UNIVERSITE PARIS VIII (ST DENIS)-PARIS X (NANTERRE)
THESE DE DOCTORAT DE 3èmeCYCLE (ECONOMIE)
Présentée par Geo~ges Antoine ACHIEPO~~
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* LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS
AGRICOLES D'EXPORTATION EN COTE
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D'IVOIRE ( l'exemple du cacao - caf~ ) *
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J URY
PRESIDENT
Michel BEAUD
·
·
Professeur
SUFFRAGEANT
PhYlippe HUGON
··
Professeur
Pierre Phyllppe REY :
Professeur
DIRECTEUR DE RECHERCHE : M. BEAUD
1980/81
Je tiens a remercier les responsables
du Bureau du Développement de la Production Aqr ico l e (BOP.A.).
de l'Institut National de Ia Consommation. de 11 Institut ~Ja-
tional d'Etudes Démographiques, des Archives Nationales d'Ou-
tre-Mer, du Syndicat National de 1 IIndustrie et du COr.1merce
du Café, du Syndicat National des Importat2urs du'café-cac3o,
et, particulièrement, Mr. J.Rault, sécrétaire général du SNrC.
qui, en mettant à ma disposition les dccurnents nécessôires,
m'ont permis de mener
,
à terme mes recherches et Mlles Ouv~r-
.,,
nay, pour la partie dactylographie,
.. / ..
Mes remerciements vont~ particulière-
ment au Professeur Michel BEAUD, sans l'aide de qui cette thê-
se n'aurait pu être achevée.
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.C ARTE ECONOMIQUE de la COTE DïVOIRE.
ZONE DE PRODUCTION
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THEME
LA COMMERCIALISATION DES
PRODUITS AGRICOLES
D'EXPORTATION EN COTE D'IVOIRE
(1 'exemple du café et du cacao)
2
1 N T R 0 DUC T ION
G E N E R ALE
=========================================
Depuis la période coloniale jusqu'aux indépendances~ nous
assistons en Côte d'Ivoire à un développement prioritaire accordé aux
cultures d'exportation (café~ cacao)~ au détriment de la culture vivrière.
La priorité existait déjà pendant la période coloniale; mais elle s'est
développée après l'indépendance.
Elle aura pour conséquence~ l'expropriation des paysans~ la
transformation des structures sociales~ et la déstabilisation des rapports
de production.
Jusqu'à la deuxième guerre mondiale~ on se contentait en effet~
de penser que~ le laisser-faire devait développer les colonies, comme il
avait développé les métropoles industrialisées; qu'il n'y avait d'ailleurs
pas d'autre voie possible: la théorie des avantages comparatifs et de la
spécialisation internationale constituait le fondement théorique devenu un
dogme de cette philosophie de laisser-faire à l'échelle internationale.
La spécialisation internationale était considérée comme nat~relle
et souhaitable pour le 'bien être de la métropole~ favorable à tous les
partenaires de l 'échange~ quelque soit le niveau de leur développement. La
politique de spécialisation internationale avait pour but, de mettre les
colonies en valeur~ en fonction des besoins et des intérêts de la métropole.
Que signifie mettre une colonie en valeur?
Nous nous proposons à travers cette question~ d'étudier essen-
tiellement le processus qui a favorisé le regroüpement de plusieurs peuples
dans un territoire colonial ~ l'implantation et le développement des intérêts
coloniaux.
1
3
Quelles sont les différentes étapes qui ont jalonné cette
évolution, les moyens de cette transformation, et la réponse des populations
concernées ?
L'exploitation d'une colonie exige auparavant la main-mise
politique et administrative sur le terrioitre. Il s'agira d'étudier le poids
de cette administration, comme condition et facteur d'exploitation des
matières premières des produits agricoles. La transformation de la structure
agraire précoloniale aura, non seulement des répercussions sur les
autochtones, mais aura aussi un effet de déformation et de déséquilibre
de l'économie.
Cela permet de comprendre l'évolution ou la non évolution écono-
mique de la Côte d'Ivoire, depuis 1932 A 1960 et de 1960 jusqu'a nos jours.
Le choix de cette date n'est pas un effet de hasard, elle traduit le ~as5age
d'une êconomie qualifiée de stade "traditionnel" de subsistance, à une
économie marchande tournée vers les cultures d'exploitation, source d'appro-
vision~ement des industries de la métropole en matières premières agricoles,
d tendance évolutive depuis l'indépendance.
Dans ces conditions, donner "priorité" à l'agriculture d'expor-
tation, c'est répartir volontairement et d'une façon inégale les ressources
(naturelles du travail et du capital) entre les différents secteurs écono-
mi ques , pr i nc i pa l ement entre l'agriculture d'exportation (culture de rente)
et l'agriculture vivrière (facteur de subsistance et de reproductior. de la
force de travail). Si nous partons des apparences immédiates, les caractères
par lesquels se révèle le sous-développement sont: les in~galités secto-
rielles de productivité; la désart~culation du système économique et la
domination des pays im~érialistes qui, évidemment, ne sont pas de cat-actères
"traditionnels", Si nous nous situons sur unplan global (en parlant des éco-
nomies africaines), nous pouvons dire que, dans les économies précoloniales
africaines, comme dans to~tes les sociétés de subsistance, la priorité
presque absolue était donnée aux cUltures vivrières.
4
Si nous poussons notre analyse, nous constatons que, avant la
révolution industrielle européenne, ces sociétés de subsistance étaient
homogènes et équilibrées, mais dans la stagnation.
C'est l'industrialisation du XIXe siècle qui va tout transformer
(y compris les sociétés du tiers~monde). Elle va provoquer le développement
des premières (les sociétés européennes) et faire entrer les secondes dans
l'ère du sous-développement (1).
Les conséquences de cette industrialisation avaient été la spé-
cialisation de certains pays d'Afrique (le cas de la Côte d'Ivoire), comme
réservoir de matières premières agricoles pour les industries de la
métropole.
A cette forme de priorité à laquelle sont soumises la majorité
des économies africaines, il peut se superposer un secteur d'industrie de
biens de consommation appartenant presque à des sociétés privées étranjère~
qui, d'une manière ou d'une autre, réussissent à récupérer les revenus en
provenQnce des exportations de produits primaires, pour ensuite les rapatrier
dans les pays du centre.
La dépendance extérieure
La dépendance extérieure est à la fois l'origine et la résultante
de cette situation. Elle se manifeste d'abord au niveau du commerce extérieur.
Le commerce des pays sous-développés, pris individuellement, comme le dit
Samir Amin (2), présente cette particularité: non seulement les exportations
de ces pays sont constitués très largement de produits de base agricoles ou
de minéraux, et leurs importations de produits manufacturés, fait bien :cnnu,
mais surtout l'essentiel de ce commerce se fait avec des pays développés,
tandis que au contraire. l'essentiel du commerce des pays développés se fait
entre eux.
(1) Samir AMIN, L'accumulation à l'échelle mondiale, p. 25 à 34
(2) Samir AMIN, L'accumulation à l'échelle mondiale, p. 35
5
La dépendance commerciale est aggravée par une dépendance finan-
cière de plus en plus lourde. La raison fondamentale en est que, les inves-
tissements de capitaux étrangers dans les pays sous-développés, engendrent
automatiquement un flux inverse de transfert de profits. La stratégie de
développement préconisée par le modèle de Désiré Gaigneux est la suivante:
si "l'agriculture est le premier impératif du développement", "l'industrie
n'est pas la condition préalable du développement" (1). Ce qui à priori ne
parait nullement contestable, aussi bien historiquement, que dans les condi-
tions actuelles de l'Afrique: le rôle de l'agriculture, la base d'accumula-
tion de capital qu'elle peut constituer pour l'ensemble de l'économie, ses
fournitures de matières premières agricoles, aux secteurs industriels pour
lesquels elle constitue un débouché. Ensuite si l'industrie n'est pas une
condition absolument préalable du développement des pays africains, elle
demeure cependant une condition indispensable au développement, en ce sens
qu'elle est, non seulement nécessaire à la modernisation de l'agriculture,
mais aussi qu'elle engendre à long terme une croissance permettant à une
écono~ie d'accéder à un développement autonome.
Notre étude se fixe comme objectif, d'analyser d'une façon pro-
fonde, comment le café et le cacao ont été introduits en Côte d'Ivoire, et
le pourquoi de cette introduction.
Pour 1e savoir, nous al'ons saisir la Côte d'Ivoire à travers
la division internationale du travail imposée par le marché mondial capita-
liste.
A prenn er-e vue, notre étude peut sembler ambitieuse, et pourt ant ,
nous sommes résolus à tenter l'expérience. Nous pensons que l'économie de
l'Afrique en général et de la Côte d'Ivoire en particulier, est encore émail-
lée de nombreux points d'interrogation et qu'il importe d'établir ou de
rétablir les faits et d'en rendre compte. Il s'agit de faire place à la fois
à l'histoire des évènements, aux mouvements économiques, aux tr-ansfcrma t i ons
sociales, aux faits de civilisation. C'est du reste, la méthode suivie par
(1) Désiré GAIGNE~X, L'agriculture, premier impératif du développement, Paris
éd. universitaires, 1969. Le modèle y est développé en détail avec de nom-
breuses références à l' Afri que
6
la quasi totalité des économistes et des sociologues (comme Samir Amin,
Claude Meillassous, et bien d'autres encore). La commercialisation des pro-
duits agricoles d'exportation en Côte d'Ivoire (l'exemple du café et du
cacao), peut paraître imprécise, d1autant qu'elle s'applique à un territoire
colonisé. Elle a l'avantage d'offrir un champ d'étude très vaste qui permet
de mieux rendre compte de la réaJité économique pendant la période consi-
dérée.
En effet, étudier la commercialisation des produits d'exportation
(cacao, café) revient à appréhender l'ensemble de l'appareil économique
de la période coloniale jusqu'à nos jours. Cette fOI~me d'analyse nous con-
duit à étudier la société colonisée, à saisir les conditions politiques,
économiques et sociales, les transformations introduites qui vont modifier
le prestige et l'autorité dont jouissaient les divers groupes sociaux de la
Côte d'Ivoire précoloniale et entraîner l'émergence de nouvelles classes,
de nouvelles élites.
Notre étude se veut, par l'analyse de la commercialisation des
produits d'exportation, une étude économique de la~ériode co1oniale à
nos jours. Elle se voudrait être une contribution à l'étude des principaux
thèmes de l 1 économi e de l 'Afri que noire. E11 e se propose enfi n de traiter
aussi systématiquement que possible, de l'ensemble des problèmes de relations
entre le centre et la périphérie.
Cet examen permettra
de conclure a des rapports de dépendance
et d'exploitation de la Cete d'Ivoire au regard du système impérialiste
mondial. Notre étude se compose de trois parties:
Première partie
~iorité accordée aux cuitures d.'expoctation
(café, cacao)
Deuxième partie: Les conséquences négativ~~ de ~iorité
accordée aux cultures d'exportation sur les cultures vivrières
Troisième partie: L'impact sur les ~changes commerciaux.
7
Dans la premlere partie de notre étude, nous ferons des repérages
historiques précédant la période coloniale et verrons comment le café et le
cacao ont été introduits en Côte d'Ivoire et leur date d'introduction.
Pourquoi le café et le cacao? pour le comprendre, il faut saisir
la Côte d'Ivoire à travers la division internationale du travail, imposée
par le marché mondial capitaliste (comme déjà spécifié au début de notre
introduction).
Ce qui intéresse l'impérialisme français, c'est de tirer de la
colonie des matières premières exportables, afin d'approvisionner le système
productif de la métropole. Dans ce sens, l'introduction du café et du
cacao installe très tôt la Côte d'Ivoire dans une situation de spécialisation
dépendante vis à vis de la métropole. Les structures économiques, caracté-
ristiques de la période coloniale, ne prennent pas comme point de départ
la satisfaction des besoins des communautés locales, mais sont plutôt
orentées vers l'extérieur.
Comment rentabiliser les colonies?
Aussi simple que cela soit-il, la rentabilisation se fera à
travers les planteurs ~olons regroupés au sein de la Chambre d'Agriculture
et aussi à travers des planteurs autochtones, dont les plus influents appar-
tiennent à la noblesse de tribu (1).
La rentabilisation va créer des problèmes au niveau des terres
et de la main d'oeuvre:
- réduction des surfaces cultivables
- répartition inégale des terres entre les cultures commerciales
et les cultures vivrières (cet aspect sera envisagé dans la deuxième partie
de notre étude)
(1) Houphouët Boigny faisait partie de la noblesse de tribu pendant la période
coloniale. Fils de chef de tribu
8
- la force de travail disponible et le rôle joué par l'adminis-
tration coloniale pour acheminer notamment la main d'oeuvre, en provenance
de la Haute Volta et du nord de la Côte d'Ivoire vers les plantations de
café-cacao (l'exemple du SIAMO (1)). La rentabilisation va déclencher le
développement de plantation de café-cacao et favoriser l'émergence d'une
bourgeoisie agraire autochtone, issue de la chefferie traditionnelle.
A partir de 1960, c'est à dire à l'indépendance de la Côte
d'Ivoire, la politique agricole du nouveau gouvernement mise en place par
le gouvernement français pour défendre ses intérêts, continue d'accorder
la priorité à ces deux cultures spéculatives.
Pourquoi cette priorité?
Tout simplement, parce que les plantations de café et de cacao
sont en fait la base objective d'accumulation pour la bourgeoisie agraire
qui contrôle l'appareil d'Etat.
En outre, vue la spécialisation dépendante initiée pendant la
période co1oniale, le café et le cacao constituent les principales sources
de revenus pour l'économie ivoirienne. L'extension de ces deux cultures
(qui prennent dans leur sillage la paysannerie des régions concernées) sera
pour le gouvernement, un moyen de financer une partie des dépenses budgétaires,
grâce à la mise en place de structures de commercialisation spécifique (la
CSSPPA (2), que nous analyserons dans la troisième partie).
A un moment donné, pour se préserver des fluctuations des cours
mondiaux, la Côte d'Ivoire sera obligée d'adopter une politique de diversi-
fication, toujours dans le sens de nouvelles cultures d'exportation (ananas,
hévéa, etc), combinée avec la recherche d'une première transformation locale
des produits agricoles.
(1) SIAMü : Syndicat interprofessionnel d'acheminement de la main d'ce~vre
(2) CSSPPA : Caisse de stabilisation et de soutien des prix des produits
agricoles
9
Les raisons de la diversification
Diversification des sources de financement de l'économie
création d'industrie locale de transformation
incorporer dans les produits agricoles une valeur ajoutée
plus grande avant exportation. La finalité de la diversification est que la
bourgeoisie locale cherche à élargir sa base d'accumulation.
La deuxième partie étudie les conséquences de la priorité
accordée aux cultures d/exportation au détriment des cultures vivrières.
Dans un premier temps, caractériser le système agraire précolonial
axé sur les produits vivriers, ensuite étudier les conséquences de l'intro-
duction du café et du cacao en Côte d'Ivoire et les différents modes de
rapport de production, dans la société précoloniale.
La période coloniale
Petit à petit, avec l'introduction du café et du cacao, nous
assistons à une modification des structures: extension des plantations de
café et de cacao qui pose le problème de surfaces cultivables disponibles,
une diminution de la force de travail consacrée aux produits vivriers.
Car les cultures extensives, avec des instruments rudimentaires
implique beaucoup plus de force de travail, beaucoup plus de terres, donc
une attaque à la forêt (abattage des arbres) pour faire place aux champs
de café et de cacao. Cet abattage des arbres aura une incidence sur l'équi-
libre écologique. Laquelle incidence aura pour conséquence une importation
de produits vivriers (réductions des terres à cultures vivrières) pour pallier
l'absence d'autosuffisance alimentaire. Ce qui implique
- une quantification des importations
- et le prix de revient de ces importations sur l'économie.
la
La troisième partie est consacrée à l'analyse de l'impact de
la priorité sur les échanges commerciaux. La spécialisation dépendante
en production de café et de cacao, implique une exportation très importante
de matières premières agricoles en direction des pays capitalistes avancés,
à des prix relativement très bas et instables, du fait des fluctuations des
cours mondiaux, et l 'importation~massive de produits manufacturés à des
prix de plus en plus élevés. L'économie nationale, structurellement dépen-
dante du marché mondial capitaliste, ne peut être auto-financée par des
sources de revenus aussi instables.
Pour comprendre les problèmes de commercialisation (café-cacao)
qui caractérisent l'économie ivoirienne, il faut étudier les caractères
du marché mondial des produits et à travers les sociétés agréées dans la
commercialisation, conment elles interviennent, l'origine de leurs capitaux,
leur mode de fonctionnement et le rôle de la caisse de stabilisation.
En dernière analyse, nous nous proposoDj,.d',étudier l'évolution
de la position internationale du café et du caca6~~~r ]e~ différents marchés,
en fa i s.ant res sorti r 1es pri x sur 1e marché mQndi,~l~' du café et du cacao,
leur évolution et les différents problèmes qui~se p'o'-sent au -rriveau de l'or-
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ganisation du marché.
En conclusion, une question se pose
conment la Côte d'Ivoire
compte-t-elle protéger l'économie contre l'instabilité des marchés, des
mesures ont-elles été prises?
11
PREMIERE PARTIE
LA PRIORITE ACCORDEE AUX CULTURES
D'EXPORTATION
12
INTRODUCTION
13
La présence française sur la partie du Golfe de Guinée, com-
prise entre le Cava11y et le Tanoh, semble relever d'une politique marquée
par de nombreux revirements (1).
En effet, le négoce français fait son apparition sur cette
côte en 1637, quand la Compagnie française de Saint-malo débarque à Assi-
nie. Le demi-échec commercial, la forte mortalité et la situation de la
France à la fin du ~JI!èmesiècle conduîsent à l'évacuation de la Côte
d'Ivoire en 1704. En 1839, Bouët Willaumez
visite les lagunes de l'Est
et prend contact avec certains chefs, dont ceux de Grand-Bassam. En 1870,
les Français se retirent de la côte pour une deuxième fois. A la fin du
XIXème.siècle, une nouvelle pénétration française s'avance sur le même
littoral. Incohérence ou hésitation? Ce regain d'intérêt pour la Côte
d'Or apparait d'abord comme une conséquence de l'évolution de 1a pénétra-
tion française au Soudan. Les progrès de la pénétration au Soudan posent,
en effet, le problème de débouché maritime et l'idée d'une jonction avec
la Côte d'Or s'impose à cause de sa proximité (2). Cependant, les causes
de ce retour sont à la fois internes et externes à la France et dépassent
les seules raisons locales de l'expansion du Soudan. Les facteurs externes
(1) Cherif Mamadou, L'ouest de la Côte d'Ivoire (haut caval1y) et la péné-
tration française (1896-1920), Thèse de 3ème cycle de Lille, 1973.
(2) M.M.Atger et Cherif Mamadou, trouvent cette politique incohérente et
pleine d'hésitation.
14
sont surtout liés à l'accélération de l'expansion européenne en Afrique
à la fin du siècle.
Ce phénomène est un aspect de la course effrénée des pays
industrialisés pour se partager le monde qui découle de la grande crise
de 1875-93.
Comme les autres pays (l'Angleterre) industrialisés
la France
t
participe au mouvement général du passage à 1'ère impérialiste. (1)
A la base de la puissance des pays expansionnistes se trou-
~
vent les mutations que la seconde révolution industrielle a entrainées.
Le capitalisme accède à l'ère impérialiste, caractérisée depuis l'analyse
de Lénine par :
- la concentration de la production et du capital créant des monopoles
- la fusion du capital bancaire et du capital industriel sous la forme
du capital financier et la domination de ce dernier sur la vie économique
- la prépondérance de l'exportation des capitaux sur celle des marchandi-
ses, ce flux se dirige de préférence vers les pays où le taux de profit
est le plus élevé comme dans les pays coloniaux, semi-coloniaux, ou en
voie de construction, comme la Russie
- la recherche acharnée et âpre de débouchés et de matières premières pour
les industries nationales qui aboutit au partage économique du monde en-
tre les monopoles;
- l'expansion et la domination coloniale pour couronner le partage écono-
mique : tels sont les facteurs généraux qui ont, à des degrés divers, trans-
(1) Lénine V, L'impérialisme, stade suprème du Capitalisme, 4ème édition
en langues étrangères, Pékin, 1977, p.160.
15
formé les rapports mercantiles que les pays europeens entretenaient avec
les populations côtières. L'économie a subi cette évolution selon ses
caractéristiques particulières, aussi peut-on noter le rôle isolé du
nationalisme (1). la quasi indifférence du capital financier pour l'ex-
pansion coloniale (2). L'évocation de la réalité précoloniale se limitera
donc ici aux aspects socio-économiques qui permettent de comprendre les
conditions, le poids et l'ampleur des transformations ainsi que les ré-
sistances.
La Côte d~Ivoire en tant que réalité territoria1e, est une
création de la colonisation. La Côte d'Ivoire fut érigée en c010nie en
1893, c'est à dire à une période où la mutation du capitalisme de libre
concurrence en capitaliste monopoliste s'était pratiquement opérée.
Vers 1488. les premiers contacts entre l'Europe et l'Afrique
avaient été l'oeuvre de commerçants et d'aventuriers portugais venus fon-
der des comptoirs et ouvrir des factOries
tout au long des côtes. Ils
furent plus tard rejoints par les autres chercheurs de fortune d'autres
pays européens et établirent avec les autochtones un commerce de traite
fondé sur l'échange de tabac, d'or. d'ivoire, etc ...• contre des produits
européens. Ce n'était pas encore la colonisation au sens scientifique du·
mot. A cette époque. l'accumulation capitaliste en Europe n'était qu'à
ses débuts. C'était le prélude au capitalisme. En effet, "la découverte
des contrées aurifères et argentifères de l'Amérique. la réduction des
indigènes en esclavage. leur enfouissement dans les mines ou leur exter-
mination. les commencements de conquête et de pillage aux Indes orientales
(1) Brunschweig Henri. Mythes et réalité de l'impérialisme colonial fran-
çais, 1871-1914. A.Colin. Paris 1960.
(2) C.Coquery Vidrovich. Le Congo au temps des grandes compagnies conces-
sionnaires. 1898-1930. Paris La Haye. 1872.
16
la transfonnation de l'Afrique en une sorte de gangrène comnerciale
pour la chasse à la race noire, voilà les procédés idylliques d'accu-
mulation primitive qui signalent l'ère capitaliste à son aurore".
La colonisation au sens scientifique du mot a été trés vio-
lente, destruction des villages, massacre d'indigènes.
Mais les oppostions les plus redoutables et les plus longues
à surmonter par les colonisateurs furent celles des royaumes les mieux
structurés sur le plan religieux. Cette violence était sanglante dans
certaines religions (baoulé, Abbey et Attiés).
,
A la violence de l'impérialisme colonialiste français, le
peuple ivoirien opposa une âpre résistance; comme ce f0t le cas dans
les autres pays convoités par les colonialistes. Des résistances armées
se développèrent dans beaucoup de régions pour faire obstacle à la colo-
nisation : en 1898. le poste colonial d'A~sekasso fut pris d'assaut par
.:-
les Ashantis de l'Ouest; en 1898, la région de Tabou se soulève. Des
troubles éclatent également dans le Bas-Cavally ; la résistance des Baou-
lés dure jusqu'en 1910 ; les Dan, les Gouro, les Beté et les Abbey d'Ag-
boville déclenchèrent une grande révolte en 1910.
Toutes ces résistances ont fini par s'écrouler momentanément
face à une organisation, à un matériel militaire plus perfectionné du
colonisateur.
Le colonisateur ne réussit à s'imposer et à dominer-la Côte
d'Ivoire qu'en 1916.
Après la colonisation du pays, le colonisateur se consacre
dès la fin du XIXème siècle à coloniser les esprits en créant des écoles
pour la formation d'agents auxiliaires, de fonctionnaires locaux, pour
jouer le rôle de courroie de transmission entre l'administration coloniale
17
18
tôt la Côte d'Ivoire dans une situation de spécialisation dépendante
vis à vis de la métropole.
Dans une économie ainsi définie t qui n'a pas pour but d'édu-
quer la masse paysanne t mais de la soumettre à un système de travail
obligatoire. D'après une étude de Nelson Uhry (1) sur le commerce colo-
nial en A.O.F t 71% du total des capitaux investis vont aux sociétés com-
mercia1e5 t tandis qu'en A.E.F et au Cameroun t la place prépondérante
est occupée par les mines et les plantations. Ainsi la primauté financière
appartient en A.O.F aux sociétés commercia1es t dont les deux plus impor-
tantes représentent à elles seules plus de la moitié (55t3%) des capitaux
des sociétés côtées en bourse pour toute l'Afrique noire t ce sont: la
Compagnie française de l'Afrique de l'Ouest (CFAO)t 2700 millions de
capitaux; et la Société commerciale de l'Ouest africain (SCOA)t 2500
mil1ions t en 1945.
On remarquera que t cette économie d'expansion ne prend point
garde de diversifier la culture industrielle dont elle fait 1itière t
ce qui eut été nécessaire pour assurer la sauvegarde de l'avenir, et
même augmenter les chances du présent.
La politique imposée à la Côte d'Ivoire a eu des conséquences
sur l'économie en général.
Les conséquences de la politique coloniale
La politique colonia1e est responsable de 1'état de sclérose
de l'agriculture ivoirienne. Le capitalisme colonial t dans la passion
d 'accumu1er des taux de profit t comp~omet te capital-terre et s'attaque~
au capital-homme, par 1& déséquilibre qu'il crée dans l'agriculture t
(1) Nelson UhrYt le commerce c010nia1, conférence in bulletin de la
Société française, nC I I 0t 1933.
19
entre les cultures vivrières et les cultures d'exportation. Ce qui va
créer une situation de sous-alimentation et qui va s'amplifier après
l'indépendance.
Pour mettre en valeur les cultures
d'exportation, les colons
ont créé plusieurs centres d'expérimentation et de traitement. Les cen-
tres d'expérimentation, après 1960, vont influencer la politique agri-
cole et accentuer la priorité accordée au café-cacao. Ainsi l'économie
capitaliste, après avoir donné naissance à un capitalisme foncier néfaste,
à l'économie en général, apparait comme un facteur actif de prolétarisa-
tion et de déséquilibre social. Pourquoi?
parce que les paysans dépos-
sédés de leurs terres, seront contraints de travailler dans les planta-
tions des colons, comme manoeuvres, moyen pour les planteurs européens
de se procurer une main d'oeuvre servile, à bon marché (1).
Outre la désorganisation sociale, la politique coloniale
entraine une émigration forcée des paysans vers les villes.
C'est pourquoi, la politique coloniale qui privilégie la
culture d'exportation, sera dominée par son aspect de négation pour le
peuple ivoirien: négation des valeurs religieuses et philosophiques
de la civilisation ivoirienne. La priorité accordée aux cultures de
traite a contribué à la désintégration de l'ancien régime des terres.
Les cultures de café-cacao ont été imposées en 1908 par le
gouverneur Angou1vent. Donc les structures de la société traditionnelle
ne peuvent être accusées d'une déchéance précisément imputable au sys-
tème capitaliste, qui aboutit à l'avilissement des valeurs tradition-
(1) Drasch, la main d'oeuvre, Cahiers internationaux, juillet-août 1952
20
nelles, par l'implantation de la notion de profit.
Dans une économie brusquement ouverte au monde capitaliate
et soumise brutalement aux lois des échanges monétaires ceci aura pour
effet d'aggraver la désintégration des sociétés africaines. Qu'on en
juge par les lignes suivantes.: Toutes les meilleures terres furent al-
louées aux colons ou concédées par énormes surfaces à de grosses sociétés
coloniales. Pendant cette période la Côte d'Ivoire assurait de 40 à 45%
des exportations de l'ancienne Afrique Occidentale Française, et la
totalité des exportations vers la zone dollar et d~"fs.,'llehsemble de la
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de simpl e réservoi r de matières premi ères exportabl es'-è't-5é""ma in d'oeuvre
non qualifiée; toutes les activités de transformation étaient installées
dans, la métropole. Ainsi l'impérialisme freinait le développement des for-
ces productives en Côte d'Ivoire.
Le capital du colonisateur n'avait qu'un rôle usurafre. La
répartition des investissements par branche d'activité fait ressortir
le caractère mercantile et parasitaire du capital financier français
en Afrique en général, et en Côte d'Ivoire en particulier : 63~ des capi-
taux investis dans le commerce, 16% dans les plantations et forêts, 4%
dans l'industrie et 7% dans les mines (2),
(1) Latel Marc, les échanges économiques
de la Côte d'Ivoire, Economie
et Humanisme, novembre-décembre 1959, n0122, pp.38-53.
(2) Chambre d'agriculture coloniale, cf. statistique sur :a capitalisation
boursière en juin 1945 pour l'ensemble de l'Afrique noire française.
21
La politique de l'impérialisme français procurait à ce der-
nier d'énormes profits de l'exploitation de la force de travail dans
la colonie. Les capitaux investis dans les colonies "sont ... en mesure
de rendre des taux de profit plus élevés parce qu'en raison du moindre
développement, le taux de profit y est d'une façon générale plus élevé
ce aussi, grâce à l'emploi d'esclaves" (1).
En ce qui concerne la paysannerie, elle était la plus impor-
tante numériquement pendant la période coloniale (95% de la population
totale). Cette paysannerie a beaucoup souffert des travaux forcés, des
paiements obligatoires d'impôts, des corvées, et d'autres effets du colo-
nialisme dans les campagnes, dans le seul but de les obliger à cultiver
les produits d'exportation pour approvisionner le système productif de
1a métropo 1e.
A côté de cette masse de paysans corvéables, il y a la classe
de petits paysans issus de la noblesse de tribu, qui, après l'indépen-
dance, deviendrait la bourgeoisie nationale ivoirienne.
Cette bourgeoisie, dont les conditions de développement étaient
objectivement tracées par l'époque historique, qui est celle de la domi-
nation impérialiste issue de la noblesse de tribu et forgée de toutes
pièces par le colonisateur.
Autrement dit, les conditions indépendantes de son dévelop-
pement étaient liées à la possibilité de s'associer au marché capitaliste
mondial et au capital financier international.
(1) Marx, le Capital , Livre III
22
La COte d'Ivoire indépendante a hérité et maintenu cette
vision d'organisation devenue un dogme qui veut que le paysan ivoirien
se consacre essentiellement aux activités économiques primaires agrico-
les d'exportation orientées vers le marché extérieur.
Le développement de la Côte l'Ivoire compris dans le sens
d'une économie coloniale, n'est pas favorable à l'accumulation interne
de capital nécessaire à la réalisation des programmes de développement.
La carence est générale, et s'observe au niveau de l'économie en géné-
ral, en passant par le bouleversement de la société traditionnelle, à
travers l'expansion des cultures d'exportation.
Nous nous attacherons, au cours de la partie, à analyser
comment la priorité accordée aux cultures de traite, a contribué
à la destruction des structures traditionnelles.
Bien que, dans une société, la pénétration d'un système
culturel étranger puisse se concevoir en dehors de toute situation
de domination politique, économique, ... la tutelle coloniale a contri-
bué, cependant, à accroitre la rapidité du processus des changements,
par des mesures répressives, parce qu'elle a imposé des pratiques, pres-
crit des principes d'exploitation.
En plus, nous nous bornerons à montrer parmi ces phénomènes
de changements, la part de responsabilité des chefs traditionnels, et
par quelle manoeuvre la priorité accordée aux cultures d'exportation
s'est accentuée après l'indépendance. Ce qui nous amène à analyser suc-
cessivement
Chapitre 1, la spécialisation dépendante de la Côte d'Ivoire vis à vis
de la métropole
Chapitre II, l'accentuation de la priorité accordée aux deux cultures
spéculatives après 1960.
23
CHAPITRE l
LA SPECIALISATION DEPENDANTE DE LA COTE D'IVOIRE PENDANT LA
PERIODE COLONIALE VIS A VIS DE LA METROPOLE
Dans ce chapitre sur la spécialisation dépendante, nous al-
lons analyser dans une première section, les mesures qui ont été prises
par le colonisateur au détriment des paysans et la manière dont ils sont
arrivés à imposer les cultures d'exportation.
La deuxième partie analyse le rôle de l'administration colo-
niale dans l'acheminement de la main d'oeuvre, surtout voltaïque.
S
.
1
~.
l'
.
ectlon
Les mesures prlses et
expanslon
des cultures d'exportation.
Par quelles décisions, ou par quelles mesures, l'administra-
tion coloniale arrive-t-el1e à introduire le café et le cacao (cultures
commerciales intégrées aux circuits marchands) à la différence du sys-
tème agraire traditionnel
, caractérisé par une économie de subsistance?
1- Il Y a bien moins qu'ailleurs une solution de continuité entre la
colonisation mercantile traditionnelle (convertie au "l ibre échange" au
milieu du XIXème siècle), et l'impérialisme colonial contemporain. Par
1'1ntermédiaire du commerce que l'on continue à désigner du terme tradi-
t ionne
de "traite", s'effectue, pour l'essentiel, l'exploitation colo-
ï
niale.
2- La deuxième mesure: c'est l'impôt. L'introduction du café et du cacao
dans l'agriculture va permettre aux indigènes de s'acquitter de l'impôt
24
imposé par l'administration et va entrainer en même temps la paysannerie
dans un circuit marchand basé sur l'échange.
3- La troisième mesure. ce sont les cultures obligatoires. la spoliation
des terres, l'infrastructure et l'éducation.
Au niveau de l'expansion des cultures d'exportation. l'admi-
nistration coloniale va se heurter à quelques obstacles:
10 / Le système agraire traditionnel est basé sur les cultures
vivrières, et caractérisé par une économie d'autosubsistance.
20 / La communauté paysanne a un droit collectif sur la terre.
sous le contrôle du chef de tribu ou de lignage.
Pour lever les obstacles, l'administration coloniale mit en
place un nouveau code domanial. de nouvelles mesures pour accéder à la
propriété de la terre. Le but de cette politique coloniale est de favori-
ser d'abord l'appropriation des terres par les planteurs colons, p~is à
la noblesse de tribu, qui use de son statut de privilégiée pour accéder
à la propriété de la terre.
La politique de l'appropriation des terres, pour la mise en
valeur des cultures
d'exportation, va faire appel à une main d'oeuvre
plus i:nportante.
A la fin des hostilités, la tentative d'introduction des
cultures de café et de cacao tourne court.
Jusqu'en 1925, plus de dix ans après la pacification, les
populations ne sont absolument pas concernées par l'économie de planta-
tion. Cette période est un échec complet du point de vue de la trans-
formation de la production locale en production marchande.
La monnaie "traditionnelle" (petits lingots de fer) reste
utilisée dans toutes les transactions.
25
A un moment donné, l'administration coloniale s'êtait con-
tentée d'instaurer par la violence un véritable système tributaire. Elle
s'efforcera de détourner les capacités de travail de la population, au
profit des plantations européennes.
al La transformation de l'économie traditionnelle
La transformation de l'économie naturelle de subsistance en
économie marchande, n'est jamais le résultat spontané de l'offre de pro-
duits manufacturés nouveaux, qui inciteront le paysan à produire des
produits agricoles d'exportation, comme l'explique Samir Amin (1), ainsi
que l'ont montré les travaux de Rey (2) et de Meillassoux (3), les méca-
nismes strictement économiques ne suffisent pas, parce que les structures
sociales traditionnelles s'opposent à l'extension des échanges marchands.
La vitalité de la communauté villageoise, par exemple la
persistance du droit de tous les villageois à l'usage de la terre, rend
inefficaces les mécanismes simples de la concurrence, qui ont joué un
rôle déterminant dans la transition du féodalisme à l'économie capita-
liste centrale en Europe (4).
(1) Samir Amin, L'accumulation à l 'écheile mondiale, pp.SB-90, chapitre l,
(2) Pierre Philippe Rey, Colonialisme - néocolonialisme et transition au
capitalisme, Françoic Maspero, 1971.
(3) Meil1assoux, Anthropologie économique des GourD de Côte d'Ivoire,
de l'économie de subsistance à l 'agricult~re commerciale, Paris, Mouton,
1964.
(4) Séminaire de recherche du Professeur Michel Beaud. sur la formation
et le développement du capitalisme, du 19 janvier 1981.
26
C'est pourquoi le pouvoir colonial s'emploie à pousser à la
monétarisation de l'économie primitive. Il s'agit là de moyens qui relè-
vent purement et simplement de la violence. L'obligation de payer des
impôts en espèces est la plus courante. A l'extrême, clest tout simple-
ment l'expropriation des paysans, la création de réserves alimentaires
insuffisantes, pour obliger les indigènes à vendre leur force de travail
dans les plantations des colons, ou dans celles de la noblesse de tribu.
bl La soumission de l'économie traditionnelle
Dès lors, apparaissent des distorsions spécifiques qui défi-
gurent la société primitive, et lui font perdre son caractère traditionnel.
La mise en application des mesures pour l'expansion des cul-
tures d'exportation, cnasse de la terre une fraction de la population.
L'expansion des cultures ne crée pas une demande qui permet l'emploi de
la surpopulation engendrée par la soumission des paysans aux exigences
des pays capitalistes.
Le concept de soumission a été analysée par Marx qui en voit
deux types: la soumission réelle et la soumission formelle, comme le
décrit Brigitte Lachartre (l) :
1°/ "La soumission réelle s'effectue par le biais des rapports de pro-
duction spécifiquement capitalistes: le capital, le salariat et la pro-
priété privée ... ;
2°/ La soumission formelle met en oeuvre, quant à elle) des mécanismes
d'extorsion de surtravail et de transfert de plus value qui ne sont pas
(1) Brigitte Lachartre, La soumission d'une économie africaine tradition-
nelle au capitalisme international, Travaux sur le capitalisme et l'éco-
nomie politique, n013, Université Paris VIII.
27
identifiables aux mécanismes proprement capita]istes, mais qui sont
tout aussi efficaces qu'eux. Idéologiquement, ils sont plus pervers, dans
la mesure où, ce sont les rapports de production traditionnels qui sont
chargés de l'extorsion des plus values, occultant ainsi la vraie nature
du système économique mis
en place
Dans cette section nous étudierons, successivement, le passage
de l'économie d'auto-subsistance à l'économie de traite (I), les mesures
par lesquelles l'administration coloniale détruit le système agraire tra-
ditionnel
(II), le développement de la production en rapport avec le
commerce colonial (III), et le bouleversement de la société tradition-
nelle (IV).
1- De l'économie d'auto-subsistance à l'économie de traite
En 1937, l'économie de plantation se présente ainsi : 14
plantations européennes consacrent 1900 ha au café, 733 ha au cacao.
Sur l'ensemble des plantations indigènes, 200 ha pour le café, contre
650 ha pour le cacao (1).
Avec la seconde guerre mondiale, on assiste à une recrudes-
cence de toutes les charges, et des réquisitions en travail atteignent
un niveau jamais égalé. Les planteurs africains se voient doublement
pénalisés: d'abord, en tant que producteurs de café-cacao, denrée péris-
sable, difficilement stockable en cette période, alors que les relations
commerciales deviennent aléatoires avec la métropole; ensuite au niveau
(1) Holas B., le paysannat africain devant le problème des cultures in-
dustrielles, Revue de l'institut de sociologie, n02, 1957, p.219.
28
des prix. En 1943, le kilo de cacao était payé au producteur indigène
2,60 FF, alors que les planteurs colons percevaient 4,50 FF.
A la fin de la guerre
la situation se résume par ce dilemme
t
qu'un administrateur évoque ainsi : "on peut se poser deux questions :
l'avenir de la Côte d'Ivoire -est-il dans les plantations européennes t
OUt
au contraire t dans l'extension des cultures indigènes? La première
solution aboutit
sauf évo1ution
au travail forcé des indigènes. On
t
t
ne saurait concevoir le travail forcé pour des buts d'intérêts privés.
Il y a incontestablement quelques contradictions entre la politique
de sauvetage de la race
et le travail forcé généralisé".
t
Pour répondre à l'intervention de l'adrninistration
le gou-
t
verneur Angou1vent écrit:
"Le groupement des indigènes en vil1ages
joint â l'emploi
t
des chefs comme lntermédiaires pour mener â bien notre en-
treprise
et mettre en valeur nos intérêts
aurait pour avan-
t
t
tage de permettre aux administrateurs de procéder
sur toute
t
l'étendue de la colonie, au recensement nominatif des indi-
gènes que j'ai fait entreprendre dans le Baoulé avec succès
tel que je suis décidé à la généraliser. L'avenir de la Cô-
te d'Ivoire est dans l'extension de matières premières agri-
coles exportab1es
pour l'avenir des industries de la métro-
t
pole.
Avec ce système de regroùpement des indigènes, permet de con-
trôler, non seulement les impôts
mais aussi d'augmenter
t
la productivité, et d'avoir une main d'oeuvre disponible et
contrôlable. Dans un certain nombre de nos bulletins quoti-
diens, écrit Angoulvent
nous avons très sommairement d'ail-
t
,
29
leurs exposé la situation actuelle de notre possession de la
Côte d'Ivoire, comme réserve de matière première exportable,
en pleine effervescence. Je désire donc, qu'il n'y ait dé-
sormais aucune hésitation sur la ligne politique à suivre
sur l'expansion des produits agricoles, pour rendre nos in-
dustries compétitives. Cette ligne de conduite doit être
uniforme pour toute la colonie. Si les modalités de cette ac-
tion sont indéfinies, puisqu1elles doivent suivre le dévelop-
pement du pays et s'adapter aux circonstances, elles nieR
doivent pas moins avoir une raison d'être invariable,en prin-
cipe fixe, qui est le principe d1autorité et de soumission.
En cas de résistance de la part des indigènes, nous ne de-
vons pas craindre d'y recourir à la force. Dans ce but, il
cor.vient de procéder à du peupl ement en grand, dans 1es ré-
gions les plus propices, en prescrivant aux villages de
créer de nouvelles plantations. Il n'est pas douteux que
le gain a venir, et la satisfaction des besoins qui s'en-
suivra, constitueront les meilleurs agents de succès pour
nos initiatives présentes. Bientôt, le labeur régulier qui
est une obligation pénible, deviendra une habitude. Nous pou-
vons donc attendre les meilleurs résultats, et en même temps
une transformation morale de nos indigènes" (1).
Le but que s'est proposé le gouverneur Angoulyent, n'est pas
(1) Extrait de l'Afrique Française d'octobre 1910, lettre du gouverneur
Angoulvent aux administrateurs des colonies en 1908, Archives nationales,
section Outre-Mer, Côte d'Ivoire, Carton IV, dossier 9.
30
uniquement demntrainte les indigènes a produire pour les industries
de la métropole, mais aussi transformé le mode de vie de la société
indigène. Nous assistons par ce biais à un but d'extension des cultures
d'exportation, à une occupation à outrance des terres, à une division
de la Côte d'Ivoire en zone de production, à une rupture de l'équilibre
fami1 i al.
La bourgeoisie agraire locale, issue de la noblesse de tribu,
convaincue par la logique coloniale, convaincue aussi de sa situation
de privilégiée, va obliger le pays à baser son développement sur l'agri-
culture, en particulier la production des matières premières agricoles
exportab1es. Encouragée par les colons, les maisons de traite et les
monopoles internationaux, la Côte d'Ivoire va consacrer tout son effort
sur la production du café-cacao. Tout effort de modernisation, de re-
cherche scientifique, création de centre d1expérimentation sera orienté
vers l'agriculture de traite, faisant disparaitre toute production de
cultures vivrières, abandonnées au secteur de subsistance.
En effet, le rythme de progression des plantations a dépassé
les 10% au cours de ~a dernière décennie en Côte d'Ivoire, comme l'in-
dique le tableau A. (1)
A travers ce tableau, nous voyons une nette progression des
superficies des plantations, entre 1919 et 1959.
(1) Raymond Barbe, les classes sociales en Afrique noire, Economie et
politique, n° spécial, 1964.
\\
31
/
Superficie des plantations africaines en Côte d'Ivoire
(Millions
1~ ... J:-(WJ J
~nnée
Café
Cacao
Ensemble
· ' f
1919-1920
110
90
200
1929-1930
120
100
220
1937-1940
!
140
110
250
11946-1949
158
115
273
1
11950-1951
158
153
311
1
i
1
1
11953-1954
1
212
177
389
,
!
1
i
'1956-1957
!
318
222
540
1
1
11959.1960
503.
372.
1
source
Ministère de l'agriculture, direction de la statistique
agricole, 1961.
A propos de la progression des superficies consacrées aux
cultures d'exportation (café-cacao), Aujoulat a écrit: "devant la
richesse sol~de et rapide que promettaient les cultures d'exportation
les Noirs
n'ont pas reculé davantage devant la distinction de la forêt
pour étendre les plantations de café cacao. Les Noirs, ainsi devenus,
avec la complicité des respon~til~ssyndicaux, les victimes de leur
effort d'enrichissement, selon un processus qui pourrait se schématiser
de la façon suivante:
1
!If
32
extension des cultures d'exportation = enrichissement
- désagrégation familiale = dénatalité" (1)
Quels sont les bénéficiaires d'une telle politique? Sans
doute le paysan riche issu de la noblesse de tribu, qui cultive le
café-cacao, il cesse d'être ~aysan,. Il devient un planteur, un entre-
preneur à part entière, au service de l'impérialisme français, et adop-
te un comportement économique, à la recherche d'un profit.
En effet, l'adoption parfois brusquée du système de plan-
tations industrielles, entraine fatalement chez le paysan moyen, une
rupture progressiveavec le circuit économique traditionnel, par défini-
tion, collectif de son groupe ... Sur le plan général, l'émancipation ci-
vique se traduit par l'éclosion d'une nouvelle classe sociale, celle des
indépendants ...
La transformation s'opère d'une façon subite, avec une faci-
lité déconcertante (2).
C'est dans cette catégorie de paysans que se recrutent les
"bourgeois nationaux", qui composent la bourgeoisie agraire. Ils domi-
nent l'économie, orientent l'économie, en fonction des besoins de la
métropole. Les bourgeois nationaux, non seulement dominent l'appareil
économique, mais possèdent des plantations dans lesquels travaillent
les paysans, transformés en ouvriers agricoles, et touchent un salaire
de misère.
(1) Aujoulat, Aujourd'hui l'Afrique, ed.Casterman, Paris.
(2) Holas B., Chargements sociaux en Côte d'Ivoire, P.U.F, ParTs.
33
1
11- Les mesures par lesquelles l'administration coloniale
détruit le système agraire traditionnel
Ces mesures sont au nombre de quatre.
a) L'impôt en argent
L'impôt institué en Côte d'Ivoire par un arrêté du 14 mai
1901, frappe les hommes, les femmes et les enfants âgés de plus de dix
ans. Il peut être acquitté en argent ou en nature (le plus souvent en
argent) .
Les procédés brutaux de sa perception devaient en faire,
avec le travail forcé, le symbole de l'exploitation coloniale. Cet
impôt perçu, sert à alimenter 1e budget de la colonie et à confection-
ner son outi11age économique.
Le paysan indigène est contraint de se salarier, ou de
produire beaucoup p1us de café-cacao, pour pouvoir dégager un surplus,
et s'acquitter de son impôt.
"Si l'impôt est traditionnellement un instrument financier
destiné à faire face aux besoins du budget des colonies, du fait de
l'existence d'industrie, et en raison de la pratique d'un commerce
de type primitif ( ... ),1 'impôt servait aussi à des buts extra fis-
caux. L'impôt était également un moyen d'intervention politique,
économique, une méthode d'exploitation protéiforme, c'est à dire
qu'il était aussi à l'origine des diverses réquisitions, des contrats
obligatoires avec les colons, que des cultures obligatoires" (1).
(1) Anouma René Pierre, l'impôt de capitation, le système des presta-
tions et des corvées en Côte d'Ivoire de 1901 à 1930 (Rô1e de mise en
valeur et l'évolution économique et sociale), Aix en Provence, 1973,
Thèse de 3ème cycle, 2 vol., cf.vol.l, p.4.
34
En effet, la solution très ingénieuse qui consiste à ins-
tituer un impôt sur la population indigène et à le faire payer en ar-
gent, oblige le paysan à cultiver les produits d'exportation, et, en
même temps, répand l'usage de la monnaie, en se substituant au système
de troc. L'impérialisme français, au stade suprème de sa domination,
nlavait pas d'argent à consacrer à la réalisation d'une infrastructure
adéquate, mais plutôt, à la réalisation d'un profit toujours croissant.
Pour la construction de routes, de ponts, de chemins de fer,
etc ... , les administrateurs colons obligeaient les indigènes à payer
une contribution toujours plus élevée. La méthode qui consistait à payer
un impôt de plus en plus élevé, conduisait le paysan, sous la pression
de l'administration coloniale, à s'adonner aux cultures commerciales
d'exportation.
Dans le contexte économique national, la Côte d'Ivoire
fait figure de pôle de déVeloppement des cultures arbustives et deve-
nue, avec la pression coloniale, un centre de collecte de café-cacao.
Ceci nlest pas le résultat d'un lent processus de mise en
valeur, comme dans le Ghana, où l'économie de plantation a une longue
histoire? En Côte d'Ivoire, la généralisation de la plantation est un
phénomène datant de l'après guerre et contemporain d'un tournant de
la politique coloniale.
La violence, ou la mise en p1ace de llappareil adminis-
tratif colonial et la première apparition de l'économie
de plantation sous la forme d'une tentative de colonisa-
tion de peuplement européen.
La pacification prend fin à la veille de la première guerre
mondiale. Elle a été extrèmement brutale - villages rasés, population
35
pourchassée, résistants abattus, cultures détruites, bétail extermi-
né... L'hémorragie démographique est encore aggravée par d'importants
mouvements de fuite vers les régions voisines.
Le nouvel ordre eut à peine le temps d'imposer le regrou-
pement des populations le long des axes stratègiques et autour des
postes de contrôle, que l'aide à la métropole engagée dans le conflit
européen, entraina une exploitation accrue des nouveaux "sujets tl :
contributions en matières premières avec cultures forcées, impôts,
cuêillette du palmite
et du caoutchouc obligatoires.
b) Le travail forcé et les cultures obligatoires
Le travail forcé est une forme de soumission formelle du
paysan à toute une série de corvées qui font de lui, clest à dire du
paysan, un sujet taillable et corvéahle. Les prestations qu'il doit
accomplir consistent en journées de travail gratuit d'une durée maxi-
mum de dix jours au profit de l'administration coloniale.
Quand aux cultures obligatoires, elles astreignent l'indi-
gène à produire des cultures d'exportation, pour les besoins des mar-
chés de la métropole, enfin de percevoir un petit salaire pour s'acquit-
ter de son impôt.
c) Construction d'infrastructure et route
La constructiun de l'infrastructure, financée par la métro-
pole a serYi de support aux transformations et à l'évolution de l'éco-
nomie de traite.
Les voies de communication facilitent 1'évacuatiun des
produits de traite et la redistribution en sens inverse des produits
manufacturés.
36
Quant au réseeu ferré, il se limite à une ligne de péné-
tration qui relie la basse Côte d'Ivoire à la Haute-Volta (l).
La construction de cette ligne est gérée par la régie
Abidjan-Niger (2), sous-produit de la SNCF.
d) L'enseignement colonial
L'administration coloniale a transformé l'infrastructure
économique, mais aussi les structures socio-cu1ture11es du pays.
Un des éléments de l'idéologie coloniale est l'affirmation
de la mission civilisatrice des métropotes. Le développement d'un
enseignement officiel permet de justifier cette affirmation. En fait,
il obéit aux exigences de la colonisation qui sont
1°/ d'assurer après la première soumission des autochtones par
les contraintes, leur conquète morale (3), afin de tenir la colonie
sous 1'occupation dépendante, avec une administration relativement
faible.
2°/ de fournir des cadres subalternes aux entreprises agricoles,
industrielles, commerciales et à l'administration locale.
Comme le précise le gouverneur Brévié : "le devoir colo-
nial, et les nécessités politiques et économiques imposent à notre
oeuvre une double tâche
- il s'agit d'une part de former des cadres
qui sont destinés à devenir nos auxiliaires dans tous les domaines ... ,
(1) Cette ligne de pénétration permet aussi de drainer la main d'oeuvre
voltaïque pour son utilisation dans les plantations de café-cacao.
(2) La construction de cette ligne a commencé en 1904 en COte d'Ivoire,
pour atteindre la Haute-Volta (Ouagadougou) en 1955.
(3) Ctest le titre d'un ouvrage de Georges Hardy, Une conquête morale,
l'enseignement en A.O.F, Paris, A.Colin, 1917, XI, 336 p.
37
- d'autre part
d'éduquer la masse pour la rap-
t
procher de nous et transformer son genre de vie. Pour opérer ce rappro-
chement
l'enseignement doit répondre à l'usage de la langue du colo-
t
nisateur".
Quant au gouverneur Roume, il explique que "par un ensei-
gnement bien conduit, il faut amener l'indigène à situer convenable-
ment sa race et sa civilisation au regard des autres races de civi-
lisation passées et présentes
l'amener
t
à produire les cultures d'ex-
portation en vue du bon fonctionnement de nos industries
en l'obli-
t
geant à payer des impôts. C'est un exellent moyen d'atténuer cette
vanité relative qu'on lui reproche, de le rendre modeste, en lui
inculquant un loyalisme solide et raisonné. Tout l'enseignement de
1'histoire, de la géographie doit tendre à montrer que la France est
une nation riche, puissante, capable de se faire respecter ll (1).
Toutes ces mesures favorisent l'implantation des colons,
avec la complicité des chefs traditionnels composant la noblesse de
tribu. Les décisions ~rises en vue de l'expansion des cultures d'ex-
portation ne va pas se faire sans obstacle.
Il ne faut pas perdre de vue que le système agraire tra-
ditionnel, basé sur les cultures d'autosubsistance, en plus régi par
des droits coutumiers très stricts et basés aussi sur un droit collec-
tif de la terre, avec, comme seul responsable, le cnef de lignage ou
le chef de la tribu.
(1) cité par Mcumouni (A), l'éducation en Afrique,Paris, Maspero,
400 p., page 54.
38
111- Le développement de la production en rapport avec
le commerce colonial
L'introduction du café et du cacao dans l'économie ivoirien-
ne n'est pas pour effet du hasard, mais par un effet induit par l'adminis-
tration coloniale, dans le but d'approvisionner le système productif de
1a mé t ro po 1e .
En 1913, la production de café-cacao avait atteint 44 ton-
nes. Dans les régions frontières de l'Achanti, spécialement dans l'indenié,
la culture de cacao-café était developpée. Quelques colons la pratiquaient
mais elle était dès le départ l'affaire des paysans ivoiriens. En 1939,
sur 180 000 ha plantés en cacaoyers, 8 000 ha seulement appartenaient
-
.
aux pays ~oiriens et 172.000 aux colons Européens
L'agriculture souffre de la prédominance de quelques pro-
duits, mais aussi d'une inorganisation de la production.
Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, les producteurs afri-
cains n'avaient ni syndicat agricole, ni coopérative, qui leur eussent
permis d'améliorer les conditions de la production, et de résister aux
exigences des maisons de commerce colonial. En effet, les sociétés indi-
gènes de prévoyance (S.I.P), nées d'un dessein généreux de quelques
africains pour parer à l '''imprévoyance'' indigène, dev1ent très tôt un
moyen d'escroquerie de la paysannerie (1'. Elles furent dissoutes en
1946.
(1) Les sociétés indigènes de prévoyance, de secours et de prêts mutuels
ont été créées en A.O.F par le décrêt du 29 juin 1910. Elles avaient pour
but de constituer des services de graines sélectionnées, de fournir des
instruments agricoles, de venir en ai~e aus paysans en cas de maladie ou
d'accident, de parer aux conséquences des fléaux naturels (sécheresse,
inondations, etc ... )
39
Evolution de la production de 1923 à 1960 (en
tonnes)
Années
Café
Cacao
Années
Café
Cacao
1923
11 514
1941
143 200
69 000
~
.
1924
953
15 251
1942
146 000
62 000
1925
517
18 000
1943
147 300
54 000
1926
1 166
15 239
1944
150 000
45 000
1927
1 867
22 973
1945
155 800
75 000
1928
2 389
31 582
1946
159 200
70 000
1929
4 051
41 672
1947
162 275
74 385
1930
4 451
35 000
1948
166 910
84 096
1931
7 268
33 000
1949
174 040
100 239
1932
13 275
43 000
1950
174 800
105 228
1933
16 910
52 000
1951
189 400
107 042
..
1934
26 046
61 000
1952
198 900
99 332
1935
51 837
67 000
1953
203 100
107 042
1936 ( 1 )
64 846
74 000
1954
212 000
130 000
1937
100 795
73 000
1956
95 700
71 772
1938
140 761
79 000
1958
112 500
46 300
1939
141 000
97 000
1959
104 700
63 300
1940
142 160
79 000
1960 ( 2 )
185 000
100 000
.Source
statistiques de la Société commerciale interocéani-
que, de 1945 à 1955, Havre
(1) Charles Rufenacht, le café et les principales matières pre-
mières, édité par la SI, 1955, Havre
(2) Antonio di Fulvio, le café dans le monde, n09, 1947, pp.218-
219
40
A travers le tableau ci-dessus t nous voyons une progres-
sion rapide de la culture du café de 1924 à 1930 t avec une chute en
1931 (7268 t)t puis une reprise en 1932 (12 275)t une légère baisse
en 1936 (64 846). De 1937 à 1954 t la production du café a été très
régulière t de 100 795 tonnes en 1937 à 212 000 tonnes en 1954. A partir
de 1956 t la production est fluctuante : 95 700 tonnes en 1956 ; 112 500
tonnes en 1958 ; 104 700 en 1959 et 185 000 en 1960. La baisse de la pro-
duction est dûe : 1° au vieillissement des plants t 2° à la sécheresse.
Quant au cacao, la progression est plus lente t mais soutenue: de Il 514
tonnes en 1923 t on passe à 130 000 tonnes en 1954 t avec quelques fluctua-
tions comme en 1942 (62 000 t), 1943 (54 DOat). A partir de 1956, pour
les mêmes raisons évoquées pour le café, la production de cacao passe
de 130 000 t en 1954, pour atteindre en 1956 (71 772 t), en 1958 (46 000 t}.
Puis une reprise à partir de 1959 (63 300 t), et 100 000 tonnes en 1960.
Il faut signaler que la production du café était insignifiante avant la
première guerre mondiale. La culture du café fut répandue en Côte d'Ivoire
par les méthodes administratives coloniales (cultures obligatoires, im-
pôt en argent, travaux forcés t etc ... ).
Le développement de la production de café-cacao, met déjà
la Côte d'Ivoire dans une situation de dépendance vis à vis de la métro-
pole. La dépendance peut se percevoir à trois niveaux.
1°/ au niveau de l 'écon~ie ;
2°/ au niveau de la production
3°/ et au niveau du commerce.
1°/ Au niveau de l'économie
La vie économique influence la vie politique dans la
période coloniale.
L'influence s'exerce par les modifications que l'économie
introduit dans la composition de la société, elle-même lieu où se pren-
nent ses formes politiques.
La domination coloniale a introduit la Côte d'Ivoire dans
le système capitaliste moderne, avec toutes les conséquences que celà
peut créer dans la société traditionnelle (changement de mode de vie,
bouleversement, etc ... ). Le mode de production capitaliste se surimpose
au mode de production traditionnel.
L'économie de la moitié du XXème siècle garde certains ca-
ractères des trocs du XIXème siècle. Elle a été définie avec raison
sous le vocable "d'économie de traite". L'économie est basée sur la
traite des produits de cueillette, et des produits cultivés, qui sont
apportés à l'état brut, en retour, les colons importent des produits
fabriqués.
L'intérêt de l'impérialisme français est de déve10pper
les branches de la production des cultures d'exportation. Par ce sys-
tème économique l'administration coloniale maintient le pays dans la
dépendance totale, en l'obligeant à se spécialiser dans les deux cul-
•
tures (café-cacao). Il s'agit d'une exploitation mercantile qui corres-
pond à la médiocrité du capitalisme métropolitain.
On ne saurait comprendre le fondement de la dépendance,
si l'on s'écarte de la théorie objective de la valeur. Or, c'est la
théorie subjective de la valeur qui va triompher dans la science écono-
mique à partir de 1870. Nous pouvons justifier la théorie subjective
à travers les explications de Samir Amin qui dit : lien refusant de ré-
42
duire tous les coûts en "différents facteurs", au dénominateur convnun
du travail social, l'économie conventionnelle renonce à toute comparai-
son possible des productivités, et perd le sens du concept essentiel de
niveau de développement des forces productives" (l).
Quand nous regardons les investissements français, nous
constatons qu'il furent très faibles: 28 milliards de francs pour les
investissements privés, contre 50 milliards pour le secteur public en
1940 (2). Cette différence s'explique par le fait du financement de la
quasi totalité des dépenses d'infrastructure, dans le seul but de drainer
les produits d'exportation.
Les capitaux privés sont învest ts dans 1e commerce, dans
l'agriculture, plus particulièrement dans les plantations européennes,
et accessoirement, dans l'industrie et les mines. Les investissements
publics permettent ainsi aux maisons de commerce colonial (SFCI-SCOA)
de tirer de l'économie de traite, des pror'tts de monopoles fat'Hes sars
risques, sans de gros investissements. La dépendance de la Côte d'Ivoire,
axée sur les produits de traite (café-cacao), se fait au détriment de
la production vivrière. Celà explique la faiblesse de la mise en valeur
de la Côte d'Ivoire, et de l'Afrique en général.
2°/ Au niveau de la production
A côté du paysannat ivoirien, qui fournit l'essentiel de
la production, le colonat européen prend une place désormais notable,
avec des moyens que nous avons déjà décrit (contraintes de nature fiscale
(1) Samir Amin, le développement inégal. pp.113-115, chapitre III.
(2) Suret Canale, Afrique noire occidentale et centrale, tome II, l'ère
coloniale 1900-1945, Paris, 1964, p.209 et 637.
43
culture obligatoire, impot, ... ). L'administration coloniale monopolise
l'exploitation forestière, et contrôle les cultures de plantation. La
présence de l'administration coloniale n'apporte aucun changement dans
son mode d'exploitation; ni dans les techniques, ni dans l'organisation
de la société. Par contre, elle bouleverse et perturbe l'ordre établi
par la société traditionnelle en raison de son caractère égalitaire.
L'outillage dans les plantations des colons, comme ail-
leurs, demeure à peu près ~usivement manuel, limité au coupe-coupe
et à la houe. Le personnel est constitué de manoeuvres requis ou recru-
tés à temps limité, qui ont laissé leur familleau village et entendent
y retourner dès que possible.
Le cacao introduit en 1908 par le gouvernement Angoul-
vent en Côte d'Ivoire, en employant la manière forte, chère à cet admi-
nistrateur (1).
La culture forcée du cacao fut généralisée, surtout après
1913, lorsque la crise du caoutchouc eût posé avec acuité le problème
des exportations de remplacement. L'exemple de la Gold Coast (actuel
Ghana), oQ la culture "indigène" du cacao connaissait un plein succès
était tentant. Autre problème, c'est qu'il y avait une rivalité entre
l'impérialisme colonial anglais, au niveau de la dépendance, et la mise
en valeur de leurs colonies, comme fournisseur de matières premières
agricoles (café-cacao).
(1) Discours du gouverneur général, au Conseil d'administration de
1 'A.E.F, l'Afrique française, 1937, n03, pp.131-140.
44
3°/ Au niveau du commerce
Le commerce en COte d'Ivoire coloniale, était monopolisé
par de grandes compagnies commerciales qui étendent leurs activités à
plusieurs territoires africains. Les plus importantes sont: la Compa-
gnie française de l 'Afrique~ccidentale (CFAO), dominée par des inté-
rêts marseillais (Marsei1laise de crédit, armateur Cyprien-Fabu et Frais-
Sinet), et la Société commerciale de l'ouest africain (SCOA), le groupe
.~nilever, représenté en Côte d'Ivoire par la Compagnie française de
Côte d'Ivoire (CFCI). Tous les intérêts de la métropole étaient repré-
sentés par les trois sociétés.
Chaque maison de commerce européen dispose d'un comptoir
central, au chef lieu de la colonie, ainsi que de comptoirs et de factories
secondaires dans les villes et postes de l'intérieur.
L'organisation de ce commerce de traite est lourde. L'é-
coulement des produits exportés exige l'entretien de succursales en
France, d'agences à l'étranger. Entre le siège central et la factorie
de brousse, s'interposent plusieurs échelons bureaucratiques ... , ~~is
les agents européens sont responsables de leurs marchandises, Presqu'au
même titre que les sous traitants. Le trust se garantit ainsi contre les
aléas, et préfère l'emploi de personnel européen, plus onéreux, et moins
adapté au pays, et moins susceptible de s'évanouir dans la nature en
emportant la caisse (1).
IV- Le bouleversement de la société traditionnelle
La société traditionnelle, avec l'introduction des cultures
(1) Suret Canale (J), op.cit., p.244.
45
obligatoires, basées sur la contrainte, et 1'impOt se désorganise, se
transforme.
L'économie de trà1te entraine le recul de l'économie dite
de subsistance. Le développement des cultures industrielles d'exportation
modifie les rapports de 1'homme à la terre. Une agriculture itinérante
sur brûlis, fait place à des cultures permanentes qui exigent une main
d'oeuvre plus abondante, les planteurs remplacent les cultivateurs.
Certains cultivateurs issus de la noblesse de tribu, profi-
tent de leur position pour s'approprier les terres et développer de nou-
velles cultures d'exportation.
L'usage de la monnaie crée des besoins nouveaux. Pour les
satisfaire, il faut s'expatrier, se mettre au service des entreprises
coloniales, ou détruire la culture vivrière au profit des cultures d'ex-
portation, pour augmenter le rendement. Ce qui entraine inévitablement
l'affaiblissement de l'organisation familiale de la parenté, dû au develop-
pement de nouvelles formes de travail, basé sur la loi de la rentablilité
et du profit. L'administration coloniale, en mettant en place une nou-
velle forme d'organisation de la société, par l'introduction de la mon-
naie, introduit une stratification de la société ivoirienne, et met en
place une nouvelle classe sociale, qui constitue actuellement la bour-
geoisie agraire rurale.
- La stratification et les classes sociales
A côté des anciennes classes traditionnelles qui dispa-
raissent, naissent d'autres classes et couches sociales du développement
économique. Ce qui implique de nouveaux rapports de production introduits
46
par le colonisateur.
La société traditionnelle (1) rurale a été profondément
bouleversée par l'introduction de l'économie de plantation. Elle entrai-
ne l'apparition d'une nouvelle catégorie sociale: IIl es planteurs ", Mais
cette catégorie est loin d'ê~re homogène.
Nous pouvons distinguer des classes ou des embryons de
classe, si l'on considère la propriété des moyens de production, et les
rapports de production.
La propriété est d'abord la terre. Selon le droit foncier
africain, la terre appartient au groupe tribal tout entier. Avec l'in-
troduction des cultures marchandes, imposées par le colonisateur, nous
assistons à un glissement de la propriété collective de la terre, vers
une appropriation privée, conséquence d'une stratification sociale des
planteurs. Le mouvement a été plus aisé dans les régions à chefferies
et.à royaumes, où les chefs ont transformé leurs droits de contrôle
sur la terre, en droits de propriété privée du sol. En plus ils béné-
ficient des prestations traditionnelles de travail de leur profit. Par
ce processus, ils ont pu développer leurs plantations. Dans les régions
sans chefferies et sans Etat, le processus a été plus lent, comme l'ouest
de la Côte d'Ivoire (2) où le contrôle des terres n'etait pas aussi
(1) Le concept de société traditionnelle a été à juste raison mis en cau-
se par les chercheurs. Selon une interprétation pernicieuse la tradition
africaine est réduite à un unique tableau synchronique, dont tous les
points seraient contemporains entre eux, et uniformément opposés aux points
de la société coloniale. Pour nous, la tradition n'est pas univoque, mais
un héritage complexe, contradictoire, plurivoque qui permet un processus
d'adaptation des hommes.
(2) Terray (E), l'organisation sociale des Dida de Côte d'Ivoire, An-
nales de l'Université d'Abidjan, 1969, série F, 375 p., pp.332-334.
