..
UNIVERSITE DE PROVENCE
Laboratoire de Psychologie sociale
MODELES CULTURELS ET REPRESENTATIONS SOCIALES
rLE5 REPRESENTATIONS SOCIALES
DE LA
RURALITE
EN CbTE D'IVOIRE
Thèse de 3ème cycle
présentée par
YAPO YAPI
sous la direction de
Jean-Claude ABRIC
Professeur au département de Psychologie
Aix-en-Provence

A mon onele OBOVJI Antoine, en témoignage de
ee qu'il ~ep~é~ente pou~ moi,
A me~ pa~ent~, en témoignage de ma ~eeonnai~~anee,
A ma 6emme et à me~ en6ant~, pou~ que nou~ nou~
eomp~enion~ mieux,
Au ~ouveni~ de~ mien~ aujou~d'hui di~pa~u~.

Avant-p~opo~
Beaueoup de pe~~onne~ ~an~ le~quelle~ ee t~avail
n'au~ait pa~ pu ê~e mené à bien doivent êt~e ~eme~eiée~.
Jean-Claude ABRIC, qui a di~igé le~ velléité~ et
le~ hé~itation~ de eette thè~e doit êt~e a~~oeié en p~emie~
lieu à ee~ ~eme~eiement~. C'e~t à lui que doivent êt~e at-
t~ibué~ le~ quelque~ a~peet~ po~iti6~ de ee t~avail. Pou~
tout l'inté~êt qu'il a aeeo~dé à eette ~eehe~ehe, la
di~­
ponibilité avee laquelle il m'a guidé, je lui dédie, 6aute
de mot~ bien ehoi~i~ pou~ lui t~adui~e me~ ~entiment~, l'e~­
p~it et la lett~e de ee 6aible témoignage de ma t~è~ p~o6onde
~eeonnai~~anee.
Le p~o6e~~eu~ Claude FLAMENT, qu~ a ~u, p~ ~e~
e~itique~, m'a~~aehe~ de~ tentation~ monog~aphique~ qu~
animaient
ee
t~avail doit êt~e également a~~oeié à eet
hommage. J'ai t~ouvé en lui un ehe~eheu~ t~è~ attaehé à la
~gueu~ ~eienti6ique. Il m'a beaueoup app~i~.
Je ~onge au~~i aux habitant~ de Viangobo, et aux
Con~eille~~ Ru~aux en po~te dan~ ee village, qui ont bien
voulu ~e p~ête~ à me~ que~tion~. Je voud~ai~ leu~ di~e, en
eette oeea~ion, eombien je ~e~te ~en~ible à leu~ eomp~éhen­
~ion.

Me~ JLemeJLc.-i..ement~ vo nt également a.ux -i..n~tituteuJL~
de l'E.P.P. "V-i..a.ngobo-F-i..a.~~é" POUJL leuJL pa.JLt-i..c.-i..pa.t-i..on a
me~ entJLetien~.
MM. SOULEYMANE V-i..a.k-i..té, VOUA M-i..ehel, BAMBA Ou~ma.ne
qu-i.. ont na.voJL-i..~é la. JLéa.l-i..~a.t-i..on de me~ enquête~, en m-i..l-i..eu
-i..ndu~tJL-i..el,
do-i..vent a.u~~-i.. êtJLe a.~~oc.-i..é~ a me~ JLemeJLc.-i..ement~.
Je le~ pJL-i..e de tJLa.du-i..JLe a leUJL~ c.ollègue~ toute ma. JLec.onna.-i..~-
~a.nc.e
Le~ c.he6~ de s en.vLc.e: de l'O/N.P.R.
(On6-i..c.e Na.t-i..o-
na.l de la. PJLomot-i..on JLUJLa.le) dont l'a.c.c.ue-i..l et le dévouement
ont été POUJL mo-i.. un 6a.c.teuJL -i..JLJLempla.ça.ble de mot-i..va.t-i..on,
do-i..vent éga.lement êtJLe JLemeJLc.-i..é~.
J'a.-i.. tJLouvé, en la. peJL~onne de Mme AVON" de
N'CHO FJLa.nc.-i..~ et ~e~ a.m-i..~, de~ a.-i..de~ e66-i..c.a.c.e~ et dé~-i..nteJL­
JLe~~ée~ POUJL la. tJLa.n~c.JL-i..pt-i..on de~
entJLet)en~ enJLeg-i..~tJLé~ ;
Je t-i..en~ a leUJL d-i..JLe -i..c.-i.. toute ma. JLec.onna.-i..~~a.nc.e.
En6-i..n, ma. JLec.onna.-i..~~a.nc.e
va. éga.lement a Mme Sola.nge
SEGUr,
dont l'a.-i..de ~'e~t JLévélée -i..nd-i..~pen~a.ble da.n~ la. c.on~-
t-i..tut-i..on de ma. doc.umenta.t-i..on.

TABLE
DES
MATIERES
pages
INTRODUCTION
l
1 - Plan général de la recherche
5
II - Présentation du cadre culturel de la recherche
7
PREMIERE PARTIE: APPROCHE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
11
CHAPITRE 1 : APPROCHE THEORIQUE
11
1. l - Les études empiriques relatives à la ruralité
11
Données des· littératures ethnologique,
géographique et anthropologique relatives
à la ruralité
11
1.2 - Problématique théorique de la recherche
l 5
1.3
La notion de
19
1.3.1. Comprend
21
1.3.2. L'étude
23
1.3.2.1.
24
1.3.2.2.
27
1.3.3. Les aspects cognitifs et affectifs de la
représentation sociale
31
1.3.3.1. Le décalage et la dispersion indi-
viduelle de l'information ... ...
32
1.3.3.2. La focalisation par rapport à
l t obj e t de la représentation...
34
1.3.3.3. La pression à l'inférence
35

- vr -
pages
4.5.2.1. Les ruraux
175
a) Attitudes et opinions des ruraux par
rapport au progrés en général,. ....
175
b) At t i t udes e top i nion s des r ur a ux par
rapport au modèle de revendication,
de participation sociale et du mo:
dè le du deve ni r
.
177
c) Attitudes ~et o pi ni ons vd e ruraux par
ra pp0 r tau xli en s soc i au x
..... . . .
179
d) Attitudes et opinions des ruraux par
rapport au modèle syndical
181
e) Attitudes et opinions des ruraux par
rapport au mouvement coopératif agri-
cole en Côte d' Ivoire et aux conseil-
lers ruraux, comme agents de relai et
informateurs du modèle officiel....
184
e . l ) L'appréhension du mouvement coo-
;
pératif agricole par les ruraux
184
e . 2) Profils et images du conseiller
rural selon les ruraux . . . . . . . .
189
f) Attitudes et opinions des ruraux vis-
à-vis de l'école
192
4.5.2.2. Les citadins et les populations as-
sociées
194
4.5.2.3. Attitudes et opinions des cadres du
développement rural et des conseil-
lers ruraux, par rapport à l'analyse
des attentes, des désirs et de deve~
nir des ruraux dans le mode d'appré-
hension de la ruralité
196
1) Le discours des responsable~du dé-
veloppement rural et des conseillers
ruraux dans la définition des effets
d'attente et du modèle de devenir des
ruraux
198

- v ~
4.3.2.6.
Conclusion partielle sur llétude
des discours et des représentations
de la relation ville/brousse .... :.
135
4.4. Analyse de l'expérience du vécu de la ruralité
136
4.4. 1. La ruralité comme secteur d'activités hu-
maines : une catégorie socio-professionnel-
le, comme les autres : unesituati~n socia~
l e
138
4.4.1. 1. La ruralité et la dynamique du mo-
dèle socio-économique
140
4.4.1.2. La ruralité comme secteur d'activités
humaines: une catégorie socio-profes-
sionnelle, un métier, un mode de vie
145
A - La ruralité comme situation socia-
le et psychologique
,
147
B - La présentation de la ruralité à
la fois comme mode de vie, métier,
et comme èatégorie socio-profes~
sionnelle dans les discours norma-
tifs globaux et positifs
148
C - La présentation de la ruralité à
la fois comme mode de vie, catégo-
et catégorie socio-professionnelle
dans les discours dépréciatifs
155
4.5.
Présentation catégorielle de l'analyse des repré-
sentations des attentes, des désirs et du devenir
de la ruralité par rapport à la définition des
prospectives....................................
171
4.5.1. Essai d'analyse des consensus dans la re-
présentation de la ruralité
'"
172
4.~.2.
Etude des clivages dans la représentation
des attentes, des désirs e~ du devenir à
travers les présentations catégorielles
175

- IV -
pages
4.1.1.
Etayage des discours sur la ruralité
91
4.1.2.
Points d'étayage spécifiques
96
4.2.
L'étude de~ ~iscours sur la ruralité et des·
représentations de la relation ville/brousse _
101
4.2.1.
Tonalité du discours relatif à la rura-
lité
102
4.2:2.
L'approche des discours"surla ruralité ....
et la position des sujets sollicités.
107
4.2.3.
Les discours sur la ruralité et les pro-
cessus d"intégrationsociale
... .....
109
4.3. Les discours sur la ruralité et leur mode
d r a pp réhe nsion . ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
112
4.3.1.
Psychologie, ruralité et représentation~
sociale.
112
4.3.2.
Vers l'esquisse d'une définition psycho-
sociologique de la ruralité comme objet
de connai ssance et comme situation.socia-
le
114
4:3;2.1. La ruralité, son appréhension et
les discours sociaux
117
4.3.2.2. Le statut de la ville dans la re-
présentation de la ruralité
118
4.3.2.3. Contraintes et désenchantement
dans l'appréhension de la ville
120
4.3.2.4. Le modèle relationnel comme indi-
cateur de différenciation inter--
. groupe:
ruraux et citadins... ...
122
4.3.2.5.
Points de repère pour différencier
les situations du travail agricole
et industriel...................
125
A - Remarque sur les relations
t nt e r ne s en milieu urbain...
130
B - Remarques sur lès relations
internes en milieu rural...
133

pages
2) Statut et rôle des conseil-
lers ruraux dans le processus
du développement rural
.....
202
3)
Essai d'interprétation:
ratio-
nalité utilitaire et ruralité
204
4.6. Synthèse sur l'analyse des représentations de la
ruralité
208
. 1) L'étayage du discours sur la ruralité :
organisation et structuration du champ
représentatif sémantique
208
2) Les caractéristiques du discours sur la
ruralité
209
3) L'analyse du vécu de l av ru r a l t t
210
é
4) L'approche de la ruralité, par l'analyse
catégorielle des prospectives définies
comme perspectives organisées vers l'ave-
nir
1..
211
CONCLUSIONS GENERALES
212
1. De l'analyse de l '6utilméth6dol"6gique
213
2. De l'analyse théorique des principaux ré~ultats
obtenus
214
2. 1. L'as pect t ra dit i on ne l
216
2.2. Des représentations en cours de transforma-
tion et leurs significations
216
2.2. 1. Eléments stables et constants
218
2.2.2. Eléments diversifiés selon l'apparte-
nance
219
3.
Bi l"an et "perspecti"ves-...........................
219

-
II i
..
pages
2.2.2.4. Méthode de travail
: la technique
d'investigation.....
61
2.2.2.5. L1entretien
,
"
62
n'A
Préambule
62
B - Le guide de l'entretien a pplj >
qué à l'investigation'.
63
2.3. Mode d'exploitation des protocoles recueillis
68
2.3. 1. L'analyse de contenu comme mode de lectu-
re ~u discours: choix et exemplification
70
2.3,.,2.
Présentation de l'étude de l'étayage du
discours sur la ruraltié, comme méthodo-
l ogi e de l'étude de représentati on et ses
objectifs
73
2.3.3. L'étude de la représentation sociale de
la ruralité et ses objectifs
,
77
DEUXIEME PARTIE
PRESENTATION DES RESULTATS
CHAPITRE III" ESSAI D'ANALYSE PSYCHOSOCIOLOGIQUE DU
DIS CO URS OFF 1CIEL
82
3.1.
Présentation des images de l'agriculteur d'après
le discours des planificateurs et des autorités
politiques
84
3.1.1. Profils de l t a qr i c ul t e ur traditionnel:
l'agriculteur actuel
"...
84
3.1.2.
Image ou profil de l'agriculteur symboli-
sant le modèle culturel de type de socié-
tés industrielles
85
CHAPITRE IV
ETUDE DES REPRESENTATIONS SOCIALES DE
LA RURALITE
"".........
90
4.1.
Analyse de l'étayage : typol~gie et exempli-
fication des catégories d'étayage
90

c,
'~'.
i
,
, .
• ..,~. r ,'~:; ~.~ •••
VIII·· .::: ....
, .... : ..
;.- .-:
pages
3.1. L'étude de~ caractéristiques objectives d~
la situation sociale donnée..... ..... ....
220
3 . 2. L' é tu de, des. con t r e - par t i es s ubj ec t ive s . . . .
221
3.3. L'étude des relations que les groupes dét~r­
minés et définis par la situation sociale
entretiennent avec les autres groupes so-.
ci aux
. . . . . . . . . . . .
221
BIBLIOGRAPHIE
223
ANNEXES
231
Annexe l
231
Annexe II
233
Annexe III
235
Annexe IV
238
Annexe V
240

-
1 1:' -
pages
1.3.4. Hypothèses sur l'étude des représenta-
tions sociales de la ruralité .,
36
.
1.3.4.1. Essai de justification -de l'appro-
che de la ruralité par les repré~
sentations sociales
-
36
l .3.4.2.L 'étude psycho~ociologique des
représentations................
39
1.3.4.3. Là formulation des hypothèses né-
céssaires à la recherche-".......
41
CHAPITRE II : APPROCHE, METHODOLOGIQUE
45
2.1. Pour une approche qualitative de l'étude de la
ruralité, comme situation sociale
46
"
2.2. Exposé sur,la méthodologie de la recherche sur
l arep'résentationd e la ru ra lité en Côte d'Ivoire
47:'
2.2.1. L'analyse des corpus écrits: les docu-
ments officiels de la ruralité ... .....
47
A - Le choix des documents
4B
B - Sources des documents officiels...
:'48,
C - Conditions d'exploitation du maté-
riau discursif utilisé
..
50
2.2.2. Recueil-et'analyse'dediscours sociaux
sur la r ur a l i t
50
é
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
2.2.2.1. La place de cette seconde approche
méthodologique dans la recherche
50
2.2.2.2. L'objectif de cette seconde phase
méthodologique
51
2.2.2.3. Méthode i:Jescd:Q:tj'-ye~çe~~êchantil':"_
lons de population: les implications.
52
A - le cadre spécifique de l'entre-
tien avec les ruraux
52
B - Implication différentes quant
à
la représent~tion de la ru-
r a l i t
55
é
. ,
• • • • • • • •
• • • • • • • • • • •

.'., .
"
l N T RaD U C T ION

~ .
Une étude n'appo~te jamai~ de ~on-
. ~fu~ion~ t~an~hée~ et
~ha~u~ peut y
t~ouve~ de~ a~gument~ en 6aveu~ d'une
a~tion immédiate ou d'un ~envoi a de~
étude~ pfu~ éfabo~ée~.
s. Moscovici, ,in p~é6a~e a
Cfaudine He~zfi~h,1969, p. 7.
Dans la recherche qui
va être présentée, on pose
la ruralité, comme une situation sociale intelligible.
Comme individu d'origine rurale, nous avons eu le privilège
d'observer la ruralité dans sa réalité elle-même par le·
biais de l'observation participante. Confrontant, les dis-
cours du sens commun sur la ruralité, à ceux des universi-
taires chercheurs, discours rencontrés dans les recherches
de type monographique, nous nous sommes trouvés devant une
situation marquée par une double insatisfaction
. insatisfaction par rapport à l'image de la rura-
lité traduite par le sens commun et véhiculé dans
le champ social. Ce sentiment déplaisant tire sa
justification de notre propre observation.
insatisfaction par rapport à l'orientation des
recherches monographiques' sur la ruralité et les
images que les recherches dégagent de cette réa-
l i té .

.
,
A la suite de ces constatations, nous avons"voulu
tirer les leçons -des lacunes et des limites propres aux
appréhensions empiriques de la ruralité. Pour ce faire, nous
.'
avons choisi d'aller au-delâ de ces situtations, et inter-
r 0 ge r les .dis cou r s soc i a ux sur l a r u r a lit
ce c i
par tir
ê
,
. ë

de deux hypothèses centrales
:
1/ la ~u~alit~ e~t une ~ituation ~ociale et p~ycho-
logique intelligible.
2/
Le~ di~c.o~J(~ -pou~ app~e.hende~ c e.t.t:e ~ituation s oc.La.-
de~ appa~tenanc.e~
de g~oupe~.
Ces deux hypothèses s'insèrent dans l'étude des
c.ont~e-pa~tie~ ~ubjec.tive~, comme dimension essentielle de
,l'approche de la ruralité en tant que situation sociale.
Cette proposition pose, en effet, que, comme l'identité
sociale et le statut sont déterminés par les caractéristiques
de l'individu et de l'organisation dans laquelle cet indi-
vidu évolue, la ruralité est aussi définie par un ensemble
de faits objecti,fs èt par un ensemble d'appropriations sub-
jectives de ces faits.
Les pratiques, l'environnement, les
conditions socio-économiques d'existence, le pouvoir, consti-
tuent les éléments fondamentaux de ces faits objectifs. Le
vécu, la manière dont les individus vivent et s'approprient
ces conditions objectives, l'image qu·'ils se font de s autres
groupes sociaux et les relations qu'ils entretiennent avec

.'~' '-'
~.' .3
eux déterminent cet'~nsemble d'appropriations subjectives.
C'est cette dernière dimension de l'appréhension de la rura-
lité qui constitue la trame théorique de notre recherche.
De cette manière, nous avons marqué un axe exploratoire
d'investigation:
La nunafité,
ta»t qu'objet de nepné~e»tatio~
dé6i»ie à pantin de di~~oun~ ~o~iaux.
Nous avons -alors travaillé sur un ensemble de maté-
riaux discursifs. Ces discours sont recueilis
auprès d'indi-
vidus, considérés comme intéressés par la représentation de
la ruralité. Comme outil méthodologique, nous avons utilisé,
l'analyse de contenu, en tant que mode de lecture des dis-
cours sociaux recueillis. Les essais d'écriture issus de ce
cadre théorique défini s'étayent sur deux hypothèses de
~
travail et un postulat
1/ L'hypothèse de l'identité des ruraux au sein de la
société ivoirienne.
Va»~ f'e»~embfe de~ ~ou~he~ et ~fa~~e~ ~o~ia­
fe~ qui ~o»~titue»t fe~ 60n~e~ ~o~iafe~ d'u»
pay~ do»»é, peut ide»ti6ien fe~ nunaux,
~omme appante»a»t à u»e ~ouche ~o~iafe, ~ym­
bofe d'u» modèfe ~uftunef pfu~ ou moi»~ homo-
gène.

.!'
, ...... -
- 4
2/ L'hypothèse de l'existence dela représentation .de la
ruralité dans la'société ivoirienne ll •
Il exi~te dan~ la ~oei~t~ivoi4ienne, de~
4ep4~~entation~ di66~4enei~e~ de la 4u4alité
ehez le~ aeteu4~~elon leu4 plaee dan~. la
ù04mation ~oeio-éeonomique.
Par ailleurs, la formulation de ces deux hypothèse~
s'appuie sur une conception et une orientation de la recher-
che sur la ruralité.
Une analy~e pU4ement de~e4iptive, monog4aphiqL
. v o i.ne. 4ep4oduet4iee de.s modèle~
de v.cz , de .f' 01,
gani~ation de~ ~entiment~ pitt04e~que~ de~
~ituation~ d'~tude~ de popu.fation 4u4ale, ne
pe4met pa~ de eomp4end4e le~ p4oee~~u~ mi~ en
jeu pa4 le~ 4u4aux da.ns leu4~ 4ap P(}Jtt~ av e c
le~ aut4e~ g4oupe~ ~oeiaux de la ~oei~té de
. 4~ù~4enee.
Ensemble, ces trois considérations nous permettent
de préciser le postulat suivant:
Toute 4ep4é~entation ~oeiale, pen~on~-nou~,
e~t .fi~e à .f'e~paee (1), à .fa vie maté4ie.f.fe,
aux ~ô.fe~ ~oeiaux et aux modè.fe~ eu.ftu4e.f~
de~ individu~ ou de~ g40upe~ i~~u~ de .fa ~o­
eiété c o n ee4n~e" .
(1)
Par e~paee, nous entendons, une lotalisation socio-
culturelJe et non spatiale.

Ce postulat pose la représentation sociale, comme produit
s o c i o c ul t u r e L.
r
1 - Plan général de la recherche.
Deùx parties composent l'organisation de cette
étude pour la mise à'.l'épreuve des discours sociaux sur la
rùralité.
1. La première partie de ce travail est un exposé sur
les approches théoriques et méthodologiques nécessaires à la
formulation de nos idées. Elle se compose de deux chapitres .
. ~~_~~~~i!r~_~r~~i~r est centré sur l'approche relative
"'"à cette étude.
Il a été traité dans une triple voie:
1.1.: Un exposé sur les études empiriques de la
ruralité constitue la première voie. Dans cette per~pective
nous avons dans l 'esprit de toute recherche, fait un bref
compte rendu des travaux qui ont ùtiJïsé~~la 'ruralité comme support
d'analyse. Nousavonsdëgagé 'des limites qui
affectent les recher-
ches afin de définir notre problématique.
1.2.
: La seconde voie expose la formulation de notre
problématique théorique.
1.3.
: La troisième voie, enfin explicite le champ

théorique de référerrce dont s'inspire ce travail
les
représentations sociales.
h~_~~~e!!~~_9~~~i~~~ rend compte de notre choix métho-
dologique pour l'opérationnalisation de nos hypothèses.
II - La seconde partie de ce travail expose les résultats
obtenus au cours de· cette recherche, elle comprend également
deux chapitres:
chosociologique du discours officiel recueilli par l'étUde
des traces. En conclusion à ce chapitre, on définit un schéma
thé 0 ri que exp 1i ca tif du m0 d 1e
è
0 f fi cie 1 .
. h~_~~~ei!~~_g~~!~i~~~ enfin, r~~d compte de façon
détai l l e de l'étude des représentations soci ales de la rura-
é
lité, telle qu'elle est marquée par l'état actuel de l'évo-
lution de la
Côte
d'-Ivoîre.
'La
con c 1,u s ion
de_ ce
chapitre expose les grands axes par lesquels - l'analyse des-
représentations de la ruralité a été conduite.
Conclusions générales.
Dans ce travail nous essayons de montrer en quoi,
notre recherche présente une di men s icn fondamentale de

~ / .. ' . \\i·
-
7
l'étude de la rural{té comme situation sociale intelligible.
-
On mbntre aussi, a l'issue de ce travail, comment la prise
en~compte de l'étayage du discours pourrait être une piste
/
méthodologique relativement intéressante pour le repérage
des constituants du champ de la représentation.
II - Présentation du cadre culturel de la. recherche.
2.
Bref aperçu sur les données socio-géographique;
économique et politi~~e de la Côte d'Ivoire.
2.1. Données socio-géographiques de la Côte d'Ivoire.
La Côte d'Ivoire couvre en Afrique occidentale une
superficie d'environ 322 000 kilomètres carrés. La latitude
détermine globalement trois zones de végétation naturelle
la forêt,
les savanes (1) arborées et herbeuses. Le 8ème
parallèle marque au nord la limite entre la forêt et la
savane.
Le pays compte une population de près de
7,4 mil~
lions d'habitants selon le dernier rece~sement démographique
effectué en 1975. Environ 67,5 % de cette population, soient
les 2/3 relèvent du monde rural et ont pour activité unique
l'agriculture. On note par contre que seulement 33 % environ
(1) Végétation des reglons tropicales.d'Afrique, pauvres en
arbre en général.

..... :. :r,,~1~ :". ";~;
, . -,"
-
u
de cette même population vivent aujourd'hui dans ]e~ prin-
ci pal es vil les .d u, pay s. Ab i d jan, lac api ta l e co mpte un mil-
. lion d'habitants. On se rend ràpidement à l'évidence que
...
hors de sa capitale, la Côte d'Ivoire est un pays essentiel-
lement rural dans sa structure démographique. De la même
manière, 6n peut observer à partir de ces données géogra-
phiques qu'en Côte d'Ivoire, le monde urbain est largement
minoritaire par rapport à la population globale. Cependant
dans la réa"lité socio-~ulturelle le couple conceptuel ville/
urbain est valoris~:ali,détriment du coupe conceptuel rural/
Il b r 0 u s s e Il,
à
tel "p 0 i nt q Ü ' 0 n peu t sou t en i r a ve c Ga brie l
Rougerie (1), qu'en Côte d'Ivoire, après la capitale symbole
du mo de u r ba i n , "J e c r e s t e c'est la brousse Il (2).
i
Notre pr-oblématique est alors de saisir et d'es-
sayer de comprendre cette attitude envers la ruralité dans"
la société ivoirienne. Mieux, d'approcher les mentalités,
les attentes et les représentations qui ont cours à propos
de cet objet social de connaissance qu'est la ruralité et
ce qu'elle évoque dans la "t t e " des individus de notre
ê
société~ Cette motivation qui est la nôtre, nous parait
très actuelle en égard aux sentiments, opi~ions qu'on res~
~
sent généralement lorsqu'on observe tant soit peu le fonction-
nement social de notre société à travers son organisation
( 1) ROU GER 1E G. ; Que sai s -j e ; LaC ô te d' 1v0 ire, n 0 113 7 : p.
(2) Région africaine, éloignée des centres urbains. Cette expr
sion peut-être tenue pour un équivalen"tafricain de la
Provinc~~nFrance.

socio-politique et économique. Mais l'observation èomme
méthode d'investlgation psychosociologique devient impuis-
san te ,à bi e il des é 9a rd s à r end r e co mpte de lié t ude' de 1a
réalité sociale, lorsqu'il s'agit d'une société toute entière
Ainsi ·convient-'il dans ce cas 'de-faire -a pp e lvà des ·techniques
d'investigation plus éprouvées dans leur faire.
Nous y revien
drons dans notre approche méthodologique. Mais se poser la
question de saisir une certaine dimension psychosociologique
des mentalités présentes au sein de la société ivoirienne,
c'est imaginons-nous, en même temps s'interroger sur son orga
nisation politiqué et économique comme formatrice et généra-
trice des idéo1ogies~ des représentations et des modèles cul-
turels qui apparaissent comme la clé de voûte de la dynamique
des mentalités.
2.2. Présentations de l'orientation politique et écono-
mique de la Côte d'Ivoire.
La Côte d'Ivoire vit sous le régime du parti
unique
comme c'est le cas dans la plupart des pays d'Afrique, qulell
soit Blanche ou Noire. Ce type de parti unique reste à dis-
tinguer de ceux qu'on trouve dans les pays socialistes pour.
simple raison que notre pays n'en est pas un. C'est un pays
à mode de
production capitaliste. En Côte d'Ivoire, clest le
"FDCI'!(l)(Parti démocratique de Côte d'Ivoire) qui symbolise
cette organisation du parti unique. Sùr le plan économique
( 1) p art t: au pou v0 ira c tu e-l lem en t en Côte d', l vDi r e .

.
"
selon les autorités d'Abidjan, la voie économique choisie
.
;
est le "capitalisme l t b r a l t' j L) , comme voie de développement
ë
.
.
'~
économique et social. C'est dans cet ensemble socio-politique
/
et économique que se déploie le fonctionnement de la soëiété
ivoirienne, qui sera dans le cadre culturel social et poli-
tique de notre champ d'investigation.
( 1 ) Nous préférons, quant à no us ,"- d ire un système à mode
de _pr 0 duc t ion cap i t a 1 i ste :--

:'",
~ •
J.
PREMIERE
PARTIE
APPROCHE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

...,.~ .
:;".i>';"··:···'~·:·~
'"
,
CHAPITRE PREMIER
APPROCHE THEORIQUE

CHAPITRE PREMIER
.APPROCHETHEORIQUE
1.1.,LESETUDESEMPIRIQUESRELATIVESALA RURALITE
De nombreuses recherches et des travaux d'études
de population ont' po~té leur attention a la ruralité comme
support d'études pour en dégager ses caractéristiques. Ces
travaux sont pour l'essentiel l'orientation ethnosociolo-
gique, anthropolo~ique et géographique. Les lire de façon
sélective dans leur diversité ne permet pas d'en saisir
l'idée qu'ils traduisent, les problèmes qu'ils posent et
ceux qu'ils laissent en suspens. Ainsi avons-nous choisi de
les suivre dans le cheminement global de leur orientation
afin d'y voir un peu plus clair.
D6hhéè~dèslittér~tufe~ethh610giqUè,géogfaphique
et
'~nthf6p616giq~erèlatiVè~alafufalité:
"
Par trop souvent on a, dans notre société, assi-
milé les ruraux au métier qu'ils exercent. Ainsi des cou-
rants de recherches ont espéré qu'en étudiant leurs activi-
tés (M. Augé, 1970) ; et leurs créations humaines (A. Deluz,
1964); ils en venaient a comprendre ces populations dans leur
nature profonde. De la même façon,
les études de géographie

- 1 2 -
humaine s'orientent vers une description presque e~clusive
des modes de cultures - sens agricole - et les pratiques
agric~les des populations rurales (B.
Holas, 1957)~ D'au-
tres recherches, dans cette même perspective, décrivent la
nature des propriétés et les difficultés propres à la pra-
tique agricole et à l'organisation de l'espace chez les
populations rurales (B.
Dian, 1967). Dans une autre pers-
pective, les recherches d'orientation ethnosociologique,
elles, portent leur regard sur l'étude et l'analyse des
,
~-
.
modes de vie, des croyances,
et les phénomènes socio-
politiques propres aux populations rurales. L'analyse de
l'organisation des cultes, des rites religieux, et le fon-
dement de la cosmogonie d'une part, et d'autre part, l'é-
tude des classes d'âge, des filiations matrilinéaires,
constituent les thèmes essentiels des travaux des ethnolo-
gue s (D. Pau l ne ~" '_' l 962
C. Lur roc a, l 970 ; Pie r r e Et i en ne,
1973).
Les économistes ruraux, eux, analysent à partir de
cas particuliers le passage du mode de production tradi-
tionnel à un mode de production marchand de type d'expor-
tation (C. Meillassoux, 1964 ; J. Chapron, 1965
E. Terray,
1965).
Comme on le voit, et de façon générale, les socié-
tés rurales constituent un domaine d'investigation pour les
sciences sociales et humaines et leurs études ne sauraient
constituer une description autonome. Les géographes qui
analysent les rapports entre l'homme, le milieu naturel et

la distribution spa~iale des phénomènes humains on~ tout
na t ur e l l e me nt "commencé à se pencher sur la "b r ou s s e ? •
L'économie rurale est une branche de l'économie nationale
qui ëtudie les structures économiques des ruraux.- L'his-
toire sociale qui s'attachait·à un passéoü l'agriculture
était l'activité de la plus grande partie des hommes fait
une large place à la description de la vie paysanne. Les
éthnolo~ues étudient, eux, les structures dites archa'q~es
dan s les que 1-1 es l are che r che 0 u l a pro duc t ion de l a n0 ur - ,
i~'
_ ........
riture occupent t~us les hommes. Etant des hommes,comme
les autres, les ruraux relèvent de chaque science sociale.
Cependant, ils vivent dans un milieu particulier qui re-
quiert une certaine spécialisation chez le chercheur, et
parfois la formulation d1une problématique différente eu
égard à la conception trop monographique des travaux que
1 Ion connaît et aussi
la non prise en compte d'autres di-
mensions autrement importantes, pouvant permettre d'éclai-
rer d'un jour nouveau l'approche des études sur la rura-
lité.
Au nombre des points sur lesquels les études, jus~
qu'alors faites, font silence, peuvent être inscrits l'étu-
de des mentalités collectives et individuelles, les atti-
tudes, les attentes, les sentiments, bases des représenta-
tions sociales.
Notre idée rejoint celle de J.Y.Martin (1976) (1)
(1)
J.Y.Martin : Etude des communautés villageoises socio-
logiques. in Travaux et documents de l'O.R.S.T.O.M.
n° 53, Paris, 1976, p.
148.

--
- .' - .] 4
qui s'exprime en ce~ termes
11 S' inte1LJ'Log e.tz.
.6 u.tz. .t' uti.titédu c onc.ept de
·1Ic.ommunautét>J/ vi.t.tageoi.6e.6 p.tz.é.6ente d e.s at>-
pec.t.6 ~c.adémique.6 dant> .ta me.6u.tz.e oQ c.ette
inte.tz..tz.ogation po.tz.te .6u.tz. un thème qui a été
au c.en:t.tz.e d'un c.e.tz.tain nomb.tz.e de .tz.ec.he.tz.c.het>
.tz.éc.ente.6 en A6.tz.ique .e.t:.. dont t.e.s .tz.é.6u.ttat.6. ont
été pub.tié.6 ...
Faut-i.t doutè..tz. de .t'uti.tite.c
c.ette inte.tz..tz.ogation e.t.te-même ? Pou.tz. .6o.tz.ti.tz.
de c e.t.t:e. Lmpo.s s e., -nou.6 pen.6on.6 qu'i.t 6aut po-
.6e.tz. le p.tz.ob.tème a deux niveaux :
. Le p.tz.emie.tz. e.6t c.e.tui d'une .tz.é6.texion .6u.tz.
.t'adéquationde.6 tvune1J : étude.6 de.s "c.ommunau-
-
",
.tz.é.6J/ - ajouton.6-nou.6 de .td A~Ad.tité•
.
0e .6ec.ond point e.6t c.e.tui d'une .tz.é6.texion
.6u.tz. .te.6 c.onc.ept.6 .te.6 p.tU.6 pe.tz.tinent.6 dan.6
.t'ang~e de.6 .6oc.iété.6 en voie de .tz.éagenc.ement
.60U.6 .ta c.ont.tz.ainte de .t'Etat mode.tz.ne et de .ta
c.ivi.ti.6ation tec.hnique et indU.6t.tz.ie.t.te."
De cette citation, on peut tirer deux conclusions'
pratiques pour notre recherche
1)
La première pose la question toujours trou-
blante de l'approche méthodologique dans la sphère de la
recherche. Quelle approche méthodologique, pour quelle re-·
ch~rche, et pour quel problème.
2) La seconde conclusion peut être saisie sous
l'angle de l'approche théorique.
Finalement ces deux conclusions réactualisent ce
qui
nous semble être le problème de toute recherche: défi-
nir un problème théoriquement intéressant, pertinent, et en
même
temps étudiable, voire opérationalisable avec les mé-

thodes présentes. Comment alors concevoir une approche des
études de popu~a~ion,
avec comme support la ruralité, et
dêpasser dans la même optique la démarche monographique?
Notre recherche s'inscrit dans cette perspective.
1.2.
PROBLEMATIQUE THEORIQUE DE LA RECHERCHE
Nous venons d'exposer une conception de recherche
relative a la rura]ité, comme support d'études. Ces travau~
présentés, même s'ils permettent dans une certaine mesure
d'améliorer les connaissances sur la ruralité, [le mettent que
l'accent sur l'étude des éléments objectifs de la ruralité
Ces études, malgré, pensons-nous, leur grande valeur et
rour intéressantes et nécessaires qu'elles soient, nous ont
apparMes comme trop réductrices, voirE incomplètes par. rap-
port à une réalité et à un domaine que nous avons pressenti
'ou que nous. continuons de pressentir comme r-iches et diver-
sifiés. Nous saisissant des non-dit et des silences propres
a ces travaux, il nous semble nécessaire de définir le pro-
blème qui nous semble pertinent par rapport à la réalité
telle que nous l'appréhendions.·
En effet, dans les tra-
vaux connus jusqu'alors, comme en témoignent les références
relevées antérieurement, aucune allusion, nous semble-t-il,
n'est faite portant sur le vécu psychologique des indivi-
dus inscrits dans la situation que ces travaux analysent.

1 Cl
-
..
:
Aban don na nt l a . v0 i e .d 1 une a na lys e cri t i que d' e xe mp.l e s de
r e che r che s , nous nou s s i tue r 0 ns dans ce 11 e de l' i nte r r 0-
gatiop, comme discours affirmatif (1), pour mieux proje-
ter notre pensée :
- Comment les ruraux se perçoivent-ils dans la
société ivoirienne?
Comment sont-ils perçus au sein de cette même
société?
- Comment saisir et comprendre les discours sur
l a r ural i té?
Peut-on aujourd'hui encore limiter l'étude de
la ruralité aux seules études géographiques,
ethnologiques,
aux monographi~es ?
- Une lecture ou une écriture ps ychcsoc i ol ooique de
la ruralité peut-elle compléter une lecture
ethnologique de la ruralité ?
- Mieux, l a psychosociologie. peut-el l e
apporter une
cohérence complémentaire aux autres approches
de la ruralité ?
Quelles réflexions supplémentaires nous inspire cette dé-
~arche interrogative? Il va de soi que lorsqu'on découvre
dans une recherche des non-dits, des points d'insatisfac-
tion d'ordre théorique dans la démarche probmématique, le
bon sens suggère qu'il faut ouvrir d'autres pistes, d'au- .
(1) Nous empruntons le terme à Michel Morin, 1976, p.
138.

· ~..'
tres perspectives d~ recherches~ fussent-elles explora-
toires. Tout~ ~~cherche scientifique~ pensons-nous~ part
d'un Lhamp théorique de référence~ sorte de guide qui
justifie le fondement et la richesse même de sa démarche.
En effet ~ . nous·· a v0 ns con s t a t

travers des travaux·· d' é -
ë
tudes de populations
menés sur des terrains ethnologiques~
anthropologiques, géographiques, voire d'économie, des
oublis ou plutôt des silences innocents sur des dimensions
d'importance majeure, comme en témoigne la démarche inter-
t .
r 0 ga t ive qui am 0 r ce not r e pro b"é mat qi ueth é 0 ri q ue ; 0ure ste,
comment est-il possible que des individus puissent vivre
dans des structures sociales si doctement décrites sans
·que la IIparolell leur soit donnée pour qu'ils parlent d'eux-
mêmes de la structure qui les gère ou qui organise leur
vie; autrement-dit, dans laquelle ils se trouvent insérés.
,',
Comment analyser et co~prendre les processus consécutifs
.auxréagencements de la société acutelle. Quels discours
ces populations rurales tiennent-elles sur leurs conditions
de vie? Quels problèmes culturels rencontrent-elles quant
à
l'appropriation du modèle culturel dominant, bref, quant
à l'appropriation du discours social
dominant, eu égard au
leur? En un mot, comment comprendre les mentalités indi-
viduelles et collectives sur la ruralité, les attitudes,
les attentes, les sentiments, les représentations sociales
qui organisent la réalité telle qu'elle est présente dans
le corps social. A toutes ces questiàns aussi brûlantes à

:
".
~
nos yeux, les études évoquées restent muettes. Pour tenter
.'.
'
de répondre a ces séries de questions
et en avoir le coeur
net, Aous avons opéré une rupture de nature épistémologique
avec les approches ethnologiquesde l'étude de population.
Qu'est~ce a dire,
admettre une rupture de cette ~imension.
Cette attitude suggère que, s'agissant des approches envi-
sagées par les ethnologues, les géographes, nous avons re-
connu et décelé des niveaux d'insatisfaction pour lesquels
nous sommes obligé d~ faire appel a des approches plus
parlantes dans leur
faire
pour ce
niveau del:analyse.:
théorique.
Ainsi, pour tenter d'apporter des éléments de
réponse
a ces questions, nous avons pensé qu'une approche
psychosociologique du problème envisagé, centrée sur les
représentations sociales, cernerait dans ces contours les
pofnts en suspens. Mais suffit-il, devant des interroga-
tions aussi troublantes, voire déroutantes, d'affirmer ou de
sel i mit e r au se ul st a de id e:l "int e r r 0 9a t ion ?
Clest dans le souci salutaire d'y contribuer que nous nous
sommes proposé de saisir ces con~e-pa~~~e~ ~ubject~ve~ a
travers la psychosociologie
comme dimension de la réalité so-
ciale. Ainsi avons-nous choisi d'aller au-dela des appro-
ches empiriques et interroger en quelque sorte les discours
sur la ruralité comme produit social
chargé de significa-
tions. indicatives. Cette problématique est née de notre
propre observation.
Elle s'appuie en maints endroits sur

·:.: :,- .:
.:;.
'-:l9 -r :
ce qu'on peut appeler en psychologie sociale l'obs~rva-
tion participante.
~
Mais se positionner par rapport a des champs thêo-
riques de recherche, s'interroger sur des recherches entre-
pris es· dan S.:U ne ~c e r t a i ne pers pe ct ive "s cie nt i fi que,' que 11 e
que soit la nature de cette recherche, exige tant soit peu
des contraintes de clarification et des perspectives de
recherches plus·suggestives. En quelque sorte, cette prise
de position interpelle son auteur. Elle commande alors la
mise en oeuvre d'hypo~hêses susceptibles de rendre compte
et de justifier les préoccupations du chercheur. Cependant,
avant de formuler ces hypothêses, convi'ent-il de situer
le champ théorique global qui sous-tend notre problêmati-
que ?'
lesreprésentation~so~iales.
1..3 _
LA NOTIONDEREPRESENTATIONSOCIALE- LE CONCEPT, SA
DEFINITION
" ... E.6-t- c e que. le..6 n.ê.p ovu, es dan» une. e.nquê-te.
.6on-t de..6 minia-tutz.e..6 de. c.ompotz.-te.me.n-t, de..6 c.o-
pie..6 de. la tz.éali-té ou de..6 in.6-tanc.e..6 d'un .6y.6-
-t~me. de. c.onnai.6.64nc.e. .6péc.i6ique. ...
Nou.6 avon.6
op-té, i l Y a quelque..6 année..6,
en 6ave.utz. de. la
-ttz.oi.6i~me. pO.6i-tion e-t nou.6 avon.6 mon-ttz.é qu'i.e..
.6'agi-t d'indic.a-te.utz..6 d'une. otz.gani.6a-tion p.6y-
c.hologique. au-tonome.,
d'une. tz.e.ptz.é.6e.n-ta-tion .60-
c.ia.e.. e . . . "
( Mo seo vic i , "1 96 9 ) _

,: i~:
Pou»: nou.6 ,affi rme Moscovi ci, er.r.e.s (-les
représentations sociales) .6ont d'abottd et
butttout de.6 modeb de ttecon.6tttuction .6ocia.f.e
de .f.a ttéa.f.ité".
Cette définition reste incomplète si on la laisse
comme telle. Le 'problème principal est la reconstruction
par la connaissance de la réalité d'une part, et des sys-
tèmes c~nceptuels de l'autre. Cela suggère une démarche
spécifique, ce que Moscovici explique comme suit
" O n pattt toujou.tt.6 d'une image, d'u.ne .6tttuc-
tutte matéttie.f..f.e ou inte.f..f.ectue.f..f.e é.f.abottée
et non pa.6 d'une donnée bttute.
" - Reptté.6entett équivaut à ttepttoduitte, auttte-
ment dit ttépétett et JLé.o,/tdonnett ce qui a été
~R '->--..
j à 0 ttdon 11. é aai.f.~~".6_p-~/
~1VI.;~~e.f.qu' und' auttte" . '
.; 1.,,0,
~,
Cie s t pou r quo ion peu t a f f i mer a~cJ. M0 s e:o,' vic i que les r e -
,
3. \\
. ~~ . ) ~.~
pré sen t a t ion s son t lep r 0 dui~t~ e t 1e pr 0 cl s sus der e con s t r uc -
.
l
d
' -
l
~""~l\\}\\./h .
h
.
t l 0 n men ta e
ure e
par un a p.p~~~~s'Y c l que
umal n par
le concours de l'autre.
tomme on le voit, l'étude des représentations so-
c i ale s 5 e s i tue end e h0 r s de 1a vis ion. be ha v0 ris tep 0 ur ·1 a
simple raison qui
"e.f..f.e envi.6age .f.eb homme.6 poutt autant qu'i.f..6
chettchent à conna~ttte et à compttendtte .f.e6
ChO.6eb autoutt d'eux, à tté.6oudtte .f.e.6 enigme.6
qui .f.e6 occupentdepui.6 .f.eutt tendtte en6ance.
Quand nou.6 étudion.6 .f.e.6.tteptté.6entation.6 .60-
cia.f.e.6, nou.6 étudion.6 .f.e.6 homme.6 pdutt auta~t

- . 21 - '
qu'il~ manient de l'~n6o~mation ou ~~ condui-
he~t. Plu~ exa~tement, en tant qu'il~ ont pou~
but de comp~end~e et de conna~t~e et non pa~
d e ~ e co mp0 ~t e~" _ ( s. Mo seo vic i, l 979 ) .
1.3.1. Comprendre les r e pr-ê se nt a t i.o ns sociales
Qu'est-ce qu'une société qui pense? se demande
Moscov~~i. Les situations sociales de communication, de
décision, voire de conduite, ont lieu dans la société,
mais dans une s oc i.ê tê qui pense. Les idéologies et les
représentations,sociales sont des oeuvres humaines a tra-
vers lesquelles se déploient les pratiques sociales. La
place qu'occupent les représentations sociales, pense
Moscovici, apparait comme une préoccupation immédiate,
car elle est définie par la séparation a maints égards
entre univers consensuels e; univers réifiés. Dans les
univers consensuels, développe Moscovici,
"la ~ociété ~e conçoit- comme un g~oupe d'in-
dividu~ à la 6oi~ équivalent~ et i~~éduc­
tibLe~, ayant chacun
qualité de pa~le~ en
~on nom et ~on s o.Ln" "Nos covo c t , 1979).
On pourrait naivement dire qu'en fait, c'est la société
des sens commun, où la babélisation du savoir et de la
connaissance n'entrent pas en jeu. Par contre, dans les
univers réifiés,
"la s oc.cê.t.ë .s e conçoit comme un ~y~tème de
~ôle~ et de cla~~e~ di66é~ent~ dont le~ oc-
cupant~ ont un d~oit inégal de la ~ep~é~en-

'.'
?? > -
' . '
.te.ILe.tde. paJ1.fe.IL e.n.6 on nom. S e.ufe. f'.e.xpe.IL-
. t,~.6,e. déte.ILm~ne. i.e. .6e.U~f, v oLn e fe. de.gILé de.
pa~t~cipat~nn
e..6-quaf~té e.n tant que.p.6ycho-
fogue.~ méde.c~n, jUIL~.6te.... e.t fa po.6.6~bif~té
de. .6'y .6ou.6tILaiILe. : je. ne. .6~~.6 pa.6 .6pécia-
f~.6te. e.n Ce.C~,
e.n ce.fa.
La pe.ILmutat~on de..6
IL ôf es , fa capac~té d " 0CCUpe.IL fa pface. de.
f'autILe. .6ont autant de. moye.n.6 de. fe..6 appILe.n-
dILe. ou de. pILe.ndILe. .6e..6 d~.6tance..6,
de. ne. pa.6
.6e.
con6ondlLe. ave c autILu~t1
(Moscovici, 1979).
Comme on le voit, cette attitude explique bien les prises
de positions diversïfiées·, voire différenciées, que l'on
rencontre dans le champ social.
Sciénces et rep~ésehtatidnssdciales
On remarque, d'après de qui
vient d'être dit,
combien les sciences sont les modes de connaissances des
univers réifiés. Celles-ci visent à dresser les cartes
d'une réalité donnée, indépendante de notre conscience,
.définissent les situations de telle sorte que l'on adopte
à
l'égard d'elles une attitude de désinteressement et
d'obéissance. Leur style et leur structure sont restreints,
froids,
résolument abstraits.
Renonçant aux procédés que
formulent les valeurs et les sentiments sociaux "most
e f f e c t iv e l y Tl ) , elles cherchent à favoriser la clarté intel-
lectuelle et les évidences empiriques ... Quant aux repré-
sentations sociales, Moscovici mentionne
"qu'eLte..6 .6 ont: des c.o.dn-e: de. cIL~.ota..e.fi<!Jation
d'ul1 .6e.n.6 commun,
vO~ILe d'une. cOI1.ocie.nce. cof-
(1) l'expression est en anglais dans le texte original
(Moscovici,. 1979).

·'
.
..
-:,'
;/:l; .:/".
~
-,'23
-.'
..te.c.tive.. EUe.~ dé-timi:te.nt -te.UIt do mail'l.e.de.
...:(e.-t..te. ~OJLte. Qu'i-t~oitac.c.e..6.6ib.te.
à c.hac.un
et. QU' 0 n .p e n»e. y plté~e.nte.1t p-tu.6ie.ult.6 valtian-
./
t.e.s -6e.Lon -te.J.> c.Vz.c.on~tanc.e.~
e.t: t.e.s 1t·e.f..ation.6
.te.mpoltai/te..6" .
1.3.2.'L rétude'.desrèprésentatibns::sociales ..
Pourquoi ~vons-nous besoin des représentations
sociales? Qu'est-ce ce qui, dans leur faire,
rend compte
de leurs propriétés distinctes, s'interroge Moscovici. En
effet l'étude psychosociologique des représentations s oc i a l e s ,
est une etude pl Uriell e et chaque chercheur l'adapte à ses,
préoccupations, selon la définition de son domaine d'in-
vestigation. Moscovici
(1979) pr~pose à cet égard trois
hypothèses suggestives
A -,._" L' h ye.oi: hè s e. de. f..' i nt élt è.t:, .6 et: 0 n -taQu e.-tf.. e.
i-t .6'agit d'éf..aboltation~ inte.f..f..e.c.tue.f..f..e..6
pItOplte..6 à ma.6Que.1t -te..6 c.a-tc.uf...6 e.t f..e.~ but.6
d'un gltoupe. e.n c.on6-tit ou c.he.ltc.hant a do-
mine.1t un autlte..
Le.ult.6 c.onte.nu.6 .6ont palt c.on-
.6éQue.nt une. di.6tolt.6ion de. f..a Itéaf..ité.
B - "L'hypothè..6e. du dé.6éQuiLiblLe. ault.e.gCl:ltd de.
f..aQue.f..f..e., toute. lte.plté.6e.ntation .6oc.iaf..e. e.J.>t
une. ltépon.6e. aux te.n.6ion.6 p.6yc.hiQue..6 c.on.6é-
c.utive..6 a un éc.he.~, a une.mauvai.6e. intéglta-
tion dan.6 f..a .6oc.iété ou a un manque. de. c.on-
nai.6.6anc.e. c.onc.e.ltnant .6e..6 ltègf..e..6.
C - "L'hypothè.6e. du c.ontlta-te. .6e.f..on -taQue.f..f..e. f..e..6
lte.plté.6 e.ntat.ioM so cca.ce» oltgan.i.6 ens: Le c.ompoJt-

.t.emen«,
6ittJtent t' enviJtonnement.Ce· 6a'i~ant,
ette~ ~impti6i~n.tet intJtodui~ent ta ctaJtt~
cognitive dan~ un domaini comptexe et ab~ent" .
.1
"Ain~i, poursui t Moscovi ci; t.e.s JtepJt~~enta­
tion~ .~ociate~ nai~~ent en JtappoJtt et en Jt~­
pon~e"à un changement pJtoduit dan~.un gJtoupe ..
ou dan» un enviJtonnement".
Ce qui permet à Moscovici de soutenir la thèse selon la-
quelle"
"tou.:te JtepJt~~entation ~ociate e~t ta 6a.mi-
tiaJt{~ation d'une ~tJtanget~ ou de t'~tJtange
.
,
'
en 9 e.n. ê.Jta.1. " .
Contrairement aux sciences qui ont pour but de changer
le familier en étrange~ les représentations sociales adap-
tent l'étrange au familier!
Pour notre part, et compte
tenu des hypothèses que nous aurons à formuler, nous vou-
lions situer notre préoccupation dans le cadre des deux
premières hypothèses indiquées par Moscovici. Ce choix
nous amène à préciser un peu l'esprit de ces hypothèses
théoriques pour l'analyse du contenu de la représentation
sociale - une analyse dimensionnelle - et les opérations
fondamentales par lesquelles ~'élaborent les représenta-
tions sociales ainsi que leurs asp~cts cognitifs
l ,3. 2. l .
Lia na lys e d i me nsion ne l l e
La représentation sociale que nous connaissons
peut être analysée, selon Moscovici ,.à travers trois di-
mensions : l'information, le champ représentationnel et
l'attitude.

