UNIVERSITE LYON \\1
U.E.R. I.P.S.E. SCIENCES DE L'EDUCATION
ET EDUCATION
Etude fonctionnelle des
contes et l é g.e n d es
de 1"AFRIQUE de l'OUEST
THESE DE DOCTORAT
DE TROISIEME CYCLE
EN SCIENCES DE L'EDUCATION
Présentée par
Monsieur le Professeur Guy AVANZINI
,
,
1
ANNEE 1983

Avec tous mes remerciements à
Messieurs les Professeurs :
Bruno DUBORGEL, Guy AVANZINI,
et à Madame
Généviève CALAME-GRIAULE,
Chercheur au C.N.R.S.-Paris.
,

A ma mère,
"Les grandes douleurs sont muettes".

1 NT RaD U C T ION
Les contes et légendes sont anonymes
leur
origine, parfois très lointaine est impossible à préciser.
Or, outre les quelques-uns qui sont fixés par l'imprimé
dans des livres ou des revues pour enfants, la pratique du
contage est toujours vivante dans les sociétés tradition-
..--=
nelles.
6~,<~\\CAI
'\\JE 6',1.;<;/
""
'c'
~
~),
Mais, faisant partie ~~~l~~ vivante,
transmis oralement pendant des §j~cles, i~9~nt subi aussi
\\.--"',~._~'~
/~"
,sv~
bien des transformations et se pT'e~a nous sous de
nombreuses variantes sans qu'aucune puisse prétendre renré-
senter la version originale.
Ils ont été très longtemps
relégués parmi les connaissances les moins nécessaires :
que nous importent ces contes et légendes qui nous ramènent
à
l'enfance de l'humanité?
Ils ne servent à rien, ne prouvent rlen,
sinon
l'ignorance d'une race primitive qui,
incapable de pénétrer
le pourquol des choses et, sans défen~e contre' les forces
de la nature, n'a su les expliquer que par le merveilleux,
les affabulant par une morale impérative et grossière. Sans
doute raisonnait-on souvent comme GOLBERRY qui, au XVlllème
siècle, écrivait:
"C'e-6:t là,
d an s la gJtaVl.de c.a-6e :de nëu n.co v:
que -6 e JtéuVl.-<--6-6 eVl.:t de s c.o:t:teJt-<-e.-6 de Vl.ègJte-6,

-
2 -
qu~ y pa~~ent de~ jou~née~ ent~è~e~ à 6ume~
à joue~, ma~~ ~u~tout à ~au~e~,
et à 6a~~e
âe.s c o nte~ et de.s. h~~to~~e~ .
... Ca~ !e~ ~onte~ !e~ p!u~ ab~u~de~, !e~
h~~to~~e~ !e~ p!u~ men~ongè~e~, ~ont !~
~ouve~a~n dé!~~e et !e p!u~ g~and amu~ement
de c es homme~ qu~ pa~v~ennent à t.o: v~eill~~e
~an~· êt~e ~o~t~~ de !' en6an~e". (1)
Néanmoins, et en dépit de ce jugement, les contes
et légendes n'ont~ils pas personnifié des idées de tous les
temps et des abstractions éternelles, et exercé une
influence profonde sur la formation et le développement du
jugement moral de l'enfant?
Sont-ils si naîfs et SI vains que le supposait
GOLBERRY ? N'ont-ils pas aidé les adultes, dans les socié-
tés traditionnelles, à transmettre des valeurs morales aux
enfants, et, par là même, à les faire leurs? Quand, par
leurs allégories accessibles et vivantes ils nous relatent
les passions humaines, le sens de la vie universelle ne
s'éclaire-t-il pas? Est-ce sans raison q~e les contes
flétrissent la méchanceté, l'avarice, la gourmandise, l'au-
toritarisme des princes ... et exaltent la bonté, la
justice, l'équité, en un mot,
les plus nobles a spi.r at.i on s
'.";
humaines ?
Dans notre étude, nous allons donc nous interro-
ger sur les fonctions éducatives des contes et légendes.
(1) GO·LBERRY - F~agment~ d'un voyage.. en A6~~que.- p.
347.
"1

-
3 -
Quels sont les fondements et les finalités de l'art du
contage dans les sociétés traditionnelles de l'ouest
africain? La verve communicative du conteur est-elle un
acte purement gratuit? Comment s'y prend-il Dour faire
passer à travers des récits qUl se situen~ parfois de
l'autre côté de la logique, du réel concret, un message,
des valeurs morales ? Et quelles valeurs morales cherche-
t-on ainsi à transmettre à l'enfant et à quelle fin?
Pour cela, nous avons d'abord cherché à préciser
la notion, souvent imprécise, de contes et légendes et à
étudier les recherches entreprises sur l'origine, la diffu-
sion, le contexte ethnologique, et cela dans le souci d'une
approche plus globale, des différentes notions.
En général, les chercheurs ont étudié leS contes
et légendes, en les comparant avec ceux du monde entier;
ils ont recherché leur origine et ont tenté de découvrir
leur véritable "généalogie", leur évolution, à travers
l'histoire des peuples.
Certains ont hâtivement conclu
qu'ils ne relèvent que de~activités ludiques, en mécon-
naissant leurs fonctions éducatives.
Etudier les fonctions pédagogiques des contes et
légendes dans les société traditionnelles sans écriture,
ne suscite-t-il pas d'autres interrogations, notamment
celles des modalités de transmission, des moyens mis en
oeuvre pour formaliser cette pédagogie ?

- 4 -
y
a-t-il dans les sociétés traditionnelles une
" intention délibérée de "pédagogiser"
les contes et légendes?
Ou alors, la transmission des valeurs morales et spirituel-
les à travers les contes ne relève-t-elle que d'un compor-
tement psycho-sociologique inconscient, diffus et non-
formel ?
Nous reviendrons plus en détail sur ce concept d'éducation
non-formelle, pour justifier ses fondements,
le dynamiser,
afin de mieux le caractériser.
Pour mieux répondre aux questions que nous nous
sommes posées précédemment, nous avons classé les contes
sous différentes rubriques thématiques, à savoir: le
conte moral, le conte philosophique, le conte ésotérique,
le conte étiologique, et le conte ludique, satyrique ou
comique.
Puis nous avons fait une analyse détaillée du
contenu, en vue d'identifier la place et les fonctions du
conte dans 1'6ducation coutumière.
Quant aux légendes, deux thèmes se partagent
l'espace épique en Afrique de l'Ouest:
la légende du con-
quérant propre aux régions de savanes et la légende du
sacrifice royal dans les régions de forêt du golfe de
Guinée.
Ces récits marquent des hauts faits qu'auraient

-
5 -
accompli, en des temps plus ou moins immémoriaux,les
. conducteurs de peuples. Quelles sont les qualités morales
et intellectuelles qu'exigent ces peuples de leurs guides?
Les contes et légendes contribuent~ils encore puissamment
aujourd'hui à étayer les fondements de l'éducation coutu-
. -
?
mlere ..
Affrontés à des problèmes divers d'originalité et
d'identité culturelle les hommes de théâtre de l'ouest
africain esquissent tous àujourd'hui de nouvelles perspec-
tives. L'événement théâtral est, par essence, un événement
qUI ne se répète jamais puisque chaque représentation est
comme une version inédite et éphémère qui diffère des pré-
cédentes tout en en étant proche.
Les "représentations" traditionnelles savaient
tenir rigoureusement compte de ce fait, et en mesurer toutes
les conséquences.
L'irruption du texte écrit dans le théâtre de
l'ouest africain bouleverse cette appréhension de l'acte
théâtral.
L'art du contage en tant que technique de commu-
nication peut-il servir puissamment la rhétorique théâtrale
africaine? Comment la tradition peut-elle renforcer ou ins-
pirer une modernité, qui se cherche, dans tous les domaines
précis.
* N.B.
Nous présentons au fil de notre étude un corpus de 19 contes.

-
6 -
,,
i
PRESENTATION DE L'AFRIQUE DE L'OUEST
Les Etats de l'Afrique de l'Ouest
-
La Mauritanie
2 - Le Mali
3 - La Guinée
4 -
La Sénégambie
5 -
La Côte d'Ivoire
6 - La Haute-Volta
7 - Le Niger
8 -
Le Ghana
9 - Le Togo
1 0 -
Le Bénin
11 - Le Nigéria

./
- 5 -
PRESENTATION
DE
L'AFRIQUE
DE
L'OUEST
Les Etats de l'AFRIQUE DE L'OUEST
l
La Mauritanie
2
Le Mali
3
La Guinée
4
Sénégambie
5
Côte d'Ivoire
6
Haute Volta
7
Niger
8
Ghana
9
Togo
10
Bénin
11
Nigéria

-
7 -
CHAPITRE
1 - QU'EST-CE QU'UN CONTE ET QU'EST~CE QU'UNE
LEGnlDE ?
Le Littré définit le conte comme un "récit d'aven-
tures merveilleuses ou autres faits en vue d'amuser ;" et la
légende: "tout récit mythique et traditionnel ... ".
L'origine de la plupart des contes remonte cer-
tainement à un passé très lointain et échappe aux investiga-
tions des chercheurs en la matière. Pour les oeuvres
littéraires écrites, il existe des documents qui permettent
de retrouver certains jalons et d'établir une chronologie
entre oeuvres modernes et oeuvres antiques. Au rebours, les
contes et légendes se sont transmis oralement tant ils font
partie d'une culture vivante et c'est par des concours de
circonstances exceptionnelles
qu'on retrouve des vest iges
profondément transformés sans doute dari~ des oeuvres écrite~
Maurice DELAFOSSE fut en effet le premier à sentir la valeur
de la littérature orale des Noirs, et à exprimer à travers
elle l'âme africaine.
(1) Après lui, Blaise CENDRARS écrivit
un recueil de contes qui eut beaucoup de succès.
(2).
(7) DELAFOSSE (Ml -
L'âme Nè~~e - et E~~a~ ~u~ le ~oman de
l'A~a1gnee ~hez le~ Baoulé - pa~u dan~
la ~evue d'ethnologie et de~~~ad~t~on~
popula1~e~ en 1920.
(2)
CENDRARS - Antholog~e Nèg~e - Co~~éa - Pak~~ 1921.

-
8 -
Ces contes recueillis alors et notés fidèlement
pour la première fois,
appartiennent à une tradition orale
qui a subi l'influence d'une certaine tradition écrite. Les
interférences entre tradition orale et littérature sont
telles qu'il n'est pas toujours facile de savoir, d'un conte
recueilli dans la tradition orale et du même conte attesté
dans la littérature, quel est celui qui a influencé l'autre.
Cette constatation est caractéristique des pays
occidentaux mais en Afrique Noire, les contes et légendes
ne subissent de transformation notable que par le seul biais
de la transmission orale.
Dans le "conte populaire français" SIMONSEN éta-
blit un lien étroit entre les contes et légendes et le
folklore.
(1).
Pour cet auteur, le conte populaire relève donc
du folklore au même titre que
- les fêtes,
les danses, les jeux, etc ...
les costumes, les instruments de musique, les
arts plastiques, populaires, etc ...
- les rondes, comptines, devinettes, formules
pour amuser les bébés, ...
- les salutations, bénédictions"jurons, etc ...
- les formules juridiques, météorologiques,
(1)
SIMONSEN
(M)
-
Le c.on-te pOpu.ta-tfLe 6fLanca-t.6
- p.
10.

- 9 -
- les formules de Médecines populaires, etc ...
Le conte populaire serait ~n récit au même titre
que
- les mythes,
les légendes, les sages (récits
épiques), les anecdotes biographiques, etc ...
Malgré les nombreuses interférences qui existent
au point de vue du contenu entre toutes ces formes de
récits,
il est important de distinguer le mythe de la
légende et du conte. Le mythe, bien qu'étant le récit d'évé-
nements fabuleux qui n'ont sans doute jamais été considérés
comme littéralement vrais, symbolise les croyances d'une
communauté.
La légende, est un récit d'événements considérés
par le locuteur et les auditeurs comme véridiques, qu'il
s'agisse d'êtres surnaturels liés aux éléments (fées,
animal extraordinaire, etc ... ) de personnages ou d'événe-
ments locaux. La langue courante emploie les mots de "con-
tes", "légendes", "contes de fées",
"histoire", d'une façon
peu rigoureuse.
C'est ainsi que SENGHOR et A. SADJI ont
intitulé leur recueil ùe contes "la belle histoire de Leuk-
le-Lièvre" (1).
Les termes les plus généralement. acceptés sont
parf6is impropres.
(1) SENGHOR (L.S.) et SAVJI [A) - La betl~ ~~o~~ d~ Leuk-i~-Li~v~~
ClQj~~qu~ Hach~~.

- 10 -
l - CATALOGUE INTERNATION DES CONTES
Cependant, le catalogue DELARUE-TENEZE (1) suivant l'usage
établi par le catalogue international AARNE-THOMPSON (2)
adopte la classification suivante :
1 -
Ç212!~ _Q!:22!:~JIl~~S",.,,:~~ ~
mervei/~~;~:S':~~éS
Contes
souvent en français
~,(
,,~\\
sous l' appe Il a t ion de '&.0:nte sJ\\,ae;;}lé~~S,'" impropre, car trop
zrE/~' J~Ql
restre inte puisqu'il Y 9è ~~, ';;rement,f quest ion de fée s. De
'.,('1
<,
/
<-,.'::1
o(..,.~
:(\\"
structures as~ez complexe,~~~mportentdes éléments sur-
naturels non chrétiens (enchanteurs, métamorphoses, objets
magiques, etc).
Les contes merveilleux, auxquels on a parfois
tendarice à as~imiler tous les contes populaires, ne consti-
tuent en fait qu'une petite partie du répertoire.
2 - Contes réalistes ou nouvelles
Là encore, le terme est impropre et n'est pas
accepté par tous les folkloristes.
Les contes réalistes ont
une structure semblable à celle des contes merveilleux, mais
s'en distinguent par l'absence du surnaturel.
Ils n'en sont
pas réalistes pour autant, et abondent en coïncidences,
(1 l VELARUE (P) et TENEZE
[M.L) Conteb me~veilleux vol. 2
Ed. Mai~onneuve et La~o~e - 1964.
(2)
Antti AARNES and Stith THOMPSON - The typi 06 the Folk~
tale - a c.la~~i6ic.ation and b-<'bli09~a~
v o r..
LXXV nO 184.

-
11 -
déguisements, coups de théâtre, dénouements heureux,
impro-
bables, etc ... De nombreux contes des mille et une nuits
're 1èvent de ce genre.
Ces contes se distinguent des légendes, avec les-
quelles ils ont en commun un contenu chrétien, par le fait
qu'il s'agit de fictions données pour telles: - histoires
d'ogres stupides, par exemple.
4 - Contes d'animaux
Cette catégorie est particulièrement difficile à
justifier en théorie puisque les animaux jouent souvent un
rôle très important dans les contes merveilleux, et que
certains contes facétieux existent sous plusieurs formes,
les unes avec les humains, les autres avec des animaux
comme protagonistes.
Il est cependant d.~usage de réserver
ce terme pour les contes qui mettent uniquement les animaux
en scène. Le conte d'animaux se distingue de la fable,
genre
littéraire au demeurant, en ce que celle-ci comporte un
enseignement moral.
5 - Le conte facétieux
Ce type de cont2, le plus abondant, regroupe tou-
tes sortes de récits bien différents :
- récits qui se moquent des riches, des puissants
et des institutions établies.
Ils ont souvent pour héros

-
12 -
des humbles, qui conquièrent leur p ace au soleil grâce à
leur débrouillardise
;
- récits qui se moquent des faibles, des infirmes,
des sots, des étrangers, ou simplement des habitants d'une
région voisine, considérés traditionnellement comme stupides;
- récits qui se moquent dès valeurs officielles
honnêteté, piété, chasteté, ardeur au travail, et mettent en
scène prêtres débauchés" femmes infidèles, maris cocus;
- récits scatologiques ;
- hâbleries, histoires
décrivant des exploits de
chasse, de pêche ou des pays de cocagnes manifestement
mensongers
- les fabliaux qui sont des versions littéraires
de contes facétieux.
Mais en revenan't au cas particulier que constitue l'Afrique
Noire, les premiers recueils de contes" africains établis-
sent d'autres classifications.
Ainsi, Blaise CENDRARS, dans "Anthologie Nègre"
(1) établit
la distinction suivante
1~~_1~g~~~~~_~Q~~QgQ~~g~~~
- légende de la création
- légende des origines
,. la légende de la séparation
- la légende historique
(7)
CENDRARS (B)
- Antho{o9~e nè9~e - Co~~é - Pa~~~ 7927.

-
13 -
- les contes merveilleux
- les contes anecdot~ques, romanesques et
d'aventu:ces
- les contes moraux
- les contes d'amour
- les contes humoristiques
- les contes à combles, charades, proverbes
- les contes moderne s.

-
14 -
II - SPECIFICITE DES CONTES DE L'OUEST AFRICAIN
Certains auteurs plus récents distinguent des
cycles dans les contes, de l'ouest africain: le cycle du
lièvre et de l'araignée, sortes de récits qui font du
lièvre et de l'araignée des animaux-vedettes doués d'une
intelligence admirable, souvent opposés respectivement à
l'hyène et aux autres animaux.
"L e c.ljc.le es t: un.e -6 n.i.e. qui t.ou nn». au t ou.n. d' (Ln.
ë
ou plu-6ieuIL-6 peIL-6on.n.age-6 pILin.c.ipaux et qui vaILie leuIL-6
aven.tuILe-6 au gILé de l'imagin.ation. et de-6 c.iILc.on.-6tlLan.c.e-6 de
la vie".
(1)
Ce même auteur écrit encore dans un autre
ouvrage "-6elon. le-6 ILégion.-6,
on. peut di-6tin.gueIL de-6 c.ljc.le-6
de peIL-6on.n.age-6, c.'e-6t-à-diILe de-6 en.-6emble-6 de c.on.te-6 atta-
c.hé-6 à la tILadition. c.ultuILelle d'un. peuple don.n.é paIL un. ou
deux an.imaux- vedette-6 qui j ou e.n: t.e.s «ô r.e.s e-6-6 enr.Le.rs":
(2)
Mais ces animaux-vedettes évoluent dans un cadre
géographique bien précis: c'est dans les pays de savane de
l'ouest africain qu'on trouve le cycle du lièvre.
Il part
du Sahara et s'étend sur les régions de savane de Mauritanie,
Guinée, du Sénégal, de Côte d'Ivoire, de Haute Volta, du
Mali, du Niger, du Tchad.
( 1)
CO LI N (R )
Le-6 c.on.te-6 de l'oue-6t a6ILic.a.in. - p.
109.
(2)
COLIN
(R)
- LittéILatuILe a6ILic.ain.e d'hieILet de demain.
P.
93.

-
15 -
1
Celui de l'Araignée serait la zone de végét~tion
exubérante, les forêts de l'ouest africain, Haute Gui~ée,
Sierra Leone, ~ibéria, Basse et Moyenne Côte d'Ivoire,
Ghana (pays ashanti essentiellement).
Une étude très récente fut consacrée au "lièvre
et à l'araignée dans les contes de l'ouest africain rr (1).
L'auteur y montre le rôle prépondérant joué
par ces
deux animaux avant de recueillir au fin fond des campagnes
des contes du lièvre et de l'araignée étayant du coup; les
travaux de R. COLIN à ce sujet. Autre spécificité des contes
de l'ouest africain, c'est la prédominance, à travers les
cycles, des contes parallèles, où l'on voit les mêmes héros
affronter successivement les mêmes épreuves : le premier est
récompensé, son compagnon, jaloux, veut l'imiter, mais là où
l'autre s'était montré courtois, discret, patient, attentif,
aux conseils reçus, celui-ci s'avère grossier, brutal, trop
- .
.
avide, et trop pressé et est. puni en conséquence.
A titre à'exemple, voici un conte Ouan de Côte
d'Ivoire où le lièvre et. l'hyène, personnages antagonistes,
cherchent à faire fortune :
Conte N° 1
L'hyène et le lièvhe allèhent chehcheh 6ohtune.
Il~ atteignihent deux~entieh~, un ghand et un petit.
L'hyène. dit:
- "Moi, j e phend~ le ghand ~ en t.Le.«, "
Le li~vhe, de ~on c6tl, phit le petit ~entieh.
Chacun ~uivit ~on ~entieh, pahtit.
L'hyène
thouva de~ chenille~ ~uh ~on chemin, cela devint ~a
6ohtune.
(1)
COLLARVELLE-VIARRASSOUBA (Ml - le lièvhe ei l'ahai nle
dan~ le~ conte~ de l'oue~t a h~ca~n.

-
16 -
Le lièv~e t~ouva un baobab qui avai~ une 6ente, mit ~a main
dedan~, y t~ouva de~ vêtement~, de ~'o~ et de l'a~gent.
Il le~ ~ama~~a et ~evint c.hez lui. Cela devint ~a 6o~tunei.
L'hyène vit le~ ~ic.he~~e~ du lièv~e; ~on c.oeu~ en pleu~a.
Elle appela le lièv~e, et lui dit :
- " petit 6~è~e fièv~e, où. a.6-tu t~ouvé c.ette 6o~tune ?"
Le lièv~e ~épondit :
- " G~and 6~è~e
l'hyène, dan~ un baobab, j'ai eu c.e~ ~i­
ch es s e.s 1"
L'hyène dit:
- "Mont~e-moi où. e~t c.e baobab 1"
I t.s allè~ent .s ou~ le bao bab. L' hyène le vit plein de ~c.heMu ;
elle dit au lièv~e :
- "Je n'enlève~ai ~ien, pa~c.e que j'en lai~~e~ai~ ; je c.ha~ge­
~ai l'a~b~e tout entie~, je ~ent~e~ai avec., c.hez le~ mien~."
L'hyène c.ha~gea le baobab pou~ le ~amene~ c.hez elle. Elle
atteignit ~a demeu~e, voulut 6ai~e de~c.end~e le baobab, en
6ut inc.apable, le baobab lui dit
- "Hyène, je ne de~c.end~ai pa~ ; ta gou~mandi~e e~t exagé~ée.,
tu mou~~a~ ic.i 1"
L'hyène c.~ia ju~qu'à c.e qu'elle mou~ut.
Le baobab ~egagna la b~ou~~e.
Mais en dehors de ces cycles qui caractérisent les
contes de l'ouest africain, certains contes ont pour: person-
nages des êtres humains opposés soit à des animaux, soit
à des êtres surnaturels. Tel ce conte.~été de Côte d'Ivoire
qui met lès hommes en garde contre le dépassement utopique
de la condition humaine.
Le personnage, sans commettre de faute à l'égard
d'autrui, formule une demande excessive, qui porte atteinte
à la condition humaine.
Voici donc ce conte
Conte N° 2
Un c.ha~~eu~ e~t a~~êté en 6o~êt pa~ un ~e~pent qui ~e to~d
au pied d'un bui~~on.
L'homme. ve.u..1.: ~'en6ui~,
le ~e~pent l'a~~ête, "le ~upplie de
lui ~eti~e~ de. la gueule une 6ou~mi qui l'étou66e.
!'.M
. -t.....,,Asœc:m.#&2&:ti ... :W:
.

-
1 7 -
L'homm~ p~ong~ ~a ma~n, ~~ti~~ ~a 6ou~mi.
" Tu m'a-6 -6auvé, ~u~ d~t ~~ -6~~p~nt, qu~ pui-6-j~ 6a~~~
pou~ toJ.. ?"
Il
J~ veux vi.v n:e. aU-6-6~ ~ongt~mp-6
qu~ t.a. pJ..~~~L Il
" C'~-6t bon, ~~nt~~ au v~~~ag~, ~éunJ..-6 ~~-6 tJ..~n-6,
égo~g~
un ~oq b~an~. PU~-6 ~ou~h~-toJ.. -6U~ un~ natt~ qu'on ~ou­
v~~~a d'un~ ~ouv~~tu~~ no~~~."
L'homm~ -6U~t ~~-6 ~n-6t~u~t~on-6
Quand on ~~t~~a ~'~to66~, ~~ étaJ..t d~v~nu un b~o~ d~ p~~~~~ ...
Si l'humour est macabre, l'avertissement se passe
de commentaires: l'homme doit se soumettre au sort commun.
Autre précision, dans le cycle de l'araignée,
contrairement au lièvre qUI s'en sort toujours par sa ruse
infaillible, l'araignée est toujours perçue comme un trom-
peur trompé,
illustrant le thème de la dégradation, par
l'échec d'une ruse gratuite. Araignée entend souvent tricher
aux dépens de ses partenaires, mais l'astuce est éventée, et
se retrouve sa propre dupe :
Conte:
le champ d'ignames -
(1)
"A~a~gné~, (Ka/wu Ananzé) v eu t: mang~~ -6~U~
t.ou t es -6~-6 ~gna­
m~-6. I~ 6~J..nt d~ mou~~~ ap~è-6 avo~~ d~mandé qu'on m~tt~ -6U~
-6a tomb~ un mo~t~~~, un pJ..~on, un~ ma~m~t~, du -6~~, d~
~'huJ..~~ ; ~t qu'on ~'~nt~~~~ dan-6 -6on ~hamp.
Chaqu~ -6oJ..~,
~~ -60~t d~ -6a tomb~,
~t -6~ gav~ d'~gnam~-6.
Son 6~~-6, tout~6o~-6, d~v~n~ -6on manèg~ ~t pO-6t~ un mann~qu~n
~nduJ..t d~ g~u aup~è-6 du ta-6 d'~gnam~-6.
Ananzé y ~~-6t~ p~J..-6onn~~~, ~-6t t~ouvé au matJ..n pa~ -6a 6~mm~
~t -6~-6 ~n6ant-6,
qu~ 60nt m~n~ d~ n~ pa-6 l~ ~~~onna~t~~
~t
v~u~~nt ~~ b~û~~~.
La 6~mm~ 6a~t 6ond~~ ~a g~u, Ananzé -6~ j~tt~ -6u~ -6a b~mm~ ~t
-6~-6 ~n6ant-6,
~~-6 ~nt~a~n~ v~~-6 ~a ~J..v~è~~
:
"~'~-6t d~pu~-6 ~~-6 t~mp-6 qu'on vo~t a~a~gnéè. -6U~ ~~-6 -6ou~~~-6,
~~-6 ~~v~è~~-6, ~~-6 6~~UV~-6".
Les contes et légendes sont les plus grands témoi-
(1)
DAVIE (B) - L~ pagn~ no~~ - pp.
119-120.

-
18
-
gnages de l'activité spirituelle des peuples dans sa forme
spontanée, quotidienne et continue. A côté de la pensée
logicienne, à côté de la littérature écrite, coulent les
eaux parallèles, solitaires et puissantes de la mémoire
et de l'imagination des peuples. Les contes et légendes
se trouvent à la rencontre de cette mémoire et de cette
imagination.
La mémoire cons~rve les traits généraux, sché-
matiques, le squelette de l'édifice. L'imaginaire modifie,
amplifie en assimilant, greffant ou abandonnant des
détails, des aspects du récit. Le début et la fin des
récits sont les parties les plus déformées de la littéra-
ture orale. Le conte révèle parfois l'information histo-
rique, ethnographique. C'est un document vivant, témoignant
des coutumes, des idées, des mentalités.
Selon COLLARDELIE-DIARRASSOUBA "ce sont exacte-
ment les réalités de la vie de tous les jours, en pays de
savane, qui filtrent à travers les contes du lièvre.
Réalités parfois pénibles dans ce monde rural où la famine
sévit souvent. Nombreux sont en effet, les contes qui
commencent par la formule:
"c'était la famine chez les
animaux ... " La grande responsabilité de ces multiples
famines est bien sûr la sécheresse bien connue des pays de
savane ... " (1).
(1)
COLLARVELIE-VIARRASSOUBA
(Ml
- op.
c.Lr . p.
86.
!"i,.J4G

-
19
-
Pour tous les enfants du monde il est le premIer
lait intellectuel ! Les premiers héros, les premières
préoccupations, les premiers rêves, les mouvements de
solidarité, d'amour, de haine, de compassion, viennent
d'histoires fabuleuses écoutées au cours de l'enfance.
Contes merveilleux et contes facétieux,
contes
d'animaux et contes édifiants, légendes pieuses et héroï-
ques, histoires de fées,
et histoires de diables, proverbes
et dictons, devinettes, divers et variés sont les genres
ou littératures populaires ; mais rares et précieux les
conteurs qui maîtrisent aujourd'hui encore l'art du
contage, de la narration; car il ne suffit pas à un
conte, pour être vivant, et compris, d'être transmis par
le texte : il lui faut se déployer plus largement par la
voix et le geste, la mélodie du discours, et le jeu du
conteur.
Comment donc restituer cette richesse de la
narration orale ? Comment évoquer ces fonds de connais-
sances précises, cette expérience partagée d'un lieu,
d'une société, d'une activité qui fonde la complicité
entre le narrateur et l'auditeur? C'est bien là qu'in-
terviennent tous les acquis pédagogiques du conteur.
Cette
pédagogie, loin d'être une simple improvis~tion repose sur
une technique, une méthode.
0 0 0 0 - - - - - - - - - - 0 0 0 0
....,.&
JAMSU2A

-
20 -
N.B.
- NOTES SUR L'AFRIQUE DE L70UEST
Pendant la colonisation, les pays étaient fédérés par
zones géographiques. Ainsi, les pays francophones de
l'Afrique de l'Ouest étaient tous regroupés dans l'A.O.F.
(Afrique Occidentale Française). Le Bénin, le Togo, la
Côte d'Ivoire, le Mali, le Sénégal, la Haute-Volta, le
Niger, en faisaient partie.
Les pays francophones de l'Afrique Centrale, dans l'A.E.F.
(Afrique Equatoriale Française).
:.\\:-
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1">'
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Après l'accession de ces ~~i'f(~l:ents··'\\à'~.~ à l'indépendance,
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et la balkanisation qui ejm su i vi-t......, les .s i.g f e s A. O. F. ,
~\\
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.
A. E. F. ne perdirent que le ~~",. e-L..sg.m~m~'par r ne r t i.e de lan-
, 6(1)&
'. ~v~e\\"
gage, bien plus que par afflrr~~ê~~aciale et ethnique,
l'ombre de l'ancienne fédération continue de hanter les
organisations régionales; exemple: la C.E.D.E.A.O (Com-
munauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest), des
instituts de type universitaire confessionnels I.C.A.O.
(institut catholique de l'Afrique de l'Ouest) etc ...
Qu'à cela ne tienne, les peuples de l'Afrique Occidentale
font partie des Nègres proprement dits. Classés en
Soudanais, ils évoluent au Nord de l'Equateur dans un arc
de cercle qui joindrait le Sénégal au Cameroun.
On distingue parml eux des sous-groupes
types sylvestres
et des savanes.

-
21
-
,
à - Ilpologie des contes de l'Ouest Africain
1 - Le conte moral
Le conte moral est le reflet de toute une échelle de
valeur.
Il véhicule ce que la société juge ben ou mauvaIS
pour ses membres.
Dans les contes, le bien et le mal se combattent
sans cesse, et finalement, triomphe le Bien. Le récit est
composé de telle sorte que le Bien soit mis en relief
point n'est besoin d'une longue insistance.
2 - Le conte philosophique
Il traite de l'origine de la mort et du sens à donner à la
vIe. Mais parfois, certains thèmes moraux sont étroitement
liés au conte philosophique.
Il est difficile, dans la
plupart des contes traitant de morale, d'établir un cloi-
sonnement rigide entre la philosophie it la morale.
3 - Le conte ésotérique
Le conte ésotérique demande plusieurs niveaux de compré-
hension et d'interprétation. Seuls les initiés peuvent en
saisir d'emblée toute la signification et la portée.
Il
relève d'une littérature sacrée réservée à des pratiques
initiatiques. Dans ce cas, il se confond parfois avec le
mythe. C' e st cette constatation qui fait dire
à' Max MULLER
:
"un mythe, c'est une chose admise, passe à l'état de la
légende, et de la légende, il devient conte."
(1)
(1)
MULLER (Ml
- E-6-6a.i -6LUl.ta. mytho.togie.. c.ompa./tée.. - p.
235.

- 22 -
4 - Le conte étiologique
Le conte étiologique est une tentative d'explication ou de
justification d'une situation de fait, d'un phénomène
naturel. Par exemple, le conte étiologique tentera d'ex-
pliquer pourquoi le lion et la chèvre sont d'éternels
ennemis ou bien pourquoi la pintade a un plumage moucheté,
etc ...
5 - Le conte ludique, satyrique ou comique
~'atmosphère toujours agréable et gaie. Nous trouvons dans
ces contes une gamme très étendue de comique : le comique
de caractère et le comique de situation se partagent
l'espace des contes ludiques et satyriques de l'ouest
africain.
Le comique repose essentiellement soit sur les personnages,
soit sur des mots, soit sur le héros p~incipal.
000
N.B.
: Il est parfois très difficile d'établir une frontière
nette entre le conte ésotérique, le conte étiologique, et le
mythe. "Ainsi quand la coupure entre mythe et conte est
opérée, elle ne l'est qu'en termes contradictoires. Le fon-
dement de cette coupure est justifié par les Dogons dans le
fait que le mythe est une parole vraie alors que le conte ne
l'est pas.
G. CALAME-GRIAULE précise que le conte est"pris en tant que
lang~ge symbolique. Le conte et le mythe dan~ leurs formes
paroxystiques sont proférés dans des codes différents : le
mythe est dans la langue des morts et les contes dans une
1 angue quot idienne ." (1)
(1) REY-HULMAN (Vl - P~oQè~ d'énonciation du Qont~ - ~n titté~atuh~

- 23 -
CHAPI1RE II - PLACE DU CONTE DANS LES SOCIETES TRADITION-
NELLES DE L'OUEST AFRICAIN.
Selon P. ERNY, "c'est par la transmission orale
du patrimoine littéraire que se réalise une part capitale
de l'éducation, touchant aussi bien à la formation intel-
lectuelle que morale. Par leur beau langage et leur art de
manier la parole, les conteurs familiarisent la jeunesse
avec un vocabulaire, des tournures grammaticales, et des
intonations recherchées, peu usitées dans la communication
courante. Les enfants prennent un plaisir particulier à
réentendre leurs contes favoris présentés dans les mêmes
termes, avec les mêmes gestes, et les mêmes modulations de
voix. Le bon narrateur use d'onomatopées, d'un style vivant,
et clair; il sait aller jusqu'au bout du récit d'un seul
trait et sans erreur.
Intervenant dès que l'enfant s'éveille à la VIe
de l'esprit, l'établissant dans une sorte de familiarité,
voire de parenté avec le monde et les êtres qui le peuplent,
ces productions exercent une action absolument décisive
quant à l'imprégnation de la per sonne par sa cul ture".
(1)
Les contes et légendes sont les éléments consti-
tutifs de la littérature orale.
Ils n'épuisent pas à eux
seuls tout le contenu de la littérature orale. Outre ces
deux éléments, nous pouvons citer l'épopée,.le mythe, les
fables, les proverbes et les devinettes.
( 1)
ERN Y 1Pl - L' en6arz,t et ).jon milieu. en A6JU:.qu.e No..i.JLe - PP. 170-171.
u,:.-~.l_·"P.O,a :ae:#Ni. zwz.tGJ.U_!A

-
24 -
Qu'est-ce donc que la littérature 7
D'après l'origine même de ce mot, c'est d'abord l'écrit, la
lettre, mais de manière plus fonctionnelle,
la littérature
est une réponse, disons une tentative de réponse. Chaque
personne qui croit faire oeuvre de littérature essaie de
répondre à la question fondamentale posée en des termes que
seul le grec pouvait permettre à Platon de se poser et que
les hommes n'ont cessé de se poser depuis Platon; "Hèmais
de tine se hèmeis".
Cela paraît un jeu de mots sur deux termes :
"Hémeis, tines". Platon voulait dire ceci: lorsque nous
avons inventorié tous les domaines de la science, il nous
reste toujours à répondre à cette question: "et nous, en
définitive, qui sommes-nous 7"
C'est une interrogation permanente sur le sens
de sa VIe; l'homme s'interroge également sur le lieu dans
lequel il vit.
Il cherche à établir une relation, à fonder
la relation qui le lie à ce milieu. En véhiculant morale,
philosophie, histoire, les contes échappent-ils à cette
"définition 7 En cultivant aussi une vision anfhropocenfii-
que de l'univers, les contes ne véhiculent-ils pas un
existentialisme humainiste 7 En tant qU'éléments de la
littérature orale, les contes et légenges font toujours
appel à une participation collective, communautaire.
Ils
ne se conçoivent jamais comme une littérature de solitude.
A cet égard, les contes et légendes "ont une
fonction d'intégration de l'individu à son groupe. Les

-
25 -
contes et légendes sont donc, comme toute littérature, une
tentative d'explication du monde. C'est ainsi qu'un cdnte
,
étiologique nous expliquera pourquoi le lion et la chèvre
sont diéternels ennemis, ce que tout le monde a constaté.
A la fois exnlication du monde,
ils sont aUSSI
sociologiques :" ils montrent l'organisation sociale et
tous les problèmes sociaux. En ce sens, ils annaraissent
comme des instruments pédagogiques qui se situent dans le
même courant et utilisent les mêmes procédés que les au-
tres récits. "Ces productions littéraires apparaissent donc
revêtues d'une double fonction: d'une part, elles mettent
en lumière des faits, d'autre part, elles contribuent au
façonnement des idéaux.
Elles servent de manière privilégiée à l'éduca-
tion formelle, par les précepts moraux et les règles de
conduite qu'elles véhiculent de manière parfois explicite,
mais plus souvent elles laissent aux auditeurs le soin de
dégager le contenu latent ou les en imprègnent sans même
qU'ilS s'en rendent comnte.
Les contes sont des zraines minuscules que l'on dépose
dans l'âme enfantine et qui, peu à peu, germent et grandis-
sent jusqu'à devenir des arbustes envahissants.
Ils servent
en quelque sorte, de modèle de communication habituelle de
la pensée: en effet, dit L.S. SENGHOR, tout langage qui
n'est pas fabulation ennuie ou n'est pas compris. Pour
G. CALAME-GRIAULE, "les contes sont une sorte:de moule
privilégié dans lequel on retrouve fondus ensemble tous
ZMmaSlJJi§ii&&?-...:::::v::::z

-
26
-
les éléments de culture".
(n
En ce cas, les c on te s et légendes, font partie
. -' - -intég~ante de l'éducation traditionnelle ou coutumi~re en
Afrique de l'Ouest.
Mais comment cette éducation traditionnelle est-
elle perçue ou valorisée ?
l - CARACTERE DE L'EDUCATION TRADITIONNELLE
Selon P. ERNY "toutes les disciplines qui, de
près ou de loin, s'occupent de l'homme peuvent être consi-
dérées, au mOIns virtuellement comme des sciences de
l'éducation, car toutes sont susceptibles d'éclairer utile-
ment la situation dans laquelle la société place les
générations montantes et le traitement auquel. elle les
soumet. De fait,
l'histoire, la géographie, la démographie,
le droit,
la médecine, la philosophie, ~oire la théologie,
ont toujours dans le domaine et dans l'optique qui leur
sont propres, enrichi la théorie et la pratique de la
formation."
(2)
L'éducation est donc le fait primordial de l'hu-
manité, celui qui caractérise peut-être le mieux l'espèce
humaine.
C'est cela, en tout cas, qui lui permet de norte~
si loin son évolution en assurant la transmission à travers
les siècles de toutes les acquisitions que chaque généra-
( 1)
ER NY (P)
-
op.
c i t .
P •
1 7 5 •
(2)
ERNY
(Pl
-
EthvlO-f.Ogie. de. -f.'édu.c.ation -
p.
8.

-
27 -
tian a pu faire.
Or,
il est à noter que l'humanité a des
composantes très diverses, ce qui fait d'ailleurs sa
richesse. Certains peuples, pour consigner la sagesse des
anciens,
les acquis des siècles écoulés, ont l'écriture,
des bibliothèques, qui leur permettent de pallier l'irrégu-
larité dans la transmission du savoir, de la sagesse, des
normes de la société et par là même assurer la précision.
D'autres,
n'ont, par contre, pas d'écriture,
nI d'école organisée en tant ~u'institution qui contraint
l'enfant à quitter sa cellule familiale pour recevoir un
enseignement quotidien.
Ces sociétés ont développé la tradition orale
qui leur assure la pérennité de la sagesse des anciens. A
telle enseigne, que HAMPATE BA a affirmé qu'''un vieillard
qui meurt en Afrique, c'est une bibliothèque qui brûle".
Les contes et légendes ont pour fonction de
véhiculer
certaines normes de la société.
"L'e.thn.otog.-le. a e.u pouJt méJt.-lte. d'att.-lJte.Jt
t'in.téJtlt ~uJt un.e. 6oute. d'a~pe.ct~ n.on. 6oJt-
me.t~,
6a.-lbte.me.n.t .-ln.~t.-ltut.-lon.at.-l~é~,
aux-
que.t~ t'ob~e.Jtvate.uJt hab.-ltue.t n.'e.~t pa~
t» uj ouJt~ atte.n.t.-l6".
(7)
Aussi peut-on dire que jamais l'éducation n'a
été plus agissante qu'en ces sociétés traditionnelles de
l'oralité où l'enfant sitôt qu'il le pouvait, était mêlé
aux occupations de ses parents, des adultes, de son clan,
ou de sa tribu.
(7)
ERNY
(Pl
- op.
c.L«,
p.
9.

- 28 -
Suivant et imitant son père, ou sa mère,
selon
qu'il était fille ou garçon, à la chasse, dans les occupa-
tions ménagères ou agricoles, associé de bonne heure à
leurs travaux dès qu'il pouvait rendre service,
il appre-
nait le savoir vivre sa vie d'homme; "et la vie, l'action,
et sa véritable école".
(1)
Education toute spontanée, à peu nrès incons-
ciente, bornée à la pratique de la vie et qui, exploitant
les tendances naturelles de l'être, se faisait déjà par les
jeux de l'enfant où l'on voit celui-ci imiter les adultes
par sa coopération aux travaux et occupations de ses aînés,
mais en même temps par la participation à la vie commune,
aux sentiments collectifs, à toutes les circonstances de la
Vle quotidienne de l'adulte.
II - LES NIVEAUX D'EDUCATION DANS LES SOCIETES
TRADITIONNELLES DE L'ORALITE
Si l'éducation est dans son sens large, l'action
que les adultes mènent sur la jeune génération, on peut
dire que ce sont les sociétés traditionnelles de l'oralité
d'Afrique Noire, qui peuvent le mieux nous montrer l'am-
pleur et la puissance de cette action qui s'étend à tout et
prépare à la vie.
Bien que l'on puisse parler d'une. éducation
diffuse et même inconsciente au-delà de la petite enfance,
(1)
GAL (R)
-
H-t.6toiJte. de. R.'éduc.ation - p.
10.

-
29 -
on peut dès lors affirmer qu'''à mesure que L' e n f ant grandit,
i,
les interventions du milieu se font de plus en plus expli-
cites; on défend, on stimule, on incite, on conseille, on
explique, on propose ouvertement des modèles, on sanctionne.
C'est le moment des dressages, des apprentissages, voulus
comme tels.
On sensibilise le petit homme à un idéal de
conduite, à ce qui est bien et à ce qui est mal. Mais cette
pédagog~e des valeurs n'aurait évidemment ni sens, ni por-
tée si elle ne reposait sur·le roc beaucoup plus ferme des
manières de faire, des attitudes et des jugements qui à
l'intérieur. d'une société vont de soi. En procédant à un
apprentissage technique ou en exigeant un type de conduite
morale, l'adulte prend conscience de son rôle éducatif, car
il juge l'enfant à présent capable de comprendre, de rece-
voir des instructions et de soumettre sa conduite à une
direction." (1)
Et c'est bien là qu'interviennent les contes, les
légendes, les mythes, les proverbes, en tant que support,
véhicule des
changès e n
adultes et enfants. L'éducation
é
t r ë
traditionnelle atteint son plus haut degré de conscience au
moment des initiations.
A un âge plus ou mOIns artificiellement fixe et
qui varie d'une tribu à l'autre, non seulement en fonction
des différences de maturité physilogique mais aussi Dour
(7) ERNY (Pl - L'en6ant et ~on ~~eu en A6~que No~e - p. 77.

- 30 -
des raisons extra naturelles, on marque par des cérémonies
i
particulières la fin de l'adolescence et l'entrée du jeune
homme ou de la jeune fille dans le groupe adulte.
(1)
Ces cérémonies rituelles accompagnées de
périodes plus ou moins longues d'isolement pour l'initié,
d'épreuves, de danses, de déguisements, entourés de mys-
tère et de magie, sont destinées à frapper émotivement
l'individu et à marquer fortement dans son esprit le jour
de son admission dans la société des hommes faits.
En même temps, on lui révèle complètement et
définitivement les traditions et les règles du groupe où
il aura à vivre,
les interdictions sacrées, ou tabous, qu'il
devra observer et les coutumes et les secrets de son clan ;
pour cela, on se sert de toute une littérature orale sacrée:
contes étiologiques ou contes cosmogoniques en débouchant
sur les mythes cosmogoniques et eschatologiques. "L'indi-
vidu doit être éprouvé, c'est-à-dire à la fois examiné et
endurci, en vue de ce qui l'attend. C'est à travers la
pédagogie initiatique qu'apparaissent le plus clairement
.
'"
f.'.
"les valeurs idéales qu'une société p r op ose. ouv e r teme n t
à
ses membres; mais cela ne signifie pas qu'elles seront
enseignées sous forme d'un code ou catéchisme et expliquées
rationnellement.
Des enseignements de ce genre ne.sont pas
absents mais ils apparaissent très s e c ond a i r e.s : c'est
(1) NOM '<'nd-i.quoYl!.J à :t.dJte. d'e.xemple. : ZAHAN (D) - Soué:té d'.<.ni:t.<.a-
:tion Bambana : le. Nkomo, le. N:tomo, le. Ko~é ;
e.:t HOlAS tBl - l~ Sénou6o~ - ~h 1 p. 146 - le. po~o.

-
31
-
davantage en faisant vivre à l'enfant,
intensément, à
travers des situations symboliques et rituelles, tout ce
que représente pour lui et la société ce moment de l'acces-
sion à l'âge adulte, que la culture traditionnelle espère
lui en faire mesurer la signification.
Les initiations cherchent à le toucher plus au
niveau subconscient que conscient. Le sens de leurs mani-
festations est loin d'être toujours clair pour les protago-
nistes eux-mêmes, et cependant, on le juge essentielles,
indispensables. La volonté d'éduquer apparaît donc plus
explicite que le contenu de l'éducation qui y est donnée.
Puériculture, éducation diffuse, éducation mutuelle,
apprentissages techniques, pédagogie des valeurs, pédagogie
initiatique, autant de moments que malgré leurs interpréta-
tions il faut di~tinguer, parce qu'ils procèdent de la part
de l'éducateur, de niveaux de conscience et d'actions
différentes, et que du côté de l'éd~qué~ leur incidence est
également très variable. Si l'on veut tenir compte de toute
la réalité, il faut la prendre non seulement dans sa com-
plexité, mais aussi avec son échelonnement et son ordonnan-
';1:-.,.>:-
• • " f
~',. '. ):! .
cement internes".
(1)
Il est malaisé de définir l'initiation en
Afrique Noire, en fonction uniquement de certains critères
fortement socialisés, tels que l'intégration de l'individu
au sein d'une ou des sociétés initiatiques, la soumission
(1)
ERNY (Pl - L'en6ant et ~on m~l~eu en A6~~que No~~e -
PP.
1 7- 18 •

-
:52 -
aux rites de la puberté marquée par la circoncision ou
l'excision, l'évulsion de certaines dents, etc ... Car,
en réalité, tous ces critères constituent seulement l'~s­
pect visible de l'initiation;
ils servent de supports aux
significations cachées malS ne sont nullement les éléments
absolument essentiels.
Il faut considérer l'initiation, sur le continent
nOIr, plutôt comme une transformation lente de l'individu,
comme un passage progressif de l'extériorité à l'intériori-
té ; elle permet à l'être humain de prendre conscience de
son humanité. Cette ascension peut être marquée par des
jalons solennels qui revêtent sur le plan social une Im-
portance telle que, parfois, la société y trouve, en
quelque sorte, sa raison d'être; mais elle peut aussi
passer pratiquement inaperçue et se dérouler paisiblement,
pendant toute la vie de l'individu comme une longue
méditation.
Si certaines populatIons de l'Afrique de l'Ouest
comme les Bambara admettent tous les éléments mâles sans
restriction dans leurs sociétés d'initiation, d'autres
comme les Dogon pratiquent une sélection. En outre,
il
existe en Afrique Noire, des populations dépourvues de
système initiatoires
; et il ne faut pas oublier les
femmes considérées en général comme portant.naturellement
en elle la connaissance, donc éliminées
des systèmes
d'initiation, sauf dans q~elques populations spéciales,
par exemple, les Guéré,
les Yacouba de l'Ouest de la Côte
d'Ivoire.

- 3::; -
L:absence de pratiques initiatoires ne signifie
pas absence de vie spirituell~. Qu'il soit passé ou pas
par les sociétés d'initiation,
l'individu sent en lui un
appel
à
la vie intéTieuTe. "L'éducation formelle cherche
à
imposer par la voie des précepts et l'admonestation des
modèles que l'éducateur lui-même n'a jamais mIS en question.
Lorsqu'il corrIge un enfant en lui disant:
"ne fais pas
cela",
il ne fournit pas de raisons pour justifier son
intervention et serait souvent embarrassé s'il lui fallait
expliquer dans son fond sa position. Le ton de voix lui-
même indique qu'en tel domaine,
i Lm t y a qu'une manière de
faire qui soit la bonne, agir autrement est impensable.
Il n'y a pas dtintermédiaire entre ce qUI est
bon et ce qui est mal, ce qUI est vraI et ce qui est faux.
L'enfant agit, essaie différentes voies, "se trompe" et
est corrigé.
Il y a activité aussi bien du côté de l'élève
que de ses mentors; ce type d'apprentissage fait large-
ment intervenir des éléments émotionûels car violer des
normes formelles, c'est toucher aux fonctions mêmes de la
vie sociale. Nous somm~s la en plein dans le domaine de la
coutume et de la tradition qui ont une manière propre
d'assurer leur survie et leur pérennité ... ·
Selon les cultures,
la tradition exerce une
pressIon plus ou moins forte sur ses membres, et l'obliga-
tion de s'y conformer s'impose à eux-mêmes à des degrés
variables
; elle est caractérisée par le fait que
l'influence du passé prime sur les exigences du présent et
du futur.

i"t...:~~~ :.-
, ,
-
34
-
Il en résulte une rigidité qui n'est pas dépour-
vu~ d'avantages, car l'individu a de sa vie et de sa
1
société une image nette, cohérente et précise,
jusque dans
~es déviations permises ; les systèmes formels sont tena-
ces, résistants au changement.
Ils représentent ce qui,
dans une culture est le plus consistant, le plus fixe,
le
soub a s scme n t
qui supporte le reste." (1)
Ceci met en avant, mOIns l'action individuelle
d'un être sur un autre que J'influence globale qu'exerce
une société, par son mode de vie sur ceux qu'elle cherche
à
intégrer en son sein. L'accent est déplacé d'une relation
de personne à personne sur le rapport très enveloppant qui
unit l'individu à la culture dont il devient un porteur
toujours plus autorisé, à mesure qu'il progresse dans son
assimilation. "L'agent principal de l'éducation informelle,
dit encore P. ERNY est le modèle, le pattern, dont on use
par imitation;
ici, l'élève seul est actif par son ouver-
ture à des empreintes extérieures et son effort de confor-
mité. Des activités et des systèmes de conduite extrêmement
complexes dans leur agencement et leurs détails passent
d'une génération à l'autre, sans que l'on se rende compte
qu'ils sont appris, qu'ils sont reçus par des lois et ~ans
que personne ne puisse indiquer les VOles par lesquelles
s'opère cette transmission.
Il faut attendre que la règle
soit violée pour qu'on puisse se rendre compte qu'elle
existe.
( 1)
ERNY (P)
-
op c.Lt.
PP.
1 8 - 19 •

- 3S -
Se situant pour l'essentiel hors de la conscience,
cette imitation de modèles permet un haut degré de standar-
disation et d'automatisme. Tant que les choses vont bien,
selon les lois non explicitées, les comportements informels
ne déclenchent pas d'émotion; mais la perplexité et
l'anxiété naissent quand leur déroulement normal est
contrarié." (1) L'éducation se fait technique quand il y a
transmission explicite, se fondant sur une analyse logique
des processus en cours. Le maître agit sur l'élève et son
habileté est fonction de ses connaissances et de son apti-
tude à l'analyse.
Ce mode d'apprentissage atteint le plus haut
degré de conscience
; le contenu est Sl exnlicite qu'il
peut éventuellement être enregistré
et s'exercer en
l'absence de l'éducateur par l'intermédiaire de l'écrit ou
de la bande magnétique. L'érudition est quasiment absente
et la résistance au changement faible.
Les fonctions
pédagogiques ici sont manifestes et explicites. Au rebours
dans une situation informelle, peut-on parler de pédagogie?
III - LE CONCEPT D'EDUCATION NON-FORMELLE ET D'EDUCATION
INFORMELLE
Il s'agit ici essentiellement d'un concept
d'origine nord-américaine. A l'origine du concept, on
trouve bien sOr, une prise de conscience croissante de
l'inadéquation des systèmes d'éducation formels à trouver
(1)
Op. C~~.
P.
19.
mXWli&i;:'JlhktL
~.>Î?î::Ef"_WU=&;;2D.•

~.:r,··
-
36 -
une solution aux problèmes des pays du Tiers-Monde
(1).
Ainsi, dès 1968, dans son ouvrage prémonitoire
,int.itulé La Crise Mondiale de l'Education (2) COOMBS plai-
dait déjà pour une prise en compte de cet immense secteur
qu'est l'éducation non-formelle.
Selon COOMBS, rentre dans le cadre de l'éduca-
tion non-formelle;
"toute activité éducative organisée et
systématisée menée en dehors du cadre du système formel
d'éducation pour dispenser des types précis d'apprentissage
à des sous-groupes spécifiques d'une population à la fois
adultes et enfants. Ainsi définie, l'éducation non-formelle
inclut par exemple la vulgarisation agricole,
l'alphabéti-
sation, la formation professionnelle dispensée en dehors
de l'école,
la formation des jeunes non-scolarisés et les
différents programmes de développement communautaire
incluant une éducation dans le domaine de la santé, de la
nutrition, des coopératives, etc ...
Quant à l'éducation informelle. elle est, pour-
Com'1BS "le processus par lequel tout au long de sa vie,
une personne acquiert et accumule des conn~i~~ihces; d~s
savoir-faire, des comportements à travers ses
expériences,
processus qui, par opposition à l'éducation non-formelle
se caractérise par son ~spect "non-systématique" et non
il) BELLONCLE (G) - U~v~~té~ 6~an~ophone~ du Ti~-Monde et édu~a­
tùjn non- 6oJune11e in ~ommunauté~ M~hA..v~ de ouenc.eo MuCLte~
de la ~oopé~on - 57
- pp. 25-29.
(2)
COOMBS (Pl - La ~e mondiCLte de l'édu~ation - 1968.

-
37
-
organisé".
(1).
Depuis les travaux de COOMBS,
le concept a été
abondamment repris par de nombreux universitaires améri-
cains ou britanniques.
(2)
L'école de type occidental nous avait habitués à
une éducation élaborée selon des normes explicites
cohérentes et systématiques.
"A,tvl.ô.<..,
qu''<''l .ô'ag'<".ô.ôe. de s e.Vl.ôe.'<"gVle.me.Vlt.ô
d'<".ôpe.Vl.ôé.ô ou de..ô thème..ô de. ~e.~he.~~he.
p~opo.ôé.ô
aux étud'<"aVlt.ô, '<"l e..ôt év'<"de.Vlt
qu'aujou~d'hu.<..
~e.t e.Vl.ôe.mble. de. vo'<"e..ô
édu~at'<"ve..ô
Vlouve.lle..ô que. l'OVl ~e.g~oupe.
.ôou.ô la déVlom'<"VlatioVl d'édu~at'<"oVl
VlOvl-
6o~me.lle. ~e..ôte. globale.me.Vlt '<"gVlo~ée. de..ô
uVl'<"ve.~.ô'<"té.ô
et: d e.s UVl.<..ve.~.ô'<"ta'<"~e..ô".
(3)
Pourtant, l'éducation que donne une société et
qui est en rapport avec le modèle d'humanité qu'elle
cherche à promouvoir peut ne pas être perçue au nIveau
conscient comme formant un système glob~l et intégré. Au
niveau des structures mentales collectives,
les pratiques
éducatives les plus automatisées se conforment à une
certaine orieD~~tion générale, elles vont dans le même
sens et se renforcent mutuellement pour aboutir à la for-
mation d'une personnalité intégrée selon une certaine
image
; elles sont systématiques parce que fonctionnelles.
(1) BELLONCLE tG) - "AtiadûVlg ~~at pov~y" op. ,e"Lt. p. 8 -<"vl
CommuVlau-té.ô vl° 57 - '<"b.<..d p. 26.
(2) VaVl.ô la ~e.vue. p~é~ée., bibl'<"og~aphie. établ'<"e. p~ 'BELLONCLE (G)
.ô~f'e.mplo'<" de. ~e. ~OVl~e.pt.
[3) l b'<"d p. 23 .

- 38 -
"Vu 6a-<..t qu'-<"l tj a e.n tpute. c.ultu/te. une.
~o/tte. de. ~c.héma o/tgan-<"~ate.u/t,
on pe.ut déjà
à c.e. n-<..ve.au,
pa/tle./t de. pédagog-<..e., m~me. e.n
adme.ttant qu'e.lle. de.me.u/te. pu/te.me.nt d-<"66u~e.,
vo-<"/te. -<"nc.on~c.-<"e.nte..
Pa/t de.là l'ac.t-<"on qu'e.xe./tc.e. te.l -<..nd-<"-
v-<"du ~U/t te.l aut/te., te.l adulte. ~U/t te.l
je.une., -<"l 6aut c.on~-<"dé/te./t l'-<"n6lue.nc.e.
globale. qu'e.xe./tc.e. une. ~oc.-<..été,
pa/t toute.
~on o/t-<..e.ntat-<..on, ~U/t c.e.ux qu'e.lle. c.he./tc.he.
à
-<..ntég/te./t e.n ~on ~e.-<"n.
Olt c.e.tte. -<..n6lue.nc.e joue. hab-<"tue.lle.me.nt
de. man-<"è/te. c.ohé/te.nte. c.omme. ~-<.. e.lle. éta-<..t
c.on~c.-<"e.mme.nt
élabo/tée. à c.e.t: e.66e.t."
(1)
Disons que le concept clé qui établit une dis-
tinction dans
cette forme de transmission du savoir est
l'institutionnalisation. Celle-ci c on s i s t e on le sait, en
la traduction des éléments culturels
(valeurs,
idées,
symboles, etc ... ) qui ont par nature un caractère général,
des normes d'action, des rôles, des groupes qui exercent
un contrôle direct et immédiat sur l'action sociale et
l'intéraction des membres d'une collectivité.
Par exemple,
la valeur générique de l'éducation s'institutionnalise dans
le rôle des enseignants appelés parfois éducateurs, dans
l'école,
le ministère de l'éducation nationale, ou le rôle
du juge dans l'appareil judiciaire, etc ...
L'institutionnalisation est une sorte de concré-
tisation des éléments culturels, une transposition des
formes applicables et appliquées.
"On pe.ut a66-<"/tme./t, e.n c e qui. c.onc.e./tne.
l'A6/t-<"que. c.outum-<..è/te., l'e.x-<"~te.nc.e.
non
~e.ule.me.nt d'une. éduc.at-<..on, ma-<"~ au~~-<..
d'une. pédagog-<..e..
( 1)
ER NY (P)
-
0 p.
c.i:t .
P.
20.

- 39 -
Mai~ il ~'agit d'une pédagogi~ populai~e
~epo~ant ~u~ la t~adition o~ale et une
6o~te imp~égnation pa~ le milieu ~ocio­
cultu~el... Tout cela n'enlève ~ien à ~on
ca~actè~e ~y~tématique, mai~ ne &ait en
~éalité, que le ~en6o~ce~." (1)
Chaque groupe humain se met tout entier dans la
socialisation qu'il invente.
Il existe une liaison extrê-
mement intime entre une nédagogie donnée et le type de
société auquel elle correspond.
"On a tendance à néglige~ l'éducation cou-
tumiè~e dan~ la me~u~e où l'on identi6ie
plu~ ou moin~ la pédagogie à l'école.
O~, cette de~niè~e, e~t une in~titution
qui peut ce~te~, acqué~i~ comme dan~ le
monde mode~ne, une impo~tance cent~ale,
mai~ demeu~e contingente, ~ep~é~entant un
o~gani~me ~péciali~é pa~mi d'aut~e~ po~~i­
ble~.
C'e~t l'ab~ence de l'envi~onnement·
qui a une pon.t.ë.e éducative".
(2)
IV - LES RESSOURCES DE L'EDUCATION COUTUMIERE
Quand l'écolier africain rentre le SOIr à la
maison paternelle,
il se replonge dans un monde où ce qu'il
vient d'apprendre en classe n'a souvent encore que peu
d'incidence. On aurait sans doute tort de forcer l'oppo~~­
tion qui existe entre l'éducation donnée à l'école et
celle que l'enfant africain reçoit de son milieu de vIe,
car l'osmose entre les deux devient de plus en plus effec-
tive, même là où elle n'est pas explicitement recherchée.
( 1)
ERN Y (P)
-
0 P
c it.
P.
21.
(2)
ERNY
(Pl
- op.
ci.t.,
P.
21.

-
40
-
Cependant, sans conteste, elles puisent à des
sources d'inspiration différentes et les systèmes culturels
sur lesquels elles s'appuient sont étrangers l'un à l'autre.
Tartôt elles se développement de manière simultanée
ou
successive, en s'ignorant mutuellement, sans interférences
majeures, par simple juxtaposition, tantôt encore elles
s'appuient l'une l'autre, sans l'avoir voulu, certaines de
leurs orientations allant par hasard dans le mêmes sens,
tantôt enfin, elles s'opposent, véhiculant des éléments
culturels contradictoires. La plupart des éducateurs ont

<
porté sur cette formation en milieu coutumier des jugements
négatifs.
Il Lon.gte.mp.ô ,
on. a c.Jtu bie.n. 6aiJte. e.n. aJtJta-
~haYl.t te..ô e.n.6an.t.ô te..ô ptu.ô je.un.e..ô po.ô.ôibte.
aux in.6tue.n.c.e..ô de. ta 6amitte. pouJt te..ô
ptac.e.Jt daYl..ô de..ô in.te.Jtn.at.ô.
Mai.ô, même. e.n. c.e. c.a.ô, on. .ô'e..ôt ape.Jtçu
qu'à t'appJtoc.he. de. ta pube.Jtté, it.ô .ôubi.ô-
.ôaie.n.t .ôouve.n.t de. ta paJtt du mitie.u un.e.
e.mpJti.ôe., qu'on. n.e. paJtve.n.ait pa.ô à .ô'e.xpti-
que.Jt".

fI)
Comment, après ces années d'école, d'internat,
de catéchisme, de
mises en garde de toute sorte,
l'attrait
des pratiques traditionnelles comme. les initiations ou
certaines formes de préparation au mariage pourrait-il
encore s'exercer? Sur quelle force s'appuie donc la coutume
pour subjuguer ainsi les esprits en Afrique Noire?
C'est cette efficacité des moyen~ qu'elle met en
oeuvre qui explique la fascination que l'éducation tradi-
(1)
ERNY
(P)
- L'e.n..ôe.ign.e.me.n.t dan..ô te..ô pay.ô pauvJte..ô, Ed.
L'HaJtmattan. 315 P.
PP.
165-168,.

-
41
-
tionnelle exerce d'habitude sur ceux qui l'étudient sans
i
parti pris. Cela est d'autant plus vrai qu'à l'autre extré-
mité on commence à se rendre compte que comparativement,
l'éducation moderne exerce une action bien superficielle,
bien décevante, et qu'avec des moyens considérables elle
forme trop souvent des inadaptés. Passons rapidement en
revue, à titre d'exemple
et non de manière systématique,
quelques-uns des points sur lesquels l'éducation coutumière
exerce une particulière séduction.
Il s'agit d'abord d'une
éducation intégrée à la vie. En milieu coutumier, il
n'existe pas d'institutions de type scolaire qui placent
les enfants,en marge de la société. Ceux-ci participent à
la vie et aux travaux de tout le groupe.
Ils voient faire
et imitent,
ils entendent et reproduisent. Leur contribu-
tian a une réelle valeur économique. L'enfant est pris au
sérieux, les fonctions qu'il remplit lui reviennent de
droit en vertu de la division du travail rigoureuse, et
l'adulte ne les considère pas comme "enfantines" au sens
dépréciatif du mot.
L'éducation coutumière utilise au maXImum les
potentialités du groupe enfantin. A l'influence qu'exercent
parents et autres représentants de la génération aînée,
s'ajoute celle des pairs, au sein d'un groupe de semblables
parfois structuré en véritables sociétés enfantines. Sou-
vent les jeunes apprennent beaucoup plus, e~ savoir et en
habileté, de leurs camarades que des adultes. Le groupe
d'âge leur impose des normes de conduite, et tout écart
est sanctionné avec rigueur.

-
42
-
Il faut à chacun gagner par son comportement
l'estime des autres et lse faire admettre, pUIS un jour,
entrer en compétition avec eux pour se tailler une place
dans le groupe.
L'éducation coutumière transmet d'une manière
progressive et fonctionnelle l'héritage culturel, riche,
entre autres, d'une portée didactique évidente. Ce savoir
est communiqué occasionnellement, lors d'un événement, d'un
rite, d'un écart de conduite, d'un travail à effectuer,
autrement dit chaque fois que l'enfant ressent lui-même le
désir ou le besoin d'être instruit et éclairé. On comprend
qu'un "enseignement" ainsi dispensé puisse avoir, malgré sa
rareté, un impact inattendu, beaucoup plus considérable que
s'il était administré systématiquement.
L'éducation coutumière doit enfin
utiliser les
ressources affectives de l'homme. Le but qu'elle poursuit
est lui-même principalement d'ordre émotionnel : assurer
l'affiliation de l'individu au groupe
familial classique,
lui faire endosser les valeurs d'interdépendance et de
solidarité qui animent celui-ci, lui faire mesurer le
poids des menaces directes ou occultes qui pèsent sur qUI-
conque rechigne à se conformer à l'ordre social, lui faire
sentir le contenu et la dimension invisible de toutes les
réalités qui l'entourent, qu'elles soient d'ordre cosmique
ou humain.
Les récits innombrables qui meublent l'obscuri-
té,
le.s rites longs et compliqués qui se déroulent au fil
des saisons et de la vie des hommes,
le contact régulier

-
43
-
avec les spécialistes de l'invisible, devins, mages,
médiums, prêtres, tout cela crée une atmosphère envoûtante
qui marque définitivement la personnalité.
En tant que système homogène et structuré,
l'éducation coutumière appartient au passé. Elle subsiste
par secteurs, par lambeaux, par bribes non intégrées.
C'est à ce niveau que le pédagogue moderne doit l'appré-
hender et chercher à capter les forces et les richesses
qu'elle contient encore. Précisons encore qu'il y a plu-
sieurs éléments constitutifs de l'éducation coutumière ou
informelle.
Parmi tant d'autres moyens de transmission des
valeurs en usage
dans les sociétés traditionnelles de
l'ouest africain, les contes et légendes jouent leur rôle
en articulation avec d'autres éléments. Quels enseignements
véhiculent donc les contes et légendes pour qU'ils partici-
pent de l'éducation globale en Afrique de l'Ouest?

- 44 -
CHAPITRE
III - SIGNIFICATION DES CONTES DE L'OUEST AFRICAIN
NIVEAU
- LE VECU CONCRET
Le R.P. TEMPELS a montré comment l'éthique bantoue
découlait d'une philosophie des forces et de l'énergie vita-
le qui régissait l'univers mental des peuples de ce cercle
culturel.
(1).
L'éducation dans le domaine moral a des sources
complexes. Elle touche dans le bas au dressage et vers ~e
haut à la pédagogie initiatique, et à l'expérience spiri-
tuelle. Elle découle à la fois d'une vision de l'homme,
des structures sociales et d'un certain idéal culturel. La
VIe unit des domaines que l'esprit distingue un peu artifi-
ciellement. On trouve donc dans l'éducation aux valeurs, le
reflet fidèle d'une société et d'une culture. D'après P.
ERNY "en certaines régions des conteurs professionnels vont
de village en village, véritables acteurs, formés par des
maîtres qui leur ont transmis leur savoir, et, par leur
drôlerie
et leur aisance à manier la parole/passent pour
des incarnations de la Sagesse. Les grands-parents déten-
teurs et véhicules privilégiés de la littérature orale et
de l'enseignement qui s'en inspire, apparaissent aussi
comme des agents éducatifs de premier plan, dans des
domaines qui n'ont pas directement trait à l'exercice
corporel et à l'activité productive. En certaines occasions,
(1)
TEMPELS
fR.P.)
-
La ph-<"lo.6oph-<"e. bantou.e. -
322
P.

-
4S
-
leurs fonctions de conteurs prennent un aspect quasiment
rituel et institutionnel pour tran~mettre des maximes, les
!
généalogies
et les récits historiques,
légendaires et
mythiques."
(1).
D'abord le nom que porte l'enfant et que souvent
il a hérité d'un ancêtre défunt,
lui impose un modèle à
suivre auquel l'éducation a pour but de le conformer.
D'une certaine manière,
il "est" cet ancêtre,
il doit deve-
nir homme comme lui, adopter sa conduite et sa manière de
VIvre.
Chez certains peuples,
(Bambara
du Mali, Ouan
de Côte d'Ivoire) le devin est là pour instruire les parents
du nom que l'enfant doit porter. Dans ce cas, certains
aspects de la conduite morale trouvent dans la personne même
une aSSIse ontologique. Le milieu traditionnel est très
homogène et comme il n'évolue que très lentement, les rôles
des différents éducateurs, parents, grands-parents, aînés,
griots, initiateurs, etc ... ne s'opposent pas mais l'élé-
ment nouveau qu'apporte chacun d'eux s'intègre dans un
vaste cadre culturel ou tout s'harmonise quand on arrive à
le saisir dans son ensemble. Mais tout élément de moderni-
sation, école, bouleversement du marché du travail, exode
rural est pour la tradition un facteur de désintégration
et de déséquilibre. L'univers des sociétés traditionnelles
est très charpenté. D'abord et avant tout,
sur le plan
idéologique et ontologique, tout se tient et s'enchaîne.
(1)
ERNY
(P)
-
L'e.n6ant e.t Mn rrU.Ue.u. e.n A6JÛQu.e. NoJ.Jte. - pp. 173-174.

-
46
-
La cohésion sociale n'est qu'un des aspects d'une cohérence
plus protonde. La morale se fonde et s'enracine dans un
ordre métaphysique et on ne peut la comprendre sans s'y
"référer. La société-traditionnelle n'est pas si indifféren-
ciée qu'on le croit. En réalité, elle est composée d'un
ensemble de groupes nettement caractérisés et délimités,
ayant une existence stable et des rôles précis, et qui sont
souvent créateurs de milieux à fonction éducative.
Le milieu coutumier n'est pas simple. L'éduca-
tion morale est dispensée expressément par une gamme de
groupes SOCIaux de niveaux variables différents par leur
nature, leur extension, leurs fonctions principales
la
famille,
le lignage, les sociétés initiatiques et profes-
sionnelles, les classes et les fraternités de sexe et d'âge,
les associations.
C'est dans ces groupes que l'on peut saisir les
structures normatives de la société coutumière, et en consé-
quence, les conduites normales de l'individu. Les modèles à
suivre ne sont pas les mêmes pour tous, ils se situent à des
degrés divers de moralité, au point que l'on peut parler
parfois d'une pluralité de morales. Mais dans les sociétés
traditionnelles, ces groupes sont rarement contradictoires
ils se contrebalancent et forment une société globale diver-
sifiée, équilibrée, fortement intégrée malgré les crises
d'évolution qu'elle peut connaître et les conflits qui
peuvertt opposer certains de ses éléments, non seulement
parce que leurs intérêts sont contraires, mais aussi parce
que leurs idéaux s'affrontent. Le but principal de l'éduca-

- 47. -
tion est d'obtenir le conformisme nécessaire de tous les
membres de la communauté. Pour realiser une cohésion solide
au niveau du groupe, moeurs et sentiments doivent être
identiques chez tous ou du moins se complèter mutuell~ment.
L'action éducative ne vise pas l'enfant lui-même dans sa
personne, mais la création de cette solidarité par simili-
tude qui garantit la pérennité de la collectivité. La part
la plus importante de la pédagogie n'est pas pensée mais
transmise de génération en génération.
"Le..6 éc.he..t.te..6 de. .t'éduc.atiol1 .6011t Lzée..6 tltè..6
étltoite.me.l1t à .t'éc.he..t.te. de..6 âge..6. Le..6 te.ltme..6
qui dé.6igl1e.l1t .ta pe.It.601111e. valtie.l1t à me..6ulte.
qu'ol1 pa.6.6e. d'ul1e. c.atégoltie. à .t'autlte., e.t
ave.c. e.ux .t'habi.t.te.me.l1t, .te..6 ac.tivité.6, .te..6
e.xige.I1c.e..6 qu'ol1 .tui adlte..6.6e., .te..6 attitude..6
qu'ol1 adopte. à .6011 Ite.galtd,
.t'e.l1tltaZI1e.me.l1t
auque..t 011 .te. .60ume.t...
Vultal1t .ta plte.miè.lte. péltiode. .t'e.116al1t
évo.tue. de.mal1iè.lte. plte..6que. e.xc..tu.6ive. dal1.6 .ta
.6phè.lte. mate.ltl1e..t.te., é.taltgie. pe.u à pe.u à de..6
6igulte..6 qui 11e. .6011t e.11C.olte. que. de..6 plto.tol1ge.-
me.l1t.6 de. c.e..t.te. de. .6a mè.lte.." (1 1
Comme toile de fond de l'éducation morale, nous
trouvons l'indulgence dont jouit le petit enfant et qUI
persiste en fait bien au-delà du sevrage. L'environnement
matériel, dans sa simplicité, 'ne nécessite pas de la part
de la mère des interdictions continuelles de toucher, de
casser, de déranger. Cette attitude de laisser-faire a
des ra~ines profondes dans la vision même de l'enfant et de
l'homme, elle est délibérée et consciente, issue d'une
volonté de se plier et de se conformer aux désirs de
l'enfant. On n'essaie pas, dans ce premier s~ade, de faire
(1)
ERNY (Pl
-
Ibid p.
22.