47
rigoureux et hiérarchisé.
La propriété de la terre est aussi celle du capital argent
qui n'emploie pas d'ouvriers agricoles.
Par contre, sous régime de travail forcé, certains petits
planteurs étaient recrutés comme main d'oeuvre pour travailler dans les
plantations des planteurs colons, contrairement aux planteurs moyens
qui emploient une main d'oeuvre réduite, en général deux manoeuvres, et
participent eux-mêmes aux travaux agricoles.
Quant aux grands planteurs, ils sont inactifs et utili-
sent une main d'oeuvre très abondante.
L'appropriation des terres par les colons, a entrainé
un bouleversement de la société traditionnelle africaine, du fait de
l'expansion des cultures d'exportation.
Celà ne s'est pas fait sans problèmes, car avant l'in-
troduction des cultures obligatoires dans l'économie ivoirienne, la
terre était considérée comme propriété collective de la communauté tra-
ditionnelle et constituait aussi un obstacle à l'expansion et au dévelop-
pement des cultures industrielles d'exportation.
Quels étaient les obstacles à l'expansion?
\\
10 / Le système agrai're traditionnel
Le système agratre traditionnel était basé sur l'agricul-
ture vivrière, pour satisfaire les besoins de la communauté. Les échan-
ges avaient lieu à l'intérieur de la même communauté, et entre communau-
tés, lors des fêtes collectives.
2°/ Le droit coutumier qui régit la terre
D'une façon générale, le système du droit coutumier tra-
48
ditionnel était basé sur une réglementation collégiale des doyens; les
chefs de clans, ou chefs de la communauté (1). L'intégralité du revenu
de la récolte revient au chef de famille, lequel en dispose, et en assure
la redistribution.
Ce revenu est le produit des rapports de dépendance, et
d1exploitation de la main d'oeuvre familiale et voltaïque. La distribu-
tion qu'on peut établir, par une approche statistique, entre petit$
moyens, et gros planteurs, reflète les classes sociales en formation
selon les données fournies par Samir Amin, 1J1a distribution des exp1oi-
tations dans les zones de plantation en 1950 (2)
Nombre
Hommes actifs
. Revenus
Revenu
Commu-
Popu-
Super-
de
des
par
:Salaires:
commu-
Plan-
Dépen-
ficie
Plan-
~exploi
nautés
lation
:Ouvriers:
nautés
teurs
dants
teurs
tation
---- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ---_:
(000)
(000)
l-t"lJ ...."IA.. ~Milliards val. 196!> (000)
Petits
18
i40
18
27
60
1,6
90
Moyennes:
26
310
26
74
10
150
0,2
4,0
150
Grandes
9
180
(9) (1) :
51
25
100
0,5
2,3
250
Totaux
53
630
53
152
35
310
0,7
7,9
490
1)
non actifs
49
l'analyse de ces données montre l'existence de trois grands
groupes sociaux: les planteurs, les dêpendants et les ouvriers agricoles.
les groupes se répartissent en un tiers de petites communautés (8 person-
nes en moyenne), en une moitié de communautés moyennes (12 personnes),
et un sixième de grandes communautés (20 personnes). Les petits planteurs
disposent d'exploitations de type familial qui font appel à une main
d'oeuvre familiale.
Tout d'abord, c'est le doyen du clan, ou le chef de tribu
qui a l'autorité sur la terre, le mattre de la terre. les droits des chefs
de tribu étant éminents, inattaquables et inviolables.
Si à l'intérieur d'une même tribu un membre désire de-
mander une parcelle de terre à cultiver, il doit s'adresser au chef de la
famille qui soumet sa requête au chef de la tribu (l'exemple du peuple
Akan lagunaire). Les modes de production communautaires comme l'expli-
que' Ami n, consti tuent l es perm; ers modes de production fondant une di s-
tinction de classe embryonnaire. Ils assurent le passage du communisme
primitif aux sociétés de classe achevées. Ce communisme primitif se dé-
finit comme la "négation primitive" selon la formule de Guy Dhoquois -
de la division du travail et du surp~oduit. Parce que ce passage du né-
gatif (absence de classe) au positif (société de classe) est lent et
progressif, les modes communautaires sont variés et nombreux et détermi-
nés par les conditions écologiques (1).
(1) Samir Amin, le développement inégal, p.9, chapitre l
50
3°/ Le droit collectif de la terre
Le système économique est fondé sur une économie d'auto-
subsistance, vouée exclusivement à la production des produits vivriers
de base. Mais il faut bien retenir que les modes de production de la com-
munauté primitive sont tous caractérisés par: 1 'organisation du travail,
La terre étant la propriété collective de la communauté, son usage est
libre à tous ses membres, mais selon des règles précises, sous le con-
trôle du chef de la tribu.
Dans la société primitive, où le droit de propriété est
collectif, l'administration coloniale, pour introduire et imposer les
cultures d'exportation, va mettre en oeuvre un nouveau code domanial,
inspiré du code français. La mise en application va bouleverser l'équi-
libre traditionnel auquel le paysan ivoirien est attaché depuis des gé-
nérations. Comment lever ces ostacles ?
Pour lever les obstacles que nous venons de citer, l'admi-
nistration coloniale introduit le code civil français.
Lorsque s'est posé à l'adm;: stration française du XIXème
siècle, le problème de doter la Côte d'Ivoire d'un régime foncier de
droit écrit, une solution était disponible: l'utilisation du code ci-
v"il français.
Pour disposer d'un régime foncier, l'administration
française s'est contentée de promulguer le code civil français par ar-
rêté du 5 novembre 1830 applicable au Sénégal puis en Côte d'Ivoire (1).
Or, le code civil napoléonien, qui avait été une réussite
(1) Cité dans le reçrme domanial et foncier et le développement économi-
que de la Côte d'Ivoire par Albert Ley, librairie générale de droit et
de jurisprudence, Paris 1972, p.468.
51
dans son ensemble, comme l'explique le code civil françai$ nia pas don-
né satisfaction en France en matière de régime foncier parce qu'il se
référait à la philosophie juridique individualiste de l'époque, qui con-
sidérait les droits fonciers comme des secrets de famille qui ne doivent
pas faire l'objet d'une divulgation par une publication sur des regis-
tres publics.
Mais tout au cours du XIXème siècle les critiques des
économistes et des banquiers contre le régime se sont poursuivies. Le
gouvernement s'en est inquiété, et, par décrêt du 30 mai 1891 a été créée
par le ministre des finances, qui était à l'époque Poincaré, une "commis-
sion extra-parlementaire du cadastre ll composée de 76 membres chargée
d'étudier les que~tions soulevées par la réforme du cadastre. La commis-
sion avait procédé à une étude de tous les régimes fonciers connus à
l'époque. L'administration responsahle du régime foncier en COte d'Ivoire
s'est inspirée des premières conclusions de la commission extra-parle-
mentaire en créant en Côte d'Ivoire le régime du livre foncier du 24
juillet 1906.
En fait, ce n'est qu'une transposition de la législation
française. Face aux résistances des indigènes, les administrateurs co-
lons ont adopté une solution spécifi~ue qui cQnsiste à passer par la
noblesse de tribu.
Quelle est 1'origine de cette solution?
Tout d'abord, l'instruction rappelle que son origine
réside dans le grand principe (souvent proclamé, pas toujours appliqué,
notons-le, du respect des coutumes). L'instruction d'application du 19
octobre 1906 du gouverneur général Merltfi donne les détails intéressants
sur cette nouvelle institution. Le gouverneur général dans son rapport
52
de présentation considère que dans les régions 00, je cite "l'usage
de l'écriture est à peu près inconnu, il ne peut nécessairement ètre
question, lors de la conclusion des accords entre particuliers, de la
passation d'un acte. Le gouverneur continue dans son rapport en disant
"le premier devoir, le plus essentiel peut-être, d'une nation civilisée,
à l'égard des peuples de cultures encore rudimentaires dont elle a con-
quis les territoires ... est incontestablement de respecter, dans la me-
légitime, les lois, les moeurs. Il faut exercer la domination et obliger
les indigènes à libérer les terres au profit des cultures d'exportation,
source de richesse de notre mère patrie" (1).
Avec l'application du décrêt de 1906 qui disait: "Toutes
les terres vacantes sont sous le contrOle de l'Etat français", d'une
façon schématique.
Le but de la mise en place de ce décrêt, était d'obliger
les paysans à délaisser leur système traditionnel de production, qui
tournait autour des cultures vivrières, et se consacrer à la culture
d'exportation.
Une des théories qui a favorisé l'appropriation des terres
~
par l'administration coloniale, c'était la déclaration faite par Houphouët
Boigny (chef de tribu) qui disait
: "la période de 1843 à 1893, la COte
d'Ivoire était une dépendance directe du Sénégal, ce qui donne à la
France la souveraineté d'appliquer le même décrêt à la COte d'Ivoire"(2),
(1) CI IV Dossier 9, expansion territoriaTeet politique indigène 1910,
Archives nationales de Paris, rue Oudinot.
(2) Le régime domanial et foncier et le développement économique de la
Côte d'Ivoire, p.14 et 181, par Albert Ley.
53
Après cette déclaration du chef de la noblesse de tribu,
une partie des terres lui était attribuée:
Par ce processus de transportation et de corruption, l'ad-
ministration coloniale, accédait à la propriété de la terre.
La politique expansionniste des cultures d'exportation
nécessite une mise en place d'une main d'oeuvre abondante, pour la mise
en valeur des terres à cultures de traite. C'est dans cet ordre d'idée
que fut créé le syndicat interprofessionnel pour l'acheminement et le
recrutement de la main d'oeuvre.
En 1894, une réglementation pour le recrutement de la
main d'oeuvre avait été mis en oeuvre-par le gouverneur des établissements
français de la Côte d'Ivoire. Le gouverneur Binger devait écrire:
"Vu l'article 51 de l'ordonnance organique du Sénégal du
7 septembre 1840 rendue applicable à la Côte d'Ivoire par décrêt
du 10 mars 1893 ; Considérant que le recrutement des indigènes
de la Côte d'Ivoire par les navires de passage a pour effet de
raréfier la main d'oeuvre et d'entraver ainsi l 'éx€cution de
tous travaux dans les plantations agricoles
Considérant d'autre part. que le recrutement
des ouvriers indigènes dans les possessions anglaises du Golfe
de Guinéeest soumi s à une régl ementati on et frappé de taxes qui
font rejeter sur la Côte d'Ivoire tous les i~convénients de
recrutement des travailleurs;
Arrêté
Article 1 : Le recrutement des indigènes de Côte d'Ivoire pour
travaux à éxécuter hors de la colonie de la Côte d'Ivoire ne
pourra être fait qu'avec l'autorisation du gouverneur ou de son
54
représentant.
Article 2 : Une taxe
de 25 francs par indigène devra être per-
çue préalablement à l'embarquement, lorsque le chef indigène
aura encouru au recrutement des engagés, la moitié de la taxe
d'engagement lui sera attribuée.
Article 3 : Lorsque l'administration le jugera nécessaire, pour
assurer le rapatriement des indigènes dans le délai convenu par
le contrat d'engagement et pour assurer l'exécution des clauses
dudit contrat, une caution pourra être éxigée des engagistes.
Cette caution sera fixée par décision spéciale de l'adminis-
tration et réalisée par un dépôt d'espèces, ou, si l'administra-
tion le juge suffisant, garantie par un engagement écrit de payer
les sommes qui seraient dues pour inéxécution du contrat.
Article 4 : Le secrétaire général est chargé de l 'éxécution du
présent arrêté qui sera enregistré et communiqué partout où
besoin sera" (1).
A travers le décrêt qui réglementait le recrutement de la
main d'oeuvre indigène, nous pourrons conclure qu'il y avait un accord
de transfert de main d'oeuvre d'une colonie à l'autre, moyennant une taxe,
ou une caution après établissement d'un contrat d'engagement. Nous voyons
le rôle de l'administration coloniale, et aussi le rôle des chefs coutu-
miers dans le recrutement de la main d'oeuvre, qui sera étudié dans la
section II.
(1) Extrait des archives nationales de Parts, 1894, cr XIV, dossier nOl,
réglementation de recrutement de la main d'oeuvre, voir lettre du gouver-
neur Singer écrite à Grand Sassam le 10 janvier 1894.
55
Section II
Le rôle de l'administration coloniale dans
l'acheminement de la main d'oeuvre
(l'exemple de SIAMO (1))
Avant 1925, les entreprises privées recruta~ent librement
leur main d'oeuvre dans les régions denses en population. Elles déléguaient
des agents recruteurs a~près des chefs coutumiers de ces zones qui, moyen-
nant certains avantages, leur procuraient la main d'oeuvre demandée (2),
que celle-ci soit ou non volontaire. Evidemment, ces genres de recru-
tement non contrôlés ont conduit à de fréquents abus; conditions d'héber-
gement et de nourriture laissant à désirer, salaire très bas, absence de
surveillance sanitaire, tâches souvent trop dures pour l'état physique
de l'ouvrier, durée de travail non réglementé ... Or, les besoins en main
d'oeuvre du secteur privé devenaient de plus en plus importants. Dans
les années qui suivirent la guerre 1914-18, les entreprises privées se
trouvaient en concurrence directe avec l'administration coloniale qui,
de son côté employait encore davantage de travailleurs.
Pour aboutir à une répartition des travailleurs entre les
travaux administratifs d'utilité publique, et les travaux des entrepri-
ses privées le législateur a promulgué par décrêt du 22 octobre 1925 une
réglementation du travail, qui sera mise en application dans le cadre de
l'organisation coutumière de la main d'oeuvre. Compte tenu de toutes les
(1) SIAMO
Syndicat Interprofessionnel pour l'acheminement de la Main
d'oeuvre
(2) Une forme déguisée de la traite des Noirs qut se faisait par le biais
des chefs coutumiers qui avaient un certain regard sur la communauté
56
mesures mises en place par l'administration coloniale, la section II se
consacre à l'étude de la main d'oeuvre dans l'organisation sociale cou-
,
tumière (1) ; la main d'oeuvre pendant la phase évolutive de l'agricul-
ture (II) et l 'abolitior·du travail obligatoire. qui a vu la création du
SIAMO (III).
1- La main d'oeuvre dans l'organisation coutumière
Longtemps le travail de la terre a été principalement effec-
tué par la main d'oeuvre coutumière, composée en majorité de travailleurs
familiaux. Sous cette main d'oeuvre familiale. il faut comprendre l'exploi-
tant. son ou ses épouses. les descendants et les personnes vivant sous
son toit, et les enfants à sa charge. Les travailleurs familiaux ne per-
cevaient aucune rémunération en espèces pour les services rendus, par
contre ils étaient logés. nourris, vêtus et soignés.
Avec la pénétration européenne. relativement récente en
Côte d'Ivoire (début du XXème siècle). quelques changements ont été ap-
portés dans l'organisation et l'emploi de la main d'oeuvre avec l'intro-
duction des cultures modernes d'exportation (café-cacao).
Avec le passage progressif du stade de la culture vivrière
à celui de la culture marchande. l'emploi des travailleurs familiaux
tend à évoluer dès 1925 d'abord. et à régresser ensuite.
En fait, au fur et à mesure de l'introduction de l'écono-
mie monétaire. certains membres de la famille. les exploitants agricoles.
notamment les jeunes, prennent conscience qu'une rétribution en espèces
devrait dédommager leur travail. Ceci d'autant plus, qu'avec l'tnJplantation
57
d'exploitations agricoles modernes et d'entreprises commerciales indus-
trielles dont les besoins en main d'oeuvre vont en s'amplifiant, la
notion de dédommagement en espèces du travail fourni se généralise. Elle
devient une nécessité devant la croissance constante de la population
et l'impossibilité matérielle de lui assurer au strict niveau familial
les moyens de subsistance et l'évolution qu'elle demande.
De plus en plus, les jeunes quittent leur famille pour se
mettre au service de ces entreprises où ils bénéficient d'un salaire.
Parallèlement, le statut du travailleur (familial) évolue vers celui
du salarié, en empruntant différentes voies. Les avantages, essentiel-
lement en nature, sont complétés par un paiement en expèces.
Dans les exploitations, le système du travail à la tâche
appelé familièrement "contrat" fait son apparition en 1925 , à la même
période, c'est à dire le passage du travail non rémunéré au travail ré~
munéré. Le principe repose sur un arrangement conclu entre l'employeur
et le travailleur, par lequel les deux parties conviennent d'une rému-
nération qui compensera l'éxécution d'une tâche nettement définie. Pen-
dant longtemps encore. cette rétribution, tout en prenant de l'importance
est assortie de la fourniture par l'employeur du logement et le nourri-
ture durant l'éxécution du "contrat". Le maintien de ces avantages en
nature n'est pas nécessairement une survivance partielle du système de
la main d'oeuvre coutumière, mais s'impose du fait des difficultés ma-
térielles de se procurer sur place un logement individuel, ainsi que les
produits alimentaires de base, d'autant plus que bon nombre de travail-
leurs sont célibataires ou non accompagnés de leur famille.
(1) Chaul eur Pierre, le régime du travail dans les territoires d'outre-
mer, encyclopédie d'O-M, Paris, 1956.
58
11- La main d'oeuvre pendant la phase évolutive de
l' agricu1 ture
A l'issue de la guerre 1914-1918, 1'objectif du gouverne-
ment français était d'assurer le redressement économique de la métropole,
à partir d'une production massive et soutenue de l'ensemble de son empire
colonial. Ce1à devait reposer, si on s'en tient aux dires de Sarrau1t
ministre des colonies, sur"1~xp1oitation scientifique", laquelle allait,
avec l'association d'une élite (1), c'est à dire de la bourgeoisie agraire
autochtone, issue de la chefferie traditionnelle, dont les plus influents
appartenaient à la noblesse de tribu (2), rapportée à la dimension de
l' A.O. F.
Que résume cette double équation? En clair, elle résume
"association et division du travail entre la Haute-Volta et la Côte dl f-
voire" :
Côte d'Ivoire
réservoir pour la culture des produits d'exportation, afin
d'approvisionner la métropole en matières premières agri-
coles ;
Haute-Volta
réservoir de main d'oeuvre à bon marché, en vue de leur
utilisation dans les plantations de café-cacao.
Cette idée était appliquée à la lettre, car loin de la pact-
fication de la basse Côte d'Ivoire, de nouveaux besoins se sont faits
(1) Sarrault, la mise en valeur des colonies françaises, p.10l-102
(2) Dupire M, Planteurs autochtones et étrangers en basse Côte d'Ivoire
orientale, in études eburnéennes, VIII, 7, 236, 1960
59
jour
: planteurs ivoiriens et planteurs colons suivent de près la paci-
fication.
Jusqu'en 1925, les entreprises privées auront la latitude
pour opérer les prélévements de la main d'oe~~re. Mais la montée des
cours des produits dès 1920, va créer un changement d'attitude des chefs
de village, avec comme nouvelle tendance, l'accaparement de la main d'oeu-
vre au sein des familles. Il existait 180 630 plants de café-cacao appar-
tenant aux colons européens. contre 88 700 à la bourgeoisie locale (1).
En 1925, grâce aux immenses concessions gratuites de dJ-
maines, les plantations industrielles (café-cacao) des colons européens
et de quelques africains (appartenant à la noblesse de tribu) prennent
un essor considérable.
11 Le mode de recrutement de la main d'oeuvre migrante
L~ Promulgation du décrêt du 22 octobre 1925. la mise en
oeuvre dudit décrêt et de son arrêté d'application du 29 mars 1926. a
soulevé de multiples difficultés. Rien que pour faire respecter les auto-
risations de recrutement délivrées, l'administration a été amenée a exer-
cer des pressions sur les populations des régions visées, par l'intermé-
diaire des chefs coutumiers, afin que les travailleurs se rendent chez les
employeurs auxquels les autorisations ont été accordées.
Dans ce cadre, et pour la même raison, la circulation des
personnes entre les différentes circonscriptions administratives a été
régleme~tée (postes de contrôle. présentation de laisser-passer, des
tickets d'impôts de capitation. des certificats de prestations faites).
Pour se soustraire à ces contraintes (recrutements ou
prestations de services) une bonne partie de la population masculine
a pris 1 'habitude de s'engager dans l'entreprise de son choix. Ces insou-
(1) DUPIRE M. Planteurs autochtones et étrangers en basse
Côte d'Ivoire orientale, en études Eburnéen-
~, VIII - 7.236, 1960
60
mis étaient en fait des travailleurs "volontaires" alors que les travail-
leurs "contractuels" obéissaient à la réglementation sur les recrute-
ments. Un nombre important de travailleurs "contractuels" de Côte d'I-
voire étant recruté en Haute-Volta (réservoir de main d'oeuvre pour
l'administration coloni ale) .
Les opérations de recrutement de travailleurs en Haute-
Volta s'accentuèrent avec la disparition temporaire de ce territoire
en tant qu'entité
autonome. Cette main d'oeuvre était occupée~s61t~à
des travaux d'utilité publique (par exemple construction de la ligne
de chemin de fer), soit dans des entreprises privées (surtout dans les
exploitatio~s agricoles et forestières). Ces recrutements ne s'effec-
tuaient que rarement selon la ligne de conduite tracée par la réglementa-
tion et pour décider les "contractuels" à accepter les affectations, cer-
taines pressions ont dù ëtre exercées sur la population. La même année
(1925), les déboires commencent; les concessions de domaines, clest à
dire les appropriations de terres des cinq dernières années, portaient
en elles des germes d'échec. En voulant trop étendre leurs plantations!
les planteurs colons, et la bourgeoisie agraire, issue de la chefferie
traditionnelle, se condamnaient, dans la mesure où la résistance voltaï-
que dans leur pays était acharnée, et préférant se diriger vers la Gold
Coast, où les conditions de travail étaient moins mauvaises, afin de se
faire de l'argent pour payer l'impôt.
62
- une main d'oeuvre permanente utilisée dans les grands complexes agri-
coles, par rapport aux exploitations à cultures traditionnelles.
En 1933, les propriétés européennes atteignent 14 220 ha-
avec 4 343 ha~pour la société coloniale SPROA (1). La réalisation de
tout celà repose en priorite sur le gigantisme/de la fonction démogra-
phique effectuée dans les régions septentrionales de la Côte d'Ivoire,
surtout autour de Sikasso et en pays Mossi. La Côte d'Ivoire comptant
environ 1 500 000 habitants en 1906 pour atteindre successivement : en
1921, 1 531 000 autochtones, contre 584 non autochtones, en 1931,
2 235 000 autochtones, pour 2 256 non autochtones(2). Si la population
croit de plus de 31 000 habitants entre 1906 et 1921, soit en quinze
ans, on peut penser c~lâ sans craindre la moindre contradiction.
En dix ans, de 1921 à 1931, on enregistre une augmenta~
tion considérable de la population (70 400 habitants en plus).
Evolution
de l'agriculture et le recrutement à outrance
de la main d'oeuvre Yolta~que
Le bon fonctionnement de l'agriculture repose sur l'impor-
tation de main d'oeuvre voltaïque. C'est ainsi que les cercles coloniaux
de Côte d'Ivoire firent pression sur le gouverneur général de l'A.O.F,
par l'intermédiaire du gouverneur local, en lui disant ce qu'il faut
+ Source
Bulletin de la chambre de commerce de la Côte d'Ivoire, n033,
colonie de la Côte d'Ivoire, 1934
(1) SPROA : Société des planteurs réunis de l'ouest africain
(2) Il s'agit des Européens et non assimilés, cf. ministère de T.O.M,
inventaire social économique des T.O.M, 1950 à 1955, Paris 1957, p.25
63
faire: "recrutement forcé, avec tout son caractère d'abus. Il faut
choisir" (1).
La suite ne tarda pas à venir, puisque la disparition de
la Haute-Volta par dépecage est décidée en 1933, dans le souci manifeste
de donner satisfaction aux intérêts forestiers. Les foyers de forte den-
sité démographique de Duaga et de Bobo-Dioulasso, seront affectés en
Côte d'Ivoire comme l'avouera le gouverneur général lui-même dans une
lettre confidentielle adressée le 9 novembre 1937 au chef de l'adminis-
tration de Côte d'Ivoire:
"Cette disparition était due ,au moins autant à la non
viabli1ité économique et financière-du territoire qu'à
sa qualité de réservoir de main d'oeuvre (2). Ceci se
passe de commentaires. Les implications de cette mesure
transparaissent manifestement au vu des chiffres de la
population de la Côte d'Ivoire des années 1931-1946.Soit
respectivement 223 500 et 405 000 habitants. Ce qui relève
un potentiel de travailleurs exploitables et corvéables"(3)
Quand aux voltaTques, ils maintiennent leur attitude à
telle enseigne, que le flux migratoire en direction de la Gold Coast
drainera jusqu'à 100 000 personnes en 1937. Le syndicat unique des p1ôn-
teurs européens et africains, aidé de l'administration coloniale, tentera
d'organiser dès 1938 quatre zones d'accueil en basse Côte d'Ivoire appe-
lées zones d'hébergement, et une autre à Bobo-Diuo~asso. Celà avait pour
but de détourner les Mossi de la colonie anglaise.
(1) et (2) Archives de COte d'Ivoire, département de la main d'oeuvre, XV,
25-6
(3) Archives nationales, 41-54, A.O.F, Notes documentaires, études n0928,
14 juin 1948
64
111- Abolition du travail obligatoire et création
du SIAMO
En 1904, le gouvernement provisoire français abolit la
pratique du travail obligatoire, et rend le travail libre.
La même année, les employeurs de COte d'Ivoire, sur l'ini-
tiative de Raymond Dec1ers, décidèrent de créer un syndicat interprofes-
,
sionnel charge d'organiser l'acheminement de la main d'oeuvre voltaïque
vers la Côte d'Ivoire (SIAMO). Avec la suppression du travail obligatoire
et du dirigisme par la loi du Il avril 1946, il faut noter que, la main
d'oeuvre libérée se trouve soumise aux fluctuations de 1'offre et de
la demande. Bien qu'on ait eu tendance à dissocier la situation des plan-
teurs africains de celle de leurs congénères européens, il nous faut ~ou
ligner l'absence de solution de continuité de l'une à l'autre. Les p1an-
tâtions ivoiriennes sont dans l'ensemble moins développées, et font moins
appel à la main d'oeuvre voltaïque que ies entreprises européennes.
Par rapport au Gold Coast voisin (1), les Britanniques
favorisaient depuis longtemps le développement des plantations indigènes.
Par contre. en Côte d'Ivoire, les autorités coloniales n'envisageaient
que la mise en valeur du pays par des colons européens, en fonction des
besoins de la métropole. Les transports gratuits furent organisés pour
l'acheminement des travailleurs voltaïques à la basse Côte dlIvoire.
On peut remarquer que tout au long de la période du rattachement organique
d'une partie du territoire voltaïque, s'est crée ainsi une situation si
ambigUe que. lorsqu'on évoque le mot "ilTlTligration volta'ique", il est à
(1) Samir Amin, l'Afrique de l'ouest bloquée, p.74-75, chapitre II
65
prendre avec toute la complexité et toute la nuance qui sont requises.
On ne saurait omettre enfin que, cette période correspondait à une
phase de forte croissance économique consécutive au développement des
cultures industrielles (1945-1946). Il arrivait de refuser aux planteurs
africains, l'emploi de la main d'oeuvre importée et même locale. Pire
encore, les colons allaient jusqu'à enlever les manoeuvres dans les pro-
pres plantations des Africains, au profit des entreprises européennes,
d'où la scission qui débouchera sur la création du Syndicat Agricole
Africain (SAA).
Cette manifestation brutale en 1944, pour la création du
SAA, fut l'oeuvre du chef traditionnel Baoulé (Houphouët Boigny).
- Le Syndicat Agricole Africain
En 1944,le SAA organise immédiatement les premiers arrivés
en·rapport avec les autorités traditionnelles Mossi. En avril 1946, le
travail forcé fut complètement aboii. Le fait tient à l'établissement
de la Haute-Volta, le 4 septembre 1947 en tant que colonie autonome.
Dans la même période, survient le recouvrement de certains cercles an-
térieurement concédés au Niger, au Soudan et à la Côte d'Ivoire. La con-
joncture de ces deux événements laissait croire à une rupture du cou-
rant d'immigration Mossi et Bobo. Ce fut le contraire qui se produisit.
Avec la création du SAA, la présence d'un grand nombre
de planteurs africains n'avait cessé d'exercer une influence croissante
sur la vie des planteurs européens.
Après avoir
pris la forme de rapport de bon voisinage,
voire de collaboration, des sources de conflits se firent jour. La riva-
lité apparut surtout à propos de la main d'oeuvre forcée.
66
D'un côté, les planteurs africains utilisèrent le plus
souvent les services des manoeuvres des entreprises que, les Européens
débauchaient. D'un autre côté, les colons s'appuyaient sur l 'a~ministra
tion coloniale pour s'octroyer toute la main d'oeuvre nécessaire impor-
tée de la Haute-Volta ou nan.
Il ne faut pas oublier les rapports qui existent entre les
autorités traditionnelles Mossi, qui sont membres du SAA, et la bourgeoi-
sir rurale ivoirienne avant 1947, seront reconduits à partir de 1951 à
travers leSIAMO. Ainsi se trouvent garanties les sources d'approvision-
nement en main d'oeuvre.
Cet organisme traduit et réalise par ailleurs l'unificatior
des factions africaines et européennes (ceux qui exploitent les travail-
leurs émigrés en particulier après la factice rupture de 1944).
Les populations d'origine voltafque constitueront l'ossa-
ture de la masse salariale au sein de 1a population active ivoirienne,
en considérant que, le SIAMO en a importé de 1952 à 1959, à la veille
de l'indépendance à un rythme accéléré, sauf les années 1956-57, où
nous avons comblé une baisse. P~r contre, l'année 1952, nous avons
relevé un apport très important de travailleurs voltaTques (voir ta-
bleau page suivante).
Les besoins en main d'oeuvre rurale de la basse COte
d'Ivoire représentaient en 1957, 76% de tous les autres secteurs réu-
nis (1). Chiffre considérable qui atteste le développement des exploi-
Samir Amin, le développement du capitalisme en Côte d'Ivoire,p.32
(1) Desclers R, le problème de la main d'oeuvre en COte d'Ivoire, p.lO-30
67
Années
Nombre de
Années
Nombre de
Travailleurs
Travailleurs
1
1952
30 941
1956
16 713
1
i 1953
19 088
1957
15 710
1
i
!
.
1
1954
20 553
1958
1
18 389
1
i 1955
23 472
1959
18143
L
Source
Chambre d'agriculture de Côte d'Ivoire, 1961
tations agricoles. Par contre, nous constatons à la même période, une
baisse du nombre des travailleurs par rapport à 1952. Nous pouvons con-
clure en disant que la concurrence qui se développe à l'intérieur de
la paysannerie, par la promotion du manoeuvre au statut de planteur,
apparait plus prononcée dans les exploitations autochtones dans les
années 1959.
L'immfgration rurale présente donc un double aspect:
elle fournit d'une part aux planteurs ivoiriens une main d'oeuvre émi-
nemment flottante et instable et d'autre part, elle aboutit à la fixa-
tion des Voltatques, dont la masse croit en regard des planteurs autoch-
tones.
Ces deux aspects sont inévitablement liés, puis qU'à
l'heure actue l l e , l'access'ion du manoeuvre au statut de planteur dans cer-
taines régions de la Côte d'Ivoire ne rencontre aucun obstacle.
+
+
+
La conclusion qui ressort du chapitre est la suivante
68
la politique de mise en valeur de la colonie ivoirienne, entreprise
par l'administration coloniale, avait pour finalité d'approvisionner
le système productif de la métropole en matière première agricole. Ce
système de production obligatoire place la Côte d'Ivoire dans une spé-
cialisation dépendante.
Les mesures prises pour obliger les paysans à rentrer
dans le circuit marchand sont: les corvées, l'impôt, ...
Si la colonisation implique pour toute la société coloni-
sée, une situation de dépendance, dont on vient de voir certaines des
conséquences, elle apparait avant tout comme une domination, affectant
en premier lieu les structures pré-coloniales.
Tout le fonctionnement de l'ancien appareil traditionnel
fut sou~is au contrôle européen, et certains de ses rouages, parfois
essentiels, furent supprimés, ou disparurent.
La loi coutumière qui
régularisait toutes les activités
de la vie traditionnelle (réparti-
tion des terres au ~iveau des familles, liberté de production de cul-
tures vivrières, etc ... ), et sur laquelle reposait l'ensemble de l'or-
ganisation sociale, politique et culturelle du groupe, fut limitée à
un aspect secondaire, ou détruit. Après le bouleversement de l'organi-
sation sociale, ell~ fut réglementée par des principes juridiques im-
posé par le colonisateur pour s'approprter la terre, aux dépens de
l'organisation tribale.
,
La dominatton du capttal commerdal a imposé à l'éco-
nomie i~oirienne un certatn nombre de caractéristiques. Par exemple,
l a prépondérance du secteur cosmercral sur le secteur productif, 1es
cultures d'exportation sur les cultures vivrières et l 'emplot d'une
main d'oeuvre très importante.
69
L'impérialisme français, après s'être approprié la sphè-
re du mode de production traditionnel, intervient ensuite dans le procès
de production lui-même, et amorce une réorganisation, en développant 1
l'économie de plantation.
Après l'indépendance, quelle sera la position de la
Côte d'Ivoire vis à vis de la politique destructive introduite par
l'administration coloniale?
Cette politique coloniale, tournée vers les produits
agricoles d'exportation va-t-elle changer, se maintenir ou s'accentuer.
Nous pourrons l'apprécier dans le chapitre suivant.
70
CHAPITRE II
ACCENTUATION DE LA PRIORITE ACCORDEE AUX DEUX CULTURES SPECULATIVES
APRES 1960
Il est difficile de dater de façon précise 11 indépendance de la
Côte d'Ivoire. Si l'indépendance formelle, politique est intervenue
en 1960, l'indépendance peut être considérée comme une suite d'étapes
relativement discontinues.
En tant que territoires coloniaux français, aucun Etat
de l'Afrique occidentale française (A.O.F) n'avait de personnalité
autonome. Leurs institutions n'étaient à l'origine que de simples
extensions des institutions françaises. Vers 1955, la spécialisation
s'était affirmée entre les institutions métropolitaines et coloniales,
qui s'exprimaient dans un système fédéral en formation.
Des responsabilités locales furent accordées aux terri-
toires en 1955 et 1956, mais certaines re~ponsabilités communes, no-
tamment en matière de monnaie, de fiscalité et d'échanges extérieurs,
continuèrent à être exercées par une série d'institutions situées à
Paris. Ces nouvelles structures furent formalisées par la Loi-cadre
de 1956 et la Constitution de 1958.
- De la colonisation à l'indépendance
La Côte d'Ivoire est proclamée république le 14 décem-
bre 1958, devient un Etat indépendant le 7 août 1960 (1)
(1) Il faut souligner: la date du 7 aoQt 1960 a été repportée au 7
décembre 1960. Henri Bourgeois, Philippe Guillaume, la Côte d'Ivoire,
p.20-2l
71
L'impérialisme français s'est rendu compte que l'intégra-
tion de la Côte d'Ivoire dans le marché mondial capitaliste, ne peut
s'effectuer dans son.étatactuel d'organisation rudimentaire et dans
l'insuffisance de ses moyens techniques.
Pour une meilleure rentabilisation de l'ancienne colo-
nie, il faut planifier l'économie. La planification sera prise en
charge par le fonds d'investissement pour le développement économique
et social (FIDES), le tout couronné par la création d'une banque spé-
cialisée d'Etat, ou la caisse centrale de la France d'Outre-Mer.
L'indépendance accordée à la Côte d'Ivoire par la France
va-t-elle favoriser un developpement autocentré de l'économie ivoirien-
ne, ou accentuer le caractère prioritaire accordée aux cultures d'ex-
portation pendant la période coloniale?
La caractéristique la plus évidente peut-être de l'éco-
nomie ivoirienne, a été son aptitude constante à la croissance écono-
mique. La croissance reposait presque exclusivement depuis les années
1950, jusqu'à l'indépendance, sur le développement extensif et les ex-
portations de café-cacao.
La priorité va accentuer à travers la nouvelle bourgeoi-
sie agraire, mise en place par l'impérialisme français pour défendre
ses intérêts. Dans la nouvelle forme de dépendance, le colonisé devient
le joueur et le colonisateur l'arbitre. Celà nous amène à étudier:
Section l : la politique agricole de la Côte d'Ivoire
depuis 1960 et les mesures qui favorisent la priorité. Dans le même
ordre d'idée, la Côte d'Ivoire a adopté une politique de diversifi-
cation, dans le sens de nouvelles cultures d'exportation, combinées
72
avec la recherche d'une transformation locale des produitS
ce qui im-
t
plique la création d'industries de transformation légère
dans le but
t
d'incorporer dans les produits une valeur ajoutée. La section II, étu-
die la politique de diversification et de transformation des cultures
d'exportation.
73
Section 1
La politique agricole de la Côte d'Ivoire
après l'indépendance et les mesures gui favo-
risent la priorité
Après avoir hérité d'un passé colonial, ~a Côte d'Ivoire
dont l'agriculture et la forêt constituaient à l'origine, les seules
richesses naturelles, va axer son développement sur les cultures d'ex-
portation, comme le café et le cacao.
Après l'indépendance, la COte d'Ivoire a manifesté sa
volonté de modifier les structures sur lesqoelles était fondé son déve-
loppement agricole, en diversifiant la production.
Au cours de la période coloniale, des sociétés privées
(SCOA, CFCI, etc ... ), slétaient attachées à perfectionner les rendements
de certaines cultures, comme le cacao, le café, le coton, par exemple.
L'indépendance avait vu nattre plusieurs sociétés d'Etat à vocation
agricole. La Côte d'Ivoire avait opté en règle générale pour une spé-
cialisation par produits: palmier, cocotter (Sodepalon), café, cacao
lSATMACI), sucre (Sodesucre), le coton (CDDT), riz (Soderiz) et la pro-
duction animale (Sodepra), etc ...
Un des facteurs prépondérants de l'accélération du pro~
cessus d'accumulation est la spécialisation dépendante initiée pendant
la période co1oniale, qui fait du café et du cacao, les principales
sources de revenus pour l'économie ivoirienne. En 1975, le secteur pri-
Sodesucre :Société pour le développement du Plan sucrier
ClOT: Compagnie ivoirienne pour le développement des fibres textilles
Soderiz
Société pou~ le développement de la riziculture
Sodepra
Société de développement des productrons animales
74
maire reçoit 274,8 milliards (1) d'investissements publics au cours du
quinquennat, répartis entre l'agriculture (216,1 milliards), l'élevage
(26,1 milliards), la pêche (16,4 milliards) et la forêt (16,2 milliards).
Dans le secteur agricole proprement dit, les principaux
investissements
sont les suivants: le dévelo~pement de la production sucrière reçoit
80 milliards, soit 37 %des investissements totaux de l'agriculture. Les
autorités ivoiriennes se sont fixées comme objectif la production de
600 000 tonnes de sucre une fois le "plan sucrier" réalisé, dont 500 000
tonnes seront destinées à l'exportation (2). Sauf le riz auquel sont con-
sacrés 17 milliards, tous les autres produits bénéficiant d'investisse-
1
!
ments importants sont des cultures d'exportation: 21,7 milliards pour
1
,
(1) Plan guinquennal ivoirien de développement 1976-1980, Ministère de
1
l'agriculture de Côte d'Ivoire
1
(2). Depuis, la Côte d'Ivoire a réduit ses ambitions sucrières. La mauvaise!i
préparation du Programme, les erreurs techniques et financières qui ont
l
entouré sa réalisation, ainsi que le coût final prohibitif des complexes,
1
1
ont conduit les autorités a entreprendre une révision des oblectifs du
ii
,
Programme, d'autant plus nécessaire que la CEE de son côté a multiplié
;
!
les mesures protectiornistes à l'encontre des exportations africaines de
sucre. Voir Sophie Bessis,'Sucre, la Côte d'Ivoire victime de ses "amis''',
in Jeune Afrique, n~1013, 4 juin 1980
,
75
!
le coton, 19,3 milliards pour le cacao, Il,7 milliards pour les légumes
et les fruits (3), Il,4 milliards pour le café, 10,1 milliards po~r
1 'hévéa.
Les cultures industrielles et d'exportation monopolisent
donc 154,2 milliards de FCFA. Sur les 61,9 milliards restants, une cin-
quantaine est consacrée aux cultures vivrières et le reste aux différen-
tes opérations d'encadrement et de soutien du secteur rural. Dans le
cadre des cultures de rente pratiquées en milieu paysan et associées aux
productions vivrières, celles-ci n'ont également bénéficié que de façon
très ponctuelle des soins apportés à la culture commerciale: 1 'encadre-
ment, presque toujours insuffisant si l'on tient compte du niveau de tech-
nicité des paysans, est concentré sur les cultures de rente, aussi bien
au niveau de la vulgarisation des techniques optima de production que de
la distribution des entrants nécessaires à l'augmentation de la producti-
vité et des rendements.
Il est clair qU'à l'heure actuelle, la pr-iori tê est accor- i!
dée à la mise en ordre de ces sociétés d'Etat, amorcée depuis 1977, date d~
1
la création du ministère de la réforme des sociétés d'Etat, dont la mis-
,
1
sion est de limiter les engagements publics et de réduire le coût de fonc- ~
tionnement du secteur économique public. La mise en place des sociétés
d'Etat à vocation agricole, a été accompagnée d'une croissance de la
population et d'une urbanisation accélérée. La croissance fut obtenue
en déplaçant une partie de la main d'oeuvre paysanne vers les zones à
cultures d'exportation. L'afflux d'immigrants, principalement de Messi
de Haute-Volta, a accéléré encore le processus et a fourni aux zones
76
de plantations et aux activités urbaines nouve"es~ l'essentiel de leur
main d'oeuvre par l'intermédiaire du SIAMO. Dans cette section, nous
analyserons successivement: la politique de développement agricole et
le rôle des sociétés d'Etat â vocation agricole (1) ; et les mesures
qui favorisent la priorité accordée aux cultures d'exportation (II).
1- La politique de développement agricole et le rôle
des sociétés d'Etat à vocation agricole
En 1960, lorsque la COte d'Ivoire accèda à l'indépendance,
l'économie du pays reposait sur 1e café
et le cacao qui représentaient
84 % (1) de la valeur de l'ensemble des cultures industrielles. Il était
logique d'adopter comme premier objectif la diversification de la pro-
duction. En 1978, la part du café-cacao était tombée à 75 % (2)~ parce
que parallèlement étaient apparues l'huile de palme et palrris te , le
coton, ; 'hévéa, le sucre, les bananes, les ananas.
Les bons résultats étaient dus en grande part à l'action
sectorielle de plusieurs sociétés d'Etat qui, à l'époque, furent créées
de façon pragmatique.
Le gouvernement s'est demandé, dans les années
1960, quel était le meilleur procédé pour assurer le développement
économique. Les méthodes de gestion administrative n'avaient fait leurs
preuves nulle part. Par contre, la SATMACI (café-cacao), déjà née sous
la loi-cadre, obtenait de bons résultats. Il était tentant d'élargir
l'expérience, de lancer d'autres sociétés qui fonctionneraient sur un
(1) Bulletin d'Afrique Noire,n o 1307, 20 fevrter 1980, p.20 026
77
mode de gestion privée.
Déjà à cette époque, se posa la question de savoir si
l'on opterait pour des organismes régionaux de développement ou pour
des structures sectorielles. Il semble que trois motifs principaux aient
joué en faveur de l'adoption de la solution sectorielle. Tout d'abord,
les instituts de recherche qui existaient
et s'occupaient de produits
spécifiques
: cacao, oléagineux. Ensuite, il se posait, à cette période,
un problème politique. Un mouvement séparattste agitait l'Est du pays.
Une société régionale, même répondant à des préoccupations économiques,
aurait pu être de nature à cristalliser cette opposition diffuse. Des
crédits accordés au Sud-Est seraient venus aider une zone qui manifes-
tait de fortes réticences à l'encontre du pouvoir central. Enfin, l'E-
tat manquait de moyens financiers pour régionaliser la production agri-
cole.
Il devait parer au plus pressé, dépenser le moins d'ar-
gent possible, s'accomoder de la pénurie de cadres. C'est ainsi que,
dans le premier cas, le directeur départemental de l'agriculture était
en même temps le directeur régional d'une société sectorielle, ce qui
bien entendu, renforçait l'influence de celle-ci.
Les responsables de cette époque insistent sur le fait
que ces sociétés sectorielles ont été, dès l'origine, ivoiriennes. On
évita l'erreur commise en d'autres pays, où des fonctions analogues
furent confiées à des groupes étrangers. Au Sénégal, la SATEC, chargée
de développer l'arachide, utilisa ses propres ingénieurs, cantonnant les
techniciens nationaux à un rôle de stmples spectateurs. Mais une série
de critiques
sont apparues,
auéro~s-des années 1970, visant l'ensemble
~,
78
de ces structures
verticaJes.
Certains milieux politiques soulignaient que plusieurs
présidents de société d'Etat avaient
acquis une très grande autonomie
à l'égard du gouvernement.
Un véritable esprit de compétition était né entre les
agents des différentes sociétés d'Etat qui se partageaient une même
région et harcelaient le paysan. Par la faute de cette rivalité
celui-
J
ci s'entendait dire: "Il n'y a pas de meilleur rapport que le café et le
cacao, ce sera votre bonheur". L'agriculture était parfois écartelée entr!
les agents de la SATMACI
la ClOT, etc ...
J
La Côte d'Ivoire étant considérée comme une localisation
souhaitable et souhaitée par les intérêts de la métropole, la bourgeoisie
locale va entreprendre une série de politique de transformation, par le
biais des sociétés dlEtat. La spécialisation va se concrétiser par la
création des sociétés déjà citées, qui vont se spécialiser dans un sec-
teur de production précis. Il est donc intéressant de nuancer les appré-
ciations et d'étudier, dans les grandes lignes, les politiques menées
par les sociétés d'Etat
à travers la politique agricole de la Côte
J
d'Ivoire.
1/ La SATMACI
Créée par arrêté du 14 avril 1958 (pendant la période
coloniale), inséré au journal officiel de la République française du
(1) SATMACI : Société d'assistance technique pour la modernisation
agricole de la Côte d'Ivoire (spécialisée dans le café et le cacao'
79
12 mai 1958 et au journal officiel de Côte d'Ivoire, du 12 juin 1958,
la SATMACI est une société d'Etat dotée de la personnalité civile et de
l'autonomie financière, qui a pour objet:
al d'apporter son concours sous forme d'assistance technique, à la
mise en oeuvre des programmes de modernisation agricole de la Côte
d'Ivoire. Elle peut en conséquence
participer à l'encadrement et à la
vulgarisation agricole
- effectuer ou faire effectuer, au
moyen des ressources qui sont mises à sa disposition (capital propre,
prêts et avances, dotations diverses, et revenu de son activité) toutes
opérations d'aménagement et d'équipement se rapportant à la réalisa-
tion de ces programmes, et d'une façon générale, au développement et à
l lamélioration de la production;
- parttciper à 11 él aboration des
programmes, et notamment effectuer toutes études et enquêtes préalables
à l'établissement de ces progralTlT1~s, qui lui' sont demandés;
• ~ bl d'assurer, pour le compte de personnes morales de droit public,
la gestion des fonds destinés à la réalisation des opérations corres-
pondant à son objet social;
cl de donner éventuellement sa garantie aux emprunts contractés par
les collectivités rurales auprès des organismes chargés de la distribution 1!
du crédit agricole (la BNDA) (1). La SATMACI est placée sous la tutelle
t
(1) BNDA
l
banque nationale de developpement agricole
1
1
j
80
du ministère de l'agriculture.
A ses débuts, la SATMACI a été essentiellement créée
pour permettre le développement et l'amélioration de la culture du
café et du cacao. Quelques années après sa création, le secteur d'ac-
tivité de la SATMACI s'est étendu à l'exploitation et au développement
de plusieurs cultures (riz, quinquina, élevage, etc ... ), en fait elle
controle toute la production agricole.
C'est un service publtc, financé par le budget. Elle n'a
jamais eu de responsab;~ité commerciale.
Sous son impulsion, l'accroissement de la production du
cacao a été considérable. De 94 000 tonnes pour la campagne 1960-61,
on est passé à 180 700 tonnes en 1969-70, 208 500 tonnes en 1973-74,
241 000 tonnes en 1974-75, 227 350 tonnes en 1975-76, 228 350 tonnes
en 1976-77, 297 200 tonnes en 1977-78 et 300 000 tonnes en 1978-79 (1);
De même le café a connu une espansion certaine, bien que
plus irrégulière: 185 000 tonnes en 1960-61, 287 800 tonnes en 1967-68,
301 800 tonnes en 1972-73, 195 900 tonnes en 1973-74, 270 000 tonnes en
1974-75, 308 400 tonnes en 1975-76, 291 300 tonnes en 1976-77, 195 000
tonnes 1977-78, 275 000 tonnes en 1978-79 (2'.
Dans l'ensemble, il apparait donc que, sur le p1ar éco-
nomique, les résultats sont probants. Toutefois, depuis ces dernières
années, la collecte révèle un certain laisser-aller du paysan. Celui-
ci, contrairement à ce qui se passe pour le coton, n'est pas payé selon
la qualité livrée.
(1) Statistiques agricoles de Côte d'Ivoire, Ministère de l'agriculture,
1978, p.84
(2) idem, pp.95 et 96 et bulletin de l'Afrique noire, n° 1 037, p.20 031,
2à fevrier 1980, pour les chiffres 78-79
81
On se heurte donc à des problèmes humains~ et les mi-
lieux gouverœme~aux soulignent que~ finalement~ la politique de dévelop-
pement de ces produits ne s'est pas suffisamment attachée à l'agriculture
elle-même. Dans les régions de "l a boucle de cacao", à l'Est de Dimbftokro~
par exemple~ les vieux sont seuls à être restés au pays. Ils occupent
les ~erres~ et ne cultivent même plus eux-mêmes. Ils embauchent de la
main d'oeuvre étrangère (Volataiques, Maliens~ etc ... ). Les jeunes
n'ont pas pu s'installer et sont partis dans les grandes villes.
L'3pproche sectorielle est accusée de ne pas avoir su
règler ces problèmes.
L'une des caractéristtques de la politique de develop-
pement agricole~est que l'impérialisme français n'intervient plus par
l'intermédiaire des grandes sociétés coloniales (SCOA~ CFAO'~ mais in-
tervient par le biais de la bourgeoisie agraire qui contrôle l'appa-
reil d'Etat~ en créant des sociétés de developpement.
En adoptant une politique de soumiss;on formelle~ par
la mise en place de la SATMACI, l'Etat oblige le paysan à produire
plus et de bonne qualité pour les industries de la métropole.
La SATMACr intervient dans les exploitations de type
familial et les exp1oitations de type moderne.
- L'exploitation traditionnelle de type familial
Ce sont~ en général ~ de petits exploitants agri~oles
dont les domaines s'étendent de un à cinq hectares ou plus. Le système
de plantation qvi prévaut ici n'a aucun rapport avec le système de plan-
tation de type latFundiaire des pays latino-améri'cains comme par exem-
ple au Brésil.
82
Les superficie$ plantées sont difficiles à évaluer dans
les exploitations traditionnelles familiales, mais nous pouvons évaluer
aux environs de 1 million à 700 000 hectares, à raison de 0,5 à 20 ha,
en moyenne 1,9 ha par paysan pour le café et 2 ha pour le cacao (1).
La SATMACr·~ joué un rôle déterminant dans la production
des exploitations de type traditionnel.
Bien que le système de brûlis prévale encore avant la
mise en culture des superficies, les paysans, créent des pépinières.
Avec les conseils des agents de la SATMACI, les paysans font le planta-
ge en ligne dans les nouvelles exploitations, et utilisent souvent des
engrais.
Dans certaines régions, un épandage de poudres insecti-
cides (HCH ou DDT) est nécessaire, pour débarasser si besoin est , les
caféiers des fourmis rouges pendant la cueillette. Malgré cet aspect
traditionnel de la culture du café, l'importance de cette spéculation
dansl'êconomie de la Côte n'est pas à négliger.
La Ministre de l'agriculture a jéclaré l0rs d'une table
ronde organisée par le journal "Afrique Agriculture", pendant le Sème
congrès de l'Association Scientifique internationale du café (ASIC),
nous citons: "Le café restera pendant longtemps encore le produit es-
sentiel pour le développement de la CÔ~ d'Ivoire forestière. C'est la
raison pour laquelle notre plan 1976-1980, malgré un taux de croissance
globale limité à 2,6 %, a privilégié le café en lui assignant un pro-
gramme ambitieux de développement, basé sur l'extension des cultures de
café. Aussi de 1976 à 1980, il est préVu de régénérer ou de recorvertir
83 000 ha de caféiers, dont 40 000 en culture intensive et 43 000 en
(1) Bulletin d'Afrique noire, N° spécial, 1980
83
culture semi-intensive ; il est également prévu de faire à 20 000 ha
à partir de 1980, le rythme de plantation qui est actuellement de
la 000 ha" (1).
La pénurie de forêt étant évidente dans les régions de
forte concentration des exploitations, où les terres riches sont de plus
en plus rares, la tendance est à une intensification des cultures. La
SATMACI joue un rôle de catalyseur, puisque ses conseils sont suivis et
appliqués par les agriculteurs. De plus, l'attribution d'une prime de
30 000 CFA par hectare aux planteurs de cacao a contribué à accroitre
les superficies cultivées au détriment des cultures vivrières. L'uti-
lisation des engrais dans les plantations semi-traditionnelles est
chose courante.
Au niveau de l'extension des superficies, les objectifs
"cacaol! visent essentiellement sur l'augmentation de la production et'
l'amélioration de la compétitiYité par l'augmentation de la productivité.
Le programme de plantation de cacao selectionné porte
sur 133 000 ha de 1976 à 1980 (91 000 ha en blocs culturaux intensifs
selon un rythme progressant de la 000 ha en 1976 à 13 000 ha en 1977,
16 000 ha en 1978, 25 000 ha en 1979 et 27 000 ha en 1980 ; 42 000 ha
de plantations individuelles semi-intensives , selon un rythme décrois-
sant de 13 000 ha en 1976 à la GOa ha en 1977, 7 000 ha en 1978 et 1979,
et 5 000 ha en 1980) (2).
(1) Bème congrès de l'ASIC, déclaration faite par le Mi'nistre de l'agri-
culture, M.Bra Kanon , organisé par le journal "Afrique Agriculturell
en 1978
(2) Ministère de l'économie, des finances et du plan, Plans quinquennaux
de développement, 1971, 1975, 1976, 1980
84
La politique d'extension, et l'augmentation de la pro-
ductivité, engagée par la SATMACI, passe nécessairement par 1'appropria-
tion des terres à cultures vivrières, au profit des cultures de rente.
- La politique de l'appropriation de la terre
La terre, dans la politique du gouvernement, constitue
un élément déterminant du succès ou de l'échec d'une politique agricole.
Cette politique, comme dans la période coloniale, n'a
aucun respect du droit de propriété individuel des paysans, mais au con-
traire d'asseoir une politique basée sur l'exploitation intensive de la
terre, avec une main d'oeuvre locale et émigrée, peu coûteuse, afin de
respecter les engagements vis à vis de la métropole.
Les textes anciens, datant de la période coloniale, défi-
nissent d'une part un régime de la propriété privée, d'autre part, un
régime du domaine privé de l'Etat. Ce régime de la propriété privée a
été introduit en même temps que le code civil en Afrique (1).
Le gouvernement ivoirien va se référer au décrêt foncier
du 24 juillet 1906 qui stipule: "Aux tennes de ce décrêt, les disposi-
tions
foncières du code civil ne sont applicables ni aux terres détenues
suivant les coutumes, ni aux conventions passées entre personnes de
statut coutumier. Par contre, les conventions passées entre une person-
ne de statut civil et une personne de statut coutumier sont soumises
au code civil" (2)
(1) Le code civil fut promulgué au Sénégal en 1830 ; son applicatton a été
proçress i vement étendue par la surte aux divers territoires et notamment
à la Côte d'Ivoire
(2) Les dispositions foncières qui concernent le régime de la propriété
privée figuren1rlans le dëcrët de 24 septembre 1928, journal officiel de
l'Afrique occidentale française, p.783
85
Ainsi, pendant la période coloniale, les Européens qui
se sont procurés des terres auprès des détenteurs coutumiers (la noblesse
de tribu) ont pu accéder à la propriété privée dans les conditions de
l'usucapion prévu à l'article 2265 du code civil.
Telle est l'origine d'un certain nombre de titres de
propriété existant actuellement en Côte d'Ivoire, notamment dans le
Sud, où des Européens ont developpé sur les terres qu'ils avaient ainsi
acquises, des plantations d'ananas ou de bananes POYO (banane à dessert).
- L'organisation foncière et domaniale
Depuis le 10 mars 1893, date où la pays fut érigé en
territoire par la puissance coloniale, le régime domanial et foncier a
subi des fluctuations successives.
Avant l'indépendance, l'administration française avait
alors la pcssibt l î të de maintenir sans modifications les coutumes lo-
cales ou de transposer la législation de la métropole. Cette législa-
tion fut transposée, mais avec quelques modifications internes, ce qui
donna naissance à trois sortes de terrains en Côte d'Ivoire
- Le domaine de l'Etat
- Les terres collectives
- Les terres coutumières
- Les propriétés immatriculées.
- Le domaine de l'Etat
Le domaine de l'Etat comprend
"les terres vacantes et
sans maitre de la Côte d'Ivoire" (1)
(1) Décrêt du 30 août 1900, paru dans le Journal officiel de l'AOF
86
- Les terres collectives
Dépendant des chefs de la terre, c'est à dire, le plus
souvent, des autorités
territoriales locales, qui disposaient d'un
droit de gérance et de répartition dans l'intérêt général de la collec-
tivité traditionnelle.
- Les propriétés immatriculées
Qui étaient enregistrées au cadastre après bornage.
Après l'indépendance, le gouvernement ivoirien procède
à la répartition des terres, en fonction des cultures, après une en-
quête effectuée par les agents des sous-préfectures. Les terres attri-
buées aux paysans sont destinées non pas aux cultures vivrières. mais
aux cultures d'exportation (café-cacao).
L'accession à la pleine propriété du sol reste, cepen-
dant, en Côte d'Ivoire, l'apanage d'un tout petit nombre. Peu de plan-
teurs sont interessés par les modes modernes de propriétés, à cause
des frais de bornage trop élevés.
- Les terres coutumières
Elles constituent encore plus des 9/10èmes des terroirs
ivoiriens. Elles sont exploitées directement ou indirectement (métayage,
et location). Le faire-valoir direct se pratique soit avec la senle
aide familiale (1), soit avec recours à la main d'oeuvre voltaTque. Avec
l'intervention de l'Etat dans le système productif traditionnel, plusieurs
changements ont été opérés, dans le but d'une transformation des modes
culturaux, par l'intermédiaire de la SATMACr, société d'encadrement.
(1) La polygamie privilégie ce mode d'exploitation, en fournissant la
main d'oeuvre (gratuite)
87
Le système coutumier foncier se désagrège très vite.
Tout d'abord, les règles coutumières ne sont pas sans inconvénient
pour la poursuite de l'exploitation. Ainsi, les droits se transmettent
par héritage, de façon différente suivant que le système est patrili-
néaire comme chez les BtTE,'ou matrilinéaire corrme chez les Akans;
'..oL:
e..............
la règle d'épuisement d'une génération fait que, avec la longévité
croissante, les héritages reviennent à des personnes de plus en plus
agées, tandis que le nombre des héritiers potentiels augmente rapidement.
- les terres attribuées aux sociétés d'Etat
Dans le Nord de la Côte d'Ivoire, où la population est
mouvante et les cultures extensives, il n'existe pratiquement aucune
concession accordée aux personnes privées. Etant donné que les sociétés
d'Etat sont les grands demandeurs de terres, une procédure originale
qu'aucun texte foncier ne prévoit ni ne réglemente expressément a été
mise sur pied par le gouvernement.
Toute société d'Etat qui désire se voir attribuer un
terrain adresse au ministre de l'agriculture une requête portant sur
un certain ~ombre d'hectares. Par la suite le recensement est fait.
Si les terres recensées appartiennent à un planteur, il serait indemnisé
en fonction de la nature des cultures (1'.
(1) L'Etat reconnait les terres mises en valeur, c'est à dire, celles
portant des cultures d'exportation. Dans ce cas unique, le paysan sera
indemnisé. Par contre, si cette terre porte des cultures vivrières;
il ne sera pas indemnisé.
88
- L'exploitation de type moderne
L'exploitation de type moderne est liée aux mesures qui
favorisent la priorité accordée aux cultures d'exportation, par le biais
des instituts de recherche et des banques.
Quant à la SATMACr, elle établit un rapport entre le
pouvoir public et la paysannerie au niveau de la production du café
et du cacao. La 5ATMACr joue un rôle moteur dans le développement de la
production, en portant son assistance, aux paysans (distribution d'engrai:
etc ... ). La SATMACr est la première société d'Etat à se consacrer exclu-
sivement à l'encadrement des paysans et à la vulgarisation agricole. Elle
encadre les planteurs de café, d'extension et de régénération de la ca-
coyère.
La deuxième société d'Etat à vocation agricole
c'est
la Sodepalm.
2/ La SODEPALM
La Sodepalm était chargée, à 1'origine, de la production,
du traitement et de la commercialisation de l 'huile de palme et de la
noix de coco, dans le cadre du plan palmier lancé en 1963.
La commercialisation lui fut retirée avant le remaniement
ministériel de 1977.
De 71 714 tonnes en 1968, la production totale de régi-
mes de palmiers selectionnés est passée à 676 000 tonnes en 1977-1978 (1}.
(1) Statisiques agricoles de Côte d'Ivotre, Ministère de 1'~gricuHureJ
1978, p.12ü
89
Le Plan pa1~ier a coûté environ 70 milliards de FCFA.
Oans un souci de compétitivité commerciale
la société
t
décida de s'attacher d'abord au développement des plantations industriel-
les. L'huile qui est produite ne contient que 5 %d'acidité
alors que
t
les huiles locales en comportent environ 17 %. Une étude de M.Michailov
(1) a montré l'importance des choix technologiques sur le développeMent
économique: l'option agro-industrielle de la Côte d'Ivoire a été
dès le
t
début de l'indépendance
d'installer des usines modernes de grande dimen-
t
sion
(traitant 20 tonnes à l'heure, 66 000 par an) (2', donc très coû-
teuses en valeur absolue (2 milliards de FCFA au moins), mais néammoins
économiques si l'on ramène les calculs à la tonne produite. Pour être
ravitaillées sans à-coup en matières premières de qualité il fallait
au voisinage selon la politique agrtole ivoirienne. disposer de planta-
tions industrielles de 5 000 ha au moins, fournissant la à 15 tonnes
d~ régime à l'heure.
Parallè1ement, il était prévu de developper des planta-
tions villageoises. Le nombre d'hectares plantés est passé de 17 670 ha à
37 901 ha en 1978 (3). Mais la production totale n'atteignait, en 1977-
78, que 162 195 tonnes (4) alors que celle des plantations industrie11es
(1) Michailov Serge, Projets de développement de structure et choix tech-
nologiques face à la pauvreté rurale, quelques enseignements de l'expé-
rience, thèse Clermont-Ferrand, 1980
(2) Statistiques agricoles de Côte d'Ivoire, 1978, p.117
(3) Idem, p.119
(4) Idem, p.118
90
était rappelons-le, de 513 781 t. Le Plan palmier avait tablé sur un
accroissement plus net, en particulier dans le domaine de la producti-
vité. Le rendement souhaité était de 12,7 tonnes à l 'ha, alors que les
la tonnes sont tout juste atteints. Le Plan avait escompté une produc-
tion totale de 1 200 000 tonnes en 1978 alors qu'en fait elle a été de
700 000 tonnes.
Il était commode, pour la Sodepalm, de s'assurer une
collecte dans un rayon très restreiet, en un temps minimum, au lieu de
s'adresser a une gr3nde quantité de petites exploitations dispersées ou
éloignées dont il fallait sans cesse vérifier la qualité des livraisons.
La règle imposée par la technologie est que les plantations industrielles
doivent assurer un volant régulateur d'approvisionnement d'au moins 50 %
1
de la capacité de traitement de l'usine.
Une attention particu11ère est portée à la mission de
Sodepalm. Les calculs comptables effectués par la Banque MOndiale dé-
montrent qu'au bout d'une quinzaine d'années d'économie d'échelle, qui
s'était manifestée nettement en faveur des plantations industrielles, ne
joue plus. Leur extension ne peut se faire qu'en gagnant sur les zones
forestières.
Cette pol itique imolique la destruction de richesses
ligneuses et elle soulève de graves problèmes économiques, sociaux et
écologiques. Depuis six ans et même plus, on estime que 3 millions d1hec-
tares de forêts ont disparu au profit de la Sodepalm, soit en mvyenne
500 000
par an, bien que la Sodepalm plante cnaque année la 000 ha de
palmiers (1). Dix-huit millions de mètres cubes détruits par les dé-
frichements, les abattages illégaux, sans compter la valeur représentée
(1) Min1stère de l'économie, des fi~ances et du plan, Plan quinquennal
de développement, 1971-1980
91
par la production du café-cacao qui ampute pour sa part le capital fores-
tier. En termes de macro-économie, il est légitime de se poser des ques-
tions sur la rentabilité globale de cette politique agricole à travers
la Sodepalm.
31 La ClOT
La CrOT (compagnie ivoirienne des textiles) est issue
de la CFDT (compagnie française des textiles) qui continue à détenir
environ 45 %du capital, et à fournir la majorité des cadres.
Oês 1974, il avait été dit que le rôle de la CrOT ne
se limiterait pas au coton. Il lui avait été demandé de s·occuper d'au-
tres cultures, ce qui était une sorte de prémisse d'intégration. Lorsque
la Soderiz fut crée elle sous-traita les opérations concernant le riz
à la ClOT dans certaines zones, comme celle d'Odienné. Par contre, la
situation inverse se présentait dans d'autres régions. A Touba, la CrOT
sous-traitait avec la Soderiz pour les opérations de coton.
Les résultats du Programme coton Allen, pour le~uel 40
milliards de FCFA furent engagés dans la zone nord, auquels on pourrait
ajouter 18 milliards consacrés aux aménagements nydro-agricoles, qui
profitent à plusieurs productions, ont été satisfaisants comme l'indi-
que le tableau de la page suivante.
Au cours des dix derniêres années. les rendements à
l 'hectare sont passés de 300 kg à 1 700 kg. les planteurs adhérents à
l'opération de 45 000 à 110 000, soit le tiers de la population des
savanes (635 000 personnes touchées par l'opération'. La ClOT a obtenu
92
Coton Allen - Evolution de l'opération
:1971-72
72-73
73-74
74 -75
75-76
.
.
ir e de villages encadrés
1 888
1 989
2 141:
J re
d'exploitations
61 866
66 621
68 353
69 203
78 656:
)re de paires de boeufs
126
367
741
1 335
3 263:
SUPERFICIES (en ha)
.ur e manuelle
49 126
52 915
54 261
54 040
57 576:
.ur e attelée
320
795
1 589
2 740
5 583:
ur e motorisée
1 954
2 785
2 338
1 976
2 316:
mble
51 400
56 495
58 188
58 756
65 475:
uction coton-graine (T)
48 528
52 798
58 465
59 939
65 058:
.
.
.
eme'lt égrenage %
40,:
40,:
39 ~:
39 J:
40J
85 :
39 :
57:
99 :
22
uction coton fibre (T)
19 743
21 356
23 075
23 931
26 425:
1978-79 : dont C1DT, service civique, AVB, IRCT-IRAT
So~rce : Statistiques agricoles de Côte d'Ivoire, 1978, p.1l1
ces succès grace à plusieurs facteurs (1'
- le pri~ dachat du coton est garanti et réévalué régulièrement
- l'écoulement est assuré;
- l'encadrement technique est efficace. Il permet d'introduire d'excel- i
lentes variétés, de développer la culture attelée, mécanisée;
- les intrants sont largement subventionnés ou même gratuits (insecti-
(1) Compte rendu du séminaire des savanes, Yamoussoukao, octobre 1979
· 93
cides. engrais. etc ... ) à la suite d'une décision du Président de la
République.