-, : ,-,~
/.
25 -
Dans son contenu, selon René Kaës (1968) s , on
-'
peut définir-la 'représentation sociale comme
t a nt
ce que
ê
aes individus ou des groupes pensent d'un objet signifi-
~
-
catif, c'est-à-dire un objet de connaissance. La condi-
t i 0 n premi è re pou r -entreprend re, aj 0 ut.e cke n
Kaës, .un e
ê
_
êt ude der e pré sen ta t io n , est que l' 0bj e t de cet ter e pré -
sentation supposée existe effectivement tomme objet de la
repfésent~tion ~ (lest, pour notre cas, que la ruralité
comme renvoyant à un sous-groupe social fasse partie de
l'univers cognitff- et-mental de l'organisation discursive_
des autres sous-groupes de la société globale, et aussi
fasse partie du discours des ruraux, comme groupes organi-
sés dans leur perception, dans leur vécu et dans leurs pra~
tiques sociales. Ainsi conçue, on peut dire avec René Kaës
que la représentation sociale peut être tenue finalement
pour un é qui v'à l.e nt de l' 0 pi ni on . (el le-ci étant , sel on
Moscovici, d'une part une formule socialement valorisée à
laquelle un sujet donne son adhésion; et d'autre part, une
prise de position sur un problème controversé dans la socié-
té. De 1(1 s or t evlvirïfor-matio n , comme dimension de la repré-
sentation sociale, peut être définie comme l'ensemble or-
ganisé des connaissances que le sujet ou le groupe collec-
tionne à propos d'un objet donné. Le recueil de ces infor-
mations est soumis à des critères divers.

>.~
',>
't ..
.:....~~ Z(;
Selon Kaës, le champ représentationnel définit
le domaine de représentation structuré par un modèle so:
cial ou par une image.
"rf..·ya. c.hamp de. he.phé..6e.n-ta-tion f..à ôù if..
y a uni-té. hié.hahc.hi.6é.e.de..6 éf..éme.n-t.6"
(Moscovici,
1976).
-L'attitude
"ohgan-<:.6 e. f..' ohie.n-ta-tion 9 énéhaf..e.,
pos i.r.i.v e.
ou né.ga-tive., vi.6 à vi.6 de. f..'obje.-t de.' f..a he.-
phé.6e.n-ta-tion" (C.
Herzlich, 1969).
Chaque fois qu'on parle d'attitude, on veut dire que le
psychisme est une activité. L'attitude peut être reçue
comme une façon de structurer le réel. A notre avis, l'at-
titude sert a rendre compte de certaines régularités dans
les comportements de l'individu et aussi d'une certaine
cohérence. L'étude dimensionnelle distingue opinions, at-
titudes, stéréotypes, comme autant de modes de formation
de la conduite envers un objet socialement significatif.
La structure de l'univers d'opinions qu'elle tente de d~-
couvrir fait de l'attitude une des dimensions, les deux
autres n'étant pas axées sur la conduite.
"En.6e.mbf..e., f..e..6 -thoi.6 dime.n.6ion.6 pe.hme.-t-te.n-t
de. dé.gage.h f..a na-tUhe. e.-t f..e. de.ghé de. c.ohéhenc.e
d'une hephé..6en-ta-tion .6oc.iaf..e, d'é-tab.fih .6on
hôf..e dan.6 .fa dé6ini-tion de.6 6hon-tièhe.6 d'un
gJz.oupe, e-t en6in d~ hendhe pO.6.6ib.fe une

.,
.~. , ~
.,. ,- - '2/
analy.6e. c.ompaltaLi.ve."
(Moscovi ci, 1976).
l . 3.2.2 .
DynamiqUe 'd 'Uner'epr'ésentationsoci al e s o n
élaboration
L'analyse qui précède est une analyse de nature
statique.
Elle fournit a n'en 'plus-douter-une vision re~
lative des représentations sociales. Comment une repré-
sentation sociale .se forme-t-elle ? Quels sont les proces-
sus selon lesquels elle fonctionne, s'interrogera Claudine
Herzlich.
Pour Mb~c~~ici, deux opérations fondame~tales
sont a distingu~r dans le processus d'élaboration des re-
présentations sociales.
1.3.2.2. 1.
b~~Dfr~g~
R. Kaës (1968) note que cette notion prend, en
psychâsociologie, un sens plus général que celul qu'elle
a dans les études sur .la perception en gestalt-psycholo-
gie, où l'effet d'ancrage désigne l'influence d'une va-
leur de référence sur l'estimation d'une série de stimuli.
Dans les recherches sur la représentation, cette notion
permet de
"lte.ndlte. c.omp.te. de. .ta c.on/.)t..i.tut..i.on d'un lté./.)e.au
de. /.)..i.gn..i.6ic.at..i.on/.) autoult d'un noyau ..i.mage.ant
de. .ta lte.plté./.)e.ntat..i.on .6~c...i.a.te. e.t de. l'olt..i.e.n-
tat..i.on de..6 c.onne.x..i.on.6 e.ntlte. c.e..tle.-c...i. e.t .te.
m..i..t..i.e.u".
En somme, il fait entrer quelque chose d'exté-
rieur, de non familier, qui sollicite notre attention dans

,
. .":
'.;
.. '28
le réseau des catégOries qui nous est propre, et le rend
conforme, semblable à une des catégories que nous consi-
dérons
comme exemplaire .
.'
Dans le cas de notre problématique, nous assis-
ton s à l a t r ans for mat ion, d 1 une r ura lit
t rad i t ion ne l l e e t-
ë
=.
à son remplacement progressif par une ruralité dite mo-
derne par le biais de la transformation des modes de pro-
d uc t i oni e t des structures sociales, et à la création d'une
nouvelle classe d~ ruraux, conforme aux impératifs de la
modernisation et du développement. Ce processus de, moder-
nisation de la ruralité traditionnelle voulue et conçue
par les planificateurs, est guidé, pensons-nous, par une
certaine idéologie, mieux une certaine vision du monde
- donc une certaine conception de la ruralité -
Ce modèle
rêvé, pensé pour les ruraux par les planificateurs, nous
n0 us pro p0 son s de lia ppel e r 1e Il m0 dè 1e 0 f f fc i e l ". Cep hé -
nomène vise à créer alors une ruralité moderne et répon-
dant aux schémas culturels des planificateurs et les dis-
cours qui les sous-tendent, rend compte du fonctionnement
de l'ancrage tel que nous li avons analysé.
Ainsi, dans la mesure où il est placé près d'une
catégorie exemplaire, l'objet, l 'idée ou le groupe consi-
déré est investi de tous les attributs correspondants, et
reconstruit de manière à lui être identique.
Dans la mesure
où un ,consensus se fait sur la catégorie, tous les jugements
implicites qui se portent sur elle se portent aussi à l'idée

.!...9
·ou l t obj e t v o u cl e groupe. Ainsi ancrer signifie classer
i
et nommer a part~r d'une perspective propre. Ma.is qu'est-
ce a dire
classer et nommer? Dans son esprit,
"toute c..f.a.6.6e c o n.s t.Lr.u e: un JtépeJttoùl..e de
c.ompoJttement.6 et.de Jtèg.f.e.6~dé.6..<.gnant c.e
qu'e.6t peJtm"<'.6 ou "<'nteJtd"<'t à tOU.6 c.eux qu..<.
Ij
.6 a nt ..<. nc..f.u.6 "
( Mo s co vic i, l 9 79) .
Dès lors, classer et nommer quelque chose encore sans
classe ou sans nom équivaut a le normaliser, a le recons-
tituer selon une 'convention pré-établie. Deux qualités sym-
bolisent cette vision:
- la p61arisation
Les matrices d'identité que l'on connait sont
polarisées entre deux identités extrêmes et opposées,
l'une de valeur positive, l'autre de valeur négative, et
qui dominent les catégories intermédiaires.
- lén6yaufig~~atif
Ces matrices d'identité fournissent en outre un
exemplaire ou prototype dl une catégorie. C'est ce que Moscovici
a appelé le noyau figuratif d'une représentation, car tou-
te catégorie de personnes, d'idées y est représentée. Ce
qui signifie en d'autres termes qu'ancrer quelque chose
d'exté~ieur ou étranger dans une matrice revient a choisir
un prototype et à y établir une relation positive ou néga-
tive. Dans la pratique, l'ancrage se fait dans deux sens:
- le sens de la généralisatlon,
- le sens de l'individualisation.

.- . 30 -
Toutes ces opérations humaines se jouent dans le
système cognitif de l'individu en ces termes: ·Parfois, nous
avons/â l'esprit une description et nous cherchons une in-
formation ou un individu qui s'y adapte: c'est le sens de
la généralisation; et parfois nous avons 8 l'esprit un tel
individu et nous nous demandons comment le décrire: c'est
le sens de l'individualisation. En résumé, l'ancrage trans-
forme la représentation en une dimension de l'individu ou
de la collectivité. L'ancrage ainsi analysé fait une partie
du travail dévolu.8 la représentation sociale en modifiant
la notion ou l'individu non formulé de manière qu'il
puisse
être nommé'! . classé dans une des matrices d'identités exis-
tantes. Ainsi l'ancrage peut apparaitre
comme une phase
dynamique de
"la JLepJLé.ôen:ta:tion .ôoc.iale pJLépaJLan:t à l'ac.-
:tion paJL le JLemodelage e:t la JLec.on.ô~JLuc.:tion
d es élémen:t.ô de l' enviJLo nnemen:t".
Ce qui permet â Jean-Claude Abric (1976) d'affirmer qu'
"un individu ou un gJLoupe ne JLéagi:t pà.ô à
la JLéali:té :telle qu'elle e.ô:t objec.:tivemen:t,
mai.ô :telle qu'il .ôe l'imagine, :telle qu'il
.s e la llepJLé.ôen:te".
L'objectivation dont il va être question consti-
tue l'autre opération dans l'élaboration des représenta-
tions. C'est l'opération intellectueJle pour laquelle, en
temps simples, ce qui vient d'être classé et nommé préala-

· .
'."
, " -
'
~ . '. ..- -. ,
. ~ '
..' .; .,,> Î
....
'blement est légitimé, socialisé et naturalisé: c'est-à-
dire, en dernier' ressort,thargé d'un sens, inscrit dans
notre~univers cognitif, dans notre champ psychosocial,
tout en lui fournissant un contexte intelligible,_inter-
prétable.
" Eff e .6 at.un. e ,
po ufl. a.I: Yl..6.-i.. di.n. e. , de fl. é. afJ..t é.
f'J..Yl.d.-i..v.-i..du ou fa Yl.otJ..OYl. d'é.tfl.aYl.ge..
Effe. fe.
~haYl.ge. e.Yl. mat é.fl. J.. au x de. fa fl.é.af.-i..té. e.ffe.-même.,
'''''..
~Yl.dl.6.-i..gYl.aYl.t aJ..Yl..6J.. fe. pa.6.6age. de..6 ~OYl.~e.pt.6
e.t de..6 J..dé.e..6 à de..6 .6~hé.ma.6
ou de..6 J..mage..6
c 0 Yl. dfl.'è t es " (M0 s c 0 v ie i, l 9 79) .
1.3.3
les aspects cognitifs et affectifs de la représenta-
tion sociale
L'ensemble des concepts que nous venons de décrire
relèvent du processus de l'élaboration des opérations men-
tales et cognitives qui se jouent lors de la construction
d'une représentation sociale. Mais dans quel esprit sont
pensées et constituées les représentations sociales ? ..
En un mot, quels sont les facteurs qui 'déterminent les c ondi>
tions dans lesquelles les représentations s'élaborent
C'est ce que nous appelons les aspects cognitifs de la re-
présentation. Ces questions se centrent sur les principes
et les modalités de l'organisation intellectuelle de la
représentation sociale. Trois facteurs fondamentaux symbo-
lisent cette organisation intellectuelle de la représenta-
tion.

l •3 . 3 . 1.
Led é ca'1 age .et lad; s pers; 0 n ; nd ; vi due l l e de l 1 i n-
formation
Devant un objet social désigné ou choisi pour la
circonstance, les données dont, disposent les acteurs ou les
individus pour en parler'ou pour soutenir un argumentaire'
à son
propos, pour former une idée, voire pour répondre avec
clarté et netteté,d'une façon interprétable à certaines ques
tions
restent pauvres ou riches. On note à cet égard des
zônes ou des régibns-~e faible pénétration ou acceptation
des connaissances utiles. Clest ce què l Ion appelle la dis-
persion individuelle de l'information.
En effet, sollicité
ou interpellé, l'individu ou le groupe reconstruit, selon
l 'esprit de la sollicitation ou de l'interpellation, une
théorie scientifique (la psychanalyse), une notion (la
culture), un concept (le corps), une sit~ation (la ruralité)
et, à partir de quelques informations, repères cognitifs
ou mentaux qu'il a connus et qu'il est susceptible d'utili-
ser.; ces repères étant fortement marqués selon les intérêts
présents et les normes régulatrices du modèle culturel du
groupe et de la société de référence. Ce décalage entre ·l'in·
formation effectivement possédée, présente ou su~ceptible
de l'être, et celle qui aurait été nécessaire pour cerner
et assurer la maîtrise de tous les éléments dont dépend la
suite du raisonnement, est, sauf pour des domaines limités,
suggère Moscovici (1976), un de.c.a.e.ag~ c.on..6:ti:tu.:ti6. Les pro-

.
: ~
.Ô,

ces sus i nt el l e c tue l s d' 0 r ga ni sa t ion des r e pré sen t a.t ion s de
la ruralité, ce 'qui nous intéresse directement, nous sem-
blent être soumis a ce type de modalité cognitive.
En effet, le "concept" de rural ité tel que nous
l'appréhendions du point de vue de l'étude.psychosociolo-
gique, est un concept dynamique qui recouvre, selon nous,
plusieurs dimensions apparaissant ainsi comme un concept
polysémique.
La ruralité est a la fois, en effet
- un cadre de vie, une partition géographique
et écologique, marquée par une certaine particularité,
une originalité, dont le mode de vie; la ruralité, on le
sait, symbolise des modes d'habitudes, des modèles cultu-
rels, des valeurs et des croyances ancrées dans un champ
de référence identifiable.
- Elle est la couverture d'une catégorie socio-
professionnelle, d'une part, et d'autre part, elle se pré-
sente comme un secteur d'activités humaines, un métier qui
renvoie
a des connotations spécifiques produites, intro-
duites et véhiculées dans le corps social
par un système
socio-économique et politique. Ai~si présentée, la ruraiitê
est u~e~pacesotial qui définit des vécus, des statuts et
des affects: une situation sociale.
- Enfin, nous semble-t-il, la ruralité peut être
reçue comme un espace-enjeu, support de discours sociaux.
Ainsi circonscrite, on peut admettr~ - tout au moins nous
.. :.;;

~' ..
en faisons l'hypothèse, que les discours sur la r~ralitê
sont des discou~s qui apparaitront, en maints endroits,
comme des discours d'ordre affectif aussi
bien que social
.'
discours d'implication ou de non implication selon la posi-
tion sociale de l'acteur qui se reprêsente la ruralité,
tels ·sont bien les discours que nous voulions interroger:
De cette façon, l'objet social - la ruralité - à connaître
met e n vc a us e , selon le cas, l'individu connaissant dans
son projet fondamental, dans se~ motivations, dans ses at-
(-'
. '-- ..
tentes.
1.3. 3. 2.
La focalisation par rapport à l'objet de la repré-
s e nt a t t o n
Le second facteur qui
régule l 'organisation in-
tellectuelle de la reprêsentation sociale est la focali-
sation. Le seuil, le degré de focalisation des individus par
rapport à l 'objet soumis à leur sollicitation, est variable.
Ce facteur intellectuel qu'est la focalisation marque l'as-
pect expressif du rappprt d'implication de l 'indi.vidu ou
du groupe à
l'objet social considéré. La variabilité ci-
dessus suggérée est fortement liée aux relations que l'in-
dividu ou le groupe entretient avec l'objet social sollicité
Elle peut permettre de comprendre dans l'étude des repré-
s e nt a t i o ns: sociales la présence ou l'existence d'implica-
tion ou de prise de distance des individus à l'égard de

"~
....,;" :c..~ ..
-
3S -
la ruralité, comme situation sociale.
'».
1
l . 3 . 3 . 3 .
La. pre s 5 ion à ., 1 i nf é r e ne e
La pression à l'inférence traduit les contraintes
c oqntti ve s i e t c s oc i a.l e s s que subit.·.l 'individu.de la.part de
la société du du groupe lorsqu'il est sollicité à émettre
une opinion dans le cadre global de l'élaboration ou de
la conitruction d'un code social commun et stable. Cette
préoccupation constante chez les individus à remodeler ou
à
retravailler lJ; in~ormations en intégrant ou en tenant
compte de cette éventualité, toujours présente dans leur
"tête\\l, de la pression du groupe, affecte, pourrait-on dire,
leur système cognitif devant une situation où ils doivent
prendre position ou répondre à une sollicitation. R. Kaës
(1968) pense que la. "pression à l'inférence" infléchit la
nature du jugement de deux façons
:
En premier lieu, en préparant des 'réponses pré-
fabriquées à des sollicitations du milieu.
Les informations
recueillies ne sont pas toujours organisées dans un système
réflexif satisfaisant aux exigences du raisonnement. E11es
sont toujours réglées par des contraintes qui ne correspon-
dent pas à leurs lois internes. L'action exerce à cet égard
une double pression sur les informations, en orientant le
recueil et en les disposant de manière efficace pour la
répo~se immédiate aux incitations du milieu.

.: 36
-
- Ens e con d· lie u , po s t u1eR. Ka ë s , l a pa r.t ici pa -
tiona la même· aollectivité contraint ies membres a re-
c h.e r c..he r un- cons~nsus d'opinions pour communiquer et
assurer a leurs propos une certaine validité. On pose alors
que l'organisation intellectuelle de la représentation de
la réalité n'échappera pas a ce schéma qui vient d'être dé-
crit, du moins nous en formulons l'hypothèse.
1.3.4.
Hypothèses sur l'étude des représentations sociales
de la ruralité
o
ï.3.4.1.
Essai de justification de l'approche de la ruralité
par les représentations sociales
Une fois défini
le champ théorique nécessaire a
cette étude, il est utile a nos yeux de répondre a cette
question:
pourquoi, justement, une étude de~la ruralité
centrée sur les représentations sociales? Nous pensons que
deux raisons essentielles constituent la trame de cette
question.
- De~rais6ns théofiq~es d'abord:
En prenant appui sur les faits d'observation par-
ticipante appliquée a la ruralité, nous pouvons affirmer
que celle-ci - la ruralité -, loin d'être simplement une
partition géographique, est bien un espace social, mieux,

' ....
psychologique, .d a ns "lequel se déploie des réalités. socia-
les concrètes ": -de s data, c'est-à-dire des situations s c -
cialeJ ayant un sens pour les individus qui s'y trouvent
confrontés ou qui constituent leur vécu quotidien_~: une
situation psychologique.
Il devient intéressant de com-
prendre et de saisir la dynamique interne de cette réalité,
de l'appréhender, mieux, de l'interpréter selon un mode
d'approche théorique; en un mot, d'analyser son Ilinsertion
- dans le champ psychosocial ll des individus ou des groupes
qui e n f 0 nt réf é r'er Cl? ;
Cet tes i tua t ion soc i ale met tan t e n
oeuvre des motivations, des attentes, des opinions et des ,-
désirs affirmés ou projetés, lesrepréSehtations sociales
précédemment définies nous apparaissent comme la piste la
plus indiquée pour la maîtrise cognitive de cet Ilespace
s oc i a i :' . Elles apparaissent aussi, de cette manière, comme
une dimension fondamentale pour appréhender la réalité so-
ciale elle-même dans sa complexité.
~ -DesfaiS6nSStientifiq~es ensuite:
La multiplicité des recherches (chap. 1) ayant
pour support la ruralité et les résultats insatisfaisants
de notre point de vue, très souvent obtenus, ne font- que
réactiver notre motivation dans l'idée essentielle selon
laquelle l'orientation de ces recherches en général est
le fait d'un choix méthodologique fondamental, qui justi-
fie,
à
nos yeux, ces résultats que nous critiquons, même

h .
si nous reconnaissons leur valeur et leur impact dans
l 'amélioratiorr des connaissances sur le sujet en question.
Cett~ orientation, argumentons-nous, consiste à privilé-
gier et à accorder une place essentielle à cette situation
ob j e c t t ve o-a t t a c hê e
la rur a l i t
et ce; à traversune.mé-
i . ë
é
,
thodologie axée sur l 'approche monographique notamment.
et
exclut de cette façon la dimension constituée par les
contre-parties subjectives.
C'est ce qui justifie à notre
avis les limites des résultats observés et le peu d'enthou-
siasme à concevoi~ l '~pproche méthodologique à laquelle se
réfèrent ces travaux évoqués.
Il nous semble
pour notre
part, en tout état de cause, que l 'appréhension de la rura-
lité, comme situation sociale, dépasse le postulat explicite
de la Ildimension objective ll , et l 'approche monographique,
comme approche de la ruralité. De la sorte, nous pouvons
affirmer que c.'([-6:t bie.n, paIL ILappoIL:tà la -6igni6ic.a:tion
que. l'individu ou le. gILoupe. a:t:tILibue. à la Jz.uJz.ali:t~, c.omme.
"e.-6pac.e. -6oc.io-c.ul:tuJz.e.l", in-6c.ILi:t dan-6 une. Jz.~ali:t~ -6oc.io-
~c.onomique. e.:t poli:tique. d~6inie., qu'il de.vie.n:t pO-6-6ible.
de. diJz.e.e.:t de. c.ompJz.e.ndJz.e. c.e.:t:te. IL~ali:t~.
Cette approche que
nous envisageons utilise les représentations
comme champ
théorique, et s'appuie sur l'approcheidiographique, comme
orientation méthodologique, plus interprétative de la réa-
lité sociale.
Rappelons que l 'approche idiographique se
donne pour objectif l 'analyse d'une réalité désignée dans
sa dynamique interne. Dès lors, cette nouvelle approche,

espérons-l~, devrait permettre de redéfinir la ru~alité
à la fois comme 'un espace socio-culturel et comme couver-
t ure ,d' une c a t g
ê
0 rie
soc i 0 - pro f e s s ion ne l 1e d' une par t, e t
d'autre part, comme un concept dynamique, afin de l'ins-
cri r e dan s 1e sin ter a ct ion s ,d e 1a soc i été der é f é r e nce. '
1.3.4.2.
L'étude psychosociologiquedes représentations
Lorsqu'on,envisage une étude des représentations,
1 lune des contraintes fondamentales nous semble liée à
la nécessité de la maîtrise et du contrôle des variables.
Cette contrainte~ à notre avis, repose sur le caractère
impérieux de toute analyse scientifique. Cette nécessité
s'appuie elle-même sur le souci de "1 'administration de la
preuve", lequel souci conduit le chercheur à adopter une
attitude expérimentale. Cette attitude obéit elle-même au
".60Uc..-l d'e-xpf.-lc..-lte-Jt fe-.6 hypothè..6e-.6 que- f'on
c.he-Jtc.he- a v~Jt.-l6.-le-Jt, fa Jt~6fe-x.-lon c.Jt.-lt.-lque-
.6uJt fe-.6 c.ond.-lt.-lon.6de- fe-uJt v~Jt.-l6.-lc.at.-lon ... "
( R. Ghi g l i.o ne,
B. Ma ta l 0 n ; l 978, p.
12).
Jusqulà présent, le contrôle de la reprêsentation
dans les études antérieures réalisées s'est appuyé sur
deux techniques distinctes:
l linduction expérimentale et
l'observation armée.
Selon J.C.Abric (1976, p.
142),
Il f l,i.J1duc.t.-lo n
e-xp~Jt.-lme-ntafe- c o ns i.s t:« dan.6 une-

.-:,..
~i~~a~ion_donn~eJe~ d ~~aVe~6 de~ ~uppo~~~
QtLi, peuven~ e.Vz..e mul~iple6 ~ Que~~ionnai.tl..e~
"indic.ctteuJt6, p~~6 en~aLi..onde l' exp~Jlienc.eJ
u~ili~a~ion d'un c.ode pa~~ic.ulie~, habillage
du ma~~~..i.el, e~c. ... - d p~odui~e une ~ep~~­
~en~a~ion donnée, c.hez un individu donné".
Par contre, définit J.C.Abric
(1976, p.
142),
"l'ob~e~vaLlon a~me.e c.on~i~~e. à ~ec.ueilli~, à
l'aide d'un ou~il pe~me~~an~ la me~u~e, le~
~ep~é~en~a~ion~ c.hez l'individu c.on6~on~é à
une "~..i.~ua~ion ~péc.i6i~ue. Ce~~e ob6e~va~ion
6uppio~e-"--donc. une analy~e p~éalable. de6~inée
à de.6ini~ Le6 dimen6ion6 pO~6ible~ e~ le6
élémen~6 c.on6~i~u~i6~ de la ~ep~e.6en~a~ion,
pui~ l'élabo~a~ion d'un moyen ~ec.hniQue pe~­
me~~an~de le~ob6e~ve~, de le6 6ai~e 6'exp~i­
me~ e~ de le~ me~u~e~ ... C'e6~ pou~Quoi le
Que6~ionnai~e - ou l'en~~e~ien plu~ ou moin6
ouv en.t: - n e.s t:e l' ou~il de e e.t.t:e explo~a~ion".
C'est cette technique de "l'observation armée" que nous
avons utilisée (chap. 2) pour l 'opérationnalisation de nos
hypothèses. Mais les entretiens ou les questionnaires, comme
support pour saisir les représentations, ont deux incon-
vénients majeu~s. J.C.Abric (1976, p.
97), relève a juste
titre ces deux lacunes:
"Il~ p}iOdui6en~ d e.s di6C.OU~6,
donc. d es ~ep~é­
6en~a~i"on~ média~i6e.e~ iia». le langage".
- "Il~ de.~e~mil1.en~ de~ ~e.6u.e.~a~~ non indépendan~6
du ~ypede Que~~ionne.men~ élabo~é paIL le c.he~­
c.heuIL lui-mêmeJ!,

·..~~~;~ ':~...
.;:~>:".:':...
'=•.
- 41 -
Ces réserves posées,' nous pouvons à présent défini r nos
hypothèses.
1.3.4.3.
La formulation des hypothèses néteSsaires à la
recherche
la société ivoirienne
qu~ Qon~~~~uen~ le~ 60hQe~ ~oQ~ale~ d'un pay~ donné, on
",_/
ou mo~n~ homogène.
Les études ethnologiques, sociologiques et anthro-
pologiques ayant trait au champ d'études de population,
ont permis de préciser,~t.,~e montrer les caractéristiques,
tant culturelles que' sociales, de ces,populations. Par ail-
leurs, il
nous semble néces~aire d'introduire une dimension
complémentaire à cette conception des études de population
en soumettant les acquis des recherches empiriques sur la
ruralité à la réflexion. Cette orientation conduit à se
poser la question de savoi~ comment aujourd'hui, les ruraux
se positionnent par rapport à la socié~é de référence, et
ce, eu égard à leur' propre.statut dans celle-ci; et comment,
d'autre part, leur'image est reçue dans notre société. Ce

- --;.
42
niveau de la réflexion en appelle à la formulation d'une
seconde proposition complémentaire de la première.
Il
"
1.3.4.3.2.
~~b~e2!~~~~_~~_l~_~2~~!~~~!!2~_~~~_~~e~~~~~-
tations sociales de la rura1ité
Les études de population ayant pour support la
rura1ité, ont fourni des éclairages spécifiques pour com-
prendre les ruraux. Ces études, inspirées des démarches
ethnologiques, géographiques, voire anthropologiques, nous
semb1e-"t - i.1 •
n'ont pas été explicatives
du fonctionnement
de la réalité sociale chez les ruraux et de l'idée que la
société globale peut en avoir dieux, ou qu'ils ont de cette
même société. En prenant appui sur le constat de l t o bs e r>
vation participante, on pose comme première sous-hypothèse que:
la ~oei~t~ ivoi~ienne 6o~etionne ~u~ un mode diehomique
6a~~ ~u~ le~ eouple~ eo~eeptuel~ ~u~aux/eitadin~ d'une
pa~t, et d'aut~e pa~t ~u~ le~eouple~ eoneeptuel~ b~ou~~el
ville.
Cette dichotomie classique fonctionne dans la
réalité sociale vécue selon le modèle suivant ~ ruraux/
brousse
associé au non-développement, et le couple cita-
din/ville associé, ajoutons-no~s, aux normes, aux modèles
culturels des sociétés industrialisées. Ce phénomène se
traduit dans le discours des autorité~ politiques et des
.pla nif i ca t e urs,. don t 1 lob je c t,i f a c tue 1 est de Il ma der ni s e r Il .
le mode rural actuel pour le conformer aux normes du dis-
cours dominant, c'est-à-dire connu et accepté, par le biais

43
o
-
de la transformation des modes de production et A.tra-
vers ceux-ci les structures sociales.
Ce type de dis-
,.
cours et ses manifestations socio-culturelles s'apparen-
tent A une projection de l ~imaginaire social et culturel
des -p l a nif i ca t e urs dan s l e cha mp _soc i 0 - cul t urel des r.ur a ux. .
. ge
cette analyse, on pose, comme seconde sous-
hypothèse A notre recherche,
qu'il exi~te dan~ la ~oeié-
'.~'-.
.
'
.... ":,;~
.
.;.\\<
. ri·'
L' ensembl e des hypothèses formul e s ,:':'h'b'uoS . autori se'
ê
A penser qu'A la limite, étudier l'organisation sociale des
populations rurales, leur mode de vie, leurs liens de pa-
.t \\.-..~;".'
renté, en un mot, leur monographie, sans lief~~es études A
la dynamique des rapports internes qui se développent dans
las 0 c i été der é f é r e nce, r est e i ns à t i s fa i s ~,nt!fL:'~ ut r-e men t
dit, l~ prise en compte du vécu 'p~ythologique des individus
apparaît dans cette conception des études de population
comme l'axe fondamental.
Précisément,
il convient de tra-
0
duire clairement ce qui vient d'être avancé et poser que:
Une analy~e pu~ement de~e~iptive, monog~aphique, voi~e ~e­
p~oduet~iee de~ mode~de vie, de l'o~gani~ation, du ~enti-
ment pitto~e~que de~ ~ituation~ d'étude~ de population~ ~u-
~ale~, ne pe~met pa~ de eomp~end~e le~ p~oee~~u~ mi~ en jeu
pa~ le~ ~u~aux dan~ leu~~ ~appo~t~ ~oeiaux au ~ein de la
boeiété ivoi~ienne. Cette prise de position théorique sous

...'.
. ."~.,,:
forme de pr,oposition pose la ruralité comme. à .l a .fo'is.:'
-
si~uation sociale et objet de représentation sociale.
La délimitation des hypothèses nous oblige à
-
reconnaître un postulat qui vient affiner et situer le
c a dr.e 'cultur:el :de notre recherche: Toute. Jte.pJtél.Je.Y1.tat...[;oYl.
l.Jo~iale.,
pe.YI.I.JOYl.I.J-Y1.0UI.J,
e.l.Jt liée. à l'e.l.Jpa~e., à la vie. ma-
téJtie.lle., aux Jtôle.1.J l.Jo~iaux e.t aux modèle.1.J ~uftuJte.fl.J de.1.J
iYl.dividul.J il.Jl.Jul.J de la l.Jo~iété ou du l.Joul.J-gJtoupe. impliquéle.J.

·'~.
. .
....~..('"
'. .
",,"
Ji,
1
CHAPITRE DEUXIEME
APPROCHE METHODOLOGIQUE·

'.~~'
r
.,. ~
- ~'..
CHAPITRE II ~ APPROCHE METHODOLOGIQUE
La représentation sociale
telle que nous l'avions
t
décrite
apparaît
t
"comme l'ongani~ation ~ubjective d'un ~ou~­
univen~ cogniti6" (J.C.Abric
1975).
t
Cette conception suppose l'intériorisation dans la "tête"
des individus des informations significatives et recueil-
lies selon les mécanismes psychologiques et cognitifs préa-
lablement présentés. Comme matériaux
nous allons travail-
t
ler sur deux discours de nature différente
- le discours officiel pour comprendre ce que
les agents sociaux non impliqués dans la dé-
finition de la ruralité en disent;
- le discours des acteurs sociaux impliqués
dans la définition de la ruralité.
Cette logique suggère que notr~ étude utilise
pour instrument le recueil et l'analyse de discours parlés,
donc verbalisés, et de discours écrits. L'orientation théo-
rique de notre recherche et l'expression des hypothèses
formulées nous conduisent à adopter deux modes d'approche
méthodologique pour le recueil de ces données d'analyse.
Nous y reviendrons.

2.1.
pour'une ~pprochequalitativede l'étude de ·la
ru ra l .ité' " comm e situation sociale
La recherche qui va être présentée n'éta~t pas
uneé~ude extens.i~e- (quantitative), mais intensive (quali-
tative), nous avons constitué un éch.antillon restreint et
non représentatif du point de vue de l'exhaustivité statis-
tique (48 interviews). L'analyse de ces entretiens devrait
nous permettre, pensons-nous, d'étudier "le mouvement des
différentes formes' de r t l e xt o n" et les situations de pro-
ë
duction de discours 8 propos d'un objet significatif.
C'est en quelque sorte une recherche exploratoire
centrée sur une analyse qualitative du problème .envisagé.
En effet,
"I: 'anafy.6 e Quafi..;ta;ti..ve.,
c ' e.s t> à- dùl.e. ce.n;tJtée.
.6UJt f'é;tude. i..n;te.n.6i..~e.,~dé;tai..ffée., apPJto6ondi..e.,
d'un nombJte. Jte.fa;ti..ve.me.n;t Jte..6ue.i..n;t de. ca.6
;typi..Qu~.6,
pe.Jtm~;t,
.6e.ufe., d'appJtéhe.nde.Jt fe..6
mécani...6me..6 p.6ycho.6oci..ofogi..Que..6 mi...6 e.n oe.uVJte.
dan.6 fe..6 compoJt;te.me.n;t.6 d'un i..ndi..vi..du"
(J.C.Abric, M. Gutsatz, 1977).
Elle permet, dans cet esprit de tester des réalités que
l'on pressent dans leur genèse. Cette approche qualitative
<r
n'interdit pas 81a longue une orientation du même problème,
axée sur l'analyse quantitative.

2.2.
Exposé sur la'méthodologie de la recherche sur la
représentation de la ruralité en Côte d'Ivoire
2.2.1.
L'analyse des corpus écrits
les documents offi-
ciels sur la ruralité
Dans cette première approche méthodologique, nous
essayerons d'étudier des corpus écrits. Cette approche a
pour objectif de repérer et de dégager les profils ou les
images de l'agriculteur et, a travers ces images,
celles
de la ruralité telles qu'elles apparaissent dans le dis-
cours officiel. On essaiera aussi de dégager un schéma théo-
rique explicatif du modèle officiel. Cette première approche
méthodologique repose sur ce qu'on appelle en psychosocio-
logie "1'étude des traces".
Cette étude des traces, comme
méthode pour reconstituer et analyser les processus sociaux,
. "pe.u.t è.oce c ons cdê n.ê:e: c.omme. une. oOfLme. d' ob-6e.fL-
va.tion di66éfLée. qui, pafL néc.e.-6-6i.té, ne. -6ai-6i.t
pa-6 difLe.c..te.me.n.t le. phénomène. in.téfLe.-6-6an.t,
mai-6 uniqueme.n.t c.e.fL.taine.-6 de. -6e.-6 c.on-6éque.nc.e.-6.
On pe.u.t fLe.gfLoUpe.fL dan-6 c.e..t.te. c.a.tégofLie. aU-6-6i
bLe.n l'analY-6e. de. doc.ume.n.t-6,
de. -6.ta.ti-6.tique.-6,
que. de. véfLi.table.-6 .tfLac.e.-6 ma.téfLie.lle.-6. C' es t.
le. .type. de. mé.thode.-6 di.te.-6 non fLéac..tive.-6, pui-6-
que. Lic.he.~c.he.ufL n'in.te.fLvie.n.t qu'apfLè-6 que. le.
phénomène. -6oi.t pfLodui.t ; il ne. pe.u.t évide.mme.n.t
pa-6 le. pefL.tufLbe.fL.
Mai-6 le. pfLOC.e.-6-6U-6 de. pfLoduc.-
.tion
e..t de c.on-6e.fLva.tion de. c.e.-6 .tfLac.e.-6 pe.uve.n.t
ê..tfLi c.omple.xe.-6 e..t le.ufL"lie.n av'ec. Le. phénomène.

'.' 48' -:.'.:..'">
/.1 ..
étu.d.<.é p eui: donc..ê.tAe6au..6.6é"
(R.
Ghi.gl i one ~
B,• ,Ma t a l on ~ 1978, p. l l ) .
En clair~ l'étude des traces se
définit comme un maté-
riau' non provoqué par le chercheur lui-même.
A - .Le choi x ,desdocUnients·'officiels_,s·oumis à
l'analys e
Comme nous l lavons souligné dans la présentation
socio-poli{ique de la Côte d' Ivoire~ nous sommes dans un
pays à parti politique unique~ où l'ensemble de la presse
est contrôlé par les autorités politiques. C~tte précision'
est nécessaire pour écarter une éventuelle critique pou-
vant nous être faite
sur l'origine et sur la crédibili"té
des sources d'information, en parlant dans ce cas de biais
possibles. Les documents recueillis sont issus sOlt des
journaux loca~x d'obédience gouvernementale~ soit des dis-
cours des planificateurs ou des autorités politiques tenus
sur le développement rural ~ donc en fait~ relatifs à la
ruralité~ comme telle. C'est l'ensemble de ces documents
qui constitue le corpus écrit~retenu et utilisé pour la
premiêre pbase de notre approche.
B - Sources des documents officiels
procédure de
constitution du corpus éCrit
Pour më mo t r e , le corpus est l'ensemble des docu-
ments pris en compte effectivement p~ur être soumis aux

,',- 49
!1.
.
pro c é dur es' a na l y t i que s. Ces doc ume nt s .c i- des sou s r ete nus
le sont en fonction de ce qui a été préalablement avancé.
1. "Te r r e et Pr oq r é.s " (1)
: Le journal du planteur, vo-
lume l et II, août 1973-octobre 1977,
Mi ni stère de- P-Agriculture. --
2.
La "Nouve l l e " (2) : Le journal au vi l l a qe vn " l et 2.
ç
Abidjan, Ministère de l'Agriculture,
et du Plan).
3.
"Fr a t e r n t t à-Na t i n "
(3)
Spécial "an 18 11 , nov. 1978,
Il
"a n 14',', déc. 1974.
4. Ministère du Plan
Pl ans'. qui nque nna ux:
l 971 -1 975 >
- 1976-1980.
5. 6ème Congrés du IIPDCI/RAII (4)
: Texte du rapport du
secrétaire général du Parti, consa-
cré à la paysannerie.
(1) Journal gouvernemental dont la distribution est gratui-
"te. Ce journal est adressé aux planteurs ivoiriens et
traite en général des problèmes de 'la "mo de r ni s a t i o n "
du monde rural et surtout des problèmes des modes de
production moderne.
(2) C'est un bulletin d'information édité par l 'O.N.P.R.
(Office National
pour la Promotion Rurale), à l'inten-
tion des villageois.
Il
répond aussi, selon ses pro-
moteurs,.aux impératifs des développements du-monde
ru ra 1'.
(3) Quotidien gouvernemental d'information. IIL'an 18 11 ,
par exemple, est un numéro spécial de ce quotidien qui,
à
la fin de cette année (1978)
retrace le bilan soit
de la politique agricole (monde rural), soit de la
politi~ue économique.
(4) IIPDCI/RDAII : Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, sec-
tion ivoirienne du "RDA" : "Rassemblement Démocratique
Africain", mouvement naguère de lutte anti-coloniale.
Il faut noter que le "PDCI II est ie parti du pouvoir en
Côte d'Ivoire, depuis 1 'indépendance de ce pays, en
1960.

C - Conditions d'exploitationdü matériau ·discu·rsï"f
·üt{""s é
Nous avons appliqué à l'ensemble de ce corpus une
-
analyse de contenu de type analyse thématique. L'analyse
qê n r a l e vde s vr-ê s ul t a t s en rendra -comp te ;
.;
ê
2.2.2. Recueil et analyse de discours sociaux sur la rura-
lit é
2.2.2.1.
h~_~l~~~_g~_~~!!~_~~~Q~g~_~~~rQf~~_~~!~~QQlQ9!9~~
g~~~_l~_~Q~~~~!!Q~_9lQ~~l~_g~_~Q!r~_r~f~~r~~~
Dans cette approche, nous nous interessons à des
corpus parlés différents. C'est-à-dire que nous ferons pro-
duire par des agents des discours sociaux sur la ruralité.
Nous nous intéresserons notamment
- Au"
discours des citadins sur la ruralité. Ce discours
est considéré indirectement comme étant proche du m~dêle
officiel, et ce, eu égard à l'apport massif des échanges
socio-culturelsdiversifiés (télé, radio ... ), donc par son
bai n cul tu rel di f f é r en c i é, à cau s e duc a ra c t r e cos m
ë
0 pol, i te
de la ville. On pense que ce serait un discours de représen-
tation abstraite, c'est-à-dire ne correspondant pas à un
vécu li~ à une pratique conc~ête née de l'expérience du vé-
cu de la ruralité.
- Au discours des ruraux. Ce discours intégrerait la
ruralité comme modêle vécu, comme une expérience concrête,

r
,
-
~;!
-
en termes d,'attitudes, de sentiments, d'opinions, .de mo t i>
v
vations, attentes ... bref,en terme de représentations so-
ciales.
- Au discours des conseillers ruraux et des cadres du
développement rural. C'est un discours issu de pratiques
professionnelleS Il est aussi un discours de persuafion
de nature politique,idéologique. C'est-a~dire qu'on pense
qulil
fonctionne pour assurer la primauté du modèle de
savoir moderne: celui de la minorité détentrice du pou-
voir socio-économique et politique. A la limite, ce~dis-
cours se révèle
comme des discours d'intégration sociale,
et comme des discours de reproduction du modèle officiel.
,',
Conformément a l'esprit de notre problématique,
et aux objectifs de nos hypothèses théoriques, nous assi-
gnons a cette seconde approche, deux objectifs fondamen-
taux :
Essayer de repérer l'ensemble des r e pr s e n-t a t t on s
ê
di f r en c i es de 1a ru ra 1i té che z les a c te urs selon, 1eu r
ê
place dans la formation socio-économique.
- Essayer une tentative d'~nalyse de l'organisation
interne de chacune de ces représentations. Si possible,
v0 i r que 1s son t 1e s é 1 men t s clé s q u-i 0 r ga n i sen t ces r e pré -
ë

:t ..... >.'
''''.'.
~:'.:... ,
- . ~) 2
:: .
, senTa t ion s , . cie s t - à - dire t rai ter duc on te nu duc hamp de
représentation et de leurs liaisons avec les so~rces d'in-
formation à partir desquelles s'élabore la représentation
de la ruralité elle-même.
2.2.2.3.
~~!~~~~_~~~~~!e!!~~_~~~_~~~~~!!!!~~~_~~_E2E~1~­
!!2~ : Les implications
Avant de présenter l' ensembl e des
c ha nt i 11 ons
ê
de populations,soumis à notr.e entretien, nous avons jugé
utile de donner ~n aperçu sur le cadre général dans lequel
s'est déroulé l'interview conduit en milieu rural, notam-
ment avec les ruraux. Nous nous sommes adressé à seize (16)
paysans d'un village de Côte d'Ivoire. Ce choix nous a été
dicté par des contraintes de communication. En effet, nous
possédons nous-mêm~ la langue locale des habitants du vil-
lage que nous avons choisi comme sous-cadre de recherche.
A - Le cadre spécifique de l'entretien avec les ruraux
la monographie du village
Le vi 11 age qui nous sert- de sous-cadre cul turel
par rapport au cadre culturel national signalé s'appelle
Diangobo.
Il compte environ trois mille habitants (3000 h.).
Selon l'organisation politico-administrative des villages
de Côte d'Ivoire, ce village est classé comme " village-
cen t r e II. Lev i 11age - ce nt r e est un vi l-l age don t dép end e nt

-
S3 -
d'autres vfllages, en ce qui conçerne la, réalisatfbn d'un
certainnombrè'd"actions socio-culturelles et
conomi que s .
é
Nous nous trouvons dans la sous-préfecture de "Yakassé-
Attobrou", elle-même rattachée' à la préfecture d IIIAdzope ll
La c ommun a.u t è.t h uma i ne qui occupe cette sous-région .e st
composée dlllAttie ll ,
Cette c ommun au t
f a i t
partie d'un groupe
ê
t
communautaire sur le plan national, nommé le groupe "Akan".
Ce groupe couvre 11 Est, le Centre, et une partie du Sud-
Est de la Côte d'Ivoire. Dans ce choix, nous avons, surtout
mis l laccent sur la caractéristique de la notion de sous-
populatfonrurale, sous l 'angle particulier de l'espace
socio-culturel et socio-géographique. Nous considérons la
sous-population formée par la couche sociale de paysans,
mie ux, der ur a ux 0 u de c i ta d i ns , co mm e con s t i tua nt l 1 une
et l 1 autre des sous-groupes homogènes, homogènes voul ant
,....
signifier partageant ensemble certaines valeurs, certai-
nes empathies, voire antipathies, Le choix de la commu-
nauté humaine "Attie" doit être interprété sous l'angle
de l'entitérurale paysanne. Ce qui importe pour nous,
cie s t l 1 uni ver s r ur al, qui, pen son s - n0 u-~_, ma r que , __ p0 rte l e
sceau des représentations telles qu'elles nous seront li-
vrées.
1) L'organisation socio-économique et culturelle
du village
.
Dans ce village, la grande majorité des habi-
tants ont pour activité unique l'agriculture. Ils cultivent

- 54 -.
le café, le .c e c ao , la banane-plantain. Au niveau des struc-
tures socio~économiques,il ·existe deux groupements â voca-
tion coopérative (G.V.C.) qui, quoiqu'étant dans un état
embryonnaire dans son organisation, marqu~ la vie économique
et les activités agricoles du village. On peut dire qu'il y
a une homogénéité dans la production ~ymbolisant le type
d'activités. La population est très peu scolarisée, bien
que possédant quelques mots français. Le niveau culturel
atteint, si cela est le cas, est celui de l'école primaire.
Quelques rares exceptions concernent les déperditions .sco-
laires qui ont rejoint le village. Dans ce dernier cas, le
niveau d'instruction n'excède pas celui de la classe de
troisième des lycées et collèges. D'autre part, il y a une
minorité d'allogènes qui, eux, font le commerce, ainsi que
quelques ménagères du village, mais de façon sporadique,
e t selon les .p é rio des de l ' a nnée .
. 2)
L'organisation socio-politique du village
Deux pouvoirs cohabitent dans le village·
- le pouvoir local symbolisé par le chef du vil-
la ge ,
- le pouvoir officiel, représenté par le "riê l é-
gué politique ll qui
incarne la présence des au-
torités politiques dans le village.