-
48
-
appel à des motifs d'autorité ou d'exiger l'obéissance.
,
En cas de conflit entre enfants on donne :systé-
matiquement raison au petit et tort au grand. On est con-
vaincu qu'avant ce que nous pourrions appeler l'âge de
raison, l'enfant ne comprendrait pas la défense, le conseil,
et qu'il est donc inutile de lui en donner ou d'insister au
cas où il ne les suit pas
le petit enfant est jugé irres-
ponsable et on ne peut donc lui imputer les erreurs qu'il
commet.
Il serait injuste de le punir. Les premières
défenses portent avant tout sur des actes et des défauts
extérieurs:
s'éloigner de la maison,
jouer avec le couteau
ou le feu, ne pas exécuter une commission,
injurier quel-
qu'un.
Est punI tout ce qui attire des ennuis, ternit
la réputation de la famille, engendre des difficultés avec
d'autres, cause un préjudice immédiat. Ce n'est d'ailleurs
qu'à l'intérieur du lignage que l'on y détient une autorité;
on ne peut corriger un enfant d'un autre clan:
la struc-
ture sociale l'emporte sur les rapports inter-humains. La
faute sera d'autant plus grave que l'entourage en aura
.
.
prIs connaIssance.
Les valeurs n'ont en général
pas d'existence
propre là où l'organisation sociale n'a pas dépassé le
stade du clan. Elles s'incarnent concrètement dans la
personne des ancêtres et des chefs de famille.
S'adapter,
se conformer aux valeurs du groupe équivaut à 'entrer en
une sorte de symbiose parasitaire avec les figures réelles
je_~.

- 49 -
ou mythiques qUI incarnent les valeurs et qui détiennent
l'autorité.
Est bon
tout ce qui renforce la puissance du
clan, tout ce qui va dans le sens de la solidarité fami-
liale. On ne peut abandonner un membre de la famille de
peur d'indisposer l'ancêtre.
Est mauvais par excellence, tout ce qui touche à
la sorcellerie, à ce qu'on pourrait appeler la magIe per-
sonnelle, forme suprême de l'individualisme et activité
destructrice de force vitale, car le sorcier représente la
volonté perverse, anti-sociale, la haine,
l'envie, la ran-
cune, le désir de puissance. Les valeurs fondamentales
tournent autour des deux pôles de la dépendance et de la
solidarité clanique. Leur système se reflète dans les
marques de bonne éducation que l'on attend de l'enfant.
Savoir s'adresser selon les ~ègles aux personnes
rencontrées, connaître les termes de respect adaptés
à
chaque circonstance, revêt dans l'éducation une particu-
lière importance. L'enfant s'inspire là encore de la
conduite des aînés~ du terme qu'utilise son père, le fils
déduit comment il faut appeler la personne rencontrée, et
quelle conduite il convient d'adopter à son égard. Le
respect envers les personnes âgées est particulièrement
exigé, et en présence d'un étranger, l'enfant ne doit se
faire entendre que si on lui adresse la parole.
C'est d'ailleurs dans ce domaine d-es relations
interpersonnelles que l'on donne le
plus facilement un

-
50
-
enseignement véritable, bien qu'occasionnel.
Tout un enseignement moral est véhiculé sous
forme d'histoires divertissantes où les animaux entrent en
scène; respect des parents, méfiance des beaux parleurs
et flatteurs, victoire de la ruse, de l'intelligence, de
l'esprit d'invention, nécessité de rester sur ses gardes
même Sl l'autre manifeste de bonnes intentions, de faire
face au danger en s'entraidant. Chaque animal,comme nous
l'avons maintes fois répété, a sa personnalité bien défi-
nie. Les contes sont le reflet des valeurs en honneur dans
la société ainsi que des contres valeurs.
Nous examinerons successivement la portée morale,
sociologique et philosophique des contes.
l - PEDAGOGIE DE LA PEUR ET EDUCATION
Pour intimider les enfants et leur faire peur, on
a fait souvent appel à des ogres, des croque-mitaines, des
diables hideux et effrayants, des génies, des fantômes,
des
revenants, des monstres, etc, tous des êtres censés être
friants de chair humaine.
Ils sont souve ntvi-nvoqu é-svp ou r
faire rentrer les enfants dans le droit chemin.
Si un
enfant pleure sans se consoler, quelqu'un va se cacher
derrière la case et se met à frapper du doigt contre le
battant de la porte en poussant des cris étouffés "ou-ou-
ou". Les assistants disent alors "Tais-toi, écoute,
le
génie qui vient".

-
51
-
Les craintes des puissances invisibles jouent un
grand rôle. Certains contes font la part belle à tous ces
êtres en vue de leurs exploitations futures à des fins
intimidatrices.
Ils reviennent très souvent dans les
menaces que la mère adresse au petit enfant. Mais à côté
des êtres dont l'adulte juge la menace imaginaire,
il y a
tous ceux auxquels lui-même croit fermement, et l'enfant se
rend bien compte par les conversations qu'il entend, qu'il
faut les prendre au sérieux, et l'ensemble de ces croyances
concourt à créer une atmosphère de peur diffuse et Irra-
tionnelle.
Pour comprendre cette particularité des contes
d'avertissement, il suffit d'apercevoir qu'il s'agit de
récits fonctionnels, dont la fonction précisément
est
d'éloigner les petits des dangers qui les menacent, l'eau,
le feu, la forêt, etc ...
Pour que l'esprit syncrétique et anthropomorphi-
que des plus jeunes parvienne à assimiler la leçon, le
conte donne vie au danger, le transforme en personnage
inquiétant, animal sauvage ou monstre, forme plus ou moins
humaine, ce qui revient à associer une peur physique, immé-
diate au lieu réputé dangereux.
Il s'agit là d'une attitude
parentale relativement courante qui consiste à associer
l'interdiction et l'image d'une menace.
Les contes de ce type, outre l'Afrique Occiden-
tale, existent dans la plupart des pays. Le plùs connu en
France est "le petit chaperon rouge" petit chef d'oeuvre de

-
52 -
suspens qui raconte la triste histoire d'une petite fille
i
trop peu méfiante que le loup berne et mange. Paul Delarue
remarque que "les monstres dont on menace les enfants sont
particulièrement nombreux et variés, alors que pour leur
faire craindre les bois et ses abords,
il n'en est guère
qu'un, toujours depuis des siècles, le loup, terreur des
grands et des petits, qui a effectivement enlevé et dévoré
tant d'enfants".
(1)
Les contes d'avertissement sont les seuls récits
où prolifèrent les créatures d'épouvante. Ces contes peu-
vent naître au gré des imaginations fertiles des adultes.
Les récits s'intègrent harmonieusement à la zone géographi-
que. Dans les savanes herbeuses et les steppes de la vallée
du fleuve Niger (Mali, Niger, Haute Volta, Nord Côte
d'Ivoire, Mauritanie, Tchad) les collines granitiques au
sommet boisé et certaines mares sont peuplées volontiers de
génies, prêts à mettre en pièces les enfants qui tenteraient
de les escalader, ou de trop prendre plaisir à la nage en
l'absence des adultes. La plupart des familles dans les
régions sahéliennes ont des tâches de bétail. Les enfants
sont très associés à l'élevage.
Ils sont chargés, la plu-
part du temps, de les mener au pâturage, et de les ramener
dans la mi-journée au village dans l'enclos. familial.
Sont-ils distraits par la beauté du paysage au Doint
d'escalader imprudemment ces collines escarpées, les souve-
(1) VELARUE (Pl - L~ ~ont~ popui~~ 6nanc~ - ~atalogu~ d~~ v~io~
d~ F!I.anf-~ e;t d~ pay~ d~ tangue. 6!I.anca.l6~ - Ma16on-
neuve-Lones».
P. 142. 2 vofu.rn~ 410 P. e;t 349 P.

!"'Il
-
53 -
nirs du "génie des collines" est bien trop Vlvace, pour
laisser le b~tail s'égayer dans la savane.
Il est vrai que dans certaines régions, les bêtes
féroces, telles que lions, panthères, et pythons des colli-
nes font encore des ravages. Les contes et légendes, loin
de maintenir les enfants dans une peur diffuse et irration-
nelle contribuent pour une grande part à endiguer les
imprudences enfantines et juvéniles. Dans les zones fores-
tières, les dangers qui menacent les enfants ne sont pas
moins considérables. Face à une nature hostile peuplée de
bêtes sauvages toutes dangereuses pour l'homme, les contes
d'avertissement viennent bien à propos pour éviter
l'irrémédiable. L'éducation se révèle parfois inconsistante
dans les rapports mère-enfant. La mère n'arrive qu'à se
faire obéir difficilement. Alors que le père, moins proche
de l'enfant et moins familier,
s'impose plus facilement.
La mère manifestera par exemple devant l'enfant
son impuissance en face de la volonté ou du caprlce de
celui-ci. Les ordres sont donnés calmement, répétés s'il le
faut sur le même ton, comme si on parlait à un égal, et
finalement abandonnés si l'on voit que le petit refuse de
s'y plier. Ce n'est que rarement que la mère, poussée à bout,
se livre à une violente explosion nerveuse, disproportion-
née par rapport à la gravité de la faute, et souvent
d'ailleurs, suivie de consolations et de cajDleries. Les
attitudes maternelles sont contraires à une éd~cation
consciente et voulue, à l'obéissance et au respect de
l'autorité.

-
54 -
Ces eXIgences capitales en milieu coutumier,
seront obtenues par d'autres moyens en l'occurrence, l'in-
timidation de l'enfant par des récits d'épouvantes qui ne
sont de toute façon pas frappés de l'interdiction du
contage diurne. Dans "jeux Dogon" GRIAULE fait remarquer
que pour les petits êtres la pédagogie des nourrices n'est
toujours pas fondée sur les impressions terrifiantes.
(1).
Pour inculquer certains principes moraux,
la mère
n'aurait pas que recours à l'intimidation, mais utilise des
moyens d'apparence infime, berceuse, compte des doigts,
etc ... " le petit doigt déclare qu'il a faim,
l'annulaire se
contente de rester dans l'expectative; le majeur encourage
l'affamé, l'index propose de voler et le pouce refuse.
Pour
cette raison, dit-on, le pouce s'est écarté des autres
doigts.
Ce détail est d'importance: la fable minuscule
comporte une moralité qui a l'avantage insigne d'être ins-
crite dans la main dont elle explique en somme le mécanisme.
Le pouce, dont la position remarquable est un sujet de
commentaire et d'étonnement, doit cette position à son refus
de se prêter à une mauvaise action. On peut dire que la
nourrice Dogon utilise cette partie du corps au mieux des
intérêts de la morale. La plupart des enfants utilisent ce
schéma pour se faire peur, sans oublier ses limites et
mesurer leurs forces. Certains enfants rëagissent cependant
(1)
GRIAULE
(Ml
- Jeux. dOgOVl.6
-
510 P.

- 55 -
à la catastrophe finale par la terreur, ou, plus grave
encore, y prennent un plaisir morose, la vivent comme un
encouragement à la passivité, puisque le pire est toujours
certain. Les adultes, de leur côté, peuvent être tentés
d'abuser de cette méthode qui leur permet sans peine de se
faire obéir : les aînés ont tendance à en abuser pour se
faire obéir ou pour railler leurs cadets. Parfois, la mère
ou le père intervient, rassurant le jeune enfant si l'in-
timidation n'est pas appropriée ou si l'on constate que tel
jeune enfant est d'un naturel trop craintif, évitant ainsi
de l'emmurer à jamais dans une psychose de peur morbide et
chronique, préjudiciable à sa maturation psychologique.
II - LE CONTE Cm1ME TEMOIGNAGE DU VECU CONCRET,
DE LA MORALITE ET DE LA PHILOSOPHIE
"La notion de moralité (ou comme le disent les
philosophes, le "fait moral") s'impose et s'est vraisem-
blablement imposée à tout individu, normal, de tout temps,
et dans tout groupe social:
l'opposition du Bien et du Mal
nous imprègne de l' extér ieur dè s I ' enf ance,
sou s . 1 a p.r e ssion .
des moeurs -mores en latin, ce qui se fait et ce qui ne
doit pas se faire
elle s'éveille en nous aussi, semble-
t-il, de l'intérieur, sous forme de sentiments, devoir,
responsabilité, remords ... " (1) Nous savons que l'homme ne
se borne pas à formuler sur le monde des jugements de réa-
lité, constatant par exemple que "ceêi est ainsi, cela
(7) GREGOIRE (F) - Le~ 9~ande~ do~~~ine~ mo~ate~ - p. 9.

-
56 -
autrement".
Il porte des jugements de valeur, déclarant par
exemp le que te Ile cho se ~e st bonne, te Ile autre mauva i se , que
i
tel acte est admirable, et tel autre odieux.
Il n'est donc
pas réduit à la constatation pure du donné ; il peut
dépasser ce donné, lui opposer l'idée d'une autre réalité
possible qui serait préférable et, au nom de cette idée,
porter sur la réalité donnée des jugements d'appréciation.
En un mot, l'homme est capable d'opposer au moins mentale-
ment, à ce qUI est, ce qUI, selon lui, devrait être, au
fait,
le Droit,à la Nature, l'Idéal.
Il est, par là même,
capable de juger la nature, ou telle chose particulièTe,
bonne ou mauvaise. "Ainsi, une société, écrivait DURKHEIM,
ne peut ni se créer, ni se recréer,
sans du même coup
créer un idéal. Cette création n'est pas pour elle une
sorte d'acte surérogatoire par lequel elle Be complèterait
une fois formée c'est l'acte par lequel elle se fait et se
refait." (1)
Les sociologues définissent les faits sociaux
comme étant des faits de conscience collective. Mais on
peut craindre que, par là, ils ne séparent le fait social
de ses bases, dese~ fondements, qui sont pour une part,
matériels et économiques, pour une part aussI, psychologi-
que s.
Nous tendons à crOIre que la conscience collec-
tive est elle-même une résultante et s'explique d'une part
(1)
DURKHEIM (E)
- Le~ 6ohme~ éfémenta~he~ de fa v~e
hel~g~eu~e - p. 603.

-
57 -
par des facteurs matériels, par la structure économique et
politique de la société, d'autre part, par la conscience
individuelle. Or, la structure matérielle de la société
est fait et non valeur.
Et si la société dépasse ici
l'individu, c'est en force, en puissance, en extension
il faudrait donc expliquer comment cette supériorité de
fait apparaît à la conscience individuelle comme une supé-
riorité de droit et de valeur. Expliquer cela par la
conscience collective qui poserait elle-même des valeurs,
n'est-ce pas transposer et reculer le problème au lieu de
le résoudre? "Aussi, ce qu'une société juge être bon ou
mauvais pour ses enfants dépend de ce qu'elle cherche à
faire d'eux, à quel modèle elle entend les conformer. Avec
l'éducation morale, on aborde le côté le plus synthétique
de la socialisation. Les autres aspects touchant à la VIe
collective, intellectuelle et pratique, sont repris à un
niveau plus élevé de synthèse et de conSCIence par les
idéaux de VIe et de conduite que le groupe propose à ses
membres".
(1) Aussi, en étudiant l'art, la philosophie,
la littérature, de chaque société, à un moment donné de
son histoire, est-il impossible de ne point percevoir
quelques reflets de l'échelle des valeurs, du vécu quoti-
dien etc.
[ 1)
ER NY [P)
-
0 p.
c--<-t. P.
18 8 •

-
58
-
III - LE CONTE COMME TEMOIGNAGE DE LA VIE QUOTIDIENNE
EN MILIEU TRADITIONNEL
D'après COLLARDELIE-DIARRASSOUBA, "les contes ... ,
sont en outre aujourd'hui pour nous, un témoignage sur la
vie africaine traditionnelle ..... en même temps qu'une
preuve de l'existence d'une philosophie propre à ces
populations".
(1)
En effet, outre le merveilleux, le réalisme
n'est pas mis en veilleuse; bien au contraire, l'un et
l'autre s'allient pour donner une image exacte de l'uni-
vers négra-africain, dans lequel
il est difficile de
percevoir une rupture entre le réel et le surréel. "Le
premier mérite du conteur négra-africain, comme de tout
artiste véritable, est de coller au réel, de rendre la
vie ...
Mais encore une fois,
il n'y a pas de frontière
en Afrique Noire, pas même entre la vie et la mort.
Le
réel n'acquiert son épaisseur, ne devient vérité, qu'en
brisant les cadres rigides de la raison logicienne, qu'en
s'élargissant aux dimensions extensibles du surréel." (2)
Ce sont très exactement les réalités de la vie
quotidienne qui filtrent à travers les contes. Réalités
parfois pénibles dans ce monde rural des savanes et des
(1)
COLLARVELLIE-VIARRASSOUBA
(Ml
- le l--<-èvlte et l'~gnée
da.n/.) le.6 c.onte.6 de l'oue.6t a6tt--i.c.a--<-n - p. 85 et .6u.lt;e.
( 2)
SENGH0 R (L. S.)
i:n Bi.n: a9 0
VI 0 P -
Plé fi ac.eaux nouveaux
c.onte.6 d'Amadou Koumba -
pp.
14-1


-
59
-
steppes où la famine peut sévir au moindre capIlce clima-
tique. Nombreux sont en effet
les contes qui commencent
par la formule "c'était la famine chez les animaux".
La
grande responsable de ces famines est bien sûr la séche-
resse bien trop fréquente des pays de savane. La fréquence
de ces crises dans les contes nous conduit à penser
qu'historiquement, la famine s'est abattue souvent.
Que faire dans une situation semblable ?
On devine toute l'angoisse de l'homme face à un tel
problème? Dans les contes, les animaux en arrivent aux
pires solutions: c'est tantôt la panthère qui décide de
manger ses propres petits, tantôt l'hyène qui décide de
vendre sa vieille mère afin de subsister.
(1)
"e' e.s« un monde exc.lu.6-tvemen:t JWJtal où.
l'homme :tJtava-tlle duJt :tou:t le jouJt, .6ou.6 un
.6ole-tl aJtden:t, c.ul:t-tvan:t une :teJtJte aJt-tde où.
-tl r.e.nt:e
de 6a-tJte pou.6.6eJt le m-tl et: l'.-i.gname
néc.e.6.6a-tJte.6 à .6a nouJtJt-t:tuJte.
Le.6 ou:t-tl.6
.6on:t Jtud-tmen:ta-tJte.6
: on vO-t:t -tc-t le l-tèvJte,
la p-tn:tade, ou d'au:tJte-.6 an-tmaux "cul:t-tveJt
r.eu»: champ à l'a-tde d'une mo de.s t.e: houe... " (2)
Dans ces sociétés paysannes, la chefferie a une
importance capitale. C'est au chef qu'on obéit; c'est lui
qui relie les vivants aux ancêtres dont il détient la
sagesse. En pays Sénoufo, un fait est très significatif
lorsqu'il arrive un malheur,
incendie, foudre, etc, les
gens, dans les interjections qu'ils poussent pour implorer
secours, proclament le nom de Dieu, puis celui des Chefs-
Ancêtres, puis celui du chef vivant. On doit obéissance et
(1)
DIOP (B) - Le.6 nouveaux con:te.6 d'Amadou Koumba
(2)
eOLLARDELIE-DIARRASSOUBA (Ml
- op.
c.L«,
pp.
86-87.

- 60 -
respect au chef; c'est lui qui, assisté de ses notables,
règle tous hes litiges juridiques ou familiaux.
On sait que ce rôle est dévolu au lion dans les
contes. S'il arrive très souvent qu'un sujet-le lièvre-
n'obéisse pas au chef, et s'en tire néanmoins à bon compte,
c'est que le chef ne mérite pas qu'on le respecte; il est
trop autoritaire ; il abuse de son pouvoir ou il est cruel.
Tout comme le Bien se déduit du Mal, on ne trouve d'ailleurs jamais le
portrai t du chef idéal ; le chef tel qu'il doit être se déduit du chef
tel qu'il ne doit pas être. Là encore, non seulement le conte offre un
témoignage réaliste en matière de chefferie traditionnelle,
mal s au s siun document ethnologique et historique. On imagine très
bien les abus de pouvoir qu'ont pu manifester certains chefs tous puis-
sants : usage de la force, cruauté arbitraire.
Dans l'histoire de l'Afrique Occidentale, cer-
tains chefs de sont illustrés par la cruauté, tels
Soumangourou Kanté qui décima la famille royale des Kéita
en tuant dix princes et n'en épargnant que le onzième, un
handicapé physique qui pris plus tard une revanche écla-
tante sur le voisin turbulent (1235).
Une autre cruauté, Soni Ali qui somma à une femme
de pilonner son nouveau-né dans un mortier à l'instar des
grains de maïs ou de mil.
(16ème siècle). Si l'on insiste
tellement sur les défauts du roi qui dans les contes
représente aussi bien le chef de canton qUé le chef du
village, bref, celui qui a le pouvoir sur les: autres,
c'est que le bon chef est indispensable en Afrique tradi-

-
61
tionnelle
; de lui, dépend l'harmonie de toute la société
une société fortement hiérarchisée avec ses grands (le
lion, l'éléphant, la panthère, le léopard) et ses petits
(la biche, la gazelle, la tortue,
l'araignée, le lièvre,
ett ... ) dans laquelle les petits doivent obéissance au
chef, mais aussi où chacun se doit un mutuel respect.
Si
l'égoïsme est autant blâmé, dans les contes, c'est qu'une
vertu essentielle est l'hospitalité, la solidarité, la
fraternité.
La société africaine traditionnelle est commu-
nautaire ; l'individu n'existe que par le groupe. Comme
le dit P.
ERNY :
"la pe.Jt.601111e. e..6t plol1gée. d'e.mblée., dal1.6 UI1
gJtoupe. à la 60i.6 éte.l1du e.t ~lo.6, 60l1dé .6UJt
le..6 je.ux de. la ~ol1.6al1guil1ité e.t de. l'al-
lial1~e., au .6e.il1 duque.l if 11e. pe.ut e.xi.6te.Jt
d'état il1te.JtmédiaiJte. e.l1tJte. UI1e. 60Jtme.
d'appaJtte.l1al1~e.
e.t le. .6tatut d'étJtal1ge.Jt.
Le..6 .6e.l1time.l1t.6 e.t le..6 attitude..6 e.I1Ve.Jt.6
~e.ux du de.dal1.6 e.t ~e.ux du de.hoJt.6, .6011t
l1e.tte.me.l1t tJtal1~hé.6,
e.t e.11 ~e. .6e.I1.6, il 11e.
.6auJtait y avoiJt de. Jte.latiol1.6 l1e.utJte..6.
La vie., même. dal1.6 l'au-de.là, .6e. ~oule. dan.6
UI1e. .6éJtie. de. ooJtmatiol1.6 .6o~iale..6 hoJt.6
de..6que.lle..6 e.lle. l1'a plu~ de. .6e.I1.6, e.t au
.6e.il1 de..6que.lle..6 l'ul1 11e. pe.ut vivJte. qu'ave.~
l'autJte.,
paJt l'autJte.,
pouJt l'autJte. e.t e.11
~OI1.6tal1te. Jté6éJte.I1~e. à l'autJte.. Toute. édu~a­
tiol1 vi.6e. à 6aiJt~ paJtti~ipe.Jt l'il1dividu à
la vie. de. .6011 gJtoupe., e.t 0/1 11e. ~ol1coit pa.6
qu'il pui.6.6e. pJte.l1dJte. .6on pJtopJte. de..6til1 e.11
mail1. Elle. lui impo.6e. un idéal de. ~01160Jtmi­
té, d'il1te.Jtdépe.l1dal1~e. e.t de. .6oumi.6.6iol1 à
la volol1té ~ommul1e.. la vie. de. gJtoupe.
e..6t pe.Jtcue. globale.me.l1t ~omme. .6e.ul pouJt-
voye.U.6e. de. la .6é~uJtité l1é~e..6.6aiJte. au
déploie.me.l1t de. l'e.xi.6te.I1~e. e.t 11e. lai.6.6e. que.
pe.u de. pla~e. pouJt UI1e. vie.pe.Jt.6ol1l1e.lle. il1té-
JtioJti.6ée. e.t ~ol1.6~ie.l1te. ou pouJt l'il1timité
du
~ouple., l'e.116al1t e..6t e.l1gagé dal1.6 UI1
pay.6age. .... où il fui 6e.Jta d~66i~ile. d'ap-
pJtéhe.l1de.Jt l'autJte. e.n tant que. pe.Jt.601111e.

-
62
-
autonome."
11 )
Tout aussi important que la soumISSIon au chef
est le respect des traditions.
La vie de l'Africain oscille
entre la communauté et la tradition comme deux pôles
d'attraction.
La tradition
où joue sans cesse la loi de
l'initiation des ançiens, fait universellement des institu-
tions primitives, le catéchisme, l'idéal moral et le code
civil tout à la fois.
Autour d'elle se cristallisent la
pensée et la conduite, l'espérance et l'initiative, la
persévérance et la réussite.
Son origine, comme celle de la
communauté, se trouve dans les ancêtres ; son rôle est le
maintien de l'unité entre
vivants et morts; sa valeur
provient tout ensemble de son origine et de son rôle.
Certains contes reflètent l'ordre de transmission
de cette tradition : "Comme tout authentique natif du
Saloum, Leuk-Ie-Lièvre savait l'histoire des s~ens comme
celle des bêtes et des gens, non seulement de son terroir,
malS aussi des terres voisines." (2)
"Dans la famille et le clan de Leuk-Ie-Lièvre,
l'on apprenait tout sur le passé de tous,
l'on savait ce
que les très vieux du pays se rappelaient avoir entendu
quand ils étaient tout jeunes de leur vieux parents".
(3).
Les ancêtres sont en effet la Vérité et la Sagesse. C'est
donc une obligation non seulement de connaître leur tradi-
11) ER NY 1P) - 0 P .' Q -<.t . 10 4 •
(2)
DIOP
lB]
- QonteJ.J et tavaneJ.J - p.
63.
(3)
DIOP
(B)
- -<'b-<'d p.
66.

-
63 -
tion, mais encore de .la respecter et de la perpétuer. On
peut penser que, si ~e lièvre est si avisé, c'est sans
doute qu'il est doué d'un solide bon sens, mais c'est sur-
tout qu'il est très savant et très respect~eux du passé
ancestral. Tradition et religion sont intimement liées dans
le monde négro-africain de l'ouest africain. Respecter la
tradition, c'est respecter la religion des ancêtres et
vice versa. Dans certains contes, certains animaux prati-
quent le culte des ancêtres. Certaines populations, mêmes
islamisées, gardent un vieux fond animiste. Cela dénote que
certains contes fourmillent d'indications sur les coutumes
et l'animisme traditionnel. C'est ainsi que dans un conte
Sénoufo, il est question d'Initiation au Poro. Les animaux
pratiquent le Poro. Bien que les secrets du Poro ne soient
pas dévoilés, on retrouve dans les contes les réalités de
l'initiation.
Il est question du plus important stade
initiatique; le "Tchologo" (1) au cours duquel. les animaux
doivent aller chercher du bois dans la campagne. On n'en
dit pas plus, mais la présence de l'objet qUl "fait des
frites" rappelle très bien l'existence de ces objets magi-
ques connus seulement des initiés, dont on use seulement au
cours des séances d'initiation.
Un autre objet est encore mentionné du nom de
"Tolo" objet que fabriquent les forgerons pour l'hyène qui
veut imiter la voix de son adversaire, le lièvre. Mais il
est difficile d'expliquer exactement ce qu'il représente
(7)
HOLAS (B)
-
Le.-6 Sénou6o,
p.
746.

-
64
-
dans la mesure où seuls les initiés en connaissent la si-
gnification et qu'il leur est interdit de la révéler.
Dans
un autre conte Sénoufo, la pintade, le serpent, la perdrix,
et le crapaud sont mis en scène, toujours à propos de
l'initiation. On soumet les nouveaux initiés à l'épreuve de
la rivière pour savoir qui a divulgué le secret. La pintade,
le serpent, et la perdrix traversent la rivière sans embû-
che, mais quand le crapaud veut passer, cela. lui est
impossible et il tombe dans l'eau. Mais la véritable signi-
fication est tout autre, elle rappelle l'importance de
l'interdiction absolue pour un initié de divulguer le secret
de l'initiation; en montrant que si le nouvel initié ne
respecte pas cet interdit, c'est une faute extrêmement grave
et il encourt les plus grands malheurs. Le conte a une
moralité plaisante; "c'est pour cela que le crapaud est
toujours dans l'eau". La véritable signification, nous
l'avons mentionnée plus haut. Quant aux pratiques fétichis-
tes, leur existence est attestée par de nombreux contes.
Celui qUI détient le pouvoir de fabriquer des objets magi-
ques, c'est le forgeron:
c'est au forgeron que l'hyène
demande de lui fabriquer un "Tolo". C'est encore chez lui
que le lièvre se fait confectionner "un habit et un tambour
en métal", grâce auquel
il peut pénétrer dans le village
des femmes qui jusqu'alors était interdit aux hommes.
De même, dans un conte voltaïque, Lièvre demanda
au forgeron une tige de fer très pointue qu!il surnomma "fer
captivant" grâce à laquelle il tua la biche, Le buffle, et
l'éléphant, pour se procurer de la nourritur~, puisque
c'était une fois de plus la sécheresse et la famine.

-
65 -
Le forgeron est en effet un personnage extrêmement
important. Maître des quatre éléments (le feu, la terre,
l'air et l'eau)
grâce à sa technique, c'est un être à part.
~-
Il a pouvoir magique parce qu'il est en rapport-avec les
puissances supérieures. Nombreux sont les contes où Lièvre
triomphe après avoir lIenvoûté" par quelque chant ses adver-
saires. C'est bien là une grande réalité de l'Afrique
Occidentale, même
de l'Afrique toute entière. Le chant, la
musique, et la danse font partie de la vie de tous les jours.
Le Noir chante et danse à chaque occasion, pour une naissance,
pour célébrer un événement important, pendant ~es funéraille~
etc ... "L'Afrique, c'est le rythme" a écrit SENGHOR; cela
est vérifié par les contes. Le rythme se révèle à chaque
instant dans le conte, par la langue, par les mots, par le
style, par les chants qui scandent le fil du récit. Quant à
la famille africaine, elle est bien représentée dans les
contes. C'est la famille au sens large avec non seulement
les membres vivants mais aussi les anc~tres.
Dans les contes de BIRAGO DIOP, il nous parle
souvent du "clan du lièvre".
Il y a une histoire de la
famille lièvre et la philosophie du lièvre est le fruit de la
sagesse ancestrale. "Le système de parenté règle dans l'Afri-
que traditionnelle la plus grande partie des relations
sociales. Le type de communication qU'il représente, les
échanges qu'il instaure entre individus et groupe, tiennent
1
dans la vie des sociétés aussi bien soudanaises que Bantoues
P
une place privilégiée. On peut y voir leur foyer culturel,
l'aspect deleur organisation qui concentre sur lui la plus

-
66 -
grande part des préoccupations et des intérêts. C'est le
groupe familial étendu qui constitue~ indépendamment des
1
systèmes qui le régissent,
la cellule de base de la société,
--..
la personne morale fondamentale et le milieu éducatif le
plus immédiat. Aux yeux des intéressés, les lignages et les
clans apparaissent comme des organismes au sens le plus
fort du terme, ayant une réalité non seulement sociale,
mais biologique et ontologique, subsistant par eux-mêmes,
cherchant à se perpétuer, animant et reliant leurs membres
par un même sang et une même vie, conférant aux individus
une appartenance et un statut d'homme. Quiconque en est
coupé retombe dans le néant. Le lignage apparaît souvent
comme un réservoir de "noms" de personnalités sociales, de
sorte que ce sont toujours les mêmes figures qui reviennent
en son seIn ; il forme un système clos de vases communicants
pourrait-on dire, auquel on ne peut appartenir que par droit
de naissance, et où se trouvent associés les vivants,
les
morts et les individualités encore à venir, ceux qui habi-
tent sur terre et sous la terre pourvu qu'ils descendent
d'un même ancêtre.
(1) Lièvre, tout comme l'Araignée, dans
la plupart des contes a le respect de la famille. En
période de famine,
ils partagent avec leurs femmes et leurs
enfants leur maigre pitance. L'hyène est le symbole, évi-
demment, de ce qu'il ne faut pas faire; elle ne respecte
ni le père, nI la mère ; elle est prête à vendre sa vieille
mère pour subsister ; elle laisse volontiers dépérir ses
enfants pour que sa propre faim soit satisfaite.
(7)
ERNY
(Pl
-
op.
c.i.t>.
PP.
54-55.

-
67 -
L'on sait que la malédiction est entre les mains
des par~nts une sorte d'arme suprême et un dernier recours
!
le fils maudit n'aura plus de repos, rien ne lui réussira,
il sera poursuIvI par le malheur, et mourra misérablement
s'il ne demande pas pardon et si le parent qui l'a maudit
ne procède pas à un rite de réintégration qui détourne la
vengeance divine. C'est là, entre les mains de ill génération
aînée une arme terrible et redoutée qUI lui permet de tenir
sous sa domination même les jeunes, par ailleurs très af-
franchis de la coutume. La malédiction est jugée d'une
efficacité indubitable quand elle suit les liens du sang,
donc quand elle vient des parents.
Quand il Y a un litige au sein de la famille, "un
conseil de famille" se réunit pour juger le ou les membres
concernés et prendre les décisions qui s'imposent. C'est
ainsi qu'après avoir "essayé sans succès d'acculer Leuk-le-
Lièvre en un coin quelconque de la brousse
," (1) la famille
M'Barn l'Ane "avait tenu un long conseil". - "Il fallait
absolument avait-on décrété à la fin de ce conseil de
famille que Leuk-le-Lièvre reçût ne serait-ce qu'un coup de
pied de M'Barn l'Ane". Dans ce conte, bien que l'âne y joue
la comédie du mort, apparaît l'atmosphère des funérailles
grand assemblement de la famille éplorée et gémissante au
chevet du défunt
appel aux voisins pour venir faire des
prières, etc ...
Le conte ne manque de révéler la place de ~a femme africaine
dans la société africaine traditionnelle. "La femme est
essentiellement perçue comme donneuse de VIe.;. on ne peut

- 68
-
séparer son activité sexuelle et son activité nourricière.
Par la nourriture qu'elle prépare et l'eau qu'elle puise
elle sustend la vie de son mari et prend dans cet ensemble
de tâches la-place qu'occupait la mère de ce dernier. On
appelle l'épouse "la mère du mari". Le respect que l'enfant
éprouve pour sa mère passera donc par le mariage à sa
femme."
(1)
La femme apparaît comme un objet de ménris ; elle
a tous les défauts; bavarde, 'elle est incapable de garder
un secret; elle crie sans cesse ; elle est jalouse
bref,
" .
elle est le plus souvent une source d'ennuis pour son mari.
Dans un conte de Birago DIOP, "les calebasses de Kouss" la
femme de l'hyène est jalouse des ornements et des parures
de la femme du Lièvre : lorsque la femme de Leuk-Ie-Lièvre
parut au puits le lendemain, couverte de bijoux resplendis-
sants au soleil, l'épouse de Bouki-l'Hyène faillit mourir
de jalousie ; elle ouvrit les yeux, elle ouvrit la bouche
et tomba évanouie ... Quand elle revint·à elle .. elle courut
jusque dans sa case secouer rudement son mari . . . "
"-Fa..i..néant ! pJtopJte. à Jt..i..e.n ! huJt.ta-t-e..t.te.
p.te...i..ne. de. Jtage., .ta 6e.mme. de. Le.uQ-.te.-L..i..èvJte.
e.~t ~ouve.Jtte. de. b..i..joux, e..t.te. e.~t paJtée. d'oJt
e.t de. pe.Jt.te.~,
e.t tu n.'a~ tJtouvé que. de.
.t'aJtg..i...te. duJtc..i..e. pouJt .ta t..i..e.nne.. S..i.. tu ne.
m'o66Jte.~ pa~ de.~ b..i..joux ~omme. .te.~ ~..i..e.n.~,
je.
m'e.n Jte.touJtn.e. ch« z mo n pèJte. '".
(2)
Et c'est pour avoir cédé au chantage de sa femme que le
gourdin magique s'abattra violemment sur le dos de Bouki à
à la fin du conte.
( 1)
ERNY
(P)
op.
~..i..t . P. 6 6 .
::
DIOP (B)
op. c.Lt., r.
158.

- 69 -
La femme, en prIncIpe, n'a pas souvent la parole.
Lorsqu'il s'agit de marier une jeune fille,
son avis compte
j
peu. Dans les contes, c'est le roi ou le chef, ouile père
qui donne un~époux à la jeune fille. Le conte met à tel
point l'accent sur ce mépris total des volontés de la
jeune fille, qu'il montre très souvent un roi ou un père
s'en remettre au destin pour déterminer le choix de l'époux.
Il soumet les prétendants à une difficile épreuve que
Blaise CENDRARS dans "Anthologie Nègre" appelle "un concours
matrimonial". Celui qui gagne obtiendra la fille.
La place
de la femme est à la maison au milieu de ses enfants et ses
ustenciles de cuisine. Voici un exemple de "concours matri-
monial" organisé par le lion, roi des animaux, dans un
conte sénégalais.
Conte 3 : Comment le lièvre épousa la fille du lion
Le t~on, ~o~ de~ an~maux,
ava~t une t~è~ jot~e 6~tte qu'~t
vouta~t donne~ en ma~~age.
It convoqua ato~~ tou~ te~ an~maux de ~on pay~ pou~ te~
~oumett~e à t'ép~euve.
It teu~ mont~a, ~u~pendue ~u~ te
6eu, une ma~m~te dan~ taquette bou~ttonna~t un t~qu~de et
teu~ d~t :
- "ma 6~tte ~e~a à cetu~ qu~, d'une 90~gée, v~de~a te pot."
Tou~ te~ ~oup~~ant~ tentè~ent teu~ chance, ma~~ nut n'y
~éu~~~t. Le de~n~e~,
te t~èv~e ~e teva po~ément, p~~t ta
ma~m~te 6umante et d~t :
- "J'a~me b~en bo~~e chaud."
Ma~~ avant de commence~, ~t ~e m~t à 6a~~e te tou~ de tou~
te~ an~maux en teu~ d~~ant :
- "Tu vo~~, mon am~, ce pot e~t ~empt~ d'un t~qu~de bou~t­
tant;
je t'en p~end~ pou~ témo~n."
A~n~~, to~~que te t~èv~e eŒt 6~n~ avec te de~n~e~ de~ ~a
an~maux, te t~qu~de éta~t devenu 6~o~d.
Ato~~ d'un ~eut t~a~t, te t~èv~e v~da te pDt, acctamé pa~
t'a~~~~tance.
Le t~on 6ét~c~ta te va~nqueu~ et tu~ donna ~a 6~tte comme
convenu.

-
70 -
L'épreuve varle : sauter assez fort sur un rocher
pour en faire jaillir~ la poussière. Dans les régions de
forêt, ce rôle est dévolu à Araignée. Dans un conte Gouro,
(Centre Ouest de la Côte d'Ivoire),
il est demandé à tous
les animaux de danser sur un rocher et d'en faire jaillir
la poussière. Pour réussir, Araignée cache des sachets de
farine dans les plis de son vêtement.
(1)
Dans une autre version de ce conte, l'épreuve
consiste à arroser le rocher de sa sueur. Dans un conte
Voltaïque, Lièvre dissimule une petite outre pleine d'eau
sous sa tunique.
(2)
Dans tous les cas, le chef avare ou le père
jaloux, qui a posé la condition impossible, espérant bien
se réserver la récompense promise, doit alors s'exécuter.
Le conte traite aussi des éternels problèmes de parenté et
de l'alliance, du mariage et des rapports entre le mari, sa
femme,
ses parents, ses alliés. Le premier conte que nous
allons proposer, très court, est une énigme.
Conte Bété -(centre ouest de Côte d'Ivoire) - les trois noyés
Au cou~~ d~ fa t~av~~~é~ d'u~~
~iv~e~e, fa pi~ogu~ chavi~~.
U~ homm~ ~'y t~ouvait ~~ compag~i~ d~ ~a ~o~u~, d~ ~a 6~mm~
~t d~ ~a b~ff~-m~~~. Aucu~~ d~~t~oi~ ~~ ~ait ~ag~~
qui
f'homm~ ~auv~~a-t-if ?
(l'informateur ajoute en guise de commentaire
~i tu ~auv~~ ta ~o~u~ ~t qu~ tu fai~~~~ ta 6~mm~ ~~ ~oy~~,
if 6aud~a pay~~ u~~ ~ouv~ff~ dot pou~ acqué~i~ u~~ ~ouv~ff~
6~mm~. Si tu ~auv~~ ta 6~mm~ ~t qu~ tu aba~do~~~~ ta ~o~u~,
t~~ pa~~~t~ t'accabf~~o~t d~ ~~p~och~~. Mai~ ~i tu choi~i~
d~ ~auv~~ ta b~ff~-m~~~, tu ~~u~ idiot.
(1)
TAUXIER
(Ll
-
N~g~~~ Gou~o ~t Gagou - 218· P.
-
P.
274.
( 2)
GU l LHEM
(M) - Ci~qua~~ co~~~ U 6abüaux d~ :ta ~ava~~ - III P. 7.

-
71 -
Un autre co~te Dogon
(Mali) met aUSSI dans l'embarras.
Il
est aussi question de choisir.
Conte Dogon (sans titre)
'Un homme cultivait ~on champ, aid~ de ~a ~oeu~
et de _~a
6emme. La pl4ie ~tant tomb~e en abondance, il 6all ut 6~an­
chi~ un to~~ent pou~ ~ent~e~ au village. Le~ deux 6emme~
pe~di~ent pied, et, tandi~ que l'homme ~auvait ~a ~oeu~, la
6emme ~e noya. L'ann~e ~uivante, la ~oeu~ quitta ~on 6~è~e
pou~ alle~ habite~ chez ~on ma~i et le pè~e demeu~a ~eul au
logi~. Il cultivait un champ tout p~oche de celui de ~on
beau-pè~e lo~~que de~ ét~ange~~ qui pa~~aient là, le voyant
~eul, lui p~opo~è~ent d'achete~ une captive; le veu6
n'avait pa~ d'a~gent ; iL.appela ~a ~oeu~ et demanda aux
~t~ange~~ ~'il~ con~enti~aient à un échange ; il~ acceptè-
~ent et, lai~~ant la nouvelle 6emme aux main~ du veu6,
pa~ti~ent en amenant la ~oeu~. Le beau-6~è~e, in6o~mé de
l'événement, ne put p~ote~te~, ca~ leveu6 avait be~oin
d'une 6emme pou~ teni~ ~on ménage et n.' avait pa~ out~epa~·/.)~
~e~ d~oit~ en vendant ~a ~oeu~. Mai~ il eût été plu~ ~imple
de ~auve~ ~a 6emme alo~~ qu'elle ~e noyait. "Un. ma~i, te~mine
le conteu~, doit 6ai~e pa~~e~ ~a 6emme avant ~a ~oeu~ : mon
hi~toi~e en.~eigne pou~quoi."
On voit ~ue les Dogon n'hésitent vas à trancher
une question à laquelle les Bété de leur propre aveu, n'ont
pas su trouver de solution satisfaisante. Les données du
problème sont pourtant les mêmes dans les deux sociétés
toutes deux obéissent aux mêmes règles 'de filiation patri-
linéaire et de résidence patrilocale ; chez toutes deux, le
versement d'une dot aux parents de la fille est une condi-
tion nécessaire au mariage. Là s'ar~êtent les ressemblances
Dogon et Bété réagissent différemment aux institutions. Au
dire des informateurs, l'épouse Dogon ne rejoignait jadis
son mari qu'à la naissance de leur troisième enfant
; elle
se résignait alors à un séjour permanent loin des siens. Le
séjour s'est raccourci; mais aujourd'hui ~ncore, le ménage
ne s'installe guère avant la promesse d'une maternité.

-
72 -
Chez les Bété, au contraire, non seulement le
premIer enfant doit naître chez ses paternels, mais la vie
commune des parents débute par un rapt
prévenue ou non,
"'la fiancée est enlevée et gardée trois jours e n f e r mée
quels que soient les sentiments, les apparences de la VIO-
lence sont tenues pour nécessaires. Par la suite, plus que
son propre ménage, le premier souci d'une épouse Bété demeu-
re celui du ménage d'un père dont l'union, estime-t-elle
est son oeuvre n'est-ce pas la dot versée par le mari de la
soeur qui a permis le mariage du frère cadet? D'où un
droit de regard qui expliquerait, sans toujours le justifier,
les fréquentes intrusions de la soeur mariée dans le ménage
du frère.
Que l'épouse "manque de respect" à une soeur,
celle-ci, au premier incident, avertira les aînées du ligna-
ge
mariées aux alentours. Telles des furies,
les soeurs
envahissent le village, où elles tiennent prisonnière la
coupable; le mari lui-même ne pourra la sortir qu'en
acquiescant au paiement d'une amende dont les soeurs
demeurent libres de fixer le montant. L'épouse, pour s'ac-
quitter,
ira trouver les siens; mais une fois loin du mari,
au souci de réunir la somme exigée, plus d'une préfèrera
une vie nouvelle et la compagnie d'un autre homme.
On imagine les difficultés qu'un mari Bété peut
éprouver à tenir au logis une épouse qui n'~ublie jamais
r que, dans son village, elle-même demeure une soeur.
Dans les termes où le conteur Bété'pose son al-

-
73
ternative
(de la soeur ou de l'épouse, qUI doit l'emporter?)
la question intéresse de manière immédiate son auditoire.
Comment expliquer ces rapports tendus, volontairement
difficiles? L'enlèvement d'une femme mariée ou ayant déjà
contracté officiellement des fiançailles, entraînait jadis
une expédition punitive contre le village du séducteur :
diversion que les hommes habitués à la chasse accueillaient
volontiers dans la monotonie des saisons qu'aucune grande
fête, aucun rassemblement, ne venait jamais animer.
Parmi les SOUCIS du mariage, n'oublions pas les
eXIgences des beaux-parents, qu'une version Mossi (Hauté~
Volta) souligne en transposant le choix à la génération
des parents.
Conte
n° 6
u~ homme, ~a 6emme, ~a mè~e et ~a belle-mè~e ~e ~enda~e~t
au v~llage vo~~~n.
En pa~~ant p~è~ d'une ma~e, la mè~e et la belle-mè~e ayant
~o~6 voulu~ent bo~~e, ma~~ en ~e pencha~t ~u~ l'eau,
chacune
d'elle~ la~~~a tombe~ u~ oe~l dan~ la va~e.
L'homme plongea,
6ou~lla la va~e et ~emonta, n'ayant t~ouvé
qu'un oe~l.
A qu~,
de~ deux 6emme~, do~t-~l le ~emett~e ?
Le conte Dogon rapporté ci-dessus ne fait pas
allusion au personnage de la belle-mère ; le commentaire
du narrateur Bété ne laisse aucun doute sur les sentiments
du gendre à l'égard de sa grande alliée.
Ces sentiments
s'expriment encore plus crûment dans le conte de l'Araignée,
et,sa belle-mère: si le gendre, dans le conte précédent,
l'ignore, c'est volontairement, ici, qu'il. entend noyer
"celle qui mange tout".

-
74 -
Conte Bété - Araignée et sa belle-mère
AJz.a..tgnée, -6a 6emme, -6on en6ant et -6a beLf.e-mèJz.e .s e tJz.ouvueht
dan-6 un campement en 60Jz.êt, ~oJz.-6que ~a 6am..tne e-6t aJz.Jz...tvée.
AJz.a..tgnée paJz.t en quête de nouJz.Jz...ttuJz. e , ma..t-6 -6e-6 Jz.echeJz.che-6
demeuJz.ent va..tne-6.
I~ .s e
s or:e. "~' homme che.h.che, ..t~ ne t.n ouv e que de s c~oux".
âé
Une p..teJz.Jz.e ~'entend,
et Jz.épond
- "PJz.end-6-mo..t,
je te nouJz.Jz...tJz.a..t"
- "Comment ce~a ?"
- "Met-6-mo..t au 60nd de ~a maJz.m..tte, veJz.-6e de ~'eau dan-6 ~a
maJz.m..tte et met>!>-~a -6uJz. ~e 6eu."
AJz.a..tgnée obé..tt : m..tJz.ac~e ! ~a poteJz...te e-6t p~e..tne de Jz...tz
TOU-6 mangent à ~euJz. 6a..tm.
Cependant,
~a be~~e-mèJz.e, ..tn-6at..tab~e, gJz.atte ~e 60nd de ~a
poteJz...te pouJz. en détacheJz. ~e-6 gJz.a..tn-6 de Jz...tz qu..t y Jz.e-6tent
co~~é-6 ; dan-6 -6a g~outonneJz...te,
e~~e ava~e ~a p..teJz.Jz.e.
Le gendJz.e -6'..tnteJz.Jz.oge: oa e-6t ma pi~Jz.Jz.e ?
"Je ~' ai mangée, avoue i.o: be~~e-mèJz.e."
-
I~ 6aut me Jz.endJz.e ma pieJz.Jz.e. Tu va-6 te pUJz.geJz. 1"
La be~~e-mèJz.e pJz.end ~ne pUJz.ge, Jz.e-6titue ~a p..teJz.Jz.e.
AJz.aignée met à nouveau ~a ~ieJz.Jz.e daYl.-6 ta maJz.m..tte p~eine
d'eau -6UJz. ~e 6eu : mai-6 ~e chaJz.me e-6t Jz.ompu, et ~a po teJz...te ,
cette 60..t-6, demeuJz.e v..tde de Jz.iz.
"Vemain,
dit AJz.a..tgnée à -6a be~~e-mèJz.e,
nou-6 ..tJz.on-6 chez ~e-6
pieJz.Jz.e-6, teuJz. demandeJz. de quoi mangeJz.."
TOU-6 deux -6e mettent en Jz.oute.
SuJz. ~e chem..tn, i~-6 Jz.encontJz.ent un étJz.angeJz. qu~ ~euJz. demande
_ "oa a~~ez-voU-6 ?"
et 066Jz.e au gendJz.e du v~n de pa~me
- "pJz.end-6 ce -6entieJz., tu t.n ou.ve.nc» un pa~mieJz. a,battu, que
j'ai mi-6 en peJz.ce".
AJz.a..tgnée ne -6e 6ait pa-6 pJz...teJz., ~ai-6-6e -6UJz. p~ace -6on bagage,
oa
~a be~~e-mèJz.e -6e tJz.ouve di-6-6imu~ée, paJz. en quête du v..tn
de pa~me.
La be~~e-mèJz.e pJz.06..tte de -6on ab-6ence, -6e 6a..tt dé~ivJz.eJz.,
exp~..tque ~euJz. quête.
L'étJz.angeJz., cUJz.ieux du -6ecJz.et de-6 pieJz.Jz.e-6, pJz.end ~a p~ace
de ~a v..te..t~~e et s e cache dan-6 ~e bagage.
(~a be~~e-mèJz.e
-6 ' é c~..tp-6 e ) "
Cependant,
te gendJz.e, ayant bu -6on vin de pa~me, Jz.ev..tent
pJz.end60n ba~~ot, pouJz.-6u..tt -6on chemin -6an-6 -6 'apeJz.cecoiJz. 'de
~a -6ub-6t..ttution.
PaJz.venu au boJz.d de ~a Jz.iv..tèJz.e, i~ -6'adJz.e-6-6e à -6a be~~e-mèJz.e
"AujouJz.d'hui, te-6 jouJz.-6 -6ont 6ini-6,"
TeJz.Jz.iùié, ~'étJz.angeJz. -6'écJz.ie "c'e-6t moi que tu pOJz.te-6, et
non ta beLfe-mèJz.e."
Le gendJz.e ne veut Jz.ien entendJz.e et jette -6a chaJz.ge dan-6
~'eau ; t'autJz.e e-6t moJz.t pouJz. Jz.len !

- 75
Ce conte est fort goûté des Bété.
Sur l'instant, je n'~i pu distinguer s'ils compatissent
vraiment aux malheurs du gendre, ou s'ils se divertissaient
plus d'un effort voué à l'échec; le gendre croit-il qu'il
suffit de la jeter à l'eau pour se libérer de sa belle-
mère ?
Dans un autre conte Dogon,
j'ai eu la surprlse de
retrouver le même thème mais avec des acteurs et des mobiles
totalement différents. La belle-mère demeure, notamment,
absente de la version Dogon, qui appartient à la classe des
Sa Taniye.
(1)
Conte Dogon
U~ homme ~Uhph~t u~ jouh ~a 6emme e~ 6tagha~t dét~t d'adut-
tèhe.
It do~~a t'ohdhe d'e~6ehmeh te eoupabte et d'atteh
~oyeh t'authe ; o~ dé~~g~a à eet e66et u~ homme hobu~te,
qu~ ph~t t'authe ~Uh ~o~ do~.
E~ ehem~~, te pOhteuh e~t ph~~ d'u~e be~o~~ phe~~a~t.
It po~e t'authe à tehhe, et, ava~t de ~'éeahteh, dema~de à
u~ peut qu~ ~e thouva~t tà, gahda~t ~o~ thoupeau de ta
~uhve~tteh. E~ ~o~ ab~e~ee, te ph~~o~~.{.eh ~e pta~~t ; "j'a~
ta~t ma~gé de m~et, d~t-~t, que j'e~ a~ mat au ve~the."
Le peut, attéehé, ditaehe t'authe et dema~de à goûteh, tu~
au~~~, du m~et.
L'authe, ~~tôt t~béhé, e~6ehme ~o~ gahd~e~ à ~a ptaee, pu~~
~le~6u~t. Le pOhteuh, à ~o~ hetouh, heph~t ~o~ 6ahdeau et
atta ~oyeh te Peut ; ~a~~ phêteh atte~t~o~ aux eh~~ de ee
deh~~eh.
Cepe~da~t, t'ama~t ~'éta~t empahé du béta~t demeuhé ~a~~
ma~the. S~x jouh~ ptu~ tahd, ~t hev~e~t au v~ttage, à ta
tête du thoupeau. Aux que~t~o~ qu'o~ tu~ po~a, ~t hépo~d~t
que e'e~t au 6o~d de ta mahe qu'o~ tu~
ava~t do~~é ~e~
boeu6~ .
Loh~que ~e~ d~he~ 6uhe~t eo~~u~ pa~ t'homme, eetu~-e~
dema~da qu'o~ te pOhte tu~ au~~~, à la mahe.
(1) Sa Ta~-<':ye "pahote éto~~a~te" e6 CALAME-GRIAULE (G)
E~o­
téh~~me et
abutatio~ au Souda~ - Butteti~ IFAN T Xxr-
<1 eh-t.e,
B ~
3 4
u-<- -
et 1954 - P. 307.

- 75 -
Ce conte est fort goûté des Bété.
Sur l'instant, je n'ai pu di~tinguer s'ils compatissent
vraiment aux malheurs du gendre, ou s'ils se divertissaient
plus d'un effort voué à l'échec; le gendre croit-il qu'il
suffit de la jeter à l'eau pour se libérer de sa belle-
mère ?
Dans un autre conte Dogon,
j'ai eu la surprise de
retrouver le même thème mais avec des acteurs et des mobiles
totalement différents. La belle-mère demeure,notamment,
absente de la version Dogon, qui appartient à la classe des
Sa Taniye.
(1)
Conte Dogon
Un homme ~u~p~~t un jou~ ~a 6emme en 6lag~ant dél~t d'adul-
tè~e. Il donna l'o~d~e d'en6e~me~ le eoupable et d'alle~
noye~ l'aut~e ; on dé~~gna à eet e66et un homme ~obu~te,
qu~ p~~t l'aut~e ~u~ ~on do~.
En ehem~n,
le po~teu~ e~t p~~~ d'une be~o~n p~e~~ant.
Il po~e l'aut~e à te~~e, et, avant de ~'éea~te~, demande à
un peul qu~ ~e t~ouva~t là, ga~dant ~on t~oupeau de la
~u~ve~lle~. En ~on ab~enee,
le p~~~onn~e~ ~e plaint ; "j'a~
tant mangé de m~el, d~t-~l, que j'en a~ mal au vent~e."
Le peul,
alléehé, ditaehe l'aut~e et demande à goûte~, lu~
auf.,~~, du m~el.
L'aut~e, ~~tôt l~bé~é, en6e~me ~on ga~d~en à ~a plaee, pu~~
~'en6uit. Le po~teu~, à ~on ~etou~, ~ep~~t ~on 6a~deau et
alla noye~ le Peul ; ~an~ p~ête~ attent~on aux e~~~ de ee
de~nie~.
Cependant, l'amant ~'éta~t empa~é du béta~l demeu~é f.,an~
malt~e. S~x jou~~ plu~ ta~d, il ~ev~ent au village, à la
tête du t~oupeau. Aux que~t~on qu'on lu~ po~a, ~l ~épond~t
que e'e~t au 60nd de la ma~e qu'on lu~
ava~t donné ~e~
boeu6~·
Lo~~que ~e~ di~e~ 6u~ent eonnu~ pa~ l'homme, eelui-ei
demanda qu'on le po~te lu~ au~~~, à la ma~e.
Il)
So Taniye "pa~ole étonnante" e6 CALAME-GRIAULE (G)
E~o­
té~,Ümeet
6abulat~on au Soudan - Bulletin IFAN T xxr-
~éft,{_e B nO 314 JuLt-Oet 1954 - P. 307.

-
76 -
AiMi 6ut 6ait.
Mai~ i'homm~ n'~~t jamai~ ~~v~nu.
~~pui~ io~~, dit-on,
on n~ noi~ piu~ i~~ j~un~~ g~n~.
La trame des deux contes se résume donc à peu
près aInSI: gravement offensé, un homme décide de se ven-
ger, il fait prisonnier son adversaire, celui-ci semble ne
pouvoir lui échapper; toutefois, au dernier moment, le
captif, usant d'adresse, s'évade et se fait remplacer par
un tiers étranger à la querelle, qUI paiera pour lui.
On remarquera que le motif de la gloutonnerie
est présent dans les deux versions; mais alors que l'homme,
comme le peul, en meurt, la vieille belle-mère Bété, ayant
épuisé jusqu'aux pierres, se tire d'affaire. Le portrait
est excellent, à peine chargé.
En regard, le conteur Dogon ne fait qu'esquisser
la figure de l'amant, qui demeure à l'arrière plan; il
insiste au contraire sur les deux autres acteurs, le marI
et la victime finale. Celle-ci est un Peul, c'est-à-dire
l'homme de race différente, l'ennemi-né du cultivateur, et
dont les boeufs piétinent le maigre champ ; un Dogon ne
manquera pas une occasion de tourner un Peul en ridicule.
Le personnage est beaucoup mieux venu que l'étranger de la
version Bété, dont l'intervention demeure inexpliquée et
qui finit noyé "pour rien". Rien en effet, ne justifierait
en milieu Bété, l'hostilité à l'égard d'un éleveur absent
les Bété occupent une zone forestière dont tous les habi-
tants, jusqu'à l'époque contemporaine, vivaient des seuls
produits de la chasse et d'une proto-agriculture encore
fort proche du ramassage; ainsi, sur le plan "économique,

- 77 -
les différences entre les deux contes traduisent déjà les
soucis différentslde leurs auditoires respectifs
l'ennemi,
"qui mange tout" dans un cas, c'est la belle-mère, dans
l'autre le nomade et son troupeau.
Avec une leçon de modération, la morale du conte
Dogon indique une limite nécessaire à l'emprise des Vleux
sur les jeunes, des morts sur les vivants. Ce n'est pas
tout. Le conte, ou plutôt son argument, n'est pas connu en
Afrique de l'ouest des seuls Bété ou Dogon. En 1905 déjà,
Ch. MONTELL, en avait publié deux ve~sions, recueillies
l'une chez les Khassonké, l'autre en pays Soninké.
(1)
Pas plus l'une que l'autre, ne situe l'incident
dans le cadre de la vie conjugale, à vrai dire, à peine
indiqué dans la version Dogon. Le rôle de l'offenseur (la
belle-mère Bété, l'amant Dogon) y est tenu, de manière
encore plus vague que dans le récit Dogon, par "l'enfant
du mal", en Soninké Marandenboné ; sorte de démon de]a
contrariété dont toutes les actions vont au rebours de ce
qu'on attendrait. Dans le texte Khassonké, l'offensé est
un forgeron dont l'autre, par ses méchants tours, à épuisé
la patience. Le forgeron,
excédé, enferme son tourmenteur
dans une outre, qui a contenu du couscous au miel ; mais
l'''enfant du mal" se fait délivrer par les deux fillettes
du forgeron, qui prendront sa place
; elles finiront non
pas noyées, mais brûlées; le forgeron, ayant mis le feu
à son bûcher, vint chercher la peau de bouc et, entendant
(1)
MONTELL
(Ch) - Conte~ ~oudanai~

-
7R -
à l'intérieur deux mignonnes VOlX qu'il crut reconnaître
pour celles de ses fillettes,
il s'écria; "Oui, oui, fils
du diable, tu peux te dédoubler si tu veux, tu brûleras,
tout aUSSl bien".
Puis le jeta la peau de bouc dans le feu.
Au bout d'un instant la peau éclata et il aperçut ses deux
fillettes que les flammes dévorèrent tout aussitôt".
Nous retrouvons donc la belle-mère Bété sous les traits de
l'être insupportable; les Bétés ne refuseraient pas l'assi-
milation.
Mais le forgeron Khassonké, pour avoir voulu en
finir avec sa belle-mère, n'encourt d'autre châtiment que
le ridicule du trompeur trompé. Aux mains des Dogons, le
conte qui semblait exsangue prend un nouveau départ ; le
personnage devenu incompréhensible, de l'Enfant du Mal
est oublié. Surtout, la version Dogon transporte le conte
sur le plan d'un double antagonisme; antagonisme dans les
genres de vie, où le cultivateur endure les incursions et
les pillages du pasteur Peul vagabond.
Il soulagera son
humeur en le faisant périr, victime de sa gloutonnerie.
Antagonisme plus grave entre les vivants et les morts ;
les morts ont besoin des vivants ; eux aussi, non moins
que les peuls, doivent modérer leurs exigences, on saura
leur rappeler qu'un refus est toujours possible "c'est
depuis ce jour, qu'on ne noie plus les jeunes gens." Enfin,
les Bété, pour qui tout problème de communication se pose
en seuls termes de parenté, ne peuvent voir ~a lutte, dont
il est question, qu'entre le gendre et sa belle-mère.

-
79
-
Combat en apparence inégal, non moins que celui de David
affrontant Goliath. Combat, dont néanmoins, on sait à
l'avance qui sortira vainqueur.
La dernière série de contes a une diffusion plus
vaste. Elle relate surtout la vertu de la discrétion et
reflète le souci de l'homme de comprendre le langage des
animaux. Certaines croyances populaires attribuent aux
animaux le pouvoir de détenir des remèdes miracles, des
charmes puissants, d'où la vénération à l'égard de certains
animaux (animal-totem). Les contes suivants insistent sur
lefait qu'une communication entre l'homme et l'animal est
possible non pas au niveau des signes mais au niveau d'un
méta-langage ésotérique.
En regard, voici le texte Baoulé (Côte d'Ivoire).
Conte Baoulé : Malheur à qui ne sait pas tenir sa langue
Un chien et une jeune nille allè~ent un jou~ aux champ~ de
compagnie.
La jeune nille p~épa~a le ~epa~ et donna la moi-
tié au chien. Celui-ci, pou~ la ~eme~cie~, lui en~eigna le
langage de~ animaux.
"Mai~ lui dit-il, c t e.s : un s e c.s.e.t., et tu ne doi» en pa~le~ à
pe~~onne".
Le ~oi~, il~ ~evin~ent au village. La jeune nille alla
~'a~~eoi~ aup~è~ d'une nemme bo~gne,
qui pilait du mil. Un
coq et une poule pico~aient à ~e~ côté~, la nemme vit la
poule
et la ·cha~~a. Le coq dit à la poule
"vien~ del ',au-
t~e côté, elle ne te ve~~a pa~."
Le jeune nille entendant ce~ mot~, ~e mit à ~i~e.
La nemme bo~gne c~ut qu'elle ~e moquait d'elle, ~e mit en
colè~e et la n~appa.
La nille ~e mit à pleu~e~ ;
Le chien accou~ut pou~ dénend~e ~on amie: "ce n'e~t pa~ de
toi qu'elle a ~i, dit-il à la ménagè~e, c'e~t de~ pa~ole~
du coq à la poule."
(
Ayant pa~lé, le chien tomba mo~t.

- 80 -
Conte Bété - Séri, sa femme et son chien
Un jou~, S~~i pa~tit en 6o~~t ave~ ~on ~hiew, pou~ ~e~ueil-
li~ du vin de palme.
!
A~~iv~ au palmie~, S~~i en ~ommen~e l'a~~en~ion lo~~que ~on
~outeau lui ~~happe, tombe à te~~e.
Il .s e lamente; "Comment 6ai~e ? Si je de s c.e.nd s pOUfl. !r_ama~~e~
mon ~outeau,
je ~e~ai 6atigu~ et n'au~ai plu~ la 60~~0 de
~emonte~. Que mon ~hien n'e~t-il un homme
je lui di~ai~ de
monte~ m'appo~te~ mon ~outeau".
Le ~hien entend ~e~ mot~ et ~~pond à S~~i
"je monte~ai te
donne~ ton ~outeau. Je vai~ te 6ai~e un ~adeau."
"Mai~ ~i tu ne 6ai~ pa~ bien attention, tu mou~~a~".
Sé.~i dit "je 6e~ai attention". Le ~hLen monte, lui donne ~on
~outeau. S~hi ~aigne ~on palmieh. Peu aphè~ S~~i et ~on
~hien ~ont de~~endu~. Une 6oi~ à te~he, le ~hien veh~e quel-
que~ goutte~ d'un m~di~ament dan~ le~ yeux et le nez de S~hi.
Au~~itôt, ~elui-~i ~omphend ~e que di~ent tou~ le~ animaux.
Il~ ~enthent au village. Le ~Oih, la 6emme de S~~i, qui
é.tait bohgne, pilait du ~iz. Une poule et ~eb pou~~inb
~'appho~hent du mOhtieh, la poule dit aux pou~~in~ "me~ en-
6ant~, pa~~ez du ~ôté. où la 6emme ne voit pa~, vou~ pouhhez
mange~ à vothe ai~e ; moi, POUh heteni~ ~on attention, je
vai~ pi~o~e~ de l'authe ~ôt~". Sé.hi l'entend, il hit.
Sa 6emme lui demande "pouhquoi ~i~-tu ?"
- "~i je te le di~ je vai~ mou~ih." la 6emme Lns Ls :« ; "je
~ai~ pouhquoi tu hi~, ~i tu ne veux pa~ me l'avoue~ ; ~'e~t
que ma mèhe e~t mOhte". S~hi phote~te, ~a 6emme ~e6u~e de
l'~~oute~. Van~ la nuit, la 6emme pleuhait. Le~ ~ouhi~ ~ont
venue~ mangeh le ~iz qu'elle avait mi~ de ~ôté..
Tandi~
qu'elle ~ha~~ait le~ ~ou~i~, l'une d'elle~ dit à ~e~ ~ompa­
gne~ ; "Sa mè~e e~t mOhte, mai~ ~on ~haghin ne l'empê.~he
pab de ~uhveilleh ~on ~iz."
S~hi,l'entend, il ~it.
Au matin, la jeune 6emme o66en~é.e,
e~t pahtie ~hez ~eb
pahent~. S~~i la he joint, lui demande de hevenih. Elle ~e6u~e.
On explique l'a66aihe aux pahent~ de la 6emme. Ceux-~i deman-
dent à S~hi : Pou~quoi a~-tu ~i ?
- "C'e~t un s e.es.e.r , ~i je te le dL«, je vai~ mou~ih."
Le~ pahent~ demeuh.-ent in6.texible~·. -:- "Si tu ne t' explique~ pa~
~laihement, tu ;1.' emmèneha~ pa~ ta 6emme."
Ain~i ~onthaint, et pahtag~ enthe l'amou~ de ~a 6emme et ~on
~e~~et, S~~i a dit pouhquoi il avait ~i.
Ayant viol~ ~a phome~~e, il e~t mo~t.
Et le ~onteuh de ~on~luhe : depui~ ~e jou~, ~i un homme
~e6u~e d'ob~i~,
en n'in~i~te pa~.
/
Décor et action des deux contes ne se situent
pas sur le même plan: alors que le mari Bété:dupe de sa
belle-mère dans le conte précédent,ici succombe, victime de

-
81 -
l'intransigeance de sa femme,
~e texte Baoulé ne parle que
1
d'un chien, qui meurt en défendant son amIe ; on ne dépasse
pas le niveau de l'anecdote. Néanmoins, le déroulement de
toute l'histoire et jusqu'aux détails de la femme borgne
et de la conversation entre la poule et les poussIns,
viennent d'une source qUI ne peut qu'être la même.
Nous quittons ici Bété, Dogon, Baoulé, etc ...
Ces deux versions si différentes du même thème,
ne sont pas les seules qui ont été relevées au sud du
Sahara. D'autres avant nous l'avaient noté en Côte d'Ivoire,
même au Ghana voisin, dans le sud du Dahomey, en Nigéria,
beaucûup plus au sud, chez les Mbaka de l'Angola, beaucoup
plus à l'est, chez les Zandé du Haut Oullé, à la frontière
du Soudan oriental. Tous ces contes suivent à peu près le
même canevas, dont seul le texte Dogon s'éloigne largement
un chasseur initié en forêt par son chien au langage des
animaux, à moins que la poursuite du gibier ne l'ait entraîné
au fond d'un terrier qui donne accès au monde des génies
(Côte d t Ivo i r e, Baoulé encore,
(1) de s an i.maux (2)
(Ghana),
r
au royaume des morts,
(N~géTia, Eko i )
(3).
Le thème de la chasse n'est omis qu'une seule
fois, dans la version Papa (Sud Dahomey) qui parle simple-
ment d'un "mari" ; l'homme en simulant l'immobilité d'un
~/
(1)
HIMMERLHEBER (H)
-
"AwouJta Pofwu" pp.
112-115.
fi/
(2)
BARKER
IW.HI et SINCLAIR (C)
-
Conte~ de ~'oue~t a6Jti-
c a..(. n - pp.
10 5- 1 13 •
(3)
TALBOT
(P.A)
-
Au c.oe.uJt de ta bJtou~~e. - pp.
99-101.

-
82
-
cadavre, a trompé le flair d'un vautour qUl laisse échapper
son ~ecret (1). La suite est constante.
1
1)
l'homme surprend une conversation entre
anlmaux de la basse-cour et rit
; le détail de la mère
borgne est accordé à la belle-mère dans les versions
Ashanti, Popo, Ekoi ; dans le texte de l'Angola (Z)
la
belle-mère survient, "en haillons".
Z) l'épouse s'offense d'une hilarité qu'elle
croit malveillante à l'égard de sa mère, elle refuse de
poursuivre la vie commune.
3) en butte aux insistances de sa belle famille
("tu n'emmèneras pas notre fille si tu n'expliques pas
ton secret") le mari parle et meurt.
Dans la version',
Zandé (3)
le partenaire qui s'offusque est le beau-père
qUl a demandé au héros de venir lui tresser les cheveux. Le
gendre qUl surprend un dialogue cocasse entre fourmis rit,
la fin est la même, le gendre, auquel ~n interdit d'emmener
sa femme s'il ne révèle pas son secret, parle et meurt. La
version Ashanti est aussi la seule où le mari échappe à la
mort et sauve sa dignité en ruinant, il est vral, son ménage
"ce fut le premier divorce".
Rappelons ici les conditions selon les recherches
de FORTES ; les conditions particulières du mariage Ashanti
la moitié de la population est organisée en foyers matrili-
(1)
TRAUTMANN
(R) - La f~tté~atu~e poputa~~e à fa ~ôte de~
e~~Iave~, pp. 30-32.
( 2 1 CHATEL AIN
( D . H+ - Co n.t e ~ d'A n. go fa - pp.
lO - 2 1 .
(3)
LAGAE
(Pè.~e R. C) - ta tan.gue d~ Azan.dé - t I - pp. 243-245.