Mais on estime que. sur le plan de la diversification des cultures. la
ClOT nia pas entièrement joué le rôle que 1'on attendait. Les encadreurs
de la compagnie, comme ceux des autres sociétés sectorielles. avaient
trop été imprégnés de l'idée que l'économie des savanes. l'accroissement
des revenus .~onétaires du paysan passe principalement par le coton. Les
animateurs, qui s'étaient dès le début de leur carri!re, spécialisés dans
cette culture. n'étaient pas suffisamment enclins à chercher à faire autre
chose. La direction générale eut toujours tendance à privilégier la réa-
lisation de l'objectif le plus rentable. le développement des fibres
textiles, grace auquel elle obtient un prestige certain.
L'engoue~ent pour le coton. financièrement avantageux
pour une certaine classe. techniquement fiable, s'est. en somme. mani-
festé au détriment du riz et des autres cultures vivrières. Or, si lion
veut créer des exploitations équilibrées et stabilisées, il ne faut pas
simplement juxtaposer une sole cotonnière aux productions traditionnelles.
Il faut organiser un véritable assolement coton-vivriers.
On estime. qu'en difinitive, ces effets productivistes
sur une seule culture, n'ont pas abouti â la diversification souhaitée.
et que le paysan des savanes â été parfois laissé de côté au profit de
considérations techniques trop exclusives. A travers la politique de dé-
velc~pement agricole et la rôle des soc~étés d'Etat à vocation agricole,
le problème du paysan reste toujours posé. Pourquoi? Parce que en der-
nière analyse. il subit les cOnséquences de cette politique. qui ne fait
94
qu'accoitre la priorité accordée aux cultures d'exportation, et introduit
des répartitions géographiques en fonction des produits et des besoins du
marché extérieur.
11- Les mesures qui favorisent la priorité accordée
aux cultures d'exportation
Les mesures prises par le gouvernement pour développer
et rentabiliser les cultures d'exportation sont les suivantes
1 - L'encadrement technique par la SATMACI
2 - Les instituts de recherche (IFCC et ORSTOM)
3 - Primes aux paysans
4 - Mise en place de la Banque nationale de développement
agricole (BNDA)
1/ L'encadrement technique par la SATMACI
Dans le domaine de la production de café-cacao, la SATMAC
assüre l'encadrement des paysans (déjà-analysé au niveau des exploita-
tions de type familial traditionnel), mais aussi encadre les exploita-
tions de type moderne avec l'appui des instituts de recherche.
La SAT~~CI encadre des blocs culturaux sur lesquels
travaillent des cultivateurs regoupés ou non, en groupements à vocation
coopérative (GVC) et des p1a~tations individuelles.
Actuellement, l'impact des plantations "modernes" sur la
production totale est très infime (1 %du tonnage en 1975). Mais cette
\\1\\
part a atteint 10 % en 1980. A l 'horizon de l'année 1985, la part de la
(1)
Selon les estimations du ministère de 1 1agricu1ture de Côte
d'Ivoire, Frâternité-matin, nO 103, 12/03/ 1980
.<
95
production encadrée sur la production totale sera de 35 %. Dans le sys-
tème moderne de production, les cabosses
sélectionnées sont fournies
par la SATMACI à partir des champs ensemencés gérés par l 'IFCC (Institut
français de café-cacao) (1). Le planteur reçoit 50 cabosses par hectare
de cacaoyers à réaliser. Il reçoit aussi des sachets de polyéthylène
(à raison de 1 500 par hectare) qu'il doit remplir et disposer sous om-
brières avant l 'attnbution des cabosses.
L'encadrement des planteurs est assuré par les agents
de la SATMACI, comme c'est la cas pour le café. Sur le plan des rende-
ments à l' hectare, l es plantations traditionnell es fourni ssent entre
350 et 460 kg à l 'hectare, alors que les plantations dites II modernesll
peuvent produire jusqu'à 700 kg par hectare dès leur entrée enproduc-
tian; 900 kg à 5 ans et 1 500 kg à 6 ans. L'exploitation que nous
qualifions de II moder ne", c'est l'exploitation ou la plantation qui bé.;.
nêficie des méthodes intensives (plans sélectionnés, engrais, pestici-
des, utilisation intensive de main d'oeuvre).
Il a été établi un programme de plantation pour les
deux produits dans 1e plan quinquennal 1976-1980. Dans le domaine du
cacao, les nouvelles superficies qui seront effectivement productives
représentent 85 000 hectares dont 81 500 de ,blocs culturaux (90 %des
plantations initiales) et 31 800 hectares de plantations individuelles
(70 %des p1antations initiales). Le programme café sélectionné se ré-
partit d'Jne part, en culture intensive, d'autre part en culture semi-
intensive, soit un total de 83 000 hectares de superficies plantées,
(1) René Coste, L'institut français, i'n Coopération et développe.'1lent,
n° 39, janv-fev. 1972, p.27 et 31 et suivantes
96
contre 66 000 hectares existants (1).
21 Les instituts de recherche (IFCC. ORSrOM)
L'institut français du café-cacao a été créé le 31 dé-
cembre 1957. à l'instigation desorganisations professionnelles de plan-
teurs et des autorités politiques des territoires interessés. L'IFCC (2)
est un institut de recherche agronomique et technologique. spécialisé
dans les productions de café-cacao. et autres plantes stimulantes: thé.
ccla. etc ...
Le statut juridique de l 'IFCC est celui des associations
privées à but non lucratif. Son ministère de tutelle est le sécrétariat
d'Etat aux affaires étrangères. Implantée en Côte d'Ivoire en 1958.
l 'IFCC n'a cessé depuis 1960 d'étendre son action dans les nouveaux
pays indépendants de l'Afrique. Le siège de l' IFCC est à Paris XVIIIème.
34 rue des Renaudes. Il abrite les services administratifs. techniques
et de rlocumentation. tandis que les laboratoires du centre sont instal-
lés à ~ogent sur Marne.
En Outre-Mer. l 'IFCC exerce actuellement ses activités
d'une façon permanente dans les pays et les infrastructures de recher-
che suivants, dans le cadre de la coopération franco-africaine.
Un centre de recherche à Bingerville (Côte d'Ivoire)
et d'autres centres expérimentaux à l'intérieur du pays (Divo. Abengou-
(1) La Côte d'Ivoire en chiffres 1980-1981. plan quinquennal de déve-
loppement 1971-1975 ; 1976-1980. Ministère de l'économie. des finances
et du plan
(2) René Coste. l'institut français. in Coopérative et développemen!.
n° 39. janvier-fevrier 1972. p.27-~1 et suivantes
97
rou, Giglo, San Pedro). le personnel est composé uniquement de cher-
cheurs européens, de techniciens, d'ouvriers spécialisés et de manoeu-
vres africains.
Les ressources financières de l 'IFCC proviennent de ses
ressources propres (vente de plants), des subventions de la France et
des états tropicaux concernés (budgets locaux) , et des crédits conven-
tionnés, faisant l'objet de conventions locales passées entre l' IFCC et
les organismes de développement ou organisations internationales. Le
but de l 'IFCC est d'améliorer le matértel végétal, défendre des cuHu-
res et améliorer les techniques culturales, etc ...
La mise en marche de l linstitut français pour la recher-
che sur le café et le cacao, a pour fonction de contribuer d'une fa-
çon efficace au développement de la production afin de la rendre compé-
titive sur le marché international.
L'IFeC a mis au point une variété hybride de cacao qui
a permis d'obtenir un rendement croissant: de 700 kg à l 'hectare déjà
signalé plus haut (1). Pour le café, l 'IFCe a mis au point une nouvelle
variété, l'arabusta, susceptible avec les techniques modernes, de four-
nir 7 00 kg par hectare dès la première entrée en production (3 ans),
1500 (4 ans), 2 000 kg (5 ans). Pour les exploitations traditionnelles
550 kg à 1'hectare (4 ans) et 700 kg à 1'hectare (5 ans).
Avec la politique aqr ico l e adoptée par la Côte d'Ivoire,
et les mesures qui favorisent la priorité accordée aux cultures d'ex-
portation (café-cacao), les instituts de recherche corme l'lFCC ont
contribué à l'extension et à la di~ersification des cultures du café et
(1) Voir page 23 de notre travail
98
du cacao, et à accroitre leur rendement.
Comme l'explique Samir Amin: IIDès lors qu'une société
traditionnelle est soumise à une diversification des s~urces de revenu,
pour élargir sa base d'accumulation, avec l'introduction des moyens tech·
niques culturales développés fournis par l'impérialisme, elle perd son
caractère traditionnel ll (1).
3/ Primes aux paysans
Dans l'optique d'un rajeunissement du verger ivoirien
et d'un accroissement du rendement, le gouvernement ivoirien a pris la
décision d'attribuer une prime de 30 000 FCFA par hectare planté de
cacaoyers hybrides, sous l'assistance de la SATMACI.
D'une manière générale, les résultats sont satisfaisants.
Mais les cas sont fréquents où l'on attribue
des primes à des individus
qui n'ont même pas réalisé un seul hectare de cacao existant. En matière
de récépage, les résultats sont prometteurs, à condition que les cours
du café évoluent normalement de façon favorable.
L'attribution de la prime cacao pour les inciter à pro-
duire pour le marché mondial est une forme de soumission. Le gouverne-
ment ivoirien, conscient du besoin d'argent ~rdes paysans, passe par
ce canal primes, pour contraindre les paysans à produire plus pour ali-
menter la métropole.
Pour notre part, nous estimons que l'encadrement actuel
donné aux planteurs doit être renforcé, et ne doit pas être un phéno-
mène de contrainte.
(1) Samir Amin, le développement inégal, p.157-167, chapitre IV
99
Au cours de la campagne 1978-79, le gouvernement a pris
des mesures tendant au rajeunissement du verger caféier. Le récépage
des vieilles plantations a donné droit à des primes de 40 000 FCFA à
l 'hectare pour tout planteur suivant attentivement les conseils de la
SATMACr pour cette opération.
Ainsi, la taille du rajeunissment ou récépage doit se
faire de la manière suivante:
1°/ Remplacer les tiges charpentières épuisées par des tiges qui
fournissent de bonnes récoltes. Le premier récépage doit intervenir 7
ans après plantation des tiges, soit après 4 récoltes importantes. Par
la suite, le processus doit se répèter tous les cinq
ans.
2°/ Le récépage est
indispensable dans la mesure où après quel-
ques années de récolte, la production du caféier diminue (affaiblisse-
ment naturel des tiges primaires qui portent la récolte).
3°/ Il est indispensable aussi parce que d'années en année, l'étage
des branches fruitières s'élève, la cueillette devient de plus en plus
difficile et le rendement baisse.
A ce titre l'étalage pratiqué dans le but de réduire la
hauteur des tiges est formellement déconseillée. Parce que les tiges,
en vieillissant deviennent sensibles aux scolytes. Par contre, en plan-
tation clonale (caféiers boutures), il est indispensable de récérer pé-
riodiquement, car les arbres étant très productifs (souvent plus de 2
tonnes à l'hectare) ils s'épuisent rapidement.
Le système de récépage est rentable au niveau de la
production nationale, mais moins rentable au niveau des paysans indi-
viduels.
Nous ayons fait des enquêtes auprès de quelques paysans
100
dans le Sud de la Côte d'Ivoire (région d'Adzopé
et d'Abengourou), pour
demander aux planteurs ce qu'ils pensent du récépage. Ils sont unanime-
ment pour la réponse: "le récépage est très bien mais celà suppose
qulil faut avoir un fonds de garantie pour subvenir aux besoins de la
famille. Après récépage, la- production baisse pour la première année,
ce qui nous oblige à souscrire des emprunts ou à garantir notre pro-
duction à venir auprès des Libano-syriens ou auprès de la BNDA, en
attendant d'avoir une bonne production pendant les années à venir, et
remboursé le prêt avec un taux d'intérêt allant de 10 %à 20 %selon
les cas" (1).
4/ La BNDA et son rôle dans la politique agricole
La Banque nattonale pour le développement agricole (BN
DA) intervient au niveau des planteurs, par la
distribution de cré-
dits à la production.
Antérieurement, les crédits étaient accordés individuel-
lement aux planteurs, mais, compte tenu des difficultés de recouvrement
des fonds, on assiste depuis 1970, à une globalisation des crédits pour
obliger les paysans à se grouper en coopératives.
La durée du crédit est de six mois maximum, avec un taux
d'intérêt de 15 %, ce qui est trop élevé pour les paysans. Si un pay-
san demande un crédit de 200 000 FCFA pour mettre en valeur son exploi-
tation, après récolte et vente il en tire un revenu net de, par exemple,
800 000 FCFA. Il faut dédu1re de ce revenu le crédit de 200 000 FCFA,
plus les intérêts de 15 % (120 000 FCFA + 200 000 fCFA de crédit, total
320 000 FeFA, sans compter les frais de production et les charges),
(1) Enquêtes effectuées dans les régions d'Adzopé et Abengourou, en 19]9
101
il ne lui reste pratiquement plus rien pour faire vivre sa famille.
Ce qui est contradictoire dans la politique de la BNDA,
c'est qu'elle n'accorde le crédit à un paysan,
qu'à condition qu'il
soit couvert ou avalisé par un fonctionnaire ou un agent de l'Etat. La
BNDA n'accorde des crédits individuels aux planteurs dans le cadre de
la création d'une nouvelle plantation pour la mise en valeur des cul-
tures d'exportation, ou d'extension des plantations existantes, portant
les cultures de café-cacao. A côté de la BNDA, il yale BNEC (Banque
nationale pour l'épargne et le crédit) (1), qui intervient dans le
monde rural, ainsi que d'autres institutions telles que la caisse d'épar-
gne des PTT et
certaines banques commerciales, interviennent auprès des
planteurs, drainent ainsi les épargnes ainsi constituées.
Dans les régions forestières du Sud notamment, l'épargne
sous la forme moderne est très avancée, puisque avoir un compte à la
BNDA est l'un des critères de participation à la coupe nationale du pro-
grès.
Dans les localités, et c'est le cas notamment du village
de Séguié dans le département d'Agbovi11e, il existe le système de CREP
(caisse rurale d'épargne et de prêts), sorte de banque rurale à la dis-
position de la communauté villageoise. Tout laisse à croîre que les dé-
pôts auprès des CREP donnent des intérêts, ce qui n'est pas le cas, car
l'Etat se sert de l'argent des épargnants ruraux pour financer certains
projets. Toutes les banques (BNDA, BNEC, etc ... ) sont au service de la
bourgeoisie agraire et non au service des paysans.
(1) J.Binet, étude sur les budgets familiaux dans la zone cacoyère au
Cameroun, Cahiers de l 'ORTOM, 1956
102
La propension globale à épargner des ménages ivoiriens
(urbains comme ruraux) dépasse rarement 0,5 %à 1 % (1) des revenus
acquis. Cette propension a méme tendance à baisser.
Pour conclure la section, nous pouvons dire
: quelle
que soit la diversité des missions afférentes aux sociétés d'Etat, dans
le domaine de la politique agricole de la Côte d'Ivoire, on observe
une réelle similitude des relations juridiques et financières, qu'elles
entretiennent avec l'Etat, dans le cadre général d'une politique d'in-
citation au niveau national. Dans le seul but de rentabiliser au maxi-
mum les cultures d'exportation, les responsables du gouvernement ivoi-
rien ont recours à la diversifiction et à la mise en place des indus-
tries de transformation.
La diversification et la transformation des cultures
d'exportation favorise la priorité accordée aux cultures spéculatives.
Solution qui ne fait qu'accroître la dépendance de la Côte d'Ivoire vis
à vis des pays développés.
(1) Cissé(Daniel), Problèmes de la formation de l'épargne interne en
Afrique occidentale, Paris, Présence africaine, 1969, 279 p., enquêtes
et études
103
Section II
La politigue de diversification et la
transformation des produits d'exportation
La bourgeoisie agraire en quête de numéraire, va se
lancer dans un programme de diversification, dans le but d'élargir
ses sources de financement, et de se préserver contre les fluctuations
des cours des produits (café-cacao) sur le marché mondial.
La diversification de la production oblige la bourgeoi-
sie agraire, qui controle l'appareil d'Etat, à créer des industries lo-
cales de transformation, dans le but d'ajouter une valeur plus grande
au produit avant expédition.
Le problème de la diversification s'est posé en ces
termes
identifier une ou plusieurs cultures susceptibles :
- d'alimenter le budget de l'Etat par des recettes ex-
térieures
- de procurer aux planteurs de café et de cacao d'au-
tres sources de revenus.
La moindre des difficultés n'est pas la dimension des
actions a conduire. En effet, pour avoir une chance de contrebalancer
le poids énorme du café et du cacao dans l'économie ivoirienne, les
opérations de diversification doivent intéresser la plus grande masse
possible de ruraux et dégager des volumes importants de production.
L'accession à l'indépendance politique (non économique),
l'adhésion des anciennes colonies
françaises au Traité de Yaoundé,
d'association avec la CEE, ont pour conséquence, la perte d'un accès
privilégié à des prix garantis au marché français. La priorité accordée
aux cultures spéculatives pendant la période coloniale, a des retombées
104
sur l'ensemble de l'éconoMie. Ainsi s'opère un changement radical,
pas dans le sens de réduire la priorité accordée aux cultures de ren-
te, accentuée après l'indépendance, mais dans le sens de mise en va-
leur d'autres cultures d'exportation.
La politique de diversification consiste à promouvoir
des cultures, susceptibles, par une action combinée avec la recherche
de transformations et la création d'industrie légère, d'offrir un con-
trepoids valable aux spéculations héritées de la colonisation.
1 - La diversification de la production
Il s'agit dans la politique de la Côte d'Ivoire, de
moderniser et de diversifier une agriculture en grande partie tradi-
tionnelle, orientée vers l'exportation. A cette fin, trois objectifs
majeurs ont été fixés dans le programme de diversification et de déve-
loppement de l 1 agriculture
1°/ la formation des paysans aux méthodes culturales
modernes
2°/ l'encadrement des paysans par la SATMACI ;
3°/ la vulgarisation de façon à augmenter
la ~roducti
vité du travail
de la terre.
La politique de diversification vise à la transforma-
tion des modes culturaux, en vue de la substitution d'une agriculture
intensive, à une agriculture traditionnelle extensive, à créer des
plantations industrielles afin de mettre en place des structures ra-
tionnelles de production; à promouvoir autour de ces blocs industriels
des usines de transformation; à modifier par ce biais les structures
105
du monde rural ; à créer et développer des entreprises tournées vers
l'extérieur (1).
Une des solutions possibles pour accroitre les reve-
nus de l'Etat, d'après le gouvernement ivoirien, consiste à accélérer
l'exploitation de la forêtL
L'exportation de grumes et de sciages contriburerait
rapidement à accroitre les entrées de devises, et ferait place après
exploitation, à la culture de nouveaux produits d'exportation pour
l'alimentation de la caisse de l'Etat.
Une des premières conséquences de l'accélération de l'exploitation de
la forêt est la désertification et le changement de l'écosystème, et
l'ébranlement de la climatologie. La deuxième, le sort du paysan dans
l'opération de diversification,Nous pensons avec quelques réserves,
qu'il est excl us de l a sphère de production et soumis à toute forme
de procès.
Pour la diversification, le choix de la Côte d'Ivoire
s'est porté pour commencer sur deux produits
- le palmier à huile pour la zone forestière
- le coton pour la zone de savane.
Cette forme de diversification tntroduit un autre fac-
teur qui est la spêcialisation des paysans, couronnée par un découpage
géographique zonal de la Côte d'Ivoire.
Sur le plan de la diversification des produits d'ex-
portation, nous avons choisi le palmier à huile pour la zone fores-
(1) Revue économique et financière ivoirienne, septembre 1979, nOS,
Ministère des finances et du plan
106
tière et le coton pour la zone de savane, pour bien montrer la straté-
gie de développement adoptée par la Côte d'Ivoire après l'indépendance,
et la contradiction entre les objectifs de la diversification des ex-
portations et la politique de rééquilibrage régional (1).
1/ Le palMier à huile dans la zone de forêt
Le palmier à huile est, pour la zone forestière, l'élé-
ment de la diversification, le prototype des cultures industrielles en
Côte dl Ivoire.
C'est une plante indigène. D'Assinie à Tabou, jusqu'à
la hauteur du parallèle de Tiassalé, le Sud de la Côte d'Ivoire est
une immense palmeraie traditionnelle (2), avec une densité de peuple-
ment à 1 'hectare le plus souvent comprise entre 50 et 150 arbres (3).
Des techniques scientifiques ont été mises au point
par l'institut de recherche sur les huiles et oléagineux (1 'IRHO), fi-
nancé par le fonds d'extension et de renouvellement des palmeraies (FER).
L'enquête mondiale sur l'alimentation, conduite par la
FAO, avait prévu pour 1975, 200 000 tonnes d'huile de palmiste et 700
000 d'huile de palme, avec un accroissement de la production à moins
(1) Campagne publicitaire menée par les sociétés de développement (SaD)
pour éviter l'exode rural en diversifiant les cultures d'exportation,
dans Agri 1980. Fraternité matin, mai 1980. n° spécial
(2) Le qualificatif traditionnel est préfèrable à naturel. parce qu'il
souligne la prépondérance de l'effort humain dans le développement de
cette palmeraie
(3) Ministère de l'agriculture et du conmerce , 1965
1
1
l!,
..
107
de 400 000 tonnes (1).
Dès 1960, la Côte d'Ivoire a créé avec l'aide de dons
du fonds d'aide de coopération (FAC), un jardin d'expérimentation de
500 ha destiné à la production.
Le fonds d'extension et de renouvellement des palmeraies,
avait confié à l'IRHO, une étude pour la mise en valeur de la région
du Sud-Ouest, surl 'axe Guiglo-Grabo. La même année une étude complémen-
taire sur Il 805 ha, a été réalisée à la demande du FER (2) dans la ré-
gion de Fresco, aux alentours de la plantation industrielle de cocotiers.
Des prospections détaillées ont été effectuées pour le
compte de PALMindustrie sur 600 ha, dans les zones de Fresco et Dimbokro,
afin de localiser deux blocs de 200 ha plantables.
Les superficies plantées par le groupeSODEPALM à la fin
de 1977 étaient les suivantes:
1
Hectares plantées
1
1
1
1976
1977
Total à la fin 1977
1\\plantations industrîelles
947
4 282
48 068
1
!
1
1
1
!Pl antati ons villageoises
1
3 955
2 997
34 855
!
1
,
1
iotal palmier à huile
4 902
7 279
82 923
Source
Institut de recherche pour les huiles et oléagineux, et Sodepalm
(1) Tous ces chiffres ont été calCulés et donnés par la FAO
(2) Fonds d'extension et de renouve11ement
108
A la fin de 1977, les superficies de palmiers en ré-
colte sont de 65 624 ha (soit 80 % des surfaces plantées) dont 38 972 h~
de plantations industrielles et 26 652 ha de plantations villageoises (1)
A la suite de ce plan de ee développement agricole, la
bourgeoisie agraire met en place, avec l'aide du FAC, trois groupes de
sociétés ayant créé entre elles une association en participation, com-
posant le groupe SODEPALM, avec un capital de 400 millions de FCFA, dont
le seul actionnaire est l'Etat.
La société PALMindustrie fait partie du groupe Sodepalm,
avec un capital de 2 800 millions de FeFA souscrits par le gouvernement
ivoirien, réparti en plusieurs actions: Action A, RCl (72,40 %), pour
les sociétés privées di~s techniques (Action B, 18,40 %), et enfin, pour
les privés ivoiriens (Action e, 9,20 %), gérées par la société nationale
de financement (SONAFI) (2). (Voir tableau)
(1) Rapport d'activités IRHO, SODEPALM, 1976-1977, n° spéci'al de la re-
vue Oléagineux
(2) La Sonafi est une société d'Etat au capital de 800 millions de FCFA.
Elle a été créée par le décrêt 63-93 du 4 mars 1963, modifié par le dé-
crêt 69-205 du 22 mai 1969 "Journal officiel". En fait les actions C
(c'est à dire les entreprises privées) sont souscrites égaiement par la
Banque nationale de développeme~t agricole (BNDA) et la société ivoirien-
ne de participation économique (SOCIPEe).
Sont porteJrs d'actions B (les sociétés prlvees techniques) le grou-
pe Blohorn par ses deux filiales: Blohorn SA et les sociétés ivoiriennes
ELEIS; le groupe de la société gér,érale de Belgique (5GB). par la socié-
té de gestion commerciale pour le caoutchouc et les oléagineux (SOGESCOL),
la société des plantations de terres rouges (SPTR) et la forestière é-
quatoriale ; les banques de la place, banque internationale pour le com-
merce et l'industrie, BrAO, la SIS et la SGBCI, et la société d'études
et de développement de la culture bananière (SCS)
109
Répartition des actions des sociétés du groupe SODEPALM
PALMINDUSTRfE
PAU1IVOIRE
.-
Action A (ReJ)
72 ,40 %
40 %
Action B (Privé Technique)
- Banques
3,45 %
7,5 %
- SDGESCOL
9,20 %
20 %
- BLDHORN
5,75 %
12,5 %
Sous Total
90,8 %
80 %
Action C
(Privés ivoiriens)
- SONAFI
8,20 %
18,90 %
- BNDA
1 %
1 %
- SODIPEC
o %
0,10 %
TOTAL
100 %
100 %
Source
Ministère de l'agriculture et du commerce de la Côte d'Ivoire
Le choix de cette structure de répartition des actions,
répond ê des exigences bien précises pour la diversification de la pro-
duction. Au niveau de la répartition. 72,40 % des actions sont détenus
directement sous forme d'action A par l'Etat ivoirien, 18,40 % par les
110
sociétés privées techniques, sous forme d'actions B et 9,20 % des ac-
tions par les sociétés privées ivoiriennes, sous forme d'actions C,
au sein du groupe PALMindustrie. Au niveau de PALMivoire, 40 %des ac-
tions appartenant à l'Etat ivoirien, sous forme d'actioffiA ; 40 %aux
sociétés techniques sous forme d'actions B et 20 %des actions aux
privés ivoiriens sous forme d'actions C.
Avec la création de la PALMindustrie, la Côte d'Ivoire
s'assure un apport de 690 millions de FCFA de capitaux privés (1).
La culture du palmier à nuile en Côte d'Ivoire est le
fait de trois systèmes de production tout à fait différents.
1c / Le bloc agro-industriel de production qui constitue la part la
plus importante, on peut citer le groupe SODEPALM, société d'Etat;
l 'ARSO; organisme de recherche, ainsi que quelques exploitations moder-
nes de grande taille appartenant à des so~étés ou à des individus.
2°/ Les plantations villageoises, le plus souvent des exploitations
de taille moyenne qui, encadrés par le SODEPALM, pratiquent la culture
de palmiers sélectionnés.
La production est collectée et achetée par l'intermé-
diaire de la SODEPALM. Unegrande partie des exploitants de cette caté-
gorie fait partie du secteur traditionnel.
3°/ La palmeraie naturelle, dont l'importance n'est pas connue, fait
l'objet d'une cueillette assez intense. On estime à 245 000 tonnes de
régime la quantité récoltée en 1974 (2).
(1) La Côte d'Ivoire en chiffres, ed. 1980-1981
(2) Ministère de l'agriculture et ministère du plan
111
Evolution des productions du palmier à huile
(en tonnes)
r~ Années
Blocs industriel s
Plantations
vn l ageoises
1
1963
7 500
1966
18 500
1968
30 000
1970
400 000
103 000
1
1974
532 191
138 740
1975
680 230
150 900
1
i
,
1
1976
860 140
220 400
i
i
1
1
1
1977
1
,
580 400 (580 400)
150 120 (150 120)
1
1
1
1
1978
920 600
280 940
J
1
1
1
1
Source
Ministère de l'agriculture et SODEPALM
Le palmier est, en majorité en culture pure, parfois en
association principale, les premières années suivant la plantation.
1,2 %des exploitations du pays en cultivent; ce pourcentage atteint
16,6 %dans la région d'Aboisso et 10,1 % (1) dans la région d'Abidjan,
la surface moyenne en palmier pour les exploitations qui le cultivent
(1) Ministère de l'agriculture et ministère du plan
112
..."
est 3 ha environ. C'est une culture récente et son extension jusqu'en
1977 s'est faite de manière régulière.
A la demande de Ministre de l'agriculture, une étude
a été faite sur l'évolution de la production de palmiers à huile, afin
de tenter d'expliquer la forte chute observée au cours de l'exercice
1977. Cette étude a montré que la baisse était causée par le déficit
pluviomètrique observé entre 1976 et 1977, avec de très faibles préci-
pitations au cours de la petite saison des pluies de 1976. Cette enquête
a fait ressortir que les facteurs nutrition ou ~ge des arbres n'étaient
pas en cause. Par contre, les attaques de chenilles sur certaines unités
ont eu éga1ement une incidence sur la cnute de la production (1).
L'évolution de la production du palmier à huile depuis
1963, avec une chute en 1977, dûe aux problèmes que nous venons de citer
Les exportations ont rapporté 1 milliard de FCFA en 1973 et un reven~
de 20 milliards de FCFA en 1980 (2).
21 Le cotonnier dans la zone de savane
Le cotonnier est une plante très ancienne, cultivée
avant la colonisation. Il existait depuis longtemps en Côte d'Ivoire
une production cotonntëre à base de type
"barbadeuse" en particulier
la vâriété Babo, à fibre jaune, très courte, à faible rendement égrena-
ge (30 %) et à production faible (100 kg par hectare)(3).
(1) Enquête de l'institut de recherche pour les huiles et oléagineux
(IHRO) 1978
(2) La Côte d'Ivoire en chiffres, 1980-1981
(3) Revue, coton et développement, n04, 4ème trimestre 1976
113
L'introduction de la variété Mono en 1954-57 a cons-
titué une première amélioration sensible.
Avant 1960, la production ivoirienne variait selon les
années entre 1 500 et 5 000 tonnes de coton graine, dont une faible
partie commercialisée.
L'introduction de variétés Hirsutum et la mise au
point des techniques de controle du parasit;sme~ ont permis la mise
sur pied d'un plan général de production, faisant passer les rende-
ments de 500 kg à l 'hectare, à 860 kg à 1'hectare, puis à 1 tonne,
avec un rendement égrenage supérieur à 40 %.
L'exécution du Plan était confiée à la compagnie
française de développement des textiles (CFDT) de 1963 à 1973, relevé
ensuite par la compagnie ivoirienne de développement des textiles
(ClOT), liée au gouvernement par une convention générale. La ClOT
concentre en son sein l'ensemble des pouvoirs requis pour mener l'opé-
ration à benne fin, depuis l'encadrement des paysans. à la fourniture
des semences et des engrais, à l'organisation des marchés pour l'achat
de coton-graine à l'usinage, jusqu'à la commercialisation du produit
à l'extérieur pour le compte de la CSSPPA.
Jusqu'en 1970, l'action de la CfDT-ClOT était essentiel-
lement sectorielle. avec comme objectif essentiel, la croissance de la
production cotonnière. Le paysan adjoint à son système vivrier tradi-
tionnel, une production cotonnière de rente sur laquelle tl applique
des techniques culturales améliorées (calendrier cultural, semences
sélectionnées, pesticides, engrais, ... '. Le revenu monétaire net, prati-
quement nul dans l'exploitation traditionnelle 1 varie selon les zones
114
de 40 000 F à 60 000 FCFA dans les exploitations cotonnières.
En 1971-1972, est mis sur pied un programme quadriennal
de modernisation des exploitations de savane des régions du Centre
et Ouest, sur le financement mixte du FED-RCJ, avec comme objectifs
principaux :
- le développement de la riziculture pluviale par son
intégration dans l'assolement coton
- l'introduction de nouveaux moyens de production par
le développement de la mécanisation, culture attelée et culture semi-
motorisée ;
- la mise en place d'un système cultural équilibré avec
fixation des cultures
assolement coton-vivriers en culture intensive
recherche du plein emploi de la main d'oeuvre,
- l'approche des problèmes d'aménagement rationnel du
terroir rural et des structures villageoises.
Développement de la production cotonnière (1)
Le déve10ppement de la production cotonnière est conduit
par l'institut de recherche du coton et des textiles (IRCI). L'IRCI a
acclimaté
en Côte d'Ivoire un hirsutum. l 'allen, dont les performances
technologiques et agronomiques sont bien supérieures à 1 tonne à l 'hec-
tare en culture sèche. Enfin, il a créé un hybride interspécifique, le
HAR 444, supérieur à l 'allen et dont la diffusion est en cours. Le co-
ton est la culture de rente la plus importante au nord de la Côte d'I-
(1) République de Côte d'Ivoire, Bulletin de liaison, n° spécial,
octobre 1967
115
voire. Cette culture couvre 42 000 ha théoriques, principalement dans
les départements de Seguela (la 500 ha), de Boundiali (9 500 ha) et de
Korhogo
(6 000 ha). On ne voit pratiquement pas apparaitre d'associa-
tions dans ces départements.
La surface moyenne de coton par exploitation qui en
cultive est remarquablement stable pour les différents départements du
Nord et fluctue autour de 1,20 ha.
Evolution des superficies cultivées par famille
(à titre d'exemple)
Mankono
1963
0,52 ha
1964
0,60 ha
1965
0,68 ha
1966
0,73 ha
1968
0,80 ha
1970
0,90 ha
1973
1,00 ha
1974
1,10 ha
Source
Bulletin de liaison, n° spécial, octobre 1967
Le succès de ces opérations de modernisation de la
culture cotonnière a conduit la CrOT à présenter à la banque mondiale
de déve10ppement une demande de financement pour la généralfsation
des programmes du projet coton.
Parallèlement à ce programme, l'Etat ivoirien, dans sa
volonté de réduire les disparités régionales entre l'agriculture ri-
116
che de forêt (caf~ cacao, bois, palmier, etc ... ) et l'agriculture de
savane (coton, céréales), a décidé la mise en place de programmes dits
Ild'accé1ération du développement ll en intensifiant les actions entre-
prises:
- aide complémentaire aux dé7riche~ents 8otorisés
(7 550 ha en 2 ans) et aux défrichements treuil (3 175 ha) portant le
nombre d'attelages à 10 700 ha en 1979-1980.
- subvention aux exploitants de culture attelée pour
les aider a acquérir leurs boeufs de trait et le matériel ;
- programmes de structuration du milieu rural avec
constitution de groupements a vocation coopérative (GVC) prenant en
charge l 'appovisionnement et la commercialisation de matériel et pro-
duits en collaboration avec le centre national de promotion des entre-
prises coopératives.
A 1'heure actuelle, la culture du coton est p~atiquée
dans les régions nord de la Côte d'Ivoire et intéresse deux variétés:
1e Mono et l'A 11 en.
Le Mono était la seule variété représentée jusqu'en 1960.
Il est cultivé en association avec les produits vivriers et ne nécessite
aucun soin particulier. Il se trouve être mOlns rentable. Quant a l'a1-
1en, plus rentable, cultivé isolément, il nécessite un traitement impor-
tant, avec un rendement plus élevé par rapport au mono (+)
Si nous faisons un classement par secteur de production,
nous constatons qu'en 1973-1974, tout secteur, sur 59 178 ha, pour une
production de 58 465 tonnes, la Côte d'Ivoire a tiré un revenu de
(+) Voir tableau page suivante
117
Evolution de la production du coton Allen
(de 1960 à 1980 en tonnes)
1960-1961.
69 tonnes
1969-1970
32 320
1970-1971.
29 316
1971-1972
48 528
1972-1973
52 798
1973-1974
58 465
1974-1975
59 939
1975-1976
65 038
1976-1977
75 413
1977-1978
" .102 929
1978-1979
114 886
.1979-1980
130 000
Source: la Côte d'Ivoire en chiffres, 1980-1981, Ministère de l'éco-
nomie et des finances
+++
2630 millions de FCFA a l'exportation. Le prix d'achat pour l'ensemble
du territoire est garanti par la CSSPPA et controlé par la ClOT (1) sur
le Plan production.
Depuis la campagne 1969-1970, la production cotonnière
a poursuivi une expansion ré9ulièr~. Les progrès enregistrés depuis
cette date ont été spectaculaires. Celà est fondé autant sur le besoin
•
(1) Compagnie Ivoirienne pour le développement des fibres textileso
118
urgent du gouvernement d'élargir sa base d'accumulation, que sur lle*-
tension des surfaces cultivées.
En résumé, après une phase de recherche (avant 1960)
pour la mise au point des variétés de coton et des techniques cultu-
rales, la CFDT, puis la CIDT, ont suivi une évolution en trois phases
1/ Une phase de croissance sectorielle (1960-1970) où
seule la parcelle de coton était considérée;
2/ Une phase de modernisation avec développement de la
mécanisation, de structuration de l'exploitation agricole
3/ Une phase de développement régionalisé intégré,
actuellement abordée, avec structuration du Milieu rural.
Ces trois phases, plus ou moins imbriquées, correspon-
dent aux différentes étapes de la modernisation des exploitations agri-
coles du Nord de la Côte d'Ivoire.
D'après le discours du Ministre de l'agriculture:
"la modernisation des exploitations, par rapport à l'exploitation tra-
dt t i onne l l e , caractérisée par une économie fermée, à niveau technolo-
\\
gique très bas, l'introduction de la culture du coton dans les exploi-
tations de savane a facilité une amélioration du niveau de l'emploi,
introduit la notion de capital d'exploitation et surtout permis une
monétarisation d'un produit de l'exploitation, dont une partie du re-
venu ~,et, peut être mobilisée pour des investissements en matériel •
..i,,~t
Le coton joue~son rôle de moteur de développement et 14 paysan peut
aborder la phase de modernisation de son exploi'tation ll (1).
(1) Discours prononcé par le Ministre Bra Kanon en 1980, lors d'une
tournée dans le Nord de la COte d'Ivoire, Fraternité Matin, n° spécial,
juin 1980
119
La diversification de l'économie agricole de la zone
forestière et la zone de savane, se caractérise par des inovations ori-
ginales, comme en matière de développement rural ;
- concentration très forte sur un petit nombre de cul-
tures, avec des objectifs ambitieux, selon une cadence de réalisation
élevée
- menée avec des moyens financiers et autre très impor-
tants pour atteindre une rentabilité et une compétitivité optimales,
sources de diversification de financement de l 'économie, ~bénéfice de
la bourgeoisie agraire -locale, au service des grands monopoles étran-
gers.
La production de chacune des cultures spéculatives, est
réalisée par le biais des sociétés d'Etat, créées en conséquence, et
p~r la conjonction des efforts, des instituts de recherche.
La diversification des cultures industrielles s'accom-
pagne d'une transformation des produits. La transformation permet d'in-
corporer une valeur ajoutée dans le produit avant exportation, d'accroi-
tre et d'équilibrer le revenu monétaire du pays, en atténuant les con-
tretemps des fluctuations des cours mondiaux du café et du cacao.
JI- La transformation des cultures d'exportation
Les industries de transformation sont essentiellement
basées sur les capitaux français, mais
tendent depuis quelques années
vers une multtnationalisation (1).
120
Ainsi, l'industrie ivoirienne compte, elle, des capi-
taux allemands, japonais, américains, suisses, belges, hollandais, an-
glais, libanais, chinois, etc ... Les capitaux investis dans l'industrie
ont été à 84 %étrangers (dont 60 %français) (1).
Si l'agriculture en Côte d'Ivoire est pour une grande
part l'occupation de la majorité des Ivoiriens, l'industrie créée et
développée à l'aide des capitaux provenant de l'ancienne métropole, est
basée sur l'intérêt de l'impérialisme français.
La presque
tot~lité des investissements dans les in-
dustries de transformation provient essentiellement de la France, sans
oublier la main d'oeuvre.
De plus, en matière de promotion industrielle, la Côte
d'Ivoire en se dotant d'un bureau de développement industriel (BOl), a
mis en place un organisme chargé de faire réaliser les projets, dans "le
cadre de la poursuite de l'expansion industrielle amorcée.
Les principales industries de transformation sont:
les industries de transformation de café-cacao, de palmier à huile,etc ..
1°/ La transformation du café et du cacao
A l'origine, la transformation des fèves fraiches était
réalisée par les planteurs de la façon suivante:
La fermentation du cacao se déroule en milieu tradition-
nel, sur un lit de feuilles de bananiers. Les fèves y sont déposées en
tas et recouvertes de nouvelles feuilles de bananiers. Les féves sont
ensuite brassées périodiquement (tous les 2 ou 4 jours, selon les zones
(1) La Côte d'Ivoire en chiffres, années 1979-1980
121
de production), afin de favoriser les réactions d'oxydation et d'homo-
généiser la masse.
Après six jours, les fèves sont tranportées au village
et étalées sur des sèchoirs solaires, réalisés avec des claies en maté-
riaux locaux. Les fèves sont périodiquement remuées. Si les conditions
d'ensoleillement sont bonnes, le sèchage est généralement satisfaisant
après une période de 10 à 15 jours. Le cacao est alors ensaché pour la
vente.
Les conditions réelles de préparation du cacao sont em-
piriques et souvent précaires. Le planteur est, en période de récolte,
débordé par l'enlèvement des cabosses, leur casse, le transport des fève~
les opérations de fermentation et de sèchage; et manque souvent de per-
sonnel.
En outre, les conditions météorologiques, sont souvent
loin d'être idéales. Des pluies viennent contrarier son travail et,
à tout moment, l 'humidité relative est élevée, voisinede 90 %, sou-
vent supérieure (1).
La nuit, le cacao en sèchage reprend une partie de 1'hu-
midité qu'il a perdu le jour. Tous ces a1eas peuvent avoir des consé-
~uences néfastes et parfois désastreuses sur la qualité du produit. Cet-
te méthode de sèchage est aussi valable pour le café, à part qu'il est
transporté directement au village après cueillette.
On peut ainsi obtenir un produit insuffisamment fermen-
té, qui aura conservé son amertume et son astringence, et qui se révè-
lera incapable de développer un arôme à la torréfaction. A l'inverse,
(1) Marc Achiepo, Etude météorologique dans le Sud-Est de la Côte d'I-
voire, dans le revue ASECNA, Abidjan
122
on peut avoir un produit trop fermenté, présentant des goûts défectueux
à la suite de fermentatioffiputrides ou de moisissures.
D'autre part. un sèchage insuffisant favorisera la pro-
lifération des moisissures et des insectes au cours du stockage. Le
produit stocké chez le planteur avant la vente pourra prendre des goûts
extrèmement préjudicialbies à sa qualité.
Depuis quelques années. cette opération a été prise en
main par des industries plus spécialisées. Les transformations sont de
nature essentiellement biochimiques (1).
La création à Tou~bokro d'une plantation industrielle,
sur l'initiative du président Houphouët-Boigny, a été à l'origine de la
construction, par voie de concours, en 1973, d'une première, puis en 1974
d'une seconde unité de traitement de cacao avant expédition.
Les deux ateliers sont conçus par le laboratoire de tech-
1.
nologie de l'institut français du café et du cacao (IFCC) et des établis-
sements Hourdin de Soissons, spécialistes du sêchage. Après fermentation,
les fèves sont sèchées sur un sèchoir statique "le briard" de Hourdin.
Le sèchoir est alimenté en air chaud par un générateur à échangeur, équi-
pé d'un brûleur Monarch à deux allures et d'un ventilateur Dronard. Le
cacao est brassé par un tambour à palettes monté sur un chariût à cré-
mail 1ère (2). Le cycle du sèchage dure vingt heures, puis ventilé pen-
f
(1) Kacou Attimou, Préparation industrielle du cacao en Côte d'Ivoire,
Ministère de l'agriculture. Revue de la SATMACr, novembre 1978, 16 pages
(2) Ministère de l'agriculture, SATMACr, Projet d'amélioration du cacao
et du café
123
dant une demi-heure pour refroidir le cacao et le rendre moins cassant.
Quant au café, il est sèché, puis décortiqué et ventilé pour séparer
les déchets du grain et torrèfier.
La société d'études et de réalisation pour l'industrie
caféière et cacaoyère (SERIC) exploite à Toumbokro une usine de traite-
ment du café d'une capacité de 42 000 tonnes par an de café marchand.
Les étabiissements Jean-Abiie GAL SA (JA6) créés en
1959, au capital de 600 millions de FCFA, dont les actionnaires sont
les suivants: Jean Abile GAL(49 %); Ivoiriens (36 %) ; groupes étran-
gers (15 %), en alliance avec les groupes Frigeavia, Motoconfort, etc ...
dont le président directeur général, François Houphouët-Boigny. Les
établissements Jean Abiie GAL assurent la gestion commerciale de l'usine
de la SERIC, exploitent à San-Pedro l'usine de traitement du café et du
cacao de l'Union industrielle et conmerc ta l e de l'Ouest de la Côte d-1-
yoire (UN1CO), et à Abidjan leur usine de trattement'du café et du ca-
cao et une unité de torréfaction.
Le traitement industriel du café est réalisé par la
Compagnie africaine de préparations alimentaires (Capral), ~ capi-
tal de 2,4 milliards de FCFA~l;épartis entre des intérêts ivoiriens
publics (24,5 %) et privés (9 %), et le groupe Nestié (66,5 %). Elle
exploite à Abidjan, depuis 1962, une usine de fabrication de café so-
luble diune capacité de 5 300 tonnes par an de "Nescafé" et de 700 ton-
t 2.~
nes par an de "Nescao": ~a production était en 1979-1980 de 4 100 tonnes
(1) Europe-Outre-Mer, n° 610, année 1980
(2) Ministère de l'agriculture et de l'industrie de Côte d'Ivoire, 1980
124
de café soluble pour quelques 14 000 tonnes de café vert traité, exclu-
sivement du Robusta i~oirien.
Le chiffre d'affaires était en 1979-1980 de Il milliards
FeFA ; les ventes sur le marché intérieur se chiffraient à 1 543 mil-
lions et les exportations à 8 510 millions. En 1979, la "caprai" a mis
en service une unité de fabrication de sachets de café soluble, et en
1981 la première unité de fabrication de boissons chocolatées de l'Afri-
que noire francophone, d'une capacité de 700 tonnes par an. Elle pro-
jette de créer une unité de décafeination, et de fabriquer des produits
alimentaires à base de cacao.
Trois sociétés pratiquent le traitement du cacao. La
société africaine de cacao (SACO), fiiiale de BARRY SA au capital de
1 732 500 000 FCFA (65 1,), avec la participation de la caisse de stabi-
lisation et de soutien des prix des produits agricoles (eSSPPA 35 %),
possède à Abidjan une usine, mise en service en 1964, d'une capacité de
traitement de 38 ÛOO tonnes par an de fèves pour la production de 3 000
tonnes par an de poudre de cacao, ainsi que de masse, de beurre et tour-
tedux. En 1979-1980, elle a traité 25 000 tonnes de fèves.
L'industrie de transformation des produits agricoles
(API), société ivoirienne à laquelle participent la eSSPPA (34 %),
d'autres organismes d'Etat (44 %, et BARRY société françai~e SA (22 ~),
dispose à Vridi, d'une usine en service en 1974, d'une capacité de
traitement de 20 000 t. par an de fèves, extensible à 30 000 t. pour la
production de cacao, masse, beurre et tourteaux.
La société des produits du cacao de la Côte d'Ivoire
(Procaci) appartient à la République de Côte d'Ivoire (60 %) et au
125
groupement suisse Interfood-Suchard (40 X), et la chocolaterie de Côte
dllvoire (Chocodi), qui appartient au groupe BARRY SA (51 %) et à la
société d'Etat ivoirienne (49 %), transforme la cacao, dans une usine
de Vridi, mise en service en 1976, avec une capacité de 10 000 tonnes
par an. Elle produit environ 1000 tonnes par an de produits chocolatés,
tablettes, barres, déjeuner, pour le marché local et la CEAD et quel-
ques 8 000 tonnes de couvertures de chocolat
pour l'exportation.
2°/ La transformation des grains du palmier à huile
L'industrie du palmier à huile est détenue par 3 grou-
pes de sociétés en Côte d'Ivoire, ayant cnacune ses propres spéciaiités~
Le groupe Palmindustrie qui raffine l 'huile de palme à partir de pal-
mistes récoltés; le groupe Blohorn SARROCY qui fabrique du savon à
partir de cette huile de palme raffinée; le groupe Sodepalm (société
d'Etat) qui se charge de créer des plantations modernes de palmier à
huile et du ramassage des productions artisanales pour approvisionner
les usines des deux premières soctëtês.
Cependant, ces deux mêmes sociétés voyant que leur four-
nisseur ne parvenait pas à alimenter d'une façon suffisante leurs usines,
le groupe Palmindustrie et le groupe Blohorn, se sont aussi lancées de
leur côté dans la création de vastes plantations industrielles de pal-
miers à huile.
Petit à petit se sont installées en Côte d'Ivoire deux
types d'exploitations du palmier à huile totalement opposés.
Il s'agit des exploitations artisanales et des exploita-
126
tions modernes dotées de moyens mécaniques agricoles.
Clest ainsi qu'à côté des anciens villages s'étendent
de vastes plantations modernes. Ce s~tème d'exploitation mixte rompt
complètement la structure sociale d'organisation du village et son
mode d'exploitation. La main d'oeuvre est recrutée dans les villages
parmi les jeunes paysans qui préfèrent un travail salarié.
L'industrie du palmier à huile a apporté quelques avan-
tages dans l'industrialisation ivoirienne, en ce sens qu'elle permet
à de nombreux agriculteurs (planteurs) ivoiriens qui, jusqu'alors ne
connaissaient pas l'utilité du palmiste, sinon au niv~au artisanal,
d'évacuer directement leurs produits vers les usines implantées sur
le territoire traitant industriellement le palmiste. L'industrie du
palmier à huile permet aujourd'hui une certaine ouverture de l'agricul-
ture ivoirienne depuis le produit brut, jusqu'à la fabrication finale
de la marchandise.
La première vocation de cet ensemble industriel de
base est l'approvisionnement en huile brute et, accessoirement, en
palmistes de l'usine des huileries et savonneries des 1agunes (groupe
Blohorn) à Abidjan. Dans la décennie 1960, cette entreprise connait
une grande expansion qui en fait un exemple unique en Afrique de
l'Ouest par l'importance de ses fabrications.
En 1969, a été créée la "société ivoirienne de transfor-
mation des corps gras" (SITCo-G) qui réalise la fusion entre l'huilerie
et les savonneries des lagunes (HSL) et la Fra~co-Africaine de raffi-
nage (FARj et bénéficie de l'apport de capitaux extérieurs: Intersoge,
et Pardor (Suisse). La nouvelle société a pour but essentiel la re-
127
construction d'un ensemhle industriel modernisé et agrandi dans la zone
.-
industrielle deVridicapable de triturer 20 000 tonnes de graines,
...~
-
de raffiner 50 000 tonnes d'huile et de produire 40 000 tonnes de sa-
von. Dès février 1970, alors que 1 500 millions fefA ont été investis,
l'ensemble peut démarrer (1).
Ainsi, le groupe Blohorn (2) représente un bon exemple
de l'expansion industrielle en Côte d'Ivoire depuis l'indépendance,
avec un capital de 1 019 000 FCFA (83 %) et 17 %répartis entre les
intérêts ivoiriens et privés.
A côté du groupe Blohorn, il y a la Palmindustrie qui
produit et exporte vers l'étranger. La
totalité de la production de
palmistes, soit 3 019 tonnes, est embarquée vers l'Europe. Mais c'est
véritablement en 1970 que débutent
les ventes régulières. La première
expédition destinée à l'Allemagne Fédérale qui semble devoir être le
principal client pour l'huile, soit 1 100 tonnes, a eu lieu le 30 juin
1970 (3).
(1) Afrique industrie, fichier industriel de l'Afrique noire, SIT, CUG,
15 février 1969 et 15 février 1971
(2) Le groupe Blohorn est une société française installée en Côte d'I-
voire
(3) Afrique express, 30 juin 1970
128
Les exportations de la Palmindustrie de 1970 à 1979, par
cl ient.
Exportations d'huiles de palme et de palmistes (tonnage par
client)
Clients
1970
1974
1975
1976
1977
1978
1979
RFA
6 540
23 062
44 557
15 668
20 757
20 390
12 078
France
4 174
20 304
20 938
la 117
14 957
Il 904
9 169
Pays Bas
5 000
20 384
11 232
1 342
8 086
19 600
8 222
Tota l
15 714
63 750
76 727
27 127
43 800
51 884
29 469
Source
1970, Sodepalm
1974-1979 : la Côte d'Ivoire en chiffres, ed. 1980-
1981.
Le développement de l'industrie
du palmier à huile
permet à de nombreux paysans de la zone forestière, d'après le Prési-
dent de la République, d'accéder à une promotion sociale, en passant
de l'agriculture artisanale à l'agriculture moderne. Le Président
Houphouët-Boigny va plus loin en disant: "C'est par la mise en oeu-
vre de l'agro-industrie qui permet la transformation, sur place, de
la majorité de nos produits agricoles, que nous retiendrons notre jeu-
nesse ct la terre tout en lui apportant dans les villages, non pas le
luxe, mais les commodités de la ville, c'est à dire une habitation sai-
ne, l'eau courante, etc ... "(1).
(1) Félix Houphouët-Boigny, rapport de politique générale du 7ème con-
grès de PDCI-RDA, 31 octobre 1980
-----:
129
Mais il serait inadmissible de vouloir ignorer les nombreux problèmes,
tant économiques qu'hunains, qui se poseront pour le passage de l'arti-
sanat. à la modernisation totale de l'agriculture en Côte d'Ivoire.
La création des industries de trnasformation des pro-
duits d'exportation que sant le café et le cacao. contribue à accentuer
la dépendance del~ Côte d'Ivoire vis à vis de i 'extérieur. La simple
raison est que tous les capitaux investis dans ce secteur. sont des ca-
pitaux étrangers. L'évolution des industries de transformation étant
inéluctable. il ne fait pas de doute pour nous que. tôt ou tard. à la
naissance d'industries puissantes de transformation des produits agri-
coles. se substituant aux paysans. des taches traditionnelles de trans-
formation du produit.
+
+
+
Atravers la politique mise en place par la Côte d'I-
voire après l'indépendance. nous assistons à une accentuation de la
priorité accordée aux deux cultures spéculatives, lesquelles consti-
tuent une source d'approvisionnement pour le fonctionnement des indus-
tries de la métropole.
DeDuis la période coloniale. les surfaces consacrées
aux' cultures de rentes~.·étaient en expansion rapide. Passent de 200 000
ha en 1919. à 733 000 ha en 1959 à la veille de l'indépendance (voir
tableau du chapitre 1 page)~). Ainsi, pendant la colonisation. les
pays capitalistes préconisent que. les
pays colonisés ont intérêt à
se spécialiser dans la production du ~afé-cacao. dans le cas de la
130
Côte d'Ivoire et l'arachide pour le Sénégal, où ils peuvent défier
toute concurrence.
Le bilan de cette politique se manifeste par un accrois-
sement de la production du café-cacao depuis 1923 jusqu'en 1960•
. Après la spécialisation de la Côte d'I-
voire dans les cultures de rente pendant la période coloniale, l'indé-
pendance s'était soldée par une accentuation de la priorité accordée
aux cultures d'exportation, suivie d'une diversification de la produc-
tion. Actuellement, la superficie occupée par le cacao et le cacao est
de 2 100 000 h a , ( l 200 000 ha pour
le café et 90 000 ha pour le cacao).
Le café et le cacao occupent une place très importante
dans les exportations de la Côte d'Ivoire soit 40 % à 45 %.
Schématiquement parlant, celà revient à dire que, l'or-
ganisation économique doit se consacrer principalement à la production
des cultures d'exportation de base (café-cacao) de façon à servir de
grenier de matière première pour les pays industrialisés.
La politique agricole qui, tout en réussissant à augmen-
ter la production dans de fortes proportions
et à la diversifier par
la suite, avait constitué de façon notable à privilégier les cu1tures
d'exportation.
A la suite de l'extension des surfaces et de la créa-
tion des sociétés d'Etat chargées d'encadrer la production, le gou-
vernement ivoirien a décidé de transformer les produits pour ajouter
une valeur à l'exportation.
Le but du processus industriel est donc d'alimenter le
131
marché de consommation. Ce marché peut être local et, dans ce cas,
la production industrielle du pays est appelée a se substituer à des
productions étrangères. Il peut être extérieur et, dans ce cas, la pro-
duction industrielle du pays contribue à alimenter les exportations na-
tionales.
Les types d'industrie créés sont exclusivement des in-
dustries de substitution (alimentaires). Clest peut-être une solution
de sagesse qui assure à la fois une large satisfaction des besoins
nationaux et une économie substantielle de devises.
La part de la production transformée par la société
"Capral" avoisine les 5 300 tonnes de café soluble par an. On constate
que la quasi totalité des transformations industrielles locales inté-
ressaient des matière brutes.
La société SACQ transforme 3 000 tonnes de poudre de
~acao et 700 to~nes de Nescao par an. L'expansion du capitalisme veut
que les capitaux se déplacent dans le monde à la recherche non seule-
ment de super-bénéfices, mais encore de l'amortissement en un temps
record, des capitaux investis dans les i'ndustries de transformation.
C'est peut~être une des raisons de l'orientation des capitaux étran-
gers dans les petites industries de transformation.
L'industrie pour l'industrie qui parait être, aujour-
d'hui la conception du gouvernement ivoirien, relève plutôt d'un com~
plexe. Une politique réelle de développement économique et social doit
d'abord combattre l'impérialisme par la destruction de l'économie de
traite et l'instauration d'une véritable indépendance nationale, fon-
dée sur une indastrialisation de base.
132
DEUXIEME PARTIE
LES CONSEQUENCES NEGATIVES DE LA PRIORITE
ACCORDEE AUX CULTURES D'EXPORTATION SUR
LES CULTURES VIVRIERES
133
INTRODUCTION
Avant la colonisation et l'introduction des cultures
d'exportation, c'est à dire avant la main mise de l'Europe sur l'Afri-
que, les sociétés africaines, constituées en tribus, en chefferies ou
en Etats, avaient mis sur pied une organisation administrative et po-
litique. Outre la différence de structures et d'organisations qu'accu-
saient ces sociétés selon leurs modes claniques, elles avaient un en-
·semble de caractères qui leur étaient communs: rôle et signification
de la famille, des faits sociaux (mariage, naissance, notions métaphy-
siques). Une même conception philosophique, axée sur l'organisation de
la société et régissant tous ses membres, autorise à considérer ces
sociétés comme des entités réelles, tirant valeur et dyr.amisme de leur
évolution, de leur stabilité propres.
Dans certaines sociétés, comme celle de la Côte d'Ivoi-
re, l'introduction du café-cacao, a provoqué des changements radicaux
dans la formation agraire ivoirienne précoloniale. Les modes de pro-
duction étaient caractérisés par : l'organisation du travail (sur des
bases collectives), et le moyen de travail (la terre). La terre était
la propriété collective du clan, 1'usage en était libre, mais sous
134
le controle du chef de la tribu (1).
Les sociétés africaines en général, ivoirienne en par-
ticulier, avaient, comme toute société, des statuts propres. Leur signi-
fication et leurs différentes interprétations provenaient ee l'origina-
lité, des particularismes même, du génie collectif de leurs membres, de
leur faculté d'adaptation à leur contexte géographique, de leur volon-
té de création et d'existence, et de leur faculté d'intégration des
éléments extérieurs. En d'autres termes, des conditions objectives
géo-économiques. La routine millénaire, basée sur la psychologie de
répétition mécanique, s'est vue fléchir depuis la spectaculaire en-
trée en s~ène de nouveaux facteurs matériels et moraux basés sur le;
profit qu~, en général, constituent un pas décisif vers un genre de
vie contraire à celui de la société traditionnelle précoloniale.
L'entrée en scène de l 'impérralisme français J trans-
formé brutalement l'économie des sociétés traditionnelles.
Comment représenter cette société traditionnelle?
L'Histoire nous obltge à nuancer la notion même de
II pr écol oni al e ll,
car, avant l'annexion et le partage de l'Afrique par
les souverainetés politiques et économiques des métropoles européen-
nes, il y eut plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, d'un type
(1) Jean Claude Thoret, Les Djimtni, éléments d'organisation sociale,
Paris, 1969
Zajaczkowski, la famille le lignage et la communauté villageoise
".\\ chez les Ashantisde l a période de transition, cahters d' études afri-
caines' n04, décembre 1960, pp.99-114
135
de rapport original, celui du commerce entre les sociétés capitalistes
européennes et les clans ou chefferies africains.
Mais a "l'échelle" 00 notre étude nous demande de con-
sidérer les réalités, nous devons et pouvons considérer l'évolütion ivoi-
rienne comme une dynamiqu~ unissant la situation socio-économique, avant
tout contact avec l'Europe, et la situation coloniale. La rythme de
cette intégration se trouve subordonnée a la structure politique de
tel ou tel groupe social.
De ce fait, on voit que, les strates ou clivages ca-
ractérisant le résultat de la colonisation, sont de moins en moins
distincts selon que l'on remonte le cours de l 'Histoire. Ceci est
particulièrement remarquable si on considère
- la frontière entre le sacré et le profane;
- la frontière entre le politique et le socio-culturel
la frontière entre les classes sociales virtuelles et
les stratifications sociales, politiques et économiques résultant d'un
équilibre antérieur géo-écologique détruit et transformé par l'intro-
duction des cultures d'exportation, par la monnaie, et par l'industria-
lisation.
Le sentiment dominant dans la société traditionnelle
ivoirienne est que tous les êtres vivants et inanimés, c'est a dire les
composants de l'univers sont animés par des forces invisibles qui ré-
gissent et orientent l'unité cosmique. La personnalité ivoirienne ne
Jacques Maquet, Pouvoir et société en Afrique, Paris, Hachette, 1970,
256 pages
136
se révèle pas uniquement dans les systèmes politiques et les insti-
tutions politiques~ mais aussi et surtout dans la vie sociale. En
effet, nous retrouverons dans les populations régies par des sys-
tèmes sociaux différents une uniformité ou plutôt certains traits
forts qui seront une constante de la personnalité africaine. Ces
traits forts que nous désignerons
sous le terme de constantes, repo-
sent sur l 'inter~étation religieuse ou sacrée que les Noirs se font
du monde, de l'univers.
Dans la société ivoirienne, l 1 âme est une force vi-
tale. La vie est sacrée. Le monde traditionnel ivoirien est insépa-
rable du culte des divinités. La terre, les ancêtres et l'autorité
sont l'objet des cultes les plus importants (1).
Du système classique au système étatique, on assiste
à la lente évolution d'une structure partant d'une forme élémentaire
~t accédant à des formes plus élaborées.
Comme première constante de cette société tradition-
nelle précoloniale~ on peut retenir que ceux qui détiennent l'autorité
ne l'incarnent pas, ni ne la transgressent, ils la représentent, ils
ne font qu'appliquer la coutume. La collectivité fortement empreinte
de la coutume, donc du caractère socio-religieux, ancestral et mythique~
d'où elle tire son unité, s'oppose résolument à tout individu qui por-
te atteinte aux règles coutumières.
(1) Cet ensemble typique de la superstructure idéelle (notionnelle),
d'une infrastructure paysanne (la Rome impériale est analogue). La
spécificité où elle existe, où elle n'a pas été durcie par le racisme
européen ou le contre-racisme de la négritude
137
Les groupes sociaux à base clanique , plus ou moins im-
médiats, fonctionnent dans le cadre de vie relativement stable, de
croyances très unifiées et normatives. La soumission à l'autorité cou-
tumière constitue l'équilibre principal de cette société traditionnel-
le précoloniale. Le régime d'un collectivisme intégral où la liberté,
l'égalité et la fraternité s'expriment dans un commun conformisme.
Dans une seconde constante selon laquelle chaque vil-
lage a son chef, un conseil d'anciens qui assiste le chef et s'occupe
de l'organisation et de l'administration du village (rites religieux
et coutumiers... ). Au niveau du territoire le chef est assisté d'un
conseil des chefs de villages ou de familles. Le fils ou le frère du
chef est l 'héritier direct, mais sa nomination est soumise à l'appro-
bation du conseil des chefs de familles et des associations d'adultes.
La personne du chef est sacrée, sa terre est cultivée gratuitement,
il a droit à des présents, à des cérémonies rituelles. Il est, sym-
boliquement, le propriétaire de la terre (le responsable de la terre).
Les habitants y ont un droit d'usage. Chef religieux aussi, il diri-
ge les cérémonies. Dans ce système ainsi organisé, la terre consti-
tuait l'élément de reproduction et de survie.
Cette société précoloniale a été dans un premier temps,
ébranlée par la traite des Noirs, ensuite avec l'introduction des cul-
tures d'exportation avec imposition obligatoire de la culture pour le
système productif de la métropole.
René Dumont, l'Afrique noire est mal partie, Paris, ed. du Seuil,
1962, 251 pages
138
Dès lors, une série de transformations s'opèrent
dans cette société
si bien organisée et bien structurée. La prio-
rité accordée aux cultures de traite (café-cacao) à caractère spécu-
latif est commandée par les sphères industrielles et financières
dominants des pays du centre.
A partir du XVI ème siècle, commence le démantèle-
ment de l'économie avec le développement de la traite des esclaves
•
au profit des pays européens; la traite paralysa le développement
des forces productives par la perte en force de travail qu'elle en-
traina ; ces pertes atteignirent un maximum au XVIIIème siècle (1) ;
les conséquences économiques et sociales de la traite ne se limitent
pas à ces pertes; la dégradation de l'économie traditionnelle fût
hatée par l'extension des guerres et des razzias qui devinrent des
occupations lucratives pour les négriers - intermédiaires africains'
. chargés de la chasse aux esclaves. Un processus de différenciation
sociale, fut amorcée, ne provenant pas de transformations internes,
mais suscité de l'extérieur, basé sur l'exploitation, par üne mino-
rité de nobles (la bourgeoisie agraire locale issue de la noblesse
de tribu).
Sous la double pression des besoins croissants des
métropoles et des grandes compagnies coloniales établies dans les
régions côtières, désireuses de trouver un palliatif à la suppression
(1) M.Seklani, les incidences démographiques de la traite des escla-
ves sur le peuplement de l'Afrique noire du XVII ème au XIX ème siè-
cles, Congrès des africanistes, Dakar, 1967
139
officielle de la traite des esclaves au début du XIXème siècle (Angle-
terre 1807, France 1815), l'exploitation systèmatique des colonies
africaines se développe, parallèlement à l'expansion du capitalisme eu-
ropéen dont elle n'est qu'un reflet.
Les besoins en matière premières agricoles de la mé-
trople suscitent l'introduction du café et du cacao et le développe-
ment de ses cultures.
Le développement du café et du cacao fut rendu possi-
ble par le développement des voies de communication et par la "pacifi-
tion" .
La principale mesure favorable à l'extension du café-
cacao fut l'instauration d'un nouveau système fiscal ; le développe-
ment des cultures d'exportation se fit au moyen de pressions directes
(minimum à livrer sous peine de sanctions collectives ou individuelles)
-les pressions indirectes constituées par l'imposition en monnaie obli-
gèrent les paysans à se livrer à la cu1ture du café-cacao pour pouvoir
se procurer du numéraire; dans la zone du Centre, le café-cacao fut
d'abord limité à un champ par famille appelé "le champ de l'impôt" ou
le "champ du gouverneur", ce qui traduit bien sa destination (1) ; la
~) Parlant de l'extension de la production de palmiste et de noix de
palme au Nord du Congo sous la pression des autorités, un auteur note
que l'impôt représentait souvent les 3/4 du revenu monétai re. "Le vil-
lage a perpétuellement un impôt à payer, il est donc perpétuellement
dans l'obligation de travailler" (Althabe, problèmes socto-économiques
au Nord du Congo, in Cahiers de 1'ISEA, V, 5)
140
sanction du non-paiement de l'impôt se traduisait par l'emprisonnement
ou le travail forcé (1).
