommes, celu.I des jeu-
nes dp. celui des vieux,
le langage de llinEiation changeant au
(1) Au sens saussuden du te ..-me (voir "cours de linguistique
générale,
Paris Payot,' ') 5.5)
- 386 -
coeur de la cérémonie,
la vie L"J.térieure s'exprimant à travers
les contes,
le chant mimé,
la posture même . . . .
tout se passe
chez Il.:.fricain comm.e .Ji la Far ole était sacrée ou plutôt sacra-
le ou pou.rrait le devcmir en certair C." circonst.a.. nces."
Elle
est non seulement véhicu.le de connaissê.ncef; ~. transmettre,
mais fait de c·l.1.lture au riche contenu polyvalent 0,-..
Uj ..
Comme cU:: r~._.Çlx!.1}VIPIO}\\T,
citant le doyen VHLLY BAL,
"il 0' asï.rait . . . .
de trouver une solution qui deune compte à
la fois de l'ir.Gp:)r~a~1.ce du rôle qu'ont à jouer les lé'ngueo é'l.utoch-
t::·nes en tant que l?.:.:lgues lTIaternelles et que moyen!: de cont2.ci:
avec la nlasc C,
et 11 im.pé:i::i.e'-,x be lr8in pour
le::;' Eb.ts ai:dcains
d1une grande langue internz.tionalc pour le développement intel··
lectuel et économique....
cette solution est le bilinguis~TIe
langue :i:naternelle et langue internationale (français ou anglais)"
(2) .
C' est la solution préconisée par les techniciens,
no-
tamment F,ar les linguistes réunis en 1961 à IB.J.tD.~.N (NIGERIA)
pour une conférence sur les un:iversités et· les problèmes de lan-
gues e:::. Afrique . . . .
et par les.l\\ fdcaj.ns de diverses oriGines
et tendances tels que L. S.
SENGHOR,
j',
Ki-ZERBO,
D. F.
SAKILIBA,
A.
IRELE,
B.
FOLOI'T 000'
Tour;; ces travaux nous
(1) r.:.~.J1..LE}CANDR~1 Langues et langage en Afrique Noire,
Paris,
Payot,
1. 967,
coll. 3,
bibliothèque scientifique payot,
p.
139
(2) lN.
Bi~ L, f1Polidque linguistique en. Afrique Noire", colloque
n" 2,
Mai~966, p. 5-21, cité par J. CHAMPION dans "Les lan-
gues ",-fricaines et la francophonie".
- 387 -
nt
tracent la voie à suivre et nous donne! confiance dans u.n ren-
versen~ent assez proche des valeurs en faveur d'une école
ivoirienne d1ene de iou:::nir u..ry. ens eignement de base en langues
maternelles ivoirien::.es.
Mais,
poser le problème d'u..l'l en2.eï.gneme!lt dé~~aB3é
des séquelles du colonialisme et véri~bleme~t au servic2 du
peuple,
d'un enseignement qui permettrait am:: ivoiriens scola-
r5.sés d'acquérir dans toutes les disciplines,
des connaissances
utiles qu'ils mettra.ient au service de lf!ur peuple et de leur
pays,
Cl est
poser le prol::lème de la lutte pour la libération
nation?le.
Car,
la résolution du problème fonc1amen+a1 de l'en-
Reignement en Côte d'Ivoire n r eGt pas poss~.ble dans le cadre
néocolcr..ial actuel.
- 388 -
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
CHO!\\1SKI (N),
Grammaire transformationnelle et distributionnelle
BERNSTEIN (B),
Linguistic codes,
hesitation phenomena and
intelligence,
Language and speech,
1962,
31-46
BERNSTEIN (B),
Aspects of language and learning in the genŒ\\is
of the social process,
in D.
HYMES (ed.),
Language in cultn:C'e
and society,
NEW - YORK,
Harper,
1966,
p.
251-263
BRUNER (J. S. ),
On cognitive growth I-II and an overvievl,
in
J. S.
BRUNER,
R. R.
OLVER,
P.I\\,f.
GREENFIELD,
studies
in cognitive growth,
New York,
J.
Wiley,
1966,
1-68 et 319-327
DORMEA U (G),
L'oeuvre africaine du Pro
O}/(BREDANE,
bull.
C. E. R. P.,
!. 9 59,
8,
5 -! 2
FLIS-ZüNABEND (F),
Lycéens de DAKAR.
Esoai de sociologie
de l'éducation,
Paris,
F.
MASPERO,
1968
GOODENOUGH (W. H.),
Componential analysis and the study of
meaning,
LANGUAGE,
1956,
32,
195-216
GREENFIELD (P. M.),
On culture and conversation,
in J. S.
BRUNER,
RR.
ELVER, P. LVI.
GREENFIELD,
Studies in cogni-
tive growth,
New York,
J.
WILEY,
1966,
p,
225-257
- 389 -
GREENF:r.ELD (P. M.),
REICH (L. C.),
OLVER (R. Re L On
culture and equivalence II,
in J. S.
BRUNER and OLVER,
Etudies
in cognitive growth,
op .
dt • p.
270-319
JAHODA (G),
Assessment of abstract behavior in a non western
cultur e,
J.
abnorm.
SOC.
PSYCH.,
1956,
53.
237 -243
JAHODA (G),
Child animisme
I-A critical survey of cross-cul-
tural research,
J.
Soc.
Psycho
1958,
47,
197-213
JAHODA (G), Aspects of westernization,
Brit.
Jorn.
soc.,', 961,
..."--_._--_ -
-
_ .
" , , - - - " ,
J2,375-386,
et j962,
13,
43-;~6
JAHODA (G),
Geometrie illusions and environment,
a
study in
GHANA,
BlUT.
JORN.
of PSYCHOL.
1966,
57,
J.93-199
JAHODA LG),
Sorne research problems in african education,
Jorn.
Soc.
Issues,
1968,
24,
::61-).79
LAROCHE (J. L.),
Recherches sur les aptitudes des écoliers
du KATANGA industriel,
Travail Humain,
1960,
n° 23,
p.
69-81
LACROIX (M. P. F.),
IlLe français et l'Afrique!I,
Le MONDE des
8-9 et !7 août 1965.
LENNEBERG (E. H.),
ROBERTS (J. t'il. ),
The language of expe-
rience : a case study,
Intern.
Jorn.
Amer.
Linguistics,
1956,
22,
n° 2
- 390 -
LOUNSBURY (F),
Semantic ana1ysis of the PAWNEE kinship
usage,
LA.NGUAGE,
1956, 32,
:'58-'94
MAISTR.1P" UX (R),
La sous-évolution des noirs d'Afrique,
sa
nature,
ses causes,
rev.
Psycho.
Peuples,
le HAVRE,
1955,
10,
167-189 et 397-156
rev.
Psycho.
Peuples,
le HAVRE,
1956,
lI,
80 -90 et 13·1, -173
MAISTl1lA-UX (R),
Les méthodes actives en terre d'Afrique.
Une expérience pilote au CONGO,
BRUXELLES,
éditest,
1960,
142 p.
MOUMOUNI (A),
LI éducation en Afrique,
Paris,
F. - Ivlaspéro,
1964,
400 p.
:r!".ATHIOT (M),
Noun classes and folk taxinomy in PAP.f.,GO,
in D.
HYlvIES (edit.) Language in culture and soci~, New York,
Harper,
J 966,
p.
161-167
OMBREDANE (A),
Principes pour une étude psychologique des
noirs du CONGO-BELGE, Année psychologique,
] 951,
50,
p.
521-547
OMBREDANE (A),
Résultats d'une application répétée du matrix
couleur à une population de noirs congolais,
bull.
C. E. Re P. ,
l 956 ,
6,
129 - l 47
- 391
-
OMBREDANE (A),
LI exploration de la mentalité des noirs.