- 83 -
néaires, un tiers seulement des femmes mariées réside
auprès de leur mari.
(1)
Vivant chez sa mère ou chez sa soeur, un homme se
passerait a la rigueur d'une épouse pour tenir son ménage.
Tel n'est évidemment pas le cas ailleurs; en règle géné-
raIe et au moins dans le domaine de la fiction,
le marI
africain assez imprudent pour offenser sa femme et ses
beaux-parents demeure sans recours et finira lamentable-
ment. Les versions africaines de "1 'homme qui entend le
langage des animaux" offrent presque toutes une fin
pessimiste; l'homme parle
(enfreint l'interdit) et meurt,
victime des soupçons de sa femme et de sa belle-mère. La
présence de la polygamie permet une variante où la bonne
épouse fait contraste avec la mauvaise
: la première ne
demande rien, la seconde exige le secret et cause la mort
du mari.
(2)
Un conte voisin, recueilli chez les Dyiwat de
Casamance (Sénégal) ne fait pas intervenir les anImaux
l'homme trouve simplement un bâton magIque qui lui assure
la richesse, à condition de ne pas divulguer son secret.
La faute qu'il commet est alors, on le devine, de devenir
trop riche trop vite. Ce succès inexplicable excite la
jalousie, provoque les soupçons; de quel prix aura-t-il
payé cette fortune subite? S'il ~'est pas lui-même
sorcier, n'aura-t-il pas vendu un des siens à d'exécrables
~/
(1)
fORTES [Ml
- Kind~hip and Ma~iage among the A~hanti ~n
1
L'homme -
15
) p.
37.
(2)
Bon exemp.te dan~ MEFANA (N) "Eba. Mboé, .te c.oq 6étic.he"
.te ~ec.~e~ de .ta ~ou~c.e - pp.
43-46.

- 84 -
complices? L'homme est contraint d'avouer,
le bâtonaus-
si tôt devient serpent et le
mord, il meurt.
(1)
Le contexte n'est plus celui du mariage, le
. danger ne vient pas des alliés (qui ont en principe le
droit de tout exiger du gendre).
Il réside dans la tenta-
tion d'une réussite insolente, qui vous distinguerait par
trop dans un univers villageois où l'individu se définit
par son statut et non d'abord pas ses qualités personnel-
les.
Dans les deux cas,
le "cadeau" est empoisonné
le héros succombe sous le poids d'un secret trop lourd,
qui l'isole et l'écarte de ses semblables. Une société qui
se veut communautaire n'a-t-elle pas intérêt à combattre
le "secret" ? Nous avons pu observer, à travers ces contes,
quelques traits de comportements, de préoccupations
quoti-
diennes dans les sociétés coutumières. Le conte, à cet
effet, peut être un document ethnologique incontestable.
IV - LE CONTE COMME EXPRESSION D'UNE MORALE SOCIALE
ET INDIVIDUELLE
Tous les contes sont lourds d'un enseignement
moral varié et précieux. A travers les aventures des
anImaux (2~ filtrent tous les éléments d'une véritable
morale. Le Bien et le Mal n'y sont certes pas formulés en
Il) THOMAS IL.V) nouvel exemple d'o~alité a6~~ai~e. Ré~ N~ang­
)
Vj.vr..agon, cüola-K~aban et dyiwa;t [bM.6e CMaman~e)
Builwn IFAN - p. 279 - "te baton mag-i.que".
(2) VAVIE (BI et TERRISSE (Al - La belle hihto.vr..e.6 de Kakou Ananzé
l'Alta-i.gnée.

-
85
-
principes abstraits ils se déduisent au contraire des faits
de la VIe quotidienne.
c'est essentiellement par le biais de la critique
et de la satire que s.'exprime la morale. Qu'est-ce en
effet, que ces héros qui incarnent les antivaleurs et
l'immoralité? Des monstres de méchanceté et de perfidie
une somme de tous les défauts et vices humains ; la carica-
ture de tout ce qu'il y a de mauvais en l'homme; découvrir
les principaux défauts revient donc à établir clairement ce
qUI est condamnable au sein de la société. Dans les contes
mentionnés ci-bas, Araignée est avant tout un être méchant
on sait qu'il ne se plaît qu'à faire le mal, cherchant
sans cesse à tendre des pièges à tous ceux qui l'entourent
ou qu'il rencontre:
sa femme, ses enfants, Dieu, les
génies, les autres animaux, ses semblables, etc ... Pour
parvenir à ses fins,
il utilise toutes les ressources de sa
ruse. Hypocrite consommé,
il joue parfaitement la comédie.
N'écoutant que son seul instinct, - et celui-ci essentiel-
lement mauvais - l'envie, la jalousie, l'égoïsme et l'avarice
dictent sa conduite. Peu importe pour lui pourvu qu'il
parvIenne à ses fins, à savoir la satisfaction de ses bas
plaisirs. Araignée, mauvais père (1) est une illustration
parmi tant d'autres des traits caractéristiques précités.
En effet, Araignée joue aux siens la comédie du fétiche
"dont personne ne doit s'approcher" afin de manger seul
quand toute la famille meurt de faim,
le délicieux miel
/
,.
qu 1 il a trouvé.
(1)
VAVIE
(B ) - légen.de.6 anJt.ic.ain.e.6
- pp.
71-76.

- 86
-
Méchanceté, envie, gourmandise, jalousie, avarice,
cupidité, égoïsme, cruauté, violence, malhonnêteté; nerfi-
die, tels sont les principaux défauts de l'araignée. Chez
cet être foncièrement mauvais, chaque vice en amène un
autre. Suivons toujours notre illustre héros;
il est aussi
débordant de suffisance et d'orgueil, ce qui le conduit à
ne rien respecter ni personne.
Il ne se sent de devoir
envers qui que ce soit; ni envers sa femme, nI envers ses
enfants, ni envers ses semblables, nI envers Dieu lui-même.
Unetelle attitude ne lui réussit d'ailleurs pas souvent.
Manque-t-il,à ses devoirs de père? ses enfants le feront
s'en repentir; la solution concentrée de piments qu'ils
lui versent dans la bouche
(1) lui arrachant ainsi des cris
de douleur, ~e punit comme il convient de son égoïsme et de
son absence de tout sentiment familial et paternel. Essaie-
t-il de tromper Dieu? S'il Y parvient quelquefois, ce
n'est que provisoirement. Dieu se vengera plus tard d'une
façon ou d'une autre. Ainsi, un jour, ~'est sous la forme
de la Mort
(2) qu'il le punit d'avoir voulu prouver qu'il
était plus fort que lui. Certes, l'on a vu que parfois
Araignée fait le mal impunément. Lorsqu'il profite de la
confiance que Dieu a mise en lui pour le tromper, dévd~aht
la graisse de "la vache de Dieu" et provocant sa mort par
l'intermédiaire de l'hyène, il se tire parfaitement sain et
sauf de l'aventure, puisque c'est l'hyène seule qui se fait
ras s e r ,
(3).
Il ne faudrai t pas cane lu re de ce qu'Araignée
j
(1)
VAVIE
(B)
A~a~9née mauva~~ pè~e -
(2)
VAVIE
(B)
op.
c.i.t , p.
76
".e.'a~a~gnée mauva~~ pè~e".
(3)
A..b~d "Lav a.ch e de V~eu" pp.
123-124.

- 87 -
fait parfois le mal sans receVOIr de châtiment que le conte
lui donne raison. Qu'il soit puni ou qu'il ne le soi~ pas,
Araignée a toujours tort. Réussir à tromper Dieu est pour
lui une marque de gloire ;. la preuve qu'il est plu~ fort
que tout le monde montre simplement à quel point il est
dangereux. Sa ruse, sa méchanceté et sa perfidie sont
telles qu'il peut même faire du mal à celui à qui l'on ne
doit qu'obéir. Araignée est donc celui qui ne se soumet pas,
il est celui qui ne respecte rien, ni personne.
Il est bien
le contraire de ce qu'on doit être. Dans les sociétés
traditionnelles, l'obéissance aux coutumes et le respect
des interdits dans les circonstances importantes de la vie
de l'individu et du clan, est de rigueur.
Il faut savoir
endurer patiemment, supporter sans rechigner la présence
d'autrui. Les respects, les convenances, les hommages et
les craintes respectueuses à l'égard des parents et plus
tard des beaux-parents, sont quelques-unes des prescrip-
tions assez hétéroclites visant l'intégration sociale.
Dans certains contes, l'Araignée apparaît comme un sorcier
qUI a des pouvoirs spéciaux et dont on se méfie. Pour les
Attié de Côte d'Ivoire, Araignée, que la nature a créé
laid ~ bossu , est un être apparemment défavorisé su~ terr~
mais qUI en réalité, précisément en raIson de ces infirmi-
tés, est supérieur
dans l'autre monde.
Tl peut communiquer
avec l'invisible. Comme c'est avant tout un créateur, il
utilise son art à faire le mal. Pour la p~~part du temps,
Araignée commence par emporter une victoire, puis à cause
d'une faille de réflexion, il n'arrive pas totalement à ses
fins, et son stratagème retombe sur lui.

- 88 -
Nous touchons là à une différence essentielle
entre le Lièvre et l'Araignée. Lièvre est toujours astu~
cieux pour calculer et préparer parfaitement ses coups.
Quoi qu'il arrive, il sait réagir,
il n'est jamais pris 'au
dépourvu il n'est jamais à court de ressources. Les contes,
à travers un personnage principal, fustigent essentielle-
ment la méchanceté, la perversité, l'irrespect, l'égoïsme,
l'insoumission, ainsi que la sottise, le manque de
perspicacité.
La morale se dégage d'une certaine critique, et
des faits concrets empruntés à la vie quotidienne ; elle
est mise à jour par une critique systématique du Mal. Le
Mal est exactement le contraire de ce que fait le héros,
celui-ci devient le véhicule et le symbole de la bonté, de
la générosité, de la solidarité. Le héros prend la défense
des plus faibles, des opprimés. La société traditionnelle
exige que l'individu doive aide, secours, à tout moment à
son semblable, à son frère. Ne lui resterait-il qu'un grain
de riz,
il doit le partager avec l'autre. L'union, l'équili-
bre de la société reposent sur ces liens qui unissent les
hommes.
Le héros du conte affronte et triomphe des mauvais
citoyens par excellence, qui veulent garder tout pour eux;
ils sont le symbole de troubles pour l'harmonie du groupe.
Solidarité à l'égard de ses frères implique, à plus forte
raison, sentiment familial. L'homme est responsable de la
bonne marche de la vie de sa famille.
Il doit nourrir sa femme et ses enfants. Le lièvre,
dans les contes, ne négligeait jamais les siens. Sa famille

- 89 -
donnait l'exemple, d'un clan unI, serré, solidaire. On se
léguait des secrets de père en fils.
Sentiment famil~al et
respect des ancêtres ne font également qu'un Lièvre respec-
tait ses ancêtres et toutes les traditions. Une autre
représentante du Mal dans les contes, l'hyène, n'écoute
que ses bas instincts, elle est incapable de se plier à
quelque règle que ce soit. De l'antipathie qui rejaillit sur
ce personnage, apparaît clairement la nécessité d'être
fidèle aux traditions et aux ancêtres, d'obéir à toute auto-
rité humaine ou divine, y compris pour les enfants à
l'autorité paternelle.
Ce n'est que dans l'observation de ces principes
que le groupe soc laI peut vivre en paix. La déloyauté,
l'hypocrisie, la perfidie continuellement attaquées, consti-
tuent un plaidoyer en faveur de la droiture, de la sincérité,
du respect de la parole donnée. Le manque de clairvoyance
de l'hyène nous révèle une valeur extrêmement prisée dans
la société traditionnelle ; ainsi le mauvais héros allie
souvent m€chanceté
et absence de bon sens comme si ces deux
aspects ne pouvaient aller l'un sans l'autre.
Les contes sont une mise en garde contre les gens
habiles et méchants. Le mal étant présent partout dans le
monde,
il convient que l'homme soit averti et en mesure de
lutter contre lui. C'est là qu'apparaît la différence
fondamentale entre le Bien et le Mal.
/
Le héros est toujours celui qui est apte de
naissance à réagir et à lutter contre toute ,forme de mal,

- 90 -
le mauvais héros est le Mal dont il faut se méfier. La
morale du conte n'est jamais exprimée de façon abstraite.
C'est une morale essentiellement pratique qui vise à mon-
trer à l'homme ce qu'il faut faire ou ne pas faire dans sa
vie quotidienne, s'il veut contribuer à assurer la paix de
la communauté ; par là même, le conte constitue le
véritable
guide d'une morale pratique et éminemment sociale.
Là encore, mentir à l'étranger n'est pas grave
car ce mensonge préserve les secrets de la famille. Aux
enfants, on présentera le mensonge par exemple comme un
mauv a i s. calcul ; "le menteur peut trouver à manger l~, ';., ,
matin, mais le soir personne ne voudra le nourrir" dit un
proverbe Ouan~ La paresse est mal particulièrement, car elle
pourra faire peser plus tard sur la collectivité une lourde
charge. On habitue le jeune paresseux à ne compter que sur
1
lui-même. "Travaille ou ne travaille pas; cela te regarde"
/
entend-on dire souvent.

-
91
-
L'entraide est la vertu fondamentale, malS elle ne
s'exerce obligatoirement que dans étroites limites clan~ques
ou ethniques. Elle se prolonge dans les obligations de
~'hospitalité et du partage. L'enfant est habitué très jeune
à mettre en commun ce qu'il reçoit avec ses frères et cama-
rades, et on voit d'un mauvais oeil celui qui a tendance à
tout garder pour lui.
Les techniques d'utilisation des forces occultes
pouvant agir à distance pèsent lourdement, dans toutes les
sociétés traditionnelles sur la vie psychologique et la
conscience morale. On peut s'allier les esprits et s'assu-
rer la bienveillance des
Ancêtres afin que toute la collecti-
vité en bénéficie ; mais on peut aussi poursuivre des buts
égoïstes individuels et satisfaire sa jalousie et sa
cupidité.
Conte - comment Bême perdit un oeil
Bême ava~t l'hab~tude de tend~e de~ p~ege~ dan~ la 6o~êt.
Pendant toute une ~ema~ne, ~l en ava~t'tendu plu~~eu~~ et
n'ava~t ~~enatt~apé.
Ma~~ aujou~d'hu~, ~l ne ~ev~end~a pa~ b~edou~lle ~a~ une
b~~he éta~t p~~~e à l'unde~ la~et~.
Il t~an~po~ta ~ette b~~he dan~ ~a ~a~e, la donna à ~a
6emme, en lu~ ~e~ommandant de ne pa~ en mange~, de la
·,.g1,\\de~, d~~a~t-~l, pou~ t.e.s [ou n: de 6am~ne..
.
"Cependant; e.u~ demanda-t-~l, tu en donne~a~ à mà:~oe::u~ ;
~elle-~~ e~t bo~gne. Elle do~t ven~~ dema~n nou~ ~end~e
v~~~te."
Le lendema~n,
~l ~'en alla aux ~hamp~. Van~ une ~la~~~è~e,
~l ôta ~e~ vêtement~ et ~evêt~t de~ hab~t~ de 6emme. A~n~~
dégu~~é,
~l enleva l'un de ~e~ yeux, le ~a~ha dan~ un
bu~~~on, et a~n~~ t~an~6o~mé en 6emme bo~gne, ~e d~~~gea
ve~~ la ~a~e. Sa 6emme le p~~t pou~ la ~oeu~ annon~ée et
lu~ p~épa~a un mo~~eau de la b~~he. Le lendema~n, ~oeu~
bo~gne ~ev~nt. Et le ~u~lendema~n, et tou~'le~ jou~~ ju~qu'à
,/
~e que la b~~he 6ut ~omplètement a~hevée. Le de~n~e~ jou~,
alo~~ qu'~l 6ou~le.a~t le bu~~~on POUk y dé~o~v~~~ ~on oe~l,
a6~n de le ~emett~e en pla~e, ~l le t~ouva ent~e le~ ma~n~
d'une ~ou~~~ qu~ joua~t ave~ l'oe~l ~omme u~ en6ant joue
ave~ de~ b~lle~. Lo~~qu'elle v~t Bême, ta ~ou~~~ pénét~a

-
92 -
dan~ ~on te~~ie~ en empo~tant l'oeil. Blme ~ai~it ~a houe
et ~ommenca a ~~eu~e~ pou~ ~et~ouve~ ~on oeil. Au p~emie~
~oup de houe, pa6 ! il ~~eva l'oeil. Blme était devenu
~é ellem ent bo~g ne. "Que vacs - j e di~e à ma 6emme ? ne va-~-
elle pa~ devine~ ma ~upe~~he~ie ?"
,
Il ~on6e~tionna un 6agot de b~an~he~ épineu~e~, le ~ha~gea
~u~ ~on épaule et p~it le ~hemin de ~a ~a~e .
. AJt~{v
dan~ la c oua , il j e.t.s:o. violemme-nt le 6ag ot: a t.e.ioie .
ë
"Malheu~ ! ~~ia-t-il, une épine de ~e maudit 6agot à ~~evé
mon oeil !"
Sa 6emme le plaignit beau~oup.
Voilà ~omment, pa~~e qu'il était glouton et égo~~te, Blme
pe~dit un oeil.
Un style de relations interpersonnelles fondées sur la
coopération et l'interdépendance, sur la vie communautaire
exige que chaque homme devienne avant tout responsable de
sa femme et de ses enfants. Ce conte a la même morale que
"Araignée mauvaIS père" que nous avons déjà souligné.
Il faut aux gens riches un supplément d'âme
ce
conte met en garde les parents sans scrupules prêts à
céder leurs filles au premier venu, pourvu qu'il soit riche.
La mise en parallèle du riche et du pauvre nous enseIgne
que ce ne sont pas les plus riches qui sont les plus
vertueux et que l'idéal d'une société communautaire et soli-
daire, se réalise mieux avec des gens pauvres et vertueux
plutôt qu'avec des gens riches et orgueilleux. Ce conte
Peul nous en dira plus.
Conte
le riche et le pauvre
Van~ le pay~ que t~ave~~e le Nige~, une 6emme mit au monde
une 6ille,
belle ~omme ~elle d'un ~ultan.
Plu~ elle g~andi~~ait, et plu~ elle devenait belle.
Au~~i, lo~~qu'elle eut dix-~ept an~, elle était la plu~
belle de~ jeune~ 6ille~ du pay~, et peut ét~e, d'ailleu~~
au~~i.
-
/
Veux homme~ vin~ent t~ouve~ le~ pa~ent~ et leu~ p~é~entè~ent
leu~ demande.
Il~ dé~i~aient tou~ deux épou~e~ la belle jeu~e 6ille.
Le p~emie~ était pauv~e. I.e n'avait qu'une ~a~e n.o nde., deux
~hèv~e~, et un ~hien maig~e.

-
93 -
L'aut~e, au ~ont~a~~e, éta~t t~è~ ~~~he.
C'éta~t méme t'un de~ p~u~ ~~~he~ du pay~. Se~ t~oupeaux de
zébu~ pâtu~a~ent ~nnomb~abte~, au bo~d du N~ge~ ; ~~~
p~~o9ue~ ~ouv~a~ent te 6teuve ; ~on pata~~ éta~t ~pa~~eux
et ~omptueux.
Le~ pa~ent~ eu~ent tôt 6a~t de donne~teu~ p~éné~en~~ a
t'homme ~~~he.
It 6~t un p~em~e~ ~adeau de ~ent zébu~.
Le pauv~e, qu~ a~ma~t ~~n~è~ement ta jeune 6~tte ne ~e dé-
~ou~agea pa~. It atta t~ouve~ une v~e~tte 6emme qu~ ava~t
ta ~éputat~on de ~onna~t~e de nomb~eux ~o~t~tège~.
It tu~
expt~qua ~on ~a~. La v~e~tte 6emme tu~ ~on~e~tta : "va
~end~e v~~~te aux pa~ent~ de ta jeune 6~tte ; au moment de
te~ qu~tte~, tu ta~~~e~a~ ~omme pa~ né9t~gen~e, ton bâton
dan~ teu~ ~ou~".
Le jeune homme pauv~e ~u~v~t te~ ~on~e~t~ de ta v~e~tte.
Ap~è~ avo~~ tonguement bava~dé ave~ te~ pa~ent~, ~t aban-
donna ~on bâton que pe~~onne ne ~ema~qua ~a~ ~'éta~t un
bâton tout à 6a~t o~d~na~~e, un bâton de pauv~e.
Le tende-
ma~n, ta jeune 6~tte tomba matade. C'éta~t une matad~e
~nexpt~~abte, qu~ ta~~~a~t ta jeune 6~tte abattue et ~an~
~ou~age. Ce jou~-tà,
p~é~édé pa~ ~e~ po~teu~~ de ~adeaux,
t'homme ~~~he a~~~va ave~ t'~ntent~on d'épou~e~ ~a 6~an~ée.
Lo~~qu'~t app~~t qu'ette éta~t matade, ~t ~ep~~t te~ zébu~
et ~'en ~etou~na ~hez tu~ ~an~ ~e p~éo~~upe~ davantage de
~a 6~an~ée matade.
La matad~e emp~~a et ta jeune 6~tte mou~ut.
Ette éta~t attongée ~u~ une natte, te~ yeux ~to~, et ~an~
v~e, to~~que te jeune homme pauv~e a~~~va.
It atta ~he~~he~
~on bâton à t'end~o~t ~t t'ava~t ta~~~é.
It tou~ha te
~adav~e de ~a 6~an~ée ave~ te bout de ~on bdton et te
m~~a~te ~e p~odu~~~t. La jeune 6~tte ouv~~t t.e.s yeux, 'éton-
née, te~ ~outeu~~ tu~ ~ev~n~ent aux joue~. Ette éta~t ~e~­
~u~~~tée. Ce~ta~n~ d~~ent qu'ette te 6ùt pa~ te~ ~o~t~tège~
de ta v~e~tte 6emme, d'aut~e~,
pa~ t'amou~ que tu~ po~ta~t
te jeune homme pauv~e.
It ~e~a~t d~66~~~te de ~épond~e.
Cependant,
~e que t'on peut a66~~me~, ~'e~t que te~ deux
jeune~ gen~ ~e ma~~è~ent et qu'~t~ vé~u~ent pauv~ement,
ma~~ heu~eux .
"It~ vé~u~ent pauv~e~, ma~~ heu~eux".
"L'a~gent ne 6a~t pa~ te bonheu~" tette Il~t t'aut~e ~~9n~6~­
~at~on de ta 6~n de ~e ~onte.
Un conte, parce qu'il est du domaine de la fiction permet
d'aborder les questions les plus graves. Or, satisfaits
les besoins immédiats, - pouvoir dormir sans crainte, voir
/
écartées la faim et la soif - le premier prob~ème qu'af-
fronte une société est celui des rapports entre ces membres.

-
94 -
Le vol, la tricherie et la duplicité ne sont
pas de nature à faciliter les rapports entre les membres
1
d'une société. Dans ce conte, le lièvre connu sous la
forme d'un animal rusé et redresseur de torts est puni
....
1
1
parce qu'il voulait tricher. Le conte ne laisse aucune
alternative à ceux qui incarnent le Mal, que la punition ou
la déchéance.
Conte Bambara - la tortue et le lièvre
La to~tue et ~on ami le lièv~e décidè~ent un jou~ de p~ati­
que~ la pêche dan~ le 6leuve voi~in. Il~ ~e 6i~ent chacun
une
na~~e et allè~ent au 6leuve. La to~tue mit ~a na~~e en
plein dan~ le cou~ant ; le lièv~e placa la ~ienne tout p~è~
du bo~d. Chaque matin, le lièv~e venait de bonne heu~e et
vidait la na~~e de ~a voi~ine dan~ la ~ienne. La to~tue,
con~tatant que le lièv~e 6ai~ait toujou~~ de bonne~ pêche~,
tandi~ qu'elle même ne p~enait jamai~ ~ien, 6init pa~ avoi~
de~ ~oupcon~. Elle alla con~ulte~ un vieux 6éticheu~ qui
lui dit:
"Façonne une ~tatuette en te~~e au bo~d de l'eau
et endui~-la d'une couche de glue; tu connaZt~a~ ton
voleu~." Ain~i dit, ain~i 6ait. Le lendemain matin, quand
le lièv~e vint au 6leuve, il vit la ~tatuette et, 6u~ieux,
voulut lui donne~ de~ coup~ de pied, mai~ ~e~ pied~ ~e~tè­
~ent collé~ à la te~~e ; de même ~e~ main~ collè~ent au~~i.
Quand la to~tue a~~iva au 6leuve, elle vit le lièv~e dan~
cette po~ition, et comp~enant que c'était lui le voleu~, le
6~appa ju~qu'd ce qu'il 6ut à demi-mo~t·.. Et le conteu~
d'ajoute~ "l'intelligence quelle qu'elle ~oit, doit êt~e
mi~e au ~e~vice de cau~e~ ju~te~."
1 - Le contenu sociologique des contes
Outre leur fonction sociale qui résume essentiel-
lement un facteur de cohésion, les contes ont un intéressant
contenu sociologique. Nous avons déjà souligné que les
contes constituaient un solide témoignage sur la société
traditionnelle, en pays de savane et en zoné forestière .
r
C'est ce que suggère SENGHOR en s'appuyant sur les deux
grands conteurs modernes représentatifs de chacune des deux

- 95 -
régions de l'Afrique Occidentale: Birago DIOP et Bernard
DADIE. "C'est par là,. (en collant au réel, en rendant la
,
vie) que Birago DIOP, homme du nord, s'oppose à Bernard
Dadié, homme du sud, comme le cycle folklorique de la
plaine "soudanaise"
à celui de la forêt "guinéenne"
(1).
Les contes s'insèrent dans un contexte géographi-
que. La forêt avec ses grands arbres, ses lianes, et sa
végétation dense. Témoin en est ce conte de DELAFOSSE (2)
où Kenndéoua - l'Araignée, va chasser "en brousse" grimpant,
tel un cynocéphale à "un acajou ou sur une liane à caout-
choue", ou cet autre conte Agni ou Ananzé l'Araignée
défrichant la forêt "pour faire une plantation" rencontre
le monstre Akotrokon. Les plantes comestibles que signalent
les contes sont caractéristiques de la forêt:
l'igname, le
café, le cacao, la banane. Les animaux de la forêt sont
aussi représentés. Les contes expliquent comment les travaux
champêtres
sont accomplis : on défriche la forêt en la
brûlant, avant de planter ; chasse en brousse
on tue
l'antilope, le léopard, le Kpuéma (3) type de rongeur appe-
lé généralement "agouti".
Préparation de la cuisine et repas.
On se nourrit essentiellement d'ignames, de
manioc. On fait des sauces à l'huile de palme avec beaucoup
de piment ; on boit du vin de palme appelé "bangui" en Côte
(1) SENGHOR (L.S)
(2) VELAFOSSE (Ml - Le ~oman de l'~aignée ~hez l~ Baoulé de Côte
rvo~e - in ~evue d'ethnologie et .de~ ~aditio~
popul~e~ - pp. 197-218 7è~e année n° 3 - 3e ~­
m~~e 1920.
( 3)
Ibid pp. 208- 209 - eont»: n° 2 - "l' ~aignée ex l' hyène".

-
96 -
d'Ivoire. En matière de religion et croyances, nous voyons
que conformément à nos connaissances historiques èt nos
constatations, les peuples des forêts ne pratiquent pas
l'islam comme les peuples de savane du nord. On y mentionne
un Dieu tout-puissant, les génies intermédiaires entre Dieu
et les hommes, génies mystérieux de la forêt, nains cheve-
lus, monstres.
Il est sans cesse question d'objets magiques,
de pierres mystérieuses, de fétiches puissants. En forêt,
Dieu apparaît plus abordable d'accès que le dieu des contes
de savane. Certes, lièvre avait un assez fréquent commerce
avec Dieu, mais celui-ci gardant une certaine hauteur ne se
laissait pas duper. Le Dieu des gens de la forêt,
imprudent,
fréquente volontiers Araignée,
il peut même en faire son
courtisan, son allié, voire son confident. Aussi est-il
trompe quelquefois, puisque ce courtisan est perfide, un
imposteur. Les coutumes sont assez bien représentées ; fêtes
de villages, concours, funérailles
(1), etc ...
On peut mesurer l'importance de la soumission que les
sujets doivent au chef. Dans les contes de savane, la
soumission au chef revient très souvent ; est-ce à dire que
les sociétés forestières étaient moins hiérarchisées que
celles des savanes? Ou bien que le pouvoir du chef y était
moins sujet à des critiques? La place de la femme dans
cette société semble être la même qu'en milieu de savane.
Elle est surtout la mère qui s'occupe de ses enfants; elle
prépare les repas mais aussi elle participe-aux travaux des
r
champ s.
( 1) VAVIE {Bl et TERRISSE (Al - L~ bell~ ~to~~ de Kakou A»a»zé
l'Attaig»ée - Natha» - "L~ 6u»é!Lmle.6 de mè.!Le -igua»e" - p. 81.

- 97 -
Dans les contes de la forêt, elle est raillée
sous les traits de madame Araignée, qui est généralement
une ménagère peu commode,
jalouse, criant sans cesse, sur
se s enfants ou son mari
mais on sent qu'elle a quelques
excuses, étant donné le monstrueux mari qu'elle a.
On est naturellement polygame, comme en savane. Si
Araignée, n'a, la plupart du temps, qu'une seule femme,
lorsqu'il est fâché contre la sienne, il part à la recherche
d'une autre femme.
(1)
La femme même semble quitter facilement son mari
SI
celui-ci lui déplaît, elle n'hésite pas à demander à un
autre homme de l'épouser. Madame Araignée voulant quitter
Kenndéoua qui revient toujours bredouille de la chasse,
pour devenir la femme de Gbohrokofi - l'hyène, qui, lui,
bon chasseur, couvre, avec le produit de sa chasse, sa
femme d'or et de bijoux! Vie et coutumes des sociétés des
savanes et des forêts apparaissent de façon intéressante à
travers les contes.
Pour mieux comprendre certaines coutumes des
sociétés traditionnelles
de l'ouest africain, analysons un
thème très fécond en enseignement: le thème de· l'orphelin
en cinq versions différentes ;
Con"les n°
Un en6ant pe~dit ~on pè~e, et ~a mè~e, et ~on tuteu~ le
dë t.e.s t ac«, Un j ou~, c.elui- c.i dema,nde à l' o,~phelùl. "o.Lt.on»
c.~eu~e~ de~ 6o~~é~ et nou~ y [e.t.e:»: âe.s ,e.anc.e~."
(1)
VELAFOSSE (Ml
- op c.it cord:e. nO 3 - "l'a~aignée et la
bcch e. g~i~e".
"<"b"<"d - "l'a~a"<"gnée et ,t'hyène" c.o nt». nO 1.

...~'..
•M:-::-.;.~":"::"'",..: ",
-
98 -
On c~eu~e de~ 60~~é~,
chacun de ~on côté, et on envo~e de~
coup~ de lance.
Le tuteu~ éta~t à peu p~è~ ~û~ de ~on expé~~ence en la
mat~è~e et de l'~nexpé~~ence de l'o~phel~n qu'~l pou~~a~t
6ac~lement tue~.
L'o~phel~n demande con~e~l à ~a g~and­
mè~e, la ve~lle de l'ép~euve, et celle-c~ lu~ d~t :
"en c~eu~ant le 60~~é, ~l 6aut qu'~l aménage de~~et~aLte~
r
au 6u~ et à me~u~e que le tuteu~ enve~~a ~e~ lance~, ~l ~e
penche~a et y é chappe~a.· t l ~ e. plac.e~a tantôt dan~ une
~et~a~te, tantôt dan~ l'aut~e, comme cela ~l ~e~a à peu
p~è~ ~û~, qu'aucune lance ne l'atte~nd~a."
C'e~t ce qu'~l 6a~t, et ~l échappe à la mo~t. V'a~lleu~~,
on d~t, à pe~ne ava~t-~l jeté deux ou t~o~~ lance~, que
l'aut~~ a levé le b~a~ pou~ décla~e~ ~a dé6a~te.
Un jou~,
~l l'envo~e che~che~ de~ petit~ c~ocod~le~.
L'o~phe!~n demande comme toujou~~ à ~a g~and-mè~e comment
~l do~t ~'y p~end~e pou~ alte~ che~che~ le~ pet~t~ d'un
c~ocod~le. Le tuteu~ e~t a~~u~é que l'o~phel~n n'en ~ev~en­
d~a pa~. La g~and-mè~e lu~ d~t d'alle~ che~che~ une poule
et l'attache~ quelque pa~t et quand le c~ocod~le ~~a ~o~~­
~uiv~e cette p~o~e, ~l pou~~a t~anqu~tement p~end~e le~
pet~t~ du c~ocod~le.
~
La de~n~è~e ép~euve ~e pa~~e. dan» un monde del'au-delà.
Le tuteu~ l'envo~e che~che~ chez le~ 6antôme~ un objet dont
je n'a~ pu ~dent~6~e~ la natu~e et qu'on appelle en Ouan
d'un nom qu~ ~~gn~6~e app~ox~mat~vement
"le tambou~ de~
6antôme~". En tou~ ca~,
c'e~t un objet my~té~~eux à alle~
che~che~ au pay~ de~ mo~t~. Alle~ au pay~ de~ mo~t~ et en
~even~~ v~vant, c'e~t quelque cho~e de p~at~quement ~mpo~­
~~ble. Cependant, g~âce aux ~n~t~uct~on~ de la g~and-mè~e,
l'o~phel~n ~ev~ent avec l'objet my~té~~eux au g~and étonne-
ment
et à la g~ande adm~~at~on de tout le v~llage pa~m~
lequel ~l 6a~t une ent~ée t~~omphale.
Il y a une pet~te chan~on qu~ accompagne ce n.e.t.o u«,
Le~
gen~ du v~llage qu~ ~ont ~candal~~é~ pa~ l'att~tude du tu-
teu~ à l'éga~d de l'o~phel~n et qu~ adm~~ent la ~age~~e et
le cou~age de l'~~phel~n, mettent à mo~t le tueu~.
Conte n° 2
Un en6ant pe~d ~on pè~e et ~a mè~e ; ~l dev~ent o~phel~n.
Il qu~tte ~on v~!lage, et va v~v~e dan~ un aut~e v~llage
le~ hab~tant~ le déte~tent ; pou~ le 6a~~e t~ava~lle~, on
lu~ donne un bout de machette mal a~gu~~ée et qu'~l pleuve
ou qul~l vente ou qu'~l 6a~~e du ~ole~l, il e~t obl~gé de
t~ava~lle~ toute la jou~née~ ~a tut~~ce a beaucoup d'en6ant~.
Un jou~, elle pêche ce~ta~n~ po~~~on~. Elle 6a~t cu~~e ce~
po~~~on~ et ~e~t à mange~ à tou~ le~ en6ant~ avant de pa~t~~
au champ.
Le ~e~te,
elle le ga~de dan~ une~a~m~te. A pe~ne
e~t-elle pa~t~e que l'o~phel~n ~'en va t~ava~lle~, et, quand
tout hompu de 6at~gue, ~l ~ev~ent, ~l ~e couche, et ~'endo~t.
Le~ en6ant~ de ~a tut~~ce, ~e~tent à la ma~~o~, dévo~ent tout
le contenu et, ~up~ême a~tuce, il~ p~ennent de l'hu~le de la

- 99 -
~auce, et il~ en mettent ~u~ le~ l~v~e~ de l'o~phelin.
Lo~~que leu~ m~~e ~evient, elle va ve~~ la ma~mite pou~
~e~vi~ à mange~. La ma~mite e~t vide. Col~~e, c~i~. Tou~
le~ en6ant~ ~ont appelé~ et menacé~. L'o~phelin, lui,
continue à do~mi~. Le~ en6ant~ di~ent à leu~ m~~e "tu n'a~
qu'à voi~ no~ bouche~ ; la bouche ~u~ laquelle tu ve~~a~
~ l'huile, tu ~au~a~ que c'e~t cette bouche-là qui a volé le
contenu de la ma~mite." In~pection 6aite, aucun en6ant n'a
la bouche pleine d'huile.
Le~ en6ant~ di~ent ; "et celui
qui do~t, tu l'a~ in~pecté au~~i ?"
Elle l'in~pecte. Su~ la
bouche du jeune do~meu~, il y a plein d'huile.
Elle le
~éveille à coup~ de baton~, et lui demande immédiatement de
~e ~end~e à la me~ pou~ pêche~ le~ même~ poi~~on~ et le~
~e~titue~ 6aut de quoi, il ne mett~a plu~ le~ pied~ chez
elle.
Là, il Y a une leçon de géog~aphie qui ~'in~~~e.
Il y a une mélodie qui e~t chantée et le jeune
chanteu~ en
la chantant doit énumé~e~ tou~ te~ village~ qui ~épa~ent
~on p~op~e village du village ou du lieu qu'il a 6ixé comme
étant l'emplacement de la me~. Et à chaque moment il ~en­
cont~e~a un pe~~onnage et vou~ avez une leçon ~IL~ la 6amille;
pa~ le~ 6antôme~. Toute la 6amille y pa~~e, la 6amille
dé6unte, la 6amille
vivante, tou~ le~ animaux y pa~~ent. A
chacun de ceux qui l'inte~~ogeaient, ~u~ ~a mé~aventu~e,
vivant, dé6unt, ou animaux, il ~épondait pa~ un chant.
Et quand vou~ entendez cette mélodie au 60nd d'une ca~e
ta nuit, avec le~ ~e6~ai~ ~ep~i~ pa~ l'a~~i~tance, c'e~t
quelque cho~e de t~~~ imp~e~~ionnant et de t~~~ ~ai~i~~ant.
Le jeune o~phelin ~'en va ain~i ju~qu'au bo~d de la me~ ou
il ~encont~e 6eu ~a m~~e et 6eu ~a g~and-m~~e qui lui donnent
du poi~~on à ~amene~ et neu6~ oeu6~ en lui demandant ap~~~
~e~titution de~ poi~~on~ qu'il aille de~~i~~e le village
t~~~ loin dan~ la 6o~êt, et qu'il ca~~e l'un ap~~~ l'aut~e,
ce~ neu6~ oeu6~. Neu6, chi66~e ~ac~é et l'oeu6 qui e~t la
tabe~nacle du monde, d'où toute la vie ~o~t. Il ~evient, et
~e~titue le~ poi~~on~. ca~act~~e mode~ni~ant du conte,
ajouté pa~ le conteu~, quand il ~'en va dan~ la 6o~êt loin
de~~i~~e le village à chaque 6oi~ ~u~git une me~veille. Ce
deuxi~me conte ~e te~mine également pa~ la victoi~e de
l'o~phelin, le t~iomphe 6inal de la 6aible~~e initiale.
Conte n° 3
Un homme épou~a deux 6emme~ ; l'une mit au monde un en6ant,
l'aut~e pondit de tout petit~ oeu6~. Le ca~act~~e 6anta~­
tique de ce~ conte~ appa~ait pa~ ce biai~. Un jou~, le~
deux 6emme~ all~~ent à la pêche, et, au village, il ~e mit
à pleuvoi~.
L'homme ~ent~a le~ en6ant~ à ta mai~on, et
oublia ~ou~ la pluie le~ petit~ oeu6~ de t'aut~e 6emme.
L'eau de la pluie empo~te le~ petit~ oeu6~ et quand la 6emme
)/ ~evient, le mMi lui dit "je le~ ai oublié~ et la pluie le~ a
empo~té~." La 6emme ~'en va à la ~eche.~che. de.s. oeu6~ de
village en village (l'occa~ion enco~e d'une leeon de géog~a-'
phie en énumé~ant le~ village~ que l'ontnave~~~ le~ gen~

-
100
-
QU~ y hab~tent). Et ~e n'e~t Que 6~natement tO~~Qu'ette
tuoc.cve c.h e z ~a mè.~e Que ~ette-~~ tu~ d~t "~la~~ ent~e, au
mo~n~ et mange" ... En 6a~t, ~a mè~e ava~t Ji.e~onnu te~ pe-
t~t~ oeu6~ de ~a 6~tle, etle te~ ava~t ~e~ue~tt~ de ta
~~gote et le~ ava~t ~on~e~vé~. Etle te~ lu~ ~e~t~tue. La
jeune 6emme te~ ~appo~te et te~ pet~t~ oeu6~ écto~ent. Il
en ~o~t de~ en6ant~, de~ en6ant~ te~~~bte~. Peu ap~è~,
teu~ mè~e mou~ut. Ce~ deux en6ant~ ~ont v~a~ment de~
en6ant~ ~mpo~~~bte~. A ta ~~v~è~e, ~t~ battent t'aut~e
en6ant. S~ ta ma~ât~e e~~a~e de p~ote~te~, ~t~ ~a~~ent te~
ma~m~te~. Pe~~onne ne peut ~outen~~ leu~ éne~g~e. Un de~
en6ant~ mou~ut au~~~.
L'aut~e en e~t a66a~bl~ et le pè.~e
veut te 6a~~e mou~~~. It te ~oumet à une ~é~~e d'épeuve~.
Ce s ont: r.e.s mê.me;" ép~euve~ Que p/1.é~éciemment : on va aba:t:tJz.e
te~ no~x ave~ un pan~e~, on va att~appe~ de~ pet~t~ l~on­
~eaux, et~ ... et toujou~~ t'en6ant ~'en ~o~t à ~on avantage.
Mê.me, ~l ~éu~~~t à tue~ ~on pè~e de ~a lan~e.
Comme ta ptupa~t du temp~, dan~ ~e~ ~é~~e~ d'ép~euve~, on
pa~~e toujou~~ de~ ép~euve~ d'~~~-bà~, aux ép~euve~ de
l'au-detà, t'en6ant va a~~~ve~ dan~ le monde de~ 6antôme~,
et là, .LI ~~~ Que d' ê.t~e mangé pa~
âe s 6emme~ 6antôm~
qu~ le
60nt monte~ dan~ un g~and a~b~e, ~o~-d~~ant pou~ tu~ 6a~~e
~ue~ll~~ de~ 6~u~t~ de ~et a~b~e.
Quand ~t e~t monté, pa~ une baguette mag~Que, elte~ t~an~­
6o~ment l'a~b~e en un g~and baobab, et l'en6ant tà-haut,
pou~~e de~ ~~~~ de dé~e~po~~ et appelle au ~ecou~~ ~on
~h~en. Cetu~-~~ a~~~ve et te t~~e de ~e mauva~~ pa~. Et
t'o~phet~n ~ev~ent t~~omphant au v~llage.
enco~e,
~'e~t toujou~~ la 6a~ble~~e ~n~t~ale qu~, à la
6~n, t~~omphe de toute~ le~ ép~euve~ natu~elle~ et ~u~na­
tu~ette~.
Conte n°
4
Un homme épou~a une 6emme QU~ m~t au monde un ga~çon, pu~~
elle mou~ut. L'homme p~~t une aut~e 6emme QU~ ~e m~t à
déte~te~ l'o~phel~n. Un jou~,
étant allée à la pê.~he. ave~
t'o~phet~n, ~haque 6o~~ que l'o~phet~n att~apa~t un po~~­
~on et ~'en ~ejou~~~a~t en d~~ant :
- "Ah ! ~e ~o~~, avec mon pè~e, on vab~en mange~." elle
lu~ a~~a~ha~t te po~~~on en d~~ant :
- "Tu pen~e~ Que tu va~ mange~ c z po~~~on, avec. ton pè~e. ...
Et mon con~ub~n, ato~~
! Altez,
donne ça !"
A~n~~ tou~ te~ po~~~on~ de. l'o~phet~n ~ont ~ama~~é~ pa~
elle, et, lo~~que l'o~phel~n ~ev~ent, ~l d~t à ~on pè~e ce
QU~ ~'e~t pa~~é. Cetu~-~~, de dép~t, de jatou~~e, et au~~~
pa~~e Qu'~t éta~t p~o6ondement atta~hé à ~on 6~1~, dé~~de
~u~ t'~n~t~gat~on de ~e de~n~e~ d'alte~ ~e~u~~~de~ à ta
me~. Et le~ deux p~ennent la ~oute de la me~.
Et de nouveau, vo~là la lecon de géog~aph~e h~ma~ne, et de
géog~aph~e phy~~que, POU/1 a~~~ve~ à ta me~.
Le~ deux ~ont ~U~V~6 pa~ la ma~at~e qu~ e~~ale de le~ d~~~ua­
de~, a!l!l~vent à la me~, et ~'y jettent 6~nalement.

-
101
-
Conte n°
5
Le dernier conte de notre série sur le thème de l'orphelin,
je l'ai intitulé
- "L' homme et l' aJtbJte ,ùl.teJtdi;f:".
u~ homme épou~a deux 6emme~.
It ptanta un aJtbJte appelé en Ouan "Zâ" et inteJtdit à toute
peJt~o~ne de ~ueittiJt de~ 6euitte~ de tet aJtbJte, ~e Jté~eJt­
vant ~eut un tel dJto~t.
It paJttit en voyage, avet ta pJtemi~Jte épou~e.
Re~tée à la mai~on, ta deuxi~me ~ueiltit le~ 6euille~ de
~et aJtbJte ; elle le~ hâ~ha dan~ la tui~ine de la pJtemi~Jte
6emme, pJtépaJta dan~ ~e~ maJtmite~,
jeta le~ oJtduJte~ ~uJt ~on
6umieJt.
D~~ ~on JtetouJt, l'homme ~e Jtendit au pied de cet aJtbJte, et,
~'apeJt~evant qu'il y avait cueillette, ~e mit en ~ol~Jte,
et appela devant lu~ ~e~ deux 6emme~ pouJt leuJt demandeJt
qui avait
o~é poJtteJt la main ~uJt ~et aJtbJte.
La deuxi~me 6emme de diJte :
- "Je ~'en s ac« Jtie~.
Pui~que t.e s 6euille~ de cet aJtbJte, on
te~ mange, tu n'a~ qu'à alleJt voiJt dan~ no~ ~ui~i~e~ et ~uJt
~o~ 6umieJt~. It doit bien y avoiJt une tJta~e quelque paJtt."
C'e~t ce qu'il 6ait.
La pJtemièJte 6emme ~e dé6end, en di~a~t :
- "J'étai~ ave~ to~, en voyage, ~omment ai-je pu 6aiJte cet
acte ?"
L'homme n'e~ ~Jtoit Jtien et exécute ~a pJtemièJte 6emme puJte-
me~t et ~implement. OJt, la pJtemi~Jte 6emme avait lai~~é deux
en6ant~.
u~ jouJt, la deuxi~me 6emme envoya le~ deux oJtphelin~ à la
6ontaine,
et étoig~a magiquement cet~e 60ntaine du village.
En e66et, apJt~~ avo~Jt tué ~a pJtemi~Jte 6emme, ~ho~e 6anta~ti­
que, mai~ a~~ez 6Jtéquente dan~ le~ conte~, i l avait JtetiJté
la peau de c et.t.e 6emme, et t 1 avait 6ait s ch
é
e.):
au ~oleit, '._, "", .
et obligeéJ.:i;t'te~ 'en6ant~ de la 6emme, à veilleJt ~uJt cette
peau, en paJtticulieJt, la JtentJteJt en ~a~ de plu~e. Voilà ta
deuxième 6emme envoie le~ en6ant~ à la 6ontaine, éloigne ta
6onta~n~ 6ait magiquement tombeJt la pluie ~uJt la peau de ta
pJtemièJte
6emme. Le~ en6ant~,
Jtevenant de la ~ouJt~e, ~ont
~onvaincu~ qu'~t~ ~e pouJtJtont échappeJt à la mé~han~eté de
leuJt
pèJte, et devJto ~t mouJtiJt.
Le~
en6ant~ étaient 6~lle et gaJtco~.
Le gaJtçon décide d'u~eJt d'un ~tJtatagème.
Il
~e d~t que leuJt pèJte ne pouJtJta le~ exé~uteJt que toJt~que
le~ deux
~eJtont Jtéun~~.
It
~on~eitte, paJt ~on~équent,
à ~a ~oeuJt,
de ~e~tJteJt au
village
et de lui ameneJt à mangeJt.

-
102 -
Chaque 6oi~ qu'elle viend~a à la ~ou~ce, elle mett~a ~a
ma~mite dan~ la ja~~e, de maniè~e que pe~~onne ne ~ache que
c'e~t ~a ~oeu~~ et non une aut~e pe~~onne, c'e~t une chan~on
dont il~ conviennent, et qui également e~t t~è~ belle.
Chaque -6oi~ que la 6ille ~evient acn s : et quo.nd c.Lte
chante cette mélodie, ~on 6~è~e ~ait qu'elle e~t là.
Elle lui donne de~ nouvelle~, lui donne à mange~, et
lui explique que ~on pè~e e~t ab~olument décidé à le~ ~e­
t~ouve~, et à le~ exécute~ tou~ le~ deux.
Le pè~e e~pionne la 6ille, ca~ il ~e doute bien qu'elle
doit avoi~ de~ ~elation~ avec ~on 6~è~e.
Un jou~, il la ~u~p~end en t~ain de chante~ cette mélodie,
et ~e dit que ce doit êt~e le ~igne de ~econnai~~ance.
Il décide de chante~ cette même mélodie, mai~ il en vient à
la chante~ avec ~a g~o~~e voix, et le 6il~ ne ~'y t~ompe pa~
et ne ~o~t pa~ de la cachette.
Le pè~e ~'en va voi~ un magicien, qui le ~oumet à un ~égime
alimentai~e qui adoucit ~a voix, la 6émini~e.
Il ~evient, et ~u~p~end l'o~phelin, pa~ ~a maniè~e de chan-
te~. Celui-ci de~cend, et le pè~e emmène le~ deux en6ant~
au village, et le~ exécute comme il ~e l'était p~omi~.
Et voilà qu'un ~oi~, il ~u~p~end ~a deuxième 6emme à
dans e:« ~u~ la tombe de ~a n.Lva.t.e., et de di~e dan~ ~a chanMn
"Ceux qui ont mangé le~ 6e.uille~ du "Za" ~ont en vie, ceux
qui n'ont pa~ mangé le "Za" ~ont mo~t~, et j'en !.Jui~ 6o~t
-
aA...~e. .. "
Elle chante et dan~e d'un bout à l'aut~e de la tombe.
Le ma~i, qui ~u~p~end cette dan~e, !.Je !.Jai!.Jit de cette 6emme
et l'exécute.
Analyse des contes
Procédons à l'analyse des contes en groupant les
personnages comme suit: d'un c6té,~e~x quT sont pour
l'orphelin, de l'autre, ceux qui sont contre lui.
Dans le premier conte, le tuteur est seul contre
l'orphelin, et, du côté de l'orphelin, il y a la grand-mère
et les gens du village. Le dénouement, c'est la mort du
tuteur.
Dans le deuxième conte, il y a d'un côté, la

-
103 -
tutrice et ses enfants; du côté de l'orphelin, il n'y a
personne d'ici, mais tous ceux de l'au-delà sont avec lui
feu son père, feu sa mère, feu sa grand-mère; le dénoue-
ment, c"est l'enrichissement de l'orphelin.
Dans le troisième conte, du côté de
l'orphelin,
se trouvent sa mère, et les gens; contre lui,
il y a son
père et une femme, plusieurs autres personnes, et les fan-
tômes.
Le dénouement, c'est la mort violente du père qui
sera tué par son fils, et la victoire de l'orphelin sur les
vivants et même sur les fantômes.
Dans le quatrième conte,
la répartition des
acteurs est singulière dans la mesure où l'orphelin et le
père se trouvent du même côté contre la seule marâtre.
Dans le cinquième conte, nous avons d'un côté, le
père et la deuxième femme, et de l'autre côté, les deux
orphelins, frère et soeur, et leur mère~ La première femme.
Si nous résumons, dans l'ensemble, le spectre de
la répartition des acteurs
est le suivant
- contre l'orphelin, de manière presque permanen-_
te, nous avons son père, son tuteur, la marâtre, la tutrice,
les fantômes, et les gens.
- pour l'orphelin, nous avons une seule fois,
son
père, et, le plus souvent, sa grand-mère, et sa mère.
Une double conclusion du point de vue sociologi-
que peut se dégager de cette répartition structurale des

-
104 -
acteu~s, c'est que les heurts sont possibles entre le père,
le tuteur, et le fils.
La deuxième conclusion, d'importance sociale,
c'est que les heurts sont impossibles entre la mère,
la
grand-mère et le fils.
Il me semble que c'est là, une image fidèle et
précise de la réalité sociale Guan.
Prenons la relation père-fils dans le troisième
conte. Nous voyons que les enfants sont d'origine mysté-
rieuse,
ils naissent des oeufs.
Il y a quelque chose de
rid~cule qui est attaché à eux, de ce fait.
Des oeufs, que
le père néglige, ce sont des enfants indésirables. Quand
ils arrivent à maturité, ces enfants sont turbulents, ils
sont impossibles. Quant leur mère disparaît, et que l'un
meurt aussi, l'autre en est affaibli, et le nère veut sa
mort et le soumet à une série d'épreuves de plus en plus
difficiles.
Nous remarquons que l'enfant est obéissant,
soumlS à tout ce que le père lui commande, malgré le danger.
Cependant, l'enfant tue son père, malS c'est le père qui
est responsable de ce parricide, c'est lui l'instigateur du
duel. Et lui, le premier, il jette les lances, ce n'est
donc pas à proprement parler, un parricide.
Le père veut soumettre l'enfant, qui a un carac-
tère terrible, puisqu'il bat les demi-frères à la rivière,
il casse les assiettes et les jarres. Les relations entre
le père et le fils sont donc tendues dans ce conte.

-
105 -
Dans le cinquième conte, également, opposition
,
entre le pèreiet le fils de par la malice de la deuxième
femme,
la mère sera tuée injustement; le père oblige ses
enfants à veiller sur la peau tannée de la défunte et, là
encore, les enfants se soumettent. L'autorité du père
s'avère donc suprême, sans appel.
Il a comme un droit de
vie et de mort, droit d'autrefois, ce qui peut expliquer à
l'heure actuelle le conflit des générations; les vieux
rêvent du temps où ce droit était suprême et sans appel,
les jeunes vivant l'aujourd'hui de l'Indépendance où cha-
cun a le droit de disposer de lui-même. La transgression,
bien qu'involontaire, ne constitue pas une circonstance
atténuante et ils n'échapperont pas à la sanction.
L'ordre, c'est l'ordre,
sans circonstance atté-
nuante pour ceux qui violent l'ordre. Entre le tuteur et le
protégé, le tuteur étant une image amoindrie du père,
il y
a également opposition violente dans le conte. Par contre,
les relations orphelin-grand-mère, la grand-mère étant dans
la civilisation négro-africaine
une image supérieure de la
mère, la grand-mère veillant sur les petits enfants
plus
affectu~usement que ne le fait la mère, vont plutôt à
l'intimité, la confidence.
Dans tous ces contes, nous avons pu voir que le
rôle de la grand-mère est toujours de conseiller, d'aider
l'orphelin
à
dépasser les épreuves auxquel Ies
il est soumis.
Si nous regardons maintenant les soc~étés tradi-
tionnelles de l'Ouest Africain où nous avons r-ecue i Ll i. ces

-
106 -
contes, nous pouvons nous demander pourquoi le conte insis-
te tant sur la tension qui existe entre ~e père et le fils.
,
,
Cette tension se trouve-t-elle au niveau de la réalité ou
bien n'est-ce que conte pur? Quand une femme disparaît et
laisse un enfant, et que son père se remarie,
la nouvelle
femme,
surtout si elle a des enfants, incline à défendre
férocement l'intérêt de ses propres enfants contre les
enfants de la défunte. La question de l'héritage, des
terres, est ici l'enjeu du drame. Quels sont les enfants
qui hériteront de la propriété, des terres, après la mort
de leur père? Et la femme fait tout pour défendre les
droits de ses enfants et c'est continuellement dans les
sociétés traditionnelles quel'on observe de telles querel-
les domestiques ayant pour cause la terre. Les supporters
étant toujours la mère contre les enfants de l'autre
femme.
La haine du tuteur aussi, est monnale courante
dans la société traditionnelle ; les mêmes conflits inter-
viennent toujours à propos des terres, et des plantations.
Quand le tuteur,
(l'oncle paternel ou l'oncle
maternel) hérite de son frère,
en principe et par le droit
coutumier,
il doit conserver cette propriété jusqu'à ce que
les enfants du frère défunt deviennent majeurs ; mais la
plupart du temps,
il cherche à faire main basse sur la pro-
priété et à écarter ses neveux au profit de ses propres
enfants.
Ce que les conteurs ont voulu traduire dans les
contes, c'est tout simplement cet événement qùotidien,

-
107 -
observable dans toutes les relations sociales, de l'opposi-
tion entre le père et le fils, pour des questions d'héri-
tage.
Si l'on observe maintenant les relations entre la
,mère et l'enfant, on remarquera que tous les contes où il
est question d'orphelin indiquent toujours que c'est parce
que la mère est morte.
C'est rarement l'orphelin à la suite
de la mort du père. Ceci semble traduire que, pour les
sociétés traditionnelles de l'Ouest Africain, on n'est
vraiment orphelin que quand on est orphelin de mère.
Que conclure après le thème de l'orphelin dans
les contes de l'Ouest Africain
?
Le conte est d'abord
description de la société: c'est le miroir de la société,
car on y découvre les réalités de tous les jours. Pour
ceux qUI écoutent ou ceux qui content, il a les mêmes
dimensions que la vie réelle dont il est l'ombre à peine
voilée. La fonction ethnographique de ce genre littéraire
est assez claire.
Il s'agit pour le conte, de traduire SUT
un mode fabulateur la société d'hier et d'aujourd'hui telle
que ses membres la vivent.
Le conte n°
2 va assez loin dans la traduction
des signes e~térieurs de richesse
(maison à étages, voiture
de prestige, comme la Mercédes, etc ... ).
Le conte peut, de par sa plasticité, accompagner
la société aujour le jour, et l'aider à interpréter son
propre destin.
On peut, à la suite de cette réflexion, se deman-
der quelle est la fonction pédagogique du thème de l'orphe-

-
108 -
lin dans les contes de l'Ouest Africain.
,
Les contes ne sont pas les seuls à refléter les
relations de la société. Dans la sorcellerie, les mêmes
tensions se retrouvent, cependant avec une différence.
La
fonction de la sorcellerie semble être de détruire les
tensions, tandis que la fonction du conte serait de faire
venir à jour ces tensions. Le conte, dans ce thème, met
l'individu au coeur des tensions de la société. On peut
dire qu'il a une fonction de sensibilisation et de cons-
cientisation. En faisant de la violence un objet mythique,
le conte essaie de la voiler, et d'en faire un objet
d'amusement. On s'amuse de cette rivalité. Dans la réalité,
on ne s'en amuse pas. Le conte et la conception générale
de la sorcellerie sont deux manières de "tourner" la
violence.
Le conte consiste à dire ce qui est d'une cer-
taine manière pédagogique, ironique de sorte que le groupe
sache se comporter devant ce qui est vécu.
La sorcellerie
a le même objectif. Et si, actuellement, cela nous paraît
le contraire, c'est que la sorcellerie elle-même est en
pleine dégradation. A notre avis, la sorcellerie est le
transfert, le transport de la violence du groupe dans
l'imaginaire. On inculpe quelqu'un de la famille parce qu'il
faut absolument accuser quelqu'un.
Il est d'une utilité
vitale pour le groupe que la responsabilité soit portée sur
quelqu'un à condition que le groupe vive encore et postule
encore les structures sociales de réconciliatibn.

-
109 -
Le drame, à l'heure actuelle, est que les struc-
tures de réconciliation
sont demantelées, alors que
l'accusation continue. Mais c'est plutôt une manière
d'atténuer la violence, qUl est quelque chose de si fort
en chacun des hommes.
On a souvent 1 'impre~sion que cette forme de
littérature orale est la répétition directe des faits de
la vie quotidienne, comme une photographie de ce qUl se vit.
Au départ, ce n'est pas la littérature orale qui est
première, ce sont les traditions. Les gens ont d'abord
inventé leurs traditions pour organiser leur vie sociale.
Une fois que ces traditions ont fait leurs preuves, il faut
qu'on les transmette. C'est là qu'intervient la littérature
dite orale, pour faire passer ces conditions d'une généra-
tion à l'autre. Ainsi, l'effort pédagogique vient de lui-
même. On est obligé d'adopter les techniques de composition
de type oral.
Il faut non seulement composer chaque genre,
mais aussi le retenir,
le transmettre à l'abri des trans-
formations. Le procédé de répétition du conte, correspond à
sa fonction pour le maintien de la société. En faisant
revenir le même refrain,
il garantit que la comm~nauté cla~.
nique a reçu le message que le conte transmet.
2 - Les fonctions ludiques des contes
Instruire en amusant.
Les contes se prêtent à merveille. à cette règle.
L'atmosphère est toujours agréable et gaie. NGUS trouvons
dans les contes de l'Ouest Africain, une gamme très étendue

-
110 -
de comIque. Le comIque de caractère, et le comique de
situation se partagent l'espace ludique des contes de la
savan~ et des contes de la forêt.
Le comise repose soit
sur les personnages, soit sur les mots, soit sur le hé~os
principal. Dans les contes de région forestière, Araignée
est un personnage hautement comique. C'est une caricature.
Au physique, il concentre toute la laideur du monde avec
son petit corps difforme, velu, bossu, ses longues pattes
et ses yeux exhorbités. Au moral, c'est un comnosé de tous
les défauts et vices humains. Araignée est un véritable
bouffon.
Le comique des contes de l'Araignée, est un
comIque de contraste. Contraste entre ce qu'il dit de lui-
même et ce qu'il est réellement. Cet affreux personnage se
trouve en effet très beau: "Dans mon pays, les beaux jeu-
nes gens comme moi ne mangent pas, cela les alourdirait". (1)
Lorsqu'il raconte l'histoire de la bosse qu'il a
sur le dos,
il éprouve d'abord le besoin de rappeler avec
emphase et force détails qu'autrefois " i l était le plus
bel homme de la terre.
Il faut alors souligner l'art avec
lequel B. DADIE fait faire à Kakou Ananzé-l'Araignée, son
auto-portrait
"En c.e. te.mpJ.>-là,
j'étaiJ.> un be.au galtJ.>.
Il
n'y avait paJ.> mon palte.il danJ.> le. monde..
Nulle paltt, l'on ne. tltouvait un
êtlte. aUJ.>J.>i
be.au, aUJ.>J.>i c.haltman:t: que. moi .. "

(2)
Auditeur ou lecteur, nul ne peut s'empêcher de
(1)
VELAFOSSE
(M)
- op c.i.: "l'Altaignée.,
6a 6e.mme.,
e.t: le.
J.>e.ltpe.nt python" c o vu:« nO 3 - p.
202.
(2)
VAVIE
(B) - ~~ne. noilt - PltéJ.>e.nc.e. A6ltic.aine. - c.onte.
"la bo s s e. de. l'altaignée." - p.
40.

- 111 -
rire du profond ridicule du personnag~. Quoi de plus laid,
J
1
repoussant, répugnant, pour ne pas dite effrayant qu'une
araignée? Et voilà que notre héros parle de sa beauté, et
de son charme
Contraste aussi réel entre ce qu'il dit et
ce qu'il fait
nous verrons que c'est sur ce procédé que
reposent surtout le comique de caractère et le comique de
i
1
situation. Dans les contes de la sava~e, si la balourdise
de l'hyène dans les contes fait rire à gorge déployée, il
faut dire que Lièvre, lui-même provoquait généralement le
sourire, le rire fin, aussi fin que la finesse de son
esprit. Au contraire, dans les gestes de l'araignée, 04
c'est principalement le héros qui provoque le rire, le
comique est la plupart du temps "gros". Soit qu'Araignée
s'introduise "par la fente" (1) dans le ventre de la vache
de Dieu pour en dévorer la graisse, ou qu'il pousse des
i
hurlements de douleurs, quand les enfants, pour le punir
de sa goinfrerie lui versent une solution concentrée de
piment dans la bouche (2).
Une autre différence entre les contes de la
savane et les contes de la forêt ; dans le premier cas, si
le lièvre fait rire c'est à son avantage; on rit de sa
ruse, de sa finesse d'esprit, "du bon tour qu'il vient de
jouer à la sotte hyène. Mais, quand l'Araignée fait rire,
c'est à ses propres dépens. On rit parce que le trompeur
a été trompé, parce que le beau parleur a été ridiculisé,
le voleur volé. D'un côté, le comique repose essentielle-
(1)
DAVIE
(B)
-
Le Pagne .Noitt - "Lav a eh:e de vléu" p.
120.
(2)
DAVIE
(B)
-
Légendef.J a6ttic.aine.f.J
-
"Attalgnéemauvaif.JpèJte"
p. 76.

1
-
112 -
ment sur l~ héros central, l'Araignée.
Il y a un contraste
entre ce qJ'il dit et ce qu'il est réellement. Araignée est
vantard, b~vard, hâbleur. Il se dit réellement si beau que
toutes les femmes du monde sont ~ ses pieds; pourtant, les
rares fois o~ on le voit aux côtés d'une belle femme, cela
ne dure pas longtemps, celle-ci se rendant vite compte de
la fatuité ~u personnage. Ainsi, GUINNDE-SOA se métamorpho-
1
sant en biche, s'enfuit-elle immédiatement après mariage,
lorsqu'elle constate que Kenndeoua (araignée en Baoulé)
n'est qu'un menteur, et un ingrat.
(1)
Araignée, en tant que héros des contes de la zone
forestière de l'Afrique de l'Ouest manque totalement de
prudence, de prévoyance, de finesse. Parlant toujours trop
vite, sans mesurer la portée de ses paroles, il est presque
toujours amené à se contredire, ce qui le ridiculise auto-
matiquement. Lorsque mourant de faim, il pris au piège un
écureuil et que celui-ci le supplie de' le laisser en vie
',~ -, ,
en lui rappelant qu'il " e st du village de sa mère", Araignée
se moque bien de cela et ne pense qu'à tuer l'écureuil de sa
machette : "Tu es certainement du village de ma mère, mais
pas du village à moi. Et même, serais-tu de mon village à .
mo i., penses-tu que ta tête ne serait pas au fond de la mar-
mite? (2) Puis écureuil lui ayant promis de l'emmener dans
"le plus beau, le plus merveilleux pays" s'il lui laissait
la vie sauve et le conduisant effectivement à travers
champs de papayes, de mais, d'ignames et de bananes, Arai-
( 1 1 Op c.i;t c..onte. n. 0 3 - i' a.Jt.aign.ée. et la b.ic.he. gJr.'u'e. - p. 120.
(2)
VAV 1E 1B J - ie. pagn.e. n.o.uz. - "aJlfUgn.ée. et .ta. :tolLtue." - p. 11.

-
11 3 -
gnée n'a plus du tout envie de le faire mourir. Au contraire,
voilà. que d'une voix doucereuse il lui dit maintenant : "Ma
maman me parlait souvent de toi, de tes richesses. Moi,
je
ne te connaissais pas. Oh ! comme Dieu fait bien les choses
Sans cette famine opportune, t'aurais-je jamais connu, toi
qui es du village de ma mère? de ma brave mère, morte trop
tôt, hélas! Elle parlait encore de toi lorsqu'elle
mourait. 1I
(1)
Le comique naît de l'énormité des mensonges
d'Araignée, de l'art qu'il a d'être hypocrite et comédien.
Voulant dévorer seul le champ d'ignames que toute la
famille a fait pousser, il va d'abord jouer aux siens la
comédie de la syncope puis les persuader qu'il a rêvé sa
mort: il devra être enterré près de ses ignames, et il
faudra mettre sur sa tombe un mortier, un pilon, une marmite,
du sel et de l'huile.
(2)
B. DADIE accentue le comique du thème tradition-
nel en prêtant à l'Araignée un savoureux monologue dans
lequel, il reproduit lui-même son dialogue avec le person-
nage qui lui est apparu :
- "Quoi, ne pas me baigner, ne pas m'habiiler, et m'enter-
rer dans le champ ? ça, jamais !"
- "Et le cimétière Ol! dorment les miens," répliquai-je.
Mais la voix continuant me dit
:
- "C'est pour le bonheur des tiens, ta femme, tes enfants,
(1)
co i.d. pp.
73-74.
(2) VAVIE
(B)
- Le pagne. no-<-It - "fe. c.hamp d'-<-gname.~"- p. 138.

- 114 -
surtout".
(1)
Dans un autre conte,
(2) Araignée assure Dieu
que lorsque la reine mourra, il donnera pour ses funérail-
les une hyène, une panthère, et un boa. La reine meurt;
Dieu demande à Araignée d'exécuter ses promesses. Grâce à
toutes sortes de ruses, il réussit. Et l'auditoire d'an-
plaudir, au succès d'Araignée. Ce n'est plus du ridicul~
d'Araignée que l'on rit alors, mais de la victoire qu'un
petit a remporté sur des forts.
C'est ce que signalait déjà
DELAFOSSE :
"Comme. t.ou s t.es homme./.), .te./.) Baou.té/.) aime.r!.t
e.t app~é~ie.nt e.n Ke.nndéoua (a~aignée. e.n
Baou.té) .te. 6aib.te. qui /.)ait vain~~e. .te. 6o~t,
ou /.)e. ve.nge.~ de. .tui e.n jouant de s xou xs" (3)
Dans les contes de l'Araignée, il reste que,
outre l'araignée lui-même qui suscite le rire, ses princi-
paux partenaires, Madame Araignée et Dieu lui-même, ne vont
pas sans une petite part de comique. Le mauvais caractère
de Mme Araignée que nous avons déjà souligné plus haut,
renforce ici et là, le comique issu d'Araignée lui-même.
Un Dieu, aussi naîf qu'il l'est quelquefois, ne peut manquer
de f a i r e.v s ou r i r e . Comment Dieu ne sait-il pasqu'Araigné~,
sa créature, est un imposteur? Enfin lui qUI peut tout,
s'étonne souvent de l'intelligence d'Araignée! Araignée
prétend être l'objet de l'admiration de toutes les femmes
(1)
ibid p.
138.
(2)
ROEHRIC
(V)
-
"Comme.nt Niamie.n ~é~omyJe.n/.)a!-a maligne. Mai-
gnée." in B.E.A.O.F. - VakM 1938 - pp. 42-43.
(3) VELAFOOSE (M) - ".te. Mman de. .t'Maignée. che : le/.) Baou.f..é/.) de. Côte.
d' l vo~e." in. ~e.vue. d' ethnogMphie. et de. uadiUon/.)
popu.f..~e./.) pp. 197-218.

-
11 5 -
de la terre
!
Mais lorsque nous voyons l'at~itude de celles-ci à son
égard, nous constatons qu'elles sont, pour le moins, plus
moqueuses et impératives qu'admiratives:
- "Ote-toi de là, me dit la plu-6 jeune 6emme."
- "Lai-6-6e-moi tltanquille".
- "Comment te lai-6-6elt tltanquille -6i tu e-6 c.ouc.hé
dan-6 ma
c.ui-6ine ?"
- "Lai-6-6e-moi tltanquille, te di-6-je 1"
- "Tu ne mange-6 pa-6, aujoultd''hui ?"
- "Je n'ai pa-6 6aim."
- "Eh bien, nou-6 au t.s.e.s , nOU-6 avon-6 6aim. Ote-toi donc.
de
là."
(Il
Dans ce conte, qui vient d'être cité, notre héros,
jadis "le plus beau gars de la terre", apparaît couché sur
le dos dans la CU1Slne dissimulant ainsi sa bo~se dans un
trou, lorsque la horde criarde des femmes arrive.
Celles-ci, loin de lui parler avec douceur, comme nous
venons de le voir, l'apostrophent vertement au contraire
lorsqu'elles aperçoivent la bosse! Et elles ne s'en tien-
ne nt pas là :
"Et elle-6 me hu~ltent,
au lieu de me plain-
dite ... Elle-6 Itac.ont~ltent le 6ait à la
voi-6ine, la voi-6ine à -6a voi-6ine
; c.elle-c.i
à c.elle-là, c.elle-là à c.ette autlte ; c.ette
autlte à ... Le même JOUit, tout le village
sus; que j'étai-6 bO-6-6u."
(2)
Il Y a comique de situation chaque fois que notre
héros joue le rôle du trompeur trompé, de "tel est pris qui
croyait prendre". C'est là encore, en se retrouvant victime
des femmes qu'il se ridiculise.
(7) VAVIE
(B) - le ~agne noilt - "la bo-6-6e de L'altaignée"
p
J.
( 2)
ibid p.
4 r.