- 55 -
" .
- le pouvoir. local
L~ chef dû village est assisté de son porte-canne
ou porte-parole, et trois notables représentants du chef
dans chaque quartier. Le chef du village détient le pouvoir
exécutif, mais il est aussi assisté de conseillers politi-: ..
ques et techniques, qu10n appelle les "Chefs de Terre ll •
Ces Chefs de Terre
jouent, en fait, un rôle d1autorité mo-
rale.
le pouvoir officiel symbolisé par le délégué poli~
tique
··Contrairement au pouvoir du chef du village, qui
est un élu local de la population, le pouvoir du délégué
est un pouvoir partièulier. Celui~ci est chargé, en colla-
boration avec le chef du village, d1expliquer et de trans-
mettre les mes~Dges du parti et de les diffuser.
Ces deuxpouvoirs participent ensemble à la vie
socio-politique du village.
B - 1rllpli c a t ion s di f f é r e ntes· q ~~'!._!~_ l are pré sen t a t ion
de la ruralité
Notre ~chantillon comprend
1) 1~;==~~~~~~
Ç!:i!~!:~~_Q~_~bQi~: avoir comme activité unique l t a qr i >
culture et habiter par ailleurs da ns un village où le modèle
r

-
S li
-
culturel urbain nlest pas encore passé, n'est pas encore
très ancré malgré 1 lévolution sensible des villages de
Côte d'Ivoire. Nous avons retenu pour l'échantillon, consti-
tué de ruraux, les variables suivantes, considérées comme
des variables contrôlées.
· l'âge (entre 18 et 60 ans)
le niveau socio-culturel
· le statut dans le groupe
· l'homogénéité dans la production (type d'activités)
. grands-parents: environ entre 50 et
60 ans
4 interviews
parents (adultes)
30 - 40 ans
7 interviews
jeunes :
18 - 25 ans
5 inverviews
Au tota l, pour 11 échanti 11 on de popul a ti on de ruraux, nous
avons réalisé 16 interviews.
- Critères de choix:
Les sujets issus de ce groupe d'ur-
bains doivent habiter dans une agglomération depuis au moins
deux ans et être issus de classes sociales différentes dlune
part, et dlautre part, être engagés dans le procès de pro-
duction. La caractéristique essentielle de cet échantillon
de population est qu'ils sont tous d'origine rurale. Nous
avons réalisé au total dix (10) interviews. Nous avons choisi

- 57 -
comme cadre urbain, Abidjan, compte-tenu de sa situation
particulière:
· ouvriers
(3)
· employés
(2)
· cadres d'entreprise (2)
· secrétaire-dactylo (2)
comptable (1)
3) Les conseill ers ruraux:
N = 6
.
======================
Ils assurent le relai entre les ruraux (l~s pay-
sans) et le modèle officiel de persuasion. Nous avons réa-
lisé avec eux six (6) entretiens. Ils habitent comme les
paysans le milieu rural.
4) Les cadres du développement rural : N = 5
=================================
_ Ce sont les responsables â un haut niveau. Ils
sont tous diplômés de l'enseignement supérieur. Au total
nous avons réalisé avec eux cinq (5) entretiens.
· sociologues (2)
· ingénieur agro-économiste (1)
chef de service "(1)
· ingénieur en hydraulique (1)
Outre l'entretien réalisé avec les ruraux, nous
avons choisi â titre "illustratif" un échantillon de popu-

lation de non-agriculteurs vivant dans le milieu rural.
Cet échantillon est composé de quatre (4) instituteurs
exerçant depuis cinq (5) ans dans le village, servant de
cadre culturel à notre entretien. Nous nommons cette po-
pulation, population associée à la ville.
En fin de compte, on peut résumer et exemplifier
ces implications de façon à les rendre plus explicites pour
la compréhension dans l'évolution ou l'ancrage de certains
points des représentations. En effet, on peut rendre compte
de la diversité des implicationS définissant mieux. la posi-
tion des sujets impliquéS dans leur appartenance de groupe,
présentant, on l'espère, des niveaux d'implication privilé-
giés pouvant cristaliser ou représenter des modèles de ré-
férence, servant, nous semble-t-il, comme des supports po-
tentiels de conduites discursives spécifiques, voire symbo-
liques.
~
On peut ainsi repréciser ces implications dans
l'esprit suivant
G)
Des sujets supposés être confrontés ou impliqués de
façon médiate (indirectement, donc) au fait de la ruralité,
mais qui en parlent, en tant que:
a) liés par une pratique professionnelle orientée
vers cette catégorie socio-professionnelle. Entrent dans
cette implication, les conseillers ruraux, les cadres du
développement rural.

...
.
b). liés par llexercice des fonctions suprêmes de
l'Etat, donc ~hargés, nous semble-t-il, de créer le bien-
être des diverses catégories socio-professionnelles. Ce
type d'implication a pour support le discours politico-
idéologique. Cette implication est appréhendée à travers
l'étude des traces des discours politiques prononcés ou
écrits par les responsables du parti politique unique de
notre pays. C'est une implication définie par des objec-
tifs politiques. C'est un discours de persuasion.
c) amenés à vivre ensemble dans le milieu rural,
sans y avoir des attaches particulières, ceci dans l'exer-
cice de leurs métiers. Dans notre choix de population, ce
sont les instituteurs du village concerné.
d) enfin, en tant que, soit des individus ou des
~
catégories sociales supposés être des modèles de réfé-
rence pour les ruraux, soit des modèles d'identification.
Ce sont dans la rubrique classifiée de notre échantillon
de population, les citadins.
Le choix de cette population, compte tenu- du fait
qu'elle peut être un modèle de référence, est une cons-
tatation d'évidence.
Cette première présentation explicitée des impli-
cations peut être, pensons-nous, désignée comme un groupe
d'appartenance externe au modèle culturel rural. C'est un

- JO -
. groupe hétérogène quant ~ la définition socio-proféssion-
ne11e et socio-économique qui le caractérisent.
® Des sujets directement impliqués à la définition de
la rura1ité. Ceux qui vivent concrètement 1 'expérience ~ée
du vécu
de la rura1ité~ à la fois comme cadre de vie~ sec-
teur d'activités humaines~ donc tissu social d'une catégo-
rie socio-professionne11e. Et enfin~ soutenons-nous~ un
espace-enjeu et une situation sociale~ supports de discours
sociaux. Ce sont des ruraux~ mieux~ des paysans tels qu'ils
ont été définis dans notre investigation.
Cette catégorisation opérée de la population devait
nous permettre de constater s'il existe des différences de
représentation de la rura1ité selon la place des sujets dans
,....
la société et leur type d'implication ou de relation à la
ruralité. Elle - cette définition des sujets -
devra per-
mettre également de voir le "mouvement des formes de réf1e-
xion ll devant cet objet de connaissance spécifique d'une part~
et d'autre part de voir ce qui polarise l'existence de ces
formes de réflexion et leur support. La variété et la diver-
sité de ces imp1ications~ nous garantit
toutes choses
égales par ai11eurs~ de la richesse des discours produits~
du moins nous en faisons l'hypothèse.

L'entretien conduit avec les ruraux a été réalisé
en langue locale et traduite en français par nous-mêmes.
Nous avons pris toute$ les précautions possibles afin de
rester "très proche" de leur pensée. Les entretiens avec
les autres échantillons de population a été réalisé en
français directement, parce que cela siest avéré possible.
L'ensemble des entretiens a été enrégistré au magnétophone
et transcrit par nous-mêmes pour servir de protocoJes d'en-
tretiens. La longueur de ces entretiens varie entre une
heure et au plus deux heures, dans certains cas, surtout
les ruraux.
- La technique d'investigation: l'entretien guidé
"Le6 heph~6en~ation~ ~tan~ de6 ohgani~ation~
~ubjective6, c'e6~-à-dihe in~~~io~i6ée6 pa~
~'individu, ~a m~thode qui pehmet de ~e6 ~e­
p~~e~, con6i6te à c~~e~ une 6ituation où e~~e6
pou~~ont 6'exté~io~i6e~ dan6 un di~coU~6 en~e­
gi.6t~é, et donc ana~Y6ab~e"
(J.C.Abric,1975).
Et puisqu'il s'agit pour notre cas de connaître les senti-
ments, les attitudes, les motivations, les opinions, en
un mot les représentations des individus face à un objet

-
C L
-
de connaissance donnêe, il est de bon ton d'utiliser la
technique la moins directive possible. L'entretien guidê
dans la mesure 00 il offre au chercheur un cadre de rêfê-
rence antêrieur est appropriê pour approfondir un domaine
dêsignê, tout en permettant de recueillir ces sentiments,
motivations . . . .
ê1êments de base qui constituent ~ nos
yeux les reprêsentations sociales dans cette perspective.
2.2.2.5.
L'entretien
A - Prêambule
Afin d'éviter des risques de perturbation suscep-
tibles de biaiser les relations affectêes à l'entretien que
nous sommes amené à conduire, nous avons pris les précau-
tions suivantes, avant de commencer l'entretien quel qu'il
soit. Nous avions indiqué notamment aux sujets que:
Nous nous dêmarquions du pouvoir politique,
donc hors du champ politique .
. Nous réalisions une recherche fondamentale pour
un laboratoire de psychologie sociale.
Nous garantissions pour eux l'anonymat, en ce
qui concerne leur production de discours, et
d'autre part, nous nous engagions à effacer les
entretiens enregistrés dès leur utilisation.
Et enfin, nous souhaitions faire une analyse

globale des résultats que nous aurions nbtenus.
Et nous leur avons di t en substance que l'objec-
tif de notre tragvail était de comprendre l'or-
ganisation des paysans ivoiriens, et que c'est
cette raison qui nous amène à discuter avec eux
afin de bénéficier de leurs sentiments.
B - Le guide de l'entretien appliqué à l'investigation
L'ensemble des entretiens a été conduit eu égard
aux objectifs globaux des hypothèses formulées, et selon
l'esprit du guide d'entretien.que nous présentons. Nous
avions formulé, pour éviter les biais possibles, les mêmes
thèmes pour tous les sujets concernés. En quelque sorte,
ous avions fonctionné sur un guide commun. Mais selon l'é-
chantillon de population, ce guide a été adapté à la popu-
lation ou même modulé selon les cas.
IIrurauxll
Nous avons construit à cette"fin un guide avec
une double caractéristique:
- un guide centré sur les paysans eux-mêmes,
- un autre centré sur le modèle officiel (cita-
dins et société globale).

- ,..... -
l} . Ce que vous pensez que les autres pensent de vous ?
. Que pensez-vous de vous-mêmes dans notre société?
Q~j~ç!if : dégager une image de soi représentée ou
une image sociale des ruraux d'une part
et .d' autre part dégager une i mage de soi
personnelle des ruraux.
2) . Que pensez-vous du modèle officiel ?
. Que pensez-vous des autres' (1 '"hors qr oupe ") ?
Q~J~~!!f_~~_~~!!~_~r!~~!~!!~~ : dégager une, image
des autres et de la société globale (mo-
dèle dominant).
b)
~M1g~=g~~~~~~~j~~=g~g11~M~=~=lg=~~~Mlg~j~~
lI ur ba i n s ll
Nous avons utilisé la même~organisation, la même
structure d'entretien pour la population " urbains". Mais
nous avons aménagé dans un premier temps une phase d'entre-
tien non-directif sur le thème général, notamment
. Pouvez-vous me parler de la ville?
L'objectif de cette première phase est de constater s'il
existe dans l'organisation du discours des citadins un cli-
vage spontané dans la relation ville/brousse. Ensuite nous
avons poursuivi l'entretien de la manière suivante
. Introduction du thème général de la ruralité

dégager une image des ruraux, ~t une
image de l'attitude des ruraux par rap-
port à la modernité.
Que pensez-vous du modèle officiel par rapport à
la ruralité?'
dégager l'organisation d 'un discours im-
plicite sur eux-mêmes, et un discours de
type comparatif axé sur les ruraux.
c) ~M1~~=~~~~~~~~1~~=ggg11~M~=~=lg=g2gMlg~12~
II r e s po ns a bl e s "
La structure de ce guide est la suivante
Image de la ruralité
. Que pensez-vous de la position des ruraux par rapport
à
la modernité?
Le modèle officiel
- qu'en pensez-vous?
- comment pensez-vous qulil est reçu dans le monde
rura l ?
Ce guide vise trois objectifs fondamentaux
l
dégager le profil des ruraux
2.
dégager l'attitude des ruraux face au modèle
officiel
3. comprendre ce que des gens impliqués dans

leur pratique disent ce qu'ils font. Bref,
une auto-évaluation de leur propre politique.
/Iconseillers ruraux/l
Ce guide s'organise de la façon suivante
. Que pensez-vous du monde rural avec lesquel vous
travaillez?
. Que pensez-vous du modèle officiel ?
Que pensez-vous
que les paysans pensent de ce modèle?
Que faites-vous, de quoi parliez-vous avec les pay-
sans lorsque vous êtes avec eux?
- dégager une image des ruraux et de la
ruralité en général,
- dégager l'attitude des ruraux.par rap-
port à la modernité, selon les conseil-
lers ruraux,
- appréhender le rôle et la pratique des
conseillers ruraux, en tant que repré-
sentants d'un modèle de savoir
et de
persuasion de type normatif.
associée
========
Nous avons aménagé pour cette catégorie de
population un entretien, énoncé comme suit:

• que pensez-vous du mode ou du genre de vie des gens
qui habi tent ici ?
. Introduction, ensuite, du thème de la modernité.
dégager 11 image des ruraux selon
cette population
- dégager en outre 11 atti tude des ru-
raux par rapport à la modernité se-
lon cette même population.
Nos interventions, lors de la conduite de èes entre-
tiens, avaient pour seul but de favoriser une exploration
maximale des thèmes énoncés: relances, demandes de préci-
sions et d'explications, résumés et recentrations. Autre-
ment dit, l'application des techniques disponibles en psy-
chologie et utilisées dans la pratique des conduites d'in-
terviews ou d'entretiens.
Les entretiens ont été réalisés au domicile familial,
pour les ruraux et les conseillers ruraux, compte tenu de
la facilité de les trouver sur place au village. Pour le
reste des échantillons de population, l'entretien s'est dé-
roulé sur le lieu de travail aux heures de pause ou de colla-
tion. Dans tous les deux cas un rendez-vous préalable a été
toujours aménagé, à la convenance des sollicités. Il s'agit
d'entretiens individuels.
Ils se sont déroulés en Côte d'Ivoi-
re au cours d'un séjour de six mois . .

- ~,~ -
2.3.
Mode d'exploitation des protocoles recueillis
Pour saisir la structure des discours que nous
ont fournis nos inverviewés, il a fallu d'abord, pensons-
nous, dégager une grille de valeurs implicites. à laquelle
recourt le code de discours des individus lorsqu'ils par-
lent de la ruralité, en tant qu'objet social de connais-
sances, que ce discours soit écrit et pris en compte par
la technique psychosociologique de l 'égude des traces,
ou qu'il soit verbalisé et recueilli par techniques d'en-
tretien.
On peut alors, dans cette perspective, soumettre
le protocole d'entretien sur la ruralité à deux types de
démarches méthodologiques:
- L'une thématique traditionnelle,~classique,per-
mettant de dégager la fréquence des thèmes manifestes repé-
rables dans le discours, c'est-à-dire la dimension dénotative.
- L'autre
"touJz.née. v exs l es a~~ 0 c.iaLi..o n~ liant ~ig ni-
6ié~ pJz.e.mie./z.~ e.t ~igni6ié~ ~e.c.ond~ ve.Jz.~ le.~
vale.u/z.~ implic.ite.~ évoquée.~ pa/z. le.~ image.~1
~e.~ touJz.nu/z.e.~
e.xp/z.e.~~ive.~.
Ce. ~ont le.~ va-
~e.u~" (Laurence Bardi n ., 1977).
Elles n'émergent pas isolées, et on peut rendre compte de
leurs structures par l'analyse de la logique interne de

leurs relations. Cette approche a constitué un moment de
notre démarche méthodologique.
Par ailleurs, nous introduisons dans la perspec-
tive méthodologique de notre étude, une méthode complémen-
taire de l'analyse de contenu classique. Cette méthode com-
plémentaire est celle que Denise Jodelet (1979) appelle
III 'approche par l'étude de l'étayage du discours". Cette
approche méthodologique consiste, à l'issue d'une analyse
de contenu, à repérer les catégories mentales, c'est-à-dire
ce sur quoi le discours s'appuie: le squelette d~ discours.
Cette approche, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement,
s'affirme comme un temps fort de notre voie méthodologique.
"Dans fa me.6 uJte où fa JtepJté.6 entalio n .6 e dé6i-
nit, ~omme un univeJt.6 d'attitude.6, d'opinion.6
et de ~Jtoyan~e.6 ~on.6titué.6
paJt de.6 éfément.6
.6pé~i6ique.6 oJtgani.6é.6 entJte eux et autouJt
d'une .6igni6i~ation centJtafe" (J.C. Abric,
~1. Dou, M. Gustsatz, 1978),
l'analyse du discours à laquelle nous procéderions vise à
dégager la structure interne de la représentation de la
ruralité pour chaque interviewé. Il s'agii donc là d'une
analyse intra-entretien, où l'unité d'analyse est le dis-
cours d'un individu:oO l'on tente de repérer:
- les éléments présents et disponibles,
- les attitudes_qui sous-tendent ces éléments
- les liens entre ces éléments.

-
JO -
2.3.1.
L'analyse de contenu, comme mode de lecture du
discours: choix et exemplification de la méthode
Cette analyse de contenu est essentiellement thé-
matique. Il a été constitué pour ce faire une grille commu-
ne comportant six catégories ou dimensions se l onTa popu-
lation. L'analyse thématique est elle-même transversale,
c'est-à-dire que les entretiens sont déocupés autour de
chaque "thème-catégorie". C'est-à-:-dire que tout ce qui a
été dit sur chaque catégorie précise au cours de l'entre-
tien a été recopié sur une fiche quel que soit le moment
où cela a été dit. Autrement dit, et pour citer Laurence
Bardin (1977, p. 177), l'analyse transversale dans sa dé-
finition et dans son sens, découpe
"l'e.nlle.mble. de.ll e.ntILe.t.ie.nll paIL une. gIL.ille.
de. catégolL.ie. pILotégée. ll~IL le.ll conte.nUll •••
On ne. t.ie.nt pall compte. de. la dynam.ique. e.t
de. l'olLgan.i~at.ion~
ma.ill de. la 6ILéque.nce. de.ll
thème.ll ILele.véll dan~ l'e.nlle.mble. de.ll d.illcoulLll
conll.idélLéll comme. donné~ lle.gme.ntable.ll e.t com-
paIL abl e.s ••• "
Très concrètement, la pratique de l'analyse thématique
ainsi présentée,
"e ons Ls t:e: à cso ce« des thème.ll dans un te.xte.
a 6.ind e i.e. ILam e.n e.IL à. d e.s pIL 0 polLt.ionll uuLi..-
llabi.e~ d'une. paILt~ e.t à pe.ILmettJz.e. lla compa-
ILa.i~on avec d'autJz.e.ll te.xte.ll tILa.itéll de la
même 6açon d'autJz.e. paILt. POUIL e.ntILe.IL un pe.u

plu~ avant dan~ la méthode, on établi~ gene-
Aalement une di~tinction en~e ~e~ thème~
p~incipaux et le~ thème~ ~econdai~e~. Le~
pAemie~~ peuvent ê~e dé6ini~ comme ~endant
compte du contenu du ~egment de texte ana-
ly~é, le~ ~econd~ ~e~vant a ~péci6ie~ le~
p~emieJL6 dan» ~e~ di66é~ent~ as oeexs" (
(R. Ghighione, B. Matalon, 1978, p.
185).
L'analyse de contenu appliquée à notre corpus d'entretien
et centrée sur l'analyse thématique, s'est inspirée de
l'esprit de cette méthode dont nous venons de définir et
d'exemplifier la démarche pratique et technique.
Ainsi, l'ensernblede ces catégories thématiques dé-
gagées nous a permis de relever dans les discours sur la
ruralité la fréquence d'un certain nombre de thèmes à l'in-
térieur de chaque catégorie. Cette fréquence des thèmes,
que nous nommons des thèmes d'insistance, ne peut pas être
fortuite, tout au moins, nous en formulons l'hypothèse.
De la sorte, une analyse interne de ces thèmes répertoriés
nous a 'pe r-m i s de montrer l 1 exi stence de si mi li tudes et de
différences dans la production de c~s fréquences annoncées.
Pour mieux affiner notre démarchp. méthodologique, nous pen-
son s que l ' étude de l 1 étayage des dis co urs r ecu e i 11 ; s s 1 a-
vère très intéressante.
Au total, nous postulons que l'analyse de contenu
de notre matériau a été menée par deux phases essentielles

correspondant aux visêes et aux objectifs fondamentaux de
notre travail. Dans une première phase, on s'est efforcé
de rendre compte des éléments constitutifs des discours
sur la ruralité, de saisir ce qui organise ce type de
discours et sa logique interne. On a voulu, en quelque sor-
te, rendre compte des supports des discours qui utilisent
la ruralité à la fois comme situation sociale et comme
objet de connaissance, en s'appuyant pour ce faire sur
des groupes sociaux impliqués à la définition de la rura-
lité
comme vécue, et comme une expérience concrèt~. Puis,
dans cette même perspective, on a comparé ces modèles de
discours à ceux qu'énoncent les individus situés dans des
situations de référence ou soit, était-il dit, des situa-
tions d'identification, des l'situations modèles" : plani-
ficateurs du développement rural, citadins, autorités po-
litiques, conseillers ruraux.~.
Dans une seconde phase de cette même investigation,
on a tenté de mettre à l'épreuve les hypothèses que nous
avons proposées pour caractériser les discours sociaux sur
la ruralité ainsi définie. A la limite, on a voulu rendre
compte de la symbolique de ces discours en définissant les
composantes des discours des sujets individuels ou collec-
tifs inscrits dans leurs cadres sociaux d'évolution.

2.3.2.
Présentation de l'étude de l'étayage du discours
sur la ruralité, comme méthodologie de l'étude
de représentation et ses objectifs
Du travail d'analyse thématique classique effectué,
il s'est dégagé deux remarques fondamentales, desquelles
se fonde et prend forme cette seconde étape de notre appro-
che méthodologique. Ces remarques, nous l'avons montré, por-
tent sur la mise en évidence, d'une part, d'un certain nom-
bre de thèmes qu'on peut présenter comme des thèmes d'in-
sistance présente dans le discours de l'ensemble des indi-
vidus sollicités; et d'autre part, des thèmes d'insistance
spécifiques. Les preMiers thèmes d'insistance peuvent être
reçus comme des thèmes d'étayage inter-groupes ou de simi-
litude ; les seconds thèmes d'insistance peuvent étre qua-
lifiés d'étayage intra-groupe spécifiques, c'est-à-dire
propres à une catégorie de population donnée. On peut
émettre l 'hypothèse que les étayages intra-groupes suggèrent
une certaine variation dans les discours sociaux selon le
degré d'implication des individus ou selon leur relation
avec la situation sociale représentée.
Nous avons alors pensé que cette dimension des dis-
cours - leur étayage - pouvait être saisie et interprétée
comme étant les éléments de la représentation qui sont col-
lectivement ou partiellement partagés par l'ensemble des

individus définis de notre population, et qu'on peut qua-
lifier (ces éléments) de centraux, comme des points d'an-
crage. Etant des thèmes d'insistance collectivement par-
tagés, ces points peuvent être considérés comme des points
d'étayage, c'est-à-dire ce sur quoi Ja représentation de
la ruralité prend corps, et ce, sur quoi cette représen-
tation s'articule et slappuie.Autrement dit, les supports
organisateurs des discours ainsi recueillis.
Ces supports peuvent servir d'indicateurs et/ou de
critères de stabilité dans le comportement discursif des
individus. Par ailleurs, cette stabilité ne prend de sens
que par rapport aux structures de support, car elle peut
recevoir et recouvrir des différences très marquées dans
l'élaboration des représentations sociales de la réalité.
A la limite, c'est un~ stabilité cognitive qui se situe
à notre sens à deux niveaux: le premier a trait au sys-
tème de catégorisation axé sur le squelette du discours.
C'est un point d'appui et d'articulation. Dans cet esprit,
cette même stabilité n'implique pas une stabilité générale
en termes d'organisation des discours, mais elle llest au
niveau du sopport des discours produits par les secteurs
sociaux interviewés. Ensuite, cette
stabilité consolide la
thématique générale des discours; ce qui permet d'argumen-
ter et de faire 1 'hyptohèse de l'existence d'une démarche
cognitive partagée au niveau des supports des discours sur

-
75 -
-la ru ra lit é, que l que soi t l' é cha nt i l l 0 n de pop ul a tt 0 n .
De cette manière, et sous ce rapport, la représentation
peut être définie théoriquement comme un système de caté-
gorisation d'informations utilisables, par lesquelles un
individu désigné ou sollicité - ici .no s "s ujets". - organi-
se, structure son discours par rapport à une situation don-
née. Ce discours est lui-même socialement identifiable,
c'est-à-dire un discours référable aux conditions de sa
production et à l'individu qui le produit. Cette catégo-
risation ainsi décrite étant relative aux opinions et at-
titudes des individus sollicités, peut être nommée ou
affectée comme un point de classification de base des men-
talités de la société de référence choisie, comme cadre
soc i 0 - cul tu re l de l' é t ude.
Ces étayages ainsi dégagés permettront d'argumen-
ter, e t, n0 us sembl e - t - il, de c 0 mpre ndrel e f 0 ndemen t d' un
certain langage thématique qui se parle au sujet de la
ruralité, fixant, à n'en plus douter, l'orientation des
modalités d'approche, de connaissance et de savoirs rela-
tifs à la ruralité, d'abord comme situation sociale, et·
ensuite comme objet de représentation, défini à partir de
discours sociaux. Mais cette façon d'opérer et de procéder
dans l'appréhension de la ruralité, rompt d'avec une pra-
tique méthodologique déjà f~milière.

-
1
C
-
Pour plus de clarté dans cette orientation!
pensons-nous nouvelle, interrogeons Denise Jodlet (1979)
qui pose mieux que nous-même
le problème:
"Cela (entendez : cette approche) eonduit
géné~alement à ~enve~~e~ l'app~oehe métho-
logique.
En géné~al, quand on analy~e un
ehamp de ~ep~é~entation à pa~ti~ d'un maté-
~iel ve~bal, ~eeueilli pa~ ent~etien~, on
~'attaehe aux détail~ et aux va~iation~ thé-
matique~ de~ eontenu~. Ca~aeté~i~e~ le~ in-
no~mation~ qui ~ont à la ba~e de~ développe-
ment~ di~eu~~in~, ~éelame au eon~ai~e que
l'on ~ub~ume
le~ dinné~ente~ a~~e~tion~
indépendamment de leu~ eontenu pa~tieulie~,
~ou~ leu~~ ~ou~ee~ ~péeinique~. C'e~t une
p~oeédu~e qui onn~e l'avantage de po~te~
l'aeeent ~u~ la naçon dont ~e nondent et ~'o~­
gani~ent ~e~ ~ep~é~entation~, de ~ub~ume~ le~
eontenu~ de~ énoneé~ aux p~oee~~u~ de leu~
élabo~ation et de mett~e en évidenee la ~t~ue­
tu~e du di~eou~~ ... "
De la sorte, cette démarche méthodologique par l'étayage
du discours, se veut comme un indicateur privilégié per-
mettant de dégager, nous semble-t-il, des points centraux
et d'ancrage sur des dimensions particulièrement impor-
tantes pour la connaissance et l'organisation du discours
tel qu'il a été reculli auprès des individus de notre po-
pulation. Ces dimensions fournissent un statut au travail
théorique d'analyse, en identifiant les différents points

-
1 1
-
1
d'appui qui sont les éléments collectivement énoncês.
Ainsi ces catégories cognitives permettent de concevoir
une nouvelle façon, un mode nouveau d'approche de la ru-
ralité, par trop souvent saisie, comme d'analyse monogra-
phique. Cette nouvelle approche est de nature idiographi-
que et axée sur la :pychosociologie,comme dimension de la
réalité sociale. L'étude idiographique se donne pour objec-
tif cette tentative d'analyse de l'organisation ou la mise
à jour de la logique interne du discours ressorti d'un
domaine d'investigation. Ainsi, elle éclaire et
enrichit
l'étude de la dimension symbolique de la ruralité dans la
perspective des représentations sociales.
2.3.3.
L'étude de la représentation sociale de la ruralité
et ses objectifs
L'étude des représentations sociales, avons-nous
dit, est une étude plurielle. La variété des recherches en-
~reprises et la diversité des hypothèses formulées à leu~
propos
sont là pour en rendre compte et en témoigner. De-
puis les travaux de S. Moscovici (1961, 1976) sur la psy-
chanalyse, travaux devenus à nos yeux un classique de la
psychologie sociale,
une série d'études se sont attachés
à analyser les représentations sociales, comme théorie et

-
ï:
-
él aborées à propos de certains concepts et de certaines notions
Parmi ces concepts et ces notions, on relève la culture
(R. Kaës, 1968 ; Larrue t 1970) ; l'espace (J. Pailhous t
1970)
; la santé et la maladie (Herzlich t 1969) ; le rôle
social de la femme dans la société (Andrieux t 19~1
P.H. Chombart de Lauwe et al t 1963 ; M.J. Chombart de
l.auwe , 1971) ; le groupe restreint (J.P. Co dol , 1972
C. Flament t 1979) ; le voyage (J.C. Abric t 1975 ; M. Morin t
1975) ; l'automobile et le train (N. Ramognino, 1975) ;
les jeux et le conflit (J.C. Abric t 1976) ; la coopération
agricole (J.C. Ab r i c , M. Gu t s at z , 1977) ; l'enfance
M.J.
Chombart de Lauwe t 1979). Ces études ont permis à des
degrés divers de préciser et de saisir le concept de repré-
sentation sociale en des moments précis de son introduc-
tion en psychologie sociale. Denise Jodelet (1979)t fixant
une certaine problématique inspirée de l'étude des repré-
sentations sociales
relevait quant à elle que
t
"ju~qu'a p~~~ent, l'attention ~'e~t po~tle
~u~ le p~oee~~u~ de 6o~mation et d'o~gani­
~ation de~ ~ep~l~entation~, la valeu~ ex-
p~e~~ive de leu~ eontenu, leu~ inte~vention
dan~ le ~appo~t ~ymbolique et p~atique a
l'envi~onnement phy~ique et ~oeial... pa~-.
tant, - poursuit-elle - e~t pa~~~e au ~e­
eond plan l'analy~e de~ ~ep~~~entation~, en
tant que 6o~me de eonnai~~anee, e'e~t-a-di~e

, ltabOAation eognitive que de~ ~ujet~ dl6i-
ni~ palt i..eult appdAtenanee de gltoupe, opè.-
Aent
~ou~ l'emplti~e de~ eadlte~ ~oeiaux de
pen~le et de~ noltme~ eolleetive~ de eonduite,
eomme ~ou~ i..'e66et du
ehangement eultultel"
Cette orientation suggérée par Moscovici (1976) e~ enri-
chie par Denise Jodelet (1979) a un
double intérêt à nos
yeux
Elle complète et enrichit l'étude des repré-
sentations sociales
comme dimension de la
t
réalité sociale.
- Elle ouvre de cette façon une voie nouvelle à
l'étude des représentations comme une organisa-
tion psychologique
une forme de connaissance
t
parti cul i ère t correspondant à l' objecti f que
Moscovici (1976) assigne à la psychologie so-
ciale :
"ltudielt i..e mouvement de~ 6oltme~ de Itl6lexion
et i..eult OltdAe, eompaltl à eelui de~ lvlnement~
et de~ 6aeteult~ d'intlltaetion et de eui..tulte"
(Moscovici t 1976).
Qu'est-ce à dire? Cette conception de la psychologie so-
ciale suggère dans la réalité l'acceptation et la prise
en compte des types de variétés de discours des individus
inscrits dans leurs cadres sociaux d'évolution
et pose
t

~l
-
de la sorte, de façon assez claire, la rep~ésentat1on so-
ciale comme produit socio-culturel. Envisageant, en ce
qui nous concerne, l'étude psychosociologique de la ru-
ralité, nous l'intégrons dans cette voie, dans cette pers-
pective, car elle nous appara1t en maints endroits comme
susceptible de saisir les discours que les sujets sociaux
non neutres, donc i mp l i qué s , et inscrits dans des appartenan-
ces de groupe, produisent à propos d'un objet de connais-
sance, mieux, un objet significatif. Quelle(s) représenta-
tion(s) des individus dits promoteurs du développement ru-
ral se font de la ruralité ? Comment, dans notre société,
se construit 1 limage de la ruralité ? Qu'est-ce qui orga-
nise, marque les temps forts de ces discours ainsi défi-
nis dans le corps social. De la sorte, nous formulerions
l'hypothèse selon laquelle l'étude des représentations
,....
de la ruralité devrait permettre une approche de l'étude
des mentalités, des attitudes, des attentes, des motivations,
éléments constitutifs de la représentation. L'analyse de
ces représentations devront en outre permettre de compren-
dre, on l'espère, le blocage que constituent certains
altérités, voire certaines contradictions dans les relations
ville/brousse en Côte d'Ivoire. Finalement, l'objectif fon-
damental de cette recherche se résume en ces termes
- Viser à l'exploration, voire la connaissance
d'un problème spécifique particulier ,: l'introduction dans

les études sur la ruralité, comme support d t t nve s t i-qa t t on ,
l'étude des mentalités, des attitudes, permettant, on
l'imagine, une meilleure compréhension de leurs réactions
et comportements face â des problèmes précis et définis
comme tels.
- Elle (cette recherche) peut permettre subsidiai-
rement aux responsables du développement rural, aux plani-
ficateurs dans une certaine mesure d'être en fait, dans
leur tentative de politique de développement rural, des
pointsinhibiteurs ou des points facilitateurs, quant aux
axes d'intervention. La maîtrise
de ces "f'e e d-ib a c k" nous
apparaît comme un instrument privilégié pour la connais-
sance des mentalités et des attentes des ruraux.
Ainsi, munis de ces lIarmesll, on pourra mieux se
donner les moyens de permettre aux ruraux de s'adapter â
la réalité sociale globale ou de s'adapter à eux par une
meilleure analyse,
une meilleure compréhension de leurs
attitudes, motivations et attentes; et aussi de mieux
prendre en compte leurs revendications. On peut attribuer
à ce second objectif un statut de type pédagogique.
Ainsi
conçue, la représentation sociale se révèle comme lI un
puissant guide pour l t a ct t on ". Les essais d'analyse théo-
rique qui vont suivre résument l t e s pr i t des conceptuali-
sations antérieures.

DEUX 1EME'· PAR T 1E
PRESENTATION DES RESULTATS

CHAPITRE
TROISIEME
ESSAI D'ANALYSE PSYCHOSOCIOLOGIQUE
DU DISCOURS OFFICIEL

-
82
-.
CHAPITRE III
ESSAI D'ANALYSE PSYCHOSOCIOLOGIQUE DU DISCOURS
OFFICIEL
Pour entreprendre une étude sur la ruralité, plu-
sieurs types de documents sont utilisés. Mis ~ part les sta-
tistiques et les enquêtes sociologiques sur l'évolution, par
exemple, du monde rural, et autres rapports internationaux
relatifs ~ l'analyse globale de la ruralité, ce sont essen-
tiellement les textes qui retiennent dans un premier temps
notre attention. Mais des textes qui sont d'un statut par-
ticulier : des textes officiels du Ministère du plan (plans
quinquennaux), des extraits de discours politiques issus du
parti unique politique, des journaux spécialisés d'"experts"
et planificateurs du développement rural ("Terre et progrés",
le" Jo ur nal du pla nte ur Il ,
l a Il No uvell e Il , "Le j our na l il U vi l -
l a gen ). Ces d i f f é r e nt ste xtes peu ven t ê t r e c las s é s selon
qu'ils se situent plus ou moins loin de la réalité quoti-
dienne des ruraux, définis comme une sous-population dans
une entité sociale globale.
Compte tenu de la situation po-
litique particulière de la Côte d'Ivoire, comme nous l'avons
montré en avant-première, l' ensembl e de ces textes symbol i-
sent le discours officiel. Le discours politique issu de la
classe politique dirigeante et consacrée pour "e besoin de
la cause ~ la ruralité, définit, disons-nous, le modèle théo-

83
rique initial et dominant. Les journaux et les revues
spécialfsées inspirés par/et l'idéologie dominante, défi-
nissent et caractérisent pour cette même réalité nommée
"la ruralité ll des modèles intermédiaires et pratiques selon
leurs orientations.
De la sorte, nous avions pensé qu'une meilleure
analyse, voire une meilleure compréhension de la ruralité,
comme objet significatif, n'est possible sans expliciter
l'esprit global de ces trois modèles sommairement désignés.
- Le modèle théorique initial : nous appelons
"modèle théorique initial" le modèle qui synthétise la phi-
losophie de la politique agricole des acteurs de ce discours.
Il prend appui sur l'orientation de la politique générale
dans laquelle la Côte d'Ivoire de cet instant siest engagée.
- Les modèles intermédiaires et pratiques:
Ils caractérisent des efforts particuliers de sensibilisa-
tion et de persuasion du monde rural â travers des "campa-
gnes d'éducation", campagnes axées sur des orientations
générales, c'est-â-dire dont l'intention vise une masse très
importante des travailleurs agricoles. Ces efforts sont quel-
quefois le fait d'actions ponctuelles inspirées de praticiens
dans le cadre de leur métier. La détermination et la dési-
gnation de ces modèles sont nées de l'analyse approfondie
de l'ensemble des documents écrits pris en compte ~ans l'é-
tude du discours officiel. Ainsi, notre travail d'analyse

- 84 -

du discours se réfère à l'ensemble des modèles présentés
à travers les textes. Nous pensons que ces textes eux-mêmes
se révéleraient comme des indicateurs spécifiques pouvant
nous permettre de dégager des profils psychosocio1ogiques
pertinents et nécessaires à une étude substantielle dans
l'esprit même de nos formulations théoriques.
3.1. Présentation des images de l'agriculteur d'après
le discours des planificateurs et des autorités poli-
tiques
,~~LU
On remarque à la suite de l'analyse de C9Aielt!@s
du discours des planificateurs sur la rura1ité, que deux
types de représentations du paysan se dégagent, correspon-
dant à l'esprit global de nos hypothèses théoriques.
3.1.1.
Profils de l'agriculteur traditionnel: l'agricul-
teur actuel
Nous constatons de prime abord la quasi-absence du
discours caractérisant l'agriculteur actuel. Cette rareté,
cette pauvreté du discours, à nos yeux, a une volonté réaf-
firmée d'en finir avec cette ancienne image de l'agriculteur.
Cette vision traduit une représentation de la rura1ité,
comme rompant avec une certaine identité propre aux paysans,
symbol e e s sen t i e 1 de 1eu r modè 1ecu 1t ure 1. Mai s c'e qui est
fondamental à nos yeux, c'est que ces premiers résultats
traduisent dans les faits l'observation hypothétique qui

- 85 -
étoffait l'esprit de notre première proposition théorique,
sur la mise en épreuve de l'identité des ruraux, au sein
de la société globale.
La traduction dans les faits de cette proposition
théorique édifie l'idée selon laquelle la ruralité est bel
et bien dans le sens de notre problématique, l'objet d'une
représentation sociale. Les images projetées aux paysans
comme IIdes assistés ll , des IIpassifsll dans leur participation
au développement qui leur est proposé et au nom duquel ce qui
leur est propre reçoit une autre connotation du genre IItra-
ditionnel", lI ar c ha Tq ue " , correspondant ~ l'esprit de la pro-
blématique que
nous disions basée sur l'assimilation du cou-
ple conceptuel rural/brousse, associé ~ l'arriération, au
non-développement, et renvoyant ainsi ~ un modèle de l'indi-
vidu non conforme ~ une certaine vision de l 'homme capable
de soutenir et de contenir le développement, ~ même d'assi-
miler la modernité et finalement de s'y mouler, en indique
bien la dimension. Cette conception de la ruralité à travers
l'individu qui s'y trouve inséré semble répondre ~ la préoc-
cupation qui est la nôtre, ce qui pose la représentation
comme voulant dire classer et nommer. Mais comment et selon
quel modèle social?
3.1.2.
Image ou profil de l'agriculteur, symbolisant le
modèle culturel de type des sociétés industrielles
l'agrigulteur visé, espéré, l'agriculteur idéal.
Contrairement ~ la remarque que nous faisions con-
cernant la rareté' des thèmes présentant ou décrivant le mo-

- 86 -
dèle de l lagriculteur actuel, dans ce type de représenta-
tion de llagriculteur rêvé, nous observons une pléthore
de caractéristiques décrivant allègrement les profils de
llagriculteur idéal. Cette surabondance du discours semble
justifier ou témoigner d'une motivation des planificateurs
à voir naître cette "classe" d'agriculteurs qu'ils idéali-
sent. Ainsi ce type d'agriculteurs est représenté selon les
modèles valorisés positivement dans la dichotomie que nous
évoquions initialement.
Dans cette même perspective, une remarque impor-
tante slimpose à notre esprit à propos de l lévolution et de
la transformation du discours. En effet, dans ce type de re-
pré sen t a t ion de lia grie ul te ur, l e t e r me Il pay san Il dis par a î t
du corpus étudié et il lui est substitué par les termes
IIclasses d1agriculteurs", IId 1entrepreneurs ll , "d'exploitants
agricoles", IId 1agriculteurs modernes", "polyvalents", lI a gr i -
culteurs méthodiques", "dyn amt que s v ,
"compê t en t s ? ,
"r a t t on-
nels ll , II r el ais de 1 IEtat dans le développement ll etc ...
En
résumé toute une nouvelle conception de l'agriculteur., par-
tant du modèle global de la ruralité. Du IIpaysan passif ll ,
on est passé à des
"agILic.ul:teuILh ahhuILan:t une paILilc.ipa:tion
ac.:tive à leuIL pILoplLe développemen:t, :tILavai~­
lan:t danh deh h:tILUc.:tuILeh, dan~ deh oILgani-
ha:tionh
c.apable~ de ~éhoudlLe leh pILoblèmeh
pOhéh paIL la modelLniha:tion".
Comment peut-on interpréter cette évolution de la perception·
du paysan? Le profil de llagriculteur idéal opère selon

- 87 -
nous, une rupture d'identité, en ce qui concerne le paysan~
Ce changement de discours, au regard des deux types d'agri-
culteurs, s'accompagne nécessairement de points de rupture
quant au but et aux stratégies sur lesquelles doivent por-
ter le changement. Cette rupture d'identité se traduit à nos
yeux; chez l'agriculteur, par une certaine désorganisation
de son système cognitif. Ce résultat renvoie à notre seconde
hypothèse relative à la construction des représentations so-
ciales. De la même façon, le passage d'une organisation
professionnelle traditionnelle de type individuel
à une
organisation professionnelle de type collectif par la for-
mation de groupes de coopératives, à notre avis, pose la
question de la problématique générale du changement et à sa
nécessaire adaptation subséquente chez les ruraux. Cette
question de l'adaptabilité renvoie aux interrogations que
nous nous posions dans l'amorce de notre problématique théo-
rique, quant au statut même du paysan dans la réalisation du
progrés qu'on lui tend. Cette présentation des images de
l'agriculteur idéal avec le contenu psychosociologique
qu'elle véhicule comme perception de l'agriculteur, permet
de dégager, en conclusion à cette analyse des profils de
l'agriculteur, un schéma théorique explicatif du modèle
officiel, qui fonde l'existence même de ces pr-o f i l s psycho.-
sociologiques

- 88 -
Schéma explicatif du modèle théorique officiel
Etat initial (départ)
1 paysan traditionnel
1
1
1
· caractéristiques de
paysan individuel
: non participation à
1I1 1 ét at 111 :
la dynamique du développement: "paysan
absentéiste"
1
.J.
l cl as se de paysans r
1
caracté~istiques de
axées sur une évolution sémantique du
1I1 1état 211 :
modèle théorique
1
~
1 classe d'agriculteurs r
1
· caractéristiques de
création d'un esprit collectif par la
1I1iétat 3u :
notion -c-de classe.
1
passage de paysans là agri cul teurs.
1
'"J
entrepreneurs
"Etat 4" : L1agriculteur idéal, visé: moderne
· caractéristiques de
1I1 1état 411
- "exploitants agricoles"
- "agriculteurs modernes, polyvalents"
- "relais de l'Etat dans le processus du développement
rural"
La dynamique évolutive des profils dégagés passe
par ces quatre états qui définissent le schéma explicatif
du modèle théorique officiel. On voit 1 'évolution progres~
sive de la sémantique du discours relatif à l'appréhension
de la ruralité. Ces quatre ·états résument bien les analyses
proposées dans cette approche des profils de la ruralité.

- 89 -
Ainsi prend forme toute une image globale de la ruralité,
indiquant qu'il existe dans notre société une représenta-
tion de la ruralité comme objet de connaissance. Et nous
verrons plus loin, dans 1 létude des représentations et des
supports des discours verbalisés sur la ruralité, comment
cette conception apparue lors de l'exploitation des textes
s'insère dans la logique des formes de réflexion ayant pour
support la ruralité.

" •.• Peus: - ê.:t!L e. ':J a. -:t -.Li. d' aut:»: es c anna.i.6 -
.6a.nc.e..6 a a.c.qué!Li!L, d'a.u:t/Le.6 in:te!L!Loga.-
:tion.6
a pO.6e.!L a.ujou!Ldthui, en pa.!L:ta.n:t
non de ce que:"d t a.u:t!Le.6 ord. su , ma.i.6 de
c.e qu til.6 on:t igno!Lé ••• "
S. MOSCOVICI : Essai sur
l'histoire humaine de la
nature. (Flammarion/Champ.
1977).
CHAPITRE
QUATRIEME
ETUDE DES REPRESENTATIONS SOCIALES DE LA RURALITE

- 90 -
CHAPITRE IV
ETUDE DES REPRESENTATIONS SOCIALES
DE LA RURALITE
4~1.
Analyse de l'étayage: Typologie et exemplification
des catégories d'étayage
L'organisation des typologies d'une part, et de
l'étayage lui-même d'autre part, et dont il va être ques-
tion dans cette analyse, est réalisée et fondée sur le cri-
tère d'homogénéité et de stabilité dans les attitudes des
individus sollicités dans leur approche de la définition
de la ruralité.
C'est
la raison selon laquelle on peut
faire l'hypothèse qui postule que les comportements et les
attitudes des sujets sollicités sont déterminés par le même_
élément central
(1). Cette organisation des étayages est liée
au statut général des individus sollicités et inscrits
dans leur appartenance de groupe par rapport à la défini-
tion psychosoclologique de la ruralité. Mais précisons-le
très bien avant toute présentation de ces étayages :
Ce~~e homogénéZ~é, ee~~e ~~abili~é, voi4e ee~~e p4épondé-
4anee de l'élémen~ eentAal dan~ la eon~~i~u~ion de~ é~aya­
ge~ ne ~igni6ie nullemen~ pa~ POU4 au~an~
une homogénéZ~é
e~ une uniei~é dan~ l'app4oehe de~ 4ep4é~en~a~ion~ de la 4a-
4ali~é ~elle que le~ individu~ l'app4éhenden~.
Abordons dès à présent cette analyse de l'étayage.
( 1) J e a n- Cl a IJde AB RI C (1'97 6} e mplo i e l e te r me :de n0 ya u
central po ur désigner- un.- tel élément.
----,

-
91
-
Dimensionnées par registres de références, ces
catégories d'étayage permettent de recueillir des infor-
mations relatives au discours sur la ruralité. On a pu
ainsi définir des modalités d'approche et de connaissance
de la ruralité. Ces registres d'information renvoient à
des champs de représentation homogènes, c'est-à-dire sta-
bles dans le sens de la structure de support. L'ensemble
de ces catégories
structure et organise le champ de la re-
présentation de la ruralité. Présentons et décrivons dans
leurs grands traits ces catégories, ainsi que les registres
de connaissance et d'information auxquels elles renvoient.
4.1 .1.
Etayage des di scours sur 1a rura lité : structura-
tion et organisation du champ représentatif
Le premier répertoire d'information dont il est
question se dégage des rapports ville/brousse à travers
l'attitude générale des autres groupes sociaux à l'égard
des ruraux au sens large. On ne peut, sous ce rapport,
connaitre ou comprendre quelque chose sur la ruralité qu'en
prenant référence à la ville, que ce soit par rapport au
vécu
des ruraux, leur pratique quotidienne. Cela concerne
aussi bien la perception de la ruralité dans son mode re-
lationnel dans le monde du travail, que dans les relations'
vis à vis du reste du corps social. Cet ensemble de per-
ceptions,de sentiment, d'opinion centrée sur les ,relations
ville/brousse, nous nous proposons de le nommer registre A
"Comparaison ville/brousse".