La transformation de cette agriculture précoloniale,
axée sur les produits vivriers, bouleversée par l'introduction des
cultures d'exportation pendant la période coloniale, aura pour con-
séquence, l'ébranlement des structures socio-économiques et politiques
de cette société.
L'introduction de l'impérialisme français dans le sys-
tème agraire précolonial, non seulement affaiblit la société sur le
plan social et organisationnel, mais encore la transforme, la prolé-
tarise, la détruit.
La deuxième partie de notre étude se propose de trai-
ter systèmatiquement , autant qu'il est possible, l'ensemble des pro-
blèmes que pose la priorité accordée aux cultures d'exportation sur-
les cultures vivrières.
Le premier chapitre analyse les caractéristiques du
système agraire précolonial axé sur les produits vivriers.
Le deuxième chapitre traite des conséquences de l'in-
troduction du café et du cacao dans l'économie ivoirienne pour la
production agro-alimentaire.
(1) Abdoulaye Ly, les masses africaines et l'actuelle conditions
humaine, Présence africaine, 1956
141
Chapitre l
Les caractéristiques du système agraire
précolonial axé sur les produits vivriers
Ce système agraire précolonial s'est développé de ma-
nière autonome~ par la domestication de plantes sauvages locales. Les
"
principales espèces cultivées étaient
le fonio, le mil, la banane
plantain, le manioc, l'igname~ etc ...
L'autonomie de cette agriculture précoloniale est
marquée par des techniques traditionnelles de mise en valeur de la
terre.
Cette technique traditionnelle s'allie à une organi- .
sation sociale traditionnelle bien structurée autour d'un chef de
communauté ou de lignage, responsable de la terre. C'est à ce niveau
d'organisation du système agraire traditionnel, qu'il faut saisir les
mécanismes qui caractérisent la formation agraire précoloniale. Elle
s'est désorganisée pendant la colonisation, et soumise à une nouvelle
forme d'organisation par la suite, avec l'introduction des cultures
d'exportation sous le régime colonial.
Parmi les branches de la production sociale, l'arti-
sanat, la construction des cases, n'occupaient qu'une faible place
dans le travail ~ par rapport aux branches de la production vivrière
dans la communauté précoloniale ainsi organisée.
La production vivrière était suffisante pour nourrir
la communauté, en cas de surplus de production (ce qui est quelquefois
Henri Brunschwig, l 'avénement de l'Afrique noire du XIXème siècle à
nos jours~ ed. A.Colin, année 1963
142
rare), il est stocké dans les greniers pour les cultures à venir, ou
pour prévenir les périodes de soudure et de famine.
Le surplus ainsi dégagé n'était pas commercialisé, ce
qui détermine l'autosuffisance alimentaire dans la communauté préco-
loniale.
Dans cette organisation sociale, la production des cul-
tures vivrières, la chasse, le cueillette, sont les principales bran-
ches d'activité, et déterminent le mode de production dominant.
Ainsi, est-ce à l'analyse de système agraire préco-
lonial que nous allons nous attacher dans ce chapitre premier, avant
d'étudier les modifications intervenues sous la domination coloniale,
avec l'introduction des cultures d'exportation (café-cacao) (1) dans
le second chapitre.
Ce chapitre sera très descriptif pour nous permettre
-de situer et mettre en relief le mode d'organisation socio-culturelle
qui anime cette société communautaire.
Nous a11 ons nous poser pl usi eurs questions : à savo i r,
quels sont les moyens techniques utilisés, existe-t-il un surplus agri-
cole sur le plan de la culture vivrière; et enfin quels sont les rap-
ports de cette communauté avec les étrangers au niveau des échanges
à un moment donné.
Ce qui va nous amener à étudier successivement : dans
une première section: l'analyse de la propriété de la terre; en sec-
tion deux, les méthodes culturales; en section trois, les possibili-
té~ d'autosuffisance alimentaire.
(1) En effet, l'économie précoloniale Ivoirienne avant d'être agressée
par le mode de production capitaliste, par la monétarîsation, la com-
mercialisation et la transformation graduelle en économie capitaliste
sous-développée, avait connu des modes de production semblables dans -
les formations précapitalistes africains en général
143
Section l
La communauté et la terre dans le
systeme agraire précolonial
Avant la colonisation, les règles coutumières régis-
saient les rapports de l 'homme à la terre qui, inclues dans un sys-
tème politique, social, familial, religieux, déterminent le mode d'oc-
cupation de l'espace. A une culture de type extensif correspond une
exploitation collective de la terre.
Des sesnents de 1i gnage de 30 à 40 pérsonnes (1) tra-
vaillent ensemble sous l'égide du chef de famille, responsable de la
terre.
Dans ce système,surtout chez les Akans et les peuple~
lagunaires, la terre n'a jamais été une propriété privée, mais collec-
tive. Seul le produit de la terre est appropriée pour la consommation.
La terre est considérée comme l'élément qui permet d'assurer la sub-
sistance et la reproduction de la force de travail.
La relative abondance des terres permettait le main-
tien de ce système, où le produit du travail était essentiellement des-
tiné à la consommation de la tribu. L'accumulation était limitée aux
besoins de prévoyance et ne pouvait entrainer une discrimination éco-
nomique décisive au niveau de la société.
Nous verrons dans cette section, les rapports sociaux
(1) Enquêtes effectuées dans des villages Attié (Affery et Montézo)
auprès des anciens chefs coutumiers en 1979, nous a permis dévaluer
le nombre de personnes travaillant dans un lignage
144
de production (1) ; les forces de travail (II)
et enfin les sys-
tèmes lignagers (III).
1 - Les rapports sociaux de production
L'organisation sociale de base de la société ivoirien-
ne précoloniale est la communauté classique formée de ceux qui, réu-
nis par le sang entreprennent ensemble le travail. Le système de pro-
priété dans cette société est collectif. En tant que support physique
des forces productives naturelles, la terre constitue l'instrument fon-
damental et 1faxe du rapport de production (1).
La base économique de la société précoloniale donna
naissance à une superstructure qui lui correspondait.
Clest ainsi qu'apparurent deux étapes successives
. le matriarcat et le patriarcat (2). La formation du matriarcat trou-
ve son origine la plus profonde dans le fâit que les femmes occu-
paient une place très importante dans ld production, alors que les
hommes se consacraient à la chasse.
Parmi~s institutions traditionnelles préco1oniales.
deux aspects carôctérisent la terre :
- Rapports religieux entre l'homme et la terre
- Rapports dlorganisation politique et socio-éthniques.
(1) Michel Gutelman, structures et réforme agraire, ed. Maspero, Paris,
1974
(2) Hubert Deschamps, l'Afrique noire précoloniale. Que-sais-je ?,
n° 241. PUF
Paris, 126 ages
145
- Les rapports religieux entre l 'homme et la terre
étaient vivants.
A la base de ces rapports on trouvait, d'une part les
associations entre terre, fertilité, subsistance, vie, fécondité,
et, d'autre part, terre, ~uissance des dieux, lieu de repos des an-
cêtres.
"La terre dans la philosophie traditionnelle est su-
bordonnée à la divinité en tant qu'épouse du ciel en association avec
lui, qui est la demeure des entités divines".
- Les rapports du régime successora l, qui oppose les
sociétés patrilinéaires, où la transmission des biens ou de pouvoir
s'effectue de père en fils ou entre collatéraux, se fait sous la res-
ponsabilité du chef de clan.
L'unification politique du chef de la tribu est un
. critère primordial des facteurs soclo-ethniques de la société préco-
loniale ivoirienne.
Ainsi, dans la société précoloniale, la terre est la
source d'expression de la cohésion lignagère.
Comme facteur économique, la terre apparait comme moyen
de production et disponible. Les membres d'une famille peuvent se
voir affecter une portion de terre et en disposer en tant qu'élément
de mise en valeur, afin d'assurer leur subsistance.
- Affectation clanique ou lignagère des terres
Chaque village est constitué par deux ou trois frag-
ments de clan ou de lignage, formés par des personnes descendant d'un
146
même ancêtre vivant, père ou ainé des frères autour duquel ils vivent
rassemblés. Dans ces conditions chaque village est un fragment de
clan ou de lignage.
Lorsqu'une famille, un fragment du clan ou de lignage
vient s'installer dans un village établi, il sollicite l 'autorisation
du chef du village. Dans l'autorisation qui est accordée, deux ques-
tions sont tranchées: celle de l linstallation de l 'habitat et celle
des terres de culture et des droits de pêche et de chasse. Le grou-
pe nouveau garde les terres et les droits qu'il détenait auprès de
son ancien village. Une des raisons de 1a migration est la recherche
de nouvelles terres de culture à cause de l 'épuisement du sol.
D'un autre côté, lorsque le groupe sollicite l'au-
torisation de s'installer à proximité d'un village, c'est que son
chef a repéré des terres inutilisées que l'on ne lui refusera pas
lorsqu'il les demandera.
II - Les forces productives
Quelles étaient les conditions naturelles de la produc-
tion et avec quels moyens matériels, la société précoloniale procédait-
elle à la production? Le surplus dégagé était-il approprié, extorqué
par le chef de la tribu?
Voici les différentes questions auxquelles nous es-
saierons de répondre. Nous pouvons identifier rapidement les principaux
points névralgiques de ce système agraire précolonial et les modali-
tés éventuelles de sa reproduction; en nous appuyant sur l 'analyse
du Professeur Marcel Mazoyer (1) . Le professeur Mazoyer rappelle
que: "si le système précolonial utilise à plus de 90% la force de
travail disponible, il ne produit guère de surplus susceptible d'être
écoulé sur un marché quelconque, il ne fait qu'assurer la subsistan-
ce et la reproduction d'un corps social normal".
Toute réduction tant soit peu importante de la force
de travail par rapport aux besoins, peut compromettre les conditions
de reproduction du corps social.
Celà peut se produire de différentes manières: un
exode rural massif des travailleurs valides au sens moderne du terme,
laissant en arrière les vieillards, les femmes et les enfants, peut
déséquilibrer le système; en plus, un développement excessif des cul-
tures commerciales d'exportation (nous faisons référence à l'introduc-
tion des cultures d'exportation que nous verrons dans le chapitre sui-
vant), détournent une partie importante de la force productive de cet-
te société de subsistance ainsi structurée; l'apparition
d'une couche
sociale oisive; l'accélération brutale de la croissance démographi-
que, en augmentant le nombre d'enfants improductifs par rapport aux
adultes, peut aussi conduire à l'affaiblissement du système agraire
précol on i al.
Par ailleurs, la dégradation des techniques de pro-
duction ; la perte, même partielle, du savoir-faire traditionnel,
peut avoir des conséquences graves pour la survie de cette société.
(1) Marcel Mazoyer, développement de la production et transformation
agricole marchande d'une formation agraire en Côte d'Ivoire, sous la
direction de Samir Amin, ed. Anthropos, Idep, 1975
148
Or, ce savoir-faire, qulil s'agisse du bon usage de la
terre, du choix des zones à défricher que les chefs de lignage ont ap-
pris à reconna1tre à d'imperceptibles signes écologiques, qu'il s'agis-
se de la conduite des travaux de défriche-brûlis, mise en culture réa-
lisées en coopération simple sous la direction de la famille élargie,
ce savoir se dégrade et se transmet mal dès que les superstructures
du système social s'affaiblissent.
Avec la force humaine, la capacité de production du
sol constitue le premier grand moyen de production de ce système
agraire précolonial.
La durée de la jachère constitue le deuxième moyen
point névralgique très important. C'est la durée de la jachère qui
détermine le niveau de la capacité de production du sol à court ter-
me et qui garantit sa conservation à long terme.
- Les instruments de travail
Les mOYens matériels de la prodlJction se limitent à
quelques instruements rudimentaires de bois.
Les instruments de travail sont très simples: la,
machette, le sabre d'abattis, le couteau chez certains, la houe,
la hache pourvue d'un mécanisme de transmission, fondé sur le prin-
cipe du levier, amplifiant et concentrant la force chez d'autres. La
force et la résistance physique jouent un rôle très important dans
l'utilisation de ces instruments de travatl rudimentatres.
Il existe deux types de houe : une petite houe emplo-
yée par les deux sexes, généralement réservée au défrichement des
149
terrains, au sarclage, etc ... , la deuxième houe de taille moyenne
intervient dans la riziculture, elle est destinée aux femmes par
excellence. L'utilisation de l'énergie animale reste inconnue.
Comme l'explique le Professeur René Dumont, dans son
livre "1 'Afrique étrangl~e" écrit en étroite collaboration avec Ma-
rie France Motin, il explique: depuis longtemps dans les campagnes,
les femmes accomplissent les travaux les plus durs jusqu'à nos jours.
L'absence de l'énergie animale explique un peu ce phénomène avec beau-
coup de rigueur.
Le Professeur Dumont pousse un peu trop loin son ex-
plication car dans les sociétés précoloniales ivoiriennes, chaque
homme en age de travailler participe au travai'l collectif de produc-
tion. Le processus de production se fait suivant une division natu-
relle, à savoir, la division suivant le sexe et l'âge, surtout dans
les sociétés lagunaires. Les travaux préliminaires, tels que la prépa-
ration et le défrichement de la terre ainsi que la chasse réservée
aux hommes, la culture proprement dite est effectuée par les femmes
aidées par les hommes pendant les périodes creuses.
Du fait de leur simplicité extrême, ces instruments de travail, dont
l'énergie animale est inconnue (1), sont chez les paysans, largement
polyvalents, selon les régions et les tribus (2).
(1) Les femmes travaillent, et elles occupent une grande place dans
les labours, mais pas comme des boeufs, comme le souligne M.F Motin,
dans l'Afrique étranglée, ed. du Seuil, et repris dans une interview
accordée à René Dumont dans Paris Match, n02533-1653, du 30 janvier 81
(2) Georges Achiepo, le développement économique et social de la Côte
d'Ivoire "l'agriculture", mémoire de mattrise d'économie, Université
Paris VIII, année 1974-1975, pp.lü-20
150
La force de travail reste 1 lélement dominant. Le
temps de travail est réparti entre la chasse, l'agriculture vivrière,
l'artisanat, la pêche, la cueillette.
Ces cultures itinérantes sur brûlis, étaient facili-
tées par l'existence de terres vierges, mais à rendements moindres.
La production se limite aux cultures vivrières, les tu-
bercules (ignames, manioc, taros, bananes plantains, patates douces),
les céréales (riz, mais, sorgho, etc ... ) et les produits de la cueil-
lette et de la chasse.
La période précoloniale est caractérisée par les ex-
ploitations artisanales qui donnent lieu à ces produits déjà énumérés.
Avec la colonisation et la priorité accordée aux cul tu-
res d'exportation, toute cette structure paysanne, basée sur les cultu-
res de subsistance sera détruite par la monétarisation de l'économle
et l'apport de nouvelles méthodes de production.
i
Dans cette société précoloniale, on cultive tout jus-
te ce dont on a besoin pour échapper à la famine. Ainsi le facteur
de production dans le cas de la terre émerge à peine. La terre n'était
pas considérée comme un capital que l'on pourrait rentabiliser, mais
plutôt comme un support pour le bien être social de cette société.
- Le sur~lus agricole (1)
La récolte est stockée dans les greniers collectifs
ou individuels répartis d'une façon égalitaire entre tous les membres
de la commJnauté. 51il y a surplus agricole, il permettra de faire
face aux imprévus, provisions pour ès semences, pour les périodes de
(1) Ali Traoré, l'importance des produits agricoles d'exportation en
Côte d'Ivoire, thèse de doctorat d'Etat, sciences économiques, Paris,
1973
151
soudure, les frais de représentation, tels que l'hébergement des
étrangers et l'aide des socialement faibles.
L'excédent
de la production sur la consommation so-
ciale est largement tributaire des conditions naturelles et des ins-
truments techniques de production rudimentaires et médiocres, il ne
peut y avoir surplus que par le surtravail des classes d'age inférieur,
donc la notion d'écouler le surplus agricole est exclue, par contre
la répartition égalitaire est la règlerlaitresse du bon fonctionnement
de cette société.
Ce surplus de production est essentiellement composé
du surplus de ceux de la chasse et de l'artisanat (matériel de pro-
duction, objets d'art, ustensiles de cuisine rudimentaires). Compte
tenu des conditions naturelles parfois défavorables et de la médio-
crité des instruments techniques de production, le surplus de pro-
duction est parfois très limité et aléatoire.
Ce surplus étant collectif, ne peut en aucun cas
1
être extorqué, approprié ou consommé individuellement par un membre
de la société. On ne saurait non plus assimiler à une forme quelconque
de rente foncière, même si certains chefs de clan en tirent quelques
avantages personnels. Ceci ne met pas en cause la société dans son
ensemble.
Quels sont les effets de la faiblesse des forces pro-
ductives et du surplus dégagé en rapport avec les classes sociales.
Les classes sociales dans le système agraire
précolonial
Existe-t-il une classe sociale dans laquelle une clas-
152
se obtiendrait sans contrepartie, une fraction du travail d'une clas-
se
? A vrai dire, non, la solidarité du groupe est la condition ma-
térielle et physique de sa survie. Dès lors, le rapport de production
inégalitaire à l'intérieur de la société ne pouvait exister. Seul
peut exister un rapport de production égalitaire entre les membres
de la société dans son ensemble.
Il n'existe pas de classe dans les sociétés précolo-
niales ivoiriennes, ceci n'exclut pas l'existence de différentes cou-
ches, de catégories, de strates et de castes à l'intérieur de cette
formation sociale surtout chez les Akans.
III - Le système lignager
Dans la société précoloniale, il y a une absence ab-
solue d'échanges, au sens économique du terme, entre les membres de
la communauté au sein de la sphère de réciprocité et de redistribution,
Celà peut s'expliquer par l'importance des liens de parenté, et la
situation de dépendance des individus producteurs (les cadets) au sein
de la communauté familiale dirigée par les ainés. Le transfert des ob-
jets se fait suivant un système de prestations et de contre-presta-
tions dont les modalités sont liées à la situation sociale des prota-
gonistes : dons réciproques au niveau des ai nés ; prestations propre-
ment dites des cadets aux ainés ; redistribution des ainés aux cadets.
Claude Meillassoux, ostentation, destruction, reproduction
Cahiers
de l' ISEA, économies et sociétés, II, 4, p.759-772
153
- Sur quoi repose et se fonde l'autorité des anciens?
Certainement pas sur la force, puisque les aînés re-
présentent la catégorie la plus faible, non seulement numériquement,
mais aussi physiquement; pas non plus sur le contrôle matériel des
moyens de production (outils, terre) en raison de la technologie
rudimentaire et de l'appropriation communautaire des terres collec-
tives.
Leur prestige repose sur des liens personnels fondés
sur le respect du savoir (savoir social, connaissance des coutumes,
des généalogies, de l'Histoire), identifié à l'âge de ses détenteurs
et renforcé par une série de techniques (divination, rites culturels,
etc .. )
1/ L'autorité des anciens sur les cadets
Le plus sûr garant de l'autorité des anciens sur les
cadets reste le contrôle des femmes pubères, non pas tant par réfé-
rence à leur fonction de travaille~esqu'à cElle de génitrices: il
importe, en effet, de s'opposer au processus de fragmentation qui
détruirait l'autorité du chef de lignage au profit de cellules fami-
liales restreintes. D'où l'importance du contrôle des mariages par
l'institution de la dot (qui existe encore dans certaines régions de
la Côte d'Ivoire de nos jours) : pour préserver leur autorité respec-
tive, une alliance s'impose entre les ainés de goupes voisins
parmi
tous les biens produits par la communauté, essentiellement par les
cadets, certains leur reviennent de droit, qu'ils utilisent pour ré-
genter l'accès aux femmes: c'est la sphère de réciprocité où les
biens s'échangent moins entre eux qu'ils ne sanctionnent, en circu-
lant, le contrôle d'une des parties sur la progéniture d'une femme
154
émanant de l'autte_parties.
Ce modèle a été analysé dans la société Gouro précolo-
niale de Côte d'Ivoire par Claude Maillassoux. Dans les sociétés
lignagères précoloniales, le pouvoir politique se confondait avec
l'organisation de la communauté familiale. Pourtant, le système n'in-
terdisait pas une hiérarchisation des lignages: l'accrol'ssement
numérique de la collectivité pouvait, par exemple, se traduire par
l'extension du contrôle des ainés à des groupes plus larges, manifes-
té par la détention d'attributs de prestige plus nombreux ou plus
efficaces au fur
et à mesure que l'on s'élevait dans la hiérarchie
sociale.
21 Le mode de production lignager ou "l 'économie
d'autosubsistance précolonialell
La terre (comme nous l'avons dit au début de la sec-
tion), était, par définition, l'élément dominant de l'économie dans
une civilisation agraire.
L'économiste américain Stephen Hymer découvre préci-
sément là, dans la nature égalitaire du système foncier, la clé de
la stabilité relative du système (1).
Chaque famille constituatt, en effet, un centre auto-
nome de production et de consommatton, portant sur un large éventail
d'activités: elle fournts satt ses vîvres , édtfi'ant son l oçenent, fa-
(1) Stephen Hymer,Econonic forms in nrecolonial Ghana, The journal
of economic history,XXX, 1, 1970, p.33-50
155
briquait son mobilier, son équipement, ses vêtements, bref se suffi-
sait à peu près à elle-même. Au niveau du village, la coopération en-
tre famHles _, portait sur des activités dél imitées, rythmées par des
fêtes rituelles: défrichement, construction des cases, chasse, défen-
se. Certains étaient spécialisés dans des activités religieuses, po-
litiques (au sens villageois du terme) ou artisanales. Mais très peu
s'y consacraient à plein temps puisque, sans division de travail éla-
borée, chaque chef de famille devait finalement veiller à assurer au
groupe sa propre subsistance. Chaque membre de la communauté recevait,
pour ce faire, une part de terre, sans qu'il y ait place pour une
classe inactive vivant exclusivement des revenus de la rente foncière
(la rente foncière était inexistante dans les sociétés précoloniales
africaines, en particulier en Côte d'Ivoire).
Convnent expliquer l'absence de rente foncière?
Nous pensons que la faible densité de la population
et son corollaire, l'abondance des terres explique ce phénomène. La
Côte d'Ivoire précoloniale, dans son ensemble, ignore la faim de
terre. Celà ne signifie pas que celle-ci était libre, au sens où
n'importe qui
aurait pu en disposer à son gré, de façon illimitée
les droits sur le sol, propriété du groupe, étaient jalousement gar-
dés par les institutions d'où le rôle éminent du chef de terre, qui
veillait à sa répartition équilibrée. Certains individus, étrangers
ou captifs ne pouvaient en disposer qu'à titre de serviteurs ou
d'esclaves, dans certains groupes sociaux (chez le peuple Akan).
Cette exclusivité était limitée et comme, finalement.
tout individu relevait d'une communauté, très peu étaient contraints
156
de travailler
pour d'autres: tout se passait comme si le système
foncier visait à protéger le groupe contre une création artificielle
de pénurie de terre, en empêchant qu'elle ne pût s'accumuler entre
les mains de quelques privilégiés.
Une des caractéristiques du système agraire tradi-
tionnel ivoirien est le droit indivisible du chef de tribu sur les
terres. Le droit éminent du chef de la terre, dont l'autorité s'é-
tend, selon les cas, sur plusieurs villages. Ce droit historique
et religieux s'exerce sur le plan des rites respectés de tous les
membres de la tribu (la terre étant conçue comme sacrée) et surtout
sur le plan juridique pour le réglement des problèmes matrimoniaux ou
fonciers.
Le chef de la tribu garde la gestion des ressources
des terres vierges, lorsqo'il en existe, et peut seul, en principe,
donner l'autorisation de s'installer à qui le demande.
Nous conclurons cette section par cinq points sui-
vants :
1°/ l'organisation sociale et économique de base de la société
précoloniale ivoirienne est la cornmnunauté clanique formée de ceux
qui, réunis par le même besoin, entreprennent ensemble le travail.
Le conseil clanique, composé de tous les adultes du clan est l'ins-
tance suprême où se prennent toutes les décisions importantes et où
se règlent tous les litiges.
2°/ le système de propriété dans la société précoloniale est un
système de propriété collective. La terre, nous l'avons vu, en tant
que support physique des forces productives naturelles, constitue
l'instrument fondamental et l'axe du rapport de production, sous le
contrôle du chef de la tribu. Lors du procès de production, on assis-
te à une division suivant les classes d'âge et le sexe: les hommes
préparent, défrichent la terre, et vont à la chasse, les femmes s'oc-
cupent des cultures proprement dites. Les fruits de la production, au
niveau de la consommation, se répartissent d'une façon égalitaire
entre tous les membres de la communauté.
3°/ Etant donné le niveau des forces productives, extrêmement bas,
les conditions naturelles et les moyens matériels médiocres, le sur-
plus de production ne peut être dégagé que par le surtravail des
classes d'âge inférieur. Ce surplus ne peut être extorqué, appro-
prié et consommé individuellement, il est stocké dans des greniers
pour pallier aux périodes de soudure, pour les cultures prochaines
ou pour les cérémonies religieuses.
4° / Quant à l'existence des classes sociales dans la formation
agraire précoloniale, elle s'explique surtoutpar la faiblesse des
forces productives, mais aussi et surtout par le degré limité du
surplus de production. Raison pour laquelle il ne pouvait pas y
avoir de division de la société en classes "sociales différenciées"
division dans laquelle une classe s'appropriait le surtravail d'une
autre classe. La répartition du fruit du travail dans la société
agraire précoloniale ivoirienne, se faisait d'une façon égalitaire
sous la responsabilité du chef de la tribu ou du chef de lignage.
5° / Enfin, le droit de propriété dans la formation agraire pré-
coloniale se définit par la superposition de trois éléments: droits
du chef de la terre ; droits d'usage collectif au niveau de la famil-
156
le et les droits d'usage individualisés. Dans le~as de la société
,
agraire précoloniale ivoirienne, on ne saurait parler de propriété
privée de la terre, au sens du droit romain. Après avoir analysé
la communauté villageoise et la terre dans la formation agraire
précoloniale, quelles sont les méthodes culturales dans ce système
agraire ainsi défini.
159
Section II
Les méthodes culturales dans le
système agraire précolonial
- La pratique de la jachère
Les principales opérations d'artificialisation du
milieu sont la défriche et le brûlis. La défriche annuelle avec les
instruments disponibles ne peut être que partielle. Elle ne détruit
que la végétation basse et les arbres les moins gros. Elle laisse
la clairière encombrée de troncs~ de souches et de grands arbres
intacts.
Le brûlis qui fait suite à la défriche, a une dou-
ble fonction: tout d'abord~ il détruit les branchages et feuillages
abattus qui encombrent le terrain. Le brûlis est aussi le moyen de
mobiliser les sels minéraux accumulés dans ces végétaux. Les cendres
après brûlis sont les seules sources de fumure minérale du système
agraire précolonial.
En effet, si la jachère forestière est trop courte~ la
masse végétale qui sera abattue au cours de la défriche ne fournira
qu'une feible quantité de cendres. La diminution de la fumure minérale
entrainera une baisse immédiate des rendements des cultures vivrières
comme l'igname par exemple~ dès la deuxième année de culture si nous
nous plaçons dans une économie un peu avancée.
De ce fait~ la culture sur brûlis a connu la faveur
de nombreuses populations précoloniales~ surtout celles des sociétés
comme la Côte d'Ivoire. qui, faute d'un outillage perfectionné, à
160
défaut de fumures suffisantes. ont trouve dans cette pratique le seul
moyen de tenter d'assurer l'équilibre économique. De ce point de vue.
la culture sur brûlis en Côte d'Ivoire, malgré ses insuffisances en
tant que culture itinérante, bien qu'elle soit une mangeuse de sol,
apparait comme la manifestation d'un certain équilibre entre les
ressources du sol et les besoins ou les capacités de travail de son
groupement.
L'agriculture itinérante sur brûlis est, sans doute,
la forme la plus primitive d'exploitation du sol par 1'homme dans le
système agraire précolonial. Elle subsiste aujourd'hui encore dans
une grande partie de la Côte d'Ivoire, notamment dans les zones fo-
restières.
- Déplacement des champs
Son caractère essentiel, c'est de ne pas avoir le
finage agricole fixe, comme les civilisations rurales évoluées. Les
champs cultivés se déplacent d'année en année en même temps qu'une
moitié de la population des lignages dans la forêt non encore ex-
ploitée. Cette forme d'agriculture caractérise les formes de vie
primitive basées sur la cueillette ou le ~omadîsme pastoral. Pour-
tant, elle n'est pas liée a l 'élevage : la société prêcoloniale qui
la pratique, ignore
le bétail, exclu de leur système agraire. Et
c'est la justement, peut-être, la cause du déplacement des champs.
Les agriculteurs dépourvus de fumier, ne parviennent pas a rendre
a la terre cultivée sa fertilité en un temps relativement court. Aus-
si, les champs anrès 2 ou 3 ans de culture, sont-ils abandonnés par
161
les paysans, qui vont en défricher d'autres plus loin. Ils retour-
nent peu à peu à l'état de nature, redeviennent savane ou forêt, et
sous ce couvert végétal le sol se reforme. Après une dizaine d'an-
nées, on peut de nouveau les mettre en culture pour une courte pé-
riode.
- Un paysage rural qui se déplace en fonction des
besoins de la communauté
Quand tout bouge (comme le dit Sauter) (1),
les
champs et les villages, les villages à la suite des champs, peut-on
encore parler de terroir, avec des valeurs de fixité, d'organisation
de l'espace cultivé, attachées à ce concept? Dans ce concept, nous
avons à faire à une agriculture paysanne traditionnelle précoloniale
lignagère, qui ignore toute reproduction de mise en valeur de la
terre par des matières organiques. En plus, vue l'immensité des terres
disponibles, vue l'agriculture sur brûlis pratiquée par cette commu-
nauté , la seule condition de survie est le déplacement du paysage
rural en fonction des besoins de la communauté. Nous pouvons aussi
dire que les finages de cette agriculture itinérante sont extrêmement
différents de ceux de l'Europe de la mêmtpériode, comme l'a esquissé
M.Bloch (2) "rien n'y évoque nos campagnes ... au premier abord, on di-
rait un paysage inachevé, instable: villages mobiles, terres cul-
tivées ambulantes, n'ont pas l'assiette de nos villages et de nos
(1) Sauter, les structures agraires en Afrique tropicale, Paris, CDU,
1968
(2) M.Bloch, les caractères originaux de l 'histoire rurale française,
Oslo, 1931, nouvelle édition, Paris 1962, 265 pages
162
champs, ni leur ferme dessin ... chez nous, tout parait compartimenté,
tranché
le champ à sa limite géométrique, la forêt sa lisière, le
jardin sa clôture à angles droits".
En Côte d'Ivoire, la société traditionnelle se déplace
dans un paysage qui parait être illimité et flou.
Cet aspect de mobilité provient, non seulement, des
champs, mais aussi des techniques culturales très primitives, qui
ne font quieffleurer le sol pendant 2 à 3 ans avant de le rendre à
la savane ou à la forêt.
Dans toutes les zones, l'année est partagée en deux
saisons bien tranchées, une sèche et une humide. Tous les ans, chaque
lignage défriche un ou deux morceaux de savane ou de forêt durant la
saison sèche, pour y établir ses nouveaux champs.
- Occupation des terres
Le résultat de ces techniques itinérantes, demande
beaucoup de place aux groupes ruraux traditionnels pour se nourrir.
L'agriculture itinérante sur brOlis est très extensive, seule une pe-
tite partie du territoire exploité par un groupe familial est réel-
lement cultivé.
L'emprise de 1'homme sur les terres, constitue le
mode de reproduction de ce groupe ou de ce fragment de lignage. La
portion de forêt, aux limites très vagues sur laquelle le groupe
familial se reconnaît des droits d'exploitation, et à la surface de
laquelle il déplace ses champs d'année en année, est sous la proprié-
té du groupe, ou plutôt, de son chef, considéré comme premier occu-
163
pant du sol. C'est lui qui désigne chaque année les zones à défri-
cher.
La section traite de l'organisation du travail (1)
des techniques culturales traditionnelles (II) ; les associations
et rotations culturales et leurs inconvénients (III).
1- L'organisation du travail
Le labeur agricole est conditionné par le climat et
les saisons. Il doit s'accomplir chaque année en un temps limité,
durant la période qui est favorable à cette activité.
Le groupe familial réduit à ses possibilités ne sau-
rait préparer son champ de manière convenable, l'ensemencer, le net-
toyer, l'entretenir, en tirer une récolte suffisante pour ses besoins,
vus les moyens très faibles dont dispose le groupe (instruments
de
travail rudimentaires, techniques de travail archaïques). Tous ces
éléments
poussent les paysans à faire appel à la collaboration des
fraternités d'age, issues du même terroir lignager, ce qui démontre
la preuve de solidarité qui unit les habitants de cette société tra-
ditionnelle (1).
Cette collaboration se manifeste sur plusieurs an-
gles dans cette société traditionnelle.
1- L'investissement en force de travail
Les classes d'age jouent un rôle déterminant dans la
(1) Labouret (H), Paysans d'Afrique occidentale, ed. Gallimard, Paris
1941, p.173
164
société traditionnelle. Au cours de chaque saison culturale, les
aînés de chaque famille ou de chaque lignage sont invités à pren-
dre un repas en commun avant de se rendre sur les ch~ps. Cette in-
vitation permet de constituer un groupe de travail donc une force de
travail homogène, qui se rend dans la plantation de l 'ainé qui a
invité les autres ainés. Cette unique contre~prestation alimentaire
étant re1ativement onéreuse, tous les ayant-droits ne se trouvent
pas toujours en mesure de faire appel à la main d'oeuvre de la clas-
se d'âge. Dans ces conditions, si leur tour arrive, ils peuvent y
renoncer au profit d'un autre ayant-droit plus fortuné, ce qui, sem-
ble-t-il , va à l'encontre de cette institution. Ainsi, ce mode de
travail qui est conçu comme un mécanisme de redistribution du capi-
tal-travail dans un sens égalitaire aboutit-il plutôt au résultat
'c ont ratrc : l'accentuation des inégalités économiques entre les mem-
bres de la communauté. Ce qui n'est pas contradictoire, puisque cer-
taines familles lignagères disposent d'une main d'oeuvre plus abon-
dante, donc l'entraide des classes d'âge ne joue pas beaucoup sur
leur organisation du travail.
A côté de cette organisation de travail par classe
d'âge, il yale travail par alliance. Le gendre peut également pren
dre l'initiative d'organiser une journée de travail dans le champ
de son beau-père ou de sa belle-mère. Dans ce cas encore, la contre-
prestation alimentaire "incombe aux beaux-parents.
2- La journée de travail
Dans la pratique de l'entraide, un paysan peut invi-
165
ter d'autres paysans pour l'aider dans telle ou telle opération
culturale: déforestation,labour, sarclage. Le mode de travail étu-
dié plus haut avait pour principal objectif le labour basé sur
l'entr'aide
entre ainés, alors que dans certaines sociétés tradi-
tionnelles, le labour constitue l'objectif premier du travail de
la cellule lignagère, l 'entr'aide étant exclue.
3- La division du travail par sexe
L'organisation sociale du travail dans la société
traditionnelle, est basée sur le sexe (1) . Les différentes tâches
à accomplir sont décrites par J.Labouret : " ... les tâches exigeant
de la force, de la hardiesse et ~e l'initiative sont réservées aux
hommes ... les femmes accomprlissent des travaux moins pénibles, mais
plus longs, plus monotones, exigeant de l'attention, des soins par-
ticuliers" (2).
Cette répartition du travail par sexe se trouve con-
firmée dans les sociétés agraires traditionnelles. En général, les
invitations pour les labours ne s'adressent qu'aux hommes. Cette
répartition du travail par sexe est importante, car la force de
travail d'une femme n'est pas égale à celle d'un homme, par contre
les femmes sont employées pour les labours des champs de manioc,
etc ...
(1) Bachelet (M), systèmes fonciers et réformes agraires en Afri-
que noire, librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris,
1968, p.583
(2) Labouret (H), op.cit., p.179
166
Cette rotation ne reste pas moins tributaire des
possibilités et des aptitudes de chacun, comme nous le verrons en
étudiant l'exécution des différentes opérations culturales.
L'organisation du travail dans la société tradi-
tionnelle ivoirienne,~st conçue de telle sorte que chaque membre
de la collectivité puisse éxécuter en temps normal, tous les labours
pénibles et vitaux, pour qu'en fin de saison culturale, chacun puis-
se assurer convenablement sa subsistance. Cet objectif est générale-
ment atteint grâce aux moyens mis en oeuvre. Une telle organisation
exclut la famille, puisque l'autosuffisance alimentaire est assurée
dans cette organisation sociale.
11- Les technigues culturales traditionnelles
Dans un monde essentiellement rural comme la société
traditionnelle ivoirienne où tout est basé sur l'autosuffisance
alimentaire, les activités fondamentales à la survie de la famille
tr;bale~ lignagère ou communautaire~ rythmées par cette contrainte
naturelle, c'est à dire par l'unicité ou la briéveté des pluies
dans certaines zones de la Côte d'Ivoire; ou par l'abondance dans
d'autres zones qui favorise ou qui est favorable à la production de
tels ou tels vivres nécessaires à la subsistance, donc à la survie
de ces communautés traditionnelles. En raison de ces contraintes,
les paysans ont dù adopter leurs diverses actvités au calendrier
naturel, grâce à leur sens de l'observation (par exemple chez les
167
Atties, les Agnis, les Baoulés, les Senoufos, etc ... ).
Ainsi, telle position du soleil, l'apparition
de tel
les étoiles ou constellations, la disparition ou la réapparition de
tel oiseau, annonce la chute des pluies, la sècheresse, le froid, la
chaleur, etc ... A ce sujet, H.Labouret écrit
"L'approche de la saison des pluies, la seule favo-
rable au labeur agricole traditionnel, est annoncée dans le ciel par
l'apparition des sept étoiles. Ce groupe d'étoiles forme le groupe
des pléiades ... Elles représentent une poule entourée de ses pous-
sins, qui gratte la terre dans les champs retournés par la houe
afin dy trouver des vermisseaux" (1).
En conséquence, seuls des phénomènes naturels, minu-
tieusement interprétés par les vieillards, rythment la vie du pay-
san traditionnel ivoirien, et partant, déterminent les époques des
diverses activités à entreprendre et singularisent celles des opé-
rations culturales.
Au niveau des opérations culturales, telles que, le
défrichement, le semis, le labour, le sftrclage, la récolte et le
stockage dans les greniers (le surplus), pour pallier aux périodes
de mauvaises récoltes ou de disette, auxque11es nous avons fait
allusion dans la section précédente, le choix du terrain s'impose, et
ce, sous l'oeil vigilant du chef de lignage.
1- Le choix du terrain
L'emplacement choisi correspond en général à celui
(1) Labouret (H), op.cit., p.16D
168
du meilleur sol en fonction de la culture vivrière et aussi en
fonction des besoins de la famille.
Après le choix du terrain, la paysan entreprend
les diverses opérations avec les instruments de travail dont il
dispose, qui aboutiss~nt à la réalisation et à la concrétisation
de son exploitation.
2- Le défricheMent
Cette opération culturale, la première à éxécuter
en vue de la création de l'exploitation agricole, incombe aux hom-
mes, comme nous l'avons souligné précédemment, et cette pratique
culturale se place en saison sèche.
Avec la hache, les paysans s'attaquent aux arbres
et arbustes qu'ils abattent à 20 ou même 60 cm du sol (1). Plus
l'arbre est gros, plus la hauteur de la souche est grande. En ef-
fet, l'abattage des gros arbres nécessitant de gros efforts physi-
ques, le paysan adopte la position la moins courbée possible.
Ce défrichement ne se fait pas d'une façon aveugle.
Il s'agit d'une opération sélective. Car certains arbres ont une
propriété médicinale incontestée que leur reconnaissent les paysans
traditionnels, ensuite certains de ces arbres sont adorés pour fa-
voriser la reprise de la forêt.
(1) Toutes ces mesures ont été vérifiées sur place après enquête
auprès de quelques paysans dans le Sud de la Côte d'Ivoire, princi-
pa 1ement à ~lontézo.
169
D'autres encore, a cause de leur tronc tropvolu-
,
mineux, échappent a la dent de la hache. Tous les arbres coupes
seront ensuite détruits par le feu, les produits secs du défriche-
ment étant entassés au pied des gros arbres coupés puis brûlés (c'est
la technique de la défriche brûlis déjà analysée).
Le champ ainsi défriché, reste jonché d'arbres utiles
d'arbres à fétiche et d'arbres désséchés. Le paysan n'attend plus que
les premières pluies pour labourer et ensemencer. Par contre, cer-
tains paysans entreprennent cette opération à la fin de la saison
des pluies, quand le sol est encore humide, donc facile à travailler
de tels labours sont destinés à recevoir des boutures d'igname, de
banane, de taro, etc ...
3- Le labour
En effet, arrès les diverses opérations d'abattage
puis d'incinération des arbres, le paysan pioche, remue le sol à
l'aide de la grande daba pour faire des buttes, des sillons, des
trous en fonction de la nature des cultures.après le labour, les
semis, les opérations d'entretien, viennent les récoltes.
- Les récoltes
Cette opération culturale débute en juin et juillet,
selon les régions ou les zones de culture et aussi selon la nature
du produit à récolter.
Levy-Buhl, la mentalité primitive, Paris, 1922
170
Le paysan commence d'abord par récolter l'arachide
et le maïs. Les produits de ces récoltes sont en général consommés
frais, pour la faim de la période de soudure. Après les récoltes,
une partie de cette production (maïs, igname, etc ... ) est autocon-
sommée par la famille et l'autre moitié dans des greniers pour les
cultures à venir.
Il arrive parfois, dans certaines zones de productior
alimentaire, que les paysans associent plusieurs cultures sur un mêmE
lopin de terre, ce qui peut avoir des inconvénients à long terme.
111- Les associations et rotations culturales
et leurs inconvénients
Les plantes vivrières cultivées par les paysans tra-
ditionnels ont été constituées progressivement au niveau des cellu-
les familiales pour les besoins de la survie de cette famille et
surtout en fonction de la main d'oeuvre disponible au niveau de la
famille. Celà ne nous a pas permis de comprendre les caractères
spécifiques des systèmes culturaux des sociétés traditionnelles,
à savoir les associations et les rotations culturales dans certaines
zones surtout dans le Sud de la Côte d'Ivoire.
1- Les associations culturales
Dans certaines régions, au Nord de la Côte d'Ivoire
par exemple, les paysans associent le mil et le sorgho; au Centre,
l'igname et la taro; au Sud, la banane plantain et le taro; le
171
manioc et quelques condiments tels que le piment,etc ...
2- Les rotations culturales
Suivant cette technique culturale, les plantes asso-
ciées sont éliminées une à une du champ au fur et à mesure que les
années s'écoulent et que la fertilité du sol diminue. Ainsi, par
exemple, nous aurons sur le même champ en :
.1ère année
igname, riz, mais, haricot
.2ème année
mais, riz, haricot (l'igname éliminée; la fertilit
de la terre ne permet plus de culture de façon rentable).;
.3ème année: arachide, haricot (le mais et le riz sont éliminés
pour les mêmes raisons).
Le manioc, la banane sont cultivés en permanence sur
des champs appropriés .
. Dès la 4ème année le champ est abandonné en jachère pour 8 à 10
ans. Ce mode d'occupation des terres des sociétés traditionnelles
est très extensif et caractérise le système agraire traditionnel.
Cette technique culturale présente de multiples in-
convénients.
Il n'y a, en général, pas de
rotation de culture,
mais une association initiale, progressivement allégée au fur et à
mesure que le terrain s'appauvrit ou s'encombre de plantes adventice
Dans leur forme actuelle, la plupart des association
sont défavorables aux cultures, car celles-ci ne sont pas toujours
complémentaires pour l'utilisation des ressources du sol et celles
de la lunière ; la plupart des pla~tes en pâtissent. Ces associa-
172
tions sont incompatibles avec l'éxécution de travaux ordonnés pour
chaqueo1ante, et avec l 'éxécution de traitement de base spécifique.
Nous pouvons conclure cette section en constatant
qu'avec l'apparition de l'agriculture et le système de culture em-
ployé, à savoir la culture itinérante sur brûlis, à caractère exten-
sif, contraignant sans cesse au déplacement après épuisement des
sols et les systèmes de culture pratiquée, sont des éléments qui
poussent au déplacement.
Ce paysage rural qui se déplace en fonction des be-
soins de la communauté, à la recherche de terres plus riches, dé-
termine les rapports de production et de reproduction de la force
de travail dans le sytème agraire traditionnel et précolonia1.
L'investissement en force de travail est déterminé
par les classes d'âge. Cette société traditionnelle précoloniale est
bien organisée et bien structurée autour du chef de lignage ou du
chef de tribu, qui assure le contrôle de la communauté et de la
gestion des biens de la société. Parallèlement aux classes d'âge
qui constituent une force de travail homogène au niveau des hom-
mes, le travail est aussi basé sur le sexe. Les différentes tâches
à accomplir sont aussi réparties entre les deux sexes. Partant de
cette réalité, nous consta tons au niveau des méthodes culturales
dans le système agraire précolonia1, l'existence d'une fusion in-
time entre toutes les composantes de la vie rurale, ayant pour pré-
occupation majeure, la production pour la subsistance.
En effet, la capacité de travail dans cette société
aussi organisée (autour d'un chef de tribu ou de lignage), est en-
173
tièrement absorbée par la nécessité de pourvoir aux besoins alimen-
taires sans contraintes extérieures. De ce fait, toute la produc-
tion est destinée à l'autoconsommation et, partant, à une autosuf-
isance alimentaire.
Par le biais du travail agricole, la société agraire
précoloniale, s'est trouvée aussi soumise à un genre de vie qui lia
façonnée, tant dans ses démarches sociales que dans ses gestes tech-
niques et dans son organisation.
Dans une société précoloniale, comme celle de la
Côte d'Ivoire, les activités fondamentales à la survie de la popu-
lation est rythmée par les aleas climatiques et les contraintes
naturelles. Ainsi, les opérations culturales, le choix du terrain,
le défrichement, le labour et les récoltes déterminent-ils les
rapports de production et de reproduction de la force de travail
et de survie de la société.
A travers ses méthodes culturales et son mode d'or-
ganisation, la société précoloniale apparait à nos yeux comme bien
structurée.
L'exécution des travaux champêtres, la conception
de la cellule familiale et la forme d'organisation de la société,
ont contribué à asseoir et à consolider les liens communautaires
et les rapports sociaux de production. Il était donc impérieux
qu'une organisation solide et forte existât, afin de satisfaire la
préoccupation essentielle de la société, à savoir l'autosubsistance
et les possibilités d'une autosuffisance alimentaire.
Dans la troisièmesection[10uS allons étudier le
système agraire précolonial et les possibilités d'autosuffisance
alimentaire, afin de déterminer les rapports de cette société avec
l'extérieur à un moment donné.
174
Section III
Le système agraire précolonial et les
possibilités d'autosuffisance alimen-
taires
Dans ce système agraire sur l'autosubsistance, l'autosuf-
fisance alimentaire était fonction des possibilités de la force de
travail, donc de la main d'oeuvre disponible, des terres et de 1'or-
ganisation politico-~ociale de la communauté.
Cette formation agraire traditionnelle précoloniale appré-
1
cie tous les produits de l'agriculture vivrière. Mais entre les cul-
tures vivrières s'établit une hiérarchie, qui place au premier plan,
tel produit, en fonction des régions et des lignages. Chez les At-
tiés, par exemple, la banane plantain, le manioc et lè taro sont au
premier plan; pour les Baoulés, il en est ainsi de l'igname, et
chez les Bété, le riz, etc ...
Certains produits, comme la banane plantain, le manioc,
le riz, l'igname, étaient des cultures par excellence placées au
premier plan dans la consommation de la communauté villageoise tra-
ditionnelle.
Le riz et le mais sont stockés dans les greniers sous le
contrôle direct du chef de famille.
La polygamie dans les sociétés traditionnelles, représen-
tant une force de travail supplémentaire, entraine de ce fait, une
autosuffisance alimentaire pour les sociétés qui la pratiquent.
Cette société précoloniale produisait et travaillait sans
contrainte extérieure. Elle vivait , presqueun iquement , sur sa
175
propre production et savait s'approprier des éléments nécessaires
pour les besoins de la communauté. Aux racines de manioc~ s'ajou-
taient le maï s , T' arachi de, la patate douce , le sorqho, l'igname~
la banane plantain
~ etc ... En année normale~ avec le gibier, le
poisson et les produits de cuei Tlette , l'autosuffisance alimentaire
était largement atteinte.
Les modes de vie ne sont pas uniquement déterminés
par les conditions naturelles~ mais aussi par les rapports sociaux
de production qui caractérisent la société. La société ainsi carac-
térisée, vivait d'une façon autarcique, heureuse~ mangeait conve-
nablement, grâce aux produits des champs très variés~ comme le té-
moignent les dires du chef coutumier Anon : "avant l'arrivée des
Blancs~ la pénurie alimentaire n'existait pas, toutes nos terres
étaient occupées par les produits vivriers, et l'abondance reflétait
notre société ainsi organisée" (1).
Les sociétés précoloniales ne connaissaient pas les
contraintes d'une agriculture d'exportation, tournée vers l'exté-
rieur dans le but d'alimenter le système productif de la métropole.
Tous leurs efforts étaient concentrés dans la culture des produits
vivriers, seule source de la reproduction de la force de travail,
de l'organisation sociale, des rapports sociaux.
Nous pensons que la misère n'existait pas dans une
société aussi bien structurée socialement, politiquement et même
économiquement, car la production avait pour seule finalité l'au-
toconsommation, d'où l'autosuffisance alimentaire.
La section III est consacrée à l'examen de la pri-
(1) Anon, chef coutumier des Atties d'Affery (ancien chef coutu~ier
ju villane'
~
1
Côte d'Ivoire
176
mauté des cultures vivrières dans le système agraire précolonial (1);
à l'apparition d'une économie d'échange précoloniale (Il) ; et à
l'analyse du commerce vers les pays de savane (Ill).
l - Primauté des cultures vivrières dans le système
agraire prêcolonial
L'économie d'auto-subsistance qui dominait dans le
système agraire avant la pénétration européenne, s'appuyant sur la
production des cultures vivrières, auxquelles la chasse, la pêche
et l'artisanat assuraient le complément. La production vivrière ains'
établie et conçue par ce système traditionnel, peut paraitre négli-
geable d'un point de vue quantitatif et même qualitatif. Néammoins,
elle acquiert une importance fondamentale dans la formation soci~le
de la communauté sur le plan communautaire et représente la base de
l'économie et de l'autosuffisance alimentaire.
La production vivrière s'adapte en gros aux condi-
tions naturelles du pays. C'est ainsi que nous assistons à une répar
tition géographique des produits vivriers par région : le manioc et
la banane plantain (1) sur le littoral et dans la forêt avec une pré
dominance du riz à l'Ouest; l'igname, la banane au Centre; le sor-
gho le mais, le mil, l'igname au Nord-Ouest (2). Les documents lais·
sés par les explorateurs ou plutôt les premiers aventuriers, font
(1) Ne pas confondre avec la banane à dessert. La banane plantain e!
un fruit très apprécié par les Africains, surtout par les Ivoiriens
lagunaires, appelée "Foutou ll après transformation
(2) Côte d'Ivoire, rapport d'une tournée dans les cercles et dis-
J "t/~"',.
tricts du bas-Sà60nara, Soubré, Grand-Lahou , Tiassalé, du 16 au 21
mars 1909, AOF, R 8-3~ AN, Paris
177
état d'autres cultures non vivrières, comme le coton, qui occupait
une place secondaire dans les sociétés nordiques précoloniales.
Sans donner des indications quantitatives, ces docu-
ments permettent de se faire une idée de la place de la production
agricole alimentaire dans la société précoloniale ivoirienne.
L'état archaïque des instruments de production
houe (daba), machette (coupe-coupe), l'emploi exclusif de l'énergie
humaine, les techniques culturales rudimentaires, basées sur la dé-
friche brûlis itinérante et extensive, ne permettaient qu'un équi-
libre précaire certes, mais suffisamment compensé par la disponibi-
lité des habitants, le nombre de bras, la générosité, la richesse
de la nature non encore polluée, déterminant l'équilibre alimentaire
et une autosuffisance normale.
La production agricole occupe la quasi totalité des
hommes et des femmes en âge de trava ill er. Cette agri cul ture repré-
sente la tâche principale de la société agraire précoloniale tradi-
tionnelle.
L'autosuffisance alimentaire était fonction du nom-
bre de personnes au sein d'une cellule familiale et aussi favori-
sée en grande partie par la polygamie.
1/ La polygamie et l'autosuffisance alimentaire
Dans l a société traditionne 11 e, l' autosuffi sance
alimentaire était conditionnée par la polygamie.
En Afrique, en général, en Côte d'Ivoire
en parti-
culier, la polygamie élargit les bases de la cellule familiale et
fait d'elle un microscome social, noyau éventuel d'un futur ligna-
ge.
178
Le taux de polygamie reflète ainsi la hiérarchie
sociale d'un groupe.
Un homme se marie à deux ou trois femmes, qui cons-
tituent pour la société lignagère traditionnelle, une force de tra-
vail supplémentaire venue se greffer à la cellule familiale et qui
va contribuer à la culture des produits vivriers, source d'autosuf-
fisance alimentaire. Ce qui est caractéristique de la société tra-
ditionnelle, c'est la régulation des naissances, établie selon les
coutumes et les croyances. La régulation a pour fonction d'éviter
l'explosion démographique, car trop d'enfants à nourrir, trop de
vieillard~, ou un exode rural trop poussé, remet en cause le bon
fonctionnement du système et aussI l'auto-suffisance alimentaire.
Malgré l'abondance des terres disponibles, le sys-
tème de régulation des naissances permet de planifier les cultures
vivrières en fonction des bouches à nourrir et en fonction du pro-
duit de la récolte.
On vous dira qu'une femme ne doit pas avoir un autre
enfant avant cinq ans, sinon le premier risque de mourir (1). Tout
simplement parce que le premier continue d'être alimenté au lait
maternel et que la contraception était inconnue dans la société
agraire traditionnelle.
Le fondement de cette pensée est purement écono8ique
et non démographique. Le manque de moyens adaptés pour produire en
(1) Ce tèmoignage a été recueilli auprès des chefs de village de la
région d'Adzopé. Cette pratique existe encore à 1 'heure actuelle
dans plusieurs villages en Côte d'Ivoire
179
quantité suffisante, oblige la communauté à restreindre ses be-
soins sexuels.
Claude Mei11assoux nous donne, à titre d'exemple,
la répartition des femmes entre les hommes dans la société Gouro
de Côte d'Ivoire (1). Il fait la stratification suivante:
- un homme est marié à 9 felID1es (chef de village, chef de lignage,
ainé d'un segment de lignage) ;
- deux hommes sont mariés à quatre femmes chacun (le doyen de fa-
mille, le chef de tribu) ;
- trois hommes ont deux épouses chacun
- quinze hommes ont deux femmes chacun
- treize hommes ont une femme chacun;
dix hommes de plus de 25 ans sont célibataires, tandis que quelques
jeunes de moins de 20 ans sont déjà mariés. Plus les hommes dans la
société ont de femmes, plus l'autosuffisance alimentaire est assurée
pour cette famille.
La notion d'avoir plusieurs femmes était réservée
uniquement aux chefs. Par contre, à 1 'heure actuelle, avoir p1u-
sieurs femmes constitue non seulement une fierté, mais un signe
extérieur de richesse pour certaines familles, et une main d'oeuvre.
donc une force de travail pour les travaux champêtres. En plus, e11t
remplacent valablement quelques manoeuvres qu'il faut nourrir, loger
payer ou avec lesquels' il faut partager la récolte(2).
(1) Claude Mei11assoux, Anthropologie économique des Gouro en Côte
d'Ivoire, p.20S, chapitre VIII
(2) La pratique du partage de la récolte avec les manoeuvres est
fréquente actuellement en Côte d'Ivoire. Ce1à est lié au coOt des
produits trop bas, donc manque de moyens financiers. Pour éviter
la partage, le paysan épouse plusieurs femmës, qui constituent pour
lui une main d'oeuvre non rémunérée et à bon marché
180
La relation entre rang et polygamie n'est pas ab-
solue, car les vieillards qui ont depuis longtemps renoncé à exer-
cer leurs fonctions, ne renouvellent plus leurs épouses, ou n'aug-
mentent plus leurs effectifs de femmes.Ils laissent les femmes se
concentrer autour de leu~successeurs plus jeunes, soit l 'ainé de
la famille, ou le frère plus jeune du père ainé.
Il se trouve qu'à la mort de ce dernier, les épou-
ses reviennent de plein droit au plus jeune membre de la famille
en âge de se marier.
Les jeunes hommes des lignages prééminents sont quel
quefoiS~ariés à un âge inférieur à la moyenne et deviennent très
tôt polygames.
Dans une société traditionnelle ainsi constituée,
la femme représente une force de travail, pas au sens où l'emploie
René Dumont dans: "L'Afrique étranglée: mais au sens traditionnel
du terme, pour le bien être de la communauté, ce qui constitue
l'assurance d'une auto-suffisance alimentaire.
Plus on a de femmes dans la société ou dans la fa-
mille traditionnelle, plus on dégage un surplus de production vi-
vrière, qui sera stocké dans les greniers, après prélèvement d'une
partie pour la consommation de la communauté. Plus la récolte à
venir sera abondante, et plus l'autosuffisance alimentaire sera
encore mieux assurée jusqu'à ce qu'un élément imprévu vienne entra-
ver l'évolution normale de ce système (guerre entre tribus, séche-
resse, colonisation,etc ... ).
Les tâches agricoles accomplies par les femmes ont
été un peu décrites dans la première section du chapitre deux de
181
notre étude à propos de la cOlTl11unauté villageoise et la terre dans
le système agraire précolonial.
A ces tâches, s'ajoutent d'autres activités de
pêche, de collecte ou d'artisanat.
La répartition des tâches est la suivante dans les sociétés
traditionnelles ivoiriennes (1)
Activités des Hommes
Activités èes Femmes
Agricole
Débroussage
Brûlis des arbres
Abattage d'arbres
Sarclage
Désherbage
Plantation
tomate
Défriche-brûlis
aubergine
Buttage
igname,
gambo
banane, manioc
piments
Sarclage :mais
Récoltes
légumes, igname,
banane plantain
A.u village: tissage
Préparation des repas
vannerie
Quête d'eau
Construction des
.
Cordage : coton
maisons
Chasse
fusil
Fil age
filet (pêche à l'épervier)
piège
(1) J-C Thoret, les Djimini, éléments d'organisation sociale, Paris,
étude sociologique, Thèse de 3ème cycle 1969
182
Le rôle important que joue la femme dans l'écono-
mie traditionnelle de subsistance, ses fonctions de travailleuse,
font de la famille conjugale polygamique une cellule productive,
organisée
autour de l'autosuffisance alimentaire. L'organisation
des cellules domestiques reflète et prolonge la hiérarchie mascu-
line. Le principe général qui préside cette organisation est que
toutes les épouses d'une même communauté sont, comme leur mari,
sous la dépendance absolue de 1'ainé, et plus directement en ce
qui concerne les femmes, sous celle de la première épouse. les
épouses de 1 'ainé polygame sont placées sous l'autorité de la pre-
mière d'entre elles. lorsque 1'ainé se trouve à la tëte d'un plus
grand groupe d'épouses, c'est à dire le plus souvent entre huit et
dix fenmes , celles-ci peuvent se subdiviser en plusieurs groupes,
chacune des premières femmes recevant sous leur autorité et en alter·
nance les dernières venues.
Par exemple, un groupe de cinq épouses pourrait se
répartir de la façon suivante:
la première, la troisième et la cinquième êpouses ensemble
- la deuxième et la quatrième épouses ensemble.
Si le mari prenait une sixième épouse, elle rentre-
rait dans le groupe de la deuxième épouse et s'il se mariait encore,
la troisième pourrait à son tour, former un nouveau groupe avec la
nouvelle venue.
Deluz-Chiva (A), Mariage et économie monétaire chez les Gerno de
Côte d'Ivoire, dans l'Afrique et l'Asie, 1965, n070, p.3-16
183
Parfois, il se trouve que les femmes s'unissent par
affinité. La société agraire traditionnelle, basée sur la répar-
tition égalitaire des tâches à accomplir dans la communauté ligna-
gère, où
la femme joue un rôle très important, en qualité de for-
ce de travail à travers la polygamie, détermine 1'autosuffisance ali~
mentaire, hornis la terre, ~ui est un élément de stabilité de l'é-
quilibre biologique du système. mais aussi par les méthodes cultura-
les et les plantes cultivées pour assurer la subsistance.
Nous pouvons affirmer que, dans la société tradition-
nelle, la polygamie est l'articulation du bon fonctionnement de la
société et sa condition de reproduction.
La polygamie est un facteur de dégagement de surplus
et de la couverture de l'autosuffisance alimentaire.
Il ne faut pas perdre de vue que, la régulation des
naissances a pour but d'éviter une montée trop rapide des taux de
natalité, facteur de désarticulation dont la femme est à la base.
2/ La circulation des produits alimentaires
Le mécanisme de circulation des biens alimentaires
les plus appréciés transparait à travers les rapports de produc-
tion.
Dans le cas traditionnel lignager, la circulation
des biens alimentaires, reflète l'enchevêtrement qu'implique la
répartition des tâches agricoles.
Les travaux accomplis par chacun des membres de la
communauté, n'entrainentpour aucun d'eux, la possibilité de disposer
d'une fraction distincte du produit, échangeable au sein de la com-
184
munauté contre d'autres produits (1). Il n'y a pas de rémunération
du travail. Même les récoltes des champs cultivés sous la respon-
sabilité des ainés ne leur appartiennent pas.
La circulation des produits vivriers commence au
moment où le fruit du travail commun prend une forme achevée, c'est
à dire après la récolte. Les produits vivriers seront emmagasinés
dans des greniers de la communauté, et placés sous le contrôle di-
rect ou indirect de l'ainé. Le produit sera utilisé d'abord à nour-
rir les membres de la communauté et le surplus sera conservé pour
les cultures à venir et pour pallier les périodes de soudure.
Avec le temps, quelques échanges vont s'établir
grâce à l'arrivée des étrangers dans le Nord de la Côte d'Ivoire.
Ces échanges n'avaient pas un caractère dévastateur. Certains étran-
gers étaient à la recherche d'objets rares, pour les échanger con-
tre ce qu'ils possédaient. Ce qui donnait naissance à une économie
d'échanges . .
Par l'introduction des éc~anges dans l'économie tra-
ditionnelle précoloniale, nous assistoBs à une entrée progressive
du capitalisme marchand dans le système
(1) Dans une économie capitaliste, la division du travail veut que le
travail de chaque producteur, quand bien même il s'incorpore dans
une chaine d'opération aboutissant à un seul produit final, soit
l'objet d'une rémunération individuelle avec laquelle le travailleur
se présente sur le marché pour obtenir les biens nécessaires à sa
subsistance. En ce sens, il n'y a pas, à proprement parler, de divi-
sion du travail dans la société traditionnelle, mais plutôt une ré-
partition des tâches en fonction du rang social et du sexe.
185
L'introduction des échanges ne détruit pas d'une
façon systèmatique la structure agraire précoloniale existante,
mais l'écorche légérement, et met en veilleuse l'entrée du capi-
talisme dans ce système agraire précolonial, donc un début de pé-
nétration du capitalisme.
11- L'apparition d'un économie d'échange précolonial:
Nous avons étudié l'économie agraire précoloniale
du système de formation sociale de la Côte d11voire, basée sur
1'autosubsistance et nous avons dit entre autre que, la communauté
lignagère ignorait l'échange, du fait de la suffisance de chaque
famille. Par contre, les mécanismes de redistribution des biens
au niveau de la communauté, les transferts matrimoniaux de cer-
tains produits, déterminent les formes de circulation et d'échange
des produits vivriers.
L1homogénéité relative du milieu écologique, avec
toutes les méthodes qui caractérisent ce système agraire, ou cette
formation agraire, n1incite pas non plus à des relations d'échanges.
Toute la production étant auto-consommée, ou stockée dans les gre-
niers en cas de surplus.
Toute la gamme des vivres (banane plantain, manioc,
mais, sorgho, mil etc ... ), dans des proportions variables certes,
est produite par chaque communauté sur l'ensemble du pays. En cas
de mauvaise récolte, des transferts de vivres ont lieu vers les
zones de disette. Ceux-ci s'accomplissent en fonction des liens de
186
parenté ou d'alliance, sans contrepartie, dans un esprit de soli-
darité. C'est ce qui caractérise la société traditionnelle ivoi-
rienne. Les échanges n'étaient pas étrangers à l'économie tradi-
tionnelle précoloniale.
Petit à petit, nous assistons à une ouverture de la
communauté vers l'extérieur. D'abord, entre les communautés voisines
et puis en dehors des frontières.
- L'existence d'un marché précolonial
Nous avons dit depuis le début de notre chapitre,
qulil n'y avait pas de marché établi pour écouler le surplus des
produits agricoles vivriers.
Avec la venue des étrangers africains, commerçants
pour la plupart, un micro-commerce se développait et portait sur
des objets précieux et se traitait sur la base d'un marchandage
entre commerçants étrangers et indigènes.
Avec l'introduction de la monnaie dans les échanges,
nous assistons déjà à un début de transformation de la société a-
graire traditionnelle précoloniale, que Samir Amin divise en quatre
périodes :
La période prémercantiliste, des origines au XVllème
siècle; la période mercantiliste s'étend du XVllème à 1800, marquée
par la traite des esclaves; la troisième s'étend de 1800 à 1880-90,
caractérisée par l'introduction du capitalisme commercial
et la
quatrième, celle de la colonisation (1).
(1) Samir Amin, impérialisme et sous-développement en Afrique, chapi
tre I, p. 41 à 60
187
Avant la pénétration française vers 1600-1700,
cette société employait de nombreux produits, l'importation, comme
le fer, les fusils, la poudre, etc ...
L'incitation au commerce dans une société comme
celle-ci, qui n'y était pas prédisposée, ni par les structures
sociales, ni par les conditions du milieu naturel, ne peuvent procé-
der que d'une sollicitation extérieure et de caractère historique (1)
111- Le commerce vers les pays de savane
Avant le boul ever sement des structures socio-écono-
miques, tous les échanges étaient axés sur le Sud du Sahara et vers
le Sahel. Cette région fut l'avant-poste commercial de l'économie
méditerranéenne en Afrique, puisque dans la société traditionnelle,
l'or, l'ivoire, etc ... étaient abondants, sans exclure les esclaves
issus des tribus à royaumes très puissants (comme le royaume Agni,
Abron,Baoulé, Attie, etc ... ). Les captifs étrangers étaient ven-
dus sur les côtes (2).
L'ivoire, l'or, et les esclaves alimentaient les cou
rants d'échanges du Sud vers le Nord (3).
(1) Claude Meillassoux, Anthropologie économique des Gouro de Côte
d'Ivoire, p.263-265
(2) Enquêtes auprès d'un ancien chef Agni dans la région d'Abengou-
rou en 1970
(3) E.W Bovill, The golden trade of the moors, Oxford University
Press, 1958 ; R Mauny, tableau géographique de l'Ouest africain du
Moyen Age, mémoire de 1'IFAN, nQ61, Dakar, 1961 ; L Mombard, l'or
musulman du VII au XI ème siècles, Annales, 2éme année, avril-juin
188
Ce commerce principal
axé sur les produits cités
t
t
suivait une chaine d'échanges depuis la Côte d'Ivoire jusqu'aux
pays de la Méditerranée. Les populations soudanaises entreprenaient
avec les zones forestières un commerce très poussé pour alimenter
leur marché intérieur. Le cOlTITIerce le plus développé par la suite
était le commerce de colas. Le manque d'informations et de document~
ne nous permet pas de dater d'une façon précise l'origine de ce com-
merce de colas et les généalogies des fondateurs du marché tradi-
tionnel de ce produit.
