·~
,
UNIVERSITE BE PARIS X -
NANTERRE
.
FONDEMENTS
DE
LA
MUSIQUE
EAOULE
par
Kouam~ Albert KOUAKOU
MAI 1978

i,
ii
Je remercie dlabord Bruno TALE, vieil
I,!
in.i t,ié Akouè, pour 11 aide in:nense qui il
:11
1
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a appor ee par ses p:t'ec~euses ~n orma ~ons,lj
1
aYall.t sa mort en I976 ..
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1
'1
Que soit ensui te re:Jercié Da."l.iel CH.A.-lUJES,' i
l'Unive:rsité de Pari s VII l
( Vincennes ),
'Ii
q~i a bien voul~ diriger ce travail avec
Il
tout~ la patience et l'ouverture d'esprit
\\;
don, t i l est capaole ..
li
li
~e ma reconnaissa.~Ce aille enfin à
1:
Claude LALOüI1, Taon. an,cien professeur de
,
, 1
m-u.siQoloei~ co;:,parée à l'Uni"tersité de Paris 'II
VIII, pour ses enGo~ragements, ses conseils

et son. a:ti ti éD
: Il
l'
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!
1
1
1
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1
1
mTRODUC TION
i
1
.
1
Les recherches que nous avons effectuées en CSte d'Ivoire'
entre I972 et I976 et qui forment, en quelque sorte, une synthèse
technique du témoignage de notre adolescence, aboutissent à cette
étude sur les fondements de la musique baoulé.
1~
1
1
1
Les Baoulé représentent un important groupement humain
1
f
installé au centre de la eSte d'Ivoire, entre les 'fleuves N'Ziet
1
Bandamano Le pays baoulé" actuel se trouve dans la zone qui~ fait la
t
1
transition entre la for~t tropicale du Sud et la aavane Soudanaise"
1
r
herbeuse du Nord. Les Baoulé sont de grands cultivateurs d'igname, de
manioc, de café~ de cacao, et aujourd'hui, de riz, et s!adonnent
également à l'élevage du petit bétail et des boeufs. En eete d'Ivoire 1
1
i
ils forment une entité ethnique s~re, bien que morcelée en sous-tribus 1
:71
1
lesquelles n'affectent en rien cette appartenance à la grande faJ'Ilille 1
1
Baoulé. Celle-ci permet de les différencier des autres groupements
1
-
!
importants
tels les Bété, les Dan et les Gouro à l'Ouest; les Attié
. .•1•••·
~"

2
Abbè, et Abidji au Sud; les ~, Abrons, Alladjan, N'Zima pour l'Est
et le Sud-Est; enfin les Halinké, les Sénoufo, et les Lobi pour.. le
Nord.
Il aura donc fallu, pour leur installation sur ce terri-
toire, que les Baoulé conquièrent les terres qu'ils occupent de nos
"
jours(I). La plupart des récits traditionnels affirment que les Baoulé
arrivent du Ghana, où· ils vivaient au sein de la grande famille des
fi
Ashanti. En ce sens, les racines profondes de cette civilisation sont 1
!i
à rechercher dans l'ancienne"Gold Coast". Hais devant le caractère
1
!,
souvent approximatif des données dont nous disposons, et des mUltipled
- - - - ------- ---------------------
1
1
(1) Pour l'installation des Baoulé en COte d'Ivoire, voir surtout
1
Bertho (J.) ; " La légende de la reine qui sacrifia son fils unique
- - ------ ....-
comparaison entre la version des Baoulé de Côte d'Ivoire et la
----- -_._---~..
-------- -------
version des Yoruba de la Nigeria ", Notes Africaines,I.F.A.No,D~~ar. 1
---- -"- ..._---- -
Hais voir aussi Brousse (J. de la.), "La forêt vaincue·
( réc:i:.!.~ de la Cê te d' Ivoiz:~ )" éd. Charles-Lavauzelle, Paris, 1932.
1
Légende_d~~...reine Po}~ou ; 'p"'ériod~s_d_Lla cOI.l.9..~te mi}). taire
1
1
1
du...Ba9-ul ~.
1
1
j
l
1
,
.../ ...

versions et " modulations" historiques apportées aux récits
par la tradition orale, nous avons jugé bon d'éviter la polémique
qui divise historiens, anthropologues, sociologues e~ ethnologues,
pour nous attacher aux seuls faits dont les incidences peuvent
se vérifier dans la musique.
Quand on l'écoute attentivement, on se rend compte
que la musique des Baoulé est un ensemble très riche d'éléments
additionnés, juxtaposés ou mélangés, et l'on s'étonne qu'elle
n'ait pas encore fait l'objet d'une étude musicologique vraiment
approfondie malgré l'existence de nombreux ouvrages dtethnologie
se rapportant à la civilisation Baoulé.
La musique y est souvent décrite comme un objet de
curiosité, voire, parfois comme une forme d'hystérie collective.
On n'a pas cherché à se poser les questions fondamentales
on
.../...

4
"
"
\\1
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n'a pas envisagé la cause avant de se làncer dans une description
"exo tique" de l'effet .. Enfin, faute de pouvoir donner des explica~
tions scientifiques en rapport avec les principes de base de ces
1
1
1
!
i
sociétés, la tendance générale a été de tout simplifier par l'em-
i
t
ploi abusif de termes COIllIJe "improvisa'tion", "spon tanéïté", ou
autres ..
1
l
1t
Nous pensons, quand à nous, que le phénomène musical,
1
ii
Baoulé, tel qu'on peut l'observer et l'analyser, tient sa morpho-
logie actuelle d'une longue expérience, et qu'elle se transforme
dans ses ~~o-structures pour évoluer au contact de tout ce qu'elle
peüt "voir" ou "entendre". Depuis que les origines de la civilisa-
tion
Baoulé sont mieux connues, il n'est plus exagéré de dire que la
musique qui s'y inscrit résulte d'un mélange avec d'autres civili-
sations. Hais notre référence à l'histoire nous oblige à observer
une certaine
prudence. C'est que l'étude des traditions orales
.../ ...

5
comporte des dangers
il est difficile, voire impossible dans
certains cas, de déterminer avec une certitude scientifique, le
moment précis où des événements importants ont été déterminants
dans la formation cul turelle de ce peuple.
Cependant, et c'est ce qui constituera le. fondement de
notre discours,
tous les chefs de tribus et les individus que nous
avons pu consul ter s'accordent quand à la détermination des élé-
ments constitutifs de cette musique. L'analyse qui va suivre se situei
1
i!
d,ans un con texte où de nombreux faits relatés appartiennent au
passé
seuls les dépositaires des rites et des dogmes s'en sou-
viennent encoreD Beaucoup d'autres sont cependant toujours observa-
bles et témoignagaent d'une vie musicale traditionelle encore très
in tense.
"
Notre étude se fonde à la fois "dans le temps et
l'espace" : sur la recherche d'une chronologie des faits, et,
.,
.•. 1.••

6
aprè s un travail" sur le terrain Il •
La musique des Baoulé ne peut se détacher du sol
sur lequel elle est produite, et tient absolument compte des
différents sols qu'elle a traversés avant de se fixer sur un
territoire, à l'intérieur des limites qu'on lui connaît de nos
jourso Nous comprendrons alors pourquoi certains instruments de mu-
sique sont fabriqués avec tel type de bois plutôt qu'avec tel
autre, ainsi que les raisons qui poussent les Baoulé à choi-
sir des endroi~précis pour leurs·activités musicales. Ces
pratiques tiennent compte, sans aucun doute , des facteurs
géographiques; et il est certain que les indigènes recherchent
pour leurs instruments de musiques, ainsi que pour l'exercice
de la voix, une ~sonfance naturelle qui n'est rendue possible,
pour les uns, que par un choix judicieux des matières premières
qu'on trouve sur ces sols, et pour l'autre, par une prise en
.../ ...

7
compte de l'environnement acoustique.
On comprendra aussi que c'est parc~ue les Baoulé
ont connu un important déplacement de populations, qu'il y a eu,
à un moment donné, abandon de certains instruments de musique,
de danses et de chants au profit d'autres, mieux adaptés aux
nouvelles conditions de vie. La faune elle-m~me a joué un rôle
musical de premier ordre dans les représentations symboliques
et mythologiques.
lq-ous constaterons que la musique, en ces lieux, n'est
pas seulement considérée comme un "fait social", mais qu'elle
est aussi le support de tout un système théosophique lié à
"l'univers" des Baoulé.
Les dieux et les Génies ne sont pas loin, ils aiment
la musique; "mais pas n'importe laquelle", nous disait un sage
.../..".

8
Baoulé: ce qui nous amènera à définir les fonctions res-
pectives des diverses musiques, sans oublier la façon dont
elles sont communiquées aux hommes par l'intermédiaire des mat-
tres
initiateurs. Alors, la musique, et tous les autres arts,
se construiront d'après des règles bien précises
règles
établies depuis très longtemps et qui se sont progressivement
mises en place pour atteirldre une forrae qui n'est pas encore
définitive et s'adapte aux conditions - soci8~es~ géographiques,
etC. - sans cesse changeantes.
C'est en effet une question de"forme", qui n'atteint
pas vraiment les fondements m~mes de cette civilisationo En ce
sens, il n'est pas porté atteinte au caractère immuable de la
tradition, car qui dit
"tradition", suppose un ensemble de
réalités déjà bien établies et qu'on n'a pas le droit de changer.
Les modifications éventuelles n'affectent que la surface et ne
••• /0 ••

pénètrent pas vraiment en profondeur. Même s'il ne reste que
quelques initiés pour sauvegarder les bases, ceux-ci gardent
la "foi" et feront tout pour que la relève soit assumée. La
mémoire joue ici un rôle capital, dans la manière dont seront
retransmises les règles primordiales.
-Notre étude, on le voit, s'efforcera - f~t-ce
encore modestement - de pénétrer dans un monde jusque là le
i,
plus souvent fermé à toute investigation de caractère systématique.
!i
t!
,
,
Les difficultés que nous avons pu rencontrer face aux "pouvoirs"
!
1
--
1
,
de l'ésotérisme, nous ont appris à essayer de raisonner à la
i
!
1
!
manière de ceux-là m~mes qui font l'objet de notre étude. l~is
1
1
la méthode de recherche que nous utilisons veut rester claire
avant tout. C'est essentiellement celle d'un musicien qui a vu
et entendu, et qui cherche à répondre aux "questions" que lui
.0./ •..
-.

re
pose cette musique.
Mener à bien une t~che de cette importance
comporte des difficultés ,; c'est pourquoi nous avons fait
appel à des "spéci,alistes" et sommes all~consulter des documents
sérieux, susceptibles de nous aider dans l'élaboration de notre
analyse. Nous avons eu des entretiens avec les dépositaires des
rites et des dogmes Baoulé, et nous soa~es référé,-en vue d'une
comparaison ave c. ce que nous avons vu et en tendu
à la grande
majorité des ouvrages qui font allusion aux civilisations qui
~
(.\\\\-AfRIC4;
c..\\-
'\\1
nous intéressent ici. Le lecteur
notre
tlty~e~à~'a~~~~de
~~ r~~] t~
étude un aperçu bibliographique cdn~e~an~ ~~~odryété Baoulé,
\\\\~"'__~~__/<\\' )t
,
l'
' d '
f
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ce qu~ pourra
a~ er a
appro on
~(J,,",.,_
~r
el\\e~t
...
ce-r~a:spec s de leur vie
économique, sociale et culturelle qui n'auront pas été suffi-
samment développés ici en raison de la vocation plutOt musicale
••• 1•••

II
que s'est donnée notre recherche.
La première partie de cette étude aura pour but,
en quelque sorte;O de nous faire entrer progressivement "dans
la danse", et nous aidera à mieux pénétrer l'univers des
Baoulé.
D'abord; UL~ résumé de leur histoire,
en corré-
lation avec l'énumération des éléments qui. ont contribué à
la formation du système musical. ~suite, une présentation so~
maire des différentes tribus Baoulé, tout en relevant certai-
nes origines fondamentales. Il sera ensuite question d'une
conception du "temps baoul~", accompagnée par un essai de
compréhension du "Doux" et de " l'Amer", et avec cet ensem-
ble de notions nous pénétrerons un peu plus en profondeur
dans l'univers des Baoulé.
e.•• I. -.0
0"

I2
Nous proposerons ensui te une présentation de trois
versions différentes de leur système théosophique, système qui
sera commenté gr~ce aux informations recueillies chez les indigènes
et confrontées à toutes les tribus ( car. chacun donne une version
différente ), ce qui nous permettra d'en dégager les aspects
similaires. De sorte que les informations que nous donnons ici
nt appartiennent en fait à aucune tribu considérée isol émeut. Nous
avons seulement relevé toutes les facettes de leur pensée qui se
recoupent, afin d'en montrer un aspect général dans une interpré-
tation qui résume l'ensemble des croy~ces et des attributions de
pouvoirs faits aux dieux et aux divinités par les Baoulé.
À la fin de cette première partie de notre étude,
nous évoquerons une consultation chez les devins et prophètes, dont
la musique est morphologiquement la même. Nous irons ensuite à
.../...
"
.
,

1
la découverte des "nouveaux troubadours africains" qui, en pays
-
baoulé, tendent de plus en plus à supplanter les devins et prophètes,
, '
: i
en leur opposant des idées nouvelles sur une musique nouvelle,_
il\\.
fi
l'
elle aussi.
Ilil,1
Nous avons donc' cru bon - pour ce qui est de l'énumé-
ration des divinités du système théosophique des 13aoulé - de
décrire-d'abord l'enseElble, en essayant ensuite de faire revivre
les merveilleuses danses auxquelles nous avons assisté.
Ces danses feront l'objet d'une deuxième partie, mais
nous ne nous égarerons pas pour autant dans le riche et trop vaste
répertoire musical des Baoulé. Nous avons choisi, pour notre
illustration, cinq d~~ses parmi les plus représentatives. Il s'agit
du Djè, du QQ!i, du Glaou, trois danses-fétiches qui excluent toute
.../ ...

I4
i1.
f
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i r
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1
,
1
participation féminine, et exclusivement réservées à une élite formée :1i!!:'.'Il
de sages et d'initiés.
1:
", 1
li
,1
ii
fi
Il sera
ensui te question de la danse Aka des femmes,
1:li
"'.t
'
'
li
il
qui, sans avoir un caractère vraiment magique, relègue néanmoins
1;
li
ii:1
les 'hommes au banc des spectateurs.
fi
Enfin, hommes et femmes se retrouvent à l'occasion de
certains rites funéraires, dont l'~~~leur et l'importance dépassent
quelquefois les simples funérailles pour se muer en un gigantesque
déploiement des "forces vives". C'est que la Hort,' en pays baoulé,
devient une occasion pour faire étalage de toute la puissance de ces
forces, et surtout pour marquer leur présence et mon trer leur
appartenance à la Famille Baoulé dont les limites extrêmes sont
à rechercher dans tout le pays.

I5
La danse N'Holo; qui sert en quelque sorte à clore
les funérailles d'une femme, est l'exemple que nous avons choisi
pour illustrer ce phénomène import~~t qu'est la mort pour les
Baoulé. Cela ne veut pas dire que cette danse soit la seule mani-
festation musicale en l'hollileur d'un défunt quelconque. Mais étant
donné le caractère ésotérique de certaines danses comme Adjanou
pour les femmes et Amoui pour les hommes - qui en plus de l'initia-
tion préalable excluent toute participation étrangère ( même des
indigènes) au clan ou à la confrérie -, nous n'avons pas pu
assister à ces danses dont l'écho, néanmoins, nous parvenait chaque
fois qu'elles avaient lieu. Nous étions enfermés avec les non-
initiés dans les cases du village avec interdiction formelle d'en
sortir sous peine de mort. Cependant, nous avons pu obtenir
quelques informations, notamment sur les pratiques de la danse des
• • • / . -oit

femmes Adjanou, lesquelles, parait-il, se mettent entièrement nues
avant dtentrer en transe pour évoluer dans tout le village. Il m'a
été dit que tout homme qu'elles apercevraient, serait immédiatement
mis à mort par ces femmes, d'ordinaire calmes, mais qui, pour
l'occasion:, se muent en de véritables "bêtes féroces" et dont les
cris perçants déchirent le calme de la nuit. Il est regrettable que
de telles.cérémonies restent fe:rmées à toute investigatio::::, ~ç:,r les
chants que nous avons entendus dans le lointain restent à notre
a.vis les
bea.u.:::: d..... réperJ.;oire de la. m..... sique Baoulé.
La troisième et dernière partie de cette étude donne
à l'aide d'ememples essentiellement tirés de la langue, un aperçu
de la phonologie Baoulé mais dans le seul but d'en dégager les "tons"
principauxo Nous avons profité de nos recherches en pays baoulé
pour approfondir nos propres connaissances dans cette langueo
,
·../...
..
.'
.
~
.
. .'
. .....
' .
-
. .
" . '
. ,
.-

17
Cela n'a pas été inutile, m~me pour moi, qui
suis Baoul é.
Au contraire, nous nous sommes rendu compte que la langue joue
un rSle capital dans cette musique, en particulier dans sa
morphologie, et que celui qui ne la comprend pas laisse échapper
dans son analyse un grand nombre de subtilités qui, à notre avis,
donnent encore plus de "piquant" à l'art musical.
C'est en nous consacrant sérieusement à l'é~~de de
cette langue que nous avons appris à déchiffrer ce qu'on appelle
communément des cris ou des exclamatioD8o La musique des Baoulé'"
- - .' - ~ - -
- _ . - - -- ._-. ---- - ---~
regorge d'aatuces empruntées à la langue o A ce propos, les
!1
signes que nous utilisons pour le repérage approximatif des tons
1
1
du langage parlé, sont ceux qu tu tilisen t couramment certains
. -- -"
linguistes et qui semblent, à notre avis, correspondre au
~ouvement général des mots dans la phrase, ainsi qu'à celui des
.../~..
.;., :
:"::.
"

la
monosyllabes; dissyllabes ou trisyllabes, qui entrent dans la
1
i
i
formation même de ces mots. Les quelques exemples tirés du
1-~
li
1:
l'
langage parlé restent simples, mais représentatifs afin que
!:
if
1
le lecteur ne se heurte pas tout de suite au difficile problème
l'
il1
i
des tons
et nous avons cru bon de ne pas trop nous étendre
!I
.i,
ri
l,
1••,
l'
sur cette analyse des tons du langage parlé.
L'ri~~:r,1r,!-I
\\1
l,
, Enfin; nous aborderons
r
'I [
-' '1l,
'1
une analyse comparative des tons du langage pàrlé et des 80ns qui
i'
forment la mélodie chantée. Il s'agit en réalité, d'une étude
-l
sur le ft comportement" des sons musicaux par rapport au comportement
f
, l'
1
i
initial
des tons de la langue elle-mê~e. Nous proposerons alors
f
l'
\\
un type,de transcription "schématique", lequel a p~incipalement
pour but de donner des points de repère dans un ensemble en
mouvement.
Même si ce schématisme ne restitue pas exactement
les durées pour les sons brefs ou tenus, stables ou fluctuants,
"
•.. 1.••
"

19
ainsi que leurs fréquences, il donne cependant un aperçu qui
peu t ne pas être sans u til.i té pour d'autres chercheurs dans ce
domaine.
Nous avons jugé bon de nous limiter à trois exemples
1
progressifs. Nous analyserons d'abord un chant ·monodique.
1
F
[
!
!
Ensuite, trois"airs du Goli" ( avec accompagnement de hochets ),.
,
l
1-
en mettant en évidence une formule rythmique. à un seul élément.
!
l'
1
Enfin, il sera question d'un duo sur xylophone, avec une formule
ri
i
1
rythmique"simple", elle aussi, mais à deux éléments(~.
i
l
1
, [
(1) Dans une précédente étude sur la musique Baoulé, mais
1imitée à celle des Akouè, nous avons examiné un certain
nombre de formules rythmiques, en en précisant chaque fois
les différentes composantes : formule "simple", formée par
juxtaposition dl éléments constitutifs; formule "complexe",
définie par superposition de deux ou plusieurs formules
"simples".
Cf. "Sens et influences des formules rythmiques dans la musique
des Akouè".mémoire de mattrise d'enseignement musique,
Université de Paris VIII, 1976.
• • • /
• • 0
.'
"
,
.

20
Quoi qu'il en soi t, nous ne prétendrons jamais suQsti tuer,"
par le biais de l'analyse et de la transcription, une forme di te
"savante" de conservation de ces musiques, à toutes les autres
formes de transmission que possède déjà la tradition orale. Notre
intention" évidemment, ne se situe pas à ce niveau
pas plus
d'ailleurs qu'à celui d'une. étude utilisant des instruments de mesure
acoustique afin de déterminer avec exactitude les hauteurs de sons
ou de tons, ainsi que leurs durées. Ces instruments, en tout état
, .
t
-
. , '~t4/~'.. d d 't
'
de cause, n eX~sten
pas encore, PU~SqU~t~~:
's~ag~~q~\\\\e e erm~ner
.
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C
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la hauteur et la durée exactes d'une " ~'ul~4t
fif~'\\
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1
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'~"''''
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syll abe que l'on en tend dans une polyphonJJ.en-,v.9Iç~.e·.
En revanche, ces transcriptions voient leur justification
dans la possibHi té qu'elles dOl-:acront de rcnclrrJ n,cccssiblc:3 des
.00/ .••
1,1,'
1
.- ..
-
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~~~~r~4~1~~&~~~!1§;:1~:~}§)~i[~~ïf0§.i~f[f~~~~~fid~~I!>~~{~~~f~~~~c~~t§1;f~ffr1f~~1EJ~~~~~tz~~~~~~{~~~~;~!~1.\\~

·,......-
pas dit, bien s~r; que l'exécution d'une de nos "partitions"
restitue intégralement ces musiques, et surtout recrée les
différentes ambiances que nous avons connues. L' "ambiance" qu;i._
se crée autour de ces musiques reste, elle, intraduisible, car
elle a- lieu à un moment donné, et suivant l'état émotionnel des
gens qui la crée. Nous nous en sommes d'ailleurs rendu compte
lors des séances souvent répétées des Komienfouè ( devins ),
le degré de transe ou de possession n'étant jamais le même pour
des L~vccations du m~me ordre, puisqu!il traduit-l'état
particulier de "réceptivité" dans lequel se trouve chaque fois
le devin ou le prophète.
L'instrumentiste lui-même n'échappe pas à cet état
de choses lorsqu'il cherche à établir une "correspondance"
entre lui-même et son instrument
et, quelquefois, quand il
. ..1•.•

22
'.'
fait vibrer son instrument comme il vibre lui-même. il lui fait
exprimer, à l'aide de Sons qui se comportent un peu à la manière
des tons du langage parlé, tout l'humour qu'il porte en lui.
C'est par ces impondérables, entre autres, et ce.
sera la véritable conclusion de notre étud.e" que se fait le lien
entre les tribus et cantons installés dans la vallée du N'Zi et
du Bandaman, et chez qui la musique peut se subtituer aU
langage parlé habituel - a traverp les rapports des tons aux sons
ct t:::'.:lcluire les pensées les plus subtiles et profonàes qui les'
habi tent'.
.
fol
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FREI\\IIERE
PARTIE
QUELQUES
ASPECTS
REPRESENTATIF3
DE
LI.UNIVERS
DES
BAOULE o

RAPPEL c HISTORIQUE
Comme il cest de coutume chez le Baoulé de forger une
histoire correspondant à ses prétentions, chacun considère que le .
fondateur du lieu où il habite était le personnage le plus puis-
sant de la régiono Ne cherchons pas à découvrir une vérité histo-
rique car, da~s l'état actuel de la recherche, il est impossible
d'écrire avec une certitude scientifique, l'histoire du peuplement
:de la région qu'occupent actuellement les Baoulé.
èependant, les traditions orales font distinguer
quelques grroldes vagUes d'invacioDS.Les récits montrent que les
plus importa~tes furent d'une part, les invasions du Nord et de
l'Ouest jusqu'àu déb~t du XVIIIè siècle, et d'autre part, les
invasions de l'Est à partir du XVIlè siècle.
On peut penser qu'à la fin du XVè siècle, la partie
nord de la région était déjà occupée par les Sénoufo et les Gouro.
Les Sénoufo ( agriculteurs) auraient émigré, attirés parcles
av an tages du climat. Les Gouro ( chasseurs pratiqua:1t la chasse
collective avec de grands filets 9Ù ils rabattaient le gibier à
..• 1..•

l'aide des feux de brousse) auraient eu besoin, pour le faire, de
grands espaces
la savane baoulé giboyeuse leur était tout indiquée.
Les uns et les autres ont laissé des traces dans l'habitat actuel(I).
A l'Ouest, et com.''1le les Gouro, arrivent les I1alinké
mais d~~s Wl but différent. Ils sont comuerçants à part entière et
essaient de se rapprocher du littoral où arrivent les marchandises
européennes. C'est à la suite de la destruction de i'empiredu l'1ali
et sous les coups de boutoir des Songhai et Touareg qu'ils ont été
poussés dans cette migration au XVè siècle(2).
------------------ --
--- ----
-
- --- -- ---
(I) Découverte par (P. Sirven)
de haches de diverses grosseurs en
pierre polie. Ces objets' étaient toujours en surface, ce qui témoigne
de leur utilisation jusqu'à ces derniers siècles. De toute façon, ces
restes archéologiques se rapportent à des peuples différents de ceux
qui occupent la région aujourd'hui.
D'autre part, au nord de la commune de Bouaké, se situe
le marché de Diabo Satama fondé par les
Sénoufo. En outre,
Gbékékro, chefferie de tribu Faafouè
jusqu'à l'arrivée des Français,
a été construit près d'un village Gouro. Enfin, Gossan ( qui veut dire
champ de maïs ) indique une cul ture nouvelle importée d'Amérique au
XYè siècleo~.Aujourd'hui
encore, on appelle par extension, Gossan, les
chefs Faafouè.
(2) A la bataille de Tondibi au nord de Gao, en Avril 159I, plus de
,
.../ ...


25
30.000 hommes furent mis en déroute. C'est à la suite de cet épi-
sode que les Bandé Dioula de Gao vinrent s'installer à Kong. Par
métissage avec les Sénoufo de la région, ils forment les tribus
Djimini et Dj&~ala qui devraient, trois siècles plus tard, jouer
,. ,
un grand r~le dans le peuplement de la commune de Bouaké (Cornevin:
;
Histoire de l'Afrique. Payot. Tome 2, p 285).
r··
~fuis c'est à la fin du XVè siècle que de petits groupes
qui ttent la "Gold Coast" pour traverser la Comoé sous la poussée des
chasseurs d'esclaves. Ainsi, tous les hommes venus de l'Est seront
des fugitifs. En effet, au XVIIè siècle, la traite atteindra toute
son ampleur. Les tribus qui aspirent à l ' exÙusion et à la domination
vont chercher à mL~exer le littoral, afin de rentrer en contact avec
les négriers européens pour s'approvisionner directement en armes
à feu, et aussi pour vendre le produit de leur chasse et les esclaves
sans intermédiaire. Dans ces conditions, les petites tribus sont
obligées de fuir pour ne pas devenir vassales et payer ?n tribut en .
hO!!l..TJes.
C'est donc ainsi que va se mettre en place la majorité
du peuplement baoulé, formé essentiellement d'Allanr~ira et d'Ass~~ou,
• • • /
"

0

26
venus du Ghana actuel, après la destruction des royaumes respectifs
qu'ils avaient constituéS(I:) •
.. ..
" .!...k.~égbi bia sou, a tran a siè ouil " et qui veut
dire
Il
si tu t'asseois sur la chaise d'un chef, tu es assis par
terre Il -
en d'autres termes, il suffit d'un retournement politique
ou économique pour que ceux qui avaient l'habitude de vivre dans l'abon-
dance sé retrouvent dans la misère.
Cette phrase a souvent été di te
par le tambour dans un langage codé, en formules rythmiClues.
Dum~me tambour, nous relevons:
" A klo klo mi oun kpè 0 ti n, qui veut dire
Il
si tu
me provoques, je te couperai la t~te ".
Ainsi, après la défaite de Feyasse, les soldats en fuite
allèrent vers l'Ouest et traversèrent la Comoé, puis le N'Zi. Ils
----------- --~- -------- -,---
(I) Un royaume fut fondé par les Allanguira dans la partie centrale J..l.L
Ghana. Ils avaient développé une remarquable organisation dirigée
par un roi assisté d'une reine mère. La succession héréditaire se
transmettait par la ligne maternelle. Gr~ce à la richesse des mines
aurifères qU'ils possédaient et aux armes à feu qu'ils se procurèrent
..
. .• 1•••

27
auprès des européens, les Allanguira parvinrent à dominer les
peuples voisins. Mais l'un de ces peuples, les Ashanti, installés
au tour de Kumassi, avec leur roi Ossei Tu tu, organisèrent la des-
truction de l'empire Allanguira. Kim Gyalcali, roi des Allanguira,
fut tué à la bataille de Feyasse. Ses troupes se dispersèrent,
l'empire Allanguira n'était plus.
--------
s'installèrent dans les environs de Raviart ( quarante kilometres
au sud de Bouaké) et fondèrent le village de Agba K-eri ( le grand
manioc ), nom dd aux plantations que les fuyards cultivèrent.
Par contre, après sa victoire, Ossei Tutu créa une con-
fédération avec tous les peuples soumis. Ses successeurs ne parvinrent
cependant pas à assumer la relève. C'est ainsi que l'un d'entre eux
fut tué dans une embuscade préparée par les ~ ( tribu vassale des
Ashanti ). Le nombre important de candidats à la succession amen~ le
désordre. Finalemen t, deux partis prirent le dessus
l'un dirigé par
~, l~autre par Opokou Ouaré. Des combats ont lieu et D&co est tué.
Sa -soeur ,i\\bra Pokou, en tant que reine mère, prend la t~ te des troupes.
Mais elle n'est pas de taille à résister à Opokou Ouaré
et s'enfuit vers la Comoé, poursuivie par ses adversaires. Devant la
~

i
i
menace d'invasion et d'esclavage, les habitants des territoires
traversés se joignent à Abra Pokou et traversent ensemble la Comoé(I).
Cette légende nous laisse cependant un témoignage
précieux
celui de la complainte d'une mère qui pleure son enfant
emporté par les Génies du Fleuve.
Exemple l
On dit souvent que les Baoulé sont à la fois proches et
différents des ~ comme peuvent l'~tre des cousins germains. Ainsi,
par exemple, nous relevons dans le deuxième membre de la phrase
chantée, le préfixe i à consonance Agni. Le Baoulé actuel dans son
- ;
parler courm1tt n'emploie pas ce préfixe ; il dira tout simplement:
i
-----_~-._------ -------
(I) La légende pour certains, raconte que les eaux se retirèrent. et
pour d'autres, que la reine sacrifia le fils de sa soeur au génie du
fleuve à la demande du devin que l'on venait de consulter. La légende
ajoute que c'est à la suite du passage du fleuve que les Assabou
.../...
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-
-
-
. "
"--.~ "". ',- •• ,. , .• ,--<
~i\\~rs~~~~~~~1~t~~(f~""':~f~""'!}~~Jf-c*""~~""ff~""'~~'"'·~-':;#f:6~}""
'~~~~~t"::"-j;~il~~~)[~i~~~~~J)~~~~tl~~ff~~~~~~~~~it;~~~0~~~t1Prz~~t~~~t~~~)-~@f,~~~~i!~~fi~~~i~;*

.i
prirent le nom de Baoulé, ce qui veu~ dire
il est bon d'avoir
un enfant, ou : l'enfant est mort.
Blo nigê moti ••• ft
Ce préfixe existe pourtant dans le chmlt baoulé mais
placé une tierce plus haut que le ton suivant
il tient alors
lieu de pronom possessif. Si nous traduisons le deuxième membre
de phrase comme il est chanté dans l'exemple I, cela donne n les
choses de la brousse m'ont tué; par contre si lepréîixe ~ est
un do , cela voudra dire en baoulé contemporain; n nos choses de
la brousse m'ont tué ft.
Le ~ait d'avoir gardé le ton initial est la preuve
que les Baoulé ont été à un moment ou à un autre, probablement
lors du passage du fleuve, alliés, sinon cousins des Agni. Ces
derniers, et nous nous en étonnons, ne revendiquent aucunement
cet air qu'ils laissent volontiers aux Baoulé. Fourtant, le ton
employé pour le chanter les met en cause •
. "

30
Nous connaissons les Agni, et nous savons qu'ils forment un
peuple passif et pacifique à tel point qu'ils n'hésiteraient pas
\\.
à se joindre aux plus forts - tout en gardant leurs traditions -
pour ne pas avoir à disparattre. Par ailleurs, nous savons que
r
i
les populations des territoires traversés se joignirent à Abra
Pokou pour éviter la menace d'invasion et d'esclavage. On comprend
aisément, si l'on maintient ce raisonnement, pourquoi les Agni
forment un n pont ling~istique n entre l'Ashanti et le Baoulé.
Et, si certains d'entre eux ont suivi la reinePokou, i l n'est
pas à exclure que d'autres aient pu cO:lclure une alliance avec
Opokou Ouaré.
Les Baoulé montèrent vers le Nord après être passés
à Tiassal é, laissant derrière eux certaines tribus pour garder
le contact avec la basse-cete. La reine mère vint s'installer vers
I730 à une vingtaine de kilomètres de Bouaké précisément à Hiaflou.
Plus tà~lle partit s'installer à l'Ouest et sa tribu prit le
"
.../ ...