Le
"Congo T. A. T. ",
BRUXELLES,
Institut royal colonial belge,
] 954 : réédité,
Paris,
P. U. F.,
]969
PA THE DIAGNE,
Réunion d'e::C'perts sur la contribution des lan-
gues africaines aux activités culturelles et aux programrnes d'al-
phabétisation (YAOUNDE,
10-14 Aotît 1970),
Présence africaine,
n° 76,
4ème trimestre,
1970, p.
194-200
PIAGET (J)l
Nécessité et signification des recherches compara.-
tives en psychologie,
Journal internat.
Psycho;l9..g~~, 1966, l,
p.
3-13
PRICE-WILLIA MS (D •. R. ), A bstract and concrete modes of clan-
sification in a primitive
society,
Brit.
Jorn.
Psychol.
1962,
32,
p.
50-61
PRICE- WILLIAlv:IS (D. R.),
A study concerning concepts of con-
servation of quantities among primitive children, Acta Psxs.hol.
1961,
lB,
p.
197-305
SARROLA.(S), Essai
d'élaboration expérimentale d'une méthode
d'enseignement centrée sur l'apprentissage du langage (thèse de
3ème cycle,
de Sc.
de l'Education,
éditée à
CAEN,
1971)
SEGALL (M.H.),
CAIvIPBELL (D.T.),
HERSKOVITS OVI.J.),
The influence of culture on visual perception,
New-York,
Bobbs
Merill,
Co,
'.966
- 392 -
VERNON (P. E.),
Intelligence and cultural environment,
LONDON,
Methuen,
1969,
264 P
VYGOTSKY (L8. ),
Thought and language,
New-York,
J. "\\NILEY,
1962
ZEMPLENI (A),
Milieu et développement,
Paris,
P. U. F.,
1972
- 393 -
l - HISTOIRE SOUDANAISE ET HISTOIRE DES DIOULA
}.) Ouvrages généraw~
ANCELLE (JL
Les explorations au SENEGAL et dans les con-
trées voisines depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours; précéjé
d'une notice ethnographique par le Général FAIDHERBE,
Paris,
Maisonneuve Frères et Ch.
LECLERC 1886-XL 445 p.
AL-OIv.U'üU IBN FADL ALLAH - Iv.!ASALIK EL ABSAR FI MANLIK
EL AMSAIU
L'Afrique moins l'EGYPTE.
Trad.
française : GA UDEFROY-
DEMONBYNES
Paris.
Gouthner.
1927,
284 p,
5 cartes
CHARLES-PICARD (G),
La civilisation de l'Afrique romaine
Paris,
Plon,
1959,
-1:06 p.
COLLECTIF
- sous la direction de VASINA (J),
MAUl-TY (R)
et THOWiAS (L. V. ),
The historian in tro-
pical africa (en Français et en Anglais).
Studies presentecl and
discussed at the fourth international african seminar at t..'I1e Uni-
versity of DAKAR-SENEGAL,
'961,
LONDON.
OXFORD university
press,
J.964:,
428 p.
en particulier pages 37 -40,
21-24 dans la
première partie,
et pages 193-218 dans la deuxième partie
CORNEVIN (1:'..),
Histoire des peuples d'Afrique Noire,
Paris,
Berger-Levrault,
;.960,
716 p.
DELAFOSSE,
Haut-Sénégal-Niger,
Paris,
Larosse,
t.
l,
426 p.
et t.
2,
l!:28 p.
- 394 -
DIOP CHEIKH ANTA,
L'Afrique noire précoloniale,
Pal'is,
Présence Africaine,
) 960,
220 p.
EDRISSI,
Description de l'Afrique et de l'Espagne,
Texte
arabe,
traduction,
notes et glose
par R.
DOZ y et U{. J.
de
GOEJE,
Leyde,
bull.,
1866,
391 p.
EL BEK1:U,
Description de l'Afrique septentrionale •.•• ,
trad.
par MC GUCKIN DE SLANE,
ALGER,
journ.
1913,
L107 p.
ES SADI,
(A bderraman ben adclollah ben amir) - Tarikh el
fettach
Chronique du chercheur pour servir à l'histoire des villes,
des
armées et des principaux personnages du Tékrnur.
Traduit de
l'Arabe par HONDAS et DEk"..FOSSE,
Paris,
Adrien Maisonneuve,
1964,
36J. p.
FAGNAN CE)J
Histoire de l'Afrique et de l'Espagne intitulée
AL-BA YANO,
Trad.
et anotée,
ALGER,
Fontana,
:901-1904,
2 vol.
FROEBENIUS (L),
Histoire de la civilisation africaine,
trad.
Dr GACK et ERMONT,
Paris,
Gallimard,
1952,
373 p.
GA TELET (Lieutenant),
Histoire de la conquête du SOTJDAN fran-
çais,
1873-89,
Paris,
Berger-Levrault,
1901,
502 p.
G~BELIN Pl, Le traité de paix avec SAMORY, Société de géo-
graphie comm.
BORDEAUX,
~G86, 2ètne série, n° 9, p. 487-
Il:93 (Voyage de KAH.td'ilOKO en France)
- 395 -
LA ROUSSIERE (Ch.
de).
La découverte de l'Afrique au Moyen-
Age.
cartographie explorateurs,
Il Mémoires
de la société royale
de géographie d'Egypte",
t.
4: et 5,
LE CAIRE,
1. 925-1927
LEON L'AFIUCAIN (HASSAN IBN IvLAHOMED AL WASSAN AL
FASI dit JEAN),
Description de l'Afrique,
traduit de l'Italien
par EPANLARD,
Paris, Adrien Maiâomeuve,
1956,
2 vol.
MA UNY (R),
Tableû.u géographique de l'Ouest africain au Moyen-
Age,
d'après les sources écrites,
la traduction et l'archéologi\\::.
Mémoires de l'I.F.A.N.
n° 61,
DAKAR,
1951,
587 p.
~~'y'!!:-_j~J. SAMORY - Préface du Général TRENTINIAN
Paris,
Flammarion,
1899,
XII,
267 p.
NIANE (Te D.) et SURET-CANA.LE (J),
Histoire de l'Afrique
Occidentale,
Paris,
Présence Africaine,
1961,
223 p.
QUIQUANDON (F),
Histoire de la puissance Mandingue et la
tradition - Les TBAORE dans le KENEDOUGOU jusqu'au moment
de l'arrivée de la mission QUINQUANDON.
Géogr
Comm,
BOR-
n
DEA UX,
~_89Z, 2ème série, n° 1.5, p. 305-318 ; 369 -387 ; LJ:OO-
429.
2) LI Empire du flJ:iALI
BECKIN GI-T..AIVI (C. F.),
Le pélerinage et la mort de SAKOURA,
Roi du MALI,
Bull.
10 F. 1\\. N.
b,
1954,
16,
p.
390-391
- 396 -
DELAFOS5E (M),
Le GHANA et le lYIALI et l'emplacement de
leurs capitales,
Bull.
du Comit.
HIST.
et SCIENT.
de l~A. O. F. ,
1924, n° 9,
p. 479-542
EL S~ (Abderrahman ben abdallah ben imram ben Amir),
Tarik es-Sudan,
Paris,
G.
LEROUX,
1900,
540 p.
(trad.
BONDAS)
GAILLARD {M},
NIANI, Ancienne capitale de l'Empire
lv.tanclin-
gue,
~ùg~ .. d\\} ~?mité_ d..'At\\}cl:e_~_.}~i.~~?_~~:-._5~~ ~~~_~!.1~~.!.~ .__~~.~'_~ .. .?o J!'. ,
1923,
n° 8,
p.
620-638
HERVE (HL
Ex-capital e de l'Empire Mandingue,
Notes africaines,
n° 82,
J959,
p.
50-55,
5 fie.
HUMBLOT {HJ,
Episodes de la légendes de SOUNDIA TA,
Notes
africaines,
n° 52,
1951,
p. 111-]13
IBN HANKAL,
Description de l'Afrique (traduc.
de M. G.
SLANE),
Paris,
Imprimerie royale,
1852,
VIII,
86 p.
