UNIVERSITE
PAUL
VALERY
MONTPELLIER
III
Arts
et
Lettres
Langues
et
Sciences
Humaines
ACTIVITES ECONOMIQUES ET TRANSFORMATIONS
GEOGRAPHIQUES
RECENTES
DE
LA
PERIPHERIE
D'ABIDJAN
THESE
pour
le ,Doctorat
de 3 tME
Cycle
GEOGRAPHIE DE L'AMENAGEMENT option
ESPACE RURAL
PRESENTEE
ET
PUBLIQUEMENT
SOUTENUE
DEVANT
L'UNIVERSITE
PAUL VALERY
PAR
N'guessan
N'GOTTA
JURY
M.
Jean
LE
.COZ
Professeur
Emerite
Montpell ie r III
President
M.
Jean
CABOT
Professeur
Emerite
Paris
VIII
Rapporteur
Mme Yvette
BAffBAZA
Professeur
Emerite
Paris VIII
Assesseur
M.
Joseph SCHULTZ
Professeur
Montpellier III
Assesseur

A
M'MAN
KONAN
et
AFFOUE

AVANT - PROPOS
thème. :
1.-
Vé~~6~e.~ ~~ ta ~e.tat~ve. ~~che.~~e. de.~ ~u~aux de. ta Ba~~e.
Côte. é;tût ~ée.Ue. e.t ju~t~6üe. e.t ~~ e.Ue. ava~t de.~ chaYlce:5 de
~'acc~o~t~e.
e.Yl dép~t de.~ Ylomb~e.ux p~obtème.~
écoYlom~que.~
que. COYlYla~t te. pay~ de.pu~~ 1980.
EYl UYl mot, ta t~aYl~6o~­
mat~oYl de. t'e.~pace. autou~ d'Ab~djaYl a-t-e.tte. de.~ chaYlce.~
de. ~e. pou~~u~v~e.
?
Z.- E~~aye.~ de. vo~~ daYl~ que.tte.~
me.~u~e.~
te. déve.toppe.me.Ylt ac-
tue.t d'AbidjaYl pou~~a~t gêYle.~ ta c~oi~~aYlce. du mit~e.u ~u­
~at pé~iphé~~que.,
étaYlt dOYlYlé te.~
~appo~t~
COYl6t~ctue.t~
que. c~ée. ce.tte. e.xte.Yl~~OYl u~ba~Yle..
EYl ~YYlthè~e. YlOU~ avoYl~
che.~ché a ~avo~~ ~~ UYle. vo~e.
que.tCOYlque. d'améYlage.me.Ylt pou~~ait pe.~me.tt~e. a t'e.~pace. ~u~at
e.t a ta vitte. de. v~v~e. e.Yl ~ymbio~e..
SaYl~ t'aide. e.66~cace. de. ptu~ie.u~~
pe.~~OYlYle.~,
ce. t~a­
va~t Yl'au~a~t jamai~ about~,
au~~i te.YlOYl~-YlOU~ a te.~ ~eme.~c~e.~
toute.~,
e.Yl pa~ticutie.~ Me.~~~e.u~~
te.~ P~o6e.~~e.u~~
:
- Je.aYl Le. coz pou~ ~e.~ COYl~e.it~,
matg~é ~OYl e.mpto~ du te.mp~
tJtè~ chaJtg é,
- Je.aYl CABOT ViJte.cte.uJt de. ce.tte. thè~e. ; ~t YlOU~ a gu~dé tout
te. tOYlg de. YlO~ Jte.che.Jtche.~,
YlOU~ pJtodigaYlt ~e.~ COYl~e.it~ e.t de.~
~ugge.~t~OYl~ pouJt UYle. Jté6te.x~oYl
géogJtaphique. toujouJt~ ptu~ Jt~­
9 0 uJte.u~ e.,
- Jo~e.ph SCHULTZ pouJt ~e.~ a~de.~ pJtéc~e.u~e.~
toJt~ de. t'étaboJta-
t~OYl de.~ caJtte.~ e.t,

- A~~~ypo HAUHOUOT,
~n~p~~at~u~ du th~m~. It n'a à au~un mo-
m~nt,
m~nag~ ~on t~mp~
pou~ nOU6 appo~t~~ ~on ~out~~n mo~at
~t ~~~ ~on6~~t~,
m~m~ au-d~tà d~ t'H~xagon~.
No~ ~~m~~~~~m~nt~
vont ~gat~m~nt à
Madam~ t~
P~o6~~~~u~ Vv~tt~ BARBAZA qu~ a a~~~pt~ d~ 6a~~~ pa~t~~ d~
not~~ ju~y.
Nou~ p~n~on~ d~vo~~ ~gat~m~nt un tou~d t~~but aux
ptant~u~~, aux ~~~pon~abt~~ d~~ o~gan~~m~~ d'~n~ad~~m~nt, aux
~ou~-p~~6~t6 d~ B~ng~~v~tt~ ~t Anyama ~t à d~~ am~~ qu~ nou~
ont a~d~ ~u~ t~ t~~~a~n. Hommag~ pa~t~~ut~~~ à E~~an Kod~a,
K~ah VAO ~t VAO F~~n~ pou~ t~u~ a~d~ mo~at~ ~t mat~~~~tt~.
En6~n no~ ~~m~~~~~m~nt~
vont au p~~~onn~t d~ t'Atta~ du Lan-
gu~do~-Rou~~~tton d~ Paut Vat~~y ~t à ~~tu~ du Labo~ato~~~
d~ Ca~tog~aph~~ d~ t'IGT à Ab~djan.
Q'l~ tou~ ~~ux qu~ n~ ~~
v~~~a~~nt pa~ ~~t~~ ~~~ ~~ ~a~~u~~nt : nou~ n~ t~~ avon~ pa~
oubti~~.
Nou~ p~n~on~ pa~ ~x~mpt~ à Mon~~~u~ Hadj Kamagat~,
P~~~id~nt d~ i'A~~o~~at~on d~~ ~xpo~tat~u~~ d~ ~ota à Anyama
~t à Mon~i~u~ SAWAVOGO Abdoutay~,
an~i~n M~ni~t~~ d~ i'Ag~i­
~uitu~~ d~ la C3t~ d'lvo~~~.

LA
ZONE D'ETUDE
DANS
t'ENSEMBLE' IVOIRIEN
.
~
~
f---If-----~---+-----.::c--__\\::;;;;.;;;;;;;;;~=_t__i..(
f--~~------__t__------___t----...".y.'
o
lOOk
,
,
~-+~----_+------+_----llr_~,.
LA "PERIPHERIE" ABIDJANAISE
ET
LE
DEPARTEMENT
D'ABIDJAN

- 2 -
PROBLEMATIQUE - INTRODUCTION
La transformation d'un milieu agricole,
polarisé par une
ville dynamique et attractive comme Abidjan,
s'effectue de ma-
nière très complexe.
L'homme dans son désir de production, de
consommation et d'échange ne cesse d'accroître les capacités de
production des structures déjà existantes;
il s'ensuit un pro-
cessus de création,
de développement ou de disparition des ap-
pareils de production très variés.
Ainsi,
aux activités primai-
res rurales viennent se greffer des activités induites,
secré-
té es par la proximité de la ville ou nécessitées par le dévelop-
pement de l'agriculture
(industries d'amont et d'aval).
Comme
résultat, on aboutit à la métamorphose de toute la zone concer-
née.
Notre thème nous invite à réfléchir sur les différents
processus de transformation qui affectent la périphérie abid-
janaise,
"Région-Pilote"
des initiatives de développement agri-
cole.
Pour ce faire,
il faut déceler les éléments moteurs de
cette transformation.
L'espace étudié était dominé dans les années soixante
par une seule activité motrice:
l'agro-exportation,
épaulée
dans la seconde phase de croissance par une activité industriel-
le en développement,
utilisant la matière première agricole lo-
cale et ayant pour corollaire l'émergence d'un tertiaire de plus
en plus complexe.
Dans cet espace,
une métropole:
Abidjan,
véritable
pôle national de croissance économique qui insuffle aux centres

-
3 -
semi-urbains périphériques et à la campagne environnante,
une
dynamique toute particulIère.
Comment s'est corstituéecette "Région" au sens géogra-
phique du mot ? comment fonctionne-t-elle ? vers quoi évolue-
t-elle ? c'est à ces questions-clef que nous allons tenter
d'apporter des réponses tout au long de cette étude.
Mais au-
paravant il importe de rappeler un certain nombre de remarques
d'ordre général intéressant la "Périphérie d'Abidjan".
2
La zone considérée occupe environ 3 760 km
soit 1,16 %
du territoire national et un peu plus de 26 % de la superficie
totale du département d'Abidjan(l)
Domaine d'extension de la
forêt sempervirente,
l'extrême sud ivoirien,
communément appe-
lé "Basse Côte"
présente des caractéristiques originales,
tant
au plan physique qu'au plan humain.
Au plan physique,
on observe une diversité de milieux
allant de la forêt primaire aux forêts dégradées,
issues d'in-
tenses activités agricoles,
des lagunes et des marécages ayant
chacun ses aptitudes et son importance.
Le climat chaud et hu-
mide semble favorable aux cultures tropicales alors que dans
l'ensemble les sols demeurent de qualité moyenne à médiocre.
Tous ces facteurs ont une influence directe sur l'agriculture
et on peut se demander s'lIs n'ont pas conditionné la locali-
sation des diverses plantations.
La diversité est également d'ordre humain;
quatre
principales ethnies d'importance numérique différente sont ré-
parties sur l'ensemble de la zone d'étude.
Toutes ces ethnies-
toute réserve émise sur les Adjoukrou - sont issues du grand
groupe ethno-culturel AKAN,
donc originaires de l'ancien "Gold
Coast",
l'actuel Ghana.
(1)
Voir
carte
nO l ,
localisation
de
la
zone
d'étude

-
4 -
Ainsi,
d'ouest en est,
on rencontre
-
Les Adjoukrou qui composent la quasi totalité des habitants
de la sous-préfecture de Dabou,
- Les Ebrié dans la partie médiane,
sont les fondateurs de la
ville d'Abidjan.
- Les Akyé(l) d'Anyama ne sont qu'une fraction de cette ethnie
plus nombreuse au Nord-Nard-est de notre domaine d'étude.
-
Les Abourés quant à eux sont plus centrés sur Bonoua,
au-
delà du fleuve Comoé.Ceux que nous étudions ne sont donc qu'une
partie de cette ethnie.
A ces ethnies,
s'ajoutent les Eotilé et les M'Batto
d'importance numérique moins importante.
Avant l'introduction des cultures de spéculation,
ces
populations vivaient de la cueillette,
de la chasse,
de la pê-
che - principale activité - et d'un peu d'agriculture.
Cette
dernière activité était le fait des femmes,
les hommes se ré-
servant les travaux jugés dangereux.
La pratique agricole gé-
néralisée était la culture vivrière sur brûlis,
ponctuée
de
longues jachères nécessaires à la reconstitution des sols
et
du couvert végétal.
Par ailleurs,
la terre,
seul capital de
production était une propriété du groupe et ne pouvait être
l'objet de transactions financières.
C'est dans ce milieu d'économie d'autosuffisance,
que
le colonisateur français a introduit à la fin du siècle der-
nier,
la culture du café et du cacao.
Ces deux cultures ne
tenant aucune place dans les habitudes de consommation loca-
les, il s'ensuivit divers conflits entre autochtones et auto-
rités coloniales
:
(1)
on
écrit
aussi
ATTrE
ou
ATCHYE

-
5 -
- Comment intéresser les populations locales à des productions
aussi contraignantes que celles de l'arboriculture?
- Où trouver des terres disponibles,
étant donné que toutes les
terres étaient supposées appartenir aux autorités coutumières?
Malgré les obstacles fonciers,
vite résolus,
et l'op-
position des paysans,
l'agriculture de spéculation fut imposée
à la Basse Côte.
Des planteurs européens d'abord puis quelques
africains créèrent de vastes plantations dont les fruits étaient
directement acheminés sur la métropole.
Jusque les années cin-
quante le cacao et le café assuraient à eux seuls 85 à 90 % de
la valeur des exportations.
En 1960,
la Côte d'Ivoire indépendante a fait de ces
deux cultures,
les piliers de son économie, renforçant ainsi
une économie agricole à l'avenir très prometteur,
eu égard à
l'extension des superficies plantées annuellement.
Mais,
cette croissance économique,
principalement axée
sur des productions entièrement exportées sous leur forme brute,
était soumise aux aléas des cours mondiaux des produits tropi-
caux.
Le développement économique de la Côte d'Ivoire échappait
de la sorte,
au contrôle des autorités politiques,
étant donné
que les prix sont décidés par l'acheteur installé soit à la
bourse de Paris soit à celle de Londres ou à New-York. Il était
donc nécessaire de diversifier la production agricole et surtout
les types d'activités.
Cette nouvelle orientation de l'économie ivoirienne dé-
bute en 1958,
avec l'hévéaculture, suivie en 1963 par le plan
palmier à l'huile et le plan cocotier en 1967.
Pendant ce temps,
la culture bananière et l'ananas jusqu'alors négligeables se
développent rapidement,
suite au retrait de la Guinée de la
Communauté française.

-
6 -
L'application rigoureuse,
de ce plan de développement
agricole,
permit le passage d'une agriculture traditionnelle
à
faible rendement, à une agriculture intensive et scientifi-
que,
hautement mécanisée,
porteuse de nombreuses innovations
dans les modes de mise en valeur avec notamment
:
- L'introduction de nouvelles méthodes et techniques d'exploi-
tation de la terre,
par le biais de l'utilisation d'un outil-
lage mécanisé et par l'emploi d'engrais et de pesticides, dont
les applications requièrent des soins appropriés.
Toutes ces
techniques exigent de gros moyens financiers,
en même temps
qu'elles créent de nouveaux types de rapport entre le paysan
et sa terre.
- l'intrusion de l'Etat dans le milieu agricole,
grâce
aux SODE(llqui créent ou encadrent de vastes plantations dou-
blées de structures industrielles pour le traitement des récol-
tes;
l'adjonction de la filière industrielle se justifiant par
la recherche d'une plus grande valeur ajoutée sur les produits
primaires locaux.
- l'intrusion également d'une "bourgeoisie urbaine"
dans la sphère des plantations.
Une "bourgeoisie"
affairiste
de commerçants,
d'hommes de la vie politique,
de fonctionnaires
de haut rang etc ... ayant les moyens financiers pour exploiter
de vastes superficies.
Leur venue dans le milieu rural en fait
des concurrents pour la possession de la terre,
même s'ils sont
absentéistes.
- Enfin,
l'intrusion de puissants groupes capitalistes
privés,
dans le domaine agricole,
illustre la compétition en-
gëyée entre les paysans et le monde extérieur au milieu rural,
Eu égard aux remarques qui précèdent,
on peut entrevoir
(1)
Sociétés
d'Etat.

-
7 -
une série de difficultés qui se posent à la paysannerie,
entre
autres
- L'adoption des cultures pérennes par des paysans rompus aux
activités de chasse,
de pêche et d'agriculture vivrière iti-
nérante
: comment ont-ils opéré le passage de ces activités
traditionnelles à une agriculture spéculative hautement mobi-
lisatrice ?
- L'adaptation de ce paysannat aux nouvelles techniques cultu-
rales,
constitue aussi une difficulté
comment,
avec un outil-
lage malgré tout,
encore précaire,
le paysan réussit-il à cul-
tiver ces nouveaux produits exigeant une technologie appropriée?
- Les moyens financiers faisant défaut,
comment le paysan ar-
rive-t-il à ouvrir une plantation qui requiert au départ une
mise assez importante ?
- Bien que dans sa politique de diversification agricole, l'Etat
ait étroitement associé les paysans aux divers projets,
il sem-
ble,
vingt ans après,
que ces derniers soient encore à la traî-
ne.
Pourquoi n'a-t-on pas assisté à l'émergence d'une masse de
riches planteurs? Comment expliquer que l'Etat et les groupes
capitalistes privés demeurent-ils les seuls grands propriétai-
res ?
- Certaines cultures,
telle l'hévéaculture,
n'ont pu s'effec-
tuer en plantations villageoises
quelles en sont les causes ?
- Les mentalités des paysans, très suspicieux vis-à-vis des
innovations,
demeurent aussi un frein à la propagation des nou-
velles techniques de mise en valeur.
Dans ce milieu d'analpha-
bètes,
comment s'y est-on pris pour la diffusion de l'innova-
tion ? Quels organismes d'encadrement a-t-on mis sur pied?
Quelle est leur efficacité? leurs moyens d'action et leurs

- 8 -
limites ?
- Les organismes de crédits agricoles ont-ils pleinement joué
leur rôle ? quels sont les rapports du paysan avec les établis-
sements bancaires ?
- Les problèmes relatifs au manque de terre,
constituent sans
aucun doute,
les plus grosses difficultés du monde rural.
La
terre étant devenue un capital monnayable,
l'exercice du code
foncier traditionnel se trouve faussé.
Quelles ont été les dis-
positions prises par l'autorité politique pour protéger le pa-
trimoine foncier traditionnel? Au niveau des villages,
comment
les paysans réagissent-ils à la nouvelle
situation du foncier?
qui arbitre les conflits fonciers? comment se fait le nouveau
mode de répartition de la terre?
Malgré ces nombreux problèmes,
et grâce aux investisse-
ments massifs réalisés par le gouvernement et les Multinationa-
les,
et en partie,
grâce à l'apport de quelques rares gros plan-
teurs villageois,
on a assisté à un "boom"
agro-industriel gé-
nérateur d'emplois et approvisionnant de nombreux autres sec-
teurs d'activités économiques non moins importantes.
Cela s'est
traduit par un relèvement général du niveau de vie des ivoiriens
et particulièrement celui des populations de la Sasse Côte.
En 1960,
le PIS ivoirien était estimé à 143 milliards
CFA (1).
Quinze ans après,
il atteignait 834 milliards,
augmen-
tant en valeur réelle depuis1960,
de 6,5 % par an,
compte te-
nu d'une hausse annuelle des prix de 4 % en moyenne,
jusqu'au
premier choc pétrolier de 1973.
Le produit réel par habitant était de 180 dollars U.S.
en 1960.
En 1969 il atteint selon le FMI,
500 dollars U.S.
(1)
Tous
les
chiffres
de
monnaie
sont
exprimés
en
CFA
quand
i l n ' y
a
pas
d e
pré c i s ion .
l
F CFA
= 0,02 FF

-
9
-
Auj ourd' hui,
il avoisine 3 000 dollars (1).
Bien que ces chiffres
masquent des nuances entre les régions,
ils attestent d'une re-
lative prospérité.
Ceci a eu pour effet immédiat,
l'afflux d'une
main d'oeuvre massive dans le sud forestier ivoirien,
producteur
des denrées de spéculation.
Grandes consommatrices d'espace,
les plantations indus-
trielles sont aussi de grandes utilisatrices de main-d'oeuvre.
Pour assurer leur développement,
il faut une quantité suffisan-
te d'employés,
plus ou moins qualifiés.
Or,
on sait par expé-
rience que les populations Akan de la Basse Côte répugnent à se
faire embaucher comme manoeuvres sur les plantations "d'autrui".
Dans ces conditions,
où trouve-t-on la main-d'oeuvre nécessai-
re aux plantations? Quels sont les bassins d'approvisionnement
en main d'oeuvre? comment se répartit cette main-d'oeuvre en-
tre les plantations villageoises et les plantations industriel-
les? Quelle est la tendance de cette main-d'oeuvre? Reste-t-
elle longtemps sur place une fois embauchée ou au contraire, les
séjours sont-ils de courte durée? comment est-elle rétribuée?
participe-t-elle pleinement au processus général de transfor-
mation de l'espace,
par le jeu de la consommation et de l'in-
vestissement ?
Parallèlement aux arrivées massives de manoeuvres dans
la région,
on peut noter le départ vers les villes des jeunes
autochtones.
Ceci crée deux problèmes:
-
L'espace rural subit un brassage rapide de population,
aux
conséquences ras toujours heureuses.
En effet,
dans un espace
ethna-culturel aussi centralisé que celui des Akan,
comment
s'opère l'intégration des allochtones ? Ce milieu peut-il con-
server son intégrité face au monde moderne qui l'assaille quo-
tidiennement ?
(1)
Au
taux
du
1/1/83

-
10 -
A la politique de diversification agricole,
a succédé
celle de l'industrialisation,
à partir des matières premleres
locales.
On a ainsi créé à coups de capitaux étrangers,
des
usines à Abidjan et dans sa périphérie.
Cela a contribué à ap-
profondir le fossé entre la "Région d'Abidjan" et le reste du
pays.
Les banques,
les administrations générales,
les sièges
de sociétés ont accru la tutelle de l'ex-capitale sur le res-
te du pays.
Tous ces "groupements efficaces"
ont concouru à
l'émergence d'une industrie,
certes compétitive mais en butte
à la concurrence des autres pays tropicaux.
Les échanges Sud-
Sud étant quasiment inexistants,
où le pays exporte-t-il ses
productions industrielles? face à l'impitoyable concurrence
des multinationales installées sur son sol, et de celle des
autres pays du tiers-monde,
quel sera l'avenir de cette indus-
trie ?
La prospérité relative d'Abidjan et des villes circum-
voisines a eu pour effet l'exode massif des ruraux vers celles-
ci.
Cet exode touche aujourd'hui les manoeuvres des plantations
industrielles et villageoises.
Désormais,
la plantation est un
tremplin vers la grande ville,
une étape obligatoire pour se
faire un peu d'argent qui permettra,
une fois en ville,
la re-
conversion dans les petits métiers et dans le petit commerce
de détail.
Ceci explique sans aucun doute la mobilité de la
main d'oeuvre dont nous étudierons les conséquences.
Mais on
peut se demander ce qui a été fait pour remédier à cette situa-
tion qui,
à notre avis,
semble être liée aux salaires peu en-
courageants.
Comment compte-t-on s'y prendre pour intéresser
les jeunes autochtones sans travail aux travaux des plantations
industrielles ?
Les conditions particulières offertes par les planta-
tions industrielles ont privé les planteurs villageois de la

-
11 -
main d'oeuvre nécessaire à l'exploitation rentable de leurs
parcelles.
Pour attirer les manoeuvres,
le paysan isolé est
obligé d'offrir des salaires qui grèvent très dangereusement
sa marge bénéficiaire.
Malgré ces pratiques,
on assiste à une
pénurie chronique de main d'oeuvre;
comme nous le verrons,
les conséquences de cette pénurie affectent la production ré-
gionale des plantations villageoises.
En fait,
le problème se
pose en terme de concurrence de deux systèmes de production :
l'un plus solide,
financièrement et mieux encadré - la planta-
tion industrielle - s'est équipé pour attirer les manoeuvres
l'autre,
la plantation villageoise,
ayant très peu de moyens
pour faire face à une concurrence déloyale sur plusieurs plans.
Si cette situation,
en passe de s'aggraver, se cristallise, que
deviendront les plantations villageoises? Peut-on améliorer
la situation par une mécanisation poussée? Si oui,
le paysan
aurait-il les moyens de cette mécanisation?
Après vingt années de croissance continue,
on voit se
profiler à l'horizon certaines limites du système économique
ivoirien,
c'est-à-dire le problème de manque de terre et de
manière plus cruciale l'inadéquation entre la production ali-
mentaire et la croissance de la population.
Hier exportateur
de riz vers les pays voisins,
le pays connaît aujourd'hui des
difficultés pour approvisionner les citadins.
Comment en est-
on arrivé à cette situation? le Secrétariat d'Etat à l'Agri-
culture,
chargé de la production vivrière et le Ministère du
Développement Rural attestent,
par leur création récente, l'ur-
gence d'une politique de redressement
sauront-ils se faire
entendre auprès des paysans? qu'envisagent-ils de faire pour
le développement des cultures vivrières qui n'ont jamais été
associées aux cultures de rente?
Par ailleurs,
peut-on encourager la production de den-
rées très facilement périssables sans prévoir les structures

-
12 -
de distributions? D'autre part,
les maigres terres délaissées
par l'agriculture industrielle peuvent-elles supporter sans
fumure les cultures vivrières?
Le manque de terre est dû à l'action conjuguée des mul-
tinationales,
des SODE et de l'occupation du sol par les au-
tochtones et les allochtones.
Ces derniers sont devenus par en-
droits,
de véritables concurrents pour la possession du seul ca-
pital de production.
Leurs méthodes culturales contrastant avec
celles des locaux,
nous nous y attarderons pour en étudier les
conséquences sur le milieu.
Ces "étrangers"
sont arrivés sur
ces terres soit par intégration progressive,
soit par achat de
leurs parcelles
; ce qui n'empêche pas des conflits de toutes
sortes.
En l'absence d'un code domanial,
comment arrive-t-on à
règler les différends fonciers ?
Concernant le manque de terre,
l'activité agricole
n'est pas la seule cause de l'amenuisement du patrimoine fores-
tier.
L'exploitation forestière,
très tôt entreprise dans cette
partie méridionale a rapidement abouti à la naissance de vastes
clairières,
source d'un déséquilibre écologique certain. Il res-
te néanmoins quelques lambeaux de forêts.
Subsisteront-ils long-
temps encore? Autrement dit,
les populations locales pourront-
elles résister à la tentation de s'emparer de ces parcelles dé-
limitées en "FORETS CLASSEES"
? Peut-on par ailleurs reconsti-
tuer les vastes forêts dégradées? La SODEFOR(l~
chargée de la
reforestation a-t-elle les moyens nécessaires pour y parvenir?
L'espace qui fait l'objet de notre étude est sans nul
doute,
le plus développé des régions ivoiriennes.
Et lorsqu'on
en recherche les explications,
il semble que les cultures de
Cl)
SOOEFOR
Société
de
Développement
de
la
Forêt

-
13
-
spéculation
soient la cause du clivage entre le sud et le res-
te du pays.
Clivage plus sensible entre la "région" d'Abidjan
et le nord ivoirien;
un nord en mutation lente et difficile,
un sud relativement riche et où apparaît une certaine
forme
d'organisation de l'espace ayant engendré de profondes mutations
tant au plan spatial et économique qu'au plan social.
Notre travail devra mettre en lumière ces différentes
mutations en insistant sur les processus qui les ont amenées.
Nous nous intéressons plus à ces mécanismes de transformations
qu'aux mécanismes internes des entreprises-phares étudiées.
Ces transformations sont à apprécier au triple plan économique,
socio-humain et écologique.
En effet, toute opération d'aména-
gement doit,
à notre avis,
tenir compte de ces trois résultan-
tes.
- Au plan économique,
on a pu noter la différence de richesse
entre le sud et le nord de la Côte d'Ivoire.
Il convient toute-
fois d'être prudent:
les richesses tirées de l'agriculture et
de ses dérivés,
ont-elles profité de manière effective aux ru-
raux ? Comment se répartissent-elles ? Où sont-elles destinées?
Ces richesses sont-elles à la base de la structuration de l'es-
pace? si oui,
comment se fait l'investissement dans l'équipe-
ment,
au niveau des villages? En l'absence d'institutions ré-
gionales dont le rôle serait de participer à l'élaboration des
projets d'aménagement,
il est très difficile d'uniformiser les
diverses interventions des collectivités locales dans la ges-
tion des équipements d'utilité publique.
Nous nous sommes néan-
moins adressé à la DD~I~our avoir la liste de tous les équipe-
ments collectifs dB chaque
village.
Nos investigations nous
ont permis d'avoir pour chaque village également,
la partici-
pation financière de l'Etat et des villageois à la réalisation
(1) D.D.R.
Direction du Développement Rural.

-
14 -
de chaque projet.
Ces équipements demeurent pour nous des indicateurs du
degré de richesse des collectivités villageoises.
Ils nous per-
mettent de faire une typologie des sous-espaces.
Est-on mieux
équipé,
parce qu'on produit plus? Les retombées économiques
participent-elles réellement à l'amélioration du niveau de vie?
Une telle question peut paraître inutile, mais le développement
de notre sujet prouvera qu'elle mérite d'être posé.
- Au plan humain et social,
on doit se demander si la densifi-
cation de l'espace rural a une relation directe avec l'accrois-
sement des plantations.
Lorsqu'on se réfère à l'accroissement
général de la population,
on se rend compte que les taux d'ac-
croissement naturel de 3 % par an n'expliquent pas seuls le bond
observé sur 20 ans.
On doit donc regarder du côté du solde mi-
gratoire qui semble largement favorable à cette partie du pays.
D'où provient la population migrante? Quelles en sont les ca-
ractéristiques ? L'amélioration des conditions de vie n'a-t-
elle pas affecté favorablement les conditions d'hygiène,
in-
fluençant ainsi la natalité?
Au plan social,
la monétarisation de l'économie n'a-
t-elle pas eu des conséquences sur les rapports humains? L'é-
mergence d'une classe de riches planteurs issus de divers mi-
lieux,
n'a-t-elle pas bouleversé la hiérarchie sociale tradi-
tionnelle,
basée sur la naissance?
Comment les ruraux ont-ils perçu l'aide de l'Etat qui
était sensée les aider à faire démarrer le développement de leur
environnement? Les aides en esp~~Rs n'ont-elles pas "encouragé"
la mentalité d'assités qu'on peut voir à travers l'attitude ré-
signée et défaitiste de certains paysans?
La récente crise économique oblige le Gouvernement à

-
15 -
supprimer les subventions jadis accordées aux paysans qui ins-
tallaient une nouvelle plantation.
Or,
la situation d'ensemble
est caractérisée par une richesse très sélective.
Comment dans
ce cas,
les petits paysans peuvent-ils espérer ouvrir de nou-
veaux champs ?
En dehors de la paysannerie,
les E A l
(Ensembles Agro-
Industriels),
bien que dotés de puissants moyens,
sont eux aus-
si menacés par divers problèmes tels que
:
-
Le manque de terre dans la région
La mobilité de la main-d'oeuvre devenue exigeante et chère.
-
L'accroissement d'Abidjan qui menace les unités de production
de Eloka et Anguédédou.
Certes,
la conquête d'autres espaces en dehors d'Abidjan
pourra permettre une compensation pour les EAI,
si ces deux uni-
tés étaient obligées de fermer.
Mais pour la région cela serait
un drame,
car les plantations villageoises dépendant de ces uni-
tés ne pourraient plus fonctionner.
- Au plan écologique:
L'introduction des cultures spéculatives
s'est faite au détriment de vastes portions de forêts primaires.
A cette dévastation de la forêt par les planteurs,
il faut ajou-
ter l'action des forestiers.
Quelles sont les perspectives de
l'équilibre écologique de la périphérie d'Abidjan?
Les forêts
artificielles que sont les plantations peuvent-elles remplacer
la végétation naturelle comme le prétendent certains ? Peut-on
comparer l'uniformité du paysage des plantations à la diversi-
té des essences de la forêt primaire?
Nous tenterons,
à l'aide de
photographies aériennes,
de montrer l'atteinte irréversible au milieu forestier.

-
16 -
METHODOLOGIE
Cerner le fonctionnement des activités économiques d'une
région,
dans un pays où les sous-espaces sont peu structurés,
n'est pas facile.
Il est encore plus difficile d'étudier l'im-
pact de ces activités sur la croissance générale de l'espace
considéré.
Ces difficultés tiennent à quatre principales rai-
sons
- Il y a d'abord le problème de la délimitation de l'espace
étudié
à quel concept correspond la "périphérie d'Abidjan" ou
la "région d'Abidjan"
? Quels sont les critères qui permettent
la définition des contours de cette périphérie?
- La seconde difficulté est relative au nombre très varié des
activités économiques:
il en est de facilement repérables d'au-
tres au contraire ne sont pas perceptibles,
bien qu'elles parti-
cipent de manière effective à la croissance de l'espace considé-
ré.
- Ces activités sont généralement si imbriquées les unes dans
les autres qu'à partir d'un seuil de croissance,
il n'est plus
possible d'isoler telle activité d'une autre.
-Enfin,
les déficiences des Chambres d'Industrie et d'Agricul-
ture,
ne sont pas de nature à faciliter la tàche du chercheur
de nombreuses activités évoluant en marge de ces institutions.
Il est de ce fait,
impératif que le chercheur élabore un

-
17
-
canevas de réflexion méthologique afin de justifier ses choix
et sa démarche.
Notre méthodologie est subdivisée en deux parties.
- La première partie résume nos hypothèses de recherches.
Elle
est théorique et permet de saisir notre conception du sujet.
- La seconde partie se veut pratique.
Elle porte sur les enquê-
tes de terrains.
C'est ici que nous vérifions nos hypothèses
de recherches.
l
- HYPDTHESES DE RECHERCHES
1 - CRITERES DE DELIMITATION DE LA "PERIPHERIE"
D'ABIDJAN
Il convient de signaler que le terme de périphérie,
caractérisant l'espace autour d'un pôle,
d'une ville ou de tout
autre agglomération a été assimilé
par nous,
è celui de "ré-
gion" qui correspond mieux è nos préoccupations de géographie
rurale.
Notre domaine déborde donc de l'environnement immédiat
ou banlieue d'Abidjan.
Afin que la croissance du pays soit conduite de manière
efficace,
le pays a été divisé en "Pays-Ruraux" - au total sept -
qui sont des "Régions-Aménagement" dont les contours varient d'un
ministère è l'autre et d'un organisme de développement è l'au-
tre.
En suivant ces découpages;
il nous a été impossible de
prendre
en
compte
tout le
" Pays - Rural" de l'extrême sud, en
raison notamment de son étendue et surtout à cause des liens trop
lâches entre les noeuds de cet espace.
Notre périphérie se vou-
lant un espace fonctionnel,
a été assimilée à la région géogra-
phique,
c'est-è-dire un espace économiquement constitué,

tous les éléments agissent en interaction.
C'est un espace qui
doit trancher sur l'espace indifférencié,
grâce è sa densité

-
18 -
économique et à sa dynamique particulière.
Nos recherches ont de ce fait été orientées vers la no-
tion de pôle de développement et de relations entre le pôle et
les autres points de l'espace environnant,
par l'appréciation
du volume des flux de biens et services,
de personnes et de mon-
naie.
Notre définition est empruntée à Boudeville(ll.
La "péri-
phérie"
ou "région" d'Abidjan serait,
de ce point de vue,
le
cadre autour d'un centre - ici Abidjan - où s'opèrent des échan-
ges et à partir duquel peuvent naître des effets d'amplification
des facteurs locaux de croissance économique.
Suivant ces critères purement économiques,
nous avons
délimité un espace situé dans un rayon de 20 à 50 km autour
d'Abidjan.
Le critère de la distance répond à deux préccupations:
-
Les grandes plantations industrielles qui ont retenu notre at-
tention s'inscrivent dans ce rayon.
Elles constituent à nos yeux,
les activités motrices de la "périphérie" Abidjanaise.
- Les villes de Bassam,
Bingerville,
Anyama et dans une moindre
proportion
Oabou,
sontdevenues de véritables villes-dortoirs
indispensables au fonctionnement de la ville d'Abidjan.
Elles
s'inscrivent également dans ce rayon.
Leur arrière-pays immé-
diat a été pris en compte.
En résumé,
la "périphérie"
d'Abidjan correspond aux
quatre sou-préfectures de Dabou,
Anyama,
Bingerville et Bassam.
Nous avons laissé de côté Jacqueville en raison des difficultés
de communication routière
entre cette sous-préfecture et le
reste de l'espace.
2 - PRINCIPE THEORIQUE D'ANALYSE
Nos recherches reposent sur trois points fondamentaux
de théorie
:
- Le concept d'innovation et de diffucion de ces innovations
- Le concept du champ urbain et de son impact sur l'espace ru-
ral environnant,
dont la distance est le critère.
(1)
Boudeville,
les
espaces
économiques
Q-S-J
?
nO
950.

-
19
-
- Enfin le concept de transformation de l'espace,
sous le jeu
combiné des producteurs et consommateurs,
par la loi de l'offre
et de la demande,
aussi bien surIes marchés nationaux qu'exté-
rieurs.
C'est donc une analyse économique spatialisée dans la-
quelle nous tentons de comprendre les processus qui amènent les
diverses mutations de l'espace autour d'un centre urbain très
attractif.
a)
La diffusion des innovations
Les activités économiques retenues dans le cadre de
notre analyse sont toutes perçues comme des éléments perturba-
teurs.
Leur "intrusion" dans un milieu d'économie traditionnel-
le autarcique suscite forcément des réactions d'opposition,
des
difficultés d'adaptation des acteurs économiques que sont les
ruraux.aux nouvelles méthodes culturales etdes bouleversements
des structures antérieures traditionnelles.
Leur adoption dépend des profits que peuvent en ti-
rer les paysans.
Leur diffusion,
plus ou moins rapide,
est fonc-
tion du faible écart entre les techniques culturales tradition-
nelles et les méthodes modernes d'exploitation des productions
de spéculation.
Le pragmatisme des paysans exige très souvent,
des
démonstrations
dans cette optique,
nous avons recherché à
travers l'histoire économique récente,
les divers facteurs qui
ont favorisé la diffusion des produits de rente.
L'épanouissement et la croissance continue et har-
monieuse de ces plantations exigent un certain nombre de struc-
tures efficaces
-
les
infrastrüctürêS de communication,
- les structures de commercialisation et d'encadrement,
- des organismes de crédit,
pour l'ouverture de plantations
sans oublier des prix rémunérateurs aux producteurs.

-
20
-
Bien que ces structures ne soient pas les seuls fac-
teurs de développement,
on peut constater que leur absence pro-
voquent des disfonctionnements du système économique.
Nous
pensons que leur analyse précède celle des cellules de produc-
tion.
Les flux d'information jouent également un rôle important;
mais on remarquera qu'en économie excentrée,
le marché de l'of-
fre est opaque
:ces flux circulent en sens unique,
le consom-
mateur étant le seul à pouvoir fournir des renseignements sur
ses besoins.
Néanmoins,
l'effet "feed-back" existe et se traduit
par un ralentissement ou une augmentation de la production en
étroite relation avec les prix proposés.
C'est la seule façon
pour les ruraux de réagir à des flux d'information unilatéraux.
Nous analyserons de ce fait,
le processus de diffu-
sion spatiale des cultures perennes,
en prenant en compte le
mouvement général de mutation de l'espace.
Comment l'espace
de production agricole a-t-il absorbé les nombreux capitaux qui
y ont été investis par l'Etat,
les groupes d'intérêts privés et
les paysans ?
Les voies de communication nous serviront d'indica-
teurs,
pour suivre dans un premier temps,
la propagation des
cultures.
Nous verrons par la suite,
le processus par lequel
le centre de gravité de la production s'est déplacé vers d'au-
tres sous-espaces.
A ces facteurs il nous faudra ajouter l'impact de
la politique économique sur le développement général de la Cô-
te d'Ivoire.
Ceci nous amènera à analyser l'aide de l'Etat à
l'agriculture.
Afin de stimuler l'entente entre producteurs ru-
raux,
le gouvernement a fait
créer les GVC(Groupement à Voca-
tion Coopérative), au début des années soixante dix.
Plus de
dix ans après on doit s'interroger sur ces groupements sensés
devenir très rapidement des mouvements coopératifs de produc-
tion,
capables de révolutionner le milieu rural et lui apporter

- 21 -
tout le dynamisme souhaité.
En analysant la propagation et
l'emprise des GVC,
on peut comprendre les difficultés de diffu-
sion d'une innovation en milieu rural analphabète.
L'extension et le développement des activités pri-
maires ont eu un effet d'entraînement sur l'économie tout en-
tière.
La création d'usines en amont de l'activité agricole
(engrais,
pesticides,
matériels agricoles)
et en aval de la
production agricle
(traitement,
usinage et transformation ... ),
a contribué à la densification de l'espace économique de la
Basse Côte en général et particulièrement de l'espace péri-ur-
bain abidjanais.
Par leur sélectivité en site,
ces industries ont in-
troduit la notion d'inégal développement entre les sous-espaces
régionaux.
Abidjan a été la plus favorisée,
d'abord grâce au
port,
ensuite par le fait de la volonté des gouvernants.
La
ville s'est donc agrandie,
tout en restructurant quantitative-
ment et qualitativement ses services,
exerçant
ainsi une do-
mination de plus en plus accrue sur son arrière pays.
Cette domination nous amène aux notions de pôle ur-
bain,
de champs urbain abidjanais,
c'est-à-dire les phénomènes
de "centralité" et de "périphérie". (1)
b)
Le champ urbain abidjanais et son influence sur
l'espace régional
D'une manière théorique,
on constate qu'en milieu
traditionnel d'économie autarcique,
l'absence de marché et donc
d'échanges à grande échelle ne crée pas de concentrations humai-
nes.
Les réseaux de communications inter-localités,
lorsqu'ils
existent,
sont si lâches que leur fréquentation est peu assi-
due,
au-delà des distances praticables en une journée de marche
(1)
ClavaI
op. c i t


-
22 -
les véhicules n'existant pas.
Il est important de souligner que
même en Europe les premières villes furent des centres d'échan-
ges importants,
des foires comme on les appelait.
Cela s'est
aussi vérifié avec la création de villes le long des pistes' ca-
ravanières de l'Afrique Transaharienne.
Pendant longtemps,
la Côte d'Ivoire forestière,
à
l'exception des comptoirs côtiers,
n'a connu que de petits vil-
lages disséminés le long des pistes et des lagunes.
Avec l'in-
troduction de l'économie de plantation,
s'opère une transfor-
mation rapide.
Lorsqu'en 1934,
par volonté politique Abidjan
devint capitale de la colonie,
les rapports entre cette bour-
gade et son arrière pays furent profondément bouleversés.
C'est
en effet d'Abidjan que partaient les convois d'ouvriers sur les
plantations de Dabou,
d'Anyama et Bingerville.
Vers le début des années soixante,
la ville d'Abid-
jan ayant bénéficié des retombées de l'agriculture amorce une
autre
phase de croissance.
D'agro-ville,
la capitale devient au fil des années
une métropole internationale.
Les centres de décision,
les sièges sociaux des en-
treprises,
les banques et les activités commerciales viennent
s'ajouter à la fonction d'hébergement.
La fonction politique
de la ville en fait un centre privilégié d'investissements pu-
blics.
Par effets de cumul,
Abidjan accroît sa tutelle sur les
autres centres urbains.
Cette croissance rapide étonne:
en
effet,
deux des villes lagunaires
(Bingerville et Bassam)
ont
été,
avant Abidjan,
la capitale de la colonie:
pourquoi n'ont-
elles pas connu le même développement qu'Abidjant ? cette ques-
tion nous amènera à vérifier le fondement de la spectaculaire
croissance d'Abidjan d'une part et à déterminer le champ d'in-
fluence de cette ville,
d'autre part.
En théorie,
on admet que tout champ
géographique
opère une hiérarchisation des
commutateurs sociaux.
Ainsi

-
23 -
distingue-t-on généralement le noeud central,
puis des noeuds
de second ordre; si ce champ est bien structuré,
apparaissent
les noeuds de troisième ordre.
Les critères de cette hiérarchisa-
tion sont essentiellement déterminés par l'intensité des flux
de biens et services,
de personnes et de monnaie.
La notion
de hiérarchie dans un milieu rural peu évolué parait difficile
à cerner.
Et pourtant grâce aux échanges de ce milieu avec l'ex-
térieur,
nous tenterons d'établir les liens de dépendance
des
centres habités,
les uns par rapport aux autres.
Abidjan,
d'emblée,
est considérée comme le pôle
central
; son dynamisme se diffuse en cercles concentriques et
se communique avec une intensité proportionnellement égale à la
distance la séparant d'un centre donné.
Cette dynamique d'Abidjan peut être néfaste aux cen-
tres ruraux(l),
par le biais de l'exode des bras de la campa-
gne vers la ville.
Le milieu rural peut néanmoins tirer profit
de cette croissance urbaine grâce notamment aux divers débou-
chés que la ville offre aux produits agricoles,
la possibilité
pour les ruraux de bénéficier des services de santé et surtout
grâce aux emplois sans qualification que les citadins offrent
aux "sans-terre"
de la campagne et aux désoeuvrés de toutes
origines.
C'est sous ce jeu combiné d'échanges entre l'espace
rural et le ville que nous percevrons les rapports ville-campa-
gne en Basse Côte.
Ceux qui investissent dans le milieu rural
habitant en majorité dans les villes,
nous essayerons de déter-
miner la part des villageois dans la croissance de leur espace
de là,
il nous sera possible de connaître la portée des inves-
tissements des citadins dans l'évolution de l'espace agricole.
Il ne faut pas non plus oublier que certains paysans contri-
buent directement à la croissance de la ville,
en y construi-
sant des maisons et des hôtels.
Comme on le voit,
les relations
sont nombreuses et existent dans les deux sens.
Il nous appar-
tiendra de déterminer les bénéfices que chaque milieu tire de
(1)
cf.
Les
villes
du
Tiers-Monde
-
Santos
-
op.
cit
en
biblio-
graphie.

-
24
-
ses rapports avec l'autre.
C'est grâce à ces relations d'échanges et d'investis-
sements que s'opère la transformation de l'espace.
- La notion de transformation de l'espace
Les transformations induites des activités économiques
agricoles sont complexes à étudier : si généralement on arri-
ve à déterminer le volume de ces activités,
il devient plus
difficile en revanche de cerner la destination des revenus pro-
curés aux paysans.
En Basse Côte tout comme dans le reste du
pays,
la mutation de l'espace est avant tout une affaire d'Etat.
C'est la volonté politique qui décide où l'on doit implanter
tel type d'équipement ou d'activité entraîneuse.
Néanmoins de-
puis les années soixante dix,
les paysans interviennent de plus
en plus dans la destinée de leur environnement.
Les investisse-
ments d'équipement de l'espace rural sont en grande partie as-
surés par eux.
Le géographe ruraliste doit cerner les processus
qui amènent ces transformations,
en suivant le fonctionnement
des activités motrices qui procurentl'argent nécessaire à la
croissance et au développement de l'espace.
Quel est le volu-
me des activités agricoles? Quels sont les revenus que les ru-
raux en tirent ? Quelle est la destination de ces revenus ?
Le développement d'une région ne peut pas être assuré
par une seule activité;
une diversification est nécessaire,
surtout lorsque l'activité en question dépend largement d'un
marché extérieur comme c'est le cas avec les produits agrico-
les ivoiriens.
De l'activité principale doivent naître d'autres
activités qui participent à la densification de l'espace et à
l'équilibre de la région tout entière.
Dans le cas de l'extrême
sud ivoirien,
quelles activités sont venues se greffer sur
l'agro-exportation ? Quels en sont les acteurs?
Ces activi-
tés procurent-elles des revenus supplémentaires aux paysans ?

-
25
-
Vivent-elles en symbiose avec l'activité agricole paysanne,
ou
au contraire y-a-t-il conflit? Enfin en quoi ces activités
dérivées participent-elles à la transformation de l'espace?
Ce sont ces réflexions théoriques qui nous ont per-
mis de concevoir notre plan de travail.
Elles ont également
guidé nos enquêtes de terrain.
Rappelons que ces enquêtes
n'ont pas été voulues exhaustives pour des raisons exposées
plus loin.
II - RECHERCHES OPERATIONNELLES SUR LE TERRAIN
Les recherches pratiques peuvent être subdivisées en
deux
:
- une première partie a été consacrée à la collecte des
données chiffrées et de documents cartographiques.
la seconde partie a été entièrement consacrée à nos con-
tacts avec les principaux acteurs économiques de la périphérie
d'Abidjan.
1 - LA DOCUMENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
La recherche de sources bibliographiques a été notre
première tâche avant la sortie sur le terrain.
Cette recherche
destinée à la lecture d'ouvrages de méthodologie géographique
nous a permis de forger une méthode spécifique d'appréhension
et d'analyse de l'espace rural de la Basse Côte.
Les nombreuses publications des bureaux d'étude et des
organismes intervenant dans notre zone nous ont aidé à dresser
l'inventaire des ressources agricoles de la région étudiée.

- 26 -
Le concours de nombreux organismes nous a été très pré-
cieux,
notamment:
- Le B.C.E. T.
(Bureau Central des Etudes Techniques)
-
Le B.E.T.P.A.
(Bureau d'Etudes Techniques des Projets
agricoles)
-
La D.D.R.
(Direction du Développement Régional)
-
Les Archives Nationales
- L'O.N.P.R.
(L'Office National de Promotion Rurale)
- Les Chambres d'Agriculture et d'Industrie de Côte d'Ivoire
- La Bibliothèque et la documentation du Ministère du Plan
- Les Services de l'E.E.C.I.
de Bingerville.
- Les Ministères de la Santé et de l'Education Nationale.
Nous avons consulté un très grand nombre d'ouvrages car
le sud ivoirien a fait l'objet de plusieurs études,
étant de-
puis l'ère coloniale la zone d'expérimentation agricole et éco-
nomique de la Côte d'Ivoire.
Nous avons classé ces documents
en trois rubriques
- les statistiques démographiques
- les statistiques économiques et
- les documents cartographiques.
a)
Les statistiques démographiques
Nous disposons de trois sources de recensement au
sens large du terme car celui de 1955 est plus exactement un
comptage administratif qui s'est étalé sur plus de vingt ans
avec des chiffres datant de 1930 à 1953.
Il est connu sous le
titre "Répertoire des localités de Côte d'Ivoire: mise à jour
au 31 Décembre 1955 - Direction de la Statistique".
La seconde source est le recensement "variole" de 1963
ou "Répertoire des localités de Côte d'Ivoire et population.
Classement par circonscription administrative
: Direction de
la statistique et Direction Générale de la Santé. Octobre 1965".

- 27 -
Nous avons dû écarter ce document pour diverses raisons que
nous évoquons dans la critique des sources bibliographiques.
Il
a toutefois servi à opérer des regroupements .
. La dernière source,
la plus fiable sans doute,
est le re-
censement exhaustif de la population ivoirienne paru en Août
1976 sous le titre "Répertoire des localités de Côte d'Ivoire
et population 1975"
(Tome provisoire)
- Direction Générale de
la Statistique de Côte d'Ivoire 1976.
b)
Les statistiques économiques
Ce sont les sources les plus nombreuses et les plus
variées.
A ce titre un travail très sélectif est nécessaire pour
collecter les données proches de la réalité.
Nous disposons de
sources chiffrées provenant des instances gouvernementales tel-
les le recensement agricole de 1974-75,
le recensement des ac-
tivités économiques annuelles consignées dans "La Côte d'Ivoire
en chiffres"
(nous en avons consulté deux ceux de 1980-1981 et
1981-1982).
Les publications dites internes des organismes de
production agricole et d'encadrement du secteur rural ont été
les sources les plus utilisées.
ce sont des données brutes
qu'il convient d'utiliser avec prudence.
quelquefois,
d'autres
sources sont indispensables pour rétablir la vérité
; à cet ef-
fet,
nous avons eu recours aux statistiques financières du FMI
sur la Côte d'Ivoire.
Des recoupements ont donc été nécessaires
en ce qui concerne les statistiques économiques.
Nous avons fait de la cartographie thématique,
notre
moyen de recherche le plus sûr.
En effet dans un espace aussi
dense et complexe,
la carte apparaît comme l'instrument pri-
vilégié pour localiser les phénomènes.
Mieux que les mots,
la
carte renseigne plus efficacement sur les problèmes de dispa-
rité entre les sous-espaces.

- 28 -
Quatre principaux fonds de cartes nous ont servi à
élaborer les cartes thématiques;
il s'agit de
:
* A8IDJAN
Feuille NB-30-VIII au 1/200 OOOe IGN-Paris 1964 ;
mise à jour partielle de 1969. Cette carte cou-
vre les sous-préfectures de Dabou,
Sikensi,
Azaguié,
Jacqueville et prend en écharpe les
sous-préfectures de Tiassalé,
Agboville,
Grand-
Lahou,
Bingerville et Anyama.
* BASSM1
Feuille NB-30-IX-X au 1/200 OOOe IGN-Paris 1965.
Réimprimée en 1968,
cette feuille se rattache à
l'est de la première et couvre l'ensemble des
sous-préfectures à l'est d'Abidjan jusqu'à la
frontière ghanéenne.
* ABIDJAN ET SES ENVIRONS - Feuille NB-30-VIII-2bd et
NB-30-IX-X-lac au 1/50 OOOe,
issue de la cou-
verture aérienne verticale de 1960 à 1973.
Mise à jour par l'Institut de Géographie de
CI
(I.G.C.I.)
en 1974 à partir d'un fond de
l'I.G.N.
- Paris.
C'est la carte la plus ré-
cente qu'on a i t ;
elle présente l'avantage
d'être à une grande échelle et donc de montrer
quelques détails au sol.
On doit cependant no-
ter que pour une publication,
ce n'est certai-
nement pas l'échelle idéale.
* LA CARTE MICHELIN
- Planche 175 au 1/800 OOOe,
Côte
d'Ivoire,
édition 1982. Généralement les car-
tes Michelin ne sont pas utilisées en raison
de leur vétusté;
celle-ci a pu nous servir,
car elle a bénéficié d'une mise à jour récente.
C'est grâce à elle que certaines localités ont
été retrouvées.

- 29 -
Toute cette documentation comporte des déficiences
qu'il faut signaler.
- Critique des sources
a)
Les sources
démographiques
La plus fiable est celle de 1975 en raison de son
caractère exhaustif; mais des localités existent
1
qui n'ont
pas été recensées.
Dans ces cas nous avons eu recours au re-
censement administratif de 1979 à titre consultatif.
Le comp-
tage administratif de 1955 aurait dû être écarté
; malheureu-
sement c'est la seule source la plus ancienne.
Elle a l'avan-
tage d'avoir été produite avant la densification économique
du sud.
On peut lui reprocher l'hétérogénéité des dates de
comptage; certaines localités ayant été recensées avant 1940.
Le recensement "variole" de 1963 doit son nom au
comptage de la population à partir du nombre de vaccins utili-
sés dans la campagne pour l'éradication de la variole.
Or il
est prouvé la méfiance des ruraux à l'égard de telle campagne.
Le nombre "d'absents" est si élevé que les chiffres de recen-
sement sont loin de la réalité. Il faut aussi noter l'étalement
de ces opérations de recensement,
qui fait que ceux qui bougent
beaucoup ne sont pas recensés.
Des doubles comptages existent
également et sont dûs à la non définition des critères de comp-
tage.
Ainsi certaines personnes sont comptées sur leur lieu de
travail et dans leur village d'origine.
Les sources économiques doivent être utilisées avec
beaucoup de prudence,
car le plus souvent,
elles sont le résul-
tat d'estimation et d'extrapolation.
Pire,
quelquefois elles
sont le résultat d'un conformisme aux normes de production pré-
vues par les instances supérieures.
L'émulation entre les di-
verses SODE est de nature à encourager de telles pratiques.

-
30
-
2 - L'ENQUETE DE TERRAIN
Neuf mois d'enquêtes de terrain ont été indispensables
à
l'aboutissement de ce travail,
avec une première sortie sur
le terrain de sept mois
(Avril à Septembre 83),
suivie d'une
seconde sortie de deux mois
(Décembre 83 à début Février 1984).
Cette dernière sortie a été consacrée au complètement des don-
nées.
a)
Les unités d'observation sur le terrain
Il n'était pas question pour nous,
d'analyser sys-
tématiquement toutes les activités économiques repérables dans
l'espace d'étude.
Un choix a été fait pour isoler les activités
économiques les plus dynamiques de celles ayant très peu d'im-
pact sur la transformation de l'espace.
Les variables retenues sont les plantations indus-
trielles
(PI)
et les plantations villageoises
(PV)
de café-
cacao,
de banane,
d'ananas et surtout de palmier à huile,
de
cocotier et d'hévéa.
Ces plantations étant inégalement répar-
ties,
nous n'avons analysé dans le détail,
que les zones densé-
ment desservies.
Ces observations ont permis d'isoler les es-
paces réservés à chaque type de culture.
Cette répartition zo-
nale n'est pas le fait du hasard.
Nous en avons recherché les
causes.
L'implantation humaine a retenu notre attention;
grâce à la population et à ses divers mouvements,
on parvient
à
suivre assez bien,
l'évolution de l'espace rural.
L'activité agricole a engendré une activité indus-
trielle qui nous a particulièrement intéressé,
dans la mesure
où cette industrie naissante s'est installée en partie en mi-
lieu rural.
Nous voulons parler ici des Unités Industrielles
(U.I.)
de prétraitement des récoltes.
Ces usines ont leur pro-
longement à Abidj an.
Nous les avons pris en compte pour percevoir

-
31 -
les divers éléments qui participent à la transformation de
l'espace rural et péri-urbain.
Ici ce sont d'abord les offres
nettes d'emplois
(emplois effectifs) qui ont été pris en comp-
te.
Nous avons donc déterminé le nombre d'ouvriers,
de contre-
maîtres et de cadres employés par les EAI
(Ensembles Agro-
Industriels).
Il s'est avéré,
lors du dépouillage des premiè-
res enquêtes,
que la portion d'ouvriers natifs de la région
ne représentait pas plus de 5 % du total.
Dans ce cas,
nous
avons estimé que leur part dans le processus général de crois-
sance de l'espace rural est faible.
Il fallait donc étudier
un autre aspect de l'implantation des EAI en milieu rural.
Nous avons essayé de voir si au niveau des relations entre les
villages de paysans et ceux des manoeuvres,
certains liens ont
été tissés.
C'est ainsi que nous avons réussi à déceller le
flux de marchandises - essentiellement des produits vivriers -
des villages de paysans vers les villages d'ouvriers.
Si donc
directement les EAI n'apportent pas de bénéfices,
on s'aperçoit
qu'indirectement ils ont créé un marché de consommation au pro-
fit des paysans.
Par ailleurs,
les paysans bénéficient des installa-
tions sanitaires des villages d'ouvriers.
Ces prestations non
quantifiables doivent néanmoins être prises en compte dans
l'analyse des rapports entre l'espace paysan et les EAI.
Ces enquêtes ont été menées auprès des intéressés
patrons de la SAPH et la SODEPALM,
ouvriers des deux organis-
mes et planteurs des villages riverains des EAI.
Pour l'appréciation du volume des produits vivriers
vendus dans les villages d'ouvriers,
nous nous sommes adressé
aux femmes,principales animatrices de ce commerce.
Nos enquêtes sur la production et la gestion des
plantations villageoises ont été très brèves pour deux princi-
pales raisons.

-
32 -
- Jusqu'ici,
de nombreuses études ont été réalisées sur la
question.
Il nous est apparu que les questions que nous aurions
posées n'auraient aucune originalité.
- D'autre part,
ce milieu ne nous est pas étranger.
Nous avons
eu l'occasion d'y travailler et revenir sur des questionnaires
dont on sait d'avance les réponses nous a semblé inutile.
Aussi
nous sommes-nous intéressé davantage aux difficultés éprouvées
par les paysans.
A l'aide de trois échantillonnages nous avons
essayé de comprendre la destination des revenus des paysans
et les difficultés financières qu'ils connaissent.
- Le premier échantillon porte sur 100 ménages de planteurs
petits,
moyens et grands choisis au hasard.
La hiérarchisation
s'est faite après le dépouillement.
- Le second échantillon de 150 ménages à Anyama permet de voir
si les préoccupations des planteurs vivant dans un centre urbain
sont les mêmes que celles des ruraux.
-
Le troisième échantillon porte sur 30 ménages de Mondoukou,
petit village de la sous-préfecture de Bassam,
vivant de mono-
culture de cocotier,
d'un peu d'artisanat et de la pêche.
Ces enquêtes,
rappelons-le,
n'ont rien d'exhaustif.
Elles nous ont tout simplement aidé à vérifier nos hypothèses
de travail.
Outre le fait qu'elles nous ont procuré une cer-
taine satisfaction,
il faut noter que certains à priori ont
été infirmés,
comme par exemple l'idée que nous nous faisions
de la richesse générale des paysans de la Basse Côte.
L'étude de la répartition du budget a été la plus
difficile:
sur le nombre total de ménages
enquêtés,
20 à
25 % selon les localités n'ont pas cru nécessaire de mention-
ner ce qu'ils font de leur argent.
Notre deuxième passage n'a
pas suffi à les décider
; ce second passage nous a toutefois
permis de relever des contradictions dans les réponses qui
nous ont été données entre Avril et Septembre 1983.
Nous avons

-
33
-
procédé par recoupement pour rétablir des vérités,
somme toute
hypothétiques, tant la réalité que nous connaissions différait
des réponses fournies.
Ici notre connaissance du terrain nous
a beaucoup aidé.
Fils de planteur,
il nous était facile de re-
lever les contrevérités sur les problèmes de plantations.
Par
contre, en ce qui concerne les problèmes d'équipement de l'es-
pace rural,
nous avons fait confiance à nos informateurs qui
nous ont fourni des éléments de réponse vérifiés à la DDR(l),
grâce aux listes des équipements de chaque village où figurent
les sources de financement et les coûts de chaque équipement,
l'année de sa réalisation etc ...
Ces équipements ont été pour nous des indicateurs
de la croissance du village et surtout le degré de richesse
des paysans qui participent à plus de 80 % au financement des
infrastructures autres que les routes.
Nous avons terminé ces enquêtes par des visites à
des particuliers,
comme par exemple à Anyama où nous avons
rencontré le plus grand négociant de cola de la région et peut
être même du pays.
Cette production mal classée dans les ex-
portations de la Côte d'Ivoire semble être à la base de la
dynamique d'Anyama.
Les responsables de COFRUITEL
(Compagnie Fruitière
et Légumière)
nous ont permis d'avoir une idée précise sur la
culture de la banane poyo.
Ces enquêtes ont été en grande partie facilitées
par la connaissance que nous avions du terrain,
et ce' grâce
aux cours dispensés à l'Institut de géographie Tropicale
(IGT)
d'Abidjan et grâce aux nombreuses sorties sur les plantations
industrielles et paysannes,
organisées à cet effet.
Nous avons
aussi bénéficié de l'aide précieuse de deux sou-préfets qui
nous ont octroyé des sauf-conduit qui nous ont permis d'avoir
accès à de nombreux documents.
Malgré tous ces atouts,
nous
(i)
Direction
du
Développement
Rural

-
34 -
n'avons pas échappé à une foule de difficultés.
Nous pensons
que tout chercheur en milieu rural analphabète est confronté
à ces difficultés
; aussi serait-il fastidieux de les énumé-
rer ici.
Notons cependant que les plus délicats problèmes fu-
rent ceux de la communication entre nous et les paysans.
Des
camarades originaires des divers sous-espaces nous ont prêté
leur concours à certains moments.
Nos moyens financiers ont constitué un sérieux han-
dicap pour des travaux de détail sur le terrain d'abord,
ensui-
te lors de la réalisation de la partie cartographique.
On ver-
ra ainsi qu'aucune carte de synthèse n'a été faite en couleurs.
Cela nous a limité dans la recherche de cartes superposables.
On verra
par ailleurs que nous avons utilisé une
cartographie assez abondante pour traduire certaines situa-
tions,
Cela nous a paru essentiel car à notre avis,
la carte
permet une plus grande familiarité avec l'espace d'étude.
Suivant la méthodologie,
nous avons élaboré un plan
en quatre parties
:
- la première partie vise à montrer les fondements de la dyna-
mique 8conolnique de la Basse Côte
- la seconde partie permettra d'analyser les divers flux de pro-
duits agricoles entre l'espace rural et Abidjan
- la troisième partie sera consacrée à l'étude de l'impact de
l'agro-exportation sur la croissance de l'espace
- la dernière partie est réservée à l'analyse des problèmes nés
d'un accroissement accéléré de cet espace polarisé par une ville
trop dynamique.

PREMIERE PARTIE
UN MILIEU FORESTIER DENSEMENT
PEUPLE ET LARGEMENT EXPLOITE .
LA BASSE COTE D'IVOIRE

- 35 -
Cette première partie est consacrée à l'étude de la
trame originelle de l'espace considéré,
pour pouvoir apprécier
plus loin les diverses transformations subies par ce milieu.
Cette partie peut aussi fournir des explications sur les fon-
daments de l'économie actuelle de la
"Basse Côte".
Trois chapitres ont retenu notre attention.
En premier
nous analyserons les données du milieu naturel qui condition-
nent plus que tout autre élément,
l'activité agricole.
Le se-
cond chapitre sera consacré à l'étude des structures socio-
politiques dont le poids sur les stratégies d'occupation et
de mise en valeur de l'espace demeure très important.
Le troi-
sième chapitre permettra de cerner les premières transforma-
tions des structures traditionnelles avec l'introduction des
cultures spéculatives par le colonisateur.
En conclusion,
nous dresserons le bilan de l'activité agro-exportatrice de
la Côte d'IVoire à la veille de l'indépendance politique,
afin de saisir les mutations rapides de l'agriculture depuis
ces deux dernières décennies.
Ce bilan doit pourvoir faire
ressortir la prééminence du domaine d'étude sur les autres
parties du pays.
Ainsi,
à travers cette première
paties,
on
doit pouvoir saisir les étapes de la constitution de la
"pé_
riphérie d'Abidjan comme une région économique,
se détachant
de l'espace indifférencié de l'arrière pays abidjanais.

