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Professeur L\\'lqntpell ier l
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Notre
profonde
reconnaissance
pour
celui
dont la contribution a été plus qu'essentielle dans
l'élaboration de ce travail:
Monsieur
le
Professeur
CABRILLAC
Michel.
Disponibilité
et
attention
soutenue
résument
merveilleusement
tout
l'intérêt
qu'il
nous
a
manifesté,
intérêt qui
dépasse
largement
celui
de
son devoir d'enseignant.
Nos
remerciements
vont
également
aux
professeurs
-BOUSQUET Jean Claude
-SEUBE Alain
qui malgré leurs nombreuses occupations ont daigné
accepter,
très
spontanément du
reste,
d'apprécier
également notre travail.

_ 1
A la mémoire de mon très cher Père arraché
beaucoup trop tôt à l'affection des siens.
"Il est des gens qui, bien que physiquement
absents,
continuent
et
continueront
a
vivre
éternellement dans le coeur de leurs semblables. Il
Dicton
Bambara

"La
facul té
n'entend
donner
aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans
cette thèse
ces opinions doivent être considérées
comme propres à leur auteur."

, i
UNIVERSITE DE MONTPELLIER l
DOCTORAT (1) 3è Cycle
Faculté de droit et des sciences
économiques
DROIT DES AFFAIRES
U.E.R. DE DROIT
AUTEUR
NOM: N'GORAN
DATE DE SOUTENANCE
Prénom: Gérard
Le 9 -
10 -
1984
TITRE, SOUS-TITRE· L'ACTION DIRECTE DU SOUS-TRAITANT
CONTRE LE MAITRE DE LI OUVRAGE.
RESUME: La loi du 31 décembre 1975 est intervenue entre
autre pour assurer la protection du sous traitant
dans les marchés privés.
En conférant une action directe au sous traitant
contre le maître de l'ouvrage,
le législateur de
1975 a pensé épargner le sous-traitant des aléas
économiques susceptibles de grèver la situation de
l'entrepreneur principal.
L'essentiel de cette protection réside dans la
garantie de paiement qu'offre cette action au sous-
traitant pour les travaux qu'il a exécutés.
L'objet de cette étude est de cerner les contours
de cette actioniau moyen des décisions de tribunaux
intervenues, pour mesurer l'efficacité de celle-ci
dans le rôle qui lui est dévolu.
MOTS-CLES : ACTION DIRECTE - SOUS-TRAITANT - MAITRE DE
L'OÜVRAGE - DEFAILLANCE DE L'ENTREPRENEUR
PRINCIPAL.

TABLE
DES
MATIERES
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
LES CONDITIONS D'OCTROI ET LA MISE EN OEUVRE DE L'ACTION
DIRECTE DU SOUS-TRAITANT CONTRE LE MAITRE D'OUVRAGE.
CHAPITRE l
Les conditions d'octroi de l'action directe du
sous-traitant contre le maître d'ouvrage.
-
Section l
Les conditions tenant à la qualité du
maître de l'ouvrage visé par l'action
directe.
Paragraphe l
Les difficultés-de la
détermination du maître de
l'ouvrage.
Paragraphe II: La solution doctrinaire des
difficultés de détermination
de la qualité du maître de
l'ouvrage.

Paragraphe III: Les tendances
jurisprudentielles
de solutions des
difficultés de
détermination de la qualité
du maître de l'ouvrage.
A - Le refus de l'action directe
au cas de marché affecté par
d'un vice non relatif à son
montant.
B - L'admission de l'action
directe au cas de marché
affecté par un vice relatif
à son montant.
Section II -
Les conditions relatives au sous-traitant
revendiquant le bénéfice de l'action
directe
Paragraphe l
De l'acceptation du sous-
traitant et de l'agrément de
ses conditions de paiement
comme préalables à l'octroi
de l'action directe

A -
Les théories en présence
face au problème.
B -
La solution du problème par
l'analyse des textes.
c -
Les tentatives de
solutions jurisprudentiel-
les du problème.
Paragraphe II
De l'octroi de l'action
directe au sous-traitant.
du sous-traitant.
A -
Les termes du problème de
l'octroi de l'action
directe au sous- traitant
du sous-traitant.
B -
La solution des tribunaux
au problème de l'octroi de
l'action directe au sous
traitant du sous-traitant.

CHAPITRE II
La mise en oeuvre de l'action directe du sous-
traitant contre le maître de l'ouvrage.
Section l
- La procédure amiable de la mise en oeuvre
de l'action directe du sous-traitant
Paragraphe l
- ta mise en demeure préalable
de l'entrepreneur principal
Paragraphe II- L'opposition formée entre
les mains du maître de
l'ouvrage
Section II- La mise en oeuvre judiciaire de l'action
directe du sous-traitant
Paragraphe l
-la mise en cause de
l'entrepreneur
principal in bonis et la
détermination des droits
du sous-traitant.

Paragraphe 11- La mise en cause de
l'entrepreneur principal
objet de procédures collec-
tives et la détermination
des droits du sous-traitant
A - Le problème de la mise en
cause du débiteur en matière
d'assurances
B - La mise en cause du débiteur
en matière de sous-traitance
Section III
Les interférences de la mise en oeuvre
de l'action directe et de la mise en
oeuvre des garanties annexes du sous-
traitant.

:
, l
, 1
DEUXIEME PARTIE
i i
,
1
LA
GARANTIE
DE
PAIEMENT
PROCUREE
AU
SOUS-TRAITANT
PAR
L'ACTION DIRECTE CONTRE LE MAITRE DE L'OUVRAGE.
CHAPITRE l
La détermination de l'assiette de l'action
directe du sous-traitant.
Section l
-
Les créances susceptibles de faire
l'objet de l'action directe.
Paragraphe 1- Des créances correspondant à des
prestations prévues au contrat de
sous-traitance.
Paragraphe II -Les créances correspondant
à des travaux bénéficiant au
maître de l'ouvrage.
Section II -
L'assiette de la créance du sous-
traitant eu égard aux sommes dues par
le maître de l'ouvrage.

Paragraphe l
- L'objet de l'opposition des tri-
bunaux à propos de l'interprèta-
tion de l'article 13 al 2.
Paragraphe II -Les intérêts soutendant
l'opposition des tribunaux à
propos de l'interprétation de
l'article 13 al 1.
Paragraphe III -L'interprétation de l'article 13
al 2 de la Cour de Cassation
CHAPITRE II
Les dangers menaçant l'assiette de l'action
directe du sous-traitant
Section l
- Les créances bancaires contre
l'entrepreneur principal.
Paragraphe l
- L'action directe face aux
créances acquises contre
l'entrepreneur principal
par un mode civil.
A -
Le conflit entre créancier nanti
ou cessionnaire de créance et le
titulaire de l'action directe
1 -
Le concours sous les dispositions

initiales de la loi du 31
décembre 1975.
2 -
Le concours après l'intervention
de la loi du 2 janvier 1981
B -
Le conflit entre le créancier subrogé
dans les droits de l'entrepreneur
principal et le titulaire de l'action
directe.
Paragraphe II -L'action directe face aux
créances bancaires acquises
contre l'entrepreneur principal
par un mode commercial
A -
Le conflit entre le porteur d'une
lettre de change non acceptée et le
titulaire de l'action directe
B -
Le conflit entre le porteur d'une
lettre de change acceptée et le
titulaire de l'action directe
Section II - Les exceptions bénéfiçiant au maître
de l'ouvrage contre l'entrepreneur
o
principal.

Section III -
Le concours de plusieurs actions
directes contre le maître de
l'ouvrage.
CHAPITRE III
L'incidence des garanties annexes sur l'action
directe du sous-traitant
Section l
-
Le fondement des garanties annexes et
la protection assurée par l'action
directe.
Section II -
Le fondement des garanties annexes
Paragraphe l
Présentation des garanties
annexes
A -Les caractéristiquès de la caution
B -Les caractéristiques de la délégation
Paragraphe II
La justification de l'existence
des ganaties annexes
Section II -
L'impact de l'absence des garanties
annexes sur l'existence de l'action
directe
CONCLUSION GENERALE.

14
INTR.ODUCTION
L'exécution d'un contrat,
fût-elle délicate ou difficile,
reste
toujours
le
fait
de
celui
qui
en
a
pris
l'engagement
lors
de
la
conclusion
dudi t
contrat.
Celle-ci
suppose
donc
théoriquement
les
compétences
techniques
ou
aptitudes
physiques du seul exécutant.
C'est le principe de l'exécution
personnelle des contrats (1).
Dans
les
contrats dits
"Intui tus
personae",
ce
principe
est
rigoureusement
observé,
car
cette
variété
de
convention
est conclue
en
vertu
de
la
connaissance
personnelle
que
les
parties
ont
l'une
de
l'autre.
Il
en
résulte
que
personne
d'autre
que
les
contractants
eux-memes
ne
peut
exécuter
les
engagements
qu'ils
ont
pris
mutuellement
le
contrat
d'entreprise
est
une
illustration
parfaite
de
ce
type
contractuel,
car
celui-ci
met
en
présence
des
individus
qui
contractent en fonction de leurs qualités personnelles (2).
(1)
-
ce
principe
est
mis
en
évidence
dans
de
nombreux
travaux
de
recherche notamment
ceux de
A.
Weill,
la
relativité des
conventions
en
Droit Privé Français, Thèse Strasbourg 1938;
S. Calastreng,
la relativité
des conventions,
Thèse Toulouse 1939.et l'art.
1134 du Code Civil,
effets
relatifs des contrats.
(2)
- C. Gavalda, Intuitus Personae du contrat d'entreprise, interdiction
de sous-traiter Rep. Civ. n062.
-
A.
WEIL,
François
TERRE,
droit
civil,
les
obligations.
Précis
DALLOZ N°833 P. 923. A propos de l'application de l'art. 1142 du C. Civ. à
une obligation marquée par l'intuitus personae;
application de la maxime
"nemo praecise cogi potest ad factum".

15
Très
cher
aux
juristes
de
l'époque
mais
très
gênant
également dans
sa
stricte
observation,
(1)
ce
principe
tend
,
aujourd'hui
a
s'effacer
des
conventions
qui
en
sont
profondément marquées,
car l'évolution du droit
en a
fait de
nos
jours
un
poids
réellement
écrasant.
En
effet,
la
complexication
vertigineuse
des
clauses
contractuelles
,
associée
a
la
spécialisation
sans
cesse
croissante
des
activités
humaines
ne
peuvent
plus
s'accommoder
de
l'application de ce principe,
tant i l est vrai que de nombreux
contrats aujourd' hui "'dits "intuitus personae"
font
appel dans
leur exécution,
à la collaboration de plusieurs individus, qui
pour certains, n'ont guère été à la convention initiale (2).
Le schéma de cette constatation est simple
un individu
conclut avec
un
autre
un contrat
portant
sur
la
réalisation
d'un ouvrage par exemple.
Comme dans
sa phase exécutoire,
la
réalisation
de
l'ouvrage
dépasse
certainement
les
aptitudes
techniques
ou
physiques
de
la
personne
a
qui
elle
incombe,
celle-ci en appellera à la contribution d'une tierce personne
pour
suppléer
ses
propres
insuffisances
afin
de
satisfaire
entièrement
à
l'engagement personnel
qu'il
a
pris
d'exécuter
le contrat (3).
(1)
- Ripert ; Sur l'utilisation de cette faculté par un mandataire cf: M
PLANIOL et G.
RIPERT,
Traité de Droit Civil
français,
2ème ed TXI,
par
PROUAST et R. SAVATIER, J. Le pargneur et A. BESSON P.90S N°1469
(2)
- V,
SAVATIER,
le prétendu effet relatif des contrats,
Rev.
Trim.,
dr. civ. 1974 P.34 et S.
(3)
V,
B.
TEYSSIE,
les chaines de contrats
par diffraction,
in les
groupes de contrats, Thèse Montpellier 1975.N°122 P.70

16
La réalisation des ouvrages de nos jours s'inspire presque
toujours
de
ce
schéma.
Ainsi
la
construction des
ports,
des
routes
et
des
bâtiments
en
général,
implique
d'abord
un
contrat
initial
passé entre
le maître
de
l'ouvrage,
personne
publique ou privée pour le compte de laquelle
les travaux ou
l'ouvrage
immobilier
sont
réalisés,
et
l'entrepreneur
principal
qui
s'engage
à
exécuter des
travaux
aux
profit du
premier.
Le
titulaire du
marché,
en
fonction
de
ses
propres
compétences, confiera ensuite tout ou partie de la réalisation
,
de
l'ouvrage
a
un
tiers
qui
exécutera
partiellement
ou
intégralement,
selon
les
circonstances,
le
contrat
d'entreprise
que
l'entrepreneur
principal
a
personnellement
conclut avec le maître de l'ouvrage (1).
Le contrat conclu entre le titulaire du marché et le tiers
pouvant
se
définir
comme
l'opération
par
laquelle
l'entrepreneur principal recours à un tiers,
pour réaliser sur
ses ordres et spécifiquement tout ou partie de l'ouvrage est
(1)
- C.
Gavalda Rep.
Civ.
ceci est la définition du contrat de sous-
traitance telle qu'elle résulte de l'art.
1 loi du 31 déc.1975 relative à
la sous-traitance.
Toutefois i l est à préciser que cette définition est
particulièrement instable. En outre la définition retenue dans un secteur
d'activité n'est pas forcément la même que celle qui est de mise dans un
autre secteur.
Une
jurisprudence nombreuse essaie
encore
aujourd' hui
de
stabiliser la situation. On peut consulter à cet effet: T.G.I. Evry 13 mai
1982 o. 1982, I.R. 524; Civ. 21 avr. 1982, bull. Civ. III, nO 102; Civ. 17
fév.
1982 ibid, n050; Civ. 18 janv. 1983 I.R. 280, bull. Civ. III, nO 15 :
Civ. 5 fév. 1985 bull. Civ. III, n023, o. 1986.499 note Huet; Versailles 19
mai 1988, o. 1988 I.R. 231.

17
un
contrat
de
sous-traitance.
Le
sous-traitant
est
donc
le
titulaire
du
marché
de
sous-traitance.Celle-ci
est
devenue
aujourd'hui un mode d'exécution normal des contrats en général
et
singulièrement
de
ceux
qui
comportent
un
"intuitus
personae" très fort (1).
Mais
si
la
nécessité
de
cette
tierce
intervention
est
ind"éniable
dans
l'exécution
des
contrats,
notamment
ceux
de
travaux,
il
n'en
demeure
pas
moins
qu'elle
est
trop
malheureusement
souvent
source
de
nombreux
risques
pour
son
auteur.
Il arrive en effet que le sous traitant ne puisse jamais
bénéficier
des
conditions
très
avantageuses
que
consent
le
maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal au niveau de la
conclusion
du
contrat
principal
(2). En
effet
l' opaci té
du
,
marché
aidant,
cet
entrepreneur
n'aura
aucune
peine
a
dissimuler au sous
traitant
tous
les
avantages,
qu'il
aurait
obtenus
du
maî tre
de
l'ouvrage,
pour
les
exploi ter dans
son
seul intérêt .
Mais
très
souvent
aussi,
au
cours
de
l'exécution
du
contrat principal le titulaire du marché principal connaît des
difficultés,
qui
pour
certaines,
peuvent
gravement
et
irrémédiablement compromettre sa situation financière. Dans
(1)- En ce sens C. Gavalda Rép. Civ. préc.N°62
(2)
- V, Valdo Roulet, vers la sous traitance transparente. G.P. 1974. I.
P.62
- G. Flècheux, la protection du sous traitant J.C. P.1973 I. 2514.Ces
auteurs ont, avant l'intervention de la loi du 31 décembre 1975 relative à
la
sous-traitance,
préconisé
avec
force
urie
nette
transparence
dans
la
relation
triangulaire
instituée par
le
maître
d'ouvrage,
l'entrepreneur
principal et le sous-traitant.

18
une
telle
hypothèse,
le
sous-traitant
qui
attend
de
toute
évidence
une
rémunération
en
contrepartie
de
la
prestation
qu'il
a
fournie
risque
de
se
trouver,
lui
aussi,
dans
une
si tuation
très
délicate,
s'il
ne
peut
recevoir
paiement
de
l'entrepreneur principal;
et cela
A
meme si
le sous
traitant a
effectué,
pour
sa
part,
la
prestation
demandée
en
vertu
du
contrat de sous traitance.
(1)
Le résultat de ces deux situations est simple en pratique:
le sous traitant n'aurait pas pu profiter des avantages reçus
par l'entrepreneur principal perfide,
mais subira,
lui aussi,
les aléas économiques qui grèvent la situation de celui-ci. En
fait,
il n'aura aucun paiement pour les travaux exécutés dont
le profit va au maître de l'ouvrage. Dans un tel registre l'on
s'est
demandé
si
ce
sous
traitant
ne
peut,
tout
au
moins,
demander
directement
paiement
de
ces
travaux
au
maître
de
l'ouvrage,
à
défaut
de
recevoir
cette
rémunération
de
son
propre
co-contractant défaillant.
Autrement
dit,
existe
t-il
pour
lui
une
action
pouvant
lui
permettre
de
saisir
directement
le
maître
de
l'ouvrage
en
paiement
des
travaux
qu 1 il a exécutés? Si oui,
comment se présenterait-donc celle-
ci ?
Une
telle
action est d'autant
plus
intéressante qu i elle
n'existe guère dans le système du droit antérieur.
(1)
- En ce sens, C. GAVALDA, Rep. Civ. prée N°124

19
En effet,
le sous traitant n'ayant aucun lien de droit avec le
maî tre d'ouvrage,
aucune
règle
particulière de
droit
n' avai t
vocation à lui conférer la possibilité de se faire directement
payer par ce dernier les sommes qui lui sont dues.
(1)
Il
était
possible
cependant
d'envisager
indirectement,
mais
sans
grand
espoir,
le
paiement
du
sous
traitant
en
recourant aux règles du droit commun.
A cet
effet,
on
estimait
d'abord
que
le
sous
traitant
avait un droit de rétention sur la chose ayant fait l'objet de
ses prestations c'est-à-dire,
sur la partie ou l'ouvrage qu'il
aurait
réalisé
(2).
L'exercice
de
ce
droit
constituait
un
moyen de pression sur le maître d'ouvrage qui
l'aurait obligé
,
,
a
payer.
Mais
l'application
du
droit
de
rétention
a
notre
hypothèse
pouvait
poser deux
difficultés
essentielles
qui
ne
sont, même de nos jours, pas très clairement résolues.
La
première
résulte
de
ce que
l'ouvrage
exéc'uté
par
le
sous traitant est réalisée sur le terrain d'autrui.
le maître
de l'ouvrage en conséquence,
par la théorie de l'accession, en
acquiert la propriété.
Ceci
a
donc pour conséquence de
faire
obstacle à la revendication du sous-traitant. Toutefois ce
(1)
- Cozian, action directe, L.G.D.J. P.3 et P.65 relatives au fondement
légal des actions directes.
- Benabent louage d'ouvrage et d'industrie,
contrat d'entreprise et
sous
traitance.
Juris.
class.
Civ.
art.
1787,
nog8
Sur
le
refus
de
l'action contractuelle et l'impossibilité d'agir sur la base de l'art. 1382
contre le maître de l'ouvrage.
(2)
- C. Gavalda, rép. Civ. préc n0126.

