UNIVERSITE
DE
PARIS
X NANTERRE
FIRMES MULTINATIONALES ET DELOCALISATION INDUSTRIELLE DANS LES
PAYS DU TIERS MONDE : UNE APPLICATION AL'ECONOMIE IVOIRIENNE
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THESE POUR LE DOCTORAT D'ETAT EN
PRÉSENTÉE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT PAR OTROU ALI HENRI
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DIRECTEUR DE THÈSE :
M, (-A, MICHALET, PROFESSEUR
AL'UNIVERSITÉ DE PARIS XNANTERRE
AVRIL 1987

L'Université de Paris X Nanterre n'entend donner
aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme
propres â leurs auteurs.

AVANT-PROPOS
Qulil me soit permis d'exprimer ici mes remerciements
et ma reconnaissance à Monsieur le Professeur Charles-Albert
MICHALET. La préparation de cette thèse n'aurait pu être menée
à bien sans les conseils et les encouragements qulil m'a donnés.
Je tiens à remercier également tous ceux, en particu-
lier Monsieur ONE BRISSI Lambert, Directeur des Industries Non-
Agricoles au Ministère de l'Industrie à Abidjan et tous ses
collaborateurs, qui m'ont permis d'effectuer l'enquête et de
bénéficier d'un stock d'informations statistiques et quantita-
tives.
Enfin, je voudrais remercier toutes les personnes~
amis et parents, qui m'ont apporté leur soutien moral et maté-
riel pour l'élaboration de cette étude.

A la mémoire de mes parents,
BASSARA GOKUHI OTROU
BASSARA GOKUHI BIAGNE
BASSARA GOBA KORE
BASSARA GOKUHI LIBRE
BASSARA GOKUHI GNIBIE
A la mémoire de ma femme,
VODE LIE Paulette
décédée le 12 janvier 1974 à Abidjan

SOM MAI R E
PREMIERE PARTIE
LE PHENOMENE DE DELOCALISATION
INDUSTRIELLE DANS LE TIERS MONDE
Çhapitre 1. De la délocalisation industrielle
Problématique et Dimension
Chapitre 2. Des caractéristiques de la délocalisation
industrielle en Afrique
DEUXIEME PARTIE
LE MODELE IVOIRIEN DE DELOCALISATION
INDUSTRIELLE
Chapitre 3. Des résultats de l'enquête et
délocalisation industrielle
Çhapitre 40 Firmes multinationales et stratégies
de délocalisation industrielle

1 NT R0 DUC T ION
GE NE RALE
"Le tou.t e!.:lt entièJt.ement pJt.é!.:lent
a la paJt.tie comme !.:Ion !.:Ien!.:l
actu.el e!.:lt !.:Ion de!.:ltin"
Jean-Paul SARTRE,
critique de la raison dialectique,
Paris, Gallimard 1960, p. 139.

1.
Nous nous proposons d'étudier le thème suivant:
"FIRMES MULTINATIONALES ET DELOCALISATION INDUSTRIELLE DANS
LES PAYS DU TIERS MONDE: UNE APPLICATION A L'ECONOMIE
IVOIRIENNE"
L'étude slengage
à notre avis
ouvertement dans le
t
t
débat sur les perspectives d'une industrialisation
sous
t
l'égide des firmes multinationales
dans le Tiers Monde en
t
général
et en Côte d'lvoire en particulier. D'olt le choix
t
de son titre. Quelles sont les raisons qui motivent donc
ce choix?
1 - LES RAISONS DU CHOIX
Le fait d'insister sur les motivations de la thèse
nlest ni un hasard
ni un exercice ponctuel de gymnastique
t
intellectuelle. Bien au contraire
ces raisons doivent per-
t
mettre de saisir le "pourquoi" de la thèse et d'en situer t
par ailleurs, l'objet. Dans le cadre de cette étude, il
s'agit
entre autre~, des raisons suivantes:
t
a).la première à trait à l'émergence de l'économie
mondiale(1)
Cette dernière traduit le moment de l'interdépendance
(1) La formation et le développement de l'économie mondiale
nous ont conduit à une réflexion d'ordre empirique sur
l'impact de l'investissement international et des filia-
les
de production sur l'économie nationale. Dans le·
cas de l'Afrique en général, et de la Côte d'Ivoire en
particulier
nous vous renvoyons aux travaux suivants:
t
A. OTROU
Evolution des investissements étrangers en
t
Côte dl Ivoire depuis 1960
Mémoire de DEA, Université de
t
Par i s X Nan ter r e t ma r s 1977 ; L. L0LI NGAL A.. OT ROU, 1n-
vestissements étrangers, division internationale du tra-
vail et développement économique en Afrique: le cas de
la Côte d'lvoire et du Zaïre, Thèse 3è cycle, Université
Paris X Nanterre, Mai 1979.

2.
et de l'interpénétration des pays, c'est-à-dire une totalité
contradictoire, par opposition à leur juxtaposition. La con-
séquence immédiate d'un tel processus contradictoire est la
polarisation de systèmes nationaux inégalement développés, à
savoir, les formations économiques et sociales du Centre et
celles de la Périphérie. De ce r oi nt de vue, l'économie mon-
diale représenterait un tout cohérent qui
rend intelligible
la saisie et l'analyse des bouleversements ou des contradic-
tions opérés au sein des économies nationales ou régionales,
les parties.
La rigueur-scientifique, et partant la nécessité
d'appréhender la réalité contemporaine obligent à substituer
la notion de l'économie mondiale à celle de l'économie in-
ternationa1e bornée à la seule prise en compte du flux de
mar~handises et des capitaux. Pour Micha1et, "Continuer à
limiter le champ de l'économie internationale aux flux de
marchandises et de capitaux entre les nations ne suffit pas
à
rendre compte de la réalité cont€mporaine.
Les questions
qui se posent actuellement avec acuité (-) ne peuvent plus
ê t r e posée s dan s 1est e rm es hab i tue 1s de 1a thé 0 rie de l' é co -
nomie internationale. Mais ils doivent être situés dans un
cadre nouveau, celui qui correspond à l'économie mondiale
en voie de formation ll(I). Ainsi clairement définie, l'écono-
mie mondiale est le moment de l'extension du mode de produc-
tion capitaliste à l'échelle mondiale.
(1) C-A MICHALET, le Capitalisme mondial, 2è édition entiè-
rement refondue, PlIF, Paris décembre 1985, p. 19.

3.
b) La deuxième raison tient en la différence fonda-
mentale entre la voie de développement capitaliste
au centre et à la périphérie, conséquence de la
mondialisation de l'économie capitaliste
Ainsi, dans les formations économiques et sociales du
Centre, l'apparition du mode de production capitaliste procè-
de d'un long processus de désagrégation des modes de produc-
tion capitaliste, en particulier le mode féodal. C'est
l'application du principe dialectique du nouveau naissant de
l'ancien: "1 'économie capitaliste est une forme historique
de la production marchande monétaire qui se généralise jus-
qu'à couvrir-d'une manière ou d'une autre, l'économie mon-
diale en pénétrant les sociétés précapitalistes qui pxistaient
dans les différentes parties de l'Asie, de l'Afrique et de
l'Amérique du Sud. Cette production marchande trouve sa ra-
cine dans la production marchande limitée des formations so-
ciales féodales. Elle trouve son essor dans l'accumulation
primitive du capital,,(l).
Les propos de Dowidar montrent clairement que le mode
de production capitaliste n'est pas tombé du ciel mais qu'il
est le résultat d1un long processus historique, de destruc-
tion des rapports de production anciens. Alors, qu'en est-il
de la formation du mode de production capitaliste dans le
Tiers Monde en général, et en Afrique en particulier? Il en
va autrement fait remarquer Rey: "Quoi qu'il en soit, en
1949, le capitalisme avait établi, depuis bon nombre d'années
sa domination dans les colonies mais le "développement" n'en
(1) M.H. DDWIDAR, L'économie politique, une science sociale,
Mas pé ro. Par i s, 19 74, p. 255.

4.
était pas moins déjà d'une extrême lenteur; on constatait
également que, dans toutes les colonies des pays capita1is-
tes, les structures sociales correspondant aux modes de pro-
ductions précapita1istes n'avaient nullement disparu et
s'étaient méme la plupart du temps renforcées ( ••• ) Depuis
vingt ans, les modes de production précapita1istes n'ont pas
perdu de leur importance dans les néo-colonies des payx occi-
dentaux, les structures précapita1istes, elles, se seraient
même plutôt renforcées avec l'indéPendance u {l).
Dès lors, on peut affirmer avec force que ce sont des
facteurs-exogènes contraignants qui ont imposé la voie capi-
taliste de développement aux pays sous-développés (par exem-
ple l'Afrique au Sud du Sahara). t~a1gré l'apologie sur la
société libérale par ces pays, les lois de fonctionnement du
mode de production y sont exclues. De toutes les façons, les
nations occidentales nlont pas choisi une voie, car ce sont
les conditions historiques qui ont déterminé leur structure
économique, politique et idéologique nature11e(2).
Comme on s'en aperçoit, le développement historique
du mode de production explique la différence fondamentale
entre le modèle central et celui de la périphérie. Partant,
cet t e di f f é r en cee xc 1us ive a i ndui t , au pla n mo ndia 1, une
division du travail, assignant tout simplement aux pays en
( 1 ) P.P. REY, Les alliances de classes, Maspéro, Paris, 1978,
p.
13.
( 2 ) A. OTROU. Mode de production capitaliste, division in-
ternationale du travail et la question des intégrations
économiques dans les pays sous-développés: une hypo-
thèse de travail, Annales Université, série K, Tome VI,
Abidjan, 1983.
.

5 •
voie de développement la production de matières premières
d'une part, et aux pays développés celle de biens indus-
triels d'autre part.
c) La troisième raison dénote que la définition tradi-
~ionnelle de la division internationale du travail
ne nous avance pas dans la compréhension des contra-
dictions au sein de l'économie mondiale.
Les relations entre les pays en voie de développement
et les pays développés doivent être inscrites dans le cadre
global de 1 'organisation mondiale capitaliste de la produc-
tion et du procès de travail. A cet effet, la division in-
ternationale du travail caractérise " un processus de repro-
duction à l'échelle mondiale et à l'intérieur de chaque pays
investi, d'un mode de production 08 le caractère inégal
demeure"(l).
Ainsi l'extension du mode de production capitaliste à
l'échelle planétaire amorce une nouvelle division interna-
t ion ale dut r a vail. Ils' en sui t que Il 1e m0 de de pro duc t ion
capitaliste a besoin des relations impérialistes avec le
Tiers Monde pour lui allouer les activités qui freinent sa
croissance, tant au point de vue des facteurs que des coûts
de production. Le Tiers Monde représente le champ de trans-
fert, en vue de leur exploitation, d'activités rejetées par
le mode de production capitaliste"(2)~
( 1 ) La division internationale du travail, Etudes de Poli-
tique
Industrielle, Ministère de l'Industrie et de la
Recherrhe
DO'um~nt~tion française, Tome 1, Paris, 1976,
p. 58.
( 2 ) C. PALLOIX, f.onnaître l'impérialisme de K. MARX à A.G.
FRANK, in Colloque à l'~lniversité d'Alger, SNEb~ Alger,
1970, p.
130.

6 •
Cependant, ce processus de reproduction du capitalisme
a favorisé une "industrialisation" dans les pays en déve1op-
pement par une dé1oca1isation des activités industrielles.
Le vecteur de cette dernière est donné par le processus des
investissements directs et surtout la création de filiales
de firmes multinationales des pays développés.
d) Le mouvement de déloca1isation situe la dernière
raison qui motive la thèse
Il est à constater que les nations industrielles ne se
contentent plus seulement de vendre leurs produits à l'étran-
. ger, mais "elles déterritorialisent aussi leurs systêmes
productifs". Pour Michalet, elles arrachent des industries
entières, elles déplacent certains secteurs hors du berceau.
originel pour les installer dans d'autres économies dévelop-
pées et des régions périphériques sous-dévelOPPéeS"(1).
Ce redéploiement industriel a favorisé la naissance de
nouveaux pays industriels du Tiers Monde marquant ainsi la
remise en cause du clivage traditionnel "Centre-Périphérie".
Désormais, les pays en voie d'industrialisation peuvent pro-
duire des biens manufacturés et les exporter sur les marchés
des pays développés. Doit-on, par conséquent, conclure que
1 'arrivée de ces nouveaux acteurs sur la scène mondiale con-
firme une nouvelle orientation dans la stratégie d'implanta-
tion des firmes multinationales dans le Tiers Monde?
Toutefois, il est à préciser que la démarcation des
nouveaux pays industriel dans la division international~
(1) C-A MICHALET, Le Capitalisme mondial, op. cit. p. 20.

7 •
signifie non seulement un processus de hiérarchisation des
systèmes productifs à la périphérie, mais surtout décrit des
relations, comme le fait remarquer PALLOIX qui s'insèrent
dans un "procès d'intermédiation"(I). Du coup, la reproduc-
tion du système par le processus de dé10ca1isation, si diffé-
rente soit-elle à la périphérie, permet de définir la place
et la fonction de chaque pays en voie de développement dans
l'économie mondiale. Dloil l'objet de la thèse,
II - DE L'OBJET DE LA THESE
D'emblée, la thèse se donne, pour objet, de réfléchir
sur les implantations des firmes multinationales dans le
Tiers Monde et les tendances qui les caractérisent. Plus pré-
cisément, il s'agit de réfléchir sur le processus de dé10ca-
1isation de la production effectuée par le biais de l'inves-
tissement direct étranger, et ce, dans le cadre de la mondia-
1isation de l'économie.
En effet, discuter de l'objet de la thèse revient,
nous semb1e-t-i1, à cerner les problèmes inhérents à la pro-
blématique de la dé10ca1isation industrielle. L'intérêt d'une
telle démarche est non seulement de situer l'objet de l'étude
à
travers la saisie des concepts de base, mais surtout de
préciser le domaine de définition de la thèse.
a) Du concept de firme multinationale
La fi rm e mu 1tin a t ion ale est au ce nt r e de l' é t ude con-
cernant la problématique de la dé10ca1isation industrielle.
(1) C. PALLOIX, Travail et production, petite collection
Maspéro, Paris 1978, p. 125.

Elle est le point de départ et d'arrivée du processus de
dé10ca1isation de la production. Donc, elle mérite, comme
on le vera plus loin, un examen très attentif. Pour l'heure,
nous allons tenter d'élucider les contours du phénomène afin
de le circonscrire dans le cadre de la présente étude.
Au pla n de l' a na 1y se é con 0 mi que, 1e con cep t de fi rm e
multinationale est lié au développement du capitalisme dans
les pays industriels avancés
Historiquement, la naissance
du capitalisme mercantiliste, caractérisé par l'accumulation
primitive du capital, avait pour loi objective de fonction-
nement, le pillage des métaux précieux et des objets exoti-
que s . Au fur et à mesure de 1 'évolution de la société, on
assista à l'émergence du capitalisme concurrentiel. A la dif-
férence de la période mercantiliste, la caractéristique
essentielle de ce mode fut, fondamentalement, la réalisation
du profit le plus élevé grâce à la production de biens et
services destinée à la consommation. Par ailleurs, la recher-
che systématique du profit maximum, inhérent au mode de pro-
duction capitaliste, va entraîner nécessairem~nt une concur-
rence acharnée entre les détenteurs des moyens de production.
C'est ainsi que le capitalisme monopoliste succèda au stade
concurrentiel
par la constitution de monopoles due à la con-
centration de la production industrielle
Déjà, on peut constater que l'apparition des firmes
multinationales est liée à celle des monopoles dans les écono-
mies où règne la forte concentration du capital
D'un point
de vue marxiste, Ille concept de la société multinationale
doit ainsi impliquer nécessairement, le processus historique
qui le transforme en cellule d'un mouvement global et déter-
miné d'internationalisation du capital et de l'économie,

9 .
lui-même l'expression des tendances à la concentration tech-
nologique et économique, à la monopolisation et à la diversi-
fication des activités qui constituent, pour sa part, l'ex-
pression concrète et historique de l'évolution de l'accumula-
tion du capital dans le mode de production capitaliste"(I).
la firme multinationale n'est donc pas un phénomène en soi,
sa naissance et son développement sont inscrits au sein de
la dynamique du mode de production capitaliste dans les pays
ayant atteint un haut niveau de développement des forces
productives. Autrement dit, la firme multinationale est
avant tout une "mononationale", c'est-à-dire, une grande
entreprise capitaliste nationale, définie par la disconti-
nuité de son champ d'action(2).
Depuis plus d'un quart de siècle, nous sommes tous té-
moins du développement et de l'expansion spectaculaires des
firmes multinationales dont l'existence et la puissance
n'échappent à personne. Aujourd'hui, elles représentent un
phénomène d'importance majeure dans les relations mondiales.
La taille de ces firmes, leur champ d'action et de déploie-
ment, la multiplicité de leurs actions (industries, banques,
assurances, tourisme, ... ), Les ressources qu'elles contrô-
lent ou qu'elles créent dans le monde entier, leurs poids
économique et politique face aux Etats des pays d'accueil,
leur confèrent un pouvoir considérable dont on ignore réelle-
ment les limites(3).
(1) THETONIO DOS SANTOS, Les sociétés multinationales, une
mise au point marxiste, L'homme et la Société, n° 33-34
Juillet-décembre 1974, p. 12.
(2) N. DUBOIS, Les multinationales, Hatier, Paris, 1979.
(3) A. SABATIER, Les Sociétés multinationales, Edi"tions
sociales, Paris, 1975.

la.
Cependant, l'apparition de la firme multinationale est
assez ancienne. Elle remonte avant 1914 : "avec la révolu-
tion industrielle et surtout vers la fin du XIXè si~cle, a
cette époque, ce ne sont plus des
produits de luxe ou des
esclaves que l'on va chercher aux quatre coins du monde,
mais d'abord les matières premières nécessaires a l'indus-
trie que les ressources nationales ne peuvent produire.
Clest ainsi que naissent dlimportantes soc~êtês qui existent
encore aujourd'hui et qui sont parmi les premières au monde
Royal DutchShe11, Pechiney, Ang10 American Corporation of
Smith America, etc ••. Petit a petit, le mouvement va s'accé-
1érer
Constantor, General
E1ectric, Singer, Bayer, Nest1é
et bien d'autres sont déja multinationales en 1914"(1).
Selon Sabatier, 75 % de la production industrielle du
monde occidental provient de 1 000 a 2 000 complexes. Aux
Etats-Unis, on situe que moins
à elles seules plus de
même en France ou 20 % des
;~ des
affaires, de même en
Grande Bretagne, en Suisse, aux
Par conséquent, le processus de mu1tinationalisation
a donc son point de départ dans les économies occidenta:as.
Mais avant tout, il faut définir la notion de firme mu1t;-
'
tiona1e. Qu'est~ce qu'une multinationale par différenciation
à
une mononationa1e ? Au-delà des querelles de terminologie
sans intérêt autour de firmes internationales, transnatio-
nales, multinationales et supranationales, nous entendons
(1) A. SABATIER, Les sociétés multinationales, op. cit. p.17.

II.
par firme multinationale "une entreprise (ou un groupe), le
plus souvent de grande taille qui, à partir d'une base natio-
nale, a implanté à l'étranger plusieurs filiales dans plu-
sieurs pays, avec une stratégie et une organisation conçues
à l'échelle mondiale"(l). Sous-jacente à la précédente, pour
l'ONU, le terme multinational
signifie que les activitéS de
la société s'exercent dans plusieurs pays, c'est-à-dire que
"toute société ayant une ou plusieurs succursales ou filiales
à l'étranger peut être qualifiée de multinationale"(2). De
ces définitions caractéristiques des firmes multinationales,
on peut dégager quelques observations :
- l'apparition de la multinationale tient compte d~
,
l'origine nationale des firmes multinationales. En tant que
grandes entreprises nationales, rappelons-le, elles appar-
tiennent à des secteurs concentrés dans leur économie d'ori-
gine. La dynamique de leur apparition est donc essentielle-
ment liée au degré de développement de l'économie d'origine(3);
- le fait de créer des filiales à l'étranger confère
aux firmes multinationales une caractéristique de mobilité.
"Déplacer des activités industrielles pour s'implanter là 00
le climat social est meilleur, emprunter là où les taux sont
bas, monter une filiale dite de "Couverture"
dans un des pa-
radis fiscaux qui font la joie des firmes et le désespoir
du fisc:
tel est un échantillon des possibilités s'ouvrant
(1) C-A MICHALET, le Capitalisme mondial, op. cit, p.
Il
(2) ONU, Sociétés multinationales et le développement mondial,
Département des affaires économiques et sociales, New-
York, 1973, p.S.
(3) B. MADEUF, Peut-on définir les multinationales, Cahiers
Français, La Documentation Française, n° 190, Paris
Mars-Avril
1979.

12.
désormais à elles. Tirer partir des différences pour une
structure intégrée c'est donc être prêt à une constante mo-
bilité spatiale 11(1).
- Enfin, il est fait ici référence à toutes les firmes
sans différencier la nature de leurs activités à l'étranger,
à savoir, les industries, le commerce, les banques, les mines,
le tourisme, les assurances, etc ...
Pa r conséquent, par rapport à li objet de cette thèse,
nous allons exclure de notre domaine de réflexion, les ban-
ques multinationales et les multinationales de service, pour
la simple raison qu'au plan de la mondialisation des rapports
de productions capitalistes, le mouvement de multinationali-
sation prend beaucoup plus d'ampleur avec le processus de
délocalisation des activités de production du Centre vers la
Pé ri phé rie. Lep roc e s s IJS s' e f f ec tue par l' i nt e rm é dia ire des
filiales de production et les investissements directs à
l'étranger.
b) yu concept de délocalisation industrielle
Toute entreprise nationale a pour but essentiel la pro-
duction de biens et services destinés à la consommation en
vue de réaliser un profit. La croissance de cette firme peut
l'amener, à l'instar de certaines contraintes objectives à
son exploitation, à localiser certaines activités au plan ré-
gional. Par exemple, SOLIBRA filiale de production de la
bière implantée à Abidjan, décide de créer d'autres unités-
relais de production dans les grands centres régio~aux de la
(1) N. DUBOIS, Les firmes multinationales, op. cit, pp.14-15.

13.
Côte d'Ivoire, qui dépendraient d'elle. Une telle stragédie
se justifierait certainement par la présence d'un marché
potentiel régional et surtout la réduction des coûts de pro-
duction liés aux transports, à la distribution etc ••• Par
ailleurs, il serait érroné de justifier la mobilité du capi-
tal de SOLIBRA par une différenciation des taux de salaires
sur le territoire national. La mobilité intranationa1e des
facteurs travail et capital, par définition, entraîne une
péréquation des taux de salaires et des profits du Nord au
Sud, et de l'Ouest à l'Est en passant par le Centre. Par con-
séquent, la création d'unités de production SOLIBRA aurait
pour conséquence économique, non seulement la satisfaction
des besoins de5 ménages en bière, mais surtout la création
d'emplois locaux et partant, la réduction des disparités éco-
nomiques régionales.
Si l'entreprise décide de s'implanter à l'étranger
parce qu'ayant atteint un degré de centralisation et de con-
centration très élevé, sa stratégie serait différente de la
précédente, tant du point de vue des mobiles que des modali-
tés d'implantation. Alors, il s'agira d'une dé1oealisation
de la production (création de filiales industrielles) inté-
grée à un procès de multinationa1isation d'ensemble.
L'idée de dé1oca1isation industrielle rejoint celle de
localisation des activités de production industrielle de
certains pays vers d'autres. Cette dé1ocalisation se traduit,
rappelons-le, par la création de filiales par le biais de
l'investissement direct étranger.

14.
C
.
~
.
(1)
t'
t
1
t
ertalns economlstes
' sou lennen
que
es mouvemen s
internationaux de capitaux provoquent une augmentation du
revenu mondial. Les capitaux se déplacent en effet vers les
zones sous-développées où leur rémunération est plus forte.
Les capitaux accroissent non seulement le produit national
mais aussi le revenu des habitants. Par conséquent, les
moyens de production nationaux dont disposent certains, attei-
gnent leur productivité élevée grâce à l'afflux de capitaux
étrangers.
En d'autres termes, l'investissement international per-
mettrait à un pays "sous-développé" de réaliser le taux maxi-
mum de croissance de son produit qui entrainerait celle de
l'épargne nationale d'une part, et assurerait progressive-
ment la relève des capitaux étrangers d'autre part. Ainsi,
l'économie "sous-développée" rencontre-t-elle des conditions
objectives pour son développement, car grâce à l'exportation
de capitaux, le Tiers Monde
s'engagerait
dans une voie
"d'industrialisation" progressive.
En principe, l'apport de capitaux étrangers serait
indispensable aux pays du Tiers Monde bien que cela consti-
tue objectivement une entrave à leur indépendance. Dans la
perspective d'une industrialisation réelle, le rôle de l'in-
vestissement devrait être essentiellement de réduire la dé-
----pen-eta l1ç e et combattre surtout le sous-développement. Mal-
heureusement, la réalité contemporaine donne une image du
capital étranger contradictoire
aux objectifs des pays en
(1)
Voir entre autres, R. NURKSE, Les problèmes de la forma-
tion du capital dans les pays sous-développés
suivi de
J
structures du commerce international et développement
économique, Cujas, Paris, 1968 ; BIRD, le rapport Pear-
son, vers une action commune pour le développement du
Tiers-Monde, Denoël, Paris, 1969.

15.
développement, parce que l'exploitation des ressources na-
tionales, l'utilisation d'une main-d'oeuvre bon marché et la
recherche de profits rémunérateurs guident la stratégie du
capital étranger.
Finalement, on peut déduire que l'industrialisation
progressive du Tiers Monde, caractérisée par le procès de la
délocal isation industrielle excluant la différence des niveaux
de d~veloppement des forces productives au Centre et à la
Périphérie, ne peut que reproduire les anciens rapports de
production. Dans le ca dr e de l'émergence de l'écon.omie mondia-
le, on peut affirmer, sans risque de nous tromper, que
111 'apparition dans les PVD d'une industrialisation orientée
vers la satisfaction du marché mondial, observable depuis le
milieu des années 60, ne correspond pas cependant à un plus
haut niveau de développement ni à une réorientation spéciale
due à un plan ou une politique de développement. Ce n'est
qu'une réorganisation sur la scène mondiale de la production
industrielle, exigée par l'expansion du capitalisme; dans
bien des cas, la production sur les lieux traditionnels des
pays industrialisés n'est plus rentable par suite de la pos-
sibilité de produire dans de nouveaux lieux situés dans les
PVD II(I).
Faut-il, alors, conclure, que les firmes multinationa-
1es à travers 1eurs fi 1i al es de production à T' êt r a nqe r ne
concourent pas à IIl'industrialisation ll du Tiers Monde?
L'objet de la thèse nlest pas de faire le procès des multina-
tionales, mais de tenter de mesurer leur impact sur la
(1) O. KREYE, La délocalisation industrielle, Revue Tiers
Monde, Tome XXI, nO 81, janvier-mars, Paris 1980, p. 147.

16.
croissance des pays du Tiers Monde en général, et de la Côte
d'Ivoire en particulier.
c) De la situation socio-économique du Tiers Monde
Si la dé1oca1isation industrielle s'inscrit dans une
perspective "d'industrialisation" des pays du Tiers Monde, on
ne saurait élucider son contenu et son efficacité sans si-
tuer le contexte socio-économique des pays auxquels elle doit
s'appliquer.
A l'aube de l'an 2000, l' i ncerti tude demeure dans 1es
pays "sous-développés" quant a la possibilité d'une accumu-
1ation endogène du Capital, condition nécessaire d'une indus-
trialisation réelle. Les politiques économiques dégagées,
ici et la, se sont avérées inconséquentes et inéfficaces.
A ce titre, le bilan de ces 2 ou 3 dernières décennies s'avè-
re très significatif: insuffisance alimentaire et famine,
dé té rio rat ion des te rm es de l' é cha n9e, dé fic i t des bal an ces
de paiements et endettement, inflation, crise des finances
publiques, luttes sociales et politiques etc ••• Tous ces
faits traduisent inévitablement l'échec des différentes po1i-
tiques économiques et l'exigent par conséquent leur remise
en question par la mise en place de structures nouvelles et
adéquates reflétant les besoins sociaux internes(l).
Par ailleurs, dans le cadre du procès mondial du capi-
ta1, deux traits caractérisent la situation des pays "sous-
développés" en général, et de l'Afrique en particulier: une
(1) A. OTROU, Mode de production capitaliste, Division inter-
nationale du travail et la question des intégrations
économiques dans les pays sous-développés : une hypothè-
se de travail, op. cit.

17 •
forte dépendance vis-à-vis des pays industrialisés d'une part,
et une division internationale du travail qui leur est nette-
ment défavorable, d'autre part. Cette double situation appel-
le quelques commentaires:
1/ Selon la documentation française, par exemple en
1975, plus de la moitié du commerce mondial est réalisé à
l'intérieur des pays développés, les exportations du Tiers
Monde vers ses pays représentaient 19 ~, leurs importations
du monde industrialisé 18 t, tandis que les échanges entre
pays du Tiers Monde ne constituent que 6 ~\\ de l'ensemble.
Par ailleurs, les pays occidentaux ne réalisent avec le Tiers
Monde que le quart de leur commerce, les trois quarts du com-
merce du Tiers Monde sont réalisés avec le monde industriali-
sé, 72 % de leurs importations et 77 ~ de leurs exportations.
On remarque ainsi une concentration du commerce mondial dans
les pays nantis qui s'effectue de plus en plus entreeux(l)
;
cette dernière représente 65 % en 1981.
2) La dépendance s'accentue par l'aggravation de
l'écart de développement entre pays industrialisés et pays
"sous-développés". En effet, de 1950 à 1975, le taux de crois-
sance annuel du revenu par habitant au Centre a été de 3,5 %
contre 2,5 ~~ à la périphérie. En 1972, le revenu moyen au
Centre est 13 fois supérieur à celui de la périphérie. En
1975, le revenu a crG au Centre de 120 dollars par habitant
et à la périphérie de 7 dollars. Il existe donc une disparité
en termes de croissance entre les deux espaces éConomiques(2).
(1) Tiers Monde et Monde industrialisé, Documentation fran-
caise, na 4460-4461, 29 mars 1978, p. 14.
(2) C. FURTADO, Le nouvel ordre économique international.
un point de vue du Tiers Monde, Revue Tiers Monde, n' 67,
juillet-septembre 1976.

18.
3) Enfin, il nous semble qu'aucun pays du Tiers Monde
n'a propulsé un véritable tissu industriel endogène à partir
de la croissance du secteur exportateur soumis aux fluctua-
tions du marché mondial. En réalité, les exportations de ces
pays accusent une augmentation en volume, mais en valeur, la
tendnace est inverse. Les pays du Tiers Monde doivent, par
conséquent
exporter de plus en plus
afin d'importer des
t
t
biens d'équipement dont les prix ne cessent de croître. La
réal ité ultime de cette détérioration des termes de l'échange
, 1 )
est la baisse du pouvoir d'achat des pays de la Périphérie'-

Le blocage de l'industrialisation par le secteurexpor-
tateur parait évident. La remise en cause d'une telle straté-
gie a milité
ces dernières années
en faveur d'une politi-
t
t
que d'industrialisation fondée sur la création de filiales de
production sous l'égide des firmes multinationales. La déloca-
lisation industrielle s'oppose ainsi à la stratégie commer-
ciale qui maintient les pays " sous-développés dans un chaos
structurel ~
En e f f et t
pou t' r ev e ni r à l a pro blé mat i que ce nt ra l e de
l'étude
à savoir la délocalisation industrielle dans le
t
Tiers Monde, nous allons essayer de discuter de quelques
idées fondamentales s'y afférant. Entre autres
elle soulève
t
les problèmes suivants :
a) Compte tenu de la logique mondiale du Capital t la
délocalisation industrielle constitue-t-elle
au fond
une
t
t
condition permissive de l'industrialisation du Tiers Monde?
(1) A. OTROU
Commerce international et développement du
t
Tiers Monde: quelques éléments de réflexion
Annales
t
Université d'Abidjan
série K Sciences Economiques
t
t
Tome V, 1982.

19.
b) La délocalisation industrielle ne traduit-elle pas,
actuellement, le moment d'une compétition mondiale entre les
firmes multinationales pour l'implantation d'un certain nom-
bre d'unités de production à l'étranger?
c) L'apparition d'une "industrialisation" dans le Tiers
Monde orientée vers la satisfaction du marché mondial n'est-
elle pas, d'emblée, inscrite dans une politique de réorgani-
sation de la production imposée par le développement du capi-
talisme à l'échelle mondiale?
d) La stratégie des firmes multinationales sont-elles
compatibles ou non avec les objectifs ou les stratégies de
développement (industrialisation) des pays en voie de dévelop-
pement ? En d'autres termes, les pays du Tiers Monde, dispo-
sant d'un appareil
productif limité, peuvent-ils imposer,
dans une certaine mesure, leur stratégie aux firmes multina-
tionales, susceptible de propulser ou créer réellement un
tissu productif industrialisant? Autant de questions impor-
tantes auxquelles la thèse tente de donner quelques éléments
de réponse.
III - DE L'ORGANISATION DU TRAVAIL
Au plan méthodologique, la démarche reflète la dialec-
tique du général et du particulier. D'abord, la thèse fait
le point sur la nature de la délocalisation industriel le au
Centre où les forces productives ont atteint un haut niveau
de développement des forces productives; ensuite, elle pro-
cède à un examen détaillé des mécanismes de délocalisation

20.
de la production dans lp. Tiers Monde avant de dégager les
spécificités du modèle ivoirien. Pour obtenir des résultats
cliniques, nous utilisons la méthode empirique, c'est-à-dire,
les données statistiques et l'enquête sur le terrain, afin
d'aboutir à des interprétations théoriques des situations
concrètes.
Notre démarche s'articule donc autour de deux princi-
paux axes de réflexion
Première partie
~e phénomène de délocalisation indus-
trielle dans le Tiers Monde.
La polarisation Nord-Nord des activités des firmes
mu l tin a t ion ale sac ce ntue l' i né gal dé ve l 0 ppeme nt "eIl t rel e s
~..' '.
formations sociales. De cette inégalité, résultent .que l que s
tendances
,$l'
'l
a) Lad é pen dan ce duT i ers Mon de. PQU r,qu.oi'f'" Par ce que
les trois quarts des investissements directs à l'étranger
sont effectués à l'intérieur de la zone Nord
b) La stratégie concurrentielle des firmes multina-
tionales a favorisé l'orientation d'une grande partie des
investissements directs dans les
nouveaux
Pays Industriali-
sés au détriment des autres régions moins dé~eloppées du
Tiers Monde;
c) Enfin, l'évolution de la stratégie des firmes multi-
nationales par l'adoption de nouvelles formes d'investisse-
ment spécifie de nouvelles modalités de l'internationalisa-
tion de la production dans le Tiers Monde.

21.
La première partie analyse l'ensemble de ces problèmes
selon l'organisation suivante
1) De la délocalisation industrielle
problèmatique
et dimension (chapitre 1~ ;
2)
Des caractéristiques de la délocalisation indus-
trielle en Afrique (chapitre 2).
Deuxième partie
Le modèle ivoirien de délocalisa-
tion industrielle
Conformément à la loi du développement inégal t nous
pouvons affirmer que les modalités et les objectifs des fir-
mes multinationales différent selon les espaces périphériques.
Autrement dt t , les mobiles de l'investissement direct à
l'étranger caractérisent une différenciation des intérêts
des multinationales dans le Tiers Monde.
D'où l'intérêt de l'étude de cette partie de la thèse
qui soulève les problèmes suivants
a) Pourquoi les firmes multinationales investissent-
elles en Côte d'Ivoire? Dans quels secteurs industriels
localisent-elles leurs activités?
b) Quels sont les facteurs explicatifs de l'investis-
sement direct étranger?
c) Quelles sont alors les spécificités de la délocali-
sation industrielle en Côte d'Ivoire en comparaison interna-
tionale ?

22.
La deuxième partie se consacre à l'étude de ces diffé-
rents problèmes selon l'organisation suivante:
1) Des résultats de l'enquête et délocalisation indus-
trielle (chapitre 3)
2) Firmes multinationales et stratégies de délocalisa-
tion industrielle (chapitre 4).
En définitive, rappelons-le, la thèse est consacrée
à
la délocalisation industrielle vers le Tiers Monde avec
co mme po in t dia pp1 i c a t ion con cre t 1e cas de l ' é con 0 mie i v0 i -
rienne. Notre préoccupation est donc de montrer les différen-
tes caractéristiques de la délocalisation de la production
dans le Tiers Monde intégré à l'économie mondiale, avant de
spécifier l'impact de la multinationalisation sur l'économie
ivoirienne. Au centre de cette recherche se pose nécessaire-
ment la question de l'Etat, c'est-à-dire, ses rapports avec
l'investissement direct étranger, et surtout son rôle dans le
procès de délocalisation industrielle.

23.
PREMIERE PARTIE
LE PHENOMENE DE LA DELOCALISATION
INDUSTRIELLE DANS LE TIERS MONDE
"Le6 paY6 "60U6-d~velopp~6" 60nt
pa~t~e d'un 6Y6tème mond~al, qu'~l6 ont·
une h~6to~~e, eelle de leu~ ~nt~g~at~on
a ee 6Y6tème, qu~ a 6o~gé leu~ 6t~uctu~e
avee eelle de6 époque6 anté~~eu~e6 à
leu~ ~ntég~at~on au monde mode~ne"
S. AMIN
L'accumulation à l'échelle mondiale,
1018, tome l, p. 21

.
24 •
'
INTRODUCTION
Discuter de la problématique de délocalisation de la
production industrielle dans le Tiers Monde aboutit à réflé-
chir sur l'instauration d'un contexte nouveau des relations
entre les formations économiques et sociales centrales et pé-
riphériques. L'émergence de l'économie mondiale justifie ce
contexte nouveau, car les rapports entre les économies les
plus développées et celles les moins développées ne doivent
être inscrites seulement dans le cadre étroit et ancien de la
division du travail entre pays primaires et pays industriels.
Indiscutablement, une telle orientation des relations entre
ces deux espaces inégalement développé~ concrétise l'amorce
d'un autre type d'industrialisation dans le Tiers Monde qui
se spécialiserait désormais dans la production de biens manu-
facturés destinés au marché mondial.
Les tenants et aboutissants de cette stratégie d'indus-
trialisation sont mis en relief par le processus des investis-
sements directs internationaux ayant comme manifestation con-
crète la délocalisation de certaines activités industrielles
du berceau national où le capital a atteint un haut degré de
concentration. Ici on remarque que l'ancienne division inter-
nationale du travail, assignant aux pays sous-développés le
rôle de fournisseur de matières premières agricole~ et miniè-
res, laisse la place à une nouvelle division internationale
du travail caractérisée par une industrialisation liée à la
promotion des exportations de produits industriels.

25.
Certains économistes, notamment S. Amin, prensent, à
juste titre, que ce type de division du travail à l'échelle
mondiale entraînerait dans la périphérie une distorsion de la
structure de la demande au détriment de la consommation de
masse. Le développement du système mondial resterait donc
fondamentalement inégal. Dès lors, la demande externe reste-
rait la force motrice principale impulsant ce type de déve-
loppement toujours dépendant~l).
La première partie à donc, pour objet d'analyser le phé-
nomène de la délocalisation industrielle dans le cadre de la
nouvelle division internationale du travail sous l'égide des
firmes multinationales. Dans ce contexte, on assiste à une
hiérarchisation mondiale des systèmes productifs commandée
par la logique du capital qui crée une différenciation entre
les espaces nationaux caractérisés par l'inégal développement.
Il serait, alors, erroné d'analyser le processus de délocali-
sation de la production dans le Tiers Monde sans faire réfé-
rence à la stratégie différenciée des firmes multinationales
dont les mobiles d'implantati~n, à savoir, les salaires bas,
les paradis fiscaux, l'existence d'un marché, le contexte
socio-politique etc •.• , déterminent en dernière instance la
création d'une unité de production dans telle ou telle ré-
gion. La discontinuité des espaces nationaux représente un
facteur important, non moins négligeable, de la politique
d'investissement des firmes multinationales à l'étranger.
Cependant~ délocal iser la production ou les activités
industrielles renvoie à l'idée de déplater des usines ou des
( 1) S . AM 1N, L' i ndus tri e et l' a ven i r de l' Af r i que , Col l 0 que
IDEP, Dakar, juillet 1977.

26.
unités de productions industrielles. Mais on peut s'interro-
ger sur leur nature et leur fondement? Dans le cadre de la
nouvelle division internationale du travail, réduisent-elles
la dépendance du Tiers Monde ou au contraire 1 laggravent-
elles? Notre préoccupation consiste à analyser tous ces pro-
blèmes liés aux mécanismes de la dé10ca1isation industrielle
à
la périphérie du système capitaliste mondial
La démarche
s'articule autour de deux points essentiellement liés:
- Premièrement, il s'agit d'abord d'élucider la problé-
matique de la dé10ca1 isation industrielle dans ses contours
théoriques, surtout de chercher à établir un lien entre le
processus de dé10ca1isation et les théories explicatives de
l'exportation de capitaux. Ensuite, à l'aide des données quan-
titatives (statistiques), nous allons dégager les tendances
de la dé1oca1isation de la production industrielle au centre
et à la périphérie. Ce double objectif de recherche a certai-
nement le mérite de conduire à mieux apprécier la différence
des niveaux de développement des forces productives dans les
formations économiques et sociales d'une part, et à cerner
les différentes stratégies des firmes multinationales d'autre
part (Chapitre 1).
- Deuxièmement, l'analyse de la dé10ca1isation au cen-
tre et à la périphérie, à travers les tendances anciennes ou
récentes de l'investissement direct étranger, va situer les
caractéristiques de la dé10ca1isation industrielle en Afrique
(Chapitre 2).

27.
CHAPITRE l - DE LA DELOCALISATION INDUSTRIELLE 1
PROBLEMATIQUE ET Drr1ENSION
de la rlu~-value e~~ llevl a la pl~iphl~ie
que te capi~al in~e~na~ional y ~~ouve ~on
comp~e : l'lmig~a~ion du capital ve~~ la
pl~iphl~ie e~~ un moyen de ~eleve~ le~aux
de p~oni~".
s. AMIN, L'échange inégal et la loi
de la valeur,
Editions Anthropos
Idep,
Paris
1973,
p.70.

28.
INTRODUCTION
Le phénomène de la délocalisation industrielle est
inhérent à la dynamique externe du ~ode de production capita-
liste dans le cadre de la valorisation du capital, elles-même
dérivée de la concentration du caoital rlans les économies
avancées. En effet, l'étude de la délocalisation n'a de sens
réel que par rapport à l'appréhension de sa dimension globale
sous-jacente au procès de l'internationalisation du capital (1).
Ainsi, rechercher un lien entre délocalisation de la produc-
tion et internationalisation du capital aboutirait non seule-
ment à en saisir tous les contours théoriques du phénomène
mais surtout à apprécier sa dimension grâce à l'étude des
investissements directs étrangers.
De ce fait, une interprétation de la théorie léni-
nienne, bien que ne constituant pas notre préoccupation majeu-
re, s'avère nécessaire pour comprendre la logique de la dyna-
mique externe du capitalisme qui fondent le transfert des
activités industrielles de certains pays vers d'autres. Au
plan méthodologique, l'économie internationale, confinée dans
la seule prise en compte du couple exportation-importation
ne représente plus un outil scientifique pour analyser les
relations économiques entre nations, car elle implique une
(1) Nous ne présentons pas ici toutes les thp.orip.s explicati-
ves de l'internationalisation du capital" En revanche,
nous vous renvoyons aux travaux suivants: C. PALLOIX,
Les firmes multinationales et le procés d'internationali-
sation, op. cit.
; 5IFI, Internationalisation du capital
et processus productif: une approche critique. Cahiers
d'Economie Politique, n01, Paris 1974 ; C-A MICHALET,
Le Capitalisme mondial, op~ cit . .

29.
vision du monde linéaire où les harmonies universelles servent
de point d'équilibre entre les pays(l).
Ainsi, la rupture théorique opérée par Lenine(2)
annonce une nouvelle perspective pour situer, non seulement
la nécessité de l'existence d'un marché mondial
inhérent au
capitalisme, mais servir surtout de cadre de référence analyti-
que théorique à l'explication des causes et du fondement de
l'investissement direct dans les pays en vue de développement.
C'est à ce niveau qu'on pourra étahlir la relation objective
entre délocalisation de la production industrielle et i.mpéria-
lisme.
Enfin, une fois établie la relation objective entre
délocalisation industrielle et la théorie léninienne de l'im-
périalisme, il est question d'élucider la hiérarchisation
mondiale des systèmes productifs commandée par les économies
hautement industrialisées du centre, pays d'origine des fir-
mes multinationales, où lion assiste actuellement à une forte
concentration de la production industrielle mondiale.
(1) Ce sont les théories classiques et néoclassiques qui ex-
pliquent les relations économiques en termes d'équilibre.
En ce qui concerne le commerce international, voir
A. SMITH, Recherches sur la nature et les causes de la
richesse des nations, Gallimard, Paris, 1976 ; D. RICARDO,
des principes de l'économie politique et de l'impôt,
Flammarion, Paris, 1977. B. LASSUDRE-DUCHENE a choisi et
présenté les textes fondamentaux de l'Ecole néo-classique
in Echange international et croissance, Economica, Paris,
1972.
(2) LENINE, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme,
essai de vulgarisation, Editions Sociales, Paris, 1969.

30.
SECTION 1
MONDIALISATION DE L'ECONOMIE, POLARISATION INTER-
NATIONALE DES INVESTISSEMENTS DIRECTS ET DES
FILIALES DE FIRMES MULTINATIONALES
Par définition, les investissements à long terme con-
cernent les opérations donnant lieu à la création des fi1ia-
les ou de firmes, au rachat et aux prises de participation
dans les entreprises. Par conséquent, il est clair que
cie s t dans ce contexte qui i 1 faut orienter 11 0 bjet de lié t u-
de. Dans le cadre de la planification mondiale des investis-
sements directs, nous allons tenter de caractériser ce type
d'investissement selon les tendances sectorielles et géogra-
phiques au centre. Mais avant tout, il
faut circonscrire la
problématique de la dé1oca1isation de la production indus-
trielle par l'analyse de la théorie de Lénine avec l'exporta-
tion de capitaux et des différentes stratégies de dé1oca1i-
sa t ion sou s l' é g ide des fi rm e s mu 1tin a t ion ale s .
1. Théorie 1éninienne de l'impérialisme et probléma-
tique de dé1oca1isation industrielle
Bien que raisonnant dans le cadre du capitalisme con-
( 1 ,
currentie1, Marx et Luxemburg
'opèrent une rupture par raocort
au paradigme des néo-classiques. Au commerce international
d'équilibre, Marx offre une réflexion des échange5 extérieurs
caractérisés par l'inégal
développement, c'est-à-dire qu'il
met en hypothèse la différenciation des économies nationales
soumises au mode de production capitaliste. C'est cette voie,
tracée par Marx, que suit fidèlement Lénine pour expliquer
dlune part les tranSformations internes au capitalisme, et
en déduire la nature et les mécanismes des relations économi-
ques
entre pays d'autre part. Mais, au lieu de s'enfermer
------------
(1) K. ~1ARX, le Capital, livre III, Tome 2, La Pléiade, Paris
R. LUXEMBURG, l'accumulation du Capital, 2 tome, Paris, Maspero, 1967.

31.
dans l'univers concurrentiel, comme Marx et Luxemburg, il
privilégie le stade monopoliste du capitalisme, battant ain-
si en brèche
l' t mmo bi l ité des facteurs.
Il amorce aussi une
nouvelle étape dans l'analyse des relations économiques
inter-
nationales pour comprendre l'antagonisme des nations. Ce que
reconnaît Micha1et : IILa relecture de l'impérialisme, stade
suprême du Capitalisme, n'est pas fortuite. Elle répond au
doub1 e constat de carence concernant 11 incapacité de 1a théo-
rie dominante de l'échange international comme de celle de
K. Marx et R. Luxemburg à rendre compte des tendances de la
réalité contemporaine: l'internationalisation du processus
productif à travers la mu1tinationa1isation des firmes 11(1)
Pour Lénine, IIL'impéria1ismeest le capitalisme arrivé
à
un stade de développement où s'est affirmée la domination
des monopoles et du capital financier, où l'exportation des
capitaux a acquis une importance de premier plan, 00 le parta-
ge du monde a commencé entre les trusts internationaux et 00
siest achevé le partage de tout le territoire du globe entre
les plus grands pays capita1istes ll(2). La justesse de la défi-
nition de Lénine fournit quelques orientations permettant de
répondre en partie aux questions inhérentes au processus des
dé10ca1isation
industrielle à travers les principaux carac-
tères fondamentaux de l'impérialisme inscrit dans la dynamique
du fonctionnement interne du mode de produttion capitaliste,
et partant, celle liée à son extension à l'échelle mo ndt zt e •
De ce point de vue~ on peut objecter que le mérite de Lénine
est d'avoir dénoncé le caractère contradictoire de la négation
( 1) C-A MICHALET, Le capitalisme mondial, op. cit. pp.250-251.
( 2 ) LENINE, L'impérialisme, stade suprême du Capitalisme,
op. cit. pp. 124-125.
.

32.
de la baisse du taux de profit à travers la concentration de
la production (dynamique interne) d'une part, et les consé-
quences de la concentration monopolite exigeant une solution
externe à travers l'exportation de capitaux (support de l'im-
périalisme), d'autre part.
En ce qui concerne les transformations internes du mode
de production capitaliste, Lenine lie l'impérialisme et le ca-
ractère monopoliste du capitalisme pour expliquer comment la
concentration de la production amène au monopole, parce que
Ille développement interne de l'industrie et le processus de
concentration extrêmement rapide de la production dans
les entre-
prises toujours plus importantes constituent une des caracté-
ristiques les plus marquées du capitalisme ll(l). Pour ce faire,
Lénine se réfère à Marx pour qui la libre concurrence engendre
la concentration de la production, laquelle, arrivée à un de-
gré de développement, conduit au monopole. Or chez Marx, la
concentration se présente comme une conqéquence et une contra-
diction interne à la loi de la baisse tendancielle du taux de
profit. Cette dernière, selon Marx, "accélère la concentration
du Capital et sa centralisation par la dépossession des capi-
talistes de moindre importance, l'appropriation du dernier
carré des producteurs directs chez qui il resterait encore
quelques chose à exproprier"(2). Alors, cette idée de Marx
conduit Lenine à inscrire la naissance des monopoles (concen-
tration de la production) dans laloi générale et essentielle
du stade actuel de l' évol ution du mode de production capita-
liste. Ainsi, IILa concurrence se transforme en monopoles. Il
( 1 ) LENINE, L'impérialisme, stade suprême du Capitalisme,
op. c; t ., p. 18.
( 2 ) K. MARX, Le Capital, livre III, tome 1, Editions sociales,
p. 254.

33.
en résulte un progrès immense de la socialisation de la pro-
duction. Et notamment, dans le domaine des perfectionnements
et des inventions des techniques. Ce n'est plus du tout l'an-
cienne libre concurrence des patrons dispersés, qui s'ignJ-
raient réciproquement et produisaient pour un marché inconnu.
La concentration en arrive au point qu li1 devient possible de
faire un inventaire approximatif de toutes les sources de
matières premières d'un pays, de plusieurs pays, voire du
monde entier"(!)" Par conséquent, la concentration de la pro-
duction due au Capital, avec conséquence la constitution de
monopoles, amène une solution interne du mode de production
capitaliste à travers les mouvements d'exportation de capitaux
dans les formations économiques et sociales moins développées.
Aux transformations structurelles du capitalisme
s'ajoute, par ailleurs, la négation de la baisse du taux de
profit grâce à l'exportation de capitaux. Ce thème occupe une
place centrale dans l'explication 1eninienne de l'impérialisme.
D'emblée, Lénine engage les hostilités: "Ce qui caractérise
l'ancien capitalisme, où règne la libre concurrence, c'était
1 'e xp0 r ta t ion de s ma r chan dis es . Ce qui ca ra c t é ris e 1e ca pit a -
1isme actuel, oü règne les monopoles, c'est l'exportation de
capitaux"(2). Lénine met, en évidence là, le passage nécessai-
re du capitalisme concurrentiel au capitalisme monopoliste
dû à la juste concentration du capital dans les pays les plus
développés. Ensuite, du fait de la recherche du profit maxi-
mum, les capitaux excédentaires vont s'investir dans les pays
moins développés, non pas parce que les incitations à investir
(1 ) LENINE, L'impérial isme, stade suprême du capitalisme,
op. Clt., p. 32.
( 2)
LENINE, op. cit., p. 85.

34 •
n'existent pas dans les pays d'origine, mais pour la simple
raison que dans les pays sous-développés", les profits y sont
habituellement élevés, car les capitaux y sont peu nombreux,
le prix de la terre relativement bas, les salaires de même,
les matières premières bon marché"'l). Est-ce â dire que la
masse des capitaux excédentaires placés â l'étranger dans des
conditions plus avantageuses aide â développer les pays moins
avancés ou à élever le niveau de vie des masses; mais non
objecte
Lénine car le capitalisme ne serait pas le capita-
1isme : "tant que le capitalisme reste le capitalisme, l'excé-
dent de capitaux est consacré~ non pas â élever le niveau de
vie des masses dans un pays donné, car il en résulterait une
diminution des profits pour les capitalistes, mais â augmenter
ces profits par l'exportation de capitaux â l'étranger, dans
les pays sous-déve10PPés"(2). Remarquons que les possibilités
d'exportation de capitaux sont rendues possibles parce que ces
pays sont "d'ores et' déjà e nt r a n s dans l'engrenage du capi-
î
ê
talisme mondia1"(3).
Ainsi, Lénine laisse donc entrevoir la formation, par
le canal de l'exportation de capitaux, de l'économie mondiale
dominée par le mode de production capitaliste. Si l'exportation
de capitaux occupe une place importante dans son analyse de
l'impérialisme, cela ne signifie pas concrètement que l'expor-
tation de marchandises ait disparu. Il est évident que ce11e-
ci subsiste parce que l'exportation de capitaux devient ainsi
un moyen pour encourager l'exportation des marchandises"(4).
, 1 ) LENINE, Impérialisme, stade suprême du capitalisme, op.
·cit, p. 86.
, 2 ) op. c i t . o. 86"
, 3 ) op. cit. p. 87.
, 4 ) op. cit. p" 90.

35.
Mais le primat accordé à l'exportation de capitaux va fonde
la caractéristique majeure du capitalisme monopoliste.
En définitive, la justesse de la thèse de Lénine est
évidente, car elle précise du coup, en ce qui nous concerne,
la problématique de la délocalisation vers le Tiers Monde.
Par là, Lénine fournit une explication du mouvement des capi-
taux à l'étranger. Donc, l'intégration des économies du Cen-
tre et de la périphérie à l'économie mondiale n'est plus le point
d'équilibre de l'offre et de la demande mondiale (ancienne division
internationale du travail) mais l'émergence d'une nouvelle
organisation de la production mondiale organisée par et au
sein des firmes multinationales. C'est dans ce cadre qu'il
fàille inscrire les modalités et les mobiles d'implantation
des fi rm e s mu 1tin a t ion ale s à lié t ra nge r don t 1a s t rat é 9 i e
d'extraterritorialité propulse deux types de forme de délo-
calisation. Il s'agit précisément de la délocalisation de
la "f i l t a l ev r-e l a is " et
celle
caractérisée par la création
de la "filiale-atelier". L'évolution des stratégies des fir-
mes multinationales, à travers cette typologie, montre com~
ment ces dernières échappent aux contraintes liées à l'accu-
mulation dans leurs pays d'origine.
2. Stratégie des firmes multinationales et formes
de délocalisation de la production industrielle
Nous avons montré plus haut que l'économie mondiale ne
pouvait être rêduite à une simple internationalisation des
marchandises et des capitaux, ni à une addition d'espaces
nationaux entretenant des rapports. Le postulat des harmonies
universelles cède la place à 1 'unité totale contradictoire~
le capitalisme mondial intégrant en son sein des économies

36.
nationales, inégalement développées. C'est dans ce cadre que
se définit la nouvelle division internationale du travail
qui nia de sens que parce qu'il y a des économies sous-déve-
loppées jouant le rôle de soupape dans la sphère mondiale en
tant que zone privilégiée de valorisation du Capital. Si
les
firmes multinationales sont les agents d'exécution de cette
mise en valeur, il faudrait souligner qu'elles ne le font que
grâce à différentes str~tégies élaborées. En outre, ces der-
nieres sont le reflet de l'évoluTf6-n des firmes dans l'im-
plantation à l'étranger, en ce sens que les mobiles qui les
guident, traduisent des différenciations nationales tant sur
le plan des institutions politiques qu'à celui des avantages
économiqueso Par conséquent, les firmes multinationales tout
en participant à ce "mouvement dialectique qui
est essentiel-
lement négation
et reproduction des disparités nationales·.(1),
contribuent à la lutte contre la baisse du taux de profit
dans leurs économies d'origine, à travers la mise en appli-
cation (simultanée ou non) de
deux types de délocalisation
industrielle: "la filiale-relais et la filiale-atelier".
2u1. ?tratégie de délocalisation fondée sur
l'implantation de la filiale-relais
La délocalisation de la production industrielle montre
co mm e nt 1e s cap i tau x, à t r a ver s 1e cy c 1e duc api t al, che r che nt
à échapper aux
contraintes issues de 1 'occumulation du capi-
tal, contraintes imposées par 1 a dynamique du mode de produc-
tion capitaliste. Clest par rapport à cette dynamique qu'il
(1) C-A. MICHALET et M. DELAPIERRE, Les implantations étran-
gères en France: stratégies et structures, Calmann-Levy,
Paris, 1976.

37.
faille inscrire, nous semble-t-il, l'implantation des filiales
à l'étranger, particulièrement la filiale-relais et s'inter-
roger sur les éléments de réponse qu'apporte cette dernière
au procès de valorisation. De ce point de vue, on peut se
demander pour quelles raisons les firmes multinationales déci-
dent-elles d'investir à l'étranger par la création de filia-
les-relais en Côte d'Ivoire, en France ou au Ghana. Indépen-
demment de la nature des zones d'implantations, il semble que
le mobile primordial se résume autour d'une préoccupation ma-
jeune: où implanter pour y vendre?
Quelles qu'en soient les raisons d'implantations -
existence de barrières douanières, apparition de concurrents,
coûts de production intéressants - la délocalisation de la
filiale-relais constitue à première vue une volonté de déte-
nir une part de marché à l'étranger, là où il existe un cer-
tain pouvoir d'achat. En condition de monopole ou d'oligopole,
la firme multinationale décide de produire sur place pour
approvisionner les marchés national et sous-régional. Ainsi
la stratégie commerciale se substitue à la politique d'expor-
tation. Moment décisif de la stratégie de substitution aux
importations, elle se différencie fondamentalement de la
stratégie d'exportation pour la simple raison que la simple
pris e e n co mpte' du ma r c hé l 0 cal con s t i tue l e fa ct eu r déc i s i f
dans le processus de multinationalisation(l). Au lieu d'ex-
porter du lait, du beurre ou de la bière en Côte d'Ivoire,
les firmes multinationales optent pour l'implantation, sur
place, des filiales de production de lait ou de bière dont la
totalité est destinée au marché domestique ou au marché sous-
régional et régional u
(1) C-A. MICHALET,
Typologie.
des fi~mes, in Les multina-
tionales, Cahiers Françals, op. Clt.

38.
Bien que le marché soit l'élément moteur de la dé10ca-
1isation commerciale, il faut néanmoins ajouter que la créa-
tion de filiales-relais s'oppose fondamentalement à la poli-
tique pure du commerce international
de type import-export.
En dernière instance, si le marché reste déterminant dans la
politique d'investissement, certains facteurs socio-économi-
ques, entre autre les coûts de production, les avantages
fiscaux et douaniers, une main-d'oeuvre docile et obéissante,
ne doivent pas être exclus dans le processus de valorisation
du capital
Ainsi "la filiale-relais et les structures orga-
u
nisationnelles qui lui correspondent constituent une straté-
gie de remplacement à l'extension purement commerciale. Mais,
en dernière analyse, elles renvoient à l'impossibilité de
rester purement exportateur et, en remontant plus loin encore
dans la chaine causale, à se cantonner au marché domestique.
La lutte pour le partage des marchés à l'échelle mondiale
exige donc de nouvelles formes organisatione11es adaptées
aux nouvelles stratégies. Il en va de même quand la conquête
des marchés se double ou est supp1antêe par la recherche
d'un abaissement des coûts de production et singulièrement
des coûts sa1ariaux"(I). Toutes choses égales par ailleurs,
l'implantation de CAPRAL à Abidjan, filiale de NESTLE, dépas-
se largement le concept de marché (réalisation de la p1us-
value), pour intégrer les facteurs décisifs intervenant dans
la maximisation du projet, à savoir les coûts de productions,
l'existence de matières premières ( baisse de la valeur du
capital variable). A l'origine, la dé10ca1isation de la fi-
liale-relais est fondamentalement productive à travers le
(1)
C-A, MICHALET et M. DELAPIERRE, Les implantations étran-
9 r es en Fra nce: st r at ê g; ë-set st r uct ure s,op. ci t •
è
p. 45 u

39.
processus des investissements directs. Même si le marché res-
te un élément majeur dans la prise de décision d'investir,
la séquence vente-achat ne saurait précéder l'aspect lié à
la dé10ca1isation du Capital
productif lieu de création de la
plus-value. Encore que l'existence d'une main-d'oeuvre locale
bon marché participant à la valorisation du capital justifie
son exploitation par l'extorsion de la plus-value
L'implan-
tation des industries de substitutions aux importations
obéit à cette loi car au lieu de chercher à exporter des pro-
duits manufacturés dans les pays moins développés, les firmes
multinationales acculées par les contraintes d'accumulation
dans leur économie d'origine produisent sur place les biens
avec plus ou moins les mêmes caractéristiques de production
et de technologie. En ce sens, on peut assimiler la stratégie
de dé10ca1isation de la filiale-relais à celle de substitu-
tion aux importations.
Enfin, la dé10ca1isation de la filiale-relais représen-
te en fait la forme simple de 11 internationalisation du
capital productif. L'existence des contraintes objectives
(limitation du marché domestique due à la concurrence, coûts
de production élevés, concentration du capital dans les
branches exigeant une technologie de pointe) conduit les
firmes multinationales à changer ou à adopter leur stratégie
en dé10ca1isant à la périphérie, certains secteurs indus-
triels intensif en travail _ Cette dernière se manifeste à
travers l'implantation de filiales-ateliers.

40.
2.2. Stratégie de délocalisations fondée sur
l'implantation de la filiale atelier
A la stratégie commerciale (délocalisation de la filia-
le-relais) s'oppose la stratégie productrice (délocalisation
de la filiale-atelier) qui s'intègre dans la stratégie glo-
bale de la multinationale. En effet, la filiale atelier se
caractérise" par la mise en place d'une véritable interna-
tionalisation à l'échelle mondiale de la production d'un
bien (automobile, ordinateur, TV .... ) entre plusieurs filiales
spécialisées dans la fabrication d'une partie du produit fi-
nal ou dans le montage des composantes fournies par les uni-
tés productives de la firme multinationale"(l)
Contrairement à la stratégie commerciale, le mobile
qui guide l'implantation d'une filiale-atelier n'est plus
l'existence du marché mais celle d'une main d'oeuvre bon mar-
ché. Les salaires dans les pays développés sont nettement su-
périeurs à ceux de certains pays en voie de développement.
Les firmes multinationales réorientent leur centre d'intérêt
et investissent notamment dans les pays du Sud-Est asiatique
tels que Hong-Kong, Singapour, la Corée 00 il existe une
main-d'neuvre qualifiée et bon marché.Oe ce fait, les firmes
multinationales délocalisent pour y produire des biens qui
sont en quasi-totalité exportés dans les pays d'origine. Mais
la spécificité d'une telle stratégie réside dans le fait que
chaque filiale se spécialise dans la production d'un bien
(1) C-A. MICHALET, Typologie des fir~es multinationales, op.
cit., p. 10.

41.
assemblé au produit fini dans la phase finale productive,
soit à la maison-mère soit dans un autre pays, Dans ces con-
ditions, l'espace de la production ne coincide plus nécessai-
rement avec celui de la consommation, L'entreprise fabrique
dans un pays et vend dans un autre. La filiale devient une
unité spécialisée au sein d'un ensemble inté~ré à l'économie
mondiale(!)
En outre, à la différence de la délocalisation de la
filiale-relais, la délocalisation de la filiale-atelier cor-
respond à la nécessité d'augmenter le taux de plus-value et
donc partant à la maximisation du taux de profit global de
la firme" De ce point de vue, "le circuit des filiales-ateliers
organise un drainage multinational de la plus-value alors que
celui des filiales-relais est centré sur un drainage multina-
tional
du pr-o f t t , Dans la première hypothèse, la logique do~
minante de l'internationalisation est celle de la concentra-
tion et de l'annumulation du Capital. Dans la seconde, c'est
la centralisation et le rapatriement des projets qui ,Iempor-
tent"(2). La création de la plus-value constitue la raison
fondamentale d'implantation des filiales-ateliers cherchant à
exploiter la force de travail
locale à bon marchéuCe qui
amène les firmes à délocaliser les segments du cycle de
produit les plus intensifs en facteur travail, car cela les
amène à échapper aux contraintes de valorisation, répétons-le,
dans leurs économies d'origine.
( 1 ) M_ DELAPIERRE, Les étapes de la multinationalisation, in
les multinationales, Cahiers Français, op. cit., pp. 25-29.
(2)
C-A o MICHALET, Le capitalisme mondial, op. c i t,, p. 312.

42.
Au-delà de l'objectif qui distingue chacune deux stra-
tégies présentées, "commerciale et productive", il est un
fait que la délocalisation de la production entraîne une homo-
généisation des conditions et des techniques de production à
l'échelle mondiale, condition de l'émergence de l'économie
mondiale. "Filiales-relais" et "filiales-ateliers" sont les
mémes éléments constitutifs et contradictoires de 11 interna-
tionalisation de la production qui fonde l'économie mondiale.
En effet, elles se présentent de manière contradictoire, et
non séparée, dans les stratégies de multinationalisation des
firmes qui caractérisent l'articulation dès économies natio-
nales au sein du capitalisme mondial
L'implantation d'une
filiale-relais en Côte d'Ivoire comparativement à celle d'une
filiale-atelier à Singapour diffère, certes, par T' o b.l e c c i f
formel guidant les intérêts des firmes, mais ce qui est in-
téressant à remarquer, c'est plus le fondement d'une telle
implantation centrée autour de la lutte contre la baisse
tendancielle du taux de profit. C'est parce que le taux de
profit baisse au Centre du ~ait des hauts salaires que les
firmes décident dlinvestir dans les zones moins développées
du Tiers-Monde. Mais, avant de nous consacrer à cet aspect
du problème, objet de la thèse, essayons d'élucider les gran-
des tendances caractérisant le processus de la délocalisation
des activités industrielles à travers la polarisation mondia-
le des investissements directs et des filiales de productlon
dans les pays développés à économie de marché.

43.
3. La concentration de la production industrielle
au centre
: point de départ des activités des
firmes multinationales
Le procès de délocalisation a son point de dépar~
dans les économies ayant atteint un haut niveau de développe-
ment des forces productives, ici le centre. Ceci veut signi-
fier tout simplement que le procés d'accumulation ou de mise
en valeur du capital s'amorce d'abord dans les pays indus-
trialisés avant d'envisager, ensuite, des solutions externes.
Ainsi, le processus de délocalisation de la production indus-
trielle dans le Tiers Monde doit étre inscrit dans le cadre
des contraditions inhérentes au processus d'accumulation cen-
trale.
C'est pourquoi, la caractérisation du procès de
mise en valeur du capital dans les pays du centre s'impose
car on assiste à une polarisation des investissements directs
et des activités des firmes multinationales dans la zone NORD
00, semble-t-il, l'accroissement possible de la demande sol-
vable reste le mobile prépondérant à l'investissement étran-
ger, même si la valeur de la force de travail est plus
élevée.
3.1" Tendances globales de la concentration mondia-
le des investissements directs
La polarisation mondiale des investissements directs
confère une forte concentration de ces derniers dans les
paysdéve10ppé~ à économie de marché au détriment des pays
en voie de développement. Ainsi, les tableau 1 et 2 donnent

oo:t
oo:t
TABLEAU
1 - MOUV01ENTS MONDIAUX DES INVESTISSEMENTS DIRECTS
-
--.---
SELON LES DIVERS GROUPES DE PAYS
Valeur annuelle moyenne des
Pourcentage du total
Régions
investissements
(milliards de S)
fi5/69
70/74
75/79
80/83
65/69
70/74
75/79
80/83 ;
Pays industriels
5,2
11 ,0
18,4
31,3
79
86
72
63
Pays en développement
1,2
2,8
6,6
13,4
18
22
26
27
Autres pays divers
0,2
- 1,0
0,6
4,8
3
- 8
2
10
Total
6,6
12,8
25,6
49,5
100
100
100
100
Source
Banque Mondiale, Rapport sur le développement dansle monde, 1985, Washington, OC,
mai 1985

45.
cette forte concentration des capitaux directs à l'étranger
en 1965-69,
79 % des
investissements directs sont le fait des
pays indus-
trie1s. Ce pourcentage est passé à 86 au cours de la période
1970-74 avant de tomber à 72 et 63 respectivement en 1975-79
et 1980-A3.
Contrairement à ce que l'on peut penser, la baisse
relative à la concentration n'enlève rien au monopole des pays
développés à économie de marché en tant que principaux expor-
tateurs de capitaux directs. On le constate au tableau 5 où,
pour la simple période de 1978-80, 98,4 ~ des investissements
directs sont réalisés par ces pays contre 99,7 ~ en 1970-72,
De toutes les façons, le caractère marquant de la concentration,
TABLEAU 2 - ACTIF
CORRESPONDANT AUX INVESTISSEMENTS DIRECTS
EFFECTUES A L'ETRANGER PAR LES PAYS DEVELOPPES
A ECONOMIE nE MARCHE, PAR PAYS HOTE, 1967-75.
GROUPE DE PAYS HOTES
1967
1971
1975
Valeur totale des a ct i fs
105
158
259
(milliards de Z)
Répartition des actifs
(en %)
- Pays à économie de
marché
69
72
74
- Pays en développement
31
28
26
dont
· OPEP
9
7
6
· Paradis fiscaux
2
3
3
· Autres pays
10
17
17
,-
TOTAL :
100
100
100
11
Source
Nations-Unies, Les sociétés transnationales dans
le développement mondial: un réexamen, Washington,
20 mars 1q78

46.
ces dernières années, est incontestablement le fait que les
trois quarts des investissements directs étrangers sont allés
dans les pays industriels.
Conséquemment, cette concentration s'est faite au détri-
ment du pays en voie de développement qui enregistreent une
faible proportion d'investissements directs étrangers. Bien que
la valeur nominale des investissements directs dans ces pays
ait augmenté de 10 ~ par an entre 1967 et 1982, sa valeur réelle
est restée stationnaire(I).
En effet, les PVD participent moins
aux mouvements mondiaux d'investisseme~t directs puisque les
entrées de capitaux sont nettement supérieures aux sorties de
capitaux" Ainsi, la part de capitaux reçus est passée de 21,8 %
en 1970-72 à 23,5 % en 1978-80 avant d'atteindre 27 1, en 1980-83.
Quelle
que soit l'évolution de l'investissement direct dans
ces pays, on peut conclure que la croissance de la concentration
est nettement régulière dans l'espace des pays industriels où
la proportion de la concentration des investissements a évolué
en passant de 69 r, en 1967 à 74 ~ en 1975.
Par ailleurs, la comparaison de la proportion des inves-
tissements directs étrangers à celle des bénéfices réinvestis
confirme de plus en plus la concentration des capitaux étran-
gers dans les pays développés à économie de marché. Le réinves-
tissement des bénéfices des filiales existantes dans ces pays
représente, en moyenne, 77 ~ pour la période de 1970-1980. En
comparaison internationale, la proportion des bénéfices réinves-
tis était de 75,2 ~, en 1970-72, dans les pays développés à
(1) Banque Mondiale~ Rapport sur le développement dans le
monde, 1985, Washington, DL, mai 19R5.
.

TABLEAU 3 - CONCENTRATION DES INVESTISSEMENTS DIRECTS DANS LE
MONDE
1970-1972 et 1978-1980 (en %)
So rt i e
dlin-
Bénéfices
Entrée dl in- Bénéfices
Entrée de
Sortie de
vestissements
dont réin-
vestisse-
dont réin-
revenus
paiements
directs
vestisse-
ments di-
vestisse-
provenant
sur investis-
ments
rects
ments dans
d'investis- sements di-
les pays im- sements di- rects à
..
portateurs
rects à
l t
t r anqe r
ë
l'étranger
70-72-
78-80
70-72 78-80 70-72 78-80
70-72 78-80 70-72 78-80 70-72
78-80
Pays développés à
économie de marché
99,7
98,4
100
99,97 78,2
76,5
75,2
78,7
99,2
98,7
40,5
51,4
Pays en voie de
développement
0,3
1,6
-
0,03 21,8
23,5
24,8
21,3
0,8
1,3
59,5
48,6
Source
Données statistiques du Fonds Monétaire International in les Sociétés transnationales
dans le développement mondial, 3è étude, Centre sur les Sociétés transnationales,
Nations Unies, New York, 1983.
~
'-J

48.
économie de marché entre 24,8 r. dans les pays en voie de déve-
loppement. En 1978-80, on enregistrait 78,7 ~ pour les pays
industriels tandis que la part des PVD diminuait de 3,5 %.
En définitive, les données statistiques ci-dessus
attestent réellement de la concentration des investissements
directs, dans les pays développés à économie de marché parce
que les mouvements mondiaux de capitaux sont entièrement de leur
ressort. Toutefois, malgré l'intensification des investisse-
ments directs entre ces pays, on peut signaler que la situation
a profondément évolué en ce qui concerne le rôle des principaux
pays industrialisés dans 'les exportations mondiales d'investis-
sements directs.
3.2. Concentration géographique des investissements
directs internationaux
Les tendances globales de l'investissement direct étran-
ger ont permis de constater que son orientation géographique
est le fait des pays développés à économie de marché dont
l 'i mportance s'est accrue comme zone de desti na.t t on. Il ne se-
rait pas inutile de rappeler que la part de ces pays dans le
stock mondial est passée de 65 % du total en 1967 à 72 r, en
1971 et 74 ~ en 1974. Cependant, la polarisation des investis-
sements directs dans les pays industriels ne doit pas masquer
la forte concentration de ces investissements dans un petit
nombre de pays d'origine de capitaux, à savoir les USA qui
ont
connu une forte concentration des investissements directs sui-
vis de la Grande-Bretagne, du Canada et de la RFA. Les évolu-
tions possibles, des investissements directs effectués par ces

49.
TABLEAU 4
- REPARTITION PAR PAYS DI ORIGINE DES COURANTS
D'INVESTISSEMENTS DIRECTS EN PROVENANCE DES
PAYS A ECONOMIE DE MARCHE (en V\\
- - - - - - -
PAYS
1963/65
1969/71
1978/80
Etas-Unis
68,4
60,9
46,2
Canada
1 ,87
2,6
6,75
F.R.A
4,63
7,53
9,38
France
3,6
2,33
5,36
Italie
2,66
2,30
1,05
Grande-Bretagne
12,7
12,4
14,57
Bénélux
-
0,97
1,58
Suède
1 ,43
1,83
1,26
Pays-Bas
2, 17
4,3
5,38
Ja pon
1,5
2,63
5,92
Austral ie
0,47
0,93
0,78
C.E.E. 7
25,7
29,8
37,5
Tota l des 11 pays dans
l e total des pays in-
99,4
98,7
98,4
dustrialisés
Source in J.L. MUCCHIELLI, Les firmes multinationales,
mutations et nouvelles perspectives, Economica,
Paris 1985, p. 153.
pays a partir du tableau 4 qui met en relief la diminution du
poids relatif des USA dans la concentration des investissements.
Ces derniers, estimés a 68,4 ~ pour la période 1963/1965, ont
chu té a 60 , 9 c~ e n 1969171 pui s a 46 , 2 ,.; en 19 78/8 O. Il f a u t
remarquer que la baisse de la position américaine traduit de
nouvelles tendances dans la redistribution internationale de

50.
la production industrielle au profit des autres pays dévelop-
pés à économie de marché, tels la RFA, la Grande-Bretagne, le
Canada, le Japon et la France. Ainsi, on assiste à un accrois-
sement relatif de leurs exportations d'investissements directs
qui passent de 21 ~ en 1963/65 à 25 ~ en 1969/71 puis à 37 ~
en 1978/80.
Considérant les pays isolément, la Grande-Bretagne
arrive en deuxième position en tant q'exportatrice de capitaux
(14,5 ~ en 1978/80) derrière les USA, suivie de la RFA et du
Canada dont le montant de leurs investissements directs a aug-
menté, passant respectivement à 9,38 ~ et 6,75 ~ pour la même'
pê r i ode , On assiste, par ailleurs, à l'apparition spectaculai-
re du Japon dont la proportion dans les exportations de capi-
taux a plus que doublé passant de 2,63 r en 1969/71 à 5,52 %
en 1978/80 ..
Comme on sien aperçoit, le déclin de la position des
USA slaccompagne du redéploiement des investissements directs
en faveur des autres pays industriels à économie de marché.
Estimé à 49,2 ~ en 1960, le montant des investissements di-
rects américains a connu une ré~ression en 1980 (42,1 %). Mal-
gré la baisse relativement importante du Capital américain, on
peut néanmoins conclure qulil occupe toujours la première place.
L'augmentation des investissements directs de la C.E.E. due
essentiellement à celle des capitaux allemands et britanniques,
nettement au-dessous du capital américain, n'arrive pas à con-
trecarrer la suprématie américaine (tableau 5).