-
36 -
CHAPITRE 1
LA FORET OMBROPHILE FAVORABLE
A L'AGRICULTURE D'EXPORTATION
A - UN MILIEU ASSEZ FAVORABLE A L'AGRICULTURE
Situées dans l'extrême sud,
les quatre sous-préfectu-
res qui font l'objet de notre étude,
appartiennent à la zone
de forêt dense avec cependant quelques variantes zonales.
Compris entre 3°40'
et 4°50'
de longitude ouest de 5°10' et
5°40'
de latitude nord,
ce domaine est limité au nord par les
sous-préfectures de SIKENSI,
AGBOVILLE et AZAGUIE,
à l'est
par celles d'ALEPE et BONOUA,
à l'ouest par GRANO-LAHOU et au
sud par JACQUEVILLE et l'Océan Atlantique.
La forêt presque toujours verte grâce aux précipita-
tions très abondantes,
les températures relativement élevées
et constantes sont des indicateurs d'un climat tropical humi-
de qui gagnerait à être étudié,
car comme le fait remarquer
J.
Cabot" A f'e.x.c.e.pt-i.OYl de. Jte.c.he.Jtc.he.-6 d'éc.oYlom-i.e. pUJte.
(e.t
daYl-6 c.e. c.a-6 Jte.fève.Jta-i.e.Ylt-e.ffe.-6 de. notJte. d-i.~c.-i.pf-i.ne. ?), if
ne. -6e.mbfe. guèJte. po-6-6-i.bfe. d'aboJtde.Jt une. étude. de. géogJtaph-i.e.
humaine. e.n A6Jtique. NoiJte.,
mo-i.n~ qu'a-i.ffe.uJt~, ~an-6 c.on-6ac.Jte.Jt
une. -i.mpoJttante. paJtt-i.e. à fa dé6init-i.on du m-i.fie.u"l
1
-
In
bulletin
de
l'Association
des
Géographes
français
de
Mars
1967.

-
37 -
Nous n'entendons pas pour autant entreprendre ici une
étude exhaustive du milieu
; des spécialistes nous ont précédé
dans ce domaine.
Nous n'aborderons que les aspects pouvant
être mis en relation avec l'activité agricole.
Ce premier cha-
pitre sera consacré à l'inventaire des ressources naturelles.
1 - UN MILIEU AISEMENT MIS EN VALEUR
La contrainte majeure de l'agriculture en pays sous-
développé demeure la maîtrise du milieu naturel.
A la qualité
médiocre des sols facilement érodables,
il faut ajouter les pro-
blèmes d'eau et de climat très difficiles à dompter en l'absen-
ce de technologies appropriées.
Oans le cas de la Basse Côte
quels sont les atouts et les freins majeurs à la mise en valeur
du sol ?
a)
Le climat,
contrainte majeure du milieu
Par sa situation,
la Côte d'Ivoire connaît des
climats chauds et humides qui servent de transition entre les
climats équatoriaux humides et les climats tropicaux secs.
Les températures moyennes annuelles varient peu
d'une saison à l'autre et les amplitudes thermiques dépassent
rarement SoC dans le sud du pays.
Les saisons en Côte d'Ivoire sont dites hydri-
ques c'est-à-dire qu'elles sont déterminées par le rythme des
pluies.
C'est l'importance de ces pluies qui a permis à
G.
Rougerie
de distinguer six nuances climatiques dans le massif
forestier ivoirien,
nuances que l'auteur nomme "Faciès".

-
38 -
Il distingue
- le faciès littoral
- le faciès
intérieur
- le faciès oriental
-
le faciès occidental
- le faciès dorsalien
- le faciès marginal.
Notre zone d'étude est centrée sur le faciès
littoral et sur une partie des faciès oriental et intérieur qui
occupent les fra nges nord-est et nord-ouest d'Anyama et Dabou.
Voyons dans le détail les caractéristiques es-
sentielles de ces trois faciès climatiques.
Le faciès littoral:
il s'étend entre Sassandra à l'ouest
et Bassam à l'est.
Il correspond en gros à l'échancrure de la
Côte ivoirienne,
à l'endroit où les alizés de
l'hémisphère aus-
tral deviennent parallèles à la côte.
Plus humide dans sa par-
tie sud,
ce faciès devient sec au niveau de Dabou et de Bonoua
où il détermine une végétation
de savane.
Le faciès littoral est caractérisé par:
- de fortes
pluviométries réparties sur deux
saisons de pluies en alternance avec deux
saisons sèches de très courte durée.
- une humidité atmosphérique très élevée,
cons-
tamment au-dessus de 90 % en périodes plu-
vieuses et autour de 70 % en saison sèche.
- une température relativement peu élevée et
constante oscillant entre 24° et 28° C
- une influence quasi permanente des
brises de
mer.

J9
-
- une brè
apparition de l'Harmattan,
vent
desséch
t
du nord,
responsable de la sèche-
resse.
Les stations mét
,alogiques d'Abidjan et d'Adiopodou-
né sont les stations type
de ce faciès.
Le faciès oriental
:
type de faciès occupe le nord-est
de la région.
Il se disti
ue du faciès littoral par une atté-
nuation des brisas de mer,
vec cependant une plus grande fré-
quence des orages.
L'humi

atmosphérique reste très élevée
entre 80 et 90 %.
Le faciès intérieur : 1 est essentiellement caractérisé
par un net fléchissement
"s précipitatlons avec un total an-
nuel de 1 500 à 1 800 mm
'eau par an,
une hygrométrie sembla-
ble à celle du faciès pré, 'dent,
et des brises de mer rares,
du fait de l'éloignement (? la côte.
Malgré ces légères nu
'ces locales,
toute la périphérie
abidjanaise est soumise a'
8ême rythme climatique commandé par
les précipitations. Grâce
ux pluies,
on distingue généralement
quatre saisons
; deux sai'
~s de
pluies et deux saisons dites
sèches.
. ~~~_~~~~~~~_~~_~~~~~~ : les deux saisons des pluies,
tout
comme les saisons s~=hes sont de durée inégale.
La grande
saison des pluies s'étale sur quatre à cinq mois
(de mars à
juillet) avec une pointe ~luviométrique au mois de juin qui
atteint 550 mm
; SOlt plus de pluie qu'il n'en tombe durant tou-
te une année au Sahel.
La petite saison des pluies survient après une

- 40 -
période d'acalmie au cours des mois d'Août et septembre;
octo-
bre et novembre voient les hauteurs de pluies s'accroître bru-
talement avant de chuter en décembre.
Si à Abidjan,
ces deux
saisons des pluies sont bien marquées,
ailleurs cette distinc-
tion est aléatoire,
soit parce que la petite saison "sèche"
se
prolonge jusqu'à la grande saison "sèche" ou alors c'est la pé-
riode des grandes pluies qui fait "disparaître"
la période "sè-
che"
d'Août et septembre.
Ces cas s'observent de manière cycli-
que,
environ tous les dix ans.
Les saisons "sèches":
s'intercalent
entre les sai-
- - - - - - - - - - - - - - - - - - -
sons des pluies,
la plus petite survenant aux mois d'août et
septembre.
La grande période "sèche" commence en décembre
et s'installe dans le sud jusqu'en mars.
Cependant grâce à
une humidité atmosphérique très élevée et largement compensa-
trice,
le terme de "saison sèche"
au sens de Gaussen ne paraît
pouvoir s'appliquer qu'aux mois de janvier et février durant
lesquels les hauteurs de précipitations sont inférieures à deux
fois la moyenne mensuelle des températures observées.
(Voir cour-
bes ombro-thermiques).
Les stations météorologiques d'Abidjan-aéroport,
d'Adiopodoumé et de Dabou illustrent la situation climatique de
l'extrême sud.
(Voir tableaux nO 1 et nO 2).

- 41 -
1·----------·_-_·_---_·_--------
i
ABIDJAN
ADIopOOOLr~E
1
"D'Sul
--1
P
, T
"
,
1
P
:
I i i
1
----~--,---__t----.--- _. -------- ----
... -1"--
Janvier
22,3
127,5
28. 8
26 , -'
Février
63,7
28,2
51 , 7
27
7
Mars
82,8
28,3
101 ,
"
.
5
27 , 6
11h,
Avril
132,2
'28,:
127
'1
27
4
,
.,
Mai
202,7
27,6
?14 , 1
27
l;
Ht.
)
,.
Juin
645,2
26,1
655 , Ü
'JO;
L
. ..,
b
i
Juillet
307,4
25,5
330 ,
1
~
1 .,
!
Août
37,9
25,U
~-
..-)
-.1 :-
7
,
~
1
1
Septemb rel
73,4
25,4
7.1
7
~ ~
1
Octobre
129,6
26,6
117 , 3
26,0
15:j , j
Novembre
129,3
27,2
1
131,3
26,4
118, 5
1
Décembre!
71,3
27,1
1
67.2
2 fi . ~j
84,
-
, .
,
1
1
i
---1
0IAl
:::::i-
--'--:-----~-------~----- -- ~----
~-:::(
p=--u-'~c..c'=-,-,E=.cNc..cNc..cE ~,-I
=->-( o-,-J_1__
8_8_7_ _-,-_? 6._'_~_.LI_l_9_5_8, l __
: _2~-'- 2
1 1
__ ~ ~..~. ~
TABLEAU
1..
Précipitations et Températures
(1961-1875)
Ces trois stations enregistrenL rlHS
résultats
très voisins et permettent de conclure
3 une
nomü9énélte uuns
la répartition des
pluies et des tempér~tLlres. PdrcDuL
!~: ~a­
xima de pluie s'observent au mois
JE
juin,
.d
sL~~ion J'Adiopo-
doumé enregistrant la plus forte
valeur
Lplus de
6~;':j~rn ,Je pluie)

- 42 -
La station de Dabou plus i"*~~1~ure enregistre moins de 600 mm
mais le mois d'avril y est plus arrosé.
A la page 43
nous avons tracé la courbe
ombra-thermique d'Abidjan que nous
comparons à d'autres stations
de la Côte d'Ivoire.
Cette comparaison fait apparaître l'avan-
tage relatif de l'extrême sud sur l'intérieur du pays,
une plus
grande pluviométrie dans l'extrême sud-est et l'extrême sud-
ouest.
Mais plus que la hauteur totale des pluies
tombées dans l'année,
c'est l'étalement des pluies sur les dou-
ze mois qui conditionne l'activité agricole,
certaines cultu-
res ne supportant pas des périodes sèches de plus de deux mois.
Dans les trois stations citées,
voici comment
s'étalent les pluies.
,
ABIDJAN
ADIOPODOUME
DABOU
Nbre de jours
Nbre de jours
Nbre de jours
MOIS
de Pluie
de pluie
de pluie
Janvier
2,5
2,5
2,5
Février
4,7
5,0
4,9
Mars
8,5
7,9
7,9
Avril
11,3
10,2
9,3
Mai
16,6
14,1
13,7
Juin
23,1
22,7
21,5
Juillet
14,3
15,7
14,7
Août
8,6
10,7
9,7
Septembre
9,9
11,8
10,5
Octobre
11,7
11,5
12,3
Novembre
15,3
13,2
11,3
Décembre
7,7
7,1
5,9
Moyenne totale
134,2
132,3
124,1
Annuelle
TABLEAU
l
Etalement des pluies

-
43
-
Courbes
Ombro _ IhermiquE'5
ComparE-E's
• Ferkessédougou
2.~
20
I~
10
5
Bondoukou

Bouaké
25
zs
T~
20
20
15
IS
JO
~.
5
s
ABIDJAN

~diaké

o
36 KM
L-.-...J
Source: ATLAS DE COTE D'IVOIRE
Editions Jeune Afrique

- 44 -
Ces tableaux suscitent quelques remarques
:
Même pendant les mois très secs,
on enregistre dans les
trois stations plus de trois jours de pluie en moyenne men-
suelle.
- Pendant la saison pluvieuse,
le mois de juin est le plus
arrosé et presque partout,
on atteint vingt jours de pluie.
- Le tableau nO 1 montre que le mois d'avril est plus arrosé
à Dabou que dans les autres stations
; cependant on constate
sur le tableau nO 2 qu'à Dabou,
la moyenne mensuelle des jours
pluvieux est inférieure à celle des stations voisines,
preuve
de l'intensité des premières pluies
au voisinage de Dabou.
-
La petite saison sèche est ressentie de la même manière
dans les trois stations,
avec une chute notable des pluies
malgré sa situation plus continentale,
la station de Dabou en-
registre la plus grande hauteur de pluie en septembre.
Les chiffres de ces deux tableaux fournissent
des indications sur les mois nécessitant une irrigation arti-
ficielle.
On ne peut désigner ces mois qu'en référence aux
exigences très divergentes des plantes cultivées
en
Basse
Côte.
Deux masses d'air d'influences contraires sem-
blent être à la base du mécanisme pluviométrique en Côte d'I-
voire:
il s'agit de l'alizé boréal qui amène du nord un vent
sec et chaud,
chargé de fines particules de poussières et des
masses d'air chaud et humide de l'océan atlantique.
Ces deux masses d'air sont de
température pres-
que égale et ne se différencient que par leur teneur en humidi-
té.
La circulation de ces masses d'air dépend de la situation
de la dépression thermique saharienne et de l'anticyclone de
Saint' Hélène
; elles se déplacent en liaison avec les mouvements

-
45
-
apparents du soleil,
de sorte qu'en août et septembre le front
pluviométrique se trouve au nord de la Côte d'Ivoire qui re-
çoit alors ses maxima pluviométriques,
tandis que le sud ne
reçoit que des crachins.
Localement,
la côte joue un rôle dans la répar-
tition de la pluie.
Ainsi en témoigne
la
carte des isohyètes.
Sur les deux saillies
(Tabou et Aboisso)
de la côte ivoirienne,
on enregistre des moyennes annuelles de plus de 2 000 mm de
pluie.
Dans l'échancrure cotière qui commence grossièrement
après Sassandra pour s'estomper après Bassam,
on
enregistre
des moyennes très nettement inférieures à celles observées à
l'ouest et à l'est de la même côte.
Ce constat reste valable même au niveau d'une
observation mensuelle des isohyètes.
Ces "faiblesses"
locales de pluviométrie se-
raient le fondement des savanes littorales de Dabou,
Bassam,
Bonoua et Eloka.
De telles affirmations restent à vérifier puis-
qu'au-delà de ces savanes,
les mêmes quantités de pluies entre-
tiennent des paysages plus fournis.
Le chapitre suivant pour-
rait nous éclairer sur l'existence de ces savanes.
On remarquera sur les trois cartes,
la disposi-
tion des isohyètes:
si en janvier et juin les lignes d'égale
intensité pluviométrique ont une disposition quasi horizonta-
le,
on s'aperçoit qu'au niveau annuel,
on a deux orientations
la première est méridienne et les courbes descendent jusqu'au
sud du "V"
baoulé.
La deuxième orientation est du type sud-
sud-ouest;
est-nord-est.
Comme on le voit,
la Basse Côte est dans l'en-
semble bien arrosée.
Les saisons sèches sont peu marquées et
très peu sévères;
en général,
elles sont compensées par une

-
46
-
MOYENNES AN NUELLES
DE
PLUIES
limit.
nord d. la
forit
MOYENNES
MENSUELLES DE
FRECIPlTMIONS
JAN VI ER
JUIN
station
pLuviométrique

- 47 -
hygrométrie rarement inférieure à 60 %.
En suivant Gaussen,
les courbes ombra-thermiques révèlent que seuls les mois de
janvier et février sont secs,
auxquels on pourrait occasion-
nellement ajouter août et septembre
(voir graphiques).
Si donc,
le climat ne constitue pas à première
vue un obstacle pour l'activité agricole,
qu'en est-il des au-
tres éléments du milieu naturel ?
2. UNE VEGETATION VARIEE SUR DES SOLS PROFONDS MAIS
FRAGILES
Nous avons choisi d'étudier ces deux éléments
ensemble car des études menées par l'ORSTOM permettent d'éta-
blir une relation entre le sol et la formation végétale.
Ainsi
sur les sols sabla-argileux à sables grossiers se développent
des espèces végétales différentes de celles qui poussent sur
les sols hydromorphes.
L'activité agricole dépendra de la na-
ture des sols;
il importe donc d'étudier les divers sols ren-
contrés en Basse Côte pour en connaître les caractéristiques
et leur répartition.
Une analyse globale des sols ne retiendra
de notre zone d'étude que l'aspect sablonneux et hydromorphes
des horizons et les phénomènes de lixiviation et d'induration
des sols.
Dans le détail on note de nombreux sous-groupes et
complexes de sols comme l'indique la carte des sols obtenue
à partir des informations de la SODEMI et des cartes d'ensem-
ble de l'ORSTOM
(le milieu naturel en Côte d'Ivoire).
Gabriel Rougerie établit une relation étroi-
te entre le climat et les sols ivoiriens,
ce qui lui permet de

DIVERSITE ET FRAGILITE
DES SOLS
DE LA
BASSE
COTE
oc
~
o····
....
.....
sol sur sable tertiaire désaturé
modo l
sol podzolique de nappe
(appauvri en argile )
• (à gley- désaturé,appauvri modal ) ~ sablesmarins
peu évolués
D
. ··
. .
. . soL remanié sur sabLe tertiaire désaturé 1+~++I sol typique - granites
(appauvri en argile)
++++ (modal ou remanié )
~ sol hydromorphe organique ou minéral
schistes - sol
appauvri
~ ( alluvions / colluvions tourbeux)
~ ~.~I (fortement désaturé )
o--s
1ilîs km

-
49 -
distinguer les sols ferrallitiques - qui couvrent l'essentiel
du pays - des sols ferrugineux tropicaux du nord-est de la
Côte d'Ivoire.
Les sols ferrallitiques qui nous intéressent
sont subdivisés en trois sous groupes
:
-
Les sols ferralitiques fortement désaturés correspondent,
d'après G Rougerie aux isohyètes supérieurs à 1 500 mm/an.
- Les sols ferrallitiques moyennement désaturés se rencontrent
dans les zones où il tombe moins de 1 500 mm de pluie avec tou-
tefois une moyenne très au-dessus de 1 200 - 1 300 mm.
- Enfin les sols ferrallitiques indurés qui se superposent
aux courbes de pluies de 1 200 mm/an et moins.
Les sols ferrallitiques désaturés comportent
des manteaux assez épais,
développés dans les régions les plus
humides,
leur profil présente assez souvent un bon développe-
ment des horizons B,C;
L'altération très poussée des minéraux
libère le fer,
le manganèse et même l'aluminium,
conférant aux
horizons B et C une coloration jaune à rouge ocre,
tandis que
l'horizon de surface est noyé sous des matières organiques
grâce à une biomasse importante,
décomposée par les nombreuses
bactéries de la zone intertropicale.
Deux principaux phénomènes affectent les
sols de la Basse Côte:
le remaniement et l'appauvrissement.
A l'origine du remaniement,
il y aurait l'ac-
tion de la faune,de l'homme,
l'érosion superficielle et la chu-
te des arbres.
Des remaniements de plus forte amplitude sont
issus d'un démantellement d'anciennes surfaces et la redistri-
bution des éléments allochtones sur un nouveau substrat.

- 50 -
Le processus d'appauvrissement qui affecte les horizons
superficiels serait dû à une abondante pluviométrie entraînant
en profondeur les matières humifères de surface.
La carte des sols permet de distinguer les unités sim-
ples de sols et des complexes de sols .
. Les unités simples de sol sont représentées par les sols
ferrallitiques appauvris en argile,
remaniés ou typiques issus
de sables tertiaires,
de schistes et de granite.
- Dans l'ensemble de notre domaine d'étude,
les sols
sur sables tertiaires occupent plus des deux tiers des superfi-
cies mises en valeur.
Les explications de cette occupation sont
à rechercher dans la qualité agro-pédologique
des divers hori-
zons.
- A côté des sols sur sables tertiaires,
il y a les sols
appauvris sur schistes basés dans la partie septentrionale de
notre zone.
Ce sont les sols de la région d'Anyama
(nord Anya-
ma)
et qui s'étirent entre le Bandama à l'ouest et la Mé à l'est.
Leur étendue ne dépasse guère 50 km en latitude. C'est dans ces
terres que s'est développée la culture bananière de Yapo,
Aza-
guié,
Anyama et Sikensi.
- Aux deux extrêmités nord et sud de la savane de Dabou,
on rencontre des sols appauvris sur sables terciaires remaniés
caractérisés par la présence en surface de gravillons plus ou
moins grossiers reposant sur un substrat ferrallitique.
- Au niveau des sols sur schistes du nord,
on observe
des intrusions de sols typiques modaux sur granites.
Ces sols
sont dits typiques,
car rien ne semble les avoir affectés au
point de leur faire perdre leur caractère initial issu de la
roche mère sous-jacente.
Ce sont des sols de profil variable,
dépourvus d'éléments grossiers et profonds,
de texture sablo-

-
51 -
argileuse en surface.
Moyennement désaturés,
ces sols sont
assez bien pourvus en base.
Les complexes de sol sont représentés par les sols hydro-
morphes et les sols podzoliques.
- Les sols hydromorphes occupent les marais de l'Agne-
bY,dans la large vallée du Nieky et constituent une limite na-
turelle entre les sous-préfectures de Dabou et d'Anyama d'une
part et d'autre part entre Dabou et Bingerville.
Dans ce groupe de sols, l'on distingue généralement
les sols hydromorphes minéraux issus des alluvions des fleuves
et grandes rivières et les sols hydromorphes organiques des ma-
récages issus d'alluvions et d'accumulations organiques.
- Les complexes de sols podzoliques couvrent le cor-
don littoral compris entre le vaste système lagunaire et l'océan
atlantique.
Ce sont des sols ferrallitiques peu évolués issus
de sables quaternaires avec un engorgement fréquent,
la nappe
d ' eau é tan t
peu pro f 0 n de,
leu r mis e e n cul t ure est t r è s peu f a vOr a -
ble,
exception faite du cocotier, seule culture qu'on y rencon-
tre .
. Les sables marins signalés sur notre carte sont classés
comme des sols peu évolués d'apport marin,
comprenant des co-
quillages et autres fossiles marins.
Leur rôle économique est
cependant indéniable car très fins et propres,
ils embellissent
les plages et servent dans la construction.
Ils bordent l'océan
depuis l'est de Fresco jusqu'à la frontière du Ghana.
Des amé-
nagements touristiques peuvent permettre d'en tirer de nombreux
profits,
à l'image du Club Méditerranée.
Quelle que soit la nature du substrat,
les sols

-
52 -
de la Bas$e Côte sont caractérisés par une profondeur remar-
quable des horizons B et C.
L'épaisseur de l'horizon de sur-
face dépend de l'action du ruissellement et de l'importance
de la biomasse.
Très souvent la polymérisation de l'horizon
superficiel n'étant pas très poussée,
on a des sols où la ma-
tière organique est peu décomposée en surface,
du moins pas
suffisamment pour que les minéraux soient libérés au profit
des plantes.
Dans le cas d'une bonne décomposition,
l'eau de
pluie particulièrement active,
entraîne les nodules de terre
fertile en profondeur,
ce qui a pour conséquence la colora-
tion en noir ou brun ocre de l'horizon A.
Sur des sables tertiaires,
l'argile jouera le
plus grand rôle dans la rétention de l'eau.
Ainsi la fertili-
té du sol sera très souvent liée au taux d'argile contenue
dans les horizons A et B.
Un fort taux d'argile conduit à l'en-
gorgement des sols puis à l'étouffement des plantes
; à l' inver-
se un taux trop faible a pour effet de permettre une trop gran-
de perméabilité du sol.
On admet généralement qu'un taux de 15 à 25 %
en argile est nécessaire aux sols sur sables tertiaires pour
l'activité agricole.
C'est ce qui explique en partie l'inten-
se occupation des terres autour de Dabou et celles de Binger-
ville.
La diversité des sols a été pour nous un frein
à l'étude technique de détail;
nous ne nous sommes intéressé
qu'aux aptitudes culturales des sols de la Basse Côte.
Dans l'ensemble,
les sols de l'extrême sud ivoi-
rien ont une fertilité bonne à médiocre,
surtout les zones peu
gravillonnaires.Presque tous profonds,
ces sols ont de bonnes
propriétés physiques.
Néanmoins on note une plus grande acidi-
té en surface qu'en profondeur et l'action du ruissellement

-
53
-
ne favorise pas une décomposition suffisante des matières humi-
fères.
La présence de sables permet un écoulement en profondeur
et une forte désaturation de l'horizon B moins acide que l'ho-
rizon A.
La légèreté des sols de la Basse Côte en fait des sols
bien drainants et aptes aux cultures industrielles dont les be-
soins seront spécifiés plus loin.
Les cultures de café et cacao y réussissent moins
bien car ces deux cultures ont besoin d'un sol moins poreux.
Les sols hydromorphes de bas-fonds et de maréca-
ges se prêtent mieux à la culture du riz
(expérience dans la
plaine de Dabou)
et de la banane,
mais nécessitent un apport
d'engrais pour compenser les faibles teneurs en azote et en phos-
phore. Le PH est particulièrement acide dans les sols hydromor-
ph es organiques.
La profondeur de ces sols ne doit pas masquer
leur fragilité;
fragilité liée à la nature du substrat, à
la pente et
à
l'intensité des activités agricoles et de la
pluie.
Le relief peu marqué du sud révèle tout de même une lé-
gère inclinaison vers la côte;
ajouté à cela,
les techniques
modernes de défrichement constituent un facteur d'érosion ra-
pide.
Dans la partie nord de notre domaine d'étude,
les sols ferrallitiques sur schistes présentent par endroits
des concrétions issues de l'alternance de la pluie et de l'en-
soleillement.
Les nombreuses rigoles,
les éboulements de ter-
rains et la quantité de sables rencontrés à l'embouchure des
cours d'eau côtiers témoignent de l'action destructrice de la
pluie et de la fragilité d'un sol aujourd'hui surexploité.
De nombreuses relations existent entre les di-
vers types de sols et la végétation très variée de la Basse
Côte.

-
54 -
La végétation joue un rôle économique très
important pour la Côte d'Ivoire.
C'est dans cette partie du pays
qu'ont été coupées les premières billes de bois expédiées vers
l'Europe,
au début de ce siècle. Cette végétation a aussi influen-
cé l'implantation humaine;
Assa Koby,
dans son étude sur la lo-
gique de l'espace Adjoudrou,
a établi une hiérarchie entre les
éléments du milieu.
Le schéma que nous avons retenu plus loin
résume une partie de son travail et fait ressortir qu'un villa-
ge ne se localisait pas au hasard.
Notre carte de végétation est un peu désuète
car les sources disponibles ne datent pas de moins de dix ans.
Nous avons donc essayé - grâce à un travail de complètement sur
le terrain - de respecter la réalité présente. Cette carte fait
ressortir que notre domaine d'étude fait partie intégrante de
la forêt ombrophile ivoirienne calquée sur la pluviométrie et
aussi sur les types de sols.
Ainsi la zone des sables tertiaires
correspond à celle de la végétation "artificielle"
comprenant les
cultures industrielles et traditionnelles.
La partie littorale
comprise entre l'océan et les lagunes porte les cultures de co-
cotiers,
tandis que les marais de l'Agneby sont occupés par un
type très caractéristique de végétation.
Les savanes de Dabou
et de Bingerville ont des essences particulières.
Par
endroit
subsistent encore des lambeaux de forêt primaire qui doivent leur
survie à des décrets présidentiels.
Dans l'ensemble,
la végétation naturelle très
fermée est composée de grands arbres atteignant 30 à 50 m de hau-
teur,
entrelacés de lianes et couverts d'épiphytes très nombreux.
Le tapis graminéen généralement rare est constitué d'espèces à
larges feuilles.
Dans cette forêt ombrophile,
on rencontre de
nombreuses essences très recherchées par les exploitants fores-
tiers;
parmi celles-ci, on peut citer l'Avodiré
(Turraeanthus
africanus),
le Niangon
(Tarrietia utilis)
le Doussié
(Afzelia

LA
VEGETATION DE
LA
BASSE
COTE: un paysage largement
humanisé
Lfl
Lfl
forêt sempervirente
(secteur ombrophite )
I:i"~":bl savane littorale
BA55AM
fy."/ \\j
." . "
"
~
0'\\ i.\\:"
zone d actlvltes agncoles
Q
'9 KM
~ forêt marécageuse
traditionnelles intenses
forêt
sub-littorale
~ plantations industrieHes
4
Ville d"Abidjon

-
56 -
bella)
l'Acajou de Bassam (Khaya ivorensis)
et le fromager
(ceiba Pentandra)
; plus courant dans les forêts semi-décidues,
le fromager pousse en Basse Côte après les défrichements.
Outre l'existence de plantes parasites,
le
phénomène de cauliflorie caractérise la forêt sempervivente. Le
couvert végétal entretient au sol une humidité quasi permanente
donnant à l'air ambiant une hygrométrie rarement inférieure
à
70 %.
Les arbres renouvellent sans cesse leur feuillage à l'ex-
ception de quelques rares espèces telles le fromager et le Bosse
(Guaréa Cedrata) localisés aux abords de la forêt semi-décidue.
Ces deux espèces perdent leurs feuilles pendant la grande sai-
son sèche
(décembre à mi-mars).
La plaine de l'Agneby comporte un paysage de
marécage sur des sols de bas-fonds mal drainés et à hydromorphie
permanente.
Les espèces caractéristiques sont les Mitragyna Ci-
liata et les Symphonia Globulifera.
Cette végétation contraste
fortement avec la forêt ombrophile ci-dessus décrite
une sta-
tification simple et homogène,
une strate arborescente peu éle-
vée mais dense avec un sous-bois riche en grandes herbes très
vigoureuses,
peu ou pas de lianes,
absence de contreforts mais
de nombreuses racines à échasses.
Cette formation
végétale se rencontre aussi
sur les bords de lagune et le long des cours d'eau.
Le Raphia
SPP.,
genre de palmier est caractéristique de ce groupement flo-
ristique et on le rencontre sur les sols dont l'engorgement est
permanent.
Son rôle économique est indéniable comme l'a souligné
Assa Koby.
Les savanes prélagunaires d'Eloka,
8ingerviJ.-
le,
Dabou,
Toupah et de Cosrou sont le domaine des grandes her-
bes et d'arbustes
très dispersés
(Ficus Capensis,
Naucléa Lati-
folia ... ) Parmi les herbes,
on peut citer les Panicum Fulgens,

-
57
-
l'Andropogon pseudapricus etc ... ).
Par endroitson note la pré-
sence de Rôniers
(Borassus Aethiopum).
Soumises à une activité agricole très inten-
se,
ces espaces forestiers sont en constante mutation.
Lorsque
la durée de la jachère le permet,
on assiste à la reconstitu-
tion du couvert végétal.
Très rarement on aboutit à la situation
de départ.
Cette reconstitution se fait en trois étapes bien con-
nues.
- On voit d'abord les recrûs herbeux.
Ils suivent l'abandon de
la parcelle,
avec l'apparition d'espèces héliophiles composées de
lianes et de graminées.
Les vieilles souches d'arbres qui ont
résisté au feu repoussent en de nombreuses touffes.
- L'humidité entretenue au sol par les lianes et les herbes per-
met la pousse d'espèces ligneuses sous la forme de fourrés inex-
tricables.
- Ces fourrés,
par leur densité donneront la forêt secondaire,
si entretemps le paysan ne redéfriche pas la parcelle pour les
champs de manioc et de mais.
3 - UN RELIEF PEU MARQUE,
DES CONTRAINTES LOCALISEES POUR
LA
MECANISATION AGRICOLE
Le relief de la Basse Côte est parmi les plus difficiles
à étudier,
Dans l'ensemble,
il ne se dégage aucune forme d'orga-
nisation pouvant permettre une analyse du relief.
On remarque en
qros une orientation nord-sud avec de nombreuses nuances qui tra-
duisent l'aspect désordonné du relief.
Dans le détail,
on note
un étagement de quelques bas plateaux plus élevés au nord d'Anya-
ma
(60 à BD m et même jusqu'à 100 ml.
Au sud de cette localité,
les altitudes atteignent rarement 80 m.

-
58 -
Il existe quelques plaines,
mais elles sont toutes con-
tinentales et G.
Rougerie fait remarquer que ces "pR..aJ..nef., J..n.té.-
~J..eu~ef.,
devJ..ennen.t ~a~emen.t pR..aJ..nef., R..J...t.to~aR..ef.,",
car les cours
d'eau s'encaissent dans des vallées appréciables dans les zones
deltaiques.
Les altitudes ne constituent donc pas une contrain-
te à l'activité agricole;
seules les vallées délimitées par de
nombreux escarpements très localisés constituent un frein de mi-
se en valeur du sol et plus particulièrement à la mécanisation.
En milieu traditionnel,
on remarque que le paysan utilise de
manière judicieuse toutes les aspérités du terrain.
Ainsi sur
une même plantation,
on peut voir le café et le cacao occuper dif-
féremment l'espace,
suivant les données du relief:
le cacao se
trouve sur les zones humides planes et dans les bas de pente,
tandis que le caféier s'adapte à la pente,
son système racinaire
plus diversifié lui permettant de s'y accrocher.
En résumé,
il semble que les conditions du milieu en
Basse Côte ne sont pas exceptionnellement
favorables.
Elles sont
tout simplement bonnes.
Les études du Ministère des Mines ont
d'autre part montré que les sols basaltiques d'Abaissa
(extrême
sud-est) et les sols humides de l'extrême sud-ouest étaient les
plus favorables à l'agriculture.
D'autre part,
le café et le
cacao semblent prospérer mieux,
au-delà de la forêt ombrophile
de la Basse Côte.
Le fondement de l'économie de plantation du
Sud doit donc être recherché à travers les données humaines et
historiques.

-
59
-
CHAPITRE II
DES SOCIETES SANS ETAT, A STRUCTURES
HIERARCHISEES ET DIVERSIFIEES
LES AKAN LAGUNAIRES
A - UN PEUPLEMENT RECENT A STRATEGIES TERRITORIALES
DIVERSIFIEES
Les origines et les modes de répartition des différents
groupes ethniques de la Côte d'Ivoire,
relèvent d'une tradition
orale transmise de génération en génération.
Suivant cette sour-
ce d'information que Memel Foté a qualifiée de "vé~~tabte mémo~­
~e cottect~ve de ta ~oc~été", Historiens et Sociologues ont écrit
l'histoire des peuples de la Côte d'Ivoire.
Nous ne nous intéres-
serons qu'aux structures de gestion de l'espace traditionnel.
En effet,
dans un milieu où le seul capital de produc-
tion - la terre - n'était transmise que par héritage,
il impor-
te de connaître les structures de la société pour comprendre le
fonctionnement du code foncier et de suivre ainsi l'évolution
du cadastre traditionnel.
Quelques questions exigent des répon-
ses de notre part
: qui détient la terre? comment la transmet-
on ? peut-on cultiver une terre sans en être le propriétaire?
Ce code foncier est-il immuable? En cas de conflit,
qui tran-
che le différend? ces réponses apparaîtront tout le long de

- 60 -
notre développement.
Mais pour l'heure,
il est essentiel de rap-
peler la mise en place des populations de la Basse Côte car ces
peuples en s'installant ont élaboré des stratégies d'occupation
de l'espace,
afin de se constituer des réserves de terres.
Au-
jourd'hui, malgré les mouvements de population,
il est facile
d'isoler les aires d'occupation,
chaque groupe ethnique
ayant
inscrit ses empreintes dans les divers paysages tout en cherchant
à
se préserver de l'amalgame.
1 - LES VAGUES SUCCESSIVES DE MIGRATIONS EN BASSE COTE
Quatre principales ethnies se partagent l'espace étu-
dié ; ce sont
:
- Les Adjoukrou( 1)
de la sous-préfecture de Dabou.
- Les Ebrié,
voisins de l'est des Adjoukrou sont installés entre
l'Agneby
(fleuve) et la Mé,
autre fleuve à l'est de Bringerville.
- Les Attié sont basés dans la sous-préfecture d'Anyama.
- Les Abouré se répartissent entre Bassam,
Mossou et Bonoua.
A ces groupes,
il faut ajouter les ethnies de moindre
importance numérique que sont les Eotilé,
les M'bato et les Ap-
polo de la ville de Bassam.
En fait,
les Appolo de souche gha-
néenne sont arrivés à Bassam très récemment,
de sorte qu'une
grande partie de cette tribu se trouve encore à l'extrême sud
est de la Côte d'Ivoire.
Ils entretiennent des relations avec
des parents restés au ghana.
Chaque groupe ethnique est subdivisé en sous-groupes
appelés tribus.
A l'intérieur de la tribu,
les individus ont une
communauté de langue,
de comportement et le même chef-lieu ethno-
politique.
De ce point de vue,
le groupe ethnique est une fédé-
ration de petits pouvoirs locaux ayant des rapports de dépendance
(1)
DU
Odjoukrou.

-
61 -
plus ou mo~ns étroits; ces rapports étant issus des modes d'im-
plantation.
Comment ces populations sont-elles réparties dans
la forêt éburnéenne ? Depuis quand occupent-elles cette partie
du pays ?
En ce qui concerne l'origine des peuples lagunaires,
toutes les sources concordent;
les Adjoukrou,
les Abouré
, les
Attié et les Ebrié
sont originaires du "Royaume Ashanti" déca-
dent du XVIIIe siècle,
c'est-à-dire de l'actuel Ghana.
Les points
de vue divergent sur les dates des migrations.
Certains auteurs
soutiennent la thèse " de migrations par vagues successives"
et
e
ce depuis le XIVe et XV
siècles. D'autres par contre pensent
que la dislocation au XVIIIe siècle de l'empire Ashanti de Ku-
massi aurait provoqué les départs massifs vers l'ouest.
Suivant
cette dernière thèse,
à la mort d'Ossei Tutu fondateur du royau-
me,
une compétition s'engagea autour du trône.
Les vaincus fu-
rent alors contraints de s'expatrier.
On voit ici les limites de la tradition orale,
du fait
qu'elle n'apporte aucune précision dans la datation des événe-
ments
; pire, très souvent les rapporteurs des faits ont tendan-
ce à magnifier leur histoire au détriment du peuple voisin.
Il
est donc hors de propos que nous situions avec exactitude la ou
les dates d'arrivée de ces peuples dans l'actuelle Côte d'Ivoire.
L'essentiel était de rappeler que toutes les populations étudiées
sont originaires d'un même lieu;
cela comporte des avantages
certains que nous verrons plus loin,
puisque cette origine com-
mune explique en partie le succès de l'économie monétarisée dans
cette Basse Côte.
Les Adjoukrou, les Ebrié,
les Attié et les Abouré ne
sont qu'une fraction du orolJpp. Akan
: Les Baoulé,
les Agni et
les Abron qui constituent la majorité du peuple Akan se sont di-
rigés respectivement vers le centre,
l'est et le nord-est du
pays.
Les populations concernées par notre étude ont essaimé

-
62
-
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-
63
-
à travers
la forêt du sud-est ivoirien,
autour d'un vaste sys-
tème lagunaire allant de Bassam au fleuve Bandama
; ce qui leur
vaut le nom de peuples Akan lagunaires.
En fait,
les Attié sont
plus continentaux que les trois autres peuples et ne bénéficient
que de la présence de quelques lagunes isolées - notamment la
lagune Adjin dont les bords sont habités par les Tson.
On remarque que la carte des ethnies n'épouse pas tous
les contours de la région géographique délimité plus haut. Cela
s'explique par deux raisons
- d'abord l'étude que nous avons entreprise n'est pas calquée
sur l'agencement spatial des groupes ethniques déterminés.
Notre
espace est un espace économique de sorte que sa délimitation n'o-
béit pas à des critères sociologiques.
-
La seconde raison est qu'il existe des zones vides d'homme, no-
tammentdans le nord-ouest de la sous-préfecture de Dabou
; de
sorte qu'en faisant apparaître uniquement les zones d'habitat,on
aboutit à la carte que nous avons obtenue.
La deuxième remarque qu'on peut faire concerne la pré-
sence sur la carte de deux groupes ethniques auxquels nous avons
accordé peu de place en raison de leur importance numérique très
négligeable;
il s'agit des M'BATO et des EOTILE.
Les premiers cités sont un sous groupe Ebrié et la dif-
férenciation des deux communautés tient très certainement de
l'histoire des migrations.
Les M'Bato parlent la langue Ebrié
mais ils veulent qu'on leur reconnaisse une originalité en tant
que peuple à part entière.
Ils tiennent à souligner leur entité
de groupe originel.
Les Eotilé,
coincés entre les Ebrié à l'ouest,
les
M'Bato au nord et les Abourés au sud et à l'est, ne représentent
que quelques centaines d'âmes et vivent principalement de la pê-
che en mer et sur les lagunes environnantes.
Leur origine est

- 64 -
encore mal définie.
Il semblerait qu'ils soient originaires du
Togo et ou de l'actuel Benin;
pêcheurs de tradition,
ils se
sont installés dans cette région de frontière ethnique généra-
lement inoccupée.
En affinant l'analyse de la carte,
il apparaît que les
ethnies sont subdivisées en sous-groupes.
Ces subdivisions n'intéressant pas directement notre
propos,
nous les avons simplement notées à titre d'information
sur la carte.
Néanmoins il convient de les avoir en esprit pour
comprendre les "luttes"
pour la maîtrise de l'espace agricole.
A-l'émiettementNdu groupe Ebrié,
s'oppose le regroupement des
Adjoukrou au sein de deux confédérations:
les Dibemein ou Di-
brimou comprenant les Lopou,
les Armabê et les Dibrimou du vil-
lage centre et la confédération des Dboru ou les Bouboury avec
les Badien,
les Akradio,
les Osrou,
les Orbaf et les Bouroury
;
Bouboury étant le village-mère.
Les Attié de notre espace ne sont qu'une partie de cet-
te ethnie dont la plus importante partie est centrée sur Alepé,
Adzopé et Akoupé au nord-est de la carte.
Les Ebrié subdivisés en neuf sous-groupes sont généra-
lement rassemblés au sein de cinq grandes tribus
:
- les Abobo
- les Adiopo
- les Akoué
- les Song on
- et les Yopougon.
Ces tribus ont donné leur nom aux localités qu'elles
habitent.
Malgré un certain mélange,
il est encore possible de
discerner les aires d'influence de chaque tribu,
car chacune

- 65 -
a marqué le paysage de sa civilisation agricole particulière.
Cette empreinte dans le paysage tient aussi aux stratégies
d'occupation de l'espace; c'est pourquoi nous allons tenter
d'analyser la distribution des populations sur la portion de
territoire concernée par nos recherches afin de déterminer le
poids de la démographie sur l'espace économique.
2 - lA REPARTITION DE lA POPULATION AU DERNIER RECENSEMENT
NA TIONAl
2
l'espace considéré s'étend sur 3 690 km
soit un peu
moins de 2 % du territoire ivoirien et regroupe en 1975,
date
du dernier recensement exhaustif de la population, 1 155 618
habitants soit le sixième de la population totale du pays.
Glo-
balement, 84,02 % de cette population est urbaine soit 971 055
habitants.
Cependant,
une partie de la population localisée dans
les villes vit d'activités agricoles;
elle peut être estimée
de 15 % à 20 % de la population de chaque ville
(d'après les
études du Ministère des finances).
Nous avons aj outé cette frac-
tion d'urbains à la population rurale pour constituer la popu-
lation rurale totale qui s'élève alors à 227 347 habitants. le
taux d'urbanisation tombe ainsi à BO,33 % mais permet à l'espa-
ce d'étude d'être le plus urbanisé de la Côte d'Ivoire.
la densité rurale globale,
calculée à partir de la po-
2
pulation rurale uniquement,
s'élève à 61,60 habitants au km ,
largement supérieure à la moyenne nationale qui tourne autour
2
de 25 hbts/km
.
Mais cette densité globale ne traduit pas la réalité.
Comme sur tout espace géographique,
la population est très

C ENSEMBLE DES LOCALITES DE LA ZONE ETUDIEE
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LEGENDE
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CHEF-LIEU
ET LIMITE
DE
DEIWlTEMEHT
___ •
VILLAGE
CENTRE ET LIMITE DE SOUS-PREFECTURE

VILLAGE
RATTACHE
ROUTE
A
ROUTE
B OU C

-
67
-
inégalement répartie.
La méthode utilisée pour le calcul a été
longuement expliquée dans l'annexe; elle fait apparaître des
2
densités variant de moins de 5 à plus 250 hbts/km . L'examen
de la carte permet une analyse plus précise de la répartition
de la population,
de saisir les nuances zonales et toutes les
conséquences possibles sur le foncier.
On observe en premier lieu l'existence de cinq noyaux
de peuplement très dense,
puis des zones de peuplement moyen
(bien que largement au-dessus de la moyenne nationale)
ensuite
des noyaux de "dépression démographique".
Essayons d'analyser
cette carte afin de rechercher les causes de la dispersion puis
de la concentration du peuplement et les conséquences possibles
sur la gestion de l'espace agricole.
D'ouest à l'est,
on observe tout d'abord une zone vide
2
avec des densités de moins de cinq habitants au km
. Cette zone
vide occupe près du quart de la sous-préfecture de Dabou et se
prolonge sur l'extrême nord de ladite localité.
Au sud de ce
"vide"
le peuplement s'intensifie,
donnant lieu à des noyaux de
peuplement très dense
; le noyau le plus important est formé au
nord des plantations industrielles de la savane de Dabou.
Eta-
lé d'ouest en est,
il suit l'alignement de villages à la lisiè-
2
re de cette savane.
Avec un maxima de 150 hbts/km , ce secteur
se prolonge en gros,
au sud,
vers Dabou où il englobe Débrimou
(1 662 hbts)
puis Dabou
(20 % des hbts comptés comme ruraux).
Au nord de Yohoulil,
on note la présence d'une occlusion formée
autour de N'Doumikro,
Ahua et Akakro où la densité la plus éle-
2
vée atteint 50 km .
L'espace occupé par les plantations de pal-
miers et d'hévéa se détache très nettement avec des densités
de moins de ~ hbts à i5 hbts/km? (1)
Cette faiblesse de peuple-
ment doit son explication uniquement à la présence des planta-
tions.
En allant vers l'est,
on rencontre la zone vide du ma-
rais de l'Agneby,
limite naturelle entre Adjoukrou de Dabou et
(1)
on
ne
peut
pas
considérer
cette
zone
comme
entièrement
vide.


- 69 -
Ebrié de la sous-préfecture de Bingerville.
La nationale A3 re-
liant Songon M'Braté et Abidjan se présente comme la sous-région
la plus peuplée de l'ouest d'Abidjan:
c'est ce que nous appel-
lerons la nébuleuse ébrié avec deux pôles de peuplement fort
2
(200 hbts/Km ). Le premier autour des Songon est limité au nord
par une dépression assez large où la densité atteint difficile-
2
ment 15 hbts/km
; tandis que le second noyau qui jouxte Abid-
jan est plus étiré d'ouest en est et suit la route de manière
étroite.
Ces deux noyaux plus denses que
celui de la lisière
de la savane de Dabou s'expliquent très difficilement,
vu que
l'espace ne manque pas dans le nord,
lequel ad' ailleurs été co-
lonisé par les plantations d'hévéa de l'Anguédédou.
par commo-
dité pour la réalité que nous voulons représenter nous avons ex-
clu de nos calculs Abidjan et sa banlieue
(figurées en traits
verticaux pleins et des tirets horizontaux).
On notera par ail-
leurs que les lagunes n'ont pas été déduites de l'espace rural
et cela à cause de l'exploitation intensive de ces étendues
d'eau par les riverains.
Au sud de la nébuleuse ébrié,
apparaît
un territoire faiblement peuplé,
colonisé en partie par des pal-
meraies et des cocoteraies très récentes.
A l'est et au nord d'Abidjan on observe un secteur de
for tes den s i tés 0 rie nt é e n gr 0 s NN\\~ - SSE.
Cet t e d0 r saI e à d eux
pôles inclut le noyau Attié centré sur Anyama et se prolonge au
sud-est où elle englobe les nombreux villages regroupés autour
2
de Bingerville.
La densité atteint ici 200 hbts/km
avec des
2
pointes de 250 hbts/km
autour des centres urbains.
Au nord du
noyau Attié apparaît une dépression où le peuplement atteint
2
rarement 10 hbts/km . Dans la partie septentrionale du secteur
vide se forme un secteur semi-annulaire s'ouvrant vers le nord
ayant pour seule explication la proximité des premiers villages
de la sous-préfecture d'Azaguié,
limite nord de notre domaine
d'étude.

-
70 -
Autour de Brofodoumé,
d'Ahoué et d'Attiekoi apparaît
un petit noyau de peuplement très au-dessus de la moyenne na-
2
tionale
(plus de 50 hbts/km ) ; ce qui interrompt le passage
en douceur du noyau Attié vers l'est de la carte.
Au sud de Bingerville,
les densités restent relative-
2
ment élevées
(50 hbts/km
et plus)
sur un large territoire qui
se divise en trois branches:
la première,
au nord-est de Bin-
gerville débouche sur la Mé,
limite naturelle entre notre ré-
gion et la sous-préfecture d'Alepé et permet un passage pro-
gressif entre Ebrié de Bingerville et M'Bato de M'Batto Bouaké.
Les deux autres branches formées au sud de Bingerville enca-
drent de part et d'autre un secteur grossièrement elliptique
centré sur l'axe Abidjan Bassam.
C'est le domaine des cocote-
raies et des zones innondables.
Lors de nos sorties sur le ter-
rain nous avons pu observer que ce secteur est devenu le domai-
ne de l'aviculture intensive de sorte que si l'on procédait à
un nouveau recensement de la population,
on n'aboutirait pas à
la situation exprimée sur nos cartes.
A l'est de cette ellipse,
la proximité de Bassam con-
2
tribue à l'élévation des densités
(de -5 à +50 hbts/km ) sur
la frange à l'extrême sud-est de la carte.
La carte des densités peut être complétée par celle de
la localisation et de la taille des villages
; la carte des
densités étant le reflet de celle de la distribution spatiale
des villages.
A l'analyse la seconde carte permet de voir,
à
l'exclusion d'Abidjan,
quatre taches plus grosses que les au-
tres et représentant les villes de Dabou,
Anyama Bingerville
et Bassam.
L'inÉgôle répôrtition de la population est encore
plus nette sur cette seconde carte qui peut servir de méthode
de représentation de la densité de peuplement d'un espace.
Cette carte laisse entrevoir très clairement les secteurs

- 71 -
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-
72
-
vides du nord de Dabou, tandis qu'apparaît le chapelet de vil-
lages disposés en arc de cercle autour de la savane qui est
occupée par les plantations industrielles.
Au-delà du fleuve Agneby jusqu'à Bassam, le semis de
villages devient plus régulier malgré deux pôles de concentra-
tion,
le premier constitué par la nébuleuse ébrié et le second
à l'est d'Abidjan.
On remarquera que dans l'ensemble la taille
moyenne des villages d'Anyama est plus élevée.
Dans la partie
sud,
les villages ont en général un site de bord de lagune que
nous essayons d'expliquer dans la seconde partie du travail.
La synthèse des deux cartes nous révèle un nord peu
dense par rapport à un sud très peuplé
; la limite entre les
deux secteurs coinciderait avec une ligne allant de Toupah
(ouest)
à Anyama en passant par le nord de Yohoulil, Akradio
et Attinguié.
Dans le sud,
les noyaux vides correspondent à des
accidents du terrain
(marais et plaines innondables)
ou à des
espaces occupés par les cultures
(plantations de l'Anguédédou).
De l'observation attentive de ces cartes,
on peut fai-
re quatre principales remarques
:
· Les villages dans leur ensemble se sont cristallisés autour
des villages-centres historiques et politiques traditionnels.
· Les zones de fortes densités sont centrées sur des planta-
tions industrielles telles les palmeraies de Dabou,
D'anyama
et de Bingerville et Eloka
; les plantations de l'Anguédédou
s'insérant entre la zone dense Adjoukrou,
la nébuleuse ébrié
et le noyau dense attié.
·
DGn~ l'cnscnblc,
les 3XCS routiers se8blent avoir guidé l'im-
plantation humaine comme en témoignent les fortes densités le
long des routes.

-
73 -
. Enfin notre expérience du terrain nous a appris que les sta-
tistiques ne peuvent permettre qu'une monographie d'un secteur
à un temps
bien déterminé car les espaces vides entre Abidjan
et Bassam d'une part et la zone vide occidentale sont aUJour-
d'hui habités par des paysans
et des éleveurs qui y ont cons-
truit des campements.
Comme conséquence à ces faits de peuplement,
la popu-
lation manque de terres labourables puisque confinée sur la
frange côtière avec de très fortes densités.
Néanmoins on peut
se demander si ces populations ont été contraintes à ces regrou-
pements par suite de l'introduction des cultures d'exportation
ou alors si ce sont ces plantations qui ont occasionné,
par un
appel de main-d'oeuvre,
ces fortes densités.
Ceci requiert une
analyse des origines de la population de chaque localité,
ana-
lyse que nous entreprendrons plus loin.
Les comptages administratifs de la population datant
de 1940 permettent d'affirmer que l'extrême sud a toujours eu
des densités supérieures à la moyenne nationale,
même si au-
jourd'hui on observe une élévation de ces densités.
Comment
dans ce cas,
les populations ont résolu les problèmes fonciers
qui ont dû se poser étant donné que l'agriculture itinérante,
par ses longues jachères, fait appel à un espace agricole dis-
ponible très vaste ? Nous répondrons à cette question à travers
les systèmes politiques et la gestion de l'espace traditionnel.
Dans ce milieu où le foncier constituait l'instrument de domi-
nation,
l'organisation socio-politique doit être perçue à tra-
vers les problèmes de maîtrise foncière.

- 74 -
B - DES SOCIETES LIGNAGERES MAITRESSES DE LEURS TERRES
1 - LES STRUCTURES SOCIALES
Que l'on soit chez les Adjoukrou ou chez les Ebrié,
les Akan lagunaires,
à l'instar de ceux installés dans l'hin-
terland,
vivent dans des sociétés hiérarchisées.
Si on se ré-
fère à D.
Bo~i et à Memel Foté,
cette hiérarchisation serait
fondée sur trois principaux critères
- La naissance
on est né noble,
ou esclave ou simplement hom-
me libre
- La richesse
; les riches formant une classe au service des
gouvernants quand ce ne sont pas eux qui dirigent
- L'§ge ; dans ces sociétés de "démocratie gérontocratique"
les vieux forment une classe à part et dirigent la société mê-
me sans être sur le trône.
Suivant donc le premier critère,
D.
Boni distingue
les nobles, descendants de la famille princière;
le plus sou-
vent l'ancêtre se trouve être le fondateur du village.
Les no-
bles sont une minorité et détiennent les pouvoirs politiques,
judiciaires et religieux.
A ce titre ils sont propriétaires
des terres relevant du village.
Après les nobles viennent les
hommes libres.
Ils forment une classe à part,
exercent toutes
sortes de métiers,
peuvent sleger aux conseils des sages et
sont d'origines diverses.
Au-dessous des hommes libres on trou-
ve les esclaves au bas de l'échelle sociale;
hommes de mains,
achetés par les riches de la notabilité traditionnelle, les es-
claves représentaient au sein de la société akan,
une force de
travail nécessaire à la survie de leurs maîtres.
En effet le
travail a longtemps été considéré
comme avilissant par les
nobles qui ne s'adonnaient qu'aux fonctions administratives et

-
75
-
militaires.
La structure sociale n'était pas aussi simple car en-
tre les hommes libres et les esclaves,
on avait la catégorie
des "hommes gagés",
terme créé par D.
Boni pour désigner des
hommes donnés en gage à un riche contre le payement d'une det-
te assez importante contractée par des nobles subitement deve-
nus pauvres.
Bien évidemment "l'homme gagé" devient une force de
travail pour le créancier qui en dispose comme il l'entend.
Cette structuration sociale proposée par D.
Boni n'est
pas très différente de celle de Memel Foté, si ce n'est que ce
dernier y introduit la notion d'âge et insiste sur celle de la
richesse.
Même si les vieux tiennent une place importante dans
cette société Akan,
il n'est pas toujours prouvé que le chef
de la communauté soit le plus âgé.
Bien sûr,
le chef de terre
est souvent le patriarche de la lignée,
malS un vieux peut rè-
gner par régence
de nombreux exemples l'ont prouvé.
Enfin la
distinction entre individus peut être aussi d'ordre sexuel.
Ainsi,
bien que des femmes aient occupé de hautes fonctions
jadis,
les sociétés Akan font une distinction entre les hommes
et les femmes
; elles ne peuvent pas sièger dans les assemblées.
Ceci ne signifie pas que leur avis ne compte pas
: elles sont
consultées au foyer mais pas en public.
Enfin, on notera une complexification de la société
par suite de migrations,
d'alliance et de l'immixion des colo-
nisateurs dans la vie politique,
religieuse et judiciaire des
peuples concernés.
On le voit donc très bien,
la condition de l'indivi-
du est déterminée par la naissance.
On naît noble et on le
reste;
l'esclave a une descendance d'esclave quand c'est une

-
76
-
descendance de parents esclaves.
En effet la nuance est utile
car un esclave peut épouser,
pour raison de loyaux services,
une fille de la famille du maître
; dans ce cas les enfants
sont reversés dans la famille maternelle.
Autre trait de ces
sociétés,
l'esclavage y était connu avant la traite négrière,
ce qui a sans doute favorisé ce commerce triangulaire qu'on a
voulu et entretenu en Afrique Noire.
En rejeter la faute sur
l'occident uniquement c'est faire preuve de mauvaise foi et ca-
cher une part de la vérité historique.
Enfin,
dernier trait,
la monnaie était connue avant l'arrivée du "Blanc" comme en té-
moignent les poids à peser l ' o r ;
la richesse permettait d'a-
voir de l'ascendance sur le reste de la société et chaque"bon-
ne famille" possédait ses mines d'or et un héritage constitué
de poudre d'or qu'on se transmettait de génération en généra-
tion tout en essayant de l'agrandir.
Cette valeur accordée à
l'argent fut bénéfique à l'introduction des cultures spécula-
tives en Basse Côte.
La structure sociale telle qu'elle est présentée
laisse entrevoir l'exercice du pouvoir.
2 - LA STRUCTURE POLITIQUE ET LES CLASSES D'AGE
a)
La structure politique
A la différence des Akan de l'hinterland,
les lagu-
naires n'ont pas constitué de royaume.
Et pourtant à l'est de
la zone d'étude le royaume Agni d~ Krinjabo demeure un exem-
ple de petit état puissant
; même si de nos jours le roi a
perdu de sa splendeur,
ce royaume existe encore.
Au nord est
et au centre du pays,
les Agni de l' Indénié,
les
Abron
et
les Baoulé ont constitué des royaumes dont la structure ressem-
blait à celle du royaume Ashanti.
Ici en Basse Côte,
la notion

-
77
-
d'état ou de royaume en tant que territoire aux contours dé-
finis n'existe pas.
La structure politique des sociétés lagu-
naires est de type segmentaire,
c'est-è-dire "une société"
sans pouvoir politique centralisé,
composé de sous ensembles
qui ne sont pas hiérarchisés du point de vue économique mais
seulement juxtaposés" (1 J.
Ce trait caractérise la structure politique des quatre
grandes ethnies de notre espace d'étude.
Le plus vaste ensem-
ble politique dans ces sociétés est la tribu,
définie dans le
premier volet de ce chapitre.
Chaque tribu occupe un espace dé-
fini et comprend un nombre de villages très soudés politique-
ment.
Au sein de la tribu,
il existe des liens historiques et
politiques très étroits allant de l'alliance simple è la suze-
raineté d'ur. groupe sur l'autre.
Généralement les individus
d'une même tribu ont le même ancêtre mythique.
Les sociétés Adjoukrou et Ebrié présentent une parti-
cularité sur les autres groupes
: elles sont constituées en
fédérations,
(voir carte page
J.
L'exemple Adjoukrou en com-
prend deux.
La première,
de loin la plus importante est la
confédération des Bouboury ou Oboru et la seconde celle des
Dibrimou ou Dibemein.
Les Attié et les Abouré n'ont pas cette structure po-
litique,
de sorte que chez eux chaque tribu vit de manière in-
dépendante par rapport aux autres.
On a pu voir lors des guer-
res de pénétration les Abouré de Bonoua, résister héroïquement
seuls,
ne pouvant compter sur l'aide des Abouré de Moossou.
Bien qu'alliées les unes aux autres,
les tribus jouis-
saient d'une indépendance totale dans la gestion des terroirs
et des affaires propres au groupe.
Si l'unité culturelle n'a
pas créé des liens d'inféodation chez les Attié et les Abouré,
è l'inverse on observe chez les Ebrié et les Adjoukrou l'im-
portance des villages dits chefs-lieux dont le rôle est encore
(1)
Pouillon
(F)
(sous
la
direction
de)
L'anthropologie
économique,
courants
et
problèmes.-
Paris,
F.
Maspero,
1976,
P.
86

-
78
-
vivace:
c'est là qu'on lieu les cérémonies d'initiation des
classes d'âge,
les assemblées et les rituels de la richesse
chez les Adj oukrou( l J.
La seconde différence entre Akan
de l'hinterland et
lagunaires réside dans "les classes d'âge" qui caractérisent
les lagunaires.
b)
Les classes d'âge
C'est une institution propre à tous les Akan lagu-
naires
(Alladjan de Jacqueville,
Abouré,
Abbey d'Agboville,
Attié,
Ebrié,
M' Batto,
Abidj i
etc ... ).
Cette institution très
complexe par sa structure.a pour but de fournir des guerriers
et des gardiens de la paix aux villages.
Les modes de recrute-
ment varient d'une tribu à l'autre - on notera seulement que
l'individu mâle y est enrolé dès l'âge de 3 ans jusqu'à sa
majorité - c'est-à-dire vers l'âge de 18 ans - on y distingue
trois étapes réelles.
Celle des jeunes en formation,
puis la
classe des jeunes adultes qui est en fait une armée de réserve
et enfin celle des adultes mûrs,
l'armée réelle qui peut livrer
bataille le cas échéant.
La classe des vieux très controvérsée
selon les ethnies et les tribus,
dirige le village.
Chaque classe d'âge a à sa tête un doyen et est as-
sisté d'un chef d'étet major pour les guerres.
La diversité
des situations ne nous permet pas d'entrer dans les détails.
Les femmes sont exclues des classes d'âge en raison de la voca-
tion guerrière de cette institution et des tâches jugées dan-
gereuses qu'on y accomplit.
Les classes d'âge en tant qu'institution ont leur
importance du fait qu'elles font partie de l'appareil de' direc-
tion d'un village.
De nombreux rituels précèdent l'accession
(1)
cf.
Memel
Fôté
op.
cit

-
79 -
d'une classe d'âge à la majorité,
depuis les cérémonies d'ini-
tiation jusqu'à l'intronisation.
Notons au passage qu'un enfant de parents étrangers
mais qui naîtrait dans un village adjoukrou peut être initié
ceci ne lui conférant pas pour autant les mêmes droits qu'un
autochtone.
Pour diriger le village les lagunaires ont élaboré
des systèmes très complexes et assez subtils allant de la mo-
narchie à la collégialité en s'appuyant sur deux principales
institutions
- l'assemblée des vieux,
- les classes d'âge.
Ainsi chez les Abouré de Moosou,
le gouvernement
est de type collectif,
du moins en droit,
mais dans les faits,
le choix du chef se fait sur la base de la naissance,
le pou-
voir devient héréditaire selon les règles de fonctionnement.
Le chef est presque toujours le doyen d'âge ou non d'un membre
du lignage maître des terres.
On assiste donc à une forme de
dynastie larvée.
Le chef ici,
n'est pas choisi en fonction de
son âge,
mais suivant les critères de bonté et d'intelligence.
Ces qualités doivent être reconnues par l'assemblée du peuple
qui ratifie le choix.
Cette assemblée est le plus souvent com-
posée de parents et de quelques riches
notables,
qui siègent
aux divers conseils de gouvernement.
Chez les autres peuples,
on remarque une procédure
presque similaire dans le choix du chef avec cependant un em-
bryon de pouvoir de type républicain.
En effet le chef sera
toujours choisi dans la classe d'âge mûre et le candidat po-
tentiel est celui qui aura fait montre de qualités physiques
et intellectuelles incontestables.