-
92 -
- Une seconde catégorie d'étayage du discours sur
la ruralité s'observe à travers des caractéristiques idio-
syncrasiques, c'est-à-dire propres à la ruralité.
Ces caractéristiques relevées associent la rura-
lité à la famille élargie, au mode de vie, et au modèle
relationnel qui s'y réfèrent. Dans cette perspective, la
ruralité est saisie et présentée dans ses vertus comme dans
ses altérités spécifiques. Dans ce cas, tout ce que l'on
dit, sait et apprécie de la ruralité l'est par rapport à la
ruralité elle-même. Ce type d'indications centrées sur la
ruralité est reçu et classifié sous le registre B : ilIa
"V
ruralité comme modèle culturel".
_ Une autre approche portant sur la ruralité passe,
on l'a remarqué
d'après nos entretiens, par l'appréciation
du rôle et de la place que la société globale attribue à
la ruralité, la place et le rôle qu'elle lui dicte ou que
la ruralité se donne elle-même dans l'accomplissement de
la vie quotiàienne, l'image qu'elle (la ruralité dans son
contenu social) se donne ou que la société globale lui ren-
voie. Dans cette perspective, ce qui est dit au sujet de
la ruralité ou ce que la ruralité dit d'elle-même est lié
au rapport et au statut de la ruralité dans l'environnement
socio-économique. De cette manière, la ruralité est saisie
de façon médiate. Le monde extérieur dans lequel elle se
situe, a vec ses normes, ses' valeurs, reste le poln t de repère
et la clef de voûte
à partir desquels la ruralité est

- 93 -
intégrée, prise en compte, découverte comme force économi-
que, valeur utilisable et utilisée pour organiser l'environ-
nement rura 1. La pr i mauté de l' extéri ori té, support cette
fois du discours sur la ruralité, apparaît avec netteté.
Dans ce cas aussi, la ruralité est appréhendée et perçue
à travers un modèle de savoir moderne, eu égard à sa spéci-
ficité. Cette catégorie d'étayage ainsi décrite peut être
classée sous le registre C : "Rap po r t à l'environnement so-
cio-économique et culturel dominant" dans lequel la ruralité
est insérée.
Outre ces trois premières catégories d'étayage,
on relève une série d'étayages marqués par une modulation
attribuable, pensons-nous, au degré d'implication et selon
la position des sujets à l'égard de l'objet représenté,
mieux, du réel représenté. C'est une modulation en termes
de niveau, autrement dit. Cette observation n'est pas trou-
blante, car elle est conforme, on le sait, à la démarche
cognitive de la pensée sociale naturelle. Cette modulation
s'inscrit à notre avis dans ce qu'on appelle les lIaspects
cognitifs ll de la représentation sociale, dont la dispersion
de l'information dans "la genèse et l'enchaînement des rai-
sonnements" nous apparaît ici comme la composante évoquée.
Cette démarche cognitive ne porte pas sur une variation qu'an-
titative de l'information possédée, mais sur l'existence
de zônes d'intérêts, mettant ainsi en exergue, en première
.
.
ligne, un décalage, une modulation entre l'information ef-
fectivement présente et celle qui aurait été nécéssaire pour
cerner tous les éléments utiles à l'appréhension de l'objet

- 94 -
de la représentation. L'existence de ces zônes d'intérêt
coorespond ~ ce que Moscovici (1976) a appelé d'une part
le IIdécalage" et d'autre part, un certain "mouvement des
formes de réflexion et leur ordre, comparé ~ celui des évé-
nements et des facteurs d'interaction et de culture ll • Autre-
ment dit, cette idée correspond ~ l'hypothèse de polyphasie
cognitive chère ~ Moscovici. A la limite, ce décalage cons-
titutif est une forme du processus de focalisation, elle-
même apparaissant "comme l'aspect expressif du rapport de
l'individu ou du groupe ~ l'objet social". Cette opération
mentale marque, ~ n'en plus douter, une des dimensions de
l'approche discursive de la ruralité. Les catégories d'étaya-
ge, qui seront les suivantes, rendent compte de l'esprit
de cette spécification des connaissances sur la ruralité,
de cette transition que nous voulions explicative dans la
logique de la structuration et de l'organisation du discours
sur la ruralité.
- De cette manière, on a pu relever qu'un autre mode
d'approche de la ruralité passe par l'évocation de la place
des ruraux dans la formation sociale. Elle saisit la rura-
lité par la description et l'élaboration d'un modèle de
devenir: Cette modalité de connaissance et d'approche intè-
gre les rapports et les relations de travail en milieu rural.
Elle intègre enfin tout ce qui concerne la pratique profes-
sionnelle liée ~ la ruralité, ~ la fois comme métier et
secteur d'activités numaines. Cet ensemble de références

-
95 -
centrées sur l'univers rural dans sa dimension ainsi dé-
crite et définie, est classé sous le registre D : "Rela-
tion aux pratiques".
- Un cinquième type d'approche de la rura1ité qui
a apparu dans nos entretiens, comme thèmes d'insistance,
s'axe sur des emprunts et des notions nouvelles puisées dans
le champ de connaissance et d'information reconnues comme
relevant du modèle de savoir moderne. Cette imprégnation
fait entrer dans le discours traditionnel sur la rura1ité
des notions nouvelles comme "la coopérative", "les rela-
tions avec le pouvoir moderne", "l'administration" ...
Ainsi que des références et tout un faisceau de notions
considérées comme symbolisant le modèle dominant, notam-
ment "l'argent", "le crédit", "le salaire"
dans toutes
leurs valeurs connotatives et expressives
Ce type d'in-
dications et de références aux formes et aux schémas du
modèle de savoir moderne
est regroupé dans le registre E
"Rapport au mOdèle de savoir moderne".
- Une autre façon différente d'appréhender la rura-
lité, et qui a étoffé tout au long de nos entretiens le
di scours des i ntervi ewés, porte, on l'a vu, sur toute une
conception de la rura1ité, comme mode de vie rustique, comme
-
cadre de vie spécifique. En effet, des schèmes de pensée
encore présents dans la tête des gens à propos d'images re-
çues sur la rura1ité, notamment en ce qui concerne "la qua-
lité de la vie", "l'éco10gie ll ,
"l'aménagement de l'espace",
"la mystique des loisirs" et "la notion abstraite de liberté,

-
96
-
d1indépendance ll , constituent des événements et/ou des mo-
ments choisis à partir desquels le savoir et la perception
que les sujets ont de la ruralité se trouvent ainsi polari-
sés. Cette approche de la ruralité est reçu sous le regis-
tre F : "J a ru r a l t t
comme environnement socio-graphique
ë
,
et écologique ll.
4.1.2.
Points d'étayage spécifiques
Sous ce titre, nous voulions indiquer et rendre
compte d'une certaine spécificité et particularité des dis-
cours sur la rural ité dqn t l'organisation et la structura-
tion font référence à un champ représentatif qui reste la
paternité du groupe de sujets qui en font la mention par
rapport aux autres sujets.
Ainsi, avons-nous pu noter, hormis les points de
similitude déjà analysés, comme or~anisant la structure du
discours
sur la ruralité, des points qui séparent les su-
jets quand ils parlent de la ruralité ou quand ils parlent
lIruralitéll.
- De la sorte, nous avons dégagé un septième type
d'informations propres aux conseillers ruraux et aux cadres
du développement rural. Ce septième registre d'informations
utilise un vocabulaire technique, spécifique, de type per-
suasif et volontariste. La ruralité est alors vue à travers
le modèle de la ruralité, des pays industrialisés.' Ainsi la
ruralité est saisie indirectement dans l'esprit de ce modèle

97
rêvé. Ce registre d'information fortement marqué par une
projection, comme servant d'alibi à un faire-valoir du pro-
pre désir de ces "e xpe r t s " du développement rural, est classé
registre G : "r app or t au modèle e xt r t e ur ".
ë
Ce travail sur les étayages du discours sur la
ruralité conçu comme pouvant aidér à comprendre la structu-
ration et l 'organisation du discours sur la ruralité marque
quelques intérêts fondamentaux, entre autres-:
. Il a permis de dégager le squelette du discours,
c'est-à-dire ce sur quoi ce discours s'accroche, mieux, les
éléments organisateurs du discours .
. En fournissant cette stabilité dans la struc-
ture du support, l'approche par l'étayage jette déjà les
jalons pour l'étude des représentations, bien que ces sup-
ports peuvent recouvrir ou relever des différences importan-
tes dans l'analyse des représentations. Cette mise en évi-
dence de l'organisation du discours permettra de tirer
argument, en ce qui concerne l'analyse des représentations,
quitte à marquer les différences qui apparaîtront, comme sup-
port pour éprouver les hypothèses sur la différenciation
chez les agents selon la place dans la formation socio-éco-
nomique.
. De ce travail d'étayage~ on note enfin une im-
prégnation certaine, une unité dans le discours, et ce,
toutes choses égales par ailleurs; ce qui permettra de dire

- 98 -
que la rura1ité est bien une situation sociale, marquée par
ce qu'or'! peut appeler, pour l'instant en tout cas, l'état
acute1 de l'évolution de la Côte d'Ivoire. Le tableau sui-
vant indique la tendance des positions des individus par
rapport à l'étayage du discours.
Typologie des catégories
Ruraux
citadins
C.R.
cadres
d'étayage
N = 16
N = la
n = 6
N = 5
Comparaison ville/brousse
16 (100 %)
la
(100 %)
6
(100 %)
5 (100 %)
...,
Rura1ité cOlTl11e modèle
16 (100 %)
la
(100 %
6
(100 %)
5 (100 %)
culturel
Rapport à l'environnement
14 (87,5 %) la
(100 %)
4 (63,33 %)
5 (100 %
économique ilTl11édiat
Relation aux pratiques
16 (100 %)
1
(la %)
6
(100 %)
a
(0 %)
Rapport au modèle de
16 (100 %)
la
(100 %)
6' (100 %)
5 (100 %)
savoir moderne
Rura1ité, comme environ-
12 (75 %)
la
(100 %
6
(100 %)
5 (100 %)
nement socio-géographique
Relation avec le modèle
a
(0 %)
a
(0 %)
6
(100 %)
5 (100 %
extérieur de développement
rural
Mode d'appréhension de la rura1ité à, travers les éatégories
d'étayage (mentions) selon les échantillons de population.

- 99 -
Reste maintenant à analyser les relations qui
peuvent exister entre les différentes catégories ou regis-
tres et leur logique interne. C'est-à-dire ce que peuvent
signifier en termes psychosocio1ogiques, ces similitudes et
leurs
mention
ainsi que ces spécificités dans leur contenu
expressif. Autrement dit, ces étayages dégagés constituent
pour nous un travail préliminaire. Il serait trop facile
pournous de répertorier de simples étayages, nous montrant
après coup des porteurs de représentations. Pour ce faire,
nous pensons que ces interrogations de Denise Jodè1e (1979)
sont encore pertinentes dans leur essence :
"Le~ app~oche~ une 6o~~ dé6~n~e~, toute une
~é~~e de que~t~on~ ~e po~ent en e66et. Pou~
Quelle p~t le~ d~66é~ent~ ~eg~~t~e~ d'~n6o~­
mat~on ent~ent-~l~ dan~ la con~t~uct~on du.
champ
de ~ep~é~entat~on ? Quelle ~~gn~6~ca­
t~on ~evêtent le ~ecou~~ à telle ou telle
app~oche, comme le pa~~age de~ une~ aux au-
~e~ quand le ~ujet l~v~e ~a ~ep~é~ent~~on
dan~ le d~~cou~~ ~u~ le co~p~ ... "
En effet, dans une représentation de la ruralité où les
sujets sont investis et impliqués à des niveaux divers, il
s'agit de comprendre - ne fut-ce que cela - comment les
"sujets"' déterminés et insérés dans une structure sociale,
et ce, dans leur appartenance de groupe, sont amenés à se·
positionner par rapport à un objet de connaissance d'une part.
D'autre part, il s'agit de comprendre, insistons-nous
sur
ce poi'nt, comment un objet social. comme la rura1ité, prend
place ou affecte les habitudes langagières et discursives des

-
100 -
individus; comment enfin cet objet social prend place dans
les mémoires individuelle
et collective des individus dans
notre société?
Et si cette mise en place se construit,
s'édifie, s'organise, a-t-on quelque chance, avec les moyens
méthodologiques disponibles, d'indiquer les éléments cogni-
tifs qui participent à la dynamique de cette construction
mentale.?
L'organisation du discours dégagée à travers son
étayage autorise à faire une
remarque
fondamentale
pour
la
suite de notre investigation, c'est-à-dire l'a-
nalyse des représentations sociales. En effet, la structu-
ration dégagée des discours permet de constater que les
entretiens - et ce sera une première conclusion tirée de
l'analyse de l'étayage - s'organisent dans leur globalité,
autour des informations tirées de quatre registres fondamen-
taux: registres B, C, D et ~ notamment: "la ruralité comme
modèle cultures", "rapport à l'environnement économique",
"felation aux pratiques", et enfin "la ruralité comme envi-
ronnement écologique et géograpHique". Ces quatre registres
forment plus que les autres un creuset d'indications à la
fois pertinentes et signées pour construire une représen-
tation relativemnt stable dans les structures, parce que
moins liée
aux contingences des interactions sociales.
Mais il y a mieux que ça. Dans ces quatre registres d'infor-
mation, en effet, on parle de la ruralité dans ce qui la
singularise et la spécifie, sans la référer ou ·sans que

- 101 -
ses médiations avec la nécessaire extériorité soient men-
tionnées. Autrement dit, dans ces registres, et dans leurs
mentions, on situe la ruralité soit dans ses particularités,
soit à travers des modèles de connaissance, de savoirs ou
de règles, d'images, dont la ruralité est l'objet propre (re-
gistres C, D, F). Et cet ensemble de communauté
de savoirs
est collectivement partagé. La prééminence ou même la pri-
mauté des registres B, C, D et F, quel que soit l'échantil-
lon de population interrogé, marque bien comment la ruralité
comme objet social de connaissance, pénètre le corps social,
en affirmant ainsi sa pertinence, comme objet de représen-
tation sociale.
4.2.
L'étude des discours sur la ruralité et des représen-
tations de la relation ville/brousse
L'analyse qui va suivre porte sur une articulation
du discours quel que soit le producteur. Cette articulation
générale s'appuie sur l'émergence d'un en_semble de discours
qui app~raissent' comme contradictoires, mais qui, en fait,
ne le sont pas. C'est une caractéristique de la démarche
discursive des individus sollicités; concernant la produc-
tion du discours social sur ,la ruralité. En fait, on assiste
- et les interviews réalisées en témoignent assez nettement -

- 102 -
à
la coexistence de trois discours selon les niveaux d'ap-
.
préhension, dans une même représentation: ici de la rura-
lité.
Ce sont ces discours que nous allons essayer d'expli-
citer afin d'en dégager leurs caractéristiques et leur to-
nalité, quitte, dans une étape ultérieure de notre travail,
à analyser la nature de leurs statuts dans la construction des
représentations sociales de la ruralité. La marque fondamen-
tale de ces types de discours est, pourrait-on dire, essen-
tialisée par une ambivalence dans leur approche de la rura-
lité.
4.2.1.
Tonalité du discours relatif à la ruralité
.-
La construction du discours sur la ruralité s'ins-
crit dans un mode d'approche et de connaissance particuliè-
res, à telle enseigne qu'on se sent interpellé pour s'y
arrêter.
Pour un ensemble d'interviews réalisées à travers
un guide d'entretiens soumis à des individus différenciés
par leur appartenance de groupe, on est frappé par la dé-
marche cognitive, callectivement partagée quant à l'élabo-
ration de l'image de la ruralité. On relève dans cette pers-
pective une approche de la ruralité inscrite dans un dis-
cours à trois niveaux
- Un premier indicateur de l'approche de la ru-
ralité,comme le relève le contenu des entretiens réalisés
est un discours de type ~laudatif~.
Il a pour caractéris-
tique fondamentale, d'inscrire et de présenter la ruralité

-
103 -
dans ses mythes, dans ses points positifs. A la limite,
c'est une sorte d'idéalisation de la rura1ité : une rura-
lité au-dessus de tout soupçon. Cette conduite discursive
s'intègre dans une représentation de la rura1ité axée sur
une reconnaissance des valeurs culturelles à la paysannerie,
l'importance de son rôle dans la formation socio-économique.
La rura1ité apparaît dans cette image comme un environnement
propre à la détente et au loisir. Mais très rapidement,
cette attitude positive et normative globale s'estompe au
profit de tout un ensemble de discours qui masquent en réa-
lité des images négatives de la rura1ité, dans ses relations
~
tant avec le modèle officiel qu'avec les autres groupes so-
ciaux.
Ainsi le second indicateur à partir duquel s'éla-
bore l'image de la rura1ité, est un ensemble de discours
que, faute de termes adéquats, nous nous sommes proposé
de nommer "discours dépréciatifs". Cette forme d'approche de
la rura1ité a étayé et étoffé la thématique du discours ap-
pliquée à la rura1ité, comme objet social de connaissance
et comme objet de représentation. Ces discours, dans leurs
caractéristiques, décrivent et présentent la rura1ité dans
une tonalité pessimiste, la rura1ité, dans ses râtés. Sous
ce rapport, on décrit la ruralité dans son vécu et dans ses
. relations subies du rapport à la modernité. Ces relations
sont marquées par une perception négative du modèle relation-
nel qui s'y réfère au niveau des rapports ville/brousse.

- 104 -
Cela se traduit dans le discours en ces termes, comme on y
reviendra dans l'analyse du vécu de la ruralité
".le. pa.Y.6a.n e.s r. e.n ma.Jtge. de. .la. .6oc..iété ••. "
" ..• s:o ut no u.6 vi: e. nt d' e.n hau.: •.• "
Cette perception de l'image du groupe et cette
insatisfaction par rapport au fonctionnement démocratique du
système et l'organisation sociale, d'une part, et la marque
objective de la supériorité institutionnelle du rapport de
la ruralité à l'administration centrale, symbole du pouvoir
officiel, d'autre part, se prolongent d'une perception de la
dégradation de leurs conditions socio-économiques.
"Le. monde. JtuJta..l .60U66Jte. de. be.a.uc.oup d'.inju.6
t.ic.e..6 pa.Jt Jta.ppoJtt a.u monde. uJtba..in ••• "
Cette perception négative du statut social et Te
sentiment d'infériorité qu'elle sous-tend a été chez l lensem-
ble des interviewés les thèmes d'insistance développés pour
désigner une certaine approche de la ruralité. On y reviendra
de façon explicite dans l'analyse de l'expérience même de la
ruralité (cf. 4.4.). Au delà de ces deux approches de la ru-
ralité,
analysées dans
les discours présentés, nous avons
relevé un autre mode d'approche de la ruralité, circonscrite
dans un d'i s co ur s de. "type prospectif".
D'une part, ce type de discours est caractérisé
par l'emprunt de notions nouvelles et traduit une forme du
discours présentant la ruralité dans ses rapports avec l~ex­
térieur. Là, on présente une image de la ruralité tournée

Fi
-
105 -
vers l' aveni r, tant du point de vue de ses rapports avec
l'ensemble du corps social qu'avec le projet fondamental
des ruraux. Ce discours s'inscrit aussi dans une dynamique
évolutive de la ruralité. De la sorte, il décrit la rurali-
té dans ses altérités, dans ses changements.
D'autre part, ces "discours prospectifs" tradui-
sent une forme d'ouverture vers le recours A une thématique
abstraite, c'est-A-dire une approche de la ruralité non liée
A un vécu, A une pratique concrête. Ce mode d'opérer dans
la démarche cognitive peut être interprété, selon nous, comme
une manière d'inscrire la ruralité dans une ~hase d'intégra-
tion socio-économique. Ces discours décrivent aussi les si-
tuations d'attente et les motivations profondes des indivi-
dus sollicités par rapport A la ruralité, et inscrites dans
leur projet fondamental pour l'avenir: leur désir réel, quant
à une définition de la ruralité telle qu'ils l'envisagent.
1
1
1
Au total, on peru.s e que l'appréhension cognitive
de la ruralité a eu comme cadre de référence et comme démar-
che intellectuelle spécifique ces trois modes d'approche.
Nous venons, de cette façon, de montrer que toute la démar-
che cognitive du discours sur la ruralité s'est organisée
autour de ces
voies d'appréhension du phénomène étudié. Ces
approches sont caractérisées dans leurs mentions par une pro-
fonde mobil isation en ce qui concerne les registres cognitifs de
,
l'étayage __ précédemment analysés (cf. 4.1.). les énonciations
plus intenses qui ~aractérisent ces discours, quelle que soit

106 ~
leur nature, suggèrent pour nous, en tout cas, que la rura-
lité reste présente dans le mode de construction mentale des
individus sollicités. On pensait, intuitivement, au départ
de la ruralité comme forme de connaissance
et situation so-
ciale mobiliserait des discours dont le champ d'élaboration
serait très peu riche. Mais la pluralité des significations
qui
les symbolisent, même si ces registres se caractérisent
par une stabilité et une unité dans le support, et ce, quel
que soit le mode d'approche choisi - ce qui ne signifie en
rien une homogénéité dans la représentation - prouvent bien
au contraire que la ruralité constitue un champ de savoir
et de connaissance réels. Que le discours sur la ruralité
soit inscrit dans une élaboration objective, est le signe
que sa construction et sa dynamique sont tributaires de l'état
actuel de l'évolution de la société ivoirienne d'une part,
et d'autre part du rôle actif que joue la ruralité comme ob-
jet de savoir. Il y a vingt (20) ans pensons-nous, les indi-
vidus interrogés se seraient focalisés sur un champ restreint
de référence. Aujourd'hui, d'après les entretiens réalisés,
on peut soutenir que la ruralité sfoffre comme un domaine
riche, voire différencié. La variété des registres d'étayage
,
et leur caractère stable et homogène dans leur support sug-
gèrent à bien des égards que les discours sur la ruralité
porte la marque d'un objet de connaissance et de savoir. Ainsi
peut-on soutenir que stabilité, unité et homogénéTté symboli-
sent à l'heure de notre recherche, les discours sur la rura-
lité, dans leur triple approche discursive. Dans cette démar-

-
107 -
che collective reconnue comme servant de support â une appro-
che de la ruralité, on relève une modulation dans la forme
et le contenu des discours recueillis. On pense que cette
modulation
est tributaire des rapports que les indiviàus
interrogés entretiennent avec le réel représenté: la rura-
lité comme situation sociale.
4.2.2.
L'approche des discours sur la ruralité et la posi-
tion des sujets sollicités
Une réflexion plus approfondie de ce qui précède
v
nous autorise â penser qu'on peut s'interroger sur le mode
catégoriel de la production des discours chez les sujets sol-
licités. A cet égard, on peut sérier le contenu effectif des
discours recueillis, et pour ce faire, indiquer que ceux, no-
tamment
des citadins,
marquent beaucoup plus une inscription
de la ruralité née des rapports de celle-ci avec la nature;
et en grandeur nature les paradoxes ville/brousse. On sait
par des résultats d'observation, voire intuitivement, que
les citadins ont toujours rêvé d'une "campagne" pure, parce
que
trop las d'un environnement urbain, qui plus est, étouf-
fant.
La'référence constante chez eux à cet imaginaire spa-
tial est la marque de la recherche d'un idéal qui leur échappe
et qui apparaît pour eux comme une amputation. On sait que
nos "sujets" interrogés sont t6us dlorigine rurale.·On com-
- -
1
prend assez bien si l'étayage de leurs discours se 'trouve
cristallisé sur des images anciennes qu'ils gardent encore
de leur rapport et.de leurs pratiques en milieu rural. Leur

-
108 -
image toujours présente de la ruralité, comme un lieu où
le travailleur est libre dans ses rapports
de travail, en
comparaison avec celui de la cité des conditions ouvrières
que symbolise le milieu urbain,participent ensemble à la dy-
namique
de la construction de la représentation de la rura-
lité. Cette base d'élaboration de leur perception s'éloigne
de celle des cadres du développement rural, comme on le verra.
Contrairement aux citadins dont l'élaboration du
discours se fonde et s'étaie beaucoup plus sur des schèmes
de pensée antérieurs à leur passage en milieu urbain, le
discours~des cadres est sous-tendu par une approche théorique
essentialisée par une non-liaison à une pratique rurale con-
crète. C'est un discours sur la ruralité pensée, un discours
théorique.
S'agissant des conseillers ruraux, malgré leur
situation ambivalente d'agents de liaison et d'informateur,
leur discours sur la ruralité est un discours traduisant le
vécu d'une pratique professionnelle. Les ruraux eux-mêmes
tiennent un, discours inspiré de leur rapport concret à la
réalité rurale. C'est un discours d'implication par 'le jeu
de la vie quotidienne.
Finalement, on peut argumenter que le discours
des cadres ou leur élément de discours est un discours de
nature politico-idéologique et intégratif, dans la mesure où
ces discours, pensons-nous, fonctionœnt pour assurer la per-
suasion et la primauté du modèle de savoir qu'ils représentent.

-
109 -
La réussite
de la politique agricole et l'adhésion des ruraux
aux projets de développement résument le fond de la pensée
que véhiculent les discours des cadres et des autorités poli-
tiques. Qulen fin de compte les discours sur la rura1ité
soient construits à travers le biais des appartenances de
groupe, voilà qui suggère pour nous la dynamique interne de
son élaboration et montre, pensons-nous, l'origine sociale
de l'élaboration des "constituants" (l)du champ représentationne1.
4.2.3. Les discours sur la rura1ité et les processus d'inté-
gration sociale
L'approche de la rura1ité en e11e-méme fait inter-
venir plusieurs registres de connaissance dans les supports
dont les supports peuvent être identifiés comme des indica-
teurs de changement, et qui participent de façon active à
l'intégration socio-économique des ruraux. Ces indicateurs
de changement recouvrent, d'après le contenu des mentions
dans les discours recueillis, des richesses et des valeurs
diversifiées: On note des indicateurs de transformation socio-
cu1ture11~ :(1'écQ1e, la coopérative, l'introduction dans la
pratique agricole des techniques nouvelles); des indicateurs
psychosocio1ogiques (la relation avec le modèle officiel par
le truchement de l'administration, du pouvoir local et cen-
tra1, la relation avec les conseillers ruraux) ; le's indica-
(1) Le terme est de Denise Jode1et, in Colloque sur les Re-
présentations sOciales, p. 4, Paris, Malson des SClences
de l'Homme, JanVler 1979.

· - 110 -
teurs socio-économiques (le salaire, l'argent, introduction
du crédit en milieu rural et l'intégration des ruraux aux
mécanismes bancaires ... ). Les mentions relevées dans la ca-
tégorie d'étayage intitulée "Rapport avec le monde du savoir
moderne" pour l'ensemble des sujets, tendent
~ confirmer
la primauté de ces indicateurs, comme mode d'approche de la
ruralité et collectivement admise. Cette atittude collective,
traduite par la forme du
discours, porte un démenti ~ la con-
ception trop répandue selon laquelle la ruralité est un uni-
vers clos, replié sur lui-même. Elle cesse d'être un monde
en proie ~ la méfiance et ~ la crainte devant tout autre mode
de vie extérieur ou étranger au sien propre. Plurielle, l'ima
ge de la ruralité entre dans le jeu de la dynamique socio-
économique, ce qui restait jusqu'alors l'apanage
de la so-
ciété urbaine.
C'est surtout au niveau des motivations indivi-
duelles et collectives que se font sentir les évolutions les
plus frappantes du discours, et ~ travers celui~ci, l'évolu-
tion des mentalités ~ l'égard de la modernité chez les ruraux.
Alors qu'intuitivement, on le sait, réticence et réserve ca-
ractérisent le rapport des ruraux au processus lié au chan-
gement, notre éch~ntillon apporte la démonstration d'une at-
titude évolutive de l'image reçue de la ruralité dans ce sens.
Aujourd1hui on suggère que motivation individuelle et collec-
tive d'une part, et ouverture sur le monde extérieur d'autre
part, symbolisent le rapport au changement dans le discours

- 111 -
sur la rura1ité. Cette perception positive de la rura1ité
appréhendée dans ses altérités et qui a apparu dans le dis-
cours est une des caractéristiques de l'approche globale de
la rura1ité comme objet social de connaissance. Cette pro-
pension a l'ouverture, ressentie a travers l'approche du dis-
cours, se traduit entre autre:
"Maintenant, on nou~ indique ce qu'il 6aut
6ai~e. Il y a le~ con~eille~~ ~u~aux. C'e~t
une action po~itive à no~ yeux ... Nou~ ai-
mon~ le monde mode~ne. No~ en6ant~ vont à
l'(cole; c'e~t bien?
Ces propos sont ceux d'un rural qui livre sa représentation
du modèle officiel. C'est une attitude positive, éva1uative
du rapport à la modernité. C'est un discours quant au fond
qui peut être qualifié de discours d'implication collective.
Qu'enfin le message de la rura1ité à l'égard de la société
globale soit un message d'ouverture et une attitude réceptrice,
voilà qui rompt avec la permanence de préjugés reçus et entre-
tenus, et organisant d'autorité les images connues sur la
rura1ité comme environnement réfractaire à tout modèle social
extérieur.
Jusqu'a présent, notre approche idiographique
a consisté - et comment cela aurait pu l'être autrement? -
dans un premier temps à faire ressoritr ce que disent les
gens quand ils sont amenés à parler de la rura1ité. Cette
démarche nous a conduit à dégager des registres d'informa-
tion, mieux, des catégories d'étayage: c'est-à-dire, comment
est structuré le champ représentationne1
, Nous interrogeant
..

sur le mode d1approche du discours sur la rura1ité, nous nous
sommes artété sur les points les plus saillants, caractéris-
tiques du discours et la pertinence de la démarche discursive
adoptée. Il nous semble maintenant nécessaire de caractériser
le ou les discours tels qu'ils ont été présentés antérieure-
ment, en ayant
à l' e s pr i t que ce ou ces di scours sont pro-
duits par des agents inscrits dans des appartenances de grou-
pe.
4.3.
Les discours sur la rura1ité et leur mode d'appréhen-
sion
4.3.1.
Psychologie, rura1ité et représentation sociale
En introduisant la notion de représentation pour
l'étude des phénomènes
psychologiques, S. Moscovici (1976)
l'a définie comme
"un COltPU1. oltgani~ é de conna..-i.~.6ance et des
activité~ p.6ychique.6, gltâce auxquelle~ le~
homme.6 Itendent la Itéalité phY.6ique et ~ociale
intelligible, ~'in.6~ltent dan.6 un gltoupe ou
un Itappoltt quotidien d'échange.6, lib~ltent
le~ pouvo.ilt~ de leult!l imagination".
Du coup, Moscovoci suggère que
"la p~ychologie ~ociale doit ~ulttout ~e pen-
chelt ~ult le mouvement dell 6oltme~ de lté61exion
et de l.eult aiuin:e: compalté a celui des événe-
ment~ et dell 6acteult~ d'inteltaction et de
cultu.Jr. e" .

- 11 3 -

Cette concepti on de l'approche et de l'étude de 1a réa 1i té
sociale s'oppose, avec 1 'hypothèse de la po1yphasie cognitive
"au moJtc.ellemen-t ou à. la Jtéduc.-t'<'on de.6 "lo-
g'<'que.6" en .6oc..<.ale ou non .6oc..<.ale, à. l'a-t-tJt'<'-
bu-t'<'on d'un -type de pen.6ée égoc.en-tJt'<'que, pa-
JtanoJt'<'aque à. un gJtoupe" (S. Moscovici, 1976).
Cette notion de représentation sociale, définie
comme pouvant être appliquée à l'étude de réalités sociales
diverses, nous a semblé pertinente pour une approche psycho-
sociologique de la rura1ité.
Notre matériau d'enquête conçu pour cette redé-
finition de la problématique des recherches sur la rura1ité,
comme support d'investigation, est très modeste. Il ne se
propose pas comme une approche achevée des études sur la
rura1ité. Il vise à suggérer certains niveaux de débats,
mieux, certaines pistes de réflexion qui tiennent compte de
dimensions jusqu'alors inexploitées. Ces éléments de discours
illustrent l'esprit de notre orientation, et posent déjà
les premiers jalons de la mise en épreuve des discours re-
cueillis.
"S'ag'<'.6.6an-t de no.6 Jtela-t'<'on.6 avec. le.6 c.'<'-ta-
d'<'n.6, je pen.6e qu'.<.l.6 nou.6 pJtennen-t pouJt de.6
va-nu-p.<.ed.6, c.omme de.6 non-évolué.6. Il.6
on-t c.e-t-te a-t-t.<.-tude enveJt.6 nou.6 paJtc.e que,
.6elon eux, no-tJte mé~eJt n'e.6-t pa.6 luc.Jta-t'<'6 •••
Cec.'<' pa./tc.e qu'.<.l 6au-t a-t-tendJte un an, dan.6
no-tJte pJto6e.6~.<.on, pouJt ê-tJte Jtéc.ompen.6é ;
aloJt.6 qu'eux pe.Jtco'<'ven-t leuJt .6ala'<'Jte, leuJt
paye ••• " (cf. R.4) •
.. !;

- 114 -
"Nou.6 vOljon.6 aujoulLd'hui que. le. monde. c.hange..
La ville. attilLe.. Si nou.6 Ij allon.6 tOU.6, c.'e..6t
bie.n; mai.6 moi, je. plLé6èlLe. 1Le..6te.1L a la te.ILILe..
C'e..6t le. métie.1L de. no.6 palLe.nt.6. Aux c.itadin.6
d'e.xe.ILc.e.1L le.ulL métie.1L de. ville. ••. Je. pe.n.6e.
aU.6.6i que. .6i nou.6 1Le..6ton.6 a la te.~e., c.'e..6t
paILC.e. que. nou.6 ne. .60mme..6 pa.6 allé.6 a l'éc.ole..
En ville., c.e. .6ont le..6 inte.lle.c.tue.l.6. Nou.6
voulon.6 itlLe. c.ompléme.ntailLe..6" (cf. R.S).
Ces entretiens se révèlent pour nous comme la pré-
sentation de situations psychologiques autour desquelles
s'élabore, dans un jeu complexe, l'image de la ruralité. L'éla-
boration de cette image reçoit un éclairag~particulier par
la construction conjointe de la représentation des relations.
ville/brousse. Dans les exemples cités, on voit deux ruraux
concernés directement par la définition psychosociologique
de la ruralité, livrer quelques moments de leur rapport à la
ruralité, rapport lui-même inscrit dans le cadre culturel de notre re-
cherche. Cette perception de la rurali-té conçue sur l a base des re-
lations ville/brousse peut servir de points d'ancrage pour
une reconstruction des rapports psychosociologiques et des
bases des mentalités collectives. Il n'est donc pas intéres-
sant de rechercher dans ces discours des sujets la consti-
tution de modèle commun prédominant pouvant être considéré
comme des points de référence à une approche psychosociolo-"
gique de la ruralité.
4.3.2.
Vers l'esquisse d'une définition psychosociologique
de la ruralité comme objet de connaissance et comme
situation soçiale

- 11 5 -
la prése~ce des faits d1observation participante qui fondent
l'argumentation théorique de notre problématique. Cette jus-
tification indique à nos yeux la preuve des limites objec-
tives des études empiriques telles que nous les avons ana-
lysées antérieurement.
Les études empiriques, avons-nous dit, étudiaient
la ruralité, à la fois comme un milieu et un espace spéci-
fiquement socio-géographiques. Cette approche de type mono-
graphique et systémique, conduisait, avons-nous montré, à
étudier ce milieu,
dans ses ~odes
d1organisation sociale
et le~pratiques agricoles propres à ce type d1environnement.
Or aujourd1hui, en sciences humaines, il est imprudent, voire
périlleux, de ramener les études des individus et de leur
environnement uniquement aux seules caractéristiques physi-
ques et objectives, qui symbolisent ces situations sociales.
Zajonc (1968) (1), note à juste titre que, dans
"toute ~ituation ~oeiale, le~ ea~aetl~i~ti­
que~ phy~ique~ et objeetive~ de l'envi~onne­
ment jouent un ~ôle moin~ impo~tant que leu~
eon~e-pa~tie ~ubjeetive".
On peut, pensons-nous, classer ces contre-parties subjecti-
ves au chapitre des motivations, des attitudes, des désirs,
des attentes: en clair, les bases des représentations socia-
les. Cette conception de la réalité sociale suggère, disons-
nous, que l'individu, dans toute situation dans laquelle
il se trouve confronté ou impliqué, élabore des metanotions
(1)
Cité par J.C. Abric (1976).

- 11 6 -
à partir desquelles il
construit ou reconstruit son modèle
d'appréhension de cette réalité objective, la rendant ainsi
interprétable et intelligible, car l'ayant inscrit
dans son
propre univers cognitif. Saisir ces contre-parties subjecti-
ves dans l'appréhension de la ruralité, telle est notre mo-
tivation.
L'analyse des entretiens que nous avons réalisés
dans la perspective de cette approche idiograp~ique de la
ruralité, suggère que s'agissant de la représentation de la
ruralité, il est possible de définir plusieurs modes d'appré-
hension et des lignes de clivage, indiquant des positions dif-
férenciées, voire des poi~ts conflictuels. Les individus
concernés par notre étude, sont amenés à soutenir des dis-
cours qui sont, soit des discours d'implication individuelle,
soit des discours d'implication collective, et qui repré-
sentent selon nous des évolutions comparatives ayant fait,
soit l'objet d'un apprentissage individuel
- un vécu -
du
rapport à la ruralité, soit l'objet d'une pratique profession-
nelle liée à la ruralité ou dans le cadre d'une orientation
politique d'ensemble. Très clairement pour les personnes in-
terrogées, la ruralité est loin d'être un objet de connais-
sance neutre, indifférente, et les appréhensions ou les mo-
des d'approche des discours recueillis portent très nettement,
avons-nous relevé, la marque des appartenances de groupe.
Telle appréhension étant le plus souvent commentée ou lon-
guement argumentée. C'est donc dans le sillage de cette dyna-
mique des discours sociaux qu'il convient, affirmons-nous,

- 11 7 -
de lire la rura1ité, comme situation socialement va1uée
et significative, en tentant pour ce faire, d'ana1yer les
modes d'approche et ces situations individuelles et co11ec-
tives psychologiquement pertinentes, beaucoup plus que dans
l'étude de l'organisation
sociale et des pratiques agrico-
les ~ laquelle les étude~ empiriques nous ont habitué.
sociaux
Indiquons que nous prenons pour matériau de ré-
férence des discours qui ont été recueillis en Côte d'Ivoire
auprês d'une population non neutre dans le rapport a la
rura1ité (cf. 3.2.2.C)
~ous avons interrogé au total qua-
rante huit (48) sujets au cours d'un entretien guidé. A l'ex-
ception de la population associée (cf. 2.5.) composée de qua-
tre (4) instituteurs en poste
depuis cinq ans dans le vil-
lage, qui nous a servi de sous-cadre culturel, les intervie-
wés sont tous concernés par la définition du rapport ~ la
rura1ité. Mise ~ part cette population qui a un statut par-
ticu1ier, les discours recueillis chez l'ensemble des Il s u-
jet SilS 0 nt des dis cou r s con s t r ui ts sur 1a bas e des ra ppor t s
vi 11 e/brousse.
Peut-on trouver dans ces discours, quelques indi-
cateurs ou quelques repêres privilégiés définissant des
points de choix ou de référence potentielle pour comprendre
le discours sur rura1ité, saisie dans ses relations avec

- 118 -
la ville, comme élément de comparaison et d'identification
sociales?
4.3.2.2.
~~_~~~~~~_~~_!~_Y!!!~_~~~~_1~_r~Er~~~~~~~!2~_~~
la ruralité
Instinctivement, la ville se présente, pour les
individus sollicités, comme un lieu de travail. Cette notion
recouvre celle de la sécurité, de l'emploi, d'un large éven-
tail de possibilités professionnelles, et d'une multiplicité
de moyens pour assurer l'aisance matérielle et le confort de
l'existence.
"En ville., c.'e.-6t la tJtanquillité., l'aJtge.nt
ne. vie.t pa-6 tout -6e.ul ; mai-6 on e.n a"
"La ville., c.'e.-6t l'aJtge.nt e.t l'ai-6anc.e.. En
bJtou-6-6e., on ne. vit pa-6 pouJt l'aJtge.nt, on a
d'autJte.-6 -6ati-6oac.tion-6 pe.Jt-6onne.lle.-6"
(cf. Rural, n° 6).
Du coup et fréquemment, la ville ainsi perçue se
réduit à l'usine, source première de travail
"C'e.-6t un c.e.ntJte. indu-6tJtie.l, la ville., c.'e.-6t
c e qui attiJt e. l es 9 en-6 " .
Dispensatrice du travail, la ville et elle seule, affirment
les interviewés, est de ce fait pensée comme un indtcateur
de promotion sociale, de réussite culturelle et humaine, car
elle est le lieu de l'initiative possible, et incarne le sym-
bole d'une division intellectuelle, du travail social et
humain.
"En ville., on a la pO-6-6ib-i.lité. de. de.ve.niJt
que.lqu'un"
"Aux c.itadin-6 d'e.xe.Jtc.e.Jt le.uJt mé.t-i.e.Jt de. ville."

- 119 -
"En ville, ce 4on~ le4 in~ellec~uel4, ceux
qui on~ é~é à. l'école".
Pour l'ensemble des personnes interrogées, l'image
collective de la ville est presque exclusivement celle du
potentiel de travail. La ville se présente ainsi comme l'ob-
jectivation des motifs principaux pour lesquels les ruraux,
en général, quittent la "terre" et leur environnement, car
"la mobili~é 4e 6onde, le plU4 4ouven~ 4ult
de4 ltai40n4 plt06e44ionnelle4, que ce 4oi~
POUIt ~ltouvelt un emploi ou POUIt en acquéltilt
un meilleult" (A. Touraine, O. Ragazzi, 1961).
Car le travail n'est pas seulement une simple activité de
production, mais un fait économique et une situation sociale
inscrits dans une logique idéologique,
dans une vision du
monde. Le travail et la ville sont indissociables, alors que
la brousse apparaît souvent, d'après nos entretiens, comme
synonyme d'absence de travail. Dans cette perspective, le
couple ville/travail saisi dans son contenu, comme un "datum",
se révèle comme un puissant repère de différenciation dans
les relations ville/brousse. En devenant citadin, affirment
plus de la moitié de nos interviewés, on devient travailleur
reconnu aux yeux de la société et de soi-même. Mais très ra-
pidement, cette image de la ville mythe et idéalisée, traduit
dans le discours laudatif, se nuance en masquant tout un di~-
cours de nature négative.