U1
TABLEAU 5 - REPARTITION DU STOCK D'INVESTISSEMENT DIRECT A L'ETRANGER
PAR PRINCIPAUX PAYS (%)
Ran 9
Rang
Perte de
Pays
1960
1967
1971
1975
1980
1960
1980
points
de ~;
Pays développés
98,9
97,4
97,7
97
97,2
-
-
-
dont
- Etats-Unis
49,2
48,3
48,1
45,8
42,1
1
1
- 6,9
- Canada
3,7
3,1
3,8
3,8
3,7
5
7
°
- Grande-Bretagne
16,2
14,9
13,8
Il ,2
14,5
2
2
- 1,7
- Pays-Bas
10,5
9,4
8
7
7,8
3
3
- 2, 7
- R.F.A
1 ,2
2,5
4,2
5,9
7,3
8
4
+ 6,1
- France
6,1
5, 1
4,2
4,1
3;9
4
6
- 2,2
- Bénêlux
1,9
1 ,7
1,4
1 ,3
1,3
6
9
- 0,6
- Italie
1,6
1,8
1 , 7
1,2
1,3
7
9
- 0,3
- Japon
0,7
1 ,3
2,6
5,8
7,2
9
5
+ 6,5
- Australie
0,3
0,3
0,3
0,3
0,4
Il
11
+ 0,1
- Suède
0,6
1,4
1,4
1,6
1,4
10
8
+ 0,8
- C.E.t. 7
37,5
35,4
33,3
30,7
36,1
-
-
-
Source
Voir J.L. MUCCHIELLI, op. cit, p.
154.

52.
TABLEAU 6 - REPARTITION PAR PAYS DE DESTINATION DES FLUX
D'INVESTISSEMENTS DIRECTS ENTRE PAYS
INDUSTRIALISES (~)
.PAYS
1961/63
1969/71
1977/79
Etats-Unis
10,5
15,2
35,3
Canada
15,2
Il,7
4,7
Grande-Bretagne
17,5
12,9
12,8
R.F.A.
14,2
10,6
7,8
France
7,6
6,8
12,4
Italie
10,4
7,3
4,1
Bénélux
4,9
6,9
Pays-Bas
3,4
7,3
2,6
Suède
1,8
1,7
0,4
Japon
2,1
1,8
0, 1
Australie
13,1
12,5
7,5
C• E• E. 7
52,7
49,8
46,6
Source
in J. L. MUCCHIELLI, op. ci t , p. 155
Cette f o t s c i , en considérant l'ensemble des pays déve-
v
loppés à économie de marché comme importateurs de capitaux di-
rects, les U.S.A. arrivent encore en tête avec 35,3 % en 1977/79
co'n t rel 0 , 5 % en 1961/ 1963 (t a b l eau x 6). En ce qui con ce r ne l a
C.E.E., sa situation semble se détériorer car de zone privilé-
giée de capitaux importés en 1961/63 (52,7 %), sa part chute à
46,6 ~
en 1977/79 soit une diminution de 6,1 ~ durant la pério-
de 1961/79. Cette diminution s'explique essentiellement par la
forte tendance à la baisse des capitaux allemands (7,8 ~) et
britanniques (12,8 ~) pour la même période.
Enfin, au-delà des tendances caractérisant le redéploie-
ment des investissements directs, dans les pays industriels on

53.
doit noter que la position de chaque pays en tant qu'exporta-
teur et importateur de capitaux fait l'objet d'investissements
croisés entre eux, parce que, selon Andreff, "les firmes mu1-
tinationa1es recherchent, pour s'y développer, les marchés
étrangers très réceptifs aux produits et aux processus de pro-
duction qu'elles ont mis au point sur leurs marchés d'origine,
c'est-à-dire les marchés des pays développés à économie de
marché. C'est dire que l'internationalisation du Capital pro-
cède fondamentalement d'investissements croisés entre PDEM et
qu'elle provoque ainsi l'interpénétration croissante de leurs
systèmes productifs nationaux",I). Donc l'interpénétration
croissante des économies industrialisées s'accompagne d'une
redistribution de leurs investissements directs vers principa-
lement l'Europe qui reçoit 40,7 % des capitaux américains en
1976 contre 32,2 % en 1967. Cette méme tendance est observable
du côté des investissements directs de la R.F.A. et de la Gran-
de-Bretagne qui investissent beaucoup en Europe. Il y a, comme
l'indiquent Mucchje11i et Thui11ier, un rapprochement des parts
des pays dans les investissements internatjonaux(2}. La concen-
tration géographique des investissements directs s'accompagne
de la concentration sectorielle de ces derniers.
3.3. Concentration sectorielle des investissements
directs
La concentration sectorielle est la conséquence immé-
diate de la concentration géographique des investissements
( 1 ) w. ANDREFF, Les capitaux étrangers dans les PDEMet dans
les PVD, in les Multinationales, Cahiers Français, op. cit.
( 2 ) J-L. MUCCHIELLI et J.P. THUILLIER, Multinationales euro-
péennes et investissements croisés, Economica, Paris, 1982.

54.
divers dans les pays développés à économie de marché. En effet,
quand on considère la répartition sectorielle globale de l'in-
vestissement direct des grands pays industrialisés, on remar-
que une évolution de ce dernier dans le secteur industriel et
celui des services au détriment du secteur primaire. La tendan-
ce se vérifie dans le cas du capital français où la proportion
accordée au secteur industriel est passée de 39 ~ en 1973 à
plus de 50 % en 1980. Le même comportement est à remarquer du
côté des USA, de la Grande-Bretagne et du Japon. Curieusement,
la tendance la plus marquante concerne la RFA où 60 °4 de l'in-
vestissement direct sont destinés au secteur industriel (ta-
bleau 7). De ces différentes assertions, on peut, tout de même,
affirmer que le secteur de prédilection des firmes multinatio-
nales reste l'industrie. Bien que suivie par les services en
général, l'investissement industriel fut encouragé dans les
pays développés pour préserver les marchés contre la concur-
rence d'autres firmes.
Or la concurrence entre firmes multinationales amène
ces dernières à concentrer les investissements dans les écono-
mies des pays développés- à tconomie de marché. Ainsi, en con~
sidérant la répartition sectorielle géographique des investis-
sements étrangers, on constate, d'emblée, que 45,8 % des mouve-
ments des investissements industriels concernent d'abord ces
pays contre 34,0 Cf,
alloués aux pays en développement (tabelau 8 ).
A ce titre, durant la période 1978-1987, les courants d'inves-
tissements directs américains dégagent une moyenne de 76,8 ~
pour les pays industrialisés et 23,2 ~ pour les PVD. Ces données
quantitatives concernant les industries manufacturières, en

Ln
Ln
TABLEAU 7 - REPARTITION SECTORIELLE DE L'INVESTISSEMENT DIRECT NET
DES GRANDS PAYS
Pays
73
74
75
76
77
78
79
80
FRANCE
Secteur Primaire
36
43
40,2
33,9
21,8
19,8
3,7
14,8
Secteur Secondaire
39
30
31,9
29,1
28,0
42,7
42,5
50,7
Secteur Tertiaire
25
27
27,8
37,0
50,1
37,4
53,8
34,4
R.F.A.
Agriculture, Energie
1
3
20
11
9
6
Industrie
65
67
61
67
66
65
Autres
34
30
19
22
25
29
ROYAUME-UNI
Industrie
38,8
38,7
34,6
35,3
Distribution
15,7
14,3
20,8
12,2
Investissements des firmes
pétrolières
11,1
9,2
19,6
26,1
U.S.A.
Pétrole
24,6
34,2
20,3
21,7
10,8
35,6
9,7
'Industrie
43,8
33,4
43,2
37,4
47,4
36,7
53,4
Autres
31,6
32,4
36,6
40,8
41,8
27,7
36,7
JAPON
Mines
21,8
21,6
17,2
Industries
33,8
28,2
33,9
Services
23,3
29,9
20,7
Source : in C-A. MICHALET x Divers, Nati~nalisations et internationalisations, MASPERO,
Paris, 1983, p. 57.

·
\\0
Lt'l
TABLEAU 8
- REPARTITION SECTORIELLE DE LI INVESTISSEMENT AMERICAIN
(STOCKS D'ACTIFS) SELON LES ZONES, EN %
Industries
dont
Total
Mines
Pétrole
Services
manufactur.
Commerce
1971
-
Pays développés
100
6,3
21,9
49,6
21,6
8,6
Pays en développement
100
10,5
34,8
28,6
25,7
7,1
Total
100
7,0
26,6
41,4
25,1
8,3
1976
Pays développés
100
4,6
23,4
49,1
22,7
8,8
Pays en développement
100
7,9
10,0
39,2
43,0
11,0
Tota 1
100
5,2
21,6
44,5
28,7
9,8
1979
- -
Pays développés
100
3,0
21,8
45,8
25,0
13,1
Pays en développement
100
3,9
13,7
34,0
42,0
10,3
Total
100
3,2
20,7
42,1
29,0
12,1
Source : in C-A. MICHALET, Nationalisations et internationalisations, op. cit., p. 57

57.
1980, on décèle les mêmes tendances que le Capital allemand
dont 70 % sont orientés dans les pays du Centre contre 30 ~
pour la périphérie. Cependant, la distribution de ces inves-
tissements à l'étranger présente un caractère original con-
trairement aux autres pays développés. En ce qui concerne tou-
jours le secteur manufacturier, les PVO accueillent plus de
65 ~ contre 33 ~ pour les pays du centre, pendant la période
1951-1980.
Pour conclure, disons que la plus grande proportion des
investissements directs à l'étrangers est réalisée par les
firmes multinationales dans le secteur manufacturier. L'orien-
tation de l'investissement international dans le secteur manufacturier
n'exclut pad qu'à l'entérieur de ce dernier la concentration s'effectue
dans les industries à haute technicité telles que les insdustries ch;-
ques, mécaniques et électriques, pharmaceutiques, les machines-
outils. Ce sont là des industries dont les produits sont ex-
trêmement standardisés à l'échelle mondiale. Cependant, les
industries textiles, alimentaires, des boissons, de la pate à
papier et de la papeterie accueillent des investissements des
firm~s multinationales mais ces derniers représentent un
mo-
deste pourcentage par rapport à celles mentionnées ci-dessus.
La concentration sectorielle spécifie la concentration des
filiales de production.
3.4. Concentration des filiales multinationales et
hiérarchisation du système productif
La polarisation internationale des investissements di-
rects a montré la prédominance de ces derniers dans la zone

58.
NORD o~ l'on assiste à la réalisation des 3/4 des investisse-
ments directs à l'intérieur de cette zone sous-jacente à cette
réalité, l'étude de la concertation des filiales corrobore
cette domination des pays occidentaux. En effet, nous allons
TABLEAU
9 - LES FILIALES MULTINATIONALES EN 1969
FILIALES
HEPARTITION EN cl
PAYS D'ORIGINE
Nombre
°1
.>
Pays déve- Pays sI dé-
loppés
ve10ppés
Etats-Unis
9 fi91
35,5
74,7
25,3
Royaume-Unis
7 116
26,1
68,2
31,8
R.F.A.
2 916
10,7
82,2
17,H
France
2 023
7,4
59,7
40,3
Suisse
1 456
5,3
85,7
14,3
Suède
1 159
4,2
83,4
1fi,6
Pays-Bas
1 118
4,1
72,6
27,4
Belgique
594
2,2
69,7
30,3
1ta 1i e
459
1,7
67,3
32,7
Danemark
354
1,3
84,8
15,2
Norvège
220
0,8
84,6
15,4
Autriche
105
0,4
81,0
19,0
Luxembourg
55
0,2
85,5
14,5
Espagne
26
0,1
73,1
26,9
Po rtuga l
8
50,0
50,0
TOTAL
27 300
100
73,fi
26,4
Source
w. ANDREFF, Les firmes multinationales et la sectorili-
sation de la production, Thèse de doctorat, Paris X
1975, p. 72.
montrer que la concentration géographique des filiales multina-
tionales est comparable à celle de l'investissement internatio-
nal. Ainsi en 1969, sur un nombre total de 27 300 filiales im-
plantées dans le monde, 20 093 sont réalisées dans les économies
développées de marché soit 73,6 ~ contre 26,4 ~ dans les pays en

dé~e10ppement. La concentration des filiales s'accentue en
1980 en faveur des pays développés industrialisés où le nom-
bre de filiales dé10ca1isées atteint 78,3 0/, contre 21,7 %
(déminution) dans les pays en développement. Même si le nom-
bre de ces filiales ne donne guère une idée totalement satis-
faisante de la dimension des activités des firmes multina-
tionales, ce dernier peut tout de même servir d'instrument
d 1éva1uation de la concentration de la production au profit,
d'abord, des multinationales d'origine américaine qui
repré-
sentaient plus de 35 ~ des filiales en 1969 à l'étranger. En
1980, 3 sur la filiales étaient des filiales américaines. Il
s'ensuit que ces faits traduisent toujours la suprématie amé-
ricaine dans le processus de reproduction du capital à
l'échelle mondiale.
Par ailleurs, la prise en compte de la concentration
géographique des filiales dans les principaux pays industria-
lisés témoigne des implantations croisées des filiales entre
ces pays. En 1980, 1 'hégémonie américaine s'affirme une fois
de plus par le nombre de filiales implantées dans les écono-
mies industrialisées avec plus de 34 1, suicie du Royaume-Unie
(21,5 %). En moyenne, les firmes multinationales américaines
totalisent environ l'ensemble du pourcentage des filiales caca-
diennes (3,7 %), Allemandes (8,2 ~), Japon (1,7 ~) et plus
l'ensemble des filiales britanniques (21,5 %). Tous les faits
montrent que la concentration des filiales à l'échelle mondia-
le et ~ l'intéreiur de l'espace NORD reproduit un mode de pro-
duction 00 le caractère inégal demeure. De plus, alors même
qu'un développement inégal existe entre pays industrialisés
et pays en voie de développement, les formes actuelles de
l'accumulation du Capital et de division internationale

o
c.o
TABLEAU 10 - LES FILIALES MULTINATIONALES EN 1980 (~)
Pays d'origine
Pays développé à économie de marché
Pays en voie de développement
Total
Etat-Unis
65
34,7
t 3
100
Royaume-Uni
75,8
24,2
100
R.F.A.
82,4
17,6
100
France
69,5
30 t5
100
1
Suisse
86,5
13
1.
t 5
100
\\
Suède
87
13,0
100
tO
Pays-bas
82,2
17,8
100
\\
Belgique
81,8
18,2
\\
100
\\
Italie
73,9
26,1
100
1
Danemark
85,5
14,5
100
Norvège
86,2
13,8
!
100
Autriche
81
18,8
1
100
t 2
i
Luxembourg
90
9
t 8
t 2
,
100
Canada
82,7
17 t3
100
1
1
Espagne
65,5
34,5
!
" 100
,
\\
Portugal
57,2
42,8
1
\\ 100
Source
O.N.U. Les sociétés transnationales dans le développement m~ndiar 1983, p. 39

....
1.0
TABLEAU Il - CONCENTRATION GEOGRAPHIQUE DES FILIALES DE PRODUCTION
DANS LES PRINCIPAUX PAYS INDUSTRIALISES EN 1980 (~)
.,....
Pays
c
~
hôtes
1
III
QJ
Moyenne
QJ
"'
:;,
·
"'
E
·
QJ
QJ
co
QJ
c-
pays
.,....
QJ
c:(
"'0
C
:;,
c:(
u
.,....

III
d'origine
·
"'
0
"'
·
C
r -
III
III
Ol
"'0
Pays
.,....
r -
IQJ
Vl
c
0-
~
I.L.
"'
"'
~
·
"'
"'
0
·
s,
+J
"'
:;,
QJ
:;,
d'origine
~
u
'J
c::
c::
I.L.
......
~
Vl
co
Vl
U.S.A.
-
65,6
64,7
52,6
28,4
21,7
36,2
26,9
29,7
23,4
28,8
34,8
Canada
19,4
-
1,6
8,2
1,0
0,4
1,3
2,2
1,2
0,7
1,2
3,7
Japon
8,0
1,3
-
1 ,1
0,7
0,4
1,2
1,4
0,8
1,7
0,5
1, 7
Royaume-Uni
37,0
23,2
8,1
-
24,2
10,6
14,4
38,2
19,1
17,5
23,2
21,5
R.F.A.
9,1
2,6
2,5
6,0
-
6,5
11,4
11,9
Il,2
9,6
11,2
8,2
France
4,8
1,8
-
4,5
-
-
0,1
3,7
2,9
10,7
2,9
3,1
Italie
1,6
0,4
0,4
1,0
3,9
0,4
-
0,8
0,9
1,4
0,9
1,2
Pays-Bas
4,2
0,7
2,9
6,1
6,5
2,2
3,2
-
4,8
19,5
7,2
5,7
Suède
4,3
1,2
2,7
4,4
4,1
42,4
3,3
4,3
4,5
2,9
-
7,4
Suisse
4,6
1,2
4,1
3,8
7,0
3,2
9,4
3,9
-
7,8
3,7
4,9
Belgique
1,4
0,2
0,3
1,0
6,3
0,8
2,1
4,5
2,1
-
1,0
1,9
Autres pays
développés
5,6
1,8
12,7
11,3
17,9
11,5
17,4
2,2
22,8
4,8
19,4
5,9
TOTAL
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
So urce
Tableau calculé d'après les données. chiffrées de 1 'O.N.U. in les Sociétés
transnationales dans le développement mondial, op. cit. p. 374.

62.
tendent à reproduire une même démarcation parmi les pay~
industrialisés, entre les Etats-Unis d'une part et les autres
pays industrialisés, en particulier l'Europe et le Japon
d'autre part. Le capital américain induit au sein même des
pays industrialisés des rapports de dépendance qui peuvent
prendre une forme économique, par les transferts technologi-
ques et les processus de segmentation de la production, mais
aussi une forme sociale par la diffusion d'un nouveau mode
de consommation ll ( 1 ) ,
End' a li t r est e rm es, l 1 i nt e r nat ion a lis a t ion de l a
production, sous la conduite des firmes multinationales
d'ori9ine américaine, segmente les différentes filières de
production entre les différents pays et forme un processus
internationalisé des ensembles marchandises dont les normes
de production sont toujours contrôlés par les mêmes firmes
multinationales.
Finalement, l'orientation sélective des investisse-
ments directs à la périphérie va reproduire l'inégal dévelop-
pement entre le NORD et le SUD pour la simple raison que
moins de 25 ~ des investissements directs internationaux sont
consacrés au SUD. Alors, on peut
chercher à savoir si
les stratégies des firmes multinationales sont-elles compa-
tibles ou non avec les stratégies du développement du Tiers
Monde. C'est pourquoi nous avions jugé apportun de caracté-
riser le procès de mise en valeur du capital dans le Tiers
Monde. Le paragraphe suivant, consacré à l'étude des tendan-
ces de la délocalisation industrielle dans cette zone, a
pour objet d'y réfléchir.
( 1) La Division Internationale du Travail
Documentation
Française, Tome 1, Paris,- 1976, p. 58:

63.
SECTION 2
DES TENDANCES DE LA DELOCALISATION DE LA PRO-
DUCTION INDUSTRIELLE VERS LE TIERS MONDE
Les tendances actuelles de l'internationalisation de
la production, à travers les mouvements des investissements
directs et des filiales multinationales à l'étranger, mar-
quent une concentration très forte des activités industriel-
les des firmes multinationales dans les pays développés à
économie de marché qui
accueillent, rappelons-le, à eux
seuls plus des trois quarts des investissements étrangers
directs. Certes, les activités industrielles NORD-NORD accen-
tuent la démarcation entre le centre et la .pê r t phé r i e , mais
surtout créent un développement inégal à l'intérieur du
Tiers Monde. Ce fait nous semble très important pour compren-
dre la logique du capital étranger car les stratégies des
firmes multinationales, dans le cadre de la valorisation du
capital, aboutissent à sélectionner certains pays en voie de
développement et à délaisser d'autres, notamment l'Afrique
ou les activités des filiales multinationales sont à l'état
embryonnaire comparativement à l'Amérique Latine ou l'Asie
du Sud-Est. Ainsi, la concentration de plus de 50 Y des in-
vestissements directs étrangers dans les pays communément
appelés Nouveaux Pays Industriels (NPI) constitue la réalité
ultime de la délocalisationindustrielle vers le Tiers Monde.
En fa i t, sion ret i ent l' hypothèse de l'incidence favorable
des filiales multinationales sur l'industrialisation du
Tiers monde, on peut se demander comment les pays pauvres
à
l ' i ns ta r des NPl peu ven t - il s s e dé ve ) 0 ppe r dan s l e ca dr e
de la nouvelle division internationale du travail (NDIT).

64.
Afin de saisir le processus de la délocalisation
industrielle dans le Tiers Monde en général, nous proposons
de faire le point de la situation selon la structure sui-
vante: les tendances actuelles de la concentration des in-
vestissements directs étran~ers et des filiales multinatio-
nales, les facteurs explicatifs de la délocalisation indus-
trielle ; enfin les modalités et nouvelles formes d'inves-
tissement,
1) Tendances actuelles de la concentration des inves-
tissements étrangers directs et des filiales
multinationales
Le rapport de la Banque Mondiale sur le développement
dans le monde en 1985 donne une image globale des investis-
sements
directs étrangers selon
les différentes zones
d'implantation
des filiales multinationale. Dlaprès
ce
Rapport, rappelons-le, il y a une forte concentration des in-
vestissements étrangers directs à l'intérieur des pays dévelop-
pés à économie de marché. Ainsi, environ 75 % des investisse-
ments étrangers di rects Si effectuent, en
moyenne, pour 1a péri c
de 1965-1983, entre les pays industrialisés. Par contre, les
actifs correspondant aux investissements étrangers directs
effectues
par ces derniers dans lesPVO
représentent en
moyenne 25 % du total pour la même période considérée. En ou-
tre, la part des investissements étrangers dir~cts à destina-
tions des pays en développement nia cessé de décliner depuis
le début des années 70. Malgré ce déclin des capitaux étranger5
dû à la crise qui frappe les pays industrialisés, on peut néan-
moins dégager les tendances générales suivantes à travers les
d i f f é re nces f l uc tua t ion s dan s 1ete mps ( 1 ) •
(1) O. GOLDSBROUGH, Investissements étrangers dans les pays en
développement, Financ~s et Développement, n° 1, volume 22,
Fonds Monétaire International et Banque Mondiale, Washing-
ton Mars 1985, p. 31.

65.
Tout au long des années 60 et 70, on assiste à une
évolution générale des investissements étrangers directs, des
pays développés en direction des PVD, dont la valeur totale
est passée de 2 milliards en moyenne dans les années 1960 à
13 milliards de dollar en 1981, suit une progression annuelle
de 4,5 r. ;
- La période 1973-1974
correspond au décl in de la valeur
des investissements étrangers directs, notamment dans les pays
en voie de développement non producteur. La hausse du prix du
pétrole explique dans cette baisse relative des capitaux étran-
gers ;
. Par ailleurs, les entrées d'investissements étrangers di-
rects ont continué de
cro1tre, durant la période 1979-1981,
pour atteindre en moyenne 10,5 milliards en S, avant de dimi-
nuer au cours de la période 1982-1983.
Au-delà de ces tendances générales, l'évolution des
investissements étrangers directs doit être nuancée par la pri-
se en considération des pays d'origine de ces investissements
et des pays destinataires.
1.1. Répartition des investissements directs étrangers
par pays d'origine
Les mouvements d'investissements étrangers directs
dans les PVD restent l'apanage des pays développés à économie
de marché, zone d'origine des investissements internationaux.
Néanmoins, la progression des investissements étrangers directs
dan s leT i ers Mon de est t r è sin f lue nc e par l' i nég al dé ve1
ë
0 p-
pement qui caractérise les pays d'origine. A cet effet, comme
le montrent les tableaux 12 et 13.,
les flux d'investi'ssements

66.
étrangers directs dans le Tiers Monde sont, en priorité, le
fait de trois pays, à savoir: les Etats-Unis, le Royaume Uni
et le Japon dont la valeur de capitaux exportés dans la dite
correspond a 70 % du total. En revanche, la part de la France
et de l'Allemagne de l'Ouest baisse(l)o Même s'il y a actuelle-
ment une diminution des investissements des USA comparativement
aux autres pays du Nord, il n'en demeure pas moins que l'inter-
nationalisation du Capital dans le monde s'effectue sous la
houlette du capital américain. La baisse relative du capital américain
TABLEAU 12 - PART MOYENNE DES FLUX VERS LES PVD (en
_._.- .
_.. -
~
.~._~.
% des fl ux d' investi ssement di rects
Pays
1967-73
1974-80
Etats-Unis
18,7
36,4
Royaume-Uni
16,8
22,6
Japon
53,2
57,8
France
42,5
22,3
R.F.A.
23,2
20,8
Source
C.A. MICHALET & divers, Nationalisation et interna-
tionalisation, opo cit., po 530
est compensée parlaprogression des investissements britanniques.
En considérant la période 1965-1967, on constate que ces deux
vieux pays investisseurs concentrent plus de 60 1, du total des
investissements dirigés vers les PVD. En outre, si ,Ion tient
compte du Japon comme nouveau pays investisseur, les trois
~ays totalisent en moyenne, pour la période de 1969-1972, plus
de 65 1, du total o L'évolution de leurs investissements directs
(1) C.A. MICHALET. L'adaptation des stratégies des multinatio-
nales en mutation, PUF, Paris 1983, p. 76.

67.
TABLEAU 13 - FLUX D'INVESTISSEMENT DIRECT VERS LES PAYS EN
DEVELOPPEMENT : VENTILATION PARTIELLE PAR PAYS
INVESTISSEUR (Millions de ~ USA courants)
Moyennes annuelles sur trois ans
Pays
1965-1967
1969-1971
1976-1978
Montant
1,
Montant
,;
Montant
~
Etats-Unis
1 147
51,1
1 738
50,6
4 535
47,3
Royaume-Uni
204
9,1
305
8,9
1 238
12,9
Japon
80
3,6
209
6,1
1 042
10,9
Allemagne Fédé-
rale
147
6,5
304
8,8
879
9,2
Canada
34
1,5
70
2,0
424
4,4
Pays-Bas
90
4,0
211
6,1
391
4,1
France
339
15,1
226
6,6
308
3,2
Suisse
46
2,0
56
1,6
204
2,1
Italie
59
2,6
154
4,5
149
1,6
Autres membres
du CAO
100
4,5
164
4,8
417
4,4
TOTAL
2 246
100
3 437
100
9 587
100
Source
OCDE, Tendances récentes des investissements directs
internationaux, Paris, 1981, p. 47
vers les pays en développement, ayant atteint en moyenne 71 1,
du total, témoigne, sans doute, de l'intérêt qu'accorde le
Capital étranger à la périphérie pour le contrôle du capital et
de la production.
Ainsi, l'Asie
du Sud-Est
reste la
zone de prédilection du capital japonais, l'Afrique et la ré-
gion des Caraibes demeurent respectivement les zones de mise
en valeur du capital d'Europe Occidentale et Américain.

68.
1 02 0 Répartition des investissements directs étran-
~ers par pays destinataires
Les pays développés à économie de marché constituent
la principale source d'investissements directs dans les pays
en développement, même si au cours de ces dernières années,
leurs part à reculé., En excluant de notre champ d'investigation
les investissements SUD-SUD, encore à l'état embroyonnaire(l),
la concentration
des investissements étrangers directs dans
les PVD est évaluée à 34,8 o~ du total mo ndt al , Cette proportion
a baissé passant à 28,9 ~~ en 1980 (Tableau 14). Quand on considère la
ré partition de 11 investissement étranger direct, par zone d'accueil, il res-
sort une concentration du capital étranger en
Amérique
Latine. Bien que l'importance relative de cette concentration
ait reculé en 1980 (14,9 %) par rapport à 1971, l'Amérique La-
tine reste la zone privilégiée de l'investissmeent interna-
t;ona1 devançant, par conséquent, l'Asie (6,9 %) et l'Afrique
(2,8 %)0 Cette orientation confirme, comme nous l'avions affir-
mé par ailleurs, la thèse de la hiérarchisation des systèmes
productifs périphériques.
En outre, les encours à fin 1978 des investissements
privés directs des pays du CAO dans lès PVD attestent cette
orie~tation inégale du capital étranger. Toujours, par rapport
aux différentes zones d'implantation, l'Amérique Latine vient
en première position en totalisant près de 57 % du Total, sui-
vie de l'Asie (26~) et de l'Afrique (7 %). Comme on s'en aper-
çoit, la dé10ca1isation de la production dans le Tiers Monde
s'effectue par une hiérarchisation des différents systèmes pro-
ductifs nationaux soumis à la logique mondiale du capital.
(1) S. LALL, Les multinationales originaires du Tiers Monde,
PUF IRM, Genève~
1984.

69.
TABLEAU 14 - REPARTITION DU STOCK D'INVESTISSEMENT
ETRANGER DIRECT SELON LES PAYS D'ACCUEIL
EN 1971- 80 ('" )
Pays d'accueil
1971
1980
Pays industrialisés dont
65,2
71,1
- Etats Unis
8,4
15,5
- Canada
16,8
10,3
- Europe de l'Ouest
28,5
31,7
- Ja pon
1,5
1,5
- Autres
10,0
6, 1
Pays en voie de développement
34,8
28,9
- Amérique Latine
17,8
14,9
- Afrique
5,3
2,8
- Asie
4,7
6,9
- Moyen Orient
1,0
0,9
- Autres
6,0
3,4
Total
:
100
100
Source: Nations Unies, 1983, op. cit.
Cependant, en minimisant l 'hypothèse de concentration
par zone d'implantation pour privilégier celle d'une concentra-
tion selon les centres d'intérêt du capital étranger, il décou-
le cette fois-ci, une hiérarchisation beaucoup plus poussée à
l'intérieur de chaque espace économique régional. Ainsi, la
répartition des investissements directs des firmes multinatio-
nales dans les PVD, se fait d'abord au profit des Nouveaux Pays
Industriels (NPI) qui concentrent désormais 55 % du total des
investissements étrangers directs (1). On remarque par ailleurs
l'évolution de la part des NPI depuis 1967, accusant un taux de
croissance de 14,6 % pour la période 1967-1978. Mais le fait
remarquable de la concentratinn des investissements étrangers
( 1) O. N. U·, 1983, 0 p. ci t ,

70.
TABLEAU 15 - ENCOURS A FIN 1978 DES INVESTISSEMENTS
PRIVES DIRECTS (BENEFICES REINVESTIS
COMPRIS) DES PAYS DU CAO DANS LES PAYS EN
DEVELOPPEMENT (millions de dollars)
Zone d'implantation
Montant
1,
Afrique du Nord
1 920
2
Afrique au Sud du Sahara
4 668
5
Amérique Centrale
22 860
26
Amérique du Sud
27 470
31
Moyen-Orient
1 220
1
Asie
23 000
26
Divers
8 170
9
Total .
89 308
100
Source
Calculé d'après les statistiques ONU op. cit. p. 49.
directs est la démarcation, de 10 pays parmi les NPI qui concen-
trent à eux seuls 36,5 % du total des investissements à la péri-
phérie en 1967, puis 46 r, en 1978, avec un taux de croissance
annuel de 13,5 % pour la période 1967-1978. Ensuite viennent
respectivement les pays de" l'OPEP, les paradis fiscaux, oD se
produit l'effet conjoint des filiales de production et les
filiales bancaires. Par contre, les pays à revenu internédiaire
voient leur part baisser régulièrement (10,7 % en 1967 et 7,4 %
en 1968). Les investissements y ont crû à un taux moyen de 6,4 %
pour la période considérée; la même conclusion s'impose pour
les pays moins avancés oD les investissements ont augmenté de
façon dérisoire à un taux de 3,4 %. Par conséquent, au total en
1978, 77 PVD (PMA et PRI) ont reçu 13 % des investissements des
firmes multinationales contre 15 % pour les 7 paradis fiscaux
et 55 % pour 17 NPI. En conclusion, comme le fait remarquer

71.
TABLEAU 16 - REPARTITION DU STOCK D'INVESTISSEMENTS
DIRECTS RECUS PAR LES PVD (1967-1978)
Taux de
Régions
1967
1971
1975
1978
croissance
annuel
1967-1978
Stock total
32,8
43,3
68,2
89,3
10,5
(milliards de S)
dont en cr,
Pays de l'OPEP
27,7
26,8
22,9
17,0
5,3
Paradi s fiscaux (a)
7,0
9,0
13,0
15,0
19,2
NPI (b)
43,6
43,6
46,1
55,0
14,6
dont 10 NPI
(liste de l'ONU)
(36,5)
(37,0)
(40,6)
(46,0)
(13,5)
PMA (c)
11,0
10,9
9,5
5,6
3,3
PVD à revenu inter-
médiaire (d)
10,7
9,7
8,5
7,4
6,4
a) Bahamas, Barbades, Bermudes, Iles Caiman, Antilles
Néerlandaises, Panama, Libéria.
b) 17 pays: 10 de la liste ONU (Argentine, Brésil, Mexique,
Pérou, Singapoue, Malaisie, Hong Kong, Philippines, Inde,
Trinité) complétée par Colombie, Corée du Sud, Espagne,
Grêce, Israël, Portugal, Turquie.
c) 37 pays, ayant un PNB par tête d'ingénieur à 400 dollars
en 1979 ; 27 sont situé en Afrique, ou les nommé "pays
moins avancés".
d) 40 pays recensés (PRI).
Source
w. ANDREFF, les multinationales hors la crise, Le
Sycomore, Paris 1982, p. 90.
Andreff, dans 12 PVD, la présence des FMN est insignifiante
en y contrôlant seulement un stock de 219 millions de dollars
soit 0,2 r, du stock total en PVD. Le'Lesotho a reçu 4 millions
de dollars. puis viennent respectivement le Mali avec 10 et
952 millions, le Népal 10 et 1 820 millions et l'Ouganda avec
10 et 3 712 millions de dollars. (1)
(1) W. ANDREFF, Les Multinationales dans la crise, op. c t t . ,
p. 89.

72.
En ce qui concerne l'investissement industriel, on
distingue deux stratégies de dé10ca1isations dans les NPI. D'une
part, le premier groupe (Brésil, Mexique, Argentine, Inde) ca-
ractérisé par l'existence d'un marché potentiel national ou ré-
gional concentre la plus grande partie des investissements
étrangers directs. Cette stratégie a eu pour conséquence la
création de "filiales-relais" dans ces pays. D'autre part, le
deuxième groupe de pays (Taiwan, Hong-Kong, Singapour, Corée du
Sud) oQ il existe une main-d'oeuvre disponible à bon marché
(coûts salariaux bas) fait l'objet de l'implantation de "fi1ia-
les-ateliers" dont la production très spécialisée (composants,
pièces détachées) est destinée au marché mondial et non dans le
pays d'origine de ce11e-ci(1). En considérant la concentration
des investissements directs des pays du CAD, dans les PVD, on
remarque que les FMN concentrent plus d'investissements directs
dans les pays sanctionnés par la présence d'un vaste marché.
Ainsi, en 1978, le Brésil, le Mexique, l'Argentine, le Pérou et
l'Inde concentrent plus de 28 % du stock total des investisse-
ments directs dans les PVD. Toutefois, l'autre groupe, consti-
tué par une main d'oeuvre bon marché (Hong-Kong, Taïwan, Singa-
pour, Philippines) attire plus de 10 % du total en 1978. Ainsi ,
en 1978, ces 10 pays totalisent plus de 39 % du stock d'inves-
tissements des pas du CAD reçus par les économies en développe-
ment. Selon les statistiques de l'OCDE, dans les années actue1-
les, dix NPI (Brésil, Mexique, Argentine, Pérou, Malaisie,
Inde, Hong-Kong, Taiwan et Philippines) totalisent 62,3 % du
stock des investissements directs dans les PVD, à 1 lexc1usi·on
des paradis fiscaux, les pays de 1 'PEP et des pays d'Europe
(1) C-A MICHALET, LiAdaptation de la stratégie des multinatio-
nales à la crise, op. cit.

73.
TABLEAU 17 - REPARTITION DU STOCK 1) , 1NVEST 1SSE" EN TS
DIRECTS DES PAYS DU CAO (l) DANS LES PVD ( ~ )
Pays
1972
1975
1978
Brésil
Il,8
13,3
14,0
Mexique
5,5
7,0
6,0
Argentine
5,1
2,9
3,5
Malaisie
2,1
3,0
3,0
In de
3,7
3,5
2.6
Pérou
2,1
2,5
2,2
Hong-Kong
1.4
1,9
2,2
Philippines
2,1
1,8
1,9
Singapour
0,9
2,5
1.8
Trinité et Tobago
2,3
1,8
Tai'wan
1,9
TOTAL
37,0
40,6
39,3
OPEP
26,8
22,9
15,4
Refuges fiscaux
9,0
13,0
13,3
Autres PVD
27,2
23,5
32,00
(1) Pays du CAD : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique,
Canada, Danemark, Etats-Unis, Finlande, France, Italie,
Japon, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni,
Suède et Suisse.
Source: C-A Michalet & divers, op. cit. p. 58
du Sud.
Parmi
les
NPI, cinq pays privilégiés (Afrique du
Sud, Brésil, Malaisie, Singapour et Mexique) réunissent ~ eux
seuls plus de 50 r, du stock d'investissements directs dans les
PVD non producteurs de pétrole, ~ la fin de 1983(1).
Si nous avions ~ faire une constatation générale con-
cernant le processus de la délocalisation de la production
dans les PVD, c'est évidemment la démarcation des NPI dans le
groupe des PVD dont il s'agirait. Les théories de l'économie
( 1) D• GO LDSBROU GH,In ve s t i s semen t s é t ra ngers dan s les pays en
rléveloppement? op. c it ,

internationale excluent de leur vision du monde cette démarca-
tion parce qu'elles centrent leurs analyses dans le cadre de
pays juxtaposés, c'est-à-dire, l'opposition entre pays dévelop-
pés et pays sous-développés .. Par contre, les analyses en termes
d'économie mondiale inscrivent la dite démarcation dans le ca-
dre de la stratégie différenciée des FMN à la périphérie, en
prélude de l'émergence d'une nouvelle division internationale
du travail.
Cependant, les données statistiques ci-dessus expli-
catives de la politique de différenciation des systèmes produc-
tifs dans les pvrr, sont la source incontestable de l'explica-
tion du sous-développement, comme un phénomène lié nécessaire-
ment au développement inégal dû au capital étranger. Cette si-
tuation contradictoire échappe aux théories du sous-développe-
ment qui voient dans l'exportation de capitaux un des moyens
importants pour combattre le sous-développement: on doit se
demander comment les autres pays en voie de développement,
autres que les NPI, peuvent-ils amorcer un processus d'accumu-
lation fondé sur l'apport de capitaux étrangers sachant per-
tinemment que ces derniers s'orientent, avant tout, vers les
zones de prédilection répondant aux objectifs et aux straté-
gies des FMN. En outre, l'écart des taux de croissance entre
des NPI (4,4 'l et les autres PVD (2,6 %) comparativement à la
faible pénétration des FMN dans les PVD (25 ~ du total des in-
vestissements mondiaux directs) témoigne en fait du rôle que
jouent les FMN dans le procès "d'industrialisation" des PVO,
notamment dans les NPI, au détriment des autres. Donc la corré-
lation entre la faible concentration des investissements étran-
gers directs à la périphérie et la croissance relativement

75.
plus élevée des NPI confir~a l~s prévisions de la thèse.de
l'impérialisme selon laquelle les capitaux étrangers reprodui-
sent et entretiennent le sous-développement â la périphérie.
L'Orientation des investissements étrangers directs dans l'in-
dustrie manufacturière reflet de la concentration géographique,
va spécifier les auteurs industriels intéressés par les FMN
pour assurer la valorisation du capital central.
1.3. Tendances des investissements étrangers directs
dans l'industrie manufacturière
L'étude de la concentration des investissements étran-
gers directs des pays développés â économie de marché vers les
PVD nous a permis de constater les zones de prédilection d'in-
vestissement des firmes multinationales. C'est ainsi que l'Afri-
que, l'Amérique Latine et l'Asie représenteraient respective-
ment des zones d'intérêts privilégiés des capitaux européens,
américains et japonais. Nous disons zones d'intérêts privilé-
giées parce que la présence des uns n'exclut pas celle des au-
tres; mais l'internationalisation de la production s'effectue
sous l'égide du capital d'origine spécifique â chaque zone
d'intérêt privilégiée.
Par ailleurs, non seulement les capitaux étrangers
directs
s'investissent
dans les zones d'intérêts privilé-
giés, mais on constate qu'A l'intérieur de chaque zone d'inté-
rêt privilégiée, la concentration des investissements étrangers
directe s'effectue de manière inégale dans le secteur industriel. Tra-
ditionnellement, l'implantation dans le secteur industriel des
PVD tient compte des types d'industries ou de biens industriels
en fonction de la logique du capital investi dans cha~ue zone.

76.
TABLEAU 18 - CONCENTRATION DES INVESTISSEMENTS ETRANGERS
DIRECTS DANS LES PVD EN 1970
Répartition sectorielle
Investissements
Région d'accueil
en pourcentage
totaux cumulés
Type 1
Type II
Type III
Total
(milliards de Z)
Amérique Latine
33
62
5
100
20,8
Asie du Sud-Est
30
36
34
100
5,6
Afrique
60
34
6
100
7,9
Moyen-Orient
91
9
100
3,6
Source
Multinationales et développement, Revue Tiers-Monde,
op. cit. p. 422
Ainsi on peut distinguer finalement trois types d'in-
dustries liées au centre d'intérêts, à savoir, les industries
extractives et d'exportation de produits de b1se (Type 1) les
industries correspondant à la substitution des importations
(Type II) et les industries liées à l'exportation de biens in-
dustriels (type III). Les types II et III concentrent toutes
les activités liées globalement à l'industrie manufacturière.
En outre, en 1970, on remarque que, malgré la co:cen-
tration de loin la plus importante des investissements étran-
gers directs en Amérique Latine, cette dernière est nettement
devancée par l'Asie du Sud-Est en ce qui concerne les investis-
sements de type III d'une part, et pour l'Afrique et le Moyen-
Orient pour les investissements de type 1, d'autre part. Par
contre, l'Amérique Latine concentre la plus grande proportion
.des investissements directs dans les industries de substitu-
tion aux importations (62 %). L'.Afrique et le Moyen-Orient
restent des centres d'intérêts privilégiés dans le secteur des

77.
industries extractives et d'exportation de produits de base
(60 % et 91 %).
Comparativement aux autres régions t l'Asie
du Sud-Est accueille les investissements directs étrangers
dans le secteur des industries destinées à produire des biens
pour l'exportation (Tableau 18).
Les estimations du tableau 19 donnent les mêmes ten-
dances de l'investissement étranger direct en 1972 selon les
zones d'intérêts privilégiés. Il en ressort que
comparative-
t
ment à 1970
l'ensemble des capitaux étrangers investis dans
t
le Tiers Monde ont atteint 40 milliards de do11ars
répa.·tis
t
géographiquement de la façon suivante: 53 0/, du total allant
à l'Amérique La t i ne , 21 % à l'Afrique
16 % à l'Asie (63 %
t
du total). La concentration du capital étranger dans l'in-
dustrie manufacturière s'explique
comme on le verra plus
t
10in
par la présence d'un vaste marché national ou régio-
t
nal (filiales-relais) et d'une main d'oeuvre bon marché
(filiales-ateliers). Au contraire
le secteur des industries
t
extractives et du pétrole reste le moteur de l'industriali-
sation au Moyen Orient (37 t8 %) et en Afrique (45 %)t à une
différence près pour le Continent Africain qui accueille
plus de 38 % des investissements des firmes multinationales
dans le secteur manufacturier.
Toutefois
en excluant les différences sensibles
t
dans la concentration des investissements étrangers directs
selon les zones d'intérêts privi1égiés
la répartitionsecto-
t
rie11e des capitaux étrangers dans le secteur atteste une
concentration plus poussée dans le secteur des industries
extractives et pétrole dans les années 70. Donc la tendance

·
co
r-,
TABLEAU 19 : CONCENTRATION DES INVESTISSEMENTS ETRANGERS DIRECTS DANS LES
PVD EN 1972
Industries extracti-
Régions d'accueils
Pétrole
Industries
Investissements totaux
ves et métallurgiques
cumulés
manufacturières
%
(milliars de ~)
Afrique
45
16,5
38,5
100
9,1
Amérique Latine
23,5
9,7
66,8
100
22,6
et Antilles
Moyen Orient
87,8
-
12,2
100
4,1
Asie et Océanie
29,6
7,4
63,0
100
8,1
Source: Calculé d'après l'ONU, 1978, op. cit. p. 292,

79.
caractéristique majeure de cette période est que les investis-
sements étrangers directs des pays développés à économie de
marché vers les PVD se sont portés prioritairement vers le
secteur primaire et celui des industries extractives. Ainsi
les industries extractives et du pétrole accueillent 53 % du
total des investissements étrangers directs dans le secteur
industriel, en moyenne, contre 46 % du total affectés aux in-
dustries manufacturières. Certainement les années 1970 carac-
térisèrent les tendances du capital étranger à la cencentra-
tion dans le secteur primaire, mais il faut remarquer qulà
partir de 1973-74, la stratégie des FMN fut inversée en faveur
des indestries manufacturières.
Les nouvelles tendances du
capital étranger au profit du secteur manufacturier s'expli-
quent, non seulement par la crise dans les pays développés
à économie de marché (crise du pétrole) mais surtout par l'at-
titude de certains Etats des PVD à nationaliser certaines en-
treprises étrangères. La nationalisation des activités écono-
miques des FMN dans le secteur industriel traditionnel a eu
pour conséquence une diminution des investissements étrangers
directs (désinvestissement) au profit des autres secteurs de
l'économie, en particulier, le secteur manufacturier. Loin
de faire le procès du r01e des pays d'accueil du capital étran-
ger-r01e qui ferait d'ailleurs notre préoccupation dans le
paragraphe suivant- il faut tout de même noter qu'à partir de
1974, les FMN changent ou modifient leurs stratégies vis-à-vis
du Tiers Monde tant au niveau de la répartition géographique
qu'à celui de l'orientation sectorielle des investissements
étrangers directs. En ce qui concerne donc l'industrie manu-
facturière, selon nos estimations, les pays développés à

80.
TABLEAU 20 - PART DES PVD DANS LE MONTANT TOTAL DES INVESTIS-
SEMENTS ETRANGERS DIRECTS DANS L'INDUSTRIE
~ANUFACTURIERE
PROVENANT DE QUATRE GRANDS PAYS
D'INVESTISSEMENT (en %)
Pays
1971
1980
Etats-Unis
17,6
20,9
Royaume-Uni
19,7
18,2
R.F.A.
27,7
24,2
Japon
66,4
67,7
Source
ONU 1983, op. ci t . , P • 154,
TABLEAU 21 - ETATS-UNIS ET JAPON - REPARTITION REGIONALE
DES INVESTISSEMENTS ETRANGERS DIRECTS DANS LE
SECTEUR MANUFACTURIER DES PVD (en %)

Etats-Unis
Japon
Régions
1976
1980
1976-1980
1951-71
1972-80
Afri que
2,6
2,4
2,1
3,3
0,9
Asie
13,4
14,2
15,4
52,5
53,9
Améri que Latine
82,3
82,0
81,4
43,7
31,4
Moyen-Orient
1,6
1,3
1,0
0,5
13,8
Total
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
Source
ONU, 1983, op. cit., p. 417
économie de marché ont .consacré 60 % du total des investisse-
ments étrangers directs au secteur manufacturier au détriment
des autres secteurs (industries extractives et services),

81.
dans la période 1973-76. La tendance à la concentration dans
l'industrie manufacturière est plus marquée en Amérique Lati-
ne et l'Asie, respectivement 59 % et 76 % du total des inves-
tissements étrangers directs. Les faits traduisent clairement,
dans l'ensemble, la tendance à la hausse de la valeur des
investissements étrangers réalisés dans l'industrie manufac-
turière des PVD par les pays du Centre capitaliste,
Toutefois, quand on considère l'origine des activités
industrielles implantées dans le Tiers Monde, il en ressort
que la plus grande partie du montant des investissements
étrangers directs dans l'industrie manufacturière provient
des quatres grands pays investisseurs, à savoir les USA, le
Royaume-Uni, la RFA et le Japon. Ces pays, à eux seuls, con-
centrent, en moyenne, 33 % du total des capitaux étrangers
dans l'industrie manufacturière des PVO (tableau 20). Par
ailleurs, la prise en compte de l'orientation géographique du
capital étranger amène à confirmer les mêmes observations
ayant trait aux zones d'intérét privilégiées dans le cadre de
la stratégie d'implantation des FMN. Ainsi, la répartition
régionale des investissements étrangers directs dans le sec-
teur manufacturier des PVD donne les tendances actuelles:
les FMN américaines restent concentrées en Amérique Latine
avec plus de 81 % du montant total des investissements directs,
et spécialement dans le secteur manufacturier du Brésil et du
Mexique (54 %) ; quant aux capitaux japonais, les pays d'Asie
demeurent la zone d'intérét privilégiée, car ces pays ont reçu
54 % des investissements directs pendant la période 1971-1980
(Tableau 21). En marge des stratégies des FMN américaines et
japonaises en Amérique Latine et en Asi~, les FMN britanniques

82.
et français investissent principalement dans l'industrie manu-
facturière des pays d'Afrique, bien que, en 1980, le montant
global des investissements étrangers directs, en particulier
ceux du Royaume-Uni, ait diminué relativement par rapport à
ceux des autres grands pays investisseurs, soit 18,1 % contre
19,7 %.
TABLEAU 22 - PART DES INDUSTRIES DANS LE MONTANT TOTAL DES
INVESTISSEMENTS ETRANGERS DIRECTS DANS L'INDUS-
TRIE MANUFACTURIERE DES PVD EN PROVENANCE DE
QUATRE GRANDS PAYS EN 1980 (en ~)
Secteur industriel
Etats-Unis
Royaume Uni
RFA
Japon
Alimentation
10,9
34,2
1,2
3,4
Produits chimiques
25,2
19,6
24,0
25,6
Métaux
9,4
1,6
7,1
21,6
Machines
9,0
3,0
12,4
6,3
Electricité
10,5
6,9
17,1
9,0
Transports
11,3
1,4
16,8
7,2
Textiles
-
5,5
-
15,4
Papiers
-
4,3
-
3,9
Divers
23,7
23,5
21,4
7,6
Total
100,0
100,0
100,0
100,0
Source
ONU, 1983, op. cit. p. 156.
Cependant, le fait le plus important et marquant, ces derniê-
res années, est la forte concentration des investissements
directs réalisés par les FMN, dans un groupe relativement
restreint de PVD dans lesquels on trouve, rappelons-le, soit
des marchés intérieurs relativement vastes, soit une main-
d'oeuvre à bon marché, soit les deux. Si l'investissement
étranger direct a subi une augmentation dans le secteur

83.
industriel manufacturier passant de 15 % en 1970-72 à 28 % en
1979-1981 il serait intéressant de souligner que cette augmen-
tation a surtout profité aux industries de substitution aux
importations et celles orientées A la production des biens
destinés à l'exportation. Dans les PVD, les investissements
directs sont, en général, concentrés dans les mêmes indus-
tries que, dans les pays développés à économie de marché,
c'est-à-dire les industries chimiques, alimentaires, mécani-
ques et électriques (tableaux 22 et 23).
Au-delà de la différenciation des systèmes produc-
tifs dans les PVD, l'investissement étranger direct tend à
se concnetrer dans des industries spécifiques à l'intérieur
de chaque zone d'intérêt privilégiée. Ainsi, les firmes multi-
nationales américaines ont tendance à'concentrer leurs inves-
tissements dans la chimie, les aliments, le matériel de trans-
port, les machines et les métaux. Ce qui est frappant c'est
que les FMN anglaises adoptent le même comportement avec une
di f fé r e ncep r ès, à s a v0 i r, l a pré dom i na nce dus e c te ur a l i men -
taire (34,2 %) par rapport aux capitaux directs américains.
De plus, les FMN allemandes suivent le même modèle de specialisation~
c'est-à-dire la chimie (24,0 %), les biens électriqu~s
(17,1 %) mais avec une concentration très faible dans le sec-
teur alimentaire par rapport aux capitaux américains et an-
glaises. En revanche, les FMN japonaises concentrent relative-
ment plus d'investissements dans les industries textiles (15,4
(15,5 %), métaux et fer (21,6 %)sans évidemment oublier aussi

84.
TABLEAU 23 - RFA: SORTIE D'INVESTISSEMENTS ETRANGERS
.
DIRECTS DANS LE SECTEUR MANUFACTURIER
EN 1980 (%)
Pays en
Secteur industriel
Pays développés à
économie de marché
développement
Ensemble industries
manufacturières
- Produits chimiques
76,9
23,1
- Acieries
100,0
Constructions méca-
niques
100,0
- Véhicules
5
95,0
- Matériel jlectri~ue
67,8
32,2
TOTAL
70,0
30,0
Source
ONU, 1983, op. cita p. 328
l'intérêt qu'elles accordent au secteur de la chimie (25,6 %).
Finalement, à la différence des autres grands pays investis-
seurs (USA, Royaume-Uni, RFA), la concentration du capital
japonais est très fortement accentuée dans les PVD qui ac-
ceuillent 64 % du total comparativement aux 36 % réalisés par
les pays développés à économie de marché, durant la période
1951-1980. Mais nous devons nuancer nos propos car la concen-
tration de l'investissement direct japonais à l'étranger
s'effectue selon les secteurs industriels. Ainsi, dans le ca-
dre des investissements étrangers directs réalisés dans les
PVO, les textiles (80,2 %)_ les produits chimiques' (83 %) et
les métaux non ferreux et fer (70 %) semblent battre le re-
cord de l'internationalisation du capital japonais, suivi à
un moindre degré de la production des machines (59,5 %) et du
matériel de transport (62 %), tandis que la production des

85.
TABLEAU 24 - JAPON : REPARTITION SECTORIELLE DES .INVES
TISSEMENTS ETRANGERS DIRECTS EN 1951-1980 (%)
Part des pays développés
Part des pays en
Secteurs industriel
à économie de marché
développement
Ensemble industries
manufacturées
- Alimentati on
51,6
49,4
- Textiles
11,8
80,2
Bois, pâte à papier
56,5
43,5
- Produits chimiques
17,0
83,0
- Fer, métaux non féreux
29,8
70,2
- Machines
40,5
59,5
- Machines électriques
51,2
48,8
- Transports
37,7
62,3
- Divers
27,5
72,5
TOTAL
36,0
64,0
Source
ONU 1983, op. cita p. 329.
machines électriques (51 %), les industries de l'alimentation
(51 %) et du bois, de la pâte à papier (56 %) restent l'apa-
nage des autres pays développés à économie de marché. Les fir-
mes multinationales japonaises investissent prioritairement
dans les pays asiatiques, surtout dans l 'industrie alimen~wire
et textile. Elles tendent également à s'intéresser particu-
lièrement à l'Amérique Latine par la production de machines,
de l'équipement de transport(I).
Si on devait apprécier l'importance de la contribu-
tion directe des firmes multinationales dans l'industrie
(1) O.N.U., 1983, p. 26.

86.
TABLEAU 25 - PAYS EN DEVELOPPEMENT SELECTIONNES : CROISSANCE
DE LI INDUSTRIE MANUFACTURIERE, 1970-1980
PIB DANS LE SECTEUR
INDICE DU PIB
PART DU PIB DANS
P A Y S
MANUFACTURIER (en
DANS LE SEC-
LE SECTEUR MANU-
millions de dollars
TEUR MANUFACTU-
FACTURIER DANS LE
1975 )
RIER (1970 =
TOTAL DU PIS EN
1970
1980
100)
%1980
SRESIL
20 716
50 830
245
29,2
MEXIQUE
13 551
24 347
180
23,3
ARGENTINE
17 079
22 126
130
30,9
INDE
10 797
16 538
153
17,4
COREE
2 391
10 008
419
33,8
VENEZUELA
4 138
5 861
142
19,5
PHILIPPINES
2 849
5 637
198
26,1
INDONESIE
1 397
4 476
3~0
10,3
PEROU
3 011
4 078
135
24,3
EGYPTE
1 946
3 730
192
17,7
COLOMBIE
2 050
·3 709
181
21,4
HONG-KONG
1 760
3 299
187
23,8
CHILI
2 751
3 224
117
21,4
MALAISIE
1 045
3 081
295
21,6
NIGERIA
1 118
2 701
242
5,1
SINGAPOUR
851
2 322
273
17,1
ALGERIE
793
1 453
183
9,0
COTE D'IVOIRE
353
908
257
16,4
KENYA
238
486
204
13,3
TOTAL : 19 PAYS
88 834
168 814
190
-
TOTAL PVD
119 596
224 728
188
-
~ource
ONU 1983, op. cit. p. 415.

87.
manufacturière, la part du PIB dans le secteur manufacturier
dans le total du PIS (Tableau 27) représenterait un indicateur
intéressant d'appréciation de la croissance de l'industrie
manufacturière d'un nombre restreint de pays en développement,
à
l'origine de la majeure partie de la production manufactu-
rière. Ainsi, les pays en développement qui ont bénéficié de
l'expansion industrielle due à la multinationalisation, sont
ceux qui ont reçu la plus grande partie des investissements
étrangers directs dans le secteur manufacturier de l'ensemble
des pays du Tiers Monde dont la part du PIS dans le secteur
manufacturier représente plus de 75 % du PIS de l'ensemble des
PVD. Cependant, l'intervention des FMN varie beaucoup selon
les pays.
La part du PIS est généralement plus élevée dans
les NPI d'Amérique Latine (Argentine, Brésil, Chili, Mexique,
Pérou, Colombie) et d'Asie (Corée, Philippines, Hong-Kong,
Mal ais i e, Sin gap 0 ur). 1l se rai tin té r es san t de v0 i r co mm e nt
s'effectue la concentration des filiales de production au re-
gard de la répartition inégale des investissements étrangers
directs.
1.4. Firmes multinationales et concentration
des filiales
La polarisation internationale des activités des
firmes multinationales découle de la concentration des inves-
tissements directs à l'intérieur de la zone des pays dévelop-
pés (i nvesti ssements croi s s) et de l' i ntégrati on de pl us en
ë
plus marquée des PVD dans la mondialisation de la production.
Dans ce processus de mondialisation de l 'économie~ les unités
ou filiales de production sont implantées dans les zones
d'intérêts privilégiés ou les zones présentant le plus

88.
d'avantages du point de vue des coüts de production nécessai-
res à la valorisation du capital. C'est ce qui explique d'abord
la concentration des filiales de production et des investisse-
ments directs dans les pays développés à économie de marché,
ensuite dans quelques pays en développement, notamment dans
les NP!.
Lorsqu'on essaie d'expliquer la concentration des
filiales de firmes multinationales dans les PVD, en 1980, par
principaux pays industrialisés d'origine, le Japon se présente
comme le premier investisseur dans le Tiers-Monde (58,2 %)
avec pour zone d'intérêts privilégiés toujours l'asie du Sud-
Est qui concentre, à elle seule, plus de 41 % du total des
filiales multinationales japonaises dans le Tiers-Monde. Mal-
gré la forte pénétration du capital américain en Amérique La-
tine (21,4 %), les filiales multinationales japonaises y réa-
lisent 13,4 % de leurs activités. Par ailleurs, on remarque
que les firmes multinationales japonaises et américaines adop-
tent les mêmes tendances dans leurs implantations dans le
Tiers-Monde, plus précisément l'Amérique Latine et l'Asie du
Sud-Est. Quant à l'Afrique, elle reste la zone de prédilection
des multinationales françaises (18,7 %) et anglaises (7,7 %)
bien que ces dernières aient augmenté leurs unités de produc-
tion en Asie du Sud-Est (10,4 %).
De toutes les façons, l'implantation des filiales
dans les PVD représente une extension verticale ou horizonta-
le des activités des firmes multinationales. En ce qui concer-
ne l'extension horizontale, "l e s filiales à l'étranger tendent

0\\
ex)
r
TABLEAU 26 - CONCENTRATION DES FILIALES DES FIRMES MULTINATIONALES DANS LES PVD
EN 1980, PAR PRINCIPAUX PAYS INDUSTRIALISES D'ORIGINE (%)
"''''.
Amérique
Asie de
Asie du
Afrique
Divers
Total
Lati ne
l'Ouest
Sud-Est
R.F.A.
9,2
3,0
0,8
4,4
0,2
17,6
tanada
12,6
1,3
0,4
2,8
0,2
17 ,3
Etats-Uni s
21,4
2,3
0,9
10,0
0,1
34,7
France
7,7
18,7
1,1
2,9
0,1
30,5
Japon
13,4
2,2
1,1
41,7
-
58,2
Nouvelle Zélande
0,9
0,4
0,2
21,5
0,2
23,3
Royaume-Uni
4,7
7,7
0,9
10,4
0,5
24,2
Pays-Bas
6,7
5,0
1,1
5,3
0,3
17,8
Suède
7,1
1,3
0,5
4,0
0,1
13,0
Suisse
6,9
1,7
0,8
4,0
0,1
13,5
Source: ONU, 1983, op. cit. p. 39.

90.•
à reprod~ire en totalité ou en partie les activités de la so-
ciété-mère, fabriquant des produits identiques ou similaires
pour leurs marchés respectifs. L'expansion horizontale sur les
marchés étrangers est essentiellement un choix, préféré à
l'exportation dans ces pays. Dans de tels cas, les sociétés
peuvent concevoir chaque marché étranger, ou un groupe limité
de tels marchés, comme une entité séparée dans laquelle leurs
filiales opèrent avec une grande autonomie"(!). La concentra-
tion des filiales dans les pays d'Amérique Latine, notamment
le Brésil (10,8 %), le Mexique (8,8 0/,) et l'Argentine (3,2 ~)
répond à la création d'unités de production se substituant
aux importations, c'est-à-dire destinée au marché intérieur.
Ici, il s'agit de la stratégie commerciale dont l'application
suscite la création de filiales-relais de production. Les in-
dustries où prévaut cette situation sont localisées dans le
secteur alimentaire et boisson, le secteur automobile. D'ai1-
leurs ces trois pays (Brésil, Mexique, Argentine) concentrent
à eux seuls, plus de 52 % du total des filiales mu1tinationa-
les implantées dans la région. Selon Micha1et, la présence
des FMN dans cette région, s'explique par la présence d'un
vaste marché national ou régional. C'est donc la stratégie
horizontale qui justifie la croissance des activités indus-
trie11es des filiales multinationales.
Au contraire, "l'expansion verticale à l'étranger
a lieu lorsque les filiales étrangères sont les principaux
fournisseurs de la maison mère ou acheteur de ses produits
(1) ONU, Les sociétés transnationales dans le développement
mo ndia l,op. ci t . p. 54 ..

91.
TABLEAU 27 - PRINCIPAUX PAYS D'IMPLANTATION DES FILIALES
DES FMN DES PAYS INDUSTRIALISES EN 1980 (1,)
13 pays en développement sur un tatal de 118 pays
1. Brésil
10.8
2. Mexique
8,8
3. Hong-Kong
7,7
4 . Singapour
5,4
5 • Malaisie
3.8
6. Vénézuela
3.6
7 . Argentine
3.2
8. In de
2.9
9 • Panama
2,8
la. Indonésie
2,4
Il. Philippines
2,3
12. Nigéria
2,2
13. Colombie
2,1
Total des 13 pays PVD
58.0
Total autres PVD
42,0
Total général
100.0
Source .. ONU, 1983, op • cit.
finis. La croissance des activités étrangères des sociétés
transnationales les plus importantes mondialement peut proba-
blement s'expliquer, en partie, par un mouvement d'ensemble
vers la globalisation de nombreuses industries de transforma-
tion. Dans certaines industries, les sociétés transnationales
sont en train de créer des réseaux de sociétés affiliées,
verticalement intégrées, dans lesquelles une filiale dans un
pays peut se sptcialiser dans la fabrication d'un élément du
produit fini de la compagnie"(l) La concentration des filiales
"------------
(1) O.N.U. idem.

92.
TABLEAU 28 - CONCENTRATION DES FILIALES DES FMN EN AMERIQUE
LATINE ET EN ASIE DU SUD-EST EN 1980 (%)
Amérique Latine
As i e du Sud-Est
l. Brés il
24,9
l. Hong-Kong
22,1
2 • Mexique
20,3
2 • Singapour
15,5
3.
Vénézuela
8,2
3. Malaisie
Il,0
4. Argentine
7,5
4. Inde
8,4
5. Panama
6,9
5 • Indonésie
6,8
6 . Colombie
4,8
6. Philippines
6,7
7 • Bahamas
4,4
7. Thaïlande
5,6
TOTAL 7 P.V.D.
77,0
TOTAL 7 PVD
76,1
TOTAL AUTRES
23,0
TOTAL AUTRES
23,9
TOTAL GENERAL
100,0
TOTAL GENERAL
100,0
Source
O.N.U. 1983, op. cit.
c
.'
dans les pays dlAsie du Sud-Est répond à cette stratégie de
délocalisation qui amène les firmes multinationales à bénéfi-
cier d1économies d1échelle dues essentiellement à la présence
d1une main d10euvre bon marché. Ainsi, trois des pays asiati-
que s, Hon g- Kong ( 22 , 1 %), Sin gap 0 ur (15,5 %) et l a Mal ais i e
(11,0 %) concentrent à eux seuls environ 50 % du total des
fil iales de FMN En général, dans les pays de l'Asie du Sud-
Est, la production des composantes d1un produit à forte inten-
sité de main d1eouvre peu qualifiée apparaTt dans llindustrie
électronique, électrique, T' t ndus t r t e de L' ëqut pemen t pour la
construction et le transport.
La prise en compte de la double stratégie d1inplanta-
tion -horizontale et verticale- amène à réfléchir sur les

93.
mobiles ou les facteurs explicatifs de la dé1oca1isation in-
dustrielle dans le Tiers Monde.
2. Les facteurs explicatifs de la dé1oca1isation
industrielle
La concentration des investissements étrangers directs
et des filiales multinationales à la périphérie ne fait que
vérifier son intégration à l'économie mondiale, et partant
accentue sa dépendance vis-à-vis du capital étranger. Mais
nous avions montré, par ailleurs, que cette intégration
n'était pas globale et qu'elle s'amorce en fonction des zones
d'intérêts priviligiées. Ainsi, par exemple, l'intégration des
NPI au capitalisme mondial semble être une évidence, compte
tenu du volume des activités des FMN (60 %) comparativement
aux autres PVD, en particulier l'Afrique. Donc c'est au niveau
de la différenciation des systèmes productifs périphériques
qu li1 faille tenter d'expliquer les raisons d'implantation des
activités des FMN dans le Tiers Monde. Malgré le faible volu-
me de leurs activités dans le Tiers Monde (25 %), on peut
toujours se poser la question de savoir "pourquo t les FMN
sont-elles conduites à délocaliser à la périphérie ll • En d'au-
tres termes, pourquoi préfèrent-elles délocaliser certaines
activités industrielles que d'exporter des produits manufactu-
rriers ou industriels vers cette zone. Tout le problème se
situe là. Le problème essentiel dont il faut discuter est le
pourquoi de la multinationa1isation. En déloca1isant leur pro-
duction, les FMN ch~rchent-el1es
à échapper aux contraintes
dlaccumulation dans leurs pays d'origine, ou bien agissent-
elles de manière débonnaire afin d'amener les PVD à sortir du

94.
sous-développement. Malgré la diversité socio-économique
caractérisant le Tiers-Monde, il semble que l'implantation
des filiales multinationales répondrait à l'existence d'un
marché intérieur ou régional et d'une main d'oeuvre bon mar-
ché. Mais la question reste posée: "Pourquoi les firmes multi·
nationales délocalisent-elles dans le Tiers Monde? "La re-
cherche de mobiles possibles d'imolantation nous conduit ~
prendre en compte les hypothèses de C-A Michalet.
2.1.Stratégies d'implantation des firmes et
disparités internationales
2.1.1. Les hypothèses de MICHALET
A la question de savoir "Pourquoi les firmes déloca-
lisent-elles leur production à la périphérie, le Professeur
MICHALET propose une approche pour tenter d'expliquer les
mobiles ou les raisons qui motivent les FMN a implanter des
filiales à l'étranger. L'auteur assaie de définir les déter-
minants de l'investissement direct à l'étranger â travers les
différentes théories explicatives de la multinationalisation
regroupées autour des thèmes suivants :
a) L'existence de disparités nationales
b) la structure oligopolistique du marché
c) la perte de l'avantage technologique
d) enfin, l'écart des coûts salariaux.
Loin de vouloir présenter un éventail exhaustif de
l'explication du "pourquoi les firmes multinationales
(1) C-A MICHALET, Le capitalisme mondial op. cit ; C~A MICHA-
LET et M. DELAPIERRE, les implantations étrangères en
France op. cit ; C-A MICHALET, "Pourquoi les entreprises
deviennent-elles multinationales ?in La Croissance de
la grande FMN, CNRS, Paris 1973, pp. 75-76.

95.
délocalisent dans les PVD", MICHALET essaie, â travers les
différents éléments ci-dessus, de justifier que la tendance à
la multinationalisation est indissoci~ble de l'inégal dévelop-
pement des économies nationales intégrées à l'économie mondia-
le. Pour ce faire, l'inégalité de développement caractérisant
les économies nationales renforce les disparités nationales
entre les espaces économiques, spécifiquement entre le Tiers
Monde et le Centre en ce qui concerne llobjet central de
l'étude. Selon Michalet, l'existence des disparités nationales
tiendrait aux barrières protectionnistes, aux habitudes de
consommation et aux systèmes monétaires et financiers pouvant
obstruer aux relations économiques internationales. Par consé-
quent, la solution consisterait à installer une unité de pro-
duction â l'étranger. Dans ce cas, la multinationalisation
appara,t très exactement comme une alternative décisive à la
stratégie d'exportation pure.
Cependant, Michalet s'écarte des contraintes posées
par l'économie internationale, donc des relations pures entre
les PVD et le centre pour inscrire la multinationalisation
des firmes dans le cadre de la dynamique et des contradictions
du mode de production capitaliste qui s'internationalise à
travers l'acte P - P' (procès de production), comme nous
l'avions déjà souligné. De ce point de vue, l'existence de
disparités nationales dépasse largement la notion de barriè-
res protectionnistes pour prendre en compte, non seulement la
structure oligopolistique des marchés et partant l'avantage
technologique d'un pays sur un autre, mais surtout la diffé-
renciation des coOts de productions liés aux coOts salariaux
bas. Ainsi, selon l'auteur su capitalisme mondial, -"la firme

96.
multinationale peut profiter des disparités nationales et/ou
régionales des taux de salaires dans la mesure où 1 'homogénéi-
sation des techniques de production et de l'organisation du
travail tend â égaliser la productivité des travailleurs in-
dépendamment de leur localisation géographique. Il en résulte
une source importante de sur-profit qui permet de saisir la
rationalité des investissements effectués dans certains pays
en déve10ppement"(I).
Toutefois, ce qui est important et utile à saisir à
l'échelle des économies du Tiers Monde, c'est le passage
d'une activité
marchande
à une activité productive dont les
firmes multinationales seraient les principaux artisans.
Ensuite, le processus de dé10ca1isation de certaines
activitivés industrielles vers le Tiers Monde, 00 le niveau
de développement des forces productrices est faible, obéis-
sant à la loi du développement inégal. Or,l'évolution de la concen-
tration des investissements étrangers directs dans le Tiers
Monde joue différemment suivant le niveau de développement des
espaces périphériques. C'est ainsi que la dé10calisation in-
dustrielle â la périphérie repose sur l'existence d'un vaste
marché local (Amérique Latine) et pour la présence d'une main
d'oeuvre bon marché (Asie du Sud-Est).
Finalement, les deux facteurs essentiels -vaste mar-
ché local ou régional et main-d'oeuvre à bon marché- ren-
draient plus intelligible la recherche à la solution au "pour-
quoi les firmes multinationales dé10ca1isent-e1les dans le
(1) C-A, MICHALET, Le Capitalisme mondial, op. c i t . pp.53-54.

97.
Tiers Monde n• Bref, ces deux facteurs ne sauraient donner une
satisfaction totale à notre préoccupation sans opérer leur
combinaison à d'autres facteurs non moins importants, à savoir
l'avantage technologique des firmes et l'attitude libérale
des Etats des pays d'accueil à travers les politiques fiscale,
douanière et financière les plus favorables au monde.
2.1.2. La différence des coûts salariaux
Dans le cadre de la valorisation du capital, les in-
vestissements divers réalisés dans les PVD ont pour but d'ac-
cr01tre le taux de plus-value dans certains secteurs de produc-
tion. L'avantage comparatif des bas salaires constitue un des
vecteurs d'implantation de certaines activités industrielles
des pays développés à économie de marché dans le Tiers Monde.
nLorsque les capitaux et les techniques sont mobiles et que
la main d'oeuvre ne l'est pas, les firmes multinationales ont
tendance à se tourner vers les pays où il existe une main
d'oeuvre abondante et bon marché n(I).
En prenant compte la comparaison du salaire horaire
moyen de la main-d'oeuvre dans les usines de montage aux
Etats-Unis et dans les PVD, on voit appara1tre les différen-
ces des taux de salaires pour une mëme industrie selon les
pays. Ainsi, le coOt de la main d'oeuvre constitue vraisem-
blablement un des déterminants de l'investissement direct
américain dans certains pays d'Asie du Sud-Est, à savoir Hong-
Kong, Formose, Singapour, Corée du Sud où il existe une dis-
ponibilité en quantité suffisante de main-d'oeuvre (Tableau
29). Pour une productivité du travail sensiblement identique
(1) R. GENDARME, Des sorcières dans l'économie: les multina-
tionales, Cujas, Paris 1981, p. 397.

98.
à celle des pays industrialisés (USA), la différence salaria-
le énorme allant de 1 à 18, justifie l'implantation des fi-
liales multinationales dans les PVD.
En outre, selon Michalet, en moyenne, le travail dans
un pays en voie de développement requiert 8 % d'hommes-heure
de plus qu'aux USA pour le montage des appareils de type ra-
dios, électrophones, récepteurs de télévision. En revanche,
les taux de salaires dans les PVD sont tels que le coût sala-
rial moyen représente 14 % du coûts salarial américain dans
les mêmes branches. A titre d'exemple, des coûts unitaires
salariaux du Sud-Est asiatique varient entre 3 et 11,5 % des
coûts unitaires américains, pour le Mexique la moyenne est de
20 %(1). ~ar ailleurs, la durée de la journée de travail est
en général plus longue dans les PVD que dans les pays dévelop-
pés à économie de marché. La semaine de travail est de 50 heu-
res en moyenne en Colombie, de 51,6 heures en Corée du Sud, de
49,5 heures a Singapour, 44 heures en Côte d'Ivoire, alors
qu'elle est seulement de 40,6 heures aux USA et 42,'7 heures
en RFA(2). Selon les statistiques officielles, la durée moyenne
du travail des travailleurs coréens a augmenté régulièrement
de 49,2 heures par semaine à 53 heures en 1975, à 58,9 heures
en 1976, à 60,7 heures en 1978 et·à 57,6 heures en 1983. En
1975, la moyenne hebdomadaire était .de 48,4 heures à Singapour,
de 44,5 heures en Suisse et de 35,6 heures aux USA(3).
(1) C-A. MICHALET, Le Capitalisme mondial, op. cit., p. 53.
(2) Bureau International du Travail, Year book of labour sta-
tistics, Genève 1973.
(3) P. JUDET, les nouveaux pays industriels, Editions Ouvriè-
res, Paris, 1981, p. 140.

Source: C.A. KAITSOS, "Employment effects of foreign direct
investissement in developing countries", Technologia
para el desarolo, Mexique,
1974, in lEUNKEU op. cit.
p. 97.