~
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LM~
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nom de Walèbo.
Au XIXè siècle les Baoulé étendent leur emprise sur la
région qu' ils occupent. D'abord par "essaimage" naturel des villages
1
déjà existants et ensuite par les mouvements de populations ~).
Ceci pour des raisons politiques, religieuses, pour
garder la frontière entre les Don et les Fari, parfois pour emp~cher
l'empiètement d'un village voisin sur son vaste terrain. De ce fait
i1
de nombreux hameaux deviendront des villages dont certains disparattronS,;
ne laissant subsister que quelques cases pour garder le cimetière.
Il est à noter que ces déplacements de villages se sont faits à la
suite de guerres, d'incendies ou de morts nombreuses non expliquées.
Une légende relative à l'implantation des Baoulé sur leur
terri toire actuel précise que -la reine Pokou a réparti, d'après des
critères extr~mement précis, les différentes familles de son ethnie
---_._----------- --------------- -- -----
--
(I) Cf De Salveste Harnier, ilLe Peunlernent" -Etudes régionales de
Bouaké - I:1inistère du plan, République de Côte d'Ivoire, Abidjan
I966.
... .1...

32
sur les terres qu'elles occupent encore actuellement. Ces fa.I:l.illes,
d'après la légende, ont en même temps reçu leurs appellations res-
pectives suivant les fonctions qu'elles assumaient au sein même de
la tribu. Ceci étant, reportons nous à la carte qui montre la situa-
tion des tribus et cantons baoulé entre le N'Zi et le Bandaman (voir
.page -suivante) •
QUELQUES ORIGLŒS Iffi~r.E1!TALES,~LATIVESA 1'ETYi:WLOG~~
DES NO~lli DE ;rRIBUS BA~.
Prenons tout d'abord le -Walèbo ( tribu de la reine, donc
noyau de la civilisation baoulé ). Walèbo vient de l'arbre ~ et
bo veut dire "sous": donc walèbo signifie sous le walè. Nous savons
!. .
par ailleurs que c'est toujours sous l'arbres à palabres que se
réunissent les Baoulé. C'est aussi sous ces arbres qu'ils prennent
leurs grandes décisions, le tout arrosé de bon vin de palme, que
complètent la frénésie des dffilses et le roulement des tambours o C'est
donc sous cet arbre que se serait installée la reine mère pour
,
dicter ses ordres aux différentes familles qui l'entouraient.
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34
De Walèbo sont donc nés les Nananfouè
Nanan est un
terme d'adresse, pour désigner le grand-père, la grand-mère, pour
s'adresser à un vieux, à un chef et souvent pour citer les anc~tres.
Fouè désignant l'appartenance, -nous en déduisons que Nananfouè
s'adresse aux parents du Hanan enl'occurence ici, de la reine mère.
Leur situation géographique montre bien que la souveraine a" tenu à
les garder auprès d'elle afin que se perpétue le culte des anc~tres.
Aussi, et par extension, nous retrouvons des mots comme Nandua qui
veut dire: . chasse-mouches ( chassa-mouches fait d'une queue d'animal
ou d'un faisceau d'herbes dures, avec pour fonction essentielle
d'éventer les cadavres, et de représenter un insigne de chef )0 On
retrouve cepend~~t le Nandua comme instrument de simple manipulation
au cours de certaines danses, notamment celles exécutées par les
Komienfouè
devins ).
Godè vient du Baoul é Ko ndè
allez vite, soyez rapides.
Ce terme a du ~tre employé par"la~eine pour inciter les membres de
.../..,;
."
~
...
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0
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tfi@~~1~~~ât

35
!~1
ce tte famille à se dépêcher d'occuper les terres plus au nord
il
1
: i
afin de barrer la route aux Mandé Dioulaqui auraient l'intention'
l '
"
de pousser leurs investigations vers le Sud. Par extension nous
avons aussi Goli, originellement employé pour désigner un arbre
( albizzia zygia )0 Un fétiche a par la suite porté ce nom que
.1
,1
!
l'on donne aussi à des personnes et qui désigne pour finir la
,
!
,.
!-
panthère. Le Goli actuel est une dahse fétiche où l'on inŒte le
cri de la pa~thère. Si nous poüssons plus loin l'analogie, nous
retrouverons le mot Godié pour l'arc musical et ~ qui veut dire
aussi terminer, cOllclür~, terme que nous rencontrons souvent ava~t
les formules suspensives de transition dans les airs du Goli.
Nous pouvons d'ores et déjà retenir ce que la musique
adopte et qui fait partie des racines profondes de cette civili-

sation. Il Y a d'abord la réunion sous l'arbre(I), scène sur
laquelle se déroulent tous les événements, et le Na~d~a, véritable
----------_._._.- -
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--_._._._ .........-._- ... ..
---
(1) La voûte de 1·' arbre permettant aussi une meilleure diffusion
du son.
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36
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1
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objet rituel de la danse.
i
!
1.
Quant au Godè, qui a donné Goli et pour finir Godié,
1
il trouve son origine dans I-es rites et dans la musique des
peuples voisins tels les Gouro pour le Goli, et les }mndé Dioula
1:
du Nord pour le Godié ( arc musical résultant de la manipulation
des arcs de chasse
i.
)0 Les Baoulé, on le sait, ne sont pas des
~ 1
chasseurs professionnels. C'est en général dans le champ et autour
du champ qu'ils guettent le gibier; c'est aussi à l'aide de bouts
de bois bandés en ressort qu'ils tendent des pièges aux agoutis et
aux antilopes. Pour le gros gibier" ils organisent des battues à
l'aide des feux de brousse ( pratique empruntée aux Goura ): là
encore, il s'agit d'un piège tendu à l'animal. On pourrait
cependant supposer que les bouts de bois bandés e~ ressort aient
pu donner l'idée d'un arc ~uGical. Il n'en est rien car les
Baoulé ne nous ont pas habitué à cet art; et les nombreux objets
qu'ils sculptent ou façonnent ne représentent pour ainsi dire
•• 0/•••
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,
37
jamais d'arcs comme nous pouvons en admirer chez les Handé Dioula.
C'est le voisinage de ces populations qui a poussé les Baoulé-ll
adopter cet instrument. D'ailleurs, des métissages se sont
produits et favorisent cet état de chos~ Il nous est arrivé lors
de notre voyage à travers le pays Baoulé, de rencontrer, .ici ou là
des jeunes gens répondrolt aux noms de
Konan Houssa , ou de
Traoré Koffi. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que nous voyions
- ces instruments - qu'ils soient pour la musique ou réservés à la
chasse - passer dans les moeurs des Baoulé.
Akouè vient du mot Kouè qui désigne la hache de guerre.
iIousavons, dans une précéde!lte étude, donné les caractères géné-
raux de la cusique de cette tribu(:r).
Les Faafouè sont communément appelés les gens de la
droite, les bien-aimés. La racine Faa de leur nom signifie
épar-
pillement de tous côtés. Cette tribu ,.a dû errer un peu partout
_._--------_._-----------
-------
(1) cf notre étude: " Sens et Influences des Formules Rythr.:!iques
dans la musique des Akouè "
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38
à l'intérieur du "V" baoulé avant de se fixer définitivement un
peu au Nord-Ouest de Tiassalé. Ils restent en tout cas les bien-
aimés à cause des relations cordiales et sincères qu'ils entre-
tiennent avec les autres. La tolérance et ce caractère conciliant
qu'ils montrent, leurs ont valu ce surnom. Les Faafouè ne
l '
~ 1
présentent rien de particulier, si ce n'est ce maintien de la
tradition qui marque d'ailleurs ostensiblement l'unité entre toutes
ces tribus. De nos jours, il est courant de rencontrer des 1lots
de Faafouè ayant été assimilés aux autres tribus.
Les N'Gban se sont vus appeler ainsi à cause du ver
de Guinée, maladie qu'ils ont contractée en buvant une de ces
eaux malsaines des marigots qui jonchaient le chemin de la
grande migration. Le mot N'Gban a par la suite désigné le front
( que l'on appelait déjà u muan ), symbole du destin, du sort.
Enfin
nous avons le mot H'.ç;ban-yan désignant les grelots portés
aux chevilles pour rythmer la' danse. Ainsi, à la sui te des grelots
~.
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39
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portés aux chevilles nous trouvons des grappes d'objets noués
1
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;
1
l,
autour du corps qui danse
des coques de fruits des débrits d'os,
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1
des perles enfilées, des bâtonnets, voire des clochettes sans
l '
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1
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battant. Le plaisir qu'ils eurent à entendre ces N'Gban-yan les
l' 1
i 1
1 ;
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1
i 1
,
1
poussa certainement à adopter le petit hochet qu'ils ont eu l'oc-
1
casion de voir lors de leur passage dans la région de Grand-Bassam(r-:).,
f
Une abondante documentation serait à réunir sur le

1
1
choix des matières enfermées à l'intérieur àeshochet. Les graines
qui sont introduites dans les calebasses ne sont pa~ choisies au.
hasard
c'est en général les semences de la plante elle-même qui
;.
~.
sont soigneusement remises à l'intérieur du fru~t que l'on a vidé
puis séché.
CI) Hyacin the Hecquard rapporte qu'il entendi t à Grand-Bassam en
janvier 1851 un orchestre dans lequel se trouvaient quatre hommes
" qui battaient la mesure en remuant de, petites calebasses remplies
de graine de coton. n ( Hyacinthe Hecquart : Voyage sur la côte et.
dans l'intérieur de~Afrigue Occidentale, p. 63 ).
,
i1
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40
Le hochet est le principal accessoire .du magicien.
,
,.
C'est l'instrument dont il se sert pour chanter. Les magiciens
f,i'
f!
[1
N'Gbannous disent à ce propos qu'ils sont les seuls à savoir ce
!'
que renfement leurs instruments. Cependant, leur fonction essen-
tielle est de chasser la l!laladie en éloignant les mauvais espri ts CI~).\\,
Bien que vivant à une distance très appréciable les
uns des autres, les IPGban et ces indiens ont quelque affinité.
En effet, le caractère sacré et inviolable du hochet tend de plus
en plus à s'estomper pour faire place au divertissement pur et
simple. Même lorsqu'il est utilisé dans la danse Goli, il perd un
peu de son sacré, étant donné que ceux qui en jouent sont avant
tout des musiciens, plut8t que des magiciens.
.
------ ----
(1) Alfred Métraux nous dit: " Ces hochets sont sacrés et les
magiciens seuls sont autorisés à les manier. Aujourd'hui ces
hochets magiques sont hors d'usage ( dans la mission se Sombre
Negro ). Les indiens les détruisent tous lors de la venue des
missionnaires.
Les calebasses qu'ils emploient pour accompagner les
,
chants moins sacrés que l'on entend lorsqu'on boit la biGre
rtI
.../ ...

d'algarrobo ou lorsqu'on veut honorer un hôte. sont des porongos
dulCes ( owiti ) sans doute une courge comestible. Ils chantent
avec ce hochet le chant nainakorok ( chant de danse pour s'amuser
Ce chant dont la signification est invonnue est d'origine choroti
(~lission Métraux: expédition à Formosa. I933 ).
---- --- - --~ ---------
~ signifie manioo ; c'est aussi le nom d'une tribu
.
r:i
baoulé installée sur les rives du N"Zi. Les Agba sont les spécialis., [:'
tes du ma..Uoc. Ce sont eux qui le cultivent le mieux en se servant
1
du agbalo ( bâton avec une fourche .à l'extrémité pour repousser les
branches quand on débrousse ). Le baoulé. tel qu'il est parlé par
1
1
les Agba. présente quelques particularités. Notons par exemple le
l
fait qu'ils tirent sur les mots, ce qui rallonge considérablement
l,
,i
leurs phrase et donne une impression de lenteur. Cette particularité 1
1
ajoute en outre une certaine musicalité à la langue~ Pourtant,
1
i1
lorsqu'ils se mettent à chanter, ils redeviennent comme les autres
!
et il faut avoir une oreille vraiment exercée pour les indentifier
1
f
1
par le chant.
1
"
N'Zikpli désigne ceux qui ont, d'après la mythologie,
1
.../ ....
i
"
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-
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~..~__._.
. _ '".
..._ ~_.~....;,... .......,-_.._._-_.............,..... _.0.-_.\\
-
.
4~ Il
traversé la grande rivière, ou les eaux fortes
les impétueux.
Le mot N'Zi ( rivière ), est aussi utilisé pour désigner un fleuve
important dont on ignore le nomo Les Bauulé en ont déduit N'Ziè
( offrande faite à la famille du défunt au moment du rassemblement
, ,1
<1
f'
pour les funérailles, un peu avant l'exécution de la danse N'Nolo ).
Il existe aussi un lien entre le nom de cette tribu et le N'Ziwa;
~
variété d'igname comprenant plusieurs sous-espèces. Avec N'Zoliè qui
veut dire
signe, insigne, marque; repère uu signe" d.is tinc tif,
les N'Zikpli nous montrent qu'ils sont de ceux qui ont adopté la
.-
.-_.- -'"
f~te des ignames, pratique d'origine Abron et Abidj,
qui donne
lieu à des cérémonies de magie, de transe ou de possession, à
caractère souvent très spectaculaire. Mise à part cette particula:dté,l,
if.
1.
leur N'ZUen
(moeurs et habitudes ) ne diffèrent pas des autres.
Ils attribuent leur force et leur courage au fait d'avoir traversé
un fleuve mystérieux aux eaux tumultueuses, et qui n'est rien d'autre \\
que le ~ en période de crue.
1
i
;
l,
Katienou vient de Katyè
(savane) par opposition à
i'
l'1

_
.--..:..~...
- ,
.. -" '.:".'-
43
bO(for~t) - et qui veut dire
les habitants de la savane. Cette
"
population est exclusivement rurale et occupe les rives Ouest du
Il
N'Zi. Les cultures pratiquées dans les hautes herbes donl1ent une
variété d'igname que les Baoulé apprécient beaucoup. Il s'agit du
'. Lokpa, importé du Hord chez les Sénoufo et qui réussit dans la
"
savane du Katiénou.
Au sud du Katiénou, nous avons le Bonou ( hommes de la
for~t ) qui, pour leurs danses, se cachent avant de faire leur
r
r
apparition. D'ailleurs b~ - ~ signifie aussi apparaître, sort~r,
1
f,
ou déboucher.
rl
\\
Soundo, vient du préfixe ~ qui veut dire
déffricher,
~!
débrousser, et désigne aussi l'abondance. C'est dans cette région
!11
r
que furent effectués les premiers recrutements de soldats qu'on
1
l
appelait les Sondya ( ou de l'Anglais Soldier ? ). Nous savons que
1
\\
1
.. les travaux forcés sous la colonisation ont été rudes pour ces
i1
,
1:
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- ..,.
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populations. Cependant, c'est toujours en chantant qu'ils exécu-
1
1
!
tèrent ces travaux. Il reste de cette époque, un chant devenu
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Il
célèbre et f~onné par tous les Baoulé. Les paroles sont un
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mélange de Baoulé et de Française
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Exemple II
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cli~ ....... bo ~~ ya.. ya.
On ne sait pas très bien quelle est ltorigine du nom
que portent les Saafouè ; retenons cependant deux versions. La
première vient de la racine ~ qui veut dire stupide, absurde,
futile et sans raison sérieuse. Les Baoulé disent bien 0 sun Saa
( il pleure sans raison) ou Be' ti saa ( ils sont stupides )
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45
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quelquefois Saafouè
1
o
La seconde vient de Safunyren ( autrefois
;
1

combattants d'élite, hommes de première ligne dans une bataille,
~Ir.
li
h
" .
en quelque sorte des héros ). Aujourd'hui, on donne ce nom à ceux'
tl
tl
f
I~
qui sont forts, capables de tâches difficiles~ généralement
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il
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l,
palabreurs, mais à qui on fait appel en cas de coups durs~ Si on
r
-
r
les juge par leur situation géographique, on est tenté d'adopter
rt~
la deuxième version des faits, Car leur proximité du nOyau initial
~.
r-
( le Walèbo ) laisse supposer que la reine mère a tenu à les a.voir
I
1
t
à côté d'elle pour s'en-servir au besoiU.
'.'
\\
1
l,
1
,
'1
Pour finir avec cette vue générale des tribus baoulé
1
1
!
i
établies entre le N'Zi et le Bandaman, nous regroupons quatre
l
r!
,
familles
les Satikran , les 1kQ. , les Fari et les Pepressou. ns
ont en effet un point commun
celui d' avoir.~adopté, du fait de
leur proximité avec les Sénoufo, des rites et coutumes inconnus
chez la plupart des Baoulé. Ainsi, vers la fin de la première partie

.../.. ~
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46.
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1
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du XIXè siècle, on assis te à une véritable ruée, provoquée par
i'
1
ri
If
la découverte au sud du pays baoulé, des mines d'or de Kokumbo.
h
Il
il
Les jeunes y vont tenter leur chance et fondent des villages près
1:
1:
f1
I!
dés zones d'extraction. Ce mouvement de populations entraine un
1:11ri
changement..dans 11 économie du pays baoulé
le commerce s·.intensifie, ilr~~..
les rapp.orts économiques se transforment entre le Nord et le Sud..
!~
Le Nord, qui dominait jusque là, va perdre de son importance au
profit du·sud.
Cependant, cet affaiblissement du Nord ne sera que
passager car le commerce des esclaves va rétablir la balance en sa
faveur. Vers 1865, une troupe venue du Nigéria oùvre des relations
commerciales intenses avec Bouaké et le Nord. Les Haoussa sont
descendus jusqu'à Tiassalé pour échanger des esclaves contre du sel;
de l'or et des pagnes. Les esclaves· vendus seront uniquement des
Sénoufo, des D4imini, des Dj~~~.Plus tard, Samory
intensi-
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47
fiera ce commerce[I).
(I)
Samory, d'origine Halinké, né près de Kankan en Hau-œe Guinée,
il
11
voulait constituer un empire musulman dans la lignée des grands
<1
i:
il
empires de Sokoto, du Hacina et de l'empire Toucouleur de g
Hadj
il
Qmar. C'est ainsi qu'il pénètre en C6te d'Ivoire et qu'en I893, il
Il
fixe sa nouvelle capitale à Dabakala ( 50 Km au sud de Kong ).
1·1
Il
Il se fait des amis et alliés parmi les Mandé d'Odiéné et entre en
li
contact avec les Haoussa de Harabadiassa. Ces derniers lui
conseillent de ne pas envahir le pays baoulé bien organisé, bien
Il:~.
1·.1
armé, et qui, d'autre. part, pourra lui servir de débouché pour les
1:
1
1
nombreux captifs qu'il prend dans son avancée vers l'Est.
f
Samory entre donc en contact avec les Baoulé du Nord
1
1
( Satikran, Bro,Fari et ~ssou ) - plus tard avec les Faafouè
1:,
----~-- -
-
et les Walèbo - et c'est ce qui explique l'utilisation par les
i.
1
Baoulé d'instruments de_musique comme le tambour d'aissell~, et la
pratique de l'excision des filles qui voit aussi l'utilisation par-
les femmes d'un tambour avec trois ou quatre
pieds montés sur un
socle.
H' HL! lE KLIN
LE TAHBOJR DES FEHHES
Le tambour des femmes, importé du pays Mandé, est
essentiellement lié à la pratique de l'excision des filles. Cette
pratique a cependant été stoppée au Nord et n'a pas gagné le Centre
;
.../...
_.

..: .. -.".- '--.'
48
ni le Sud à cause de la vive opposition qui a été faite à la
,
ii
pénétration de l'Islam. En pays baoulé, les tambours sont d'ordi-
IIIlilli
naire réservés aux hommes. Les femmes utilisent les h9chets, les
iii\\11.
sonnailles et des bouts de bois pour rythmer leurs danses. Seules
!.j
r
les tribus du Hord connaissent l'utilisation du tambour par les
,
femmes. Il s'agit, après une retrait~ d'un mois en brousse, de.
faire une sortie . sOlennelle qui est l'occasion d'une grande fête
pend~~t laquelle une femme bat un tambour. Ce tambour a trois ou
quatre pieds qui reposent sur une" plate-forme circulaire, le tout
sculpté dans un même socle de bois. Il existe des tambours à deux
pieds reliés par des croisillons formant ainsi un socle. La hauteur
de ces tambours est de cemt vingt centimètres environ, le diamètre
de trente centimè.tres. On ne joue que d'un seul tambour à. la fois,
, i
avec les mains. Quand plusieurs de ces femmes savent battre
le
tambour, elles se relaient
les autres secouent des hochets et.
sonnailles tout en dansant et 9hantant· CI.:).
---~._-_..•---_. - -
(I) A Allokoukro, la société initiatique féminine du.Dô a encore
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49
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des adeptes. Tous les ans, il y a quatre à dix nouvelles initiées.
\\
L'initiation consiste en une longue retraite qui se termine par
l'excision et de grandes fêtes. Cette coutume est encore très
1
vivace. En 1968, nous avons assisté à la fête de sortie dans le
1~
vill age des n'ouvelles initiées. Il Y en avait six : une fillette'
1
de neuf ans, une femme mariée à un ouvrier, une autre mariée à un
l
cultivateur et trois jeunes femmes célibataires dont deux anciennes
1:Il
1-
ouvrières qui se sont fait renvoyer de l'usine de Gonfreville pour
I!
leur manque d'exactitude.Oes femmes rentraient dans la société du Dô li
.
" ;
q
afin que le fétiche leur donne la chance de trouver un autre emploi
li
il
en ville. Ce désir de forcer la chance, le succè~, la richesse, a
li
i
poussé le village à acheter le fétiche de Tétékpan dont la case se
l'
t ~i
dresse à proximité du village dans la forêt. Ce nouveau fétiche a
1
l
coûté 200.000 Frs CFA, qui ont été payés sur trois ans, en nature-
1
et en espèces.
1
BE FE l .A. O~UE r-u::: KLO
ÂPPOTITS DE L~ETRlliIGER
Le "frottement n avec les populations du nord et
l'apparition à un moment donné des Haoussa peut donc, dans une
certaine mesure, expliquer l'introduction du tambour d'aisselle-
que les Baoulé appellent Lon'ga et dont ils se servent pour
rassembler la population, un peu à la manière des griots }~inké
et Bambara.
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52
Il semble d'autre part, que ce frottement paci-
fique ait favorisé l'implantation des métallophanes (cloches,
sonnailles et grelots)". Ces intruments de musiques sont essen--,
tiellement en fer;: ce qui témoigne de leur utilisation dans
les régions du
Nord (les Sénoufo et les I~inké étant des for-
gerons de métier)o Les Baoulé par contre sont plut6t portés
','.
vers l'orfèvrerie et le trava.il du bois; Ce qui fait que la
manière de jouer de ces instruments se rapproche davanta.ge
de'la morphologie des échelles de hauteurs que les Baoulé
utilisent. Citons en exemple~ les cloches de fer qui produi-
sent en général deux sons; en étoüffant avec la paume de la
main, puis en relâchant. Entre le son libre et le son étouffé
il Y a un intervalle de tierce.
• • • • -
1
Pour ce qui est du xylophone (ou aJBmloJ, il s'agit
d'une imitation du balafon des Sénoufo, mais sans calebazses
"

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53
pour la résonance, et comportant un nombre moins important
de lamelles de bois. En outre, la face cachée de ces lamelles
,,1
présente ici une éraflure qui permet de "creuser" davantage
1
le son en les disposanj; sur deux petits troncs d'arbre. Remar-
1
1
!
quons aussi l'adaptation de cet instrument aux habitudes de
1
l'homme de la for~t. Enfin· la répartition des lamelles.de bois
. fai t "chevaucher" deux types de tierces: une mâle (grav'e) et
.p
1
une femelles (aiguë'). ce système de résonance permet au Baoulé
d'utiliser la voûte farestière comme amplificateur du son qu'il
produi t. Et même quand il est joué au village, le d,jomlo
obli----
ge
le Baoulé à recréer un milieu acoustique favorable à la
propagation du son. C'est la raison pour laquelle il est' pla-
cé dans l'Aoulo, sorte de concession entourée par un nombre
. variable de cases.
Il peut être aussi joué sur deux troncs de bananiers .
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54
les
lames étant séparées par des chevilles.; (c'est
le cas du Kundung du Nigéria), oU encore frappé aux
extrémités des lames comme on peut le voir faire pour
le Kponimbo à treize lames de la République Centra-
fricaine. Dans l'un ou l'autre des cas, les exécutants
r.,
s'installent
face à face pour jouer sur le m~me ins-
trumento
;,
,-
D'autre part, le lieu choisi pour en jouer - soit
,-
1
!.
que les BaoUlé se trouvent en for~t, ou qu'ils placent l'ins-
trument dans l'aoulo - fait que le son se propage mais varie
suivant la nature de l'ouverture pâr où il arrive. Aussi, en
for~t claire, la quantité d'énergie sonore qui passe à travers
les arbres ( à cause de leur espacement) est indépendante de
la ~réquence et devient proportionnelle à la surface de l'ou-
vertureo Au village ce milieu acoustique se retrouve dans
l'aoulo, lequel présente un espacement des cases semblable à
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1
1
l'entrebaill~ment de plusieurs portes et fen~tres.
1
1
r
l,
li
l,
En conséquence, le niveau "physiologique" (I) des
sons transmis ( sons de f~équences et d'intensités moyennes)
" .
décroître lentement avec la surface de l'ouverture. Par
contre, si le niveau physiologique du son transmis décro1t
beaucoup plus vite, c'est que la fréquence est basse. Enfin,
~ ,
1:'
,
la décroissance du niveau physiologique est d'autant plus
1
.,
rapide que le niveau initial est plus faible.
Ceci explique le fait que les Baoulé jouent de cet
instrument avec une intensité moyenne, laquelle permet un
ame~uisement du son ( la diffusion se fait sous les arbres
ou entre les cases) aû fur et à mesure qu'on s'éloigne du son
ini tial,.
( I) "Physiologique" dans un sens strictement acoustique, c'est-
à-dire dans la réalité blobale que présente le son à travers ses
,
i
r'i
"
:
••• J••
."

56
divers paramètres ( fréquence, durée, intensité, timbre,etco ).
Cela expliquerait aussi peut-être pourquoi l'émission
du. son - qu'il soit de nature vocale ou instrumentale - se
produi t toujours sur un deéQ'.:é moyen ( émission nnaturell~n de
la voix à laquelle les instruments s'accordent) et sans tirer
i
i
,1
vers le hau t ni vers le bas
presqu'à la limite de l'élasticité
!.
,
des cordes vocales
comme nous pouvons le constater, par
exemple, dans les régions plus ou moins islamisées d'Afrique
.... , ..
Noire ( Sénégal, Niger, etco ).
Les harpes ( simples ou doubles ) arrivent elles
aussi du Nord. Le seul instrument de cette famille que nous avons
pu rencontrer chez les Baoul é est le Godié ( arc musical ). n
se compose d'un arc tendu ( en bois) et d'un bout de bois
.../ ...

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1
1
1
!
1
1
[
auxiliaire qui sert à étouffer le son. Nous avons pu remarquer;;
lors de notre passage dans les régions habitées par les ~fulinké,
que les griots se servent de ces instruments légers, avec un
nombre consta~t de cordes, qu'ils pincent en se déplaçant de
cases en cases pour dicter un message au peuple.
Les Baoulé ont donc adapté ce mode d'expression à
leur "langage musical". l'tais ils n'ont pas tenu compte de la
!
j.
rigueur organologique. Ils ont, dans leur ioitation, traduit
leur tempérament fait de variabilité et d'une inconstance pres-
que ri tuelles
le nombre de cordes tendues sur les harpes
reflète bien cet état de chos~ Notons aussi que ces derniers,
au contact des commerçants du Nord, ont eu besoin, pour la
publici té de leurs marchandises; et aussi pour les messages
qu'ils avaient à transmettre, d'utiliser ces harpes qui vont du
simple au double, mais avec to~jours un nombre variable de
..
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.....
. 58
de cordes.
Les sifflets aQtuels so~t de provenance occidentale.
Mais autrefois ils les fabriquaien.t eux-mêmes avec des tiges de
roseaU, ce qui les range dans la grande famille des flûtes.
Rarement utilisées, celles-Qi se classen.t en deux groupes
les
,
l'
fl~tes anciennes en os d'animaux et les fl~tes actuelles en tige
Il
l,
i'
1
i,
de roseau. Les Baoulé ont cependant conservé la forme de l'os et
j'
!
1
!i
n'ont fait que percer des trous, dans un, fémur par exemple pour
en élargir la sO:tJ,orité (I).
(r) "Symbole phallique, là encore oomme l'est peut être déjà
l'os à l'in~érieur duquel s'~ferme la flûte primitive. Et, plus
essentiellement, symbole de la vie, conduit du souffle et de
l'âme"o Schaeffner ( André.) Origi_ne des instr'llIT.l~ts de. musique,'
é~. Mouton, Paris 19620
;
.../...
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53
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60
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LE DOUX ET L'Al1ER
f
l,
f
Le souffle et l'âme sont deux symboles importants
lti
dans la musique des Baoulé. Nous trouvons, d'une part, son expli-
~
li
cation dans la diaphonie en tierces ,parallèles, et, d'autre part,
Il
l!
li
par cette manie qu'ont les musiciens de se partager toujours en
li
Ill""
deux groupes pour exécuter leurs différents rythmes.
"
'1
1'1
ri
f
Ce "dualisme", cette façon de concevoir les choses
1:
!i
i
i
par paires, nous le retrouvons dans les sentiments secrets des
Baoulé
il s'agit de faire la distinction entre ce qui est "DOUX"
e t ce qui est II AMER" •
On dira par exemple qu'une chanson est "douce" ou
que quelqu'un à la voix "amère"J ceci, pour plaisantero Les
Baoulé ont l'habitude d'~tre souriants et détendus. Pourtant,',
ce ne sont pas les motifs de tristesse qui manquent
la faim,
•.• 1•• •.
w'
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6I
la maladie, la crainte des fétiches et surtout la mort sont
omniprésents pour rappeller que ce peuple connaît, autant qu'un
aU tre, les vicissitudes de la vie. Halgré cela," il y a toujours
de la joie au village
les éclats de rire des jeunes sur la
place, le sourire de la vieille qui file le co ton, le chant de
l'adulte qui manie la machette, etc.
Le "DOUX" cependant s'apprécie dans la bouche
( fè 0 bé noua.l1 nou ) . I l n'y a donc pas un "bien" abs trait qu'on
conçoit et vers lequel on court. 1e bonheur est ce qui est
palpable et donc expérimentable im~édiatement. Un proverbe
baoulé nous dit
" 1e singe affirme que ce qui ne se trouve pas
dans sa gueule ne lui appartient pas encore" ; ce n'est donc pas
du "doux", et pour le comprendre, il nous faut entrer dans une
1
!i'
notion de temps qui est très différente de celle des occidentaux.
o • • 1•. 0

"
.!

... -~ ~-
~..
.-..~_.,&.,_.._.• ~
_ --.~.~ •._- _..- •. - .•.•._.--....,..._. __ .~~-~---_ _._.- '.- --.,,-..,,..:.,-
_
---._.
62
1e temps est pour l'occidental, un avoir,
,
1
quelque chose de bien distinct et en dehors de nous. On dit
1
1
1\\
fi
souvent, "le temps c'est de l'argent", ou
"se réserver du
lil'li
temps, avoir le;;emps, économiser le temps, c'est du temps perdu,
l'
li1.il
etc." 1e bonheur ici, est lié à ce temps dont on dépend •. De plus,

If
li
,.'
. "
l'occidental fait très bien la distinction entre les trois
temps
passé, présent, futur, tout en pensant que le passé est
un avoir et qutil vit continuellemellt dans' le futur à cause de
'c ...
ses programmes et ses prévisions. Pour lui, le bonheur nécessite
i
une préparation car il n'est jamais pour aujourd'hui. Enfin, le
[
i!r
christianisme ajoute qu'il faut vivre dans l'espérance et que
!
le bonheur se trouve dans l'au-delà.
j:
"
il,j;
Le Baoul é ne considère pas le temps comm.e .un avoir ;
c'est au contraire quelque chose qui colle à lui, qu'il vit.
C'est la raison pour laquelle il a toujours le temps pour lui

63
puisque le temps fait partie de lui-même,il lui suffit de vivre
pleinement l'instant où il se trouve.
L'important, c'est le présent. Le passé comme
quantité n'a aucune valeur. L'avenir n'existe pas. Quand 'nous
sommes malades, nous. pensons à tout ce que nous avons pu souffrir
au cours des nuits précédentes
nous nous imaginons encore
"
alités pour des nuits et des nuits
ce futur augmente, en
quelque sorte, la souffrance. Le Baoulé par contre souffre moins
il1
parcequ'il ne porte que la douleur de la minute présente.
1
li
Les Baoulé partent quelque fois en forêt couper du
1
1
ii
bois pour leurs besoins domestiques
si à leur retour ils
1
1
s'aperçoivent qu'il leur en manque un certain nombre, ils repartent
\\
1
1
1
.../...