20
premier
obstacle
est
levé
par
la
jurisprudence
qui
admet
parfois le droit de rétention au profit des
constructeurs de
bonne foi ayant réalisé des constructions sur le sol d'autrui
( 1 ).
Néanmoins,
une
autre
difficulté
surgit.
Elle
consiste
dans
le
fait
que
le
maître
de
l'ouvrage
n'étant
pas
le
débiteur
direct
du
sous
traitant,
il
ne
peut
théoriquement
appliquer son droit de
rétention sur
l'ouvrage appartenant à
celui-ci.
Certains
auteurs
conçoivent
cependant,
malgré
de
nombreuses difficultés de justification,
que le sous traitant
peut
exercer
un
droit
de
rétention
contre
le
maître
de
l'ouvrage tant que celui-ci n'aura pas payé le prix correspond
aux
travaux
effectués
(2).
On
peut
remarquer
néanmoins
que
l'application de ce droit dans notre hypothèse n'est pas très
évidente au
regard
des
principes
généraux
du
droit
positif,
qui
admettent
difficilement
une
telle
action,~~ptre
des
.' \\lJCA/'\\/E~
. t>-t
Olt.~
personnes
n'ayant
pas
entre
elles
~~~.eS~-Fe~I~l\\ons
contractuelles.
o
CAM E.
"'n
v ~ :L\\
,
,
On se plaçait aussi,
parfois,
sur le te~ikin de l'a~ticle
/<'~'e,...~J/
798 d
.
.
d'
t' I)~
'fs/i!d
1
u code c~ v~l iristi tuant une action
~rec eaY:ÎeH.:r~~J.'L.
es
(1)
- Civ.
13 mai 1861
D.PD.
61.1.328;
22 mai D.
1965.58 note Rodière
G. P. 1962.2.130
(2)
Benabent, juris; class art. 1787 préc n092
-
Valentin,
le contrat
de sous
traitance,
thèse,
Paris
1975 P.
95
note 3.
- F.
DERRIDA,
la "dématérialisation" du droit de rétention, Mélanges
Voirin 1967. 177.
- Cassan,
exercice du droit de rétention contre un propriétaire non
débiteur, le tout Lyon et le mon Jurid. 7 janv. 1963

21
ouvriers
contre
le
maître
de
l'ouvrage
de
l'entrepreneur
principal,
pour permettre au sous traitant de revendiquer son
paiement
contre
le
maître
de
l'ouvrage
(1).
A
cet
effet
11 article
1798
dispose
1I1es maçons,
charpentiers
et autres
ouvriers qui ont été employés à la construction d'un bâtiment
ou
d'autres
ouvrages
faits
à
l'entreprise,
n'ont
d'action
contre
celui
pour
lequel
les
ouvrages
ont
été
faits,
que
jusqu'à
concurrence
de
ce
dont
ils
se
trouvent
débiteurs
envers
l'entrepreneur
au moment
où leur
action est
intentée ll
( 2 ) •
Dès
lors,
la question qui
surgissait était de
savoir si
l'on pouvait considérer le sous
traitant comme un ouvrier ou
un maçon
ou encore
un charpentier employé par l'entrepreneur
,
principal.
La
reponse
à
cette
question
était
négative
et
semble l'être encore.
En effet,
si
le sous
traitant exécute une
prestation de
travail
pour
laquelle
i l
reçoit
en
contrepartie
une
rémunération,
il
nlest
pas
en
revanche
subordonné
,
juridiquement
a
l'entrepreneur
principal.
Il
conserve
son
indépendance dans
la réalisation
de ses
prestations,
dans
la
mesure
de
la
parfaite
réalisation
des
travaux
sous-traités.
Aussi
la
jurisprudence
n' a-t-elle
jamais
accordé
une
telle
action au
(1)
- c. GAVALDA Rep. Civ. prée N°128
(2)
- En ce sens C. Galvada, Rep. Civ. prée.N°128

22
sous-traitant.II n'est pas très certain qu'elle la lui accorde
un jour pour réclamer le paiement des sommes à lui dues par le
maître de l'ouvrage (1).
Enfin l'on tentait de permettre au sous traitant de saisir
les sommes revendiquées entre les mains du maître de l'ouvrage
au
moyen
de
la
théorie
de
l'enrichissement
sans
cause
(2).
Pour invoquer cette
théorie,
l'on supposait que
le maître de
l'ouvrage,
bénéfiçiant
des
travaux
effectués
par
le
sous
traitant,
enrichissait
son
patrimoine
avec
les
dits
travaux
provoquant
ainsi
un
appauvrissement
corrélatif
du
sous
traitant
qui
n'aurait
pas
reçu
le
paiement
correspondant.
Cette action pouvait et peut encore être admise au profit du
sous traitant
en s'inspirant de
la célèbre espèce rendue par
la
cours
de
cassation
le
15
juin
1892
dite
"affaire
du
marchand d'engrais" (3).
(1)
- Le contrat de travail est caractérisé selon la formule commune, par
un lien de subordination économique et un lien de subordination juridique.
L'employé
est
donc
juridiquement
et
économiquement
subordonné
à
l'employeur. V, Camerlynck, Droit du travail, le contrat de travail P.57 et
S.i
André Brun et Henry Galland T.1. Les rapports individuels de travail,
P.299 et Si
Camerlynck,
Lyon Caen et Pelissier,
Droit du travail
12ème
édition Dalloz 1984.
(2)
-
V.
Rouast,
enrichissement sans cause et la jurisprudence civile.
Rev. Trim, Dr. Civ. 1922. P35 & S.
Goré,
l'enrichissement
au
détriment
d'autrui,
source
générale
d'obligation en droit privé français, thèse Paris 1946
(3)
-
Ch.
Req.
15
juin 1982.01892.0.1892,1,596;
S.
1893,1,281
note
Labbé V, également Civ. 12 mai 1914, S. 1918, 1,11.

23
Toutefois, les conditions d'efficacité de celle-ci sont si
..
difficiles
a
réunir;
qu'une
telle
action
peut
être
sans
intérêt pour le sous traitant (1).
On remarque en conclusion que ces règles de droit commun,
pour
celles
qui
pouvaient
permettre
au
sous-traitant
de
se
faire payer,
sont insuffisamment protectrices des
intérêts de
celui-ci.
En outre elles
se révélaient
inefficaces
au cas de
procédures collectives appliquées à l'entrepreneur principal.
En effet,
si l'entrepreneur principal était sous le coup
d'une procédure collective, notamment liquidation des biens ou
redressement judiciaire,
(2)
il était à craindre que le maître
de
l'ouvrage
faisant
l'objet
d'une
de
ces
actions
en
revendications exposées,
opposât un refus au paiement demandé;
non
pas
parce
qu'il
rejetait
l'application
de
la
règle
..
invoquée,
mais
seulement
pour
obliger
le
sous
traitant
a
produire
pour
le
montant
de
sa
créance.
L'hypothèse
étàit
d'autant fréquente que le maître de l'ouvrage n'était pas
(1)
-
Il
ne faut
pas perdre de vue que
la protection du
sous-traitant
exige une action efficace mais dont la mise en oeuvre doit être souple
pour les conditions de l'action de in rem verso, V art 1371 du c. Civ.
(2)
-
Depuis la loi n085-98 du 25 Janvier 1985, entrée en vigueur le 15
Janvier
1986
portant
réforme
des
procédures
collectives,
il
s'agit
maintenant de règlement judiciaire et de liquidation des biens.

24
juridiquement
lié
au
sous
traitant
et
n'avait
pas
par
conséquent
d'obligation
vis-à-vis
de
lui;
le
créancier
de
celui-ci étant l'entrepreneur principal objet de la procédure
collective.
A ce
sous
trai tant, il
ne
restait
que
le
recours
à
la
..
production
a
la
faillite
de
l'entrepreneur
principal;
Et,
étai t-il utile de dire qu'il subissait
tous
les
aléas
de
la
procédure collective et,
parfois,
était conduit à son tour au
dépôt de bilan.
Cette situation préoccupante du sous traitant exigeait dès
lors que l'on s'y penchât sérieusement.
Mais,
si très tôt les sous-traitants des marchés publics
avaient fait l'.objet de protection particulière,
(1)
ceux des
marchés
privés
étaient
laissés
aux
vicissitudes
du
droit
commun
des
contrats

jouait
un
libéralisme
générateur
de
multiples
conflits
(2).
Ainsi
donc
en
dehors
des
garanties
traditionnelles,
dont
on
pouvait
douter
fortement
de
l'efficacité,
(démo~stration
en
a
été
faite) ,
la
sous
traitance
dans
les
marchés
privés
ne
présentait
aucune
protection particuliè~e pour le sous traitant.
(1)
- privilège du pluviôse C.M.P. art. 183, 194, 195; privilège de Posen
Decr 12 déc. 1806; décret n073.329 du 14 mars 1973.
(2)
G.
Flècheux la protection du
sous traitant,
art
préc.
l'auteur
expose les nombreuses difficultés occasionnées par l'application des règles
du droit commun à la situation du sous-traitant

25
Cette
situation
ne
pouvant
durer
indéfiniment,
le
législateur décide d'agir en 1975.C'est ainsi que voit le jour
la loi du 31
décembre 1975 relative,
de
façon générale,
à la
sous
trai tance,
et
visant
particulièrement
la
protection des
sous
traitants
aussi
bien
dans
les
marchés
publics
que
dans
les marchés privés.
Issue de la proposition de loi N° 1449 du 19 décembre 1974
di te "Neurwi th"
( 1 ),
la loi du
31
décembre
1975 à
réellement
été
inspirée
par
les
nombreuses
difficultés
surgies
dans
le
bâtiment
dans
les
années
précédant
son
élaboration:
les
problèmes connus par les entreprises sous-traitantes engendrés
par
la
défaillance
des
entrepreneurs
titulaires
des
marchés
principaux,
sui vis
de
nombreux
sinistres
dans
le
secteur
du
bâtiment.
C'est
alors
que
cette
proposition
"Neurwi th"
est
rapidement
évoquée
lors
des
derniers
jours
de
la
session du
printemps
1975
pour
être
finalement
votée
par
les
parlementaires,
puis
les
sénateurs
entre
le
5
et
le
20
décembre 1975
;
sa promulgation en tant que loi a
suivi alors
le 31 décembre 1975.
(1)
-
parlementaire,
instigateur de
la
loi du
31
Décembre
1975 sur
la
sous-traitance.

26
On
peut
faire
remarquer
que
l'initiative
de
cette
loi
ayant
été
à
l'origine
parlementaire,
l'assemblée
nationale
n'éprouve
aucune
difficulté
pour
imposer
ses
points
de
vues
lors
des
débats,
ne
retenant que des
points
de
détails
dans
les divers et nombreuses modifications proposées par le sénat.
Travaux
parlementaires
cahotiques
et
précipités
pour
certains,
loi
incomplète
et
imprécise,
voir
obscure
pour
d'autres,
il
n'en
reste
pas
moins que
la
loi
de
1975
a
été
votée
dans
le
but
louable
d'assurer
la
protection
du
sous
traitant dans une matière qui en avait besoin;
en cela donc,
elle constitue
une
innovation
très
importante
pour
le
droit
positif,
malgré
l'ambiguïté,
il
faut
le
reconnaître,
de
plusieurs dispositions de celle-ci.
La
loi
de
1975
pose
en
son
titre
l
des
dispositions
générales
afférentes
aux
deux
mécanismes
principaux
de
protection du sous traitant, qui à vrai dire constituent toute
l'économie de cette législation.
Ces mécanismes reposent sur le paiement direct d'une part
et l'action directe d'autre part selon la qualité du maître de
l'ouvrage
si
celui-ci
est
l'état
ou
les
collectivités
publiques et de façon générale une personne publique,
le sous
traitant bénéficie d'un paiement direct régit par le titre II.

27
Le système du paiement direct procure une solide garantie au
sous traitant du fait de la solvabilité évidente des personnes
publiques
en
général;
"fiscus
semper solvando".
Cependant du
fait
que
ce
type
de
paiement
ne
se
conçoit qu'exclusivement
dans les marchés publics nous incline à nous en détourner dans
le cadre de cette étude.
En revanche,
le titre III
prévoyant
une action
directe
au
profit
du
sous-traitant
au
cas

le
maître
de
l'ouvrage
est
une
personne
de
droit
privé
constituera le menu de cette analyse.
Concrètement
il
s'agira
pour
nous
de
montrer
en
quoi
l'action directe
conférée
au
sous-traitant par
la
loi
du
31
décembre 1975, constitue-t-elle une protection pour celui-ci.
Pour
répondre
à cette
interrogation,
l'on
peut
affirmer
que l'action directe envisagée comme élément de protection ne
vaut
que
par
la
démonstration
de
sa
fiabilité,
de
son
efficacité,
en un mot,
sa capacité à assumer le rôle qui lui
est
dévolu.
Or
ceci
dépend
d'abord
de
la
souplesse
de
ces
conditions d'octroi et de sa mise en oeuvre
(Première partie)
et ensuite de l'efficacité de la garantie de paiement qu'elle
procure à son titulaire (Deuxième partie).

28
PREMIERE PARTIE
LES CONDITIONS D'OCTROI ET LA
MISE EN OEUVRE DE L'ACTION
DIRECTE DU SOUS-TRAITANT CONTRE
LE MAITRE D'OUVRAGE
...
L'objet
de
cette
partie
répond
a
une
double
préoccupation:
l'on
doit
répondre
d'abord
à
la
question
de
savoir
à
quelles
conditions
est
subordonnée
l'octroi
de
l'action
directe
et
examiner
ensuite
comment
le
titulaire
d'une telle action mettra en oeuvre celle-ci.

29
CHAPITRE l - LES CONDITIONS D'OCTROI DE L'ACTION
DIRECTE DU SOUS-TRAITANT CONTRE LE MAITRE DE L'OUVRAGE

Le problème à résoudre consiste dans la détermination des
conditions auxquelles est soumis l'octroi de l'action directe.
Un élément de réponse est donné par la loi du 31
décembre
1975.
Cependant cet élément s'avère beaucoup trop insuffisant
pour
faire
la
lumière
sur
les
nombreuses
incertitudes
qui
entourent
la
question.
C'est
pourquoi
il
conviendrait
par
ailleurs de résoudre des questions que la loi ne pose pas.
Pour sa part la loi du 31
décembre 1975,
dans certaines
de ses dispositions,
tente de délimiter le champ d'application
de
l'action
directe
en
précisant
notamment
la
qualité
du
Maître d'ouvrage
dont
le
contrat est
susceptible d'offrir au
sous-traitant
une
telle
actin ..
L'importance
de
cette
information est
infiniment grande.
Toutefois il reste qu'elle
doi t
être
complétée
par
d'autres
informations
concernant
le
..
titulaire de l'action lui-même.
Ainsi donc nous serons amenes
,
à
examiner
d'abord
les
conditions
tenant
a
la
qualité
du
Maître
d'ouvrage
visé
par
l'action
directe
(section
1)
et
ensuite
celles
relatives
au
sous-traitant
revendiquant
l'action directe (section II)

30
SECTION l : Les conditions tenant àla qualité du Maître
d'ouvrage.

Dans
quelle
mesure
la qualité
du Maître
de
l'ouvrage
commande-t-elle
l'octroi
de
l'action
dirècte
?
Autrement
dit
l'action
directe
peut-elle
être
exercée
quelle
que
soit
la
qualité du Maître d'ouvrage?
La loi à première vue semble n'admettre l'action directe
que contre un maître d'ouvrage personne privée.
Cependant une
analyse plus approfondie des textes laisse découvrir que dans
les
cas
exceptionnels
l'action directe
pourrai t
être
exercée
contre un
maître
d'ouvrage
personne
publique.
En
réalité
le
problème
que
pose
la
détermination
de
la
quali té
du
Maî tre
d'ouvrage contre lequel doit être exercée l'action directe est
complexe.
Il dépasse ce
simple schéma.
Il
est donc
utile
de
l'appréhender dans
toute ses dimensions
(§1)
avant de montrer
comment
il
est
résolu
par
les
auteurs
(§2)
et
par
la
jurisprudence (§3)
.
PARAGRAPHE
I
:
LES
DIFFICULTES
DE
LA
DETERMINATION
DU
MAITRE
D'OUVRAGE
VISE
PAR
L'ACTION
DIRECTE
Les problèmes de détermination de
la qualité du Maitre
d'ouvrage
contre
lequel
doit
être
exercée
l'action
directe
tiennent essentiellement aux textes des articles 4 et 11 de la
loi du 31 décembre 1975.

31
S'agissant du paiement direct l'article
4 dispose
:" le
présent
titre
(titre
II)
s'applique
aux marchés
passés
par
l
'
i
l'Etat
les
collectivités
locales,
les
établissements
et
entreprises publics" . Concernant
l'action directe
en
revanche,
l'article
11
précise
que
le
présent
titre
(titre
III)
s'applique à tous les contrats de sous traitance qui n'entrent
pas dans le champ d'application du titre II.
Il
résulte
de
ces
dispositions
deux
remarques.
La
première est que la législation du 31
décembre 1975 rompt avec
le critère traditionnel d'octroi des actions.
En
effet,
à l'origine c' étai t
la nature du marché qui
commandait le type d'action offerte au sous-traitant. Ainsi le
sous-traitant
des
marchés
publics
bénéficiait
d'un
paiement
direct
contre
le
Maître
de
l'ouvrage
tandis
que
celui
des
marchés privés ne disposait que des actions que
lui octroyait
le droit commun civil.
(1)
La loi du 31 décembre met en oeuvre un autre critère pour
l'octroi de ces différentes actions.
Ce n'est plus le type de
marché qui appelle le bénéfice de telle ou telle action,
mais
la qualité du Maître- d'ouvrage. En principe si celui-ci est
(1)
-
V,
Valdo Roulet
et Michel
Peisse,
les
nouvelles
protections
en
faveur du sous-traitant, G.P. 1975 l. 303
- C. Gavalda Rep-civ préc N° 140
- A. Benabent, juriscl, préc N° 102

32
une
personne
publique,
le
sous-traitant
dispose
du
paiement
direct contre elle,
mais
si elle est
une
personne
privée
le
sous-traitant a à son encontre une action directe.
Dès lors le bénéfice de l'une ou l'autre action fondé sur
,
la
nature
du
marché
disparaît
pour
faire
place
a
un
autre
cri tère.
Cependant
la
mise
en
oeuvre
de
ce
critère,
c'est
l'objet de la deuxième remarque ,ne semble point être facile.
En
effet
l'article
4
de
la
loi
nouvelle
détermine
soigneusement
la
qualité
du
maître
d'ouvrage
visé
par
le
paiement
direct.
Toutefois
pour
cerner
entièrement
le
champ
d'application de
ce
type
de
paiement
la
loi
du
31
décembre
1975 oblige à
se référer à son article 6 et 10 qui précisent
en outre que le paiement direct n'est par ailleurs admis que
si
le
marché
de
sous-traitance
issu
d'un
marché
principal
conclu par une personne publique, n'est pas inférieur à quatre
mille
francs;
que
si
le
sous-traitant
est
"
agree
et
ses
conditions
de
paiement acceptées;
que
si
les
avis
ou
appels
des contrats de
sous-traitance concernés sont
lancés plus de
,
trois
mois
apres
la
publication
de
la
loi,
s'agissant
des
marchés
sur
adjudication
ou
sur
appels
d'offre,
ou
si
la
signature de ceux-ci est notifiée plus de six mois après cette

33
meme publication,
s'il s'agit plutôt de marchis de gri i
gri
( 1 ) .
Or l'article 11 de la loi qui a la pritention de priciser
i
son
tour la quali ti du Maître d'ouvrage
contre
lequel est
susceptible
d'être
exercie
l'action
directe
renvoie
aux
articles
4
et 6 de la loi.
Il en dicoule donc que la qualiti
..
du
maître
de
l'ouvrage
concerne
est
diterminie
par
retranchement des
conditions
fixies
par
ces
dispositions.
Le
problime par consiquent riside dans le
fait que
l'on ne sait
plus
si
l'action
directe
vise
essentiellement
le
Maître
d'ouvrage personne privie, ou peut iventuellement être exercie
aussi
contre
le Maître
d'ouvrage personne
publique,
dis
lors
que
le
sous-traitant
de
celui-ci
ne
peut
binificier
du
paiement direct
parce que
l'une des
conditions enumiries par
les articles 6 et 10 n'est
pas remplie.
( 1)
- Article 6 de la loi du 31 Décembre :" Toutefois les dispositions de
l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le montant du contrat de
sous-traitance est inférieur à un seuil qui pour l'ensemble des marchés
prévus
au
présent
titre
est
fixé
à
4000F;
En
déça
de
ce
seuil
les
dispositions de titre III sont applicables.
- Article 10 de la loi du 31 décembre : "le présent ti tre s'applique
aux marchés sur adjudication ou sur appel d'offres dont les avis ou appels
sont lancés plus de trois mois après la publication de la présente loi; aux
marchés de gré à gré dont la signature est notifiée plus de six mois après
cette même publication.
-
Article
3 de
la loi du 31
décembre
1975
"L'entrepreneur qui
entend exécuter un contrat ou un marché en recourrant à un ou plusieurs
sous-traitants , doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée
du marché faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de
paiement de chaque contrat de sous-traitance par le Maître d'ouvrage"

34
En d'autres termes,
en plus du Maître d'ouvrage,
personne
privée,
l'action
directe
peut-elle
être
subsidiairement
,
exercee
contre
le
maître
d'ouvrage
personne
publique.
Notamment au cas où le marché de sous-traitance résultant d'un
marché principal conclu par une personne publique ne satisfait
pas
aux
exigences
des
articles
6
et
10
de
la
loi
du
31
décembre 1975 ?
Parmi les tentatives faites pour apporter une solution à
cette difficulté,
les
suggestions
de
la doctrine
retiendront
d'abord notre attention.
PARAGRAPHE
I I
LA
SOLUTION
DOCTRINAIRE
DES
DIFFICULTES
DE
DETERMINATION
DE
LA
QUALITE
DU
MAITRE
D'OUVRAGE.
Contre quel maître d'ouvrage, personne privée ou publique,
les
auteurs
estiment-ils
que
l'action
directe
doit
être
dirigée ?
Pour
la doctrine
l'action directe
vise
en
principe le
Maître
d'ouvrage
privé
Elle
ne
peut
être
exercée
contre
l'Etat
les
collectivités
publiques
et
les
établissements
publics.

35
Cependant
l'action directe doit
être
admise
contre un
Maî tre d'ouvrage
personne
publique
dès
lors
que
le
paiement
direct
ne
peut
être
mis
en
place
contre
celui-ci.
LI action
directe
peut
ainsi
subsidiairement
remplacer
le
paiement
direct contre la personne publique. Cela résulte affirment-ils
des termes même de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1975.
Ces
auteurs
conçoivent
une
telle
interprétation
indépendamment
de
la
disposition
de
l'article
6
qui
rend
expressément applicable le texte de l'article 11
au cas où le
montant du sous-traité résultant d'un marché principal conclu
par
une
personne
publique
est
inférieure
à
quatre
mille
francs.
Pour Monsieur BENABENT,
il n'existe aucun doute sur
la
question (1).
Llexclusion de tout contrat du titre II,
permet
corrélativement
11 application
de
l'action
directe.
Il
estime
que
l'action
directe
pourrait
avoir
une
sorte
de
vocation
s~bsidiaire; c'est-à-dire qu'en dehors des sous-traités issus
des marché principaux conclus par un maître d'ouvrage personne
privée, l'action directe devrait être subsidiairement octroyée
à cette autre catégorie de sous traités relevant du titre II.
(1)
- Benabent, note sous cas. Civ. 12 et 19 janv. 1982; 1982 P. 384

36
En effet pense-t-il,
"le paiement direct représente le procédé
,
le
plus
achevé
car
il
joue
de
pIano
tandis
que
l'action
directe
nécessite
une
défaillance
préalable
constatée
de
\\
l'entrepreneur principal.
Elle représente une protection moins
parfaite, moins lourde, que l'on peut dire minimale.
Il paraît
paradoxal de refuser au sous-traitant du marché du
titre II,
en principe
superprotégé par le paiement direct,
le bénéfice
de la protection simple qu'est l'action directe dans le cas où
le paiement direct n'a pu être mise en place".
Monsieur
FLECHEUX
est
plus
bref
et
plus
radical
concernant
la
question.
Il
considère
les
dispositions
de
l'article
11
comme
réglant
la
situation
de
tous
les
marchés
qui
ne
sont
pas
concernés
par
le
paiement
direct.
Ainsi
,
l'action
directe
peut-elle
être
exercee
contre
le
Maître
d'ouvrage
personne
publique
si
le
sous-traitant
ne
peut
obtenir le paiement direct (1).
C'est
aussi
l'avis
de Monsieur
GAVALDA qui
pense que
l'article 11
doit être appliquée aux divers sous-traitants qui
ne
peuvent
en
vertu
de
la
loi
bénéficier
du
paiement
direct. (2)
(1)
-
G.
FLECHEUX,
la loi N°75
.13334 du 31
décembre 1975 relative à la
sous-traitance, J.C.P. 1976 l. 2791
(2) C. GAVALDA Rep.Civ. PREC N°153.

37
Devant
de
telles
opinions
que
penser
d'autres
que
l'article 11
de la loi du 31
décembre doit être appliqué par
retranchement
du
domaine
du
paiement direct
il
résulte
de
l'ensemble de ces points de vue que l'on doit réellement
..
reconnaître
a
l'action
directe,
une
sorte
de
vocation
subsidiaire
à
régler
Les
situations
n'entrant
pas
dans
le
cadre du paiement direct. Le problème semble pouvoir se régler
ainsi
facilement
si
les
ébauches
de
décisions
jurispru-
dentielles
en
la
matière
ne
tendaient
pas
vers
une
autre
interprétation de l'article 11.
PARAGRAPHE
I I I
LES
TENDANCES
JURISPRUDENTIELLES
DE
SOLUTIONS
DES
DIFFICULTES
DE
DETERMINATION
DE
LA
QUALITE
DU
MAITRE
D'OUVRAGE.
Que décident les tribunaux quant à la question de savoir
contre quel
maître d'ouvrage
l'action directe
doit-elle
être
exercée ?
Pour ceux-ci aucune difficulté n'existe lorsque le Maître
d'ouvrage
est
une
personne
privée.
L'essence
de
l'action
directe c'est d'être exercée contre le Maître d'ouvrage ayant
cette qualité.
Le problème ne surgit que lorsque l'on ne peut
mettre en place le paiement direct devant un maître d'ouvrage
personne
publique.
Dans
ce
cas
deux
tendances
semblent
s'amorcer.

38
En
effet
quand
le
marché
principal
conclu
par
une
personne
publique
fait
l'objet
d'un
sous-traité,
la
juris-
prudence
distingue
les
contrats
de
sous-traitance
dont
le
,
montant
est
inférieur
a
quatre
mille
francs
des
autres
contrats
dont
une
condition
autre
que
le
montant
fait
défaut.
Au titulaires de ces derniers elle refuse le bénéfice
de
l'action
directe
contre
le
Maître
d'ouvrage
personne
publique.
En
revanche
aux
bénéficiaires
de
la
première
catégorie de sous-traité elle accorde l'action directe.
A
-
Le
r e f u s
d e
l ' a c t ; o n
d ; r e c t e
au
c a s
d e
m a r c h é
a f f e c t e
d ' u n
v ; c e
non
r e l a t ; f
à
s o n
m o n t a n t .
Il s'agit dans ce cas de marchés de sous-traitance issus
de marchés
principaux conclus
par une
personne publique pour
lesquels
l'acceptation du
sous-traitant
et
l'agrément de
ses
conditions
de
paiement
n'ont
pas
été
requis,ou
conclus
en
violation
des
dispositions
légales
relatives
à
la
date
de
conclusion des contrats relevant théoriquement du titre II.
Le sort de ces sous-traités semble être facilement réglé
par
les
tribunaux.
Les
rares
décisions
intervenues
refusent
presque
systématiquement
l'action
directe
aux
titulaires
de
ces contrats.

39
Ainsi
donc,
concernant
le
défaut
d'agrément
des
conditions de paiement et d'acceptation du sous-traitant dans
un
contrat
relevant
du
titre
II,
la
Cour
d'Appel
de
Paris
...
décide
que
le
manque
de
l'entrepreneur
principal
a
son
,
obligation de
faire
accepter
le
sous-traitant
et
agreer
ses
conditions de paiement, ne peut justifier l'octroi de l'action
directe (1).
Cette opinion a été insidieusement admise par la Cour de
Cassation, confirmant un arrêt de la Cour de Limoges qui avait
refusé
l'action
directe
en
l'absence
d'acceptation
du
sous-
traitant et d'agrément de ses conditions de paiement.
La Cour
estime
que
le
contrat
relevant
du
paiement
direct
ne
peut
donner droit
à
l'action directe
en
l'absence
des
formalités
d'acceptation du sous traitant et d'agrément de ses conditions
de paiement (2).
Est-il
nécessaire d'insister
sur
l'octroi
de
l'action
directe au cas d'absence, d'acceptation et d'agrément dans les
(1)
-
Paris
28 avril
1980 G.P.
1980-2 P.
677 suivi par Trib.admet Dijon
19 nov 1980 D.
1980 I.R.
209 obs. Vasseur; Paris 11 février 1981 Déc 1981
,
concl. Leconte
(2)
- Casso
Civ.
3è ch.
12 et 19
janv 1982 prée.
;
civ 19 juillet 1982
déc 1982 384 obs. Bénabent.
Pour
sa
part
le
Conseil
d'Etat
a
estimé
que
les
champs
d'application des
titres
II
et
III
de
la
loi
du
31
décembre
1975
sont
exclusifs l'un de l'autre,
C.E.
17 mars et 13 octobre 1982 décembre
1983
I.R. 238, Obs p. Dévolré; J.C.P. 1983,II,20 100, note G. Flècheux.

40
marchés
relevant du titre
II?
Nous ne
le pensons guère car
même
en
qui
concerne
l'octroi
de
l'action
directe
au
sous-
trai tant
dont
le marché
revèle du
titre
III,
ces
formalités
semblent être exigées par la Jurisprudence.
En conséquence, de
tels sous- traitants ne peuvent obtenir l'action directe (1).
Pour
les sous-traités
n'ayant pas
été conclus
dans
le
respect de la date légalement imposée, problème sur lequel les
tribunaux ne se sont pas encore prononcés directement, on peut
penser
que
le
sous-traitant
d'un
tel
marché
qui
voudrait
revendiquer le bénéfice de l'action directe,
se verra refuser
ce droit.
Cette affirmation est inspirée d'une décision de la
Cour de Cassation (2)
qui affirme que
:"les seules exceptions
prévues
par
la
loi
pour octroyer
l'action
directe
au
sous-
traitant dont
les
marchés
relèvent
du
paiement
direct,
sont
relatives aux marchés dont
le montant est
inférieur au seuil
légal
fixé. Seuls
pour
ces
marchés· les
juges
accordent
le
bénéfice de l'action directe.
(1) -
En référer au développement sur " acceptation du sous-traitant et "
agrément
de
ses
conditions
de
paiement
comme
préalables
à
l'octroi
de
l'action directe
(2)- Casso
Civ.
12
et
19
janv.
1982.
prée.
Un arrêt
récent
de
la Cour
d' Appel
d'Amiens
confirme ce
point de
vue
:
C.A.
Amiens
8
janv.
1987,
0.1987, 336, note ph. Dubois.

41
d e
~arché a f f e c t é
p a r
un
v ; c e
r e l a t ; f
à
s o n
~ontant_
Le vice est relatif au montant du marché lorsqu'il est
inférieur au seuil
exigé
par la
loi
pour mettre
en place le
paiement direct.
Pour les
sous-traitants des
marchés dont
le
montant est inférieur à quatre mille francs les tribunaux font
preuve de beaucoup de générosité.
c'est d'abord la Cour d'Appel de Paris
(1)
qui dans une
décision,
relève incidemment que le défaut relatif au seuil du
montant exigé par la loi est la seule exception prévue par la
loi permettant au sous-traitant d'un marché relevant du titre
II
d'agir
contre
le
Maître
d'ouvrage,
personne
publique.
"Attendu Il soutient-elle " que l'article 4 du titre II de la loi
relative à la sous-traitance s'applique aux
marchés
passés
par
l'Etat,
les
collectivités
locales;
qu'il
s'en suit que les marchés ainsi
visés n'ouvrent pas au sous-
traitant
qui
normalement
doit
bénéficier
du
paiement
direct
auquel
il
ne peut
renoncer,
l'action directe
réglementée par
le titre III,
expressément réservée aux catégories de contrats
et
aux
marchés
dit
publics
dont
le
seuil
est
inférieur
actuellement à quatre mille francs,
seule exception prévue par
le titre II".
(1)- Paris
28 avril 1980 prée.

42
La Haute Cour ensuite abondera dans
le m~me sens tr~s
subtilement.
(1)
A l'occasion d'une affaire dans
laquelle la
question
était
de
savoir
si
l'action
directe
pouvait
~tre
accordée au
sous-traitant d'un
contrat dont
le montant
était
supérieur,
dans le cas d'esp~ce, au seuil indiqué par la loi,
elle
décide
pour
rejeter
les
prétentions
du
sous-traitant
revendiquant le bénéfice de l'action directe que
:" le marché
principal
ayant
été
passé
par
une
collectivité
locale;
le
montant
de
la
sous-traitance
étant
supérieur
à
quatre
mille
francs,
le législateur a prévu pour cette catégorie de contrat
la procédure du paiement directe,
et au terme de l'article 6
alinéa
2
in
fine
l'action directe
n'est
accordée
que
si
le
..
montant
du
.marché
est
inférieur
a
quatre
mille
francs;
la
procédure du paiement direct leur étant fermée".
Il ressort de l'ensemble de ces décisions que l'intention
des
tribunaux
n'est
d'accorder
au
sous-traitant
dont
le
contrat
rel~ve du
titre
II,
l'action
directe,
que
dans
la
..
seule
hypoth~se ou
le
montant
du
contrat
est
inférieur
au
seuil
légal.
Pour
les
autres
sous-traités
relevant
du
m~me
titre II l'action 'directe est exclue.
Toutefois,
on peut faire remarquer que si ces solutions
différentes
semblent
reposer
sur
des
motivations
d'équité,
elles n'en demeurent pas moins choquantes.
(1) - eass. Civ. 12 et 19 janv. prée.

43
Motivations d'équité car lorsque le sous-traitant conclut
un
contrat
d'un
montant
inférieur
aux
quatre
mille
francs
fixés par la loi,
ce n'est parce que celui-ci ne souhaite pas
bénéficier de
la
protection
offerte
par
le
paiement
direct,
mais pour la raison essentielle que ces moyens
financiers
ne
lui
permettent
pas
de
conclure
des
marchés
d'un
montant
beaucoup plus élevé. c'est le cas très souvent des petites et
moyennes
entreprises
qui
ne
peuvent
s'octroyer
des
marchés
dépassant
leur
propre
surface
financière,
qui
n'atteint
pas
généralement
le
seuil
indiqué.
Cette
position
inconfortable
résultant de la "fatalité économique" conduit,
qu'en présence
d'un
tel
sous-traitant
les
juridictions
puissent
s'émouvoir.
Car
en
pratique,
priver
ces
sous-traitants
de
l'action
directe, c'est les pénaliser pour leur faiblesse économique.
Cependant ces décisions ne manquent point de choquer le
bon
sens
car
le
refus
des
tribunaux
d'octroyer
l'action
directe,
quand les autres conditions des contrats relevant du
titre II ne sont pas réunies,
est presque systématique.
C'est
en
cela
A
meme
que
ces
décisions
refusant
le
bénéfice
de
l'action directe quand le paiement direct n'a pas pu être mis
en
place
deviennent
critiquables
elles
sont
en
effet
critiquées.
Monsieur
BENABENT
considère
que
s'il
est
admis
par
tous, que
lorsque
le
contrat
est exclu du paiement
direct
en
raison de son montant inférieur à quatre mille francs,
le sous

44
traitant
bénéficie
par
voie
de
conséquence
de
l'action
directe;
pourquoi
donc dans
les
autres
cas
lui
refuserait-on
cette même action'?
"rl affirme qu'on n' aperçoi t
aucune raison
de distinguer
selon que
le paiement direct
est
exclu
par
le
montant du marché ou par la date de celui-ci ou encore par le
moment où la forme de l'agrément.
(1)
On ne peut qu'être sensible aux arguments développés par
cet auteur,
car il
semble effectivement
que
la
jurisprudence
ne
prend
pas
appui
sur
des
motivations
précises
et
..
convaincantes
pour
scinder
la
solution
qu'elle
apporte
a
un
problême qui
se pose dans les mêmes termes
avec des
éléments
identiques.
Dans
un cas
ou dans
l'autre,
i l
s'agit
de
sous-
traitants ne pouvant bénéficier du paiement direct.
Comment ne
pas leur accorder donc l'action directe'? Doit-on à nouveau les
soumettre à la situation du droit antérieur à laquelle la loi
de 1975 a
voulu remédier? Non
on ne
peut -le penser.
Aussi
pensons-nous qu'une solution jurisprudentielle favorable à ces
sous-traitants s'impose.
Les
conditions tenant à la qualité du Maitre d'ouvrage
sont
nécessaires
à- l'octroi
de
l'action
directe
au
sous-
traitant. Cependant celles-ci ne sont pas suffisantes et
(1)
- BENABENT sous Casso Civ. 12 et 19 janv prée. Cependant Y. BACHELOT
et J.M. BERNIZET "La sous-traitance dans la construction et les banques au
regard des lois du 3 décembre 1975 et 2 janvier 1981 1 Revue banque octobre
1986 N° 465. P.847

45
doivent
être
complétées
par
les
conditions
tenant
au
sous-
traitant revendiquant le bénéfice de l'action directe.
SECTION II : Les conditions relatives au sous-traitant
revendiquant le bénéfice de l'action directe.
Plusieurs questions se posent qui doivent être dissipées.
D'abord
l'on
se
demande
si
le
sous-traitant
pour obtenir
le
bénéfice de l'action directe doit être agréé et ses conditions
de paiement acceptées par le Maître d'ouvrage (§1).
Ensuite i l
est
également
important
de
se
demander
si
le
Sous-traitant
quel que soit son rang d'intervention dans
la réalisation de
l'ouvrage peut profiter de l'action directe (§2).
PARAGRAPHE
I
DE
L'ACCEPTATION
DU
SOUS
TRAITANT
ET
DE
L'AGREMENT
DE
SES
CONDITIONS
DE
PAIEMENT
COMME
PREALABLES
A
L'OCTROI
DE
L'ACTION
DIRECTE
La question que nous avons à étudier maintenant est celle
de
savoir
si
l'octroi
de
l'action
directe
passe
obligatoirement
par
l'acceptation
du
sous-traitant
et
l'agrément
de
ses
conditions
de
paiement
par
le
maître
d'ouvrage.

46
Le
problème
est
très
discuté et
l' hési tation d'autant
plus permise que la
loi du
31
décembre 1975 comporte en son
titre
l
des
dispositions
générales
incluant
un
article
3
libellé
de
la
façon
suivante
"L'entrepreneur
qui
entend
...
exécuter
un
marché
ou
un
contrat
en
recourant
a
un
ou
plusieurs sous-traitants,
doit au moment de la conclusion,
et
pendant toute la durée du marché ou du contrat,
faire accepter
chaque sous-traitant et agréer
les conditions
de paiement de
chaque contrat de sous- traitance par le Maître de l'ouvrage".
Cet article repris à dessein pour certains,
incidemment
pour d'autres -
lors de la réglementation du paiement direct,
ne
figure
pas
dans
le
titre
I I I
régissant
l'action
directe.
D'où
la
question
de
savoir
si
un
sous-traitant
dont
la
présence a été ignorée au Maître de l'ouvrage a-t-il néanmoins
le droit
d'agir
contre
lui,
en
paiement
des
sommes
dues
en
vertu du sous-traité.
Tout
spécialement
l'action
directe
contre
le
Maître
d'ouvrage serait-elle permise au sous-traitant occulte?
Pour répondre à cette question, plusieurs théories ont vu
le jour
les unes exigeant ces formalités comme préalables à
l'octroi
de
l'action
directe,
les
autres
les
rejetant
d'emblée.

47
La jurisprudence, non plus,
n'a su accorder son violon en
ce qui
concerne la question.
Ainsi
donc
après deux décisions
discordantes de
deux chambres
de
la
Haute Juridiction,
c'est
un arrêt,
plus
timide
que
précis
et
efficace,
de
la Chambre
Mixte "qui vide" le litige.
Pour
cerner
entièrement
la
question
il
s'impose
donc
,
d'exposer
d'abord
les
théories
en
presence
(A),de
procéder
ensuite
objectivement
à
l'analyse
des
textes
eux-memes
(B)
avant de donner les solutions retenues par les tribunaux (C).
A- Les théor;es en présence face au
p r o b l è m e
d e
l ' a c c e p t a t ; o n
du
s o u s - t r a ; t a n t
e t
l ' a g r é m e n t
d e
s e s
c o n d ; t ; o n s
d e
p a ; e m e n t
comme
p r é a l a b l e s
à
l ' o c t r o ;
d e
l ' a c t ; o n
d ; r e c t e .
On peut les ramener essentiellement à deux
l'une qui
part de
l' intuitus personne
du
louage
d'ouvrage pour rejeter
l'octroi
de
l'action
directe
à
défaut
de
ces
formalités.
L'autre qui
fait preuve de plus de libéralisme en admettant le
bénéfice de l'action directe sans acceptation du sous-traitant
et agrément de ses conditions de paiement.

48
Le contrat de louage d'ouvrage,
pour la première théorie,
est par excellence celui de l'intuitus personae. plus qu'aucun
contrat, la convention principale est signée en fonction de la
connaissance
que
les
parties
ont
l'une
de
l'autre.
Le
corollaire de ce principe est celui de l'exécution personnelle
du contrat par les parties.
Certains auteurs comme
Mademoiselle Joelle Fossereau (1)
soutiennent fermement que l'existence de l'action directe est
subordonnée
indirectement
i
la
volonté
du
débiteur
substitué
,
dans
la
mesure
ou
elle
s'exerce
sur
le
fondement
du
sous
contrat
qui
dépend
du
contrat
principal,
lequel
comporte
et
conserve
un
intuitus
personae
profondément
marquee
dans
le
louage d'ouvrage.
Cet auteur estime notamment que,
" donner au sous-traitant
non
accepté
l'action
directe,
c'est
légitimer
la
sous-
traitance occulte
et donc
annihiler
l'intuitus
personae.
Car
on imagine la situation d'un maître d'ouvrage qui voit surgir
un
sous-traitant
inconnu
de
lui
ou
qu'il
a
refusé
et
qui
prétendant avoir effectué des travaux, demande le paiement sur
le fondement d'un sous-traité jusque-li caché".
(1)
-
JOELLE FOSSEREAU Controverse sur
la sous-traitance
occulte Rev.
Dr
Immob. 1980, P. 241.

49
Il
a
été
encore
soutenu
que
sur
le
plan
civil,
sanctionner un individu sur la base d'obligation contractuelle
qu'il
n'aurait
pas
lue
est
contraire
aux
principes
fondamentaux du droit civil,
de
la liberté et de
l'autonomie
de la volonté.
(1).
Est-il nécessaire de s'étendre sur les divers aspects de
cette
thèse?
En
tout
état
de
cause,
l'acceptation
du
sous-
traitant et l'agrément de ses conditions de paiement,
pour ses
partisans, conditionnent l'octroi de l'action directe du sous-