IBN I<"..ALDOUN,
Histoire ùes Berbères et des dynasties musul-
manes de l'Afrique septentrionale,
traduit de l'Arabe par le
Baron de SUNE,
Nouvelle édition sous la direction de Paul
CASANOVA.
Paris,
Geuthner,
1927,
605 p.
IBN FA TI {Allah al oman},
Masalik el alsar fi mamalik el amsar
L'Afrique moins l'Egypte,
traduit et anoté par GA UDEFROY
DEMONBYNES j Paris,
Geuthner,
1927,
LXXIV,
284 p.,
5 cartes
Bibliographie des géographes arabes,
t.
II
- 397 -
~.~~~ (~E~C:.~.._.Y2.~~~_<?t:JF),
Momenta cartographica africae
et egyptie.
LE CAIRE et LEYDE.
Bull.
1926,
1951,
5 tomes c
(nombreœ~ textes extraites d'auteurs arabes dans le texte ori-
ginal et traduction français e).
MA UNY (R),
Evocation de l'E:mpire du }'AALl.
n° spécial de
Notes Africaines,
l. F.A. N • •
DAKAR.
1959. nO 82 et 83,
p.
33-37
l\\'f.Q~I.:g:.1,L (Ç.tI) , L~s Empires du W.tALl (Etude d'histoire et de
sociologie soudanais e),
Bull.
du Comité d'étud.
h5.st.
et scient.
de l'A.ü.F.,
1929.
p.
291-417
l\\10NTRAT (M),
Notice sur l'emplacement de la capitale du
l\\.1ALl,
Notes Africaines]
n° 79.
1958.
p.
90-:-93
NIANE (T. R.), SOUNDJA TA ou l'Epopée Mandingue,
Paris,
Prés ence Africa~:ne, 1960,
155 p.
SlDlBE (i\\/.~tt SOUNDIAT~ KEITA, Héros historique et légendaire,
Empereur du Mandingue,
Notes Africaines n° 82,
41 bis,
1959.
5 fig.
VIDAL (J), Au sujet de l'emplacement du 1v1ALl ou MELLl,
Capitale de l'ancien empire Mandingue,
Bull.
comité d'études
histor.
et Scientif.
de l'A.OaF.,
n° 8.
1923,
p.
251-268
- 398 -
II - ETHNOGRAPHIE DES l\\t1l-\\NDINGUES EN GENERAL ET
DES DIOULf.'.. EN PARTICULIER
1) Ethnographie générale
A UBERT (A),
Coutume Bambara,
coutumiers juridiques,
Paris,
Laros se,
).939
BEART (CH),
Jeux et Jouets de l'Ouest Africain,
DAKAR,
Mémoires de 1'1.2. F. A. N.,
n° 42,
2 vol.,
1955,
888 et "B8 p.
BRUN (Père),
Notes sur les croyances religieuses des Malin-
kés fétichistes,
Paris,
Anthropos,
n° 2,
)907,
p.
722-729
CARDAIRE (M),
L'Islam et le terroir africain,
Etudes souda-
naises,
n° 2,
J954,
p.
1-181
COLLECTIF -
Colloque sur les religions,
ABIDJAN,
5-1.2 avril
1961,
Paris,
Présence Africaip~, 1962,
238 p.
COLLIN (Dr),
Les populations du BAMB ROUK,
Rev.
Anthropo.
3'ème série,
!,
1886,
p.
432-'~L2:7
COLLOl\\/IB (Drj,
Les populations duHaut-Niger,
leurs moeUTc
et leur histoire.
LYON,
Imprimerie Pit rat aîné,
1885,
13 p.,
extrait du bull.
d'anthropologie de LYON.
COURTOIS,
Les Malinkés,
Afrique magazine,
n° 24,
1959,
p.
22-24
- 399 -
CHERON (G),
La circoncision et l'excision chez les Malinkés,
J.9.':!.!:.!!-a.J...Q~..J.g,._s.9c:ié..!:_~._.g,.?~_~f.E!fëJ.~.s.~es,
n° 3,
1953,
p.
297-303
CISSOKO (F. D.),
La pclitesse et les civilités des Noirs,
J?~!!!_.sh~_l?...!_~c.:h.e_:t:~.h~~ .. ê.Q~-'i.a:rl~i~.e s, n° 2, 1936
CISSOKO (BL
Notes sur le DIANKOl\\lJAN.
Bull.
de 1'1. F.f1. N.
n° 4:,
p.
J. 55 - J. 59
DELAFOSSE (M),
Contribution à l'étude du théâtr
les
Noirs,
Annales et luémoires du comit.
études
et scient.
A. O. F. ,916,
p.
355-357
DELAFOSSE (IvV,
Souffle vital et esprit dynamique chez les
populations indigènes du Soudan Occidental,
Compte-rendu dG
l'Institut français d'Anthropolo.
1912,
p. 89-94
DESPL.A.GNES (Lt},
Le plateau central nigérien,
Paris,
laross'e,
1907
DI~TERLEN (G), Essai sur la religion Bambara, Préface de
M.
GR.IJ~ ULE,
Paris,
P. U. F.,
: 951,
p.
XX,
240 p.
DIETERLEN (G),
Mythe et organisation sociale au Soudan fran-
çais,
Journ.
soc}ét.
africanistes,
XXV,
1955,
p.
39-76
DIETERLEN (G),
Contribution à l'étude des forgerons en l,frique
Occidentale,
Annuairt? de l'école pratiq.
des Htes Etudes,
Sème
section,
t.
LXXIII,
1.965-66, p.
1-28
- :wo -
DIOP (Ivn, Histoire des classes sociales dans l'Afrique de
l'Ouest,
t.
l
: le MALI.
Paris,
F.
Maspéro,
I971
DOUMBIA (P. E. N. ),
Etude du clan des Forgerons,
Bull.
comit!
études hist.
et scient.
de liA. O. F.
n°
19,
1936,
p.
334:-330
FR9BENIUS (L), Atlantis,
t.
Vil - Dâmonen der studen,
Alleri religi~se verdichtungen j ena : Eugen DIEDRICHS,
1924,
373 p.
FROELICH (J. C.), Anim isrne (Les religions
parennes de l'Afri-
que de l'Ouest),
Paris,
édit.
de l'Orante,
1964,
237 p.
GALLAIS (J),
Signification du groupe ethnique au MALI,
L'homme,
revue d'anthropolo.
II,
2,
J962,
po
106-129
GOUILL~, L'Islam dans PAfrique Occidentale française,
Paris,
Larosse,
J.952,
318 p.
LE BARBIER (L),
Etude sur les populations Bambaras de
la vallée du Niger,
Paris,
DUJARIC,
1906,
41 p.
LEIRIS (M),
L'Afrique fantôme de DAKAR à DJIBOUTI,
Paris,
Gallimard,
:~934, 533 p.
LEYNA UO (E),
Fraternité d'âge et société de culture dans la
vallée du Niger,
Cahiers d'Etudes Africaines,
n° 21,
vol.
VI,
1966,
p.
.s: 1-68
- 401
-
MONOD ~t SLl)! ~E (Ml.
Contribution à l'étude des croyances
et des coutumes indigènes de l'A. O. F.
Origine de quelques to-
tems et quelques tabous de tribus ou de familles indigènes de
l'A. O. F.
Bull.
de l' e~.~eignement A. O. F. n° 65,
1927,
p.
56-64
MONTEIL (CH),
Problèmes du Soudan Occidental,
juifs et
judarsés,
Hespéris,
19.31,
n° 38,
p.
265-298
jMONTE!L (Cm,
Les Khassonkés,
Paris,
Leroux,
1915
PAGEAIt)) (R),
Interdits soudanais,
Notes africô..ine~,
n° 73,
;957,
p.
8-10
PAGNES (V),
Bouffons sacrés du cercle de BOUGOUNI (Soudan
Français).
Journ.
de la société des africanistes,
n° 2L~,
1954,
p.
63-110
Deux forznes primitives d'éducation au Soudan
Français.
comit.
études hist.
et scient.
de }'A. O. F.
n° 14,
1931,
p.