- 120 -
4.3.2.3.
~~~~~~!~~~~_~~_~~~~~~~~~~~~~~~_~~~~_l~~Ee~~~~~~!~~
de la ville comme modèle de référence et d'iden-
-----------------------------------------------
L'idée de la ville-mythe, modèle de référence et
d'identification, s'estompe dans cette phase de son appréhen-
sion. Tous les individus interrogés nous ont confié très
clairement leur amertume et leur antipathie dans leur appro-
che de la ville, comme modèle de référence à une perception
de la rura1ité. Ce type d'approche, nous nous sommes proposé
de le nommer
modèle d'image réfléchi.
Qu'est-ce à dire?
Il est hors de question que cette image ainsi nommée ait le
sens d'image spéculaire. Nous parlons en effet d'image ré-
fléchie, dans cette perspective de la représentation de la
ville, lorsque l'image laudative, spontanée qui a caractérisé
la ville dansnos essais d'écriture antérieurs (cf. 4.3.2.2.)
se nuance, se complique et se complète, quand la population
interrogée prend explicitement position sur des éléments pré-
cis de la ville. Autrement dit, c'est un point de référence
centré et axé sur une analyse complète et p1uridimensionne11e
de la réalité représentée, ici la ville. On peut suggérer
en dernière analyse qu'il s'agit d'une activité de réflexion
qui intègre tous les éléments présents aux fins d'une éva-
luation plus globale et objective de l'objet représenté. Ainsi
tous les individus interrogés nous ont-ils affirmé que la
ville est ùn enchevêtrement de_contraintes physiologiques
dues auxbruits, à la circu1ation,et de contraintes sociales

l 21 -
consécutives à la concentration humaine. Les unes et les
autres sont perçues comme des facteurs qui affectent et
perturbent la personnalité. L'évocation de ces conséquences
classiques dues au fait urbain se trouve mentionnée dans les
discours, comme en témoignent ces quelques entretiens
"Le. je.une. qu-i.. va e.n v-i..lle., on pe.u:t le. c.om-
pa~e.~ a la mac.h-i..ne.. Il pe.~d ~ou:te. ~on -i..ndé-
pe.ndanc.e.. Mo-i.., j'a-i.. 6a-i..:t
le.~ de.ux, la v-i..e.
e.~:t plu~ âac.-i..le. e.n v-i..lle., ma-i..~ le. boulo:t
e.~:t plu~ d-i..66-i..c.-i..le. du 6a-i..:t qu'on :t~ava-i..lle.
pou~ le. pa:t~on"
"Ce.:t:te. popula:t-i..on qu-i.. ~o~:t de.~ u~-i..ne.~, mo-i..,
je. ne. ve.ux pa~ vo-i..~ çd"
"La »i.e -i..c.-i.. es : une. vLe. plu~ duree: qu'e.n b~ou~­
.s e.. J e. ~ u-i..~ c.~uc.-i...t 6é -i..c.-i.."
"Ic.-i.. on do-i..:t :tou:t ac.he.:te.~"
"La v-i..e. e.~:t -i..nhuma-i..ne., pa~c.e. que. c.re.~:t un
pac.:te. de. c.on:ta:c.:t ave.c. :tou:t c.e. qure.~:t la na-
:tu~e. ; le.~ ~e.la:t-i..on~ ~on:t a~:t-i..6-i..c.-i..e.lle.~. C'e.~:t
un un-i..ve.~~ de. p-i..e.~~e.~.
On -i..gno~e. le.~ voLs cns ":
Ces discours suggèrent quelques réflexions, quant
à une approche psychosociale des relations sociales en ville,
comparées à celles de la brousse. En effet, la nécessité de
compenser
le déracinement géographique par les relations
personnelles qu'on connait en brousse, la nécessité de pouvoir
s'interpeller dans la rue par son nom, apparaissent comme un
besoin fondamental et symbolisant la nature des relations so-
ciales en milieu rural. Alors qu'un milieu rural, la proximité

- 122 -
du "pays nata1 11 maintient tout un réseau, voire un faisceau
IId 1interconnaissance ll ,
la ville le disloque et semble ne per-
mettre que des types de relations sociales
en général ar-
tificie11es, anonymes et peu signifiantes. Comme on le voit,
cette image réfléchie des relations ville/brousse s'articule
autour d'une mension essentielle:
une dénonciation quasi-unanime du fait urbain
et le modèle relationnel qui S'y réfère. Ce modèle re-
lationnel
pouvant être entendu comme l'appréhension des
relations socio-humaines en milieu urbain dans toute
leur dimension.
4.3.2.4.
Le modèle relationnel comme indicateur de diffé-
L'idée que la rura1ité peut être indiquée comme
un modèle culturel était affirmée et confirmée par nos en-
tretiens. Quelques points de repère et de différenciation
nous semblent être pertinents dans cette perspective. Parmi
ces modèles, on peut relever
- le modèle familial et culturel
- le modèle social et humain
- le modèle relationnel dans le cadre des rapports de
travail.
a) le modèle familial et cu1t~re1
Les populations que nous avons interrogées, mal-
gré leur di ve r s i t ê, nous ont toutes dit qu'il existe des points

123 -
.
de référence propres à la ruralité dans le cadre du moàèle
familial.et culturel.
Ces points semblent se cristalliser
sur la famille et la nature des relations socio-affectives.
On sait qu'avec l'introduction des nouveaux modes
de production dans notre société, apparaiss~nt de nouveaux
types de relations inter-individuelles. Ainsi, on assiste
dans le cas des rapports intra-urbains, à un rétrécissement
perceptible des relations individuelles et collectives. On
ne se propose nes dans-cette, étude
d t i nd t que r les fondements de
cette mutation socio-culturelle et affective. On voudrait
marquer, à titre exploratoire, quelques lignes de différen-
ciation de ce phénomène e~ égard au rapport que cette mani-
festation implique dans la représentation construite, à par-
tir des relations entre la ville et la brousse comme deux en-
vironnements socio-culturels. Le rapport à la modernité qui
affecte de façon massive la ruralité, nia pas empêché de re-
trouver des points spécifiques propres à la ruralité, comme
modèle culturel. Des attributs reconnus à la ruralité res-
tent encore des points de référence: la famille élargie,
la simplicité
du mode de vie, la coopération interindivi-
duelle et l'entr'aide basée sur la solidarité villageoise,
apparaissent comme des indicateurs qui définissent le mieux
l'identité rurale. La ville apparaît dans la perspective du
modèle relationnel chez les ruraux, comme le prolongement
de la famille:
"Le~ ci~adin~,~e ~on~ no~ 6~l~e~ qui ~on~
ptVl.~i~ en' viUe" .

- 124 -
Cette conception du modèle familial chez les ru-
raux les conduit à transposer en milieu urbain certaines
pratiques villageoises. Car pour eux les mêmes règles de
conduite se transposent ici et là. Ainsi à la tendance d'une
conception de la famille nucléaire pronée par le modèle ur-
bain, le modèle de savoir issu de la ruralité oppose la per-
manence de la famille élargie.
b) Le modèle social et humain
Cette différenciation ci-dessus présentée se dou-
ble d'une autre, cette fois axée sur les rapports socio-
affectifs. L'ensemble des sujets interrogés, toute apparte-
nance de groupe confondue, nous ont affirmé que l'anonymat
dans lequel la concentration urbaine introduit les individus,
apparaît comme l'un des pôles qui différencie le modèle social
urbain et le modèle social né de la ruralité.
"En vLe.le, on e.s s: eho.cu.n. eh.e: '.loi; c e n'e'.lt
pa'.l un avantage ; quand on '.le c.onna1t, on
peut demande~ de'.l '.le~vic.e'.l ... "
On note dans ces propos le développement de relations socio-
affectives négatives, l'absence d'un esprit de solidarité
et d'entr'aide qui font défaut en milieu urbain, et qui,
par contre, sont toujours présentés en milieu rural
"Au village, quand tu a'.l un p~obl~me, c.'e'.lt
l'a66ai~e de tout le monde"
D'autre part, les individus interrogés posent sous-ces ter-
mes, en résumé, le caractère négatif des relations sociales

- 125 - .
en milieu urbain, et montrent, pensons-nous, par la même
occasion, comment s'opère la synthèse du nécessaire respect
de l'individualité et des indispensables relations avec au-
trui et les autres.
4.3.2.5.
Points de repère pour différencier les situations
La ville, comme l'ont montré les discours analysés,
apparaît avant tout comme une source de travail perceptible.
Mais indépendamment de cette dimension de 1 limage reconnue
v
à la ville, et, insistons-nous
sur ce point, à partir de 1a-
quelle spontanément l'image de la rura1ité prend forme, c'est
encore le travail, comme fait social, avec sa nature, ses
exigences, ses contraintes, les conditions de sa pratique,et
singulièrement la façon dont il contribue à déterminer le
travailleur lui-même, qui apparaissent dans le discours des
interviewés, comme élément d'approche de la rura1ité. Cette
image de la rura1ité a pour support e~sentie1 les relations
avec les pratiques de travail. Le travail ne commande pas
de la même façon en milieu urbain et en milieu rural; sa
manière de peser sur les individus est autre ici et là aux
dires de la population interrogée. L'expression collective
de cette perception tient à la plus grande liberté que laisse
le travail urbain à l'ouvrier qui ne se sent pas directement
responsable de son travail.
"Il Y a bien de4 jou~4 oa le t~avail eom-
mande en ville ; mai4 on e4t plu4 lib~e

- 126 -
du t~avail quand il e~t 6ait, on a le~ di-
manc.he~ et la libe~té"
"En ville, ap~è~ huit h.eu.n.es , 0 n ~'en aic.he ...
moi, j'attend~ le dimanc.he pou~ le ~epo~ ;
en ville, on lai~~e le t~avail de~~iè~e ~oi".
Par contre, le paysan ou le rural travaille sans limite
d'heures précises. Il s'auto-discipline d~ns ses horaires.
Sa durée de travail dépend de lui-même
"Un ouv n.i.e»: a mo Ln» de ~e~pon~abilité,
le pay~an en a toujOU~.6".
Telle est la vision générale dégagée des entretiens, en
tout cas en termes de représentations sociales. Pour d'au-
tres, le travail urbain est plus lourd que le travail rural,
eu égard aux horaires stricts, aux cadences de la mécanisa-
tion. à la tutelle toujours pesante du patron:
"En ville c ' es t: plutôt le pat~on qui commande.
on ~eçoit de.6 o~d~e~,
on doit obéi~, meme
6atigué
vou~ ête~ obligé de t~availle~,
tandi~ que en milieu ~u~al, il ~ont plu~
lib~e~, tout en ayant du t~avail"
nC'e~t le pat~on qui commande ici ; la-ba~
c'e~t le temp~"
nA l'u~ine,
ça n'attend pa~ ... le pay~an a
~on indépendance, et pui~ le t~avail ne
~'impo~e pa~ a lui; toute la jou~née, du
matin au
~Oi~".
Il n'empêche que, généralement, la représentation du tra-
vail agricole et du travail industriel,soit pensée' et vécue,
comme faisant éclore toute une conception des rapports de
travail qui régissent notre monde du travail. La représen-

- 127 -
tation des rapports de travail que connaissent les citadins
apparaît comme une sorte de libération par rapport aux aléas
de
la nature, et donc du temps de travail au profit d'un
développement des loisirs, si parfois les conditions de tra-
vail sont ressenties comme plus contraignantes que celles
du monde rural. Et quoique spontanément la comparaison soit
effectuée entre un travailleur-patron, le rural, et un tra-
vailleur-exécutant, l'ouvrier (nous y reviendrons ultérieure-
ment), le travail urbain dans sa conception et sa distribu-
tion sociale semble mieux dominé que le travail rural
: cha-
cun a un labeur précis, désigné, mieux, spécialisé, et
à
réaliser en un temps déterminé. En ville, la société pose
un diktat
et organise le travail. De même, elle opère et
provoque une scission entre le temps de travail et le temps
de non-travail, scission le plus souvent imperceptible, moins
distinguable, moins perçue en milieu rural. Ainsi, le paysan
ou le rural est représenté comme étant toujours centré sur
leur travail.
On sait d'après les discours sollicités que le
paysan est un travailleur indépendant, c'est-à-dire exerçant
sous sa propre direction; mais sa faible production, ses
gains
toujours aléatoires - comme nous le verrons dans l'ana-
lyse de l'expérience vécue de la ruralité - battent en brèche
sa propre responsabilité. Certains de nos inverviewés étaient
d'anciens ruraux. Pour eux, l'échec est souvent l'une des
motivations du départ en ville où lion vient pour être

- 1"28 -
"tranquille". Cette représentation, en fait de la ruralité
comme es~ace socio-géographique et
saisie dans ~on activité-
travail, comme débouchant sur une prise en compte du facteur
travail, a été un révélateur pour dégager des images des ru-
raux, comme travailleur-patron, l'opposant ainsi au travail-
leur-exécutant qu'est l'ouvrier des usines .
. Travailleur-patron / travailleur-exécutant
A l'issue de ce qui précède, il nous a semblé
nécessaire de revenir sur l'existence de ce couple de compa-
raison et indiquer les analyses que cette destination crée
v
dans la mémoire des individus sollicités.
Le premier élément qui vient à l'esprit devant
cette comparaison relève, selon nous, du type de rapport de
travail que l'existence de cette dicthotomie suggère et les
attitudes qu'elle développe. Pour les citadins, le rural est
un travail indépendant; indépendant dans l'organisation du
travial quotidien.
Il ne subit pas, a-t-on dit, dans son
travail de contraintes humaines immédiates. Sa liberté est
une liberté pour disposer de son temps de travail et l'uti-
liser à son rythme. Par contre, le travailleur-exécutant est
un travailleur qui évolue sous la surveillance et sous la
contrainte d'un appareil administratif et technique. Son
temps de travail est un temps contrôlé, minuté,
rigide par
rapport à la souplesse qui semble caractériser celui du tra-
vailleur indépendant. La liberté du travailleur-patron s'ins-
crit dans le mode d'organisation et de planification de son

- 129 -
temps de. travail . Celle du travailleur-exécutant, l 'ouvrier
industiriel, s'inscrit dans l'organisation des loisirs,
des détentes. C'est une liberté en dehors de l'environnement
du travail. C'est une liberté effective. Or, la liberté
attribuée au "travailleur-patron" est une liberté pour orga-
niser,. gérer son temps de travail non une liberté pour jouir
du temps libre. C'est une liberté " piégée", parce que mar-
quant la permanence, l'existence
d'un travail
toujours pré-
sent et toujours accablant. Il s'agit là d'une liberté per-
çue comme une illusion. Cette centration permanente sur le
travail, à nos yeux, ampute le rural de toute son indépen-
"V
dance dans la perspective de l'organisation de ses loisirs.
Cette primauté du temps contraint chez le rural est une mar-
que essentielle de différenciation avec le monde du travail
urbain, comme on l'a montré par ailleurs (cf. 4.3.2.5.).
Ainsi on peut suggérer que la scission temps de travail et
temps de non-travail est un
indicateur pour repérer, dans
une différenciation inter-groupe ruraux et citadins, l'exis-
tence de deux modes de rapports de travail et de la problé-
matique de loisirs.
Remarque sur les indicateursintra-groupes de différenciation
L'analyse du discours recueilli a révélé des par-
ticularités relatives aux relations internes entre citadins
d'une part, et ruraux d'autre part.

- 130 _.
A. Remarque
sur les relations internes en milieu urbain
Contrairement aux relations internes en milieu
rural, analyse sur laquelle nous reviendrons
pour indiquer
quelques points de fixation, celles entre les citadins ap-
paraissent significatives à plusieurs égards. Parmi ces in-
dicateurs inter-groupes présents dans les discours analysés,
on peut relever notamment:
- la différenciation par la situation de famille
- la différenciation par l'appartenance sociale,
- la différenciation socio-économique et profes-
sionnelle.
1) !~_2!ff~~~~~!~~!2~_E~~_1~_~!~~~~!2~_~~_f~~!!!~
Cette dimension prend en compte le style de vie
et le degré de liberté ou de contrainte qui s'y réfèrent se-
lon qu'on a un statut de marié ou de non-marié. Le travail-
leur marié, nous a-t-on dit, est un travailleur programmé.
Il-doit faire face aux obligations parentales que lui impo-
se sa vie de famille. Les contraintes familiales associées
au statut personnel de père de famille d'une part, etd'au~
tre part le statut d'époux conditionnent la vie que mène le
travailleur marié par rapport au travailleur non-marié, qui
apparaît comme ayant moins de problèmes, moins de charges
familiales sous ce rapport. L'éducation des enfants et les
rapports socio-affectifs qui en découlent créent chez le
travailleur marié, nous a-t-on affirmé, une situation qui

- 131 -
l'oblige à fonctionner dans 1 10ptique d'un mode de vie qui
implique une attention et une conduite particulières par
rapport au non-marié qui mène une vie moins induite par
la pression des charges familiales. Dans cette perspective,
la situation de famille avec ou sans épouse ou époux crée
une différenciation perceptible que relèvent
et signalent
les citadins comme indicatuer de différenciation interne.
Car la présence ou l'absence d'épouse développe des types
différents de rapport relationnels, entre autres les re1a-
tions entre amis.
L'un des critères pour différencier ruraux et cita-
dins, c'est la dispersion sociale de la population. Contrai-
rement aux ruraux dont, en général, la population se consti-
tue d'une couche sociale homogène aussi bien dans le type
d1activités exercées que dans la composition de la popula-
tion, le milieu urbain offre une hétérogénéité dans la com-
position des couches et classes sociales. C1est ce qui
explicite le caractère cosmopolite du milieu rubain, et qui
indique la diversité des bains culturels.
3) ~~_~!ff~~~~~!~~!~~_~~~!~:~~~~~~!9~~_~~_e~~f~~~!2~:
ne11e
L1ensemb1e de la population interrogée n~us a con-
fié l'existence en milieu urbain de la permanence d1une dif-
férenciation socio-économique, apparaissant comme le reflet

- 132 -
des contradictions fondamentales de classe. La perception
de ces contradictions de classes, traverse les couples
contraires ci-contre:
- citadins
aisés, riches / citadins déMunis, pauvres
- ceux qui ont une voiture / ceux qui n'en ont pas
- quartiers sordides / quartiers de luxe.
Cette représentation des relations intra-urbaines
appellent quelques analyses. Cette image perçue des rela-
tions internes entre citadins indique la prééminence des
indicateurs de rupture qui semblent caractériser les rap-
ports entre citadins, et éveiller les consciences indivi-
duelles et collectives. On peut poser, en prenant appui sur
les discours recueil1is,qu'i1 existe bien en ville, et l'en-
semble de la population interrogée le confirme:
- la ville des nantis, caractérisés par des quartier
de haut standing,
- la ville des prolétaires, symbolisée par les bidon-
villes et les quartiers sordides.
Cette différenciatfon socio-économique se dou~l~ assez net-
tement d'une différenciation socio-professionne11e :
"la ville,il y a le~ ouv~ie~~ e~ le~ cad~e~".
L'existence, voire l'accentuation de ces diffé-
renciations, suggère la permanence des contradictions de
classe, ce qui apparaTt moins perceptible en milieu rural.
Alors qu'homogénéité dans la production caractérise le type
d1activités en milieu rural, la ville offre une diversité de
catégories socio-professionne11es.

- 133 -
B - Remarques sur les relations internes en milieu rural
Contrairement aux relations internes entre citadins quf font
apparatre très clairement les antagonismes de classes et
les différenciations socio-professionnelles et économiques,
reflets des contradictions fondamentales de classes, une
observation pertinente ressort de la remarque que nous allons
faire, et relative ~ la dimension "relations internes entre
ruraux" ; car les interviews réalisés et les tentatives d'a-
nalyse que nous en avons faites nous confirment dans cette
position. Il s'agit de l'émergence d'un problème psychoso-
ciologique classique: celui des non-dits et de leur inter-
prétation. Ce problème porte, eu égard au contenu de nos
entretiens, sur une non-référence aux clivages sociaux en
milieu rural, comme indicateur caractéristique de différen-
ciation sociale. Cet indicateur nlest pas utilisé, en mi-
lieu rural, comme indicateur de différenciation sociale,
alors qu'il l'est chez les citadins. Cette attitude psycho-
logique apparaît, et ce sera notre proposition d'explica-
tion de l'attitude observée comme la conséquence de la sur-
détermination des groupes, avons-nous dit, dans notre for-
mulation théorique apparemment homogène, et s'inscrivant
de la sorte dans une similitude de groupe. Cette observa-
tion, relevée dans les relations internes en milieu rural,
peut avoir le statut d'une présentation de soi ou du groupe,
caractéristique des groupes dominés, qui scotomisent les
clivages sociaux, de classe ou de groupe, au profit d'une

- 134 -
similitude de groupe. Il s'agit
dans cette investigation,
pensons-nous, de l'effet d'une triple domination sociale,
culturelle et idéologique sous tous les rapports. Les ru-
raux,et par extension la rura1ité, sont un groupe majori-
taire induit et déterminé par l'idéologie d'une minorité
détentrice du pouvoir, comme concept po1itico-idéo10gique.
Le rapport existant entre le pouvoir ainsi défini et les
ruraux est un rapport dérivé du couple conceptuel dominant/
dominé et non un rapport de majorité/minorité. C'est la
dynamique du premier rapport qui, postulons-nous, explique
le style de comportement observé dans cette tentative d'ex-
plication des non-dits. Comme nous l'avons évoqué, et on
le sait, le monde urbain est un monde qui impose son dj!ta!
culturel au monde rural, à telle enseigne que - et nos en-
tretiens l'ont montré - qu'on peut affirmer que le discours
sur la rura1ité est un discours qui fonctionne comparative-
ment et en référence exclusive au modèle urbain. Cette atti-
tude collective, qui a prévalu dans l'appropriation chez
les ruraux, de leur statut socio-géographique et profession-
nel aux dépens des contradictions internes est un révéla-
teur indiquant cette domination et cette supériorité. On
pourrait indiquer plus loin comment cette prédominance du
statut de rural, qui caractérise les relations internes en-
tre les ruraux, développe et crée des modes d'appropriation
collective, dans les rapports établis dans leurs modèles
de revendication sociale.

- 135 -
4.3.2.6.
ÇQ~çl~~iQ~_~~r~i~11~_~~r_l:~~~9~_9~~_9i~çQ~r~
~~_2~~_r~er~~~~~~~iQ~_~~_1~_r~1~~iQ~_~ill~L~rQ~~~~
Dans ce qui a précédé, nous avons essayé, dans
une tentative d'élaboration théorique exploratoire, de ca-
ractériser le type de discours qui utilise la rura1ité comme objet
des reprêsentat ions , Nous avons situé pour ce fa ire 1es acteurs
utilisateurs de ces discours dans la dynamique des condi-
tions de leur production.
Dans une seconde approche de cette même analyse,
nous avons caractérisé,dans une conceptualisation globale,
l'élaboration du champ sémantique lié à la rura1ité dans ses
relations avec la ville, et indiqué quelques moments privi-
légiés des représentations de la relation ville/brousse.
Nous avons
dans cette investigation remarqué que, dans le
jeu réciproque, l'image de la rura1ité reçoit un nouvel éclai-
rage par 1 limage de la ville, comme élément de référence.
Cette approche ainsi explicitée
dan~ son approfondissement,
a permis de rendre compte de quelques problèmes spécifiques
aux citadins et aux ruraux. Mais la rura1ité, avons-nous in-
diqué dans un résultat intuitif (cf. 3.3.1.) est la couver-
ture dlune catégorie socio-professionne11e d'une part, et
dlautre part, elle se présente comme un secteur d'activité~
humaines, une situation sociale et un métier qui renvoient
à des connotations spécifiques produites et introduites
dans le corps social par un ·type de rapport s oct c-ë co nomt que
et politique. Ainsi définie, avons-nous souten~, la rura1ité

136 -
constitue un espace social définissant des vécus, des sta-
tuts, des affects. Ceci présuppose une analyse des situa-
tions liées à la ruralité, retenue dans cette définition
psychosociologique, et qui dépasse l'analyse trop globale
de ses rapports avec la ville. Ceci commande à nos yeux
une nouvelle prise en compte des situations psychologiques
liées aux pratiques et à l 'expériencedu vécu de la ruralité.
C'est par l'étude de cette analyse du vécu
de
la ruralité qulil devient possible de définir et de dire
comment les discours sur la ruralité peuvent être des si-
tuations psychologiques intelligibles.
C'est à la tentative
d'analyse de ces situations que notre investigation va se
consacrer: l'analyse du vécu de la ruralité.
4.4.
Analyse de l'expérience du vécu de la ruralité
Dans les pages précédentes, nous avons présenté
une analyse globale de nos résultats. L'analyse qui va sui-
vre est une analyse intra-groupe. C'est-à-dire qu'elle est
centrée sur un groupe spécifique de population: les ruraux.
Ce choix du groupe de ruraux, comme support d'analyse du
vécu de la ruralité, semblerait reposer selon nous sur deux
raisons
- On pense que le vécu de la ruralité reposerait
lui-même sur le vécu subjectif du statut propre des ruraux
Ce statut est défini par l 'histoire collective du groupe de

- 137 -
ruraux, leur vécu, les rites et leur culture propre.
On pense aussi que le vécu de la ruralité est
d'autre part lié à l'existence des relations que les ruraux
entretiennent avec les autres groupes sociaux. De la sorte,
il semble que le vécu de la ruralité est tributaire de la
nature des interactions sociales.
Au total, on postule que le vécu de la ruralité
est déterminé.
par llhistoire collective des ruraux et par
leur interaction avec les autres groupes sociaux. On peut
introduire cette analyse du vécu de la ruralité par ces
extraits de discours recueillis ci-d~ssous :
. "Nou~ ~avon~ que nou~ ~omme~ de~ pay~an~, que
le~ o~~eaux du Q~el ne volen~ pa~ ~ou~ à la
.
même hau~eu~. Nou~ ne voulon~ pa~ ê~e Qomme
le~ ~~Qhe~ de la v~lle... Nou~ voulon~ v~v~e
m~eux qu'aujou~d'hu~"
(in J.P. L~ngellier : L'Afrique, 20 ans d1indé-
pendance : le succès sans les paysans. Le Monde
du 20.04.80)
"Van~ la v~e quo~~d~enne, lo~~que vou~ avez un
do~~~e~ adm~n~~~~a~~6 à Qon~~~~ue~, e~ que
vou~ vou~ ~endez dan~ le~ ~e~v~Qe~ hab~l~té~
pou~ le 6a~e, aveQ vo~e ~ta~u~ ~OQ~o-p~o6e~­
~~onnel ~dent~6~é "planteu~n, vou~ ~e~ez d~66~­
Q~lement ~e~v~ dan~ le me~lleu~ de~ Qa~. S~non
un mon~~eu~ vou~ ~épond~a ~~ogammen~ : ~l e~~
l'he~e, ~epa~~ez dema~n ... e~ a~n~~ de ~-~~e.
Alo~~ dan~ le même temp~, ~~ l'un de~' leu~4
a~~~ve, ~l e~~ t~è4 v~~e ~e~v~. Au~ant de dé-
bo~~e~ que nou~ Qonna~~~on~ dan~ not~e ~~tuat~on

- ·138
de ~u~al ... Vou~ ne connai~~ez pa~ vo~ d~oit~.
Vou~ voulez agi~, vou~ hé~itez a le 6ai~e,
c~aignant le~ ob~e~vation~ déplacée~ d'un
agent ~e~pon~able de ce ~e~vice ... Vou~ avez
peu~, vou~ vou~ tai~ez, le coeu~ dé~habillé... »
(cf. extrait d'entretien rural, n° 10).
Qu'est-ce que la rura1ité aujourd'huf ?
Quoi de plus complexe que la réponse à cette ques-
tion. Comme QQ le verra, les situations psychologiques qui
sont développées et mt ses en pl ace dans l'espace que l t on
suppose être délimité par le concept de la rura1ité et ren-
dues possibles par la dynamique du système socio-économique
et politique, sont diverses. On pense alors que l'intégra-
tion des ruraux au modèle social dominant apparaît comme un
fait marquant dans cette définition psychosocio1ogique de
la rura1ité.
4.4.1.
La rura1ité comme secteur d'activités humaines: une
catégorie socio-professionne11e, comme les autres:
une situation sociale.
Une première approche des discours que tiennent
sur la rura1ité les individus sollicités par notre investi-
gation, et qui sont concernés à des niveaux divers par la
définition de la rura1ité, pourrait s'arrêter à un repérage
des éléments constitutifs des discours recueillis "et à la
recherche de critères de différenciation et d'évaluation des

-
139 -
rapports du couple conceptuel ruralité/urbanité. Cette appro-
che a été celle qui a caractérisé les essais et les tenta-
tives de développement précédemment présentés. Il nous a
semblé qu'au terme de cette première écriture, la ruralité
apparaissait dans sa présentation et dans son contenu, et
pour les individus concernés par son rapport à la fois comme
un secteur d'activités humaines définissant des catégories
socio-professionnelles, et comme un mode de vie avec ses nor-
mes, dont les situations psychologiques suscitées sont loin
d'être négligeables.
Pourquoi alors
ne pas prendre à témoin ces dé-
clarations lIin vivo ll des individus sollicités, et constater
avec eux ce qu'est aujourd'hui la ruralité dans sa réalité
elle-même? Il appara't alors que les argumentaires qui vont
être proposés utilisent comme indicateurs d'analyse les dis-
cours des individus sollicités eux-mêmes comme en témoignent
ces extraits drentretien :
"N au..6 .6a. va n.6 li u.e. not»: e. méti el!. n' es t
pa..6 du.
tou.t ~e.p06. Nou..6 le. 6a.i.6on.6 da.n.6 de. di66i-
eile..6 eondition.6. On n'e..6t pa..6 bie.n da.n.6 no-
tlt e. mé.ti e.1t " (CfoR 1 )
0
"Moi je. n'a.i pa.6 honte. de. mon éta.t de. pa.Y.6a.no
Je. .6u.i.6 6ie.1t de. l'itlte." (Cf. Ro2)
"Le. pa.Y.6a.n e..6t a la. tite. de tou.te.6 le.6 pItO-
ne.6.6 Lon.6" ( Cf R 4)
0
0
"On ne eonna.Zt pa..6 no.6 dno Lt:«, iei, en bltou..6.6e."
'( Cf. R l 0)
0
0
Arrêtons nous un instant, et prêtons une oreille
attentive aux nuances particulières qui accompagnent ces dé-

- 140 -
finitions et ces sentiments exprimés en termes d'implication
et d'appropriation individuelle et collective dans le mode
d'appréhension de la rura1ité :"NOlL.6 .6a.von.6 ••• ywt/l.e. mé-
~-ie.JI.,rrio-i je. n'ai. pa..6 honr». ••• "
Tentons de compren dre com-
ment la rura1ité entre dans le sillage des appropriations et
des valorisations intragroupes. A bien lire ces discours qui
étayent les présentations de la rura1ité, on constate que
deux dimensions sous-tendent L' êno nc ê
"la. JtuJta.l-i~ê. a.ppa.Jta..z.~ c.omme. un .6e.c.~e.uJt d'a.c.~i­
vi~é.6 huma.ine..6, un mé~ie.Jt, un mode. de. vie.".
Dans cette perspective, la rura1ité se révèle comme un modèle
culturèl en relation avec les autres groupes sociaux.:
- une image traditionnelle de la rura1ité, comme
partition socio-géographique ;
- une image nouvelle de la rura1ité, à la fois comme
~ecteur d'activités humaines, une catégorie socio-
professionnelle, un métier.
4.4.1.1.
~~_!:~!:~!!~~_~~_!~_~~~~!E!g~~_~~_!EQ~~!~_~~~!Q-
~~Q~QJE!g~~
Nous avons montré antérieurement dans les résultats
tirés d'une part de l'observation participante, et d'autre
part des recherches monographiques sur la ruralité, qu'il
ekiste une représentation de la rura1ité comme espace socio-
géogra~hique. La référence à l'observation participante, comme
indicateur dé justiffcation d'une argumentation-nia aucun
caractère scientifique, mais pose le problème comme un diag-

- 141 -
nostic. La représentation de la ruralité, comme espace socio-
géographique, est une présentation traditionnelle et empi-
rique de cette réalité. Cette perception de la ruralité ainsi
considérée présente cette réalité comme caractérisée dans
ses relations économiques par cette autarcie, qui indique
que les ruraux sont régis par un mode économique autonome,
et que leurs relations avec le monde extérieur
sont liées â
une attitude de méfiance. Cette représentation que dévelop-
pent les individus définit la réalité sociale concrête, un
modèle de l'individu qui correspond à cette perception so-
ciale. Les termes "broussards", "paysans", "Dago" (1) utili-
sés dans les discours sociaux, traduisent bien ce sentiment
et cette attitude des autres groupes sociaux à l'égard des
ruraux.
Aujourd1hui, les entretiens recueillis et leurs
analyses permettent en tout cas, en termes de représentations
sociales, de soutenir que la ruralité ne peut plus être per-
çue comme elle lia été, et telle qulon vient de le préciser.
Les ruraux, par extension, la ruralité, apparaissent comme
une dimension importante de la réalité sociale, et slinscri-
vent de cette façon dans le rapport de la dynamique sociale,
économique, et politique propre au système dominant. Cette
présence active des ruraux dans le système social dans lequel
(1) "Dago", personnage principal dlune bande dessinée ivoi-
rienne qui présente le paysan, le rural transplanté
dans la réalité du modèle culturel ur-bai n ;' lequel ignore
tout ce modèle. Un nDago", par exemple, c'est quelqu'un
qui ne sait rien du modèle de savoir moderne,ou tout
simplement, qui maîtrise mal les éléments présents dans
la modernité.

...; 142 -
ils s'insèrent, fait naître chez eux une prise de conscience
de certains problèmes sociaux liés à leurs pratiques ou qui
se réfèrent à eux, comme témoignent ces extraits i11ustratifs
" ... Nou~ n'avon~ pa~ de p~otectlon ~oclale
pou~ nou~-même~ ... en tant que catégo~le
~oclo-p~o6e~~lonnelle. Tout cela 6alt que
bien ~ouvent no~ jeune~ 6~è~e~ ~e6u~ent de
~e~te~ a "la te~~e". Quand j'y pen~e, je
c~ol~ qu'll~ ont ~al~on. Mal~ e~t-ce la la
bonne
~épon~e a not~e condition 19no~ée ?"
(Cf. Rural n° 10).
" ... Nou& ~avon~ que le~ p~odult~ que noua
vèndon~ pa~tlclpent

au p~og~éa dont on pa~­
i
ti
le. Nou~ ~omme~ conaclenta du ~ôle que noua
1
jouona dan~ l'économie nationale. Mal~ on
1
!
1
ne nou~ ~econnaZt paa ce ~ôle, cette place.
1
1
C'e~t une lnju~tlce qui noua l~~lte. Mala
nou~ n'avon~ paa de volx pou~ le dl~e ...
Peut-êt~e qu'un jou~ ce le ae~a-t-ll poa~l-
blep 0 u~ noua ?.."
( Cf. Ru ra 1 n° 11).
Ces problèmes concernent leur mode de vie, leur
condition concrète d'existence, leur statut et leur place
dans notre société: leur réalité sociale, leur vécu quo-
tidien. Les sentiments qu'ils expriment face à cette situa-
tion créée et imposée à eux devant l'impossibilité pour eux
en dernière analyse de la perception d'une autre perspective
viable, traduisent de façon on ne peut plus claire une dou--
b1e 'IO.s at -':s fa-ct i 0 Il
- une insatisfaction par rapport à leur mode de
vie et par rapport à l'image sociale de leur métier

- 143 -
da~s le corps social ;
- une insatisfaction par rapport à leurs rela-
tions avec le système social lui-même et par rapport
aux autres groupes sociaux.
Cette situation vécue par eux traduit, comme on
le verra, un état de marasme dans et par rapport à leur im-
plication au modèle dominant. Comme le suggèrent ces entre-
tiens i1lustratifs :
"Ve.pui~ no~ c.ondi.tion~ de. vie. et: de. ;tItavail
n'on;t pa~ c.hangé. C'e.~;t ave.c. la même. mac.he.;t;te.
que. nou~ ;t~availlon~ •.• On n'e.~;t pa~ bie.n
dan.s notru: mé.;tie.~"
(Cf. Rural n° 5).
"Nou~ ~omme.~ le.~ ~e.ul~ dan~ no;t~e. pay~ a ê;t~e.
dan~ notAe. ~i;tua;tion. No;t~e. mé;tie.~ a une.
image. dé6avo~able. pa~mi no~ c.ompa;t~io;te.~"
(Cf. Rural n° 6).
Outre la double insatisfaction soulignée, l'ana-
lyse des discours recueillis montre chez les ruraux un senti-
ment d'abondon, de rejet. Ils se sentent livrés à eux-mêmes,
ce qui renforce leur sentiment d'inquiétude, et développe
chez eux un fort sentiment de singularisation, de particu1a-
risation de leur identité
et de leurs problèmes, comme ca-
ractéristique des attitudes des groupes minorisés, voire
dépendants.
"On n'e.~;t pa& bie.n dan~ no;tlte. méti~lt"
"Nous .s omme.~ i.e.~ ~ e.ul~ dan.s notAe. pay~ a.
ê;tJte. dans c.e.;t;te. ~itua;tio n" .

-
144 -
D'autre part, l'analyse des entretiens recueillis
nous suggère aussi l'existence d'une rura1ité présente et
importante par son rôle. Autrement dit, l'analyse des entre-
tiens indiquent comment les ruraux se représentent le pro-
grés, le changement, et dans une certaine mesure, la repré-
sentation de leurs relations avec les autres groupes sociaux.
Leur approche de ces réalités sociales nous semble procéder
d'une démarche psychologique qui mérite d'être questionnée,
analysée. Cette démarche nous semble permettre quelques points
d'analyse suggestifs. A bien lire les discours recueillis
chez les individus sollicités, on observe que leur approche
de l'analyse du progrès, voire du changement, procède d'une
appréhension de cette réalité inscrite dans une évaluation
et dans une appropriation par rapport â l'évolution de leur
propre groupe d'appartenance, et par rapport â leur vécu;
en un mot, â leur réalité sociale concrète. Ils mesurent,
évaluent et saisissent le progrès, le changement selon des
indicat~urs ou des éléments qui composent et définissent
leur vie quotidienne. Cette stratégie cognitive d'appréhen-
sion et d'évaluation, comme mesure du progrès et du chan-
gement, voire des relations avec les autres groupes sociaux,
utilisée par les ruraux lors de nos entretiens, semble être
une composante stable de leurs discours, comme élément de
maîtrise de leur environnement social, matériel et économique.
En prenant appui sur cette observation, et aussi comme résu1-
·tat spécifique de notre re~herche, et ce, précison~-le, pour

- 145 -
le groupe concerné, on peut poser que:
Tout d~~èou~~ de pe~~ua~~on dan~ une ce~ta~ne me~u~e, ou
toute act~on ~oc~ale, cent~ée ~u~ cette populat~on de not~e
~eche~che, et qu~ v~~e le changement ou la t~an~oo~mat~on
~ou~ tou~ le~ ~appo~t~, do~t lt~e ~ntég~é(eJ au p~oce~~u~
p~op~e a ce g~oupe.
Autrement dit, toute action de trans-
formation sociale orientée vers cette population ou ayant
pour cible cette population doit nécessairement prendre en
compte les éléments ou les indicateurs les plus significatifs
pour ce groupe, c'est-à-dire ceux qui symbolisent le plus la
vie affective, la vie subjective ou matéirelle de ce groupe.
Par rapport à notre thèse, ce résultat apparaît comme une
conséquence
subsidiaire possible de notre travail. Il ne
prend de sens que par rapport
à ce statut.
4.4.1.2
La ruralité comme secteur d'activités humaines:
une catégorie socio-professionnelle, un métier, un
mode de vie.
Dans une formulation intuitive (cf. 3.3.1) nous
avons suggéré que la ruralité pouvait être associée à une
catégorie socio-professionne11e. Cette définition et cette
conception déterminent des statuts, des vécus et des affects
spécifiques. L'analyse du matériau discursif recueilli perme~
d'étayer cette proposition intuitive. Nous avons, en effet,
relevé dans notre problématique que, jusqu'à présent, la
rura1ité était saisie à travers deux appréhensions (cf. 4.4.1.1.

- 146 - .
Eel1e du sens du commun, du "tout venant".
L'observation
participante permet de justifier cette affirmation. La
seconde est celle des universitaires-chercheurs à travers
les études empiriques sur la rura1ité.
Pour la première, la ruralité se présente comme
un espace géographique, un lieu touristique, un environnement
de détente et de loisirs. C'est aussi dans notre société,
sous beaucoup de "La nque s " .(1), un milieu de non-évolués,
de "broussards", symbole de l'arriération sociale. La secon-
de appréhension de la ruralité, c'est-à-dire celle des univer-
sitaires, est une représentation de cette réalité à travers
des approches monographiques descriptives qui ne tiennent
pas compte de la dynamique interne dans l'étude de la rural i tê .' A
la limite, ces deux appréhensions précédemment évoquées, bien
que répondant à des motivations diverses, ne permettent pas
de comprendre et de saisir la rura1ité dans sa réalité el1e-
même. Notre appréhension tente de saisir la rura1ité inscrite
dans cette réalité. L'approche idiographique, en présentant
la réalité étudiée dans sa dynamique interne, est celle qui
inspire les constructions de nos essais d'analyse, dans cette
définition psychosociologique de la rura1ité comme réponse
aux manquements et aux limites des approches déjà présentées.
Mais la ruralité, telle que nous llavons rencontrée en Côte
d'Ivoire, a-t-elle acquis ce nouveau statut de "catégorie
socio-professionnel1e" qui s'est dégagé de nos entretiens?
(1) Ici, a le sens d'organe physiologique, comme dans l'expres-
sion lImauvaise langue" par exemple.

- 147 -
Et comment par ce nouveau statut, la ruralité s'intègre-t-elle
dans le système responsable de cette mutation?
A. La ruralité comme situation sociale et psychologique
C'est la formulation explicite ou implicite de
revendications d'une catégorie socio-professionnelle (les
ruraux) d'une part, et d'autre part la description des
conditions de vie et de travail de cette méme réalité qu'est
la ruralité, qui définissent et situent les caractéristiques
attribuées au statut de la ruralité dans cette définition
psychosociologique de la ruralité. Le plus souvent, dans
leur grande majorité, les individus interrogés nous ont pré-
senté et développé des sentiments et des attitudes qui in-
diquent des préoccupations liées à des situations de prati-
ques sociales, et qui exposent très clairement des craintes
et des frustrations ressenties ou vécues comme décrivant la
nature des conditions de vie en brousse.
Cette présentation de la ruralité à la fois comme
secteur
d'activités humaines, comme métier et comme caté-
gorie socio-professionnelle, développe deux représentations
de la ruralité, comme on le verra. Ce développement, et cette
mise en place des représentations créées par l'expérience
vécue de la ruralité se situent à deux niveaux bien distincts
- Le développement de ces représentations se réfè-
rent à des discours normatifs globaux et positifs.
Ils ont un caractère laudatif.

- 148 -
Cette présentation se réfère aussi à des dis-
cours dépréciatifs par rapport aux relations
des ruraux avec le système dominant d'une part,
et d'autre part, par rapport à leurs relations
avec les autres membres de la formation socio-
économique.
B. La présentation de la ruralité l
la fois comme mode
de vie, métier, et comme catégorie socio-professionnelle
dans les discours normatifs globaux et positifs: une
situation sociale.
Cette dimension de la présentation de la rura-
lité est une dimension psychologiquement investie par les
ruraux. Elle semble liée directement à la représentation que
le groupe ou l'individu concerné a de son groupe propre,
voire de lui-même, et dlune manière plus ~énérale, du métier
qu'il exerce. Il est très intéressant de souligner que cette
dimension de la ruralité est associée à un élément fondamen-
tal à nos yeux: celle de l'évocation des parents. Cette évo-
cation détermine le statut du métier d'agriculteur comme un
métier traditionnel, un leg familial. Cette représentation
de la ruralité repose aussi sur le développement d'attitu-
des caractéristiques de celles des groupes dépendants ou do-,
minés: une accentuation de la survalorisation et de la
surestimation de l limage de groupe propre. Elle prend appui
dans une certaine mesure aussi sur la reconnaissance du mé- .
tier d'agriculteur, comme "métier librement choisi". Voici

- 149 -
comment les ruraux ont exprimé ce que nous avons développé
plus haut:
"Moi je. n'ai pa.6 honte. de. mon état de. pay-
4an. Je. 4ui4 6ie.~ de. l'lt~e." (Cf. R. n° 2).
"C'e..6t un métie.~ e..6.6e.ntie.l que. nou.6 ont
lai.64
é nos paJte.nt.6" (Cf. R. n° 4).
"Le. paY.6an e..6t a latlte. de. toute..6 le..6 p~o­
6e..6.6 Lo n.6 "
( Cf. R. n° 3).
" lei i l n'y a pa.6 l'indu.6t~iali.6me.
de..6 vil-
le..6.
Il y a une. a.6.6i.6tanee. mutue.lle., p~e..6que.
.6pontanée." (Cf. R. n° 8).
"Je. ne. ~e.g~e.tte. pa.6 d'avoi~ ehoi.6i d'lt~e.
~ag~ieulte.u~. Je. me. eon.6idè~e. comme. tout le.
m0 nd e" (C f. R. n° 5).
Ces quelques discours qui illustrent nos essais d'écritu-
re sont révélateurs de ce que les ruraux apparaissent comme un
groupe qui maintient l'identité du groupe, voire l'affir-
ment assez clairement. Ce qui suppose que, malgré cette si-
tuation de groupe dominé et indépendant qui caractérise les
ruraux, nos résultâts permettent de dire qu'il existe bien
une conscience et une identité rurales. Cette observation
dégagée de nos résultats permet d'affirmer qu'au niveau des
mécanismes, en tout cas, cette domination et cette infério-
rité perceptibles dans les relations avec le système dominant
d'une part, et d'autre part, avec les autres groupes sociaux,
n'entraTnent pas une disparition de la ruralité en tant que
telle. Les processus psychosociologiques classiques relevés
(renforcement, surestimation surélévation intra-groupe) et
mise en évidence lors de l'analyse des discours recueillis

- 150 -
sont bie~ connus des psychosocio1ogues comme caractéristiques
du comportement des groupes dominés. Ce résultat apparaît
néanmoins à nos yeux, comme une confirmation de ces résultats
déjà obtenus. les discours qui traduisent cette représenta-
tion de la rura1ité, par les ruraux eux-mêmes, sont des dis-
cours réels et non induits par leurs relations avec les sys-
tèmes ou les autres groupes sociaux. Mais ces discours, pen-
sons-nous, peuvent être modulés, eu égard à certaines pesan-
teurs psychosocio1ogiques ou socio-économiques
comme nous
t
le montrerons dans l'étude de la perception des privilèges
accordés aux citadins selon les ruraux. Cette représentation
de la rura1ité en termes normatifs globaux et positifs, dont
nous venons de présenter les caractéristiques
se retrouve
t
chez les autres groupes sociaux
comme des thèmes d'insis-
tance. Ecoutons;
"Le~ ~u~aux, moi je pen~e q~'il~ ~on~ heu-
~eux. J'ai beaueoup d'admi~a~ion pou~ eux ...
rl~ ~~availlen~ en eollabo~a~ion ; i l n'y
a pe~~onne pou~ leu~ impo~e~ quelque eho~e...
Ce ~on~ de~ ~availleu~~ lib~e~, mode~~e~
dan~ leu~ gen~e de vie" (ci tadi n, n° 3).
"Le monde ~u~al e~~ un monde eou~ageux, d(-
--
r
vou(" (conseiller rural, nO 4).
"Moi je voi~ le monde ~u~al eomme ba~e du
d(veloppemen~ de no~e pay~, le mo~eu~ de
l'(eonomie na~iona.le" (cadre du développement
rural, nO 1).
Le contenu de ces entretiens consolide cette
présentation de la rura1ité inscrite dans les discours lau-
• '1

. ~
....
',1
- - 151-"
(
i.
"11l
datifs. Ces entretiens traduisent par ailleurs des senti-
ments de sympathie qui renforcent cette affirmation, cette
surva10risation et cette surestimation de l'image du groupe
dégagée chez les ruraux.
Cet ensemble d'attitudes et de comportements
sociaux ainsi mis en évidence comme conséquences
psycho10-
giques dans la perception du vécu de la rura1ité, s'affirme
davantage et se boucle par la manifestation d'un sentiment
plus fort qui conduit les individus concernés à un processus
d'hiérarchisation des professions à la tête desquelles ils
placent celle des agriculteurs dans l'activité socio-écono-
"'.
mique nationale. Mais aussi, cette population reconnaît en
même temps l'existence de rupture entre cette force économi-
que que re présentent 1es ruraux
et ses retombées sur leurs
conditions socio-économiques d'existence, sur leur mode de
vie, dans la réalité sociale concrète. L'amputation pour eux
de cette-juste récomp~nse compensatrice apparaît comme une
nette frustration sociale qu'ils viven~ négativeme~t à la fois
J
""
comme une injustice sociale, comme une non-reconnaissance de
leur statut et enfin, comme une indifférence du système so-
cial
à leur égard. Voici l'illustration de ces sentiments,
dans l'entretien recueilli
.. Le pa.Y.6a.n e.ss: à. la. .tê.te de xouxe« le.6 pn.o-
6e.6.6ion.6. Ii joue un Jr..ôle pJr..épondéJr..a.n.t
da.n.6 la. dyna.mique économique. Ma.i.6 le pa.Y.6a.n
n'e.6.t nL.pJr..Lmé, nL à. .6a. jU.6.te pla.c~ da.n.6 la.
.6ocié.té, da.n.6 noue .6ocié.té" (Cf.
Rural, n012).

- 152 -
On retrouve
dans cet entretien, outre cette
surestimation et cette surva1orisation de 1 limage du groupe,
d'une part, et d'autre part cette revendication de la recon-
naissance sociale de 1 limage du groupe, cette ambivalence
ou double-pensée (1)
qui est reconnue comme une constante
des composantes des comportements sociaux envers les mino-
rités et les groupes dominés: En effet, S. Moscovici (1979)
a récemment soutenu la thèse selon laquelle
"la ~elation d'une majo~it~ a une mino~it~
e4t une ~elation ambivalente?
"Son a4pec.t - la ~elation - p04iti6 e4t
que l'individu ou le g~oupe deviant, c.on4-
titue l'un de4 pôle4 du c.hangement. Son
a4pec.t n~gati6 e4t que le4 d~viant4 40nt
maintenu4 a di4tanc.e, oblig~4 de ~e4te~ a
la p~~iph~~ie de la 4oc.i~t~. On ~ec.onna1t
leu~4 qualit~4, leu~4 m~~ite4 et leu~4
c.on~ibution4, 4an4 le4 admett~e ouve~te­
ment" .
Bien que le passage pris en compte dans cette
étude n'éclaire pas directement ou même ne clarifie pas l'es-
-,'
prit de nos analyses, il s'apparente à bien des égards à
la situation qui est faite aux- ruraux, telle que les pro-
pos recueillis chez les individus de notre population en
rendent compte. On reconnait, en fait, aux ruraux leurs ver-
(1) Nous empruntons cette expression à S. Moscovici (1979)
in Psychologie des minorités actives, chez PUF (Presses
Universltalres de France).

- 153 -
tus de ca~égorie socio-professionnelle, la preuve et les
fondements de leur désir, leur capacité de participation
sociale: En un mot, la reconnaissance sociale de leur rôle
et de leur place dans la dynamique socio-économique, mais
cette reconnaissance implicite ou explicite ne porte pas de
traces
ni d'impact quant à l'influence effective des ruraux
dans le corps social, dans notre société.
Cette indifférence
sociale entretenue dans et par la société évoque bien cette
double pensée, comme caractéristique de la situation que nous
étudions. Finalement, on peut émettre l 'hypothèse selon la-
quelle le comportement de l 'ensembl~ des groupes sociaux à
l'égard des ruraux est une question de rapport socio-économi-
que défini par un système dominant, et qui mérite pour ce
faire, la formulation d'autres problématiques de recherche.
Pour l'instant, et en ce qui nous concerne, nous essayons
de comprendre en quoi cet ordre politico-économique et social
détermine des comportements sociaux, que nous essayons au
mieux d'exemplifier.
Cette approche du problème envisagé nous amène à
l'étude de la deuxième dimension de l'analyse du vécu de la
ruralité, analyse centrée sur l'étude des "discours dépré-
ciatifs" par rapport aux relations avec le système et par
rapport aux autres membres de la société. Cette indication
postule qu'il n'y a pas dans l'analyse du vécu de la ruralité
de jugements dépréciatifs en soi :
Cette affirmation entraîne trois conséquences
possibles, qui apparaissent comme fondamentales pour la com-

- 154 -
préhension de nos analyses :
1) Nos résultats montrent qu'il existe chez les ru-