-
80 -
Néanmoins lorsqu'on étudie en détail les pouvoirs
du chef,
on se rend compte dans un cas comme dans l'autre que
les vieux sont les vrais dirigeants de la société
ces vieux
sont soit des riches de la classe des hommes libres soit de la
noblesse terrienne.
Dans toutes ces sociétés,
la terres constitue l'ins-
trument privilégié de domination d'une classe de propriétaires
sur le reste du peuple.
Il importe donc de voir l'organisation
foncière traditionnelle;
pour cela,
il est nécessaire de sai-
sir la structure familiale qui détermine les divers droits sur
la terre.
3 - STRUCTURE FAMILIALE ET ORGANISATION FONCIERE
TRADITIONNELLE
a)
Les lignages
La cellule politique la plus étendue,
à l'exception
des confédérations dont le rôle et l'efficacité restent à prou-
ver,
est sans aucun doute la tribu,
subdivisée elle-même en
lignages à travers lesquels s'exprime le pouvoir.
Les lignages
représentent la famille au sens large puisqu'ils regroupent des
personnes en mesure d'établir entre elles des liens de parenté
précis à partir d'un ancêtre commun.
De ce point de vue,
le lignage est la cellule de base
de la vie
sociales; on y trouve réunis, tous les descendants des
deux sexes du fondateur de la lignée, auxquels il faut ajouter les es-
claves, les hommes libres et étrangers assimilés et tous les enfants
naturels des filles du lignage. Par contre on exclura d'un lignage, les
filles mariées, étant donné qu'elles appartiennent désormais à

- 81 -
une autre lignée ; les règles du mariage obligeant les hommes
à choisir leurs épouses dans la tribu mais hors de la famille.
Certes des mariages entre cousins et cousines éloignés ou pro-
ches ont été célébrés jadis, mais cela se faisait
très
rarement
et ces genres de mariages ont toujours eu un mobile
politique
(succession, transmission de biens et autre cas).
Comme conséquences directes à ces règles de mariage,
la femme,
à cause de sa mobilité,
ne peut jamais hériter,
ni
de son mari,
ni de sa famille.
C'est la règle bien respectée
même encore de nos jours.
La seconde conséquence est plus sub-
tile
: l'homme hérite du côté de sa mère.
Dans ces sociétés
qualifiées à tort de matriarcales, l'autorité appartient
à
l'homme, mais on hérite seulement de l'oncle maternel,
c'est
à-dire que les enfants de la soeur aînée sont les héritiers des
frères de cette dernière,
Cette règlementation semble avoir
deux causes :
- La femme en héritant transmettrait les biens du lignage à
un autre lignage.
On assisterait à une disperson de ces biens.
- On hérite du côté maternel car on est toujours sûr qu'on ap-
partient à la mère,
donc au lignage de cette dernière.
Notons toutefois que tous les Akan n'adoptent pas
ce mode de succession matrilinéaire,
cas des Abbey d'Agbovil-
le où se produit le contraire, de même que chez certaines tri-
bus Adjoukrou.
Cependant, quel que soit le mode de succession,
toutes ces sociétés sont patrilocales ; la femme vivant avec
ses enfants sous le toit du mari.
C'est le lignage qui gère les terres qui sont par
ailleurs des biens de toute cette communauté.
Aux terres il
faut ajouter les reliques et l'or gardés jalousement, le plus

- 82 -
souvent par la soeur aînée du patriarche
(bien entendu elle
doit être en mesure de les restituer au besoin).
Les terres
sont sous la responsabilité du patriarche du lignage.
Il en
assure la gestion par l'octroi des parcelles aux fils et au-
tres acquéreurs suivant des modes d'attribution préétablis.
b)
Organisation foncière traditionnelle et gestion
de l'espace
Dans ces sociétés rurales exclusivement agricoles,
le seul instrument de domination des uns sur les autres est
la terre.
Il n'y a donc rien d'anormal à ce que la puissance
d'un lignage se mesure à l'étendue de ses terres et autres ri-
chesses plus difficiles à chiffrer.
La véritable richesse de-
meure la terre mise en valeur ou non.
Les terres d'un village
étaient de deux sortes.
-
Les terres connues de tout le monde et situées aux environs
immédiats du village étaient celles sur lesquelles s'exerçait
l'activité agricole de subsistance.
- Les terres éloignées d'environ 8 à 10 km étaient des terres
de réserve.
On y pratiquait des activités cynégétiques et la
cueillette.
En fait ces territoires de chasse étaient conquis
sur des espaces séparant deux villages
; leurs limites très
floues étaient sources de conflits multiples entre villages
voisins,
généralement tranchés à l'amiable par les autorités
traditionnelles.
On peutconsidérer que jusqu'à la colonisation
et avant l'ouverture massive des pistes par les exploitants fo-
restiers,
les finages de la plupart des villages du sud n'étaient
pas définis,
même si l'on admettait que toutes les terres ap-
partenaient aux tribus que nous avons décrites.
La gestion de cet espace est intimement liée au ca-
ractère bio-religieux de la terre,
de sorte que plusieurs droits

-
83
-
se superposent quant à la possession de la terre.
- Les divers droits sur la terre
En milieu traditionnel,
la terre a une valeur sacrée sur
laquelle se superposent plusieurs droits dont celui de Dieu,
puis des ancêtres morts et enfin le droit d'usage des vivants.
En effet,
les croyances religieuses admettent l'existen-
ce d'un Dieu fondateur - et donc propriétaire - de tout l'uni-
vers.
C'est pourquoi avant la mise en valeur d'une parcelle,
on doit l'invoquer à travers les morts qui sont les intermé-
diaires entre le monde des vivants et celui des forces invisi-
bles.
Pour en avoir été les premiers occupants,
les ancêtres
morts conservent une prérogative sur les terres de leur lignée.
A ce titre,
leur avis doit être requis avant de cultiver les
champs.
Ces croyances admettent également l'existence des
génies,
créatures de forme humaine,
invisibles du commun des
mortels et vivant dans les forêts sombres, les étangs, les cours
d'eau,
les grands arbres ou dans les marécages.
On leur attri-
bue des pouvoirs surnaturels entre autres,
on les dit capables
d'influencer la santé des vivants,
le rendement des cultures,
de favoriser la chasse ou de provoquer des inondations ou la
sécheresse.
Afin de ne pas les offenser,
il est souhaitable
de consulter les devins pour éviter d'ouvrir un champ dans leur
habitat.
Dans tous les cas,
l'ouverture d'un nouveau champ
donnait lieu à des sacrifices en nature allant de l'immolation
d'un mouton à un boeuf suivant les exigences des génies.
Jadis
ils étaient moins exigeants et ne demandaient qu'un poulet et
du vin de palme
de nos jours,
signe des temps,
on y a ajou-
té le Gin et toutes sortes de boissons alcoolisées d'origine

-
84 -
occidentale.
Il faut remarquer que lors de ces rites,
on asso-
cie généralement les trois forces à savoir Dieu,
les génies et
les ancêtres vivant dans l'au-delà.
A cette valeur mythique et religieuse de la terre,
s'ajoutent les pouvoirs des vivants,
simples représentants des
forces ci-dessus citées.
Il sont chargés de gérer les patrimoi-
nes fonciers de leur lignée.
Ces pouvoirs terrestres sont dé-
tenus,
dans le cadre de la tribu,
par le chef de tribu. Ailleurs
où la cohésion de groupe ne dépasse pas le cadre du village, ce
sont les chefs de villages ou "Nana"
qui détiennent ces pouvoirs
de gestion de la terre.
Ils s'occupent de la répartition des
parcelles,
de la reprise ou de la redistribution,
en cas d'héri-
tage,
des champs.
Puisque le domaine d'un village est assez grand
pour être contrôlé par un seul homme,
le"Nana"délègue une par-
tie de ses pouvoirs aux chefs de lignages qui gèrent eux-mêmes
les terres relevant de leurs ancêtres.
Cependant ces chefs de
lignages ne peuvent pas concéder une parcelle à un tiers sans l'avis
du "Nana".
Les fonctions du "Nana"
sont d'autant mieux assurées
qu'il est descendant des fondateurs du village.
Dans ce cas, il
exerce les fonctions politique,
religieuse et administrative.
IL préside les diverses cérémonies d'offrande ou se fait repré-
senter.
On fait appel à lui en cas de litige foncier - chez
certains groupes ethniques le chef de village,
chef des terres,
reçoit des cadeaux en nature et bénéficie de prestations de tra-
vail sur ses propres champs.
Ces divers droits sont détenus à
une échelle plus réduite par le chef de lignage qui reconnait
malgré cela la prééminence du chef de village sur l'ensemble
des terres.
Dans ce système qui semble fonctionner en vase clos,
comment voit-on les étrangers ?
Pour les populations que nous

- 85 -
étudions,
le terme étranger ne constitue aucune ambiguité
on est étranger d'un village lorsqu'on n'appartient à aucun
des lignages constituant ce village.
C'est là le premier ni-
veau de distinction.
Le second niveau concerne par exemple
une femme du village qui ayant quitté son lignage pour se ma-
rier dans un autre,
est considérée par le lignage de son mari
comme une étrangère.
A la différence des femmes qui n'ont pas accès à
la terre,
les étrangers peuvent,
s'ils le désirent,
solliciter
une parcelle de terrain auprès de leur hôte.
Ce dernier trans-
met cette demande au chef du village qui généralement donnait
son accord,
puisqu'en économie de subsistance la terre très
abondante n'était pas sujet à spéculation.
Cette forme direc-
te d'accès à la terre était plus facile lorsqu'on était
de
l'ethnie.
La seconde forme d'accès étalt de se mettre au ser-
vice d'une famille,
d'y prendre femme et dans ce cas on était
intégré à la famille de l'ex-protecteur,
on jouissait par la
suite d'une indépendance dans la gestion de la parcelle.
Ce
mode d'accès est plus long mais permet en revanche une
inté-
gration parfaite de l'étranger.
Dans l'un ou l'autre cas,
aucune attribution de
terre n'était définitive,
bien que l'on puisse transmettre
par héritage sesoarcelles à sa descendance ou à des neveux. La
terre était toujours reversée dans le patrimoine du lignage
propriétaire. On n' en possédait que le droit d'usage. Comment,
dans ce système,
s'organisait l'activité agricole? Que culti-
vait-on,
quelles étaient les techniques culturales?
- Types d'activités et organisation du travail en milieu
rural traditionnel
La gestion de l'espace traditionnel a été,
pendant
longtemps,
qualifiée de communautaire.
Concernant notre domaine,

-
86
-
nous récusons le terme de communauté de gestion,
car si la ter-
re est un bien de la communauté,
le travail de l'individu ne
l'est pas.
En réalité les exploitations étaient gérées par les
cellules familiales,
sous l'autorité du chef de ménage.
C'est
ce dernier qui répartissait les fruits du travail entre les mem-
bres de la famille.
Les principales activités se résumaient à l'agricul-
ture vivrière,
à
la cueillette,
à
la pêche et à la chasse aux-
quelles il faut ajouter l'artisanat pratiqué de manière occa-
sionnelle aux périodes de repos.
On remarquera que chez les
Akan,
malgré une structure très hiérarchisée de la société, il
n'y a pas de division du travail par caste.
Avant d'aborder l'exécution des travaux et des di-
verses techniques agricoles,
rappelons les outils utilisés et
les cultures pratiquées.
L'outillage traditionnel en Basse Côte:
cet outil-
lage ne diffère pas de celui de l'ensemble de la Côte d'Ivoire
rurale d'hier et d'aujourd'hui
(en exploitation traditionnelle);
le plus utilisé de ces outils est la matchette,
sorte de grand
coutelas à bout plus ou moins arrondi selon l'utilisation.
Il
est destiné plus couramment au sarclage,
à l'abattage des
pe-
tits arbres;
c'est l'instrument indispensable à l'ouverture de
nouveaux champs.
Son utilisation s'étend aux activités annexes
comme la chasse,
l'artisanat etc ...
En fer forgé et terminé
par un manche en bois,
la matchette est un outil relativement
bon marché car elle est fournie par des forges locales artisa-
nales ou importée d'Europe.
Oe nos jours ABI
(Abidjan Industrie)
a le monopole du marché ivoirien.
Le second outil est la houe ou Daba pour le buttage
ou le sarclage.
Il en existe diverses formes,
des plus petites
(allouées aux femmes)
aux plus grandes
(pour les buttes,
donc
pour les hommes).
Leur efficacité est fonction de la nature des

-
87 -
sols.
Un sol rocheux comportant beaucoup trop de racines en
limite très sérieusement l'efficacité,
donnant des labours
superficiels.
C'est la raison pour laquelle on remarque que
dans le sud forestier,
la houe est de dimension plus réduite
que dans le nord du pays,
domaine de la savane.
Pour l'abattage des grands arbres,
l'homme a re-
cours à la hache,
tandis qu'une barre à mine sert à trouer,
dessoucher les palmiers et racines et à récolter les ignames.
Tous ces instruments qui ont peu évolué dans le
temps sont fabriqués par les autochtones en temps de "repos"
c'est-à-dire après les récoltes et en attendant l'ouverture
de nouveaux champs.
Jadis, on
les acquérait très
fa-
cilement par don ou par prestation de service ou par troc.
Quand ils étaient vendus,
ils ne coûtaient pas cher.
Leur re-
nouvellement ne posait donc aucun problème.
Leur utilisation
peu dévastatrice pour les sols fragiles du domaine forestier
s'oppose à celle des engins motorisés.
A ces outils il faut ajouter le feu très utile
dans les pratiques agricoles traditionnelles d'agriculture
à longues jachères avec brûlis.
Les cultures pratiquées étaient très nombreuses.
On retiendra la prédominance des tubercules et autres plantes
à racines.
Ainsi cultivait-on le manioc,
l'igname,
le tarot,
puis la banane plantain et les légumes.
Généralement,
l'igname vient en tête d'assolement,
suivi du tarot et du bananier.
Les légumes tels le gombo, l'au-
bergine et le piment sont semés dès l'apparition des premières
tiges d'igname.
On associé très souvent le mais, aux premières
cultures
Au bout de sept à huit mois,
l'igname et le mais
étaient récoltés,
ne restaient sur la parcelle que les légumes
qui peuvent porter des fruits très longtemps suivant le climat.
Le second tour d'assolement est réservé au manioc puis à l'arachide

-
88 -
et à une seconde culture de mais.
Le manioc est cultivé en
deuxième assolement car il épuise très facilement le sol et
son élimination complète pose de sérieux problèmes,
puis-
qu'il se multiplie par bouture.
Très souvent il faut avoir
recours au feu pour le débarrasser de la parcelle afin qu'el-
le puisse être mise en jachère pour une durée très variable
de 7 à 10 ans et plus selon le terrain.
-
L'exécution des travaux,
une division sexuelle du
travail
L'ouverture de nouveaux champs n'est possible
qu'après les cérémonies que nous évoquions plus haut.
La por-
tion concédée est cultivée par toute la famille.
Quand cette
parcelle est grande,
le chef de ménage fait appel à la force
de travail de voisins,
d'amis ou de parents éloignés pour les
opérations de défrichage et de buttage,
sans autre forme de
rétribution que de rendre à chacun le nombre de journées de
travail reçues.
La portion défrichée est fonction du nombre
d'épouses du chef de ménage qui partage son champs entre ses
femmes,
une fois le défrichage et le buttage terminés.
Sui-
vant une division sexuelle du travail,
l'homme se réserve ces
deux travaux jugés dangereux pour la femme car ils requièrent
une force de travail considérable.
La femme s'occupe de ba-
layer la parcelle,
de saigner les gros arbres et d'y mettre
le feu afin qu'ils perdent leurs feuilles car les cultures
supportent mal un ombrage important.
C'est encore
la
femme
qui s'occupe du sarclage,
de la plantation des bananiers
et
du manioc
; elle participe à la récolte et au stockage de cel-
les-ci,
auprès de son mari.
Les opérations de défrichement et de plantati?n
des diverses cultures s'étalent sur environ deux à trois mois;
leur déroulement est fonction de la pluviométrie.
Cependant

~9
-
chaque tribu a son propr
,lendrier d'exécution des diverses
tâches et nous ne pou von
5
les reproduire ici.
On peut seu-
lement constater que les
tre saisons décrites plus haut,
correspondent à la divis
du temps par les paysans.
Les cro-
yances religieuses aidan-
II y a des jours fastes pour les
travaux champêtres,
la p
'e et la chasse.
Certains jours, va-
riables d'une ethnie à l
~re, toute activité en brousse est
interdite.
Ces j ours cor:
Jondraient aux jours de repos des
génies qu'il ne faut pas
ubler.
Les chefs de terres veil-
lent scrupuleusement à l
Jlication de ces interdits.
Les récoltes
"'ent généralement lieu à des réjouis-
san ces populaires,
comme
r exemple la fête des ignames du
peuple Akan qui se situe
nos jours aux périodes de récolte
du café et du Cacao.
La [
. ode de repos d'autrefois se trouve
ainsi être celle des grar
travaux d'aujourd'hui! ...
Tant que les :-
~lns des populations ont pu être
satisfait et que le cont:
.2
de la démoqraphie n'a pu échapper
aux populations locales,
1
n'a pas senti ~a nécessité de faire
évoluer ces pratiques et
'chniques agricoles.
On récoltait
suffisamment pour le groL
on troquait peu de choses,
chacun
produisant les mêmes denr
s.
Qu'en est-il de nos jours? Nous
tenterons d'y répondre dé
la troisième partie de ce travail.
Pour l' heure,
il nous sec
e lmportant de rappeler que le com-
merce faisait partie des
:tlvités des paysans de la Basse
Côte,
même si la nature d
~roduits était peu diversifiée.
L'activité de comm~ :e traditionnel
faible portée
- - - - ' - - - - - - - - - - - - - - ' - - - -
régionale
Dans le para gr
lhe précédent,
nous écrivons qu'on
troquait très peu
en fé
il s'agit ici du commerce local
qui n'a pas pu se dévelo~
r pour les mêmes raisons que nous

- 90 -
évoquions
; en revanche le commerce interégional a été très
actif.
Le sud du pays est entré très tôt en contact avec le
pays KROU
( à l'ouest de notre domaine)
et les savanes au nord
du pays.
L'une des manifestations concrètes de ces échanges
est l'existence des esclaves achetés dans ces contrées.
Le dé-
tail de ce commerce n'intéresse pas notre propos.
Nous l'évo-
quons pour en expliquer les conséquences sur les activités
agricoles et éclairer le comportement des lagunaires face à
l'économie monétaire moderne.
Avec l'arrivée des Européens,
ce commerce se dévoloppa rapidement autour d'un produit clé
l'huile de palme;
ce qui a fait écrire à KOBY A.
que "t'hui..te
e~t à t'o~i..gi..~e de t'e~~o~ du pay~ OdzUQ~u
(adjouQ~ou)
ava~t
ta pé~i..ode ~oto~i..ate. Ette ati..me~tai..t te~ ~etati..o~~ ~omme~­
~i..ate~ ave~ te~ ~ompag~i..e~ et te~ 6a~to~e~i..e~(1)".
Ce
commerce
intéressait
125
autrBs
peuples la-
gunaires,
de sorte qu'une stratégie d'occupation de l'espace
était nécessaire
: il fallait constituer un obstacle entre
Européens de la côte et les populations de l'hinterland pour
en avoir l'exclusivité.
Ce commerce a contribué à asseoir l'autorité des
chefs coutumiers par le biais d'un enrichissement en or et en
nature
(pagnes achetés au pays baoulé).
Il y a eu constitution
d'une bourgeoisie dont la logique était le foncier.
Plus
on
avait des terres,
plus on cueillait de noix de palme.
Comment ce milieu a-t-il réagi face à la colonisa-
tion ?
(1)
Koby
Assa,
ouvrage
cité
ci-dessus.

- 91 -
CHAPITRE III
DES BOULEVERSEMENTS NES DE LA COLONISATION,
AL'ADOPTION DES CULTURES PERENNES
L'objectif de ce chapitre est de rappeler les condi-
tions dans lesquelles est née l'économie de plantation.
Il ne
saurait être question de traiter tous les aspects d'un thème
qui dépasse le cadre de cette étude.
A -
LES CONDITIONS DE L'INTRODUCTION DES CULTURES D'EXPORTATION
EN BASSE COTE
Dans le souci de mettre en valeur la toute nouvelle colonie,
les français,
par l'intermédiaire de Verdier,
introduisirent le
café et le cacao en Basse Côte.
Le gouvernement de l'époque con-
céda à Verdier 30 000 ha de forêts comprises entre Assinie
(est
de Bassam)
et le Bandama
(ouest de Dabou).
Cet espace couvre
entièrement celui que nous étudions,
à l'exception des
zones
mises en valeur par les populations africaines autochtones.
Le succès des premiers essais poussa les autorités colonia-
les à-diffuser la culture de ces deux plantes dont la consomma-
tion devenait courante en métropole.
On était à la fin du siè-
cle dernier.
A partir de 1915,
date à laquelle toute la colonie
avait été "pacifiée",
les européens ouvrirent de nombreuses plan-
tations grâce à une main d'oeuvre servile et gratuite prélevée

- 92 -
sur les populations autochtones.
Ceci ne permit cependant pas
une diffusion systématique du café et du cacao.
1 - MANIFESTATIONS ET CAUSES OU REFUS DES CULTURES PERENNES
Dès l'introduction des plantations dans la sphère ru-
rale traditionnelle,
les populations autochtones marquèrent une
indifférence totale envers ces cultures inconnues d'eux.
Lors-
qu'on essaya de les contraindre à en assurer les soins,
elles
refusèrent de se plier.
En fait le refus des populations n'a
jamais été
explicite:
les paysans marquèrent leur refus en
ébouillantant les fèves avant de les semer,
ou alors ils sar-
claient aussi bien les mauvaises herbes que les jeunes tiges de
cacaoyer et de caféier.
Les causes de cette réaction sont mul-
tiples
; on retiendra
;
- Le prélèvement d'une main d'oeuvre gratuite
- L'occupation sans contrepartie des terres coutumières
- L'absence de ces produits dans la consommation des autochtones
- Les séquelles des conflits armés entre européens et autochto-
nes.
Les répressions eurent raison des populations de la
Basse Côte.
La période 1914-20 fut déterminante:
en lutte con-
tre l'Allemagne
(1914-1B),
la France exigea des colonies un "ef-
fort de guerre" particulièrement soutenu et éprouvant pour les
"travailleurs forcés"
qui se familiarisèrent aux cultures péren-
nes.
Après la guerre,
les lagunaires d'abord,
puis ceux de
l'int~rieur s'intéressèrent peu à peu à ces cultures et l'engoue-
ment qui s'en suivit fut d'autant plus fort que le refus avait
été catégorique.
Pourquoi ce renversement de situation 1

-
93
-
2 - LA CONTRAINTE DE L'IMPOT,
PRINCIPALE CAUSE DE L'OUVERTURE
A LA PLANTATION
Le refus de cultiver les plantes imposées par le colon
fut vite remis en cause,
car de nouvelles conditions socio-écono-
miques obligèrent les africains à s'ouvrir à la plantation.
Parmi ces causes on peut citer
:
- le payement des impôts
- les nouveaux besoins de consommation et plus tard
- le besoin de s'affirmer au plan social.
En effet au départ,
l'installation d'un européen sur
une terre coutumière faisait l'objet de négociations entre chefs
de terre locaux et européens,
au même titre qu'un étranger,
com-
me précédemment expliqué.
Après la proclamation de la colonie de
Côte d'Ivoire,
on assista à une inversion des rapports de force:
les autochtones doivent payer un impôt de capitation proportion-
nelle au nombre de personnes composant le ménage.
Cette situa-
tion paradoxale pour les africains suscita des troubles vite
mâtés.
Pour mieux assurer le contrôle,
les colons procédèrent
à des regroupements de villages le long des axes routiers.
Les
populations africaines ne pouvant plus échapper au prélèvement
se virent dans l'obligation de rechercher des sources de reve-
nu.
C'est donc tout naturellement qu'elles s'adonnèrent aux
plantations. Cependant les plus sceptiques ne se décidèrent
qu'avec le concours des nouvelles données économiques: les con-
tacts précoces avec l'occident ont créé des besoins de consom-
mation par le biais des premiers commerces qui étalaient des
marchandises importées.
Pour satisfaire ses besoins,
le plan-
teur
doit produire toujours plus.
Mais les plantations ne connurent une véritable diffu-
sion qu'avec les effets de démonstration des richesses et fas-
tes des rares planteurs africains qui,
avec ou sans conviction
avaient ouvert les premières plantations.

- 94 -
La proximité du Gold Coast
(Ghana actuel) joua égale-
ment un rôle important,
puisque déjà entre les deux guerres,
ce
territoire anglais comptait de riches planteurs qui servirent
de modèles à quelques ivoiriens qui se rendaient à KUMASSI dans
le cadre d'un commerce traditionnel assez florissant à l'époque
entre cette ville et tout le sud-est et l'est ivoirien.
Enfin la dernière raison de cette diffusion est à met-
tre au compte du pouvoir de l'argent procuré par les plantations.
En effet,
dans la mesure où la hiérarchisation de la société
Akan reposait en partie sur la richesse,
les classes les moins
favorisées par la naissance virent dans cette nouvelle économie
de marché,
le moyen de détenir une parcelle du pouvoir et donc
de changer de statut social.
En fait il y a chez les Akan une
attitude presque constante:
lorsqu'il y a une innovation qui
peut bouleverser l'ordre social,
les hommes de condition modes-
te et les "esclaves" de la société sont les premiers à s'ouvrir
à cette innovation soit volontairement, soit poussés par les
maîtres.
Ainsi les premiers écoliers furent des fils d'esclaves
aussi bien en pays Adjoukrou qu'en pays Ebrié,
Agniou Baoulé.
Toutes ces raisons qui ont joué un rôle à des degrés
variables,
ont participé au développement et à la diffusion des
plantations.
L'élément catalyseur fut l'ouverture des pistes par
les exploitants forestiers.
L'abolition des travaux forcés en
1945, en libérant les villageois des servitudes coloniales fa-
vorisa la venue des autochtones parmi les exploitants de la
terre.
Les conséquences immédiates de l'introduction du café
et du cacao en Basse Côte, sont nombreuses; elles touchent le
foncier,
les cadres spatiaux,
ruraux et urbains;
les transfor-
mations des sociétés concernées et la vie politique ivoirienne.
Au risque de nous répéter,
nous ne les analyserons que plus

- 95 -
loin.
Mais déjà il est à remarquer que les premières luttes po-
litiques en Côte d'Ivoire ne portaient pas sur des questions idéo-
logiques d'indépendance ou de réclamation de la terre,
mais sur
le besoin de pouvoir vendre les produits agricoles africains au
même prix que les européens.
Ce qui signifie de manière assez
e
claire l'adoption définitive des cultures perennes après la 2
guerre mondiale.
Quel bilan peut-on faire de cette agriculture
avant 1960?
B - UN BILAN MARQUE PAR L'ACCROISSEMENT CONSTANT ET UNE
DIVERSIFICATION DES CULTURES
Un bilan de l'agriculture de l'époque coloniale permet
de suivre le bond spectaculaire de cette activité après 1930.
En effet,
l'analyse des superficies plantées entre 1910 et 1945
montre une évolution très rapide,
en témoignent les chiffres de
production de café suivants
:
Production de café entre 1910 et 1939 (1)
Années
Production en tonnes
1910
32
1919
100
1928
300
1931
700
1933
1 700
1934
2 600
1935
5 000
1939
18 000
(1)
Roland
Portères
cité
par
O.
Boni
Op.
Cit.

- 96 -
Entre 1930 et 1939,
la progression fut spectaculaire.
e
A la veille de la 2
guerre mondiale la production a triplé par
rapport à celle de 1935.
C'est à partir de 1910 que le cacao fut encouragé par
les autorités coloniales soucieuses de tirer le maximum de profit
des terres de la Basse Côte.
A l'instar du café,
cette plante
connut une évolution assez rapide.
En 1920,
la Côte d'Ivoire ré-
coltait 1 036 Tonnes, résultat de l'ouverture de quelques autoch-
tones à cette plante,
après l'abandon des plantations par cer-
tains européens qui avaient été appelés au front par la métro-
pole.
En 1929,
le cacao atteint 17 000 Tonnes,
puis 55 000 Ton-
nes en 1939, malgré l'effondrement des cours occasionné par la
surproduction des pays d'Amérique Latine.
Une comparaison des productions de café et cacao montre
que le café progresse de manière régulière alors que le cacao
connaît une évolution en dents de scie, tandis que les superfi-
cies plantées évoluent de manière constante entre 1949 et 1959.
Comparaison entre superficies récoltéés en café et cacao
Années
Café
(h a)
Cacao
(h a)
Cacao/Café + cacao (%)
1949 - 1950
179 000
158 000
46,88
1950 - 1951
206 000
177 000
46,21
1951 - 1952
185 000
173 000
48,32
1952 - 1953
248 000
181 000
42,19
1953 - 1954
258 000
172 000
37,63
1954 - 1955
304 000
188 000
38,21
1955 - 1956
383 000
226 000
37,11
1956 - 1957
394 000
211 000
34,87
1957 - 1958
469 000
213 000
31,23
1958 - 1959
539 000
237 000
30,54
Source
Ministère de l'Agriculture - Chambre de l'Agriculture

- 97 -
La part de cacao sur l'ensemble des superficies plantées
diminue irrégulièrement jusqu'en 1953, en se maintenant au dessus
de 40 % du total.
A partir de 54,
cette baisse s'accélère et en
1959,
les superficies de cacao ne représentent plus que 30 % du
total, malgré une progression de 50 % des superficies entre
1949 et 1959 ; cela s'explique par le fait que les superficies
de café ont connu elles,
une progression de 201,11 % sur la mê-
me période.
L'un des traits de cette agriculture de l'époque colo-
niale est la diversification lente certes mais constante des
produits.
Ainsi en 1958,
le retrait de la Guinée de la Communau-
té Française permit à la Côte d'Ivoire de développer ses banane-
raies, tandis que les événements politiques en Indochine favori-
sèrent l'implantation des premières superficies d'hévéa en Bas-
se Côte.
Jusque-là l'IRHo
(Institut de Recherche des Huiles et
Oléagineux) avait développé le palmier à huile autour de oabou,
tandis que des planteurs isolés avaient créé des champs d'ananas.
Cette diversification s'est accompagnée d'une participation de
plus en plus grande des africains à l'agriculture d'exportation.
On considère qu'en 1960 plus de 85 % des planteurs sont des afri-
cains et près de 60 % d'entre eux sont de la Basse Côte.
En conclusion, il ne fait pas de doute que la colonisa-
tion ait joué le rôle le plus important dans la diffusion des
cultures d'exportation.
Si au départ il y a eu un refus des po-
pulations autochtones,
cela est à mettre au compte des méthodes
brutales de prélèvement de main d'oeuvre gratuite et obligatoire
par les colons;
de ce fait,
les plantations furent assimilées
à la colonisation.
Ce n'est qu'avec l'adoucissement des condi-
tions sociales que les autochtones furent amenés à pratiquer
ces cultures qui commençaient à procurer de nouvelles richesses
aux premiers africains qui avaient voulu essayer cette nouvelle
forme d'exploitation de la terre.
Les premières revendications

- 98 -
du Syndicat
Agricole Africain créé par Houphouet Boigny mon-
trent que l'agriculture d'exportation a toujours été la préoc-
cupation des politiciens ivoiriens.
On comprend dès lors pour-
quoi cet héritage de la colonisation sera maintenu puis amélio-
ré après l'Indépendance politique de la Côte d'Ivoire.

DEUXIEME PARTIE
UNE AGRICULTURE EN MUTATION RAPIDE
ET FACTEUR DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
DE LA BASSE COTE

-
99
-
Les moments d'hésitation passés,
l'agriculture
ivoirienne connut un développement spectaculaire. Il convient
ici de souligner les raisons de cet accroissement,
d'apprécier
les volumes de production et de voir si cette agriculture a les
moyens de son maintien sur une longue période.
Une analyse des structures de l'espace - supports
indispensables de toute activité économique - a été entreprise
pour comprendre les raisons de cet accroissement rapide.
L'ob-
servation des résultats sur la dernière décennie,
permet d'en-
visager à moyen terme,
le développement auquel on pourrait a-
boutir.
La capacité d'évolution,
de transformations positives
et de développement généralisé d'une région,
dépend en partie de
la création d'activités induites des activités de première gé-
nération.
C'est pourquoi nous serons amené à analyser l'effet
"boule de neige" de l'agriculture de spéculation dans la péri-
phérie d'Abidjan.
Le dernier chapitre de cette partie sera consacré
à
l'étude de l'organisation générale de la région.
Ceci nous
permettra de montrer les diverses relations existant entre les
paysans et les structures de production,
dans l'espace économi-
que le plus dense du pays.
Nous verrons à travers cette analy-
se les impacts des cultures pérennes sur le semis de l'habitat,
ou le cas échéant,
l'impact du village sur la localisation des
champs.

- 100 -
CHAPITRE IV
U~IE PRODUCTION AGRICOLE EN CROISSANCE CONTI~IUE
ET DIVERSIFIEE, INTEGREE ADES STRUCTURES DE DISTRIBUTION PEU VARIEES
Le chapitre III permet de suivre les progrès de l'agri-
culture ivoirienne pendant la période coloniale. Cette lente évo-
lution s'est accompagnée d'une diversification à la veille de
1960, date de l'indépendance politique, avec la culture bananière
et l'hévéa-culture
(1958).
On pouvait imaginer que devenu indé-
pendant,
le pays ne s'élance dans l'aventure industrielle,
prô-
née à l'époque par quelques intellectuels tentés par les modèles
de développement japonais,
chinois et soviétiques.
On ne pourra
jamais juger la prise de position de ces intellectuels,
puisque
"la voie de l'industrialisation tous azimuths avec la primauté
à
l'industrie lourde" n'a pas été suivie.
Néanmoins les diffi-
cultés rencontrées par les pays du Tiers-Monde ayant suivi cette
voie,
font douter de l'efficacité d'une telle politique, si elle
avait été adoptée en Côte d'Ivoire.
Les dirigeants optèrent donc pour la modernisation et
l'extension des plantations,
héritages de la colonisation.
Les
résultats ne se firent pas attendre.
A notre avis,
le succès
de l'économie agricole résulte en grande partie d'un nombre de
facteurs que nous nommons "groupements efficaces,,(l),
c'est-à-
dire tous les acteurs et agents économiques,
les infrastructures
de liaisons,
les circuits de décision,
d'information,
de monnaie
etc ... , les analyser est un préalable à la compréhension de la
diffusion spatiale des plantations,
et donc de celle de la dyna-
mique économique de la 8asse Côte.
(1)
Au
sens

l'entend
J.C.
Perrin
cf.
Bibliographie.

-
101 -
A -
LES FACTEURS DE LA CROISSANCE CONTINUE APRES 1960
L'action amorcée sous la colonisation par les planteurs
européens et quelques africains,
a doté la Côte d'Ivoire d'une
agriculture assez solide:
dans l'ouest africain,
elle fait par-
tie,
avec la Guinée,
le Ghana et le Nigéria,
des pays exporta-
teurs de produits agricoles
les cultures vivrières couvrent
les besoins de consommation de la population.
Cette agriculture comporte néanmoins des faiblesses,
notamment dans la qualité des produits,
dans les rendements à
l'hectare et la part écrasante du café-cacao dans l'économie
nationale.
L'Etat se mit en devoir de combler ces faiblesses
en orientant ses actions dans quatre principales directions
- L'amélioration des infrastructures de communication,
- L'aide directe aux paysans,
pour l'amélioration et la diversi-
fication,
L'encadrement des paysans suivi d'une formation sommaire,
- L'organisation générale de l'économie par la planification.
La prise en main de l'agriculture par le gouvernement,
était largement justifiée par l'impasse dans laquelle se trou-
vait ce secteur clé de l'économie.
En effet,
le marché français,
jusque-là favorable aux exportations ivoiriennes,
avait permis
le développement des plantations.
En devenant une nation libre,
la Côte d'Ivoire perdait la priorité sur ce marché.
Face aux
productions de l'Amérique Latine,
le café et le cacao ivoiriens
connurent d'énormes méventes.
Les autorités politiques furent
contraintesde rechercher d'autres partenaires commerciaux et

- 102 -
surtout de diversifier les produits,
afin de relativiser la
part du café et du cacao dans l'ensemble des exportations.
C'est cette intervention de l'Etat qui constitue l'é-
lément majeur de la dynamique générale de l'agriculture.
1 -
L'AMELIORATION DES STRUCTURES REGIONALES DE
LIAISONS
L'analyse économique spatialisée opérée par Von Thünen
a révélé que l'homogénéité et la dynamique des régions,
ne dé-
pendent pas uniquement du jeu combiné des forces naturelles
(climats,
sols,
végétation,
relief etc ... ).
Dès lors que les mar-
chés sont situés en dehors des aires de production,
les coûts
de transports entrent dans le jeu économique.
L'accessibilité
aux zones de production et aux marchés est fonction des infras-
tructures de communication,
matrices de la transformation de
l'espace.
Ces infrastructures sont diverses et hiérarchisées.
Lorsqu'on étudie celles de la Basse Côte,
on s'aperçoit que la
propagation des plantations est étroitement liée à l'évolution
des réseaux de circulation.
a)
L'impact de la densification du réseau routier
sur l'agriculture
L'une des différences fondamentales entre l'agricul-
ture traditionnelle et moderne est que la première est entière-
ment autoconsommées,
alors que la seconde,
ne tient aucune pla-
ce dans la consommation locale et elle est de ce fait entière-
ment exportée.
La livraison des productions nécessite donc la créa-
tion de routes
; or les outillages précaires décrits plus haut
s'avèrent inefficaces pour faire face à une végétation particu-
lièrement exubérante dans le sud ivoirien,
de sorte que le ré-
seau routier, à la veille de l'indépendance, était très sque-

-
103 -
lettique et se résumait à quelques axes d'importance relative
et à des pistes pour l'acheminement à pied des récoltes vers
la côte.
Il fallut attendre le début de l'exploitation fores-
tière pour voir émerger un réseau routier plus viable qui permit
le désenclavement de nombreux villages.
L'ouverture des pistes
pour l'exploitation forestière,
fut bénéfique à l'agriculture,
sur deux plans
:
- d'une part,
en pénétrant dans des espaces jusqu'alors craints
des autochtones,
les exploitants forestiers ont désacralisé des
zones qu'on croyait être l'habitacle des forces de la nature.
Psychologiquement débarrassées de certaines croyances,
les popu-
lations paysannes peuvent désormais cultiver sans crainte de re-
présailles
(cf.
chapitre II),
- d'autre part,
les pistes des exploitants forestiers furent
améliorés et servirent aux premiers véhicules des années trente,
pour faciliter le transport des récoltes. Ce sont ces premières routes qui
constituent des récoltes.
Ce sont ces premières routes qui cons-
tituent encore aujourd'hui l'armature de base du réseau routier
du pays.
P.
Claval a fait remarquer la particularité des"ré-
seaux routiers" des pays du Tiers-Monde(l),
des réseaux se ré-
sumant à un ensemble de routes et pistes mal reliées entre elles,
le plus souvent parallèles entre elles et partant de la Côte vers
l'intérieur du pays
(cas des pays d'Afrique côtière).
La Basse
Côte,
à la veille de l'indépendance politique,
n'échappait pas
à ce schéma;
témoin,
la carte ci-contre.
Les autorités politi-
ques s'attelèrent à la construction de nouvelles routes et à
l'amélioration des premières pistes reliant Abidjan au reste du
pays.
L'accent fut mis sur les liaisons transversales qui demeu-
rent malgré tout,
encore insuffisantes
(cf.
chapitre VII).
La densification du réseau routier de la Basse Côte
(1)
Eléments
de
Géographie
Economique
Paul
ClavaI
(cf.
bibliogra-
phi e )

- 104 -
est à mettre en relation étroite avec l'apparition des SODE
et autres groupes d'intérêts privés intervenant dans la sphère
rurale.
On estime que la création de 1 000 ha de plantation de
palmier à huile nécessite celle de 60 Km de pistes diverses.
La
SODEPALM aurait créé jusqu'à ce jour environ 5 000 km de pistes
en Basse Côte.
La route est donc le canal par lequel les plantations
se sont propagées
; par la suite leur amélioration fut possible
grâce aux bénéfices procurés par les cultures d'exportation
(cf.
chapitre VII).
b)
La voie ferrée,
un rôle de plus en plus mitigé
La Côte d'Ivoire dispose d'une voie ferrée d'un seul
tronçon,
long de 650 km et traversant le pays du Nord au Sud.
On
ne peut donc pas parler ici de réseau ferroviaire,
la desserte
nationale se limitant aux zones traversées par le seul tronçon.
Cette voie a néanmoins joué un rôle décisif dans les premières
années de sa création.
C'est elle qui permit à la région d'Ag-
boville et Dimbokro de s'ouvrir aux plantations,
en acheminant
à Abidjan les récoltes de ces régions.
Avec la pénurie de main
d'oeuvre,
elle servit au transport des travailleurs voltaïques
vers la Basse Côte.
Bien qu'on note sur le passage du rail,
quelques
industries directement liées à l'agriculture
(industries texti-
les de Bouaké,
Dimbokro et Agboville),
on constate que son rôle
dans le transport des cultures de la plantation n'est pas très
important.
Son impact a été plus déterminant à l'époque colonia-
le qu'il ne l'est de nos jours.
La concurrence de la voie rou-
tière lui a fait perdre sa place privilégiée d'antan.
Néanmoins,
le rail sert à évacuer la cola d'Anyama vers les pays du Sahel
et le coton du nord du pays vers les centres industriels ci-
dessus cités.

- 105 -
Seule une politique d'extension de la voie ferrée
peut accroître le rôle de la voie ferrée.
On peut cependant lui
reconnaître le rôle important joué jusqu'à la constitution de
véritables réseaux routiers.
c)
Le port d'Abidjan,
un débouché économique important
Les produits des plantations,
l'avons-nous écrit,
sont destinés à l'exportation.
Il était donc nécessaire de doter
la Côte d'Ivoire d'un port en eau profonde,
capable d'accueillir
de grands navires.
En effet,
les Wharfs de Bassam,
puis d'Abidjan of-
fraient peu de liberté de manoeuvre et nécessitaient le transport
sur de petites embarcations,
des produits de la côte vers des ba-
teaux amarés en mer.
Ces opérations étaient très coûteuses aussi
bien financièrement qu'en vies humaines.
Le creusement du canal
de Vridi en 1951 marque de ce fait une étape importante dans le
développement économique du pays.
En 1955, 947 000 Tonnes de
marchandises y sont échangées,
contre plus de 5 000 000 Tonnes
en 1970.
En 1980,
ce sont plus de 10 millions de tonnes de mar-
chandises qui transitent par ce port.
Une relation étroite existe entre d'une part le dé-
veloppement de l'agriculture et le port et d'autre part entre
la diversification agricole et la création de ce port.
d)
Le réseau aérien,
indispensable à la culture de
l'ananas de la banane
A la différence des autres produits,
l'ananas et la
banane sont deux produits rapidement périssables.
Il faut les
évacuer le plus vite possible sur les marchés de consommation
européens.
L'aéroport d'Abidjan assure efficacement ce rôle et
permet aux planteurs d'envisager l'extension des plantations.

- 106 -
On peut constater que l'ananas a le plus bénéficié de cet aéro-
port; la banane est en grande partie transportée par bateaux.
Les infrastructures de communication ont favorisé
la propagation des plantations, dans le sud-est d'abord,
ensui-
te dans le reste de la zone forestière.
L'exemple du sud-ouest,
récemment conquis par les plantations,
vient confirmer que la
route est essentielle à la diffusion de l'innovation.
En effet
depuis les années soixante dix,
on assiste à l'exploitation fo-
restière intensive du massif forestier du sud-ouest
; ce qui
permet l'installation des paysans après le démantèlement du
chantier.
Le rôle de l'Etat demeure cependant primordial,
car
la structuration de l'espace est avant tout, le résultat d'une
politique volontariste.
Cette volonté se manifeste à tous les
niveaux de la vie économique du pays,
et doit être prise en
compte pour comprendre l'évolution et le succès de l'agricultu-
re d'exportation.
2 - L'AIDE DE L'ETAT AUX PAYSANS
Jusqu'en 1960, seules les plantations européennes
avaient bénéficié de soins appropriés et faisaient l'objet d'une
exploitation mécanisée.
De ce fait,
les plantations paysannes en
voie de vieillissement et mal entretenues,
ne pouvaient pas as-
surer au pays des récoltes régulières.
Il était nécessaire de rs-
valoriser ces plantations par l'apport d'engrais et le traitement
phytosanitaire contre les capsides.
L'action du gouvernement se
situe à deux niveaux
:
- une aide directe en espèce ou en nature
- une aide indirecte par l'encadrement à partir des SODE.

- 107 -
al
Les aides directes pour l'amélioration des cultures
La SATMACr,
créée en 1958 eut,
dès 1960, la tâche
de conduire la lutte anti-capside.
Cette opération assez coûteu-
se fut financée à un tiers des dépenses en produits et matériels
de pulvérisation par les fonds de l'Etat,
sous la forme de cré-
dits remboursables en deux ans et plus selon l'importance de
la plantation.
Parallèlement,
on entreprit l'opération de régé-
nération des plantations devenues vieilles et peu productives.
La tâche ici consistait à élaguer,
soigner et épandre de l'en-
grais au pied des plants de caféier et de cacaoyer,
les deux
cultures concernées.
A partir de 1970,
l'opération se poursui-
vit avec le remplacement des anciennes variétés de caféiers et
de cacaoyers par des espèces plus performantes.
Ainsi pendant les campagnes 72-73 et 74,
l'Etat
prit en charge deux tiers des dépenses en distribuant aux plan-
teurs des cacaoyers hybrides soit en cabosses soit en pépinières.
La reconversion fut en partie un succès,
puisqu'en
1979-80,
avec une production de 370 000 T,
le pays devenait le
premier producteur mondial de cacao.
Lors de l'opération "régé-
ration"
de la cacaoyère,
l'Etat attribua une somme forfaitaire
de 60 000 CFA par hectares de nouvelle variété plantée.
Du côté du café,
on enregistre entre 1971 et 1979,
environ 70 000 ha de café sélectionné.
La même somme forfaitai-
re était donnée gratuitement,
à titre de compensation ou
plu-
tôt d'incitation,
pour 1 ha de café sélectionné planté.
Même si les capsides n'ont pas disparu,
et ce mal-
gré les efforts du gouvernement,
on peut noter une amélioration
globale de la production,
doublée d'un accroissement du volume
de production.
Les réticences des uns,
le scepticisme des autres
ont géné en partie,
une action pourtant salutaire pour les deux
produits clé de l'économie ivoirienne,
placés devant la concur-
rence et la qualité des produits latino-américains.

- lOS -
Nous avons nous-même vécu l'engouement des paysans
intéressés surtout par :es indemnisations que par les résultats.
Les inerties des plus s,~eptiques ont constitué un danger pour
ceux qui avaient cru au'
résultats dès le départ.
En effet,
ceux qui n'ont pas proc'dé aux luttes anti capsides ont fait de
leurs plantations des r'serves de capsides qui se sont propagés
par la suite.
C'est l'occasion de signaler que toute aide en es-
pèce en milieu paysan,
,'est pas nécessairement efficace;
le
paysan détourne ce fonds
de sa destination et bâcle le travail
demandé.
Heureusement qLelques uns comprennent le but è attein-
dre et s'y emploient.
Les aides de l'Etat ont également bénéficié aux cul-
tures de la diversification:
palmier è huile sélectionné,
coco-
tier,
banane,
ananas et hévéa.
Les prêts consentis pour l'ins-
tallation de ces plantations d'un nouveau type,
étaient rembour-
sables seulement en partie et seulement dès l'entrée en produc-
tion de la parcelle.
Nous y reviendrons.
Les résultats mitigés des luttes anti capsides et la
lente diffusion des nouvelles variétés,
ajoutés è la volonté de
diversification agricole,
ont conforté l'idée des dirigeants se-
lon laquelle tout action d'aide et d'innovation doit s'accompa-
gner d'une structure d'encadrement.
De plus,
on s'est aperçu
que les seuls résultats des paysans étaient insuffisants pour
bâtir l'économie ivoirlenne.
L'Etat créa donc des structures
d'encadrement et de gestion de plantations pour son propre comp-
te.
b)
L'encadrement des paysans et la création des
plantations d'Etat
Entre 1963 et 1970,
l'Etat crée plus d'une trentaine
de SODE ou Sociétés d'Etat dont neuf pour le secteur agricole:
- SoDEPALM pour le palmler è huile sélectionné

-
109 -
- SOOESUCRE produit du sucre
- SODE FOR chargé de la reforestation
- SODEPRA s'occupe de la production animale
- SODEFEL pour les fruits et légumes
SODEHEVEA a cédé ses plantations à la SAPH
SODERIZ s'occupe du riz
- CID T pour le coton
- SATMACI ( de création plus ancienne)
Ces SODE possèdent un caractère hybride,
d'une part
en raison de leur classification parmi les institutions publi-
ques - les hauts responsables et cadres sont nommés par le conseil
de gourvernement - et d'autre part,
à cause de leur caractère in-
dustriel et commercial qui confère à leur régime,
des aspects de
droit privé afin de mieux les inserrer dans les activités écono-
miques de production et de commercialisation.
Elles sont avant tout chargées de la production agri-
cole et de l'encadrement du monde rural pour la production des
mêmes cultures.
Les énormes moyens financiers mis à leur dispo-
sition favorisèrent leur emprise sur l'espace rural.
Le but premier d'une SODE agricole est de participer
à
la restructuration des plantations.
Elle doit créer des plan-
tations,
après avoir établi des schémas de développement aussi
précis que possible et évalué les coûts et les conditions de
réalisation.
Elle doit veiller sur les opérations de défriche-
ment, de plantation,
de fumure et de traitement phyto-sanitaires.
Elle s'occupe également de la récolte,
du transport des fruits
vers des usines construites par l'Etat,
de l'élaboration des pro-
duits semi-finis et finis,
du stockage et de la vente.
La SODE
agricole,
comme on le voit,
est une grosse entreprise industriel-
le, avec de gros moyens financiers.
Son fonctionnement fait ap-
pel à une multitude de services allant des bureaux d'études aux
organismes de sous-traitance divers.
Pour chaque type de culture, l'Etat a confié à la

- 110 -
SODE,
l'encadrement des paysans,
dans le triple but d'enseigner
les nouvelles méthodes de mise en valeur du sol,
d'élever les
rendements à l'hectare et de créer une classe de planteurs mo-
dernes,
ouverts aux innovations.
L'intervention de l'Etat ne s'est donc pas limitée
à des actions pontuelles
: dans un milieu analphabète,
il sem-
ble que la formule choisie par l'Etat ait été la bonne.
Les ré-
sultats doivent permettre de dire s'il fallait ou non avoir un
regard sur tous les secteurs d'activités.
On remarquera que par suite de "fautes lourdes de
gestion",
la plupart des SODE ont été supprimées.
Trois des sur-
vivantes contrôlent le secteur agricole de tout le pays
: la
SODEPALM,
la STAMACI et la ClOT.
Nous y reviendrons.
La dynamique économique régionale est en grande par-
tie due à la masse monétaire investie par le gouvernement.
Ce
"capitalisme d'Etat,,(l)
est dicté par la recherche de l'effica-
cité,
le milieu rural étant incapable de produire suffisamment
pour satisfaire les ambitions du pays.
Mais en l'absence d'une
épargne nationale importante,
il convient de rechercher les
sources de financement.
Les rapports privilégiés de la Côte d'Ivoire avec
la France,
ajoutés à sa stabilité politique lui ont permis
d'avoir accès à de nombreux prêts,
de la part des institutions
financières européennes.
Ces concours extérieurs sont venus s'a-
jouter aux ressources propres,
pour donner à la Côte d'Ivoire,
ses premiers établissements bancaires spécialisés, au service
de l'agriculture.
(1)
cf.
Samir
Amin
Dp.Cit.

- 111 -
3 - PRETS ETRANGERS ET STRUCTURES BANCAIRES AU SERVICE
DE L'AGRICULTURE
Par la loi nO 59-134 du 3 septembre 1959,
complétée
par des décrets d'application ultérieurs,
un code d'investisse-
ment très généreux,
est mis sur pied,
allant de l'exemption
d'impôts pendant une longue période à la possibilité pour les
investisseurs étrangers,
d'expatrier une grande partie de leurs
bénéfices.
Ce régime des investissements favorisa l'afflux de
capitaux étrangers,
généralement vers l'agriculture.
Outre ces
investissements privés,
l'Etat contracta de nombreux emprunts
avec diverses banques.
Toutefois,
c'est le Fonds Européen de
Développement
(FED)
qui,
avec une aide de
47,6 millions d'Uni-
tés de compte(l), soit plus de 200 millions de francs français,
a permis le démarrage des grands programmes agricoles.
Les résultats du palmier à huile,
de l'hévéa et des
cultures fruitières,ont donné confiance aux bailleurs de fonds
d'horizons divers.
Ainsi,
la Banque Mondiale,
la Caisse Centra-
le de Coopération Economique,
interviennent dans le financement
de diverses opérations.
Les banques américaines
(Export-Import
Bank,
FirstNational City Bank), sont sollicitées pour élargir
le champ de manoeuvre du gouvernement ivoirien.
Actuellement,
de nombreux projets en cours de réalisa-
tion,
ne peuvent aboutir que grâce à des aides étrangères.
Ain-
si depuis 1979,
les plantations d'hévéa de Grand-Béréby
(ouest
de la C.I.). sont financées pour plus de moitié par des banques
européennes: estimée à 22 Milliards CFA,
l'opération est répar-
tie entre l'Etat ivoirien(90 %)
et la Compagnie Générale des
Etablissements Michelin
(10 %).
La part de l'Etat sera appro-
visionnée par des fonds de la BIRD,
la CCCE et du FED.
3 500 ha de plantations villageoises du sud-est seront
réalisés avant la fin de 1985 à SONGDN et BETTIE
; le projet
sera financé comme suit :
( 1)
B. A • G . F.
N0
4 l 5 - 4 l 6.
Mar s - Av r i l
l 974
-
P. 9 9

- 112 -
- Banque Mondiale
(BIRD)
1 670 Millions
- Caisse Centrale de Coopération
Economique
(CCCE)
330 Millions
- Commonwealth Development
Corporation
(CDC)
660 Millions
Ces divers établissements bancaires, ont étendu leur
intervention au-delà du secteur agricole.
Ils ont été associés
à tous les programmes de développement intégré en milieu rural,
et principalement dans les programmes d'hydraulique villageoise.
Ces flux de monnaie,
ont aussi permis la création d'une
banque spécialisée dans les prêts aux paysans
: la BNDA.
Avec
un capital révisable de 1 300 Millions de francs CFA,
la BNDA
est spécialisée dans les crédits à l'agriculture,
l'élevage,
la pêche,
l'habitat et l'artisanat rural.
La Côte d'Ivoire y
détient 67 % du capital
; le reste revenant à des privés ivoi-
riens
(10 % ) et à des banques européennes.
L'efficacité de cette banque reste cependant à prouver,
surtout lorsqu'il s'agit de l'aide aux petits paysans.
Nous re-
viendrons,
dans la troisième partie,
sur le système bancaire et
sa portée en milieu rural.
On peut toutefois louer l'initiative
de la BNDA qui,
en ouvrant des bureaux dans les centres semi-
urbains, s'est considérablement rapprochée des paysans.
Mieux,
à des époques précises,
des missions se rendent dans les villa-
ges-centres,
pour rencontrer,
discuter et concéder des prêts
aux paysans
; ce sont les fameux prêts de soudure sur lesquels
nous aurons notre mot à dire.
Concrètement,
comment sont gérés les prêts à l'Etat
ivoirien et quelles sont les sources de financement du gouverne-
ment ?
Les sources de financement de l'Etat sont multiples
nous en retenons deux des plus significatives
- Les recettes fiscales
(impôts directs,
impôts liés au

- 113 -
commerce extérieur,
contributions de la CSSPPA,
etc ... )
-
Les sources extérieures dont nous venons de parler (orga-
nisations internationales,
crédits fournisseurs,
emprunts à des
établissements privés).
Les fonds empruntés ou les subventions du Budget Spé-
cial d'Investissement et d'Equipement
(BSIE)
sont répartis entre
les Sociétés d'Etat
(SODE)
pour la réalisation des objectifs qui
leur sont assignés,
dans le cadre de leur propre programme et
de celui des villageois qui reçoivent une aide de l'Etat.
La ges-
tion de ces crédits est confié à la Caisse Autonome d'Amortisse-
ment
(CAA)
créée en 1959 avec au départ une triple mission
:
-
La gestion de la dette de l'Etat
- La gestion des dépôts, et enfin
- La gestion des fonds nationaux et de la dette publique,
autre que celle de l'Etat.
La recherche effrénée de crédits à tous les niveaux de
l'économie,
l'euphorie générale engendrée par les premiers suc-
cès agricoles et le manque de rigueur dans les contrats d'em-
prunt ont fait du pays,
l'un des plus endettés de l'Afrique de
l'ouest.
Les conséquences sur l'économie en général,
seront en-
visagées plus loin.
On peut tout simplement préciser que les
prêts les plus avantageux - en regard des taux d'intérêts -
étaient ceux de la CCCE
; mais en volume,
la BIRD offrait les
plus gros prêts.
Qu'il s'agisse de la construction de routes,
de l'ou-
verture de plantations d'Etat ou d'emprunts financiers,
partout,
la trace de l'Etat est visible.
Mais toutes ces actions ne se
sont pas faites de manière désordonnée
; elles ont été conçues
selon une planification plus ou moins rigoureuse.

- 114 -
4 - LE ROLE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE APPLIQUEE
Afin de rendre le secteur agricole compétitif,
la Côte
d'Ivoire a opté pour une agriculture scientifique,
employant
les résultats des instituts de recherches,
situés en majorité
dans la périphérie abidjanaise,
domaine d'application des dé-
couvertes.
Ce sont par exemple
- L'IRHO
(Institut de Recherches des Huiles et Oléagineux),
créé en 1946 pour l'exploitation des Huileries de Dabou.
En 1963,
on lui confie le soin d'étudier les conditions favorables au dé-
veloppement de la palmeraie sélectionnée.
- L'IFCC
(Institut Français du café-cacao,
créé en 1958 a
permis la régénération des caféières et cacaoyères et la diffu-
sion de nouvelles varités plus performantes.
La dernière de ses
découvertes est l'ARABUSTA,
un croissement de l'Arabica réputé
pour son arôme et le Robusta pour son amertume et sa force.
L'IFCC est à Bingerville,
à 18 km d'Abidjan.
- La SATMACI s'occupait de l'encadrement sur le terrain,
des
planteurs de café et cacao.
Un récent changement lui a confié
tout le secteur d'activité agricole du centre du pays.
- L'IRCA pour la recherche sur le caoutchouc,
est situé à
Bimbresso,
à moins de 20 km d'Abidjan.
Ses jardins graniers ont
permis l'amélioration des rendements de l'hévéa.
- L'IRFA
(Fruits et Agrumes)
situé à Azaguié s'emploie à
l'amélioration des fruits
(bananes,
ananas,
avocat etc ... ) et
agrumes
(citrons ... )
L'application et la diffusion des nouvelles techniques
culturales font l'objet d'une campagne d'information intensi-
ve auprès des paysans.

- 115 -
5 -
LE ROLE DES ME DIAS
Le journal Terre et Progrès,
le quotidien Fraternité-
Matin,
la Radio et la Télévision ivoiriennes sont des canaux
efficaces d'information du paysan.
Leur rôle d'informateur est
complété par un concours biennal -
La COUPE NATIONALE du PROGRES-
qui récompense les meilleurs paysans.
La mobilisation du monde
rural est l'un des atouts de l'agriculture. Cela s'est fait grâ-
ce à une politique d'incitation à tous les niveaux.
On peut cons-
tater par exemple que tout paysan dispose d'un poste de radio
pour l'émission quotidienne "la coupe nationale du progrès".
Quant aux paysans qui sont passés par l'école,
la revue Terre
et Progrès leur est distribuée gratuitement,
ainsi qu'à certains
fonctionnaires possèdant des plantations.
Tout ce qui précèdent permet de comprendre tout le sys-
tème de relations tissées par le Gouvernement pour parvenir à
ses objectifs.
L'un des atouts de ces programmes demeure la sta-
bilité des deux ministères clé:
celui du Plan,
de l'Economie
et des Finances et celui de l'Agriculture qui ont conservé les
mêmes ministres pendant plus de 13 ans.
Malgré ces efforts,
des points de faiblesse existent.
6 -
LES HIATUS
On peut regretter l'interférence entre les divers orga-
nismes intervenant dans le milieu rural.
Une concurrence impi-
toyable s'est engagé entre les diverses SODE, et c'est le pay-
san qui en a fait les frais,
car ne sachant
pas
quelle cultu-
re pratiquer.
Par ailleurs les agents affectés à l'encadrement n'a-
vaient pas toute la qualification requise
leur attitude désin-

-
116 -
volte envers les paysans a été parfois choquante pour ces der-
niers qui estiment connaître assez la terre,
pour que des jeu-
nes "leurs enfants"
viennent leur imposer des méthodes de cul-
ture.
D'autre part on a pu noter le grand fossé entre ingé-
nieurs agronomes et agents de SATMACI.
Les ingénieurs,
hommes
de conception et non de terrain ont travaillé en retrait des
problèmes quotidiens des paysans.
La réforme entreprise,
avec
la création de l'IAB (Institut Agronomique de Bouaké)
pourrait
remédier à la situation,
en formant des Techniciens de la terre
pour combler le fossé entre les ingénieurs et les agents d'exé-
cution.
Malgré ces faiblesses,
somme toute relatives,
les ré-
sultats de l'agriculture en Basse Côte,
prouvent que la straté-
gie adoptée par le gouvernement semble adaptée au contexte éco-
nomique et social du pays.
Ces résultats pour être appréciés
comme il le faut,
doivent être analysés par secteur de produc-
tion agricole.
B - UNE PRODUCTION REGIONALE REPRESENTANT PLUS DE LA MOITIE
DES EXPORTATIONS AGRICOLES DU PAYS
La diversité des cultures de l'extrême sud-est ivoirien im-
plique au départ de toute analyse de résultats,
un choix des
variables:
celles qui insufflent une dynamique réelle à l'es-
pace étudié.
Notre choix s'est porté sur les cultures que nous ju-
geons les plus significatives, en raison d'une part de leur vo-
lume et du nombre de personnes qu'elles occupent et d'autre part
en référence
à
leurs effets d'entraînement et à l'impact des

- 117 -
activités induites sur le développement général de la région.
Il
s'agira donc de spécifier la part de chaque culture,
de comparer
les volumes de production et d'expliquer le fondement des dis-
parités entre les divers sous-espaces d'abord,
ensuite entre le
sud et le nord de la Côte d'Ivoire.
Nous ne délaisserons pas pour autant l'agriculture vi-
vrière,
devenue une pièce maîtresse dans la production agrico-
le d'une Basse Côte à la recherche d'un second souffle.
1 - LA CROISSANCE IRREGULIERE DU CAFE ET DU CACAO
L'analyse des résultats de production est devenue un
exercice classique,
pour l'appréciation de la dynamique d'un
espace économique donné.
Nous n'insisterons donc pas sur les
chiffres de production,
surtout que ceux en notre possession
ne concernent pas uniquement la région d'étude.
En effet,
mal-
gré notre souhait,
nous n'avons pas réussi à isoler - pour tous
les produits - les volumes de production, spécifiques au sous-
espace concerné par nos recherches.
Par ailleurs,
nous nous
contenterons d'analyser simplement les résultats de production,
sans nous intéresser au fonctionnement interne des plantations,
objet de préoccupation ultérieure.
Le café et le cacao sont les deux cultures pionnières
pratiquées en Basse Côte.
En raison de leur ancienneté,
elles
sont présentes sur tout l'espace d'étude,
avec des zones de
concentration et des zones où elles sont cultivées de manière
sporadique.
A la différence des autres cultures,
le café et le ca-
cao sont cultivés en exploitations familiales exclusivement.
Quelle est,
au niveau de la région d'Abidjan,
la situation de
la production de ces deux cultures devenues le symbole de la
richesse du paysan ivoirien ?

- 118 -
Le tableau suviant résume assez bien l'évolution de
la production de café de ces dernières années.
Département
Ensemble
% par
Campagnes
d'Abidjan
rapport
Côte d'Ivoire
au total
1973 - 1974
12 200 Tonnes
195 900 Tonnes
6,22
1974 -
1975
15 600 Tonnes
270 400 Tonnes
5,76
1975 - 1976
18 400 Tonnes
308 400 Tonnes
5,96
1976 - 1977
17 500 Tonnes
291 300 Tonnes
6
1977 - 1978
14 000 Tonnes
195 550 Tonnes
7,15
1978 - 1979
16 000 Tonnes
277 100 Tonnes
5,77
1979 - 1980
13 500 Tonnes
249 600 Tonnes
5,40
1980 -
1981
18 900 Tonnes
366 800 Tonnes
5,15
Source
Ministère de l'Agriculture
On remarquera que hormis la campagne 1977-78, la part du
département d'
Abidjan n'excède jamais 7 % de la production na-
tionale de café. Cette part reste assez stable autour de 5 % ce
e
e
qui place le département au 7
et 8
rang selon les années,
der-
rière Abengourou,
Abaissa,
Bouaffé,
Bouaké,
Daloa Dimbokro et
Divo.