1-26
SID!BE nA:),
Coutumier du cercle de KI TA ,
Bull.
comit.
études
hist.
et r-:cient.
de l'A.O.F.
n° l,
1932,
p.
72-77
2) La question des ;::astes chez les MANDINGUES
A UBERT (A),
Coutume Bambara,
coutumiers juridiques,
Paris,
Larosse,
1939
- 402 -
CA 1-1ARA CS),
Gens de la parole : essai sur la condition et le
rôle des griots dans la sc·ciété f./.·:alinké.
(thè se de 3èrne cycle,
BORDEA UX,
Lett8s,
1965',
2 tomes).
crSSOKO (F. D.),
L'humour africain,
Par is,
Présence afric~~.ne,
fasc.
8-9,
1<J50
12IE::!~!1L)~~j.g),
Contribution à l'étude des forgerons en bfrique
Occidentale, Annuaire de l'école prat.
des Htes étuçles,
5ème
section,
t.
LXXIII,
1965-66,
p.
1-28
DIOP (r··i.lL
Histoire des classes sociales dans l'Af:dque de l'Ouest,
t.
l
: le WiAL!,
Paris,
F.
Maspéro,
1971
DOUMBIL\\. (P. E. N.),
Etude du clan des forgerons,
Bull.
Comit.
études Mst.
et sci~Et. de JI A. O. F., n° 19,
J. 936,
p.
331-380
110NTEIL (CtI),
Les Khassonkés,
Paris,
Lerou.x,
1915
TA UTIN (Dr.
L);
Notes sur les castes chez les Mandingues et
en particulier chez les Bambara,
Revue eth."'lographigue,
nO
1884,
p.
344-352
TELLIER (G), Autour de KITA.
Etudes soudana~~s. nO,
ei: 8,
Lavanzelle.
306 p.
ZAHAN (D),
Société d'initiation bambara-le N' DOIVIO,
Pm"is,
Lahaye.
Mouton,
] 9E 0,
438 p.
- 403 -
ZAHAN (D),
La dialectique du verbe chez les Bambara,
Paris,
Lahaye,
j\\îoutm,
1963
ZELTNER (Fr.
de),
Notes sur la sociologie soudanaise,
l'Anthropologie,
t.
19,
19l8,
p.
215-233
WESTERLV.tANN (D),
L'Islam au Soudan Occidental et Central,
Foi et vie,
1913,
p.
433-440,
et p.
553-559
3) Alliances et parentés à plaisanterie!?
A RNA UD (E),
Notes sur les montagnards HA.ùE des cercles de
BANDIAGARA et de HOMBORI,
Revue d'ethnographie et des tra-
ditions populair~ 2ème année,
4ème trimestre,
n° 8,
192],
p.
261
CAMARA (5),
Gens de la parole : essai
sur la condition et le
rôle des griots dans la société l\\/alinké (thès e de 3ème cycle,
BORDEA UX,
Lett!'es,
1969)
CALA:tvIE-GRIA ULE (q),
Les moqueries de village au Soudan
français.
Notes africaines,
n° 6i,
}.954,
p.
307 -321
DELAFOSSE (Ml,
Haut-Sénégal-Niger,
t.
III
Les civilisations,
p.
106
DESPLAGNES UJ,
Le plateau Central Nigérien,
Paris,
Larosse,
1912,
p.
191
- <W4 -
DOUMBIA ( P. E. N.),
Etude du clan des fa rgerons,
Bull. Comit.
études hist.
et scient.
de l'A. O,?-F.,
Avr.
Sept.
1936,
n° 2-3,
voir en particulier 2ème et 3ème parties,
p.
334 à 380
GRIA ULE (NO,
LI alliance cathartique, ~frica, vol.
xvrn, '918,
p.
242-258
HUMBLOT,
Du nom chez les Malinké des vaJ.lées du NIANDAN
et du ivULO.
Bull.
Comit.
études hist.
et scier:t.
de PA. O. F. ,
Janv.
1918,
p.
532- et Ss.
LABOURET Qi) ,
L'alliance dite !lsanankuya" dans "Les l'v1.andin-
gues et leurs langues",
Bull.
comit.
d'étude
hist.
et scient.
de
l'A.O.F.
Janv.
1934,
p.
100-103
LABOU;&ET (Hl.
La parenté à plaisanterie en iHrique Occidentale,
j~...!ici:;, vol. II, p. 2~:4 à 2.53, 1932
/lo
LOWIE,
CroVl social Hie,
Anth)~opdg:l.cal pap ers of the american
museum of natural history,
New York,
J.912,
t.
XIX,
p.
187,
189,
20~1"
205
LOWIE,
Myths and traditions of the crow, Anthropological papers
of the american museum of natural h~.stc.:.~, t.
XXV,
p.
25-30
l'v1A USS (M),
Parenté à plaisanteries, Annuaire écolo
pl'atîg.
des
Htes Etude..ê.'
section de sciences religieuses,
rapport sur l'exer-
cice,
;'926-1927,
Melun,
Imprimerie admil1.istrëttive,
).928,
p.
3 à 2,5
- 405 -
PAGEARD (R),
Notes
sur les rapports de "Sanankouya" au
Soudan Français dans les cercles de SEGOU et du MACINA,
~~ül. de l'I.F.A.f\\l., b. 1958, n° 20, p. 123-141 (liste des
alliances claniques et raciales)
PA ULME (D),
Pa:l:'enté à plaisanterie et alliance par le sans
en Afrique Occidentale,
Af:dca,
nO
12,
J939,
p.
433-I::AA:
~!.Q!}~_E _(~), Coutumier du cercle de KITA, Bull. du comité
d'études hist._ et scient.
de l'A. O. F.,
n°
l,
1932,
p.
72-77
Il) L'égucati2.,.n traditionnelle 1\\.1ANDINGUE
ARIES (PH),
L'enfant et la vie familiale sous l'ancien régime,
Paris,
Plon,
1960,
502 p.
BA U~vlANN (H) et VvESTERMANN (D~,
Les peuples et les civili-
sations de l'Afrique: J.es langues et l'éducation,
Paris,
Payot,
i.9/~8, 605 p.
,!3EART (CJ,
Jeux et jouets de l'Ouest africain,
2 tomes, DAKAR,'
I.F.AN.,
J.955,
890p.
BELLIN (P),
LI enfant saharien à travers ses jeux,
Journal de la
Société des afl-icanistes,
33,
1963,
fasc.
1,
p.
·17 -104
BENOIST (L),
LI ésotérisme,
Paris,
P. U. F.,
J 965,
128 p.
- 406 -
BEYRIES P.1 Note sur l'enseignement et les moeurs scolaires
indigènes en :tv:tl\\ URITANIE,
L' éiucation africaine,
GOREE,
n° 92,
oct. déc.
1935,
p.
245-255
B. I. C. E,
(Bureau international catholique de l'enfance),
l'enfant
africain.
LI éd.ucation de l' enfant af~dcain en fonction de son milieu
de base et son o:}.·Jn~:dtiG.1.d'avenir, Paris,
Fleurus,
1959,
484 p.
BOUILLAGUI (Fadiga),
Une circoncision chez les J\\li.l:..RI<AS du
SOUDAN,
Dup.
du com.ité d'études mat.
et scient.
de l'A. O. F o ,
t.
XVII,
n° "1,
oct. déc.
1934,
1958,
500 p.
CAZE~.EUVE (n, Les rites et la condition humaine d'après des
documents ethnographiques,
Paris,
P. U. F.,
1958,
500 p.
CENTNER (T),
L'enfant africain et ses jeux dans le cadre de là
vie traditionneUe au KA TANGA,
ELISABETHVILLE,
C. E. P. S. l,
J.963,
412 p.
CHERON (G),
La circoncision et l'excision chez les l'fIalin1cé,
Journal de la société des africanistes,
III,
fasc.
2,
1933,
pp.
297-303
COSTIER (Ivi),
La formation coutumière de l'enfance noire,
Bull.
du C. Er P. S. 1.,
n° 44,
Mars 1959,
pp.