La cola
se présentait sur le marché sous forme
d'objet comptabilisable et interchangeable. Le fait le plus carac-
téristique de ce produit
c'est qu'il est utilisé dans la société
t
soudanaise, comme produit intervenant dans les prestations cérémo-
nielles et dans les dots.
Ce genre de commerce en rapport avec les pays de la
Méditerranée, permettait d'acquérir quelques richesses, indépendam-
ment des normes imposées par la cellule familiale.
Le commerce de cola n'était pas répandu dans toute
la Côte d'Ivoire et se limitait à certaines régions.
Si le commerce, toutefois, fut, dans certaines ré-
gions de la Côte d'Ivoire, surtout en savane boisée, un facteur de
désintégration sociale, il fut limité et n'atteignait pas la so-
ciété dans ses fondements structurels.
Le commerce était entrepris dans la perspective d'ac
quérir la vraie richesse (l'or
l'ivoire, etc ... ).
t
Toute cette forme d'organisation sociale tradition-
189
nelle
déjà atteinte par le commerce
sera détruite avec l'entrée
t
t
des Européens sur la scène en vue de l'appropriation des pays
t
africains. La pénétration des Européens en Afrique en général et
en Côte d'Ivoire en particulier
était basée sur la conquête des
t
matières premières exportables. La pénétration sera très brutale.
Les Européens vont obliger la population à cultiver certains pro-
duits (comme le café et le cacao pour certains
et l'arachide pour
t
d'autres) dans le seul but d'alimenter le système productif de la
métropole.
L'obligation de cultiver le café et la cacao va
s'opérer sous la contrainte: obligation de payer des impôts
li-
t
bération des terres vivrières au profit des cultures de traite et
les travaux forcés.
Le gouverneur Angoulvant
préconisait des méthodes
qui consistaientàsoumettre la population indigène sous la menace
constante et en une répression énergique immédiate en cas de refus
de collaboration (1).
Toutes ces formes de soumission contribuent à la
transformation, à la destruction et à l'affaiblissement des struc-
tures sociales traditionnelles.
+
+
+
(1) Angoulvant (G), la pacification de la Côte d'Ivoire
1908-1915
t
t
méthodes et résultats
la rose, 1916
395 pages
t
t
190
Nous avons analysé jusqu'à présent, l'économie de la
société précoloniale axée sur les produits vivriers, leur mode
d'organisation, leurs méthodes culturales et la possibilité d'au-
tosuffisance alimentaire due à l'abondance des terres. Avant la co-
lonisation, les règles coutumières réglementaient les rapports de
l'homme à la terre et les rapports sociaux de production étaient
à base clanique. Les instruments de travail étaient très rudimen-
taires, mais permettaient à la société de mettre la terre en valeur.
Le surplus de production ne pouvant être extorqué
par un individu, mais mis à la disposition de la communauté pour
prévenir les périodes de soudure, etc ...
Le droit de propriété dans la formation agraire
se définit par la superposition de trois éléments qui sont: les
droits du chef de la terre, les droits d'usage collectif, et les
droits d'usage individuel. La communauté ainsi constituée était
en déplacement régulier à la recherche de nouvelles terres plus
riches, à cause du caractère extensif découlant de la culture iti-
nérante sur brûlis. Le paysage se déplaçait en fonction des be-
si ons de la communauté. Ce mode de production déterminait les rap-
ports sociaux de production. La seule finalité de la communauté
était de pourvoir aux besoins alimentaires, donc à l'autosuffi-
sance alimentaire, sans contrainte extérieure.
Au sein de la com-
munauté ainsi constituée ne se pratiquait aucun échange de type
marchand. Lorsque d'un lignage à l'autre, on faisait appel à un
membre de la communauté, les relations économiques suivaient le
tracé des rapports de parenté ou d'alliance. La culture vivrière
avait un rôle très important dans la société agraire traditionnelle.
191
Avec le temps, des mutations se sont opérées dans
la société agraire traditionnelle avec l'apparition d'une économie
d1échange et le début d'un commerce vers les pays de savane.
La pénétration du commerce dans le système agraire
précolonial va modifier les rapports de production. La modification
des rapports sera accrue avec l'introduction de nouvelles cultures
(café-cacao) dans la société précoloniale et les conséquences que
celà va entrainer.
192
Chapitre II
Les conséquences de l'introduction
du café et du cacao en Côte d'Ivoire
En Côte d'Ivoire, avant l'arrivée des Français, il
n'existait pas de vaste organisation politique. Des ethnies variées
se partageaient le pays, chacune était jalouse de son indépendance.
Jusqu'à la fin du siècle dernier, toutes les ethnies, au nombre
d'une soixantaine, se trouvant sur le territoire ivoirien, vivaient
en économie de subsistance, produisant à peu près tout ce dont elles
avaient besoin. Certes, des marchands faisaient le trafic de l'or,
de cola, de pagnes, de sel, de 1Jivoire, ainsi que d'esclaves. Mais
ces échanges étaient très faibles, et les relations entre les peu-
ples reposaient sur la méfiance, quand ce n'était pas la guerre.
En 1893, la colonisation vient transformer ces
conditions. La résistance des ethnies, bien que morcelée fut terri-
ble. En 1896, des troubles éclatèrent dans le Sud-Est, plus préci-
sément dans 1'Indenié, c'est à dire dans la région d'Abengourou. De
1898 à 1900, le poste d'Assikasso fut pris d'assaut par les Ashanti
de l'Ouest, suivi de violents combats chez les Bouboury, puis en
1899, la région située au Nord de Tabou se soulevait, et des trou-
bles éclataient dans le bas Cava11y.
Pourtant, l'établissement d'une administration ré-
gulière n'avait ~as fait cesser les résistances dans la région fo-
1.!3
restière et dans ses marges, notamment dans le pays Baoulé: cette
dernière région était fortement occupée depuis 1900, mais la gue-
rilla s'y poursuivait de manière incessante.
Les portages considérables nécessités par le ravitaillement
du millier d'hommes qui occupaient le pays exaspérèrent ra-
pidement les Baoulés; leurs refus donnèrent lieu, pendant
toute l'année 1902, à de nombreuses opérations militaires qui.
eurent pour unique résultat de partager l'insurrection. La mor
de deux personnages très considérables: Kouamé Guié, chef des
Ouarébros de Sakassou, héritier de la conquérante du Baoulé
Aoura Pokou, et Acafou, chef des N'Gbans du Sud, très riche
et très influent, vinrent encore compliquer la situation,
d'autant plus que ces deux chefs succombèrent dans des bégar-
res qui, aux yeux des indigènes, purent, à tort sans doute,
revêtir des apparences fâcheuses (1)
Les Baoulé refusèrent longtemps la colonisation
française; de 1900 à 1906, révoltes et colonnes répressives se
succédèrent sans résultat apparents. Non seulement le Baoulé res-
te à demi insoumis, non seulement la pénétration dans les bassins
supérieurs du Cavally et de la Sassandra, mais la sécurité fait
défaut dans la région même des lagunes: les attaques se produi-
(1) Clozel, dix ans à la Côte d'Ivoire, Paris Challamel, 1906
p.79
194
sent à Bingerville, siège de l'administration de la colonie (1).
En 1908, à sa prise de commandement, le gouverneur
Angoulvant résume la situation ainsi : seuls sont occupés et tenus
effectivement : au Nord, la savane (partie de l'ancien Soudan ~at
tachée à la Côte d'Ivoire) ; le littoral au Sud; une mince bande
de territoire de l'Est, d'Assinié à l'Indénié. Le Baoulé est oc-
cupé à demi. Ailleurs, il n'y a que quelques postes isolés et as-
siègés.
Nous ne percevions aucune somme dans les régions
ci-dessus désignées comme inconnues, hostiles ou
douteuses. Le cOl1lnerce y était nul, ou n'y jouis-
sait d'aucune sécurité. La colonisation ne peut
s'imposer que par la force (2).
Les Baoulés ne se soumirent qu'en 1910. De même, le~
Gouros, les Dan et les Bété de la forêt, les Abbeys d'Agboville qui
en 1910, las des corvées et du travail forcé exigés par la cons-
truction du chemin de fer, déclenchèrent une terrible révolte (3).
(1) Une étude fait en 1910 en donne la liste partielle: 1896
ré-
volte du Zaranou; assassinat de l'administrateur Poublé. 1898
af-
faire d'Assikasso - Révolte D'Qsrou. 1899 : incendie du poste de
Toumodi. 1900-1902 : révolte générale des Baoulé. 1903 : révolte
du mango. 1904 : attaque de Bingerville. 1905 : colonne des Agbas.
1906 : opérations de Sassandra et du Haut-Cavally. 1907 : colonne
contre les Gouro, etc ... II La situation politique en Côte d'Ivoire"
(2) G Angoulvant, la pacification de la COte d'Ivoire, Paris, La-
rose, 1916
(3) Augagneur Victor, le mouvement de la population en Afrique éqU2
toriale française, Revue d'hygiène, vol 46, n06, 1927, pp.509-540
195
La voie ferrée et ses installations sont attaquées. Le gouverneur Angoul-
vant nia que mépris pour ces Abbeys, comme il le précise: sauvages, fa-
rouches, au dernier échelon de l'humanité, qui se refusaient, bien que pro-
ches du chemin de fer, à venir le voir, qui se livraient à la vie primitive
et nomade de chasseur, qui ne payaient pas d'impôt puisque là (et) se dis-
posaient à s'opposer par la force à la pénétration de leur pays (1).
- La main d'oeuvre sur la Côte d'Ivoire
Le début du XXème siècle marque l'achèvement de l'appropriation
de la Côte d'Ivoire et de l'Afrique en général par les Européens. Chaque
puissance va parfaire son octupation en réduisant les dernières résistances
locales. La Côte d'Ivoire fut conquise définitivement en 1911.
La révolte des Agni en 1908, des Gouros, des Attiés, des Baoulés,
fut durement réprimée par la colonne du Bandama en 1911 (2), qui ménera par
la suite une politique systèmatiquement répressive (villages incendiés, ré-
coltes anéanties, chefs déportés, impôts, saisies d'armes, etc ... ).
La création par les Français d'une colonie en Côte d'Ivoire
démantelle complètement la structure de la société précolor.iale.
Dès lors, l'administration coloniale aura un effet de rappro-
chement des divers éléments de la population traditionnelle dans le cadre
du nouveau territoire. Ce sera l'évolution économique qui provoquera les
changements décisifs en substituant une économie de profit fondée princi-
palement sur le café et le cacao à l'auto-subsistance.
(1) G.Angoulvant, op.cit., p.2Bl
(2) Delkisi Francis, Comment on lance une conquête coloniale, le Crapouil-
lot, n° spécial, expéditions coloniales, leurs dessous, leurs atrocités,
janvier 1936, p.47
196
- L'introduction du café et du cacao dans l'économie
L'introduction du café et du cacao (cultures marchandes) dans
l'économie traditionnelle ivoirienne, a eu pour conséquence la dégradation
du système agraire traditionnel ou la rupture des conditions de la repro-
duction sociale de ce système.
Le système traditionnel était pris comme base. Un certain nom-
bre de variables qui trouvent leur origine dans la colonisation, dans ses
prolongements et dans le développement de l'économie marchande, vont jouer
un rôle dominant dans la transition qui s'est engagée.
En effet, l'économie ivoirienne avant d'être agressée par l'in-
troduction du café et du cacao, avait connu un mode de production antérieur
que nous avons analysé dans la formation préco1onia1e.
Cette soumission de l'économie ivoirienne au mode de production
capitaliste, axé sur les cultures d'exportation pour l'approvisionnement
du système productif de la métropole, ne s'est pas réalisée uniformément
dans l'ensemble du pays, certaines régions sont comp1ètement détruites,
d'autres partiellement.
Partout où le système capitaliste colonial impérialiste a trou-
vé des structures sociales "archaiques", il les a détruites, pillant les
ressources et expédiant 1e butin de cette exploitation dans les pays capi-
talistes du centre.
- L'économie de traite
Albert Sarrault, ministre français des colonies en 1923, pré-
sente l'économie de traite comme recours décisif qui relèvera son pays des
misères de la guerre (1).
(1) Girault Arthur, Historigue des troupes coloniales pendant la guerre de
1914-1918, Charles-Lavauzel1e, 1922
197
L'économie de traite s'attachait surtout au développement de
cultures de spécialisation (café-cacao). selon des plans établis par l'ad-
ministration européenne. en fonction. bien entendu. de son intérêt. L'éco-
nomie de traite dépendait uniquement des fluctuations boursières d'Europe.
Ce système donna lieu à de nombreux abus: les produits étaient collectés
auprès des indigènes que l'administration forçait à pratiquer des cultu'res
nouvelles en promettant un profit rapide. ou, plus couramment, en exerçant
sur les travailleurs une dure pression fiscale. Les paysans devaient consa-
crer une partie de leurs champs, sinon la totalité à des cultures rémunéra-
trices qui leur étaient indispensables pour payer l'impôt.
Parallèlement à ces maisons commerciales (CFAD-CFCI), les Euro-
péens créèrent le système des grandes "concessions". On donnait de vastes
territoires à des compagnies, à charge pour elles de les exploiter et de
recevoir les bénéfices en échange de redevances ridicules. Par exemple, .
la maison Verdier, reçut une concession de 5 millions et demi d'hectares,
avec le monopole pour trente ans de l'exploitation des forêts et la pleine
propriété des terrains mis en vale~r (1).
En 1898, les concessions occupaient 2450 hectares; en 1912,
3290 hectares (2). Les compagnies s'approprièrent des territoires immenses
pour presque rien, et considérèrent les paysans qui s'y trouvaient et le
produit de leur travail comme leur appartenant.
(1) Hi~torique générale de l'Afrique, volume 8, l'Afrique coloniale,collec-
tion dirigée par Ibrahima Bado Kaké et Elikia M'Bokolo, 1977, p.50
\\L) Jean Suret-Canale, l'Afrique Noire occidentale et Centrale, Page 31,
~d. sociale, Paris 1968.
193
Cette agriculture coloniale, controlée par les maisons privées
et par des grandes compagnies, permet de détruire la traditionnelle écono-
mie de subsistance propre aux Ivoiriens par l'économie de marché. Cette mu-
tation eut de graves conséquences sur les sociétés précoloniales.
L'application sans dîcernement de techniques nouvelles comme
les labours ~rofonds ou la culture spéculative (qui empêcha la jachère et
donc la reconstitution des sols) accélèra le processus de désertification
dans certaines régions.
La cessation à peu près complète des cultures vivrières, au
profit des cultures d'exportation, bouleverse totalement un équilibre qui,
naguère, assurait la subsistance des sociétés rurales traditionnelles ivoi-
riennes.
Les maisons européennes, pressées de gagner le maximum d'argent,
ne s'intéressaient qu'à l'agriculture et à la commercialisation des matières
brutes (qui représentaient 95 %de leurs activités). Les investissements ne
furent réalisés que dans la construction de routes et de voies ferrées, sur-
tout destinées à établir une liaison entre les centres de l ',ntérieur et
la Côte.
L'économie de traite volait les paysans ivoiriens des fruits de
leur travail, excluait toute accumulation locale de capitaux, tout perfec-
tionnement techniqee et maintenait un niveau de vie extrèmement bas.
Dans la période actuelle, l'introduction du café et du cacao
dans 1'ëconomie ivoirienne, joue un rôle décisif sur l~reproduction du
système agraire traditionnel.
L'introduction du café-cacao réduit l'importance relative de
la force de travail, par rapport aux besoins sociaux de la communauté·
199
et réduit la superficie consacrée aux produits vivriers.
Si le système traditionnel est de moins en moins capable d'as-
surer la subsistance de la population, il parait douteux que les cultures
d'exportation orientées vers le marché extérieur, contrôlé par le grand
capital, puissent conduire à fournir des revenus monétaires substantiels,
capables de couvrir les besoins des paysans.
Ainsi nous développerons trois points
Section l : le développement des cultu~s d'exportation restreint les cul-
tures vivrières ;
Section II : l'exploitation forestière contribue à accélérer et à rendre
irréversible ces évolutions
Section III : l'insuffisance des productions vivrières et ses conséquences.
200
Section 1
Le développement des cultures d'exportation restreint
les cultures vivrières
L'extension des cultures industrielles, le développement des
cultures d'exportation, le problème que pose les surfaces cultivables
dis-
ponibles pour les cultures vivrières, désarticule l'économie traditionnelle
paysanne de la Côte d'Ivoire, ce qui a engendré une dégradation des rapports
sociaux de production. Cette économie, basée sur les cultures d'exportation
n'a pas pu complètement se substituer à l'économie d'autosubsistancej ne
pouvant d~truire entièrement le système de production ancien qui survit
encore parallèlement à l'expansion du café et du cacao, te qui distingue
une époque économique d'une autre, c'est moins ce que l Ion fabrique que la
manière de fabriquer et les moyens de travail par lesquels on les fabrique.
Terray écrit: "ce qui distingue un mode de production, clest
la par~icularité de ses rapports de production ll (1). C'est donc par la par-
ticularité des rapports entre les membres de la communauté lignagère dans
son ensemble qu'il convient de parler de transformation sociale et écono-
mique du pays dans un cadre plus large ou réduit.
Le problème qui se pose aujourd'hui dans certaines formations
agraires traditionnelles, est la paupérisation de la population, due à
l'extension des caféières et des cacaoyères, en raison de leur occupation
perpétuelle de la terre, ce qui monopolise une main d'oeuvre très importante.
Les objectifs de l'extension visent essentiellement sur l'augmentation et
(1) E Terray, le Marxisme devant les sociétés primitives, deux études, deu-
xième partie, le matérialisme historique devant les sociétés segmentaires
et lignagères, ed Maspero, Pareis, 1964, p.102
201
l'amélioration de la compététivité par l'augmentation de la productivité.
Comparativement au mode de production que nous avons connu dans le sys-
tème traditionnel précolonial, axé sur les produits vivriers, qui ne mono-
polise pas la terre, et une main d'oeuvre importante.
En effet, avec l'extension des produits d'exportation, la cul-
ture et les moyens de production restent les mêmes. Les outils n'ont guère
varié. Le défrichement est effectué à la machette ou coupe-coupe, sorte de
sabre d'abattis, bref, la production est basée sur l'énergie humaine et mo-
bilise une forte
main d'oeuvre.
L'introduction des cultures marchandes dans l'économie ivoirien-
ne, a créé un tel espoir de richesse pour la noblesse des tribus que la po-
pulation s'en est plus occupée que de toute autre culture, sous la contrain-
te de l'administration coloniale. Les chefs de tribu étaient désignés comme
responsables, pour l'évolution et la rentabilité des deux cultures d'expor-
tation:
Depuis 1908, alors que les premières plantes ont fait leur appa-
rition dans les régiol/s, entrainant par ce biais des besoins nouveaux, et
partant, de nouvelles dépenses. Les paysans ivoiriens se sont rués sur les
cultures d'exportation, ce qui engendra la baisse des cultures vivrières,
à cause dû manque de main d'oeuvre disponible. Ce que Aujoulat fait remar-
quer à juste titre: "devant la richesse solide et rapide que promettaient
les cultures d'exportation, les Noirs n'ont pas hésité à délaisser leurs
cultures vivrières. Ils n'ont pas reculé davantage devant la destruction
de la forêt, pour étendre les plantations de café-cacao. Ils sont devenus
les victimes de leur effort d'enrichissement, selon un processus qui pour-
rait se schématiser de la façon suivante: extension des cultures d'expor-
202
tation, abandon des cultures vivrières, sous-alimentation, enrichissement
de certains, en particulier la noblesse de tribu et les sociétés commercia-
les, désagrégation de la cellule familiale, dénatalité~ (1).
Traditionnellement, les paysans ivoiriens, avant l'introduction
du café-cacao dans l'économie, vendaient peu ou pas du tout leurs produits
vivriers. En cas de surplus de production vivrière, il était stocké dans
des greniers pour les cultures à venir, ou pour pallier aux périodes de
mauvaises récoltes et de disette.
Il arrivait à la communauté, avec l'introduction des étrangers,
de vendre un peu de leur récolte, ou d'effectuer des échanges de produits.
La communauté était socialement organisée. L'introduction des cultures mar-
chandes, avait modifié le rapport de production, à cause de l'appropriation
des terres au bénéfice des cultures d'exportation. En plus ces plantes occu-
pent en permanence le sol qui ne peut plus être laissé en jachère pour une
nouvelle culture. Ce sol ne servira plus à la culture des biens vivriers
source de reproduction et de rapport social de la communauté traditionnelle
précoloniale.
Cette occupation à perpétuité de la terre par les cultures
d'exportation réduit le potentiel du développement des plantes nourricières.
Le cacao et le café mobil isent en quantité et pour longtemps la
terre et la main d'oeuvre, les deux principales forces productives de ces
économies agricoles. La terre: il faut environ sept ans pour commencer à
produire le café et le cacao (sauf pour certaines variétés issues de croi-
sements dans les centres d'expérimentation, mais encore très peu répandues,
(1) Holas B, Changements sociaux en Côte d'Ivoire, PUF, 1961, p.14
203
qui ne commencent à produire qU'à partir de la cinquième année). Mais le
café ou le cacao produits pendant vingt ans, avec un rendement décroissant
au fil des années, ce qui provoque la mise en valeur de nouvelles terres
et une mobilisation d'une main d'oeuvre plus abondante.
Les planteurs consacrent plus de 350 heures par an et par hec-
tare à la culture du cacao (1). Comme c'est une quasi monoculture d'expor-
tation qui exige des soins étalés sur toute l'année, impossible de s'adon-
ner à une autre activité. Ainsi nous assistons à la dégradation des cultures
vivrières, due à la carence de terre disponible.
Cette section étudie l'extension des surfaces consacrées au café-
cacao (1) ; restreint les surfaces consacrées aux cultures vivrières (II)
l'ensemble entraine le désemploi d'une partie de la main d'oeuvre (III).
1- L'extension des surfaces consacrées au café-cacao
La primauté des cultures d'exportation sur les cultures vivrières
pose un problème sérieux pour la société paysanne. habituée à produire uri-
quement pour l'autoconsommation. Avec le développement de l'agriculture et
l 'extension de~ cultures de traite imposés par l'impérialisme français pour
les besoins de la métropole, nous assistons à une réduction non seulement
des terres, mais à une nouvelle organisation de la société traditionnelle
(division des zones par produits).
(1) J.Lafranchi, les possibilités d'extension de la culture cacaoyère en
Côte d'Ivoire, Institut français du café, cacao. Centre de recherche de
Côte d'Ivoire, mars 1966
204
L'implantation coloniale, l'extension des cultures d'exporta-
tion, la réduction des terres disponibles aux cultures vivrières, la désta-
bilisation des structures sociales traditionnelles, constituent la forme de
soumission achevée de l'agriculture ivoirienne et son introduction dans le
marché mondial capitaliste.
Comme le décrit Samir Amin: "l'administration coloniale avait
partagé la Côte d'Ivoire en 19 cercles et 49 subdivisions" (1). Certains
de ces cercles étaient très peu homogènes sur le plan socio-économique et
d'autres nettement à cheval sur deux pays naturellement différents (le cas
de la
ville d'Assi"ie entre la Côte d'Ivoire et le Ghana). Ce partage
s'est fait sans tenir compte des réalités socio-culturelles des régions.
L'extension des plantations d'exportation et la forme que cette extension
a prise ont modifié la distribution des cultures vivrières au niveau des
sociétés concernées, et l'importance relative de chacune d'elles.
Quelques exemples montrent l'interaction de ces différents or-
dres de phénomènes. Ainsi, dans le pays Agni-Baoulé, les planteurs origi-
naires, libérés du travail de défrichage, d'entretien et de récolte du café
t d
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(2(). t
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l
e
u cacao assure par
es manoeuvres
ln ro uctlon
u sa arlat par
a no-
blesse de tribu), peuvent-ils continuer à se consacrer à leur culture vi-
vrière traditionnelle.
Avec le développement des cultures d'exportation, on assiste
à un phénomène relativement nouveau, qui est la destruction du système
agraire traditionnel, par l'extension des cultures d'exportation, par le
détournement de la force de travail dans les plantations de café-cacao, et
l'obligation des paysans à produire pour le marché mondial capitaliste.
(1) Samir Amin, le développement du capitalisme en Côte d'Ivoire, p.1B à 19
(2) Pendant la période coloniale, après l'introduction du café-cacao, les
chefs de tribu auront recours à la main d'oeuvre salariée pour la culture
des deux procuits
205
L'exemple le plus frappant est le compte-rendu de la XXème
session de Bruxelles en 1929, où Jaspar, alors premier ministre, Ministre
des colonies de Belgique, déclarait à propos de l'extension des cultures
indigènes (café-cacao) : "Cette question ", écrit-il, "passionne, à juste
titre, le monde colonial. La France, la Belgique, sont unanimes à recon-
naitre la nécessité d'étendre les cultures du café-cacao, surtout dans les
régions tropicales, où les natifs, à peine sortis de la barbarie, indolents
et imprévoyants, ne défrichent et ne cultivent que ce qu'ils leur faut pour
se nourrir au jour le jour, et où la moindre irrégularité des pluies, suffit
à provoquer la disette" (1).
Dans le même ordre d'idée, Hardy écrit: "la plupart des popu-
lations des colonies sont sous-alimentées. Leur nourriture presque exclu-
sivement végétarienne est insuffisante en quantité et fort irrégulière. Il
faut développer les cultures d'exportation, pour assurer une alimentation
régulière dans les colonies" (2).
A travers les deux déclarations, nous comprenons le fondement
de l'extension des cultures d'exportation et la destruction du système
agraire traditionnel axé sur la culture des produits vivriers. Ce phéno-
mène de destruction déclenche une migration et une dispersion des familles.
Avec la complicité de la bourgeoisie agraire locale, l'impé-
rialisme français détruit l'ancienne organisation, sans tenir compte du
mode de vie qui animait cette communauté. Claude Maillassoux a très bien
analysé ce système, lors d'un congrès en disant: "La surexploitation du
travail est possible tout le temps que persiste la communauté d'auto-sub-
(1) Institut colonial international. Compte-rendu de la deuxième session,
Bruxelles, 1929, p.32
(2) G.Hardy, Nos grands problèmes coloniaux, p.14
206
sistance, cellule productrice et reproductible de la force de travail, mo-
bilisant à cette fin tous les membres de la communauté et .... , permette à
cette communauté de produire pour sa propre consommation avant de produire
pour le marché extérieur",
Le développement de la production orientée vers l'intérieur:
al priverait l'impérialisme français des moyens constants qu'il
a de dominer la Côte d'Ivoire;
bl supposerait une transformation des rapports sociaux sur les-
quels s'appuient les valets de l'impérialisme que sont la couche au pou-
voir" (1)
Pour saisir les conséquences de cette introduction du café-
cacao dans l'économie ivoirienne, il y a lieu aé faire un bref retour en
arrière pour suivre l'évolution de cette introduction jusqu'à l'indépen-
dance et qui va se prolonger pendant toute la période considérée, c'est à
dire de 1960 à 1980.
Dans la première partie de notre travail, nous avons décrit le
déroulement des événements historiques relatifs à la production du café et
du cacao.
Nous avons dit que cette période de régime colonial pouvait être
éclatée en deux périodes: l'une allant de 1893 à 1919, caractérisée par
l'économie de cueillette, l'autre de 1919 à 1944, où il y a la mise en place
de l'économie de plantation par l'introduction du cacao et du café dans 1'é-
ch... ( ...
conomie 6€ ~~i Vilt pour effet la destructuration du système agraire préco-
lonial, oeuvre de l'administration coloniale, par le canal de la Grande Com-
207
pagnie commerciale, la CFAO (1).
Pendant cette périodes l'administration coloniale, aidée par
la communauté de cercle, va étendre ces deux cultures spéculatives nouvelles
sur toute la Côte d'Ivoire, mettant ainsi en péril le devenir des paysans
traditionnels sur le plan alimentaire.
A l'indépendance, la production de café atteint 147 488 tonnes,
soit 50 %des exportations totales. Entre 1950 et 1965, la production du
café a progressé de la à Il % par an, ce qui donnerait une production expor-
tabl~comme l'explique Samir Amin, de 55 000 t en 1950 et de 250 000 t en
1965. Quant au cacao, l'ajustement se révèle plus difficile d'après Amin:
50 000 t en 1950 et 120 000 t en 1965, avec un taux d'accroissement mo~en
de 6 % par an (2).
La Côte d'Ivoire est troisième exportateur mondial de café après
le Brésil et la Colombie.
Pour arriver à ce stade de troisième producteur, beaucoup de
paysans ont payé avec la sueur de leur travail. Il n'y a pas lieu d'en
être fier, quand on connait les méthodes utilisées pour satisfaire les
ambitions de certains chefs de gouvernement.
Pour reprendre la théorie des économistes qui disent: -les
pays en voie de développement doivent tout d'abord s'axer sur l'exportation
des produits (café-cacao), afin de se procurer les devises dont ils ont
besoin pour se nourrir et s'équiper". Ce qui a été largement critiqué par
(1) CFAD, Compagni e française de l'Afrique de " Ouest
(2) Samir A;:,-in, le dëveloppement du ca~italisr1e en Côte d'Ivoire, p.57-58,
chapitre 2
208
René Dumont (1).
La théorie soutenue par certains économistes est contradictoire, en
ce sens que, dans la société précoloniale, la communauté agraire n'avait pas
besoin de développer les cultures d'exportation pour se nourrir. Elle pro-
dui sait plutôt ce dont e11 e av~iit besoi n pour se nourri r.
Comme le dit le professeur Oumont : "ces pays doivent eli priorité
produire pour leur propre consommation et réduire leurs importations" (2).
Les responsables du gouvernement, valets de l' impérial; sme f'ren-
çai s , ne voient pas l e problëne d'auto-suffisance. Leur
intérêt
est de
perpétuer la dépendance de la Côte d'Ivoire vis A vis des pays capita11s-
tes développés.
Po~r asseoir sa base d'accumu1ation il faut produire plus pour
le marché de la métropole.
Sur le plan vivrier, la Côte d'Ivoire a peu de chances diévoluer
A cause de sa politique d~extension qui restreint les cultures vivrières.
Avant de par l er de développement de l' agri culture dl exportat i on
en milieu rural, il f2ut être conscient de la complexité de~ contraintes
et des effets rencontrÉs et provoqués par le changement. Ltinnovatioi'\\s ca-
ractérisêe trop systèmatiquement de "progressiste" lorsqu'il s'agit d~
bouleverser les comportenents en milieu-~r"Jral, nlest jamais
neutre. El l e
agit comme la drogue dans l'organisme ~main. Si la dose est trop fcrte t
elle détraque l'organisme, si elle eS~~Drrecte, elle s'intègre a l'orga-
(1) René Dumont, interview de Michel Laclerc, dans Paris Matchs n02553-
1653 du 30 janvier 1981
(2) René Dumont, l 'Afrique étranglée, ed. du Seuil, Paris, 1980
209
nisme. Nous pensons que la dose a été trop forte dans le cas de la
Côte d'Ivoire
car l'extension des cultures d'exploitation
la
t
t
baisse de la culture vivrière
ont été le résultat de la politique
t
coloniale orientée vers les produits capables de faire tourner les
industries agro-alimentaires de la métropole.
La mise en place de l'agriculture d t expor t a t i on , s'inscrit
dans le cadre de la politique de développement économique de
l'administration coloniale et de la bourgeoisie agraire issue de
la noblesse de tribu.
Tableau général sur l'extension des surfaces consacrées au
café-cacao de 1920 à 1980 (en ha)
-
Cacao
Café
Total
1920 .........
90 000
11 0 000
200 000
1930 .........
100 000
120 000
220 0000
1940 .........
11 a 000
140 000
250 000
1950 .........
153 000
158 000
3 11 000
1960 .........
372 800
503 000
373 303
1970 .........
562 300
562 300
1980 .........
986 500
291 000
2 187 500
Tata 1. .......
2 284 600
2 322 000
4 104 103
Source
de 1920 à 1960 ·voir chapitre 1, page 31
de 1970 à 1980, la Côte d'Ivoire en chiffres, e d . 1980-81
A travers le tableau sur l'extension des surfaces consacrées au
210
café-cacao, nous constatons une évolution très régulière depuis 1920 à
1980, ce qui démontre la politique mise en place depuis la période colo-
niale. L'extension des surfaces justifie la priorité accordée aux cultures
d'exportation.
11- L'extension du café-cacao restreint les surfaces consacrées
aux cultures vivrières
Le café et le cacao ne donnent lieu ni l'un ni l'autre à une con-
sommation immédiate de la part des producteurs. Ce sont des cultures com-
merciales presqu'entièrement exportées, dont le marché est commandé par
les impératifs d'approvisionnement des filières agro-alimentaires de la
métropole.
La réduction des surfaces disponibles pour les cultures vivriè-
res, affaiblissent l'organisation sociale traditionnelle. Oe nombreuses
déterminations se surajoutent les unes aux autres, pour provoquer cet af-
faiblissement.
Les plantations créent une véritable proprièté privée de la terre
qui échappe ainsi de plus en plus au contrôle de la communauté villageoise
dont elle était la proprièté collective. En même temps sur les terres de
cultures vivrières, le raccourcissement de la jachère se traduit par une
occupation continue de la terre, qui tend ainsi à rester dans la posses-
sion des mêmes unités de production.
La famille, en tant qu'unité de production et de consomœatton,
tend à se dissoudre en un certain nombre d'unités plus petites, individuel-
les, conjugales, etc ...
Les formes nouvelles de production et d'organisation, qui tendent
à se substituer aux formes anciennes, sont des formes variées, inachevées,
211
imbriquées les unes dans les autres. Il s'agit surtout de petite produc-
tion marchande, et de production marchande capitaliste à grande échelle,
à cause de l'appropriation des terres au profit des cultures d'exportation,
ce qui occasionne la réduction des cultures vivrières, par manque de terre
disponible.
La politique coloniale, non seulement va arracher les terres con-
sacrées aux cultures vivrières, mais obliger la population rurale à émi-
grer vers les zones de cultures de traite d'exportation.
C'est l'ensemble de ces moyens mis en place par l'impérialisme
français, qui ont détourné les paysans de leur objectif, lequel objectif
était basé sur les cultures vivrières.
Les structures mises en place seront soutenues par la bcurgeoi-
sie agraire, qui contrôle l'appareil d'Etat, puisque les plantations de
café et de cacao sont, en fait, la base objective d'accumulation pour la
bourgeoisie locale, et constitue aussi l'élément moteur du système pro-
ductif des industries agro-alimentaires de la métropole.
Avec cette politique, instaurée depuis la période coloniale, qui
contraint les paysans à vivre dans la misère constante, les superficies
n'ont cessé dauçmenter-, atteignant 377 000 ha en 196ï-1968, avec une pro-
duction de 146 800 t ; et en 1978-79, 320 000 t, faisant de la Côte àlIvoire
le premier producteur mondial de café.
- Superficie occupée~r le café et le cacao par zone de production par
rapport à la superficie des cultures vivrières (1)
(1)
Tous ces chiffres ont été pris dans "la Côte d'Ivoire
en chiffres" éd. 1980-1981. Mais les calculs ont été effectués par
nous-mêmes, par
z ... " de production.
212
Zone Nord (Korhogo- Ferké- Boundia1i)
Zone Centre (Bouaké- Bouaf1é- Da1oa- Dimbokro- Ségue1a- Dabaka1a- Katio1a)
Zone Est
(Bondoukou- Souna)
Zone Ouest (Danané- Biankouma- Touba- Guig1o- Man)
Zone Sud (Aboisso- Adzopé- Abidjan- Agbovi11e- Gagnoa- Sassandra- Divo A-
bangourou)
:c"'F ' ~
Superficie occupée café-cacao
Total
OVI ':.. L· Itl· f&l"O
Zone Nord ........... a ha
0 ha
Zone Centre ... 570 700 ha
251 500 ha
Café
Zone Est. ...... 85 100 ha
Cacao
53 500 ha
-
Zone Ouest .... 138 500 ha
32 500 ha
Zone Sud ..... 496 600 ha
559 000 ha
( ~'I
Total
1 291 000 ha
rI
896 500
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ï~...t ~~r·.
-
Superficie occupée par les produits vivriers
Il est très difficile d'évaluer la superfic)e occupée par les
cultures vivrières, étant donné la manque de données, en plus certaines
de ces cultures sont cultivées en association avec les cultures d'exporta-
tion. Par contre, 1'igname occupe 265 000 hectares des surfaces cultivables
en associ8tion avec d'autres produits vivriers.
Ce calcul nous permet de voir nettement les surfaces très impor-
tantes occupées par le café et le cacao.
La superficie occupée par les deux produits était de 377 000 ha
tf.JJ-
~.In·t'n .404r "".trtt
en 1967-1968, pour atteindre 2 107 100 ha en 1977-1978, cette augmentation
est dûe à l'extension des cultures d'exportation, à la diminution des cul-
tures vivrières, et aux difficultés à la produire.
213
111- L'ensemble entraine le désemploi d'une partie de la
main d'oeuvre
Ainsi, l'impérialisme français, ,o.r"
affaibli le pouvoir
des chefs de lignage, par l'extension des cultures d'exportation. L'impé-
rialisme français, en détruisant la structure sociale, le tissu des socié-
tés villageofses, transforme la main d'oeuvre traditionnelle, en main
d'oeuvre agricole, par les mesures déjà énumérées dans la première partie
(culture obligatoire, impôt de capitation, travaux forcés, etc ... ).
Les hommes en âge de travailler vont s'orienter dans les planta-
tions de café-cacao, à cause de l'éclatement de leur système agraire, lais-
sant les ferrmes, les enfants et les vieillards seuls dans le village.
La colonisation, les mesures de contrainte entrainent un exode
rural des jeunes, à cause de 1'utilisation importante de la main d'oeuvre
dans les plantations de café-cacao.
L'introduction du café-cacao dans l'économie ivoirienne, va créer
une malnutrition et un véritable sous-développement rural.
L'agriculture ivoirienne, utilisant encore des techniques archai-
ques, comme dans le système agraire précolonial, va faire appel à une main
d'oeuvre plus abordante, en vue de l'intensification des produits d'ex-
portation, et de répondre aux intérêts de l'impérialisme français et de
la bourgeoisie qui, nous l'avons dit, contrôle l'appareil d'Etat.
Il y a donc eu, au début de développement des plantations une
période dteuphorie de la part de certains jeunes qui voulaient se libérer
de la contrainte de la famille. Ce n'est qU'à partir d'un certain temps
que les plantations de café et de cacao et l'explosion démographique ont
commencé à réduire les oonditions de reproduction du système vivrier tra-
ditionnel.
214
Progressivement, toute la paysannerie est rentrée dans cette
sphère de production industrielle délaissant totalement ou partiellement
les cultures vivrières.
Le mécanisme de prolétarisation est d1ailleurs largement facilité
lorsque l'appel à une main d'oeuvre étrangère à l (ethnie est possible com-
!Dé l'apport des Volt~~ques en Côte d'Ivoire dans les plantations de café
et de cacao et qui constitue une main d'oeuvre à bon marché pour l'impé-
rialisme français et la bourgeoisie agraire locale.
Dans une seconde étape, les cadets dépossédés de leurs terres
au profit des cultures industrielles et les dépendants des familles de
planteurs originaires des familles de chefferie, peuvent être à leur
tour prolétarisés (1). Le nombre important de travailleurs dans les plan-
tations industrielles permet de dégager, par hectare, et par travailleur,
selon l'analyse de Samir Amin (2), un surplus dès le premier stade de la
mise en valeur, caractérisée par une très faible mécanisation, et par une
faible productivité de l'agriculture encore légérement extensive.
D1ùne manière générale, les cultures vivrières, production trop
pauvre, ne permettent pas à la population d'avoir un équilibre alimentaire
normal. L'emploi de la main d'oeuvre abondante dans les plantations de
café, cacao est responsable de ce déséquilibre alimentaire, dù au moyen
technique archaique utilisé par l'impérialisme français pour la production
des cultures d'exportation. La devise de l'impérialisme français est la
suivante: "produire plus, à moindres frais, avec une main d'oeuvre abon-
dante et des instruments rudimentaires adaptés à cette société primitive".
(1) Samir Amin, le développement du capitalisme en Côte d'Ivoire, p. 153-
167, chapitre V
(2) Samir Amin, Impérialisme et sous-développement en Afrique, p. 75-81,
chapitre III
215
- Extension des cultures marchaedes et le recours à une
main-d'oeuvre étrangère
En Côte d'Ivoire, non seulement la population rurale était ré-
duite au chômage, mais il fallait importer une main-d'oeuvre étrangère
volta'ique.
C'est ainsi qu'en 1936, les exploitations européennes comptaient
environ 20 000 travai11eursvo1taïques dont 50 %recrutés autoritairement
et 50 %dits libres. La suppression du travail forcé, en 1936, ne consti-
tue pas un frein à l'émigration voltaïque, étant donné les contraintes que
faisaient subir les travailleurs par les chefferies et l'administration
coloniale (1).
Jean Suret Canale, dans son livre sur "l'Afrique Noire", écrit
notam."Tlent: "la mission Be1ini, de 1912 à 1922, n'envisageait pas moins
que la transplantation de 1,5 million de Mossis â l'office du Niger. En
1937, on parlait d'en implanter 800 000. A la veille, les recrutements
répétés nlavaient permis d'en installer que 8 000 (2).
Pour mémoire de la première partie, il faut retenir que la sup-
pression du travail forcé devint effective en 1946, ce qui provoqua la
désertion de nombreux chantiers en Côte d'Ivoire. En 1947, le territoire
de la Haute Volta est reconstitué et les migrations reprennent, mais à
une cadence très lente qui met en cause l'extension des cultures d'expor-
tation. En 1951, les planteurs issus de la noblesse décidèrent de créer
le SIAMO (syndicat inter-professionnel pour l'acheminement de la main-
d'oeuvre). Ce syndicat était subventionné par l'administration coloniale
(1) Ouattara Kara Moko, les formations précapitalistes ivoiriennes du ca-
pitalisme périphérique, mémoire de Maîtrise, 1978, Université Paris-VIII,
Vincennes
(2) Jean Suret Canale, l'Afrique noire, l'ère coloniale, T.2, ed. Sociales,
1964
216
et était chargé de recruter sur place, en Haute-Volta, des manoeuvres
destinês aux plantations de cultures d'exportation (cafê-cacao).
En 1960, en raison des abus du SIAMO, qui ne faisait que re-
prendre les méthodes de la pêriode coloniale (travaux forcês, etc ... ),
le gouvernement voltaïque mit fin à ses actvitês de fournisseur de main-
d'oeuvre locale en destination des plantations industrielles, source d'ac-
cumulation de la bourgeoisie agraire et source de mattères premières pour
le fonctionnement des industries agro-alimentaires de la métropole.
La répartition des travailleurs recrutés par le SIAMO en 1956-57 (1)
1956
1957
Plantations et chantiers européens
Nombre d'entreprises
106
83
Nombre de travailleurs recrutés
12 410
la 351
Plantations africaines
Nombre de planteurs
322
588
Nombre de travailleurs
8 176
7 079
Source
Inventaire économique et social de la Côte d'Ivoire. 1957-1958.
p. 155
Ainsi nous pouvons constater sur ce tableau que. pendant la
période coloniale, les plantations européennes recrutaient un nombre
très importa~t de travailleurs, sans compter le nombre de paysans afri-
cains dépossédés de leur terre, qui affluent vers les plantations euro-
(1) Les documert s utilisés ne nous oerme t tent pas d'avoir une série plus
l onque Sut- la r éper t i t icn de la 'l\\êir-j'oeuvre. entre planteurs européens
217
péennes. Quant aux plantations africaines, qui constituent "1 a noblesse
de tribu~, recrutaient moins de travailleurs surtoutvoltaTques, â cause
du manque de terre. et des possibilités d'accueil. En plus. les salaires
Y.ersésétaient largement inférieurs par rapport à ceux versés par les plan-
teurs européens.
Ainsi 40 % (1) de la main d'oeuvre est introduite en Côte d'I-
voire par le SIAMO en 1956 et 1957 dans les plantations africaines et
60 % (2) dans les plantations européennes. sans compter la main-d'oeuvre
locale. Ne peuvent bénéficier des services du syndicat que les planteurs
européens et les planteurs issus de la noblesse de tribu.
Ne disposant pas de source précise, il nous est difficile d'é-
valuer la main-d'oeuvre disponible qui travaille dans les cultures d'ex-
portation. et celle qui reste dans la production industrielle.
+
+
+
L'orientation de l'agriculture vers le développement du café-
cacao. cultures industrielle~ d'exportation. sans progrès simultané dans
le domaine des cultures vivrières. devait fatalement entrainer une situa-
tion alimentaire dégradée et la nécessité de recourir â des importations
alimentaires. plaçant la Côte d'Ivoire dans la situation de pays agricole
exportant des produits agricoles et important parallèlement des produits
alimentaires.
Les paysans obligés d'accroitre les superficies cultivées en
(1) Les 40 %ont été relevés dans le mémoire de Ma1trise de Ouattara Kara
Moko : "les formations sociales périphériques ivoiriennes au capitalisme
périphérique. 1978. Université Paris VIII
(2) Poupart (Y). dix ans de culture cafèière en Côte d'Ivoire. 1938-1948.
in Agronomie tropicale. nO 3-4. mars-avril 1949, p. 151-156
218
café-cacao, dans le but d'augmenter la production, réduisirent le temps
consacré aux cultures vivrières.La fin d'une relative auto-suffisance
alimentaire s'établit donc à deux niveaux: à celui des campagnes d'abord
où la proportion des surfaces consacrées aux cultures vivrières par ha-
bitant ne cesse de diminuer et où la demande urbaine bouleverse le rapport
production-consommation; à celui du pays tout entier aussi dans la mesu-
re où les populations rurales non seulement n'arrivent pas à satisfaire
les besoins des villes, mais ne parviennent même plus à se nourrir elles-
mêmes.
Dans la section suivante, nous nous attacherons à montrer com-
ment l'exploitation forestière, pour le développement des cultures d'ex-
portation, contribue à accélérer et à rendre irréversibles ces évolutions.
Z19
Section II
L'exploitation forestière contribue à accélérer
et rendre irréversibles ces évolutions
Malgré l'utilisation traditionnelle du terme de "savane" pour
désigner une partie de son territoire, la Côte d'Ivoire est avant tout
un pays boisé; les paysages végétaux des régions du Nord, constituées
presque uniquement de formations arborées (denses, claires), ou arbustives,
s'ajoutant aux forêts ombrophiles et nésophiles de la partie Sud, confè-
rent à la Côte d'Ivoire, une incontestable dominante forestière.
Avec l'extension des cultures d'exportation depuis la période
coloniale, suivie de l'exploitation des bois, la forêt tend à disparaitre
progressivement de nos jours.
L'extension des cultures d'exportation (café-cacao), avec son
accroi ssement depui s l 1 indépendance, met en péril 11 équi1i bre écologi que
de la Côte d'Ivoire.
L'accroissement des cultures d'exportation consomme 450 à 500
ha de surfaces boisées par an, d'après les études de Jean Claude Arnaud.
Celui-ci explique qu'avec cette poussée, il ne reste plus que 3 à 4 mil-
lions d'ha de forêts exploitables (1). Au rythme actuel de destruction
de 450 000 ha par an (2), il n'en restera presque plus en 1985 (3).
(1) J-C Arnaud, les forêts de Côte d'Ivoire, une richesse naturelle en
voie de disparition, Cahiers d'Outre-Mer, n0127, juillet-septembre 1979,
Revue de géographie, p.Z81
(2) Cahiers OR5Tom, Sciences humaines, n01-2, 1979
(3) René Dumont, l'Afrique étranglée, p.219
220
La
destruction de la forêt est faite pour deux raisons : la
première pour l'exploitation du bois (1) ; et la seconde, pour accroi-
tre les surfaces cultivables en café-cacao.
La section sera consacrée à l'étude de l'exploitation forestiè-
re du bois (1) ; entrainant une réduction des surfaces forestières dont
bénéficiént en partie les cultures d'exportation (II) ; ce qui entraine
le risque d'un problème écologique et le non renouvellement des sols (III).
1- L'exploitation forestière du bois
La forêt tient une place très importante dans la vie économique
de la Côte d'Ivoire.
La forêt, non seulement joue une rôle économique, mais condi-
tionne le mode de vie et l'existence d'une population en majorité paysanne.
La forêt exerce une effet de reconstitution du sol sous le cli- .
,
mat tropical, plus encore que dans les régions tempérées. Elle a'~e
action sur la protection des sols, du régime des fleuves, de la conser-
vation des réserves d'eau, bref, conditionne la vie du pays. Les habitants
trouvent dan5 la forêt, en dehors des bois nécessaires à leurs besoins
immédiats, les terrains à défricher pour les cultures.
La forêt, si on lui en laisse le temps, reconstitue la fertilité
du sol épuisé. La jachère arbustive de 10ngue durée, qui refaisait la
fertilité (en 15 ou 20 ans), tend à disparaitre.
La d1sparition de la forêt risque de compromettre le climat et
favoriser la désertification.
L'exemple le plus frappant est non seulement la diminution de
(1) Le bois constitue une des richesses exportables de la Côte d'Ivoire,
après le café et le cacao
221
de la quantité de pluies. mais la variation et l'irrégularité des sai-
sons (1).
Il existe actuellement en Côte d'Ivoire, 600 permis temporaires
sur 1 534 chantiers (402 dans la région d'Abidjan, 345 dans celle de
San Pedro, 330 dans celle de Daloa, 281 dans celle de Man, ... ).
L'autorisation de coupe est personnelle et valable pour un an
renouvelable en cas de demande (2). Un exploitant peut obtenir autant
de chantiers qu'il le désire, à condition de s'installer dans des zones
non encore attribuées.
Le permis de coupe de bois d'oeuvre est accordé pour un certain
nombre de pieds d'arbres répartis sur une superficie donnée: en furêt
dense 20 sujets sur 100 ha au maximum, en savane et dans les zones si-
t,ées au nord des chantiers: 100 sujets sur 400 ha.
Depuis plusieurs années, les peuplements de la basse Côte
(1) Rapport du centre de climatologie de Côte d'Ivoire, juillet 1979
(2) Une nouvelle réglementation de la profession d1exportateur de bois
a été mise en vigueur, le Il septembre 1978, qui stipule
"L'exploitation de bois en grumes ou usinés ne peut être effec-
tuée que par les entreprises agréées par le Ministère du commerce après
avis du Ministère des eaux et forêts. Les conditions pour être agréées
sont les suivantes: être inscrit au registre du commerce; satisfaire
aux obligations des commerçants (loi 1-8-1964) ; être en règle avec l'ad-
.
ministrat10n fiscale; fournir une caution bancaire de 20 millions de
FCFA ; être propriétaire d'une usine de première transformation de per-
sonnes physiques ou morales ivoiriennes; s'engager à respecter la ré-
glementation forestière (décrêt du 28-8-1972) règlementant les expor-
tations de bois en grumes et faisant obligation aux exportateurs d'assu-
rer l'approvisionnement des usines. L'agrément est accordé pour une an-
née et renouvelé chaque année".
222
d'Ivoire sont soumis à de fortes saignées. i1 est bien évident que les
zones de grande production ont dû se déplacer.
Les secteurs les plus riches en bois sont : les régions
d'Adzopé, d'Agboville, d'Abengourou, de Gagnoa, et de Daloa. Tous
ces secteurs sont à l'heure actuelle, livrée à la culture de café,
cacao après exploitation du bois.
La véritable ruée s'est produite à partir de 1958-1959 sur
le peuplement situé entre le Sassandra et le Cavally,
si bien que
cette région, non encore accessible est aujourd'hui attribuée
aux
exploitants. Deux centre d'exploitation, l'un à proximité de Tabou,
l'autre à Néromer.
La Côte d'Ivoire est un grand producteur de bois. Cette res-
source est un des trois pilliers, âvec le café et le cacao, sur les-
quels a été basé le développement économique de la Côte d'Ivdire.
En 1978. par exemple, les ventes de bois (1) (bois en grumes
plus bois débités) ont représenté 13 t des exportations. La proportion
était de 34 %en 1973, il est vrai que du fait de la récession écono-
mique, on a enregistré une baisse sensible des achats émanant des grands
pays industriels. Celà dit, deux problèmes concernant l'activité fores-
tière préoccupent les autorités ivoiriennes:
1/ celui de la conservation ou, du moins, du renouvellement
de ce patrimoine, ce qui est en contradiction avec la politique d'ex-
tension des surfaces café-cacao
2/ celui de la valorisation sur place des ressources fores-
tières. L'ambition du gouve~nement est de parvenir à faire exporter
des bois transformés et nor. plus seulement des grumes.
Cette pOlitique industrielle visant à valoriser sur place les
Jois 10(du' a 8~j2 conn~ ~~e:qjes succès en 1970, 40 % de la production
223
de bois ont été livrês aux industries locales; en 1967, la porportion
nfétait que de 25 %. L'industrie du bois ne fera pas ici l'objet d'un
long examen, car elle sera étudiée un peu plus loin dans cette section.
La production de grumes a dépassé le seuil des 5 millions de
M3. La production est passée de 1 061 M3 en 1960 pour atteindre 5 191 en
1973, après quelques fluctuations en 1964 (2 558 M3) ; 1967 (3 022 M3).
Voir tableau suivant.
Production de grumes en 1 000 M3 de 1960 à 1979
Année
Production
Année
Production
1960
1 061
1973
5 191
1964
2 538
1974
4 626
1967
3 022
1975
4 025
1969
4 276
1976
5 072
1970
3 882
1977
5 238
1971
4 168
1978
5 300
1972
4 128
1979
5 450
Sourre
Bulletin de l'Afrique noire, n° 994, 7 mars 1979
Côte
d'Ivoire en chiffres, €O.
1980-1981
Le potentiel de bois commercialisable (diamètre supérieur
à 60 cm) de la Côte d'Ivoire serait passé de 237,5 miïlions de M3 en 1974
(45,2 millions de ~13 de la catégorie 1) à 166,4 millions de M3 en 1978
(27,9 millions de M3 de la catégorie: aboudikrou, aniegué, bété, koto,
diama, sipo, etc.).
Les prévisions de production portent sur 4 millions de M3 en
1980-1981 (1 900 millions de M3 de bois déroulage) et 1985.
Ce qui correspond à une déforestation importante (1). Les sta-
(1) Bulletin de l'Afrique Noire, n° 1 015, 12 septembre 1979, p.19 667
224
tistiques globales. relatives à la production des bois ivoiriens. appellent
Tes remarques suivantes :
- Après quatre années consécutives de progression. la production de bois
siest trouvée sensiblement ralentie du fait de la baisse de la demande sur
les grands marchés des pays industriels. à la suite de la récession écono-
mique, et la part des quantités livrées aux industries locales ne cesse
d'augmenter".
- Les livraisons de grumes aux industries locales
Le tableau suivant nous donne 11évolution de grumes livrées aux in-
dustries locales de 1968 à 1979. (En 1 000 M3)
.
.
Années
Production livrée
Années
Production livrée:
19'68
850
1974
1 596
1969
975
1975
1 553
1970
950
1976
1 797
1971
950
1977
1 983
1972
950
1978
1 874
1973
1 594
1979
1 751
Source
Bulletin de l'Afrique noire, n° 994, 7 mars 1979
La production de produits se situe à 655 161 M3 en 1977, contre
593 256 M3 en 1976 ; S52 000 M3 en 1975 ; 400 000 M3 en 1969 et de 200 000 M3
à 300 000 M3 entre 1965 et 1968.
Les entreprises (1) chargées du déroulage, du tranchage et contre-
plaqué sont les suivantes
(1) Nous avons choisi quelques entreprises prioritaires pour notre étude. Il
y a actuellement 110 entreprises, dont 63 disposant de scieries.
225
- La Société industrielle des bois (SIBOIS), filiale de la Société commer-
cilae de l'Ouest africain (SCOA), SCDA industrie a pout objet l'exploitation
forestière. Cette société dispose d'une scierie, d'une usine de déroulage et
de contreplaqués, dont 70 % des capitaux sont français; 22,70 %allemands
et 7 % la forestière équatoriale.
- La Compagnie des scieries africaines (SCAF), filiale de la SeOA industrie,
disposant d'une scierie de placages, de contreplaqués, et de panneaux de
particules, 78 % des capitaux à la SCOA industrie, société française; 1,93 %
à l'Occidentale Africaine; 20 %divers.
- La Compagnie industrielle du bois (CIB), dsiposant d'une usine de déroulage,
65 %des capitaux à société Mussi Bianchi Fossati, société italienne et 35 %
prfvés ivoiriens.
- La Société ivoirienne de transformation des bois (SITRANSBois), 80 %des
capitaux sont ivoiriens et 20 %étrangers.
Compte-tenu de la capacité de sciage actuelle, l'accroissement du
déroulage potentiel concernera essentiellement le déroulage et le tranchage.
L'expansion de la transformation sera accompagnée d'un développement de l'in-
dustrie de seconde transformation qui traitera annuellement 1,5 millions de M3
en 1980-1981 et 2 millions en 1985, selon les prévisions (1).
Le tableau suivant nous donne l'importance des exportations de bois
de 1950 à 1979. Ce tableau met en évidence, outre la valeur du cubage annuel
exporté, mais aussi fourni, les principales essences commerciales.
Ainsi donç, les exportations de bois
ont sensiblement quadruplé
enro ans, en passant de 133 686 M3 en 1950 à 633 691 M3 en 1960 (2).
(1) La Côte d'Ivoire en chiffres, ed. 1980-1981
(2) On obtient ce chiffre en additionnant les essences par année.
226
Cet accroissement n'a, toutefois, pas été continu, puisqu'une crise, d'ail-
leurs de courte durée, siest manifestée en 1952, année où le cubage sorti
a été inférieur à 100 000 M3. Mais depuis cette époque et surtout depuis
1956, l'augmentation de la production exportée s'est pousuivie, mais avec
quelques fluctuations, à un rythme moyen annuel d'environ 90 000 M3 grume
par an.
Les exportations de bois ont représenté un total de 85,3 milliards
de francs CFA en 1977, contre 78,3 milliards en 1976 et 66 milliards en 1974(1)
Au cours de l'année 1979, les exportations de bois grumes se sont
élevées à 1 950 931 M3 les neufs premiers mois, contre 1 924 088 M3 pour
la même période en 1978, soit une très légère augmentation de 1,4 %.
En valeur, les exportations ont porté sur 46 351 267 FCFA contre
40 396 491 FCFA, soit une augmentation de 14,9 %environ pour la même pério-
de en 1978 (2).
Voir tableau page suivante
Evolution des exportations de bois
par essences (1000 M3). Tableau A.
Au niveau des pays importateurs, l'Italie demeure le premier client
de grumes ivoiriens, avec 836 538 M3 (contre 1 095 757 en 1976 ; 726 830 M3
en 1975 ; 884 002 M3 en 1974 ; 1 043 765 M3 en 1973), devant la France (567
069 M3 contre 4ô4 258 M3 en 1976) (3).
Le tableau B page 216 nous montre une forte montée des exportations
des grumes en 1976, puis une régression rapide à partir de 1977. Cette régres-
sion est dûe au manque de politique de reboisement depuis les années 1960.
La déforestation correspond au rythme d'extension du café et du
(1) La Côte d'Ivoire en chiffres, ed. 1980-1981
(2) 1dem
(3) Bulletin de l'Afrique noire, n0994 du 7 mars 1979, p.19 312-19 313
227
Tableau A Evolution des exportations de bois par essences (1000 m3)
!>'nnées : SAMBA (l) :
SIPO
ACAJOU
MAKORE
TIAMA :ABOUDIKA:
BETE
ILOMBA
-------+--------+--------+--------+--------+--------+--------+--------+--------;
1950
18 006:
9 466:
26 203:
15 225:
16 609:
S- 632
·
·
1952
5 388:
9 907:
19 278:
18 347:
6 072:
6 882
1954
28 918:
15 543:
31 238:
24 956:
10 177: 10 260
1 464
·
1956
21 941:
34 703:
67 081:
29 813:
13 434: 15 950
2 150
1957
60 581:
38
·
040:
51 000:
31
·
929:
21 277: 18 285
1 341
969
·
·
·
1958
72 730:
89 079:
77 730:
40 336:
20 383:
28 294
2 488
1 319
1959
90 496: 114 065:
83 502:
47
·
149:
22 487: 32 235
2 414
5 563
·
.
1960
188 330:
159 462:
97 659:
37 507:
47 601:
52 671
4 244
6 219
1968
714 086: 663 583: 157 582: 128 304: 141 339:142 160 :114 340
23 595
·
·
·
.
1970
717 349:
462 769: 137 524: 154 023: 127 465:120 564 :152 703
83 567
1973
:1024 937:
307 824: 171 058: 151 062: 157 242:129 852 :143 177 :118 130
·
·
.
1974
905 677: 104 459: 107 482: 113 455: 117 738:
93 046 :122 423 :108 164
·
:
1975
838 564: 123 752:
81 022:
68 363:
77 325: 62 394
62 667
97 429
.
:
1976
: 1020 000:
83 200:
98
300:
63 400:
95 500:
71 600
88
700 :136 200
1977
801 660:
79 216: 112 685:
73 923: 115 510: 82 455
78 216 :153 670
·
1978
535 461:
63 187:
73 309:
53 070:
77 533: 51 986
60 634 :123 855
1979
466 910:
46 910:
59 626:
35 946:
53 053: 35 038
43 048
60 803
·
,ource
1950-1959, Revue encyclopédique de l'Afrique,
n°
2,
1960
1957, Bulletin de l'Afrique Noire,
n°
994,
7 mars 1979, p. 19313
1960-1979, La Côte d'Ivoire en chiffres éd. 1980-1981
L)
Pour les essences traditionnelles, le Samba enregistre une diminution de
20 % (801 661 m3 au lieu de 1 019 979 m3 en 1976)
228
Tableau B
Exportation par paY5 (en M3)
CEE
1976
1977
1978
1979
"
France
484 258
567 069
474 149
409 065
Royaume Uni
69 377
57 337
51 203
46 752
U E B L
103 549
48 542
51 409
37 360
Pays Bas
140 829
119 555
90 018
68 856
RFA
239 561
214 261
185 268
135 196
!ta1i e
1 095 757
836 538
727 774
634 720
Danemark
10 119
4 280
1 935
665
Total
2 143 450
1 847 582
1 581 756
1 329 615
Source
La Côte d'Ivoire en chiffres, ed.1980-1981
cacao. D'après les statistiques du Ministère des eaux et forêts, les livrai-
sons de grumes aux usines de transformation de bois ont été de 1 751 485 ~3
en 1979 et de 1 873 763 M3 en 1978 et 1 983 323 M3 en 1977.
Ce taux de fourniture de grumes représente 38,6 %de la production
globlae, il est en diminution par rapport à 1978 : 43 %, mais reste supérieur
à 1977 : 37 % et 35 %en 1976.
Si 1'on cumule les statistiques d'exportation des bois en grumes de
la direction du commerce extérieur (Doua~), qui s'élèvent à 2 788 746 M3
la production globale 1979 s'est élevée à
4 540 231 M3 contre 4 394 817 M3 en 197&, soit une augmerota~iGn totale de
229
production de + 3,3 %.
Les exportations de bois sciés ont été de 233.660 663 M3 en 1979,
contre 280 075 713 M3 en 1978, soit une diminution de 16,6 %.
Il est bon de rappeler que le potentiel global était en 1956 de
9 800 000 ha (1). quinze années après, il est tombé, selon le Centre forestier
tropical, à 6 300 000 ha et l'abattage détruisait Jors en 1970, quelques
290 000 ha par an . Sur de telles bases, la Côte d'Ivoire risquait de ne
plus disposer dans quelques années que d'une faible potentiel de réserves
forestières, dans la mesure où la frénésie de la hache les aurait épargnés.
Des efforts, trop timides, sont réalisés en ce qui concerne la reforestation
depuis quelques années.
11- Cette exploitation entraine une réduction des surfaces forestières
(dont bénéficient en partie les cultures d'exportation)
L'extension des cultures d'exportation nécessite une déforestation mas-
sive de la forêt, ce qui, à long terme, favorise la désertification et le recul
de l'exploitation des bois. Après l'indépendance, le gouvernement a pris la
décision de diversifier la production et d'étendre les cultures d'exportation,
principalement le café et le cacao et le bois.
Acette fin, deux objectifs majeurs ont été fixés dans le développement
de l'agriculture ivoirienne: la vulgarisation et la transformation des modes
culturaux. Il faut toutefois, souligner que, la production de café-cacao, se-
lon la politique ivoirienne, doit croitre à un rythme soutenu de 20 000 à
40 000 ha en plus par an (2)
(1) Marchés tropicaux et méditerranéens, 30 septembre 1977, n° 1664, p.2641
(2) Revue économique et financière ivoirienne, Ministère de l'économie, des
finances et du plan, n08, septembre 1979
230
Dans la région de ~agnoa, d'Adzopé et d'A~gourou, par exemple, une
grande partie de la forêt a été détruite pour faire place aux cultures de
rente d'exportation (cacao-café-palmier à huile).
Jusque là cette forêt était occupée par les paysans pour la production
des cultures vivrières.
L'exploitation du bois, fait place à l'extension des cultures d'expor-
tation, ce qui entraine une réduction des surfaces forestières, une réduction
des surfaces consacrées aux cultures vivrières.
Les bois exploités sont exportés en France (3/4 de la production), re-
présentant en valeur 10 %de la production nationale après le café et le ca-
cao (40 %). Le chiffre d'affaires des sociétés exploitant le bois est estimé
à 8 milliards d'anciens francs (1).
Les régions du Sud-Ouest sont les plus menacées par cette exploitation
anarchique.
L'utilisation intégrale des forêts au profit des cultures d'exportation,
peut causer un problème grave pour les cultures vivrières et aussi pour l'é-
quilibre écologique (2).
La transformation d'une forêt en un terrain nu, entraine irrémédiable-
ment un phénomène de lessivation, de retard de recrue forestière.
Le développement des cultures d'exportation, le développement démogra-
phique, la politique de produire plus pour la satisfaction du marché extérieur
sans tenir compte des besoins intérieurs, poussent 1'homme à la destruction de
la forêt et à la rupture de l'équilibre écologique.
La quasi disparition de la forêt, dans le but de faire place à la cul-
(1) Morallet (J), les bois tropicaux en Afrique d'expression française, in
Tropique, janvier-mars 1962, p.39-41
(2) Revue trimestrielle, publiée sous les auspices du Centre technique fores-
tier tropical, bois et forêts des Tropiques, n° 181, septembre-octobre 1978,
p. 3-14
231
ture du café et du cacao, n'a pas été seulement causée par ces deux produits,
mais aussi par l'exploitation massive dw bois. Ce qui est relatif, puisque
l'exploitation du bois fait place à la culture de rente.
111- L'exploitation du bois entraine le risgue d'un problème éco10gigue
et le risque de non renouvellement des sols
Après exploitation du bois, la terre est livrée à la culture du café-
cacao. Aucune politique rigoureuse de reboisement n'a été entreprise par le
gouvernement ivoirien. La forêt ivoirienne est attaquée sur deux fronts:
- elle fait l'objet d'une exploitation intensive qui tend à l'appauvrir qua-
1itativement d'une part;
- à la diminution de celle-ci d'année en année au profit des cultures d'ex-
portation, à" un rythme inquiètant sous l'action d'une pression agricole d'ex-
portation, dautre part.
Une des conséquences de cette.,exploitation outrance est
le problème écologique etl'6rosio~ En milieu tropical, les 'pluies
sont particulièrement ~grissives. De grandes masses d'eau se
précipitees à la surface de la terre en des temps très courts. L'érosion est
un phénomène physique dont les conséquences économiques peuvent être primor-
diales, tant pour 1lagriculteur qui peut voir disparaitre les ressources en
terre dont il dispose, que pour la communauté entière qui peut constater les
détériorations profondes de son terroir: changement de relief, création de
ravins, modification du régime des sources, disparition du sol, affleurement
rocheux, etc ...
Cette érosion provoque la disparition de quantités parfois considéra-
bles de sol et des ressources minérales qui y sont contenues, bref, le sol
est livré à l'insolation.