raux une conscience de groupe.
2) Cette conscience de groupe repose sur une repré-
sentation positive de leur groupe et de la ruralité
elle-même, comme situation so~iale.
3) Mais que par ailleurs, ce groupe
- les ruraux -
vit et perçoit des difficultés relationnelles avec
les autres groupes sociaux et avec le modèle social
dominant.
C'est donc autour de l'apparition de cette dimen-
sion comme marquant des points d'insatisfaction, que nous
essayons d'appréhender la ruralité à travers un ensemble de
discours, qU'à défaut de termes adéquats, nous avons appelé
"discours dépréciatifs". Le problème qui se pose à nous, est
celui du statut de ce type de discours dans l'approche de la
ruralité. Il nous semble qu'à côté de l'aspect laudatif,
apparaissant comme l'aspect central de la représentation étu-
diée, on observe une attitude de réserve qui réduit cette
perception de la ruralité, vécue cette fois de manière dou-
loureuse. C'est en dernière analyse cette dlmension que nous
tentons de saisir, à travers les "discours dépréciatifs".

- 155 -
C - La présentation de la ruralité à la fois comme mode
de vie, métier et catégorie socio-professionnelle dans
les discours dépréciatifs par rapport aux relations avec
le systême dominant et par rapport aux autres groupes
sociaux.
Ces moments d1évaluation normative, positive, ana-
lysée comme représentation de la ruralité, ne restent pas
toujours sans mélange. Ainsi, passés les moments de llappré-
i.
1 •
hension laudative de la reconnaissance sociale, des désirs
.,
d1affirmation de groupe, l'éloge, tout ceci
né de la diver-
1.
1
sité des expériences offertes, pensées ou ~écues de la rura-
!,.
lité, les "choses" se "gâtent" et se détériorent. Alors vien-
1.
nent les moments de vexation, de frustrations, d'amertume.
En un mot, s'installe le désenchantement
comme tremplin du
lot quotidien des problèmes liés à l'expérience vécue de la
ruralité. Cette situation se traduit par des "jugements dé-
1
préciatifs" liés aux relations des individus concernés avec
ii
le système dominant d'une part, et d'autre part, avec les
autres membres des groupes de la formation socio-économique.
Ces discours dépréciatifs liés aux rapports sociaux peuvent
avoir des significations différentes au niveau des mécanis-
mes psychologiques et des modes d1appréhension de la réalité
elle~même. Ces significations se situent à deux niveaux
- Chez les ruraux, ces discours dépréciatifs se
réfèrent à des infériorités et à des insatisfactions per-
çues par rapport à leurs
relations avec le système dominant,

-
156 -
et par rapport à leurs relations avec les autres, sans que
pour autant la représentation de leur image symbolique en
soit affectée.
Chez les autres groupes sociaux, ces discours
dépréciatifs peuvent entraîner des changements au niveau de
la représentation de la rura1ité ou même de l'image sociale
de ce groupe qu'est la rura1ité.
C'est autour de ces significations que traduisent
les discours dépréciatifs que vons être centrées les analyses
suivantes.
Ces perceptions de la rura1ité, dans cette appro-
che par les discours dépréciatifs tels qu'ils ont été définis,
utilisent des images qui ont pour supports essentiels des
éléments de corpus décrivant la dégradation des conditions
de vie et de travail en milieu rural d'une part, et d'autre
part la représentation de ce groupe chez les autres groupes
sociaux. Ces axes s'inscrivent dans un ensemble de discours
.
qui développent et reprennent assez clairement des éléments
de discours qui circulent .dans le corps sotia1 et relatifs à
la rura1ité. Toute la population de ruraux interrogée nous
a confié leur amertume et leurs exaspérations devant les
conditions de vie et de travail, et devant l'attitude commune
des autres groupes sociaux à leur égard. Ils sont tous unani-
mes pour soutenir ce discours. Cette attitude collective des
ruraux marque leurs insatisfactions par rapport aux autres,
au système, et par rapport à leur mode de vie. Cette amorce
de la représentation de l'image du groupe chez les autres

- 157 -
constitue l'un des pôles des analyses des discours déprécia-
.
tifs, quitte à centrer ensuite l'investigation sur l'analyse
des mécanismes psychosocio1ogiques rendus ou créés par cet
ordre socio-économique défini par le système dominant. Le
développement de ces représentations de l'image du groupe
se retrouve dans 11 ensemb1 e des di seo urs recuei 11 i s, comme en
témoignent ces quelques extraits i11ustratifs.
"On nOU6 ~~ai~e de b~ou66a~d6, de non lvo-
lu l6" (Rura 1 n° 5).
" Le6 au~e6 ~availleu~6 de notn.e: palj6 di-
s ens: que no~~e mltie~ n'e6~ pa6 viable"(R. n09).
"Le6 c.i~adin.6 .6 ons: plu.6 6avo~i...6l6 que ncu.s "
(R.
n° 4).
"Tou~ c.e que nou6 di6on6 e.6~ ~ellgul au .6e-
c.ond plan. Nou6 n'avon.6 pa6 de voix pou~ nou.6
exp~ime~"
(R. n° 6).
"On n'e.6~ pa.6 bien dan6 no~e ml~ie~. Nou.6
.60mme.6
dan.6
no~e
palj.6 le6 .6eUl6 dan.6
c.e~~e .6i~ua~ion ... No~~e image e6~ dl6avo~a­
ble pa~mi n06 c.ompa~~io~e.6" (R. n° ~).
"Ic.i.. en b~ou.6.6e, on ne c.onnai~ pa.6 no.6 d~oi~.6"
(R. n " 10).
"Van.6 la vie quotidienne, lo~6que VOU.6 avez
un d06.6ie~ admini6~a~i6 à c.on.6~i~ue~, e~
que VOU.6 VOU.6 ~endez dan6 le.6 .6e~vic.e.6 habi-
li~l.6 pou~ c.ela, avec. vo~e .6~a~u~ de b~ou.6~
sand , de palj.6an;
VOU.6 .6e.~ez di66ic.ile.me.n;(;
.6e~vi dan.6 le me.ille~ de.6 c.a.6 ••. Sinon, il
Ij a bien de.6
6oi.6, on ne. vou.6 ~ega~d~a même
pa.&. VOU.6 ne. c.onnai.6.6ez pa.6 VO.6 ditoi;(;.6 ..•
Vou.6 voulez agi~, VOU.6 hl.6i;(;e.z a le 6ai~e,

- l Ça -
e~aignant le~ ob~e~vation~ déplaeée~ de
l'agent ~e~pon~able de ee ~e~viee. Vou~ avez
peu~. Vou~ vou~ tai~ez, le eoeu~ dé~habillé... "
(R. n° 11).
Cet ensemble d'entretiens développe quelques as-
pects de la représentation de l'image de la ruralité chez
les autres, telle que les ruraux se l'imaginent dlune' part,
et d'autre part la représentation que les ruraux ont de leurs
relations avec le système, et de leurs rapports avec les
autres. Des scènes de vie quotidienne réellement vécues à la
présomption et aux préjugés sociaux incrustés dans les mémoi-
res individuelles et collectives, la représentation du vécu
de la ruralité, apparaît comme un pôle important dans la
représentation de la ruralité, telle qu'elle est marquée par
l'état de l'évolution de la Côte d'Ivoire. Ces entretiens ci-
dessus mentionnés, à y regarder de plus près, développent une
double image de la ruralité :
- Une représentation de l'imag~ du groupe - la
ruralité - chez les autres. Cette représentation s'étaie
sur des discours qui traduisent ce que les ruraux pensent
que les autres pensent d'~ux. C'est une sorte de projection
et d'anticipation évaluative de nature dépréciative, et qui
révèle des comportements sociaux déterminés par le système
dominant. Dans son contenu, on peut soutenir que c'est une
sorte de "représentation mentale", c'est-à-dire une activité
,
mentale, évaluative par anticipation du sentiment qu'on prête
à l'autre dans une situation sociale psychologique où l'in-

- 159 -
dividu - ou le groupe responsable de l'anticipation évolu-
tive - est impliqué.
- Une représentation de l'image sociale de la
ruralité.
Elle repose sur un ensemble de discours effectifs
produits par les autres sur la ruralité, et par les ruraux
eux-mêmes sur leurs rapports avec le système et avec les
autres membres de la société.
Ces deux représentations de l'image de la rura-
lité, repérées dans les entretiens, permettent de circons-
crire et de soutenir une argumentation qui s'appuie sur deux
idées fondamentales pour une meilleure appréhension de 4a
ruralité. Ces deux idées s(articulent autour de deux axes
de débats et de discussions:
a) L'émergence et la dénonciation par les ruraux d'une
supériorité socio-économique et institutionnelle des cita-
dins, apparue dans les rapports ruralité/urbanité.
b) La perception du privilège accordé aux citadins
selon les ruraux.
C.l
L'émergence de la dénonciation d'une supériorité
socio-économique et institutionnelle traduite
dans la réalité sociale et ressentie par les
1
ru~
raux, comme un clivage organisant leur rapport
avec les autres groupes sociaux.
La ruralité, avons-nous dit (cf. 3.3.1) est'un
métier, une catégorie socio-professionnelle et une situation

-
160 -
sociale dont l'appréhension renvoie à des connotations spé-
cifiques 'produites et introduites dans le corps social par
un type de rapport socio-économique, lui-même induit par le
système dominant. Ainsi définie, avons-nous insisté, la ru ra-
lité appara1t comme un espace social déterminant des statuts
des vécus et des affects. L'ensemble des entretiens recueil-
lis se présentent pour nous comme des ouvertures nécessaires
à une caractérisation des
situations psychologiques vécues
ou représentées, et qui traduis~nt la nature des rapports
qu'une sous-population entretient avec le reste de la société
globale. La mise à l'épreuve des discours sollicités est
une reformulation suggestive, un métadiscours qui permet d'ap-
procher une situation concrète dans sa réalité elle-même,
et dans sa dynamique interne. On pourra aussi s'intéresser
aux mécanismes psychologiques qui accompagnent ces
situa-
tions psychologiques avec leur insertion dans le système res-
ponsable de leur mise en place. Cette transformation indica-
tive est une analyse des situations psychologiques créées.
Revenons un instant sur quelques moments caracté-
ristiques marquants, et indiquons les contenus et les méca-
nismes suscités par cette supériorité et cette "dépréciation",
telles qu'elles apparaissent dans les discours des ruraux
essentiellement, et par renforcement dans les discours des
au t re s .
"On nou..6 :t1La.i.:te de bILou..6.6a.lLd.6, de non évo-
lu.é.6" (Rural n° 5).

- 161 -
~Le~ aut~e~ t~availleu~~ di~ent que not~e
mltie~ n'e~t pa~ viable~
(Rural n° 4).
Ces extraits illustrent bien la nature des insa-
tisfactions ressenties par les ruraux dans les rapports avec
les autres (1). Cette sorte d'amertume liée à l'expérience
vécue de la rura1ité, apparaît comme l'une des composantes
des re1atians d'infériorité ou pensée, et qui marquent les
rapports de la rura1ité avec le systêmedominant. Cette re-
présentation du profil et du statut de la rura1ité tels qu'ils
sont révélés par les entretiens repose sur une réalité so-
cia1e marquée par une supériorité et
une domination insti-
tutionne11e des autres par rapport aux ruraux. Cette atti-
tude collective définit une représentation du rapport des
ruraux avec l'administration, et avec le pouvoir moderne,
faite de frustrations et d'incompréhensions. Cette représen-
tation de l'image de son propre groupe chez les autres, telle
que les ruraux la perçoivent, crée chez eux des réactions
psychologiques perceptibles et repérables dans leurs discours,
comme étant le reflet de la situation qu'ils vivent quoti-
diennement.
On peut relever, par rapport à cette situation,
deux types de réactions possibles:
D'une part, une activité mentale axée sur une·
anticipation éva1uative : une sorte de projection sur l'ima-
ginaire collectif des autres groupes sociaux. En effet,
devant la situation et les attitudes collectives des autres
------.
(1) Par les "autres" : lCl on entend le pouvoir, les citadins,
les fonctionnaires: en un mot, les non-ruraux, "hors-
groupe.

-
162 -
groupes sociaux
~ leur égard, attitudes et relations elles-
mêmes définies par le système dominant, le comportement et
les réactions des ruraux semblent être déterminés
par
cette relation commandée et dictée par le système. Ainsi
les ruraux fonctionnent sur un mode de réactions suscitées
par cette situation. Ils pensent en fonction d'une hypo-
thétique représentation qu'ont les autres de leur groupe
Ir Le.6
autn.e» .tJr.av-ialleuJr..6 d-i.6 ent que nooce
,r
méüeJr. n' e.6t pa.6 v-iable
"On nou.6 tJr.a-ite de bJr.ou.6.6aJr.d.6, de non évo-
lu é.6 "
- D'autre part, une activité de comparaison ou
d'approbation sociale. En position de groupe dominé, les ru-
raux évoluent dans un rapport fondé sur une
attitude carac-
téristique de tout groupe ayant ce statut, avons-nous relevé.
Ainsi, nos entretiens ont permis de montrer que les ruraux
concernés par notre enquête permettent de confirmer ce pro-
cessus psychosociologique : la revendication de la comparai-
,
son et de lia ppro ba t ion soci ale comme type de réact i on ca rac-
téristique de leur situation.
"Nou.6 voulon.6 .6eulement que le.6 autJr.e.6 nou.6
tILa-itent c.omme eux-même.6".
Ensemble, ces deux types de réactions relevés
nous éclairent sur le fait que la situation faite aux ruraux
affecterait certains aspects,de leurs analyses, de leur rai-
sonnement, puisqu'elle entraîne chez eux
un_certain type de

- 163 -
comportement caractéristique, comme on vient de le montrer.
On retrouve ces mêmes réactions dans certaines situations
de la vie quotidienne des ruraux, ce qui renforce, outre
mesure, l'analyse de l'émergence de cette supériorité et de
cette domination sociale institutionnelle. Ecoutons, en il-
lustrations, ces quelques extraits d'entretiens:
"Tout ee que nou~ di~on~ e~t ~el~gu~ au ~e­
eond plan. Nou~ n'avon~ pa~ de voix pou~
nou~ exp~ime~" (Rural n° 6).
"Van~ la vie quotidienne, lo~~que vou~ avez
un do~~ie~ admini~t~ati6 a eon~titue~, et
que vou~ vou~ ~èndez dan~ le~ ~e~viee~ ha-
bilit~~ pou~ eela, avee vot~e ~tatut de pay-
~an, de ~u~al, de b~ou~~a~d, vou~ ~e~ez di6-
6ieilement ~e~vi dan~ le meilleu~ de~ ea~ ...
Sinon, il y a de~ 6oi~, on ne vou~ ~ega~de~a
même pa~ ... Vou~ ne eonnai~~ez pa~ vo~
d~oit~.
Vou~ voulez agi~, vou~ h~~itez à.
le 6ai~e, e~aignant le~ ob~e~vation~ d~pla­
e~e~ d'un agent ~e~pon~able de ee ~e~viee.
Vou~ avez peu~, vou~ vou~ tai~ez, le eoeu~
d~~habill~" (Rura l n° 11).
Outre les amertumes et les vexations, voire les
bavures qui accompagnent ces scènes de la vie quotidienne
en milieu rural, et qui caractérisent les rapports des ru-
raux avec l'administration publique locale, ou même natio-
nale, et enfin qui marquent des moments du vécu de la rura-
lité, on peut relever que cette même relation est v,écue par
les ruraux comme une relation anxiogène. Cette relation leur

- 164 -
renvoie une image de leur propre groupe, comme groupe margi-
na1isé et dépossédé de ses droits démocratiques pour présen-
ter ses revendications et ses doléances. Cette représenta-
tion de 1 limage de leur groupe, comme groupe ayant perdu
ses droits, et la ma'trise des données sociales qu'ils ne
dominent pas, augmente cette relation anxiogène. Il appara't
alors que la relation des ruraux avec 1 ladminsitration est
vécue négativement par les ruraux, eu égard ~ cette angoisse
perpétuelle et ~ cette indifférence créée ou pensée. Ce
cadre général crée aussi de la crainte, de l'indignation,
de la réprobation et des blocages psychologiques qui symbo-
lisent ~ bien des égards la nature des relations des ruraux
avec le pouvoir moderne .. Toute cette situation s'inscrit,
nous semb1e-t-i1, dans un cadre juridico-institutionne1 et
politique, qui détermine 'les comportements sociaux des ru-
raux
et hypothèque dans·cette ligne de pensées, 1 1évo1ution
socio-cu1ture11e et 1 'ém~ncipation des ruraux comme catégo-
rie socio-professionne11e. Cette supériorité et cette domi-
J
nation ressenties par les ruraux dans leur rapport avec le
modèle officiel, se retrouvent aussi dans les discours des
autres membres du corps social. Ces discours expriment assez
nettement ce sentiment général précédemment analysé. Ecou-
tons ces quelques extraits d'entretien tirés du discours des
citadins
nLe~ pay~an~ ~ont (~onomiquement 6aible~.
Il~ ~ont vi~time~ de~ ~t~u~tu~e~ de la mo-
de~ni~ationn

-
165 -
"En voyant le paY6an, on a l'imp~e66ion de
t~ouve~ une eatégo~ie de pe~6onne6 délai6-
6ée6. C'e6t une 60U6-population
non-o~gani­
6ée. Il6 t~availlent dan6 de di66ieile6 eon-
dition6.
Il n'y a pa6 de p~oteetion 60eiale
pou~ eux?
La traduction de cette supériorité socio-économi-
que des autres groupes· dans les comportements sociaux, et
dans les réactions collectives, se manifeste dans la réalité
sociale concrète par une distinction sociale des statuts et
une hiérarchisation des individus dans le corps social.
Ce
qui apparaît comme un élément de différenciation sociale
prônée et retenue dans notre société, et qui régule, voire
modèle, les attitudes sociales à l'égard des ruraux, comme
en témoignent les propos .de ce citadin relevés dans le corpus
d'entretien:
"Pou~ moi, le ~u~al, e'e6t le mon6ieu~
qui n'e6t pa6 l'égal de l'u~bain"
C.2
La perception du privilège accordé aux cita-
dins selon les ruraux
Les essais d'analyse qui vont suivre, portent
sur le second pôle de l'analyse de l'expérience vécue de
la rura1ité. Cette situation créée par le déséquilibre en-
tre les éléments de la modernité présents dans le milieu
urbain, par rapport au milieu rural, développe des·attitudes

-
166 -
Îi
1
de la part des ruraux face à cette situation, qui présente
le monde urbain comme un modèle de référence. Cette
percep-
tion du privilège dont les citadins bénéficient aux yeux
des ruraux constitue un moment important dans la représen-
tation de leur propre vécu. Cette perception s'inscrit et
prend appui sur les éléments de la modernité dont disposent
les citadins dans leur style et dans leur mode de vie, et
qui manquent dans l'organisation sociale et matérielle du
cadre-et de l'environnement de vie, voire de la qualité de
la vie, en milieu rural
: l'aménagement de l'espace urbain,
la présence des équipements socio-éducatifs et collectifs
sont des éléments tant désirés par les ruraux pour rendre
leur environnement plus humain, plus vivable, plus attrayant,
plus attractif. Organise~ leur mode de vie et améliorer leurs
conditions de vie et de travail sont des préoccupations fon-
damentales pour le monde rural; c'est pourquoi ils aspirent
à devenir comme les citadins. Nous y reviendrons plus lon-
guement dans l'étude catégorielle des représentations, des
désirs et du devenir de la ruralité. Pour l'instant, essayons
de comprendre ce que signifie chez les ruraux: "devenir
comme eux".
Loin de nous lancer dans des considérations théo-
riques relatives à l'expression de ces désirs des ruraux,
considérations que la psychologie de la comparaison sociale
(Cf. J.P. Codol, thèse d'Etat, Université de Provence, mars
1979). clarifie bien, 'pour nous
ce désir collectif semble

- 167 -
désigner deux idées simples qui apparaissent comme des points
.
d'accorchage et qui fondent la motivation des ruraux. "Deve-
nir comme eux" signifie alors:
• avoir les mêmes privilèges qu'eux (les citadins)
• avoir le même idéal qu'eux.
Cette perception est axée sur.un modèle explicite de reven-
dications sociales, dont il est possible de rendre compte
des lignes essentielles.·
Ainsi, par rapport à l'amélioration de leur mode
de vie, les ruraux sollicitent des réalisations concrètes,
c'est-à-dire le progrès dans leur propre cadre de vie: l 'amé-
lioration de la qualité de la vie, telle qu'ils la perçoi-
vent en ville; l'amélioration de l'habitat rural et la pos-
sibilité que leur effort fourni au travail soit récompensé,
rémunéré. Voici les illustrations de ce qui vient d'être exem-
plifié :
"Le..6 c.i.:tadiYl..6, je. le..6 c ons cdër:« c.omme. des
ge.YI..6 plu.6 6avoJt.i.6é.6 que. Yl.OU.6.
Le. déve.loppe.-
me.YI.:t du pay.6 le.uJt. pJt.o6i:te.. Il y a l'éle.c.-
:tJt.ic.i:té, de..6 iYl.6Jt.a.6:tJt.uc.:tuJt.e..6 Jt.ou:tiè-Jt.e..6
viable..6 •••• LoJt..6que. je. pe.YI..6e. a :tou:t c.e.la,
je. pe.YI..6e. qu'il.6 OYl.:t UYI. ge.Yl.Jt.e. de. vie. e.:t de..6
,..
c.oYl.di:tioYl..6 .6oc.iale..6 me.ille.uJt.e..6 aux Yl.ô:tJt.e..6.
Il.6 .60Yl.:t plu.6 équipé.6 a Yl.O.6 dépe.YI..6 ••• "
"Le..6 c.i:tadiYl..6 .60Yl.:t plu.6 6avoJt.i.6é.6 que. Yl.OU.6 •••
Il.6 OYl.:t :tou:t paJt. Jt.appoJt.:t
a Yl.OU.6. Il.6 .60Yl.:t
mie.ux logé.6 ••• OYl.:t de..6 e.mploi.6 bie.YI. payé.6.
Eux on:t de. jolie..6 mai.6on.6, de. jolie..6 voi:tu-

.. 168 -
~e~, alo~~ que nou~, nou~ t~availlon~ tou-
[oun.s ~an~ e.s ooL« pou~ demain ... ".
Cette vision, voire cette représentation de ce
que représente pour eux le modèle urbain de la vie, bien que
simpliste et réductrice d'une réalité sociale encore plus
complexe en fait, pose en termes nets l'essentiel des désirs
et des attentes des ruraux vis à vis de la société globale.
Ces formulations apparaissent pour nous comme des indicateurs
à prendre en compte pour définir des objectifs d'analyse de
besoin aux fins d'une orientation du développement rural.
Cette représentation du modèle urbain chez les ruraux, cen-
-c-
trée sur la désignation des éléments présents dans la moder-
nité, informe sur les points probables de fixation pour une
définition de leurs motivations. Cette attitude traduit le
clivage qui existe entre le mode de vie des ruraux et celui
des autres groupes sociaux, clivage qui semble être l'un des
éléments fondamentaux dans l'appréhension du vécu de la rura-
lité, construite à certains endroits par rapport au vécu
subjectif de leur propre statût et par rapport à leur histoire
personnelle et de leur groupe propre de référence.
.Nous en avons fini
avec l'analyse de l'expérience
du vécu de la rura1ité. Au cours de cette présentation, nous
avons tenté des essais d'écriture et d 1ana1yse psychosocio-
19oqique des situations et des scènes de vie quotidienne de
1a réa 1i tés 0 c i ale, ru r ale. Al' i ssue de cet te a na1ys e, 0 n peu t

-
169 -
soutenir ,que le vécu de la rur a l t t
est lié d'une part au
ë
vécu subjectif du statut propre des ruraux; ce statut lui-
même défini par l'histoire collective de leur groupe, leur
expérience personnelle, les rites et la culture spécifiques
du
groupe.
On
pense
que
le
vécu
de
l a
rura- . "
lité
détermine
à
l a -
fois un vê cu et une explicita-
tion de réactions par rapport au système et aux relations
avec les autres. D1autre part, on pense aussi que ce vécu
de la ruralité est lié aux pratiques sociales des ruraux,
donc à l'e~stence des relations de toute nature que la ru-
ralité entretient avec les autres membres du corps social.
Ce vécu de la ruralité est ainsi tributaire de la nature
des interactions sociales. Cette analyse du vécu de la ru-
ralité a permis de remarquer que le vécu quotidien de la
ruralité est ressenti chez les ruraux à la fois comme des va-
lorisations positives ou négatives. On a pu mettre en évi-
dence des mécanismes psychologiques classiques liés à ce
vécu de la ruralité : survalorisation, surestimation du grou-
pe, apparaissent comme les résultats les
plus significatifs
obtenus
ou confi rmë s ...
Des appréhensions dépréciatives par rapport aux
"
relations de la ruralité avec le système et avec les autres
groupes sociaux déterminent aussi des attitudes de type
anticipation-évaluation d'une part, et des attitudes de compa-
raison sociale et de projection. L'ensemble de ces réactions
définit les principaux indicateurs responsables de la situa-

- 170 -
tion qui est faite ~ la ruralité, et dont les moments de
l lanalyse du vécu de cette réalité permettent de rendre compte.
De
la formulation de ce qui précède, on peut affirmer que
l'expérience du vécu de la ruralité nlest pas seulement
"vivre en brousse et y travailler"; en un mot "être rural
ou paysan". C'est aussi tout un faisceau de pratiques socia-
les et de sitùations spécifiques diverses liées ~ un secteur
d'activités humaines, et inscrites dans une dynamique socio-
économique, avec des rapports établis qui commandent les at-
titudes et les comportements des groupes. La "mise en scène
de la vie quotidienne" et l'existence des situations psycho-
logiques traduites et vécues par les individus s'imposent
~ nous, comme l lune des composantes fondamentales de la dé-
finition de la ruralité. Cet ensemble de propositions et de
pistes de réflexion indique ce qu'est réellement aujourd'hui
la ruralité saisie dans son contenu psychosociologique.
Ces essais d'écritures sur le vécu de la ruralité
comme nous l lavons dit, sont spécifiquement centrés sur l'ana-
lyse du discours des ruraux. Nous essaierons, dans ce qui
va suivre, des tentatives d'analyse catégorielle relatives
~ l'ensemble des populations sollicitées. Cette analyse
catégorielle a pour objectif l létude des attentes, des désirs
et du devenir des ruraux, voire de la ruralité. A la limite;
nous nousefforcerons de proposer des essais d'analyse rela-
tifs aux effets d'attente dans la définition du pr~jet et
du modèle dlavenir dans la représentation de la'ruralité ;

- 1-71 -
en que1q~e sorte, l'analyse catégorielle des prospectives
définies comme des perspectives organisées vers l'avenir.
4.5. Présentation catégorielle de l'analyse des représenta-
tions des attentes, des désirs et du devenir de la rura-
lité par rapport à la définition des prospectives
Nous optons dans cette phase de nos essais d'écri-
....-
ture pour une présentation catégorielle de nos résultats,
présentation qui devait nous permettre d~ repérer
- D'une part les points de convergence entre les
individus, et ce, quels que soient leur groupe d'appartenan-
ce et leur degré d'implication dans le rapport à la rura1ité.
Ce sera une tentative d'analyse des consensus, autrement dit
les points d'accord. Pa! consensus, nous entendons une dé-
marche cognitive collectivement partagée, et qui appara't
comme une consistance inter-individuelle sociale (1) ; selon
nous, une consistance inter-groupe.
- D'autre part, les points de divergences selon
le statut de chaque groupe d'appartenance et leur degré
d'implication dans le rapport à la ruralité. Ce sera aussi
un essai d~argumenta~ion et d'analyse des clivages; des
décalages et des hiatus perçus. C'est-à-dire, une -exemp l t>
(1) Nous empruntons cette expression à Moscovici, in Psycho-
logie des minorités actives, p. 134, 1979.

- 172 -
fication de ce sur quoi portent les points de désaccord dans
la formulation des attentes et du désir chez les groupes sol-
licités.
4.5.1.
Essai d'analyse des consensus dans la représenta-
tion de la rura1ité
Sous ce titre, nous eSSayons, dans une tentative
d'élaboration exp10rative de rendre compte des attitudes et
des désirs communs pris en charge par tous les individus,
et ce, comme nous l'avons indiqué plus haut, quelle que soit
leur appartenance de groupe, ou même leur place dans la for-
mation sodo-économique. Il semble, d'après l'analyse des dis-
cours recueillis, que les axes et les supports de ces consen-
sus s'inscrivent autour des points suivants:
• IIL'a.mét-i.oJta.:t-i.on e:t ta. :tJta.n.6ooJtma.:t-i.on de.6 c.ond-i.:t-i.on.6
.6oc.-i.a.te.6 de v-i.e e:t de :tJta.va.-i.t en m-i.t-i.eu JtUJta.t"
• "La. va.toJt-i..6a.:t-i.on de t'-i.ma.ge .6oc.-i.a.te de ta. JtuJta.t-i.:té".
'Cette attitude collective, qui vise en quelque sorte une
volonté d'émancipation et de prise en compte de la rura1ité,
telle qu'elle apparaît dans le discours, nous semble être
un point de cristallisation et d'accrochage privilégié dans
l'analyse des
représentations que nous étudions. Cette simi-
litude de pensées paraît être un point d'ancrage ayant une
signification centrale dans l'approche de la rura1ité, indé-
pendamment de l'existence de sous-représentations. Par signi-
fication centrale, il faut entendre la présence

- 173 -
d'élément~
de la ~ep~é~entation qui jouent
un ~ôle 6ondamental, au ~en~ e'e~t pa~
~appo~t a eeux-ei que ~e dé6ini~~ent et le
~ôle et la plaee de~ aut~e~ élément~"
(J.C. Abric, M. Dou, M. Gustsatz, 1978).
Par rapport à notre recherche, cette mobilisation
commune
dans la définition, voire dans la désignation, des
conditions sociales d1existence en milieu rural, comme des
points ou des thèmes d'insistance, dans la représentation
des attentes et des désirs,
et laisse suggérer que cette
dimension
- "amllio~ation de~ eondition~ de vie et
de t~avail, et la valo~i~ation de l'image
~oeiale de la ~u~alité" -
se révèle ainsi comme déterminante, voire fondamentale dans
la construction des tmages de la ruralité. Cette volonté
commune affirmée et partagée apparaît avec netteté chez tous
les individus interrogés, comme en tém~ignent ces quelques
extraits tllustratifs
"Nou~ devon~ amélio~e~ leu~~ eondition~ de
vie"
(C.R.)
"Il 6aut maintenant amélio~e~ le~ eondition~
de vie de~ ~u~aux" (cadre: dével. rural).
"Il 6aut que no~ eondition~ de vie ehangent,
e~ depui~, nou6 avon~ été ma~ginali~é~. Il
6aut que ça ehange en6in" (Rural).
Cet ensemble d1attentes et de désir formulés et
présenté sous la forme d10bjectifs sociaux à atteindre, outre

- 174 -
le fait qu'il traduit une similitude dans les idées énon-
cées, suggère pour nous l'existence d'une consistance sociale
et individuelle. Cette attitude collective semble signifier,
en ce qui nous concerne, l'existence de points de vue cohé-
rents dans le support de l'appréhension de la ruralité. Cela
suggère aussi qu'il existe une image sociale globale défa-
vorable et dépréciative de la ruralité, comme devant être
modifiée. Cette perception de l'image des conditions·sociales
est une représentation de la ruralité perçue comme un monde
difficile. Au total, l'ensemble des discours recueillis dé-
veloppe une représentation globale positive de la ruralité,
mais dont la dimension - mode de vie,' e~ même condi~ion~
de vie - fait problème. L'objectivation de cette perception
sociale par le consensus relevé, semble apparaître comme un
moment privilégié, indiquant la pertinence de la ruralité
comme objet de représentation dont les points d'ancrage peu-
vent être repérés. On pense à cet égard que la dimension
"amllio~a~ion de6 condi~ion~ ~ocio-lconomique6 e~ la valo-
~i6a~ion de l'image ~u~ale" détermine les points p~obables
à partir desquels certains éléments constitutifs de la re-
présentation étudiée prennent forme. Car c'est cette'dimen-
sion qui
paraît déterminer l'existence de la ruralité comme
catégorie socio-professionnelle, voire secteur d'activités
humaines. Les éléments périphériques peuvent apparaître comme
de sous - représentations spécifiques. On suggère de cette
manière que les supports qui marquent et définissent les

- 175 -
désaccords
et les hiatus sont susceptibles d'être les axes
de ces sous-représentations ou éléments spécifiques.
4.5.2.
Etude des clivages dans la représentation des atten-
tes, des désirs et du devenir à travers les présen-
tations catégorielles.
Dans cette phase de notre travail, nous essayerons
de rendre compte, et ce, par groupe d'appartenance, des sous-
représentations spécifiques inscrites dans la représentation
globale de la rura1ité.
4.5.2.1.
Les ruraux
a) Attitudes et opinions des ruraux par rapport
au progrès en général
La population de ruraux que nous avons interrogée
a manifesté une attitude
positive et valorisante à l'égard
du p~ogère en général et du mouvement coopératif en parti cu-
lier. Par ailleurs, ce progrès constitue pour eux un idéal
à atteindre. Cette attitude s'est traduite dans un discours
ambivalent et non contradictoire. Ainsi, cette population,
nous a affirmé entre autres des positions de principe va1o-
risantes et éva1uatives du genre:
"le p~og~l~ ere~~ bien;
on nre~~ pa.~ eonüe ç.a.". Mais cette même population reconnait
très nettement les conséquence~ que provoque et entratne

- 1 76 -
ce progrès dans leur mode de vie, plus particulièrement
l'augmentation du coOt de la vie qu'elle dénonce. Ainsi
juge-t-elle, pourrait-on dire, le progère à travers des si-
tuations et des moments précis de leur vie quotidienne. Au-
trement dit, le fait de leur inscription dans la perspective
du modèle officiel, avec en toile de fond le progèrs et la
modernité, crée chez eux de nouveaux besoins nécessaires à
cette indispensable adaptation à la modernité, comme élément
et symbole du progrès
"S'il 6aut choi~i~, on choi~i~a la ~oci~t~
de p~og~~~. On e~~aie~a de ~'y adapte~".
Les ruraux affichent de cette manière un vif désir d'adap-
tation et un choix quasi volontaire pour l'adhésion à l'idéal
que constituent pour eux le pro~rès et la modernité. Cette
double attitude repose à notre avis sur deux désirs ou
attentes fondamentales à leurs yeux
. Un désir pressent d'ouverture à la modernité, qui
les pousse
à
transcender tous les écueils qui jalonnent
les chemins de la modernité ou de la modernisation, car la
modernisation est un comportement qui s'achète et se paie,
et impliquant en cela acceptation et adaptation, voire des
contraintes sociales .
. Un désir, enfin, d'évolution, qui passe par la maî-
trise du progrès et des éléments présents dans la moder-
nité, dont les ruraux mesurent la portée et l'impact,
voire la dimension dans leur vie quotidienne.

- 177 -
"Maintenant, noul.! avonl.! de.« no u.ces pair.
quellel.! noul.! allon6
aux champl.! ••• Il y a
deI.! véhiculel.! I.!UIr. leI.! Ir.Oute6 de nol.! champl.! •.•
On n'el.!t pal.! contlr.e ce 6ait ••. Au contlr.ai~e,
noul.! en voulonl.! davantage. N06 en6antl.! vont
à. l'école,
c'el.!t bien ••• ".
~ette approche positive du progrès, inscrite dans l'évalua-
tion des éléments de la modernité présents dans la quoti-
dienneté des ruraux, apparaît comme un pôle de satisfaction
des ruraux devant la modernité incarnée par le progrès, qui
est pensé comme un point d'accrochage dans cette appréhen-
sion éva1uative de la rura1ité, comme situation vécue.
b) Attitudes et opinions des ruraux par rapport
au modèle de revendications, de participation
sociale et du modèle du
devenir
Le premier élément qui caractérise ce modèle de
revendication, de participation sociale et du devenir~ est
une affirmation de leur capacité, de leur aptitude et de
leur disponibilité â "être de la société" dans laquelle ils
se trouvent après tout insérés, et qui est aussi la leur.
Ainsi ils traduisent et manifestent leur ouverture et leur
adhésion â cette intégration au modèle dominant, qui implici-
tement ou explicitement règle leur vie et modèle leur compor-
tement sous tous les rapports. Ils condamnent la si~uat1on
marginale qui leur est faite, parce que ne ma1trisant pas
efficacement les normes de la société globale de référence.

- 178
De la sorte, ils affirment et affichent leur plus vif désir
d'évolution sociale et d'acceptation du modèle social domi-
nant, en revendiquant une identification de leur statut par
rapport au profil de l'agriculteur idéal, tel qu'il a été
présenté et défini dans l'analyse et dans l'approche du dis-
cours officiel, écrit.
"Nou~ voulon~ lt~e 60~m~~
comme l'ag~icul­
teu~ que p~ane le modlle 066iciel"
Cette volonté affirmée de comparaison sociale est aussi une
volonté tacite d'intégrer le modèle officiel. Elle se ren-
,force et se renchérit par un puissant désir d'affirmer et de
montrer leur disponibilité à une participation sociale, ac-
tivement ressentie et vécue, mais qui se heurte aux limites
imposées par leur dépendance financière et économique; écou-
tons ces extraits d'entretien:
"Nou~, le~ ~u~aux, on ne veut plu~ ~e~te~
en ma~ge de la ~oci~t~"
"Tout ce que 60 nt le~ autn e» (notamment le~
citadin~J, nou~, ~u~aux, pouvon~ le 6ai~e ...
Mai~ nou~ manquon~ d'~gent. Un ~u~al peut
~e met~e en c~avate ... "
Et très nettement, cet ensemble de désirs et d'attentes for-
mulés en termes revendicatifs pressents et d'objectifs so-
ciaux, se bouclent par une recommandation sous forme de de-
mande adressée aux citadins, en les incitant à moduler, voire
a changer l e ur conduite à leur endroit. C'est une sorte de
mise en garde inscrite dans un rapport de comparaison ou

- 179 -
da pp r obat t on sociale visant une marque de visibilité socia-
le, notamment
"Nou.6 de.mandon.6 .6e.ule.me.nt que. le..6 c.-itad-in.6
nou.6 c.on.6-idèJte.nt c.omme. e.ux-même..6".
c) Attitude et opinions de ruraux par rapport aux
liens sociaux
Dans le cadre de l'analyse de la représentation
des attentes, des désirs et du devenir, nous pensons que
l'approche du rapport aux liens sociaux nous permettra de
toucher du doigt l'expression d'un certain nombre d'attitu-
des qui, selon nous, semblent définir les sentiments et les
opinions qui marquent de façon on ne peut plus claire l'exis-
tence des attentes et des désirs exprimés ou souhaités.
C'est pourquoi une réflexion ou même une allusion - fut-ce
brève et exploratoire :- sur l'évocation des liens sociaux
nous parait être un indicateur de nature acceptée et/ou accep-
table. L'analyse du discours recueilli suggère, en tout cas"
que chez les ruraux, dans la perspectives des liens sociaux,
et ce, pour comprendre leur
désir, on observe un style de
comportement qui nous semble caractériser les groupes dépen-
dants. Qu'est-ce à dire? Ces groupes - et la psychologie
sociale des minorités le confirme bien - évoluent dans un
rapport à critère unique. Moscovici (1979, p. 232) définit
très clairement ce critère:

-
180 -
"Van4 ce ~appo~t, l'individu ou le g~oupe
qui 4ubit de4 p~e44ion4 pou~ modi6ie~ ~on
point de vue, a une imp~e4~ion d'unité avec
ceux qui ont l'initiative de ce4 p~e44ion~".
L'attitude comportementale qui a cours dans la réalité con-
crète et liée à ce type de rapport à critère unique est
1 'approbation ou la comparaison sociale. Pour les ruraux
interrogés, plus de la moitié, sinon tous, nous ont affirmé
leur désir le plus pressent de s'identifier au modèle de la
minorité dirigeante et détentrice du pouvoir. L'exemp1ifica-
tion et l'analyse approfondie de cette attitude renvoient
à
la psychologie des minorités d'une part, et d'autre part
celle de la perception et de la comparaison sociale. Notre
projet est bien limité et modeste à cet égard. Nous avons
voulu, en faisant allusion à cette tendance observée dans
nos résultats, montrer simplement comment ce style de compor-
tement, pour reprendre cette terminologie de Mosocovci (1979)
permet de situer, tant soit peu,l 'évaluation des attentes et
des désirs exprimés et/ou pensés par les ruraux dans cette
situation que nous tentons de comprendre et d'élucider. Par
rapport aux attentes, aux désirs d'évolution et ~u devenir,
dans le cadre des liens sociaux, on peut relever ces extraits
comme traduisant plus clairement 1 1esprit et la lettre des
essais d'écriture et de formulation d'analyse que nous avons
proposés antérieurement, pour caractériser ce type de compor-
tement 9bservé

- 181 -
"Si nou~ 6ai~on~ l'e66o~~ de leu~ ~e4~emble~,
c.e 4e~ai~ mieux"
"Nou~ voulon~ deveni~ c.omme eux".
d) Attitudes et opinions des ruraux par rapport
au modèle syndical
Devant la situation de frustration, de désenchan-
tement, voire d'humiliation qui leur est faite, comme on
l'a vu dans l'analyse de l'expérience vécue de la rura1ité,
les ruraux ont tous évoqué la nécessité pour eux d'organiser
une réaction collective plus forte.
Ils ont conscience que,
eux les ruraux, constituent une force sociale très importante
et qu'une mobilisation de leur part pourrait imposer un rap-
port de force à même d'infléchir et de modifier positive-
ment à bien des égards la gravité de leurs problèmes, voire
de leur situation. La manifestation latente de cette prise
de conscience de_classe possible (1), ils la souhaitent très
fortement comme une conscience de classe en soi
(2).
Qu'est-ce
à dire?
Qu'est-ce qu'une conscience de classe possible?
Qu'est-ce qu·une conscience de classe en soi? Jean Ziegler
(1978) note:
"La c.on4c.ienc.e de c.la44e p044ible ne 4e
c.on4~i~ue que ponc.~uellemen~. Elle 4u~gi~
au momen~ de c.on6li~ pa~~ic.ulie~4, i40lé4.
Le4 homme4 qui viven~ de c.e c.on6lit 4elon
une app~~enanc.e de c.la44e [de g~oupe){3)
-- ....-.. ~
( 1 ) Georges Lukacs, cité par Jean Ziegler: Main· basse sur
l'Afrique. Ed. Seuil/Combats, 1978.
(2)
( 3) Ajouté par nous..

- 182 -
eommune p~ennent alo~~ eon~eience de leu~
eommune ~ituation. Plu~ p~éei~émment : il~
~e ~endent eompte que, ee qui leu~ a~~ive
en
eommun e~t le 6ait de ee~taine~ eondi-
tion~ maté~ielle~ pa~tagée~ qui déte~minent
leu~ exi~tenee ~oeiale et délimitent leu~
e~paee de live~té".
La conscience de classe en soi marque, poursuit toujours
Jean Ziegler
"une étape plu~ avaneée de la lutte de ela~­
~e. C'e~t une ~ubjeetivité eolleetive qui
a un ea~aetè~e pe~manent. Le~ homme~ qui
pa~tieipent à ee ~u~moi, qui en ~ont inve~­
ti~, qui en 60nt leu~ ~t~uetu~e motivation-
nelle
p~op~e, ont dé~o~mai~ une elai~e
ecn~eienee d'appa~teni~, pa~ leu~ in~e~tion
dan~ l'appa~eil de p~oduetion de~ bien~ ma-
té~iel~ et ~ymbolique~, à une même ela~~e
~oeiale.
Il~ ont eon~eienee de pa~tage~ le~
eondition~ maté~ielle~ objeetive~ de eette
double p~oduetion"
(1978, p. 57).
La clarification et l lexemplification de ces deux
concepts nécessaires â la compréhension de certaines moti-
vations des ruraux par rapport â la maîtrise de leurs désirs
et de leurs attentes, apparaît comme une dimension détermi-
nante de leur relation â la société globale. Cette tendance
du groupe â une prise de conscience individuelle et collec-
tive â travers cette mobilisation et cette organisation de
leur force pot~ntielle, les ruraux la placent dans la défi-

-
183 -
nition des prospectives, dans
un idéal de modèle syndical,
pourrait-on dire. Cette organisation syndicale à laquelle
ils projettent leurs désirs et leurs attentes, ils l'ont
formulée dans leurs discours, mais en termes feutrés, au
conditionnel. Peut-être ne pensent-ils pas que eux, les ru-
raux, ont assez de force pour s'imposer et transformer leur
prise de conscience collective, en réalité inscrite dans la
dynamique sociale?
Voici l'illustration par des extraits
d1entretiens, des essais d'analyse que nous avons proposés
"Si nou~ étion~ oltgani~é~, ~i nou~ e.on~ti­
t:u,[o~ un e. 6otu:e. ~ 0 e.ial e , nou~ nou~ imp 0 -6 e.-
Ition~ de.vant toute. e.e.-6 inju~tie.e.~,
toute.-6
e.e.~ dée.i-6ion~ qui nOU-6 vie.nne.nt d1e.n haut ..•
Si nou~ ~omme.~ d1ae.e.oltd POUIt le. e.on-6tate.1t
e.t le. dilte., il 6aut agilt mainte.nant".
"Moi je. e.ltoi~ que. notlte. -6ituation pe.ut évo-
lue.It ... Ce.la dépe.nd de. nou~ e.t de. nou~ ~e.ul~.
Il 6aut ~loltgani-6e.It".
Cette référence au modèle syndical, fortement revendiqué,
apparaît aussi comme 1 1un des éléments des dimensions de la
représentation des attentes, des désirs
des ruraux, et
inscrits dans leur projet fondamental pour l'avenir d'une
part, et d1autre part ce qui pourrait donner un sens à leur
influence dans le jeu des forces sociales en présence dans
l'environnement po1itico-syndica1 de notre société. En der-
nière analyse, la référence au modèle syndical apparaît comme
une des dimensions déterminantes dans la formulation et dans

- 184 -
la définition des Prospectives. A la limite, l'approche du
.
modèle syndical constitue à nos yeux un des maillons pour
comprehdre la rura1ité dans sa réalité elle-même, et la façon
dont les individus l'appréhendent, confrontée à elle.
Elle
corrobore notre définition de la rura1ité, comme situation
sociale.
e) Attitudes et opinions des ruraux par rapport
au mouvement coopératif agricole en Côte d'Ivoi-
re et aux conxei11ers ruraux, comme agents de
relai et informateurs du modèle officiel
e.l) L'appréhension du mouvement coopératif agri-
cole par les ruraux
D'une manière générale, notre population de ru-
raux a accueilli le mouvement coopératif de façon positive.
Des affirmations de principe du genre: "la coopl~a~ive c'e6~
bien";
"la coopl~a~ive, ça nou~ aide" ...
ont été traduites
,
et argumentées très souvent. Autrement dit, l'appréhension
du mouvement coopératif a été inscrite dans un discours en
termes poostifs globaux. D'une manière unanime, ce discours
siest attaché à une analyse du rôle et des fonctions de la
coopérative au sein de l'environnement rural et dans la vie.
quotidienne des ruraux. Très rapidement, l'analyse du dis-
cours interrogé a fait apparaître deux types de représenta-
tions de la coopérative agricole, comme on le verra.

- 185 -
11 La coopérative agricole comme groupe de
- -- - - - - - - - - - - - - - - - - - -
~e_P2uyoir_e! so~m~ ~uEPQr! ~e~ ~oli~ari:
tés traditionnelles
Pour les ruraux sollicités, la coopérative appa-
rait comme une innovation dans le monde traditionnel des pra-
tiques agricoles et des. rapports de travail.
"Mainte.nant i l e.xil.>te. de.I.> plantationl.> c.ol-
le.c.tive.l.>. On al.> 1.> il.> te. au ~e.tou~ du t~avail
c.ommunautai~e., da nI.> la I.>olida~itl village.oil.>e."
La coopérative dans cette conception requiert le statut de
lieu d'entr'aide et de développement des relations socio-
affectives. Outre cette dimension axée sur les fonctions
socio-affectives de la coopérative, les ruraux pensent que
l'un des aspects positifs du mouvement coopératif agricole
c'est surtout l'accent mis sur l'organisation des circuits
de vente, et qui se révèle comme un mode nouveau pratiqué
par les coopérateurs. Désormais, c'est une délégation de
coopérateurs qui s'occupent de l'achat des produits des pay-
sans dans un premier temps, et de leur acheminent vers les
ports
d'Abidjian pour la vente.
La fonction commerciale de la coopérative apparaît
dans cette coopération comme une nécessité objective. L'élé-
ment déterminant de cette entreprise est de concurrencer,
voire d'éliminer la duperie des Libano-Syriens qui, jusqu'à
présent, avaient le quasi-monopole des achats et des ventes
des produits. De la sorte, la coopérative permet une diminu-

-
186
tion ou même une éradication du pouvoir de ces acheteurs
dupeurs, nous a-t-on confié. Ainsi les paysans sont de moins
en moins à la merci de ces monopoleurs étrangers. Dans cette
perspective, la coopérative ainsi instauré requiert
aussi
le statut et la fonction de groupe de pouvoir. Cette attri-
bution confère au mouvement coopératif une force sur laquelle
les ruraux comptent beaucoup, et qui motive leur adhésion.
Outre cette fonction précédemment citée, aux
yeux des interviewés, la coopérative a d'autres qualités.
Elle permet, affirme-t-on, d'éviter au gouvernement des ac-
tions sectorielles et individuelles d'aide aux paysans.
Sous ce rapport, la coopérative est un puissant moyen éco-
nomique.
"La eoop~~a~ive e4~ une m~~hode de ~~avail
eou~ageu4e, meilleu~e"
"La eoop~~a~ive e4~ exeellen~e pou~ llo~ga­
ni4a~ion de4 paY4an4, ea~ elle pe~me~ aux
plan~eu~4 de 4ren~~'aide~ ... Elle pe~me~ de
4loppo4e~ aux aehe~eu~4 ambulan~4, elle
~vi~e au gouve~nemen~ de4 poli~ique4 indi-
vLduelle4 e~ 4ee~o~ielle4 draide"
"La eoop~~a~ive nou4 aide. Cre4~ une ae~ion
p04i~Lve a no4 yeux. E~ je 4ouhai~e que
ehaque paY4an 4 r y in~l~e44e ... "
Mais très rapidement, ce discours laudatif qui traduit cette
appréciation "positive et reva10risante " du mouvement coo-
pératif, cède le pas aux incertitudes, au désenchantement
et aux amertumes, comme on le verra.

- 187 -
2/ Incertitudes e~ ~é~e~c~a~t~m~n~ ~a~s_l~ae
- - - - - - -
er~h~n~i2n_d~ ~o~v~m~n~ ~o2P~r~t!f_a9r!c~1~
ivoirien selon les coopérateurs ruraux
- - - - - - - - - - - - - - - - - - --
En effet, les ruraux nous ont confié que si la
coopérative se révèle intéressante dans la formulation théo-
rique, de ceux qu'ils appe11e~t les "commis u , sa réalisation
concrète dans le milieu rural pose de. sérieux problèmes d'har-
monisation et d'adéquation aux structures locales. Tous nous
ont dit et affirmé ce sentiment et, nous semb1e-t-il, avec
gravité. En particulier ils condamnent celui qu'ils appe1-
1e nt 1/ 1 ' i ntelle c tue 1/1 e t qui "p altl e. e. n ba n.6 t e.ltm e.s 1 ma-i..6
que.l .6ult le. te.ltlta-i.nI le. paqs a»: ne. c.omplte.nd plu.6".
La per-
ception d'un certain hiatus entre les ambitions et les bonnes
intentions exposées par les responsables du développement ru-
ra1, en créant la coopérative, et ce qu'elle est en réalité,
représentent pour les coopérateurs une situation difficile-
ment tolérée, et constituent l'essentiel de leurs insatis-
factions. Ces incertitudes, cette inadéquation de la coopé-
rative et la réalité rurale se doublent d'une non-maîtrise
du phénomène coopératif dans la mémoire des adhérents. Cette
image, mieux, cette perception de la coopérative-illusion
est vécue par les ruraux comme une amertume.
"L'inte.lle.c.tue.l paltle. de..6 nouve.lle..6 te.c.hn-i.-
que..6 e.n bon.6 te.ltme..6 ••• Ma-i..6 quand la c.oopé-
Itat-i.ve. e..6t lanc.ée.
le. paY.6an ne. c.omplte.nd
1
plu.6 le..6 en jeux. •. On lLe.maJLque. un déc.alage.
e.ntJLe. le..6 bonne..6 -i.nte.ntion.6 du gouve.ltne.me.nt

- 188 -
et le.6 moyen.6 qu'-il met
en oeuvlte"
"Le mouve.ment coopiltat-i6 ne colle pa6 avec
la ltial-iti corr.cltlte".
Ces critiques constituent l'un des points essentiels qui
font que la coopérative apparait aux yeux des paysans comme
un leurre qui développe des réactions négatives pouvant aller
jusqu'à la désertion, voire à une rupture avec le fait coo-
pératif. A cette non-maîtrise des objectifs de la coopérative,
s'ajoute le manque de définition d'une prospective claire
pour les coopérateurs.
"La coopiltat-ive, c'e6t b-ien.,
ma-i.6 on ne"
comp~end pa.6 tltl.6 b-ien, on ne vo-it pa6 le6
changement.6 nouveaux que ça appoltte"
"On pa~le de la coopiltat-ive, ma-i.6 jU.6qu'à.
plti6ent, ~-ien n'e.6t cla-ilt ••• Mo-i, tout ça
me dico nceltte"
"Le.6 object-i6.6 -in-it-iaux qu-i ont pltivalu
lolt.6 de.6 cltiat-ion.6 ne .6ont plu.6 ltial-i.6i.6".
Tout ce condensé fait de déceptions, de frustrations, dimi~
nue, voire paralyse, la motivation des coopérateurs à parti-
ciper à la vie de la coopérative, surtout losqu'ils y ont
cru très fermement au départ.
"La coopi~at-ive POUlt mo-i e.6t ma-intenant une.
h-i~to.i.Jr..e.•• J'y Clto-i.6 même plu.6".

-
189 -
e.2) Profils et images du conseiller rural selon