FLUX
REGIONAUX
DE
CAFE
aire de ramassllg@ d ~gbovill@
[ [ ]
air@
d@ ramanage .d AcIzopé
m
alr@ de
Binge-ville + Anyama
E;:J
o
centre
SKandaire de collecte
principal centre régional de
~
collecte
• centre de collecte régional eti
décortiquerie
1
@ centre de stockage l't
0>
.-l
d'exportation
.-l
flux
de
café - cérise
vers
~
la
décortiquerie
flux
théoriques de
café
E7
décortiqué
vers
Abi 4jan
1mm: 500 Kg .
Echelle
8OO.000~
(chiffres SATMAC 1 récoupés
par des enq~es de
terrain)

- 120 -
Pour le cacao,
la situation est la suivante
Département
1
Ensemble
% par rapport
Campagnes
d'Abidjan
Côte d'Ivoire
au total
1973 - 1974
14 000 Tonnes
208 500 Tonnes
6,71
1974 - 1975
19 900 Tonnes
241 100 Tonnes
8,25
1975 - 1976
20 300 Tonnes
227 350 Tonnes
8,92
1976 - 1977
16 000 Tonnes
228 350 Tonnes
7,0
1977 - 1978
18 400 Tonnes
297 200 Tonnes
6,19
1978 - 1979
21 000 Tonnes
318 500 Tonnes
6,59
1979 - 1980
44 000 Tonnes
401 000 Tonnes
10,97
1980 - 1981
48 000 Tonnes
417 160 Tonnes
11,50
Source
Ministère de l'Agriculture
Le département d'Abidjan a un poids plus significatif
dans la production cacaoyère qu'en ce qui concerne le café.
De-
puis 1976-77, les résultats ont été en croissance régulière pour
le cacao,
alors que la production de café est en dents de scie.
Deux explications sont à la base de ces résultats
:
- Le vieillissement des caféiers,
déjà mal adaptés à ce milieu
trop humide,
explique les résultats irréguliers enregistrés entre
1973 et 1981.
On remarque que d'une manière générale,
une bonne
récolte tant au niveau national qu'au niveau du département,
est
suivie d'une mauvaise récolte.
Cette situation provient des mé-
thodes de récoltes
: les paysans arrachent littéralement les
branches porteuses des cérises,
lorsque les arbustes ont donné
de nombreux fruits et que le travail est rendu difficile.
L'an-
née d'après,
le caféier n'a pas réussi à reconstituer ses bran-
ches,
ce qui entraîne une baisse de la production.
A l'inverse

- 121 -
Le cacaoyer qui a une floraison dite de "cauliflorie" - c'est-
à-dire que les fleurs poussent directement sur la tige - est
moins abîmé pendant la récolte.
- La production régulière du cacao s'explique par la présence
de sols assez favorables et surtout par l'effort des planteurs
qui ont adopté
en masse des variétés hybrides.
C'est ce qui
se traduit par le bond de la production de la campagne 1977-78.
A l'exception de l'année 1976-77,
la part du département a accru
de manière régulière et proportionnellement à l'accroissement
général de la production nationale.
Quelles sont les superficies cultivées, et quels sont
les rendements à l'ha de ces deux cultures?
Au niveau du département,
les superficies cultivées
en café et cacao ont connu une progression assez difficile à
suivre en ce qui concerne les variétés traditionnelles,
car le
paysan qui plante les "vieilles" variétés n'informe pas les
agents de la SATMACI. C'est au niveau des nouvelles variétés di-
tes hybrides que l'on arrive à déterminer la progression des su-
perficies.
On peut cependant se fier aux estimations de la
SATMACI selon qui,
les superficies auraient évolué de la maniè-
re suivante.
Tableau d'évolution des superficies de café et cacao entre
1977 et 1979
(ha)
1
Total
Département
Total
Département
Dont café
Dont cacao
1
1
Campa-
sélection-
hybride
gnes
Café
Ensemble CI
Cacao
Ensemble CI

77-78
81000 ha
6,27 %
114 000 ha
12,71 %
1 662 ha
4 298 ha
78-79
85 000 ha
6,24 %
122 000 ha
12,88 %
2 597 ha
6 374 ha
1
1
La part très faible en café d'Abidjan s'explique par
le fait que les caféières s'étendent sur un plus grand nombre

-
122 -
de départements
(même au-delà de la zone écologique propice) et
également à cause des arrachages de ces dernières années par
les paysans qui se sont reconvertis à la palmeraie sélectionnée.
On remarque que la part en superficie du département
ne reflète pas
les pourcentages de production de
l'ensemble de la nation.
Ceci est dû à la faiblesse des rende-
ments de ces deux produits par rapport à certains départements.
Au niveau régional,
les chiffres de production que nous
avons obtenus ne reflétant pas la réalité,
nous les avons écar-
tés.
En effet ces chiffres ne concernent que les productions
des GVC
(Groupements à Vocation Coopérative).
Or sur le terrain,
on remarque que très souvent, moins de la moitié des paysans
adhère à la coopérative du village.
Ainsi les chiffres fournis
par la SATMACI font état d'une production totale de 1 284,6
tonnes de café et 1 092,3 tonnes de cacao.
Ces chiffres sont net-
tement en dessous de la production de la zone d'étude;
le fait
qu'on ait construit une décortiquerie d'une capacité de 15 000
tonnes à Anyama atteste de la dynamique d'une production qui
connaît malgré tout d'énormes difficultés liées à l'émiettement
des parcelles,
à des rendements assez bas et à des prix d'achat
qui découragent les paysans
Malgré tout,
le café et le cacao ont encore leur pres-
tige d'antan car ils sont présents dans toutes les exploitations
familiales et sont en quelque sorte la base de toutes les exploi-
tations familiales.
Le déclin amorcé est imputable au vieillisse-
ment
des caféières et cacaoyères.
On constate par exemple que
48 % des plantations de l'extrême sud ont été plantées avant
1960, or ces plantes ne connaissent leur plein développement
qu'entre 8 et 15 ans.
Au-delà il faut bonifier le sol pour que
la plantation soit rentable;
malheureusement les paysans n'ont
pas toujours les moyens nécessaires pour l'achat d'engrais.
La diffusion des nouvelles variétés de caféiers sélec-
tionnés et de cacaoyers hybrides pourrait retarder pour quelques

- 123 -
années la chute définitive de l'extrême-sud au profit des zones
les plus récemment acquises à ces cultures.
Ainsi, malgré les
opérations de récépage,
il semble que le paysan de la Basse Cô-
te n'a pas réussi à restructurer ses exploitations,
de sorte
qu'aujourd'hui,
par tête d'exploitant,
les revenus ont baissé.
En effet,
il ne faut pas considérer la seule évolution
des productions ou des superficies pour conclure à une augmen-
tation des revenus,
car dans le même temps,
la
population paysanne s'est accrue.
Il faut donc établir un pa-
rallèle entre l'accroissement de la population,qui s'est opéré
de manière accélérée. et la progression des superficies qui
n'ont pas suivi le mouvement de la population à cause des pro-
blèmes fonciers que nous verrons au chapitre IX.
La seule satisfaction pour les paysans,
c'est la di-
versité des sources de revenus.
Ainsi outre ces deux produits,
ils cultivent l'éléis ou palmier à huile et le cocotier.
2 -
L'ELEIS ET LE COCOTIER,
DES CULTURES BIEN INTEGREES
A L'ESPACE RURAL
Le développement de ces deux cultures tire son origine
de la politique de diversification agricole décidée par les auto-
rités du pays,
dès l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépen-
dance politique.
C'est en 1963 que démarre le plan palmier dont
la réalisation fut confiée à la SOOEPALM.
Pour permettre au pay-
san de diversifier ses sources de revenus et aussi pour relati-
viser la part,
à l'époque écrasante du café et du cacao dans
les exportations du pays,
on associa la paysannerie à l'opéra-
tion "Plan Palmier".
De sorte que pour le palmier à huile sélec-
tionné nous avons deux types de plantations
:
- celles des paysans
- celles de l'Etat et des groupes privés capitalistes.

-
124 -
En 1967,
au regard des succès du plan palmier à huile ,
le gouvernement lance le plan cocotier,
plante similaire
à la première.
Ici on associe également les paysans à l'opéra-
tion et comme dans le plan palmier à huile,on distingue deux
sortes d'exploitations,
Nos analyses seront focalisées sur les plantations
d'Etat et les plantations villageoises.
Il s'agira de dégager la
part de chaque type d'exploitation et d'en tirer les conséquen-
ces économiques pour l'espace rural.
L'exploitation villageoise est caractérisée par
l'émiettement des domaines
Le palmier à huile,
comme cela a été dit au chapitre
II est une plante connue et "cultivée" par les paysans avant la
colonisation.
Ceci favorisa son insertion dans les finages vil-
lageois.
Cependant,
il convient de dire qu'en exploitation tra-
ditionnelle,
le palmier à huile n'était pas cultivé au sens de
défricher une parcelle,
mettre les grains ou pépinières en ter-
re et entretenir la plante jusqu'à son entrée en production.
Le paysan se contentait d'épargner lors du défrichement d'une
nouvelle parcelle
(devant servir à la culture vivrière)
les
jeunes pousses de palmier à huile qu'il soignait et récoltait
dès l'entrée en production.
C'était donc une palmeraie naturel-
le,
peu rentable car la densité de pieds à l'hectare variait
selon que le sol était propice ou pas à la pousse naturelle de
l'~léis. Le fait que tout ici dépendait du "bon vouloir" de la
nature, le paysan vouait une adoration mysthique à la palmeraie;
c'était le don des dieux,
une propriété appartenant aussi bien
aux vivants qu'aux ancêtres premiers occupantsde la terre.
C'est ce qui explique qu'en 1963,
certains paysans s'opposèrent
à la destruction de cette palmeraie au
profit
au palmier à
huile sélectionné.
Mais une fois encore le pragmatisme l'avait
emporté de sorte qu'aujourd'hui le palmier,
quoiqu'en déclin

- 125 -
relatif,
assure une part importante des revenu du paysan.
Le cocotier, comme les superficies le montreront,n'a
pas connu une progression aussi rapide que le palmier à huile.
Ici on note une certaine spécialisation de quelques sous-espa-
ces comme par exemple Bassam,
le cordon littoral au sud d'Abid-
jan et la sous-préfecture de Jacqueville à l'ouest de Dabou.
Les véritables plantations sont contrôlées par la SODEPALM(l) et
PALMINDUSTRIE ; les plantations villageoises étant des exploi-
tations "artisanales",
c'est-à-dire qu'en même temps que la co-
coteraie sert de décor,
on essaie d'en tirer le maximum de pro-
fit en ramassant les noix de coco qu'on livre à PALMINDUSTRIE.
Pour ces deux produits,
quels sont les superficies et
les volumes de productions au niveau d'Abidjan?
Superficies et productions de palmier à huile comparées
d'Abidjan et sa région en 1981
Superficie en ha
Production-(Tonnes de régimes)
Types
d'exploitation
Abidj an
Côte d'Ivoire
%
Abidj an
Côte d'Ivoire
%
Plantations
21 594
37 903
57
66 172
183 194
36,12
Villageoises
Plantations
Industrielles
14 685
51 695
28,4
110 625
454 046
24,36
Divers
7 827
10 282
76,12
9 112
13 211
69
Ce tableau montre que la seule région d' Abidj an totali-
se 44 106 ha de palmeraies sur 99 880 ha que compte le pays soit
un peu plus de 44 % des superficies, mais ne produit que 33,37 %
des régimes soit 237 651 si l'on compte l'apport des palemeraies
non enregistrées par la SODEPALM.
(1)
La
SOOEPALM
en
a
cédé
la
gestion
à
PALMINOUSTRIE.

- 126 -
C'est au niveau de la région que le tableau est intéres-
sant; en effet on remarque que les plantations villageoises pré-
sentent 59,52 % des superficies de la zone d'étude,
tandis que
ces plantations villageoises ne produisent que 37,42 % des
176 797 tonnes de régimes.
ceci révèle la faiblesse des rende-
ments des plantations de la zone rurale par rapport à ceux des
plantations industrielles.
La faiblesse de ces rendements est due au manque de
soins appropriés,
à
la double occupation des paysans qui doivent
veiller sur les caféiers et les cacaoyers et à la négligence
de certains planteurs qui ne réalisent pas les travaux d'entre-
tien dans le temps souhaité.
De plus l'émiettement des parcel-
les est un obstacle à une exploitation rentable.
En effet les
paysans qui n'ont pas de grandes superficies sont gagnés par
le découragement et délaissent des plantations entières dans la
broussaille.
D'autres causes soustendent cette piètre performan-
ce
(cf.
chapitre IX).
On considère que chaque paysan cultive en moyenne 3,65
ha de palmier ; ce qui est bien peu,
comparé aux superficies de la
SDDEPALM qui convrent des milliers d'hectares.
Les gros planteurs de la Basse Côte cultivent environ
20 ha de palmier en moyenne,
mais ils sont rares.
En plantation moderne le cocotier n'a pas connu la mê-
me diffusion en milieu rural,
que le palmier à huile.
Le tableau
suivant révèle la situation de cette plante en 1981.
Type de plantations
Abidj an
Côte d'Ivoire
0/
10
Plantations industrielles
10 519
19 195
54,80
Plantations villagoises
5 970
10 982
54,36
IRHO
1 014
1 303
77,82
TOTAL
17 503
31 480
55,60

- 127 -
Le tableau met en évidence la part prépondérante d'Abi-
djanet prouve que la zone écologique du cocotier est bien l'ex-
trême sud et toute la frange littorale du pays.
Dans le détail,
les plantations villageoises représen-
tent environ 36,2 % des superficies de la zone étudiée et 54,36%
des exploitations familiales du pays.
Les plantations industriel-
les de la région s'arrogent 54,8 % des exploitations du même type
et le tiers de toutes les cocoteraies en exploitation en 1981.
Cette part en superficie place la zone sud au premier
rang des zones productrices de noix de coco.
Ce qui a occasion-
né la construction d'une unsine de trituration à Vridi
(Abidjan)
et d'une autre de coco râpé à Jacqueville
(voir chapitre suivant).
Il semble que la production de coco annoncée par les
SODE
est dépassée,
car dans la réalité,
une part de la produc-
tion familiale est vendue directement aux consommateurs ivoiriens
ou exportée vers les pays situés au nord de la Côte d'Ivoire. Avec
plus de 30 850 000 noix récoltées en 1982, la région d'Abidjan
s'adjuge 33,67 % des 91 605 000 de noix produites par l'ensemble
des cocoteraies industrielles.
On remarque que cette part dans
la production ne reflète pas celle des superficies
(54,8 %). Ce-
la serait dû aux rendements assez modestes des jeunes plantations
plus nombreuses sur l'ile boulay.
En effet le palmier à huile
et le cocotier n'atteignent leur période de pleine production
qu'après la dixième année.
Outre les oléagineux,
la région produit de l'hévéa et
ce, depuis 1958, date de la création de la première parcelle dans
la savane de Dabou.
3 -
L'HEVEACULTURE,
UNE DIFFUSION EN MILIEU VILLAGEOIS
TARDIVEMENT AMORCEE
L'hévéa est l'une des premières plantes de la diversi-
fication agricole.
Introduite en 1958 dans les savanes de Dabou,

- 128 -
cette culture a été enti rement contrôlée par les groupes privés
et par l'Et t
jusqu'en 1978, date à laquelle on
a cherché à
associer 1[3 villageois.
Les raisons de cette dif-
fusion tardive en milieu
villageois tiennent à des problèmes
techniques d'exploitatior.
En effet,
au contraire des cultures
du café,
du cacao, du pa nier à huile et autres plantes,
l'hé-
véa demande des conditior3 agro-pédologiques spéciales,
assorties
d'une connaissance théor
lue assez poussée de la plante d'abord,
ensuite une connaissance jes mécanismes de la photosynthèse qu'il
faut prendre en compte peur la saignée,
opération très méticuleu-
se dont la bonne exécuti"
conditionne les rendements.
Tous ces
facteurs ont constitué ur frein qu'on essaie de vaincre depuis
1978,
en mettant en placF un programme d'encadrement très rigou-
reux des paysans prêts à
tenter "l'aventure hévéaculture".
L'ou-
verture vers l'espace rur31e s'est accompagnée d'un accroisse-
ment des superficies des anciens propriétaires de plantations.
Par ailleurs,
le sud n'e~t plus la seule zone de culture.
Ainsi
Bettié à l'est du pays e- le sud-ouest se sont ouverts à l'hévéa-
culture.
Cet accroissemert fait suite aux deux chocs pétroliers
de 1973 et de l'automne ~?80. Les autorités voient en l'augmen-
tation des prix du pétroJe,
l'éventuel retour des constructeurs
pneumatiques au caoutcholc naturel.
Ainsi en 1981,
n comptait en tout 39 938 ha de plan-
tés; avec 16 909 ha la ~Jciété Africaine de Plantation d'Hévéa
(SAPH dérivée de la Societé Indonésienne de Plantation d'Hévéa -
SIPH)
contrôlait à elle ~eule 42,33 % des superficies.
A cette
part il faut ajouter cel:e de l'Etat ivoirien qui a confié ses
3 539 ha de l'Anguédédou
3 la
SA PH qui en assure la gestion.
Le
secteur villageois en crClssance accélérée détient 3 243 ha et
est encadré par la SAPHo
Au total, ,la SAPH contrôle 23 691 ha
soit 59,31 % de toutes 183 plantations.
En 1981-82,
les 301 ha de plantations villageoises en
production ont fourni 46C tonnes de caoutchouc sec soit un rende-
ment de 1 528,23 kg/ha cc,sidéré comme satisfaisant par la SAPH

-
129 -
qui en attendait 1 400 kg/ha.
Ce résultat a donc encouragé les autorités politiques
et les villageois et on peut penser que d'ici dix ans,
le caou-
choue bouleversera toute la structure foncière de l'extrême sud,
car on assiste à des reconversions de terre,
certes encore timi-
des,
mais le mouvement pourrait s'accélérer.
Il convient toute-
fois d'être prudent:
le devenir du caoutchouc est lié au tout
puissant dollar américain qui fait et défait les prix du baril
de pétrole.
Les Ivoiriens ne sont pas mécontents de l'augmenta-
tion des prix,
surtout depuis la découverte des gisements pétro-
liers assez prometteurs
: ils espèrent tirer profit des deux cô-
tés.
4 - LA CULTURE D'ANANAS ET DE BANANE,
UNE AFFAIRE DE GROS
PLANTEURS
Ces deux derniers produits d'exportation diffèrent des
autres cultures sur plusieurs plans
- Ici,
il n'y a pas de plantations d'Etat comme cela s'est vu
avec le palmier à huile ou l'hévéa.
- Les planteurs européens détiennent encore une part apprécia-
ble de la production.
- Les terres propices à la banane sont des vallées,
le plus sou-
vent non mises
en valeur par les ruraux,
alors que l'ananas se
contente des terres déboisées et ensoleillées.
Leur insertion
dans les finages semble de ce fait aisée.
- Ananas et banane exigent des infrastructures de transports
rapides,
car on doit les consommer rapidement,
- enfin,
pour ces deux produits,
on remarque une forte d~sparité
entre les superficies des champs,
une sorte de métayage déguisé
des petits planteurs qui doivent confier leur plantation en ges-
tion à de gros planteurs.

- 130 -
Les différences sont donc énormes.
En effet,
la banane
une fois cueillie doit être emballée, mise en container et expé-
diée le plus vite possible pour éviter la pourriture des fruits.
Les longs délais de la traversée des océans obligent les exploi-
tants à couper les régimes,
certes à maturité, mais avant la co-
loration du fruit.
Quant à l'ananas,
il faut le consommer dans la semaine
qui suit la cueillette.
Dans tous les cas,
un bon ananas doit
se consommer dans les sept jours qui suivent la coupe du fruit.
Au-delà,
les propriétés organoleptiques du fruit se dégradent.
Cette exigence fait que l'ananas ivoirien est évacué vers les
pays consommateurs par voie aérienne.
Les coûts de production assez élevés,
additionnés aux
moyens logistiques nécessaires font que ces deux cultures sont
l'affaire de gros planteurs ou de coopératives de production
(exemple de la coopérative de Bonoua à l'est de Bassam où la
SOCABO - Ananas de Bonoua - exploite de vastes superficies en
co gestion) .
Ainsi pour la culture bananière,
on calcule que 13 %
des planteurs -
pour la plupart des européens -
contrôlent plus
de 60 % des cultures,
alors que 67,3 % des exploitants - des
petits planteurs - ont à peine 23 % des superficies.
Quelle est la situation générale de ces deux produits,
au niveau de la région d'étude?
Banane
(
Tonnes)
Ananas
Frais
Secteurs
Prod.
1978
Prad,
81
Prod.
78
Prod.
81
Anyama
26 976
15 546
370
267
Bingerville
37 570
2B 302
18 610
6 791
Oabou
6 731
4 433
5 682
12 691
TOTAL
71 277
48 2Bl
24 662
19 749
Source
SODEFEL + COFRUITEL

- 131 -
Ce tableau montre une baisse générale de la production
de banane et d'ananas.
En fait ce sont deux cultures sensibles
aux moindres variations du climat,
de sorte que la production
est en dents de scie; mais depuis 1973, on note une tendance
à la baisse générale.
Il existe cependant des résultats à la
hausse, tel à Dabou où en 1981,
l'ananas a subi une progression.
La fluctuation
interannuelle de la production mena-
ce les petits paysans qui n'arrivent plus à vivre de leurs planta-
tions.
Ils sont donc oblig~ de confier leurs exploitations aux
gros planteurs.
Ces gros planteurs sont des européens pour la
plupart,
installés dans le sud depuis les années cinquante.
La culture fruitière est encadrée par deux sociétés
- la SDDEFEL
(Fruits et légumes)
s'occupe des producteurs de ba-
nane , tandis que la CDFRUITEL,
Société privé mixte,
s'occupe
de l'ananas.
Depuis 1981 la SDDEFEL s'est retirée pour laisser
à la CDFRUITEL le soin de l'encadrement
de
ces
deux
cultu-
res.
Les risques divers d'avarie,
de mévente et surtout les
variations interannuellesdes productions font que l'ananas et la
banane sont laissés aux mains des gros planteurs.
D'ailleurs la
production de ces deux denrées est en train de se déplacer vers
Adzopé au nord-est de la zone d'étude.
En résumé,
les résultats agricoles analysés ci-dessus
ont montré que l'extrême sud après avoir assuré plus de la moi-
tié des exportations du pays pendant près de cinquante ans est
aujourd'hui en difficulté.
Des nuances doivent cependant être
faites:
certaines cultures ont vu leur part relative baisser,
mais en valeur absolue,
elles ont connu une progression. On note
que dans l'ensemble,
Bassam est la moins bien lotie des quatre
sous-préfectures,
ne produisant que des noix de coco. On pourra
en tirer les conclusions utiles plus loin en ce qui concerne la
structuration de l'espace, mais pour l'heure il importe d'analy-
ser les cultures vivrières de la région pour pouvoir apprécier

- 132 -
EVOLUTION
DE QUELQUES
PRODUITS
DE
LA
REGION
CAFE
_ CACAO
50 000 T
cacao
30 000
",café
,/
_ /
10000
1972
197A
1976
1978
1980
1982
ANANAS
_
BANANE
/"- .......
80 000 T
/"
"
/"
"-
/"
"
, /
'\\...
.,/ /
-- ----.
60000
/
" , .... .... -, -banane
40000
ananas
20 000
1972
1974
1'976
1978
1980
1982
source.
Producteurs

-
133 -
leur impact sur l'organisation générale de l'espace rural.
C -
LES CULTURES VIVRIERES,
UNE PLACE PRIMORDIALE MALHEUREUSEMENT
SACRIFIEE
L'un des premiers objectifs de l'agriculture est de pro-
curer à l'homme sa nourriture.
cette vérité toute banale semble
échapper aux paysans de la zone forestière.
Certains paysans n'hé-
sitent pas à sacrifier la culture vivrière à l'agriculture d'ex-
portation.
Ils sont contraints par la suite,
d'acheter leur nour-
riture sur le marché local. Cela pourrait,
pense-t-on favoriser
les échanges;
il n'en est rien car comme on peut le consta-
ter dans quelques villages.
ces produits de première nécessité
sont importés, surtout le riz en voie de devenir l'aliment de ba-
se des ivoiriens.
D'autres paysans au contraire, sans s'y consa-
crer entièrement,
pratiquent une gamme variée de cultures vivriè-
res dont les effets bénéfiques se ressentent au niveau de leurs
économies.
Les lagunaires produisent ainsi de la banane plantain
(très prisée) du
manioc,
des ignames (tardives dont la zone éco-
logique est celle de la forêt,
à l'opposé des ignames précoces
d'une qualité exceptionnelle et recherchée),
du tarot,
du mais
et un peu de riz
(c'est le fait de populations allochtones).
A côté de ces cultures, existe une gamme de légumes au
volume mal défini mais en quantité suffisante pour que les fem-
mes expédient des supléments sur Abidjan.
Pour mieux apprécier
la place de ces cultures,
il convient de voir comment s'expriment
les ~esoins au village et en ville.
1 - DES VILLAGES EN MAJORITE AUTOSUFFISANTS
Notre analyse sera t~ès générale. Une

.~ :
., '..'
- 134 -
observation d'ensemble montre que les villages du sud, sauf cas
exceptionnel de sécheresse prolongée, se suffisent au plan des
produits vivriers. C'est au niveau individuel que l'on perçoit
les difficultés et les insuffisances en nourriture.
Même certains gros planteurs éprouvent à certaines pé-
riodes de l'année des difficultés pour nourrir leur famille.
Généralement les mois de Juin - Juillet et Août, appelés mois de
soudure, sont les plus éprouvants pour tous les paysans,
ce qui
a fait créer à l'Etat, le fameux prêt de soudure, opération plu-
tôt ruineuse que salvatrice (voir chapitre IX). A cette époque,
sept à neuf ménages sur dix consomment du riz au moins une fois
dans la journée. Or les Akan, en dépit de l'évolution des men-
talités ne se sont pas encore ouverts à la riziculture de bas-
fonds pourtant peu coûteuse, car ne demandant pas d'irrigation.
Ils pensent que le fait d'être dans des zones marécageuses et
inondées conduit à perdre sa virilité.
les allochtones ont donc
pris une avance sérieuse dans le domaine rizicole, ce qui cons-
titue encore une source de pompage des économies des paysans.
2 - LES DEMANDES URBAINES NE SONT PAS TOUTES SATISFAITES,
MAIS LES PRIX DISSUASIFS OCCASIONNENT DES MEVENTES
En milieu urbain péri-abidjanais et abidjanais,
les de-
mandes sont de plus en plus fortes. ma~s au vu des stocks sur
,
les marchés, on peut estimer que les offres sont supérieures aux
besoins des citadins. Il convient cependant de signaler les pénu-
ries de riz de 1978, 1980 et 1983. Dans la réalité ces pénuries
ont été à chaque fois organisées par des Syro-Libanais et des
hommes d'affaires ivoiriens pour faire monter les prix. En té-
moignent les saisies de stocks commandités par le Ministère de
l'Economie et des Finances.
Au niveau du pays,
le riz gagne tous les ivoi-
riens de sorte
ue le pays est devenu importateur de riz, après

- 135 -
avoir été exportateur de cette denrée en 1976.
Cette percée uu riz est liée à
la facilité de prépara-
tion
du riz et à son
prix relativement plus bas que les autres
produits de première nécessité; Ainsi les stocks de banane en
décomposition sur les marchés ne signifient pas forcément que
toutes les demandes sont satisfaites; c'est le prix de cette den-
rée qui occasionne les méventes; On estime par exemple qu'entre
1970 et 1985, le prix de cette denrée
a augmenté de plus de
1.100 %, alors que le riz dans le même temps voyait son prix pas-
ser de 60 F le kg à 160 F soit une progression de 183,33 % en
15 ans.
Les besoins de consommation en ville sont cependant lé-
gèrement différents de ceux des ruraux,
de sorte que les centres
urbains importent par exemple du blé, de la pomme de terre et
autres produits entrant dans les habitudes de consommation des
citadins. Par ailleurs les citadins sont de gros consommateurs
de produits maraîchers. C'est ce qui explique la dynamique d'une
agriculture intra urbaine dont les productions sont les radis,
les carottes, les concombres, les choux et les laitues.
Les pro-
duits cultivés traditionnellemnt ont fait l'objet de spécialisa-
tion à la périphérie d'Abidjan et des autres centres urbains de
toute la Côte d'Ivoire. Pour ces produits, Abidjan doit une par-
tie de son approvisionnement à des centres éloignés
(cf; chapi-
tre VIII). C'est dans ce domaine que se sont illustrées les fem-
mes de l'espace rural péri-abidjanais
il convient de voir le
rôle de ces femmes dans la production vivrière.
3 - LE ROLE PREPONDERANT DES FEMMES DANS L'AGRICULTURE
VIVRIERE
En culture traditionnelle,
il a été souligné le rôle des
femmes dans la pratique agricole d'autosuffisance; Il semble que
l'économie de plantation,
loin de détourner les femmes de la terre,

-
136 -
a au contraire renforcé la place de ces dernières surtout en ce
qui concerne la production alimentaire. Certes il y a des femmes
chefs d'exploitation de plantation, mais elles sont peu nombreu-
ses et on les rencontre plus dans le domaine vivrier où elles
assurent l'essentiel de la production.
Les femmes de la région se sont spécialisées dans la
culture du manioc qui prospère bien en Basse Côte.
Elles contrô-
lent en réalité une vaste chaîne de production allant du défri-
chement à la livraison du manioc brut ou transformé en Attiéké,
sur les marchés urbains.
L'Attiéké, semoule de manioc cuite à
la vapeur est devenu après le riz, la seconde nourriture des ci-
tadins de la Basse Côte. Son développement,
comme dans le cas
du riz, est lié à son prix (300 F. CFA d'Attiéké pouvait nourrir
une famille moyenne à un repas) et à son acommodation à diverses
sauces ou au poisson simplement fumé ou frit.
Cette chaîne de production entièrement contrôlée par
les femmes a occasionné l'achat de véhicules de transports dont
le rôle économique est évident.
Elle a également créé tout un
ensemble d'intermédiaires constitué de femmes prospectrices de
marché ou chargées d'écouler la production qu'elles reçoivent
par le chauffeur attitré sans que la villageoise affectée à
l'opération de transformation ait à se déplacer jusqu'en ville.
Les femmes sont de ce fait devenues les principales productrices
de denrées alimentaires. En dehors de la culture du manioc,
ce
sont elles qui assurent les travaux de plantation de banane, de
tarot et de mais en compagnie du mari qui ne s'occupe que des
tâches jugées trop physiques
et surtout des cultures d'expor-
tation.
Les cultures industrielles ou vivrières ont des cir-
cuits de distribution qu'il convient d'étudier pour voir la va-
leur ajoutée de certains produits, tant il est vrai que l'éco-
nomie de la région est entièrement dépendante des plantations.

- 137-
o - DES PRODUITS AGRICOLES INTEGRES A DES CIRCUITS DE DISTRIBU-
TION MONOPOLISES
Ce passage du texte ne saurait être exhaustif en raison
du fait qu'il a été largement développé par d'autres chercheurs
notre contribution ne concernera que les circuits vivriers peu
étudiés, surtout en ce qui concerne le riz.
1 - LES CIRCUITS RODES DES CULTURES DE SPECULATION
Il faut savoir qu'en Côte d'Ivoire, toute la production
agricole - en dehors des fruits - est sous le contrôle de l'Etat
qui en assure la promotion et la vente à l'étranger.
La Caisse
de Stabilisation et de Soutien des Prix des Produits Agricoles
(CSSPPA) est la pièce maîtrise du jeu économique agricole ivoi-
rien. Ainsi le café et le cacao - cultures pionnières - étaient
collectés par des particuliers mandatés par l'Etat (Ministère
de l'Economie et des Finances). Ces derniers avaient un entre-
pôt où ils stockaient le produit (prêt à la transformation),
lorsqu'ils avaient un volume suffisant. il affrêtaient de
gros camions qui évacuaient le produit sur
Abidjan.
Ce circuit était celui qui prévalait jusqu'en 1979, date à la-
quelle les décortiqueries ont été généralisées, modifiant légè-
rement le circuit.
En effet, le nouveau circuit est constitué par des
particuliers qui achètent le café
cérise séché et les livrent
directement à la décortiquerie dont dépend la zone de production.
La décortiquerie (cf. chapitre suivant) est une entreprise qui
a passé un contrat avec l'Etat pour s'occuper du conditionnement
du produit. Une fois le café décortiqué,
la production est livrée
à la CSSPPA qui est chargée d'écouler le produit à l'étranger.
Le cacao suit l'ancien circuit, puisque ce produit, après sécha-
ge par le paysan est directement livrable sur le marché mondiale.

- 138 -
Dans la réalité, ces circuits ne sont pas aussi simples.
On distingue par exemple une série de relais d'abord
le campement, puis le village, ensuite
la sous-préfecture et
enfin le stockage à Abidjan.
Entre deux types de relais existent
de nombreux intermédiaires et les diverses opérations de manuten-
tion
et de transport
requièrent la mise en oeuvre de gros mo-
yens. Dans ces circuits, le flux de marchandises se fait unique-
ment de la campagne vers la ville; les flux de monnaie, d'Abid-
jan vers les campagnes puis vers la ville (car il faut rétribuer
les acheteurs de produits installés en ville).
Les flux d'infor-
mation circulent dans les deux sens.
L'hévéa,
le palmier à huile et le cocotier connaissent
des circuits
différents.
Ici,
les SODE abrègent la chaine
d'intermédiaires.
La banane et l'ananas sont sous le contrôle de la
COFRUITEL qui a ses représentants à l'étranger. Ils reçoivent
les cargaisons et assurent la distribution aux poin~de vente.
2 - LES CULTURES VIVRIERESSOUS LE CONTROLE DU SYSTEME
DIOULA DE DISTRIBUTION
Les cultures vivrières, du fait de leur importance vi-
tale font l'objet d'une spéculation caractérisée par des pénuries
organisées ou -quelques rares fois- de saturations volontaires
suivies de pénuries. Il est difficile de l'extérieur de perce-
voir les tractations à l'intérieur de ces circuits. Une tranche
d'hommes d'affaires très dynamiques, les Dioula, contrôlent les
circuits de distribution de détail des produits vivriers.
L'exem-
ple de la distribution du riz permet de suivre les circuits com-
pliqués de cette denrée devenue la plus demandée en Côte d'Ivoire.
Le circuit, proposé ci-après montre qu'entre les fournisseurs et
le consommateur , il Y a trois intermédiaires :
- Les grossistes privés

LE
RIZ:
DES
PRODUCTEURS
AUX
CONSOMMATEURS
PI10DUCTEURS
RU RAUX
1MPORTATION
lJ)
COLLECTEURS
a::
:>
x
w
~
::>
<{
<{
~
ca:::
0'1
~
::>
t"l
1 0
a:::
......
lJ)
z
0
GROSSISTES URBAINS
U
1
( outres que Dloulo)
~
\\
"
\\
GROSSISTES
DIOULA
Flux impor~ont5
Flux moyens
Flux négligeabLe
URBAINS

- 140 -
- Les demi-grossistes
- Les détaillants.
On peut même percevoir un quatrième niveau composé
de
commerçants qui achètent chez des détaillants citadins pour
revendre dans
le
commerce villageois, soit parce que le riz est
en train de manquer, soit parce que cesdétaillantsde deuxième
ordre n'ont pas accès au marché de gros et demi-gros,
assez fermé.
(il faut reconnaître que dans ce circuit, tous les verrous sont
mis par les Dioula pour avoir le monopole).
La conséquence de cette multiplication d'intermédiaires
est le prix élevé payé par le consommateur.
L'organisation de ce
circuit à monopole fait que les villageois sont obligés de se
fournir en riz dans le commerce du village ou en ville sur les
marchés de quartier,
au même titre que les citadins, car les
Dioula collectent toute la récolte qu'ils conditionnent dans leurs
propres "usines" de décortiquerie.
Le riz en provenance de l'étranger,
bien que bénéficiant
d'une subvention de l'Etat, suit le même circuit de distribution.
Il est paradoxal que le milieu producteur soit obligé de se ra-
vitailler en ville.
Les ventes directes sur les marchés ruraux
ne représentent qu'une infime
partie de la production.
Ceci pro-
vient du fait que le traitement artisanal du riz paddy ne convient
pas aux consommateurs habitués au riz blanchi.
Et pourtant le riz
décortiqué de manière artisanale garde tout son goût, son par-
fum et certaines vitamines.
L'exemple du circuit du riz ne cons-
titue pas une exception.
Les ignames du nord,
les bananes de la
zone forestière connaissent ce genre de circuit à multiples in-
termédiaires.
Le riz est devenu une denrée importante à tel point
qu'il fait et défait des gouvernements (cas du Libéria de Tolbert
et les récents troubles à Abidjan, suite à une rumeur d'augmenta-
tion des prix). La Caisse de Péréquation
(C.P.) crée pour unifor-
miser le prix sur tout le territoire ne suffit pas à limiter les

- 141 -
dérapages. Il est temps que l'Etat réorganise le circuit du riz.
Il y va de la paix sociale.
Les assoiffés d'argent n'ont pas fi-
ni de créer les pénuries. Par une politique de redistribution
aussi bien en milieu rural qu'urbain,
le gourvernement pourrait
contrôler les prix d'un riz payé à 75F le kilo de paddy, mais ven-
du à 170 F le kilo au consommateur. Entre la rizière et le commer-
ce, le prix s'est accru de 126,66 %
Comme on le voit, l'espace rural péri-abidjanais pro-
duit une gamme assez variée de cultures vivrières et d'exportation.
Ces productions assurent aux paysans des revenus substantiels qui
leur permettent de faire face à diverses dépenses.
Afin de comprendre les processus de transformation de
l'habitat (au sens large) du paysan, il importe de faire une ana-
lyse succinte de ses revenus et de leur affectation.
3 - DES SOURCES DE REVENUS VARIEES, DES DEPENSES DIFFICILES
A QUANTIFIER
a)
Les sources de revenu
L'analyse des revenus en milieu rural n'est pas aisée.
D'abord parce que le paysan ne tient pas un registre d'exploita-
tion, ensuite parce que les paysans en général n'aiment pas qu'on
s'occupe de ce qu'ils gagnent en vendant leur récolte.
Il apparaît donc que tout calcul de revenu en milieu
rural est un exercice théorique,
conçu à partir de moyennes de
production. Devant la diversité des cas, il semble plus raison-
nable d'indiquer simplement quelques chiffres concernant
- Les prix au kilo ou à la tonne de chaque produit,
- Les superficies moyennes par exploitant,
- Les rendements moyens à l'hectare
- La valeur moyenne de l'hectare par type de produit.

- 142 -
Ceci permet de se faire une idée des revenus du planteur
moyen.
Les cumuls étant fréquents,
on peu imaginer toutes les si-
tuations possibles.
Le calcul des bénéfices nets requiert quel-
ques autres indications :
- Le
coût du matériel végétal à l'hectare
- Le volume nécessaire d'engrais à l'hectare et son prix,
- Le coût d'entretien phyto-sanitaire de cet hectare
- Le prix de la main d'oeuvre salariée
- Les dépenses diverses d'exploitation autres que celle énumérées.
Toutes ces données montrent la complexité des calculs
et ces calculs sont d'autant plus compliqués et aléatoires que
le paysan pratique plusieurs cultures. Aux revenus plus
faciles à cerner des cultures d'exportation, il faut ajouter ceux
provenant de la vente des cultures vivrières, des produits de la
pêche ou de la chasse.
Pour les paysans polyvalents,
il faut aus-
si tenir compte des ventes d'articles artisanaux comme par exem-
ple les paniers, ustensiles indispensables à l'évacuation de
l'Attiéké.
Il n'est donc pas possible d'entreprendre une analyse
systématique des revenus.
Il importe cependant de fournir quel-
ques données susceptibles de permettre une appréciation des re-
venus, en ce qui concerne les cultures d'exportation,
payées à
prix fixe et uniforme au cours d'une campagne.
Revenus bruts moyens par hectare des différentes cultures d'expor-
tation (Francs CFA)
Café
Régime de
Noix de
Latex
Ananas
Banane
PRODUITS
Frais
Cacao
Palme
Coco
(Hévéa)
Revenus bruts
de 92000
2 600 000
356 790
120 000
390 000
250 000
par ha
à
189000
à
à
3 250 000
1 783 950
Revenus
de
50000
308 000
119 700
nets (1)
à
120000
66550
300000
200 000
à 958 417
à 708 000
(1) Après déduction des frais d'exploitation incluant la main d'oeuvre.

-
143 -
Ce tableau permet de faire deux remarques
:
- La première est le grand écart de revenu entre les divers pro-
duits.
- La seconde concerne la modicité des bénéfices nets des deux der-
nières productions,
par rapport au revenu brut.
Il semble que les difficultés qu'occasionnent ces deux
cultures n'encouragent pas les paysans à s'y lancer en masse.
A travers ces chiffres, on a une idée du revenu à l'hectare d'un
planteur moyen ( les valeurs sont des moyennes de la Basse Côte).
Comment le
paysan répartit-il son argent?
b) Les dépenses courantes d'un ménage rural
En milieu rura~ les dépenses sont aussi variées qu'en
ville. C'est une résultante de l'économie de marché qui fait que
le paysan est entré dans le jeu économique de consommation.
Les
épargnes
sont de ce fait devenues plus rares qu'avant.
Le pay-
san d'aujourd'hui doit faire face à plusieurs dépenses,
les plus
importantes étant
- la construction d'une maison
- la nourriture
- l'habillement
- la scolarisation
des enfants
- les dépenses rituelles
- les cotisations à caractère public.
Ainsi 70 % des planteurs interrogés pensent d'abord à
se construire une maison.
Lorsqu'ils en possèdent, ils parlent
de l'améliorer. Les dépenses pour la nourriture sont le fait de
paysans cultivant peu de produits vivriers.
L'habillement occupe la troisième place dans les préoc-
cupations des paysans. Cet habillement se résume à l'achat d'un

. .-5.. ,
.. 1""-
pagne KITA, étoffe noble pour le chef de ménage, d'un ou deux
complets de pagne pour la femme et à l'acquisition de quelques
paires de chaussures, de foulards et de bijoux. Généralement les
enfants se contentent d'un complet pour les fêtes
et de leur deux
complets KAKI scolaires.
Les dépenses rituelles concernent les offrandes et
les sacrifices après et avant les récoltes, les payements d'amen-
de pour avoir enfreint les interdits etc ...
Les cotisationsà caractère public sont obligatoires.
Elles interviennent lorsqu'un malheur frappe un membre du villa-
ge ou de la famille.
IL peut s'agir d'une mort ou d'une maladie.
On se cotise aussi pour les ouvrages à réaliser au bénéfice de
la collectivité.
A ces dépenses s'ajoutent celles non définies.
L' analyse des revenus et de leur affectation paraît
difficile dans un espace où les interférences des cultures sont
nombreuses. On ne peut donc que faire des estimations.
Le seul
indicateur de richesse est l'habitat rural, entièrement construit
par les paysans.
Les sources de revenus montrent que les cultures de
spéculation et de consommation courante sont les principaux fac-
teurs de l'essor économique de la Côte d'Ivoire et particulière-
ment de la Basse Côte qui cumule les effets induits de ces pro-
ductions, sources d'une industrialisation.

- 145 -
CHAPITRE V
L'AGRICULTURE DE SPECULATION,
SOURCE D'UNE INDUSTRIE EN DEVENIR
La recherche d'une valeur ajoutée
toujours plus
accrue a poussé les dirigeants ivoiriens à doter la Côte d'Ivoi-
re d'une industrie de transformation d'une partie de ses produc-
tions agricoles.
A ces industries situées en aval de la produc-
tion agricole, on ajoute généralement quelques usines s'occupant
de la fabrication des outils agricoles, des engrais et de maté-
riel de conditionnement. Cette industrie peut donc être divisée
en deux grandes
tranches.
1.- Les industries d'équipement
2.- Les industries de conditionnement et de transformation d'une
partie des récoltes.
1 - LES INDUSTRIES D'EQUIPEMENT AGRICOLE
La Côte d'Ivoire compte très peu
d'usines
fabriquant
des outils agricoles.
La faible mécanisation de l'agriculture
n'a pas donné lieu à la construction d'usine spécialisée dans
la fabrication de machines agricoles.
Les seules usines créées
s'occupent de fournir le paysan en matchette, en faucille et au-
tresoutils traditionnellement connu du paysan.
Deux sociétés se sont illustrées dans ce domaine
- IVOIR-DUTIL, aujourd'hui dissoute
ABI (Abidjan Industrie) qui a racheté la première.

- 146 -
Outre ces deux sociétés, on notait la présence d'une
filature de sisal à Abobo destinée à
fabriquer les sacs
servant au stockage des produits agricoles.
Par ailleurs, la so-
ciété Allibert
installée en zone 4 à Abidjan fabrique des bâ-
ches et des plastiques pour les pépinières de café, cacao, co-
cotier, palmier à huile et hévéa.
Pour les engrais,la SIVENG (Société Ivoirienne
d'Engrais) est en réalité une importatrice d'engrais. Elle se
charge de la distribution et non de la fabrication.
L'installa-
tion du groupe Rhone-Poulenc a fait se développer le secteur en-
grais qu'il faudra accroître pour pouvoir assurer à l'agricul-
ture ivoirienne,
un meilleur avenir.
Des usines de fabrication d'insecticides et d'herbici-
des divers se sont implantées à Vridi (sud d'Abidjan).
Leur con-
tribution devrait s'accroître.
2 - LES INDUSTRIES DE CONDITIONNEMENT ET DE TRANSFORMATION
Elles sont les plus nombreuses et les plus grandes par
le nombre d'emplois qu'elles créent. Elles sont implantées aus-
si bien dans la ville que dans la campagne. Une étude efficace
de ces industries ne peut être entreprise que par filière de
produit.
a)
Les industries de conditionnement de café
Seules nous intéressent les industries ayant un rap-
port avec l'espace rural. Jusqu'en 1979, le café était décorti-
qué par les paysans eux-mêmes. Ceci avait occasionné l'installa-
tion dans les villages producteurs, des décortiqueuses apparte-
nant à quelques riches villageois, planteurs ou commerçants. A
partir de 1979, on voit apparaître dans les zones de production
des unités de décortiquerie. Ces usines - au total 16 -

détiennent aujourd'hui le monopole d'une activité qui procurait
des revenus substantiels aux ruraux. Des accords lient ces décor-
tiqueries à l'Etat. Elles assurent l'achat de café-cérise, le con-
ditionnent et le livrent
à la CSSPPA qui se ch'3rge des opérations
de distribution.
Chaque décortiquerie a une aire de ramassage de
la récolte. cette aire d'influence est jalousement surveillée à
cause de la concurrence entre les diverses sociétés.
En effet,
tout est
fait pour que la capacité d'usinage de chaque unité
soit satisfaite par la production du secteur.
Dans la zone étudiée, deux décortiqueries se partagent
la production du département d'Abidjan. Ce sont de petites uni-
tés.
leur taille tient compte de la part déclinante d'Abidjan.
Ce sont UNICAFE et CIPRO.
la carte de répartition des unités industrielles mon-
tre une tendance au monopole d'UNICAFE qui possède sept usines
sur seize. Avec une capacité d'usinage totale de 140 000 T,
elle s'empare de 42,16 % du marché, suivie par l'UTPA(1) (27,1 %)
qui contrôle des départements assez dynamiques.
la seconde entreprise, la CIPRO ne contrôle que le
secteur de Sikensi qui inclut la sous-préfecture de Dabou.
l'apport de ces unités industrielles est limité
pour les ruraux. Ce sont des entreprises employant peu de main
d'oeuvre en majorité des contractuels.
La situation de" ces usi-
nes ne favorise pas l'embauche des ruraux.
Elles sont situées
à l'entrée des villes-exception faite de celle de Toumbokro
(Yamoussokro) .
l'ensemble des 16 décortiqueries n'employait que
1 711 ouvriers et contractuels confondus, au cours de la
campagne 1981-1982.
A Abidjan, existent deux usines de to-
réfaction, deux autres pour le café soluble.
Le broyage du cacao est contrôlé et exécuté par trois
usines. CHOCODI est la seule usine de transformation du cacao.
On y extrait aussi du beurre de cacao.
(1)
UTPA,
Usine
de
transformation de
produits
agricoles.

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- 149 -
b)
Les unités de conditionnement de la banane
La SONACO (Société Nationale de Conditionnement) a
installé une vingtaine de petites unités de conditionnement de
la banane sur les plantations
de la région d'Abidjan.
Ces stations sont réparties de la manière suivante.
- Vallées lagunaires, 9 stations
- Niéky, 9 stations
- Azaguié-Anyama, 7 stations.
Ces stations ont traité en 1980-81, 109 500 tonnes
de bananes exportées. Malgré leur dynamique, elles participent
peu à la résorption du chômage des jeunes ruraux.
En effet la
main d'oeuvre sur ces strations est fournie par les paysans qui
affectent une partie des manoeuvres champêtres aux stations de
conditionnement.
Les seules nouvelles embauches ne concernent
que les épouses des manoeuvres,affectées aux tâches de vérifica-
tion du calibre des bananes, de leur rangement et de la fermetu-
re et du stockage des caisses.
La production de l'ananas a donné naissance à deux
types d'industries:
- celles s'occupant du conditionnement avant exportation de l'a-
nanas frais
- celles s'occupant de l'ananas en conserve.
La zone étudiée ne produit que de l'ananas frais. Ce
sont
la SODE FEL et COFRUITEL qui s'occupent du conditionnement
de l'ananas livré aux stations construites sur les lieux de pro-
duction.
Le processus est le même que sur les stations de bana-
ne.
c) LE TRAITEMENT DU LATEX SUR LES LIEUX DE PRODUCTION
Cette opération n'a pas non plus créé des emplois sup-
plémentaires. Ce sont les manoeuvres de la SAPH et quelques cadre!

- 15Q -
recrutés dans la région qui assurent le séchage du latex. Deux
usines,
l'une à Bongo d'une capacité de 10 T/jour et l'autre de
15 T/jour à Ousrou s'occupent de la transformation partielle
de la production régionale.
Leur tâche consiste à uniformiser
les "plaquettes" de caoutchouc cuit qu'on achemine sur Abidjan.
Une partie de cette production permet à Allibert, principal
client au niveau national, de développer une industrie de plas-
tique aux nombreux débouchés.
L'autre partie est exportée vers
les pays occidentaux. Il est prévu la construction de deux usi-
nes de transformation finale du caoutchouc. La première à Abid-
jan fabriquera des pneumatiques pour les voitures.
La seconde à
San-Pédro se spécialisera dans la fabrication de pneumatiques
pour cycles. C'est en vue de pouvoir fournir ces usines qu'un
plan de développement des plantations a été lancé depuis 1980.
Les cours du pétrole poussent pour le moment, les dirigeants ivoi-
riens à l'optimisme.
Au prix de 160 F le kilo de latex pour un
rendement de l'ordre de 1 700 kg/ha, on comprend que cette cultu-
re attire de plus en plus de planteurs. L'hévéa va certainement
bouleverser le cadastre de la Basse Côte. Déjà on assiste à l'ar-
rachage de certaines cultures pour affecter le sol à cette nou-
velle manne.
d)
Le palmier à huile et le cocotier, de véritables
chaînes agro-industrielles intégrées
Le plan palmier et cocotier est de loin celui qui a
doté la Basse Côte d'une industrie de dimension apprécialbe.
Ici deux grandes sociétés, la SODEPALM(1) et PALMINDUSTRIE, au
capital respectif de 400 millions de francs CFA et 2 800 millions
de francs CFA contrôlent le circuit du palmier et du cocotier, de
la plantation à la fabrication d'huile.
Aujourd'hui 14 huileries fonctionnent quotidienne-
ment et transforment annuellement 280 000 tonnes d'huile.
(1)
Depuis
1980,
cette
société
s'est
retirée
de
la
gestion
des
palmeraies
au
profit
de
la
PALMINDUSTRIE
et
de
UNIPLAN
(voir
Cahptire
IX).

PALMINDUSTRIE possède 11 de ces usines
les 3 autres appartien-
nent à des sociétés privées mixtes.
Jusqu'en 1980, la production de régimes de palme
était assurée par la SODEPALM qui vend sa production à la PAL-
MINDUSTRIE,
propriétaires des usines.
L'huile transformée était
vendue à la CSSPPA qui la commercialise. Une bonne partie de
cette huile était exportée, tandis que des usines de transforma-
tion finale,
tel le groupe BLOHORN, achetaient un pourcentage
apréciable de cette huile. Outre la fabrication d'huile,
les
huileries de la PALMINDUSTRIE fournissent également des palmis-
tes et des touteaux de palmistes. Au cours de l'exercice 1981-82,
les usines de la région d'étude ont fourni les productions sui-
vantes :
Régimes traités (T)
Production d'huile
Palmistes
(T)
(T)
ANGUEDEDOU
49 809
9 938
2 292
ELOKA
32 481
6 200
1 546
DABOU
48 635
9 217
2 627
TOTAL
130 925
25 355
6 465
Ces produits représentent
• 18,31 % des régimes totaux traités (714 B07 tonnes)
• 17,46 % des huiles extraites (145 191 tonnes pour toutes les
usines)
• 18,96 % des palmistes de l'ensemble des usines (34 087 tonnes)
Cette part relativement faible s'explique par
- Le fait
que lèS ~lantations villageoises sont les plus nom-
breuses dans la région.
Le rendement assez
faible de
ces
plantations serait à la base de cette part qui
ne reflète pas les superficies plantées.
- D'autre part les plantations d'Héania ont contribué à relati-

- 152 -
,
viser la part de la région pionnière de l'extême sud.
A l'inverse des autres produits le palmier à huile
et le cocotier ont donné naissance à des industries de transfor-
mation finale.
Elles sont malheureusement situées pour la plu-
part à Abidjan et leur apport au milieu rural est négligeable.
Ce sont donc les huileries et les unités de traite-
ment de coco râpé
(deux au total) qui participent de manière
effective à la dynamique du milieu. En effet les manoeuvres sont
logés sur les lieux de production, dans une dizaine de villages
construits de toutes pièces par la SODEPALM. Il faut ajouter à
ces villages, ceux de la SAPH (Hévéa).
ces villages sont équipés
en eau courante,en électricité, en centre de santé; des écoles
y ont même été construites. Ces équipements participent à la dy-
namique de l'espace rural.
Les paysans ont le droit de venir se
faire soigner dans les dispensaires de ces villages qui sont des
lieux de vente des produits vivriers des paysannes.
Pour l'exploitation des régimes et huileries, la
SODEPALM a créé dans le secteur d'étude plus de 4 000 km de pis-
tes qui desservent tous les points de l'espace rural péri-urbain.
Les plantations industrielles sont donc à la base
d'une industrialisation dont les retombées pour l'espace de-
vraient s'accentuer dans les années à venir. Pour l'instant, ex-
ception faite des palmeraies et cocoteraies, les retombées direc-
tes sont circonscrites au désenclavement de l'espace rural.
La
ville d'Abidjan semble être le principal bénéficiaire de l'in-
dustrialisation induite de l'agriculture.
Elle bénéficie, en
plus des emplois nets dans les usines, de l'installation de nom-
breuses banques et siège d'administration au plateau.
L'activi-
té commerciale assez dynamique participe également à l'accrois-
sement de la capitale économique ivoirienne. On peut souhaiter
que les programmes agro-industriels en cours profitent effecti-
vement au milieu rural afin de résorber le chômage des jeunes

- 153 -
ruraux descolarisés.
On peut cependant reconnaître le rôle structurant
des plantations industrielles et des usines de prétraitement
elles sont à la base de l'organisation générale de la Basse Côte
comme on peut le constater
au
chapitre suivant .

-
154 -
CHAPITRE VI
L'AGRO-INDUSTRIE, ELEMENT DE BASE
DE l'ORGANISATION DE L'ESPACE RURAL
Tout l'espace sud forestier ivoirien est marqué par
l'empreinte des plantations agro-industrielles. Ces dernières
sont devenues les éléments fondamentaux de l'organisation de
l'espace.
L'analyse de l'agencement de l'habitat et des espaces
de culture permet de saisir l'évolution future des divers sous-
espaces ruraux.
A - UNE ORGANISATION SPATIALE MULTIFORME CARACTERISEE PAR
UNE DISPARITE SOUS-REGIONALE
L'analyse de l'espace rural péri-urbain abidjanais
fait ressortir une certaine disparité entre les divers sous-
espaces. Ces disparités sont liées, semble-t-il à la desserte
irrégulière de l'espace en plantations ;ceciqui implique au dé-
part de toute analyse, une vérification des diverses contraintes
qui dictent l'implantation des villages.

-
155 -
1 - LES CONTRAINTES OE SITE
DE VILLAGE
EN BASSE COTE
La carte de la page suivante montre la disposition des
villages par rapport aux éléments physiques de l'espace. On re-
marque un alignement continu de villagesle long de la lagune
ébrié. Dans le détail, sur 141 villages, environ une soixantai-
ne sont situés sur un cours d'eau important ou sur la lagune et
la mer. Cela s'expliquerait par une tradition de pêcheurs re-
connue chez les peuples lagunaires.
A l'intérieur des terres,
la
plupart des autres villages suivent les grands axes routiers, ré-
sultat des déplacements massifs de villages de l'époque colonia-
le.
Les villages les plus isolés des grandes routes se rencon-
trent au nord de Bingerville et à l'ouest de Dabou.
Les contraintes de site sont constituées par les maré-
cages de Bassam et Dabou, d'une part et d'autre part par les
forêts classées et les plantations qui occupent près de 39 % de
de l'espace.
Le semis de l'habitat montre que les foyers primaires
d'habitation ont maintenu les populations sur place, exception
faite des percées relativement récentes des populations vers le
nord et le nord-ouest de la sous-préfecture de Dabou.
La carte
de l'évolution des densités rurales (chapitre VII) permet de se
rendre compte que la sous-préfecture de Bingerville connaît un
élargissement des espaces habités.
Comment l'habitat et les cul-
tures sont-ils agencés ?
2 - L'AGENCEMENT DES PLANTATIONS ET DE L'HABITAT
Le paysage rural de la Basse Côte est très diversifié.
Cette diversification est liée :
- au type de cultures pratiquées
-
à la situation géographique des divers sous-espaces
-
à l'origine ethnique des exploitants ruraux.

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157 -
al
L'organisation de l'espace selon les types de
cultures
En Basse Côte coexistent deux types de mise en valeur
du sol. Chaque mode d'exploitation a imprimé au paysage une phy-
sionomie distincte.
• En exploitation traditionnelle, on a généralement un paysage
varié sur de courtes distances.
Ici les champs vivriers forment
une couronne autour de l'habitat.
Aux clairières portant les
cultures vivrières,
succèdent des fourrées et des forêts secon-
daires représentant les jachères. Ces paysages appartiennent au
domaine coutumier, c'est-à-dire l'espace sous contrôle des auto-
rités politiques traditionnelles, avant le développement des
cultures de spéculation.
Certaines parcelles portent de vieilles
plantations de café et cacao en association avec des palmiers
naturels au long stipe. Ce paysage caractérise le pays Adjoukrou
et le pays Ebrié situé à l'ouest d'Abidjan.
Ailleurs, le palmier
naturel est
plus rare
dans les jachères.
• En exploitation moderne,
on est frappé
par la forme géométri-
que des exploitations. Ces formes sont mieux dessinées sur les
plantations industrielles que sur les plantations paysannes qui
conservent cependant l'alignement des arbustes.
Le trait le plus
caractéristique ici,
c'est la superficie des plantations indus-
trielles.
Ce sont de vastes exploitations s'étendant parfois au-
delà de 5 000 ha. Ainsi la savane de Dabou est entièrement oc-
cupée par des plantations de palmier à huile et d'hévéa se suc-
cédant à perte de vue.
• La diversité des paysages est également liée à la situation
géographique par rapport à l'océan. Bien que cela ne soit pas
très net,
on assite à une zonation du paysage et des cultures.
La frange littorale composée de l'Ile de Petit Bassam
et de l'Ile Boulay est le domaine du cocotier. Au sud ouest
d'Abidjan,
la SODEPALM a créé quelques plantations sur cette

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-
159 -
frange,
mais dans l'ensemble les cocoteraies l'emportent sur les
autres cultures.
Sur le continent, au sortir d'Abidjan on a un
paysage diffus où se succèdent des palmeraies, des cacaoyères
et caféières sous bois des arbres fruitiers
(des avocatiers) et
quelques cocoteraies. Dans les vallées lagunaires, généralement
zones deltaïques des nombreux fleuves côtiers, on aperçoit de
minuscules plantations de banane le long des cours d'eau.
Au-
delà de 20 km à l'intérieur des terres continentales,
apparais-
sent les grandes plantations,
avec dans l'ordre les palmeraies
et les hévéas de l'Anguédédou, séparés de la zone dense de Dabou
par de minuscules plantations familiales de banane, d'ananas,
le palmier à huile et d' hévéa. Cette dernière plante a fait son apparition
en exploitation villageoise depuis seulement 1978. Après Dabou
apparaissent les grandes plantations décrites au Chapitre VII.
Au nord et à l'est d'Abidjan,
les zones denses se
rencontrent autour d'Anyama,
de Bingerville et d'Eloka.
Bassam
est entièrement entourée de cocoteraies .
• Enfin la diversité des paysages provient également de l'ori-
gine ethnique du chef d'exploitation.
Les deux cartes suivantes
montrent l'occupation différente de l'espace selon que la majo-
rité des paysans sont des autochtones ou des allochtones.
En
fait la différence repose sur les types de culture et sur l'oc-
cupation temporaine ou prolongée des habitats intercalaires.
Les autochtones suivent généralement les axes rou-
tiers et s'installent de manière périodique dans les campements
qu'ils ont construits sur les lieux d'exploitation.
Ils s'adon-
nent plus aux cultures sous bois
(café, cacao) qu'aux cultures
ayant besoin d'un espace dégagé
(banane, ananas, arbres fruitiers
divers dont l'avocatier) .
• Les allochtones préfèrent s'éloigner des routes et cultivent
des vivres en quantité supérieureà celle des autochtones.
on
remarque également une tendance à la dispersion des allochtones
sur les superficies qui leur sont allouées.
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terrain révèle que les étrangers, en majorité des voltaiques,
des malinké et quelques ivoiriens originaires du centre et du
nord,
pratiquent la riziculture, le mais et des cultures ma-
raîchères (choux, laitue ... )
On notera sur ces deux cartes la présence de la SAPH
et de la SODEPALM. ces deux entreprises se sont constituées des
parcelles assez vastes pour bloquer la progression vers le sud
des ruraux.
Le rôle structurant des plantations ne se limite
pas seulement à l'organisation du milieu physique. De manière
indirecte, la plantation, par le biais des richesses qu'elle
crée contribue à l'organisation administrative et politique
de la Basse Côte.
B - LES PLANTATIONS, ELEMENTS DE LA STRUCTURATION POLITIQUE
DE L'ESPACE PERI-URBAIN
La politique d'équipement et de restructuration de l'es-
pace rural repose sur deux notions
- le village centre
- les villages rattachés.
Pour mener à bien la politique d'équipement, l'Etat
a doté certains villages d'infrastructures de base (école, in-
firmerie, bureaux de postes etc ... ). Ces villages, par leur
situation géographique sont considérés comme des petits pôles
de développement dont les équipements devaient polariser les
populations des villages dits villages rattachés.
L'analyse des
facteurs qui prévalent à l'érection d'un centre quelconque en
village-centre montre que la plantation joue un grand rôle.
En
effet, le village-centre n'est pas forcément,
comme on pourrait

162
EXEMPlE
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le croire, un village situé au centre d'un ensemble d'autres
villages. Son choix dépend de son importance économique, de son
accessibilité, donc de l'existence d'infrastructures de trans-
port, et de sa capacité d'2ccueil des populations environnantes.
Tous ces facteurs comme on le voit ne sont réunis que par les
villages ayant de grandes plantations capables de polariser les
flux de migrants.
Les cartes de structuration ci-contre montrent que les
villages-centres ont évolué en rapport avec la croissance écono-
mique. Ainsi en 1973, on comptait 9 villages-centres à Dabou,
6 à Bingerville, 5 à Anyama et 1 à Bassam, La seule commune à
l'époque était celle d'Abidjan.
Les limites de cette commune ne
dépassaient pas le périmètre abidjanais.
En 1983, l'évolution économique et politique impose une
nouvelle structuration.
Dabou compte 13 villages-centres, Bingerville 3, Anyama
6, Bassam demeure le seul village-centre. Cette localité perd
son titre de sous-préfecture et devient une commune de plein
exercice,
On remarquera que la commune d'Abidjan partage désormais
la sous-préfecture de Bingerville en deux,
posant des problèmes
d'articulation des programmes décidés pour cet espace.
Dans le détail on note que certains villages rattachés
de 1973 sont devenus des villages-centres, alors que quelques
villages-centres de 1973 ont perdu leur titre. Ces restructura-
tions sont dictées par la recherche d'un nouvel équilibre impo-
sé par la dynamique des villages de la Basse Côte, Néanmoins,
cette nouvelle restructuration ne satisfait pas pleinement les
aspirations des ruraux
(voir chapitre IX).
La plantation a donc permis l'érection de certains vil-
lages en centres importants. Ces villages entretiennent diverses
relations avec leur environnement et profitent de l'effet cumu-
latif des équipements créés. Ce qui leur permet de se développer

-
166 -
plus rapidement. Quelques uns de ces villages sont en voie de
devenir des centres urbains (Songon Agban).
Sur ces cartes, ne figurent que les seuls villages
officiels. En réalité, il existe de nombreux petits habitats
rattachés au village d'origine du créateur. D'autre part, les
villages d'ouvriers de la SAPH et de la SODEPALM jouissent,
d'une autonomie: ils ont leur école, leur centre de santé, des
infrastructures de loisirs etc ..• Néanmoins ils entretiennent
de nombreuses relations avec les villageois traditionnels. Ces
relations portent sur les échanges de vivres dans le sens vil-
lages traditionnels-villages d'ouvriers. Les paysans bénéficient
des services de ces villages créés de toutes pièces.
Les relations entre les divers commutateurs sociaux dé-
passent le cadre régional. Des habitants de Sikensi (nord de
Dabou) profitent des installations des villages au nord de Dabou,
tandis que Anyama est devenu un centre attractif pour les popu-
lations Abé d'Agboville,
(au nord d'Anyama).
On assiste ainsi à une intégration interrégionale fa-
cilitée par le rôle attractif d'Abidjan. Il est reconnu le rôle
de polarisation nationale et même internationale d'Abidjan.
Néanmoins on constate que la reglon d'Abidjan fonctionne avec
des points d'appui. Les plus importants sont Tiassalé, N'Douci,
Sikensi, Agboville, Adzopé, Abengourou et Aboisso, Ce sont des
centres de production d'ananas, banane, café et caco.
L'organisation de l'espace rural montre une diversité de
paysages. Cette diversité est liée à la nature des sols et aux
modes de mise en valeur des terres.
Ces divers facteurs ont créé une disparité entre les di-
vers sous-espaces. Certains sont bien pourvus en plantations,
d'autres au contraire sont sous-exploités. Comment cela va-t-il
se traduire dans l'équipement des centres ruraux? La troisième
partie
tentera
de répondre à cette question.