100.
TABLEAU 30 - SALAIRES HORAIRES DANS L'INDUSTRIE TEXTILE
(dollars US) en 1984
Etats-Unis
8,60
R.F.A.
7,54
Royaume-Uni
5,46
Corée du Sud
1,86
Hong-Kong
1,65
Portugal
1,28
Turquie
1,18
Chine (R.P.)
0,26
Indonésie
0,22
Source: Financial Times, 24 juillet 1984
Ensuite, l'internationalisation du capital dans le
secteur des textiles, donne, en 1984, une différenciation des
etaux des salaires horaires entre les pays développés à écono-
mie de marché et certains PVD. Dans la comparaison NORD-SUD,
le cas le plus extrême de différence salariale apparaft entre
les U.S.A. et l'Indonésie où les taux horaires sont respecti-
vement 8,6 dollars US et 0,22 dollars. Donc, la différence
des coûts salariaux explique ici le transfert des filiales
de textiles en Indonésie ou en Chine, voire même en Corée du
Sud et à Hong-Kong comparativement à la RFA (7,54) et le
Royaume Uni (5,46).
De plus, les investissements directs étrangers sont
faits non seulement dans les textiles, mais dans l'assemblage
d'automobiles, la construction électrique: construction na-
vale à Singapour. On observe la même tendance en Amérique
Latine, notamment au Brésil et au Pérou. La délocalisation

101.
de la production dans les secteurs industriels se manifeste
sous forme d'une installation de zones franches d'exportation.
Plus précisément, "les firmes multinationales délocalisent dan~
ces zones les segments du processus productif qui utilisent le
plus de main-d'oeuvre"(l).
Finalement, la différenciation des coûts salariaux
explique les surprofits que réalisent les FMN installées dans
le Tiers Monde. En règle générale, si les capitaux directs
étrangers se concentrent dans le Tiers Monde, c'est, non seu-
ment parce que le taux de profit est en baisse dans les pays
d'origine des FMN du fait de la hausse de salaires, mais sur-
tout qu'ils trouvent, dans les PVD, des conditions plus avan-
tageuses de valorisation pour créer une plus-value plus élevée
Bref, la délocalisation des activités industrielles
des FMN constituerait un des moyens pour contrecarrer la bais-
se tendancielle du taux de profit parce que, comme l'affirme
MARX, "si on exporte des capitaux, ce n'est pas qu'on ne
puisse absolument les faire travailler dans le pays. C'est
qu'on peut les faire travailler A l'étranger A un taux de
pro jet plu s
1e vê " ( 2) •
ë
L'existence d'une main d'oeuvre abondante et bon mar-
ché dans certains espaces périphériques ne représente pas une
condition suffisante pour qu'une FMN puisse délocaliser cer-
tains segments du système productif. L'autre motivation de
l'implantation des filiales dans les PVD concerne la pénétra-
tion de marchés nationaux et régionaux vastes.
( 1 ) C- A. M1CHA LET, Le cap i t a 1i s me mon dia l,op. c i t . 'p. 54 •
(2) K. MARX, Le Capital, Editions Sociales, Livre 3, Tome 1
p.
263.

102.
2.1.3. L'existence d'un marcné intérieur vaste comme
déterminant de délocalisation
La stratégie de délocalisation industrielle, fondée
sur les différences de dotations factorielles susceptibles
d'abaisser les coûts de production des FMN grâce à l'existence
d'une main-d'oeuvre bon marché, est postérieure à celle ca-
ractérisée par la production d'une certaine gamme de produits
destinés au marché local
En fait, les deux stratégies consti-
v
tuent les éléments contradictoires du processus de multinatio-
nalisation des firmes en fonction des espaces périphériques.
Il n'existe pas en soi de stratégie de délocalisation indus-
tri ell e fondée sur l'une ou l'autre en dehors des intérêts des
multinationales. Ainsi, les deux stratégies d'implantation
- différenciation des coûts salariaux et vaste marché intérieur
ou régional- peuvent utiliser la création de filiales de pro-
duction dans un même pays en voie de développement. Certains
composants
du produit fini seront exportés vers les pays
d'origine des FMN, tandis qu'une autre partie de la production
sera consacrée au marché national ou régional. Tout dépend des
stratégies des fMN et des conditions spécifiques à chaque
zone d'intérêts priviligiés ou espace périphérique.
En revanche, la préférence d'implantation des filiales
dans certaines zones d'intérêts privilégiés du Tiers Monde
est guidée, semble-t-il, par des facteurs liés
à
l'existence
de barrières douanières et de restrictions quantitatives pour
importations(1). Ainsi, afin d'échapper à l'attitude protec-
tionniste de certains PVD, la production locale devient plus
(1) ONU, 1983, op. cit.

103.
rentable que la stratégie commerciale fondée sur les exporta-
tions. Mais, comme le fait remarquer Gendarme, la FMN crée
d'abord une filiale de commercialisation dans le but de ma1tri-
ser la demande, et par la suite, la filiale se transforme en
une entreprise de production spécialisée dans des tâches par-
tielles et incomplètes avant d'être autorisée par la maison
mère à la totalité des opérations de fabrication des biens de
consommation différenciés(1).
Cependant, l'existence d'un marché local ou régional
n'est pas suffisante pour expliquer la volonté de la maison
mère de la filiale de produire locaiement au lieu d'exporter.
Sinon, les FMN implantaient leurs unités de production à la
périphérie sans tenir compte de la différenciation des systè-
me s pro duc tif s na t ion a ux. Par ex empl e, l' i mpla nt a t ion de
Renault en Côte d'Ivoire ne revêt pas les mêmes caractéristi-
ques stratégiques des objectifs de Wolkswagen au Brésil, bien
que ces firmes multinationales aient opté pour la même stra-
tégie de production pour le marché local ou régional. Cela
veut dire que la concentration des activités industrielles
dans les zones d'intérêts privilegiés du Tiers Monde s'expli-
que, non pas seulement par l'existence d'un marché potentiel
interne, mais surtout par les facteurs qui
le présupposent,
à savoir, la présence de ressources humaines de qualité(2),
les économies d'échelle associées à la taille du marché du
pays d'ac~ueil (3) et la structure de la demande se rapprochant
du schéma de consommatio" des pays développés à économie de
marché(4) •
( 1 ) R. GENDARME, Des sorcières dans l'économie mondiale, les
multinationales, op. cit.
~
( 2 ) ONU 1983, op. cit.
(3) J.L. MUCCHIELLI - J.P. THUILLIER, Multinationales européen-
nes et investissements
op. cit.
(4) R. GENDARME, op. cit.

10~.
En effet, ce sont ces considérations qui expliquent
dans une certaine mesure pourquoi les FMN concentrent leurs
activités industrielles dans certains pays du Tiers Monde à
hauts revenus. Dans le cadre de 1 1Amérique Latine (Brésil,
Mexique, Argentine), zone d1intérêts privilégiée des multina-
tionales, Ikonicoff(I) fait remarquer que ce sont les caracté-
ristiques propres et spécifiques au contexte socio-économique
latino-américain qui incitèrent les multinationales à opter
pour la création de filiales relais. Ces caractéristiques
n'étaient pas réunies dans le contexte africain où le niveau
de développement des forces productives est plus faible. Entre
autres, il s'agit des caractéristiques suivantes
1)
"du niveau suffisamment élevé de concentration du
revenu qui
rend possible une demande solvable dépassant un
seuil indispensable pour la mise en place d1une production
locale
2) "de la préexistence d1un modèle de consommation.
qui fasse correspondre les expectatives des consommateurs pos-
sibles à 1 10ffre de biens diffusés par les filiales des firmes
multinationales;
3) "enfin, de 1 1existence d1une infrastructure et,
dans la mesure du possible, d1un secteur de production de
certains biens de base etd1équipement".
Sur la base de ces assertions, on peut déduire la mi-
nimisation des coûts de production par rapport aux chiffres
d1affaires et profits attendus. Dans ces conditions, la
déloca1isation de la filiale relais peut
entrainer
-------------
(1) M. IKONICOFF, Le système économique mondial: désordre ou
rationalité, Revue Tiers Monde, Tome XXI, n° 81, Janvier/
Mars 1980, p.
lOS.

105.
la production domestique moins coûteuse que les exportations.
Finalement, dans beaucoup de pays en voie de développement,
suivant le modèle de consommation des pays développés à écono-
mie de marché, la stratégie d'implantation des filiales mu1ti-
nationales consiste à reproduire les mêmes biens avec la même
technologie ayant été utilisée par ailleurs, même si cette
technologie est dépassée voire standardisée.
2.1"4. Çtc1e de vie du produit et motivation straté-
gigues des firmes multinationales
Les motivations stratégiques des firmes multinationa-
les acc~ntuent, de plus en plus, le clivage au sein du bloc
Tiers Monde compte tenu de la différenciation des systèmes pro-
ductifs nationaux ou régionaux qui sly opère. Ainsi, les FMN,
en privilégiant les zones d'intérêts moins coûteuses mais plus
rentables, divisent le Tiers Monde en deux principales formes
d'implantation: d'abord les pays disposant d'une main-d'oeuvre
bon marché (différence de salaire), ensuite ceux ayant déjà
. atteint un certain niveau de revenu de consommation. Les pre-
miers accueillent des usines de montage, de production des
composants du produit fini destinée à l'exploitation et les
secondes, lien incontestables de marchés potentiels bénéfi-
cient de la création de filiales directes ou filiales re-
1ais(1) .Certes la différence salariale (coOts de production
bas) et l'existence de vaste marché (économie d'échelle aux
contraintes d'accumulation du capital, mais il n'est pas le
pourquoi des choses. Si cette typologie est nécessaire~ elle
nlest pas suffisante, sinon pourquoi les FMN dé1oca1iseraient
(1) R. GENDARME, Des sorcières dans l'économie mondiale, op.
cit.

106.
tout leur système productif dans les PVD, du moins une grande
partie de leurs activités industrielles.
La référence à la théorie de Vernon(1) sur la durée
du cyc l e de vi e du produi t permet de 1ever 1 1 qu i voque en
ê
essayant de caractériser le produit dans l'industrie manufac-
turière des PVD. Il nlest pas nécessaire de discuter de la
thèse de Vernon pour montrer sa validité dans le cadre des re-
1ations Centre-Périphérie. Toutefois, pour un souci de commo-
d t t
il serait intéressant de dégager l'idée centrale de Ver-
ë
,
non pour expliquer les motivations de la multinationa1isa-
tion dans les économies sous-développées. Selon R~ VERNON, la
multinationa1isation est liée à la notion du cycle du produit
qui la fonde. Le cycle du produit lui-même se caractérise par
trois phases: le produit nouveau, le produit mOr et le pro-
dui t s tan da rd i s
Lep r odIl i t nouveau r est e l ' a pan age despa ys
ë

industrialisés au premier desquels les U.S.A. qui le déloca-
lisent à sa phase de maturité dans les pays d'Europe occiden-
tale. Ensuite, la standardisation du produit, tant dans ses
caractéristiques que ses méthodes de production, entra1ne le
transfert des activités de production de ce bien dans les pays
sous-développés. Donc, dans cette phase de dé1oca1isation
industrielle, "le cycle de vie du produit assure une nouvelle
vie au produit et est un moyen
d'accroftre à la fois compéti-
tivité et rentabilité. Cette tactique milite en faveur des in-
vestissements de l'entreprise sur le plan mondial, d'autant
que dans le domaine manufacturier, des firmes doivent gérer au
mieux une gamme importante de produits. En milieu développé,
( 1) R.VERNON, Les entreprises multinations1es, Ca1mann-Levy,
Paris, 1973 et International intestment and international
trade in the product cycle, Quarter1y Journal of Economica,
May 1966.

107.
afin de résister à la concurrence, l'entreprise se trouve
contrainte d'abandonner les anciens produits et dlen lancer
de nouveaux plus sophistiqués. Celle subit de ce fait une
triple perte: de vente, de capital et de technologie. Or le
transfert des produits vieillissants vers les PVD lui évite
ces· handi ca ps"(l).
Finalement, l'ancien produit dé1oca1isé devient le
nouveau produit dans les PVD. Le produit standardisé est ca-
ractérisé par la mise en place d'une technologie légère et
dépassée et par une main-d'oeuvre peu qualifiée et moins chè-
re. "Si le produit a une fonction de product~on interne en
travail (la parcellisation systématique des tâches dait du
stade de la standardisation à celui, par excellence, de la
taylorisation) si" l'élasticité-prix de la demande est élevée,
si le coût de transport est faible, si les besoins en écono-
mies externes sont limités, c'est-à-dire, bref, si le produit
est devenu un produit standardisé, sa production dans les
pays sous-développés doit prendre un essor réel"(2).
Si la théorie ~u cycle de vie du produit de Vernon
semble être dépassé dans l'explication pour rendre compte des
activités croisées(3) des FMN dans les pays à économies avan-
cées, elle garde, en revanche, toute sa validité explicative
des relations Centre-Périphérie. Ainsi, "le glissement géogra-
phique des produits allant des économies dominantes aux écono-
mies dominées lui évite (la FMN) de trainer de véritables
boulets et lui fait transformer des pertes c~rtai~es en
( 1 ) R. GENDARr1E, Des sorcières dans l'économie mondiale, op.
ci t . p. 4Œ3.
( 2 ) C-A MICHALET, le Capitalisme mondial, op. c t t . , p. 48.
( 3 ) J.L. MUCCHIELLI & J.P. THUILLIER, Multinationales européen-
nes et investissements croisés, op. cit.

108.
profits inesPérés,,(l). L'utilisation d'une main-d'oeuvre moins
chère et l'existence d'un marché solvable demeurent des élé-
ments essentiels de la délocalisation du produit standardisé,
en revanche cette dernière tient compte aussi des politiques
d'incitation à investir dans les pays d'accueil.
2.2. Stratégie des
pays d'accueil et la mise en place
des stimulants aux investissements directs
étrangers
Nous avions montré que la forte concentration des in-
vestissements directs étrangers dans certaines zones d'inté-
rêts privilégiés est liée principalement à l'existence d'une
main d'eouvre bon marché et à la présence d'une forte demande
solvable (marché intérieur national ou régional). Certes ces
deux facteurs d'implantation, demeurent la condition priori-
taire et nécessaire, mais le contexte socio-économique et
l'environnement politique du pays d'accueil importe aussi.
Cependant il Y a certains pays du Tiers Monde qui n'ont pu
attirer un volume important d'investissements directs des
FMN, malg~é leur politique d'ouverture et de libéralisme, pour
la simple raison que ces pays ont un marché réduit et des ri-
chesses nationales limitées. C'est pourquoi les FMN investis-
sent prioritairement dans certains PVD (par exemple les NP!)
qui présente un avantage comparatif (différences de dotations
factorielles). Ces invèstissements ont donc pour "fonction de
diminuer la valeur de la force de travail exploitée par le
capital, sans que l'accroissement de la productivité du tra-
vail social nécessaire pour obtenir cette diminution
(1) R. GENDARME. Des sorcières dans l'économie mondiale, op.
éit. pp. 403-404

109.
s'accompagne d'une augmentation de la composition organique
de l'ensemble du Capita1 11(1) ..
En règle générale, on obsreve la même tendance dans
l'attitude des Etats périphériques face à l'investissement
direct étranger. Dans le but d'attirer l'importants capitaux
étrangers, les PVD décident de certains avantages à accorder
aux FMN, qui vont de 1(\\ s i mp l e s uppr e s s t on de toute limitation
quant au volume des capitaux investis à la liberté de transfé-
rer les bénéfices à l'extérieur. Dans presque la totalité des
PVD, ces avantages sont contenus dans des codes des investis-
sements .. Nous avions eu l'occasion d'en discuter dans le cadre
de la stratégie de l'Etat ivoirien et de montrer l'attitude
de collaboration de l'Etat face au capital étranger avec les
conséquences - le pillage des ressources financières et écono-
miques- qui en résu1te(2).
Objectivement, il n'est pas intéressant de chercher à
mettre en relief la politique spécifique de chaque PVD, en ma-
tière d'investissement à travers les Codes d'investissement
propres a chaque espace périphérique, parce que non seulement
une telle méthode s'avère gênante et inefficace, mais surtout
les Codes d'investissements se recoupent dans les principes
généraux qui les caractérisent. Toutefois, à l'aide de ces
principes généraux, on peut tenter de résumer la politique
macro-économique des PVD
face aux FMN autour de deux stra-
tégies(3) : d'une part, certains PVD, inconditionnement
favorables à l'investissement direct étranger ont conçu
------------
(1) A. VIMILLE, L'impérialisme japonais, critique de l'Econo-
mie politique, n° 13-14, octobre-décembre 1973, .p. 186.
(2) A. OTROU, Formes mu1tinationa1es~investissements étran-
gers et Etat dans l'Economie ivoirienne, Anna1e~ Univer-
sité Nationale, série K, Tome VII, Abidjan, 1984.
'(3) R. GENDARME, Des sorcières dans l'économie mondiale, op. cit.

110.
une législation financière et douanière dans la but de
répondre aux exigences et aux désirs des filiales multinatio-
nales. Ces pays sont allés jusqu'à accepter l'implantation
d'enclaves économiques (zones franches de production) à l'on-
térieur de leur territoire; de l'autre, en revanche, l'atti-
tude de certains PVD a consisté à réduire leur dépendance
vis-à-vis des FMN par la réglementation d'un ensemble de mesu-
res restrictives et de contraintes imposées (entre autres li-
mitation des transferts de bénéfices, le réinvestissement
d'une partie des bénéfices, protection des entreprises natio-
nales).
Mais soit que l'on se situe dans l'un ou l'autre cas,
les difficultés économiques auxquelles se heurtent les PVD
ont amené les gouvernements de ces pays à adopter une attitu-
de très simple et pragmatique à l'égard des investissements
directs étrangers. Ainsi, bien que cela constitue objective-
ment une atteinte à leur indépendance et souveraineté natio-
nales, ces Etats PVD s'efforcent de rendre leurs économies
plus attrayantes par l 'institutionaltsation d'un ensemble
d'encouragements aux FMN : inexistence de droit de douanes
sur les produits importés et exportés, exonération des impôts
sur les revenus et sur les bénéfices industriels et commer-
ciaux, sur les dividendes, absence de tout contrôle de change
et de toute limitation de transferts de bénéfices{I). En ou-
tre, les investissements d'infrastructure pour la mise en va-
leur du Capital étranger sont généralement à la charge des
Etats hôtes, ce qui constitue évidemment des économies
(I) C.A. MICHALET, Le Capitalisme mondial, op. cit.

111.
externes au profit des entreprises étrangères. De plus, la
faiblesse des législations sociales et l 'existence ~es lois
antigrèves ont rendu encore plus alléchantes (absence de grè-
ves), sans oublier les avantages liés aux droits de douanes,
aux crédits à taux préférentiels et les locations de terrains
aménagés à prix réduit(l). Par exemple au Brésil, les véhicu-
les automobiles exportés bénéficient d'une double exemption
d'impôts; ils échappent aux impôts nationaux et ont droit à
un crédit équivalent à la valeur des impôts paYés(2).
Pourtant, malgré tous ces avantages, les FMN déloca-
lisent moins de 25 % de leurs activités productives dans le
Tiers Monde. La stablilité de la politique macoéconomique
accompagnée par l'octroi de stimulants aux investissements
directs étrangers est, certes, importante dans la prise de
décision d'investir et dans le choix d'implantation dans un
tel pays ou telle zone. Mais, la différenciation des systèmes
productifs périphériques et le développement inégal qui en
résulte montrent bien que les avantages fiscaux et douaniers
accordés aux entreprises étrangères ne constituent que des
aspects accessoires et secondaires de leurs stratégie;
l'utilisation de la main-d'oeuvre bon marché et l'existence
d'un vaste marché caractérisé par une demande solvable res-
tent les conditions prioritaires de la stratégie de délocali-
santion industrielle dans le Tiers Monde.
Toutefois, l'évolution des rapports Centre-Périphéri-
que, à travers l'annonce d'une nouvelle division internatio-
nale du travail, a marqué aussi une évolution de la stratégie
-----.-----~----
(1) P. JUDET, Les nouveaux pays industriels, op. cit.
(2) R. GENDARME, Des sorcières dans l'économie mondiale,
op. cit.

112.
des FMN par l'adoption de nouvelles formes d'investissements
qui spécifient de nouvelles modalités de l'internationalisa-
tion de la production dans le Tiers Monde.
3. MODALITES D'IMPLANTATION, NOUVELLES FORMES D'IN-
VESTISSEMENT ET DELOCALISATION INDUSTRIELLE
Nous avons montré que l'évolution de l'implantation
des filiales de production dans le Tiers Monde est lar~ement
le fait des firmes multinationales. Traditionnellement, le
vecteur de ~ette implantation est le fruit des investissements
directs étrangers qui se concentrent suivant les Secteurs
(zones franches d'exportation) et des économies périphériques
(zone d'intérêt privilégiée). Ainsi, concrètement, les modali-
tés de délocalisation ou d'implantation se sont opérées sous
forme de création de filiales de production à 100 % maison-
mère, de rachat d'entreprises locales ou de prises de parti-
cipation dans des sociétés rentables(l) •. Ces trois modalités
anciennes donnent un sens aux stratégiesd'implantation des
FMN dans le Tiers Monde à travers l'investissement du capital
direct étranger.
Alors que les investissements directs étrangers cons-
tituent actuellement le fer de lance de la stratégie des FMN
dans le Tiers Monde, on est surpris de constater que ces fir-
mes ont recours de plus en plus à de nouvelles formes d'in-
vestissements(2) dans leurs rapports avec les PVD. Mais en
(1) Pour avoir plus d'informations, voi~ les Multinationales
in Cahiers Français, op. cit.
(2) C. OMAN, Les nouvelles formes d'investissement dans les
pays en développement; C. OMAN (ed.) Les nouvelles for-
mes d'investissement international dans les pays. en déve-
loppement, la dimension nationale, OCDE Paris 1984 ;
D. GERMIDIS, La sous-traitance internationale, une nouvel-
le forme d'investissement, OCDE, Paris 1980. ONU, les so-
ciêtês transnationales dans le développement mondial,
1983, op. cit.

113.
quoi les nouvelles formes d'investissement diffèrent-elles
des anciennes dans le cadre de la politique de délocalisation.
Avant de dégager les conséquences de ces nouvelles modalités
d'internationalisation de la production, procédons d'abord à
leur définition et à en signifier la typologie.
3.1. Définition et topologie des nouvelles formes
d'investissement
Dans la stratégie d'implantation ou de la conquête
des marchés étrangers, la firme multinationale peut avoir re-
cours à la vente de biens d'équipement à l'étranger et de cette
cette opération de vente au comptant réaliser son bénéfice
sans avoir un droit de propriété sur la technologie vendue.
En outre, l'acte de vente de ce bien d'équipement ne constitue
pas un investissement au sens large du terme, car investir à
l'étranger c'est créer une unité de production contrôlée par
la FMN d'origine dans le but de réaliser un grand profit à
leur terme. Et c'est à ce niveau qu'intervient la seconde
stratégie d'implantation à l'étranger, c'est-à-dire que l'en-
treprise, au lieu de vendre au comptant des machines, va les
investir et ecquérir un droit de propriété et de contrôle
effectif sur l'unité de production. Ainsi, la différence de
nature entre l'acte de vente au comptant et celui de créer
une unité de production à l'étranger va permettre de spécifier
celle entre formes classiques (propriété et contrOle à l'étran-
ger) et formes nouvelles d'investissements (vente d'une tech-
nologie}.
"Cependant, les nouvelles formes d'investissements
sont de nature assez diverse et ne peuvent pas être concen-
trées uniquement au niveau de la vente au comptant d'une

114.
technologie dans un PVD, mais en tout cas, il ne s'agit, ni
d'investissements directs étrangers (création d'unités de pro-
duction), ni d'opérations bancaires et financières de prêts.
En outre, les nouvelles formes d'investissement ont une ten-
dance commune et correspondent à une dissociation entre la
présence sur place et l'apport de capitaux(I). Par là, les
nouvelles formes d'investissements peuvent être "définis de
manière générique, comme les investissements internationaux
dans lesquels les investissements étrangers ne détiennent pas
un participation majoritaire dans le capital social. Plus pré-
cisément, les nouvelles formes d'investissements regroupent
al des entreprises conjointes ou l'associé étranger détient
moins de 50 % du capital social, bl divers types d'accords
contractuels internationaux qui, pour l'entreprise étrangère,
ont, au moins en partie, la nature d'un investissement"(2).
La prise en compte des nouvelles formes d'investisse-
ments comparativement aux traditionnels capitaux directs étran-
gers revêt diverses composantes, à savoir, l'entreprise con-
jointe, l'accord de licence, le franchisage, le contrat de
gestion, la vente d'usines clés en main ou produits en main,
et la sous-traitance internationa1e(3). Suivant les secteurs
industriels et les zones d'intérêts privilégiés périphériques,
on peut moduler l'action des nouvelles formes d'investisse-
ments et de retenir que trois formes principales dans le cadre
de notre problématique: la constitution de l'entreprise, là
vente des usines clés en main et la sous-traitance interna-
tiona1e.
(1) C-A MICHALET, L'adaptation des stratégies des multinatio-
nales à la crise, op. cita
(2) C. OMAN, Les nouvelles formes d'investissements dans les
pays en développement, op. cit., p. 12.
(3) C. OMAN, op. cita

115.
3.1.1. Les coentreprises ou entreprises conjointes
Les coentreprises représentent des entreprises ou
joint ventures où la répartition du capital social assujettit
à chaque partenaire, une contribution financière ou bien à
d'autres formes d'apports technologiques et en nature. En prin-
cipe, l'entreprise conjointe envisage la possibilité de trans-
fert du capital étranger à l'économie nationale, à travers
l'association entre les investitures étrangères (FMN) et le
capital national (Etat et privés nationaux). Ainsi, par la
création d'entreprises conjointes, "en échange de sa partici-
pation au capital, l'Etat hôte donne l'autorisation à la so-
ciété privée d'exploiter certains secteurs importants de son
économie mais à condition d'intervenir à la fois dans la ges-
tion et les décisions. L'entreprise conjointe devient un lieu
de convergence, elle concilie la volonté parfois contradictoi-
re des Etats qui veulent attirer les capitaux étra~ger~ tout
en préservant leur économie nationale de la domination exté-
rieure"(1) •
La prise de participation du capital national ne con-
fère pas, cependant, à l'entreprise conjointe, le caractère
de nouvelles formes d'investissements. Pour que l'entreprise
conjointe se classe dans la catégorie de nouvelles formes
d'investissement, existe-t-il un principe de participation
majoritaire ou minoritaire du pays hôte ou bien un seuil à
partir duquel le joint-venture devient nouvelle modalité
d'implantation. Selon OMAN(2), une coentreprise devient unp.
nouvelle forme d'investissement si les partenaires du pays
(1) R. GENDARME, Des sorcières dans l'économie mondiale, op.
cit, pp. 380-390.
(2) C. OMAN, Les nouvelles formes d'investissement dans les
PVD, op. cit. p.

116.
d'accueil (Etat ou privés locaux) possèdent au moins 50 1, du
capital social. Donc, les caractéristiques des nouvelles for-
mes d'investissements excluent les entreprises conjointes où
le capital multinational est majoritaire.
Pourtant, la détention de moins de 50 ~ du capital
sotial par le pays hôte ne rejette pas l 'hypothèse d'une posi-
tion de domination du capital étranger dans le procès de pro-
duction. Malgrè sa participation minoritaire, la multinatio-
nale peut garder l'exclusivité du contrOle de la production
à travers les procédés et techniques de production (technolo-
gie généralement propriété de la FMN) et les aspects liés a la
commercialisation internationale du produit, par exemple au
moyen d'accord de licence(l). Bien que considérée comme nou-
velle forme d'investissement, le joint venture reproduit les
mêmes tendances anciennes de la concent~ation des investisse-
ments directs étrangers et des filiales, et partant, elle tra-
duit le moment des modalités occasionnelles, non
pas nouvel-
les, des FMN, dans leurs stratégies d'implantation ou leur
présence dans le Tiers Monde.
Cependant le principe d'une participation majoritaire
du pays d'accueil, accepté par les firmes multinationales, est
loin d'être le lieu de convergence des intérêts des pays en
développement et des filiales multinationales. Par là, la
volonté deS FMN de céder une partie du capital social au capi-
tal national tient compte essentiellement des secteurs d'im-
plantation et partant de la différenciation des espaces péri-·
phériques. Ainsi, les négociations de prise de participations
(1) C. OMAN, Les Nouvelles formes d'investissements,' op. cit.

117.
font une distinction entre les filiales de production orien-
tées vers l'exportation (filiales-ateliers) et les filiales
de production qui approvisionnent les marchés locaux
(fi-
liales-relais). Dans le cas des filiales-relais, le pays hôte
dispose de plus en plus de pouvoirs pour négicier les prises
de par tic i pat ion ( 1), co mm e 0 n val e v0 i r dan s l' e xemplei v0 i -
rien de délocalisation. Par contre, dans certaines zones
d'implantations ou la main d'oeuvre est bon marché (zone
franche de production pour l'exportation), la participation
étrangère n'est soumise à aucune restriction. De plus, en
considérant les FMN selon leur origine, on remarque, en géné-
ral, ~ueles firmes allemandes s'engagent plus souvant dans
des entreprises conjointes. Les FMN japonaises et françaises
observent les mêmes tendances, tandis que la majorité des fir-
mes à capital entièrement étranger se rattachent aux multina-
tionales américaines et britanniques(2). Bref, la création de
coentreprises par les firmes multinationales dans les PVD con-
nait actuellement un développement croissant, compte tenu de
l'évolution idéologique et politique de certains d'entre eux.
3.1.2. ~es usines clés en main
La faculté de détermination à mettre en place des
structures d'industrialisation rapide conduit certains PVD
à acheter des usines clés en main.
Ce sont en général les
pays à haut revenu, plus précisément les pays pétroliers qui
ont choisi cette stratégie d'implantation dans les années
1970. Le recyclage des pétrodollars a suscité beaucoup d'inté-
rèt pour la stratégie "usines clés en main" parmi les firmes
( 1 ) R. GENDARME, Des Sorcières dans l'économie mondiale, op.
ci t ,
( 2 ) C. OMAN (éd.), Les nouvelles formes d'investissement in-
ternational dans les pays en développement, les perspec-
tives nationales, op. cit.

118.
multinationales d'ingéniérie ou d'ensembliers. Il s'agit de
Betchte1 (Etat-Unis), Davy Corp (Grande-Bretagne), Fluor Corp.
(Etats-Unis), Technip (France), Mitsubishi (Japon), Snampro-
getti (Italie), Creusot-Loire (France) pour ne citer que
celles-1à(l) •
Par définition t dans le cas d'un contrat "clés en main"t
Ille contractant est responsable de l'installation d'une unité
de production complète (usine t centrale) ou d'un projet d'in-
frastructure dans le pays d'accueil. Les responsabilités du
contractant peuvent varier selon les projets mais comprennent
-so.uvent des études de faisabilité,
11 apport de t e c hnolo qt e et
du savoir-faire technique, les plans de l'ingéniérie de base t
la fourniture d'usines entières et d'équipement, et parfois
les travaux de génie civil. Ces contrats sont dit "clés en
main Il car le fournisseur a rempli ses obligations quand
l'usine ou le projet est totalement opérationnel. Dans certains
cas, ces contrats prévoient que le partenaire étranger assure
aussi le fonctionnement et/ou la maintenance"(2). L'inéffica-
cité du transfert traditionnel de technologie à travers le
système de licence ou de brevet explique pourquoi certains
PVD optent pour les commandes d'usines clés en main. Mais le
caractère limité que présente ce type d'opérations industriel-
les est dû à l'incapacité t souvent dénQnCée(3), des PVD à maf-
triser la technologie transférée. De ce fait, les économies
d'accueil des "unités clés en main ll restent fortement tributai-
res du processus technologique du produit dé1oca1isé qui reste
( 1 ) J. PERRIN, Les transferts de technologie, Paris, La
Découverte, 1983.
(2) C. OMAN, Les nouvelles formes d'investissement, -op. cit.
p.
16.
(3)
R. GENDARME t Des Sorcières dans l'économie mo ndi el e , op. c i t ,

119.
l'apanage des firmes multinationales des pays développés à
économie de marché. "Dès lors, le transfert de technologie est
automatiquement influencé par l'entreprise exportatrice de
l'équipement. Cette dernière décide de l'emploi de tel ou tel
type de matériel, du choix de tel ou tel procédé,,{l). Une
telle dépendance technologique n'a pas obstrué la multiplica-
tion du nombre des contrats clés en mains dans les PVD dont
l a valeur, d'année en année, a varié de 31 r, et 70 Ni_l dans le
cas de la France entre 1970 et 1976, 45 % et 69 cl." pour la
RFA (1972-1975), 24 01.,) et 77 0//, pour le Royaume-Uni (1974-1976),
et enfin 43 01.,) et 91 01,J pour les Etats-Unis de 1974 à 1976(2) •
En outre i l en ressort une forte concentration des contrats
cl
s en mai n au Moyen-Orient, dans l'Est de l'Asie et en
ë
Afrique, en comparaison d'autres formes nouvelles d'investis-
sements (accords de licence et joints ventures) et du volume
global des investissements directs étrangers(3).
Néanmoins, par rapport à la problématique centrale de
cette étude, c'est-à-dire la délocalisation des filiales de
production, les firmes multinationales, spécialisées dans les
contrats clés en main, ne sont que des firmes d'ingéniérie
qui ne prennent pas de participation dans les usines qu'elles
construisent~ encore moins créêr de la plus-value parce
qu'elles ne délocalisent pas leur propres systèmes productifs.
En d'autres termes, ces sociétés internationales d'ingéniérie
"ne créent pas de rentes économiques que l'on puisse s'appro-
prier du seul fait qu'elles sont des sociétés en exploit~tion.
(1) R. GENDARME, Des sorcières dans l'économie mondiale,
op. c t t • p. 413.
(2) DOCUMENTATION FRANCAISE, Les Usines Clefs en mains, Paris,
1977, pp. 24-25.
(3) ONU, 1983, op. cit.

cevoir, de mettre au point et de construire des usines com-
p1exes .•• Ces sociétés ne transfèrent pas leurs propres tech-
no1ogies. Elles ne transfèrent que le résultat final de cette
technologie, c'est-A-dire l'usine ou le projet de construc-
tion. Ainsi, elles n'ont normalement pas besoin de prises de
participation, de licence ou d'éléments semblables pour proté-
ger les connaissances technologiques qui produisent leurs ren-
tes économiques",l).
Finalement, la concurrence acharnée entre les firmes
multinationales pour la conquête des marchés, rendue plus in-
tence encore par la diminution du pouvoir d'achat de certains
pays en développement, amène le capital multinational A modi-
fier sa stratégie par l'adoption de la sous-traitance inter-
nationa1e~
3.1.3. La sous-traitance internationale
La question fondamentale est ici de savoir dans quelle
mesure la sous-traitance internationale, en tant que nouvelle
forme d'investissement, peut devenir une stratégie de dé1oca-
1isation industrielle dans le Tiers Monde. Dans cette perspec-
tive, au lieu de nous engager dans une discussion concernant
la typologie des cas de sous-traitance internationale et son
impact sur l'industrialisation des pays en développement, il
. serait intéressant de nous placer dans un cadre général de
discussion pour montrer comment la sous-traitance interna-
tiona1e supplante ou non l'investissement direct étranger
traditionnel"
·O.N.U. 1983, op. cita p. 190.

internationale dans le contexte de la problématlque ae la
dé1oca1isation, il serait intéressant de saisir le phénomène
par rapport à l'ensemble des définitions proPosés(I). Dans
le but d'établir une certaine homogénéisation du discours faci-
litant les données de la question, nous avions estimé nécessai
re de partir des définitions conventionnelles pour mieux
illustrer notre problématique. D'abord, pour définir la sous-
traitance simple, nous avions retenu la proposition de
1 'ONUDI(2), selon laquelle "il y a relation de sous-traitance
lorsqu'une entreprise (appelée donneur d'ordre) passe commande
à une autre entreprise (appelée sous-traitant) en vue de la
production de pièces composants, sous-ensembles ou ensembles de-
vant être incorporés dans un produit qui sera vendu par le
donneur d'ordre. De telles commandes peuvent inclure le trai-
tement, la transformation ou la finition de matériaux ou de
pièces par le sous-traitant à la demande du donneur d'ordre".
Ensuite, le passage de la sous-traitance simple à la
sous-traitance internationale est assurée par la localisation
(1) Pour ce qui concerne le débat sur la typologie du cas de
sous-traitance internationale et de l'impact de cette der-
nière sur les structures industrielles des PVD, nous vous
renvoyons aux travaux suivants: D. GERNIDIS (éd.), La
sous-traitance internationale, une nouvelle forme d'inves-
tissement, Centre de dévi10ppement de l'OCDE, op. cit. ;
C. BERTHOMIEU et A. HANAUT, La sous-traitance peut-elle
être un facteur d'industrialisation, Revue Internationale
du Travail n° 3, vol. 119, mai-juin 1980 ; S. WATANABE,
Sous-traitance, industrialisation et orientation d'em-
ploi, Revue Internationale du Travail, n° 1-2, vol. 104
juillet 1971 ; C. JUDLICKI et M. LANZAROTTI, Sous-trai-
tance internationale, quelle industrialisation, Revue
Tier~-Monde, n° 81, janvier-mars 1980.
(2) ONUDI, La sous-traitance et la modernisation de l'écono-
mie, Nations-Unies, New-York, 1975, p. 147.

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na1e quand deux unités de fabrication situées dans deux pays
différents, conviennent que l'une d'elles (le sous-traitant)
fournira à l'autre (l'entrepreneur principal ou donneur d'or-
dre) -à des conditions favorables fixées dlun commun accord-
des produits assemblés que le donneur dlordre utilise ou com-
mercia1ise sous sa seule responsabi1ité ll • A travers ces deux
définitions conventionnelles de sous-traitance, il est possi-
b1e de souligner une double stratégie de sous-traitance inter-
nationale suivie par des firmes multinationales. Tout en né-
gligeant les détails liés à la typologie de sous-traitance
internationale (STI), nous proposons de suivre fidèlement la
classification faite par le professeur Micha1et pour caracté-
ris e r 1e s di f f é r e ntes s t r a té g i e s de ST 1. Ils' agi t de 1a ST 1
directe et de la STI indirecte.
S'agissant de la STI directe, la production du sous-
traitant est intégralement exportée vers les pays du donneur
d'ordre. En outre, les produits fabriqués dans les PVD soit
par une firme locale ou une firme multinationale ne sont pas
destinés au marché local mais au marché mondial. Par là, on
peut assimiler la stratégie de STI directe à celle d'implan-
tation des filiales ateliers caractérisées par la promotion
des exportations. Dans ce cas, il est probable que la loca-
lisation du sous-traitant soit liée à l'existence d'une main~
d'oeuvre qualifiée bon marché(2). Donc, la STI directe prend
(1) CNUCED, Accords de sous-traitance internationale dans le
domaine de l'électronique entre pays développés à économie
de marché et pays en voie de développement, TD/B/C2/144,
supplément 1, 1976.
.
(2) C-A. MICHALET, La sous-traitance internationale: l'Etat
de la question.

Par ailleurs, la différence entre la STI directe et la
STI indirecte est de nature. En effet, dans le cadre de la ST! indirecte,
la production est largement constituée par la fabrication ou
la montage de produits finis. Ceux-ci sont vendus sur le mar-
ché local. "Da ns la plupart des cas, les services de la maison-
mère prennent en charge la commercialisation pour le marché
mondial des produits des filiales-relais. Ceux-ci sont fabri-
qués selon des spécifications fournies par la société-mère.
La ligne des produits des filiales-relais est calquée sur la
ligne des produits de la maison-mère ll(2). Ainsi, la STI indi-
recte s'assimile à une filiale relais dont le rôle est la fa-
brication complète du produit commercialisé avec la marque du
donneur d'ordre, c'est-à-dire l'entreprise étrangère.
Cependant, le clivage STI directe et STI indirecte à
travers leurs formes respectives d'implantation -filiales
ateliers et filiales relais- n'est pas un critère suffisant
pour qualifier la sous-traitance internationale, de nouvel-
les formes d'investissement international. Encore que la créa-
tion de filiales ateliers et les filiales relais renvoie à la
problématique de l'investissement direct étranger tradition-
nel. Par conséquent, "dans une acception restrictive, nous ne
devrions considérer comme une nouvelle forme d'investissement
que les accords de sous-traitance où la propriété du sous-
traitant est detenu au moins pour 50 ~ par des intérêts locaux.
(1) J. PERRIN, Les transferts de technologie, op, cit.
(2) C-A MICHALET, la STI rip. cit. pp 60-61.

une filiale "dépendante" relèvent des relations entre entre-
prises liées â l'investissement direct étranger traditionnel
et non des nouvelles formes d'investissement, ce d'ailleurs,
que 11 entrepri se pr i nci pa 1e soi t 1a s oc i été-mère ou non "( 1) •
Ainsi, la détention dlau moins 50 0/ de la propriété
étrangère par le sous-traitant confère â là ST! un caractère
de nouvelles formes d'investissement avec le même principe
juridique d'une entreprise conjointe ou coentreprise. Mais,
ici, il ne faut pas confondre la propriété juridique â la pro-
priété économique de la ST! car, après tout, le sous-traitant
dépend largement du donneur d'ordre tant du point de vue de la
qualité du produit que des normes technologiques inspirées
par la firme étrangère, donneuse d'ordre. Afin de pallier â
certaines lacunes dans la production, les FMN sélectionnent
les sous-traitants en leur imposant des cahiers de charges.
C'est pourquoi, le r e cour s de la ST!, par la FMN tient compte
des zones d'intérêts privilégiés du Tiers Monde, donc du ni-
veau de développement des forces productives des pays 00 est
appliquée la sous-traitance.
Depuis les années 70, l'industrie manufacturière est
devenue la zone de prédilection de la sous-traitance interna-
tionale. Elle participe ~ la production de produits finis,
par exemple, les camions (Ber1ier) en Afrique du Nord, des
téléviseurs (Philips) dans le Sud-Est asiatique, de produits
semi-finis (montures de parapluie) en Extrême-Orient, des
(1) COMAN, Les nouvelles formes d'investissement, op. cit~
p.,18.

biles américains) en Amérique Latine ou des pièces détachées
(cha1ne pour cycles et motocucles, amortisseurs, batteries
d'accumulateurs, silencieux d'échappement) au Brésil et au
Maroc(l) .
Par ailleurs, en Corée du Sud(2), les exportations
réalisées dans le cadre de la STI représentaient, en 1975,
21,7 r du total des exportations du pays. La firme SAMSUNG
spécialisée en construction électronique fabrique des compo-
sants pour d'improtantes firmes étrangères: des tubes TV pour
NIPPON (Japon), des semi-conducteurs et des verres de tubes
TV pour CORNING (USA), des circuits intégrés pour Integrated
Circuit International (USA). Pour cette production, SAMSUNG
dépend A son tour des fournitures de prês de 500 sous-traitants
coréens.
Finalement, le recourS à des sous-traitants locaux
est souvent imposé, par l'Etat du pays d'acceuil, aux filia-
les du FMN dans le but de faciliter un transfert de technolo-
gie dont l'industrie locale a besoin dans sa croissance. On
passe ainsi d'une "sous-traitance spontanée" résultant de la
stratégie de dêlocalisation des FMN à une "sous-traitance
incitêe"(3). Bref, la sous-traitance internationale est utili-
sée principalement par les filiales de production pour bénéfi-
cier surtout des coOts de production bas liés A l'existence
d'une force de travail efficace et disponible à bon marché,
c'est-à-dire moins chère.
(1) R. GENDARME, Des sorcières dans l'économie mondiale, op.cit
(2) J. PERRIN, Les transferts de technologie, op. cit.
(3) C. BERTHOMIEU et A. HANAUT, op. cit.

d'implantation des firmes multinationales
La question immédiate qui vient à l'esprit quand on
discute des nouvelles formes d'investissement concerne le
pourquoi des nouvelles formes ou modalités de la présence des
entreprises étrangères dans le Tiers Monde. Ou bien plus pré-
cisément
en quoi les nouvelles formes d'investissement dif-
t
fèrent-elles actuellement des formes traditionnelles t c'est-à-
dire l'investissement direct ét~anger. En d'autres termes t
est-ce que le recours des firmes aux nouvelles formes d'in-
vestissement est-il principalement da à l'évolution politique
et idéologique de certains Pays du Tiers Monde ou bien tra-
duit-il le moment d'un compromis entre les firmes multina-
tionales et les pays d'accueil sous l'angle d'une réaction
commune face à la crise mondiale qui affecte non seulement la
c~oissance des pays développés à économie de marché mais aussi
celle des PVD.
En fait
les tentatives de réponse aux interrogations
t
ci-dessus ont amené certains théoriciens à privilégier la
contrainte politique et idéologique des PVD pour justifier la
réaction défensive des multinationales. Ainsi, pour Oman,
"le recours plus important des entreprises a de nouvelles
formes d'investissement
à la fois dans le secteur manufactu-
t
rier et des industries extractives
est principalement inter-
t
prété comme une récation de défense des investisseurs étran-
gers. Ceux-ci chercheraient à conserver ou s'assurer un accès
au marché et/ou aux sources de matières premières face à des
restrictions apportées par les gouvernements des pays hôtes

a des rlsques crolssants d'exporprlation ou de nationalisation
et, plus généralement, face ~ un "envoronnement" plus défavo-
rable ~ l 'investissement ~ cause du nationalisme et de l'inter-
ventionnisme étatique croissant manifestés par les pays en
développement"(l). Le critère d'une intervention de l'Etat
n'est pas un critère suffisant pour expliquer nécessairement
la diminution de l'investissement direct étranger et l'adop-
tion des nouvelles firmes d'investissement. De plus, on peut
remarquer que des pays d'accueil stables politiquement (le
cas de la C6t~ d'Ivoire) avec une législation intéressante,
ont toujours eu recours aux capitaux directs étrangers dans
la stratégie d'industrialisation. Ce nlest pas pourtant
l'occasion pour le capital étranger d'affluer massivement
en COte d'Ivoire. Bien au contraire, on assiste depuis les
années 70, plus précisément la période 1973-1974(2), a un dé-
clin du montant des investissements directs étrangers dans
les PVD. La baisse de l'investissement direct étranger, mal-
gré l'attitude libérale de la majorité des PVD, ne justifie
pas, d'emblée, l'émergence des nouvelles dormes d'investisse-
ment au cours des années 70.
Cependant, en n'excluant pas de notre analyse la
donnée politique et idéologique des pays d'accueil, il semble
que l'apparition des nouvelles formes d'investissement soit
imputable ~ plusieurs facteurs: le désir des firmes multi-
nationales de limiter les risques encourus lors d'opérations
contrOlées à 100 % ; l'apparition de capacités financières
(1' C. OMAN, Les nouvelles formes d'investissement,. op. cit.
p. 76.
(2) D. GOLDSBROUGH,Investissements étrangers dans les pays
en développement, op. cit.

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la manifestation d'un relais des multinationales par les ban-
ques et les organismes financiers assurant ainsi la compensa-
tion de la baisse de l'investissement direct étranger tradi-
tionnel grâce à la croissance des prêts euro-bancaires, des
émissions d'euro-obligations, des crédits à l "exportation(2).
Les apports nets de ressources aux PVD entre 1970 et 1983
attestent de l'évolution des prêts bancaires au détriment des
investis~ements directs étrangers. Ainsi, la valeur des inves-
tissements "directs est passée en 1970 de 3,7 milliards de
dollars à 10,5 en 1980, avant de tomber à 7,8 millards de
dollars en 1983. Par contre, les prêts bancaires ont connu
une croissance exponentielle passant de 3,0 millards de dol-
lars en 1970 à 36,0 milliards de dollars en 1983(3).
En outre, dans leurs stratégies d'implantations
dans les PVD, les firmes multinationales adoptent une attitude
de désengagement vis-à-vis des industries extractives (natio~
nalisations) et à un moindre
degré vis-à-vis de l'industrie
manufacturière. Il est vraisemblable d~affirmer que les mul-
tinationales s'intéressent au commerce, aux assurances, au
secteur bancaire qui attirent de plus en plus des investisse-
ments, des pays développés à économie de marché. En 1979,
46 ~ des investissements américains dans le Tiers Monde
étaient localisés dans le secteur des services, contre 25 %
(1) C-A. MICHALET, Nationalisation et internationalisation,
op. cit. p. 59.
(2) C-A. MICHALET,' L'adaptation des stratégies des multina-
tionales à la crise in Les multinationales en mutation~
op. c i t . p. 79.
(3) Banque Mondiale, Rapport sur le développement dans le
monde, 1985, op. cit., p. 23.

1.30.
traditionnel, encore qu t i l faille préciser que certains pays
du Tiers Monde, dans le but de s "a s s ur-e r le suivi de L' opë r a-
tion et de llefficacité de l'unité productive, exigent des
FMN revendeuses de technologie ou d'usines clés en main, une
prise de participation au capital des sociétés en présence"
Ainsi,
si
les nouvelles formes d t t nve s t t s s eme nt représentent
des nouvelles modalités de la présence des firmes multinatio-
nales dans le Tiers Monde, la participation étrangère au capi-
tal local traduit, comme le fait remarquer Michalet(I), le
caractère transitoire, ambigu des nouvelles firmes et le souci
des autorités locales de limiter la mobilité des partenaires.
Donc les nouvelles formes d t t nve s t i s s enent représentent des
modalités d1implantations occasionnelles des FMN et non une
formule nouvelle de désengagement vis-A-vis de llinvestisse-
ment direct étranger qui demeure, néanmoins, toujours l'un
des vecteurs privilégié de la stratégie de délocalisation
industrielle dans les PVD.
CONCLUSION DU CHAPITRE
En guise de conclusion A ce chapitre consacré A la
problématique de la délocalisation industrielle, nous pouvons
dégager un certain enseignement utile A la compréhension de
la stratégie des firmes multinationales en Afrique.
11 La délocalisation du capital productif, A trave~s
les investissements étrangers directs, s'effectue dans le
(1)
C-A MICHALET, Les multinationales en mutation, op. cit.

130.
traditionnel, encore qu'il faille préciser que certains pays
du Tiers Monde, dans le but de s'assurer le suivi de l'opéra-
tion et de l'efficacité de l'unité productive, exigent des
FMN revendeuses de technologie ou d'usines clés en main, une
prise de participation au capital des sociétés en présence~
Ainsi,
si
les nouvelles formes d'investissement représentent
des nouvelles modalités de la présence des firmes multinatio-
nales dans le Tiers Monde, la participation étrangère au capi-
tal local traduit, comme le fait remarquer Michalet(l), le
caractère transitoire, ambigu des nouvelles firmes et le souci
des autorités locales de limiter la mobilité des partenaires.
Donc 1es nouvell es formes d'investi ssement représentent des
modalités d'implantations occasionnelles des FMN et non une
formule nouvelle de désengagement vis-à-vis de l'investisse-
ment direct étranger qui demeure, néanmoins, toujours l'un
des vecteurs privilégié de la stratégie de délocalisation
industrielle dans les PVD.
CONCLUSION DU CHAPITRE
En guise de conclusion à ce chapitre consacré à la
problématique de la délocalisation industrielle, nous pouvons
dégager un certain enseignement utile à la compréhension de
la stratégie des firmes multinationales en Afrique.
1/ La dé.localisation du capital productif, à trave~s
les investissements étrangers directs, s'effectue dans le
(1) C-AMICHALET, Les multinationales en mutation, op. cit.

131.
monde, selon les stratégies d'implantation des firmes multi-
nationales. C'est ainsi que ces dernières ont recours à deux
principales modalités de délocalisation, à savoir, d'une part
la création de filiales-relais liée à l'existence d'un vaste
marché national ou régional, et de filiales-ateliers dans les
zones où la main-d'~euvre est à bon marché, d'autre part.
Les firmes multinationales utilisent l'une ou l'autre straté-
gie en fonction des zones d'intérêtq privilégiées.
2/ Les tendances d'intensification et d'interpénétra-
tion des investissements entre les pays développés à économie
de marché attestent que plus de 70 r, des investissements di-
rects à l'étranger s'effectuent, rappelons-le, à l'intérieur
de ces pays. Bien plus que les mouvements internationaux de
capitaux, c'est la prédominance des filiales multinationales
implantées dans cette zone qui constitue la caractéristique
actuelle du processus de délocalisation de la production in-
dustrielle. En effet, la double concentration -concentration
des investissements directs étrangers et concentration des
filiales- privilégie les relations "croisées" entre l'Europe
et les Etats-Unis.
3/ La polarisation NORD-NORD des activités des firmes
multinationales, par le biais des mouvements de capitaux et
des filiales de production, exacerbe la domination du NORD
qui a pour "effet de placer le Tiers Monde dans une position
subalterne"(I). Ce qui explique l'attitude "réservée et sélec-
tive" des firmes multinationales quant à la délocalisation de
certaines de leurs activités industrielles vers le Sud.
(1) C-A MICHALET, Tendances récentes du capitalisme mondial,
Revue d'Economie Industrielle, n° 14, 4e trimestre, Paris,
1980, p. 75.

132.
4/ La prédominance des activités des firmes multina-
tionales dans les pays du NORD atteste que le mouvement de
l'internationalisation de la production industrielle (pro-
duction délocalisée) s'effectue d'abord dans un pays par un
procès d'homogénisation interne des conditions de production.
Le procès crée "une domination des groupes monopolistes des
plus puissants à travers la supériorité internationale par la
technologie, les normes, la capacité de conception et de réa-
lisation des ensembles-marchandises, comme les ensembles de
bi ens dl qu i pements" (1) •
ë
5/ La hiérarchisation des systèmes productifs péri-
phériques due à la stratégie des multinationales à abouti à
une forte concentration d'une grande partie des investisse-
ments directs et des filiales dans les Nouveaux Pays Indus-
triels au détriment des autres régions du Sud. Les facteurs
explicatifs de la concentration des activités industrielles
des firmes multinationales dans des NPI tiennent à l'existence
de dotations factorielles abondantes (main d'oeuvre bon mar-
ché) et à la possibilité de bénéficier des économies d'échel-
le (marché local vaste et demande solvable).
6/ L'évolution des rapports NORD-SUD a travers celle
des firmes multinationales spécifie de nouvelles modalités
de l'internationalisation de la production dans le Tiers-
Monde par l'adoption de nouvelles formes d'investissement.
En revanche, l'utilisation de nouvelles formes d'investisse-
ment-entreprises conjointes, sous-traitance internationale,
(1) P. BOURGUES, Sur l'internationalisation du capital,
Economie Politique, Paris, avril 1978, p. 51• .

133.
usines clés en mains et les contrats internationaux de brevets
et licences- ne marque pas une rupture mais plutôt traduit
une tendance évolutive des stratégies des firmes multinatio-
nales.
En définitive, l'étude de la dêlocalisation industriel
le a- mis une fois de plus en relief la position subalterne du
Tiers Monde dans le procès d'accumulation du capital â llèchel
le mondiale. Même â l'intérieur de la zone périphérique, les
firmes multinationales ne délocalisent pas leurs "systèmes
productifs" dans n'importe quel espace en voie de développe-
ment. Elles procèdent à une différenciation économique pour
réduire les coûts de production et augmenter le profit.
Qulen est-il donc du processus de délocalisation en Afrique?

134.
DEUXIEME CHAPITRE - DES CARACTERISTIQUES DE LA DELOCALISATION
INDUSTRIELLE EN AFRIQUE
"L'intlg~ation
v~~itable dan~ le
~y&tème eapitali&te mondial ~e 6ait à
l'lpoque ~leente de l'impl~iali~me. Cette.
intlg~ation &'e~t 6aite pa~ le moyen
p~e&que gene~al de la eoloni~atlon poli-
tique pa~ le& g~ande& mlt~opole~ elle&-
même~ en eon6lit pou~ l'hlglmonie".
s. AMIN : La déconnexion pour
sortir du système mondial,

Edition La Découverte, Paris, 1986,
pp. 60-61.

135.
INTRODUCTION
L'objet de ce chapitre est d'appréhender spécifiquement
le procès de multinationalisation des entrerises étr~ngères en
Afrique. Comme nous l'avions montré, par ailleurs, dans le ca-
dre du Tiers Monde, le procès de multinationalisation est lié
aux mouvements de délocalisation de certaines activités in-
dustrielles rejetées par les pays développés à économie de
marché. Pour être plus concret, il s'agit donc des mouvements
d'investissements internationaux cherchant à échapper aux con-
traintes d'accuùulation dans les économies d'origine pour une
valorisation externe.
Au fond, l'étude du procès de multinationalisation et
de ses effets sur la structure économique des pays africains
pose, nous semble-t-il, deux questions dialectiquement liées
premièrement, il serait utile de s'interroger sur le rôle
joué par la colonisation dans l'implantation des entreprises
étrangères en Afrique. Ici, il s'agit de montrer la relation
objective existant entre colonisation et implantation du capi-
tal étranger. Deuxièmement; on peut se demander de savoir
comment ont évolué les rapports entre le centre et l'Afrique,
après les indépendances. En d'autres termes, est-ce que ces
dernières ont marqué de nouvelles tendances - continuité ou
rupture - dans la stratégie des pays d'accueil face à celle
des firmes multinationales. Enfin, les tentatives de recherche
de solutions aux questions posées vont servir d'éléments
d'argumentation pour confirmer ou infirmer la dépendance de
plus en plus accentuée du continent africain à l'économie
capitaliste.

136.
SECTION 1 - APPROCHE HISTORIQUE DE L'EXPORTATION DU CAPITAL
ETRANGER ET CARACTERISATION DE LA PROBLEMATIQUE
DE DELOCALISATION
L'histoire des investissements étrangers en Afrique
commence, a proprement parler, avec le début de la colonisa-
tion du continent. La colonisation favorisa la création de
comptoirs et de factoreries sur les côtes africaines. En réa-
lité, les comptoirs et factoreries représentaient véritable-
ment des points relais de vente des biens importés de la mé-
tropole. De ce point de vue, les comptoirs fortifiés, premiè-
re expression de l'exportation des capitaux (du moins la pre--
mière manifestation de la présence étrangère en Afrique),
constituèrent le fer de lance de la colonisation(1).
Par ailleurs, a mesure de l'emprise totale de l'impé-
rialisme colonial, le capital étranger renforça ses positions
économique.s par la création des grandes compagnies coloniales
dont la sphère de prédilection était essentiellement axée
sur les ~ctivités commerciales. A cet effet, la concentration
monopoliste du capital colonial est mise en évidence, de ma-
nière claire et nette, dans la capitalisation boursière des
sociétés coloniales. Selon les statistiques de la dite capita-
lisation, la répartition sectorielle des investissements
(1) Consulter, entre autres, J. SURET-CANALE, Afrique Noire,
1 1 ê r e colon i al e 1900- 1945, Edit ion s S0 ci al es , Pari s , 1977 ;
G. NGANGO, Les investissements d'origine extérieure en
Afrique Noire Francophone: statut et incidence sur le
développement, Présence Africaine, Paris, 1973;
J. SURET-
CANALE, Afrique Noire, de la colonisation aux ind'pendan-
ces, 1945-1960, Editions Sociales, Paris, 1972 ; S. AMIN
et C. COQUERY~VIDROVITCH, Histoire économique du Congo,
Anthropos, Paris, 1969.

137.
étrangers, pour l'ensemble de l'Afrique Noire Française, au
4 juin 1945 se présentait ainsi : commerce 63 %, plantations
et foréts 26 %, mines 4 0/, et industrie 4 r,(1). On constate
une concentration du capital dans le secteur commercial au dé-
triment de l'agriculture et de l'industrie. La prédominance
du capital commercial s'explique, non seulement par la nature
économique des colonies (économie de traite), mais surtout
par le caractère mercantile de l'impérialisme colonial orienté
vers les activités d'import-export.
Par conséquent, il ne serait pas vain de se référer à
l'histoire de l'investissement étranger en Afrique. Bien au
contraire, l'approche historique du capital étranger, aussi
succincte soit-elle, doit, non seulement amener à saisir les
intérêts économiques métropolitains dans la région, mais sur-
tout à mieux situer la problématique actuelle de la dé1oca1i-
sation ind~strie11e en Afrique au regard de l'intégration de
celle-ci au capitalisme mondial.
1. La mise en valeur coloniale
1.1. Le règne des compagnies à charte et à privilèges
L'histoire de l'investissement étranger en Afrique est
partie intégrante de l'histoire de l'investissement interna-
tiona1. Cependant, il serait difficile de dommer une date de
naissance à l'investissement international. Pourtant, comme le
fait remarquer Bertin, "quand, avant notre ère, en Phénicie,
à Milet, des citoyens quittaient leur cité pour aller au loin
fonder un autre établissement dépendant d'elle il y avait déjà
(1) .P. VALDANT, Marchés Coloniaux, 23 ma r s 1946, cité par
J.SURET~CANALE, Afriquè Noire, l'ère coloniale 1900-1945,
op. cit., p. 211.

138.
. .
.
.
1(1}

.
l"
t t
t
1nvest1ssement 1nternat10na

1nS1,
1nves 1ssemen
in-
ternationa1 va connaître un grand essor et se développer à
partir du XVIIe et XVIIIe s s , par l'extension du commerce
colonial dans certaines régions du monde. Le commerce co10-
nia1 ouvre une nouvelle époque marquée par un mouvement massif
des investissements hors de la métropole. Ceux-ci sont, avant
tout, le fait des compagnies à charte et à provi1èges. Contrai-
rement à la gestion des sociétés coloniales, comme on le verra
ailleurs, "le but de l'activité des compagnies à charte reste
l'activité commerciale. Celle-ci implique un minimum d'inves-
tissement pour l'assurer et le protéger: fortins, entrepôts,
installations portuaires, plus tard plantations, sources mi-
nières et pétrolières, dont elles assuraient la gestfon et se
réservaient les profits commerciaux"(2}.
Toutefois, il est à souligner que l'apparition des
Compagnies à charte età privilèges n'avait pas pour unique
activité, que le commerce dans l'organisation du trafic colo-
nial. Sans la stratégie de pénétration coloniale "ces sociétés
n'étaient que des instruments d'action exclusivement commer-
cia1e pour les DQnois, les Suédois et les Hollandais qui y
eurent recours les premiers; elles devinrent pour les Fran-
çais et les Anglais des moyens privilégiés et le pretexte
assez fréquent de conquête militaire, l'instrument par excel-
lence de pénétration pol itique et d t xpl ot t at i on commerciale"(3}:
è
Les privilèges à la fois politiques et économiques accordés
( 1 ) G.Y. BERTIN, L'investissement international , PUF, Que
sais-je 1, Paris, 1972, p. 13.
.
( 2 ) G.Y. BERTIN, Idem, p. 14
( 3 ) G. N'GANGO, Les investissements d'origine extérieure en
Afrique Noire Francophone, op. cit., p. 57.

139.
a ces compagnies était l'oeuvre de l'Etat colonial dont l'in-
tervention se manifestait par une volonté politique d'encou-
rager des fusions entre compagnies rivales tout en leur garan-
tissant le monopole des activités commerciales et les droits
t
d
d
_.
d-t
. - (1\\
ê
e en us
ans une reglons
e ermlnee
'.
Les Compagnies à charte et à privilèges constituèrent
la première expression des rapports économiques entre l'Afri-
que et la métropole, Ces rapports avaient exclusivement un
caractère purement commercial. Par ailleurs, la justesse de la
politique coloniale de domination conduit la métropole a élar-
gir sa sphère de contrôle par l'occupation de certains points
stratégiques: îles et îlots, péninsules comportant des mouil-
1ages bien abrités. De cette pratique impériale devait naître
le contrOle des
routes
qu'utilisent les navires marchands.
Le commerce colonial, qui a vu le jour au XVIe s . , tend donc
vers un commerce monopolistique
monopole d'un pays ou d'une
compagnie. Cette monopolisation se renforça par la création
de comptoirs fortifiés et de factoreries sur les côtes afri-
caines.
1.2. Les comptoirs fortifiés et les factoreries
L'installation des comptoirs fortifiés eo Afrique
avait un double objectif, politique et économique à la fois
il s'agit d'une politique de prestige et commerciale. La poli-
tique de prestige consiste par exemple, pour l'Etat français,
à ne pas se laisser distancer par les Anglais sur les
c6tes
africaines. De ce fait, "partout où les Anglais se montrent
(1)
F. LEUNKEU, Les grandes entreprises en Afrique: essai
sur les relations entre les entreprises étrangères et
les nouveaux Etats indépendants, Thèse de doctorat de
spécialité, Université Paris l, juin 1976.

140.
actifs, partout les Français cherchent à prendre place aux
côtês d'eux"(I), Dia1ectectement 1iêe à l'aspect de prestige
de la pênêtration coloniale, la politique économique, ici
commerciale, se résume principalement à l'exploitation de nou-
velles richesses et réserves, tels l'ivoire et les oléagineux
destinés au marché métropolitain. D'après Leunkeu(2), en 1856,
il Y avait 4 maisons installées au Gabon, dont la plus ancienne
était Mazurie du Havre, établie en 1852 et Pilastre, reprêsen-
tant d'une maison de Rouen (Ma1estran). A titre d'illustration
de la politique commerciale coloniale, le tableau 1 donne quel-
ques statistiques concernant les exportaticns des comptoirs
.
.
du Gabon pour la période allant de 1865 à 1876 :
TABLEAU 1 : EXPORTATION DES COMTOIRS DU GABON 1865-1876
(en francs courants)
Années
Montants
1865
465 000
1866
601 000
1867
643 000
1868
650 000
1876
926 000
Source
Tableau de population et les archives de la
France d'Outre-Mer du 17 au 21 février 1967
(1) SCHNAPPER, La politique et le commerce français dans le .
Golfe de Guinée, Mouton, Paris, 1961, p. 9.
(2) F. LEUNKEU, op. cit.

141.
L'exploitation coloniale, à travers l'implantation des
comptoirs fortifiés et factoreries marque une ère importante
dans l'exportation des capitaux étrangers en Afrique. Certes,
l'on ne peut pas caractériser cette présence étrangère par
une délocalisation quelconque de la production, mais la né-
cessité de la valorisation du capital métropolitain trouve sa
justification initiale dans l'exploitation des comptoirs for-
tifiés. A cet effet, la plus célèbre maison de traite sénéga-
laise fut Maurel et From qui s'attachèrent, au XIXe siècle, à
vulgariser l'arachide. Ils fondèrent donc la première huile-
rie d'arachide près de Bordeaux. A mesure que le Sénégal en-
trait sous obédience française, la maison métropolitaine y
installait un agent ou un traitant. Par ailleurs, la maison
Maurel et From étendit ses activités, du Soudan jusqu'au
Niger, par l'exploitation élargie d'une gamme de produits va-
riés, à savoir le caoutchouc, la gomme et le coton. En 1923,
Maurel et From enregistrait un succès éloquent parce que la
société possédait en AOF 150 comptoirs, 60 embarcations et
des installations de chargement partout où la navigation
côtière ou fluviale était praticable(I).
Généralement, en 1915, l'influence coloniale française
s'exerçait sur 2 comptoirs du Sénégal, c'est-à-dire Saint-
Louis et Gorée. Au-delà de ces deux comptoirs, s'arrêtait la
domination économique française en Afrique Noire. Mais, sous
la monarchie de Juillet, la nouvelle politique coloniale
s'oriente vers la recherche de nouveaux comptoirs en Afrique.
Ali ai de d 1 une s é rie de t ra i té spa s s é save c 1es a ut 0 ri tés
(1) S. AMIN & C. COQUERY-VIDROVITCH, Histoire économique du
Congo, Anthropos, op. cit. p. 31.

142.
i ndi gènes de 1a Côte t 1a métropo1 e acqui t l' estua ire du Gabon t
de Grand-Bassam et d'Assinie en Côte d' Ivoire(1). Au 1ende-
main de la deuxième guerre mondia1e
la Société Commerciale
t
de l'Ouest Africain (SCOA) renforça ses implantations dans le
bloc AOF-TOGO
en possédant au total 14 comptoirs
et 134
t
factoreries.
TABLEAU 2
- NOMBRE DI IMPLANTATIONS DE LA seOA
Pays
Comptoirs
Factories
Sénégal
2
25
Guinée
1
26
Soudan (Mali)
1
10
Côte d'Ivoire - Haute Volta
6
37
(Burkina-Fasso)
Dahomey (Benin)
1
20
Niger
2
3
Togo
1
13
TOTAL
14
134
Source: J. SURET-CANALE
L'Afrique
l'ère coloniale
t
t
1900-1945
op. cit. p. 227
t
Le bilan des comptoirs fortifiés et factoreries n'était
ni satisfaisant
ni encourageant parce que ceux-ci étaient
t
caractérisés par un amoncellement d 'artic1es divers allant
depuis 1 'outi11age
les bo1tes de conserves jusqu'aux 1ivres
t
t
aux médicaments et surtout des fusi1s
et comme l'affirme
t
Genova t
111 1 a 1cool et 1es fus il s consti tuèrent longtemps l' es-
sentie1 des marchandises de traite dont étaient approvisionnées
{1} G. N'GANGO
les investissements d'origine extérieure en
t
Afrique Noire francophone
op. cit.
pp. 62-63.
.
t
t

1430
les factoreries de France"(l). L'évolution de la politique
commerciale de la métropole, amène à une nouvelle ère, celle
des entreprises coloniales proprement dites, et partant une
stratégie nouvelle de mise en valeur systématique et totale
des territoires africains.
2. Investissements étrangers et développement des
sociétés coloniales
La conférence sur l'Afrique, tenue à Berlin du 15 no-
vembre au 26 février 1885, peut être considérée comme le
point de départ de l'implantation d'entreprises coloniales
dont le but n'était pas seulement l'activité commerciale, mais
aussi l'exploitation minière et agricole(2). En réalité, le
but de l'impérialisme colonial fut d'int~oduire des rapports
de production capitalistes dans les colonies à travers la
création des sociétés concessionnaires dont la propriété ju-
ridique et économique reste du ressort des capitaux privés
métropolitains soutenus par l'Etat français qui leur garantit,
par conséquent, l'exploitation colonialeo
2.1. La création des sociétés concessionnaires
L'introduction des rapports de production capitalistes
dans les colonies s'accentue avec le développement des socié-
tés concessionnaires, véritables bras séculiers dans le pro-
cess us de la colonisation économique du continent Africain.
Cependant, le but assigné à ces s6ciétés concessionnaires
était Ta mise en valeur économique du continent, car à travers
leur implantation, l'Etat colonial va chercher à réguler
( 1 ) C. GENOVA, Les compagnies commerciales françaises en·
Afrique, Jeune Afrique, n° 634 du 3 mars 1973,p. 42
( 2 ) Pour plus de détails, voir G. N'GANGO,op. cit.

144.
l'activité économique, notamment l'équilibre des budgets de~
colonies. Nonobstant les intérêts des colonies, l'Etat métro-
politain cède une grande partie des territoires coloniaux aux
hommes d'affaires privés, dans le cadre de la reproduction du
capital colonial. La raison en est tout à fait simple. Ainsi,
comme le remarque COQUERY-VIDROVITCH, la mise en valeur de ces
territoires eût exigé des investissements considérables en
hommes, argent, travaux d'infrastructures de toutes sortes
pistes, voies ferrées, aménagements fluviaux. L'Etat préféra
partager, en 1898-1900, le monopole et les charges de cette
exploitation entre quarante vastes sociétés concessionnai-
res ll ( 1). Si des avantages exorbitants sont ainsi concédés aux
sociétés concessionnaires dans la mise en valeur des colonies,
on peut tout de même affirmer que ces avantages sont assortis
de nombreuses obligations consignées dans les cahiers des
charges des concessions :
Il
Obligation d'établir leur siège social en France
Obligation d'attribuer au moins les trois quarts
des sièges du Conseil d'administration aux citoyens fran~
çais ;
- Obligation de recruter du personnel français dans
une très large proportion;
- Obligation de verser 15 % de. leurs bénéfices annuels
à
l'Etat;
- Obligation de verser des contributions pour l'éta-
blissement des postes de douanes et de contribuer à la cons-
truction et à l'entretien de plusieurs vapeurs fluviaux que
l'Etat peut requérir en cas de besoins etc ..• 11. (2)
( 1) .C. COQ UER Y;.V1DR 0VITCH, Lad cou ver t e de l' Af r i que, Ca hie r s
ë
d'études Africaines, Julliard, Paris, 1965, p.
(2) G. N'GANGO, op. cit. pp. 71-72.

1450
Toutefoi~, remarquons comment les sociétés concessionnai-
res peuvent-elles contribuer à la mise en valeur économique,
compte tenu de l'importance des différentes obl igations affé-
rentes à leur implantation, surtout que l'on sait que ce sont,
~prês tout, des sociétés guidées par des motivations de pro-
fit. Fondamentalement, la présence des sociétés concessionnai-
res se traduit par le monopole du commerce. Le primat accordé
aux investissements commerciaux n'excluait pas leur intérêt
aux autres domaines de l'activité économique, à savoir l'ex-
ploitation forestière, industrielle et minièreu
Mais, dans le cadre de la mise en valeur des colonies,
l'édification d'une industrie moderne et d'une agriculture
avancée n'interesse guère ces sociétés concessionnaires, car
deux objectifs hantaient ces sociétés, à savoir l'exploita-
tion des cultures commerciales et la maximisation des pro-
fits. Ainsi, à titre d'exemple, on peut illustrer ce double
objectif par la répartition des activités économiques selon
leur importance(l):
- 90 r, des terres sont réservées à la production des
cultures commerciales destinées au marché mondial. Il s'agit
du cacao, café, caoutchouc et ce, toujours, au profit des
sociétés concessionnaires;
- 6 r, des terres affectées aux productions commerciales
des habitants des territoires coloniaux;
~ 3 r, réservés aux cultures vivrières et 1 0/ aux
habitants.
En marge de l i expropri ation des terres par l'Etat co-
lonial au profit des sociétés concessionnaires, quelques
(1) Fu LEUNKEU, opu citu, p. 74~

146.
chiffres tentent de donner une image des capitaux investis.
C'est ainsi que l'ensemble des investissements réalisés par
ces sociétés coloniales, estimés à plus de 60 millions de
francs au Congo en 1907, dégageaient la concentration géogra-
phique suivante ( 1)
- capitaux français
- capitaux belges
15 , 6 S 0 ; t
2 5 :~
capitaux néerlandais
La concentration géographique des investissements des
sociétés concessionnaires donnent nettement le plus grand
avantage au capital français.
En ce qui
concerne l'ensemble
de l'Afrique Equatoriale française, les mouvements d'investis-
sements qui avaient atteint 10 millions de francs en 1898 se
sont élevés à 26,8 en 1908. Cette évolution s'est poursuivie
en 1911 gr&ce à un montant global de 41,S millions de francs.
Il est certain que la progression des capitaux étrangers sou-
ligne l'intérêt et l'importance qu'accordaient les métropoles
à
leurs colonies. Cela enchante Jules Ferry, pour qui, "les
colonies sont, pour les pays riches, un placement des plus
avantageux •.. L~ France, qui regorge de capitaux, a intérêt
à
considérer ce côté de la questiOn"(2). Sur cette base,
Ferry rejoint Lenine, notamment quand il avance que les colo-
nies constituent un placement des plus avantageux pour les
capitaux métropolitains. Mais la différence entre les deux
auteurs est que pour Lénine l'exportation des capitaux dans
les colonies élève, non seulement le niveau du taux de profit
(1) ~.~SURET-CANALE, L'Afrique Noire, l'ère coloniale 1900-
1945, op. cit. l'Etat du Congo comprenait outre le Congo
lui-même, le Gabon et l'Oubangui-Chari, devenu après
l'indépendance la République Centrafricaine.
(2) J. Ferry, cité par N'GANGO, op. c t t . , p. 51.

147.
des capitaux étrangers, mais surtout accentue le caractère
impérialiste de domination dans le but de reproduire les
inégalités et le sous-développement. Ici la reproduction du
capital étranger, à travers ses exportations, prend la forme
du capital marchand, c1est-à-dire un capital purement commer-
ci al.
Les quelques sociétés concessionnaires, assurant la
valorisation du capital colonial peuvent être récapitulées,
dans le tableau 3 qui nia rien d'exhautif. La préférence des
sociétés concessionnaires se justifie par l'existence d'un
monopole dans le secteur commercial ou plutôt par la con-
centration des investissements commerciaux au détriment de
ceux réalisés dans l t ex pl ot t a t t on forestière ou industrielle.
TABLEAU 3 - NOMBRE DE SOCIETES CONCESSIONNAIRES ET
LEUR CAPITAL AU CONGO
Capital
Nombre de sociétés
social
moyen en France
8
400 000
15
750 000
5
1 000 000
7
1 187 500
3
1 500 000
2
1 800 000
2
2 000 000
3
2 750 000
So uree
voir N'GANGO, op. ci t.