.-'•• ..::...
l'
64
en pleine forme, joyeux, les femmes chantant et battant des
mains.
On ne peut donc pas parler d'absolu, de définitif.
H~me An a.l1gaman , dieu supr~me du panthéon baoul é, et qui dure
éternellement ( dans le passé, le présent et le futur ), n'est
pas du domaine des hommes. C'est que pour le Baoulé, tout est
relatif, m~me la religion. Le fétichisme réussit aujourd'hui,
mais si demain on s'aperçoit qu'une autre religion donne des
résultats surprenants, on ira l'essayer. De même, si un génie
protecteur ne donne plus entièrement sàtisfaction, on jettera la
statuette dans la brousse car aucun engagement pour la vie n'a
été pris.
Aussi, le caractère irrévocable d'une décision n'est
,
•• •.f • ••
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65
pas chose courante chez les Baoulé. Ils peuvent abandonner un
auquel ils tenaient avec beaucoup de facilité, sans que pour
autant leur orgueil en soit affecté. Le "yaki" est une puissante
supplication qui aboutit presque toujours
il suffit qu'un
médiateur se présente après un jugement longuement délibéré par
les anciens pour en modifier la décision.
r
L
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Î.
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En musique, il n'y a jamais de répétitions au sens
où nous la concevons. D'ailleurs ce terme relève ùe
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l'introspection .
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1
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.f:
et ne convient pas à cette conception du temps baoulé, étant
!
donné son caractère subjectif. Ici, la répétition tient lieu de
représentation et vice versa. Nous nous souvenons avoir assisté
à une scène dans les coulisses de la R.T.I. ( Radiodiffusion
Télévision Ivoirienne) où, pour le passage en direct d'une
_. . .1. . 0

66
émission télévisée, il s'agissait de faire faire une répétition
générale à un groupe de danseurs et musiciens Baoulé. Le
réalisateur de l'émission a pris soin de placer les hommes un
quart d'heure avant le début de l'émission en leur demandant de
faire un essai. Ces derniers ont entamé leur danse et leurs chants
sans tenir compte du temps qui passait. En défini tive, et vu qu til
était devenu impossible de. les arr~ter pour passer le générique;
les org~~isate~rs se virent obligés d~ confondre le tout. Là
danse, elle, s'est poursuivie tard dans la nuit sur l'esplanade
de la télévision, et longtemps après l'extinction des feux sur
le plateau des artistes.
Comprendre cette mentalité musicale revient à une
sorte d'acceptation des habitudes qui Itaccompagnent. La méthode
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67
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pédagogique pour l' appren tissage des structures musicales classiques l!
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occidentales se base sur l'exercice, sur la répétition. On dit
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toujours d'un orchestre qu'il "répète". Le mot répétition, pris_
dans ce contexte, n'existe pas dans la langue baoulé. L'improvisa-
~;
~;.
tion au sens large n'est pas admise non. plus. Il existe seulement
une série de règles à observer pour pouvoir se conduire comme il
faut lors de l'exécution d'une pièce.
On voit souvent des élèves occidentaux studieux et
appliqués étudier Mozart, par exemple, ou Bach, pendant de très
longues années pour ne devenir que des interprètes plus ou moins
bons d'un style qui n'est pas vraiment le leuro Ceux-là ont pris
l'habitude de penser "comme X". Ils peuvent arriver, à force de
persévérance et de travail, à restituer un aspect du personnage
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68
_mais ne deviendront jamais Mozart. Le Bàoulé, par contre,
s'élève au moyen de son imagination au-dessus de la tradition
et la transcende. LiArt trouve ici un sens particulier, n'étant
soumis à aucune contrainteo De ce fait, le conservatoire est
une institution qui, à notre avis, affaiblit l'esprit de
créativité. En ce sens, on ne devrait pas, après avoir permis
1 "écou te, obliger l'élève à faire attention à ce que ses sensibles
montent aux toniques ou que ses quintes ne se suivent pas.
C'est parcequ'il faut que la chose se réalise tout
de suite, que le Baoulé demande à son élève de ne. pas trop y
réfléchir. A ce propos, "suivons le rythme" et nous nous
rendrons compte que l'entrée dans la danse se fait selon le
tempérament de chacun, tous étant à la recherche du ou des
.../...

69
i:l'i'
éléments qui apporteront originalité et nouveauté. C'est ainsi
que se construit la musiq~e baoulé. Il y a bien s~r la formule
rythmique traditionnelle, qui est fondamentale; mais au stade
ultime ( parfois celui de la transe ), elle n'est souvenf
"
qu'implicite et n'apparatt pas nécessairement au cours de l'exé-
cution. Cette formule reviendra pour la fin,
quand les clameurs
r
internes se seront tues et que "l'esprit" des exécutants, après
1-
avoir plané très haut dans une autre forme de réel, sera
redescendu sur terre.
i-
l
Il Y a une part importante de mystère; mais ce fait
nous importe peu, car "le vrai mystère disent les Baoulé, comporte_
- !f:
toujours un chemin caché et c'est ce chemin qui conduit à son
élucidation" •
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- 70
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1
\\
1
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La plupart des peuples dits primitifs nous enseignent
que pour arriver à une certaine fonne dt irréel, il faut faire
Usage de drogues hallucinogènes. Les Yanomami par exemple, perdus
dans le for~t entre le Brésil et le Vénézuela absorbent de grandes
quan ti tés d'ébène hallucinogène
drogue dure qui provoque des
haut-le-coeur et des vomissements suivis de terribles maux de
t~te. Et puis n'allons pas si loin, la société occidentale
comporte elle aussi des individus qui se droguent à-l 'héroine,
s'tupéfiant dérivé de la morphine. Ces Yanomami et ces héroinomanes
dans leur état second connaissent, pour le Baoulé, le goût de ce
qui est "amer" Car ils planent certes, mais ne vivent pas
pleinement leur instant présent, qu'ils détruisent au contraire.
Les Baoulé n'ont donc pas besoin de drogues pour
vivre leur vie; ils n'en ont pas besoin non plus pour réaliser
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1
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l'unité et la cohésion. C'est qu'il s'agit, au moment de
l'exécution de toute musique, de coller le plus possible
"à l'autre"
divinité ou clano Il ne s'agit pas, non plus, de"
décomposer, d'analyser ou de classer
la musique dans sa
véracité ne doit pas être séparée du reste de la vie par une
frontière.
r-
I
!
prenons un exemple
~n musicien est entrain d'exécuter' l
1
i
une pièce
je lui demande : d'où vient cette musique? Il me
répond "qu'elle vient de lui". Pour éviter toute confusion, je
réclame une precision
est-ce une musique qui sort de ton
ventre? (1 ). Il me répond
linon". je lui déclare alors
ce
(1 ) Le Baoulé dit "ventre" pour désigner tout ce qui est en lui,
même les choses les plus abstraites.
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72
n'est donc pas toi qui la crée. Il réplique que "ce n'est pas
une musique qui sort de son ventre mais qu'il en est l'auteur".
La logique voudrait que l'on fasse la distinction
entre une création et une interprétation. Ce sont deux réalités
distinctes, bien que complémentaires. Mais pour le Baoulé, les
deux notions se "chevauchent" l'une l'autre •
.
-.. '
Un autre exenple. Lors de l'apparition du grand
masque, l'assemblée tout entière marque une sorte de recueillement
pour saluer l'esprit qui est dedans. Le rythme de la musique
change
on m'explique alors que c'est l'esprit qui exécute
celui-ci pour mieux se sentir parmi nous. Je réplique aussitôt:
vous voyez bien que des musiciens sont en pleine action avec des
hochets, des tambours, etc. Onime répond
les musiciens sont là
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73
mais c'est l'esprit qui joue. Pour le Baoulé, ces deux choses
sont vraies à la fois et il n'y voit aucune contradiction.
La difficulté vient, d'une part, du flou dans lequel
le Baoulé vit et qu'il entretient, et, d'autre part, de la
lumière que l'occidental tient à projeter sur tout ce qu'il voit
ou entendo Il faudrait peut ~tre que le Baoulé vise à plus de
clarté, et que l'occidental, lui, reconnaisse qu'il n'y a pas
simplement le jour et la nuit, mais qu'il existe aussi un
i
1
1
. ir
"crépuscule", qui tient des deux, sans frontières définies.
1:
1
1
f
L'occidental a besoin d'union dans sa vie de tous les
!
jours et chaque chose se déroule dans un temps donné et dans un
lieu précis. Il faut par surcro!t qu'il se situe par rapport aux
autres, qu'il se distingue de ceux-ci, qu'il ne ae noie pas dans
..
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l
>.
74
la grande masse,etc.
~
Le Baoulé aussi a besoin d'union ; mais il aime le
f
!.
1l
1
mélange, le flou, le mystère. Il ne cherche pas à trancher, à
i,
1
!
séparer, à ~tre clair ou précis. il a peur de l'isolement.
!
~.
Solitude est pour lui synonyme de mal, donc "amer". Le solitaire,
c'est le sorcier
rien d'étonnant à ce que nous voyions ce
dernier vivre souvent en marge de la société.
. '~-.
C'est donc parcequ'il a peur qu'il s'entoure d'in-
nombrables forces mystérieuses
l'eau, le rocher, les arbres,
les plantes, et un grand nombre d'objets qu'il sculpte ou façonne.
N'oublions pas cette puissante action psychologique
augures,
,
-
!
confessions, incantations et rites qui sont, & un très haut degré,
des tranquilisants efficaces et étonnants.
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CONVOCATION DE LA TERRE
1
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Les dieux ne sqnt pas loin, le Baoulé ne peut pas
1
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I
faire un pas sans les rencontrer. En traversant un ruiseau par
r
1
!
exemple, il ralentit pour "invoquer" cette eau. Devant une
f
Î"
,
colline ou un bosquet, il refait la même chose. Ainsi plongé-
L-
I
dans la divinité, il est en même temps collé à l'univers. La
terre, par exemplet est une personne qui écoute ce que disent les
hommes pour le répéter ensuite aux morts
elle participe à la
vie du village. Quand un homme meurt, elle s'attriste et ne produit
plus. Il faut alors lui offrir un animal en sacrifice pour la
consoler.
A ce propos, encore un exemple., ,
Il peut arriver qu'un jour deux personnes se
,
querrellent au champ. A la ~3Uite de la dispute i l y a coups et
. .1.,.•
,"

i
blessures; le sang coule ; la terre est offensée. Les deux
coupables reviennent au village et se gardent bien de raconter
leur aventure. Le temps passe. Mais un jour, le fils de l'un
d'eux tombe malade. On multiplie les offrandes aux différents
fétiches ( ~,Djè, Dibi, Goli, etc. ), mais le mal empire. Le
père se résigne à aller consulter le devin. Celui-ci revêt des
vêtements liturgiques ( pagne blanc, chapeau à cauris, bracelets,
, .... ;
anneaux aux pieds, queue de vache à la main, etc. ), et se
dirige vers la place du village
la danse commence.
Les invocations sont d'abord calmes et répétées, puis
.. -
la cadence s'accélère. Son corps est alors secoué de saccades, les
anneaux tintent, il tourne sur lui-même de plus en plus vite. Le
fétiche s'est emparé de lui et lui révèle le secret. Quand l'homme
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77
revient à lui,
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ilvcalme et complètement détendu, ce qui veut
dire que son -"Wai'1è" (âme), qui était allé très loin chez les
dieux, est de retour. C'~st alors qu'il prononce l'oracle:
"Il Y a eu querelle entre deux hommes, le sang a
coulé, Terre est entrain de se venger en tuant l'enfant. Pour le
sauver, il faut lui offrir un cabri en sacrifice ".
~
,. ... "".
Les coupab~es se désignent aussitôt et le lendemain
le village est convoqué. On se frotte de kaolin et tous partent
vers le champ, sur les lieux de l'offense.
On appelle d'abord la terre. Ce rôle revient aux
,
!
Akoto, sortes d'acolytes qui accompagnent les rois dans leurs
!.
déplacements en chantant leurs louanges et qui utilisent à cet
o •• / • • •
"
."

78
effet des instruments de musique tels que le tambour, la
Kokowa (I ), les hochets.
Les fétiches et les génies sont très sensibles à la
musique et charmés par ce son
ils viennent au lieu de
ras semblemen t.
Alors les coupables se prosternent et se confessent
publiquement. L'assemblée n'hésite pas à leur demander d'élever
la voix - s'ils ne parlent pas assez fort - pour que la terre
les entende. Enfin, ils promettent de ne plus recommencer. Pour
cela ils se frottent les lèvres contre le sol, à plusieurs reprises
en disant "Hi nouan n'zuen n'zuen", ce qui veut dire'
"je ne
ferai plus jamais cela, je le jure, ma bouche dans la cendre".
( I) La KOkoi'la est une cloche sans battants à qui l'on
confie l'exécution des formul~s rythmiques simples.
• • • / . e .•

79
On peut dès lors procéder au sacrifice. ~fuis il faut
d'abord connaitre les dispositions du fétiche. Terre va-t-elle
accepter le cabri qu'on lui offre? Pour le savoir, le féticheur
égorge un poulet, lui ouvre le ventre et examine dans les entrailles
les parties sexuelles
si elles sont blanches, c'est que le
fétiche est d'accord
si elles sont noires, c'est qu'il refuse,
- et alors il faudra recommencer l'expérience jusq~'à ce qu'il
accepte.
Mais il Y a un autre rite qui plait aux divinités
autant que le sang des victimes
c'est la danse. Le rythme des
voix et des corps les apaise, les charme. Djè, par exemple, est
une danse de séduction masculine à l'intention des dieux et des
fétiches, et que les fe~~es n'ont pas le droit de voir sous peine
.../...

80
~.,
de mort.
~,I-
PRINCIPALES DIVINI TES DU SYSTE~'1E THEOSOPH.I.QUE DES B~OU~.
I-
1
Le Baoulé fait preuve d'une discrétion telle qu'il
en arrive, en enfonçant la houe dans le sol, à présenter ses
excuses à la terre • ..Avant· de boire, il fait tomber quelques
gouttes de vin de palme sur le sol, invitant ainSi firmament,
terre et ancêtres à venir boire avec lui. La maladie elle-même
est un messager quCil faut respecter
et la variole, pour n~
;
.fr·
ci ter que ce cas, es t appel ée n jolie maladie". Quand elle fai t
une victime, on déclare discrètement que "quelqu'un s'est
retourné sur lui-même"" i l faut en parler poliment pour ne pas
la brusquer et lui permettre de partir sans qu'elle cause d'autres
maux"
,
1
1
;1 .
!
.../...

81
La pensée du Baoulé est pénétrée de cet univers de
signifiants et de symboles. Pour traduire sa joie, il vous dira
"mon coeur est tombé dans de l'eau froide li. On retrouve sans
cesse des paraboles adroitement parsemées dans les conversations.
Témoin cette question souvent posée à quelqu'un avec qui on s'est
associé
tlcet arbre que nous avons planté ensemble, où en sont
les fruits ?tI Notons que ce vocabulaire concret et imagé atteint
des idées très générales ou universelles. Et, sur des proverbes.
et des contes - souvent adaptés à une pensée profonde - les Baoulé
ont construit une philosophie qui en vaut bien d'autres.
tlA 0 fouè 0 ton man Do n ( l'étranger n'offense pas le
fétiche Do
Ce fétiche a tellement d'interdits qu'on excuse l'étranger
de ne pas tous les conna1tre. Mais s'il ne se renseigne pas bien
•.•. 1• ••
1
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82
!'
auprès des villageois avant d'entrer dans la danse, il risque
parfois de s'en repentir~
L'occidental porte souvent un jugement de valeur sur
les choses et les événements suivant des arguments, des preuves
ou des raisonnements. Pour les Baoulé au contraire, il ne s'agit
pas"d'y" voir clair". C'est d'ailleurs une des raisons pour
lesquelles il est difficile de do~~er une composition définitive
à leur système théosophique.
a) Schéma hiérarC:!!.~.sluil_initiaJ. du pa.l1théon baoulé.d'après
Delafosse et .Kjersmeier
Alouroua
(créateur de l'univers, dieu suprême; incréé et unique)
t
Gou
(demi-dieu : souffle créateur)
triade de grélIld~
N"yam~
1
~sassi-oua
divinités mineures:
(dieu du ciel)A~.'
(fils divin)
l
sSJ.e
Kouamnambo(génie ~ téÏaire __
( déesse de la terre)
de l'agriculture)
première épouse de
2 - Zamlé (antilope à cornes·
Nyamien
longues)
3 - Frété ( antilope à cornes
,
c6ur~es)
-
4
Gbokro koffi (hyène),etc.
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83
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Ago
( seconde épouse de Nyamien )
( fils premier-né de Nyamien et
1
1
d'Ago ; président des funérailles,
1
,
conducteur des âmes,' facteur de
r
supériorité masculine)
\\
1
( second fils de Nyamien
î
et d'Ago ; protecteur
des justes et ~ourrnenteur
lies méchants dans l ' au-
delà ).
b) Etat actuel du système théosophi~baoulé ( toujours d'après
Delafosse et Kjersmeier )
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Adoudoua
1
1
( dieu créateur, unique ) ('1 )
1
~/
Uyamien'
Assiè
( dieu du ciel ) ( déesse de la terre )
1
L
génération humaine
I- Tanou ( déesse des eaux )
( peuple baoul é )
2- Bo-Oussou ( déesse de la brousse)
di vini tés mineures ( en ti tés imwa térielles) :,
l - Do (animal fabuleux figuré par un
m3sque, emprunté aux populations
voisines du Nord).
. .1~ . ·

L
,
. i
\\ :
! '
i
i'
1
2- Djè (principe m~e: Djè yassoua,
figuré par un masque à cornes
mul tiples).
3- Goli ( masque représentant le
léopard) •
1
4- Sakara (divinité chthonienne

protectrice ).
1
1
i
5- Ndyadan (Il grand seigneurn , divinité
zoomorphe président à un
culte important ).
6- Aboya ( ou m'bla mou nandwa kwassi,
divinité anthropomorphe
exorcis te ).
7- Gbékré ( ou nbotoumbo, divinité
cynocéphale ).
8- Gbokro Kofi ( figuration d'hyène
anthropomorphe),etc o
( 1.) D'après certaines versions ( p.ex, d'après celle qui nous
vient de la région de Bimbokro ), jdoudoua aurait été aidé,
pandant l'oeuvre de création, d'un dieu mineur, Anangaman.
Voici à présent le schéma du système théosophique
Baoulé, tel qu'il nous a été présenté par Kouassi Blé, chef de la
,
••• 1-• •• "
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85
tribu des Fari, résidant à Konan Kankro.
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1-'
1
i
Moudoua
t,-
An ang aman
1
1
Nyamien
(Firmament, dieu du ciel)
1
r
.
:
Assiè
déesse de la terre)
blole bien
sta tuettes
blolo
( 1. )
blolo ble
Le peuple B~oulé
oumyen
Assiè-Oussou
génies de la terre)
\\
i
1
J
1
Amoui
1
1
1
!
a) :grandes s tatue s
b) grands masques
c) petits masques très no~breux.
(~) Blolo bi~et Blolo bla sont des conjoints mystiques .
-- ,
... 1•.•
... .-_.. ~.~. "'-'" --

4 ' 4 '
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, . _ . . . . . ,
• • ~. _ _

_
• • •
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Les sacrifices les plus coûteux sont ceux des
funérailles des chefs, ou bien ceux qui sont réservés aux Amoui.
Les Amoui sont des forces individuelles ou collectives, repr6-
sentées par les grands masques ou les grandesstatues,qualifiéee
ainsi par oppositiàn aux statuettes et aux petits masques. Les
grands masques comme Djè, Do, Goli, forment des sociétés secrètes.
Ils sont tous d'origine étrangère aux Baoulé. Le premier vient
..... _ ....
des populaticns Sénoufo, le second
la région de Kong, le
troisième des populations voisines de l'Ouest.
En théorie, les Baoulé accordent la prèmière place
à Anangam~, créateur et grand Im!tre. Toutes les tribus que
nous avons visitées s'accordent à lui do~~er les plus hauts
titres. C'est une puissance iQmatérielle qui porte aussi le nom
••• /0 ••
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87
de la vo~te céleste, mais ~ue les Baoulé distinguent très bien
de ce bleu du firmament ~ue nous voyons au-dessus de nos t~tes.
Pour expli~uer cela, les vieux Eaoulé prennent en comparaison des
statuettes. " Quand tu adores une statuette, tu vois le bois, mais
i
{
Î
le génie qui est dedans
f.
tu ne le vois pas ; ainsi, tu vois le
l1:f
ciel, mais celui ~ui l'habite personne ne L'a jamais vu
1
ft.
1
1
Pour cette raison, aucun signe, aucun objet taillé
l
ne représen te l'image de firmamen t. " On ne sai t pas à quoi n ".. -_.
t
;.
J.:
ressemble" disent-ils, c'est pour~uoi on lui donne le nom de
i
.11.,.
i
i
1
Ap.angaman, ~ui veut dire J seul, immuable. i l en a toujours été:
1
1
t!
ainsi et personne n'a pu avoir la moindre action sur lui. La
i
1
i
I-
terre peut être détériorée. On peut aussi exciter la fureur des
fl
i
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génies, mais Anangaman, ;lui~ reste· hors "de portée humaine. Les
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autres divinités font l'objet de propriétés individuelles ou
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i
collectives; on les achète, ou on en hérite. Mais Anangaman ne
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se déplace pas
il est partout, voit tout, il est immense et
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impénétrable comme la grande forêt. Sa distance et son immensité
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i
le coupent des homwes. C'est pourquoi le Baoulé s'élève désespé-
f
'1
rément sur la pointe des pieds pour lui 'tendre son poUlet en
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1
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sacrifice.
1
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La Terre par contre est un fétiche que'l'onpossède,
1
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1
1
que l'on transmet à ses héritiers. On peut la convoquer ou lui
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fixer un rendez-vous ( Bé-taka ), soit dans la cour, soit au
1
j
!
champ, etc.
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1
1
Si théoriquement les Baoulé accordent la première
place à Firmament, créa teur et grand maî tre, i l nous semble qu'en
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fai t, dans la vie de tous les jours, c'est le cul te des ancêtres
qui constitue l'élément primordial de la religion baoulé. Pour
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expliquer ce culte, les Baoulé disent ceci :Crà caté du monde_
f,
i
\\
- !
matériel subsiste un monde d'esprits-fétiches, de génies,forces
1
j.
1
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invisibles qui le doublent. Ainsi, à caté du monde hum~n, il y
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i
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i
1
a le monde des ancêtres qui lui donne vie et
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force. Prenons en
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t
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exemple une plante
le gombo. Il désigne deux choses
la plante
et la puissance cachée dàn.s la plante. Le Baoulé adore le gombo ;
il construit une hutte miniature sous laquelle il sèmera quelques
graines. Et là il viendra de temps en temps sacrifier un poulet
pour s'attirer les faveurs de ce fétiche. Le gombo germe, forme
une tige, puis des fruits qui m~rissent, et tombent à terre
pendant que les feuilles sèchent, les nouveaux grains germent à
leur tour et le circuit recomménce. A quoi s'adresse le sacrifice
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du Baoulé ? S~rement pas à des graines, à des feuilles, ou à de
l'herbe comue on peut souvent le penser. Mais derrière cette tige
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1
i
1
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ou ces feuilles qui passent, et au-dessus de tout ce qui pourrit,
1
i!i
il Y a la force mystérieuse qu'on ne voit pas, cachée dans le
1
gombo, qui le fait pousser sans doute.
Ainsi, à' côté, derrière ou au-dessus du monde des
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, ,
hommes qui naissent, grandissent et meurent, il y a la vie
un
1
l,
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monde mystérieux d'OÙ sort la vie et où va la vie. Nous sommes·
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1
1
là, en présence d'une réali té transcenda:a te au monde biologique,
1
l,
1
1
inaccessible à la mort en tant que celle-ci est un phénomène
1
1
1
!
,
biologique. Alors, à côté des vies qui commencent et qui finissent,
i
j,
1
l
comme les feuilles du gombo, il y a la vraie Vie, une puissance
f"
cachée détenue par les ancêtres.
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1
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i
1.
Ce monde mystérieux qui double le nôtre, on l'appelle
1
Blolo, ou encore le village de la vérité. De ce monde sort la vie:

1
1
tout bébé qui naît sur terre vient de ce blolo et, après un séjour
1
1
,
plus ou moins long dans notre monde, repartira pour ce pays. Ce
if·1
lir,
n'est donc pas le séjour des morts.
,
k
,
'.
 sa naissance, un jeune Baoul é, dénommé par exemple
Kouadio, venait directement du blolo
on lui a adjoint un corps
et un double (wawè). Mais tant qu'il n'a pas l'âge de raison il
reste ce qu'il était là-bas, c'est à dire un petit ancêtre
( oum;ven kan ). Durant toute cette période il reste en relation
avec .les autres ancêtres et converse avec eux. A sa mort il
- f
(
1
redeviendra ancêtre. On peut alors se poser la question suivante
!
!
qui va au blolo ? La réponse du Baoulé s'avère très simple: n ce
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n'est pas le corps, ce n'est pas non plus le double, mais c'est
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..
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t,
Kouadio lui-même, ce Kouadio qui existait déjà avant d'avoir ce
corps et ce "wawè"_
Le blolo n'est pas un lieu fixe; nous n'avons jamais
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vu quelqu'un faire un geste pour montrer un endroit précis en
J.
l'
!
parlant du séjour des ancêtres. Ce qui est certain c'est qu'il
l,
1
1
1
ne se trouve pas au cimetière. Nous avons vu le peu d'empressement
i1i
que l'on a à accompagner le mort à sa tombe; ce lieu est
1:
l,
1
• f
1
abandonné systématiquement. En définitive, les morts sont là, au
1
!1
viII age, dans l a cour, au champ
on leur parle continuellement,
1
1
1
i
!
!
on les appelle au besoin, on leur. raconte tout. De ce fait,
i
1
1
!
l'homme de la terre reste toujours en relation avec son pays
1
1
i
1
1
d'origine. l i garde son caractère, ce tempérament qu'on ne peut
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pas changer, parcequ'il a été façonné par des habitudes prises
autrefois au pays des ancêtres. En outre, il y a des amis, une
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1
i-
l
épouse, des frères qu'on a laissés là-bas €t
qu'il ne faut pas
1

1
1
1
oublier; on fabrique à cet effet de petites statuettes repré-
sen tan t une mère, un époux, un ami qu'on avai t au viII age de la
vérité et on offre des sacrifices devant ces statuettes pour
apaiser ces gens qui nous a ttenden t dans l' au-delà.
r·,
i
1
Les statuettes sont presque toutes en bois. On
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1:
l'
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rèmarque en tre autres que les mains sont plaquées sur le ventre;
"1
r
1
1
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ce qui entra1ne un léger rétrécissement des épauleso l i y a dans'
I~
1
cette façon de sculpter un alliage de réalisme et de symbolisme,
1
1
1:
avec une observation précise dG la nature reconstruite et stylisée.
i
!
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1
La transition entre les différents volumes géométriques( le cou,
1
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le tronc, les jambes ployées) donne à l'oeuvré un élan de majesté.
Le front est large et en forme de croissant; le menton assez
pointu se termine par une barbe véritable ( pour les statuettes
masculines) et tressée, rappela~t celle des pharaons. Les yeux
restent à demi-fermés et la bouche, immobile, ce qui do~~e une
impression de-calme solennel. Les coiffures sont variées et souvent
i
bouffantes; mais chaque mèche est gravée et aucun trait ne se
r
1
recoupe. De ce fait, le musicien qui exécute une oeuvre en l'honneur
i
du Oumyen trouve, en quelque sorte, }' inspira tion dans le modèle
:
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l'
1
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sculpté qu'il a en. face de lui. Il "improvise" donc sur des données
i~.,
précises et vise à atteindre un certain degré de perfection,
t
i
1
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l'exemple ayant été donné par le sculpteur en insistant. sur le
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polissage parfait des surfaces pour faire disparaître toute trace
de ciseau •. Il peut arriver que certaines statuettes présentent un
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aspect écailleux
cela est tout simplement dû à la patine
sacrificielle.
Les génies de la terre (Assiè Oussou ) sont des êtres
qui peuvent revêtir une forme humaine ( dans ce cas n'importe qui
peut les voir ). On les rencontre de préférence dans les bosquets,
près des ruisseaux ou sur les collines. Ils vivent toujours en
société, en villages. Ils sont ser~és, se marient et se reproduisent.
Les Baoul é disent qu t ils sont toujours hideux : pe ti ts ou géants,-
bossus, difformes. Certains cependant sont de purs esprits (wawè) ;
il n'y a que les voyants qui, au moment où ils entrent en transe,
peuvent établir le contact et parler avec eux.
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1:
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Parmi ces génies, certains sont bons et aiment les
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hommes. Quand on les rencontre, ila demandent des nouvelles du
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96
vill age, voua offrent à manger, vous invi ten t à danser avec eux ;
ils demandent même parfois à venir habiter au village des hommes
( Klo Assiè Oussou ). Un voyant nous disait un jour.: "j'ai vu
un génie qui t'aimep i l te suit, i l veut vivre avec toi; fais
lui faire une statuette et tu l'adoreras". Alors le sculpteur se
': "
met au travail et réalise un petit chef-d'oeuvre. Les statuettes
sont toujours d'une grande beauté parce que, disent les Baoulé,
"quand un enfant naît dans la famille il ressemble à la statuette".
Par contre, les masques que l'on sculpte pour
représenter les fétiches sont toujours horribles, et inspirent
la t~r~euro Encore un exemple : pour faire un compliment à un
joli garçon ou à une belle femme, on dira
" 0 ti kl aman kè
..::vT-=ax:=.:'..:..::a::......:s:::.:r=-an:::=--=-~a:-:'·~Ta;:::n:.:-..::.b.;:é;.....=:sè li" ( à lev0 i r ,on lepren drai t pour
une statuette ). Tandis que pour insulter quelqu'un, on lance:
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97
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Il
a ti kanhi kè djè sa !" ( tu es vilain comme un masque ).
Une fois terminée. la statuette est placée dans un
coin de la case. On met devant elle un petit godet de terre dans
lequel on déposera chaque soir un peu de nourriture en offrande.
1-:
Quelque temps après, ce génie sera rejoint par une compagne, ou
un compagnon, car' ils ne peuvent pas vivre en ·célibataires. Il
l'j
arrive cependant que le génie préf~re épouser les humains
i l
!i11Lj
restera seul. mais il réclamera une nuit par semaine à son ou à
\\!.
r'
.1.
sa fidèle.
Ce dernier. chaque fois qu'il s'adresse à son génie
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ii
protecteur, commence par un chant monodique qulil<rimprovise~ Ses
i
1
f
1
invocations sont d'abord calmes et répétées. i l peut arriver que
L
!
quelqu'un se joigne à lui. Le chant devient alors diaphonique (et
en tierces parallèles) comme il est d'usage chez les Baoulé.
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Certaines tribus baoulé, notamment les Akouè, prétendent qu'il
se crée
dans le cas OÙ l'individu arrive à établir une
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1
i,
i
correspondance entre le génie et lui - un champ de forces autour
1
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1
de la statuette, qui ~ep~onge dans une espèce de transe; il
i
f
l,-
1
r
peut alors, sans pour autant posséder auparavant un don quelconque
t
de divination, prononcer des oracles co~cernant toute la familleo
1
1
1
1
Quand cela à lieu, tous se regroupent autour de la statuette et
i
1
1
demanden t, chacun à son-tour, que le prophète du moment leur
i
1
f
\\
dise " la bonne (ou la mauvaise ) aventure n.
f
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1
1
i
~~is il n'y a pas que les bons génies
il Y a aussi
1
1
i
ceux qui refusent de venir au village (blo assiè oussou). Ces
1
- i
i!
derniers sont mauvais et n'aiment pas les hommes
ils ont pour
1
f
1
fonction essentielle de faire du mal, de tuer les gens.
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1
Les Amoui - qu' on nomme aussi "fétiches" - sont des
forces mystérieuses qui servent d'intermédiaires entre le démon
et les'hommes. Ils connaissent les agissements du démon et
avertissent les hommes dans le but de les protéger. Ce fétiche est
donc un instrument précieux, mais c'est aussi un instrument à
'double tranchant à cause de son caractère difficile et de sa
fréquen tation du démon. Les Amoui sont craints parce qu' ils peuvent
tuer ou sauver, suivant ce qu'on leur donne en cadeau. Les Baoulé
matérialisent ces fétiches en plaçant des poteries sur des bouts
de bois fourchus à l'entrée du logis.
Pour se protéger contre les mauvais génies, il y a
1\\.,
d'abord les grandes statues puis les grands masques, "remèdes",
disent les Baoulé, envoyés par Nyamien.
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Les grandes statues forment avec le Klin-kpli
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( grand tambour) et le Klin-sin ( moyen tambour ). de précieux
1
1
1
1
I-
I-
1
objets d'intercession à qui on offre des sacrifices très importants
i
f
1;
f
qui peuvent aller jusqu'à un ou plusieurs boeufs. Le grand tambour
1
r.i
f-
( qui a plus de deux mètres de haut) fait l'objet d'un culte
sp écial. n a, en plus de la fonction d'intercession, celle de
- représenter la vie des ancêtres. C'est pourquoi il est de rigueur
de prendre certaines précautions et quitter ses chaussures aVant
de s'en approcher. Si celui qui le tient penché avait le malheur
de le faire tomber, autrefois, il avait la tête immédiatement
coupée en punition de sa faute~ Aujourd'hui, on se contente de
lui inciser légèrement le lobe de l'oreille pour faire -couler un
peu de sang 8ur l'instrument.
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Le sculpteur, pour ce qui est du tambour ou de la
grande statue, accorde une place importante à la représentation
humaine. Dans le premier cas, celui du grand tambour, des figurines
sont exécutées en relief sur le flanc de l'instrument tout en
créant une ambiance propre à ce qu'on veut représenter. L'envoyé
de la puissance supr~me ést encore ici symbolisé avec une observation
_ précise de la nature reconstruite et stylisée. Dans le second cas,
nous obserVons une amplijication de la technique déjà utilisée pour
les statuettes
les proportions se rapprochant beaucoup plus de
la grandeur nature.
Les masques de danse, par contre, allient les détails
l
zoomorphes et anthropomorphes - le but visé ét~~t la représentation
!
des forces de la nature - et se différencient selon leur significatio~
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Notons simplement que certains de ces masques représentent un
visage humain, ovale, épuré de tout caractère racial et aux
proportions très académiques. ils sont quelquefois minces et
délicats, ce qui contraste avec la couche de peinture épaisse qui
les recouvre et les cornes d'antilopes qui surmontent_parfois le
front haut. D'antres sont lunaires, leur disque plat et clair
!
t
1
comporte deux globes saillants pour les yeux avec une bouche
1
i
1
rectangulaire. ils semblent issus d'une imagination abstraite.
1
i
i
Enfin, il est souvent représenté une t~te d'animal ( inspiré du
1
...
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1
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~uffle ou de l'antilope ) avec les cornes amples e.t la gueule
1
1
1
ouverte
on y remarque, en plus de la gueule sanglante, une
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Î