- 167 .
TROISIEME PARTIE
LES RETOMBEES DU "BOOM" ECONOMIQUE RECENT
CROISSANCE DES ACTIVITES ECONOMIQUES ET MUTATIONS
DE L'ESPACE PERI-URBAIN

- 168 -
La seconde partie de ce travail a permis de voir com-
ment,
les formes de mise en valeur et d'organisation de l'espa-
ce, ont donné naissance à des appareils régionaux de production
très variés.
Par ses effets d'entraînement, l'agriculture indus-
/
trielle a permis l'éclosion de nombreuses autres activités. Tou-
tes ces activités concourrent à la croissance de la région abid-
janaise et à une restructuration de l'espace.
La croissance économique et la mutation de l'espace,
sont en fait deux réalités liées
; nous les avons néanmoins dis-
sociées pour la clarté de notre exposé.
Les retombées de la croissance économique sur l'espace
ont été déjà abordées par d'autres auteurs; mais ces études ont
été trop sectorielles,
ne prenant en compte qu'un ou deux pro-
duits.
De ce fait,
ces recherches ont volontairement ignoré la
complexité de l'économie régionale. Certains ont certes abordé de
manière synthétique la question, mais nous pensons que sur
un
espace aussi vaste que le leur, on n'est pas à l'abri des extra-
polations conduisant involontairement à la perte d'information.
C'est pourquoi nous descendrons à un niveau d'analyse locale,
pour suivre les diverses mutations de l'espace.
Trois principales voies nous semblent essentielles
dans l'appréciation des retombées du "Boom" agro-industriel sur

- 169 -
la périphérie abidjanaise.
D'entrée, nous analyserons les forces de transformation
que sont les plantations industrielles et villageoises et les au-
tres formes d'exploitation de la forêt. C'est ici que nous mon-
trerons que l'activité agricole est une réalité spatio-extensive
et dynamique;
ce qui a pour conséquence directe, la mise en
cause des trames spatiales originelles. Comment et par quels pro-
cessus, les espaces de cultures évoluent-ils? Comment ce milieu
réagit-il à l'intensification de l'occupation humaine? Ya-t-il
saturation? si oui, quel est le seuil du supportable?
Le second volet de ce chapitre se préoccupera de mesu-
rer le niveau de croissance (ou de développement ?) atteint par
les ruraux.
En effet, les activités économiques ont procuré une
richesse relative. Cette richesse a-t-elle permis la restructu-
ration du cadre de vie des ruraux ? Quel est le degré de déve-
loppement de ce milieu? Quels sont les critères d'appréciation
de ce développement ? Par quels processus les paysans parvien-
nent-ils à faire bénéficier leur cadre de vie des revenus tirés
de leur travail? Ces bénéfices vont-ils exclusivement dans le
milieu rural? si non, en quoi les investissements réalisés ail-
leurs procurent-ils une plus value à la zone de production agri-
cole? Quelle en-est la conséquence au niveau des rapports, entre
le milieu rural et les lieux d'investissements?
Le troisième axe de réflexion fera l'objet du second
chapitre. Il permettra de cerner l'incidence de l'agro-industrie
sur les processus d'urbanisation.
(Lorsque nous parlons de la
ville, nous préférons utiliser le terme agro-industrie à la pla-
ce de ftactivités agricoles ft réservé au milieu rural pour la sim-
ple raison que la ville, d'une manière générale, cumule les effets
de l'agriculture et ceux des industries qui en sont issues).
Partout, on le sait,
l'agriculture n'a pas créé de

- 170 -
grandes concentrations humaines, à l'inverse de l'industrie.
Même dans les pays d'économie dirigée de l'Est,
les agrovilles
n'ont pas donné naissance à de grandes villes.
Et
pourtant
l'exemple ivoirien se présente comme une exception à la règle
et mérite de ce fait une analyse. Dans quelles proportions et
par quels processus l'activité agricole a-t-elle influencé
l'éclosion des villes lagunaires?
Peut-on par ailleurs parler de villes,
si l'activité
motrice de ces centres est l'agriculture? C'est cette raison
qui nous fera aborder différemment la croissance des centres
de Bassam, Anyama, Dabou et Bingerville de celle d'Abidjan.
Tout développement économique régional s'accompagne
d'un certain nombre de problèmes nés soit d'une insuffisance
des intrants, soit à une inadaptation des structures actuelles
aux structures anciennes ou à une interférence des divers or-
ganismes intervenant dans la région, soit enfin à un manque de
contrôle de la croissance et du fonctionnement économique géné-
ral.
Tous ces problèmes aboutissent à un blocage économique ou
à un disfonctionnement de certaines cellules de production.
C'est ce que nous essayerons d'analyser dans le troisième cha-
pitre où nous serons amené à étudier les malaises qui affectent
le milieu rural, et les problèmes spécifiques aux EAI.

- 171 -
CHAPITRE VII
LES INCIDENCES DE L'ACTIVITE AGRICOLE
SUR L'ESPACE-ENVIRONNEMENT
Quelles ont été les diverses incidences de l'agriculture
et des autres formes d'exploitation sur l'espace forestier?
A - L'ATTEINTE IRREVERSIBLE AU MILIEU FORESTIER
Outre l'agriculture, d'autres formes d'exploitation
du milieu ont influencé le couvert forestier.
Parmi ces activi-
tés,
on peut citer l'exploitation forestière qui a débuté avec
l'introduction des cultures pérennes, la fabrication du charbon
de bois (pour
la
cuisine) en zone péri-urbaine et la coupe de
bois de chauffe.
1 - L'IMPACT DES CULTURES SUR LA FORET PRIMAIRE
L'étude de l'organisation de l'espace révèle la complexi-
té et l'étendue de la mise en valeur des terres dans la périphé-
rie d'Abidjan. Cette exploitation s'est opérée au détriment de
la forêt primaire de sorte qu'aujourd'hui en parcourant la Bas-
se Côte, on est frappé par la très forte humanisation de l'es-
pace.
L'espace paraît si déboisé que seuls les plantations
industrielles constituent l'essentiel de la végétation.

- 172 -
Les massifs forestiers originels n'existent que par endroit,
protégés par l'autorité administrative (FORETS CLASSEES).
Pour cerner les processus ayant engendré cette situation,
les photographies aériennes s'avèrent un instrument de travail
de première importance. Afin de suivre le rythme de création de
plantations et comprendre l'atteinte irréversible au milieu fo-
restier, nous avons choisi d'étudier le finage de Toupah.
Le choix de ce finage n'est pas neutre
- C'est l'une des premières régions où la palmeraie sélectionnée
et les plantations d'hévéa ont fait leur apparition.
- Zone de contact forêt - savane, il convient de voir comment
l'évolution d'un secteur (la savane) jugé jusqu'alors inculte
a eu des incidences sur la forêt,
domaine déjà
surexploité par
les populations locales.
Les cartes obtenues après recoupement des sources nous
révèlent la vitesse générale de la mise en valeur des terres.
* En 1950, hormis quelques clairières, on s'aperçoit que l'es-
pace forestier est peu dégradé.
En fait ce couvert végétal abri-
te deux types de cultures commerciales : les palmeraies naturel-
les et le café-cacao, qui s'accommodent de l'ombrage.
Quand au secteur de savane , exception faite de la par-
celle de palmeraie sélectionnée de l'IRHO, on ne perçoit aucune
trace d'occupation humaine. Rappelons que l'IRHO a hérité en
1946, les plantations créées entre 1920 et 1930 par l'Union Tro-
picale des Plantations (U.T.P.).
A l'Ouest de la carte apparaît, au contact forêt-savane,
un champ dont l'aspect géométrique fait penser à une plantation
de type européen. Rien ne laisse deviner le type de culture qui
y est pratiquée.

- 173 •
EVO LUTiON DU
TERROIR
DE
TOUPA
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- 174 -
Par ailleurs les clairières de la zone forestière correspondent
très certainement à des espaces de cultures vivrières ou à des
jachères encore nombreuses à l'époque. Le fait que ces clairiè-
res forment une ceinture autour du village permet d'affirmer
qu'on y cultivait des produits vivriers.
On remarquera au passage l'insuffisance de voies de
communication.
* En 1958, la SAPH, dérivée de la SIPH (Société Indonésienne de
Plantation d'Hévéa). s'installe dans la savane et se constitue
un très vaste domaine entre Opoyounem (au nord) et Toupah (au
sud).
La SAPH qui veut avoir une certaine autonomie crée des
infrastructures dans la partie nord de sa parcelle. Sont-ce des
équipements d'accueil ou de stockage de la récolte? Rien ne per-
met de l'affirmer. En revanche, la plus ancienne société instal-
lée dans la région - l'IRHO - n'a pas agrandi ses domaines, de
sorte que toute la savane à l'est de Toupah est encore inoccupée.
L'agrandissement de la plantation type européen du nord-
ouest ne laisse subsister dans le nord-ouest qu'un lambeau de
savane coincé entre la SAPH et ladite plantation.
Le village de Toupah a lui-même subi une transformation.
Certes, la forme allongée demeure, mais il a gagné en largeur.
Est-ce le résultat d'une croissance interne, ou bien l'apport
de main d'oeuvre
extérieure, consécutif au développement de
l'activité agricole?
L'importance du changement de la morphologie du village
en huit années, permet de penser qu'il est le fait d'un apport
extérieur de manoeuvres travaillant soit pour le compte de la
SAPH soit pour le planteur du nord-ouest.
La zone forestière présente d'autre part davantage de

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175

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Piste et route


- 176 -
clairières, signe évident d'une intensification de l'activité
agricole en milieu villageois.
"
Par ailleurs, le réseau de pistes et routes se densifie,
témoin d'un début de restructuration de l'espace autour de Tou-
pah. Jusqu'ici la dynamique est en grande partie centrée sur la
savane. Que se passe-t-il douze années plus tard?
* La période 1970 a été choisie pour deux raisons
- Les plantations traditionnelles de café et cacao créés entre
1930 et 1940 ont vieilli et certaines ont laissé la place soit
à des cultures vivrières,
soit à des jachères. D'autres au con-
traire,
ont été reconverties en palmeraies sélectionnées.
- La seconde raison est qu'en 1970, les palmeraies sélectionnées,
issues du plan palmier de 1963 sont entrées - pour la plupart -
en production, en même temps qu'elles se sont propagées à l'en-
semble du monde paysan.
Dans ces conditions une étude du même terroir paraît
plus intéressante.
Ainsi,
la troisième carte montre une occupation de l'es-
pace, tout à fait différente des précédentes.
En douze ans, la
savane du pays Adjoukrou a subi d'énormes mutations. Dans le
détail, la SAPH a très légèrement étendu son domaine au détri-
ment de la plantation de l'ouest qui a disparu et cédé la place
à une forêt dégradée.
La SAPH a également acquis une parcelle très moyenne en
zone préforestière pour ses pépinières. Ses infrastructures du
nord-est se sont développées.
L'IRHO a presque triplé la superficie de 1958, contri-
buant ainsi à la dynamisation et à la disparition de la savane.

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- 178 -
Depuis 1964, on note la présence d'une nouvelle venue
dans cet espace : la SODEPALM. Ses plantations ont été implan-
tées sur d~s terres de savane appartenant à Toupah. Désormais,
toute croissance en superficie paraît bloquée pour la SAPH
limitée à l'ouest et au sud par le secteur forestier non négo-
ciable parce que vital pour les paysans de Toupah, et au nord
par l'IRHO dont elle n'est séparée que par une mince bande de
savane non encore mise en valeur.
La nouveauté apparaît également en zone forestière do-
minée par les paysans autochtones de Toupah : la palmeraie sé-
lectionnée a fait son apparition après des réticences. Cette
nouvelle mise en valeur suscite des questions.
- Comment cette mutation a-t-elle été possible, dans un
milieu Ou la palmeraie naturelle représentait un espace écono-
mique porteur de valeurs culturelles et politiques précises(l).
- Quelles sont les cultures qui ont cédé la place à cette
nouvelle culture, étant donné que l'espace forestier était dé-
jà occupé en 1960 ?
- Enfin, on peut se demander la place faite aux cultures
vivrières jadis cultivées autour des villages soit en culture
pure soit sous les palmeraies naturelles, étant donné que la
palmeraie sélectionnée accepte peu ce genre d'association.
En effet, il apparaît très nettement qu'entre 1958 et
1970, les espaces réservés à la culture vivrière ont dominé en
nombre, même si l'on constate que, lorsqu'ils existent, ils
sont plus vastes qu'auparavant.
Les secteurs de végétation dense ou plus exactement
les domaines de cultures arbustives de café-cacao ont perdu
de leur importance: les taches de forêt l'attestent par
leur amenuisement.
Quant au village, il s'est agrandi considérablement
( 1 ) A • K 0 by
0 p. c i t
.

- 179 -
et lorsqu'on consulte les fichiers de "restructuration de
l'espace" du Ministère du Plan, on s'aperçoit que cette période
correspond à celle de l'électrification de Toupah. 1970 est
également la date à laquelle le village disposait d'une éco-
le à huit classes (signe de son agrandissement), il venait
d'être loti et se dotait d'un marché permanent, de commerces
de demi-gros, d'eau courante et des infrastructures de diver-
tissement.
Parallèlement, les campements SA PH et SODEPALM se
sont installés sur les interfluves au sud du village. une usi-
ne y a même été construite: celle de la SAPH, installée entre
la baie de Toupah et les parcelles de la SODEPALM.
Les infrastructures de communication terrestres se sont
développées et améliorées.
Les voies d'accès à un seul point
de l'espace se sont multipliées.
Le désenclavement de Toupah
est réalisé.
* En 1980, la situation diffère peu de celle de 70-71. Ceci
découle du fait qu'après 1970, les créations de plantations se
sont ralenties.
Les nouvelles plantations ont été développées
dans le nord de la sous-préfecture de Dabou et à l'ouest dans
le secteur de Cosrou.
Les seules nouvelles plantations dès
1975, se font grâce à une reconversion de terrain de culture
arbustive (café-cacao), ou grâce à une parcelle coutumière de
palmeraie naturelle cédée à un membre de la famille.
Avec le
manque de terre,
les paysans acceptent de créer quelques champs
vivriers - généralement de manioc - dans la savane.
Une carte
de synthèse au niveau régional fait ressortir la domination
des groupes d'intérêts privés et publics sur la savane de Dabou,
Tandis que les villageois se répartissent à travers la zone
forestière et créent des plantations plus modernes (au sens
actuel).

- 180 -
Cette analyse détaillée des photos aériennes appelle
quelques remarques :
- La création de plantations villageoises en zone fores-
tière s'est maintenue à un rythme très soutenu entre 1964
(début effectif du plan palmier) et 1970-73. A partir du dé-
but des années soixante dix, toute possibilité de création
s'avère difficile. Une visite sur le terrain permet de cons-
tater que la majeure partie des massifs de forêt visibles sur
les photos, sont soit occupées par des cacaoyères, soit si -
tuées sur des pentes où toute culture est impossible.
- La seconde remarque est que le manque de terre a influen-
cé les mentalités paysannes dans le sens d'une évolution posi-
tive, puisque désormais, la savane jusqu'alors jugée inculte,
fait partie de l'espace de production du villageois, même si
cette exploitation ne se fait pas à grande échelle encore.
- La croissance économique s'est accompagnée de celle des
infrastructures de liaisons terrestres. Le village de Toupah
a suivi ce développement général puisque sa population s'est
considérablement accrue passant de 684 habitants en 1955 à
2 552 en 1975 soit un accroissement relatif de 273,09 % en
vingt ans.
- Enfin on peut constater que devant l'innovation que cons-
titue la palmeraie sélectionnée, les Adjoukrou n'ont pas mis
longtemps à sacrifier la palmeraie naturelle des ancêtres, de
sorte que moins d'une dizaine d'années ont suffit pour trans-
former l'espace forestier autour de Toupah en palemeraies mo-
dernes.
L'analyse de ces photographies était nécessaire pour
saisir de manière concrète, l'atteinte irreversible au milieu
forestier par l'activité agricole.
La forêt s'est disloquée
sous l'action conjuguée des cultivateurs de produits vivriers
et des planteurs de café-cacao et de palmiers.

- 181 -
On notera au passage,
que bien que l'hévéa se soit ins-
tallé dans le secteur depuis 1958, on n'en retrouve que de ra-
res parcelles en production en culture villageoise.
Les raisons
relatives à cette situation ont été exposées plus haut.
Le finage de Toupah n'a été qu'un exemple pour cerner
un phénomène général dans la région d'Abidjan; cet exemple
peu s'appliquer à bien d'autres sous-espaces.
L'étude des diverses atteintes à la forêt primaire ne
saurait s'arrêter à l'analyse de l'influence de l'activité
agricole.
L'exploitation forestière doit également être prise
en compte. D'ailleurs Dian Boni n'écrivait-il pas que "l'ex-
plo~tat~on 6o~e~t~è~e eut pou~ eon~équenee, l'ouve~tu~e de p~~­
te~ ent~e 1946 et 1950 à t~ave~~ eette 6o~êt qu~ pe~da~t a~n~~
toute ~a ~ae~al~té. La 6o~êt éta~t non ~eulement va~neue, ma~~
on la metta~t dé~o~ma~~ à la po~tée de~ populat~on~"(1). Cette
citation résume le rôle joué par les exploitants forestiers
dans le désenclavement des zones forestières.
A l'aide de quel-
ques chiffres on peut montrer la nature de la dégradation du mi-
lieu forestier.
2 - L'IMPACT DE L'EXPLOITATION FORESTIERE
Les bois tropicaux, denrées de luxe de l'époque colo-
niale, ont alimenté un fort courant commercial entre les colo-
nies et la métropole. Ce commerce s'est développé au détriment
de milliers d'hectares de forêts tropicales.
Oans le cas de la Côte d'IVoire, on a calculé que sur
les 15 670 000 ha de forêt que comptait le pays,
il n'en res-
tait que 11 800 000 ha en 1956 ; cette superficie est passée
de 9 800 00 ha en 1960 à 9 000 000 ha en 1964, puis à 7 800 000
en 1967, 6 300 000 ha en 1970 et à 5 400 000 ha en 1974. cela
(1)
D.
Boni
op.
ci~
Page
167.

- 182 -
représente une regression de plus de 52 % en dix-huit ans. A
ce rythme, D. Boni calculait qu'nil n~ d~vait ~n ~eat~~ , ~n
1982, qu'~nvi~on 1 400 000 ha".
Certes, l'exploitation forestière n'est pas la seule
cause du déboisement i mais si elle est incriminée c'est à
juste raison. En effet n'a-t-elle pas été le catalyseur des
créations de plantations? C'est le long des pistes tracées
par les exploitants forestiers que se sont installés les fronts
pionniers agricoles.
Les premières caféières et cacaoyères ont
vu le jour grâce à cette activité de prédation. Nous ne con-
testons pas le principe de l'exploitation de la forêt,
puisque
jusqu'en 1970 et bien après, le bois assurait le tiers de nos
exportations. Ce que nous condamnons ce sont les méthodes d'ex-
ploitation. En effet, les détenteurs de "permis d'exploiter",
avant tout soucieux du gain ne se sont jamais préoccupés des
lendemains, convaincus que d'autres secteurs restent à exploi-
ter ailleurs. On n'hésite donc pas,
pour un seul arbre, à
abattre une dizaine d'autres plus jeunes et parfois plus.
Les opérations de transport sont ruineuses et mérite-
raient d'être améliorées. A ce gaspillage, il faut ajouter les
ravages causés depuis plus de deux décénies par les fabricants
de charbon de bois installés dans les abords immédiats des vil-
les forestières.
3 - L'IMPACT DE L'APPROVISIONNEMENT DES VILLES EN CHARBON
ET BOIS DE CHAUFFE
Communément appelés charbonniers, ces bûcherons un peu
spéciaux s'occupent aussi d'approvisionner toutes les villes
et gros bourgs en bois de chauffe. les ravages et dommages oc-
casionnés par eux ne peuvent s'apprécier qu'à partir de photos
aériennes, car souvent clandestins, ces fabricants de charbon

- 183 -
s'installent hors des pistes et seules les fumées de leurs
Rhauts fourneaux"signalent leur présence. Ils représentent un
réel danger pour la zone forestière du fait que pour eux,
il
n'y a aucune distinction à faire entre les essences. Tout ar-
bre,
pourvu qu'il soit dur est abattu puis débité en morceaux
qu'on met à sècher. Ainsi sont nées de vastes clairières en-
tre Anyama et Abobogare puis entre Anyama et Azaguié.
Les
chiffres de production de charbon de bois en notre possession
sont si dérisoires, et dépassés de surcroît, que nous préfé-
rons ne pas les publier. En effet cette activité,
à l'inverse
de l'exploitation forestière dans la périphérie d'Abidjan,
s'accroît très vite corrélativement à l'accroissement de la
population des villes desservies.
On peut ne pas condamner les diverses formes d'exploi-
tation de la forêt; en revanche,
il est difficile de rester
indifférent à l'énorme gaspillage qui résulte de ces exploita-
tions. A titre d'exemple losqu'au cours du transport, des bil-
les tombent en route, elles ne sont plus récupérées par les
commanditaires. Le bois pourrit sur place. De même, des stères
de bois de chauffe pourrissent en brousse faute de camion pour
les transporter en ville.
Enfin le CTFT (Centre Technique Fo-
restier Tropical) a calculé que chaque année le potentiel de
3
bois brûlé en Côte d'Ivoire forestière équivaut à 1 500 000 m ,
3
dont 4 à 5 000 000 m
d'espèces commercialisables.
Ainsi de nos jours, tout l'est après avoir été le pre-
3
mier producteur de bois du pays, ne produit plus que 4 000 000 m
de bois par an, avec une raréfaction des essences nobles.
Le centre de gravité de la production de bois s'est
déplacé vers l'ouest et le sud-ouest. A l'ouest, les régions
de Daloa Gagnoa, Man et Soubré assurent l'essentiel de la pro-
3
duction ivoirienne avec 1 300 000 m /an.
Le sud-ouest connaît
3
un début d'exploitation (500 000 m /an).
On entame ainsi un des
rares massifs forestiers primaires de l'ouest africain.

- 184 -
La dégradation de la forêt est très certainement l'une
des manifestations les plus visibles de l'agriculture sur le
milieu; alliée à l'exploitation brute, elle peut conduire à
une désertification à long terme, surtout lorsque la densité
de l'occupation humaine ne permet pas une reconstitution du
couvert végétal comme c'est malheureusement le cas en Basse-
Côte.
La thèse contraire défendue par ceux qui pensent que les
plantations sont des forêts et compensent de ce fait ce que
l'on perd en défrichant peut-elle être retenue?
Il faut reconnaître que les plantations industrielles
sont un type de forêt très spéciale
Les parcelles sont occupées par une même espèce de plante.
- La plantation se crée et vit dans un laps de temps très
court (une trentaine d'années au plus).
- La taille des arbres est conditionné par l'exploitant, par
ailleurs les fûts ne peuvent pas atteindre les dimensions des
essences naturelles.
- Enfin, à cause de l'entretien régulier, aucune autre espèce
ne peut pousser sous les plantations. L'équilibre du micro
système se trouve ainsi brisé.
Sur le terrain nous avons constaté qu'après l'abattage
des palmiers, par exemple, il fallait bonifier le sol si l'on
veut parvenir à faire pousser de nouvelles plantes. Aura-t-on
indéfiniment les moyens de cette bonification? Par ailleurs,
les sols très éprouvés par de nombreuses années d'explitation
intensive pourront-ils se reconstituer pour donner naissance
à des forêts dérivées,
si on décidait de ne plus les cultiver?
Quelle que soit la réponse,
nous pensons que la mono-
tonie des paysages artificiels ne peut remplacer la variété
des essences naturelles et la diversité des milieux.
Lorsqu'on
crée une plantation, on chasse les animaux qui habitaient aupa-
ravant l'actuelle parcelle et les divers traitements phytosani-
taires éloignent la faune.

- 185 -
Bien que toutes ces formes d'exploitations de la fo-
rêt procurent des devises fortes à l'Etat et des salaires aux
ménages,
l'on ne doit pas oublier la menace de désertification,
même si celle-ci semble encore lointaine. Avec une progression
d'environ 10 km/an, le désert n'est,
pas si loin qu'on le pen-
se.
Très souvent, quand on cite les causes de destruction
du milieu, on oublie de mettre en cause l'aménagement du ter-
ritoire, dont le rôle n'es pas si neutre.
4 - L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE UN MAL NECESSAIRE?
En effet, la création de voies de communication (rou-
tes et voie
ferrée),
l'implantation en pleine campagne d'un
ensemble hôtelier, ou d'une usine de prétraitement ou enfin
celle d'une cité dortoir à la périphérie d'une ville, sont au-
tant d'espace conquis sur la forêt.
L'exemple de l'autoroute du nord. long de 122 km et large de 80 mest
assez parlant ; en y incluant les 20 m de travaux de défriche-
ment des deux bords, on peut calculer que ce sont environ
1 220
ha
de terrain qui ont ainsi été défrichés. Lors de ces
travaux, on a même été contraint d'amputer la forêt du Banco
de quelques hectares.
On pourrait ajouter à cet exemple celui de l'agrandis-
sement du quartier de Yopougon qui occupe les terres à mais et
à manioc du nord-ouest d'Abidjan.
Le dédoublement prévu de la
voie ferrée entre Agboville et Anyama se fera également au dé-
triment de la forêt.
On doit cependant reconnaître la nécessité de ces tra-
vaux qui contribuent à la croissance de la région et du pays
tout entier.
En effet, la voie Expresse-Nord fait gagner une

-
1:l6 -
heure et demie sur l'ancien tracé passant par Dabou.
On peut
par ailleurs constater que le réseau routier de la Basse Côte
est le plus dense de tout le pays. Quelles en sont les causes?
Quelles sont les conséquences de ce réseau sur la struc~ura­
tion de l'espace?
5 - LE RESEAU ROUTIER LE PLUS DENSE DU PAYS
Les réseaux routiers des pays sous-développés, parti-
culièrement ceux des pays côtiers de l'Afrique, présentent
les mêmes caractéristiques: peu denses, ils ont le défaut
d'être lâches, sans liaisons transversales entre les tracés
partant de la Côte.
En Côte d'Ivoire, les premières routes furent cal-
quées sur les voies de pénétration des colons.
Les liaisons
transversales sont de création récente et émanent de la volon-
té politique de restructuration de l'espace. Dans l'ensemble,
on constate que le secteur d'étude est le plus densément des-
servi.
La densification économique serait à la base de cette
situation. Il a été signalé plus haut le rôle joué par l'agri-
culture et l'exploitation forestière dans le désenclavement
de la région
j
nous n'y reviendrons pas. On peut tout simple-
ment noter que la densification de ce réseau s'est progressive-
ment accompagnée d'une amélioration sensible des routes.
Déjà
entre 1950 et 1956, les premières routes bitumées virent le
jour avec notamment
- le bitumage de l'axe ABIDJAN-BINGERVILLE
- ABIDJAN -
AOZOPE -
ABENGOUROU
- ABIDJAN -
DABOU
- et ABIDJAN - BASSAM.
Ces tronçons très sinueux, ont été refaits depuis

LE
PLUS DE NSE
RESEAU
ROUTIER
DU PAYS
r----
oc
AUTOROUTE
AUTRE
CATÉGORI E
ROUTE
NATlONAlË
Q
,
ROUTE
RÉGIONALE
1,6 KM

- 188 -
l'indépendance grâce
aux bénéfices tirés de l'agriculture.
Le sud du pays dispose donc d'un réseau routier très viable
à ce réseau sont venus s'ajouter l'autoroute du nord,
le bou-
levard Mitterrand, les voies entre Abidjan-Abobo-Anyama et
Anyama-Agbovi11e.
· L'autoroute du nord est la plus importante voie de cir-
culation du pays.
Longue de 122 km, dont près de 70 km dans
notre secteur, cette voie devra atteindre à terme Bouaké, au
centre du pays.
· Le boulevard Mitterand achevé en 1982-83 relie Abidjan
à Bingerville et devra permettre la redynamisation de Binger-
villIe plongée depuis longtemps dans un "sommeil" économique
grave.
· La route reliant Abidjan et Anyama et passant par Abobo,
se prolonge sur Agboville (84km d'Abidjan).
Les liaisons annexes entre ces principales voies
(Yopougon Abobo par l'ouest de la forêt du banco, liaison Abid-
jan-Abobo par le zoo etc ... ) contribuent à faire de la région
sud la plus desservie du pays. On peut calculer que sur 3 200
km de routes bitumées que compte le pays, près de 1 000 km sont
concentrées dans le sud du pays. Nous excluons du calcul la
voierie urbaine, objet de préoccupation ultérieure.
La carte du réseau permet de constater que :
- malgré les efforts consentis ailleurs les voies partant
d'Abidjan sont demeurées les meilleures.
- bien que sensiblement amélioré, le réseau routier du sud
et de manière générale celui de tout
le pays présente encore
des points faibles: ainsi,
hormis les zones denses de Dabou,
Anyama et Bingerville (secteurs des plantations), le reste
de l'espace est mal desservi.
Bassam a les plus graves problè-
mes de liaison, en raison notamment de l'occupation humaine

- 189 -
très lâche et de la présence de nombreux marécages (consul-
ter la carte des contraintes à l'expansion humaine ).
- Les routes non bitumées et les pistes constituent encore
la majeure partie du réseau routier.
Or les pistes, on le sait,
sont impraticables en saison despluies, et leur
entretien lais-
sé aux mains des ruraux ne permet pas d'envisager leur amélio-
ration dans l'immédiat.
- Enfin on peut constater qu'entre les centres urbains de se-
cond ordre, il n'y a aucune liaison directe. Tout doit transi-
ter par Abidjan, ce qui entraîne inévitablement l'engorgement
des principales voies de la capitale économique du pays.
Les
analystes de l'organisation de l'espace pourraient arguer que
ce schéma permet de réaliser des économies sur l'investisse-
ment en matière de construction de voies(l)
; ce serait faire
fi des blocages de toutes sortes qui conduisent inévitablement
à des pertes de temps inutiles et d'argent.
Il est possible d'imaginer, d'une part, une liaison
directe entre Dabou et Anyama,
passant par les villages de
ATTINGUIE et AKOUPE et d'autre part entre Anyama et Bingervil-
le en passant par Anyama Débardacère (sur la lagune Aghien)
qui est très enclavé.
La liaison actuelle entre Bingerville et
Bassam souffre du manque de pont sur la lagune ébrié au niveau
de Vitré.
Pour faire ressortir l'importance de chaque section
de ce réseau, nous avons établi la carte des flux de voitures
entre Abidjan et sa zone d'appui économique immédiate. Nous
avons débordé légèrement du cadre de notre étude pour permet-
tre une comparaison entre Abidjan et le reste du territoire.
La carte a été établie grâce aux enquêtes du Ministère des
Travaux Publics et des Transports.
Les enquêteurs ont noté
le nombre de voitures circulant dans les deux sens, sans dis-
tinction de catégorie. Ces observations'portant sur un jour
(1)
cf.
Peter
Haggett
op.
cit
.

FLUX DE
VEHICULES
( moyennes journalières
ADZOPE
, mm = 200 véhicules
o
20 KM
!
1
!
A BOISsa
Source
M TPT _ CI
_
'9~

- 191 -
ordinaire de 24 heures,
se sont déroulées pendant un mOlS
par extrapolation,
on a calculé une moyenne journalière a~-
nuelle
celle figurant sur la carte.
Seules les routes de
catégories A et B ont été enquétées,
en raison de leur via-
bilité permanente.
La carte montre l'importance très
nette du trafic
entre Abidjan et sa périphérie immédiate.
Les agglomérations
de Yopougon et Abobo sont les plus desservies,
ce qui confir-
me la tendance de quartiers dortoirs des deux quartiers nord
du Grand Abidjan.
Les flux de Yopougon
(5 500 véhicules/jour)
doivent être
reconsidérés,
étant donné que depuis la date de l'enquête ce
quartier s'est agrandi très considérablement.
Les flux d'Abobo doivent être interprétés avec prudence
car la voie d'accès à ce quartier se Jédouble à la sortie nord
d'Abidjan,
les deux bretelles sont fréquentées très inégale-
ment.
Or l'enquête ne dit pas si ces deux voies ont été compta-
bilisées ensemble.
Nous pensons qu'il s'agit uniquement
des
flux se situant dans le
prolongement de la rout~ d'Anyama, donc
ceux passant par la vo_e principale
(Nord-Nord-Ouest d'Adjamé).
Viennent dans l'ordre les flux
entre Abidjan et Si ken-
si
(4 250 vehicules)
où aboutit une voie venant d'Agbovil1e,
puis ceux entre Abidjan et Bassam où 4 000 véhicules assurent
la liaison d'une part avec la cité dortoir de Bassam et d'au-
tre part avec le reste du Sud-est
(Aboisso,
Bonoua etc ... )
Les flux
entre Abidjan et Bingerville doivent être re-
considérés avec l'ouverture du Boulevard ~litterand qui a amené
de nombreux travailleurs d'Abidjan à résider dans cette loca-
lité.
Bien que
privée de l'autoroute,
Dabou a maintenu un
flux
important avec Abidjan
(2 500 véhicules assurent jour-
nalièrement la liaison entre les deux villes.

- 192 -
Les flux
(dans les deux sens confondus)
entre Ablajan
et le Nord-Est sont modestes et ne sont revalorisés qu'û~rès
Anyama
(2 000 véhicules).
La carte révèle la faiblesse de
l~
circulation sur les voies transversales.
Au total,
l'importance des flux entre Abidjan et sa
périphérie apparaît très nett~ment sur cette carte.
Ceci con-
forte notre délimitation du secteur d'étude,
car les flux de
véhicules étaient l'un de nos critères.
La carte révèle égale-
ment l'importance du parc automobile ivoirien en général et
particulièrement celui d'Abidjan et de sa périphérie immédia-
te.
Les flux
de personnes sur les lagunes n'ont pas été
comptabilisés.
Par ailleurs on pourra remarquer qu'en ce qui
concerne le développement des routes,
c'est le réseau intra
urbain qui a bénéficié de l'accroisse
~nt le plus spectaculai-
re
(cf.
chapitre suivant).
Parmi les mutations qui ont affecté l'espace de pro-
duction on ~eut retenir celle des systèmes d'exploitation,
consécutive à une intensification des activités agricoles.
6 -
LA MUTATION DES SYSTEMES DE CULTURE ET D'EXPLOITATION
Nous entendons traiter ici les processus de transfert
d'un mode traditionnel d'exploitation de la terre vers un mo-
dèle de mise en valeur moderne
(au sens actuel du mot).
En
effet il nous semble que ce changement a été inspiré par les
exigeances du développement de l'économie de marché.
-
La cohabitation de deux systèmes d'exploitation
Dans la
première partie de ce travail,
le système

- 193 -
traditionnel d'exploitation de la terre a été
lon9ucme~t ;j.
crit
ces explications ont été complétées par une
ana:js~
des cultures vivrières dans la seconde partie.
ICI
nous nou~
attarderons sur les mutations de ce système,
autrefois touc-
né vers la seule satisfaction des besoins du groupe et sa
cohabitation avec le système des cultures de rente.
Le sché-
ma de la
page suivante contribue efficacement à expliauer cet-
te mutation,
et montre qu'au système traditionnel de mise en
valeur de l'espace,
est venu se superposer celui de la pro-
duction agricole d'exportation.
Les données à l'entrée des
systèmes évoluent.
Ainsi à cause de l'épuisement du sol con-
sécutif à la culture du manioc,
on retrouvera très
fréquem-
ment cette denrée en culture pure ou en association avec des
cultures à cycle végétatif très court tels
le maïs
(6 mois),
l'arachide et les légumes.
Pour les autres cultures vivrières,
la tendance est à l'association avec "
cacao et le café sur
une même parcelle.
D.
Boni(l)
en a 10~duement expliqué le pro-
cessus.
Pour les cultures dites
nouvelles,
c'est-à-dire
la banane
poyo,
l'ananas,
l'hévéa,
le cocotier et le palmier
sélectionné,
la
plantQtion se fait en culture pure dès
la pre-
mière année.
On assiste rarement à une association de ces cul-
tures avec les vivrières.
Néanmoins en parcollrant la région,
nous avons noté des cas d'association portant sur de faibles
superficies.
D'autres part,
la SA PH et la SODEPALM semblent
encourager la culture de manioc sous les plantations d'hévéa
et de palmier à l'huile sélectionné,
à
l'image des champs de
canne à sucre du Brésil où l'on a résolu en partie,
l'appro-
vionnement des villages ouvriers en vivres,
par cette prati-
que.
Pour l'instant la
pratique généralisée demeure
la plan-
tation en culture pure,
pour la simple raison que
les cultu-
res vivrières poussent plus rapidement et leur ombrage
pour-
rait porter préjudice à la
principale culture.
( 1)
0 i an
80 n i D p. ci t

-
194 -
Quels sont les principaux objectifs à satlsfalre ?
*
Les cultures vivrières sont avant tout destinées à la
satisfaction des besoins des ruraux.
Les surplus sont vendus
sur les marchés locaux ou urbains.
Cependant,
on assiste à
une transformation du circuit.
En effet les faibles rendements
des cultures pérennes associés à une demande très forte
des
villes du littoral en denrées alimentaires,
ont encouragé les
ruraux et principalement des femmes,
à ne cultiver que pour le
seul objectif de vendre la récolte,
soit après transformation
(semoule de manioc appelée Attiéké)
soit brute.
Comme on peut
le constater,
les demandes rurales et urbaines sont à l'aval
de ce circuit
: toute augmentation de la demande entraîne une
augmentation des superficies ou une intensification sur les
parcelles
(cas du manioc industriel introduit en milieu rural
depuis 1980)
On peut toutefois noter - chaque paysan essayant de
produire sa nourriture - que seules les villes ont été les
principales cause du dynamisme de la production vivrière de
ces dernières années.
Pour les cultures de rente,
le principal objectif res-
te la satisfaction de la demande extérieure,
afin de procurer
des devises fortes
au
pays.
Avec le développement de l'agro-
industrie,
cette agriculture doit également satisfaire la
demande intérieure.
Cette industrie prélève une quantité encore assez
infime de la
production agricole totale et son rôle dans la
boucle de rétroaction ne sera effectif qu'avec l'accroissement
des quantités transformées et la diversification qui l'accom-
pagnerait.
Ici,
les
prix d'achat au
producteur,
les cours
mondiaux des produits tropicaux,
et les
possibilités de stoc-
kage conditionnent l'accroissement de la production.
Cet ac-
croissement reste néanmoins subordonné à la disponibilité en
terre.

-
195
-
Ces deux circuits devraient s'affirmer au fil
du temps.
Le premier devrait se consolider avec les nouveaux objectifs
qui sont assignés au milieu rural
produire pour l'autosuffl-
sance alimentaire.
Rappelons ici que d'autres facteurs
inter-
viennent dans la consolidation de ce circuit
les infrastruc-
tures de distribution doivent être mises en place.
Le second circuit connaîtra avec la demande intérieure
sans cesse croissante,
une intensification,
si toutefois la
contrainte de l'espace ne vient pas perturber le système
(voir
chapitre III).

ESPACE RURAL =
SYSTEMES DE CULTURES
OBJECTIFS PROGRAMMES
INTRANTS
Types de culture
Moyens humains
~lt. vivriè:es pures
Satisfaction du
ou aSSOClees
groupe, vente de
inanciers
surplus ou
Techniques
- Cultures vivrières
I---J
Types de
Cacao et café associés aux
uniquement vente
cultures etc.
- - -
--
c. vivrières dès la 1er année
~
de la production
- Cultures d'exportation
Moyens physiques
(sol + Climat)
Cultures nouvelles en plantation
pure : ananas, bananes,palmiers
'1'
sélectionnés et hévéa.
. Exportation entière
ou
-\\-i-
. mince prélèvement
li
pour l'industrie lo-
cale
Contrôle Général

+
1
Accroissement démographique:
1
1
rétroaction
- Rural
-----------------------------------
----------------------------------------------------
- Urbain
rétroaction
-contrainte de prix d'achat
.
-demandes extérieures et intérieures
-possibilités de stockage
Systèmes d'exploitation en Basse Côte d'Ivoire
f-'
lO
0'

- 197 -
La profonde mutation de l'espace rural passe égale-
ment par la diversification des activités.
Cette dlverslflca-
tion s'accompagne d'une évolution des mentalités.
Au bout de
la chaine,
se trouve l'espace-environnement ~ partlr duquel
on peut évaluer les retombées du
"boom"
économique récent.
Ces retombées doivent être analysées en termes de changements
négatifs ou positifs pour les ruraux.
Il faut donc disposer
d'indices.
Ces indices,
nous les avons trouvés
dans l'habitat rural et sa récente évolution.
Nous les avons
également perçus à travers les équipements de l'espace rural
et urbain.
B -
LES INCIDENCES DE L'AGRO-EXPORTATION SUR L'EVOLUTION DE
L'ESPACE RURAL PERI-URBAIN ABIDJANAIS
L'analyse des diverses transformations subies par
l'environnement du paysan passe d'abOi) par une appréciation
de la croissance de la
population.
Au chapitre II nous avons
vu le volume net du peuplement régional et sa répartition très
inégale.
Mais comment cette population a-t-elle évolué?
1 - CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET EVOLUTION DE L'ESPACE
HABITE
L'une des conséquences immédiates de la croissance
économique de la Basse-Côte est l'évolution spectaculaire de
la population tant en milieu rural qu'en milieu urbain.
En effet,
en 1955,
toute la zone considérée comptait
55 176 habitants en milieu rural.
En 1975,
cette population
passe ~ 184 563 habitants
(toujours sans Abidjan et sa ban-
lieue),
soit une progression de 234 % en 20 ans et un ac-
croissement annuel de 6,20 ro. Ce taux annuel est
supérieur à l'accroissement naturel qui se situerait autour
de 2,5 à 3 %.
Ce qui montre très bien que l'espace étudlé est

-
198 -
une zone d'accueil.
Cette croissance généra18 masque les nuances
zonales
de la progression de la population.
Pour les faire ressortir
nous avons élaboré deux cartes.
La première permet de voir
l'évolution des densités de peuplement,
la seconde rend comp-
te de la progression de la population au niveau de chaque vil-
lage.
a)
La carte de variation des densités rurales
La carte de variation des densités a été obtenue
par le système de carroyage,
déjà utilisé pour la réalisation
de la carte des densités rurales.
Pour la méthode,
voir la fi-
che technique s'y rapportant.
Précisons toutefois ici,
qu'au
lieu de cartographier l'accroissement brut des densités
(solde
entre densités 1975 et densités 1955),
nous avons choisi la
variation relative.
Une carte d'accroissement brut serait su-
bordonnée à la carte des densités
les plus fortes
valeurs
se sitiueraient dans les
zones de fortes
densités rurales.
L'examen de la carte obtenue , fait ressortir des
taux de croissance pàrtout positifs.
Les cinq villages de la
région où la
population a subi une diminution,
n'ont pas in-
fluencé de manière significative le résultat d'ensemble
les
taux de variation très élevés des autres villages ont compen-
sé ces rares points de faiblesse.
Les taux
varient entre 20 %
et plus l'infini qui correspond aux
zones où de nouveaux vil-
lages sont apparus après 1955(1).
Les intervalles choisis sont certes très larges,
mais ils sont liés aux valeurs trop importantes des accroissements.
Les secteurs inhabités ou très sporadiquement occupés
(par des
campements)
sont figurés en pointillés.
Nous avons exclu de notre analyse,
Abidjan et sa
banlieue.
On voit ainsi apparaître les nuances zonales avec
( 1)
l ~
est
p 0 s s i b l e
que
ces
vil l age s
e x i s t ale n t
a van t
l 955 ,
c'est
pourquoi
nous
préférons
dire
"villages
non
recensés
en
1955".

..
. . . . . -:--:----
. . . . ..--.---
. . . . . . .
.
.........
................ ,
.
"
-
199 -
. .
' ......
. : : "
... \\\\
J,
1
1
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.; s
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o
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g
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<:'"
o
rn
(f)
o
rn
z
(f)
-;
[Tl
(f)
r


- 200 -
trois principaux noyaux très denses.
Cette carte dOit se lire
en superposition avec la carte de densités rurales,
ce qUI per-
met de constater que trois des noyaux de fortes variations se
superposent aux noyaux de fortes densités rurales de 1975
; ce
sont
:
-
Les domaines de fortes occupations humaines à l'ouest d'Abid-
jan,
précédemment nommés "nébuleuse ébrié",
-
le secteur autour de Bingerville qui se prolonge au Nord-Est de
cette localité,
- enfin le secteur au sud-ouest de la carte,
correspondant
à l'espace occupé par les Ahizi de Tiagba.
Les noyaux de fortes variations autour d'Abiéoulo
(Dabou)
de MBrago
(Anyama)
de M'Batto Bouaké et Akeikoi
(Ben-
gerville)
se sont formés où précédemment les densités étaient
les plus faibles.
Ce qui traduit un
~ort courant migratoire
dans des zones totalement inoccupées en 1955.
Enfin,
on peut voir que les secteurs sporadiquement
occupés en 1975 correspondent approximativement à ceux ayant
connu très peu de Variation.
Ces remarques suscitent un intérêt,
du point de vue
de l'occupation de l'espace et des problèmes qui en découlent.
La correspondance entre les noyaux denses des deux
cartes est 12 signe d'un mouvement d'occupation intensive des
espaces concernés.
La carte des densités de 1955 - que nous
n'avons pas jugée utile à la compréhension du texte - montre
que ces secteurs étaient déjà les plus densément peuplés.
rI
y a donc eu un flux
continu de migration vers ces zones.
Avec
plus de 250 % d'accroissement sur les 20 ans,
ces sous-espaces
ont évolué en réalité au taux de 5,9 % par an et sont parmi
les plus dynamiques du pays.
Les taux moyens annuels de l'ac-
croissement naturel en Côte d'Ivoire étant de 2,5 % à 3 %,
on
peut considérer que le solde migratoire y est positif et a

- 201 -
favorisé en grande partie cette augmentation générale du peu-
plement.
La concentration des fortes
variations autour d'Abid-
Jan et de Bingerville montre le rôle attractif de la ville sur
les migrants.
Ainsi la nébuleuse ébrié,
la zone frontière entre
Anyama et Bingerville
(Nord-Ouest d'Abidjan),
ont connu les
plus fortes vairations de densités rurales.
Outre ces cas de forte
progression correspondant
aux secteurs densément peuplés de 1975,
on observe que trois
autres sous-espaces ont subi de fortes variations,
bien que
moyennement peuplés en 1975.
Ce sont les zones s'étendant de
Vieil Osrou à Abiéoulo puis
Bago,
Kossihouen et Guebo et
enfin le noyau au sud-est de Bingerville,
où le campement
SODE PA LM et les villages de M'Batto Bouaké et Bregbo ont joué
un rôle important.
Hormis ces cas exceptionnels,
on note que les varia-
tions des autres sous-espaces sont assez importantes
A Dabou
des valeurs comprises entre 250 et 500 % s'observent dans la
zone de Toupah,
Kosrou,
Vieux Badien et Nigui Nanon.
C'est la
zone de forêt en grande partie occupée par les palmeraies sé-
lectionnées,
les cacaoyères et les caféières.
A Anyama,
les densités rurales se sont intensifiées
autour d'Akoupé,
Attinguié,
Ebimpé,
Adéromé,
Azaguié Blida et
Adattié.
En comparant les deux cartes,
on s'aperçoit que
les secteurs sous-occupés en 1955 et 1975 n'ont pas connu de
dynamique particulière,
puisqu'ils comportent les plus faibles
variations.
Les explications de cette situation sont à recher-
cher dans les conditions du milieu naturel
ainsi apparaît-il
très nettement que la vaste plaine inondable de l'Agneby,
cons-
titue une zone de répulsion,
tandis que les sols gravillonnaires

Il
.,lij
EVOlUTION
DE LA POPULATION
1955...:1975
1.",
/----------
/
/

·~
/
1
.-- ..-L-lf;î
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- 202 -
au nord de la sous-préfecture de Dabou semblent attlrer
très
peu de personnes.
Par ailleurs,
les zones de contacts ethniques ont
progressé très peu
(Nord d'Anyama,
est de Bingerville et sud
d'Abidjan où pourtant les plantations de cocotiers ont été
développées sur le mince cordon littoral par les pêcheurs de
toutes nationalités et par la SOOEPALM).
On note que dans l'ensemble,
la sous-préfecture de
Bassam a enregistré les plus faibles
variations,
avec une
moyenne de 44 % sur 20 ans,
alors que cette moyenne s'établit
à 85,5 % pour Bingerville,
61,34 % pour Anyama et 52,28 % pour
Oabou.
L'analyse de la carte de variations des densités
rurales est subordonnée à celle par village.
Cette dernière
est plus fine et montre des nuances q l n'apparaissent pas
sur l'autre carte.
Ainsl sur l'ensemble des villages,
5 ont évolué
négativement avec des taux allant de -8,82 % (Elokato dans la
sous-préfecture de Bingerville)
à
-
84,5 % (Vieil Osrou à Oa-
bou).
En raison du ràle très relatif de ces baisses,
nous ne
les avons pas hiérarchisées.
Hormis les 37 localités non recensées en 1955,
on
peut considérer que les plus grandes fréquences de variations
se situent dans les intervalles 100 à 250 et 250-500 qui re-
groupent 64 localités soit 38 % des villages.
7 localités se
sont accrues de plus de 100 %.
Ainsi,
la courbe de fréquence
cumulée montre que plus de 92 localités ont évolué de 50 %
à + 1 000 %

-
203
-
b) Quelles significations peut-on donner à ces
variations importantes des densités rurales?
D'une manière générale,
les mouvements de
popula-
tions traduisent le sens d'évolution de l'économie de la région
concernée.
Un appel de population peut signifier un regain des
activités économiques,
tandis qu'une stagnation ou une perte
peut révéler la léthargie voire le blocage ou la baisse de l'ac-
tivité économique régionale.
L'étude des mouvements de popula-
tions peut donc fournir des
indices importants dans
l'analyse
de la dynamique d'un espace.
Rappelons toutefois,
que le cher-
cheur doit être très prudent dans la manipulation des statisti-
ques démographiques;
des taux d'évolution anormalement élevés,
c'est-à-dire sans raison apparente doivent attirer son atten-
tion.
L'intérêt des deux cartes
:'évolution de densités
et de population réside dans l'interprétation qu'on pourrait
en faire à propos de l'occupation de
l'espace.
Les taux géné-
ralement élevés peuvent-ils être interprétés comme une preu-
ve de surcharge démographique ? Y-a-t-il un seuil de peuple-
ment? est-il atteint par endroit?
Les réponses à ces questions ne peuvent pas être
systématiques puisque dans la réalité,
l'augmentation généra-
le due à un solde
migratoire
positif,
cache un double mouve-
ment de populations:
si d'un côté on constate une arrivée mas-
sive d'allochtones,
de l'autre côté,
on note le départ massif
des jeunes autochtones vers les villes avoisinantes.
Les moti-
vations des uns et des autres sont bien différentes.
Les mouvements intrarégionaux de population sont
difficiles à cerner.
Les déclarations fantaisistes
des enquêtés
sur leur ethnie d'origine ne facilitent pas la tâche des enquê-

-
204
-
teurs.
Néanmoins si l'on se réfère aux résultats du dernler
recensement national,
on s'aperçoit que les jeunes ruraux de
la Basse Côte ont une propension à l'émigration vers les vil-
les du sud.
Abidjan accueille à elle seule 75 % de cette popu-
lation migrante
Dabou abrite à peine 12 % des Adjoukrou,
tandis qu'Anyama et Bassam accueillent entre 6 et 12 % des jeu-
nes Attié et Abouré.
La pyramide des âges de ces migrants consti-
tue une préoccupation pour les autorités politiques,
puisque
plus de 85 % des partants ont moins de 20 ans.
En comptant la
population en âge de scolarisation,
la moyenne d'âge des mi-
grants tombe à 17 ans chez les garçons et à 15 ans chez les
filles.
Parallèlement à ces départs,
on constate l'arrivée des
allochtones dans les zones de plantations.
Ces mouvements sont les
plus faciles
à suivre,
la
langue des arrivants étant un indicateur sûr.
On note cepen-
dant des cas presque parfaits d'assimilation,
surtout lorsque
le migrant a réussi à être propriétaire terrien et qu'il a
pris femme dans la famille d'accueil,
après une longue période
d'adaptation.
Les listes que nous avons consultées au Ministère
du Plan permettent de constater qu'outre les populations des
campements SAPH et SODEPALM,
tous les villages de la Basse
Côte ont leurs migrants,
en majorité votaiques,
maliens et gUl-
néens,
auxquels s'ajoG~e une minorité composée de ghanéens de
nigériens et togolais.
Bien que ces populations soient plus nombreuses
en milieu urbain,
on peut constater qu'elles sont en nombre suf-
fisant pour compenser le déficit de l'accroissement naturel des
zones rurales,
de sorte que par endroit on a une surcharge dé-
mographique
(voir sur la carte des densités,
les isolignes de
2
plus de 150 habitants au
km
).

-
205
-
Au niveau de l'occupation de l'espace et des dlf-
ficultés foncières qui pourraient en résulter,
il faut éviter
une interprétation hâtive.
En effet,
tous les migrants ne sont
pas des propriétaires fonciers.
Les problèmes fonciers ont
d'autres sources
(cf.
chapitre suivant).
En résumé,
l'étude des mouvements démographiques
précède les analyses économiques dans une étude régionale.
Ces
recherches sur les mouvements de populations doivent être fines
c'est pourquoi nous avons préféré des cartes par isolignes aux
cartes d'accroissement par unité administrative.
Cette étude
plus fine permet d'entrevoir les motivations des uns et des au-
tres.
En effet tout l'espace de la Basse Côte n'a pas la même
valeur agronomique pour les paysans et stratégique pour les
secteurs dont la croissance est liée à la localisation
(fermes
avicoles,
usines en zone rurale etc . . ).
L'étude des taux d'ac-
croissement des densités permet
de définir les seuils au-
delà desquels la structure des terroirs
peut être profondément
modifiée.
Elle permet également de prévoir,
sinon d'envisager
les luttes foncières
possibles et les conséquences d'une sur-
charge démographique sur l'espace rurale.
Au niveau de l'analyse géographique et économique,
l'étude des phénomènes démographiques aide à réfléchir sur la
structuration du milieu et permet de dire si les équipements
réalisés correspondent au volume de la population.
C'est grâce
à une bonne appréciation de ce volume et surtout du sens de
l'évolution de cette population que les opérations d'aménage-
ment de l'espace peuvent être un succès.
L'analyse des deux
cartes a montré que la population s'est accrue très fortement.
Il convient de voir si à cet accroissement correspond celui de
l'espace habité.

- 206 -
2 - CROISSANCE ECONOMIQUE ET RESTRUCTURATID~
DE
L' HABITAT RURAL
La croissance démographique s'est faite
parallèlement
à
celle de l'économie régionale.
Ces deux facteurs contribuèrent
à
la mutation de l'habitat sur deux plans.
Au niveau de la taille,
l'espace habité s'est agrandi.
- Au niveau structurel,
de nombreuses mutations ont affec-
té le village de la Basse Côte.
En effet,
lorsqu'on parcourt le pays tout entier,
l'on
est frappé
par la diversité des habitats;
cette diversité cor-
respond au nombre impressionnant d'ethnies que compte la Côte
d'Ivoire.
On retiendra cependant la nette opposition entre les
villages du sud-est et ceux du reste ""J pays.
Cette opposition
porte sur la taille plus grande des vlllages de la Basse Côte
et sur l'évolution très rapide qu'ils ont subi.
Ici,
les vil-
lages traditionnels ont cédé la place à des villages entière-
ment nouveaux ou en reconstruction ou partiellement réaménagés.
Quels sont les facteurs de cette évolution,
et comment
les villages ont-ils évolué?
a)
L'éclatement spatial du village traditionnel
Le village traditionnel lagunaire avait des carac ,é-
ristiques originales qu'il convient de rappeler pour apprécier
les changements qui sont intervenus.
Généralement,
le village lagunaire était bâti au-
tour de trois notions principales
1) les quartiers
2)
les patrilignages
3)
les classes d'âge

-
207
-
1)
Littéralement traduits,
le quartier signifie
" un morceau
de village".
Ce qui veut dire que même en tant qu'entité,
le
quartier obéit aux mêmes principes généraux d'organisation de
la vie commune du village.
Ceci n'empêche pas que les villages
lagunaires soient subdivisés en plusieurs quartiers,
la situa-
tion d'un quartier par rapport aux autres revêtant une grande
importance.
Ainsi a-t-on très souvent des villages structurés en
trois quartiers
le quartler du "Haut",
le quartier du "Bas"
et entre les deux,
le quartier du
"Centre".
Cette structura-
tion à trois niveaux est souvent dépassée dans les grands vil-
lages tels Lopou,
Ousrou etc ...
où il y a quatre quartiers
exceptionnellement on a six quartiers à Débrimou,
village cen-
tre de confédération.
La structuration des villages en quartiers correspondait
en fait,
à une hiérarchisation poiitic:',e.
Ainsi,
le quartier
du
"Haut" était le quartier ainé,
c'est-à-dire celui du fonda-
teur du village.
C'était le quartier où étaient prises toutes
les décisions concernant le village,
son organisation,
sa ges-
tion et son administration.
Les rites d'initiation des classes
d'âge,
communs aux peuples lagunaires s'y déroulaient.
Généra-
lement,
ce quartier était habité par les descendants du fonda-
teur,
par les nobles et les riches qui dirigeaient le village
(ceci n'est pas toujours vérifié chez tous les lagunaires).
Les autres quartiers regroupaient de manière indiffé-
renciée les autres membres de la communauté selon les deux
dernières notions de patrilignages et de classes d'âge.
2)
La notion de patrilignage,
comme décrite plus haut avait une
fonction politico-religieuse.
Ainsi l'implantation d'une maison devait-elle obéir à
des droits prescrits.
On ne construisait pas sa maison où l'on
voulait.
Dans un quartier donné,
les membres d'un même lignage
bâtissaient leur habitation sur un même ilât.
Généralement le

-
208
-
v i Il age é ta i t
de t y Pe v i Il age - rue.
0 n a vait al 0 r sun e suc C r; " S ion
de concessions fermées jointives divisées en ilôts par d'étroi-
tes ruelles.
Le dernier venu s'installait à côt2 du patriarche,
lorsqu'il avait les moyens de se bâtir une maison
autrement
il habitait chez des
parents jusqu'à son indépendance financiè-
re.
Cette indépendance était souvent acquise avec le mariage
et dans ce cas on procurait au marié les moyens de bâtir sa mai-
son à côté de celle de ses parents de lignée paternelle.
Toutes ces maisons étaient contrôlées par le patriar-
che en ce qui concerne les différends entre individus.
Cela
n'excluait pas cependant que le chef de ménage dirigeât son
foyer.
Toutefois,
des différences appréciables apparaissent
entre les diverses ethnies de la zone d'étude.
Chez les Adjou-
krou,
seul le quartier du
"Haut"
était sélectif;
malgré la
structuration à trois niveaux et parfois plus,
on remarque que
les autres quartiers étaient occupés indifféremment sans qu' in-
tervienne la notion de classes d'âge.
Néanmoins celle de patri-
lignage s'applique lors de l'installation de l'individu.
3)
Chez les Abouré,
les Attiés et les Ebrié,
le village était
également divisé en quartiers
,
le nombre de ces quartiers
étant fonction de la taille du village.
Chez ces peuples,
ou-
tre l'application des deux premières notions,
la division du
village correspondait aussi à l'étagement des classes d'âge.
Chaque classe d'âge habitait un quartier déterminé et ceux qui
ne pouvaient être initiés étaient rattachés au quartier de ceux
dont ils dépendaient.
La structuration devenait ainsi plus dif-
fuse,
car les étrangers,
les handicapés de toutes origines qui
ne pouvaient être initiés étaient réparti
indifféremment
dans les divers quartiers.
On a constaté que ces notions de
valeur n'imposaient pas de cifférences esthétiques entre les quartiers cal
toutes les maisons rurales traditionneles se ressemDlaient du

-
209 -
simple fait qu'elles étaient construites avec les mêmes maté-
riaux.
Quels étaient ces matériaux?
b)
Les évolutions antérieures de la maison rurale
Autrefois,
pour construire sa maison,
le paysan
puisait tous les éléments nécessaires dans la nature.
Le maté-
riau de base était invariablement l'argile pétrie seule ou mé-
langée à de la paille
(torchis).
L'armature de la maIson était
faite de bambou de chine,
de troncs d'arbres rectilignes pour
servir de montants,
tandis que les branches du palmier à l'hui-
le étaient utilisées comme traverses.
Des lianes arrachées dans
la forêt servaient à la consolidation de l'ensemble.
On étalait
ensuite l'argile sur les pans de mur faits de branchages divers.
La toiture était faite de feuilles de raphia ou de paille.
La
savane revêtait - quoi qu'on ait pu d "e -
une importance, car
le raphia et certains autres éléments de la maison traditionnel-
le provenaient des vastes marécages de la zone de savane. Dès
les années trente au contact des peuples du Ghana et de l'ac-
tuel Bénin,
la maison rurale de la Basse Côte,
à l'instar de
celles des autres zones de plantations subit de profondes mu-
tations.
Les traverses de bambou,
le mur de torchis et la
toiture furent remplacés.
La technique de construction dite
"dahoméenne" consistait à élever par étapes un mur d'argile
rouge.
L'argile pétrie avec de
l'eau grâce à la force des mus-
cles servait à construire une murette de 60 à 80 cm de haut
qu'on laissait sécher une dizaine de jours,
puis on reprenait
l'ouvrage Jusqu'à la hauteur désirée.
Généralement les maisons
avaient deux morphologies suivant deux technlues de construc-
tion.
-
La première consistait à monter les deux pans de mur repré-
sentant la largeur de la maison suivant
un plan horizontal,

- 210 -
le pan où se trouvait la porte étant le plus élevé.
Le fJitc
des deux murs représentant la longueur était incliné vers l'ar-
rière en pente unique.
C'était le type dit "casino".
-
La seconde,
plus fréquente comportait quatre pans de mur,
au
départ,
de même hauteur;
par la suite les pans représentant
la largeur étaient terminés en pointe,
décrivant dans leur
partie supérieure un triangle.
On avait ainsi une toiture se
déversant à l'arrière et à l'avant de la maison.
La toiture devint plus solide
les ghanéens spéciali-
sés dans la menuiserie introduisirent les poutres sciées,
les
travers travaillées et les portes en bois.
De 1935-40 à 1960,
les plus riches s'offrirent des toits en tôle.
Cette technique de construction révolutionnaire impri-
ma un nouveau visage aux villages lagunaires.
Grâce à la soli-
dité des murs,
on contruisit des maisc,s à deux voire trois
nlveaux,
très maSSlves,
encore sur pied dans certains villages.
En construction traditionnelle locale comme en construc-
tion traditlonnelle évoluée,
la maison artisanale comportait le
même mobilier;
des lits en bambou ou en terre battue,
des us-
tensiles en terre ou des écuelles en bois et des tabourets
taillés dans des
bois spéciaux composaient le mobilier de la
maison.
Cette évolution de l'habitat rural traditionnel cor-
respond à la
première phase de croissance économique de
la
Basse Côte,
allant de 1920-30 à 1960-65.
Ces maisons générale-
ment privées de fénêtre
(pour cause de sécurité disent les pay-
sans) étaient des habitats fonctionnels,
chaque pièce ayant
son attribution.
Il existait la maison des hommes et celle des
femmes.
Aujourd'hui,
lorsqu'elle a résisté à l'usure du temps,
la maison traditionnelle a subi des aménagements très sensibles.
Que reste-t-il de l'ancienne organisation du village,

- 211 -
d'une part,
et d'autre part quelle est la nouvelle morpholoyie
de l'habitat rural?
C -
L'UTILISATION DES REVENUS ET L'AMELIORIATION ACTUELLE
DE L'HABITAT RURAL.
L'impact de l'économie de plantation sur l'organisation
de l'habitat est très visible.
grâce aux richessestirées de
l'agriculture,
les paysans ont transformé peu à peu leur envi-
ronnement.
Au plan morphologique,
exception faite des quelques
villages de pêcheurs,
la
plupart des villages de la périphérie
abidjanaise présentent une structure semblable à celle des cen-
tres semi-urbains et des petites villc3 du pays:
des rues se
coupant à angles droits,
des lots individuels avec par endroits
des touffes d'herbes correspondant à des lots non mis en valeur.
La structure de maisons jointives a disparu et l'on remarque
l' apparition de clôtures,
forme extrême de l'individualisation
de l'habitat et aussi" source de différends comme nous le verrons
plus loin
Vues de l'extérieur,
les maisons rurales d'après 1960-
65 ressemblent aux constructions européennes de la ville.
Au plan structurel,
la maison rurale a également été
améliorée.
Le matériau de construction s'unlformise et se ré-
sume au béton armé,
aux briques en ciment,
à
la toiture en tô-
le,
aux portes en bois travaillé ou vitrées,
aux larges fenêtres
aux bordures d'aluminium.
Pour les moins riches,
le sol en ter-
re battue a même été remplacé par le ciment,
tandls qu'un effort
a été entrepris pour crépir les murs d'argile.
A l'intérieur,
le mobilier moderne a fait son appari-
tion.
On trouve désormais dans toute maison rurale,
une table,

- 212 -
des chaises européennes,
des bancs de chez le menUlSler du
village,
des armoires métalliques ou en bois,
des
Ilts de bOlS
sculptés,
mais plus souvent des lits métalliques et des usten-
sils en métal.
Ces mutations ont également affecté la conception que
le paysan avait de la maison:
le coût de la maison moderne a
fait que désormais le chef de famille ne peut plus séparer sa
maison de celle de son épouse ou de ses épouses.
Toute le mon-
de vit sous le même toit,
ce qui entraîne des problèmes sé-
rieux que nous verrons au dernler chapitre.
Mais toutes ces mutations n'ont été possibles et accé-
lérées que grâce à une volonté politique des dirigeants du
pays.
En effet,
outre l'apport personnel,
le paysan dispose
d'une aide pour la réalisation de sa maison.
De plus,
les équi-
pements d'accompagnement des efforts individuels,
sont program-
més et en partie financés
par l'Etat.
Jour saisir ces processus
un peu complexes,
voyons quelle a été depuis 1960,
la ligne
politique suivie par les dirigeants qui se sont promis le "bon-
heur
de l'homme ivoirien"
par l'acqulsition de biens matériels
et par "l'alphabétisation à 100 %".
1 -
LA POLITIQUE GENERALE D'EQUIPEMENT DE L'ESPACE RURAL
Depuis 1965,
il a été institué les fêtes tournantes
qui consistent à organiser les festivités marquant l'anniver-
saire de l'Indépendance,
dans une ville choisie par les diri-
geants.
Le but recherché,
était d'aider les villes choisies
dans leur effort de développement.
A cette occasion,
des cré-
dits très importants étaient alloués gratuitement à la ville;
on en profitait pour l'équiper de nouveaux services ou pour
restructurer ceux existant déjà.
Parallèlement à ces facilités accordées aux
villes,
on a institué les projets FRAR,
dirigés vers le milieu rural.