- 11 6 -
Voulant en effet duper sa femme en savourant égoïstement le
,
1J!on miel qu'il a trouvé et qu'il appelle "un puissant
fétiche",
il doit finalement subir le supplice de recevoir
dans la bouche une solwtion concentrée de piment, qui le
fait hurler de douleur, et ceci sous le rire et les ricane-
ments de sa femme, et de ses enfants.
(1)
Comble de honte enfin, et par là même de ridicule,
lorsque sa propre femme, Madame AKORU, lui préfère l'indivi-
du réputé le plus sot de la création : Gbokrokofi,
l'hyène!
(2).
Honte encore lorsqu'il se fait rosser de coups
par son rival
!
La plupart des pièges qu'il tend retombent sur lui, et il
est à chaque fois couvert de ridicule. C'est Iguane qUI
lui retourne la ruse "Papa-Sédentaire-Papa-Etranger" (3).
Ce sont les antilopes qu'il a voulu effrayer qui le font
trembler et engendrent la panique de tpute la famille
Araignée: "Voilà les antilopes qui viennent, qui les
frôlent presque ! alors Kakou Ananzé ordonna le sauve-qui-
peut. Tout le monde n'attendait que cela. Ce fut donc la
débandade." Pour mieux savourer le comique des mots, de
situation et de caractère, du conte de l'Ouest Africain,
il faut comprendre la langue. Les contes traditionnels,
fixés par l'imprimé dans un livre, ne peuvent restituer
qu'une infime partie de ce comique. C'est~e choix de tel
(1) B. VAVIE - Légendu, A6Ju:.c.ainu, -"AJta.{gnée Mcw.vw.Pè.Jte" pp. 75-76.
(2) M. VELA FOSSE - op.W. "f.'evr.a.!..gnée et l'hyène" - eoni»: nO 2.
(3) B. VAVIE - Le. pa.gne. noVe. - "6unéJtaiUe.-6 de mèJte igua.ne" pp. 90-91.

-
11 7 -
mot, à la place de tel autre, c'est le surnom de tel animal,
qui déclenchent le rire. Regardons l'auditoire du conteur
on est attentif, on approuve, on répète quelques mots, on
rit en choeur, à chaque instant. Ce ne peut être que celui
qUl entend la langue du conteur qUl pourra en faire un
commentaire vraiment solide. Le seul atout des conteurs
n'est pas le mot; ils ont aussi pour eux la voix, l'into-
nation, et surtout le geste. Le conte traditionnel, avec
ses mimes, ses chants rythmés, ses danses, est à lui seul
un spectacle.
Instruire en jouant, le conte respecte bien ce prlnclpe.
En dehors de son caractère ésotérique, moralisateur, ini-
tiatique, c'est une activité ludique. "Partout sur la
terre, les enfants jouent, et cette activité tient tant de
place dans leur existence, que l'on est tenté d'y voir la
raison d'être de l'enfance. Et de fait, le jeu est vital
il conditionne le développement harmonieux du corps, de
l'intelligence et de l'affectivité. L'enfant qui ne joue
pas est un enfant malade. L'enfant empêché de jouer devient
malade, de corps et d'esprit. La guerre, la misère, qui
laissent l'individu livré aux seules préoccupations de
survie et, du même coup, rendent le jeu difficile ou même
impossible, aboutissent au dépérissement de la personne.
Si l'évolution de l'enfant et de ses jeux, si le
besoin de jeu en général, font figure de réalité universel-
le, le jeu n'en est pas moins ancré au plus profond des
peuples, dont l'identité culturelle se lit à travers les
jeux et les jouets qu'ils ont créés: "les pratiques et

- 118 -
objets ludiques sont infiniment variés et marqués profon-
,
dément par les spécificités ethniques et social~s." (1)
Conditionné par les modes d'habitat ou de subsistance,
limité ou encouragé par les institutions familiales, poli-
tiques, et religieuses,
fonctionnant comme une institution,
le jeu constitue un véritable miroir social. A travers les
jeux et leur histoire se lit non seulement le p~ésent des
sociétés mais le passé même des peuples. Une part importan-
te du capital culturel de chaque groupe ethnique réside
dans son patrimoine ludique enrichi par des générations
successives. Dans les sociétés traditionnelles de l'Afrique
de l'Ouest, les jeux sont très variés.
S'agissant des contes et des fables, GRIAULE note que chez
les Dogon, on peut distinguer dans cette catégorie, les
récits qui mettent en scène des animaux, ceux qui présen-
tent des personnes, et enfin des contes astronomiques et
cosmiques où interviennent lune et soleil.
Les énigmes servent surtout aux jeunes gens pour
se faire la cour. D'une manière générale, les Dogon clas-
sent les devinettes, les proverbes, les fables, et les
présages qui demandent ~ être expliqués pour être -compris
et font partie des "paroles étonnantes", énigmatiques, dans
la catégorie des "paroles du tissage". En effet, la poulie
du métier à tisser, par son grincement régulier, parle sans
, i
cesse, mais personne ne la comprend; sa parole est "secrè-
te", peine de mystère, comme celle du génie de l'eau,
(1) UNESCO - Etude~ et Vo~ument~ d'Edu~ation - "l'en6ant et
le jeu" nO 34 - p. 5 et. ~u-tt.e.

-
119 -
première manifestation dù verbe, au début des temps, que
.,
les hommes ne saisirent pas.
(1) Ces paroles énigmatiques
1
,
ont pour effet de développer considérablement les capacités
d'enregistrement. Certains contes à énigmes détendent
l'atmosphère, et font chercher la solution pai l'auditoire.
Ces contes n'ont aucune morale, tel ce conte Ou an de Côte
d'Ivoire : "Les trois prétendants";
"TJto-<'.6 jeune.6 pJtétendant.6 .6e Jtendent dan.6 .fe v-<'.f.fage de
.feuJt du.fc-<'née. Le pJtem-<.eJt .6cJtute .6on m-<'Jto-<'Jt mag-<'que, -<'.f y
vo-<.t .fa jeune o-<'.f.fe étendue .6UJt un .f-<.t de moJtt.
Le deux-<'ème
déJtou.fe .6on tap-<'.6 vo.fant. Le.6 tJto-<'.6 pJtétendant.6, apJtè.6 que.f-
que.6 m-<'nute.6 de voyage dan.6 .fe.6 a-<'Jt.6, atteJtJt-<'.6.6ent au
chevet de .fa o-<'.f.fe déounte.
Le tJto-<'.6-<.ème .fa Jte.6.6U.6c-<'te.
A qu-<' Jtev-<'ent de dJto-<.t .fa jeune o-<'.f.fe ?
Un autre conte de ce genre, int i t u l é Il le s troi s
phénomène s" : (2)
"I.f éta-<'t une 00-<'.6 tJto-<'.6 homme.6 ; .fe pJtem-<.eJt éta-<'t .6-<' Jtéputé
dan.6 .f'aJtt de donneJt de.6 COUp.6 de p-<.ed, qu'on .f'expu.f.6a de
.6on v-<..f.fage.
L'hab-<..feté du .6econd dépa.6.6a-<'t toute me.6uJte, ce
qu-<' .fu-<' coûta d'êtJte cha.6.6é. Quant au tJto-<'.6-<.ème, -<'.f éta-<'t
tJtop ma.f-<'n ..
I.f.6 .6e JtencontJtèJtent et .f-<'èJtent am-<.t-<.é apJtè.6
avo-<'Jt naJtJté chacun .fa Jta-<'.6on de .feuJt expu.f.6-<'on. I.f.6 a.f.fèJtent
en.6emb.fe et maJtchèJtent pendant tJtè.6 .fongtemp.6 à tJtaveJt.6 bo-<..6.
B-<'entôt .fa .60-<'0 .fe.6 pJt-<'t ma-<'.6 -<..f.6 ne puJtent tJtouveJt
aucune .6ouJtce, aucune Jt-<.v-<.è~e. I.f.6 .6'a~~êtèJtent et .6e con-
ceJttèJtent.
- Eh b-<'en, que chacun oa.6.6e pJteuve de .6e.6 pO.6.6-<.b-<..f-<.té.6 et
nou.6 veJtJton.6 comment év-<'teJt une moJtt due à .fa .60-<'0.
Le
pJtem-<.eJt .6e .feva et .6an.6 attendJte donna un coup de p-<.ed .6-<'
v-<'o.fent qu'-<'L ooJta un pu-<'t.6 dont .f'eau tJtè.6 abondante .6c-<'n-
t-<'.f.fa-<.t tout au"oond. -L'homme hab-<'.fe ..i.nc.f-<'na aU.6.6-<'tôt.fe
' , : '
" \\.·r ...·.
pu..i.t.6 et chacun d'eux put .6e dé.6a.ftéJteJt avec p.fa..i..6..i.Jt. Au
moment de paJtt-<'Jt .fe ma.f..i.n Jtéu.6.6..i.t à en.feveJt .fe pu-<'t.6 qu'-<'.f
pJt-<'t .6UJt
.f'épau.fe pouJt, d-<'t--<'.f, ne p.fU.6 avo..i.Jt à tombeJt en
détJte.6.6e à caU.6e de .f'eau.
On demande .feque.f de ce.6 tJto-<'.6 homme.6 méJt-<'te .fe p.fU.6 .f'ad-
m-<'Jtat-<'on ?"
( 1) G. CAL AME - GRIAULE: eth no.f09..i. e et .fa~g age YJ p . 15- 16.
(2) J. COPANS et P. COUTY - Conte.6 Wo.f06 de Bao.f - co.f.fec-
t~on 10/18 - pp. 133-134.

-
120
Ces contes à énigmes sont ludiques.
Ils servent
de divertissement à l'auditoire et permettent à celui-ci
de dialoguer avec le conteur.
Ils ont aussi pour but de
stimuler l'intelligence enfantine, de la faire travailler,
de la familiariser avec les énigmes. Les proverbes, les
devinettes, sont des énigmes de la littérature orale.
Ils
reviennent aussi fréquemment pendant les séances de contage.
"Le.6 maxime.6 .6eJtvent de point d'appui en
même temp.6 que de ~Jtan d'aJtJtêt à ta pen.6ée.
Ette.6 ~outent ta di.6~u.6.6ion dan.6 une tJtadi-
tian, quetque ~ho.6e de tout donné, et de ~e
6ait, e.t.r.e.s Jta.6.6 uJtent, endiguent,
~anati.6ent.
Citée.6 à pJtopO.6, ette.6 ont une vateuJt
d'aJtgumentation péJtemptoiJte et Jte~onnue.6
paJt tOU.6 ... La devinette, ave~ .6e.6 image.6
6Jtappante.6, déJtoutante.6 dan.6 teuJt ~on~i.6ion,
te.6 JtappJto~hement.6 inattendu.6 qu'ette opèJte,
peut ette aU.6.6i
paJttiJt d'un tJtait Jtéati.6te
pouJt ~onduiJte dan.6 t'univeJt.6 de.6 .6ymbote.6 et
~on.6titueJt ain.6i te point de dépaJtt d'un
véJtitabte en.6eignement".
(1)
L'universalité du jeu dans l'élaboration du psy-
chisme individuel, va de pair avec une variabilité qui se
marque d'une époque à une autre, d'une culture à une autre,
d'un type de société à un autre. L'éducation de l'enfant
apparaît aussi quand on le regarde globalement comme un
processus extrêmement diversifié, qui fait intervenir des
agents
et des moyens de nature v a r i.é e, 'selon- urie' chronolo-
gie précise.
Mais. cette diversité est coordonnée, elle forme
un tout organique. Les interventions peuvent être apparem-
ment hétérogènes les unes par rapport aux a~tres ; mais
(1)
ERNY (Pl - L'en6ant et .6on mitieu en A6Jtique NoiJte -
p.
117.

- 121 -
elles sont fonction d'un même milieu, et porteuses d'une
même affirmation culturelle. L'homogénéité résulte de leur
complémentarité, si elle ne peut être appréciée qu'''au
terme". Selon ERNY, "étudier les éléments qui constituent
une pédagogie, ne peut avoir de sens que dans une perspec-
tive fonctionnelle et finaliste".
Pour conclure, reproduisons deux contes qui sont
à
la fois ludiques et comiques. La nature de ces contes se
passe de commentaire.
Araignée, Mauvais Père (1)
A~a~gnée pè~e, e~t un ~t~e pte~n de v~~e~ dont ta
mat~~e et ta 6ou~be~~e ~ont te~ mo~nd~e~. It tend ta nu~t
de~ 6~t~ d'a~gent en t~ave~~ de no~ p~~te~ bo~dée~ d'he~be~
~ha~gée~ de ~o~ée. It p~étend, ~e pè~e mat~~~eux, nou~
ba~~e~ ta ~oute a nou~, te~ homme~. C'e~t du mo~n~ ~e qu'~t
~a~onte aux ~~en~ dan~ t'e~~~me de~quet~ nou~ n'avon~ ~a~e­
ment pa~ de pta~e de ~ho~x. En ~éat~té,
~ent~ant p~é~~p~­
tamment d'une e~~apade no~tu~ne, ~t a ~~mptement ta~~~é ta,
pa~ méga~de de~ pan~ de ~on pagne.
C'e~t au~~~ un vo~~~n en~omb~ant, pou~ nou~ beau~oup
ptu~ en~omb~ant que mauva~~ pè~e. It n'y a qu'a ~ega~de~
de~ pta6ond~ ou de~ ~o~n~ de mu~~ pou~ ~'en ~onva~n~~e.
Ah ! ta ~ate bête, qu'~t 6aut dét~u~~e ju~qu'aux oeu6~. Et
avant que nou~ ~oyon~ a~mé~, A~a~gnée qu~ do~t un oe~t
ouve~t ayant p~e~~ent~ te dange~ a déja d~~pa~u ~u~ ~e~
béqu~tte~ 6tuette~. A~a~gnée, toujou~~ a~a~gnée, pa~tout
a~a~gnée : A~a~gnée "Ekèdèba", ~a 6emme "Côtou" et ~on 6~t~
a.i.né "Eban.".,Un beau ménage, vcus pouvez te cn.o Ln.e . Un
mé~age oa ta to~ de td jungte Itègne ~ouvent ave~ ta p~n~éi~

:.
-~,. ,.!.,
de mat~~e, ta do~e de Itu~e, ta quant~té de 6oultbelt~e qu'~t
6aut, ma~~ tout ju~te atolt~. N~ ptu~ n~ mo~n~. La quant~té
POUIt pun~1t ou 6a~lte It~lte, e~t dan~ te ~ang de ~ette engean~e
Alta~gnée. Une ~a~ltée 6am~tte que ~ette 6am~tte-ta. E~outez
en~olte ~e men~onge, te~ men~onge~ ont ta v~e duite et te~
~onte~ ne ~ont que de~ men~onge~, d~t ta v~e~tte Taya.
C'éta~t pendant une 6am~ne, une 6am~ne te~lt{bte, une 6am~ne
~an~ plté~édent, une 6am~ne qu~ pouva~t bat~lte te Vétuge au
Ite~oltd d'hé~atombe6. En e66et, homme~ et bite6 moulta~ent palt
(1) VAVIE (8) - Légende6 et poème6 - pp.
11-7$.
Mr:.
"s-.

-
122 -
mi.t.tie.lt-6.
Le.-6 altblte.-6 étaie.nt e.66e.ui.t.té-6.
Le.-6 iigname.-6 -6auva-
ge.-6 ne. donnaie.~t p.tU-6 ; .te.-6 6ltuit-6 ; n'e.n pa*.ton-6 pa-6. Le.-6
-60UltQe.-6 étaie.nt taltie.-6.
Pa-6-6e. Qu'on n'ait lti~n à -6e. me.ttlte.
-60U-6 .ta de.nt, mai-6, au moin-6, Qu'on ait un pe.u d'e.au POUlt
étanQhe.lt -6a -6oi6. Mai-6 non, .te.-6 -6oultQe.-6 e..t.te.-6 aU-6-6i étaie.nt
taftie.-6,
e.t .te.-6 Qhamp-6 bltû.té-6 de. -6o.te.i.t,
e.t .ta 60ltêt e.ntièlte.
moultante. e.t .te.-6 oi-6e.aux avaie.nt 6ui. oa étaie.nt-i.t-6 pa-6-6é~
tOU-6 Qe.-6 -6inge.-6 maltaude.ult-6 du bon te.mp-6 ? r.t-6 moultaie.nt,
e.ux aU-6-6i,
Qalt homme.-6 e.t bête.-6 moultaie.nt palt mi.t.tie.lt-6.
Le.-6
ltue.-6 étaie.nt jonQhée.-6 de. Qadavlte.-6 e.t .te.-6 -6oU-6-boi-6 puaie.nt
e.t .te.-6 altblte.-6 bltû.taie.nt tant .te. -6o.te.i.t était toltltide..
Le.-6
60-6-6oye.Ult-6, un jOUlt, POUlt Qomb.te. de. ma.the.ult, .ta-6 e.t a66amé-6,
plti-6 de. ve.lttige., avaie.nt Qhu dan-6 une. tombe. Qu'i.t-6 ve.naie.nt
de.
Qlte.u-6e.lt. Be.auQoup d'êtlte.-6 imp.toltaie.nt vaine.me.nt une. moltt
Qui -6e.mb.tait plte.ndlte. p.tai-6ilt à .te.Ult-6 -6ou66ltaYlQe.-6. Homme.-6 e.t
bête.-6 moultaie.nt, -6au6 une. -6e.u.te. e.-6pèQe. de. "bête.-6" ... de.vine.z!
E.t.te.-6 -6ont -6i agacante.-6,
boultdonne.nt tant! Oui, .te.-6 mouQhe.-6!
e..t.te.-6 ne. moultaie.nt pa-6, e..t.te.-6.
E.t.te.-6 ne. moultaie.nt pa-6, .te.-6
mouQhe.-6, Quand .te.-6 6.te.uve.-6 étaie.nt à -6e.Q, e.t QUe. .te.-6 altblte.-6
bltû.taie.nt.
Le.-6 mouQhe.-6, e..t.te.-6, vivaie.nt e.nQolte. pOUlt -6'aQhalt-
ne.lt -6ult toute.-6 .te.-6 Qhaltogne.-6.
Et e..t.te.-6 glto-6-6i-6-6aie.nt .te.-6
mouQhe.-6, plte.nant du ve.ntlte. e.t de. .ta Qou.te.Ult, de. .ta be..t.te.
Qou.te.Ult ve.ltte.,
moltdoltée.,
e.t ave.Q Qe..ta une. nouve..t.te. 6acon
-6péQia.te. de. -6'abattlte. -6Ult .te.-6 pltoie.-6, de. -6e. 6ltotte.lt .te.-6
patte.-6 ! Non vltaime.nt Altaignée. n'e.n pouvait p.tU-6. C'e.-6t de.
.ta bonne. viande. tout Qe..ta. Que..t déQlte.t e.mpêQhe. de. mange.lt .te.-6
mouQhe.-6
? Se.u.te. .t'abondanQe. avait pu 6ailte. étab.tilt Qe.t u-6age..
Olt,
aujoultd'hui, QUe. .ta di-6e.tte. a lte.mp.taQé .t'abondanQe.,
n'e.-6t-i.t pa-6 ltée..t.te.me.nt inQon-6éque.nt de. -6'aQQltoQhe.lt à de.
vie.i.t.te.-6 pltatiQue.-6 ? Si ! Si ! C'e.-6t de. .ta PUlte. idiotie.. Mai-6
Qomme.nt 6ailte. adme.ttlte. Qe..ta palt une. 6e.mme.
aU~-6i têtue. que.
Cô.tou ! Bah! qu'à Qe..ta ne. tie.nne..
EQèdèba a p.tU-6 d'un tOUlt
dan-6 -6on -6aQ, Q'e.-6t poultquoi, un -6oilt, au Qoult-6 de.-6 .tame.nta-
tion-6 ve-6pélta.te.-6, i.t dit à bltû.te.-poultpoint à -6a 6e.mme. :
- Gi6.te.-moi, ma Qhèlte., gi6.te-moi de. toute.-6 te.-6 6oltQe.-6.
- Poultquoi ve.ux-tu que. je. te. gi6.te ?
- Gi6.te.-moi de. toute.-6 te.-6 6oltQe-6, Qalt je. -6ui-6 un idiot.
C'e.-6t bie.n que. tu lte.Qonnai-6-6e.-6 ton idiotie., mai-6 e.n quoi
me.-6 gi6.te.-6 à moi poultltaient-e..t.te-6 te. -6e.ltvilt ? A ton âge., on
ne. Qhang e. pa-6.
- Fe.mme., gi6.te.-moi, ou je. te. gi6.ti.
Et Cô.tou .te. gi6.ta, Qe. pauvlte malti, qui e.n gui-6e. de. Qon6e.-6-
-6ion .tui dit :
- Hie.lt, e.n -6onge., une. a~e.u.te. m'a ltévi.té une. lte.Qe.tte. : .te.
bôdoah de. mouQhe.-6, Qalt Qe.-6 be.~tio.te.-6 -6e. mange.aie.nt, avant,
avant, avant.
r.t -6u66it de. me.ttlte. .te.-6 mouQhe.-6, a-6-6ai-6onnée.-6
de. pime.nt et de. -6e..t, Quilte. -60U-6 .ta bltai-6e., dan-6 un paque.t de.
6e.ui.t.te.-6
ve.ltte.~.
- C'e.-6t tout?
- Oui, Q'e.-6t tout.
- E-6-6ayon-6
voilt !
Cô.tou e.-6-6aya .ta lte.Qe.tte., .ta tltouva bonne. e.t .ta 6ami.t.te.
altaignée. dé-6oltmai-6,
put -6ub-6i-6te.lt e.n atte.ndant de.-6 te.mp-6

-
123 -
meilleu~~, de~ temp~ meilleu~~ qui ~e ve~aient pa~. Et
Ekèdèba, battant la b~ou~~e, ~haque ~oi~, ~evenait b~edouil­
le, va~illant de 6dim ~u~ ~e~ 6antôme~ de jambe~, ~e gavait
de bôdoah,.~'a66alait ~u~ ~on lit de paille, impo~ait
~ilenee pa~ in~tant~ à ~e~ en6ant~ qui pa~ leu~~ ~~i~ l'em-
~p~~haient, di~ait-~l de ~ogite~ ~u~ le~ mi~è~e~ de l'tpoq~e~
La ~ha~~e aux mou~he~ ttait devenue un vt~itable ~po~t
auquel on ~e liv~ait même la nuit. Vepui~ deux jou~~ A~aignte
~ou~ait la 6o~êt. Vepui~ deux jou~~ il ne voyait qu'une
6o~êt. Vepui~ deux jou~~ il ne voyait qu'une 6o~êt ~al~inte.
Vepui~ deux jou~~ ~ou~ ~e~ pied~ autou~ de lui, ne ~e
levaient que de~ ltgion~ de mou~he~ vo~a~e~. Vepui~ deux
jou~~ il n'avait ni bu, ni mangt. Vepui~ deux jou~~ il allait
de
mi~age en mi~age devant lui, ~ouv~ant de~ 11eue~. Mai~
e~t-~e un aut~e mi~age ap~è~ tant d'aut~e~ mi~age~ ? E~t-il
tveillt ou do~t-il ? Vevant lui était un a~b~e en 61eu~~,
avee dan~ le 6euillage tou~ le~ oi~eaux du monde, tou~ le~
6~uit~ de l'unive~~ et de~ ~ana~i~ d'o~ pa~-~i, de~ eana~i~
d'o~ pa~-là, pendu~ aux ~an~he~ ma~t~e~~e~.
E~t-~e v~ai qu'il a entendu quelqu'un l'appele~ pa~ ~on
nom ?
- Ekèdèba ?
- Qui don~ m'appelle ? E~t-~e que je ~êve ? Mai~ non, je
tien~ un a~b~e.
- Ekèdèba.
- Qui m'appelle?
-
C' e.s :
moi.
Et pe~~onne à l'e~tou~, à pa~t de~ a~b~e~ ~al~iné~ et
de~ ~ha~ogne~ et de~ ~égiment~ de mou~he~ a66amée~.
- Qui toi ?
- C'e~t moi. Le nom, du ~e~te, t'impo~te peu. Si tu voulai~
ekange~, je t'au~ai~ ~endu le plu~ g~and ~e~vi~e de ta vie.
- Comment don~ ! J'ai, du ~e~te, beau~oup ehangé ~e~ temp~­
~i, plu~ d'égol~me, plu~ de vilain~ tou~~ à pe~~onne. On
peut 6aeilement
me po~te~ ~u~ la li~te de~ ~aint~ 6utu~~. Et
moi, Ekè4èba, de~~endant du g~and Ekèdèba, le ~oi de la
mali~e, ju~e, ju~e ~u~ mon honneu~ de p~atique~ llalt~ui~~~.~0~
A peine avait-il 6ini de pa~le~ qu'un va~e tomba devant
lui. C1était un va~e de miel 6in ... Le quat~ième jou~ au
~oi~, Ekèdèba ~ent~a ~hez lui ave~ ~on va~e qu'il dit êt~e
un 6éti~he donné pa~ un génie au ~oeu~ tend~e, 6éti~he
pui~~ant que pe~~onne ne devait app~o~he~. Et à pa~ti~ de ~e·
jou~, le bon pè~e de 6amille qu'était Ekèdèba, ~e6u~a de
touehe~ à ~a ~ation de mou~he~, p~étextant ~e~ 6atigue~, de~
malai~e~, e~t-ee que je ~ai~ ? Quand ~a 6emme le p~e~~ait de
t~op p~è~, il ~e 6â~hait, ge~ti~ulait et p~enant ~on 6éti~he
di~ait :
.
- Féti~he pui~~ant, ~le~t à toi que je demandè la p~euve de
mon innoeen~e. Si je men~, que je meu~e immédiatement.

- 124 -
- Rét~a~te, ~ét~a~te ! hu~ta~t ta 6am~tte apeu~ée. Ekèdèba
~e ~e~va~t quetque~ ~oupe~ du b~euvage 6ét~~he et b~ava~t
~ es a~~u~ ateu~~
:
- Voyez-vou~, je n.e ~u~~ pa~ mo~t,
~'e~t que j'a~ d~t ta
vé~~té.
.
,
Et toujou~~ Ekèdèba d~~a~t ta vé~~té, pu~~que ~on. 6ét~-
~he n.dn. ~eute~en.t le blan.~h~~~a~t, ma~~ le 6a~~a~t g~o~~~~.
Oh , quel bon.·6ét~~he ! Et ~e~ jambe~ deven.a~en.t plu~ ~on.~~~­
tan.te~, et ~on. ven.t~e plu~ lu~~an.t, et ~e~ po~l~ plu~ lon.9~.
Le 6ét~~he d'Ekèdèba éta~t v~a~men.t un. bon. et pu~~~an.t
6ét~~he. Le~ 6ét~~he~ le~ plu~ pu~~~an.t~ du mon.de, même ~eux
de ~e 6~lou d'Ebou~lé, aujou~d'hu~ mo~t ~omme un. ~h~en., n.e
6on.t pa~ g~o~~~~. Et m~lle ~dée~ en. é~tai~ pa~~a~en.t pa~ la
tête de Côlou. Ou~ ma~~ ~~ ~'éta~t ~éeltemen.t un. 6ét~~he.
Il
y ava~t là quelque ~ho~e de t~oublan.t, un. 6on.d à é~la~~~~~.
Et Côlou y ~on.gea~t ~e~ en.6aYl.t~ au~~~.
A~a~gn.ée, lu~, ~ou~a~t la b~ou~~e et ~even.a~t le ~o~~
~e ~empli~ de m~el pou~ ~êve~ en.~u~te aux éto~le~ et ~on.te~
de v~e~lle~ h~~to~~e~ du temp~ de l'abon.dan.~e. Et le jeûn.e
6a~~ait g~o~~~~ Ekèdèba. Et toute la 6am~tle b~en. qu'~n.t~~­
guée n.'y v oqo.Lt: que du 6eu. "Pou~tan.t, c e n.'e~t pa~ po~~~ble",
~e d~~aient le~ en.6an.t~ en. ~ha~~an.t le g~b~e~. Cela du~a~t,
~ela au~a~t du~é plu~ en.~o~e ~~ Eban. un. jou~,
pou~ ~e ju~t~­
6~e~ aux yeux de ~a mè~e, n.'ava~t ju~é ~u~ le 6ét~~he de ~on.
pè~e ; ~l en. p~~t un. ve~~e.
Il le t~ouva doux, doux ~omme du
m~el de p~em~è~e lun.e et ~'éta~t e66e~t~vemen.t du m~el, du
miel 6~Yl. qu'Ekèdèba, égoZ~temen.t en. un.e t~~~te ~oméd~e, ~on.­
~omma~t à la ba~be de~ ~~en.~. In.d~gn.ée, Côlou v~da le va~e et
le ~empl~~ d'un.e ~olut~on. de p~men.t 6o~t, t~è~ 6o~t, de ~e~
pet~t~, t~ut pet~t~ p~men.t~ qu~ pen.dan.t quat~e jou~~~on.~é~u­
t~6~ p~quen.t le~ pala~~ le~ plu~ ~o~~a~e~, épu~~an.t ~e jou~­
là toute ~a ~~~en.~e ~ul~n.a~~e t~è~ ép~ouvée en. la ~on.6e~t~0n.
du me~lleu~ bôdoah de mou~he~. Et ~l ~enta~t bon., ~e bôdoah
dan.~ lequel ava~t m~joté mitte in.g~éd~en.t~. Et ~l embauma~t
l'a~~ ~e bôdoah autou~ duquet ~'ébatta~en.t tou~ le~ a~a~gn.on.~.
Et le ~o~~ ven.u, Ekèdèba, goguen.a~d, ~en.t~a~t au log~~, ~e6u­
~a~t en.~o~e de man.ge~, p~é6é~an.t, d~t-~l en. bon. pè~e qu'il
éta~t, la~~~e~ ~a pa~t à ~e~ pauv~e~ en.6an.t~ don.t l'~dée même
de leu~~ ~ou66~an.~e~ lu~ ten.a~lla~t le ~oeu~. Ap~è~ avo~~
b~en. man.gé, et b~en. é~u~té, le bôdoah éta~t ~~ ~u~~ulen.t !
Côlou ~n.ten.t~on.n.ellemen.t, le p~e~~~·deqae~tion.~. A~~ulé,
ex~édé, Ekèdèba ~e 6â~he, ~'empa~e de ~on. 6ét~~he, p~on.on.~e
la 60~mule deven.ue ~~tuelle et le boL; à même le va~e. "P~ou!
p~ou ! p~ou ! p~ou ! Hu ! Ha ! hu ! ha ! Ho~~eu~ ! Ce n.'e~t
que du p~men.t hu ! ha ! hu ! ha !" La lan.gue et le~ boyaux en.
6eu, il ~e to~d ~u~ le ~ol, te pauv~e Ekèdèba ! Il ~e to~d en.
~~~an.t
:
"Quelqu'un. a tou~hé à mon. 6ét~~he ! Quelqu'un. a tou~hé à mon.
6 t.i.ch e: ! P~o u ! poo~ou ! hu ! ha ! hu ! ha!. "
ë
Pou~ ~omble de m~~è~e, en. jetan.t le va~e, de~ goutte~
de l~qu~de lu~ éta~en.t tombée~ ~u~ le~ yeux. Ptuv~e A~a~gn.ée,
~l 6alla~t le vo~~ 6e ~oule~ ~u~ te 601 dan.~ la pou6~~è~e, ~e
ten.an.t le ven.t~e ~omme un.e '6emme en. t~avail.
Et Côlou ~~a~t.

-
125 -
Et C6lou ~iait. Et Ek~d~ba pleu~ait. Et le~ en6ant~ pou~ le
taquine~ lui di~aient : "papa, voic.i de l'eau". A~aignée
ouv~aitune bouc.he la~ge et le~ a~aignon~ qui étaient à bo
bonne éc.ole
de malic.e lai~~aient tombe~ dan~ la bouc.he du
b~n papa, quelque~ goutte~ de miel.
- Mai~ c.'e~t mon 6étic.he, hu~lait le bon papa de 6amille,
le papa au c.oeu~ tend~e. Hu ! ha ! hu ! Rendez-moi mon 6éti-
c.he ou il vou~ tue~a tou~.
- Ouv~e ta bouc.he, papa.
Et le pauv~e ouv~ait la bouc.he.
- Papa,

veux-tu du 6étic.he ou du miel ?
- Vu 6étic.he ! et la 6olution de piment tombait pa~ gobelet~
plein~ !
- P~ou ! p~ou ! hu ! ha ! Hu ! ha
- Papa,
veux-tu du miel ou du 6étic.he ?
- Vu miel ! Et le miel tombait.
Pendant deux jou~~ Ek~d~ba ~ubit c.e petit ~upplic.e
deux jou~~ c.omme le~ deux jou~~ du~ant le~quel~ il ma~c.ha de
mi~age~ en mi~age~ pou~ abouti~ a l'a~b~e géné~eux. Veux
jou~~ pendant le~quel~ il ~e demandait ~'il allait ~u~viv~e
et quelle punition il devait in6lige~ à toute la gente a~ai­
gnée, Eban en tête !
- Papa, veux-tu du 6étic.he ou du miel ?
Veux long~, t~~~ long~ jou~~ de vilain jeu, de c.ette c.o~~ec.­
tion bien mé~itée. Veux jou~~ d'ab~o~ption de ~olution de
piment t~è~ 6o~t, deux jou~~ de 6ièv~e~, de ~évolte~, de
menac.e~, d'e~poi~~ et de dé~e~poi~~ ! Veux jou~b de ~upplic.e
~a66iné qui au~ait ~amené l'individu le plu~ ta~é dan~ la
bonne voie.
Vou~ dite~ l'individu le p~u~ ta~é et non A~ai­
gnée. Heu~eu~ement, c.a~ pen~ez-vou~ que Ek~d~ba, lui, p~o6ita'
de la lecon ? Pa~ du tout. Uou~ le c.onnai~~ez mal, Ek~d~ba !
Quand je vou~ di~ que l'A~aignée e~t un ét~e plein de vic.e~ !
Abandonnant ~on domic.ile, il pa~tit c.ontinue~ ailleu~~ ~a vie
d'apac.he. Ah ! c.e mauvai~ pè~e !
.' .,~t c.'e~.:t..de.pui:» c.e jou~-là que nou s le ~enc.ont1on~._un..
..
: .. -,-:":"'
,.,.
. .:'--.'
peu pa~tout, au c.oin de~ mu~~, au pla60nd de~ c.a~e~,au pied
de~ a~b~e~, au bo~d de~ 6leuve~ ... Il e~t toujou~~ à la
~ec.he~c.he du lieu il t~ouva le va~e de miel.
ka Route (1)
La ~oute monte, g~pe, deôc.end, to~ne ic.i, to~ne là, ~'en­
nout»: ~e dé~oule c.omme pwe d' iv~eôbe. Et c.ela est: panee. que dieu. avait
une
6ille à mMi~. Et Vieu 6it c.ela pMc.e que la. noiu:« manqua de fu~é­
t-i..on, pMc.e qu'elle 6u.t ~ubo~née pM Kac.ou Ananzé, l' Maignée qui, au.joun-
dhui, va ltu-mê1l1e VOM c.ont~ l'un de Mil multipl~ exptoili.
K~ngondon gondon ! gondon (Rythme du tam-tam)
La ~oute ! La Route ! La Route !
K~ongondon ! gondon ! gondon !
(1) VAVIE (B) - op. c.il. pp. 90 à 95.

- 126 -
La Route ! La Route ! La Route !
On atoujou~~ douté de me~ p~ome~~e~.
Ette~ ~ont ~~ nomb~eu­
~e~, ~~ 6anta~t~que~, ~~ t~oubtante~ q·ue te~ homme~ ~e
d~~ent :
rrQuo~ ! E~t-c.e po~~~bte qu'une be~t~ote, t'A~a~gnée que
nou~: c.onna~~~on~ tou~, a~t pu ac.c.ompt~~ tant de haut~ 6a~t~?
Comment a-t-ette pu t~ompe~ te Rena~d et te L~èv~e, maZt~e~
en ~oue~~e~, mene~ en ta~~~e t'Etéphant, te L~on, ta Pan-
thè~e, te S~nge même, en6~e~nd~e de~ p~e~c.~~pt~on~
de d~eu
~an~ jama~~ enc.ou~~~ te mo~nd~e ~~~que ? Le~ anc.~en~ ~ont
de~ 6a~c.eu~~ et te~ c.onte~ ne ~ont que de~ t~~~u~ de
men-
~onge~rr .
Et mo~, c.ottée dan~ un angte de c.a~e, je te~ éc.oute
d~vague~, je te~ ~ega~de et je ~ou~~~. Ca~ te~ 6a~t~ ~appo~­
té~ dan~ te~ c.onte~ ~ont vé~~d~que~ en c.e qu~ c.onc.e~ne te~
m~en~ ; ~t~ ~ont ~~gné~ de mon ~c.eau, une patte à deux
g~~66e~ dan~ un c.e~c.te de 6~t btanc..
Et b~en ! homme~, ~ac.hez que je n'éta~~ po~nt A~a~gnée
que vou~ voyez de no~ jou~~ c.ottée dan~ un angte de vo~
~o~d~de~ ma~~on~, vo~ taud~~, vo~ ma~u~e~, A~a~gnée qu~
vou~ 6u~t et que vou~ pou~c.ha~~ez, tuez pou~'te pta~~~~,
jo~e, détec.tat~on, t'éc.~a~ant ~ou~ vo~ taton~ 6u~~eux,
déc.haZné~, ac.ha~né~, op~n~ât~e~, c.omme ~~ vou~ vout~ez pa~
c.e ge~te pué~~t ta~~~ à jama~~ mon engeanc.e ... Et pou~tant
me~ h~~to~~e~ vou~ 60nt ~~~e, vou~ a~dent à v~v~e, pa~c.e
qu'en te~ éc.outant, vou~ vou~ déte~tez de vo~ ~ouc.~~.
En c.e
temp~-tà,
d~eu vena~t de c.~ée~ ~on monde qu'~t peupta au~~~­
tôt de c e qu e vou~ appetez de~ "bête~".
Nou~ avon~ été c.~éée~ b~en avant t'homme, non pa~ pou~
tu~ ~e~v~~ de pâtu~e c.omme ~t te p~étend~a ptu~ ta~d, ma~~
pou~ qu'~t 6ût humbte, mode~te. Ca~ C.'0~t à c.on~~dé~e~ no~
dé6aut~ que te c.~éateu~ m~t en tu~ quetque~ ge~me~ de ve~tu.
N'a-t-~t pa~ été 6o~mé avec. te ~e~te du t~mon qu~ ~e~v~t à
nou~ c.~ée~, nou~, o~~eaux, bête~, végétaux?
En c.e temp~-tà,
donc.,
d~eu éta~t ma~~é. Comme vou~ et
mo~. Et même j'a~ été ~on beau-6~t~ ! Eh ou~, te beau-6~t~
de d~eu ! J'a~ été que~qu'~n c.Q~m~.You~ te voyez! Et d~eu
qu~ ~a~t b~en 6a~~e
te~ c.ho~e~, 'ava~t donné à ~e~ en6ant~
une de c.e~ beauté~ ! Et ta c.adette éta~t une me~ve~tte de
beauté, un c.he6-d'oeuv~e de pe~6ec.t~on. Pou~ ette, d~eu
ava~t c.e~ta~nement épu~~é ~on ~ngén~o~~té. Et te mat~n
to~~qu'ette ~o~ta~t, on ne ~e ta~~a~t pa~ de ta c.ontempte~,
et dan~ c.ette c.ontemptat~on, on oubt~a~t de mange~, de
bo~~e, de ~~~e, de c.hante~, de dan~e~. Une beauté en~o~c.e­
tante . . .
Lo~~qu'ette ~o~ta~t, te ~ote~t amou~eux b~~ta~t de toute~
~e~ 6o~c.e~, te vent mu~mu~a~t, te~ o~~eaux c.hantonna~ent,
te~ he~be~ ~e c.ât~na~ent de ta tête, te~ ,tn~eçte~ batta~ent
de~ a~te~ ; te~ pap~tton~ c.e~~a~ent de votete~... Et pou~
c.ha~me~ ta 6~tte de d~eu, te~ o~~eaux entonna~ent une méto-
d~e depu~~ tongtemp~ oubt~ée, te~ he~be~ une ~omanc.e depu~~
tongtemp~ oubt~ée, te~ bête~ ~u~~u~~a~ent une c.ompta~nte,

-
127 -
elle aU6~i depui6 longtemp6 oubli~e. Et le6 6ille6 de dieu
tout le temp6 s e pJtomenaient 6uJtla n.o ur.e.,
Le n' Ij avait en
c e temp6: qu' LU'le n.ou t:e , qui allait de. la teJtJte au c.ce.t., une
Jtoute 6UJt laquelle toute6 le6 c.Jt~atuJte6 pa66aient, homme6,
bête6, Vent, Soleil,
Lune,
Etoile6 ...
Et r.o u.te» le6 cnë o.t.u-
Jte6 le6 c.hantaient, le6 louaient.
Et le6 6ille6 de dieu,
c.ontente6, heuJteu6e6, 60uJtiaient, c.hantaient elle6 aU66i,
jouaient 6UJt la /toute, a l'alleJt c.omme au JtetouJt, 6UJt la
Route qui étaient dJtoite,
dJtoite, tJt~6 dJtoite, et gJtande et
li66e. Unie et bJtillante c.omme une glac.e.
KJtongondon ! gondon ! gondon !
Le6 amant6 6e paJtlent 6UJt la Route.
KJtongondon ! gondon ! gondon !
Le6 paJtent6 6e pa~lent 6uJt la Route.
KJtonCjondon !
Le6 Mi.1.~ de dieu 6' inteJtpellent et Jtient 6UJt la Route
KJtongondon ! gondon ! gondon !
La Jtoute 6eule c.onnaZt tou6 le6 6ec.Jtet6.
KJtongondon ! KJtongondon ! gondon ! gondon
KJtongondon !
L'on 6avait le nom de6 6ille6 de dieu, 6au6 c.elui de la
c.adette.
Le6 êtJte6 ne 6'en inquiétaient pa6. Chac.un lui
donnait le nom qu'il tJtouvait bien. Ain6i c.hac.un l'appelait
a 6a 6acon.
Vingt hiveJtnage6 étaient pa66é6, hiveJtnage6 long6 et dilu-
vien6.
Et PUi6 voila, un beau juuJt, la nouvelle c.ouJtut,
inc.Jtoljable, que dieu c.heJtc.hait un beau-6il6.
Il maJtieJtait 6a
6ille c.adette a c.elui qui lui en diJtait le nom. VOU6 paJtlez
6i r.e.s c an.di.d at» 6uJtent nombJteux ! Toute la t e».»:e . La nou-
velle 6'en allait toujoUJt6,
jetant 6UJt la Route tou6 le6
êtJteJ.:J animé6 !
MaJtieJt la 6ille c.adette de dieu, la plU6 belle paJtmi le6
plU6 belle6 ! Celle dont le velouté de la peau 6uJtpa66ait le
velouté de la Jt06e ; c.elle dont le paJt6um éc.lip6ait le
paJt6um tenac.e du ja6min ; c.elle dont l'abondante c.heveluJte
ondulante 6uJtpa66ait l'éc.latante c.heveluJte de6 na~ade6, la
6ille c.adette de dieu,
c.elle dont le moindJte 60u66le embau-
mait la natuJte enti~Jte et 6ai6ait 6'épanouiJt le 60leil paJt
le6 temp6 60mbJte~. Elle allait ~e maJtieJt. Cette Jteine de
beauté allait appaJtteniJt a un êtJte, n'impoJtte lequel - dieu
ne 6ai~ait auc.une di~tinc.tion entJte ~e~ c.JtéatuJte~ - pouJtvu
~eulement qu'il di~e : la nille c.adette de dieu ~e nomme
Attou ... Qu'allai~-je diJte ? ..
Pendant deux an~, deux longue~, tJt~~ longue~ année~, le~
pJtétendant~ 6e bou~c.ul~Jtent nuit de jouJt, ~uJt la Route
dn.o Lt:e , dn oLt:«
et gJtande et unir. c.omme une glac.e.
Il~
allaient, venaient, ~e c.Jtoi~ai~nt, JtepaJttaient, Jtevenaient.
Et jamai~ peJt~onne n'avait enc.oJte 6U le nom de la 6ille
c.adette de dieu.
~e Singe, le Capuc.in avec. ~a baJtbic.hette de
bouc., l'Eléphant,fle Boa, le Lion, la Panth~Jte, le TigJte, le
GJtillon, la SauteJtelle, la FouJtmi, le Li~vJte, le RenaJtd,
tou~ le~ animaux étaient au /1.endez - vc u.s . ..
Tout c e qui
peuplait le monde était-la ...

-
1 28 -
Et d'a~cun d'eux depui~ deux longue~ ann~e~, n'avait ~u
di~e le ~om de la 6ille cadette de dieu.
K~ongondon ! gondon ! gondon !
Mon p~~e m~~ dit que la ~oute e~t ~ou~de.
K~ongondon ! gondon ! gondon !
Ma m~~e m'a dit que la Route e~t muette.
K~ongondon! gondon ! gondon ! K~ongondon
J'~tai~ ~eul a ne pa~ me d~~ange~.
A quoi bon ? J'~tai~
~a~ de ma victoi~e.
Vieu,
~ema~quan~ mon ab~ence,
6it ~~p~­
te~ la nouvelle. Kacou Ananz~, l'A~aign~e, m~~itait bien
cet honneu~. Je me d~apai dan~ me~ plu~ beaux pagne~, p~i~
mon tambou~in magique et de ma plu~ belle voix me mi~ a
chante~ ~u~la Route.
Et je 6~appai~ avec 6o~ce ~u~ mon tam-
bou~in :
K~ongondon ! gondon ! gondon !
K~ongondon ! gondon ! gondon !
Je chantai~ et tout dan~ait ; ceux qui allaient tente~
leu~ chance et ceux qui ~evenaient ap~~~ l'avoi~ tent~e, le~
a~b~e~, le~ 61euve~, l'ai~, le~ in~ecte~, le ~oleil, la
pluie, le vent. Tout.
Et je chantai~ et la Route elle au~~i
dan~ait :
K~ongondon ! gondon ! gondon !
Mon p~~e m'a dit que la ~oute e~t ~ou~de... K~ongondon
Je voi~ la ~oute dan~e~ ! Q~ongondon !
La Route e~t muette.
Et ma m~~e a ~ai~on.
K~ongondon ! gondon ! gondon ! K~ongondon
Et tout, autou~ de moi, pa~lait. La Route, ~eule ~e tai~ait.
Elle 6ai~ait la muette. Je me mi~ alo~~ a dan~e~. Je dan-
s o.i.s , je dan~ai~. La Route vi~iblement .s e ~etenait de n.L»:«:
Et je 6~appai~ plu~ 6o~t enco~e ~u~mon tambou~in magique,
et 6i~ une de ce~ pi~ouette~ d'un e66et tel que la Route
s e mit a «i:n.«, ..
K~ongondon ! gondon ! gondon !
K~ongondon !
Elle ~it longtemp~, au~~i longtemp~ qu'etle avait mi~ le
temp~ à dan~e~.
Pui~ voila que la Route me 6ait ~igne. Je m'app~oche et à
l'o~eille, elle me ~ou661e le nom de la 6ille cadette de
dieu.
Ca~ elle le ~avait elle, ce nom, et c'e~t pa~ce qu'elle
le &avait que dieu n'avait pa~ accept~ qu'elle paAticipat à
cette e~p~ce de concou~~.
Alo~~ guille~et, tout épanoui,
chantant plu~ que j~mai~ et
tapant avec 6o~ce ~u~ mon tambou~in,
je vole à la cou~ de
dieu.
l'y ~e~te là une jou~n~e enti~~e à ~coute~ le~ aut~e~
di~e de~ b~ti~e~. Quand j'en eu~ a~~ez, j~ me levai calmem~nl,
m'avançai dan~ la 60ule avec a~~u~ance, et avec une a~~u~ance
plu~ in~ultante enco~e - je ~ai~ t~~~ bien le~ cho~e~, moi,
Kacou Ananz~ - je di~ ~implement
"Où e~t Attoua, ma 6emme ?"

· <r" ; ....
-
129
-
Vieu me 6ixa dan6 te~ yeux. Je ~outin~ jan ~ega~d. Se~ yeux
devin~ent: ~oug(Jj). Je. c.ornp~i6 que ca n' a.f...f..ait pa6. Mai6
n'avai6-je
pa~ 9agn~ ? Le6 yeux donc. de dieu pouvaient ~ou­
gi~. Et i.f..6 .~ougi66aient,
VOU6 pouvez m'en c~oi~e. Mai6
moi,
je chantai6 ma victoi~e en tapant comme un 60u 6U~ mon
tambou~in :
K~ongondon
gondon
gondon
K~ongondon
gondon
[Jondon
K~ongondon
Et dieu 6e .f..eva, p~it 6a 6i.f...f..e cadette pa~ .f..a ma~n et me
dit : à moi,
Kac.ou Ananzé
- "Voici ta 6e.mme."
Le6 yeux de dieu maintenant jetaient de.s 6.f..amme6.
La
Route, e.f...f..e, 6'étendait d~oite, g~ande et unie comme une
g.f..ace. Vieu tou~na ~e6 ~ega~d6 de c.e caté .f..a.
Et .f..a Route en
t~emb.f..a. On .f..a vit bouge~ comme .f..o~6qu'e.f...f..e
dan~ait au 60n
de mon tambou~in, 6e ~apeti66e~, 6e gondo.f..e~, 6e to~d~e,
6'en~ou.f..e~, 6e mu.e.tip.f..ie~, monte~, g~impe~, de6c.end~e, con-
tou~ne~ de6 a~b~e6, de6 ~avin6, de6 montagne6, a.f...f..e~ en
v~i.f..le, deveni~ ~uel.f..e, 6ente, venelle, impa66e, cahotante,
bo66e.f..ée, épineu6e, ma.f..ai6ée ... Vieu avait puni .f..a ~oute ...
Et depui6 elle p.f..eu~e chaque matin, la Route.
Le6 he~be~
qui .f..'ébo~gnent ~emuent la tête et ve~6ent de6 la~me6 Que
.f..e 6o.f..ei.f.. 6 èche à me6u~e qu'i.f.. monte. VOU6 dite~,
VOU.6:
homme6, que ce 60nt .f..e6 goutte6 de ~o~ée. Jamai~ ! Ce 60nt
le~ la~me6 de la Route qui p.f..eu~e ~on indi~c~étion.
Mai6 c.e qui me pe~dit,
moi Kacou Ananzé ? Je VOU6 .f..e
di~ai la p~ochaine 6oi6 ....
3 - L'univers des contes
Les contes et les légendes chantent la confiance
perplexe et en alerte,
finalement joyeuse, de l'homme en
lui-même. Ou de chaque homme en soi et des hommes en ce
que tous les hommes ont d'humain. Cette confiance est plus
fo~te et plus profonde que la recherche à tout prix de
l'heureuse fin.
Nous pensons ICI à toutes les formes de
fictions qui donnent la priorité à l'action sur la passion,
à l'exceptionnel Sllr le quotidien, au voyage sur la perma-
nence, à l'initiatique sur le coutumier, à l'éthique sur le
psychologique, à la richesse de
l'invention Sllr la fidélité

-
130 -
de la discrétion.
Indépendance et intrépidité, autrement
dit, al~er au dehors, rompre avec la tiédeur engourdissante
et routinière d'un foyer où l'âme certes, se constitue,
mais où aussi, ell~ se sclérose et s'asphyxie.
Dans les contes, c'est la perpétuelle tentation
de l'intempérie qui palpite. Et rappelons que la "tenta-
t i on '
est ce qui attire et repousse à la fois,
ce qui
séduit et effraie.
Le héros du conte veut toujours ~artir
"courir le monde", VOIr ce qu'il y a au-delà des montagnes
parfois,
il veut découvrir ce qu'est la peur, pressentant
que le lieu de la peur, ce sont les confins de l'espace et
que tout horizon lointain est rehaussé d'un halo légèrement
effrayant, mais sachant aussi que l'âme humaine, pour
atteindre la stature qui est la sienne, doit affronter au
moins une fois la peur du lointain. Pour mieux cerner la
dimension du héros enfantin, dans le conte africain,
il est
\\
bon de rappeler brièvement la nlace du conte dans l'univers
de l'africain. Conçu par le groupe et pour le groupe, le
conte est le véhicule privilégié de la sagesse africaine.
Il exprime les aspirations les plus nrofondes du
groupe social dont il assure la cohésion autour de systèmes
de valeurs et de croyances qui doivent être consolidés pour
l'équilibre et la survie de la société.
Les défauts y sont
dénoncés, et les marginaux châtiés par les hommes ou par
des .forces surnaturelles, ~. la mesure de leur forfait.
La
leçon qui se dégage du conte africain constitue une sérieuse
mise e~ garde pour tous ceux qui seraient tentés de s'écarter
des principes moraux, et des conceptions religieuses ohservées

-
131
-
par la société. Le conte africain a donc une nortée essen-
tiellement didactique bien qu'il soit une source de détente
et de divertissement.
Par sa capacité à franchir les portes
du réel, pour s'insinuer dans le domaine du merveilleux, et
du fantastique,
il offre à l'enfant des hori~ons Dlus vastes
et plus fertiles pour son imagination.
Il est aussi une bonne
occasion de cultiver chez l'enfant la croyance aux phénomènes
surnaturels et de l'initier à la métaphysique des mythes et
légendes cosmogoniques qui peuplent l'univers des hommes.
"
Le souci d'enseigner la morale du groupe apparaît
très nettement dans la plupart des contes.
Selon les cas,
les valeurs qui fortifient la société contre sa propre des-
truction, entrent en conflits ouverts avec les antivaleurs
destructrices;
au détriment de ces dernières,
le conte se
termine par l'incarnation de l'esprit du mal dans toute son
absurdité.
)

-
1 32 -
CHAPITRE
IV
SIGNIFICATION DES CONTES DE L'OUEST AFRICAIN
NIVEAU
II -
AU-DELA DES APPARENCES
l - LE CONTE COMME EXPRESSION D'UNE PHILOSOPHIE
Outre les documents sur la vie africaine tradi-
tionnelle de l'Afrique de l'Ouest, les contes renferment
aussi les éléments certains d'une philosophie africaine.
Quelles sont les valeurs suprêmes que la société africaine
traditionnelle propose à ses membres? Beaucoup d'observa-
teurs, en particulier M. GRIAULE (1) ont cru déceler dans la
notion de sagesse, de IISophiell, l'idéal dernier auquel s'ar-
rête la pensée de l'humanisme africain. Qui dit sagesse, dit
aussi culture, connaissance, mais une connaissance intégrée,
une conception du monde qui se traduit par un raffinement de
l'esprit, un art de Vlvre, une aptitude à percevoir le goût,
la saveur, l'humour des chos2s, une certaine connaturalité
avec elles. La sagesse se situe davantage du côté de l'être
que de celui de l'avoir ou du faire, mais parce qu'elle est
un état d'esprit, elle imprègne la vie,
la mentalité et
l'action dans son ensemble.
La question qu'il convient de poser est de savoir
comment concrètement cet idéal est développé et perçu. Cher-
chant de son côté à dégager quel était l'ultime ressort de
l'éthique traditionnelle, D. ZAHAN en arrive à penser que
( 1)
GR l AU LE [M) - Le. pJto btème. de. ta cut;tuJte. Vl.o-<-Jte. -
-<-VI.
L' oJt-<-g-<--
Ilat,,~;té
(ie.~
cut;tuJte.~
-
PaJt.ü
-
UNESCO -
Le
~avo-<-Jt Dogon - jouJtVl.. .s o c . de.~a0uaH-<-~;te.~
XXII,
6a~c 1-2 - pp.
27-42.

-
1 33 -
l'Africain valorise par-dessus tout la domination de l'homme
sur lui-même, l'aptitude ~ contenir ses passions, ses émo-
tions, sen comportement.
"PaJttou..t et: tou..jou..JtJ.J, llYl.e s eut:e. Jtègle gou..-
veJtYl.e l'édu..~at~oYl. de l'étJte hu..rna~Y1. : le
J.Ju..ppoJtt J.JtoZqu..~ de la do u..l eu..Jt , 6eYl.t~ ~ornrne
le rne~lleu..Jt eYl.tJtaZYl.erneYl.t a la rnaLth~J.Je de
60~,"
(11
qui devient ainsi le fondement de la con~ition humaine vécue
dans sa plénitude.
La maîtrise de soi est dans les sociétés
d'Afrique Noire un des signes de la sagesse et de la perf;c-
tion, la maîtrise du verbe, l'indifférence à la douleur el
le silence.
La parole ne se valorise pleinement e~ n'est
efficace nue si elle est entourée de silence, et le véritable
sage sait user dans son langage de toute une technique ·de
l'euphémisme, du sous-entendu, du symbole, pour l'enrichir
d'un sens caché et secret. C'est ensuite une véritable méta-
physique que révèlent certains contes. Dans les légendes
cosmogoniques et dans les contes à personnages humains, sont
abordés les problèmes de Dieu et de la force vitale. On y
voit à quel point, l'homme noir a besoin de s'expliquer et de
chercher à connaître le principe des choses ; les systèmes
varient, certes, avec les diverses ethnies, mais le principe
d'explication révèle une unité certaine dans la pensée méta-
physique du Noir.
Le Bien n'est jamais défini que par rapport
au Mal dans les contes. La morale pratique qui s'en déga ge
montre que pour les peuples des savanes, comme ceux de la
forêt,
la valeur suprême de la communauté est la paix,
la
just~ce, l'hospitalité, la solidarité, le respect des lois
(1)
ZAHAN (V) - La Jtel~9~oYl. a6JticaiYl.e - ply~op~é II - p. 130 - P~.

-
1 34 -
du group~ et la soumISSIon à une hiérarchie.
De plus, pour assurer le triomphe du Bien sur le
Mal, et par là le triomphe de la paix, une qualité semble
primordiale et indispensable, c'est l'intelligence. L'in-
telligence n'est d'ailleurs plus seulement une simple
fonction intellectuelle, mais une véritable valeur. Le
Lièvre est sans cesse aux ~rises avec des difficultés;
soit que, en période de famine,
il doive trouver de la
nourriture, soit qu'il ait à satisfaire les plus incroyables
caprices des grands (Lion, panthère, éléphant), soit encore
qu'il ait mille épreuves plus invraisemblables les unes que
les ~utres à franchir. O~ Lièvre triomphe toujours; et
cela, en général, non pas en faisant appel à une puissance
surnaturelle, mais simplement grâce à son intelligence.
Si, en effet,
les épreuves imposées au lièvre
sont le plus souvent invraisemblables,
il est à remarquer
que le merveilleux n'intervient pratiquement pas comme
solution à ses problèmes. Lièvre use essentiellement de ses
ressources naturelles
: son intelligence et aussi son cou-
rage. On aurait pu penser que lorsque ce tout petit se
trouverait aux prises avec la force,
il serait vaincu. On a
vu à quel point il n'en est rIen. Lièvre triomphe toujours
d'un plus fort que lui: le lion, la panthère,
l'éléphant.
Le lièvre est l'image même de l'homme; tout petit triom-
phant des forts
; il-e~t à la foiS le symbole des ~~tites
1
1
gens qui luttent contre les puissants, mais aussi de la
petitesse de l'homme face à l'univers. ~Seulement cet homme
minuscule à l'égard de
l'infini n'est pas un néant;
il n'a

-
135 -
pas à désespérer, au contraire. Cependant, "l'homme est
donc plus qu'un spectateur sur la scène de la vie.
Créature,
certes, circonscrite par les constantes déterminées par les
ancêtres spirituels et les mauvais esprits, l'homme dispose
toujours néanmoins de la volonté personnelle et la fait
intervenir dans le monde matériel et le monde spirituel à
la fois.
Pour agir efficacement dans le monde matériel,
il
doit en fait apprendre à pourvoir à ses besoins d'être
humain et à satisfaire ses intérêts personnels en se gardant
d'entrer en conflit avec les forces spirituelles d'en
hau t ".
( 1)
Si l'homme est faible face au vaste monde et à
son destin, il a l'arme ou plutôt l'outil le plus puissant
r
l'intelligence. S'il sait se servir de son esprit, s'il
sait réfléchir et aussi être patient et courageux, rIen ne
lui sera impossible.
Si on a l'habitude de définir sommairement
~'intelligence comme essentiellement la faculté de résoudre
des problèmes nouveaux, on voit bien qu'elle se définit
adéquatement à travers les contes de l'Ouest Africain.
C'est grâce à son intelligence que le héros réussit à sur-
monter tous les obstacles qui se présentent à lui.
Il reDré-
sente l'homme en action dans le monde.
L'intelligence du
lièvre ou de tout autre animal dans le conte symbolise
)
l'intelligence humaine.
Le lièvre, dans les différents
contes, qui n'est jamais à court de moyens quoi qu'il arrive
(7) SULAYMAN NYAN (S)
co~mologie a6~icaine - ~n cou~~ie~
de
l'Une~co - )J.
27.

-
136 -
et qui l'emporte toujours sur tous, a, certes une intelli-
gence d'un niveau supérieur à celle de ses semblables.
Néanmoins, c~tte intelligence reste humaine. Maintes fois,
il est allé trouver Dieu pour lui demander de le rendre
encore plus intelligent, mais Dieu lui a toujours refusé
cette faveur :
"Hatte. - tà,! .6i j'augme.ntai.6 ton e..6pJtit, tu boute.ve.Jt.6eJtai.6
te monde"
(1)
lui répondit-il en effet dans un conte Ouolof.
Le lièvre a donc une intelligence supérieure Dar
rapport au commun des hommes, mais qui reste humaine. Ceci
explique la finitude de l'homme face à l'infini. L'apologie
de l'intelligence humaine, demeure tout de même une philo-
sophie très réconfontante. Les animaux héros des contes
disent à 1 "homme qu ' il peut vivre tranquille et confiant
il a en lui, si du moins il sait s'en servir, tous les
atouts nécessaires pour sortir vainqueur de tous les coups
du destin.
C'est là une philosophie optimiste.
Philosophie
optimiste, certes, mais aUSSI
sagesse. Aussi sûr de lui,
1
l'homme ne peut qu'être tenté de vouloir jouer au Prométhée
et égaler
Dieu lui-même.
Dans un conte, lièvre alla deux
fois auprès de Dieu pour lui demander "un gr i s vg r i s de
finesse".
(2)
Dieu s'étant rendu compte de son extrême
intelligence, le renvoya d'abord en lui disant; "file avec
ton gris-gris de finesse" puis il s'écria· "Halte-là". On ne
'peut qu'être fFappé par la profondeur d'un tel enseignement
/
et l'homme de l'ère atomique devrait bien relire les contes
(1)
BASSET IR) - CoYl.:te.6 popu.-taiJte..6 d'A6Jt~ue - te tièvJte e.t te mo~neau
p.
185.
(2) COLIN [R) - Le.o c.oYl.:te.6 nO-Uv!J de t'A6Jtique de t'Oue.6t - pp. 36-37.

-
137 -
séculaires. Grande est, en effet, la sagesse qU'ils ren-
ferment; si l'homme est doué de grands pouvoirs,
il ne
doit pas néanmoins essayer de dépasser sa condition, "qui
aboutit parfois au gaspillage et à l'auto-destruction.
Qu'il se contente d'être ce qu'il est et de l'être bien.
Comme le disait Montaigne: "il n'est rien si beau et
légitime que de faire bien l'homme et dûment"
(1).
Le bonheur n'est donc pas chose inaccessible.
Il
est à la
portée de l'homme, pourvu qu'il sache le saisir.
Il est
entre ses maIns.
L'homme peut aussi devenir en quelque
sorte artisan de son propre destin.
Face aux mystères de
l'univers négro africain, une telle philosophie constitue à
la fois un véritable défi et une solution pratique. Surtout
que
:
",['a6Jtic.ain de R..a tJtadLtion voit R..'univeJth
c.omme une hiéJtaJtc.hie de 6oJtc.eh vitaR..eh, et
R..'homme eht c.ette 6oJtc.e qui JteR..ie R..eh objeth
inaniméh au monde deh

6oJtc.eh hpiJtitueR..R..eh
d'en-haut.
Si bien que R..'homme eht à R..a 60ih
manipuR..ateuJt d'un pouvoiJt hpiJtitue~ et c.ibR..e
de c.e pouvoiJt. A c.auhe de c.e mode d'inteR..R..i-
genc.e
du JtéeR.., R..a c.onc.eption a6Jtic.aine
tJtaditionneR..R..e de R..'homme en paJttic.uR..ieJt,
tetR..e qu'eR..R..e eht c.aJtac.téJtihée paJt R..a phiR..o-
hophie bantoue a été dé6inie c.omme "vitaR..ihte"
c.'eht-à-diJte qu'eR..R..e he 60nde hUJt R..a c.Jtoyanc.e
que R..a vie eht une unité vitaR..e que R..'étJte
humain n'eht qu'un point du c.eJtc.R..e
c.ohmique
de vie"
r 2 )
Le conte de l'ouest est bel et bien porteur d'une sagesse
et d'une philosophie de l'homme engagé concrètement dans le
r
monde; singulièrement, une philosophie de l'action révélant
)
une concention optimiste de l'homme. L'homme noir échappe au
(7)
MONTAIGNE - Ehhaih
III XIII - P.
50.
( 2)
SUL AYMAN NYANG (S)
- 0 p c it p.
28 .

-
138 -
"péché ori g i ne l " car il ne se sent pas concerné .pa r une
telle conception de la relation homme-monde et de la rela-
tion homme~èommencement. Un thème que nous pouvons aisément
mettre sous cette rubrique philosophique est le thème de
l'origine de la mort. Pourquoi l 'homme naît, contemple le
monde et meurt aussitôt? La durée d'une vie humaine par
rapport à l'éternité n'est qu'un instant. La découverte de
l'absurdité de la vie n'accrédite nullement une philosophie
pessimiste de la vie. La vie n'est ici ni laide nI cruelle à
la manière de SCHOPENHAEUR. Absurde doit être pris dans le
sens que lui d6nnent les logiciens : non déductible par la
raison. Avec de telles prémisses, l'on ne s'étonnera pas
que l'africain ne s'en prenne à Dieu pour expliquer l'ori-
gine de la Mort.
Pour "tourner" cette violence verbale,
le tort
est rejeté, soit sur des humains, soit sur des animaux,
soit sur la Mort personnifiée mais jamais S'Ur Dieu lui-même.
C'est la difficile conciliation de la Mort avec l'épicurisme!
Conte: Gouro -
(Côte d'Ivoire)
c'e~t ZRA qu~ a ~~éé fa Mo~t ; ma~~ avant,
fa Mo~t n'éta~t
pa~ dan~ r.es v~.e"fa.g e~, effe ~ e t.e.na L; dan~ fa 6o~ét.
Les
homme~ ne mou~a~ent pa~. Un jeune homme affa a fa ~ha~~e
dan~ fa 6o~ét. En ~e temp~-fa,
fa Mo~t éta~t dan~ fa 6o~ét
et tua~t, du g~b~e~ ~eulement.
Le jeune ho mme éta~t u n c.h as s eu~ ~ema~q uabfe.
l f t~o uvu ,
dan~ fa 6o~ét ~u~ du 6eu, du g~b~e~ que fa Mo~t p~épa~a~t.
Avant, pe~~onne ne voya~t fa Mo~t. Ma~~ fe jeune homme fa
~en~ont~a pendant fa ~ha~~e dan~ fa 6o~ét. La Mo~t fu~ d~t ;
"Bon, tu a~ vu mon g~b~e~,
~'e~t que tu m'a~ vue f V~en~ ~c-~
/
tu e~ un ~ha~~eu~ et mo~ je ~u~~ au~~~ un ~ha~~eu~. Nou~
~omme~ pa~e~f~ f" Et fe ~ha~~eu~ ~e~ta ave~ fa Mo~t pendant
pfu~~~u~~ jou~~. La mo~t fu~ donna de fa v~ande, fe ~ha~~eu~
fa ~e~e~~~a et amena quefque~ mo~~eaux dan~ ~on v~ffage.
Ma~~ ~f ~gno~a~t qu'~f ~'éta~t ~ha~gé d'une dette.
Un jou~,
fa mo~t v~nt au v~ffage pou~ demande~ fe
~embou~~ement de fa dette et d~t : "Pa~e-mo~ la dette 1"

-
139
-
Le c ha.-6 -6 etUt Jt é. p 0 V! d'{,t :
"E-6t-c.e. que, c.e n'é.tait pa-6 un c.adeau ? E-6t-c.e que c.'était
un pJtêt ?"
La MoJtt Jté.pondit
- "Moi,
J'étai-6 dan-6 ta 6oJtêt.
Tu es venu, tu a-6 Jtama-6-6é.
toute ma viande.
AujouJtd'hui tu doi-6 me JtembouJt-6e.Jt !"
Le. c.ha-6-6e.uJt dit :
- "Bo n,
on en.ds uV! de me.-6 en 6ant-6 1"
Et tout de. 6ulte, la MoJtt attJtapa un en6ant e.t dit :
- "Je. -6ui-6 v e nu c.hez vOU-6.
VOU-6 ête.-6 au vittage.,
vOU-6 ne.
-6aviez pa-6 que j'étai-6 dan-6 la 6oJtêt, tu e-6 venu c.he.Jtc.he.Jt
ma viande,

et quand j'ai voulu me 6aiJte JtembouJt-6eJt, tu a-6
voutu di6c.uteJt."
L'argument est ici réduit à sa plus simple expres-
sion, le conteur n'émet aucun jugement sur le comportement
de son héros. On ne saurait reprocher à un chasseur
d'abattre du gibier. Chasse, guerre, n'en demeurent pas
moins des activités voisines, dangereuses, les paroles de
la Mort ne laissant place à aucune équivoque.
"Tu e-6 un c.ha-6-6euJt et mo.{. je -6ui-6 UYl c.ha-6-6euJt. Nou-6 -6omme-6
paJte-<..l-6" .
Ramenant au village des cadavres d'animaux, le héros y In-
troduit :
- "un don de ta MoJtt"
Le conteur voudrait l'excuser
"il ignoJtait qu'it -6'était c.haJtgé d'une dette".
Mais l'excuse ne vaut rien.
Il n'est pas de don qui n'appel-
le un contre-don ; et concevrait-on cadeau plus empoisonné
que celui offert 'par' la mort ? gi f t z-g i f t , Ir homonymie" qui,
(
veut qu'un même terme désigne le don et le poison
prend ici
1
tout son sens
"ta c.ho-6e Jteçue en don, ta c.ho-6e Jteçue. e.n
généJtat engage, lie mag-<"quemeYlt, Jtel-<"gieu-
-6ement, moJtalement,
juJtidiquemeYlt, te dona-
teuJt et te donataiJte.
VenaYlt .de l'uYl,

-
140 -
6ab~iqu~e ou app~op~~ee pa~ lui, qui l'aeeep-
te. Au ea~ où la p~e~tation donn~e ne ~e~ait
pa~ ~endue dan~ la 6o~me ju~idique, ~eonomi­
que, ou ~ituelle p~~vue, le donatai~e a
ba~~e ~u~ eelui qui a ~pou~~ la 6ille ou
~'e~t li~ pa~ le ~ang, ~u~ le b~n~6ieiai~e
qui u~e ehez lui d'une eho~e enehant~e, de
toute l'auto~it~ du donateu~."
(1 j
Tuer pour ne pas être tué est la loi de la
forêt,
le chasseur qUI s'y aventure n'a pas le choix
aussi bien, s'il y demeure, finira-t-il dévoré par une
panthère ou piétiné par un buffle. Mais forêt et village
sont deux mondes distincts, entre lesquels semble dire le
conteur, ne s"était encore établie aucune communication
"la Mort n'était pas dans les villages, elle se tenait
dans la forêt.
Les hommes ne mouraient pas ;" et plus loin
"vous êtes au village, vous ne saviez pas que j'étais dans
la forêt ... tu es venu chercher ma viande ... " La leçon qui
se dégage est claire: viande contre viande,
la Mort exige
son dG. En termes plus généraux:
tout cadeau restera
stérile, source de mort, aussi longtemps que le bénéficiaire
- le débiteur - sera tenu de le restituer semblable à lui-
même, sans possibilité de substitut. Plaidoyer à contrario
en faveur de l'échange dont l'absence, ou la non-reconnais-
sance, est synonyme de mort.
Le conte a traversé l'Atlanti-
que avec les chargements d'esclaves et s'est maintenu en
Guyane française
: ayant reçu de la Mort un cadeau de
. viancleséchée, Ananse
(Araignée, le décepteur) revient en
t
cachette voler son bienfaiteur ; celui-ci surprend le coupa-
ble, le poursuit, pénètre au villag~ sur ses trousses. En
Ch~e~ Andl~ p~
l ~~a - ~ . 1924

-
141
-
conclusion; si "Ananse" n'avait pas volé la viande,
la Mort
serait restée au fond de la forêt.
(1)
Morale d'esclaves, le serviteur qui pille le garde-manger
s'expose au fouet.
Le chasseur africain, dans le conte
précédent, traitait avec la Mort d'égal à égal: "Nous
sommes pareils" lui dit-elle. Sous une forme ou sous une
autre, le conte évoque un temps où les hommes ne connalS-
saient pas la Mort.
Ils ignoraient donc son nom. C'est dans
le passé reculé que se situerait ce récit.
Conte DAN
Avan~ i'homme ne mou~ait pa~. Ce ~ont ie~ 6emme~ qu~ ont
amené ia mo~t.
Veux 6emme~ étaient ma~iée~ ave~ un même homme.
Chaque 6emme eut une 6iiie.
L'une de~ 6emme~ n'était pa~
aimée de ~on ma~i, mai~ ~a 6iiie était aimée de tou~.
L'aut~e était aimée de ~on ma~i, mai~ on n'aimait pa~ ~a
6iiie.
Pe~~onne ne vouiut i'épou~e~. Sa mè~e i'amena ~hez ia
Mo~t. En ~e temp~, ia Mo~t tuait tout ie temp~ du gibie~.
La mè~e ~~ut qu'eiie aiiait ~e~evoi~ beau~oup de ~ho~e~ de ia
mo~t, ~i eiie iui donnait ~a 6iiie en ma~iage.
Eiie dit:
"gend~e, voiià ta 6emme f"
Mai~ ia mo~t ne ~épondit pa~.
Eiie ~é.péta :
"Voiià ta 6emme !"
Mai~ ia mo~t ~e~ta ~iien~ieu~e.
La mè~e dit :
Bon, ~i tu ne ~épond~ pa~, je vai~ p~end~e deux gigot~ de ~e
gibie~ que tu a~ tué".
Eiie p~it deux gigot~ et ~'en aiia ave~ ~a 6iiie.
La Mo~t ne dit ~ien.
La mè~e ~etou~na ave~ ~a 6iiie et mangea ia viande.
La ~emaine ~uivante, eiie dit à ~a 6iiie :
- "Aiion~-y,
j'ai t~ouvé. de ia viande ià-ba~
1"
E~ie dit en~o~e à ia Mo~t :
,
~.,
~.
- "Gend~e, voiià ta 6emme"
1
La Mo~t ne ~épondit pa~.
La mè~e p~it de nouveau deux gigot~ et ie~ amena au viiiage.
(7)
HURAULT (J)
- Le~ Noi~~ ~é1u9ié.~ Boni de ia Guyane 6~an­
cai~e - Revue IFAN nO 63 - Vaha~ 1967.

-
14· 2 -
La MoJtt dJ..t :
- "Cette 6emme. quJ.. pJte.nd toujouJt.6 ma vJ..ande,
je vai:s ta
.6 uJ..vJte. " :
C'étaJ..t jouJt de maJtché, on dan.6aJ..t au vJ..ttage.
La MoJtt tJtotlva donc beaucoup de monde.
Ette .6e jeta .6UJt .6a
6J..ancée en pubtJ..c.
En ce temp.6-tà,
peJt.6onne ne mouJtaJ..t. Et tout de .6uJ..te, ta
6J..tte ne bougea ptU.6.
Le.6 gen.6 commencèJtent à pteuJteJt.
La MoJtt dJ..t :
- "Ah!
j'aJ.. beaucoup à gagneJt J..cJ.. et j'étaJ...6 tout te temp.6
dan.6 ta 60Jtêt : je n'aJ.. tué qu'une .6eute 6J..tte et J..t.6 pteu-
Jtent comme ceta."
La MoJtt emmena ta 6J..tte.
La .6emaJ..ne .6uJ..vante, te.6 homme.6 décJ..dèJtent de cétébJteJt te.6
6unéJtaJ..tte.6.
It.6 tuèJtent de s boeu6.6.
La MoJtt dJ..t :
- "Ah! C'e.6t bJ..en : j'aJ.. beauc.oup à mangeJt J..cJ.. ! je vaJ...6
toujouJt.6 pJtendJte te.6 homme.6 !"
Ce .6ont te.6 6emme.6 quJ.. ont amené ta MoJtt.
SJ.. cette 6emme n'avaJ..t pa.6 6aJ..t ceta, t'homme n'auJtaJ..t pa.6
pu mouJtJ..Jt.
La Mort, au début, est en forêt,
"ne répond pas",
Ignore les
hommes ; elle ne pénétrera au village que provoquée par le
geste inconsidéré de l'un d'entre eux. Mais le responsable
est ici une femme et la venue de la mort se trouve liée à
l'institution du mariage.
La morale du conte serait double.
D'abord, une image à peine chargée de la "belle-mère", dont
les exigences insatiables provoqueront la catastrophe. Mais
l'anecdote couvre une leçon plus grave. La femme, en prenant
la viande, veut garder sa fille; elle triche, "donner et
r e t en i r ne vaut", e t
l a pu nit ion est in élu c t ab l e : ., s i ce t t e
femme n'avait pas fait cela,
les hommes ne mourraient pas."
Le conte entend rappeler à ses auditeurs que
;'
marier ses filles équivaut à les donner "à la mort".
Le
lignage doit agir loyalement et les laisser partir sans es-
prit de retour. En contrepartie,
il recevra de la "viande"

-
143 -
sous forme d'une dot qUI lui permettra d'acquérir une épouse,
c'est-à-dire un espoir de survie. Tout gendre est vu comme un
gros ogre, .do nt
le rôle est de "manger les filles".
Le rappro-
chement entre origine de la mort et mariage (le conte ~ourrait
indifféremment porter l'un ou l'autre titre) traduit un
retournement dans les rannorts de l'homme avec son terrible
partenaire: désormais, non seulement l'homme n'i~nore plus
la Mort, accepte l'échange, mais, fait capital, il prend
l'initiative et s'assure l'avantage en mettant l'autre dans
la position du donataire qUI doit "rendre", du débiteur
contraint de s'acquitter.
Il y gagne un compromis
à la mort longue, défi-
nitive, va succéder une mort "brève", dont l'homme bon gré,
mal gré, s'accommodera car elle est l'autre face de la VIe -
une vie également brève -.
Il perd ses filles mais gagne des
brus
: le mariage demeure synonyme de mort Dour les filles
tenues, en quittant leurs parents, d'abandonner les horizons
qu'elles ont toujours connus. Mais en mourant à leur lignage,
elles apportent au lignage de leur mari les enfants qu'elles
mettront au monde. De même, pour donner naissance à des
moissons futures,
le grain doit-il au préalable être enterré,
tel un cadavre.
Origine de la mort, origine du marIage, origine
de l'agriculture, s'expliquent nar les mêmes nécessités,
racontent la même histoire: mourir pour renaître, donner
pour percevoir.

- 144 -
II - SIGNIFICATION ESOTERIQUE DES CONTES ET LEGENDES
Les contes et légendes en Afrique de l'Ouest,
présentent ~n peu partout, avec des variantes locales, les
mêmes formes de base ; une des plus courantes met en scène
des animaux doués de parole et dont les aventures font la
joie des petits et des grands, dans les longues réunions
nocturnes, en place publique.
Il faut bien dire qu'un esprit
européen est facilement dérouté nar le caractère anodin de
ces récits, qui contraste avec son importance sociale.
Il
s'étonne de voir des hommes graves prendre ~laisir au récit
du lièvre ou de- l'araignée qui ne lui paraissent qu'affabula-
tion ~uérile, où il ne trouve, dans les cas les ~lus heureux,
qu'une certaine verve po~ulaire, parfois un charme poétique
un peu naïf, VOIre une image originale dûe à un narrateur
occasionnel. Quand nous parlons d'étonnement, nous pensons à
celui des esprits bien informés, qui, à la suite des décou-
vertes les plus récentes dans le domaine des sciences humai-
nes ont cessé de considérer les Noirs vivant en sociétés
traditionnelles comme de "grands enfants"
: car pour les
autres, la question ne se ~ose même pas. On s'étonne donc de
ne trouver dans cette littérature orale aucun souci de forme
qui corresponde aux concentions littéraires occidentales qui
exigent l'ambition de créer une oeuvre durable, personnelle,
obéissant aux lois formelles de l'esthétique. Les thèmes
populaires sont puisés dans un trésor commun,
transmis Dar la
)
tradition orale, et chacun les accommode à son gré, sans
souci de construction, sauf dans le cas où l~ rythme inter-
vient.

-
145 -
. Pour en revenir à la signification ésotérique des
contes, disons que certains récits sont exprimés le plus
souvent en iangue ancienne; ils renferment, outre leur
sens caché, un pouvoir d'exaltation de la personnalité qui
procède de l'efficacité même du verbe et met en cause les
éléments composants de la personne. Un conte ésotérique que
nous rapporte Généviève CALAME-GRIAULE (1) qui a ses pro-
longements dans le mythe de Commencement Dogon saura illus-
trer le caractère ésotérique et les difficultés de compré-
hension des récits qui ne sont en général que destinés aux
adultes.
III - LE CONTE ETIOLOGIQUE
Pourquoi le mille pattes n'a
pas d'yeux.
Aut~e6oi~, la ma~motte était aveugle ; O~, ~'était la mè~e
du mille-patte~ qui 6ab~iquait le~ lfeux. Un jou~, mille
patte~ ôta ~e~ p~op~e~ yeux pou~ en 6ai~e don à la ma~motte,
et pa~tit à la ~e~he~~he de ~a mè~e, pou~ en avoi~ d'aut~e~.
Mai~ il ne la t~ouva point.
LO~~Quril voulut ~er~end~e ~e~
yeux, le ma~motte ~e ~auva dan~ ~on t~ou. Quant au mille-
patte~, il n'a toujou~~ pa~ d'lfeux et n'a toujou~~ pa~
~et~ouvé ~a mè~e.
.
.
Les éléments de ce conte étiologique, nous parais-
sent caractéristiques du genre
: les aventures contées y
sont peu importantes ; une ex~lication étiologique justifie
le récit; enfin, la moralité peut surprendre les es~rits
non avertis, car les rieurs sont du côté de la marmotte. En
-effet, l'explication de l'imnortance sociale accordée à c~s
1
menus récits, est à chercher dans leur signification ésoté-
(1)
G. CALAME-GRIAULE - in P~é~en~e A6~i~aine - nO ~pé~ial
14-15 - ju~n-~eptem~e 1957 - p.
335
"Conte~ é~oté~ique~ Dogon.

-
146 -
rique et ~ymbolique. Ce sens caché a une portée métaphysi-
que, comme nous allons le voir; mais il est aussi projeté
à l'échelle humaine et sociale. Pour mieux décrypter le
sens ésotérique de ce conte étiologique, il nous faut
résumer brièvement dans les grandes lignes la cosmologie
Dogon et le drame de la création du monde.
Voici le mythe Dogon, d'après la version publiée ~ar
G.
DIETERLEN
(1).
A f'o~~g~ne du monde e~t fa pa~ofe du D~eu
~~éateu~, AMMA ; ~ette pa~ofe ~~éa un ~n6~­
n~ment pet~t, ~embfabfe au g~a~n de 6on~o
(d~g~ta~~a ex~f~~) atome de f'un~ve~~. Ce
gita~n ~'étant dévefoppé dev~nt "f'oeu6 du
monde" ~o~te de va~te mat~~~e ~ontenant deux
pfa~enta~ qu~ deva~ent no~mafement donne~
na~~~an~e à deux ~o~pfe~ de jumeaux Mon~­
teu~~, p~ototijpe~ de f'human~té 6utu~e. A
f'aube de fa ~~éat~on, fa ~è9fe de~ na~~~an­
~e~ ~n~t~tuée pa~ D~eu éta~t don~ fa gemeff~­
pa~~té. Ma~~ fe~ de~~e~n~ de D~eu 6u~ent
~ont~a~~é~ pa~ fa ~o~t~e de f'oeu~, avant
te~me, d'un êt~e mâfe un~que dont fa ~of~tude
6ut fe ~ommen~ement de~ dé~o~d~e~ du monde.
En
e66et, pou~ tente~ d~ ~ep~end~e ~a jumeffe
dan~ f'oeu6,
~f a~~a~ha un mo~~eau de ~on
pfa~enta et de~~end~~ ave~ fu~ dan~ fe v~de.
Le mo~~eau devenant fa te~~e, ~f y pénét~a,
toujou~~ à fa ~e~he~~hede ~a jumeffe.
If
~omm~t a~n~~ un ~n~e~te, pu~~que fepfa~enta
e~t f'équ~vafent de fa mè~e. Remontant au
~~ef, toujou~~ dan~ fe même but, ~f ne t~ouva
pa~ ~a jumeffe, ~on6~ée pa~ Amma aux deux
aut~e~ jumeaux de f'oeuo, ma~~ ~f en p~o~~ta
pou~ vofe~ hu~t de~ g~a~ne~ ~~éée~, dont fe
6on~o, ge~me du monde, et ~f ~ede~~end~t fe~
.6eme~ ~u~ fa t.e s»:«,
La 6ou~m~ en ~auva ~ept
qu'effe m~t dan~ ~on t~ou, ma~~ fe 6on~o 6ut
~emé et ge~ma, devenu ~ouge et ~mpu~ à ~au~e
du ~ang non en~o~e ~é~hé du pfa~enta. A fa
~ uct:e. deto u~ ~e~dé~on dn».«,
~et ê.t~eq u.i.
/
L
. ,
ju~que-fà, po~ta~t fe nom d'ùgo ; "~~~he~~e"
6ut t~an~6o~mé en an~maf,
You~ougou (vufpe~
paf~da), fe ~ena~d pâfe. Tout alfa~t de ~af
en p~~ ; fa te~~e éta~t devenue ~té~~fe 40U.6
(1)
DïETERLEN (Gj - P~enté et M~ge ~hez fe~ Dogon (Soudan F~anc~l
Revue, A6~~a av~. 56.

-
147 -
l'e66et de l'impunet~. Il 6allait une n~pana­
tian, une n~demption, can il n'e~t pa~ de
n~panation ~an~ ~acni6ice. Ce 6utle ~acni6ice
au ciel d'un de~ deux autne~ Moniteun~ Nomma,
dont le nom ~igni6ie "donne à boine", leun
nègne ~tant ~untout aquatiqu~ et l'eau ~tant
la ~ounce de toute vie ; il ven~a ~on ~ang et
le~ gnaine~ de ~e~ clavicule~, pnincipe~
vitaux et 6utune ~ub~i~tance de l'homme, poun
puni6ien l'univen~. Son conp~ 6ut pantag~ en
~oixante monceaux qui 6unent jet~~ dan~
l'e~pace aux quatne point~ candinaux, et
donnènent nai~~ance à di66~nente~ e~pèce~
v~g~tale~.
Pui~ Amma le ne~~u~cita et le
6it de~cendne ~un tenne avec une anche pon-
tant .s
en6ant~
(quatne
6utun~
e
s
c
o
u p . ë . e
s
,
ancêtne~ de l'humanit~) et tou~ le~ animaux,
min~naux et v~g~taux de~tin~~ à peuplen le
monde de~ homme~.
La de~cente de l'édi6ice
.coXncida avec l'appanition de la lumiène
~olaine. Ju~qu'alon~, lenègne du nenand
pâle avait été canact~ni~~ pan la nuit, la
~~chene~~e, la ~t~nilit~, le d~~ondne, l'im-
punet~ et la mont.
La création réorganisée entrait, grâce au sacrifice rédemp-
teur à la descente de l'arche et à la chute de la première
pluie fécondante,
dans le règne de Nommo, caractérisé par la
lumière,
la fécondité,
l'ordre,
la pureté, la vie. Mais les
deux principes continuent à s'opposer et à s'~quilibrer
éternellement pour permettre la continuation de la marche
du monde. Le rôle de Nommo fut dans la suite de
limiter les
désordres de Yourougou, et notamment de lui reprendre les
graines volées.
Il inventa une série de techniques successi-
ves qui permirent à l'humani té de s'organiser.
Il révéla
aux hommes les différentes catégories de paroles, au nombre
de v ingt d e ux comme toutes les c a t
go r i e s . de l'univers,
e
é
classées par lui. Quant à Yourougou,
son destin malheureux
fut de poursuivre éternel~ement sa jumelle Yasigui sans
jamais pouvoir l'atteindre.

-
148 -
Cette quête éternelle est figurée sur le plan
cosmique par la révolution du satellite de Sirus {étoile
digitaria exilis) autour de Sirus, révolution de sept fois
sept années qui règle le calendrier religieux dogon. C'est
à ce destin que se rattachent les contes,
les fables, et
certaines légendes. Leur origine, chez les Dogon est attri-
buée à Nommo, qui les a inventées et révélées aux hommes,
pour tourner en dérision le Renard pâle. Car tous les
mettent en scène sous une forme symbolique et contiennent
une intention maligne à son égard. Les différents personna-
ges, généralement animaux, qui y évoluent représentent les
partenaires de Yougourou dans le drame primordial et leurs
aventures de peu de poids sont une figuration du conflit de
la création. Dans le conte étiologique cité en exemple, le
mille-pattes joue le ~ersonnage de Yourougou, et la marmotte
celui de Nommo. La perte des yeux symbolise la perte de la
lumière, à laquelle Yourougou fut condamné à la suite de son
geste incestueux: il erre désormais dans l'ombre des caver-
nes et des nuits.
Nommo est le vrai
possesseur des yeux, c'est-à-
dire de la lumière, et Yourougou erre à sa poursuite, en
même temps qu'il cherche sa mère, c'est-à-dire sa femme;
d'autre part, elle était représentée par le placenta mater-
nel de l'oeuf, qui par ailleurs, est devenue la terre; ces
/
notions complexes nous ont été rendues familières "p ar: la .~
psychanalyse.
Nous comprenons donc le rôle de l'explication
étiologique du conte "pourquoi le mille-pattes n'a pas d'yeux".

-
149 -
. ~Elle doit justifier le récit aux yeux des profanes
et détourner l'attention du sens véritable. Quant à la
moralité elle devient plus claire : les rieurs sont du bon
côté, puisqu'ils se moquent du mille-pattes, c'est-à-dire
de Yourougou. Un type de récit met souvent en scène le
lièvre et l'hyène.
(1).
Le lièvre qui ~asse pour intelligent et rusé,
joue le rôle de Nommo, et berne constamment l'hyène, animal
lourd, nocturne, antipathique qui incarne Yourougou. En
voilà un exemple qui réunit plusieur~ thèmes : le lièvre et
l'hyène décident un jour d'aller chercher des oeufs de pin-
tade en brousse. Or, l'hyène emplit son sac, et le lièvre
ne peut en trouver qu'un seul.
Il dit alors à l'hyène que
SI
elle fendait le fond de son sac, celui-ci s'emplirait
encore mieux. Crédule, celle-ci déchire le fond du sac,
avec ses dents. Quand elle se remet en marche, les oeufs
tombent par terre un à un, et le lièvre les ramasse derrière
elle. Finalement il ne reste dans le sac qu'un seul oeuf et
un mille-pattes desséché. Rentrée chez elle, l'hyène demande
à sa femme un panier pour y mettre sa récolte, et entre dans
une grande colère en ne trouvant plus qu'un seul oeuf. Le
premier épisode peut former à lui seul un tout
il s'agit
du vol par Yourougou des graines, figurées ~ar les oeufs de
pintades, en brousse et leur repr}se par Nommo. Grâce à un
stratagème, Nommo les reprend à l'exception d'une seule,
.1
(7)
L. S.
SENGHOR et A. SAVJI
:
La Beffe Hi~toi~e de LeuR-
fe-Lièv~e - Hac.hette 7953 - Pa~i~ - (d n] - COLLARVÊLLE-
VI ARRASSOUBA. M.
Le fiè v~e et f' hyène dan~ fe~ c.o nte~
de f'oue~t ~~ic.a-i.n ; c o Lt.,
30/78
-
Pa~i~ 7975.

-
150 -
Digitaria exilis, devenue im~ure (il s'agit de l'espèce
dite "fdnio rouge" que l'on ne consomme pas.)
Le mille-pattes desséché représente le placenta de Yourou-
gou desséché par son impureté, et sur lequel a marché
Binou Serou, l'un des quatre
ancêtres descendus avec l'ar-
che et qui deviendra le premier prêtre totémique. La femme
de l'hyène est l'insaisissable YASIGUI.
Deuxième épisode ; à la suite de ces incidents,
l'hyène demande au lièvre de lui tresser les cheveux.
Celui-ci prétend ne pouvoir le faire que si elle monte sur
un arbre, et se met à attacher les cheveux à l'arbre un à
un. Puis il frappe l'hyène avec un fouet; à force de se
balancer dans le vide, elle finit par arracher ses cheveux
et, ainsi libérée s'enfuit. Le lièvre la précède, se cache
dans un buisson et quand elle passe, lui demande ce qUI lui
est arrivé. Elle se plaint des mauvrais traitements du
lièvre. Toujours invisible,
il lui propose un remède et lui
applique de la cendre chaude sur la tête.
L'hyène, brûlée,
se lance à sa poursuite, mais ne parvient jamais à l'attein-
dre.
Ces tours pendables, qui nous rappellent un Deu
ceux du roman de Renard,
symbolisent cette fois la remontée
au ciel de Yourougou voulan~ reprendre le reste de son
placenta, dans l'espoir de retrouver sa jumelle: c'est
pourquoi l'hyène monte sur un arbre. Mais le placenta avait
i/
été transformé en soleil par Nommo ; les cheveux attachés
en éventail aux branches de l'arbre sont une figuration des
rayons du soleil. Yourougou, dans sa démesure, a griffé le

-
1 51 -
soleil, et un morceau lui est tombé sur la tête
c'est le
symbole de la cendre chaude qui le brûle.
Cet ésotérisme de la littérature orale que nous
venons d'illustrer
par quelques exemples, a donc une
portée métaphysique; au même titre que les mythes, mais
sous une forme doublement affabulée, donc moins transparente.
"Le. mo.:t my.:the., a éc.JtJ...:t MaJtc.e.1 GRIAULE, ne.
doJ...:t pa~ ~'e.n.:te.ndJte. au ~e.n~ oJtdJ..naJ..Jte. de.
6oJtme. poé.:tJ..que., un pe.u ab~uJtde.,
6an.:taJ..~J..~.:te.,
ou e.n6an.:tJ..ne. ... J..I e.~.:t une. a66abula.:tJ..on
volon.:taJ..Jte. d'J..dée. ma~.:tJte.~~e.~ quJ.. ne. pe.uve.n.:t
~.:tJte. mJ..~e.~ à la poJt.:tée. de. .:tou~ à n'J..mpoJt.:te.
que.l
mo me. n.:t " .
(1)
Elle constitue un objet de croyance pour ceux
qui sont initiés à son symbole. Par ailleurs, la narration
des contes contribue à la poursuite de la marche du monde,
conséquence des grandes forces mises en mouvement à la
création et dont l'équilibre est donc nécessaire au maln-
tien de l'univers. Mais cette narration n'est pas laissée
au hasard; elle obéit à certaines règles strictes que nous
avons déjà soulignées plus loin. En plus, c'est obligatoire-
ment la nuit que l'on doit conter. L'interdiction de conter
pendan t la j ou r n ée e x i s te dans de nombreuse s régions de
l'ouest africain. Mais à notre connaissance, les explica-
tions qui nous ont été données sont peu précises, et ne
méritent pas d'être mentionnées, sous peine de tomber dans
'des contre-vérités p r j u d ic i ab l e s
la crédulité de cette
é
à - v
/
étude. Seule, l'explication Dogon sembler aller de pair,
( 1)
GRIAULE (Ml - Conn~~anc.e. de. l'homme. no-tlt, J..n la c.onn~~anc.e. de.
l'homme. au XXe. ~J..ècte. - Re.nc.o~e. J..n.:te.Jtna.:tJ..onale. de. Ge.nève. 1951.

-
152 -
avec le 'drame de la Création, et du Commencement : Yourou-
gou a surgi et agi dans l'obscurité primordiale et c'est
seulement avec l'avènement de Nommo qu'est apparue la
lumière solaire
; il est donc un
être nocturne qui ne peut
que se manifester la nuit. C'est en effet pendant la nuit
qu'il répond aux questions qui lui sont posées par les
devins, sur les tables de divination (car il possède, lui
aussi, une parole qui lui permet de révéler l'avenir mais
il l'a volée à l'origine avec les graines). Conter de nuit,
c'est conter pendant les heures où les renards sortent de
leur tanière et rôdent dans l'obscurité; on est donc
certain que Yourougou entend les moqueries qui le visent.
Conter de jour, sous la lumière du soleil, serait ûn
affront direct à Nommo.
Au contraire, on ne doit tisser que de jour,et
tout tisserand qui n'arrêterait pas son travail au coucher
du soleil, deviendrait aveugle, car le tissage est techni-
que de Nommo, chose divine et bénéfique, liée à la parole
du Moniteur. Dans toutes les sociétés traditionnelles, de
l'ouest africain; conter présente un aspect bénéfique;
il
représente une nécessité, pour la bonne marche de la société,
du monde, sur le plan métaphysique comme sur le plan humain
et social. Tout d'abord,
les contes et légendes constituent
une base essentielle d'enseignement, une étape première
d'instruction pour les jeunes, en leur présentant sous une
forme amusante et colorée facile à retenir, les drames de la
i,
création et les connaissances qu'ils devront ~acquérir aux
différentes étapes de leur initiation.

-
153 -
Par la suite, ces vérités essentielles se déga-
geront peu à peu des images enfantines ; et il suffira de
les transposer pour entrevoir le fonctionnement du mécanisme
cosmique. Par ailleurs, sur le plan psychologique, ils
produisent un effet certain
de catharsis. L'auditoire est
mis en état d'euphorie par les rires que provoquent les
mésaventures de Yourougou~personnage qui prend ici un
aspect
populaire et comique qu'il n'a pas dlns le mythe.
La moquerie dirigée contre un adversaire, ou même contre un
ami, a un effet de "décharge" et facilite les rapports. Ce
mécanisme de la moquerie cathartique a été étudié par Marcel
GRiAULE à propos de l'institution classiquement connue sous
le nom de "parenté à plaisanterie" et qu'il a préféré
nommeT "alliance cathartique" (1) et une autre étude de G.
GRIAULE des effets des moqueries de caractère en quelque
sorte linguistique, qui sont échangées entre individus de
parlers différents (2).
Enfin, sur le plan social, le contage est l'un des
rouages favorisant la perpétuation de l'humanité.
En effet,
les réunions noctur~es où l'on conte ne sont pas composées
que de femmes et d'enfants; des jeunes gens s'y mêlent et
des rapprochements favorables au mariage se produisent.
L'atmosphère est en particulier propice: en effet, les mo-
queries dirigées contre la vaine quête de Yourougou exaspè-
/
rent ce dernier, et le poussent de plus belle à chercher son
âme soeur. Stimulés par son exemple, les jeunes gens cherchent
leur "jumelle". L'homme, grain (le l'univers, est au centre du monde.
(1)
GRIAULE (Ml -L'a...UA..anc.e. c.aXhaJttique. - in A6JLic.a ouobJte. 1948.
(2) CALAME-GRIAULE (G) - L~ moque.Jtie.~ de. vitlage.~ au Soudan 6Jtanc~ -
Ùl note.~ a6JLic.ai'1~ - janv.
1954.

-
154 -
CHAPITRE· V
LA LEGENDE DU CONQUERANT DANS L'OUEST
1- LEGENDÈKHASSONKE :
L'Ami du Lion (1)
Il était un ~oi tout pui~~ant.
Comme ~a 6emme p~é6é~ée ne lui avait pa~ en~o~e donné
d'en6ant, il
~on~ulta le devin pou~ ~avoi~ quelle de~~en­
dan~e ilau~aitd'elle :
- "De ~ette 6emme, dit le devin, tu au~a~ un 6il~ qui te
tue~a, pou~ ~êgne~ à ta pla~e".
De ~e jou~, le ~oi ne voulut plu~ voi~ ~a 6avo~ite ; il
n'eut plu~ ave~ elle au~une ~elation et dé6endit même de
lui donne~ à mange~, en ~o~te qu'elle 6ut ~éduite à glane~
dan~ le~ ~hamp~ de mil.
Une nuit, un g~iot du ~oi 6it un ~êve
IL vit la 6avo~ite tombée en di~g~a~e,
donne~ à ~on malt~e
un 6il~, qui devenait pui~~ant et plu~ géné~eux que le ~oi
~on pè~e. Le g~iot ~on6ia ~ette ~évélation à ~e~ ~ollègue~
et tou~ en 6u~ent tellement 6~appé~ que, d'un ~ommun a~~o~d,
il~ ~é~olu~ent d'oblige~ le ~oi à ~ep~end~e ~a 6avo~ite.
Dan~ ~e but, il~ vin~ent, ~elon leu~ habitude, donne~ une
g~ande 6ête au ~oi, dont il~ exaltè~ent le~ haute~ ve~tu~.
Pou~ le~ ~eme~~ie~, le ~oi leu~ o66~it de ~i~he~ ~adeaux,
mai~ il~ le~ ~e6u~è~ent.
Comme il demandait la ~ai~on de ~e ~e6u~ :
- "Nou: ne ~omme~ pa~ venu~ c.h.e n.ch.e»: de.s ~adeaux, di~ent-il~,
mai~ ~eulement te demande~ d'a~~é.de~ à not~e dé.~i~."
- "Je n'ai ~ien à vou~ ~e6u~e~, dit le ~oi."
- "Eh bien, di~ent le~ g~iot~, nou~ ~e~ont ~ati~6ait~ quand
tu au~a~ eu un 6il~ de la 6emme que tu aimai~ tant aut~e6oi~,
et que tu t~aite~ ~i mal aujou~d'hui."
Le ~oi, att~i~té,
ne ~é.pondit pa~ ; mai~ ~omme il ne
pouvait ~eveni~ ~u~ ~a p~ome~~e, il 6it mande~ ~on ex-
6avo~ite pou~ la nuit
~uivante. De ~e~ ~elation~
6o~~ée~,
naquit un 6il~ ; mai~ la 6emme
ne 6ut pa~ pou~ ~ela mieux
t~aitée et dut ~ontinue~ à glane~ pou~ ~e nou~~i~. Un jou~,
aux ~hamp~, elle po~a ~on en6ant à te~~e pou~ êt~e plu~
lib~e. Une lionne, en ~ôdant, ~en~ont~a le pauv~e petit et
l'empo~ta dan~ ~on ~epai~e, à ~ôté. de ~on petit lion~eau.
J
L'en6ant et le lion~eau, nou~~i~ du même lait, jouè~ent
d
en~emble. Quand {l~ 6u~ent d'âge à mange~, la lionne donnait
le 60ie à l'en6ant, et l'aut~e ~hai~ au lion~eau. Mai~, en
g~andi~~ant, l'en6ant ~'ape~cut que la lionne le ~ega~dait
d'un mauvai~ oeil; il le dit au lion~eau. Celui-~i, alo~~
( 1) MONTEIL (Ch) - Conte~ Soudan~ - p~~ - Le~oux 1905 p. 8.

- 1SS -
adutte, ét~a~gta ~a mè~e da~~ ta c~ai~te de pe~d~e ~o~ am~
et dé~o~mai~, it dut pau~voi~ tui-même à ta ~ou~~itu~e
cOlnmu~e.: L' e~6a~tet te tio~
cun
ai~~i
t'amitié
v ë
e n
:
d a . n
s
ta ptu~ ét~aite et ta ptu~ ca~6ia~te.
Un jou~,
te vittage vai~i~ 6ut e~ 6ête pou~ ta ci~co~­
ci~i()~. L' e~6a~t dit ar.ocs à s on ami .te tian:
- "Voici ve~u te temp~ 0 Q j e do-cs ë.t»:« c.ou:o n c.cs , j e v ai.s me
m~e e~ quête de que1.qu'u~ qui veuil.1e bi.e.n. me 6ai~e t'apé~atio~"
et it pa~tit.
Va~~ u~ champ, it t~ouva u~ homme qui ti~~ait, c'était te
che6 de~ capti6~ du ~oi :
- "Mo~ pè.~e, tui dit-it,
je ~ui~ u~ pauv~e o~pheti~ aba~do~­
~~ j'ai t'dge d'êt~e ci~co~ci~,voud~d~~-tu me p~e~d~e avec
te~ e~6a~t~ pou~ cette opé~atio~ ?"
- "Mo~ 6it~, dit te vieitta~d, je ~'ai pa~ d'e~6a~t, mai~ je
co~~e~~ à te co~~idé~e~ vato~tie~~ comme mie~ pou~ te ~e~vice
que tu me dema~de~.
.
Vè.~ ce jou~, t~e~6a~t demeu~a chez te vieitta~d.
Toute6oi~, it 6it de quotidie~~e~ vi~ite~ à ~o~ ami, te üo~.
_La veitte du jou~ de ta ci~co~ci~io~, a~~iva u~e g~a~de
ca~ava~e de diouta~.
(comme~ça~t~ iti~é~a~t~ de t'oue~t
a6~icai~) .
Le tio~ ~'était pa~té au ba~d d'U~ ma~igat qu'it 6attait
~éce~~ai~eme~t t~ave~~e~, et, qua~d ta ca~ava~e 6ut p~oche,
it bo~dit de ~a cachette. Bête~ et ge~~, ~ai~i~ d'e66~oi,
.s 1 e~6uie~t e~ aba~do~~a~t tou~ te~ bagage~.
Le tio~ ~uit
au~~itôt ~o~ ami, qui, aidé de ~o~ hôt~, ~ama~~a et empo~ta
toute~ te~ ma~cha~di~e~. Le te~demai~ de ta ci~co~ci~io~, te
tio~ dit à ~o~ ami :
.
- "A pa~ti~ d'aujou~d'hui,
et ta~t que tu ~e~a~ matade, tou~
te~ ~oi~~, ~ou~ t'a~b~e de ~o~ ~e~dez-vou~, tu t~ouve~a~
deux a~titape~ pou~ te ~égate~ avec te~ cama~ade~".
Et jamai~ te tio~ ~e 6aittit à ~a p~ome~~e.
U~ jau~, te tio~ dema~da à ~o~ ami
- "Mai~te~a~t quet~ ~o~t te~ p~ojet~ pou~ t'ave~i~ ?"
- "Je voud~ai~ épou~e~ u~e jeu~e 6itte pou~ taquette j'ai ta
ptu~ g~a~de a66ectio~, mai~ ette e~t déjà p~omi~e et ta dot
e~t e~ pa~tie payée.
- C'e~t bie~, dit te tio~, voici ce qu'it 6aut 6ai~e
"Ve~d~edi, qua~d te~ jeu~e~ 6itte~ ~e~o~t e~ t~ai~ de tave~
te ti~ge au ma~igot, je ~aute~ai ~u~ to~ amie, tu ta détiv~e­
~a~,·et, apJCèS c.e.: exptoit, o~ ~e·pou~~a ptu~ te tœ~e6u~e~
/
~euteme~t, do~~e-moi e~ temp~ utite te moye~ de ~eco~~aZt~e
to~ am.te."
Le jeudi ~oi~,i te j e.u.ne. homme dit à ~o~ am.te :
,
"Rie~ ~e te ~ied mieux qu'u~ ~uba~ jau~e autou~ de ta tê.te
et tu me 6e~a~ ptai~.t~ e~ e~ pJ~ta~t u~".

-
156 -
Eiie accéda à ce dé~~~ et ie i~o~ 6ut p~é~enu de ce déta~i
ca~acté~~~t~que. Le iendema~n,
au moment où ie~ éciat~ de
~~~e et le~ bava~dage~ de~ jeune~ 6~iie~ ~e 6a~~a~ent
entend~e au bo~d de i'eau, ie i~on, ju~qu'aio~~ biott~ dan~
ie~ he~be~, bond~t tout à coup et enieva ia jeune 6~iie au
bandeau jaùhe.
Le~ 6emme~ et ie~ en6ant~ ~e ~auvè~ent, ie~
homme~ g~~mpè~ent ju~qu'au haut de~ a~b~e~ ; ~eui, i'am~ du
i~on t~nt tête au 6auve et ~éu~~~tà iu~ 6a~~e iâche~ ~a
pn.o i». .
Le cou~ageux jeune homme out combié de iouang~~ et chacun
pen~a qu'~i convena~t de iu~ donne~ pou~ épou~e ia jeune
6~iie, qu'~i ava~t ~~ m~~acuieu~ement ~auvée. Le~ notabie~
~n~~~tè~ent ~~ b~en dan~ ce ~en~ aup~è~ de~ pa~ent~ de ia
jeune6~iie que ceux-c~ 6~n~~ent pa~ donne~ ieu~ a~~ent~~ent~
Le che6 de~ capt~6~ qu~ ~e con~~dé~a~t comme ie pè~e du
jeune homme iu~ d~t :
- "J' a.L enco~e t.ou.xe.s t.e.s ma~chand~~ es qu~ nou~ avo n~ p~~~ es
à ia ca~avane
de~ d~ouia~, tu peux en d~~po~e~ en toute
i~be~té pou~ te~ 6~anca~iie~.
Le ma~~age tut une 6ête ~an~ égaie et ie ~o~~ même ie
i~on V~i1t contempie~ ia jeune 6emme endo~m~e,
a6~n,
iu~
au~~~,
d'avo~~ ~a pet~te pa~t de jo~e. Peu ap~è~, une nu~t,
ie i~on v~nt ~'ent~eten~~ avec ~on am~ :
- "Ma~ntenant que je v~e~ii~~, iu~ d~t-~i, je commence à
ét~e p~~~ de ~emo~d~ d'avo~~ tué ma mè~e ; ~a ~oeu~ hab~te
ia ~~ve d~o~te, je va~~ i'aiie~ vo~~ et iu~ demande~ d'~n­
te~céde~ pou~ mo~, pa~ ~e~ p~~è~e~ au Tout-Pu~~~ant.
V~en~
me vo~~ dema~n,
~ou~ not~e a~b~e,
je te 6e~a~, ià, me~
ad~eux et te d~~a~ i'époque de mon ~etou~".
Le baobab, i~eu du ~endez-vou~, éta~t t~è~ v~eux. A ~on
p~ed dan~ une excavat~on, iogea~t une hyène et tout en haut,
dan~ ~e~ b~anche~, un 6aucon. Le i~on a~~~va ie p~em~e~ et
~ouda~~, p~~~ de coi~que~, ~i mou~ut.
L'hyène ~o~t~t, et
ape~cevant ie cadav~e, d~t à ~on vo~~~n ie 6aucon :
- "Am~, vo~ià une bonne jou~née, nou~ pou~~on~ nou~ ~égaie~
~an~ nou~ dé~ange~. Pen~e~-tu que ce cadav~e ~o~t pou~ to~ ?
Vepu~~ quand ioge~-tu ~c~ ? Lequei de nou~ deux connait
m~eux ie pay~ ? Ce n'e~t pa~ to~, a~~u~ément !"
L'hyène ne ~épond~t pa~ et ~ent~a dan~ ~on t~ou, pou~
attend~e ia nu~t, qu~ iu~ pe~mett~a~t de 6a~~e ~on ~~n~~t~e
~epa~ ~an~ ét~e dé~angée.
Le jeune homme a~~~va à ~on tou~,
et, p~~~ de dé~e~po~~, quand ~i v~t ~on am~ mo~t, ~i ~e tua
en ~e coupant ie cou.
L'hyène ~e~~o~t~t et d~t :
- I!Vo~ià un jou~ pa~t~cui~è~ement heu~~ux, deux cadav~e~ à
ma po~te 1"
/
Et, de nouveau, eiie ~e ~et~~a.
Le 6aucon de~cend~t, ~Iapp~ocha de~ cadav~e~ et dépo~a ~u~
ieu~~ na~~ne~ un peu de poud~e qu'avec ie bec ~i ava~t p~~t
autou~ de ~on de~~~è~e. Au~~~tôt, ie~ mo~t~ ét~~nuè~ent, et
~e ~ed~e~~è~e.nt.
En t'attendant,
je m'éta~~ endo~m~ dLt Le. i~on, à ~on ame,