· '
148.
Contrairement aux comptoirs fortifiés et aux factoreries,
les sociétés concessionnaires étaient constituées sous forme
de sociétés anonymes ayant pour mission de créer et de ren-
forcer le monopole dans la production et le commerce de pro-
duits et services dans une zone déterminée de l'espace colo-
nial. Or, à partir de 1905, une mission envoyée au Congo par
l'Etat français, dévoile les abuts du système dit de conces-
sion qui profita, en grande partie, à ces dites sociétés.
L'atteinte a leurs avantages et privilèges aboutit à leur
échec qui amorça une nouvelle période, celle des investisse-
ments et de la création des grandes entreprises coloniales.
2"2" Grandes entreprises coloniales et concentration
du capital étranger
2.2.1. Tendances globales de la concentration
On ne commence effectivement à caractériser la concen-
tration du capital étranger dans les colonies, au sens précis
du terme, qu'à partir de l'implantation des grandes entrepri-
ses coloniales. Historiquement datées, ces sociétés coloniales
ont émergé de l'échec des structures anciennes d'accumulation,
ici les comptoirs fortifiés, des factoreries et des sociétés
concessionnaires. L'évolution de l'implantation du capital
étranger reflète le principe dialectique du nouveau qui nait
de l'ancien. Mais est-ce que l'émergence du nouveau, c'est-à-
dire les entreprises coloniales, a détruit les anciens rap-
ports de production, à travers de nouvelles modalités d'im-
plantation, ou au contraire, l'existence de ces sociétés
coloniales a reproduit les anciennes structures pour les

149.
réadapter aux nouvelles conditions d'accumulation du capital
colonial
imposées par l'impérialisme colonial. En effet, la
sectorisation du capital étranger dans les colonies, a tra-
vers la 'création des entreprises coloniales n'a opéré aucune
rupture avec la stratégie d'implantation de la pêriode précé-
dente parce que le secteur de prédilection du capital colo-
nial reste toujours les activités commerciales (le secteur
commercial)"
Cependant, à l'instar des activités purement commer-
ciales, les grandes sociétés coloniales s'intéressent secon-
dairement aussi aux autres branches de l'activité économique
où elles sont implantées, à savoir l'industrie et les finan-
ces. L'interpénétration du capital commercial, industriel et
financier, caractéristique particulière de la monopolisation
du capital colonial, a donné naissance à de grandes sociétés
commerciales qui sont de véritables trusts d'import-export.
Il s'agit, ici notamment de la Compagnie Française de l'Afri-
que Occi denta 1e (CFAO), l.a Société Commerci ale de l'Ouest
Africain (SCOA), la Compagnie du Niger Français et enfin la
Compagnie OPTORG. L'élément nouveau qui se dessine par rapport
aux modalités anciennes d'implantation est non seulement la
concentration du capital commercial, mais surtout l'investis-
sement réalisé par des sociétés coloniales dans les activités
industrielles et financières. Finalement, au risque de nous
tromper, c'est ~ partir de la dé16calisation de ces entrepri-
ses coloniales que la multinationalisation des entreprises
étrangères prend naissance en Afrique, mais précisons, à
dominante commerciale.

150.
Par conséquent, au lendemain de la deuxième guerre
mondiale, l'Afrique Equatoriale Française ne disposait d'au-
cune entreprise industrielle ou minière. Quant aux pays
d'Afrique tropicale française, l'existence embryonnaire d'un
tissu industriel s'exprimait
à
travers l'implantation de
quelques industries agricoles, industries métallurgiques tout
à fait secondaires.
quel que soit le lieu d'implantation des
activités étrangères, la mise en valeur ou la valorisation du
capital colonial accorde le primat au commerce; ce qui blo-
que les conditions réelles d'une accumulation primitive du
capital. A l'opposé des apologistes du capital étranger en
Afrique, O. Afana montre les caractéristiques de l'implanta-
tion étrangère au détriment d'une véritable délocalisation
industrielle par l'intermédiaire du capital productif. Il
justifie ainsi les tendances du capital colonial dans sa re-
production. A cet effet, pour lui, "prédominance des activi-
tés commerciales, déclin relatif des activités agricoles et
forestières, tendance à la diversification de la production
et à la transformation sur place de certains produits agri-
coles, mise en oeuvre de fonds plus importants par des socié-
tés plus nombreuses, pour la plupart de petite dimension,
telles sont les caractéristiques essentielles des investisse-
ments privés dans l'Ouest africain d'expression française du
début de la deuxième guerre mondiale aux premières années de
l'après-guerre"(I) •
Les investissements prfvés é~rangers proviennent
essentiellement de la métropole, mais également extramétro-
politaines. Ce dernief sera élucidé au paragraphe sur la
(1) O. AFANA, L'économie de l'Ouest Africain, Maspéro, Paris,
1966, pp. 136-137.
'~,....

,
·
151.
TABLEAU 4 - EMISSION DES SOCIETES FRANCAISES DONT
LF. 5IF.~E D'EXPLOITATION F.C:T PI f',FF nif AOF
Emission en millions de
Emission en millions
Années
francs métropolitains
de francs-or
1923-24
119,9
26,5
1925-26
11;9,3
2 fi , 1
1927-28
537,0
85,9
1929-30
761,7
129,4
1931-32
fi3,7
13,2
1933
18,2
4,7
1934
22,7
6,0
1935
9,5
2,8
1931i
9,3
2,3
1937
154,1
27,3
1938
3,8
0,6
1939
0,1
1940
2,0
0,2
1941
95,3
10,5
1942
46,9
4,7
1943
34,5
2,5
1944
89,0
5,9
1945
183,5
6,1
1941i
572,4
12,2
1947
826,6
13,8
1948
1 617,8
15,0
1949
1 561,1
14,4
Source
G. N'GANGO, op. c t t , , p. 116
concentration géographique. Mais avant d'apprécier l'origine
de la concentration, nous allons tenter une êva1uation globale
~~s .capitaux in ve s t is. dans leurs grandes tendances. D'ailleurs,
du point de vue volume, il est difficile de donner une évalua-
tion approximative de ces investissements, compte tenu de la
rareté des données statistiques. Même -si ces dernières·

N
ll'>
.....
TABLEAU 5 - CONSTITUTION DE SOCIETES ET AUGMENTATION DE CAPITAL EN AFRIQUE
NOIRE DE 1949 à 1953 (million FCFA)
1
REGIONS
1949
1950
1951
1952
1953
S
C
S
C
S
C
S
C
S
C
1. CONST ITUTI ON
AOF
171
1139,2
158
541,0
171
761,0
151
1146,1
163
708,5
TOGO
-
-
-
-
-
-
4
12,3
4
17,7
CAMEROUN
41
91,6
78
334,0
94
770,2
92
399,7
91
145,3
AEF
91
270,2
128
489,4
104
331,6
72
359,3
83
467,8
TOTAL
303
1501,0
364
1364,4
369
1862,8
319
1914,4
341
1339,3
2. AUGMENTATION
AOF
86
1477 ,3
67
1237,5
75
2873,2
65
1634,6
82
1761,4
TOGO
-
-
-
-
-
-
1
55,0
6
206,6
CAMEROUN
21
277 ,6
30
434,4
48
829,3
44
1069,3
43
896,4
AEF
40
483,7
50
1308,8
42
1578,6
33
1167,1
38
708,6
TOTAL
147
2238,6
147
2980,7
165
4481,1
143
3927,0
169
3573,0
TOTAL GENERAL
450
3739,6
511
4345,1
534
6343,9
462
5844,4
510
4912,3
Source: G. N'GANGO. Op. cit. p. 118
S = Nombre de sociétés
C = Capital' souscrit

153.
existaient, un autre problème surgit, celui de leur impréci-
sion liée au caractère contradictoire des sources. Néanmoins,
le premier bilan, établi par N'GANGO à partir du volume des
émissions françaises pour l'ensemble de l'AOF et l'AEF, té-
moigne de l'investissement des capitaux étrangers en Afrique
entre 1923 et 1949 (Tableaux 4 et 5).
TABLEAU fi
EVOLUTION DES INVESTISSEMENTS ETRANGERS
EN AFRIQUE 1908-1959 (millions de dol1aes
1908
1914
1919
1924
1929
1935
1950
1959
Investissements
5
13
31
58
102
93
352
843
directs
Investissements
0
0
0
0
17
33
-
-
de portefeuille
Source
G. N'GANGO, op. cit, p. 124
Les traits caractéristiques de la concentration du
capital colonial n'est pas tellement l'investissement de ce
dernier à travers son évolution de période en période, comme
le montre à titre indicatif le tableau 6. Bien que le volu-
me des investissements direct ait évolué, passant de 5 mil-
lions de dollars en 1908 à 93 en 1935 avant d'atteindre 843
millions 25 ans après, ilne faudrait pas oublier de souli-
gner donc la faiblesse relative de ces investissements étran
gers, car le volume global de 843 millions de dollars alloué
à toute l'Afrique pour la période de 1908-1959 est insigni-
fiant pour permettre la mise en valeur économique du conti-
ne nt. Quoi
qu' i l e n soi t, l a te ndan c e duc api ta l colon i al
est 1e reflet des tendances global es de l' investissement

154.
international au profit des pays développés à économie de
marché où se fait la plus grande concentration du capital
étranger.
2.2.20 Concentration géographique des capitaux
coloniaux
Les tendances du capital étranger privé dans les colo-
nies a montré la prépondérance des capitaux d'origine métro-
politaire, c'est-à-dire des investissements français. Outre
ces derniers, on note la présence de capitaux américains, an-
galis, belges et hollandais. Néanmoins, le fait de reconsidé-
rer l'investissement français dans l'empire colonial ne se-
rait pas peine perdue car, à travers sa concentration géogra-
phique, on aboutirait à comprendre la stratégie coloniale
selon les zones d'exploitation coloniale. En effet, la compa-
raison entre l'investissement public et l'investissement privé
est un indicateur d'appréciation de la stratégie d'implanta-
tion étrangère dans les colonies. Ainsi, en 1914, llinvestis-
sement public était de loin supérieur à l'investissement privé
dans les colonies françaises. La proportion
de supériorité
variait entre 50 et 80 % de l'ensemble des capitaux étrangers
investis. En 1940, la tendance est faussée, contrariée. De
ce fait, l'investissement public qui atteignait près de 70 %
en moyenne pendant la période de 1914, n'en représentait plus
que moins de 25 ~ en 1940. A première vue, on pourrait s'éton-
ner sur le renversement des tendances au profit du capital
privé étranger. Arrêter la réflexion à ce niveau sans cher-
cher à s' interroger sur l es rapports entre l' accumul ati on
publique et privée reviendrait à ignorer le rôle que l'Etat

155.
a joué dans la vie coloniale des territoires considérés. Comme
le fait si bien remarquer Marseille, de par "ses 1nterven-
t i ons , l'Etat a frayé
la route à l'investissement privé. Les
capitaux privés n'ont pas toujours été présents aux débuts
de l'entreprise coloniale. Mais la perspective du profit était
préparée et sauvegardée grâce aux investissessements publics"(l)
Donc, le rôle moteur de l'Etat a été décisif dans la repro-
duction du capital privé, d'autant que ce rôle a consisté en
général à la prise en charges des dépenses d'infrastructure
et d'équipement nécessaires à la rentabilité du capital co-
lonial.
Par ailleurs, du déséquilibre entre les capitaux pu-
blics et privés, il ressort nécessairement une concentration
du capital privé en Afrique du Nord qui accueille, à elle
seule, près de 60 % du total des investissements privés dans
les territoires coloniaux. Elle est suivie de l'Indochine
avec 18 %. L'Afrique qui concerne spécifiquement cette étude,
ne reçoit que près de 13 0/, des investissements privés colo-
niaux français, du moins en 1940. Cette proportion est très
faible au regard des contraintes de mise en valeur liées aux
insuffisances des infrastructures économiques, à la popula-
tion sans cesse croissante et surtout la mise en production
des richesses du sol et du sous-sol.
En revanche, l'évaluation des investissements directs
d'origine extramétropolitaine en Afrique francophone permet
de suppléer le capital métropolitain bien que ce dernier ait
(1) y. MARSEILLE, La politique métropolitaine d'fnvestisse-
ments coloniaux dans l 'entre-deux-guerres, op. ciL, p.389

156.
TABLEAU 7
REPARTITION GEOGRAPHIQUE DU CAPITAL COLONIAL
FRANCAIS EN 1914 ET 1940 {e n ;:)
1914
1940
Terri toi res
Privé
Public
Privé
Publ i c
Al géri e
31,7
68,3
88,3
11,7
Maroc
48,5
51,5
26,4
73,6
Tunisie
-
-
43,7
56,3
Indochine
35,2
64,8
73,5
26,5
Ouest-Africain
16,5
83,5
65,7
34,3
Madagascar
-
-
75,5
24,5
Autres colonies
44,8
55,2
62,3
37,7
Total ..
30,7
69,3
76,3
23,7
Source
J. Marseille, La politique métropolitaine d'inves-
tissements coloniaux, dans l'entre-deux-guerres, in
la position internationale de la France, Ecole des
Hautes Etudes in Sciences Sociales, Paris, 1977,
p. 389.
TABLEAU 8
REPARTITION DES INVESTISSEMENTS PRIVES
AUX COLONIES DE 1914 A 1940 (%)
Territoires
Avant 1914
1914-30
1931-35
1936-40
Total
Indochine
20,5
58,8
10,9
9,8
100
Afrique Noire
-
80,6
8,9
10,5
100
Maroc
-
87,0
-
13,0
100
Source
J. MARSEILLE, La politique métropolitaine d'inves-
tissements coloniaux, op. cit., p. 391.

157.
toujours gardé le monopole des activités économiques. Dans le
cadre de l'investissement du capital privé américain, les
tendances à la concentration sont plus fortes et accentuées en
AOF qu'en AEF. Ainsi, la proportion moyenne de la concentration
est estimée à 81 0/ en AOF pour la période 1950-1959 contre 19 ;;
en AEF. Par ailleurs, les capitaux américains se rencontrent
essentiellement dans la Compagnie Française du Niger, la Compa-
gnie Française de la Côte d'Ivoire, la Compagnie Diamantifère
de l'Oubangui Oriental, sans compter les 9 millions de dollars
investis en AOF dans le Petroleum Terminals et les 48,5 S des
actions de FRIA en Guinée(l).
TABLEAU 9 : CONCENTRATION DU CAPITAL PRIVE AMERICAIN
DANS LES TERRITOIRES COLONIAUX
REGIONS
1929
1936
1943
1950
1957
1959
AOF
100
-
100
73
79
90
AEF
-
-
-
27
21
10
TOTAL
100
-
100
100
100
100
Source
Calculé d'après les statistiques du Département
of Commerce, USA.
Enfin, l'origine extra métropolitaine des capitaux
étrangers ne laisse pas indifférents les concurrents de la
France. Les premiers furent les Anglais dont les investisse-
ments se réalisent spécialement dans FRIA (10 ~ du capital so-
cial) sans omettre un grand nombre d'entreprises telles que
HATTUN & COKSON Ltd, UNITED AFRICACOMPANY, JOHN WALKER and Co,
G.B. OLLIVANT SA, KING Limited, etc ..• Quand aux participations
(1) G. N'GANGO, op. cit., p.119.

158.
hollandaises, elles sont concentrées dans la Société Industriel-
le et Agricole du Niari et la Compagnie Minière de l'Ogmé(I).
Au fond, la concentration géographique du capital
dans les territoires coloniaux met en relief l'intensification
et l'interpénétration des investissements privés d'origine ou
non métropolitaine. Les grandes tendances dans la politique
coloniale militent en faveur des capitaux français au détri-
ment des américains et des anglais. Mais, l'élément nouveau de
cette période coloniale est l'atteinte au monopole du capital
français bien que ce dernier commande l'internationalisation
du capital dans les colonies. Pour être plus clair, la multi-
nationalisation des entreprises étranqères s'exerce sous l'égi-
de du capital français dans le cadre de la valorisation du
capital commercial.
2.2.3. Concentration sectorielle des capitaux coloniaux
La répartition sectorielle de l'investissement privé
étranger colonial se présente de manière très différente selon
l es structures économi ques des terri toi res. Tandi s que l a con-
centration du capital colonial est très forte dans le secteur
commercial en Afrique Noire de 1914 à 1940, on constate une
orientation, toutefois, vers les secteurs industriels et les
plantations en ce qui concerne l'Indochine. Quant à Madagascar,
--
l-e sin v--:e s t i s seme n t s ré a lis é s dan s les soc i été s de t ra ns por t s
-
-
sont de loin supérieurs à ceux effectués dans les autres sec-
- -teu rs (léibTeâU--9).
-------------
(1) G. N'GANGa. Idem. p. 120.

159.
Si on s'écarte de la répartition sectorielle géogra-
phique du capital colonial pour, finalement, nous consacrer
uniquement à l'étude du capital étranger industriel en Afri-
que Noire, on constate que, malgré la suprématie ou la forte
concentration du capital étranger dans le secteur commercial,
le tableau 10 montre une poussée assez importante des inves-
tissements vers les entreprises industrielles. Ainsi, la part
affectée au secteur industriel est passée de 6,2 ~ en 1914 à
Il,4 ~en 1940. Bien que cette part soit insignifiante par
rapport au capital colonial commercial, elle dénote néanmoins
la volonté de la métropole à s'engager dans la voie de mise
en valeur industrielle des colonies, même si cette dernière
obéit à la logique du capital métropolitain. L'évolution de
l'investissement industriel explique donc la nouvelle tendan-
ce dans la politique métropolitaine en matière d'investisse-
ment, dans la mesure où elle est faite au détriment des au-
tres secteurs, à savoir les mines (11,5 0/; à 8 %), le trans-
port (9,8 0/, à 4,7 %) et surtout les exploitations (23 % à 9,5
9,5 %) pendant la période considérée, c'est-à-dire 1914 et
1940. Pour Jo Marseille, nous devons l'évolution de l'inves-
tissement industriel étranger aux capitaux investis par les
plus grosses entreprises industrielles. Il s'agit, dans l'or-
dre, de la Société Française d'Entreprise de Dragages et de
Travaux Publics, de l'Union Electrique Coloniale, de la Compa-
gnie Générale des Colonies, de la Compagnie des Eaux et Elec-
t ri c i té de l' 0ue s t Af r i ca i net de laC 0 mpagnie C0 ton ni ère
Equa t 0 ri ale Fra nça i s e_ (: .).__
(1) J.MARSEILLE, La politique métropolitaine d'investisse-
ments coloniaux dans l'entre-deux-guerres, op. cita p.394.

TABLEAU 10 - CONCENTRATION SECTORIELLE DES INVESTISSEMENTS
PRIVES {~q
Afrique Noire
Indochine
Madagascar
Secteurs
1914
1940
1914
1940
1940
Conmerce
36,5
43,0
9,3
12,2
19,2
Industrie
6,2
11,4
13.8
20.0
18.7
Plantations
1.5
Il,8
27.4
27.4
12,7
Mines
11 ,5
8.0
5,4
12.5
14.4
Transports
9.8
4.7
15.2
12.9
28.1
Expl oitati on fores-
ti ère
23.0
9.5
-
-
-
Elevage
-
0.3
-
-
-
Banques
11.5
7,3
27,9
8,8
-
Sociétés Irrmobi-
l ières
-
4,0
1.0
6.2
6,9
TOTAL .
100,0
100.0
100,0
100.0
100.0
Source
Jo MARSEILLE, op. cit •• po 393
TABLEAU 11
REPARTITION PAR SECTEUR DES CAPITAUX
PRIVES FRANCAIS INVESTIS EN AFRIQUE
TROPICALE FRANCAISE (~)
Secteurs
1900-1940
1947-50
1958
Commerce
39
44
36,5
Banques et assurances
6
5.2
1 ,2
Industri es de trans-
forma t ion
13,1
18,4
27,6
Mi nes
7,5
10,4
24,5
Agri cul ture et forêt
30,8
5,2
8,8
Transports
3,6
4,9
1,4
TUTAt-: ..
100,0
100,0
-
100,0
Source: J. SURET-CANAU,Afrique Noire: de la colonisa-
tion alLX--i-naépendances 1945-1960, op. c i t ,
--p-p·~8- 390

161.
Toutes choses égales par ailleurs, la différencia-
tion sectorielle géographique du capital métropolitain reflète
bien les caractéristiques de la délocalisation industrielle
décrites dans le cas du Tiers-Monse en général ou les firmes
multinationales délocalisant certaines de leurs activités
industrielles selon les zones d'intérêts privilégiées. De
plus, cette différenciation des systèmes productifs a eu un
impact déterminant sur le faible niveau actuel de développe-
ment industriel de l'Afrique Noire.
Cependant, la répartition par secteurs des capitaux
privés français investis en Afrique Tropicale Française
milite en faveur d'un début d'industrialisation du continent
africain surtout aux lendemains des indépendances. L'appari-
tion tardive de ce début d'industrialisation s'exprime à tra-
vers deux grands domaines d'intervention du capital français:
d'une part, la concentration des investissements dans l'exploi-
tation minière sanctionnée par la création de grandes entre-
prises minières: fer (MIFERMA), phosphates togolais et sénéga-
lais, manganèse et pétrole gabonais, etc •••
j
d'autre part,
surtout, l'implantation d'industries situées dans les cir-
cuits de l'économie de traite: industries de substitution de
bière, eaux gazeuses, industries alimentaires, textiles et de
montagne(l) ~ C'est ainsi que l'on peut expliquer la réorienta-
tion des investissements dans le secteur industriel au détri-
ment du secteur commercial qui
conna't une baisse relative en
1958 compensée par une progression des capitaux étrangers dans
les ind.YS_ULas.4.e--transformation. Estimée à 13~; pendant la
(1) J. SURET-CANALE, Les t nve s t i s sement s en Afrique Tropicale
in Connaissance du Tiers Monde, UGF 10/18, Paris~ 1978.

162.
période 1900-1940, les investissements industriels accusent
une évolution de 18,4 r, en 1947-1950, avant d'atteindre 27,6 r
en 1958, soit plus du double de la proportion en 1900-1940(1).
Il peut y avoir dans cette évaluation des capitaux industriels
un élément d'incertitude concernant l'estimation réelle ou
approximative des investissements étrangers, compte tenu sur-
tout des périodes considérées et de l'existence de données
statistiques contradictoires liés aux intérêts coloniaux en
présenec. Néanmoins, les statistiques existantes convergent
toutes vers une réorientation
du capital colonial dans le
secteur industriel qui connait une augmentation de ses inves-
tissements au détriment des autres secteurs, en particulier le
commerce. De ce point le vue, pour l'AOF, J. Lecai1lon(2), es-
time l'apport de capital privé, entre 1947 et 1950, à 10,3
milliards de francs CFA, dont environ 26,9 % sont réalisés
dans le secteur industriel
(industries alimentaires 12,5 %, le
secteur minier 8,5 ~ et les autres industries de transforma-
tion 5,9 %). Quelles que soient les différences quantitatives
qui caractérisent les estimations des investissements coloniaux,
il se dégage toujours la concentration des activités des entre-
prises étrangères dans le secteur commercial au détriment des
autres secteurs de l'économie, notamment le secteur industriel
dont le blocage par le capital français demeure encore réel
aujourd'hui(3). Au-delà de certaines tendances nouvelles favo-
rab1es à l'investissement industriel, "les entreprises commer-
~iales conservent et même renforcent leur rrépondêrance, ce
-------------
(1) J. SURET-CAN!l[, ,1\\fr:i que Noire: de la colonisation- aux
-i n-d ê pen dan ces 194 5- 19f5 0 , op. ci t •
(2) J. LECAILLDN, Les incidences économiques et financières du
Code du Travail des Territoires d'Outre-Mer, Revue de
Sciences et de Législation financières, Paris, 1954, pp.
688-715
(3) J. SURET-CANALE, Les investissements en Afrique Tropita1e,
in Connaissance du Tiers Monde, op. cit.

163.
ce qui aggrave les méfaits de l'économie de traite: pas de
réinvestissement des bénéfices réalisés sur place, aucune in-
tervention dans le domaine de la production, érosion du sol,
migration de main d'oeuvre, abandon des cultures vivrières,
prix élevés des produits exportés au détriment à la fois des
producteurs africains soumis au monopole d'achat des grandes
sociétés commerciales et du consommateur français, victimes
du monopole de vente"(l).
Par ailleurs, avec l'emprise de l'économie de traite,
"les Africains furent bientôt éliminés, supplantés par les
grandes firmes d'import-export, à tous les niveaux
aussi
bien, au départ, à celui de la collecte des produits qu'au
retour à celui de la vente au détail des biens manufacturés
importés. Les principales instaurèrent, sur de vastes terri-
toires, par absorption ou par accord tacite, un monopole de
fait qui leur permit d'imposer et surtout de maintenir des
prix d'achat très bas. Elles laissèrent les paysans désarmés
tant qu'ils ne tentèrent pas de s'organiser: l'United Afri-
can Co, branche africaine de l'Unilever, assurait en 1940 en-
viron.40 % du commerce extérieur du Nigéria ; la CFAO (Compa-
gnie Française d'Afrique Occidentale) et la SeOA (Société
Co mm e r ci ale de l' 0uest Af r i ca in), f 0 ndéeau t 0 ur nan t du XXe
siècle, représentaient à elles deux, en 1945, plus de 80 % de
la capitalisation boursière de l'ensemble des firmes occiden-·
tales de l'Afrique noire française, sans compter leur impact
au Nigéria"(2). Comme on le constate, ce sont ces sociétés
..
d'import-export qui ont reproduit les mécanismes d'accumulation
(1) J. MARSEILLE, La politique métropolitaine d'investisse-
ments coloniaux, op. cit.,p. 394.
( 2) ç..__~.9PLI ~ RY-: V1DliOJ J Tr. H, Eco nom i e de t rai tee t mini ère des
investlssements en Afrique Noire, HERODOTE, nO Il
Juillet-Septembre 1978, pp. 72-73.

164.
du capital sur la base de la logique de l'économie de traite,
au détriment de la structure globale de l'économie coloniale
caractérisée par un échange entre deux systèmes irréductibes
l'un à l'autre en raison de leur production hétérogène: de
part et d'autre, selon S. AMIN, l'échange n'a pas la même si-
gnification : côté européen, l'objet se définit par sa valeur
marchande, côté africain, par sa valeur d'usage(1).
En définitive, on peut dire que la délocalisation in-
dustrielle était au stade embryona~re à l'époque coloniale,
voire limitée à la simple transformation de produits primaires
exportés du fait de la faible proportion des investissements
privés dans le secteur industriel. L'industrialisation des
colonies est peu développée car les industries existantes
étaient toutes non rentables; elles sont trop faibles pour
devenir concurrentielles sur le plan mondial. La participation
d'un investissement national privé reste mince et surtout
très dépendant du capital international parce que "la mise en
valeur de l'Afrique Noire se limitait à l'économie de traite
et cette économie commerciale était laissée aux mains des gros-
ses firmes d'import-export, qui approvisionnaient le pays en
articles manufacturés européens et qui exportaient en échange
des produits bruts, en majeure partie agricoles, fournis par
les indigènes dans l'économie traditionnelle, mécanisme accen-
.tua n.t ra--fa-ib-le propension à investir"(2). La faiblesse des
systèmes productifs, due donc à l'insignifiance des
-- - - -;;;---------
( 1 ) S. .M'IIN, L'impérialisme et le développement inégal, Edi-
tions de Minuit, Paris,'1976, p. 193.
( 2 ) C. COQUERY-VIDROVITCH, A propos des investissements fran-
çais outre-mer: l'exemple de l'Ouest Africain 1910-1965,
in la position internationale de la France, Aspects écono-
miques et financiers XIXe-XXe siècles, Ecole des Hautes
Etudes en Sciences Sociales, Paris, 1977, p. 417.

165.
investissements industriels, limitait toute accumulation et
tout progrès technique indispensables à l'émergence d'un tissu
industriel intégré et intégrant, La priorité accordée aux in-
vestissements productifs explique cet état de chose dans la
mesure où la reproduction simple se situe globalement dans le
commerce d'import-export, et non dans le processus productif.
Bref, l'évolution historique des investissmeents
étrangers, surtout français, dans les colonies d'Afrique Noire,
montre les différentes étapes qui ont marqué la politique de la
métropole dans ces colonies. Avec la décolonisation, on assiste
à de nouvelles tendances dans la politique de la métropole,
en matière d'investissement, caractérisées par la concentra-
tion des investissements dans le secteur industriel de mise en
valeur des ressources nationales.
SECTION 2 - DESENGAGEMENT OU CAPITAL COLONIAL, EVOLUTION DE
L'INVESTISSEMENT DIRECT ETRANGER ET STRATEGIES
DES FIRMES MULTINATIONALES
L'analyse historique des investissements étrangers en
Afrique Noire Francophone montre la forte concentration du
capital
dans le secteur commercial, et secondairement dans
l'agriculture et les mines. Cet état de choses explique le
retard industriel ou la sous-industrialisation de l'Afrique
comparativement aux autres PVD. Mais, aprês les indépendances,
les données du problème semblent changer en faveur d'une réo-
rientation des stratégies d'implantation du capital étranger
dans cette zone. Pour élucider ces nouvelles tendances, nous
allons orienter la discussion vers trois directions: le
désengagement du capital colonial et redéploiement du capital

166.
étranger vers le secteur industriel; ensuite, la concentra-
tion du capital étranger et modialisation de la production en
Afrique Noire Francophone (ANF) ; et, enfin, les stratégies
d'implantation des firmes multinationales.
1. De la colonisation aux indépendances: les carac-
téristiques industrielles des économies africain~~
LI.
Désen a ement du ca ital colonial et redé loie-
ment vers
e secteur lndustriel
En Afrique Noire Francophone, l'activité économique
principale, au temps colonial, se définissait par le monopole
des échanges commerciaux contrôlés par certaines sociétés
d'import-export telles, rappelons-le, CFAO, SCOA, UNILEVER. Les
colonies représentaient des marchés potentiels directement liés
à la métropole et sur cette base, toute stratégie consistant à
la création d'usines était exclue. Donc, comme on le constate,
la politique coloniale est à l'origine du retard de l'indus-
trialisation de 1 'Afrique(I). Cela veut dire clairement, au
regard de la typologie des entreprises africaines(2), que la
nature des activités économiques concerne, prioritairement,
la concentration du capital marchand caractérisée par les
transactions agro-exportatrices et commerciales.
Toutefois, après les indépendances, on assiste à une
nouvelle orientation de la politique dela métropole à l'égard
--des-----nQI,L'Lea_ux---Et-ats en mati ère d' i l'Ive s t i s seme nt. Ai 1'1 si, on ob-
serve un dégagement des sociétés coloniales, imposé par la
(1) William F. STEEL, Les problèmes d'industrialisation en
Afrique au Sud du Sahara, in Dossier sur l'industrialisa-
tion des ACP, courrier ACP/CEE l'ID 88, novembre-décembre 1984
(2) P. HUGON, essai de typologie des entreprises africaines, in
Entreprises et Entrepreneurs en Afrique, Tome 1,
L'HARMATTAN, Paris, 1983.

167.
conjoncture du moment. D'après GRELLET t "avec l'indépendance
les grandes maisons d'export-import voient leur monopole com-
promis, Les nouveaux Etats à la recherche de recettes fiscales
renforcent les taxes à l'importation. Ceci eut pour conséquen-
ce un renversement de la stratégie des firmes d'import-export.
Celles-ci implantèrent en Afrique des unités de production de
façon à conserver un monopole sur les marchés nationaux t mono-
pole renforcé par la protection douanière"(1). Ce r t e s , l'impo-
sition des droits de douane fut l'un des mobiles de la straté-
gie productive des sociétés mais il ne constitue qu1un aspect
secondaire du problème car le retard accusé par la France dans
le cadre du redéploiement industriel imposé par le développe-
ment du capitalisme à l'échelle mondiale explique surtout la
négation de la stratégie purement commerciale. Et comme le
fait remarquer PALLOIX t le redéploiement du capital colonial
vers le secteur industriel traduit le déplacement de la sphère
de ciruclation marchande sur la circulation caPitaliste(2).
Ainsi tdonc t1e désengagement du capital colonial et
son redéploiement vers d'autres secteurs économiques explique
la reconversion de ce dernier et son orientation vers de nou-
veaux pôles d'accumulation(3). c'est-à-dire t principalement
vers les activités minières et industrielles. Il s'agit t no-
ta ml11 e nt t à par tir de 196 0 t des i ndus tri es l é gère s de val 0 ris a -
tion de matières premières agricoles et minières. Pourtant t
la concentration du capital_comm~rrcial et capital industriel
--
- - - - -
- - ~
( 1 ) J. GRELLET t Les structures économiques de l'Afrique Noire t
IEDES t Collection du Tiers Monde t PUFtParis t 1982 t p. 75.
( 2 ) C. PALLOIX t Les firmes multinationales françaises implan-
tées dans le Tiers Monde et L' e conomi e du crédit, interna-
tional t in Colloque La France et le Tiers Monde t PUG 1979
( 3)
P. HUGON t L'Afrique Noire Fr an co phone , l'enjeu économique
pour la France t Politique Africaine t n° St Paris Fë v , 1982.

168.
qui fonde le faible niveau d'industrialisation de l'ANF par
rapport aux autres PVD, principalement l'Amérique Latine et
l'Asie du Sud-Est.
1.2" Faible niveau d'industrialisation de l'Afrique
par rapport aux autres PVD
L'Afrique Noire Francophone demeure la région du
monde la moins industrialisée car sa part dans la production
industrielle mondiale est très faible de l'ordre de 0,5 ~.
Cette réalité cruciale amène à se demander pourquoi ce faible
niveau industriel et quels sont les mobiles qui
fondent ce
retard. Nous pensons que c'est du côté des structures des
"économies africaines, mises en place par l'impérialisme qu'il
faille chercher les raisons profondes de la sous-industriali-
sation. Il s'agit, entre autres, des mobiles suivants:
a)
L'Afrique Noire Francophone est spécialisée dans
la production des matières premières agricoles et minières.
Une telle stratégie connait "un blocage relatif de l'accumula-
tion se traduisant par une faible diffusion des progrès de
productivité et d'accroissement des revenus de travail permet-
tant un élargissement du marchétl(l). Le blocage de l'accumula-
tion et sa diffusion sur l'ensemble de l'économie existent
parce que "l e s pays européens gardent le monopole technologique
et industriel, les pays africains se spécialisent dans les
plantrtfons et les matières premières tl ( 2 ) . La nouvelle divi-
sion internationale du travail n'est pas pour demain.
- -~~~-==--~-----~-
(1) P. HUGON, Crise économique et vulnérabilité externe en
Af r ; que Sub- s a ha rie nne, Ca hie r de l' I SM EA, s é rie P., n a 28
Paris, 1984, p. 162.
(2) Dossier, L'Afrique du Colonialisme aux multinationales,
Parole et Société, n° 4-5, Paris 1979, p. 219.

169.
b) Fondamentalement, l'industrie africaine reste
fortement concentrée dans le secteur minier; La valorisation
de ce secteur montre la forte participation du continent afri-
cain dans la production mondiale de certains minerais. Ainsi,
donc, sa production mondiale représente 45,3 ~ pour le cobalt,
57,5 c~ pour l'or, 66 'S pour le diamant, 22,5 Of pour les phos-
phates, 17,5 ~ pour le cuivre et le manganèse et 10 ~ pour
le Pétrole(l)"
c) Enfin, le capital étranger s'oriente de plus en
plus vers les secteurs du commerce traditionnel et des mines
au détriment des industries manufacturières. On retrouve là
"une ligne de pente de l'impérialisme français soucieux de
contrôler ses sources d'approvisionnement, de préférence dans
les zones d'influence traditionnelles: phosphates du Maroc,
du Togo et du Sénégal
; fer de Mauritanie et du Brésil, manga-
nèse du Gabon et d'Afrique du Sud; cuivre de l'ensemble
Zaire-Zambie, d'Afrique du Sud; chromite de Madagascar;
alumine et aluminium de Guinée et du Cameroun; manium du
Niger"( 2).
Finalement, ces faits montrent que la politique in-
dustrielle sous.l'égide du capital international est avant
tout de mettre en valeur les secteurs industriels situés en
amont des industries du centre et de ce fait, la création
d'une industrie de biens de production et de biens intermédiai-
res ni intéresse guère le capi tal étranger, du moins pour l' ins-
tant. D'où la nécessaire et reproduction des industries de
(1)
Z. HAQUANI~ Industrialisation et commerce du Tiers Monde 9
Documentation Française, n° 4808, Paris, 1986, p. 40.
(2)
Mo BEAUD, Unité et diversité du Capitalisme français à
l'égard du Tiers Monde, in la France et le Tiers Monde,
op. c i t , , p. 59.

170.
substitution aux importations comme une réponse à la crise de
l'accumulation du capital fondée sur les biens primaires.
1.3. La délocalisation industrielle concerne effec-
tivement la création d'industries légères
orientées vers la demande domestique
Contrairement aux autres régions du Tiers Monde
(Amérique Latine et Asie du Sud-Est), la délocalisation in-
dustrielle vers l'Afrique Noire Francophone se caractérise
fondamentalement, rappelons-le, par la présence ou l'implan-
tation des industries légères de valorisation de matières pre-
mières locales et de substitution aux importations.- Quand on
essaie de comparer cette stratégie à celle liée à la promotion
des exportations, phase ultime de la nouvelle division inter-
nationale du travail, on remarque que nos pays sont en dehors
du processus global de mondialisation car leur articulation
au centre s'explique essentiellement par les rapports de l'an-
cienne division internationale du travail. Ce fait est illus-
tré par la faible part de l'Afrique dans la production et les
exportations mondiales de produits manufacturés. Ainsi, de
1960 à 1980, le ratio Exportation/Production est passé de 0,47%
en 1974 à 0,37 % en 1980(1), confirmant une fois de plus la
faible industrialisation du continent.
Comme on s'en aperçoit, le processus d'industrialisa-
tion par la promotion des exportations touche très peu l'Afri-
que Noire Francophone. Au plan sectoriel, l'industrie afri-
caine est composée essentiellement des secteurs produisant du
sucré, des-allumettes,-dutabac, des articles de quincaille-
rie, des peintures et vernis, des 5ecteurs de la confiserie,
(1) Z. HAQUANI, Industrialisation et Commerce extérieur, op. cit

171.
de la brasserie, confection, des ateliers de montage d'une
part, et des industries de transformation de produits agri-
coles (huilerie, torréfaction du café et du cacao, conserve-
rie) d'autre part. De manière globale, à l'instar du secteur
industriel minier, l'industrie africaine s'inscrit dans un
processus d'accumulation dépendante.
a) D'abord, la substitution aux importations dépend
largement des imputs étrangers et le plus souvent utilise une
technologie qui n'est que la reproduction des technologies
occidentales(l), souvent dépassées ou standardisées. Le type
d'industrie a peu d'effets entraînant car sa
diversification
sur une plus grande échelle dépend de la taille du marché
(économi~ d'échelle) et donc du marché intérieur (solvabilité
de la demande domestique). Or connaissant la balkanisation de
l'Afrique Noire, cette industrialisation légère ne peut avoir
que des limites objectives sinon que c'est au niveau régional
et sous-régional que s'inscrit son dépassement, mais ceci
doit entraîner nécessairement une remise en cause des diffé-
rentes politiques de développement. Pour l'instant, disons que
la baisse du pouvoir d'achat des pays africains et le niveau
de la vente agricole ou minière annoncent "le plafonnement du
processus d'industrialisation par substitution aux importa-
tions u(2) •
b ) Quand au secteur industriel
agro-alimentaire, sa
logique est différente de la précédente. Bien au contraire,
------------.........--
( 1 ) J. GRELLET, Les structures économiques de l'Afrique Noire,
op. cit.
( 2 ) A. FAIRE, Les perspectives industrielles en Afrique, in
l'Avenir industriel de l'Afrique, op. ct t , , p. 145.

172.
elle dépend en grande partie de la production locale de matiè-
re promière agricole. La baisse de la production de ces der-
nières limite l'extension de ce type d'industrialisation.
En définitive, la délocalisation industrielle défi-
nie sous sa forme simple autour des deux types de secteurs
industriels, mais principalement le secteur des industries
légères de substitution, est le fait du capital étranger sous
l'égide des firmes multinationales qui "profitent d'une situa-
tion monopol istique à l'abri d'une protection douanière très
forte et qui ne peut qu'assembler que des pièces détachées
produites en France et au Japon"(1). C'est pourquoi la consti-
tution d'unités économiques sous-régionales, par exemple la
CEAD, ne peut que garantir et renforcer la rentabilité de ces
firmes. En outre, la mise en place de telles industries exige
peu de capitaux et c'est ce qui explique la faible concentra-
tion du capital international en Afrique Noire francophone
par rapport, toujours, aux autres PVD (Amérique Latine et
Asie du Sud-Est).
2/ Faible conc~ntration du capital international
et concentration capitaliste
Le développement de la crise de l'économie mondiale a
accentué les tendances à un renforcement de la différencia-
tion des systèmes productifs périphériques avec une nette
démarcation des pays nouvellement industrialisés (Brés,l,
Corée du Sud •• ~). L'Afrique, tout au moins celle du Sud du
Sahara, échappe à cette logique ou stratégie. Dans le cadre de
l a mon dia lis a t ion de l' é co nom i e, el l e est i nté gré eau pro ces sus
(1) J. GRELLET, Les structures économiques de l'Afrique Noire,
op. dt., p.ll.

173.
de dé10ca1isation(1) d'unités de production de biens bana1isés
et contrô1és par 1es firmes mu1tinationa1es (sous-branches
l e ct r i que s , de L' e ut omob t l e , de l a mécanique) d'une part, et
ë
de secteurs appartenant aux industries monop01istes du centre
(texti1es, habi11ement, cuirs et chaussures, bois et ameub1e-
ment, imprimerie, pâte à papier et papier). D'où 1e désengage-
ment ou l t o r i en t e t t on s l e ct i ve des investissements directs
ë
étrangers en Afrique Noire Francophone.
2.1. Orientation sé1ective des investissements
directs étrangers et disparités périphériques
L'Afrique Noire Francophone, contrairement aux théo-
riciens du déve10ppement capita1iste, ne représente pas une
zone privi1égiée qui bénéficierait d'une forte exportation des
capitaux en provenance des pays déve10ppés à économie de mar-
ché. Certes, el1e est un
des ma l l on s de 1 1économie mondia1e,
î
mais 1e me i l Io n 1e pl us faib1e dont l t e n.i eu économique est se-
condaire, du moins en ce qui concerne 1e procès de mise en
va1eur du capita1. Lorsque 1 10n prend en compte 1es statisti-
ques de 1 1 0NU sur 1e d ve l o ppeme nt des firmes mu1tinationa1es
ë
en 1983, on apprécie encore cette sous-estimation du continent
africain. Que1s sont a10rs 1es traits caractéristiques exp1i-
catifs de 1a différenciation périphérique
?
a) En considérant 1a concentration des investisse-
ments directs des pays de 1'OCDE dans le Tiers Monde en géné-
ral, on aboutit à une orientation plus forte du capital étran-
ger dans les pays de l'Amérique Latine et de l'Asie du Sud-Est.
(1) A. FAIRE, in Avenir industriel de l'Afrique, op. c t t ,

174.
Ainsi, la part de ces derniers est évaluée respectivement à
plus de 43 r, et 23 ~ pour la période 1970-1972. En outre, mal-
gré une légère baisse du capital étranger en Asie du Sud-Est
en 1978-1980, ces deux zones accueillent plus de 77 ~ des
capitaux OCDE capitaux OCDE avec une forte augmentation de la
concentration en Amérique Latine (de plus de 59 ~). Ce sont
là, évidemment, les manifestations concrètes de la dite nou-
velle division international du travail ou le redéploiement
TABLEAU 12 - CONCENTRATION DES INVESTISSEMENTS DIRECTS
DES PAYS DE L'OCDE DANS LE TIERS MONDE
(MOYENNE ANNUELLE) EN POURCENTAGE
1970-1972
1978-1980
Amérique Latine
43,9
59,7
Asie du Sud-Est
23,3
17,4
Afrique
19,2
12,1
Divers
13,6
10,8
Total
100
100
Source
ONU, 1983, p. 34.

175.
b) L'orientation sélective des investigations diver-
ses étrangères corrobore la faible concentration des filiales
de multinationales (tous secteurs confondus) en Afrique par
rapport aux autres régions du Tiers Monde (tableau 13). Ainsi,
la proportion des filiales africaines originaires des princi-
paux pays industriels à économie de marché représentait plus de
29 % contre 71 ~I, pour 1 es autres PVD, notamment l'Amérique
Latine et l'Asie du Sud-Est qui concentrent, à elles seules,
plus de 60 ~ des filiales des multinationales" A l'instar de la
TABLEAU 13 - CONCENTRATION GLOBALE DES FILIALES DE
MULTINATIONALES EN AFRIQUE PAR RAPPORT AUX
AUTRES PVD EN 1980 (~)
Pays d'Afrique
Total Afrique
Autres pays
Total
Belgique
52,7
47,3
100,00
France
59,1
40,9
100,00
Italie
23,9
76,1
100,00
Japon
3,0
97,0
100,00
Grande Bretagne
29,6
70,4
100,00
U.S.A.
4,9
95,1
100,00
TOTAL MOYEN
29,9
71,1
100,00
Source: ONU 1983, p. 356-358
différenciation périphérique, 1 'origine de la concentration
multinationale met en relief la nette situation de monopole
des capitaux français et belges dont la concentration atteint,
en moyenne totale, plus de 56 ~ de l'ensemble des filiales
implantées, tandis que les autres pays. développés à économie de
marché orientent plus de 84 ~ de leurs activités dans les

176.
autres PVD. En 1980 t on assiste à un redéploiement des capi-
taux français et belges (anciens colonisateurs) vers les autres
régions du Tiers Monde t particulièrement l'Amérique Latine et
l'Asie du Sud-Est t dans le cadre de la compétition internatio-
nale des firmes multinationales. S'agissant de l'Afrique t les
investissements directes et les filiales d'origine française
concernent principalement les activités de négoce. les indus-
tries de substitution aux importations et d'exportations de
matières premières(1).
c) Du point de vue de la concentration industrielle
des investissements directs étrangers t surtout dans le secteur
manufacturier t on remarque t par ailleurs t un total
désenga-
gements du capital multinational en Afrique. Les quelques don-
nées quantitatives t malgré leur caractère ancien t donnent
néanmoins une image approximative globale de la pénétration du
capital étranger industriel. Alorstdans le cadre de la muta-
tion du système productif américain. l'orientation du capital
américain reflète les mêmes tendances que celles observées
dans les cas précédents t par zone de destination. Ainsi t tou-
jours t on a une forte concentration du capital industriel en
Amérique Latine en 1977 avec 84 ~ d'apports dans le secteur
manufacturier suivie de l'Asie (11 ~q et enfin l'Afrique (plus
divers 5 %). La hiérachisation se reproduit dans l'ensemble
du secteur industriel allant des denrées alimentaires aux ma-
tériels de transports en passant par la chimie t les métaux t les
machines t les biens électriques et électroniques.
(1) P. HUGON. L'Afrique Noire Francophonetenjeu économique
pour la Fr a nce , op. c t t .

·
.......
.......
.-4
TABLEAU 14
CONCENTRATION INDUSTRIELLE DES INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS
DES USA DANS LE SECTEUR MANUFACTURIER (en pourcentage) 1977
Secteurs d'implantation
Amérique
Afrique et
Asie
Total
Latine
Moyen Orient
PVD
Denrées alimentaires et produits
86,0
Il,6
2,4
100,0
connexes
Produits chimiques
79,5
17,2
3,3
100,0
Industries des métaux
82,5
8,9
8,6
100,0
Machines
91, 1
7,4
1,5
100,0
Matériel électrique et électronique
66,5
27,1
6,4
100,0
Ma té ri el de transport
94,5
-
-
-
Autres articles manufacturés
86,1
-
-
-
Total moyen du secteur manufacturier
84,0
Il,0
5,0
100,0
Source
ONU, 1983, p. 418

178.
Dans ces conditions, les possibilités d'une industria-
1 i sati on de l' Afri que sous l' égi de du capi ta1 étranger et des
firmes multinationales, comme l'attestent les théorciens néo-
classiques, sont loin de la réalité; d'ailleurs la dé10ca1i-
sation industrielle en Afrique Noire Francophone est à un sta-
de embryonnaire car la plus grande partie des capitaux (ici
les 5 ~ et quelques capitaux français) se concentrent en prio-
rité dans
les secteurs des mines et des matières premières
agricoles.
2.2. Tendance de la concentration du capital étranger
et différenciation des systèmes productifs en
Afrigue Noire Françophone
La polarisation internationale des investissements
directs à la périphérie a montré la faible concentration de
ces derniers en Afrique dont la proportion des capitaux étran-
gers est inférieur à 15 %. Non seulement ces 15 ~ sont insuf-
fisants pour l'ensemble de l'Afrique, au regard des multiples
problèmes socio-économiques que nul n'ignore, mais le problème
délicat suivant à trait à la répartition du faible volume de
ces investissements directs étrangers entre les différents
pays du continent. Si tel n'était pas le cas, on pourrait se
demander comme les firmes multinationales opéraient en Afrique
en outre, on serait amené à savoir si l'orientation des in-
vestissements ne s'effectue pas sur la base d'une différencia-
tion des économies africaines. En tous cas, toutes choses éga-
les par ailleurs, la stratégie d'implantation des firmes mul-
tinationales obéit à la hiérarchisation des systèmes produc-
tifs nationaux, comme nous l'avions montré dans le cas global
de la périphéria.

179.
a)
Le tableau 15 donne une approche globale de la
concentration des investissements directs nets étrangers dans
les principaux pays africains destinataires. Ainsi, l'Afrique
TABLEAU 15
CONCENTRATION DES INVESTISSEMENTS DIRECTS
NETS (EN MILLIONS DE S) _DE PRINCIPAUX
PAYS AFRICAINS
Principaux pays
1970
Cf
1982
"
n
"
destinataires
Afrique du Sud
318
40,40
349
24,54
Nigéria
205
26,04
354
24,89
Lybie
139
17,66
Zaïre
42
5,33
331
23,27
Côte dl Ivoi re
31
3,9
Maroc
20
2,54
46
3,23
Tunisie
16
2,03
186
13,08
Cameroun
16
2,03
156
10,9
TOTAL
787
100
1422
Source
Banque Mondiale, rapport 1985, p. 218-219
du Sud, bastion du racisme, accueille en 1970 318 millions de
dollars d t i nve s t t s s ement s sur un total
de 787, soit une pr o-
portion relative de plus de 40 %. Viennent ensuite le Nigéria
(26 1,), la Lybie et le Zaïre. A partir des années 80, on
assiste à un désengagement du capital étranger vis-à-vis de
1 IAfriq~e du Sud au profit des autres pays. Certainement la
forte concentrati on de '1 investi ssement di rect étranger dans
ces pays slexplique par llexistence de ~atiêres premières
minières et pérolières.

180.
b) A travers la concentration des filiales des firmes
multinationales des pays développés à économie de marché vers
les principaux pays africains destinataires (excepté l'Afrique
du Sud), on remarque en 1980 une mu1tinationa1isation sous la
houlette des firmes françaises (2,8 r) et belges (2,5 ~). A
part la Grande-Bretagne, ancien colonisateur, il ressort du
tableau 16 une faible pénétration de certains pays industriels,
tels l'Italie (0,9°1,), les USA (0,3 0q et surtout le Japon
(0,1 0/,). L'Afrique n'est pas une zone privilégiée des firmes
multinationales. En marge de cette constatation, le Maroc
(11,90/,), la Côte d t Ivo i re (7,3 cq, le Sénégal
(4,9 ~q, le
Cameroun (4,5 1) et la Tunisie (3,7 %) représentant les lieux
de prédilection des multinationales françaises.
Lorsqu'on axe la discussion sur le cas spécifique de
l'Afrique Noire Francophone pour mieux saisir la portée de la
dé10ca1isation industrielle, on remarque, depuis la période
1969-1970, un redéploiement vers ce r t a t ns pays nantis et une
tendance à la mu1tinationa1isation des capitaux. Quelques
faits illustrent cette tendance à la concentration du capital
étranger, notamment français:
a) De 1958 à 1967, Dn assiste à une véritable inter-
nationalisation du capital en Afrique Noire Francophone sous
l'égide du capital français. Ainsi, au cours de cette période,
(1)
G. N'GANGO, op. cit., pp. 287-288.

TABLEAU 16
CDNCENTRATIDN DES FILIALES DES FIRMES MULTINATIDNALES
DES PAYS DEVELDPPES A ECDNDMIE DE MARCHE EN AFRIQUE
(en pourcentage) 198D
Belgique
France
Italie
Japon
Grande
Etats-Unis
Bretagne
Algérie
D,3
2,8
1,2
-
-
D,l
Egypte
2,5
D,l
1,2
-
-
D,l
Ga bon
D,6
3,7
D,4
-
-
-
Ghana
D,3
D,5
D,4
-
D,2
-
Cameroun
1,2
4,5
D,2
-
D,l
-
Côte d i lvo i r-e
D,9
7,3
0,4
D,2
D, 1
D,l
Kenya
D,6
D,2
1,2
D,2
5,8
D,3
Ma roc
3,4
11,9
2,2
D,l
D,l
D,2
Nigéria
0,3
2,7
2,4
1,D
5,3
D,8
Senegal
1 ,2
4,9
-
0,2
-
-
Tanzanie
-
D,2
D,4
D,l
1,5
-
Togo
0,3
1, 1
D,2
-
-
-
Tunisie
D,9
3,7
1,4
-
-
D,l
Za'ire
27, D
D,8
2,7
D,2
D,3
D,l
Zambie
D,3
-
D,7
-
3, 1
D,9
Zimbabwe
-
D,l
D,2
-
6,2
1,6
TDTAL :
2,5
2,8
D,9
D,l
1,4
D,3
......
Source
Calculés d'après DNU 1983, pp. 356-358.
co
......

182.
b) L'essentiel des investissements directs français
sont concentrés dans un petit nombre de pays, principalement
la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Ca me r o un , A cet effet, en
19 79-1 980 , ce s t roi spa y s c on ce nt r e nt, à eux se ul s, 72 c; de s
investissements industriels français, respectivement avec 37 ~
pour la Côte d'Ivoire, 18 ~ au Cameroun et 17 ~ au Sénégal
(Tableau 17).
La forte concentration du capital français explique les
taux de croissance élevés dans ces trois pays(l), en particulier la Côte
d'Ivoire qui demeure la zone d'intérêt privilégiée du capital fran-
çais. La contrepartie de ce redéploiement industriel concerne
le désengagement ou le désintérêt que manifestent les multina-
tionales françaises à l'égard des autres pays. A part le Gabon
(13 %), ce sont essentiellement le Burkina Fasso (4 %), le
Bénin (3 %), le Niger (2 0/,) et le Centrafrique (2 %). Donc le
capital étranger reproduit l'inégal développement en Afrique
Noire Francophone.
c) Les estimations de N'Gango, concernant l'implanta-
tion géographique des 500 premières sociétés étrangères en
Afrique Noire Francophone, confirment les mêmes tendances iné-
gales de la concentration(2). C'est ainsi que les préférences
vont à l a Côte d'Ivoi re qui concentre, à ell e seul e, 30 0/, des
entreprises étrangères contre 20 % au Sénégal et 15 r, au Came-
roun.
De ce qui précède, on peut entrevoir les
raisons du
ch 0 i x de laC ôte d 1 I v0 ire co mm e poi n t d' a t tac he con cre t pou r
apprécier le phénomène de la délocalisation et partant, en
(1) EDIAFRIC, l'Industrie Africaine, 7e édition, op. cit.
(2) G. N'GANGO, op. ci t , , p. 302.

....
~
183.
TABLEAU 17
INVESTISSEMENTS DIRECTS ~TRANGERS DANS LE
SECTEUR MANUFACTURIER DE QUELQUES PAYS
,
AFRICAINS EN 1979-1980
Orientation par pays
Pays
Total en milliards
destinataire en propor-
de FCFA
tion du total genera1
( 01 )
BENIN
21
3
BURKINA FASSO
27
4
CAMEROUN
118
18
CONGO
27
4
COTE D'IVOIRE
240
37
GABON
81
13
NIGER
13
2
REP. CENTRAFRICAINE
15
2
SENEGAL
107
17
TOTAL GENERAL
649
100
Source
Calculé d'après EDIAFRIC
op. cit.
t
dégager les conclusions utiles a la réf1exinn du phénomène
dans les autres pays africains. Mais avant d'y arriver
nous
t
allons nous intérroger sur les modalités et mobiles d'implanta-
tion des firmes multinationales en Afrique Noire Francophone
en comparaison aux autres PVD.
3/ Stratégies d'implantation des firmes multinatio-
nales en Afrique Noire Francophone
Les stratégies d'implantation des firmes multinatio-
nales s'expriment a travers les modalités et les mobiles qui
les guident. Dans le cas de l'Afrique Noire Fr an cop hone , il
s'agit de montrer si les firmes multinationales ont recours
aux anciennes ou nouvelles formes d'investissement d'une part~

184.
et de mettre en évidence les mobiles déterminants leur implan-
tation.
3.1. Modalités d'implantation: recours aux anciennes
ou nouvelles formes d'investissement
Discuter des modalités de délocalisation industrielle
en Afrique Noire Francophone reviendrait à chercher à savoir
si les modalités d1implantation qui commande le processus dans
les pays de l'Amérique Latine et d'Asie du Sud-Est sont les
TABLEAU 18 : CONCENTRATION DU CAPITAL ETRANGER DANS
LE SECTEUR MANUFACTURIER DE QUELQUES PAYS
AFRICAINS EN 1979-1980 (~)
Pays
Capital National
Ca pi tal étranger·
Total
Etat
Privé
Français
Autres
BENIN
38
13
30
19
100
BURKINA FASSO
19
40
33
8
100
CAMEROUN
27
18
39
16
100
CONGO
9
1
58
32
100
COTE DI IVOI RE
25
14
38
23
100
GABON
24
7
61
8
100
NIGER
47
12
18
23
100
REP. CENTRAFRICAINE
32
6
45
17
100
SENEGAL
9
12
66
13
100
TOTAL MOYEN
25
14
43
18
100
Source
Calculé d'après EDIAFRIC, Industrie Africaine, 7e édition,
Tomes 1 &2
, Paris 1979.
mêmes qulen Afrique. En d'autres termes, est~ce que les firmes
multinationales ont-elles recours soit à l'investissement di-
rect étranger traditionnel, ou bien aux nouvelles formes d'in-
vestissement ? Enfin, la forte concentration du capital

18S.
international en Amérique Latine et en Asie du Sud-Est ne spé-
cifie-t-elle pas, à l'origine. les modalités de l'exportation
des capitaux en Afrique. essentiellement orientés en grande
partie vers les secteurs miniers et agricoles? Par ailleurs,
s'il y avait une préférence aux nouvelles formes d'investis-
sement. qu'elle en serait la typologie ou bien y a-t-il une
tendance pour les nouvelles formes d'investissement? Si oui.
lesquelles?
Répondre. d'emblée. à ces interrogations entrainerait
à
des généralisations hâtives. Or. un cadre plus concret. celui
de l'enquête réalisée en Côte d'Ivoire. peut amener à ëv t t e r
des conclusions erronées. Cependant, pour l'instant, nous pou-
vons essayer d'apprécier provisoirement les différentes modali-
tés d'implantation à l'aide de quelques statistiques ayant
trait à l'orientation du capital étranger dans le secteur manu-
facturier africain (tableau 18).
Au fond, les caractéristiques de la multinationalisa-
tion en Afrique Noire Francophone traduisent une grande préfé-
rence à l'utilisation des anciennes formes d'investissement
qu'aux nouvelles formes. L'Afrique Noire Francophone n'est âs
une zone privilégiée ou de prédilection de la sous-traitance
internationale à l'instar du Maroc et de la Tunisie au Nord(l).
Encore moins, les usines clés en mains y occupent une place de
second choix comparativement à l 'Algérie(2). pays pétrolier
possédant des moyens importants pour acquérir des usines entiè-
rement construites par les firmes multinationales.
(1) La sous-traitance internationale: les cas du Maroc et de
la Tunisie in D. GERMIDIS (ed.). la sous-traitance inter-
nationale. op. cit.
(2) Les nouveaux rapports internationaux en matière d'investis-
sements à travers l'expérience algérienne, in C. OMAN (éd.)
Les nouvelles formes d'investissement international. les
perspectives nationales. op. cit.

186.
Cela étant, d'une manière globale, au regard de la
concentration du capital étranger dans le secteur manufactu-
rier dans certains pays africains, on constate que les firmes
multinationales optent pour les formes traditionnelles de 1 lin-
vestissement, même si leur implantation s'accompagne d'une
éventuelle prise de participations du capital national
(Etat
et privés nationaux). Pour être concret, on fera remarquer que
la concentration du capital international industriel atteint
61 ~ en 1979-1980 contre 39 ~ de participations nationales
(Etat 25 ~ et privés 14 ~). Or la participation nationale étant
inférieure à 50 %, on ne peut pas réellement qualifier de cons-
titution de coentreprises, expression du transfert de la pro-·
priété étrangère aux mains des nationaux. On doit dire, à la
limite, qu'il s'agit d'une tendance à la formation de coentre-
prises. De manière absolue, il ne s'agit pas de nouvelle forme
d'investissement. Toutefois, une approche de l'orientation
géographique des investissements donne une image contradictoire
car les firmes multinationales préfèrent, selon les pays, une
association à plus de 50 r, du capital national. La stratégie
différenciée concerne le Niger (59 1,), le Bénin (51 1,) et le
Burkina Fasso (59 %), par excellence, pays à régime militaire.
En définitive, le recours aux nouvelles formes d'in-
vestissement par les firmes multinationales atteint
un degré
relativement plus élevé dans certains pays de l'Amérique Lati-
ne et d'Asie du Sud-Est(l) qu'en Afrique Noire Francophone.
Fondamentalement, cette différenciation inégale des économies
sous-développées défavorisant le continent noir, trouve sa
(1)
C. OMAR (éd.) Les nouvelles formes d'investissement inter~
national dans les PVD, les perspectives nationa1~s, op. cit

187.
justification d'abord par la situation de sous-industrialisa-
tion entretenue et reproduite par le capital étranger, et en-
suite par les mobiles ou déterminants guidant l'implantation
des filiales dans tel ou telle zone et non dans telle autre.
Les firmes multinationales sont loin d'être des entreprises
débonnaires parce qu'elles s'implantent en Afrique à cause de
la disponibilité des matières premières; sinon, elles y renon-
ceraient, à en juger par la faible concentration du capital
étranger.
3.2. La disponibilité de matières premières minières
.ou agri col es reste 1e mobile détermi nant de 1a
.dé10ca1isation
Le procès de dé10ca1isation de la production dans le
Tiers Monde -avec comme point de démarcation, les NPI- spécifie
les caractéristiques des firmes multinationales implantées en
Afrique Noire Francophone; ces dernières demeurent avant tout
des firmes primaires, malgré leur orientation récente dans une
certaine mesure vers le secteur manufacturier. Dasn le cas du
capitalisme français, on ne cessera jamais d'imputer le retard
de l'Afrique au capital français pour la simple raison que
U1es relations de la France avec le Tiers Monde reculent en
importance relative sans vraiment changer de nature: relations
néoco10nia1es donc, 00 continuent à jouer un rôle majeur d'une
part les sociétés commerciales (SCOA, CFAO, ••• ), et d'autre
part les sociétés pétrolières et les groupes miniers, le plus
souvent a~soci~s à des groupes étrangers (pétrole, uranium,
( l ,
métaux non fereux, •.• )"
'. Et quand on sait que l'Afrique
(1) M. BEAUD, Unité et diversité du Capitalisme français à
l l é ga r d du Tiers Monde, op. cït., p. 53.

188.
Noire Francophone représ.ente l'enjeu économique du capital
françai s, on comprend
aisément les raisons du blocage de
l'industrialisation ou de l'absence d'une réorientation de la
stratégie d'implantation des firmes vers les secteurs indus-
triels situés en amont.
Donc, il s'avère que la présence des firmes étrangè-
res en Afrique Noire Francophone s'explique par l'existence
de matières premières agricoles et minières; d'oO la concen-
tration des investissements directs dans les industries de
bauxite et d'aluminium, les produits agricoles (café, cacao}
qu'on peut qualifier d'industries en aval, orientées vers la
transformation sur place de ces matières premières. Pourquoi
une telle s.pécia1isation industrielle et pourquoi pas la dé1o-
ca1isation du processus NESTLE en Afrique? Outre la disponi-
bi1ité des matières premières caractérisant, à l'origine, la
typologie des filiales multinationales, il semble que la mise
en application d'une telle stratégie a l'avantage de minimiser
les coûts de production parce que ces industries en aval exi-
gent peu de capitaux d'une part, et l'essentiel de l'exporta-
tion de capitaux -ici le capital constant- concerne les coûts
de l'outillage et de l'équipement. L'implantation de CAPRAL
en Corée du Sud reviendrait plus chère à NESTLE qu'en Côte
d'Ivoire.
Quel que soit le lieu d'implantation, la création
de CAPRAL ou BLOHORNen Côte d'Ivoire (pays producteurs de
café, cacao, huile de palme ..• ) par NESTLE ou bien de l'ex-
ploitation de la bauxite de FRIA en Guinée, transformée en
aluminium au Cameroun par PECHINEY, la stratégie de

189.
dé10ca1isation fondée sur la mise en valeur et la transfroma-
tion des matières premières agricoles et minières repose sur
un certain nombre d'avantages nécessaires à une valorisation
plus élevée du capital central
: abaissement du coût par voie
de conséquence augmentation des industries en aval dans les pays
africains francophones; concentration dans les économies in-
dustrie11es, d'origine des firmes multinationales, des opéra-
tions de transfromations favorisant ainsi la maximation des
économies d'échelles; et enfin les conditions propices à l'in-
vestissement étranger liées à l'existence des infrastructures
socio-économiques (transports, ports et routes, ••. ) adéquates
à la charge généralement des Etats d'accueil créant des écono-
mies externes au profit des filiales mu1tinationa1es(1). C'est
dans ce contexte global que l'Etat camerounais a financé le
barrage d'EDEA à l'avantage de la firme française PECHINEY,
qui a une stratégie transnationale dont les effets sur 1 lécono-
mie camerounaise sont limités: la firme PECHINEY extrait la
bauxite à Fria (en Guinée), la transforme en aluminium au Came-
roun et, à part le laminoir qui transforme sur place certains
produits en aluminium, l'essentiel est réexporté dans le pays
d'origine de PEeHINEy(2).
Alors, on comprend la raison pour laquelle la grande
partie du capital étranger s'oriente principalement vers les
secteurs industriels en aval du secteur de biens primaires car
ils sont moins capita1istiquesque les industries de substitu-
tion aux implantations (pr6duits chimiques, mécaniques, élec-
triques). Par là, on peut objecter que les ciractéristiques
( 1 ) R. GENDARME, Des sorcières dans l'économie, les multina-
tionales op. cit.
( 2)
P. HUGON, Les firmes multinationales et la division interna~
tiona1e du travail, Bulletin du Centre de Documentation et
d'Etudes juridiques, économiques et sociales, n° 8, Co110-
Caire, décembre 1979.

190.
d'implantation des firmes multinationales en Afrique Noire
Francophone diffèrent de celles des pays d'Amérique Latine
(Brésil, Argentine, Mexique .•• ) et de l'Asie du Sud-Est (Corée
du Sud, Singapour ••• ). Par conséquent, c'est le capital inter-
national qui
limite les possibilités d'une industrialisation de
l'Afrique, méme à une échelle régionale ou sous-régionale par-
ce qu'il milite en .faveur
de
la création d'industries con l on c-
ture1les entretenues par les pouvoirs politiques hérités de la
période coloniale.
3.3. Le mobile lié à la stabilité politique dans la
stragédie d'implantation des firmes multinatio-
nales
Le mobile, souvent avancé comme élément d'explication
à l'implantation des
firmes multinationales dans le Tiers-Monde
en général, et singu1 ièrement en Afrique, est le facteur de la
stabilité politique. Au fond, on se demande ce que recouvre
cette notion de stabilité politique, si ce n'est que le dévoue-
ment des Etats périphériques à l'égard des Etats développés
à économie de marché, zone d'origine des firme9
mu1tinationa-
les. Sinon, on peut chercher à s'interroger si les coups
d'Etats sucessifs qui ont ébranlé l'Afrique Noire Francophone
ont-ils constitué un facteur de blocage
à l'exportation du
Capi tal étranger? Ou bien, est-ce que les firmes multinationales
inexistent seulement là où il n'y a pas eu
de coup d'Etat? qu'il
s'agisse de l'une ou de l'autre éventualité, le capital étran-
gercrée des entreprises commerciales et industrielles en
Afrique-Noire Francophone même si ce processus de création pro-
fite plus à certains· (Côte d'Ivoire et Sénégal à régime civil)

191.
qu'a d'autres (Niger, Benin, Burkina Fasso, Togo à régime mili-
taire). Alors, est-ce la nature politique et idéologique (su-
perstructure) socialiste ou socialisante qui obstrue à l'implan
tation du capital étranger? Encore moins, car le "non" de
Sékou Touré en Guinée n'a pas empêché la firme PECHINEY à
exploiter la bauxite de Fria en association avec d'autres mul-
tinationales (USA).
En résumé, toutes ces interrogations aboutissent à la
constatation simple que le facteur de la stabilité politique
est loin d'être l'élément primordial à l'implantation des fi-
liales multinationales malgré le caractère de différenciation
des pays, lui-même conditionné par les avantages plus élevés
a extorquer ici et là. D'ailleurs, s'agissant toujours de la
s ta bi lit é pol i t i que, n0 t am men t en Af r i que, "l' i mp ria 1i sm e
ê
français assure, par des accords privilégiés, la stabilité
économique et financière des Etats de la zone franc, il y main-
tient ~ne importante présence physique ~ travers la coopération
culture et technique. De plus, la présence militaire française,
les accords de coopération dans ce domaine et l'existence des
forces d'intervention spécifiques s'efforcent de préserver la
stabilité politique de la région, c'est-à-dire des régimes mis
en place et entretenus par le gouvernement français et les ser-
vices secrets. Les interventions peuvent d'ailleurs être média-
tisées en utilisant des relais, comme par exemple le Maroc
(intervention au Zalre)"{l). Au plan de la reproduction du sys-
tème capitaliste international, ce sont ces Etats dépendant de
l'impérialisme qui sont "mieux à même d'imposer dans leur
--- - -- - -"_ ... --
(1) CEDETIM, L'impérialisme français,
petite collection
Maspero,Paris,
1978, p. 35.

192.
propre pays les contraintes du travail les plus durs et donc les
conditions les "meilleures d'extorsion du surtravail"(I).
D'ailleurs, les coups d'Etats successifs au Nigéria
et la guerre du Biafra n'ont pas conduit les firmes multina-
tionales à se désengager de l'économie nigériane qui res~e
pourtant la zone privilégiée africaine des investissements di-
rects étrangers. Indiscutablement, le marché intérieur nigé-
rian considéré comme l'entité économique la plus importante
d'Afrique(2), concentre à lui seul 22 ~ des investissements
directs étrangers sans oublier certaines activités multinatio-
nales dans le montage des automobiles: Mitsubishi Motor et
Mitsubishi Corporation ont investi dans une usine de camion-
nettes; Peugeot, Nissan, Isazu produisent également des ca-
mions et des voitures localement(3).
Si on essaie de faire une interprétation de la stabi-
lité politique dans le cadre des rapports firmes-Etat d'accueil,
on remarque que la seule riposte de certains pays sous-dévelop-
pés aux firmes multinationales concerne la question du contrô-
le des matières premières nationales (la nationalisation par
exemple) d'une part, et la volonté de nos pays à participer à
la formation du capital social
(la coentreprise par exemple)
d'autre part. Là encore, la participation du capital national
est souhaitée par les firmes multinational~s elles-même~; les
visées "nationalistes" ne battent pas en brèche l'hégémonie de
(1) M. BEAUD,
Unité et diversité du caplt~lisme français à
l'égard du Tiers Monde, op. c t t . , p. 68.
(2) Z. CERVENKA, L'Afrique: un exemple de contradictions in-
trarégionales, Revue Internationale des Sciences Sociales,
vol. 28, n° 4, 1976.
(3) Le Monde, Mardi, 23 fêvrier 1982.

193.
des entreprises car "des clauses spéciales prévoient la sauve-
garde de T' e s s e nt t e l de leur pouvoir décisionnel dans les do-
maines fondamentaux du budget, de la planification, de la fixa-
tion des prix ou de la clientèle"(1).
En définitive, ce sont les Etats du Centre qui créent
et entretiennent la stabilité ou l'instabilité politiques
dans les pays sous-développés en fonction de leurs intérêts
économiques et politiques. L'instabilité politique est donc
ici la protection de ces intérêts par tous les moyens (militai-
res ou politiques, •.• ) au détriment des populations.
CONCLUSION DU CHAPITRE
la délocalisation de la production effectuée par les
firmes multinationales, notamment françaises, en Afrique Noire
Francophone, revêt les caractéristiques suivantes:
a) Le rôle joué par les sociétés coloniales (SCOA,
CFAO, OPTORG. UNILEVER, ••• ) dans llaccumulation du capital
mais avec la prédominance du capital commercial
b) Après les indépendances, le désengagement du capi-
tal colonial a milité en faveur d1un redéploiement vers le sec-
teur industriel, principalement les industries de mise en va-
leur des ressources minières et agricoles, malgré toujours le
poids important des activités import-export ;
c) llorientation d'une partie des investissements
directs étrangers dans les industries de substitution aux
(1)
R. GENDARME. Des sorcières dans l'économie: les multina-
tionales. op. cit •• p. 390.

194.
importations, dépendant des imputs étrangers, et dont la pro-
duction est essentiellement destinée au marché domestique. La
délocalisation de la production pour la réexportation demeure
limitée, voire inexistante dans certains cas;
d) Enfin, le redéploiement des investissements di-
rects étrangers vers un certain nombre de pays, notamment la
Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Cameroun, qui concentrent à
eux seuls plus de 50 ~ des capitaux étrangers. D'oO la repro-
duction des inégalités périphériques et du sous-développement
en Afrique Noire Francophone.

195.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Au terme de la première partie, consacrée aux tendances
de la délocalisation industriellevers le Tiers Monde, il a été
remarqué le caractère hétérogène que revêt le capital multina-
tional â travers son implantation géographique et sectorielle.
En outre, la hiérarchisation des systèmes productifs périphé-
riques due â la concentration de ce capital a favorisé l'émer-
gence des Nouveaux Pays Industriels par opposition aux autres
régions du Tiers Monde. Les facteurs explicatifs de la concen-
tration des activités industrielles des firmes multinationales
dans ces pays tiennent à l'existence des dotations factorielles
abondantes (main-d'oeuvre bon marché) et des économies d'échel-
les (marché vaste et demande solvable).
Dans ce processus global de mondialisàtion des écono-
mies, saisi sous l'angle de la nouvelle division internationa-
le du travail, la participation de l'Afrique, précisément de
l'Afrique Noire Francophone, reste en grande partie concentrée
dans la spécialisation de produits agricoles et miniers.
D'ailleurs, le réaménagement du système mondial en crise a eu
pour conséquence la mise en place, par le capital étranger,
d'industries consommatrices de matières premières locales,
même si une certaine industrialisation (branches mécaniques,
électriques, chimiques, textiles) a pris forme. C'est dans ce
cadre qu'il faut inscrire et analyser le processus de déloca-
lisation industrielle en Côte d'Ivoire intégrée au système
capitaliste mondial
: d'oO la deuxième partie consacrée â
l'étude du modèle ivoirien de délocalisation industrielle.

196.
DEUXIEME PARTIE
LE MODELE IVOIRIEN DE DELOCALISATION
INDUSTRIELLE
"Le dlveloppeme~t i~du~t~iel et le~
p~og~è~ de la ~lvolutio~ tech~ique et ~cie~­
ti6ique o~t pe~mi~ aux pay~ dlveloppl~ de
~ldui~e quelque peu le co~t~ôle monopoli~ti­
que qu'il~ exce~çaient ~u~ le~ indu~t~ie~ de
t~an~6o~mation et la technologie ; c'e~t
pou~quoi, un ce~ta~n dlveloppement indu~t~iel
de~ pay~ en voie de développement n'e~t pa~
Il peut même coZncideA avec le~ ~ntlAêt~ de~
oligopole~ intlg~l~ veAt-icalement".
T. SZENTES. Economie politique du sous-
développement. L'Harmattan.
Paris. 1986. p. 153.