-
213
-
Ces projets furent bien accueillis,
car on s'étaIt aperç0
que certains sous-espaces étaient si démunis que la seule ~o­
lonté des ruraux ne parviendralt pas à les sortir de leur lé-
thargie et du sous-équipement dont ils souffraient.
Ces
pro-
jets consistaient à définir très clairement les besoins de dé-
veloppement des espaces concernés,
d'étudier les moyens
d'y
parvenir et les besoins de financement nécessaires.
Le rôle de l'Etat était de susciter une certaine ani-
mation dans les villages,
en aidant à la construction d'équi-
pements de première nécessité tels un puits,
un centre de
santé etc ...
Les équipements administratifs de toutes sortes étaient
du ressort
de l'Etat
ceux à caractère public et social au
service de la communauté requéraient la participation de villa-
geois.
Les résultats de cette politi1ue sont mitigés pour des
raisons que nous verrons.
Néanmoins,
l'on s'était orienté vers
deux principales directions de développement
:
-
L'amélioration de l'habitat qui passe par le lotissement
des villages,
-
Et les autres équipements dont
* La construction de marché
* La construction d'écoles et d'annexes
* La construction d'un centre de santé et annexes
* L'adduction d'eau
* L'électrification
* Et accessoirement la construction d'un foyer de jeunes,
l'installation de téléphone etc ...
L'amélioration de l'habitat rural

- 214 -
a)
Le lotissement des villages
Certes la construction d'écoles et d'lnfirmerie a
précédé cette opération de lotlssement.
Mais aujourd'hui, tout
village qui aspire au développement,
à la modernlsation et à
l'équipement est obligé de passer par là.
Le lotissement pré-
cède de ce fait tout effort actuel de modernisation.
En effet,
pour qu'un village ait droit à l'électrification et à l'ad-
duction d'eau,
il faut qu'il soit loti,
et ce,
pour des rai-
sons techniques évidentes.
De même,
une maison ne peut-être
équipée d'eau courante et d'électricité que si elle est en
dur ou partiellement renforcée pour des problèmes de salubri-
té et de sécurité.
Ainsi une maison en toit de chaume mais
construite en dur ou crépie ou ciment peut-être desservie.
Le lotissement revêt une double importance
c'est
d'abord le signe de la dynamique du v:llage,
ensuite il cons-
titue le point de départ de l'agrandissement du village.
En
effet,
en divisant le village en lots individuels séparés par
des rues,
le village occupe plus d'espace,
corrélativement
au nombre d'habitants.
Ces opérations de lotissement sont étroitement
liées à la puissance économique
des villageois,
car leur fi-
nJncement dépend pour plus de 80 % des cotisations villageoi-
ses.
En 1973,
seulement 32 localités sur les 141 villa-
ges officiels avaient été loties,
soit 22,69 % du total.
En
1983,
les enquêtes ont révélé que 62 villages étaient lotis,
soit 44 % des 141 villages.
A ces 62 villages,
on peut ajou-
ter près d'une trentaine d'autres en voie de lotissement.
Anyama et Dabou ont une avance sur Bassam et Bingerville. Avec
65 % des localités loties,
Anyama devance Dabou qui en compte
53 %,
tandis que Bassam et Bingerville atteignent à peine 30 %
de villages lotis.

- 215 -
Entre les deux dates,
le plus gros effort de lo-
tissement a été fait par Bingerville et Dabou,
qui sont passés
respectivement de 7 villages lotis en 1973 à 20 en 1983 et de
12 à 22.
En 1973,
Anyama avait déjà 12 localités loties
en
1983 on en comptait 17.
Bassam en comptait seulement 3.
Cette opération d'aménagement est en parfaite con-
cordance avec le niveau de vie des populations rurales.
Les
diverses cartes de production et de revenu par tête,
au chapi-
tre
attestent le niveau de croissance des villages.
b)
Le financement de l' habitat rural est assuré par
le paysan
L'aide de l'Etat a été orientée en grande partie
vers l'habitat rural.
En effet le développement de ce secteur
constitue un élément important de la ~olitique gouvernementale.
C'est ce qui explique la création en 1975 de la BNEC,
(Ban-
que Nationale pour l'Epargne et le Crédit),
spécialisée dans
le prêt immobil.ier.
Grâce à des taux de prêt très peu élevés,
la BNEC
permit le développement de nombreux vlliages dans tout le
pays.
La facilité d'accès au crédit - il suffisait d'avoir
une activité lucrative pour en bénéficier - a favorisé les
planteurs de la Basse Côte.
La conjoncture économique particu-
lièrement difficile,
les retards de traite et les impayés ont
contraint l'Etat a retirer ses avoirs en 1980.
La privatisa-
tion de cette banque aura des conséquences intéressantes à
suivre.
Sans minimiser l'aide des banques,
il serait plus
juste de relativiser leur rôle pour l'ensemble de la zone
d'étude.
Certes quelques paysans ont pu se construire une mai-
son grâce à la BNEC et à la BNDA,
mais la
plus grande partie
des financements de l'habitat provient des avoirs des paysans.

-
216
-
En fait on se trouve ici dans un espace encore prlsonnler u s
préjugés divers.
En effet
pour les puristes,
emprunter de
l'argent est mal vu
de plus le système bancaire ne falt pas
partie des habitudes de consommation du paysan,
tout comme la
notion d'épargne dans une caisse du même nom.
Le bon
paysan
a l'habitude de fourrer ses économies dans un vase qu'il en-
terre ou garde secrètement dans sa maison.
Grâce à de nombreuses campagnes d'information,
cet-
te situation est en train de changer.
Néanmoins l'enquête de
terrain nous a montré que 60 à 70 % des paysans construlsent
encore aujourd'hui leur habitation en ne comptant que sur
leurs économies.
Dans ce cas,
la maison peut être bâtie sur
deux à cinq ans voire plus,
car la progression des travaux est
subordonnée au volume annuel de la récolte.
On rencontre toutefois des planteurs assez riches
qui non seulement peuvent se construle une belle villa en une
année,
mais ont aussi la possibilité de constuire dans les cen-
tres urbains.
C'est là une des heureuses conséquences de l'agro-
exportation
le paysan riche prend des initiatives d'homme
d'affaire et élargit de ce fait son champ d'activité,
établis-
sant de nouveaux rapports entre le village et la ville.
Nous avons également noté que les paysans bénéfi-
ciaient des aides de leurs enfants ou parents fonctionnaires
dans les villes.
Ils leur apportent des soutiens financiers
tant dans la réalisation de l'habitat que dans celle d'équipe-
ments ci-dessus cités.
Ceci renforce les échanges entre la cam-
pagne et la ville.
Ces financements
individuels de l'habitat peuvent
être remplacés par un programme d'ensemble de construction.
Dans ce cas,
on fait appel à la BNEC ou à une autre source de
financement,
et on confie les travaux d'extension ou de re-
construction du village à une entreprise immobilière.
Les

- 217 -
"logements clef en main"
sont livrés individuellement et cna-
cun paie annuellement le montant exigé par la banque.
Ce gen-
re d'opération nécessite queles paysans soient regroupés au
sein de G.V.C.
(Groupement à Vocation Coopérative)
cela
est plus rassurant pour la banque qui n'a plus pour seul in-
terlocuteur l'individu,
mais plutôt la communauté tout entière.
Quelques villages de la région se sont agrandIs
grâce à ce mode de financement de l'habitat,
surtout dans les
sous-préfectures d'Anyama et Dabou.
Ce qui expliquerait que
ces deux sous-préfectures comportent les taux les plus élevés
de villages lotis.
En résumé,
on peut constater sur le terrain que
lorsque le paysan a atteint un ce~tain niveau de richesse,
sa
première préoccupation est de se construire une maison viable.
Les enquêtes sur les motivations nous
l'ont révélé.
La pre-
mière grande réalisation de 70 % des enquêtés a été la construc-
tion d'une nouvelle maison.
Ce pourcentage est dépassé lorsqu'on
se trouve dans un
village loti
le lotissement joue un rôle de
coercition sur les déguerpis d'abord,
ensuite sur les autres
membres de la commun~uté qui veuelent posséder une maison sem-
blable à celle du
voisin.
La politique menée par le gouvernement en direction
de l'habitat semble avoir porté ses fruits et ce,
grâce aux
productions agricoles,
car le paysan demeure le principal ac-
teur de la restructuration de son habitat.
A ce titre il par-
ticipe très efficacement au financement des équipements d'in-
térêt collectif.
2 -
LE NIVEAU D'EQUIPEMENT DE LA BASSE COTE
De nombreuses études sur la Côte d'Ivoire ont souligné
les disparités entre le nord et le sud.
Ces disparités reposent

-
218
-
sur un équipement relativement dense au sud,
tandis que
le
reste du pays demeure sous-équipé.
Le développement économique agricole a eu des effets
d'entraînement sur divers autres facteurs de production.
L'es-
pace rural en se restructurant s'est alors densifié
les ins-
tallations précaires ou inexistantes ont été reconstruites don-
nant un nouveau visage au sud du pays.
Parmi ces installations,
on peut citer les écoles,
les centres de santé,
les marchés,
l'adduction d'eau,
l'électrification et les équipements de loi-
sir.
Même au niveau de la région,
on constate une disparité
très nette entre les villages.
Il aurait fallu établir une carte
générale des équipements.
Malheureusement les données n'étaient
pas réunies pour tous les centres habités.
Les seules données
complètes date de 1973 et ne collent plus b la réalité.
Notre
analyse repose donc sur des dor lées p :rtielles et des renseigne-
ments à prendre avec prudence.
d)
L'équipement
scolaire
L'analyse porte uniquement sur le milieu rural.
En
effet,
l'analyse des équipements scolaires a moins d'intérêt
en milieur urbain,
d'abord parce que les villes du sud sont
les plus équipées,
ensuite parce qu'en milieu urbain,
les in-
vestissements sont en très grande partie financés
par l'Etat.
La scolarisation a été l'une des grandes préoccu-
pation des populations lagunaires.
Les contacts précoces avec
l'Europe,
la
construction des premières écoles à Dabou,
Bin-
gerville et Bassam ont favorisé
la diffusion de l'école dans
tout le sud-est du pays.
Généralement on calcule qu'en Côte
d'Ivoire,
il y a environ 125 élèves pour 1 000 habitants.
Cette moyenne nationale est dépassée en Basse Côte où l'on
compte près de 200 élèves pour 1 000 habitants.

- 219 -
Les équipements scolaires sont conséquents
: tous
:
s
villages officiels et les hameaux de quelque importance possè-
dent une école.
En 1973,
la situation était légère-
ment différente de celle de 1983,
date à laquelle s'arrêtent
les nouvelles constructions d'école.
En 1973 tous les villa-
ges ne possédaient pas d'école.
L'effort s'est donc poursuivi
pendant la dernière décennie.
Ainsi en 1973,
la sous-préfectu-
re de Bassam ne comptait que 15 écoles dont 11 à Bassam,
Anya-
ma en avait 26 dont 4 dans la ville,
Dabou la mieux équipée en
comptait 39 et 224 classes soit une moyennes de 5,7 classes
par école, tandis que Bingerville avec ses 48 classes venait
en dernière position par le nombre de villages desservis.
Depuis 1979,
tous les villages ont été équipés d'éco-
les;
il Y a même eu des collèges en milieu rural,
tel Bim-
bresso qui n'avait pourtant aucune cl isse en 1973.
De 1973 à 1983,
les efforts o~t porté sur la construc-
tion d'écoles et de logements de maître.
En effet le gouverne-
ment avait opéré un partage des tâches
: les collectivités ru-
rales devaient construire les locaux et annexes,
et l'Etat se
chargeait de former èt de répartir les enseignants.
L'objectif
de "100 % des enfants scolarisés"
était à ce prix.
Entre les deux dates,
à Dabou on a consacré quelques
96 951 000 F CFA à la construction d'écoles et annexes
(loge-
ments des instituteurs);
ce qui représente 41,69 % du cumul
des investissements collectifs entre 1973 et 1974.
A Anyama 42 450 000 des 72 292 500 F.
investis ont
été consacrés à l'équipement scolaire soit 58,71 % du total
ce qui assure une desserte totale des villages.
Cet effort fut également consenti à Bingerville où
68,23 % des 67 404 000 CFA furent destinés à la construction et
à l'aménagement
des écoles,
soit 45 994 000 CFA.
ICl l'effort
a été à la mesure des besoins.
Il fallait rattraper le retard

- 220 -
observé plus haut.
A Bassam les moyens modestes n'ont permis d'investir
que
3 810 000 F pour l'achèvement de logements d'instituteurs
à Vitré II.
C'est dans la ville que les efforts ont été impor-
tants avec notamment la construction de 11 nouvelles classes
et 6 logements.
Les équipements scolaires ont été dans nombre de villa-
ges,
accompagnés de construction de centres sanitaires de pre-
mière nécessité.
C'est la seconde préoccupation des populations
rural~s comme l'attestent les sommes qui y ont été consacrées.
b)
Les équipements sanitaires
En 1973,
l'ensemble de l'e~ace rural ici concerné
ne comptait que 14 centres de soins prlmaires et 5 maternités
répartis comme suit
4 infirmeries et trois maternités dans la sous-préfecture
d'Anyama,
5 infirmeries et une maternité à Bingerville
; le mê-
me nombre à Dabou.
A Bassam,
hormis la ville on ne note aucun
équipement sanitaire.
Afin de remédier à ce sous-équipement très grave,
les
populations rurales firent de gros efforts entre 1973 et 1983.
A Dabou on dénombre plus de 15 infirmeries construites
par les villageois,
moyennant une aide de l'Etat.
A ces infir-
meries s'ajoutent celles des villages ouvriers de la SAPH et
de la SODEPALM.
Parallèlement,
deux maternités ont été construi-
tes à Adradio et à Lopou.
On
y a ainsi consacré 58 345 000 CFA
soit 24,66 % des investissements cumulés.
A Anyama,
l'effort du début n'a pas été poursuivi
on s'est contenté de la création d'un seul centre sanitaire de
dimension modeste à Irholamé avec 3 810 000 CFA soit 5,27 %

- 221 -
des investissements.
Ici la situatlon est d'autant p:us préoc-
cupante que les villageois ne peuvent pas compter sur le con-
cours de la SODEPALM comme ceux de Dabou,
la sous-préfectur~
ne comportant pas de village d'ouvriers.
A Bassam et Bingerville sous-préfecture,
un centre
sanitaire est venu s'ajouter à l'équipement antérieur.
A Bas-
sam,
1 500 000 CFA ont été destlnés à la construction du cen-
tre médico-scolaire de Vitré II,
soit 11,26 % des investisse-
ments cumulés.
A Bingerville,
l'accent a été mis sur la quali-
té du centre sanitaire de Eloka assimilé à un hÔpltal.
Une ma-
ternité y a été également construite.
Ces deux équipements et
leurs annexes ont nécessité un apport de 14 010 000 CFA,
soit
20,78 % de tous les investissements.
C'est le plus gros bud-
get après celui de l'école.
La construction d'un hôpital de
deuxième classe à Bingerville compense en partie le sous-équi-
pement de l'ensemble sous-régional.
plus il existe un cen-
tre de santé au campement SODEPALM.
Les populations villageoi-
ses y ont accès.
On constate,
malgré un effort certain,
que le sud-est
est relativement so~s-équipé. En effet,
comparativement à la
richesse procurée par les plantations,
le nombre de dispensai-
res paraît très insu :isant.
Mais cette situation est générale
à toute la
Basse Côte.
Si l'on exclut Abidjan et sa banlieue,
la zone rurale se trouve moins desservie que le nord du pays.
A Dabou,
on compte qu'il y avait en 1978 environ 10 à 25 000
habitants pour 1 médecin.
A Anyama et Bingerville,
cette pro-
portion tombe à 75/100 000 habitants pour 1 médecin;
à
Bas-
sam le seul centre médico-scolaire de Vitré II vient s'ajou-
ter à l'équipement urbain.
Mais ici il faut compter avec les
difficultés d'acheminement des malades sur la ville;
autant
dire que l'encadrement en milieu rural y est inexistant.
Le tableau suivant constitue une synthèse de la si-
tuation sanitaire.
Abidjan-ville et banlieue regroupe les
centres sanitaires de Yopougon,
Abolo,
Bingerville et des

- 222 -
des différents quartiers d'Abidjan.
Répartition des lits d'hospitalisation dans quelques départe-
ments
Départements
Lits/lo 000
% lits de CI
1
habitants
Abidjan ville et Banlieue
14,0
29,4
Abengourou
10,3
3,5
Aboisso
8,0
2,3
Adzopé
1,4
0,4
Daloa
6,7
4,7
Divo
3,3
1,7
Bouaflé
6,5
3,2
Dimbokro
4,6
4,1
Sassandra
10,4
3,8
Biankouma
0
-
Guiglo
5,8
1,5
Ensemble Côte d'Ivoire
8,2
100,0
Moyenne Nord
10,0
-
Source
Ministère de l'Economie,
des Finances et du Plan,
citée par D.
Boni.
On ne doit pas se tromper sur l'écrasante part d'Abid-
jan
les lits des principaux hôpitaux d'Abidjan ne profitent pas
qu'aux ruraux et aux citadins de la région.
Toute la Côte d'Ivoire en bénéficie.
Il en va d'ailleurs
de même pour tous les services supérieurs implantés à Abidjan.

- 223 -
Un effort reste donc è faire
pour améliorer la sltuation
sanitaire du milieu rural.
On doit cependant reconnaître que les
deux premiers types d'équipements ont mobilisé 266 970 000 CFA
soit 69,21 % des 385 542 000 CFA investis dans le mllleu rural
entre 1973 et 1983.
Cette part importante des deux équipements précédents
affecte logiquement celle des autres infrastructures,
reléguées
au second plan.
Parmi celles-ci,
il y a l'adduction d'eau.
c)
L'hydraulique villageoise
Généralement,
les
populations africaines installent
leurs villages è côté d'un cours d'eau ou autre étendue d'eau.
Cette précaution découle du fait qu'en milieu rural,
l'approvi-
sionnement en eau se fait directement è la rivière,
au fleuve,
è
la source ou è la retenue d'eau naturell
Ce mode d'approvisionnement n'est pas sans danger:
en raison des nombreuses aspérités du terrain,
les eaux usées et
les eaux de pluie charient dans le cours d'eau alimentant le
village,
les ordures ménagères généralement déposées aux abords
immédiat du village.
La lessive et la vaisselle sont faites
di-
rectement è la rivière.
Certes,
on
prend la
précaution de les
faire en aval,
mais on oublie que les villages situés en aval
reçoivent toutes les saletés qu'on y rejette.
On peut aussi Sl-
gnaliser les baignades d'hommes et d'enfants qui n'hésitent pas
è
s'y soulager.
On peut aisément imaginer les risques de conta-
mination en cas d'épidémies.
L'eau dite boisson saine y est en
réalité un véhicule de la bilharziose et autres parasitoses.
Outre ces problèmes sanitaires,
quelques villages
souffrent d'une pénurie chronique d'eau en raison de leur loca-
lisation peu favorable.
Dans certaines régions,
une saison sè-
che,
même légèrement marquée,
suffit è provoquer le tarissement
du cours d'eau ou des
puits villageois.

-
224
-
C'est pour parer d'abord à cette pénurIe et ensuète
aux conditions sanitaires désastreuses que l'Etat a essayé de
créer des puits équipés dans les villages les plus nécessiteL'
compte tenu des moyens très
limités.
L'aide de l'Etat a été principalement orientée vers
le nord du pays,
puisque la zone d'étude a été jugée moins
préoc-
cupante.
Dans la réalité,
les équipements
hydrauliques font
défaut dans
le sud.
Les cours d'eau naturels offrent très
peu de sécurité.
Les
puits traditionnels également,
étant donné
qu'ils ne sont pas couverts.
Un effort a été entrepris,
mais il
reste très insuffisant.
Certains villages ont eu leurs puits,
d'autres ont été équipés
d'eau courante.
Ces installations
ont été en très grande partie financées par les villageois.
La tendance est à la généralisation de l'eau couran-
te,
mais le robinet ne peut pas se prop ~er à la vitesse souhai-
tée,
car la SoDECI
(Société de Distribu~ion d'Eau de Côte d'Ivoi-
re)
exige que le village soit loti et que la maison à équiper
soit construite en dur.
Ainsi,
les seuls villages pourvus sont
quelques
localités déjà sur la voie de la modernisation.
Ainsi en 1973 seules Bingerville et Abobo avaient
l'eau courante dans la sous-préfecture de Bingerville.
A Dabou,
toute la sous-préfecture ne comportait que 9 centres équipés et
était la plus équipées de toute la région
puisqu'à Bassam - la
ville comprise -
on ne comptait que deux autres équipés,
tandis
qu'Anyama n'avait pas encorel'eau courante.
En 19B3,
la situation s'est légèrement améliorée.
A Dabou,
les villages de Pass,
Akradio,
Bouboury et Yassap se
sont dotés d'un château d'eau,
sans l'aide de l'Etat.
Ces quatre
opérations d'adduction d'eau ont coûté 17 000 000 CFA entièrement
financées par les paysans.
Les dépenses d'eau occupent ainsi la
quatrième place des postes de dépense,
derrière la scolarisation,
la santé et le lotissement.

- 225 -
A Anyama,
beaucoup d'effort reste à faire car on
n'a réussi à équiper seulement qu'un village
Attlnguié.
Coût
de l'opération,
6 342 500 CFA,
la collectivité villageolse a
reçu à cet effet une aide de l'Etat représentant 17,64 % du
coût,
soit 1 119 264 CFA.
La ville d'Anyama a été desservie entièrement par
financement de la collectivité urbaine.
A Bassam,
Moossou béné-
ficiant de la proximité de Bassam-ville a été dotée de l'eau
courante.
En dehors du centre-urbain de yopugon et des vil-
lages du plateau de Banco,
la sous-préfecture de Bingerville
est restée stationnaire en ce qui concerne l'hydraulique villa-
geoise.
Quelques puits artisanaux ont été créés mais ceci ne
suffit pas à améliorer les conditions sanitaires de nombreux
villages qui s'approvisionnent encore difficilement à une sour-
ce ou à une rivière.
La question est d' :utant plus préoccupan-
te que se baigner en lagune ou laver le
linge dans la lagune
est devenu un vrai danger, ce plan d'eau étant devenu le lieu
de déjection des eaux usées des nombreuses industries instal-
lées à Abidjan.
Ces eaux usées ne subissent aucun traitement ni
contrôle.
On comprend aisément pourquoi cette lagune qui faisait
la beauté de la ville d'Abidjan s'est dégradée très sérieusement
au cours des deux dernières décennies.
La pollution des eaux de
la lagune ébrié aura à court terme des répercussion sur les ha-
bitants des nombreux villages situés en bord de lagune.
Des solutions doivent être apportées.
Les moyens
à mettre en jeu sont énormes.
Les populations locales ont déjà
prouvé leur bonne volonté.
C'est à l'Etat de poursuivre l'effort
qui a déjà été entrepris.
La
proximité d'Abidjan
et des villes
de Dabou,
Bassam,
Anyama et Bingerville devait aider à l'exten-
sion des réseaux de desserte d'eau existants,
tout comme l'élec-
trification devait gagner du terrain,
en raison de la desserte
importante des villes du sud.

-
226
-
d)
L'électrification en milieu rural
Elle est marquée par une disparité entre les sous-
espaces.
La carte que nous avons établie ne comporte pas les
données sur l'électrification,
du fait qu'un retard a été consta-
té au niveau des fiches tenues par l'EECI
(l'Energie Electrique
de C.I.).
Ces fiches étaient sensées fournir des informations
sur tous les centres ruraux desservis.
Il nous a donc fallu
par-
courir la région,
enquêter sur place ou,
lorsque le village est
éloigné,
prendre les renseignements avec les sous-préfets.
Au-
tant dire que cette démarche ne fut
pas plus efficace que la con-
sultation des fiches désuètes de l'EECI.
Les changements de sous-
préfets - très fréquents
- semblent être la cause de la sous-in-
formation de ceux qui étaient en place.
Cependant tous les villages lotis de Dabou ont été
électrifiés,
de même que ceux d'Anyama et Bingerville.
A Bassam,
les conditions naturelles peu favorables
(marais et marécages)
ne permettent pas un accès facile aux villages.
Par conséquent,
l'électrification rurale y est encore en retard.
On peut par ailleurs noter une densité flagrante
entre les sous-espaces.
En effet,
la majorité des villages si-
tués à l'ouest d'Abidjan ont été desservis,
surtout les villa-
ges sis en bordure de lagune,
tandis qu'à l'est de l'ex-capitale,
seuls les centres assez importants sont équipés.
L'explication proviendrait en partie du tracé de la
ligne de haute tension en provenance de Taabo et desservant le
centre de transformation d'Abobogare.
Les villages situés sur
le passage de cette ligne ont eu plus de facilité
à être desser-
vis.
e)
Les autres infrastructures rurales
D'autres équipements rares complètent la gamme
des infrastructures de quelques villages comme par exemple un

-
227 -
marché,
un centre social,
un foyer de jeunes,
ou cas très ex-
ceptionnel le téléphone.
* Le marché:
avant l'introduction de l'économie de marché,
11
n'y avait pas un lieu spécifique d'échanges de biens.
Le mar-
ché apparaît donc comme une forme évoluée des échanges à moyen-
ne et grande échelle entre les ruraux.
Tous les villages ont
un marché,
du moins une place appelée comme telle et qUl sert
de lieu de vente.
Mais si dans chaque village il y a un lieu
d'échanges,
rares sont les villages dotés de marché quotidien
et couvert.
La permanence du marché est en relation directe
avec l'importance du village.
Plus le village est grand plus le marché à une impor-
tance dans la vie de relations entre villageois.
En effet,
les
clients les plus réguliers du marché sont les fonctionnaires
en service dans ces villages
leur n0~bre varie avec l'impor-
tance du village.
En 1973,
l'ensemble des quatre sous-préfectures comp-
tait environ une trentaine de marchés permanents.
Aujourd'hui,
65 % des villages possèdent un marché ouvert en permanence.
Néanmoins ceux qui ont un marché couvert sont encore
en nombre très restreint.
Entre 1973 et 1983,
on en dénombre 5,
tous situés dans la sous-préfecture de Dabou.
Les centres ur-
bains ont tous au moins un marché couvert grâce aux taxes sur
les marchés antérieurs qui se tenaient en plein air.
Les mar-
chés urbains sont très vétustes et dépassés,
car l'accroisse-
ment rapide des villes les a placés
bien en dessous des besoins.
Leur reconstruction est attendue et déjà amorcée dans d'autres
centres,
(Abolo,
Yopougon,
8ingerville,
Bassam).
Les marchés ruraux perdent une grande partie de leurs
activités à cause de la proximité d'Abidjan d'une part et
d'autre part à cause des pratiques des grossistes qui préfèrent
se rendre sur les champs ~our collecter les produits dont ils
ont besoin.

-
228
-
Quant aux femmes,
elles livrent directement la plus
grande partie des marchandises sur les marchés urbains où les
prix sont plus avantageux.
Dans les villages,
les relations
très étroites ne permettent pas l'application des mêmes tarifs
qu'en ville.
Généralement le marché se résume aux "établis"
instal-
lés le long des rues,
sur lesquels on dispose les marchandises
de première nécessité.
Avec l'évolution économique de la région,
ces installations précaires ont peu à peu été remplacées par
des magaslns de vente de détail et de demi-gros
ce dernier
type se rencontre toutefois dans
les villages centres seule-
ment.
(Voir l'organisation de l'espace).
Le marché et ses an-
nexes constituent un indicateur d'évolution du village vers le
centre semi-urbain ou semi-rural.
Ainsi les villages de Débrimou
(Dabou),
Songon Agban
(Bingerville)
et Akoupé
(Anyama)
sont en
voie de dépendre exclusivement des écanges avec la ville voi-
sine.
L'apparition des petits métiers constitue l'indice indis-
cutable de cette évolution.
Autres équipements,
les centres de
loisirs -
peu nom-
breux en milieu rural,
leur importance est relative.
* Les foyers de jeunes
Conscients
de l'attraitdes villes sur
les jeunes, les diriç:eants des FP.AR (Fonds Régionaux à l'aménage-
ment Rural)
ont prévu la construction de foyers de jeunes pour
les distraire.
Quelques foyers
ont été construits,
mais
en
réalité ils n'ont de nom que les murs car outre le bâtiment,
on n'y trouve aucun équipement.
Et pourtant les jeux tradition-
nels auraient pu combler cette lacune.
L'activité de ces fo-
yers se résume donc à l'animation de bals
les "week-end". Sans
budget d'entretien,
ils sont en majorité délabrés et n'ont pas
réussi à retenir les jeunes.
Les causes des départs ne sont
donc pas forcément
-
ou uniquement -
le manque de distraction.

-
229 -
On peut signaler d'ailleurs que certains parents
y
voyant une occasion de rencontre entre garçons et fllles,
ont
opté pour la fermeture de foyer du village.
Les foyers de jeunes ont été financés
en majorité à
100 % par les communautés villageoises qui n'ont pas toujours
su situer l'importance de ces centres.
Ceci explique pourquoi
les villageois n'ont pas jugé utile d'engager des dépenses pour
les équiper.
L'Etat qui se préoccupe de maintenir les jeunes
en milieu rural gagnerait à doter ces foyers de jeux et maté-
riel qui leur redonneraient une âme.
Le foyer social,
le jardin d'enfants et le téléphone
sont les trois derniers types d'équipements qu'on trouve dans
le milieu rural et qui ont été financés en grande partie par
les villageois.
* Le foyer social constitue un équipement rare,
principalement
destiné à la femme.
En effet ces foyers
sont aussi appelés fo-
yers féminins.
La femme vient y recevoir,
sur instruction d'une
bénévole ou d'une sp~cialiste, quelques rudiments de puéricul-
ture et de couture.
En 1983,
outre les centrffi sociaux des cen-
tres urbains,
le milieu rural ne comptait qu'un seul foyer fé-
minin à Nouvel Osrou.
Ce complément est intéressant pour l'é-
ducation de la femme,
et il est regrettable que les villages
ayant une maternité - et pourquoi pas tous les villages? -
n'en soit pas équipés.
* Le jardin d'enfants, tout comme le foyer féminin,
est une
institution indispensable mais rare.
Jusqu'à
présent,
seules
les villes ont eu le privilège d'en possèder en nombre suffi-
sant.
En milieu rural,
seuls les villages d'Ahoué
(Anyama)
et
Yopougon Kouté se sont dotés d'un jardin d'enfants.
Il :aut
reconnaître qu'en milieu rural,
les conditions économiques

-
230
-
ne favorisent pas le développement des maternelles.
D'allleurs
nombre d'intellectuels qui pensent qu'il est nécessalreque
l'enfant sache sa langue maternelle avant le françals,
ont con-
damné le transfert des jardins d'enfants en milieu rural.
C'est
donc là un sujet de polémique qui n'est pas près d'être tranché.
En fait ce type d'équipement n'est pas en mesure de
s'étendre,
car en dehors des problèmes
financiers,
il
oemble
que l'aspect utilitaire n'est pas prouvé.
En effet,
l'enfant
en milieu rural ne pose pas encore de problème de garderie
on a toujours un parent ou un voisin pour le garder.
* Quant au téléphone, il représente le raffinement suprême du
confort et du luxe.
Même en ville,
cet équipement constitue
encore un instrument rare,
indice d'un niveau de vie élevé. Le
milieu rural en est donc privé,
à l'exception de Bouboury qui,
en 1974,
s' est fait installer une liç'le privée à 1 000 000 F CFA.
Depuis,
aucun village n'a suivi.
Nous n'avons pas pu vérifier
si cette ligne continue de fonctionner,
ce qui serait un mira-
cle étant donné que même la ville n'est pas à l'abri de pannes
prolongées.
Les lignes téléphoniques qu'on aperçoit dans les vil-
lages autour d'Abidjan,
desservent des administrations publi-
ques et autres organismes privés.
Généralement les villages
pourvus de services administratifs importants,
peuvent bénéfi-
cier du téléphone de ces services,
en cas de danger.
Le rôle
du téléphone n'estplus à démontrer,
et pourtant la
politique
de desserte,
même au niveau des
villes,
n'a pas été conduite
efficacement.
Néanmoins depuis près de cinq ans un effort a
été fait.
Mais l'on est encore loin de voir les villages dis-
poser du téléphone.
Les postes de dépenses de Dabou et Bassam montrent que
ces deux sous-préfectures ont consacré chacune 4 000 000 F CFA
à l'ouverture de pistes.
A Dabou c'est le village d'Orbaff quia

- 231 -
aménagé une piste de 8 km en 1974.
A Bassam,
le village je Nou-
goussi a cherché à se désenclaver en construisant une plste de
15 km en 1975.
Au-delà de tous ces équipements inscrits dans
les pro-
jets FRAR et financés en grande partie par les paysans,
il
existe quelques rares équipements financés
en totalité par
l'Etat.
Ces infrastructures exceptionnelles fonctionnent géné-
ralement en complémentarité avec d'autres centres installés à
Abidjan.
Ce sont
la léproserie d'Anna et le Centre anti-tu-
berculeux de lopou.
La carte d'équipements n'a
pas été exhaustive comme
souhaitée.
Néanmoins elle a eu le mérite de montrer quels sont
les sous-espaces équipés et ceux qui ont une pénurie grave d'in-
frastructure de base.
L'analyse du cumul des
investissements de
1973 à 1983 a révélé les priorités dê
S
les besoins des villa-
geois en même temps qu'elle montrait
la faible
participation de
l'Etat à la réalisation des équipemenës.
3 -
LA FAIBLE PA~TICIPATION DE L'ETAT CONSTITUE UN
HANDICAP
La carte du cumul des investissements à caractère pu-
blic,
de 1973 à 1983, montre l'effort général consenti par les
populations rurales pour équiper leur espace.
On constate l'iné-
gal développement entre les quatre sous-préfectures qui compo-
sent l'ensemble régional.
Nous n'avons pas
pris en compte les
dépenses effectuées en milieu urbain pour les raisons avancées
plus haut.
Il semble que les sommes consacrées aux dépenses de la
collectivité reflètent largement les potentialités économiques
des sous-espaces concernés
(sauf le cas exceptionnel de Bassam).

- 232 -
On peut ainsi calculer qu'on a consacré en moyenne,
dU
~"­
les sommes suivantes
99 031 F CFA à Anyama
128473 F CFA à Dabou
110916 F CFA à 8assam
et 65 440 F CFA à 8ingerville.
La forte
concentration à Bassam s'explique par la su-
perficie très réduite de cette unité administrative.
Ainsi,
Dabou ne vient qu'en seconde
position alors qu'au niveau des
dépenses par village,
cette sous-préfecture comporte les plus
fortes
valeurs
plus de 5 millions de francs CFA en moyenne
ont été consacrés à chaque village.
Sur 125 deux moyennes,
8ingerville vient en dernière po-
sition.
L'étendue de son territoire et le nombre élevé de villa-
ges n'expliquent pas ces faibles
vale ~s.
Le problème réside
dans la faiblesse des moyens financiers.
8ingerville constitue
de ce fait
un cas particulier illustr3nt les types de problèmes
que peut rencontrer un espace fortement polarisé par une métro-
pole
(nous y reviendrons au chapitre suivant).
Quelles remar~ues peut-on faire
à
propos de l'équipe-
ment du monde rural
?
Il nous semble important de souligner que l'effort gé-
néral fourni
par les ruraux n'a
pas été suivi par l'Etat comme
cela se devait.
Partout,
l'aide du gouvernement a été faible
en ce qui concerne l'investissement direct dans l'équipement
de l'espace.
Le tableau suivant confirme cette faible
partici-
pation de l'Etat et permet de voir la discrimination qui s'opè-
re dans l'aide économique aux diverses régions.

Les investissements de l'Etat et des collectivités villageoises entre 1973 et 1977
par
département producteurs de café-cacao
( X 1 000 000 Francs)
-
Investissements
Part de l'Etat
Part des Villageois
Départements
- - - - - - - - - - - - - - - -,- - - - - - - - - - - -
Programmés
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
1
Chiffres
,
%
Chiffres
,
%
,
1
,
Abidjan moins la
ville et sa banlieue
443,6
44,3
10,5
339,3
90,0
Abengaurau
123,5
13,8
11,2
109,7
88,8
Abaissa
78,0
15,2
19,5
62,8
80,5
Adzapé
109,5
19,0
17,4
90,5
82,6
Agbaville
111,6
13,4
12,0
98,2
88,0
Diva
184,8
39,0
21,0
145,8
79,0
Bauaflé
94,1
44,8
47,6
49,3
52,4
Dimbabera
227,0
72,7
32,0
154,3
68,0
t.J
v,
v,
Biankauma
92,5
59,3
64,1
33,2
35,9
Danané
106,8
65,0
60,9
41,8
39,7
Guigla
86,3
'19,4
68,8
26,9
31,2
Man
79,6
03,0
79,1
16,6
20,9
1
1
Sassandra
89,4
41,1
46,0
48,3
1
54,0
1
1
,
-
- - -
--------~
Source
Ministère de l'Economie,
des
Finances et du Plan,
citée par D.
Boni -Id.