-
157 -
- "Et mo i., te voyant e.ndoJtmA.-,
j' ai. 6aA.-t de. même.", dA.-t t.e
je.une. homme..
- "MaA.-1.> qu'e.I.>,t
que. e-e6ang -6UIz. t.e.s e.66etl.>
7 e - e _
?" I.>'e.xe--tama
-te. -tA.-on.
- "Ah! Je. me. Jtappe.-t-te.,
6A.-t -te je.une. homme.,
je. t'aA.- tJtouvê,
-ta,
ttendu,
je t'aA.- e-Jtu molz.t
a-toJtI.>, dêl.>e.l.>pêJtt,
je. me. I.>UA.-I.>
tut."
Et moA.- aul.>l.>A.-, e-ontA.-nua -te. -tA.-on,
je. me. Jtappe.-t-te. ...
I-t n'ae-heva pal.> ; te. 6aue-on -t'A.-nte.JtJtompA.-t e.t dA.-t
"Le.I.> 6JtUA.-tl.> que. VOul.> voye.z à e-e. baobab ne. I.>ont pal.> Jte.m-
p-tA.-1.> de. 6aJtA.-ne. e-omme. voul.> -te. pe.nl.>e.z, e-e. I.>ont de.I.> tA.-ngotl.>
d'olz.".
Le. je.une. homme. gJtA.-mpa aUI.>I.>A.-tôt pouJt te.l.> e-e.UA.-ttA.-Jt, PUA.-I.>,
te.l.> ayant nouêl.> danl.> I.>on êe-haJtpe., A.-t I.>e. plz.épalta à paJttA.-1z. ;
te. tA.-on tuA.- dA.-t :
"POltte. tout e-e.t oJt au e-he.6 de.I.> e-aptA.-6-6 du JtOA.-,
pouJt qu'A.-t
te. dA.-l.>tJtA.-bue. a 1.>e.1.> e-amaJtade.-6, e.t e.xA.-ge
d'e.ux qu'A.-t-6 tue.nt
te. Iz.OA.- e.t t'êt~he.nt a I.>a ptae-e..
Le. e-he.6 de.I.> e-aptA.-61.> e.t 1.>e.1.> e-amaJtade.1.> ae-e-e.ptèJte.nt.
Le. -te.nde.maA.-n, a -ta poJtte. du JtOA.-, e.t de. e-hae-un de. 1.>e.1.>
tve.ntue.t-6 l.>ue-e-el.>l.>e.ulz.l.>, I.>e tenaA.-t un e-aptA.-6 alz.mê. Vèl.> que. te.
JtOA.- paJtut, A.-t 6ut mA.-I.> à moJtt e.t A.-t e.n 6ut de. même. de. e-e.ux
quA.- de.vaA.-e.nt tuA.- l.>ue-e-éde.lz.. Quand
te je.une homme. 6ut nommê
JtOA.-, te. tA.-on vA.-nt te. VOA.-Jt e.t tuA.- dA.-t :
"Le. dt6unt fLOA.- êtaA.-t ton pèJte., e.t e-e.tte. 6e.mme. e.n haLe.-tonl.>,
quA.- me.ndA.-e. danl.> te.l.> Iz.uel.>, el.>t ta mèlte,
e.t A.-t tuA.- e-onta -6on
hA.-l.>toA.-lte.."
Le. je.une. homme. Jte.me.Jte-A.-a -te. -tA.-on et dA.-t :
"Tu m'al.> noultltA.- et pltotégé tant que. J'êtaA.-I.> A.-mpuA.-l.>l.>ant,
dë s ma cnt.e.nan t.,
je veux POMVO,{Jz. a tOUI.> xe.s be.s oLn» : tOUI.>
te.-6 jouJt-6, tu tJtouve.Jtal.> de.ux boeu61.> I.>OUI.> notJte baobab."
"C'e.l.>t bA.-e.n, dA.-t te. tA.-on ; e.t maA.-nte.nant je. vaA.--6 te. qUA.-t-
telt I.>anl.> l.>avoA.-1z. quand noul.> nOU-6 lteveltltonl.>, plte.ndl.> e-e.tte
heltbe : tant qu'et-te. -6eJta ve.ltte, e.t 6ltaZe-he.,
je. l.>eJtaA.- ene-olte.
de. e-e monde; dèl.> qu'e.tte 1.>e.lz.a jaune et 6tétlz.A.-e, je. l.>elz.aA.-
mo n.i;" .
Et te tA.-on paJttA.-t.
Longte.mpl.>, te -tA.-on e.t -te. jeune homme I.>e.
ltevA.-ltent a de glz.and.6 A.-nteJtvattel.>.
Le jeune homme de.vA.-nt un
ltOA.- puA.-.6-6antet aA.-mé ; aupltè-6 de. tuA.- êtaA.-t .6a vA.-eA.--tte mèJte
qu'A.-t e.ntoultaA.-t de l.>oA.-nl.> a66ee-tueux.
Un jOUlt, A.-t .6e -6ouvA.-nt de .6on amA.- te tA.-on, Qu'A.-t n'avaA.-t
pa-6 ltevu de.puA.--6 de. tongue-6 annte.1.> ; A.-t Jtee-he.Jte-ha t'he.Jtbe
!
ûatA.-dA.-que : etle étaA.-t ja~ne., 6ante et 6tétltA.-~ ; atoAI.>-A.-t
I.>e mA.-t a pte.Ulte.lt e.t, pendant un moA.-.6, demeulta A.-ne-on.6otabte
pelt.6onne ne e-omplte.naA.-t ltA.-en a I.>on c-hagltA.-n.
EnûA.-n, A.-t ltae-onta l'hA.-l.>toA.-lte. de .6a VA.-e..
L'Ami du lion, a été publié par Charlès MONTEIL

- 158 -
en 1905. Dans son introduction,
il précise en effet qu'il
doit plusieurs contes "au chef des jeunes" de Médine
(Sénégal) .
Homme fort,
intelligent, potier habile malgré la lèpre qui
avait réduit ses mains à l'état de moignons, le "chef des
jeunes" tenait lui-même ses récits des artistes, à la fois
conteurs, chanteurs, danseurs, qu'il avait engagés Dour les
fêtes publiques que célèbrënt les paternités de jeunes
gens dans les années de circoncision.
Pour en revenir à cette légende, les contes trai-
tant de la prise du pouvoir sont pourtant rares dans
l'ouest africain, où les contes enseignent le plus souvent
une morale pratique par évocation des ruses du lièvre, les
déconvenues de l'hyène, ou l'inconstance des femmes. Mais
l'ami du lion est d'origine Khassonke. Est-ce un hasard si
les deux variantes du conte politique ont été notées dans
cette même société? Vingt ans avant Monteil, Berenger-
Feraud avait publié la Ballade Khassonkaise de Diudi
(1)
dont la fin lamentable évoque curieusement les romans de
l'époque: Fille du roi BAKARY, la belle Diudi
s'éprend
d'un jeune homme pauvre, Sega ; de naissance obscure, il ne
peut demander sa main; qu'importe,
les amants ne songent
pas à l'avenir, ils se voient chaque nuit. Mais on apprend
que les Bambara envahissent le pays. Les guerriers partent
les combattre, Sega le premier, se couvre de gloire. Le
/
temps s'écoule, la guerre s'installe; cependant, Diudi
se
(1)
BERE~GER-FERAUV IL.J.B.) - R~eu~if d~ eo~t~~ ~opufai~~~
d~ fa Sé~égambi~ - "Battad~ K a~~o~fia--<-~~
~Viudi'l - pp.
27-38.

-
159 -
voit enceinte, et ne peut cacher son état à son père.
Furieux; le roi voudrait mettre à mort le séducteur; la
fille du r o.i. ne peut être aimée que par un roi, il exige
un nom que Diudi se refuse à donner : "Mon père, celui que
j'aime est beau comme le soleil,
il est brave comme le
lion ; il est sage comme le vieillard ; mais je ne vous
dirai pas son nom; il ne doit pas mourir,
il doit être
votre fils aimé en attendant d'être votre successeur."
Bakari demeure inflexible et jette Diudi en prison, elle y
mourra. Sega, pour sa part, a vaincu les Bambara, il a
sauvé le royaume. A son retour, le héros triomphant demande
Diudi comme unique récompense. Hélas! on ne peut que lui
désigner une tombe sur laquelle il se jette. La mort unira
les amants.
"Cette ballade est le chant de guerre autant que
le chant d'amour des Khassonkés" conclut Berenger-Feraud.
Qui sont les Khassonké, pour prendre plaisir ~ entendre
chanter aussi bien l'amour malheureux que les exploits du
conquérant ?
"A l'oJtigine, le KHASSO 6ut une Jteg-<-on de
peu d'étendue,
~ituée ~uJt la Jtive dJtoite,
du Sénégal,
aux. enviJton~ de Ba6oulabé..
t.es
Peul~ qui nomadi~aient en 6uJtent, à
c.au~e de c.ette dénomina-tion, appelé~ "le~
gen~ du Kha~~o" ; loJt~que c.e~ Peul~ euJtent
60Jtmé une c.eJttaine 6amille indigène, une
~oJtte de c.lan indépendant de~ c.he6~ loc.aux.,
le nom de Kha~~o ~'appliqua également à c.e
c.lan"
(1).
/
A la seule lueur de la Ballade de Diudi,
Montesquieu n'eût pas hésité rà ranger le royaume Khassonké
(1)
MONTEIL
(Ch)
- Le~ Kha~~onke - GeuthneJt 1915 - pp. 9-10.

-
160 -
parml celJX dont le principE.: est l'honneur, "c'est-à-dire,
le préjugé de chaque personne et de chaque condition" (1).
Le rOl Bak~ri ne peut supporter une mésalliance, il tuera
plutôt sa fille.
Le souverain de l'Ami du Lion, ne peut pas
plus revenir sur une promesse donnée: "Je n'ai rien à vous
refuser" a dit le roi. Ainsi lié et dût-il en mourir,
il
accomplira le désir des griots, eux-mêmes poussés par un
rêve qui leur annonce, dans le héros à naître, un souverain
"puissant et plus généreux que le roi son père." Le Monarque,
des musiciens qui chantent sa louange, des captifs (le père
adoptif du hérps sera tisserand, chef des captifs royaux) le
milieu où se déroule l'action est suffisamment indiqué.
Le
thème général du conte - l'amitié qui unit un homme et un
animal réputé féroce - est connu suffisamment.
La forme la plus répandue est peut-être celle
illustrée par l'histoire d'ANDROCLES et dont la morale
s'énoncerait: "Un bienfait n'est jamais perdu." Esclave
fugitif, en Afrique romaine, Androclès délivre un lion d'une
épine qui lui traversait la patte et séjourne avec lui trois
mois dans son antre. Par la suite, l'homme est jeté aux
bêtes dans les jeux du crique ; le lion le reconnaît, et
l'épargne.
Rien de tel dans la légende Khassonke, où les
liens étroits entre les amis sont toutefois beaucoup plus
étroits que ceux d'Androclès avec· son obligé. L'homme ne
rend ici aucun service au lion; mais nourrlS du même lait,
(1)
MONTESQUIEU -
El.>pJt-<-t deI.>
Lo-<-I.>
-
I-III
c.h 6 p.
19
-
GaJt»~eJt FlammaJt-<-o».

- 161 -
l'enfant Khassonké et la bête féroce se trouvent sur un
pied d'àbsolue égalité, le héros sera lion parmi les hommes
comme son ami est roi parmi les animaux. La mère lionne qUI
a sauvé le nouveau-né est supprimée: Lo r s que celui-ci n'a
plus de soins maternel~, et il n'est à aucun moment ques-
tion d'un père lion dont la présence serait embarrassante.
Tout au long du récit, le lion ne cesse de se substituer à
l'homme au point qu'on pourrait croire chez ce dernier, à
une double nature.
Ceci est un trait proprement africain
la faculté de métamorphose est admise en milieu traditionnel,
au moins pour certains
individus, magiciens, sorciers,
hommes-panthères, que ce pouvoir redoutable place hors du
commun.
La présence attestée dans quelques rares cas,
d'enfants sauvages vivant auprès d'autruches ou de gazelles,
a pu renforcer cet te croyance.
(1)
Surtout, il s'agit ici du lion; comment à propos
du roi des animaux, ne pas évoquer le prestigieux fondateur
de l'empire du Mali, Soundjata, l'ancêtre des Kéita, et,
avec eux, de tous les princes de la région, qu'ils soient
Malinké, Bambara, Wolof, ou Sarakolé ? Soundjata lui-même
est assimilé au lion et les princes sont dits de la lignée
du lion.
( 2) .
Le lion de la légende "doublera" le jeune homme
pour accomplir .Ie .meurtre .de la mè r e , geste nécessaire à
( 1)
BASSET (R) - Un homm~ ~h~z f~~ bêt~~ - Not~~ A6~c~n~~ 26 av~.
1945 - p. 4-7 MONOD (Th) "Un ~n6ant 9az~U~ au. SahMa o~c.<..d~ntaf"
Not~~ a6~~n~~ 98 - Av~ 1963 - pp. 58-61.
(2) CORNEVIN
Hi6to~~ d~ f'A ~ U~, d~~ 0 .
fa 2èm~
U~~
mondial~ - Payo
97
- p. 40 - L ~mp~~
- PM~.

-
162 -
l'action mais trop horrible pour être présenté sans fard
le roi dè la brousse mettra le héros à même d'accomplir
sans effort apparent des exploits virils : pillage de la
caravane, sauvetage de la
fiancée; enfin, c'est lui qui
trouvera l'emploi des fruits d'or, attribut du pouvoir
parmi les hommes, s'il n'en est pas le signe éclatant. Son
ami nommé ici, son rôle accompli, le lion disparaît. Mais
il ne p~ut mourir en scène, ce serait tuer son double ; i l
se retire donc en coulisse, laissant au souverain une D01-
gnée d'herbes dont la flétrissure annoncera sa fin à l'ami
qui n'a plus que faire d'un compagnon encombrant. Le motif
du "gage de vie" apporte une conclusion mélancolique il
n'apparaît pas nécessaire à l'intelligence d'une légende
dont le titre pourrait être "l'ami du lion" ou "comment
devenir roi".
Le schéma général de l'Ami du Lion, repose sur une contra-
diction initiale dont la solution ne peut être atteinte que
progressivement. D'où une série
d'épisodes dont chacun voit
se réduire l'écart entre deux propositions contradictoires
naissance, initiation, et mariage forment une première
partie, à la fin de laquelle le héros apparaît comme le
jeune homme modèle, premier de tous ses compagnons. La
deuxième partie concerne plus directement la prise de pou-
voir, elle comprend l'épisode mystérieux du baobab aux
fruits d'or, lié directement au meurtre du vieux roi, et la
disparition du lion.
La séquence d'ouverture pose le problème crucial
pour une monarchie, celui de la succession au trô~e. In-
. quiet de la stérilité de son épouse préférée, le roi (un rOl

-
162 -
l'action mais trop horrible pour être présenté sans fard
le roi de la brousse mettra le héros à même d'accomplir
sans effort apparent des exploits virils : pillage de la
caravane, sauvetage de la
fiancée; enfin, c'est lui qUl
trouvera l'emploi des fruits d'or, attribut du pouvoir
parmi les hommes, s'il n'en est pas le signe éclatant. Son
ami nommé ici, son rôle accompli, le lion disparaît. Mais
il'he peut mourir en scène, ce serait tuer son double';
il
se retire donc en coulisse, laissant au souverain une Doi-
gnée d'herbes dont la flétrissure annoncera sa fin à l'ami
qui n'a plus que faire d'un compagnon encombrant. Le motif
du "gage de vie" apporte une conclusion mélancolique il
n'apparaît pas nécessaire à l'intelligence d'une légende
dont le titre pourrait'être "l'ami du lion" ou "comment
devenir roi".
Le schéma général de l'Ami du Lion, repose sur une contra-
diction initiale dont la solution ne peut être atteinte que
progressivement. D'où une série
d'épisodes dont chacun voit
se réduire l'écart entre deux propositions contradictoires
nalssance, initiation, et mariage forment une première
partie, à la fin de laquelle le héros apparaît comme le
jeune homme modèle, premier de tous ses compagnons. La
deuxième partie concerne plus directement la prise de pou-
voir, elle comprend l'épisode mystérieux du baobab aux
fruits d'or, lié directement au meurtre du vieux roi, et la
disparition du lion.
/
La séquence d'ouverture pose te problème crucial
r
pour une monarchie, celui de la succession au trô~e. In-
quiet de la stérilité de son épouse préférée, le roi (un roi

-
164 -
Une fois grand, le héros prend sa revanche sur ses persécu-
teurs. Glotz et Frazer, ont vu dans la légende de l'enfant
exposé, l~ souvenir d'une ordalie primitive et plus préci-
sément d'une ordalie de légitimation. Selon une autre
interprétation, la légende garderait trace des rites
d'initiation, retraite en montagne, plongeon rituel, mort
simulée avec inhumation dans un coffre d'où l'initié ressus-
cite avec uné persohhalité enrichie et parfois même un nom
nouveau.
(1)
Souvent, l'enfant éprouvé
a pour grand-père
maternel un roi qui n'a pas de fils,
souvent aussi, l'enfant
est sauvé par un animal sauvage miraculeusement adouci à sa
vue: ROMULUS et REMUS sont recueillis par une louve,
GILGP~ESH par un aigle, CYRIUS par une chienne.
La bien-
veillance de l'animal est interpr(tée comme une preuve de
l'élection de l'enfant.
Il n'en va pas autrement dans le texte Khassonké,
avec cette nuance que l'enfant y est non pas tant sauvé que
dérobé par la lionne pour être nourri du même lait que son
lionceau. Plus tard, lorsque la lionne apportera aux nourris-
sons sevrés le butin de sa chasse, l'enfant recevra le foie,
c'est-à-dire, la part offerte dans les sacrifices à la
divinité ou à l'invoqué. Toutefois, plus que les enfances
des conquérants, c'est d'abord celle d'un autre héros de
r, '
l'Antiquité qu'évoque la prédicti6n.
/
Si Oedipe est abandonné à sa naissance, c'est que
(1) VELCOURT (Ml
-
Légende~ et eult~~ du héhO~ en Ghèee -
pp.
99-100.

165 -
l'oracle d'AppoJon a informé Laïos, roi de Thèbes, que le
fils qu'il engendrerait de Jocaste le tuerait.
(1)
Fils de roi exposé à sa naissance, l'Ami du Lion
lui aussi tuera son père et règnera à sa place. Les ressem-
blances vont-elles plus loin? Dans le texte Khassonké,
c'est à la demande de ses griots de son peuple - que le
roi rappelle la favorite, le bien public exige la venue
d'un fils "plus généreux" que le roi actuel. Aussi, l'en-
fant n'est-il pas expulsé, comme la coutume africaine le
prévoyait encore Mier pour les enfants maléfiques, nés
difformes ou venus au monde
les pieds devant. Mais tel
peut avoir été le sort premier d'un petit Oedipe: Pied
Enflé, ou Pied Bot, le nom s'expliquerait par le vieil
usage grec d'exposer les nouveaux-nés contrefaits. Dans la
même lecture, le nom de son père (Laïos le Bien Public)
indiquerait qu'il agit dans l'intérêt commun. Une autre
interprétation demeure ouverte : la seule impossibilité de
marcher n'apparaît-elle pas comme un premier obstacle à la
conquête du pouvoir ?
"
On ~e souviendra ici que la difformité d'Oedipe
est partagée par Soundjata, le héros Malinké (le lion) dont
la légende veut qu'il n'ait pu se tenir debout avant l'âge
de sept ans.
(2).
Oedipe et l'Ami du Lion sont tous deux des conqué-
rants
tous deux doivent régner, quels que soient les
( 1) VELCOURT (M) - Oe~pe ou (a (égende du Qonqué~ant - L~ Beti~
Üdbr..e.6 - 1944.
(2) S~ fa (égende de SOUNVJATA Qn : NT NIANE - Soundiata ou ('épopée
ma~ngue - PM--W - P~é.6enQe A6JUQcUne - 1960.

-
166 -
obstacles rencontrés. Le public le sait, et goûtera d'autant
plus le:récit que les difficultés s'y multiplient, surmon-
tées par ~a vaillance du héros et aussi par l'adresse du
conteur qui doit faire en sorte que son héros tue père et
mère sans savoir qu'il commet un double parricide.
II - LA LEGENDE DU SACRIFICE ROYAL EN AFRIQUE DE L'OUEST
Nous avons analysé quelques aspects essentiels du
conquérant et nous avons pu
constater que celui-ci évoluait
dans une aire tragique similaire à celle d'Oedipe. Oedipe
et l'Ami du Lion, sont des jouets du destin en bien ou en
mal. L'idée que le rOl ou le prince n'échappe pas à son
destin caractérise ces deux grands thèmes légendaires de
l'ouest africain.
La légende Baoulé nous en apprendra plus.
1 - La Légende Baoulé :
(1)
"rt y a tongtemp.6, tJtè.6 tongtemp.6, v-tva.-tt au boJtd d'une.
tagune ~atme, une. tJt-tbu pa-t.6-tbte. de no.6 nJtèJte.o.
Le.6 jeune.6
homme.6 éta-tent nombJteux,
nobte.6 et ~ouJtageux, .6e.6 6emme..6
éta.-tent bette.6 et joyeu.6e.6.
Et te.uJt Jte-tne, ta Jte.-tne Po~ou,
éta-tt ta ptU.6 bette paJtm-t te.6 ptU.o bette..6. Vepu.-t.6 tongte.mp.o,
tJtè.o tongtemp.6, ta pa.-tx éta.-tt .6UJt eux et te.6 e.o~tave.o même.o,
n.-tt.6 de ~apt.-tn.6 de.6 temp.6 Jtévotu.6, éta-tent heuJteux aupJtè.6
deteuJt.6 heuJteux ma~tJte.6. Un jouJt, te.6 ennem.-t.o v-tnJtent
nombJteux ~omme. de s magnan.6.
(nouJtm-t.6 ~aJtn-tvoJte..o
de.s Jtég-ton.o
tJtop-t~ate.6,de
~oute.uJt JtougeâtJte).
rt nattut qU-ttteJt te.6
pa-tttote.6, te.6 ptantat.-ton.6, ta tagune po-t.o.6onneu.6e, ta-t.6.6eJt
te.6 n-ttet.6, tout abandonneJt pouJt nu-tJt. It.o paJtt-tJtent dan.6 ta
noJtêt.
rt.6 ta-t.6.6èJte.nt aux ép-tne.6 te.uJt.o pagne..6,
pu.-t.6 teuJt
~ha-tJt. It natta.-tt 6u-tJt, toujouJt.o, .6an.6 Jte.pO.6, .oan.6 tJtêve,
tatonné.6 paJt t'e.nnem-t néJto~e. Et teuJt JLe-tne, ta Jte-tne Po~ou,
maJt~ha-tt ta deJtn-tèJte, poJttant au do.6 .oon en6ant. A te.uJt
pa.6.6age, t'hyène Jt.-t~ana.-tt, t'étéphant et te .6angt.-teJt
6ulja.-tent, te ~h.-tmpanzé gJtogna.-tt et te t-ton étonné .o'é~aJtta-tt
dur~hem-tn.
(1)
VAVrE (B)
- Légende.o et poème.6 - pp.
35-37.

-
167 -
En6~n, te~ bhou~~a~tte~ appahuhent, pu~~ ta ~avane et te~
hOnc.~eh~et, enc.Mr.e une 6o~~, ta hOhde entonna .s o n ch àn:
d'ex.~t :.
M~ hounAno, M~ houn Ano, Btâ ô Eboto n~gué, no
bagnam m~n·-
Mon mah~ Ano, mon mah~ Ano,
v~en~, te~ gén~e~ de ta
bhou~~e m'empohtent.
Haha~~é~, ex.ténué~, ama~gh~~, ~t~ ahh~vèhent ~Uh te ~O~h au
bOhd d'un ghand 6teuve dont te c.oUh~ ~e bh~~a~t ~Uh d'énoh-
me~ hoc.heh~. Et te 6teuve mug~~~a~t, te~ 6tot~ monta~ent,
ju~qu'aux. c.~me~ de~ ahbhe~ et hetomba~ent, et te~ 6ug~t~6~
éta~ent gtac.é~ d'e66ho~.
Con~tehné~, ~t~ ~e hegahda~ent.
E~t-c.e tà t'Eau qu~ te~ 6a~~a~t v~vhe naguèhe ; t'Eau, teuh
ghande am~e ?
rt ava~t 6attu qu'un mauva~~ gén~e t'ex.c.~tât c.onthe eux..
Et tej c.onquéhant~ devena~ent ptu~ phoc.he~.
Et POUh ta phem~èhe 6o~~, te ~Ohc.~eh pahta :
"L'eau e~t d~venue mauva~~e, d~t-~t, et ette ne ~'apa~~eha
que quand nou~ tu~ aUhon~ donné c.e que nou~ avon~ de ptu~
che»:" .
Et te c.hant d'e~po~h hetent~t
Ebe n~n oté n~n
Ebé n~n 6ta n~n nan
Ebe n~n 6té n~n dja
Yapen'~è n~ djà wat~.
Quetqu'un appette ~on 6~t~
Quetqu'un appette ~a mèhe
Quetqu'un appette ~on pèhe
Le~ bette~ 6~tte~ ~e mah~ehont.
Et c.hacun donna ~e~ bhac.etet~ d'Oh et d'~vo~he, et tout c.e
qu'~t ava~t pu~auveh.
Ma~~ te ~Ohc.~eh te~ hepou~~a du p~ed et montha te jeune
ph~nc.e, te bébé de ~~x. mo~~
"Vo~tà, d~t-~t, c.e que nou~ avon~ de ptu~ phéc.~eux.".
Et ta mèhe, e66hayée, ~ehha ~on en6ant ~Uh ~on c.oeuh.
Ma~~ ta mèhe éta~t au~~~ he~ne, et, dho~te au bOhd de
i'ab~me, ette teva t'en6ant ~ou~~ant au-de~~u~ de ~a téte et
te tança dan~ t'eau mug~~~ante.
"Atûh/j, . de.s h~ppo potame~, - ~'énohm~
h~ppo pot.ame» émehgèhent et ,D
~e ptaçant te~ un~ à ta ~u~te de~ authe~, 60hmèhent un pont,
et ~Uh c.e pont, m~hac.uteUx., te peupte en 6u~te pa~~a en
c.hantant :
Ebe n~n 6té n~n ba
Ebe n~n 6té n~n nan
Ebe n~n 6té ~n dja

- 168 -
Y~pen'~~ ni dja wali.
Quelqu'un appelle ~on 6il~,
Quelqu'un appelle ~a m~~e
Que~quJun appelle ~on p~~e
Le~ '6ille~ ~e ma~ie~ont.
Et la ~eine Pokou pa~~a la de~niè~e et t~ouva ~u~ la ~ive
~on peuple p~o~te~né.
Mai~ la ~eine était au~~i lamè~e, et elle put di~e ~eule­
ment : nBaouli~, ce que v~ut di~e : l'en6ant e~t mo~t.
Et c'était la ~eine Pokou, et le peuple ga~da le nom de
BAOULE.
Il s'agit d'un peuple "paisible, noble et courageux",
victime de la convoitise de voisins belliqueux, et qui, un
jour, se voit obligé de tout quitter préférant les affres
de l'exil à un affrontement suicidaire.
Encore une autre traversée d'étendue d'eau menaçante, à
pied sec, comme le fit Moise, avec son peuple.
D'un côté, un homme, un patriarche, qui conduit son neunle
vers une terre promise.
De l'autre, une femme, une reine qui prend le chemin de
l'exil forcé.
Dans les deux cas d'espèce, des ennemis en toile
de fond dont le seul dessein avoué est la perpétration
d'un génocide.
Et c'est alors que se précisent aux yeux des
peuples, les devoirs et les obligations, la grandeur et la
faiblesse
de leur conducteur.
Lourde responsabilité que celle d'un'êtie ~~miiri'
porte-flambeau d'un peuple "harassé, exténué, amaigri" !
Réussira-t-il à cristalliser tous les espoirs iur
lui jusqu'à la fin du voyage?

-
169 -
Changement de décor, et en même temps de situa-
tion. L,'élément surnaturel vient au secours du guide:
pour Moïse, la main étendue sur la mer qui fend l'eau,
..
aménageant un passage béantjpour la reine Pokou, "d'énor-
mes hippopotames se plaçant les uns sur les autres" formant
un pont miraculeux".
Mais à quel prix ?
Le premier a dit à son peuple :
"Ne craignez pas
tenez ferme, et vous 'verrez le salut que
Yahvé opèrera pour vous aujourd'hui:
les égyptiens que
vous voyez auj'ourd'hui, vous ne les reverrez jamais plus.
Yahvé combattra pour vous; vous n'aurez, vous, qu'à vous
tenir tranquilles".
Pour le deuxième, le sacrifice du prince héritier suscite
la const2rnation.
Ici, la force surnaturelle qui intervient
ln extremis, donne et prend.
Cette force surnaturelle, en même temps qu'elle sauve, elle
sacralise le pouvoir.
Les études de DELOBSON ont montré combien le pouvoIr du
Mogho-Naba, empereur des Mossi, reposait sur le pouvoir
magique (1).
Ensuite, celles de Moret soulignent le caractère
religieux de certaines royautés
(2).
Les légendes sont des récits p opu Lai r-e s sans au t.he n-t rc i t é
(1 i VELOBSON (V) - L'emp~e du Mogho-Naba P~ Mont~~étien 1933.
[2) MORET (A) - Vu ~ana~tène netigieux de ta noyauté phanao-
nique - va uo« - Pani.o 1902. -

-
170 -
certaine, tout en étant des productions collectives, consi-
dérées comme des transformations de faits se résolvant en
un produit in~onscient de l'imagination. Si le mythe tient
du domaine sacré, dans son origine, la légende évolue dans
le domaine profane et cherche à expliquer ou à justifier des
situations de fait. Dans les deux légendes que nous avons
analysées, le sujet se présente, comme un fait historique,
transformé poétiquement.
En d'autres termes, un fait assez connu au départ
pour frapper l'imagination populaire, mais assez indétermi-
né dans ses détails pour qu'elle puisse y jouer et s'y
modeler à son gré, le transformer en une sorte de symbole
où s'exprime toute une époque de la vie d'un groupe. Ce
fait tient généralement du merveilleux, ou de l'influence
des êtres surnaturels, magiques (philtre - talismans -
enchantement) merveilleux naturel
(grossissement des
forces humaines, des objets).
C'est une sorte de recours, sinon de refuge pris
par nos personnages (l'ami du lion et la reine Pokou) devant
un monde difficile, devant des forces obscures, devant un
destin au visage multiple. En Afrique de l'Ouest, "l'ami du
lion" et la reine Pokou sont consici'érés comme des récits qUI
font appel à la puissance de l'imagination, qu'idéalise le
passé des peuples Khassonké et Baoulé.
Ces récits comportent des passages psalmodiés, ch an t
s.;
é
mimés, dansés,
joués avec l'usage approprié des idéophones.
Des personnages illustres Dar leur naissance ou par leur
courage et leur détermination mènent l'action qUI, elle-même,

-
1 71
-
localisée.dans l'espace et
dans le temps tire son origine
d'un fond historique embelli par l'imagination du conteur.
L'Ami du Lion symbolise Soundjata, roi des Mandingues, de la
Boucle du Niger, et la Reine Pokou à qui une statue
e s t, érigée
au coeur de la Capitale Ivoirienne (Abidjan) traduit l'occu-
pation de la région du centre de la Côte d'Ivoire par
l'ethnie Baoulé.
Ces deux légendes ont concrétisé au cours des
siècles, le produit d'une conscience collective et du génie
d'un groupe.
Que la réalité quotidienne
et l'extraordinaire
se côtoient, c'est bien là, une valorisation des conduites
souhaitées et acceptées par le groupe et qui est son conduc-
teur, son guide, au-dessus du commun mortel. Comme revitali-
sé par les dieux, il est propulsé au-dessus des situations,
brave les dangers et l'emporte sur les ennemis de la tribu.
Le conducteur de peuple, ne doit-il pas être un héros où se
reconnaît une société ?
On le pare de qualit~s qu'on a et de celles qu'on
voudrait avoir : "La Reine Pokou était la plus belle parmi
les plus belles" ou encore pour l'Ami du Lion" le jeune
homme devint un roi puissant et aimé."
Par ces attributs, nos héros deviennent l'incarna-
tion d'une vertu: pitié, ruse, obstination, f i e r t
Ll s.
é


• •
participent par leurs actions au monde merveilleux tout en
r
représentant le monde! réel.
Ils peuvent inspirer des conduites ; ils peuvent
servir d'exemples d'efforts collectifs dans les guerres, les

- 172 -
expéditi~ns, les vastes entreprises
d'exemples de dépasse-
ment individuel.
·La vision légendaire présente un monde fait de
grandeur, d'héroïsme, de lutte, d'échec et aussi de victoire.
Mais faisant appel à la sensibilité, les légendes héroïques
ne peuvent-elles pas conduire parfois l'individu ou tout un
groupe à un héroïsme exacerbé, à un orgueil démentiel, avec
toutes les conséquences que cette exaltation peut entraîner?
Certaines guerres tribales sont l'illustration de
la dégénérescence des plus hautes vertus héroïques ...