trai tant
contre
le
maître
de
l'ouvrage.
C'est
en
cela
meme
qu'elle a été fortement critiquée par les tenants de la thèse
opposée;
celle qui
consiste dans
une action directe
libre de
toute contrainte.
Monsieur Cozian,
partisan de
cette
seconde
thèse,
(2)
n'avait-il
pas
dit
que
lorsque
l'on
admet
l'action
directe
c'est que l'intuitus personae tend à s'effacer. D'ailleurs on
fait
valoir
ici
que
l'intuitus
personne
n'est
nullement
atteint dès lors que l'action directe naît de la loi et non du
contrat de sous-traitance. En tout état de cause, une action
(1)
-
ROULET
et
PEISSE,
les
nouvelles
protections
en
faveur
du
sous-
traitant prée. G. Flècheux , loi du 31 déc.
1975 prée.
-
DUPONT
JULIEN
in
"
la
sous-trai tance
de
marché
et
de
service
public" sous la direction de C. GAVALDA.
(2)
- COZIAN, op. cit. N° 6B

50
directe n'est
pas un paiement direct
et
ne
substitue pas
un
d~biteur i
un autre
;
elle ne suppose ni ne cr~e un lien de
droit entre cr~ancier et d~biteur. Alors que pour le paiement
direct au contraire,
il faut qu'un lien contractuel existe et
ce lien est l'acceptation. L'action directe ne n~cessite donc
aucune intervention de celui contre qui elle est dirig~e. (1)
Entre
ces
deux
thèses
que
l'on
peut
qualifier
d'
extr~mistes,
il
existe
n~anmoins
des
points
de
vue
plus
nuanc~s - c'est celle d'abord de Monsieur BENABENT qui estime
que
l'action
directe
~tant un moyen exorbitant du droit,
sa
manipulation doit être d~licate (2).
D'autres
pensent encore
qu '. i
vouloir
trop
prot~ger le sous-trai tant,
on
risque
fort
bien de
d~naturer la sous-traitance
il ne faut
pas que le
souci l~gitime de prot~ger les sous-traitants conduise à être
si
contraignant
avec
les
autres
partenaires
de
sorte
i
les
d~tourner de la sous-traitance.
( 1 )
-
JC
FOURGOUXet
POUX-JALLAGUIER,
la
loi
du
31
dé.
après
2
ans
d'application GP 1978 l 132
- note de JMP sous trib. corn. Paris 15 nov. 1977 G.P. 1978 som. 46
(2)
- BENABENT sous Colmar 12 mai 1978 O. 1978 P.633.

51
,
Certes
les
théories
aident
souvent
a
donner
une
orientation
à
l'interprétation
des
textes
de
droit
et
à
la
fixation défini ti ve de leur sens.
Mais
elles dépendent de
la
sensibili té de
leurs
tenants
et
surtout
des
intérêts
qu t ils
représentent.
Aussi
peut-on
puiser
dans
les
textes
eux-mêmes
la
solution à notre difficulté?
B
-
La
s o l u t ; o n
du
p r o b l è m e
p a r
l ' a n a l y s e
d e s
t e x t e s .
Pour faire un usage autant que faire se peut objectif des
textes,
i l
faut
considérer
l'ensemble
des
dispositions
relatives à l'action directe.
L'article
3
de
la
loi
inclut
dans
le
titre
l
"dispositions générales" et qui fait référence à l'acceptation
du sous-traitant et à l'agrément de ses conditions de paiement
n'est pas repris au titre III concernant l'action directe.
Or
l'article
6
contenu
dans
le
titre
II
relatif
au
paiement
direct fait référence aux dispositions de l'article 3 du titre
l
: on est tenté de dire à contrario que le titre III ne fait
pas l'acceptation et de l'agrément des conditions de l'octroi
et de l'action directe, puisqu'il ne se réfère pas à l'article
3.

52
Une telle vue est légitime,
mais l'argument à contrario
malheureusement
n'est
pas
a l ' abri
de
tout
reproche
et
est
toujours d'un maniement très délicat (1)
: si lion prend deux
textes
relatifs
à
l'application
particulière
d'une
règle
générale et que l'un de ces textes exclut l'application de la
règle générale à une situation particulière,
alors que l'autre
..
texte
ne
l'exclut
pas
a
propos
d'une
autre
situation
particulière, on peut en déduire à contrario que la règle
générale s'applique à la seconde situation particulière.
Mais
si
l'un
des
textes
relatifs
à
une
situation
particulière
se
réfère expressément à la règle générale,
alors que l'autre ne
s'y réfère pas, on ne peut en déduire à contrario que la règle
générale ne
s'applique pas à la situation régie par le texte
qui ne s'y réfère pas. Cette dernière hypothèse est la notre:
la règle générale est éditée par l'article 3.
L'article 5 du
titre II se réfère à l'article 3 et mieux l'article 6 du meme
titre reprend les dispositions de
l'article
3.
Par contre le
titre
III
est
complètement
muet
sur
cette
référence
a
l'article 3
; on ne peut donc automatiquement en conclure que
le titre III exclut l'application de l'article 3.
(1)
-
A.
WEILL,
droit Civil,
introduction générale,
précis Dalloz Sème
édition N°193 P.164
-
IVAN BALENZI,
les conventions entre les sociétés commerciales et
leurs dirigeants,
thèse Paris II 1973. n047 pour une application identique
à notre situation du raisonnement " à contrario "

53
quoi
qu'il
en
soit
si
le
législateur
avait
limité
l'exigence de l'acceptation et de l'agrément au seul paiement
direct,
n'aurait-il
pas fallu,
clarté et simplicité obligent,
l'insérer dans le seul titre II;
les dispositions générales en
ayant été amputées !
Cependant une interprétation différente peut être donnée
au
texte
de
l'article
3 du
titre
l
pour obtenir
une
action
directe sans
acceptation du
sous-traitant ni
agrément de
ses
conditions de paiement (1).
Au terme de cet article 3,
s ' i l n'y a ni acceptation ni
agrément
par
suite
de
carence
ou
de
la
volonté
de
l'entrepreneur principal,
le sous traité qui ne change pas de
nature n'en reste pas moins un sous traité et un sous traité
,
valable.
Il
peut
être
invoqué
par
le
sous-traitant
a
l'encontre de l'entrepreneur principal.
Autrement dit,
le sous
traité demeure même en l'absence d'acceptation et l'agrément;
,
l'article
1 1
s'appliquant
a
tous
les
contrats
de
sous-
traitance
qui
n'entrent
pas
dans
le
champ
d'application
du
titre II, le sous-traitant peut invoquer seul, le sous traité:
(1)
-
V,
Je FOURGOUX,
acceptation du
sous-traitant et
agrément
de des
conditions de
paiement
et
leurs
conséquences
sur
l'action directe.
G. P.
1981 1. 109.

54
il
lui
suffit
de
justifier qu'il
est
un
sous-traitant
pour
être recevable à exercer l'action directe en même temps qu'il
pourra se prévaloir des
clauses du
sous
traité
qui
lui
sont
favorables.
(1)
Cette analyse qui peut séduire outre mesure,
est quelque
peu
empreinte
d'un
irréalisme
juridique
très
poussé
et
de
surcroît
méconnait
totalement
les
motivations
fondamentales
qui ont soutendu l'élaboration de cet article 3.
En
effet,
l'irruption
du
Maître
de
l'ouvrage
dans
l'interprètation de cet article est une curiosité;
car il est
quasi certain que le législateur n'avait point pensé à celui-
ci dans
la rédaction de cet article.
L' individu auquel
il
a
pensé,
au
contraire,
est
bien
l'entrepreneur
principal
le
législateur n'a que voulu sanctionner l'entrepreneur principal
qui
n'a
pas
respecté
ses
obligations
de
faire
accepter
le
sous-traitant et agréer ses conditions de paiement ;
aussi a-
t-il
décidé
que
celui-ci
sera
tenu
envers
le
sous-traitant
mais
ne
pourra
pas
invoquer
le
contrat
de
sous-traitance
contre lui. On ne peut par conséquent étendre démesurément les
effets de cet article et considérer que le sous-traitant peut
agir directement contre le maître de
l'ouvrage,
que celui-ci
ait été accepté ou non,
ses conditions de paiement agréées ou
non.
(1)
- En ce sens J.C. FOURGOUX, art prée.

55
Enfin,
il
semblerait qu'un
argument
à
fortiori
puisse
être dégagé en faveur de l'acceptation et de l'agrément comme
conditions préalables à l'action directe.
En
effet,
si
le législateur a
exigé les
formalités
de
l'acceptation
et
de
l'agrément
pour
la
"super-protection"
qu t insti tue le paiement direct alors que
l'on ne
doute point
de la solvabilité du maître d'ouvrage,
à fortiori les faut-il
pour une
protection aussi
légère que
l'action directe
contre
un
maître
de
l'ouvrage,
personne
pri vée
potentiellement
insolvable.
En
pratique
cela
signifie que si
devant
un
maître de
..
l'ouvrage
toujours
solvable,
on
n'hésite
pas
a
exiger
ces
formali tés alors que
l'on sait que,
dans cet te
hypothèse,
la
probabilité de paiement est
très
forte,
à fortiori devant un
maître
de
l'ouvrage
dont
la
solvabilité
est
douteuse,
faudrait-il
ménager
les
moyens
de
paiement
du
sous-traitant
pour éviter toute sorte de discussions.
..
En
conclusion,
le
constat
que
l'on
peut
faire
apres
l'analyse des textes eux-mêmes,
n'est guère optimiste eu égard
aux nombreuses difficultés d'interprétation de ceux-ci.
On ne
peut
que
regretter
que
le
législateur
ait
laissé
planer
un
doute sur une question qui suscite autant de contreverses.
rI
appartient donc aux juges de décider si l'acceptation du sous-
traitant
et
l'agrément
de
ces
conditions
de
paiement
constituent
un
préalable
nécessaire
à
l'octroi
de
l'action
directe du sous-traitant contre le Maître de l'ouvrage ou non.
Or la jurisprudence à cet effet montre bien des incertitudes.

56
C
-
Les
t e n t a t ; v e s
j u r ; s p r u d e n t ; e l l e s
d e
s o l u t ; o n
du
problè~e_
,
La
jurisprudence
offre-t-elle
solution
quant
a
la
question de
savoir si
l'acception du sous-traitant l'agrément
de
ses
conditions
de
paiement
sont
préalables
à
l'octroi de
l'action directe?
La réponse
est empreinte d'une
hésitation que
reflète
exactement
celle
des
juridictions
elles-mêmes
face
a
cet
épineux
problème.
En
effet,
saisies
concurremment
sur
la
controverse,
deux
chambres
de
la
Cour
de
Cassation
adoptent
..
sinon
des
solutions
diamétralement
opposees,
du
moins
difficilement
conciliables
par
les
efforts
de
la
Chambres
Mixte.
1)
-
Devant la Chambre Commerciale
(1)
l'affaire se présente
ainsi
une entreprise
principale ayant
donné nantissement à
un pool bancaire des marchés qu'elle avait sous- traités,
son
règlement judiciaire ayant été prononcé, des sous- traitants
(1) - Cass.com. 19 mai 1980, Bull Civ.
IV, nO 203; JCP 1980 ed. C.I. 19440,
1ère esp note Flècheux;
JCP 81,
ed.
CI.
13502,
1ère esp,
note Flècheux;
o.s. 1980 443 note Benabent; Rev. Dr. immb. 1980 préc; BANQUE 1980, 1299
1ère esp, obs L.M. Martin

57
qu'elle n' avai t
pas
fait accepter par le maître de
l'ouvrage
ont exercé l'action directe et les banques
Si y
sont opposées
en
invoquant
l'absence
d'acceptation
et
d'agrément.
Pour
rejeter les prétentions du pool bancaire,
la Cour soutient que
"même
si
l'entrepreneur
principal
n'a
pas
fait
accepter
le
sous-traitant
et
agréer
ses
conditions
de
paiement
par
le
Maî tre de
l'ouvrage,
il
a
néanmoins
de
par
la
loi
le
droit
d'exercer
l'action
directe
contre
celui-ci
et
d'exciper
de
,
l'inopposabilité
des
exceptions
a
son
égard
des
privilèges
résultant
des
nantissements
consentis
sur
la
créance
de
l'entrepreneur principal contre le
Maître
de l'ouvrage".
On peut dès lors affirmer sans crainte de se tromper que
pour
la
Chambre
Commerciale,
l'action
directe
existe
indépendamment
des
conditions
d'acceptation
et
d'agrément.
Toutefois,
des
juridictions
inférieures
l'avaient
déjà
précédée dans cette voie.
(1)
2) -
Ce n'est pas l'avis au contraire de la Chambre Civile de
la Cour de Cassation qui,
à
quelques
jours d'intervalle
rend
une décision (2) qui est bien loin de s'accorder avec celle de
la Chambre Commerciale.
(1) - Trib. corn. Paris 15 nov.1977
prée.
(2) - Casso Civ.
29 mai 1980 Bull Civ III nO 109; JCP80 ed G,
II 19440 2è
esp, note Flèeheux; O.S.
1980, 443 1ère esp note Benabent; Rev. Dr. immob.
1980 prée, Rev. Banque 1980, P. 1299 2è esp. obs L.M. Martin.

58
Celle-ci visant les articles 3,
12 et 13 de la loi du 31
décembre
1975
casse
partiellement
un
arrêt
de
la
cour
de
Colmar (1) en des termes qui ne souffrent d'aucune discussion:
"les sous-traitants n'ont une action directe contre le maî tre
de 11 ouvrage,
que si
celui-ci a
accepté chaque sous-traitant
et agréer ses conditions de paiement".
Laxisme
ouvrant
les
vannes
à
des
spéculations
trop
..
nombreuses
d'un
côté,
rigorisme
confinant
a
la
rigidité
de
l'autre;
voilà
les
deux
pôles
auxquels
nous
conduisent
ces
deux
décisions
dont
le
moins
que
l'on
en
puisse
dire
est
qulelles frisent l'extrémisme.
On réalise très vite que le problème de l'acceptation et
de
11 agrément
dépasse
largement
la
protection
des
intérêts
individuels du sous-traitant pour faire place à un problème de
fond tenant à l'équilibre contractuel.
Habituée à
statuer sur les conséquences dramatiques des
liquidations et règlements
judiciaires,
la Chambre Commerciale
a
voulu,
sans
aucun
doute,
en
épargner,
les
retombées
aux
sous-traitants
en
le
préférant
aux
banques
et
créanciers
nantis qui
peuvent généralement
survivre à
la défaillance de
llentrepreneur principal.
(1)
- COLMAR 12 mai 1978 préc ; Paris, 28 avril 1980 D. 1981 114 Benabent
-
Le
tribunal de grande Instance de Strasbourg avait déjà
tranché
dans ce sens: T.G.I. Strasbourg 11 juillet 1977 G.P. 23 fév 1978.

59
A cela s'oppose le légitime souci de la Chambre Civile de
faire respecter les normes de sécurité et de moralité dans le
secteur du bâtiment,
en préconisant une nette transparence des
marchés (1).
Dans cette ambiance de divergence profonde,
l'arbitrage
de la Chambre Mixte est rendue inévitable.
3) -
La chambre Mixte amenée à vider le li tige qui oppose les
..
deux chambres
de
la
Cour de
Cassation
enonce
l'essentiel
de
ses
vues
dans
une
série
de
motivations
qui,
malgré
leur
densité, méritent d'être exposées (2).
"Si
en
application
de
l'article
3
de
la
loi
du
31
décembre
1975,
les
sous
traitants
n'ont
une
action
directe
contre le maître de l'ouvrage que si celui-ci a accepté chaque
sous-traitant,
et agrée
les
conditions de
paiement de
chaque
contrat
de
sous-traitance,
ce
texte
n'exige
pas
que
l'acceptation et l'agrément soient préalables ou concomitants
à la conclusion du contrat de sous-traitance" (1ère espèce).
(1)
- En sens JOELLE FOSSEREAU art. prée.
(2)
- Cass Ch. Mixte 21 mars 1981 3 arrêts JPC. 81 ed, G,
II 19568 et ed
CI.
13589,
P.
443,
conc!.
Toubas
note
FLECHEUX
;
D. S.
1981,
309
note
Benabent ; Rev. Trim dr. Civ. 1981 P.862, nO 2 et P. 964, n03 obs. Ph Remy.
La cour de cassation a rendu 3 espèces.

60
"Si le maître de l'ouvrage peut opposer au sous-traitant
exerçant l'action directe à son encontre,
i l n'en est pas de
,
..
meme
ni
de
l'entrepreneur
principal
qui
a
manque
a
son
obligation de
faire
accepter
le
sous-traitant
et
agréer
les
conditions
de
paiement
du
contrat
de
sous-traitance,
ni
des
créanciers de cet entrepreneur principal . (2ème espèce).
"Ni l'entrepreneur principal qui a manqué à son obligation
de
faire
accepter
le
sous-traitant ni
les
créanciers
de
cet
entrepreneur principal qui n'ont pas plus de droit que lui, ne
..
peuvent
se
prévaloir
de
l'abstention
du
sous-traitant
a
révéler sa présence au maître de l'ouvrage" (3ème espèce).
Les éléments développés dans les différents motifs de la
Chambre Mixte de la Cour de Cassation,
dans les trois espèces
dont elle a
eu connaissance sont nombreux
;
et la complexité
de ces différents arrêts montre non seulement l'importance du
problème
de
l'acceptation du
sous-traitant
et
l'agrément
de
ses conditions de paiement, mais étale la difficulté qu'il y a
à résoudre un tel problème.
Malgré
cette
diversité
des
motifs,
on
peut
néanmoins
avancer que ceux-ci reposent sur deux éléments fondamentaux
:
la Cour
précise d'une
part la nécessité
de
l'agrément
et de
l'acceptation
pour
l'octroi
de
l'action
directe,
et
les
conséquences résultant du défaut de ces éléments.

61
a)
La nécessité de l'agrément et de l'acceptation.
Pour
la Chambre Mixte,
l'acceptation du sous-traitant et l'agrément
de
ses
conditions
de
paiement
se
présentent
comme
une
condition obligatoire de l'octroi de l'action directe au sous-
traitant.
Car
le
contrat
d'entreprise
est
avant
tout
un
,
contrat
intuitus
personae.
L'admission
du
sous-traitant
a
l'exercice d~ l'action directe ne saurait éluder la condition
de
l'acceptation
de
celui-ci
et
de
l'agrément
de
ses
conditions de paiement (1).
Mais
si
cette
condition
est
préalable
à
l'octroi
de
l'action directe,
il n'en demeure pas moins que cet agrément
peut
intervenir
à posteriori.
La protection du
sous-traitant
exige
que
si
cette
condition
n'a
pu
être
satisfaite
"ab
ini tio",
elle puisse être satisfaite à posteriori.
La Chambre
Mixte semble en déduire que l'agrément peut intervenir à tout
moment
car
la
loi
n'exige
pas
qu'il
soit
préalable
ou
,
concomitant
a
la
conclusion
du
contrat
de
sous
traitance,
mieux,
elle
semble admettre
que
le maître de
l'ouvrage
peut
agréer le sous-traitant à n'importe quel moment dès lors qu'il
a
connaissance
de
l'existence
de
celui-ci.
Même
pendant
l'instance,
plus
précisément
au
moment
de
l'exercice
de
l'action directe, l'agrément donné ne serait pas venu trop
(1)
- voir également Paris 30 mars 1984, 2,
som. 2810; C.E.
13 juin 1986
0.1986
I.R.
424
obs
terneyre
C.E.
6
mai
1988,
o.
1989
som
18
obs
Terneyre.

62
tard
(1).
Par
ailleurs,
meme
si
l'agrément
n'a
pas
été
expressément
donné
par
le
maître
de
l'ouvrage,
on
peut
\\
;
l'induire
implicitement
de l'attitude de celui-ci.
(2)
Une telle vue est très protectrice des intérêts du sous-
traitant; Peut être même trop protectrice. La décision,
sur ce
point exige certaines précisions.
Il
est vrai
que le sous-traitant
juridiquement occulte
n'est
pas
toujours
nécessairement
clandestin.
Aussi
dès
lors
qu'il
est
connu
du
maître
de
l'ouvrage,
il
est
légitime
de
déduire
du
comportement
de
celui-ci
qu'il
l'a
accepté
tacitement.
Il
ne
faut
pas
que
l'on
sanctionne
le
sous-
i '
traitant
pour
la
faute
commise
par
l'entrepreneur
principal
( 3 ) .
Toutefois cette solution ne doit pas
faire perdre de vue que
généralement,
le
sous
traitant
n'est
pas
connu du
maître de
l'ouvrage.
Comment
alors
peut-on
prétendre
légitimement
que
celui-là a été accepté par celui-ci?
Est-il utile de rappeler pour la circonstance une pensée
dt un
auteur
autorisé
"1 t expression
de
la
volonté
qui
ne
recourt ni à la parole ni à l'écriture doit être sans
(1)
- Paris 7 juillet 1981 J.C.P 19823 II obs GF.;
Paris 9 déc.
1981 G.P.
24 déc 1981
;
civ 18 mai 1982;
IR.
416 ;
Versailles,
18 mars 1983; G.P.
26
nov.
1983 obs L.
Bommard et J.
Guibert;
civ.
3è,
16 déc 1987,
J.C.P 1988
IV 78; Bull civ. 1988 III N° 206.
(2)
Le T.G.I de pontoise a suivi la Haute Cour
7 Janvier 1982 G.P.
10
Juillet 1982.
(3)
- En ce sens G. FLECHEUX sous Cass Ch . Mixte 1981 prée.

63
équivoque et suffisamment claire et précise" (1).
Aussi l'on doit faire remarquer que si l'on ne veut pas
vider de
sa
signification
l'agrément
implicite
admis
par
la
Chambre Mixte,
il est nécessaire de le faire
reposer sur des
constations
précises
inspirées
de
critères
précis.
Dans
ce
sens,
on
pourrait
exiger
la
production
de
procès-verbaux de
chantiers,
de
réunions
dl où
l'on
relève
indubitablement
la
présence
du
sous
traitant;
des
correspondances
établissant
irréfutablement la connaissance par le Maître d'ouvrage de la
présence du
sous-traitant.
C'est
la raison pour laquelle des
arrêts
récents
décident
que
l'acceptation
tacite
ne
peut
résulter
que
d'actes
manifestant
sans
équivoque
la
volonté
d'accepter le sous-traitant.
(2)
En outre l'agrément tacite doit être constatée au moins
avant la mise en demeure prévue par l'article 12 de la loi. Un
agrément contemporain de la mise en demeure serait,
elle même,
source
de
litige.
Ainsi
l'on
pourrait
mesurer
avant
le
déclenchement de
cette procédure,
si,
ni
l'attitude du sous-
traitant,
ni
celle
du
maître
de
l'ouvrage
ne
font
l'objet
d'ambiguïté
pour
l'octroi
de
l'action
directe.
Car
à
vrai
dire,
l'admission d'une acceptation tacite doit être concilié
avec tous les intérêts en présence dans un contrat
(1)
- GHESTIN, traité, T.2, les obligations nO 296 et S.
(2)
- Civ. 18 juillet 1984, Bull Civ. 1984, III n0141 et 142 : Corn 12 avr
1987. Bull Civ. IV N°114. Voir aussi à ee sujet,
Paris,
7juillet prée. et
Pau, 19 janv 1983 JC.P. 1984, II, 20278 obs G.F.

64
principal qui a fait l'objet d'un sous traité.
En effet,
il ne faut pas négliger le problème que pose
aux créanciers de l'entrepreneur principal la priorité donnée
à 11 action directe .
Son octroi devrait donc
reposer sur des
éléments
précis
ce
qui
pourrait
alors
justifier
cette
priorité.
Ces
créanciers ayant
acquis des
droits
sur
la créance
faisant l'objet d'action directe ne doivent pas être lésés par
un agrément à posteriori et qui serait de surcroît tacite.
(1)
Mais la Chambre Mixte De la Cour de Cassation ne semble
guère
voir
les
choses
de
cette
manière
eu
égard
aux
conséquences qu'elle tire de l'absence totale d'agrément.
b)- Les conséquences résultant du défaut dlacceptation du
sous-traitant et d'agrément de ses conditions de paiement.
Si l'agrément n'est pas intervenu à posteriori ni déduit
tacitement de
l'attitude
du
maître
de
l'ouvrage,
la
Chambre
Mixte
pose
à
cet
effet
une
solution
très
originale.
Elle
,
distingue
les
effets
de
l'absence
de
l ' agrémen t
quan t
a
la
,
si tuation
du
maître
de
l'ouvrage
et
les
effets
quant
a
la
condition
de
l'entrepreneur
principal
et
de
ses
propres
créanciers.
Le maître de l'ouvrage peut opposer au sous-traitant qui
exerce contre
lui 11 action directe son défaut d'agrément.
Ce
défaut porte atteinte au caractère intuitus personae du
( 1 )
-
En ee sens G.
FLECHEUX,
note sous
Cass.
Ch.
Mixte
13 mars
1981,
prée.; BENABENT, note sous Casso Ch. Mixte 13 mars 1981 prée.

65
,
contrat
d'entreprise
le
sous
traité
non
agree
est
en
principe
inopposable au maître de
l'ouvrage,
en conséquence,
son
titulaire
ne
peut
y
puiser
un
droit
direct
contre
le
maître de l'ouvrage.
Au
contraire,
l'entrepreneur
principal
qui
n'a
pas
respecté
son
obligation de
faire
agréer
le
sous
traitant ne
peut
se
prévaloir
de
cette
carence.
Il
ne
peut
prétendre
exciper du
défaut
ni,
pour demander un paiement
lui-même ni
pour empêcher que le maître de l'ouvrage verse directement les
sommes au sous-traitant exerçant l'action directe.
Il en va de
même pour
les
créanciers
de
celui-ci
qui
n'ont
pas
plus
de
droit que lui.
Ainsi donc,
le défaut d'agrément ne produit pas les mêmes
effets selon que l'on est en présence du
maître de l'ouvrage
ou
selon
que
l'on
se
trouve
en
face
de
l'entrepreneur
principal et ses créanciers
(1). Le premier peut se prévaloir
du défaut d'agrément pour refuser le paiement
invoqué par le
sous-traitant,
les seconds ne peuvent jamais eux,
profiter de
quelque façon que soit du défaut.
L'action directe peut à
la
fois
être
inopposable
au
maître de
l'ouvrage
et
opposable
à
l'entrepreneur principal.
(2)
(1)- Avant la décision de la Cour de Cassation,
les juridictions de fond
avait adopté la même position : Trib; Corn.
Bourges, 8
nov 1977 GP.
78 1
129; TGI Toulouse 16 janv 1980 D. 1981. 114.
(2)-Une abondante jurisprudence confirme aujourd'hui ce point de vue : Civ.
19 JUILL 1982 Bull. Civ III n0178; Douai 20 déc 1983 G.P.
1984 1, som 118
et 26 avril 1984 GP. 3nov 1984; civ 5 fév 1985 D. 1985 nO 12 flash; J.C.P.
1985 IV, 147; Paris 1er mars
1988
D. 1988. 521 note P. Dubois.

66
Toutefois l'on peut faire remarquer que,
hormis le fait
que
ces
décisions
assimilent
de
façon
inexplicable,
la
..
situation
de
l'entreprise
principale
a
celle
de
ses
créanciers,
le maître de l'ouvrage,
fort de sa position,
peut
refuser de
verser
les
prétendues
sommes
au
sous-traitant
en
invoquant
l e
défaut
d'agrément
et
s'abstenir
de
payer
l'entrepreneur
principal.
La
question
est
de
savoir
à
qui
versera-t-il ces sommes.
Il
ne peut
les verser à l'entrepreneur principal à qui
est imputable
le défaut d'acceptation.
Dans
le cas
contraire
on lui donnera une prime pour sa négligence.
A quoi servirait
donc l'action directe si l'entrepreneur principal peut à tout
moment
s'abstenir
de
faire
accepter
le
sous-traitant,
pour
ensuite, au cas où i l est défaillant,
profiter seul des sommes
que le maître de l'ouvrage doit encore,
sommes dans lesquelles
sont
comprises
celles
dues
au sous-traitant
?
Il
suffirait
dans
ce
cas
d'une
pression des
créanciers
de
l'entrepreneur
principal sur le maître de l'ouvrage pour que celui-ci oppose
une irrecevabilité de l'action directe qui leur profitera.
Il ne peut non plus conserver par devers lui les sommes
correspondant
aux
travaux
effectués
dans
la
mesure

le
contrat de sous-traitance n'a pas eu pour but de lui
assurer
la gratuité des travaux dont il se trouvera bénéficiaire.

67
La solution trouvée par la Haute Cour est de permettre au
sous-traitant
de
revendiquer
ces
sommes
en
invoquant
l'enrichissement sans cause.
(1)
Dès
lors,
i l
faut
reconnaître que
si
la Chambre Mixte
dans cette décision fait de l'acceptation du sous-traitant et
..
l'agrément
de
ses
conditions
de
paiement
un
préalable
a
lloctroi de
l'action directe contre
le maître de
l'ouvrage -
solution qui
ne peut qu 1 être approuvée
eu égard au
caractère
intui tus personae du contrat
d'entreprise
-
elle
provoque en
revanche une dissociation regrettable au niveau de la sanction
du défaut de ces
formalités,
qui
place le droit positif dans
une véritable impasse.
L'octroi de l'action directe ne pose aucun problème vis à
vis du premier sous-traitant.
Mais dans des cas
très
nombreux
un second sous-traitant intervient dans
l'exécution du marché
sous-traité.
Aussi
l'on
se
demande
si
l'action
directe
bénéficie-t-elle à ce sous-traitant du sous-traitant .
PARAGRAPHE
I I
DE
L'OCTROI
DE
L'ACTION
DIRECTE
AU
SOUS-TRAITANT
DU
SOUS-TRAITANT.
Très
souvent
le
schéma
simpliste
de
la
sous-traitance
impliquant
un
seul
rapport
triangulaire
se
rallonge
de
quelques
sous-traitants
de
plus;
le
premier
sous-traitant
confiant lui-même une partie de son lot à un sous-traitant qui
(1)- Civ. 11 juin 1985, D. 1986, 456 note Ph. DUBOIS

68
peut
à son
tour
recourir
à des
sous-traitants
à des
degrés
subséquents pour la réalisation de l'ouvrage.
L'action directe
peut-elle être mise en place au profit de
ces
sous-traitants
subséquents ?
L'objectif de la loi du 31
décembre 1975 est d'épargner
le sous-traitant des dangers que pourraient entraîner pour lui
la conclusion et l'exécution de son contrat.
Aussi,
la loi a-
t-elle vocation d'abord à s'appliquer au sous-traitant direct
de l'entrepreneur principal. Mais le législateur n'a cependant
ignoré
le
sous-traitant,
ou
plus
précisément,
les
sous-
traitants
subséquents.
La
manifestation
d'un
tel
intérêt
réside
dans
l'article
2
du
titre
l
de
la
loi.
Cette
disposition
d'apparence
claire
pose
néanmoins
de
grandes
difficul tés
d'application.
L'on essayera
d'éclairer
celles-ci
par les tentatives d'interprétation de cet article abordée par
la jurisprudence (B). Mais avant tout i l ne serait intéressant
de cerner les termes du problème posé (A).
A
-
Les
t e r m e s
du
p r o b l è m e
c r é é
p a r
l ' o c t r o ;
d e
La rédaction de l'article 2 de la loi du 31
décembre 1975
condui t
à une ambiguïté dans son interprétation.
Cet article
dispose
." le sous-traitant est considéré comme entrepreneur
principal à l'égard de ses propres sous-traitants"

69
La sous-sous-traitance est donc concernée au meme titre
que
la
sous-traitance
elle-même
par
la
loi.
On
déduit
nettement de cet article que le sous-traitant initial devient
entrepreneur principal à l'égard de son propre sous-traitant.
Doit-on alors
tirer toutes
les conséquences qu'implique cette
assertion
et
considérer
que
le
premier
marché
de
sous-
trai tance se
trouve alors
marché principal vis-à-vis
du sous
traitant
en
second?
rapport
se
transposant
aux
contrats
subséquents mais toujours décalé d'un cran au fur et à mesure
que ceux-ci
se
succident
Ou
soutenir
au
contraire
que
le
marché principal quelles que soient les circonstances,
demeure
le
meme
pour
les
sous-traitants
du
deuxiime
degré
et
des
degrés subséquents?
La
question
est
intéressante
dans
la
mesure

elle
..
ramine
l'interprite
a
se
demander
si
l'action
directe
est
instituée
non
seulement
au
profit
du
premier
sous-traitant
mais
aussi
au
profit
des
sous-traitants
successivement
intervenus dans
la
réalisation
de
l'ouvrage,
contre
le
seul
maître d'ouvrage.
Ou Si ces derniers en fonction de leur rang
doivent
saisir
l'entrepreneur
principal
qui
devient
leur
propre maître d'ouvrage.
Le
problime
ainsi
posé
a
provoqué
de
violentes
discussions
entre
le Sénat
et l'Assemblée Nationale
lors des
débats parlementaires. En effet, les deux assemblées se sont

70
heurtées
sur
le
point
de
savoir
contre
qui
devrait
être
dirigée l'action directe au cas où elle est accordée aux sous-
traitants du sous-traitant.
Mais on peut d'ores et déjà prétendre à quelques clartés
dans
les
suggestions
sénatoriales
qui
se
proposaient
tout
simplement d'égaliser la situation de tous les sous-traitants.
En effet pour cette institution,
tous les sous-traitants
intervenant
successivement
dans
la
réalisation
d'un
ouvrage
doi vent être
placés
sur
un pied d' égali té,
quel
que
soit
le
,
degré
de
leur
intervention.
( 1 )
La
consequence
est
donc
de
maintenir
au
maître
de
l'ouvrage
sa
qualité
en
toutes
circonstances,ce qui permet ainsi à tous les sous-traitants se
succédant,
au
cas où
ils
seraient
impayés
de
le
saisir,
lui
seul.
L'action directe contre
le maître de
llouvrage
initial
bénéficie dans cette hypothèse non seulement au premier sous-
traitant
mais aussi aux sous-traitants successifs.
L'Assemblée
Nationale
au
contraire
redoutant
la
multiplication des
actions
directes
contre
le
seul maître de
l'ouvrage,
préconise
que
l'entreprise
générale
qui
a
sous
traité son marché devienne
à son tour le maître de
l'ouvrage
pour le deuxième sous-traitant.
L'action directe accordée à se
dernier visera dorénavant au lieu et place du maître de
(1)
- Rapport sénat N° 144 P. V. du 13 déc.
1975.
-
V,
intervention de MM ANSQUER et
SAUVAGE
J.O.
Deb.
Sénat
19
nov
1875 P.
4907

71
l'ouvrage initial l'entrepreneur principal.
(1)
On l'a dit plus haut et on y revient,
l'initiative de la
loi
du
31
décembre
1975
est
essentiellement
parlementaire.
Aussi,
une
fois de plus c'est le point de vue de l'Assemblée
Nationale qui triomphe. Mais on réalise très vite l'apparition
d'énormes difficultés dans l'application de cet article.
Deux
de ces obstacles mériteraient d'être exposés.
D'abord, si le premier sous-traitant est payé directement
par le maître de l'ouvrage,
son propre sous-traitant exerçant
l'action
directe
sera
payé
par
l'entrepreneur
principal
considéré comme maître de l'ouvrage à son
égard.
Or,
dans la
chaîne des mouvements, on réalise bien vite que l'entrepreneur
principal
n'a
reçu
aucun
paiement,
tout
ayant
été
fait
au
sous-traitant.Celui-ci ne peut donc plus rien reverser.
Comme
l'action directe ne peut
intervenir qu'au
cas de défaillance
de
l'entrepreneur
principal
-(maître
de
l'ouvrage
pour
la
circonstance)-,
cela
signifierait
que
le
deuxième
sous-
traitant
devra
subir
la
défaillance
de
celui-ci.
L'action
directe
de
ce
deuxième
sous-traitant
serait
une
sorte
de
baudruche
(2),
car existerait
théoriquement mais
en pratique
ne représenterait rien.
(1)
- J.O. Deb; Ass. Nat. 6 déc 1975 P. 9466.
(2)
En ce sens BENABENT note sous Colmar 12 mai 1978 prée.

72
Certains auteurs ont fait valoir pour résoudre -
à vrai
dire détourner
-
la
difficulté,
que
le premier sous-traitant
pourrait reverser à l'entrepreneur principal les sommes reçues
du maître
de
l'ouvrage
initial
et
correspondant
aux
travaux
sous-sous- traités
(2).
Cette solution semble fondamentalement
négliger
l'état
de
l'entrepreneur
principal.
Etant
dans
une
situation de besoin financier,
la tentation serait trop grande
pour
lui
d'utiliser
ces
fonds
pour
résoudre
ses
propres
difficultés au lieu de chercher à
les reverser à
son tour au
deuxième sous-traitant qui agirait contre lui.
Enfin"
on
peut
imaginer
l' hypothèse
d'une
procédure
collective
appliquée
au
sous-traitant
en
premier,
qui
lui
aussi peut devenir maître de l'ouvrage pour un éventuel sous-
trai tant au troisième degré.
On se rend compte que ce "maître
d'ouvrage"
qui,
in
bonis,
pourrait
reverser
le
gain
de
sa
propre
action
directe
au
troisième
sous-traitant
exerçant
également l'action directe contre
lui,
peut
être paralysé au
cas
de
procédure
collective.
Précisément
dans
le
cas
d'une
liquidation
judiciaire(1)
ou
d'un
règlement
judiciaire,
le
sous-trai tant
initial
ne
pourra
plus
rien
verser,
même
s'il
fait l'objet d'une action directe,
car le produit de sa propre
action aura bénéficié déjà à la masse de ses propres
(2)
-
ROULET
et
PEISSE,
les nouvelles
protections en
faveur
des
sous-
traitants article préc.

73
,
créanciers.
Il
ne
restera
a
ce
troisième
sous-traitant
qu'~
produire ~ la failli te de son propre "Maître de l' ouvrage" ~
moins que l'on accorde une priori té"
~ son action directe sur
le produit de celle du sous-traitant initial.
(1)
Devant ces difficultés pratiques,
les solutions retenues
par l'Assemblée Nationale ne peuvent entraîner l'adhésion.
On
s'explique
alors
aisément
pourquoi
les
ébauches
de
décisions
jurisprudentielles
connues,
semblent
pencher
pour
les
suggestions sénatoriales.
B
-
La
s o l u t ; o n
d e s
t r ; b u n a u x
au
p r o b l è m e
d e
l ' o c t r o ;
d e
l ' a c t ; o n
d ; r e c t e
a u
s o u s -
t r a ; t a n t
du
s o u s - t r a ; t a n t
On
peut
affirmer
sans
se
tromper
sur
point
que
la
proposition
du
Sénat
que
l'on
redoutait
tant
parce
qu'occasionnant la multiplication des
actions
directes
contre
le
seul
maître
d'ouvrage
semble
faire
l'unanimité
dans
la
jurisprudence.
(1)
- En ee sens BENABENT sous Colmar 12 mai 1978 prée.

74
A notre connaissance,
c'est la Cour d'Appel de Colmar
(1) qui la première s'est prononcée sur la difficulté.
A s'en
tenir aux termes mêmes de la décision,
le penchant de la Cour
pour le point de vue sénatorial ne souffre d'hésitation,
mais
la décision manque quelque peu de précision.
Dans
cette
...
...
espece
ou
le
doute
plane
sur
l'octroi
de
l'action
directe
au
sous-traitant
contre
le
maître
de
l'ouvrage,
sa conviction est ferme que ." selon l'article 2 de
la
loi,
les
dispositions
protectrices
de
celle-ci
doivent
s'appliquer
aux
sous-traitants
du
sous-traitant
de
la
meme
manière et
sans aucune discrimination possible
selon le rang
ou la forme de
leur intervention,
et,
cela d'autant plus que
l'action directe n'est pas née du contrat,
mais de la volonté
de la loi et doit jouer en faveur de tous les contrats de sous
traitance".
Si
cette décision est claire
sur l'octroi
de
l'action
directe
au
sous-traitant du
sous-traitant,
en
revanche,
elle
ne
fait
aucune
allusion
à
la
personne
contre
laquelle cette
action
peut
être
dirigée.
A
cet
effet,
elle
manque
de
précision.
Mais
qu'à cela ne
tienne
la
précision
qui
fait
...
défaut
a
l'arrêt
de
la
Cour
de
Colmar
ne
tarde
pas
être
suppléée.
(1)
- COLMAR 12 mai 1978 prée.
- Contra trib.Com strasbourg 1ère Ch 11
juillet 1977, non publié "le
sous-traitant du sous-traitant n'a d'action directe que contre le titulaire
et non contre le vrai maître d'ouvrage".

75
La Chambre Civile de la Cour de Cassation (1)
appelée à
se prononcer sur la décision de la Cour de Colmar décide que
Il
l'action
directe
doit
être
accordée
aux
sous-traitants
du
sous-traitant
de
la
A
meme
manière
et
sans
distinction
selon
leur
rang,
à
l'encontre
du
maître
de
l'ouvrage
qui
reste
toujours
le
même
quelle
que
soit
la
succession
des
sous-
traitants.
La décision ne suscite aucun commentaire car elle admet
très
nettement
que
l'action
directe
bénéficient
au
sous-
traitant
initial,et
à
tous
les
sous-traitants
subséquents,
contre le seul maître de l'ouvrage.
Quelques
années
plus
tard,
elle
redira
la
A
meme
chose
d'une
autre
manière
mais
en
apportant
cette
fois
un
autre
élément
de
précision
qui,
au
demeurant,
n'a
pas
suscité
beaucoup d'enthousiasme chez les commentateurs.
En effet,
le 11
Octobre 1983,
(2)
saisie de nouveau du
problème
de
savoir
si
l'action
peut
être
accordée
au
sous-
traitant
du
sous-traitant,
et
contre
qui
doit-elle
être
..
..
exercee, elle enonce
Il
les sous-traitants des sous-traitants
disposent à l'encontre du Maître d'ouvrage,
qui reste toujours
le
A
meme,
d'une
action
directe
pour
le
paiement
de
leurs
créances dans
la limite de sommes encore dues
par celui-ci à
l'entrepreneur principal. Les sous-traitants, quel que soit
( 1 )
-
Cass.
Ci v .
29
mai
1980 prée.
voir également
Riom 29
juin
1979
o . s. 1980 1. R . 11 0
(2)
- Casso Civ 11 oet. 1983, O.s. 153 note Benabent

76
leur rang,
n'ont une action directe que contre celui pour le
compte de qui la construction est réalisée et qui conserve la
qualité de maître de l'ouvrage".
En ce qu'elle octroi l'action directe contre le maître de
l'ouvrage au sous-traitant du sous traitant,
l'arrêt n'est pas
une
nouveauté.
La
Chambre
Civile
avait
déjà
admis
cette
solution
(1).
La véritable innovation apportée réside dans le
fait qu'elle institue le maître de l'ouvrage comme la seule et
unique cible de cette action directe.En effet pour la Cour de
Cassation
l'action directe
est
invariablement
dirigée
contre
,
la
personne
du
Maître
de
l'ouvrage
dans
la
mesure
ou
la
construction
est
réalisée
pour
son
compte.
Si
celui-ci
doi t
encore
des
sommes
à
l'entrepreneur
principal,
les
sous-
trai tants,
quel
que soit
leur rang d'intervention doivent le
saisir en
paiement.
Mais
fort malheureusement,
ceux-ci
ne
le
peuvent pas contre un autre.
En clair,
les
sous-traitants au
deuxième
degré
ou
aux
degrés
subséquents
ne
pourront
jamais
agir par l'action directe ni contre l'entrepreneur principal,
ni contre les maillons intermédiaires de la chaîne.
C'est le caractère de
principe de cette solution qui est
à regretter.
En effet,
il arrive que l'action directe des sous
traitants contre le maître de l'ouvrage soit inefficace parce
(1)
-
Casso
Civ.
29
mai
prée.
voir
également
Civ.
18juin
1982
D.
82