les ruraux
Pour la population de ruraux interrogés, le
conseiller rural est est bien celui qui représente le sym-
bole du progrès et de la transformation de leur mode de pra-
tique agricole. Ils le situent comme étant celui qui les
relie au modèle officiel d'agriculture conseillé par les
techniques qu'ils ignorent ou qu'ils maîtrisent mal. Cette
perception positive fait que le conseiller rural prend tour
à tour, aux yeux des
ruraux, plusieurs profils auxquels s'at-
tachent des statuts, des rôles.
· Le conseiller rural, comme garant du pro-
grès et du changement social en milieu ru-
ra 1 .
• Le conseiller rural, comme intermédiaire,
représentant le gouvernement.
· Le conseiller rural, comme éducateur .
. k~=~g~~~jll~~=bM~gl!=~~ww~=~g~g~~=gM=g~~~~~~
~~=~M=~bg~~~m~~~=~g~jgl=~~=mjlj~M=bMbgl
La présence du conseiller rural, parmi les ru-
raux; avons-nous dit, est vécue positivement par ces derniers.
L'intégration du conseiller rural, dans l'organisation dis-
cursive des ruraux apparaTt comme un élément important. Aux
dires des interviewés, le conseiller rural joue un
rôle fon-

. -
190 -
damenta1 dans leur approche de la modernité, car clest grâce
à sa présence que, eux, peuvent évoluer vers le progrès et
améliorer selon eux leurs conditions de vie et de travail.
L'écoute attentive de ses instructions apparaît comme un
gage nécessaire à leur évolution.
" Ce qu. e no u..6 6U.6 0 n.6 av ec i..e c 0 n.6 e.ii..i..elt Itu. -
Itai.. e.6t bien. Si nou..6 .6u..ivon.6 .6e.6 c.on.6e.ii...6,
on pou.ltlta c.hangelt no.6 méthode.6 de tltava.ii..".
Cette attitude de confiance qui semble naître des relations
entre le conseiller rural. et les paysans, témoigne du sta-
tut et du pr-o f t L à travers lesquels le conseiller rural est
intégré dans la mémoire des paysans. La place et le rôle du
conseiller rural s'affirment ainsi un indicateur de sensibi-
1isation autour des objectifs qu li1 représente.
Pour l' ensemb 1e des sujets, 1e consei 11 er r-e pr ê-
sente le gouvernement, car il transmet les messages et les
instructions du gouvernement en matière de politique agri-
cole, et réciproquement, ils peuvent formuler leurs besoins
à celui-ci qui
les transmettra, pense-t-on, au gouvernement.
Ce statut particulier d'agent de liaison est un facteur im-
portant pour le travail de persuasion et d'intégration qu'ac-
..
-
comp1it le -conseiller rural dans sa fonction, car c'est
cela son rôle au sein des paysans. Cette perceptio~ du con-
.
.
.....
sei11er par le coopérateur semble avoir un impact sur 1 'at- ~:

- 191 -
titude des ruraux dans les relations de travail, et l'image
globale qu'ils se font de la pratique du conseiller rural
en leur sein. Ils développent de la sorte des attitudes et
des évaluations positives qui traduisent, pensons-nous, leurs
motivations à intégrer le modèle agricole proposé.
"Le~ con~eillen~ nunaux poun nou~, ce ~on~
le~ envoyé~ du 90uvennemen~ ... Nou~ le~
écou~on~. Nou~ ~omme~ con~en~~ de leun~
in~enven~ion~. Nou~ aimon~ leun~ ac~ion~.
Je voudnai~ ê~ne un a9nieul~eun 60nmé a
leun école"
"Le con~eille~ nunal, il joue un n51e de
liai~on, d'in~enmédiainen .
• Le conseiller rural, comme éducateur
=~====================:=============
L'un des profils par lesquels les ruraux dési-
gnent le conseiller rural est celui d'éducateur. Certains
paysans l'appellent même "no t r e pa t r on" (1). C'est par lui
qu'on acquiert les nouvelles techniques agricoles. Il ex-
plique ce qu'il faut faire. Il sait aussi remonter le moral.
Ainsi, le conseiller rural joue le rôle de thérapeute, ce
qui apparaît pour les ruraux
.comme fondamental dans les re-
1ations qu'ils entretiennent avec celui-ci.
"Le con~eillen joue un nôle ~nè~ impon~an~
dan~ no~ne vie ; il nou~ en~ei9ne le~ nou-
velle~ mé~hode~ ag~ieole~... Quelque6oi~
(l) patron = guide, maître, éducateur en langue locale du
-
pays.

·
-
192 -
~l nou~ appo~~e de l'a~de mo~ale quand on
en a be~o~n ... Il nou~ ~emon~e le mo~al
quand ~l le 6au~N.
f) Attitudes et opinions des ruraux vi~-à-vis
dellécole
Pour les ruraux, l lécole occupe une grande place
dans les rapports entre les individus.
Elle définit, selon
eux, la nature des catégories sociales et la division socia-
le à certains niveaux du~travail, à telle enseigne qu'elle
contribue à la différenciation socio-économique et cultu-
rel le, voire socio-géographique. Dans leurs analyses, les
r ura ux s u99ère nt que l a vil l e .: est l e lie u , en 9é né ra l, des
intellectuels, "de ceux qui "ont été à L' co l e
et la rura-
é
v
,
lité, celui des travailleurs de la terre. Car pour eux, et
ils llont exprimé, il y a deux alternatives possibles: soit
on va à llécole, et on devient "intell'ectuel ll , en principe
citadin; soit on nia pas fréquenté llécole, et on devient
soit un travailleur manuel ou un travailleur de la terre.
Cette vision des différenciations sociales, traduites par
les ruraux, bien que réductrice de la réalité elle-même, ap-
parait comme un maillon de leur image de llécole, comme un
indicateur de promotion sociale et humaine.
NC'e~~ pa~ee'que nou~ n'avon~ pa~ (~~ a
l'~eole que nou~ ~omme.s devenu.s des ~u~aux,
, il

193 -
e~ que nouJ JommeJ danJ ~e~~e J~~ua~~on p~é­
Jen~e"
affirment-ils. Aujourd'hui, dans la société ivoirienne, et
tout le monde le sait, y compris les ruraux
eux-mêmes, l'é-
cole est un moyen de réussite et de promotion sociale, voire
d'épanouissement de la personne humaine.
Parce qu'elle est la clé du progrès, l'école de-
vrait les aider, eux aussi, à sortir de leur situation. C'est
ainsi qu'ils fondent tout espoir sur les enfants qu'ils ont
mis à l'école, et qui, selon eux, doivent leur venir en aide.
Cette représentation sociale de l'école par enfants inter-
posés traduit pour nous une des dimensions de son statut,
comme indicateur de changement et de transformations socio-
cultruelles. Cette perception et cette vision de l'école nous
éclairent aussi sur une certaine représentation de l'enfant
scolarisé dans les milieux ruraux, voire africains en géné-
ral, comme ayant une image "d'enfant-investissement" qui doit
rapporter. Les extraits d'entretien ci-dessous cités semblent
traduire les tentatives d'analyse et les essais d'écriture
que nous avons proposés précédemment
r'NOJ pa~en~~ ~c.ala~~~en~ leu~J en6an~~.
Ceux qu~ ~éu~~~~~en~ a l'éc.ole dev~ennen~
en géné~al deJ c.~~ad~nJ. Ceux qu~ éc.houen~
le plu~ ~ouven~, ~ev~ennen~ a la ~e~~e...
IlJ dev~ennen~ de~ pay~an~".
"Je pen~e au~~~ que ~~ nou~ ~e~~on~ a la
~e~~e, c.'e~~ pa~c.e que nou~ ne ~omme~ pa~

- 194--
allé~ a lréeole ... En v~lle,
~e ~on~
le~ "~n~eUee~uel~ Il ".
"Nou~ a~mon~ le monde mode~ne. No~ en6an~~
von~ a lréeole ; ~l~ peuven~ nou~ ven~~ en
a~de, pu~~que nou~, nou~ ~omme~ de~ pay~
~~l~ ~ouven~ démun~~".
4.5.2.2.
Les citadins et les populations associées ( 1 )
Pour ces deux types de population, définis dans
le cadre méthodologique de notre recherche, le matériau
recueilli à propos de la représentation des attentes, des
désirs et du devenir des ruraux, reste assez pauvre. Par
rapport à cette observation, non m6ins intéressante et née
de nos résultats, nous formulerions cette simple impression
d'ensemble, mais qui reste à vérifier. Pour ces deux grou-
pes de population, pensons-nous, il n'y a pas la formula-
tion d'une prospective pour les ruraux: c'est-à-dire que
le discours recueilli chez les citadins et les instituteurs
du village sur cette dimension très précise de notre inves-
tigation n'envisage pas une définition ni de désirs exprimés
ni d'attentes formulées pour les ruraux, comme pouvant leur
servir de modèle de devenir. comme nous le verrons dans le
discours des cadres du développement rural et celui des
conseillers ruraux. Par contre, les discours recueillis sont
assez riches en éléments d'appréciation et d'évaluation de
l'attitude des ruraux par rapport à la modernité;
(1) population aSSOClee : population vivant en milieu rural,
'!lais.n'ayant pas une pratique t'agricole,
-(commerçant
, n~+' +"+"',, .. \\
.

195
"Le~ villageoi~ a~pi~ent d une vie qui ~e­
~ait ~emblable d celle de~ gen~ de la ville
Que nou~ ~omme~"
"rl~ veulent avoi~ de~ ~lali~ation~, comme
celle~ p~opo~le~ aux citadin~n.
Cette évaluation positive de l'attitude des ruraux, qui se
révèle aussi comme un besoin, un désir ressentis par les ru-
raux
et
présenté
par les citadins, constitue l'ossature
des discours des deux groupes considérés dans la représenta-
tion du devenir et des attentes des ruraux. Ces attentes re-
présentées rencontrent très rapidement leurs limites, car
les citadins en prennent conscience et l'exposent assez net-
tement.
"Le~ villageoi~ voient la mode~ni~ation
d'un bon oeil, mai~ ça dlpend de~ moyen~
dont il~ di~po~ent, ca~ la mode~ni~ation,
. .
cre~t de l'a~gentn
(Citadin, n° 5).
Il apparaît alors dans l'entretien une focalisation sur l'ar-
gent à la fois comme indicateur de transformation socio-
économique et comme un moyen de la modernité. Cette impor-
tance accrue de l'argent, tout comme de l'école, apparaît
comme un élément essentiel dans la représentation du modèle
officiel lui-même.
..

- 196 -
4.5.2.3. ~~~i~~Q~~!_Q~iQiQQ~_g~~_~~Qr~~_Q~_g~Y~lQ~~~~~Q~_r~­
r~l_~~_g~~_çQQ~~ill~r~_r~r~~~~_~~r_r~ppQr~_~_l:~Q~­
It~~_g~~_~~~~Qt~~~_g~~_g~~ir~_~~_g~_g~Y~Qir_g~~_r~­
r~~~_Q~Q~_l~_~QQ~_g~~~~r~b~Q~iQQ_Q~_l~_r~r~li~~
Nous avons indiqué dans l'analyse des discours
sur la ruralité et de la position des individus dans la pro-
duction de ces discours (cf. 4.2.1)
que ceux des cadres
du développement rural et des conseillers ruraux apparais-
sent comme des discours de persuasion, volontaristes et de
nature politico-idéologique. C'est-à-dire que ces discours
fonctionnent pour assurer la primauté dur/modèle de savoir
de la minorité détentrice du pouvoir politique. Ce sont des
discours d'intégration sociale dont la prospective, comme
nous allons le voir à l'issue de nos analyses, définit le
clivage entre les attentes et les désirs des ruraux, au re-
gard de ceux proposés par le modèle officiel. La centration
des désirs et des attentes du pouvoir à travers le modèle
qulil diffise en milieu rural est fondée sur des rationali-
tés utilitaires qui inspirent l'orientation globale du dé-
veloppement socio-économique de la ruralité,comme nous y
reviendrons, et la focalisation, comme on lia vu, des moti-
vations des attentes des ruraux, sur des revendications
socio-économiques et humaines rendent possibles des pistes
de débats et de suggestions dans la formulation des pros-
pectives~ Llévaluation et la transofrmation des discours ins-
pirés du modèle officiel sur la ruralité indiquent un enri-

- 197 -
chissement du champ sémantique adapté à la ruralité, et
éclairent tant soi peu le sens des discours qui caracté-
risent les profils psychosociologiques de la ruralité telle
qu'elle est appréhendée par le modèle officiel.
Nous avons ainsi retrouvé dans cette approche
de la ruralité les mêmes thèmes développés dans le discours
écrit reccueilli par l'étude des traces dont nous avons
tenté un essai d'analyse psychosociologique. Cette simili-
tude du discours des cadres et des
conseillers ruraux, avec
celui des autorités politiques, permet de soutenir que ce
discQ~rs
est un discours de reproduction du modèle officiel.
Ces discours traduisent quatre états de la représentation
de la ruralité, lesquels définissent le schéma explicatif
théorique du modèle officiel (cf. chap. 4). Le poids et la
valence de ces états se situent· au niveau des transformations
sémantiques qui caractérisent ces études dégagées.
Il y a vingt (20) ans cette organi sation sémanti-
que du discours était absente chez les' individus sollicités.
Cette évolution, voire cette transformation du discours,
permet d'argumenter
sur une transformation perceptible
liée à la représentation de la ruralité elle-même. Bien au-
delà de cette évolution du discours, processus lui-même lié
à la dynamique du rapport socio-économique et politique pré-
sent, ce sont surtout les relations et les modes de pensées
individuels et collectifs qui sont affectés, et" qui définissent
pour ce faire un nouveau type de rapport social et un nou-

-
198 -
veau typ~ d'individu sur l'échelle des cartes sociales,
comme on le verra. Cet ensemble de transformations consti-
tue pour nous les nouvelles images de la ruralité. Elles
s'ancrent, c'est-à-dire ont pour support les effets d'at-
tente par rapport au processus d'intégration et d'adhésion
des ruraux, par .exemple à l'entreprise du développement ru-
ral.
Il devient par conséquent nécessaire de rechercher,par
delà ces évolutions, ce que recouvre la matière de ces dis-
cours. C'est ce que nous essayerons de faire, dans le cadre
précis du discours des responsables du développement rural
des conseillers ruraux. On essaiera de montrer les supports,
c'est-à-dire ce sur quoi
portent les points de clivage
par rapport à la définition des prospectives.
1) k~=~1~~gM~~=~~~=~~~~g~~gg!~~=~M=~~~~lg~~~~~~~=~M~g!
et des conseillers ruraux dans la définition des
================================================
effets d'attente et du modèle de devenir des ruraux
========~==========================================
Nous avons antérieurement souligné,dans l'analyse
du discours officiel écrit à travers l'étude des traces,que
la mise en place des profils psychosociologiques apparais-
sait comme une dimension déterminante dans l'évolution des
désirs et des attentes des responsables du développement rural
et des autorités politiques.
L'analyse du discours verbalisé,
issu
des entretiens et de ses énoncés dans leurs indications,
apportent des éléments d'appréciation sur la construction et
l'élaboration des profils psychologiques imposés par les

-"199 -
impératifs de l'idéologie du développement. Ce désir des pro-
moteurs du développement rural t dicté par les normes impé-
ratives du modèle socio-cu1ture1 qu'ils représentent
et
t
inscrit dans la dynamique po1itique
suggère pour eux un
t
modèle d'agriculteur identique à leur canevas propre; c'est-
à-dire correspondant à leur code de descrimination sociale.
Cette volonté de pensée affirmée et posée comme un idéal
social t les contraint à une recherche de la transformation
des mentalités paysannes
comme condition sine qua non à
t
la réalisation de leurs désirs représentés. Cette ambition
passe alors par la reconversion des mentalités rurales et
avec el1es
la création d'un nouveau type de
paysans
comme
t
t
on l'a vU
et qui se situeraient aux antipodes du paysan
t
traditionnel tel qu'on se le représente jusqu'alors
"Il 6aut e~le~ ~ne llite de pay~an~ qui
a le~ moeu~~ llevle~, et qui ~'intl~e~~e
~lellement à la p~atique ag~ieole mode~ne,
ea~ il n'e~t plu~ que~tio~ de pa~le~ de
pay~an~ pa~~i6~, ab~entli~te~" (Cadre du
développement rural, C.D.R.).
Cet extrait, outre la nouvelle image qu'il pré-
sente de la ruralité, situe les moyens pour la réalisation
et la concrétisation du modèle théorique officiel. Il s'agit
d'une action centrée sur un noyau d'individus ou de groupes
présentés comme des individus pouvant susciter la motiva-
tion des autres à la participation au développement. C'est
la définition des moyens.

- 200 -
De la sorte, cette image nouvelle de la ruralité
mise en place, et qui se projette sur un profil de l'agri-
culteur rêvé, constitue bien un révélateur de l'imaginaire
culturel des responsables. Cet imaginaire se profile avec
netteté sur le processus d'intégration des ruraux dans la
mystique du développement. Le thème d'insistance qui appa-
raît dans leurs dis~ours est le concept "développement".
En effet, pour l'ensemble des individus concernés, l'adhé-
sion des ruraux aux projets de développement apparaît comme
un leitmotiv. Cet effet d'attente puissamment ressenti par
ce groupe, s'organise autour d'une modification des compor-
tements des ruraux en faveur de la création d'une conscience
qui va à l'encontre des attitudes de résistance au change-
ment, donc à favoriser des attitudes réceptrices. Cette re-
cherche constante de l'adhésion de la ruralité aux entrepri-
ses du développement constitue l'attente et le désir les plus
attendus par les cadres et les conseillers ruraux.
"NOU4 voulon4 ob~eni~, de4 eommunau~l4 vil-
lageoi4e4,
de4 a~~i~ude4 e~ de4 eompo~~e­
men~4 qui ~avo~i4en~ leu~ pa~~ieipa~ion au
p~og~amme de d(veloppemen~"
"Il ~au~ ~(veille~ en quelque 4o~~e leu~
eon4eienee a~in qu'il4 pui44en~ 4'app~op~ie~
d'une maniè~e eone~è~e le4 me44age4 e~ 4U4-
ei~e~ leu~ p~~ieipa~ion au développemen~...
Il ~au~ une innova~ion pa~~ieipa~ive~.
Cet éveil des consciences rurales passe par la formation
de personnels et d'agents d'encadrement assez éprouvés. Le

-- 201 -
conseiller rural se révèle être l'homme de 1a:situation. Sa
perception, voire la définition de son profil chez les res-
ponsables, apparaît comme un i~dicateur particulier. Si le
conseiller rural, aux yeux des ruraux eux-mêmes, comme nous
1 lavons montré précedemment, se présente tour â tour comme
le mail1on·.du changement social en mil ieu rural, comme un
agent de liaison et comme éducateur, chez les cadres et les
conseillers ruraux eux-mêmes, l'indicateur sur lequel l'accent
est particulièrement mis, ce sont les évaluations des quali-
tés psychologiques et morales autour desquelles s'organise
1e profi 1 du consei 11 er rura 1 tel qu 1il ressort dans 1es
discours sollicités. Ces qualités semblent définir le mieux
le conseiller rural dans la pratique de son métier et dans
1 lexercice de sa fonction d1agent de liaison. Ces exigences
.
recommandées aux conseillers ruraux rentrent dans le cadre
global de la formation des personnels d1encadrement aux fins
d1atteindre les effets d1attente projetés dans cette vision
stratégique de la rura1ité, comme support de 1 léconomie. Voi-
ci 11i11ustration des essais d'analyse antérieurs:
"Le confJeilleJL JLUJLal doit avoiJL une conduite
iJLJLépJLochable POUJL êtJLe eJLédible aupJLèfJ defJ
paYfJ anfJ " •
"Il doit fJ e mettJLe au niveau des paYfJ anfJ"
"Le eonfJeilleJL JLUJLal efJt un enfJeignant, il
doit êtJr.e patient et bon eooJLdinateUJL".
t
.t

- 202 -
2)
~~g~M~=~~=r~l~=g~~=~gQ~~jll~r~=rMrgM~=ggQ~=l~
~rg~~~~M~=gM=g~~~l~~g~W~Q~=rMrgl
L'un des éléments souvent évoqués dans l'appré-
hension de la rura1ité, c'est la description de la pratique
des conseillers ruraux et la représentation de leur statut
et de leur rôle. On assiste aune appropriation individuelle
et collective du projet nommé "déve1oppement rural ". Les
conseillers ruraux s'attribuent dans leur rôle la paternité
et la responsabilité selon eux, de promouvoir le changement
en milieu rural d'une part; d'autre part ils se définissent
comme les artisans de cette promotion du développement rural.
La conjugaison du statut et du rôle affectés aux conseillers
ruraux les amènent a une appropriation individuelle et
a
une prise en charge de l'évolution socio-économique des ru-
raux :
"Je ~ui~ le 6e~ de lanee du d~veloppemen~
~u~al"
(C.R. n° 8).
"Nou~ voulon~ que le paY6an a~~eigne la mo-
de~ni6a~ion. Pou~ eelŒ, nou6 eollabo~on~
avee le.~ o~gani~me6 de e~~di~"
"NOU6 ~ omme~ d~~e~minê.~
à. e~~e~ c e.ct:« ela~~ e
d'ag~ieul~eu~~ 6emblable6 à. eeux de6 pay~
~iehe6 "
"Nou~ voulon~ amene~ le pay~an ve~~ la lu-
miè~e"
"uou» ~ omme~ des m~dia~eu~~"
"Nou.s voulon~ que le pa.y~an p~oduL6e plu~".

-
203 -
Cet ensemble de motivations, de désirs et d'atten-
tes formulés résume bien le projet fondamental du modèle
de devenir qui sous-tend la prospective des représentants
du modèle officiel en milieu rural. Il semble très claire-
ment, et selon les entretiens réalisés qui l'ont montré, que
cet ensemble d'attentes et d'attitudes s'inscrit dans un
double objectif stratégique:
• Un objectif pédagogique, axé sur l'améliora-
tion des connaissances individuelles et collectives dont
le but est de libérer les potentialités inexplorées. Cette
entreprise nous semble être fondée sur le rendement et la
rationalité.
"Nau~ avan~ pau~ mi~~ian de ~en~ibili~e~
le~ paq~an~",
"leu~ danne~ u~e lduea~ian p~lalable",
"le~ aide~ a mal~~i~e~ le~ ~eehnique~ made~­
ne~" .
• Un objectif politico-idéologique et économique
Cet objectif prend appui sur la mise sur pied
d'une politique agricole ~asée sur la rationalité de type
utilitaire. Cette politique a pour ambition le rendement à
tout prix, et hypothèque en cela la place fàite à la dimen
sfOn humaine dans le processus du développement rural, car
el1ë minimise la définition des beoins des ruraux.
"Nau~ vaulan~ a~~eoi~ une ag~ieul~u~e ea-
pable d'in~l~e~ le paq~an 'da~ le dlvelop-
pemen~ de la Ca~e d'lvai~e"

:. 204 -
"Nou~ voulon6 aiden le~ paY6an6 a pnoduine
plU6
et a augmenten leun pnoduc.tion"
"Nou~ voulon6 atteindne c.et objec.ti6 poun
le c.ompte du dlveloppement de notne paY6".
3) ~~~g1=~~1Q~~~g~~~~~1gQ=~=Eg~1gQg11~~=M~111~~1~~
~~=~M~g11~~
Nous avons relevé dans l'analyse précédente de
l'approche des discours sur la ruralité, que le discours
des conseillers ruraux et des cadres du développement rural
était un discours volontariste et intégratif. C'est aussi
un discours de
reproduction, avons-nous montré, du modèle
officiel. Il s'inscrit, dans cette perspective dans la logi-
que de l'idéologie du développement idéologie elle-même dé-
finie par le système socio-po11tique dominant. On est amené
à constater dans les analyses que ces discours ont pour ca-
ractéristique fondamentale d'être circonscrits dans la logi-
que d'une rationalité utilitaire, comme on essaiera de le
montrer.
Le modèle de devenir qui ressort de ces discours
est un modèle qui hypothèque, voire ne prend pas en compte
la dimension de l'homme qui est censé être la trame du dé-
veloppement rural. Il apparait ainsi que le discours des
cadres du développement rural et des conseillers ruraux se
révèle à nos yeux comme un discours stratégique, dont le but
fondamental reste axé sur le rendement et la productivité.

-
205 -
"Il 6a.ut tout me.ttlte. e.n oe.uvlte. POUIt pltO-
duilte. pluh"
pose-t-on comme priorité. Cette centration sur la production,
et ne prenant pas en compte nombre d'éléments s'avérant comme
très importants pour les ruraux eux-mêmes, tels la transfor-
mation de leur mode de vie, leurs conditions de vie,
et. la
promotion ·affirmée,
nous
confirme_très
nettement le caractère utilitaire de cette conception
de
ce développement rural. Il n'y a pas d'indicàtion correcte
et adéquete d'amélioration des conditions de vie, éomme ces
indications le sont à propos de l'élaboration du modèle théo~
rique officiel précédemment analysé. L'amélioration de s con-
naissances dont il est question, pour assurer la ma'trise
des techniques imposées par l'exigence du rendement et de
la productivité, a pour fondement, à notre avis, et comme
toute politique axée et fondée sur cette finalité ainsi ca-
ractérisée, une éclosion des potentialités encore inexploi-
tées, afin de mieux en tirer profit.
En définitive, ce mode d'orientation et de con-
ception de la politique de développement de la "rura1ité",
tel que nous le connaissons, doit être soumis à la critique
et être interpellé, car ne s'appuyant spécifiquement que sur
la dimension du couple production/rendement, ce mode d'orien-
tation du développement rural ne fait qu'introduire, en mi-
lieu rural, la forme d'organisation du travail existant dans
le milieu industriel, et quia réussi le système économique

-
206 -
présent
dans le monde ouvrier: c'est-à-dire l'intégration
.
des ruraux dans le circuit socio-économique domimant. Cet
effort d'intégration socio-économique de la ruralité semble
cristalliser et polariser le modèle de devenir que le pou-
voir politique propose à la ruralité. Alors que la défini-
tion du modèle de devenir visé par les ruraux semble s'or-
ganiser autour d'une revendication socio-humaine, une trans-
formation de leur mode de vie, une amélioration de leurs
conditions et une volonté de promotion affirmée et d'appro-
bation sociale, le modèle offert par le pouvoir politique
aux ruraux s'élabore dans un cadre politico-économique basé
sur une rentabilité qui ne prend pas en compte et la défini-
tion et l'orientation des besoins effectifs des ruraux.
Au total, et en guise de conclusion, l'analyse
catégorielle des représentations des attentes, des désirs
et du devenir des ruraux, dans l'approche de la ruralité,
semble avoir permis de dégager la permanence des empreintes
des appartenances de groupe dans la définition de la rura-
lité. Cette étude catégorielle nous a éclairé au moins sur
deux points fondamentaux par rapport à nos hypothèses théo-
riques
a) la permanence d'une démarche cognitive collec-
tivement partagée dans l'approche de la ruralité, et qui
appara1t comme une consistance inter-individuelle~sociale,
mieux, un consensus. Ce consensus s'inscrit dans une
représentation dela ruralité comme un monde difficile.

- 207 -
Il s'ancre alors dans une image sociale globale défavo-
rable de la ruralité,
et considérée comme devant être
modifiée.
Ce consensus s'étaie ainsi sur une image des
conditions sociales,sur le mode
de vie.
b) L'existence de positions différenciées qui
portent- nettement la marque des appartenances de groupe.
Ce second point a constitué pour nous les clivages per-
ceptibles dans la définition des prospections pour l'éla-
boration du projet fondamental, relatif aux attentes,
aux motivations, le devenir. Ces clivages semblent se cris-
talliser sur des zones d'intérêt propre aux différents
groupes sociaux :
- pour les ruraux: la recherche d'une approba-
tion sociale de leur catégorie d'une part,
et d'autre part le désir d'une promotion affir-
mée à travers la revendication de conditions socio-
économiques
meilleures, plus viables.
- pour les informateurs (conseillers ruraux)
et les cadres du développement rural (les concepteurs)
, Une volonté stratégique, axée sur une intégration so-
cio-économique des ruraux. Cette stratégie s'articule
autour du couple production/rendement. Elle constitue
ainsi les motivations et les attentes des informateurs
et des concepteurs à l'égard des ruraux.

- 208 -
Ce clivage décelé se situe à nos yeux au niveau
de la désignation des motivations pour une définition stra-
tégique des prospectives d'une part, et d1autre part, au
niveau des finalités globales attendues. Ce clivage apparaît,
avons-nous dit, comme marqué par l'empreinte des appartenan-
ces de groupes.
4.6.
Synthèse
sur l'analyse des représentations de la
ruralité
L'analyse des représentations sociales de la ru-
ralité a été menée par quatre axes que nous voulons mainte-
nant résumer.
1) L'étayage du discours sur la ruralité : orga-
nisation et structuration du champ représenta-
tif sémantique

- 209 -
nous permet à présent d'affirmer qu'à 1 'heure actuelle, si
l'on parle de la rura1ité dans notre société, il semble qu'on
en parle toujours et de façon spontanée selon les dimensions
suivantes:
· en terme de comparaison vi11ej"brousse",
· en terme de modèle culturel,
en relation aux pratiques,
en rapport avec le modèle de savoir moderne dominant,
en rapport avec l'environnement économique immédiat,
· en relation avec le modèle extérieur (pays industria-
1isé).
La présence de la rura1ité dans le "choeur" co1-
1ectif (1) des individus sollicités la situe pour nous comme
un objet de représentation sociale. Cette situation sociale
définie par la rura1ité apparaît ainsi, comme un schème, un
"opérateur cognitif ll (2), parce qu'elle éveille des échos
qu'organisent les discours à son propos. Ce sont ces échos
,
dont l'analyse des représentations a tenté d'expliciter et
de rendre intelligibles.
2) Les caractéristiques du discours sur la rura1ité
Dans cette diversité des modes d'approche et de
connaissance de la rura1ité
comme objet social, on est
(1) L'expression est de S. Moscovici (1976, p. 66). Ce "choeur"
collectif ajoute Moscovici,. "c'est simplement l'opinion
publique, comme on l'appelait autrefois".
-
(2) Claude F1ament (1979~ p. 3), le définit comme ce qui struc-
ture les réponses en fonction des échos que les questions
ont évoqués dans le champ de la représentation.

- 210 ;.
amené à constater l'existence de trois discours dans L' e ppr ë-
hension de la même réalité: trois discours dans une même
représentation :
- un discours laudatif,
- un discours dépréciatif,
- un discours prospectif.
Ces trois discours se différencient dans la représentation
étudiée par leur statut respectif, comme nous l'avons montré
dans les analyses antérieures. Ainsi ils s'insèrent dans la
dynamique discursive qui marque les diverses appréhensions
de la rura1ité.
3) L'analyse du vécu de la rura1ité
Cette approche de la rura1ité, telle que nous
..
l'avons envisagée, repose sur trois dimensions essentielles
· Ce vécu de la rura1ité est axé de façon prépondé-
rante sur le vécu subjectif du statut propre des ruraux.
Ce statut est tributaire de 1 'histoire collective de
leur groupe, de l'expérience personnelle de chacun d'eux,
de leurs rites et de leur culture (1) spécifique.
· Ce vécu est aussi une explicitation des réactions
des ruraux par rapport au système et par rapport aux
autres groupes sociaux.
· Enfin, ce vécu est lié aux pratiques sociales
(1) Le terme "cu1ture U ici s'apparente à la notion de "civi-
l i s a t t on" •.

- 211 -
des ruraux, comme élément relationnel définissant leur
comportement avec leurs rapports avec les autres groupes.
4) L'approche de la rura1ité, par l'analyse caté-
gorielle des prospectives, définies comme pers-
pectives organisées vers l'avenir.
Cette approche de la représentation étudiée est
centrée sur l'analyse des attentes, des désirs, des motiva-
tions. Par rapport à cette analyse, ce qui nous a paru fon-
damental, est la marque des appartenances de groupe comme
organisant la définition des perspectives pour l'avenir,
d'une part, et d'autre part, un consensus général fondé sur
la désignation du thème "amélioration des conditions de vie
et de travail", comme point central. Cette consistance in-
ter-groupe consolide le consensus relevé.

CONCLUSIONS GENERALES

- 212 -
CONCLUSIONS GENERALES
Pouvons-nous, au terme de ces essais d'écriture,
apporter des ·éléments de réponses aux formulations interro-
gatives qui ont amorcé notre problématique théorique? La mo-
tivation fondamentale qui a présidé à la mise en forme de
ce travail était de connaître les représentations sociales
qûi sont produites, développées et véhiculées dans notre so-
ciété à propos de la ruralité. Il s'agissait en effet de sa~
voir:
- comment les ruraux se perçoivent dans notre
société ?
- comment ils perçoivent cette société ?
- et comment, en fi n, ils sont perçus dans le champ
social par les autres groupes sociaux 7
Cette orientation conduisait, nous semble-t-il,
à renverser les approches classiques d1études de populations,
ayant pour support la ruralité. A la limite, comme raison
essentielle à ce choix de recherche, nousavons été déterminé
et marqué par cette double insatisfaction définie dans llin-
troduction consacrée à cette étude. Finalement, face à cette
prise de position, nous nous sommes posé la question suivante
pour y voir clair:

- 213 -
Qu'est-ce que la rura1ité aujourd'hui en Côte
d'Ivoire?
Po~r répondre à cette question, qui renferme en
elle-même celles formulées au début de notre conclusion, nous
avons jugé utile de revenir tant soit peu sur la prise en
compte de l'analyse de contenu,dans son rôle de construction
d'un objet social de savoir et de connaissance. De la sorte,
notre conclusion s'organisera autour de trois points essen-
tiels
1. De l'analyse de l'outil méthodologique
2. De l'analyse théorique des principaux résul-
tats obtenus
3. Du bilan et des persepctives suscités par ce
travail.
1. Ve l'dndly~e de l'ou~~l mé~hodolog~Que
L1analyse de contenu que nous avons réalisée
comme mod~ de lecture des discours sociaux recueillis a été
amplement exemplifiée (cf.. 3.3.1,3.3.2.). Il nous faut à
présent dire que cette analyse est le résultat d'une arti-
culation d1éléments issus d1une technique d'analyse du dis-
cours social.
Nous avons, dans cette perspective, à la suite
de l a Il l e c t ure f lot tan t e· 1I c las s i que, é t a bl i une gri l l e de
lecture du corpus recueilli. Cette phase a donné lieu à
un découpage du corpus en morceaux de discours que nous avons
recomposés et restructurés eu égard aux objectifs définis

- 214 -
par notr~ recherche. Les grilles d'analyse, une fois éta-
blies, et grâce aux résultats fournis par cette analyse thé-
matique simple, nous avons opté pour une analyse plus inter-
prétati ve du corpus : 11 approche pa r l'étude de l'étayage
des discours recueillis.
Cette étude de l'étayage des di scours a abouti
à un résultat très intéressant pour la saisie des représen-
tations sociales: celui du repérage des grands axes, les
supports essentiels,en un mot, le squelette du discours,
c'est-à-dire ce sur quoi s'appuient les discours. Ces sup-
ports peuvent être considérés comme les points centraux de
l are pré sen ta t ion. Cet t e mé th 0 de de l' é t ay age qui est jus-
qu'à présent, à notre avis, très peu utilisée, compte tenu
des résultats qu'elle a permis_ d'obtenir, semble être une
voie utile pour l'approche des 'représentations sociales dans
le repérage dans ses éléments constitutifs.
Nos résultats ont montré que la représentation
de la ruralité, comme situation sociale vécue ou pensée, est
tributaire de la nature et du statut des discours par les-
quels la ruralité est saisie "comme forme de connaissance,
et comme objet de savoir". Il nous semble intéressant de
resituer ces discours, pour la compréhension des représen-
tations étudiées.

- 215 -
Dans cette voie, on note deux dimensions dans
l'appréhension de la ruralité .
• L'une de ces dimensions s'inscrit dans un
rapport de consensus. Cette communauté d'approche est traduite
par les discours laudatifs et dépréciatifs. Elle s'inscrit
dans les discours de tous les individus sollicités. Ainsi,
on présente la ruralité à travers des valorisations positi-
ves et négatives. Ces appréhensions, nous 1 lavons vu, se si-
tuent par rapport au modèle relationnel, culturel d'une part,
et d'autre part, par rapport aux relations des ruraux avec
le système lui-même. Cette dimension de la représentation
~
constitue probablement les éléments collectivement partagés
par l'ensemble de la population sollicitée. Elle repose sur
une consistance inter-groupe .
• Par contre, on note une nette différenciation
dans l'autre dimension définie par les discours prospectifs.
C'est la dimension orientée vers l'avenir. La dimension la
moins prévisible .. Elle cOncerne la formulation des projets
intra-groupes, des effets d'attente et celle de la défini-
tian des besoins catégoriels. Cette différenciation s'opère
selon les groupes d'appartenance, leur degré d'implication
et leur relation à la ruralité précédemment définie.
Par ailleurs, l'un des résultats de notre recher-
che montre que nous sommes dans le cas d'une représentation
en cours de tr~nsformation, aussi bien chez les ruraux que
chez les autres groupes sociaux. Cette transformation peut

- 216 -
être analysée comme une double dimension de la situation
représentée :
- un aspect traditionnel, qui disparaît dans l'appréhen-
sion de la ruralité,
- un aspect nouveau qui commence a apparaître.
Aussi bien dans les discours écrits que dans les
entretiens recueillis, dans cette dimension, on note une
restriction des discours relatifs à cet aspect de la situa-
tion étudiée. Cette attitude collective, a nos yeux, équivaut
à une volontê réaffirmée dlen finir avec cette ancienne image
de la ruralité. Elle annonce bien la phase évolutive et la
transformation des discours sociaux sur la ruralité, et in-
dique, pour ce faire, la nature de l t vo l ut i on des idées a
ê
cet égard.
2.2.
g~~_r~er~~~Q~~~!Q~~_~~_çQ~r~_9~_~r~~~fQr~~~!QQ_~~
1~~r~_~!9~!f!ç~~!QQ~
Cette étude est une approche partielle d'une
réalité sociale globale. De ce fait, on s'est efforcé de dé-
finir une situation sociale telle qu'elle est présente dans
la dynamique du champ social
choisi comme référence. Dépas-
sant les sursauts subjectifs d'une défense périmée du fait
rural, nous sommes arrivé a la conclusion qu'aujourd'hui - et
les entretiens recueillis l'étayent fort bien - la ruralitê

· - 217
ce nlest pas seulement cette partition géographique, par
opposition à une partition urbaine. Ce n'est pas non plus
le fait dlêtre en brousse ou
y vivre et y travailler. Ou
même, à la limite, l'état de tout ce qui a rapport aux ru-
raux en général, la paysannerie en particulier. C'est bien,
pensons-nous, une situation sociale. Elle constitue en même
temps tout un faisceau de pratiques sociales et de situations
psychologiques diverses liées aux vécus subjectifs des indi-
vidus à 1 'histoire collective et individuelle d'une sous-
population, d'une catégorie socio-professionnelle définie
et déterminée par un ordre
socio-politique. Ce système social
est lui-même inscrit dans une dynamique socio-économique avec
des rapports établis qui· commandent, régulent et orientent
les attitudes et les comportements des groupes sociaux à
l'égard des ruraux. Cet ensemble de faits, et nos résultats
le prouvent bien, montre que la ruralité est un "espace-
enjeu", support de discQurs sociaux.
Par rapport à cette dynamique de la transforma-
tion des représentations, nos résultats ont montré en quoi
les discours sociaux sont déterminés par un certain nombre
de facteurs socio-idéologiques (transformation des modes de
vie) et économiques (processus de professionnalisation du
métier ~!a~ricuTte~r),·comme en· ont· témotgriê~les app~oches
par les discours prospectifs. CerderAter.r~sultat ~ggère,
à nos reux~ l'analys~des représentatian~ définies dans leurs
cadres sociaux de construction.

- 218 -
Face à ces résultats obtenus, c'est le lieu,
maintenant, d'indiquer l'analyse théorique qui s'en dégage.
Nous sommes, nous l'avons dit, dans le cas d'une situation
de représentation en cours de transformation. Cette trans-
formation s'opère par la modification de certains éléments
de la représentation et le maintien de certaines dimensions
de cette représentation, comme on le verra.
Par rapport à une identification de la rura1ité
comme modèle culturel, nos résultats ont permis d'observer
l'existence de la permanence d'une identité et d'une conscien-
ce rurales présentes dans les discours recueillis.
On retrouve ainsi chez tous les individus solli-
cités, quelle que soit leur appartenance de groupe, les élé-
ments fondamentaux (modèle relationnel, mode de vie, modèle
familial ... ) qui définissent cette permanence. Ce résultat
suggère qu'il existe bien dans notre société une représenta-
tion de la ruralité qui se maintient dans ses dimensions es-
sentielles. On peut, en s'appuyant sur cette stabilité, for-
muler 1 'hypothèse que ces éléments constituent probablement
l'élément central de la représentation étudiée.
Par ailleurs, on constate que, quel que soit le
groupe d'appartenance, les discours sur la ruralité utili-
sent tous la référence à des éléments concernant les condi-
tions socio-économiques. Ces
éléments peuvent être analysés

- 219 -
comme le~ éléments collectivement partagés. A la limite, ce
sont des points de référence communs, sur lesquels se pola-
rise la représentation de la ruralité, tout au moins, nous
en faisons l'hypothèse.
2.2.2.
Eléments diversifiés selon l'appartenance
==:======================================
Par contre, et' les résultats obtenus le démon-
trent bien, les dimensions liées aux caractéristiques subjec-
tives de la situation étudiée, et aussi liées aux groupes
sociaux comme producteurs des discours étudiés
se
trans-
formeraient plus. Ces éléments diversifiés de nature intra-
groupes portent notamment sur le vécu subjectif et collectif
des groupes. Ils concernent l'appréhension cognitive de la
situation elle-même et définie, dans ses caractéristiques.
Ces caractéristiques intègrentl 'organisation et la défini-
tion des objectifs propres à chaque catégorie de population.
Au total, l'évolution des gléments de la repré-
sentation semble être liée aux relations spécifiques de chaque
groupe dans ses rapports avec la ruralité. Ainsi, nous semble-
t-il, apparaît l'origine sociale de la représentation comme
inscrite dans la dynamique des appartenances de groupes.
3. 8ilan et pe~~peet~ve~
.
.
Finalement, ce travail, on s'en rend compte, n'est
qu'une écriture parmi tant d'autres de la ruralité, définie

- 220 -
comme une situation sociale. Clest dire qu'une des dimensions
fondamentales, susceptibles de permettre de saisir la rura-
lité en tant que situation sociale totale, n'a pu être abor-
dée. Il s'agit de l'étude des éléments
objectifs de toute si-
tuation ainsi définie. Au nombre de ces éléments objectifs
on retient l'environnement, les pratiques, le pouvoir comme
concept sociologique et politico-idéologique, les conditions
socio-économiques d'existence. En un mot, l'observable. Or,
notre recherche s'est focalisée sur l'analyse des appropria-
tions subjectives de la situation précédemment décrite. C'est-
~-dire, la manière dont les individus vivent et s'approprient
la situation inscrite dans le champ social. De cette manière,
comme définition et étude d'une situation sociale, notre
,
investigation reste incomplète. ces faiblesses et ces lacunes
suggèrent elles-mêmes ce qui doit être retenu pour l'étude
complète de toute réalité sociale définie dans ses dimensions.
Pour ce faire, et ~ notre avis, l'étude des dimensions sui-
vantes est susceptible d'éclairer l'approche de toute situa-
tion sociale:
3.1.
k~~~~2~_2~~_~~r~~~~ri~~!9~~~_Q~J~~~!Y~~_2~_1~_~i~~~­
tion sociale donnée
-------------------
Cette approche, à notre avis, est riche et inté-
ressante dans la compréhension et la maîtrise de la situation,
car ces caractéristiques objectives constituent, nous semb1e-
t-il"
les éléments formateurs et créateurs des éléments
subjectifs propres à la situation donnée. Par ailleurs, ces

- 221 -
caractér~stiques montrent en quoi les conditions objectives
de la situation créent et déterminent les conditions sub-
jectives de cette même situation.
Cette approche pose l'analyse de la situation en
termes d'approche cognitive de l'interaction sociale. Ecou-
tons :
"Van.6 .tou.te .6i.tua.tion s occat:e, le.6 c.alLac.-
.télLi.6.tique.6 phY.6ique.6 ou objec..tive.6 de l'en-
vilLonnemen.t jouen.t un lLôle moin.6 impolL.tan.t
"V
que leulL c.on.tlLe-palL.tie .6ubjec..tive" (Zajonc,
1968) (1).
Cette citation ne signifie pas une négation des conditions
objectives. Elle est pertinente,.à connaître et à analyser,
en ce qu'elle montre comment les individus jouent un rôle
actif dans l'appropriation cognitive et la maîtrise de la
situation à laquelle ils se trouvent confrontés. Les atten-
tes, les certitudes, les motivations, les représentations,
à la limite, constituent ces contre-parties subjectives.
3.3. ~~~~~~~_~~~_~~l~~!2~~_9~~_!~~_9~2~e~~_~~!~~~!~~~_~~
~~f!~!~_e~~_!~_~!~~~!!~~_~~~!~l~_~~~~~!!~~~~~~_~~~~_!~~
~~!r~~_9r~~e~~_~2~!~~~!_!:~~~!r~~~~~~~~_~~~!~!_~~_1~~
!~~~~~~~!~~~!_~~_~~~~!~~~_~~~ll~~_~~~~_1~~_~~!~~r~_~2fi~~~
Cette dernière dimension est intéressànte à explo-
rer, car elle nous indquerait,
-nurdoute
la nature des
(1) Cité par J.C. Abric (1976, p. 3).

- 22Z -
rapports et des relations de pouvo~r qui se développent dans
toute situation donnée. C'est pourquoi nous pensons, en tout
état de cause, que c'est vers une orientation pluridiscipli-
naire et singulièrement vers une approche psycho-sociologique
que devrait s'axer l'étude des situations sociales. La rura-
lité, dans ce cas précis, nous apparait comme un support pour
"urie administration de la pr-e uve ? • Mais il serait à la limite
impossible dans l'étude de ces représentations, pour la compré-
hension des réalités sociales, de mener à bien toute inves-
tigation tant qu'une méthodologie susceptible de repérer les
éléments constitutifs de la représentation ne serait pas mise
au point. Aprês Claude F1ament (1962, 1968, 1979), J.C. Abric
et G. Vacherot (1976), nous pensons qu'à 1 'heure actuelle
- et les résultats obtenus par Denise Jode1et (1979) nous
confirment dans cette conviction - la prise en compte de l'é-
tude de l'étayage du discours nous semble être une voie métho-
dologique non négligeable pour le repérage des IIconstituantsll
ou des éléments constitutifs, et des II c atégories mentales qui
régissent l t appr-ë he ns t o n" de la réalité sociale étudiée.
Cette ouverture méthodologique reste à être testée par des
recherches ultérieures.

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MUCCHIELLI, R., Psychosociologie d'unecommune rurale. Les Edi-
tians E.S. F., 1976 .
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Analyse de contenu. Encyclopédie universi-
taire. J.P. De1arge. 2e éd. 1976.
ZIEGLER, J •• Main basse sur l'Afrique. Ed. Seuil/Combats,
1978.

- 227 -
2) Approche spécifique sur les études de population
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.: 228 -
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- Une premlere approche des attié de Côte
d'Ivoire. Cahiers d'Etudes Africaines nO 21, vol. II,
1966.
- Un rituel de fin d'année chez les Zizema de
Côte d'Ivoire. Cahiers d'Etudes Africaines n° 8,
vol. X, 1968.
PIERRE ETIENNE,
-L'individu et le temps chez les Baoulé de
Côte d'Ivoire. Cahiers d'Etudes Africaines n° 52,
vol. XII, 1973.
Phénomènes rel igieu~' et facteurs socio-
économiques dans un village de la région de Bouaké
(Côte d'Ivoire). Cahiers d'Etudes Africaines
n° 23,
vol. VI, 1966.
RAULIN, H., Psychologie du paysan des Tropiques. Etudes
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ROUGERIE, G., La Côte d'Ivoire. P.U.F.,'Que-Sais-je' n° 1137,
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TERRAY, E., Le marxisme devant les sociétés primitives
deux études. Paris, Maspero, 1969.

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TRIAND, J.L., Un cas de passage collectif à l'Islam, en
Basse Côte d'Ivoire: le village d'Aahua au début
du siècle: Cahiers d'Etudes Africaines n° 54,
vol. XIV, 1974.
SAMIR, A., Le développement du capitalisme en Côte d'Ivoire.
Ed. Minuit, 1967.
SCHWA~TZ, A., Un terroir forestier de 1 'Ouest Ivoirien:
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SOULEYMANE, O., Les civilisations paysannes face au dévelop-
pement en Afrique Occidentale. Cahiers d'Etudes
Africaines n° 47, vol. XII, 1972.
SAUTTER, G., A propos de quelques terroirs d'Afrique Occi-
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1962.

-
230 -
3) Documents et périodiques
Terre et Progrès: le journal du planteur. vol. 1 et 2,
août 1973 - oct. 1977, Ministère de l'Agriculture,
Abidjàn.
La Nouvelle: le journal au village, nO l et 2. Bulletin
d'information édité par l'O.N.P.R. à 1 1intention
des villageois. Abidjan, Ministère de 1 1Agricu1ture
et du Plan.
Fraternité-Matin (1)
- Spécial "an 18", novembre 1978.
-Spécial "an 14", décembre 1974.
6ème Congrès du ~~D.C.I./R.D.A. : Texte du rapport politi-
que du secrétaire général (2), octobre 1975.
Travaux et documents de 1 IO.R.S.LO.M. n° 53, 1976 ; "Spé-
cia1" Communautés rurales et paysanneries tropicales.
La Côte d'Ivoire, en chiffres. Ed. 1976, Société Africaine
d'Edition.
Le "Monde" du 15 au 16 janvier 1978.
(1) Quotidien gouvernemental d'information.
(2) Ce poste n'existe plus dans la structure du Parti depuis
juin 1980.

A N N E X E S

- 231 -
.-
ANNEXE 1
Classement des interviews par population
et par fonction: fiche collective
1. Popu1 ati on
IIRuraux ll
N = 16
Code
Fonction
R 1
Agriculteur
R 2
Il
R 3
"
R 4
u
R
..
5
..
R 6
R 7
"
R 8
R 9
R 10
R 11
R 12
R 13
R 14
R 15
R 16
2.
Population "Citadins"
N = l O.":
Code
Fonction
C 1
ouvrier
C 2
employé
C 3
cadre, chef de service Import
C 4
ouvrier
C 5
chef de service
C 6
comptable
C 7
Déclarant en douane
C 8
Secrétaire dactylographe
C 9
ouvrier
C 10
. Secrétaire dactylographe

- 232 -
3.
Population IIConseillers r ur a ux"
N = 6
Code
Fonction
CR 1
Agent de liaison
CR 2
Il
"
CR 3
Il
"
CR 4
Il
Il
CR 5
"
Il
CR 6
"
Il
4.
Population IICadre du développement rural ll
N = 5
Code
Fonction
COR 1
Sociologue - exami nateur rural
COR 2
Ingénieur-agronome
COR 3
Sociologue - chef de service -
Promoteur rural
CDR
COR 4
Sociologue - animateur rural
CDR 5
chef de service "hydraulique vi 1-
- ;
,
lageoise
5.
Population "associée ll
N = 5
Code
Fonction.
PA 1
Instituteur
PA 2
"
PA 3
"
PA 4
"
PA 5
"
..

- 233 -
ANNEXE II
Fiche bi~ographique des interviewés
.h'Oa~·
1. Population
"Ruraux" N = 16
1.
âge: 70 ans
9.
40 ans
sexe· masculin
masculin
profession: agriculteur
agriculteur
situation de famille:
célibataire
marié
scolarisé
niveau d'instruction:
illettré
10.
49 ans
masculin
2.
40 ans
agriculteur
masculin
marié
agriculteur
scolarisé
marié
illettré
11.
30 ans
masculin
3.
50 ans
masculin
marié
agriculteur
illettré
marié
illettré
12.
28 ans
masculin
4.
24 ans
agriculteur
agriculteur
marié
masculin
illettré
marié
1
scolarisé
13:
24 ans
,
masculin
1
5.
32 ans
agriculteur
masculin
marié
1
agriculteur
illettré
marié
illettré
14.
60 ans
mascù1in
6.
45 ans
agriculteur
masculin
marié
agriculteur
illettré
marié
illettré
15.
27 ans
masculin
7.
25 ans
agriculteur
masculin
marié
agriculteur
scolarisé
marié
.
illettré
16.
19 ans
féminin
8.
30 ans
agricultrice
féminin
célibataire
divorcée
illettrée
ménagère + agricultrice
illettrée

- 234 -
.
- 2. Popu1at ion