- 173 -
CHAPITRE VI - L'ART DU CONTAGE ET SES RETENTISSEMENTS
PSYCHOPEDAGOGIQUES
l - A QUI TRANSMET-ON LE SAVOIR?
"C'e~t pa~ la t~an~mi~~ion o~ale du pat~i­
moine litté~ai~e que ~e ~éali~e une pa~t
eapitale de l'édueation touehant au~~i bien
à la 6o~mation intelleetuelle que mo~ale.
Pa~ leu~ beau langage et leu~ a~t de manie~
la pa~ole; le~ eonteu~~ 6amilia~i~ent la
jeune~~e avee un voeabulai~e, de~ tou~nu~e~
g~ammatieale~, et de~ intonation~ ~eehe~ehée~,
peu u~itée~ âan~ la eommunieation eou~ante.
Le bon na~~ateu~ u~e d'onomatopée~, d'un
~tyle vivant, et elai~ ; il ~ait alle~ ju~­
qu'au bout du ~éeit, d'un ~eul t~ait ~an~
e~~eu~~.
Inte~venant dè~ que l'en6ant ~'éveille à la
vie de l'e~p~it, l'établi~~ant dan~ une ~o~te
de 6amilia~ité, voi~e de pa~entéavee le
monde . et le~ êt~e~ qui le peuplent, ee~
p~oduetion~ exe~eent une aetion ab~olument
déei~ive quant à l'imp~égnation de la pe~~on­
ne pa~ ~a eultu~e".
(1)
Les contes s'adressent d'abord aux enfants sous
une forme didactique directe. Mais les soirées de contage ne
comportent pas seulement
des enfants ou des adolescents.
D'ailleurs, les adultes aussi prennent plaisir à réentendre
les contes. Les jeunes enfants, les adultes et les vieillards
passent aussi leur soirée dans l'atmosphère enchantée des
récits débités par les narrateurs. N'est-ce pas eux, adultes,
qui veillent à l'éducation des plus jeunes? Ils se sentent
concernés par les finalités du contage.
L'art du contage s'inscrit dans une tradition
orale qui s'inscrit aussi dans un contexte culturel.
Il faut
( 1)
ERN Y (P) - 0 p. eit. pp.
170- 17 1 .

-
174 -
préciser qu'il n'est jamais question dans ces cultures
orales,. de mettre en doute la transparence de la tradition
orale ni de la séparer du contexte de l'éducation et des
échanges humains.
Mais quels sont les liens de cette tradition
orale avec la société ? On peut définir la tradition comme
l'ensemble des messages qu'un groupe social considère avoir
reçu de ses ancêtres, et qu'il transmet oralement d'une
génération à une autre. Les contes et légendes en Afrique
de l'Ouest sont la mise en forme réglée par un code propre
à chaque dialecte et à chaque société traditionnelle, d'un
fond culturel. Les messages ou enseignements transmis par
les contes et légendes peuvent être d'ordre moral, religieux,
historique, social, esthétique, étiologique.
Ils sont trans-
mis à travers une série de thèmes et au moyen de différents
genres, métaphores, images propres à chaque culture, malS qUl
gardent cependant une constante, celle d'appartenir à une
littérature orale.
Il y a, en cette littérature orale, nous
l'avons déjà souligné, une langue secrète, réservée à
l'initiation des hommes, et des récits affabulés qui se
situent à un niveau de connaissance beaucoup plus élémentaire.
Il faut insister sur la permanence de la parole en tant que
tradition orale assurant le maintien et la cohésion du
groupe social. Ce souci de permanence se retrouve dans de
nombreuses sociétés africaines.
Par exemple, on la définit comme une bande de tissu jamais
coupée qui se ttsse d'une génération à une autre, ou alors,
comme un héritage de paroles qui, comme la terre, doit
rester dans la famille.

- 176 -
le~ aut~e~ a~pe~t~ de l'anth~opologie
~elig ieu~ e;
Ou bien voi~ dan~ le mythe l'équ!valent de
l'in~tin~t : l'auto~ité de la t~adition
6igeant la ~ommunauté a6~i~aine dan~ un
immobili~me 6ait de ~ompo~tement~ ~épétiti6~
ayant valeu~ d'in~tin~t ~o~ial ~ublimé" (1 J.
Des textes sacrés, mettant en valeur l'ensemble
de la cul ture ont été publiés.
(2)
On ~eutainsi,
et c'est fort précieux, étudierà.
travers la littérature orale des institutions actuellement
disparues ou en voie de disparition, dont, en raison de son
caractère conservateur, elle reste l'unique témoignage.
C'est ainsi que Jacqueline THOMAS, a pu étudier à travers
des contes l'initiation Ngbaka dont il ne reste plus de
trace.
(3)
Archives de l'histoire sociale, la littérature
orale est aussi le véhicule de l'histoire tout court. Mythe,
histoire, épopée, légendes, poésie généalogique, sont pour
les historiens modernes une principale source à partir des-
quelles ils reconstruisent une histoire de l'Afrique Noire.
N'oublions pas qu'ils ont toujours joué ce rôle pour les
africains eux-mêmes, et qu'ils constituaient dans les
sociétés le chenal privilégié par lequel se transmettait la
connaissance de leur passé. Le système des valeurs propres à
chaque société de l'ouest Africain apparaît dans la morale,
(1) THOMAS
(L..V)· et LUNEAU .(R)
- La·te~~e a6~i~aine -et' ~0~"
~e?igio~ - L~ou~~e p~ 197~ - pp. 148-149.
(2) VIETERLEN - GRIAULE: Texte~ ~a~~é~ d'A6~ique Noi~e -
Pa~i~ P~é~en~e A6~i~aine 1965.
(3) THOMAS
(J)
- Conte~, e~ove~be~, devinette~ Ngbaka ma'bo
Pa~i~ P~e~en~e A6~i~aine 1963.

175 -
La parole est un legs des anciens, une doctrine
efficac~ et incontestable qui sert de normes aux actes
accomplis. Cette importance accordée à l'assise de la
société explique la préoccupation de reproduire fidèlement
les textes transmis oralement.
Nous observons donc dans les contes et légendes
une volonté de conservatisme qui s'oppose cependant à leur
fluidité, à la mouvance des thèmes, à leur caractère
voyageur. L'étude des thèmes des contes, des légendes, des
mythes, des proverbes, etc .. peut
mettre valablement en
évidence la pe~manence des préoccupations de la société dont
la littérature 'orale est le rapport vivant. Le rôle social
joué par la littérature orale, en Afrique Noire, demeure en
effet, considérable. Imprégnée des réalités culturelles, elle
constitue un témoignage irremplaçable sur les institutions,
le système des valeurs, la vision du monde propre à une
société. Ce domaine est un des mieux explorés jusqu'à
présent, l'analyse de la littérature orale par les ethnolo-
gues ayant eu pour but essentiel de montrer comment elle
reflète les structures sociales.
On a.
souvent
mis en évidence
dans les contes,
les légendes et mythes, la projection des systèmes de paren-
té, de la culture matérielle, des institutions religieuses
ou politiques.
Dans ce c s, dit 1. V. THOMAS :
à
"Ve.ux attitude..6 doive.nt êtlte. lte.je.tée..6 ;
6ailte. au mythe. la paltt tltOp be.lle. e.t Itéduilte.
la pe.n.6ée. du Noilt à la pe.n.6ée. mythique. même.
e.xaltée., voilte. idéali.6ée. à la manièlte. de.
l'Eeole. de. GRIAULE, ee. qui ineite. à néglige.1t

- 177 -
explicite ou implicite, des contes légendes ou proverbes.
La légende restitue le modèle fondamental, archétype élabo-
ré par la tradition et l'éducation, qu'elle rappelle ainsi
sous une forme vivante, imagée et d'autant plus parlante
aux coeurs et aux mémoires qu'elle emprunte un semblant de
vérité à l'histoire, ranimant les enthousiasmes assoupis au
seul éclat des prouesses d'antan, ressuscitant l'image des
ancêtres glorieux dont on sait bien que la justification à
postériori, est principalement de revivre en leur descen-
dants. Dans certaines sociétés, fortement hiérarchisées,
c'est le pouvoir politique qui tentera de se justifier à
travers la légende, le conte, et le mythe.
"Le.UJL piu.6 gJLande. JL-<-c.he..6.6e. .6e. tJLouve. jU.6te.-
me.nt dan.6 ie..6 JLég-<-on.6 où .6'étabi-<-.6.6e.nt ie..6
gJLande..6 Oéodai-<-té.6 no-<-JLe..6
; eiie..6 jU.6t-<-O-<-e.nt
ave.c. te.i ou tei .6-<-gne. matéJL-<-ei, ia iég-<-t-<--
m-<-té du pouvo-<-JL".

(1)
C'est seulement par référence
au système de
valeur propre à une société déterminée, que se transmettent
les contes. La vision du monde se projette dans la littéra-
ture orale à un niveau plus profond et moins conscient.
Elle est une sorte de miroir dans lequel la société s'obser-
ve et mesure sa propre stabilité, elle est aussi le truche-
ment par lequel s'exprj.ment les idées ou des sentiments qui
ne peuvent apparaître clairement dans la Vie courante et
dont elle constitue le mode d'expression privilégié et
cathartique. A travers elle, peuvent se manifester
et
peut-être dans une certaine mesure, se dénouer,
les tensions
sociales, les conflits de génération
et de classes. Alors
(II
BALLANVIER (G)
- H-<-.6to-<-JLe. de..6 i-<-ttéJLatuJLe..6 - ti pp.536-53~

- 178 -
que la tradition et la morale sociale tendent à établir un
système :de valeurs fondé sur la hiérarchie de l'âge ou de
la fonction et que nombre de récits bien pensants exaltent
ces valeurs et dépeignent les châtiments par ceux qui les
renient, un courant exactement contraire tend à prouver, au
moyen des contes, que les jeunes sont souvent plus sages
que les vieux, que les élèves peuvent donner des leçons à
leur maître, qu'une femme avisée se moque facilement d'un
mari jaloux et tyrannique, que la justice divine favorise
l'homme pauvre et vertueux, au détriment du chef cruel et
avide. On aura reconnu des thèmes dont il serait d'ailleurs
facile de démontrer l'universalité et qui servent de schéma
à des contes
innombrables. Ces contes subversifs
font
évidemment rire aux dépens de celui dont l'autorité est
mise en cause, et ce rire est libérateur.
C'est aussi par le rire que l'auditoire salue la
défaite du héros "négatif",personnage gourmand, égoïste et
stupide, berné par le héros rusé et intelligent. La fonc-
tion comique des contes, dont le procédé mériterait peut-
être une étude systématique, n'est pas à négliger, et les
usagers se plaisent à souligner le rôle de divertissement
joué par la littérature orale dans leur société.
II - QUELS SONT LES MOMENTS APPROPRIES POUR LE CONTAGE?
On pour~ait mesurer l'importancS de l~ littérature orale
dans l'Ouest Africain, aux règles et interdits qui entourent
i
ses manifestations.
Nous ne voulons pas parler ici des textes à valeur

- 179 -
religieuse et rituelle dont la récitation est évidemment
soumise à des précautions et exige un certain nombre de
circonstances précises (1), mais du simple échange de
devinettes, de la narration des contes et légendes, les
plus profanes, qui ne peuvent avoir lieu librement
sans
souci de temps, de lieu, ni de personne.
Il semble que
l'attention des chercheurs ait été jusqu'à présent fort
peu attirée par ce problème. Nous voudrons tenter ici d'en
démontrer l'importance, en nous fondant sur nos expériences
personnelles. Une des règles les plus constantes, est celle
qui oblige les echanges à se tenir au coucher du soleil.
L'enquêteur qUI ignorerait cette obligation,
s'exposerait à la même aventure que H. LABOURET:
"j'ai c.Jtu pe.ndant .tongte.mp.o qu'i.t n'e.xi.otaLt
pa.o de. .titt~JtatuJte. oJta.te.e.n pay.o Lobi (NoJtd-
E.ot de. .ta Côte. d'IvoiJte.l, c.aJt j'épJtouvai.o
de..o di66ic.u.tt~.o tJtè.o gJtande..o à tJtouve.Jt de..o
in6oJtmate.uJt.o e.t à me doc.ume.nteJt .ouJt c.e. .oujet.
C'e..ot .oe.u.te.me.nt apJtè.o p.tu.o d'un an de. .oéjou~
que. je. Jte.c.ue.i.t.ti.o .te.o pJte.mie.Jt.o c.onte..o ...
Je. n'ai p.tu.o e.u de. di66ic.u.tt~
pouJt Jt~uniJt un
nombJte. a.o.oe.z impoJttant de. Jtéc.it.o dè.o que.
j'ai pu .te.o Jte.c.uei.t.tiJt dan.o .te.o tJtoi.o pJtin-
c.ipa.te..o .tangue..o .toc.a.te..o, e.t .ouJttout quand je.
me. .oui.o avi.o~ qu'i.t ~tait inte.Jtdit de. c.onteJt
de. j 0 uJt . . .
Je. n'ai pu .oavoiJt pouJtquoi i.t ~tait d~6e.ndu
de. c.onte.Jt a moin.o d'~tJte. dan.o uneob.oc.uJtité
Jte..tative..
Le..o anc.~tJte..o
6ai.oaie.nt ain.oi, e.t
.te.uJt de.oc.endant.o c.ontinue.nt à ob.oe.Jtve.Jt c.e.tte.
c.outume".
(2 i
Divers malheurs menacent celui qui transgresse la règle.
Ainsi le coupable peut provoquer la .mort de ses parents, du'
père de famille,
de sa mère ou d'une personne de sa famille
( 1) Citon.o à titlte. d'e.xe.mp.te. : HAMPATE BA (A) e.t VIETERLEN (G)
Te.xte.o
-<-nitiatique..o de.o pMteuM Pe.u.th - "c.ahie.Jt de .t' homme" 1961.
[2j LABOURET lH) - Voyage en A6Jtique de .t'Oue..ot - P. 200 - LaJto.oe.

- 180 -
maternelle (Bambara, Malinké du Mali), sa propre mort par
noyade ,(les Dogon du Mali)
; ils peuvent devenir sourds-
muets (peulh du Niger, de la Haute-Volta, du Mali). Ou
encore chez les Dogon; lorsque c'est une jeune fille,
elle ne trouvera pas de mari. Chez les Ouan de Côte
d'Ivoire, lorsque c'est un jeune célibataire, la personne
est censée épouser une vieille femme aux cheveux blancs !
parfois, la gravité des sanctions s'est affaiblie,
et la raison invoquée est d'ordre purement économique ou
pratique: chez les Touareg du Niger, conter de jour dis-
trairait les enfants de la garde
des veaux qUI iraient
têter leur mère, et les vaches n'auraient plus de lait
pour les hommes.
La formulation de la règle n'est toujours
pas simple.
Chez les Malinké, conter de jour fait mourir la
mère, sauf s'il s'agit de récits mettant en scène des fau-
ves (l'hyène exceptée) ou des serpents (notamment le
serpent mythique Nikinâka), ceux-ci ayant pour résultat de
faire mourir le père. La défense concernant la lumière
divine
ne peut s'appliquer qu'à une partie de la littéra-
ture orale. En fait,
il y a une opposition très nette qui
est faite assez souvent entre les histoires véridiques ou
considérées comme telles, qui s'accomo~~nt du jour, et les
récits imaginaires, symboliques,
(contes-légendes) qui ne
do i v.e n t
t r e di t.s que dan s I '
ê
0 b s cu r. i . ,
Outre l'opposition nuit/jour, on trouve d~s règles
saisonnières faisant apparaître une opposition: saison sèche/
hivernage.

181 -
Les Badik du Sénégal, observent strictement l'in-
terdiction de conter pendant l'hivernage, car cela arrête-
rait les pluies.
Il en est exactement de même chez les
Malinké et les Bambara, où l'on commence à conter à partir
d'Octobre, après la récolte du mais et du fonio
(qui sont
les premières céréales récoltées et l'on cesse en Mai).
Chez les Dogon, alors que les enfants n'observent pas les
règles '~~isonnières, les adultes réservent en principe les
devinettes à l'hivernage, époque pendant laquelle ils ne
pratiquent pas de divination et content pendant la saison
sèche.
Un autre aspect concernant les interdits paraît
être les oppositions dedans/dehors,
(maison/place publique
ou village/brousse) en rapport avec d'autres telles que
femmes mariées/jeunes gens non mariés. Ce système très
apparent chez les Dogon, s'observe également chez les
Touareg, où jeunes gens et jeunes filles se retrouvent le
soir pour conter sous un arbre en dehors du campement,
tandis que les femmes mariées content dans les tentes où
elles se rendent visite.
Les Ngbaka offrent un cas intéressant : le chef
de famille conte de préférence en forêt ou dans les campe-
ments de brousse, mais par ailleurs les jeunes gens et
jeunes filles content dans le village, en dehors des
maisons. Les interdits peuvent enfin concerner lespersoAnesv
Il existe en effet des répertoires spécialisés, l'opposition
la plus simple étant masculin/féminin.
Les femmes Koniagi ont le droit d'écouter les

- 182 -
contes qui mettent en scène le caméléon, mais refusent de
les rac6nter. Cet animal joue un rôle essentiel dans la
symbolique Koniagi, en particulier dans l'initiation des
hommes, à qui l'on fait consommer de sa graisse, symbole de
force virile.
Chez les Limbas, les hommes et les femmes peuvent
conter, mais ce sont les hommes qui le font de préférence.
Chez les Fon, les femmes content à leurs enfants, mais pas
en public, car ce sont les hommes qui prennent la parole
dans les réunions. Mais certaines femmes possédant de hautes
fonctions rituelles et sociales peuvent conter en public et
ont un répertoire étendu.
Il serait fort intéressant, à
titre d'hypothèse,de proposer une tentative d'explication à
partir de ce que nous savons et en faisant appel aux cons-
tantes culturelles connues pour voir s'il apparaît des cons-
tantes au niveau des rapports symboliques.
Les pôles autour desquels semblent tourner règles
et sanctions se ramènent aux grandes oppositions suivantes :
- Nuit
(obscurité)/jour (clarté)
Mariage / non-mariage ; opposition secondaire
dedans / dehors
Vie / mort : opposition secondaire
humidité /
sécheresse~
Par marIage / non-mariage, sous-entendons les catégories
sociales entre lesquelles le mariage est licite (ainsi que
~es échanges de littérature orale), s'opposant à celles qui
:~xcluent les deux formes d'échange et pour lesquelles le
mariage s'il avait lieu, prendrait la forme de l'inceste ou

- 183 -
deviendrait, sous une forme affaiblie, l'impossibilité de se
marier.
L'opposition est marquée par celle du dedans
(associé au mariage, les femmes mariées assistant à des
veillées littéraires, à l'intérieur des maisons) et du
dehors,
(les jeunes gens non mariés se r éun i s s a n t pour con-
ter à l'extérieur soit des habitations soit du vill~ge.
La relation inversée que nous trouvons chez les
Ngbaka, où c'est le père
(et non la mère) qui conte de jour
(et non de nuit) dans la brousse, donc "dehors", alors que
les jeunes gens content la nuit dans le village (cependant
à
l'extérieur des maisons) peut s'expliquer par une valori-
sation particulière, dans cette ethnie, de la forêt, conSI-
dérée comme le domaine des ancêtres, donc associée à
l'enseignement du père de famille. C'est la brousse qui
devient alors en quelque sorte le "dedans" mais nous
observons aussitôt une inversion de tous les signes, et
c'est le père qui mourra si son fils tente de se substituer
à
lui en conteur de jour.
L'opposition VIe / mort est suggérée par les
sanctions qui menacent celui qui conte de jour
la mort de
sa mère ou d'un membre de sa famille maternelle, devient,
dans une relation affaiblie, la diminution du lait des
vaches,
image maternelle; ou encore, la mort du coupable
Lui mêrne , ou, -dans une relation-affaiblie, sa mort sociale
e
(il devient sourd-muet, il se change en panier).
,
f
L'idée de vie ne nous est donnée que négativement
dans ce contexte, mais nous verrons plus loin qu'elle se

-
184 -
justifie pleinement. D'ailleurs, nous la retrouvons dans
l'opposition humidité/sécheresse, grâce à l'interdit sai-
sonnier, par lequel arrêter les pluies devient dans un
autre contexte faire mourir la mère; or, l'identité symbo-
lique entre la mère (ou la féminité en général), l'humidité
et la vie est bien établie. A partir de ces paires opposi-
tionnelles fondamentales, nous pouvons reconstituer un
système à plusieurs niveaux., en prenant chaque fois l'une
d'elle pour point de départ
et
en les confrontant
à l'art
du contage.
1 -. La nuit est le règne de l'obscur
Elle est donc liée au caractère énigmatique de la littératu-
re orale. Poser les énigmes et les résoudre pendant la nuit -
en menant les contes et légendes - jusqu'à leur dénouement,
contribuera à faire sortir le clair de l'obscur, donc à
faire succéder le jour à la nuit.
Sur un autre plan, la nuit est associée au marIag~
puisqu'elle est le moment privilégié pour les rapports
sexuels. Enfin elle est associée à la mère, car l'enfant dans
son sein est plongé dans l'obcurité, et c'est au moment de
sa naIssance qu'il voit le jour.
Comme la solution de l'énigme, la naIssance est
un passage de l'obscur au clair.
Ce n'est pas un hasard SI le héros Oedipien, dans
tant de contes et légendes, devient aveugle ou est transfor-
mé en animal nocturne. Condamné à l'obscurité définitive
il
t
'
retourne symboliquement au sein maternel.

- 185 -
2) La mère est associée à la nuit, comme nous
venons de le voir. Elle est le "dedans" car le ventre
maternel et l'intérieur de la maison protectrice sont sym-
boliquement équivalents.
Quant à ses rapports avec le contage, ils sont
étroits: Partout, la mère est pour ses enfants
la
première conteuse, et, de même que nous parlons de "conte
de nou'r ri ce " , les Dogon, entre autres, affirment que l'on
boit les contes avec le lait de sa mère.
Le mariage, associé à la nuit, l'est aUSSI au
"dedans" dans ·la plupart des ethnies; les rapports sexuels
doivent avoir lieu à l'intérieur de la maison, ou tout au
moins dans l'enceinte du village.
Dans les contes de l'Ouest Africain,
l'énigme
tient une place privilégiée dans les épreuves que doit subir
le héros pour obtenir la main de l'héroïne.
De ce rapport symbolique, établi au niveau du
conte, nous trouvons maintes confirmations dans la réalité
sociale.
Les racines des contes et légendes plongent
profondément dans l'humus de la culture Ouest Africaine.
C'est pourquoi ils jouent un rôle si important dans la
transmission de la connaissance, une de ses fonctions essen-
tielles étant l'enseignement. On sait qu'il existe des contes
et légendes initiatiques qui se situent à un autre niveau de
connaissance et dont l'usage est fort réglementé. Les contes
qui se terminent par une morale explicite ou implicite, sont
généralement, lorsque c'est un adulte qui les raconte, com-

- 186 -
mentés, illustrés de proverbes proposés comme une leçon,
positiVe ou négative, de comportement social.
Mais ils peuvent serVIr à un enseignement plus
profond. Dans la mesure où ils sont l'expression d'une
certaine vision du monde dont les grands thèmes fondamen-
taux apparaissent à travers eux, sous une forme symbolique,
la familiarité avec ces thèmes, acquise dès l'enfance, cons-
titue déjà en soi une for~ation dan~un sens .irréversible
qui est celui même de la culture.
Certaines ethnies telles que les
peulh, les ouan,
les baoulé, vont plus loin et se servent des contes pour
introduire à là connaissance des mythes, dont ils considè-
rent que les contes sont en quelque sorte une
'traduction~
dans un langage plus facilement accessible.
Les Dogon sont un des exemples les plus remarqua-
bles de cette intuition des rapports structuraux existant
entre mythes et contes, qUI, construits sur le même système
d'opposition, présentent les mêmes lignes de force, s'expri-
ment effectivement selon la même "grammaire".
Une autre remarque à faire, est celle de la
manière implicite
de sensibiliser
les enfants sur le caractère
blâmable de quelques "bêtises" commises le jour.
Alors, le soir, l'on introduit dans le répertoire
~
de contes, le conte dont la morale prend le contrepied de la
1
"bêtise" de l'enfant.
~Les proverbes servent, parfois, sur l'heure, à
étayer les admonestations de l'adulte.

187 -
III - QUI TRANSMET LE SAVOIR?
Puisque contes et légendes sont des éléments
constitutifs d'une littérature orale, donc fondée sur le
verbe, la personnalité des agents jouera un rôle important
dans la transmission et la perpétuation du contage. Outre
des individus bien doués et appréciés comme tels, on ren-
contre dans la plupart des sociétés
traditionnelles, de
l'Ouest Africain
de véritables professionnels de la parole
dont le rôle est, par extension, de transmettre la tradi-
tion. Parmi les non professionnels, il faut distinguer les
simples amateurs qui font preuve de qualités exceptionnel-
les comme conteurs
de ceux dont la fonction les oblige à
réciter et à transmettre des textes. C'est le cas en parti-
culier
des prières, devises, textes mythiques, et en général,
de tout ce qui concerne la tradition religieuse ou ésotéri-
que, dont les dépositaires sont les vieillards, les chefs
de famille,
les chefs religieux,
les dignitaires.
Il en est de même pour les textes en langue
secrète et les textes initiatiques. Dans certaines sociétés
de l'ouest africain,
les spécialisations de répertoire
peuvent créer des catégories particulières d'''agents''
transmetteurs : répertoire masculin ou féminin,
(les femmes
sont cons i dé r ée s en général comme les meilleures
conteuses),
histoire réservée d'abord aux enfants. Certaines sociétés ne
connaissent pas de narrateur professionnel: c'est le cas des
sociétés non musulmanes des côtes du golfe de Guinée (Côte
d'Ivoire, Libéria, Bénin, Togo, Sierra Leone).
Les touareg des steppes s'inscrivent dans la tradi-

-
188 -
tion des nomades du désert où chacun peut improviser,
'hommes" femmes, enfants, sur des thèmes et des images
fixées par la tradition au cours des veillées de contage.
Mais dans les sociétés africaines où les structures socia-
les enseignent à chacun sa place et son rôle dans la vie
du groupe, et où les différentes activités de productions
nécessaires à la VIe de tous se répartissent autour d'une
activité principale (agriculture, élevage, pêche, c h a s s e ),
cette répartition du travail, parfois fondée sur un système
de castes) réserve une place de choix à la "parole". Les
"hommes de p~roles" les "artisans du verbe" appartiennent
parfois à une caste, comme les griots maliens, sénégalais.
Dans les mythes soudanais (Mali) le griot apparaît dès les
origines, dès la constitution de la société;
il est associé
à l'apprentissage de la parole par le rythme.
(1)
Le griot est presque toujours musicien.
Les instruments dont il joue le plus fréquemment en Afrique
Occidentale sont le luth, le violon monocorde,
le tambour
d'aisselle. Plusieurs formules sont possibles; lors des
veillées de contes et légendes, il joue de son instrument
seul, il déclame ou chante en s'accompagnant, il accompagne
sa femme qui chante, il conte avec d'autres griots. On
rencontre aussi des femmes griottes se déplaçant seules ou
en groupe. Le griot peut comme les troubadours médiévaux,
~
être itinérant et parcourir le pays à pieds.
1
Il peut aussi jouer dans les mariages et les
fêtes
ou bien il arrive sur la place d'un village et bat
(1)
CALAME-GRIAULE - Ethnotogie et tangage
t'a~t de ta
pa~~c.hez le-ô Dogon - p. 378.

-
189 -
le rappel de la population en jouant
rythme particulier
ou en d~clamant d'une voix forte.
Il peut être aussi tradi-
tionnellement attaché à la personne d'un roi ou d'un chef
ou d'un porteur de titre honorifique.
Il est, dans ce cas,
plus spécialement généalogiste et détenteur des traditions
historico-légendaires du chef de famille. Les griots ~n
Afr ique de l' Oue st, jouent un rôle
po lit ique certain.
1l s
sollititeht les~~rands mais aussi les morigènent.
Ils-ein~'­
glent l'amour-propre des nobles, les incitent à la lutte ou
au sacrifice, quand ils le jugent opportun.
Ils dispensent
des conseils de sagesse et de modération tant au peuple
qu'au souveraIn.
Bref, les griots jouent dans la légende un rôle de
ferment régulateur de la société qui reflète assez fidèle-
ment leur fonction réelle. Les griots sont la mémoire des
clans; ils sont supposés tout connaître, mais on attend
d'eux qu'ils révèlent ce qui doit être dit, au moment où
cela doit être dit, et à ceux qUI doivent l'entendre. Le
griot vit traditionnellement de son art oratoire et ne
pratique pas d'autres métiers. Les paiements des veillées
s'effectuent sous des formes diverses: vêtements, nourri-
ture, sommes d'argent. L'aspect économique de cette fonction
se répercute souvent sur l'aspect psychologique du problème
et explique en partie l'ambivalence des sentiments éprouvés
par le public africain à l'égard des griots. Si, en effet,
l'émotion esthétique et l'exaltation de la personnalité
qu'ils suscitent sont ressenties d'une manière très positive,
l'obligation de justifier par des dons importants le prestige
conféré
par leurs éloges,
la crainte des critiques acérées

-
1 90
-
qu t ils ne manque reont pas de répandre sur le donateur p a r c rmo-
n i e ux , pèsent très lourdement sur l' homme du .cornmun .
L'analyse du personnage du griot, la définition de son r6le
social comme agent de transmission des contes et légendes et
de tout autre littérature orale peut retenir quatre grandes
lignes principales définissant la fonction de griot.
- Détenteur de la parole traditionnelle,
il conserve le
patrimoine historico-légendaire du groupe
;
- détenteur de la parole exaltante, il a mISSIon d'encoura-
ger et d'exalter les vertus sociales par la parole conjuguée
du verbe poétique et de la musique
;
- détenteur de la parole cinglante, il distribue le blâme
aussi bien que l'éloge et joue un rôle régulateur dans la
société
;
- enfin, détenteur de la parole sacrée, il peut aVOIr des
fonctions rituelles qui font de lui le dépositaire des
textes essentiels.
1 - Style oral et pédagogie
Qu'il s'agisse du griot ou du narrateur occasionnel, il est
bien évident que la personnalité du conteur se transmet au
texte et c'est ce qui rend l'étude totale si difficile.
Il
n'est pas suffisant pour être un bon narrateur par exemple,
d'avoir une bonne mémoire et un répertoire étendu.
Le succès du griot ne s'explique pas seulement par
sa connaissance des textes et des rythmes musicaux.
Tout un
ensemble' de facteurs sont mis en cause clans le style oral
l'art de se servir .de la voix et du geste,
le sens de la
mimique et de la dramatisation,
l'identification avec les

-191
-
personnages, la communication avec l'auditoire.
Le mode de
délivrartce du message est différent selon le genre du texte.
On pourra faire une distinction entre prose et non-prose en
tenant compte que certains genres se situent à la iimite des
deux.
Il Y a un lien intime entre certains textes et certai-
nes façons de se servir de la voix. Les textes poétiques
sont délivrés sous une forme déclamée, psalmodiée
; ou
chantée, et obéissant à des rythmes fondés
souvent sur
l'unité respiratoire.
La diction poétique est fréquemment caractérisée.
par une très g~ande rapidité, allant de pair avec une remar-
quable fluidité,
qui fait naître une sorte de vertige lncan-
tatoire. On observe parfois de véritables systèmes de mlmes.
Par opposition à la non-prose,
la prose se rapproche du
discours de la communication courante, en ce sens qu'elle
est délivrée sous une forme continue non rythmée.
Cependant, on pourra distinguer des nuances de
débit propre à la narration : le discours narratif
est
souvent plus continu et plus rapide, plus monotone aussl,
mais sur la base de cette monotonie, se détachent des effets
dramatiques particuliers résultant de l'emploi d'intonations
diversifiées.
"Outlle de.s dJ-nné:lleVlc.e-6 de -6tIlUc.tulle,~, VlOU-6
dit GRIAULE,
la valeuil explle-6-6ive du voc.abu-
laille a6llic.aiVl pO-6e de gllave-6
pllobl~me-6 de
tlladuc.tioVl.
Plu-6 enc.Olle,
le c.allac.t~lle -6ymbo-
lique de-6 texte-6,
le Ilale qu'y joue l'allu-
-6iOVl et l'explle-6-6ioVl é:Vligmatique,
le-6
emp~c.heVlt d'~tlle dillec.temeVlt tllan-6mi-6-6ible-6
a Uvl publid oc.c.ideVltal, et oblige a tout Uvl
appalleif di. c.ommevLta--t.lle-6.
Le Ilôfe de tOLL-6 fe,~
éPé:nenu
Li.J19LÙ,~,téqLœ-6 dw1-O le ''LUtl-lille de fa
phlla-6e fe-6 llappollt-6 eVltlle fa pallofe déc.lamé:e
et Ilythmée,
e:
fa Illu,~iquequ,L, ,~OLLveI1,t

-
192 -
l'aeeompagne~ ~ont eneo~e my~t~~ieux.
En6in,
la meilleu~e t~aduetion et le meilleu~
eommentai~e ne pou~~ont jamai~ ~end~e le~
qualit~~ p~o p~ement "o n.o.Le s" de.s texte~,
eelle~ que leu~ eon6~~e, le temp~ d'une ~~ei­
tation, la pe~~onnalit~· du eonteu~,
du
po~te".
(1)
Cependant, ces difficultés sont celles de toute traduction,
à des degrés divers, et elles n'ont jamais eôpêché personne
d'essayer de faire passer les valeurs littéraires d'une
langue dans une autre. En ce qui concerne l'art du contage
et le style oral, nous nous permettrons de dire qu'ils
méritent au moins la tentative.
Dans le style oral du conteur, le jeu des intona-
tions suit de près les péripéties de l'action et les change-
ments de personnages.
Le narrateur en joue comme d'un
procédé stylistique beaucoup plus important que le choix des
termes.
L'abondance et la variété des effets expressifs
compense l'économie des mots. Eclats de voix,
silences,
phrases articulées dans un murmure, exclamations de surprise
ou de dépit, accélération ou ralentissement du tempo,
accents résignés ou furieux
se succèdent sans cesse au fur
et à mesure des épisodes que le conteur rapporte comme s'il
avait été témoin. Chez les bons conteurs, les différents
personnages sont caractérisés par un changement d'intonation
ou de registre (voix suraiguë des femmes) voire prononcla-
tion ; le parler nasillard de l'hyène déforme ses propos.
Ces "défauts" de prononciation n'ont pas seulement
un but comique:
ils peuvent être un des ressorts de l~action
!
(1)
CALAME-GRIAULE
(G)
- L'a~t de la pa~ole dan~ la eultu~e
a6~,ceaine - p.
74.

193 -
servant par exemple à faire reconnaître un ennemi déguisé
ou avoir une valeur symbolique faisant partie de la défini-
tion d~ pe!sonnage en question.
L'emploi des gestes,
mimiques et expressions, offrent également des ressources
appréciables.
L'étude poussée des gestBs demanderait qu'on
les distinguât en différentes catégories : ceux qui évo-
quent une technique, ceux qUI soulignent les péripéties de
l'a ct ion, les ge s te s cu 1tu rel s
( s al u ta t ions,
a f f i r III a t i on s
ou dénégations) ceux qui font partie de l'évocation symboli-
que d'un personnage, etc ...
Des démarches d'animaux, d~s mouvements d'épaul~s,
évoquant la danse peuvent être esquissés. La mimique peut
même aller jusqu'à la danse.
C'est le cas de Nda1e dala ou
conteur professionnel Bambara, qui se comporte comme un
véritable acteur,
sautant, dansant, gesticulant, prenant
des attitudes com~ques. La narration orale, d'après LABOURET
et TRAVELE est parfois à la limite du théâtre.
(1)
Les brui-
tages symboliques sont un procédé très goûté, qui a pourtant
été peu remarqué,
jusqu'à présent: cliquetis de bijoux,
pour évoquer un trésor, coup régulier sur un objet métal1i-
que, lorsqu'on parle de la forge,
imitation des chants
d'oiseaux, de rythmes de tambour, de pleurs.
L'association étroite de l'oeuvre avec la musIque
est un des ressorts essentiels d'une grande importance pen-
dant les grandes veillées de contage. Nous avons déj~
mentionné plus haut, que les griots étaient s'accompagnaient
d'un instrument.
III
LABOURET et TRAVELE - Le Th~at~e a6~i~ain t~arlit;oHHel
p.
2 6 et Mt --<'- VCUi t eh.

-
194 -
Dans les contes, on observe souvent des parties
chantées,
inserrées dans le récit et d'un style complète-
ment différent. C'est bien la parole qui s'inscrit sur un
fond musical et non la musique qui souligne la narration.
Toute la structure du récit est soutenue par une charpente
de thèmes musicaux qui informent et suscitent l'énoncé
verbal. Le contact avec l'auditoire est nécessaire au narra-
teur ; il le soutient,
il le stimule. C'est parfois un
véritable dialogue qui s'engage entre le conteur qui inter-
pelle son public, le prend à témoin, réveille son attention
par de brusques formules stéréotypées appelant une réponse(
et les auditeurs qui interviennent, rient, manifestent
plus
ou moins bruyamment leur approbation ou leur indignation.
Ces pauses et ces interventions extérieures peuvent marquer
un changement dans le style général du discours. Ce change-
ment est plus net encore lorsqu'il s'agit d'une véritable
question posée par le n ar r a t e u r
: "Que pensez-vous qu'il
va faire ?"
Même au milieu du récit épique ou d'une devise solennelle,
il arrive que le conteur s'arrête pour faire une réflexion
personnelle, sur un ton et un rythme tout à fait différent.
Tous ces procédés dont l'importance varie naturel-
lement selon les textes et les conteurs, ne sont pas toujours
faciles à cerner, ni à mettre en évidence, dans une étude.
L'étude du style oral, des narrateurs recueillis à "chaud",
dans les ambiances des soirées de contage, aura permis de
glaner quelqpes éléments les plus perceptibles car c'est là,
que les narr~teurs ou les conteurs, soutenus et stimulés
par les réactions du public,
auront donné toute la mesure de

-
195
-
pédagogue'. D'après GRIAULE,
"To us !e-~ a6Jt-i.c.a-i.n~ ... sc rd: e-xtJtfme-me-nt .s e n-
~-i.b!e-~ m~me- dan~ !e- !angage- c.ouJtant, aux
d-i.66éJte-nc.e-~ d-i.a!e-c.ta!e-~, à !a c.oJtJte-c.t-i.on
gJtammat-i.c.a!e-, à !a pJtopJt-i.été du voc.abu!a-i.Jte-,

à !'e-nc.haZne-me-nt é!oquant de-~ phJta~e-~, à
! ' e-mp!o-i. de- métaphoJte-~.
La maZtJt-i.~ e- de- !a
paJto!e- donne- un pJte-~t-i.ge- -i.nc.onte-~té dan~ !e-~
~oc.-i.été~ a6Jt-i.c.a-i.ne-~ ~ c.he-z !e- v-i.e--i.!!aJtd,
e-!!e- es t: ~-i.g ne- de- c o nna-i.~~anc.e- e-t de- ~ag~J~e-.
Che-z !e- gJt-i.ot,
e-!!e- ~e- man-i.6e-~te- paJt un aJtt
c.on~ommé de- !'ut-i.!-i.~at-i.on
de-~ d-i.ve-Jt~ Jte-g-i.~­
tJte-~ Je- !a vo-i.x,
paJt une- te-!!e- c.onna-i.~~anc.e­
du Jtépe-Jtto-i.Jte- e-t de-~ pJtoc.édé~ poét-i.que-~
tJtad-i.t-i.onne-!~, que- nu! ne- pe-ut Jté~-i.~te-Jt à
!'e-xa!tat-i.on qu'-i.l pJtOc.uJte- m~me- c.e-ux qu-i. ~ont
c.on~c.-i.e-nt~
du c.aJtac.tèJte- c.onve-nt-i.onne-! e-t
-i.ntéJte-~~ é de- ~ e.s 6!atte.Jt-i.e-~.
(1 1
L'on sait que parler ce n'est jongler avec des idées nI
polir des sentences. Parler c'est convertir. Au moins con-
vaIncre ou raffermir des convictions chancelantes, ou
rapprocher des divergences, ou répandre un sentiment et la
parole du conteur-pédagogue se juge à ses résultats.
Tragique effort du narrateur.
Il doit maîtriser
la pensée qUI avance, ou qUI retarde sur la parole, qui se
dérobe ou qui se surabonde, qui s'égare dans les chemins de
traverse.
Il doit refouler l'expression qui se présente et
inventer
celle qui convient. Malheur au narrateur qui
tâtonne
!
Il faut dans une volte-face abandonner l'argument
préparé et le remplacer par un autre, découvrir en un
éclair l'intonation,
le geste, qui décident de la bataille
contre l'incrédulité de l'auditoire.
(1)
CALAME GRIAULE
(Gl
-
L'Ant de-!a pCtJtole- dan'Jta c.u!tuJte-
a6Jt~c.a~ne-, p.
75.

-
196 -
Le narrateur cherche une adhésion ; il cherche ~
faire partager ses haines, ses espoirs, ses colères, ses
enthousiasmes.
Il veut créer une âme collective
tous ceux
à
qui l'écoutent. Le narrateur est un homme qui cherche ~
inculquer quelque chose/non une suite de phrases. Des phra-
ses ajustées bout à bout, n'ont jamais convaincu personne,
même Sl elles sont ingénieuses.
Le narrateur a des préjugés, des habitudes, des
entêtements, de la jeunesse dans l'accent tonique.
C'est
tout cela que sous les qspects de la parole, il jette dans
la mêlée.
Les
contes et légendes se colorent de l'expression de
ses dispositions mentales et physiques. Car, nous dit
GRIAULE,
"r.e s
c..onte..JS e.t: 6able..JS étant e..XpfL.{.rt1e..,~ e..n
langage.. c..oufLant JSe..mble..nt au c..ontfLa~fLe.. c..ou-
fL~fL le.. fL~JSqUe.. de.. JS'altéfLe..fL fLap~de..me..nt e..t de..
fa~JSJSe..fL l~bfLe.. c..OUfLJS a la 6anta~JS~e.. pe..fLJSon-
ne..lle.. du c.o n,te..UfL".
(1)
C'est trop dire qu'ils doivent être adaptés ~ ces disposi-
tions.
Il est les facultés même du narrateur en action. Ni
les phrases, ni les mots, ni l'ordre des pensées, ni leur
cadence ne seront les mêmes suivant que l'homme qui parle à
le souffle court ou de vastes poumons,
la voix grave, ou
aigu~, le regard brillant ou éteint, la physionomie mobile
ou glacée, les membres déliés ou massifs, les .ne r f s à fleur
de peau ou une sérennité que rien n'ébranle.
Le narrateur ne récite pas un discours écrit par
autrui. L'art du contage bouscule les plans et les formules
(1)
CALAME-GRIAULE
(G.)
-
oP'. c.i.r ,
P.
74.

- 197 -
toutes faites,
il improvise.
Il suit de là, enfin,qu'il n'y
a rlen de commun entre l'éloquence du narrateur, et celui de
l'action qui restitue à son public un texte appris par
coeur.
L'éloquence ici, ne connaît pas la sécurité. Elle vit
aux aguets, dans les transes. Ce n'est pas un discours plus
un versonnage qUl le récite. C'est toutes les forces d'un
homme concentrées sur un point précis, dans la soudaineté
d'un instant.
Ici, on ne parle pas seulement avec le larynx et
les lèvres ; on parle avec les mains, avec les reins, avec
les épaules, avec les yeux.
Les yeux du serpent et du domp-
teur.
Les duellistes eux aussi se regardent les yeux dans
les yeux.
La meilleure école pour un narrateur, ce nOus
semble, ne serait-elle pas la pratique des sports de combat?
La première règle que nous avons pu observer,
après maintes
séances oratoires, c'est d'être dans le ton. Hors du ton,
tout irrite. Mais celui qui est dans le ton, peut tout dire,
même les vérités les plus déplaisantes. Ce n'est d'ailleurs
qu'un précepte de la civilité puérile et honnête.
Le narrateur, d'ailleurs, ne se plie pas aux
oplnlons de l'auditoire. C'est exactement le contraire,
le
but qu'il se propose c'est de plier l'auditoire à son
op a n r o n .
Le narrateur se déguise pour pénétrer l'auditoire
de son opinion. On ne doit pas s'apercevoir qu'il est étran-
ger à ce qu'il dit et parmi ceux
qui l'écoutent. Entre le
narrateur qui parle et son public, s'établit une sorte
d'osmose. Toute la force des coeurs qu'il fait battre passe

- 198 -
dans le s i e n . Le narrateur a mille VOlX au lieu d'une.
11
suffit de quelques approbations involontaires dont il
perçoit les signes pour qu'il s'emballe comme un cheval de
sang. Son débit s'accélère, les phrases se composent d'elles-
mêmes, les idées s'enchaînent, les mots accourent sur ses
lèvres. Parce que ce sont les auditeurs qui,
silencieusement,
et inconsciemment, les lui soufflent.
Il est, pour le con-
teur, peu de satisfactions comparables à la joie de ces
instants glorieux et passionnés. Seuls, les grands acteurs
et le virtuose
qui recréent l'oeuvre de l'artiste connalS-
sent des exaltations du même genre. Qui pourrait oublier,
de ceux qui en ont une fois
été le centre, ces regards avides,
ces cous tendus, ces lèvres entrouvertes, tout cela qUl
attend, qui respire votre souffle, qui veut boire le phil-
tre des accents et le sortilège des ~ots ? Qui a pris part
à
cette co~munion enivrante
en subira toujours la nostalgie.
Le narrateur, n'a qu'un seul enneml
l'indiffé-
rence.
Il est comme le prestidigitateur et le guignol qUl
appellent dans le jeu leurs auditoires enfantins.
Ils
l'interpellent, l'appellent,
le questionnent,
suscitent des
exclamations, les rires, les huées,
si bien que c'est le
petit public qUl se donne à lui-même le spectacle.
La parole a un mode d'expression qUl a ses moyens
propres que
la société traditionnelle de l'oralité maîtrise
profondément.
Paroles et écritures se sentent toutes deux
des mots. Mais ces mots ne sont les mêmes qu'en apparence.
Les mots écrits sont f a i' t s pour être vus.
Ils ont une
physionomie.
Ce sont leurs lettres, c'est la page d'impri-
merie, qui se gravent dans la mémoire, à tel point que dans

-
199 -
le journil et dans l'affiche il n'y a que la typographie qUl
compte. Les titres démesurés,
les manchettes,
les slogans,
indéfiniment répétés et commentés par des lmages, dirigent
l'opinion publique.
Sans doute,
il arrive aux poèmes et à
quelques proses d'être lues à haute voix, ou récités en
public. Mais avec chaque récitant,
ils changent de significa-
tion bien que visant la même portée. Le déclamateur impose
sa manière de les entendre.
Les mots ne sont pas c~ux de
l'écrivain.
Ils se .s on t
détachés de lui.
Il les a collés à
ses interprètes. Les mots parlés ne dégagent tout leur sens
qu'à l'audition.
C'est leur son, ce sont leurs rapports avec les
tonalités voisines, c'est la cadence à laquelle ils se
succèdent, s'interrompent, ou se précipitent qui donnent,
à
la phrase sa valeur et son efficacité. Le même mot suivant
qu'il est parlé ou écrit, n'a plus le même poids, ni la
même valeur.
Certes,
le livre sera lu encore dans trois mille
ans.
Il a l'éternité devant lui. On le lira seul ou à deux.
Ce que le lecteur y cherchera, c'est lui-même. Le narrateur
n'a pas six cents pages pour introduire le fil de la narra-
tion.
Il n'a pas des années devant lui pour atteindre de
nouvelles manières de sentir.
Les longues marches d'approche,
les raffi~~ments
du style ne feraient que détourner l'attention et compro-
mettre le résultat.
Il s'agit de frapper vite et fort.
Toute phrase qUl ne produit pas son effet dans la minute
même est une phrase perdue.
Il n'a pas la ressource de

-
200 -
toucher ses auditeurs l'un après l'autre.
Il doit être
comprls de
tous au même moment.
L'écrivain peut solliciter
des tendances opposées.
Lui,
ne peut parler qu'un langage
et il est obligé de prendre la commune mesure de ses audi-
teurs.
"San-6 que,
paIL a~tteUIL-6,
te-6 6ac.LLtté-6 d'~m­
pILOV~-6at~on -6o~ent négt~gée-6,
ta tILan-6m~-6­
h~on oILale telle qu'hab~tuellement elle
h'opèILe à pILOpO-6 de c.e-6 pILoduc.t~onh
ILepohe
hUIL l'uhage de la mémo~lLe et du ILythme et a
pou~ e66et, de développelL c.on-6~délLablement
leh c.apac.~té-6 d'enILe9~-6tILement. Le-6 héquenc.eh
entendue-6 do~vent ~tILe ILepILodu~te-6 te pluh
6~dèlement pO-6-6~ble" (7)
Dans le discours oral,
la parole ne
se borne pas
à donner à la pensée son expression; elle est la pensée
même.
Sans doute,
les hommes quels qu'ils soient, ne pen-
sent qu'avec des mots.
D'où,le bon conteur ne pense qu'avcic
des mots faits pour être prononcés en public.
Comment une telle capacité de conditionnement de
l'auditoire,
les leçons déguisées du conteur africain ne
peuvent-elles pas atteindre leur but ?
A propos de cette manière de transmettre les
normes d'une société, aucun essai de théorisation ne fut
fait
jusqu'ici. A savoir, bien que pédagogie diffuse et
informelle, elle doit de par ses modalités de transmission
d'un savoir,
s'apparenter à l'une ou plusieurs méthodes en
pédagogie, connues jusqu'ici comme probantes. Mais avant
d'examiner cer aspect, voyons quels sont les pièges du con-
tage.
[ 1)
ERNY (P) - L' en6ant e-t ,!lOH tn<-ueu en A6/L-i.que No~e - p. 171.

-
201
-
2 .- Les pièges du contage
Ainsi donc,
la nar~ation orale et publique des contes et
légendes fait encore partie intégrante de la culture et
joue un rôle important d'éducation, de cohésion sociale et
de divertissement.
Il est donc regrettable que, pendant
très longtemps,
les folkloristes se soient intéressés uni-
quement au contenu des contes et légendes, et non à leur
narration orale, en tant que forme athlétique originale et
phénomène anthropologique.
C'est un peu comme Sl l'histoire du théâtre ne
s'était intéressée qu'aux textes dramatiques, au détriment
de la mise en scène ou du statut social des comédiens. Or,
les conteurs sont ici des professionnels de l'art de bien
dire, des professionnels de la communication orale, ce sont
des spécialistes qui ont le goGt et la fierté de leur art.
Pour eux,
les contes ne sont pas d~ simples récits événemen~
tiels ils sont la source vivante de toutes les particulari~
tés stylistiques. Ainsi,
" POU/L qu.'-Lf~
(,f(>~ c.ol1te~)
appo/l.tel1t fe. max~­
mum de /L~c.01160/Lt pOU/L qu'if~
p/Lel1l1e.l1t toute
feu/L ~igl1i6ic.atiol1 ~ymbofique,
et,
~U/Ltout,
tout le.u/L ~e.I1~ il1te/Lpe/L~ol1l1ef, il e.~t
p/L~6~/Labfe. de /Lac.ol1te/L le~ c.ol1te~ ... au
fie.u de le~ fi/Le a haute. voix. Si 011 fe~
lit, if 6aut le. 6ai/Le. e.11 ac.c.el1tual1t
l'~motiol1 dé.gag~e paIL f'lü~toi/Le.,
«: ~Li.~c.i­
té.e c.he.z f'e~6al1t,
e.11 e.~~ayal1t dr~p/Louve/L
~o~-m~me
c.e. que. l'hi~toi/Le. pe.ut ~igl1i6ie/L
POU/L fui.
Le. riait de. le~ /Lac.ol1te./L pe/Lmet une
pf li. ~ 9 /L CU1 d e. ~ 0 Li. Pf e. ~ ~ e 11 (7).
De toute façon,
un conteur, ne pourra jamais
i
raconter exactement la même histoire de l~ même façon
(7)
BETTELHEIM [B) - P'~!iC.hCU'lClfII~e. de./~ c.onte.~ de. 6~e.~ - p . 795.

-
202
-
pendant plusieurs veillées consécutives.
Il n'y aura jamai~
une "science du contage" mais un art du contage avec ce que
cette dernière assertion comporte de souplesse et d'adapta-
bilité.
"1\\1a-t-6,
ne r e c.o.ch o n-6 pa-6, -t.t y a de.s p-<-eg e.s .
L'adu.tte qu-t n'e-6t pa-6 en ha~mon-te avec. -6on
en6ant,
ou qU-t e-6t t~op p~~oc.c.up~ pa~ c.e qu-t
-6e pa-6-6e dan-6 -6on -tnc.oYL-6c.-tent,
peut c.ho-t-6-t~
de ~ac.onte~ .te-6 c.onte-6 ... -6U~ .ta ba-6e de -6e-6
pkOp~e-6
be-6o-tn-6, -6an-6 ten-t~ c.ompte de c.eux de
.t'en6ant.
Ma-t-6 tout n'e-6t pa-6 pe~du pou~
autant.
L'en6ant c.omp~end~a m-teux ~e qU-t
émeut -6e-6 pa~ent-6,
et -t.t e-6t t~è-6 -tnté~e-6-6ant
pou~ .tu-t, et t~è-6 p~06-ttable, de
~c.onnaZt~e
le-6 motivat-ton-6 de-6 ~t~e-6 qU-t t-tennent le
plu-6 de plac.e dan-6 -6 a v-te"
Il)
Dans les sociétés traditionnelles de l'Ouest
Africain, les contes font partie intégrante des préoccupa-
tions didactiques de l'adulte si nous nous en tenons à leurs
traits spécifiques
conte moral, conte étiologique, conte
ésotérique, etc ...
Comment un conte peut-il être ésotérique sans
faire appel à plusieurs niveaux de compréhension? Tous les
peuples ont de tout temps, établi un dualisme entre le
visible et l'invisible,
le clair et l'obscur. Dans les bos-
quets sacrés, certains rites initiatiques
ont pour compo-
santes néces~aires,l'explicationet la compréhension de
contes ésotériques.
Peut-on être du même avis que BETTELHEIM,
lorsqu'il dit, en parlant des contes, "qu'il faut se garder
de les approcher,
lorsqu'on les raconte, avec des intentions
didactiques" ? certes,
les intentions didactiques, outre le
cas des rites initiatiques, se cachent sous le paravent du
(1)
-tb-td pp.
195-196.

-
203
-
divertissement et du merveilleux. Cet aspect leur enlève
tout caractère systématique et dogmatique. Nous sommes
d'accord avec BETTELHEIM, lorsqu'il affirme que
"le c.on:te ...
e!.J:t avan:t :tou:t un.e oeuvlle
d'all:t ... Ce qui veù:t dille qu'il e!.J:t impo!.J!.Ji-
ble de
lléali!.Jell une oeuvlle d'all:t en e!.J!.Jaya~:t
déli~éllemmen.:t d'o66llill quelque c.ho!.Je de
!.Jpéc.i6ique à une pell!.Jonne en pall:tic.uliell.
Rac.on:tell un c.on:te ... expllimell :tou:te!.J le!.J
image!.J qu'il c.on:tien.:t c.'e!.J:t un peu !.Jemell
de!.J gllain.e!.J don.:t quelque!.J une!.J gellmellon:t
dan!.J l'e!.Jplli:t de l'en6an:t.
Cell:tain!.J c.Ommenc.e-
llon:t :tou:t de !.Jui:te,
à 6aille leull :tllavail
dan!.J le c.on!.Jc.ien:t. V'au:tlle!.J,
!.J:timulellon:t de!.J
pllOc.e!.J!.Ju!.J dan!.J l'inc.on!.Jc.ien.:t. V'au:tlle!.J enc.Oll~
devllon.:t lle!.J:tell long:temp!.J en !.Jommeil jU!.Jqu'à
c.e que l'~!.Jplli:t de l'en6an.:t ai:t a:t:tein:t un.
!.J:tade 6avollable à leull gellmina:tion,
e:t d'au-
:tlle!.J ne pllendllon:t jamai!.J llac.ine.
Mai!.J le!.J
gllaine!.J
qui !.Jon:t :tombée!.J !.Jull le bon :tellllain
plloduillon:t de belle!.J 6leull!.J,
e:t de!.J allblle!.J
vigoulleux.
C'e!.J:t-à-dille qu'elle!.J donn.ellon:t
de la 60llc.e à de!.J !.Jen:timen:t!.J impoll:tan:t!.J,
ouvllillon:t de!.J
pell!.Jpec.:tive!.J nouvelle!.J,
nOUll-
llillon:t de!.J e!.Jpoill!.J, lléduillon.:t de!.J angoi!.J!.Je!.J,
e:t,
c.e 6ai!.Jan:t,
enllic.hillon:t la vie de
l'en6an:t !.JUll le mo me.n i. e.: POUll t.ou i ou.n.:" Il).
IV - QUELLE METHODE EN PEDAGOGIE? : ANALYSE DES ELEMENTS
CONSTITUTIFS ET ESSAI DE THEORISATION
Avant de déterminer les buts de l'éducation, nous
avons déterminé les moyens d'action sur l'enfant et- l'adulte
-- les contes et légendes -- il importe maintenant de déter-
miner le ou les méthodes à l'aide desquelles on prétend
inculquer un savoir, une morale sociale à l'individu.
1
Précisons que la pédagogie étant informelle, les conteurs ou
/:!
les narrateurs, utilisent inconsciemment des éléments cons-
titutifs des méthodes d'enseignement propres à la pédagogie
institutionnelle.
( 1)
BETT EL HEl M (B ) - 0 p.
c i.r.,
p.
19 9 .

-
204
-
Les dénominations usuelles de ces méthodes d'en-
seignement, en particulier
celles du "traité de pédagogie
générale"de René Hubert
mentionne du point de vue analyti-
que et critique
- les méthodes didactiques
- les méthodes attrayantes
- la méthode interrogative
- les méthodes intuitives
- les méthodes actives.
En examinant attentivement le contenu de ces
différentes méthodes, nous pouvons sans crainte d'erreur
grave, affirmer que le conteur utilise des éléments des
méthodes attrayantes, qui se soucient de l'intérêt de
l'enfant. Mais quel est le contenu de ces méthodes attra-
yantes ?
1 - Les méthodes attrayantes et le souci
de lrintérêt
Nous savons que l'enseignement didactique est presque tou-
jours ennuyeux, que l'enfant de bonne volonté s'épuiserait
pour le suivre, dans un effort pénible d'une attention qUl
n'est que superficielle. Le maître devrait alors avoir
recours, le plus souvent, à la contrainte, aux châtiments
corporels,
aux punitions, aux bruyants rappels à l'ordre,
dont l'efficacité laisserait parfois à désirer. Ces
inconvé-
nients ont été depuis longtemps reconnus et par pitié pour
les ehfants, autant que pa~ souci du rendement pédagogique,
on s'est appliqué ~ capter l'attention, à obtenir l'intérêt
spontané, ~ "faire que les enfants prennent plaisir à venir à

-
205 -
l'école, et à s'instruire. D'abord, on n'a guère pensé qu'à
utiliser leur goût manifeste pour le jeu; et on s'est
efforcé de les instruire indirectement par des méthodes
d'enseignement attrayantes, en les faisant jouer.
Puis l'étude psychologique de l'intérêt a fait
avancer dans la connaissance de l'enfant, et permis d'adap-
ter
sans artif'ice,
l'enseignement
à
sa curiosité et à ses
besoins naturels. La science, greffée directement sur sa
vie, a cessé de lui paraître ennuyeuse. Ainsi, s'est opéré
un progrès pédagogique commandé par le souci de toucher et
d'intéresser l'enfant, et non plus d'ordo~ner logiquement
les matières d'enseignement. Laissés à eux-mêmes, on voit
les enfants courir, sauter, crier, se bousculer, se battre.
manipuler des objets, démonter, construire, ou bien
s'absorber dans des jeux dramatiques très libres oD ils se
donnent des rôles très variés. Dans les sociétés tradition-
nelles de l'oralité, on a depuis longtemps remarqué combien
il est anormal de les obliger à assimiler des connaissance,
qUI ne correspondaient pas à l'activité de leur imagination.
Ces sociétés traditionnelles ont eu l'idée, de
bonne heure, d'utiliser au contraire des tendances enfanti-
nes pour l'acquisition des normes de la morale sociale.
Elles se sont ingéniées à faire de l'acquisition des con-
naissances une sorte de
jeu, et à rendre les contes et
légendes éducatifs. L'idée, en vérité
assez simpliste, des
méthodes attrayantes, metau mOIns en lumière
la nécessité
d'intéresser, de capter l'attention.
Il ne peut y
avoir de
véritable enseignement, de véritable éducation
iJltellec-

-
206
-
tuelle SI cette condition n'est pas réalisée.
Les livres les plus clairs disposant les matières
de la manièiè la plus intelligente, étudiant au mieux la
progression, et les exposés les plus nets
et les mieux
ordonnés perdront toute leur valeur si l'enfant ne
les lit
pas ou ne
les écoute que distraitement ou par contrainte. On
a comprIs l'erreur qui consisterait
"a na-tJte. du c.ho-tx de.J.J J.Juje.tJ.J d'étude. une.
anna-tJte. abJ.Jolume.nt -tndépe.ndante. de. l'-tntéJt~~
e.t paJt c.onJ.J~que.nt,
de.J.J be.J.Jo-tnJ.J e.~ de.J.J nonc.-
t-tonJ.J de. l'e.nnant ; e.t à Jtédu-tJte. l'éduc.at-ton
à
n'~tJte. que. la c.onne.c.t-ton d'aJt~-tn-tc.e.J.J pluJ.J
ou mo-tnJ.J e.xtéJt-te.uJtJ.J e.t J.Jupe.Jtn-tc.-te.lJ.J de.J.Jt-tnéJ.J
à Jte.te.n-tJt l' atte.nt-ton".
(1)
Car l'enfant
est un être humain, un homme de
devenir, et il n'y a pas hétérogénéité entre nos intérêts
d'adultes et donc notre science et ses intérêts propres.
Le sens même de son développement l'amène à nous;
il
s'agit de bien déterminer ce sens. Et
d'autre part, l'en-
l
'
fant a toujours quelque
intérêt qu'il nous faut découvrir.
"La v-te.-tlle. h-tJ.J-to-tJte. de. l'âne. de. BuJtidan
e.J.Jt abJ.JuJtde..
Le. MO-t n'e.J.Jt jama-tJ.J danJ.J un
paJte.-tl état d'équ-tl-tbJte.,
e.t d'-tnd-tnnéJte.nc.e..
Il e.J.Jt toujouJtJ.J e.n tJta-tn de. na-tJte. que.lque.
c.hoJ.Je.,
e.n état de. te.nJ.J-ton,
e.n maJtc.he. danJ.J
une. d-tJte.c.t-to n do nnée."
(2).
C'est sans doute HERBART
qui,
le premier,systé-
matiquement,
s'est appliqué.à l'étude psychologique de
1 ' in t é r t
co mme f
ê
0 n de men t
cl e 1a p é cl a g 0 g i e.
( 3 )
On peut souligner quelques applications.
,
( 1 ) DEWEY
(J)
-
Ec.ote. e.t e.n..6..E:.nt - p.
59.
( 2 ) DEWEY (J) - Ec.ole. e.t e.n6 an>t - p.
54.
(3 ) HERBART - EJ.JqU-tMe. [UIJl!l.ihJ.J padagogùc.he.Jt vOJtle.-I.'JLll'lge.l'l) )J. 72 à 77.

-
207 -
Toute la vie de l'esprit n'est, pour lui, que peu de repré-
sentations qui s'associent ou s'excluent, entre les idées;
Aussi, le but ~uprême de l'éducation étant de former des
volontés libres, le moyen ne peut être que de dévelpper la
multiplicité des intérêts, afin que telle ou telle direc-
tion particulière ne s'impose pas irrésistiblement à l'indi-
vidu. Quelles sont donc pour HERBART, les conditions de
l'intérêt et de l'attention?
Ayant distingué l'attention spontanée et l'atten-
tion volontaire, c'est à la première qu'il donne la préférence ;
c'est celle que l·'art de l'enseignement doit tendre à susciter.
\\~-'\\,
Car, à juste titre, c'est la constitution d'associations
profondes, et comme organiques, qu'il cherche à oqtenir :-ce
!
qu'il appelle des masses aperceptives. Aperceptio~ étant pour
1
lui équivalent d'appropriation (apperzeption oder aneighung).
Or, l'aperception, l'appropriation se produit quand les
représentations déjà fixées vont à l'encontre de ~eprésenta-
,
tions nouvelles.
L'esprit reste inerte. quand ce qui s'offre à lui
est entièrement nouveau
et étranger à son expérience, quand
il n'y a entre celle-ci et lui aucun point de contact. Au
contraire, si, par quelque côté, la lecture, l'exposé,
l'objet, l'image, d'abord sans intérêt, se rattachent au déj~
connu, fût-ce de façon tout accidentelle et superficielle)
.
1
"aussitôt, on voit des représentations se mettre en mouvement
dans nos profondeurs, pour aller s'unir avec ce semblable 'qui
vient justement s'offrir." (1)
[1·)
HERBART -
op.
c i:t.,
P.
t t ,

-
2DS -
La pédagogie doit donc s'efforcer constamment de
chercher tes points sensibles de l'esprit, continuellement
tenir compte de ce qui a été appris, ce qui a été vécu, et
ordonner la matière en conséquence.
Il faut toujours ratta-
cher le nouveau au connu, faire en sorte "que le nouveau
trouve déjà là l'ancien qui l'attend et avec lequel il doit
s'unir".
(1)
Mais HERBART, toujours analysant,
joint d'autres
prescriptions à cette conditon fondamentale.
La force de
l'impression contribue aussi à éveiller l'intérêt. "Des cou-
leurs vives, un éclat de voix, attirent mieux l'attention que
les couleurs sombres, ou des sons faibles".
Il est vrai que
la sensibilité s'émousse et qu'il faut craindre la monotonie.
Mais c'est DEWEY et KERSCHENSTEINER qui ont fait
l'analyse la plus vivante de l'intérêt en substituant à leur
tour
l'analyse mécanique de HERBART, une distinction plus
essentielle que celle entre l'intérêt médiat et immédiat,
entre l'attention spontanée et volontaire.
(2)
Tous deux mettent en valeur la différence entre
l'intérêt superficiel et l'intérêt profond,
l'intérêt actif
et l'intérêt passif,
l'intérêt d'impulsion (Triebinteresse)
et l'intérêt d'excitation (Re i z i n t e r e s se ) . Médiat ou immédiat,
inné ou dérivé,
l'intérêt peut être actif, pourvu qu'il se
porte sur l'objet qui, directement ou comme moyen répond aux
préoccupations et aux besoins de l'individu.
Le véritable
intérêt est toujours spontané,
il comporte toujours un carac-
(1)
Ib-<-d pp.
75- 76- 78.
(2)
c.6 44 - DEWEY - Ec.ofe e.-t enocu'lX - kh 1 - f'-<-VL-té/LU et. C.'e600JL,t)
KERSCHENSTEINER : Théo/tie de/L B-<-.fdlU19 kh Il p.
3 à 19).

-
209 -
tère affectif. L'effort volontaire pour s'intéresser à ce
qui répugne, à ce qui ennuie, n'est qu'un supplice inutile.
L'intér@t actif, qui se Jistingue encore par sa ténacité,
s'accompagner souvent d'un effort pénible, d'un grand déploie-
ment d'énergie. Mais cette énergie jaillit naturellement de
l'être,
sans qu'il s'y force artificiellement, parce qu'elle
tend au but qu'il se propose et répond à la poussée de son
désir.
Le véritable intér@t prendrait raCIne dans les
besoins fondamentaux physiques, moraux, ou intellectuels de
l'être.
"SaVl..6 c.e..6 be..6o.-éVl..o,
pa.o d'ac.t.-éoVl..o .opoVl.taVl.ée..o,
e.t pa.o d'e.xpéh.-ée.Vl.c.e..o qu.-é hévèie.Vl.t ia vaie.uh
de..o c.ho.oe..o
; .oaVl..o c.e.tte. vaioh.-é.oat.-éOVl.,
pa.o de.
but déi.-ébéhé ; e.t: .oaVl..o c e but pcu, d'.-éVLtéhE-t" (1).
Dès que la moindre tendance se révèle, elle peut
@tre utilisée et donner lieu à un développement surprenant
des intér@ts. Car, en fonction de cette tendance, tout ce
qui apparaît comme moyen prend une valeur. L'esprit s'y
rattache,
l'activité s'y applique. De nouveaux problèmes
surgissent et les intér@ts se multiplient, toujours liés à
l'intér@t fondamental, qui, non seulement manifeste sa con-
sistance et sa permanence
caractéristiques, mais qui
s'amplifie et s'enrichit ainsi sans cesse. C'est alors que
l'action de l'éducateur devient décisive. S'il est maladroit,
!
s 'i 1 1ais ses e ta r i r l' a c ~ i vit
s po n tan é e de l'
1 v e, s'il ne
é
.
é
è
sait pas lui faire prendre conscience des difficultés qui
l'arr@tent
et lui sugg~rer la voie libératrice, il n'aura
( 1)
73 LOC H (M. A.)
- Ph,ÛOMpIÜe. de. i' éduc.atioVl. l'lOUVe..tte. p. 38.

-
210 -
plus recours que dans les moyens artificiels et sans valeur
éducative
de maintenir l'attention:
"images, anecdotes,
plaisanteries, présentations arrangées, ou bien perspective
des agréments de la récompense ou des désagréments de la
pu nit ion. Ii ( 1)
KERSCHENSTEINER signale le passage
de 1 f intérêt
pour la partie à l'intérêt pour le tout et inversement: la
prise d'intérêt pour tout ce qui touche à ce que l'on aime
ou admire, et le glissement de l'intérêt d'un objet à un
autre analogue. Aussi,
il suffit que l'enfant se soit
intéressé à un~ époque de l'histoire, à une famille de
plantes, à un paysage géographique, pour que, de proche en
proche,
il accède de lui-même à toute l'histoire, à toute
la botanique, à toute la géographie.
Par ailleurs, on voit
"le camarade se mettre à partager les intérêts de son amI,
l'élève, ceux du maître qU'il aime ... "
(2)
On voit quelles perspectives nous ouvre cette
psychologie de l'intérêt. Mais il faut tenir compte de la
mentalité spécialement infantile. Rousseau, déjà, en même
temps qu'il invitait à étudier les enfants, esquissait une
psychologie de leurs différents âges et soulignait que les
étapes de leur développement représentaient des formes de
vie particulières. "Laissez mûrir l'enfance dans l'enfant"
disait-il dans l'Emile.
(3) ILe souci de savoir comment'
Îr
prendre l'enfant, comment s'adresser'à lui pour l'éd-uquer, a
(1)
KERSCHENSTEINER
- '<-6'<-d p.
?g 1
( 2)
.<- 6.td e Vl p.
2 g 7 .
( 3)
R0 li SSEAli
-
R.. 1 EIn'<-R.. e
-
p.
g 3 .

-
211
-
mené la constitution d'une psychologie génétique, qUI nous
indique, pour chaque phase de son évolution, les intérêts
correspondant à la maturation organique, à ses besoins, à
ses rapports sociaux du moment. Déjà Rousseau disait aussi
"Traitez votre élève selon son âge".
(1) Ces études ont
apporté beaucoup de précision, et de solidité aux idées
vagues de l'expérience courante. M. Debesse précise toute-
fois, qu'une "éducation génétique ne repose pas seulement
sur l'idée banale qu'il faut tenir compte de l'âge de
l'enfant, malS se fonde sur la conviction que les grandes
étapes de la croissance, correspondent à des réalités dis-
tinctes".
(2)
A vrai dire, la période scolaire de l'enseignement
prImaIre ne correspond guère qu'à une seule phase du dévelop-
pement infantile,à celle qu'on appelle la troisième enfance
(3) où prédominent les intérêts techniques, mécaniques,
constructifs, et où s'opère la socialisation. L'enfant de
cet âge est très préoccupé des choses.
Il veut savoii comment
elles sont faites et quelles sont leurs propriétés, etc ...
L'enfant de la seconde enfance de 3 à 7 ans, est
caractérisé par sa vision plus affective qu'intellectuelle du
monde, par son égocentrisme.
Il voudrait tout manier à sa
guise; et c'est bien ce qui traduit le jeu de cet âge, par
lequel l'enfant se plonge dans le rêve avec volupté, choses
J
[/
(1)
ROUSSEAU - -<-b-<-d p.
79
(2)
VEBESSE
(M)
-
1e--6 éÜtpe-/) de- l'éduc.at-<-on -
p.
1.
(3)
CESARI
(Pl
-
P-6yc.holog.i.e- de.t'e-n6ant pLL6 "que- MÙ-6-je-" n° 369
U auM-<- CLÂPÀREDE ; l' éduc.at-<-on 6onu.<"onnille-
Ve-Iac.haux-N~tlé.