I.R.478; G.P. 20 juillet 1982 Flash J.P.

77
que celui-ci a déjà payé l'entrepreneur principal.
Dans cette
hypothèse,
i l faut permettre au sous-traitant de deuxième main
d'agir directement contre l'entrepreneur principal qui
a
reçu
les sommes et qui ne lui aurait pas reversé sa part
i
dans le
cas
précis

cet
entrepreneur
principal
aurait
retenu
effectivement les dites sommes à son niveau.
Ne pas admettre à
son profit
cette
action
équivaudrait
a
le
rendre
tributaire
des difficultés de l'entrepreneur principal.
Le but de loi,
i l faut le préciser une fois de plus,
est
de
protéger
le
sous-traitant
-protection
qui
consiste
nécessairement dans
le paiement des
sommes qui
lui
sont dues
en vertu des travaux effectués- et non de faire dépendre cette
protection du hasard du maillon de la chaîne de sous-traitance
où les
sommes dues
à
celui-ci
pourraient être éventuellement
bloquées (1).
Cependant la haute Cour maintient sa décision de
,
ne
voir
l'action
directe
exercee
que
contre
le
Maître
d'ouvrage
ini tial
en
déclarant
fermement
que
.. l'entrepreneur
principal
ne
peut
être
le
Maître
dl ouvrage
du
second
sous-
traitant." (2)
(1)
- En sens Benabent sous Casso Civ. 11 oct 1983 prée.
(2)
-
civ 17 juillet 1987 J.C.P 1987,
IV,
340.
voir également Civ.
11
février 1987 D.
1987 256 Benabenti Bull Civ III N° 26. Cette décision est
précédée de celle de la Cour d'Appel de Paris 26janv 1985 G.P. 1985, 1, 395
note Peisse.

78
En conclusion
l'on peut dire que
malgré les
di vergences
profondes nées
lors des débats entre le sénat et
l'Assemblée
Nationale,
la pratique de
la loi démontre -
ce que les
juges
ont
heureusement
compris
-
que
le
sous-traitant
de
première
main,
ainsi
que
les
sous-traitants
subséquents
doivent
bénéficier de l'action directe dans les mêmes circonstances et
aux mêmes conditions que le sous-traitant initial -
Ainsi donc
on peut se demander si la multiplication des actions directes
que redoutait le parlement est justifiée.
Il semble que la réponse est négative car l'on sait que
même
si
le
maître
de
l'ouvrage
fait
l'objet
de
plusieurs
actions directes,
il ne paye cependant que dans les limites de
ce qu'il
doit
encore
à l'entrepreneur principal,
i l
ne
peut
payer plus.
Par ailleurs on doute fort bien que cette crainte
soit
inspirée,
le
cas
échéant,
de
la
multiplication
des
procédures contre le seul maître d'ouvrage. A ce niveau encore
la
crainte
ne
peut
être
fondée
Car
si
la
solidité
et
l'efficacité de l'exécution d'un marché exigent que le maître
,
de
l'ouvrage
le
confie
globalement
a
une
seule
et
grosse
entreprise
principale,
dans
les
détails
cette
exécution
appelle en réalité
toujours
le concours d'un ou de
plusieurs
sous-traitants,
qui
deviennent
dès
lors
de
potentiels
titulaires d'action directe; Force est alors de constater que

79
la multiplication des procédures d'action directe
résulte des
impératifs
memes
de
la
construction
et
doit
par
conséquent
être prise en compte dans la réalisation de tout ouvrage.
La seule réserve que l'on peut émettre tient au fait que
la jurisprudence n'admet l'action directe que contre le maître
de
l'ouvrage;
ce
qui
peut
nuire
fondamentalement
aux
sous-
trai tants
aux
dégrés
subséquents
qui
ne
pourraient
recevoir
paiement du maître de l'ouvrage.
Toutefois la réunion des conditions exigée pour la mise
en
place
de
l'action
directe
ne
signifie
pas
pour
le
sous-
traitant
bénéficiaire
d'une
telle
action,
paiement
automatique.
rI
est
nécessaire
pour
obtenir
versement
entre
ses
mains
des
sommes
revendiquées
de
mettre
en
oeuvre
cette
action contre le Maître d'ouvrage. Comment procèdera t-il :
CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DE L'ACTION DIRECTE DU
SOUS-TRAITANT CONTRE LE MAITRE DE L'OUVRAGE
Comment le titulaire de l'action directe va-t-il pouvoir
réclamer le paiement des sommes par lui revendiquées:
devra-
t-il
saisir
directement
le
maître
d'ouvrage
en
paiement,
ou
adresser
une
demande
en
justice
aux
fins
de
voir
celui-ci
s'exécuter.:

80
Dans
son acceptation
juridique
la
terminologie
action
directe
laisse
immédiatement
entrevoir
un
aspect
contentieux
dans la mise en oeuvre de celle-ci.
En effet les auteurs qui
ont
envisagé,
un
tant
soit
peu
le
problème
étaient
si
convaincus de cet aspect qu'ils se sont contentés d'affirmer,
sans
discussion,
que
l'action
directe
ne
pouvait
être
autre
chose qu'une action en justice.
(1)
Mais
le
législateur
de
1975
soumet
le
sous-traitant
agissant directement contre le maître de l'ouvrage à une mise
..
en
demeure
préalable
de
l'entrepreneur
principal
a
laquelle
succède
la
réclamation
directement
des
sommes
qui
lui
sont
dues au maître de l'ouvrage. On voit ici que le législateur ne
fait aucune allusion à la procédure
judiciaire
au contraire
le dispositif mis en place assurerait un paiement à l'amiable
des sommes dues au sous -traitant.
Est-ce· à dire
alors que
la loi
du
31
décembre
1975 a
voulu que
le
sous-traitant
ne
réclame
directement
son dû au
maître de l'ouvrage que la par la voie amiable? que ferait dès
lors
le
sous-traitant
s'il
se
heurte
à
une
opposition
au
paiement de la part· du maître de l'ouvrage?
( 1 )
-
En
sens
COZIAN
op.
Ci t.

309
dénonçant
le
point
de
vue
des
auteurs comme Debray, Robino, Depage.

81
On ne
peut
réellement penser que
cette
loi
impose
la
seule réclamation à l'amiable au sous-traitant agissant contre
le
maître
de
l'ouvrage.
Cela
supposerait
dès
lors
que
ni
l'entrepreneur
principal,
ni
celui
qui
est
directement
actionné ne puisse contester l'existence de la créance et même
son étendu.
Or ce n'est certainement pas l'objectif de la loi
de 1975.
La
procédure
de
mise
en
oeuvre
institué
par
le
législateur,
même
si
elle
peut être
confinée à
un
règlement
amiable de la créance du sous-traitant a été certainement mise
en place à
titre purement indicatif,
car dans
la pratique le
recours
au
juge
sera
fréquent,
soit
parce
que
le
créancier
invoque un
droit
incertain,
soit que
le maître
de
l'ouvrage
doute
des
obligations
dont
celui-ci
réclame
l'exécution
et
cherche alors à imposer un contrôle judiciaire.
La mise
en oeuvre de
l'action directe ouvre
donc
une
duali té de voie procédurale au titulaire de l'action
quand
la créance
dont
il
invoque
le
paiement
devant
le
maître
de
l'ouvrage
ne
fait
l'objet
d'aucune
contestation,
il
peut
saisir directement
celui-ci
pour se
faire
régler
amiablement
(section
1).
Mais
dès
lors
qu 1 un
doute
surgit,
les
parties
s'en
remettront
à
l' autori té
judiciaire
pour
préciser
leurs
droits et leurs obligations respectifs.
(section II).

82
toutefois
le
législateur
a
institué
parallèlement
a
l'action
directe
des
garanties
annexes,
la
caution
et
la
délégation,
dont
la
mise
en
oeuvre
peut
avoir
des
interférences
sur
celle
de
l'action
directe.
Il
sera
intéressant
d'envisager
la
mise
en
oeuvre
de
celle-ci
pour
découvrir ces interférences (section III).
SECTION l : La procédure amiable de la mise en oeuvre de
l'action directe du sous-traitant.

Elle
se
situe
dans
le
cadre
d'une
réclamation
non
contentieuse
dilligentée
par
le
sous-traitant,
pour
le
paiement d'une crénce non contestée.
la
mise
en
oeuvre
des
actions
directes
comporte
traditionnellement
dans
un
tel
cas
deux
phases
l'une
relative à
la mis~ en cause préalable du débiteur qui a pour
but de rendre incontestable la créance
. Néanmoins la mise en
cause du débiteur doit être appuyée par une opposition formée
entre
les
mains
dusous-débi teur
de
sorte
a
immobiliser
la
créance dans
les main de celui-ci
et
l'empêcher de
payer
la
dette à un tiers (1).
(1)
- COZIAN op. cit N°375 et s. P.228

83
Le
législateur
inspiré
par
cette
structure
classique
semble avoir tout prévu à cet effet. L'article 12 de la loi du
31
décembre
1975 dispose que:
"le sous-traitant à
une action
directe
contre
le
maître
de
l'ouvrage
si
l'entrepreneur
principal
ne
paie
pas,
un
mois
après
avoir
été
mise
en
demeure,
les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous
traitance ; copie de la mise en demeure est notifiée au maître
de l'ouvrage".
Cet article ainsi libellé semble très nettement obliger
le
sous-traitant
à mettre
en
cause
l'entrepreneur
principal
..
par
la
procédure
de
mise
en
demeure
préalable
(§1),
et,
a
faire
une
opposition entre
les mains
du maître
de
l'ouvrage
..
par
la
notification
a
celui-ci
de
la
copie
de
la
mise
en
demeure préalable (§2).
PARAGRAPHE
I
-
LA
MISE
EN
DEMEURE
PREALABLE
DE
L'ENTREPRENEUR
PRINCIPAL.
L'article 12 alinéa 1 de la loi de 1975 en instituant la
mise en demeure préalable énonce par là même,
la nécessité de
saisir,
préalablement à la
réclamation adressée
au maître de
l'ouvrage,
le
débiteur
lui-même.
Le
caractère
subsidiaire de
la
revendication
directe
tant
affirmée
est
de
nouveau
proclamé.

84
Mr Cozian n'affirme-t-il pas
: "il serait inconcevable, que la
mise
en
cause
du
débiteur
intervienne
toujours
préalablement
afin que sa volonté de ne pas payer ou son insolvabilité soit
démontrée ouvertement avant de saisir le sous débiteur (1). Si
la
loi
a
heureusement
prévu
la
mise
en
demeure
pour
évi ter
toute discussion à cette effet,
elle est revanche muette sur
la
forme
que
celle-ci
peut
revêtir
pour
être
valable,
bien
qu'en
toile
de
fond,
elle
ait
précisé
le
délai
de
cette
mesure: il est d'un mois.
Devant
la carence législative
il
est unanimement admis
que la mise en demeure préalable délivrée par le sous-traitant
à l'entrepreneur principal peut prendre la forme d'une lettre
recommandée avec accusé de
réception
(1).
Cette remarque est
d'autant
plus
crédible
que
généralement
le
contrat
de
sous-
traitance intervient entre des commerçants et à l'occasion de
leur activité commerciale.
(2)
Mais
il
semble
que
la
jurisprudence
ne
veuille
pas
admettre ce point de vue.
(1)
-
En ce sens VALDO ROULET et PEISSE,
les nouvelles protections en
faveur des sous-traitants. art. prée.
- FOURGOUX et JALLAGIER,
la loi du 31 déc après 2 ans d'application,
art prée.
- GAVALDA Rep. Civ. prée. N° 158
(2)
- En ce sens G. FLECHEUX,
note sous Bourges 5 juillet 1978,
J.C.
P
179 II 19266.

85
En
effet
dans
une
espèce

le
sous-traitant
avait
adressé une lettre recommandée à l'entrepreneur principal dont
il
a
notifiée
la
copie
au
maître
de
l'ouvrage,
la
Chambre
Civile décide que (1):" l'arrêt qui retient souverainement que
,
la
lettre
adressée
par
le
sous-traitant
a
l'entrepreneur
principal
lui
transmettant,
pour
lui
permettre
d'arrêter
les
comptes les mémoires des travaux exécutés,
ne constituant pas
une mise en demeure de payer et que la copie de cette lettre
adressée au maître de l'ouvrage ne pouvait valoir notification
'"
,
d'une
mise
en
demeure
qui
n'a
pas
été
adressée
a
l'entrepreneur principal
peut
en déduire
que
le
maître
de
l'ouvrage auquel le sous-traitant avait demandé de bloquer les
,
fonds
dûs
a
l'entrepreneur
principal,
n'avait
pas
la
possibilité
de
différer
le
paiement
exigé
par
le
syndic
de
l'entrepreneur principal
des
sommes
dues
à
celui-ci
en vertu
du marché principal et le que paiement n'était pas constitutif
de faute".
Cette décision
amène
à penser que la Chambre Ci vile
donne un large pouvoir d'appréciation aux
juges du fond quand
à la forme que revêt la mise en demeure préalable.
Toutefois
en l'espèce on peut remarquer que la décision du juge de fond
est inacceptable eu égard au rôle imparti à la mise en demeure
préalable.
(3)
- Casso Civ. 3è Ch. 8 juin 1982 Bull. Civ. 1982 III N° 144.

86
A l'égard de l'entrepreneur principal la mise en demeure
revêt un rôle procédural;
C'est la forme de la revendication
qui exige que le sous-traitant mette en demeure l'entrepreneur
principal
en
sachant
tris
bien
que
celui-ci
ne
pourra
pas
payer.
En
fait
cette
mesure
est
avertissement
que
faute
de
paiement
par
l'entrepreneur
principal
le
sous-traitant
réclamera
le
paiement
directement
au
maître
de
l'ouvrage.
Aussi
l'on
peut
estimer
qu'une
mise
en
demeure
par
lettre
recommandée à l'entrepreneur principal satisfait pleinement ce
rôle.
Des
points de vue d'auteurs
autorisés
nous
confortent
dans cette position. En effet ceux-ci estiment que la mise en
demeure
n'exige
traditionnellement
aucun
formalisme
car
n'occasionnant qu'une gêne supportable pour le créancier
(1).
En outre elle risquerait d'éveiller les soupçons d'un débiteur
aux abois l'incitant à réaliser au plus tôt une créance qu'on
se propose
de
lui
ravir.
Aussi
bien
la
loi
ne
l' avai t-elle
imposer nulle part.
Si au contraire la loi de 1975 l'impose au sous-traitant,
ce qui
paraît regrettable,
il serait excessif de la confiner
dans une forme rigide.
On peut faire remarquer d'ailleurs que
n'eut été l'envoi de la copie de cette mise en demeure exigée
(1)
- COZIAN op. cit. nO 376

87
par la loi
(1),
la mise en demeure aurait bien pu ne revêtir
aucune forme particulière:
la Cour de cassation a d'ailleurs
décidé
que
l'avis
à
tiers
détenteur
peut-être
utilisé
dès
l'exigibilité de
l'impôt sans
que
le contribuable doive
être
mis en demeure préalablent
(2).
Dans la pratique i l n'est pas
d' usage
de
faire
précéder
d'une
mise
en demeure
les
actions
directes les plus courantes,
telles celles résultant du droit
des
assurances
ou
celles
qui
découlent
dl un
nantissement
de
film ou de marché.
(3)
Cette
extrême
facilité
procédurale
qui
dispense
l'exercice de l'action directe d'une mise en demeure préalable
devrait
conduire
les
tribunaux
à
plus
de
souplesse
dans
l'exigence de forme de la mise en demeure prévue par l'article
12 de la loi de 1975.
Toutefois une autre question se pose qui mériterait d'être
trancher
également.
Elle
concerne
la
mise
en
demeure
du
débiteur au cas de procédures collectives appliquées à celui-
,
ci.
Le
problème
est
pose
de
savoir
si
dans
une
telle
hypothèse,
la mise en demeure préalable du débiteur est exigée
pour la réclamation du paiement au maître de l'ouvrage.
( 1 )
-
Si
la
Loi
du
31
déc.
1975
fait
obligation
au
sous-traitant
de
notifier
la
copie
de
la
mise
en
demeure
au
maître
de
l'ouvrage,
cela
suppose que la mise en demeure doit résulter d'un acte.
Pour répondre à la
question de
savoir si
l'assignation devant
une
juridiction
vaut mise
en
demeure, Trib.
Corn. Orléans 14 sept 1977 G.P.
1987,
1,
Som.48; Lyon 22 mai
1987, 1,128. ont répondu positivement.
(2)
- Corn. 6 juin 1952, IV,
113; Bull 1952, III, N°169
(3)
- En ce sens COZIAN op. cit. N°379

88
Pour
répondre
à cette préoccupation,
la
jurisprudence décide
que
la
procédure
de
la
mise
en
demeure
préalable
n'est
pas
exigée
lorsque
l'entrepreneur
principal
est
en
état
de
règlement
judiciaire
ou
de
liquidation
des
biens.
Cl est
ce
qu'affirme particulièrement l'arrêt de la Cour de Paris du 17
mai 1982 (1) qui estime que :" si l'article 12 de la loi du 31
décembre
1975
fait
de
la
mise
en
demeure
de
l'entrepreneur
principal
par
le
sous-traitant
le
préliminaire
du
recours
...
direct
exerce
par
le
sous-traitant
contre
le
maître
de
l'ouvrage,
l'accomplissement de
cette
formalité
n'a
pas
lieu
d'être requis
lorsque l'entrepreneur principal est déclaré en
règlement
judiciaire
ou
en
liquidation
des
biens,
parce
que
...
les
créanciers
dont
la
créance
est
nee
avant
le
jugement
,
déclaratif
sont
alors
soumis
a
la
règle
de
suspension
des
poursuites individuelles et que la mise en demeure du débiteur
qui a pour objet de l'inviter à exécuter son obligation avant
poursuites, est incompatible avec ce principe. "
Le sens de c~tte décision se comprend d'autant plus que
l'objectif visé par l'action directe est de permettre au sous-
traitant, malgré l'absence de lien de droit entre le maître de
l'ouvrage et lui, de saisir ce dernier en paiement de sa
(1)
- paris, 17 mai 1982, D1983, I.R.32

89
créance
contre
l'entrepreneur
principal
dès
lors
que
cette
possibilité
existe,
il
est
inutile
de
mettre
en
demeure
l'entrepreneur
principal
qui
fait
l'objet
de
procédures
collecti ves dans
la mesure où la créance
dont
on
réclame
le
paiement n'est pas contestée.
En tout état de cause après la mise en demeure préalable,
le sous-traitant doit faire défense au maître de l'ouvrage de
payer la créance à
un tiers.
Ceci n'est possible que par une
opposition entre les mains du maître de l'ouvrage.
PARAGRAPHE
I I
-
L'OPPOSITION
FORMEE
ENTRE
LES
MAINS
DU
MAITRE
DE
L'OUVRAGE
La mise en demeure préalable faite par le sous-traitant à
l'entrepreneur principal n'a pas de sens si celle-ci n'est pas
appuyée par la défense que celui-ci peut adresser au maître de
l'ouvrage
de
payer
un
tiers.
On
peut
se
demander
si
la
manifestation de cette volonté est soumise à un formalisme.
De
droit commun,
les oppositions
entre
les
mains
d'un
sous
débiteur
doivent
prendre
la
forme
d'une
saisie
arrêt.
Tout
autre
procédé,
fût-il
un
acte
d'huissier,
étant
inopérant.
(1)
(1)
- Trib. Civ; de la Seine 28 Fév 1942, J.C.P 1943 IV ed A42
- Trib. civ. Toulouse 13mars 1956, J.C.P. 1956 IV ed A2722
- P. BAILLY, juris-class de pro. Civ. art. 557 N° 31

90
Mais
la
jurisprudence
consciente de
la lourdeur de
la
procédure de la saisie arrêt et soucieuse de donner une grande
efficaci té
aux
actions
directes,
a
été
amenée
à
adopter
des
solutions
plus
souples.
Aussi
admet-elle
que
si
un
acte
d'opposition est nécessaire pour avertir le sous débiteur, cet
..
acte à condition qu'il fût explicite n'est assujetti a aucune
condi tion
de
forme.
La
Cour
de
Cassation
l'a
déclaré
expressément
pour
l ' opposi tion
des
créanciers
privilégiés
ou
hypothécaires entre les mains de l'assureur de chose.
(1)
..
La
tendance
générale
jurisprudentielle
étant
a
l'assouplissement
de
l'acte
d'opposition,
cette
facilité
devrait aussi
bénéficier au sous-traitant exerçant une action
directe contre le maître de l'ouvrage.
En conséquence il ne serait pas déraisonnable dans notre
étude d'estimer que la notification de la copie de la mise en
demeure
au
maître
de
l'ouvrage
par
le
sous-traitant
vaut
opposition entre les mains de celui-ci.
En effet la loi n'a prévu aucune garantie contre risque
auquel
elle
expose
le
sous-traitant
en
le
soumettant
obligatoirement à
la procédure
de mise
en demeure préalable.
Nous
estimons
dans
ce
cas
que
seule
la
notification
de
la
copie
(1)
- Casso Civ. 1ère sect. 12 009CT. 1955 D. 1956 195.

91
..
de
cet
acte
au
maître
de
l'ouvrage
peut
epargner
le
sous-
trai tant
des
appétits
voraces
qu'il
aura
susciter
par
l'exécution de cette mesure(1).
Dès lors qu'il envoie la copie
de l'acte au maître de l'ouvrage
qui
la reçoit,
celui-ci
ne
peut plus s'acquitter valablement de sa dette entre les mains
d'un tiers.
Cette interprétation est très satisfaisante car conforme
à la volonté protectrice de la loi ; contrairement à certains
auteurs qui pensent que malgré la notification de la copie de
l'acte
au
maître
de
l'ouvrage,
et
pire,
à
l'expiration
du
délai
de
la
mise
en
demeure
préalable,
le
sous-traitant
ne
peut se prévaloir d'aucun droit sur les sommes dont le maître
d'ouvrage
dispose
et
qui
constituent
la
créance
de
l'entrepreneur principal
contre celui-ci,
tant
qu'il
n'a
pas
agit contre le maître de l'ouvrage.
(2)
En conclusion on peut faire
remarquer que
la procédure
extra
judiciaire
de
l'action
directe
du
sous-traitant
doit
être facilitée au maximum, ce à quoi doivent s'employer les
(1)
-
la mise en demeure préalable dès qu'elle sera déclenchée incitera
tous les autres créanciers de l'entrepreneur principal à
agir,
pour ceux
qui
le
peuvent,
en revendication de
leurs
créances
contre
le maître de
l'ouvrage.
Ainsi
l'opposition
formée
ultérieurement
contre
celui-ci
sera
inefficace.
(2)
- Marc St cène note sous Paris 5 fév.
1982. préc.

92
tribunaux de toute leur ardeur;
elle doit être d'autant plus
simplifiée
que
la
créance
du
sous-traitant
ne
fait
l'objet
d'aucune contestation ni dans son existence,
pas plus que dans
son étendue,
et
sera
acquittée
amiablement
par
le
maître
de
l'ouvrage.
Cette simplicité apparente ne doit pas masquer pour autant
les difficultés
de
la mise en oeuvre de
l'action directe
du
sous-traitant de l'ouvrage;
lorsque le sous-traitant présente
une réclamation dont
le contenu est
incertain,
ou lorsque le
maî tre de
l'ouvrage prudent oppose une
résistance à
celui-ci
lors
du
paiement,
il
est
évident
que
les
parties
s'en
..
remettront
a
une
juridiction
qui
tranchera;
Ainsi,
la
procédure judiciaire se substituera à la procédure amiable.
SECTION II : La procédure judiciaire de la mise en oeuvre
de l'action directe au sous-traitant
. '.
'~ ..
.
'
.\\,..
..
..
1 .
Dans
l'hypothèse
ou
la
creance
du
sous-traitant
est
1
!
contestée
comment
va-t-il
pouvoir
mettre
en
oeuvre
l'action
directe pour obtenir paiement du Maître d'ouvrage?
Le
maître
de
l'ouvrage
est
en
principe
un
tiers
par
apport
aux
relations
qui
unissent
le
sous-traitant
et
l'entrepreneur principal; il sait ce dont il est débiteur mais

93
en
revanche
il
peut
émettre
des
doutes
sur
la
créance
du
titulaire de l'action directe (1). En satisfaisant,
dans cette
atmosphère
d'incertitude,
à
une
telle
demande,
il
court
le
risque
d'effectuer
un
paiement
indu
dont
il
peut
être
responsable à l'égard de son créancier;
Aussi ne s'exécutera-
t-il
parfois
qu'au
vu
d'un
jugement
reconnaissant
le
bien
fondé de la demande du sous-traitant.
Dès lors, à la moindre résistance opposé par le maître de
l'ouvrage au paiement invoqué par le sous traitant,
ce dernier
n'hésitera
pas
saisir
l'autorité
judiciaire
qui
fixera
ses
..
droits
vis
à
vis
de
l'entrepreneur
principal
et
partant
a
l'égard du maître de l'ouvrage.
Il n'est pas rare non plus que la contestation tire sa
..
source d'une
procédure
collective
appliquée
a
l'entrepreneur
principal.
En
effet
au
cas
de
suspension
provisoire
des
poursuite
individuelles
de
règlement
judiciaire
ou
de
liquidation des biens appliqués à l'entrepreneur principal les
organes de ces procédures auront toujours tendance à contester
l'étendue et parfois même le principe de la créance du sous-
traitant. (2)
(1)·
- l'acceptation du sous-traitant et l'agrément de ses conditions de
paiement garantissent la sincérité et le bien fondé de la réclamation du
sous traitant mais n'excluent pas toujours une éventuelle contestation du
fait d'une modification postérieure à ces formalités. En outre il existe
les cas de sous-traitance occultes pour lesquelles le maître de l'ouvrage
ne peut vérifier le bien fondé de la créance du sous-traitant.
(2)
- Comme spécifié, depuis la Loi N°85-98 d~ 25 janv 1985 le règlement
judiciaire est remplacé par le redressement judiciaire - supra P.23.

94
Dans cette hypothèse aussi le sous-traitant saisira les
tribunaux
à
l'effet
de
déterminer
sa
créance
tant
dans
son
principe que dans son étendue.
On voit alors que le recours au juge sera
très
fréquent
au cas
de
contestation de
la
créance du
sous-traitant.
Mais
une
difficulté
s'est
néanmoins
élevée
en
pratique
quand
le
sous-traitant
agit
par
voie
judiciaire
contre
le
maître
de
l'ouvrage
est-il
obligé
de
mettre
en
cause
l'entrepreneur
principal?
L'intérêt
d'une
telle
question
résulte
de
ce
que
la
créance
faisant
l'objet
d'une
contestation,
la
présence
de
l'entrepreneur
principal
aidera
a
la
fixation
de
la
consistance
exacte
du
droit
du
sous-traitant
de
façon,
contradictoire.
Monsieur SAVATIER soulignait cette nécessit~ en matière
de droit des assurances: "le procès quand rien n'a encore été
,
,
jugé
a
l'égard
de
l'assuré,
est
d'abord
un
proces
de
,
responsabilité,
et
seulement
par
voie
de
consequence,
un
procès
d'assurance.
Il
serait
profondément
anormal
que
le
procès de responsabilité pat se débattre hors de la présence
du responsable ".
(1)
(1)
- SAVATIER, traité de responsabilité civile T.2 N°774

95
Cette
solution vaut
pour le droit des
assurances
mais
peut
s'appliquer
également
en
matière
d'action
directe
du
sous-trai tant
contre
le
maître
de
l'ouvrage
dès
lors
que
se
..
,
dégagen t
des
incertitudes
relatives
a
la
creance
du
sous-
traitant.
Mais
dans
la
pratique
les
choses
ne
se
passent
pas
généralement
aussi
simplement.
En
effet si
au
cas
de
simple
défaillance la mise en cause du débiteur par le sous-traitant
agissant directement contre le maître de
l'ouvrage
par
voie
judiciaire n'a susci t"ê aucune difficulté particulière, ($1)
en
revanche
au
cas
de
procédures
collectivités
appliquées
au
débiteur,
les
organes
de
ces
procédures
ou
le
maître
de
l'ouvrage invoquant les règles de ces procédures collectivités
n'ont pas toujours admis facilement cette mise en cause ($2).
PARAGRAPHE
I
:
LA
MISE
EN
CAUSE
DE
L'ENTREPRENEUR
PRINCIPAL
IN
BONIS
ET
LA
DETERMINATION
DES
DROITS
DU
SOUS-TRAITANT
Si
dans
le cas
de
l'entrepreneur
principal
in bonis
la
mise en cause ne pose de difficulté particulière,
il subsiste
cependant un problème à résoudre.
Le sous-traitant, au lieu et place de la mise en demeure
préalable exigée par la loi,
délivre généralement directement
des
assignations
à
la
fois
à
l'entrepreneur
principal
et au
maître
de
l'ouvrage
en
prétendant
ainsi
satisfaire
aux
exigences l'égale à cet effet. Qu'en est-il?

96
Le problème se pose donc de savoir si l'assignation peut
remplacer la mise en demeure préalable. Pour
répondre à
cette
,
interrogation,
on
peut
en
référer
a
la
nature
meme
de
l'assignation
elle est unanimement définie comme un acte de
procédure
adressé
par
le
demandeur
au
défendeur,
par
,
l'intermédiaire
d'un
huissier
de
justice,
pour
l'inviter
a
comparaître
devant
une
juridiction
de
l'ordre
judiciaire
et
valant devant le tribunal de grande instance conclusions pour
le demandeur (1).
Or
le
rôle
de
la
mise
en
cause
est,
on
le
rappelle,
d'avertir l'entrepreneur principal que
faute de s'exécuter le
sous
traitant
saisira
directement
le
maître
de
l'ouvrage
en
paiement.
On
réalise
dès
lors
que
pour
ce
qui
est
de
l'avertissement
l'assignation
remplit
largement
ce
rôle
car
celle-ci mentionne
outre
la
date de
compar~tion et
le
lieu,
les
raisons
de
la
comparution.
En
cela
même
on
peut
,
légitimement
prétendre
que
l'assignation
délivrée
a
,
l'entrepreneur
principal
peut-être
assimilée
a
la
mise
en
demeure prévue par l'article 12.
Ainsi le tribunal commercial d'Orléans (2),
se référant à
une
décision
de
la
Cour
d'appel
de
Lyon
(3)
a
admis
que
ll'assignation délivrée à la fois à l'entrepreneur principal et
( 1 )
- Lexique des termes juridiques -DALLOZ- P.38
- Trib. Com. Orléans 14 sept 1978 D. 1979 Som 48
- Lyon 27 mai 1977 prée.

97
au
maître
de
l'ouvrage
peut-être
assimilée
à
la
mise
en
demeure préalable prévue par l'article 12 de la loi de 1975.
L'assignation
qui
jouera
le
rôle
traditionnellement
..
imparti
a
la
mise
en
cause
du
débi teur
peut
dès
lors
se
substituer à la mise en demeure préalable prévue par l'article
12 de la Loi de 1975 (1).
Dès
lors
l'entrepreneur
principal
et
le
maître
de
l'ouvrage
assignés
se
présenteront
devant
la
juridiction
saisie
de
la
demande
du
sous
traitant.
Celle-ci
prendra
sa
décision
dans
une
instance
unique
qui
poursuivra
cependant
deux objectifs séparés
:
elle statuera sur la créance du sous
traitant,
ce
qui
n'est
possible
qu'en
présence
de
l'entrepreneur principal,
et sur
la
recevabilité de
l'action
directe ce qui implique la présence du maître de l'ouvrage (2)
C'est
alors
cette
instance unique
qui
décidera
de
la
consistance exacte des droits que le sous-traitant doit faire
prévaloir auprès du maître de l'ouvrage.
(3)
Dans
la
procédure
judiciaire
ou
la
mise
en
cause
du
débiteur peut
se
faire
au besoin
par assignation
adressée
à
l'entrepreneur principal, la mise en oeuvre de l'action
directe est
presque
aussi
simple
que
dans
la
procédure
de
paiement à l'amiable. En revanche si l'entrepreneur principal
(1)
-
En
ce
sens
VALDO ROULET
et
PEISSE
les
nouvelles
protections
en
faveur des sous-traitants art. prée.
(2)
- En ce sens COZIAN op. cit. nO 399.
(3)
V,
COZIAN
sur
l'autorité
de
la
chose
jugée
dans
la
procédure
judiciaire de l'action directe op. cit. nO 407.

98
fai t
l'objet d'une procédure collective,
la mise
en cause du
débiteur et partant la
détermination des
droits contestés du
sous traitant rendent la procédure moins aisée.
PARAGRAPHE
I I :
LA
MISE
EN
CAUSE
DE
L'ENTREPRENEUR
PRINCIPAL
OBJET
DE
PROCEDURES
COLLECTIVES
ET
LA
DETERMINATION
DES
DROITS
DU
SOUs
TRAITANT
L'originalité de cette rubrique résulte de la situation
du
débiteur.
Il
ne
s'agit
plus
d'un
débiteur
qui,
même
insolvable,
peut-être attrait à l'instance aux fins d'aider à
la fixation des droits du sous traitant. C'est au contraire un
débi teur objet d'une défaillance si grave que
les
règles des
procédures collectives
s'appliquent désormais
à
lui.
Il
peut
faire
l'objet
d'une
suspension
provisoire
des
poursuites
collectives,
d'un
règlement
judiciaire
ou
enfin
d'une
liquidation des biens.
Dans
ces
trois
hypothèses,
l'ordonnance du
23
septembre
1967,
la loi du 13 juillet 1967 dans ses articles
45 à
55 et
le décret du
22 décembre
1967
interdissent aux créanciers la
poursui te
individuelle
du
paiement
de
leur
créance.
Ceux-ci
doivent au
cas
de
règlement ou de
liquidation
judiciaire se
consti tuer
en
masse
dont
le
syndic,
qui
en
est
le
représentant, agit en son nom, dans l'instance et de façon

99
générale
dans
toute
la
procédure
pour
la
défense
de
ses
intérêts. (1)
Devant une
telle situation le créancier titulaire d'une
action
directe
va
éprouver
des
difficultés
au
cas

il
voudrait
recevoir
son
paiement
directement
de
la
part
du
maître de l'ouvrage. Certes l'article 12 alinéa 3 de la loi du
31 Décembre 1975 lui permet d'agir contre celui-ci car énonce-
t-il
"l'action
directe
subsiste
même
si
l'entrepreneur
principal est en état de liquidation des biens ou de règlement
judiciaire
ou
de
suspension
des
poursuites
individuelles";
l'obstacle
ne
se
si tue
donc
pas
au
ni veau
de
l'exercice
de
l'action
du
sous
traitant
mais
réside
plutôt
dans
une
,
éventuelle
contestation
de
la
creance
au
cas
d'exercice
de
cette action .
La question a
été vivement discutée.
Dans le droit des
assurances
au
cas
de
règlement
judiciaire
ou
de
liquidation
des
biens.
Le
titulaire de
l'action
directe
agissant
devant
les tribunaux souhaite mettre en cause l'assuré et ainsi dans
,
un
procès
unique
faire
déterminer
ses
droi ts
a
l'égard
de
l'assureur.
Le
syndic
ou
l'assureur
au
contraire
invoquent,
pour
écarter la revendication de celui-ci, les règles de procédures
collectives.
(1)
- Même si ces règles ne sont plus applicables,
il n'en demeure pas
moins que le problème reste d'actualité.
En effet l'application de règles
nouvelles
de
procédures collectives
ne modifient
en
rien
le
fond
de
la
question. V, supra P23.

100
Pour chercher à résoudre la difficulté créée par la mise
en
cause
de
l'entrepreneur
principal
objet
de
procédures
collectives,
en matière d'action directe du sous-traitant
(B)
force
est
donc
de
faire
une
incursion
dans
le
droit
des
assurances
pour
s'inspirer
des
solutions
qui
y
ont
été
retenues
notamment
au
cas
de
liquidation
des
biens
ou
règlement judiciaire de l'assuré responsable.
(1)
(B).
A
-
Le
p r o b l è m e
d e
l a
m ; s e
e n
c a u s e
du
d é b ; t e u r
e n
m a t ; è r e
d ' a s s u r a n c e .
La difficulté à propos de cette situation
est née du fait
que les assureurs qui font l'objet d'action directe de la part
des
victimes
de
leurs
assurés
en
liquidation
judiciaire,
demandent généralement à ceux-ci,
pour ne pas accéder
à
leur
,
demande,
de
produire
a
la
faillite
de
l'assuré.
Or
généralement
la
procédure
de
production
et
de
vérification
surtout,
étant
très
longues,
les
victimes
préfèrent
que
le
montant
de
leur
créance
soit
déterminé
devant
une
instance
judiciaire en présence de
l'assuré
ce qui
a
pour effet de
fixer
définitivement
le
montant
de
l'indemnité
susceptible
d'être
perçue
par
le
moyen
de
l'action
directe.
Dès
lors
l'obstacle tenant à l'interdiction d'assigner le débiteur en
(1)
Supra,
V substitution
du
règlement
judiciaire
au
redressement
judiciaire P.23.

101
justice
surgit,
mettant
le
sous-traitant,
très
souvent
dans
une situation inconfortable.
La question
posée aux
tribunaux,
et dont
la Chambre Mixte a
été saisie en dernier recours est simple
doit-on,
en vertu
des
règles
des
procédures
collectives
qui
soumettent
tous
créanciers,
même
privilégiés,
à
l'interdiction
de
poursuivre
le débiteur ou son syndic,
obliger la victime à produire à la
faillite de l'assuré et attendre la vérification des créances
avant de recevoir son paiement?
Ou au contraire,
permettre à
l'assuré ou à son syndic de se présenter aux débats pour fixer
contradictoirement l'étendue de la créance de la victime afin
que celle-ci soit rapidement indemnisée?
La tendance des tribunaux de fond étaient divisés sur ce
point
(1)
avant
que
la Cour
de
Cassation
réunie
en
Chambre
Mixte
ne
soit
saisie
des
décisions
opposées de
ces
juridic-
tions.
Dans deux décisions qui lui sont soumises le 15 juin 1979
elle devait trancher cette question ainsi.
(2)
( 1 )
-
sur
la controverse
jurisprudentielle
:
contre la production Paris
28 mars
1978 D.
1978 I.R.
286,
obs
Derrida;
Civ 6 déc
1978 G.P.
2526
AVRIL 1979 note J.
Civ.
10 janv.
1979
O.
1979.149 note Derrida;
pour la
production Paris 22 nov.
1977 J.C.P.
1978 II 18970 note J.B.
(2)
- Casso CH. Mixte 15 juin 1979. D.
1979 561 note Derrida et Honorat;
J.C.P. 1979 II 19197 note A. Besson et J. Bigot.
-
V.
également
Lambert
Faivre,
fondement
et
portée
de
la
mise
en
cause d'un assuré en faillite dans l'action directe exercée par la victime
contre l'assureur du responsable d'après les arrêts de la CH. Mixte du 15
juin 1979.
-
V,
Civ 10 et
17 oct.
1979 D.
1980
I.R.
185 obs,
Honorat;
corn.
27janv. 1981 Bull civ., IV N° 52/

102
"Attendu qu'en vertu de l'article 53 de la loi du 13 juin
1930
et
des
articles
508
et
suivants
du
code
de
commerce
ancien,
la
victime
d'un
dommage
a
un
droit
exclusif
sur
l'indemnité
due
par
l'assureur
de
l'auteur
responsable
du
dommage,
que
par
suite,
si
la
victime
du
dommage
doit
établir
la
responsabilité
de
l'assuré,
qui
doit
être
mis
en
cause,
elle
n'est
pas
tenue,
lorsque
celui-ci
se
trouve
en
état de faillite ou de règlement
judiciaire de se soumettre à
la procédure de vérification des créances prévues aux articles
508
et
suivant
du
code
de
commerce,
sauf
dans
la
mesure

elle prétendrait faire valoir une créance de somme d'argent à
l'encontre de l'assuré".
La
motivation
de
la
Cour
répondant
à
la
controverse
comporte
trois
idées
essentielles
d' abord
l'assureur
qui
invoque
les
règles
de
procédures
collecti ves
pour
se
soustraire au paiement ne peut être admis dans ·sa prétention.
En effet,
cette allégation
est
fondée
sur
l'interdiction qui
est faite
au
créancier de
poursuivre
le débiteur
en
paiement
de somme d'argent.
La Cour admet le caractère d'ordre public de cette obligation
mais
en
revanche,
elle
fait
valoir
que
lorsque
la
victime
appelle
à
l'instance
le
débiteur
en
déclaration
de
jugement
commun,
elle
ne
lui
réclame
pas
le
paiement
de
sa
créance.

103
Certes,
la victime réclame le versement d'une somme d'argent,
mais cette obligation est exécutée uniquement par l'assureur.
Comme l'affirme Monsieur Derrida
(1)
"l'objet principal de
cette demande
est
la
condamnation de
l'assureur.
La
mise
en
cause de l'assuré tend uniquement à la déclaration de jugement
commun afin que
soient consacrés
le principe et
l'étendue de
sa responsabilité
se
greffant
sur
cette
instance,
qui
avant
tout concerne l'assureur".
Ensuite
si
l'assuré,
assisté
en
cas
de
règlement
judiciaire ou représenté au cas de faillite,
est présent. Cela
suffi t
à déclarer recevable
l'action
directe
de
la
victime.
Cette présence est une condition nécessaire et suffisante pour
rendre
la
décision
contradictoire
vis
à
vis
de
toutes
les
parties ; le jugement ainsi acquis a autorité de chose jugée à
l'égard
de
tous
et
la
victime
peut
donc
s'en
prévaloir
et
s'abstenir
par
conséquent
de
produire
ultérieurement.
En
somme,
c'est le paiement de cette somme qu'il revendique dans
les mains de l'assureur.
Enfin, dès lors toute autre demande de la victime reposant
sur
des
relations
personnelles
concernant
le
paiement
dl une
somme d'argent par l'assuré ne peut être obtenue que par voie
de production à la faillite.
(1)
- DErrida note sous Casso Ch. Mixte 15 juin 1979 prée.

104
Par cette décision la Cour de Cassation a levé l'obstacle
consistant dans l'obligation faite à la victime de l'assuré de
produire et d'attendre la longue procédure de vérification des
créances avant d'obtenir paiement.
La décision a cet effet
mérite d'être saluée,
car,
elle
...
contribue
à
redonner
sa
nature
a
l'action
directe;
cette
nature même qui consiste à abréger les longues procédures pour
obtenir
rapidement
paiement.
Les
juridictions
saisies
des
demandes
des
sous-traitants
exerçant
l'action
directe
contre
le maître de l'ouvrage devraient s'en inspirer.
d e
s o u s - t r a ; t a n c e .
Deux
décisions
intervenues,
diamétralement
"
opposees,
illustrent
l'incertitude
des
solutions
adoptées
par
les
tribunaux
en
matière
d'action
directe
du
sous-traitant
la
première décision est celle du tribunal commercial de Bourges,
la seconde émane de la Cour d'Appel de Paris.
Dans l'affaire dont le tribunal de Bourges a été saisie
le 8
novembre.
1977,
( 1)
il
appert que
sui te à
un règlement
judiciaire
de
la
SOCIETE
ANONYME
HILAIRE
"
prononcee
par
un
jugement
du
tribunal
de
Bourges,
un
certain
nombre
de
sous
traitants de l'entreprise défaillante ont envisagé l'action
(1)
Bourges 8 nov
1977 G.P.
1977.
I.P.129i
v. également Paris 17 mai
1982 D.
1983 I.R. 32.

105
,
directe
contre
le
maître
de
l'ouvrage.
Assigné
a
représenter la société défaillante le syndic,
soutenu par les
banques
et
le