CUMUL DES INVESTISSEMENTS DE ŒTAT
ET DES COLLECTIVITES
VILLAGEOISES DANS (EQUIPEMENT COLLECTIF RURAL
.c.....
( 1974
1983 )
.--1,
\\.,
/ '
:::::~
/
:::: ::::::-,.
\\
:::::::::::\\
~
"'",
~~~;~~;1~:;: ..
72).
\\.
,
/
\\
Y
..............
,
/

Anyomo
.............
'-
............
' - ~
-
"""-
\\
""'\\.
'\\
,
232,5
<~.
.............
1
/
:;:,:/\\
~
~

Bingerville
\\. 67,1.
Dabo·' -Y'\\,.
"'"
o:!"
"-
,."
/
\\..
,
N
......
. /
/--7
\\
(
\\.
~ -----(lITq----\\
::::
-
....
'C;1o'"
\\..--
-ABIDJAN
~
l
- .~
.
Bossom
~
DEPENSE
MOYENNE PAR
VILLAGE (197[,-1983)
U,- aide de l-Etat
(
B
part
des
ca llectivités
villageoises
moins
de
2 Millions
CFA
' - - - -
-
§
de
2
a
5 Millions
CFA
~ supeneure a 5 Millions CFA
~
montant
du
cumul (en million)
?
r 10 l?Km
1
sources
enquêtes
personnelles
plus
chiffres
de
la
DDR
'.

- 235 -
Sur ce tableau on constate que même en dehors d'AC1:jan
et de sa banlieue,
les dépenses du département d'AbldJan sont
très nettement supérieures à celles des autres départe~ents cris
séparément,
en pourcentage,
elles représentent 24,28 ~ du total
des investissements.
Tous ces départe~ents, à l'exception de Biankouma,
sont
de grands producteurs de café et cacao.
Et pourtant il n'y a
aucune harmonisation au niveau des taux d'intervention de l'Etat.
Certes,
en dehors des investissements d'équipements villageois,
l'Etat a apporté son aide aux
paysans par la donation de fonds
d'installation de nouvelles plantations, mais tous les paysans
ivoiriens ont reçu cette aide et on ne peut donc pas comprendre
pourquoi le sud ne bénéficie que d'une participation de 10 %.
Il semble que le Gouvernement ait considéré cette zone comme
un secteur privilégié.
Mais on remarque que cette zone est re-
lativement sous-équipée.
La discrimination s'observe à l'intérieur même de la
sous-région comme
le prouve ce tableau qui ne comprend que
les investissements dans les quatre sous-préfectures de 73 à 83.
Investissements
Part Etat
P,rt Vil1'9"i'i
Sous-Préfecture
cumulés
----------T----- ---------------
Chiffre
1
°L
,0
Chiffre
:
%
1
1
1
1
1
Anyama
72 292 500
15 822 854
: 21,88
56 469 646 1 78,12
1
1
Bassam
13 310 000
3 122 895
123,46
10 187 105 1 76,54
1
1
1
Bingerville
67 404 000
14 672 682
: 21,76
52 731 318 1 78,24
1
' '
1
1
Dabou
232 536 000
28 462 355
J 12,23
204073 640 1 87,77
1
1
1
1
1
La moyenne des quatre taux s'établit à 19,83 %
elle
est donc supérieure à celle du tableau précédent où on a pu
voir que l'Etat n'intervenait que pour 10 %.
Cela s'explique
par le fait que les investissements concernés dans ce second

- 236 -
tableau n'intéressent que le milieu rural.
Or sur le tabl~du
précédent,
étaient pris en compte les investissements concer-
nant également les
infrastructures urbaines.
Enfin,
outre les aides directes à l'équipement et à
l'agriculture,
il semble important de signaler que c'est l'Etat
qui construit les routes,
exception faite des 23 km de
pistes
construites par les villageois et que nous avons signalées plus
haut.
Sans nier,
l'apport de l'agriculture dans le finance-
ment des équipements,
il nous paraît difficile de lier systéma-
tiquement le niveau de la desserte rurale au degré de richesse
des paysans.
C'est pourquoi il paraît intéressant,
pour com-
prendre l'origine des sommes investies,
d'expliquer les méca-
nismes de financement tant au niveau des villageois qu'au ni-
veau du gouvernement.
4 -
LES MECANISMES DE FINANCEMENT DES EQUIPEMENTS RURAUX
a)
Les cotisations villageoises
Lorsqu'un village décide de se doter d'un équipement
donné,
il en informe les responsables FRAR
(Fonds Régional à
l'Aménagement Rural)
qui donne son aval
on constitue alors un
dossier qu'on dépose auprès du sous-préfet de la localité.
Ce
dernier en accord avec les services techniques du Ministère
dont relève le projet,
en étudie les conditions de réalisation
et évalue le coût du projet.
Selon les divers
projets et selon
les moyens du Ministère concerné,
on détermine la
participation
des pouvoirs publics.
Le reste du financement devant être four-
ni par les villageois.
Généralement on procède à une cotisation équitable entre

-
237 -
villageois car la répartition des dépenses se fait
SUIvant le
nombre de femmes et d'hommes
vivant dans chaque cour ou ménage
au sens large.
Dans certains villages où existe une coopérative,les
dépenses sont directe~ent prises en charge par celle-ci dans
la ~esure des fonds disponibles.
Si le coût du projet est supé-
rieur aux moyens de la coopérative,
on fait
appel aux cotisa-
tions individuelles.
Dans d'autres villages,
il y a deux modes distincts
de financement.
Les dépenses sont réparties entre les paysans
et l'Association ou l'Union des
Fonctionnaires de la localité.
Dans ce cas,
chacune des deux collectivités est poussée à l'é-
~ulation et paye sa participation dans un délai très honorable.
Ailleurs,
une autre situation peut se présenter
Sl
le village comporte un ou
plusieurs gros planteurs,
celui-ci
ou ces planteurs acceptent de financer
le projet pour ensuite
se faire rembourser.
Ce cas se présent9 quand par exemple l'on
est pressé par les agents du
FRAR qui menacent de retirer le
projet au village pour cause de lenteur dans la formation
du
capital nécessaire.
Il arrive que quelques villageois ne parviennent pas
à payer leur participation.
Dans ce cas,
les autres membres de
la communauté font
preuve de compréhension en évaluant les
avoirs des débiteurs.
S'il est prouvé qu'un malheur
(décès, mau-
vaise récolte,
maladie etc ... ) en est la cause,
on
paye à leur
place.
Autrement,
ce sont des dettes qu'ils payeront un Jour.
Par quels processus l'Etat dégage-t-il les fonds
nécessaires à sa participation aux différents projets?
b)
Le financement des parts de l'Etat
Il est inutile de dire que l'Etat possède de nombreu-
ses sources de financement.
Outre les prêts étrangers,
l'Etat

-
238 -
dispose des taxes de toutes sortes et de prélèvements dlr~c's
sur les devises que lui procure la vente des dlvers produits
agricoles.
Les prêts étrangers sont destinés généralement aux
investissements à caractère public,
à
la réalisation de grands
projets d'équipement agro-industriels,
à des ouvrages
hydro-
électriques ou à l'infrastructure routière.
Les fonds
qui ser-
vent à aider les villages dans leur effort de développement se-
raient de source nationale et proviendraient des excédents sur
les prix de réalisation des cultures spéculatives.
ainsi,
comme
l'a calculé Michel Benoît -
Cattin(l),
la Caisse de Stabilisa-
tion a prélevé plus de 6,53 Milliards CFA par campagne entre
1964 et 1974.
Les larges bénéfices accumulés
par l'Etat sont
déversés dans le trésor public et sont répartis entre subven-
tions et investissements.
Ce qui a fait
dire à certains criti-
ques,
qu'en réalité l'aide que l'on a=orde aux paysans n'en
est pas une.
C'est une partie déjà prélevée sur leur travail
qui leur est reversé.
Ainsi dans les zones de forte
production
le paysan financerait
-
sans le savoir -
la totalité des équi-
pements de son habitat.
Ainsi lorsqu'on se base sur sa prétendue richesse
pour ne lui accorder qu'une aide symbolique,
on condamne le
paysan de la Basse Côte à toujours délier sa bourse sans rien
recevoir en retour.
Ces contacts sont ceux que l'on
peut faire sur le
plan théorique.
Dans la réalité,
tout pays a une région entraî-
neuse et c'est aux hommes de chercher à partager équitablement
les richesses du pays.
Faute de le faire,
on condamne à terme
la région riche livrée à la convoitise de tous.
Néanmoins,
on
ne doit pas,
au nom de la solidarité "oublier"
de récompenser
les efforts du paysan de la Basse Côte.
Atténuer les disparités
régionales est un exercice difficile
; un mauvais
"dosage"
des
aides à la région à la traîne peut provoquer un ralentissement
de la première.
C'est ce que D.
Boni a résumé par cette phrase
( 1)
Lee 0 mp 1 ex e
a 9 r 0 - in dus t r i e 1
et
1 a
c - 0 i 5 5 a n c e
é con 0 mi que
de
la
Côte
d'Ivoire
de
1960
à
1973.

-
239
-
"c.cf-u,t QU,t Il'avanc.c pa", ftccuf-c"(/)
En résumé,
on peut VOlr en parcourant la réglon
d'Abidjan,
qu'une économie d'une autre dimension a i~posé un
type spécifique d'organisation de l'espace.
Cet espace,
mleux
structuré par rapport à l'ensemble national,
est certes encore
relativement sous-équipé,
mais l'effort fourni en deux décen-
nies de diversification agricole est impressionnant.
La prise
en main de leur destinée a constitué un atout de premier ordre
pour les paysans dans leur lutte contre le sous-équipement.
Les réalisations entreprises doivent se poursuivre.
La
seule issue pour l'espace rural est l'unlon des populations et
l'aide de ses intellectuels qui doivent être les véritables ins-
pirateurs de la modernisation.
(1)
D.
Boni
Id.
page
595.

CHAPITRE VIII
UNE URBANISATION ~~UL TIFOR~·1E ACCELEREE PAR
L'AGRICULTURE ET LE COMMERCE
Les retombées de l'activité agricole s'observent égale-
ment,
dans le processus d'urbanisation de la Basse Côte.
Les
villes côtières ont l'avantage de cumuler à leur profit,
les ef-
fets directs et induits de l'agriculture d'exportation.
En effet
outre leur fonction de centres d'entrepôt,
les villes du sud ont
été dotées de quelques industries s'oc<:Jpant soit du contionne-
ment,
soit de la transformation d'un ou plusieurs produits agri-
coles.
A travers ce chapitre,
il convient de dégager la part di-
recte ou indirecte de l'Agriculture Ivoirienne dans l'urbanisa-
tion de la Basse Côte.
* Quelques traits généraux des vi~ es du sud.
Pour le Ministère du Plan,
le terme ville ne comporte
aucun équivoque:
est considéré comme ville,
toute agglomération,
de plus de 4 000 habitants ayant moins de 20 % de population a-
gricole.
C'est la définition qui nous a servi;
en l'appliquant
à la réalité sur le terrain,
on s'aperçoit qu'à part Abidjan, il
n'y a que quatre autres centres urbains:
Anyama,
Dabou,
Binger-
ville et Bassam.
Toutes ces villes ont des traits communs dans
leur génèse,
dans leur rythme de croissance et dans leur confi-
guration.
Ainsi,
trois d'entre elles ont été la capitale politi-
que de la Côte d'Ivoire coloniale ou indépendante.

-
241 -
sur
l ' 0 c .t.. è n
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r: '?
1 ~
"
'
Même si Dabou n'a
pas été une capitale,
elle a eu une
fonction administrative importante,
à l'époque coloniale;
c'était
un poste militaire.
Seule Anyama n'a pas eu de fonction
importan-
te.
Ainsi Abidjan en 1934 n'était qu'un petit village de
pêcheurs,
juché sur le bord de la lagune Ebrié
; Dabou était un
débarcadère
qui servait d'entrepôt de l'huile de palme des pal-
meraies naturelles,
avant l'expéditior vers Bassam où il y avait
un Wharf.
Ces remarques sont valables
pour Bingerville et Bassam.
Jusqu'en 1950,
mis à part Abidjan,
ces centres ne connurent pas
de croissance particulière.
Avec le développement de l'agricul-
ture,
l'économie générale s'accéléra.
Milton Santos(l)a largement
décrit la génèse des Villes du Tiers-Monde.
Généralement,
on a
un centre d'une importance relative,
hablté par des paysans et
une fraction
infime de commerçants et d'artisants.
Si par une
décision politique,
le bourg acquiert une fonction administrati-
ve d'importance,
la population s'accroît rapidement
les fonc-
tionnaires nommés par l'Etat,
constituent la première clientèle
des marchés jadis épisodiques devenus permanents.
L'apparition
de fonctions terciaires spécialisées achève le processus de mu-
tation de la bourgade en ville.
Les commerces se multiplient,
le nombre d'actifs agricoles diminue,
corrélativement à l'accrois-
sement de la population citadine.
La taille sans cesse croissan-
te de la vil~2 constitue un frein à l'agriculture.
Les ruraux
sont soit rejetés
à
la périphérie soit condamnés à une vie ci-
tadine.
Ici ils doivent se reconvertir ou aller cultiver plus
(1)
Milton
Santos,
les
villes
du
Tiers-Monde.

-
242
-
loin.
La distance de la ville aux champs finit
par aVOir rJiSOn
d'eux
la majorité se reconvertissent,
la fraction restante se
bâtit un habitat ailleurs.
-
Les villes de la Basse Côte sont aussi caractérisées par une
forte présence d'allochtones et quelques allogènes.
-
Enfin,
toutes ces villes ont en commun une physionomie carac-
térisée par la ségrégation de l'occupation de l'espace.
On a
généralement deux ou trois quartiers chics,
des quartiers de mo-
yen standing et un cortège impressionnant de quartiers spontanés,
connus sous le nom de "Bidonvilles".
Ces traits communs n'excluent pas une certaine orlgina-
lité dans la morphologie et une hiérarchisation de
ces centres
urbalns.
Les rythmes de
croissance permettent de regrouper les
villes -
Abidjan exclue - en deux
cat 6 80ries
- Les villes les plus dynamiques
-
Les villes à croissance modérée ou faible
Abidjan fera l'objet d'un sous-chapitre à part.
A - UNE CROISSANCE URBAINE ACCELEREE GRACE A L'AGRICULTURE ET
AU COMMERCE LOCAL
L'analyse des
origines des citadins de la Basse Côte
révèle que dans l'ensemble,
les centres urbains et semi-urbains
sont des creusets de plusieurs ethnies,
voire de plusieurs ra-
ces.
Ce sont des centresd'accueil.
Leur taux annuel de croissan-
ce permet de les regrouper en deux catégories.

1
POPULATION
POPULATION
POPULATION
% TOTAL
%jAN
% TOTAL
%jAN
VILLES
1955
1965
1975
55 -65
55-65
65-75
65-75
ABIDJAN
120 051
340 000
951 216
183,21
11
179,76
10,80
ANYAMA
1 378
11 000
25 400
698,25
23
130,90
8,70
BASSAM
9 395
16 500
25 808
75,62
5,80
56,41
4,60
BINGERVILLE
5 000
12 500
18 218
150
9,60
45,74
3,80
N
..,.
oABOU
2 496
11 500
23 870
360,73
16,50
107,56
7,50
w
1
Evolution des villes de la région de 1955 G 1~

- 244 -
En isolant Abidjan,
on obtient deux groupes de vllies
- Dabou et Anyama,
les deux villes à forte
croissance
- Bassam et Bingerville sont à croissance modérée.
1 - ANYAMA ET DABOU,
DES FACTEURS DE DEVELOPPEMENT DIFFERENTS,
DES RYTHMES DE CROISSANCE ELEVES ET COMPARABLES.
En prenant en compte le critère des effectifs,
Anyama
et Dabou ne pouvaient pas être considérées comme des villes en
1955.
Cependant,
il est à remarquer qu'en raison de son rôle
de centre de services,
Dabou était pour les autochtones,
une
ville.
En 1975,
avec respectivement 25 400 habitants et 23 870
habitants,
ces deux centres apparaiss(~t comme des villes de
troisième rang,
de dimensions semblables,
avec des rythmes d'ac-
croissement annuel comparables.
Les taux de croissance très élevés entre 55 et 65 peu-
vent s'expliquer par
- la proximité d'Abidjan qui rejèterait à Anyama les populations
n'ayant pas pu trouver à se loger dans la capitale,
et par le
fait que 1953-65 correspond à la période d'intensification et
de diversification agricole
ce qui aurait permis à Dabou de
se peupler très rapidement.
D'autres facteurs
sont venus s'ajouter à ces deux pre-
miers et l'on s'aperçoit,
par une analyse de détail,
que ces
facteurs diffèrent d'une ville à l'autre.
a)
Dabou,
un centre scolaire favorisé
par le dévelop-
pement agricole
Dabou fut un des
premiers centres à
avoir bénéficié

-
245
-
d'une école.
Cet avantage fut maintenu avec
la créatIcn
185
Jre-
miers collèges et lycées.
Aujourd'hui,
Dabou est surtout connu
pour ses CAFOP
(pour la formation
des instltuteurs adJolnts st
ordinaires),
ses centres de santé dont l'hôpital protestant,
l'un des plus anciens de la région,
et pour ses centres scolai-
res qui attirent les élèves venant de toute la Côte d'Ivoire.
Ce rôle de centre de services spécialisés a été doublé d'un rô-
le agrlcole d'importance avec notamment,
les plantations de la
SODEPALM,
de l'IRHO,
de la SA PH et des divers groupes privés aux-
quels il faut ajouter les planteurs autochtones villageois.
Jusqu'en 1980,
sans être un carrefour,
la vllle cons-
tituait une étape obligatoire pour tous les véhicules venant du
Nord,
du Centre et de l'Ouest du pays.
C'était l'étape où l'on
prenait de l'essence,
vérifiait l'état du véhicule avant de con-
tinuer sur ab id jan distante de 51 km.
Ce rôle de centre relai
a permis à Dabou de développer les pe~its métiers
(réparations
mécaniques,
restauration rapide,
vente de produits vivriers au
bord des rues etc ... ),
conférant à la ville une physionomie de
centre actif.
Avec la création de l'autoroute du Nord,
la ville
se meurt.
Nos enquêtes assez courtes ne nous ont pas permis de
déterminer les incidences de ce changement brutal de voie rou-
tière sur Dabou.
Nous comptons le faire.
b)
Anyama. centre de commerce,
de collecte de la cola
et ville dortoir
Le développement d'Anyama est subordonné à des fac-
teurs différents de ceux de Dabou.
On remarque cependant que
l'actlvité agricole reste un point commun.
De toutes les villes régionales,
Anyama est la plus
dynamique.
En effet, la ville a connu une croissance sans précé-
dent entre 1955 et
i975.
Cette progression rapide est due,
à la
situation d'Anyama par rapport à Abidjan,
à
son commerce de co-
la entre la Basse Côte et les pays du Sahel et surtout à sa

-
246 -
vocation de ville-dortoir qui se confirme de plus en PLUS ~JCC
les nombreuses difficultés qu'éprouvent les citadins à trouver
un logement à Abidjan-ville.
Si Anyama a réussi à conserver son dynamisme depuis
1955,
c'est parce que cette cité a su développer une certaine
harmonie entre les fonctions
primaires,
secondaires et tertiai-
res.
Ainsi,
malgré son rôle de ville-dortoir,
Anyama est le plus
grand centre de collecte de cola du pays
c'est ici que se trou-
ve le siège de l'association
(syndicat ?)
des exportateurs de
cola.
La production de cola est mal appréciée des statistiques
agricoles;
mais lorsqu'on se rend à Anyama,
on s'aperçoit que
la cola joue un rôle important dans la vie économique des cita-
dins.
En effet,
l'exportation de cette denrée est entièrement
contrôlée par une main d'oeuvre artisanale qui confectionne les
paniers de rotin,
fournit les feuilles
spéciales qui servent
d'emballages et conditionne la
producclon livrée par les pay-
sans ou les ramasseurs spécialisés.
En fait la cola n'est pas
une plante cultivée.
Elle pousse dans la nature et les paysans
du sud et des autres zones frontières
essaient de l'épargner
pendant le défrichement afin de l'exploiter.
C'est donè un produit de cueillette,
difficile à
quantifier.
Anyama est également favorisée
par les nombreuses
palmeraies,
caféières,
cacaoyères et bananeraies qui l'entourent.
Outre l'activité agricole,
la ville comporte une in-
dustrie de bois créatrice d'emplois,
tandis que
les commerces en-
tretiennent une animation permanente.
Cependant,
la croissance
particulière de la ville est à mettre à l'actif d'Abidjan.
En
effet,
la proximité d'Abidjan a fait d'Anyama un
"quartier" dor-
toir.
La saturation d'Abobo,
(quartier d'Abidjan situé entre
l'ex-capitale et Anyama)
a poussé une partie des Abidjanais à
aller habiter à Anyama.
Si Oabou et Anyama montrent un visage de pet'tes
villes bien intégrées à leur environnement,
il n'en va pas de
même pour Bassam
(en croissance plus lente que Dabou)
et surtout
Bingerville.

-
247
-
2 -
LES VILLES A CROISSANCE MODEREE
Anciennes capitales du pays,
Bingerville ~t
Bassam
connaissent aujourd'hui d'énormes difficultés de croissance.
Pour Bingerville,
la difficulté réside dans le fait que l'arriè-
re-pays peu dynamique a toujours cherché à évoluer en marge de
la ville.
La
proximité d'Abidjan,
loin de p~Dit8r à Bingervil-
le,
lui aurait nui
ainsi les flux
de biens et services entre
la campagne et la capitale économique ne transitent pas par
Bingerville,
comme c'est le cas à Dabou et Anyama.
D'autre part
jusqu'en 1982,
l'état de la route entre Abidjan et Bingerville
n'a pas encouragé de nombreux Abidjanais à aller s'installer
dans cette localité distante seulement de 18 km.
En effet,
la
piste tortueuse qui reliait ces deux localités était parmi les
plus meurtrières et les plus saturées de l'extrême sud du pays.
A l'instar de Dabou,
Bingervi,le est vite apparue com-
me une ville scolaire,
avec une spécialisation très poussée de
l'enseignement secondaire et supérieur.
Centre important de san-
té,
la ville a conservé un
visage de ville de services tertiai-
res de sorte qu'elle n'a pas su contrôler le secteur agricole.
Et pourtant la cité abrite l'IFCC
(l'Institut du café et cacao) et
le lycée agricole
tandis que toutes les découvertes étaient
expérimentées dans de vastes jardins d'expérimentation.
En fait
la cité de Bingerville est un centre d'expérimentation
Jgricole
qui n'a pas su profiter pleinement de ce secteur.
On voit ici la preuve que l'activité agricole est l'un
des fondements
du dynamisme des villes lagunaires,
car malgré
son rôle de centre de services,
Bingerville n'a pas connu le
même rythme de croissance que Dabou ou Anyama.
Quant à Bassam,
les problèmes de croissance se posent
un peu différemment.
Ancienne capitale,
la cité abouré a connu
une progression en dents de scies jusqu'en 1950,
date à laquel-
le la ville a retrouvé une certaine stabilité.
Son taux annuel
moyen de croissance est cependant encore modeste.
L'analyse des

- 248 -
productions agricoles a montré que la sous-région bassamOlse ne
produit que des noix de coco,
en exploitation vlllageolse
; ce
qui lui procure peu de revenu.
Par ailleurs l'arrière-pays
jas-
samois peu peuplé n'a pas lnfluencé de manière significative
l'accroissement de la ville.
Il semble donc que le récent gon-
flement de la
population est lié à deux facteurs
-
Le développement de l'artisanat et du tourisme et
-
La proximité de la zone industrielle de Vridi
(Abidjan)
En effet,
Bassam bénéficie d'une belle plage qui attire
de nombreux touristes aussi bien étrangers qu'ivoiriens.
Il
s'est alors développé un artisanat florissant qui a attiré de
nombreuses populations allochtones.
La proximité relative d'Abidjan a également joué un rô-
le favorable.
Il est à remarquer que la ville est à 45 km d'A-
bidjan,
donc assez éloignée d'Abidjan.
par rapport à Anyam
et
8ingerville.
Cependant l'amélioration très sensible de la route
de Bassam a permis à de nombreux ouvrlers de cette localité de
pouvoir se rendre à Abidjan dans un temps meilleur à celui des
des habitants d'Abobo pourtant logés à 10 km de la capitale
économique.
C'est qu'en matière de circulation urbaine,
la distan-
ce - temps est celle qu'il faut
prendre en compte.
Bassam est donc en passe de devenir une ville dortoir
d'Abidjan et tout programme d'aménagement d'Abidjan doit pren-
dre en compte cette nouvelle donnée.
B - ABIDJAN,
UNE VILLE EN EXPANSION CONTINUE, DIFFICILE A MAITRISER
Le tableau de l'accroissement des villes montre que les taux
les plus élevés entre 1955 et 1965 n'étaient pas ceux d'Abidjan

-
249
-
mai spI u tôt ce u x d' An y a ma et Da b 0 u.
En r e van che en t r e l 9 6 'j ':"
1975,
le rythme d'accroissement d'Abidjan n'a pas été égalé.
Ceci mérite une analyse des étapes de croissance de l'ex-capl-
tale ivoirienne afin de saisir les raisons des diverses phases
de son évolution.
On divise généralement la croissance spatiale d'Abidjan
en trois étapes(l):
- La ville coloniale de 1912 à 1950
-
La ville portuaire de 1950 à 1970
- Le nouveau périmètre,
sans cesse remis en cause depuis 1970.
1 - UN RYTHME DE CROISSANCE ELEVE ET CONSTANT
Ville coloniale
Ville portu2ire
Nouveau périmètre
600 ha
12 000 ha
60 000 ha
Année
1912
1934
1950
1955
1963
1970
1975
1981
Population
1 400
17 000
65000
125000 254000 550 000
951000
1 750000
1
Croissance
moyenne
12 %
10 0/
/0
10%
11
11 %
1
"
%
annuelle
Source
ORSTor~, Centre de Petit Bassam
Ce tableau montre que depuis 1912,
la ville a connu un
rythme de croissance constant et élevé.
Avec un taux de 10 à
11 % par an,
la population d'Abidjan double tous les 8 ans en-
viron.
Essayons de suivre les étapes de cette croissance.
* La ville coloniale:
elle s'étend de la naissance du chemin
de fer - commencé en 1904 -
au choix d'Abidjan comme capitale

- 250 -
(en 1934)
puis au percement du canal deVridi ~n 1951.
LJ
ville
è
cette époque était constituée du plateau,
d'AdJamé et de Trelch-
ville.
Le premier nommé était le quartier des blancs,
affecté
è
l'habitat résidentiel,
au commerce et è l'administratlon.
Jusqu'en 1960,
la ville ne débordera
pas de son cadre inltial,
malgré une croissance soutenue de 10 è 12 % par an.
*~~_~!!!~_e~~~~~!~~ : spatialement, la ville "éclate" brutalement
entre 1950 et 1970,
passant de 600 ha è 12 000 ha.
La
population
urbaine s'accroit è un rythme moyen annuel de 10 è 11 %.
Ainsi
de 65 000 habitants en 1950,
la ville passe è 550 000 habitants
en 1970 puis è 951 000 habitants en 1975.
* ~~_~~~~~~~_e~~!~~~~~_
sans cesse remis en cause enserre une
superficie estimée è plus de 60 000 ha.
Aujourd'hui,
d'après
les estimations,
Abidjan serait bi-millionnaire.
Cette croissance effrenée a faIt déborder la ville des
sites qui lui étaient destinés,
de sorte que le développement
d'Abidjan dépend de ses nombreuses excroissances dont Yopougon,
Ri v i é r a I et II,
Po r t - b 0 u et,
Ma r cor y,
Co cod Y et sur t 0 u t
Ab 0 b 0 •
Nous avons choisi l'e~emple d'Abobo pour suivre la transforma-
tion subite de cette banlieue encore rurale il y a è peine 15
ans,
en un quartier urbain en voie de saturation.
Ainsi sur les trois cartes,
nous avons essayé de faire
fi~ Irer l'ancien noyau
villageois.
En 1955 on note la présence
de cinq noyaux disparates,
séparés par des plantations et des
champs-vivriers:
ce sont Abobo - Baoulé,
Aboboté,
Agnikro et
Anonkouakouté.
Comme on peut le remarquer Abobo-Baoulé et Agni-
kro
(village des Agni)
sont des noyaux de peuplement allochtone.
Agni et Baoulé étant des branches du groupe Akan.
En 1971,
la
transformation du paysage autour d'Abobo est net:
le couvert
végétal a cédé la place è de nombreuses friches
; les noyaux
initiaux subsistent,
certes,
mais ils ont été agrandis.
Agnikro
est au centre d'une agglomération urbaine.
On note que cette
dynamique de l'espace habité s'est accompagnée d'un développement

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Cartes p.p. 251,252 a 254 d'après
ALLA D.
Compétition ville - campagne dans la commune
d'Abobo. Mémoire de maîtrise.

tOCCUPATION
DU
SOL EN 1971
DANS
L'ACTUELLE
COMMUNE
N
LI"l
N
~
•rII1Jespace urbani~é
~ plantations industrieLLe~
. ~ vigita~ion natureLL! et
~ plantations sous~ boIS .
.tp(';ç\\'d champs vivriers et
1."... . \\
friches
o espace entièrement
~ voie ferrée
_ déboisé
routl principale
_
ferme avicole
- - - ) routH Sicondaires
---
o

-
253 -
des plantations devenues plus nombreuses.
La période 55-71
correspond bien à celle de la diversification et de la densifi-
cation agricole de la périphérie d'Abidjan.
Il est à observer
que les petites plantations au sud d'Agnikro ont été restructu-
rées,
de sorte que l'on a,
en 1971 une plantation d'un seul te-
nant.
Outre le développement de quelques pistes villageoises, la
voie ferrée et la nationale
(route principale sur la légende)
n'ont pas subi de modification.
Bien qu'à une échelle légèrement plus grande,
la carte
de la commune d'Abobo en 19B3,
rend assez bien compte du déve-
loppement spectaculaire de ce quartier en 12 ans d'évolution.
L'intrusion des sociétés immobilières dans ce quartier
a parachevé la mutation de cette bourgade en quartier dortoir
d'Abidjan.
On distingue ainsi un Abobo moderne,
mieux structu-
ré du point de vue de l'infrastructure de circulation,
entre
Abobo Baoulé et la nationale,
tandis que l'autre Abobo situé à
l'ouest du rail a l'allure d'un bidonville.
Les villages d'Abo-
bo Baoulé et Aboboté sont contigus au quartier d'Abobo-gare
(ainsi appelé parce qu'on y trouvait une grande gare pour tous
les passagers venant du Nord-Est du pays
c'est ce rôle de ga-
re qui aurait favorisé le développement du quartier le plus po-
pulaire d'Abidjan),
tandis qu'Anonkouakoute jouxte la zone in-
dustrielle fraîchement créée.
D'une manière plus générale le développement d'Abidjan
sur la partie ouest du continent peut s'observer en comparant la
carte d'Abidjan en 1959 et celle des types d'habitat en 197B.
Ces cartes,
sont assez parlantes et révèlent la dynamique toute
particulière d'Abidjan entre la date de percement du canal de
Vridi.
Il faut avouer qu'en ce qui concerne une ville comme
Abidjan,
il est difficile de déterminer de manière très claire,
la part de chaque activité économique dans le processus d'urba-
nisation.
On peut simplement retenir que l'activité initiale

-
254
ASOOO
EN 1981
voie
voirie urbaine
1 1 1 1
\\!) .ravins
lillillillill village en voie
- opérationsirrmobilières
lSSSI hahitat évolutif de cour
~ habitat spontané
rIll1 zone d"activites
~
~
cocotèraies
~
~ plantations
IDDII fenne avicote

ABIDJAN
EN
1959
f~~i~ forêt primaire dense
. 'l.
ItS [.TJ forêt dégradée"
~~
D
forêt
claire
boisée
.:". ":.
ou
savane
- village ébrié
IUJ espace utbain construit
·0
1KM
,
~

zone
portuaire

-
256 -
était l'agriculture,
aujourd'hui source d'industrialisation.
Cette industrie a elle-même engendré de nombreuses autres activi-
tés parmi lesquelles le tertiaire tient une place de choix.
Par
effet du cumul Abidjan s'accroît à un rythme de 11 % par an.
Cet-
te croissance démesurée est à la base des conflits de cohabita-
tion entre l'ex-capitale politique et son environnement immédiat.
A ces facteurs de croissance il faut ajouter le poids des déci-
sions politiques:
c'est,
nous semble-t-il,
le facteur le plus
important dans la mesure où c'est le pouvoir politique qui dic-
te les implantations de services,
d'activités économiques et
planifie le développement de la ville.
(cf.
conclusion générale)
C - LES RAPPORTS ETROITS ENTRE LA VILLE ET LA CAMPAGNE
ENVIRONNANTE SONT
SOURCES DE
PROBLEMES FONCIERS
Le thème des rapports ville-campagne nous semble large
pour être débattu en un sous-chapitre.
Nous voulons cependant
faire remarquer ici un point de vue légèrment différent de ce-
lui de nombreux chercheurs ruralistes ivoiriens.
En effet,
d'autres avant nous ont montré que dans ses
rapports avec la ville,
la campagne a toujours été perdante.
Nous pensons - compte tenu de ce que nous avons remarqué sur le
terrain - que ce jugement est à nuancer.
En effet,
il est prou-
vé qu'une campagne peu dynamique est un réservoir de main d'oeu-
vre pour la ville qui la polarise, de même qu'une ville qui fonc-
tionne en marge de "sa"
campagne bénéficie très peu des apports
de cette dernière.
Or,
l'analyse économique a démontré que la
campagne autour d'Abidjan est assez dynamique:
elle fournit,
en
plus des produits d'exportation,
des vivres à la ville grande ou
moyenne et quelques investissements provenant des gros planteurs.

-
257 -
La ville en retour a permis à cette campagne de déve-
lopper la culture vivrière
(cf chapitre précédent) et
sert
de débouché aux produits agricoles d'exportation.
Par ailleurs,
le déversement des populations rurales à Abidjan et dans les
autres centres urbains peut être perçu comme une solution tempo-
relle aux problèmes fonciers de l'espace rural.
Nous soutenons
donc que sans les villes,
la pression démographique sur la ter-
re serait plus importante.
Néanmoins ce jugement est à nuancer
car on ne doit pas ignorer que les paysans de la Basse Côte sont
parmi les plus vieux du pays.
Il faudrait donc essayer de rete-
nir une partie des migrants ruraux afin qu'ils puissent prendre
la relève.
Si on se réfère aux difficultés foncières de la Basse
Côte,
il semble que les centres urbains ont joué jusqu'aujour-
d'hui,
un rôle de stabilisation
en accueillant le surplus
de population de l'espace rural.
On ne doit cependant pas ou-
blier que l'accroissement de la ville se fait au dépend de la
campagne,
du point de vue de l'occupation spatiale.
En effet,
une extension d'un hectare constitue autant de terre qu'Abidjan
prélève sur l'espace agricole,
surtout en ce qui concerne le
plateau du Banco,
terre à manioc et à mais.
On se trouve de ce
fait dans un cercle vicieux
les ruraux sans terre
(seulement
une des causes de départ)
migrent vers la ville qui s'agrandit
et grignote le peu de terre encore disponible.
C'est ce grigno-
tage qui a occasionné les conflits entre les Ebrié et le gouver-
nement en 1969, différends réglés grâce à de fortes
indemnités
ce qui n'a pas empêché les pouvoirs publics de déplacer plusieurs
fois de nombreux villages traditionnels.
C'est l'illustration
qu'une symbiose parfaite ne peut jamais naître entre le village
et la ville.
Ainsi,
Aujourd'hui quelques hectares de cocoteraies
et d'ananas subsistent encore entre Abidjan et ses banlieues
nord,
mais pour combien d'années cela durera-t-il?
Par ailleurs les villages formant une sorte de kyste
dans certains quartiers d'Abidjan,
peuvent-ils être considérés

- 258 -
comme des villages,
étant donné qu'ils vivent au rythme de la
ville? Ces
"villageois"
d'un autre §ge sauront-ils préserver
leur entité et se défendre contre les bailleurs de fonds immo-
biliers ? Hormis ces "villages urbains"
(cf.
carte des types
d'habitats)
d'autres villages assez proches des villes sont me-
nacés
leur espace de culture est en voie d'urbanisation,
en
même temps que le village perd sa cohésion.
Nous ne pensons pas
que garder son entité soit forcément la bonne voie pour ces vil-
lages
; mais nous croyons qu'ils doivent au contraire s'adapter
aux nouvelles conditions et surtout rechercher une voie inter-
médiaire qui ferait d'eux des centres relais entre la grande
ville et la campagne profonde,
par une restructuration des acti-
vités agricoles et artisanales
(cf.
conclusion générale).
Les relations ville-campagne sont - comme on le voit-
assez complexes à définir,
surtout en Basse Côte où ville et
campagne dépendent l'une de l'autre.
Néanmoins le rapport des
forces est à l'avantage des villes qui peuvent,
gr§ce aux impor-
tations,
se passer de la campagne.
Pour le moment,
la dynamique
des villes lagunaires est en grande partie nourrie par leur en-
vironnement immédiat
; tout jugement doit dès lors être nuancé
en ce qui concerne le "rôle nocif" décrit par quelques auteurs.
Initialement,
nous avions voulu déterminer l'aire d'influence
de chaque ville pour en apprécier la portée dans les relations
entre les divers centres urbains et les villages.
Cet exercice
s'est vite avéré peu intéressant pour deux raisons majeures
- Les villes de second ordre ont si peu de rayonnement qu'elles
n'arrivent pas à polariser les villages éloignés de plus de
10 km.
-
La deuxième raison est qu'Abidjan,
par sa macrocéphalie,
cons-
titue un élément perturbateur
son champ n'est pas seulement ré-
gional,
il est national et même international.
Ainsi,
le .coût de
transport en commun permet aux villageois de la zone d'étude de
se rendre dans la ville pour y rechercher les biens non disponibles

ABIDJAN
TYPES
D'HABITAT
259
( Silu.IIO n en ma r li
1918 )
1 Anonkau.
~ H.bill. ,.lid.nti.1
(g
Ka.,i
illJI[]]]]] H.bitu iconomiqui mo du,.1
m
Ababa
H,biu.
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coun
Bioul.
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- VIII"V" Elui;
Limite
Abidjln
d'
COlllmune
Limi ••
arrondlsSlment
o\\ .~
_-"'~=_"'.===""=~ -4! K"I
B.a.li Km 9
~
Akouedl

-
260 -
dans les commerces locaux.
Ceci n'exclut pas que les centres de
Dabou,
Anyama,
Bingerville et Bassam soient fréquentés
par les
ruraux;
quand les ruraux s'y rendent,
c'est pour éviter les
tracasseries de la capitale économique.
Ces tracasseries se ré-
sument en quatre grands points
- lAs difficultés de logement
la circulation mal organisée ou insuffisante
-
les problèmes d'emplois
- et l'approvisionnement des marchés de la capitale.
D -
L'AMENAGEMENT URBAIN EN BASSE COTE POSE D'ENORMES PROBLEMES
DE RESTRUCTURATION ET D'EQUIPEMENT DE L'ESPACE
A l'instar de toutes les villes du Tiers-Monde,
les vil-
les lagunaires ont à faire face à quatre
types de difficultés
liées à l'accroissement rapide et incontrôlé de l'espace bâti:
- l'insuffisance de logements
-
les difficultés de circulation
-
le manque d'emplois pour une main d'oeuvre non qualifié et
-
les difficultés d'approvisionnement des marchés en produits
maraîchers.
Toutes ces difficultés étant ressenties différemment
d'une ville à l'autre,
il faut essayer de spécifier les types
de problèmes rencontré par les cinq villes.
1 -
DES DIFFICULTES VARIABLES D'UNE VILLE A L'AUTRE
a)
Dabou souffre de son isolement
Pour un centre de taille moyenne comme Dabou,
les

-
261 -
problèmes de logement,
de circulation et d'approvisionnement
des marchés sont pratiquement inexistants.
En revanche,
la vil-
le a attiré une masse d'ouvriers potentiels sans qualification,
éternellement voués au chômage.
Ces inactifs contribuent à la
densification de l'occupation des maisons.
Incapables de se pren-
dre en charge,
ils participent à l'augmentation du nombre de per-
sonnes par pièce,
dans les maisons de parents proches ou éloi-
gnés ou d'amis.
C'est là une des conséquences de l'attrait des
plantations;
mais cet aspect des migrations n'est pas spécifi-
que à Dabou.
En revanche,
l'éloignement de Dabou d'Abidjan et le
récent isolement de la ville avec la déviation de l'autoroute,
constituent les réelles difficultés d'une ville qui risque de
tomber dans la léthargie qui a caractérisé Bingerville.
b)
Les incidences de la proximité d'Abidjan sur Anyama
et Bingerville
Si Dabou souffre de son éloignement,
il semble que
Anyama et Bingerville subissent au contraire le champ d'influen-
ce d'Abidjan qui leur enlève toute autonomie.
En effet,
ces deux
villes fonctionnent un peu comme des appendices d'Abidjan
la
facilité de circulation entre ces localités et Abidjan a fait
d'elles des
villes-dortoirs.
Anyama cependant arrive encore à
polariser son environnement immédiat grâce à un commerce local
dynamique qui attire les paysans des environs.
Bingerville souf-
fre elle,
de son image de ville scolairre qui ne lui a pas per-
mis dans le passé de polariser l'espace rural.
Avec la création
du Boulevard Mitterand,
la ville s'est ouverte aux travailleurs
abidjanais qui y trouvent le calme et des logements moins chers.
Ces deux villes connaissent aussi les problèmes d'emplois et de
logements.
D'ailleurs l'intrusion des abidjanais a fait grimper
les loyers de ces centres urbains qui perdent de ce fait une
partie de leur autonomie.

- 262 -
c)
Bassam,
une croissance gênée par le site et un
arrière-pays pel! dynamique
La croissance dl~ Bassam
est le
fait d'un apport extérieur
l'arrière-pays peu peuplé ne par-
ticipe que très faiblement h l'accroissement de la population.
D'après l'étude d' Essan Kod La V. (1),
le développement de Bassam
serait gêné
par le site de la ville,
un site de marécage dif-
ficile à mettre en valeur.
Même lorsque les travaux sont faits,
les pluies diluviennes
inondent facilement des rues entières.
Les problèmes de Bassam concernent également la restructuration
du tissu urbain.
En effet,
ville coloniale,
Bassam possède des
monuments qu'il faudra restnurer.
2 -
POUR UNE ORGANISATION ET UNE MAITRISE DE L'ESPACE
URBAIN ABIDJANAIS
En raison du caract,ère rural de ce travail,
nous ne
pouvons pas insister sur la partie urbaine.
Néanmoinsil nous a
semblé important de rappeler la place de la capitale économique
dans le processus de dévelonpement de la Basse Côte.
Aujourd'hui
Abidjan doit faire face à de nombreuses difficultés qui,
faute
d'être résolues,
peuvent cOntribuer à un blocage économique de
cet espace.
Si l'aménagement urbain a pour objectif,
de créer les
conditions favorables aux activités économiques et d'assurer
le bien être des citadins,
à
Abidjan,
il doit s'efforcer d'adou-
cir pour une population fraîchement urbanisée,
la transition
difficile entre la vie rurale traditionnelle et la vie moderne.
Cet aménagement doit intervenir à quatre niveaux
:
La recherche de nouvelles
zones à urbaniser
La définition des pri~cipaux axes de circulation et des
modes de transport
La répartition des emplois et de l'habitat de manière
harmonique

- 263 -
L'approvisionnement en vivres des marchés.
Concernant le premier point,
les nouveaux schémas de
développement de la ville ont montré qu'il faudra nécessairement
passer par la situation conflictuelle entre la ville et la cam-
pagne environnante.
La carte d'Abidjan
montre en effet que les
espaces urbanisables sont des terres agricoles qu'il faudra cè-
der à la ville.
or
la
périphérie abidjanaise représente 60 %
de la banane d'exportation,
60 % du latex,
45 à 46 % de l'huile
de palme,
35 % du coprah et 20 % de l'ananas,
sans compter les
parts importantes,
mais difficilement quantifiables des fruits
et légumes,
de l'élevage porcin et de l'aviculture.
L'extension
d'Abidjan est cependant encore possible,
car d'après la SETU
(Société des Etudes Urbaines)
on dispose encore de 110 000 ha
non cultivés dont la 000 ha très favorable,
70 000 ha moyennement
favorables et de 30 000 ha sur le cordon littoral qu'il faudra
emménager.
La solution consistera donc à créer le site,
car les
accidents de terrain,
les marécages et les nombreuses vallées
constituent des contraintes physiques à surmonter .
.
Au niveau des transports,
les récents aménagements de la voie-
rie urbaine sont à encourager.
L'extension de la ville doit
s'accompagner de celle des axes routiers.
Dans les quartiers an-
ciens,
la voierie doit être réaménagée car elle n'est plus adap-
tée à la circulation devenue très dense par suite de l'accrois-
sement du parc automobile.
L'engorgement des principaux axes provient du fait que
chacun préfère utiliser sa voiture pour se rendre au travail.
Une amélioration de la SOTRA
(Société de Transports Abidjanais)
pourrait contribuer au délaissement des voitures particulières.
L'exemple des bateaux-bus sur la lagune,
entre Locodjoco
treichville et le plateau,
montre en effet,
que dès qu'on peut
voyager dans des conditions confortables sans perte de temps,
on préfère les services de la SOTRA, le
prix du
litre d'essence
étant devenu dissuasif.

- 264 -
De tous les maux d'Abidjan,
l'habitat et l'emploi sont les
plus préoccupants.
Ces deux préoccupations sont
en
réalité
les problèmes de toute ville en expansion dans le Tiers Monde.
En 1975,
Abidjan abritait14 % de la population ivoirienne qui
était de 6 700 000 habitants et s'accaparait 42 % de la popula-
tion urbaine nationale.
Suivant les prévisions,
Abidjan abrite-
rait en l'an 2 000 plus de 27 % de la population du pays;
au
même moment sa part dans la population urbaine passerait de 42
à 52 %.
Cet essor du peuplement doit être accompagné d'un
effort
particulier de construction de logements et de création d'emplois.
Aujourd'hui,
l'image selon laquelle Abidjan est un réservoir
d'emplois est dépassée:
les chômeurs se comptent par centaines
de milliers et se recrutent aussi bien chez les intellectuels
que chez les ouvriers sans qualification.
La situation économi-
que particulièrement difficile des zones de savane a poussé des
milliers d'ivoiriens,
de maliens et surtout de voltaïques à ve-
nir grossir le nombre des sans emploi.
La conséquence directe de ces mouvements de population
a été l'inadaptation des infrastructures de transports et sur-
tout des logements,
aux nouvelles données démographiques.
On con-
sidère qu'à la fin de 1980,
Abidjan disposait de 73 000 logements
construits par les particuliers,
tandis que les sociétés immobi-
lières contrôlaient 61 550 logments environ.
Ces logements sont
insuffisants et la situation s'aggrave d'année en année car au
rythme de 7 000 logements construits par an,
on n'arrivera ja-
mais à loger les 80 000 personnes qui arrivent tous les ans à
Abidjan,
auxquelles il faut ajouter les 20 000 personnes de l'ac-
croissement naturel annuel de la ville.
A ces problèmes s'ajoute celui de l'approvisionnement de la vil-
le en vivres et principalement en produits maraïchers frais.
Si
les marchés sont gorgés de banane,
de tarot,
d'igname,
de riz et
autres féculents,
en revanche les produits maraîchers sont plus
rares.
Cela relève du fait qu'outre le piment,
le gombo,
l'au-

- 265 -
bergine et les tomates,
le milieu traditionnel ne cultive pas
les produits maraîchers servant à la confection des sauces et
des "entrées".
Ainsi le concombre,
la laitue,
la carotte,
le
chou ou le radis ne sont pas connus des paysans.
Ce sont donc
des citadins de condition modeste qui s'implantent dans les nom-
breux bas-fonds d'Abidjan et des autres villes pour cultiver ces
produits dont la consommation s'accroît rapidement.
En dehors de
ces jardins urbains dont la production reste difficile à chif-
frer,
on
constate depuis une decennie,
l'organisation de divers
flux de produits maraîchers frais
en provenance de quelques cen-
tres de production éloignés d'Abidjan(l).
Mais les difficultés
de manipulation de ces produits,
ajoutées à des méthodes de col-
lecte compliquées et incertaines font que peu de gens sont inté-
ressés par la culture maraîchère
En résumé,
l'aménagement de l'espace urbain en Basse Côte
est devenu une nécessité.
Il se pose cependant des problèmes JU-
ridiques qu'il faudra d'abord résoudre comme par exemple les
conflits de terre entre les Ebrié propriétaires fonciers
et l'E-
tat,
le plus grand promoteur immobilier.
L'autre difficulté réside dans le fait qu'il faudra
imaginer des solutions pour atténuer le grand écart de standing
entre les divers quartiers de la ville.
Cet écart de niveau de
vie est le fondement de la ségrégation spatiale entre les quartiers
chics et les bidonvilles.
Le développement des plantations a donc favorisé une
urbanisation trop rapide pour être contrôlable.
Les problèmes
qui en sont issus sont divers et concernent également l'espace
rural.
(1)
Voir
l ' a r t i c l e
de
Maria
Pia
Palleschi
in
Economie
Méridionale
Tome
XXXII
-
1984
-
3
nO
127
-
PP.
95-110.

QUATRIEME PARTIE
L'ESPACE RURAL, MALADE DU MANQUE DE TERRE
AGGRAVE PAR UNE URBANISATION ACCELEREE
ET UNE LENTE MUTATION DU PAYSANNAT
Comment pourra évoluer la périphérie Abidjanaise ? les trans-
formations en cours sont-elles réversibles ? Pour répondre à
ces questions, il est important de souligner une série de dif-
ficultés qui menacent cet espace.

- 266 -
CHAPITRE IX
UNE URBANISATION ET UNE MIGRATION INCONTRDLEES
SOURCES DE PROBLEMES FONCIERS DANS LIN MILIEU RURAL
EN MUTATION DIFFICILE
Tout effort de développement en milieu rural secrète
des problèmes sui generis,
dont le nombre s'accroît avec la
densification économique de l'espace concerné.
Ces difficultés
trouvent généralement leur fondement dans l'inadéquation entre
les structures modernes et traditionnelles,
dans l'insuffisan-
ce des moyens mis à la disposition des paysans ou dans la dif-
ficile adaptation de ces derniers aux nouvelles méthodes cultu-
rales.
Il arrive aussi que le zèle trop poussé des intervenants
soit mal interprété par les paysans et qu'une mentalité d'as-
sistés s'installe en eux.
Les succès économiques évoqués plus
haut,
ne doivent pas masquer les réelles difficultés qu'éprou-
vent les paysans de la Basse Côte.
Ces difficultés,
particulièrement accrues depuis 1980,
concernent le foncier,
la gestion des domaines et l'inadapta-
tion des paysans aux nouvelles exigences d'une agriculture de
spéculation en constante mutation.

-
267 -
A - DES PAYSANS CONFRONTES AU MANQUE DE TERRE ET A LA MUTATION
DES SYSTEMES DE PRODUCTION
Le développement accélèré de l'agriculture a engendré
des problèmes fonciers en Basse Côte.
Ces problèmes ayant plu-
sieurs sources,
il convient de les analyser afin rie rechercher les
solutions qui peuvent y être apportées.
1 -
LE CHANGEMENT BRUTAL DE REGIME FONCIER ET SES
CONSEQUENCES
Au début de ce travail l'occasion a été donnée de voir
comment on gérait traditionnellement le patrimoine foncier. La
terre était un bien communautaire dont on n'avait que le droit
d'usage.
Avant la période de pleine croissance des plantations,
ce code foncier traditionnel subit d'énormes bouleversements,
créant des conflits de cohabitation entre les communautés ru-
rales d'abord,
ensuite entre européens et autochtones.
En effet,
dans son oeuvre de "pacification" l'adminis-
tration coloniale jugea nécessaire de déplacer de nombreux
villages,
disséminés à travers la forêt,
vers les axes routiers.
Cette décision eut de graves conséquences
: on installa des tri-
bus entières sur des terres ne leur appartenant pas.
On créa
ainsi une surchage démographique relative et anormale car les
nouveaux venus abandonnaient de vastes portions de terres.
Le
malheur pour ces nouveaux venus était qu'entre 1910 et 20,
certains villages d'accueil possédaient déjà des plantations
et avaient agrandi leur finage,
de sorte que l'espace concédé
aux migrants de force était insuffisant.
Cette pratique avait pour objectif la mise en cause
du droit coutumier,
"un droit non écrit",
donc indigne de res-
pect.
Pour affaiblir l'autorité coutumière,
on remplaça les

-
26B -
chefs de lignée noble par des chefs surfaits appelés chefs de
canton,
notion inconnue jusqu'alors des africains.
Le canton
devait réunir des tribus entières et les chefs de canton de-
vaient coiffer politiquement les chefs de lignages.
En plaçant à la tête du canton les hommes dociles à
la France,
sans aucun lien direct avec la chefferie locale,
l'administration s'adjugeait une partie des terres,
puisque
le chef de canton était également
(théoriquement)
le chef de
terre.
C'est ce point qui révolta les véritables chefs
mais
pour légaliser les droits de la France sur la terre,
le décret
du 15 Novembre 1935 fut adopté et revendiqua pour la France
les "terres vacantes et sans maitre".
Quelques individus en profitèrent pour s'accaparer de
vastes superficies.
Parallèlement,
le développement de l'agri-
culture pérenne introduisait lentement,
mais sûrement,
la no-
tion de propriété privée,
parachevant l'oeuvre entreprise par
les autorités coloniales.
On peut considérer qu'en 1960,
la notion de propriété
privée sur la terre avait gagné toute la Basse Côte,
de vastes
domaines privés s'étant consitués en dehors des terres coutu-
mières confinées aux voisinages immédiats des villages.
Certes,
jusqu'alors quelques chefs de terre coutumiers
avaient réussi à maintenir leur autorité sur des parcelles
relevant de leur patrimoine.
Ces rares chefs virent leur au-
torité une fois de plus contestée par la jeune Assemblée Na-
tionale de la Côte d'Ivoire indépendante.
En effet,
en votant
en 1961 la loi selon laquelle "seul le fils
hérité du père",
cette Assemblée condamnait implicitement l'un des fondements
des sociétés lagunaires.
Désormais,
à
la mort du père,
la ter-
re ne revenait plus au lignage,
mais au
fils
qui pouvait
la gérer avec sa mère et même la lui abandonner,

- 269 -
La déclaration du chef de l'Etat en Janvier 1963 porta
le coup décisif: "la te~~e appa~tient a celui qui la met en va-
leu~". C'était là, une invite à l'occupation de toute parcel-
le inoccupée.
Bien qu'il y ait eu quelques infiltrations d'allogènes
dans les forêts de la Basse Côte,
on peut noter que l'autori-
té coutumière a mieux résisté aux assauts de ces allogènes
qu'on ne l'a observé ailleurs;
C'est que les mesures prises
par le gouvernement n'ont jamais été appliquées strictement
par les paysans,
du fait d'une cohésion sociale
et d'une maî-
trise foncière très grande
et surtout à cause de l'occupation
déjà très poussée de ces forêts
par les cultures.
Remarquons au passage que le code domanial ivoirien
n'est fondé sur aucun code foncier écrit.
Les lois sur le co-
de foncier n'ont jamais été promulguées.
L'évolution brutale du régime foncier est aujourd'hui
l'une des sources du malaise profond de l'espace rural.
Certes
les paysans du sud de la Côte d'Ivoire, à l'instar de ceux des
autres régions ont admis la notion de propriété privée.
Certes
les mentalités ont évolué au point que de nos jours on gère
"sa" terre comme on veut.
Mais c'est justement l'acceptation
de cette conception qui suscite de nos jours les conflits fon-
ciers susceptibles de troubler l'ordre social.
En effet,
les arbres fruitiers occupent pendant de
longues années la parcelle.
Le système de jachère qui régulait
l'espace de production,
ne peut plus s'appliquer.
Il faut cha-
que année défricher de nouvelles superficies.
L'accroissement
de la population aidant,
on assiste à un manque de terre;
cette situation crée un climat de tension parfois mal contrô-
lé,
aboutissant à des drames.
Nos enquêtes de terrain nous ont permis de cerner quel-
ques types de conflit.

- 270 -
- Nature et étendue des conflits fonciers
Face aux réticences des populations rurales,
le code fon-
cier ne fut
pas promulgué,
malgré des décrets d'application ul-
térieurs"
La déclaration du président fait force de l o i ;
il n'est
donc pas étonnant que son application soit l'objet d'interpré-
tations diverses,
chacun essayant d'en tirer profit.
Ainsi,
bien que les "forêts classées et les terres incultes soient du
domaine de l'Etat",
il n'est pas rare de voir des paysans s'y
installer.
De plus les chefs de terres ont continué d'exercer leur
emprise sur des terres jadis sous leur contrôle. De telles pra-
tiques sont à la base des conflits qu'on peut noter sur le
terrain.
al
Les conflits fonciers entre villageois autochtones
Ces conflits ont lieu sur des fronts pionniers et
sont les moins fréquents.
Ils portent sur une délimitation mal
acceptée et lorsqu'ils surviennent,
généralement les chefs po-
litiques traditionnels locaux arrivent à règler le différend
à
l'amiable.
En dehors des fronts pionniers d'autres conflits
peuvent naître des suites d'un héritage non entériné par les
notables. Ces cas concernent les difficultés qu'éprouvent cer-
tains jeunes à hériter de leur père.
Lorsque les fils veulent
le bien de leur père,
ils sont dépossédés par l'autorité tra-
ditionnelle qui veut appliquer les règles ancestrales de suc-
cession. Ces conflits sont les plus délicats et les morts sus-
pectes y trouvent leur origine. Comme tout conflit entre te-
nanwde la tradition et jeune génération,
ces différends se

-
271 -
règlent devant le sous-préfet de la localité,
mais comme on
s'en doute aucune partie ne veut accepter le tort.
Dans ce
cas,
la meilleure solution adoptée jusqu'alors a été le par-
tage du domaine,
b)
Les conflits fonciers entre tribus voisines
Ces exemples de conflits sont nombreux surtout en-
tre Attié d'Anyama et Ebrié de Bingerville.
L'exa-
men des plaintes déposées à la sous-préfecture d'Anyama fait
ressortir qu'il y a aussi des cas de conflit entre Adjoukrou
de
Guébo,
Bago,
Nonkouagon et Kossihouen et les Attié d'Attin-
guié,
M'Pody et M'Bonouan.
Le fleuve Agneby ne constituant
pas une frontière imperméable,
les deux tribus la franchissent
indifféremment et lorsque les fronts
pionniers se touchent,
il
s'en suit des querelles très vives entre paysans.
Il est regrettable que les frontières,somme toute
fictives,
soient ici la principale cause de ces genres de que-
relles,
La notion de frontière est toute récente,
et bien que
les populations sachent approximativement les limites de leurs
terroirs,
on s'aperçoit que les marches entre les finages ont
toujours fait l'objet d'une conquête.
Aujourd'hui,
on se re-
tranche derrière ces cloisons fictives de délimitation admi-
nistrative
; et il n'est pas exagéré de voir derrière ces con-
flits,
les intellectuels des localités concernées(l),
Pour ces conflits,
seule l'autorité administrative
et politique est habilitée à rendre un jugement.
Parmi les plaintes déposées dans les sous-préfectu-
res,
les plus nombreuses mettent en cause des allogènes confron-
tés à des autochtones;
(1)
Nous
ne
citerons
pas
nommément,
mais
des
cas
concrets
ont
été
évoqués
par
nos
informateurs.

-
272 -
c)
Les conflits fonciers entre allogènes et
autochtones
La situation foncière en Basse Côte est différente
de celle du Sud-Ouest et de l'Ouest du pays,
en ce sens qu'ici,
la dynamique de l'espace rurale a été,
en grande partie,
ani-
mée par les autochtones.
La cohésion du groupe et la forte
main-mise de l'autorité coutumière sur la terre,
ajoutées à des
règles strictes d'accès à la terre n'ont pas permis une instal-
lation massive des allogènes,
dans les premières années de dé-
veloppement des plantations.
Jusqu'en 1960-65, on ne rencon-
trait que quelques rares étrangers propriétaires terriens. Ces
derniers étaient le plus souvent des assimilés au groupe, après
de longs séjours soit comme métayers au début ou simples ma-
noeuvres.
Par la suite,
leurs hôtes leur avaient concédés des
parcelles devenues propriétés privées.
Parmis ces allogènes,
quelques Baoulé
(en pays Adjoukrou)
et quelques votaiques et
malinké.
Le Discours
du Président n'a certes pas provoqué
une ruée vers le sud des sans-terre,
mais il a eu le mérite de
permettre l'installation de quelques étrangers en Basse Côte,
Or,
nous l'avons déjà dit,
les terres ont été conquises très
tôt dans la région d'Abidjan.
On considère qu'à partir de 1970,
aucun arpent de terre n'existait comme terre vacante et sans
maître,
L'accès des nouveaux venus à la terre va donc se faire
de deux principales manières
:
- soit par achat direct de terre,
ou par hypothèque de planta-
tion suivi d'achat,
-
soit par location d'une portion de terre,
débouchant sur un
achat,
A ces deux méthodes d'accès à la terre,
on a pu
noter l'occupation clandestine objet de conflits d'une autre
nature,

-
273 -
1)
~~~~~~!_~~:~~!_~~_!~::~
bien que régulière,
l'acquisition
de la terre par achat direct n'est pas sans poser de problème.
En effet,
il arrive que la terre soit vendue par quelqu'un de
la famille qui revendique un supposé droit sur la parcelle.
Ces ventes sont par la suite déclarées nulles et non avenues,
suscitant des querelles entre le lignage entier et l'acquéreur,
le vendeurs'étant volatilisé pendant ce
temps.
Ces pratiques s'ap-
parentent à une vente illicite,
mais diffèrent de cette der-
nière,
par le fait qu'effectivement,
le vendeur était en par-
tie propriétaire du patrimoine commun qu'il essaie de vendre
pour retirer sa part.
Le côté illicite provenant du fait que
tous les concernés ne sont pas avisés.
La vente illicite au
contraire porte sur des parcelles sur lesquelles le vendeur
n'a aucun droit.
Dans les deux cas,
c'est à partir du moment où l'ache-
teur commence à mettre en valeur sa nouvelle propriété que les
membres du lignage s'a perçoivent de la vente.
Leur réaction est
sans appel
chasse l'acquéreur.
Comme on s'en doute,
ce der-
nier ne peut s'exécuter sans son argent.
Le lignage refuse de
payer,
estimant n'avoir pas été témoin de la transaction ni
perçu une partie du prix.
Lorsque les protagonistes campent
sur leur position respective,
tout dégénère en batailles, quel-
quefois sanglantes.
L'acquéreur dans certains cas abandonne la partie non
sans avoir intenté des procès infructueux.
Il trouve son sa-
lut - rarement - dans le remboursement de la valeur d'achat
pour cela il faut mettre la main sur le vendeur indélicat.
Ces conflits s'ajoutent à ceux relatifs à une reprise
d'hypothèque.
ç~~!!~!~_:~!~!~!~_~_~~~_:~e:~~~_~~~le~!~~9~~: ces conflits
sont certes rares,
mais des cas ont été signalés à la sous-
préfecture de Bingerville.
L' hypothèque forme de cessation temporaire d'un
bien contre de l'argent est souvent utilisé par le paysan pour

- 274 -
éponger une dette importante.
Mais très souvent,
au capital
emprunté viennent s'ajouter des intérêts usuriers qui alourdis-
sent la dette,
si bien que le paysan n'arrive pas à reprendre
sa plantation.
Non seulement le fruit récolté est empoché par
le prêteur,
mais il exige d'être remboursé jusqu'au dernier
sou.
Cette tactique est employée par de riches commerçants
étrangers au
village mais à qui leur long séjour dans le vil-
lage confère certains droits.
Si au bout de la date fixée,
le paysan ne paie pas sa
dette augmentée des intérêts,
l'acte passé entre les deux est
assimilé à une vente.
Mais tout se complique losqu'un des fils
ou un parent veut reprendre la
plantation et la terre après
le délai.
"L'acquéreur" estime qu'il a soigné la plantation et
que le prêt initial ne correspond plus à ce qu'on veut rembour-
ser.
De l'autre côté on estime que les bénéfices tirés des di-
verses récoltes compensent largement les intérêts.
Les conflits
armés ne sont pas absents dans le règlement de tels différends,
car le repreneur pense que c'est une façon rapide de se rendre
justice.
"L'acquéreur" de son côté sachant les prêts usuriers
interdits se refuse très souvent à s'en remettre à l'autorité
judiciaire moderne.
Dans le meilleur des cas,
l'affaire est
réglée à l'amiable dans le village,
au mieux des intérêts de
chacun.
A la sous-préfecture le jugement donné se réfère géné-
ralement au verdict des notables villageois,
dans le but de ne
pas envennimer le climat social.
La location suivie d'achat,
n'est pas très différente de la
forme précédente,
surtout dans les résultats.
C'est au niveau
de la méthode que réside la différence.
Ces pratiques ont généralement lieu entre un autoch-
tone et un étranger.
Et pourtant,
il existe des originaires du
village qui n'ont pas de terre.
Il semble qu'en louant une par-
tie de ses terres à l'allogène,
le paysan développe une straté-
gie d'occupation permanente de plusieurs dizaines d'hectares.
En effet,
lorsque le planteur s'attaque à un front pionnier
ou qu'il décide de revenir sur ses jachères,
il s'aperçoit

- 275 -
que la concurrence de parents ou de voisins du village peut le
bloquer dans sa progression.
Il décide alors de louer une par-
tie de ses terres à un étranger.
Dans l'esprit de nombre d'i-
voiriens et peut-être d'autres africains,
on ne peut pas être assi-
milé à part entière par l'ethnie hôte;
il faudra
un jour re-
partir chez soi,
ne serait-ce que pour aller mourir parmi les
siens.
Le paysan fait donc ce calcul en se disant qu'un jour
il récupérera sa terre.
Des difficultés financières peuvent
entre-temps le contraindre
à contracter une dette envers son
hôte qui accroît ainsi son importance auprès de la famille d'ac-
cueil.
Les conflits apparaissent quand par la suite,
les pa-
rents du bailleur (car la dette dans ce cas représente désor-
mais un droit de location,du moins dans l'esprit du prêteur)
veulent reprendre une partie ou la totalité dela terre,
Ici,
du fait des rapports étroits entre les protagonistes,
on abou-
tit rarement à des situations extrêmes.
d)
La situation particulière des zones rurales
péri-urbaines
Dans les villages situés dans la banlieue d'Abidjan,
les conflits foociers sont plus nombreux et les cas revêtent
également diverses formes.
Ici,
la progression rapide des vil-
les a suscité d'énormes apétits de la part des ruraux suburbains
qUl aliènent leur patrimoine le mleux qu'ils peuvent.
On préfè-
re vendre le lopin de terre plutôt que de se laisser déposséder
par l'Etat pour "cause d'utilité publique" assortie de maigres
dédommagements.
Les conflits naissent des suites d'escroqueries,
comme c'est souvent le cas
il y a en effet de nombreux cas
de vente de terre par des non propriétaires ou tout simplement
le vrai propriétaire,
tenté par les offres toujours importan-
tes les unes que les autres,
vend à plusieurs personnes la

-
276 -
même parcelle.
Comme on le voit ici le principal fautif est le
vendeur.
Règler de tels différends est difficile,
car le ven-
deur dans la majorité des cas disparaît dans la nature,
Ou
lorsqu'il est retrouvé,
il n'est plus solvable.
Si l'acte de
vente a été légalisé,
l'affaire est portée en justice.
Dans
tous les autres cas ceux qui ont été "roulés"
doivent se con-
tenter d'une promesse de remboursement.
e)
les occupations clandestines
Elles sont rares.
Dans la réalité,
le "clandestin"
bénéficie toujours d'une complicité dans la famille proprié-
taire de la parcelle.
Néanmoins l'occupation clandestine peut
concerner aussi les forêts classées ou attribuées à des orga-
nismes d'Etat
(voir sous chapitre suivant)
ce sont d'ailleurs
les cas les plus fréquents d'occupation clandestine.
Lorsque le clandestin est découvert,
généralement on
le laisse cultiver car on n'a jamais procédé à l'arrachage des
cultures.
Que l'on soit sur les terres villageoises ou sur cel-
les d'un organisme privé ou d'Etat,
on préfère éviter l'affron-
tement et l'on donne un délai à l'occupant qui doit "légaliser"
l'occupation.
Sur des terres villageoises,
la légalisation se ré-
sume au paiement rituel des poulets,
du Gin et autres boissons
traditionnellement offertes pour s'installer sur la terre d'au-
trui.
Sur les terres d'Etat ou d'organismes privés,
il y
a une cession définitive de la parcelle au clandestin,
sans
contrepartie du fait que ces parcelles n'ont pas été payées
par les propriétaires.
C'est ce qui oblige d'ailleurs ces der-
niers à une surveillance accrue de leur propriété.
Malgré cet-
te vigilance,
les infiltrations sont nombreuses
(cf.
page sui-
vante) .

- 277 -
En résumé,
les difficultés foncières revêtent une im-
portance capitale pour un espace qui,
bien que fortement urba-
nisé,
comporte encore plus de 80 % d'agriculteurs autochtones,
donc de potentiels ayant droit à la terre.
Malgré la multipli-
cité des cas de conflits,
on peut voir dans la région abidja-
naise des allochtones et des allogènes propriétaires de vastes
portions de terres
(cf.
cartes sur l'occupation différente de
e
l'espace -
2
partie).
Il était toutefois plus important d'in-
sister sur les problèmes fonciers actuels;
l'accroissement de
la population et le développement spectaculaire des villes et
principalement d'Abidjan et de ses banlieues,
risquent d'ag-
graver une situation qUl a atteint le seuil critique par en-
droit.
Des solutions adéquates doivent être apportées.
Nous
pensons qu'elles doivent être recherchées à travers un cadas-
tre jusqu'alors inexistant en milieu rural.
En milieu traditionnel,
on a vu que les conflits fon-
ciers étaient rares.
Lorsque,
malgré la vigilance des chefs de
terre,
des conflits survenaient,
on les règlait à l'amiable.
Dès l'instant où est apparu le droit moderne,
les choses ont
changé.
La lenteur des procédures judiciaires,
la contradic-
tion flagrante 8ntre certains points des droits modernes et
coutumiers ont abouti à des règlements de compte déplorables.
Même lorsque l'affaire est portée en justice,
on assiste à des
refus de tort et de versement des amendes.
Tout cela n'est
guère de nature à favoriser
un climat social déjà entamé.
Aujourd!hui,
en Basse Côte,
le
principal motif de
plainte des paysans est le manque de terre.
En fait,
la nature
des sols a dicté une concentration des plantations
cette con-
centration a été accentuée par la réorganisation de l'espace
agricole,
autour des unités industrielles de prétraitement des
récoltes.
Ainsi,
lorsque le recensement agricole révèle qu'au
sud chaque paysan disposait de 3,14 ha et que seulement 1,52 ha
ont été mis en valeur,
on ignore toutes les autres contraintes

-
278
-
qui font que tout l'espace n'a pas la même valeur agro-pédolo-
gique.
D'autre part,
le paysan est victime des ventes de
terre qui se sont multipliées ces dernières années.
L'endette-
ment incontrôlé ou inévitalbe,
le goût de paraître et la mau-
vaise gestion de sa propriété ont poussé le paysan à dilapi-
der en partie le principal capital de production.
La solution
pour les paysans réside dans la conquête de terres jusque-là
jugées incultes;
mais cela exige de nombreux moyens,
entre
autres,
techniques et financiers.
Y parviendront-ils,
lors-
qu'on sait que justement la seconde série de difficultés qu'é-
prouvent les paysans est issue de leur inadaptation aux nou-
velles méthodes culturales ?
B - L'INADAPTATION DES PAYSANS AUX NOUVELLES CONDITIONS
DE PRODUCTION
Les résultats analysés au chapitre V ne doivent pas
cacher les difficultés des paysans de suivre les nouvelles mé-
thodes d'exploitation de la terre.
Ces difficultés se manifes-
tent par
- Le retard de la motorisation

essentiellement aux fai-
bles moyens financiers et
au faible niveau technologique des
paysans en majorité analphabètes.
- Des modes de gestion des plantations inadaptés à une
économie de marché.
1 -
LE RETARD DE LA MECANISATION
Afin de rendre moins pénible les travaux champêtres,
le gouvernement a créé la MOTORAGRI
(Motorisation de l'Agricul-
ture) dont le but initial était de pourvoir les paysans en

-
279 -
petits matériels autotractés.
Ainsi une gamme de petits appa-
reils et machines ont été mis en vente,
tels des faucilles mé-
caniques assez longues pour la coupe des régimes,
des appareils
d'épandage de pesticides et d'engrais,
de petits tracteurs et
des charrues motorisées pour la culture bananière et de l'ana-
nas.
Malheureusement,
on constate que deux décennies
après,
les résultats escomptés sont loin d'être atteints.
Cet-
te situation proviendrait de deux causes essentieles
: le fai-
ble niveau technologique des paysans et la faiblesse des mo-
yens financiers.
Au plan technologique,
grâce à l'encadrement dis-
pensé par la SATMACI
(Société d'Assistance Technique et de la
Modernisation de l'Agriculture),
les paysans ont appris à se
servir du matériel motorisé de base.
Ainsi l'épandage d'insec-
ticideset autres produits de traitement phyto-sanitaire ne re-
quiert
plus la présence des agents de l'Etat.
Cependant des
lacunes subsistent dans l'emploi de matériel,
fut-il légère-
ment sophistiqué.
Les pannes fréquentes
bloquent également
l'avance des travaux.
Dès que le matériel paraît un peu com-
pliqué d'usage,
le paysan préfère se servir de ses outils tra-
ditionnels à l'efficacité réduite.
Au plan financier,
l'analyse des revenus du paysan
a montré que rares sont les paysans qui se tirent d'affaire.
En fait si de nombreux paysans ont pu s'installer ce fut grâ-
ce aux différentes aides en nature et en espèces
(cf.
chapitre
IV)
accordées par l'Etat.
Les coûts d'exploitation actuels
laissent très peu de marges bénéficiaires,
et il est impossi-
ble dans ce cas de penser à l'achat de matériel moderne;
étant donné les prix quelquefois dissuasifs de ces appareils,
on peut se permettre de penser qu'ils sont réservés à une éli-
te de gros planteurs.
Ce tableau quelque peu sombre ne doit pas non plus

- 280 -
laisser ignorer que malgré tout,
il y a un début de motorisa-
tion.
Certes,
le paysan ivoirien de la Basse Côte est encore
loin du "farmer"
américain,
ou du fermier français et anglais,
mais des espoirs sont permis.
L'arrivée des jeunes générations
de planteurs étant passés par l'école pourra relever le niveau
technologique en milieu rural.
De l'autre côté,
les prêts de
la BNDA qui devraient s'intensifier pourraient aider les pay-
sans à s'équiper.
Cela est à souhaiter car le devenir de l'a-
griculture ivoirienne en dépend
: à un certain stade de déve-
loppement économique,
l'activité agricole ne peut plus se suf-
fire du seul travail manuel qui exclut la rentabilité et la
mutation de la société agricole en une société industrielle ou
même préindustrielle à fortiori post-industrielle.
Outre ces problèmes de reconversion technologique,
le paysan doit faire face aux nouvelles méthodes de gestion.
2 - LE PAYSAN GERE MAL SON EXPLOITATION
Si l'on s'en tient à la définition généralement don-
née de la plantation,
celle-ci doit être assimilée à une entre-
prise industrielle.
Comme telle,
elle doit être gérée suivant des nor-
mes spécifiques avec pour principal objectif,
la rentabilité.
Or on a constaté que le paysan n'avait pas réussi à séparer
la gestion d'une plantation de celle de ses autres activités.
Pire,
la gestion des fruits de son travail constitue un sujet
de préoccupation.
D'abord au niveau du recrutement de la main d'oeu-
vre,
on s'est rendu compte que dans la peur d'une pénurie de
manoeuvres,
le paysan recrute les salariés sans forcément éta-
blir des relations entre la superficie et le nombre de ceux-ci.
Pour notre part,
nous avons remarqué une certaine
fierté du paysan à compter le nombre de ses manoeuvres.
Il n'est

-
281 -
d'ailleurs pas rare de voir que les ruraux jugent

tort ou
à raison ?)
la richesse du paysan par le nombre de personnes
travaillant sur ses plantations.
Ainsi à la SAPH et à la SODEPALM,
on emploie géné-
ralement un ouvrier pour 2 ha de culture - chez certains pay-
sans,
on rencontre un ouvrier par hectare- chez d'autres,
deux
manoeuvres se chargent de récolter le seul hectare.
Cette situation semble trouver une explication pro-
fonde dans la génèse des plantations
: le colon a fait travail-
ler des autochtones,
avec ce que cela comportait de sentiment
de supériorité surIes employés.
Le paysan aujourd'hui tire une
certaine satisfaction de voir des bras à son service.
Il est
tout de même regrettable qu'on se prive ainsi d'une partie de son
labeur pour la seule satisfaction de paraître.
Fort heureuse-
ment tous les paysans n'ont pas cette gestion désastreuse de
leur propriété.
Le vrai pouvoir de domination appartien à ceux
qui ont travaillé effectivement et dans la sérénité.
La consé-
quence directe des recrutements irrationnels est l'appauvris-
sement du paysan qui se voit obligé de concéder plus des deux
tiers de sa récolte à ses manoeuvres.
Dès l'instant où les mar-
ges bénéficiaires ne sont pas suffisantes,
le réinvestissement
n'est plus possible.
L'agrandissement de la propriété engendre
des dettes.
D'ailleurs,
comme cela a été dit plus haut,
les
postes de dépense prévoient peu de place au réinvestissement.
Les dépenses somptuaires lors des funérailles englobent l'es-
sentiel des bénéfices.
Outre ces difficultés dont les solutions dépendent
en grande partie des paysans eux-mêmes,
d'autres problèmes me-
nacent le bon déroulement de l'activité agricole,
nous les
avons regroupés au sein des hiatus de l'encadrement de l'espa-
ce rural.
Parmi ceux-ci
- l'inadéquation entre les maillages politiques tradition-
nel et moderne,

- 282 -
- la fréquence de changements des structures des SODE
- la concurrence ruineuse au recrutement de la main d'oeu-
vre entre les groupes d'intérêts publics et privés et
- le rôle d'une Banque de Développement Agricole contro-
versée
(BNDA).
3 - L'INADEQUATION ENTRE LE MAILLAGE POLITIQUE TRADITION-
NEL ET LE MAILLAGE POLITIQUE MODERNE DE L'ESPACE RURAL
Le chapitre sur l'organisation de l'espace nous
a permis de comprendre la structuration politique de l'espace
actuel.
Cette structuration,
fondée sur la notion de village
centre,
a été réalisée à partir de l'importance économique de
quelques villages ou tout simplement à partir du nombre d'ha-
bitants de la localité.
Elle ne tient donc pas compte ni des
données ethna-politiques,
ni d'un schéma rationnel de
polari-
sation de l'espace,
ni enfin des conflits divers existant en-
tre villages voisins.
Pour illustrer cela nous avons choisi
d'étudier l'exemple de Dabou,
à
travers une carte.
Au plan ethna-politique,
deux confédérations ethni-
ques toutes deux Adjoukrouï
se partagent la sous-préfecture de
Dabou, figurées en deux noyaux de textures différentes).
La confédération Bouboury,
la plus importante numé-
riquement est d'un seul tenant.
les Dibmein sont scindés en
trois. Cette dispersion aurait pour cause des conflits entre
membres de même
famille;
pour éviter des drames,
les hommes
en situation de faiblesse ont préféré l'exil d'où ils ont fon-
dé des villages rattachés au village initial.
La carte comporte deux types de flux
(flèches)
re-
présentant les liaisons entre les villages. Au niveau tradi-
tionnel,
ce sont des rapports de suzeraineté entre les villa-
ges centres de la tribu et ceux
n'ayant aucun rôle politique. Le

- 283 -
village centre de la confédération coiffe l'ensemble.
La structuration moderne quant à elle,
a créé douze
villages centres.
L'intérêt de la carte réside dans la corres-
pondance ou non des flèches d'une part et d'autre part des vil-
lages centres traditionnels et des villages centres modernes.
Seuls cinq villages cumulent les deux fonctions de
villages centres traditionnels et modernes,
(en comptant Bou-
boury).
Débrimou perd son rôle dansla structuration moderne.
Par ailleurs,
les liaisons traditionnelles entre villages sont
totalement bouleversées sur la nouvelle structuration,
Les conséquences au niveau des rapports entre l'hom-
me et son espace sont énormes.
L'ancienne structuration était
fondée sur l'appartenance au groupe et sur la prédominance po-
litique d'un village sur l'autre.
Or on a créé de toutes piè-
ces des villages -
centres
économique qui n'ont rien à voir
avec le sens des relations antérieures.
Il y a donc un blocage
mental pour les paysans qui n'utilisent pas pleinement les struc-
tures mises à leur disposition.
Des cas de conflit sont nés,
surtout aux dernières municipalités
le maire élu était de
Dabou
les gens de Débrimou
(qui ont créé Dabou)
estiment que
s ' i l doit y avoir un maire,
il ne peut s'agir que d'un authen-
tique fils
de Débrimou.
Les élections ont été annulées,
mais
de nouveau perdues,
On voit déjà les problèmes qui en décou-
lent:
refus de reconnaître l'autorité du maire élu,
sectaris-
me vis-à-vis de ceux qu'on soupçonne être du clan opposé etc ...
Si nous avons cité le cas de Dabou,
c'est parce
qu'il est le mieux connu de nous,
Cet exemple,
loin de consti-
tuer un cas
unique peut être étendu à Anyama et Bingerville,
(cf,
Chapitre sur l'organisation de l'espace).
Cette analyse spatiale est nécessaire,
si l'on veut
éviter les interférences entre les structures ancestrales en-
core vivaces et les structures modernes interférences cClRduis-aht parfois
à une inertie de l'espace,

-<STRUCTURATIONS. PouTIOUES
TRADITIONNELLE
ET
ADJOUKROU.
rattachement poli-
tique traditionnel
rattachement strue
_ _.~ turel et politique
moderne
l'Imite de commune
.-
confédération des
O
. ··
. . BOUBOURY
.....
...... confédératio n des
[. 3
..... DIBMEIN
IDEBRIMOU 1 village .c~ef-lieu
de confederation

village centre
traditionnel
o village centre
moderne

village cumulant les
deux fonctions
q
1
?KM
• village rattachlt
sources
enquêtes personnelles
et DDR

-
284 -
4 - LA FREQUENCE DE CHANGEMENTS DE STRUCTURES
AU NIVEAU DES SODE
Entre 1963 et 1973,
outre la SATMACI
(1958),
l'Etat
a créé 8 SODE, Si cette prolifération de SODE s'est avérée bé-
néfique au début, elle se révéla par la suite nocive,
comme
le faisait remarquer A.
Souvadogo(l)"le~ action~ de~ Sociltl~
d'Etat ~ecto~ielle~ ont 6ini pa~ ~e ~ecoupe~... le pay~an[ ... )
ne ~ait plu~ quelle~ ~i~lne~ lcoute~ .. . "
Le paysan est pris dans la tourmente et veut s'essa-
yer à toutes les cultures.
Finalement,
on à l'impression que
les paysans ne comprennent pas trop ce qu'on attend d'eux.
La
très forte sollicitation a fait d'eux des acteurs passifs,
à
qui on impose une volonté extérieure.
Les dirigeants du pays
s'étant aperçus du rôle peu efficace de certaines de ces SODE
en ont dissout une bonne partie,
et restructuré cell~ qui ont
survécu à la grande purge de 1977 et 1979.
C'est justement en voulant restructurer ces SODE,
que les problèmes les plus délicats sont nés.
Ainsi aujourd'hui
trois SODE seulement s'occupent de l'encadrement du dévelop-
pement en milieu rural
: la ClOT
(Compagnie Ivoirienne de Déve-
loppement du Textile),
la SATMACI et la SODEPALM,
La ClOT,
issue de l'ex-Compagnie Française de Déve-
loppement du Textile (CFDT),
est cantonnée dans le nord du
pays et sur une partie du centre où elle est chargée, en plus
de son rôle initial, d'assurer toute la politique de dévelop-
pement agricole - surtout de cultures vivrières.
Elle a pour
mission de transformer les structures de production et faire
des cultures vivrières du nord, des cultures de rente,
Nous
ne voulons pas présumer de ses forces,
mais le travail entre-
pris est déjà encourageant,
En revanche la SEDEPALM,
chargée
de conduire le développement de la zone forestière doit faire
face à de nombreux obstacles liés à son rôle d'antan.
(1)
BAGE
nO
415-416
-
Mars-Avril
1974.