Les multiples formes d'érosion, par l'eau et par le vent, peuvent accen-
tuer la désertification.
232
L'agriculture ivoirienne connait un type dJexpansion grand consomma-
teur d'espace, du fait de la prédominance d'un système de culture extensive.
L'abattage des bois et ~leur exportation, donnent place aux champs de
café-cacao.
Cette attaque de la forêt, est l'oeuvre d'une politique impérialiste,
menée par les couches sociales qui ont accédé au pouvoir à l'indépendance,
pour que la domination impérialiste puisse se poursufvre.
Cette politique néglige en grande partie le reboisement, source de re-
nouvellement du capital forestier. La bourgeoisie agraire ne voit que son in-
térêt immédiat sans tenir compte des structures socio-économiques et humaines
que celà peut
impliquer à long terme. La déforestation progresse d'abord le
long des routes, la plupart du temps des voies de vidanges ouvertes par les
exploitants forestiers.
Mais il convient tout de même de ne pas oublier que les formations
forestières de ce type ne sont pas inépuisables et qu'en conséquence, si
1 'on ne prévoit pas dès maintenant un vaste programme d'enrichissement de la
forêt, il arrivera un jour que, comme dans les pays tempérés, la production
•
atteindra un plafond. Ce genre de déforestation est vivement encouragé par la
bourgeoisie agraire locale, qui ne voit que ses intérêts.
L'ouverture d'une route dans un massif intact est le commencement de
la fin de la forêt.
La pression agricole étant importante et les besoins en terres pres-
sants, les défrichements
se généralisent en profondeur et la forêt est gri-
gnotée presque simultanément sur toute sa surface.
Cette façon de procéder aboutit à deux solutions favorables à la bour-
geoisie agraire locale qui contrôle l'appareil d'Etat:
- la première solution consiste à exploiter le bois, le transformer ou non,
233
et l'expédier dans les pays de la métropole;
- la deuxième solution; après cette exploitation de bois, la terre fait
place aux cultures d'exportation (café-cacao), base objective d'accumulation
pour la bourgeoisie agraire. En outre, vue la spécia)isation dépendante initiée
pendant la période coloniale, le café et le cacao constituent les principales
sources de revenu pour l'économie ivoirienne. De ce fait, le gouvernement n'hé-
site pas à détruire la forêt au profit des deux cultures spéculatives sans
tenir compte des besoins de la population en produits vivriers.
La dégradation forestière a pris une importance tellement grande, qu'elle
met en cause l'équilibre écologique.
Conclusion. contrairement à l 'opinion établie par les responsables du
gouvernement du pays, qui pensent qu'il faut développer rapidement la Côte
d'Ivoire en exploitant tout ce qui est exploitable pour faire valoir le mi-
racle ivoirien, nous pensons qu'il serait souhaitable d'accorder une certaine
priorité aux cultures vivrières pour, non seulement dépendre moins de l'ex-
térieur, mais aussi pour préserver notre patrimoine forestier.
Cette exploitation forestière, qui fait place aux cultures de traite,
est responsable de l'appauvrissement de la population rurale, du déséquilibre
alimenta1re, de la malnutrition, de la sous-alimentation et de la misère gé-
néralisée dans 1~s campagnes.
tes conséquences de la disparition de la forêt au profit du café-cacao
sont grâves sur le plan agricole. La forêt est, en pays tropical, tradition-
nellement, le support de l'agriculture. Sans couvert forestier, les sols se
dégradent rapidement et perdent irréversiblement tout pouvoir productif. L'ex-
tension rapide des produits d'exportation, met la Côte d'Ivoire en situation
de déséquilibre alimentaire, d'où dépendance alimentaire vis à vis de l'exté-
rieur pour parer à ce déséquilibre.
Le bloc forestier est fractionné un peu partout, entrainant la lisière
234
vulnérable et l'individualisation d'unités forestières, souvent trop petites
pour contenir de grands mammifères, tels que l'éléphant, qui multiplie
,~
c les dêga.ts., surlies vivriers. I1s sont parfois l'objet de "battues", ce
qui accentue le processus drexterminati~R.
Pour nous, la désertification est le constat d'échec d'une politique
de prestige, menée par la bourg.eoisie locale ivoirienne.
La régression de la forêt. au profit des cultures d'exportation. aura
non seulement un effet défavorable sur l'équilibre écologique, mais provoquera
une insuffisance des productions vivrières, qui sera l'objet d'analyse de la
troisième section.
235
Section III
L'insuffisance des productions vivrières et
ses conséquences
L1insuffisance des productions vivrières est Je résultat d'une politi-
que axée sur les cultures d'exportation.
La rareté des produits vivriers sur les marchés (1) oblige la Côte
d'Ivoire à importer des produits vivriers pour pallier au déséquilibre alimen-
taire. Pendant la p~riode coloniale, si tous les paysans se sont sentis obli-
gés de cultiver les produits d'exportation, c'était tout simplement pour s'ac-
quitter de leurs impôts sous la contrainte. Cette obligation de produire pour
le système productif de la métropole plonge toute la popualtion rurale dans
la misère. Les disettes étaient aussi fonction des destructions opérées par
l'armée coloniale, sur les réserves des cultures vivrières, dans le but d'o-
bliger la population à se consacrer aux cultures d'exportation.
Il ne faut pas oublier que, pendant la période coloniale certaines cul-
tures vivrières étaient arrachées aux paysans (comme le mais) pour être ex-
portées pour les besoins de la France en guerre, alors que ceux de la popu-
lation étaient loin d'être satisfaits. Cette mesure contribuait à l'aggravation
du dèsêqui l ibre a1fmentaire et à l'apparition de la disette.
En 1908, l'exportation du mais s'est heurtée au problème de transport
et de conservation. l'année suivante (1909), l'industriel Balester (2), a pas-
sé en vain une annonce dans le Journal officiel des colonies pour proposer un
contrat de four~iture de 3 000 tonnes de manioc par an à un planteur. Aucun
(1) La Côte dTvo re , rapport politique du premier trimestre 1920, A 0 F,
î
2 G 20, ID, AN, ParÎS
(2) Balester, industriel, 16 rue Meymacher, Paris, JOCI, 1909
Domergue Cloa-
rec, la Côte d'Ivoire, de isoz s 1920
-------."~
236
planteur colon n'était en mesure de le satisfaire. Ce sont les lieutenants
gouverneurs de la colonie qui ont proposé à l'administration centrale de
fournir des denrées alimentaires pour venir en aide à la France en guerre.
En 1915, le lieutenant gouverneur signale 1'intérêt ~u manioc, du mais, de
l'igname et des patates pour la défense nationale. La politique coloniale met-
tait la population à bout de souffle, non seulement plus des 3/4 des terres
étaient consacrées aux cultures d'exportation, donc 1/4 aux cultures vivrières,
ce qui n'était pas suffisant pour couvrir les besoins en produits vivriers.
Le fait le plus marquant fut la collecte des produits vivriers par les colons,
et leur expédition en France, pour aider la Mère Patrie en guerre.
En 1916, il devient évident que la guerre sera longue et difficile, les
charges imposées en conséquence aux populations de la colonie s'enrichissent
de l'effort économique, et en plus, de la mobilisation militaire.
La mobilisation économique a concerné toutes les colonies de l'AOF. Les
exportations vers la France ont pu être coordonnées au niveau de la fédération.
Le ministère du ravitaillement notifie les besoins de la métropole au
gouverneur général qui, à son tour, détermine la contribution de chaque co-
lonie.
L1Afrique Occcidentale Française (AOF) devait fournir 35 000 tonnes de
grains pour les besoins de la défense nationale à la date du 1er décembre 1916.
La répartition des denrées pour toute l 'AOF est la suivante(en tonnes)(l)
Sénégal et Haut Sénégal
Mil
20 000
Gu i née. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Paddy-Mi 1. . . . . . . . . . . .. 5 600
Côte d' Ivoire
Mil-Mais
4 050
Dahomey
Mi l-Hari cot.
500
Source: AOF, Affaires politiques, carton n03 044, AN SOM
(1) Côte d'Ivoire, rapport de 1'inpecteur Picanon au ministre des colonies,
28/02/1917, AOF. Affaires politiques, carton n03ü44, AN.SOM
237
Il appartient à chaque administration locale d'obtenir des habitants
la fourniture des quantités éxigées.
Produits vivriers exportés par la CJ vers la France (en tonnes) (1)
Années
Mals
Mil
Paddy
Ricin
Piment
~
~
1916
307
3
8
84
1917
2 422
224
540
15
78
1918
199
2
53
78
4
La politique coloniale, non seulement oblige les paysans à
produire pour la métropole, mais aussi contraint la population à donner une
partie des récoltes en produits vivriers à la Mère Patrie en guerre.
Celà nous amène à étudier l'insuffisance des productions vi~
vrières (1)
et la nécessité d'importer (II).
1- Insuffisance des productions vivrières
Le déséquilibre alimentaire, la sous-alimentation et la mal-
nutrition en Afrique, selon Diarassouba, n'étaient pas absents de la société
précoloniale. Il poursuit en disant que cette insuffisance alimentaire, ce dé-
séquilibre, reflétaient l'insuffisante maitrise de la nature (1).
Cette affirmation nous parait contradictoire, dans la mesure
00 toute l'organisation de l'économie paysanne précoloniale, était structurée
en fonction des ressources existantes et surtout en fonction de son objectif
qui était d'assurer la subsistance de la communauté rurale.
Avant la pénétratînn française, la communauté rurale était
(1) DiarassoubA, 11 'évolution des structures agrico~es du Sénégal,ed. Cujas,
1968
238
organisée sur des bases lignagères. La terre était abondante et chaque famille
en disposait en quantité voulue pour son équilibre alimentaire, sans contrain-
te extérieure, mais ~QUS le contrôle du chef de tribu, avec les moyens techni-
ques que possédaient cette communauté. Ces moyens lui permettaient de produire
ce dont elle avait besoin pour sa survie.
Même si elles ne maîtrisaient pas la nature, ces communautés s'auto-
suffisafent avec les moyens dont elles disposaient pour mettre la terre en va-
leur. Il n'y avait pas de déséquilibre alimentaire, ni de malnutrition et de
sous-alimentation dans la période précoloniale.
Cependant, avec l'ouverture de la communauté sur les autres pays
africains, l'organisation économique précoloniale avait dépassé le stade de la
production autarcique de subsistance.
Les échanges interafriBains se faisaient entre produits vivriers,
contre d'autres produits. Exemple: Produits agricoles contre fer, outils,
bijoux, tissus, etc ... Le surplus n'était plus stocké dans les greniers, mais
échangé contre des produits manufacturés.
La division du travail n'était pas axée sur l'exploitation des plus
faiblement organisés. mais sur des échanges égalitaires.
Le déséquilibre alimentaire, la malnutrition, la sous-alimentation
sont apparu5 avec la colonisation. L'introduction des cultures d'exportation
dans l'économie traditionnelle (1) a entrainé une rupture de cet équilibre.
Ceci a eu pour conséquence; le déséquilibre alimentaire et le blocage de
l'agriculture vivrière en Côte d'Ivoire.
(1) Basil Davidson. Mère Afrique, PUF, 1965
- J.Suret Canale, l'Afrique Noire, ed.Sociales, Paris, 1958
- Brigaud. Histoire moderne et contemporaine du Sénégal, études sénégalaises,
n09~ 1966
239
- Accentuation de l'insuffisance des productions vivrières
après '·indëpendance
Après l'indépendance de la Côte d'Ivoire, la France, par l'inter-
médiaire du Fonds d'aide et de coopération (FAC) , finançait les dépenses
d'infrastructure, et orientait le développement de l'ex-colonie dans le
sens de ses intérêts, dans un cadre néo-colonial. Le FAC prenait en charge
les infrastructures et les cultures d'exportation, que la Côte d'Ivoire
fournissait à des prix très bas.
Par contre, l'impérialisme français refusait de financer les cul-
tures vivrières, seul moyen de libérer le pays de la contrainte extérieure,
sur le plan vivrier. La situation de l'insuffisance de la production vivrière
a été créée par l'impérialisme français, depuis la période coloniale, à cause
de la priorité accordée aux cultures d'exportation, suivie par une expropriation
des paysans.
Depuis la colonisation de l'Afrique en général, et de la Côte d'I-
voire en particulier, elle n'a jamais cessé d'être pillée. Le pillage se pro-
longe de nos jours par l'échange inégal, comme le souligne le professeur
Samir Amin: "sous-paiement des matiêres premières agricoles, surfacturation
des produits fabri qués et bi ens d' équipement' (l).
Les cultures d'exportation ne cessent de se développer, car elles
procurent les devises engagées pour satisfaire les désirs des responsables
composant la bourgeoisie àgraire locale, au service de l'impérialisme fran-
çais.
L'impérialisme français accorde des crédits pour le dêvel op-
pement des cultures d'exportation, facteur d'apport de devises. Par contre,
les cultures vivrières ne sont l'objet ni de crédit, ni de conseil. La des-
tination extérieure des produits agricoles commercialisés a permis au capi-
(1) Samir Amin, le développement inégal, ed. de Minuit, p.173-2D3, chapitre IV
240
lisme français et
à la bourgeoisie agraire locale de réduire sans cesse
la rémunération du travail paysan, par une détérioration des termes de l'é-
change (1). (Nous aurons l'occasion d'approfondir cette question dans la
troisième partie de notre travail).
L'absence d'auto-suffisance alimentaire s'est accentuée avec
la ~litique de prestige menée par la Côte d'Ivoire. Cette politique de pres-
tige est basée sur la destruction totale du système agraire traditionnel.
Ce qu'il faut aux responsables de la politique ivoirienne, explique le pro-
fesseur Dumont, ce sont des produits d'exportation. Clest pour eux, continue
le ~rofesseur Dumont, le seul moyen d'avoir les devises qui leur permettront
d'acheter, non seulement les équipements industriels, mais surtout les biens
de consommation de luxe qu'ils jugent indispensables à leur standing (1).
Nous pensons qu'une indépendance alimentaire est nécessaire
à la Côte d'Ivoire. Cette indépendance alimentaire se pose en termes conflic-
tuels entre le développement des produits d'exportation et l'insuffisance
alimentaire de plus en plus prononcée.
Dans un pays comme la Côte d'Ivoire, tant qu'il ne peut y
avoir de relations cohérentes entre l'agriculture industrielle, branchée
sur le système productif de la métropole et l'agriculture vivrière
source
t
de satisfaction
des besoins alimentaires de la population, on risque d'abou-
tir à un freinage, ou même à un blocage de la croissance tant convoitée par
la bourgeoisie agraire qui contrôle l'appareil d'Etat.
Comment peut se présenter le rôle de l'agriculture vivrière
dans ce freinage et quelles sont éventuellement, les possibilités de solu-
t;~ns en Côte d'Ivoire?
(I} René Dumont, l'Afrique se suicide, interview de Michel Leclercq, paru
~ansParis Match, n° 2533-1653, du 30 janvier 1981
241
- Freinage ou blocage du développement dans le secteur agraire
L'importance de cette question vient essentiellement du fait
quet tout freinage ou blocage en Côte d'Ivoire de la croissance dans le sec-
teur agricole t finit par se transmettre aux autres .secteurs sur le plan inter-
ne. Pour Joseph Klatzmann t le blocage du secteur agricole s'expliquerait par
"des difficultés et freinage du développement économique t à cause des struc-
tures mentales et des habitudes sociales liées au changement des institutions(l
A partir de cette analyse t l'auteur indique tout ce quit selon
luit peut provoquer le freinage ou blocage du développement dans le secteur
agricole: "l 'incapacité des paysans à faire face aux dépenses d'investisse-
ments pour accroître leur production t et la trop grande importance accordée
aux cultures d'exportation sur l~agriculture vivrière".
Le problème vivrier n'en fut pas allégé pour autant: entre
1936 et 1940 t la moyenne des importations de riz s'éleva à 72 000 tonnes par
an (2)
Les rapports annuels des services de l'agriculture fournissent
des es.ti6ns qui ont été reprises par Samir Amin: "l es consommations ali-
mentaires étaient de 179 000 tonnes de paddYt 125 000 tonnes de maïs et 57 000
tonnes de mil t sorgho et fonio t ce qui fournit en moyenne pour l'ensemble
des ruraux t 850 calories par jour t par tête (40 %de la ration de calories)
en 1963 t pour une population de 3 050 000 habitants. Environ 60 %de la ration
de calories devaient alors être fournis par les racines et les tubercules. La
consommation alimentaire vraie de ces produits n'aurait pas dépassé en 1963 t
pour l'ensemble des campagnes ivoiriennes, l'équivalent de 1 550 000 tonnes
(1) Joseph Klatzmann, les blocages du développement dans le secteur agricole
in "revue Tiers-Monde", tome VIIl t n029, janvier-mars 1967 t p.45
(2) En 1941, un administrateur propose, pour pallier au déficit alimentaire,
de rationner la population en ordonnant, en accord avec les ?utorités reli-
gieuses, 2 jours d'interdiction de consommation de mil, de riz et de maïs,
chaque semaine (source, dossier des produits vivriers, archives de Côte d'Ivoire
242
d'ignames frais, sans oublier que les semences absorbent au moins 426 000 tuber-
cules d'ignames, soit 24 %, 25 % de la récolte" (1) .
Les consommations de céréales par les urbains sont aussi, pro-
bab l ement , largement i nf êri eures aux importati ons de -l' extéri eur
une parti e
du riz et du blé d'origine étrangère est destinée, en fait, à la consommation
rurale, dans les régions de plantations où les disponibilités monétaires per-
mettent de s'offrir ce luxe.
L'orientation vers une culture industrielle sans progrès simul-
tané dans le domaine des cultures vivrières, devait fatalement entrainer une
situation alimentaire dégradée et la nécessité de recourir à des importations
alimentaires, plaçant la Côte d'Ivoire dans la situation de pays agricole ex-
portant des produits agricoles et important parallèlement des produits ali-
menta ires.
A l'inarticulation de l'économie, s'ajoute la dépendance ali-
mentaire. Cette insuffisance alimentaire a donné naissance à une forme d'en-
dettement dans le secteur rural.
- Les formes d'endettement en milieu rural
Les paysans ne percevant de revenu monétaire qu'une fois l'an,
utilisent une partie de ce revenu pour faire face aux nombreux besoins qui
apparaissent au moment de la traite, réparties de la façon suivante:
Vente de café (350 kg, 300 F le kg, valeur 105 000 FCFA)
cacao vente (560 kg, 300 F le kg, valeur 168 000 FCFA), pour la campagne 1979-
1980 (2).
(1) Samir Amin, le développement du capitalisme en Côte d'Ivüire, ed. de ~i
nuit, 1967, p.49
(2) Enquête réalisée par N'CHe p..yi:::. étuciant er , DEA à l'Ur:iversité d'!-bidj2 n •
en 1979-~92û daGs la région c ~czc~é,
243
Recettes
Dépenses
Café
105 000 FCFA
Achat aliments
20 000
Cacao
168 000 FCFA
pétrôle
9 000
Total
272 000 FCFA
Salaire Manoeuvres
20 000
Scolarisation 2 enfants ... 50 000
Achat médicaments
30 000
Dette antérieures
150 000
Divers
43 000
Total Recettes .. 272 000 FCFA
Tota 1
272 000
A la période de soudure, les paysans s'endettent auprès des
Libano-syriens. Le paysan producteur ne possède à aucun stade la
maitrise des cultures commerciales qu'il pratique: sa sous-rémunératiol
systèùatique par rapport aux cours mondiaux par la fixation d'un prix
national du produit (nous verrons le problème dans la troisième
partie), empêche toute possibilité de formation d'une épargne agricole
et, conséquent, de modernisation de son exploitation. Le bailleur de
fonds, c'est à dire le Lybano-syrien, a une main mise sur la culture
du café-cacao à venir. Le paysan est obligé d'accepter cette s~tuation
pour ne pas mettre sa famille dans une situation désastreuse.
A côté de ce mode d'attribution de crédit organisé par les
Lybanais, il y a la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA),
qui accorde des crédits, mais à deux conditions:
1°) Tout demandeur de crédit doit être avalisé par un fonction-
naire d'Etat ou être un gros producteur et avoir un revenu stable;
2°) Accepter les conditions imposées par la BNDA, plus le taux
d'intérêt fixé. qui varie entre 20 et 40 % du montant du crédit (1).
(1) Enquête auprès de la BNDA, mai 1980, dans le but d'étudier les
modes d'attridution des crédits.
244
Le revenu perçu par le paysan en période de traite, ne suppri-
me pas l'endettement, c'est finalement un cercle vicieux et une dépendance
organisée vis à vis des paysans par les bailleurs de fonds.
Le tableau suivant permet de suivre 1 'évolution de la produc-
tion de café et de cacao depuis 1950 jusqu'en 1980, par rapport à l'évolution
de la production vivrière dans la même période.
Le cacao évolue d'une façon régulière, de 57 000 tonnes en
1950, la production est passée successivement à 93 000 tonnes en 1960 ; 103 000
tonnes en 1962 ; 147 000 tonnes en 1964 ; 149 000 tonnes en 1966 ; 180 000 ton-
nes en 1969 ; 208 000 tonnes en 1973, pour atteindre 336 000 tonnes en 1980,
avec quelques légères fluctuations en 1961, 1963, 1972 et 1978, dues aux mau-
vaises conditions climatiques.
Quant au café, l'évolution est beaucoup
plus lente avec des
chutes de production en 1961, 1966 et 1980.
Dans l'ensemble, nous pouvons parler d'évolution, puisqu'à
part les conditions climatiques, les terres arrachées aux cultures restent
inchangées.
Par contre, la production des cultures vivrières, comme le
mil, qui était de 50 000 tonnes en 1950 ; 87 000 tonnes en 1955, est passée
depuis 1962 à 41 000 tonnes. Depuis cette date, la production du mil n'a pas
pu atteindre son seuil de 1950. Celà est valable à quelque chose près pour les
produits vivriers, comme la banane plantain, le sorgho, sauf le riz et le
mais. Si nous prenons comme exemple l'igname, pour illustrer notre démonstra-
tion, nous constatons qu'en 1950, la production d'igname était de 2 200 000 ton-
nes, pour une population de 2 775 000 habitants. De 1950 à 1980, la population
a été multipliée par quatre, passant de 2 795 000 habitants en 1950 à 8 189 000
habitants, alors que la production d'igname a diminué de moitié: de 2 200 000
245
EVOLUTION COMPAREE DE L'AGRICULTURE VIVRIERE
(Igname -
Riz -
Mil -
Maïs,
etc)
ET DE L'AGRICULTURE D'EXPORTATION (café-cacao)
de 1950 à 1980 (en millions de tonnes)
------------------------~-~-~-~-~-~-;-~-=-~=-'
Prcduction . .
. • . • . ~-~-~-~-~-;-~-;-~-~-~-----I·---:-----:----;----:-----;-------::-----7"""---;----:----:-----::-----:---
.
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9 6 8
Années
~ 1950 ; 1955
1%0 ~
1961
~ 1962 ~ 1963 ~ 1964 . 1965'~ 1966
1967
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'2;~~;:;620()~36000
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caf
:48 700
158 100
185 ')00: 97 071 ~ 194 639: 260 698 :202 105 272 566 ~130 759
287 760 21: 0 124 ; 279 61~ 239 706; 268836; 301804 ; 195935 ; 270 397; 305 OO~ 320000; 264000 ;250000 ;27500~000CC
é
• • • • •
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manioc •• :623 000:
:450000:800000
760000860 000:980 OOO:~O 000:1044000
1100000
53
000
532 000 540 000 567 000~625 000
625 000:938 500:600 000:977 000:585000~
>)«lXl
igname .• : 2200000 ~ 900000: 1500000 ~1346000 1300000 1976000 ~ 846000~1300000 ~1976000 1920000 13
88000
1520000 1551000 1525000:1624000
1680000:2172000 1600000 193000
~
sorgho. •
46 000:
87 000:
10 000: 76 000
: : 11 000: 26 000
26 000
1
4 700
14100
13300
15500:
14000
15500:
16000
30000
30000
:31000
o 000
29000
24000
29000:
30000
mi 1. . • ..
50 000:
87 OOO~ 83 000 ~ 59 000
41 000
43 000:
44 OOO~ 33 000 ~ 35 000
33 200
3
45000:
40000
41000
:44000
maïs .••.
55 000:
42000:
:141 000
147000 168000: 176 000:176 000:200 000
144 000
20
5 000
206000
260000
231000: 280000
226000: 232000
240000 264000
247000 268000~
: 26400)
r 1
5 000
303000
315000
385ÛOO: 320000
335000: 406000
496000 470000
477000
Z • • • • •
104 000 ~
~ 160 000 :156 000 238 000 220 000: 250 OOO~ 250 000 ~274 000 336 000 36
: 5040))
banane •. :
: 62
5 000
plantain:B60 000). 100000~490 000~500 000: 550 000~560 000: 590 000:600 000:
638000: 650000: 670000: 690000 : 660000: 720000: 600000:620000 :700000:
: 7'3:1.00
Source
de 1950 à 1960,
statistique de la r.A.O.
Source
de
1960 à 1980,
M1nistère de l'Economie et du Plan,
comptes de la
nation 1976,
la Côte d'Ivoire en chiffres,
éd.
1980-1981
+
Les sources statistiques étant très variées et contradictoires,
les chiffres
cités sont à utiliser avec précaution
\\.
246
en 1950 à 1 914 000 tonnes soit
-216 000 tonnes.
Depuis quelques années, la production n'a pas suivi l'aug-
mentation de la population, au contraire elle a largement régressé en v~
lume, du moins en ce qui concerne les cultures purement traditionnelles, com-
me le sorgho, l'igname, le manioc, le mil et la banane plantain (par rapport
à la population). Comment peut-on expliquer ce phénomène?
Après l'indépendance, la priorité accordée au café-cacao pen-
dant la période coloniale, s'est accentuée avec la nouvelle politique mise en
place par le gouvernement ivoirien: politique d'extension des cultures d'ex-
pbrtation, politique de diversification de la production, etc ... d'où réduction
des terres qui étaient consacrées aux cultures vivrières. A travers le ta-
bleau, nous constatons une évolution du riz depuis 1950.
Pourquoi ce choix du riz? parce que cette culture rentre dans
la catégorie des produits de luxe. Le riz bénéficie d'un encadrement· par la
société SODERIZ. Quant au mais, il a fait l'objet d'une véritable politique,
avec la création d'une usine d'aliments du bétail et le développement consi-
dérable des élevages avicoles et porcins, ce qui justifip. son évolution de-
puis 1961. L'analyse globale du tableau fait ressortir une fluctuation de la
production vivrière d'une année à l'autre. Celà oblige à croire que, entre
1950 et 1980 les produits vivriers ont évolué en volume. Pour mieux compren-
F.·te.
dre le mécanisme de la production, il faut~l 'analyse en termes d'évolution
de la population de 1950 (2 2775 000 habitants) à 1980 (8 189 000 habitants).
L'évolution du riz et du mais par rapport aux autres produits,
ne permet pas de couvrir totalement les besoins alimentaires de la population
ivoirienne.
Le développement des produits d'exportation se fait au détri-
ment des cultures vivrières traditionnelles.
- La dépendance alimentaire de la Côte d'Ivoire
La substitution de la culture du café et du cacao à la culture
247
vivrière (riz, igname, banane plantain, etc ... ) fit passer les paysans du sta-
de d'autoconsommation alimentaire (donc d'équilibre alimentaire), à un stade
d'échanges monétaires pour la subsistance. Le paysan perdit son indépendance
vivrière et devint dépendant du commerçant pour son approvisionnement, encore
faut-il qu'il y ait suffisamment d'argent pour assurer son approvisionnement
en produits vivriers; d'où apparition de phénomènes d'endettement, rendant
plus précaire la situation des familles paysannes.
...
A l'échelon national de l'économie, pour pallier au déséqui-
libre alimentaire entrainé par le développement rapide des cultures de café et
de cacao au détriment des productions vivrières, la Côte d'Ivoire fut contrain-
te d'importer des produits alimentaires, pour pallier à l'insuffisance. La
priorité accordée aux cultures d'exportation sur les cultures vivrières. a
un effet d'entrainement et de modification des habitudes alimentaires. Tout en
modifiant les habitudes, la Côte d'Ivoire impose à travers les importations,
un modèle de consommation qui reflète le mode de vie des pays industrialisés
Ce modèle de consommation, né de la politique agricole, condamne le pays à la
dépendance alimentaire vis à vis de la métropole.
11- Nécessité d'importer
Au niveau de l'ensemble de l'économie, l'accroissement de la
production de café-cacao, se traduit par un accroissement parallèle des im-
portations alimentaires, destinées à compenser le déséquilibre ou la stagna-
tion de la production vivrièredus au délaissement.
On peut distinguer deux groupes d'importations
D'une part, les importations de riz destinées à suppléer aux
pénuries de certains productions vi~rières (mil, banane, igname, etc ... );
d'autre part, les importations alimentaires plus diversifiées correspondant à
248
la nourriture de la colonie européenne et des couches sociales gravitant au-
tour de cette dernière: urbains, fonctionnaires, dont le comportement ali-
mentaire diffère de celui des ruraux. La présence d'une population européenne
est non négligeable, celle-ci atteignait plus de 65 000 en 1960 (1).
Celà explique l'importation d'un certain nombre de produits
alimentaires, dont l'utilisation se généralise par la suite.
A l'échelon global de l'économie ivoirienne, pour pallier au
déficit structurel entrainé par la croissance rapide de la culture caféière
et cacaoyère au détriment des productions vivrières, la Côte d'Ivoire fut
contrainte d'importer des produits alimentaires pour l'essentiel de son appro-
visionnement, en particulier le riz (471 tonnes en 1919 ; 7 400 tonnes en 1940
10 000 tonnes en 1950 ; 78 500 tonnes en 1970 et 141 714 en 1978) (2).
Le tableau suivant, nous permet d'examiner l'évolution d'ensem-
ble des importations de produits vivriers et de leur valeur, en prenant comme
année de base 1957 (3).
L'évolution croissante de produits vivriers, montre la dépen-
dance de la Côte d'Ivoire.
Le fait le pl us marquant est l' accroi ssement des importations
de riz et de blé, due au modèle de consommation de la population.
Nous constatons quelques baisses, à cause de la forte production
intérieure en 1967, 1974, 1975 et 1976 par la population du Centre-Ouest
(400 000 tonnes en 1974, 500 000 tonnes en 1975 et 510 000 tonnes en 1976).
La forte production paysanne devait être encourgée par le gou-
(1) La Côte d'Ivoire en chiffres, ed. 1975, Ministère de l'économie des finances
et du plan
(2) Statistiques du commerce extérieur de la Côte d'Ivoire, de 1957 à 1979, tiré
des rapports publiés par le Secrétariat du comité monétaire de la zone franc.
(3) Tous les chiffres qui figurent ici ont été tirés du bulletinde l'Afrique
Noire, ne 1 015, 12 juillet 1979, p. 19 677
--......-
249
EVOLUTIo~~~as IMPORTATiONSi DE PRODUITS ALIMENTArRE~
de 1957 A 1974
-l' w milliOns dl! tonnes V
millions il' il-".nL8,'
'Produits
1957
1958, 1959 , 1960,1961 ,1962
1963,1964,1965,1966: 1967
1968, 1969 ,1970,1971
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1976: 1977 ,19"18 ,1979
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,52,5 ,63,6
88,5,123,4,128,4, 49,8,
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+ Baisse des importations du riz dUe à une très forte production local~ en 1975-76
Production 500 000 tonnes en 1975 et 510 000 tonnes en 1976
Pays fournisseurs:
France, Allemagne Fédérale, Etats-Unis,
Italie, pays Bas
Algérie, Japon. Suisse, Ch1ne Populair~, Canada
SOurce
statistiques du commerce extérieur d~ ld Côte d'Ivoire de 1957 à 1979
tiré des rapports publiés par le s~cr~ldLiat du comité monétaire
de la Zone France de 1957 à 1979
250
vernement, nous constatons que celà nia pas été le cas. L'année suivante
(1977), les importations de riz passaient successivement de 126 000 tonnes
à 197 000 tonnes en 1979.
Parmi les pays fournisseurs, nous po~vons compter l'Allema-
gne Fédérale, les Etats-Unis, l'Italie, les Pays-Bas, l'Algérie, le Japon, la
Suisse, la Chine Populaire et le Canada, la France demeure le principal four-
nisseur de la Côte d'Ivoire avec 37, 30 %du total des importations.
Samir Amin montre que (1) : "si le développement des cultures
spéculatives a permis d'amorcer un capitalisme agraire d'origine africaine,
ceci nIa pu se faire en Afrique tropicale qU'à quatre conditions" (2). Amin
ajoute que: "la transmission des structures mondiales des prix relatifs du
centre à la périphérie et l'imposition de ces prix mondiaux à la périphérie,
sont non seulement à la base de l'orientation des producteurs vers les pro-
duits d'exportation, du déséquilibre alimentaire manifeste dans ces pays, mais
aussi permettent d'expliquer, par la détérioration des termes de l'échange,
pourquoi le centre s'approprie l'essentiel des gains de productivité réalisés
dans l'agriculture d'exportation de la périphérie". Le professeur Amin en
(1) "En partant du rapport Pearson", développement et transformation struct:Jrels
l'expérience de l'Afrique, 1950-19ïO", in Revue Tiers-Monde, tome XIII, nO 51,
juillet-septembre 1972, pp. 467-490
(2) "En partant du rapport Pearson", ibidem, pp. 476-477, les quatre conditions
sont: 1°/ l'existence de sociétés traditionnelles hiérarchisées pour que les
chefs traditionnels puissent s'approprier des parcelles importantes des terres
claniques; 2°/ l'existence d'une densité de population moyenne de l'ordre de
10 à 30 habitant au Km2 ; 3°/ l'existence de "cultures riches" ; 4° / l'auto-
rité politique est favorable à ce type de développement spontané".
251
déduit que: "la voie du progrès basée sur le capitalisme agraire, est dès
lors, limitée étroitement par l'intégration du marché mondial sur laquelle
elle se fonde" (1).
La conclusion qui s'impose est que, si l'on entreprend cer-
taines réformes des structures socio-économiques africaines, hêritées de la
période coloniale, on pournait réaliser un développement important de l'agri-
culture vivrière en Côte d'Ivoire et dans les autres Etats d'Afrique tropi-
cale (2), pour éviter le déséquilibre alimentaire, qui met les pays franco-
phones en situation d~ dépendance vis à vis de la métropole et ceci à court,
moyen et long terme (3).
Pour marquer clairement cette opposition entre les deux formes
d'économie auxquelles est soumise la Côte d'Ivoire, le professeur Badouin indi-
que qu'alors que l'économie de subsistance est locale, l'économie de traite
est "intercontinentale" car, dit le professeur Badouin, "si le Sénégal vend
son arachide à la France et si le Sénégal utilise une partie des devises en
provenance dela vente d'arachide pour acheter du riz en Asie, on peut dire que
l'économie de traite devient "pluricontinentale" (4)'1. Pour nous, ceci est
vrai non seulement pour le Sénégal, mais aussi pour la Côte d'Ivoire qui vend
son café et son cacao à la France, et en contrepartie achète des produits ma-
nufacturés et des denrées alimentaires. Au niveau des échanges la Côte d'Ivoire
(1) Samir Amin, en partant du rapport Pearson, développe~ent et transformation
~tructurelle, l'expérience de l'Afrique, p. 480, souligné par l'auteur.
(2) Samir Amin, Ibidem, p. 477, explique qu'en 6 ans, de 1960 à 1966, la pro-
duction vivrière commercialisée de la région du Bas Congo a été multipliée
par 4 et que c'est la prem~ère fois que le capitalisme agriare est fondé en
Afrique, non sur les cultures d'exportation, mais sur les cultures virières
stimulées par la demande de Kinshasa.
(3) Aly Traoré, l'importance des produits agricoles d'exportation en Côte
d'Ivoire, Thèse pour le doctorat d'Etat en sciences économiques, Paris 1973
(4) R Badouin, l'économie rurale, pp.70 et suivantes.
252
en sort perd~nte, car ce que la France donne de la main droite, elle Te re-
prend de la main gauche, ce qui remet toujours le pays dans son premier con-
texte de déséquilibre alimentaire.
Ainsi donc, la signification profonde du caractère pluricon-
tinentale de l'économie de traite ivoirienne et sa dépendance de l'extérieur
à la fois pour son exportation de produits de base (cacao-café) et pour son
importation de produits alimentaires.
La deuxième solution qui consiste à manipuler les prix agrico-
les, peut aboutir parfois à l'effet contraire.
Théoriquement, il est possible d'augmenter l'offre des pro-
duits agricoles en accroissant leurs importations.
Néammoins, ceci ne peut se faire sans obstacles :
Dans un premier temps, il faut trouver au niveau internatio-
nal des fournisseurs constants de céréales (1).
Dans un deuxième temps, il faut que la Côte d'Ivoire ait plus
d'avantages à importer qu'à produire sur place les produits vivriers.
Le fait d'avoir concentré les facteurs de production sur les
matières premières exportables (café-cacao. plus souvent exportés à perte),
aboutit finalement à un gaspillage des ressources du pays.
Par manque de devises étrangères pour payer les importations
de produits vivriers. la Côte d'Ivoire se trouve dans l'obligation de ~ous-
crire des emprunts.
L'absence d'auto-suffisance alimentaire, due à la priorité
accordée aux cultures d'exportation (café-cacao), qui se heurtent le plus sou-
vent aux fluctuations des prix sur le marché mondial, met la Côte d'Ivoire dans
(1) On pouvait s'habituer aux importations de céréales et même aux pénuries vi-
vrières, comme des phénomènes de plus en plus infiérents aux structures des éco-
nomies, on ne peut rester indifférent à la famine qui ravage actuellement les
pays du Sahel: le Mali. la Haute Volta. la Mauritanie,etc ... Voir à ce sujet la
série d'articles d'André Fontaine, 3 visages de l'Afrique Atlantique, 1°/ la pi-
re des sécheresses, in le journal Le Monde, du 4 mars 1973
253
une situation de dépendance alimentaire très défavorable.
Pourquoi? parce que le café et le cacao n'étant pas renta-
bles sur le marché mondial, agit sur l'économie de la Côte d'Ivoire. Il ne
faut pas oublier que la Côte d'Ivoire compte sur la vente du cacao-café pour
s'approvisionner en produits vivriers.
L'extension des cultures d'exportation, le manque de terre
disponible pour les produits vivriers, entrainent une pénurie alimentaire.
Selon E.Boserup, la rareté des produits vivriers peur entrai-
ner un sous-emploi dans les exploitations et entreprises agricoles (1).
L'auteur explique ce sous-emploi par le fait que les entrepri-
ses et les exploitations agricoles de nature capitaliste, commencent à licen-
cier leurs ouvriers lorsqu'elles estiment que le niveau des prix de leurs
produits ne permet pl us de répondre à l' impératif de "rentabil ité économique",
qui est la raison de leur existence.
Il ne faut pas oublier le plus important: la stagnation des
produits alimentaires dans les milieux ruraux, peut provoquer un exode ru-
ral agricole qui, en fin de compte, se solde p?r un grossissement du sous-
enploi dans les régions urbaines.
(1) Ester Boserup, évolution agraire et pression démographigue, Paris, Flam-
marion, 1970, p.189
254
L'orientation de l Il agriculture vers des produits d'expor-
tation n'a pas résulté d1un progrès interne de l'économie, permettant de
dégager un surplus réel. En fait, l'agriculture n'a guère progressé, mais
sous la pression de forces extérireures a transféré une partie de ses moyens
(temps, superficie) vers des cultures autres que les cultures vivrières.
Celles-ci ont connu un véritable blocage parallèTement à l'extension des
cultures industrielles.
L1industrialisation de l'Europe par les blocages qu'elle
a introduit en Afrique, a créé un déséquilibre dans le mode de vie de la
population. La culture du café-cacao, développée en Côte d'Ivoire, pour
satisfaire les besoins de la métropole, s'est traduite en longue période
par la stagnation des cultures vivrières, résultat de la limitation des su-
perficies consacrées, de la perte de la qualité des sois (déforestation,
suppression des jachères, etc ... ) ; et de l'absence de toute recherche
agronomique concernant les plantes vivrières.
L'agriculture ivoirienne, jusqu'à une période très récente,
n'a fait l'objet d'aucun progrès technique susceptible d'améliorer la pro-
ductivité ; celle-ci est restée très faible et s'est révélée insuffisante
pour nourrir une population croissante.
L'insuffisance de production, pour assurer la subsistance,
a entrainé une dépendance par rapport à l'extérieur. Celle-ci s'est renfor-
cée par la suite, de la distorsion entre les produits locaux et les produits
importés; des habitudes de consommation se créant, et devenant peu à pe~
des contraintes, engageant l'économie dans une direction coûteuse: en de-
vises extérieures pour les importations, en capital pour la création d'in-
dustries de consommation locales, sans lien avec la production, et avec absen-
ce d1effets positifs sur l'économie interne.
255
La division internationale du travaiT existant entre les
pays développés et les pays sous-développés, perpétue ces liens de dépendance
et entretient 1'inarticulation de l'économie. Toute cette dépendance en cul-
ture vivrière, aura un impact sur les échanges commerciaux, que nous allons
analyser dans la troisième partie de notre étude.
256
TRO"I SI Et·f:[ PARitE.
L'IMPACT SUR LES ECHANGES
CO~1MERC IAUX
257
Introduct;on
•
La Côte d'Ivoire, comme beaucoup d'autres pays africains, est
un pays â vie paysanne. 90% de la population vit dans les campagnes, et se
consacre essentiellement aux activit~s agricoles ..
Avec la colonisation, toute l'organisation culturelle, économi-
que, politique, sociale et religieuse a été détruite.
Ainsi, les rapports de pro~~tion, basés autrefois sur les rap-
ports égalitaires, ont fait place à une nouvelle forme de rapports basés
sur l'exploitation, â travers les cultures de café-cacao, orientées vers
la métropole.
Nous avons vu, à travers notre étude que, la priorité accordée
aux cultures d'exportation, accentuée après l'indépendance, allait con-
duire la Côte d'Ivoire vers une dépendance totale. la spécialisation en
culture d'exportation (café-cacao), crée un déséquilibre alimentaire, et
oblige la Côte d'Ivoire â importer des produits vivriers pour pallier au
au déséquilibre.
Toute la politique menée depuis la période coloniale, qui s'est
développée après l'indépendance, aura un impact sur les échanges commer-
ciaux, et accentuera la dépendance de la Côte d'Ivoire vis à vis de la
métropole.
On attend de la production du café-cacao, qu'elle prépare et lan-
ce la croissance de l'économie, non seulement en procurant des devises pour
fi nancer 1a formati on du capi tal , et assurer 1e servi ce de 1a dette exté-
rieure, due â une importation croissante de produits de consommation alimen-
taire, mais également en provoquant T'expansion d'autres activités indus-
trielles et commerciales. Comme l'activité villageoise essentielle, l'agri-
culture présente l'immense intérêt de proposer un modèle de développement
auto-centré (1)
Il faut comprendre qu'aucun pays africain n'a encore réussi à se
développer sur cette base (2).
Si l'on assimile ce développement m:od~rne à la croissance autono-
(1) En particulier, elle ne crée pas d'enclaves économiques, comme l'exploi-
tation minière.
(2) Commission économique pour l'Afrique, "étude des conditions économiques
en Afrique, 1969", Nations Unies, 1971
258
me et soutenue du revenu par habitant (1), l'Afrique tropicale en général,
apparait comme une zone non seulement pauvre, mafs comme en régression.
Il résulte de cette situation que, la plupart des pays sous-déve-
loppés, les moins avancés, sont les pays africains. Le cas de la Côte d'I-
voire est l'exemple typique de cette illustration..
Conclur~t-on à une incapacité naturelle de l'agriculture? la ré-
ponse est négative, car l 'histoire économique atteste que ce sont les cé-
réales des Etats-Unis, du Canada et de la Russie; la soie et le riz du
Japon; le bois et la pâte de la Suède; le mouton et la laine de la ~ou
velle-Zélande; la viande et les produits laitiers du Danemark, etc ... ,
qui ont servi de base au démarrage de ces économies.
Le blocage de l'économie ivoirienne, sa dépendance vis à vis de
l'impérialisme français et son impact sur les échanges commerciaux, témoi-
gne de l'incapacité des mécanismes du marché à déterminer une croissance
induite, en raison du marché mondial défavorable aux cultures d'exporta-
tion et de l'absence d'intégration économique interne. Celà dénonce l'am-
bivalence d'un secteur d'activité qui se présente à la fois comme princi-
pal atout d'un développement intégré et comme principal responsable du
fonctionnement extraverti de l'économie ivoirienne.
Le recours systèmatique aux financements étrangers résulte d'un
certain nombre de besoins (alimentaires, etc ... ), créés par la politique
des pays impérialistes.
On a vu que la politique agricole de la Côte d'Ivoire située
dans la mouvance occidentale, est fondée sur la production de denrées né-
cessaires aux économies des pays industriels. Le niveau de développement
est mesuré à sa capacité à satisfaire les besoins exprimés par l'Occident
et non ceux de la population.
Les deux cultures de rente, au lieu de conduire à l'industrialisa-
tion, à l'évolution du revenu des paysans, se figent au stade primaire de
l'économie de traite, façonnée pour fournir des matières premières agrico-
les sur la marché mondial. Le résultat est que, la Côte d'Ivoire est gros
(1) Bien qu'imparfait, le revenu ou produit par habitant, constitue, en ef-
fet, le meileur indicateur, à la fois des niveaux de vie, et de la capacité
de production d'un pays. C'est le critère généralement retenu pour définir
le sous-développement.
259
exportateur de produits agricoles et gros importateur de denrées
alimen-
taires. Ce qui implique des dépenses et des sorties de devises.
Les ressources du café et du cacao, instables et insuffisantes
pour financer les investissements d'équipements, mettent à découvert les
dettes extérieures très importantes de la Côte d'I~oire.
Le dynamisme de l'économie cacaoyère et caféière, dépend essen-
tiellement des conditions nationales et internationales de l'exploitation
du café et du cacao. Les dennées du marché mondial du café et du cacao,
font apDaraltre un rapport de force défavorable aux producteurs, comme la
Côte d'Ivoire, par exemple. En plus les prix des deux produits se heurtent
aux lois du marché (l'offre et la demande) et au profond attachement des
pays industrialisés à un ordre économique, fondé sur des relations de dé-
pendance, de domination et d'inégalité au niveau des termes de l'échange.
Les pays du Tiers Monde n'en demeurent pas moins encore aujourd'hui, expor-
tateurs nets de produits agricoles. Mais ils se voient de plus en plus con-
tester ce rôle de fournisseur de produits agricoles par les pays industria-
lisés eux-mêmes, dont la production à productivité plus élevée entre en
concurrence directe avec la leur, et un nombre croissant de pays pauvres
sont contraints à importer plus de produits alimentaires, ce qui contri-
bue à accroitre leur endettemeAt.
En plus, la partie de la production de matières premleres agri-
coles qui est commercialisée est soumise aux aleas du marché mondial, en
proie aux fluctuations des cours et à une ~péculation effrénée.
L'économie des pays sous-développés, dont le développement repo-
se sur l'exploitation de quelques productions primaires, souffre de cette
incertitude qui empêche toute planification du développement, à laquelle
la CÔ~ d'Ivoire n'échappe pas.
Au coursde cette troisième partie, nous analyserons les caracté-
ristiques de la commercialisation du café et du cacao (Chapitre 1) ; la
formation des prix intérieurset le rô l e de la CSSPP (Section 1), les so-
ciétés a~réées à commercialiser le café et le cacao et leurs liens avec
la CSSPPÀ (Section II) ; aprês cette analyse nous nous attacherons à mon-
trer l'échange inégal café-cacao (Chapitre II), l'évolution des cours du
café-cacao sur le marché mondial (Section 1), le partage de la valeur ca-
fé-cacao de la Côte d'Ivoire à l'échelle mondiale (Section II) et les pro-
bl èmes de l' organi sat i on du marchê du café-cacao (Section 1II) .
260
Chapitre l
Les caractéristiques de la commercialisation du
café et du cacQo
La commercialisation interne du café et du cacao, couvre l'en-
semble des opérations, qui vont de la collecte des produits en brousse,
au port d'embarquement.
D'une manière générale, le commerce exterieur peut agir sur la
croissance économique d'une nation, soit par ses exportations, en pro-
voquant le développement des capacités productives nationales, soit par
ses importations, en permettant d'obtenir sur le marché international des
biens que l'économie nationale n'est pas en mesure de produire, ou pro-
duirait à des coûts supérieurs, notamment des biens d'équipement de son
potentiel productif.
Pour ce qui est de la Côte d'Ivoire, les deux produits de base,
qui sont le café et le cacao, porteurs dtrecettesà l'exportation, sont
soumis aux aleas du marché international, qui peut être favorable ou dé-
favorable.
De plus, les aleas climatiques qui agissent sur le volume de la
production, réduisent le niveau des recettes, et influent sur le revenu
des producteurs.
La commercialisation du café-cacao est caractérisée par l'inter-
vention de la Caisse de stabilisation à tous les stades de la production,
grâce à l'assainissement des circuits de collecte qu'elle permet et à l'a-
mélioration de la qualité de la commerclalisation.
Elle maximise le prix
au producteur et stimule par conséquent la production et la croissanee
économique générale.
La commercialisation des produits, l'achat des produits sont as-
surés par des sociétés agréées par la Caisse, par des traitants et par des
coopératives.
Les sociétés agreees par la Caisse de stabilisation opèrent,soit
directement au moyen de leurs comptoirs de brousse, soit indirectement
grâce à un réseau d'acheteurs intermédiaires (les traitants).
261
L'intervention des banques commerciales est très déterminante
dans la commercialisation des deux produits de traite, depuis la collec-
te en passant par le stockage, jusqu'à l'expédition. Les banques commer-
ciales accordent des crédits de campagne à leurs.clients, après accord de
la Caisse de stabilisation.
Les sociétés agréées sont tenues de respecter la réglementation
en matière de commercialisation et de conditionnement. Elles doivent se
faire agréer tous les ans. Cet agrément est soumis à un certain nombre de
conditions, réglementées par la Caisse de stabilisation et de soutien de
prix de produits agricoles (CSSPPA).
Ce chapitre nous conduit à étudier successivement: dans une
section l, la formation des prix intérieurs et le rôle de la Caisse de sta-
bilisation ; dans la deuxième section, les sociétés agréées à commercia-
liser le café-cacao et leurs liens avec la CSSPPA.
262
Section 1
La formation des prix intérieurs et le rôle de la
Caisse de stabilisation et de soutien des prix de
production agricole (CSSPPA)
La formation des prix intérieurs est fonction des prix fixés sur
le marché mondial. La CSSPPA doit agir et fixer les prix aux producteurs
de café-cacao, en tenant compte du prix garanti sur le marché mondial.
Pour former les prix intérieurs, la CSSPPA doit choisir la rému-
nération la plus favorable pour la campagne en cours (chose qui n'est pas
toujours respectée), en faisant une espèce de péréquation entre le prix
mondial et le prix fixé aux producteurs pendant la campagne précédente.
La CSSPPA a pour rôle princiapl de stabiliser les prix intérieurs.
Car la baisse des prix, l 'effrondement du volume de la production d'une
campagne à l'autre, dù parfois aux conditions climatiques, inquiète beau-
coup les paysans.
Pour trouver des solutions à tous ces problèmes, pour pallier
aux difficultés inhérentes aux fluctuations des cours et au volume des
récoltes, différentes caisses ont été créées dans les Etats francophones
en 1954 (1).
Création des CSSPPA dans les pays francophones
C'est en 1954 qu'ont été créées, dans les pays francophones d'A-
frique, des caisses de stabilisation, complétées en 1955, par un fonds na-
tional français de régulation des cours. Dans tous les pays d'Afrique
francophone, on organisait des caisses pour chaque produit, ces dernières
sont transformées petit à petit en caisse de stabilisation couvrant l'en-
semble des produits agricoles. En même temps, se créaient dans les pays
anglophones, des marketingboards dont le rôle était identique, mais qui
tonctionnaient différemment. Dans tous les cas, ces organismes visaient
à assurer aux planteurs des prix minima auxquels leurs récoltes étaient
achetées.
(l) Voir Journal officiel des colonies,"décrêt du 14 octobre 1954", du
20 octobre 1954
263
Oans le cas spécifique de la Côte d'Ivoire, en 1955, un autre
décrêt fut signé pour la création de deux caisses de stabilisation sépa-
rées: l'une pour le café et l'autre pour le prix du cacao.
Pendant les premières années de leur exi~tence, ces deux caisses
avaient connu des fortunes diverses. L'une était prospère (le cacao), et
l'autre non (le café). Comme il s'agissait de deux caisses ayant des bud-
gets autonome~, il était impossible de compenser le déficit de l'une par
l'excédent de l·autre.
Aprês l'indépendance, l'Etat a décidé une réforme de structure,
et une fusion des deux caisses, pour devenir: "Caisse de stabilisation
des prix du cafê et du cacaoll (CSPCC).
Deux années après. l'Etat intervenait une seconde fois, pour la
transformer e~ Société d'Etat, pour la rendre apte à jouer son rôle de sta-
bilisateur. La nouvelle caisse prit le nom de "Caisse de stabilisation et
de soutien des productions agricoles" en 1964 (CSSPA) ..
Après lJne petite modification en 1965, au niveau des structures,
la société prit l'année dlaprès (1966), sa forme définitive et sa raison
sociale actuelle de caisse de stabilisation et de soutien des prix des pro-
ductions agricoles (CSSPPA). Ce qui nous amènera à examiner successivement,
le rôle de la Caisse de stabilisation (1) et la formation des prix inté-
rieurs (II).
1- Le rôle de la CSSPP;A
La Caisse de stabilisation à statut de commerçant a pour rôle
principal, l'organisation économique du pays sur le plan agricole. Elle
répond aux deux prùblèmes suivants: comment faire vivre ceux qui culti-
vent le café et le cacao et les encourager à cultiver ces produits? ;
comment éviter que la chute des cours sur le marché mondial ne détériore
l'économie générale du pays et le niveau de vie des planteurs? Voilà en
gros, les quest ions auxquelles nousa l Ions tenter de répondre.
Dans les années 50, le cours du robusta était tombé, à New-York,
de 52 à 18 cents la livre, et le cacao avait perdu dans les années 60, la
moitié de sa valeur (1).
(1) Revue de l.'organisation afric.aineet malgache du café (OAMCAF). p.29
1977
264
Une vague de sécheresse peut diminuer dans des proportions con-
sidérables le niveau de la production. Il fallait donc organiser un sys-
tème qui permette d'assurer aux producteurs une certaine continuité dans
leurs ressources, et donner à l'Etat le moyen d'assurer son économie mal-
gré les a1eas conjonture1s ou climatiques.
La CSSPPA régule la commercialisation des produits agricoles (sur-
tout café-cacao). C'est une caisse de compensation, de péréquation, desti-
née à assurer aux producteurs un prix minimal, quel que soit la situation
sur le marché mondial. La CSSPPA aura la possibilité de prélever un sur-
prix à la sortie du pays, lorsque la tendance sera favorable sur le marché
mondial, c'est à dire, vendre le café et le cacao à un prix plus élevé que
celui correspondant au prix du pays producteur, et inversement lorsque le
prix sera défavorable sur le marché mondial, la caisse, grâce à ses réser-
ves, pourra maintenir ce prix minimal aux producteurs.
La CSSPPA régularise les prix du café-cacao, et est chargée de
la compensation entre les prix d'achat garantis aux producteurs, et les
prix de vente à l'exportation. Outre son action (CSSPPA) au niveau des
planteurs, la CSSPPA intervient de plus en plus au niveau de la production
(contrôle de production paysanne) et aussi au niveau du budget de l'Etat.
La caisse de stabilisation suit les produits à tous les stades,
depuis la production, jusqu'à la commercialisation, fixe le prix d'achat
aux producteurs, le prix de vente à l'exportation, et détermine ainsi le
différentiel, qui n'est rien d'autre que l'écart entre le prix aux pro-
ducteurs, et le prix à l'exportation.
La CSSPPA publie la liste des sociétés agreees (que nous étudie-
rons dans la section II), et leur fixe un quota. Chaque année, avant la
campagne, est établi le prix d'achat garanti aux producteurs. Ensuite, est
déterminée, suivant un barème appelé différentiel, la valeur théorique
FOB (Free on board) de revient, comprenant tous les postes de dépenses
occasionnés entre le centre de collecte et le port d'embarquement. Ainsi,
peut calculer le prix CAF (Cost Insurance and Freight) garanti à l'expor-
tateur, quel que soit le prix de vente CAF effectif, c'est à dire quel que
soit la valeur effective de réalisation des produits.
Si la valeur de réalisation est supérieure au prix CAF garanti,
l'exportateur verse la différence à la CSSPPA. Si la v.iileur de rêal isation
est inférieure au prix CAF garanti, c'est la caisse qui ver se a 1 1'expor -
tateur la différence appelée "soutien".
La caisse contrôle les opérations d'achat, la commercialisation
et le placement des produits.
Quoiqu'elle ne soit, à aucun moment, prop~iétaire d~s produits,
elle vend elle-même plus des trois-quarts du mont.ant -des expor-tat tons du
café-cacao.
Au niveau des différentiels et des valeurs
de réalisation du
prix CAF et du prix FOB, les tableaux suivants traduisent bien cette démar-
che (nOlet2).
Nous avons dit, au cours de notre travail ~ue, le differentiel
était entre les prix aux producteurs et les prix à ~ 'expo;tateur. les ta-
bleaux de différentiel café-cacao nous montrent tous les post€S
de dépen-
ses occasionnés entre le centre de collecte Ml
bascul aproduc teur et le
port d'embarquement. Les coüts de mise à FOB, c'est à rtire les frais de
transit èt les droits de sortie et taxes, ajoutés à la valeur loco-maga-
sin donnent la valeur FOB du produit. Les frais de transit comprennent le
camionnage à quai, la commission de transit, l'acconage, le crédit d'enlè-
vement (0,1 %de la valeur des droits de sortie). Les droits de sortie et
taxes se composent de droit unique de sortie (2J %de la valeur mercuria-
le), (fixée par les autorités publiques en début de campagne, elle sert
de référence pour le calcul des droits de sortie), et de la taxe de port.
Pour obtenir le prix CAF garanti, la caisse de stabilisation dis-
tingue deux sortes de frais qui s'ajoutent à la valeur FOB : les frais fi-
xes qui comprennent le frêt maritime et les frais de surveillance; les
frais variables qui comprennent l'assurance maritime, les frais de cour-
tage, la freinte maritime (perte de poids du produit au cours du transport
maritime) et les intérêts bancaires. Les frais variables sont calculés en
fonction d'un pourcentage de la valeur CAF variab1e
selon les pays de des-
t
tination.
Les calculs du prix FOB et CAF sont aussi valables pour le
266
Tableau nO 1
Différentiel café, campagne 1976/1977
(1)
(valeur mercuriale 250 F CFA kg)
(unité en francs CFA par tonne)
Nu bascule producteur
.
180 000
frais de ramassage
.
7 830
E.. :. 10 286
entreposage, manutention
et rémunération . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . .
2 456 }
Valeur Nu centre de commercialisation
TOTAL
l = 190 286
359 ..
en trée magasin . . . . • • . . . . . . • . . . . . . . . .
1
pertes intérêts
.
1 450
loyers magasin . . . . . . . . . • . . . . • . . . . . • .
P. M.
forfait usinage . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . .
2 750
déchets
(1 %) •••••••••••••••••••••••
1 948
E. = 17 896
sous-produits
(2 %) .,
.
3 897
sacher ie neuve . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . .
5 400
frais généraux
.
1 676
assurance intérieur
.
416
Valeur loco-magasin
.
TOTAL
i = 208 182
- - -
sortie magasin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . •
359}
commission de transit
.
731
E.=
2 561
camionnage à quai
.
1 471
Valeur à quai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • .
TOTAL
~ = 210 743
- - -
douane . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . .
57 500
taxe de port
.
355
acconage
.
1 236 )
ê. = 61 439
crédit enlèvement
.
58
rémunér a teur
.
2 290.
valeur FOE
.
TOTAL FOE
E. = 272 182
(1) Enquête:caisse de stabilisation, avril-mai 1979
267
....
Tableau nO 2 : Différentiel cacao, campagne 1976/1977
(1)
(Va~.70r mercur iale 220F Kg):
(Unité en FCFA par tonne)
Nu bascule producteur • . . . . . . . . . . . • . . .
180 000
Frais de ramassage . . . . . . • . . . . . . . . . . . .
7 830
Entreposage, manutention et rémuné-
~ = 10 286
ration du ramasseur
.
2 456
}
valeur Nu centre de commercialisation
TOTAL
~ = 190 286
entrée magasin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . •
2 359 '"
manutention et reconditionnement . . . . .
l
800
loyer magasin • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
293
pertes intérêts
(7,5 %) ••••••••••••••
l
169
15 923
assurance magasin . . • . . . . . . . . . . . . . . . . .
P. M.
déchets
(1,5 %) ••••••••••••••••••••••
2 913
sacherie neuve
.
5 350
frais généraux . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . • .
l
630
assurance intérieure
.
409 )
Valeur loco-maga~in
.
TOTAL
E = 206 209
sorti e magasin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . .
359
camionnage à quai
.
l
4 71
e =
2 561
}
coœ~mission de transit
.
731
Valeur à quai
.
TOTAL
E __ 208 770
dr o i t
unique de sortie . . . . . . . . . . . . . • .
50 600
taxe de port
.
457
acconage
.
l
236 (
~ = 54 203
crédi t
d' erüèvemen t
.
50
intervention exportateur
.
l
860 J
Valeur FOB . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . .
TOTAL FOB
E.. = 262 973
(1) Enquête à la Caisse de stabilisation, avril-mai 1979
268
Tableau n03
Calcul du prix CAF garanti pour le café
(en FCFA-Tonne)
(1)
Moyenne
France
USA
Japon
Europe
-----------------------------------------------------------------------------
:
:
:
:
:.
Valeur FOB
272 182
272 182
272 182
272 182
--------------+---------------+---------------+---------------+--------------:
Frais fixes
-frêt
13 697
13 687
25 380
31 526
surveillance
300
300
300
._-------------+---------------+---------------+---------------+--------------:
a
·
.
.
.
·
.
.
.
_
·
.
.
.
·
.
.
.
Prix garanti
C.A.F.
291 562
293 283
298 937
315 426
:
(1)
Enquête CSSPPA, 1979
269
cacao (1). Nous avons pris le café comme exemple pour faciliter la structu-
re des prix au niveau des calculs.
A travers les tableaux, nous voyons comment la CSSPPA calcule le
prix CAF et le prix FOB garanti en utilisant le système de différentiel.
En plus, la CSSPPA suit les fluctuations du marché mondial au jour
le jour, en prenant des décisions en ce qui concerne les prix minima garan-
tis à l'exportation (prix du café- prix du cacao).
11- La formation des prix intérieurs
Nous avons dit au départ que le prix intérieur était formé en fonc-
tion du prix fixé sur le marché mondial. Donc la formation des prix inté-
rieurs garantis aux producteurs par la CSSPPA, tient compte de l'évolution
des prix et
de la fluctuation des prix sur le marché mondial, c'est à dire,
la conjoncture économique (offre, demande, situation générale des autres
pays producteurs, monnaie, etc ... ), pour déterminer à partir de tous ces
éléments, la tendance du prix à fixer aux producteurs et aux exportateurs.
En général, les prix sont fixés en Conseil des ministres, au début de cha-
que campagne, en fonction du marché mondial.
1/ Prix aux producteurs
(campagne 1960-1980). Voir tableau page suivante.
Depuis la campagne 1960 à 1980, les prix garantis aux producteurs
par la CSSPPA, ont suivi une évolution régulière pour les deux produits,
sauf pour la campagne 1965-1966-1968-1969. Cette chute des prix est d~e aux
fluctuations des cours mondiaux et à l'incertitude de la po l t t.iqueçf inanctè-
- ,
re de la CSSPPA.
D'une façon générale, les prix fixés aux producteurs sont relative-
(1) Pour le café, il n'est pas appliqué un taux de frêt unique pour l'Eu-
rope : il y a un taux France, Angleterre, Italie, et autres pays de la
CEE. Dans la présente analyse de notre tableau, un taux moyen pour l'Eu-
rope a été calculé: les principaux débouchés de la Côte d'Ivoire sont la
France, les Etats-Unis, l'Allemagne Fédérale, ainsi que le Japon. Par con-
tre, pour l'exportation de cacao, la CSSPPA applique un taux de frêt uni-
que pour tous les pays européens. Pour le déterminer, la CSSPPA effectue une
pondération entre les différents ports de destination et les tonnages ex-
portés. Les principaux débouchés sont: les Pays-Bas, la France, l'Allema-
gne Fédérale et les Etats-Unis.
270
Tableau n° 4
Prix d'achat aux producteurs de café-cac~o (en france CFA le kg)
Campagnes
Prix garanti par la CSSPPA
Café
Cacao
:
196ü-1Y61
95
95,00
1Y61-1962
80
70,00
1962-1963
80
70,00
1963-1964
87,95
16,80
1~64-1965
97,55
76,96
;965-1966
82,55
61 ,96
1966-1967
97,10
77,12
1967-1968
97,42
77,95
1968-1969
94,20
74,20
1969-1970
101,20
86,20
1970-1971
102
85,00
1971-1972
105
85,00
1972-1973
105
85,00
1973-1974
120
1 1a
1974-1975
150
175
1975-1976
150
175
1976-1977
180
180
1977-1978
250
250
1978-1979
250
250
1979-1980
300
300
Source
La Côte d'Ivoire en chiffres, ed. 1980-1981 et statistiques
BCEAO, n° 176-292.
Source
Caisse de stabilisation, in "Marchés tropicaux", du
9 avril
1976.
271
vement trop bas, pour permettre aux paysans de subvenir correctement
à leurs besoins.
Exemple en 1979, la surface totale cultivée par un
paysan ivoirien dans la région d'Adzopé, s'élève à une dizaine
d'hectares répartis de la façon suivante: (11
- café : 5 ha
- cacao : 4 ha
- Vivrières, environ 1 ha
Le personnel est composé du chef de la famille, dont 2
épouses, 1 soeur et une fille adulte, un fils adulte, 5 enfants
de 1 à 12 ans, soit 11 personnes, plus deux manoeuvres temporaires.
Après la récolte, le paysan a pu tirer 500 kg pour le
café à raison de 300 FCFA le kg, soit 150 000 FCFA et 300 kg
pour le cacao 300 FCFA le kg, soit 90 000 FCFA. Nous avons pu
suivre d'une façon précise l'état des recettes et dépenses d'un
chef de famille et des différents membres de la famille et croyons
intéressant de les reproduire ci-dessous:
Résume des recettes et dépenses des membres de la famille(1979)
Recettes
Dépenses
(1) Chef de famille
Ptoduction cacao: 300 kg
Vente cacao (300FCFA) : 90 000 F
:-Achat aliments,savon, pétrole: 9 880 F
Production café: 500 kg
:-Achat cartouches, pièges
3 000 F
Vente (300FCFA le kg : 150 000 F)
:-Salaires manoeuvre: 6000 x 2 = 12 oua F
Vente cola: 400 F
:-Achat pagnes + cadeaux: 17 350 F
Vente vin de palme
2 100 F
:-Achat boisson, vin, bangui
: 4 7YO F
:-Remboursement dettes : 27 650 F
:-Achat médicaments
8 030 F
:-Frais de voyage: 3 OSO F
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1) Enquête effectuée dans la reglon d'Adzopé en 1979, dans une
exploitation traditionnelle, pour voir la production annuelle,
les charges et les revenus d'un paysan.