N
Il Ci t a d in!;:· Il
= 10
1.
âge· 26 ans.
8.
30 ans
sexe: masculin
féminin
C.S.P. : ouvrier
secrétaire dactylographe
situation de famille.
mariée
marié
.
9 .
21 ans
2.
35 ans
masculin
féminin
employé
secrétaire dactylographe
ma ri é
3.
20 ans
10.
22 ans
masculin
masculin
célibataire
employé
ouvrier
4.
30 ans
masculin
cadre d'entreprise
ma ri é
5.
40 ans
masculin
cadre
marié
6.
26 ans
masculin
comptable
célibataire
7.
23 ans
masculin
employé
célibataire

- 235 -
ANNEXE III
Exemple d'analyse thématique pour dégager les
profi l s des ruraux
(1)
Les essais d1interprétation que nous avons four-
nis oour
tayer" la première partie de notre approche métho-
v ë
dologique sont issus de l'analyse de contenu - analyse
thématique - que nous portons a votre connaissance.
L'analyse thématique d'un texte est "le comptage
d'un ou de plusieurs thèmes ou items de significations dans
une unité de codage préalablement déterminé",se1on Laurence
Bar d in, ,S. Kra cau e r 1a dé fin i t comm e 1/ 1a s 1e c t ion e t 1
ê
1 0 r -
ganisation rationnelle de catégories condensant le contenu
essentiel d'un texte donné". Les résultats qui vous ont
été présentés sont inspirés de l'esprit de cette technique
- brièvement définie -
(1) Les textes originaux ayant servi à cette analyse thé-
matique sont disponibles et peuvent être communiqués
à la demande du lecteur.

-
236 ...
Présentation des images et profils
de 1 1agricu1teur tel qu'il apparaît dans le discours
des planificateurs et des autorités politiques
1
Type de
agriculteur actuel
agriculteur rêvé, espere, visé
représen-
(image dévalori-
ou agriculteur idéal
.tations
sée (-) )
(image valorisée (+) )
Caracté-
"paysan assisté"
"préparer le paysan à prendre pro-
ristiques
. "le paysan actuel
gressivement la relève des agents
a une mentalité
d'encadrement en lui donnant une
dia s sis té qui 1
formation appropriée"
1 em-
pêche de prend re
· "11 faut que les paysans assurent
des initiatives"
eux-mêmes leur approvisionnement"
"Participation
· ilLe monde rural ivoirien devra
passive"
tendre à devenir compétent, et
"Force est de cons-
s'engager dans un processus dlauto-
tater qu'actue11e-
développement ir~éversible"
me nt 1eu r (1 es
paysans) partici-
• "formation polyva1ente"
pation aux opéra-
"formation d'exploitant agricole"
tions entreprises
par l'Etat est
• " a cteurs du processus de moderni-
passive".
sation"
IIPaysan analphabè-
• "former des paysans de 11 Etat dans
te"
l'initiative économique, techni-'
"i1lettré"
que et sociale dans le financement
du développement"
.. "former des paysans dans la ges-
tion des exploitations agricoles"
· " changer les mentalités afin
qu'apparaisse une classe de paysans'
entrepreneurs, capables d'initia-
tives individuelles et co11ecti-
ves"
• "1 'agriculteur moderne" doit:
- " utiliser le plus rationnellement
possible la surface de son exploi- '
tation et développer chacun de
ses prod-its en fonction de la
vocation du sol 11
- "maintenir entre les différentes
spécialisations un équilibre rendu
nécessaire pour utiliser au ma-
ximum les moyens de production,
un examen attentif au calendrier
des travaux"

- 237 -
Type de
agriculteur actuel
agriculteur rêvé, espere, visé
représen-
(image dévelori-
ou agriculteur idéal
tations
sée (-) )
(image valorisée (+) )
caracté-
- "chercher a moderniser ses mo
ristiques
moyens de production"
"organiser avec d'autres agri-
culteurs ses apprivisionnements
et la commercialisation des pro-
duits de manière a diminuer ses
charges et a augmenter ses re-
cettes ll
. Ille paysan moderne doit être:
- Il un pay san ce r tif i é (c. ad.
ayant le certificat d'Etudes
Primaires) et capable d'adminis-
trer les techniques nouvelles"
- "participant au développement"
-
lI e x pl o i t a nt
moderne"
- "acteur
du processus de mo-
dernisation du monde rural".

- 238 -
ANNEXE
IV
Exemple d'analyse thématique pour l'approche
des stratégies
Pour former et voir la classe d'agriculteurs que
les planificateurs jugent comme "l'agriculteur idéal",
"l'agriculteur rêvéll,c1est-à-dire IIl'exploitant agricole",
l'Etat devra développer des moyens pour y arriver. C'est
cette catégorie que nous allons à présent dégager. l'objec-
tif visé est le même que celui des profils de l'agricul-
teur. Cette stratégie se situe à deux niveaux:
au niveau de l'encadrement agricole
au niveau de la promotion rurale (des ruraux)

- 239 -
Objectif actuel
Objectif visé, espéré: objectif idéal
IILes services techni-
. "créer une pédagogie de la promotion rurale"
ques actuels d'in-
- "par la formation de leader"
tervention en milieu
- II c réer une promotion de masse"
rural ont une fonc-
tion essentielle:
. "Tenir compte des problêmes propres aux femmes
celle de centrale des
et aux jeunes"
des services ll
1. IIParticipation des hommes au développement"
- "mise en oeuvre d'une pédagogie entiêrement
orientée sur la participation des intéressés
au développement de leurs villages et ter-
ro i rs"
2.
"Participation des femmes au développement"
lI e ncadrement indi-
- IIcommencer pat enseigner aux femmes des
viduel"
techniques de simplification de leurs taches"
II politique secto-
- "mise en confiance par des expériences pra-
rielle de formation"
tiques réussies ll
"crédit individuel ll
3. "La.... promotion des jeunes par la formation"
"famille rurale de
type traditionnel"
- "former les jeunes à devenir des paysans
modernes par une formation professionnelle et
sociale orientée vers:
- "l'insertion dans la vie du milieu rural"
- IIl a pris~ en compte de la mentalité des
jeunes et leur statut social face aux
adultes"
- II r e chercher une autonomie progressive
des paysans vis à vis de l'Etat"
• "nouvelle structuration du monde rural
. "par encadrèment collectif"
. II c rédit à des groupes de paysans ll
. "création de type d'organisations capa-
bles de résoudre les problêmes posés par
la modernisation du monde rural"
IIPromotion de l'organisation profession-
nelle et rurale"
- IIformation globale de la formule rural"
- IItransformation du village par la mise sur
pied de structures plus attractives"
- lIintégrer le monde rural au circuit moderne ll
- "~nimation villageoise"
- "éducation coopérative"
- "télévision extra-scolaire"

-
240 -
ANNEXE
V
Extraits d'interviews ayant servi
de support à la recherche

· - 241 -
POPULATION RURALE
SUJET N° 4
Je ne regrette pas d'avoir choisi d'être agricul-
teur. Je me considère comme tout le monde. Je niai pas honte
de mon état de paysan. Quand quelqu'un me demande de lui
dire ce que je fais, je lui dit avec fiertê que je suis agri-
culteur, car je sais,ce métier est un mêtier comme les autres .
... S'agissant de nos relations avec les citadins,
je pense qu'il nous prennent pour des va-nu-pieds. Comme des
non-évolués. Ils ont cette attitude envers nous, parce que
selon eux, notre métier n'est pas un mêtier lucratif, ceci
parce
qu'il faut attendre un an dans notre profession avant
d'être récompensé matériellement, alors qu'eux, perçoivent
v d i s e n t
leur salaire mensuel. I1s
que les ruraux ne sont pas
propres. Ils ne considèrent pas le paysan comme participant
au dêve10ppement de notre pays.
C'est un peu comme d~s hommes à part, esseulés,
sans ambition quelconque. Même 'si un paysan a de l'argent,
cette richesse ne les convainc pas. Pour eux, c'est de l'ar-
gent qui serait dl1ipidé dans l'alcool, à la limite de l'ar-
gent toujours mal investi. Pire encore, cette attitude: Par
exemple, lorsqu'un jeune homme 1ettrê veut se retourner à
la terre; ils s'interrogent en disant, avec ce langage in-
tellectue1:au lieu de rester en ville pour travailler, tu
veux aller en "b rnu s s e " pour être paysan. Autre chose, lors-
que l'enfant d'un citadin ou intellectuel se conduit mal ou
refuse d'aller à l'école, ou bien même, lorsqu'il y va et
ne travaille pas bien, son parent lui rétorque ceci :'toi si
tu persiste dans cette voie, je vais te faire partir au vil-
lage chez ton père pour travailler la terre'.
Quand je vois les citadins, je pense qu'ils sont
bien car ils peuvent avoir tout:ce qui leur manque par rap-

-
242 -
port à n?us. Ils ont preque tout sur place. Ils ont tout
ce qu'une ville peut avoir. Ils sont quelquefois mieux lo-
gés que nous. Ils peuvent trouver plus facilement un emploi.
Bref, c'est long à citer. Ils vivent dans un espace géo-
sociologique qui leur permet de rencontrer bien des gens,
de discuter, d'échanger.
C'est là que se trouvent toutes
les grandes écoles .
... Mais aussi, quand je garde la tête froide et
que je réfléchis doucement, je pense qu'en fait, en ville,
ils n'ont pas tous ce bonheur que nous autres ruraux nous
convoitons. Il y a une certaine catégorie de citadins qui
ont des conidtions de vie et de travail identiques à celles
des ruraux dont inconsciemment tous les citadins se moquent.
Quand nous voyons cette catégorie de citadins, nous autres
ruraux, nous demandons s'ils viennent vraiment de la ville
ou de la brousse.
Par contre il y a une certaine catégorie
de citadins qui ont des conditions de vie et de travail iden-
tiques à celles des ruraux dont inconsciemment tous les ci-
tadins se moquent. Quand nous voyons cette catégorie de cita-
dins, nous autres ruraux, nous demandons s'ils viennent
vraiment de la ville ou de la brousse. Par contre, il y a
une certaine catêgorie de citadins aussi, lorsque nous les
voyons, nous observons qu'ils incarnen~ le trait de la ville.
Dans la 1ère catégorie, je pense qu'il s'agit du sous-prolé-
tariat de ville, ceux-ci sont issues des contintents des
déperditions scolaires et qui rêpugnant le travail de la terre,
vont restituer en ville un prolétariat. Ils sont mal remu-
nérés. Or ils veulent vivre comme les autres couches socia-
les aisées de la ville, se basant tout seimplement sur leur
état de citadin. Cette catégorie de citadins, on ne sait plus
ou elle se classe. Sont-ils citadins? ou ruraux? En consi-
dérant cette analyse, pour moi il y a deux~ortès de citadins
Il y a citadin - et citadin. Ils ne sont pas tous

- 243 -
les mêmes. Cette dechotomie interne suggère que la division
sociale se perpétue entre les citadins, il y a les ricbes
citadins / et les pauvres.
Je considère la ville comme un 1iue de culture,
car il y a beaucoup de relations. On y rencontre d'autres
sous-groupes de populations .. Cela permet d'acquérir des
connaissances de façon générale. En ville, par exemple, il
y a les bus. Et tant que tu ne te rends pas en ville, tu
ne pourras jamais voir et connaître tout cela. Il y a
l'electricité, le train, la mer, le goudron. Bref, la ville
élargit les vues. Dans les maisons, il y a l'ascenseur. Ces
éléments de culture permettent de dire que la ville augmente
et accroit l'analyse que l'on peut sur notre société .
... Le conseiller rural sert d'intermédiaire entre
le modèle Officiel et les ruraux.
Pour moi, ils ont un rôle
de liaison. Ils nous en seignent les nouvelles techniques de
culture .
... Notre société actùe11e, comparée
à celles qu'ont
,
.
connues nos parents, est une société de paix, car dans le
passé nos parents ne connaissaient pas la paix. Nos condi-
tions de vie ont un peu évolué. Autrefois, c'est avec les
lampes tempêtes, aujourd'hui nous avons des lampes même si
c'est à pétrô1e. Bientôt, nous aurons l'électricité. Le pro-
grès actuel que nous connaissons, et dont je parle, est bien,
mais le coût de la vie qui l'accompagne est excessif. Avant
nos parents achetaient un litre de pétrô1e à 25 F CFA; ac-
tuellement nous l'avons à 100 F CFA. Je suis pour le progrès,
mais à l'endroit, je vois qu'il entrâine une vie trop cbère.
S'il faut choisir, néanmoins, je choisirais cette société
de progrès. On s'essaie de s'y adapter •
... Je pense que le paysan chez nous est à. la tête
de toutes les professions, car notre pays est. un pays agri-
cole. Malgré ce rôle prépondérant, quand j'observe notre

- 244 -
société, je constate que le paysan n'est pas à sa juste
valeur, ~ sa place, eu égard au rôle qulil joue dans la dy-
namique de l léconomie nationale. Je pense que la coopéra-
tive est une excellente chose dans le cadre de l'organi-
sation des paysans car elle permet aux planteurs de s'en-
tr'aider et éviter que des politiques individuelles évi-
tent le/vol des acheteurs ambulants.

- 245 -
Population "Rurale"
M. JEAN = 50 ANS
SUJET N° 5
Je suis agriculteur, jlhabite le village. De façon
générale, je pense que les gens de la ville et nous ne sommes.
pas les mêmes. Ils sont là bas chez eux. Certains nous
comparent à des non évolués, des arriérés. En voyant tout
cela, nos jeunes enfants n'aiment pas tellement notre métier.
Or, pour nous, c'est un métier essentiel, celui que nous a
laissê nos parents. Actuellement, aller en ville les inté-
resse. Pourquoi, parce que ceux de la ville pensent qu'en
ville, il nly a rien. Ils nous
voient comme des gens
à part. Les
raisons qui font qu'ils nous traitent de cette
façon sont nombreuses. D'abord, ils ont et voient des cho-
ses que nous n'avons pas, par exemple ils s ont rmt eux logés
que nous, font des professions plus variées que les nôtres.
Tout cela
les pousse à nous négliger. Mais nous, nous sa-
vons que ce sont nos frères. Dans certaines salles de ciné-
ma, si nous avons la chance d'y aller, on présente des films
qui se moquent de nous. Quelquèfois, on voit des représen-
tants théâtrals qui présentent le planteur en haillons en
train de labourer. Un jo~r mon fils m'a dit qulil y a des
bandes dessinées
chez nous qu'on appelle Dago ou Zézé, et
qui racontent ce qulun rural fait en ~ille. Cela,nous ridi-
culise. Mais nous aussi en prenons acte et travactllons pour
devenir comme eux.
Mais si nous ne les atteignons pas, nous essayons
de rendre notre cadre de vie aussi agréable que le leur.
Lorsqu'une personne vous dit que vous êtes pauvres, la seule
réaction positive qulil faut lui opposer, c'est de travail-
ler et rattraper ou approcher le niveau qu'il nous consi-
dère comme exemplaire et en fonction duquel il vous catégo-
rise. S'il est collectivement reconnu que les citadins nous
traitent de sous-homme, notre ambition est de faire pour
devenir comme eux.

- 246 -
Nous, quand nous voyons un citadin, nous le con-
si dérons comme nous-même ; nous 1e respectons, nous 1 1 ap-
prochons, parce que nous, ce sont nos frères.
Autrefois nous avons travaillé sans calcul. Nous
faisons de grands champs, sans pouvoir les contrôler. Main-
tenant, on nous indique ce qu'il faut faire; il y a des
conseillers, tout cela est bien. La coopérative nous aide,
c'est une action positive â nos yeux. Nous aimonS le monde
moderne. Nos enfants vont â l'école, ils peuvent nous venir
en aide, puisque nous, nous sommes des paysans.
Sur le plan
sanitaire, nous avons des installations sanitaires, chose
que nous n'avons pas au départ. Les conseillers ruraux, pour
nous, ce sont les envoyés du gouvernement. Nous les écoutons
Nous aimons leur action, je voudrais être un agriculteur for
mé dans son école .
... Nous voyons aujourd'hui que le monde change.
La ville
attire;
si nous y allons tous, c'est bien, mais
non, je préfère rester â la terre. C'est le métier de nos
parents. Je ne pourrais pas quitter cette terre. Aux cita-
dins d'exercer leur métier. Je pense aussi que si nous res-
tons à la terre, c'est ce que nous ne sommes pas allés à
l'école. En ville, ce sont les intellectuels. Nous voulons
être complémentaires, chaque sous-population s'aidant mutuel-
lement.

-
247 -
POPULATION IICITADIN II
SUJET N° 6
Parler de ruralité, c'est se p~acer par rapport
à un autre sous-groupe de population. Je crois que là, il
slagit.làdes citadins. Et lorsqu'on est citadin, on est
monté de certaines qualités de conceptions de la vie par
rapport à celui qui
vit en pleine campagne. Le citadin, c'est
quelqu'un qui vit dans un milieu dessous un peu modernisé.
Cala veut dire, que c'est un milieu qui a connu llévolution
aussi bien aux modes de vie, aux moeurs sociales comme les
moeurs matérielles sur le plan habitat, sur le plan relations
hum a i ne s. Don c, i l Y a un cha nge men t qui sec rée dan s ce rm i -
lieu dans lequel on vit. Entre autre la vie du citadin est
une vie un peu complexe. Je veux dire par là que le citadin
est confronté à des problèmes que ne connaît pas le plus sou-
vent sous la même amplour les tens des campagnes. Autant le
citadin est amené chaque matin à des heures très régulières
à se rendre à son travail parce c'est dans ce canal là qulil
arrive à se nourrir, et se vêtir, à loger, autant le rural
est non pas astreint à certaines obligations, màis obligations
sont moins pesantes sur le plan de la rigueur dans le jeu de,s
horaires. Il y a là une marge dans le mode de vie du citadin
comparativement au mode de vie du rural. Ceci se justifie
de l'exemple le plus terre à terre; le citadin à 90 % doit
faire face à un loger,
le
citadin
à des degrés plus éle-
vés, doit faire face à sa nourriture. Nourriture qu'il s'ap-
proprie auprès des marchés, donc il faut de l'argent. Le ci-
tadin a besoin de payer de la lumière pour s'éclairer. Je
ne dis pas que le rural ne paie pas de l'électricité, mais
les charges sur le plan de la lumière sont plus grandes pour
un citadin qu'elles ne le sont pour un rural.

- 248' -
Non seulement le citadin doit payer de l'électri-
cité, mais il doit encore de l'eau, ce qui est rare chez les
ruraux. Il y a de façon générale moins de charge pour un
rural que pour un citadin. Sur le plan de l'organisation hu-
maine, autant le citadin a des enfants qui vont à l'école
autant le rural a des enfant qui vont aussi à l'école. Mais
il y a encore le déplacement de ces enfants au village géné-
ralement se trouve le plus souvent très proche.
En ville, à 90 % des cas, on est obligé de se
déplacer sur une longue distance pour rejoindre son lieu
d'école.
Ce sont là des problèmes qui doivent être résolus
par un citadin. Ce sont là des aspects caractéristiques que
peuvent, dans une certaine mesure, différencier un citadin
d t un rural.
En ville, je dirais entra autre, les communications
sur le plan des relations humaines sont nombreuses, mais li-
mitées. Elles sont limitées pourquoi? D'abord la ville est
un conglomérat d'individus de toutes races et de toutes ethnies.
Par contre, on peut se heurter à d'autres moeurs. Cette mul-
titude peut être un frein contact sur le plan dialèctique.
Par exemple, vous êtes en face de quelqu'un. Il n'est pas de
votr~ dialecte, de votre race, de vos collègues sociaux,
comme nt l'aborder? Ce qui est un peu le contrai re au vi 11 age
00 la plupart des habitants sont plus ou moins de la même
ethnie, ils se comprennent, il n'y a pas de problème de commu-
nication, ni l'injustice. Et puis, dans le village lorsqu'il
y a un étranger cela se remarque facilement.
En Côte d' Ivo ire, de toute façon tout un chacun a con nu
la viè villageoise avant deconna'tre la vie citadine. On doit
cela à l'évolution récente de notre pays. L'image que le ci-
tadin se fait du rural à mon avis est un peu ambiguë~ Le ci-
tadin croit le plus souvent que le rural nia pas les mêmes
problèmes que lui. En réalité, le rural est confronté aux mêmes

-
249 -
problèmes que le citadin. Le citadin pense que le rural se
loge facilement, se nourrit facilement, nia pas de problème
de déplacement.
Il Y a là une sorte d'indifférence, une situation
ambiguê. Le villageois vit dans un milieu paisible, dans un
entourage calme. Il se sent en sécurité dans son village.
Et lorsque le villageois arrive en ville, il se croit dans
le même milieu.·Or, il oublie qulil est en confrontation avec
un autre milieu. Un milieu dans lequel il existe, une certaine
suspicion, une mégarde
vis à vis de son voisin. Le villageois
transplanté dans ce milieu a une attitude spontanée lorsqu'il
aborde les gens. On sent de façon générale que les ruraux ont
une attitude mitigée, elle est mitigée parce que aussi posi-
tive que négative. Elle est positive parce qu'elle cherche
plutôt à préserver l'authenticité, à garantir les aspects de
la vie africaine.
L'aspect négatif de leur relation envers la moder-
nité, est qu'elle empêche l'adaptation nécessaire.

-
250 -
Population "citadins"
Dactylo (secrétaire)
SUJET N° la
Moi je quitte Abolo-gare (1) pour me rendre à
Vridi
(2). La vie ici est très dure, car la distance Abolo-
gare - Vridi est très pénible, ça fatigue beaucoup. Pour
monter dans le bus on a des problèmes. Nous sommes des femmes.
Et pour prendre un bus, il faut lutter, car plusieurs per-
sonnes veulent monter à la fois. Il n'y a pas une bonne or-
ganisation du transport. Pour cela, on est privé d'avoir des
enfants, puisqu'on ne peut pas lutter sa place dans le bus en
étant en grossesse. Aussi étant en grossesse, si tu viens en
retard au boulot, tu as des problèmes avec le patron. Si tu
n'a pas un bon patron, avec cinq (5) minutes de retard, tu
as tout un tas de problèmes sur la tête. On demande des cars,
on ne voit rien, dloOon est obligé de rester comme les hommes.
C'est à dire rester sans enfant pour pouvoir être pr~e à ser-
vir les intérêts du patron. Comme tu le vois
Comme tu le vois, non avons plus de problèmes que
ceux qui sont au village. Au village, les gens disent que
nous sommes en ville, on est bien; cela, mais c'est archi-
faux, puisqu'ici il nous faut tout acheter, alors qu'au vil-
lage ce n'est pas ça. Les villageois ont de la nourriture
qu'ils n'achètent de façon
générale.
Ils
peuvent vivre
directement dans le champ, alors qu'en ville, ici, il faut
acheter du riz, de la banane. En tout cas il faut acheter.
Si j'avais un frère au village, ne ne ferais qu'à l'encoura-
ger à y rester au village. Si tu travailles bien, tu gagnes
bien. Alors qu'en venant en-ville, sans métier, les gens se
livrent au banditisme. Sans les ruraux· ils ne peuvent pas
vivre, car toutes leurs nourritures vlennent de la brousse.
Au village en un mot, la vie en ville serait difficile. Pour
les ruraux, la ville représente pour eux un espoir. Lorsqu'un
paysan a 'un fils en ville, il compte sur ce que ce dernier
[1) banlieu abidjanaise.
(2) banlieu abidjanaise.

- 251 -
peut lui apporter. Pour eux, quelqu'un qui vient d'Abidjan
doit tout avoir. D'où ils pensent que la vie en ville est
meilleure a la leur.
Les attitudes des ruraux envers la modernité n'est
pas homogène. Par exemple, jes jeunes ruraux s'y moulent
très facilement par rapport aux vieux qui voyagent peu et
dont le contact avec l'estérieur est très difficile. La vie
au village est très simple a mon avis: le matin tu te lèves,
tu vas au champ et t~ en viens le soir. Tu te laves bien,
tu mange et puis tu dors. Alors qu'en ville, ici, ce n'est
pas ça.
Il y en a qui quitte le travail, vont perdre leur
temps dans les bars, les hommes surtout.

- 252 -
POPULATION
"CADRE DU DEVELOPPEMENT RURAL"
SUJET N° 2
Le terme rural est un concept spécial qui regroupe
non seulement toutes les activités agricoles, mais les acti-
vités non agricoles. En général quand on parle de ruralité
les gens commencent par parler de l'agriculture. Et puis
l'image qu'on peut faire de la ruralité en Côte d'Ivoire n'est
pas une bonne image. Cette attitude générale envers la rura-
lité me para,t liée au développement général du pays, ~ l'évo-
lution des idées dans le pays. Actuellemen"l: être rural, c'est
nous ici, c'est celui qui reste ~ la terre, c'est celui qui chez
n'a pas réussi ni ailleurs. Un jour j'ai été frappé dans un
bus par une histoire: il y a deux messieurs qui s'insultaient
proprement, et l'un d'eux a di t
l'autre: espèce de paysan.
i
à
Cela veut dire que pour ce monsieur-l~, que son collègue est
en bas de l'échelle sociale. C'est presque devenu une injure.
Dire que l'autre est paysan, signifie qu'il est sauvage. On
peut alors penser que l'image du paysan, du rural en général,
est un peu en dégradation. Ce mal est ~ mon avis au niveau
du développement, car nous sommes dans une société qui est
en mutation. Au niveau du village, on met les gens ~ l'école,
et ces der~iers vont en ville, les parents pour eux, un en-
fant qui a réussi, c'est qui a percé sur le plan intellectuel,
qui a réussi ~ avoir son diplôme et qui travaille en ville.
Et pour le paysan si son fils n'a pas réussi ~
l'école, c'est quelqu'un de râté dans la vie. Alors le paysan
lui-même supporte mal sa situation. Pour lui, être paysan,
c'est en quelque chose une oblïgation. Il se dit qu'il est
paysan parce qu'il n'a pas été â l'école. Ce qui fait qu'ac-
tuellement, on peut pas parler du métier de paysan. Alors

• -
253 -
quand on parrt de
la rura1ité,
on aboutit toujours ~ la
dichotomie rural/urbain. A qui crée ce problème ~ mon avis
est une situation économique, une forme économique qui
fait
la différence entre le rural et l'urbain. En Côte d'Ivoire
on dit: le paysan est le paysan de 1 léconomie nationale.
C'est une analyse microscopique, c'est-~-dire l'ensemble de
la production des paysans, une multitude de paysans qui pro-
duisent des trois milles tonnes de cacao. Alors quand on fait
la répartition par tête, on voit que le rural social des pay-
sans n'est enviable. Quand on essaie de voir le revenu moyen
par cultivateur, c'est très peu. Et quand on essaie de voir
la quantité de travail que le paysan doit fournir pour avoir
le revenu équivalent au coût de la vie est très important.
En résumé, on peut dire que l'image de marque n'est pas bonne
et il faut maintenant améliorer et l'amé1iorer,de cette image
dépend des élites paysannes, c'est-~-dire une certaine cagé-
gorie de paysans qui ont des moeurs assez élevés, qui s'in-
téressent réellement ~ l'agriculture, car je ne parle pas au
paysan absentéiste.
Le paysan supporte mal sa situation. Quand on a
une profession et qu'on a une descendance, on veut que son
enfant puisse assrer la relève. Si je suis menuisier par exem-
ple, je souhaiterais que mes enfants deviennent des menuisiers.
Cette tendance veut dire que le gars a l'amour de son travail.
Il veut qu'on le remplace. Et en tant que paysan, ce serait
normal que je favorise, qu'un de mes enfants devienne comme
moi, puisse
travailler comme je l'ai fait. Mais actuellement
rares sont les paysans qui conçoivent de cette manière leur
descendance. Et qu'on
veut recevoir un système de développe-
ment, il faut qu'on se réfère ~ l'environnement, ce que vous
appe1èz la société globale. Quand on prend un paysan qui com-
mence par le niveau C.E.P.E.(l) par son métier d1agricu1ture,
agriculteur, il devrait pouvoir avoir l'équivalent du niveau
de vie d'un grand qui a le B.E.P.C. et qui travaille dans
........ -~--
(1) Certificat d'Etudes Primaires E1émentaires

-
254 -
lladministration en ville, cela nlest pas possible. Et le
plus souv~nt, ce qui engendre le phénomène qulon appelle ici
llexode rurale.
Personnellement, je sais la valeur d'un paysan. Un
paysan c'est quelqulun de respectable. Mais actuellement,
le paysan, le rural vit une situation telle qu'il arrive pas
à s'en sortir. Par exemple au niveau de l'animation que nous
menons à l'O.N.P.R.(l) quand on regarde le paysan, on sait qu'il
a des problèmes dont il ne peut pas analyser les facteurs. Le
paysan occupe son sort, car il nia pas d'autres issue. Je
peux dire qulil est content malgré lui.
Il ne sait où est ce qu'il se trouve. Il a une si-
tuation un peu difficile. Nous avons, nous, la mission de
sensibiliser les paysans pour qulils puissent eux-mêmes com-
prendre un peu leur environnement, savoir ce qulils peuvent
faire, pour qu'ils prennent en compte la situation de leur
avenir. Nous essayons de faire quelque chose, mais ceci ne
peut réussir que lorsque nous aurons une certaine catégorie
de paysan, c'est-à-dire un peu intellectuel, un certain nombre
de jeunes qui comprennent eux-mêmes. Mais en ce qui concerne
l'image globale, le paysan devait
être mieux favorisé.
Le paysan croit toujours en ce qu t t l voit. Il ne
peut pas imaginer le lot de problèmes des citadins. CJest pour-
quoi il pense que ceux qui sont en ville se trouvent dans une
si tuati on mei 11 eure. De toutes l es façon en généra l, le paysan
aspire au progrès il n'est pas contre le progrès. Un paysan
qui travaille à la machette et qulon lui propose une tronçon-
neuse, il l'accepte; son problème c lestla ma'trise de ce pro-
grès
en soi. Sinon, il n~est pas contre le progrès. Ce qui lui
manque donc c'est la possibilité de pouvoir utiliser ce pro-
grès-là .
..-._----
(1) Office National de la Promotion Rurale

-
255
Population:
"Cadre du développement rural"
SUJET N° 3
Quand on parle de ruralité en Côte d'Ivoire, je
pense bien qu'on parle de toute la vie en profondeur. Car
j'estime que la vie rurale est le support du développement~
de l'économie. L'agriculture constitue une partie de la" rura-
lité. La ruralité, pour moi c'est la vie des campagnes dans
toute sa globalité qu'eTle soit d'ordre économique, qu'elle
soit sociale, c'est-à-dire l'organisation de la vie communau-
taire des communautés villageoises ou qu'elle soit culturelle,
c'est tout çà la ruralité. Pour moi la ruralité dépasse le
cadre strict et étroit de l'agriculture. Dans la ruralité il
y a l'activité champêtre, mais aussi l'activité comme l'occu-
pation de l'espace, l'aménagement de l'espace, il y a des ac-
tivités, comme des activités culturelles, les assemblées poli-
tiques, la manière de résoudre ,les problèmes qui se posent
dans une société rurale.C'est çà la ruralité. C'est la tota-
lité de la vie rurale dans toute sa globalité, dans toute sa
dimension. Mon idée relative aux paysans ivoiriens est ceci :
il yale paysan ivoirien qui aspire à l'amélioration des
conditions de vie et qui recherche une certaine auto-organisa-
tion.
Cette auto-organisation pouvant recevoir l'appui
extérieur comme par des structures d'intervention en milieu
rural, comme l'O.N.P.R., la S ATM AC!. L'image que j'ai
du paysan, c'est ce qui aspire à l'amélioration des condi-
tions de la vie, qui aspire à comprendre le développement,qui
ne manifeste pas de résistance au changement, mais qui vou-
drait savoir pourquoi le changement. Donc à la base,il y a
un aspect de sensibilisation et dtinformation des communautés
villageoises à la problématique du changement, ctest:i~portant
car cette opération permet d'obtenir des communautés rurales

-
256 -
des attitudes, des comportements qui favorisent justement leur
participation au programme de développement du monde rural.
Il faut réveiller en quelque sorte les consciences afin que
les ruraux puissent s'approprier d'une manière concrète des
messages et les directives qui leurs sont adressés, et susci-
ter leur participation. Les paysans sont ouverts au changement,
mais il faut passer par cette approche là même si on observe
une résistance, par contre, le paysan est disposé à comprendre
les mécanismes du changement.
Je pense que la position des ruraux par rapport à
la modernisation se pose de la façon suivante. Les ruraux as-
pirent au changement; ils veulent le changement. Pourquoi
la modernité, c'est en fait le changement. Pour eux aussi la
modernité c'est l'accumulation de richesse
et l'utilisation
de cette richesse pour améliorer les conditions de vie, pour
rendre la vie moins rude. La modernisation et la mécanisation
de 11 agri cul ture étant à un stade de ba 1but i ement, quand on
parle du travail agricole, on parle surtout dleffort musculaire. 11
Il faut alors, par le travail ,a.voir de l'argent pour aménager
le village, le terroir, réduire la dureté du travail agricole,
que ce soit dans le domaine de la production, dans le domaine
;
du trans port pour 1 0 achemi nement des produ i t s , que ce soit
1"
l'accès aux soins,
la modernité pour les paysans, clest çà.
~
A
ce niveau, il y a beaucoup de communication entre les pay~
sans et les citadins. Clest nous qui leur communiquons la mo-
dernité par plusieurs voies: la radio, 1 lhabil1ement, la pen-
sée, les produits de consommation. Il y a L' êco f e qui est
perçue comme le signe extérieur de la modernité, c'est parce que;
nous avons été à 1 1école que nous nous trouvons en ville.
Les relations ville/campagne sont une question de llidéo10gie
dominante. Il y a une certaine infériorité de la campagne
par rapport à la ville, il y a tout un environnement histori-
que. et immédiat. Cet environnement est à la fois économique
et culturel, ce rapport lui-même politique, en dernière ana-
lyse c'est un problème qui concerne le tiers, il y a un rapport

- 257-
de force économique et culturel entre les pays du tiers-monde
et les développés. Ce rapport de force nous est défavorable
et cela se remarque dans notre vie, qu'elle soit structurelle,
politique ou sociale; et je crois que toutes les images
qu'on peut se faire de notre ruralité sont fondamentalement
issues de ce dualisme culturel. Toute modification de cette
image doit passer par une reconversion de la politique d'en-
semble du pays.

258 -
POPULATION IICONSEILLERS RURAUX II
SUJET N° 4
Avant, au village, les gens dorment sous des mai-
sons en bois. Mais partout à travers le monde rural, on voit
des améliorations, on trouve des routes qui rejoignent les
villages. Je pense qulil y a une évolution mais tout n'est
pas parfait. Tout serait parfait si le besoin des besoins
était satisfait. Toutes les revendications du monde rural res-
tent sans réponses. Mais ce dont je suis sûr, c'est que c'est
un monde dévoué et courageux. Un monde travailleur. Pour cela
je pense qu'il m'envoie
pas les citadins, car quoi qu'il en
soit le monde rural mange à sa faim. Leur seul problème à mon
avis c'est celui de la valorisation de leur métier et de la
rémunération de leur production par rapport au travail qu'ils
(ruraux) fournissent. C'est ce seul problème à mon avis qui
les inquiète. Si cela est résolu, je pense pour ma part que le
monde rural aura pleinement sa place dans notre société par
rapport aux citadins.
Par exemple, on dit que le kilo de café vaut 300 F ;
les commerçants eux aussi augmentent leurs prix. En ce moment,
le paysan n'a rien. Leurs conditions de vie sont très diffi-
ciles. Donc le gouvernement essaie de remédier à ce problème,
en prenant les mesures qui s'imposent afin que le monde rural
participe à sa manière à la construction et y trouve son compte.
Aux man ques que con na i t lem 0 nder ura l, i l fa ut aj 0 uter l e co t
û
de la scolarité de leurs enfants. Notre action de modernisa-
tion de l'agriculture veut pallier à ces difficultés car on
espère en produisant mieux que le monde rural pourra régula-
riser sa situation.
D'autre part, je pense personnellement la conception
du modèle d'agriculture que nous avons choisie est bonne.
D'après mon expérience je suis convaincu que les paysans sont
convaincus de cette mutation du monde rural par la modernisa-
tion de leur système de production. Tu sais c'est une question
fe reconversion des mentalités collectives. Je pense que la
phase de transition n'est pas très douleureuse. On essaie

-
259 -
d'adapter les paysans à la nouvelle pratique agricole, en
prenant appui sur ce qu'ils savent de l'agriculture, car ils
étaient agriculteurs avant l'arrivée de ces nouvelles techni-
ques.
Nous, nous sommes déterminés à créer cette classe
d'agriculteurs semblables à ceux des paysans riches. Nous
voulons atteindre cet objet
pour le compte du développement
de notre pays. Et puis le monde rural doit y participer, c1est
notre manière de lly insérer, ainsi le rôle du conseiller ru-
ral est d'aider le paysan à répondre à ce besoin du gouverne-
ment, donc à travailler auprès du paysan pour qul;l produise
plus, pour que change sa rentabilité, abolir l'ancienne métho-
de pour prendre la nouvelle.

- 260 -
Population
IIConseillers ruraux ll
SUJET N° 5
Moi, je vois le monde rural comme la base du dévelop-
pement de notre pays, parce que un pays agricole. Mais ce qui
me pose problème, c'est que nous n'avons pas réussi à dévelop-
per totalement le monde agricole. Nos paysans n'ont pas encore
le droit. Le besoin de nos paysans ici, chez nous, ne s t pas
encore pris en compte. NGus,conseillers ruraux, nous sommes
près du gouvernement et près du paysan. Le gouvernement nous
donne des informations que nous transmettons
aux paysans.
Mais nous mêmes, nous sommes en difficulté, car le paysan
même s'il écoute nos conseils, manque de moyens suffisants
pour réaliser ce que le gouvernement nous demande de faire. Il
y a des moments creux où le paysan a besoin de l 'argent pour
s'occuper de leurs besoins fondamentaux. Ce qui fait notre tra-
vail n'avance pas rapidement. Ceci pour la simple raison que,
lorsque vous dites à un paysan d'acheter un sac, et qu'il nia
pas d'argent, le travail stagne, donc fondamenalement notre
rôle d'encadreur, de conseiller se trouve bloqué par le manque,
voire l' inexistance de matériel pour le paysan. Et tant que
le problème n'est pas évacué, nous autres informaeurs, nous
voyons pas tellement la finalité du travail de modernisation
du monde rural que le gouvenrment nous a confié. Ce qui me
laisse penser que le monde n'a pas évolué, parce que les pay-
sans ne sont pas de grands planteurs.
Un grand
planteur,
pour moi, doit avoir des mach i ne s , tout le matériel nécessaire
à une agriculture moderne; or chez nos ruraux, il n'est pas
question de tout ce l a . Même le simple atomiseur, le planteur
est obligé de le demander à nous conseillers ruraux. Je pense
que notre monde a une très grande route à parcourir.
Mais le paysan écoute tout ce que nous lui disons.
Il apprécie notre technique, mais toujours ils n'ont pas le
matériel en mains. Cela constitue pour nous un problème majeur.
Comme je viens de le dire, le paysan veut la modernisation
pour être mieux, comme ceux de la ville .•. Je suis content

- 261 -
du travail de conseiller rural, car les paysans que j1encadre
me prouve "que mon travail est réel. Le résultat se voit,
c'est concret. Les paysans qui m'ont suivi sont un peu avancés
par rapport à ceux qui ne l'ont pas fait. Je suis convaincu
que ce que je fais, c'est pour amener vers la lumière en géné-
ra1, un paysan aussi a un droit dans notre société. Lorsqu'on
parle, certains esprits courts les ridicules.
Mais
ce que
nous faisons avec cette sous-population nous constatons que
c'est une véritable catégorie sociale dont on ignore les besoins.
Ces paysans nous attendent à bras ouverts pour recevoir mes
conseils, mais en définitive, le paysan se sent découragé car
quelquefois, tout reste au niveau de la simple parole. Nos sug-
gestions en tant que conseiller, et qui reflètent les senti-
ments et aspirations des paysans, ne sont pas pris en considé-
ration par nos responsables. Néanmoins, les .paysans travaillent.
Je sais que le paysan n'a
Î
-
ndé de cultures modernes.
'On les a obligé à le fa~f~~-:-::_,e font. Pour cela, je
pen s e_ que 1e spa y san s .~" t(&tA ~ lf:u r \\ 1i r dé ve 10ppemen t. J e 1e s
aide. Je travaille cons~'~c..~é~,b:~. Je pense que je suis le
fer de lance du déve10ppe~[1~rq,qde rural.
.
,_;~9/
Beaucoup de choses'FE'ô.ncent à changer dans 1e monde
rural grâce au modèle officiel d'agriculture qu'on applique.
Cette nouvelle politique agricole motive les jeunes à venir à
la terre au lieu d'aller errer en vt l l e-vs an s travail. Je lance
un appel que ceux qui vagabondent en ville ne sont faits pour
construire le monde. Je vais vous raconter un fait: vous savez
je travaillais avec un conseiller rural, il a été renvoyé du
service en 1964, il est retourné de lui-même à la terre. Actuel-
lement il fait cinq tonnes de café. Il possède des véhicules
pour transporter les produits, et je crois qu'il est bien,
c'est pourquoi je pense que ceux qui croient que les paysans
sont les derniers des ivoiriens ignorent beaucoup de choses.

\\
ERR AT A
pages
'ligne
1ire
..
5
10
approche théorique
11
4
d'orientation
12
14
dic.!!.otomique
30
dern. 1.
en termes simples
51
10
se révèlent
68
7
étude
70
7
découpés
-:74
21
au niveau des supports
acteurs (au lieu de secteur)
96
4
reçu!
Il
5
socio-géographique
99
10
Jodelet
106
14
au départ que
110
7
attitude
122
6
à 1a fi n
dimension
126
19
ils sont
128
14
dichotomique
137
27
ainsi de suite
Il
28
alors' que
141
9
définit dans
149
8
individualisme
D
19
dépendant
Il
28
surévaluation
162
8
travailleur

MODELES eULTURELS ET REPRESENTATIONS SOCIALES 1
a===aaaaDaa==aa====:====a==a.Daaa.aa_a=_=aaa=
LES REPRESENTATIONS SOCIALES DE LA RURALITE EN COTE D'IVOIRE
1
=:a=.aaaaa.aaaaaDaa========a=a••_._.am===.=a===a===a==a••••a
Thèse de Doctorat '0 cycle soutenue
par
YAPO
~API
Assistant de psychologie Sociale.
à
l'Ecole Normale Supérieure d'Abidjan
C~te d'Ivoire
~
1
RESUME DE LA THESE ET PRESENTATION DES PRINCIPAUX RESULTATS OBTENUS.
=========::=::=========================:======:===========::==a==== ~~~
1° - La justification de l'objet de la recherche
~~1
Le travail
inscrit dans cette thèse, pose la ruralité, comme une eitu8tion~
sociale. Comme individu d'origine rurale, nous avons le privilège d'observar l a j
ruralité dans 8a r'alité elle-mAme par le biais de l'obervation
participante.
~
Confrontant les discours du sens commun sur la ruralité à ceux des universitaire~
discours rencontrés dans les recherches de type monographique, nous nous sommes
~
~
trouvés dans une situation marquée par une double insatisfaction :
4
l
- Insatisfaction par rapport à l'image de la ruralité traduite par le eens
~~
commun et véhiculée dans le champ social ;
~
~
j
- Insatisfaction par rapport à l'orientation des recherches empiriques eur
~
la ruralité et les images que les travaux dégagent de cette réalité.
~
1
~~
• A la suite de ce sentiment déplaisant, nous avons voulu tirer les leçons
i
des lacunes et des limites propres à ces appréhensions empiriques de la ruralité t
Pour ce faire, nous avons choisi d'aller au-délà de cette situation et interroger)."
les discours sociaux sur la ruralité, ceci, à partir de deux hypothèseB centraleSI
1) - La ruralité est une situation sociale st psychologique intelligible.
2) - Les discours pour appréhender cette situation sociale sont des discours
inscrits dans la dynamique des appartenances de groupe.

J
- 2 -
au etatut de la ruralit~, comme objet de repr~sentation eociale, d~fini
à partir
de diecours sociaux.
Noue avons ainsi tr8vaill~ eur un ensemble de mat~ri8ux discursife. Ces
discoure eont recueillie 8upr~s d'individus consid~r~s, comme int~ress~s par
la r~pr~sentation de la ruralit~. Au total, nous avons voulu savoir, ce qu'est
la ruralit~ aujourd'hui dans la soci~t~ ivoirienne. Autrement, notre curiosit~
prend appui sur lae traie questions suivantes :
- Comment les ruraux se perçoivent dans notre soci~t~
?
- Comment eux, perçoivent cette 60ciét~
?
- Comment, enfen, ils sont perçus dans le champ social d~fini par la
""
soci~té dans sa globalité
?
En d'autres termes, comment les ruraux
sont vus par les autres groupes sociaux.
2° - Pr~sentation et analyse des résultats
Les principaux r~sultats obtenus au cours de ce travail, concernent l'orga-
nisation des modèles cognitifs
qui r~gissent l'appr~hension de la ruralit~, à 18
fois com..e :
• un cadre de vie, une partition g~ographique et ~cologique, manqu~e par une
originalit~, dont le mode de vie. La ruralité en effet, symbolise des modes
d'habitude, de modèles culturels des valeurs et des croyances en cr~es dans un
champ de r~f~rence identifiable.
- La couverture d'une catégorie professionnelle. Ainsi identifi~e, la
ruralité est un espace social
qoi définit des vécus, des statuts et des affects.
En un mot, une situation sociale.
Enfin, la ruralité peut être repr~sentée, comme un espace-enjeu, support
de discours sociaux.
Dans cette triple perception de la ruralité, nos résultats ont montré
que la repr~sentation de la ruralité s'élabore par le biais de la dynamique
des appartenances de groupe à travers un ensemble de constituants ou catégories
mentales, c'est-à-dire des éléments à partir desquels s'organisent en s'appuient
les discours sociaux sur la ruralité. Ces él~ments sont analysés, comme des
points d'étagage des discours recueillis. On a pu relever ainsi :

-
3 -
- Des constituants "pratiques- 1 c'est-à-dire lids aux rapports et .ux
rel.tions de travail en milieu rural, à la pratique professionnelle ayant
des rapports avec la ruralitd, comme couverture d'une cat'gorie 80ciale profes-
8ionnelle et comme secteur d'activitds humaines.
- Des constituants ayant statut de valeurs idiosyncrasiques r c'est-à-dire
organisant des discours dont la référence s'édifi~ autour d'attributs propres
à la ruralité dans sa spécificité (la ruralité, comme mod~le culturel, comme
espace et environnement socio-géographique).
- Des constituants -relationnels", reposant sur la comparaison du rapport
ville/brousse.
Par ailleurs, nos résultats ont montré l'existence de deux images distinctes
de la ruralité :
- Un aspect tratitionnel, qui disparait de l'apprdhension de la ruralité.
Cet aspect caractérise l'image du paysan actuel, considéré, comme un "assiste"
dans la réalité économique.
- Un aspect moderne, nouveau, qui commence à apparattre. Cet aspect est
symbolisé par l'image de l'agriculteur idéal, avec le processus de profession-
nalisation du métier d'agriculteur et une participation plus active de ceux-ci
dans la dynamique du développement national.
DE L'ASPECT
TRADITIONNEL
=========================
Aussi bien dans les discours écrits que dans les entretiens réalisés, on
note une tendance à la restriction des discours décrivant le profil du paysan.
Cette attitude collective à nos yeux, suggère une t~ansformation des images et
des profils de la ruralité, et pose nous semble, une évolution des idées et des
mentalités collectives propres à notre eoc~été.
- DES REPRESENTATIONS EN COURS DE TRANSFORMATION ET LEURS SIGNIFICATIONS
======================================================================
Cette étude est une approche partielle d'une réalité sociale globale. De
ce fait, nous nous sommes efforcés de poser la ruralité telle qu'elle est
présente dans la dynamique des rapports de notre société.

-
L.,
-
...
D~passant ainsi les sursauts subjectifs et partisants d'une d~fense p~ri~~e du
fait rural, nous sommes arriv~s à la conclusion finale qu'aujourd'hui, - et les
.ntretiens recueillis l'~tOo/ent bien, - la ruralit~, ce n'est pas seulement
cette zone rurale par IIPPosi tion à une zone urbainsr .. Ce n'est pas non plus le
fait d'être en brousse, y·vivre et y travailler. Ou mê~e, à la limite, l"tat
de tout ce qui a rapport aux ruraux en g~n'ral et à la paysannerie, en particulier.
C'est bien, postulons-nous, une situation sociale et psychologi9ue 1 c'est-à-dire
une situation à propos de laquelle se manifeste et se joue.nl'int'riorisation
du social", jusqu'à toucher à l'identit~ des groupes qui s'y r~f~rent et cr~er
des conflits psychologique's quand les attentes, les besoins affirm~s ou attendus
ne sont pas conformes aux normes auxquelles les groupes adh~rent. Dans cette
compr~hension globale, la ruralit~ constitue pour nous tout un faixeau de prati-
ques sociales et de situations psychologiques diverses, li~es aux v~cus sujectifs
des individus et à l'histoire collective des groupes impliqués dans son rapport.
Ainsi, on suggère, à l'issue de ces essais d'~criture que la ruralit~ peut-être
définie comme un espace-enjeu, support de discours sociaux.
Par rapport à cette dynamique ~volutive des pensées sur la ruralit~, nos
r~sultats ont montr~ en quoi les discours sociaux recueillis sont d~termin~s
par un ensemble
de facteurs socio-économiques, comme en témoignent la transfor-
mation des modes de vie, et le processus de professionnalisation pens~e
du métier
d'agriculteur. L'ensemble de ces transformations s'opère par la modification de
certains éléments et du maintien de certaines dimensions :
Des él~ments stables
et
constants.
Ainsi par rapport à un identification de la ruralit~, comme modèle culturel
homogène, nos résultats ont permis d'observer l'existence de la permanence d~
identité et d'une conscience
rurales présentes dans les discours recueillis. On
a trouvé chez tous les individus sollicités, quelle que soit leur appartenance de
groupe, des éléments fondamentaux -modèle relationnel, familial, organisation du
mode de vie ••• ) qui définissent cette permanence. Ce résultat suggère qu'il existe
bien dans. notre société une représentation de la ruralité qui se maintient dans
ses dimensionsl essentielles. On peut, en s'appuyant sur cette tendance, formuler
l'hypothèse que ces él~ments constituent probablement l'élément central de la re-
présentation étudiée.
Par ailleurs, on constate que, quelque soit le groupe d'appartenance, les
discours sur la ruralité utilisent t~ , la reférence à des éléments concernant
..•1. . .

les conditions socio-économiques d'existence des ruraux, comme posant
problème.
Ces
41éments peuvent être analysés, comme ceux collectivement partagés. Ce
sont les pointe de référence communs sur lesquels se polarise, la représentation
de la ruralitd.
Des dl'ments diversifids
selon
l'appartenance
Par contre, nos rdsultats, montrent que dans la représentation de la ruralit'"
les
éléments liés aux caractéristiques suljectives de la situation elle-même,
.1'
et aux groupes sociaux
concernés, comme producteurs des discours analysds
se
transformeraient plus. Ces éléments pourraient être identifiés comme les dléments '
périphériques s Ce eont les éléments liés au vécu individuel et collectif et
inscrits dans l'appréhension cognitive de la situation elle-même.l.