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opposition de couleurs violentes, un.caractère massif et des
angles durs.
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Le sculpteur arrive ici à exprimer une agressivité
joyeuse ou mystérieuse, toujours saisissante, avec pour .intention
i
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de donner un visage à des fOrcese
1
1
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I(l4
! ,
DEVINS ET PROPH ETES
La danse est aujourd'hui pour le Baoulé un divertissement
pur et simple. Celles exécutées pour congédier le mauvais sort
s'estompent peu à peu à cause, peut-~tre, des conjonctures actuelles
qui font que les Baoulé, lorsqu'ils se trouvent mal, ontdavantage
tendance à s'adresser aux services nationaux de la Santé qu'à leurs
devins et prmphètes. Ces derQiers, il faut l'avouer, manquent
maintenant d'efficaoité à cause du caractère un peu superficiel de
leur initiation, du peu d'expérience qu'ils ont à manipuler les plante~
1
1
i
:
et aussi de leur nombre saAs cesse oroissant qui dévalue
i
i"
1
considérablement leur profession.
Les sorciers (Baéfouè) sont les représentants de l'esprit"
i.
1 -
du
mal ; conscients ou inconscients,
oes personnes
érigent
1
!",
... .
.
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"
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l!
en jeteurs de mauvais sorts, et causent de nombreux malheurs. C'est
pour lutter contre ces serviteurs du diable que les devins, prophètes
et féticheurs exercent leur science. On leur donne des noms dif-
férents;' suivant le mode de divination qu'ils emploient. Retenons
l
il
f
trois catégories importantes
le
Gbeuk:réfouè
l
J
le N.' Goi:manfou,i,
i
et enfin le Devin àla calebasse.
-Le Gbeukréfouè (1I1'homme aux souris") se sert d'une boîte sphérique
en bois sculpté et divisé en deux parties communiquant par un ou
deux trous. Les souris peuvent ainsi aller rapidement d'un étage
à l'autre mais n'arrivent pas à sortir à cause du couvercle qui les
en emp~che. Le tout est complété par deux plaquettes de cuivre qui
permettent le jeu libre de plusieurs b~tonnets fixés en leur centre. _
Le devin, pour son tour, saupoudre les plaquettes de son de riz et
les place au premier étage de la~bo!te. Les souris affamées montent
..../...
, .
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ii
1
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il
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rapidement et font bouger les b~tonnets qui ont chacun une
signification précise: c'est en observant la position de ces
bâtonnets q~e le devin répond aux questions du consultant.
Le N'Goimanfouè (Ill'homme aux lacets") se place dèvant une pëau
i

i
l'
~'"
1
d'antilope étendue, et a en main un nombre variable de lanières de
i
1.
cuir qu'il tient aux deux extrémités. Chaque lanière se différencie
des autres par l'objet sYmbolique fixé en son milieu. Le devin agite
les lanières en les faisant claquer sur l'ext,érieui' de la peau.
I l tire enfin quelques lacets au hasard et donne sa réponse d'après
la signification de chacun d'eux.
Le Devin à la calebasse
possède, lui, un récipient à moitié plein
d'eau, qu'il agite. Suivant les rides et le mouvement de l'cau, il
prédit l'avenir ou décèle l'origine des malheurs.
;
...1•.•
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• • _ ....- .. ., _ . _ ._
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1:
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1
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Ces techniques, qui relèvent de la géomancie, font
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Il1
1:
de ces devins des travailleurs rémunérés, lesquels d'ailleurs,
I~
1
ordonnent souvent tel ou tel sacrifice en plus du co~t de la
1
l,1
1
consultation. Par contre le Komienfouè-prophète nous rappelant dans
i
i!i
1.·
J"
une certaine mesure ceux de l'Ancien Tcstament-.donne des avertis-
~.
r
sements au peuple, et joue en outre un raIe de guérisseur et
. d'exorciste pour les cas de folie.
Ce qui est de plus en pl~ demandé aux fétiches, c'est
qu'ils aident à forcer la chance et qu'ils assurent la fortune de
leurs protégés. Si les sacrifices n'ont pas d'effets palpables, la
tendance générale est de rechercher de nouveaux moyens. Ainsi,
depuis quelques années, nous voyons apparaître dans le pays Baoulé
i
L
;
des cultes fétichistes, tels Tétékpan et Tigali, achetés à des
i
i
1
r
l
villages pour des prix souvent exorbitants. En revanche, très peu
L
1
.../...
1
f

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/ '
108
de Baoulé s'adonnent au christianisme,
considéré comme la religion
des Blancs et qui, de surcroît, ne permet pas de vivre l'instant
présent •.
(
0
..
;.
DEVIN A LA
)
(
VILLAGE
GBEUKREFOUE
N' GOI1·1Al'TFOUE
. CALEt:.BASSE
)
f
0
0
KONAN KANKRO
l
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Réparti tian des devins dans les villages et ha"'J.eaux de la co:nmune
de Bouaké ..
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des
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des renrnes
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IPLangouk
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Pour la même commune
répartition des grandes statues et des grands
mas gues dans les villa@s
D'autre part, nous avons rencontré chez les habitants
de Konankankro 20 %de sculpteurs, 30 %de tisserands et ro %
d'orfèvres. A Allokoukro, seulement 5 % de tisserands. A Attienkro,
ro %de sculpteurs et 40 ~.~ de tisserands. A Kanankro, 50,~ de
tisserands. Ces pourcentages sont en baisse considérable au profit
de l'artisanat moderne (maçonnerie et menuiserie). A titre indicatif,
et pour les mêmes localités, nouS avons à Konankankro 30 % de
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menuisiers et 10 %de maçons
à Allokoukro 50 %de maçons et
de menuisiers. A Attienkro 40 ~; de maçons et 10
Enfin, 45 %de maçons et 13 %de menuisiers pour Konankankro
ceci pour une population active masculine de plus de 15 ans.
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115
Encore quelques mots sur les devins et prophètes
Pour en revenir
aux devins et prophètes, et sur un
plan musical cette fois,' écoutons "N'gOiman", chanson dans laquelle
un devin répondant au nom de Kanga, nous décrit une consul tation ( 1) 0
Con trairemen t aux au tre sn' go ïma.."lfouè, Kanga innove
en quelque sorte cet art en lui donnant un caractère exclusivement
musical. Tout ce qu'il va dire à son ou ses interlocuteurs est con-
tenu dans son chant. Les gestes qui jadis avaient une part importante
de mysticisme, voien t,main tenan t leur insertion dans la danseo La
musique attire les foules et redonne un nouveau souffle à cette
pratique qui a tendance à
s'estomper. L'astuce n'est,pas mal trouvée,
---.....--...-,----._.- ------
( I) Nous n'avons malheureusement pas eu la chance d'assister à
une véritable séance de divination. Néanmoins, le devin a bien
voulu se pr~ter au jeu en simulant le tout. Saluons ici son
"fairplay" ••• Voir bande ci-jointe.
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II4
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1
et c'est par ce biais que Kanga et bien d'autres arrivent à
reconquérir un public qu'ils avaient perdu. Même s'ils n'y croient
plus tellement, les gens y vont cependant pour se divertir, et
peut-être par nostalgie des temps anciens, "bien que l'on soit
toujours à la recherche du bonheur (au présent) dans cette partie
du monde.
Alors se forme autour du devin ~~ cercle de gens qui
ont une requête à présenter, ou encore d'accompagnateurs qui trouvent
l'occasion de montrer leurs talents de musiciens. Ainsi peut
commencer une espèce de cérémonie liturgique en l'honneur de la
,
musique, beaucoup plus que d'autre chose. Nous avons en effet
constaté que lorsqu'un des accompagnateurs accomplit mal son devoir.
l'assistance envoie chercher quelqu'un de plus qualifié et ne voit
aucun inconvénient à ce que la sëance soit suspendue ou remise au
~~. '.
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Il5
ii.1,i
lendemain
c'est dire que le plus important est le plaisir que
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l'on prend à écouter cette Qusique. L'aspect rituel est systéDa-
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1
1
tiquement relégué au second plan, ce qui prouve bien que la
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1
i,
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divination, loin de conserver l'audience qu'elle avait, perd au
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il
1
!
1
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contraire de sa crédibilité au profit de la musique et pour la
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beauté de l'art. Il n'en reste pas moins que ces devins gardent
la tête sur les épaules et arrivent, d'une manière ou d'une. autre,
à se faire rétribuer
soit en nature - quand ils sont reçus
comme des princes, c'est-à-dire logés et nourris aux frais d~
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chef de l'aoulo d'accueil - soit en espèces, pour le cas où ils
t1
!
auraient été invités à se produire et après avoir pris soin de
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i
1
1
i
fixer un taux de rétribution.
1
1
Nous avons remarqué que l'ensemble vocal (soliste et
choeur) présente, en comparaison de ce qui se faisait autrefois,
une légère différence au point de vue de la forme générale:
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l'organisation Îormelle se présente sous forme d'une alternance
de couplets et de refraims. Au départ le devin chante le refraim,
qui sera repris par le choeur, avant d'entonner les coupletso La
différence vient du fait que la phrase chantée en solo par le
devin a tendance à se rapprocher davantage d'un réci tatif qué ·.d 'unë '.
véritable mélodie. La raison en est fort simple
ce chant
comporte, pour commercer, une série de proverbes et d'allusions
qui disent des choses profondes et sensées, afin de montrer à
l'assemblée l'érudition du devin o Cette entrée en matière, ainsi
que tout ce qu'il va dire, sont pour lui d'une importance capitale.
C'est là-dessus qu'on le juge, et sévèrement. Il ne lui est donc pas
permis de commettre des erreurs. L'homme occidental a souvent
l'habitude de modérer ses sentiments, de porter un jugement
atténué qui ne reflète en rien ce qu'il pense vraiment. Le Baoulé
au contraire, loin d'endosser des gants, se plaît souvent -
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II7
lorsqu'il juge une oeuvre d'art - à dire tout haut ce qu'il
devrait peut-être garder pour lui. Et lorsqu'un devin ne montre
pas un savoir approfondi dans un ordre de connaissances, il
provoque des contestations qui le troublent à tel point qu'il.en
p~rd son assurance. Ce genre de choses, quand il. se produ~t, ne
manque pas d'avoir un certain écho qui se répand dans la brousse,
de villages en villages, et peut nuire considérablement à la
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réputation decelüi qui l'endosse. Les conséquences sont telles
que le devin se trouve alors obligé de changer de village et de
métier pour se faire oublier.
Après cette introduction qùi est en quelque sorte la
présentation de sa "carte de visite", le devin procède, toujours
au moyen du récitatif, à une série de questions- qui trouveront
leurs réponses dans le refraim qu'exécute le choeur. Ces questions
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II8
portent en général sur la santé des gens, sur leurs habitudes, et
les invite à se confier entièrement à l'investigateur. Cette phrase
s'appelle en Baoulé
Djassin ti lè , ce qui veut dire
"demander
les nouvelles". Là encore, l a musique elle-même se plie aux exigences
de ia coutume. Le Djassin ti lè est un fondement'du langage des
l
Baoulé. Quand on leur rend visi te, ils se préoccup~nt d'abord de
vous mettre à l'aise ( hébergement, libation en gage d'amitié) et
'vous demandent ensuite adroitement ce que vous avez fait avant votre
arrivée. Ce n'est pas par crainte d'avoir à héberger de mauvaises
gens et d'en subir les conséquences
au contraire, ils se soucient
peu de ce qui arrivera demain. Pour l'heure, une confiance totale
est accordée à celui qu'on reçoit. La question
i è sien 10 ? Qui-
veut dire
Il
qu'est-ce que tu as laissé derrière toi ?", nécéssite
certes une réponse, mais celle-ci n'a aucune importance et ne
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changera en rien leur volonté de vous accueillir favorablement.
On peut m~me leur dire qu'on est un criminel qui cherche refuge
ils se mettront alors en devoir de vous cacher pour vous permettre
d'échapper à vos poursuivants. 'Le moment venu, ils vous laisseront
partir en vous remerciant de votre visite. Par contre, si vous
l
r
manquez à vos devoirs envers eux - c'est-à-dire aux règles les p~~
simples de la norale - vous risquez dG subir de terribles châtiments.
Nous avons assis té à un
règlement de comptes qui avu
i
f,
la mort de deux étrangers Mossi, venus s'installer chez les Akouè,
.1!
i.,
et qui ont profité de cette hospitalité débonnaire pour commettre
1
1
1
des vols et tuer ensuite ceux qu'ils ont dépouillés. La discrétion
1
1
étant de rigueur, les Akouè attirèrent par ruse les étrangers dans
la forêt voisine avant d'accomplir leur vengeance. De retour au .
village, ils .déclarent simpleme~t que les fugitifs se sont perdus
.
.
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.".
.../ ...

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I20
dans la forêt.
Et, lorsque les Baoulé reçoivent un autre étranger, ils
il
1·:
relatent cette mésaventure dans la deuxième partie du ~jassin ti là
li
i
!
- en réponse à la question qui leur est posée en retour
i è Ha liè~:,
qui veut dire
"e t ici, que s'est-il passé ?" .
"
. Alors, le devin à qui l'on transmèt ces nouvelles les
enregistre bien dans sa mémoire pour les mettre en musique et en
tirer une morale qui servira de fondement à un prochain discours.
C'est aussi sur cette
base que repose sa dialectique, "tissée sur
une toile sonore", et dont les mailles s'entre-croisent en une
synthèse d'éléments initialement épars. Il faut pour cela qu'il
reste le même homme en tout temps et en tout lieu, qu'il soit
discret, qu'il ouvre bien les yeux pour voir, les oreilles pour
... /...
. "

I2I
écou ter, mais qu'il sache. aussi fermer sa bouche si ce n'es t pour
ii
1
se renseigner. C'est ce qui l'aidera le mieux à trouver un sentier
Il
sans épines et sans lianes" dans cette "gra!ldefor~t", où
-"L'étranger a de gros yeux, mais ne voit pas.
L'étranger ne cO~Jlaît pas le sentier qui passe sous
les calebasses.
L'étranger ne partage pas le singe.
- On a beau dire que là pintade est restée longtemps
au village, son cri (Kotlè) ne finira jamais.
~a liane de la forêt affirmant qdtil y a des
excréments sur le derrière du singe, celle de la savane n'a pas à
répondre que c' es t faux.
La rivière est plus ancienne que le chemin".
".-:.~. -
Il saura alors que
-" Quand on ne conna1t pas un village et qu'on s'y
,
,"

.
i
122
1
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1
1
1
!
attarde, on épouse forcément la sorcière", et que
_" Ce n'est pas là où on remplit le ventre qu'on le
vide, mais ailleurs". Enfin
_" Il faut qu'il_arrive à s'identifier au rideau qui
sait ce qui se. passe dans la maison, et aussi ce qui se passe sur
la place publique "
~and il sait éviter tous ces pièges, le devin étranger
peut, en certaines circonstances, avoir plus d'autorité qu'un
villageois. Sa mubique résonne alors différemment, parcequ'on
l'écoute avec gravité et circonspection. Par son immense sagesse,
il peut aussi se faire des alliés qui le suivront partout où il ira.
Ces compagnons - él émen ts 'épars, eux aussi, que le devin parvient
à rassembler - finissent souvent par faire corps avec la musique
de celui-ci, dans un accompagnement qui le soutient et renforce
ses arguments.
(
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.../ ...
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123
Ainsi, troubadour ou trouvère d'origine, le devin se
fait le chef d'une équipe qui lui accorde sa foi, qui "colle à lui"
comme onllcolle à l'Autre"
divinité ou clan. Ce désir d'union est
aussi une aspiration profonde du Baoulé, q~ quand il croit avoir
trouvé la "véritéll , la vit dans l'instant présent, et pleinement
jusqu'à s!enivrer complètement.
Ivresse de connaissance, partage des vicissitudes,
com~union parfaite du corps et de l'esprit, don de soi-même, forment,
en Cluel que sorte, l'essentiel des qualités reconnues à ceux qui
.s'offrent ainsi, et qui abandonnent pour ClUelqtle temps tout ce qu'ils
possédaient.
Pourtant, si un jour ils s'aperçoivent qu'il existe
ailleurs une autre vérité que celle qtl'ils honorent, c'est sans
remords qu'ils se tourneront délibérément vers cette"nouveauté",
.../ ...
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avec la m~me foi ei.; cette même comiJunion du corps et de l'esprit.
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LES NOUVEAUX TROUBADOURS
A côté des devins musiciens, subsistent maintenant les
"nouveaux troubadours" qui parcourent eux-aussi le "V" Baoulé.
Leur art est essentiellement musical, mais au service de la poésie
et de la satire.
D'abord la poésie
somme de toutes les connaissances
tan t anciennes 'lue modernes. Le chant de ces nouveaux troubadours ,.
évoque l'amour, la vie, la nature, dans un style de conteur qu'ils
mattrisent parfaitement. Les détails fourmillent, les images
apparaissent comme dans un rêve et plongent l'auditoire dans une
méditation profonde. Le troubadour baoulé sait faire revivre avec
intensité et exactitude; les moments essentiels de la vie.
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125
Il a cette poésie en lui, solidement ancrée, et cette finesse qui
le place au fatte de son art. C'est aussi, et avant tout un bon
musicien qui tient la scène pendant des heures sans lasser son
auditoire. Il forme à lui tout seul un spectacle complet. Ses gestes
et ses mots captivent l'attention, agrippent celui qui se trouve en
face, et fascinent à tel point qu'on en demeure épanoui o Cette
grandeur d'âme, ce tte richesse de coeur et ce tteérudi tion transcendérit i-(
à cause du talent musical que complète celui du narrateur.
Dans sonréci t, le troubadour enrobe les choses, les
arrange et les amplifie selon son tempérament. D'une pierre, il fait
jaillir une montagne rocheuse, transforme le ruisseau en mer décha1née,'
pr~te au faible la puissance du buffle, et construit ainsi un monde
allégorique dans lequel les êtres, les choses et le surnaturel se
cO toien t pour vivre ensemble., Ce "monde est une illusion, il le sait
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.../ ...
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I26
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très bien; mais il s'y plait et le partage avec les autres en les
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invitant à faire ce voyage en dehors du temps et de l'espace.
C'est dans la vie de tous les jours qu'il puise son
inspiration, qu'il forge son oeuvre et façonne son propre personnage.
cet homme évolùe constament. Il a aussi une facilité d'adaptation à
toutes les circonstances ; son flair est il!uense, son oeil vif, son
~e chevaleresque.
Il se contente de peu et vit avec la nature; s'il lui
arrive quelque mésaventure, il la tourne tout de suite à son avantage
dans une satire pleine de finesse et d'adresse.
Sa principale victime est le devin à qui il ne pardonne
rien
c'est qu'il voit en cet être, un tissu de mBnsonges, une sangsue,
enfin un prêtre comme nous le décrit Nietzsche dans son Ant~christ 0
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127
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Ce musicien est en même temps un homme de scène et un
humoriste averti. Cependant, sa culture et sa tradition l'obligent
à observer les règles en vigueur
c'est pourquoi il débute toujours
son chant par le "Amanien", analogue au Djassin ti lè, formule de
politesse serva."'lt à introduire toute conversation. Mais contrai.rement
au Djassin ti lè, l'~~anien, tel qu'il est formulé ici, avertit
l'auditoire et le prépare à l'écoute de ce qui va se dire. Ce n'est
donc plus un dialogue - avec questions et réponses -, mais un récital
à propreneut parle~e C'est que, meme s'il sé ~ait accompagner par
d'autres musiciens, le troubadour baoulé reste seul à chanter.
L'accompagnement qui le soutient se place à un niveau instrumental
et polyphonique
en ce sens, cette musique diffère un peu, du point
~
de vue formel, de celle des devins et prophètes qui, eux, font usage
de la polyphonie da."'ls le chant comme dans l'accompagnement instrumental.'
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128
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L'instrument principal du troubadour est la harpe en
forme de guitare, inspirée de la facture occidentale. Cette harpe
ne cOmporte que deux cordes tendues sur un manche lisse, s.ans gradua-
tions ni points de repère, ce qui permet au musicien de produire des
sons et des intervalles non tempérés.
C'est en général. le troubadour lui-même qui confectionne
son instrument. Et ce travail, par son action rythmée, par ses outils;
joue unrBle considérable dans le tempo musical qu'il adoptera ensui-
te. Nous remarquons en effet, que s'insère dans le chant un nombre
important de mots à caractère onomatopéique. Qu'il s'agisse d'un chant
de travail solitaire, ou m~me d'un chant d'équipe, accompagné ou non
des brùits rythmiques de ce travail, on retrouve toujours cette vo-
lonté d'associer la musique à la tâche que l'on accomplit. Dans un
tel cas, et en négligeant pour l'instant tout ce qui est en rapport
avec la magie (devins et prophètes), une émulation au travail peut
~tre donnée, dans un premier temps, par des ins~ruments qui préexistent
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129
au· travail (tambour accompagnant ceux qui font les buttes) ; e t, dans
ûne seconde phase, amener le rythme à"s'ins~rumenter" avec le corps ou
.a.vec les objets mênies du travail (houe, machette, etc.).
Ainsi le troubadour baoulé arrive-t-il, avec sa seule voix,
à Teproduire cette musique instrumentale
il procède par imitation en
. rendant le plus fidèlêmen t possible le bruitage rythmé des outils.
Cependan t, i l ne fau~ pas limiter à un rele rythmique
l'ensemble de ces outils. Il nous faut tenir compte de l'''instinct
premier" qui détourne de leur usage certains objets et les amène à la
musique
parmi eux figure le toha ba ( peti t hochet), employé à des
fins médicales et qui, par la suite, a été utilisé pour produire des
sons et des rythmes autres que le son unique qu'on en tire lorsqu'il
est actionné comlJe poire à lavement.
.../ ...

130
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Là se situe le cSté amusant du troubadour
en tant que
...
con teur, il se plaît, en remon tan t aux origines de ce t ins-crumen t, à
....._faire des allusions qui ne manquent pas de provo quer de grands éclats
de rire. Et bien q~e les Baoulé suggèrent de "ne pas prendre la
distraction pour un amusement U (bé kan man n'gua n'sua bo), ils trouvent
ici une occasion d'échapper pour quelque temps au sérieux que renferment
aussi les chansons du. conteur. Nous apprenons encore, tout en nous
distraYant, qu'un bon nombre d'objets, tout à fait quelconques mais
servant à produire des rythmes et des sons,
trouvent leur origine
musicale dans, la surprise causée par le timbre d'un objet que l'on
choque, mais aussi par son charme sonore, qui séduit et obsède l'oreille
à tel point qu'un bruit peut paraître propice à conjurer les esprits.
En outre, au-delà de ces limites, cette musique peut nous donner des
détails importants concernant les ~verses origines des instruments de
.../ ...
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I3I
.:...:~ .
musiq,.ue baoulé. Citon.s, entre autres, les r~pes à manioc, les os
. '.
incisés, les carapaces, les coquilles et les m~choires d'animaux dont
les lignes de suture ou la succession des dents offrent matière à
r~clemento
Nous pourrions ainsi pousser plus loin nos investigations
et remonter aux origines des divers instruments de musique. ~~is ce
qui nous préoccupe ici, ce sont les fondements de cette illusique. En ce
sens, nous remarquerons que l'art des troubadours porte sur la poésie
et la satire, avec ces allusions et ces précisions qui nous font-
comprendre leur vie et li évolu tion des "choses" qui les entouren. to
De plus, il y a cette tentative d'explication du monde, qui le fait
mieux para1tre tel qulil est.
Les argumen ts du
troubadour vont
à
l'encontre
,

I32
de ce paganisme qui méconna1t la totale dépendance des choses à l'égard
de Dieu, en leur conférant une "véritable puissance". Voila, ajoute
Pondo Kacou~;' erreur con tenue dans la philosophie des devins et
prophetes
car qu'ils le veuillent ou non, ils ne peuvent rien conna1tre,
.",
ils ne peuvent rien sentir et ne peuvent rien vouloir, si Dieu ne les
meut vers ce' qu'il juge bon.
Comme cette philosophie, l'ancien système théosophique des
Baoulé confère aux"choses" plus de puissance qu'il n'en aCCOrdE! à
Anangaman. A en croire leurs rites, la Terre, l'Eau, le Rocher, ont
plus d'importance que la puissance supr~me qui les a créé, et ce sont
ces éléments qui font l'objet d'un culte quotidien. Anangaman,que l'on
suppose être le "propriétaire lointain", devient incapable Ele sauver
et de punir. C'est Anangaman qui a tout créé, dit-on. Mais le devin
,
0,.-./•••
. "

affirme que la Terre, le Démon et les Fétiches ne sont pas sortis de
8a main. Le troubadour, lui, relève ces contradictions et s'emploie à
les détruire en m~me temps qu'il ruine ceux qui les entretiennent.
Avec ces nouveaux raisonnements, nous assistons à une
. remise en cause progressive des axiomes posés jadis. Cette remise en
cause n'est rendue possible que par le biais de la musique, a.droite
façon pour le troubadour de se faire écouter, en obligeant ainsi les
dépositaires .des rites et des dogmes à repenser les choses qu'ils
tiennent pour vraies et pour lesquelles ils n'admettent aucune discus-·
sion o Les anciens, devant ces arguments forts d'une logique qui les
déroute, trouvent cependant refuge dans le fait que" la jeunesse
actuelle a ses idées ". Ces idées, ajoutent-ils, sont le reflet du
mariage avec la civilisation "des Blancs" qui, elle, "permet au fils
de dire que son père ment, après que ce dernier se soit évertué à lui
~pprendre le fonctionnement des' choses de la vie";
• •
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0 . • 0

134
En revanche, et cela nous surprend, chaque fois que les
anciens se disposent à un sacrifice aux anc~tres, auz génies ou aux
fétiches, ils cOlillllencent par une invocation à Anangaman( ou Niarnien )
pour qu'il'soit accepté. La cérémonie terminée, on demande à Niamien
de compléter ce qui manque aux faveurs réclamées : "Niamien kpli fa
goua sou". Les anciens disent aussi qu'après avoir eu fini de procréer,
Niamien ne s'occupe plus de 50n oeuvre. Les Démons et les ='Géliies3 ont
donc les mains libres pour faire le mal aux hommes. Niamien les laisse
faire et n'intervient jamais. Il s'est retiré dans sa tour, semble-f~\\~)
loin du monde dont Il se désintéresse. On ne risque donc rien avec lui
il a bien à~r défendu aux hommes d'être jaloux, de souhaiter le mal, de
manquer de respect à ses parents,etc o Mais on sait qu'il ne punira pas,
car il aime les homnes. Rt à force d'être bon, Niamien devient bonnasse,
incapable de faire le moindre mal. Pour les malédictions on fait appel
,
.../..~

I35
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aux fétiches, aux génies qui, eux, sont terribles; et on laisse
Niamien tranquille dans sa tour ( Niamien 0 yo man mouzué )0 Puisque
i
"
ce dieu ne se met Damais en colère, on n'a pas à l'apaiser par des
sacrifices d'expiation.
J.'
Alors le prophète qui, lui, utilise ces"frontières"
(
0
di ai',è ) -dans le "no man' s land ft qui sépare le monde des hommes
de celui des Dieux - se veut le porte-parole des divinités. Le
troubadour voit là un tissu de mensonges et des mystères qu'il faut
élucider à tout prix.
Prophètes et troubadours admettent cependant, les uns et les
autres, que tout homme ou toute femme, peut exercer leur fonction,
puisqu'elle n'est pas héréditaire. Mais il faut avoir une bonne santé,
car les danses sont épuisantes
une bonne mémoire, une grande facilité
dl élocu tion. Il fau t aussi une voix forte et agréable pour parler et
,
.!
."

· ::.~
136
chanter de longues heures, parfois durant toute une nuit. Enfin, il
faut faire preuve de persévérence en apprenant un rituel minutieux,
cohpliqué, et rest;er fidèle aux innombrables tabous imposés aux pro-
phè tes. Pour ce qui es t du troubadour, i l faut qt,' il se mette à l'école
d'un vieux prophète et qu'il étudie' le système des augures, des
incantations, des danses et des chants - nOviciat qui dure parfois
plus de' sept ans - ce qui Jui'
perme ttra, ensuite de retourner "l'arme"
contre celui qui lui a appris à s'en servir.
Cette querelle de doctrine; cette opposition des âges
dans leur idées
profondes, donnent naissance à une mu~ique qui adopte
de"nouvelles structures". Et le fait de contester la philosophie des anc-
ciens amène les jeunes à "repenser7~la musique qu'ils produisent. En ce
sens, les formules anciennes à caractère liturgique s'estompent peu à
peu an profit d'autres, mieux adaptées aux réalités du
momen~. Ainsi
la diaphonie, qui d'après la mjthologie baoulé se~ait iscue de cette
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I37
association à"l'autre" (divinités secondaires mais surpuissantes),
cède la place à un chant monodique qui traduit, en quelque sorte,
1
1
1
toute la vitalité que les troubadours mettent dans leurs nouvelles croyan-I
1
ces. La formule rythmique elle-même sert de support à ces idéeso
1
!,
Les variations qu'on note dans l'exécution des rythmes traduisent
bien ce désir d'éva4ion et cette liberté d'expression qui n'était
pasadnise auparavent. D'ailleurs les jeunes Baoulé tiea~e~t ce
tempérament des anciens, de ceux -là mêD~qui leur ont appris à
vivre. Par exemple, lors d'un sacrifice à la ~erre,nous avons vu
les Akoto multiplier d'abord les expressions de louanges - "Terre!
tu es immense, Terre! tu es bonna"- et
~hanger ensuite rapïdement àe
registre en passant aux insultes, car il n'y a rien de meilleur pour
réveiller un fétiche endormi,pour 1·' exci ter: IIfétiche insupportable!
fétiche affreux! It.
Il n'y a pas que lee anciens pour faire l'objet de vio-
1
1
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138 .
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1
1
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lentes critiques: la civilis.ation occidentale suscite elle aussi des
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contestations que les troubadours Baoulé mettent en musique avec
1
beaucoup d'humour.Il faut dire que la longue période de colonisation
leur a permis de relever les défauts des "Blancs", tant dans leur
personne que dans leurs
insti tutions. Le Blofouè, (le Blanc) n'est
plus un mythe, camme tout le monde il se fait critiquer.
Le Baoulé est ~rès observateur;
ce qu'il raconte est
criant de vérité. Hous avons entendu des enregistrements de musiques
baoulé, qui ont du être faits dans des conditions peu appréciéœs par
les indigènes. Mais étant donné qu'ils ont toujours le temps pour eux;
temps qu'ilS mettent
à la disposition de l'étranger qui les sollicite; ils
exécutent ce qu'on leur demande de faire avec le sourire,. mais non
sans traduire dans leurs chansons et paroI es, la gêne qui 1 eur es t causée. -- i.
1
i

i
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Autre chose
Pondo Kwcou nous raconte - en musique
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139
bien, sûr- la mésaventure arrivée à un Baoulé lorsque ce dernier a
porté plainte en justice à la sùite d'un vol dont il était la vic-
me. Le chant débute par une description minutieuse des locaux qui
abritent le tribunal. Pondo s'attaque ensuite à la tenue vestimentaire
des magistrats; sans oublier de mentionner l'attitude plus ou moins
gauche de son compatriote. Les questions posées au plaignant sont for-
.'
muléesen français, mais ce dernier n'en saisit que quelques mots;
i l s'en suit un formidable quiproquo qui se termine par la condamna-
tion du plaignant.
-"-.
~or3, ajoute Pondo pour finir: "Avant de t'en remet-
tre à la justice des Blancs, fais attention de bien comprendre leur
langage; sinon, tu perds t9ut, m~me ta liberté".
,
•.• 1...
..

DEUXIEI'Œ
PARTIE
CInQ
DANSES
..