197.
INTRODUCTION
Conformément à la loi du développement inégal, nous
pouvons affirmer, et ce grâce à l'étude de la première partie
de la présente thèse, que les modalités et les mobiles des
firmes multinationales diffèrent selon les espaces économiques
périphériques. Autrement dit, les stratégies des multinatio-
nales, à travers les investissements directs étrangers, carac-
térisent une différenciation des systèmes productifs dans le
Tiers Monde. Ainsi, la délocalisation de certaines activités
industrielles du centre vers la p!riphérie a favorisé l'émer-
gence d'une "industrialisation" de quelques pays en voie de
développement (NPI). Bien que cette dernière soit limitée par
ses effets propagateurs sur l'ensemble de l'économie consi-
dérée, elle reste localisée dans les zones d'intérêts privilé-
giés permettant, aux firmes multinationales, de tirer profit
de 1 'abondancede main d'oeuvre bon marché et des économies
d'échelle
liées à l'existence d'un marché national vaste.
De ce point de vue, l'Amérique Latine et l'Asie
du Sud-Est restent
les zones d'intérêts privilégiéS des firmes multinationales
l'Afrique et singulièrement la Côte d'Ivoire ne représentant
que des centres d'intérêts secondaires. D'où l'intérêt de
l'étude de la deuxième partie consacrée au modèle ivoirien de
délocalisation industrielle.
La deuxième partie de la thèse vise donc essentielle-
ment _~Lsq;sjr --taprésence des activités industrielles des
firmes multinationales et de son impact surl 'économie ivoi-
ri enne tn t qr-ê e à l' économi e mondi ale. Afi n de permettre et
ë

198.
de facil iter l'investissement du capital international rela-
tivement plus important que dans certains pays africains,
l'Etat ivoirien créa un cadre institutionnel et politique
adéquat pour attirer les firmes multinationales. Par là, les
autorités ivoiriennes ont été amenées à opter pour la voie ca-
pitaliste de développement résumée dans la Politique Economi-
que du Gouvernement: "les deux options fondamentales du gou-
vernement en matière de politique économique peuvent se résu-
mer en deux mots: capitalisme et ouverture. Capitalisme par
opposition au socialisme, collectivisme ou communisme et ou-
verture par 'opposition à l'économie d'autarcie"'I). Dans la
perspective d'un développement capitaliste national, la stra-
tégie d'ouverture a eu pour conséquence la mise en place ou
la création d'entreprises légères dites de valorisation de
matières premières locales sous la houlette de l'investissement
direct étranger.
Cependant, l'attitude libérale de l'Etat n'a pas en-
trainé un afflux massif de capitaux directs étrangers néces-
saires 1 la propulsion de la base nationale d'accumulation
du capital. On va le prouver dans les pages suivantes, mais
on peut tout de même affirmer que la voie du capitalisme na-
tional, via capitalisme étranger, est loin d'aboutir parce
que l'économie nationale, assujettie et intégrée à l'économie
mondiale, ne peut pas modifier les termes de la division in-
ternationale du travail, condition nécessaire et suffisante
pour asseoir les bases r ëe l l as d'une uindustrialisation u' en-
dogène liaftt Tes intérêts nationaux à ceux des firmes multi-
nationales.
(1) PDCI~RDA, La Politique Economique du Gouvernement, Sémi-
naire - Abidjan 21-22, mai 1971.

199.
Si 1 'hypothèse d'industrialisation du pays, ~ travers
le processus des investissements directs étrangers et les
implantations de filiales multinationales, est retenue, on
peut toutefois se poser la question de savoir pourquoi les
firmes multinationales dé10ca1isent ou investissent-elles en
Côte d'Ivoire. Ensuite, dé10ca1isent-e11es dans le but essen-
tiel de participer ~ l'industrialisation du pays ou bien le
font-elles afin de bénéficier des conditions favorables ~
l'investissement direct étranger dans le cadre de la valorisa-
tion du capital, et donc partant d'une rémunération plus éle-
vée du capital. En d'autres termes, on peut chercher à s'in-
terroger, toujours dans le cadre de la valorisation du capi-
tal étranger, sur les mobiles explicatifs de la dé10ca1isa-
tion de la production en Côte d'Ivoire et les secteurs indus-
triels dans lesquels les firmes multinationales localisent
leurs activités.
Comme on s'en aperçoit, notre préoccupation dans
cette deuxième partie, est de caractériser le procès de mu1-
tinationa1isationen Côte d'Ivoire, grâce ~ l'étude des inves-
tissements directs étrangers et des filiales multinationales.
l'intérêt que suscite le procès de dê10ca1isationindustrie11e
dans l'économie ivoirienne, se situe ~ un double nouveau
Premièrem~nf, il s'agit de dégager les tendances du
~~~tta1 étranger dans le secteur industriel et d'en déduire
l'évolution et les mobiles d'implantation sectorielle. Contrai-
rement aux méthodes tradi!ionne11es d'étude ~appréciation
_~_-----l-o-+n-caTrredes fa i ts à l'a i de des don nées s ta ti st i que s et des
documents- nous avons effectué une enquête auprès de dix-
septs filiales de firmes multinationales. les résultats de

200.
l'enquête ont permis d'approcher la réalité de la multinatio-
nalisation à partir des recherches effectuées auprès des fi-
liales concernées par notre échantillon (Chapitre 1).
Deuxièmement, à l'aide des tendances globales de l'in-
vestissement direct industriel et des résultats de l'enquête,
on va dégager les SPécificités de la délocalisation industriel-
le en Côte d'Ivoire, sous l'angle des stratégies des firmes
multinationales et de l'évaluation de l'impact de leurs acti-
vités sur l'économie nationale. Au centre de ce procès de
multinationalisation, se pose nécessairement la question de
l'Etat, c'est-à-dire ses rapports avec l'investissement di-
rect étranger et son rôle dans le développement du secteur
industriel (Chapitre 2).

201.
CHAPITRE 3
DES RESULTATS DE L'ENQUETE ET DELOCALISATION
INDUSTRIELLE
"Chaque ~eonomie nationale, qui eat elle-
même un eomplexe de at~uetu~ea, eonatitue un ehaZ-
non aoit domin~, aoit dominant, au aein de l'~eo-
nomie mondiale, et lea eont~adietion qui ae dé-
veloppent dana un paya donné ne aont paa aeulement
dea eont~adietiona "inte~nea", maia ellea ~éaul-
tent du mode d'inae~tion du paya eonaidé~é dana
ee eomplexe éeonomique et politique mondial".
c. BETTELHEIM
La transition vers l'économie
socialiste, Maspero, Paris,
1969, p. 15.

202.
INTRODUCTION
Notre propos n'est pas de faire ici le procès de
l'industrialisation de la Côte d'Ivoire, encore moins proposer
un modèle d'industrialisation, mais de caractériser la struc-
ture des industries mises en place par l'investissement di-
rect étranger dans le cadre de la délocalisation de la produc-
tiono
En outre, rappelons que, en ce qui concerne l'économie
ivoirienne, comme partout d'ailleurs en Afrique Noire franco-
phone, la structure industrielle(1) est composée essentielle-
ment d'un ensemble d'industries légères directement en aval
de la production primaire, dites de valorisation, de produits
d'exportation (scieries, conserveries de thon et d'ananas,
café soluble et beurre de cacao, huile de palme) ou d'indus-
ties légères directement axées sur la consommation qui, soit
trouvent leurs matières premières, généralement agricoles,
sur place (textiles, cigarettes, savonneries), soit, et cela
tend à développer le cas le plus fréquent, doivent largement
importer ces matières premières (industries chimiques, élec-
triques et mécaniqu~s).
Cependant, l'analyse de la délocalisation industrielle
dans ce pays, a travers le processus des investissements
industriels réalisés par des firmes multinationales, révèle
que le capital étranger exclut
de ses principales activités
productives, certaines branches indust~ielles non rentables
certainement. Ainsi, l'étude des investissements industriels
(1) S. AMIN, Le dévelQPpement du capitalisme en Côte d'Ivoire,
Editions de Minuit, Paris, 1975.

203.
permet de voir réellement les secteurs industriels intéressés
par les firmes étrangères. Pour y parvenir, nous utilisons
les statistiques officielles et les estimations de notre enquê-
te autour de deux axes de réflexion
1/ Caractéristiques des principaux secteurs industriels
concernés par l'enquête,
2)
Résultats de l'enquête et observation empirique de
la multinationalisation
SECTION 1
Caractéristiques des principaux secteurs indus-
triels concernés par l'enquête
Généralement, l'étude des investissements directs
étrangers en COte d'Ivoire présente une difficulté majeure
car les sources officielles ne-mettent pas l'accent sur la
distinction entre investissements privés étrangers et ceux
réalisés parles nationaux tant privés que publics. Les sour-
ces de la Banque des données financières (Centrale des bilans),
la Chambre d'Industrie, voire même certaines sources autori~
sées reproduisent cette erreur méthodologique car elles regrou-
pent sous la même rubrique "investissements privés" les deux
types d'investissment. De plus, les données statistiques pu-
bliées souvent par les sources officielles présentent des as-
pects de surévaluation et contradictoires.
ErLreYlanche~ ces sources 0 f fic i el l es nous seron t d ' une
utilité pour apprécier l'évolution des investissements indus-
- - t-p~, qu-itte à tenir compte des différents aspects contra-
dictoires pour les confronter à nos propres estimations néces-
saires dans l'appréciation de la spécificité de la .délocali-
sation industrielle dans le pays. Ainsi, l'enquête réalisée

204.
auprès de certaines filiales multinationales peut être considé-
rée comme un complément raisonnable dans l'estimation de l'in-
vestissement direct étranger car nos évaluations émanent di-
rectement des différentes sources financières des filiales
multinationales concernées et des informations communiquées
par les responsables des firmes étrangères.
1/ De l'évolution des investissements industriels
La structure industrielle de l'économie ivoirienne
concerne essentiellement, voire principalement les industries
manufacturières allant des industries alimentaires, chimiques
à celles spécialisées dans la production de biens textiles,
mécaniques et électriques, objet central de cette étude. En
ce qui concerne les investissements directs réalisés dans ces
indüstries, les statistiques de la Chambre d'Industrie permet-
tent d'apprécier l'évolution des capitaux privés étrangers par
secteurs industriels depuis 1966, mais le cumul des chiffres
est réalisé depuis la création des entreprises. La concentra-
tion des investissements privts industriels est traduite en
termes de francs courants. Or, toute appréciation objective
du capital étranger doit se faire en termes courants grâce a
1 1app1ication d'un indice déflateur qui prend en compte non
seulement l'indice des prix intérieurs mais aussi la détério-
ration des termes ~e l'échange. A ce niveau, il convient de
préciser, par ailleurs, que la plus grande partie des biens
d'investissements et d'équipements du pays sont importés des
pays développés a économie de marché; Les difficultés liées
à la collecte de statistiques complètes sur l'indice des
prix
ne permettent donc pas de suivre l'évolution des investisse~
ments privés
industriels en termes constants. Toutefois, les
investissements privés déf1atés sur la base de l'indice des prix de 1960 à

205.
à 1976, sont passés de 91,6 milliards de FCFA en 1971
à
161
milliards FCFA en 1974, soit une évolution de 42,9 % en
5 ans(l).
Par ail leu r s, en che r cha nt à a ppré cie r l' é vol ut ion
des investissements privés après 1974, cette fois-ci en ter-
mes courants, on remarque une progression du capital étran-
ger qui est passé de 250 milliards de FCFA en 1977 à 871
milliards en 1981 doit une hausse moyenne de 29 % au cours
TABLEAU 1 : Ensemble des investissements industriels
cumulés (millards de FCFA)
Période
Valeur
Progression d'une
année sur l'autre
(%)
1967
47
1968
52
15
1969
57
10
1970
72
26
1971
84
17
1972
92
10
1973
106
15
1974
145
37
1975
186
28
1976
217
16
1977
250.
15
1978
330
13
1979
460
39
1980
701
52
1981
_--811
24
~~
Source
Chambre d'industrie de Cdte d'Ivoire
------------------
(1) ~. LDLIN~A 'et A. OTRDU, Investis~ements étrangers et division
lnternatl0nale du travail, Thèse 3e cycle~ op. cit.p. 220.

206.
de la période 1967-1981. En considérant maintenant l'ensemble
de la période 1967-1981, on constate une évolution moyenne
annuelle de 23 ~ coractérisant la concentration des investis-
sements privés dans le secteur industriel. Selon la Centrale
des Bilans, les montants cumulés de l'investissement privé
des entreprises industrielles a évolué comme suit au cours de
la période 1981-83 : 914,7 milliards FCFA en 1981, soit une
progression de 31,9 r, par rapport à 1980, 1197,4 en 1981 et
1281,8 en 1983, soit globalement un taux de progression de
plus de 84,9 % en 4 ans(1). Il faut tout de même remarquer au
passage que ces estimations sont exagérées et surévaluées par-
ce qu'elles incluent les investissements publics réalisés
dans le secteur pétrolier (gisement et raffinage) et le sec-
teur agro-alimentaire (décorticage de café et production de
café, c'est-à-dire les usines UNICAFE). C'est vrai qu'il y a
eu une évolution globale des investissements industriels, mais
cette dernière est au-dessus de celle constatée spécifiquement
dans Te secteur industriel manufacturier qui concerne préci~
sément la production de biens industriels destinés soit au
marché local, soit au marché mondial.
Cependant, il semble que, dans le contexte socio-écono-
mique de la COte d'Ivoire, l'évolution des investissements
privés industriels est due grâce à un ensemble de déterminants,
à savoir:
-----aJ~Ia: richesse et la .diversitê des matières premières
favorisées par une conjoncture socio-économique relativement
stable ont su inspirer la confiance du pays d1accueil et
(1) MARCHES TROPICAUX ET MEDITERRANEENS, l'insdustrie ivoi-
rienne, stratégie de son développement, n° 2094 du 27 dé-
cembre 1985.

·
......
o
N
TABLEAU 2 - EVOLUTION DES INVESTISSEMENTS BRUTS CUMULF.S (~)
Branches industrielles (1)
1970
71
72
73
74
75
76
77
78
79
80
81
Industries alimentaires
24,21
25,18
27,10
23,70
25,12
25,41
26,83
25,66
26,89
29,87
28,91
25,89
Industries des métaux
5,60
6,26
'5,83
5,00
4,46
4,43
4,49
5,07
5,18
4,80
4,56
3,29
Industries chimiques
9,70
8,50
9,38
7,73
6,93
10,73
9,98
8.91
9.21
11.42
14,99
18,69
Industries textiles
habillement
11 ,98
12,60
Il,85
9,92
10.71
10,73
13,18
13.96
13.80
11,38
7.88
6.62
Matériaux de construction
2,47
2,40
2.14
1.77
1,79
1,79
2,58
2,28
.2,46
1,99
1,70
1,40
Total
53,96
54,94
56,30
48,12
49,01
53,09
57,06
55.88
57,54
59,46
58.04
55,89
Industries extractives
4,11
2.72
2,28
1,78
1.53
1,30
1,14
0.16
0,14
0,11
5,79
4,59
Energie et eau
33.19
34,14
33,16
43,00
40,00
35,23
31,62
30,66
30,23
31J7
30.,53
33,97
Industries du bois
7,23
6,60
6,55
5.55
8,05
9,02
8.77
Il,96
10,61
7,93
5,49
4,53
Industries diverses
1,51
1,60
1,71
1,50
1.38
1,31
1,35
1,30
1,43
1,~8 1,17 . 0,'98
Total général
100
100
100
100
100
100
100
100
100
1001
100
100
J
Source: Calculés d'après la Chambre d'Industrie de COte d'Ivoire
( 1 ) la concentration sectorielle des investissements industriels regroupent les investissements pr1ves
réalisés tant par les nationaux que les firmes multinationales. Néanmoins, considére~\\la position
majoritaire de l'investissement direct étranger est une chose évidente, compte tenu de la faible
participation du Capital national privé au processus d'accumulation du capital.
~
.11


co
o
TABLEAU 3 - CONCENTRATION DES INVESTISSEMENTS INDUSTRIELS ANNUELS (%)
N
Secteurs industriels
1980
1981
1982
1983
Industries alimentaires
34,61
16,15
11,53
14,4·2
Chimie
2,29
1,70
1,32
1,30
Textiles et Habillement
2,10
1,32
2,34
4,13
Mécaniques et matériel de
transport
2,33
2,10
1,20
2,20
Matériaux de construction et
et B3timents TP
9,86
13,00
6,17
4,27
Tota 1
51,19
34,27
22,56
26,32
Industries extractives et
pétrole
44,00
63,00
75,00
70,00
,
Industrie du bois
3,15
1,76
1,66
,
2,47
Industries diverses
1,66
0,97
0,78
1,21
i
!
\\
Total général
100,1
100,0
100,0
1
i
100,0
,
:
Source
Calculés d'après la Chambre dl Industrie, la Comptabilité Nationale et ta cJ~trale
des Bilans
\\
i

2090
créer, par conséquent, les conditions favorables â l'inves-
tissement direct étranger;
b) Les dispositions libérales du Code des Investisse-
ments permettent aux filiales des firmes multinationales de
réaliser non seulement des profits élevés mais surtout de les
rapatrier dans leurs pays d'origine(l).
En outre, si l'évolution de l'ensemble des investisse-
ments es t certa i ne d'année en année, e1l e l'est moins au ni veau
de leur évaluation par secteurs industriels. Hormis les indus-
tries extractives (insignifiantes), pétrolières (prévisions)
et agro-alimentaires secteurs de prédilection de l'Etat, il
est â constater que les secteurs concernés surtout par la pré-
sente étude -aliments, chimie, mécaniques et électriques,
textiles et habillement - ont vu généralement leurs investis-
sements subir de grandes fluctuations selon les périodes
(voir tableaux 1 et 2). Ainsi, comparativement aux secteurs
industriels, les industries alimentaires présentent des f1uc-
tuationsp1us accentués. Après une évolution signifiante des
investissements dans ce secteur de 1966 â 1972, on assiste
à un fléchissement de 1972 â 1977, et malgré la relance, â
partir de 1978 jusqu'en 1980, il Y a eu une chute relative
dans la concentration des investissements industriels
( 1L~ 1"'- c.e poi nt d' une ex t r ê me a c tua lit é pou r 1e spays env 0 i e
de développement, S. AMIN amis l'accent sur la dépendance
extérieure de la Côte d'_Iv-o-ire ces dernières années. Pour
1ui, "la rémunération à des taux élevés du Capital étran-
gel,
dUlft-1aaomina·tion s'exerce d'une manière absolue sur
toute l'économie du pays traduit la dépendance extérieure
de la croissance ivoirienne. La Côte d'Ivoire passe rapi-
de men t, comm e na guère â l' poque colon i ale d' a ut r est e r r i _
ë
toires, du stade de la mise en valeur, caractérisée par un
apport net de capitaux étrangers à celui de l'exportation
caractériSé par le retournement de la balance de flux, les
profits rée~portés l'emportent de plus en plus sur l'ap-
port de capltaux". Le développement du capitalisme en Côte
dtIvoire, op. cita p.269-270.

210.
annuel (non cumulés) estimée à plus de 14 1, en 1983 contre
16,15 % en 1981. Comme on va l'analyser dans le chapitre sui-
vant, la baisse de l'évolution de l'investissement direct
étranger industriel est 1ié à des facteurs internes objecti fs
la baisse du pouvoir d'achat des pays dQe à la sous rémunéra-
tion des produits primaires, le poids croissant de la dette
extérieure et intérieure, les contradictions au sein de
l'appareil d'Etat marquant à l'horizon l'avenir incertain de
la politique nationale. Même si ces facteurs endogènes obs-
truent
à l'évolution des
investissements industriels, dans
leur ensemble, ils nlen constituent pas des facteurs de b10-
cage à leur
importation. Cet aspect contradictoire des cho-
ses montrent finalement que le facteur politique et socio-
économique est loin de représenter une contrainte majeure
dans les stratégies d'implantation des firmes multinationales
qui ont les moyens d:action de leur politique.
Si l'on excepte le secteur alimentaire, les investisse-
ments dans la chimie, la mécanique et électrique, le texti1e/
habillement ont progressé légèrement de 1970 à 1981, passant
de 29 % en 1970 à 30 % en 1981 après une baisse passagère en
1975 (28 %). Lorsqu'on considère le secteur manufacturier
proprement dit, on remarque que le montant annuel des inves-
tissem~nts industriels a regressé plus ou moins fortement
- dans-fôûs les secteurs et !]10bab1ement de 1980 à 1983. La
concentration du capital industriel dégage un repli des in-
---~--".-:::--...
v.stissement~de~'fir~smultinationales par des propor-
t i o_ns4 mp0r tan tes de 5 1 r, en 198a à 22 01, en 1982 avant
d'atteindre 26 r. en 1983. Ces ratios, à première vue,

211.
n'expriment rien pour certains observateurs. Mais, et c'est
l'objet du chapitre suivant, ils traduisent une réalité ob-
jective qui définit et sous-tend toute la grande politique
de l'Etat. Le contraire serait improbable dans la mesure oit
toute la stratégie de développement et d'industrialisation
du pays repose sur l'apport de capitaux étranger, principa-
lement ceux des firmes multinationales. Nous y reviendrons
nécessairement.
Finalement, l'évolution des investissements directs
étrangers dans le secteur manufacturier est le reflet de la
nature des industries implantées en Côte d'Ivoire sous l'égi-
de des firmes multinationales, notamment â partir des années
60. Il ne s'agit, rappelons-le, que d'un
ensemble
d'indus-
tries légères. Nous allons essayer maintenant de procéder â
une étude exhaustive de ces investissements industriels sui-
vant le degré de pénétration des filiales multinationales
dans les secteurs où ils sont réalisés.
2) Les secteurs industriels liés â l'enquête
Les secteurs industriels concernés par la pr~sente
étude(1) sont les industries alimentaires, les industries
textiles, la chimie et les industries mécaniques et électri-
ques. Ce sont les secteurs oit la pénétration des filiales
multinationales est très forte. Au plan méthodologique,
(1) Dans cette étude, ne sont pris en considération que les
secteurs industriels (le produit fini ou la gamme de
produits) oit la participation du capital étranger est
nécessaire pour le contrôle des unités de production.
Pour plus d'informations sur les investissements étran-
gers, nous vous renvoyons â notre étude, A. OTROU, l'évo-
lution des investissements étrangers en Côte d'Ivoire
depuis 1960, Mémoired~ DEA, Nanterre op. cit.~et éga-
lement aux MARCHES TROPICAUX et MEDITERRANEENS n° 1563,
197.5 •

212.
après une présentation générale de chaque secteur, on mettra
en relief la position soit dominante, soit dominée du capi-
tal international, en particul ier le capital français.
2.1. Le secteur alimentaire
Dans la comptabilité nationale, le sous-ensemble manu-
facturier "Industries alimentaires" est constitué par les
secteurs suivants: travail des grains et farines, conserves
et préparations alimentaires, boissons et glaces alimentaires,
enfin corps gras alimentaires. Les industries alimentaires
représentent des unités de production implantées depuis long-
temps dans le pays. A l'indépendance, l'industrie alimentai-
re a connu une forte expansion qui se poursuit jusqu'a nos
jours. En outre, sa croissance exprime non seulement la stra-
tégie de diversification des activités primaires d'exporta-
tion mais résulte princip~lement de la création, toujours par
le capital étranger, d'entreprises spécialisées dans la mise
en valeur de ces produits primaires agricoles.
Selon la Chmabre d'Industrie, les industries alimentai-
res viennent en première position de l'industrie manufactu-
rière avec 34 milliards de FCFA d'investissements cumulés en
1973 réalisés par 136 entreprises (filiales + société~ privées
nationales), soit plus de 23 ~ du total. Par ailleurs, le
nombre d'entreprises pa s s e à--1-5~otalisant ainsi 64 milliards
de FCFA d'investiss-enrents, soit 25,6 ~ de l'ensemble des ca-
~ -
.
~------
1JtL'auxinvéstis dans l'industrie manufacturière. En 1981, ce
n~~~~_~e fnt 266 e nt r ep r ise s . A pri ori, 1e nomb r e de 266
entreprises parait paradoxal au regard de l'exiguitédu

213.
marché national devant accueillir tant de filiales multin~tio­
na1es seulement dans le secteur alimentaire. Qu'on se détrom-
pe car ce nombre exagéré comprend une plus grande partie de
petites et moyennes entreprises nationales et/ou étrangères
non négligeables orientées dans la production du pain, des
grains et farines et des biscuiteries.
Dans le cadre de la dé1oca1isation industrielle, l'éva-
luation de la pénétration du capital multinational dans les
secteurs des conserves, boissons et glaces, corps gras a1i-
menta~res a l'avantage de donner une idée approximative du
nombre d'entrepris~s multinationales et des investissements
directs réalisés dans le secteur alimentaire. Ainsi, les con-
serveries de jus et de tranches d'ananas sont largement domi-
nées actuellement par 2 filiales: la SAFCO (Société Africai-
ne de Conserves) créée en 1950. Son capital est réparti en-
tre le groupe familial BRAASTAD (75 %) et le groupe PETERSON
(25 %). A cette dernière société s'est ajoutée en 1973, la
nouvelle SIACA dont le capital est réparti comme suit:
COOPERATIVE AGRICOLE BONONA (GO ~), GROUPE PRIVE de Républi-
que de Chine (35 1), privés ivoiriens (2,9 %) et SOTREF (2 %) .
. Toujours dans le secteur "conserves", mais cette fois-ci
s'agissant des produits de la mer (thons et poissons), on
peut citer deux entreprises de production de thons, à savoir
la SCODI (Société des Conserves de la COte d'Ivoire), fi1ia-
1~ de SAUPIQUET (France) et la PFCI (Pêche et froid de C~te
d'Ivoire) appartenant à des capitaux français (G6 %) et
ivoiriens (34 %).
En ce qui concerne la torréfaction du café et la trans-
formation du cacao, 5 filiales se partagent le marché.
Il'

o::f"
-N
TABLEAU 4
CONCENTRATION DES CAPITAUX ETRANGERS DANS L'INDUSTRIE ALIMENTAIRE (ï)
1974
1976
1981 .
Sec te urs des a l i men t s
Français
Autres
Français
Autres
Français
Autres
1
étrangers
étràngers
t r an qe r s
.
ê
Grains et farines
30,10
0,78
12,73
7,22
14,64
8,27
Conserves
20,87
9,37
14,66
12,62
11,19
21,49
Boissons et glaces
17,93
6,78
12,88
4,33
14,35
5,91
Corps gras
2,91
5,24
5,24
5,56
15,70
1
1,91
Autres aliments et tabac
5,18
0,84
0,84
0,64
5,69
\\
. 0,85
TOTAL .
76,99
23,01
69,57
30,43
61,57
38,43
Source
Calculés d'après la Chambre d'Industrie de COte d'Ivoire

215 • ,.
s'agit de CAPRAL (Compagnie de produits alimentaires) filia-
le de NESTLE, CHOCODI (seconde transformation-du cacao) et
SAC~, API et PROCACI (première transformation du cacao).
Globalement, l'origine du capital des produits dérivés du
café et du cacao se présente ainsi: Etat iVQirien (33,4 %),
Privés ivoiriens (16,4 %), Suisse (40,3 ~), France (8,8 ~) et
RFA (1,1 cI,).
Ensuite, si on prend en compte les secteurs "boissons
et glaces (SOLIBRA) et "corps gras a1iemntaires (BLOHORN),
on estime approximativement à 12 filiales, le nombre d'entre-
. prises étrangères qui domi nent 1e sous-secteur manufacturi.er .
alimentaire. Comme on le constate, ces filiales s'installent
là où il y a les inputs
nécessaires à la production de biens,
c'est-à-djre, les matières premières agricoles pour leur mise
en valeur. Par ailleurs, lorsqu'on veut dégager l'origine des
capitaux investis dans le secteur alimentaire, on remarque la
nette domination du capital français par ses prises de parti-
cipations dans les filiales multinationales précitées. La po-
sition dominante du capital français s'explique par le fait
colonial. Néanmoins, à partir des années 70, il Y a eu une
atteinte au monopole français au profit des autres capitaux
étrangers, en particulier américains, suisses, hommandais,
allemands, italien (tableau 4).
2.2. Le secteur chimique
Les industries chimiques recouvrent les activités de
fabricar;on d'engrais, les produits chimiques et les pestici-
des, les peintures, vernis et laques, la fabrication d'articles

216.
en
plastique (à l'exclusion des chaussures) et la produc-
tion de papiers et cartons. En général, la production dans le
secteur chimique se fait à partir d'imputs importés, à l'ex-
clusion de celle liée à la première transformation du caout~
chouc naturel et finalement destinée à être exportée. En ou-
tre, la Centrale des Bilans indique qu'en 1974, les indus-
tries chimiques avec 13 ~ dans la valeur ajoutée globale, de
l'ensemble de la valeur ajoutée est estimér à 65 firmes étran-
gères et nationales confondues. Mais ce nombre doit être con-
sidéré avec pru de nc e puisque la technologie et les matières
premières, intervenant dans le processus productif" étant
importées, il est, par conséquent, interessant d'avancer que la
plus grande partie de ces entreprises sont d'origine étran-
gère dans la mesure où ce sont elles qui ont non seulement le
monopole de la technologie mais aussi la ma'trise des cir-
cuits de distribution et de commercialisation. D'ailleurs, la
participation étrangère dans ce secteur confirme la même ten-
dance. Ainsi, les capitaux privés français interviennent à
concurrence de 35 % (en moyenne) sans oublier la participa-
tion des autres capitaux étrangers - allemands, suisses,
britanniques et autres - estimée à 25,5 %. Donc, en 1983,
l'ensemble des capitaux privés étrangers dans le secteur
chimique atteint plus de 60 %.
En outre, l'affirmation des capitaux étrangers et leur
domination n'ont pas mis à l'abri le secteur chimique victi-
me de la crise économique mondiale au regard de l'évolution
en baisse de certaines grandeurs macro économiques. De ce
point de vue, on peut remarquer que le résultat net cumulé

217.
des entreprises liées au dit secteur industri~l est passé de
4,5 milliards de FeFA en 1982 à 1,2 milliards en 1984 ; ce
qui représente environ une chute importante de plus de 73 X.
A cela, il faut ajouter le chiffre d'affaires qui a accusé
une baisse d'environ 9,8 ~ de 1982 à 1984 sans oublier celle
des effectifs globaux (travailleurs) passant de 4427 en 1982
à 3448 en 1984, soit 22 0/, (1).
Toutefois, les activités de production liées à notre
enquête, à savoir les produits chimiques et les pesticides
(SIVOA, SOFAeO) et les peintures, vernis et laques (SAEe),
bien que frappées par la crise économique - crise du bâti-
ment et augmentation des coûts de production - on enregistré
quelques signes positifs surtout au niveau du chiffre d'affai-
re qui est passé de 18,7 milliards de FeFA en 1982 à 19,5 en
1983, soit une hausse de 4 %en moyenne(2).
2.3.
Le secteur mécanique et é1ectrigue
Les industries mécaniques, électriques et "ê1ectroni-
ques" sont regroupées autour des activités de montage et ré-
pération de matériel de transport, des machines et appareils
électriques sans oublier la fabrication d'articles ménagers
en métal et des emballages métalliques. En 1975, les indus-
tries mécaniques et électriques participent à raison de 10,50 %
du chiffre d'affaires global de l'industrie manufacturière
et 13,2 r, de la valeur ajoutée. Par ailleurs, leur part dans
--- ------- -..---- --
(lLM.:i-n'istêre de l' In du s t r i e , -etr-e c t t on des Industries non
agrico1~~,_rapp~l:~_dJ-a-<:tivité en 1985, Abidjan, 1986.
(2) Marchés Tropicaux et Méditerranéenq, spécial Côte d'Ivoi-
re, 0 P. c t t ,
.
-'"

218.
le total des exportations de produits manufacturés voisinait
l'ordre de 7 % tandis que celle de l'industrie alimentaire
et chimique représentait respectivement plus de 45 % et 18 %.
Si on veut essayer de faire une comparaison entre ces trois
secteurs au niveau des imputs étrangers t on constate que le
taux d'approvisionnement extérieur en provenance des indus-
tries mécaniques et électriques était de 2 t240 par rapport au
secteur alimentaire (Ot519) et chimique (Ot665)t toujours pour
la période considérée t c'est-à-dire en 1974(1). L'appréciation
du taux d'approvisionnement des imputs intervenant dans le
processus productif témoigne de la dépendance totale du sec-
teur mécanique et électrique qui· doit importer des matières
premières du marché mondial ou de la maison-mère.
Cependant, ce sous ensemble manufacturier conna1t une
croissance régulière ces dernières années comme en témoigne
l'évolution du chiffre d'affaire qui est passé de 1,10 mil-
liards de francs CFA en 1960 à 31 t9 milliards en 1975, soit
un taux de croissance annuel de 24 % au cours de la période
1960-1975. Bien que dépendant exclusivement des imputs étran-
gers (assemblage de pièces détachées)t le secteur mécanique
et électrique conna1t une expansion économique dans la mesure
où le chiffre d'affaire réalisé en 1984 atteint 83,8 mil-
liards de FCFA(3) par rapport à 1975, soit une évolution
globale de 62 ~. A ce1a t il faut ajouter le comportement des
---------------
( 1 )
Ministère de l' Industrie t Direction des Industries non
agricoles, Rapport j'activité en 1985, Abidjan 1986.
( 2 )
Marchés Tropicaux et Méditerranéens, spécial Côte
d'Ivoire, op. c i t ,
.
(3)
Multinationales et développement: la Côte d'Ivoire
institut d'Etude de Développement Economique et Social
Université de Paris L, Paris 1977, p. 9 3 . '
t

219.
autres grandeurs économiques, tels l'etlploi et les investissements. Ainsi,
selon la Chambre d'Industrie, les investissements cumulés de ce secteur
sont passés de 4,7 milliards de FCFA en 1970 à 13 milliards en 1976, avant
d'atteindre un seuil global de 34 milliards en 1984, soit un taux de crois~
sance annuel de 7 1, au cours de la période 1976-19840
Par ailleurs, la participation du capital étranger
dans le secteur mécanique et électrique dégage une fois de
plus que Ce secteur n'aurait connu un tel développement sans la
présence de certaines filiales multinationales qui connnandent ce
sous-ensemble manufacturier. A ce titre, on peut citer la
SAFAR et la MAC (montage de véhicules et de cyclomoteurs),
SIEM et IVOIRAL (fabrication d'ouvrages simples en métaux) et
NELCI (production d'appareils TV et radio). Ensuite, la par-
ticipation du Capital étranger dans ce secteur manufacturier
montre une fois de plus la domination du capital français
dont la concentration est estimée à 60 % de l'ensemble des
capitaux investis suivie des autres pays d'Europe Occidentale
avec une participation globale de 23 % en 1983. Bref, en 1984,
selon la Direction des Industries non agricoles, la participa-
t t on 'étrangère atteint plus de 94 ~o Ce qui explique donc la
faiblesse de la concentration du capital national dans ce
sectiHl-r.
2.4. Le seçteur textile et!labillement
Da!15J-a Comptabilité Nationale, les industries textiles
et habillement comp rerrnèn t les activités productives définies
autour d~s sect~urs suivants
filature, tissage et compres-
sion; sachets et ficellerie
article -d'habillement et chaus-
sants. Les investissements globaux cumulés réalisés dans ce

220.
: ~ .
. .,
secteur sont passés de 10 milliards de FCFA en 1970 à 20
mill iards en 1974, soit un taux de croi ssance annuel de plus
de 10 X. Bien que l'évolution de "ce~ investissements ait
été encore nette en 1976 par un taux annuel de progression
de 15 0/, par rapport à 1974, nous constatons une chute brutale
des investissements directs dans le secteur textile et habil-
lement en 1983. A cette date, selon la Centrale des Bilans,
le montant global cumulé des investissements atteint 26 mil-
liards de FCFA; ce qui représente une baisse nette de Il
milliards de FCFA par rapport à 1976, soit un taux de régres-
sion de 6 %. En fait, cette baisse des investissements doit
être mise au compte des désinvestissements dQs à la crise
économique et à la cessation de certaines entreprises(l).
En outre, l'évolution en baisse des investissements
directs dans le secteur textile et habillement a eu une in-
cidence sur l'emploi des travailleurs dans la mesure 00 le
nombre d'effectifs est passé de Il 703 en 1981 à 10 103 en
1983, soit une diminution (compression du personnel) de
1 600 personnes victimes du chOmage. Néanmoins, la baisse
relative des investissements n'a pas affecté celui du chiffre
d'affaire de se secteur. Bien au contraire, le chiffre d'af-
faire global a connu une évolution rassurante pour les entre-
prises étrangères car il est passé de 81 milliards FCFA en
1980 à 88 milliards en 1981, soit une progressiort de 8 %
-------------- ,"
~~----'--nT Par exemple," Blue Bell COte d'Ivoire (BBCI),"implantée
en 1974, a cessé ses activités productives en 1984.Rap~
pelons que cette filiale du groupe Blue
Bell In Corps
réalisait l'essentiel de son chiffre d'affaire sur le
marché mondial
(Europe). Ce dernier représentait 2,3
milliards FCFA en 1982/1983.
"

221.
pour la période de 1980-1981. Finalement, quelques filiales
d'origine occidentale ont contribué à la croissance du sec-
teur textile et habillement. Il s'agit notamment de UTEXI et
UNIWAX (filature, tissage, teinture et impression), FILTISAC
(Sacherie et ficellerie) enfin BATA (articles en cuir et
chaussants) •
3. De la stratégie globale d'implantation dans les
secteurs industriels concernés
En attendant de caractériser les
spécificités du mo dë-
le
ivoirien
de dé1oca1isation à partir de l'enquête, nous
allons montrer, dans ce paragraphe, d'une part les modalités
de dé1oca1isation industrielle (anciennes ou nouvelles fir-
mes), et la stratégie d'implantation perceptible sous l'an-
gle de la création de "filiales relais" ou de "filiales
,0,'
....~
ateliers" d'autre part.
3.1. Anciennes ou nouvelles formes d'investissement
L'étude des quatre secteurs industriels manufacturiers
a permis non seulement de souligner la présence étrangère
dan s 1 'é con 0 mie i v0 i rie nne, mai s surtout 1a pos i t i on dom i na n-
te du capital français concentré dans tout le secteur manu-
facturier. A cet effet,' nos estimations, à partir des don-
nées de la Centrale des Bilans, dégagent les tendances de
1 ' i nter na tt 0 na 1i s a t ion de 1a pro duc t ion en Côte d' 1v0 ire.
Ainsi, globalement, la concentration du capital étran-
ger dans le secteur manufacturier représente, en moyenne 70 ~
de l'ensemble du capital social des filiales installées sur
le territoire national. Elle est tris nette dahs la chimie
(49 %) et la mécanique et l'électrique (60 1,) en ce qui

TABLEAU 5
CONCENTRATION DU CAPITAL ETRANGER DANS LE
5ECTEUR MANUFACTURIER EN 1983 (%)
Côte d' 1vo i re
Etrangers
SECTEUR INDUSTRIEL
TOTP.L
Autres
Etat
Pri vps
France
(1)
Alimentaire
26,7
18,5
22,3
32,5
100,0
Chimie
10
25,4
49,5
15,1
100,0
Mécanique et élec-
trique
1,2
9,7
60,0
29,1
100,0
Textiles et habil-
lement
8,5
16,9
21,4
53,2
100,0
Ensemble manufactu-
rier
11,6
17,6
38,3
32,5
100,0
Source: Calculés d'après la Centrale des Bilans
(1) Notamment, la RFA, le Royaume-Uni, les UnSuAn, la Suisse,
l'Italie et le Liban
concerne le capital français, et secondairement les aliments (32 ~q
et les textiles et habillement (53 0/.) pour les autres capitaux
étrangers. A l'aide de ces données quantitatives, on ne sau-
rait contrarier les théories de l'impérialisme, selon lesquel-
les l'internationalisation de la production, sous l'égide du
capital
des U.S.A.
dans le monde, reproduit la domination.des
économies du Tiers Monde par les économies développées à éco-
nomiede marché. La Côte d'Ivoire n'échappe guère à la logi-
que mondiale du Capital".
Par ailleurs, il apparait intéressant ici d'appréhender la dépen-
dance de l'industrie locale résultant de la participation majoritaire du
capital étranger dans les firmes implantées sur le sol national. A cet ef-
fet, pour y parvenir, nous utilisons la méthode fu FMI et de l'OCDE qui
situe le pourcentage de contrôle entre 25 et 50 (1)
------.._------
(1) S1TI, l' i mpla nta t ion é t ra ngère dan s l' i ndus tri e f r a nça i se,
Mlnlstère de l'Industrie, 1er janvier 1977.

2230
Or, en considérant explicitement l'influence de l'étranger
dans les prises de participation majoritaire ou minoritaire,
on débouche sur les déterminants de OMAN qui tente de définir
les nouvelles formes d'investissement par rapport à l'inves-
tissement direct traditionnel (1) diffère de l'investissement direct
étranger traditionnel par la répartition du capital social
correspond au projet: lorsque l'investisseur local possède
la totalité ou la majorité du capital social (mais pas néces-
sairement de la globalité des ressources investies), il s'agit
d'une nouvelle forme d'investissement, Quand, au contraire,
l'investisseur dirige les opérations grace à la participation
majoritaire qu'il détient dans le capital social de la société
qui met en oeuvre le projet en question, il s'agit d'un in-
vestissement direct u(I).
Dans ces conditions, en accord avec la définition de
OMAN, on est autorisé à dire que les nouvelles formes d'inves-
tissement n'ont pas supplanté l'investissement direct étran-
ger traditionnel parce que la participation étrangère dans
l'indùstrie manufacturière ivoirienne représente plus de 70 %
de l'ensemble du capital social des filiales multinationales
(au-dessus de 50 %). Par là, il Y a un c~ntr01e certain du
secteur industriel par l'étranger. Même la répartition sec-
torielle confirme cette tendance du capital étranger
Ali-
ments (54 %), Chimie (64 %), Textiles et habillement (74 %)
-,--_~_ ..,.::--~? _M_~ic]ue et électrique (89 ~!,), soit un contrôle effectif
Y.a-Y'3.-a-1lt ~r~ S-O--et...9-O-~. --E1rf1fl,-<fans le cadre de l'économie
ivoirienne, la dé10ca1isation industrielle s'opère par les
------------
(1) Q!i8!!.,Les nouve l l e s formes d'investissement dans les pays
en voie de développement, opo cit., p. 20.

224.
anciennes formes d'implantation, c'est-à-dire, l'investisse-
ment direct étranger traditionnel. Ces modalités de dé10ca1i-
sation spécifient la nature des filiales implantées dans le
secteur industriel manufacturier.
3.2. Formes de dé10ca1isation
filiales relais en
ateliers
Lac 0 nce nt rat ion du cap i t a 1 é t ra nge r dan s 1e sec te uri n-
dustrie1 manufacturier, à travers le taux de participation
de plus de 70 %, explique la stratégie des firmes m~ltinatio -
na1es qui ont recours à l'investissement direct étranger tra-
ditionne1 comme modalité majeure de leur implantation en Côte
d'Ivoire. C'est pourquoi, nous avons choisi d'appeler cette
modalité d'implantation d'anciennes formes d'investissement
par opposition aux nouvelles formes, au regard de la faible
l o bi l t s a t t on de l'épargne nationale évaluée à 28 ~ de l'en-
semble du capital investi dans le secteur manufacturier. A ce
niveau, il convient toutefois de préciser que certaines études(l) exa-
gèrent dans leurs estimations, même si elles sont établies
sur la base des sources nationales. Ces stimulations confèrent
à l'économie ivoirienne un taux de participation de plus de
78 % dans le secteur industriel manufacturier. Comme on le
montrera à travers les résultats de notre enquête, ce taux
de 78 % est surrestimé car il prend en compte non seulement
les par tic i pat ion s du ca pi t a ln a t ion a1 dans le secteur i ndus -
tri~l mais surtout celles liées aux
activités "industrielles"
annexes (énergie, eau, boulangerie, imprimerie) où le capital
national privé ou public est dominant. Par conséquent, ces
es~imations, loin de tradOire la réalité de la concentration
(1)
Marchés Tropicaux et Méditerranéens, op. cit.

225.
du capital industriel étranger, ne remettent pas en cause nos
.
$
conclusions ayant trait au caractère traditionnel de l'inves-
tissement direct étranger dans l'industrie manufacturière
ivoirienne, comme modalité principale de l'internationalisa-
tion de la production.
A ce stade, le choix des anciennes formes d'inplanta-
tion à travers l'investissement direct étranger traditionnel
va spécifier nécessairement la nature des filiales de produc-
tion installées sur le territoire national. Le problème central
à
résoudre ici est de savoir si la délocalisation industrielle
répond à la stratégie commerciale (création de filiales relais)
ou la stratégie globale (création de filiales ateliers). Il est
évident que la discussion d'une telle question exclut toute
analyse d'ordre global permettant d'éviter toute généralisation
source de conclusions hâtives. Certes, avant d'y arriver, on
peut tout de même essayer, à l'aide des estimations faites con-
cernant le clivage marché domestique/marché étranger, de donner
un aperçu sectoriel de la stratégie d'implantation des firmes
multinationales. Ainsi, à l'instar de la branche "Conserves/
Préparations alimentaires", toutes les autres branches indus-
trielles privilégient le marché national car leur part sur ce
marché est comprise entre 80 % et 99 % comparativement à leur
faible présence sur le matché mondial ou régional. Dans ces
conditions, par anticipation on peut affirmer que le marché
reste essentiellement l'élément moteur des implantations des
entreprises étrangêres dans le secteur industriel à 1 'exce~tion
des "Conserves et Préparations alimentaires". En outre, les
extreprises !trangères pr1vilégiant le marché comme déterminant
de l'investissement, peuvent être appelés "filiales-r~lais"

226.
TABLEAU 6 - PART DU MARCHE NATIONAL (%)
Secteurs
1979
80
81
82
83
84
Conserves/Préparations
7
8
7
7
8
6
alimentai res
Fabrication Boissons
99
99
99
99
98
98
Glaces alimentaires
Corps gras alimentaires
80
83
88
82
-
83
Taxtile/Habillement
85
89
88
93
77
82
Cui r/ Arti cl es chaussants
90
93
96
91
85
88
Chimie
92
85
95
98
95
98
Construction Réparation
matéri el de transport
96
95
95
98
95
98
Autres mécaniques
93
98
93
93
96
91
électriques
Source
Calculés d'après la Centrale des Bilans
TABLEAU 7 - PART DE MARCHE MONDIAL (%)
Se cteu rs
1979
80
81
82
83
84
Conserves/Préparations
93
92
93
93
92
94
alimentaires
Fabrication Boissons
1
1
1
1
2
2
Glaces alimentaires
Corps gras alimentaires
20
17
12
18
-
17
Textiles/Habillement
15
7
4
9
23
18
Cuir/Articles chaussants
10
7
4
9
15
12
Chimie
8
15
5
2
5

Construction réparation
4
5
5
2
5
2
_matériel de transport
Autres mécani~ues
7
2
7
7
4
9
électriques
Source
Calculés d'après la Centrale des Bilans

227.
TABLEAU 8 - RATIO EXPORTATION/PRODUCTION VENDUE (%)
,
Secteurs
1979
80
81
82
83
84
Conserves/Préparations
99,0
91,4
96,4
95,2
93,0
94,4
alimenta ires
Fabrication Boissons
0,2
0,8
1,3
1,2
1,4
1,6
Glaces alimentaires
Corps gras alimentaires
21,0
18,3
16,8
19,4
-
18,4
Textiles/Habillement
16,6
11,5
11,9
7,4
24,7
18,4
Cui r /arti cl es chaussants
16,9
10,4
6,1
12,4
20,0
16,0
Chimie
8,2
15,9
1,4
1,3
20,4
23,8
Construction Réparation
4,4
5,7
6,5
2,7
6,3
2,2
matériel de transport
Autres mécaniques élec-
6,3
2,3
7,0
7,3
4,3
7,9
triques
Source
Calculés d'après la Centrale des Bilans
parce que la production s'effectue directement sur les lieux
de la commercialisation. Par lâ, "la filiale étrangère effec-
tue sur les lieux de commercialisation une partie des opéra-
tions de la maison-mère, dont elle constitue une réplique â
l'étranger. La filiale est une extension de la maison mère
sur les marchés extérieurs"(l). Par ailleurs, en comparant
les différents ratios exportations/production vendue dans les
différents secteurs, on remarque toujours les mêmes tendances.
S'agissant de la branche des "Conserves/Préparations alimen-
taires", on constate une forte intégration au marché mondial
car le pourcentage des ventes extérieures varie entre 51 r. et
99 % selon les filiales implantées.
(1) M. DELAPIERRE t in Les multinationales, Cahiers français,
op. c t t , , p. 27.

228.
En principe, une telle stratégie d'implantation privi-
légiant le marché mondial répondâ la création de filiales-
ateliers. Mais, la filiale-atelier étant une unité spécialisée
au sein d'un ensemble intégré à l'échelle mondiale(l), doit-
on conclure que la production de boîtes de conserves dans
l'industrie ivoirienne, destinées au marché mondial, reflète
les mêmes stratégies d'implantation des firmes multinationa-
les que les pays asiatiques, tels Singapour, Corée et Hong
Kong où elles développent des unités de production destinées
exclusivement à l'exportation. En tout cas, à la différence
de ces pays où chaque filiale multinationale est spécialisée
dans la fabrication d'un élément du produit ou de la gamme de
produits (pièces détachées), la délocalisation dans la branche
"Conserves et préparations alimentaires" répond â la stratégie
simple d'exportation. Les résultats de l'enquête vont permet-
tre de donner une explication concernant les spécificités
d'une telle stratégie de production industrielle.
SECTION 2
Résultats de l'enquête et observation empirique
de la délocalisation industrielle
Après avoir souligné la concentration du capital étran-
ger dans l'industrie manufacturière ivoirienne où sa partici-
pation est dominante, il est décent de vérifier notre obser-
vation empirique de la délocalisation industrielle â l'aide
des résultats de l'enquête menée auprès de certaines filiales
multinationales implantées en Côte d'Ivoire. Nous avions déjà
annoncé, au debut de l'étude, que la thèse est consacrée à la
(1) M. DELAPIERRE, Les multinationales in Cahiers français,
op. cit.

229.
délocalisation industrielle vers le Tiers Monde avec comme
point d'application concret le cas de l'économie ivoirienne.
De ce point de vue, l'enquête effectuée sur le terrain auprès des
entreprises étrangères sur la base d'un questionnaire a per-
mis de recueillir sous forme condesnée des informations fonda-
mentales nécessaires â la saisie du procès de multinationali-
sation dans ce pays. Ainsi, le questionnaire a servi d'outil
méthodologique d'appréciation de la nature des filiales multi-
nationales et les mobiles qui motivent leur implantation dans
l'espace national considéré. Chemin faisant, nous débouchons
sur le degré d'intégration des filiales du groupe ou à la mai-
son mère, à travers l'approvisionnement en matières premières
(imputs) soit le financement des investissements et de l t e f -
fort de technologie. Mais avant de passer en revue ces dif-
férents aspects liés au questionnaire il faut donner les rai-
sons (justification) du choix de l'échantillon des filiales.
1) Justification de l'échantillon
L'enquête s'est ~éroulée du 1er février 1986 au 30
avril 1986 à Abidjean où la plus grande majorité des filiales
d'entreprises sont implantées. Notre travail de terrain n'au-
rait dû être mené à bon escient sans le soutien concret et
logistique du Ministère de l'Industrie, notamment la Direc-
tion des Industries non agricoles. Malgré quelques problèmes
rencontrés sur le terrain -rendez-vous et attitude déconcer-
tante de certain~ chefs ~'entreprises- les informations obte-
---~--
nues sur la base du questionnaire l'on été, toujours, grâce à
la collaboration de la dite Direction. Cependant, l'analyse
des faits et leur interprétation n'engagent que l'auteur de
cette thèse.
."
. .....

230.
Notre échantillon concerne un certain nombre de filia-
les multinationales répertoriées sur l'ensemble du secteur
industriel manufacturier. Il s'agit, en rapport avec les sec-
teurs industriels étudiés dans le paragraphe précédent, des
entreprises de production allant des secteurs alimentaires aux
industries mécaniques et électriques. Ainsi, sur la base de
certains critères liés aux aspects socio-économiques et finan-
ciers, nous avons fait un repérage de filiales intégrées au
groupe ou à la société mère d'origine: CAPRAL, SCODI,
BLOHORN, SOLIBRA (secteur alimentaire)
; SIVOA, SOFACO, UNION
CARBIDE, SAEC (secteur de produits chimiques) ; IVOIRAL, SIEM,
SAFAR, MAC, NELLI, SICABLE (secteur de produits mécaniques et
électriques) et enfin, FILTISAL, BATA, UNIWAX (secteur .des
textiles et habillement).
Bien évidemment, on peut nous rétorquer pourquoi pré-
cisément les filiales ci-dessus énumérées et pourquoi pas
d'autres entreprises étrangères qui participent aussi à la
formation du produit intérieur brut de l'économie nationale.
Une telle remarque serait juste et fondée parce que le proces~
sus de dé10ca1isation industrielle est le fait de toutes les
entreprises industrielles installées sur le territoire. Mais,
elle introduit un vice méthodologique qui prévi1égie l'étude
du procès de dé10ca1isation industrielle par une approche
globalisante, c'est-à-dire, une addition de toutes les entre-
prises étrangêres qui transfèrent la technologie oupartici-
pen t à l'in_dus tri al i s a t ion du pays ; par exemple, la Société
Abidjanaise d'expansion chimique (SAEC) contrôle plus de 60 %
du marché national dans le sous-secteur chimique "peintures,
vernis et laques". Alors, comment, dans ces conditions,

231.
pouvions-nous retenir toutes les entreprises dans le cadre de
l'enquête sachant que certaines d'entre elles ont une taille
petite ou moyenne comparativement à celles concernées dans
l'échantillon.
En revanche, le critère relatif au contrôle du marché
national ne parait pas suffisant car la part de 60 ~ du marché
national détenue par la SAEC ne signifie pas que l'autre en-
treprise ou les autres, contrôlant le reliquat 40 %, ne parti-
cipe pas à la formation du tissu industriel local. Bien au
contraire, la dépendance du secteur chimique (peinture, vernis
et l a que s) . à l' é ga rd d' i nputs é t ra ngers sou l i gne l a pré sen c e
d'une téchnologie importée dont les effets "entra'nants" peu-
vent avoir une incidence inductrice sur l'ensemble de l'indus-
trie nationale. Loin de vouloir négliger le facteur du marché
qui caractérise l'importance de la taille de l'entreprise,
le choix des filiales de l'enquête répond à certaines gran-
deurs économiques non exhaustives, elles-mêmes, facteurs dé-
terminants de l'importance d'une entreprise sur le marché.
Finalement, les élé .... ents susceptibles d'être objectifs, selon
nous, pour justifier l'échantillon de l'enquête sont les sui-
vants
le capital social, le volume d'investissements réali-
sés, le montant du chiffre d'affaires et sans soublier les
aspects sociaux liés à l'emploi.
Par ailleurs, ces éléments objectifs ne .doiv~nt pas
être pris en soi indépendemment d'autres facteurs tels la va-
leur ajoutée et les bénéfices. Certes, ces derniers occupent
une place importante dans la politique d'investissement des
entreprises, mais leur appréciation est fonction du niveau des

232.
investissements, du chiffre d'affaires et de l'emploi qui les
précédent. D'où leur omission volontaire de l'ensemble des
facteurs retenus.
1.1. D'abord le capital social et le volume des
investissements
Toute création d'entreprise suppose la constitution ou
la formation du capital social qui justifie toute son impor-
tance liée à la taille et à la dimension financière. Ainsi,
dans le cadre de l'enquête, le choix des filiales a été fonc-
tion du volume du capital social dont le niveau retenu est
compris entre 300 millions et 5 milliards de FCFA. Compte tenu
de la faiblesse de l'épargne nationale, le niveau élevé du
capital social a favorisé l'émergence de grandes entreprises
industrielles permettant à l'Etat et au capital privé natio-
nal de bénéficier de certaines participations dans le capital
de ces filiales multinationales. Donc, en définitive, le choix
de l'échantillon dépend de l'importance du capital social
constitué. A titre d'illustration, les filiales ayant retenu
notre attention ont un capital social variant de 388 millions
(CAPRAL) à 5,03 milliards de FCFA (BLOHORN) comparativement
à
certaines entreprises étrangères, d'ailleurs les plus nnm-
breuses, dont le capital social est inférieur à 300 millions
de FCFA.
D'autre part, la formation du capital social à un ni-
veau très élevé ne peut être le fait que des filiales multina-
tionales qui possèdent des moyens de financement importants.
Or, en raison des coûts importants du falt de la technologie
plus élaborée et onéreuse et des charges d'implantation liées

233.
A certaines acquisitions (terrains industriels, installation
d'usines ••• ), le niveau ou le volume des investissements à
réaliser exige une masse importante de capitaux dont le fi-
nancement tient compte nécessairement de la taille des filia-
les. En effet, on a constaté que les entreprises industrielles
ayant plus de 300 millions de capital social réalisent plus
de 1 milliards de FCFA d'investissements. C'est pourquoi nous
avons également retenu le critère d'investissement car les
filiales concernées ont atteint ou dépassé le niveau d'inves-
tissement de 600 millions de FCFA. En d'autres termes, l'inves-
tissement moyen cumulé réalisé, en 1984, varie entre 900 mil-
lions (SOFACO) et 16 milliards de FCFA (SOLIBRA).
1.2. Ensuite le montant du chiffre d'affaires
Entre le capital social et le volume des investisse-
ments, éléments susceptibles de justifier l'échantillon, nous
avons retenu aussi le montant du chiffre d'affaires hors taxes
comme autre critère objectif d'appréciation, de la taille des
filiales. Au niveau de la collecte d'informations financières
concernant l'ensemble du secteur industriel manufacturier,
nous avons constaté que les entreprises dont le chiffre d'af-
faires est supérieur à 500 millions de FCFA présentent un
grand intérêt dans la politique d'industrialisation du pays.
Ainsi, pour que ces filiales rpalisent plus de 500 millions
de chiffre d'affaires, on remarque que le niveau moyen de
l'investissement réalisé est assez important, c'est-à-dire,
qu'il excède 1 milliards de FCFA. Ce qui explique, sans doute,
. la relation objective entre chiffre d'affaire élevé et niveau
de l'investissement réalisé.

234.
Cependant, a la suite de quelques contacts et recher-
ches à la direction des Industries Non Agricoles, il s'est
avéré que les filiales les plus importantes, donc représen-
tatives
sont celles dont le chiffre d'affaires excède 2 mi1-
liards de FCFA. Dans ces conditions, nous avons retenu les
entreprises dont le chiffre d'affaire se situe dans 1 linter-
valle de 2,5 milliards (FILTISAC) et 39 milliards de FCFA
(BLOCHORN). Par ailleurs, il faut faire remarquer, au passa-
ge, que la taille des filiales retenues en fonction du chif-
fre d'affaires est nécessairement liée au degré de concentra-
tion des différents groupes ou maisons-mères d'origine des
filiales étudiées.
2) CARACTERISTIQUES GENERALES DEFINISSANT LI ENSEMBLE DES
FILIALES
2.1. Localisation dans le temps et dans l'espace
L'ensemble industriel de la COte d'Ivoire s t t ns cr t t
parfaitement dans la ligne de la stratégie de développement
industriel depuis 1950, fondée sur la mise en place d'indus-
tries légères de substitution des importations, à l'exclusion
de toute politique d'industrialisation de base. Le capital
étranger a beaucoup contribué à la création de ces industries
e t ale ure f fic a c i té. En c1air, i 1 fa ut 1e re con na î t r e ,
-__ 1 'él]terg enc e _d u co mpl ex e i ndus tri el na t ion ale s t due maté rie 1-
-
- .
---
.
-
- -.- - --' ---
1ement grâce à l'accumulation du capital colonial et à sa
-------- - -~.. ~ -----
reproduction après 1es--tncfêpenâarn:es. Ainsi, l'enquéte a per-
mis de situer la date d'implantation des premières industries,
--
.
a partir de 19S--O---jusqu'en 1985 pour les industries récentes
(Tableau 9). A cet effet, on peut citer SIEM (1954) et

235.
SOlIBRA (1955) auxquelles se sont ajoutées d'autres filiales
telles UNION CARBIDE (1970), SICABlE (1976) et NElCI (1983).
Certes, les industries légères ont fait des progrès considé-
rab1es et enregistré un taux de connaissance élevé, mais il
faut, tout de même, souligner les limites de la stratégie
d'industrialisation de l'Etat qui reproduit ce type d'indus-
tries puisque la création d'industries de base n'intéressent
pas le capital étranger, voire les firmes multinationales.
les 1 imites de la stratégie industriell e de l'Etat
sont d'autant plus accentuées quand on considère la localisa-
tion géographique des filiales, concentrées particulièrement
dans la zone abidjanaise (tableau 10). Ce qui réduit ou bloque
les effets d'entrainement sur l'ensemble du pays. En outre,
on pouvait imaginer, à priori, que la concentration des indus-
tries autour d'Abidjan, principalement celles liées à la mise
en valeur de certains produits primaires, justifie l'existence
des matières premières agricoles sur les lieux de la produc-
t ion ( 1). Il n' en est rie n, car en fa i t 1a con ce nt rat ion de .1a
plus grande partie des entreprises industrielles a Abidjan
renvoie àd'auires facteurs liés à un environnement industriel
plus attrayant (le canal de Vridi, le port, l'ensemble des
infrastructures socio-économiquesy. Toutefois, indépendemment
des industries de valorisation de produits agricoles, d'au-
tres secteurs industriels tels la mécanique générale (IVOIRAl),
métallique (SIEM), électrique et électronique (SICABlE, NElCI)
(1) Par ailleurs, on doit faire remarquer que l'implantation
industrielle. est faite, dans certains cas, sur les lieux
de production des cultures agricoles: l'ananas, une par-
tiede l'usinage de café, le tabac, le bois et l'hévéa-
culture. D'autre part, l'activité textile est généralement
concentrée à Bonake, Alboville et Dimborro.

236.
TABLEAU 9
- CARACTERISTIQUES GENERALES DES FILIALES
MULTINATIONALES
FILIALES
LIEU
BRANCHE
PRODUITS OU GAMME
Dr IMPLANTATION
INDUSTRIELLE
DE PRODUITS
Conservations et pré-
Produits café et
CAPRAL
Abi djan
parations alimentaires
cacao
SCODI
Abidjan
Conservations et pré-
Thon en conserve
parations alimentaires
BLOHORN
Abidjan
Corps gras alimentai-
Huiles, margarine,
res
savons
SOLIBRA
Abidjan
Boissons, Glaces ali-
Bière et boissons
l imentai res
gazeuses
BATA
Abidjan
Articles en cuir et
Chaussures
chaussants
FILTISAC
Abi djan
Textiles
Sacs jute cacao &café
UNIWAX
Abi djan
Textiles et habille-
Pagnes WAX
ment
Gaz, électrode de
SIVOA
Abidjan
Chimie
soudage
SOFRACO
Abidjan
Chimi e
Insecticides, pesti-
cides, herbicides
UN ION CARB l DE
Abidjan
Mécanique générale
Piles sèches, man-
.ganèse moulu
SAEC
Abidjan
Chimi e
Vinyliques, Glycé-
rophtaliques
IVOIRAC
Abidjan
Transformation de
Articles ménagers.
métaux
Bacs alu et tôles
SIEM
Abidjan
Méta 11 i ques
Boites de conserves
et insecti ci des
SAFAR
Abidjan
Construction maté-
Véhicules touristi-
riel transport
ques et industriels
Bicyclettes et Cy-
MAC
Abidjan
Mécanique générale
clomoteurs
Electrique et élec-
Télévisions, radios,
NELCI
Abidjan
tronique .
magnéto
SICABLE
Abidjan
Contructions, Fourni-
Fils et câbles élec-
1
!
tures électriques
triques
i
Source
notre enquête

23].
TABLEAU 10
CARACTERISTIQUES GENERALES DES FILIALES
MULTINATIONALES
DATE DI IMPLAN-
FILIALES
GROUPE OU MAISON ME~E
PAYS DIORIGINE
TATI ON
D'ORIGINE
CAPRAL
1959
NESTLE
SUISSE
SCODI
1960
SAUPIQUET
FRANCE
BLOHORN
1969
UNILEVER
GRANDE BRETAGNE
SOLIBRA
1955
ARTOIS
BELGIQUE
BATA
1962
BATA
FRANCE
FILTISAC
1966
IPS
SUISSE
UNIWAX
1969
UNILEVER-GAMMA
HOLLANDE
SIVOA
1961
AIR LIQUIDE
FRANCE
SOFACO
1961
ROUSSEL-UCLAF
FRANCE
UNION CARBIDE
1970
UNION CARBIDE
U.S.A.
SAEC
1962
ASTRAC
FRANCE
1VOl RA L
1963
PECHINEY
FRANCE
SIEM
1954
CARNAUD
FRANCE
SAFAR
1961
RENAULT
FRANCE
MAC
1961
IICFAO II-PEUGEOT
FRANCE
NELCI
1983
MATSUSHITA ELECTRIC
JAPON
SICABLE
1976
PERELLI
ITAL lE
Source
notre enquête

238.
sont aussi concentrées à Abidjan parce qu'ils représentent des
activités d'import-substitution qui dépendent essentiellement
et entièrement de l'existence d'un marché potentiel lui-même
conditionné par la croissance urbaine, donc la concentration
de revenus moyens et hauts.
2.2. Nature des activités dé1oca1isées et produits
fabriqués
Nous avons montré que le développement spectaculaire
d'un ensemble d'industries légères dans la région d'Abidjan
est le fait le plus saillant de la politique industrielle
libérale depuis 1960 à nos jours. Cet ensemble industriel ma-
nufacturier n'a pas évolué au niveau de ces composantes. Il
s'agit toujours des branches industrielles allant des conser-
ves, préparations et corps gras alimentaires aux activités mé-
caniques, "électroniques" et électriques en passant évidem-
ment par les textiles, habillements et les articles chaussants.
On retrouve les mêmes composantes industrielles presque entiè-
rement dans l'ensemble des pays du Tiers Monde, en particulier
en Afriqu~, même si leur croissance s'ex~rime dans des propor-
tions très variables et inégales selon les zones d'intérêts
privilégiéS des firmes multinationales.
l'enquête confirme ces tendances. Au niveau des produits
ou gammes de produits fab~;qués, nous avons recencé les filia-
les multinationales susceptibles de donner une image d'ensem-
ble pour apprécier le procès de dé1oca1isation industrielle
déjà annoncé. Ainsi, la fabrication des produits dérivés du
café et du cacao a été introduite par CAPRAl depuis 1960,
tandis que la production de thon en conserve, des huiles et

239.
margarine, bière
et boissons gazeuses intéresse respective-
ment des filiales comme SCOOI, BLOHORN et SOLIBRA. Pour
l'ensemble de ces sociétés, les activités de production sont
issues généralement des matières premières agricoles.
Quant aux autres produits, tels la fabrication de chas-
sures, 1 'habillement, les insecticides et pesticides, montage
de véhicules, mobylettes et motobécane, articles ménagers en
toile d'aluminium, enfin la production de télévisions, radios
et fils électriques, l'ensemble des inputs intervenant direc-
tement dans la production sont en grande partie importés de
l'étranger. En outre, ces·produits ou gamme de produits sont
l'apanage de sociétés étrangères à forte concentration de ca-
pita1. A juste titre, la SAFAR est la première usine de mon-
tage de véhicules sans oublier la MAC dans le domaine des mo-
bylettes. Par ailleurs, des sociétés traditionnelles dominent
le secteur de la chimie depuis 1960. Il
s'agit, en ce qui
concerne notre échantillon, des filiales suivantes: SIVOA
(gaz et électrode de soudage), SAEC (Vinyliques et Glycéroph-
taliques), SOFACO (insecticides, pesticides, herbicides).
Viennent ensuite le groupe des textiles et habillement
(UNIWAX) et production de sacs de jut~ (FILTISAC) et les ar-
ticles en cuir et chaussures (BATA).
Outre les industries alimentaires, textiles et chimi-
ques, les filiales multinationales investissent aussi dans les
secteurs des métaux, électriques et électroniques. Loin de
vouloir négliger la participation de certaines filiales dans
les secteurs précités, nous avons établi une liste non exhaus-
tive de filiales conformément à notre hypothèse de départ, à

240.
savoir les éléments objectifs justificatifs du choix de
l'échantillon. Donc, toujours concentrées autour de la région
abidjanaise, ces filiales concernent la transformation de mé-
taux et la fabrication d'articles ménagers en toile d'aluminium
(IVOIRAL), la production d'objets en métal et d'emballages
métalliques (SIEM). A ces deux filiales, il faut ajouter la
SICABLE spécialisée dans les constructions et fournitures
électriques (fils de câbles électriques) et pour la première
fois, en Côte d'Ivoire, la NELCI produisant localement des
télévisions, radios et magnétos en 1983 qui étaient jusque là
importés.
Finalement ces entreprises étrangères et celles qui ne
sont pas concernées par l'enquête sont des filiales dont les
groupes d'origine sont généralement localisés dans les pays
développés à économie de marché. L'enquête a permis de carac-
tériser les filiales selon les maisons-mères et les pays d'ori-
gine.
2.3. Concentration géographique des filiales selon
l'origine des maisons mères
Le dépouillement du questionnaire a permis d'appré~ier
correctement la concentration géographique des filiales selon
les maisons-mères et les pays d'origine des firmees multina-
tionales. Les réponses fournies par les chefs d'entreprises
ont été déterminantes pour rassembler un ensemble d'informa-
tions précieuses sur l'origine réelle des filiales implantées
----------------- ~---
en-C-Ote d' l v0 ire ~ ta b1eau 9). Il est appar u i nté r e s san t e t
. instructif de constater que la concentration géographique des
activités des firmes multinationales en Côte d'Ivoire présen-
te les mêmes caractéristiques de la multinationa1isation

241.
décrite dans le cas de l'Afrique Noire Francophone. En d'autres
termes, ce sont les mêmes firmes multinationales qui délocali-
sent dans certains pays du Tiers Monde qui investissent en Côte
d'Ivoire,
Ainsi, l'enquête souligne la présence de NESTLE, SAUPI-
QUET, UNILEVER (industries alimentaires), AIR LIQUIDE, ROUSSEL-
UCLAF, ASTRAL (industries chimiques), CARNAUD
RENAULT, PEUGEOT,
PIRELLI, MATSUSHITA ELECTRIC (industries de métaux, mécaniques
et électrique). Le tableau 9 donne la liste des différentes fi-
liales implantées en Côte d'Ivoire selon les secteurs d'activi-
té. Par ailleurs, n est important de mettre en relief l'origi-
ne des différents pays investisseurs des filiales concernées
par l'étude. A cet effet, on remarque que la délocalisation de
la production dans notre pays est le fait des firmes multina-
tionles originaires des pays développés à économie de marché,
communément désignés par Centre 00 la concentration du capital
a atteint un niveau de développementtrês élevé.
On ne saurait contredire le postulat selon lequel la
Côte d'Ivoire représente le lieu privilégié de la reproduction
du capital international en Afrique Noire car l'internationali-
sation de la production s'y effectue Sous la houlette des capi-
taux français (SCODI, SIVOA, SOFACO, SAEC., SIEM, MAC, SAFAR,
IVOIRAL), suisses (CAPRAL, FILTISAC), britanniques (BLOHORN),
belges (SOLIBRA), américains (UNION CARBIDE), japonais (NELCI),
-- ,~---~+tatiens--(S-ICABL~)
et enfin hollandais (UNIWAX). Bien que l'ob-
servation empirique ait été faite à partir d'un échantillon non
exhaustif, il s'est avéré opportun de constater que le processus
de multinationalisation enG'Ôte d'Ivoire s'est amorcé. orâce
."
aux

242.
unités de production délocalisées par l'ensemble des grands
pays industrialisés à économie de marché.
3. Mobiles et modalités d'implantation des filiales
3.1.Mobiles d'implantatio"-
La question directe que nous avions posée aux diri-
geants est la suivante: pourquoi leurs entreprises se sont-
elles installées en Côte d'Ivoire? Généralement, la raison
d'implantation évoquée est simple et claire: u no us nous som-
mes installés en Côte d'Ivoire parce que nos activités de
production ont trait à des matières premières qui sont rares
ou impossibles à obtenir dans nos pays d'origine". Globale-
ment beaucoup de réponses particulièrement intéressantes sont
ressorties du questionnaire sur les motifs de l'implantation
de leurs sociétés en Côte d'Ivoire. Il s'agit d'un certain
nombre de motivations liées à la valorisation sur place des
matières premières agricoles, la production pour l'exporta-
tion, la présence sur le marché local, ou transfert de tech-
nologies et enfin la substitution de produits importés coûteux
(Tableau Il).
Outre les facteurs énumérés ci-dessus, nous avions cher·
ché à savoir si les coûts salariaux constituent une motiva-
tion ou un mobile déterminant dans la stratégie d'implantation
des filiales. L'interprétation des raisons dela délocalisa-
tian en- t-ermes de différenciation des coûts de production gêne
les chefs d'entreprise parce que, pour eux, le niveau des sa-
~----
l a tre s ng dë t e rm t.e-e -pas l'incitation à investir. Le salaire
est une variable exogène dans la stratégie d'implantation de

2430
TABLEAU Il - MODALITES ET MOBILES D'IMPLANTATION
FILIALES
MODALITES
MOBILES
CAPRAL
Création
Valorisation sur place des matières
premières
SCODI
Création
Produire du thon traité pour l'exportation
BLOHORN
Création
Mise en valeur des matières premières
SOLIBRA
Création
Production locale de bière
BATA
Création
Présence sur le marché local
FILTISAC
Création
Faire éviter à la Côte d'Ivoire les aléas
des produits importés
UNIWAX
Création
Produire des wax d'origine locale
SIVOA
Création
Présence sur le marché local
SOFACO
Création
Présence sur le marché national
UNION CARBIDE
Création
Produire et vendre sur place
SAEC
Création
Produire et vendre sur place
IVOIRAL
Rachat de ALUCI
Mise en valeur des matières premières
d'Afrique Noire
SIEM
Créati on
Répondre aux besoi ns de l' industrie agro-
alimentaire
SAFAR
Création
Première usine de montage d'automobiles
en Côte d'Ivoire
MAC
Création
Fabrication sur place de cycles et
cyclomoteurs
NELCI
Création
Transfert de technologie et exportation
vers l' Afri que
SICABLE
Création
Présence sur le marché national
SQurce
Notre enquête
------ -
----- -

244.
leurs firmes. D'ailleurs, toutes les discussions autour de la
question des salaires étaient esquivées et restées sans répon-
se précise.
Donc. a la question "pourquoi les filiales multinatio-
nales se sont-elles installées en Côte dl Ivoire". deux points
essentiels sont ressortis du questionnaire. à savoir la pré-
sence sur le marché local d'une part. et la mise en valeur des
matières premières agricoles locales. Des industries alimen-
taires aux industries mécaniques et électriques en passant par
les secteurs chimiques et textiles. on observe les mêmes ten-
dances et la raison la plus couramment donnée pour l'implanta-
tion en Côte dl IvoJre est la protection d'un marché. surtout
quand on sa i t lia mp1e ur de 1a con cu r r e nce que se 1i vr e nt 1es
firmes multinationales au plan mondial.
3.2. Modalités d'implantation
Généralement, quand une firme multinationale s'implante
a l'étranger, elle ale choix entre deux types de modalités.
c'est-à-dire, le rachat d'une société existante ou la création
d'une entreprise nouvelle. La mise en application d'une ou
1 lautre stratégie diffère en fonction du niveau de développe-
ment du pays d'accueil des firmes multinationales.
Dans le cadre de l'économie ivoirienne,l'enquête a
révélé une grande
tendance
à
la création d'entreprises nou-
velles par rapport au rachat de certaines sociétés existantes.
-Atnsi. le tableau Il montre quia l'instar de IVOIRAL, toutes
les autre~ filiales représentent des unité~ de production
-
--
nouvellement créées .En-----d' autres termes. en comparant la pro-
-----
portioR-~e créations nouvelles â celle des rachats de sociétés

245.
anciennes, on remarque que, de 1955 â 1983, la stratégie
d'implantation a été favorable aux créations d'entreprises
qu'au rachat de ces dernières.
Cependant, le rachat d'une ancienne entreprise locale
peut présenter un certain nombre d'avantages justifiant le
comportement de certains chefs d'entreprises. Ainsi, s'agis-
sant de la filiale IVOIRAL, qui a racheté l'ALUMINIUM de
Côte d'Ivoire (ALUCI), les raisons invoquées militent en fa-
veur de l'existence des circuits de commercialisation et
d'une certaine cl ientèle, de la présence d'un ensemble de
techniques (technologie) utilisée par ALUCI. Dans ces condi-
tions, son rachat par IVOIRAL a permis â cette filiale d'éli-
miner tous les concurrents et partant â se présenter en situa-
tion de monopole sur le marché national •
3.3. prigine du capital et concentration multinationale
On peut parler d'investissement direct étranger quand
un investisseur détient des participations dans une entreprise
d'un autre pays. Conventionnellement, le taux de participa-
tion pour assurer le contrôle d'une filiale est au moins de
25 % de l'ensemble du capital social.
Si on considère les filiales des firmes multinationales
de notre échantillon, on remarque que presque la totalité des
maisons-mères détiennent plus de 50 ~ du capital investi.
Quand on prend en compte l'origine des maisons-mères, une
certaine différence minime apparaft au niveau du taux de par-
t i ci pat ion a u cap i ta 1. En e f f et, il sembl e é videmmen t que les
firmes multinationales d~(}f'igineamérica;ne sont beaucoup

246.
favorables a un contrOle a près de 100 % de leurs filiales en
COte d'Ivoire (UNION CARBIDE).
Par ailleurs, en comparant les firmes européennes aux
japonaises, on dénote les mêmes tendances, c'est-à-dire, elles
préfèrent s'engager dans les opérations de création des filia-
les en associant le capital national, même si elles détien-
nent plus de 50 0/, du capital. Ainsi les firmes britanniques
(BLOHORN) viennent en tête avec plus de 80 ~, suivies des
filiales françaises, en particulier SAFAR, SIEM, SOFACO, SIVOA,
SCODI, SAEC dont le niveau de participation est compris entre
60et 85 %. Ceci est valable pour le capital belge avec
SOLIBRA (65 %). Les participations suisses (CAPRAL), japonai-
ses (NELCI) et italiennes (SICABLE) reproduisent la formule
de l'opération de filiales conjointes dont le contrOle n'excè-
de pas plus de 60 % du capital social.
Cependant, l'enquête a permis de situer réellement la
politique des entreprises étrangères en matière d'investisse-
ment. Il est ressorti que l'ensemble des filiales ne souhai-
tent pas la détention de la totalité des parts et sollicitent
l'association avec des partenaires locaux, particulièrement
avec l'Etat qui n'interdit pas d'ailleurs la détention à 100 %
d'une filiale. Bien au contraire, l'association locale per-
met aux fil iales multinationales de trouver un avantaqe supplémentai-
re à l'implantation d'unités de production,dans la mesure où elles.
peuvent bénéficier d'un apport de ressources financières et
sur t 0 ut de lac 0 uver t ure PJÙ ; t i qU-e du pay s d' a cc ue il .
.-
----------------

247.
TABLEAU 12 - REPARTITION DU CAPITAL SOCIAL DES FILIALES
MULTINATIONALES EN 1985/86 (%)
Groupe mai-
FILIALES
Etat
Privés
Divers
TOTAL
son mère
ivoirien
ivoi ri ens
étrangers
CAPRAL
59,3
24,6
16,1
100
SCODI
60
40
100
BLOHORN
81
10
100
SOLIBRA
65
21
14 (France)
100
BATA
60
40 (Italie)
100
FILTISAC
30
24,41
10,78
30,81
100
UN IWAX
68
15
17 (GAMMA
100
(Unil ever)
holding)
SIVOA
72
21
7
100
SOFACO
85
15
100
UNION CARBIDE
100
100
SAEC
68
(22)
100
IVOIRAL
55
45 (20 COFINAL,
100
25 CLOVIS)
SIEM
74
10
16
100
SAFAR
77 ,19
22,72
0,09
100
Renaul t C.I.
MAC
87
13 (FRANCE dont
100
2,5 PEUGEOT)
NELCI
60
40
100
SICABLE
51
35
14
100
(9 IVOlRAL
5 SIDELAF)
Source
·notre enquête

248.
3.4. Attitude du pays d'accueil
Au cours de l'enquête t il nous a semblé qu'aucun diri-
geant n'ait fait allusion aux problèmes idéologiques et po1iti·
ques dans la stratégie d'implantation. ne façon 9ênéra1et les
entreprises étrangères saluent 1 'hospitalité de la COte d'Ivoi-
re comme zone privilégiée d'accueil du capital étranger. L'hos-
pitalité du pays est assortie d'avantages importants soulignés
ouvertement par les chefs d'entreprises. Entre autres t il a
été fait référence aux exonérations et mesures fiscales d'en-
couragement des investissements t exonération d'impôt t conven-
tion d'établissement et enfin au régime d'entreprises priori-
taires(l).
Toutefois t certaines fi1ia1es t loin de vouloir remet-
tre en cause les principes libéraux de la politique de l'Etat
en matière d'investissement t insistent sur certains obstacles
à l'imp1antation t tels la concurrence entre groupes t donc la
protection du marché local contre la concurrence étrangère et
surtout l'harmonisation de la législation administrative.
Nécessairement t ces préoccupations peuvent être résumées au-
tour de la question centra1e t à savoir t "la Cijte d'Ivoire est-
elle hospitalière aux entreprises étrangères". Voici quelques
déclarations de certains chefs d'entreprises: "Pour ce qui
nous concerne t nous souhaitons que les autorités ivoiriennes
fassent un peu plus d'efforts afin de nous permettre de tra-
----------v-a111er- ââns---d.es_me_i11eures conditions en tant que Industrie
Nouvelle. Cet effort que nous souhaitons nous permettra
~--ttJ.nteindre nos objectifs: t r an.s-fe r t de t echno l oqi e , création
d'entreprise et notre apport a l'industrialisation de la Côte
(1) Tous ces avantages accordés sont analysés et discutés dans
le chapitre 4 sur les spécificités du modèle ivoirien de·
dé1ocalisation industrielle

249.
TABLEAU 13 - POLITIQUE DU PAYS D'ACCUEIL
FILIALES
AVANTAGES ACCORDES
OBSTACLES POLITIQUES
HOSPITALITE DE
L'ETAT
CAPRAL
Aucun sauf la paix
Indifférence
SCODI
oui
BLOHORN
oui
SOL IBRA
Exonération et mesures
oui
fiscales d'encourage-
ment des investissements
BATA
oui
FILTISAC
Exonération d'impôt
Protection du marché
Objectif de
des sacs de jute
l'Etat
UNIWAX
Conventions d'établis-
oui
sement
SIVOA
Réduction d'impôt BIC
Systême libéral favo-
oui
rable
SOFACO
oui
UNION CARBIDE
Entreprise prioritaire
Difficile à en
juger.
SAEC
oui
IVOIRAL
Aucun depuis 1974
Concurrence entre
oui
groupes
SIEM
Pas d'avantages
Tout à fa.it
SAFAR
Entreprise prioritaire
Nous le pensons
MAC
Régimes douaniers
Avantages aux entre-
Nous 1e pensons
et la TCR'
prises étrangêres
de façon géné-
rale
NELCI
Entreprise prioritaire
Protection du marché
oui
local
SICABLE
Entreprise prioritaire
oui
Source
notre enquête

250.
d'Ivoire" ; par ailleurs,"Le système économique résolument
libéral suivi par la Côte d'Ivoire est tout à fait favorable
a l'implantation et au développement des entreprises. La forte
participation dans le capital et leur reprêsentation importan-
te au Conseil d'Administration fait que notre société ne se
considère pas comme une société étrangère. Signalons cependant
que le rattachement de notre Société au Ministère de 11 Indus-
trie plutôt qu'à celui du Commerce et de la Distribution,
pour ce qui concerne le régime des prix, par exemple, serait
mieux adapté à l'entrerise industrielle de production que
nous sommes".
Certes, l'entreprise étrangère n'hésite pas à souli-
gner les avantages accordés et l'ouverture de l'Etat ivoirien,
mais quelques inquiétudes demeurent et partant certaines com-
me les propos ci-dessus mettent en évidence les incohérences
du système politique et idéologique.
4. Données macro économiques liées à la taille des
fil iales
Les premiers résultats de l'enquête nous. permettent de
reconstituer une idée approximatique dela présence des filia-
les et des activités des firmes multinationales en Côte d'Ivoi-
reG Le dynamisme des filiales est reflété par leurs perfor-
mances économiques liées au volume des investissèments réali-
sés d'année en année, à la valeur de la production et de la
valeur ajoutée, du montant du chiffre d'affaire et finalement
a l'~vo'luti on de l' emploi du personne l •

251.
4.1. Volume des investissements directs réalisés
En général, les sources de renseignements dans le do-
maine des investissements directs étrangers présentent des dif-
ficultés majeures dans l'estimation des investissements réa1i-
sés par les grandes firmes industrielles étrangères parce que,
comme nous l t a vt o ns déjà affirmé, 1 1éva1 uation des statisti-
ques s'inscrit dans un cadre global incluant l'ensemble des
investissements effectués par toutes les entreprises tant na-
tiona1es qu'étrangères. Même si ces sources existent, elles
sont localisées secrètement dans les documents officiels non
accessibles à l'observateur ou au chercheur. Ainsi, pour pa1-
lier à cette difficulté d'estimation des investissements in-
dustri el s , nous nous sommes engagés, au cours de l'enquête, à
rassembler un maximum d'informations quantitatives précisant
l'évolution des investissements des firmes multinationales et
leur importance dans le processus d'accumulation du capital
industriel.
De ce point de vue, les estimations faites permettent
de dégager une imag~ globale de la structure et de l'évolu-
tion des investissements réalisés par les filiales des firmes
multinationales. Estimés, en valeur cumulée, à 39,7 milliards
de FCFA en 1980-81, les investissements directs passaient à
64,8 mi11ards de FCFA en 1982-83 avant d'atteindre un chiffre
____92ob!-Lde-as,omi11iards de FCFA en 1984-85. Mais, comme on le
constate à travers le tableau 14, le niveau global de l'in-
ve st i s semente s~:-tQ[I.Qéà_S(},s- mil l i a rd s de FCFA. Cependant,
en valeur moyenne cumulée, pour l'ensemble des filiales, on
remarque une évolution des investissements, selon les grandes

.
N
Ln
N
TABLEAU 14
- INVESTISSEMENTS BRUTS CUMULES (MILLIONS DE FCFA)
~
.
Filiales
1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
CAPRAL
4
4,4
4,6
4,8
5,3
5,8
SCODI
2,6
2,7
2,8
3,2
3,4
3,9
SOLIBRA
7,5
8,9
13,3
15,3
15,8
16
BIOHORN S.A.
8,7
I l
12,2
12,3
12,6
13,2
r
FILTISAC
0,9
1
1,2
1, 7
1,8
1,8
UNIWAX
2,4
2,8
2,9
4,3
4,9
5,2
1
\\
BATA
1,4
1,5
1,6
1,7
2 ,3
\\
2,1
1
SAEC
0,2
0,8
0,9
1
1,1
1,1
\\
\\
SIVOA
1,4
1,7
1,8
1,9
2
\\ 2,1
\\
SOFACO
0,6
0,7
-
-
0,9
\\0,9
MAC
1
1,1
1,1
1,1
1, 1
\\1,2
SAFAR
1,2
1,3
1,2
1,3
1,5
1\\,8
IVOIRAL
1, 1
-
1,4
1,7
1,8
1.8
SICABLE
1 ,1
1,4
1,8
1,9
1,9
2
SIEM
1, 7
2,1
2,6
2,7
2,8
3,1
NELCI
-
-
-
-
-
3,5
UNION CARBIDE
4
16,5
15,5
19,5
29,4
14,8
Source : Notre enquête

253.
périodes. Ainsi, évalués à 39,7 millards de FCFA en 1980-82,
ces investissements sont passés à 64,8 en 1982-84 et 56,3 mil-
liards pour la période 1984-86.
En revanche, on constate, dans l'ensemble, que la ré-
partition de la progression des investissements n'est pas ré-
gulière sur les périodes considérées: 46 % en 1980-82, 15 %
en 1982-84, 8 % en 1984-86, soit un accroissement global moyen
de 25 %. Le taux de croissance des investissements privés réa-
lisés par les filiales, au cours de la période 1980-86 repré-
sente 4,3 % par an.
Par ailleurs, il faut soul igner que la progression re-
lative des investissements sur les périodes considérées est
due essentiellement au niveau d'investissement élevé de certaines
entreprises telles: BLOHORN, SOLIBRA, UNION CARBIDE, SIEM,
CAPRAL, UNIWAX et SCODI dont la part varie de 77,8 % à 83,7 %
pour les périodes considérées soit une moyenne de 81 % de
1980 à 1986. Ce qui dénote, au passage, la place qu'occupe ces
filiales dans le processus de multinationalisation du Capital.
Lorsqu'on considère la concentration des investisse-
ments multinationaux annuels, on assiste à la reproduction
de la progression des capitaux ~rivés étrang~rs, dégagée dans
le cas précédent, mais caractérisée par une tendance à la bais-
se à partir de la période 1983-84, soit un taux de croissance
moyen de 10.~ en 1984-86 comparativement aux périodes précé-
dentes. En raisonnant sur l'ensemble de la période 1980-86,
'1- apparaît que le taux de croissance des investissements in-
dustriels des filiales se situe à 3,2 % par an.

·
c;;t-
U')
(\\J
TABLEAU 15 - CONCENTRATION DES INVESTISSEMENTS DIRECTS MULTINATIONAUX ANNUELS
(milliards de FCFA)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Filiales
CAPRAL
0,19
0,50
0,19
0,32
0,52
0,62
SCOOI
0,06
0,07
0,21
0,20
0,17
0,18 .
BLOHORN
1,40
2,17
1,40
1,27
1,22
0,88
SOLIB'RA
2,50
1,50
4,60
2,11
0,60
0,27
BATA
0,18
0,13
0,13
0,09
0,20
0,25
\\
FilTISAC
0,19
0,04
0,23
0,52
0,10
\\
0,02
\\,
UNIWAX
0,32
0,39
0,16
1,05
0,62
, 0,33·
SIVOA
0,38
0,30
1,30
1,31
1,22
1,20
SOFACO
0,10
0,11
0,10
1
-
-
1 0,08
UNION CARBIDE
-
0,01
0,02
-
-
1
SAEC
0,03
0,57
0,06
0,15
o, 0131
i 0,04
IVOIRAl
0,19
-
0,11
0,35
o,OiS
0,03
,
SIEM
0,42
0,40
0,70
0,26
o,Q6
0,26
i
SAFAR
0,13
0,07
0,03
0,03
0,115
0,31
MAC
0,08
0,06
0,06
0,02
0, Cli
0,04
NElCI
-
-
-
-
'l,35(î
0,37
,
SICABLE
0,39
0,38
0,15
0,06
0,09/
0,04
/
Source : Notre enquête

255.
Cependant, malgré les tendances des ~iliales à investir
relativement (tableau 15), il faut souligner l'effort consenti
par certaines filiales dans le processus d'accumulation du ca-
pital industriel, à côté des grandes filiales .. A cet effet, on
peut citer NELCI, SIVOA, FILTISAC, SIEM, BATA, dont le niveau
des investissements accusent une progression de 1980 à 1986
par rapport à des filiales traditionnelles (IVOIRAL, SAFAR,
MAC, SAEC), qui réduisent leurs investissements annuels. Quant
aux motifs explicatifs des fluctuations en baisse de ces in-
vestissements, les différentes explications des chefs d'entre-
prises sont restées à un niveau d'abstraction global, notamment
la crise économique nationale, sans aucune référence explicite
à
la stabilité ou l'instabilité politique de l'appareil d'Etat
(le vieillissement des structures politiques étatiques).
4.2. La production et la valeur ajoutée
Le dynamisme des filiales est mis en évidence par la
croissance de la valeur de la production et de la valeur
ajoutée. Afin de mieux caractériser l'évolution de la produc-
tion des filiales multinationales, nous aiions demandé aux
chefs d'entreprise de donner les informations concernant la
production, en valeur, et non en quantfté physique (tableau 16).
____ J\\insi,---(lD -constate que la production en valeur des
filiales concernées, a connu une évolution réelle de 1980 à
198~. Estimée à 26,55 milliards ~~ FCFA en 1980-81, la produc-
~----
tion est passêè-=a-n,-s6 e-n--1982-83 avant d'atteindre 42,7
milliards de FCFAen 1984-85 pour l'ensemble des filiales. Le


\\0
Ln
N
TABLEAU 16 - EVOLUTION DE LA PRODUCTION (en milliards de FCFA)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Filiales
CAPRAL
9,4
10,3
13
15
17,5
17,7
SCODI
6,1
7,4
9,0
10,1
Il,7
12,0
BLOHORN
20,9
23,7
27,7
31,5
33,4
39,1
SOLIBRA
9,6
12,5
14,3
15,2
14,9
15,6
BATA
1,8
2,2
2,3
2,6
2,8
2,8
1
FILTISAC
3,0
2,2
3,4
4,4
3,5
3,1
\\
\\
UNIWAX
7,0
8,7
10,2
12,7
9,8
10,5
SIVOA
0,9
1,2
1,3
1,5
1,9
\\
1,9
1
SOFACO
3,4
5,4
-
-
3,3
,
2,4
UNION CARBIDE
-
-
-
-
-
\\Î
-
SAEC
2,5
3,5
3,4
3,3
3,3
2,9
i
\\
IVOIRAL
3,7
-
3,3
3,2
2,8
2,7
\\
SIEM
5,4
6,0
6,7
6,8
7,4
7,3
SAFAR
8,2
7,2
6,9
7,3
7,1
4,3
i
MAC
2,6
3,3
3,1
2,7
2,2
2,6
NELCI
-
-
-
-
-
0,08
SICABLE
1,6
1,9
1,7
2,1
2,5
\\\\
1,7
\\
Source : Notre enquête
\\

257.
rythme rapide de la croissance successive des capacités pro-
ductives est confirmé par le taux de croissance de la produc-
tion industrielle: de 1980 à 1985 ; il est de 23,46 'Y., ensui-
te, 16,7 % en 1983-85, soit un taux d1accroissement annuel de
7 %. Ces résultats intéressants n1auraient pas pu être atteints
sans la contribution
moyenne des grandes entreprises telles
BLOHORN (29,4), CAPRAL (13,8); SOLIBRA (13,7) UNIWAX (9,8),
SCODI (9,4), SAFAR (6,8), SIEM (6,6). La valeur totale de la
production de ces filiales représente 101,8 milliards de FCFA
en 1984-85, soit une oarttct pe t t o n. de 82 % par rapport à la va-
leur totale de la production de 1 1é c ha nt i l l on pour la période
considérée.
Par ailleurs, nous avons interrogé les filiales sur
l'évolution concernant la valeur ajoutée dégagée du processus
de productif pour tenter de donner une idée approximative de
la richesse créée par le secteur industriel (tableau 17).
Ainsi donc, la valeur ajoutée produite par nos filia-
les est passée de 26,55 milliards de FCFA en 1980-81 à 33,56
en 1982-83 avant d'atteindre 4l,7 mil lards en 1984-85. Cette
évaluation de la valeur ajoutée correspond à un taux de crois-
sance de 26,4 % de 1980-83 et 27,23 % de 1983-85, soit un taux
de croissance annuel de l'ordre de 8,9 %. La répartition par
rapport aux filiales dégage les mêmes tendances que celles
observées dans la production. Ainsi , nous avons réunies les
entreprises Jitln-t-.l4--contribution à la formation de la valeur
a4~utée donne une moyenne globale comprise entre 1 et 8 mil-
liards de FCFA en 1984-85. Ce sont les filiales suivantes:


co
III
N
TABLEAU 17 - EVOLUTION DE LA VALEUR AJOUTEE (en milliards de FeFA)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Filiales
CAPRAl
3,3
3,7
4,4
5,0
6,0
4,8
SCODI
0,9
1,1
1,2
1,5
1,9
1,7
BLOHORN
4,4
5,0
6,5
7,4
10,8
Il,0
SOLIBRA
5,3
6,9
7,5
7,8
7,7
8,1
"
BATA
1,2
1,4
1,4
1,4
1,6
1,1
FILTISAe
1,6
1,3
1,6
2,1
1,5
1,6
1
UNIWAX
2,6
2,9
3,3
4,2
3,3
1
1 4,0
!
SIVOA
0,7
0,9
0,9
1,0
1,4
!
1
1,3
SOFACO
0,8
0,8
-
-
0,8
!
0,8
\\
UNION eARBIDE
0,05
0,1
0,06
:.
0,03
0,1
1
0,03
l, .
SAEe
1,1
1,5
1,6
1,4
1,4
,
1,2
IVOIRAL
0,8
-
0,8
1,0
1,0
1,0
1
SIEM
1,2
1,4
1,8
2,0
2,2
2,4
1
SAFAR
1,2
1,2
0,9
1,1
1,4
\\
0,9·
MAe
0,7
0,9
0,9
0,7
0,6
0.8
NELCI
-
-
-
-
-
0.04
SICABLE
0,7
0,8
0,7
0,8
1,0
!
0,6
Il.
Source
Notre enquête
\\~
\\
.
1

259 0
BLOHORN (7,5), SOLIBRA (7,22), CAPRAL (4,53), UNIWAX (3,38),
SIEM (1,83) et SCODI (1,38). En outre, la valeur ajoutée tota-
le créée par ces entreprises atteint 31,9 milliards de FCFA,
en 1984-85, soit un ratio de participation de plus de 74 ~.
Finalement, l'évolution de la production et de la va-
leur ajoutée, de 1980 à 1986, peut être un indicateur intéres-
sant, d'une manière générale, pour apprécier la croissance
de la Côte d'Ivoire, et dans une certaine mesure, le degré
d'industrialisation atteint par le pays sous l'égide des fir-
mes multinationales. On reviendra sur ce problème capital dans
le chapitre suivant. Mais on peut, tout de même, avancer,
pour l'instant, que la croissance de ces deux agrégats accen-
tue le caractère extraverti de l'industrialisation du pays.
4.30 Le montant du chiffre d'affaires global
Le chiffre d'affaire des filiales suit le même rythme
de progression que la valeur de la production dégagée au para-
graphe précédento De façon générale, on peut déduire du ta-
bleau 18, une croissance du chiffre d'affaires, de 1980 à
1986, pour l'ensemble de l'échantillon. Ainsi, estimé à 90,2
milliards de FCFA en 1980-81, le chiffre d'affaire est passé
à 121,2 milliards en 1982-83, soit un taux d'accroissement
de 34,4 r, au cours de la période 1980-83. En 1984-85, le mon-
tant du chiffre d'affaire atteint 129,2 milliards de FCFA. En
considérant l'ensemble de la période 1980-86, l'appréciation
du chiffre d'affaires entraîne un taux de croissance de l'or-
dre de 7 ~ par année.
--
Cependant, l'évolution du chiffre d'affaires pose une
différenciation entre les filiales quant al 'importance du


o
1.0
C\\J
TABLEAU 18 - EVOLUTION DU CHIFFRE D'AFFAIRE (milliards de FCrA)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Filiales
CAPRAL
9,4
10,2
13,4
15,2
17,8 .
17,5
SCODI
5,9
7,5
9,4
10,4
II,5
12,1
BLOHORN
21,0
23,5
28,0
31,5
34,0
39,9
SOLIBRA
13,3
15,1
15,7
15,2
15,9
18,3
BATA
?,8
3,1
3,2
3,1
3,4
3,3
FILTISAC
2,2
3,4
.4,4
3,5
3,2
5,1
UNIWAX
-
-
12,3
9,7
9,8
12',9 .
SIVOA
1 ,4
2,0
2,2
2,7
·2,6
2,8
SOFACO
3,9
6,1
-
-
3,6
3 ,\\~
UNION CARBIDE
4,5
5,5
5,7
4,8
3,8
4,7
SAEC
2,5
3,4
3,5
3,4
3,4
3,0
IVOIRAL
3,4
3,3
2,9
3,0
3,2
3,6
SIEM
6,0
6,7
6,7
7,4
7,4
9,1
SAFAR
8,9
8,4
9,0
8,7
5,3
3,9
MAC
3,1
3,1
2,6
2,4
2,6
3,8
NELCI
-
-
-
i
-
1,1
-
SICABLE
1,9
1,6.
2,2
2,4
1,7
2,3 .
Source
Notre enquête

261.
montant de ce dernier. Cette différenciation donne l'avantage
à BLOHORN avec un chiffre d'affaire de 34 milliards de FCPA
en 1984-85, suivie de CAPRAL (17,8), SOLIBRA (15,9),· SCODI
(11,5), UNIWAX (9,7), SIEM (7,4) et enfin la SAFAR (5,3). Ces
filiales, à elles seules, totalisent un chiffre d'affaires de
64,5 milliards de FCFA en 1980-81, soit un ratio de participa-
tion de 71,5 ~~ par rapport à l'ensemble des entreprises concer-
néeso La tendance dominante s'est poursuivie en 1984-85 avec
un chiffre d'affaires de 101,6 milliards de FCFA, soit un taux
environ de 84 ~ du'montant global du chiffre d'affaires de la
période considérée.
4.4. Les données concernant l'emploi
A partir du tableau 19, on remarque une progression
constante des effectifs employés dans les filiales concernées
depuis 1980-81. De 7 695 employés en moyenne en 1980-81, ils
sont passés à 8 321 en 1982-83. Par contre, on enregistre une
baisse de ces effectifs à partir de 1983. Il ne seront que
7 708 en 1984-85. Depuis 1985-86, on note une légère augmenta-
tion de 254 par rapport à la période précédente. Le taux de
croissance moyen du personnel emp l oyë je s t de 7,75 r, l'an.
En outre, les résultats donnés par le tableau 19 illus-
trent les filiales plus grosses employeuses de main-d'oeuvre
en Côte d'Ivoire. A ce titre, SOLIBRA vient en tête avec 1 676
employés, suivie de BLOHORN (1 310), UNIWAX (842), SCODI (819),
FILTISAC (468), CAPRAL (451), BATA (442), SIEM (390), soit un
t~t~Lde--6-..398 employés, représentant un taux de participation
de 83 ~ par rapport à_l'~n.~emhl~atipersonnel des filiales de·
l'échantillon.


\\oC
N
TABLEAU 19 - EVOLUTION DES EFfECTIFS SALARIES
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Fil t al es
eAPRAL
449
348
388
437
451
411
seODI
563
784
778
818
819
860
BLOHORN
968
1 025
1 074
1 066
1 310
1 263
i
SOllBRA
1 967
1 997
1 914
1 736
1 676
1 643
BATA
464
477
470
463
442
452
FILTlSAe
622
643
815
777
468
\\
700
UNIWAX
-
-
880
869
842
857
\\
151
153
150
151
SIVOA
139
145
SOFAeo
238
258
-
-
196
i1
184
1
UNION CARBlDE
448
523
391
374
2~3
1
348
1.
SAEe
143
173
171
175
114
i
158
1

IVOI RAL
190
171
145
139
10\\1
101
SIEM
650
580
496
430
390
384
SAFAR
345
317
315
262
13~
\\
71
MAC
408
248
253
177
2041
233
NELCI
-
-
-
-
- (
85
'.
SICABLE
89
81
91
90
67
67
1
\\
\\
\\
Source : Notre enquête
\\
\\:


M
\\0
N
TABLEAU 20 - PART DES IVOIRIENS DANS LES EFFECTIFS GLOBAUX (%)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Filiales
CAPRAL
91
92
93
93
95
93
SCODI
90
78
88
85
86
87
BLOHORN
77
80
82
82
81
. 81
SOllBRA
81
84
83
84
84
85
BATA
87
88
90
89
89
92
FILTISAC
91
94
93
95
97
1
96
UNIWAX
96
97
97
97
97
98
1
SIVOA
77
78
79
80
81
83
SOFACO
76
72
-
-
76
76
UNION CARBIDE
50
40
38
43
43
-
SAEC
72
75
72
75
73
72
IVOIRAL
74
74
79
87
1
-
87
84
1
SIEM
83
84
86
83
!
84
1
SAFAR
94
94
93
92
91
,
93
(
MAC
83
R4
78
80
80
i
81
1
i
NELCI
-
-
-
-
-
\\
94
1
SICABLE
85
83
84
86
R3
84
1.
Source : Notre enquête
1

264.
Par contre, quand on considère la répartition du per-
sonnel employé par origine, on constate que la part des ivoi-
riens dans les effectifs globaux varient entre 40 r, et 95 ~.
En 1980-81, cette part était évaluée, en moyenne, à 81,75 ~
pour l' ensembl e des entrepri ses concernées. En ce qui concerne
les autres années, précisément, 1982-83 et 1984-85, l'emploi
des nationaux a accusé une évolution constante, passant res-
pectivement de 81,86 % à 82,5 %, soit une moyenne globale de
82 % sur les six années étudiées. Le personnel étranger est
très réduit et faible.
En 1980-81, il représentait 18,25 % du
total du personnel employé. De 1982.;.83 à 1984-85, il était
respectivement évalué à 8,14 % et 17,5 r, du total. La tendance
à l'ivoirisation est très nette dans l'ensemble des filiales
de l'échantillon.
Enfin, la répartition socio-professionnelle confirme
une fois de plus la tendance majoritaire de l'emploi des na-
tionaux. Ainsi, en considérant la structure de la main-d'oeu-
vre employée, les ouvriers qualifiés et
spécialisés
de l'ensemble des filiales contre un peu moins d'employés
(95,2 %), d'agents d~ ma1trise (88,8 %) et de cadres de direc~
tion (GO,34 %).
5/ Rapport des filiales avec les maisons-mères
Les rapports des filiales avec les maisons-mères peu-
vent être ... ~sumés, selon nous, à quatre niveaux: l'approvi-
-- -sionnement en matières premières intervenant directement dans
le processus de production, les ventes ou la production vendue
des différentes filiales, le financement des investissements,

265.
enfin la technologie importée et la formation du personnel
qualifié.
5.1. L'approvisionnement en matières premières ou
inputs
Le tableau 21 donne une idée approximative de l'éva-
1uation des coûts des matières premières entrant dans la pro-
duction des biens dans les différentes filiales. Toutes choses
égales par ailleurs, nous remarquons que la croissance de la
valeur des matières premières est liée à celle de la valeur
de la production. Toute augmentation de la capacité de produc-
tion entraine automatiquement celle des inputs nécessaires à
la fabrication des biens. Concrètement, le coût des matières
premières est passé de 48 mi11ards de FCFA en 1980-81 à 51,5
en 1892-83 avant d'atteindre 65 milliards en 1984-85. Cette
progression de la valeur des inputs correspond à un taux de
croissance de l'ordre de 6 % par an. Ce taux de croissance
voisine celui de la production qui était de l'ordre de 7 %
pour la période 1980-1986.
Par ailleurs, en considérant la répartition des achats
de matières
premières selon les filiales, on constate, encore,
que
les firmes les plus consommatrices de matières premières,
sont celles-là dont la valeur de la production et du chiffre
d'affaire est très élevée. Le dépouillement accorde la premiè-
re place à BLOHORN (19,2) en 1984-85. Viennent, e~suite, res-
pectivement SCODI (9,4), CAPRAL (8,3),. UNIWAX (5,2), SIEM
(4-.,7)etSOLIBRA (2,4). Le montant global de la valeur des
inputs de ces f.t l t e les-res t e s t i në à 53,9 milliards de FCFA
en 1984-85, soit près de 83 % de l'ensemble des coüts des ma-
tières premières engagées par les firmes cbncernées.

ID
ID
N
TABLEAU 21 - COUTS DES MATIERES PREMIERES UTILISEES DANS LA PRODUCTION
(milliards de FCFA)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85 .
1985-86
Filiales
CAPRAL
4,7
5,6
6,1
7,2
8,3
10,3
SCODI
4,3
6,0
7,3
7,8
9,4
10,2
BLOHORN
12,6
14,3
14,8
17,6
19,2
25,4
SOLIBRA
2,0
2,3
2,9
2,6
2,4
2,5
BATA
0,9
1,1
0,9
1,0
1,6
1, 1
FILTI SAC
0,7
0,5
1,0 .
1,8
0,9
0,6
UNIWAX
3,9
4,8
4,8
6,9
5,2
4,1 .
SIVOA
0,4
0,5
0,5
0,5
0,6
O,f
SOFACO
2,7
4,6
-
-
2,2 ,
1,6
UN ION CARB IDE
-
-
-
-
-
-
SAEC
1,2
2,0
1,4
1,6
1,5 .
1,4
IVOIRAL
2,7
-
2,0
2,1
1,9 1
1,6
SIEM
3,8
5,0
3,9
3,7
4,7 \\
4,4
\\
SAFAR
5,9
5,2
3,1
5,5
4,7
3,0
\\
MAC
1,4
1,6
2,1
1, 1
0,9
1,6
\\
NELCI
-
-
-
-
-
-
\\
!
SICABLE
0,8
1,0
0,7
1,0
1,5
0,6
i
Source
Notre enquête


......
\\,0
N
TABLEAU 22 - DEGRE DE DEPENDANCE EN MATIERES PREMIERES LOCALES (%)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Filiales
.
CAPRAl
98
96
99
96
95
-
SCODI
19
11
13
16
19
20
BlOHORN
94
90
92
91
94
92
SOlIBRA
54
54
47
49
45
48
BATA
30
27
37
54
~8
40
FILTISAC
17
14
15
22
21,
7
1
UNIWAX
-
-
-
60
6q;
64
,
SIVOA
27
29
30
30
34\\
i
30
\\
SOFACO
0
24
-
-
25 \\,
38
\\
UNION CARBIDE
70
75
75
75
75 1
80
SAEC
65
,)
34
40
37
36
37
Il
IVOIRAl
0
0
0
0
0
0
\\
SIEM
9
9
9
8
7
'\\
7
SAFAR
7
13
4
5
4
\\
6
MAC
-
20
25
25
19
li 22
NElCI
-
-
-
-
-
1
SICABlE
36
35
27
21
37
29
,
J
1
Source
\\

·
co
1.0
N
TABLEAU 23 - DEGRE DE DEPENDANCE EN MATIERES PREMIERES VIS-A-VIS DE LA
~'AISON-MERE
(r,)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Fil iales
CAPRAL
0
0
0
0
0
-
SCODI
0
0
0
0
0
0
BLOHORN
0
0
0
0
0
'0
SOLIBRA
0
0
0
0
0
0
BATA
41
37
33
27
21
35
FILTI SAC
0
0
0
0
0
0
UNIWAX
-
-
-
0
0
0
SIVOA
73
71
70
70
66
70
SOFACO
72
60
-
-
52
43
UNION CARBIDE
5
5
5
5
5
5
SAEC
11
19
19
26
21
, 27
IVOIRAL
100
100
95
95
95
80
SIEM
67
71
71
72
70
70
SAFAR
92
86
95
94
95
93
MAC
-
80
75
75
81
78
NELCI
-
-
-
-
-
95
SICABLE
0
0
0
0
0
0
Source : Notre enquête

269.
En ce qui concerne l'origine des matières premières,
on distingue deux types de sources d'acquisitions. Il s'agit
principalement des matières premières locales, des matières
premières importées tant au niveau du groupe ou de la maison-
mère qu'à celui des autres zones économiques, notamment la
zone Franc.
Selon le clivage matières premières nationales/ matiè-
res premières importées, on peut tenter un regroupement des
filiales en deux catégories différentes
a/ les industries alimentaires dépendant des matières
premièr~s agricoles. Il s'agit de CAPRAL (mise en valeur du
café) et BLOHORN (huile de palme). Le degré de dépendance de
ces filiales, en matières premières locales, est très accen-
tué car ces deux firmes s'approvisionnent à plus de 90 % en
moyenne en matières agricoles nationales. L'utilisation du
coton intéresse aussi FILTISAC et UNIWAX. Quant à SOLIBRA,
la production de bière requiert plus de 50 % de la production
nationale de mais. En règle générale, les filiales qui dépen-
dent des impacts nationaux sont celles dont le mobile d'implan-
tation est lié à la stratégie de mise en valeur des ressources
agricoles.
b/ Ensuite, nous avons les filiales dont la mise en
exploitation exige des importations de matières premières,
soit~E!~amaison mère, soit du marché mondial. D'après l'en-
quête; il s'agit particulièrement des industries chimiques
(SIVOA, SOFALO), des industries mécaniques (SAFAR, MAC),
électriques ét électroniques (NELCI), de transformation de
métaux (IVOIRAL, SIEM). On remarque une forte dépendance de


"
N
TABLEAU 24 - PART DES AUTRES ZONES DANS LES ACHATS DE MATIERES PREtlIERES (~)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Fil iales
CAPRAL
2
4
1
4
5
-
SCODI
81
89
87
84
81
80
BLOHORN
6
10
8
9
6
8
SOLIBRA
46
46
53
51
55
52
BATA
29
36
30
19
31
16
FILTI SAC
83
86
85
78
79
93
UNIWAX
-
-
-
40
62
64
SIVOA
0
0
0
0
0
0
SOFACO
28
16
-
-
23
).9
UNION CARBIDE
25
20
20
20
20
25
SAEC
24
47
41
37
43
36
IVOIRAL
-
-
5
5
5
20
SIEM
24
20
20
20
23
23
SAFAR
3
4
1
1
1
1
MAC
0
0
0
0
0
0
NELCI
-
-
-
-
-
4
SICABLE
64
65
73
78
63
71
Source
Notre enquête

271.
ces filiales, en matières premières, vis-à-vis des maisons-
mères: par exemple, le montage des voitures RENAULT et des
radios télévisions NACIONAL exigent des importations de pièces
détachées de SAFAR et NALCI : enfin, le taux de dépendance de
ces filiales varie entre 70 et 95 r, selon les cas.
5.2. Les ventes de produits des filiales aux maisons-
mères
La valeur totale des ventes est liée à celles de la
production et du chiffre d'affaires. En moyenne, les ventes de
l'ensemble des filiales est passée de 87 millions de FCfA en
19.80-81 à 105 e n 1982 - 83, soi t un tau x de pro gr e s s i on .d e 20, 6 %.
La tendance se confirme en 1984-85 avec une évolution de 127
milliards de FCFA, soit une augmentation de 20,9 %/ Si on con-
sidère l'ensemble de la période considérée, c'est-à-dire 1980-
86, on enregistre un taux de croissance de l'ordre de 7 ~ par
an.
L'évolution rapide de la valeur totale des ventes est
due toujours essentiellement à la très forte participation de
certaines filiales. Ces dernières qnt réalisé en 1984-1985,
un montant global de 103 milliards par rapport aux ventes tota-
les, soit un taux de participation de 81 %. Il s'agit de
BLOHORN (34), CAPRAL (18), SOLIBRA (15), SLODI (11), UNIWAX
(10), SIEM (8) et enfin SAFAR (7). En 1985-86, les ventes
atteignent 105 milliards de FCFA, ce qui représente une pro-
gression de 2,4 % par rapport à 1984-85. Notons que cette fai-
. b1e évolution, comparativement au pourcentag~ de 20,9 en 1982-
85, est imputable à la chute brutale des ventes de la SAFAR,
passant de 7 milliards de FCFA en 1984-854mi11iards en

272.
1985-86, soit une baisse de plus de 42 .%. Les mesures d'austé-
rité décidées par le Gouvernement à l'issue de la crise con-
joncturelle d'une part, la concurrence exercée par les concur-
rents japonais d'autre part, expliquent cette baisse (Tableau
25).
Par ailleurs, il existe unê différenciation géogra-
phique des ventes des firmes considér-ées par l'échantillon.
Ainsi, on distingue trois types d'orientation spatiale des
biens produits •. ) l s'agit
a) Les firmes produisant en grande partie pour le mar-
ché national; on peut citer toutes les filiales des indus-
tries électriques et mécaniques (SAFAR, NELCI, SICABLE, MAC,
SIEM), chimiques (SIVOA, SOFACO, SAEL), textiles et habille-
ment (UNIWAX, FILTISAC, BATA), et les industries alimentaires
(~LOHORN) sauf deux filiales exceptionnelles (CAPRAL et SCODI).
Concrètement, la part du marché domestique dans le pourcentage
des ventes totales est passée de 73 r, en 1980-81 à 80 % en
1982-83 avant d'atteindre un niveau très élevé de 90 % en
1984-85, soit un taux d'intégration au marché national moyen de
81 %. En guise de conclusion partielle, nos filiales peuvent
être qualifiées de filiales commerciales ou "filiales-relais"
'(tableau 26).
b) Les firmes produisant pour le marché du groupe:
nous avons deux cas, à savoir, CAPRAL et SCODI (Tableau 26).
La part des produits vendus aux deux maisons-mères (NESTLE et
SAUPIQUET) est passée, en moyenne, de 78 % en 1980-81 à 84,5 ~
en 1982-83 et 82 % en 1984-85, soit une moyenne globale de
plus de 81 r, en 6 ans. La tendance à l'exportation vers le


M
,....
.,
N
TABLEAU 25 - VENTES TOTALES EN MILLIARDS DE FCFA
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Filiales
CAPRAl
9
10
13
15
18
SCODI
6
7
9
10
11
12
BLOHORN
21
24
28
32
34
39
SOLIBRA
10
13
14
15
15
16
BATA
2
2
2
3
3
3
FILTI SAC
3
2
3
5
4
3
UNIWAX
7
9
10
12
10
10
SIVOA
1
1
1
2
2

SOFACO
3
5
-
-
3
!
3
UNION CARBIDE
-
-
-
-
- \\
-
SAEC
3
4
4
4
4
4
\\
IVOIRAL
4
-
3
3
3
3
SIEM
5
6
7
7
8
1
8
SAFAR
8
7
7
7
7,
4
MAC
3
3
3
3
2
3
NELCI
-
-
-
-
-
-
SICABLE
2
2
2
2
3
2
.
Source : Notre enquête


'<:t"
......
C'J
TABLEAU 26 - PART DU MARCHE LOCAL DANS LES VENTES TOTALES (%)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
.1983-84
1984-85
1985-86
Filiales
CAPRAL
18
17
17
15
18
-
SCODI
3
0
0
0
0
0
BLOHORN
79
71
83
80
-
82
SOLIBRA
99
99
99
99
98
99
BATA
83
89
94
87
79
84
FILTI SAC
100
100
100
84
93
100
UNIWAX
-
-
-
95
98
96
SIVOA
97
97
97
95
89
92
\\
SOFACO
78
87
-
-
76
1
84
UNION CARBIDE
93
86
86
80
93
\\
85
SAEC
96
97
98
95
94
\\
94
IVOIRAL
77
79
86
75
85
\\\\ -
SIEM
99
99
99
99
99
\\ 99
\\
SAFAR
99
99
100
99
97
\\99
. MAC
-
81
90
76
75
~6
NELCI
-
-
-
-
-
100
,
SICABLE
95
94
93
97
89
93
1
Source : Notre enquête


Ln
,....
N
TABLEAU 27 - PROPORTION VENDUE A LA MAISON-MERE (en %)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Fil iales
CAPRAL
73
72
69
74
66
-
SCODI
83
AR
100
100
98 .
100
BLOHORN
0
0
0
0
0
0
SOLI9RA
0
0
0
0
0
0
BATA
0
0
0
0
0
0
FILTISAC
0
0
0
0
0
0
UNIWAX
-
-
-
0
0
0
SIVOA
3
3
3
5
11
8
\\
SOFACO
0
0
0
0
0
,
0
UNION CARBIDE
0
0
0
0
0
1
1
0
1
SAEC
0
0
0
0
0
0
1
IVOIRAL
0
0
0
0
0
f
-
1
SIEM
0
0
0
0
o i
1
0
)
SAFAR
0
0
0
0
o !
·0
i
!
MAC
-
0
0
0
0
0
NELCI
-
-
-
1
0
-
-
1
1
SICABLE
0
0
0
0
0
,
0
i
Source : Notre enquête
1
1


le
r-,
N
TABLEAU 28 - PART DES AUTRES ZONES DANS LES VENTES TOTALES (%)
~ 1980-81
1981-82
1982-83
1983-84
1984-85
1985-86
Filiales
CAPRAl
9
I l
14
11
16
-
SCODI
14
12
0
0
2
0
BlOHORN
21
19
17
20
-
18
SOlIBRA
1
1
1
1
2
1
BATA
17
I l
6
13
21
16
FILTISAC
0
0
0
16
7
0
UNIWAX
-
-
-
5
2
4
SIVOA
0
0
0
0
0
0
SOFACO
22
13
-
-
24
16
UNION CARBIDE
7
14
14
20
7
15
SAEC
4
3
2
5
6
6
IVOIRAL
23
21
14
25
. 15
-
SIEM
1
1
1
1
1
1
SAFAR
1
1
0
1
3
1
MAC
-
19
10
24
25
14
NElCI
-
-
-
-
-
0
SICABLE
5
6
7
3
I l .
7
Source : Notre enquête

277.
groupe d'origine est plus accentuée au niveau de SCODI dont
la production de thon est totalement destinée a SAUPIQUET ou
au marché mondial. Doit-on qualifier nos deux filiales concer-
nées de filiales productives ou "filiales-ateliers" de type
Macao ou Hong-Kong? Non pour la simple raison que la produc-
tion des deux filiales est constituée de biens finis directe-
ment destinés à la consommation de masse, contrairement a la
stratégie de production d'une composante et d'un élément d'as-
semblage du produit. En revanche, on peut caractériser ces
firmes de filiales exportatrices par opposition aux filiales
commerciales (tableau 27).
c) Enfin, les filiales dont une partie de la produc-
tion es vendue le marché sous-régional ou de zone franc. En
règle générale, ce marché intéresse les filiales commerciales
qui cherchent à échapper aux contraintes de l'exiguité du
marché national. Toutefois, la part destinée à ce type de mar-
ché est très faible; ainsi, en 19~O-81, elle est passée de
27 % à 20 % en 1982-83 avant de descendre à un niveau plus
bas de 10 % en 1984~85, soit un taux d'intégration moyen de
19 % à ce marché de zone. Les filiales concernées jouent un
r6le relais des groupes multinationaux (tableau 28).
5.3. Le financement des investissements des filiales
Le problème du financement des investissements des
filiales pose celui du
recours à divers emprunts en monnaies
~~~lCLc..a1.-e-oi1etrangères. Pour ce faire, nous avons distingué
trois typesdé-s-oUrce du financement: le marché national ou
le financement local. 1e- financement moyennant des apports à