92 -96
DURKHEIM (E),
LI éducation morale,
Paris,
P. U. F.,
193,1"
(1963)
242 p.
- 407 -
ERNY (P),
L'en.fant dans la pensée traditionnelle de l'Afrique
Noire,
Le livre africain,
Paris,
1968,
200 p.
ERNY (P),
L'enfant et son milieu en Afrique Noire,
essais sur
l'éducation traditionnelle,
Paris,
Fayot,
1972,
310 p.
EVANS (J. MJ, Social and psychological aspects of primitive
education,
LONDON,
Golden vista press,
s. d
FEUILLOLF.Y (R),
Un coi11. de l'âme nègre: l'initiation,
Revue anthropc.?}.ogigu~, Paris,
XLVIII,
1938,
pp.
69-79
FR9BE}HUS (L),
Paideuma,
DUSSELDORF,
Diederich,
1953,
116 p.
GBAGUIDI (F),
L'enfant au sein de la famille traditio:nnelle,
~ f t '
,..,.,
l '
n
t
(0",'"
l '
° 3
E"n ance e
îe~~ogo ~'.~~'
.I:\\.encon res
n
sl_'CC1':1./
n
,
1953,
3,
Journées sociales du TOGO
GBAGUIDI (F),
Enquête sur l.' éducation dans b
sodété Üv:ligène.
Généralitl.~s. L' ro;:d\\~?-tio~.?-fr~~A~1.-e, GOR EE, Janv. juin 1937,
nO 96,
pp.
48-57
GEBER (Dr.
IvO, Problèmes posés par le développement du
jeune enfant africain en fonction de son mil:i.eu social,
Travail
Humain,
J.DŒn,
nO
;.-2,
J960,
pp..
97-111
GRAFT-JOHNSON (J. C de)
African traditional education
Présence africaiI!.~' n° 7,
avr. mai 1956,
pp.
61-88
- 4,08 -
GRIA ULE (M),
Etendue de l'instruction traditionnelle au SOUDAN
Zatre,
6 Juin :1952,
pp.
563-568
HOERNLE (A. W.),
An out~.ine of the native conception oi eduça,·
tion in Africa.
Af:rica,
IV,
n° 2,
avr.
1931,
pp.
145-163
KANE (Çh~ikh~,
L'aventure ambigüe,
Paris,
J"lÜ::'iard,
19:)1
KENYATTA (J),
Au pied du Mont Kénya,
F.
Maspéro,
Paris,
1960,
251 p.
KUNTZ (l'In,
Education indigène su:':" le Haut-Zambèze,
Cahiers
de Fo~. et Vie,
le monde non-chértien,
n° 3,
juil.
1932"
pp.
101-1 oa
LE GOFF (G),
LI éducation des filles en A. O. F.
: l'éducation
d'une fillette indig:;ne par sa famille.
Oversea Edu~atic:'l:J. ~.a,
U). juillet, 1947, pp. 54,7-563
1v.fARROU ffi.J.:.,),
Histoire de l'éducation dans l'Antiquité,
Paris,
Seuil,
1948,
595 p.
I1/IOUMOUNI (A),
L'éducé'.tion en Afrique,
Paris,
F. Maspéro,
1964,
~,OO p.
ORTIGUES (M. C.
et E;~,
Oedipe africain,
Paris,
Plon,
:.966,
335 p.
REMONDET ifr), Deux formes primi Eves d'éducation au SOUDAN
XIV,
l-~, janv-juin l'n 1 , pp_ 1-26
SCHlVlITZ (J .. C.),
LI éducation des enfants et des adolescents noirs,
Bull.
du C.E.P.S.l.,
n°
10,
1949
VARAGNAC (A),
Civilisé'.tion traditionnelle et genre de
Paris,
A.
Michel,
1948,
l}QZ
p.
VERHAEGEN (Dr.
Pl,
LEBLi-\\NC (M).
Quelques considérat~.ons
au sujet de 11 éducation pré-prirnaire de l' enfant noi:~, Revue E§da-
,R;og;que congo~~, 1955,
31 pp.
XVII-XXXII
ZABOROWSKI (M),
De la circoncision des garçons et de l'excision
des filles comme pratiqt... ~s d'initi2.tion,
!3u.lL..-soci~ dlallthroEologie
~e Paris, V,
1894,
pp.
81-101
- ".HO -
III - LIl\\!GUJ;§J'}QUE qENERI-'~LE ET LINGUISTIQUE AF1UCAINE
.~~NVENISTE (El, Tendancffi récentes en linguistique générale,
Journal de PI:!.Yr:Jlol.
normale et pathol.
n°
J.-2,
1.954"
pp.
130-145
BENVENIST E (El,
Problèmes de linguist:'que générale,
2aris,
1966
HJ~bEV Od, Prolégomènes à une théorie du langage, Paris,
édit.
de Minuit,
1968-1971
~J3:.'I'J.:N;E.r.JA), Eléments de lL71guistique générale
SA USSURE (F),
Cours de linguistique générale,
Paris,
:Fayot,
1955
ARNAQI-JD (A) et LA.:'l\\TCELOT (Cl,
Grammaire générale et
raisonnée,
Réédition,
Paris,
1969
BARTHES (R),
SAD:E:FüURIER.
LOYOLA,
Paris,
1971
BELLAY (J.
du),
Défense et illustration de la la.ngue françaiGe,
- 411
-
BlOU (J),
Lumières et anthropologie,
in Revue des sci...~nces
humaines
fase.
146,
Juin 197Z
t
BLOOMFIELD (L),
Le langage,
trad.
française,
Paris,
1970
BOURCIEZ (E),
Précis de phonétique française,
Paris,
1958
BROSSES (D. ~'?.l), Traité de 1"". formation mécanique des lé'.ngues,
Paris,
1765
BRUNOT (F),
Histoire de la langue française,
Levol,
Paris,
1905-1937
CALVET (!"'J..:L..) ,
Roland Barthes,
un regard politique sur le
signe,
Pa ds,
1973
CALVET (L. J.),
Lh1.guistique et colonialisme,
petit traité de
glottophagie,
Parifl,
Payot,
1974,
236 p.
COHEN (IVI),
Histoire d'une langue
lp français,
3ème édit.
Pa:ds,
}967
CONDILLAC ,
Traité der> sensé.'.ti.ons,
Paris,
l754
CORDEMOY (g.
de),
DÏ3ccurs physique de la parole,
Paris,
1.666
COURT DE GEBELIN..
Hiütoire naturelle de la parole,
Paris,
).776
- ,U2 -
DA VITY (P),
Description de l' ,Afrique,
Paris,
1637
DELA5ALLE (S),
IlLe mot nègre dans les dictionnaires d'éI.~cien
, .
Il
•
L
f
.
0
15
reglme , l n
angue
r~nça),se,
n
..
,
1972
D.'SUFOSSE.JMl!. Haut-Sénégal-Niger,
3 vol.
Réédition,
Par:~s,
1972
DELAFOSSE (I\\{0,
La langue IVIA]\\TDINGUE et ses dialectes,
premier tome,
Paris,
1929
DEROY (L),
L'emprunt linguistique,
Paris,
1956
DUBOIS (C. G.),
Mythe et langê_ge au XVlème siècle,
BüRDEA. UX,
]972
DUCROT (0) et TOD9ROV (T),
Dictionnaire encyclopédique des
sciences du langage,
Paris,
1972
FA YE (J. P.),
Théorie du récit,
Paris,
1972
FA YE (J. P.),
Langages totalita~.res, Paris,
1972
,9ARNLADI (S),
"Quelques faits de contact linguistique franco-arabe
en TUNISIE",
in Revu~ tunisien:ne des sciences sociales, nO 8,
Déc.