-
285
-
En effet,
la
SODEPALM n'a pas la même histoire que
la ClDT.
Créée en 1963 pour suivre et conduire le plan palmier,
la SODEPALM avait mis sur pied la stratégie d'encadrement du
monde rural associé au
plan palmier à l'huile.
Elle avait el-
le-même créé de nombreuses plantations,
Des difficultés de ges-
tion l'ont obligée en 1980,
à céder son rôle à PALMlNDUSTRlE
qui jusque-là n'était responsable que des usines de traitement
de la récolte.
PALMlNDUSTRlE s'est associée à UNlPLAN qui regrou-
pe trois filiales:
la SODECl,
SOCFlN et TERRES ROUGES,
pour gé-
rer les plantations et les infrastructures mises en place par
SODEPALM.
La SODEPALM doit se contenter d'encadrer sur le plan
purement technique,
les paysans villageois.
Ceci change les habitudes des paysans,
et surtout
les relations étroites entre les producteurs ruraux et les deux
principales SODE:
ainsi pour la collecte des récoltes,
les
paysans ont encore le réflexe de s'adresser à la SODEPALM,
et
en cas de retard et de pourrissement des graines,
le paysan ac-
cuse l'ancienne responsable de cette tâche.
La nouvelle méthode
de paiement de la récolte ne satisfait pas non plus les paysans
auparavant,
toute récolte
collectée était payée séance tenan-
te.
Les paysans ont ain~i pris l'habitude de
livrer quelques
régimes le plus rapidement qu'exige un besoin urgent d'argent,
sûrs d'être rétribués;
or,
la PALMlNDUSTRlE qui n'est pas une
entreprise de philanthropie,
préfère totaliser les récoltes et
payer à la fin du mois au cours duquel la récolte a été livrée.
Les paysans admettent mal cette nouvelle situation.
D'aucuns
accusent la SODEPALM de les avoir lâchés,
d'autres dépités se
sont carrément détournés de la culture du palmier.
Le pire est
que la rigoureuse gestion de PALMlNDUSTRlE ne permet pas le
payement des récoltes non collectées,
même en cas de panne de
ses camions ayant occasionné cette perte,
alors qu'auparavant
la SODEPALM faisait une estimation des pertes qui lui étaient
imputables et les payait.
De plus,
l'infrastructure routière
indispensable à la culture du palmier,
a été confiée à la
MOTORAGRl à qui le programme de confection de piste très chargé

-
286 -
ne permet pas une 'intervention dans le temps souhaité.
Les plan-
teurs sont alors désorientés,
des plantations entières sont
enclavées puis abandonnées.
Comme on le voit,
les changements de structures,
loin de favoriser le fonctionnement de l'espace rural
(en fait
est-ce l'objectif visé ?)
ont plutôt fait naître un climat de
suspicion entre les paysans et la SOOEPALM,
on peut se deman-
der comment cette SODE pourra se faire admettre par des pay-
sans qui l'accablent de tous les maux.
Par ailleurs l'objectif de rentabilité assigné aux
SODE et autres Sociétés agricoles est devenu préjudiciable aux
bonnes relations entre paysans et organismes d'encadrement,
en
témoignent les luttes très inégales pour le recrutement de la
main d'oeuvre entre planteurs villageois et EAI
(Ensembles
Agro-Industriels).
5 - PORTEE DE LA CONCURRENCE POUR LA t-1AIN D'OEUVRE
ENTRE LES EAI ET LES PLANTEURS VILLAGEOIS
Le recensement agricole de 1974 révèle que les po-
pulations rurales autochtones du sud et du sud-est,
sont par-
mi les plus vielles du pays
; plus de 60 % des ruraux ont plus
de 45 ans,
et 45 à 50 % d'entre eux ont atteint la soixantai-
ne dans un pays où l'espérance de vie atteint à peine 58 ans.
Cette tendance a pu s'accentuer entre la date du recensement
et 1985, en regard du gonflement des villes,
principales des-
tinations des jeunes ruraux.
Outre les causes déjà avancées,
les jeunes partent
très souvent du village parce qu'ils sont dépités par la pé-
nibilité du travail champêtre à 90 % manuel,
alors qu'ils
sont très peu rétribués,
En effet,
nous avons rencontré des
jeunes ruraux qui ont dit être prêts à partir pour la ville
le motif était assez solide:
d'après ces jeunes,
après la

-
287 -
récolte,
le "vieux"
(entendons le chef de ménage)
garde pour
lui seul l'argent de la plantation et ne pourvoit qu'aux dé-
penses les plus pressantes.
Il ne donne pas d'argent de poche.
En fait le jeune africain n'acquiert sa majorité - donc son
indépendance économique -
qu'une fois marié.
Autres causes de départs,
la surcharge démographique,
les faibles bénéfices procurés par les plantations et le fort
taux de rejet du système éducatif.
Ces problèmes ont été lar-
gement traités ailleurs,
nous n'insistons donc que sur les ré-
sultats.
Le monde rural est confronté au crucial problème de
main d'oeuvre.
L'agriculture de spéculation,
l'avons-nous dit,
est grande consommatrice de main d'oeuvre.
Or les départs des
autochtones font que la
pénurie de bras est quasi chronique.
Une concurrence ruineuse s'est engagée entre les planteurs vil-
lageois et les organismes intervenant dans le même espace.
Les
bénéficiaires sont ceux qui veulent bien allouer leur force de
travail
ils jouent le jeu et font monter le prix de la main
d'oeuvre.
Ainsi on estime qu'en 1981 le coût de la main d'oeu-
vre revenait à 386 F(l) /jour sur une plantation industrielle.
En plantation villageoise,
ce coût était nettement plus élevé
et avoisine le double: 555 F/jour en moyennes et plus de 600 F
par endroit.
Le coût très élevé de la main d'oeuvre grève les
budgets du paysan.
Pire,
quelquefois,
on assiste à une inver-
sion des rapports de force
: le manoeuvre est plus riche que
le patron,
du fait que nourri et logé,
il n'a aucune charge
d'entretien et tout son salaire est conservé puis prêté à des
taux usuriers,
parfois à l'ex-patron.
Des cas ont été rencon-
trés où ne pouvant plus payer ses dettes,
le patron vend une
partie ou toute une plantation à son créancier.
Quant aux EAI,
les problèmes se posent autrement
nous les verrons en détail.
(1)
Non
compris
les
dépenses
de
charges
sociales.

- 288 -
Les SOOE prévues pour aider à l'intégration des
paysans dans un système de production de marché sont devenues
de réels concurrents aussi bien pour le foncier que pour le re-
crutement de la main d'oeuvre.
Des solutions doivent être trou-
vées car jusqu'ici le bilan n'a été établi qu'uniquement du
côté des paysans.
Mais cette concurrence pourrait bien être no-
cive pour les EAI.
Enfin,
le dernier problème auquel ont à faire face
les pays~ns c'est la difficulté d'accès au crédit de la BNDA.
6 -
LA BNDA,
UN ROLE CONTROVERSE
En 1983,
le Ministre de l'Agriculture déclarait
"la BNVA dev~a lt~e demain plU6 qu'aujou~d'hui, la banque de6
planteu~6, de6 G.V.C.
et de6
PME".
Cette déclaration en dit
long sur le rôle joué jusque-là par cette banque qui s'est dé-
tournée de son principal objectif.
C'est que la BNDA,
établis-
sement financier se doit de rapporter de l'argent à ses action-
naires
; or jusqu'aujourd'hui,
la plupart des paysans n'ont
pas été réguliers dans le versement des traites des prêts qui
leur ont été consentis.
La banque s'est vu obligée d'exiger
des garanties de remboursement qui ont rendu difficile l'accès
au crédit.
Rares sont les paysans qui satisfont les nouvelles
conditions,
de sorte que le rôle de la banque s'est considéra-
blement amoindri
; les relations entre le petit paysan et le
fianancement bancaire se résument au prêt de soudure,
sorte
d'aide accordée aux parents d'élève entre Août et septembre,
afin qu'ils puissent assurer la rentrée scolaire ou pour sub-
venir à leurs besoins entre deux récoltes,
moment critique où
la nourriture manque généralement.
L'appellation même de ce prêt révèle l'impossibili-
té des petits paysans de joindre les deux bouts.
Les bénéfices

- 289 -
procurés par les plantations n'arrivent pas à couvrir les be-
soins de la famille.
La modicité des prêts
( 10 000 CFA/ha
d'exploitation en moyenne)
et les intérêts élevés
(environ 12 à 15 % d'intérêt pour un prêt sur
3 à 5 mois),
suscitent des questions sur le bien fondé de la
BNDA et de ses prêts de soudure.
Ne pourrait-on pas faire des prêts plus importants
qui permettraient au petit paysan de refaire son retard par
un réinvestissement,
plutôt que de lui accorder des aides
ponctuelles vite dépensées? D'aucuns prétendent que ce serait
un cercle vicieux dans lequel la BNDA serait perdante du fait
que tous les paysans n'investiraient pas.
D'autres au contrai-
re pensent qu'un prêt sur une longue période à des taux diffé-
rentiels peut sérieusement aider le paysannat.
Entre les béné-
fices
immédiats et une aide - somme toute salutaire,
eu égard
au rôle des paysans -
l'on doit opérer un choix.
Nous penchons
pour l'aide aux planteurs ruraux·
Le niveau de développement actuel ne doit
pas cacher les difficultés du monde paysan.
Ces difficultés ris-
quent de s'aggraver avec le temps, étant donné que les SODES et les
groupes d'intérêts privés chargés d'encadrer ces paysans sont
eux-mêmes confrontés à diverses difficultés.
Certes,
l'économie de plantation a permis aux pay-
sans d'avoir accès à l'économie de consommation,
mais elle a
introduit la notion d'inégalité entre les niveaux de vie,
en-
traînant le bouleversement des sociétés lagunaires.
C
-
LES NOUVEAUX TYPES DE RAPPORTS HUMAINS ETABLIS PAR
L'ECONOMIE DE MARCHE
Les avantages matériels,
procurés à certains paysans
par l'agriculture d'exportation,
ont contribué au bouleversement
des rapports de force sociaux et politiques et à la dégradation

- 290 -
de certaines valeurs culturelles des populations de la Basse
Côte,
avec notamment
* l'apparition d'une nouvelle bourgeoisie terrienne,
* la destructuration de l'ancienne hiérarchie sociale,
* la dislocation de la famille large,
* et l'absorption des valeurs culturelles traditionnelles par
un nouveau mode de vie.
1 -
L'apparition d'une nouvelle bourgeoisie terrienne
Le développement des plantations eut pour conséquen-
ce l'appropriation privée de la terre,
dans des sociétés où la
notion de droit privé sur la terre n'existait pas.
Grâce au tra-
vail acharnés des uns, à la motivation et à la diversification
des objectifs des autres,
un clivage net est apparu entre les
ruraux:
les uns s'étant constitué de grands domaines,
d'autres
au contraire n'ayant que de petites parcelles propres à recevoir
des cultures vivrières.
Une analyse du nouveau cadastre permet
d'identifier les nouveaux maîtres de la terre.
En effet,
tous les ruraux n'ont pas été réceptifs
aux cultures d'exploitation.
On remarquera que l'ancienne aris-
tocratie terrienne,
c'est à dire les anciens maîtres de terres
ont été les adversaires les plus acharnés contre les plantations.
Les hommes issus de milieux modestes et les esclaves qui avaient
vu dans ces nouvelles cultures,
une occasion soit de s'affirmer
ou de s'affranchir par l'argent des plantations,
furent les plus
ouverts à l'innovation.
A ceux-là on peut ajouter une fraction
d'anciens commis des maisons de commerce européennes qui choi-
sirent de retourner à la terre.
Leur travail leur permit de
s'accaparer les terres qui échappaient au contrôle des chefs
coutumiers et de se constituer les plus vastes domaines.
La pression démographique et la dégradation progres-
sive des terres coutumières
(les plus proches des villages)
ai-
dant,
les anciens chefs de terre se sont retrouvés avec des

- 291 -
terres
usées,
inaptes à l'agriculture d'exportation.
Pour
eux,
toute possibllité d'avoir des cultures de rente consiste
désormais à migrer ou à se mettre au service de la nouvelle
bourgeoisie terrienne.
Certains anciens maîtres terriens ont
réussi à se constituer des réserves de forêt,
mais leur nombre
n'atteint pas celui des "métayers"
d'hier.
Il a été montré plus haut le rôle de la terre dans
la vie politique,
religieuse,
sociale et économique des sociétés
lagunaires.
A partir du moment où ce capital de production subit
un bouleversement,
c'est toute la société qui est concernée. Les
terres ligna gères continuent d'exister,
mais leur rôle économi-
que ayant décru,
seules les nouvelles terres,
en majorité con-
quises par des hommes n'appartenant pas à l'ancienne aristocra-
tie,
vont dicter les nouveaux rapports sociaux.
2 - La destructuration de l'ancienne hiérarchie sociale
La hiérarchie sociale Akan,
(voir chapitre II) repose
sur trois critères:
la naissance,
la richesse et l'age;
les
deux premiers critères étant en fait liés,
car seuls les nobles
possédaient la terre et avaient le droit de posséder de l'or.
Le critère de l'age n'aidait qu'à la conquête du pouvoir.
En
changeant de mains,
l'argent impose une nouvelle hiérarchie sociale.
Désormais,
la naissance joue un rôle sinple-
ment
symbolique.
Dans les assemblées,
on continue certes de por-
ter ses titres de noblesse,
mais les décisions sont prises par
ceux qui ont de l'argent.
Ces nouveaux riches issus des classes
sociales autres que celle des nobles,
sont devenus les vrais
dirigeants de la société.
Ils possèdent de nos jours les plus
belles habitations du village.
Ce sont eux qui ont le pouvoir
politique:
certains sont chefs de villages,
secrétaires géné-
raux du PDCI
(Partie Démocratique de la Côte d'Ivoire)
parti
unique du pays,
au sein duquel ils peuvent accroître leur pou-
voir local sur les populations du village.
On note cependant
que la majorité des chefs de village sont des membres de l'an-

-
292 -
cienne noblesse
mais leur pouvoir n'est pas symbolique. Ils
sont obligés de composer avec la bourgeoisie paysanne.
Ces nou-
veaux riches constituent l'âme de la vie économique:
ce sont
eux qui financent les travaux d'équipement du village,
quitte
à
se faire rembourser par la suite.
Ils siègent de ce fait au
conseil de sous-préfecture et leur soutien est demandé par le
sous-préfet dans les divers projets d'équipement rural.
L'économie de plantation est en fait une entreprise,
elle doit être gérée suivant des normes rigoureuses,
pas tou-
jours compatibles avec la vie communautaire.
C'est ce qUl a
entraîné la dislocation de la famille lignagère.
3 - La dislocation de la famille nucléaire
Outre la tribu,
la cellule politique la plus dynami-
que était le lignage,
famille large qui incluait tous les mem-
bres capables d'établir entre
eux
des liens de parentée
à partir d'un ancêtre commun.
Il semble aujourd'hui que l'éco-
nomie monétaire
a
introduit l'individualisme dans les rapports.
En effet la solidarité de naguère ne s'observe plus qu'épisodi-
quement,
à
l'occasion soit de naissance,
de mort ou d'autres
malheurs. On ne donne plus d'assistance suivie à ceux qui en ont
besoin.
Les lotissements privés opérés dans de nombreux vil-
lages renforcent
ce glissement vers l'individualisme.
Les mem-
bres d'une même famille lignagère ne sont plus obligés d'habi-
ter le même quartier comme avant,
à
fortiori habiter sous le mê-
me toit.
La famille tend à se réduire à la famille européenne :
le père, la mère et les enfants en bas âge.
Les visites de pa-
rents sont ressenties comme une intrusion et ce sentiment se
développe de plus en plus et principalement chez les citadins.
Le paysan est en train de vivre une mutation douloureuse,
contre
laquelle il ne peut rien,
car imposée par l'économie monétaire

- 293 -
et la mutation générale du pays.
Désormais,
les institutions
juridiques traditionnelles sont coiffées par celles de l'Etat
ivoirien.
Des conflits qui auraient pu trouver une issue à l'a-
miable au village,
sont portés devant la juridiction moderne.
Cette intrusion de la vie moderne dans la vie traditionnelle
contribue à la dégradation des valeurs culturelles et morales
des sociétés lagunaires.
4 - La dégradation des valeurs culturelles et morales
traditionnelles
La monnaie permet l'ouverture sur d'autres horizons
et une rapide intégration de l'homme dans la société de consom-
mation avec tout ce que ce terme comporte de positif et aussi de
négatif.
Autrefois l'intégration du jeune la9unaire parmi les
adultes se faisait par étapes succéssives;
aujourd'hui,
tout
cela tend à disparaître.
Le rôle des classes d'âge s'est amoin-
dri.
L' in st i tut ion e Il e - mê me est de ven ue s ymbol i que.
La
f ê t e
annuelle
d'initiation
est
en voie de devenir un folklore,
c'est-à-dire qu'elle ne régit plus la vie des populations.
Aus-
si c'est avec une âme de touristes que les intellectuels se ren-
dent annuellement au village pour participer aux diverses mani-
festations.
Ailleurs où les institutions ont continué à jouer
pleinement leur rôle,
les chefs de village sont encore choisis
parmi les classes d'âge devant règner ; mais souvent celui qu'on
choisit vit en ville.
Il est difficile de gouverner un village
quand on habite en permanence la ville et qu'on y travaille.
Les sociétés rurales lagunaires sont aujourd'hui bal-
lotées entre un passé en voie de perte et un modernisme mal assi-
milé.
Ce n'est pas l'acquisition massive de postes de radio et
de télévision,
diffusant en majorité des programmes occidentaux,
qui pourront redresser la situation.
Si autrefois on dansait au
rythme du tam-tam,
aujourd'hui,
c'est la chaîne Hi-Fi qui a rem-
placé le tam-tam dans la plupart des manifestations.

-
294 -
La menace qui pèse sur les valeurs culturelles
s'étend également aux valeurs morales.
Dans ce contexte écono-
mique,
les voleurs ont afflué vers les zones de production,
ve-
nus de
divers horizons.
Localement,
les vendeurs de faux ti-
tres fonciers se sont multipliés,
tandis que les usuriers de
tous bords dépossèdent de petits paysans de leurs propriétés.
Dans une famille,
les héritages sont devenus des
sources de conflits dont l'issue est la mort par empoisonnement
déguiséeen châtiment des forces surnaturelles.
ce phénomène s'est
accru avec les nouveaux modes de succession en vigueur
( voir
chapitre VII).
La proximité des villes a joué également un rôle
dans la dépravation des moeurs,
avec l'apparition d'une prosti-
tution en milieu semi-urbain.
Le mariage n'est plus considéré
avec les mêmes égards,
le choix d'un mari n'obéit plus forcément
aux règles préétablies.
La richesse procurée par les plantations
et autres activités induites,
conditionne en partie le choix du
mari.
La société est dans son ensemble minée par le pouvoir de
l'argentauquel le justiciable et le justicier sont très sensi-
bles.
L'économie de plantation n'est pas la seule responsa-
ble directe de cette évolution des rapports humains.
Ainsi la
dégradation des valeurs culturelles et la dislocation de la fa-
mille peuvent être attribuées en partie,
à
la scolarisation et
aux mass
médias dont le rôle s'accroît de plus en plus.
La Basse Côte a été la première région où ont été
construites les écoles.
Les effets des plantations aidant,
tout
l'extrême Sud-Est s'est équipé sur le plan scolaire et partout,
les taux de scolarisation ont atteint B5 à 90 % contre une mo-
yenne nationale de 65 %.
Ainsi l'Ecole représente de nos jours
la principale cause de migration des jeunes, obligés de pour-
suivre leurs études dans les centres urbains.
Ces jeunes peuvent

-
295 -
être considérés comme perdus pour les valeurs culturelles tra-
ditionnelles,
car les programmes d'enseignement ne prennent pas
en compte cet aspect de la vie quotidienne.
Seules sont ensel-
gnées les valeurs occidentales souvent en contradiction avec
les données culturelles locales.
En fait ici le milieu rural est,
sans le vouloir,
son propre destructeur,
en ce sens que plus les bénéfices des
plantations augmentent,
plus l'on s'ouvre au modernisme et l'on
construit des écoles.
Nous ne sommes pas nostalgiques du passé mais nous
pensons que toute ouverture sur l'extérieur ne signifie pas le
rejet automatique de ses propres valeurs culturelles, morales
et religieuses.
Si aujourd'hui les églises ont envahi
le sud
du pays et remplacé l'animisme,
on est toutefois heureux de
constater une certaine adaptation des préceptes religieux,
à
la réalité de la vie quotidienne d'antan.
Ainsi sont nées des
églises dérivées du catholicisme et du protestantisme,
avec des
rites peu différents des pratiques ancestrales.
L'Ecole Ivoirien-
ne et les mass-médias pouvaient être adaptées au contexte socio-
culturel du pays.
La télévision aurait pu,
par exemple,
servir au bras-
sage culturel des ivoiriens,
au lieu de diffuser par jour plus
d'une dizaine d'heures d'émissions culturelles étrangères,
con-
tre seulement une trentaine de minutes d'émission
en langues
vernaculaires.
Ce n'est pas être prophète que de dire que toute
croissance économique qui ne prend pas en compte les données
culturelles historiques est vouée à terme à un échec.
En effet,
le développement passe par une mutation des mentalités et une
assimilation lente mais sûre des nouvelles données de l'économie.
Or il semble qu'aujourd'hui le paysan
est
tiraillé entre ses
propres valeurs et les images diffusées par les mass-médias.
Cette hésitation préjudiciable à son équilibre fait de lui un
un simple producteur.

-
296 -
Comme on peut
le constater l'économie de rente
ne comporte pas que des avantages.
Certes, elle a permis l'ou-
verture sur un autre monde,
mais le paysan mal préparé à l'aven-
ture culturelle,
n'a pas su résister aux bourasques des données
culturelles importées.
Il est encore temps d'associer cette
croissance économique à celle de l'espace culturel du lagunai-
re.
Mais cela demande une mobilisation de tous et particulière-
ment des dirigeants du pays.
D - LA PROXIMITE D'ABIDJAN,
UNE MENACE POUR LES EAI
Les difficultés des paysans peuvent avoir des inciden-
ces sur le fonctionnement des Unités Industrielles
(UI)
de la
région,
surtout en ce qui concerne les Huileries Industrielles
(HI)
qui dépendent pour plus de 70 % de l'approvisionnement
villageois.
Ainsi les baisses de production de 1980 ont-elles
été ressenties au niveau des résultats des H.I.
Ceci explique
pourquoi nous avancions qu'il était de l'intérêt des deux par-
ties de trouver des solutions durables aux problèmes communs.
Outre les incertitudes qui pèsent sur la production
agricole villageoise,
les EAI connaissent des difficultés spé-
cifiques se résumant en quatre points :
-
La contrainte foncière au niveau régionale
-
La menace des villes et l'éventuelle délocalisation d'usines
- La mobilité de la main-d'oeuvre
-
Les pratiques douteuses des agents de contrôle,
1 -
LA CONTRAINTE TERRE DES EAI AU NIVEAU DE LA REGION
Il est utile de préciser que la contrainte terre des
EAI n'est
ressentie qu'au niveau de la région d'Abidjan.

-
297 -
En effet,
compte tenu de leurs gros moyens,
les SODE et les
sociétés privées ont réussi à conquérir d'autres espaces de cul-
ture en dehors de la région abidjanaise.
C'est à travers les exemples de la SAPH et surtout de
la SODEPALM qu'on perçoit mieux la contrainte terre au niveau
des E.A.I.
Le tableau suivant résume la situation au niveau
des diverses régions de production.
Superficie théoriquement disponibles par Ensemble Agro-industriel
(Hectares) de la SODEPALM
Superficie
Superficie mise
Disponible théoriquement
E A l
octroyée
en valeur
Ha
%
Ha
%
Anguédédou*
3 294
2 835
86
459
14
Bolo
11 227
3 542
31,5
7 685
69,5
Boubo
6 180
4 373
70,8
1 807
19,2
Yassap (Dabou)*
1 668
3 366
201,7
-
- -
Ehania
16 565
12 159
73,4
4 406
26,6
Eloka*
2 365
2 681
113
-
-
Soubré
17 828
7 084
39,73 10 744
60,27
Irobo
7 291
5 803
79,5
1 488
11,5
Toumanguié
6 016
3 281
54,53
2 735
45,47
TOTAL
73 434
45 124
61,44 28 310
38,56
* EAI de la région d'étude
Ces chiffres ne tiennent pas compte des contraintes du
milieu
(pente,
zone inondable,
propriétés physico-chimique des
sols)

- 298 -
On peut constater que jusqu'en 1982, seulement 61 %
des superficies octroyées ont été mise en valeur.
Dans le dé-
tail,
on peut noter trois groupes d'EAI suivant leur disponi-
bilité en terres
:
-
Les EAI disposant de grandes possibilités d'extension
- Les EAI ayant une faible marge de manoeuvre
- Les EAI ayant épuisé ~t empiété sur des terres de tiers.
a)
Les EAI disposant de réserves de terres suffisantes
Tous ces EAI sont situés en dehors de notre zone
d'étude.
Ce sont Bolo,
Ehania,
Soubré et Toumanguié.
En valeur
absolue,
Soubré est le mieux loti avec 10 744 hectares de dis-
ponible.
Cela est dû au fait que cette zone a été conquise très
récemment d'une part, et d'autre part la superficie initiale-
ment concédée est la plus grande qui n'ait jamais été octroyée.
On a ainsi entamé la forêt de l'ouest ivoirien,
l'une des ra-
res reliques de forêt primaire de l'ouest africain.
A Toumanguié,
les terres disponibles ne le sont plus
que par calcul théorique:
les infiltrations clandestines -
revêtant une forme de rébellion - ont contribué à l'amenuisement
des superficies non mises en valeur par la SODEPALM.
En effet,
c'est ici que les paysans ont occupé des portions de la SODE PA LM
sans qu'on puisse les en chasser.
Pire,
lorsque les boeufs de
la SODEPALM ont saccagé les cultures des clandestins,
l'Etat
s'est vu obligé de dédommager les paysans,
afin de calmer les
esprits.
Les villageois conçoivent très mal que la forêt clas-
sée de Toumanguié soit déclassée,
non pas à leur profit, mais
pour l'installation de la SODEPALM.
Estimant que cette forêt
leur appartient,
ils n'hésitent pas à s'approprier de larges
parcelles.
Ces infiltrations ont contribué à l'amenuisement des
superficies disponibles des EAI.

- 299 -
b)
Les EAI ayant une faible marge de manoeuvre
Ce sont,
par ordre d'importance de la surface dispo-
nible
: Boubo (1 807 ha),
Irobo
(1 488 ha)
et Anguédédou (459 ha).
Théoriquement,
un EAI de ce groupe appartient à la région étu-
diée
: celui de l'Anguédédou.
Dans la réalité,
il n'y a plus de
possibilité d'extension à Anguédédou pour deux raisons:
-
Les paysans ont installé des plantations clandestines sur les
terres octroyées à la SODEPALM
seules subsistent des lambeaux
de forêts difficiles à mettre en valeur,
compte tenu des données
du milieu.
-
La seconde raison est l'extension de la ZAD
(Zone d'Aménagement
Différé)
d'Abidjan qui exclut toute
création nouvelle (voir plus
loin)
de plantation.
A côté de ces EAI,
il Y a ceux ayant épuisé leur
potentiel en sol.
c)
Les EAI ayant épuisé la superficie octroyée
Ce sont les EAI de Yassap
(Dabou)
et Eloka
(Binger-
ville),
situés tous deux dans la région d'étude.
Les calculs
révèlent que non seulement les superficies octroyées ont été
totalement occupées,
mais aussi les EAI ont empiété
lar-
gement sur des terres non immatriculées à leur nom.
A Yassap,
la SODEPALM a étendu ses plantations sur le reste de la savane
elle a jugé inutile d'en faire la demande,
de même qu'à Eloka
où les forêts jouxtant le domaine concédé,
ont été occupées
"illégalement".
Au niveau donc de la région d'Abidjan,
la contrainte
terre ne menace pas seulement les paysans.
Les EAI régionaux
ont épuisé leurs potentiels disponibles.
Ils ont même empiété
sur l'espace coutumier,
ou du moins sur l'espace non immatriculé

- 300 -
à leur nom.
La contrainte au niveau des villageois s'exprime
autrement:
en effet l'obligation faite aux paysans de se trou-
ver dans un rayon maximal de 20 km des UI
(Unités Industrielles)
a favorisé la saturation observée autour de ces UI.
Curieusement,
c'est dans les zones saturées que les demandes de création de
plantations sont les plus nombreuses
; en témoignent ces chif-
fres.
E A l
Créations autorisées (Ha)
Taux de satisfaction
(1980)
des demandes (1980)
Anguédédou
Bolo
80
16,5 %
Boubo
250
71,5 %
Yassap (Dabou)
735
47,5 %
Eloka
Ehania
800
66,5 %
En 1980, aucune autorisation n'a pu être obtenue à
l'Anguédédou et à Eloka,
car les prévisions de la SoDEPALM
laissent entendre que les EAI de ces deux secteurs seront dé-
localisés.
A Yassap les nouvelles créations ont été possibles
grâce à la reconversion de terres coutumières.
Les régions
nouvellement acquises à la culture du palmier à huile ont pu
satisfaire plus de la moitié des demandes.
A Bolo,
le très bas
taux de satisfaction est dû au retard de la SoDEPALM sur son
propre programme d'encadrement.
Les refus de SoDEPALM,
prouvent qu'elle prend très
au sérieux la menace des villes sur les deux EAI de la Basse
Côte.

- 301 -
2 - L'EXTENSION URBAINE,
UNE MENACE POUR LES EAI
Les plantations industrielles ont été concentrées au-
tour d'Abidjan afin de minimiser les coûts de transport.
Au-
jourd'hui,
l'atout d'hier semble constituer une menace.
Les
plantations situées dans la ZAD (Zone d'Aménagement différé)
d'Abidjan sont appelées à disparaître.
En effet,
on prévoit que
d'ici 1990-95,
les plantations de palmier à huile, de café et
cacao,
de banane et d'ananas,
situées à moins de 20 km d'Abidjan,
seraient englobées dans la ville et sa banlieue.
La fermeture des usines de l'Anguédédou et d'Eloka en-
traînerait de nombreuses conséquences,
entre autres:
- la réduction de la capacité d'usinage de PALMINDUSTRIE de
19B 000 Tonnes de régimes de palme,
- l'abandon de 5 516 ha de palmeraies industrielles et 9 728 ha
de plantations villageoises.
- l'éventuel transfert des récoltes des plantations,
non attein-
tes par la ville,
vers d'autres usines;
cette solution,
à en-
tendre les dirigeants ne pourrait être envisagée que si les coûts
de transports permettaient une marge bénéficiaire suffisante.
- Au niveau des villageois,
le manque à gagner serait plus im-
portant qu'au niveau des EAI qui ont d'énormes moyens financiers
pour parer à cette éventualité.
En effet,
les UI
(Unités In-
dustrielles) d'Eloka et de l'Anguédédou dépendent à 64 % des
plantations villageoises de palmier à huile.
Si cette menace n'est qu'hypothétique,
on peut constater
que localement,
les tentacules d'Abidjan
(Abobo et Yopougon) et
des centres urbains d'Anyama et de Bingerville ont déjà empiété
sur quelques hectares de plantations.
A la fin de 1978,
on es-
timait à 698 ha,
les plantations détruites par des planteurs
pour les motifs suivants :
- abandon pour cause de rentabilité insuffisante,
- abattage volontaire pour l'extraction des bangui et vente de

- 302 -
de terrain.
La destruction par tiers s'élèverait à 533 ha,
essen-
tiellement attribuée à l'agrandissement de la RIVIERA
(Abidjan),
à
l'ouverture de route,
à
l'installation de lignes Haute Ten-
sion par l'EECI
(l'Energie Electrique de Côte d'Ivoire).
Soit,pour l'ensemble des palmeraies sélectionnées,
une
perte de 1 231 ha.
Mais c'est dans la région d'Abidjan que les
destructions ont été les plus importantes,
en témoigne le ta-
bleau suivant.
Superficies de plantations villageoises détruites
( 1980 )
Destruction par Tiers:EECI
Destruction par
Région
Travaux Publics - Lotissement
Planteurs
Bingerville
245,97 ha
10,18 ha
Anyama
74,30 ha
6,18 ha
Oabou
1,79 ha
282,48 ha
TOTAL
322,06 ha
298,84 ha
Soit 620,9 ha de plantations villageoises détruites.
On s'aperçoit que la destruction par "TIERS" est plus importan-
te dans les environs immédiats d'Abidjan
(Bingerville et Anyama
situées à égale distance d'Abidjan).
En fait les plantations
visées ici sont toutes situées autour d'Abobogare,
appendice
d'Abidjan.
On remarque par ailleurs que les plantations de Oa-
bou ont été en grande partie abattues par des planteurs eux-
mêmes.
Cela s'explique d'abord par l'âge avancé des Stipes dans
cette région pionnière et ensuite par les difficultés d'exploi-
tation suite aux problèmes évoqués plus haut.
A partir d'une
somme de difficultés,
le paysan juge que l'exploitation de sa

- 303 -
palmeraie en "BANGUI"
(sorte de vin obtenu par fermentation de
la sève)
est plus rentable
c'est ce qui entraîne l'abattage
des palmiers à huile.
Toutes ces destructions peuvent paraître insignifiantes
par rapport à l'ensemble des superficies plantées.
Seulement,
en
y ajoutant les autres pertes occasionnées par les difficultés de
collecte,
on se rend compte que les UI perdent une part appré-
ciable de la récolte prévue.
En 1979-80,
la SOOEPALM estimait à
110 300 Tonnes de régimes la "perte sèche" liée aux contraintes
d'exploitation dont la plus importante est la main d'oeuvre.
3 - LA MOBILITE OE LA MAIN D'OEUVRE ET SES CONSEQUENCES
L'occasion a été donnée de constater que la Basse Côte
est une zone d'immigration.
Cette situation est fortement liée
à
l'existence des plantations modernes
au sud du pays.
Une ana-
lyse de l'origine de la main d'oeuvre révèle que plus de 80 %
des travailleurs sont des étrangers comme le montre le tableau
qui suit.
L'origine de la main d'oeuvre sur six complexes
(1980 - 1981)
COMPLEXE
IVOIRIENS
%
VOLTAIQUES
%
AUTRES
%
TOTAL
%
Anguédédou
54
12,5
291
82,5
8
2,3
353
100
Yassap
84
22,5
261
70,1
27
7,4
372
100
Eloka
82
24,0
251
73,5
9
2,5
342
100
Ehania
.95
7
1 139
83,9
124
9,1
1 358
100
Soubré
184
24,2
536
70,4
41
5,4
761
100
Toumanguié
22
7
293
92,4
2
0,6
317
100
TOTAL
521
16,65
2 771
78,8
211
4,55
3 503
100

- 304 -
Dans les trois complexes qui nous concernent,
les taux
d'ivoiriens sont dans l'ensemble acceptables,
bien qu'en dessous
de 25 %.
Une étude de détail montre que sur chaque complexe,
on
a moins de 10 ivoiriens originaires de la région où est implan-
té le complexe.
A Ehania,
la proximité du Ghana permet d'avoir une part
assez importante d'étrangers autres que voltaïques
(9,1 %).
Sur
les plantations d'Anguédédou,
d'Ehania et Toumanguié,
les vol-
taïques représentent plus de 82 % de la main d'oeuvre.
Les con-
séquences d'une telle situation sont à apprécier au plan écono-
mique,
en terme de retombées financières pour l'espace rural.
Comment les salaires versés peuvent-ils bénéficier à la
région productrice,
étant donné que les étrangers rapatrient
leurs économies ?
Que ce soit à la SEDEPALM,
à la SAPH ou en plantations
villageoises,
la situation est la même
les manoeuvres sont en
majorité des étrangers.
Les prévisions de spécialistes affirment
que - sauf changement des grilles de salaires actuels - d'ici
une décennie encore,
les plantations ne pourront compter sur la
main d'oeuvre nationale.
Ces salaires agricoles sont à la base
de la mobilité de la main d'oeuvre sur les complexes industriels.
Cette mobilité grève les budgets de recrutement des entreprises
concernées.
Le tableau des flux
laisse entrevoir les entrées et les
départs sur cinq complexes agro-industriels.
En colonne,
on a
le bilan du mois sur les cinq complexes.
En ligne,
le bilan sur
les cinq mois.
On constate que le bilan global fait apparaître
un solde négatif:
1 610 départs contre 1 255 recrutements.
Les
mois de Décembre,
Février et surtout Janvier sont déficitaires.
Cela s'explique par deux facteurs essentiels
- C'est la période de fin d'année et des nombreuses festivités,
durant laquelle chacun tient à fêter en famille.
- Ces trois mois correspondent aussi à la traite c'est-à-dire

- 305 -
la période de récolte du café et cacao qui attire une bonne par-
tie des ouvriers agricoles des EAI vers les plantations villa-
geoises
les paysans offrant des salaires
supé-
rieurs à ceux pratiqués sur les EAI,
afin de pouvoir récolter
à
temps.
Flux de manoeuvres observés sur cinq EAI d'Octobre 79 à Février 1980
(E = engagement ; D = départ)
Octobre
Novembre
Décembre
Janvier
Février
Total
E A l
E
D
E
D
E
D
E
D
E
D
E
D
Anguédédou
101
29
64
31
27
11
-
136
40
53
232
260
Yassap
28
68
34
26
32
39
45
39
85
64
224
236
Eloka
17
23
30
17
19
15
45
65
19
65
130
185
Ehania
111 161
56
84
112
111
149
135
147 101
575
592
Toumanguié
34
4
35
48
4
51
5
99
16 135
94
337
TOTAL
291 285
219 206
194
227
244
474
307 416
1 255 1 610
Source
SODEPALM
En dépit du solde négatif,
les EAI fonctionnent sans
trop de difficulté pour la simple raison que la SA PH ou la SODE-
PALM recrutent en nombre toujours supérieur aux besoins.
Elles
disposent de ce fait d'une "réserve" de manoeuvres.
La mobilité
des ouvriers porte toutefois préjudice à ces entreprises qui
consacrent un budget important au recrutement,
à
la formation
sommaire et à l'installation des nouveaux.
Ainsi un ancien ma-
noeuvre qui réussit à faire recruter un nouveau,
perçoit une pri-
me de 3 000 F C.F.A.
Compte tenu des salaires mensuels qui ex-
cèdent rarement 25 000 F.
C.F.A.,
une vocation de "recruteur"
est née parmi les anciens qui désertent annuellement les EAI.

-
306 -
La constitution des
"réserves" d'ouvriers est préjudi-
ciable aux paysans,
obligés de pratiquer des salaires plus éle-
vés pour s'attirer la main d'oeuvre nécessaire.
Comme nous venons de le voir la plantation villageoise
et industrielle sont confrontées aux mêmes difficultés.
Au ni-
veau régional la contrainte terre est autant ressentie par les
EAI que par les paysans.
En ce qui concerne la main d'oeuvre,
les paysans sont nettement défavorisés par rapport aux
EAI qui
pratiquent une concurrence déloyale,
car ils disposent d'énormes
moyens financiers qui leur permettent de se constituer une "ré-
serve" d'ouvriers qui auraient bien pu servir sur les plantations
villageoises.
Cette main d'oeuvre devenue chère et exigeante cons-
titue le gros problème des exploitations agro-industrielles.
Il
serait temps que l'on essaye de comprendre les causes du désin-
téressement des ivoiriens. d'y palier,
car rien ne permet de di-
re que la mobilisation actuelle du peuple voltaique par ses nou-
veaux dirigeants puisse tolérer plus longtemps encore la sortie
des voltaiques vers la Côte d'Ivoire.
4 - Par ailleurs,
certaines pratiques douteuses sont en train
de miner la PALMINDUSTRIE,
héritière de la SODEPALM
ces prati-
ques sont(l):
-
Le trafic des pesons
(dérèglement des aiguilles au moment du
pesage).
Quelques paysans s'en aperçoivent et alors s'installe
un doute justifié.
-
Le trafic des poids au bénéfice de certains planteurs compli-
ces,
au détriment d'autres.
-
L'attribution de poids fictif à des planteurs n'ayant pas ré-
colté.
Ces problèmes sont à
la base des résultats médiocres
ayant engendré une restructuration de la SODEPALM.
(1)
cf.
problèmes
fonciers
et
contraintes
socio-économiques
et
Démographiques
au
renouvellement
et
à
l'extension
de
la
palmeraie
ivoirienne
-
Abidjan,
1981.

- 307 -
D'autre part,
le
déficit hydrique,
l'abandon des plan-
tations villageoises, le vieillissement des Stipes et les ventes pa-
rallèles constituent une perte importante,
estimée à 110 300 Ton-
nes de régime en 1980.
Le bon fonctionnement de l'économie de la périphérie
abidjanaise dépendra des solutions apportées à toutes ces diffi-
cultés.
Mais la proximité des villes d'Anyama,
Bassam,
Bingervil-
le,
Dabou et surtout Abidjan,
ne permettra pas de trouver une
solution à
l'épineux
problème de la main d'oeuvre,
car ces vil-
les offrent des emplois mieux payés soit dans le bâtiment soit
dans les travaux d'utilité publique.

CONCLUSION GENERALE

-
308 -
CONCLUSION GENERALE
Nous voulons rappeler la démarche qui a été suivie
jusqu'ici.
- D'entrée il nous a semblé important de décrire et d'analyser
l'espace-environnement,
support de l'activité agricole afin de
rechercher les fondements naturels,
humains et historiques de
l'économie de la Basse Côte.
Il est apparu que l'extrême sud a
certes des atouts,
mais les données physiques ne sont pas excep-
tionnelles,
comparées à celles de l'extrême sud-est ou au sud-
ouest du pays où les sols sont plus fertiles et la pluviométrie
plus abondante.
Au niveau des données humaines,
nous avons noté
une certaine cohésion au départ,
des peuples lagunaires cristal-
lisés autour des foyers
primaires de peuplement,
ce qui a engen-
dré une surcharge démographique spatiale relative et "fictive".
Ces peuples de pêcheurs,
de chasseurs,
d'artisans et d'agricul-
teurs tout à la fois sont apparus comme des gens ouverts à l'é-
conomie de marché,
car leur Histoire récente montre qu'ils ont
été très tôt en contact avec d'autres peuples du pays et sur-
tout avec les européens avec lesquels ils entretinrent de flo-
rissantes relations commerciales.
Ceci permet d'expliquer la
diffusion relativement rapide de l'agriculture de spéculation,
objet de la deuxieme partie.
- Cette seconde partie a eu pour objectif de montrer les volumes
de production agricole au niveau de la région,
de cerner les ac-
tivités induites de l'agro-exportation et de déterminer la for-
me d'organisation de l'espace rural imposée par toutes ces acti-
vités.
Les résultats analysés dans ce passage montrent que la ré-
gion sud était la plus prospère mais qu'aujourd'hui,
on assiste
à
un déclin de certaines productions.

-
309 -
Une analyse de détail montre en fait que la dégradation
se situe au niveau de la production paysanne,
les groupes d'in-
térêts capitalistes et l'Etat ayant conservé et renforcé leur
part dans la production régionale.
Les activités industrielles
dérivées de l'agriculture profitent très peu à l'espace rural
dont l'organisation fonctionnelle dépend en grande partie des
plantations,
cependant que structurellement,
exception faite des
campements d'exploitation,
les villages se sont cristallisés au-
tour des centres initiaux d'habitation.
Toutefois,
cet habitat
a subi des transformations qui sont analysées dans la dernière
partie.
-
Les retombées du "boom" agro-industriel ont été analysées en
termes de changements positifs ou négatifs pour les paysans.
Quelques variables ont servi à mesurer les changements interve-
nus depuis deux décennies
l'habitat rural et son amélioration,
les transformations structurelles de l'espace de production,
et le niveau d'équipement de l'espace rural.
Mais toute transformation,
même souhaitée,
a ses revers.
Ainsi note-t-on une série de difficultés nées de l'accroissement
accéléré
de l'agriculture et de ses nouvelles conditions d'ex-
ploitation et surtout la difficile cohabitation de la ville et
de la campagne au niveau du foncier.
L'analyse des transformations d'un espace économique
aussi dense que celui de la périphérie abidjanaise ne saurait
se résumer à une simple description des différentes étapes de
croissance des divers sous-espaces.
I l convient donc de tirer
tous les enseignements utiles qu'imposent les remarques qui ont
été faites.
A travers les diverses analyses,
on peut affirmer que
la Basse Côte est un espace qui se cherche un second souffle.
Sa production agricole,
après avoir assuré pendant près de

- 310 -
cinquante ans,
plus de 60 % des exportations agricoles,
a subite-
ment chuté au profit de nouvelles régions comme par exemple l'ex-
trême sud-est,
le sud-ouest et surtout le centre et le centre-
ouest.
On a donc assisté à un déplacement brutal du centre de gra-
vité de la production du sud vers ces nouvelles régions alors que
la Basse Côte n'avait pas acquis un processus de développement
irréversible.
D'autre part l'euphorie des années 70 a cédé la place à
un découragement de plus en plus accru chez les paysans ruraux
qui ne comprennent plus très bien où ils vont
face à toutes ces
situations,
un diagnostic doit être entrepris.
Il semble qu'au
niveau des instances politiques,
la vieille image du sud prospè-
re est restée figée.
Il est temps d'ouvrir les yeux sur les pro-
blèmes qui menacent l'espace rural périurbain abidjanais.
Ces
problèmes touchent au foncier,
au vieillisser.1ent de
plantations
de café et cacao
(même si des efforts ont été faits,
la majorité
des plantations de ces deux cultures sont au-dessus de la dizai-
ne d'années d'existence), à l'inadaptation des paysans aux nouvel-
les méthodes d'exploitation de la terre,
à
la concurrence des
EAI
(Ensembles Agro-Industriels)
pour le recrutement de la main
d'oeuvre et au vieillissement des chefs d ' exploitation.
En fait les problèmes de la Basse Côte sont ceux de
tout espace agricole qui n'a pas su s'adapter aux changements
pour se restructurer à temps.
La situation que connaissent les
ruraux est à mettre en parallèle avec la crise économique que
traverse tout le pays,
confronté à la mévente de ses produits
et à la baisse des prix sur les marchés internationaux.
La diversification agricole a certes touché en premier
cette région,
mais les interférences qui en sont issues ont en-
traîné une dispersion de la force de travail en même temps qu' el-
les aggravaient l'atteinte irréversible au milieu forestier.
L'engouement suscité par les nouvelles cultures semble être à
la base du manque de terre,
accentué par l'urbanisation rapide

- 311 -
d'Abidjan et des centres semi-urbains.
Aujourd'hui,
l'espace
rural semble bloqué dans son évolution du fait que toute ouver-
ture de nouvelle plantation ne peut se faire que par la recon-
version d'une ancienne plantation.
Les quelques hectares de fo-
rêts encore intactes sont des forêts
classées,
qui même déclas-
sées,
ne suffiraient pas à satisfaire les demandes pressantes
des ruraux.
Quant aux plantations déjà en exploitation,
leurs rende-
ments sont si bas que certaines ne sont plus que symboliques
elles ne sont plus rentables mais les paysans s'y accrochent car
elles sont avant tout leurs seules sources de revenus.
Certai-
nes de ces plantations sont très vieilles
(plantations de café
et cacao)
et gagneraient à être détruites afin de réaffecter le
sol à d'autres cultures.
D'autres,
encore jeunes ne donnent pas
toutes les satisfactions attendues pour la simple raison que les
méthodes modernes d'exploitation ne sont pas appliquées correc-
tement.
Cette situation découle de la difficile mutation d'un
pa ysannat t rad i t ion n e l
en p a ysannat m0 der ne,
a pte à mai tri s e r I a
mécanisation de l'agriculture,
seule issue pour sortir l'économie
rurale de la Basse Côte et du pays entier des contre-performances
actuelles.
Evidemment le passage d'un pôle à l'autre exige beau-
coup de moyens parmi lesquels une aide de l'Etat et une forma-
tion appropriée
du paysan.
Des efforts ont été entrepris jus-
que-là mais les récents bouleversements au niveau des SODE ont
ramené certains planteurs à la case de départ.
ceux qui essayent
de suivre sont gênés par la concurrence des sociétés plus nanties
en moyens financiers.
Quand à la formation des paysans,
il convient plutôt de
parler d'encadrement car analphabètes dans la majorité,
les pay-
sans ne sont pas aptes à recevoir,
des enseignements autres que
la pratique.
Dr jusqu'à une date récente,
on a noté le fossé
existant entre les ingénieurs agronomes de conception et les mo-
niteurs hâtivement formés,
chargés d'encadrer le paysannat.
Avec
l'I.A.B.
de Bouaké,
il est permis d'espérer que des techniciens

- 312 -
en sortiront pour mieux aider le secteur agricole rural.
Le
second motif d'espoir à ce niveau est le retour à la terre de
plus en plus effectif de quelques Jeunes descolarisés
leur nom-
bre encore réduit ne permet cependant pas un optimisme excessif.
Le vieillissement général des chefs d'exploitation cons-
titue un point sombre pour l'activité agricole régionale.
Cette
situation a été engendré par le départ en ville de la tranche de
population jeune.
L'espace rural est donc condamné à rechercher
ailleurs les manoeuvres nécessaires au fonctionnement des planta-
tions.
La scolarisation mal adaptée aux besoins du pays a été
désignée comme le responsable des départs
; mais nous pensons que le
problème est plus profond
si tous ces jeunes voulaient culti-
ver,
y aurait-il assez de terre? Pour avoir vécu dans ce milieu,
nous pensons que la faible rétribution et la pénibilité du tra-
vail alliées à la vie morne des villages sont autant de facteurs
de répulsion pour les jeunes qui préfèrent la ville avec son con-
fort relatif.
Même lorsqu'on n'a pas de travail,
la solidarité
familiale permet de se nourrir et se loger.
Il ne faut pas pour autant ignorer les mutations surve-
nues ces deux dernières décennies.
L'espace rural a bénéficié
d'un nombre important d'équipements qui n'ont pas toujours fonc-
tionné il est vrai,
et l'on doit chercher la voie de leur entre-
tien et de la poursuite de cette politique d'équipement.
A enten-
dre certains décideurs,
on a l'impression que le confort de la
ville leur est réservé
ils prônent le retour au village sans
chercher à améliorer les conditions d'existence qui seules, peu-
vent maintenir les populations sur place.
Le manque de terre et d'emploi autre que l'agriculture
constitue un facteur de départ vers la ville,
Jusqu'lci,
les paysans ont assuré l'essentiel des fi-
nancements de l'équipement de leur espace de vie.
Mais la dégra-
dation de leurs conditions de vie mérite que les autorités fassent

- 313 -
un geste envers les ruraux qui hier ont assuré à la Côte d'Ivoire
l'essentiel de ses exportations agricoles.
Pour nous,
la solution réside en partie dans la réalisa-
tion d'un programme d'aménagement intégré au même titre que les
programmes qui ont été réalisés dans le nord du pays.
La vieille
image d'un sud riche et toujours prospère est aujourd'hui dépas-
sée.
On doit mettre sur pied une opération de grande envergure
qui devra permettre aux petits paysans de se reconvertir en cul-
tivateurs de denrées vivrières,
ceux qui ont de gros moyens se
consacrant à l'agro-exportation ou aux deux types de cultures.
En effet nous pensons que compte tenu du développement
des villes,
les paysans de la Basse Côte sont favorisés
par la
proximité d'un marché potentiel,
d'autant plus que l'infrastruc-
ture routière est assez dense pour permettre une évacuation des
produits sur les marchés.
Nous ne prônons pas le délaissement
des cultures d'exportation,
mais nous sommes de l'avis de Oian
Boni qui voit une Côte d'Ivoire grenier des pays du Sahel.
Si
l'économie ivoirienne est faible,
c'est parce qu'elle est soumi-
se comme celle de tout autre pays du Tiers-Monde,
aux aléas du
marché mondial des produits tropicaux dits banals.
Certes le
pays n'a pas ~'équivalent du pétrole lybien,
gabonais ou nigé-
rian,
mais il a pour lui une tradition agricole bien établie, des
gens qui sont prêts à tenter l'innovation et il est paradoxal
qu'avec de nombreux bas-fonds non mis en valeur,
aptes à la cul-
ture du riz,
le pays soit obligé d'importer en 1983 plus de
450 000 tonnes de riz.
Nous espérons qu'avec la création récen-
te du Ministère du Développement Rural et du Secrétariat à la
Culture vivrière,
une nouvelle orientation a été amorcée.
Sou-
haitons qu'ils aient les moyens pour justifier leur existence;
la survie de milliers de petits paysans en dépend.
Ces aménagements seront d'autant plus efficaces qu'ils
seront ponctuels
(dans les zones inondées),
peu coûteux et adap-
tés à la capacité de travail d'un groupe restreint d'individus.
La vaste plaine de l'Agneby pourrait ainsi devenir une rizière

- 314 -
aux portes d'Abidjan.
Le pays tout entier n'en retirerait que
des bénéfices.
On retiendra donc de tout ce qui précède six principales
orientations politiques capables d'aider l'espace péri-urbain
en perte de vitesse
1.- Assurer aux ruraux une part prépondérante des terres cultiva-
bles au détriment des EAI qui ont des réserves ailleurs
2.- Promouvoir une politique incitative de retour des petits
paysans à la culture vivrière
3.- Faire des planteurs ruraux,
des hommes capables de maîtri-
ser les techniques culturales modernes et les aider à la
mécanisation des exploitations
4.- Trouver un compromis entre l'emploi du temps des ruraux et
le travail à l'usine,
assorti d'une amélioration des salai-
res,
afin que les autochtones soient attirés par le travail
sur les plantations industrielles
5.- Adapter l'enseignement scolaire aux réalités socio-économiques
et culturelles du pays,
afin de satisfaire les besoins du
pays en cadres.
Ce qui éviterait la forte déperdition des jeu-
nes bras
6.-
Enfin,
contribuer davantage à la restructuration,
à
l'amé-
lioration et à l'équipement de l'espace rural tout en y
créant des emplois adaptés au niveau général de formation des
ruraux pour les y retenir.
Sur ce dernier point,
nous pensons
qu'une valorisation de l'artisanat et de la pêche est souhai-
table.
Pour parvenir à des résultats tangibles,
des efforts doi-
vent être consentis aussi bien par l'Etat que par les populations
rurales. Nous pensons que chacun a jusqu'alors fait ce qu'il fal-
lait, mais l'effort doit être poursuivi.

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- 323 -
TABLE DE FIGURES ET CARTES
Pages
- La zone d'Etude dans l'ensemble ivoirien
1
-
La périphérie Abidjanaise et le département d'AbIdjan
1
- Précipitation et Températures
(1961-1975)
41
-
Etalement des pluies
42
Courbes ombro-thermique comparées
43
- Carte des isohyètes
46
- Diversité et fragilité des sols
48
-
La végétation de la Basse Côte
55
-
Les Ethnies de la Basse Côte
62
-
Localisation des villages
66
-
Densités de peuplement de 1975
68
- Taille et répartition des
villages
71
- Production de café entre 1910 et 1939
95
-
Superficie de café et cacao de 1949 à 1959
96
-
Evolution récente de la production de café
118
-
Evolution récente de la production de cacao
120
-
Evolution des superficies de café et cacao
121
- Superficies et productions du palmier à huile
125
-
Situation du cocotier
126
- Banane et ananas
: la production régionale
130
- Evolution comparées de quelques productions
132
- Revenus moyens à l'ha de quelques productions
142
- Aire d'Achat ~e café-cerise des décortiqueries
148

- 324 -
Pages
- Contraintes de slte et organisation générale de l'espace
156
-
Densification économique de l'espace péri-urbain
158
Exemple de terroir contrôlé par des autochtones
160
-
Exemple de terroir contrôlé par des allochtones
162
- Structuration de l'espace en 1973
163
-
Structuration de l'espace en 1983
164
Terroir de Toupah
situation 1950
172
Terroir de Toupah
situation 1970
174
Terroir de Toupah
situation 1980
176
- Systèmes d'exploitation en Basse Côte
193
-
Evolution des densités
196
-
Evolution des villages
200
-
Répartition des lits d'hospitalisation
219
-
Les investissements de l'Etat dans quelques départements
230
-
Investissements régionaux
cumulés de 1973 à 1983
235
-
Evolution des villes de la région
243
-
La croissance d'Abidjan
249
- Abobo en 1955
251
-
Abobo en 1971
252
-
Abobo en 1983
254
-
Abidjan en 1959
255
-
Abidjan,
l'habitat en 1978
259
-
Les maillages politiques de Dabou
283
- Superficies disponibles pour les EAI
297
-
Superficies des plantations villageoises détruites
302
-
L'origine de la main d'oeuvre sur six complexes
303
-
Flux de maroeuvres sur cinq EAI
305

-
325 -
TABLE DES MATIERES
PROBLEMATIQUE-INTRODUCTION
2
METHODOLOGIE
16
PREMIERE PARTIE
Un milieu forestier densément peuplé
et largement exploité; La Basse Côte
d'Ivoire
35
CHAPITRE l
La forêt ombrophile,
favorable à
l'agriculture d'exportation
.
36
AI Un milieu assez favorable à l'agriculture. ..... ..•..
36
1.
Un climat humide mais nuancé
37
2.
Une végétation variée sur des sols profonds mais
fragiles
. • . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
47
3.
Un relief peu marqué,
des contraintes localisées
pour la mécanisation
57
CHAPITRE II
Des sociétés sans état à structures
hiérarchisées et diversifiées:
LES
AKAN LAGUNAIRES . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . .
59
AI Un peuplement récent à stratégies territoriales
diversifiées . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . • . . . . . . . • . . . . • . . . .
59
1.
Les vagues successives de migrations en Basse Côte
60
2.
La répartition de la population au dernier récense-
ment national ..••. , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
65
BI Des sociétés lignagères maîtresses de leurs terres..
74
1.
Les structures sociales . . . • . . . . . . . . . . • . . . . • . • . '"
74
2.
La structure politique et les classes d'âge ••..•..
76
3. Structure familiale et organisation foncière
traditionnelle •......•..•••..•••.•.•••.•••.•.••••
BD

- 326 -
CHAPITRE
III
Des bouleversements nés de la coloni-
sation,
à
l'adoption des cultures
pérennes
, . . . . . . . . .
91
AI Les conditions de l'introduction des cultures d'expor-
tat ion en Bas se Côte
91
1.
Manifestations et causes du refus des cultures
pérennes
92
2.
La contrainte de l'impôt,
principale cause de l'ou-
verture à la
plantation
93
BI Un bilan marqué par l'accroissement constant et une
diversification des cultures
_
95

-
327 -
DEUXIEME PARTIE
Une agriculture en mutation rapide et
facteur du développement économique de
la Basse Côte
.
99
CHAPITRE IV
Une production agricole en croissance
continue et diversifiée,
intégrée à
des structures de distribution peu
varlées
100
AI Les facteurs de la croissance continue après 1960 ...
101
1.
L'amélioration des structures régionales de liaisons
102
2 .
L'aide de l'Etat a u x pa ysans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . •
106
3.
Prêts étrangers et structures bancaires au service
de l ' agriculture
. . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
111
4 .
Le rôle de la recherche scientifique appliquée
114
5.
Le rôle des médias
115
6.
Les hiatus
. .
.
.. . .. . . . .. . . . .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
.. .. .. ..
115
BI Une production régionale représentant plus de la moitié
des exportations agricoles du pays
•....•••••••....•.
116
1 •
La croissance irrégulière du café et du cacao . . . . .
117
2 .
L'éléis et le cocotier,
des cultures bien intégrées
à
l'espace rural
. . . . . • . . . • . . • • . . . . • • . . • . . • • • • . . • .
123
3 • L'hévéaculture,
une diffusion en milieu villageois
tardivement amorcée . . . . . . . . . . • . . . • . • . . . . . . • . . . . . .
127
4.
La culture d'ananas et de banane,
une affaire de
gros planteurs .•..••.... , .• ,., .... , .••••••....• ,.
129
CI-Les cultures vivrières,
une place primordiale malbeu-
reusement sacrifiée ..•...•••.•.•......• , •.•••••..• ,.
133
1. Des villages en majorité autosuffisants
, ••••.... ,
133
2,
Les demandes urbaines ne sont pas toutes satisfaites
134
3.
Le rôle prépondérant des femmes dans l'agriculture
vivrière ••..••.... , .• , ••••••. , .•.• , ••.•• , ••• , ••••
135

-
328 -
DI Des produits agricoles intégrés à des circuits de
distribution monopolisés
137
1.
Les circuits rodés des cultures de spéculation
'"
138
2.
Les cultures vivrières sous le contrôle du système
Dioula de distribution
139
3.
Des sources de revenus variées,
des dépenses diffi-
c iles à quantifier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . .
142
CHAPITRE V
L'agriculture de spéculation,
source
d'une industrialisation à l'avenir
prometteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . .
146
1.
Les industries d'équipement agricole
146
2.
Les industries de conditionnement et de transforma-
tion
• . . • • . . . . . . . • • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
147
CHAPITRE VI
L'Agro-industrie,
élément de base de
l'organisation de l'espace rural
. . . .
154
AI Une organisation spatiale multiforme caractérisée par
une disparité sous-régionale........................
154
1.
Les contraintes de site de villages en Basse Côte
155
2.
L'Agencement des plantations et de l' habitat
. . . . .
155
BI Les plantations, éléments de la structuration politi-
que de l'espace péri-urbain
...••...•••••••••...•••..
162

-
3·29 -
TROrSIEME PARTIE
Les retombées du
"boom" économique
récent
croissance des activités éco-
nomiques et mutations de l'espace peri-
urbain
167
CHAPITRE VII
Les incidences de l'activité agricole
sur l'espace-environnement
.
170
AI L'atteinte irréversible au milieu forestier.
170
1.
L'impact des cultures sur la forêt primaire..
170
2.
L'impact de l'exploitation forestière
. . . . . . . .
180
3.
L'impact de l'approvisionnement des villes en
charbon et bois de c h a u f f e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
181
4.
L'aménagement du territoire,
un mal nécessaire?
184
5.
Le réseau routier le plus dense du pays
,
185
6.
La mutation des systèmes de culture et d'exploita-
tion
. . • . . . . . • . . . . . . • ; . . . . • . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . • . .
189
BI Les incidences de l'agro-exportation sur l'évolution
de l'espace rural péri-urbain abidjanais
194
1. Croissance démographique et évolution de l'espace
habité
..• ; • • . • . . • . . . . • • . . . . • . . . . . . . . . • . • . . . . . . . . .
194
2.
Croissance économique et restructuration de l'habi-
tat rural
.•••...••..•.••.•••••.••. ; •.••••.••.....
203
CI L'utilisation des revenus et l'amélioration actuelle
de l'habitat rural
.........
..
.
~
.:
,;
208
'
1.
La politique générale d'équipement de l'espace
rural
...•.••.•..•••.•••.•.•••..••••••• ;.; .•••....
209
2.
Le niveau d'équipement de la Basse Côte
•• ; •.•••. ;
214
3.
La faible participation de l'Etat constitue un
handicap
.••.•••..•..••.••••.• ; •..••• ; . . . . . . . . . . . .
228
4.
Les mécanismes de financement des équipements
ruraux
.; ...••.•..•••.•••••• ; ••• , ; ; , ; ; •• , •••••...•
236

330
-
Une urbanisati()n multiforme accélé-
rée
par l'agriculture et le commerce
240
~. " 'J l , f
,_ r OlS san c e
ur bal n e a c c é 1 é rée gr â c e à l ' a 9 r i cul t u -
r~
~t
au commerce local
. . .. . .. . .. .. . .. .. .. -,; -. .. ..: .. . ... .. .. .. . .. .. .. .. ..
242
~"yama et Dabou,
des facteurs de développement diffé-
j'ents.des rythmes croissance élevés et comparables
244
Les
villes
à
croi6sance modérée
..
..
..--,; . .-
; ; . ;
-
..
247
-
8/
~hidjan, une ville en expansion continue difficile
à
maîtriser
"

;,;
-.

..
..










i


..


..


..

..
..
..
..
..
..
..
..
..
....
24,8
1.
LJ "
r .,..t hm e d e c roi s san c e é lev é etc 0 n s tan t
••.• ô • •
24 9
,e'c
:- 3 D PCl r t s
é t roi t sen t r e l a v i Il e et 1 a cam p a 9 n e
"':ironnante sont source de problèmes fonciers......
256
DI
l'aménagement urbain en Basse Côte pose d'énormes pro-
hlèmes de restructuratlon et d'équlpement de l'espace
260
1.
Des difficultés variabl.es d'une ville à l'autre ••· ,'. 26ct
;?
Pou r
une 0 r 9 a n i s a t ion et 1J n e ma î t r l s e de l'e l? Pll'C e
urbaln abidjanais
ô
ô
ô
• • • • • -
• • . • • • • •
262
, '."

- 331 -
QUATRIEt~E
PARTIE
L'Espace rural,
malade du manque de
terre aggravé par une urbanisation
accélérée et une lente mutation du
paysannat
266
CHAPITRE IX
Une urbanisation et une migration
incontrôlée,
sources de problèmes
fonciers
dans un milieu rural en
mutation difficile
266
AI Des paysans confrontés au manque de terre et à la mlJ-
tation des systèmes de production...............
267
1.
Le changement brutal de régime foncier et ses
conséquences
.
.
267
BI L'inadaptation des paysans aux nouvelles conditions
de production
.
278
1.
Le retard de la mécanisation
.
278
2.
Le paysan gère mal son exploitation
.
280
3.
L'inadéquation entre le maillage politique tradi-
tionnel et la maillage politique moderne de l'es-
pace rural
.
282
4.
La fréquence de changements de structures au ni-
veau des SODE
. . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
284
5.
Portée de la concurrence pour la main d'oeuvre
entre les EAI et les planteurs villageois
.
286
6.
La BNDA,
un rôle controversé
. • . . . . . . . . . . . . . . . . • . .
288
CI Les nouveaux types de rapports humains établis par
l'économie de marché
. . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . •
289
1.
L'apparition d'une nouvelle bourgeoisie terrienne
290
2.
La destruction de l'ancienne hiérarchie sociale ..
291
3.
La dislocation de la famille nucléaire
292
4.
La dégradation des
valeurs culturelles et morales
traditionnelles
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . .
293

- 332 -
DI La proximité d'Abidjan, une menace pour les EAI
296
1.
La contrainte des EAI au nlveau de la région .....
296
2.
L'extension urbaine,
une menace pour les EAI
301
3.
La mobilité de la maln d'oeuvre et ses conséquen-
ces
...................... ................................. .....................
303
'
'
4.
Les pratiques douteuses au seln des EAI
..................
306
CONCLUSION GENERALE
308
BIBLIOGRAPHIE.............................................
315
TABLE DES FIGURES ET CARTES
323
TABLE DES ~'ATIERES
325

RESUME
2
La Côte d'Ivoire,
pays de 322 463 km , s'est bâtie
une solide réputation d'exportateur de café,
cacao,
ba-
nane,
ananas,
huile de palme,
bois et latex. Grâce à
son climat et à l'Histoire Coloniale récente, le sud
du pays a assuré,
jusqu'ici une part prépondérante
de
la production.
Les effets induits d'une industrie nour-
rie par l'agriculture, ont permis à cette région de se
développer en marge du reste du pays.
Mais depuis le dé-
but des années 80,
le sud doit faire face à d'énormes
difficultés
: étouffée par une ville tentaculaire -
Abidjan - et par une immigration incontrôlable,
la Bas-
se Côte d'Ivoire se cherche un second souffle à travers
une cohabitation devenue obligatoire avec Abidjan.
A-
t-on des indices sérieux pour envisager son avenir ?
MDTS-ClE
- Abidjan
- Agro-Exportation
- Côte d'Ivoire
-
E,A.I.
(Ensemble Agro-Industriel)
-
Economie de périphérie
- Economie rurale
-
Culture pérenne