140
DAllSE DJE
Le culte Djè est organisé par une confrérie
un
liil
[ 1
groupe d'hommes, parfoi3 une ~rentaine. Après avoir obtenu
il
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il
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l'autorisation du chef, ils font sculpter un masque qu'ils placent
Il
sous une petite hutte aux abords du village.
Supposons une calamité, une épidémie par exemple. les
hommes décident de danser Djè pour obtenir un recours. La confrérie
convoque tous les hOflmes du village à un rassemblement au pied
du sanctuaire. Quelqu'un va prendre-le masque hideux aux grandes
den ts saillantes, et le place devant la hutte. Les Ako to, munis
d'une corne de buffle dans laquelle ils soufflent, ap?ellent le
Djè que le devin est seul à voir arriver. Le responsable du
masque baisse un peu sa culotte pour montrer qu'il est un homme,
puis in trodui t son index dans son breille gauche, et après s-' ê tre
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empli la bouche de vin de palme, le rejette violemment BurIe
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masque. Alors commencent les offrandes
d' abord une liba'l;ion
d'eau à Nyamien à Assiè et à Djè
puis un poulet, dont le sang
1
r
est répandu sur la tête du masque. La victime une fois grillée~
1
~
~.
1
1
, i
chacun en reçoit sa part.
Enfin, a lieu la danse proprement dite. Un homme
revêt une combinaison de raphia et se coiffe du masque. A partir
de ce mpment, il n'existe plus, on n'a plus le droit de prononcer,_
son nom, il a disparu pour céder la place au fétiche.
On danse toute la nuit et même une partie du lendemain
en circulant dans tout le village, le masque toujours bien entouré~+
marquant le rythme. Au peti t matin, la danse marque une pause pour
permettre aux femmes - qui sont restées enfermées dans les cases -
•.. 1...

lo..
142
de sortir et d'aller puiser l'eau à la fontaine. Après ce court
arrêt, la ronde endiablée reprend de plus belle avec les chants
et les cris perçants.
C'est "pendant qu'il danse" que djè transmet de temps
en temps un oracle. En effet, des sons rauques ( que les danseurs
ne comprennent pas) émanent de la gueule du masque et sont
iUillédiatemen t tradui ta par le féticheur. Djè par exemple,
charmé par les d~lseurs,consent à sauver le village de la terrible
épidémie.
.../ ...
.'
. -...
"
..
.
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GOLl
danse sacrée.
La danse Goli - lorsqu'elle est exécutée pour
congédier le mauvais sort - présente les caractéristiques suivantes.
D'abord un rassemblement massif des villageois sur
la place. La réunion a lieu le plus souvent sous l'arbre à
palabres et l'endroit choisi pour cette assemblée offre l'avantage
de déboucher directement ~ur la forêt ou sur un bosquet-assez
important pour abriter le porteur du masque et ceux qui l'accompa-
gnent. Quand tous sont à leurs places - c'est à dire une fois que
le chef du village a constaté d'un regard circulaire que tous les
sages sont effectivement là -, il (le chef) ordonne d'un signe
de son chasse-mouches qu'on appelle le fétiche.
Alors s'avance un Akoto tenant dans sa main une
Kokowa. La cloche tinte plusieurs fois pour marquer la gravité du
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moment et seul l'écho de la brousse lui répond. A ce moment là,
plus un bruit n'est permis. Tous sont silencieUx
le visage
,
tendu dans une communion à ce tte fièvre qui, nous le verrons; va
monter en intensité. Le chef lui-même demeure grave et circonspect
dans ses interventions pour calmer les nouveaux arrivants. C'est
que, chez les Baoulé; l"'exacUtude n'est pas de rigueur pour une
cérémonie de ce genre
l'important est que les musiciens et le
chef entouré de ses .no tables soient présents. Les autres, ceux qui
vaquent encore à quelque occupation domestique, ou même qui
prennent leur temps pour manger, arrivent successivement en se
souciant peu de la gêne qu'ils causent par leurs bavardages. A
ceux-là, le chef s'adresse de façon circonstancielle mais sans
pour autant suspendre la séance.
Puis un deuxième son de cloche retentit comme pour

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I45
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répondre au premier. Le timbre est plus grave, les dimensions
plus imposantes que celles de la première. Nous retrouvons
encore là un lIcouplell, symbole de ce dualisme que nous avons
souligné plus haut, enraciné dans les profondeurs de l'âme Baoulé.
Nous avons tenté de déterminer l'intervalle existant
entre ces deux sons de cloche. Le résultat obtenu est une tierce
non tempérée, ce qui prouve bien que ce n'est certes pas par
hasard que la polyphonie des Baoulé que nous avons appelé
"diaphonie en tierces parallèles" se retrouve ici dans des
instruments à sons fixes. Cette musique étant régie par des lois
non écrites mais transmissibles avec rigueur de bouche à oreille,
cette diaphonie représente un autre fondement essentiel, si ce
n'est l'un des plus importants, pour servir de cadre aux
évolutions des structures mélodiques et rythmiques.
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146
Le son de la Kokowa continue de meubler ce silence
que l'on obtient progressivemen,t au fur et à mesure que les Cases
se vident de leurs habita.n.tso Le jeu de cette K6kowa nous rappelle
étrangement la frappe de la oloohe tibétaine,' semblable aux
rebondissements d'une bille qu'on laisse tomber sur une surface
lisse etplaneo Ce son est envo~tant et. son caractère obsessionnel
incite l'assemplée à écourter la période d'incubation pour se
sentir pleinement tiévreuseo On entend après ce son de cloche
l'imitation, d'un rugissement de fauve, m~lé à quelque chose de
surnaturel, le tout enrobé d 'WJ. ha).o mystérieux produit par un
feu déjà allumé et souvent ~ifficile à localiser par temps de
brouillardo C'est en effet dans la brume du matin qu'a lieu
l'appel du Goli ; Car, disent les Baoulé;; "il faut le prendre
au réveil avant qu'il ne s'en aille pour sa promenade n •
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I47
Le rugissement mystérieux prouve bien que Goli a
entendu l'appel qui a été lancé. Il comnence alors sa marche vers
1[1li
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le point du rendez-vous. Mais Goli ne voit pas comme les humains
If';~i':
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il entend et sent
c'est la raison pour laquelle il faut lui
r
1
indiquer le chemin. Ce sont en général les chanteurs et une partie
des musiciens qui se chargent de cette tâche. On entend alors des
cris d'excitation poussés avec volupté, un peu comme si ces
personnes se trouvaient déjà en état de possession. Il faut dire
que l'instant qui précède la manifestation sonore de Goli les met
en état d'excitation et de transe latente,
état qui trouve ensuite
son expression sonore dans un éclatement qui libère, en quelque
sorte, les individus.
Ce jeu de tension et de détente est l'une
des
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148
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principales bases de la musique des Baoulé. Il se traduit aussi,
sur le plan chorégraphique cette fois, par un mouvement de flux
et reflux qui rompt la monotonie, car la retraite des danseurs
laisse supposer, pour leur nouvelle apparition, la présentation
de nouveaux pas de danse ou de nouvelles figures chorégraphiques.
D'ailleurs chaque entrée nouvelle se fait sur un couplet nouveau
lui aussi. C'est aussi par ce jeu que les musiciens laissent
reposer leurs muscles et maintiennent ainsi, tout au-long de'
l'exécution, le ~Jthme qu'ils avaient adopté depuis le début.
Goli s'est manifesté, ce qui prouve bien qu'il consent
à venir. Alors retentissent les 1·rà. __ l'là
("ici"!), répétés à
plusieurs reprises jusqu'à ce que Goli fasse entendre' son cri à
la fois rauque et coléreux.
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Mais on ne le voit pas encore
un initi é l'appelle
à nouveau, cette fois-ci en prononçant son I!lom
Goli é • •• Q.2.ll
Puis voyant qu'il laisse entrevoir au loin le nez de son masque,
les solistes entonnent leur chant de bienvenue. Ce chant est
diaphonique et en tierces parallèleso Ce qui est remarquable - dans
le cas où deux solistes entonnent le chant - c'est qu'il n'y a
pas eu au préalable une concertation des chanteurs pour produire
le premier accord et définir l'échelle à utiliser. Ils attaquent
en effet leur chant sans même se regarder, leur attention étant
entièrement portée vers le masque qui, avec son balancement de
gauche à droite et son oscillation d'avant en arrière, oblige celui
qui en est coiffé à entretenir une position de déséquilibre
constant. Les Baoulé disent que le mouvement du masque est une
manifestation de l'esprit qui l'habite provisoirement, de sorte
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que le porteur ne fait que subir, de façon inconsciente, ses
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assauts brusques et souvent répétés. Il s'agit, pour le faire, que
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il
1:I!
Il
l'initié chargé de conduire le masque à travers le village, soit
il~:"~I
préalablement plongé dans une espèce de sommeil hypnotique ( mais
non hallucinatoire ), qui l'aide à supporter la fatigue ~'il
devrait normalement ress'entir, cette hypnose ayant été elle-même
favorisée par un bain de pieds dans une solution de feuilles
écrasées et l'absorption d'une certaine dose de vin de palme avant
de revêtir la combinaison~
Les musiciens reprennent leur chant, mais cette fois
avec un peu plus d'intensité. Le choeur, dans sa réponse, cla~e
son attachement à l'hôte (le Goli) et l'invite à se joindre à lui.
Tout ce que nous venons de voir constitue une entrée en matière}
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une mise en condition. C'est seulement maintenant que les choses
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sérieuses vont commencer.
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1
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Avec la reprise du chant soutenu par les ponctuations
i
de la Kokowa, nous entrons dans une seconde phase musicale. C'est
que, jusqu'à présent, les principaux éléments de la musique
à
savoir
la cloche, les solistes et le choeur
n'ont fait que
signaler leur présence par entrées successives. f~intenant ils
commencent à jouer ensemble, à se superposer. Et la Kokowaqui
jusque là s'était contentée de créer un climat de tension - par
f
1
f
son jeu semblable au rebondissement d'une bille sur une surface
!
lisse et plane - va maintenant détendre un peu l'atmosphère en
exécu tan t une formule rythmique simple se terminant par une
formule suspensive de transition. Cette formule. est là pour nous
rappeler que l'instant conserv~ malgré tout sa gravité et que la
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déten te n'est pas encore complè te, dans la mesure où le village;"
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par la voix de ses représentants (musiciens ou initiés réunis
sur la place), n'a pas obtenu gain de cause. Il s'agit, ne
l'oublions pas, d'obtenir le recours de Goli pour congédier le
mauvais sort.
Ainsi, la Kokowa par son jeu a revêtu deux fonctions
i
1
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essentielles. La première a consisté à créer cette tension en
1
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dialoguant à la fois avec l'esprit et les villageois
la seconde,
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à introduire la formule rythmi...9.~ en tant que notion de"force"
1
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devant c ooer ensui te la place à 1 'effort musculaire - l'idée de
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force étant une modalité essentielle de la formule rythmique
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comme manifestation.
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1
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Les effets de cette manifestation se lisent sur le
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153
visage de chacun des membres de la collectivité, pour qui la
nature et le surnaturel deviennent, en quelque sorte, un monde
de "signifiants", un message qui oriente l'individu .vers un
comportement déterminé, vers une situation de dialogue latent.
En ce sens~ les gestes ont toute leur importance. Ainsi que les
mots selon leur nombre. Il y a aussi ce sens de l'analogie qui'
fait moins signifier l'objet par ce qu'il représente, que par ce
qu'il suggère, par ce qu'il crée. Là se réalise l'union des initiés
dans une même communauté spirituelle. On y remarque, entre autres;
une certaine économie de moyens, en tant que cette notion de force
devient un jeu de permutation qui rend .possible le~issement de
la chose symbolisée ( par exemple le Goli ) aux dive~s éléments
du"charnp symbolique" (c'est-à-dire aux différents membres de
l' assembl ée). Une valeur d'usalJ8 rappelle les règles de l'action
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( celles m~mes de la formule rythmique ) et montre l'union ~.
l'obligation. Une fonction de suggestion frappe l'imagination et
pousse l'individu à ~ dans l'image, ou la métaphore, une figure
qui devient puissance.
1
!
t
1
C'est à cette puissance qu'il faudra s'adresser dans
les instants qui vont suivre. Il ne faut donc pas commettre d'erreur;
au contraire, il faut user de charme tout en sachant se montrer
le serviteur dévoué de l ' "espri t" que l'on implore. Alors, le
1
J
chant monte encore en intensité car il se veut de plus en plus
1
i
i
1
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viril pour convaincre. C'est que l'esprit du Goli tient à ne
dialoguer qu'avec des hommes. Et co~~e il est incapable de voir ses
interlocuteurs, ceux-ci affirment leur masculinité par un timbre
vocal qui ne laisse en rien ~upposer un dialogue avec des femmes.
1• .•
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155
Pour certaines tribus Baoulé, ce chant d'ouverture comporte des
paroles qui disent leur appartenance au"sexe fort". i l y-a en
outre le fait que les Baoulé martèlent les mots qu'ils prononcent;'·
ce qui contraste avec le langage parlé et donne l'impression qu'il
s'agi t d'une autre langue. Il faut dire aussi que le ton employé
et le fait de lier tous les mots dénature considérablement la
morphologie même de la langue Baoulé et pose certains problèmes
quant à la traduction des phrases que nous entendonso
i
1
Intraduisibles sont encore les phrases contenues dans
1
!
le long réquisitoire des anciens, lorsque ces derniers, après
avoir écouté leurs cadets, chantent à leur tour pour présenter
leur requ~te. La langue utilisée est très ancienne et le fait de
conserver en bouche de petites boules de tabac à priser brouille
t
davantage les pistes avec des phrases qu'ils sont seuls
1
à comprendre.'
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Un vieil initié nous expliquait à ce sujet que cette confusion
était nécéssaire pour que le secret reste gardé et que, d'autre
"
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part, le fétiche ou l'esprit ne se vexe pas de se savoir compris
par tout le monde.
C'est seulement pour cette raison qu'il est permis
i<
à tous les homDes, quelles que soient leurs races ou leurs coutumes,
:-'.
d'assister à ce genre de cérémonieo Là réside une forme d'ésotérisme l'
qui réserve aux seuls vieillards, notables ou initiés, toute la
\\:
!
connaissance et en fait les gardiens vigilants des secrets de la
t
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i,-1
1
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tradition. D'autre part, le Baoulé est très susceptible et n'aime
,
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pas qu'on s'occupe de ses affaires; c'est pourquoi les invités
se contentent de regarder faire sans prendre une part active à
l'action qui se déroule sous leurs yeux. Il peut m~me arriver que
des musiciens d'un autre village se retrouvent par hasard dans
.1• . ~
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157
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l'assemblée; ils se tairont pour suivre comme tout le monde
l'évolution de la situation. Uous avons déjà souligné dans une
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1
1
1
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précédente étude - notamment à propos des Akouè - qu'il n'y avait
1
l

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pas de cri tiques susceptibles de faire évoluer la tradition.
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i!
l'ii
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D'ailleurs, si quelqu'un avait le malheur de jouer les trouble-fêtes,
il se verrait infliger une amende telle qu'il s'en repentirait.
La longueur exagérée du réquisitoire des anciens
trouve sa justification d~~s le fait que ces derniers, avant de
denander quoi que ce soit à Gcilli, pleurent d'abord leurs morts,"et
glorifient ensuite celui qui sera leur sauveur. Cet épisode a
quelque chose de pathétique et pénètre en profondeur dans l'esprit
de celui qui le vit. Il se crée aussi un "suspens" saisissant; car
dans la minute qui va suivre on conna!tra la décision de Goli ;
si elle est négative, il faudra alors l'apaiser par des sacrifices
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I58
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propi tia toires. Cela voudra dire'. aussi que le charme exerc épar
i!
les danseurs et les musiciens
demeure sans effet.
Il semble que les Baoulé aient obtenu gain de cause :
i
en effet, après ce réquisitoire à caractère apologétique
car..il
i
,1
s'agit aussi de défendre le rite du Goli - le masque hideux
oscille d'avant en arrière, en signe d'acquiescement. Ce signe a
une répercution immédiate sur l'assemblée tout entière qui pousse
des hurlements de joie. A ce moment là, tout est permis, tout
devient possible. Chacun exprime sa joie selon son tempérament. Nous
avons, à certaines occasions, assisté au départ de certains des
membres de l'assemblée. D'ailleurs qu'apporteraient-ils de plus à .
ce qui vient de se décider? Ceux qui restent, le font généralement
pour participer à l'ivresse collective.
1
1
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•.• 1....

!59
Cette ivresse se traduit ici par une danse de remer-
ciement en l'honneur de Goli. Puisque tout va bien, esprits et
mortels vont communier dans une ivresse rythmique et mélodique
ponctuée de temps en temps par un fouet qui claque et fait sursauter
tout le monde. Au départ, nous avons un "nuage" mélodique qui voit
son aboutissement dans une précision rythmique soutenant un
- ostinato général. Ainsi, des heures durant, nous pouvons assister
à cette danse, entendre-ces chants, frémir au son des hochets et
vivre pleinement l'instant présent comme le conçoivent les Baoulé.
Pour comprendre une chose il faut l'expérimenter
c'est
pourquoi, au village, il n'y a jamais d'enseignement théorique de
la coutume. L'enfant apprendra par exemple la m~sique en la vivant,
en communiant à la fièvre contagieuse qui se répand sur la place
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I60
au moment de l'arrivée du grand masque. La musique lui entre dans
la peau avant d'atteindre son cerveau. Le fait de se plonger
d'abord dans l'action entraine un "goût" et un "jugement" qui lui
feront mieux apprécier la réalité avec laquelle il prend contact.
Goli : pour un divertissement
Il n'y a pas que le Goli des "espri ts". TI existe
aussi une forme plus divertissante de cette danse.C_ertains;
notamment les Akouè, prétendent que le Goli est une "propriété"
de !mi (serpent boa), bien qu'ayant été inspiré par les N'Wan
(mélange de Gouro et de Baoulé). TI s'agit, avant l'exécution, de
rassembler les initiés, de cueillir de grandes calebasses qu'on
vide de leurs graines, qu'on laisse sécher et qui sont enfin
soigneusement remises à leur place, c'est-à-dire à l'intérieur
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I6I
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du fruit. Ensuite, on tisse une sorte de filet qui recouvre chacun
des fruits aux trois quarts en partant de la base •.
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l,
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Pendant que les Akouètravaillent, ils s'exercent à
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chanter dans la langue inspirée du Nc'vlan. Ceci n'est en aucun
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cas une,~épétition, il s'agit simplement d'un chant de travail.
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comme on peut en entendre chez les piroguiers lorsqu''ils remontent
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,
i'
le courant d'un fleuve. D'ailleurs, lors de l'exécution, lés airs
!
i
fredonnés pendant le travail sont systématiquement abandonnés au
profit d'autres, mieux adaptés à la marche.
Le costume est le même - pour ce qui est du porteur'
du masque - que celui utilisé pendant la cérémonie liturgique :
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il s'agit donc bien du même Goli.
Mais ici nous pouvons noter l'utilisation d'une technique
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162
vocale particulière. Il s'agi t du principe de "tuilage" entre les
phrases solistes et cet ostinato du choeur inlassablement répété
Konguè ya dyu 10 é hé hé konguè ya dyu 10 ("nous y arriverons le
soir, é hé hé, nous y arriverons le soirD).
Au départ, nous dit la légende, le choeur montr~une
certaine réticence - pour n'avoir pas été initié àla langue du
Goli (le N'Wan) - et c'est pourquoi il ne laisse jamais les phrases
des solistes s'achever complètement. Ceux-ci, de leur côté, ont
tout fait pour montrer leur talento En outre, l'assemblée qui
!..
refusait cette pratique a manifesté son hostilité en abattant de
violents coups de fouet sur le dos de celui qui portait le masque
ceci pour chasser le serpent qu'on était entrain d'introduire
dans la société. De plus, le fait de souffler dans des cornes do
,
.../...
.'

I63
1
1
i1
\\
,
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buffle - pratique empruntée aux populations de l'Ouest (les Gouro) -
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s'ajoute à cette manifestation hostile ayant principalement pour
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but de faire peur à Agni.
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165
DANSE GLAOU (I)
Le Glaou ( entrée dans la danse ), fait usage de la
formule rythmique à deux éléaents juxtaposés o Cette danse
essentiellement masQuline adopte souvent un tempo rapideo De plus;'
elle utilise la formule ~ythmique entière et décompose les' pulsations :,
régulières.
Dans un premier temps, la formule rythmique s. inscri t,
d~~s une durée de deux pulsation,s. Or, jusqu'à présent-et d'après
les transcription,s que nous avions faites de cette foriJUle-il fallai ti
.1!
en tière.
(I) Cf. Le disque
i-lusigue d'Afrique Occidentale
( enregistré en Afrique par Gilbert Rouget avec l'aide de Bourahima
Koro~a - Collection fmsée de l'Homme, publiée sous la direction
de Gilbert
RouGet). DisqueVoc;ue, L V L X -,I93 •
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I66
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Ici, le tempo rapide fait entendre deux formules pour
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Cette façon d'exécuter la formule rythmique peut
sembler différente de la première
si l'on reste d~~sun cadre
global de quatrè pulsations, nous rema=quons ~~ décalage des
élémen ts frappés par rapport aux pulsations elles-m~mes. l'.!ais si
nous entendons la décomposition du support métrique, nous retrouvons
la formule initialeo C'est donc aU niveau du tempo que se joue
l'ensemble des coups frappés et de3 pulsations régulières.
Les pulsations sont d'ordinaire impliCites'. Hais comme
il s'agit ici d'une invitation à la danse, les deux cloches
affirment chacune les éléments principaux de la formule rythmique
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167
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_ pulsations et coups _Vrestent gravés dans la mémoire des musiciens
et des danseurs.
Les deux cloches procèdent par entrées successives.
D'emblée, la première décompose les pulsations, dans un tempo
rapide ( phase l du schéma ci-dessous ). En fait, cette cloche joue
i
;
,
!-
quatre pulsations - et. non pas huit (cf. phaseII) - si l'on s'en
tient aux accents qui, eux, restent placés aux endroits habituels,
c'est-à-dire sur le premier et le troisième temps. Le tambour, lui,
toujours dans cette première phase, exécute des pulsations non
décomposées et suit les accents qui correspondent aux paS des danseura.
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I68
Lorsque l'assimilation devient parfaite - c'est-à-dire
lorsque les danseurs arrivent à se placer par rapport à ce jeu
double ( pulsations simples et pulsations décomposées )_ils ne font
plus attention aux cloches et se laissent guider par le tambour,
si bien que leurs pas correspondent poiQt par point aux variations
exécutées sur une pulsation régulière. C'est que le tanbour, après
s'être situé par rapport aUX pulsations décomposées de la première
cloche, brode ensuite en exécutant des variations que les danseurs
interprètent avec de nouveaux pas de danse. Chacun des danseurs est
libre de présenter la figure chorégraphique qui lui -pla!t, à cause
du caractère de cette danse qui, tout comme la danse Aka des femmes,
est un jeu d'adresse qui oblige ici les d~~seurs à se produire les
uns après les autres.
Pour danser le Glapu, deux groupes sont formés
d'un
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169
cSté les musiciens et les chanteurs
de l'autre, les danseurs.
Les deux groupes se font face lorsqu'on entend les variations au
i
i
rII
tambour
par contre, quand celui-ci exécute des pulsations simples
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( ou non décomposées ), les danseurs s'éloignent et vont se placer
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• 1
. à une certaine distance de l'orchestre, avant de revenir un par un,'
et montrer leur adresse.
Les Ch3.J1teurs
Ge partagent aussi en deux groupes qui se
répondent. Là encore, nous retrouvons la forme responsoriale. Ici
cependant, les danseurs ne chantent pas. Ils sont habillés, pour
la Circonstance, d'un morceau de pagne qu'ils nouent autour des
reins avant de le faire passer entre les jambes et le fixer dans
le dos. Les chevilles sont ornées de N'Gba-yan ( grelots ) qui
rythmen t leurs pas
un chapeau de toile brodé de cauris les protège
contre les rayonG du soleil. Enfin, ils tiennent d~~s la main droite
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I70
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le Nandoua ( queue d'animal façonnée en chasse-mouches) qui nous
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,rappelle les Komienfouè (prophètes).
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Le Glaou comporte trois parties essentielles. La
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1
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première est celle que nous avons montrée plus haut (invitation à
la danse) avec introduction par les cloches. Ces cloches, nous
l'avons dit, procèdent par entrées successives.
La deuxième phase ( c'est-à-dire la danse proprement
dite) voit le's rôles s'inverser au niveau des cloches. C'est'en- ".
effet la seconde cloche ( celle qui exécute les coups frappés) qui
ouvre le jeu, ce jeu de permutation se ,renouvelant chaque fois que
les chanteurs entonnent un air nouveau. Cette façon de procéder
entretient le tempo qu'ils avaient adopté depuis le début et définit,
en quelque sorte, pour chacun des groupes le moment requis pour
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I71
son entrée.
Phase II
Ci)
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Le caractère magique de cette danse exclut toute
participation féminine. Les hommes qui exécutent le Glaou doivent
préalablement subir une initiation sévère afin que la troisième
phase, celle pendant laquelle le fétiche fait son appari tion,'
demeure secrète pour ne réserver son contenu qu'aux seuls notables;
vieillards ou initiés, dépositaires des rites et des' dogmes.
Cette troisième phase ,ressemble à l'appel du ~ : i l
1
s'agit, après l'iqvitation qui précède la danse de séduction masculine!
!
de convoquer le fétiche pour danser avec lui. Les Baoulé simulent"
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172
li
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sa présence dans un fond sonore de trompe en corne d' animal sauvage 0
Le son produit par cet instrœment nous rappelle les grognements
émis par les fétichéurs lorsqu' ila en tren t en transe
une manière
qui leur est propre de faire vibrer la voix dans un registre grave.
i:
\\1
La trompe imi te cette voix, mais en saccades, ce qui do.n.'1e une
l'
fi
étrange impressio~ de magie et suggère cette présence invisible
!
de Glaou.
L

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I73
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DAnSE AXA.
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!ka est une danse de divertissement exécutée par les
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i,
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femmes. Les hommes ont le droit de regarder faire, mais sans y
ri!1
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(
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1
participer. C'est en quelque sorte l'occasion pour les femmes
i
il
i~
i
, ,
(mariées ou non) de montrer leur adresse dans les t~ches quoti-
!~
;',
diennes. Les hom!tles qui "assistent à cette danse - laquelle a
généralement lieu après le repas du soir
peuvent ainsi apprécier
leu~fer:un~ ( en leur découvrant des grâces qu'elles auraient cachées
jusqu'ici••• )," ou bien en choisir une, du moins pour ceux qui sont
encore célibataires ou qui veulent prendre une deuxième épouse.
Aka veu t dire
"ch in,p anz é" 0 La danse qui porte ce
nom, a pour vocation première d'évoquer l'agilité du singe dans ses
évolutions au faîte de l'arbre. C'est pourquoi la chorégraphie se
.../ ...
"

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~ ........-..-_._.- .----_.. _..~._---
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174'
base ici sur une situation de déséquilibre constrol~o Aussi, les
femmes se jettent-elles en arrière, au hasard sur une partenaire
quelconque, sans savoir au préalable sur qui elles vont ~ber. et
la partenaire doit être à même de suivre le mouvement afin de se
i,
trouver à la réception dans la seconde qui suit ,l'élan.
j:
r'i
.,
Cette danse offre une superposition de deux figures
chorégraphiques. D'abord, un cercle formé par un groupe de femmes
qui évoluent en croisant un pied devant l'autre. 1e croisement des
i
pieds doit se faire en corrélation, avec la formule rythmique qu'elles'
t
.,L
exécutent. Nous avions déjà montré, dans notre précédente étude sur
la musique des ~couè, que les femmes gardaient en mémoire le
premier élément de la formule rythmique et n'exécutaient que le
second. Cet élément, qu'elles rendent avec leurs battements de
,
.../ ...
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•.•.•.•.••. _ - - - _ . _ • • • _ -

175
Qains, correspond aux deux dernières pulsations; lesquelles
étaient restées jusqu'ici implicites dans les danses que nous avons
étudiées chez les Baouléo
Dans la danse ~ca, les femmes amènent d'abord le pied
gauche - en le croisant sur le pied droit - à une position de
,
déséquilibre, l'équilibre se rétablissant ensuite lorsqu'elles
,.
ra~ènent la j~nbe droite restée en arrière. Chez les Aitou, Ce pas
de danse diffère un peu.- Les femmes qui 'formen t le cercle
maintiennent une position d'équilibre en procédant latéralement de
la gauche vers la droite: il n'y a donc plus croisement des pieds,
puisque la jambe gauche reste d'abord en place, pendant que l'autre
amorce le mouvement latéral, et qu'enfin celle-là vient rejoindre
celle-ci qui s'est écartée •
.Ainsi, le cercle ~ourne sur lui-m~lJe avec en son centre

I76
~
~
i
1
1
un autre groupe de femmes qui simulent des occupations quotidiennes
1
1
1
1
( telles que
faire la cuisine, laver le linge, ranger la case ou
1
, i
1
1
faire leur toilette ), avant de se jeter en arrière, au hasard.
1
1
_.."It
!iI-I
f
r
En général, le rôle central est confié aux jeunes filles
ou aux femmes adultes qui n'excèdent pas un certain poidso imaginons
en effet ce qui arriverait si, à la réception, l'une d'entre celles
qui forment le cercle se trouvait incapable de bloquer l'élan. Ce
genre d'incident, d'ailleurs, est géQéralement souhaité par les
hommes, qui trouveraient là l'ocoasion de jeter un regard sous les
pagnes que les femI:les, précisément par précaution, prennent soin
de nouer avec solidité.
Elles font parfois semblant de tomber et se' rattrapent
aussitôt; ceci pour prouver qu'elles sont aussi habiles que le .
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~~~~~~~~~~~1~~~~~~~~~ii.-··

I77
singo qui, perché sur sa branche; perd volontairement l'équilibre
et se ressaisit au moyen de sa queue sur la branche inférieure.
}~is ce qui est remarquable, c'est la façon qui est
particulière à ces femmes d'exécuter le chant. Il y a d'abord cette
forme responsoriale; qui confie au groupe central le soin de
formuler la phrase, laquelle sera ensui te reprise en choeur par
celles qui tournent. Il y a aussi ce "tuilage" CI), qui confond ici
le tout car les deux groupes répètent toujours la m~me:phrase. En
outre, la phrase chantée comporte en son début,' et à la fin, une
tenue en tierces parallèles ; et le tuilage a lieu sur cette tenue,"
boucle le cycle tout en donnant une impression de roulement continu.
CI)
Cette métaphore est souven t utilisée par les e thnor:lUsicologues
pour désigner le fait que, dans cette forme responsoriale où
alternent un choeur et un ou plusieurs solistes, ceux-ci peuvcn~
com:,1Cucer leur phrase avant la fin de celle chantée par le choeur"
ou inversement.
o • •-/0 .•
"

I78
Ce n'est pas par hasard que l'ensemble des femmes
utilise ce procédé de-tuilage entre les deux groupes
c'est que
ce tuilage est d'une importance capitale pour celles quise trouvent t11illi!Ii'
au centre, car en soudant les deux bouts de la phrase soutenue par
11
II1
les battements de mains le groupe central peut deviner l t évolution
"
i
du cercle qui l'entoureo Les femmes qui sont placées au centre
- arrivent ainsi à si tuer leurs partenaires et à déterminer l'instant
précis qui sera celui de l'élano
Le cercle évolue à pas lents, ponctués par le deuxième
élément de la formule rythmique ( voir le schéma ci-dessous ).
1
1
,-

I79
Hais, la difficul té se trouve dans cette méw.orisation du premier
élém.ent rythmique. Aussi les femmes se basent-elles sur les
pulsations et retiennent bien le temps global (en valeur quanti ta-
tive) qui s'écoule entre deux coups frappés. Cette durée, qui n'est
. guère supérieure à deux secondes, se trouve peu à peu gravée dans
la mé~oire des femmes qui se jettent en arrière
ensuite elles
n'y pensent plus et transfèrent cette durée globale dans les
nouvenents qu'elles exécutent avant lfal anD Et nous avons
remarqué que ces mouvements s'exécutaient en tena'1t compte à la: -
fois du chant et des battements de mains qui soutiennent l'ensembleD
On pourrait aussi supposer que le rythme des battements
de mains offre'
un cadre métrique suffisant pour soutenir le
mouvement d'ensemble. Mais étant donné que la musique des Baoulé
••• 1•••
.
.
.. -_.,,-_. . .. - . -.-- .-. -_....._-_ .. - "-' ._..•- .•..:._-, --_ ..•. --.; .• :;-'.:::::'--.:;;:_.'~---:c:--;;::--.:::"';:.-s····;c"":::"-::;"':.:=.'-;;,-'-;:;--;;;:-;:::''':::0.-;;;:::':=.:--,;.'-:--::::.":;'::--';;';"-:::;--.:.:;:--_.
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I80
1
se base sur des formules rythmiques complètes; avec un certain
nombre d'éléments additionnés ou juxtaposés, l'exécution d'un seul
de ces éléments ne saurait garantir la stabilité au plan
chorégraphique. C' es t la raison pour laquelle il y a; en plus de
tout ce qu'on entend, ce complément indispensable qui permet de
reconstituer d'une manière implicite l'ensemble de cette formule
rythmique.
Cet exercice de mémoire(I) fait que les fem~es
assimilent parfaitement la formule rythmique et peuvent même
évoluer de manière indépendante, sans le support d'une pulsation
(I)
Hémoire qui, par nature, me paraît semblable à la
"mémoire organique" dont parle Claude Laloum dans un article
récent.
Cf. " A bâtons rompus. - Ethnomusicologie et musiques graphique:;;";
in !llsiaue en jeu N°I3, ed. du Seuil Novembre 1973. ( voir en
particulier page 29~34 ) •
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TBI
régulière. Puisqu'elles ne font pas usage de tambou~ou de hochets
pour rythmer ce tte danse ( elles doi ven t garder les mains libres),
:~
elles trouven~ une métrique sûre dans le balancement du corps. J.
ce niveau, le rythme du corps devient celui de la danse. Il arrive
que les fenues marquent de temps en temps une pause. interrompue
soudain par l'élan d'une d'entre elles
l'effet est fulgurant;
car avant même que le cercle ne se reforme, celle qui s' e st
él anc ée trouve une réception en même temps qu'on en tend frapper de s
mains.
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l82
RITES FI.JNER~\\P.ES
eT
DA]:TSE ]:.f' HaLO
N'Nolo est une danse funéraire à laquelle participe~t
homl1es et femmes. i l s'agit, après la mise en terre qui a lieu
sans danse ni musique, de fêter l'avènement de la défunte ( le
N'Nolo se danse à l'occasion des funérailles d'une femLle ), dans
le monde des ancêtres (Ole Blolo )0
Cette danse a lieu dans la cour de la défunte, et
généralement le soir. Dès qu'on signale qu'une feLlme vient de s'en
retourner dans le monde des ~~cêtres, on assiste à un interminable
défilé de proches parents ou d'amis qui viennent compatir à la
douleur de ceux qui sont le plus touchés par l'événement. Cela
peut durer plusieurs jours
et, ceci, afin que tous ceux qui
connaissent cette personne aient le te~ps de la voir encore une

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: ... __ ~r.~:~ __ ,
' __"_0'_

dernière fois. La oort surprend toujours
et souvent, des membres
importants de la famille se trouvent éloignés pour des raisons
quelconques. Des émissaires sont envoyés dans tous les sens pour
les avertir
pendant ce temps, le mort ( car on procède de la
même façon pour un homme ) est gardé au fond de la case, sur son
lit habituel.
Le lJf nolo est en t'ai t l ' abou tissement d'un. ri te
funéreire. Il est donc important d'en montrer tous les aspects et
de voir aussi comment on passe de ~a peine profonde à cette danse
de réjouissance. C'est donc de la MOrt - au sens général - que
nous allons parler, sans tenir compte pour l' inst2.U t de la qualité
du défunt ( fem;Je, hOr.J.me ou enfant). Pour finir, nous irons
assister à la danse N'Uolo.
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184
Dès que quelqutun expire, un chef ou un personnage
important p on joue du tambour à coups saccadés avec deux baguettes
fourchues. Ce son peut se percevoir à une très longue distance. Le
tambour "parle" vraiment, car il invite tous les villageois - et même
les tribus voisines ( dans le cas d'un relais de plusieurs tambours )
- à aba'ldoriner le travail des cha:nps pour participer au grand
événemen t
le départ d'un des leurs pour le pays des ~~cêtres.
Cet événement ne concerne pas seulement une famille : ct est
l'affaire de tout le village. On commence par une réanion des notables
dans la cour du défunt et on apaise les parents en leur saisissant
la tête entre les deux mains. Les décisions les plus urgentes sont
prises par les anciens. Qui faut-il avertir? A quelles funérailles
le défunt a-t-il droit? Enfin, qui va organiser la danse funèbre?Etc •
.. ... / ..".