272
:-Dépenses pour fêtes: 8 900 F
:-Frais de tribunal
24 300 F
Total
242 500
:-Total
: 118 950
(II) Soeur
roduction cacao
o
:-Achat poissons, viande, divers
1 220
ente cacao : 0
:-Frais voyage
5 600
roduction café : 30 kg
:-Frais divers
200
ente café (300 CFA) : 9 000 F
:-Dette remboursée : 1 220
ente mais, tomate,ananas : 1 580
adeaux reçus:
100
Total: 10 680
:-Total
8 220
(Ill)
1ère Femme
ente fruits divers: 9 230
:-Achat vêtements : 1 875
ente légumes divers: 10 005
:-Achat aliments: 9 060
roduction café (33kg)
:-Achat de pétrole, savon
1 520
ente café (300 FCFAkg)
9 900
:-Achats divers
: 3 950
roduction cacao (30 kg)
:-Frais pharmacie
3 535
ente cacao (300 FCFA)
9 000
:-Remboursement dettes: 665
adeaux reçus : 525
:-Cadeaux faits:
510
ente d'escargots: 2 750
:-Frais voyage : 200
:-Location terrain
425
:-Donné à son mari
4 000
Total
41 410
:-Total
25 740
273
(IV) 2ème femme
Vente fruits divers
3 455
:-Achat d'aliments
. 3 720
Vente légumes divers
2 86,
:-Achat vêtements
. 1 975
Production café
( 16 kg)
:-Achat divers
3 605
Vente ca fé (300 F x 16 )
4 700
:-Frais de voyage
475
Vente escargots
1 600
:-Remboursement dettes
1 000
Cadeaux reçus
100
:-Cadeaux faits
200
Total
12 820
:-Total
10 975
- -
- -
( V) Fi 11 e du chef de famille
Production cacao ( 5 kg)
:-Achat d'aliments
7 810
Vente cacao (300 F x 5 )
500
:-Achat savon
765
Production ca fé
19 kg)
:-Achat vêtements
2 565
Vente café 19k9 x 300 F) : 5 700
:-Achat pharmacie
3 500
Vente fruits,cadeaux reçus
4 355
:-Achats divers
85
Vente légumes, escargots
7 780
:-Cadeaux faits
11 0
:-Dettes remboursées
300
:-Divers : 685
Total
19 335
:-Total
: 15 820
(VI) Fils du chef de famille
Subvention IFCC pour renue cahiers
contrôle
:-Achat aliments: 16 100
Production café (240 Kg)
:-Achat vêtements : 24 645
Vente café (300 F x 240)
72 000
:-Achat pétrole-savon: 11 535
Production cacao (L50 Kg)
:-Réparation vélo: 10 785
274
lente cacao (300 x 250)
: 75 000
:-Achat poste radio: 16 690
lente de produits de chasse : 1 525
:-Cadeaux faits: 6 475
lente cola: 200
:-Remboursement dette: 85 475
lente d'escargots: 1 150
lente vin de palme: 3 275
:adeaux reçus : 100
·otal : 206 405
- Total
204 155
~ECETTE TOTALE: 533 150 FCFA
DEPENSES TOTALE
383 820 FCFA
Sans vouloir nous étendre, nous noterons que les dépenses
effectuées pour l'alimentation, 1 'habillement et les achats d'ingré-
dients ménagers ne représentent que 28 % du total des dépenses. Le
bénéfice de l'exploitation de l'année de toute la famille a été de
149 330 FCFA. De ce bénéfice, il faut déduire les frais de scolarisa-
tion des enfants en âge d'aller à l'école, qui varie entre 50 000 et
60 000 F par enfant (1). Notre paysan ayant 3 enfants en âge à
l'école, doit dépenser 50 000 FCFAx 3 = 150 000 FCFA.
En conclusion, le compte d'exploitation du pays présente
un solde négatif. Pour subvenir aux besoins de sa famille, le paysan
doit à un moment donné s'endetter. Sur le tableau des prix garantis
aux producteurs par la CSSPPA, nous pouvons remarquer que les prix
de 1966 et de 1970 à 1972 sont restés stationnaires. D'après les
explications de M. Jacques Rault (2). les prix garantis aux
producteurs par la CSSPPA sont en relation avec les prix à la consom-
mation du café-cacao, au niveau des torréfacteurs sur les différents
ùarchés européens. C'est à dire, si le prix fixé par les torré-
facteurs et les importateurs est très bas, la CSSPPA fixe le prix
intérieur le plus bas possible aux producteurs, pour maintenir
une marge bénéficiare à un niveau stable.
(1) Frais de fournitures scolaires, habillement (uniforme scolaire),
frais d'inscription, etc ...
(2) M. Jacques Rault, secrétaire général du syndicat des
importateurs de café et cacao de France.
275
Les prix garantis aux producteurs sont presque statiques au fil
des années. La CSSPPA siest attachée à les modifier le moins possible dans
les années difficiles t comme dans les années de prospérité.
Jusqu'à la campagne 1962-1963 compriseto la Caisse n'avait pas pris E
charge les frais de transport et de ramassage t si bien que ces derniers ve-
naient en déduction du prix ~
bascule à Abidjan t de telle sorte que les
paysans des points de ramassage les plus élo1gnés se trouvaient défavorisés
par rapport à ceux des régions les plus Droches du point d'embarquement. Pen-
dant cette période t il faut soustraire du prix ~ bascule t le montant des
frais de ramassage pour obtenir le prix moyen garanti aux producteurs (en
francs CFA le kg}.
Par contre, à partir de la campagne 1963-1964, Ta Caisse a pris en
charge les frais de transport et de ramassage, si bien qu'il fadt ajouter
le montant du prix garanti aux producteurs pour obtenir le prix.u
bascu-
le (en francs CFA le kg).
Malgré l'évolution du prix d'achat du café et du cacao aux plan-
teurs, nous remarquons d'une façon générale que le prix garanti ne permet
pas au
pays de couvrir d'une façon correcte ses besoins.
Le niveau de revenu des producteurs varie selon les zones de pro-
duction. Dans les régions de Dimbokro t Abengourou, Gagnoa, Divo, Adzopé et
Abidjan, par exemple, les producteurs reçoivent des revenus légèrement subs-
tantiels (entre 500 000 et 600 000 FCFA). Par contre, dans certaines zones,
le revenu va ri e entre 60 000 et 150 000 FCFA par campagne et par an.
On ne le dira pas assez: l'économie ivoirienne repose sur l'agri-
culture, dont la composante motrice est com~osée par les cultures d'expor-
tation (café-cacao), qui occupent les 80 %de la population. Avec un revenu
aussi fa i bl e , comme l'indique notre exemple du paragraphe 2 page 271, les
paysans sont contraints à prendre des crédits auprès de quelques particuliers
le plus souvent auprès les Libano-Syriens. Le fait le plus étonnant est que,
parfois, l'Etat oblige les paysans t par le canal de la Caisse, à déposer
leurs revenus à la BNDA (Banque nationale de développement agricole).
2/ Les prix à l'exportation
Au stade de la formation des prix à l'exportation, la Caisse de
stabilisation intervient directement ou indirectement, lorsque ce sont des
exportateurs agréés qui ont un contingent d'exportation possible. Les expor-
276
..
tateurs sont tenus de respecter le prix minimum qui est fixé par la Caisse
de stabilisation. Ce prix minimum est calculé par la-Caisse en fonction des
frais d'acheminement depuis la plantation jusqu'à Abidjan, en passant par
les frais d'entreposage à Abidjan, les frais de triage, pour parvenir à
une marchandise marchande.
Le prix minimum d'exportation (ou prix de revient) sert ensuite
à déterminer par différence avec le prix fixé par la Caisse, en fonction
du marcbë mondial.
Cette différence (frais d'acheminement et prix sur le marché mon-
dial) va donner lieu à un prélèvement, à une taxe que va recevoir la Caisse
de stabilisation.
Quel est le rôle de la CSSPPA ? Elle a pour objet la régularisa-
tion des prix des produits agricoles et la compensation entre le prix d'a-
chat garanti aux producteurs et le prix de vente à l'exportation. La caisse
organise et contrôle la commercialisation à l'intérieur et s'occupe du condi-
tionnement des produits agricoles. Supposons que le prix CAF soit actuelle-
ment de 600FtFA, nous aurons 300 F (prix garanti) + 100 F (frais divers) +
50 F (frêts + Assurances), ce qui donne une parité vendue à destination.
La Caisse informe les exportateurs que le prix minimal est fixé
à 600 FCFA, ensuite elle calcule le prix de revient à l'exportation, en
ajoutant les frais de frêt et d'assurances.
Par un calcul complexe, la Caisse fixe un prix à l'exportation;
lequel exportateur est tenu de verser une certaine somme pour chaque kilog
de café-cacao vendu à la Caisse, ce qui constitue un fond de roulement
pour la CSSPPA. La Caisse de stabilisation n'achète pas le café et le ca-
cao aux producteurs, mais contrôle toute la production et la commercialisa-
tion, depuis la production jusqu'à la consommation.
Comment la Caisse de stabilisation garantît-elle les prix du café-
cacao à l'exportation?
A travers les actions des différents organismes et établissements
d'Etat, le gouvernement ivoirien entreprend des activités en faveur de la
rentabilisation du cacao-café.
Plusieurs facteurs contribuent à la vulgarisation, à l'amélioration
de la qualité du café-cacao, et à l'encadrement des paysans. Ce sont:
277
- La fourniture aux planteurs des plants sélectionnés par l'Institut fran-
çais du café-cacao (IFCC)
- L'encadrement technique des planteurs par la société d'assistance techni-
que pour la modernisation agricole en Côte d'Ivoire (SATMACI)
- Prêts de commercialisation et de fonctionnement aux groupements à vocation
coopérative (GVC)
- Prêts d'investissement et d'équipement pour les gros producteurs.
En 1978
il Y a eu relance de la production par la régénération
t
des vieux plants
et le choix s'est porté sur le café-cacao.
t
Grâce à un programme de reconversion des plantations en caféières
modernes
à base de robusta sélectionné et de régénération des vieilles
t
plantations
le gouvernement ivoirien espère maintenir la production au
t
niveau de 300 000 tonnes. Ce vaste programme a été confié à la SATMACI.
En attendant
la caféière ivoirienne présente des signes de vieil-
t
lesse évidents démontrés par les rendements à l 'ha (environ 250 kg) et l'al-
lure que présente la pyramide des âges (1) : 8 %du verger a moins de 5 ans:
100 000 ha (café) ; 31 %entre 5 et 15 ans : 400 000 ha ; 33 %entre 15
et 25 ans : 430 000 ha ; 28 % plus de 25 ans : 370 000 ha.
Il est à remarquer que les plantations sont à la fois plus vieil-
les (23 %ayant été plantées avant 1950) et beaucoup plus jeunes (29 %en-
tre 1968 et 1974) dans les régions du Centre Ouest qu'ailleurs
où il n'exis-
t
te pratiquement pas de différence dans la structure des âges (nous parlons
uniquement du café).
L'objectif fixé par le gouvernement est de régénérer
102 500 ha (2)
par recépage,la fertilisation des sols, etc •••
Ainsi que nous l 'indiquons
un accent particulier a été mis sur
t
la culture intercalaire afin d'assurer un bon entretien du sol indispensable
à la réussite de l'opération recépage.
Comme l'opération s'accompagne d'un manque à gagner pour les plan-
teurs
il est octroyé généreusement à ceux d'entre qui veulent essayer
en
t
t
plus de l'assistance de la SATMACl
d'importantes aides en nature et en
t
(1) Fraternité-Matin
agri 1980
t
(2) Statistiques du Ministère de l'agriculture
1980
t
278
espèces. Il sera notamment mis à leur disposition, le matériel nécessaire
au récépage (engrais et pesticides). Dans le cadre de cette opération dé-
cisive, le Directeur général de la SATMACI a lancé cet appel aux paysans (1):
"Planteurs de café, adhérez massivement à la régénération caféière, véri-
table bain de jouvence pour vos caféiers, il y va de votre intérêt".
Tous ces facteurs, d'après la politique gouvernementale, ont pour
but d'assurer une garantie à la qualité du produit et le prix à l'exporta-
tion. Par les différentes mesures prises, la bourgeoisie ivoirienne qui
contrôle l'appareil d'Etat, cherche à élargir sa base d'accumulation, en
essayant de rendre plus compétitifs sur le marché mondial, le café et le
cacao..
Par contre, la rentabilisation souhaitée par la bourgeoisie ivoi-
rienne, ne profite pas nécessairement au paysan. Pourquoi ? parce que, quel
que soit le prix fixé sur le marché mondial, le produit du travail du pay-
san ne sera pas payé à sa juste valeur, pour lui permettre de couvrir cor-
rectement ses frais de production.
Le tableau de la page suivante va nous donner les prix garantis
aux producteurs et à l'exportation par la CSSPPA.
L'observation des données du tableau révèle une évolution des prix
aux producteurs, qui n'est pas liée à l'évolution des prix à l'exportation.
A travers le tableau, les prix à l'exportation du café et du cacao
de 1970 à 1980 ont été multipliés par 3,8 alors que que les prix aux produc-
teurs garantis ont été multipliés par l,~ (2).
L'évolution des prix aux producteurs parait plus rigide que ce11e
des prix à l'exportation et celà est valable à la fois à la hausse et à la
baisse, mais avec une tendance plus prononcée à la baisse.
Durant la période 1972-1974, les prix aux producteurs sont restés
presque invariables. Car l'amplitude maximale de l'évolution des prix
a
été de 30 % pour le café et de 50 % pour le cacao (3). Alors que les prix
(1) M. Denis Bra Kanon~ ingénieur d'agriculture, Directeur général de la
SATMACI, Ministre de l'Agricultur.
(2) Statistiques agricoles de la direction des statistiques rurales et des
enquêtes, Ministère de l'Agriculture, ed.1970
(3) Les chiffres avancés ont été calculés et estimés en fonction des données
de la Côte d'Ivoire en chiffres, ed.19SD-1981
279
Tableau n° 5
Prix aux producteurs et prix à l'exportation (FOB)
café-cacao (en francs CFA le kg)
Campagne
Café
Cacao
.
:Prix producteurs:prix exportation:prix producteurs prix exportation
1960-61
95
100
95,00
120
1961-62
80
150
70,00
150
1962-63
80
165
70,00
11 0
1963-64
87,95
170
76,80
11 5
1964-65
97,55
180
76,96
120
1965-66
82,55
182
61 ,76
122
1966-67
97, 10
184
77 , 12
128
1967-68
97,42
200
77,95
130
1968-69
94,20
215
74,20
135
1969-70
101,20
221
86,20
142
1970-71
102
228
85,00
194,10
1971-72
105
191 ,40
85,00
142,50
1972-73
105
203,40
85,00
194,10
1973-74
120
243,10
100
305
1974-75
150
242
175
280
1975-76
150
411,20
175
366
1976-77
180
855,90
180
1977-78
250
569,70
250
1978-79
250
661,90
250
560
1979-80
300
650
300
560
Source
La Côte d •1v0 ire en chiffres, ed. 1980-81 et les statistiques
de la BCEAO, n0176-292, 1970-1981. Les statistiques agricoles du
Ministère de l'agriculture, 1980.
280
à l'exportation se chiffraient à plus de 120 % pour les deux produits dans
la même période (1). les mouvements des prix semblent être
fonction de
trois considérations techniques :
1°/ la conjoncture prévisible du marché (anticipation sur évolution des
prix mondiaux) ;
2°/ la nécessité de maintenir un niveau de prix intérieur le plus bas possi-
ble
3°/ et les besoins de l'Etat, pour le financement du qéve1oppement, etc ...
- Par contre, les produits exportés par les pays de l'Union monétaire
Ouest africain (UMDA), dont la Côte d'Ivoire fait partie, l'indice des prix
d'achat aux producteurs serait passé de 100
en 1963-1964 à 284 en 1979-
1980. Le tableau de la page suivante nous donnera les indices de la valeur
à 1 iachat des récoltes et des prix au producteur.
Cette hausse des prix au producteur a été nettement p1us forte
qu'en Côte d'Ivoire, 69 % contre 34 % en 1974-1975. Sur le marché ivoirien
les prix ont connu une hausse moins forte, 5,7 % au producteur, contre 25 %
à l'exportation (2).
Les mouvements de prix des produits exportés sont largement dépen-
dants des cours sur le marché mondial, comr~ 1 'e~lique le professeur Pe-
•
l'Duil, qui dit : "L'influence des prix à l'exportation est fonction de l'ori-
gine de la fluctuation: si le mouvement de l'offre est la cause princi-
pale, deux cas peuvent être envisagés, c'est à dire, si la demande est é-
lastique, une baisse de l'offre entraine une augmentation des prix, cette
hausse du prix va réduire le demande puisque celle-ci n'est pas rigide, et
aura pour effet de limiter la hausse des prix. Par contre, si la demande
est inélastique, la baisse va provoquer une hausse des prix, la demande res-
te stable, et 1es prix conti nueront à augmenter" (3).
(1) cf. La Côte d'Ivoire en chiffres, ed.1980-81
(2) Ministère de l'agriculture, direction de la statistique rurale et des
enquêtes agricoles, 1980
(3) Penout l , l'influence des prix sur les produits d'exportation, rapport
présenté au Congrès des économistes de 1angue française à hbidjan, avril 1979
281
Tableau n° 6
Indice de la valeur à l'achat des récoltes et
des prix au producteur
* Prix d'achat et valeur à l'achat des productions agricoles
exportées par l es pays de 11 UMOA
* Rapport indice des prix d'achat des productions agricoles/indice
des prix à la consommation
Source: statistiques de la BCEAO
1979
n° 272
1981
t
t
t
t
nC292.
282
Le professeur Plnouil va plus loin en disant que: "si le mou-
vement de la demande est la cause principale. deux cas peuvent être aussi
envisagés. c'est à dire. si l'offre est élastique. un accroissement de la
demande provoquera une hausse des prix. Cette hausse des prix va entrai-
ner une hausse de l'offre et limitera l'augmentation des prix. Par contre.
si l'offre est inélastique. l~augmentation de la demande et celle des prix
qui s'ensuit n'aura aucun effet sur l'offre et les prix continueront à aug-
menter" (1).
A partir de l'analyse. pour atténuer les effets néfastes des per-
turbations climatiques sur la production et des fluctuations des cours mon-
diaux sur le revenu des producteurs. le gouvernement ivoirien siest doté
de la CSSPPA pour la stabilisation des prix des produits agricoles. Comme
instrument de la politique agricole. elle garantit les prix des produits
"agricoles". quels que soient les aleas climatiques qui peuvent affecter
la production. ainsi que les fluctuations des cours sur le marché mondial.
Par définition, la CSSPPA a pour rôle d'assurer par son inter-
vention, la stabilisation des prix des produits agricoles d'exportation.
Elle sert de courroie de transmission entre l'Etat et les paysans.
Nous avons vu comment les prix se forment à l'intérieur et com-
ment la CSSPPA intervient pour stabiliser le prix au niveau des producteurs.
Examinons à présent de quelle façon les sociétés agréées à com-
mercialiser le café et le cacao interviennent et leurs liens avec la CSSPPA,
dans la section II.
(1) idem
283
Section II
Les sociétés agéées à commercialiser le café-cacao
et leurs liens avec la CSSPPA
Les sociétés agréées à commercialiser Ie cacao-carë , agissent
sous le contrôle de la Caisse de stabilisation. Les sociétés agréées sont
soumises au décrêt n071 510 du 2 octobre 1971, qui stipule: "l'exporta-
tion du café-cacao, ne peut être effectuée que par des entreprises ou des
coopératives agréées, sous le contrôle de la CSSPPA~ (1).
Les conditions exigées pour être apte à commercialiser le café-
cacao sont les suivantes:
lOI les sociétés, quelles que soient leurs formes, doivent dis-
poser d'un capital social entièrement libéré d'au moins 30 mil-
lions de FCFA, et doivent fournir une caution bancaire d'un mon-
tant minimum de 15 millions de FCFA ;
~ol elles doivent fournir la preuve qu'elle disposent ou dispose-
ront dans un bref délai, d'une organisation, et des infrastruc-
tures administratives, commerciales et techniques adéquates;
1°1 elles doivent être titulaires d'une licence spéciale, s'en-
gager à respecter la réglementation en vigueur en matière de com-
mercialisation et de conditionnement, tenir registre et comptabi-
lité de leur opération;
~ol avoir leur siège social en Côte d'Ivoire, être inscrites au
registre du commerce, et être en règle avec le fisc
~oi les directeurs des sociétés, ou leurs fondés de pouvoir, doi-
vent fournir un extrait de casier judiciaire.
Les dossiers constitués sont remis en double exemplaire à la CSS-
PPA, en retour les sociétés reçoivent par décision du Ministre de l'agri-
culture, en début de chaque saison caféière et cacaoyère, des quotas d'a-
chat, qu'elles ne peuvent dépasser (à 2% près, en plus ou en moins), et
dont l'observation est contrôlée par la CSSPPA, à partir des lettres de
voiture, ou des récépissés de la régie Abidjan-Niger. Cette mesure vise
à éviter une concurrence trop forte entre les sociétés.
(1) Bulletins annuels sur la commercialisation du café-cacao, Ministère
du commerce et de l'industrie, année 1973 et suivantes
284
Si les sociétés agreees sont tenues de respecter les quotas fi-
xés par le Ministère de l'agriculture, il faut souligner qu'à l'inverse,
les rétrocessions de contingent sont strictement interdites, de même le
fait d'en laisser la gestion à des tiers. Il est toutefois, admis que l 'u-
sinage du café-cacao peut être confié à une autre société exportatrice,
ou à un transitaire. Dans ce cas, la société exportatrice doit produire
un contrat, ou un protocole c'accord avec son usinier.
Voici la liste des sociétés agréées à commercialiser le café-
cacao, et le montant des quotas'd'achat en pourcentage qui leur sont attri-
bués, qui peuvent être modifiés en cours de campagne, et variant d'année en
année (1).
Les plusimpartantes de ces sociétés sont:
- La JAG, établissement Jean Abile Gal, qui est une société fran-
çaise, et qui a pour objet d'importer tous matériels industriels et tech-
niques et d'exporter le café, le cacao, les palmistes, etc ... , les capitaux
sont en totalité français.
- La société nouvelle SIFCA, dont le slege social est à Abidjan,
filiale de la société Tardivat à Paris, au capital de 500 000 000 FCFA, ob-
jet: traitement et exportation de café-cacao.
- DAFCI, Daniel Ancel et fils Côte d'Ivoire, filiale d'Unidaf
France (Le Havre), capitaux français à 100 %, objet: achat de consigna-
tion de tous produits tropicaux: café, cacao, etc ...
- La Compagnie Ivoire Café (CIC), société privée ivoirienne, à
capitaux privés ivoiriens, objet: exportation de café-cacao.
- Et la Compagnie ivoirienne de promotion pour l'exportation et
l'importation (CIPEXI), objet: exportation de café-cacao, à capitaux di-
versifiés: 60 % filiale Continaf d'Amsterdam et 40 % privés ivoiriens.
Les cinq sociétés disposent à elles seules de 55% du montant glo-
bal des quotas (2).
(1) Plans quinquennaux de développement, 1971-1975 et 1976-1980, Ministère
de l 'économie, des finances et
du plan
(2) L'arrété ministériel n00109 du 30 janvier 1978, portant attribution des
quotas pour les campagnes café-cacao, 1977-1978 et 1978-1979
285
Ensuite, viennent les autres sociétés moins importantes:
- La Société ivoirienne d'exportation de produits agricoles (SIE-
PA), qui a pour objet l'exportation de tous produits agricoles, et plus
spécialement de café-cacao, fruits tropicaux, bois et coprah et d'impor-
tation de denrées alimentaires et de matériaux dè construction; ainsi que
de véhicules d'occasion. Société privée ivoirienne.
- La Société ivoirienne d'exportation (SOCIVEX), société anonyme
au capital de 40 000 000 FCFA et qui a pour objet la commercialisation des
produits d'exportation: café-cacao. Société privée à capitaux ivoiriens.
- Le Groupement ivoirien de sociétés d'exportation et coopérati-
ves agricoles (GI.SE.CA) à capitaux privés ivoiriens, objet: importation
de produits chimiques industriels et exportation de café-cacao.
- La Société havraise africaine de commerce (S.HA.C), filiale des
établissements Raoul Duval et compagnie du Havre, objet: exportation de
café-cacao, riz, palmistes et importation.
- La Compagnie commerciale africaine (CCA), filiale du Comptoir
commercial André et compagnie à Marseille, objet: exportation de café-
cacao.
- La CAFCAO, société ivoirienne (SARL), objet: achat et exporta-
tion de café-cacao.
- La Compagnie ivoirienne d'exportation et d'importation (CIVEXIN),
privés ivoiriens, objet : exportation de produits divers et importation de
produits divers.
- La Société ivoirienne d'expansion commerciale (COMAfrique), so-
ciété privée, capitaux ivoiriens, objet: import-export de produits agri-
coles et de matériels d'équipement.
- La Société ivoirienne d'expansion commerciale (SIEC), capitaux
privés ivoiriens.
- La Société inter-africaine d'import-export Côte d'Ivoire
(INTERAF), capitaux privés ivoiriens, objet: commerce général.
- La Société ivoirienne de distribution économique (SIDECO), fi-
liale de la société commerciale de l'Ouest africain (SCOA), capitaux privés
français, objet: commerce général.
- La Société générale d'import-export, et tous services (SOGIMEX)
SA capitaux privés ivoiriens.
286
- La Commerciale ivoirienne (COMMIVOIRE), filiale Unidaf Havre
(France), capitaux privés français, objet: commercé général.
- Société africaine de commerce et d'industrie (SACI), (anciennes
activités commerciales de la société F.Massieye et J.Ferras), capitaux pri-
vés français, filiale SCA à Paris, objet: import-export-distribution.
- La Société abidjanaise d'import-export (SAIE) capitaux privés
étrangers, objet: import-export.
- Borro et compagnie, société privée étrangers, objet : commer-
cialisation de café-cacao, palmistes et tous produits agricoles de Côte
d'Ivoire. Société familiale Borro.
- Eburnéa,
société privée ivoirienne, capitaux privés, objet
import-export.
- EL t~ER, société privée étrangère, objet: import-export.
- IBERO-CI, société ivoirienne, objet: importation de riz, sucre,
divers ; exportation de café-cacao; 55 %capitaux privés ivoi~iens et 45 %
de capitaux étrangers.
- La Société d'échanges commerciaux (SEC), filiale de l'Union fi-
nancière pour l'Europe et l'Afrique (UFEA), objet: opérations commercia-
les de consignation.
- La Société d'usinage de café (SUC), privée ivoirienne, capitaux
privés ivoiriens.
- La Société ivoirienne d'exportation et de transformation de ca-
fé, de cacao et de produits agricoles et industriels (SIDEXCA), filiale
de la société -ïnternational Walter D.Sohier (Angleterre), capitaux étran-
gers, objet: achat, traitement et exportation de café et de cacao.
- ATLANTIC, import-export (EXIMAT), société à capitaux privés é-
trangers.
Les sociétés agréées et la répartition des quotas
Les sociétés agréées
Les Quotas (%)
- SIFCA
10,38
- JAG
13,25
CIC
9,63
- DAFCI
8,69
- CIPEXI
8,48
287
- COMAFR1QUE
.4,43
SOG1MEX
2,85
SEC
3,95
COi~~lI va l RE
1,00
SUC
0,30
S1DEXCA
1,75
SIDECO
2,29
BORRO-Frères
2,25
SHAC
5,13
CAFCAO
0,50
SOC1VEX
2,30
SACI
2,20
IBERO-CI
2,26
EBURNEA
1,26
CCA
1,10
EL NAS E;(
1,00
EXIMAT
5,00
GESECA
1,00
SAIE
1,70
SIEPA
0,50
INTERAF
5,10
- SIEC
0,60
- CIVEXIM
0,60
Réserve Caisse
0,50
Total
100 %
Cette section se divise en deux paragraphes:
Les formes d'intervention des sociétés agréées dans la commercia-
lisation (1) ;
le financement de la commercialisation et l'origine des ca-
pitaux des sociétés agréées (II).
1- Les formes d'intervention des sociétés agréées dans la com-
mercialisation
Les sociétés agréées interviennent à plusieurs stades de la com-
288
mercialisation. D'abord à l'achat et à la collecte des produits t à l'usi-
nage et à l'exportation.
1°/ L'achat et la collecte des produits
Avant chaque campagne (le 1er octobre de chaque année)t les so-
ciétés agréées interviennent auprès des traitants t avec lesquels elles tra-
vaillent et veillent à ce que ces derniers soient en mesure de disposer de
moyens financiers nécessaires pour l'achat des produits auprès des plan-
teurs et des coopératives. Les sociétés agréées accordent des avances aux
traitants quit eux t sont en contact direct avec les paysans. En cas de non
confiance entre les deux parties (sociétés agréées et traitants)t un con-
trat est établ i .
Au stade des opérations d'achat~ la CSSPPA contrôle le processus
au cours duquel le café et le cacao sont achetés par les traitants t pour le
compte des sociétés agréées t soit directement aux planteurs ou aux coopé-
ratives. La Caisse de stabilisation prend en charge les frais de transport
et de ramassage t qui s'ajoutent au prix garanti aux producteurs.
La profession d'exportateur est réglementée quant à ses moyens
t
financiers t à ses infrastructures t à son honorabilité. Les sociétés ex-
portatrices interviennent par personne interposée t ce qui rend la commer-
cialisation du café très délicate.
En ce sens que t le traitant ~ui opère pour le compte d'une so-
ciété sera tenté
de spéculer aux dépens du paysan t soit en achetant le
produit en-dessous du prix national t soit en argant que le produit présent
n'est pas de bonne qualité ou en déréglant simplement sa balance.
Cette méthode de spéculation est valable avec quelques réserves t
- ..
....",
- .
à tous les niveaux les maillons de la chaine, depuis les sociétés
agréées jusqu'aux traitants_
En ce qui concerne les avances consenties aux traitants par les
sociétés agréées t la valeur de ces avances nlest pas simple à évaluer,
d'autant qu'il est impossible d'isoler la part qui va aux achats de café t
et celle qui va au cacao.
Cette avance ne représente qu'une part de la totalite des crédits
mis en place en Côte d'Ivoire
par l'intermédiaire des banques.
t
Outre les avances aux traitants, appelées en Côte d'Ivoire "Avan-
289
ce de brousseu , les sociétés agréées exportatrices doivent assurer les
frais de sacherie, de portage et les pertes éventuelles.
Les produits achetés par les traitants pour le compte d'une ou
plusieurs sociétés sont, préa1ab1ement~ sechés, décortiqués, nettoyés.
triés et emmagasinés dans un centre de collecte situé dans la circonfé-
rence des points d'achat importants. et correspondants le plus souvent à
une sous-préfecture. Là le produit est examiné par des agents assermen-
tés du service de contrôle de commercialisation. Une fois la vérification
faite. le chef de centre délivre une lettre de voiture pour l'acheminement
du produit vers les usines de conditionnement (Abidjan).
2°1 l'usinage et le stockage
Les produits qui sont triés (pour le café) séchés (pour le cacao),
ne sont pas e~ore prêts à être exportés. Ils doivent être encore usinés.
Cet usinagecor6iste à mettre les produits dans les conditions
et la qualité requises pour être aptes à l'exportation. Le café par exem-
ple, qui est déjà décortiqué et trié par les planteurs. n'est pas suffisam-
ment propre pour être exportable. il contient encore de la poussière. des
cailloux. des débris d'arbustes. Arrivé dans les usines, il est lavé et
trié une seconde fois, classé par différents grades (grade 1. grade 2.
grade supérieur).
Après l'usinage. le café est mis en sac export et prêt à être
exporté. De même le cacao venant des planteurs. n'est pas directement expor-
table. Il n'est pas bien sec. il faut le sécher au four de l'usine. Après
séchage. il est trié et mis en sac pour l'exportation.
L'exportation ne peut cependant. se faire directement sans l'au-
torisation d'exporter de la Caisse de stabilisation. En attendant l'accord
de la CSSPPA, les produits deront stockés dans des magasins propres à l'ex-
portateur, Ou appartenant aux transitaires. La durée du stockage dépend de
l'autorisation d'exporter de la CSSPPA. Le café peut être stocké pendant
plusieurs années, quant au cacao, il est stocké pendant une courte pério-
de pour éviter les moisissures.
3°/ L'exportation
Les produits stockés sont exportés après autorisation accordée
aux exportateurs par la CSSPPA.
Chaque année. et pour chaque campagne, la CSSPPA. fixe les dates
d'ouverture et de clôture de la campagne, publie la liste des sociétés a-
gréées (exportateurs) pour la commerctalisation des produits. fixe les prix
d'achat aux producteurs, qui sont tenus ~e respecter ces quotas.
290
La CSSPPA peut, en tant que commerçante, décider d'exporter elle-
même une certaine quantité de produits.
A côté de ce système de commercialisation traditionnelle, un nou-
veau système tend à se généraliser: c'est celui contrôlé par la socié-
té d'études et de réalisations pour l'industrie caféière et cacaoyère
(SERIC), à laquelle la Caisse participe pour 40 %. Ce système a pour but
d'améltorer la rentabilité, en supprimant le décorticage artisanal et le
triage à la main. Des usines de la SERIC achètent le café en cerises sèches
et non plus le café vert.
La Caisse prend en charge totalement le placement du produit et
exclue tout intermédiaire.
Aucun exportateur ne peut disposer d'une quantité de café, sans
l'accord préalable de la Caisse.
Cette forme de commercialisation et d'usinage des produits avant
exportation, réduit les fraudes. Cette usine SERIC est gérée par une socié-
té agréée: la JAG (Jean Abile Gal). L'action de la CSSPPA au niveau de la
commercialisation, exportation comprise, est renforcée par le rôle que
jouent les banques commerciales au niveau du financement de la commercia-
lisation.
11- Le financement de la commercialisation et l'origine des ca-
pitaux des sociétés agréées
La commercialisation des produits d'exportation (café-cacao) ne
sera facile que si elle est financée par des organismes habilités. Les
banques commerciales vont jouer un rôle déterminant dans le financement de
la commercialisation des produits d'exportation, surtout la BICICI (1).
Nous allons voir,dans cette étude, les mécanismes communs appli-
qués par les différentes banques commerciales et montrer comment la BICICI
finance les campagnes de café-cacao à travers les sociétés agréées.
- Le mécanisme de financement des différentes banques commercia-
les (2)
(1) BIClel : Banque internationale pour le commerce et l'industrie de la
Côte d'Ivoire
(2) Etudes du crédit aux entreprises par les banques. Service d'études So-
ciété ivoirienne des banques, année 1977
291
Le mécanisme est le même pour toutes les banques commerciales
qui interviennent dans le financement de la commercialisation des pro-
duits agricoles d'exportation, tels que le café et le cacao. Ce mécanis-
me consiste, pour les banques, à consentir, à différents stades de la
commercialisation du café-cacao, des avances aux agents opérateurs (ex-
portateurs ou leurs intermédiaires), pour leur permettre l'achat des pro-
duits. Cette intervention des banques se fait sous forme d'accord de cré-
dits de différentes natures, avec les sociétés agréées qui opèrent pour
la commercialisation du café-cacao, par le biais de leurs traitants.
On distingue entre autres, les crédits de campagne et les cré-
dits de stockage. Tous les crédits sont à court terme. Les crédits sont
accordés aux sociétés agréées exportatrices, afin de faciliter pour une
certaine période, leur trésorerie.
Le processus de financement et de commercialisation du café-ca-
cao se trouvent résumê dans le schema ci-après.
Schema du processus de commercialisation du café et du cacao
(I)
---...-----1 CSSPPA J,..--......It~---
producteurs
traitants
,_. _. _ _
AVANCES DE
LA BANQlJE
Le shema de ce processus de commercialisation du café-cacao,
montre bien l'emprise qu'a la Caisse de stabilisation au niveau de la pro-
duction (la collecte et l'achat des produits aux producteurs) et de la
commercialisation.
(1) La Caisse de stabilisation exporte directement le café et le cacao, sans
passer par les exportateurs agréés par elle.
(II) Les exportateurs agréés par la CSSPPA, exporteflt le café -cacao sous le
292
couvert de la Caisse. Puisque le seul organisme connu sur le marché mon-
dial est la CSSPPA.
(III) Les exportateurs agréés achètent les produits par l'intermédiaire
de leurs traitants.
(IV) Les traitants sont en contact direct avec les paysans.
(V) Les banques font des avances aux exportateurs agréés, mais sous le
contrôle de la CSSPPA.
(VI) La CSSPPA fixe le prix d'achat des produits à l'exportation aux so-
ciétés agréêes.
(VII) La CSSPPA est en contact avec les banques habilitées à faire des
avances.
(VIII) La CSSPPA veille sur le bon fonctionnement de l'achat des produits
en garantissa_nt un prix au producteur.
- le financement des campagnes café-cacao
La BICICI (banque ivoirienne de crédit et d'industrie en Côte
d'Ivoire), dans le financement des campagnes des produits agricoles d'ex-
portation (café-cacao), consent, à différents stades de la commercialisa-
tion, des crédits à ses clients exportateurs. Les crédits consentis doi-
vent permettre à ses clients éxportateurs de régénérer leur trésorerie
pendant toute la durée de la campagne.
Nous comprenons aisément l'origine des capitaux des sociétés a-
gréées à commercialiser le café-cacao. La banque intervient à plusieurs
stades.
- Les d-; fférents stades de fi nancement
---'. - - - - - - - - - - - - -
La banque intervient en fonction des besoins des sociétés agréées,
à trois niveaux successifs:
- à l'achat
- au stockage
- à l'exportation
11 Crédit à l'achat
Avant le début de la camPd9ne, les exportateurs font en sorte que
les traitants avec lesquels ils travaillent soient en mesure de disposer des
moyens financiers nécessaires, pouvant leur permettre d'effectuer l'achat
Guy Delaporte, la Caisse de stabilisation et de soutien des prix des pro-
duits agricoles, in Ma.rchés tropicaux, avril 1976
293
des produits auprès des producteurs.
les exportateurs utilisent pour ce faire des crédits de campa-
gne, qui sont mis à leur disposition par les banques.
Ces crédits de campagne sont des avances bancaires consenties de
façon exclusive et certaine, pour la commercialisation des produits agri-
coles locaux, y compris les crédits destinés à leur exportation. les cré-
dits accordés par les banques sont des découverts, que la banque fait à
ses clients. les découverts n'étant pas assortis de garanties spécifiques,
1e risque doit être analysé comme celui d'un vrai découvert, et comme tel,
il doit être compatible avec la situation financière du client, ou compen-
sé par des garanties extérieures à l'entreprise, ou à la personne exporta-
trice des produits.
les produits sont achetés par des traitants, pour le compte des
exportateurs agréés par la Caisse, directement aux planteurs ou aux coopé-
ratives, aux prix garantis par la CSSPPA.
2/ Crédit au stockage
Les produits étant alors expédiés sur Abidjan, où ils sont stoc-
kés, le financement des stocks intervient à hauteur de 95 % (1) de la va-
leur loco~magasin (prix d'achat + frais d'approche). les négociants assu-
rent les 5 %restants sur leurs propres ressources. Ce financement ban-
caire est garanti par le nantissement du produit chez les transitaires lo-
caux, dont certains sont des émanations des exportateurs de produits.
Exempl~ _~e la campagne 1976-1977
Café
Cacao
- -
Coût du kg au producteur
180 FCFA
180
Valeur l oco-meçastn
208 FCFA
204
Avance bancaire par kg
195 FCFA
190
Cours moyen garanti par la Caisse
300 FCFA
290
Cours extrêmes sur le marché inter-
nat i ona}.
715/1.800 FCFA
690/1 250
(1) Plans quinquennaux de développement, 1971-1975 ; 1976-1980, Ministère
de l'économie, des finances et du plan
294
Par ce tableau, nous pouvons nous rendre compte que, le cours de
base sur lequel sont calculées les avances sur les produits, laisse une
marge de sécurité suffisamment élevée par rapport au cours garanti au
producteur par la Caisse de stabilisation.
Cette marge de sécurité permet à la Caisse de stabilisation de
compenser les prix des productions agricoles, en cas de chute des cours
sur le marché international.
Il n'en reste pas moins que les prix aux producteurs sont rela-
tivement très bas, par rapport aux cours moyens garantis, et les cours sur
les marchés internationaux (cette partie sera analysée dans le chapitre II
de notre travail).
3/ Crédit à l'exportation
Une fois les produits vendus, les besoins du négociant ne sont
pas satisfaits pour autant, puisque l'importateur ne règle pas immédiate-
ment (le délai d'encaissement moyen est de 15 à 30 jours). L'exportation
escomptera donc des documents (remises documentaire~en vue de virements).
L'exportateur aura, pour obtenir le bon d'embarquement, à réser-
ver parfois des différentiels à la CSSPPA, dont l'importance dépend des
cours pratiqués sur le marché mondial.
Toutes les opérations de crédit sont réglementées et contrôlées
par la Caisse de stabilisation qui joue un rôle déterminant auprès des ban-
ques commerciales de crédit. En plus, la CSSPPA représente tout&~les so-
ciét~s agréées sur le marché mondial, comme exportateur de cacao-café.
- L'origine des capitaux des sociétés agréées
Compte-tenu de la masse de financement que toutes ces opérations
impliquent, les sociétés agréées sont protégées par les banques commercia-
les, qui leur accordent des crédits pour la campagne, sous le contrôle de
la CSSPPA.
Les crédits accordés aux sociétés sont à court terme, remboursa-
bles après 1a campagne, vers le mois d'avril. Ne peuvent obtenir de crédit,
que les sociétés agréées par la Caisse, par l'arrêté n00109 du 30/6/78.
Etant donnée la multitude de financements impliqués par ces opéra-
tions, les sociétés agréées demandent des avances auprès de leurs banques,
295
pour financer les différents stades de la campagne, depuis le lieu d'achat,
jusqu'à l'expédition.
Le montant des crédits à court terme ainsi consentis est connu.
Il est compris dans les indicateurs économiques, régulièrement publiés
par la banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (SCEAO), sous la
rubrique "utilisations déclarées à la centrale des risques de la Côte d'I-
voire" .
Notons, pour mémoire que lors de la premlere campagne 1974-1975,
les crédits accordés au commerce d'exportation de café-cacao, ont oscillé
entre 26 et 49,4 milliards de FCFA (1) (avec une pointe en février-mars-
avril) sur un montant total de crédits à court terme pour l"ensemble de
la Côte d'Ivoire, se situant entre 160 et 178 milliards de FCFA. Les taux
de prêts des banques sont de 7,50 %pour les avances de crédit (en 1974-
1975). Ce taux a surement doublé de nos jours.
Nous pouvons conclure ce chapitre en disant que les caractéristi-
ques de la commercialisation du café-cacao et la formation des prix des
produits en Côte d'Ivoire sont régis par la Caisse de stabilisation. Depuis
le lieu de production jusqu'à l'exportation, la CSSPPA veille à la bonne
marche de la commercialisation, et opère par le biais des sociétés agréées.
La commercialisation du café-cacao est financée par les banques
de crédit, à la demande des sociétés agréées, mais toujours sous le contrô-
le de la CSSPPA.
La Caisse, non seulement garantit les prix aux producteurs et
contrôle toute la production, mais intervient aussi sur le marché mondial,
au niveau de la formation des prix, ce qui lui permet de fixer le prix à
la production et le prix à l'exportation. Nous pouvons saisir le rôle de la
CSSPPA au niveau de la formation des prix sur le marché mondial, à travers
l'échange inégal du cacao-café, qui fera 1'objet d'études de notre chapitre IF
(1) Tous les chiffres figurent dans l'indicateur économique de la SCEAO,
n0171, mars 1970
296
Chapitre II : L'échange inégal: café-cacao
•
L'etude du commerce international, et plus spécialement des
échanges entre les pays tiers et les pays capitalistes développés, nous
permettra de comprendre les aspects touchant aux liens de dépendance, que
l'on peut qualifier de dépendance organisée entre les deux groupes de pays.
Nous diviserons ce chapitre en trois sections :
Section 1 : l'évolution des cours du café et du cacao sur le mar-
ché mondial, comment les prix se forment et comment ils évoluent.
Section II : le partage de la valeur café-cacao de la Côte d'Ivoi-
re à l'échelle mondiale, voire les prix de production et les prix d'expor-
tation (étude comparative), les prix de production et les prix de consom-
mation, voir les conséquences de tous ces facteurs sur la balance commer-
ciale et la balance des paiements.
Section III : le problème de l'organisation du marché du café et
du cacao (analyse des différents accords).
Section 1 : Evolution des cours du café et du cacao sur le
marché mondial
L'évolution des cours du café et du cacao sur le marché mondial,
fait apparaitre un rapport de force fondamentalement défavorable aux pays
producteurs. Or, l'analyse de l'organisation du marché professionnel du
café-cacao, et du mécanisme des prix, montre que c'est dans les bourses des
pays consommateurs que se fixent les prix du café et du cacao, en fonction,
non pas du coût de production comme les prix industriels, mais des prévi-
sions faites par les pays consommateurs. Ce sont donc des prix essentielle-
ment spéculatifs et instables qui, sauf flambées de pénurie, fluctuent sans
progrès à des niveaux déprimés depuis très longtemps et ne cessent, par
conséquent de se dégrader en terme de pouvoir d'achat des produits indus-
triels.
A l 'heure actuelle, le café et le cacao constituent la base éco-
nomique de la Côte d'Ivoire et de certains pays africains. Par contre, ce
sont des produits dont la consommation dépend de la croissance économique
et démographique des pays capitalistes développés. Ainsi se trouve soulignée
la grande dépendance des pays producteurs. Dans les pays consommateurs, la
297
demande émane d'une part des négociants importateurs, qui veulent. avoir
des stocks permettant l 'appovisionnement en différentes qualité~ des utili-
sateurs, sur toute l'année, et d'autre part, elle émane des industriels
pour leurs broyages et des torréfacteurs.
Il existe actuellement cinq grands marchés de café et de cacao:
New-York (Etats-Unis), Londres (Grande-Bretagne), Paris (France), Amster-
dam (Pays-Bas) et Hambourg (Allemagne Fédérale). Dans chacun de ces centres
se sont créées des associations professionnelles de commerces de café-cacao,
dont le rôle est d'encadrer le marché, d'imposer un code de moeurs commer-
ciales, et de réglementer les rapports entre les divers intérêts en pré-
sence.
Si le marché de New-York a son propre réglement, les quatre autres
s'inspirent étroitement du réglement de Londres dit "Contrat de Londres".
A côté des marchés en effectifs (marchés du physique ou du mar-
ché disponible sur lesquels s'effectuent les ventes et les achats fermes
de café-cacao), fonctionnent des marchés à terme (New-York, Londres, Paris
et Amsterdam). Ce sont ces quatre marchés à terme qui fixent les cours du
café et du cacao sur le marché mondial. Le professeur Yves Simon (1) nous
parle des avantages d'une intervention sur les marchés à terme et signale
que: "plus les opérateurs sont nombreux et diversifiés et plus le prix ob-
tenu par confrontation de l'offre et de la demande représente un cours
d'équilibre. En ce sens les interventions à terme des principaux pays pro-
ducteurs doivent étre considérés comme une mesure positive, car elles per-
mettent de dégager un prix plus représentatif de la réalité et de la volon-
té des différents acteurs". Le professeur Yves Simon poursuit en disant
qu'il peut y avoir aussi des risques. Le premier est d'imaginer que les
interventions sur les marchés à terme pourraient maintenir les cours à un
niveau artificiellement élevé. Le second risque est de favoriser le déve-
loppement de situations d'étranglement qui ne peuvent que perturber la sé-
rénité des marchés et leur bon fonctionnement".
Avant d'étudier l'évolution des cours
du café-cacao
(1) Yves Simon, les interventions des pays producteurs sur les marchés à
terme de marchandises, in Commerce international et matières premières,
sous la direction de Claude Mouton-Philippe Chalmin, p.132-133, 1981
298
sur le marché mondial, nous allons analyser, dans un premier temps,
comment les prix se forment sur le marché mondial (1) a partir de quel-
ques exemples, basés sur des enquêtes et des entretiens avec des spé-
cialistes, en 1'occurence M.Rault (1), l'évolution des cours du café-
cacao (II) et une étude comparative entre les cours du café-cacao, avec
les cours des produits industriels (III).
1- La formation des prix du café-cacao sur le marché mondial
Les prix se forment sur le marché mondial, en fonction du rap-
port qui existe à un moment donné, entre l'offre et la demande de café
et de cacao à l'exportation et la demande de café et de cacao à l'impor-
tation.
A priori, il existe un rapport entre la production mondiale et
la consommation mondiale. Nous allons prendre un exemple et raisonner en
terme de 60 kg (2).
En parlant de sacs de 60 kg, nous pouvons estimer la consomma-
tion mondiale des pays importateurs (en laissant de côté la consommation
des pays:::.producteurs), à 55 mi 11 i ons de sacs (3).
Supposons qu'au cours de l'année, pendant laquelle les pays pro-
ducteurs ont récolté du café et du cacao, la production totale se soit
élevée à 60 millions de sacs.
Il ne faut pas perdre de vue qu'il y a 40 pays producteurs en-
viron dans le monde.
Tous ces pays vont donc se trouver en face d'une demande de la
part des pays consommateurs de 55 millions de sacs, d'où une surproduc-
tion de 5 millions de sacs.
Ce phénomène de surproduction va déclencher une concurrence
entre les pays producteurs, dont vont profiter les acheteurs, à cause
de la surproduction de 5 millions de sacs.
(1) Nous remercions M. Jacques Rau1t, secrétaire général des importateurs
de café-cacao, pour sa collaboration à la réalisation de ce travail
(2) Convention fixée entre les pays producteurs et les pays consommateurs
(3) Les 55 millions de sacs de café-cacao sont pris en terme d'exemple,
pour déterminer la position des pays producteurs en cas de surproduction
299
La Côte d'Ivoire, en tant que gros producteur de café-cacao,
sans oublier le Cameroun, l'Ouganda, le Ghana, le Togo, etc .. , vont se
presser pour vendre leurs produits d'exportation; d'où une surenchère
à la baisse .
. La Côte dllvoire, en quête de devises, n'hésitera pas à vendre
son produit.
Pour parer à cette éventualité, d'après les explications du se-
crétaire général des importateurs de café-cacao, deux solutions sont pos-
sibles :
1°/ le procédé OPEP
2°/ les accords internationaux (1).
1°/ Le procédé OPEP (2)
Le procédé OPEP consiste à réguler la production au niveau des
pays producteurs, pour éviter la surproduction, facteur de fluctuation du
prix du café et du cacao sur le marché mondial.
Les pays producteurs se proposent de faire la proportion en dé-
cidant de réduire la récolte d'un dixième, pour éviter la surproduction.
Ainsi, chacun des pays producteurs va prendre l'engagement de baisser les
quantités qu'il va offrir à l'exportation, ce qui aura pour avantage de
maintenir les prix du café et du cacao sur le marché mondial à un niveau
stable, donc d'assurer un équilibre entre la demande et l'offre. La solu-
tion OPEP pour le café et le cacao ne marche pas comme pour le pétrole,
(d'après les explications du secrétaire général des importateurs), à cause
de la très grande importance de ce dernier dans l'économie mondiale. Alors
que pour le café et le cacao, les pays consommateurs peuvent réduire leu~
consommation, sans bouleverser leur économie. Il est très difficile de fai-
re respecter une telle organisation au niveau des pays producteurs. Elle
peut être fonctionnelle dans la mesure du possible, entre les grands pays
producteurs comme la Côte d-Ivoire, le Brésil, en accord avec la Colombie.
(1) Tous les accords seront étudiés dans la section III de notre étude (or-
ganisation interafricaine, accords internationaux, "café-cacao", etc ... )
(2) Le procédé OPEP est la seule arme pour défendre les intérêts des pays
producteurs, d'après les explications du secrétaire général du syndicat
des importateurs de café-cacao
300
Il serait très difficile, dans la conjoncture actuelle du monde, d'obtenir
un respect disciplinaire de la part des autres pays producteurs. Une telle
organisation non uniforme va mettre les importateurs en situation de spec-
tateurs. Ils vont attendre en ralentissant leurs achats, et en jouant sur
leur réserve de stock, espérant une baisse éventuelle des prix, due à
l'abondance du café et du cacao sur le marché.
Vue l'abondance des deux produi ts sur 1e marché, 1es importa-
teurs estiment que les prix doivent baisser et s'adapter à la situation
d'abondance. Etant donné le besoin important de devises de certains pays,
à l'instar de la Côte d'Ivoire, qui se voit obligée de vendre en-dessous
du prix réel. A partir d'une telle situation une organisation des grands
pays producteurs n'est pas possible. Ce genre d'organisation est possible,
quant l'écart entre 1& production et la consommation est faible, c'est à
dire moins de 10 % (1). Si c'est un écart de 2 à 3 % , réparti entre les
pays producteurs, il est bien évident que la discipline et la fermeté des
grands producteurs suffiront pour établir l'équilibre. Au-delà d'un certain
niveau d'excédent, le système d'organisation est remis en cause.
2°/ Les accords internationaux
L'Accord international réunit les pays producteurs et les pays
consommateurs. L'association des pays consommateurs au ~iveau de l'accord
internationol sur la formation des prix, a une importance majeure (les
accords internationaux du café et du cacao seront étudiés dans la section
III de notre travail).
Les pays consommateurs ne peuvent exporter que les produits qui
sont en règle, c'est à dire respectant les lois des marchés et des accords
fixés par le marché mondial. Tous les pays producteurs sont membres de
l'Accord international du café-cacao (2).
L'Accord international du café-cacao détermine les contingents et
(1) Jacques Rault, la production et la consommation du café et du cacao
dans le monde, Revue du syndicat des importateurs, année 1978
(2) Nous étudierons avec plus de détails le fonctionnement de l'Accord in-
ternational du cacao-café dans la section III, et les changements inter-
venus au sein de l'Accord international
301
les répartit entre les pays producteurs. Le prix du café et du cacao est
déterminé en dollar US, en livre anglaise, en franc .français, etc ...
Celte fourchette est comprise entre 1 dollar 20 la livre, et 1
dollar 50 la livre. Pour arriver à un accord entre pays producteurs et pays
consommateurs, il fallait trouver une fourchette qui tienne compte et de la
situation au niveau de la fixation des prix sur le marché mondial et de la
production mondiale. Dans une large mesure, cette fourchette laisse jouer
1 'offre et la demande. C'est une des raisons de la fluctuation et de la
modification régulière des prix sur le marché mondial.
Il y a des pays consommateurs qui considèrent que le prix du con-
tingent est trop élevé
et pense à une baisse éventuelle des prix. En cas
de baisse, les torréfacteurs de café et les maisons de broyage de cacao,
vont se précipiter pour acheter, pensant qu'il peut y avoir une brusque
remontée des cours et crééer un déséquilibre entre l'offre et la demande
et déc1en cher une augmentation des prix. En d'autre terme, c'est la con-
' - J
frontation entre ces deux situations, c'est à dire entre l'offre globale
et la demande globale de chaque produit que nait un prix de référence au-
tour duquel vont se négocier toutes les transactions des porduits primai-
res (café-cacao). De cette manière le prix affiché représente à chaque
moment le prix d'équilibre, ce qui veut dire le prix le plus élevé que les
acheteurs acceptent de payer et le prix le plus bas auquel les vendeurs
consentent à livrer.
Cette description de la fixation des prix des produits primaires
estfuéorique. Les opérations ne sont pas aussi simples. Les transactions
sur les bourses de commerce et, par conséquent, les occasions de varia-
tion de prix, s'effectuent selon des modalités particulières (1).
L'Accord international prévoit en cas de baisse de prix, de rédui-
re les contingents et si l'effet contraire se produit, augmenter les con-
tingents, de façon à maintenir les prix dans cette fourchette.
Le mécanisme des prix du café et du cacao ne relève pas, sans
plus de simples gonflements et dégonflements naturels de la production (2).
(1) Jacques Rau1t, la production du café-cacao et les bourses de commerce,
Revue du syndicat des importateurs, année 1978
(2) liCes prix ne relèvent pas d'autres mécanismes que ceux des gonflements
et des dégonflements naturels de la production", in Marchés tropicaux et
méditerranéens, nOspécial du 22 décembre 1972
302
Le prix du café et du cacao se fixe en fonction de la production. de la
consommation. des stocks et de la spéculation.
Au cours d'une campagne. on constate que le prix évolue au jour
le jour. non pas en fonction de la production mondiale. mais des prévisions
faites avant et pendant la campagne. sur la base de renseignements les plus di-
vers: conditions atmosphériques. état sanitaire des plantations, prix
d'achat aux planteurs, déroulement de la commercialisation dans les prin-
cipaux pays producteurs, etc ... A ces facteurs, s'ajoutent des considéra-
tions extérieures, telles que: les fluctuations monétaires, les grèves,
les crises politiques, etc ... Ainsi balloté à toutes les influences, le
prix du café et du cacao se caractérise par une grande instabilité.
Il existe sur la marché de matières premières agricoles (café-
cacao) deux marchés: l'un au comptant, l'autre à terme.
1
-
Le marché au comptant
Les marchés à terme permettent d'acheter ou de vendre
non des produits physiques, mais des papiers que l'on appelle
contrats. Par exemple, en 1974, l
% environ des 15 à 16 millions
de sacs (1)
de café négociés sur le marché à terme du café à
Paris a donné lieu à une livraison effective de produits physiques.
Les transactions à terme n'ont pas pour but de livrer les produits
physiques, mais de prémunir les contractants contre les variations
de prix ou bien de spéculer. Les opérations sur le marché fonc-
tionnent de la manière suivante. Lorsqu'un agent vend, sur le
marché à terme de New-York, une quantité de café ou de -cacao
pour livraison à une date précise, i l s'engage à livrer à la date
convenue du café ou du cacao brut répondant aux cr1têres de qualitÉ
définis par le r~glement. Mais il peut arriver que le même agent
ach~te le lendemain sur ce même marché une quantité équivalent
à celle vendue la veille. Les obligations contractées par lui
hier auprès de l'acheteur
(tonnase à livrer, période de livraison,
normes de qualité), le vendeur d'aujourd'hui les contracte auprès
de cet acheteur d'aujourd'hui. S~ le prix
(1)
Jacques Rault,
les bourses de commerce, Revue du syndicat
des importateurs,
1978.
303
du café ou du cacao d'hier n'est pas le même que celui d'aujourd'hui, la
différence, la perte ou le gain de cette transaction sera débitée ou cré-
ditée auprès de la Caisse de compensation (1).
Cet exemple montre que l'opération sur ~e marché à terme du ca-
fé-cacao est ainsi devenue une opération financière puisqu'elle ne don-
ne lieu à aucun transfert de marchandises. Généralement, ceux qui intervien-
nent sur les marchés à terme sont les opérateurs ou négociants. L'opéra-
teur sert de relais entre pays producteurs et pays importateurs. Car les
fluctuations de prix font que ce n'est pas le moment de vendre ou d'ache-
ter. Prêt à acheter lorsqu'un pays exportateur décide d'acheter, l'opéra-
teur intervient, en théorie, au moment le plus favorable pour lui. A côté
du marché au comptant et marché à terme, il y a les opérations de couver-
ture, où négociants et spéculateurs s'affrontent .
. Les négociants
Le
négociant effectue quatre opérations qui sont les suivantes
- si un exportateur est prêt à vendre son café ou son cacao, le
négociant achète ce café ou ce cacao aujourd'hui, à l'exportateur, sur le
marché au comptant. Le vendeur s'engage à livrer ce produit dansn mois
au prix du marché à terme d'aujourd'hui.
- le négociant vend immédiatement ce produit sur le marché à ter-
me et s'engage à le livrer dans n' mois. Il vend donc un contrat.
- si un importateur fait savoir le lendemain qu'il a besoin du
café ou du cacao dans un délai de n mois, le négociant vend à cet importa-
teur, sur le marché au comptant~ les quantités de café ou de cacao dont
l'importateur a besoin, au prix du jour de la vente.
- le négociant rachète immédiatement, sur le marché à terme les
quantités achetées à l'exportateur pour satisfaire les besoins de l'impor-
tateur.
Si les prix ont baissé durant la période, la vente du café ou du
cacao sur le marché au comptant sera effectuée à un prix inférieur au prix
d'achat. En revanche, la double opération sur le marché à terme aura été
(1) Marie Claude Jacmart, le commerce mondial des produits de base, in No-
tes et études documentaires, n04589-4590, 20 octobre 1980
304
bénéficiaire puisque les prix ont baissé entre la vente et le rachat. Si
les prix ont monté sur le marché au comptant entre aujourd'hui et le len-
demain, il en résultera un profit sur la vente au comptant et une perte
sur l ·opération à terme.
L'arbitrage ou la couverture est donc une véritable vente, dont
la particularité est de pouvoir être annulée à tout moment, en effectuant
sur le marché à terme, l'inverse de ce qu'on fait sur le marché au comp-
tant. L'arbitrage ou la couverture à terme, permet donc d'éviter les ris-
ques inhérents aux fluctuations de prix entre le moment d'achat de la mar-
chandise et sa revente .
. Les spéculateurs
Les négociants ne sont pas les seuls à opérer sur le marché à
terme. Il y a les ~p~c~l~t~u.!:.s, qui ont maUvaise presse, y jouent un rôle
important. Il est intéressant de rappeler que le mot vient du latin specu-
lari, qui veut dire observer. Ainsi, le spéculateur est un individu qui
observe les faits et les mouvements de prix, leurs causes, leurs effets
proches ou lointains et en tire les conclusions dont il espère qu'elles
se concrétiseront en gains.
La possibilité offerte aux utilisateurs de rectifier leur posi-
tion sur le marché à terme en effectuant deux opérations en sens inverse,
a rendu possible la présence de non-professionnels. Ces non-professionnels
utilisent le marché à terme uniquement à des fins spéculatives.
De l'avis des négociants, d'après l'analyse de M.Rault, qui dit:
"Ie prëserrce des spéculateurs offre des avantages. Tout d'abord, lorsqu'on
effectue de nombreuses transactions, le volume de celles-ci tend à régula-
riser les prix affichés. Ensuite, le spéculateur prend à sa charge les ris-
ques financiers des opérateurs et joue le rôle d'assureur du négociant,
puisqu'il est prêt à assumer, à sa place, le risque du marché" (1)
(1) Jacques Rault, secrétaire général des importateurs de café-cacao
305
11- Evolution des cours mondiaux du café et du cacao de
1955 à 1980
D'unefaçon générale, les cours du café et du cacao accusent des
fluctuations assez marquées.
L'instabilité ou la stabilité des prix est liée au mode de fixa-
tion des prix. Lorsque les prix se déterminent sur les bourses, ils sont
instables. En principe, ces fluctuations devraient être atténuées pour
les prix des produits faisant l 'objet d'accords internationaux, prévoyant
un prix plancher et un prix plafond.
Mais l'expérience montre que divers facteurs incitent les pro-
ducteurs ayant signé de tels accords à laisser jouer les forces de l'of-
fre et de la demande qui, souvent, leur sont plus bénéfiques. Les prix ad-
ministrés échappent aux fluctuations en dents de scie qui caractérisent
les prix de marché, et la rémunération des pays concédants est stable,
tant que la nature des rapports entre ces pays et les sociétés con·
cessionnaires n'est pas remise en cause.
L'évolution des cours nominaux du café-cacao, entre 1970 et 1979
a été marquée par une instabilité généralement plus forte que dans la perlo-
de précédente 1955-1970 (Tableau de l'évolution des cours). Dans la plupart
des cas, on observe une chute des prix en 1971, une reprise en 1972. une
flambée en 1973-1974 pour les deux produits. Puis une baisse en 1975 pour
le cacao, une remontée pour le café dans la même période (1975), suivie du
cacao en 1976, de 1976 à 1979, nouvelle flambée pour le café jusqu'en 1980.
Quand au cacao, il est marqué par une instabilité entre 1978 et 1980.
Les marchés de matières premières se cn~actérisent avant tout par
une rigidité considérable des deux termes. offre et demande à très court
terme. Des changements minimes de l'équilibre offre-demande transforment
très brutalement une situation de déséquilibre en faveur des producteurs.
en une situation de déséquilibre en faveur des acheteurs ou l'inverse.
Si. par exemple, le bruit court qu'une pénurie va avoir lieu, les
acheteurs sont prêts à acquérir les produits à des prix doubles ou triples
de ceux qu'ils auraient refusés en période normale (café-cacao durant la
campagne 1976-1977). Ainsi, on assiste à des courbes de demande "atypiques"
où la quantité demandée est fonction croissante des prix anticipés sur
306
quelques semaines. Les acheteurs craignant les hausses plus élevées, voire
la pénurie, reconstituent leurs stocks au maximum.
Autrement dit, quels que soient les commentaires que l'on puis-
se faire sur les fluctuations déroutantes des coUrs des productions
agricoles, nous constatons, à travers le tableau et le graphique suivants,
les tendances de ces fluctuations depuis 1955 jusqu'à 1980, et qui montre
l'instabilité des cours des produits de base de plusieurs pays en voie de
développement.
La mise en place de la CSSPPA dans la plupart des pays africains,
avait pour but de garantir les prix du café et du cacao à la production,
contre les fluctuations du cours des produits (café-cacao) sur le marché
mondial.
Sur le marché de New-York, les cours du cacao sont passés de
37,8 cents en 1959, c'est à dire le plus haut niveau deuis 1955, pour chu-
ter à 25,4 cents en 1950. Compte-tenu du maintien, voire de l'augmentation
du prix payé aux producteurs (95 FCFA en 1980-81), la Caisse de stabilisa-
tion était obligée, au cours de l'année 1960, d'utiliser une partie de ses
revenus pour effectuer certaines interventions (alimentation du BSIE (1) par
exemple). Les cours du cacao ont continué à chuter depuis cette date (1960)
jusqu'en 1961, pour retrouver une légère augmentation: 22,60 cents par rap-
port à 1960.
A partir de 1968, les cours ont repris un niveau à peu près accep-
table par rapport aux années antérieures, 41 cents (1968), fluctuation en-
tre 1970 et 1972. En 1973 une remontée des cours: 51 cents, pour atteindre
71 cents l'année d'après (1974).
Après une brusque remontée en 1976, les cours ont évolué normale-
ment jusqu'en 1978, pour chuter l'année d'après. Celà est valable aussi
pour le café mais à des degrés moindres par rapport au cacao.
Considérés sur une longue période, les prix du café et cacao appa-
raissent généralement faibles et extrêmement fluctuants.
Le graphique ci-dessous souligne la grande amplitude de fluctua-
tions de prix du café et du cacao, dont on sait qu'elles sont directement
liées aux prévisions de rapport offre-demande et à la spéculation.
(1) BSIE, budget général d'investissement et d'équipement
307
Tableau n° 7
Evolution des cours mondiaux du café-cacao (1) de
1955 à 1980
(Moyenne annuelle New-York cents / lb)
--_ _ ---_ __
_--_
...
.........
....
.._--- ..
... _----------~--.-_ ..
GRAPHIQUE. 1
EVOLUTION
DES COURS MONDIAUX
... 1 ~ ~ Ill' , •• l ' ••••• 1 l,
DU
CACAO. CAFE
~
_ _ _ _ t.tAO
f \\
_ _ _ _ _ _ t A f l
f \\
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j
\\
1
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H
H
H
11
n
JI
11
lUI
308
Les "dents de scie" s'observent non seulement d'une annêe ~
l'autre, mais aussi d'ur. mois ~ l'autre. La forte remontêe des cours du
cafê ~ partir de 1975, a êtê causêe par la survenance des gelêes catas-
trophiques du Brêsil, au cours de 1'hiver austral de 1975.
Les consêquences de ces intempêries
sur les rêsultats de la
rêcolte brêsilienne, ont êtê telles que le marchê mondial du produit s'en
est trouvê fortement dêsêquilibrê, par l'insuffisance de l'offre effecti-
ves sur une demande qui tendait ~ poursuivre son mouvement rêgulier de
Progression au cours de rigueur.
Ce qui a profitê largement ~ renflouer les caisses de l'Etat.
Quant au cacao, il a suivi la même progression dans la même période. A
partir de 1977, les deux produits avaient atteint le niveau le plus haut,
po~r chuter l'année d'après.