1966
GAULMIER (J. M.),
Le spectre de GOBINEAU,
Paris,
1965
- 413 -
GIAMBULLARI {P, F J, Il gello,
Florence,
1546
GOBINEA U (A.
de),
Essai sur l'inégalité des races hn:m8.Î-."1es
GOROPIUS (J),
Origines antwerpi2,nae sive cimmeriol'"um bec'.:ese-
lana, novem libros complexa, ANVERS,
1. 969
GOURNAY (Mlle de),
L'ombre,
Paris,
1627
GUEZ DE BALZAC (J. L.),
Cücr;:.te cb.rétien,
,
Paris -
, 652
GUILUl UlvITN (Cl,
L'idéologie raciste,
Paris - La Haye,
!.972
HOMBURGER (L),
Les langues négro-africaines,
Paris,
19-11
HOUIS !!\\tl),
Anthropologie linguistique de l'Afrique Noire,
Paris,
1971
HOUIS (M),
Il La
francophonie africaine" in le français dans le
monde,
n° 95,
1973
JALEE {Pl,
L'impérialisme en ~.970, Paris,
F. Maspéro,
'.970
JOURDAIN (E),
Du français aux parlers créoles,
Paris,
1956
KASBAMURA (A),
Culr,1re et aliénation en Afrique,
Paris,
1971
"
l',fJALHERBE,
Stances à DU PERIER
MALHERBE,
Odes au Roi Louis XII!
MALt!E~~~, Commentaires sur DESPORTES
MARCAIS {NO,
"La langue arabe dans l'Afrique du Nordll ,
in
Revae pédagogique, ALGER,
J 931,
n°
1.
MAUPERT"J:gi ,
Réflexions philosophiques sur l'origine des lal~
gues et la signification des mots,
Paris,
1748
11.A URü on, L'expansion européenne, 1600 - J870, Far is, l.964
h1EILLET (A),
Linguistique historique et linguistique génél·ale,
2 vol.
Paris,
1921,
1936
MOLIERE,
Les femmes savantes
MOLIERE,
Don Juan
MOLIERE,
Le Bourgeois Gentilhomme
MOUNIN (G),
Histoire de la linguistique des origines au XXème
siècle,
Paris,
1970
PERSON {YI,
"L'Afrique Noire e t ses frontières",
in E~L
française d'études politigues africaines,
n° 80,
Ao·nt 1972
f'
- ·ns -
PERSaN (Y),
I1Impérialisme linguistique et colonialisme l1 ,
in Ar Fa~~, n°
l,
1973
PHILIPP U/l),
I1La prononciation du français en Alsacell ,
lé~ lin.=
.8u~stigue, n° l, 1967
POSTEL (G),
Apologie de la Gaule,
Paris,
l !J52
,0ABELAIS , Oeuvres,
Paris,
1950
RACAN,
Mémoires pour servir la vie de W"LHERBE,
Paris,
1672
REGNIER (M),
Satires
ROBINS (13.• H.), A short history in linguistics,
LONDRES,
1967
ROUSSEAU (J. J.),
Essai sur 1'origine des langues,
GENEVE,
1781
\\~.:' ...,'
SCERBA LI::1),
I1Sur la notion de méla.nee des langues ll ,
in
Recueil japhétigue,
IV,
1926
SCHLANGER (J),
l1L'enfance de l'humanité ll ,
in Diogène,
n° 73
STALINE (J),
liA propos du m.arxisme en linguistique ll ,
Cah.~.ers
marxistes ..léninis~tes,
n°
12-33
§.,VRET-CANA~E (J), Afrique Noire, Paris, 1964
- "116 -
THEBAULT (D}l
"Langue arabe et parlers maghrébins",
Cahiers
!l2.!"d-africaint?,. n° 74,
1959
THUROT (F),
Tableau des progrès de la science grammaticale,
1796,
Réédition BORDEAUX,
1970
TURIN (y), Affrontements culturels dans IIAlg~rie coloniale,
Paris,
F.
Maspéro.
1. 971
VALDIVJAN (A),
"feréole et français aux Antilles",
in k. fra~~.i!3
en France et hors /Fran~e. t.
l,
Annales de la fa,culté des Let-
tres et sc.
humaines de NICE,
n° 'l,
NICE,
1969
VALLE1UE (E),
ll?lace de la langue dans le combat de libération
nationale",
Say Breiz n° 6 et n° 7,
1972
VAUGE~, Remarques sur la langue française, Paris,
1647
WEn·m.E~&H (D), Languages in contact, La Haye, 1968
II) Linguistique IviANDINGUE et DIOULA en particulier
l 0) Généralités
ALEXANDRE {Pl.
Langues et langages en Afrique Noire.
:Payot,
Paris,
1967,
pp.
86-88
gOMBERGER (T.~l, Les dialectes copte8 et Mandé,
Bull.
de la
société de lingaistique
_,
_
de Paris,
Parl" ("J' ,
,
1. 930 , n °
3 0 , p p . l_ 57
- 1:17 -
Hûl'1BERGER (Ll~ Les langues négro-africaines et les peuples
qui les parlent.
Paria,
Payot,
;941,
350 p.
11
HOUIS (VI), Anthropologie linguistique ela/Afrique Noire.
:F'aris,
P. U. F.,
:',971,
232 p.
LAVERGNE DE TRESSAN&. Inventaire linguistique de l'/~... 0::. F.
et du TOGO.
Mémoire de Ill. F.A. N.
n° 30,
DAlf-AR,
:i.953,
241 p.
MEILLET (A) et COHEN .cr:1/1)~ Les langues du monde, Paris,
Champion,
J,924,
811 p.
TûUTAIN,
Notes G"J.r les trois langues SûNINKE,
BAMBARi\\
et l\\1.t-'\\LINY.,.E ou MANDINKE,
Revue de linguistique et de Rhilo-
~~E?ie comparée, 169 p.
2°) Le MANDE et le DIOULl\\.
BAILLEUL (C),
Lexique Bambara-Français syllabique et tonal.
Falaje,
)973,
8'~ p.
multigr.
BA ZIN (E),
Dictionnaire Bambara-Français précédé (PUl1 abrégé
de gramrnaire Bambara,
Paris,
ir....lpr.
nat..
1906,
}~XV - 633 p.
BIRD (C),
Determination in Bambara.
Jourm.l of Vif est african
languages,
1966,
3,
1,
pp.
5-11
BlaD (C), Aspects of Bambarasyntax,
Los Angeles
University
of California,
1966,
156 p. :rnicrofilm
- 118 -
BIRD (C},
T~'le developpment of l'\\Jj~andenkan· (Manding) : a
study of the role of extra,.linguistic factors in linguistic change.
In Lanr,uage and history in Africa, A volume in Africa (helcl at
the school of oriental and african studies,
1967-6<;,). D. D\\LBY,
editor.
LONDON: Frank :cass and Co.
Ltd.
1970,
146-5.59
BIRD (cl.
The syntax and semantics of possession in Bambal'a
Communication au congrès dl Etude MatJ.~.ing, Londres.
~. 972,
13 p.
CALVET (L. J.), Arbitraire du signe et langues en contact:
les systèmes de numération en Bambara,
Dioula et Ma1i.rl<é
La linguisti.gue,
J970,
6, 2,
119-123
Centre Natiünal de PAlphabétisation Fonctionnelle
Grammaire de la phrase Bambara,
s. d.,
45 p.
multigr.
COULIBALY (B),
Pour un e transcription des tcns du I\\;landing.
Comm\\ll'lication au Xlème congrès de la S. L. A. O..
YAOUNDE •
. 974,
11 p.
DALEY (D),
Distribution a,-,d nomenclature of the Manding peo-
ple and thcir' langnages.
In papers on the 1I,fanding (Carleton T.
Hodge editor).
Bloomington : Indiana university,
The Hague :
Mouton et Co..
1971, p.
1 - ;4
DELAFOSSE (Ml.
La langue Mandingue et ses dialectes (IvIalinké,
Bambara.
Dioula),
Paris.
Imprimerie nationale et librairie Paul
Geuthner,
tome l,
1. 929,
67.4, p.
tOUle 2 : dictionnaire IVlandingue-
Français,
1955,
XXII - 859 p .•
bibliothèqy.e de l'école nationale
des langues orientales vivantes.