I8S
Après s'être mis d'accord sur ces questions, on procède
au prélèvement des reliques qui, disent les Baoulé, perdent de leur
puissance une fois le cadavre lavé
il s'agit des ongles des mains
et des pieds, de quelques touffes de cheveux et des poils du pühiso
Et ces reliques serviront à déterminer la cause de cette mort.
En faisant la toile tte du cadavre, les "croque-rrlOrts"
tiennent, serré entre les dents, uc morceau de bois qui leur évite
d'être en contact direct avec la riorto De même l'eau qui a servi
à nettoyer le fouin ( cadavre ) est soigneusement versée dans un
trou que l'on recouvre de terre. Le corps est enduit de beurre de
kari té
et s'il s'agit d'une femme, on utilise des parfums et l'on
trace des dessins sur tout le corps avec du kaolin.
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I86
Pendant que l'on procède à la toilette du fouin ,
quelques femmes s'affairent sous la véranda où sera exposé le
cadavre.Le sol auparavant nettoyé est enduit de bouse de vache,
1
1
tandis que le bas des murs et les marches sont badigeonnés;à la terre 1
1
rouge
1
0
1
i
Une natte est étendue, mais en prenant soin de ;
"l'inve.rser", l'envers étant apparent et l'endroit contre le sol •.
C'est que les Baoulé sont très superstitieux et pensent qu'il ne
faut pas procéder comme à l'ordinaire
et, de m~me,- si quelqu'un
se couchait par mégarde sur une natte placée à l'envers, ce serait
un présage de malheur.
Sur cette natte on étend une couverture noire rayée de
blanc et on y dépose le cadavre, recouvert d'un ou de plusieurs
.../ ...

l87
pagnes selon son importance. Lorsqu'il s'agit d'une belle jeune
fille, on asseoit le cadavre sur un siège, le dos appuyé au mur,
les yeux ouverts et les mains sur les genoux, afin que les visiteurs
puissent la contempler une dernière fois, et lui permettre aussi
de jouir du spectacle de la danse qui va avoir lieu en son ho~~euro
Ceux qui doivent porter le deuil pendant les funérailles
font alors leur toilette. Les frères et les enfants du défunt se
passent de la boue sur le corps
les épouses, de la terre rouge,
et les petits fils, du kaolin. Les proches parents se ceignent du
Oft ( pagne d'écorce ). Souvent, hommes et femmes s'entourent la
tête d'une bandelette.
S'il y a eu mort subite et sans raison apparente, il
faut rechercher la cause de cette mort avant do pleurero Un signal
"i.e
. 0
.../ ...•.
,

I88
est donné et chacun porte la main au front. Dans la tribu des
Faafouè on met la main droite
chez les Ahari Qn se sert de la
main gaucheo Enfin, on pleure en criant très fort sur une mélodie
assez aiguë et chacun lance des appels à son gré. On prononce le
nom du défunt,' sans oublier de convier un par un tous les morts
de la couro Les vieilles feIZlmes improvisent de très belles
complaintes pour louer le mort et exprimer leur douleur.
Les hommes, pend~~t ce temps, restent assis à même le
sol car ils réservent les sièges aux visiteurs étrangers. Les
femmes s'asseyent autour du corps, en guise de protection; et tout
animal qui s'approche du cadavre est immédiatement abattu
lorsqu'il s'agit d'un notable; on trace à la cendre une ligne
autour de la cour, et on tuera tout animal qui franchit cette
"
- .
limiteo
•• •1." ••

I89
1
1 !
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Les parents et les meilleurs amis du défunt apportent
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leurs plus beaux pagnes et leurs ob~ets en or - canne~, coiffures
)
i
i
i
cousues de plaques d'or; queu~ de 'Il'ache~ à manches doréS~· etc. - qtle
ill,:1
l'on dépose près du cadavre. On convie ensuite le chef pour lui
1
montrer les présents
l'assistance remercie par la même occasion
les exposants par une formule consacrée pour le temps des funéraille~
..,.:... ~< -,.
Ces objets resteront 8Aposés jusqu'à l'enterre~ento Une
1
. !
fois le cadavre enlevé, les propriétaires récupèrent leurs trésors ;
,
.'
seuls restent les pagnes qui enveloppent le corps du défunt.
~his auparavant, lorsque le soleil baisse à l'horizon;
ceux qui sont allés recueillir le vin de palme arrivent avec leur
longue Tomoa CI) posée vertical;ernent sur la tête, et à l'extrémité
CI) Couree vidée puis séchée.
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I90
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i!
Il
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supérieure de laquelle déborde le liquide mousseux. C'est le signal
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pour la danse funèbre, qui ne doit jamais commencer en plein jour.
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1.1
1
i
Un grand cercle' se forme alors dans la cour
les hommes empoignent
les tambours, qu'ils placent entre leurs genoux, pendant que les
femmes tiennent en main des bouts de bois qu'elles frappent l'un
contre l'autre. Ces bouts de bois ne devront plus. servir par la
suite à un usage profane; et à la fin des funérailles on les
jettera dans la direction du soleil couchant.
Avant de revenir à la danse elle-m~me, allons assister
aux ri tes de divination autour,des<reliques qui ont été prélevées
sur le mort~
Pour ces rites, les villageois ont recours à une sorte
de "médiu::J." , qui a le pouvoir d'entrer en communication avec les
1
... ...
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191
morts. ilais ces hommes sont assez rares, et on est quelquefois
obligé de les faire venir de loin.
Le médium - qui fait aussi office de devin - cherche
les augures en faisant porter sur la tête les reliques par deux
initiés, ou encore en les portant lui-même avec un seul initié. Les
Baoulé confectionnent à cet effet une civière avec des branches
rattachées entre-elles p~r des lianes.~es reliques sont rassemblées
et enveloppées dans un pagne blanc que l'on fixe au milieu de la
civière. La foule se réunit alors dans la cour, et si celle-ci
s'avère trop étroite, on étendra l'assemblée jusqu'aux abords du
village.
Trois hommes ont en main, l'un, une cloche, qu'il
frappe avec un bâton, le second un petit tambour ( Klin bà ), et le
. . .1. ..
."

Ig2
troisième un tambour de bois. Ces trois personnes sont chargées
d'appeler et d'exciter l'esprit du défunt. Chacune des questions
,
1
battements de ces trois ,instruments,' car
posées sera scandee par
es
ces battements l' aideron t à sortir de son assoupissement et de ce tte
indolence qui lui a fait accepter son état sans aucune réaction. Pu,is,
solennellement, un homme sort de la foule en bra.'1dissantune
machette et lance vers le mort les injures les plus cuisantes qui
soient
" l'laudi t soi t ton père
Haudite soit ta mère
n •
.A. ce
moment, l'esprit du mort s'empare du médium. Ce dernier entre en
transe et fonce sur l'homme à la machette, suivi parles deux porteurs.
de reliques. C'est alors que quelques membres de l'assemblée
ltt "'A1t~t~t
....
.
'
interviennentftout le monde
l'homme à la machette, le médium, ainsi
que les porteurs. Ceux-ci regagnent ensuite le centre du cercle, avec
la civière sur la tête.
... / ...
,.
.'

193
Plusieurs questions sont posées au marte Comme il est
de cou turne en pays baoulé, la quedion première évoque les deux plus
grandes divinités
Firmament et Terre. Le Baoulé, qui adore ce
couple divin, veut savoir pour chaque cérémonie de ce genre, quelle
est celle des deux divinités qui est la nlus ~lcie~~e, la plus
puissanteo Il supplie ·donc le mort, qui vient d'arriver au "village
de la vérité" (le Blolo), de lui révéler le secret. On désigne pour
la circonstance deux homilles
l'Wl représente Firmament, l'autre
la Terre. La civière hésite, penche d'un c~té puis de l'autre et se
stabilise enfin entre les deux. Cette question angoissa~te, posée
depuis deo siècles, est toujours restée sans réponse •••
Ensuite deu}: autres personnes SOllt désignoes cn secret
pour jouer les personnages de "Véri té" et de "Hensonge". Le médiuiU,
.../ ...
. '

194
qui ignore tout, doit fairee\\\\sorte que la civière fonce rWr
-"'.-.
Vérité. Si elle prend la direction opposée, on se disper~O
c'est
que le médium n'est pas à la hauteur de sa tâche, ou que 10 mort
io
refuse de dire la vérité. Si par contre la civière fonce :Jllr Vérité,
c'est que le mort est prêt à dire toute la vérité.
Par éliminations successives des gues tions nOG,ies, on
arrive à conllaître le coupable. Toutes les divinités sont passées
t·U~
en revue et on exclut Firmament, car Nyanien n'a jamais
<>
personne. S'il n'y a pas de coupable, on rejette la responsabilité
sur le défunt et on lui pose les questions suivantes
" as-tu viol é
un interdit? As-tu volé? est-ce ton vol qui t'a tué ?" Si ces
questions n'ont pas une réponse affirmative, on en arrive à la
"est-ce un ennemi qui t'a tué ?" Cette
OG."/··O~
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I95
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i
question suscite la terreur. car une autre question lui fait
immédiatemen t sui te
1
"qui est-ce? montre-le nous et il te rejoindra .
1
sur-le-champ au séjour des morts". Autrefois, la personne désignée
1
!
1
étai t vouée à la mort sans jugement. De nos jours on se contente de
!
,
1
1
1
1
,
le proscrire et de le chasser du village ; mais. généralement, le .
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j
"
1
couDê.ble ne survit pas à tous les mauvais esprits qu'on la11ce à sa
J
poursui te.
:1
I!1
li
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Ilfê.ut donc un certain courage à ces hommes et à ces
femmes pour s'avancer vers le cadavre en disant
"si c'est moi la
cause de ta mort, fonce sur moi". Dans certaines tribus baoulé. au
lieu de désigner publiquement le coupable, on se con ten te de dire
au mort: " tue l'ennemi responsable, ne le laisse pas parmi nous!"
Quand on connaît les causes de cette mort, on demande
.../...
..

I96
1
i
1
1
1
1
au défunt d'indiquer les remèdes qui éloignent la mort du village
\\
1
\\
sacrifices, offrandes, ·libations sont alors indiquéso Hais malgré
1
;
.~
cela., la mort reviendra, car, disent les Baoulé, "il n 'y a aucun
médicamen t con tre l a mort".
Cette cérémonie terminée, on se disperse après avoir
coupé la civLère en pe ti ts morceaux qu'on lance vers le soleil
"1"".
coûchant. On enterre ensuite le cadavre et les reliques. Le médium
..;
est alors rétribué, soit en nature ( un poulet ou une Tomoa de vin
de palme ) , soit en espèces (billets de banque) •
Le village du défUL~t a déjà entendu les battements des
tambours
cependant, le chef envoie son porte-parole sur la plaCé
publique pour inviter officiellement toute la population aux
funérailles. L'i.nstrument u tilisG pour le faire es t le Lon' ga
.../ ...
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197
( tambour d'essaille à membrane double et à tension variable)o
Les v-illageois se dirigent alors vers la cour du défunt
.1
\\
pour y pleurer,et y rester parfois plusieurs heures en silence ou
en conversant avec les voisins. Les absences so~t remarquées
la
seule excuse admise est la maladie, car jusqu'à l'enterrement le
village cesse' toute activité. Les étrangers qui y ré:Jident doivent
demande:r; la permission au chef aV2.-11 t d'approcher le mort, car,
comme les animaux, ils peuvent être porteurs de mauvais sorts. Quand
aux absents; en particulier ceux qui sont en forêt et qui reviendront,
dans plusieurs mois, ils devront, à leur retour, aller pleurer dans
chaque cour où la mort est passée durant leur absence.
La nouvelle ayant été portée aux autres villages de la
tribu, on voit arriver sur les sentiers et les pistes, des croupes
o • 1 .••

198
d'hosilles et de femmes, derrière leur chefo Quand ce chef est
important, il se fait accompagner de ses insignes
la corne de
buffle (~) et le ta~bour ( qui prend alors le nom de "panthère",
car il "dévore" les Mimaux du village ) 0 Au son de ce ta;]bour, les
invités se précipitent dans le village et s'emprarent de la première
b~te aperçue. Pour éviter ce massacre, le chef qui reçoit délègue
quelqu'un sur la piste, un poulet à la main, ce messager est chargé
d'apaiser le ta~bour-nffi1thère. Les groupes arrivent et pénètrent dans
le village ..
En tête marchent les femmes; les unes a~rès les autres;
elles entrent ensuite dans la cour du défunt en pleurant, avant
d'aller s'asseoir autour du cadavre. Les hommes.suivent en pleurant
eux aussi pour traverser la cour, et poursuivant leur procession à
;
. ..1...
. "

I99
travers le village; ils reviendront d3.l.'1.s le même ordre à la
demeure morttaire.
Cette cérémonie est à la fois compliquée et monotone
on répète souvent les mêmes formules de politesse, car messages et
réponses sont toujours tr~~smis par un intermédiaire (le n'dès
Q~s8af~uè), et tout se déroule ainsi avec lenteur et majesté
jusqu'à ce que tous les invités, no tables et ini ti és, aient pris
leurs places respectives d~~s la cour du défunt.
Avan t de repartir, les invités présen ten t leurs offrandes:!
monnaie, nattes, pagnes ou animaux. Ces objets sont déposés devant
le mort, le choix des offrandes et l'importance des funérailles
étant proportionnels aux mérites antérieurs du défunt. Si ce dernier
n'était pas généreux autrefois, il recevra peu de choses pour se~
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200
funérailles. Ainsi chacun pense à sa propre mort et s'eÎforce, par
t,
des dons, de se préparer une glorieuse sépulture. Ces dons serviront
1:"
.
à habiller ou à envelopper le cadavre. Les animaux seront offe~ts
en nourriture ou en sacrifice au mort. Les billets de banque
~d'introduction récente) sont recueillis par quelqu'un d'étranger à
la famille et remis à l"héri tier qui en usera à Sa guise.
Dans la vie quotidienne, tout est prétexte à danser et
à chanter. Pourtant, un petit nombre de villageois seulement
accompagne le corps au cimetière. La présence des femmes et des
enfants y est interdite. Les proches parents eux-mêmes s'abstiennent
fac'Hemen t.
En tête de cette l~arche rapide et silencieuse s'avance
celui qui porte les récipients de nourriture pour le mort. Vient
: ',
"

;'.
ensuite celui qui porte l'eau ou une gourde de vin de palme.
}~1
:~
l-
Au cimetière tout se passe très vite, car la tombe est
II
Il
déjà prête. On prend quand même soin de l'examiner attentivement,
Ili:1.li
1
.~.
--
il
d'y enlever tout corps étranger ( branches, feuilles, petites bêtes ) :1Il
1
li
1
avant de déposer le c~davre à l'intérieur. Les adieux au oort se
passent âussi très vite. Enfin, on se rassesblc au~ourde la tombe
pour boire ce qui reste de vin de palme (lT':Ié). De retour au village
on allume un feu sur lequel on fait flamber les instruments qui ont
servi à creuser la tombe, pour les purifier; dans le même but, on
se lave les pieds et les mains avec une solution où trempent

plusieurs sortes de feuilles ou d'herbes.
Les tribus qui ont cou turne. de placer la nourri ture au.
fond de la tGmbe viemlent deux ou trois jours après l'enterrement
... / ...
.
~.

pour contrôler l'état de la tombe. L0~ Ahari qui, eux, placent la
nourri ture sur la tombe procèdent à Wl contrôle plus efficace
il
1
l,
1
s'agit pour eux de conna!tre les dispositions du défunt et savoir
s'il a mangé ou non. Si les plats sont restés intacts c'est que le
défunt est en colère, et on consultera le médiuD pour en déterminer
la causeo Les Baoulé affirment que le défunt est seul à oanger les
aliments qui lui sont préparés. }his souvent, sur les tombes, nous
avons vu de nombreuses traces de chiens, de rats,etco Souvent
aussi,:néanmoins, cette nourriture dispara!t entièrement sa"lS qu'on
puisse déceler aucune trace d'animal.
Après ce contrôle, l'endroit est systématiquement
abandonné: c'est au village qu'on convoquera les défuntso
..Au. trefois, pour la mort d'un chef ou d'un roi, les
.../ ...

203
1
1
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1
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choses se passaient différemment chez les Baouléo On lui donnait
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des compaenons dans la mort, et les têtes d'esclaves tombaient,
1
: 1
fi
suivant son importance. Ces têtes étaient jadis placées sur les
ri
':
1
:1
sièges des ~~cêtres exposés sous la vérandao Les gens décapités
fi
, !
étaient toujours pris parmi les étrangers du Nord, achetés lors de
la guerre de Samoryo En outre, le grand tambour - qui représente
la vie des ancêtres - annonçait par des formules rythmiques
appropriées le nombre d'esclaves à sacrifier. Pour les Baoulé, il
ne s' agissai t pas à proprement parler de sacrifices humains: <t'il ~e'
fallait pas disent-ils/'priver le roi des habitudes qu'il avait de
son vivant;' et c'est la raison pour laquelle ils reconstituaient;
en quelque'sorte, dans la mort l'entourage qu'il PO~'~\\t.
Il s'écoulait parfois un an ou deux avant la publication
officielle de la mort d'un roio A.u jour fixé, les AlouÎQuè(personnes
... /...
,"

204
initiées à un stade ultime) déterraient le cadavre entièrement
décomposé et désséché. On étendai t le squelette sous des pagnes et
l'on procédait à la célébration des funérailles qui duraient --
plusieurs mois.
CVétait l'occasion pour les Baoulé de faire étalage de
toute leur puissance. Les sociétés secrè tes ( Amoui, Djè, etc. ) ~
exécutaient des danses qui n'en finissaient plus. Les tribus étaient
représentées par leurs meilleurs musiciens. Le grand tambour à
membrane résonnait jusque dans les profondeurs de la forêt et
entretenai t une atmosphère de tension et d'angoisse. rI fàiitdire-
que la cavité enrobée dans la caisne dumembranophone influait par
ses dimensions, ainsi que par son ouverture au bas de l'instrument",
sur la gravité et IVintensité du son. Qu'il s'agisse d'une richesse
harmonique propre ou d'un renforcement par un résonateur, il est
••• /0 •• ".
.... ""

205,
certain que le choix de la matière, la forme qu'elle épouse et le'
i
" mode de contact" que l'instrument entretient avec ce qui l'entoure,!
Li
i;Il
ne lui sont pas indifférents
le Klin kpll:. ( grand tambour )
Il
parvient à une véritable aùpleur d'ébranlement en contraignant les
li
il
t,
\\'
IIFI
éléments distincts ( peau et caisse en bois )à communiquer en leurs ;1
-;1
1
points sensibles avec des corps extérieurs.
"
Ainsi la résonance ne se limite pas simple~ent à la
caisse de cet instrument
le joueur de tambour produit des
vibrations fortes qui entrent en contact avec les corps solides,
qui vibrent à leur tour. Il se produit alors une chatne de vibra-
tions dont l'intensité décroît au fur et à mesure qu~ l'on s'éloigne
de la source. ilais'ce son peut se percevoir de très loin, car cette
vibration trouve un complément de propagation dans l'écho formé par
la vo~te forestière, mais aussi par les crlliids espaces, lorsque l'on
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se place sur des hauteurs pour jouer de ce tambour.
,
i 1
Nous remarquerons le naturel des Baoulé quand ils font
usage de principes d'acoustique simple. Ajoutons aussi que c'est
par ce procédé qu'ils transmettent leurs messages. Ils n'ont pas
besoin de créer artificiellement une ambiance propice à lapropa-
eation du son. Ils utilisent les éléillents de la nature dont ils
connaissen t les propriétés. D'ailleurs SI ils se me ttaient en devoir
de créer un"champ acoustique ll -
en construisa.llt, par exemple, de
grandes cases fermées pour abriter les eUGcsbles de tambours - ils
risqueraient d'enfermer le son. Or ce qu'ils recherchent, c'est
cette diffusion, ce traitement du son qui lui permette d'entrer en
contact avec d'autres corps, de façon à lI co ll er ll le plus possible
à "l'Autre ll
divinité ou clan. Là encore s'affirme ce désir d'union
et de cohésion qui transcende la musique et la rapproche des forces
o • • / • • •

..

207
-....",0",
1
l,

'1
:~
invisibles dont les Baoulé supposent qu'elles nous entourento La
propagation du son est un phénomène acoustique connu
cependant
les :Saoulé lui donnent une autre signification, celle de matérialiserJ\\
1i
en quelque sorte, la communication nécessaire et indispensable avec
il
(,1
Il
i!
les objets, les êtres et les esprits qui nous entourent.
Nous aVons pris du recul p~r rapport au lT':Tolo, :Jais
cela s'avérait nécessaire. " pour bien voir, disent les Baoulé, i l
ne faut pas être trop près de l'objet
il faut s'en séparer,
prendre de la distance par rapport à lui". Enfin, c'est en allant
assister aux rites funéraires que nous avons compris pourquoi les
Baoulé se montrent si joyeux et pleins d'allé~resse d&~s l'exécution
de la danse H'?To.!2.
cette danse est précisément "funéraire" parce
qu'on fiœ. l' avènemen t de la défunte dans le monde merveilleux des
.../...
..

208
anc~tres.
Le soir, après l'enterrementt les villaeeois se réunis-
sent dans la cour de la défunte
ainsi débute la danse iPNoloo Les
canaris de IP~'lé H'3?Jl
aÎfluent de toute :?art. Les hommes et les
femmes restent da~s les habits ~u'ils portaient pendant la
:1
cérémoll~e Îtmèbre. 1e joueur de Pindri!i (moyen ta::lbour) va
s'accroupir prèc du Îeut qui a servi ~ Îaire la cuisine, pour
bien tendre la peau de l'instnlment qu'il présente aux braises
encore ardentes. Chacun s'installe comme il peut
on réserve
cependant le rond central à ceux qui voudront exquisser des pas
de danse. Les
femmes se saisissent de bouts de boistqu'elles
Îrappent l'lm contre l'autre, pour s'assurer d'abord qu'ils
résonnent bien o On prend son temps ett par la m~me occasion, on
laisse arriver les retardataires. Ol1 parle de tout et de rient
.../ ...

209
on se salue, les jeunes en profitent pour faire plus ample
connaissance
c'est que la famille chez les Baoulé a des ramifi-
i'
II
il
! 1
l"
cations un P9u partout. On rap~elle en même temps à certains jeunes
t
1
qui s'avèrent tro~"entreprena."1.ts" à l'égard de leurs cousines, qu'ils
font partie de la même f~~ille et qu'ils doivent respecter la tradi-
tion. Ainsi se passe cette longue mise en train, où l'on voit
défiler hommes et feomes somnairement v~ tu6~ ( un pagne aU tour du "
corps pour se protéGer de la ira!cheur du soir ). On boit beaucoup,
peut-être pour oublier ce qui vient de se passer, mais surtout
parce qu'on a la gorge sèche après avoir crié et pleuré.
Soudain, on entend une voix de femme qui· chante un air
en trecoupé de sanglots
Il
nous ne trouvon::: personne pour ce tte
d&"lse. Hous sommes prêts
alors qu'attendons-nous pour danser? Il
Cette invitation, ù laquelle on répond "crès vite, incite hom::Jes
... / ...
• • •- - . - • • • - -
-
_
• • • • • • ~. ••
••
_
• • • • , - • • • _ , . _ •• ~
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~t~~~~~i~~!t~i:~~~~~§t~1t.%~~4:~iti~~ffi~~~~~~~~iit~~~t~~~O-f~~~i~~%~~~~~-:~R';;~ff~f~~i~~~t~~~~ii~~iè~~~i$}iiiÇ~}~

2IO
et fer.lines à pénétrer dans le rond central. AussitOt,l'assistance
entonne le couplet dédié au roi des oiseaux
" aigle, bel oiseau,
c'est ton jeu. Qui peut comne toi, jouer ton jeu jusqu'à l'aurore,
jusqu'à demain matin? Il On allume alors un feu dans la cour. La
fumée qui monte du brasier va inspirer le couplet suivant. Cette
fumée est, dit-on, chargée d'un message adressé à Firmament
elle
dira à la grande divinité baoulé, combien le village a de peine
" fusée
mon te et va dire à Â.'1a;ngam~ qu'une de ses servan tes est
morte ici ".
Sur cet air traditionnel, entonné par la femne qui
continue de sangloter, et repris par l'assemblée, les couplets se
succèdent soit au moyen de phrases connues, soit à l'aide d'une
,
1
série d'autres, inspirées par la solelliîité du mouent., Ainsi cette
danse se poursuivra jusqu'à l'aurore. La famille est charcée
,i
... / ...
,"

211
: ;1,..: .. ;:;.'.
'.
d'offrir du v.i.n de palme aux musiciens etaux danseurs pour les
maintenir en forme. De temps en temps, un ancien dit un proverbe
tout le monde l'écoute attentivement avant de reprendre la danse.
Ces proverbes expriment une profonde tristesse et une
souffrance,'
oais finissent toujours sur une note de gaieté qui redonne un
second souffle."C'est qu'il n'est pas bon, disent les Baoulé, que
la fanille du défun t reste seule à pleurer tou"c:e ,la nuit
i l faut
la distraire, et c'est pourquoi nous jouons; nous dansons afin
qu f el1e oublie son chagrin et prenne conscience de cette gaieté
trans.cendan te à la oort, celle-ci étant une étape nécessaire au
franchissement de la barrière qui sépare la vie que nous menons
- et qui n'est pas toujours rose - du monde encha.'1té où. vivent les'
""
ancetres."
1e8 couplets qui sont inspir8s par la cérémonie
.../ ....

2I2
tentent de don:ler une iI:lace fantastique du blolo. On fait souvent
1
allusion à une rivière calme et large, mais sans autre moyen que
'/
1
la naGe pour la traverser. Il ne faut donc pas
\\
:,',
que le défunt se noie.
Il doit, parvenir sur l'autre rive pour retrouver ce blolo merveil-
leux, 'Où il retrourne après son séjour plus ou moins prolongé sur
la terre. D'ailleurs, le choeur dans sa réponse affirme qu'il est
i8possible pour le moit de se noyer car ce dernier con~aîtle
1.'
- cheElin
Il
tu l'as déjà parcouru, d;it-il
tu sauras le refaire. À
ta naissance,
tu as naGé-pour venir jusqu'à nous,
ta mort n'est qu'un
sihlple retour à tes oriGines. Cependa.'1t,
toi qui sais maintenant,
to~ qui vois tout, pense à nous qui somme:s encore ici, et qui nous
posons toujours des questions ".
Certains des meobres de l'as~eElblée laissent voguer
leur imaGination à tGl poin~c qu'ils en arriveQt, dans 18 chant, à
,.
._ .. _... _....
....
-~----
-_..•._....._~- -,.-~

213
: ......
décrire la nouvelle case du mort ainsi que les objets qu'elle
, '
. ,
:1
contient. On n'oublie pas non plus le paysage qui n'est ni forêt,
. i
ni savane, qui. n'a pas non plus de montagnes et s'étend à l'infini.
C'est le pays de la Beauté et de la Vérité que ces chants évoquent
dans CG t-ce poésie imaginaire. Il faut di.re que le calme de la- nui t
inspire les Baoulé en les rendant plus lyriques que d'habitude. Ce
lyrisme fait que nous déc~vrons en chacun des me~bres de l'assemblée,;
i!
des dons insoupçonnés et une maîtrise parfaite de la l~lgQeo Ceci
exalte la musique- au même titre qu'une lecture exalte l'imagination.
Alors, au fur et à mesure qu'on s'échauffe, l'enthousiasme gagne du
terrain, surexci te, et pationne le jeu.
Hous avions mon tré l'influence que les formules
rythmiques pouvaient avoir sur les membres de l'assemblée
ici,
c'est l'inver::::e qui so produit. Le joueur de tambour, ainsi que
... / ...
.-,-".~ - . - .. - - _.~~ -
.•
' . ' - •••••..•••• ,...
•••_.~ - -. ~>.- ••-
. • • - ••... _.- • . ~'-" - - . " . ' - - - - .'-. -'
0',
__

_.~, __ ._•• _._ •••• ' . '.~ ._~_ •• __ ."_ -o...
_ ..•.._... _
.._..__."
..•
..__
~~E~114~~~;~~~~ij;'~tf~~l~~~~~~§'~~(~i:~~~~~,%$:~i~;t~~t~i.~2~~g~t;~è~~1~fj,~Ëfof.~~rt;~~~ir~~:i~~f~~4t~~i~~~~ii~~ j~~~E~

214
les danseurs, écoutent attentivement ce qui se dito Par la même
occasion, ils entreprennent de faire le vOyage ir.lacinaire qui leur
est suggéré par les invocations puissantes qui sont faites. Ils
comrJunien t à ce t te "euphonie" tradui sen t f.inalemen t leur euphorie
dans une frappe du tambour qui tra,...'1scende le rythme initial, et,
d'autre part, en esquissant des pas de danse qui,·.~à: leur-tour,
dépassent ·la si8ple fiGUre chorégraphique pour se nuer en une
\\.
totale e:-:pression corporelle. Ces effets sont tels qU'il n'est pas
rare de voir les membres de la faDilla oublier leUr chagrin pour
entrer dans la danse et chanter avec tous o De plus, la gestuelle
ainsi que les sons -
se fondent dans un ensemble eurythmique; qui
forme une manière de synthèse entre les éléments lincuistiques et
musicauxo
1
..
.,
fi
/
..
~ •

'~.
....,
i
\\1
ii
\\1
TROIXIEHE
PARTIE
AHALJSE
COIvIPARATIVE
DES
TONS
LA1WAGE
PARLE
DES
SONS
I<IDSICAUX.