syndicat
du
second
oeuvre,
a
refusé
de
s'exécuter excipant de la loi de 1967 qui oblige les créancier
à produire.
Le tribunal a vigoureusement tranché en faveur du
sous-trai tant
au
motif
que
"le
législateur
a
voulu
que
le
~.
sous-traitant
échappe
aux
règles
habituelles
du
règlement
judiciaire et
de
la
liquidation des
biens
insti tuées
par
la
loi du 13 juillet 1967, c'est-à-dire en lui permettant d'agir
directement
entre
les
mains
du
maître
de
l'ouvrage,
et
nt a
plus besoin de produire à la faillite".
Cette décision du tribunal de Bourges est assez proche de
celle de
la Chambre Mixte précitée.
La
seule
nuance
est que
celle-ci ne fait pas état d'une éventuelle contestation de la
créance du sous-traitant,
qui pourrait être tranchée par voie
judiciaire
en
présence
de
l'entrepreneur
principal.
Mais
la
,
motivation
nous
incline
a
penser
que
du
fai t
que
le
sous-
traitant est
dispensé
de
produire,
la
contestation
à
naître
,
concernant
la
creance
ne
peut
être
résolue
que
par
voie
juridiciaire et dans les circonstances définies par l'arrêt de
la Chambre Mixte,
quand à la mise en cause de
l'entrepreneur
principal.
Cependant la décision du Tribunal de Bourges ne semble pas
recevoir l'agrément
de
la
Cour
de
Paris
qui
abonde
dans
un
autre sens.

106
En
effet
à
l'occasion
du
règlement
judiciaire
d'un
entrepreneur principal,
la Cour a
été amenée dans
une espèce
dont les
faits
n'apparaissent
pas
clairement
dans
l'arrêt a
décider que
(1)
: "l'action directe prévue par l'article 12 de
la loi du 31
décembre 1975 est liée,
dans son étendue et dans
,
son
principe
a
la
reconnaissance
préalable
de
la
dette
de
l'entrepreneur
principal,
ce,
le
cas
échéant,
suivant
la
procédure instituée par les dispositions d'ordre public
de la
loi
du
13
juillet
1967
et
du
décret
du
22
décembre
1967.
L'action
directe
du
sous-traitant
ne
repose
pas
à
la
différence de celle conférée à la victime d'un dommage contre
,
l'assureur
de
l'auteur
responsable,
sur
la
reconnaissance
a
son profit d'une créance exclusive à l'encontre du défendeur à
l'action
directe,
en
l'occurrence
le
maître
de
l'ouvrage
elle se fonde sur l'existence de la créance de l'entrepreneur
principal dont elle emprunte aussi les limites,
et à ce titre,
le sous-traitant qui l'exerce agit, bien que poursuivant à son
profit
la
réalisation
des
droits
de
la
masse,
en
tant
que
,
créancier
dans
la
masse
et
est
soumis
en
cette
qualité
a
l'obligation légale
de
produire
et
faire
vérifier
sa
propre
..
creance
dans
le
cadre
du
règlement
judiciaire
de
l'entrepreneur principal. "
(1)
Paris 5 fév.
1982 prée.
- Grenoble 19 mai 1982 o. 1983 I.R. 409 obs
Vasseur

107
La
Cour de
Paris
pose
deux
principes
très
originaux.
Cependant,
cette
originalité
consistant
dans
l ' opposi tion
de
cet arrêt aux objectifs fixés par la loi du 31
décembre 1975,
ces principes deviennent très critiquables.
Elle pose d'abord que l'action directe du sous-traitant ne
repose
pas,
comme
en
matière
d'assurance,
sur
la
reconnaissance d'une
créance
directe
et
exclusive
;
elle
se
fonde
sur
l'existence
de
la
créance
de
l'entrepreneur
principal dont elle emprunte aussi les limites.
On voit mal la distinction entre l'action directe du sous-
traitant et celle de la victime de l'assuré du moins telle que
...
la
Cour
veut
la
rendre.
Qu'a-t-elle
voulu
dire
par
creance
directe
exclusive?
A-t-elle
voulue
insinuer
que
l'action
directe de la victime de l'assuré contre l'assureur ne souffre
jamais d'aucune discussion ou d'aucune contestation? Pourquoi
alors au cas de procédures collectives appliquées
à l'assuré,
...
..
les
tribunaux
exigent
tant
la
presence
des
assurés
a
l'instance,
malgré
les
règles
propres
aux
procédures
collectives,
pour
la
fixation
de
l'étendue
de
la
créance et
parfois de l'existence
A
meme de cette créance ? Que devient ce
..
droit
direct,
exclusif
s ' i l
est
soumis
a
toute
sorte
de
cçmtestation ? N'est-ce pas la rapidité du paiement exigée par
la situation du sous-traitant qui est la cause de la dispense
Ide production à la faillite que les tribunaux lui accordent?

108
Il
est
encore
utile
de
le
rappeler,
l'objectif
de
la
loi
de
1975
en
accordant
l'action
directe
au
sous-traitant,
est
de
lui éviter tout simplement les faillites en chaîne.
(1)
Par ailleurs
la Cour décide
que
le
sous-traitant est un
créancier
dans
la
masse
qui
doit
produire
conformément
aux
règles des
procédures
collectives
appliquées
à l'entrepreneur
principal.
Comme
tout
créancier
dans
la
masse
bien
que
poursuivant
à son profit exclusif,
la
réalisation des
droits
de
la
masse.
Cela
s~gnifie semble-t-il
que
le
sous-traitant
reste malgré tout un créancier privilégié dans la masse car i l
recherche
le
recouvrement,
somme
toute,
d'une
créance
inclue
dans l'actif qui sert de gage à la masse.
S'il
est
vrai
qu'en
pratique
ce
qui
est
payé
au
sous-
trai tant
réduit
nécessairement
le
gage
des
créanciers
de
la
masse,
le législateur a
voulu surtout éviter au sous-traitant
les
aléas
économiques
grevant
la
situation
de
l'entrepreneur
principal.
C'est
pourquoi
i l
lui
octroie
cette action
contre
le maître de l'ouvrage qui pour être efficace doit revêtir une
procédure simplifiée.
(1)
- Sur ce point l'unanimité tant doctrinaire que jurisprudentielle est
faite.
D'ailleurs
la loi de 1975 tend à
assurer la protection du sous-
traitant
au
cas
de
procédures
collectives
appliquées
à
l'entrepreneur
principal.

109
A quoi
lui
servirait donc
l'action directe
s ' i l devait
...
produire
a
la
faillite
comme
tous
?
Il
aurait
suffit
au
législateur de
lui
conférer un privilège,
un de
plus dira-t-
...
on,
et
l'obliger
a
produire
pour
faire
valoir
les
droits
attachés à ce privilège.
...
La
décision
de
la
cour
de
Paris
ni adhère
guere
en
conclusion aux objectifs
fixés
par
la
loi
de
1975.
Elle
est
d'autant plus critiquable que
la loi
a
voulu éviter au sous-
traitant
tout
ce
que
celle-ci
lui
impose.
Par
conséquent
rejaillissent
les
vieilles
cri tiques,
faites
dans
le
domaine
des assurances,
aux décisions des
tribunaux qui
exigeaient la
production à la faillite par la victime de l'assuré.
Ainsi
le manque de trésorerie
immédiate pour combler le
,
"trou"
que
provoque
brusquement
une
creance
impayée
entraîne
systématiquement
le
sous-traitant
dans
la
chute
de
l'entrepreneur principal.
On doute fort que le but fixé par le
législateur soit atteint par cette décision.
c'est donc à
juste titre qu'une décision de la Chambre
Civile de la Cour de Cassation inédite du 29 février 1984 opte
pour la solution entreprise par le tribunal de Bourges.

110
Cette
décision
pose,
"qu'il
résulte
nécessairement
de
l'article
12
de
la
loi
du
31
décembre
1975
que
les
sous-
traitants ne sont pas tenus de produire au passif du règlement
judiciaire
ou
de
la
liquidation
des
biens
pour
exercer
11 action directe
(1)".
La motivation se passe de commentaire tant elle est nette
...
et précise.
L'enseignement
a
en
tirer
est
donc
simple
le
sous-traitant peut,
comme en matière d'assurances,
attraire le
failli
ou
son
syndic
devant
les
juridictions
afin
de
reconnaître l'existence et l'étendue de sa créance contre lui.
Ainsi il peut se faire payer par le maître de l'ouvrage .
...
Il
n'a
donc
pas
besoin
pour
se
faire,
de
produire
a
la
faillite de l'entrepreneur principal.
Si
la mise en oeuvre de l'action directe doit respecter
les
règles
que
nous
venons
d'élaborer,
il
reste
que
cette
procédure doit être définie par apport à la mise en oeuvre des
garanties
annexes
que
sont
la caution et
la délégation.
Car
ces
deux
procédures
ont
des
interférences
qu'il
serait
intéressant de découvrir.
(1)
Casso
civ.

ch.
29
fév.
1984
STE
Lacledere
et
Cie/Ste
d'exploitation des Etablissements des queyroux SEED et autres.

111
SECTION III : Les interférences de la mise en oeuvre de
l'action directe et de la mise en oeuvre des garanties
annexes du sous-traitant.

La difficulté résultant des interférences dans la mise en
oeuvre de l'action directe et celle des garanties que sont la
caution et la délégation est avant tout un
problème de choix.
L'indépendance qu'affichent les dispositions des articles
14 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 à l'égard de l'action
directe du
sous-traitant porte
à
croire
que
le
sous-traitant
non payé par l'entrepreneur principal pour les travaux qu'il a
effectués dispose d'une option entre la réclamation de son dû
au maître de l'ouvrage,
et la mise en jeu des autres garanties
résultant des articles 14 et 14-1
(1).
Le problème de l'option doit être analysé relativement à
la caution
qui,
elle
ajoute
un
débiteur
à
celui
qui
existe
déjà en la personne du maître de l'ouvrage
(2).
La difficulté
est née en réalité du caractère trop général que la loi de
(1)
- En ce sens Benabent Rep Civ. juris. class art. 1 787 prée. N° 128.
(2)
- En considération de notre développement postérieur sur le fondement
de
la
caution et
de
la
délégation comme
palliatif à
la défaillance du
maître de
l'ouvrage.
La délégation n'ajoutant point de débiteur en plus
l'option du
sous-traitant
existe
seulement
entre
la
mise
en
jeu de
la
caution d'une part et l'exercice de l'action directe d'autre part. V, P.203
et s.

112
1975 a accordé à la caution : elle n'est ni soumise à la mise
,
en
jeu
préalable
de
l'entrepreneur
principal
ni
a
la
réclamation des
sommes
dues
au
maître
de
l'ouvrage,
bref
au
résultat de l'action directe.
La déduction qui
s'impose alors
est
très
nette
au
cas
de
défaillance
de
l'entrepreneur
principal.
..
Si
le
sous-traitant
n'est
pas
paye,
dispose-t-il
d'un
recours simultané contre le maître de l'ouvrage et
la caution
?
doit-il poursuivre
le maître de l'ouvrage
avant de mettre
en jeu la caution ou poursuivre la caution avant de se tourner
contre
le
maître
de
l'ouvrage
pour
le
paiement
des
sommes
dues?
La question est d'autant plus pertinente que la loi de
1975
tout
en
instituant
une
garantie
aussi
générale
que
la
,
caution,
( 1 )
n'a
pas
toutefois
songé
a
imposer
un
ordre
de
priorité dans la poursuite exercée par le sous traitant impayé
par l'entrepreneur principal.
La
jurisprudence
sur
la
question
est
inexistante.
Mais
l ' équi voque
semble
pouvoir être
levée
au
moyen d'un
argument
théorique
militant
en
faveur
de
la
poursuite
préalable
du
maître de l'ouvrage.
(1)
-
en ce sens,
Fourgoux et Jallaguier soutiennent que la caution ne
constitue pas un complément à l'action directe et s'analyse
au contraire
comme la garantie de droit commun offerte au sous-traitant. Cette caution
est donc soumise à l'art. 2021 du C. Civil.

113
en effet le maître d'ouvrage dans la mesure où il dispose
encore des
fonds
doit en principe payer le
sous-traitant qui
,
agit
contre
lui
et
ne
peut
par
conséquent
l'obliger
a
actionner la caution qui assume un engagement subsidiaire.
Le
sous-trai tant a
exécuté des
travaux dont
le maître d'ouvrage
bénéficie,
il
est
normal
que
celui-ci
paye
le
prix
de
ces
travaux, qui en tout état de cause ont enrichi son patrimoine.
Car
la
loi
a
institué
la
constitution
obligatoire
d'une
caution
pour
justement
parer
à
l'insolvabilité
du
maître
de
l'ouvrage
ou
ne
saurait,
alors
que
celui-ci
n'est
pas
insolvable,
et
qui
plus
est,
s'est
enrichi
avec
les
travaux
qui ont été effectués par le sous-traitant,
tolérer qu t il
ne
paye pas
immédiatement
les
sommes qu'il
doit
et
veuille,
de
,
mauvaise
fois,
invoquer
a
son
profit
le
recours
préalable
contre la caution.
La
mise
en
oeuvre
de
l'action
directe
doit
permettre
logiquement
au
sous-traitant
d'obtenir
son
paiement.
Cependant,
ledit paiement ne peut avoir
lieu que
si
l'action
directe
possède
encore
une
assiette.
L'intérêt
d'une
telle
action
réside
donc
dans
la
garantie
de
paiement
qu'elle
procure à son titulaire.
Pour mesurer l'efficacité de l'action
directe du sous-traitant il est nécessaire de définir en quoi
consiste la garantie de paiement qu'elle procure.

114
DEUXIEME PARTIE
LA GARANTIE DE PAIEMENT
PROCUREE AU SOUS-TRAITANT PAR
L'ACTION DIRECTE CONTRE LE
MAITRE DE L'OUVRAGE.
La question à résoudre ici est comment l'action directe
peut constituer un gage de paiement au profit du sous-traitant?
En
d'autre
termes
l'action
directe
peut-elle
efficacement
pallier les risques de non paiement du sous-traitant résultant
de la situa~ion économique de l'entrepreneur principal?
La réponse à cette préoccupation soulève deux problèmes
celui
dl abord
de
la
détermination
de
l'assiette
de
l'action
directe du sous-traitant pour apprécier les contours du droit
auquel
prétend
celui-ci
(chapitre
1)
Ensuite
celui
de
la
protection
de
ce
droit
contre
les
dangers
susceptibles
d'en
menacer la substance; en l'occurrence ceux que constituent les
autres
créanciers
de
l'entrepreneur
principal
capables
de
réaliser
leur
droits
entre
les
mains
du
maître
d'ouvrage
(chapitre II).

115
CHAPITRE l - LA DETERMINATION DE L'ASSIETTE DE L'ACTION
DIRECTE.
Le
problème
consiste
à
préciser
la
base
de
11 action
directe
autrement
dit
les
éléments
sur
lesquels
reposent
celle-ci.
Le
législateur
de
1975
à
cet
effet,
propose
deux
conditions
qui
permettent
de
préciser
les
contours
de
cette
base :il faut dlune part, déterminer les créances susceptibles
de
faire
l'objet
de
l'action
directe
contre
le
maître
'.,
dlouvrage
(section 1),
et dl autre part en référer
aux sommes
,
dues
par
le
maître
d'ouvrage
a
l'entrepreneur
principal
(Section II).
SECTION l : Les créances susceptibles de faire l'objet de
l'action directe

Le but de la loi du 31 décembre 1975 est de protéger le
sous-traitant et non pas nlimporte quel créancier du titulaire
du marché. Aussi,
l'article 13 al.
1 de la loi du 31
décembre
1975
prévoit
que
l'action
directe
ne
peut
viser
que
le
paiement correspondant aux prestations de travail prévues par
le contrat
de
sous-traitance
et dont
le
maître
de
l'ouvrage
est effectivement bénéficiaire.
En réalité l'article 13 al.
1
ainsi
libellé
comporte deux
conditions
cumulatives,
à savoir
d'une part,
que les créances susceptibles de faire
l'objet de

116
l'action
directe
doivent
correspondre
à
des
prestations
prévues
au
contrat
de
sous-traitance
(§1)
que
celles-ci,
d'autre
part,
doivent
résulter
de
travaux
dont
le
maître
d'ouvrage est devenu bénéficiaire (§2).
PARAGRAPHE
I
-
DES
CREANCES
CORRESPONDANT
AUX
PRESTATIONS
PREVUES
AU
CONTRAT
DE
SOUS-TRAITANCE
Cette exigence ne pose pas de difficulté particulière si
les
prestations
prévues
au
contrat
de
sous-traitance
sont
celles qui
sont exclusivement exécutées par le sous-traitant.
Dans cette hypothèse le sous-traité reflète généralement,
très
exactement le contrat principal quant aux travaux à effectuer.
Il est dès lors
loisible au maître de l'ouvrage qui
voudrait
procéder à des vérifications, même au cas de travaux résultant
d'une sous-traitance dont i l a ignoré l'existence, de faire un
,
rapprochement
entre
les
travaux
prevus
au
contrat
principal
d'une
part
et
ceux
qui
ont
été
effectués
dans
le
cadre
du
contrat
de
sous
traitance
d'autre
part.
Les
éventuelles
discordances lui apparaîtront automatiquement.
Mais
souvent,
la réalité est
toute autre.
Il n'est pas
rare en effet que certains distorsions
se glissent entre
les
,
travaux
prevus
par
le
contrat
de
sous-traitance
et
ceux
réellement exécutés par le sous traitant.

117
L'hypothèse
la
plus
fréquente
est
celle
des
travaux
supplémentaires exécutés par le sous-traitant. Ces travaux qui
sont
liés
généralement
à
une
imprévision,
ne
sont
donc
pas
prévus par
le contrat.
La question se pose de savoir si ces
prestations
peuvent
être
pris
en
compte
par
le
maître
de
l'ouvrage
pour
la
détermination
de
l'assiette
de
l'action
directe.
Autrement
dit,
ces
travaux
peuvent-ils
donner
..
naissance
à
des
créances
susceptibles
d'être
payees
par
le
biais de l'action directe?
Le problème se pose en des termes différents selon que
les
travaux ont fait
l'objet de
l'établissement d'un avenant
complétant dûment le contrat initial ou non.
En effet
si
le
supplément de
travaux
exécutés
par le
sous-traitant aux
fins de
satisfaire,
aux exigences de bonne
réalisation
de
l'ouvrage,
sont
matérialisés
par
un
écrit
attestant
leur
bien
fondé
et
signé
par
les
parties
intéressées,
en
l'occurrence,
le
sous
traitant
et
l'entrepreneur principal,
le maître de l'ouvrage doit en tenir
compte (1).
Cela suppose très réellement que le sous-traitant
a
été
régulièrement
accepté
et
ses
conditions
de
paiement
agréées
par
le
maître
de
l'ouvrage.
Mais
au
contraire
si
l'existence d'un avenant fait défaut parce que les parties ont
(1)
-
En ce sens,
Fourgoux et poux JALLAGUIER -
loi
du
31
déc.
1975
après deux ans d'application art. préc.

118
omis
ou
négligé
de
l'établir,
ou
encore
parce
que
l'intervention du sous
traitant
a
été occultée
vis
à vis du
maître de
l'ouvrage
,le problème se complique.
De ce fait
il
semble
que
le
moyen
dont
dispose
le
maître
d'ouvrage
pour
apprécier les dits travaux réside dans l'approbation de ceux-
ci.
En clair le maître d'ouvrage doit s'assurer dans ce cas
que
les
travaux
lui
bénéficient
effectivement
et
surtout
correspondent aux exigences de la réalisation de l'ouvrage(1).
Plus délicat est le problème attenant aux créances nées
des travaux qui sans concerner directement le contrat de sous-
..
traitance,
n'en
sont
pas
moins
liés,
dans
la
mesure
ou
ces
créances
correspondent
à
des
dépenses
communes
de
chantier
auxquels contribue le sous-traitant
: ce sont les créances du
compte
prorata
ou
compte
inter
entreprise
tenu
sur
le
chantier.
Certes ces travaux ne sont pas prévus au contrat de
sous-traitance et en conséquence les créances qui en résultent
ne peuvent être prises en compte par le maître de
l'ouvrage.
Mais
on
est
tenté
par
ailleurs
de
soutenir
que
celles-ci
résultant
pour
partie
de
travaux
ayant
contribué
à
la
réalisation de
l'ouvrage même
indirectement,
la
fixation
des
prestations servant de base
à la détermination de l'assiette
de l'action directe devrait les comporter.
(1)
Si
ces
travaux
occultes
réalisés
étaient
nécessaires
à
la
réalisation de l'ouvrage, le maître de l'ouvrage doit en acquitter le prix;
Dès
lors
qu'ils
lui
bénéficient.
Cependant,
la
solution
contraire
est
admise par le tribunal administratif de Bordeaux dans le cadre des marchés
publics -
Trib -
admin.
Bordeaux,
15 nov.
1979,
O.S.
1980,
I.R.
386,
obs.
Vasseur.

119
En réalité la solution dépend de l'interprétation que l'on
fait
de
l'article
13
al.
1.
Si
l'on
y
voit
une
application
stricte des termes de la loi,
les créances nées des travaux du
compte
inter
entreprise
ne
peuvent
être
considérés
par
le
maître
de
l'ouvrage
car
n'entrant
pas
directement
dans
le
cadre défini par la loi
(1). D'ailleurs les dépenses issues de
,
ces
travaux
ne
sont
pas
théoriquement
portées
a
la
connaissance du maître de l'ouvrage. Au contraire si l'on veut
faire supporter par le maître de l'ouvrage le prix de tous les
travaux intervenus,
concourant à la réalisation de l'ouvrage,
ce qui n'est certainement pas le but visé par le législateur,
les
créances
résultant
de
ces
divers
comptes
peuvent
être
comptabilisées et mise
sur le compte du maître de
l'ouvrage.
Celles-ci pourront du coup être exécutées au moyen de l'action
directe.
Il
ne
suffit
pas
que
les
créances
correspondent
aux
prestations prévues
au contrat de sous-traitance pour générer
,
l'action
directe,
il
faut
par
ailleurs
que
les
creances
,
correspondent
a
des
travaux
effectués
par
le
sous
traitant
dont le maître de l'ouvrage est devenu bénéficiaire.
(1)
- en ee sens Fourgoux et Jallaguier art. prée.

120
PARAGRAPHE
I I
:
DES
CREANCES CORRESPONDANT
AUX
TRAVAUX
BENEFICIANT AU
MAITRE
DE
L'OUVRAGE.
Si
les
travaux effectués
par le
sous-trai tant
doivent
..
être
prevus
au
contrat
de
sous-traitance,
les
dits
travaux
doivent également bénéficier au maître d'ouvrage contre lequel
est
dirigée
l'action
directe.
Le
paiement
effectué
par
le
maître d'ouvrage
ne
peut
avoir
lieu
que
si
le
résultat
des
prestations qu'il a demandées entre en sa propriété.
Certains auteurs ont cru tirer de cette condition que la
réception des
travaux par
le maî tre
de
l'ouvrage
permet
non
seulement
de
vérifier
si
les
travaux
ont
été
correctement
réalisés
mais
permet
également
de
façon
plus
générale
d'apprécier
le
caractère
synallagmatique
du
contrat
d'entreprise
(1).
En fait,
pensent-ils l'occasion est donnée
au maître
de
l'ouvrage
de
constater
que
le
sous-traitant
a
bien
rempli
ses
obligations
contractuelles
envers
l'entrepreneur
principal
i
la
cause
de
l'obligation
du
ti tulaire
du
marché
auquel
se
substitue
le
maître
de
l'ouvrage,
est
l'engagement
pris
par
le
sous-traitant
de
réaliser la part de travaux qui lui est confiée.
(1)
- VALDO Roulet et Michel Peisse, les nouvelles protections en faveur
des sous-traitants. art. prée.
1
1
1

121
Cette remarque théorique ne peut être exempte de critique.
En effet, s ' i l est vrai que la réception et partant le bénéfice
des travaux permet au maître de l'ouvrage, de vérifier que les
travaux
ont
été
correctement
réalisés,
il
est
moins
A
sur
cependant
que
cette
opération
puisse
théoriquement
être
analysée comme la contrepartie de l'obligation ass~mée par le
sous-traitant. Il existe sans doute une distorsion inexplicable
dans
ce raisonnement.
Sans nul doute
le contrat
principal et
même le sous traité appartiennent à la catégorie des
contrats
l- synallagmatiques.
Cependant
le
caractère
synallagmatique
dl un
contrat ne
peut s'apprécier qu'entre
les
parties
au
contrat.
Les charges réciproques qu'impliquent les contrats appartenant
à cette catégorie ne
peuvent s'analyser qu'entre
les
parties
contractantes. Ainsi à l'obligation de l'entrepreneur principal
de payer
les
travaux
sous
traités
correspond
l'obligation du
sous-traitant d'exécuter,
conformément aux clauses du
contrat
la
part
de
travaux
qui
lui
est
confiée
De
A
meme
la
contrepartie de l'obligation du maître de l'ouvrage de payer le
prix de
travaux prévus
au contrat
principal
est
l'obligation
mise à la charge de l'entrepreneur principal d'exécuter lesdits
travaux dans
le respect du contrat principal.
Il
existe donc
deux
contrats
distincts
dont
le
caractère
synallagmatique
s'apprécie distinctement.

122
L'intervention du maître de l'ouvrage dans le contrat de sous-
traitance a
été simplement voulue par la loi pour protéger le
sous-traitant contre une éventuelle défaillance du titulaire du
marché
et
s'arrête
au
paiement
des
prix
des
travaux
sous-
traités.
Il
serait
utopique
d'en
tirer
des
conséquences
juridiques
qu'à
l'évidence
le
législateur
n'a
pas
voulu
établir.
Il n'existe,
par ailleurs,
aucun lien juridique entre le
maître
de
l'ouvrage
et
le
sous-traitant,
et
on
peut
le
rappeler,
les
formalités de
l'acceptation du sous-traitant et
d'agrément
de
ses
conditions
de
paiement,
requises
pour
l'octroi de
l'action directe
sont voulues
par la
loi dans
le
but de
conforter la position du sous
traitant,
mais
non pour
transposer les relations contractuelles établies entre celui-ci
et l'entrepreneur principal, dans les rapports entre le maître
de l'ouvrage et lui (1).
En vérité la raison d'être de cette disposition est de
permettre au maître de l'ouvrage de payer le sous-traitant pour
les travaux sur la base desquels i l exerce l'action directe;
en se donnant les moyens de vérifier que ceux-ci correspondent
..
..
bien
a
ceux
qu'il
a
demandé
d'effectuer
a
l'entrepreneur
principal.
(1)
-
En
ce
sens,
Joelle
Fossereau
contreverse
sur
la
sous-traitance
occulte art. prée.
-
J .C.
Fourgoux,
acceptation
du
sous-traitant
et
agrément
de
ses
conditions de paiement et leur conséquence juridiques sur l'action directe
art. prée.

123
Dans
le
cas
contraire
il
excipera
des
oppositions
résul tant
des
malfaçons
ou
incorrections que
peuvent
révéler
ces travaux,
pour se soustraire partiellement ou intégralement
à ce paiement.
L'objectif
à atteindre est plus pratique que
théorique
si
le
maître
de
l'ouvrage
est
satisfait
le
paiement en sera d'autant plus facile (1).
Toutefois
la créance sur la base de
laquelle
le sous-
trai tant
exerce
l'action
directe
ne
peut
être
intégralement
payée qu'au regard des
sommes dues
par le maître d'ouvrage à
l'entrepreneur principal.
SECTION II : L'assiette de la créance du sous-traitant eu
égard aux sommes dues par le maître de l'ouvrage.
Le maître de l'ouvrage saisi par le sous-traitant est-il
,
astreint
au
paiement,
A
meme
s ' i l
ne
doit
plus
rien
a
II entrepreneur principal,
ou ne
devra-t-il payer que dans
la
mesure de ce qu'il doit encore à celui-ci?
(1)
-
V,
infra
développements
sur
les
exceptions
opposables
au
sous-
traitant par le maître de l'ouvrage.

124
Le
législateur
a
pensé
qu'il
ne
suffit
pas
au
sous-
traitant
d'exercer
son
action
directe
pour
en
avoir
automatiquement gain de cause. Pour éviter au Maître d'ouvrage
un double paiement il précise à l'article 13 al 2 de la loi du
31
décembre
1975 que
"les obligations du maître de
l'ouvrage
sont
limitées
à
ce
qu'il
doit
encore
à
l'entrepreneur
1
.
principal à la date de la réception de la copie de la mise en
,
,
demeure prévue par l'article 12 de la loi de 1975".
Le raisonnement qui s'impose à la lecture de cet article
est
apparemment
clair
la
mise
en
demeure
préalable
étant
considérée
comme
l'élément
qui
déclenche
l'action directe du
sous-traitant contre
le
maître
de
l'ouvrage,
le
montant
des
sommes
auxquelles
peut
prétendre
le
sous-traitant
doit
..
..
s'apprécier
a
la
date
ou
la
copie
de
la
mise
en
demeure
atteint le maître de l'ouvrage.
Autrement dit si à cette date le maître de l'ouvrage a
payé
partiellement
l'entrepreneur
principal,
le
contenu
de
l'action directe reposera sur ce qui reste dû par le maître de
..
l'ouvrage.
Mais
au
contraire
si
l'entrepreneur
principal,
a
cette
date
a
reçu
paiement
de
l'intégralité
de
sa
créance,
l'action directe risque d'être vidée de toute substance.
(1)
( 1 )
-
Pour
une application
jurisprudentielle
:
CIV.
15
Fév.
et
8
mars
1983, Bull. Civ. I I I , N°45 D. 1983 483 note A. Benabent

125
On voit à
priori que l'interprétation de cet article ne
suscite
nullement
de
difficulté
et
pour
cause.Monsieur
Flècheux dans
son
analyse
de
la
loi
du
31
décembre
1975
ne
fait aucune allusion à
l'article 13 encore moins à cet alinéa
2, sans doute parce que le libellé lui paraît claire.
(2)
Monsieur Gavalda qui en premier donne une interprétation
à cet article affiche
très nettement sa foi
en une phrase on
ne peut plus condensée.
"Le maître de l'ouvrage n'est tenu que
s ' i l doit à l'entrepreneur principal les sommes afférentes aux
travaux effectués par le sous-traitant".
Cependant paradoxalement Messieurs Fourgoux et JALLAGUIER
relèvent une critique à
l'encontre de certains interprètes de
l'article 13
al.
2.
"C'est à
tort,"
disent-ils
"que certains
auteurs ont interprété l'article 13 al 2 comme interdisant au
maître de l'ouvrage de régler au sous traitant les prestations
qu'il aura déjà payées au titulaire du marché".
(3)
(1)
-
G.
Flècheux la
loi du
31
déc.
1975 relative a
la
sous-traitance
prée.
(2)
- C. GAVALDA rep. Civ. prée. nO 157
(3)
Fourgoux
et
Jallaguier
in
la
loi
du
31
déc.
après
2
ans
d'application prée.,
faisant allusion à V.
Roulet et
Peisse qui
estiment
que, dans ce cas, le maître de l'ouvrage est exposé à un double paiement.

126
Dès lors,
on réalise que cette disposition très anodine,
parfois
A
meme
oubliée
des
commentateurs
de
la
loi
du
31
décembre
1975,
suscite
des
interprétations
diverses
qui
génèrent de vives discussions au niveau doctrinaire.
Mais ces
controverses
doctrinales
permettent-elles
de
saisir
l' acui té
et
l'importance
du
problème
qui
se
pose?
N'ont-elles
pas
effleuré
la
vraie
difficulté
que
génère
l'interprétation
de
l'article 13 al 2 de la loi du 31 décembre 1975 ?
Toujours
est-il
que
lorsqu 1 on se refèrent
aux
décisions
des tribunaux on reste ébahi devant tant de divergences,
et,
surtout
surpris
qu'une
telle
difficulté
ait
échappé
au
législateur.
L'analyse
de
celles-ci
montre
en
effet
l'opposition de deux thèses entre lesquelles l'on peut hésiter
sérieusement. Cette hésitation est d'autant plus grande que la
Chambre
Mixte
a

intervenir
pour
orienter
définitivement
l'interprétation
de
l'article
13
al.
2
de
la
loi
du
31
qécembre
1975.
Il
sera
intéressant
d'exposer
l'objet
de
l'opposition
des
tribunaux
(Section
1),
avant
de
définir
ensui te
les
intérêts qui
soutendent ces
oppositions
(Section
II),
et
enfin de
donner
le
sens de
l' arbi trage
de
la
Haute
Cour (Section III).

127
PARAGRAPHE
I
:
L'OBJET
DE
L'OPPOSITION
DES
TRIBUNAUX
A
PROPOS
DE
L'INTERPRETATION
DE
L'ARTICLE
13 AL
20
Parmi
les
décisions
qui
ont
été
rendues
concernant
l'interprétation de
l'article 13 al.
2,
celle du
tribunal
de
commerce de
Montluçon
(1)
d'une part et celle de
la
cour de
..
Riom
(2)
censurant
le
jugement
du
tribunal
de
Montluçon,
a
laquelle on peut associer la décision de la Cour de Versailles
(3)
dl autre
part,
nous
paraissent
suffisamment
caractériser
cette
controverse.
Elles
illustrent
bien
l'opposition
jurisprudentielle sur
le sens
à donner à l'article 13 alinéa
2.
Dans
l'affaire
soumise
au
tribunal
de
Commerce
de
..
Montluçon,
la
société
"BATIROC
CENTRE"
ayant
confié
a
un
entrepreneur général,
"GAZUIT ELECTRONIC"
la réalisation d'un
bâtiment industriel,
celui-ci sous-traite une partie du marché
..
avec
la
société
"SERTI
ENGEERING"
qui
a
son
tour
passe
un
contrat
de
sous-traitance
sur
le
marché
dont
i l
est
bénéficiaire, avec MIRO ET LA Compagnie "CICOMETAL".
(1)
- Trib. corn. Montluçon, se référer à la conclusion sous Casso 18 juin
1982 infra.
(2)
- Riom, 29 juin 1979 D. 80 IR 120
(3)
- Versailles 25 nov. 1980 non publié

128
La défaillance
grave de
l'entrepreneur principal
condui t
les
sous-traitants
de
deuxième
main,
titulaires
dans
les
mêmes
,
conditions que ceux de première main,
de l'action directe,
a
agir contre le maître de l'ouvrage en paiement des sommes qui
leur sont dues,
en vertu des
travaux effectués
par eux,
dans
le
cadre
de
la
réalisation
de
l'ouvrage.
Les
demandeurs
prétendent
que
leur
revendication
porte
sur
l'ensemble
des
sommes
qui
restent
dues
par
le
maître
de
l'ouvrage
a
l'entrepreneur principal,
ce à quoi le tribunal a
fait droit.
Mais
saisie
en
appel
de
la
décision
du
tribunal,
La
Cour
d'Appel de Riom décide,
pour censurer celle-ci,
"que le maître
de
l'ouvrage
n'est
tenu
de
verser
au
sous-traitant
exerçant
l'action
directe
les
sommes
dont
il
est
débiteur
envers
l'entrepreneur principal,
que si ces sommes sont relatives au
règlement du contrat de sous-traitance non honoré".
Contrairement au tribunal de Commerce de Montluçon qui
pense
que
les
sommes
revendiquées
par
le
sous-traitant
reposent
sur
l'intégralité
des
sommes
encore
dues
par
le
maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal sur le contrat
principal,
la
Cour de
Riom estime
que
les
sous-traitants ne
peuvent
fonder
leur action
directe que
dans
les
limites des
sommes
afférentes
aux
prestations,
par
eux,
fournies
et
non
encore encaissées
par la société d'entreprise
générale,
à la
date
de
la
réception
de
la
copie
de
la
mise
en
demeure
préalable.

129
La Cour de Versailles adhère à ce dernier point de vue
dans une affaire qui lui a été soumise.
En l'espèce,
une société Immobilière en la personne de sa
gérante la
"SOCOGIM"
a
chargé la société
"VOYE et compagnie"
de la construction d'un immeuble dont certains travaux ont été
,
sous-traités
a
la
société
"ETANCO".
L'admission
de
l'entrepreneur principal au règlement
judiciaire converti
par
la
sui te
en
liquidation
des
biens
incite
la
société
sous-
traitante "ETANCO" à exercer l'action directe contre le maître
de l'ouvrage.
La Cour de Versailles confirmant la décision du
tribunal (1)
décide que "l'action directe ne peut viser que le
paiement correspondant aux prestations du sous-traitant ;
Elle ne peut donc être accueillie que dans les limites du
reliquat
encore dû par
le maî tre de
l'ouvrage
sur
les
seuls
travaux exécutés par le sous traitant".
L'exposé de ces décisions montre que le débat se ramène à
la
question
suivante
sur
quelles
sommes
le
maître
de
l'ouvrage assigné est-il tenu à l'égard du sous traitant? Ses
,
obligations
sont-elles
limitées
à
ce
qu'il
doit
encore
a
l'entrepreneur principal
pour
les
travaux
sous-traités
ou
au
contraire à
l'ensemble de
ce qu'il doit
encore
à ce dernier
pour le
marché principal?
(1)
Versailles 25 nov. 1980 prée.

130
On remarque que dans l'interprétation des décisions des
Cours de Riom et de Versailles,
le contenu de l'action directe
..
est
strictement
limité
a
ce
que
doit
encore
le
maître
de
..
l'ouvrage
pour
la
part
sous-traitée.
C'est
a
l'évidence
une
conception restrictive de la créance du sous-traitant.
Tandis
que le point de vue du seul tribunal de Montluçon,
en ce qu'il
étend
l'assiette
de
l'action
directe
a
l'intégralité
des
sommes
dues
par
le
maître
de
l'ouvrage
à
l'entrepreneur
principal sur le contrat principal, participe d'une conception
extensive, ou maximaliste de l'action directe.
C'est entre ces
deux thèse que l'hésitation
des tribunaux est née.
Comme
toute
opposition
est
la manifestation d'intérêt
divergent,
il
s'impose
de
faire
la
lumière
sur
ceux
qui
soutendent
les
décisions
des
tribunaux
en
vue
d'opérer
le
choix le plus judicieux.
PARAGRAPHE
I I
:LES
INTERETS SOUTENDANT
L'OPPOSITION
DES
TRIBUNAUX
A
PROPOS
DE
L'INTERPRETATION
DE
L'ARTICLE
13 AL
2.
Il
s'agit
d'exposer
ici
au
regard
des
intérêts
en
présence,
dans le contrat de sous-traitance,
les avantages et
naturellement les
inconvénients
résultant de
l'application de
la thèse maximaliste ou de la thèse restrictive.

131
A
l'évidence
la
thèse
extensive
ou
de
préférence
maximaliste
semble
garantir
le
mieux
les
intérêts
du
sous
traitant sans nuire fondamentalement à ceux de l'entrepreneur
principal,
mais
on
peut
craindre
qu'elle
ne
développe
chez
certains
sous-traitants
une
légèreté
dans
l'exercice
de
l'action
directe
et
une
insouciante
dans
le
respect
de
la
situation de l'entrepreneur principal.
On imagine la situation d'un entrepreneur principal qui
traverse des difficultés très bénignes de trésorerie.
Un sous-
traitant peu scrupuleux et soucieux de se réserver rapidement
sont droit sur les sommes détenues par le maître de l'ouvrage
peut agir,
sans
attendre
l'évolution
de
cette
situation,
en
paiement des
travaux qu'il a
effectués
(1).
Une
telle
action
est d'autant plus concevable que la loi ne précise aucunement
le moment
jugé suffisamment critique pour mettre en péril les
droits du
sous
traitant,
justifiant ainsi
l'action de celui-
ci.
Celle
action,
si
elle
n'atteint
pas
directement
les
finances de l'entrepreneur principal,
peut par ailleurs
avoir
des conséquences malheureuses pour l'évolution de sa situation
en effet si
le maître d'ouvrage
paye le
sous-trai tant
sur
l'intégralité des sommes dues à l'entrepreneur,
(1)
RADOUAN, Rép. Dalloz proc. civ. VO saisie-arrêt nO 20
-
V,
Civ.
1ère sect.
19 nov 1962 Bull 1962.1.413 et Civ.
2ème sect.
21 nov. 1963 Bull 1963 II 569

132
l'opération
risque
certainement
de
provoquer
la
suppression
d'une
"oxygénation
financière"
que
le
maître
de
l'ouvrage
..
..
peut
apporter
a
l'entrepreneur
principal
pour
l'aider
a
remonter
ses
difficultés
(1).
Ainsi
donc
par
le
jeu
de
l'action
directe,
le
sous-traitant
risque
de
précipiter
une
entreprise
principale
qui
fait
l'objet
de
difficultés
passagères dans une situation très sérieuse qui risque d'être
irréversible.
A ce sous-traitant l'on peut refuser le recours
à la thèse maximaliste et par conséquent, la thèse restrictive
lui
sera
appliquée
comme
la
sanction
de
son
action
intempesti ve
(2).
C'est
en
partie
pour
éviter
ce
genre
de
désagrément
qu'il
n'est
pas
rare
que
les
entrepreneurs
principaux,
dès la conclusion du contrat principal cherchent,
..
ou
à nantir le marché dont
ils
sont
titulaires
ou
encore a
tirer
des
traites
sur
le
maître
de
l'ouvrage
qu'ils
font
escompter auprès des banquiers.
Ceux-ci deviennent donc,
pour
les
premiers,
titulaires
d'un
nantissement
sur
le
marché
de
l'entrepreneur
principal
pour
les
seconds,
porteurs
d'une
lettre de change tirée sur le maître d'ouvrage avec dorénavant
des
droits
sur
ladite
créance
de
l'entrepreneur
principal.
Aussi,
généralement,
l'application
de
la
thèse
restrictives
résulte t-elle du souci de protéger les intérêts de ces types
( 1 )
Hypothèse
ou
l'action
directe
du
sous-traitant
absorberait
l'intégralité des sommes disponibles.
(2)
-
En
ce sens
Cozian op.
Ci t.
"
le
titulaire
de
l'action
directe
engagerai t
sa responsabilité s'il l'exerce dans des condi tions v~xatoires
pour son débiteur".

133
de
créanciers
au
détriment
du
sous-traitant.
Ainsi
donc
on
réalise que l'application de ces différentes thèses,
notamment
la
thèse
restrictive
permet
aux
autres
créanciers
de
l'entrepreneur principal de réclamer eux aussi le paiement de
leur
creance
sur
les
sommes
encore
dues
à
l'entrepreneur
principal par
le
maître
de
l'ouvrage.
Certes,
dira-t-on,
le
sous-traitant,
en
vertu
de
la
loi,
a
une
action
directe
priori taire sur les
sommes
encore disponibles
chez
le maître
de l'ouvrage mais
il
faut
cependant remarquer que les
autres
créanciers
ne
sont
pas
moins
dignes
d'intérêt
car
avant
toute chose,
le marché de sous-traitance ne peut être exécuté
si le marché principal
lui-même ne
le
peut.
Or
le démarrage
des
activités
relatives
au
marché
principal
dépend
des
financements de tous genres que les banquiers ont consenti à
l'entrepreneur principal.
Il
serait
injuste
de
ne
pas
tenir
compte de l'intérêt de ces individus dans le choix entre ces
deux thèses.