- 419 -
DELAFOSSE {ML
Essai de manuel pratique de la langue Mandé
ou Mandingue.
Etude grammaticale du dialecte DIOULt:.•
Vocz,-
bulaire frança:i.s-DIOULA.
Histoire du SAMOR! en Mand6.
Paris,
Ernest-Leroux,
1901,
l,
cart e.
DIARRA (F) et TRAORE (M),
Un peu de Bambara sans beaucoup
de peine,
s. d:.,
99 p.
multier.
DUMESTRE (G),
Elément s de grammaire DIOULA, ABIDJAN,
Institut de linguistique appliquée,
1970,
97 p.
,
multier.
DUMESTRE (G),
Catgéories grammaticales en DIOULA de Côte.
d'Ivoire : nom,
verbe,
adjectif. Annales de l'Université d'A DIDJAN
Série H (linguistique,
IV,
1971,
p.
51 -59)
DUMEST RE (.::i),
Syntagme complétif,
qualificé'.tü et attributif en
Bambara,
Londres,
1972,
J2 p.
rnultigr.
DUMESTRE
(G) e..t RET ORO {G),
Ka di ? Cours de DIOULA
ABIDJAN,
Université,
1974,
308 p.
DUMESTRE (Ch Lexique fondamental du DIOULA de Côte d.'Ivoire,
ABIDJAN,
Université,
1974,
documents linguistiques.
GINGISS (P),
DIOULA,
a socio-linguistic perspective.
Communication au congrès d'études Mandingues,
Londres,
1972,
: 8 p.
multigr.
GREGOrH.E (H. C.),
Bilinguisme et mdtilinguisme en Côte
d'Ivoire.
Communication au Xlèrne congrès de la ~. J....A. O.
YAOUNDE, ·1974,
38 p.,
multigr..
HOUIS (IVi),
Le groupe linguistique Mandé,
NoteA africain~~
n° 82,
1958, p.
38
HOUIS {IvO,
Les catégoriea de noms dérivés dans un parler
mand:i.ng.
In la classification nominale dane les J.3.ngues n6gl"o-
africaines.
Paris,
C. N. R. S.,
1967,
p.
99 -116
HOUIS {1\\11
Documents lexicaux en Bambara,
Lyon, Af.rique et
1angage,
~~969, 6 fasc. multigr. Documents linguistiques, 2
HOUIS {M),l
Phrases Bambara (les types d'énon.cés),
Lyon,
Afrique et l.§!:?gaK~' 1970,
64 p.
multigr.
- série pédagogique n°
l
HOUIs-.l'M),
L'identité typologique du E2.mbara,
Communicatic;l
au congrès d'études Manding,
Londres,
1972,
12 p.
multigr.
HpUIS_jlvi), Aperçu sur les structures gl"ammaticales des la:n,·
gues négro-africaines (ouivi de réflexion sur le langage en Afri-
que noire),
polycopié,
Faculté de théologie,
S. J.,
Lyon,
;.967
LABOURET {H) et W..l\\RD---'.J~
Quelques observations sur la
langue Mandingue. Af_rica,
n° 6,
1933,
pp.
38-50
LABOURET (H),
Les l\\'fandingueD et leur langue.
Bull.
du comité
d'études Mst.
et scient.
de 1'1~.O. F., n° n,
1935,
pp.
1-270
- 42.1 -
LONG (R),
The northern )\\(tande languages.
A statistical pretes-
ting of 22 idiolects ,comn1unication au congrès dl études rnanding,
Londres,
1972,
23 p.,
multigr.
LONG (R} et DIOMANDE (M),
Basic DYULA.
Dialog::: and va:J:iations
Indiana university : intensive language bé'3.ning center,
s. d.
146 p.
- appendice m.ultigr.
~_QNG (R),_et .I?l.9Mt:.l:-.N.~~__.(M), Basic Dyula - introductory exercis e
book.!J.1diana University : intensive language training center,
s. d. ,
multigr.
55 p
:rVIAN~SE~Y (QL Nom et verbe dans les langues Mandé. Journal
of african languages,
1962,
L
L
p.
57-68
PARTW~l\\N (Q1 Le DIOUI....A véhiculaire en Côte d'Ivoire. Etude
,
com.parative des jeunes locuteurs primaires et secondé'.ires nu
DlüUL.A. Stanford university,
1973,
IX -
195 p.,
multigr.
PERez (Capitaine),
Dictionnaire français-mandingue,
Paris,
Maillaxd,
:891,
163 p.
PERSeN (Y),
SAMOR! : une révolution DIOULf'3..
DAKAR,
I.F.A.N.,
1968,
tome 3.
: 601 p.
:r,;lé~oires IoF.A.~. n° 80,
(en particulier p.
4:7 -53)
RAMBAUD {J. B. >, La langue IVlandé
- ~:2?. -
SANKORE,
Revue semestrielle n° 11,
Institut de s Sciences
Humaines,
collection culture populaire,
BAMAKO,
J.97'-1,
) 5{~ p.
SPEARS (R), A note on the tone of Ivlaninka subtantives,
Journal of africCl.n languages,
n° 5,
1965,
pp.
113-120
SPEARS {R),
Tonal dissimulation in Maninka,
Journal of
african languages,
n° 7,
1.')68,
pp.
138-100
SPEARS.JlU"
A typology of locative structures in Manding lan-
guages.
Communication au congr(:;:s d'études mandingues,
Londres,
1972,
2'-1 p.
multigr.
WELMEHS .011J, Niger-Congo,
Mande.
In current trends in linguis-
tics (edlted by T.
Sebook),
vol.
7 : linguistics in sub-saharan
africa,
the Hague,
Paris:
Moutou;
1971,
p.
l13-J.Ll:O
ZAHAN (D),
La dialectique du verbe chez les Bambara,
Paris,
Mouton,
1963,
207 p.
III - L'ethnolinguistique
: 0) Généralités
A LE Xii. ND RE (P),
Note sur quelques problèmes d'ethnolinguistique,
L'Homm~ t. 1, Paris,
1961
BOCK (P. K),
Social structure and language structure,
south.::-
westeJ.'n journ?
of an:!hro"'p'olog~.~, 20,
1964
- ~:23 -
BRlÇiHT (V!),
Language and culture
International encyclopeclia
j
of the social sciences,
1967
BROWN (R. W ),
Language,
thought and culture,
Heule J?
editor,
Ann.
arbor,
university of Michigan press,
.;958
CALAME-GRIAULE (M).,
Ethnologie et langage
la f'arole chez
les DOGONS.
Paris,
Gallimard,
: 965,
589 p.
CALAME-GRIA ULE (M),
Pour une étude ethnolin.guistique des
littératu:i:es orales africaines.
1-anBages,
n°
18,
janv.
J.970,
p.
22 -'17
COHEN {Iv.O, Pour une sociologie du langage,
Paris, Albb l\\·Üchel,
1956
FEILRY (
),
SAPïR et l'ethnolinguistique.
L2ngage,
nO
28,
juin ~! 970,
p.
12
GREENBERQ......{I~ Linguistics and ethnology, Southy!est;:~1;'n
journal of anthr9po19JiY.L 1-2,
J9~:8, pp. 140-147
H.t\\UDECOURT (A),
Le l2.ngage traité comme fait social,
La pen3ée,
n° 171,
oct.
1973,
p.
25
Lt'\\CROIX (p. F. ),
Cul ture et langues africaines : les emprunts
linguistiques.
Lan,gag~..z. nO 18, juin 1970. p. 48-6/::'
- 4:24 -
~CH (El, Anthropologica.l aspects of langt1.age. NeY:....§i:recti;~~
in the study of la!lguagel.. n° 29,
J.953,
p.
463-4:71
LEVI-STRt\\ USS (C.1
La pensée sauvage,
Paris,
Plon,
1962
LEVI-STRAUSS (C)J Anthropologie ::;tructurale,
Paris,
:Plon,
1958
lVU\\RCELLEsr (J. ~~), Pl'oblèmes de Bodoo.linguistique : le
congrès de TOURS.