.:,~..-
215
LES
TONS
DU
LANGAGE
Nous y relevons en premier lieu des voyelles orales ;
de fermé à ouvert, que nous lisons de gauche à droite
.~ .
i
é
a
o
u
par exemple
.si (père) lU. (mère) .li. (t~te) &
(mange). Le i se
se prononce comme en français dans lit, mie, etc (r).
Quand nous Îaisons prononcer des mots donné?s en ememple
par un Baoulé nous remarquons que ces mots ne sont pas tous pro-
noncés à la m~mehauteuro rI y en a qui sont dits à une hauteur
caractéristique (soit très haut, soit très bas). De plus, nous
rencontrons des mots qui paraissent identiques (m~me consonnes,
m~me voyelles). Cependant, notre interlocuteur nous dit que ce
-
1
(I) ~and aUx consonnes, leur prononciation en Baoulé diffère peu
~. ;.:--;.-." -.
de celle que l'on connatt, en Français.
1- ',~
,"
"+_._.
."
• • • • • • • _ . _ ' . _
. ,
• _ _ ~
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_ _ , . _ • • ,

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' _ _ . _ . _ . __ ,,~ • • _.~._.'_." • • • •
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• _ _ ~_._~_-.~•• ~
, ~ _ .__ , , __ . . . _
• • • __-
, _ _ ' , " ,
-',,~

216
':
n'est pas la m~me chose, et si nous n'avons pas compris le sens
c'est parce que nous n 8 avons pas saisi la nuance. Cette nuance se
situe dans, le ton employé pour la prononciation.
i l existe en français un accent tonique qui fait qu on
'
insiste généralement sur la dernière syllabe des mots
par la
même occasion, on prononce faiblement le ~ muet. Chaque phrase a
la manière qui lui est propre de commencer et de finir. On marque
l'interrogation, on insiste sur tel ou tel mot. Cepen.dant, seul le
contexte permet de comprendre, par exemple, s'il s'agit de la fin
du monde ou de la faim du monde~
Pour le baoul é, c 'es t aussi conna1tre les voyelles et
les consonnes qui composent le mot ainsi que leur agencement, mais
aussi et surtout le ton. En ce sens, même si deux mots se confondent
par leurs voyelles et par leurs consonnes, il yale ton, cette
hauteur qui fait partie du reot et en différencie le sens. En réalité,
... /....
• •
,
' .
. ~ . __ ~ .• _ _ • . __
__. __ ~
__
• • •"0.,
~~ __
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~"""
. _ .
~~~~~fi~~~~~~~~~~~~,+~~=~~~:=:~~=-i~T'·*:"';~";iT-..,.:~~.",t~"-'S~='~:::-5""t""~=:i~~~~i~~~~~4;~~~=i*""i~~~f{~7.[~t~{l%i~~'L~~~9-~~~~~~~

2I7
le jeu des tons que complètent les pronoms et les formes verbales
expriment des nuances qu'on ne peut tradùire que par une multipli-
cation des formes, des conjugaisons et des désinences •••
Notre aperçu de la phonologie du baoulé se base sar
de nombreux tests que nous avons contrSlés, vérifiés pour en
dégager progressivement les lois que nous mettons en pratiqueo Nous
en déduisons cinq tons principaux qui nous rappellent la forme
pentatonique de 'cette musique.
d'abord les tons.
Deux ponctuels
haut ( / )
: bas
( \\ )
Un groupe ponctuel moyen
( = )
Deux
modul és
descendan t CA)
:
mon tan t
(V)
1°)
Ton ponctuel haut ( / )
Il est d'abord ponctuel, ensuite tendu, enfin égal sur
toute ln durée. Ce ton est à lq. hauteur maximum du regis tre. En
.../...
-:--:"='."":'"::..""
.."" .=
_. , .
• . . • • . . . • • . • . • . • • • . • . • • -
. - _......•... ~ . • . . . • . • . . . . . . . ~ •.••.••••-
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..""
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••. "".':=:-::=;::::"'
..,=.... ,
~

218
.
voici quelques exemples
s~
1
ii
( main )
bué ( nez )
'1
:1
1
/
\\1
ni ( mère )
blu ( dix )
,1
fi
/
"
ri
ti ( tête )
, etc.
2°)
Ton ponctuel bas ( \\ )
n est ponctuel mais moins tendu du fait de se. position
.
basse. Exemple
"-
Dja ( pied )
"-
nuan ( bouche )
"-
,
sin ( dos
)
"se ( si ) , etc.
3°) Ton modulé descendant (1\\)
Il est assez proche du ton haut mais s'en distingue
cependant par la modulation descendante. La voix n'est plus tendue;
elle se relâche nettement. Exemple
1\\
A
Sa
( affaire )
sili
( feu
)
"
1\\
ya
( douleur )
duo
( igname )
/\\
1\\.

( mauvais )
kpa
( bon
)
1\\
1\\
blé
( noir
)
sran
( personne, homme) , etc.
.../...
"

+ • •
.• _._._,_ .
•.
••
' • .
_'.'_• .
.. " ....
~
, ~ " ,
_ _ •. _._~._ -
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• • . . • . . • • • _ • • • • _ . _ ••• _ , _


. , , _ • •
. . .
_ . __- • • _.
• • • • •
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.~._
~
".'~
' _ ~
~~~ff,~1t~{t~ .. _ "--_··_~j§~~1~~~1~~t.~gk~~~1~~~~f~~41~~~{:t~gSit~f~t~ ~~~~~:E~~}(~~7;j*t~~~~~~~~\\~~~t~~~

?ïO
~--'
4° ) Ton modul é mon tan t (V)
Il est assez proche du ton bas mais la voix reste
tendue et remonte ostensiblement. Exemple:
"Ba ( enfant )
V (
A
bo
foret )
V
V
bua ( mouton
)
klo ( village )
V
V
klen ( tambour)

( natte
) , etc.
5°) Groupe moyen (=
)
Ces mots nVappartiennent à aUC~~e des catégories précé-
..
dentes. Ils représentent un très faible pourcentage des monosyllabes
et semblent ne comporter aucune modulation. Ils se situent à un
.
niveau moyen. Exemple
-
-
Bla
( femme
)
-
ml an ( mercredi
)
-
-
tro
( sauce
)
b~ ( homme ) , etc.
En considérant ces classes de monosyllabes nous remarquons
au plan syllabique ( c'est à dire le ou les sons prononcés d'une
seule émission de voix) une majorité de consonne+son intermédiaïre+
voyelle dans les tons modulés (esv). Les tOns ponctuels ne comportent
-
.../...
#
',I;.~.
~.

220
..
"
'
.
que des structures CV ( consonne + voyelle ). Précisons cependant
V
ce qu'est un Bon intermédiaire : dans klo ( village ), nous avons
deux consonnes qui se suivent. La consonne l de cet exemple n'a
.: pas le son de la première
elle se rattache des deux cOtés : on
peut prononcer les deux consonnes comme prononcer aussi ce son
médiaire sans la voyelle finale. Etant donné que nous sommes en
V
présence ( avec klo ) d'un ton modulé montant, c'est la consonne 1.
qui tend la voix sur le k a-v-ant (1.'.18 celle-ci ne remonte sur le .2..•
I l est donc clair que la consonne!, si on veut la situer du point
de vue hauteur, se trouve entre le Js et le .2. qui représellte '-1 t tés ...
deux peles du monosyllabe.
Le ton est mouta:lt c'est à dire qu'il part du grave vers
l'aic,u
la J:lod::llatiŒl S 8. trouV8 donc do..::.1S cc tte t8~lsion 'lue la
consonne l exerce sur le lE. avant la conclusion sur le .Q. , ce qui
justifie la graphie
( '\\) (~ ( /) ( bas, moyen, haut).
En
définitive, dans un monosyllabe, nous avons déjà trois tons, à

. .'~' ~". '
.../ ...
.<
;',-
..
' :
: " . .
.
~_'"
" . '
H .....
• __ ' _ _ >'_"_

22r
~" ~....
l'exception des deux tons ponctuels dont la structure prédominante
est (CV) c'est à dire consonne
1
+ voyelle.
1
1
1
En comparant avec l'Agni qui est le cousin germain du
1
il
Baoulé, on s'aperçoit que de nombreux dysyllabes agni sont des
Il
'il
"
,1
\\1
monosyllabes en baoulé
de même, deux tons ponctuels sont réduits
[·1
:1
il
à un ton modulé qui est la somme des ponctuels. Exemple :
' \\ /
V
village
agni
kulo
baoulé: klo
/ '
A..
noir
agni
bilé
baoulé
blé
,
A présent, procédons a une rencont:r;e des tons.
IO) Ton haut • Exemple .
/
/
si
+
blu
= idem
/
A
si
+
kpa
= idem
/
1
'si
'+
-
d'In
= si dan
/
\\
si
+
mu
= id
Il n'y a pas de grands changements. Cependant, derrière
un ton haut, le ton montant perd sa modulation et reste à un niveau
.". .1•..


_____ ."_·_v~
__ "
-
._._~_ •• __...• ,~~_ ..,-._.
~.. ~ .- ••~-.- •.-,.--.- _.' .. -
_.'-'''-'''. - .. _~
~
_
,.~~.,
222
moyen que nous no tons ( - ) .
.
2°) Ton bas • Exemple
\\.
/'
dya
+
blu
=
id
"-
Â
dya
+
kpa
=
id
"-
V
dya
+
dan
=
id
"
dya
+
"mu
=
id , etc.
Pas de changements non plus, mais nous remarquons que
Kpa garde sa modulation descendante et que Dan est tendu avec une
légère
montée qui ~elâche le mu. C'est que nous sommes au bas du
registre et que la voix se laisse tomber.
3°) Ton modulé descendant. Exemple:
/\\
1
1
fié
+
blu
=
fié
-blu
/ '
1\\
1
fié
+
kpa
=
fié
kpa
\\:..'~ #-
A
V
1
fié
+
dan
=
fié
dan
/ '
\\.
/
fié
+
mu
=
fié
"mu , etc.
Ici, la modulation descendante du ton réagit. Ainsi, le
,ton perd sa modulation mais fait chuter les tons qui le suivent et
.../...
,"

223
les ramène
à un niveau moyen (---). En principe, ces tons devraient
se si tuer plus haut ou au même niveau. Nous avons noté. -
blu, -
koa,
-dan, que le ton ( 1\\) fait tomber et renvoie à un niveau moyen: ne
perdons cependant pas de vue que ces trois mots ne se réalisent pas
exactement à la même hauteur. C'est que l'écriture ne pourra jamais.
rendre compte des fluctuations des tons. L'essentiel est cependant
de repérer la chute des tons.
,40)
Ton modulé ~ontant. Exemple
V
/
---
-/
sua
+
blu
=
sua
blu
V
1\\.
- .1'
sua
+
kpa
::::
sua
kpa
V
V
1
Bua
+
dan
::::
sua
-"
dan
V
"
V
"-
sua
+
mu
=
sua
mu , etc.
Devant des tons plus hauts que lui, le ton mon ta."'l t perd
sa modulation et se réalise à un niveau moyen mais qui. tire vers le
bas; ce n'est cependant pas encore le ton bas. Par contre devant
un autre ton montant, (V) monte presque au niveau du ton haut; cette
.../ ...
.. _.'- ....---.------ -- -".-' ..--" -~-
.. -' ..... --..... _--'._--',_._-_._",. _.. -' ... ,....._----- _....~.. ' .- .._-:..-.-~_ ....._-
~~!~~~i~f~r:----~-~i~_fji~~~~f~~~f ~.:~-_.ji~~i~~~i~~~1~~t0~~;~i;;~~f~~Jf1\\?t~ji~~~1~1t~%~~~ttlf2~~~~{~W1;Yi~l~~

, -~':..:"
han teur est intermédiaire entre (1) et (-) que nous écrivons (r )0
Enfin, devant un ton bas, (\\1) renforoe sa modulation.
50) Ton moyen
.
Exemple .

=
/
1
bla
+
blu
-
=
bla
blu
--
A-
1
---
bla
+
kpa
=
bla
-
kpa -
--
V
\\
bla
+
dan
=
bla
-dan.
' :
" .. ":
......
........
V
----
"
_.
bla
+
mu
=
bla
mu
etc.
Ce ton, entendu isolément comme ponctuel moyen, tient
à la fois dans son comportement, de (1\\) et (\\(), tout en ne montan~
jamais aussi haut qu Sun (1\\) normal. No tons aussi qu'un ton (A)
renvoyé à un niveau moyen par un autre (1\\) se comporte comme un
niveau moyen (=..).
En outre, plus on se rapproche des frontières du PaYs
=
Agni, un mot COmme bla ( et bien d'autres) peut s'analyser comme
l
"
/
ba la a : nous avons là 1L~ phénomène de contraction qui prouve bien
que le Baoul é porte une forte empreinte de ses origines de l'E:st •
.../ ...
..
"
~"

;1
225
:!
il
1
:'
i
D'une manière générale, on note sur les rencontres de
i
monosyllabes, que les deux tons ponctuels sont stables avec
possibilité d'une suite de hauts ou une suite de bas au même niveau,
que les deux tons modulés perdent souvent leur modulation, mais

,1
i
en occasionnant des transformations dans les tons qui suivent
1
1
( deux tons·'.modulésne::peuvent se suivre au m~me niveau sans que
l'on constate une baisse du second)
enfin, on remarque l'appari-
tion d'un niveau moyen dû aux rencontres.
Les Baoulé utilisent rarement toutes les possibilités
tonales sur une même syllabe. Notons cependant un exemple rare
~ = ainsi, ~ = gingembre, ~ = affaire. Il y a peu d'oppositiàn
entre des niveaux proches
1 et 1\\, V et
\\
;. exemple
k!.n
( p e t i t ) · , k~ (là où ), Cd' (forêt ), ~ (fond ).
L'opposi tion la plus remarquée se trouve entre 1\\ et V
~ (tordu ) ~è (crapaud ), ~ ( saleté ) w'r: ( mémoire ).
Donc à ~artir des cinq tons des ensembles monosyllabiques
..".
.
__.
",
..,_,__.,_. - _" ..-_..'.'
'_" _o._..,
__ __.__._
, ,_ ..__.,_. __ ..
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.• __ .
.• __• •••
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~_._._
_.~
~
~.
><_ • •
• _
" _ . . .
" . _
+."_ •• _•• _";''-'_
_•• _.,.-",_ ••• __ •
_.~._
'_~'
_"~+"~.'.~_

226
que nous venons d'étudier, nous pouvons dégager les possibilités
suivantes par extension aux disyllabes.
Exemple
~
disyllabes
1 1
1 1
t8.1ua
( jeune fille )
//\\
1 1\\..
bawlé
( baoulé
)
I -
I -
i ma
( oeil )
"
l "-
/
tanni
( étoffe )
"- 1
" /
agba
( manioc )
1\\
" A
\\.
a tin
( chemin )
\\V
'V
sika
( argent )
'"
"
gbaflen
( jeune homme )
"J\\
V
"-
bla là
( fer)
'\\ -
, :=
-
a trè
( magie ), etc.
Des suites comme 1 V , AI\\., 1\\ y,
A. /
se
réalisent presque de la même manière. Nous signalons aussi quelques
mots redoublés dont on retrouve facilement l'origine. Exemple:
,
-
(
V
V
kpengben
vieux) à l'origine: kpon + kpen. Par suite
de rencontre, ces mots sont amenés à subir des changements. Nous
disons que dans ce cas, ce sont les tons qui réagissent les uns sur
.../...
..
• " . _ • • •
_ .
__ . ' . _ _
, • • • , . _ .

• . ,
•• _ _
•_ _ ••
_ _. _••
• • • • • __
._ •• _ _
__
• _ _ , ••
••C _
• • • • •
, _ _ "
• • • _ •• _
• __ ' . - _ '
~
~
~ . ,
~ ~ _ ~ _ .
_ . ~ .
_ , . _ ~ . _ . _ > _
~iti~j~ti~~-i~~i~~~~~i~~~~~:t~~-ii~ji~~~~~~~~;~ft{~~~~*tf~~~~IJ;~~~b~%t~~t~ti~~f~1~~~~?#f~f:~1i~~~~:~~~~~~ ;~~~g

227
\\
1
1
\\
1
j
j
'!
!
les autres. Ainsi, trois tons qui se suivent réagissent de la même
?
~
manière, qU'ils soient portés par trois monosyllabes, par un mono-
syllabe + un disyllabe ou par un disyllabe + un monosyllabe. Voici
quelques exemples de rencontres essentielles:
rO) descendant + haut + haut = haut + moyen + haut.
( Nous avons vu précédea~ent que le modulé descendant perd souvent
sa modulation, mais celle-ci fait chuter le haut qui suit ):
/ '
/
1
1
1
exemple : sran
+
kpangban
=
sran kpangban
'"
1
1
1 1
1
bawl é
+
kpangbal1.
=
bavrlé
kpangban
29
haut + bas + bas
= haut + haut + bas
1
/
1"-
si
+
'"
kéklè
= si kéklè
/,
"-
I I \\ .
tanni + mu
= tanni mu
La même chose se produit avec descendant + bas + bas
"
1
/ "
sran
+
"
kéklé
= sran kéklé
Bas + montant réagit de la même manière sauf que le
ton montant perd sa modulation et reste tendu à un niveau moyen
: ~ ...
.
.../ ...

228
/
" V
1
1 _
si
+
klaman
=
si klaman .
/ \\ .
V
1 1
tanni +
dan
=
tanni dan
3°) montant + bas + bas - moyen + haut + bas
un ton
montant "suivi d'une série de bas t perd sa modulation; mais iLfai t
monter le premier ton bas.
V
"
--.
/ ,
Sua
+
"-
kéklé
=
sua
kéklé
4°) montant + bas + montant = moyen + haut +, moyen
",dans "cette réalisation, le dernier montant perd sa modulation et se
."
"réalise à un niveau moyen.
V
"'"V
/ -
Sua
+
klaman
=
sua klaman
Dans le cas où nous avons
bas + haut
et bas + descen- .
dant, nous déterninons d'abord la nature du premier ton bas
il peut
s'agir d'une voyelle, d'une nasale, ou d'une syllabe de type con-··
sonne + son intermédiaire + voyelle. Exemple
' \\ /
\\ / \\
nga
( c e )
atin
(chemin)
' \\ /
'\\ f\\.
agba
(manioc
)
nny~
(combien
).
Faisons précéder d~s divers niveaux
.../.. ~
. .
_ . " .
. . ,
- -
-

, "
C
• • _ . . . . . . . .
. . . . . . . . . - • • • • • _ . :
- '
- " _
__ . . _ . . c
_
_..- ..-
-_. ---- -
-
- . -'--
,-::-c;:;.~',,",'.:-::C"'~--';-;""-.::::--",c;:''''i''.c.:--,-,7,'
--:=-:,::._::e,
..,,-?-
.. :'i':;'-i-o--';:-;-':=""~"'::;'-'c::,--·2-.::::--··~
..·-i:-·--:.::;..·=
..···

Il
229
:
,
t· 1
,1
/
i
( devant un nom, correspond au cas possessif) il;\\
-/\\
!1
sran
( personne, homme )
i:
,1
V
li
klo
( village )
l:
.'
li
"-
l'
[1
tro
( charge
)
Il
'1
Il
,
li
"
" /
'"
/
"
tro
+
nga
= tro
nga
i
1
"-
,/'.
= '"
\\. 1'\\
: '
' ,
iro
+
nny&
A
iro
nnye, etc. Derrière un ton bas,
\\'
!
(") + (() et
('\\.) + (À) ne varient pas.
Pour les autres tons, nous considérons la nature de la
i
i
syllabe qui porte le ton bas
lorsque la syllabe est un~, ce 8
toujours bref est absorbé par le ton précédent, et la syllabe sui-
vante, qu'elle soit haute ou descendante, se retrouve au niveau
moyen. Exemple
/
,,/'
1
si
+
nga
= si nga
Si cette syllabe commence par une consonne qui est un
son bref et fort, i l y a simplement perte de la modulation précédentec1.
,
/"-
, /
1
./
Exemple
sran
+
béni
=
sran
béni
V
..... /'
a
, /
klo
+
béni
. =
klo'
-béni
.../ ....

. :.'".

230
En finale, le dernier ton hau t ou descendant aura
tendance à se réaliser moins haut que sa position normale
c'est
là un phénomène d'intonation difficile à noter.
Rappelons que le niveau moyen a cette particularité de
se co:nporter'tantet oomme un ton presque descendant tantôt comme
.
un montant
-
1
l
comme
-
!\\
bla
+
blu
=
bla
blu
-
,
-
1\\
b~a
+
kpa
=
bla
-kpa
-
1
1
1
/
bla
+
kpangban
=
bla
kpangban
-
V
\\
comme
V
-
bla
+
dan
=
bla -
dan
-bla + " V "-
mu
=
bla mu
-
'··V
1-
-bla + klaman = bla klaman,etc.
En règle générale
1°) un ton moyen venant d'un haut rabaissé par un descen- .
dant précédent ou d'un
montant perdant sa modulation se comporte
comme un ton montant.
.../...
_ _
• • _
.• _ . , _ • •
_ _ ' _ " V
• • • ~._.
. _ . __. _ . _ .. _ ••
. , _ . • ._ . _ _ ••
• . • __ ._,~ . • _ .
. _ . "

231
20 ) Un ton moyen venant d'un descendant se comporte
comme un niveau moyen.
30 ) Un ton montant qui perd sa modulation par suite d'un
autre montant qui le précède, entra!ne une stabilisation de ce ton
à un niveau moyen.
Ceci étant dégagé, les mots composés ( disyllabes, tri-
syllabes et quadrisyllabes) peuvent se décomposer en tons suivant
leurs constitutions.
Les signes que nous avons utilisés pour la transcription
.', ~
des monosyllabes sont coura.nu:Lent employée par le::: linguistes.
Cependant, avec ces signes, nous ne pouvons pas déterminer à quelle
hauteur commencent et finissent les modulations. Ces modulations
!emblent ~~re une combinaison de tons simples. Nais dans le cas des
disyllabes, des expressions, des phrases, le problème.se complique.
Deux solutions s'offrent alors pour ceux qui voudraient pousser plus
loin ce genre de recherche. Soit qu'ils écrivent le ton original de
.../...
,
." • • • • _
h_•• ~ • • • • _ • • • • ,
• •
_ _


:i
232
1\\:'
"
j
"
:1
fi
il
f'
ii~!i
chaque syllabe, laissant au lecteur le soin d' appliquer les lois
ii
1
de rencontres ( ce qui risquerait de lasser très vite) ; soit
qu'ils écrivent ce qui se réalise effectivement par suite des lois
de rencontres
avec des risques d'imprécisions, dus à la rapidité
du débit et suivant que le locuteur fai t preuve d' application ,,~C
ou non ~.
Or, quand il s'agit d'un ton, il faut en plus de son
contenu de consonnes et voyelles, considérer sa valeur musicale et
""
sa hauteur mélodique.
I) Un son peut ~tre émis sur différents registres, et
nous retrouverons le ~ " le bas et le rnoxen • Nous reconnaissons
cependant que la parole analysée plus haut, an détei'rminant des tons'
~
' " . '
~.
et les principales lois de rencontres de ces tons,' ne saurait se
noter sur une portée musicale.o En effe t, une pe..rsonne peut parler
plus haut qu'une autre, faire des écarte plus importants entre le
... , ......'"
.../...

233
haut et le bas. Les écarts peuvent encore varier selon que l'on est
èndébut ou en fin de phrase, que l'on parle vite ou lentement, avec
application ou désinvolture. ~mme s'il est impossible de noter ces
tons sur une portée, l'oreille, elle, les entend et en détermine la
hauteur. Ainsi, à l'audition, un premier classement a pu se faire:
il s'agissait de ranger dans une m~me liste les mots que l'on entend
à ime même hauteur. Ensui te, ces listes sont repriseZ ',une par un~.
Si l'audition est bonne, tous les mots d'une liste doivent être à la
même hauteur. Si certains ne semh1ent pas faire partie du groupe,
on les élimine. Cette méthode permet de faire un premier classement.
2°) L'émission du son dure un certain temps, m~me s'il
, .
est bref. Ce temps en détermine la durée. De plus, le son peut se
situer à la m~me hauteur sur toute sa durée
c'est ce que nous
avons appe1B' ton ponctuel. Il y a aussi le mouvement qui indique la
direction du son
c'est la montée ou la descente plus ou moins
-'
:
'
_.-•.
- -_ ..
,_
~_._--
_.~ ..
.
--_
..
-
~,._',~:,-,-,,--,~
.-
-~._-,
~._-_.

"
234
prononcée
on parle alors de ton modulé mon tan t ou descendant. Les
exemples que nous avons pris dans la langue baoul é, et qui se
japportent aux structures monosyllabiques, offrent Itavantage dt~tre
brefs,'\\. ce qui enlève tou t ris que de confusion de tons. En effet,
quand la modulation est longue, o~ entend deux tons et non plus un
seul. Les linguistes analysent parfois les éléments contenus dans
les modulations, él émen ts constitutifs qu t ils appellent "mores D 0
- Certains cherchent aussi à déterminer la hauteur sur laquelle se
réalise la modulation
ces considérations peuvent être nécessaires
pour l'étude de certaines langues ; pour la langue baoul é, il
.,i
semble que les choses ne soient pas trop compliquées à cause de la
constance dont on fait preuve pour l'exécution des tons. Et puis,
nous nous sommes attaché
à la valeur mélodique des mots en les
faisant siffler au lieu de les faire prononcer. Le sifflement est
particulièrement intéressant pour repérer les tons ponctuels et les
o • • 1•.•
)-;' .. :..
...._._ ..,....
.._•.
__ ••
..__ .... _ ... ,._, ..•••.. _.....••..
... .• _•••..
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..., '
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.,
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,
.._ ......__ •
..
...
~
~_~
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~
~
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"~"
_.~_
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~,g~~~:~r2*:~;;~f:.~~~'}.k5;~ig:~:..-·~~p·.;:.~~~;;;~'l:~~~~~1'#.Z~?f:·~~;:!;.:. ,..-.,',-..
f;1~~2{r;~t;,5"~~~A"G~7}:~:~~~~2::_f7t(~~H;~"0Pr~?l~~t0}~)j:'-r:~~s;'~;~}~f~~~f·
:~.-.~:,:..-..
~;.' ::..~..-':.-,-.-.-..'.-.::.
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.~-; '~-:.:.:':~-.--:...-
- -~.-::,'.~.-~.:":-:-;.:.'.:-
_~_r_ ~
- ~.- ,-,~.:~~-.:;:-.-
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'---~~- ,- :.--:'.~._
~ ~
;-~- ,-,.;.'.~:-
- ~-_::;~.,:'-.,.~.'
.:-~'
::':~:'.'-.~:;'_':'.-,'.:":','.~:-:-.:"",':-:~.:.'.,'.'-.-,,'.'::.;".;~''~.'.'.'~':o~'_,.-.-=~::'_-.::
·-~-~~~-"'~~.S~ "~.:.~:::.:,._~
~_ _'~_:...
'~-' ~;
~,-,- ;'.~::.:.~:'.i.~~._'.>--::'.~~_'.'.'.'.:"',"-._.'.·'.':_:~.:"",:'"-,,':~,," :~~~.,_C"~.','::":'~:
-~~._;.7:-~=-".;.: '.'-:.:.':"'_~:""':"".'
..-;.-:":'.~~'.~,.:.:"'_'._.'.:~:
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•••••.••••:: -
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..
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-':
..:-:-..;.; -'.- ..: -.,
•.•
'-:';"'.'.,,,'
....
.•
.. .•
•.
,'•.
. :,;-

235
- .
tons modulés. A cet effet, une modulation à peine sensible dans la
parOle devient évidente quand le mot est sifflé. On repère donc
i
i
facilement les montées et les descentes de la voix.
WB APPLICATION DES TmIS ID LANGAGE DA...TiJS mIS PHR.A.SE NUSICALE
Reprenons notre complainte de la pageG9 et sifflons la
phrase pour en déterminer les tons
1
1
1\\.
1
1
I)
mi
lia
.nio
mi
''la
"
/
nio
bla
"0
(CV)
( CV)
(CsV)
(CV)
(CV) (CsV)
(CsV)
(V)
l
2
3
4
5
6
7
8
/
V
,
II)
e
blo
" /
nigé
"
/
1
/
mu
ba
kun
mi
"0
(V)
(CsV)
(CV+CV)
(CV)
(CV)
(CsV)
(CV)
(V)
9
IO
I I
12
13
14
15
16
,~"
Donc au
niveau du langage parlé, la décomposition de
ces deux membres de phrase nous donne des structures monosyllabiques
faisant entendre des tons succéssifs.
/
1
Eh et lia = tons ponctuels hauts.
1\\
~ présente une structure (CsV), c'est-à-dire avec un
.../...
,
."

,1
236
'1
son intermédiaire qui est une voyelle. Cette voyelle i se prononce
avec la consonne a pour donner une structure (CV) à part
c'est
la rencontre avec la voyelle suivante qui entraine la modulation
vers le bas. Par contre, si nous examinons la structure 7, nous:
remarquons que la consonne l produit l'effet contraire à cause de
la voyelle .â qui en trainela modul ation vers le haut, à tel point
qu'elle devient ponctuel haut. D'ordinaire, le bla injonctif est
un modulé descendant. Mais la rencontre avec ,le Q ( ton bas )
1.,
élève la hauteur comme dans
/\\
\\.
/
'\\
sran
+
mu
=
sran
mu.
Autre particularité; la structure 11 est un disyllabe
d
l
f
( \\ / )
" / ( . )
' / ( '
, ) 1
e
a
orme
comme dans agba
manJ.oc
ou
nga
demonstratif
.!
l
!
Examinons maintenant cette phrase au point de vue du
1
/
A
chant. Nous avons
~ ~ = ( do, do, ) nio = (Si b). Les deux
premières notes sont hautes et ponctuées ( nous retrouvons nos tons
ponctuels hauts). La troisième no te est un si bémol donc un ton

.' ... < '. ~
.../ ...
_
••
_._._ •. _ _ .~~~ • _ _ •• _ - ..... _'.~ -
•••••••• '-" • • - - . _ - ~-~.-_•• _ •.••• ' -
_ _ •.., _.• ;._',,_,-, • • ~, 'r , _ . _ . "


."
~1S§:~~~4~~~t~~~%:i~;~~i$;;;~~f~4f~~t~~~%~~~itA:t4~1~
~61f~~:~{f.:~~~4~~:~;~~~~~~~iii~~!~ii~~~~~i~~~~*i~~i
1

237
en dessous du do. Si nous posons la note ~ comme étant la fonda-
mentale, le si bémol est à sa place dans la formation naturelle de
l g accord unique en tant que harmonique 7 de la fondamentale do.
L'accord unique est dft ici aux circonstances variables dans les-
quelles les sons se rencontrent et se combinent. Et la formation
des échelles mélodiques, que l'on suppose basée depuis l'antiquité
sur les quintes pythagoriciennes(1.) se voit ici confirmée dans le
ph8nomène de la résonance.
La quinte de do c'est sol ; or nous retrouvons cette
note sur une structure (CsV) qui est, d'un point de vue linguistique,
une modulation descendante, mais qui monte à cause de la vOyelle
suivante ~. De plus, sol résonne dans l'accord naturel de do en tant
que harmonique 3. La note suivante est un la bémol placé sur un ton_
(-1. )Qe sont ces quintes qui ont donné toutes les échelles prémodales :
et modales ultérieures, avec leurs innombrables variations et contra-
dictions. Cf:
Jacques Chailley, L'imbro~lio des modes, Leduc, Paris.
Du même auteur: Formation et transformations du langage musical,
.;
<.,'
centre de documentation universitaire, 5 place de la Sorbonne, Paris.'
<."-'-.__ ._--<- -- .-..
. ._.... _.. __ ....
... - .._--..,-
~'
_~.
_~-

238
,1
,
1
! 1
descendw1t. Là encore nous restons dans la série des harmoniques
de do ( la bémol = harmonique I3 )0
Dt au tre part,~ chaque membre de la phrase chantée (A,-; l.-~;
Bt_A, AxE) est conijti tuécde deux éléments fondamentaux: un élément-
anacrouse plus un élémen~-reposo Le premier membre de la phrase (A)
comporte deux structures monosyllabiq,ues de forme (CV)"(CV)+(CsV)o
L'élément anacrouse de ce membre de phrase est form~ de deux notes
tendues à la mtme hauteur et de durée égaleo De 3urcrott, nous nous
trouvons en haut du registre. En conséquence, cet élénent-anacrouse
est une somme de deux tonà ponctuels hauts ( deux noires qui déta-
chen t nettew.ent les monosyllab-es !!li et !!.§! ). Le deuxième élément
"
.'
-_..~..... ~._- ...~_--•.._- _._.. ----.._-- ....,-_._,--~._.. _.•.~._._....._-~'...•-....• "-"--'-'--'.-.-
~~~€~1~~0{{f~~t::0Jr~i~{~:t~~}~f~~;f~t~~-à~;;~t~~~~j~~~~~~f~~~;~~t~~;~~it~~~~~i~~~~i~tt~~;~~~~5is~~~~~t~
~~~:~i~~~

239
( repos) est une modulation descendante de forme (CsV) qui
repose sur un sib ( harmonique 7 de do ). Nous savons que le nombre
il\\1
des harmoniques est théoriquement illimité et que les intervalles
1
des sons émis sont de plus en plus rapprochés du fait de leur éloi-
gnement de la "fondamentale". :A. un tel degré d'éloignement, ces sons i
ne peuvent plus être figurés exactement avec nos signes de notation.
Tels sont déjà les harmoniques 7'et II, un peu plus graves que le
sib et le fa#, et l'haroonique 13, un peu plus aigu que le la bémol.'
Ne perdons pas cependant
de vue que le système
occidental de notation, s'il arrive à donner un mouvement à l'ensem-
ble des notes chantées, ne traduit pas par contre le comportement
qui est propre à chaque son. En d'autres termes, cette notation
fige le son et ne rend plus son mouvement vibratoire. En conséquence
notre sib n'est pas exactement un son fixe
il bouge. Si nous nous
reportons au ton du monosyllabe ~ ( modulé descendant ), nous
remarquons que le mouvement de ce son correspond ( dans le cas où
••• /0 ••
........ - -, ---- ..
..
..
~-
" .
'-
-.:---- .__ ..... -" ...-._._-'.~.~- _.-._.•.~,.-.-.-

240
..
nous nous plaçons par rapport à la fondamentale d~) au sens de la
/ \\
modulation du ton de nia.
Nous avons posé la note do comme étant la fondamentale,
mais elle n'est pas la plus grave de la courbe mélodique
au
contraire, elle se situe en haut de l'échelle. Cette échelle
descend un peu à l'image du tétracorde grec (Dorien):
Dorien = fli-un ton-~-un ton-~-un demi ton-Si ;
tétracorde baoulé
= ~-un ton-Sib-un ton-Lab-un demi ton-Sol.
En effet, dans le tétracorde grec, les deux notes extr~mes sont
fixes (indicatrices)
mais les deux sons intermédiaires sont
mobiles et on peut avoir la forme chromatique
}li-~-Dobémol-~ ;
et la forme enharmonique
1ll.-l2.Q.-~ à un quart de ton - Si (1..).
( i ) L'intervalle de quart de ton fut très en honneur chez les
anciens aulètes. Nous en avons quelques exemples dans la notation
de musiques instrumentales, inventée par les joueurs d'aulos des Vllè
• • • /
• • 0
..
,
_ " ' __ .'~.
" ' _ "
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" ' _ ' __ .'_.
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• • • • •

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••••
~(0;~i~~~~i{f;f~~~i~1~~;j~?~*1~ti~t}~ii~f:~B~~~~ji~ft~~~~~~~~~i~~~~1&2t:i:·;?:bt~~t?11:tg~~'~~~~~W2k4~~~Itt~~fttS~?fi~l~~~~t:f{{f~

241
et V1è siècles et qui s'est prêtée par la suite aux transformations
résultant des variétés d'échelles qu'ils pouvaient obtenir sur leurs
hautbois simples ou doubles et qui se transmirent à la cithare. Cf:
B. Potiron, La notation grêcgue et boèce : petite histoire de la
notation ancienne, Tournai et Paris, 1951.
Dans le tétracorde baoulé que nous examinons ici il se
produit la même chose
les deux notes extrêmes sont apparemment
fixes,
tandis que les deux sons intermédiaires (sib et lab)bougent.
Dans le premier cas, celui du tétracorde grec, le mouvement des
sons intermédiaires est provoqué par la transformation volontaire
due aux altérations qui affectent les notes. Dans le second cas,
celui des Baoulé, le mouvement est naturel à l'intérieur du tétra-
~
t
corde ( Sib
et Lab ) et existait déjà dans une essence "organique"
d'éléments infinitésimaux du ton de ~ par exemple.
Ces éléments -
sont contenus dans le son intermédiaire du monosyllabe (nio), placé
,
sur un degré déjà plus bas que la normale (Sib) et qui de surcroît
tend davantage à descendre à cause de la modulation.
.../...
__ o • • _ _ >_
' - 0
• • • • _ _ •
_
• • • • _
•••
••

" 0 ' _ _ . _ • • • _
__ ._• • • • • _ . "
• • • • • , _ ,
•• __ •
. _ . _ _ • •
_ _
.. _ • • • • • • • '


' _ 0 ' _ _ . "
--- - _..
.~
~ .
._._~
~ _
-
" - _ 0 ' "
" _ 0 '
_
-_.-
--_., ..
__
"---"-"_-~-
- . "
._;.-- _ _~_.