Au-delà
de
ces
circonstances
ponctuelles
qui
justifieraient l'application de la thèse restrictive faite par
les cours de Riom et de Versailles,
cette thèse peut comporter
de
très
graves
inconvénients
pour
le
sous-traitant;
ce
qui
justifie toute le bienveillance entretenue autour de la thèse
maximaliste
par
le
tribunal
commercial
de
Montluçon.
Pour
preuve, deux cas de figures sont imaginables.

134
On peut supposer d'abord que l'entrepreneur principal a
déjà
perçu
une
partie
des
sommes
dues
au
sous-traitant
et
qu'il ne l'a pas
réversée au sous-traitant.
Si
on limite les
,
sommes
résultant
de
11 action
directe
a
ce
que
le
maître
de
l'ouvrage
doit
encore
à
l'entreprise
principale
pour
les
travaux sous-traités,
cela reviendrait à dire tout simplement
qu'au cas où il resterait encore des sommes disponibles après
.-
que
le
maître
d'ouvrage
ait
paye
le
sous-traitant,
l'entrepreneur
principal
continuerait
impunément
à
recevoir
ces
sommes
disponibles
alors
qu 1 il
garderait
par
devers
lui
celles correspondant à une partie du travail effectuées par le
sous-traitant.
C'est
Assurément
le
cas
d'un
entrepreneur
malhonnête qui
profiterait
de
la
situation
offerte.
Mais
on
peut essayer de remédier
à
cette
fraude
en décidant
que
les
sommes
que
l'entrepreneur
principal
aura
perçu.es,
et
qu'il
n'aurait pas reversées,
viendront en déduction du prix de ses
propres
travaux
notamment
des
sommes
a
venir
qu'il
va
continuer de percevoir.
Cette opération de déduction pour séduisante qu'elle soit
manque réellement de base
juridique dans
son application.
De
quel moyen
juridique peut
user le sous-traitant pour bénéfi-
cier du résultat de cette déduction.
Peut-il une fois de plus
agir contre
le
maître
de
l'ouvrage
par
la
voie
de
l'action
directe en paiement des sommes qu'il n'aurait pas perçues?

135
Monsieur
Sadon
(1)
propose
quant
à
lui
d'appréhender
cette
fraude
sous
l'incrimination
de
l'enrichissement
sans
cause.
Le
sous-traitant
disposerait
alors
contre
cet
entrepreneur
principal
malhonnête
de
l'action
"de
in
rem
verso" pour se faire rembourser les sommes que celui-ci aurait
indûment
perçues
et
se
serait
abstenu
de
les
lui
reverser
provoquant ainsi un enrichissement injuste à son détriment.
Toutefois,
si la théorie de l'enrichissement sans cause
peut
venir
au
secours
du
sous-traitant,
son
application
suppose une
procédure particuli~re différente de la procédure
,
de
l'action
directe.
Ainsi
donc
a
peine
sorti
d'une
action
directe qui ne lui aurait permis que d'être payé partiellement
ou
pas
du
tout,
le
sous-traitant
se
voit
obligé
d'intenter
encore
une
action
"de
in
rem
verso"
contre
l'entrepreneur
principal qui
par hypoth~se se trouve en difficulté.
On peut
se
demander
qu'elle
chance
une
telle
action
a-t-elle
d'aboutir?
Le deuxi~me cas est celui d'une fraude plus flagrante: En
,
effet
si
la
th~se restrictive
est
retenue,
il
suffirait
a
l'entrepreneur
qui
voudrait
écarter
le
sous-traitant
du
paiement
de
ses
travaux,
d'imputer
l'essentiel
de
tous
les
paiements
faits
par
le
maître
de
l'ouvrage
en
compte
des
travaux effectués par le sous-traitant, minimisant
(1)
-
Sadon,
avocat général.
Concl.
sous Casso
Ch.
Mixte,
18 Juin 1982
prée.

136
corrélativement et parfois
jusqu'à l'insignifiance
totale
les
sommes
auxquelles
peut
prétendre
le
sous
traitant
exerçant
l'action directe.
Par
cette
méthode
l'entrepreneur
principal
pourrai t
non
seulement
continuer
lui-même
de
percevoir
les
sommes
qui
restent
dues
par
le
maître
de
l'ouvrage,
mais
également
manoeuvrerait
pour
éviter
ou
retarder
sa
propre
défaillance,
ou essayerait tout simplement de la reporter sur
le sous-traitant.
Cette
fraude pour subtile qu'elle
soit peut
sans doute
être appréhendée également en vertu de l'article 15 de la loi
du 31
décembre de
1975.
Cet article reprime
tout
arrangement
qui
a
pour
effet
de
faire
échec
à, la
loi.
Si
l'on
entend
arrangement
au
sens
large,
un
seul
individu
peut
unilatéralement
provoquer
un
arrangement.
En
l'espèce
l'arrangement consiste à
détourner,
par un
jeu d'écriture,
la
destination normale
de ces
sommes dl argent.
Mais
la question
se
pose
de
savoir
s ' i l
sera
aisé
de
saisir
l'élément
,
constitutif
de
la
fraude
dans
la
mesure
ou,
en
général
l'entrepreneur principal
est
seul
en relation
avec
le maître
de l'ouvrage qui lui effectue les paiements;
et comme il est
seul également à
manipuler le compte sur lequel interviennent
ces paiements on ne doute guère qu'il puisse aisément procéder
à des transactions aussi discrètes que malhonnêtes.
Par ailleurs la découverte d'une telle fraude suppose des

137
opérations
d'investigation
sur
ce
compte;
de
quels
moyens
juridiques dispose-t-on
pour procéder à
ces
investigations
?
On
rencontre

encore
toute
la
lourdeur
de
la
procédure
judiciaire
qui
peut
entraver
sérieusement
les
intérêts
du
sous-traitant .
Enfin il a
été soutenu contre la thèse restrictive que
celle-ci
oblige
le
maître
de
l'ouvrage
à
individualiser
les
paiements qu'il
effectue.
A cet effet on cite les marchés où
interviennent plusieurs sous-traitants agissant successivement
ou
simultanément.
Dans
ces
marchés
la
thèse
restrictive
incline le maître de l'ouvrage à la ventilation des paiements
qu'il effectue
en différents
lots correspondant
chacun à
une
part
déterminée
de
travaux
réalisés.
Ainsi
certaines
parts
sont
réservées
aux
sous-traitants,
l'entrepreneur
principal
ayant
la
sienne
Il
est
inadmissible
que
le
maître
de
l'ouvrage
ayant
un
seul
interlocuteur
et
un
seul
créancier,
poursuit-on,
soit obligé à la ventilation des paiements qu'il
effectue.
(1)
L' argument
est
solide
tant qu'il
milite
en
faveur
du
sous-traitant
;
malheureusement
il
se
revèle
à
double
tranchant.
Si l'on ne veut pas en effet contraindre le maître
de l'ouvrage à la ventilation des paiements qu'il effectue, on
,
l'encourage
alors
a
faire
des
paiements
globaux
au
seul
entrepreneur
principal
qui
est
chargé
ensuite
de
la
répartition des sommes.
(1)
- Cette thèse a été défendue par Mr Sadon, concluant sous l'arrêt de
la Ch. Mixte du 18 juin 1982.

138
Ainsi
la
ventilation
des
paiements
que
l'on
veut
éviter
au
maître
de
l'ouvrage
retombe
à
la
hauteur
de
l'entrepreneur
principal.
Or
l'on
sait
qu'à
ce
niveau
il
existe
un
risque
,
réel
que
les di tes
sommes
ne
soient
pas
reversees
au
sous-
traitant.
En effet eu égard à la situation économique très délicate
dans
laquelle
est
plongé
l'entrepreneur
principal,
la
tentation
sera
très
grande
pour
lui
de
chercher
dans
..
l'immédiat
a
resorber
sa
propre
défaillance
en
utilisant
lesdites sommes au lieu de les reverser au sous-traitant.
Qu'on ne s'étonne pas par conséquent, que celui-ci après
avoir
disposé
de
ces
sommes,
s'enfonce
d'avantage
dans
ses
,
difficultés
que
l'action
directe
exercee
par
le
sous-
traitant
contre
le
maître
de
l'ouvrage
n'ait
plus
de
,
..
substance.
Ce
dernier
ayant
tout
paye
a
l'entrepreneur
principal qui, lui, n'a pas pu effect~er le reversement .
,
A
l'analyse
de
tous
les
arguments
exposes,
on
peut
retenir
que
les
différents
palliatifs
que
l'on
pourrait
..
apporter
a
la
thèse
restrictive
pour
purger
celle-ci
de
sa
..
nocivité
a
l'égard
du
sous-traitant
demeurent,
sinon
sans
succès,
du
moins
d'une
efficacité
très
limitée.
Il
faut
par
..
conséquent
se
rendre
a
l'évidence
du
bien
fondé
et
de
la
solidité
des
critiques
adressées
contre
elle.
C'est
certainement la raison pour laquelle la haute Cour appelée à

139
trancher le débat instauré par les Cours d'appel de Riom et de
Versailles
abonde
sans
nul
doute
dans
le
sens
de
la
thèse
extensive.
PARAGRAPHE
I I I
L'INTERPRETATION
DE
L'ARTICLE
13
AL
2
DE
LA
COUR
DE
CASSATION.
Saisie
concurremment
de
deux
pourvois
engendrés
par
l'interprétation de l'article 13 alinéa 2 donnée par les Cours
d'Appel de Riom et de Versailles,
la Cour de Cassation décide
que:
" les obligations du maître de l'ouvrage sont limitées à
ce qu'il doi t
encore
à l'entrepreneur principal à la da te de
,
..
la
réception
de
la
copie
de
la
mise
en
demeure
prevue
a
l'article précédent.
L'article
13
alinéa
2
n'établit
aucune
distinction
suivant l'origine des prestations fournies au titre du marché
principal,
d'où résulte cette dette
i
doivent
par
suite être
cassés
les
arrêts
de
Cour d'Appel
qui
pour
n'accueillir que
,
partiellement
l'action
directe
exercee,
disposent
que
cette
action
ne
peut
viser
que
le
paiement
correspondant
aux
prestations prévues
par le
contrat de
sous-traitance dans
la
..
limite
de
ce
que
le
maître
de
l'ouvrage
doit
encore
a
l'entrepreneur principal." (1)
(1) Cass Ch. Mixte 18 juin 1982, 2 arrêts, G.P. 20 juillet 1982 JCP.
1982
II 19858 concl. Sadon, obs. G. Flècheux. O. 1983. 221, note A Benabent.

140
En
jugeant ainsi
la Chambre Mixte a
opté
délibérément
pour la thèse extensive puisqu'elle casse
les
arrêts
de Riom
et de Versailles qui ont appliqué à l'action directe la thèse
restrictive.
Du
meme
coup
la
Chambre
Mixte
a
mis
fin
aux
débats
sur
le
choix
entre
les
deux
thèses
en
précisant
clairement que le contenu de l'action directe du sous-traitant
Si étend
à l'intégralité des sommes encore dues par le maître
de l'ouvrage à l'entrepreneur principal.
(1)
Mais
ces arrêts de la chambre Mixte
en recherchant la
..
protection
du
sous-traitant
cree
par
ailleurs
un
autre
problème.
Ce
problème est
celui auquel
seront confronté ceux
qui tiennent un droit de l'entrepreneur principal défaillant,
dont ils cherchent la réalisation dans les mains du maître de
l'ouvrage.
En
réalité
en
décidant
que
l'action
directe
du
sous-traitant
a
pour
assiette
l'ensemble
des
sommes
encore
dues
par
le
maître
de
l'ouvrage,
la
Chambre
Mixte
amenuise
sans
nul
doute
les
chances
que
les
autres
créanciers
de
l'entrepreneur principal ont encore de se faire
payer par le
maître de l'ouvrage.
(1)
- cette décision a été confirmée par la Chambre Civile de la Cour de
Cassation dans un arrêt du 11octobre 1983, D.
1984.
153 note A.
Benabent,
Bull Civ. III N° 182.

141
Aussi
ceux-ci
par
diverses
techniques
contractuelles
s'octroieront
des
garanties
de
paiement
qui
constitueront
..
autant
de
menaces
pour
l'assiette
de
la
creance
du
sous-
traitant.
CHAPITRE II -LES DANGERS MENAÇANT L'ASSIETTE DE
L'ACTION DIRECTE DU SOUS-TRAITANT
L'action directe repose essentiellement sur la créance
de
l'entrepreneur
contre
le
Maître
d'ouvrage.
Aussi
la
,
garantie
de
paiement
offerte
au
sous-traitant
tient-elle
a
l'existence de cette créance.
Cela signifie que celle-ci doit
être protégée contre tout ce qui la menace de disparition.
L'étude
des
dangers
menaçant
l'assiette
de
l'action
directe
n'est
en
réalité
que
l'analyse
du
concours
sur
les
Sommes
dont
dispose
le
maî tre
de
l'ouvrage,
d'une
part,
de
..
tous
ceux
qui
ont
pu
acquérir
une
creance
contre
l'entrepreneur principal et qui par conséquent ont des droits
sur
les
dites
sommes,
et
d'autre
part,
du
sous-traitant
agissant
directement
en
paiement
de
ses
travaux
contre
le
maître de l'ouvrage.
Il est à craindre que devant toutes ces réclamations en
paiement
des
créances
de
l'entrepreneur
principal
dirigées
contre le maître de l'ouvrage,
l'assiette de l'action directe
n'ait plus de substance.

142
En
effet
si
les
sommes
dont
le
maître
de
l'ouvrage
dispose
encore
sont
insuffisantes
pour
satisfaire
chaque
revendication de paiement,
cela va sans dire qu 1 il
risque de
se poser un véritable problème de priorité entre la créance du
sous-traitant et celle des divers créanciers de l'entrepreneur
principal sur ces sommes.
La question se pose alors de savoir
comment
régler
ces
conflits
pour
préserver
les
droits
du
titulaire de l'action directe.
Ce conflit va opposer le sous-traitant exerçant llaction
directe au
créancier ayant
consenti
au
financement du marché
principal soit en prenant un nantissement sur ce ledit marché,
soit
en
se
faisant
céder
la
créance
de
l'entrepreneur
principal
contre
le
maître
de
l'ouvrage,
soit
enfin
en
bénéfiçiant
de
la
propriété
d'une
traite
tirée
par
11 entrepreneur
principal
sur le
maître
de
l'ouvrage
(Section
I) .
Il peut aussi opposer plusieurs sous-traitants titulaires
tous de l'action directe. En effet le maître de l'ouvrage peut
être exposé
à des
paiements
réclamés
par
une
"multitude"
de
sous-traitants
intervenus
dans
la
réalisation
de
l'ouvrage
(Section II).

143
Enfin il n'est pas rare que le maître de l'ouvrage lui-
meme ,
faisant l'objet d'une action directe,
invoque contre le
ti tulaire
de
celle-ci,
certaines
exceptions
dont
il
dispose
contre
l'entrepreneur
principal
pour
se
soustraire,
sinon
intégralement,
du
moins
partiellement
au
paiement
revendiqué
(Section III).
SECTION l : Les créances bancaires contre l'entrepreneur
principal.
La
situation du
banquier ayant
acquis
la créance de
l'entrepreneur
principal
par
un
mode
civil
d'acquisition
retiendra
d'abord
notre
attention
(§ 1 ) ,
ensuite
nous
analyserons
la
situation
du
banquier
porteur
d'une
traite
tirée par l'entrepreneur principal(§2).
PARAGRAPHE
I
L'ACTION
DIRECTE
FACE
AUX
CREANCES
ACQUISES
CONTRE
L'ENTREPRENEUR
PRINCIPAL
PAR
UN
MODE
CIVIL.
..
L'action
directe
peut-elle
triompher
devant
une
creance
bancaire acquise sur l'entrepreneur principal contre le maître
d'ouvrage, par un mode civil?

144
,
La
reponse
à
cette
question
procède
d'une
analyse
en
référence
au
mode
ci vil
d' acquisi tion
généralement
utilisés
que
sont
la
cession
de
créance
ou
le
au
nantissement
d'une
part (A) et la subrogation d'autre part (B).
n a n t i
ou
c e s s i o n n a i r e
d e
c r é a n c e .
En général le démarrage des travaux ayant fait l'objet du
contrat principal se fait
attribuer le marché,
mais
comme i l
...
dispose
rarement
des
fonds
servant
a
son
exécution
il
s'adresse à une banque qui procédera au financement.
Le
financement
des
marchés
privés
s'accompagne
traditionnellement
du
nantissement
dudit
marché.
Ce
nantissement est un gage pris sur la créance du titulaire du
...
marché
contre
le
maître
de
l'ouvrage
permettant
a
son
bénéficiaire en l'occurrence la banque de faire des avances à
ce titulaire du marché au fur et à mesure de l'avancement des
travaux.
(1)
En retour le banquier nanti se fait rembourser de
ses avances
en recevant directement le prix dB par le maître
de l'ouvrage correspondant à sa créance,
par le bénéfice d'un
privilège sur ces sommes.
(1)
-
En ce sens Bachelot financement bancaire des marchés privés et la
loi du 31
déc.
1975 prée.;
A.
Gaston sous-traitant et bailleurs de fonds,
G.P.
1980.
2.
DOCT.
423.;
J.
Hemmelle,
approche
économiquement
de
l'interprétation de
la
loi
du
31
déc.
1975
relative
à la sous-traitance
G.P. 1980,
1. doct. 67.

145
Une telle opération est génératrice de conflit entre le
sous
traitant
exerçant l'action directe et
le banquier nanti
si les
sommes dont
dispose le maître de
l'ouvrage ne peuvent
suffire pour la satisfaction de leur réclamation respective.
Ce conflit était d'autant plus prévisible,
pour Monsieur
Bachelot (1),
que les sous-traitants ne bénéficient pas d'une
action
en
paiement
direct
dont
les
dispositions
ont
été
clairement définies par la loi qui leur donne au contraire une
action
directe
aux
contours
incertains
et
susceptible
par
conséquent de
se heurter
à un nantissement régulier consenti
sur la créance, par le titulaire du marché principal.
Le problème du concours entre le créancier nanti
et le
sous-traitant a connu un développement très cahotique à cause
des incertitudes de la jurisprudence intervenue en la matière,
appuyée
par
des
textes
de
loi
non
moins
cohérents.
Chaque
,
étape
de
cette
évolution
est
marquee
par
une
solution
particulière correspondant elle-même à un problème né.
Ces solutions acquises au fur et à mesure des litiges ne
constituent pas nécessairement un ensemble cohérent et facile
à analyser. Aussi une étude chronologique de cette évolution
(1)
V,
Bachelot,
financement bancaire des marchés privés et la loi du
31 Déc. 1975 G.P.
1979.2. doct. P. 385

146
s'impose-t-elle à
nous.
Ainsi
l'on étudiera la question
sous
11 empire
des dispositions
initiales de la loi
du
31
décembre
1975,
avant
de
l'analyser
sous
la
loi
du
2
janvier
1981
complétant la première, et la loi du 24 janvier 1984 complétant
à nouveau la loi initiale
1
-
LE CONCOURS DE
L'ACTION
DIRECTE ET DES CREANCES RESULTANT
D'UN NANTISSEMENT D'UNE CESSION
DE
CREANCES SOUS LES DISPOSITIONS INITIALES DE LA LOI DE 1975.
Cette période correspondant à un vide législatif en la
,
matière;
les
termes
des
litiges
poses
par
ce
concours
se
fondent essentiellement sur des arguments d'opportunité.
Ainsi
donc
tandis
que
le
sous-traitant
se
borne
à
contester
la
validité dlun nantissement consenti sur la créance dont il se
croit titulaire,
en invoquant
la nullité
ou
à
tout
le
moins
l'inopposabilité à ses droits de ce nantissement,
le banquier
nanti,
lui,
fait
preuve
de
plus
d'imagination
dans
ses
argumentations pour protéger sa créance.
Les moyens développés
par les banques avant la loi de 1981
constituent la trame du
développement
de
ce
concours
entre
créancier
nanti
et
sous-
traitant titulaire d'une action directe.
C'est d'abord la date d'entrée en vigueur de la loi du 31
décembre 1975 qui sert de cheval de bataille au banquier nanti.
Pour
faire
échec
au
droit
du
sous-traitant
les
banquiers
soutiennent qu'en raison de l'absence de disposition

147
législative relative au titre I I I de la loi régissant l'action
directe, quant à l'entrée en vigueur de celle-ci, l'on devrait
se reférer
aux principes
généraux du droit.
Elles
prétendent
dès lors que conformément à la règle de non rétroactivité de la
loi,
principe fondé sur la théorie des droits acquis,
le sous
traitant agissant en présence d'un nantissement régulier porte
préjudice
aux
prérogatives
acquises
sur
les
créances
dont
l'entrepreneur
principal,
se
trouve
titulaire
vis-à-vis
du
maître
de
l'ouvrage.
Ainsi
donc
si
le
nantissement
est
,
postérieur
a
la
conclusion
du
contrat
de
sous-traitance
le
banquier
nanti
ne
peut
primer
le
sous-traitant.
Mais
si
au
contraire
le
nantissement
a
été
consenti
en
date
avant
l'intervention
du
sous-traité,
le
droit
du
sous-traitant
devient caduque.
Mais la cour de Lyon,
dans une décision du 27 mai 1977
(1), met un coup d'arrêt à cette argumentation en décidant que
:"
les dispositions de la loi du 31 décembre sont d'application
immédiate aux situations en cours dès lors qu'elles concernent
le règlement de créances nées de l'exécution d'un contrat; en
outre l'action directe naît non pas du contrat mais de la loi".
(1)
- Lyon 27 mai 1977, G.P.
1978 1,
jursip P.
128.
D.
1978.
343 note
c. GAVALDA

T ' Z E '
148
Ainsi de par son essence légale l'action directe prime la
revendication des banquiers. Cette action se situe, à en croire
la motivation de la Cour , au dessus de toute autre réclamation
contre le maître de l'ouvrage.
Mais
cette
motivation
ne
peut
décourager
l'élan
des
banquiers qui vont aussitôt se placer sur un autre terrain de
prétention
pour
sauvegarder
leurs
intérêts.
En
cela
la
contestation
du
droit
du
sous-traitant
tirée
de
la
non
conformité de certains sous-traités aux dispositions de la loi
est salutaire.
Pour les
banquiers,
le
sous-traitant
ne
peut
exercer
l'action directe que si celui-ci a été régulièrement accepté et
ses conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage.
En l'absence de la satisfaction de ces obligations la nullité
sanctionnant ce défaut doit pouvoir être invoquée par eux.
Le
tribunal commercial de Bourges s'est montrée
sensible à cette
argumentation. Mais pour détourner la difficulté qui consiste à
répondre clairement à la prétention des banquiers, elle décide
le 8 novembre 1977 que
:
"
le moyen fondé sur le principe de
l'inopposabilité aux tiers,
que sont le maître de l'ouvrage et
le créancier nanti,
des stipulations des sous-traités occultes
est recevable.
Mais cette affirmation trouve ses limites dans la mesure
où les tiers ont eu connaissance du fait
postérieurement à la
date de l'entrée en vigueur de la loi de l'existence du sous-
t,:
trai té. " ( 1 )
r
:"
( 1 )
- Bourges 8 nov. 1977 D. 1977 I.R. 143; GP 1978.1.129

149
Devant une telle motivation on peut se poser une question.
Si
la
connaissance par
le
banquier,
au
moyen
des
mesures
de
publicité
que
sont
l'acceptation
et
l'agrément,
d'une
sous-
traitance
régulière
lui
permet
d'apprécier
le
risque
qu'il
prend et par conséquent lui permet d'adapter son financement en
fonction de
la situation du
marché
en
présence
duquel
i l
se
trouve
(1),
on
peut
se
demander
comment
peut-il
en
revanche
apprécier ce risque devant une sous-traitance occulte et dont
,
il
aurait
eu
connaissance
postérieurement
a
la
date
de
conclusion du
nantissement
?
Cela signifie qu'à
tout
moment,
malgré
toutes
les
précautions
qui
seront
prises
par
les
banquiers,
ils verront surgir une sous-traitance qui risquerait
de
menacer
les
droits
qu'ils
ont
acquis
sur
le
marché
principal.
(2)
La
Chambre
commerciale
saisie alors
du
pourvoi
de
la
décision de
la Cour
d'Appel,
estimant
peut-être que
celle-ci
n'avait pas été suffisamment protectrice des intérêts du sous-
traitant, devait trancher vigoureusement: " l'action directe
(1)
-
Bachelot
financement bancaire des marchés privés et la
loi du 31
déc. 1975 prée.
(2)
- Bachelot, réf. Idem.

150
ne peut
jamais pâtir de l'existence d'un nantissement quelque
soit la date respective du nantissement et du sous-traité i
car
s'agissant d'un conflit,
non pas entre créanciers privilégiés,
mais
entre
créanciers
bénéficiaires
d'une
action
directe
et
créanciers privilégiés, la Cour n'avait pas à rechercher, ni si
le
privilège
l'emportait
sur
l'autre,
ni
à
quelle
date
,
...
respective
avaient
été
passes
les
actes
donnant
naissance
a
l'action directe et au privilège." (1)
Par cette motivation sans restriction au droit du sous-
traitant
la
Chambre
Commerciale qui
avait
préalablement
dans
cette décision affirmée la licéité de la sous-traitance occulte
(2), vient de consacrer la prééminence en toute circonstance de
l'action directe du sous-traitant.
Elle accorde donc au mépris
des revendications du banquier un véritable droit d'exclusivité
au sous-traitant sur les sommes disponibles (3).
Devant
toutes ces
difficultés
auxquelles
les
tribunaux
soumettent les banquiers pour se faire rembourser les
avances
consenties à l'entrepreneur principal,
ceux-ci vont opter pour
un
autre
moyen
de
garantie
de
paiement
plus
efficace
devant
l'action directe du sous traitant.
Le recours qui
s'offre aux
banquiers est la cession de créance (4).
(1)
Corn 19 mai 1980 prée.
(2)
En ee sens Benabent sous Cass 19 mai 1980 prée
(3)
- En ee sens Benabent réf. idem
(4)
En ee sens Vasseur note sous Casso Civ. 29 mai prée.

151
Cette
opération
se
définie
comme
la
convention
par
laquelle,
le
créancier
appelé
Cédant,
transmet
sa
créance
contre
son
débiteur,
débi teur
cédé,
à
un
tiers
appelé
cessionnaire (1).
Elle est soumise à des formalités que résume
l'article
1690
du
Code
Civil
et
a
pour
conséquence
de
substituer un nouveau créancier à l'ancien créancier avec tous
les droits attachés à la créance contre le débiteur qui,
lui,
reste le même.
Dès
lors la propriété de la créance cédée est
acquise
au
profit
du
cessionnaire
qui
peut
réclamer
,
l'exécution.
Le
banquier
qui
se
fai t
céder
sa
creance
par
l'entrepreneur principal devient par conséquent propriétaire de
,
la
creance.
La
question
se
pose
alors
de
savoir
si
le
cessionnaire
peut
revendiquer
son
droit
contre
le
maî tre
de
l'ouvrage devant un sous-traitant qui exerce son action directe
contre le même maître de l'ouvrage.
Monsieur
VASSEUR
(2)
soutient
que,
ilIa
propriété
est
l'arme
absolue;
cessionnaire
de
la
créance,
en
conséquence
d'une cession intervenue dans
l'ignorance des
sous~traités et
en
l'absence
de
la
démonstration
qu'ils
les
a
connus,
le
banquier devrait l'emporter sur le sous-traitant.
Il ne peut,
en effet,
y avoir action directe par les sous-traitant du chef
d'une créance de l'entrepreneur principal à l'encontre du
(1)
- A.
Weil droit Civil,
les obligations,
Dalloz P1021
V.
art.
1690 du
C. crv.
(2)
Vasseur, note sous Casso Civ. 29 mai prée

152
maître
de
l'ouvrage,
si,
à
la
suite
d'une
cession
cette
créance est sortie du patrimoine de l'entrepreneur principal".
Ainsi
l'on
pense
que
la
créance
ayant
été
cédée,
l'action
directe intervenant par la suite risque fort bien d'être sans
contenu.
En effet pour bénéficier de la primauté,
la cession de
créance doit
intervenir dans
les
formes
requises
par
la loi
notamment la signification de la cession au débiteur,
c'est-à-
dire
le
maître
de
l'ouvrage.
La
date
de
la
cession
sera
appréciée au regard de l'acte de notification de l'opération à
ce débiteur.
Muni
de
cette
précaution le
banquier dont
la
cession
intervient en date avant le sous-traité est déjà entré dans la
propriété de la créance qui ne peut plus dorénavant supporter
une quelconque action directe.
La
cession
de
créance
peut
donc
se
substituer
au
nantissement devenu
inefficace pour le
banquier
qui
voudrait
se
faire
rembourser
les
avances
consenties
à
l'entrepreneur
principal.
Cependant, avant l'intervention des tribunaux pour rejeter
,
ou
approuver
ce
point
de
vue,
et
contrairement
a
toute
attente,
c'est
le
législateur
qui
intervient
pour
régler
définitivement
le
concours
entre
créancier
nanti
ou
cessionnaire de créance et le titulaire d'une action directe,
par une loi du 2 Janvier 1981.

153
2- LE CONCOURS APRES LA LOI DU 2 JANVI ER 1981 .
..
Dans
la mesure
ou
le
législateur
avait
minutieusement
réglementé le nantissement dans les marchés publics on ne peut
concevoir
qu'il
ne
pouvait
pressentir
l'incidence
de
cette
même
opération
sur
les
droits
du
sous-traitant
dans
les
marchés
privés
( 1 )
Voulai t-il
attendre
la
naissance
de
ce
problême avant d'intervenir?
NI importe
comment
le problême
crée,
les
imprécisions
jurisprudentielles
ont
nécessité
une
intervention
législative
qui,
au
vue
des
difficultés
déjà
présentes,
devrait pouvoir à la fois assurer la protection du
sous-traitant et sauvegarder les
intérêts du créancier nanti .
..
Le
voeux
de
satisfaire
des
intérêts
ainsi
opposes
laisse
présager des limites de l'efficacité du nouveau texte.
La loi N°
81-1
du 2 janvier 1981
"facilitant le crédit
aux
entreprises"
a
organisé
le
nantissement
des
créances
professionnelles et y a ajouté le procédé de la cession selon
la formule
di te
"
bordereau Dailly".
Cette
loi
introduit
un
article
13-1
dans
la
loi du
31
décembre
1975
qui
dispose
"
l'entrepreneur principal ne peut céder ou nantir les créances
résultant du marché principal qu'à concurrence des sommes qui
lui sont dues au titre des travaux qu'il effectue personnelle-
ment."
(1)
-
Bachelot financement bancaire des marchés privés et la loi du 31
déc.
1975
prée.
se
réf~rant â
l'art.
9
de
la
loi
1975
relatif
au
nantissement dans les marchés publics.

154
Apparemment
la
disposition
nouvelle
est
de
nature
à
résoudre
la
question
du
concours
entre
créancier
nanti
et
titulaire d'une action directe.
Le respect par l'entrepreneur
d'une
telle
disposition
devrait
radicalement
supprimer
toute
sorte de difficulté à cet égard. Mais le législateur
avait-il
réellement
compté
avec
la
malveillance
de
l'entrepreneur
principal ?
En effet la sous-traitance étant devenue un mode normal et
nécessaire d'exécution des marchés,
(1) le titulaire recourera
toujours au service des sous-traitants.
Mais comme celui-ci a
également
besoin
de
financement,
il
en
appellera
à
la
contribution des banques.
Un
entrepreneur
peu
scrupuleux
du
respect
des
dispositions
de
la
loi
ou
pris
entre
les
impératifs
de
la
,
sous-traitance
et
ceux
du
nantissement
n'hésitera
pas
a
conclure
ces
deux
types
de
contrat
au
mépris
de
cette
disposition s'il se trouve dans une situation difficile. Ainsi
donc
le
problème
du
concours
peut
renaître
à
cause
des
agissements
de
cet
entrepreneur.
Celui-ci
encourra-t-il
une
sanction pour avoir violé les dispositions de la loi ?
(1)
-
En
ce sens,
C.
Gavalda,
liberté de
sous
traiter
Rep.
Civ.
N°62
prée.
- art. 1 LOr DU 31 déc 1975 relative à la sous-traitance. prée.

155
On
recherchera
en
vain
llénoncé
dlune
sanction
quelconque,
civile ou pénale dans le nouveau texte.
(12)
Pire
rien nlest dit quant aux conséquences pour le
banquier et le
sous-traitant
dlun
nantissement
irrégulier.
Ainsi
donc
en
n'édictant
pas
de
sanction
de
la
violation
de
cette
disposition,
la loi du 2 Janvier risque d'être inefficace.
En
réalité
cette
intervention
législative
n'est
qu'''un
coup
dl épée dans
11 eau".
Cl est
pourquoi
le
législateur
intervient
une fois encore en 1984.
La loi
"bancaire" nO 8446 du 24 janvier 1984 a ajouté un
deuxième alinéa à l'article 13 de la loi du 31
décembre 1975
qui
dispose
" il (11 entrepreneur principal) peut toutefois
..
céder
ou
nantir
11 intégralité
de
ces
creances
sous
réserve
d'obtenir
préalablement
et
par
écrit,
le
cautionnement
personnel et solidaire visé à l'article 14 de la présente loi,
vis à vis des sous-traitants ".
Par cette disposition de llarticle 13 al 2 le législateur
entend
résoudre
définitivement
le
conflit
entre
créancier
cessionnaire de créance ou nanti et le sous-traitant exerçant
11 action
directe.
Car
le
cautionnement
devrait
permettre
au
sous-traitant d'être désintéressé même si la totalité du
(1)
- P.G., loi nO 81.1. du 2 janvier, art. 7 sous traitanee, Rev. Trim.
Dr. Civ. 1981 P. 464. en ee sens Benabent sous Casso Ch. Mixte 13 mars 1981
prée.

156
marché
était
cédée
au
profit
d'un
tiers.
Toutefois
cette
disposi tion
ne
comporte
aucune
sanction
de
sorte
que
si
le
..
cautionnement
écrit
et
préalable
a
la
cession
n'est
pas
intervenu, l'entrepreneur n'est nullement inquiété.
Aussi
ce
dernier
va-t-il
consentir
de
nombreux
nantissements
et
cessions
par
borderaux
Dailly
au
mépris
de
ces dispositions;
ce qui a pour conséquence de faire renaître
le conflit.
Les tribunaux qui ont été à nouveau saisis de ce conflit
"nouvelle formule"
entre
le
sous-traitant
et
le
cessionnaire
,
de
creance
vont
estimer
que
celui-ci
doit
être
réglé
par
comparaison,
entre la date de cession portée sur le bordereau
et
celle
de
l'exercice
de
l'action
directe
par
le
sous-
trai tant
(1).
En
clair
le
sous-traitant
ne
peut
primer
le
créancier nanti ou concessionnaire de créance que s ' i l exerce
son action avant l'intervention en date de la cession.
Cependant la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation
devait
réagir
contre
cette
opinion
dans
un
arrêt
du
22
novembre 1988.
(2)
(1)
- Trib. Corn de Nanterre, 20 juin 1986, D. 1987. Som. 147, obs Vasseur
et sur Appel,
Versailles,
1er juillet 1987 D.
1987.
Som.
219.;
Trib.
corn.
de Paris,
9 septembre 1987 Rev jur. Corn 1988.
67;
Rennes,
8
juin 1988 et
Trib corn. de Grenoble
2
mai 1988 inédits. Cependant,
en sens différent,
Douai 10 r janvier 1985 D.
1986 Som.
322 obs Vasseur;
Aix- en Provence,
25
mars
1987
Banque
1987.
977
obs.
Rives-Langes,
RTD.
Corn
1988.
100
obs.
Cabrillac et B. Teyssié
(2)
-
Corn.
22 NOV.1988
;
Bull
.
Civ.
IV,

317;
D.
1989
213
note A.
Benabent;
G.P.
23-25
avril
1989
note
J .E.
CARO
et
B.
Sablier
M.
Peisse,Chron ibid 26-28 mars 1989

157
En l'espèce un entrepreneur principal
avait
cédé à une
banque sa créance née de la vente de deux chariots élévateurs
conformément
à
la
cession
instituée
par
la
loi
Dailly
du
2
janvier
1981.
Or
une
partie
des
équipements
montés
sur
les
chariots avaient été effectuées par un sous-traitant.
Celui-ci
non payé à l'échéance par l'entrepreneur principal vendeur de
chariots,
réclama
paiement
à
l'acheteur
maî tre
d'ouvrage
en
exerçant l'action directe.
La banque soutenait que les sommes
encore dues par l'acheteur lui revenaient en conséquence de la
cession dont elle avait bénéficiée
:faisant état de ce que la
cession
avait
été
notifiée
à
l'acheteur
avant
l'exercice
de
l'action directe par le sous-traitant.
Pour résoudre le conflit,
la Haute Cour va estimer que:
"rl est fait une juste application de l'article 13 al 2 de la
loi du 31 décembre 1975 ,
lorsqu'on retient qu'un entrepreneur
principal ne peut céder à une banque la part de sa créance sur
le maître d'ouvrage correspondant à
sa dette envers un sous-
traitant,
sans
avoir
obtenu
préalablement
et
par
écrit
un
cautionnement; l'on peut déduire, sans avoir à chercher la date
à laquelle la cession a été notifiée,
ni celle portée sur le
bordereau,
ni celle de l'exercice de l'action directe,
ni
à
vérifier si
la
troisième
de
ces
dates
était
antérieure
à. la
première
,
que la cession de créance est inopposable au sous-
traitant "

158
Il résulte clairement de cette motivation que le conflit
entre sous-traitant exerçant l'action directe et
le créancier
nanti ou cessionnaire de créance se résoud au profit du sous-
traitant si l'article 13 al 2 n'est pas respecté.
En d'autres
termes si
préalablement à
la cession l'entrepreneur principal
n'obtient
pas
le
cautionnement d'un
établissement
de
crédit,
ladi te
cession
ne
peut
être
opposable
au
sous-traitant.
peu
importe
la
date
d'intervention
de
la
cession
ou
du
nantissement,
peu importe la date à laquelle la cession a été
notifiée ou celle d'exercice de l'action directe.
Mais, cette solution admise il reste que le système mis en
place peut présenter des défaillances.
D'abord
l'entrepreneur
malhonnête
peut
mentir
ou
dissimuler les sous-traités passés. L'on peut se demander alors
comment devra-on résoudre
le
concours
dans
ce
cas
A cette
hypothèse un arrêt de la Cour d'Aix-en-Provence du 25 mars 1987
(1 )
répond
en décidant
"
qu 1 il
ne
peut
être
reproché
aux
établissements cessionnaires de ne pas enquêter et de vérifier
si
la
créance
cédée
n'était
pas
la
contrepartie
de
travaux
sous-traités
"
Cela
signifie
en
clair
qu'au
cas

par
la
faute de l'entrepreneur principal l'article 13-1
al 2 n'aurait
pas
été
respecté,
le
cessionnaire
l'emporte
sur
le
sous-
traitant.
(1)
- Aix-en-Provence, 25 mars 1987, D.
1988 som. 281 obs Vasseur.
- Cette jurisprudence a été largement suivie: Bordeaux, 31
mars 1988
D.
1989
som.
190 infirmant TRIB.
Corn.
de
Bordeaux,
18 mars
1986,
D 1987
Som.
146
obs
Vasseur;
Paris

Ch.
A,
12
avr
1988
Société
Générale
C.
outilleurs Champenois, inédit.

159
Une
telle conclusion peut s'avérer curieuse
en
ce
qui
concerne les contrats de travaux des bâtiments.
En effet dans
le cadre d~ cette catégorie de contrat, l'article 14-1 al 2 de
la loi du 31 Décembre 1975 fait obligation au
maître d'ouvrage
d'exiger
de
l'entrepreneur
principal
qu'il
justifie
avoir
fourni la caution,
si le sous-traitant ne bénéficie pas de la
délégation de paiement.
La question qui
se pose est celle de
savoir
si
le
sous-traitant
doit
patir
de
la
négligence
de
l'entrepreneur
principal
qui
n'a
pas
délégué
le
maître
de
l'ouvrage
au
sous-traitant
et
supporter
par
ailleurs
les
conséquences
de
la
violation
de
ses
obligations
imposées
au
maître
de
l'ouvrage.
Il
semble
que
non!
Or
faire
primer
le
créancier nanti comme le fait la décision précitée,
revient à
sanctionner
le
sous-traitant
pour
les
fautes
commises
par
l'entrepreneur principal d'abord et
le maître
d'ouvrage à
sa
suite .
Par
ailleurs
une
autre
question
pourrait
surgir
dans
l'hypothèse ou l'entrepreneur principal ne sous-traite à priori
aucune partie du marché qu'il va nantir entièrement après.
Dans ce cas il ne peut être exigé de lui,
aucun cautionnement
que ce soit au profit de sous-traitant qui n'existe pas. Si un
sous-traité est conclu ultérieurement comment se résoudra le

160
conflit entre l'action directe du sous-traitant et le créancier
nanti (1) ?
En
réponse
à
cela,
certains
auteurs
suggèrent
que
le
banquier,
pour
se
protéger,
interroge
systématiquement
tout
..
cédant
sur
le
point
de
savoir
s'il
a
sous-traité
ou
a
l'intention de
le
faire.
Cette
interrogation
résultera
d'une
.
.. ..
question
de
style
l.nseree
dans
le
contrat.
Le
banquier
cessionnaire
peut
aussi
dans
la
convention
cadre
de
cession
Dailly
ordinairement
conclu
avec
l'entrepreneur
principal,
imposer à
celui-ci de
s'engager à
ne
céder que
des
créances
n'ayant
pas
fait
et
ne
devant
pas
faire
l'objet
de
travaux
sous-traités (2).
rI
résulte
de
tout
ce
qui
précède
que
la
tendance
des
tribunaux
est
de
permettre
au
sous-traitant
de
primer
le
créancier
nanti
ou
cessionnaire
de
créance
lorsque
l'un
et
l'autre sont en concours sur les sommes disponibles entre les
mains du maître de l'ouvrage. Si tel est l'état de la question
concernant le nantissement et la cession de créance, qu'en est-
..
il
au
cas
ou
celui
qui
vient
en
concours
sur
les
sommes
disponibles entre les mains du maître de l'ouvrage, est subrogé
dans les droits de l'entrepreneur principal.
(1)
- Il n'est prévu dans la loi aucune possibilité pour l'entrepreneur
principal de dénantir la partie du marché qui va faire l'objet de contrat
de sous-traitance.
(2)
-
Vasseur
sous
Cass.
Corn.
22
nov
1988 prée.
La
pratique
fournit
l'exemple de telle conventions, V, Paris
3è Ch. A 12 avril 1988 prée.

161
B
-
Le
c o n f l ; t
e n t r e
l e
c r é a n c ; e r
s u b r o g é
d a n s
l e s
d r o ; t s
d e
l ' e n t r e p r e n e u r
p r ; n c ; p a l
Au
lieu de se
faire
céder sa créance sur
l'entrepreneur
principal
contre
le
maître
d'ouvrage,
la
banque
qui
consent
crédit à celui-ci optera pour la subrogation. C'est l'opération
qui substitue une personne à une autre,
le sujet obéissant au
même régime juridique que l'élément qu'il remplace.
Ainsi subrogé dans les droits de l'entrepreneur principal,
le créancier bancair~ réclamera le paiement de la créance au
maître
de
l'ouvrage
s ' i l