278 •.
moyen et long termes du groupe d'origine j enfin le marché
financier international (eurodevises). Evidemment, l'attitude
des différents chefs d'entreprise est restée discrète et nuan-
cée parce que les informations liées au financement sont géné-
ralement inaccessibles et restent confidentielles. Néanmoins,
les différentes tentatives de réponses aux questions posées ont
permis de dégager une approche du problème définissant les
contraintes objectives des filiales en matière de financement
des investissements.
Ainsi, le tableau 29, concernant les modalités de fi-
hancement montre que toutes les filiales concernées ont eu re-
cours au marché financier local pour financer une grande par-
tie de leurs investissements. Sagissant toujours du problème
du financement local, une difficulté n'a pu être levée: celle
ayant trait â l'autofinancement des filiales â partir de leurs
propres bénéfices. Même si certaines filiales ont recours â une
partie de leurs bénéfices pour réaliser les investissements,
il est cependant intéressant de dire que la tendance â emprun-
ter sur le marché financier local reste dominante.
Par contre, indépendemment du marché financier local,
certaines maisons-mères ont fait des apports de capitaux â
leurs filiales. C'est le cas de la SIVOA (AIR LIQUIDE), UNION
CARBIDE AFRICA (UNION CARBIDE), SIEM (CARNAUD), SAFAR (RENAULT).
En revanche, d'autres firmes multinationales laissent une
certaine marge d'autonomie financière â leurs filiales dans
la politiquege f_ina-JTC-emént des investissements. Citons, par
~-- -
--- -
.-.--- ~------
.
.
exemple, IVOIRAL (PECHINEY), qui n'a aucun apport du groupe
mais n'hésite pas a recourir au financement intern~tional.

O'l
,....,
N
TABLEAU 29 - MODALITES DE FINANCEMENT DES FILIALES
FI LIALES
Financement local
Financement groupe
Financement international
CAPRAL
+
-
-
SCODI
BLOHORN
SOLIBRA
+
-
-
BATA
FILTISAC
+
-
+
UNIWAX
+
-
-
SIVOA
+
+
-
SOFACO
UNION CARBIDE
+
+
-
SAEC
IVOIRAL
+
-
+
!
SIEM
+
+
-
\\
SAFAR
+
+
+
1.
,
MAC
+
-
-
NELCI
+
-
-
SICABLE
+
-
-
Source
Notre enquête
(+ oui, - non)

280.
En définitive, l'enquéte a permis de constater que les
filiales multinationales dépendent en 9ranrle partie du marché
financier national
Le recours incessant â ce marché contribue
u
à développer les transactions importantes des banques étran-
gères installées sur le territoire ~ational au détriment des
petites et moyennes entreprises nationales.
5,4
Le transfert des techniques et la formation
Q
du personnel
Le problème du transfert de technologie en Côte d'Ivoi-
re n'a pas suscité un intérêt particulier chez les chefs d'en-
treprises car, selon eux, aucune entreprise étran9ère ou affi-
liée ne fait de recherche-développement à proprement parler.
La création et l'utilisation de la technologie reste l'apanage
des maisons-mères localisées dans les pays développés â écono-
mie de marché. Néanmoins, selon eux, tout transfert de techno-
logie, si technologie il y a, doit être appréhendé sous l'an-
gle d'un apport de technologie moyenne dépassée ayant subi un
décalage dans le temps.
En revanche, d'autres filiales apprécient la question
du transfert de technologie sous son aspect de la formation
des hommes. ~insi, certains cadres et techniciens bénéficient
de stage de formation en Europe, au Japon, aux U.S.A., généra-
lement au siège des différentes maisons-mères. Les stagesâ
l'étranger s'inscrivent dans le cadre de la formation liée aux
problèmes techniques spécifiques. Quant aux ouvriers qualifiés
et aux agents de maitrise, ils bénéficient soit de la structure
de formation des filiales, soit des séminaires et cycles de
formation organisés par certains organismes nationaux".

·
~
co
N
TABLEAU 30 - JRANSFERT DE TECHNIQUES ET FORMATION DU PERSONNEL
FILIALES
Formation du personnel
Sous-traitance
Transfert de technologie
CAPRAL
Interne et groupe
-
Lié a la formation
SCODI
-
BLOHORN
-
SOLIBRA
Interne et organismes locaux
non
aucun
BATA
FILTI SAC
Interne et à l'étranger
non
Possibilités de transfert
UNIWAX
Interne et à l'étranger
Très peu
SIVOA
Interne et stage en France
oui
Technologies élaborées
SOFACO
-
(Assistance locale et
UNION CARBIDE
oui
Be1 avenir
(étrangère
SAEC
Technologie moyenne et
IVOIRAL
Locale et stage en France
oui
dépassée
SIEM
Locale et groupe
non
Formation des hommes
SAFAR
Interne et maison-mère
Subordonnée à la maison-mère
Limitée par 1'étroitessd du
MAC
Interne
oui
marché local
i
NELCI
Stage au Japon
oui
Technologie et connaissa~ces
de la maison-mère
SIC/'.BLE
Locale et étrangère
Limitée
T
Source
Notre enquête

282.
CONCLUSION DU CHAPITRE
Des résultats de l'enquête réalisée sur le terrain, on
peut tirer un certain nombre de faits significatifs pour la
compréhension du phénomène de la dé10ca1isation industrielle
en Côte d'Ivoire.
a) Les firmes multinationales, en dé1oca1isant certaines
de leurs activités, investissement en Côte d'Ivoire. Il s'agit
des investissements directs réalisés dans l'industrie légère
allant des industries alimentaires aux industries mécaniques
et é1e~trtques en passant par les secteurs de la chimie et des
textiles;
b) Les firmes multinationales contrôlent plus de 60 %
du capital social de leurs filiales implantées sur le sol na-
tiona1. Le contrôle des filiales, à travers les participations
majoritaires, marginalise l'accumulation du capital industriel
national
:
c) Les filiales multinationales implantées sont en
grande partie des entreprises d'import-substitution dont la
production est destinée à plus de 81 % au marché local.
Ce triple constat nous amène nécessairement à procéder
à
une évaluation de la contribution des firmes multinationales
au développement de l'économie ivoirienne. Mais, avant d'y
parvenir, essayons de mettre en relief les différentes straté-
gies dupays d'accueil (Etat) et des filiales. C'est l'objet
du chapitre suivant: Firmes multinationales et stratégies de
déloca1isation industrielle.

283.
CHAPITRE OUATRE - FIRMES MULTINATIONALES ET STRATEGIES DE
DELOCALISATION INDUSTRIELLE
"Un ~(veloppement vl~itable autocent~(
e~t n(ce~~ai~ement populai~e ca~ le d(velop-
pement ext~ave~ti, dan~ toute~ le~ pha~e~
de l'(volution du ~y~tème imp(~iali~te,
b(n(6icie e66ectivement aux ma~~e~ dominan-
te~ p~ivilégi(e~ qui ~e con~tituent en
alliance avec le~ monopole~"
s. AMIN, Développement au~ocentré,
autonomie collective et nouvel ordre
économique international, in l'Avenir
Industriel de l'Afrique, op. cit., p.29.

284.
INTRODUCTION
L'analyse précédente du phén~mène de délocalisation
i ndustri ell e a permi s de ca r acté r t ser 11 i mp l antat ion des fi r-
mes multinationales dans le Tiers Monde en génér~l et en COte
d'Ivoire singulièrement, bien que cette implantation obéisse
à
une stratégie de différenciation des espaces périphériques
nationaux.
Le problème suivant à résoudre concerne l'analyse de
l'incidence de ces firmes sur l'industrialisation ou le déve-
.. loppement socio-économique du pays. Par conséquent, une ques-
tion fondamentale se pose donc: compte tenu de la logique mon-
diale du capital, est-il possible de chercher à concilier les
intérêts des firmes multinationales et ceux du pays, dans
l'optique d'un développement autocentré ?
C' est
vi de mme nt l'
ê
0 bjet
ce nt ra l de ce cha pit r e qui
tente de faire quelques propositions autour de deux princi-
paux axes de réflexion
a) Premièrement, la question du rôle de l'Etat face
aux stratégies des firmes multinationales(l), c'est-à-dire,
son attitude vis~à-vis du capital multinational. Les rapports
entre l'Etat et les filiales vont situer les spécificités
du modèle ivoirien de délocalisation, si modèle il y a
(Section 1) ;
b) Deuxièmement, après avoir explicité les différentes
stratégies de l'Etat et des firmes multinationales, nous
( 1 ) v0 i r .1. NlOS 1, les mu1tin at ion ale set l' Et at , Et udes
Internatibnales, Volume XVI, n° 2, spécial, juin 1~85,
B. BDNIN, L'entreprise multinationale et l'Etat, Editions
Etudes Viv~ntes, Québec, 1984.

285_
allons chercher a évaluer l'incidence de l'investissement di-
rect étranger sur les structures économiques nationales, voir
s'il y a ou non un b10cacege des forces productives (section 2)
SECTION 1
DELOCALISATION INDUSTRIELLE, STRATEGIES DE
L'ETAT ET STRATEGIES DES FILIALES MULTINATIONALES
Depuis l'indépendance de la Côte d'Ivoire, la création
d'industries est l'oeuvre du capital multinational. Le re-
cours au capital étranger constitue les tenants et aboutis-
sants de-la politique d'industrialisation du pays. Or, il est
évident que les firmes multinationales ne peuvent pas exporter
leurs capitaux sans un minimum de garanties liées ni à des
facilités d'implantation, ni à des mesures de protection de
leurs intérêts. C'est à ce niveau que nous analysons le rôle
de l'Etat ou sa stratégie adoptée face aux filiales mu1tina-
tiona1es.
1. Stratégies de l'Etat
L'évidente volonté d'attirer les capitaux étrangers
justifie la conception ou la tendance libérale de la straté-
gie d'industrialisation de la Côte d'Ivoire. C'est le reflet
inconditionnel des théories d'obédience libérale en matière de
développement cherchant à expliquer la relation objectivement
nécessaire entre le taux de croissance, que doit atteindre
un pays sous-développé, d'une part, et le niveau du taux·
d'investissement, condition de la réalisation de la croissan-
ce, d'autre part(l). Ainsi, l'Etat, dans le souci d'accroître
( 1) BIR D, Ver su ne action commune pour le développement du
Ti ers Mo nde, 1e Ra pp0 r t Pe ars on, 0p. ci t .

286.
le volume des investissements, favorise 1 limportation de ces
derniers, grâce à la mise en place d1un code des investisse-
ments garantissant à la fois sécurité et rentabilité aux capi-
taux étrangers. C'est pourquoi, nous proposons d'élucider la
ou les stratégies de l'Etat à travers l'analyse des problèmes
suivants: l a nature et la portée de la pol itique de l'Etat
en matière d'incitation à l'investissement d'une part, et son
rôle dans les rapports entre le capital privé national et le
capital multinational, d'autre part. Mais, avant tout, il
s'avère utile de rappeler la stratégie de développement indus-
triel par rapport à la politique économique de l'Etat.
1.1
Politique économique et stratégie de développe-
0
ment industriel
1.1.1. Contexte socio-économigue de la stratégie de
l ' Eta t
Il serait vain de discuter de la place et du rôle des
firmes multinationales dans l'économie nationale sans poser
le problème de la recherche d'un lien entre la multinationali-
s a t ion duC api ta l e t les f 0 rm es que r e vêt l' Et a t ( 1) •
De façon générale, on le sait, la question de l'Etat
revêt une grande importance dans la rêgulation de la société.
En outre, à mesure de la politisation de l'économie, l'Etat
intervient de façon directe dans la vie économique et sociale
( 1 ) N. POULANZAS, L'internationalisation des rapports capita-
lis te s..et L'-E ta t - Nat ion , Te mps Mo der nes, N0 319, Par i s ,
Fevrier 1973 ; l es cl asses social es dans l e cap i t a lis me
aujourd'hui, Editions Sociales, Paris, 1974. Voir égale-
ment R. MURRAY, The internationalization of capital and
the Nation~State, in J. H. DUNNING (ed.), The multinatio-
nal
Entreprise, Allen x UNWIN, London 1971.

287.
des différentes nations. Mais cette intervention de l'Etat et
le rôle qu'elle sous-entend se manifestent bien à des degrés
différents selon les formations économiques et sociales.
Ainsi, dans les formations économiques et sociales du
Ce nt re, 1es f 0nct ion s de l' Et a t s' é te nden t et ne sel i mit e nt
plus à la représentation et à la défense des intérêts de1a
bourgeoisie contre ceux dupro1étariato L'intervention de
l'Etat s'inscrit, en effet, de plus en plus dans la logique
de la satisfaction des besoins sociaux, des couches défavori-
sées bien que cette dernière ait toujours lieu dans le sens
des intérêts d (s) la fraction(s) de1a classe dominante(l).
Donc, l'Etat procède à une régulation de la vie économique en
fonction de ses propres moyens, à savoir, les impôts, la po1i-
tique douanière et d'investissement, etc •••
Cependant, quand on passe du Centre aux pays de la
périphérie, la notion d'Etat s'avère difficile à cerner eu
égard à la situation néoco10niale dont sont victimes ces
pays, car 111 'essence du néo-colonialisme, c'est l'Etat qui y'
est assujetti, est théoriquement indépendant, possède tous
les signes de la souveraineté sur le plan international. Mais
en réalité son économie et par conséquent sa politique, sont
manipulées de l'extérieur"(2).
Au fond, dans les pays d'Afrique Noire et en COte
d'Ivoire singulièrement, la situation néocolonia1e n'exclut
pas l'intervention de l'Etat dans l'économie par une politique
(1) J-F LEMETTRE, Etat et analyse des systèmes, l'exemple de la politique
industrielle, Thèse de doctorat ès sciences économiques,
Université de Paris X, Nantérre, 1974.
(2) K. N'KRUMA[,Néocolonia1isme, dernier sta~e de l'impéria-
lisme, Présence Africalne, Paris, 1973, po 9.
.

288.
monétaire. budgétaire. fiscale. même si cette dernière est
contraire aux objectifs de l'indépendance nationale au profit
des entreprises étrangères. Si tel était le cas, il faut cir-
conscrire le rôle et la place de l'Etat dans le processus de
régulation sociale. Ainsi. avec Clavez. "il faut insister sur
le fait qu'il s'agit, sous le nom d'Etat, d'une couche d'hom-
mes, d'une sorte de classe sociale, ou plutôt d'une caste,
qui joue en ce moment un rôle social moteur de manière pres-
que exclusive. Elle n'est pas toujours brillante, mais elle
est généralement la seule force motrice, le seul atout sur
quoi compter vraiment. De fait. l'Etat. cette couche sociale
motrice. se donne pour objectif le déve10ppement"(I).
ComJTIe on s'en aperçoit, le rôle moteur de l'Etat dans l'écono-
mie
ne repose
pas sur l'existence d'une bourgeoisie nationa-
le entreprenante qui donnerait à l'Etat toute sa dimension
superstructure11e et une certaine autonomie relative dans ses
rapports avec le capital étranger. C'est pourquoi l'Etat
dont il est question ici, n'a pas une entité propre, une po-
1itique économique propre car le contexte socio-économique
(infrastructure) qui lui donne tout son sens est une structure
dépendante. Cette dépendance
va caractéri ser fi na 1ement l' atti-
tude de l'Etat face aux firmes multinationales. En Côte
d'Ivoire, 00 l'on récuse le socialisme pour faire l'apologie
de la société capitaliste, l'Etat s'est engagé, depuis 1960,
sur la voie de développement fondée sur l'ouverture systéma-
tique du pays à l'extérieur. Alors on ne saurait s'étonner
devant 1ag rand e latitude que l'Etat accorde au capital di-
-Fea étranger à l'aide d'une stratégie industrielle fondée
sur l'extraversion.
(1) J.L. CLAVEZ, Aspects politiques et sociaux dans les pays
en voie de développement, Dalloz. Paris, 1971, p. 241.

. ."
;#
., ,
289.'"
1.1.2. Pêriodisation de la stratégie de développement
industriel de l'Etat
Pour comprendre les différentes tendances ayant carac-
térisé le processus de l'industrialisation du pays de 1960
a 1985, il faut partir de la périodisation de la stratégie de
développement industriel de l'Etat pour se rendre compte du
rôle joué par le capital direct étranger dans la mise en appli-
cation de cette stratégie. A travers les grandes phases qui
ont marqué llindustrialisation de la COte dl Ivoire, on va voir
si le discours de l'Etat correspond à la réalité ou coincide
nécessairement avec l'espace mu l t i na t t one l • Donc, au regard de
la logique des intérêts de l'Etat et des firmes multinationa-
les, nous nous plaçons sur le terrain officiel(l),définis-
sant deux principales phases d'industrialisation, d'ailleurs
non exhaustives, à savoir, la stratégie d'orientation de la
production vers le marché intérieur (1960-1970) et la promo-
tion des exportations industrielles destinées au marché mon-
di al. Qu'en est-i l éffecti vement ?
1.1.2.1. 1960-1970 : la stratégie d'industrialisation
fondée sur la production de substitution aux
importations
La stratégie de développement fondée sur l"industria-
lisation de substitution aux importations n'est pas un modèle
spécifique au continent africain, encore moins à la Côte d'Ivoi-
re(2). Elle a longtemps constitué le socle des différents
plans de développement des pays de l'Amérique Latine et d'Asie.
(1) L'industrie ivoirienne de 1960 A 1985, bilan et perspecti-
ves, document réa li s
a l ' occas ion du VIIIe Congrès du
ë
PDeI-RDA, Ministêre de l'Industrie, Abidjan 1985.
(2) Perspectives Décennales 1960-1970 : le développement écono-
mique, social et culturel de la COte d'Ivoire, Ministère
du Plan, Abidjan.

290.
Quelle que soit une différenciation observée, ici et là, les
pays colonisés et aujourd'hui "indépendants" ont d'abord eu
recours à ce type d'industrialisation financée
et entrete-
nue par le capital direct étranger.
En ce qui concerne la Côte d'Ivoire, le désengagement
du capital colonial ou son redéploiement vers le secteur in-
dustriel
a permis
la mise en place du premier Plan de
Développement, appelé "Perspectives Decennales" (1960-1970)
dont les objectifs prioritaires étaient les suivants:
1. La revalorisation des matières premières agricoles
nationales;
2. La substitution des productions nationales aux pro-
duits de consommation importés ;
3. et enfin, à moyen terme, la production nationale
des biens d'équipement de base.
Les deux premiers objectifs regroupent toutes les ac-
tivités industrielles produisant des biens finis ou semi-
finis à partir des matières premières importées et des res-
sources agricoles matinales (café, cacao, ananas, bois). Il
s'agit tout simplement de la création des industries légères
de substitution directe des importations. En revanche, l'ob-
jectif du développement, concernant la production nationale
des biens d'équipement de base, reste une illusion car l'en-
quête n'a décelé l'existence d'aucune industrie de base qui
exige d'ailleurs d'importants moyens financiers et matériels
d'une part, et n'intéresse guère le capital étranger.

291.
Finalement, c'est au cours de la période 1960-1970
qu'a pu être mis
en place un ensemble d'industries dont la
production est orientée vers le marché national
Notons que
ft
cela n'aurait pu se réaliser sans la participation ou l'im-
plantation des firmes multinationales. L'enquête a montré
clairement que les "Perspectives Décennales" ont largement
favorisé la délocalisation des activités industrielles à stra-
tégie commerciale, notamment les industries alimentaires
(CAPRAL, BLOHORN, SCODI, SOLIBRA), chimiques (SIVOA, SOFACO),
mécaniques (SAFAR, MAC), électriques (NELCI) et textiles,
habillement (BATA, UNIWAX, FILTISAC). L'implantation des fi-
liales multinationales dans la région abidjanaise répond glo-
balement aux objectifs définis par les "Perspectives Décenna-
les". Donc, la première phase de développement industriel dé-
finie par l'Etat coincide avec l'espace ou les stratégies des
filiales multinationales concentrées dans les industries lé-
gères.
1.1.2.2. 1970-1980 : La stratégie de promotion des
~xportations
Incontestablement, le bilan de la période 1960-1970
est éloquent et a permis l'émergence d'un tissu industriel
intégré à l'espace multinational. Selon les comptes de la
Nation, de 1960 à 1970, les investissements industriels
étaient évaliés à 72 milliards de FCFA, en valeurs cumulées
sans oublier les 83 milliards de chiffre d'affaires réalisés.
Par ailleurs, toujours selon la même source, le taux d'ivoi-
risation du personnel atteint 60 ~ du total des effectifs em-
ployés. En outre, la part du secteur industriel dans li for-
mation de la production intérieure brute était estimée à près
de 14 % en 1970.

292.
Mais alors pourquoi parler d'une seconde phase d'in-
dustria1isation 1970-80 sachant les résultats positifs de la
première stratégie d'industrialisation. De deux choses l'une,
ou bien il s'agit d'une nouvelle stratégie qui bat en brèche
la première, auquel cas l'étape ultérieure de l'industriali-
sation au-delà de 1970 n'ait pas été retenue par les "Pers-
pectives Decennales" ; ou bien il s'agit de la reproduction
du modèle ancien 1960-1970 réajusté aux exigences de l'écono-
mie mondiale, auquel cas il serait pernicieux de caractériser
la période 1970-1980 de phase d'orientation vers les marchés
d'exportation (le marché mondial).
En tout cas, s'agissant de la stratégie 1970-1980, au-
cun élément nouveau, hormis le souhait de favoriser la créa-
tion d'unités exportatrices, ne vient remettre en cause fon-
damenta1ement la période de substitution aux importations.
Les objectifs fixés et atteints par les Perspectives Décenna-
les y sont encore réaffirmés à savoir la poursuite et l'inten-
sification de la valorisation des ressources nationales,
l'amorce d'une régionalisation industrielle, et enfin la po-
litique de l'ivoirisation de l'appareil industriel(I).
Pourtant, depuis 1960 à 1980, aucune industrie impor-
tante, en rupture avec le cadre classique des industries lé-
gères de substitutions de production aux importations et de
valorisation de produits agricoles, n'ont vu effectivement
le jour. De même, nous constations les tendances anciennes de
développement industriel dans les industries chi~iques, méca-
.niques et électriques, de la trnaformation de~mêtaux
dépen-
dant des industries en amont situées dans les pays du Centre.
(1) L'industrie ivoirienne de 1980 à 1985, op. cit.

293.
En revanche, il y a l'amorce
de création des indus-
tries exportatrices de produits finis fabriqués à partir de
matières premières locales qui touche principalement la
branche "Conservation et Préparations alimentaires". CAPRAL
(produits alimentaires) filiale de NESTLE, SCODI (production
de thon) filiale de SAUPIQUET s'intègrent à la stratégie
1970-80, bien qu'implantées à Abidjan avant 1970. L'enquête
a permis de constater que le degré de dépendance des deux
filiales vis-à-vis des maisons-mères, au niveau des réseaux
de distribution et de commercialisation, profite à celles-ci par
les é con 0 mie s d' é che 11 e s ré a lis é e sen de h0 r s du pays. A ce t
effet, on peut rappeler que NESTLE et SCODI exportent respec-
tivement, vers les différents pays d'origine, en moyenne
70 % et 95% de leurs productions.
Donc, finalement, l'existence de quelques industries
exportatrices, valorisant les matières premiêres agricoles
nationales, ne traduit pas, en soi, une nouvelle stratégie
d'industrialisation de l'Etat, pour la simple raison que ces
industries ne reflètent pas les caractéristiques de celles des
filiales-ateliers tstratégie productive globale des firmes
multinationales).La production de nos industries exportatri-
ces ne représente pas un élément d'un assemblage de produits
intégré à un processus internationalisé, comme c'est le cas
dans certains NPI, notamment les pays de l'Asie du Sud-Est.
Bien au contraire, elles s'insc~ivent dans un procès marchand,
de réalisation de la plus~value au niveau du marché mondial,
et à ce titre on peut les qualifier de filiales relais au
même titre que les autres secteurs industriels dépendant des

294.
matières premières étrangères. Au fond, la stratégie indus-
trielle de 1970 a 1980 nlest que la reproduction de cell~ de
1960-1970.
1.1.2.3. 1980-1985 : les tendances actuelles de la
stratégie de développement industriel
La période 1980-85 est considérée en COte dl Ivoire
comme le moment d'une crise conjoocturelle : diminution de
l'excédent commercial, déficit de la balance des paiements,
diminution des investissements etc .•• A ce propos, les résul-
tats de l'enquète sont très
significatifs,
car ils mettent
en relief une diminution, à partir de 1980, des effectifs
salariés employés dans le secteur industriel. De tels faits
montrent l'essoufflement de la politique ind~strielle mise
en application depuis 1960. Le taux de croissance négatif(I).
enregistré, au cours de la période 1980-84(2), corrobore im-
placablement la théorie selon laquelle les industries légères
de substitution aux importations sont peu développantes et
ont des effets limités par la croissance du revenu et l'exi-
guité du marché domestique(3).
Depuis l'indépendance, le modèle de substitution aux
importations a toujours constitué le socle de la stratégie
d'industrialisation de la COte d'Ivoire. Si le secteur in-
dus tri el a atteint un taux de croissance de 8% durant la
période 1960-1984, .clest grâce, en grande partie, a la délo-
calisation industrielle effectuées par les firmes multina-
tionales qui concentrent leurs investissements uniquement
(1) L'industrie ivoirienne de 1980 à 1985, op. cita
(2) Le Plan Quinquennal de développement économique et cultu-
rel 1981-1985, Abidjan.
(3) S. AMI'N, Le développement du capitalisme en COte dl Ivoi-
re, op. ci t ,

295.
dans les industries légères. En outre, cela est rendu possi-
b1e parce que ce type d'industrialisation correspond à la 10-
gique des stratégies des firmes multinationales, cherchant à
minimiser les coûts de production pour une meilleure renta-
bi1ité. Or, le dépassement du modèle de substitution aux
importations par la création d'industries de base capables
de fournir aux industries d'aval leurs matières premières
(par exemple la chimie), exige une remise en cause radicale
de la stratégie de 1 'import substitution. La mise en place
d'industries de base n'intéresse pas les filiales multina-
tionales qui préfèrent importer toutes les consommations in-
termédiaires (industries de montage d'automobiles, de cycles,
électriques et mécaniques, celles de la chimie) de l'exté-
rieur.
C'est pourquoi, pendant la période 1980-1984, la po-
litique industrielle connut quelques réformes, à savoir
l'adoption de nouvelles mesures incitatrices à l'investisse-
ment du capital êtranger industriel qui aurait pour effet
la diversification des productions d'import-substitution et
d'exportation d'une part, et l'augmentation des ressources
nationales valorisab1es industriellement( 1), d'autre part. Il n'y
a pas eu objectivement de changement radical de 1a stratégie d'in-
dustrialisation du pays: le développement reposant sur
l'extraversion, c'est-à-dire la dominance du capital étran-
ger, toute nouvelle orientation de l'industrialisation doit
prendre en compte les exigences de ce dernier.
---- -- - --- --'---
(1) Marchés tropicaux et méditerranéens, op. cit •.

296.
1.2. ~Ole économigue de l'Etat, politique d'incita-
tion et d'accompagnement de l'investissement
direct étranger.
Le déterminant de l'investissement des firmes mu1ti-
nationales à l'étranger est la réalisation du plus grand
profit. Or, à l'opposé, l'objectif de l'Etat est d'assurer
la satisfaction des besoins des populations grâce aux gains
tirés des activités des filiales implantées sur le territoi-
re national. Au fond, le prob1éme central qui se pose ici,
est de savoi r comment l'Etat va-t-; 1 chercher à conci 1i er
les intérêts des firmes multinationales à ceux du pays.
Ainsi, géntra1ement, dans les pays du Tiers Monde,
le rôle économique de l'Etat face aux firmes multinationales
procède de la négociation dont les principes sont contenus
dans les codes des investissements, qui précisent, à l'avan-
ce, tous les avantages et exonérations fiscales et douaniè-
res octroyées au capital direct étranger.
1.2.1. Code des investissements, attitude de l'Etat
et stimulants à l'investissement direct
étranger
Les pays africains francophones ont été les premiers
parmi les pays sous-développés à se doter d'une règ1ementa-
tion globale et réciproque concernant l'investissement du
capital étranger. Ces pays se sont largement inspirés du
Code français, au moment de leur accession à la souveraineté
internationale.
(1) W. ANDREFF, Les firmes multinationales face aux Etats~
Nations, Cahie~s Français, Documentation française, op.cit

297.
C'est dans ce contexte que l'Etat ivoirien a arrêté un
ensemble de dispositions qui ont fait l'objet de la loi du
3 septembre 1959. fixant le régime des investissements pri-
Vés(I).La dite loi, on le sait, fut à l'origine de la con-
centration du capital dans le secteur industriel et, surtout,
de la création, rappelons-le, d'un ensemble d'industries lé-
gères orientées vers la satisfaction de la demande nationale.
Cependant, l' adopti on récente d'un nouveau Code d' i n-
vestissement depuis le 8 novembre 1984(2), remettant en cause
l'ancien, ne reproduit que les mêmes objectifs de la po1iti-
que industrielle de l'Etat face au capital privé internatio-
na1, sans toucher aux intérêts des firmes multinationales.
Par ailleurs, on sait que l'Etat n'a pas le choix en élaborant
un Code des investissements garantissant les divers avantages
consentis au capital étranger. Mais, du point de vue de la
politique industrielle, on se demande les motifs' qui ont ame-
né l'Etat à élaborer un nouveau Code: ou bien, la pérénnité
de l'ancien Code, d'ailleurs d'origine coloniale, ne répon-
da i t plu s a ux ex i gen ces act ue 11 es du pro ces sus de l' a cc umu-
1ationdu capital; ou bien, le nouveau Code s'inscrit dans
une nouvelle orientation de la politique industrielle qui,
désormais, renforce les mesures restrictives imposées aux
filiales multinationales en matière d'investissement. Il
n'en est rien, car les avantages liés à l'implantation et à
l'exploitation des filiales se sont trouvés renforcés par
1 'institutiona1isation de la prime à l'exportation, la
(1) Le régime des investissements privés en Côte d'Ivoire,
Mar~hés Tropicaux et Méditerranéens, n° 918 du 15 juin
1963 •.
(2)
Le Code des investissements, loi N° 84-1230- du 8 novembre
1984, Ministère de l'Industrie, Abidjan.

298.
convention d'Etablissement et de la taxe de coopération
régionale (CEAO). Donc, de l'ancien au nouveau Code, ya-t-
il rupture ou continuité?
1 2 1 1
De l' an cie n au no uveau Cod e des i nve s t i s se-
0
0
0
0
ments : rupture ou continuité
D'emblée, du point de vue de la politique industrielle
de l'Etat, il n'y a aucune différence majeure dans les prin-
cipes généraux des deux Codes d'investissements, ancien et
nouveau, car, animé toujours de la même volonté de déve10p-
per et soutenir les secteurs industriels sous l'égide du ca-
pita1 étranger, l'Etat cautionne la grande latitude des fi-
liales multinationales quant à l'implantation et à l'exploita-
tion de leurs unités de production.
Cela est d'autant vrai que les principes généraux ou
garanties relatives au droit d'établissement, caractéristi-
ques fondamentales de l'option libérale de la politique libé-
rale, se trouvent réaffirmées de 1960 à 1984 : égalité de
traitement de tous les investissements (nationaux et étran-
ger) sous réserve des avantages accordés sur agrément aux
entreprises prioritaires ; égalité de traitement des natio-
naux et des non-nationaux; enfin, réaffirmation de la liber-
té de transfert des revenus et des capitaux(1). Comme on
s'en aperçoit, le code des investissements ancien ou nouveau,
paraft avoir été conçu dans le but essentiel de répondre aux
désirs et aux besoins du capital international.
Toutefois, outre les mesures nouvelles concernant la
modification des mesures fiscales de droit commun d'incita-
tion à l'investissement, la création d'une prime â :
(1) La loi n° 84-1230 du 8 novembre 1984.