242
Ceci confirme la courbe descendante de Itéchelle,
il
d'autant plus que le monosyllabe placé sur le Lab ponctue ce ton vers il
il
le bas. Aussi, en partfu~tdu do que nous avons appelé fondamentale;
;j
li
il" nous faut descendre trois octaves pour avoir le do qui fait
II
J
entendre les harmoniques 7 et I3. Alors, notre 'do~
( celui qui est
,1
i
...•
.1
ii
placé dans le troisième interligne en clé de sol) reste fontamental,
comme nous l'avons appelé, parce qu'il est à la base du tétracorde
descendant. En outre, la courbe mélodique de la musique baoulé
reste dtunemanière générale dans le médium
rares sont les notes
suraiguës ainsi que les notes vraiment très graves.
Le deuxième membre de phrase (A -B) introduit cet
élément B qui vient compléter Itélément A entendu comme anacrouse.
Si nous prononçons
bla~, la rencontre des deux tons occasionne
la montée de bla tout en préservant le caractère descendant de ~.
Ce caractère descendant qu'on retrouve aussi dans ~ occasionne avec
••. 1•••

243
le modul é mon tan t de blo une tension à l'intérieur de B', qui
annonce le saut important de tierce pour la reprise de A. Cette
reprise est suivie d'une combinaison mélodique des éléments de ÂetB.
Considérons les sons intermédiaires du tétracorde'
descendant
le premier, le Sib, descend
mais au niveau'du 1ab,
il se produit une transformation importante
duponc tuel bas, le
même son passe au modulé ascendant.
Depuis le QQ initial nous avons un mouvement descendant
de la courbe mélodique. Ce mOU7s~ent,
déj~ a=~rc5 dans le pr~wier
membre de phrase Â, es t confirmé par son accentuation dans A....B~ -1e
Sib, qui a précédemment marqué le repos dans A , devie~t da~s A-B,
non plus un stade de pause, mais une étape importante pour aller
plus bas (t). En effet, la note suivante est placée une tierce plus
bas. Ceci provient du tempérament du Baoulé
et si nous observons
ce tte courbe mélodique, nous nous rendrons compte qu'il n'y a que
.../...

244
deux sortes d'écarts. Le premier est un intervalle de seconde, le
deuxième, une tierce. Aussi, les deux écarts vraiment importants
sont un saut de tierce d'abord dans A-i entre le Sib et le Sol,'
ensuite dans B'-A, entre le Lab et le do. Dans le premier cas.
( Sib~ Sol ). la chute correspond au modulé descendant exprimé
~
par nia. Dans le second cas ( Lab~Do~), ce saut correspond au
V
modulé montant exprimé par bl~. D'une manière générale, le comporte-
ment des sons tend à entrer en corrélation avec le mouvement des
tons contenus dans les monosyllabes.
La relation qui s'établit ici est une attraction
exercée par les tons, ceux-ci obligeant les sons à un comportement
presque analogue au leur ( voir schéma page suivants ).

245

..' <[,
- -
-
c")
I~- - - --
1~__
'>
0
I$'}
. p
--L.
...
0-401
1=:7
(/t
0a-
.j.,.
.....
$
r
.:3
-
r -
-

j
1
"
i~
li
il
il
il
OSTIHATOS
C03TEHU$
DANS
TROIS
AIRS
DU~.
il
1
1) Os tinato du pre!iJier air (nous en tendons ici par "air" chacun des
ens8àoles formé par la succession d'un chant en solo et d'un choeur
en diaphonieo
haut
moyen
bas
pulsations ---GOf-------f.lt-----~ ----o-o-------#}---·
' V " V " A
Parole
=i:....:::è:.-..=;h~è:...-.....,'L:.ro~_b~l=.·.!:::a:.....:.0 zan • l è hè = exclamation
alors viens
zan = onomatopée tirée de la langue N'Wan dont les ori-
gines sont à rechercher en pays Gouro.
D'après les tons de la phrase nous remarquons une courbe
descendante de l'ostinato qui se produit sur trois sons (haut, moyen,'
bas)o L'attaque se fait -pour cc qui est de l'excla~ation sur les
voyelles i
et
è
par une tension au niveau moyen o Ceœte tension
.'
:

247
se termine par une modulation ascendante. Ceci est une préparation
à l'attaque du degré le plus haut de la çourbe. Nous remarquerons
avec l'analyse des ostinatossuivants, que cette attaque se
produit presque toujours sur un degré bas ou moyen et jamais en
haut du registre. De m~me, chacun des trois ostinatos successifs
utilise trois sons ( do - ré - mi ), dont les deux extrêmes sont
à distance de tierce ( voir plus loin schéma page<t~).
II) Analysons maintenffilt l'ostinato du deuxième air du QQ1i que
nous avons enregistré chez les Akouè en Août I975.
En langage parlé :
,
V
/
" 1 1 1 1 '- V 1 '\\ 1
Kon
gue
ya
dyu
10
é


kon gue ya dyu 10.
' - . - /
......
( CsC)
( CsV)
( CV)
(CsV)
( CV)
(V)
(CV)
(CV)
@<
®
,Q)
~
,
~
,
,
/
1
A
:B
C
D'après les lois de rencontres
"v
l
, , _
/
kongue + ya
= kongue ya
(trisyllabe
o • • / • • •

1
243
ilI!ill,
!
1
- "
!
i
1
lI:i'1
~
1
'"
1
dyu + 10
= dyu 10
disyllabe )
pas de changement
il
ilIl
1
,
1
,
1
".
Il
1
é + hé + hé =
é hé hé ( trisyllabe )
pas dechangemen t.
Il
il
Le découpage de la phrase se présente comme suit. Dans
t1
!
un premier temps, nous avons transcrit les tons des monosyllabes
~
1
1
d'après leur prononciation. Le mot kongue est un disyllabe qui
1
l
!
1
additionne deux structures dont la première est de forme 'CsC
1
( consonne + son intermédiaire + consonne) ce qui ponctue davan-
tage vers le bas et laisse tomber la voix. La deuxième struc tu:ce
-;
est une CsV avec modulation ascendante. La rencontre des deux mots:
....,.- ..
kon.guc et m, prononcés d'un seul tra.it occasionne la transformaticir.
de la structure CsV - qui était un modulé montant - en ~ ton moyen
au centre du trisyllabe ( '" -
kongue
/
ya )
c'est ce que nous avons
appelé élément ou groupe de structure A. Déjà au niveau du langage
parlé nous remarquons lli~ mouvement d'ensemble de modulation ascen-
dante.
o • • /
• • •

249
ill,"!~I,1
"
l'
il
Il
l,
1
[j
['
',1
r'·~",il
1:
Phrase chantée:
f
1
A'
~I'
A
~
C
,
1
1
\\
1
\\
1
\\ ,
\\
[,
• ,
,
'--"
, f)
-"
- /
....
~
,
,
/
.1
.JO
-
,
\\
7
,
J(~I\\ ·6uf Y" dsu ~
~
~f.' kt'
,
,
,
,
A' - .:!J'
A -Ô
"~.,--,
.')
1;
Nous ret:::-ouvons l'élément B à un intervalle de seconde
!::'!
/
l."."i
de la no te où évoluai t l ' él ément À. i l est probable que le compor-
-.':
1",
, tement des sons à l'intérieur de À est analogue à celui dés tons.
1
!
Dans cette hypothèse, la première note serait plus basse que la
seconde, cette dernière étant moins haute que la troisième. Il y a
donc élevation de la hauteur d'un même sohpar paliers successifs
1
1
( bas - moyen - haut ). De plus, la composition du trisyllabe kongqe 1
~ prouve bien qu'il s'agit effectivement d'une montée; 'd'abord
1
1
"
i
kan ( ponctué vers le bas ),
-~ reste ensuite à un niveau moyen 11i
.,,-
1
1
du fai t de sa rencontre ave c Y.2. ( haut).
!
i

250
Aussi, nous pourrions proc éder.à plusieurs genres de
"
/ '
" ,
rencontres;par exemple
~ + ~ + 10
= pratiquement pas de
changement et l'allure générale du membre de phrase tend vers le haut.
Cependant dans l'élément B; nous avons un comportement
.......
des sons, qui semble ne pas obéir au mouvement des tons
d'une part,
".w. __ .
.~
.......
.91L!! = ré,
/
est évident que de ré à do, la phrase mélodique amorce une descente
"
.~
mais si no~s regardons de plus près le mouvement d'ensemble, nous
~
nous rendons compte que kongue ya dyu 10 ne comporte pas de sons
1
plus graves que le do~ initial. Pour qu'il y ait une courbe descen-
f
dante à proprement parler, il faudrait que l'ensemble tende progres-
i
1
!
sivement vers le bas
soi t par un mouvement des tons cons écu tifs,'
,
soit que les sons présentent une allure d'échelle descendante. D'autre
, /
part, le do placé sur le monosyll abe 10 dans l ' élémen t B, aura plu t$t
i,
tendance
1
à monter du fait de la ponctuation haute du ton. Ce qui .fait;
que, en réalité, et en considérant le mouvement des sons par ràpport
..'
..
.
:

25I
,..-, ..
à. celui des tons, ce dOit n'est plus sur un niveau bas ou moyen:
1
. j
il se situe sur un degré haut, qui correspondrait à celui exprimé
/
par le do~ placé sur le monosyllabe ~.
1
1
1 :
1.
loiais la progression continue : l ' élémen t C comporte
lui aussi un dOit qui précède un ré et un mi, eux aussi placés' s'ur
<1)0.,
f
1,
.....
';
.,
des tons hauts (hé
he). En définitive, et en considérant-
.~
,.
1
:
1
l'attraction exercée par les tons sur les sons, dans l'élément B
nous n'avons plus cette impression de mouvement contraire, mais
plutôt
une ligne continue allant du grave vers l'aigu.
~
.~
---"'---"<-_ 47
-P. ._----------_._--
_ _
,,
"_ _
II_·_tP_ _•._,,
_

«
1

'b"--Q)~\\-{0"'-'-'®:-.-®-.....~---------
1~ ~ o-~ ~g ~e'tL' ~~.,. i lA( \\114-\\ ~~ ~tew..
En ce sens, le do~ placé sur le monosyllabe IG joue le
/
m~me rôle que le Sib du chant que nous avons analysé précédemment.
Cependant, à l'inverse de ce Sib, le do est ici une étape importante
pour aller plus haut ( vers le do~ de l'élément C ).
o • 0 (~ • 0

252
1
1
Cette étape importante nous amène à l'ensemble de
1
F
1
1
l ' él émen t C qui va permettre la transposition
de A et B en A' et B' :
'1
i-
I-
c'est à dire à un ton plus haut. En effet, llélément C comporte à
i
1
la fois les sons de A-B et A'-B'.
,
.
. -."
Nous avions remarqué dans l'analyse de la complainte,
....
f:
1i
une appogiat~re inférieure sur le sol, appogiature qui se réalise
l';.~
I~
ainsi à cause du mouvement descendant du,tétracorde. Ici, l i
- :
. ~
s'agirait plut8t d'une broderie supérieure, ce qui tendrait à
1
prouver qu'elle respecte là courbe montante. Si nous--avions à la
1
l'
1
1
place de cette broderie supérieure, une appogiature ou broderie
tl,-.i
[
inférieure, le mouvement d'ensemble ( qui tend vers le haut) se
trouverait cassé en son milieu et on évoluerait toujours dans le
seris de la haureur, mais en dents de scie.
Par ailleurs la montée s'est effectuée à un intervalle
de tierce(do - mi), en passant par une seconde(do - ré ) comme dans
. - • • /
0
• •

253
l'exemple précédent. Ici cependant, il n'y a pas de saut de tierce'
comme nous avons pu en entendre entre le- Sib et le Sol, ou entre
le Lab et le Do
c'est que cette phrase musicale du Goli est un
ostinato sur trois sons ( do-ré-mi ) supportés par trois tons
( / , - ;', ).
\\
La phrase q~e nous venons d'analyser du point de vue
des tons et des sons, est un exemple tiré de la danse Goli pour un
divertissement. La phrase cha~tée est une de celles qui s'adaptent
le mieux à la marche. Rappelons cependant que cette danse oblige _..--'
les musiciens à évoluer dans tout le village, le masque bien
entouré et marquant le rythme.
la transcription que nous avions faite de la formule
rythmique du QQli ( Cf. Notre étude
"Sens et influences des
- \\
formules rythmiques dans la musi~e des Akouè" ) en présente un
aspect particulier. &1 effet, cette formule ne comporte qu'un seul
•• "/0 0•


1
254
~ 1
1
élément et n'obéit donc pas à la règle des deux éléments consti:tutifs.
Cet élément 'est formé de deux coups brefs, suivis d'un coup long; le
tout soutenu par deux pulsatio~~ régulières
notons èependant que la
première pulsation est longue, la deuxième; plus courte~'··
\\
Or, que remarquons-nous? L'ostinato ,sur trois sons'
( do-ré-mi ) est supporté par trois tons ( /
'\\
), le tout
reposant sur une formule rythmique simple à trois éléments consti tù--:"
tifs.
Les nombreuses. "modulations" rythmiques qu'on rencontre
dans cette pièce sont annoncées par des accélérés à la fin de chaque
i
,
i
air. Ces modulations sont essentiellement marquées par des changements:1
1
de tempo, ou encore par la reprise du même tempo après un court
moment d'accélération.
.../ ...
.
, '.
~,::~;S~~?t~'·.··'." ..,:·~.~ihT~;~~;~}if·ii~f$i~fJ~~~f~~1~1'k~1~;~~f«t0lf{~~;f{~~(ff{;IT",~iE~~;~fjÙt1ij~g~~~~4s~~t§~RK:~~,ti~{~f!f:~;&.é]fi~,~~;JK~t":~1tjt~!t~~>~{

255
De plus, nous avons dans l'exemple enregistré sur la
bande ci-jointe, trois airs du Goli
qui correspondent à trois
!
l,
l'
tempi différents ( lent, modéré, rapide ), ce qui donne à l'ensemble! 1
la phYsionomie
d'ml mouvement accéléré. Kon gue ya dyu 10 se -
,
'
trouve dans la partie centrale et sur un tempo modéré. Au début de
1
l'
l'extrait nous avons, pour ce qui est du premier air, un ostinato
l'
,.
1
t'
sur trois sons dont les deux extrêmes sont à distance de tierce-.
1
I~
mi
l'

l,
1
1
do
!
1
1
i
Il Y a donc toujours cette présence remarquable de
trois éléments dans la composition, soit de la formule rythmique,
soit pour les hauteurs de sons qui forment ostinato. En outre, le
mouvement d'accélération se base lui aussi sur trois tempi diffé- ..
rents.
Les deux premiers ostinatos de forme responsor.iale
• • • /

't •
.,

256
il
li
Ilil
i
s'exécutent - au point de vue de l'articulation des mots de la
phrase - en concordance avec les pulsations courtes du deuxième
groupe de hochets. En suivant les accents - ce qui nous reporte
aux pulsations du premier groupe - nous remarquons qu'il y a
similitude avec les pas de da.l1se qui forment en fait une marche
un peu saccadée~ En définitive, la formule rythmique, dans sa
composition, introduit avec cet élément de trois coups, dont deux
brefs et un long, une manière implicite de synthèse de l'ensemble
des trois tons qui supportent l'ostinato de trois sons.
N'oublions pas que c'est le chant qui amèae à la
marche. D'ailleurs, kongue ya d~ 10 - qui veut dire
" nous y
arriverons le soir" -
est une émulation à la longue marche
qu'exécutent musiciens et danseurs à travers tout le village.
&1 ce sens, la stnlcture rythmique à trois éléments se

257
,1
base elle aussi sur le fondement unitaire des trois tons qui
!
engendrent les sons de l'ostinato. Par ailleurs, le mouvement des
tons que nous avons pu déceler au début de l'ostinato, se produit
sur une seule note
d'abord sur le do, puis après la transposition,:
sur le ré, Ce qui traduit l'unité à la base même du comportement
similàire des tons et des sons. C'est probablement là que prend
naissance la formule rythmique en tant que somme de deux entités
déjà en place, la deuxième ( le son ) ayant subi: l'influence
attractive des tons. Ceci est justifié par
le fait que deux
. -.
pulsations supportent llélément unique de la formule rythmique et
que, d'autre part, cet élément unique trouve à se décomposer en
trois coups frappés qui nous rappellent la mutation des tons en sons~
III) Le troisième air comporte par contre un ostinato qui se
réalise de quatre façons différentes. D'emblée, l'ensemble des
éléments ne comporte que trois sons, le premier et le troisième
--
.. _-_.
__ .
--_
..
-
-"-.~'-'-~-"-~_.'''-''
.. ~._-'~'._~~''-'_.'''''--_.''--'-~-
__ .~.
-.- ..-.'.'
~
-_.'.
--"~'~'--'-.
~.'-
~
-
~
~-_._
_.-
_ .. ~.~-_

258
n'en ayant que deux.
Haut
Hoyen
,
Bas
e.
A
:B
~'
Eléments successifs du troisième ostinato~
Les deux sons contenus dans A et A' sont à un
intervalle de seconde ( non tempérée ). Le premier son de A se
place sur un degré moyen de la courbe mélodique, la variation se
réalisant soit une seconde plus haut que le son initial, soit une
seconde plus bas. De plus, chaque attaque de .A. - B. - A' - C
se
fait sur une tension d'un m~me son avant la montée ou la descente,
suivant qu'on se trouve dansA, dans B, dans A' ou dans C.
Ainsi, nous ré trouvons dans la forine vocale de ce tte
musique, le jeu de tension et de détente que nous avons relevé dans
l'instant qui précède la manifestation sonore dU .Gol~ • Tension ét
.../" ..

excitation avant l'éclatement final
nous en avons
ici un
exemple dans la manière que les Baoulé ont de construire un ostinato.i
Au début du troisième ostinato, dans l'élément A, la tension
exercée sur les deux sons initiaux ( a et é ) est analogue à une
modulation ascendante que nous pourrions noter (\\1), du fait de la
prononciation quasi simultanée des ~9ye~les ~ et~. Le deuxième
élément (B) amplifie le processus en partant d'une seconde plu3
bas, la tension s'exerçant toujours sur deux sons, mais cette ~ois
à un intervalle de seconde. Le troisième élément (A') est une
transposi tion de A, une seconde plus bas ; la tension, du fai t -de ...
la prononciation des voyelles â et A, est aussi modulée ascendante
mais reste à un niveau moyen. Le quatrième élément (C) voit, lui,
sa tension sous forme de modulation ascendante ( a é hé ) puis
descendante ( hé hé ) avant Sa stabilisation sur un niveau moyen.- .
Le schéma global de l'ensemble des éléments nous
montre que d'une nanière générale, le comportement des structuros

1
260
Il
'1
i!
i,
Il
1
! ~
de l'ostinato est analogue à celui des tons du langage parlé.
A
+
V
vers
/
"
B :\\+V + V
vers
/
A.': \\
+ V
vers
Q : _
+ t\\ + V vers
D'abord, dans l'élément A, nous avons un niveau moyen
qui précède une modulation ascendante et qui est placé sur la
voyelle i
le tout aura donc tendance à montero Ensuite, dans'
. .
l'élément B, un niveau bas précédant une double modulation ascendante
aure tendance à dépaese~ le niveau moyen,~ En A', urr nive~u ba~ qui
précède une modulation ascendante stabilise le tout à un niveau
.
moyen. Enfin, en C, la double modulation ( descendante - ascendante )
que précède un niveau moyen~ ramène forcément le tout à ce niveau o
Remarquons aussi que lorsqu'il y a double modulation,
l'ostinato se réalise sur quatre sons dont deux se situent à la .

_ 26I
même hauteur. Les sons qui figurent à un-même degré de hauteur
( comme dans B et C ) sont à la base de cette tension qui module
doublement - contrairement aux éléments A et A' - avant l'éclatement
final.
C'est que, l'ostinato, tel qu'il est exécuté' ici par
les Baou.lé, vise à maintenir la "forme" physique qui permettra au
- chanteur de préserver continuellement l'élasticité de ses cordes-
vocales. Il serait en effet invraissemblable que les Baoulé puissent
soutenir un tempo rapide, des heures durant, sans moduler e t -
risquer ainsi de tomber d'épuisement. Aussi, le joueur de hochet;~
en perpétuelle tension, ne peut trouver de dét9nteque dans le
changement de tempo et par l'intermédiaire des formules suspensives
de transi tion (1. ) 0
(1.) 1'exemple de formule suspensive de transition que nous a.vons
donné page
comporte trois frappes dont deux accentuées (tension)
et une amortie ( détente ).
• •• /0 ••

262
Les deux solistes en diaphonie procèdent par "tuilage"
avec le choeur
d'où tension. Entre la fin des parties solistes
et la reprise de l'ostinato du choeur, dans le deuxième air, il y
a l'équivalent d'une pulsation long~e
d'où détente.
De plus, l'aspect répétitif opère sur la mémqire en
lui permetta..l1t de restituer les différentes durées. De sorte que
les Baoulé retrouvent exactement l'un ou-l'autre des tempi qu'ils
avaien t abandonné au cours de leurs nombreuses modulatiàns. Les
intermèdes parlés eux-mêmes ont une fonction, à la fois da..~s le
jeu des tempi et dans l'alternance tension-détente, ce qui tendrait
à prouver que la formule rythmique .... apparemment issue de la
rencontre des tons avec les sons - influe, probablement à leur
insu, sur le comportement général des individus, notamment au cours
des intermèdes parlés.
]lors, il serait peut-être plus juste de parler d'union,
o.~/o ••

263
ou de"coller à l'autre", compte tenu de ce que la mélodie et le
rythme ne comportent que des structures semblables à celles du
langage parléo
De plus, le schéma de l'évolution des ostinatos fait
ressortir une espèce d'axe mélodique
- un peu comme le "bourdon"
dans les musiques modales - au tour duquel pivotent tous les autres
sons. L'axe, c'est ici le degré moyen, la ligne de départ, sur
laquelle le choeur revient après ses nombreuses illoùulations.
Bnfin, le processus d'engendrement successif que nous
relevons dans les airs du~, présente une relation de cause à
effet
c'est parcequ'il y a des tons dans le langage parlé (cause),
que les sons réagissent à peu près de la m~me manière et engendrent
le rythme qui, lui, tien-t compte de la rencontre de"sdeux él émen ts
(effet) •

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o
l,
d,:...."'o
- j
"~
~.Q.Jn(\\J\\~

265
l.IJTRE
EXEHPLE DES RAPPORTS TON~ SONS : JEU DE XYLOPHONE
~
Dans l'exposition du jeu de xylophone, le musicien
définit d'abord le cadre global qui v& lui servir dans ses évolutionso;
1
i
1
n procède par paliers successifs en partant d'un degré moyen~ en
i
[
i
i
m~me temps qu'il se rapprochQ du mouvemen t général., des tons du langa_l
ge parlé (:U 0
La transcription schématique de cette introduction nous
i .
mon tre la complexité du système, en m~~e temps que son élaborationo
En ce qui concerne les tons, nous avons pu déterminer approximative~_ .1
ment deux hauteurs
i l s'agi t du ton hau t et du ton baso Par contre ,: ,
la zone dans laquelle se situe le ton moyen varie ostensibmement soit
du bas vers le haut, soi. t duns
le sens contraireo De plus, cette
zone du fait de ses variations, se subdivise elle aussi en degrés
(~) Cela nous ~appelle l'attaque des ostiuatos contenus dans les airs
du Goli, attaques qui so font presque toujours sur un degré moyen,
-
t}i\\
excepté dans le deuxième air qui, lui, débute son ostinato surVdegré
baso
• • • /
• • 0
~

266
ascendants ou descendants, dont les points de départ se situent un
peu plus bas que le ton haut ou un peu plus haut que le ton bas. Ces
1
1
1
i
deux courbes convergent cependant vers le ton moyen et s'y confondent i1
1
1
f
pour déterminer cette zone floue"mystérieuse"o C'est que le Baoulé
1
1
aime le mélange, le floue, le mystère. Et si nous cherchons à trancher:
à séparer, à ~tre clair ou précis, nous nous heurterons sans aucun
dou te, à ce tte zone de floue, où se mélangent un ce.rtain nombre
d'éléments dont nous pouvons déterminer approximativement les points
de départ.
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268
Aussi,et c'est ce quillbrouille
les cartes", l'étagement
successif des sons dans l'exemple du ~-lophone se fait par couples(~)
de tierces
en laissant les sons
interférer, pour accentuer davan tage
cette zone centrale, floue, dans laquelle il devient difficile de
reconnaître les sons partis soit d'en haut soit d'en bas.
De ce fait, l'echolle pentatonigue de cette musique BaoulÉ
obéi t, elle aussi, à ce tte loi des rapports tons-sons(1.,l.
Le son le plus haut ou, si l'on veut, le coupleo de sons
_.
placé en haut d~~~chelle correspondrait au ton haut du langage par-
lé à cause de sa tension souvent égale sur toute sa duréeo En dessous 1
(-1.) Là encore, la musique trouve un fondement dans ce "dualisme des
sons"o
Co\\.) Il serait évidemment de la plus haute importance, pensons-nous,
que des recherches soient menées dans ce sens, qui étudieraient cette
fois l'ensemble de la musique baoul é : énorme tra.vail qui nécossi te-
rait la formation de plusieurs équipes de recherches, chacune se
réservant, par exemple telle région du pays baoulé.

269
Et même)en allant encore plus loin) au delà du pays
baoulé) ne serait-il pas intéressant de tenter des recherches de m~ma
type partout dans le monde où"cohabi tent" en quelque sorte une ou plu-:!
sieurs langues di tes à tons et des échelles musicales dites pen ta to-
niques?
de ce couple de sons se situe un autre couple qui) lui, tend vers le
bas tout en ayant son point de départ très proche du ton haut
c'est
le deuxième degré de l'échelle) degré. qui nous rappelle le ton modulé
descendant. Ensuite le degré moyen relevé dans les couples de sons
'.
reste dans une zone indéterminable et maintient le tout à une certai-
ne hauteur
arriver à la tension sur le couples de sons le plus grave (cinquième
degré de l'échelle), nous observo~s un autre couple qui se rapproche
de ce dernier (grave) mais reoonte vers la zone d'indétermination
t.'est le qUatrième degré de l'échelle, celui qui ressemble le plus au
ton modulé montant contenu dans le langage pnrlé o
Alors,da~s tout ceci
un point devient absolwnent évident:
1

270
c'est la zonellfloue" vers laquelle tendent les modulations, puisque
pour les Baoulé, il s'agit de coller le plus possible "à l'autre",
cet autre~ indéfinissable,' dont la présence est latente et se fait
sentir mtme jusque dans les profondeurs de la musiqueo

27I
BIBLIOGRAPHIE
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NO 2, po 99 - 118 (référence au groupe Baoulé)o
... / " ..

EXTRAITS
MUSICAUX
Disque
~usique d'Afrigue o~cidentale
(enregistré en Afrique par Gilbert Rouget avec l'aide de Bourahima
:
i
!
1
KOroma- Collection ~fusée de l'Homme, publiée sous ia direction de
,
Gilbert Rouget). Disque Vogue, LVLX. I93.
i
1
i
Enregistrements originaux sur bande magnétique ci-jointe par Albert
Kouakou (encore inédits)
N' Goïman
..
- Djè
- Goli
- N'Nolo
(Nous a'Vons, pour le Glaou et le Duo sur xylophone, effectué une
copie de 11 enregistremen t de G. Ronge t, cf. Disque Vogue, LVLX. I93.). :
Sur la bande ci - jointe :
Plages
..
2 ~ Djè

283
4 - G1aou
5 - NtNolo
6 - Duo sur xylophone

254
INDEX
DE~CHEMAS
Pages
a) Schéma hiérarchique initial du Panthéon
baoulé d'après Delafosse et Kjersmeier ••.•.•••••••••••••• 82 -83
b) Etat actuel du système théosophique
baoulé (toujours d'après Delafosse et
Kjersmeier)
83
84
Schéma du système théosophique baoulé, présenté
par Kouassi Blé chef de la tribu des Fari, rési-
dell t à Konan Kankro...................................... 85
Répartition des devins dans les villages et
hameaux de la commune de Bouaké •••••••••••••••••.••••••• r08
Pour la m~me commune répartition des grandes statues
et des grands masques dans les villages ••....•.••.•.•••• rog

285
Transcripti9ns schématiguep
Pages
Fbrmule rythmique à deux éléments •••••••••••••••••••• 0 • 165
Deux formules. pour qùa tre pulsll tions •••••••••••••••••• o. 166
Jeu de cloches
phase l •...•.....••..•.•.•••.••••••••• 167
Jeu de cloches
phase II ••.... ~ . . . • . . . . . . . . . . . . . . . • •. 171
Un exercice de mémoire ................................ 178
Tétraco rde des cendan t ••••••••.••••••••••••.••••.•.••••• 245
Airs du Goli
Ostinato du premier air
. ...................... 246
Ostinato du deuxième air ........... .-:
. 264
Eiéments successifs du troisième ostinato •••••••••••••• 258
S0héma récapitulatif des airs du Goli •••••••••••••• 0 •• 264
Duo sur xylophone . • . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . • . . . . . . . • • . . . .2.61'

'fABLE
DES CARTES GEOGRAPHIQUES ET DES PHOTOGRAPHIES
(ou Dessins) Dr INSTRUJ'tlENTS
DE
Z.WSIQUE
Pages
Situation des BaouLé en Côte d'Ivoire (carte) ••.••••••••
23
Tribus et Cantons Baoulé entre le N'Zi et
le Ban.daman. (carte)
fi................................... 33
Planche l
: Sortie solennelle pour les
nouvelles initiées du Do (photo) •••••••••••••••••••••••
49
Planche II
Tambours de femmes (dessin) ••••••••••••.
50
Planche III
(dessins)A-1on'ga
tambour d'ais-
•••••• 59
selle à membrane double et
à tension variable.
B - Djomlo
xylophone Baoulé
C - Godié
Arc musical
D - Xylophone Malinké
Planche IV
( ph 0 to s)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . .
III
A - Gbe~~réfouè (devin aux souris)
B - N' Go imanfouè (devin aux lace ta)
."./00.

ê.8ï
Pages
Planche V
(photo) Komienfouè (prophétesse) •••••••••
112
Planche VI
(photos) ...•..•....•..............•...•.••
164
A - 1'6 grand mas que Goi i
B - Joueurs de hochets accom-
pagnant la danse Golie

'-vu
TABLE
D~S ~UTIERES
Pages
In trodllC tian
.

• • • • • • • • • • • • 0

l - 22
PREMIERE
PARTIE
Rappel historique ••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 0 23
32
Quelques origines fondamentales, relatives
à:l'~tymologie des noms de tribus Baoulé •••••.•.•.•.•• 32 - 47
W Hla 11e Klin
Le tambour des femmes •••••••••••••••• 47 - 51
;&3e Fe l .·Aofouè N'a Klo
.
apports de l'étranger ••••••••• 51 - 59
;
Fè Ni Wi:
le DOUX et l'A}mR ••••••••••••.•••••••••••• 60 - 74
Convocation de la terre ............ '"
.
~
75 .,. 79
Principales divinités du système théoso-
phique de s Baoul é ••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 0 80 - 103
Devins et prophè tes ••••••••••••••.••••••••••••••••••••• 104 - 124
Les nouveaUx troubadours o' ••••••••••••••••••••••••••••• 124 - 139
\\
i
Il.0/0''''

289
Pagea
DEUX IEME
PARTIE
Danse Djè
.................................................................................. 140 - 142
Goli
danse sacrée ••••••••••••••••••••••••••••••••••.•••
143 - 160
Goli : pour un divertissement ••••••••••••••• o •• ~ •••••••••
160 - 164
·Dan.se Glaou
,
..
165 - 172
Dans e .Ak.a
..
173 - 181
Rites funéraires et danse N'MoLo ..............................................
182 - 214
TROIS1EME
PARTIE
Les tons du langage
....................................................................
215
235
Une application des tons du langage dans
une phrase mus i cale
"
235 - 245
Ostinatos contenus dans les airs du Goli .............................
246
264
Autre exemple des rapports tons - sons
jeu de xylophono 00 ••••••••••••••••• •••••••••••• o •••• ~ ••
265
270
--_._-------------~---------
Bibliographie
271 ... 28I
0.(10
0
"
".(10
..
"
..

c.. ;JV
Pages
TabLe des cartes géographiques (ou
dessins) d'instruments de musique ••••••••••••.•••••••• 286 - 287