se
retrouve
en
concours
sur
ces
sommes. La question est de savoir qui triomphera.
Dans
une
espèce rendue
par
la Cour de
Cassation
le
1er
mars
1983
(1),

l'entrepreneur
principal
a
subrogé
un
banquier dans ses droits contre le maître de l'ouvrage celle-ci
reprenant les motivations de la Chambre Mixte dans sa décision
du 13 mars 1981
(2) a déclaré: Il Il résulte des articles 12 et
13 de la loi du 31
décembre relative à la sous-traitance, que
l'action directe du sous-traitant s'exerce sur les sommes que
le maître de l'ouvrage doit encore à l'entrepreneur principal,
en exécution des marchés principaux à la date de réception par
le maître de
l'ouvrage de la copie de
la mise
en demeure de
payer, adressée à l'entrepreneur principal. Et le porteur de la
(1)
- Casso Civ. 1er mars 1983, bull. Civ. III nO 60; J.C.P
1984 II
20279 note Flèeheux.
(2)
-Ch. Mixte 13 mars 1981 prée.

162
créance de ce dernier, qui lui a été transmis par l'effet de la
subrogation,
n'a pas plus de droit que son subrogeant au lieu
et place duquel il agit ".
Cette décision place le créancier subrogé dans les droits
de l'entrepreneur principal dans
les mêmes
conditions
que
le
cessionnaire de créance. Le titulaire de l'action directe prime
celui-ci.
Par
ailleurs
il
semble
que
dans
une
certaine
mesure
l'arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 22
novembre 1980 confirme une telle position.
En effet l'on peut
dire dês
lors,
que
le banquier qui accepte en subrogation en
nantissement ou en cession,
la créance de l'entrepreneur prin-
cipal sur le maître de l'ouvrage prend un risque considérable:
si l'entrepreneur a déjà sous-traité une partie des travaux, ou
même s ' i l vient plus
tard à
les sous-traiter,
sans fournir le
cautionnement
de
l'article
14,
ce
banquier
verra
ses
droits
amputés de la créance du sous-traitant.
(1)
Aussi ne reste-t-il au banquier que de se tourner vers un
mode commercial d'acquisition de la créancè de l'entrepreneur
principal
sur
le
maître
de
l'ouvrage.
En
espérant
que
cette
forme
d'acquisition
lui
confêrera
davantage
de
garantie
de
paiement
devant
le
titulaire
de
l'action
directe,
que
la
technique de cession de créance ou de nantissement,
ou encore
de subrogation.
(1)
- En ce sens Benabent sous Casso Ch. Corn. 22 nov. 1988

163
PARAGRAPHE
I I
-
L'ACTION
DIRECTE
FACE
AUX
CREANCES
BANCAIRES
ACQUISES
CONTRE
L'ENTREPRENEUR
PRINCIPAL
PAR
UN
MODE
COMMERCIAL.
Une autre menace de la substance de l'action directe est
le droit que tient le porteur d'une lettre de change tirée par
l'entrepreneur principal sur le maître de l'ouvrage. La créance
du porteur de la lettre de change peut venir aussi en concours
avec
les
droits du
sous-traitant lorsque
la revendication
de
celui-ci porte également sur les sommes dues par le maître de
l'ouvrage à l'entrepreneur principal.
Ce conflit hélas ignoré par le législateur, passé inaperçu
des commentateurs de la loi de
1975 se pose aujourd'hui
avec
une très grande acuité.
Il
paraît,
en
pratique,
quand l'entrepreneur principal
ayant sous-traité le marché dont i l est titulaire,
tire ensuite
des
traites
sur le maître de
l'ouvrage en représentation des
travaux
en
cours
de
réalisation
qu'il
mobilise
auprès
d'un
banquier escompteur.
Le danger pour le sous traitant consiste
dans le fait que le transfert de la provision au tiers porteur
de
la
traite,
du
fait
de
la
remise
de
l'effet
par
l'entrepreneur
principal,
risque
de
vider
entièrement
la
substance de
l'action directe,
car au lieu du sous-traitant,
c'est dorénavant le porteur de l'effet qui devient créancier du
maître de l'ouvrage.

164
Les
solutions apportées
au problème
de
ce
concours
ne
peuvent
faire
l'unanimité
du
fait
de
circonstances
exceptionnelles qui entourent chaque litige et surtout du fait
des
intérêts en présence
le droit
cambiaire
impose que
le
porteur de
bonne
foi
puisse
être
payé,
car
le
crédi t
de
la
lettre de change dépend du paiement qu'il doit
recevoir i
la
présentation au tiré.
Mais la loi donne également une action directe au sous-
trai tant dont
l' efficaci té dépend
du paiement
des
sommes
qui
lui sont dues pour les travaux exécutés.
(1)
Saisie de
la question
de
savoir qui
du
porteur de
la
lettre
de
change
ou
du
sous-traitant
exerçant
l'action
directe, peut prétendre au paiement sur les sommes dues par le
maître
d'ouvrage,
la
Cour
d'Appel
de
Poitiers
(2)
résoud
clairement le conflit au profit du sous-traitant.
Elle estime
que:
"l'escompte,
par une banque d'une lettre de change tirée
par
l'entrepreneur
principal
d'un
marché
sur
le
maître
de
l'ouvrage doit être considérée comme nulle et de nul effet en
vertu des dispositions de l'article 15 de la loi du 31 décembre
1975
visant
les
clauses
ou
arrangements
stipulations
quelle
qu'en soit la forme, qui auraient pour effet de faire échec aux
dispositions de cette loi".
(1)
- En ce sens G.
Flècheux, note sous Poitiers Ch. Civ.
1ère sect.
27
janv
1982 JCP 1982 II 19917.
(2)
- Poitiers 27 janv. 1982 prée.

165
Le raisonnement de la Cour se fonde,
sans aucun doute sur
ce que,
par le fait de la création des effets,
l'entrepreneur
principal
de
connivence
avec
le
maître
de
l'ouvrage,
entend
écarter
le
sous-traitant
du
paiement
qu'il
doit
recevoir
du
maître de l'ouvrage; car par l'effet de l'escompte, la créance
de
l'entrepreneur
principal
est
transmise
au
banquier.
Le
maître de l'ouvrage par suite de ce transfert pourrait ne plus
être
considérée
comme
débiteur
du
sous-trai tant
au
sens
de
l'article 13 al 2 de la loi précitée.
Ce n'est point la solution apportée au problème considéré
qui surprend.
Mais le. plus troublant c'est la
tendance de la
Cour de
Poitiers
à
généraliser
les
règles
qu'elle
pose
pour
trancher
un
litige
ponctuel
entouré
de
circonstances
particulières. En effet celle-ci considère,
à s'en tenir à ses
propres
termes,
que
toute
traite
tirée
par
l'entrepreneur
principal sur le maître de l'ouvrage, à l'occasion d'un contrat
principal
ayant
fait
l'objet
d'un
sous-traité,
constitue
une
fraude au droit du sous-traitant.
En
outre
une
telle
vue
procède
d'une
vision
trop
schématique du problème qui se pose et qui en réalité engendre
une multitude de question
ne doit on
pas
tenir
compte des
dates respectives de la conclusion du contrat de sous traitance
et de l'émission des effets de commerce? Sans doute la solution
du problème ne passerait-elle par l'acceptation ou non de la
traite émise? ne doit-on pas considérer les dates de

166
réclamation des paiements et faire primer le premier créancier
agissant ?
Ou
encore apprécier cette priorité eu égard à la
date
respective
de
l'escompte
et
de
la
mise
en
demeure
préalable ? Voilà autant de questions qui dénoncent la légèreté
et
le
caractère
péremptoire
des
motivations
de
la
cour
de
Poitiers.
Tout en nous
défendant d'une ventilation excessive des
solutions à donner à ce litige il nous semble que l'acceptation
ou
non
de
l'effet
de
commerce
émis
peut
dans
une
certaine
mesure nous aider à surmonter notre difficulté.
A
-
Les
d r o ; t s
du
s o u s - t r a ; t a n t
e n
p r é s e n c e
du
p o r t e u r
d ' u n e
l e t t r e
d e
c h a n g e
non
a c c e p t é e .
Le problème se pose de savoir si la traite n'ayant pas été
acceptée par le tiré maître de l'ouvrage, les droits du porteur
sur
la
provision
sont
suffisamment
étendus
pour
exciper
de
...
l'inopposabilité
a
son
égard
de
l'action
directe
du
sous-
traitant sur la créance de l'entrepreneur principal.
Il est unanimement admis qu'au cas de traite non acceptée
la
propriété
de
la
provision
est
transférée
aux
porteurs
successifs.
(1)
La propriété de cette provision est dès
lors
acquise,
et cela dès la naissance de la créance du tireur;
sur
le tiré, au profit du porteur de l'effet. Le transfert ainsi
(1)
- Robot, les effets de commerce nO 191 et s.
- Cabrillac, la lettre de change dans la jurisprudence P.78
.1

167
opéré
produit
les
effets
d'une
cession
ayant
pour
but
de
rendre inopposable à son titulaire toute revendication portée
sur celle-ci.
Si telles sont les
solutions en la matière,
le
..
banquier
qui
escompte
un
effet
serait-il
dès
lors
fondé
a
revendiquer la propriété de cette provision,
malgré l'absence
de
l'acceptation
de
la
lettre,
devant
le
sous-traitant
exerçant son action directe sur des sommes qui paradoxalement
se trouvent être la substance même de cette provision ?
A cette question la Cour de Paris dans une décision rendue
le 5 février 1982
répond
(1)
. Elle énonce :" qu'en vertu de
l'article
1 3
al
2
de
la
loi
du
31
Décembre
1975
l'action
directe du
sous
traitant
limitée au solde
restant

par
le
maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal à la date de la
notification prévue par ledit
article,
ne peut
s'exercer sur
la partie
du
prix
du
marché
principal
qui,
bien
qu'encore
impayée
a
donné
lieu
à
l'émission
des
traites
escomptées
i
loin de faire échec à l'application de la loi,
l'exclusion des
sommes
représentée
par
ces
effets
du
champ
d' applica tion
de
l'action directe n'est que la conséquence de l'article 15".
Cette motivation ne trompe guère quand à la volonté de la
Cour de satisfaire la demande des banquiers, au moyen que par
(1)
- Paris 5 fév. 1982 Rev de JP. Corn P. 9 et s.
- V également, Grenoble 19 mai 1982 D. 83 IR. note Vasseur; Civ. 3è
ch. 11 oct. 1983 D. 1948 P. 153 note Benabent.

168
l'effet de l'escompte la créance de l'entrepreneur principal a
été cédée au banquier.
C'est de cette motivation que certains
ont cru tirer des conséquences démesurément étendues.
On
a
fait
valoir que
la solution de
la
Cour
d'Appel
pouvait
régir
par
ailleurs
deux
autres
situations
la
premi~re concerne le cas du banquier qui escompte les effets
entre
le
moment
"-
ou
le
sous-traitant
a
notifié
sa
mise
en
demeure mais
avant l'expiration du délai d'un mois
qui ouvre
droit
"-
a
la
réclamation
directe;
la
seconde
est
celle
du
banquier au profit duquel sont crées des effets qu'il escompte
apr~s la mise en demeure prévue et même apr~s l'expiration du
délai imparti pour la réclamation directe.
Dans ces deux hypoth~ses, dit-on le banquier porteur des
traites prime le sous-traitant titulaire de l'action directe.
Au
soutien
de
cette
affirmation,
on
prétend
que
c'est
..
seulement
"-
a
l'expiration
du
délai
d'un
mois
prevu
par
l'article
12,
que
le
sous-traitant
peut
exercer
l'action
directe.
Et
comme
les
opérations
d'escompte
et
meme
de
création des effets interviennent,
antérieurement à l'exercice
proprement dit de l'action,
nonobstant l'expiration du délai,
..
le
banquier
est
déjà
devenu
propriétaire
de
la
creance
de
l'entrepreneur principal contre le maître de l'ouvrage (1).
(1)
- Marc ST cène, note sous Paris 5 fév. 1982 prée.

169
Cette
vue
est
critiquable
car
elle
procède
d'une
extension excessive de la portée de la décision de la cour de
Paris. Car il est incontestable que la Cour a rejeté l'action
directe
du
sous
traitant
du
fait
de
l'intervention
de
l'escompte et non de la création des effets.
En effet la création des effets ne pourrait comporter des
effets juridiques à l'égard de la situation du sous-traitant.
En revanche
dès
que
ces
effets
sont
remis
à
l'escompte,
la
propriété
de
la
proviêion
de
l'effet
de
commerce
est
alors
transmise au banquier escompteur; dès lors toute tentative qui
serait faite par le sous-traitant postérieurement pour enlever
à ce
banquier
son
droit
de
propriété
sur
la
provision
sera
vaine.
En d'autres termes l'escompte qui interviendrait avant la
notification de la mise en demeure au maître de l'ouvrage par-
le sous-traitant prive ce dernier de son recours
en paiement
direct
contre
le
maître
de
l'ouvrage.
Au
contraire
si
l'escompte
intervient
en
date
après
la
notification
de
la
copie de la mise en demeure préalable au maître de l'ouvrage,
..
le
sous-traitant
pourrait
valablement
opposer
son
droit
a
celui
du
banquier
escompteur
qui
réclamerait
paiement
au
maître de l'ouvrage.
(1)
- Se reporter au développement sur les effets de la mise en demeure
prévue par l'art. 12 de la loi du 31 déc. 1975 dans la rubrique "la mise en
oeuvre de l'action directe".

170
C'est
semble-t-il
la
leçon qui
résulte
de
cet
arrêt.
D'ailleurs
en
l'espèce
les
banquiers
l'ont
si
bien
comprise
qu'ils ont fondé leur prétention sur la date de l'escompte et
non sur celle de la simple création des effets de commerce.
Quand la lettre de change n'est pas acceptée la date de
la notification de la copie de la mise en demeure préalable au
maî tre de
llouvrage d'une part,
et la da te de l'escompte des
effets de
commerce d'autre
part,
devraient
pouvoir fixer
les
droits respectifs du sous-traitant et du banquier escompteur.
( 1 )
On ne saurait décider par conséquent ici que la provision
de
la
lettre
de
change
non
acceptée
est
transmise
dès
la
création
de
l'effet
au
banquier,
dans
la
mesure

la
sauvegarde des intérêts du sous-traitant est également requise
par
la
loi.
La
défense
des
intérêts
en
présence
exige
une
interprétation souple des règles acquises en matière d'effets
de commerce.
Certes le banquier de bonne foi qui présente une
lettre de change au paiement doit être satisfait du fait qu'il
se trouve titulaire de la provision,
mais la lettre de change
n'ayant
pas
été
expressément
acceptée,
l'on
ne
devrait
pas
négliger
les
droits
du
sous-traitant
sur
les
sommes
disponibles chez le maître de l'ouvrage.
(1)
-
Ce point de vue a
fait
l'adhésion de la Cour d'Appel
de Riom,
dernière décision sur ce problème, qui devait être cassée par la Chambre
Civile de la Cour de Cassation,
11 oct. 1983, Bull Civ. III nO 182 P 140.
D. 1984 153 note Benabent. L'arrêt de la Haute. Cour refuse de conférer une
primauté absolue au porteur de la traite acceptée.
Cependant le fondement
et les contours de la décision ne permettent pas de donner une solution
définitive à la question.

171
De manière plus
générale,
on peut faire
remarquer que
l'attitude de la Cour de Paris pour être si tranchée,
dans un
domaine
aussi
imprécis
que
celui de
la
traite
non acceptée,
est aussi
condamnable
que
celle
de
la
Cour
de
Poitiers
qui
accorde,
"
sans
reserve aucune,
la primauté à
l'action directe
du sous-traitant contre le porteur d'une traite.
Les décisions de ces deux Cours pêchent par extrémisme,
car
certains
arguments
théoriques
permettent
sincèrement
de
douter de la solution à adopter au cas où la lettre de change
ne serait pas acceptée.
Messieurs
CABRILLAC
et
TEYSSIE
(1)
citant
ROBLOT
soutiennent " que le paiement de la créance
fondamentale que
le
tiré
fait
au
tireur
avant
l'échéance
est
pour
lui
libératoire
et
opposable
au
tiers
porteur
si
du
moins
ce
dernier n'a pas adressé au tiré une défense formelle de payer.
De
meme
le
tiré
conserve
le
droit
de
lui
opposer
la
compensation qu'il pouvait faire valoir à l'égard du tireur. "
Dans ces
conditions,"
poursui vent-ils,
"
on peut se demander
..
si
le
maître
de
l'ouvrage
qui
pouvai t
être
"
amene
a
payer
l'entrepreneur
principal
avant
l'échéance
n'est
pas
tenu
également de payer le
sous-traitant lorsqu'il
lui
adresse la
copie de la mise en demeure faite à l'entrepreneur principal".
On peut ajouter à cela que même si les effets de la copie de
(1)
- Cabrillac et Teyssié,
titre de crédit Rev. Trirn. Dr. Corn.
1982 P.
586 et s.

17
la mise en demeure qui atteint le maître de l'ouvrage ne sont
pas
suffisamment
forts
pour
permet tre
le
paiement,
ne
permettraient-ils pas à
tout
le moins
au maître de
l'ouvrage
de mobiliser ces sommes entre les mains du maître de l'ouvrage
pour régler le sous traitant?
A ces
arguments
favorables
au sous-traitant peuvent se
voir opposer,
soutiennent encore,
pour démontrer l'instabilité
de
la
question,
Messieurs
CABRILLAC
et
TEYSSIE
(1),
la
jurisprudence qui permet au porteur d'exercer son droit sur la
provision à l'encontre du créancier saisissant ou du créancier
de
la masse
de
la
failli te
du
tireur.
On peut
pour
refuser
l'action directe au sous traitant assimiler son droit à celui
de ces deux catégories de créanciers; Ce qui permet au porteur
de
la
lettre
de
change
non
acceptée
de
primer
le
sous-
traitant.
Mais Monsieur BENABENT (2)
semble insidieusement admettre
la priori té
du
sous
traitant
titulaire
d'une
action
directe
car d i t - i l :
" d'un point de vue pratique,
i l est évident que
faire prévaloir le mécanisme cambiaire ruinerait
l'efficacité
de l'action directe,
tout entrepreneur principal en difficulté
étant
conduit
à
mobiliser
sa
créance
sur
le
maître
de
l'ouvrage.
(1)- Cabrillac et Teyssié op. cit.
(2)- Benabent sous casso Civ. 11 oct 1983 prée.

173
Du
point
de
vue
théorique,
i l
faut
observer
que
l ' inopposabili té des exceptions protège le porteur des effets
contre les aléas des rapports du tiré avec le tireur,
mais il
n'y a
qu'à aller au delà:
or ici le maître de l'ouvrage,
en
acceptant un effet, dispose d'un droit qu'il n'a pas puisqu'il
ne peut faire
échec à
l'action du sous-traitant.
Le
porteur,
s ' i l ne peut avoir plus de droit que le tireur par le
jeu de
l'inopposabilité des exceptions,
ne peut en revanche jamais en
avoir plus que
le tiré
lui-m~me. Sans doute peut-on plaindre
le banquier escompteur de bonne foi ...
Mais il logique que la
..
priorité
de
la
creance
du
sous-traitant
soit
admise
en
présence d'un banquier escompteur" (1).
Il est incontestable que cet auteur ait choisi de prendre
le parti du sous-traitant. Mais on peut faire observer que les
incertitudes
et
l'incohérence
qui
entourent
le
statut
de
la
lettre de change non acceptée ne permettent point de résoudre
un tel problème de manière aussi catégorique (2).
Seule la Haute Cour peut fixer de façon définitive les
droits respectifs du titulaire de l'action directe et du
(1)
- Civ. 18 juillet 1984, Bull Civ. 1984, III n0141 et 142 : Corn 12 avr
1987. Bull Civ.
IV N°114. Voir aussi à ee sujet Paris 7 juillet prée. et
Pau 19 janv 1983 JC.P. 1984, II, 20278 obs G.F.
(2)
- Cabrillae et Teyssié op. Civ.
1
:

,
174
porteur dl une
lettre de change non acceptée,
en concours sur
la
créance
de
l'entrepreneur
principal
contre
le
maître
de
l'ouvrage
(1).
Ainsi
donc
la
Cour
de
Cassation
dans
une
décision
de
sa
Chambre
Commerciale
du
4
décembre
1984
va
trancher le litige (2).
Saisie en pourvoi de
la décision de
la Cour
dl appel de
Poitiers la Haute Cour va clarifier la situation conflictuelle
du
sous-traitant
et
du
porteur
d'une
lettre
de
change
non
acceptée
en
décidant
qu 1 lien
se
fondant,
pour
accueillir
la
demande
du
sous-traitant
sur
les
seules
dispositions
de
l'article 15 de la loi du 31 décembre 1975,
sans préciser que
..
l'action
directe
du
sous-traitant
avait
été
exercee
avant
l'échéance de
la lettre de change,
date i
partir de
laquelle
en
11 absence
de
toute
diligence
du
banquier
escompteur,
la
provision
résultant
de
l'effet,
même
non
acceptée,
était
acquise i
ce banquier,
la Cour d'Appel n'a pas donné de base
légale i
sa décision";
Il résulte clairement de cette dernière décision qu 1 au
cas
de
traite
non
acceptée
le
conflit
se
règle
par
une
comparaison de dates
si le sous-traitant exerce son action
directe
avant
le
transfert
de
la
provision
au
porteur,
il
prime celui-ci; s ' i l n'exerce son action qu'après ce
(1)-
Car
Benabent
sous
Casso
Civ.
11
oct
1983
ne
dégage
la
solution
admise par
la Cour,
en ce qui concerne
la
lettre de
change,
que
par un
effort d'interprétation.
La Cour devrait se prononcer très clairement sur
ce litige.
(2)- Corn.
4 déc.
1984 D.
1985.
181
note A.
Benabent J.C.P.
1985 II 20445
note Synvet, bull. civ. IV N° 329.

175
transfert de provision il est au contraire primé. Toutefois la
provision
n'est
transférée
qu'au
jour
de
l'échéance
(1).
Néanmoins
le
transfert
peut
s'opérer avant
cette
date
si
le
banquier a effectué des diligences
(2).
Telle est la solution
qui doit prévaloir au cas ou la traite tirée sur le maître de
l'ouvrage n'est pas acceptée par ce dernier.
Qu 1 en est-il au
cas de traite acceptée?
B
-
Le
c o n f l ; t
e n t r e
l e
p o r t e u r
d e
l a
l e t t r e
d~
c h a n g e
a c c e p t é e
e t
l e
Assurément cette hypothèse
semble de
maniement
plus
aisé.
La
traite
acceptée,
le
droit
du
porteur
devient
irrévocable.
La
provision
est
acquise
de
plein
droit
et
automatiquement
au
porteur
de
la
lettre
de
change.
(3)
La
conséquence quant au concours est que le banquier escompteur
(1)
-
Cependant
les
spécialistes
du
droit
cambiaire
optent
pour
la
solution du
transfert
immédiat.
Roblot,
Rep.
Corn.
Dalloz
nO
lettre de
change N°164. Opinion confortée par Corn.
14 déc.
1970 b.
1972,
1, note B.
Bouloc, banque 1971. 411, note X. marin, R.T.D. Corn 1971 obs M. Cabrillac
et Rivers-Ianges.
(2)
- On admet classiquement que la diligence consiste dans une simple
défense de payer adressée au tiré
: Corn.
24 Avr.
1972 D.
1972.
686 note
Roblot.
(3)
- Cabrillac et Teyssié op. cit.
- Corn.
18 fév.
1986, D.
1986 I.R. 324 obs. VAsseur, J.C.P.
1987 II.
20730, note H. Synvet,
R.T.D. Corn.
1987. 82, N°2,
obs M.
Cabrillac et B.
Teyssié.

176
d'une lettre de change acceptée doit primer inévitablement le
créancier titulaire d'une action directe.
Cette affirmation n'est cependant pas totalement vérifiée
par
la
jurisprudence
sur
la
question
-
En
effet
la
Chambre
Commerciale de la Cour de Cassation sollicitée pour régler le
conflit entre le titulaire d'une action directe et le porteur
d'une lettre de change acceptée a estimé que
:
" Cl est à bon
droi t
qu'une Cour d'Appel
a
écarté l'action directe du sous-
traitant à l'égard du maître de l'ouvrage au motif que celui-
ci
n'était
plus
débiteur
de
11 entreprise
principale,
lorsque
les
sous-traitants
ont
exercé
leurs
actions
directes,
après
avoir relève d'une part,
que la
lettre
de
change,
tirée
par
l'entrepreneur principal
sur
le maître d'ouvrage
et
acceptée
par lui avait été escomptée par la banque,
avant que les sous-
traitants
adressent
au
maître
de
l'ouvrage
les
copies
des
...
mises
en
demeure
délivrées
au
maître
de
l'ouvrage
et
a
l'entreprise
principale,
d'autre
part
que
l'opération
d'escompte avait valablement transmis à la banque la propriété
de l'effet et ce,
avant toute opposition des sous-traitants et
en dehors de toute fraude pouvant être reprochée à la banque,
pour
avoir
accepté
la
remise
qui
lui
avait
été
faite,
de
...
l'effet
a
l'escompte
et,
enfin,
que
par
suite
de
la
transmission de droit à la banque de la provision de la lettre
de
change,
le
maître
d'ouvrage
ne
devait
plus
la
somme
correspondante à l'entreprise principale. "

177
La Cour de Cassation semble en effet réduire les effets de
l'acceptation de
la trai te.
Pour sa part,
les sous-traitants
ayant agi après l'escompte qui avait valablement transmis à la
banque
la
propriété
de
11 effet,
leur
droit
n' avai t
plus
de
substance.
Cependant
il
leur
restait
un
dernier
recours
qui
semble-t-il n'a pas été utilisé:
l'opposition entre les mains
du maître de l'ouvrage.
En conclusion,
la Cour estime que
A
meme
au cas
de
lettre
acceptée,
le
porteur
ne
prime
le
sous-traitant
que
dans
la
mesure

la
trai te
a
été
escomptée.
Le
droi t
du
porteur,
contrairement à ce qui est soutenu, n'est pas automatique .
..
Toutefois
en
marge
des
creances
bancaires
contre
l'entrepreneur,
le
sous-traitant
exerçant
l'action
directe
peut-~tre confronté aux exceptions dont dispose le maître de
l'ouvrage lui-m~me contre l'entrepreneur principal.
SECTION II : Les exceptions bénéfiçiant au maître de
l'ouvrage contre l'entrepreneur principal.

Le
maître
de
l'ouvrage
doit
payer
l'entrepreneur
principal sur 11 ensemble des
sommes dont
il dispose encore à
la date
de
la
réception
de
la
copie
de
la
mise
en
demeure
préalable adressée à l'entrepreneur principal.

178
Mais souvent,
les travaux invoqués par le sous-traitant
pour recevoir
paiement
du
maître
de
l'ouvrage
peuvent
être
source de litige quand ce dernier en acquiert la propriété. Le
litige
peut
résulter
du
refus
opposé
par
le
maître
de
l'ouvrage
de
payer
l'entrepreneur
principal
du
fait
des
défaillances dans l'exécution de son contrat.II arrive que le
maître de
l'ouvrage veuille
appliquer de
pénalités de retard
,
si la livraison des travaux ne respecte pas la date prevue au
contrat,
il
peut être
aussi
réticent
à cause de la mauvaise
exécution ou de l'inexécution de celui-ci.
L'hypothèse
n'est
pas
rare
aussi
que
le
maître
de
l'ouvrage
qui
dispose
d'un
élément
de
compensation
qu'il
..
pouvait
invoquer
vis
a
vis
de
l'entrepreneur
principal,
veuille l'opposer au sous-traitant exerçant l'action directe.
Dès
lors,
il
est
évident
que
le
maître
de
l'ouvrage
..
cherchera
a
invoquer
ces
défaillances
constatées
dans
l'exécution
du
contrat
principal
pour
se
soustraire
sinon
intégralement , du moins partiellement au paiement qui lui est
réclamé directement par le sous-traitant (1).
(1)
- En ce sens, V, Valdo Roulet .et Peisse, les nouvelles protections en
faveur des sous-traitants, art. prée.
- J. C.
Fourgoux et Poux Jai llaguier ,
la loi du 31
DEC.
1975 après
2ans d'application, art. prée.

179
De
façon
ginirale,
le problime
se
pose
de
savoir
si
le
maître de
l'ouvrage qui
dispose d'un moyen lui
permettant de
refuser le paiement à
un entrepreneur principal
peut opposer
ce moyen au sous-traitant exerçant l'action directe.
Ce problime avait dijà i t i discuti en matiire des actions
directes en giniral,
avant
de se
poser particuliirement dans
le cadre de l'action directe du sous-traitant (1).
En effet,
Monsieur Cozian exposait
"le
titulaire
de
l'action directe doit
tenir compte des limites de
la criance
dont
il
est
investie.
Il
ne
peut
demander
ni
plus,
ni
autrement que le dibiteur intermidiaire ne l'aurait fait.
Le sous-dibiteur,
en consiquence, pourra lui opposer les
exceptions
antirieures
à
l'exercice
de
l'action
directe
celle-ci
immobilise,
en effet
le droit
dans
l'itat

il
se
trouve le
jour où elle est intentie
;
par là,
les exceptions
postirieures
sont
inopposables
au
criancier
direct
mais
les
exceptions antirieures le sont. "
Cette
opinion
semble
avoir
beaucoup
inspiri
la
jurisprudence qui,
partit de quelques dicisions
tris vagues a
affini au fil des litiges sa position sur le problime.
(1)
- Cozian, action directe préc nO 444

180
C'est
d'abord
la
Cour de
Lyon
(1)
qui,
saisie
de
la
question,
admet
dans
un
arrêt
du
27
mai
1977
que
la
compensation
entre
les
sommes
restant
dues
au
maître
de
l'ouvrage
et
des
pénalités
appliquées
au
titre
du
marché
principal est opposable au sous traitant et affecte son action
directe, si la dette du titulaire est certaine à la date de la
réception de la copie de la mise en demeure préalable.
Celle-ci est suivie ensuite par Le tribunal de commerce
d'Orléans
(2)
qui
se
montre
plus
radical
en
ce
sens
qu 1 il
affirme
que
." toute compensation doit s'effectuer entre
dettes
certaines,
liquides
et
exigibles
selon
les
principes
énoncés par
l'article
1291
du Code Ci vil.
En
conséquence
le
maître de
l'ouvrage
est
admis
à invoquer la compensation de
toutes sommes lui étant dues par l'entrepreneur principal avec
celle
réclamées
par
le
sous-traitant
au
moyen
de
l'action
directe.
A ces décisions isolées on ne peut donner un caractère de
principe
même
si
le
contenu
de
l'article
13
peut
laisser
penser que le maître de l'ouvrage est valablement autorisé à
opposer
au
sous-traitant
certaines
exceptions.
En
effet
l'article
13
de
la
loi
en
édictant
que
le
droit
du
sous
trai tant doit
reposer
sur
les
travaux devant
être
prévus
au
contrat et surtout
(1)
- Lyon 27 27 mai 1977 prée.
(2)
-
Trib.
Corn.
Orléans
8
Fév.
1978,
Cassoul
cl Capri le moniteur 7
juillet 1980.

181
bénéficiant au maître de l'ouvrage, ne confère-t-il pas par là
au
maître
de
l'ouvrage
le
droit
d'exciper
de
toutes
les
exceptions qu'il tient des travaux effectués,
contre le sous-
traitant?
La Chambre Civile de la Cour de Cassation donne clairement la
réponse
à
cette
préoccupation
dans
deux
décisions,
les
15
février et 8 mars 1983.
Dans l'affaire jugée le 15 février 1983, c'est l'exception
de compensation qui a été invoquée par le maître de l'ouvrage.
Celui-ci
devait
certes
un
solde
de
prix
a
l'entrepreneur
principal
mais
les
pénalités
de
retard,
encourues
par
ce
dernier absorbaient
ce solde
après
compensation,
le maître
ne devait plus rien à l'entrepreneur principal et l'action du
sous-traitant perdait toute assiette.
De l'espèce jujée le 8 mars il résulte que le maître d'ouvrage
voulait mettre en oeuvre son droit de rétension à titre de
garantie. Ainsi, bien que celui-ci était encore redevable d'un
solde de prix, l'action directe exercée par le sous-traitant
risquait de ne plus avoir de substance si le maître de
l'ouvrage retenait les sommes dues à titre de garantie. Dans
ces deux espèces les motivations de la Cour se résument ainsi
: "les obligations du maître de l'ouvrage envers le sous-
traitant sont, aux termes de l'article 13 alinéa 2, de
(1)
- Casso Civ. 15 fév. et 8 mars 1983 D. 1983.483, note Benabent.

182
la
loi
du
31
décembre
1975,
limitées
à
ce
qu'il
doit
,
,
encore
a
l'entrepreneur
principal
a
la
date
de
la
mise
en
1
.
1
1
demeure
;
les
juges sont tenus,
pour apprécier
le bien fondé
!
1
de l'action directe dont ils sont saisis, de rechercher si, en
!
application
des
clauses
de
marché
principal,
le
maître
de
l'ouvrage
demeure,
à
la
date
de
référence,
débi teur
envers
l'entrepreneur principal.
L'arrêt qui relève qu'à la date de réception de la mise en
,
demeure
préalable
adressé
par
le
sous-traitant
a
l'entrepreneur principal,
le montant
des
pénalités
de
retard
encourues par ce dernier,
par application de la clause pénale
figurant
au
marchéprincipal,
est
supérieur
au
solde
du
coût
des
travaux
qui
lui
reste

par
le
maître
de
l'ouvrage,
,
retient
souverainement
qu'il
n'est

a
l'entrepreneur
principal
aucune
somme
sur
laquelle
le
sous-traitant
puisse
exercer son action directe.
Il
en
est
de
même
lorsque
le
solde
de
prix

par
le
,
maître
d'ouvrage
a
l'entrepreneur
principal
représente
un
montant inférieur à la retenue contractuelle de garantie."
De
ces
motivations
la
règle
qui
se
dégage
est
très
générale. Elle consiste à dire que le maître de l'ouvrage peut
opposer au sous-traitant les exceptions dont il dispose contre
l'entrepreneur principal.
Si
en
effet le
maître de
l'ouvrage
doit payer au sous-traitant les sommes encore disponibles,
i l
n'en demeure pas moins que celles-ci ne doivent être

183
susceptibles d'être retenues du fait des
exceptions dont
il
dispose
contre
l'entrepreneur
principal
(retenues
de
garanties,
exceptions
d'une exécution).
La mise
en oeuvre de
ces
exceptions
pourraient
lui
permettre
de
se
soustraire
au
moins
partiellement,
sinon
intégralement
au
paiement
invoqué
par le sous-traitant.
Les arrêts précisent par ailleurs que c'est à la date à
laquelle le maître de l'ouvrage reçoit la mise en demeure que
s'apprécient les droits du sous-traitant d'un côté et ceux du
maître de l'ouvrage de l'autre.
Certains auteurs
ont dit de cette
précision qu 1 elle
est
lourde de
conséquences
car
elle
implique
que
l'on
refuse
de
prendre en compte les évolutions des exceptions,
postérieures
à cette date, quel qu'en soit le sens (1).
On peut remarquer qu'il est trop tôt pour tirer une telle
conclusion car il faut
l'avouer que les rares décisions ayant
été
arrêtées
sur
ce
point
étaient
plutôt
timides
dans
leur
point
de
vue.
Ainsi
donc
les
solutions
apportées
par
la
chambre civile dans ces deux arrêts doivent être interprètées
comme des
grands principes
dont
les
détails attendent d'être
précisés.
Le
sous-traitant
exerçant
l'action
directe
peut
être
...
confronté
a
une
autre
menace
celle
que
constituent
les
autres
sous-traitants
titulaires
eux
aussi
d'action
directe
contre le même maître d'ouvrage.
(1)
- Benabent sous Casso Civ. 15 fév. et 8 mars prée.

184
SECTION III': Le concours de plusieurs actions directes
contre le maitre de l'OUVRAGE.
Le titulaire de l'action directe peut être en concours,
sur
les
sommes
revendiquées
entre
les
mains
du
maître
de
l'ouvrage
avec
d'autres
sous-traitants,
soit
dérivant
d'une
chaîne
de
sous-traitance
soit
ayant
conclu
individuellement
avec le maître de l'ouvrage.
(1)
Si
les sommes disponibles suffisent pour désintéresser
tous
les
sous-traitants,
il
n'existe
aucune
difficulté.
En
revanche la question devient complexe au cas où les sommes ne
sont
pas
suffisantes.
Il
peut
dans
ce
cas
se
poser
un
véritable problème de répartition de celles-ci au divers sous-
traitants. Comment alors régler le conflit que génèrent toutes
ces actions directes? (2)
(1)
-
On
se rappelle
que
du
point
de
vue
de
la
personne
visée,
les
différentes actions directes ne peuvent être exercées que contre le seul
maître d'ouvrage. Corn. 29 mai 1980 prée.
(2)
- Au cas de plusieurs sous-traitants intervenant les uns à la suite
des autres,donc verticalement,
on parle de sous-traitances successives ou
de
chaîne
de
sous-trai tances.
En
revanche
si
ceux-ci
concluent
individuellement,
horizontalement
donc,
avec
le
maître
de
l'ouvrage,
il
s'agit de co-sous-traitance.

185
Théoriquement deux solutions peuvent être proposées
:
on
peut par analogie avec une situation similaire dans le contrat
d'assurance régler le problème à l'aide de l'article 37 alinéa
1er de
la loi
du
13
juillet 1930.
Toutefois
l'on peut aussi
rapprocher
l'action
directe
d'un
privilège
notamment
celui
institué par l'article 2097 du code civil.
Dans
la
première
hypothèse,
le
règlement
du
concours
résulte de l'application de l'article 37 alinéa 1er de la loi
du
13
juillet
1930
qui
dispose
• Il
Les
indemni tés
dues
par
sui te
d'assurance
sont
attribuées
sans
qu'il
ait
besoin
de
délégation expresse,
au créancier privilégié ou hypothécaire,
suivant leur rang.
Il
C'est
l'application,
pure et simple de
la règle
"prior
..
tempore,
potior
jure"
(1 ) •
La
consequence
en
est
que
la
priori té entre des
créanciers
munis d'une
garantie sujette à
publici té est
réglée par
l'ordre des
publications.
Il
s'agit
d'appliquer cette conséquence à notre hypothèse.
En
l'espèce
la
garantie
accordée
au
sous-traitant
est
l'action directe que la loi lui octroi. La publicité de celle-
ci réside dans la mise en demeure dont la copie est notifiée
au maître de l'ouvrage. C'est donc, en application de cette
(1)
- Celui qui est le premier dans le temps, en droit l'emporte.

186
règle,
la
première
notification
au
maître
de
l'ouvrage
qui
aura
gain
de
cause
et
ainsi
de
sui te.
La
priori té
dans
le
règlement
des
sous-traitants
interviendrait
en
fonction
de
l'ordre dans
lequel
les
notifications des
copies
de
mise en
demeure sont parvenues au maître de l'ouvrage.
Cette solution présente l'avantage d'inciter les sous-
,
traitants
a
agir
vite,
dans
des
conditions
raisonnables
et
sans
légèreté
(1) .
Mais
elle
comporte
cependant
des
inconvénients qui peuvent être préjudiciables aux autres sous-
traitants.
En
vérité
certains
sous-traitants non
moins
diligents
peuvent être matériellement empêchés d'agir ou estimeront que
la
situation
de
l'entrepreneur
ne
justifie
pas
encore
une
action
directe.
On
peut
craindre
alors
que
l'action
de
ce
premier
sous-traitant
absorbe
l'ensemble
des
sommes
disponibles
par
le maî tre
de
l'ouvrage
et ruine
l'espoir de
paiement des
autres
sous-traitants exerçant l'action directe.
Ainsi donc l'action directe accordée par les tribunaux à tous
les sous-traitants indépendamment de leur rang d'intervention,
contre le
seul maître
de l'ouvrage
serait
vaine
;
car
cette
action
ne
peut
plus
recevoir
de
substance
par
conséquent
leurs titulaires ne peuvent plus prétendre à rien.
(1)
- V,
supra développement sur action intempestive du sous-traitant,
dans les contraintes imposées dans le choix entre la thèse extensive et la
thèse restrictive, P.131.

187
Pour remédier à une telle situation l'on peut recourir à
l'article
2097
pour
établir
plus
de
justice
dans
la
répartition des dites sommes aux sous-traitants.
L'article
2097
rapproche à
vrai
dire
l'action directe
d'un privilège. Dans cette optique les sous-traitants exerçant
l'action directe seraient tous créanciers privilégiés de même
..
rang
en
concours
sur
des
sommes
insuffisantes
a
satisfaire
leurs revendications respectives. L'article 2097 du Code civil
à
vocation
à
régler
cette
situation
en
posant
la
règle
suivante :
" les créanciers privilégiés qui sont dans le même
rang sont payés par concurrence."
L'application
de
cet
article
2097
permet
donc
aux
créanciers
sous-traitants
exerçant
l'action
directe
de
se
faire
payer au marc-le
franc,
c'est-à-dire
tout
simplement à
concurrence
de
leur
créance
dans
les
limites
des
sommes
disponibles.
Cette
solution
nous
parait
d'autant
plus
satisfaisante que la Chambre Mixte de la Cour de Cassation a
posé
comme
principe
que
l'article
13
n'établit
aucune
distinction
suivant
l'origine
des
prestations
fournies
au
titre
du
marché
principal,
(1)
si
l'on
ne
peut
prendre
en
considération
l'origine
des
prestations
dans
les
rapports
entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant,
il serait
mal venu d'en tenir compte dans
les
rapports
entre
le
sous-
traitant et le maître de l'ouvrage (2). Il s'agit pour les
(1)
- Casso Ch. Mixte 18 juin 1982 prée.
- en ee sens G. Flèeheux sous Casso Ch. Mixte 18 juin 1982 prée.
(2)
En ee sens G. Flèeheux sous Casso Ch. Mixte 18 juin prée.

188
sous-traitants
d'exercer
une
action
qui
puisse
assurer
le
paiement des
travaux effectués
s'ils sont confrontés
à une
insuffisance des
sommes disponibles
il ne
faut
pas créer une
discrimination entre eux,
en prétextant que certains ont agit
plus
rapidement
que
d'autres.
Sinon
l'on