299.
l'exportation et la réforme du tarif du droit d'entrée(l),
le nouveau code des investissements introduit des éléments
nouveaux tendanciels de la politique industrielle de notre
pays qui ne réduisent pas l'emprise du capital international
ou multinational dans le secteur industriel. Bien au contrai-
re, dans le cadre de la stratégie de décentralisation indus-
trielle, l'Etat convie l e Jc ap t t e l étranger à implanter cer-
tains secteurs industriels en dehors de la région d'Abidjan
afin de palier aux disparités nationales. De ce fait, désor-
mais, les filiales peuvent bénéficier d'un agrément particu-
lier, variant de 7 à 12 ans, selon le lieu d'implantation
de la production. Cette tendance de la politique industrielle
régionale de l'Etat n'est pas un cas spécifique à la Côte
d'Ivoire, pour la simple raison que d'autres PVD, notamment
le Mexique l'ont appliquée.Ainsi Danone de Mexico, en raison
de l'implantation géographique de sa fabrique, bénéficie de
la loi du 9 juillet 1972 sur l'encouragement à la régionali-
sation(2). D'autre part, la loi du8 novembre 1984, soucieuse
de la nécessité d'orienter les capitaux vers les régions de
la Côte d'Ivoire non encore industrialisées, favorise l'im-
plantation des petites et moyennes entreprises (PME) soumises
aux mêmes dispositions d'agré~ent que les grandes entreprises
industrielles. Même à ce niveau, la marge de manoeuvre ou
d'incitation laissée au capital national est confuse dans la
mesure où le champ d'application défini pour les PME laisse
encore la porté ouverte au capital étranger, même si ce der-
nier niest pas le fait des firmes multinationales.
(1) La dite loi.
(2) R. MONTAVON, Implantation de deux entreprises multina~
tionales au Mexique, CEEIM PUF, 1979.

300.
Dans ces conditions, on remarque que de l'ancien au
nouveau Code des investissements, la politique industrielle
n'a connu aucune modification battant en brèche ou réduisant
le champ d'action des filiales multinationales. Au contraire,
au lieu de chercher à réduire l'emprise du capital étranger
à l'aide de dispositions discriminatoires pénalisant les
entreprises étrangères au profit des firmes nationales, la
politique industrielle de l'Etat, en parfaite harmonie avec
le Programme d'Ajustement Structurel
(PAS) de la Banque Mon-
di a l e , réaffirme les avantages destinés à soutenir l'inves-
tissement privé multinational dans le secteur industriel.
~1.2.1.2. Les avantages liés à l'implantation des
fil iales
Le souci de créer des industries sous l'égide des
firmes multinationales a contraint l'Etat ivoirien à mettre
sur pied, rappelons-le, un Code des investissements garan-
tissant à la fois sécurité et intérêt aux capitaux étrangers.
En serait-il autrement, quand on connaTt la faiblesse des
économies africaines en matière de financement des investis-
sements.
En effet, à l'implantation des filiales, les capitaux
étrangers bénéficient de certains avantages accordés afin
de réduire les coûts de réalisation su projet. L'aide à
l'investissement du capi tal tn te r-nat t ona l se résume autour
des avantages suivants: exonération des droits de douane
et de droit fiscal d'entrée Sur les équipements et pièces
de rechange; exonération de taxes sur le chiffre d'affai-
re dues sur l'investissement; réduction de droit d'enregis-
trement sur les apports en société et les incorpor.ations de
réserves(1) •
-------~------
( 1) La loi du 8 j, 0 vembre 1984 •

301.
Les divers avantages A l'implantation montrent que le
rôle de l'Etat n'est pas de refuser les firmes multinatio-
nales, encore moins, réduire leur champ d'action ou d'in-
fluence économique. En outre, ces avantages contenus dans le
Code (dont le lecteur nous épargnera les développements et
commentaires d'ordre technique), sans oublier d'autres con-
ditions externes au Code tels la cession de terrains à des
prix avantageux, l'accès facile au crédit (marché financier
national) et une législation du travail bloquant les grèves
et les revendications des travailleurs, reflètent bien la
volonté inconditionnelle de l'Etat à privilégier le capital
direct étranger dans le processus de l'industrialisation du
pays.
1.2.1.3. Les avantages liés A l'exploitation des
filiales
Evidemment, les avantages liés à l'implantation des
filiales sont, également, assortis de ceux garantissant
leur exploitation. Ces avantages, résumés dans le code, sont
les suivants: exonération de contribution des patentes et
d'impôts fonciers; exonération d'impôts sur les bénéfices
industriels et commerciaux; exonération de la taxe à la
valeur ajoutée sur les matières premières importées(I).
Ainsi définis, léS avantages liés à l'exploitation des entre-
prises étrangères tendent A faciliter leur gestion dans les
premières années de démarrage, tout en cherchant à réduire
les charges d'exploitation par l'exonération de ces impôts.
A travers l'enquête, nous avons constaté que la gran-
de majorité des entreprises étrangères, notamment les
(1) L'iridustrie ivoirienne de 1960 à 1985, op. cit.

302.
filiales multinationales ont largement bénéficé des avanta-
ges du Code. On peut citer à titre d'exemple ou d'illustra-
tion certaines filiales liées à l'échantillon, à savoir,
SOLIBRA (exonération et mesures fiscales d'encouragement des
investissements), FILTISAC (exonérations d'impôts), SIVOA
(réduction d'impôts sur les bénéfices industriels et commer-
ciaux)
; Nelci, SICABLE, SAFAR, UNION CARBIDE •.. (le reglme
particulier d'entreprises prioritaires)(l). Bref, tous ces
divers avantages consentis, y compris ceux omis, témoignent
une fois de plus de la grande latitude laissée aux firmes
multinationales d'une part, et s'écartent fort bien des ob-
jectifs fixés par l'Etat, à savoir, l'accumulation nationale
et l'industrialisation du pays.
1.2.2. Accumulation multinationale, désengagement
de l'Etat et transfert de bénéfices
L'évidente volonté d'attirer les capitaux étrangers
constitue le socle de la conception libérale du Code des
investissements. Certes ce code a favorisé la création et
l'expansion des industries de substitution aux importations
et entraîné, par conséquent, un taux de croissance élevé de
l'économie nationale comparativement aux autres pays membres
de la CEAO. Mais notons, hic et nunc, qu'il comporte quel-
ques limites, notamment, le plus grand avantage accordé aux
filiales multinationales quant au rapatriement des bénéfi-
ces. Ce fait est capital parce qu'il amène ipso facto, à
comprendre les limites ou blocage· d'une véritable indus-·
trialisation du pays. Donc, avant d'exposer les limites du
Code, essayons de montrer, à l'aide de données quantitatives,
(1) La loi du 8 novembre 1984.

303.
le poid du transfert des bénéfices sur l'économie natio-
nale.
A priori, l'exportation du capital étranger dans les
pays sous-développés, notamment en ce qui
nous concerne,
c'est-à-dire l'économie ivoirienne, signifierait accumula-
tion du capital, élévation du taux de croissance, création
de revenus, industrialisation
disons en un mot dévelop-
pemento A l'instar de la vision du monde néo-classique, liant
nécessairement croissance économique et taux d'investisse-
ment comme relation objectivement explicative du développe-
ment du Tiers Monde~ la lecture du tableau 1 montre que la
faible concentration des investissements dans l'économie
ivoirienne limite toute possibilité d'un décollage économi-
que o Cela signifie clairement que, malgré l'existence d'un
Code des investissements libéral, le capital étranger n'émi-
gre pas en masse en Côte d'Ivoire. On se demande pourquoi ce
pays peut, dans ces conditions, continuer à baser toute sa
stratégie de développement sur l'apport de capitaux étran-
gers.
Toutefois, on nous rétorquera que, quel que soit le
faible volume des capitaux étrangers exportés, les filiales
multinationales ont favorisé l'émergence d'une "industria-
lisation" de la Côte d'Ivoire. Et qu'en serait-il sans la
délocalisation de la production industrielle opérée par ces
filiales. C'est vrai que le capital international a donné
une certaine impulsion à.tous les facteurs susceptibles
d'accroître le potentiel économique du pays. Cela est juste
mais, en l'affirmant, on s'arréte en cours de route parce
que le pays aurait réduit sa dépendance extérieur~ou acc~u
son accumulation du capital par la limitation du
transfert

304.
TABLEAU 1
CONCENTRATION DES INVESTISSEMENTS DIRECTS
ET RAPATRIEMENT DE BENEFICES (t1ILLIAROS FCFA)
Investissements
Revenus nets de l'in-
Années
directs nets
vestissement direct
rapatrié
1967
1,6
7,3
1968
3,0 .
7,5
1Cj69
3,3
8,5
1970
8,5
8,4
1971
4,4
11,5
1972
4,7
10,5
1~H3
11,3
17,3
1974
7,9
17,0
1975
17,4
20,9
1976
8,9
21,6
1977
10,6
27,6
1978
13,3
37,9
1979
15,9
30,2
1980
18,3
35,2
TOTAL
119,1
261,4
Source
Balances de paiements de la Côte d'Ivoire, in
l'Economie Ouest-Américaine, n° 243, BCEAO, octobre
1976 in Statistiques économiques et monétaires,
nO 330, BCEAO, Août-septembre 1984.
ou rapatriements de bénéfices, source de blocage de la crois-
sance à long terme.
Donc le problème du transfert ou rapatrie~ent des
bénéfices est un point important car il permet de comprendre
comment une économie nationale assure ou non sa propre re-
production du capital. De ce point de vue, la straté1ie des
firmes multinationales à rapatrier les profits diffère selon
les ~spaces 00 elles sont localisées. S'agissant précisément
des pays sous-déVeloppés, "ce qui est en question c'est beau-
cout plus le fait que les firmes soient non pas de simples

305.
enclaves extra-territorialisées. mais qu'elles aient plutôt
des stratégies de réexportation du surplus économique hors
de l'espace national 00 elles s'impla-ntent ; elles ne parti-
cipent donc pas a un processus d'accumulation interne ni
n'exercent des effets d'entraînement dans un milieu qui se-
rait stimulé par leur propre présence; dans certains cas.
en ce qui concerne les industries de substitution de produits
importés. elles peuvent réduire le marché intérieur en pre-
nant la place d'un certain nombre de firmes qui
jusqu'a pré-
sent satisfaisaient le marché 10cal"(I).
Ainsi, le-rapatriement aurait des effets du blocage
de l'accumulation du capital et
renforcerait la dépendance
économique nationale. Dans le cas de l'économie ivoirienne.
on rema rque l'importance des revenus nets de l 1 investi sse-
ment direct rapatriés par rapport au volume global des mouve-
ments de capitaux étrangers. A titre d'illustration du phéno-
mène, le Code des investissements a favorisé des rapatrie-
ments de bénéfices estimés a 7,3 milliards de FCFA en 1967
et 20,9 en 1975. En 1980, ils atteignent un montant global
de 35,6 milliards de FCFA, soit au taux d'accroissement
moyen de 5 1, de 1960 à 1980. En c~ qui concerne les capitaux
rapatriés, leur montant passe de 7,3 millions de FCFA en
1960 à 35,2 milliards en 1980. soit un taux moyen de trans-
fert de l'ordre de 54 %. En ce qui concerne les capitaux in:-
portés, leur montant passe de 1,6 milliards de FCFA en 1960_
à
18,3 milliards de FCFA en 1980, soit un taux d'accroisse-
ment moyen de 5 ~. Le taux moyen de désaccumulation du capi-
~_a~~_Ol!LJ-~ p-ay~; est évalué à 49 %.
(1~ ph. HUGON, Les firmes m~ltinationales et la division in-
nationale du travail, Bulletin du Centre de documentation
d'Etudes Juridiques, Ec~nomiques et Sociales, op. cit ••
p. 114.

\\0
o
M
1ABLEAU 2 - PART DE L'ETRANGER DANS LE TOTAL DES BENEFICES DISTRIBUES (en %)
Branches industrielles
1979
1980
1981
1982
1983
1984
Conserves, préparations
alimentaires
69
59
66
86
-
50
Fabrication boissons,
glaces alimentaires
-
-
-
-
-
-
Corps gras alimentaires
-
-
-
-
70
-
Textiles habillement
16
20
12
76
92
27
Cuir, articles chàus-
sants
100
100
-
-
-
-
Chimie
70
6S
66
23
S6
67
Construction, réparation
matêrielle de transports
-
-
92
-
-
-
Autres mécaniques
êlectriques
64
S6
43
54
71
68
Moyenne industrielle
64
fiO
S6
60
72
S3
Source
Calculé d'après des chiffres de la Banque des Données, Abidjan

307.
Les tendances globales du rapatriement
des bénéfi-
ces issus de l'investissement des capitaux étrangers observe
le même phénomène dans le secteur industriel. Ainsi, à tra-
vers la lecture du tableau 2, on remarque que la part de
l'étranger dans le total des bénéfices distribués est supé-
rieur largement à 50 ~. En moyenne, de 60 % en 1979, le ra-
patriement atteint un record de 72 ~ en 1983. En 1984, la
tendance au rapatriement est très nette dans les mécaniques
et électriques (68 CI), la chimie (67 %) et les Conserves,
Préparations Alimentaires (50 %).
Par aillleurs, si on revient à notre échantillon des
filiales pour analyser le problèmedu rapatriement, on se
rend compte que toutes les firmes multinationales implantées
en Côte d'Ivoire observent les mêmes tendances. Ainsi, en
1979, le rapatriement de bénéfices par les filiales atteint,
en moyenne 71 r, du total des bénéfices. Bien que passant à
67 ~ et 66 % respectivement en 1981 et 1984, on constate une
stratégie globale des filiales à rapatrier une grande partie
de leurs bénéfices, et partant, à limiter leur marge d'auto-
financement.
Finalement, il ressort de l'analyse de ces données
statistiques que le Code des investissements, ancien ou
nouveau, favorisant systématiquement les rapatriements de
bénéfices ne peut que comporter des effets pervers comme le
remarque avec justesse K. GBAKA
- "La mauvaise répartition des investissements tant
sur le plan national qu'entre les secteurs d'activités in-
t rai na nt par vo t e de con sé que nce cep hé nom è ne de d-o ub1e

308.
TABLEAU 3 - RAPATRIEMENT DES BENEFICES PAR LES FILIALES
MULTINATIONALES (~)
Filiales
1979
1980
19R1
1982
1983
lQR4
CAPRAL
73
59
67
67
-
55
SCODI
67
67
fi7
fi8
-
-
SOLIBRA
-
-
-
-
-
-
BLOHORN
-
-
-
-
70
-
FILTISAC
40
59
54
-
66
59
UNIWAX
-
-
-
100
100
-
BATA
100
100
-
-
-
-
SAEC
72
71
71
-
79
70
SIVOA
77
84
74
69
63
64
SOFACO
-
-
-
-
-
-
MAC
-
-
92
-
-
-
SAFAR
-
-
-
-
-
-
IVOIRAL
100
-
-
-
100
100
SIEM
71
71
72
64
66
66
NELCI
-
-
-
-
-
-
SICABLE
41
42
42
42
45
46
UNION CARBIDE
-
-
-
-
-
-
Source
Calculé dlaprès les chiffres de la Banque de
Données - Abidjan
concentration - concentration géographique et concentration
sectorielle - qui ne ~i1ite évidemment pas en faveur du res-
pect des objectifs du plan de développement économique et
so ci a1 de nos pays
- "L'utilisation de plus en plus marquée de "techni-
que capital using", du fait de 1 lexonération totale des
biens· d'équipement; ce qui constitue une situation fort
malheureuse pour les pays où sévit le chômage de façon
;
( n
chr-on i que " '. <:
(1) G.K. GBAKA, Quelques réflexions sur le Code des
investissements pri vés en Afrique de 11 Ouest, Revue Econo-
mique et financière Ivoirienne, n° 5, Abidjan, Mars 1979,
p. 47.

309.
S'agissant précisément du Code ivoirien, üut he t l de
la Rochère en souligne les limites suivantes: "abandon des
richesses nationales entre les mains étrangères, transferts
en devises des dividendes et des bénéTices qui obèrent la
balance des paiements"(l).
A la lumière de ces différentes remarques critiques,
on peut conclure en affirmant que le Code des investissements
tel que défini par l'Etat, donne ainsi la possibilité aux
filiales multinationales d'exploiter le pays. Son maintien
pose nécessairement la négation de l'accumulation du capital
privé au plan national. Sa mise en application
prive l'Etat
de certaines ressources qui pouvaient asseoir la base d'une
accumulation endogène du capital et favoriser, par voie de
conséquence, un développement autocentré(2). C'est donc
1a co 11 a b0 rat i on de 1 ' Etat avec l es fi rm e s mu 1tin at ion a 1es
qui bloque l'émergence d'une "bourgeoisie na t i ona l e " entre-
prenante dans le secteur industriel puisque le capital pri-
vé national se situe davantage en aval de la croissance
industrielle qu'en amont(3).
1.3. Rôle de l'Etat, firmes multinationales et
accumulation nationale du capital
Le Code des investissements, bien que comportant des
effets IIpervers", a, néanmoins, joué un rôle appréciable
( 1 ) J. DUTHEIL de la ROCHERE, L'Etat et le développement.
économique de la Côte d'Ivoire, Pedone, . Paris, 1976,
p. 296.
(2 ) A. OTROU, Firmes multinationales, investissements étran-
gers et Etat dans l'économie ivoirienne, Annales Univer-
sité Nationale, Série K, Tome VII, A~idjan, 19~4.
( 3 ) C. de MIRAS, De la bourgeoisie d'Etat à l'avènement d'un
milieu dJentrepreneurs ivoiriens ?in Entreprises et en-
trepreneurs en Afrique, Tome 2, op. cit.

310.
dans la formation du tissu industriel ivoirien sous la hou-
lette du capital étranger. Il a permis aux firmes multina-
tionales de délocaliser certaines activités industrielles
dans le pays. Toutefois, le cadre institutionnel qu'est le
Code, n'a pas empêché l'Etat d'intervenir directement dans
le secteur industriel. Disons que cette intervention consiste
à négocier des prises de participation dans le capital social
des entreprises étrangères en vue d'asseoir les bases d'une
accumulation nationale par un transfert de la propriété étran-
gère aux mains des nationaux. Qulen est-il exactement par
rapport à notre préoccupation dans cette étude?
En général, dans les pays sous-développés, la politique
de l'Etat ou son attitude envers le capital international
pose, dans son application, de sérieux problèmes, comme le
souligne, au passage, Frounkine : "des problèmes économiques
et politiques s'entrecroisent dans ce domaine, on s'enchevê
trent les contradictions avec 1 'impérialisme, sur le plan
extérieur, et la lutte de classes à l'intérieur, le problème
des moyens financiers et matériels capables d'assurer le
développement économique et enfin le problème des voies du
progrès socia1"(1).
En ce qui concerne l'économie ivoirienne, nous avions
m~ntré que la création d'un Code des investissements montre
la grande latitude dont jouissent les firmes multinationales
dans le secteur manufacturier. L'ouverture de tous les sec-
teurs au capital étranger, l'accès facile au marché finan-
cier national et le rapatriement des bénéfices en constituent
(1) A. FRDUNKINE, Théories modernes des échanges économiques
internationaux, Editions du progrès, Moscou, 1971, p.332.

311.
une réelle illustration. En revanche, la politique indus-
trielle de l'Etat a permis d'acquérir des participations(1)
dans le capital social des entreprises étrangères en vue
d'asseoir les bases d'une accumulation d'un capital indus-
triel. Ainsi, selon la logique de la politique industrielle
de l'Etat, le capital public accumulé serait par la suite
rétrocédé aux nationaux et permettrait l'émergence de véri-
tables industriels ivoiriens, donc propriétaires des moyens
de production. Si tel est le cas, la stratégie de l'Etat
ivoirien représenterait un cas spécifique dans ses rapports
avec le capital étranger en comparaison aux autres pays
d'Afrique Noire francophone.
Pourquoi? Parce qu'une telle
TABLEAU 4 : CONCENTRATION DU CAPITAL PUBLIC DANS
1E SECTEUR INDUSTRIEL (en r.)
1976
1977
1978
1979
Etat
24,60
33,23
33,01
33,38
Ca pi ta 1 privé
national
11,98
11 ,92
11 ,65
13,19
Capital privé
international
63,42
54,85
55,34
54,43
Tota 1
100,00
100,00
100,00
100,00
Source
Calculés d'après les chiffres de la Chambre
d'Industrie
-----------------
(1) Les prises de participations au capital social des entre-
prises étrangères s'effectuaient parle biais de la
SONAFI (Société Nationale de financement). Avant sa disSQ-
1ut ion par l' Et at, jus que 1â, cet tes 0 c i été d 'E t a t é t ait
le tenant et l'aboutissant de l'action directe del 'Etat
dans le secteur industriel.

312.
stratégie de l'Etat supposerait une volonté politique qui
contribuerait à la limitation et l'évincement du capital
étranger.
Or, tel nlest pas le cas de la Côte d'Ivoire où l'Etat
est très prudent en matière de prises de participations dans
les entreprises étrangères industrielles. Compte tenu de
l'importance que 11 Etat accorde au capital mul tinational
dans le procès de productioQ ses prises de participations
sont négociées et détenues provisoirement(I). Par ailleurs,
la création d'une classe d'entrepreneurs nationaux doit im-
pliquer nécessairement la négation des intérêts impérialis-
tes. Si on se réfère aux données statistiques (tableau 4),
on remarque un monopole du capital multinational, malgré la
baisse semsible de 63 r, en 1976 à 54 % en 1979. La contre-
partie de cette baisse est l t ac cr-o i s s emen t de la part de
l'Etat qui est passée de plus de 24 % en 1976 à 33 ,; en 1979, tan-
dis que l'accumulation du capital privé national se situe
en dessous de 15 r, ; ce qui est insignifiant pour permettre
aux ivoiriens d'assurer le relais des capitaux étrangers.
En outre, en considérant la concentration du capital
national dans le secteur industriel en 1983, il en ressort
une application de stratégie de la rétrocession des parts
aux nationaux dans le cadre de la création d'une bourgeoisie
nationale. Le tableau 5 montre qu'il y a eu un désengagement
de llEtaten faveur du capital privé national,
malgré la consolidation du capital multinational. Là dessus,
l'enquête révèle que les rapports entre le capital privé
(1) .Intervention de P. YACE in Afrique-Asie, n° 9, 17-30
novembre 1975, p. 33.

313.
TABLEAU 5 - CONCENTRATION DU CAPITAL NATIONAL DANS
LE SECTEUR INDUSTRIEL EN 1983 (EN ~)
Branches industrielles
Etat
Privé national
Alimentation
12,10
21,12
Chimie
12,65
25,15
Textiles et habillement
Il,30
20,43
Articles en cuir et
chaussants
0
0
Electriques
7,8
25,0
Mécan i ques
1,78
12,58
Transports
0
6,2
Divers
2,7
52,46
Tota l moyen
fi,04 .
27,19
21,15
Source
Calculés d'après les statistiques de la Banque
des Données - Abidjan
ivoirien et le capital privé international passe d'abord par
l'Etat, puisque selon les filiales de production, la partici-
pation du capital privé national est compris entre 20 et 40 %
Là il y a eu désengagement total de l'Etat. Mais ce n'est
pas une tendance générale, le capital public s'exprime à
plus de 20 % dans d'autres filiales. Dans ces conditions, les
prises de participation nationales par la mise en place de
coentreprises traduit clairement "un compromis pragmatique
avec l~s multinationales à ce moment du réaménagement du sys~
tème capitaliste international"(l), penser le cOntraire
c'est ignorer que "les firmes multinationales sont d'abord
et avant tout capitalistes" et que "leur expansion est inhé-
rente au développement du capitalisme mondial"(2).
-- .---!"- ----..----- --- -- - - --
( 1 ) Bonnie K. CAMPWELL, Etat et dévelnppement du capitalisme
en Cate d'Ivoire, in Entreprises et Entrepreneurs en
Afrique, Tome 2, op. cit. p. 313.
( 2 ) W. ANDREFF,Les firmes multinational~s face aux Etats
Nations, in Cahiers Français, op. cit., p. 61.

314.
TABLEAU 6 - CONCENTRATION DU CAPITAL NATIONAL
DANS LES
FILIALES DE MULTINATIONALES (en 0/,)
1979
1984
FIL I ALE S
Etat
privé national
Etat
Privé national
CA PRAL
24
9
24
14
SCODI
-
9
-
30
SOLIBRA
-
21
-
21
BLOHORN
-
20
-
10
FILTI SAC
29
-
24
-
BATA
SAEC
-
15
-
15
SIVOA
23
1
21
7
SOFACO
-
25
MAC
-
8
SAFAR
IVOI RAL
SICABLE
35
15
35
14
SIEM
13
8
13
8
NELCI
-
-
-
40
UNION CARBIDE
0
0
0
0
Source
Notre enquête
La faible concentration du capital national dans les
filiales multinationales a pour corollaire la domination du
capital direct étranger. Ainsi, en 1984, la part moyenne de
la participation étrangère est supérieure a 50 ~, tandis que
le capital national se situe en dessous de 50 % car sa part
varie de 15 a 49 0/, selon les filiales. La concentration du
capital national est très faible dans BLOHORN (groupe UNILEVER)
SIEM (ASTRAL), SOLIBRA (ARTOIS), SIEM (CARNAUD),SIVOA (AIR
LIQUIDE) on· la part del1Etat et du capital privé national
varie de 10 %a 21 ~. Dans d'autres filiales comme NELCI

315.
(MATSUSHITA, SICABLE (PIRELLI, CAPRAL (NESTLE) et SCODI
(SAUPIQUET), elle atteint ou excède 30 % de participation.
Quelle que soit l'évolution de la concentration du capital
na t ion al, les ré sul ta t s de l' en q uêter e j 0 i gnen t l' a na lys e de
MIRAS, selon laquelle "le secteur privé étranger empêche la
bourgeoisie ivoirienne d'émerger et de participer à une in-
ternationale du capital"(1).
En définitive, il faut souligner avec force que la
stratégie de l'Etat dans le secteur industriel obéit à la re-
production du capital étranger, et de ce fait, l'Etat joue un
r ô le" rel ais Il ( 2) duc api ta l mo ndi a·l • Par con sé que nt, par 1er de
consolidation du capital privé national sous l'implusion de
l'Etat, c'est ignorer que ce dernier, "dans les économies capi-
talistes "so us-développées", est dérivé du capital mondial,
en général. La Nature capitaliste de ces Etats émerge de la
nécessité de reproduction, à une échelle mondiale, des rap-
ports capitalistes de production. L'Etat "s ous-développé",
comme Etat capitaliste, est inhérent à la reproduction du Capi-
tal mondia,..(3). Donc, l'insertion de l'économie ivoirienne à
. l'économie mondiale caractérise sa forme étatique qui est un
"produit de la dynamique de l'accumulation mondiale, et de
l'action des Etats du Centre"(4).
( 1) C. De MIRAS, De la bourgeoisie d'Etat à l'avènement d'un
milieu dientrepreneurs ivoiriens, op. cit. p.203.
( 2 ) M. IRONICOFF, L'Etat r~lais, un modèle de développement
des sociétês périphériques, le cas de la COte d'Ivoire,
IEDES, Université de Paris 1.
( 3 ) J.L. SOLIS-GONZALES, La question de l'Etat dans les pays
capitalistes "soüs-développés" : quelques problèmes de
méthode, critique de l'Economie Politique, Paris, octobre-.
décembre 1980, p. 93.
( 4)
1dem.

316.
Alors, nous pouvons avancer sur la base des faits quan-
titatifs, que l'intervention de l'Etat, dans le secteur indus-
triel, se traduit par une attitude de collaboration avec les
filiales des firmes multinationales qui contrôlent les sec-
teurs les plus productifs tout en laissant, au capital privé
national, la prééminence des secteurs marginaux (boulangeries,
imprimeries, etc.). Le blocage de l'émergence d'une bourgeoi-
sie nationale s'expliquerait par les alliances entre l'Etat et
le capital multinational en vue de la reproduction du capital
à
l'échelle mondiale.

317.
2. STRATEGIES DES FILIALES DES FIRMES MULTINATIONALES
Dans le cadre de la valorisation du capital étranger,
nous avions montré la présenec des filiales multinationales
rendue possible grâce à une intervention croissante de l'Etat
dans le secteur industriel. L'Etat adopte une attitude de col-
laboration avec le capital étranger et réduit le capital privé
national à un rôle subalterne dans le processus de l'accumula-
tion su capital. En effet, puisque la COte d'Ivoire n'a pas ses
propres multinationales, toute politique économique -monétaire,
fiscale, budgétaire- se trouve compromise dans la mesure où
les objectifs des filiales sont décidés et centralisés dans les
maisons-mères situées au centre. L'indépendance nationale de-
vient une illusion(I). Mais là n'est pas notre préoccupation
majeure dans cette étude. Nous savons que la structure de l'éco-
nomie nationale est extravertie et dépendante. Pour l'instant,
nous allons élucider les stratégies des firmes multinationales
en Côte d'Ivoire conformément aux interrogations émise au dé-
part: Dans quels secteurs industriels les filiales multina-
tionales investissent-elles? Quelles sont les modalités de
leur implantation? Pourquoi ces firmes investissent-t-elles
en Côte d'Ivoire? Enfin, comment financent-t-elles leurs
investissements?
2.1. Tendances actuelles de la concentration multi-
nationale du capital
Avant de __~ pé-e i fi e r 1es st rat é 9i es des fil i al es mu 1t i -
----=-
rrat;onafes (modalités et mobiles d'implantation, financement),
( 1 ) Po PASCALLON, Firmes multinationales et indépendance natio-
nale, Cahier d'Economie Personaliste, n° 2, Clermont-
Ferrand, 1982.

318. ;r.f
1
il serait opportun de chercher a connaftre 1,esprinc{pauxpos-
sesseurs des moyens de production où les véritables détenteurs
du capital industriel. En d'autres termes, qui sont donc les
vrais industriels en Côte d'Ivoire. D'emblée, ce sont les fi1ia-
les multinationales qui monopolisent et dominent l'industrie
ivoirienne. L'enquête est très révélatrice à ce niveau. Mais
limitée à la seule prise en compte du fait multinational, l'en-
quête exclut les autres entreprises étrangères, non pas que ces
dernières ne participent pas aussi à l'accumulation du capital
industriel mais pour la simple raison qu'elles jouent un
rôle
de second plan dans le processus d'ensemble commandé par les
multinationales dont la-participation à la production indus-
trielle nationale (manufacturière) est estimée à plus de 60 %.
Ce qui n'est pas négligeable.
Ainsi donc, en 1985, plus de 360 entreprises indus-
trielles (filiales multinationales et entreprises étrangères indépendan-
tes), selon nos estimations, participent effectivement à la
mu1tinationa1isation de la production sous la houlette du capi-
tal français (Tableau 7). S'agissant de l'origine de la pro-
priété industrielle, il ressort que la participation du capital
français atteint 45 % en association avec les autres groupes
étrangers, en particulier les USA (7 %), le Béné1ux (3 %), la
Grande-Bretagne (2 %), la Suisse (1 %), l'Italie (0,7 %), soit
une appropriation collective du capital de plus de 58 % par
les pays développés à économie de marché. La participation
minoritaire du capital national -Etai et privés nationaux-
_,s~n_ne _a-g-+a-s---d l une politique économique basée en priorité sur
l'ouverture (apport de calf; taux étrangers),. accentuant de plus
en plus la dépendance industrielle du pays renforcée,. une fois

·
Cl
......
M
TABLEAU 7 - CONCENTRATION MULTINATIONALE DU CAPITAL EN 1985
r--
Répartition du capital (%)
Branches
Nombre
industrielles
d'entreprises
Privés
France
Etat
Autres étrangers
ivoiriens
Total
Pêche industrielle
10
66,7
22,3
9,5
1,1
100
Chimie
50
43,25
13,25
25,15
18,35 (Liban 7,5)
100
Industries mécaniques
62
58
1,8
12,6
27,6
(Liban 7,5)
100
Matériel de transport
51
63,55
-
4,75
31,7
(Benelux 20,8)
100
Industries alimentaires
83
36,7
14,5
26
22,8 (G-B 9,7 Suisse 4,5)
Textiles, articles
53,1 (USA 17,2, Liban
chaussants, habillement
54
21,4
8,5
17,
13,3, Italie 5,2,
100
Bénélux 3,7, Suisse
2,8, G-B 6,5, Afri-
que 2,6)
Electriques
11
33,5
7,8
25
33,7 (USA)
100
Industries de ménages
et diverses
42
36,4
2,7
52,6
8,3 (Liban 6,3)
100
TOTAL :
363
45
9
22
24
100
Source
Estimations â partir de la Banque des Données, Abidjan, 1986.

-.
320.
de plus par le contrôle des capitaux libanais (5 %), Israéliens,
asiatiques et des pays de 11 Europe de 11 Est (5,4 ~).
En outre, excepté le secteur des industries de ménages
et de boulangeries où le capital national occupe une place con-
fortable (plus de 50 o/,), toutes les autres branches industriel-
les concentrées autour de la chimie, des secteurs mécaniques
et électriques, aliments, matériels de transports et des texti-
les, sont dominées par le capital internationaL Bien que llin-
ternationalisation de la production se fasse sous le contrôle
du capital français,.on constate son déclin relatif compensé
par une forte présence des américains dans les industries élec-
triques (33,7 %) et des italiens, britanniques, suisses, en ce
qui concerne les textiles (53 %). On sait que le capital fran-
çais bénéficie dlun avantage culturel lié â la colonisation
(ancien colonisateur), mais la polarisation de la production
industrielle nationale nlest que le reflet de la concurrence que
se livrent les firmes multinationales sur la scène mondiale pour
le contrôle de la production et de la technologie.
Clest pourquoi l'utilisation des technologies avancées,
conçues et contrôlées par ces firmes limite une véritable parti-
cipation du capital ivoirien au processus d'accumulation du capi-
tal industriel. Ceci est valable aussi pour les autres secteurs,
tels le commerce, les assurances et l'hôtellerie. Dans ces con-
ditions, la stratégie d'industrialisation extravertie fondée sur
le capital étranger ne peut que reproduire les inégalités et le
sous-déveIJ)I!~~nt~-àans la mesure où, comme on l'a soul igné par
-anleùrs, les profi ts rapatri és excèdent l es apports de capi taux
nouveaux. Le blocage de l'industrialisation du pays reflète la
nature des activités manufacturières créées par le capital multi-
national.

321.
2.2. Typologie des industries et secteurs
d'implantation des filiales
Les activités industrialisées délocalisées par les
firmes multinationales en Côte d'Ivoire sont regroupées autour
de deux grands types de secteurs industriels. Reflétant les mê-
mes caractéristiques que celles implantées en Afrique Noire
Francophone, ces industries concernent, en amont, les activités
agro-industrielles regroupant les huileries, les brasseries,
les minoteries et les conserves alimentaires d'une part, et en
aval, les industries de sibstitution aux importations proprement
dites orientées directement sur le marché domestique pour la
consommation finale, d'autre part. Les liaisons sont encore très
rares entre ces deux types d'industries(1) ; leur trait commun
est le fait q~'elles soient financées et entretenues par le ca-
pital étranger.
Le premier secteur industriel est dit en amont parce
que toutes les activités s'y afférant s'approvisionnent en ma-
tières premières agricoles ~ocales (inputs) intervenant dans la
production. Ainsi, elles dépendent et "bénéficient de la forte
croissance de l'agriculture et partant elles minimisent leurs
coOts de production. Généralement, ce s~nt des industries dont
la production est destinée à l'exportation. L'enquête révèle
que les activités de ce secteur concernées par la stratégie
d'exportation sont concentrées dans les aliments à base de café
et cacao (CAPRAL filiale de NESTLE) et les conserves alimentai-
res a base de thons (SCODI filiale de SAUPIQUET). Du fait de
leur dépendance aux inputs nationaux, les industries agro-alimen-
taires incluent une valeur ajoutée aux biens primaires agricoles
(1) A. VALETTE, Résultats er Réflexions sur une étude empirique
de l'industrie alimentaire de la Côte d'Ivoire, Cahiers de
1 'ORSrOM, volume XVII, n° K2,Paris,1980.

322.
ce qui améliore la balance commerciale du pays.
Quant au second type d'industries situées en aval, il
s'agit des activités de production de biens de consommation fi-
nale dé10calisées ou produits intermédiaires importés du Centre.
Donc, ces industries dépendent en amont des firmes multinationa-
les localisées dans les pays développés à économie de marché
pour leur approvisionnement. L'existence des industries en aval
limite l'intégration du processus national au processus mondial
dans la mesure où la maîtrise des biens d'équinents et des ma-
tières intermédiaires à haut niveau technologique échappe au
pays(l).
D'ailleurs, qu'il s'agisse de l'un ou de l'autre type
d'industries, on doit remarquer que les activités industrielles
dé10calisées par les firmes multinationales diffèrent de celles
menées dans les pays d'Asie du Sud-Est et de l'Amérique Latine.
L'implantation de l'ensemble manufacturier ivoirien ne procède
pas du processus de l'internationalisation de la production des
économies du centre vers celles de la périphérie sur la base
des salaires bas (COREE DU SUD, SINGAPOUR) et de l'existence
d'un marché intérieur vaste (BRESIL). La stratégie de délocali-
sation de VOLSWAKEN au Brésil diffère de celle de RENAULT en
COte d'Ivoire. Tandis que la logique de l'offre fonde l'interna-
tionalisation du processus productif(2) dans les NPI, en COte
d'Ivoire, la dé10calisation de l'industrie manufacturière est
oas-~e-s-u~ l~_ cycle de vie du produit de VERNON 011 la demande est
( 1 ) P. HUGON, Les firmes multinationales et la division interna';'
tiona1e-du travail, Colloque Caire, op. cit.
(2)
P. SALAMA etP. TISSIER, L'industrialisation dans le sous-
développement, Peitte Collection Maspero, Paris, 1982 •.

323.
motrice(l). Donc la nature même des activités délocalisées
excluent la participation de l'économie ivoirienne à la Nouvelle
Bivision Internationale du Travail.
De plus, les activités industrielles délocalisées par
les filiales multinationales sont concentrées dans les secteurs
de production à coefficient de capital élevé, donc à faible
coefficient de travail; en d'autres termes, l'intensité capita-
listique (K/L) est relativement plus élevé. C'est là une carac-
téristique majeure de l'industrie ivoirienne qui produit à des
coûts élevés. En 1985, le ratio capital/valeur ajoutée est de
3,6378 pour tout le secteur industriel. En ce qui concerne les
filiales concernées par notre échantillon, le coefficient de
capital est élevé passant de 1,3101 (en moyenne) en 1980 à
2,1261 en 1985. Les secteurs industriels à coefficient de capi-
tal concerne les industries mécaniques et électriques, surtout
le montage de l'automobile (SAFAR - RENAULT 2,000), du cycle
(MAL-PEUGEOT 1,5000), des appareils radios télévision (NELCI
4,3750) et les produits électriques (SICA8LE-PIRELLI 3,3333)
ensuite, viennent les textiles~ habillement et articles chaus-
sants. Mais, non seulement les filiales délocalisées se concen-
trent et dominent les industries de substitution aux importa-
tions à intensité capitalistique relativement élevée(2), elles
bénéficient surtout d'un monopole que leur concède l'Etat. "Du
fait de leur position monopolitique, ces firme~ peuvent imposer
des prix élevés qui grêventlourdement le pouvoir d'achat des
consommateurs nationaux"(3)" Dans le cas de l'industrie
( 1) A~ V~bETTE, ~és~lta~s et Réflexions sur une étude empirique
de 1 lndustrlallsatlon de la C4te d'Ivoire, op. cit.
( 2)
A.S. AHMED, L'internationalisation de la productio.n et le
développament des pays du Tiers Monde, Cahiers de l 'ISMEA
série P n° 25, Paris, 1977.
'
( 3 ) G. GRtLLE!, .Structures et Stratégies du dévelop~ement éco~
nomique, 6p. cit. p. 276.

TABLEAU 8 - COEFFICIENT DE CAPITAL DES FILIALES DE
MULTINATIONALES
FILIALES
1980
1983
1985
CAPRAL
1,2121
0,9600
1,2083
SCODI
2,8888
2,1333
2,2941
BLOHORN
1,9772
1,6621
1,1785
SOLIBRA
1,4150
1,9615
1, 904 7
FILTISAC
0;3461
0,8095
3,2000
BATA
1,1666
1,2142
1,9090
UNIWAX
0,9230
1,0238
1,3000
SIVOA
2,0000
1,9000
1,6153
SOFACO
0,7500
0,8750
i, 6153
UNION CARBIDE
-
-
1,1250
SAEC
0,1818
0,7142
0,9166
IVOIRAL
1,3750
1,7000
0,9166
SI EM
1,4166
1,3500
1,2916
SAFAR
1,0000
1,1818
2,0000
MAC
1,4285
1,5714
1,5000
SICABLE
1,5714
2,3750
3,3333
NELCI
-
-
4,3750
MOYENNE
1,3101
1,4287
2,1261
Source
Calculés d'après les résultats de notre enquête.
Coefficient de capital
= Capital/valeur ajoutée.
textile ivoirienne, Mytelka fait remarquer que "les prix fixés
a des niveaux artificiellement élevés sur le marché, et un tarif
protecteur assurent aux entreprises locales une structure de
marché oligopolistique dans laquelle la concurrence en matière
de prix est éliminée et dans laquelle les réductions de coOts
sont découragées. Comme les fournisseurs de technologies ont
éga 1em~~t peu; d ~~a-g-ement-a produi re effi cacement,

.,t
'325.
'/
l'industrie.en COte d'Ivoire est une industrie à coûts éle-
vé s 1/ ( 1) •
.,
Dans le cas des industries de montage de l'automobile,
par exemple, l'avantage certain pour la fili 9le (SAFAR filiale
de RENAULT) en situation de monopole se traduit par la fixation
d'un prix de monopole supporté par le consommateur ivoirien.
En ce sens que les coûts de production supportés par la SAFAR
étant importants -à savoir l'importation de pièces détachées de
la maison-mère RENAULT, le coût de l'installation de l'usine et
la taille de l'unité de montage liée à celle du marché- favori-
sent une production à petite échelle, donc peu génératrice de
valeur ajoutée: une Renault 4 montée à Abidjan coûte plus cher,
évidemment toutes taxes comprises, qu'à Paris-Billancourt,
toujours toutes taxes comprises. La fixation du prix de vente
des voituresSAFAR, différence entre la production et les coûts
de production, se fait au détriment du consommateur ivoirien
qui n'a pas le choix, malgré l'apparition de nouveaux mono po-
leurs japonais sur le marché.
C'est pourquoi, du fait du manque d'entrepreneurs ivoi-
riens, la filiale, en situation monopolistique, se donne pour
stratégie de créer un peu de valeur ajoutée en Côte d'Ivoire, car
c'est à l'extérieur du pays que la valeur ajoutée est générée.
L'assemblage des pièces détachées RENAULT et la vente par sa
filiale SAFAR, d'automobiles importées en constituent une illus-
tration claire. On peut donner d'autres exemples concernant les
autres
secteurs industriels. Ce qu'on peut retenir c'est que
( 1 ) Investissement étranger direct et choix technologique dans
les industries ivoiriennes du textile et du bois, Revue Cana-
dienne d'Etudes et de Développement, vol. IV n° 1,.
Ottawa, 1983.

326.
l'industrialisation par substitution aux importations n'a réussi
à réduire actuellement ni
le poids des importations elles-mêmes
ni
les coûts de production dans les pays sous-développés.
2.3. Polarisation des activités industrielles et stra-
tégies d'implantation des firmes multinationales
Nous venons de voir que les secteurs d'implantation
du capital direct étranger concernent essentiellement l'ensemble
manufacturier coractérisé par les industries légères de valori-
sation de produits agricoles et de substitution
aux importa-
tionsv
Puisque ces industries particulièrement celles se subs-
tituant à l'importation, ne visent pas à la satisfaction du marché
mondial; elles ne procèdent pas, rappelons-le, des mécani~mes de
dé10ca1isation-segmentation basée sur l'existence de coûts de
production bas (dotations différentielles des facteurs de pro-
duction). De là, si on devait caractériser la dé10ca1isation
fondée sur la substitution aux importations, on dirait avec
Richard "qu'elle se heurte à des limites en raison de l'étroi-
tesse du marché national due à la perpétuation des grandes iné-
ga1ites de revenus. Pas d'économie de devises dans la mesure où
il faut encore importer les biens intermédiaires (équipement,
outillage), obligation de prendre des mesures de protection
douaniêre"(I), Ainsi, la stratégie de substitution aux importa-
tions, reflet d'un choix d'une stratégie d'industrialisation
fondée sur l'apport du capi ta 1 di rect étranger et dépendante
d ' un cap i ta 1 i sm e ce nt r a 1 ( 2 ), con tri bue e f f e c t ive men t à re l ever l e
niveau des prix intérieurs~3). Donc, en cherchant à augmenter le
niveau des prix domestiques, les filiales d!localisêes, favori-
sent le rétrécissement du marché national qui limite à son tour
(1) JEUNE AFRIQUE, L'industrialisation du Tiers Monde, Jeune
Afrique, juillet/décembre 1975, p.
70.
(2) A. RICHARD, Les impasses de l'industrialisation, in l'indus-
tria1usation du Tiers Monde, op. ci~. pv 48.
(3) B. VERNON, Les multinationales, Calmarin-Lévy, op. cit.

327.
la demande intérieure et partant réduit le niveau des investis-
sements productifs.
Une fois précisé le domaine d'intervention des filiales
multinationales, on peut, à l'aide toujours des résultats de
l'enquête, dégager un certain nombre de caractéristiques défi-
nissant les stratégies d'implantation des firmes qui préciseront
par la suite les modalités et les mobiles qui guident l'investis-
sement direct étranger.
1/ Les filiales préfèrent la production destinée au
marché local qu'à la stratégie fondée sur la promotion des expor-
tations. La mise en application de la dite stratégie d'indus-
trialisation orientée vers le marché domestique est assortie
d'un soutien total de l'Etat sous forme d'exonérations douanières
et de protection du marché contre la concurrence interne. C'est
ainsi que des filiales comme BLOHORN, produisant à partir des
matières locales, bénéficie d'un approvisionnement régulier
d'huile de palme à des coûts très bas;
2/ La multinationalisation des entreprises étrangères,·
à travers
l'investissement direct étranger, s'explique par la
présence sur le marché national. De ce point de vue, la création
des filiales multinationales s'analyse théoriquement comme un
mouvement de relais de l'ancienne stratégie d'exportation par
la production sur place(l). Les filiales implantées en Côte
d'Ivoire sont des filiales relais spécialisées dans le montage
des pièces détachées et la vente de produits importés des mai-
sons mères et des groupes.
(1) C-A MICHALET, La multinationalisation des entreprises fran-
çaises, Revue Economique, volume XXIII n° 4 juill~t, Paris,
1972.

328.
31 L'implantation des filiales se fait plus par créa-
tion que par rachat. La modalité d'implantation par création de
firmes n'exclut pas une association avec le capital local (na-
tional) mais, généralement, cette dernière est minoritaire.
Selon l'origine des filiales, la participation étrangère varie
entre 50 et 100 % ; elle atteint 100 1, du capital dans le cas
de filiales américaines (UNION CARBIDE)
les multinationales
européennes et japonaises militent pour une participation mino-
ritaire locale, avec pour dominante la participation de l'Etat.
41 En dehors de l'investissement direct étranger et la
création de filiale, les nouvelles formes d'investissement défi-
nies par OMAN, à savoir la création de joint-ventures, la vente
de brevet et de licence, la construction d'usine clés en main
et la signature de contrat de marketing, représentent des moda-
lités complexes pour les firmes multinationales qui
préfèrent
plutôt créer et contrôler directement leurs filiales. A l'excep-
tion des tendances à la constitution de coentreprises, le re-
cours à l'investissement direct étranger demeure la principale
modalité de délocalisation de la production industrielle. Les
opérations de sous-traitance internationale sont limitées. Et
comm~ le fait remarquer Myt~lka, en ce qui concerne les texti-
les en Côte d'Ivoire, les fournisseurs de technologies sont soit
des entreprises de production dans leur pays d'origine soit des
firmes d'engineering agissant à titre de filiales d'entreprises
textiles françaises dont les procédés techniques sont ceux des
mais-o-A--s.-ntêres-t1:-)~ Alors on peut dire que les filiales multina-
-
t jona.l e s impla~tées en Côte j~v-Gire militent pour les anciennes
formes d'investissement.
--------------
(1) ~. MYTELKA, Investi3sement direct étranger et choix technolo-
glque dans les industries ivoiri~nnes du bois et des texti~
les 0 p. ci t .

329.
Finalement, dans le cadre de la délocalisation, "la
présence économique accrue des pays développés dans le Tiers
Monde ne signifie pas nécessairement l'atténuation du sous-déve-
l op pemen t . Elle repose en effet sur l'existence et, si possible,
la conservation d'un écart de développement. Les multinationales
obéissent à leur logique propre. Celle-ci se confond rarement
avec l 'intérét des pays d'accueil"(!). Au vu et au su de tout
ce qui
précède, nous pouvons avancer que la stratégie des firmes
multinationales en Côte d'Ivoire estde jouer sur les avantages
internes pour une meilleure rentabilité de leurs capitaux en
parfaite harmonie avec la facilité d'accès au marché financier
l oca 1.
2.4. Financement des investissements et recours des
filiales au marché financier local
Traditionnellement, le processus de financement des
investissements des entreprises étrangères implantées dans les
pays 'sous-développés se fait soit par autofinancement, soit par
réinvestissement des bénéfices ou le cas échéant par apports de
capitaux extérieurs. Or, compte tenu de la grande partie des
revenus rapatriés favorisés par le Code des investissements, la
marge d'autofinancement et de réinvestissement des bénéfices des
filiales implantées en Côte d'Ivoire est très faible. Alors que
faire? Au lieu de recourir à l'extérieur pour financer leurs
activités industrielles, les firmes procèdent à une collecte de
fonds sur le marché financier local ce qui paraTt paradoxal
lorsqu'on considère la plateforme de lléconomie nationale fondée
sur l' appe l aux capi taux é'trangers. Que 11 es sont alors les
(2) C-A. MICHALET, La multinationalisation des entrefises fran-
çaises, op. cit.~ pp. 667-668.

330.
raisons qui poussent les filiales multinationales à recourir
nécessairement plus au financement local qu'au financement in-
ternational ou du groupe? En tout cas, nos reflexions se diri-
gent dans trois directions
11 Les filiales multinationales bancaires implantées
en COte d'Ivoire interviennent directement dans le financement
industriel des firmes étrangères. Et quand on sait les relations
qui existent entre les banques multinationales et les firmes
multinationales dans le procès mondial du capital, on ne peut
pas s'étonner des grandes facilités accordées au système produc-
tif étranger par le capital bancaire local qui est la propriété
à plus de 75 % des banques multinationales (intermédiation finan-
cière privée mondiale). De plus, la position dominante du capi-
tal direct étranger dans l'industrie contrOlant la production
et le marché national incitent les banques étrangères à avoir
beaucoup plus confiance aux entreprises étrangères qu'aux en-
treprtses locales encore incapables de supporter une quelconque
concurrence étrangère.
21 Outre la situation monopoliste occupée par les fi-
liales multinationales leur ouvrant les portes aux crédit, il y
a un autre facteur économique non moins important dans le finan-
cement des investissements, c'est la différenciation des taux
d'intérêt dans la zone franc qui est loin de contribuer au déve-
loppement des pays membres de l 'UMOA(l). Et comme le souligne
fllrt--bten-t:-cnïmane, "les taux d'intérêts pratiqués dans les
pays africains membres de la~~ron-e----r-rànc étant plus bas, tout
----- _.-.~
lai s s el" a r t s uppnser -qu' une te 11 e s i tua t ion de vrai t fa v0 ris e r les
(1) G. N'DJEUNDE, Différenciation des taux d'intérêts et zone moné-
taire: le cas de la zone franc, Revue du Tiers Monde, n° 62,
juin 1975.

331.
TABLEAU 9.- BANQUES ETRANGERES INTERVENANT DANS LE FINANCEMENT
<
INDUSTRIEL NATIONAL (%)
Banques ou filiales
Groupe
Intériets
Autres
TOTAL
d'origine
nationaux
étrangers
BIAO
65
35 (Etat)
-
100
BICICI
21 (BNP)
51 (Etat 24)
28
100
BIOl
-
100 (Etat 50
-
100
SGBCI
37,2 (Soc. Gén. )
39,5
23,3
100
SIB
40,8 (Créd. Lyon.)
41,2
18
100
CITIBANK
100
(Citibank NY)
-
-
100
BANQUE REAL
99 (Real Bresil)
1
-
100
OVERSEAS
100 (Groupe BBC)
-
-
100
BARCLAYS BANKS
100
-
-
100
BANQUE ATLANTIQUE
-
65 (P. Ivoiriens)
35
100
CHASE MANHATTAN BANK
100
-
-
100
BANCO DO BRASIL
100
-
-
100
BANQUE PARI BAS
60 r, (Pari bas)
-
40 (Sopari)
100
BANAFRIQUE
23 (BVE)
21 (dont divers
20 (Cies
100
36 (LIBAN)
privés étrangers)d'assurance)
TOTAL MOYEN
63
25
12
100
Source - Divers Documents Economiques Ministère de
l'Economie et des Finances, Abidjan, 1986.
investissements, par
référence â la théorie classique
de
l'investissementfonction décroissante du taux d'intérêt. La dif-
f ére-n c e de tau x d' es c 0 mpte â l a Ban que de Fr an ce. et l aBC EA0 s e
répercute sur la différence des taux d'intérfts, et on se trouve
-
-. dans lJl'l~ __~!~_~~:!J;w-oLt--11 argent est moi ns cher dans l es pays afri-
cains â compte d'opératibn, alors q~lil est plus cher â Paris"(l).
----------------------
(2) M. ECHIMANE,
La création d'une nouvelle monnaie, Th~se 3ême-
cycle, Sciences Economiques, Université de Sciences Sociales,
Grenoble, 1980, p. 226.

332.
Voilà donc clarifiée la préférence des entreprises étrangères au
marché financier local. Mais cela est contradictoire au fondement
de la politique ou stratégie consistant à favoriser l'accumula-
tion du capital par appel à l'investissement direct étranger.
Alors, c'est donc la Côte d'Ivoire qui finance les investisse-
ments des firmes étrangères. Dans les pays d'Afrique Noire Fran-
cophone, cette politique "d'argent bon marché" est monnaie cou-
rante ; AWSON-MEYER en donne une parfaite illustration à partir
du cas sénégalais: "dans la pratique, la comparaison des taux
d'intérêts conduit les entreprises multinationales à financer
leurs opérations commerciales sur place 00 l'argent est le meil-
leur marché, en 1 'occurence en obtenant du crédit auprès de la
BCEAO. Dans la pratique, le Sénégal finance les opérations des
entreprises françaises y ayant des établissements"(l).
3/ Enfin, le rôle joué par l'Etat sur le marché finan-
ci er local pour favori ser 1es entrepri ses étrangères : par l' i n-
termédiaire des lignes de crédit négociées par le gouvernement,
par le bénéfice du taux d'escompte préférentiel de la BCEAO et
le fonds de garantie des crédits aux entreprises livoiriennes"(2),
l'Etat accorde ainsi des privilèges aux firmes étrangères tout
en réduisant les risques à l'investissement du capital multina-
tional. Oans ces conditions on ne peut s'étonner de constater la
marginalisation des entrepruneurs nationaux parce que l'interven-
tion des filiales multinationales et de l'Etat sur le marché
financier loc~l réduit leur capacité ou marge de financement.
L'Etat doit repenser sastratégie économique car l t i vot r t s e t t ort
( 1 ) M. ANSON-MEYER, Mécanismes de l'exploitation en Afrique,
1 ' ex em p1e du Sé né gal ,0 p. ci t , p. 67 0

( 2 ) L'industrie ivoirienne: bilans et perspectives, o~. city

333.
de la production et du capital qu'il prône est à ce prix. C'est
donc une volonté politique qu'il faut adopter afin de réduire ou
combattre 1 1extraversion
industrielle fondée sur le capital
étranger.
En guise de conclusion partielle à cette section, nous
pouvons dire qu 'i1 n'y a aucune contradiction entre la stratégie
de 1 'Etat et celle des filiales multinationales dans le proces-
sus de dé10ca1isation industrielle. Au fond, l'Etat soutient to-
talement le capital direct étranger dans sa reproduction, non
seulement à l'aide d'une politique douanière et fiscale, mais
surtout en prenant en compte des transactions liées aux externa-
lités à charge de l'Etat pour accroître la rentabilité du capi-
tal direct étranger.. L'aide publique
et l'endettement de 1 1Etat
qui en résulte servent donc à financer les infrastructures, les
ponts et les voies d'accès nécessaires à la reproduction de
1 'investissement direct étranger.
SECTION 2
EVALUATION DE LA CONTRIBUTION DES FIRMES MULTINATIO-
NALES AU DEVELOPPEMENT NATIONAL
Chercher à évaluer la contribution des filiales multi-
nationales sur l'économie ivoirienne revient à apprécier l t i mp a c t
de 11 investissement di rect étranger sur 1e développement. Dans
ce contexte, deux questions essentielles restent à résoudre.
D'abord, dans quelle mesure la présence des filiales modifie-t-
elle les conditions du développement du pays? Ensuite, dans
-quel
sens le capital étranger opère~t-i1 la transformation des
structures économiques nationales? En outre, l or s qu vo n slengage
à
va l uer l'impact -du- capi ta1 étranger sur le développement, on
ë

334.
se trouve immédiatement devant un di1emne, c'est-à-dire celui
de l'appréciation de l'incidence des firmes multinationales sur
la croissance ou le développement. La différence entre la crois-
sance et le développement est que ce dernier, intégrant la crois-
sance, est un processus de mutation globale de la société dont
l'investissement direct étranger n'est qu'une des variables du
système. En d'autres termes, le développement est le résultat de
toutes les variables stratégiques, à la fois technico-économiques,
politiques, idéologiques et culturelles rendues cohérentes par
une politique nationale cohérente(l).
Dans ces condition~, nous allons limiter notre inter-
vention à l'analyse de l'impact du capital étranger sur la crois-
snace, à travers l'appréciation de certaines grandeurs macro-
économiques (emploi et salaires) d'une part, et des structures
nationales (structures industrielles et les forces productives)~
d'autre part.
1. Filiales multinationales et croissance
S'agissant de l'évaluation des activités des filiales
multinationales sur la croissance économique locale, on peut dire
que la mesure de l'incidence de l'investissement direct étranger
varie selon le niveau de développement atteint par l'économie
du pays. Ainsi, dans les pays développés à économie de marché,
les effets de transmission de l'investissement direct sur l'éco-
nomie s'inscrivent dans une dynamique introvertie. Ceci est vrai,
dans 1éL_mes-u-r-e--crfj les firmes multinationales ont tendance à
réinvestir localement une plus grande porportion des bénéfices
réalisés que de les rapatrier en masse comme c'est le cas de
l'économie ivoirienne. Contrairement à la logique des pays du
(1) P. BDREL,Les trois Révolutions du développement, Editions
Ouvrlêres, Paris, 1968.

335.
centre, l'investissement dans les pays sous-développés produit
plutôt des effets limités parce que leurs économies sont désarti-
culées et extraverties, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas une dyna-
mique interne propre et dépendent totalement du Centre(l).
C'est dans ce cadre qu'il faille apprécier les effets des firmes
multinationales sur la croissance à partir de l'emploi, la ré-
partition des revenus et la balance des paiements.
1.1. Impact sur l'emploi
L'évolution de la contribution des filiales multina-
tionales sur l'emploi et les effectifs d~ personnel diffère,
tout comme les effets sur la balance des pa i ement s re t -les revenus
distribués, selon le secteur industriel d'implantation ou la
nature de l'investissement direct étranger réalisé soit dans les
filiales à stratégie commerciale soit dans les filiales-ateliers.
Toute appréciation de l'incidence des filiales sur l'économie
doit prendre en compte cette distinction fondamentale entre les
industries orientées vers le marché domestique et celles inté-
grées à un .pr-o ce s s us global mondial.
S'agissant de l'économie ivoirienne, l'impact des fi-
liales multinationales concerne principalement les secteurs in-
dustriels de mise en valeur des matières agricoles et les sec-
teurs de substitution aux importations. L'enquête n'ayant révélé
l'existence d'aucune filiale-atelier, nous nous limitons globa-
lement aux industries légères existantes. Dans la mesure où les
investissements réalisés dans le secteur industriel sont capita-
-}istfques et utilisatrices d'une technologie étrangère (souvent
(1) S. AMIN, Le développement inégal, Les Editions de Minuit,
Paris~ 1973.
.
.

336.
maison-mère), on peut se demander comment les filiales multina-
tionales peuvent-elles créer des emplois et contribuer à la for-
mation de la main-d'oeuvre locale?
En considérant l'ensemble des branches industrielles, on
constate une évolution du total des effectifs employés qui est
passé de 24 150 en 1965 à 87 700 en 1985 (y compris la branche
Energie et Eau), soit un taux diaccroissement annuel de 5,6 ~.
Au plan sectoriel, les industries alimentaires sont les plus
grandes créatrices d'emplois avec 29 % ; ensuite viennent les
textiles et cuir (20 %) et les mécaniques et électriques (17 %).
En réalité, le chiffre global des effectifs est satisfaisant, il
n'en est pas de même au niveau de chaque branche industrielle
pour la création d'emploi nouveaux. Durant1a période 1965-1985,
les taux d'accroissement annuels ont chuté passant de 13,1 % en
1965-75 à 3,4 ~ en 1980-85 pour le secteur alimentaire. La ten-
dance est la même pour toutes les autres branches. Ainsi donc,
au niveau de toute l'industrie, ce taux a beaucoup baissé pas-
sant de 10 % en 1965-75 à 3,6 ~ en 1980-85. Au regard de ces
données quantitatives, on peut déduire que le capital étranger
a tendance à créer moins d'emplois, qui plus est, certaines fi-
1ia1es compressent leurs effectifs (voir les résultats de l'en-
quête), ce qui ne contribue pas à l'amélioration de la situation
de l'emploi dans le secteur privé quand on connaft le chômage
qui frappe les jeunes ivoiriens dip10més des universitéS et des
grandes écoles. En revanche, l'ivoirisation du personnel décidée
-
-
-
-----
--- ~---. -- --
par l'Etat a accusé des résultats fort intéressants car le taux
-
-
-
- - --- -
--
-----~'africanisation a atteint ou dépassé 80 ~ des effectifs globaux·
du secteur industriel.

r-,
M
M
TABLEAU 10 - TOTAL
,
DES EFFECTIFS EMPLOYES DANS LE SECTEUR INDUSTRIEL
Taux d'accroissement annuel (%)
Branches industrielles
1965
1975
1980
1985
1990
1965-75
1975-80
1980-85
Aliments
4950
17 010
21 500
25 500
30 000
13,1
4,8
3,4
Textiles et cuir
3 300
12 830
14 400
17 500
21 000
14,5
2,3
4,0
Mécaniques et élec-
triques
3 610
5 988
12 500
15 000
23 000
5,2
15,9
3,7
Bois
7 000
15 327
9 000
Il 200
15 000
8,2
-11 ,2
4,5
Energie et Eau
1 640
3 750
5 200
6 100
7 000
8,1
7,8
3,2
Diverses
3 650
7 995
10 900
12 400
14 400
8,2
6,4
2,6
TOTAL :
24·150
62 710
73 500
87 700
110 400
10,0
3,2
3,6
Source
Marchés Tropicaux et Méditerranéens n° 2094, op. cit. p, 126
tA)
tA)
........


338.
Toutefois, on doit apprécier le problème de l'ivoirisa-
tion avec prudence, parce que, non seulement il reste beaucoup
â faire, mais surtout les filiales multinationales ont tendance
â créer rles emplois nouveaux pour les nationaux et non â faire
rem pla ce r 1es é t ra ngers par des i v0 i rie ns. Qu' en est - i 1 e xa c t e-
ment? D'après l'enquête, les effectifs globaux de nos filiales
sont passés de 6 959 en 1980 â 6 727 en 1984, soit une diminu-
tion de 232 emplois. Mais, en prenant en compte l'origine des
effectifs emplois, on remarque que la baisse de 232 est imputable
â celle
des
effectifs des africains non ivoiriens et des rapa-
triés dont le nombre total est passé de 1199 en 1980 â 926 en
1984, soit une diminution de 273, tandis que la part des ivoi-
riens passe de 5 760 en 1980 â 5 801 en 1984, soit une augmenta-
tion faible de 41 emplois. Finalement, on peut conclure que
les entreprises étrangères ont tendance à créer moins d'emplois
nouveaux. Elle procède plutôt à une réaffectation interne des
emplois, d'où une limite objective à 1 'ivoirisation des emplois
qui accuse un taux d'accroissement annuel de 3 ~.
Par ailleurs, les grandes filiales recensées sont peu
créatrices d'emplois surtout quand on tient compte de 1eurren-
tabi1ité (chiffres d'affaires, bénéfices réalisés). Ainsi, en
1980, nos filiales
participaient â concurrence de 9,5 ~ â la
création d'emplois, ce taux a baissé de près de 8 ~ en 1984 par
rapport â l'effectif global industriel. Mais en marge de cette
constatation, on peut signaler que les filiales multinationales
grosses créatrices d'emplois sont représentées par les firmes
suivantes: SOLIIfRA,BLOHORN, UNI1~AX, SCODI, SIEM, FILTISAC,
CAPRAL, MAC et SAFAR qui totalisent plus de 70 ~ des effectifs
globaux de l'ensemble des filiales concernées en 1980. Mais â

339.
TABLEAU 11- EMPLOIS CREES PAR LES FILIALES DE MULTINATIONALES
1980
1984
Filiales de
multinationales
Africains
Africains
Expa-
Expa-
Ivoiriens
non
Ivoiriens
non
tri'és
triés
Ivoiriens
Ivoiriens
CAPRAL
322
14
12
395
9
7
SLODI
614
167
3
752
101
7
SOLIBRA
1 662
267
44
1 430
202
44
BLOHORN
822
175
15
1 027
194
18
FILTISAC
626
32
8
470
13
5
UNIWAX
817
11
15
824
1
17
BATA
420
44
12
414
31
7
SAEC
129
32
12
114
34
10
SIVDA
121
15
18
127
14
12
SOFACO
187
46
25
139
31
14
MAC
341
60
7
152
32
3
SAFAR
324
14
7
127
5
4
IVOIRAL
141
42
7
113
21
5
SIEM
377
59
18
322
52
13
UNION CARBIDE
445
-
3
289
-
4
SICABLE
74
7
8
56
6
5
NELCI
-
-
-
77
-
5
Source
Notre enquête

340.
TABLEAU 12 - PROPORTION DES IVOIRIENS DANS LES CATEGORIES
SOCIO-PROFESSIONNELLES EN 1985 (r,)
Filiales
Cadres
MaHrise
Employés
Ouvriers
Divers
SIVOA
3
19
25
38
-
SIEM
2
8
9
64
-
IVOIRAL
5
19
9
54
0
MAC
2
3
10
48
2
SAFAR
2
14
6
75
2
UNION CARBIDE
3
16
9
57
13
NELCI
6
4
10
74
-
TOTAL MOYEN
3
12
11
59
-
Source
Notre enquête
partir de 1984, on assiste à une baisse de leurs effectifs glo-
baux: par exemple la SAFAR (RENAULT) a vu ses effectifs passer de 345
emplois à 136 en 1980 avant de baisser brutalement à 71 à 1985.
Une fois de plus, ce sont là exprimées les limites des filiales
multinationales et partant de l'ensemble des entreprises étrangè-
res de contribuer substantiellement à la création d'emplois et de
favoriser l'ivoirisation des emplois tant décriée par l'Etat.
Enfin, pour mesurer le degré d'ivoirisation, nous avons
pensé à une analyse en terme d'origine socio-catégorie11e.
POUT
~e---fafr-~rÎ-ous avons considéré un nombre réduit de filiales
(tableau 3) pour mesurer 1 'indigénisation à l'intérieur de 5
catégories socio-professionneles à savoir les cadres, maftrise,
employés, ouvriers et divers (en grande partie constitués par les

341.
manoeuvres). Bien que n'étant pas exhaustifs, les résultats ob-
tenus peuvent permettre de comprendre les tendances globales des
multinationales en Côte dllvoire. C'est ainsi que dans les caté-
gories socioprofessionnelles de moyens et bas revenus, c1est-à-
dire les ouvriers et employés qualifiés, les agents de maîtrise
et les cadres, la proportion des ivoiriens et employés qualifiés,
les agents de maîtrise et les cadres, la proportion des ivoiriens
est très remarquable au niveau des manoeuvre qualifiés et des
ouvriers soit 59 ~ en moyenne, des employés (11 ~) et des agents
de maîtrise (12 %). Pour les cadres de direction et de décision,
la présence des ivoiriens est faible, voire limitée car le per-
sonnel expatrié concentre la plus grande proportion des effectifs
dans cette catégorie (en moyenne 3 0/, pour les ivoiriens). La
forte participation des nationaux aux emplois en bas de lléchelle
slexplique par le fait que les entreprises étrangères, utilisant
une technologie calquée sur celle de la maison-mère, font beau-
coup appel à une main-d1oeuvre locale non qualifiée. On retrouve,
partout
en Afrique Noire Francophone cette discrimination du
capital étranger ou multinational. C'est ainsi qu'en
rapportant
l'incidence de Elf-Gabon sur l'économie na t ton a l e (l'emploi
précisément), on remarque la dure réalité de la domination étran-
gère: "Au niveau des catégories socio-professionnelles, les
ingénieurs gabonais représentent près de 13 ~ de l'effectif des
ingénieurs, soit 0,8 ~ de l'effectif total du personnel de la
Société. Dans la catégorie des cadres on trouve près de Il % de
Gabonais, soit environ 9 rode l'effectif total. Quant à la caté-
gorie des ouvriers et employés, elle est uniquement composée de

342.
Gabonais. C'est la catégorie reine représentant 88 % de l'effec-
tif des Gabonais et 73 ~~ de l'effectif total"(l).
Donc sur la base de ces données statistiques, on peut
conclure en disant que la participation des nationaux, et par-
tant des africains à la prise des décisions et à la gestion des
filiales multinationales et très faible, voire nulle. Donc, la
répartition des revenus distribués par le capital étranger va
sien ressentir nécessairement car ces cadres et techniciens supé-
rieurs expatriés vont concentrer à eux seuls la plus grande par-
tie des salaires du secteur privé.
1.2. Impact sur la distribution des salaires
L'incidence du capital direct étranger sur le marché
de l'emploi en Côte d'Ivoire est significative car il a permis
la création d'un certain nombre d'emplois; sinon, qu'en serait-
il sans les entreprises étrangères, diront
certains. Surtout
quand on sait que le chômage qui secoue l'économie ivoirienne
depuis ces dernières années, on ne peut s'abstenir de soutenir
avec prudence l'apport positif du capital direct étranger en
matière d'emploi, et notamment au niveau de l 'ivoirisation des
effectifs employés.
Mais le phénomène de la création d'emplois bénéfiques
aux nationaux, aussi significatif soit-il, ne s'accompagne pas
d'une distribution proportionnelle des salaires selon l'origine
des différentes catégories socio-professionnelles. Bien au con-
traire, la disparitt des salaires entre les salariés ivoiriens
e-t-+e-s expatriés est très nette, voire criarde au profit des
seconds. Ainsi la distribution des rtvenus révèle la forte
-----------
(1) A. ENGONGA-BIKORO, L'impact des groupes industriels sur les
pays sous-développés: le cas de Elfau Gabon, in Entreprises
et Entrepreneurs en Afrique, tome 2, op. cit., p. 511.

343.
liL EAU 13 - SALAIRES TOTAUX DISTRIBUES (millions FGFA)
,liales
1980
1981
1982
1983
1984
1 116
1 193
1 305
1 415
1 463
627
739
912
1 054
1 105
A
2 275
2 628
2 847
2 891
2 933
N
1 653
1 917
2 255
3 762
4 139
AC
926
1 024
1 209
1 183
949
932
991
1 100
1 240
1 152
1 170
1 321
1 490
1 576
1 618
512
540
603
573
548
454
507
563
640
672
652
514
522
475
492
388
352
353
518
533
567
568
531
GARBIDE
72
60
57
80
82
L
503
508
521
490
.E
187
211
258
270
263
823
905
892
917
925
30
MOYEN
729
798
880
1 033
1 046
.e
Banque des Données - Abidjan
1
1

344.
concentration, selon la Banque des Données, de 21 % des salaires
en 1984 entre les mains des seuls expatriés dont la proportion
en effectifs ne représente que, pour l'année 1984, 3 ~ des sa-
lariés des 16 filiales recensées. Tandis que les ivoiriens, dont
la proportion dans les effectifs globaux atteint 86 ~, ne concen-
tre que 47 ~ des revenus distribués. Le reliquat estimé à 32 r,
est destiné aux travailleurs africains non ivoiriens représen-
tant Il ~ des effectifs toujours en 1984, ce qui donne au total
une appropriation étran9ère (concentration étrangère) de 53 ~
de la masse salariale distribuée correspondant à 14 ~ des effec-
tifs globaux des 18 filiales (Tableaux 13,14,15). La concentra-
tion des salaires des expatriés est plus accentuée en 1984 dans
les filiales suivantes: SOLIBRA (24 r,), BLOHORN (22 0/,), SAEC
(30 %), SIVOA (37 %), SOFACO (22 %), SAFAL (26 %), SIEM (36 %),
SICABLE (36 %), SIVENG (26 ~). Néanmoins, on remarque, dans la
majorité des cas, la forte concentration des salaires au bénéfi-
ce des expatriés, originaires des pays des firmes multinatio-
nales.
Autre phénomène caractéristique de la disparité concer-
nant la distribution des revenus, c1est la suprématie globale des
salaires moyens des expatriés dans toutes les branches indus-
trielles de 1980 à 1984. Globalement, le salaire moyen mensuel
dans l'industrie pour un expatrié est établi à 1 625 000 FCFA en
1984 contre 913 000 FCFA en 1980, soit un rapport entre salaire
moyen des expatriés et celui des nationaux de 13 en 1980 et 14
en 1984. L'importance des salaires moyens des expatriés est si-
gnificative dans tous les secteurs industriels: Construction
--~r~""éparation~de matériel de transport (2300 000 FCFA) ~ Indus-
tires mécaniques et électriques (1 900 000 FCFA) ; Co~ps gras
alimentaires (1800 000 FCFA) ; Conservations, préparations

345.
TABLEAU 14 - PART DES IVOIRIENS DANS lE TOTAL DES SALAIRES
DISTRIBUES(%)
Filiales
1980
1982
1984
CAP RAl
57
64
69
SCODI
53
59
56
Sal lBRA
47
46
43
BlOHORN
48
42
33
FIlTISAC
65
68
69
UNIWAX
57
59
60
BATA
48
51
53
SAEC
26
26
32
SIVOA
28
31
37
sa FACO
31
33
40
IVOIRAl
35
39
43
MAC
47
41
42
SAFAR
52
58
55
SICABlE
27
29
28
SIEM
35
33
34
SIVENG
42
36.
42
UTEXI
53
57
52
SACO
50
46
56
Source
Calculés d'après Banque des Données - Abidjan

346.
TABLEAU 15 - PART DES EXPATRIES DANS LE TOTAL DES SALAIRES
DISTRIBUES Cr,~
Filiales
J.980
198?
1984
CAPRAL
15
15
10
SCODI
7
13
12
SOLIBRA
18
22
24
BLOHORN
15
19
22
FILTISAC
8
9
11
UNIWAX
16
16
19
BATA
14
9
4
SAEC
30
31
30
~IVOA
38
37
37
SOFACO
23
20
22
IVOIRAL
25
21
19
MAC
16
20
16
SAFAR
14
25
26
SICABLE
36
34
36
SIEM
26
34
36
SIVENG
24
26
26
UTEXI
10
10
14
SACO
I l
13
12
TOTAL MOYEN
19
21
21
Sou-r~~- : Calculés d'après Banque des Données - Abidjan

347.
alimentaires et cuir, articles chaussants (1500 000 FCfA),
industries chimiques (1 400 000 fCFA), enfin boissons, glaces
alimentaires et textiles/habillement (1 300 000 FCFA).
Comme on s'en aperçoit, la forte concentration des sa-
laires des expatriés dont une bonne partie est transférée à
l'étranger justifie la faible importance de la valeur ajoutée
dans l'économie ivoirienne .. Comparativement à d'autres pays
d'Afrique Noire francophone, on constate la même reproduction
de l'inégale distribution des salaires .. Pendant la période
1970-74, les Gabonais représentaient 83 ~/, de l'effectif total
de Elf Gabon contre 17 ~ d'expatriés
tandis que les 83 % des
Gabonais employés ne touchaient que 40 % des salaires, les 17 ~
du personnel expatrié
sien appropriaient
60 ~ (1). Les estimations
de N'GANGO donnent la même image de la concentration des salai-
res des expatriés au Cameroun: dans les industries de boissons
et tabacs 4 % d'expatriés accaparent 58 % des salaires distri-
bués ; dans les industries textiles, chaussures et habillement
5 r, totalisent 55 ~ des salaires; dans le secteur des indus-
tries mécaniques et électriques 9 ~ gagnent 59 % des salaires et
enfin dans le secteur c~imique 5 ~ des expatriés bénéficient de
58 ~ des salaires distribués(2). Pour terminer, au Zaïre, la
distribution des revenus dans le secteur privé révèle la forte
concentration de 48 % des salai~es des expatriés qui
ne repré-
sentent que 2,6 ~ des effectifs totaux. Le salaire d'un étran-
ger non africain est en moyenne 36 fois plus élevé que celui
d'un africain. Bien que ne ~o~stttuant qu'une fine minorité de
(1) A. ENGOUGA-BOKORO, op. cit. p. 511.
(2) G.N'GANGO, les investissement d'origine extérieure en
Afrique Noire Francophone, op. cit., p. 359.