-
21 2 -
\\ et gens ne lui servant que de vague support et de mouvants
repères. C'est bien ce qUl indique aussi son goût pour les
contes et légendes, qui n'ont pas pour lui la même signifi-
cation que pour nous.
Le monde imaginaire et le monde réel
se différencient fort peu pour lui. Cependant, c'est l'âge.
,
aussi de l'acquisition dans la famille
des attitudes
mdrale~ fondamentales:
notion du beau et du vilai~ du Bien
~t du Mal, du propre et du sale. Organisation du dégoût et
de la pudeur. Enfin il faut aussi songer assez tôt
à l'éveil
des intérêts qui caractérisent la période de préadolescence.
Cet âge est celui où la personnalité s'affirme en
se concentrant sur elle-même, dans une complaisance à la
sentimentalité, nourrie et exaltée d'imaginations,
d'aven-
tures plus ou moins romanesques.
Le monde réel ne peut plus être ignoré, malS
l'enfant refuse de le limiter au présent, comme
trop
étroit, et trop marqué.
Et
il cherche une voie libre aux
ambitions et aux rêves d'avenir. Tout cela constitue des
points de repère vers une psychopédagogie de l'intérêt mais
qui, utilisée inconsciemment par les conteurs-narrateurs,
demeure informelle,
diffuse.
2 - Contes et psycho-pédagogie de l'intérêt
1
Nous savons que le
mode de délivrance du message est
différent
selon le texte et la personnalité du conteur.
Les c~nteurs se sont appliqués à rechercher les intérêts
profonds de l'enfant, soucieux de lui faire acquérir le
sens moral
de certains
contes et légendes sous la forme

-
21:3 -
choisie et au moment opportun.
Sans nous répéter inlassable-
ment, nous avons souligné dans les modalités de transmission,
que les conteurs avaient plus d'un tour dans leur sac, pour
attirer, captiver l'enfant sans contrainte aucune
a)
le jeu des intonations suit de près les péri-
péties de l'action et les changements de personnages.
(voix
aiguê des femmes,
voix nasillarde, onomatopées
imitant des
chutes ou l'écoulement d'une source, etc ... ).
b)
L'emploi des geste, mimiques et expressions,
démarches d'animaux, mouvements d'épaules, pas de danse,
attitudes comiques, etc ...
c) Les bruitages symboliques sont un procédé très
goOté, des enfants
(cliquetis de bijoux,
imitations de chant~
d'oiseaux, de
rythmes de tambour, de pleurs, etc ... ).
d)
L'association du rée i t avec 1 a mu s iq ue sout ien t
l'attention infantile.
L'enfant est sensible à la musique et
par conséquent,
intéressé par la suite du récit.
e) Le contact du narrateur avec l'auditoire.
Il y
a parfois échange de questions "Que pensez-vous qu l i I va
faire ?" "qui gagnera ?" etc ...
Les excellents conteurs ont manié intuitivement de
tout temps ces données.
Ils l'ont fait depuis toujours avec
plus de facilité,
sinon plus de
sureté, sans référence aux
{
!
c a t go r.i e s deI a. p
n é t i que e t _deI a p s y c ho log i e
é
5 y.ch 0 log i e
g é
'différentielle.
Instruisant les enfants à leur insu,
ils
ont eux-mêmes utilisé des procé4és d'enseignement dont ils
ignorent les bases psychologiques et génétiques.
La trame du

- 214 -z,
récit qu.i se situe parfois de l'autre côté de la logique,
répond
au besoin de négation du monde réel, à la manie
exaltée d'imagination et d'aventures plus ou moins romanes-
ques de l'enfant.
Le cadre dans lequel se situe l'action du conte
fait partie de l'action imaginaire que l'enfant veut mener
au gré de ses r€veries.
Le héros du conte doit vaincre et
revenIr au pays chargé de gloire et plein de bonnes inten-
tions pour les plus faibles de sa contrée. A travers les
contes et légendes, voyage l'âme enfantine et aussi elle se
risque,
s'engage, se régénère. L'enfant ou l'adolescent
qui se livre à
l'ensorcellement de la narration, défie dans
l'esprit
l'inexorable et s'ouvre aux promesses du possible.
De cet irremplaçable apprentissage du courage etde
la générosité
par la voie du fantastique dépend pour une
bonne part la future vigueur de l'esprit,
le choix qui va
incliner
sa
VIe vers la servitude résignée ou vers l'é-
nergique liberté.
Les contes et légendes servent à capter l'intérêt
des enfants dans les sociétés traditionnelles de l'oralité
qui, pour surmonter le handicap de manque d'écriture ont
valorisé les littératures populaires comme véhicule de la
sagesse, de la morale sociale, et de la philosophie.
Pour
i
J
elles, contes et légende~
sont précieux comme amorce, comme
appâts et, sans perdre de temps,
les conteurs passent à
l'essentiel. La logique du récit met en valeur aux yeux des
!
enfants l'antithèse de la gourmandise, de la méchanceté, de
1a pol t r 0 n ne rie, deI a j al 0 u sie, du vol, etc... Cl LI i sont des

-
21 5 -
morales d~ base pour accéder à un haut degré de moralité
soit par l'initiation, soit sous forme d'enseignement ésoté-
rique de p~ie en fils.
Dans les premières années de son existence,
le
jeune enfant vit dans un monde à lui, dans une fiction

il est à peu près le maître. Les contes et légendes viennent
opportunément meubler cet univers; l'enfant est alors très
réceptif au message véhiculé par les récits qui donnent
l'apparence de l'amuser, de le divertir, mais qui l'ins-
truisent à son insu, des normes de sa société.
Ce n'€st
que progressivement
qu'il se heurte aux
résistances et aux défenses des choses et des êtres. C'est
lentement qu'il en vient à l'observation, plus lentement
encore qu'il prend "le sens de la tâche, de
la poursuite
d'un but, de l'ajustement des moyens, des règles à observer,
de la portée soutenue de l'effort," (1) qui constituent les
travaux des champs) la surveillance des animaux qui paissent
dans la savane. Le danger de maintenir l'enfant dans deux
unlvers.contradictoires est réel.
Les séances nocturnes de contage sont des activi-
tés toutes spontanées, alors que les travaux champêtres, la
quête des fagots
et de l'eau,
(tâches dévolues aux filles),
sont des activités à peine dirigées.
L'enfant, dès le lever
{
du jour, va au champ avec son père, tandis que la fille va-
f
que, avec sa mère, aux tâches ménagères quotidiennes avant
de rejoindre les hommes dans les ch~mps, où il ne convient
plus de passer le temps à jouer.
( 1)
WALLO N rH)
- ~~ y c. h 0 f 0 9 ,t e. d e. f' e. 11 6a nt - p.
2 2 0 .

-
216 -
Les procédés attrayants et les préoccupations d'enseigner
par la jciie sont complètement écartés et négligés. Mais
bien que l'univers des travaux champêtres vienne contreba-
lancer celui des contes et légendes, il ne faut pas sous-
estimer l'efficacité des préoccupations pédagogiques des
conteurs. L'on saii que les contes abordent tous les sujets.
Certains contes ne flétrissent-ils pas la paresse et
l'oisiveté?
Il e~t bien évident que, dans une société tradi-
tionnelle essentiellement agricole,
les contes relatifs au
travail mettent en valeur l'effort quotidien, l'épanouisse-
ment de l'individu par le travail, la considération de
l'individu par le volume de ses greniers. Les greniers
pleins à ras-bord témoignent
aux yeux de la communauté qu'on
s'est bien attelé à ses travaux champêtres, qu'on a bien
sarclé son champ en temps opportuns. A travers les contes,
l'enfant intériorise inconsciemment toutes ces valeurs
agricoles.
Il voudra, plus .tard, ressembler à son père,
avoir un champ très vaste
où les épis de mais, de rlZ ou de
mil
s'entrechoqueront au moindre coup de vent. Et être
aussi l'objet des considérations que la communauté confère à
son père. L'enfant est conscient des classes d'âge
"Le. plL,LvtC.,ipe. de. ta -subolLdùta.:tion de s p.tu-s
[eu ne.s aLP:. a,{,né-s.
L'âge. -si6I'li6ie. s o v oi.n. e:
au.:tolLi.:té ; it lL~gte. te.h ob.tiga.:tioI'l6 6oc.ia.te.6,
/
le.-s l'lolLmeh qui lLégih6e.n.:t la mayti~lLe. de.
ha.tue.lL, de h'habi.t.te.lL,

de. mange.lL,
de. he.
.:te.nilL e.n pubtic. ; de. palL.:tic.ipe.lL aux lLi.:te.-s.
A .t'in.:télLie.ulL de. .ta -soc.ié.:té e.n6an.:tine. i.t
in.:tlLodui.:t de.h c..tivageh lLigoUlLe.UX, au poin.:t
que .t'on poulLlLa il1.:te.lLdilLe ipalL e.xemp.te. a une.
c..t ah,.') e d'a 9 e de. j 0u e. lL a v e ci L<l1 e CLU..:tlL e. .
L' a,{, né est:
houve.n.:t POUlL .te. p.tUh
jeune te. ptu6 ab60tu

- Zl7 -
d~~ ma~t~~~, ~ont~~ f~qu~f, ~f n'a n~ d~o~t,
n~ ~~~ou~~ d' au~un~ s o n.t:e'",
(1)
Pour briser les carcans de ce clivage,
il cherch~-
ra à accomplir les mêmes travaux que les adultes, ses
aptitudes à effectuer telle ou telle tâche
lui vaudront de
la considération de leur part, et à passer, sitôt l'âge
venu, au degré supérieur de la classe d'âge. Les travaux
champêtres,
la construction d'un habitat, sont autant de
techniques qui contrastent avec l'univers merveilleux des
contes et légendes. Mais une longue suggestion à travers
les contes et légendes aura eu raison du danger de rebuter,
de dégoOter l'~nfant à jamais de ces tâches utilitaires.
Les contes et légendes
auront préparé l'enfant à
affronter des activités à peine dirigées, grâce à la connais-
sance psychologique ou intuitive, des intérêts profonds de
l'enfant, "de l'appétit de son moi, des désirs de son
organlsme.
en crolssance, de ce qu'il réclame impérieusement
pour se réaliser"
(2).
Et voilà que l'enfant,
sans jeu, sans
divertissement, se prend aux travaux d'adulte, qui feront de
lui un homme éprouvé, accompli, fait pour le bien de la
communauté. L'enfant, après plusieurs étapes
dans sa crois-
sance biblogique,est devenu un adulte. Après l'éducation de
base, tout adulte qu'il est devenu,
il doit chercher à
comprendre, accéder à un certain niveau de compréhension des
contes et légendes, le niveau ésotérique.
/
Il)
ERNY
(P)
-
L'~n!Jan,t ~,t ~oVl. lJ1.tLt~u. ~Vl.A6.JL.lqu.~No,~~, p. 83.
,
(2)
DEWEY
(J)
-
co t.e. ~t ~~cU1L)
-
p.
46.
ï

- 218 -
v - POUR OU CONTRE LE MERVEILLEUX DANS L'EDUCATION?
Aborder .I.e problème du contenu des contes peut paraître un
sacrilège pour certains pédagogues trop scientistes et
positivistes. On a pris l'habitude de les considérer
comme
des réalités purement poétiques,qui rélèvent d'un monde
imaginaire et qui y renvoient. C'est vrai
en un sens, mais
les mondes imaginaires, eux aussi, parlent du monde réel.
Comment méconnaître que les contes s'adressent
explicitement à un public enfantin et adulte
pour qui
tout a un sens.
Il est inexact de parler de peuple inculte,
avide de récits puérils. Sans nier la valeur que peut pren-
dre la culture écrite,
il ne faut pas sous-estimer la
tradition orale.
Rassembler les éléments d'un récit,
le rendre
homogène et passionnant, c'est une opération spécifique qUI
suppose toujours l'expérience d'un spécialiste, d'un artiste
à part entière. Or,
justement, le conteur doué ne récite pas
un texte qu'il sait par coeur; son travail ~ssocie étroite-
ment mémoire et création. L'histoire qu'il raconte fait
partie d'un répertoire qu'il connaît à fond,
et qui est
d'ailleurs
connu parfois de son public. Mais il ne cesse de
l'adapter, c'est-à-dire de le modifier, plus ou mOIns
profondément, pour tenir compte de l'attente et des réac-
tions de son auditoire. Crest bien là une des raisons
r,,/ :
majeures qUI rendent le conte captivant.
Indépendamment même des trivialités et des scènes
scabreuses, ils contiennent à peu près tous plusieurs
niveaux dt: 'compréhension
et des épisodes qu i, pour être c orn-

- 219 -
pris en terme philosophique et moral, exigent une réelle
expérience de la vie.
L'analyse du contenu des contes confirme qu'ils
s'adressent aussi bien aux enfants qu'aux adul tes.
Ils
représentent un reflet des superstitions, des crain~es et
des espérances populaires, au cours des longues durées où
les connaissances sont peu annoncées et où la misère et
l'oppression apparaissent comme des lois de notre espèce_
Les contes et légendes ont pour fonction aussi de rassurer
l'individu, de le faire communiquer, avec un idéal de
justice et de revanche. Aussi, le héros le plus apprécié
des contes, c'est un brave garçon ou une pauvre fille,
cadets sans fortune ou peu
avantagés par le sort, et qui, à
force de bonté, de piété ou de ruse, avec parfois la compli-
cité d'un être surnaturel
ou d'un parent mort reconnais-
sant, finissent par tirer leur épingle du jeu.
Le héros d~ conte, on l'a vu, handicapé à l'origi-
ne, finit par remporter la victoire
sur un plus puissant
que lui. Or, c'est justement la situation de l'enfant dans
le monde des adultes ou dans celui des aînés. Le conte, en
privilégiant les relations de préférence, d'impuissance et
de puissance, aborde ses préoccupations les plus constantes
qui concernent sa sécurité et sa situation dans la phratrie.
Il sympathise avec le type de héros qui lui permet de se
1
/
~J
rassurer et d'entrevoir que lui aussi, quelque jour, trouve-
ra sa place au soleil.
En bref, tout se passe comme si cette
"enfance de l'art" par une sorte d'alchimie spontanée, se
transformait très naturellement en "art de l'enfance".

- 220 -
Certains pédagogues rejettent en bloc cet'héritage
empreint d'humanisme et veulent imposer aux enfants
une
conception scientiste
et bornée . Car il faut noter que ce
qui semble gratuit à l'adulte ne
l'est pas nécessairement
pour l'enfant qui,
dans les récits les plus "fantaisistes" parvient
souvent à récupérer des structures linguistiques et logiques.
Comment oublier que les contes et légendes, malgré
quelques scorIes restent un immense réservoir de sagesse ?
La preuve c'est que certains poètes et écrivains,
sont venus y pUlser : RABELAIS, MOLIERE, LA FONTAINE, GOETHE
ou NERVAL.
Sans doute, ces grandes plumes
s'en sont-ils
servis comme d'une piste d'envol. Mais on peut se demander
s'ils se seraient jamais envolés sans cette piste. Un
autre aspect culturel du contage est l'art de la parole.
Alors que l'art africain "concret" achève de conquérir le
monde occidental, pour lequel la valeur de cette source
d'émotion esthétique ne se discute même plus,
il faut recon-
naître que l'art de la parole n'était possédé que par les
sophistes de l'Antiquité grecque. Ceci dénote d'un passé
glorieux révolu.
Comment expliquer cette lacune,
si ce n'est par
un manque de curiosité, un préjugé solidement enraciné à
l'égard de la tradition orale? Le plaisir esthétique que
1
l'on trouve aussi à tes récits
n'est pas celui d~ la nou-
veauté, mais celui d'entendre conter d'une manière élégante,
fidèle et complète, une histoire que l'on connaît par ail-
leurs.
De plus, la signification symbolique de ces contes,

-
221
-
bien connue des adultes dans les sociétés traditionnelles
est un élément de préservation. Nous avons tenté de démon-
trer que les contes sont une sorte de moule privilégié,
dans lequel on retrouve fondus ensemble tous les éléments
de la culture; ils peuvent être analysés ,sur tous les
plans: psychologique,
social, moral, mythologique, etc ...
Ils sont aussi le reflet d'une conception du monde et de
l'homme. Leur forme de style
n'est
pas ,dénuée d'intérêt.
Il est le ressort secret de la pédagogie, de l'art du
contage.
" 1 -
Bruno BETTELHEIM ou la défense des contes
merveilleux:
(1)
Pour certains pédagogues, les fées sont des re-
flets historiques, elles ont correspondu à une époque où
les connaissances étaient rares; à présent, les masses
populaires sont éduquées ou s'éduquent.
Ils adoptent une
conception matérialiste et scientifique du monde.
Les fées, par définition, contredisent les lois de
l'univers qUl nous entoure. Elles apparaissent comme une
surVlvance dont il serait fâcheux de nourrir les enfants.
Un certain nombre d'éducateurs, avec beaucoup de bonne foi et
vivacité, défendent ces positions, par exemple André BRAUNER.
Mais le livre de BETTELHEIM se distingue des autres
ouvrages psychanalytiques, car son approche n'est pis "généti-
que.
Il se pose les questions suivantes:
(1)
BETTELHEIM
(B)
-
P!.llJc.haVlccflJ!.le. de.!.l
C.OVlte.,!J
de.
6ée.!.l
-
1976.

-
222
-
- Qu'est~ce qui a produit le conte?
- Quel effet produit le conte sur l'enfant qUl l'écoute?
Il pUlse dans le répertoire de GRIMM les contes
pouvant répondre à ses interrogations.
Pour BETTELHEIM,
le merveilleux, loin d'empêcher
chez l'enfant le développement d'une connaissance ration-
nelle du monde,
lui apporte la sérennité psychique dont il
a besoin au moment oG il en a besoin. Le conte indique clai-
rement qu'il apporte un enseignement utile non pas sur le
monde extérieur, mais sur la réalité psychique. C'est une
réponse imaginaire à un conflit réel.
Les sorcières, les ogres, les dragons et autres
personnages effrayants ne sont que la projection des an-
goisses et des phobies de l'humanité. Loin de traumatiser
l'enfant comme on le croit communément, ils le rassurent au
contraire, en lui montrant que ses propres fantasmes, de
loin aussi violentes, ne
sont ni uniques, ni monstrueux. Ce
n'est qu'après avoir projeté ses angoisses sur des objets
externes, que l'enfant peut commencer à les trier, les
comprendre,
et les maîtriser.
Certaines versions modernes, édulcorées, suppri-
ment le châti~ent du méchant,
souvent cruel dans les
verSlons traditionnelles.
(Ogresse jetée dans une cuve à
vipères, marâtre de Blanche-Neige forcée de chausser des
souliers chauffés à blanc, et de danser jusqu'à ce que
mort s'ensuive, oiseau qui crève les yeux de la soeur de
CenJrillon, etc ... ). Cette intervention malencontreuse ne
fait que troubler l'enfant.

- 223 -
La punition cruelle,
indispensable au bénéfice psychologique
du conte, assure à l'enfant que le Mal - le fantasme effa-
yant - a été définitivement supprimé. De même, le mani-
chéisme du conte, parfois accusé de donner de la société une
vision irréaliste et
réactionnaire, est en fait indispensa-
ble. La seule manière dont le jeune enfant peut instaurer un
certain ordre dans son monde intérieur, chaotique et conflic-
tuel'est de
l'organiser
selon des couples de concepts
opposés
le Bien et le Mal, la Force et la Faiblesse, le
Succès et l'Echec, etc ...
Le C,onte merveilleux n'est pas toujours "moral"
il arrive que le héros réussisse par la ruse ou par la
malhonnêteté. Pour BETTELHEIM, ceci n'a pas de répercus-
SIons graves pour l'éducation morale de l'enfant,
justement
parce qu'il s'agit d'un conte merveilleux, non d'un conte
réaliste, et qui se situe d'emblée sur un autre plan.
Tous les enfants se débattent contre le sentiment
de leur impuissance par rapport aux adultes.
Ce type de contes affirme à l'enfant que même les
plus faibles peuvent réussir dans la vie.
2 - Contes merveilleux et développement
psychologique de l'enfant
Pour BETTELHEIM, l'enfance est comme un long
effort, souvent douloureux.
Il faut maîtriser, progressivement les déceptions
narcissiqu~s de la petite enfance, les licn~ ~e dénendance
enfantine, les rivalités entre frères et soeurs, les angois-

-
L24 -
ses et les conflits Oedipiens, les images parentales, inté-
grer les différents aspects de la personnalité
(Ça - Moi -
Surmoi), acquérir une personnalité indépendante, un sens
moral, etc ...
Dans ce processus de la maturation, le conte mer-
veilleux joue un rôle indispensable, parce que, traitant de
manière symbolique des problèmes mêmes avec lesquels
l'enfant se débàt,
il s)adresse simultanément ~ tous les
nlveaux, conscient, préconscient et inconscient, de ~a
personnalité. Le conte merveilleux parle directement ~
l'inconscient~ Il ne s'agit, certes, pas de message univoque,
mais d'un dialogue vivant entre l'inconscient du conte et
celui de l'enfant.
Suscitant tout un réseau de rêveries autour de
ses divers éléments, le conte merveilleux permet ~ chaque
enfant d'élaborer ses propres réponses ~ ses problèmes,
lesquelles peuvent d'ailleurs varier au cours de son évolu-
tion.
Le conte merveilleux donne forme et présence aux
tensions du Ça que, par l~, il exorcise, tout en suggérant
des solutions qui sont en accord avec les exigences du Moi
et du Surmoi.
Loin d'être un catalogue de symboles, chaque conte
est un tout cohérent, qui renvoie ~ une situation fondamen-
tale (fixation orale "l-Iansel et Gretel", crise Oedipienne
"Blanche-Neige", premières règles et sommeil de la période
i
de latence "La Belle au Bois Do rma nt ? ,
etc ... ) mais ne reçoit
de signification que comme forme globale.