aboutirait
au
paradoxe
suivant
au
cas
de
chaîne
de
sous-traitances
le
dernier
de
cette
chaîne
qui
agit
en
premier,
peut
par
son
,
action,
absorber
l'intégralité
des
sommes
dues
a
l'entrepreneur principal,
réduisant
à
néant
l'action
directe
du
sous-traitant
immédiat de
l'entrepreneur principal,
qui
a
permis à ce sous-traitant qui a agit en premier d'obtenir son
marché (1).
L'application de l'article 2097, même si elle provoque un
rapprochement
excessif
de
l'action
directe
du
sous-traitant
avec les privilèges
méri te d'être retenue
(2).
Elle assure
une
saine
répartition
des
sommes
disponibles
aux
sous-
traitants
exerçant
l'action
directe,
et
partant,
satisfait
pleinement les objectifs de la loi du 31
décembre 1975.
Ceci
justifie que la pratique ait opté pour cette solution.
Dans
la
pratique
les
sous
traitants
agissent
individuellement et s'il obtiennent satisfaction, le maître de
(1)
- en ce sens Benabent sous Colmar 12 mai 1978 prée.
(2)
- Cozian "action directe" prée.
l'action directe et les privilèges,

462.
L'auteur
tente
de
distinguer
l'action directe
du
privilège
en
estimant que si
l'action directe n'était qu'un privilège
sur créance
il
suffirait
d'appliquer
le
droit
commun de
concours
des
privilèges.
Mais
elles est en réalité autre chose : elle est .une cause de préférence sans
revêtir néanmoins la forme d'un privilège au sens technique du mot.

189
l'ouvrage met
globalement à
leur disposition
les
sommes dont
il dispose encore: dans ce cas les sous traitants s'accordent
pour se repartir ces
sommes disponibles proportionnellement à
leurs créances vis à vis de l'entrepreneur principal.
(1)
Cependant
une
telle
pratique
pose
deux
difficultés
majeures,
la
première
naît
de
ce
qu'on
s'interroge
sur
le
statut
juridique d' un
tel
regroupement
de
sous-traitant
pour
se
repartir
les
sommes
disponibles.
Ce
groupe
très
...
curieusement
s'apparente
a
la
masse
des
créanciers
dans
une
procédure collective.
Si c' étai t
le cas,
peut-on
imaginer et
...
tolérer
la
présence
d'une
telle
masse
parallèlement
a
celle
que
constituent
les
créanciers
au
cas
de
procédures
collectives appliquées à l'entrepreneur principal?
Monsieur
Flècheux
(2)
n' y
voit aucun
inconvénient,
au
contraire il
soutient que cette "masse" doit comme
celle des.
créanciers,
dans
une
procédure
collective,
respecter
le
principe de l'égalité des créanciers, désigner un représentant
...
qui
se
chargerait
a
la
fois
au
non
des
sous-traitants
d'exercer l'action directe contre le maître de l'ouvrage
de
repartir les sommes payées par le maître de l'ouvrage à ceux-
ci, selon le mode de répartition choisi à l'unanimité par les
(1)
En ce sens Flècheux, note sous Poitiers 27 janv. 1982 prée.
(2)
- Flècheux, référence ibid.

190
,
sous-traitants
au
cas
de
procédures
appliquées
a
l'entrepreneur
principal
i l
faudrait
tolérer
la
présence
de
cette
masse
a
côté
de
celle
des
créanciers.
Celle-ci,
en
évitant la multiplication des
actions
directes
qui
répondent
,
dès
lors
a
une
procédure
unifiée
introduite
par
le
représentant
de
la
masse,
satisfait
davantage
les
sous-
traitants qui choisissent eux-mêmes le mode de répartition des
paiements qui leur seront faits.
En dehors des
avantages d'une
telle pratique,
il
faut
reconnaître
qu'il
est
tout
de
A
meme
choquant
au
cas
de
,
procédures
collectives
appliquées
a
l'entrepreneur
principal
de constater la dualité de masse qui,
pour l'une agit dans la
procédure,
et pour l'autre en dehors de celle-ci au moyen de
l'action directe;
quand l'on sait que la seconde peut ravir à
la
masse
régulièrement
constituée,
l'essentiel
de
son
paie-
ment.
Car dans ces
circonstances ce qui
est gagné
pour l'un
est nécessairement perdu pour l'autre.
Une
autre
question
peut
surgit
encore
dans
la
réparti tion
des
sommes
Cette
difficulté
pratique
a
vu
le
jour
avec
la
décision
de
la
Chambre
Civile
de
la
Cour
de
Cassation
en
date
du
11
Octobre
1983.
(1)
En
l'espèce
le
marché principal avait fait l'objet non pas d'une seule chaîne
de
sous-traitance
mais
de
deux chaînes
de contrats
de
sous-
traitance.
(1) - Casso Civ. 11 oct. 1983 prée.

191
Le schéma explicatif de Monsieur Benabent anoteur de cette
décision
mérite
par
sa
clarté
d'être
reproduit
dans
notre
étude.
.....------)X - - - ) X, - - - )
A----)B
_ _ _ _ )
1
' - - - - - - - - - )
- - - )
"
Mal re
E treQreneur
Premier slcond
de l'ouvrage
PrIncIpal
sous-traltant
t~~IEant
,
Le premier sous-traitant ayant exerce l'action directe
contre
l'entrepreneur
principal,
a
été
payé
et
donc
devait
reverser
leur
part aux autres
sous-traitants
subséquents.
Ne
l'ayant pas
fait,
un des sous-traitants de sa filière a
agit
contre le maître de l'ouvrage qui
se trouvait être encore en
possession
des
sommes
relevant
de
la
créance
des
sous-
traitants de la seconde filière.
La
Cour
de
Riom
avait
constaté
que
l'entrepreneur
principal
ayant
payé
à
son
premier
sous-traitant
les
sommes
qui
lui
étaient
dues
(y
compris
celles
dues
à
ses
propres
sous-trai tants) ,
les
sommes
encore
disponibles
ne
pouvaient
plus être payées au sous-traitant appartenant à la filière de

192
ce
premier
sous-traitant.
Elle
en
déduisit
que
l'action
directe
exercée
contre
le
maître
de
l'ouvrage
par
le
sous-
traitant qui
n'avait pas été payé par son propre contractant
(lui
A
meme
premier
sous-traitant)
ne
pouvait
plus
avoir
d'assiette. Car les sommes disponibles étaient réservées à une
autre filière dont ce sous-traitant ne relevait point.
(1)
De ce chef,
la décision de le Cour de Riom devait être
cassée par la Chambre
Ci vile.
Reprenant
des
motivations déjà
connues
(2),
elle
considère
que
"la
loi
n'établit
aucune
distinction
suivant
l'origine
des
prestations
fournies
au
titre
du
marché
principal,
d'où
résul te
la
dette
de
l'entrepreneur principal vis à vis du maître de l'ouvrage."
La solution déjà dégagée est celle même qui est reprise
dans
cette
décision;
mais
à
la
différence
qu'ici,
tous
les
,
sous-traitants
successifs
n'appartiennent
pas
a
la
même
filière.
La
Chambre
Civile
estime
que
l'origine
des
prestations est sans conséquence sur la répartition des sommes
dues
aux
sous-traitants;
dès
lors
tous
les
sous-traitants,
quelque soit leur rang d'intervention et la filière à laquelle
ils
appartiennent,
peuvent
indifféremment
poursuivre
leur
paiement sur les sommes détenues par le maître de l'ouvrage.
(1)
- Riom. 3 è CH. 29 janv. 1982 bque 1982 829
(2)
Il s'agit de celles de la Cour de Cassation du 18 juin 1982 prée.

193
Cette solution a été critiquée (1)
: on a fait valoir que
le cloisonnement
par
filière
correspondant
à
une
réalité
ne
devait pas
être
traité
théoriquement.
Ayant
traité
avec
des
entrepreneurs
principaux
différents,
on
ne
peut
se
demander
s'il
est
légitime
que
les
sous-traitants
de
la
première
filière
qui
ont
placé
leur
confiance
en
leur
entrepreneur
principal subissent le contrecoup du prélèvement sur les fonds
destinés à eux, qui résulte de l'action directe exercée par le
sous-traitant
d'une
autre
filière,
qui
ont
placé
leur
confiance en leur propre entrepreneur général".
Mais le problème peut-il se résoudre en terme de confiance
..
?
Les
sous-traitants
qu'ils
appartiennent
a
des
filières
différentes éprouvent tous le même préjudice au cas où ils ne
seraient pas payés par l'entrepreneur principal.
Aussi
la loi
a-t-elle
voulu
qu'au
cas
de
défaillance
du
titu~aire
du
marché, ceux-ci puissent se faire payer. Il serait excessif de
..
chercher
a
distinguer
entre
les
sous-traitants
selon
la
filière à
laquelle ils appartiennent,
alors
que
le maître de
l'ouvrage dispose
encore
de
sommes
qui
peuvent
satisfaire
à
leur demande.
(1)
- Benabent, sous Casso Civ; 11 oct. 1983 Prée.

194
Mais
si
l'on
place
la
discussion
sur
le
terrain
de
l'application
stricte
de
l'article
13
alinéa
2,
l'on
peut,
adhérer à la critique de Monsieur Benabent. En effet l'article
13 alinéa 2 limite les obligations du maître de l'ouvrage à ce
qu'il doit encore à la date de la réception de la copie de la
mise en demeure préalable.
L'application stricte
de
ce
texte
aura pour conséquence de révéler que le maître de l'ouvrage ne
dispose plus rien au jour de la mise en demeure,
du moins pour
la première
filière,
car
il
aura
tout
payé
à
l'entrepreneur
principal de cette filière.
C'est de ce chef que la décision
de la Chambre de Cassation peut-être valablement critiquée.
En
tout
état de
cause
le
point de
vue
de
la Chambre
Civile
est
suivie
par
des
décisions
récentes
notamment
par
celle de la Cour d'appel de Paris dans un arrêt en date du 29
janvier 1985
(1)
qui
affirme avec insistance que
1/
que les
articles
12
et suivants de
la
loi du
31
décembre
1975 n'ont
pas établi de distinction
ni
de
priorité dans
le concours
de plusieurs sous-traitants, ni de privilège au profit de l'un
..
dieux.
Ils
doivent
être
traités
a
égalité
et
les
sommes
..
restant
a
payer
par
le
maître
de
l 1 ouvrage
doivent
être
reparties
entre
les
sous-traitants
bénéficiaires
de
l'action
directe, proportionnellement au montant des créances de chacun
dieux ... 1/
(1)
PARIS
29
janv.
1985,
G.P.
1985.
1.
395
note
Peisse.
Cette
jurisprudence est maintenue par CIV.
3è,
11
février
1987,
D.
1987
256
,
note A. Benabent , Bull. Civ. III N° 26.

195
En
conclusion,
l'on peut
retenir que
les
sous-traitants
quelle que soit leur rang n'ont d'action directe que contre le
seul maître de l'ouvrage qui doit payer dans la mesure où il
..
dispose
encore
des
sommes
dues
a
l'entrepreneur
principal.
Ainsi
s'achève
l'étude des
dangers
menaçant
l'action directe
en vue d'apprécier l'efficacité de l'action directe.
Toutefois
l'efficacité
de
l'action
directe
se
mesure
..
également
a
son
importance
au
regard
des
garanties
dites
annexes instituées par le législateur.
CHAPITRE III - L'INCIDENCE DES GARANTIES ANNEXES SUR L'ACTION
DIRECTE DU SOUS-TRAITANT.
Notre étude ne saurait se conclure harmonieusement sans
référence
aux
mécanismes
institués
par
la
loi- de
1975
en
renfort
de
la
situation
du
sous-traitant,
à
qui
celle-ci
a
déjà accordé le bénéfice de l'action directe. La caution et la
délégation
mise
en
place
par
le
législateur
visent
de
leur
côté aussi la protection du sous-traitant.
En effet l'article
14 de
la loi
de
1975
dispose
liA
peine de
nullité du
sous-traité,
les
paiement de
toutes
les
sommes
dues
par
l'entrepreneur
au
sous-traitant,
en
application de
ce
sous-traité
sont
garantie
par
une
caution

196
personnelle
et
solidaire
obtenue
par
l'entrepreneur
d'un
établissement
qualifié
agrée
dans
des
conditions
fixées
par
décret. Cependant la caution n'aura pas lieu d'être fournie si
l'entrepreneur délégué le maître de l'ouvrage au sous traitant
dans les termes de l'article 1275 du Code Civil,
à concurrence
du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.
A titre transitoire,
la caution pourra être obtenue d'un
établissement figurant sur la liste fixée par le décret qui en
application de la loi 71
584 du 16 juillet 1971 concernant les
retenues de garanties".
En outre l'article 14-1 al 2 précise,
pour une catégorie
particulière de marché
(1)
,
que "si le sous-traitant accepté
..
et
dont
les
conditions
de
paiement
ont
été
agrees
par
le
maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en
conseil d'Etat,
ne bénéficie pas de la délégation de paiement,
le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal
qu'il justifie avoir fourni la caution."
Il semble résulter de ces dispositions que les deux types
de
protections
que
sont
l'action
directe
d'une
part
la
caution ou la délégation d'autre part peuvent dès
lors avoir
des interférences dans le rôle qu'elles jouent respectivement
(1)
-
Cette
disposition
résulte
de
la
loi
N°86-13
du
6
janv.
1986
relative
aux
simplifications
administratives
en
matière
d'urbanisme.
Art.13.

197
Aussi
s'est-on
demandé
si
ces
deux
institutions
sont
complémentaires ou
indépendantes,
l'une de l'autre.
En
effet
les
articles
14
et
14-1
a12
marquent
une
certaine
forme
d'indépendance
par
apport
au
mécanisme
de
l'action
directe.
Cependant,
il
semble
aussi
que
l'existence
des
garanties
annexes
que
sont la
caution et
la délégation
conditionne
la
validi té du
sous-traité
dont
est
issue
l'action
directe.
Il
est donc important de définir clairement la relation entre ces
deux
types
de
protection,
tout
spécialement
de
dire
que
devient
l'action
directe
en
l'absence
de
ces
garanties
(Section
II).
Cela
suppose
que
l'on
s'interroge
sur
le
fondement de celles-ci (Section I).
SECTION l : Le fondement des garanties annexes et la
protection assurée par l'action directe .
..
Avant
de
se
preoccupper
de
ce
qui
peut
justifier
leur
existence,
il
serait
intéressant
de
présenter
les
garanties
annexes .
PARAGRAPHE
I
-
PRESENTATION
DES
GARANTIES
ANNEXES.
Il s'agit de montrer les caractéristiques essentielles de
la caution et de la délégation

198
A
-
Les
c a r a c t é r i s t i q u e s
d e
l a
c a u t i o n .
La
forme
exigée
par
la
loi
de
1975
est
la
caution
personnelle
et
solidaire
qui
se
substitue
au
débiteur
défaillant.
En
outre
la
solidarité
instituée
empêche
toute
division
ou
discussion
de
la
dette
dont
le
créancier
peut
..
..
réclamer
le
paiement
indifféremment
a
la
caution
ou
a
l'entrepreneur principal.
c'est en fait une caution de droit commun qu'institue la
loi de 1975 mais dont la seule particularité est qu'elle émane
d'un établissement qualifié et
agrée dans
des
conditions pas
toujours précises. En effet à titre transitoire, la loi du
31 décembre 1975 énonce que celle-ci
(la caution)
pourra être
obtenue
d'un
établissement
figurant
sur
la
liste
fixée
par
décret,
pris en application de la loi nO
71584 du 16
juillet
1971
concernant les retenues de garanties
(2).
En vertu de ce
décret, sont donc habilités à fournir caution
les banques et
établissements financiers,
conformément à la loi du 13 et 14
juin 1941 et les sociétés de mutuelle relevant de la loi du 13
mars 1917.
( 1 )
-
Le décret dont
i l s'agit
est celui
qui
porte le N°
711058 du 24
déc. 1971, J.O. du 29 déc.
1971.

199
Mais le mécanisme de la caution suppose pour sa mise en
place
de
gros
moyens,
qui
ne
peuvent
être
développés
par
toutes
les
entreprises
d'une
part,
et
établit
en
droit
une
inégalité entre les entreprises d'autre part.
Pour ce qui concerne les moyens,
l'argument a été soulevé
par
la
commission
des
lois
du
Sénat
dans
les
travaux
parlementaires (1).
La commission à fait valoir que seules les
entreprises
les
plus
importantes
trouveront
assez
facilement
un établissement bancaire qui leur consentira une caution pour
un
coût
très
faible
car
l'on
ne
doute
point
de
la
surface
financière de celles-ci. Les entreprises principales de dimen-
sions
moyennes
ou
faibles,
dont
la
solvabilité
peut-être
douteuse peuvent au contraire éprouver beaucoup de difficultés
pour se trouver une caution. Quand bien même elles en auraient
trouvée,
l'opération,
compte
tenu de
la
~i tuation financière
de l'entreprise,
conféré un pouvoir exorbitant en général sur
la
vie
de
l'entreprise.
C'est
alors
que
de
l'accord
ou
du
refus
de
cet
établissement
que
dépend
la
survie
de
cette
entreprise.
En droit,
sont soumises, selon l'article 11
de la loi du
31 décembre 1975, à l'obligation de fournir caution, les
(1)
- Débats Sénat N°144 P.13

200
entreprises
dont
les
sous-traitants
ne
peuvent
bénéficier du
paiement direct
en vertu du titre
II.
Quand on
rapproche
de
cette affirmation la lourdeur de la charge de
la caution qui
est
fixée
en
général
entre
un
et
un
et
demi
pour
cent
du
montant
du
marché,
on
aperçoit
que
les
sous-traitants
bénéfiçiant
du
paiement
direct
ont
incontestablement
un
avantage économique souvent très
important par apport à celle
qui
sont
dans
l'obligation
de
fournir
caution.
La
discrimi-
nation est d'autant plus choquante que certains marchés privés
passés avec l'Etat ou des entreprises publiques par des entre-
prises privées bénéficient du paiement direct (1)
De telle discrimination résultant du coût de la caution
,
et
de
la
faveur
arbitraire
que
cette
opération
conféré
a
certaines entreprises principales ont conduit le législateur à
..
reparer
l'injustice,
en
permettant
aux
entreprises
qui
n'auront pas trouvé de cautions pour les raisons
évoquées,
de
recourir au mécanisme de la délégation.
(1)
-
En ce sens Benabent juris. Class.
prée.

132.
Il en résulte que
les sous-traitants qui ont le plus de chance de se faire payer ne seront
pas
soumis
à
cette
obligation.
Au
contraire
ceux
dont
le
paiement
est
incertain doivent
s'encombrer de cette charge.
On peut
réellement douter
des bienfaits pour le débiteur principal de cette obligation de constituer
une caution.

201
B
-
Les
c a r a c t é r ; s t ; q u e s
d e
l a
d é l é g a t ; o n
En
vertu
de
l'article
1275
du
code
civil
c'est
l'opération par laquelle une
personne le délégant,
ordonne à
une autre,
le délégué,
de
faire
ou de s'engager à
faire
une
prestation à une troisième, le délégataire.
A
l'ordinaire,
la
délégation
intervient
entre
des
personnes que lient antérieurement des rapports
juridiques,
or
ici on constate que si ces rapport existent entre d'une part
le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal et d'autre
part entre
l'entrepreneur
principal
et
le
sous
traitant,
la
boucle manque d'être fermée dans les rapports entre le maître
de l'ouvrage
et le
sous-traitant,
entre
lesquels
il
n'existe
aucun
lien
de
droit.
On
peut
difficilement
ranger
la
délégation instituée par l'article 14 entre les deux modes de
délégations
connues
délégation
parfaite
et
délégation
imparfai te.
(1)
La délégation parfaite comporte des
effets
assez
nocifs
pour
le
délégataire
parce
que
qu'elle
supprime
un
débiteur
en
l'occurrence l'entrepreneur principal; la loi subordonne son
(1)
La
délégation
parfaite
libère
l'entrepreneur
principal
qui
ne
serait plus débiteur du sous-traitant.
Seul
reste le maître de
l'ouvrage
comme
débiteur
de
celui-ci.
Tandis
que
la
délégation
imparfaite
laisse
subsister les deux débiteurs.

202
,
jeu
a
l'accord
express
du
créancier
bénéficiaire
de
la
délégation.
Peut-on
estimer
ici
que
par
cette
délégation
i~stitué par l'article
14
le sous-traitant consentira à
renoncer à
sa créance contre le
délégànt,
c'est-à-dire
l'entrepreneur
principal,
le
seul
généralement qu'il connaisse assez bien? Même si celui-ci ne
présente pas de garantie de solvabilité il ne peut consentir à
une
telle
opération dès
lors où
la loi
l'oblige
à
mettre en
demeure préalable l'eptrepreneur principal dans
l'exercice de
l'action directe.
On peut donc conclure de ce qui précède que
la délégation imparfaite est celle qui est vixée par la loi du
31 décembre 1975. D'ailleurs il est admis que l'acceptation ne
se
présume
pas;
aussi
en
l'absence
d'acceptation
du
sous-
traitant,
l'on doit considérer que la délégation instituée est
une délégation imparfaite (1).
Les
institutions
de
la
caution
et
de
la
délégation
présentées,
la
question
se
posera de
savoir ce
qui
justifie
l'existence de celles-ci à côté de l'action directe.
(1)
-
Carbonnier
Dr
Civ.
T.rV.
P.
470
471
Weill
et
Terré,
les
obligations N° 1061. P.
1071. ; A. Weil droit Civil, les obligations précis
Dalloz P.1100.

203
PARAGRAPHE
I I
-
LA
JUSTIFICATION
DE
L'EXISTENCE
DES GARANTIES
ANNEXES
Pour parer à la défaillance de l'entrepreneur principal,
le législateur
de
1975
a
institué
l'action directe.
Il
veut
ainsi
rétablir;
dans
le
rapport
triangulaire
qu'impose
la
sous-traitance ,
un équilibre généralement rompu aux dépens du
sous-traitant et sauvegarder ainsi les intérêt de celui-ci au
cas
de
besoin.
Ce
_besoin
consiste
généralement
dans
la
défaillance du titulaire du marché principal.
Dans ce cas le
sous-trai tant
agit
directement contre
le maître
de
l'ouvrage
en paiement des sommes à lui dues,
en vertu des travaux qu'il
a exécutés.
Malgré cette garantie de paiement que la loi lui accorde,
le sous
traitant
n'est
pas à
1" abri
de
toute
menace
de
non
paiement.
Dans
cette
optique
notre
étude
a
déjà
évoqué
les
dangers
qui
menacent
l'assiette
de
l'action
directe.
Ces
dangers
cependant,
n'ont
pour
certains,
la
jurisprudence
aidant,
que
des
effets
d'une nocivité
relative
à
l'égard du
sous-traitant.
Tandis
que,
dans
deux
hypothèses
précises
malheureusement
fréquentes
dans
les
marchés
privés,
le
sous-
traitant est réellement démuni de tout recours.

204
La première hypothèse résulte de l'article 13 alinéa 2 de
la
loi
du
31
décembre
1975
qui
limite
les
obligations
du
...
maître
de
l'ouvrage
à
ce
qu'il
doit
encore
a
l'entreprise
principale,
si
celui-ci
fait
l'objet d'une
action directe du
sous-traitant. On a déjà fait remarquer que cette disposition
signifie que
si au moment où le sous-traitant agit le maître
,
de
l 1 ouvrage
a
paye
intégralement
l'entrepreneur
principal,
l'action directe sera dépourvue de toute efficacité.
Le sous-
traitant ne pourrait plus rien obtenir du maître de l'ouvrage
dans la mesure où, c~iui-ci ne doit plus rien. (1)
Dans
le
second
cas,
on
imagine
tout
simplement
la
difficulté du maître de l'ouvrage lui-même; cas très fréquent
dans
les
marchés ou
le maître de
l'ouvrage
est
une
personne
privée.
Devant la défaillance de l'entrepreneur principal,
le
sous-traitant agit contre le maître de l'ouvrage.
Mais si
ce
dernier
aussi
fait
l'objet
d'une
déconfiture,
on
se
demande
bien
qui
peut
payer
le
sous-traitant.
L'action
directe
de
celui-ci sera une fois encore privée de toute substance (2).
(1)
- en ce sens, Benabent juris. Class Civ. art. 1787 prée. N°128
(2)
- Benabent dans ce cas soutient que le sous-traitant ne pourra que
produire au passif du maître de l'ouvrage.

205
On peut alors penser que la crainte de ces différentes mena-
..
ces
qui
ramèneraient
le
sous-traitant
a
une
situation
semblable à
celle qui
précède l'intervention de la loi du 31
décembre
1975,
a
conduit
le
législateur
à
prévoir
des
protections
autres
que
celle
offerte
insuffisamment
par
..
l'action
directe,
pour
apporter
plus
de
vigueur
a
la
..
couverture
des
risques
auxquels
est
expose
le
sous-traitant
(1).
Ces
protections,
en
l'espèce,
s'appellent
caution
et
délégation.
Dès
lors on est amené
à
dire que
le
fondement de ces
institutions réside dans la volonté du législateur de pallier
les
conséquences
d'une
éventuelle
défaillance
du
maître
de
..
l'ouvrage
a
l'égard
du
sous-traitant
qui
éprouve
déjà
de
sérieuses difficultés
pour se
faire
payer
par l'entrepreneur
principal.
Sans doute le législateur n'a-t-il accordé qu'un crédit
très
limité
au
dispositif
qu'il
a
mis
en
place
en
créant
l'action
directe
;
aussi
l'a-t-il
assorti
de
garanties
supplémentaires.
(1)
- Dès le début des discussions devant l'AN. le problème était posé de
trouver une garantie en faveur du sous-traitant plus sérieuse que l'action
directe.
Le
gouvernement
proposait
alors
une
garantie
de
substitution
rejetée
par
l'AN.
C'est
finalement
l'amendement
de
M.
Lauriol
qui
fut
retenu tel que l'art.
14 est libellé. J.O. Débats AN.
2è séance du 5 déc.
1975 P. 9476 amendement N° 78.

206
Dans cette optique,
les garanties que
sont
la caution
et
la
dêlêgation seraient complêmentaires i
la protection instituêe
par le lêgislateur i
l'action directe (1).
Si telle est la manière dont se pose le problème il faut
i
priori êcarter la garantie que constitue la dêlêgation.
En
effet
dans
le
rôle
protecteur
que
jouent
les
garanties
de
l'article 14 de la loi,
seule la caution institue un dêbiteur
de
plus
pour
le
sous-traitant
et
donc
assure
pleinement
l'objectif
de
la
loi
qui
est
de
procurer
le
maximum
de
garanti~ au sous-traitant. Au contraire par le phênomène de la
dêlêgation,
c'est un paiement direct qui est proposê au sous-
trai tant
mais
par
le
seul
et
même
maître
de
l'ouvrage.
La
consêquenceO en
est
que
si
celui-ci
est
dêfaillant
comme
l'entrepreneur
principal
le
sous-traitant
ne
dispose
plus
aucun recours car le seul dont il dispose est êpuisê (2).
Ainsi donc l'optique selon laquelle le fondement de ces
institutions que
sont la caution et la dêlêgation rêsiderait
dans
la
sauvegarde des
droits du
sous-traitant
au
cas
d'une
êventuelle
dêfaillance
du
maître
de
l'ouvrage
se
trouve
partiellement
dêmentie.
Car
seule
la
caution
assure
vêritablement cette fonction en instituant un dêbiteur de plus
(1)
- en ce sens Benabent juris. class.
Civ;
art.
1787 prée.

128 G.
Flècheux.
(2)
- sur la question V, Fourgoux et Jallaguier, loi du 31 décembre après
2 ans d'application art. prée.

207
pour
le
sous-traitant
(1).
L'opinion
selon
laquelle
ces
..
garanties
suppléent
a
l'insuffisance
de
la
protection
instituée par l'action directe peut sans doute réellement être
vérifiée,
en
recherchant
l'impact
de
ces
garanties
sur
l'action directe du sous-traitant.
SECTION II : L'impact de l'absence des garanties
annexes sur l'existence de l'action directe.

"
A
peine de nullité du sous traité,
les paiements des
sommes
de
ce
sous-traité,
sont
garanties
par
une
caution,
personnelle et solidaire. Cependant la caution n'aura pas lieu
d'être
fournie
si
l'entrepreneur
délégué
le
maître
de
l'ouvrage. "
Cela va sans dire que le défaut de constitution de caution
ou de délégation est sanctionné par la nullité du sous-traité.
Faute par
l'entrepreneur
principal
d'offrir
au
sous-traitant
,
la
caution
solidaire
et
personnelle
ou
la
délégation,
le
1~
contrat
de
sous-traitance
est
nul.
On
réalise
alors
que
l'impact
de
l'inobservation
de
ces
obligations,
mises
à
la
charge
de
l'entreprise
principale,
sur
le
sous-traité
est
radical.
(1)
- Des auteurs comme Valdo Roulet pensent que la loi aurait pu ajouter
le maître
de
l'ouvrage
à
la
liste
des
personnes
habilitées
à
fournir
caution pour éviter l'intervention d'un tiers au contrat de sous-traitance
; Mais réserve de notre part eu égard au développement sur la délégation
comme paliatif à la défaillance du maître de l'ouvrage.

208
Or
le
plus
important
pour
le
sous-traitant
c'est
de
se
faire
payer
pour
les
travaux
exécutés.
Le
sous-traité
étant
nul, comment peut-il encore prétendre à un quelconque paiement
du maître de l'ouvrage. Dispose-t-il de moyens juridiques pour
atteindre un tel objectif ?
Pour la doctrine la solution du
problème
se
trouve
sans
aucun
doute
dans
la
référence
aux
dispositions
de
l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975. En effet l'article
3 dispose que l'entrepreneur qui manque à ses obligations ne
peut
invoquer
le
contrat
de
sous-traitance
contre
les
sous-
trai tant.
C'est
à
dire
que
cet
entrepreneur
ne
pourra
pas
exciper
du
défaut
d'acceptation
d'un
sous-traitant
et
d'acceptation de
ses conditions
de paiement
pour demander la
nulli té du contrat de
sous-traitance
;
seul
le sous-traitant
le peut. C'est donc une nullité relative qu'institue l'article
3 de la loi.
Les doctrinaires ont pensé qu'il faut identifier
la
nullité
édictée
par
cet
article
à
celle
résultant
de
l'article 14
(1). Car si le législateur de 1975 a
institué le
mécanisme de
la caution et de
délégation
comme
panacée
à la
défaillance
(1)
- Benabent, note sous Colmar 12 mai 1978 prée.

209
du
maître
de
l'ouvrage
et
de
l'entrepreneur
principal,
la
nulli té sanctionnant le manque
à ces obligations
incombant à
l'entrepreneur principal ne peut
léser les
intérêts du sous-
traitant;
pour
ce,
il
faut
bien
admettre
que
la
nullité
de
l'article 14 ne peut être qu'une nullité relative,
destinée à
protéger la
seule personne
du sous-traitant
C'est
donc
le
seul sous-traitant qui peut l'invoquer.
Les vues de la jurisprudence ne divergent guère de celle
de
la
doctrine.
Ainsi
le
tribunal
commercial
de
Bourges
(1)
décide que
le défaut de caution ne
saurait
faire
obstacle
à
l'action
directe
du
sous-traitant;
cette
caution
ne
devant
être obtenue que par l'entrepreneur principal.
,
Dans
cette
thèse
le
tribunal
est
appuye
par
l'arrêt
précité de la Chambre Commercial de la Cour de Cassation du 19
mai
1980
(2)
qui
décide
que
"la
nullité
du
sous
traité
résultant de
l'absence
de
cautionnement
et
de
délégation
ne
peut
être
invoquée
que
par
le
sous-traitant.
Ces
garanties
constituant
des
garanties
complémentaires
crées
pour
la
protection du sous-traitant."
(1)
-
Trib.
Corn.
de
Bourges 8
nov.
1977
prée.;
également Comar
12 mai
1978 prée.
; Trib. Corn. 15 nov.
1977 prée.
(2)
- Corn. 19 mai 1980 prée.

210
Telles
sont
les
incidences
sur
l'action
directe
de
l'existence
des
institutions
annexes
de
protection
édictées
par le
législateur.
Heureusement,
pour le droit positif,
que
doctrine
et
jurisprudence sont
unanimes
pour
sauvegarder
les
intérêts du sous-traitant,
devant
la menace que constitue le
non
respect
de
ces
institutions,
pour
le
sous-traité
et
partant pour l'action directe du sous-traitant.

211
CONCLUSION GENERALE
La
situation du
sous-traitant dans
les
marchés
privés
exprimait un besoin de protection. A ce soucis le législateur
en
1975
a
répondu
en
conférant
au
sous-traitant
une
action
directe dont
il
croyait
avoir
soigneusement
défini
les
con-
tours.
Le régime défini
par le titre I I I de
la loi
régissant
l'action
directe
constitue
une
innovation
très
importante
certes
pour
le
droit
positif,
mais
emporte
en
revanche
d'énormes
carences
auxquelles
ont
essayé
de
suppléer
les
tribunaux.
Cependant si le système mis en place par la loi de 1975,
dans
l'esprit
du
législateur
devait
assurer
une
parfaite
protection
du
sous-traitant,
l'application
que
fait
la
jurisprudence
de
cette
intention
louable
ne
manque
pas
,
cependant
de
faire
frémir
ceux
qui
ont
acquis
une
creance
contre l'entrepreneur principal et qui en cherche la réalisa-
tion
dans
les
mains
du
maître
de
l'ouvrage.
En
effet
les
tribunaux
font
primer
presque
toujours
le
titulaire
d'une
action directe devant les autres créanciers de l'entrepreneur
principal qui ne
sont pas moins dignes d'intérêt.

212
Or au souci légitime de protéger le sous-traitant contre
la défaillance de
l'entrepreneur principal s'oppose notamment
celui
de
sauvegarder
les
intérêts
des
banques
qui
par
leur
crédit
permettent
et
soutiennent
le
déroulement
des
marchés
..
indispensables
a
l'économie
du
pays.
Aussi
ces
intérêts
antagonistes devraient être respectés sans
écrasement d'aucun
partenaire,
car à vrai dire le crédit bancaire se relève sinon
plus important du moins préalablement nécessaire au démarrage
de l'exécution des travaux privés.
En
d'autres
termes
et
de
façon
plus
générale
l'interprétation de nombreux articles - peu clairs - de la loi
,
de
1975
devrait
être
menee
sans
passion
et
en
fonction
des
intérêts
de
tous.
Le
législateur
en
recherchant,
par
cette
loi,
la protection du sous-traitant n'a pas entendu sacrifier
les intérêts des autres partenaires au contrat principal ayant
fait
l'objet
de
sous-traité.
Aussi
pour
mieux
faire
appréhender
son
soucis
a-t-il
fait
suivre
cette
loi
de
nombreuses autres dispositions législatives pour la compléter.
Celles-ci
introduisent
dans
le
système
mis
en
place
des
dispositions
nuancées
inspirées
de
certaines
solutions
retenues par la jurisprudence. Pour qu'ainsi un arbitrage soit
réalisé
entre
les
intérêts
du
sous-traitant
et
des
autres
créanciers.

213
Cependant l'économie de ces nouvelles interventions tend
traitant antérieure à l'intervention de la loi du 31 décembre
1975 ?

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traitance dans
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1975 et du 2 janv. 1981, Rev. banque, oct.
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traitance dans la construction, banque 1986.847.
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L'article 13 de la loi du 6 janv.
1986
modifiant
la
loi
du
31
déc.
1975
relative
à
la
sous-
traitance, Rev. dr.
immob. 1988.118.
-
G.
FLECHEUX,
La
loi
du
31
déc.
1975
relative
à
la
sous-
traitance, J.C.P. 1976 1 2791
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Les
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Sous-traitance la loi du 31
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Solution
contractuelles
relatives
aux
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juin 1979.
Y.
BACHELOT,. Le
financement
bancaire
des
marchés
et
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problèmes posés par la loi du 31 déc.
1975 relative à la sous-
traitance,
ibid.
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déc.
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Sous-traitance
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Les nouvelles protections en faveur
des sous-traitants G.P.
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Sous-traitance
l'acceptation
du
sous-
traitant,
l'agrément
des
conditions
de
paiement
et
leurs
conséquences sur l'action directe, Gaz. Pal.
22-24 févr.
1981.
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J.
L.
COSTA,
Le
paiement
direct
du
sous-traitant
par
le
maître de l'ouvrage, Administrer, mars 1981.4.

ANNEXES
TEXTE
Loi N°75 1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance
complètée par les loi N°81-1 du 2 janvier 1981 et N°86-13 du 6
janvier 1986.
(TITRE II relatif à l'action directe).
Titre III. - De l'action directe.
11. Le présent titre s'applique à tous les contrats de sous-
traitance qui n'entrent pas dans le champ d'application du
titre II.
12. Le sous-traitant a une action directe contre le maître de
l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois
après en avoir été mis en demeure,
les sommes qui sont dues en
vertu du contrat dse sous-traitance; Copie de cette mise en
demeure est adressée au maître de l'ouvrage.
Toute renonciation à l'action directe est réputée non
écrite.
Cette action directe subsiste même si l'entrepreneur
principal est en état de liquidation des biens, de règlement
judiciaire ou suspension provisoire des poursuites.
13. L'action directe ne peut viser que le paiement
correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-
traitance et dont le maître de l'ouvrage est effectivement
bénéficaire.
Les obligations dumaître de l'ouvrage sont limitées à ce
qu'il doit encore à l'entrtepreneur principal à la date de la
réception de la copie de la mise en demeure prévue à l'article
précédent.
13-1.(L. n081-1 du 2 jkanv.
1981) L'entrepreneur principal ne
peut céder ou nantir les créance résultant du marché ou du
contart passé avec le maître del'ouvrage qu'à concurrence des
sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu'il effectue
paersonnellement.
(L.no84-46 du 24 janv.
1984) "Il peut,
toutefois, céder ou
nantir l'intégralité de ces créances sous réserve d'obtenir,
préalablement et par écrit,
le cautionnement personnel et
solidaire visé à l'article 14 de la présente loi, vis-à-vis des
sous-traitants."

14. A peine de nullité du sous-traitant,
les paiements de
toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en
application de ce sous-traité, sont garanties par une caution
personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un
établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par
décret. Cependant,
la caution n'aura pas lieu d'être fournie si
l'entrepreneur délégue le maître de l'ouvrage au sous-traitant
dans les termes de l'article 1275 du Code Civil, à concurrence
du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.
A titre transitoire,
la caution pourra être obtenue d'un
établissement figurant sur la liste fixée par le décret pris en
application de la loi n071-584 du 16 juillet 1971 concernant
les retenues de garantie.
14-1.(L. n086-13 du 6 janv. 1986° Pour les contrats de travaux
de bâtiment et de travaux publics :
- Le maître de l'ouvrage doit, s ' i l a connaissance de la
présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant fait
l'objet des obligations définies à l'article 3, mettre
l'entrepreneur principal en demeure de s'acquitter de ces
obligations;
Si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de
paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les
conditions définies par le décret en Conseil d'Etat, ne
bénéficie pas de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir
fourni la caution.
Les dispositions ci-dessus concernant le maître de
l'ouvrage ne s'appliquent pas à la personne physique
construisant un logement pour l'occuper elle-même ou le faire
occuper par sons conjoint, ses ascendants,
ses descendants ou
ceux de son conjoint.
Titre IV. - DispositiomDiverses.
15. Sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme,
les
clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet
de afire échec aux dispositions de la présente loi.

PRINCIPALES ABREVIATIONS
A.N.
Assemblée Nationale
Act. Jur. Promo
lm.:
Actualité juridique de la promotion
immobilière
Bull. Civ.
Bulletin des arrêts des chambres Civiles
de la Cour de Cassation
Casso Civil
Cour de Cassation, Chambre Civile
Casso Corn.
Cour de Cassation, Chambre Commerciale et
Financière
Contra.
Solution contraire
D.
Receuil Dalloz
D.H.
Dalloz Hebdomadaire
D.P.
Dalloz période
D.S.
Dalloz Sirey (depuis la fusion avec le
Recueil Sirey)
Deb.
Débats parlementaires
Ed.
Edition
G.P.
Gazette du Palais
Infra.
Ci-après
Idem.
Identique
Jurisclass.
Jurisclasseur
J.P.C.
Jurisclasseur périodique
J.C.P.C.I.
Jurisclasseur périodique édition Commerce
et Industrie
J.O.
Journal officiel
Moniteur
le moniteur des travaux publics et du
bâtiment
Obs.
Observation
Op. Cit.
Ouvrage cité
Prée.
Précité
Rev. Banque
Revue banque
Rev. Dr.
Immob.
Revue de Droit Immobilier
Rev. Civ.
Revue trimestrielle de droit
Commercial et Economique
Sirey.
Recueil Sirey
Som.
Sommaire
Supre.
Ci-dessus
T.
Tome
Trib. Civ.
Tribunal Civil
Trib. Corn.
Tribunal Commercial