·
co
.q
(V')
TABLEAU 16 - SALAIRE MENSUEL DANS LI INDUSTRIE EN 1980 ET 1984 (en FCFA)
1980
198L1
Branches industrielles
Ivoiriens
Africai'ns
Expatriés
Ivoiriens
Africains
Expatriés
Conservations, Préparations
alimentaires
90 000-
70 000
1 400 000
120 000
90 000
1 500 000
Boissons et qlaces alimen-
taires
50 000
70 000
BOO 000
80 000
90 000
1 300 000
Corps gras alimentaires
80 000
60 000
800 000
110 000
300 000
1 800 000
Textiles et habillement
60 000
50 000
600 000
100 000
70 000
1 300 000
Cuir, articles chaussants
80 000
90 000
800 000
130 000
130 000
1 500 000
"
Chimie
80 000
80 000
800 000
140 000
100 000
1 400 000
,
Construction, réparations
,
matériel transport
60 000
80 000
900 000
130 000
140 OGO
2 300 000
i,
Autres industries mécaniques
et électriques
60 000
120 000
1 200 000
100 000
100 000
l 900 000
Total moyen industriel
70 000
78 000
913 000
114 000
128 000
_11 625 000
Source : Nos estimations â partir de la Banque des Données - Abidjan.

· ,
349.
la population active, les expatriés reçoivent près de la moi-
tié du total de toute la masse salariale(l).
En définitive, compte tenu de la structure socio-pro-
fessionnelle de l'industrie ivoirienne, il est indiscutable
que les effets d'entrainement des salaires distribués et ver-
sés au personnel local ait moins d'incidence sur la croissance
de l'économie nationale
. Les effets d'entrainement limités
des salaires sur la croissance s'explique pour deux raisons
d'une part, la faible proportion des nationaux dans le nombre
total des cadres supérieurs et les agents de maîtrise où les
expatriés demeurent dominants,"ce qui réduit inévitablement
le salaire réel des nationaux; d'.autre ~art, le recours tou-
jours incessant à l'encadrement du personnel étranger entraine
des coûts supplémentaires pour l'industrie nationale, rédui-
sant ainsi le niveau de la valeur ajoutée alors que les na-
tionaux à formation ou diplôme égal restent au chômage. Cette
situation bloque l'élargissement de la base productive indus-
trielle dans la mesure où une bonne partie des revenus des
travailleurs, expatriés et étrangers est transférée à l'exté-
rieur: d'où le problème suivant lié à l'impact du capital
direct étranger sur la balance des paiements.
1.3. Impact du capital direct étranger sur la balance
des paiements et l'équilibre extérieur
La balance des paiements comprend ou retrace les opéra-
tions économiques d'Un pays avec l'extérieur. Ces relations
économiques sont définies par trois grands postes, à savoir,
(1) Zaïre, dossier de la recolonisation, Edition l'Harmattan,
Paris, 1978, p. 417.

350.
les biens et services, les transferts sans contrepartie et
les mouvements de capitaux monétaires et non monétaires. Donc,
l'évaluation de l'incidence du capital direct étranger sur la
balance des paiements et l'équilibre extérieur passe nécessai-
rement par une appréciation objective des différents postes
de la balance des paiements du pays, c'est-a-dire, les gran-
deurs macro-économiques susceptibles d'avoir un effet positif
ou négatif sur le solde de la balance des paiementu Il s'agit
des mouvements de biens (exportations et importations), des
transferts des revenus d'investissement (services) et des
transferts sans contrepartie (transfert des revenus des tra-
vailleurs).
1/ Sagissant des mouvements de marchandises, l'inciden-
ce du capital étranger sous l'égide des filiales multinatio-
nales, est limitée surtout au niveau des exportations. A ce
niveau, la Côte d'Ivoire n'est pas un pays exportateur de
biens industriels par comparaison a certains NPI (Corée du
Sud, Singapour ••• ). La valeur des exportations reste fortement
tributaire de la production nationale de café, cacao, bois .•• )
destinée au marché mondial. La non spécialisation industrielle
du pays, malgré le code des investissements, s'explique par
le simple fait que la plupart des industries implantées par
le capital étranger sont spécialisées dans la production de
biens destinés au marché nation~l Pot très dépendantes des in-
puts étrangers. C'est pourquoi, mises à part les industries
légères de valorisation de produits agricoles dont la produc-
tion transformées est exportée a plus de 80 ~ vers les maisons
mères, tous les autres secteurs industriels ne concourent pas
a la formation del 'excédent commercial u Le ratio exporta-
tions/production en donne une illustration: SOLIBRA, filiale

351.
TABLEAU 17 - RATIO EXPORTATION/PRODUCTION VENDUE (~)
Filiales
1979
1982
1984
CAPRAL
83
86
83
SCODI
96
98
99
BLOHORN
21
19
18
SOLIBRA
0,3
1,2
1,6
UNIWAX
11
12
1,3
BATA
17
12
16
SAEC
4
5
6
SIVOA
5
4
16
SOFACO
22
4
16
MAC
16
10
25
SAFAR
0,6
0,7
3
IVOIRAL
16
22
21
SICABLE
3
8
13
SIEM
0,4
0,4
2
UTEXI
33
5
34
SIVENG
-
29
33
TOTAL MOYEN
21
20
24
Source
Calculés d'après Banque des Données - Abidjan
du groupe ARTOIS, spécialisée dans la bière exporte 1,6 r, de
sa production en 1984 ; il en est de même pour UNIWAX (1,3 ~),
SAEL (6 ~q, SIEM (2 r,), SAFAR-RENAULT (3 r,), SICABLE (13°).
En tout cas, en 1984, considéré globalement, le ratio moyen

352.
est estimé à 24 0/, pour l'ensemble des filiales concernées.
Cette proportion ne représente pas l'exportation des produits
industriels vers le marché mondial mais plutôt vers le marché
sou-régional (BURKINA FASSO, NIGER, BENIN, MALI ••. ). Par ail-
leurs, certaines filiales sont fortement dépendantes des
maisons-mères par l'achat de matières premières et des con som-
mations intermédiaires intervenant dans la production. L'en-
quête a révélé que toutes les filiales d'import-substitution
importaient plus de 90 ~ voire 100 % de leurs maisons-mères.
vue sous cet angle, la comparaison des exportations et des im-
portations peut avoir un effet négatif sur la balance commer-
ciale parce que ces filiales ont une propension à importer
plus forte que certaines entreprises locales(l). Donc, l'ac-
centuation de la présence des filiales peut avoir une inciden-
ce défavorable sur l'économie ivoirienne. Théoriquement,
c'est à ce niveau qulon peut appréhender la différence entre
la stratégie de délocalisation des filiales-ateliers et la
stratégie des filiales-relais, pour la simple raison que dans
la stratégie commerciale (caractérisée par les industries
d'import-substitution) "la firme transnationale a une forte
propension à importer des biens d'équipement ou des produits
semi-finis de la maison-mère. Comme ces importations sont
souvent surfacturées, leur effet global sur la balance commer-
ciale peut être négatif"(2). Enfin, les industries de substi-
tution aux importations implantées en Côte d'Ivoire ont un
eTfe~ga-tif'-sur--la ba l e nce ccomme r c t a l e du pays et c i e s t
_~_'excédentcommercial agricole Qui finance ce déficit.
(1) C-A MICHALET, Le capitalisme mondial, op~ cita
(2) G. GRELLET, Structures et stratégies de développement
con
ë
0 m; que, _E-UF-;---P a ris,
1986 0
.

353.
TABL EAU 18 - BALANCE DES PAIEMENTS EXTERIEURS DE LA COTE
d'IVOIRE RESUMEE(milliards FCFA)
Postes
1~73
1975
1977
1980
BIENS ET SERVICES
- 33,4
- 51,9
- 30,5
- 236,5
dont Marchandises
+ 35,8
+ 48,7
+ 200,4
+ 84,3
Revenus d'investissements
- 23,4
- 29,3
- 47,6
- 104,6
TRANSFERTS SANS CONTRE PARTIE
- 15,4
- 30,4
- 73,7
- 149,2
dont Transferts des travailleurs
- 27,5
- 39,4
- 84,7
- 151,2
BALANCE DES PAIEMENTS COURANTS
- 48,8
- 82,3
- 43,2
- 385,7
CAPITAUX DES SECTEURS NON
MONETAIRES
+ 44,9
+ 44,1
+ 93,9
+ 222,8
dont Investissements directs
+ 11,3
+ 17,4
+
0,6
+ 18,3
Endettement Etat
+ 16,4
+ 11,3
+ 50,4
+ 155,9
SOLDE GLOBAL
- 2,3
- 35,1
+ 44,7
- 172,5
Source
BCEAO n° 334, op. c t t . , p. 38
2/ Si on tient compte de la structure globale de la
balance des paiements extérieurs de la Côte d'Ivoire, on cons-
tate, d'année en année un solde négatif qui est dû essentiel-
lement aux revenus d'investissements rapatriés et aux trans-
ferts des revenus des travailleurs. A ce niveau, nous avions
.mo nt r
à
l'aide des résultats de l'enquête, que le rapatrie-
ë
,
ment des bénéfices des filiales excède 50 % et même pour
certaines, il atteint 90 %. En considérant tout le secteur pri-
vé national on constate que les revenus d'investissement ra-
patriés hors de Côte d'Ivoire sont passés de 23 milliards de
FCFA en 1973 à 47 en 1977 avant d'atteindre 104 milliards de
FCFA en 1980. Par contre, les investissements directs réalisés étaient

354.
de Il milliards de FCFA en 1973, 0,6 en 1977 et 18 milliards
de FCFA en 19800 Il sien suit donc que les flux d'entrée de
capitaux étrangers sont inférieurs aux sorties sous forme de
transferts. Par ailleurs, la distribution inégale des revenus
(salaires) entre les nationaux et les rapatriés, en faveur
des derniers, explique l'importance de la sortie (fuite) de
l'épargne vers l'extérieur. La lecture de la balance des paie-
ments du pays en donne une illustration éloquente. Ainsi, en
1973 les transferts des revenus de travailleurs atteint plus
de 27 milliards de FCFA ; en 1977 et 1980, ils étaient évalués
respectivement à 84 et 151 milliards de FCFA. C'est là une
réalité paradoxale de la croissance économique du pays qui a
fondé toute sa stratégie d'industrialisation sur le capital
étranger. Or, non seulement le capital étranger y émigre de
moins en moins, mais l'essentiel de la valeur ajoutée indus-
trie11e est transférée à l'extérieur, bloquant ainsi la repro-
duction de l'accumulation du capital. Ainsi,"1a périphérie
non développée alimente pour partie les flux financiers à des-
tination des économies industrialisées européennes et améri-
caines. En d'autre termes, une grande part des investissements
des multinationales vers 1 IEurope et les Etats-Unis sont fi-
nancés par le rapatriement des dividendes, des royalties et
bénéfices en provenance du Tiers Monde. Les plus pauvres con-
courent à l'enrichissement des plus riches par l'aptitude des
entreprises multinationales à jouer sur les différences na~
___~~_na1es~aj:ière.de Tèg1ementation fiscale ou autre"(l).
(1) E. DESCAMPS et B. DESCAMPS, Les Sociétés multinationales,
Pouvoirs et co nt r-e-pouvo t r s , Chronique sociale, Lyon,
1985, pu 84~

355.
Finalement, le recours incessant au capital étranger
direct implique le versement de bénéfices à l'étranger, au
Centre où se réalise l'accumulation du capital. L'incidence
sur la balance des paiements ne peut être que négative. Cette
stratégie de transferts de capitaux par les filiales mu1tina-
tiona1es nlest pas une spécificité de l'internationalisation
de la production en Côte d'Ivoire. En Afrique Noire Francopho-
ne caractérisée par un espace industriel de substitution aux
importations (stratégie commerciale), les filiales multina-
tionales observent la même tendance en adoptant le même com-
portement. Le Gabon fait affluer chaque année pour plus de
20 milliards de FCFA dans les banques françaises(1). Le Séné-
gal en fait autant(2) sans oublier l'ensemble des autres pays
de la zone franc.
Dans ces conditions, les effets multiplicateurs du ca-
pita1 direct étranger, à savoir la création d'emploi, la dis-
tribution des revenus et l'équilibre extérieur (balance des
paiements) ne se réalisent qu'à l'extérieur de l'économie
ivoirienne. On peut donc, finalement, objecter que le capital
multinational bloque le développement du pays, même si sa con-
tribution au taux de croissance du Produit Intérieur Brut
est certaine.
2. FILIALES MULTINATIONALES ET BLOCAGE DU DEVELOPPEMENT
La stratégie de développement de la Côte d'Ivoire est
le reflet de la thèse soutenue p~r les théoriciens du dévelop-
pement, selon laquelle "les investissements extérieurs ont·
beaucoup contrib_u-é--.à----1a-croissance des pays en voie de
----~-----~- - -- - - - - - - -- - ~
( 1) A. ENGONGA-BIKORO, op. cit. Ce chiffre est de 1976. Il a
certainement évolué.
( 2) M. ANSON~MEYER,
Mécanismes de l'exploitation en Afrique:
1 'exemple du Sénégal, op. ci t ,; Cujas, 1974.

356.
développement et peuvent le faire davantage dans l'avenir"(l).
Or, l'analyse de l'incidence du capital direct étranger sur
la croissance en donne une image contraire caractérisée par
la distribution inégale des revenus dont la plus grande par-
tie est transférée à l'extérieur. Evidemment, les distorsions
de l'économie nationale créées par le capital étranger ne
peuvent que bloquer le développement des forces productives
nationales, et partant le développement national, à travers
la structure industrielles, le déséquilibre régional et le
transfert des techniques et des connaissances.
2.1. Capital direct étranger et structures
industrielles nationales
La description du phénomène de l t e xt r ave r s t on de l'éco-
nomie ivoirienne créée par le capital multinational permit de
mettre à nu la création limitée d'emplois, l'inégalité des
traitements de salaires entre les nationaux et les expatriés,
les transferts des revenus vers les pays d'origine des filia-
les. Ce sont là des problèmes importants qui limitent actuel-
lement les perspectives de développement du pays et plafon-
ne nt le processus de croissance amorcé depuis par les Perspec-
tives Decennales, pour la simple iaison, rappelons-le que
"la sortie de capitaux est trop importante pour que les pays
africains puissent légitimement attendre des entreprises
étrangères qu'elles contribuent substantiellement à l'éléva-
tion du niveau de vie des populations autochtones"(2).
Alo.! s~_J _'~nlu:rt; 0 n--del' i ncid e nce duc api ta l d ire c t
étranger sur l'économie ivoirienne ne peut être qu'inscrite
(1) Le Rapport Pearson, op. cit., p. 140.
(2) G. NGANGO, op. c t t , , p. 365.

357.
dans le cadre global de l'extraversion socio-économique des
pays d'Afrique Noire Francophone. D'ailleurs "la faiblesse
de l'industrialisation (de ces pays) s'explique par la nature
même de la colonisation. Créées pour développer la métropole
et non pas pour se développer elles-mêmes, les colonies
avaient vocation commerciale et agricole mais non pas indus-
trielle. Les industries, les vraies, étaient installées en
France; elles recevaient des matières premières des colonies
vers lesquelles une partie revenait sous forme de produits
finis"(l) •
.TABLEAU 19 - FORMATION DU PRODUIT INTERIEUR BRUT
NATIONAL (r,)
Secteurs économiques
1960
1970
1975
1980
1983
Secteur
primaire
47
30
28
27
26
Secteur secondaire
13
25
24
25
24
dont Industri e
( 6 )
( 15 )
( 1s )
( 16 )
( 16)
Secteur tertiaire
40
45
48
48
50
..
TOTAL .
100
100
100
-100
100
Source
Calculés d'après Comptabilité Nationale et Budjets
Economiques - Abidjan.
La structure de l'industrie ivoirienne reflète les mê-
mes caractéristiques des industries africaines, crées et en-
tretenues par le capital étranger dont la concentration s'ex-
prime essentiellement dans le~ secteurs miniers et agricoles,
-
---avec mu: prédumlnance du capital
commercial. La formation du
(1) L. GBAGBO~ Les entreprises coloniales en Côte d'Ivoire
à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, in Entreprises
et Entrepreneurs en Afrique. Tome 1, op. cit. p. 484.

358.
PIB (Tab1eau~)
en donne une illustration éloquente. Ainsi,
en 1984, le secteur tertiaire (commerce, banques, assurances •• )
intervient à concurrence de 50 % dans le PIS national, suivi
du secteur agricole 26 ~ soit 76 1, du PIB. On comprend les
limites de la politique industrielle de l'Etat car la parti-
cipation de l'industrie représente 16 ~ du PIS pour la même
période. Ceci explique la faible concentration des investis-
sements directs étrangers dans l'industrie par rapport aux
autres secteurs (en particulier le tertiaire).
Les caractéristiques des structures industrielles de
la Côte d'Ivoire montrent que les industries agro-a1imentai-
res, de biens de consommation finale et de textiles sont gé-
néra1ement peu créatrices de valeur ajoutée. En 1980, la pro-
portion de la valeur ajoutée dégagée par rapport au Produit
Intêrieur Brut national est de 23 %. En 1985, il atteint 25 x,
TABLEAU
20 - EVOLUTION DE LA VALEUR AJOUTEE INDUSTRIELLE
ET DU PRODUIT INTERIEUR BRUT (millions de FCFA)
1980
1985
1990
- Total Produit Intérieur
Brut national
2 150
2 977
4 301
Total de la valeur ajou-
tée de l'industrie
nationale
499
742
1 122
- Pourcentage de la valeur
aj 0 uté e dan s 1e PI B
23
25
26
S~urce : Calculé d'après Plan Quinquennal 1981/1985.
--- -même---l-e-s ë.t l!d e s p.ecsp ec fi ve s 1a: s i tue nt à 26 ~ en 1990. Ces
chiffres sont faibles et témoignent de la faible industriali-
sation du pays. D'autre part, présenté
comme pa1iatif de

359.
l'insuffisance des ressources nationales, le capital direct
étranger est loin de jouer le rôle moteur de la croissance
industrielle parce que, non seulement son investissement pro-
duit un minimum de valeur ajoutée, mais propulse un tissu
industriel grand consommateur de valeur ajoutée. Ainsi en
1984, un investissement crée 0,36 milliards de FCFA et consom-
me 0,27 milliards de FCFA de valeur ajoutée pour un coût de
création d'un emploi très faible estimé â 0,01 mi11ards de
FCFA(l).
TABLEAU 21 - CONTRIBUTION DES DIFFERENTES BRANCHES A LA
VALEUR AJOUTEE INDUSTRIELLE (%)
Branches industrielles
1975
1980
Industtries agricoles et alimentaires
28,1
23,2
Chimie
22,2
18,8
Textiles, cuir et chaussants
15,0
15,4
Mécaniques et électriques
11,6
16,5
Industries papetières et diverses
9,6
3,6
Industries du bois
6,5
7,3
t·1atéri aux de construction
3,7
3,1
E1ectricité et eau
9,6
10,1
Industries minières, carrières
0,9
2,0
TOTAL
100,0
100,0
Source: Calculés d'après la Comptabilité Nationale - Abidjan
(1)
Nos~sttmatUms--s-ont-ta;tesà partir des ratios suivants:
production de valeur ajoutée: valeur ajoutée/investisse-
ment; consommation de valeur ajoutée = valeur ajoutée/
chiffre d'affaire et enfin coût de création d'un emploi =
investissement/effectif total.

360.
En outre, la structure même des industries existantes
bloque
certainement la croissance de ces dernières du fait de
fait de la baisse ou de la stagnation de la valeur ajoutée
dans les branches industrielles. Comparativement à 1975, les
entreprises étrangères ont réduit en 1980 leurs valeurs ajou-
tées dans le secteur agricole et alimentaire (23 ~), la chi-
mie (18 ~), la papeterie (3,6 ~) et les matériaux de construc-
tion (3 ~). De plus, les sièges sociaux et les centres de dé-
cision, corme lia révélé l'enquête, étant situés hors de Côte
d'Ivoire, il Y a une reproduction de la vulnérabilité de la
croissance industrielle nationale soumise aux exigences et
aux stratégies des groupes multinationaux oligopolistiques
qui fixent leurs objectifs indépendemment des intérêts na-
tionaux. La Côte d'Ivoire représente donc la citadelle de
l'extraversion industrielle en Afrique Noire Francophone.
2.2. Filiales multinationales et disparités. nationales
La gageure de l'industrialisation de la Côte d'Ivoire
s'explique aussi par la concentration de la grande partie
des industries agricoles et commerciales à Abidjan, et secon-
dairement à Bouaké. A part donc Bouaké où sont concentrées
certaines industries textiles de filature, de tissage, d'im-
pression et de confection (zone de production du coton) l'im-
plantation des industries à Abidjan s'expliqueraient par
d'autres mobiles que ceux liés à la production de produits
agricoles. En effet, la capitale économique n'est pas spécia-
lisée dans la production de cacao et café comparativement à
Daloa;-ûaynoa-; Soubré,
ou la région de la Boucle du Calao.

361.
Si l'existence de matières premières sur les lieux de produc-
tion guidait la stratégie des filiales des multinationales,
CAPRAL s'installerait à Daloa ou à Gagnoa. Encore que le mon-
tage de pièces détachées importées peut faire l'objet d'une
production de biens dans certaines grandes villes du pays,
te 11 es Abengourou, Da l oa , Gagnon, Man, Korhogo, etc •.•
Certainement, nous défendons une thèse idéaliste car
la stratégie de développement industriel régional ne corres-
pond pas nécessairement avec l'univers des firmes multinatio-
nales qui sont plutôt guidées par la rationalité capitaliste.
Ai.nsi, la concentration des industries à Abidjan bénéficie
des installations ou infrastructures économiques financières
par l'Etat (Canal de Vridi, Po r t , .. ) minimisant
les coûts
de transports, de distribution ••• L'ouverture du port de San
Pedro, second pôle de croissance, nia pas entraîné un dépla-
cement du la création des entreprises industrielles dans la
région de l'Ouest ou du Sud-Ouest. La concentration des indus-
tries à Abidjan a atteint plus de 70 % avec une polarisation
des investissements directs étrangers de plus de 82 %.
Ainsi, le caractère excentrique des industries ivoi-
riennes présente un double inconvénient comme d'ailleu~s les
industries en Afrique Noire Francophone. Le cas zaïrois illus-
tre parfaitement cette situation(l).
Sur le plan économique, la stratégie d'exportation des
min_es_.ciu_ Shaba orientée directement vers le marché mondial
bloque toute impulsion de développement à l'intérieur du
(1) L. LOLINGA et A. OTROU, Thp.se de 3e cycle, op. çit.

362.
Zaïre. De plus, les gisements miniers de Haut Shaba consti-
tuent une enclave obéissant à la même stratégie, sans oublier
les entreprises littorales de Kinshasa et du Bas-Zaïre qui
dépendent aussi du marché mondial par l'approvisionnement en
matiêres premières et inputs. Toutes choses égales par ail-
leurs, en Côte d'Ivoire, c'est la production agricole qui
détermine le système, dédoublée de la même structure des in-
dustries de substitution aux importations dépendantes de
1 1 extéri eur 0
Sur le plan social, il y a une certaine disparité entre
.1es régiond de Kinshasa et du Shaba et le reste du pays. Qui
plus est, représentant un peu plus du tiers de la population
nationale, ces deux régions détiennent 75 % de la production
manufacturière. La forte concentration industrielle revient à
Kinshasa avec près de 50 % de la production. On retrouve la
même 'If 0 cal i s a t ion gé0 gr a phi que Il des i ndus tri e s man ufa c tu r i è-
res au Togo: en 1980, sur 72 entreprises du secteur indus-
t r i e l , 58 d'entre elles sont concentrées à Lomé, soit plus
de 80 ~ de la polarisation des activités industrie11es(1).
Il en est de même en COte d'Ivoire où le capital mul-
tinational reproduit les mêmes disparités ou inégalités ré-
gionales à l'intérieur du pays. L'écart en terme de croissan-
ce et de niveau de vie entre Abidjan et les autres régions du
pays aggrave la pauvreté et la marginalisation des populations
rurales. Le phénomène de la IIS ud-Américanisation ll de la ville
d'Abidjan crée une situation de croissance urbaine
( 1 ) A. SCHWRATZ, L'entreprise industrielle togolaise en 1980.
Un contre-plaidoyer pour une industrialisation de l'Afri-
que à l'échelle nationale, in Entreprises et Entrepreneurs
Tome 2, op. cit. pp. 493-505.

363.
incontrôlée,
ayant pour conséquence immédiate, l'émergence
d'un double exode (1): agricole ("départ des travailleurs actifs
quittant l'agriculture") et rural
("départ des habitants des
zones rurales") vers Abidjan. Cette situation dramatique
nlest pas seulement spécifique
à
la Côte d'Ivoire. Dans le
cadre des économies de la périphérie sous-développée ou en
voie de développement, Michalet souligne que "le phénomène de
multinationalisation peut avoir des consé~uences indirectes
tout à fait néfastes. En règle générale, il accentue la ten-
dance à l'exode rural et au gonflement des bidonvilles. La
désertification des campagne accélère la réduction des cultu-
res vivrières tandis que les modèles de consommation urbaines
se répandent rapidement et accroissent la dépendance alimen-
taire n(2). En favorisant la concentration des industries dans
la région d'Abidjan, l'Etat et les filiales multinationales
contribuent à la reproduction des inégalités au plan national
et donc limitent ainsi toute diffusion du progrès technique
sur toute les autres composantes de l 'Econo~ie nationale.
2.3. ~es limites du transfert des techniques et des
connaissances
Les problèmes de la technologie étrangère et son trans-
fert ne sont pas spécifiques à l'économie ivoirienne mais
concerne l'ensemble des économies d'Afrique Noire Francophone.
Mais on peut, à partir du cas ivoirien, tirer des conclusions
générales sur l'impact du capital direct étranger sur la tech-
nologie dans la sous-région. S'agissant donc de la délocali-
sation industrielle sous l'égide des filiales multinationales,
( 1 ) P-H DERYCKE, L'économie urbaine, Collection Sup., PUF,
Pa ri s, 1970, p. 15.
( 2 ) C-A MICHALET, Le Capitalisme mondial, op. cit. pp.2Dl-2D2.

364.
on doit poser la problématique du transfert de technologie
à deux niveaux: le transfert des techniques et celui des con-
naissances, c'est-à-dire la formation des hommes.
1/ En ce qui concerne le transfert de technologie à
proprement parler, l'enquête a montré que ce terme est impro-
pre et que si l'on doit parler
de transferts de
techniques, c'est celui qui se produit généralement entre les
filiales implantées dans le pays d'accueil et les maisons-mères
à l'étranger et par conséquent n'ayant aucune diffusion sur
l'ensemble de l'économie nationale. L'implantation de SOLIBRA
a entraîné un transfert de technologie par le groupe ARTOIS
mais intégrée à l'espace dela firme; de même pour CAPRAL,
IVOIRAC et toutes les filiales de multinationales. La création
de NELCI, unité de montage de pièces détachées de radios et
télévisions, traduit une simple délocalisation par un transfert
de techniques répondant aux besoins de la firme mère japonaise
et non une technologie adaptée aux besoins de la Côte d'Ivoire.
De plus, la chaîne de montage de la SAFAR fonctionne selon
les mêmes principes et les mêmes pièces détachées que la maison-
mère RENAULT en France. Ici, l'essentiel du transfert de tech-
nologie se restreint à l'espace économique intégré à la firme
composée de la société mère RENAULT et de ses filiales à
l'étranger. Donc le problème du transfert prend toute sa di-
mension dans la concentration de la technologie à la maison
mère, car "c'est elle qui coordonne, planifie les programmes
de r e che r c hesr ët développement, sans pour autant impliquer les
filiales dans la totalité du projet, la synthèse des divers

365.
éléments se faisant dans le pays d'origine de la société
mère"(1). Ce que Grellet appelle "le transfert indirect"(2)
parce que ce sont les maisons-mères (NESTLE, AIR LIQUIDE,
CARNAUD) qui prennent l'initiative du transfert des techniques
par l'implantation des filiales (CAPRAL, SIVOA, SIEM .•• ) en
Côte d'Ivoire. C'est pourquoi, le transfert de technique est
assimilée à la livraison d'usines ou de technologie:aux filia-
les multinationales qui reproduisent tout simplement les tech-
nologies du centre sans opérer la moindre innovation: "1 e s
filiales utilisent des biens et des procédés de production
importés qui
incorporent des innovations. Mais celles-ci ne se
diffusent pas et restent la propriété exclusive des firmes.
En dehors des filiales, il n'y a pas un ensemble national
capable d'engendrer des innovations à travers un système
intégré de recherche du développement"(3). Même si transfert
de technologie il y a, les filiales interrogées considèrent
que cette technologie est dépassée et standardisée. La techno-
logie intrafirme transposée est idanaptée aux besoins réels
des économies africaines et constitue une véritable entrave
ou un blocage à leur développement.
2/ Dans la mesure où le transfert de technologie est
intrafirme -maison 'mère-filiale- on se demande comment le ca-
pital multinational peut-il contribuer à la formation des
industriels ivoiriens maîtrisant les technologies étrangères
et capables de créer des entreprises locales. En règle géné-
r-a l e-, h=<:apital direct étranger entraîne un ensemble de
(1) E. DESCAMPS et B. DESCAMPS, Les Sociétés multinationales,
op. cit, p. 78.
(2) G. GRELLET, Structures et stratégies du développement
économiqu&, op. cit. p. 296.
(3) M. IKONICOFF, Les multinati nales et le développement,
trois entreprises et la COte d'Ivoire, PUF LEZIN, Paris,
1979, p.187.

366.
technologies étrangères souvent trop compliquées pour la
main d'oeuvre locale. Or, si on ne forme pas en même temps sur
place du personnel technique et scientifique, le pays risque
de rester dans un état permanent de dépendance vis-à-vis de
l'étranger, sans prendre conscience progressivement des diffé-
rentes possibilités techniques offertes et les mieux adaptées
à ses propres besoins(l). Malheureusement, le phénomène de
manque de techniciens et d'ingénieurs, capables de maîtriser
la technologie,
ne serait-ce que copier,
se pose avec acuité
à l'économie ivoirienne. Même si les filiales multinationales
participent à la formation du personnel
par le biais des Cen-
tres de Formations nationaux,
et de temps en temps par l'envoi au
siège de la filiale d'ivoiriens pour se familiariser avec les
techniques du groupe, il faut faire observer que cette forma-
tion ponctuelle ne concerne que certaines tâches précises ré-
pondant à des besoins précis des filiales, et par conséquent
elle ne peut pas être qualifiée de transferts de connaissances.
L'envoi d'un ingénieur ivoirien au Japon par NELCr répond à
des objectifs précis de la filiale, conformément à la stratégie
de montage des pièces détachées de la maison mère et non à la
formation de l'ivoirien pour la maftrise des procédés de pro-
duction de ces pièces détachées. Une fois de plus, la posses-
sion du savoir-faire et la Recherche-Développement restent
l'apanage des firmes multinationales, et donc constituent
1 'u1 time source de 1eur domi nati on.
(1)
O.N.U., Directives pour l'étude du transfert des techniques
aux PV0, Do cumenJn-Q- rO/B 1 ACI III 9.

367.
CONCLUSION DU CHAPITRE
Du quatrième chapitre consacré aux spécificités du mo-
dèle ivoirien de la délocalisation industrielle, nous pouvons
tirer un certain nombre d'enseignements
1/ La stratégie de l'Etat face aux filiales multina-
tionales s'inscrit dans un cadre de collaboration et non de
confrontation. L'Etat concède aux entreprises étrangères, grâ-
ce au Code des investissements, des avantages tant douaniers
que fiscaux destinés à faciliter l'importation et la rentabi-
lité des capitaux étrangers;
2/ Malgré l'existence du Code des investissements, ga-
rant de la sécurité des entreprises étrangères, le capital
international ne s'exporte pas en masse dans notre pays. De
cette faible concentration des capitaux directs étrangers dê-
découle la
libre transférabilité des revenus au Centre, zone
d'origine des firmes multinationales. Ainsi, la réexport9tion
des capitaux -bénéfices des firmes et des salaires des tra-
vailleurs expatriés- obèrent la balance des paiements et limi-
te les conditions endogènes de reproduction du capital indus-
triel.
3/ La stratégie des firmes multinationales en Côte
d'Ivoire est une stratégie commerciale sanctionnée par la
création d'industries orientées vers le marché national. En
revanche~ les investissements liés aux nouvelles formes de
délocalisation (sous-traitance internationale, les usines
clés en main) et à la stratégie de promotion des exportations
sont encore limités voire embryonnaires. La situation de mo-
nopole dont jouissent les firmes étrangères leur confère une

368.
grande latitude caractérisée non seulement par la fixation
des prix intérieurs généralement élevés mais surtout l'accès
facile aux circuits financiers locaux en matière de finance-
ment des investissements. Ceci ne contribue pas nécessaire-
ment à encourager l'émergence d'entrepreneurs locaux.
4/ L'incidence des filiales multinationales sur les
grandeurs macro-économiques semble être limitée, surtout au
niveau de la valeur ajoutée, l'emploi et le transfert de
technologie. Mais cet impact limité sur l'économie ivoirienne
s'explique fondamentalement par la nature même des activités
industrielles délocalisées à coefficient de capital êlevé et
peu créatrices de valeurs ajoutées.

369.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Les tendances actuelles de la délocalisation indus-
trielle vers le Tiers Monde traduisent une reproduction des
inégalités dans les procès productifs nationaux. Ainsi, dans
cette étude, il a été fait référence à la démarcation des Nou-
veaux Pays Industriels (Amérique Latine et Asie du Sud-Est)
dans la nouvelle division internationale du travail. En effet,
les activités industrielles par les firmes multinationales
dans cette zone d'intérêt privilégié du capital mondial se
différencie de celles implantées en Afrique Noire Francophone
ces dernières étant caractérisées essentiellement par l'exis-
tence d'industries légères de mise en valeur des ressaurses
nationales (mines, agricoles) et de substitutions aux importa-
tions (mécaniques et électriques, chimie, textile et habil-
lement).
A la question concernant les spécialités de la déloca-
lisation industrielle en Côte d'Ivoire en comparaison péri-
phérique, ou régionale, les recherches et l'enquête effectuées
attestent que les caractéristiques de la stratégie de délocalisation
industrielle de notre pays sont celles de l'Afrique Noire Franco-
phone. Malgré une forte concentration des investissements
~ir~Q~angers en Côte d'Ivoire, comparativement aux au-
tres pays de la sous-région, la participation du capital mul-
-
-~--tc-'fnQt-i-e-naJ d~!1~ l' i-ncf1fStrialisation du pays s'exprime et se
limite à la juxtaposition de deux types d'industries situées
en amont (produits agricoles) et en aval (importations des

370.
biens de consommation intermédiaires du Centre). En outre,
la stratégie d'industrialisation fondée sur les mécanismes
de la nouvelle division internationale du travail
(industries
de transfert) n'intéresse guère le capital direct étranger
concentré dans les indistries légères.

371.
CONCLUSION GENERALE
de ta eoneent~a~on et de ta monopoti~ation du eapitat à
t'lehette du monde eapitati~te dont t'expan~ion de~ muttina-
tionate e~tt' exp~e~~ion eone~ète et ~e~ eon~ê.quenee~ - te
~en6o~eement du ea~aetè~e muttinationat du eapitat 6inaneie~
et du ea~aetè~e eo~mopotite de t'otiga~ehie 6inaneiè~e qui
dominent et ~ègnent depui~ te~ début~ de t'impé~iati~me 6U~
t'éeonopie eapitati6te mondiate - déte~minent te ~en~ gê.nl-
~at, t'o~ientation p~ineipate de ta tutte de eta~~e à t'éehet-
te ptanétai~e à t'lpoque aetuetteo Cette tutte ~e ~itue
ent~e une otiga~ehie 6inaneiè~e "muttinationate" de ptu~ en
ptu~ eo~mopotite et te~ ma~~e~ poputai~e~ qu'ette a~~ujettit
et exptoite dan~ tou~ te~ pay~ eapitati~te~ quet que ~oit te
deg~é de teu~ dévetoppement".
H.
CLAU DE
Les multinationales et l'impérialisme,
Editions sociales,
Paris,
1978, po 173.

372.
L'objet de cette thèse était de dégager les caracté-
ristiques de la dé1oca1isation industrielle en Côte d'Ivoire
à travers le processus des
investissements directs multina-
tionaux. Il serait certainement inopportun de redire à quel
point les capitaux directs étrangers appauvrissent et retar-
dent les économies africaines, singulièrement l'économie
ivoirienne, au lieu de combattre le sous-développement par
une véritable industrialisation autocentrée. Par ailleurs, la
sous-industrialisation du continent, malgré les quelques
résultats obtenus en terme de croissance du produit intérieur
brut, s'inscrit dans un cadre global d'extraversion et de
dépendance de nos économies intégrées à l'économie capitalis-
te mondiale. En effet, l'industrialisation de l'Afrique Noire
Francophone peut être qualifiée "de croissance industrielle
sans industria1isation"(I).
Mais le but de notre étude n'était pas de discuter
des conditions générales de l'industrialisation de la Côte
d'Ivoire. Notre intervention se situe au niveau de la saisie
e t de l' exp1i c a t ion des fa c te urs ex 0 gè ne s qui 0 bs t rue nt à
l'industrialisation de nos pays. C'est pourquoi, le capital
direct étranger et les filiales multinationales, agents de la
dé1oca1isation industrielle, ont constitué la cible de nos
réflexions. De l'indépendance à nos jours, la stratégie de
développement fondée sur le capital multinational conna1t un
échec parce que, d'une part, les transferts fabuleux des re-
venus d'investissements au Centre capitaliste, et d'autre
( 1) AKA EBAH, Croissance industrielle et politique d'intégra-
tion plurinationale entre pays en développement: le cas
des Etats de l'Afrique de l'Ouest. Thèse de Doctorat
d'Etat, Université de Clermont 1, Clermont-Ferrand, 1979,
p. 650.

373.
part le style de vie et la consommation de luxe de la bour-
geoisie d'Etat entretenue par les firmes multinationales, ré-
duisent ou bloquent les possibilités de l'élargissement de
la base de l t a c cunu l a t t on nationale.
En effet, suite à ce bilan fort triste de la politique
économique des pays d'Afrique Noire Francophone, que reste-
t-il à faire pour sortir du sous-développement, condition de
l'amélioration de la vie des masses populaires victimes des
calamités sociales?
Certains auteurs, comme Piatier, avait proposé un pro-
jet de politique mondiale qui permettrait de satisfaire les
besoins réciproques du centre et de la périphérie. Le projet
de Piatier consistait à conférer à certaines firmes un statut
mondial où un pays développant et un pays à développer parti-
ciperaient pour moitié (50 0/,) au capital. Dans ce système,
chauqe Etat aurait le même nombre de siège au Conseil d'Admi-
nistration et partagerait par moitié les bénéfices ou les
pertes. En outre, grâce à une clause de rachat obligatoire,
échelonée sur 15 ou 20 ans par exemple, le pays à développer
obtiendrait ainsi la pleine propriété de l'entreprise et des
moyens de production. Si on se réfère aux limites de l'indus-
trialisation sous l'égide du capital étranger, on serait amené
tout simplement à conclure que ce projet audacieux et "harmo-
ni e ux " reflète bien les· tenants et l es aboutissants de L' êc o-
nomie libérale suivie par la Côte d'Ivoire qui, depuis 1960,
a organisé toute l.ac.v-i e socio-économique sur la base de l'ap-
port de--e-a1l1taux étrangers. Les rêsultats concrets sont là
( 1 ) Ao PIATIER, L'Occident devant les pays sous-développés
une nouvelle politi~ue est-elle possible? in Economies et
Sociétés,Cahiers de l'ISEA, Tome 2, n° 9, Genève, septem-
bre 1968, pp. 1791-1827.

374.
pour montrer que la politique de coopération
à sens
unique,
prônée par Piatier est battue en brèche par les
stratégies
d'implantation et d'exploitation des firmes mul-
tinationales dans les pays sous-développés,
D'autres intellectuels et chercheurs, reconnaissant à
priori la crise économique et la vulnérabilité externe en
Afrique Noire Francophone, n'hésitent pas à rejoindre
Piatier
même differemment :
"Il nous semble plus réaliste de considérer qu1en raison des
blocages historiques de l'accumulation, seules des actions
d'aide et de co-développement accompagnant des changements
structurels internes et une réorganisation du système inter-
national, peuvent conduire à une meilleure gestion des rela-
tions extérieures et à une ma'tr;se accrue de celle-ci con-
duisant à une réduction des dépendances externes"(I). Comment
peut-on organiser des actions de co-développement et de coo-
pération entre des pays inégalement développés surtout quand
on sait que l'émergence de l'économie mondiale, d'ailleurs
en crise, traduit l'extension externe des rapports de produc-
tion capitalistes. L'essoufflement de la croissance économi-
que de la Côte d'Ivoire, ces dernières années, dément formel-
lement le postulat de la coopération réciproque, condition
d'une croissance "harmonieuse et équilibrée "•
La soumission de l'économie ivoirienne aux facteurs
de production étrangers et le manque d'une volonté nationale
de développement créent, comme le fait remarquer Valette, un
manque d'intégration du processus d'industrialisation
(1)
P. HUGON, Crise économique et vulnérabilité externe en
Afrique sub-saharienne, op. cit. p~ 193~

375.
"C'est un fait que le rôle des agents étrangers, qu'il
s'agisse d'entreprises et de salariés -européens au sommet
de l'échelle des rémunérations, africains à la base- l'absen-
ce dl industries de biens d'équipements, la taille réduite du marché,
limitant les possibilités de production de biens intermédiai-
res, la dichotomie du marché final induite par les disparités
des revenus- d'un côté la demande des ménages européens et de
la bourgeoisie nationale, de l'autre la demande de petits
salarié~ urbains et des populations rurales- sont d'autant
_d 1 é 1émen t s qu ira l e nt i s sen t les pro gr è s de l 1.i nt é, grat ion de
l'appareil industriel ivoirien"(l).
Clest vrai que la concentration des revenus entre les
mains des européens et de la bourgeoisie d'Etat, facteur de
l imitation du marché national, bloque 11 intégration du pro-
cessus d'industrialisation national parla provocation des
distorsions dans le modèle ou le système. Mais il faut encore
préciser que les facteurs, jouant en faveur du non élargissement
de la base industrielle, ne sont que des conséquences du sys-
tème. A l'origine, la rationalité du système national fondé
sur les lois du mode de production capitaliste, ici intro-
duit de l'extérieur, agit nécessairement sur toutes les caté-
gories économiques. Clest pourquoi, en COte dl Ivoire comme
partout ailleurs dans le Tiers Monde, "1 'industrialisation
amorcée s'inscrit dans un système mondial qui est défavorable
à l'élargissement de sa base sociale. Le fordisme,
ici, ne
s'accompagne pas de socio-démocratie ouvrière. Le débouché
de la production industrielle nouvelle est davantage axé sur
(1) A. VALETTE, Résultats et réflexions sur une étUde empiri-
que de l'industrialisation de la Côted'Ivoire, op. c i t ,
p. 49.

376.
la demande des classes moyennes en expansion et moins sur la
consommation ouvrière. Les contraintes globales de la techno-
logie moderne, que la compétitivité impose, appellent des
importations massives d'équipements, de savoir-faire, de ca-
pitaux qu'il faut payer en acceptant de rémunérer le travail
industriel à des tarifs largement inférieurs pour pouvoir ex-
porter. L'échange inégal -expression de ces rapports de
classes- trouve ici sa place 10gique"(l).
Comme on peut le constater, la stratégie de l'extra-
version industrielle fondée sur les facteurs exogènes du
système constitue un· approfondissement des mécanismes de
l'échange inégal qui obstrue à la dynamique de l'accumulation
interne. De plus, la prise en compte de la voie du capitalis-
me d'Etat, appliquée dans les économies sous-développées,
propulse et reproduit de nouvelles formes de dépendance et
d'extraversion en matière de technologie et de capitaux, de
financement des plans nationaux de développement et de régu-
lation sociale.
Cependant, la réaction à la domination économique exté-
ri eu r e et à 1 ' ex pl oi ta t i on , des pays du Ti ers Mon de on t, de -
puis 1973, engagé une remise en cause des termes de l'ancien-
ne division internationale du travail -pays primaires et
pays industrie1- par la revendication d'un nouvel ordre écono-
mique international (2). Cette revendication était présentée
comme la condition nécessaire et suffisante pour atteindre
( 1 ) s. AMIR._la déconnexion, poursorti~ du système mondia,
op. cit. p. 3I.
( 2 ) à la CNUCED
pour l'établissement d'une charte des droits
et des devoirs économiques des Etats; à l'QUA par l'adop-
tion d'une charte de l'indépendance africaine; à Alger
la Conférence des Non-alignés et à Paris la Conférence
.Nord-Sud.

377.
l'indépendance économique, fondement de l'indépendance poli-
tique. Que recouvrait cette notion de nouvel ordre économique
international pour l'ensemble de la ~ériphérie si ce n'est
que la volonté d'imposer un relèvement réel des prix des ma-
tières premières du sol et du sous-sol
, permettant de finan-
cer l'importation de biens d'équipements et de technologies
d'une part, et de négocier une redistribution des fruits de
la croissance industrielle mondiale permettant l'accès aux
marchés des pays du centre, des produits manufacturés du
Tiers Monde d'autre part.
En réponse à cette revendication nouvelle,
expres-
sion d'une libération économique, les pays développés à écono-
mie de marché ont procédé à un redéploiement de certaines
activités industrielles vers la périphérie sous le contrôle
direct des firmes multinationales. Cette délocalisation
industrielle vers le Tiers Monde a. favorisé la "spécialisa-
tion industrielle" de certaines zones périphériques oJ fut
amorcée une industrialisation d'exportation fondée sur l'exis-
tence et la disponibilité d'une main-d'oeuvre abondante à
bon marché. Or, non seulement, la nouvelle spécialisation
industrielle ne constitue en rien une nouvelle étape dans le
développement et l'épanouissement des formations sociales
périphériques comparativement au centre où se réalisent les
trois quarts de la production industrielle mondiale, mais
elle a stratifié la périphérie en plusieurs zones d'intérêts
privilégiés du capital multinational créant ainsi l'inégal
développement.
Alors, la revendication pour un nouvel ordre économi-
que international concentré autour de certaines bourgeoisies

378.
nationales périphériques, particulièrement brésilienne et
coréenne, encore moins ivoirienne ou ouest-africaine n'indique en
rien une rupture ou une remise en cause de l'économie mondiale
capitaliste. Bien au contraire, en tant que bourgeoisies
dépendantes, elles reproduisent les mécanismes de sous-déve-
loppement et les inégalités et sont incapables d'assurer la mise
en oeuvre des nouvelles orientations qui s'imposent. L'inté-
gration de plus en plus marquée à l'économie mondiale de la périphérie
n'est pas développement parce qu'il est scandaleux de se faire nommer
nouveaux pays industriels quand on a plus de 75 ~ de la popu-
1ation qui vit dans la misère, la famine, victime de 1 laccu-
mu1ation capitaliste mondiale comme le cas du Brésil où bidon-
villes et gratte-ciels cohabitent.
Dans ces conditions, si le fait multinational entre-
tient et reproduit les inégalités à la périphérie, que faut-
il faire pour sortir du sous-développement? Si tel est le
cas, est-ce que les pays du Tiers Monde peuvent se passer
des firmes multinationales dans le déve10ppement(1) ou bien
doivent-J1s faire preuve d'un effort d'autocentrage visant à
maîtriser les activités des firmes multinationales et à
l'émergence de la créativité endogène(2). Le point central
de la réorganisation de la stratégie du Tiers Monde nlest
pas principalement de refuser les firmes multinationales
mais celui de l'expression d'une volonté nationale du dévelop-
pement qui
s'intègre à la stratégie de l'autonomie collective
impliquant selon OTEIZA et SERCOVIC(3)
( 1 ) J. MASINI, Multinationales et pays en développement,
IRMPUF Genève, 1986.
(2)
C. OMINAMI, Le Tiers Monde dans la crise, Editi~ns la
Découverte, Paris, 1986.
( 3 ) E. OTEIZA et F. SERCOVIC, Collection self - re1iance, sorne
~ld an new issues, Institute of Deve10pment StudiesUni-
versity of Sussex, Juillet 1976.

379.
1. la rupture des liens de domination mis en oeuvre
par des pays dominants â travers leur contrOle du "système
internationa" ;
20 La mobilisation intégrale des ressources et capa-
cité internes;
3. Le renforcement du lien et de la coopération entre
pays en développement ;
4. Et enfin, la réorientation des efforts de développe-
ment de manière â satisfaire les besoins sociaux essentiels
des populations.
L'autonomie collective n'est pas â priori l'autarcie
comme le croiraient certains. Le fondement de l'autonomie
collective est le rejet ou la remise en cause des termes ac-
tuels de la division internationale du travail caractérisée
par l'inégal développement qui ne permet pas de résoudre les pro-
blêmes du développement de la périphérie. Contrairement aux
apologistes des relations économiques internationales basées
sur le statu quo, la stratégie de l'économie collective pose
la nécessité de déconnecter par rapport au système capitalis-
te mondialisé. La démarcation du marché mondial capitaliste,
ici la rupture, procède de la maîtrise du procès d'accumula-
tion(l)
- "la maitris~ locale de la reproduction de la force
de travail (ce qui suppose â un premier stade que la politi-
que d'Etat assure un dévelopement agricole capable de dégager
(1) S. AMIN, La déconnextion pour sortir du système mondial,
op. cit. pp. 26-27.

380.
des surplus vivriers en quantités suffisantes et à des prix
compatibles avec les exigences de la rentabilité du capital,
et à un second stade, que la production de masse de biens sa-
lariaux puisse suivre simultanément l'expansion du capital et
celle de la masse salariale)
- "La ma t t r t s e locale de la centralisation du surplus
(ce qui suppose non seulement l'existence formelle d'institu-
tions financières nationales mais encore leur autonomie rela-
tive par rapport aux flux du capital transnational) garantis-
sant la capacité nationale à en orienter l'investissement
- "La ma'trise locale du marché (largement réservé en
fait à la production nationale, même en l'absence de fortes
protections tarifaires ou autres) et la capacité complémen-
taire d'être compétitif sur le marché mondial, au moins sé-
lectivement ;
- "La ~aftrise locale des ressources nationales natu-
relles (qui suppose, au-delà de leur propriété formelle, la
capacité de l'Etat national de les exploiter ou de les garder
en réserve; en ce sens que les pays pétroliers qui ne sont
pas libres en fait de "fermer le robinet" - s'ils venaient à
préférer garder ce pétrole dans leur sous-sol plutôt que de
posséder des avoirs financiers dont on pourrait à tout moment
les exproprier- n'ont pas cette ma'trise)
;
- #!nfin, la ma1trise locale des technologies en ce
sens que, inventées largement ou importées, celles-ci peuvent
être reproduites rapidement sans qu'on soit contraint indéfi-
niment d'en importer les inputs nécessaires (équipements,
savoir-faire, etc.)".

381.
Les propos de S. AMIN limitent pour une approche nouvel-
le et différente du développement et de la coopération en
Afrique Noire et singulièrement en COte d'Ivoireu Par là, la
ma1trise du procès d'accumulation par la bourgeoisie et
l'Etat locaux passe nécessairement par une ma1trise du proces-
sus de changement social sans l'impulsion d'une intervention
extérieure. Dès lors, c'est la domination extérieure qui est
l'obstacle le plus sérieux à l'émergence d'un développement
véritablement national axé sur la dynamique interne de la
société africaine (1)
C'est pourquoi, finalement, nous soutenons la straté-
gie de la rupture qui va transformer profondément la nature
des relations économiques et politique entre l'Afrique Noire
et les pays du Centre. Par ailleurs, nous avions montré que
la stratégie de la rupture pose la question de la division
régionale ou sous-régionale du travail caractérisée p~r un
processus d'intégration auto-centrée (intégration par la pro-
duction) par opposition à une intégration extravertie (inté-
gration par les marchés) reproduisant les inégalités de l'ac-
tuelle division internationale du travail(2). En outre, la
division sous-régionale du travail est caractérisé par la
créat ion d'un espace économi que cohérent et défini par l'existence
des dotations factorielles naturelles des pays concernés
et l'utilisation collective, sur la base d'une planification
- -
conséquente, des ressources financières pour financer les
- - -- -
-P~Qj ~~ SÇOJ1'lID_Unal!ta i r ~_S d e~ é ve 10 ppemen t • Ainsi, 1a di vi sion
----------------
( 1) Co COMELAN, Désastre en Afrique Noire? Pour une clarifi-
cation du débat, in La nouvelle industrialisation du
Tiers Monde, Tome XXVII, n° 14, juillet-septembre 1986.
( 2)
Au OTROU, Mode de production capitaliste, divi~ion inter-
~ation~le du travail et la question des intégrations
economlques dans les pays sous-développés: une hypothèse
de travail, Annales de l'Université
d'Abidjan, op. c i t .

382.
régionale ou sous-régionale du travail bat en brèche la dé-
suète et traditionnelle division internationale du travail
d'une part~ et favorise une politique agro~pastorale et une
industrialisation de base entraînant une transformation radi-
cale et efficiente des ressources nationales d'autre part(1).
Donc, la limitation du capital étranger pourrait in-
tervenir dans le cadre de cette division sous-régionale du
travail grâce à l'utilisation collective des ressources finan-
cières et matérielles d'une part~ et la création d'unités de
production communautaires où le capital sous-régional serait
dominant et orienterait les objectifs de développement d'au-
tre part. En revanche, l'importance du capital sous-régional
n'exclut nullement la participation du capital étranger dans
le procès d'intégration mais l'investissement de ce dernier
doit s'opérer dans les secteurs prioritaires en fonction des
plans de développement et conformément aux intérêts des popu-
lations africaines. Les chances de la COte d'Ivoire de sortir
du sous-développement est à ce prix, et non dans un cadre
isolé. Pour mener à bien la stratégie dt nt ëqr e t t on , l'atti-
tude face au capital exige nécessairement une volonté politique
des Etats de la sous-régionale qui permettait de réduire con-
sidérablement l'influence et la domination des firmes multi-
nationales.
(1) La problématique de la division sous-régionale du travail
a été l'objet d'un Colloque sur les intégrations en
Afrique de l'Ouest~ organisé par l'Université Abdel Gamal
Nasser à Conakry en avri 1 1980. Tous 1es en sei gnants et
chercheurs présents à ce colloque étaient unanimes autour
du concept d'intégration par la production par opposition
au cadre traditionnel des intégrations du type CEAO et
CEDEAO qui ne représentent que le prolongement des rela-
tions CEE-Afrique Noire dans le marché mondial.

383.
Voila globalement l'ensemble des idées que nous propo-
sons dans la thèse consacrée, rappelons-le, à la délocalisa-
tion industrielle sous la houlette des firmes multinationales
et du capital direct étranger. La thèse -d'ailleurs limitée
et insuffisante, mais instructive et constructive parce qui
elle a osé soulever des problèmes actuels- sera approfondie,
au cours de nos recherches ultérieures,
gràce à un élargis-
sement de l'enquête, non seulement au secteur industriel,
mais aussi aux banques multinationales et les multinationales
de services. A moyen ou long terme, notre travail va débou-
cher, en perspective, sur un vaste projet de recherche con-
cernant la nature et les activités des firmes multinationales
en Afrique.

384.
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398.
LE QUESTIONNAIRE
A. GENERALITES SUR VOTRE ENTREPRISE
1. Quel est le nom de votre entreprise?
2. Quelle est la date d'implantation de l'entreprise?
30 Quel est le groupe d'origine?
40 Quels sont les biens produits par votre entreprise?
5. Dans quelle branche industrielle votre entreprise
est-elle classée selon la nomenclature définie
par le Ministère de llIndustrie •
B. MOBILES ET MODALITES DI IMPLANTATION DE VOTRE ENTREPRISE
6. Quels sonts les mobiles dlimplantation de
llentreprise ?
7. Quelles sont les modalités dlimplantation
- création dlune nouvelle entreprise?
- Rachat dlune entreprise déjà existente ?
- Participation?
8. Quelle est la répartition du capital de votre
entreprise?

399.
C. TAILLE DE VOTRE ENTREPRISE
9. Quelle est l'évolution de la production de
l'entreprise depuis 1980 (si possible en %) ?
10. ~uelle est l'importance relative de l'entreprise
dans la valeur ajoutée locale depuis 1980
(si possible en %) ?
Il. quelle est l'évolution du chiffre d'affaires de
l'entreprise depuis 1980 ?
12. Quelle est l'évolution du personnel employé?
13. quelle est la proportion des ivoiriens dans les
catégories suivantes :
- Cadres ?
- Maftrise ?
- Employé s ?
- Ouvriers ?
- Divers?
14. Quelle est l'évolution des investissements réali-
sés depuis 1980 ?
D. MARCHE ET FINANCEMENT DE VOTRE ENTREPRISE
15. Quelle est la répartition du montant des ventes
selon les origines suivantes (en r,) ?
- Marché local ?
- Marché groupe?
- t1a r-e hé CEE ,
- Autres marchés ?

400. ,
16. Quelle est la répartition des achats (inputs)
selon les origines suivantes (%)
- Fournisseurs locaux
?
- Groupes ?
- Autres fournisseurs ?
17. Quelles sont les modalités et financement de
votre entreprise
- Fi nancement local ?
- Financement intergroupe?
- Financement international ?
E. POLITIQUE DU PAYS D'ACCUEIL
lA. Quels sont les types d'avantages accordés par
l'Etat?
19. La Côte d'Ivoire est-elle hospitalière aux entre-
prises étrangères?
F. TRANSFERT DE TECHNOLOGIE
20. Quels sont les moyens de formation mis à la dis-
position du personnel de votre entreprise?
21. Votre entreprise sous-traite-t-elle avec des entrepr-i ses
locales étrangères?
Si oui, quelle forme d'assistance apporte votre
entreprise à ses sous-traitants locaux?
22. De façon générale que pensez-vous du transfert
de technologie en Côte d'Ivoire?

4010
LISTE DES TABLEAUX
CHAPITRE 1 - DE LA DELOCALISATION INDUSTRIELLE
PROBLEMATIQUE ET DIMENSION
1. Mouvements mondiaux des investissements directs
selon les divers groupes de pays
44
2. Actif
correspondant aux investissements directs
effectués à l'étranger par les pays développés
à économie de marché par pays hôte 1967-1975
45
30 Concentration des investissements directs dans le
monde
1970-1972 et 1978-1980 (%)
47
4. Répartition par pays d'origine des courants d'in-
vestissements directs en provenance des pays à
économie de marché (en %)
49
5u Répartition du stock d'investissement direct à
l'étranger par principaux pays (%)
51
6. Répartition par pays de destination des flux d'in-
vestissements directs entre pays industrialisés (%)
52
7. Répartition sectorielle de l'investissement direct
net des grands pays
55
8. Répartition sectorielle de l'investissement améri-
cain (stocks d'actifs) selon les zones, en %
56
9. Les filiales multinationales en 1969
58
10. les filiales multinationales en 1980 (%)
60
Il. Concentration géographique des filiales de production
dans les principaux pays industrialisés en 1980 (%)
61
12. Part moyenne des flux vers les PVD (en % des flux
d'investissements directs)
66
130 Flux d'investissement direct vers les pays en déve-
loppement : ventilation partielle par pays investis-
seurs (millions de ~ USA courants)
67
14. Répartition du stock d'investissement étranger direct
selon les pays d'accueil en 1971-1980 (14 %)
69
15. Encours à fin 1978 des investissements privés directs
(bénéfices réinvestis compris) des pays du CAD dans
les pays en développement (millions de dollars)
70
16. Répartition du stock d'investissements directs reçus
par les PVD (1967-1978)
71

402.
17. Répartition du stock d'investissements directs des
pays du CAO dans les PVD (%)
73
18. Concentration des investissements étrangers directs
dans les PVD en 1970
76
19. Concentration des
investissements étrangers directs
dans les PVD en 1972
78
20. Part des PVD dans le montant total des investisse-
ments étrangers directs dans l'industrie manufactu-
rière provenant de quatre grands pays d'investis-
sement (en %)
80
21. Etats-Unis et Japon - Répartition régionale des
investissements étrangers directs dans le secteur
manufacturier des PVD (en %)
80
22. Part des industries dans le montant total des
investissements étrangers directs dans l 'indu~trie
manufacturière des PVD en provenance de quatre
grands pays en 1980 (en %)
82
23. RFA: Sortie d'investissements étrangers directs-
dans le secteur manufacturier en 1980 (~)
84
24. Japon: Répartition sectorielle des investissements
étrangers directs en 1951-1980 (%)
85
25.
Pays en développement sélectionnés: croissance de
l'industrie manufacturière, 1970-1980
87
26. Concentration des filiales des firmes multinationales
dans les PVD en 1980, par principaux pays industria-
Jisés d'origine (%)
,
89
27. Principaux pays d'implantation des filiales des
FMN des pays industrialisés en 1980 (%)
91
28. Concentration des filiales des FMN en Amérique
Latine et en Asie du Sud-Est en 1980 (%)
92'
29. 'Salaires horaires moyens de la main-d'oeuvre dans
les usines de montage - Etats-Unis/PVD (1970, en
dollars américains)
99
30. Salaires horaires dans l'industrie textile
(dollars US) en 1984
100

403.
Page
CHAPITRE 2 - DES CARACTERISTIQUES DE LA DELOCALISATION
INDUSTRIELLE EN AFRIqUE
1. Exportation des comptoirs du Gabon 1965-1976
140
2. Nombre d'implantations de la SCOA
142
3. Nombre de Sociétés Concessionnaires et leur
capital au Congo
147
4. Emission des Sociétés Françaises dont le siège
d'exploitation est en AEF ou AOF
151
5. Constitution de sociétés et augmentation de capital
en Afrique 1949-1953
152
6. Evolution des investissements étrangers en
Afrique
1908-1959
153
7. Concentration du capital métropolitain français
1914 et 1940
156
8. Répartition des investissements privés aux
Colonies
1914-1940
156
9. Concentration du capital privé américain dans
les territoires coloniaux
1929-1959
157
10. Concentration sectorielle des investissements
privés 1914-1940
160
Il. Répartition par secteur des capitaux privés français
investis en Afrique Tropicale Française
1900-1958
160
12. Concentration des investissements directs des pays
de l'OCDE dans le Tiers Monde
1970-1978
174
13. Répartition géographique du capital colonial
français en 1914 et 1940 (%)
175
14. Concentration industrielle des investissements directs
étrangers des USA dans le secteur manufacturier
1977
177
15. Concentration des investissements directs nets des
principaux pays africains en 1970 et 1980
179
16. Concentration des filiales des firmes multinationales
des pays développés a économie de marché en
Afrique
1980·
181
17. Investissements directs étrangers dans le secteur
manufacturier de quelques pays africains en 1979-1980
183
18. Concentration du capital étranger dans le secteur
manufacturier de quelques pays africains en 1979-1980
184.

404.
CHAPITRE 3 - DES RESULTATS DE L'ENQUETE ET DELOCALISA-
TION INDUSTRIELLE
1. Ensemble des investissements industriels cumulés
(milliards de FCFA)
205
2. Evolution des investissements bruts cumulés (%)
207
3. Concentration des investissements industriels
annuels (%)
208
4. Concentration des capitaux étrangers dans
l'industrie alimentaire (%)
214
5 • Concentration du capital étranger dans le secteur
manufacturier en 1983 (%)
222
6. Part du marché national
(% )
226
7 • Part du marché mondial
(%)
226
8. Ra ti 0
Exportation/Production vendue ( %)
227
9-10. Caractéristiques générales des filiales multina-
tionales
236 - 237
Il. Modalités et mobiles d'implantation
243
12. Répartition du capital social des filiales
multinationales en 1985/1986 (%)
247
13. Politique du pays d'accueil
249
14. Investissements bruts cumulés (millions de FCFA)
252
15. Concentration des investissements directs multina-
tionaux annuels (milliards de FCFA)
254
16. Evolution de 1a production (en milliards de FCFA)
256
17. Evolution de 1a valeur ajoutée (en milliards de FCFA)
258
18. Evolution du chiffre d'affaire (milliards de FCFA)
260
19. Evolution des effectifs salariés
262
20. Part des ivoiriens dans 1es effec tifs globaux (%)
263
21. Coûts des matières premières utilisées dans la
production (milliards de FCFA)
266
22. Degré de dépendance en matières premières locales (%)
267
23. Degré de dépendance en matières premières vis-a-vis
de t a maison-mère (%)
268

405.
~:
24. Part des aut r e s zones dans les achats de,
matières premières (% )
270
25. Ventes totales en milliards de FCFA
273
26. Pa rt du marché local dans les ventes totales ( %)
274
27. Proportion vendue à la maison-mère (en %)
275
28. Part des autres zones dans les ventes totales ( %)
276
29. Modalités de financement des filiales
279
30. Transferts de techniques et formation du personnel
281

406.
~
CHAPITRE 4 - FIRMES NATIONALES ET STRATEGIES DE
DELOCALISATION INDUSTRIELLE
1. Concentration des investissements directs et
rapatriement de bénéfices (milliards de FCFA)
305
2. Part de l'étranger dans le total des bénéfices
distribués (en %)
306
3. Rapatriement des bénéfices par les filiales
multinationales (%)
308
4. Concentration du capital public dans le secteur
industriel (en %)
311
5. Concentration du capital dans le secteur
industriel en 1983 (%)
313
6. Concentration du capital national
dans les
filiales de multinationales (en %)
314
7. Concentration multinationale du capital en 1985
319
8. Coefficient de capital des filiales de
324
multinationales
9. Banques étrangères intervenant dans le financement
industriel national (%)
331
10. Total des effectifs employés dans le secteur
industriel
337
Il. Emplois créés par les filiales de multinationales
339
12. Proportion des ivoiriens dans les catégories socio-
professionnelles en 1985 ("%)
340
13. Salaires totaux distribués (millions FCFA)
343
14. Part des ivoiriens dans le total des salaires
distribués (%)
345
15. Pa rt des expatriés dans le tota l des salaires
distribués (%)
346
16. Salaire mensuel dans l'industrie en 1980 et 1984
(en FCFA)
448
17. Ratio Exportation/Production vendue (%)
351
18. Balance des paiements extérieurs de la COte
d'Ivoire résumée (en milliards FCFA)
353
19. Formation du produit intérieur brut national
(%).
357
20. Evolution de la valeur ajoutée industrielle et du·
produit intêrieurbrut (millions de FCFA)
.
358
21. Contribution des différentes branches à la valeur
ajoutée industrielle(%)
359

407.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE
1
PREMIERE PARTIE - LE PHENOMENE DE LA DELOCALISATIDN
23
INDUSTRIELLE DANS LE TIERS MONDE
INTRODUCTION
24
CHAPITRE 1 - DE LA DELOCALISATION INDUSTRIELLE
PROBLEMATIQUE ET DIMENSION
27
INTRODUCTION
28
SECTION 1 - MONDIALISATION DE L'ECONOMIE,
POLARISATION INTERNATIONALE DES
INVESTISSEMENTS DIRECTS ET DES
30
FILIALES DE FIRMES MULTINATIONALES
1. Théorie léninienne de l'impérialisme et
problématique de la délocalisation indus-
trielle
30
2. Stratégie des firmes multinationales et
formes de la délocalisation de la produc-
tion industrielle
35
2.1. Stratégie de délocalisation fondée
sur l'implantation de la filiale-
relais
36
2.2. Stratégie de délocalisation fondée
sur l'implantation de la filiale-
atelier
40
3. La concentration de la production indus-
trielle au Centre: point de départ des
activités des firmes multinationales
43
3.1. Tendances globales de la concentra-
tion mondiale des investissements
directs
43
302. Concentration géographique des inves-
tissements directs internationaux
48
3.3. Concentration sectorielle des
investissements directs
53
3.4. Concentration des filiales multina-
tionaleset hiérarchisation du
système productif
57

SECTION 2 - DES TENDANCES DE LA DELOCALISATION
DE LA PRODUCTION INDUSTRIELLE VERS
LE TI ERS MONDE
63
1. Tendances actuelles de la concentration des
investissements étrangers directs et des
filiales multinationales
64
1.1. Répartition des investissements directs
étrangers par pays d'origine
65
1.2. Répartition des investissements directs
étrangers par pays destinataire
68
1.3. Tendances des investissements directs
dans l'industrie manufacturière
75
1.4. Firmes multinationales et concentra-
tion des fil iales
86
2. Les facteurs explicatifs de la délocalisa-
tion industrielle
93
2.1. Stratégies d'implantation des firmes
et disparités internationales
94
2.1.1. Les hypothèses de Michalet
94
2.1.2. La différence des coOts salariaux 97
2.1.3. L'existence d'un marché inté-
rieur vaste comme déterminant
de délocalisation
102
2.1.4. Cycle de vie du produit et
motivation stratégique des
firmes multinationales
105
2.2. Stratégie des pays d'accueil et la
mise en place des stimulants aux
investissements directs étrangers
108
3. Modalités d'implantation, nouvelles formes
d'investissement et délocalisation indus-
trielle
112
3.1. Définition et typologie des nouvelles
formes d'investissement
113
3.1.1. Les coentreprises ou entrepri-
ses conjointes
115
3.1.2. Les usines clés en main
117
3.1.3. La sous-traitance internationale 120
3.2. Des anciennes aux nouvelles formes
d'investissement: continuité ou ruptu-
re dans les stratégies d'implantation
des firmes multinationales
126
CONCLUSION DU CHAPITRE
130

TION INDUSTRIELLE EN AFRIQUE
134
INTRODUCTION
135
SECTION 1 - APPROCHE HISTORIQUE DE L'EXPORTATION
DU CAPITAL ETRANGER ET CARACTERISATION
DE LA PROBLEMATIQUE DE DELOCALISATION
136
1. La mise en valeur coloniale
137
1.1. Le règne des compagnies à charte et
pr i vil àqe s
137
1.2. Les comptoirs fortifiés et les
factoreries
139
2. Investissements étrangers et développe-
ment des sociétés coloniales
143
2.1. La création des sociétés concession-
naires
143
2.2. Grandes entreprises coloniales et
concentration du capital étranger
148
2.2.1. Tendances globales de la
concentration
148
2.2.2. Concentration géographique
des capitaux coloniaux
154
2.2.3. Concentration sectorielle des
capitaux coloniaux
158
SECTION 2 - DESENGAGEMENT DU CAPITAL COLONIAL,
EVOLUTION DE L'INVESTISSEMENT DIRECT
ETRANGER ET STRATEGIES DES FIRMES
MULTINATIONALES
165
1. De la colonisation aux indépendances:
les caractéristiques industrielles des
économi es a fri ca i nes
166
1.1. Désengagement du capital colonial et
redéploiement vers le secteur indus-
triel
166
1.2. Faible niveau d'industrialisation de
l'Afrique par rapport aux autres PVD
168
1.3. La délocalisation industrielle con~
cerne effectivement la création d'in-
dustries locales orinetées vers la
demande domestique
170
2. Faible concentration du capital interna-
tional et concentration capitaliste
172
2.1~ Orientation sélective des investis~
sements directs étrangers etdispari-
tés périphériques
173

capital étranger et différenciation
des systèmes productifs en Afrique
Noire Francophone
178
3. Stratégies d'implantation des firmes multi-
nationales en Afrique Noire Francophone
183
3.1. Modalités d'implantation: recours
aux anciennes ou nouvelles formes
d'investissement
184
3.2. La disponibilité de matières pre-
mières minières ou agricoles reste
le mobile déterminant de la dé1oca-
1isation
187
3.3. Le mobile lié à la stabilité politi-
que dans la stratégie d'implantation
des firmes multinationales
190
CONCLUSION DU CHAPITRE
193
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
195
DEUXIEME PARTIE
LE MODELE IVOIRIEN DE DELOCALISATION
INDUSTRIELLE
196
INTRODUCTION
197
CHAPITRE 3 -
DES RESULTATS DE L'ENQUETE ET DELOCALI-
SATION INDUSTRIELLE
201
INTRODUCTION
202
SECTION 1 - CARACTERISTIQUES DES PRINCIPAUX
SECTEURS INDUSTRIELS CONCERNES PAR
L'ENQUETE
203
1. De l'évolution des investissements
industriels
204
2. Les secteurs industriels liés à
l'enquête
211
z..i . Le secteur alimentaire
212
2.2. Le secteur chimique
215
2.3. Le secteur mécanique et électrique
217
2.4. Le secteur textile et habillement
219

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1
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~ 1 \\J LI U
1 , .
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1 III .., 1 Q Il "" Q
""
1 V I '
dans les secteurs industriels concernés
221
3.1. Anciennes ou nouvelles formes
d'investissement
222
3.2. Formes de délocalisation : filiales
relais ou ateliers
224
SECTION 2 - RESULTATS DE L'ENQUETE ET OBSERVATION
EMPIRIQUE DE LA DELOCALISATION
INDUSTRIELLE
228
1. Justification de l'échantillon
229
1.1. D'abord le capital
social et le
volume des investissements
232
1.2. Ensuite le montant du chiffre
d'affaire
233
2. Caractéristiques générales définissant
l'ensemble des filiales
234
2.1. Localisation dans le temps et dans
l'espace
234
2.2. Nature des activités délocalisées
et produits fabriqués
238
2.3. Concentration géographique des
filiales selon l'origine des
mai sons mères
240
3. Mobiles et madalités d'implantation des
filiales
242
3.1. Mobiles d'impl.~ntation
242
3.2. Modalités d'implantation
244
3.3. Origine du capital et concentration
multinationale
245
3.4. Attitude du pays d'accueil
248
4. Données macro économiques liées à la
taille des filiales
250
4.1. Volume des investissements directs
réalisés
251
4.2. La production et la valeur ajoutée
255
4.3. Le montant du chiffre d'affaire global 259
4.4. Les données concernant l'emploi
261
5. Rapport des filiales avec les maisons-mères 264
5.1. L'approvisionnement en matières
premières ou inputs
265
5.2. Les ventes de produits des filiales.
aux maisons mères
271


..., • w .
.....
1 . l ' _
, . "'"' "'"' lU ..... Il'''
_
.....
_
1
• 1


••• _
• •
_ _
filiales
277
5.4. Le transfert des techniques et la
formation du personnel
280
CONCLUSION DU CHAPITRE
282
C~APITRE 4 - FIRMES MULTINATIONALES ET STRATEGIES
DE DELOCALISATION INDUSTRIELLE
283
INTRODUCTION
284
SECTION 1 - DELOCALISATION INDUSTRIELLE, STRATEGIES
DE L'ETAT ET STRATEGIES DES FILIALES
MULTINATIONALES
285
1. Stratégie de l'Etat
285
1.1. Politique économique et stratégie de
développement industriel
286
1.1.1. Contexte socio-économique de la
stratégie de l'Etat
286
1.1.2. Périodis~tion de la stratégie de
développement industriel de
l'Etat
289
1.1.2.1. 1960-1970 : la stratégie
d'industrialisation fondée sur
la production de substitution
aux importations
289
1.1.2.2. 1970-1980 : la stratégie de
promotion des exportations
291
1.1.2.3. 1980-1985 : les tendances
actuelles de la stratéqie de
développement industriel
294
1.2. Rôle économique de l'Etat, politique
d'incitation et d'accompagnement de
l'investissement direct étranger
296
1.2.1. Code des investissements, atti-
tude de l'Etat et stimul ants à
l'investissement direct étranger
296
1.2.1.1. De l'ancien au nouveau code des
investissements: rupture ou
continuité
298
1.2.1.2. Les avantages .liés à l'implan-
tation des filiales
300
1.2.1.3. Les avantages liés à l'exploi-
tation des filiales
301
1.2.2. Accumulation multinationale,
désengagement de l'Etat et
transferts de bénéfices
302
-'$,