-
225 -
Chaque cQnte est le récit d'une "métamorphose", d'une
initiation du héros qui franchit une étape, et atteint un
niveau de ~onscience supérieur, après avoir surmo~té les
dangers - les risques psychologiques - inhérents à tout
processus de maturation.
3 - Les constantes du conte merveilleux
~ertàiri~~~isodes des contes merveilleux offrent des person-
nages et des motifs récurrents comme suit
:
a)
~~Q~I!_9~_b~IQ~
Qu'il s'agisse d'un exil ou d'un départ volontaire
pour chercher fortune,
c'est là le fondement même du conte
merveilleux. De même, le jeune enfant
doit renoncer à
s'accrocher à ses parents et
accepter le défi du monde
hors de la main familiale pour acquérir personnalité et
indépendance psychique.
d)
~~~9~~I~~~I~
Les dangers que rencontre le héros au cours de
ses aventures correspondent aux risques psychologiques en-
courus par le Moi du jeune enfant, lors de son combat pour
l'autonomie.
Un rôle essentiel est joué par les différentes
figures de l'Adversaire: Loup, animal féroce,
dragon,
sorcière, ogre, géant, etc ... toute projection personnali-
sée de divers fantasmes:
le loup forme privilégiée en
France
de 1:' animal féroce représente le Ça non encore
maitrisé,c'est~à-dire les forces instinctives dans ce
qu'elles ont d~associal et de destructeur.

-
226 -
L'ogre, ~e géant, sont des images paternelles négatives, de
même que le roi est une imago paternelle neutre et le chas-
seur une imago paternelle positive, etc ...
c) 1~_ç~g~!_~i~~1~!_.: BETTELHEIM appelle
ainsi non pas le motif du type "Cendrillon" l'enfant rejeté
et maltraité par une marâtre et des frères et soeurs, mais
celui du cadet considéré comme simp~~t par ses aînés, malS
qu i
ne semble pas malheureux, puisqu'on n'exige rien de lui
ce qUl rappelle à l'enfant ses toutes premières années,
heureusement sans conflit, mais vides.
d)
~~_~~~~ç~~_~~~~!~!~~~
Bettelheim voit là un motif Oedipien.
Le scénario
du conte reflète directement celui du fantasme de la petite
fille, qui, amoureuse de son père,
lmaglne que celui-ci la
préfèrerait pour compagne,
et
. que la mère a usurpé la
place de l'enfant auorèsde lui.
L'héroîne du conte représente alnSl l'enfant, et·
la fiancée substituée représente la mère.
e)
1~_g2~~!~~!:
L'enfant est aussi sûr de receVOlr de l'aide dans
ses aventures loin de la maison paternelle.
Il faut noter
aussi le cas des animaux secourables, symboles de l'énergie
naturelle qui, mise au service de la personnalité toute
entière, c'est-à-dire maîtrisée, assurera le succès de l'en-
treprise du héros, alors que les animaux féroces symbolisent
souvent le Ça non encore maîtrisé.

-
227
-
4 - Mariage et montée sur le trône
L'intrigue de chaque conte merveilleux, on l'a vu,
symbolise pour Bettelheim, l'un des processus de maturation
auxquels est soumis le jeune enfant.
Au début du conte, le héros est à la merCl d'au-
trui
il a souvent des relations problématiques ffiTec
l'un
de ses parents. A la fin du conte,
il monte généralement sur
le trône et se marie. Le dénouement conventionnel et irréa-
liste correspond tout à fait aux besoins psychiques de
l'enfant; il ne peut encore imaginer le bonheur que sous la
forme: vivre .constamment près de la personne qu'on aime et
ne plus être àla merci d'autrui.
Le dénouement traditionnel des contes merveilleux
est alnSl la solution parfaite aux angoisses et aux diffi-
cultés de l'enfant.
Il signifie à la fois l'arrivée à l'âge adulte
(mariage), l'obtention de l'indépendance personnelle
(il
n'est plus gouverné,
il gouverne)
l'exorcisme de l'an~oi~se
de réparation (ils vécurent ~eureux jusqu'à la fin de leurs
jours), la liquidation
des imagos parentales
(il reconnaît
que le roi père, qui lui accorde son royaume et une épouse,
est bienveillant~ et de l'Oedipe (il établit un lien affec-
tif durable avec une princesse/ un prince charmant, c'est-à-
dire une partenaire idéale, bien que n'étant pas l'un des
parents).
Par là, l'enfant reçoit la certitude que,
tout
comme le héros du conte, lui aussi acquerra une personnalité
bien intégrée, et donc la véritable indépendance.

- 228 -
CHAP l TRE . VII - LES CO~JTES ET' LES LEGENDES FACE AUX NOUVELLES
PERSPECTIVES EDUCATIONNELLES
L'éducation africaine traditionnelle trouvait dans
l'organisation lignagère une base particulièrement nette et
précise, singulièrement au niveau de la famille élargie:
c'est ainsique le patriarche restait le servant privilégié
de l'autel des ancêtres. Or, ce qui frappe
quand on étudie
la société traditionnelle africaine, c'est son caractère
globalisant. On y retrouve la dimension économique:
la
famille constitue l'unité
par exellence de la production,
de répartition entre ces unités des moyens et des produits,
enfin de consommation.
Puis une dimension jurico-politique où sont réa-
lisés "Ta détermination du statut personnel des .i.n di.v i.du s
la règlementation de la propriété et de l'héritage, les
rapports d'autorité et leurs effets sur la constitution des
organismes (assemblées d'adultes, conseils d'anciens) qui
assurent la régulation de la vie sociale en général" (1).
Enfin, une dimension idéologique al! sont réalisés
les conditions idéologiques du fonctionnement du système
solidarité entre frères, primat de l'âge identifié à la
sagesse, représentations religieuses, activité liturgique,
culte des ancêtres.
(1)
GOVELIER
[M)
- Ma~xi~me,
anth~opologie et ~eligion ~n
fEi~;t~oloRie. et Ma~xi~ me. 10/1 g - 1 972
p.
139.

- 229 -
l - LA FAMILLE EN MUTATION
La famill~ négro-africaine reste aujourd'hui le
théâtre d'une double
mutation,
certainement irréversible,
d'ordre morphologique et fonctionnel
(1) qUI se répercute
profondément sur le plan éducationnel.
1 - Mutation morphologique
Elle se' réduit
(ou tend à se réduire car les résistances
sont vivaces) notamment en milieu urbain, à la famille
nucléaire.
Par suite du prestige du modèle occidental
et
des exigences économique~ la filiation matrilinéaire semble
en voie totale de disparition tandis que s'impose la filia-
tion patrilinéaire. En ce qUI conceYne la résidence,
les
faits dematrilocalité et d'avunculocabilité accusent une
perte de vitesse certaine.
"Le ~y~t~me d'appellation dont on ~ait qu'il
pou~~uit un ~ad~e a lrint~~ieu~ duquel l'in-
dividu
~e ~itue et ~e meut ~oeialement, e~t
eoneu~~ene~ en ville et m~me dan~ le monde
~u~al :
[nouveau c o de. de la 6amille)
pa~ la
te~minologie eu~o p~ e nne.
L' allianee ~ e
~envoie n~ee~~ai~ement a l'endogamie" (2).
Qualitativement, les liens de parenté ont beau-
coup perdu de leur chaleur et de leur intimité et n'engagent
plus comme jadis devoirs et droits précis; les "institu-
tions fusionnantes" perdront leur force,
le conseil de
famille n'est plus écouté comme auparavant.
(1)
THOMAS
(L.V)
-
B.I.F.A.N.
XXX,
B,3
j
p.
1005
-
1968
-
An«llFJe dynamique de la 6amille ~~né9a­
tsr: e .
(2)
THOMAS
IL. V. 1 - La te~~e a6~ieaine et ~e~ ~eli9ion~
p.
272
et ~u-<-t.

- 230 -
"La Jte.-.taLéon mèJte.--e.-n6ant e.s t: tJtoub.tée paJt
.t'ango~~~e.-
de.- .ta mèJte.- qu~,
paJttagée.- e.-ntJte.- .ta
tJtad~t~on e.-t .ta mode.-Jtn~~at~on, ne.- tJtouve.-
p.tu~ .t'appu~ dan~ ~a pJtopJte.- 6am~.t.te.-.
Le.-
"~e.-~n"
e.-~t me.-~uJté,
.te.-~ c.ontac.t~
c.oJtpoJte.-.t~
~ont Jtédu~t~,
.te.- ~e.-vJtage.-
e.-~t p.tu~ pJtéc.oc.e.-.
Ve.-~ pe.-Jt6oJtmanc.e.-~ ~ont e.-x~gée.-~ dè~ .te.-~
pJte.-m~èJte.-~ .année.-~.
Cu.tpab~.t~té e.-t ob~e.-~~~on
éme.-Jtgent
dan~ .te~ c.ompoJtte.-me.-nt~
quot~d~e.-n~
e.t: t.o. patho.tog~e.- me.-nta.te.-.
Le.- moJtc.e.-.t.te.-me.-nt «t:
.ta dé~oJtgan~~at~on de.-~ modè.te.-~ c.o.t.te.-c.t~6~,
.ta ~o.t~tude.- dan~ .ta 6JtatJt~e.- e.-t .ta .t~gnée.­
pJtépaJte.-nt .ta ~c.h~zophJtén~e.-,
dont .te.- taux
~e.-mb.te.- augme.-nte.-Jt paJta..t.tè.te.-me.-nt à .ta nuc..téa.-
Jt~~at~on 6am~.t~a.te.- e.-t à .t'abandon de.-~
va.te.-uJt~ tJta.d~t~ovll1e.-.t.te.-~". (7)
2 - Mutation fonctionnelle
Cert~ines tâches traditionnelles échappent à la
famille d'aujourd'hui; l'activité liturgique notamment sous
l'influence deI' islam et du chris,tianismej Le rôle politi-
que, puisque l'unité locale d'organisation politique se
confond désormais avec la cellule du parti; L'importanc~
économique avec les conditions modernes de travail salarié
en ville, l'existence des coopératives dans les campagnes
(seuls demeurent son état d'unité de consommation, et, dans
le monde rural, celui d'unité de répartition).
Sa fonction
pédagogique d'instruction que lui ravit l'école est d'auto-
rité morale.
Traditionnellement, l'autorité
(pouvoir de· se
faire obéir et respecter, de transmettre un idéal) s'exerce
collectivement mais reste dominée par la figure du père et
s'appuie sur les valeurs de respect et de conseil.
i
(7)
COLLOMB (H) et VALATIN (S) ; ModaL·été~ de l11iLteJtl1age, oJtga~iLt~on
de .ta. pe.-Mol1ncte..dé et c.ha.ngeme.-f'lV, MC.ÙWX Jtcfp~d~~ -
Jte.- vue ~I1M:.ctu.: -6 c.,ée.-nc.e~ M c.w~ XX, 3, 196g - p. 4gg.

-
231
-
Ainsi
y a-t-il une nucléarisation de l'a~torité
qUI repnse désormais sur le seul groupe conjugal : plus de
père ou de mère "collectifs" mais installation
de rela-
tions restrictives duelles, singulières, limitées, anarchi-
ques.
Indifférence des proches ou des VOISIns qUI ne se
sentent plus concernés et refusent de plus en plus d'inter-
venir à propos d'enfants qui ne sont pas les leurs
effritement des~adres sociaux coutumiers - classes d'âge et
sociétés initiatiques - que ne compensent que médiocrement
les groupes d'amis, mais aUSSI carence des structures
éducatives pré-scolaires tels que jardins d'enfants, ou
socio-éducatives comme les mouvements de jeunesse ou les
associations dites culturelles.
II - UNE NOUVELLE INSTITUTION EDUCATIVE
L'ECOLE
"L'éduc..at,{oVl ttLad,{t,{oVlVle.Lte -6e. ttLouve. c..OVl-
c..utLtLe.Vlc..ée. d,{tLe.c..te.me.Vlt patL f'éc..ofe. qu,{ -6',{m~
pfaVlte. patLtout e.t tLépaVld, m~me c..he.z c..e.ux
qu'e.ffe. Vle. touc..he. pa-6 ,{mméd,{ate.me.Vlt,
de.-6
'{déaux e.t Uvl -6avo,{tL Vlouve.au.
Ma,{-6,
d'auttLe.
patLt,
e.ffe. e.-6t ,{Vl-6e.Vl-6,{bfe.me.Vlt aftétLée. du
6a'{t que. fa -6oc..,{été c..outum,{~tLe. qu,{ fu,{ a
dOVlVlé Vla,{-6-6aVlc..e. -6e. ttLaVl-66otLme. -6UtL fe. pfaVl
éc..oVlom,{que.,

-6oc..,{af e.t pof,{t,{que..
C'e.-6t a,{Vl-6,{
que fe.-6
homme.-6 e.vl -60Vlt -60UVe.Vlt tLédu'{t-6 a
-6'expattL,{etL POUtL ttLava,{ffe.tL daVl-6 fe.-6
pOtLt-6,
fe-6 pfaVltat,{oVl-6 ou fe.-6 m,{Vle-6,
e.t '{f-6 Vle.
pe.UVe.Vlt pfu-6 joue.tL fe.utL-6 tL6f~-6 de. p~tLe.-6 e.t
d' 0 Vlc..fe-6 -6 e.t.o vl t.e.s VlOtLme.-6 aVlc..,{e.VlVle.-6 .....
Le pa-6-6age a f'éc..ofe. de.v,{eVlt fe. c..tL,{t~tLe.
majeutL de. d,{66étLe.Vlc..,{at,{oVl e.VlttLe fa 6tLac..t,{oVl
ttLad'{t,{oVlVlaf,{-6te. e.t fa 6tLac..t'{OVl rnode.tLVl,{-6te
de fa popufat'{oVl,
qu'oppO-6e. patL6o,{-6 Uvl aVlta-
gOVl,{-6me. ptL060Vld.
If ouvtLe. fa v oi.e. a de nou-
ve.ffe-6 ptL06e.-6-6,{OVl-6,
etuVl Vlouve.au mode de.
v,{e. 60Vldé -6UtL fa tLémUVlétLat'{oVl ,{Vld,{v,{due.ffe . . .
f'eVlttLée daVl-6 f'uVl,{vetL-6 -6c..ofa,{tLe boufe.vetL-6e
toujOUtL-6 60tLtemeVlt fe-6 hab,{tude-6 aVltétL,{e.utLe.-6
e.t: cn.ë.e. de nouveaux be.-60,{Vl-6".
(1)
(1)
ERNY (Pl - L'eVl6aVlt e.t Mn m~e.,{e.u eVl Anuque No,iAe - pp. 270-271

-
232
-
L'éducation scolaire, au contraire,
invite l'en-
fant à siindividualiser sur un mode nouveau, à s'affirmer
par des réussites personnelles, à acquérir des connaissan-
ces précises sanctionnées par des diplômes officiels.
Il en
résulte un certain nombre de conséquences.
"L'-Ln.d-Lv-Ldu de..v-Le.n..:t -60n. pJz.opJz.e.
-6auve.uJz.; -Ll
n.'a plu-6 la ce.Jz..:t-L.:tude. d'~.:tJz.e. a-Ldé e..:t pJz.-L-6 e.n.
chaJz.ge. paJz. le. gJz.oupe..
Il lu.:t.:te. pouJz. la v-Le.,
-Ll e.n..:tJz.e. dan.-6 la compé.:t-L.:t-Lon. -6oc-Lale. ; le.-6
Jz.~gle.-6 du don.n.e.Jz. e..:t du Jz.~ée.vo~Jz. -60~t .:t!l.an.-6-
gJz.e.-6-6ée.-6
; le. dépa-6-6e.me.n..:t e.-6.:t valoJz.-L-6é,
le.-6
con..:tac.:t-6 huma-Ln.-6 appauvf1.-L-6.
L'-L-6ole.me.n..:t e..:t
la -6ol-L.:tude. -60n..:t cOJz.f1.~la.:t-L6-6
de. la pJz.-L-6e. e.n.
chaJz.ge. -Ln.d-Lv-Ldue.lle. e..:t de. la Jz.e.-6pon.-6ab-Ll-L.:té.
Ve.-6 -6y-6.:t~me.-6
de. compe.n.-6a.:t-Lon., -Ln.d-Lv-Ldue.l-6 ou
colle.c.:t-L6-6, v-Le.n.n.e.n..:t comble.Jz. le. v-Lde. la-L-6-6é
paJz. l'appauvJz.-L-6-6e.me.n..:t de.-6 f1.e.la.:t-Lon.-6.
Ce. -60n..:t
la -6a.:t-L-66ac.:t-Lon. dan.-6 la Jz.éu-6-6-L.:te. -Ln.d-Lv-Ldue.l-
le.
e..:t le. -6avo-LJz.-6a-Lf1.e., la -6a.:t-L-6ûac.:t-Lon. de.
po -6 -6 é de.Jz.,
de. .:t hé -6 aUf1.-L-6 e.Jz. . "F a.i.n. e. e.t: a v oi.n.
compe.n.-6 e.n..:t le. man.Que. d' ê.t.n e" ."
ri)
La responsabilité parentale n'a donc jamais été
aussl lourde malgré l'importance accrue de'l'instituteur
avec qui les parents sont parfois en conflit, à un moment
où il devient délicat de s'exprimer et difficile d'exercer
un contrôle sur l'enfant, par suite des absences réitérées
du père. La mè'r e ne se contente plus de son rôle de dispensa-
trice d'amour
et de sécurité
sous l'autorité indiscutable
de son mari; elle dit dorénavant suppléer aux carences d'un
père absent,
(raisons professionnelles, polygamie dispersée)
qUl a perdu son rôle religieux de Prêtre et de représentant
\\
1,
des ancêtres.
i
i-
l
i
"L'éco,fe. colon.-Lccfe.. dLt
ERNY, a e u , du po-Ln..:t
de. vue.. Qui n.OU-6 occupe., -6e..n.-6ible.me.n..:t le.-6
m~me.-6 e..66e.t-6 paJz.tou.:t, qu'e..lle. Qu'a-L.:t été -6a
(1)
COLLGMB
(H)
e...:t VALANTIN
(5)
- op ci.:t p.
487.

- 233 -
doct~~ne
et ~on ~n~p~~at~on, tantôt plu~
a~~~m~lat~~ce, tantôt peu'~ouc~eu~e de~
valeu~~ locale~. Aux étape~ de ~on ~mplanta­
t~on, co~~e~pondent celle~ de la dég~adat~on
de l'éducat~on coutum~è~e. A une pé~~ode de
~é~~~tance
~l 6alla~t ~ec~ute~ le~ élève~
de 60~ce
et la ~oc~été a66~cha~t ~on
con~e~vat~~me
et ~on ho~t~l~té, ~uccéda
a~~ez ~ap~dement une aut~e où une ce~ta~ne
~élect~on ~'opé~a au~~~ b~en dan~ le~ appo~t~
nouveaux que dan~ le~ coutume~ ance~t~ale~.
L'acceptat~on p~og~e~~~ve de nouvelle~ ~dée~
et man~è~e~ de v~v~e et la dé~a66ect~on
co~~e~pondante a l'éga~d de~ anc~enwe~, con-
du~~.ent peu a peu a une a~p~~at~on qua~~
unan~me de~ jeune~ a accéde~ a la 60~mat~on
d~~pen~ée pa~ l'école".
(1)
En outre, dans un univers où triomphe le profit,
père et mère deviennent possesseu~ de l'enfant, de l'objet
investi d'espérance
et de valeurs nouvelles et placent des
espolrs souvent excessifs dans la promotion scolaire ou
professionnelle de
leur progéniture.
"Le~ pa~ent~ eux-même~, d'abo~d ~é~~gné~, en
v~n~ent a dé~~~e~ de plu~ en plu~ act~vement
la géné~al~~at~on de l'éducat~on mode~ne,
e~pé~ant a~n~~ ~éal~~e~ a t~ave~~ leu~~
en6ant~ cette ~dent~6~cat~on a l'homme blanc
a laquelle ~l~ n'ava~ent pu atte~nd~e pa~
eux-même~.
Le~ mot~vat~on~ de.s U11-6. et de.s
aut~e~ ~epo~ent ~u~ le con6tat que l'anc~enne
cultu~e ~'e66~~te et que l'école ~eule e~t
en me~u~e de p~épa~e~ l'ent~ée dan~ le ~y~­
tème 110uveatt qu~ p~el1d co~p~."
(2)
La perte de vitesse de l'autorité communautaire
entraîne nécessairement une relative incohérence dans le
processus éducatif. La multiplicité des images parentales,
que l'on rencontre en milieu traditionnel, n'exprime rien
d'autre que la répétition d'un modèle unique
Cpères.et
(1)
ERNY
(PI
-
op c.c: - pp.
271-2l72.
(2)
ERNY
(P)
-
op c~,t - p.
272.

-
234 -
mères collectifs) malgré le renversem~nt du rapport père/
oncle
maternel si l'on passe du patri au matrilignage
(relation avunculaire). En revanche,
les problèmes d'adap~
tation à la vie moderne ont dispersé l'éventail des orien-
tations familiales.
Ce qui était hier renforcement de
l'autorité est devenu aujourd'hui divergence. Ainsi, peut-
il Y aVOIr désaccord entre l'instituteur et le père,
le
père è~\\l'oncle, (pour peu qüe l'un des deux soit plus.-i~un~
ou urbanisé depuis un temps long) les parents et les grands-
parents.
Inutile de dire que si l'enfant exploite à son
profit cette absence d'unanimité et la non-liaison école-
parents, en revanche,
il éprouve un cruel sentiment
d'incertitude et de solittude que parfois il compense par
des conduites anomiques. Mais, remarque P.
ERNY,
"fe -6 y-6t.è.me d' é duc.aLü VL c.out.um-<"è.Jte. Vle. -6 e.
dé-6agJtè.ge. pa-6 de. maVl-<..è.Jte. uVl-<"6oJtme., ma-<"-6 paJt
paVl-6 e.t. paJt c.ouc.he.-6.
Le.-6 -<"Vl-6t.-<"t.Ut.-<"OVl-6 péda-
gog-<"que.-6 de. fa -6oc.-<..ét.é t.Jtad-<"t.-<"oVlVle.ffe.
Jte.C.OVlVLUe.-6 e.t. pJtomue.-6 e.xpf-<"c.-<"t.e.me.VLt. e.t. C.OVL-6-
c.-<"e.mme.VLt. c.omme. t.e.ffe.-6 -60VLt. fe.-6 pJte.m-<..è.Jte.-6
-6e.mbfe.-t.--<..f à d-<"-6paJta~t.Jte., afoJt~ que. fe.-6
maVl-<"è.Jte.-6 de. 6a-<"Jte. qu-<.. Jte.fè.Ve.Vlt. de. c.e. que.
VlOU-6 aVOVl-6 appe.fé fa pédagog-<"e. -<"nc.oVl-6c.-<"e.Vlt.e.,
OppO-6e.Vlt. UVle. pfu-6 6oJtt.e. Jté-6-<"-6t.aVlc.e. au

c.han.ge.me.n.t..
Le-6 pJtem-<..è.Jte.-6 -60Vlt. davan.t.age.
f'e.xpJte.-6-6-<"on du -6y-6t.è.me de.-6 at.t.-<..t.ude.-6 e.t.,de.
c.e. 6a-<"t.,
e.ffe.-6 t.ouc.he.n.t. fa pe.Jt-6on.n.af-<"t.é à un.
n.-<"veau pfu-6 pJto6on.d.
La pédagog-<..e. -<"n.-<..t.-<"at.-<"que.
d-<"-6paJta~t. d'aboJtd, afoJt-6 que fe.~ pJtat.-<"que.-6
de. puéJt-<"c.uft.uJte.
~on.t. fe-6 pJtemiè.Jte.-6 à -6ub-6-<"-6-
t.e.Jt. On. pe.ut. d-<"Jte que. l'éduc.at.-<..on. don.n.ée paJt
fa 6emme. deme.uJte. pfu-6 l-<"ée. à fa t.Jtad-<..t.-<..oVl,
afoJt-6 que. f'ac.t.-<"on e.xe.Jtc.ée paJt le.-6 homme.-6 e.t.
fa -6oc.iét.é gfobale,
-6'aft.è.Jte. pfu-6 6ac.ife.me.nt.,
c.aJt,
paJt -6a n.at.uJte. m~me.,
e.fle. e.~t. davant.age.
iVl6fue.n.c.ée. de. f'e.xt.éJtie.uJt ...
PouJt t.out.e.
c.e.t.t.e. que.-6t.-<"on, -<"f 6aut. -6e. Jtappe.le.Jt que.le.-6
an.c.ie.n.-6 modè.le.-6 c.uft.uJtel-6 c.on.-6t.it.ue.n.t. aux
yeux de-6 in.t.éJte.-6-6é-6 pfu-6 qu'un. ~impfe
:
pat.t.e.Jtn. de. c.onduit.e,
mai-6 UVLe. véJtit.able. 6oJtc.e.f
vit.afe. dont. on. ne peut. -6'a66Jtanc.hiJt -6an-6
-
me.t.t.Jte. e.n. c.aU-6e et. e.n. dangeJt -6a pJtopJte e.xi-6- .

- 235
-
tence, et ~a ~unvie. Centain~ pnoche~ panent~,
imbu~ de tnadition, aunont toujoun~ une
in6luence plu~ ou moin~ manquée dont on hé~ite
beaucoup à ~e débanna~~en".
(1)
Car, traditionnellement, réussite et religion se
trouvaient rapprochées:
la recherche de la paix, c'est en
même temps
le souci de l'ordre, de la sécurité, de la
satisfaction des désirs, besoins, aspirations de la réussite
interprêtée souvent en terme de prestige social. Rien de tel
en milieu urbain Qù la réussite est surtout attendue du
1
prestige intellectuel (scolaire) et de la situation matériel-
le (monétarisation). Face à l'école, l'enfant africain,
surtout s'il quitte son village pour la première fois s.
paraît démuni:
l'enfant arrive en classe
~ns avoir élaboré
les mécanismes mentaux que celle-ci suppose.
Il n'a eu entre
les mains, ni crayons, ni papier.
Il a rarement eu l'occa-
sion de manipuler des objets de forme complexe ou comportant
une petite mécanique.
Tous les objets dont il dispose, calebasse, pots,
boîtes, sont simples et entiers. Ce sont des "jeux ou des
jouets qui appartiennent au milieu de, l'enfant, c'est-à-dire
des jeux et des jouets endogènes" (2).
Il devra immédiate-
ment apprendre le français,
c'est-à-dire acquérir une
nouvelle vision du monde.
Cet énorme effort intellectuel
d'adaption, l'enfant doit l'acccomplir seul.
"Sa 6al11ille .t'a en quelque ~onte
abandonné
au ~euil de cet univen~ nouveau, .te con6iant
( 1)
ER NY (P ) - 0 P c.i.: - pp.
2 73- 2 74 .
(2)
YAHAYA TOUREH (S)
- L'exploitation de~ activité~ ludi-
que~ à de,~ fJil'Lô éduCOv0Ù)e.,~ ,én ULtde,~ e.,t
Document/.) d'Educc~OVI - UNESCO N° 34 p. 66.

-
236 -
a l'in~tituteu~ comme ~i ce de~nie~ allait
p~end~e en cha~ge toute ~on ~ducation. Le~
pa~ent~ igno~ent ~ouvent tout du t~avail
~colai~e ; il~ ~u~veillent,
ce~te~, le~
~tude~ de l'en6ant, mai~ ~an~ di~ce~nement,
obligeant l'~l~ve a ~tudi~~ auant et ap~~~ la
cla~~e, pendant le~ vacance~, ~an~ pou~
autant le d~cha~ge~ de~ be~ogne~ dome~tique~
ou de.s t.n avau x. de s champ~ Il • ( 1 )
Ce qUl frappe, c'est la rupture que provoque
l'école en égard aux techniques traditionnelles de l'éduca-
tian. Non seulement le cadre dif~ère, ainsi que les program-'
mes, les résultats,mais encore, l'esprit qui préside à la
pédagogie: désormais l'enfant ne doit plus se taire et
obéir incondit.ionnellement.
Il lui faut faire preuve
d'individualisme, d'esprit de compétition, de sens critique"
et d'initiative.
III - LA RESISTANCE AUX MUTATIONS
Sans doute,
fIla civili~ation n~g~o-a6~icainr
t~adition­
nelle,
qui e~t d'e~~ence pay~anne, ~e d~lite
in~luctablement, ~an~ ~t~e pou~ autant
d~t~uite... d~6end-elle enco~e de~ valeu~~,
dont le monde actuel, ~inguli~~ement la
cultu~e occidentalej'pou~~ait ~'in~pi~e~ :
l'a~t de ~~~oud~e le~ ten~ion~ et le ~en~
de~ ~elation~ hUmaine~ ; le ~ouci con~tant
d'adapte~ le ~ujet au g~oupe (int~g~ation)
;
l'attitude 6ace aux malade~, ~inguli~~ement
la maladie mentale
[~~cu~i~ation) ; le ~en~
p~o6o~d du co~p~ et de l'~quilib~e phy~ique
( ha~mo ni~ «t.i.o n ) .
On ~'inte~~oge volontie~~
~u~ le 6ait de
~avoi~ ce qui peut-~t~e en ~ga~d aux imp~~a­
ti6~ de la mode~nit~ - et doit ~t~e - c~n­
~e~v~ de tout cela : ain~i il e~t que~ti~n
aujou~d'hui d'authenticit~ [au ZaZ~e) de
~e-pe~~on~ali~ation (au Ghana et au Nig~~ia),
de n~9~·l.tu.de
(au S~I1~gal) .
(1) . FLIS- ZONABEND - ~~e~ de Dalw~ - Ma~pe~o
1968
-
pp. 62-63.

-
237 -
"La ILépOVlJ.Je. à c e.ct:e. que.J.JLLoVl doit,
e.Vl fiait,
te.VliIL c..ompte. de. tILoiJ.J impéILatifiJ.J
: tout
d'abolLd,
fa mOVldiafiJ.JatioVl de.J.J phéVlomèVle.J.J
pofitique.J.J e.t J.JUILtout éc..oVlomique.J.J,
c..e. qui
impfique. f'e.xiJ.Jte.Vlc..e. Vlé c..e.J.JJ.J ailLe.,
POUIL J.JuILvi-
VILe.,
d'UVl c..e.ILtaiVl VlomblLe. d'~juJ.Jte.me.VltJ.J"
(1).
"Conscients de certains échecs de l'école, et de ses effets
destructeurs,
œrtains leaders africains exigent aujourd'hui
le retour aux sources" (2) ou la création d'un enseignement
adapté aux conditions socio-économiques, aux exigences du
progrès, à la promotion des masses s'ils se réclament d'une
position révolutionnaire. Aussi,
faut-il opposer - sans
durcir les différences - d'un côté,
les mouvements de ."con-
tre-modernité""qui recherchent à la fois la "fonction s cu-
é
risante de
la tradition" et de l'autre,
les partisans du
changement radical 00 tantôt s'excluent, tantôt ~e mêlent
curieusement l'appel des valeurs du passé plus ou moins
consciemment sollicitées et leur rejet systématique au nom
du marxisme.
"Au mome.nt où f'A6ILique. a ILéc..upéILé J.JOvl iVldé-
pe.Vldanc..e.,
au mome.Vlt f'A6ILique. J.Je. ch e.n ch e.,
fe.J.J
diILige.aVltJ.J afiILic..aiVlJ.J de.vILaie.nt J.Je. pe.Vlc..he.~
J.JUIL fe. pILobfème. de. f'utifiJ.Jation de.J.J tILadi-
tiOVlJ.J J.J'ifJ.Jve.ufe.Vlt c..ILée.IL,
ou ILe.c..ILée.IL UVle.
A6ILique. a6ILic..aiVle., J.JinoVl ifJ.J 6e.ILont UVle.
A6ILique. c..aILic..atuILe. de. f'EuILope. ...
Je. J.JOutie.VldILai toujoulLJ.J que. fe.J.J tILaditioVlJ.J
a6ILic..aine.J.J c..oVltie.nVle.Vlt de.~ éféme.VltJ.J haute.ment
appILéc..iabfe.J.J,

qui,
c..odi6iéJ.J, adaptéJ.J, J.JOVlt
c..apabfe.J.J de. dOVlne.IL à f'A6ILique. une. phYJ.JioVlO-
mie. J.Joc..iafe. autonome. e.t c..oVl60ILme. à fa natuILe.
du oa us"
(3).
(1)
THOMAS
(L.V)
e.t LUNEAU
(R)
-
La te.,'LILe.aQILic..aine.·e.·t J.Je.'J.J
ILe..tigionJ.J,
pp.
275
-
276.
r 2)
HAMPA TE BA rA) - Le.J.J uacU.,.üon6 an!Lic.((,.Ln~6, gage.s de. pILoglLèJ.J iVl
TILacU.,.Uon e.t mode.ILVliJ.Jme. e.vl A6!Ligue. NoÀ..!Le., Se.LUl..
1965, p.
39.
(3)
HAMPATE BA (A) - op. c.it!, p. 41.

-
238
-
Sans vouloir augurer du bien fondé de ces remar-
ques, signalons cependant l'oubli du facteur psychologique.
Une pédagogie conforme à "l'âme africaine" ce n'est pas
exclusivement le retour au discours des ancêtres, ausens
communautaire, à l'esprit (et à la lettre) des langues
locales, aux données des littératures orales (contes,
légendes, devinettes, énigmes, mythes, épopées)) c'est aUSSl
une parfaite connaissance du psychisme enfantin, de ses
modes d'appréhension habituels des lmages et des formes,
de
l'espace ou du temps, des rapports et des symboles.
Les contes et légendes, peuvent être utilisés à
bon escient
dans l'école nouvelle,à des fins éducatives
très profitables pour les jeunes écoliers. Examinons cet
aspect essentiel de notre étude car les contes e~ légendes
ne sont pas encore les rebuts d'une société traditionnelle
décadente.
IV - DE L'EXPLORATION DES CONTES A L'ECOLE PRIMAIRE
Lecture, morale,
langage.
Nous avons succinctement signalé les modifications
profondes apportées aux milieux éducatifs traditionnels
famille qui se restreint et se défonctionnalise,
amenuisement de l'autorité du père,
gain de l'autorité maternelle,
impottance de l'instituteur,
puis perte de vitesse des sociétés initiatiques et des
classes d'âge,
leur défonctionnalisation voire leur dispari-
tion des milieux urbains tandis qu'apparaissent des milieux
éducatifs tels que l'école.

-
239 -
Hier,
l'éducation privilégiait la mémoire en tant
qu'expression et conservation du savoir et ceci au détriment
de l'espri~critique
: aucune contestation possible, seul
l'esprit de discernement avait droit de cité
(observation de
la nature, recherche du sens des énigmes, nlace imnortante
des devinettes).
Aujourd'hui,
l'esnrit critique ou du moins d'ini-
tiative est théoriquement encouragé: l'enfant est incité à
poser des questions, à intervenir dans la classe, à nartici-
-
.
per activement.
Hier; la parole restait le véhicule unlque d'ex-
pressions et de transmission du savoir. Aujourd'hui, malgré
l'importance de l'audio-visuel,
l'écriture détrône l'oralité:
le savoir se conserve dans les livres, et non plus dans les
seules mémoires; l'exercice écrit sur le cahier, le
tableau, l'ardoise, concurrencent la leçon "récitée" orale-
ment.
Hier, le savoir était garanti par le mythe et le
prestige des vieux présentait toujours un caractère sacré,
mystérieux, transcendant.
Aujourd'hui,
l'enseignement scolaire s'est laicisé,
totalement désacralisé.
Faut-il pour autant
dédaigner les contes et
légendes? Dans le monde occidental,
s'est développée toute
une littérature de jeunesse d'une valeur édifiante incontes-
table pour les jeunes e sn r i t s .
(1)

-
240 -
Des contes d'Andersen aux contes de Perrault,
quels d~vertissements et quelles incitations à la lecture de
ces jeunes esprits pleins de curiosité!
L'enfant ~UI lit un conte moral, participe au
dénouement du récit.
Il entre en contact avec les nersonna-
ges par la magie de la lecture. N'est-il pas sensibilisé
dans une certaine mesure, par la morale qu'elle véhicule?
L'enfant africain, comme nous l'avons souligné
nlus haut, parle déjà une langue maternelle dotée d'une
structure grammaticale différente du français.
Il devra Im-
médiatement apprendre le français.
L'instituteur africain, doit ranicaliser son en-
sei~nement du français.
Il aura toujours dans ses effectifs
un niveau disparate, hétérogène car peu nombreux sont ceux
~UI, avant l'âge scolaire, s'expriment déjà en français.
La langue étant le moteur,
le véhicule de tout le
savoir qu'il aura à dispenser aux enfants,
il serait de bon
tari qu'elle ffit bien maîtrisée par ceux-ci. En dehors de
l'enseignement programmé du langage,
le maître ne peut-il
pas utiliser à bon escient certains contes sous forme de
jeux scénique et de dramatisation?
Voyons en qUOI
consisteraient ses utilisations ...
1 - Le conte et la lecture
Il Y a des livres pour tous les âges.
La nremière règle dans le choix à faire entre tant de livres
i
recréatifs,
sera de cobsulter les gofits de l'enfance.

- 241 -
L'on sait que les ouvrages préférés ppr les tout
petits sont les contes,
les récits imaginaires et le mer-
veilleux où les fées,
les animaux, les géants,
les ogres,
les lutins, jouent un rôle et ceux aussi dont les héros et
héroînes sont des petits garçons et des petites filles. On
ne saurait trop tôt s'efforcer d'accoutumer l'enfant à
l'usage personnel des livres, et de lui donner le goût de la
lecture.
Inspirer le goût de la lecture à un esprit enfan-
tin, c'est faire
jaillir en lui une source de lumière; car
les livres sont une source inépuisable
de plaisir, à une
époque où l'imprimerie les a mIS à la portée de tout le
monde
: il n'est personne qui ne puisse leur demander une
distraction, un délassement, et aux jours de tristesse, une
consolation.
Notre fond intellectuel serait bien épuisé si
nous ne DOUVIons le renouveler sans cesse nar la lecture.
"~LUL le. plan s o c.Lo.L, la le.c.tU/Le. es t: un vé/LJ..-
table. e.n i e.« pOU/L li e.n6ant. A si»: avv~, tOLLt
le. monde. e.~t ~u~pe.ndu autou/L de. luJ.. dan~
l'atte.nte. de. l'événe.me.nt : "l'e.n6ant ~aJ..t
lJ../Le.".
C'e.~t une. de.s p/Le.mJ..è/Le.~. c.lé~ d'un
~uc.c.è~ maJ..~ au~~J.. d.'une ~éle.c.tJ..on ~évè/Le. e.t
p/Léc.oc.e..
Un qua/Lt de.~ e.n6ant~ /Le.double. le.
C.OU/L~ p/Lépa/LatoJ../Le. pa/Lc.e. qu'J..l~
ne. ~ave.nt
pa ~ a~ ~ e. z lJ.. /L e. " (1).
Les contes et légendes inspireront le goût de la
lecture, des livres car bien trop de gens laissent leur in-
telligence vivre dans le vide, dans un "mental vacum".
Un peu plus tard, l'intérêt de l'enfant ~e portera
sur les récits d'aventures.
(1)
L.
BELLENGER -
Le~ méthode~ de le.c.tu/Le.~ - p. 7.

-
242 -
Le succès séculaire de Robinson CRUSOE, le seul
livre auquel ROUSSEAU fit grâce et celui aussi 'de Jules
VERNE, nous prouvent combien l'imagination de l'enfant
s'exalte et se passIonne Dour tout ce qui est surnrenant et
extraordinaire.
Mais iprès aVOIr fait une p~rt aux livres simole-
ment amusants, à ceux qu'on pourrait appeler les romans pour
l'enfance, l'enfant se tournera volontiers,
la maturation y
aidant, aux récits historiques, les relations de voyages, en
un mot, à des lectures plus ardues. Les contes et légendes
auront aidé l'enfant, plus ou mOIns
inconsciemment, à élabo-
rer les mécanismes mentaux que des études plus complexes
supposent. L'Afrique de l'Ouest
va-t-elle laisser les
vieillards s'évanouir à jamais avec une telle richesse de
l'esprit? Mais si les contes doivent être l'un des filons à
exploiter de la littérature de jeunesse, il ne faut pas sous-
estimer
"l'exigen.c.e d'in.c.ulc.ation. idéologique
[qui)
e~t toujou~~ au~~i p~é~en.te. Il e~t, c.e~te~,
in.évitable qu'un. liv~e véhic.ule de~ valeu~~
et de~ ~y~tème~ de ~ep~é~en.tation.~. Mai~,
~'il le 6ai.t ~u~ le mode du mauvai~ "~oman. à
thè~e" qui-habille. a~ti6ic.iellemen.t, avec.
le~ pa~u~e~ alo~~ 6an.ée~ de la 6ic.tion., un.e
mo~ale. à en.~e.ign.e~, i~ c.e~~'e d'~t~e un.e oeu-
v~e "li.t.té~ai~e" pou~ deven.i~ un. p~e.udo­
man.uel de mo~ale.."
(1)
Dans la constitution des jeunes états, une littéra-
1
ture de jeunesse peut alimenter abondamment un nationalisme
~/
exacerbé. Alors les valeurs morales qui, autrefois consoli-
daient les fondements d'une VIe sociale communautaire des
humbles se muent en morales des seigneurs de la guerre.
(1)
B. DUBORGEL - Ima9in.ai~e e.t pédagogie. - p. 38.

-
243
-
2 - Le conte et l'enseignement de la morale
On a souvent prétendu que la morale s'''inspirait''
malS ne s'enseignait pas. Nous ne pensons pas nous-mêmes que
les leçons dogmatiques suffisent pour faire l'éducation d'un
homme vertueux. Parler aujourd'hui de morale, ce serait
s'attirer les 'foudres des pédagogues libert~ires. Parler de
leçons simples et pratiques pour suggérer adroitement à
l'enfant ce que sont les devoirs et les vertus paraît, aux
yeux de bon nombre de pédagogues, un anachronisme!
Et nour-
tant, un exposé qui est une causerie familière, faite surtout
d'exempl~s, de.,récits d'observations, de souvenirs empruntés
à certains contes, est loin d'être une leçon théorique,
hérissée de principes et de maximes. Veut-on, par exemple,
apprendre à l'enfant ce qu'est le courage? La leçon pourra
comprendre plusieurs parties distinctes.
En premier lieu, on fera appel à l'intuition, c'est~
à-dire à un fait connu de l'enfant. On lui rappellera un
acte de courage, dont il a lu le récit dans un de ses livres
de contes ou mieux encore, le fait quel qu'il soit
sera
décrit avec précision, dans le détail des circonstances qui
l'ont accompagné et avec l'analyse des sentiments de celui
qUl l'a accompli, de façon à frapper vivement l'imagination
des enfants. Cela fait brièvement d'ailleurs et en peu de
mots, on procèdera à une seconde opération: ce sera le
y
.
second moment de la leçon.
On interrogera les élèves, on leur demandera de
i
citer d'autres exemples d'actions courageuses. S'ils n'en
connaissent pas, si leur mémoire leur fait défaut,
le maître

,- ~44 -
reprendra un livre de contes, ou lira un récit où le courage
est exalté avant de parler
d'un soldat sur le champ de'
bataille, les pomp1ers dans un incendie,
les médecins dans
une épidémie, etc ...
Ainsi, on acheminera doucement l'esprit des
enfants à sa1S1r ce qu'il y a de commun dans ces faits en
apparence Sl différents. On les conduira, par un exerC1ce de
compara1son, et de rapprochement, à démêler les caractères
semblables de ces diverses manifestations du courage, à con-
cevoir l'idée générale,
l'idée abstraite, qu'impliquent les
actes courageux, de quelque nature qu'ils soient.
Le conte est semblable au rêve~ comme lui, il est
tissé d'une multitude d'éléments conscients ou inconscients,
de désirs et de peurs, de réminiscences et de préoccupations
quotidiennes. De même que la réalité d'une perception physi-
que, chaleur,
froid,
un bruit, une douleur, une odeur,
oriente l'image onirique,
le conte est influencé par la V1e
réelle,
la vie de tous les jours. De toutes les oeuvres
collectives, le conte est la mémoire d'un peuple, et sa
projection vers l'avenir, c'est sa philosophie, et son éthi-
que, sa conSC1ence formulée.
C'est aussi une critique de l'état des choses
existmltes- et, en même temps, c'est une histoire bien fice-
lée, bien racontée, propre à amuser petits et grands: le
conte le plus simple en apparence cache des richesses
insoupçonnées.
L'Afrique de l'Ouest va-t-elle,
sous le poids
des mutations, reléguer cette ric~esse aux oubliettes? On a
souvent répété que la valeur d'un homme se mesurait, non à

- 245 -
son savoIr, mafs à son vouloir.
C'est dire que l'éducation
morale est plus importante encore que l'éducation intellec-
tuelle. Sans doute le vouloir dépend en partie du savoir,
malS en partie seulement.
L'instruction, à supposer qu'elle nous mette à
l'abri des erreurs de pensée, ne nous préserve pas toujours
des erreurs de conduite.
Qu'importe q~e mon jugement condamne les fautes et
qu'il réprouve les vices, s'il ne les empêche pas!
L'éducation, quand elle vise l'intelligence seule,
ne lui demande presque que de
se soumettre aux enseignements
qu'elle reçoit du dehors, et de' s'ouvrir aux lumières qui, de
tous côtés, viennent l'éclairer. L'éducation de la moralité
eXIge beaucoup plus: un effort intérieur et personnel.
Connaître et comprendre,
l'intelligence ne saurait
s'y refuser, pour peu qu'elle soit déjà éveillée. Mais agIr
est autre chose que comprendre. Agir moralement, c'est
exercer sa volonté; c'est par une inspiration du dedans, que
l'on Deut se soustraire aux impulsions de la passion et écarter
les désirs mauvais. C'est opposer les forces de sa nersonna-
lité aux influences extérieures. Et tout cela n'est possible
que grâce à un déploiement de courage et d'énergie, que ne
réclame pas au même degré le développement intellectuel.
La pratique de la vertu est autrement laborieuse
que l'adhésion à la vérité.
3 - Cont~ et leçon de langage dans les classes
prImaIres
Nous savons tous que les contes et légendes inté-

- 246 -
ressent à plus d'un titre l'univers psychique de l'enfant.
Les contés peuvent faire office de
jeu scénique joué par les
enfants.
L 1exploitation d'un conte a tout lieu de créer une
motivation pour l'expression orale.
Le maître lira le conte
deux ou trois fois sous l'oeil attentif des enfants.
Ensuite,
des rôles sont distribués aux enfants, pour Incarner les
différents personnages du récit.
But de la lecon : apprendre à l'enfant à s'exprimer mieux, et
librement.
Réemploi libre des mots de vocabulaire apprIs par
l'enfant et de certaines structures grammaticales.
- Raffermir les intonations de
l'enfant.
-
Instruire l'enfant en le divertissant.
Déroulement de
la leçon :
- choisir un conte
- le récit doit être mOIns complexe
- lire deux à trois fois de suite le conte.
Exemple:
titre du conte: "le salaire"
(1)
Au m~l~eu du jou~, un en6ant qu~ alla~t che~che~ du bo~~
mo~t, ava~t t~ouvé DIASSIGUE-le-CAIMAN dan~ la b~ou~~e.
- Que 6a~~-tu la, D~a~~~gue ? ~'enqu~t l'en6ant.
- Je me ~u~~ pe~du,
~épond~t le caZman.
- VeLLX-tu me po~te~ chez mo~, Goné ? Il'en6antl
- Ii n'y a plu~ de ma~~got tout p~~~ d'~c~, lu~ d~t l'en6 ant.
- Po~te-mo~ alo~~ au 61euve, demanda D~a~~igue-le-CaZman.
Goné, l'en6ant, alla che~che~ une natte et de~ l~ane~, ~l
en~oula D~a~~~gue-le-Calman dan~ la natte, ·qu'~l attacha avec-
le~ l~ane~, pu~~ ~l la cha~gea ~u~ ~a t~te, ma~cha ju~qu'~u
~o~~ et atte~gn~t le 61euve.
A~~~vé au bo~d de l'eau, ~l dépo~a ~on 6a~deau, coupa le~
l~en~ et dé~oula la natte.
(1)
BIRAGO (D)
- Le~ covlte,~ d'Amadou KOUMBA - p.
97.

-
247
-
Via~~igue-le-Calman lui dit alo~~ :
- Gon~,j'ai le~ memb~e~ tout engou~di~ de ~e long voyage,
veux-tu me mett~e dan~ l'eau,
je te p~ie ?
Gon~, l'en6ant, ma~~ha dan~ l'eau ju~qu'aux genoux et il
allait d~po~e~ Via~~igu~ quand ~elui-~i lui demanda
- Va ju~qu'à ~e que l'eau atteigne la ~eintu~e, ~a~ i~i je
ne pou~~ai pa~ t~~~ bien nage~.
Gon~ ~'exé~uta et avança ju~qu'à ~e que l'eau lui 6ût
autou~ de la taille.
- Va en~o~e ju~qu'à la poit~ine, ~upplia le ~alman.
L'en6ant alla ju~qu'à ~e que l'eau lui atteignit la
poit~ine.
- Tu peux bien a~~ive~ ju~qu'aux ~paule~, maintenant.
Goné ma~~ha ju~qu'aux ~paule~, et Via~~igue-le-Calman
lui dit :
- V~po~e-moi, maintenant.
Goné ob~it; il allait ~'en ~etou~ne~ ~u~ la ~ive, lo~~­
que le ~alman lui ~ai~it le b~a~.
- 0 ! ma m~~e ! ~~ia l'en6ant,
qu'e~t-~e que ~e~~ ? La~he­
mo~
1
- Je ne te la~he~ai pa~, ~a~ j'ai t~è~ 6aim, Gon~
- La~he-moi !
Je ne te la~he~ai pa~, je n'ai ~ien mang~ depui~ deux
jou~~, et j'ai .t~~~ 6aim.
- Vi~-moi, Via~~igue, le p~ix d'une bont~ e~t-~e don~ une
m~~han~~t~ ou une bont~ ?
- Une bonne a~tion ~e paie pa~ une m~~han~et~, et non pa~ pa~
une bonne action.
- Maintenant,
~'e~t moi qui ~ui~ en ton pouvoi~, mai~ ~ela
n'e~t pa~ v~ai, tu e~ le ~eul au monde ~e~tainement à l'a66i~­
me~.
- Ah ! tu le ~~oi~ ?
- Et bien, inte~~Jgeon~ le~ gen~, nou~ ~au~on~ ~e qu'il~ di~ont.
- V'a~~o~d, a~~epta le ~alman, ~'il ~'en t~ouve t~oi~ qui
~oient de mon avi~, tu 6ini~a~ dan~ mon vent~e, je t'a~~u~e.
A peine qu'il 6ini~~ait ~ette mena~e, qu'a~~iva une
vieille va~he qui venait ~'ab~euve~...
La vieille va~he donna ~ai~on au ~alman; en~uite ~u~vint le
~heval q~i 6it de m~me ~ou~ l'oeil ~é~hant du ~aZmdn.
Ap~~~ la ~épon~e du ~heval, le ~alman dit :
Goné,
a~-tu ente~du ?
Maintenant,
j'~i t~op 6aim, je va~~ te mange~.
- Non,
6it l'en6ant, tu avai~ dit toi-même que tu inte~~oge­
~ai~ t~oi~ pe~~onne~.

-
2L18
-
Si celle qui vlend~a dit la m~me ch06e que ce6 deux-la,
tu pou~~a6 me mange~,
mal6 pa6 avant.
- Entendu, acqule6ca le calman, mal6
je te p~évlen6
que
nou6 n'l~on6 pa6 loin.
Au galap,
et 6autillant de~~lè~e eux,
LeuR.-Ie- Llèv~e
pa66alt ; Vla661gue l'appela:
- Oncle LeuR., toi qul~e6 plU6 vieux, peux-tu nOU6 dl~e qu~
de nOU6 dit la vé~lté ? Je décla~e qu'une bonne action 6e
pale pa~ ~ne méchanceté, et cet en6ant décla~e que ~e p~lx
d'une bonne action c'e6t la bonté.
LeuR.~le-Llèv~e 6e 6~otta le menton, 6e g~atta l'o~elile
pul6 lnte~~ogea a 60n tou~
.
Inconte6tablement, ~econnu LeuR.-Ie-Llèv~e, il e6t une de
te6 pa~0le6 qui ne me pa~a~t pa6 en bonne 6anté.
- Laquelle e6t-ce ? lnte~~ogea le caZman.
- C'e6t 10~6que tu p~étend6 que ce bambin t'a po~té dan6 une
natte
et t'a6~l~ venl~ jU6qu'lcl.
Cela,
je ne peux le c~ol~e.
- Pou~tant
c'e6t v~al, a661~ma Goné, l'en6ant.
- Tu e6t menteu~ comme ceux de ta ~ace, 61t le llève a l'en-
6ant.
- Il a dit la vé~lté, con61~ma Vla661gue-le-CaZman.
- Je ne pou~~ai le c~oi~e que 6i je le VOi6, douta LeuR.-Ie-
Lièv~e. So~tez de l'eau tou6 le6 deux.
L'en6ant et le caZman 60~tl~ent de l'eau.
Tu p~étend6 que tu a6 po~té ce g~06 calman dan6 cette
natte? Comment a6-tu 6alt ?
- Je l'ai en~oulé dedan6, et j'al 61cellé fa natte.
- Eh bien,
je veux voi~ commentjdit LeuR..
Vla6~lgue-le-CaZman 6'a66ala dan6 la natte que l'en6ant
en~oula.
(il 6lcela le calman et le po~ta 6U~ 6a t~te)
Alo~6 LeuR.-Ie-Lièv~e dit à l'en6ant :
Empo~te donc ta cha~ge chez toi, ton pè~e et ta mè~e et
tOU6 te6 pa~ent6 et leu~6 ami6 te ~eme~cle~ont, pul6que VOU6
en mangez a la mal60n.
"Aùl61 doivent ~t~e paljé6 ceux qlLt oublient Le.s bonvle6 ac-
tLovu," .
Une dramatisation libre de c~ conte, divertira et
instruira les enfants lors des séances d'expression orale
libre et répondra au besoin spontané de ceux-~i, de changer
constamment d'activités. La routine et la sclérose sont les

-
249 -
terrains propIces Où poussent la passivité et le manque
d'intérêt réel.
Il ne suffit pas de posséder des connais-
sances dont on aura à transmettre les éléments à des
intelligences naissantes ; il faut avoir appris par quels
moyens,
les plus efficaces et les plus sûrs, on les leur
transmettra.
Il ne suffit l'as de savoir
il faut s avo i r ,ense igner.
Peut-on nIer, après de tels exemples la valeur
pédagogique du conte
j
son impact sur le psychisme enfantin?
Face aux mutations,
la pIre des attitudes est, de demeurer
les bras croisés. Car, nous dit P. ERNY
"Le: co rd.e.x.:». .6oc..ial.. te.n.d à appauvlLilL c o ns Ldé.-
lLabl..e.me.n.t l..a pédagogie. c..outumi~lLe., à l..'al..té-
lLe.lL,

à l..a déc..ompO.6e.lL,
au poin.t qu'il.. n.'e.n.
lLe..6te.,
dan..6 l..e..6 c..a.6 e.xtlLême..6,
qu'un.e. c..alLic..a-
tUlLe..
Mai.6 il.. e..6t de. l..a pl..U.6 haute. impolLtan.c..e.
de. n.ote.lL que. hOlL.6 du mon.de. .6c..ol..ailLe., lLie.n. n.e.
.6e. .6ub.6titue. val..abl..e.me.n.t à e.l..l..e. ou plLe.n.d .6a
lLe.l..~ve..
Be.auc..oup d'e.n.ûan.t.6,
même. n.on.
.6 c..ol..alLi.6 é.6 , n.e. lLe.coive.n.t pl..U.6 de. l..'éduc..ation.
tlLadition.n.e.l..l..e. que. de..6 mie.tte..6, .6an..6 POUlL
autan.t que. l..'on. pui.6.6e. dilLe. que. l..e.UlL ûOlLmation.

.6e. lLe..6tlLUc..tUlLe. autoulL de. mod~l..e..6
c..ohélLe.n.t.6,
e.n.
de.holL.6 de. l..'éc..ol..e..
Ce.l..l..e.-c..i e..6t e.l..l..e.-même.
pe.lLCUe. palL l..a popul..ation. palL de..6 .6c..héma.6 de.
pe. n..6 é e. ail c i e. n..6 ."
(1)
(1)
ERNY
(Pl
-
op.
c.c«,
P. 279.

-
250 -
CHAPITRE· VIII
LA TRADITION AU SECOURS DE LA MODERNITE
DIALOGUE DE LA PEDAGOGIE DES CONTES ET DU THEATRE NEGRO-
AFRICAIN.
Nous avons pû constater que les contes dans le contexte des
sociétés traditionnelles sont une mine de trésors inépuisa-
ble
et que leur utilisation à l'école prlmalre comme
support aux leçons de lecture, de langage et de morale, est
une bouée de sauvetage trop étroite pour ramener sur le
rivage tous les naufragés du système scolaire.
En effet, la
situation de c~ise généralisée des systèmes éducatifs que
nous vivons amène bon nombre d'éducateurs à s'interroger sur
le type d 1actions éducatives à envisager, qui soit en adé-
quation avec les aspirations des sociétés africaines en
mutation.
Sans nler les déterminismes SOClaux qUl, vus de
près, relèvent plus souvent de volonté et d'option politique,
on peut affirmer que ce sont les hommes qui façonnent la
société dans laquelle ils vivent.
Il s'agit des responsables
sociaux, politiques et d'éducation. Mais on doit reconnaître
que la société, par la forme des idéaux qu'elle secrète et
dont elle s'inspire, modèle les hommes à son image. Elles
sont légitimes, et viennent à leur heure,
les interrogations
de fond qui surgissent d'un peu partout,
sur le type de sys-
tème éducatif, son contenu, ses finalités,
car toute éduca-
tion humaine authentique doit se proposer pour fin de
per)nettre à l'homme, enfant,
jeune, adulte, de parvenir le
plus possible au développement et ~ l'épanouissement de sa

-
251
-
propre humanité.
"A-tVl.-6-t UVl.e. pédagog-te. ...
e.-6t tout d'abolLd UVl.e.
ph-tio-6oph-te. de. i'édu~at-toVl..
Ii 6aut qu'e.iie. -6o-tt UVl.e. ph-tio-6oph-te. POUIL
opé.ILe.1L ia i-ta-t-6oVl. e.t ILe.6a-tILe. i'uVl.-tté. de.
toute.-6 ie.-6 dOVl.Vl.ée.-6 d-t-6paILate.-6 de. toute.-6 ie.-6
-6~-te.Vl.~e.-6 qu' e.iie. me.;t à ~oVl.tIL-tbut-toVl.".
(1)
Or, les contes sont d'une richesse inépuisable sur
le plan de la morale, de la mimodramie, de la symbolique, de
la gestuelle, de la stylistique, et de l'émotif. Nous n'igno-
rons pas que toute personne humaine appartient à une société
engagée dans une histoire en progrès. Mais le progrès doit-il
s'accomplir nécessairement de la négation pure et simple du
passé? Nous avons souligné plus haut le tait que la famille
africaine était en mutation.
O~ la personne humaine est en
relation ~itale avec la famille qui lui sert de milieu.
naturel pour naître, pour grandir et pour s'épanouir. Bien
plus, elle est le centre et la raison d'être.
C'est normalement au sein d'une famille que
l'homme vient au monde et c'est au sein de la famille qu'il
apprend à parler, à connaître, à vouloir,
à aimer.
C'est la
famille qui lui fournit les éléments essentiels de sa crOlS-
sance physique, morale,
intellectuelle, et spirituelle. Mais'
la famille africaine traditionnelle dans une société en
mutation, ne peut plus désormais se procurer tout ce dont
elle a besoin, pour remplir sa mission éducatrice envers
l'homme.
La communauté sociale et politique doit dès lors
suppléer à ses insuffisances er lui apportant l'appui des
institutions éducatives.
(1)
HUBERT
[R)
-
TILa-tté de. pédagog-te GévléILaie - p.
14.

-
252 -
Et SI ces institutions éducatives sont en proIe à
une crise ?
Quand la tradition vient au secours de la moderni-
té,
il ne s'agit pas de la réuétition stéréotypique d'un
passé révolu mais d'une réactualisation, d'une adantation de
normes anciennes à un contexte nouveau.
Mais à quel niveau peut-on s'inspirer du passé
dans le cadre spécifique des contes et légendes?
Pour bâtir non seulement une identité culturelle
malS aussI un théâtre africain
qui vaille la peine de figu-
rer à égal niveau de considération que le théâtre européen,
chinois, ou autre?
Car, SI l'on veut comprendre le théâtre africain,
il faut résolument changer de perspective et renoncer, en
particulier, à lui appliquer les valeurs qui sont propres au
théâtre européen.
Le seul mode d'approche convenable est, au con-
traire, de restituer ce théâtre à son contexte et sa réalité
propres, qui sont ceux de l'Afrique Noire.
Le théâtre.
n'est-
il pas . un être humain, ou plus{eurs êtres humains physique-
ment présents, ici, maintenant, qui feignen~ qui font sem-
blant, de faire,
de dire, quelque chose, dans le même lieu
que d'autres êtres humains, physiquement présents, eux aussi,
et qui, en principe, ne bougent pas et se taisent?
Celles et ceux qui font semblant, qui "jouent" sont
dits "acteurs", ou "comédiens" (actrices, comédiennes)
celles et ceux qUI se taisent sont dits spectateurs (specta-
·trices).

-
253 -
Considéré froidement, du dehors,
le théâtre n'est
pas différent de ce qui n'est pas théâtre.
La maman qUI
chante une berceuse ou raconte une histoire de fées ou de
génies de la forêt à son enfant, c'est un théâtre, et c'est
le couple acteur-spectateur. L'inconnu qUI surveille sa mIse,
ses gestes, ses expressions du visage, son ton de voix, qUI
choisit ses mots afin de séduire l'inconnue, c'est un
théâtre. Mais aussi l'acte utilitaire pur, par exemple,
l'ouvrier, qui, à seule fin de gagner son pain, et sans au-
cune attache de sens ou d'âme, pour son travail, exécute des
gestes à la chaîne de montage sous le regard sévère du contre-
maître, c'est un théâtre.
Ces gestes sont SI intimement
étrangers à l'ouvrier, SI indifférents et même si pénibles,
qu'au moment où il les accomplit, en fait,
il les "joue".
Cette contrefaçon, cette imitation imaginaire, de
la VIe réelle, n'est pas une opération fictive, un mensonge
partagé.
Les femmes et les homnes qui exercent ce travail
d'acteur, éprouvent réellement les efforts physiques et
spirituels,
les souffrances,
les joies, les angoisses,
d'actes en vérité accomplis. On peut même dire qu'ils ont de
ces actes une perception de corps et de conscience plus af-
firmée que n'en ont, dans leur métier, dans leur journée,
dans leur vie active, beaucoup d'autres travailleurs. Après
ces quelques traits caractéristiques de l'activité théâtr~le,
peut-on affirmer qu'il y a une différence entre le conteur,
l'acteur de théâtre et le conteur-éducateur? Les heures
vécues par le conteur,
l'acteur de théâtre, et le pédagogue,
pourraient être considérées comme des heures d'une vie reflé-

-
254 -
chie; méditée, sentie, d'une Vle consciente, et éprouvée, et
cela daDs une tension de vérité d'expression, d'efforts
d'imagination et de création. L'utilisation des contes au
seln des activités scolaires, que nous avions soulignée
dans le chapitre précédent, ne doit pas être l'heure d'une
vie machinale, obligée, non convalncue, fictive.
Ainsi,
comme le souligne Geneviève CALAME-GRIAULE,
le pédagogue quî
exploiter~it les contes à des ,fins scolaires ne doit pas
perdre de vue que
:
"dan.o une c.ivili.oation de l'ofLalité, la nafL.f1..a-
t;on d'un c.onte e.ot un phénomène c.omplexe
dont le.o élément.o, étfLo;tement amalgamé.o dan.o
la fLéal;té,
peuvent .oe déc.ompo.oefL de la 6acon
.ou;vante :
- un texte tfLan.omi.o pafL la mémo;fLe ofLale et
dont on a66;fLme .oouvent q u ' o n le d~t
"c.omme on l'a entendu", bù!,n que l'on admette
de.o po.o.o;b;l;té.o de vafLiante.o, e.o.oent;elle-
ment .otyl;.ot;que.o, du e s au talent pafLt;c.'uliefL
du c.onteufL-nafLfLateUfL.

- un c.onteufL qui fLéac.tual;.oe c.e texte à une
oc.c.a.o~on donnée et lu; c.ommunique .oon c.afLac.-
tèfLe dfLamat;que (au .oen.o étymolog;que de m;.oe
en ac.t;on) au moyen de.o fLe.o.ooufLc.e.o de .oon
éOfLp.o et de .oa vo;x.
-,un c.ontexte c.ultufLel et .ooc.;al dan.o lequel
.o'''ZYi'Xc.fL.<..t le c.o rd.o. et qui lu; dovl.ne .oon .oen.o.
- une langue pafL laquelle pa.o.oe le texte et
dont le.o pfLoc.édé.o expfLe.o.oi6.o pefLmettent de
.oituefL à un n;veau de d;.oc.oufL.o e.othét;que.
- un aud;to;fLe en6;n,
qu; fLéag;t aux d;vefL.o
e66et.o dfLamatique.o et .otyl;.ot;que.o et dont
le.o mafLque.o d'appfLobat;on .oont un ;mpofLtant
.ot;mulant POUfL r e. c o vLteufL".
(1)
Et cela, l'homme de théâtre ou le pédagogue ne
(1)
CALAME-GRIAULE
(G)
- Ce qu; donne du goGt aux c.onte.o -
;n Lit-téfLa.tuhe VI. 0 45 - p.
45 -
Fév.
1982.

-.255 -
doit pas l'ignorer car,
" ...
e~l~t la mi~e en ~e~ne, la d~amati~ation
de ee ~peetaele que eon~titue l~ eonte :
ge~te~, attitude, exp~e~~ion~ du vi~age, du
cont.e.u.«,
(et ~ e co ndai~ement de l' audito Ln.e. ) ,
en un mot, ee qui "... donne du goû.t" au
eonte, au ~en~ où l'on dit que le ~el et le~
eondiment~ en donnent à la nou~~itu~e. Cet
appauv~i~~ement eon~idé~able, qui ~emble
inhé~ent au pa~~age de l'o~al à l'ée~it, a
été ~ouvent eon~~até, et déplo~é, pa~ le~
ehe~eheu~~. On peut, pou~tant, ~e demande~
~i une telle dépe~dition e~t v~aiment inévi-
table et ~'il ne ~e~ait pa~ po~~ible d'ob~e~­
ve~ ee~ élément~ p~op~e~ à l'o~alité, de le~
inte~p~éte~ pou~ eomp~end~e la pa~t qu'il~
tiennent dan~ la t~an~mi~~ion du me~~age et
de le~ ~e~titue~ dan~ la publieation de~
texte~".
(1)
N'est-ce pas bien là, de nouvelles perspectives
pédagogiques ?
1 - UNE CIVILISATION DU VERBE
La civilisation africaine procède avant tout du
verbe, qu'il soit parole, rythme, ou symbole.
Le langage,
toutefois, n'est pas seulement instrument de communication ..
Il est, par excellence, expression de l'Etre-Force,
déclenchement des puissances vitales et principes de leur
cohésion.
Selon Louis-Vinvent THOMAS, le KOMO-DIBI, le chan-
tre malien du KOMO (société d'initiation) définit ainsi
l'omnipotence du Verbe:
"La pa~ole e.s t: tout
Elle eou.pe,
é eo~ehe.
Elle mod~le, module,
Elle
pe~tu~be, ~end 60u
(1)
Ibiden,
p.
46.

-
256 -
Elle gué~it, ou tue net
Elle ampli6ie,
abai~~e, ~elon ~a ~ha~ge.
Elle e x cct:e ou ~alme le~ âme~"
(1)
Il Y a donc des degrés dans les manifestations de
la parole correspondant à la hiérarchie des Etres-Forces.
"La pa~ole, di~ent le~ Bamba~a, e~t·au~~i
longue que l'humanité ; ~elle-~i atteint le~
dimen~ion~ ~o~mique~ pui~que l'homme e~t,
dan~ ~on e~~en~e, l'exp~e~~ion éminente du
monde. C'e~t-à-di~e que le Ve~be et l'unive~~
~'identi6ient dan~ un ~e~tain ~en~ ... Pou~
~e~ ~oudanai~, l'immen~ité du Ve~be e~t ~on
att~ibut 6ondamental. Au~~i, en di~ant pa~
exemple qu'une pa~ole e~t "t~op g~ande" pou~
la bou~he de l'ét~e humain, ~e ~appo~tent-il~
à ~et a~pe~t in~ommen~u~able du di~e, di~­
p~opo~tionné à ~on utili~ation.
Le Ve~be intég~at e~t le pat~imoine de t'hu-
manité et,
pa~-delà elle, de la divinité,
envi~agé ~omm~ maillon initial de la ~haine
de~ humain~. C'e~t pou~quoi, plu~ un mot, une
exp~e~~ion, ou un di~~ou~~ app~o~he de la
géné~alité et de la ~ynthè~e, plu~ il ~elève
du domaine de l'ét~e, ~ep~é~entant l'unive~~a­
lité,
et moin~ l'individualité humaine e~t
apte à le~ p~o no n~e~."
(2)
1 - Le silence et le geste
L'oralité n'est pas que parole parlée, malS aussI
parole retenue ou silence: celui-ci en effet, occupe une
place fondamentale dans l'expression de la pensée du Noir-
Africain.
Sous l'arbre à palabre, l'on est persuadé que la
parole n'est efficace et ne se valorise pleinement quà con-
dition d'être enveloppée d'o~bre, qu'elle ne conserve son
intégralité que proportionnellement à son degré de carence.
En poussant les choses jusqu'au paradoxe, on pour~
rait même dire que, pour le négro-africain,
le verbe vraI,
( 1) THOMAS r L. V) - Nég~itude, ,tJLacLUi-on, et dévetoppement - pp. 120-121.
( 2)
THO A1 AS
(L. V)
- 0 p ~it - p.
1 22 •

- 257,-
la parole digne de vénération est le silence. Elle s'attache
encore au seste et au chant. Non seulement les prières et les
sacrifices s'accompagnent d'une liturgie des gestes mlnu-
tieusementréglés, mais encore on ne conçoit pas de narra-
tion - qu'il s'agisse de contes,
légendes, mythes, épopées -
sans une mimique appropriée, sans un grammaticalisme du
geste et une syntaxe de l'intonation qui en constituent le
support nécessaire.
Le conteur,
le griot, poète-narrateur,
dont la spécialité est la narration des récits,' procède à un
usage judicieux du geste.
C'est pourquoi il trouve tout naturel de danser,
le moment
venu ,pour faire avancer son monologue.
Le mouvement cadencé du pied, le rythme harmonieux
du corps,
le balancement de la tête sont les parures de sa
parole et le charme indu~itable de son éloquence. Ainsi, B.J
FOUDA (1) en vient à distinguer le geste formulaire
(schéma
rythmique)
favorisant la mémorisation, le geste vocalise
(moyen d'accrochage) psychologique par l'atout de la pho~~-
t. i o n ) ,
le geste oc cu Lai r e enfin,
(ensemble des mimiques et
des attitudes tour à tour indicatif, explétif ou imitatif),
C'est pour cela qu'il est permis de dire que la
littérature négro-africaine
traditionnelle est aUSSl une
littérature-archive du geste postural.
Quant au chant,
il soutient et structure les
'divers états ou activités-de l'homme; naissance,
initiatio~
rite religieux, mort, occupations quotidiennes,
jeux.
'( 1)
FOUVA
(B.))
-
LiLté/La:tu./Le. nég JLo-a6/Lic.aine.
-
p.
40.

-
258
-
,2 -
Le Rythme
Dans l'univers non organisé et hiérarchis~ par la connais-
sance,
il tient une place importante car le matériel sonore
qu'il met en branle a des répercussions sur la marche du
monde, aussi bien sur le plan cosmique que sur celui de
l'activité humaine.
Expression de la VIe et de la force,
à la fois
source et effet de l'émotion,
le rythme est "l'architecture
de l'être, le dynamisme interne qui lui donne forme,
le
système d'ondes qu'il émet à l'adresse des autres, l'expres-
SIon pure de Lai f or ce vitale".
(1)
Une telle conception révélatrice de la mentalité
nègre, explique pourquoi la vibration rythmée joue un rôle
si grand, soit dans la narration des contes et légendes,
soit dans les conceptions métaphysiques où elles demeurent
indissociables de la répétition générative.
Cette prédominance du rythme caractérise positive-
ment une civilisation orale dans son essence et ses manifes-
tations, par opposition à une civilisation écrite.
Le rythme
s'inscrit dans un complexe mental où ordre, répétition, et
équilibre constituent les structures internes fondamentales
de la pensée Nègre.
3 - L'image et le symbole
Un 'autre mode d'expression du verbe consiste dans'
l'usage de l'image et du symbole.
En effet, dans la perspective, la puissance de
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1)
THOMAS
[L.V)
-
op
e.Lt -
p.
126.

- 259 -
l'oralité dépend du mode d'expression, c'est-à-dire, non
seulement du rythme, et particulièrement au niveau de la
mélodie
(tel son avec tonalité haute, diffère du même son
avec tonalité basse) mais encore, de l'image analogie.
L'objet ne signifie pas ce qu'il représente, mais ce qu'il
,
suggère, ce qu'il crée. Nous sommes ici
en présence d'un
surréalisme à la fois mystique et métaphysique qui confère
à l'image son efficacité et son caractère symbolique. Que le
symbole se situe sur le plan exégétique
(signification des
formules ou du récit) ou sur le plan opératoire Cinterpréta-
tion des gestes, des positions, des actions)
il offre tou-
jours un double aspect ésotérique et sociologique.
Selon L.V. THOMAS,
"ii JtéJ.Juite. que. pouJt ie. NégJto-A6Jtic.ain, ia
pe.nJ.Jée. J.Jymboiique. J.J'aJttic.uie. J.JUJt de.ux
tabie.aux,
c.e.iui de. i'inte.Jtve.ntion,
c.e.iui de.
ia Jte.pJtéJ.Je.ntation ou de. i'e.xpJte.J.JJ.Jion. Ou piuJ.J
e.xac.te.me.nt, e.iie. a une. quadJtupie. 6inaiité :
un J.Je.nJ.J éc.onomique. puiJ.Jqu'e.iie. JtéJ.J ume. , c.on-
de.nJ.Je., JtappJtoc.he. ; une. 6onc.tion opéJtatoiJte.,
c.aJt c.'e.J.Jt un véJtitabie. je.u ~e. 6e.Jtme.ntation
qu'e.iie. Jte.nd pOJ.JJ.Jibie. (giiJ.JJ.Je.me.nt de. ia
c.hoJ.Je. J.JymboiiJ.Jée. aux dive.JtJ.J éiéme.ntJ.J du c.hamp
J.Jymboiique.)
; une. vaie.uJt d'uJ.Jage. qui Jtappe.iie.
ie.J.J Jtègie.J.J de. i'ac.tion e.t montJte
i'union de.
i'obiigatoiJte. e.t du déJ.JiJtabie. ; e.n6in, une.
6onc.tion de. J.Jugge.J.Jtion (e.iie. 6Jtappe. i'imagi-
nation) ou d'e.xpiic.ation (e.iie. e.J.Jt i'indic.e.
ie. piuJ.J J.JŒJt de.J.J c.oJtJte.J.Jpondanc.eJ.J e.t de.J.J
paJttic.ipationJ.J) .
En tant qu'image., e.iie. e.J.Jt 6iguJte.,
e.n tant
que. hiéJtophanie., e.iie. de.vie.nt puiJ.JJ.Janc.e."
(1).
Les symboles africains sont légions et envahissent
tout, gestes, paroles, attitudes, couleurs, sons, rythmes,.
objets manufacturés, rituel.
(1)
THOMAS
(L.V)
- op c.it - p.
128.

- 260 -
Dans les prières BALUBA (Congo) des formules
symboliques interviennent constamment pour désigner les
attributs divins ou définir l'attitude de l'homme envers
Dieu
patience de Dieu
la tortue franchit les
fleuves profonds.
beauté de Dieu
la terre blanche ne s'accorde
qu'avec des choses pures.
omniscience de Dieu
porte qUl voit des deux
côtés.
- toute puissance de Dieu : le serpent DIAMBO, on
ne peut monter sur son dos; celui qui y monte, glisse en
bas, etc ...
4 - L'émotion
Grâce à l'émotion, et par-delà les manifestations
multiples de l'art du verbe, nous sommes renvoyés à une
unité d.'inspiration qui est probablement la vision spécifi-
que négro·-africaine de l'homme et du monde.
Cette v i si on n'émane pas de la. volonté de domina-
tion de la nature, comme dans certaines cultures asiatiques.
,.
1
Elle procède d'un dessein d'alliance de l'homme
aux forces naturelles, de participation à la grande vie
cosmique, de communion avec les nuJsions
telluriques.
C'est, pourquoi l'art de la parole, soigneu§ement
transmis d'une :génér a t ion à l'autre, rigoureusement codifié
l- .
apparaît comme /emlnemment fonctionnel.
Il n'est presque jamais une activité de luxe; même
le jeu se révèle finalisé.

:z
:cm.:
- 261 -
Il est presque toujours une activité vitale au
service de la communauté.
Spontanément engagé,
il assure la cohésion du
groupe,
il la rythme,
il la magnifie.
5 - Le style
Puisque nous sommes en présence d'une littérature
orale,
le style reste inséparable de l'éloquence; de fait,
quiconque possède à un haut degré l'art de bien dire ne
manque pas de jouer, dans la société négro-africaine, un
rôle important. Dans un univers social, où la palabre est
reine, ou le Dyali (maître de la langue) s'apparente au
sage, la facilité d'improvisation,
la correction de la langue,
l'ai~ance avec laquelle on manipule symboles ou Images, le
sens de la réplique spontanée, le. pouvoir de suggestion
passent pour des qualités maîtresses et des dons divins.
Sans
doute, tout récit doit comporter
certains moments stéréotypés,
notamment au début et à la fin,
mais l'art du narrateur peut,
dans l'intervalle,
jouer un rôle éminent, qu'il s'agisse des
. gestes, des mimiques, des onomatopées, des intonations, des
images ou des broderies toujours permises sur un canevas
généralement imm~able. L'intérêt de la représentation théâ-
traIe ne réside pas dans la reproduction des apparences de la
VIe réelle.
Un tel théâtre ne vise pas des ressemblances super-
ficielles, mais s'efforce au contraire par des moyens symbo-
liques d'exprimer en quelque sorte la quintessence ou
J
l'esprit intrinsèque de la réalité.

- 262 -
I l ~'agit de la stylisation de la réalité, d'un
code qui n'exprime que l'essentiel de l'action destinée à
produire dans l'imagination du public des images dramatiques
exactes et concrètes.
Dans la mesure où il n'y aura pas collaboration
créatrice
avec
le public pendant la durée de la représenta-
tion,
sans-la participation de l'imaginaire collectif de
l'auditoire, le spectacle ne pourrait pas se dérouler de
façon satisfaisante. Pour ce faire,
le théâtre,
tout comme la
pédagogie, ont beaucoup à apprendre de l'art du contage, car
"un conte raconté sans procédés expressifs corporels,
sans
"remuer les bras" comme on dit en Tasawaq, est fade et ne
retient pas l'attention de l'auditoire. Plus encore peut-être
que l'intérêt de la variété de son répertoire,
la réputation
d'un conteur est fondée sur son art d'employer les intona-
tions adéquates et de faire les gestes au bon moment".
Cl)
Par exemple, comme la scène du contage est démunie
d'accessoires, au sens propre du mot,
il existe toute une
série de mouvements'par lesquels les conteurs peuvent montrer
qu'ils ouvent une porte, qu'ils se déplacent à cheval, en
barque, etc ...
Pour établir cet échange, entre le contage et le
théâtre, on a coutume de dire,
s'agissant du conteur que "tel
un acteur,
il module ses effets, en fonction des réactions
des auditeurs, répétant par exemple, à plusieurs reprises .un
geste particulièrement réussi qui a provoqué le rire
C . • • ) .
Il
( 7)
CAL AME - GR l AU L E (G)
-
0 P
cit p.
49- 50 .

-
263 -
Cette fonction de dramatisation est en effet
essentielle et va beaucoup plus loin que le plaisir immédiat
qu'elle procure. La mise en scène gestuelle fait passer le
message et joue un rôle très important dans la communication.
Même redondants
(ce qui est fréquemment le cas),
les gestes apportent des informations qui ne sont pas four-
nles par l'énoncé et dont on peut se demander si elles ne
sont pas en fait,
l'essentiel du message.
L'ensemble des procédés gestuels implique en effet
de la part du conteur, un investissement de l'espace qui lui
est imparti.
S'il est debout,
il peut "théâtraliser" davant a-
ge et a j outer aux gestes des bras et du buste des déplacements
réels, mais il est évident
qu'il restera dans les limites
de ce qui constitue en quelque sorte son espace scénique ...
Un bon conteur visualise parfaitement ses déplace-
ments et utilise différentes directions pour les marquer.
Il L'utilisation
des axes haut-bas, droite-gauche,
devant-derrière, et de leur valeur symbolique, est un procédé
scénique important qui requiert une· analyse particulière". (1)
Ainsi,
le projet pédagogique que nous avons déjà
élaboré, saVOlr
l'utilisation des contes à l'école, ne
devrait pas se passer de la mise en scène gestuelle reconnue
comme efficace pour faire passer le message et jouant un rôle
important incontestable dans la communication. Théâtre spéci-
fiquement africain et actualité pédagogique peuvent être une
réponse adéquate à la revendication d'une identité culturelle
1
r
africainEi.
(1]
CALA0E-GRIAULE
(G]
-
op c:.A.-t p.
50.

-
264 -
II - THEATRE NEGRO-AFRICAIN ET IDENTITE CULTURELLE
On observe chez les écrivains d'Afrique Noire,
depuis les années cinquante, un intérêt de plus en plus
marqué pour le théâtre.
(1)
Cette orientation nous paraît aVOIr eu une double
conséquence
elle a transformé tout d'abord la configura-
tion générale du champ de la production littéraire africaine
en conduisant à ce "qu'on pourrait appeler un rééquilibrage
des genres ou des modes d'expression; elle a, d'autre part,
contribué à instaurer un certain type d'écriture, fortement
marqué par le théâtr~. Pendant toute une période, deux
genres ont dominé la production littéraire négro-africaine
la poésie et le roman.
La poésie a pèrmis à l'écrivain Noir
d'exprimer de façon éclatante à la fois la révolte que lui
inspirait sa condition de colonisé et les liens qui l'unis-
saient à la terre africaine.
Le roman a également joué ce
rôle. Mais dans le cadre du rééquilibrage des modes d'expres-
sIon, le théâtre ne s'est pas encore bien implanté.
Or, l'expression théâtrale apparaît désormais
comme un moyen part~culièrement privilégié et intéressant
pour résoudre le problème de l'identité culturrelle. La possi-
bilité
pour une troupe de s'exprimer, partiellement ou en
totalit~ dans les langues africaines, permet de sensibiliser
le public
d'une façon ihcomparablement plus facile, et
efficace que par les livres écrits en français dont l'accès
suppose qu'ait été franchi auparavant par le ~ecteur, un
!
double barrage : celui de la compréhension de~ la langue euro-
péenne et celui de l'alphabétisation.
(1)
B.
LECHERBONNIER -
II1~~~a~~ol1 ct -e-a t~LtLi~o.:tUf1.e né:gi1.o-
aûi1.~Qa~l1e - Fei1.nal1d NQi~- Paf1.~~ 1962.

-
265
-
Or, l'utilisation des langues africaines ne peut
aller avec, l'omission totale des formes expressives de l'art
du contage, ~es mimiques, des images et symbole~du style
des conteurs, des rythmes, des qualités d'improvisation.
Ce passage au théâtre ne s'explique pas seulement
par le fait que
les écrivains africains trouvent dans la
forme dramatique un mode d'expression et de communication
plus efficace que le livre auquel ne peut avoir accès qu'une
infime minorité. Les écrivains africains découvrent aussi
que le théâtre offre, sur le plan de l'esthétiquejtout au-
tres ressources que le livre.
Art de la parole, le théâtre permet à l'écrivain
de retrouver le chemin de l'oralité. Les dispositifs de la
mise en scène, les décors, l'alternance toujours possible du
discours, du dialogue, du chant, de la danse, de la musique,
le mélange des genres et des tons, sont pour le dramaturge
l'occasion de renouer étroitement avec les caractères fonda-
mentaux de l'esthétique traditionnelle telle qu'elle se
manifeste dans la veillée du village réunie aut~ur du
conteur. Selon GRIAULE,
"J:.'A.-nteJtpJtétatA.-on deJ.> geJ.>teJ.> doA.-t tenA.-Jt c.ompte
deJ.> c.ommentaA.-JteJ.> de J:.'A.-n6oJtmateuJt et de J:.a
t~e en JteJ:.atA.-on avec. J:.eJ.> énonc.éJ.> iA.-nguA.-J.>tA.--
que.

o.o n.n.e s oo n d an t.s ,
On
ne r i.e.n dn.a: [ama i.s POUlL
évA.-dente J:.'A.-nteJtpJtétatA.-on d'un geJ.>te, J:.eJ.>
c.ontJteJ.>enJ.> étant 6ac.A.-J:.eJ.> d'une c.uituJte à une
autJte.
IJ:. 6audJta,
paJt aA.-iieuJtJ.> , mettJte en
JteiatA.-on ieJ.> geJ.>teJ.> de ia na~JtatA.-on, avec. ieJ.>
nA.-veaux geJ.>tueil.> de i~ c.uituJte obJ.>QJtvé·e e~
notamment, ie nA.-veau de ia c.ommunA.-c.atA.-on
c.ouJtante.
Lel.> giA.-l.>l.>ementJ.> et empJtuntl.> d'un
nA.-veau à i'autJte, l.>ont 6JtéquentJ.>. SA.- un dA.-a-
iogue A.-nteJtvA.-ent da~J.> ie c.onte, ieJ.> geJ.>teJ.>
de J:.a c.onveJtl.>atA.-on 60nt ieuJt appaJtA.-tA.-on ; à
i'A.-nve~l.>e, J.>A.- un Jtéc.A.-t (anec.dote paJt exempieJ,
l.>e man~6eJ.>te danJ.> ia c.onveJtJ.>atA.-on c.ouJtante,

-
266 -
le~ ge~te~ na~~atin~ y ~ont immédiatement
o b~ e~vable~.
(1)
Mê me sile théâtre afr icain cherche à s' appuye r
sur une double tradition,
il devra, tout en incorporant
des formes théâtrales occidentales, s'inspirer avant tout
des traditions locales, ou régionales.
Il se réinvente ainsi, utilisant contes,
légendes,
mythes, épopées, chants, masques et costumes traditionnels.
Mais sur le plan technique,
"il nald ~ema~que~ c.ependant,
(et c.t e s :
non-
damental pou~ not~e p~opo~) que c.e~tain~
.
.. élément~ ge~tuel~ ~e ~et~ouve~ont toujou~~ à
c.haque nouvelle na~~ation ; c.e ~ont p~éc.i~é­
ment de~ ge~te~ c.lé~ a~~oc.ié~ aux motin~
e~~entiel~ du ~éc.it. V'aut~e~ c.atégo~ie~ de
ge~te~, plu~ banal~ quant à leu~ ~igninic.a­
tion,
appa~ai~~ent égaiement t~è~ ~éguliè~e-·
ment pa~c.e qu'il~ ~ont lié~ à c.e~taine~
60~me~ d'énonc.é dont il~ ~ont, ~emble-t-il
in~épa~able~ : c.e ~ont pa~ exemple, le~
ge~te~ ac.c.ompagnant le~ ve~be~ de mouvement
-déplac.ement de pe~~onnage~- ou le~ déic.ti-
que~" (2).
On peut considérer le milieu culturel comme une
structure assimilante qui digère des matériaux étrangers et
évolue, tout en restant conscient de son identité.
Cette
assimilation l'enrichit et ne peut affecter son destin.
Seule la destruction par une cause mécanique
d'origine externe, l'éclatement pour des raisons diverses, ou
la sclérose par excès d'autarcie, peuvent lui être fatals.
Le~ métamorphoses de la tradition orale ne doivent pas être
considérées comme le signe annonciateur du dépérissement du
i
no*au spécifique qui met fin à la vie de la société
africaine.
(1)
CALAME-GRIAULE (G) - op c.it - p.
49.
( 2)
ibidem - p.
51.

- 267 -
Aussi, tous les efforts doivent tendre aujour-
d'hui à protéger cette spécificité enrichissante: ce n'est
pas là isolement, repli sur soi, c'est la condition même de
l'universalité.
III - CRISE OU MANQUE DE CREATIVITE?
Les contradictions, apparemment insolubles, entre la demande
éducative et les possibilités matérielles de la satisfaire
se sont cristallisées dans l'idée d'une "crise mondiale de
l'éducation". Etendre les difficultés réelles auxquelles se
heurte l'éducation en Afrique Noire, à la situation concrète
de l'éducation âans les autres pays du monde paraît néanmoins
quelque peu abusif.
Les pays en développement connaissent, avec
au-
tant d'acuité
que les pays développés,
le problème du con-
tenu à donner à l'enseignement et des moyens d'accroître son
efficacité. Comment combler le fossé qui se creuse entre une
information toujours plus abondante et le volume des connais-
san~~sque l'école est pratiquement en mesure de donner? Le
problème fondamental qui reste en suspens dans les pays
d'Afrique Noire, est celui des méthodes les plus efficaces
pour intensifier l'enseignement. Le fait que l'éducation
suppose la transmission de génération en génération, de
témoignages et d'opinions éprouvées, n'est pas plus un cri-
tète de conservatisme que l'utilisation, en médecine, de
médicaments acceptés et éprouvés par la pratique. Certes,
les faits et les lois q~'on doit transmettre à l'écolier
!
peuvent évoluer au fur et à mesure des mutations sociales,
scientifiques et techniques, et aujourd'hui plus ranidement
que jamais.

-268 -
Mais cette dynamique du changement ne dOIt pas
être pou~sée à l'absurde. C'est pourquoI un regard de la.
pédagogie vers le passé ne peut être que salutaire pour
l'Afrique Noire.
"VaYl..6 UYl.e c.uLtuILe de l'oILalité, eYl. e66et, Uyl.
c.oYl.te, c.haque noi.6 qu'il e.6t éYl.oYl.c.é, e.6t
l'abouti.6.6emeYl.t pOYl.c.tuel - et éteILYl.ellemeYl.t
pILovi.6oiILe - d'uYl.e lOYl.gue matuILatioYl. et
d'uYl.e élaboILatioYl. c.omplexe qui c.ILi.6talli.6e
autouIL d'uYl. Yl.oyau
(.6tIL~c.tuILe Yl.aILILative et
pILojet .6émaYl.tiquel de.6 élémeYl.t.6 diveIL.6,
su ] et.6 à âe.s modi6ic.atioYl..6, .6ub.6titutiQYl..6, et
qu~
toute.6, OYl.t leuIL ILai.6oYl. et paILtic.ipeYl.t
à la 60ILmali.6atioYl. du me.6.6age paILtic.ulieIL
délivILé à c.hac.uYl.e de c.e.6 émi.6.6ioYl..6.
VaILiaYl.te.6 et veIL.6ioYl..6 .60Yl.t, POUIL c.e geYl.ILe de
. littéILatuILe, .6a maYl.i~ILe de pi~geIL, POUIL toute
'~ituation, la ILic.he diveIL.6ité de .6e.6 poteYl.-
tialité.6 qui, aiYl..6i ac.tuali.6ée.6 et pILé.6eYl.tée.6
c.omme de.6 expéILieYl.c.e.6 hybILide.6 du véc.u et de
l'imagiYl.aiILe, iYl..6tilleYl.t en tOU.6 - et c.omme à
Leu».
iYl..6lu - t.e s do Yl.Yl.ée.6 nOYl.dameYl.tale.6 de Leu». .
uYl.iveIL.6c.ultuILel c.ommuYl. ... " (1)
Ainsi, au lieu de faire table rase des contes, au
nIveau des v.illages, l'on peut vivifier la pratique du
contage. Car, la veillé~ de contage qui réunit tous les gens
du village, replonge la communauté dans une réelle vie cul-
turelle. Et ceci aura non seulement l'avantage de réunir les
jeunes autour des vieillards, mais aussi d'atténuer les
'.
querelles de génération.
Le charme du village ne peut-il pas
.1

freiner l'exode rural dont souffre l'Afrique NOIre? Les
contes ont parfois pour conclusion des proverbes qui peuvent
aVOIr un impact fort sur l'orientation de la vie,
le domaine
,
mdral et être une nburriture intellectuelle. Lorsqu'u~ él~ve
1
utilise à bon escient des proverbes de l~ngue locale dans un
écrit en français et est capable d'en do*ner une traduction
1
,,
[1) V. GOROG-KARAVY et C. SEYVOU: "contes, mOYl.lbeau. c.oYl.te, de tOU.6 tu
.6OYl..6,
dcs-nou» quel ut le VILa,,(" in Ldté~u.!Le yl.~ 45 - p. 25.

-
269 -
précise, il peut davantage préciser sa pensée. Le proverbe
est comme un contenant dans lequel la pensée peut s'expri-
mer plus sûrement. Et lorsqu'il est assez imagé; il permet
aussi de donner lieu à un développement personnel qu'il
recrée.
Même certains élèves, plus doués, plus habitués à
cette tournure proverbiale et plus habitués aussi à l'écouter
dans leur propre famille,
sont capables de réinventer avec
les éléments du monde moderne de nouveaux proverbes pour
exprimer leur pensée. L'école moderne entraîne à l'analyse, à
la précision dans la distinction. L'usage des proverbes qUI
suppose plutôt'~'entraînement à une pensée synthétique, ne
va-t-il pas contre cette formation à la rigueur d'esprit
analytique ? Il est aussi difficile de répondre à cette
question, qufà celle qui concerne la créativité, dans le
texte même des contes.
Ainsi, on a pu constater que les contes et légendes
font partie intégrante d'une conception traditionnelle de
l'éducation, vécue au sein du clan et qui assurait la vitali~'
té. Aujourd'hui, bien des responsables de l'éducation en
Afrique Noire et bien des jeunes, refusent d'être des con som-
,
mateurs de civtlisation et s'interrogent sur les fidélités
1
et les abandons nécessaires à tout africain qui se veut
totalement homme de son temps.
"Ce. qu"<' a toujOUtLl.> 6a..<.t la vale.UfL de. l'éduc.a-
t"<'on ttLa d..<.t..<. 0 nne.lle. , c.'e.l.>t l.>on adaptat"<'on à
la vi.e. de. la so c.Lë të c.lan"<'que."

(1).
f
( 1 ) CALAME-GRIAULE - op c...<.t - p.
50.
i
1

270 -
Alors, ce n'est que par la prlse en compte du
patrimoine traditionnel que la pédagogie, 'le théâtre négro-
africain apparaîtront comme le moyen par lequel vont être
élaborés un nouveau mode de communication, un nouveau style,
une nouvelle écriture, qui parti~ipent tous de l'identité
culturelle du négro-africain.

-
271
CON C LUS ION
En donnant des causes précises à des phénomènes
mystérieu~ les contes et légendes jouent un rôle apaisant.
Et de surcroît, ils apportent l'espoir à ceux qui en ont le
plus besoin. Contrairement aux religions fondées sur des
sacrifices rituels, qui demandent certains sacrifices en
échange de la promesse d'une vie future meilleure, le conte
promet le bonheur tout de su~te/
et gratuitement. Un caprice
de fée, un coup de baguette magique, et le pauvre sot, risée
du village, devient un homme riche. Car la première loi du
' , ' \\ .
conte, c'est la fin heureuse de toutes les vicissitudes, le
bonheur final de ceux qui ont tant souffert au cours, du
1
1
récit. La légende, conte appliqué à un personnage historique,
à un endroit réel, peut se terminer dramatiquement. Mais
pour que la fin soit entièrement crédible, il faut à ce pont
des assises solides. Tout fantastique qu'il apparai~se, le
merveilleux des contes doit obéir à la logique. On parle
souvent de l'absurde des contes, bien à tort. Les hommes
n'aiment pas les coïncidences et se méfient du hasard.
En littérature, ils tiennent la coincidence pour
une piètre ficelle et dans la vie réelle, pour un signe du
destin. Le conte, expression directe et spontanée des aspira-
tions humaines, est le seul genre littéraire
où le hasard
-n'intervient jamais. Là, rien n'est coincidence, 1 tout est
causalité.
Causalité irrationnelle, peut-être, mais irration-
nel ne signifie pas absurde. Et que ferait l'absurde dans cet

-
272
-
univers strictement motivé, où cha0ue
chose a sa raison
d'être, chaque geste provoque des conséquences? Naturelle-
ment, là logique du conte lui est propre, elle n'a pas
grand-chose à voir avec la logique courante. D'autant plus
que sa logique est toujours conforme aux moeurs du pays. Le
conte s'adapte à l'esthétique et à l'éthique de ceux qui
l'accueillent. Cette plascicité est sa force,
la source de
son éternelle jeunesse.
Toute collectivité humaine, pour durer, doit ins-
truire les jeunes, c'est-à-dire, leur faire connaître,
~pprendre, leur donner des notions jugées utiles et utilisa-
bles, meubler leur esprit. En somme, transmettre sa civilisa-
tion, sa culture, un héritage de croyances, de coutumes et
de connaissances lentement acquises au cours des siècles
un trésor de rêves et de travaux, de souvenirs et de
découvertes. Toutes ces aspirations profondes des peuples,
nous les retrouvons dans les contes de l'Ouest africain. Le
conte est un récit qui donne libre cours à la défiguration du
vral. Les auditeurs ne sont pas dupes, puisque le narrateur
pour raconter son histoire, commence par dire "un mensonge à
moi" qui est l'équivalent significatif du "il était une fois"
français.
L'on sait que toutes les configurations du récit
sont enrichies, enjolivées. Un mensonge, certes, mais un
mensonge qui contient un enseignement dont il faut profiter
Une leçon de prudence~ de générosité, de patience,
de sagesse indispensable à la gouverne de l'homme et néces-
1
saire à la stabilité de la société. Les contes et légendes
contribuerit à instruire les enfants et les adultes en les
amu?ant. Ce qui compte, pour que le conte se distingue d'un
1

- 273 -
fait historique, c'est que le récit garde toute sa teneur
fabuleuse et merveilleuse. Les contes sont captivants; par
conséquent, certains interdits empêchent de conter de jour
sous peinè d'être frappé par une malédiction. Non!
cela
empêcherait de travailler, de faire ce que l'on doit à la
communauté par son travail.
La pauvreté, disent les Ouans de Côte d'Ivoire,
est la fille aînée de
la' paresse. Et c'est donc la nuit que
l'on' conte.
La nuit,
l'ambiance nocturne, les feux,
le clair
de lune, les c~is des animaax insomniaques dans les bois qui
jouxtent ie village, les chansons reprises en choeur,
les
battements des mains, le tam-tam, toute cette atmosphère du
1
.
conte presque toujours mimé, rend l'âme étrangement réceptive
et l'on peut dire avec Will Durant que "la civilisation débu-
te dans la hutte du paysan".
(1)
: Contes et légendes sont les miroirs de l~ civilisa-
tion autochtone
traditionnelle.
Ce sont les aspirations d'un
peuple te Ile s que le s siècle s le s ont mode Lée s. Pour un peup le
sans écriture,
ils sont d'une importance capitale: les pages
précédentes nous ont bien montré combien ils pouvaient être
1
un document philosophique; ethnologique et anthropologique,
crédible, . C'est par eux que les anciens transmettent, à des
r
degrés de compréhension divers, sous des formes faciles à
! .
retenlr,
les valeurs morales et spirituell~s.
Les séances de Œontage sont parfois émaillés de
1
i
dictons qui permettent à ahacun de s'enrichir intellectuel-
( 1)
DURANT (W)
-
Le.. hé.tLo.6 i cJ..vJ..i..J...6 ate..utL -
p.
50.
~ .

- 274 -
lement :
- "le mensonge donne des fleurs, mais pas de fruits."
- "Celui qui épouse une belle, épouse des tourments."
- "A la vue de l'épervier, on n'expose pas ses poussIns sur
le rocher."
- "Fais tes affaires toi-même, tu ne seras pas trahi."
De quoi parle-t-on dans le conte ?
De l'hospitalité, de la politesse, du loyalisme, de
la compassion, de la solidarité humaine, du sentIment de
l'homme, de la patience, du dévouement, de la reconnaIssance,
du sens de l'ordre et de la discipline, de la prévoyance,
etc ...
L'on flétrit et raille par contre
la violence, la
1
malhonnêteté, la cupidité, en un mot ,tous les vices. On
trouve aussi dans les contes, une leçon du devoir, du mépris
souverain des honneurs, de la popularité qui empêche le sage
de penser. Ainsi, un vieil homme décrépit, méprisé de tous,
était écouté de Dieu, sans que nul ne 'le sache.
Il accomplit
deux miracles par ses prières. Sa réputation s'étend, le
peuple se met à le vénérer.
Le vieil homme
s'adresse une dernière fois à. Dieu,
,,
mais pour lui demander la mort : "parce que sa vie est !deve-
nue chàse publique".
Les sociétés traditionnelles de l'Afrique de
1
.
l~Ouest sont en pleine mutation, tertes, mais pas ·au point
d'un bouleversement total. Comme le constate P.
ERNY,
,
".<.l 11e.. 6aut pa.o oubl'<'e..1L QUe.. l''<'mme..I1.oe.. malOIL.<.té
de...o e..I1Ôal1t.o ILe..lève..
e..11~OILe.. du m'<'l'<'e..u ~uILal
e.t: QUe.. plu.o de.. la' mo.<.t'<'é d' evu:».« e..ux. 11 'ie...ot
pa.o e..11~OILe.. d'<'ILe..~te..me..l1t tou~hée.. paIL l'édole...

- 275 -
L'éuotution qui ~'a~~omptit dan~ te~ aggtomé-
~ation~ n'e~t pa~ identique à ~ette que
~onnaZt~ont te~ ~ampagne~, ~a~ ~ette-~i
ga~dent toujou~~, ~ou~ quetque ~~titude que
t'on ~e t~ouve, un atta~hement ptu~ 6o~t aux
vateu~~ d'en~a~inement de ta t~adition, et
tè~ ~ondition~ ~o~iotogique~ ~ont évidemment
toin d' tj ê.t~e t.e.s mê.me~". (1)
Pour apprécier l'incidence que peut aVOIr actuel-
lement encore la pédagogie coutumière dans tel cas particu-
lier, il faut user d'un double critère:
l'un quantitatif,
tenant compte du nombre d'individus qu'elle touche partielle-
ment ou 'exclusivement; l'autre, qualitatif, prenant en
considération sous quelle forme plus ou moins pure ou
dégradée elle subsiste encore.
Malgré cette remarque optimiste, il n'empêche que
le fossé ne cesse de se creuser entre les générations ; ce
qui conduit aux antipodes de la tradition où tout ét ait mis
en oeuvre pour assurer au contraire l'harmonieuse continuité
de l'éducation.
Le niveau de connaissance supérieure des enfants
qUI accèdent à la lecture et leur importance économique
potentielle qui polarise les espoirs des parents. la parcel-
.
./
lisation, l'incohérence et l'individualisation de l'autorité}
le conflit entre les valeurs occidentales et celles de
l'Afrique coutumière, la conception nouvelle du respect de
la personnalité de l'enfant, en expriment les dimensions les
plus topiques.
"T~op ~ouvent, on 6ait en.t~e~ à t'é~ote une
A6~ique mou~ante, une A6~ique 6olQto~ique qui
qui n'e~t ptu~ tà. Ceta n'e~t, ~e~te~, pa~
dépou~vu d'inté~ê.t, ~a~ ~ien ne vaut ta ~ul­
tu~e du pa~~é pou~ 6o~ti6ie~ u~ ~entiment
(1)
ERNY
(pj
-
op.~it-- p . 280.

- 276 -
d'-<.de.nt-<.té."
(1)
Mais la formation coutumière ne se réduit pas à cela. Elle
est vie. En,un sens, elle n'est autre chose que la vie
~ociale courante, elle s'étiole et meurt dès qu'on veut la
faire entrer de force dans le cadre scolaire conventionnel
qui lui est parfaitement étranger. L'apport 1e p~us intéres-
sant de l'éducation coutumière, là encore, ne doit pas être
cherché du côté du contenu, mais des structures.
Pour comparer valablement littérature orale et
littérature éc~ite, il faut les placer sur le terrain commun
à toute littéra~ure, c'est-à-dire celui de la communication.
On s'est demandé ce que le conte en tant que litté-
rature orale a de caractéristique du point de vue de la
communication. Nous avons longuement évoqué la plasticité,
c'est-à-dire, le conte, avec toutes ses variantes, témoigne
d'une certaine vie.
Il s'agit plutôt d'un caractère positif,
d'un caractère de vie, mieux exprimé par la notion de plas-
ticité. Selon le public et les circonstances, le conteur
peut varier son récit pour répondre à l'attente du public.
Le pédagogue ne doit-il pas varier son enseignement,
s'adapter à ~'attente de ceux à qui il transmet un savoir?
i
On a aussi noté le caractère communautaire du conte.
Il existe toujours en fonction d'un public qui le
reçoit et y répond. C'est une littérature qui ~eut transmet-
tre quelque chose et qui suit des règles de transmission.
1
El~e a des dépositaires, des personnes précises
1
1
;
i
(1)
ERNY
(Pl
-
L' en.oe.-tgne.me.nt dan.o i.e..o pa!!.o pauvJLe..o
- p.
168.

- 277 -
dans la société qui sont chargées de la transmettre dans un
concert de mimes, de gestualités, de symbolismes, de drama-
tisations et de stylistiques.
"Si f' atte.ntion
âe f' anthltopofogue. ou 'de. f.'e.th-
nofingui~te. e.~t ~Ulttout mobifi~ée. palt fa
mutabifité du eonte., e'e.~t que. fa 6ltéque.nta-
tion de.~ euftulte.~ de. f'oltafité fe.ult ont
Itévéfé que. ee.tte. ealtaetélti~tique. du ge.nlte.
était POUIt e.ux fa pfu~ 6éeonde. : ealt c'e.~t
pltineipafe.me.nt dan~ fe. je.u diafe.etique. de.~
Ite.~~e.mbfanee.~ e.t de.~ di~~e.mbfanee.~ qu'if~
pe.uve.nt tltouve.1t un te.ltltain d'e.xpfoltation
eommun à fe.ult doubfe. pltOpO~ qui e.~t de. plte.n-
dite.
fe. eonte. tout à fa 6oi~ eomme. obje.t
d'étude. e.t moye.n de.
eonnai~~anee..
Obje.t d'étude. e.n ~oi dan~ùne. pe.lt~pe.etive.
méthodofogique., fe. eonte. o66lte.,
de. palt ~a
".' valtiabi.tité et: ~a Itiehe.~~e.,: un e.xe.mpfe. pltivi-
fégié POUIt f'e.xame.n de.~ mode.~d'alttieufation.
de. fa "~yntaxe." e.t de. "fe.xique." dan~ fa
6oltmation du ~e.n~, moye.n de. eonnai~~anee.;
if
e.~t, à pfu~ d'un titlte., pOltte.UIt d'inéoltmation
!.>Ult fa s o c.cë.t:«, -dont if émane. : dan!.> .s on
eonte.nu; dan!.> fa ~ani~lt~dont ee.fui-ei e.!.>t
mi!.> e.n 6oltme., dan» fe.!.> modafi{f~ de. !.>on
adaptation eonte.xtue.ffe., dan!.> !.>a 6onetion
même. de. tltadition euftulte.ffe. e.t !.>e.!.> mode.!.> de.
tltan!.>mi!.>!.>ion."
(1)
Assurer la cORtinuité et favoriser le renouvelle-
ment de chaque société, dans le re~pect de son génie propre,
telle semble bien être la mission essentielle de l'éducation,
dans sa double fonction de reproduction sociale et d'inova-
tion : l'école est par excellence le lie~ ou peut se
1
transmettre et se perpétuer l'héritage culturel de chaque
peuple, en même temps qu'elle en prépare le renouvellement,
par la formation dep attitudes et des aptitudes nécessaires
pour ~articiper au changement et poui le'maîtriser. 'P6ut y -
1
parvenir, il Y a lieu également de rechercher un ajustement
( 1)
V. GOROG-KARAVY et: C. SEYVOU - "Conte., mon Be.au conte, de. toU!.> tu
~e.M dis-nou» que.f ut fe. VltaJ.." in Ldtélta:tL0e. n° :45 - p. 45.
i

- 278 -
à la fois plus étroit et plus souple des contenus et des
méthodes:d'enseignement aux caractéristiques de l'environne-
ment naturel, culturel et humain, dans lequel il s'inscrit.
L'utilisation des ressources immenses du conte,
dans la pédagogie et 1 e théâtre, ne doi t pas être une
occasion pour prêcher un "fixisme" éducationnel, au contrai-
re, il faut ouvrir les esprits à l'environnement interna-
tional, en développant une meill~ure connaissance des
problèmes mondiaux et une meilleure compréhension des
différentes valeurs de civilisation, tout en favorisant
l'enracinement dans le tissu de vie locale, pour permettre
aux individus et aux collectivités de maîtriser leur envi-
ronnement propre et d'en mobiliser les ressources.
Le théâtre africain, considéré de plus pvès,
plonge l'observateur dans un embarras touchant au désarroi
la difficulté de cerner les contours exacts du:théâtre en
Afrique proviennent du fait que certains éléments sulturels
1
,
(le symbolisme, la gestuelle, le rythme, etc ... ) fùrent peu
utilisés.
Il aurait fallu être attentif à tous ces actes et
gestes qUl sont dramatisés dans les pratiques du contage pour
sortir des sentiers battus du "déjà vu". Cependant, l'on peut
se demander si en pédagogie, les responsables de l,'éducation
en Afrique de l'Ouest ont fait preuve d'innovations pédagogi-
\\
1
1
qu~s. ,Les résistances aux mutations se sont effectuées par,.
"que.tque.6 JtaJte.6 e.6.6a,t.6 pédagog-tque.6
(qu-t)
o ni:
teYlté d'-tYltégJteJt .te p.tU.6 p.te-tYlèmeYlt pO.6.6-tb.te
.te.6 appoJtt.6 eoutum-teJt.6 daYl.6 Uyl eYl.6e-tgYlemeYlt
de type modeJtYle a6-tYl de Yle pa.6 déJtae-tYleJt
.t'eYl6aYlt et de .6-ttueJt .t'édueatioYl .6eo.ta-tJte

279-
da~~ le p~olo~geme~t de ~elle do~~ée pa~ la
6amille.
Il~ ~'eu~e~t gu~~e de ~ulte." (1)
Est-ce la seule issue possible, le seul chemin offert à
l'avènement d'une nouvelle Afrique?
Mais "avant que la mutation ne soit radicale, les
enfants des sociétés traditionnelles
de l'ouest africain,
continueront à écouter ces genres de contes humoristiques :
"Ii Y avait u~e 601~ ~l~q aveugle~ qui voulale~t ~avol~ à
quoi ~e~~emble u~ élépha~t.
.
Le p~op~létal~e de t'étépha~t teu~ pe~mlt de tou~he~
; l'a~lmal pou~ ~'e~ 6al~e u~e idée.
"L 1 élépha~t ~e.6.6embte à u~ .6 e~pe~t" dé~la~a l' av"eugléqul
tâtait la t~ompe.
"
"Plutôt u~ ~ha.6.6e-mou~he~" dit ~elul qui tâtait l'o~eliie.
"Jamal.6 de la vie" li ~e.6.6emble à. u~ "pllle~" p~ote.6ta ~elul
qui palpal~ u~e jambe.
Ta~dl.6 que ~elui qui tenait la queue de l'a~imal a66i~ma :
"Mai.6 pa.6 du tout,
! il ~e.6.6embLe à. u~e c.o iuie ."
Alo~.6, ~elul qui tâtait u~e de.6 dé6en.6e.6, de l'lmpo.6a~t
animai, .6e mit à ~i~e :
"Ete.6-Vou.6 s ot:s ! L'éléphant ~e.6.6emble à un 0.6 1"
r
) ERNY (Pl - ibid pp.
280-287.

· '
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HOLAS (B)
Les Sénoufo Paris PUF 1966 - 312 P.
63 - HUBERT (R)
Traité de pédagogie générale Paris'
PUF 1959 - 687 P.
64 - HURAULT (J)
Les nOlrs réfugiés de la Guyane
française - Revue IFAN n° 63 - Dakar
1961 .
65 - ILLICH (I)
Une société sans école Paris Seuil
1975 - 315 P.
1
- De la convivialité Seuil Paris 1975
260 P.
66 - ,JEAN (G)
Le pouvoir des contes - Tournai-
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Castermann 1981 - 350 P.
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67 -!KEITA (F)
Aube africaine'- Paris Seghers 1965 -
l
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305 P.

- 288 -
68
KOUAKOU (M)
Comment araignée punit sa femme in
L'éducation africaine n° 29 - 1955
PP.
124-125.
69 - LABOURET(H)
Voyage en Afrique de l'Ouest - Nathan
Paris 1931 - 214P.
Le théâtre africain traditionnel (avec
la collaboration de TRAVELE) Paris
Nathan 1928 - 410 P.
70 - LAGACHE (D)
La psychanalyse coll "Que sais-je ?rr
PUF 123 P.
71 - LAGAE (Pè r e R.C.)
: La langue de Azandé - Gande 1931
:'....
245 P.
72 - LANG lA)
La mythologie - Paris Alcan 1903 -
502 P.
73 - LECHERBONNIER 5 (B)
: Initiation à la littérature
négro-africaine - Nàthan Paris 1962 -
170 P.
74 - LEVI-STRAUSS (CI)
: Anthropologie structurale Paris
Plon 1958 - 427 P.
75 - MAQUET (J)
Africanité traditionnelle Paris Présen-
Africaine 1967 - 303 P.
76 - MATIP (B)
A la belle étoile - Paris Présence
1
1
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Africaine 1962 - 279 P.
1
77 - MONOT (Ch)
Un enfant gazelle au Sahara Occidental
in notes africaines n° 98 - avril 1963
pp.
58-61.
78 - MONTEl'L (Ch)
Contes soudanais - Paris Maisonneuve
1905 - 230 P.
Les Kassonké Paris Geutner 1915 - 212 P.

- 289 -
79 - MORET CA)
Du caractère religieux de la royauté
pharaonique - Paris Payot 1902 - 304 P.
80 - MULLER CM)
Essai sur la mythologie comparée -
Paris Didier 1873 - 506,P.
81 - NIANE DJIBRIL CT)
: Soundjata ou l'épopée Madingue -
Paris Présence Africaine 1960 - 230 P.
82 - NYANG-SULAYMAN CS)
: Cosmologie africaine in courrier
de l'UNESCO fév.
1982 - PP. 27-35.
83 - PALMADE CG)
Les méthodes en pédagogie - PUF "Que
sais-je ?" n° 572 - 125P.
84 - PAULME CD)
Cendrillon africain in Critique n° 394
1980. Sur trois textes africains CBété,
Dogon, Kikuyu) in cahier d'études afr~­
caines n° 30 - Mouton et Co vol VIII
1968 2ème cahier pp.
190-200.
La mère dévorante morphologie du conte
africain - Paris Gallimard 1973 - 520 P.
85 - PIAGET et INHELDER : La psychologie de l'enfant - colt
"Que sais-je ?" 126 P.
86 - RADIN CP)
La littérature des primitifs
Diogène
n° 12 1955.
87 - RIVEL CM. de)
Kiroa
Paris, Présence Africaine 1960
316 P.
88 - ROBERT CM)
Contes et romans sur le papler - Paris
~ 1
Grasset 1967 - 230 P.
/
1
89 - ROEHRIC CC)
Comment Niamien récompensa la .maligne
araignée in BEAOF Dakar - Janv-Juin
1938 - PP.
42-43.
90 - ROHEIM CG)
Les portes du rêve - Paris Payot 1952
230 P.

- 290
91 - SAN8 (M)
Une ruse de lièvre in Bulletin de
l'enseign~ment en AOF Juil-Déc 1974 -
PP.
73-76.
92 - SEID
Au Tchad sous les étoiles - Présence
Africaine 253 P.
Paris.
93 - SENGHOR (L.S)
La belle histoire de Leuk le liè~re
Hachette Paris 1953 - 410 P.
, - .
. ,.
94"- SIMONSEN (M)
Le conte Dopulaire fianCais coll
"Que sais-je ?" PUF 1906 - 120 P.
95 - SOGE (0)
Contes et légendes d'Afrique Noire
Paris nouvelles éditions latines
1962 - 3 236 P.
96 - SORIANO (M)
Les contes de Perrault culture
savante et cuiture p~pulaire Galli-
mard Paris 1977 - 435 P.
Guide de la littérature pour la jeu-
neusse Flammarion 1975 - 690 P.
97 - TALBOT (P.A)
Au coeur de la brousse
Paris
Hachette 1942 '- 220 P.
98 -
TAUXIER (L)
Nègres GOURO et GAGOU Paris Corréa
274 P.
99 - TRAUTMANN (R)
La littérature populaire à la côte
1
des esclaves - Paris Leroux 19~7 -
1
210 P.
100 - TCHICAYA (U)
Légendes africaines - Paris Seghers
)
1967 - 320 P.
101 - TEMPELS (P.P)
La philosophie bantoue - Paris 1
Présence Africaine 1966 - 340 ~.
ir

- 291 -
102
THOMAS (1. V)
in négritude : tradition et dévelop-
pement - Paris PUF 1976 ~ 235 P.
- analyse dynamique de la famille
sénégalaise - BIFAN XXX B3 1968 -
PP.
1005 - 1009.
- nouvel exemple d'oralité BIFAN XXX
II janv 1970 - n° 1
- la terre africaine et ses religions
(avec la collaboration LUNEAU René)
Paris Larousse 1~74 ~ 514 P.
103 - THOMAS (J)
Contes, proverbes, devinettes Ngaka
Ma'Bo Paris Présence Africaine 1963 -
194 P.
104 - TOUREH (Y.S.)
L'exploration des activités ludiques
à des fins éducatives in Etudes et
!
documents UNESCO N° 34 - PP.
66-69.
105 - VAUSSAIS (P)
Contes africains - Paris, le livre
africain 1968 - 306 P.
106 - FRANZ (V)
L'interprétation des contes de fées -
1
Paris la fontaine de pie~re - 1978 -
302 P.
- La femme dans les contes de fées -
250 Paris la fontaine de pierre 1979.
107 - ZAHAN (D)
Sociétés d'initiation Bambara le
1
Nkomo, le Ntomo, le Koré - Mou~on
Paris 519 P.
108 - ZEMP (H)
La légende des griots malinké
ln cahier/d'études africaines Paris
La Haye Mouton et Cie n° 24 - vol·6 -
1966.
/
, .

- 292 -
Revues-numéros spéciaux
- Critiq4es - n° 394 - 1980
Degrés le conte populaire
n° 23 - 1980.
- Les Etudes françaises conte oral conte
vol 12
n° 1-2 1976.
- Le français aujourd'hui - les contes n° 43 - 1978.
Magazine littéraire : - Contes et mémoire du peuple -
n° 150 - 1979.
Littérature oTalede l'Afrique Noire
Bibliographie analytique, Paris Maisonneuve et Larose
1981 .

- 29.3 -
TABLE
DES
MATIERES
Pages
1I"HRODUCT 1ON
CHAPITRE
1
OU'EST-CE OU'UN CONTE?
7
1 - CATALOGUE INTERNATIONAL DES CONTES
10
1 - Contes proprement dits
2 - Contes réalistes ou nouvelles
3 - Contes religieux
11
4 - Contes d'animaux
S
Contes facétieux
,
i
II - SPECIFICITE DES CONTES DE L'OUEST AFRICAIN
14
A - Typologie des contes de l'Ouest Africain
21
1 - Le conte moral
2 - Le conte philosophique
3
Le conte ésotérique
4 - Le conte étiologique...............
22
S - Le conte ludique, satyrique ou comique
CHAPITRE
II
PLACE DU CONTE DANS LES SOCIETES
TRADITIONNELLES DE L'OUEST AFRICAIN,
23
l - CARACTERE DE L'EDUCATION TRADITIONNELLE
GLOBALE
26
i
II - LES NIVEAUX D'EDUCATION DANS LES SOCIETES
TRADITIONNELLE DE L'ORALITE
.
28
III - LES CONCEPTS D'EDUCATION NON-FO~1ELLE
ET D' EDUCATION FORMELLE
.
3S
IV - LES RESSOURCES DE L'EDUCATION COUTUMIERE
39
'".
-''''-."j''''

- 294 -
CHAPITRE
III,
SIGNIFICATION DES CONTES
DE L'OUEST AFRICAIN
.
44
NIVEAU 1 - LE VECU CONCRET·························
44
l - PEDAGOGIE DE LA PEUR ET EDUCATION
50
II - LE CONTE COMME TEMOIGNAGE DU VECU CONCRET,
DE LA MORAL ITE ET DE LA PHILOSOBHI E
55
III - LE CONTE COMME TEMOIGNAGE DE LÀ VIE
QUOTID,IENNE EN MILIEU TRADITIONNEL
5 8 '
IV - LE CONTE COMME EXPRESSION D'UNE MORALE
SOCIALE ET INDIVIDUELLE ~
~
:
84
1 - Le contenu sociologique des contes.
94
2 - Les fonctions ludiques des contes
109
3 - L'univers des contes
129
1
. CHAP ITRE
1V
SIGNIFICATION DES CONTES DE L'OUEST
AF RICA Hl
132
NIVEAU
II
- AU-DELA DES APPARENCES
l - LE CONTE COMME EXPRESSION D'UNE PHILOSOPHIE
II - SIGNIFICATION ESOTERIQUE DES CONTES
ET LEGENDES
144
(
J
III - LE CONTE ETIOLOGIQUE . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . .
145
1
CHAPITRE V
LA LEGENDE DU CONQU~RANT
ET DU SACRIFICE ROYAL DANS L'OUEST
AFRICAIN.··.··.·.··· ..... ·.........
154

- 295 -
l - LA LEGENDE KHASSONKE : "L'AMI DU LION"
II - LA LEGENDE DU SACRIFICE ROYAL
"La légende
BAOULE" ...
166
CHAPITRE VI
L'ART DU CONTAGE ET SES RETENTIS-
SEMENTS PSyCHOPEDAGOGIQUES
.
173
l - A QUI TRANSMET-ON LE SAVOIR?
173
II - QUELS SONT LES MOMENTS APPROPRIES POUR LE
CONTAGE
.178:
c.'
1
III - QUI TRANSMET LE SAVOIR?
187,
1 - Style oral et pédagogie " ',' . . . . . . .. . . .
190
2 - Les pièges du contage
'.
201
IV - QUELLE METHODE EN PEDAGOGIE .
ANALYSE DES ELEMENTS CONSTITUTIFS ET ESSAIS
DE THEORISATION
, .J.Q1..
203
1 - Les méthodes attrayantes ei le souci
de l'intérêt
204
z - Contes et psychopédagogie de l'intérêt.
212
V - POUR OU CONTRE LE MERVEILLEUX DANS L'EDU-
CATION?
.
- Bruno BETTELHEIM ou la défense
des contes
.
2 - L~s contes merveilleux et le dévelnppe-
ment psychologique de l'enfant ... ,
.
3 - Les constantes du conte merveilleux
.
4 - Mariage et montée sur le trône
.
CHAPITRE NI 1
LES CONTES ET LEGENDES FACE AUX
-
NOUVELLES PERSPECTIVES EDUCATION-
i
NELLES
.
- ,o.
;0;.

-296 -
r - LA FAMILLE EN MUTATION . . . . . . . . . . . . . . . .. . . .
,..~
Mutation morphologique . . . . . . . . . . . . . . .
2 - Mutation fonctionnelle












i. •

II - UNE NOUVELLE INSTITUTION EDUCATIVE
L'ECOLE
.
III - LA RESISTANCE AUX MUTATIONS
.
IV - DE L'EXPLOITATION DES CONTES A ,L'ECOLE
PRIMAIRE: LECTURE, MORALE, LANGAGE
.
1 - Le conte et la lecture
.
2 - Le conte et l'enseignement de l~
m.9,rale
!
.
3 - Conte et leçon ~tangage
'
.
A/~\\C.41''!E~"",.
h~·'(,.~;'·~
CHAPITRE VIII - LA TRADft~<~AA[ijUESÈ~dURS
/,ri 1 r,
1 .
\\
lil"\\~j'"
DE U\\ MODIîRN 1TE ! .•.g.
.
_ _
_
----''(,~.'J,~\\~
/
. c:
\\ '
~•.~0
". /<
s'§<
DIALOGUE DE LA PEDAGOGIE E~~T~~~TRE NEGRO-
AFRICAIN A TRAVERS L'ART DU
i
CONTAGE················
1 - UNE CIVILISATION DU VERBE?
.
1 - Le silence et le geste
.
2 - Le rythme
.
,
.
3 - L' image e t le s ymb0 le . '
i'
.
4 - L'émotion
.
1
5 - Le style
.
II - THEATRE NEGRO-AFRICAIN ET IDENTITE
i
. . CUL TURELLE ;
.
1
III - CRI SE OU MANQUE DE CREAT IVI TE ? .;
.
CONCLUS ION
.
BIBLIOGRAPHIE
:..........•.....'
1• • • • •