!=.?- pensée, n° 153, oct. 1970, p. 68-30
PAIM ULT (C),
BOUM le grand,
village d'Iro,
Paris,
1966,
310 p.
SAPIR (J~), Anthropologie, 2 vol.
Paris,
1967,
Payot
SAPIR-l.f1. La linguistique,
Paris,
1968
.
seRA
,
FF (A),
Problèmes de Il ethnolinguistique,
Diogène,
n° L"::b,
J.964,
p.
127-150
WHORF (n. Ll,
Linguistique et anthropologie,
Paris.
Médiation,
Gouthier.
J.969
2 0 )
Li.ttérature orale et traditions populaires
africaines
B.ALANDIER 19),
Littérature de l'Afrique et des Amériques
noires (in queneau R.
éd.,
histoire des littératures,
1, Paris,
1956, p.
536-567)
- ·::25 -
B..~SSET (H.).. Contes popula~.res dlAfrique,
Paris.
Librai.:de
orientale et américaine Guilloto.
(;. d.
(I903
?) XXII - 4:55 p.
BRUN (1:1. Pt),
Proverbes,
maximes et dev:i.nettes Khassonké,
recueillis et traduits par le R. P.
BRUN
Anna les et mémoires du
'. "
cornue: cP études mst.
et scient.
de
l'An O. F..
1917,
:p. 223 -225
CALAIV.Œ~G~q:LE (Q), L'art de la parole dans 1;0, culture
africaine,
Présence afri<:;aine,
3è::me trimestre,
1963,
p.
73-91
CAM.tiRA (S),
Les gens de la pa~~ole : essai sur le rôle et la
condition du griot dans la soc.iété Malinké.
Thèse de 3èrn.e cycle,
2 tomes,
Bordeaux,
Faculté des Lettres,
1969
COLIN JB1 Les contes noirs de l'Ouest africain, Paris, I.:layot,
s. d.
17<1 p.
COL Y {Ql.
Chant Mandingue de Casamance,
Notes africa;:i.nes,
n° 38,
avr.
1948,
p. 22-21
CO:MHAIRE-SYLVAIN (§l,
Quelques devinettes des enfants noirs
de Léopoldville, ~!!:?:.~~_,
19 (l).
janv.
1949.
p.
40-52
DIETEFLEN (G),
The Mande cr~tion myth, Africa,
27 (l)l
avr.
1957,
p.
124-138
DIETERLEN (G),
éd.
textes sacrés d1/drique noire.
Paris,
1965
ENO BE LINGA, (s. M. ),
Littérature et musique populaires
en Afrique Noire,
Paris,
::S65
FOR]'IER (Jl,
Les mythes et les contes de SON en pays
mbai' Nioi'ssala.
Paris,
Julliard,
classiques africains,
6,
J.967
G~.ê..s.!ill'J O....i). La littérature orale des COr--TIAGUI (républ. de
GUINEE),
Recherches africaines,
études guinéennes.
nouve1l8
série,
n° 3,
J.961
HAMPATE BA et DIETERLEN (G),
Koumen.
Textes initiatiques
d:ls pasteurs Peuls,
Paris,
cahie:r.s de l'Hom~, 1961
HEUSCH (L.~, Le renard et le philosophe,
L'Homme,
VIII,
l,
1968, p.
70-79
PA ULl'vIE (D),
Littéj.·ature ora.le et comportement s sociaux en
Afrique noire.
L'Homme,
l,
:.,
J.961,
p.
37-'~9
PAULME (D),
Le thème des échanges successifs dans la litté-
rature africaine.
L' Hommet IX,
j.,
1969,
p.
5 -22
PA ULI.;Œ {Dl.
Litté:>:'ature orale et folklore africain.
Sur un.
thème de contes africains : l'impossible restitution ou le cadeau
prestigieux:.
Cahiers dl études africaine!!J
VilI,
2,
n° 30,
J.968
THO:Mf-\\.S (.T. M. C.),
Contes,
proverbes,
devinettes ngbaka ma'bo.
Paris,
klll'lcksieck,
langu.es et littératures de l'Afrique noire.
TILLON (G),
éd.
littérature orale arabe-berbère.
3~me bulletin
de Faison de RCP,
43,
Pad.s,
C. N. Re S.,
1969
VAN8INA. (J),
De la tradition orale.
Essai de la méthode his-
torique.
Tervuren,
1961
ZEMP (H),
Musiciens autochtones et gr:'.ots malinké chez les
DAN de Côte dlIvoire.
CaMers d;étud~s africain~, IV,
3, n°
J.5,
1964, p. 371-382
.?-EMP (Hl.
Com.ment on clevi.ent :musicie:1. : quatre exemples
de l'Ouest africain.
La rD.1~sigue et 1~ vie,
l,
Paris,
:.967
ZE~.1P Œ!), La légende des griots malinké, Cahiers d'études
afr5.cain..?,§,
VI, L1:, n° 24,
1966, p. 611-642
ALEXANDRE (F),
Langues et langage en Afrique Noire,
Paris,
Payot,
1c;67
BALE (V!),
Politiqne linguistique en Afrique Noire,
Kll1.shassa,
Colloque n° 2,
Mai 1966,
p.
5-21
CANU (G),
Voies nouvelles pour 11 ens eignement du Français.
Coopération et déveJoppeITlent,
n° 37,
sept-oct.
1971,
pp.
3-10
CHAll/~PION {Jl, Les langues africaines et la francophonie
DARBELNET,
Le bilinguisme. .A.!Ula1es de la fac.
des lettres
et sc.
humaines de NIC~J na ).2.,
NXCE,
1970
DAV'J..'YY (P),
LI emprunt linguistique,
Paris,
1956
DIAGNE (21, Réunion d f experts sur la contribution des 1angt~es
africaines aw~ activités culturelle!::: et aux prograrn!Yles d'alpha-
bétisation.
YAOUNDE,
10-14 AoUt 1970
FONLON lli), Pour un bilinguisme de bonne heure•._Abbia,
YAOUNDE,
1964, na 7,
oct.
p.
7 -,n
FORTUNE (g).,
éd.
African languages in schoo1s.
Se1ected pa-
pers from the j 962 and i.963 conferences on the teaching of afri-
C2.n 1angu<".ges 5.n 3choo1o.
Sa1i!:::bury,
1964:,
university college of
Rhodesia and Nyassaland ; 1.L1:5 p.
Hotus {Ml, Anthropologie lingui~tique de l'Afrique Noire, Paris,
P. U. F.,
1971
LE CA LVEZ-lli,
Un cas de bi1.inguisme
le pays de GALLES,
Launion,
1970
M.ANESSY (G),
L'unification linguistique de l'Afrique et les lan-
gues négro-africaines de grande extension.
L'I-IoffiJ."'11e,
{,
na 3,
1964, p.
71-86
MEISTER (A),
Alphabétisation et développement,
Paris,
; 973
- IJ:29 -
MüUMüU"NI (A),
LI éducation en JHrique,
Paris,
F.
Maspéro,
1964
MOUrvIOU1:H (A),
Le problème }.;i.nguistique en A.frique Noire,
Partisan,
n° 23,
nov.
1965,
pp. 37-~8, Paris,
F.
Maspéro
PIAGET ~ Psychologie et péda.gogie,
éd.
Denoël,
Paris,
1969
P]AG~T (J), La psychologie de l'intelligence, A. Colin, Pa.r5.s,
1967,
1.92 p.
PIAGET (Jt, Le langage et 13. pensée chez l'enfant, Delachaux
et Nie.stlé,
Paris,
1966, 213 p.
PIAGET (J),
La pensée symbolique et la pensée de Il enfant.
Archives de psychol';?Rie,
XVIII,
1923
VINCENT (Iv.Q,
Sur le rôle du langage à un niveau élémentaire
de pensée abstraite,
n o Ll
-
sept.
6 oct.
1957
~,