L'évolution du robusta sur le marchê mondial résulte en majeure
partie, d'une demande accrue des utilisateurs, notamment pour la fabri-
cation de café soluble. Elle est due également ~ l'action de l'organisa-
tion interafricaine du café (OIC) (que nous verrons dans la section III),
qui a permis une meilleure discipline des pays vendeurs et ~ celle de l'or-
ganisation africaine et malgache de coopération économique, qui assure la
coordination des exportations des pays membres sur les marchés français et
étrangers.
La production mondiale, constituée â peu près exclusi-
"..
vement par du robusta, avait atteint le volume record de 400 000
tonnes pour la campagne 1963-64 dont 261 000 tonnes
(1)
pour la
Côte d'Ivoire, est restée très élevée en 1964-1965
(335 000 tonnes
mondiales, dont 200 000 tonnes pour la COte d'Ivoire) .
La hausse des cours mondiaux qu'avait entrainé le défi-
cit de la recette brésilienne et qui avait permis à la France de
supprimer dès juillet 1964, c'est à dire plus tôt que ne le pres-
crivaient les obligations de la communauté économique européenne,
les contingents alloués aux producteurs de la zone franc et la
garantie d'un prix préférentiel ne s'est pas poursuivie. De 30
cents en 1963, le cours est tombé à 26,50 en 1964, remonté de
1967 à 1970. A partir de 1976, le prix du café a atteint son
niveau le plus haut: 149,50, puis 308 cents en 1977, pour chuter
à partir de 1978 et fluctuer entre 1978 et 1980.
(1) La Côte d'Ivoire aD chiffres, 1980-1981, ed. Société
?fric~ine
309
Compte tenu de cette évolution défavorable, le gouvernement
était amené à réduire notablement les prix de campagne 1961-1962 (80 FCFA).
La CSSPPA a dù supporter des charges financières très lourdes en 1961,
de l'ordre de 2,1 milliards de FCFA (1)
Les ventes réalisées en totalité au prix mondial, ont continué
de subir les fluctuations désordonnées des cours imputables à l'étroitesse
et au caractère spéculatif du marcbê.
Le cacao est le plus instable par rapport au café. Les fluctua-
tions successives des cours du café-cacao, démontrent la fragilité de l'é-
conomie ivoirienne.
Les deux produits étant à la base du bien-être social de la po-
pulation et del 'économie, toute chute entraine un déséquilibre global.
Notons que, en avril 1~79, le prix du café a triplé par rapport
à son niveau de 1970 et qu'il est le double du prix "seuil" de l'Accord
international sur le café.
En décembre 1979, le prix du café sur le marché était à 182 cents
la livre, pour retomber à 156 cents en juillet 1980, ce qui représente une
baisse moyenne de près de 40 %depuis le début de l'année.
Il ne faut pas oublier que le café et le cacao représentent
40 à 45 %des exportations de'la Côte d'Ivoire.
Pour comprendre notre tableau et étayer notre démonstration, nous
allons rapprocher l'évolution des cours du café-cacao, et l'évolution des
cours du pétrole. (voir page suivante).
III- Comparaison des cours du café-cacao et les CCW't du pétrole
Le graphique,
n02,
démontre une êvol ut fon !'égul'fèt'e du cours
du pétrole par rapport au cours du café et du cacao depuis 1970.
Nous pouvons voir à travers le graphique que les marchés des
produits agricoles présentent des situations sensiblement différentes. Dans
un proche avenir (malgré les fluctuations cycliques) ils ne ~~vraient pas
toutefois apparaitre comme trop défavorables aux pays du Tiers ~~onde si
certaines mesures politiques sont prises au niveau de l'organisation de
l'économie agricole des pays producteurs. Des accroissements de prix trop
importants ne sont pas souhaitables car ils risquent d,entrainer des mesu-
res de rétorsion ou de substitution de la part des pays consommateurs. Le
café et le cacao n'étant pas des produits stratégiques comme le pétrole,
il est relativement aisé de faire diminuer leur consommation (l'exemple du
(1) t den
310
Tab7eau n08
Les cours du café et du cacao et du pétrole de 1970 à 1980
(en dollars par baril, cotation du brut léger d'Arabie Saou-
dite)
1
année
Cacao (cents/lb)
Café
Pétrole (1)
1
•
1970
30,5
56
1,80
·
1971
24,4
·
47,70
2,90
·
1972
29
52
2,59
1973
51
69
5,12
1974
71
73,30
11 ,65
1975
56,5
85
11 ,25
1976
93
149,50
11 ,50
·
·
1977
172
308
12,70
1978
179
143
13,33
1979
149
183,40
26
1980
117
195
32
(1) Source
Comité professionnel du pétrole
Café-cacao
Source: Gill et Duffus, CNUCEO
café aux Etats-Unis est là pour nous le prouver) ; des substitutions sont
faciles; on peut très bien consommer du thé à la place du café, en plus le
café et le cacao sont soumis à la loi de l'offre et de la demande, et aussi
soumis à la spéculation. Par contre, le pétrole est contrô l
par l'organisa-
ë
tion des pays exportateurs de pétrole (OPEP), qui a pour Objectif de stabi- '
liser les prix du pétrole brut exporté. D'une façon globale, les cours du
pétrole évoluent plus vite que Tes cours du café et du cacao.
Dans un marché caractérisé per un maràsme des trarsactions, les
cours se sont effrités au l onq de l'année 1978, en dépit des :raintes du
renouvellement cyclique triennal des gelées brésiliennes, et des interven-
t icns des pays producteurs en vue de soutenir les cours du terme. Les nég:o-
ci~!ions qui se sont dêroulées à Londre~, n'ont pas encore ~fJSSi 3 nettre
LES
COURS DU PETROLE
~raph ique Î
.....
DE
1970 à 1980
P;:;,x
EN DC... L~RS
(LE Bl<RIL)
32
30
28
25
2e
a
6
311
en oeuvre les dispositions inscrites dans l'accord de 1976 ; elles ont,
cependant, abouti à l'adoption d'une résolution prévoyant la convocation
du comité éxécutif de l'OIC, en cas de variation du prix indicatif de
l'Accord international.
La fluctuation des cours des matières premleres exportables qui
sont le café et le cacao, démontrent la fragilité et l'instabilité des
sources de revenus de la Côte d'Ivoire. Il ne faut pas oublier que le ca-
fé et le-cacao représentent 40 à 45 %, soit près de la moitié des exporta-
tions de la Côte d'Ivoire.
Les fluctuations qui ébranlent la ~totalité des pays producteurs, ne
font qu'aggraver les problèmes des pays africains et même sud-américains,
dont les économies dépendent souvent et uniquement des deux denrées. Pour-
quoi de telles variations? Les raisons sont nombreuses. L'extrême sensi-
bilité du marcné du café et du cacao, tient à la fois aux produits eux-
mêmes, à la position occupée par certains pays producteurs, au niveau de
la production et au marché mondial très spéculatif où offre et demande se
trouvent dans une situation d'équilibre ou de déséquilibre (1).
Depuis quelques années, pour tenter de supprimer ces écarts perma-
nents de cours et obtenir des niveaux de prix rémunérateurs, les pays pro-
ducteurs cherchent à s'organiser. Pour celà, certains suivent une nouvelle
stratégie en tenant compte de la nature du produit lui-mème et de la pro-
duction.
En croissance constante, la production de café est passée de 99 000
tonnes en 1815 à une moyenne de 4 millions entre 1969 et 1974. L'année
1974-75 a constitué un record avec un peu plus de 4,8 millions de tonnes.
La récolte de 1978-79 a atteint 4,5 millions de tonnes. Le tableau, page
suivante, donne l'évolution du café de la production mondiale.
Les 2/3 de la production mondiale sont assurés par l'Amérique latine
Amérique centrale, Cara.ïbes et Amérique du Sud.
Depuis 1974-1975, l'Afrique se maintient autour de 25 %, en légère
baisse sur la précédente période, tandis que la part de l'Asie et de l'Océa-
nie progresse réguliêrement mais faiblement.
(1) Fanny Marentier, la difficile remise en ordre, le café, in Afrique éco-
nomie, n047, mai 1981, p.55
312
Tableau n09
Evolution de la production mondiale de café
(en millions de tonnes)
\\nnée
Amérique du
Brésil
Afrique
Asie et
Tota l
: Nord-Amérique
Oceanie
du Sud
Isr3-1974
751 080
1 758 540
1 186 020
310 800
4 006 440
1~74-1975
892 080
2 374 920
1 223 640
340 200
4 830 840
l'75-1976
843 120
2 095 380
1 106 820
346 260
4 391 580
1976-1977
834 120
1 303 980
1 126 680
370 740
3 635 520
1977-1978
837 120
1 862 040
1 025 940
398 940
4 124 040
1978-1979
898 380
2 029 140
1 161 720
387 600
4 476 840
Source:
US department of agriculture
,.:-Ac.'tc.. (''\\, ~'~"" ~l"- Q..., - li.
Le niveau de la production mondiale dépend. en fait. étroitement
de la récolte brésilienne. Avec une capacité de production de l'ordre de
25 millions de sacs de 60 kgs (1 million 500 000 tonnes). ce pays est. non
seulement, le
premier producteur mondial. précédent la Colombie (606 000 t)
et la Côte d'Ivoire (300 000 t) en 1978-1979~1~ais était également jusqu'à
une période récente, détenteur de la majeure partie des stocks mondiaux:
25 millions sur 30 millions à la fin de l'année 1975-1976. A la suite de
récoltes médiocres, début 1979, ceux-ci sont tombés à une dizaine de mil-
lions de sacs. La plus grande partie des stocks mondiaux représentant 4
mois de consommation, déduction faite des stocks de roulement, est actuel-
lement détenue par des pays autres que le Brésil.
On considère qu'un quart environ de la récolte mondiale est con-
sommée sur place. Le re~te constitue la production exportable, c'est à dire
celle qui rentre dans les circuits commerciaux. sans être automatiquement
exportée. Après trois années de baisse: 3,7 millions de tonnes, en 1974-75,
et 2,6 millions en 1976-77, pour atteindre 3,3 millions en 1978-79.
(1) Fanny Marentier, le café, Afrique économie. nC47, mai 1981. p.55
313
Tableau n° 10
Evolution de la production mondiale exportable de café
(en millions de tonnes)
Année
Amérique
Amérique
Afrique
Asie et
Total
du Nord
du Sud
973-1974
539 400
067 140
125 900
171 360
2 923 800
974-1975
663 300
730 100
188 180
209 700
3 791 280
975-1976
644 880
455 000
957 360
215 640
3 272 880
976-1977
649 260
753 480
014 660
255 360
2 672 700
977-1978
636 060
275 960
874 860
294 420
3 081 300
978-1979
676 200
409 580
943 320
274 320
3 303 420
979-1980
719 040
585 680
988 140
273 000
3 565 860
Source: US department of agriculture Africa : 1979 P. 27 - 29 - 31
L'Amérique du Nord et l'Afrique, qui
représentent les
2/3 des quantités exportables mondiales se situent actuellement très
en-dessous de leurs tonnages de 1974-1975 de 18 % et de 20,6 %.
Si la part de l'Afrique dans les exportation mondiales
semble se stabiliser aux environs de 32 %, la part de l'Amérique
centrale est passée de 15,3 % en 1973 à 22,4 % en 1977, tandis que
l'Asie-Océanie doublait pratiquement la sienne: 19,7 % contre 5,8 %.
Les exportations sont relativement concentrées jusqu'en 1978, 12 pays
ont assuré 74,7 % des ventes mondiales dont 21,5 % pour le Brésil,
1f % pour la Colombie, et 8,5 % pour la Côte d'Ivoire. Les Etats-Unis
se fournissent pour près de 70 % en Amérique du Sud. L'Afrique qui
couvrait 30 % a vu sa part tomber à 23 % (1)
Dans le passé, plusieurs accords internationaux et deux
organisations: le Conseil international du café et le groupe Bogoto,
cnt tenté d'organiser ce marché soumis aux fortes variations de la
~roduction et à la spéculation, mais l'accord qui est entré en
vigueur en 1977, est vite devenu inopérant du fait de la baisse des
tourl. Les pays producteurs sien sont
(t) Rôle du commerce dans l'économie Ivoirienne, in AFRICA, n° 36,
1!19, P.P. 27, 29, 31.
314
donc remis au mécanisme du marché (1).
Tableau n° 11: Evolution de la production des principaux pays
producteur~ de cacao (en millions de tonnes)
·'
·
Ann e
Brésil
Afrique
é
Total
·
·
1974-1975
254 580
929 414
188 994
1975-1976
239 400
928 41 7
167 817
1976-1977
216 940
789 994
006 943
1977-1978
283 000
887 155
180 155
1978-1979
300 000
819 000
11 9 000
Source
La Côte d'Ivoire en chiffres, 1980-1981
ed. Africaine d'edi-
tion Afrique - industrie n° 40. 1980
La production de l IAfrique concerne quatre états africains:
-Ghana avec 337 437 t en 1974-75 ; 400 342 en 75-76 ; 324 213 en 1976-77
271 155 en 1977-78 ; et 262 000 t en 1978-79.
-Nigeria avec 214 200 t en 1974-75 ; 216 000 en 1975-76 ; 165 000 en
1976-77 ; 205 000 en 1977-78 ; 138 000 t en 1978-79.
-Côte d'Ivoire avec 234 000 en 1974-75 ; 228 000 en 1975-76 ; 232 000 en
1976-77 ; 303 000 en 1977-78 ; 312 000 en ~978-79.
-Cameroun avec 103 777 en 1974-75 ; 84 075 en 1975-76 ; 68 741 en 1976-77
; 108 000 en 1977-78 ; 107 000 en 1978-79 (2)
En 1975, les perspectiv~s d'une bonne récolte, et la chute de la con
sommation de sucre dans les pays développés ont finalement renversé la
tendance à la hausse continue du prix du sucre,qui a entrainé dans sa chu
te celle du cacao.En 1976-77, les cours se sont raffermis plus que ceux
du café.Puis, les prix ont baissé de 50 % entre Juillet 77 et Janver 1978.
La raison apparente à cette dégringolade des prix,explique Marie Claude
(1) Le Conseil international du café regroupe 16 pays producteurs et
consommateurs les plus importants. le groupe de Bagota, dont font partie
les planteurs latina-américains et ceux de la Côte d'Ivoire; Guatemala;
Honduras; Mexique: El Salvador
Venezuela.
(2) AFRIQUE-Industrie, n° 40. 1980.
315
Jacmart (1) est le ralentissement de la consommation due à la hausse du
prix du chocolat.
Les cours se sont raffermi s fi n 1978 puis sont tombés en 1979 par suite
de la déception provoquée sur les marchés par le faible niveau de la de-
mande aux Etats-Unis.
Si l'on
tient compte de cette conjoncture économique plutôt morose
le prix d'achat du kg de cacao a baissé de plus de 40 % environ.
Malgré la volonté des producteurs de négocier avec les consommateurs,
la situation ne change pas, à cause du problème vital du prix. Les produc-
teurs proposent un prix minimum d'intervention du stock régulateur en rap-
port avec les coûts et les conditions de production. Alors que les consom-
mateurs estiment que l'accord international est inopérant et ne peut offrir
qu'un prix minimum très bas, propre à décourager la production.
Depuis une dizaine d'années, la production mondiale de fèves de ca-
cao, malgré les fluctuations annuelles plus ou moins importantes, plafon-
ne aux environs de 1 500 ÛOO tonnes (2). Elle est actuellement très con-
centrée, puisque 13 pays fournissent à eux seuls près de 40 %de la pro-
duction mondiale (l'Afrique: Côte d'Ivoire; Ghana; Nigeria; Cameroun
Togo) ; (l'Amérique: Brésil, Venezuela; Equateur; Colombie; Mexique
République Dominicain€)
; (1 'Asje-1 'Océanie: Papouasie Nouvelle Guinée
Malaisie). Plus des trois quarts de cette production provient de cinq pays,
dont quatre en Afrique (Côte d'Ivoire, Ghana, Cameroun, Nigeria) et un en
Amérique du Sud (Brésil).
Les chi ffres avancés pl us haut montrent que des changements importants
se sont produits dans la structure de la production cacaoyère au cours de
ces dernières années. Le Ghana qui occupait la place de premier producteur
de cacao dans le monde depuis 1910 et dont la production a atteint 566 000
tonnes en 1964-65, alors que la Côte d'Ivoire et le Brésil en produisaient
respectivement 148 000 et 119 000 dans la même période, est largement dé-
passé par ces deux pays ~3}.
Le déclin du Ghana et du Nigeria et l'essor de la Côte d'Ivoire et du
(1) Marie Claude Jacmart, le commerce mondial des produits de base, Notes
et études documentaires, n04589-4590, 20 octobre 1980, documentation fran-
çaise, p.46
(2) Brandeau J, la productian cacaoyère dans l'économie mondiale, in Jour-
nal d'agriculture traditionnèile et de botanigue appliquée, vol XXVI, n03-4,
j ui 11 et-décembre 19J9
(3) idem.
316
Brésil, dont la production a augmenté de 50 %en moins de la ans, consti-
tuent les éléments les plus importants de l'évolution récente de Ja structu-
re de la production.
-Variation annuelle de la production cacao
L'examen de l'évolution de la production cacaoyère mondiale,telle
qu'elle ressort sur la tableau de la page suivante, montre la forte ampli-
tude des variations annuelles.
Divers pays producteurs connaissent des sauts de production plus
forts encore dl une année sur 11 autre.
En 1978, l'organisation internationale du cacao (OIC), dont le
siège est à Londres, a diffusé une étude sur les perspectives de produc-
tion des principaux pays producteurs de cacao à 1'horizon 1985, en se ba-
sant sur les caractéristiques présentes de la cacaoyère et sur les program-
mes de développement en cours dans chacun des pays. Selon cette étude, la
production projetée en 1984-1985 atteindrait 1 870 000 tonnes, le Brésil
et la Côte d'Ivoire étant responsables des trois quarts de l'augmentation
totale de la production mondiale entre les années 1974-1980 et 1984-1985 (1).
Cette augmentation de la production aura pour conséquence la chute des
cours du cacao d'après l'OIC.
- Exportations en provenance des pays producteurs
Parmi les pays produisant plus de la 000 tonnes de cacao, la Co-
lombie est le seul pays qui ne figure pas dans la liste des exportateurs,
sa consom~ation dépassant sa production. Le Mexique consomme, pour sa part,
plus de la moitié de sa production. Des quantités importantes de cacao
sont également transforméessur place pour répondre aux besoins de la con-
sommation intérieure au Brésil, en République dominicaine, en Equateur,
au Venezuela, mais ces quantités ne représentent qu'un
faible pourcentage
de la production exportée. En Afrique, en Océanie-Asie, la production de ca-
cao est presque exclusivement destinée à l'exportation, soit sous forme de
fèves de cacao~ soit sous forme de produits dérivés de cacao.
(1) Prévisions faites par l'organisation internationale du café et du cacao,
25 octobre 1979~ in Le courrier, n061, mai-juin 1980, p.83
317
Tableau n012
Evolution mondiale de la production et des broyages de
fèves de cacao depuis 1950 (milliers de tonnes)
Année
:Production mondiale
Broyage mondi al
1950-51
813
756
1951-52
652
726
1952-53
811
809
1953-54
788
744
1954-55
815
731
1955-56
855
837
1956-57
911
919
1957-58
786
858
1958-59
923
874
1959-60
1 053
931
1960-61
1 189
1 026
1961-62
1 140
1 120
1962-63
1 176
1 154
1963-64
1 234
1 194
1964-65
1 508
1 335
1965-66
1 226
1 388
1966-67
1 351
1 410
1967-68
1 354
1 355
1968-69
1 242
1 438
·
1969-70
1 435
1 355
1970-71
1 499
1 438
1971-72
1 583
1 565
1972-73
1 399
1 556
·
1973-74
1 447
1 478
·
T.S.V.P...
318
1974-75
548
463
1975-7&
511
519
1976-77
342
363
1977-78
1 503
378
1978-79
1 478
414
Source: d'après Cocoa Market Report, n0287, Gill and Diffus,
septembre 1919
On peut estimer qu'au total, plus de 90 % de la
production est destinée à "l'exportation.
Tableau n° 13 : Exportation des principaux pays producteurs
(en milliers de tonnes)
.
.
.
.
.
.
.
.
..
..
Année
:1970-71:1971-72:1972-73:1973-74:1974-75:1975-76 :1976-77: 1977-79:
\\"
Si les exportations des pays producteurs ont pendant
longtemps porté presque exclusivement sur les fèves de cacao, on
constate actuellement un profonde modification de la nature des
produits exportés, due à l'expansion dans ces pays des industries
de transformation.
Le Brésil exporte actuellement plus de 50 % de son cacao
sous forme de produits dérivés, et l'Equateur plus de 80 % (1).
(1) d'après les documents de l'OIC, septembre 1978.
319
- La consommation mondiale de cacao
Deux critères permettent d'apprécier l'évolution de la consom-
mation.
Le premier, traditionnel, est le vo1ume-des broyages qui permet
de bien mesurer l'utilisation des fèves au niveau industriel.
Cependant, les broyages ne reflètent qu'imparfaitement la consom-
mation réelle, puisqu'une partie des fèves bro~ées est exportée et que les
pays industrialisés ont tendance à consommer, outre les fèves broyées. des
produits semi-finis importés. Il est donc nécessaire de se reférer, pour
voir l'évolution de la consonrnation effective globale et "per capt ta", à
des données concernant la consommation de fèves et de produits
cacaotés
dans l'évolution mondiale de la production et des broyages de fèves de ca-
cao depuis 1950 (cf~ Tableau n012).
Le vol ume des broyages,comme le montre 1e tabl eau n012 est étroite-
ment lié à l'évolution des cours mondiaux des fèves. La hausse des cours,
spectaculaire en 1976, et surtout en 1977 (1), s'est traduite pour cette
dernière année, par une chute des broyages mondiaux qui n'ont pas dépassé
1,37 millions de tonnes (2).
Alors que la production est principalement le fait de pays en voie
de développement, la consonrnatio~~ise à part celle relativement importante
de quelques pays producteurs, comme la Colombie ou l'Equateur, est, au con-
traire, concentrée dans les pays industrialisés à niveau de vie élevé.
Jusqu'en 1950, la consommation de cacao était essentiellement concentrée en
Europe occidentale et en Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada). Depuis
cette date et plus particulièrement au cours des années 1960, la consomma-
tion s'est fortement développée dans les pays d'Europe de l'Est et en par-
ticulier en URSS.
Le tableau suivant montre d'après un document de 1'OIC (1978 et
1981) une estimation de la consommation par tête d'habitant de produits
dérivés du cacao, chocolats ou porduits chocolatés, estimés en quantités
équivalentes de fèves de cacao (Tableau n013).
(1) Pour le cours du cacao, voir tableau sur l'évolution des cours mon-
diaux du café-cacao
(2) d'après Cocoa Market Report, n0287, Gill et Diffus, septembre 1979
32ù
Consommation dé produits ~~_~jvè~~~~aca~~esuréeen équi-
valent fèves (en kg par tète d'habitant)
Pays
1975
1976
1977
1978
1979
1980
RFA
2,6
2,5
2,6
2,5
2,7
yaume Uni
1,8
1,9
1,7
1 ,7
1,8
1,5
France
1 ,8
1,9
1,9
1 ,9
2,0
2,0
Pays Ba s
2,7
2,4
2,7
Ita 1i e
0,6
0,7
0,5
0,6
0,6
Belgique
3,1
3,6
3,0
3,1
2,7
Danemark
1,7
2,1
1,9
2,0
1,9
1 ,9
Autriche
2,3
2,6
2,9
3,0
3,1
Suède
1,7
1 ,9
1,8
1 ,9
2,0
2,0
Norvège
2,2
2,4
2,1
2,7
2,6
2,7
Suisse
3,4
3,3
3,6
3,5
3,6
3,9
URSS
0,7
0,7
0,4
0,4
0,5
Etats Unis
1 ,5
1 ,7
1,5
1 ,6
1 ,5
Canada
1,5
1,7
1,5
1,4
1,4
1 ,3
Japon
0,6
0,6
0,5
0,4
0,5
0,5
Austra lie
1,3
1,3
1,3
1,4
1 ,3
- - - - - - - - - - - - - - " - - - - - - -
Source
Gill et Diffus, Cocoa Market Report, mai 1981, et les documents
de 1'0 rc, septembre 1978
Traditionnel1ement, les quantités de fèves broyées, ou "broyages',
servaient à évaluer la consommation des fèves de cacao dans chaque pays.
Mais, compte tenu de l'industrialisation de certains producteurs et du déve-
l cnuemen t des écr.,anges internationaux de produits dèr i ve-. du cacao, j'ex(lmer,
~~, chiffres de ~rcyage ne peut actuellement être utilisé que pour évaluer
_ _• •
.. 1
321
la consommation à l'échelle mondiale et non plus la consommation réelle
des pays pris individuellement.
Le volume des broyages suit d'assez près les fluctuations de
la production mondiale, avec des changements atténués d'une année sur l'au-
tre. Pour chaque pays le volume des broyages est soumis à des variations
de très forte amplitude, et à une évolution qui ne traduit nullement les
tendances de la consommation. Alors que les Etats-Unis broyaient 285 000
tonnes de fèves en 1965, sur un total mondial de 1 335 000 tonnes. ils n'en
broient plus en 1978, que 160 000 tonnes, pour un total mondial pratique-
ment inchangé.
Quant à la France, elle broyait 63 000 tonnes en 1965 et nlen
broie plus que 34 000 à 35 000 tonnes en 1979. Pendant cette même période,
les importationsen France de beurre de cacao sont passées de 5 800 tonnes
à 14 000 tonnes, celles de poudre de café de 1 300 à 17 500 et de masse
de cacao de 2 700 à 15 400 tonnes (1).
Le tableau dela page suivante, fournit une évaluation des im-
portations de fèves de cacao dans les principaux pays consommateurs de
1963 à 1979. Si nous ajoutons les produits dérivés de fèves de cacao, la
rnrfrortiun des produits dérivés dans les importations est particul ièrement
élevée en France (57 %), en Belgique (56 %), en Suisse (47 %), au Canada
(61 %), aux USA (50 %), selon les statistiques de l'organisation interna-
tionale du cacao (OIC).
Le tableau n015 nous donne les stocks de fèves de cacao. Il
est trèsdifficle d'évaluer les stocks de produits existant dans les diffé-
rents pays producteurs ou utilisateurs. Par contre, il est toutefois inté-
ressant de connaitre les stocks de fèves de cacao disponibles, a sans nul
doute, une influence non négligeable, sur la fixation des prix du cacao
sur le marché international. Devant la difficulté d'obtenir le niveau des
stocks, on évalue, en général, ces derniers en faisant chaque année, la
différence entre la production et les broyages. Les estimations varient sen-
siblement selon les sources.
En 1965, par exemple, du fait de l'abondance de la récolte 1964-
1965, on estimait que ces stocks correspondaient à presque huit mois de con-
(1) Tous les chiffres cités figurent dans les documents de l'organisation
international du café-cacao, septembre 1978, et dans Gill et Duffus, Cocoa
Market Report, mai 1981
Tableau n° 14
Importations des principaux pays consommateurs
(en milliers de tonnes)
Pays consormateurs
:
1963
:
1964:
1970:
1971:
1972:
1973:
1974:
1975:
1976:
1977:
1978:
1979
-----------------~-------~-------~-------~-------~-------~-------~-------~-------~------_:_------~-------~-------
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
·
:Europe oc~idental:
:Autriche •••••.... .:
9 883:
10 716:
13 713:
14 467:
14 940:
13 563:
Il 112:
12 160:
11 123:
10 450:
9 049:
9
446:
·
.'
·
.
~Belgique-LUXemb.
:
13 385:
16 405:
18 617:
20 357:
21 407:
19 013:
16 217:
1 7 797:
16 073:
15 731:
16 582:
17 741:
·
.
.
28 071:
27 317:
29 153:
22 973:
35 376:
35 301:
34
315:
41 177:
27 445:
29
734:
23 480:
20 45L·
·
.
: France • • . • . . . . . . . :
64 726:
60 OSO:
39 666:
39 951:
45 321:
42
047:
39 583:
39
960:
42
998:
44 341:
43 525:
5S
742:
·
.
: Italie •••••••.••• :
38
451:
36
694:
42 334:
39 666:
40 573:
42 928:
35 998:
30
948:
33
979:
27 941:
30 223:
31
541 :
·
.
"
:Pays Bas ••••••••. :l00 032:105 556:115 997:120 045:122 365:119 083:110 980:120 499:127 002:139
713:152 582:139 692:
·
.
:R.F.A
:134 128:143 001:124
863:194 279:142 286:151 605:145 251:162 040:144 232:156 520:157 684:151 176:
·
.
·
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
:Royaume Uni •••••• : 112 907:
75
388:
82 1 73:
84 841:110 735:
94 226:101 806:
71 321:
98 453:
75
719:
94 262:
71
1391:
-
·
.
·
.
: Suisse
:
Il 843:
17 671:
17 954:
20 159:
16 041:
18 291:
15 584:
14 259:
13 437:
15 929:
16 578:
14 667:
·
.
·
.
;Europe de l'Est
·
.
:U.R.S.S •••••••••• : 54 000: 66 200:
99 900:138 000:132 000:159 100:135 000"164 681·123 215·88 129
·
.
79
885"138 505·
:Amérique
:Canada ••••••••••• : 15 156: 17 846:
17 177: 17 457:
21 240: 15 789:
12 386: 10 319: 12 422:
Il 838:
10 745:
Il
785"
·
.
·
.
:U.S.A . • • • • • . • . • • :279 137:263 804:277 481:315 892:282 699:251 943:228 479:200 994:276 544:193 138:176 127:194 873:
:Asie-Océanie
:
:Australie ••••.••• :
12 397: 14 250:
14 976:
14 579:
17 166: 13 064:
19 052:
12 989:
12 922:
14 756:
Il 655:
12 210:
·
.
·
20 999:
20 728:
:Japon . . . . . . . . . . . . :
30 079·
32
202:
34 787·
38 644·
35
885:
38
930:
28 675·
30 194:
31 394:
32
716:
.
:
:
Source
Bulletin trimestriel de statistique de l'OIC
322
323
Tableau n'15
Stocks de fèves de cacao mondial
(en mi l l i ons de tonnes)
- - - - - - - - - --- -----
Campagne cacaoyère (octobre à septembre)
stock s
Année
1958-59
+ 44
259
1959-60
+ 126
385
1960-61
+ 177
562
1961-62
+ 34
596
1962-63
-t- 20
516
1963-64
of 38
654
1964-65
+ 191
845
1965-66
- 160
685
1966-67
50
635
1967-68
63
572
1968-69
- 139
433
1969-70
+ 67
500
1970-71
-+ 69
569
1971-72
+ 52
621
1972-73
- 220
401
1973-74
- 72
329
1974-75
+ 103
432
1975-76
15
417
1976-77
89
328
1977-78
+ 12B
4Sé
1978-79
+ 66
; ~ '""-"
(
:
Source
:, e 0 t e;:lt, r e 19':':
324
sommation. Cinq années plus tard, ils avaient retrouvé un niveau comparable
à ce qu'ils étaient dix années plus tôt et ne représentaient plus~ compte
tenu de l'augmentation des broyages, que quatre mois et demi de consommation,
selon les calculs effectués par l'OIC.
Actuellement, malgré des variations annuelles plus ou moins impor-
tantes, les stocks correspondent à environ quatre mois de consommation.
Le tableau n015 présente une évaluation de stocks de fèves de cacao
au cours des vingt dernières années.
+
+
+
La détérioration des termes de l'échange, quelles que soient les
fluctuations à court terme des prix ces dernières années, a joué pour la
quasi totalité des productions agricoles exportables des pays en développement.
En attendant les résultats des négociations internationales, sur
la normalisation des échanges internationaux et la fixation de fourchettes
de prix rémunérant plus équitablement les pays producteurs, les pays en
voie de développement continuent d'être totalement dépendants des pays con-
sommateurs de leurs produits, au niveau de l'échange, de la formation des
prix et de leur évolution sur le marché mondial.
L'observation des seuls cours mondiaux des produits masque l'évolu-
tion de la situation des producteurs et, en particulier, des masses paysan-
nes ~u Tiers Monde, confrontées à l'extension de l'économie marchande pour
leur consommation courante et à une évolution du prix des produits néces-
saire
à leur subsistance encore plus rapide que sur le marché mondial ; cel-
les-ci sont frappées très fortement par la dévalorisation enregistrée dans
les échanges internationaux. Les mouvements des prix sur les marchés mondiaux
relèvent, le plus souvent, des seuls systèmes internationaux de commerciali-
sation. Les prix, la formation des prix, et l'évolution des cours sont fonction
de l'offre et de la demande.
La hausse spectaculaire des cours des matières premleres agricoles,
s'est accompagnée d'une stagnation du prix payé au producteur, voire, une
détérioration du prix, mettant en cause la valeur réelle du cacao-café. La
section II de notre étude analyse le partage de la valeur café-cacao de la
Côte d'Ivoire à l'échelle mondiale à travers les différents prix-prix produc-
tion-prix exportation; prix-production-prix consommation.
325
Section II
Partage de la valeur café-cacao de la Côte
d'Ivoire à l'échelle mondiale
Il n'est pas surprenant que, ni l'indépendance, ni la politique
de coopération n'ont modifié profondément les politiques économiques
antérieures.
La production agricole destinée à l'exportation, continue de
progresser et d'assurer en principe des entrées de devises en Côte d'Ivoire.
La production a souvent augmenté par le biais de l'extension
des surfaces, que par une augmentations des rendements.
Les revenus des producteurs nlont pas suivi la même courbe
que la production et les termes de l'échange nlont pas cessé de se dété-
riorer, soit que les cours des matières premières agricoles aient baissé,
soit que les prix des produits industriels niaient cessé d'augmenter. Notre
prétention dans cette section, n'est pas de reprendre les développements
techniques faits au sujet de l'échange inégal, ainsi, limiterons nous notre
démarche à quelques exemples, pour mieux saisir le partage de la valeur
du café et du cacao de la Côte d'Ivoire. Cette section se propose d'analyser
les prix production et les prix à l'exportation,. c'est à dire le poids rela-
tif de la part du prix à l'exportation, non payé au producteur, par rapport
au prix payé au producteur (1) ; les prix de la production et le prix à
la consommation (II) ; et les conséquences sur la balance commerciale et la
balance des paiements (III).
1- Prix production. Prix exportation café-cacao
Le tableau suivant va nous permettre de faire une étude compa-
rative, entre le prix à la production et le prix à l'exportation et voir
la différence qui se dégage, au niveau des deux prix.
GAAPHIQUF. .3 .
.
LI
'1
IN'
....
• PRIX PRODUCTION _ PRIX EXPORTATION •
'U'
( CACAO _ CAFE)
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N
(Y)
Tableau nO 16
Poids relatif de la part du prix â l'exportation nun payé au producteur par rapport au prix payé au producteur
Prix production
café
cacao
Années
:Prix exp FOB~ Différence ~Ecarts en % ;prix produc.;prix exp FOB; Différence ;Ecarts,en %
--------:-------
1960-1961
9~
120
25
26
95
120
26
26
1961-1962
80
150
70
87
70
150
80
114
1962-1963
80
165
85
106
70
110
40
57
1963-1964
87,95
170
82,05
93
76,80
115
38,26
49
1964-1965
97,55
180
82,45
84
76,96
120
43,04
55
1965-1966
82,55
182
99,45
120
61,96
122
60 ,04
96
1966-1967
97,10
184
86,9
89
77,12
128
50,88
65
1967-1968
97,42
200
102,58
105
97,95
130
52,05
66
1968-1969
94,20
215
120,8
128
74,20
135
60,80
81
1969-1970
101,20
221
119,8
118
86,20
142
55,80
64
1970-1971
102
228
126
123
85
194,10
109,10
128
197171972
105
191,40
86,4
82
85
142,50
57,50
67
1972-1973
105
203,40
98,1
93
85
194,10
109,10
128
1973-1974
120
243,10
123,1
102
110
305
195
177
1974-1975
150
242
92
61
175
280
105
60
1975-1976
150
411,20
261,2
174
175
366
191
109
1976-1977
180
855,90
675,9
375
180
800
620
344
1977-1978
250
569,70
319,7
127
250
450
200
80
1978-1979
250
661,90
411,9
164
250
560
310
124
1979-1980
300
1650
1350
450
300
1560
1260
420
Source
D'après la Côte d'Ivoire en chiffres, 1980-1981 et les statistiques de la BCEAO, nO 176-192, 1970-1981
327
Le tableau démontre largement l'écart entre le prix à la produc-
tion, surtout pour le café, et le prix à l'exportation. Cet écart s'agrandit
au fil des années et va grossir les fonds de la CSSPPA, qui, à son tour,
finance le budget spécial d'~i~vestissement et d'équipement (BSIE).
Finalement, la CSSPPA dégage des recettes importantes entre le
prix à la production (garanti) et le prix à l'exportation.
Si nous prenons un exemple, nous comprendrons aisément qu'en
1960 il suffisait d'un kilogramme de cacao vendu par le paysan pour acheter
un coupe-coupe. Or aujourd'hui le prix des produits importés ayant augmenté
à cause de la hausse du prix du pétrole, il faut deux kilogrammes de cacao
pour l'achat de ce même coupe-coupe. Pour d'aussi piètres résultats, la
Côte d'Ivoire a dû maintenir l'orientation de la politique économique, en
développant la production du café-cacao.
La baisse du pouvoir d'achat des paysans, due à la hausse des
prix des biens importés et au bas revenu que leur procurent le café-cacao,
les oblige à s'endetter auprès des Lybanos-syriens.
La caisse qui suit avec beaucoup d'intérêt la collecte et la
commercialisation du café et du cacao, contrôle toutes les opérations et
intervient en cas de difficultés sur le plan de la co~ercialisation.
Elle intervient aussi dans les débats internationaux, sur le
prix des produits.
La CSSPPA a pour but d'enrayer, par le stockage d'une partie de
la récolte, au moment de la traite, la baisse des cours qui menace les
producteur~, en raison d'une récolte trop abondante et de garantir à ceux-ci
une rémunération aussi satisfaisante que possible (1). D'après le directeur
général de la CSSPPA, la caisse a pour rôle de servir de "bouclier" et de
porte parole pour tous les paysans de Côte d'Ivoire, de dégager des fonds
substantiels pour financer le développement. Il devait conclure en disant
liCe sont des missions que personne d'autre ne pourrait accomplir valablement
à la place de la caisse de stabilisation. C'est pourquoi, si la caisse
(1) cette définition a été donnée par la directeur de la CSSPPA, pendant
la campagne de la coupe nationale du progrès
328
n'existait pas, affinne le directeur général, il aurait fallu la créerll • (1)
Il faut reconnaître que les problèmes de commercialisation des matières
premières agricoles sont relativement complexes et soumis, aux aléas de
la conjoncture internationale~ cause de fluctuation des prix du café-cacaoll •
La mission première selon les responsables de cette institution,
est de garantir le revenu des producteurs.
Il résulte que, le problème de la détermination du prix garanti,
se fait par l'appréciation de certaines données, dont les plus importantes
sont :
10 ) le coût de production
Pour un produit donné, le prix fixé devra être rémunérateur,
c'est à dire tenir compte de l'évolution du revenu de la paysannerie.
Il est très difficile à l 'heure actuelle de suivre d'une façon correcte
l'évolution des revenus des paysans. Ce revenu est très fluctuant. Ce
revenu tient compte de la production, donc du facteur climatique, du prix
fixé par le gouvernement, etc ...
20 ) l'état des réserves de la C.S.S.P.P.A.-
Le niveau de réserve de la caisse de stabilisation permet au
gouvernement de savoir si, celle-ci pourra faire face au soutien éventuel
que lui impose la conjoncture.
30) l'évolution du marché international
Il s'agit de tenter d'analyser l'évolution des prix internationaux,
c'est à dire la conjoncture économique (offre, demande, situation générale,
monnaie, etc), pour déterminer à partir de la tendance, un prix moyen
prévisionnel.
En garantissant un prix au producteur, la CSSPPA a pris sur
elle d'organiser ce secteur.
En fait, la création de la CSSPPA en 1955 n'est que l'expression
(1) René Afdany, Directeur Général de la CSSPPA, déclaration faite pendant
l'émission du "Fauteut l Blanc" organisée par la R.T.!.
329
d'un pays dominé par le capitalisme étranger qui contrôle la production
par le biais de cette caisse.
Une question se pose: pourquoi stabilise-t-on les prix? pour
les paysans qui sont â la base du devenir économique de la Côte d'Ivoire t
ou pour la bourgeoisie qui contrôle l'appareil d'Etat
soutenue par
t
l'impérialisme français
qui accorde des prix préférentiels et soutient
t
le prix du cafe et du cacao sur le marché mondial par le biais des aides
â 1 texportation ? La première réponse est la suivante: la stabilisation
des prix caf~-cacao au producteur permet à l'Etat de faire des prévisions
par le biais de la CSSPPA dans le but de financer le BSIE (1).
Il serait profitable pour les paysans
que l'Etat garantisse la
t
production, en accordant des crédits sans intérêts aux planteurs
ce qui
t
permettrait aux producteurs de subvenir efficacement â leurs besoins
immédiats
sans passer par les Libano-syriens qui les dépouillent
par
t
t
l'intermédiaire d'accord de crédit â la production.
La CSSPPA
finance le BSIE, subventionne la création d'infra-
t
structures et les grands projets ,de développement (l'exemple du plan
sucrier dans le nord de la Côte d'Ivoire), qui parfois ne sont pas renta-
bles, ou bien ne s'adaptent pas au besoin du pays et qui constituent le
mythe du "Boum économique" de la Côte d'Ivoire, faisant la fierté des
responsables, démontrent la fragilité d1un système économique sans plani-
fication.
A quoi servent les ressources de la caisse de stabilisation?
Selon les textes organiques, les ressources de la caisse servent à financer
les grands projets et â alimenter la caisse de l'Etat. Les avoirs de la
CSSPPA sont déposés dans des institutions financières de la place avec
une priorité absolue â la caisse autonome d'amortissement (C.A.A.) pour
la gestion, mais le contrôle est effectué (d'après les informations reçues
â la CSSPPA), par le chef d'Etat lui-m~me. Le Président de la République
est le seul habilité à demander la 1iquidation de tous les engagements
pris par la Côte d'Ivoire ou par la CSSPPA.
(1) BSIE, Budget spécial d'investissement et d'équipement
330
Entre 1966 et 1969, la CSSPPA a versé 7 810 millions de francs
CFA à titre de recouvrement des engagements souscrits par la Côte d'Ivoire.
Entre 1969-1970, la participation de la caisse de stabilisation a financé
directement sur ses disponibilités le budget spécial d'investissement de
161 milliards CFA (1).
De l'exportation du café et du cacao, l'Etat par le canal de
la CSSPA tire
diverses ressources, dont les taxes. Ainsi, au cours des
~1ngt années, l'Etat a prélevé par l'intermédiaire du budget général
d~fnvestissement et d'équipement, 170 milliards, représentant le montant
des droits perçus à partir des recettes de la CSSPPA, soit 17 % (1), sur
un total de 1 000 mi 11 i ards de francs CFA Il i njecté" dans l' économi e au
cours de la période 1955-1975. D'autre
taxes interviennent par ailleurs,
résultant notanment des activités de conmercia1isation et de transport
de ces deux produits.
II - Prix Production - Prix consonmation en France (café-cacao)
Un point qui nous parait très important à étudier est l'inter-
dépendance entre l'instabilité des prix de consommation sur les marchés
et les prix garantis par la caisse de stabilisation aux producteurs. Le
tableau suivant nous permettrait d'apprécier l'écart entre le prix à la
production et le prix à la consommation en France.
331
Tableau n° 17
Le prix de production en Côte d'Ivoire et le prix
de consorrmation en France du cafê-cacao
(prix en F CFA le kg)
café
cacao
o
o
Années
prix
prix con-
Ecarts
prix
prix con-
Ecarts
:production:sommation:
en
~production~sommation ~
en
:
café
: en France:
%
°
cacao
°
en France·
%
1960
95
506
432
95
443
368
1961
80
501
526
70
444
534
1962
80
502
527
70
445
535
1963
87,95
506
475
76,80
449
484
1964
97,55
529
442
76,96
460
497
1965
82,55
539
552
61,96
462
645
1966
97,10
556
472
77,12
464
501
1967
97,42
558
472
97,95
474
383
1968
94,20
556
490
74,20
468
530
1969
101,20
515
408
86,20
521
504
1970
102
633
520
85
544
540
1971
105
617
487
85
553
550
1972
105
623
493
85
572
572
1973
120
645
437
110
583
430
1974
150
761
407
175
682
289
1975
150
761
407
175
852
386
1976
180
1 130
527
180
934
418
1977
250
2 075
730
250
1 438
475
1978
250
1 668
577
250
2 684
973
1979
300
1 718
472
300
2 734
811
1980
l 510
2 720
Source
d'après les annuaires statistiques de la France, INSEE 1980 et la Cote
d'Ivoire en chiffres
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332
A traver~ le tableau, nous constatons une évolution très
rapide du prix du cacao-café en France, en niveau de la consommation, alors
que le prix garanti aux producteurs par la CSSPA, reste presque stationnaire,
avec une légère évolution à partir de 1969 pour le café, et 1973 pour le
cacao.
En 1960, le prix du kg (café-cacao) à la production était de
95 F CFA
pour atteindre vingt ans plus tard le prix de 300 F CFA pour les
deux produits. Alors que dans la même période, le prix du kg à la consommation
du café-cacao en France, atteignait des niveaux records, passant de 506 F CFA
pour le café et 443 F CFA pour le cacao en 1960, pour atteindre 2 734 F CFA
pour le cacao et l 718 pour le caf~ en 1979, avec des légères baisses entre
les deux périodes.
Les écarts entre le prix à la production et le prix à la consom-
mation sont énonnes, comme en .. témoigne le tableau. Nous pouvons en déduire
que, le prix à la consommation est de 5 à 9 fois supérieur au prix garanti
aux producteurs ivoiriens.
Le graphique sur le prix production et le prix consommation,
traduit bien cette tendance, avec quelques fluctuations dans les années 1969,
1978 et 1980, surtout pour le café. D'une façon préalable, même si nous
ajoutons au prix de consommation, les frais de transport, de transformation
etc ... nous constatons toujours une trop forte hausse des prix à la consomma-
tion en France du café et du cacao. Cette hausse des prix, démontre la spécu-
lation au niveau des deux produits, et aussi, un profit que réalise
<l ~.,
,! ':;.<
les différents opérateurs-au'niveau du café-cacao.
III - Les conséquences sur la balance commerciale et la
balance des paiements
Les tableaux ci-dessous nous montrent l'évolution des importations
de 1959 à 1978 (par produit) et l'évolution globale des importations de pro-
duits manufacturés de la Côte d'Ivoire.
La structure du commerce par pays, montre à la fois la prépon-
dérance de la France, qui reste de loin le premier fournisseur et client.
333
de la Côte d'Ivoire, et l'accroissement de la part des pays fournisseurs
de pétrole dans les exportations ivoiriennes. C'est ainsi que l'IRAK et le
NIGERIA sont passés de 4e et 5e rang des fournisseurs·en 1974, alors qu'ils
occupaient la 12e et 13e place.
Bien que leurs ventes continuent à se développer, les Etats Unis
et l'Allemagne fédérale n'occupent qu'une place restreinte sur ce marché,
au 2e et 3e fournisseur, avec 7 %et 6 %. respectivement des importations
ivoiriennes. TAïWANE a pris également une place notable à partir de 1973,
du fait des importations importantes de riz. (1)
A l'exportation, la France occupe également la premlere place
avec le quart des exportations ivoiriennes. Les Pays Bas sont devenus le
2e client en 1974, du fait du doublement de leurs achats de cacao, dont ils
sont le premier acheteur depuis de nombreuses années.
Les U.S.A. ont rétrogradé de la deuxième place, à la cinquième
en 1974. On note. au contraire une progression sensible des échanges avec
les pays africains limitrophes (Mali, Haute Volta), ainsi qu'avec l'U.R.S.S.
Les importations de 1~ Côte d'Ivoire en provenance de la France, sont
constituées essentiellement (pour les deux tiers environ), par des demi-
produits et des biens d'équipements nécessaires à l'industrialisation de la
Côte d'Ivoire. Les ventes françaises de biens de consommation (produ~ts ali-
mentaires. articles manufacturés divers), demeurent limités. en fonction de
l'étroitesse du marché, et en dépit de certains postes importants (lait,
forments. produits pharmaceutiques. etc). La France détient une part très
importante du marché ivoirien. en ce qui concerne les produits chimiques.
alimentaires et pharmaceutiques. Elle reste aussi pratiquement l'unique
fournisseur d'engrais et matières plastiques.
Les termes de l'échange entre la Côte d'Ivoire et les pays capi-
talistes demeurent inégaux et les économistes les définissent généralement,
comme "le rapport entre la valeur unitaire moyenne des importations". ou
encore le "quotient de l'indice de la valeur unitaire des importations". (2)
(1) Actualité du commerce extérieur. janvier-février, 1976. n° 111
(2) Pierre Jalée, Le pillage du Tiers Monde, page 79, chapitre 3
335
Les tableaux suivants, nous donnent l·évolution des importations
par produits, et l'évolution globale depuis vingt ans.
Comme le montre clairement le tableau A et B, les importations
de la Côte d'Ivoire se sont élevées à 592,22 millions de N.F. en 1960,
par rapport en 1959 (565,18 millions). Les entrées en matières premières
et de demi-produits se sont relativement peu développées (+ 7 %), mais il
faut souligner à cet égard que la Côte d'Ivoire s'est approvisionnée plus
largement, notamment en ciment. La part de la France dans les importations
en 1960, a représenté 70 % du total des importations.
Par rapport à 1961, les importations avaient enregistré une
baisse (tableau A), puis ont progressé d'une années à l'autre de 723,3 mil-
lions (1962), à 838,2 millions de F retrouvant ainsi leur niveau de 1961
(tableau A). La poursuite d'équipement dans le secteur industriel et la
reprise de l'activité dans les bâtiments etlles transports, ont concouru
à l'augmentation des importations de biens d'équipements, qu'il s'agisse
de matières premières et demi-produits (+ 11,2 %), ou de produits finis
(+ 25,7 %, tableau B), par contre, les importations de biens de consommation
en 1961 sont demeurées à peu près stables.
Après un recul en 1962, les importations en provenance de la
France ont particulièrement progressé de 482,7 en 1962 à 553,2 millions de F
en 1963. Il ne faut pas négliger les importations de la Côte d'Ivoire, en
provenance de l'Allemagne Fédérale, les Etats Unis, etc ...
La stabilisation des importations à leur niveau élevé de 1964
(1 177 millions) contre (1 167 e~ 1965), reflète un certain ralentissement
de l'expansion ëconomi qge, qui s'est cependant poursuivi, notanment dans"
le secteur des industries de transformation, du bâtiment et des travaux
publics. Comme le montre le tableau B, les entrées de matières énergétiques,
constituées de plus en plus par du pétrole, sont passés de 54,5 millions de
francs en 1964, à 65 millions de francs en 1965 (chiffre arrondi). Les
achats de biens de consommation, qui ont représenté un peu plus de la moitié
des importations locales, ont atteint, en 1965, le même montant qu'en 1964,
soit 601 millions de francs, auquel les denrées alimentaires ont participé
336
à concurrence de 207 millions, dont 97 millions au titre du riz t du sucre
et de la farine. Bien que les effets de diversification des sources d'appro-
visdonnement aient porté la part des pays extérieurs à la zone franc de 28
à 30 %, la France conserve une portion prépondérante (62,4 % à 64,2 %)
devant l'Allemagne Fédérale, les Etats-Unis et l'Italie.
En 1967 t les importations se sont élevées à 1 301 millions
(tableau A) rnÂrquant ainsi, par rapport à l'année précédente t une augmen-
tation de 2
%t qui recouvre des évolutions différentes selon les groupes
t 3
de marchadises. Par contre t dans la même période de 1967, les achàts de
denrées alimentaires (tableau B), ont été ramenées de 252 millions en 1966,
à 187 millions en 1967, soit une réduction de 25 t8 %à cause de la forte
production de riz paddy (275 millions de tonnes en 1967, au lieu de 230
millions en 1966).
Les grands travaux de 1968, en cours de réalisation t comme la~.
construction du port de San Pedro et du barrage hydro-électrique de Kossou,
- "~~----~-
ont contribué à l'accroissement des importations: l 725 t7 millions de F
en 1969 au lieu de 1 516,6 en 1968 comme l'indique le tableau A. Dans la même
proportion t les achats de biens finis ont progressé de 30,2 % $ur un total
de 5ll tl millions de fr-ancs en 1969 t au lieu de 392,4 millions en 1968 et
les entrées en machines t appareils et constructions élécttiques ont totalisé
309,4 millions, en 1969, contre 221 t4 millions en 1968 (voir tableau B).
L'expansion des industries locales manufacturières et des
cultures vivrières a freiné les importations de biens de consommation en 1969
(790,6 millions de Ft légère progression par rapport à 1968, 738,3 millions
de F). Celles des denrées alimentatres ont été à peu près stables t 246 t9
millions en 1969 t contre 236,6 millions en 1968 (tableau B). Par contre en
1980, les importations g10bales se sont accrues à un rythme nettement plus
élevé qu'en 1969, 2 5~4,1 millions de francs (1970) au lieu de l 725,7 en
1969 t soit + 24,8 %. Cette évolution s'explique à la fois par la poursuite
des importants travaux de construction du barrage de Kossou et du port de
San Pedro, par l'achat exceptionnel de quelques navires et aussi par la
hausse généralisée des prix des marchandises importées (tableau A). En 1970,
la ventilation des différents produits par groupe d'utilisation, montre que.
337
les entrées de matières premières et de demi-produits, se sont développées
très fortement (474,9 millions en 1970, contre 334 millions de francs en
1969, soit une progression de + 42,2 %), en particulier les métaux et
ouvrages (258,3 millions de francs en 1970, soit + 81,8 millions). Les
acquisitions de biens finis d'équipement, les machi.nes et appareils (+ 43,3
millions en 1970) et le matériel de transport (+ ~2,3 millions).
Dans le groupe des biens de consorJ1Tlation, passés d'une année à
l'autre de 790,6 millions en 1969 à 961,2 millions en 1970, les achats de
denrées alimentaires, sucre, riz, blé ont notamment progressé dans la
même période.
En ce qui concerne l'approvisionnement en matières énergétiques,
essentiellement le pétrole, celles-ci n'ont guère varié en tonnage en 1970,
par contre leur valeur a o}lgmenté. Cela est lié au relèvement des prix mondiaux
à la production. En poussant notre analyse, nous constatons qùe, les impor-
tations qui avaient augmenté en valeur de 24,8 %en 1970, ne se sont accrues
que de 2,9 %en 1971, avec 2 216,8 millions en 1971 contre 2 154,1 millions
en 1970. Cette augmentation imputable au renchérissement de la plupart des
produits importés, s'accompagne d'une diminution de 8,5 %des tonnages.
On constate sur le tableau B que, seules les entrées de mat~ères
premleres et de demi-produits, stimulées par le niveau élevé de l'activitê
industrielle, ont augmenté à la fois en volume et en valeur en 1971 (736,3
millions de tonnes, valeur 501 millions de francs en 1971). Les acquisitions
de biens d'équipement se sont stabilisés en valeur (614,2 millions en 1971
contre 615,2 en 1970), puis se sont fortement contractées en volume (38,5 %),
en particulier, en raison
de l'avancement des travaux du port de
San Pedro, ouvert au trafic dès le milieu de l'année 1971. Les importations
de produits pétroliers ont été ramenées de 866,7 millions de tonnes en 1970,
à 739 mll l ions de tonnes en 1971 (105,5 millions de francs en 1971, contre
101,8 millions de francs en 1970, à la suite du relèvement des prix mondiaux
du pétrole). Par contre. l'accroissement le plus substantiel a porté sur
les biens de consommation (995,7 millions de francs 1971, contre 961,2
millions de francs en 1970) et a concerné surtout les produits finis
(+ 27,9 mi11ions de francs) autres que les textiles (- 9,6 millions).
338
L'augmentation des achats de denrées alimentaires, limitée globalement
a 6,6 millions de francs, recouvre en fait des variations très diverses
suivant les produits: hausse pour le produit laitier (+ 9,5 millions de
francs), le sucre (+ 8,1 millions de francs), les boissons (+ 4,2 millions
de francs) et le riz (+ 3,4 millions de francs) en )971. L'ensemble des
biens de consommation représente en 1971, 44,9 %du total des importations.
L'année 1973 a été une année catastrophique pour le commerce
extérieur de la Côte d'Ivoire pour trois raisons essentielles; la première,
c'est le renforcement des infrastructures; la deuxième, l'extension du
secteur industriel; et la troisième, la pénurie de produits agricoles,
consécutive à la sécheresse.
Ces trois causes ont accéléré les importations (+ 37~8 % en
1973, contre + 3,1 % en 1972). Bien que la ventilation statistique par
groupe soit différente de 1973, il apparaît que l'évolution résulte surtout
des entrées de biens d'équipements et de produits alimentaires. Les achats
de matériel de transport, en particulier de camion, se sont fortement accrus
+ 237,5 millions de francs, soit + 79,7 % par rapport a 1972. A l'exception
des entrées des produits pétroliers, en légère diminution (- 145 millions
de tonnes ce qui représente - 2,6 millions de francs par rapport à 1972).
Tous les principaux postes ont augmenté, nota~nent les machines et appareils
(+ 133,3 millions de francs), les métaux et ouvrages (+ 111,9 millions de
francs), les produits chimiques (+ 35,6 millions de francs), en plus, la
Côte d'Ivoire a dû procéder à d'importants achats de riz (147,9 millions
de tonnes en 1973,pour une valeur de 172,2 millions de francs, contre 77
tonnes en 1972, valeur 44 millions de francs). En raison de l'inflation
mondiale, la progression des importations globàles en 1974, bien qu'inférieure
à celle exportation (que nous verrons plus loin dans la balance commerciale),
a été encore plus rapide qu'en 1973 : 4 645,7 millions de dollars, soit
+ 47,5 % en 1974, et 37,8 %en 1973 (tableau A).
Comme 1973, la ventilation des importations 1979 ne figure pas
dans les statistiques officielles disponibles, mais il apparaît que les
achats de biens d'équipement et de produits énergétiques ont été particu-
lièrement importants. Les achats de machines, appareils et matériel
339
électrique ont augmenté (de + 180 millions de francs par rapport à 1973),
ainsi que le matériel de transport (+ 71 millions de francs)t et les produits
pétroliers (+ 513 t9 millions de francs t soit + 356 t4 %) ils représentent
à eux seuls (les produits pétroliers) 42 t5 % du total des importations en
1974.
Les importations après avoir enregistré une hausse de 47,5 %
en 1974 t ont été en 1975 t supérieures en valeur de 3t9 % (4 827,9 millions
de francs) et inférieures en volume de 9,8 % (3 126 t8 de tonnes en 1975 t
contre 3 465,8 en 1974).
Les entrées de biens d'équipement sont restées très importantes.
Les achats de machines, appareils et matériel électrique (+ 136 t3 millions
de francs) et de matériel de transport (+ 226,4 millions)t ont représenté
34,7 % du total des importations. Quelques modifications sont apparues
dans la composition des importations de produits alimentaires. Le programme
sucrier entrepris par la Côte d'Ivoire, a en effet entraîné une forte dimi-
nution des achats du sucre (- 23,9 millions de tonnes, soit - 43,5 %),
ainsi que les programmes mis en oeuvre depuis 1970 par la société pour le
développement de la riziculture (S.D.R.), ont permis à la production de
riz de couvrir presque intégralement la consommation nationale. Les importa-
tions de riz ont été réduites aux seules variétés dites de luxe: 1,6 million
de tonnes en 1975 t contre 73 millions en 1974 et 147 t9 en 1973. Ont également
diminué les achats de blé ( - 22 t4 %) et de produits laitiers (- 28 %). Il
fallait attendre la fin de l'année 1975, pour assister à une reprise de
l'activité économique. Cette reprise a entraîné un alourdissement des impor-
tations dont le coût a par ailleurs été fortement affecté par la poursuite
de l'inflation mondiale. La valeur totale des importations a atteint
6 232 tl millions de francs en 1976, contre 4 827,9 millions en 1975 (tableau
A)t soit une augmentation de 29,1 %alors que leur progression en volume n'a
été que de 11,5 %. Le tableau B, en 1976 t les importations de biens d'équi-
pement et de produits énergétiques sont restées prépondérantes. Les achats
de machines t appareils et matériel électrique (+ 254 t5 millions de francs)t
le matériel de transport (+ 75 millions de francs) et de produits pétroliers
(+ 107 t8 millio~s de francs).
340
En raison de la place prépondérante donnée aux investissements
dans le programme de développement économique de la Côte d'Ivoire, les
importations ont fait l'objet d'un accroissement sensible qui a entraîné
une dépense globale de 8 591,3 millions de francs en 1977, contre 6 232,1
millions de francs en 1976, soit une augmentation de 37,9 % (tableau A).
L'extension du potentiel industriel s'est traduite par la
progression des achats de biens d'équipement. La même année, pour une
seconde fois, la forte sécheresse qui a sévi au début de 1977, a rendu
indispensable l'importation de tonnages élevés de produits vivriers, en
particulier de riz, dont les achats ont provoqué une dépense de 172,4 mil-
lions de francs. La progression s'est poursuivie en 1978 dans tous les
secteurs (voir tableaux A-B).
Pour un pays comme la Côte d'Ivoire, à faible revenu tiré à
travers les exportations de café-cacao, l'approvisionnement alimentaire
est le fondement indispensable d'une économie saine, et son amélioration
intéresse, directement la grande masse de la population. L'insuffisance
de la production alimentaire compromet le progrès économique, du fait que
les importations de produits alimentaires absorbent les ressources en devises.
Le tableau A et B démontre que la Côte d'Ivoire est totalement dépendante
des pays industriels pour son importation en biens d'équipement et de
facteurs de production dont les prix bien entendu lui échappent: diminution
de la valeur réelle de son exportation, augmentation du prix des produits
manufacturés, surtout les biens de consommation et les produits pétroliers,
qui sont en évolution depuis 1959 à 1978 en valeur.
La situation globale est donc loin d'être brillante et l'augmen-
tation des importations au niveau de chaque produit ne fait que confirmer
la tendance.
Si les importations de sucre sont en progression entre 1959
et 1962 (18,7 tonnes 1959 et 28 tonnes 1962) pour stagner entre 1963 et
1964, puis progressé jusqu'en 1973, pour chuter à partir de 1974, le pétrole
lui est en évolution régulière en quantités et en valeurs. Les importations
de pétrole étaient de 193,6 millions de tonnes en 1959 pour atteindre
l 873,4 tonnes en 1978 pour une valeur de 983,8 millions de F.F.
341
Presque tous les pays en voie de développement sont des gros
exportateurs de produits agricoles et des importateurs"de plus en plus
importants de denrées alimentaires et de biens d'équipement. La Côte d'Ivoire
approvisionne à plus de 50 % le marché mondial en café et en cacao, sans
oublier le bois, mais produit en quantité insuffisante les denrées a1imen-
~aires pour assurer son indépendance économique et politique.
Selon les statistiques de la FAO (1), Tes pays en voie de
développement sont les producteurs exclusifs ou quasi-exclusifs de bananes,
arachides, cacao, café, pour le marché extérieur, en revanche. pour tout
ce qui concerne les denrées alimentaires, les pays développés arrivent au
premier rang.
1°) analyse de la balance commerciale
Bien que les quantités commercialisées, à l'issu de la campagne
1960-1961 aient atteint un chiffre encore jamais égalé (185 000 t), par
rapport aux années antérieures, les exportations de café n'ont progressé
que de 4 %en tonnage (153.8 millions de tonnes en 1961 ; au lieu de 147,8
millions de tonnes en 1960), en raison de l'impossibilité d'écouler la
totalité de cette production. En valeur (405,1 millions de francs en 1961,
contre 373.6 millions de francs en 1960, soit une augmentation en valeur de
+ 8,4 %), grace à l'augmentation des ventes sur la France, à un prix préfé-
rentiel largement supérieur au cours mondial. Les exportations sur les pays
extérieurs de la zone franc, ont fléchi. à la suite de la contraction de la
demande des Etats Unis et de l'Ita1ie.
Les sorties de cacao ont porté sur 88,5 millions de tonnes (1961)
contre 62,9 millions en 1960.
Les exportations de cacao étaient en forte expansion, malgré la
dépression des cours mondiaux. La vente du cacao a procuré dans la même
période (1961-1962), 211 millions de francs en 1962, par rapport à 1961
196,2 millions de francs, grâce à l'augmentation des tonnages exportés,
notamment vers les Etats-Unis.
Dès 1963. le café a progressé en valeur de 375.6 millions. 1962
passe à 634,5 millions de francs en 1964.
(1) Les problèmes agricoles du Tiers Monde, in Problèmes po1itigues et soc1ayx,
15 février 1980, n° 382, p. 7
342
EVOLUTION DES EXPORTATIONS ET DES IMPORTATIONS DES PRINCIPAUX~ODUITS DE 1959 A 1978
EXPORTATIONS
(en tonnes et en millions d francs F.F.)
1959 ,
1960 ,
1961
,
1962 , 1963 , 1964 , 1965 ,
1966 ,
1967 , 1968 ~1969 , 1970 , 1971 , 1972 , 1973 : 1974 , 1975 , 1976 , 1977 , J978 ,
' - - - ' - - - ' - - - ' - - _ : _ - - ' - - _ : _ - - ' - - - ' - - - ' - \\ - - ' - - - ' - - - ' - - - ' - - - ' - - ' - - ' - - - ' - - - ' - - - '
'quantit:
104.7: 147.5: 153.8' 141
'182
'204,3' 185
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'
149
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: 188
'212,6' 263,4' 254,8' 322,6' 217.8' 230
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:
:
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:
:
:
:
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:
:
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405,1.
375,6:
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517,8: 604,ï: 508,5: 717,2:603,4; 863,6~ û43,2: 737,1: 876,3:1275,6;1234,L:265S,~:376C ;2é22,G:
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'107,8'
129
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156,9:
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169,7' 1'J"
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244
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225,6, 290,6, 218,3,
264,5,
284,8, 417,6,565,5,
580,9, 475,9,
480,5, 595
'1363,7, 952,7:1427.9:1976
:3218,1:
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BOIS :quantit: 444
; 654,9:
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893.4~1154,9:1526,1:1566 :1568 :1839 :2175 ;~95,9:2097,5:2259 :2566,5;2882 :2578,6~2075,8;2777 ;2834 ;2300,5;
r va l.eur s e
80,6,126,9,166.7,181,6,248,9,357,2, 369,4,371,8, 435.5: 515,9:702,4: 586,7, 619,4:
758,9,1325,9:1322
,910,9:1551,3:1704,4,1425,3,
lHPORTATIONS (en millions de tonnes et ~ millions de F.F.)
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8,5:
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98,1: 221,4' 309,4' 352,7' 392.3' 397
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7,9;
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:
:
:
transports
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49.6,
63,3,
78,5:
63,1,
74,8:
81,8,220,2
261,7,
354
3'<5,7:
298
535,5: 606,5, 832,9, 90 7,9,
,1214.2:
- - - - , - - _ : _ - - , - - _ : _ - - , - - _ : _ - _ : _ - - , - - - , - - _ : _ - _ : _ - - ' - - - , - - - ' - - - ' - - - ' - - - ' - - _ : _ - - ' - - - ' - - -
métaux et
eque nt I t,
12.7:
12.4,
13,2,
12
13,5:
23,3,
19
18,8:
20,4,
92,6: 101,2: 133,2: 106,8:
99,3: 140,6: 136
120,9, i93,3:
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,
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~/I!~'I "'~_"c.t .1. lf.ïiJ'"; ~t .IL ~l d'JtlrI~•.
343
Tableau n° 18
Calcul de la valeur moyenne des importations et des
exportations
Exportations
Importations
:Machines
et
Matériel et
Produits
Café
Cacao
appareils
t r.ansports
pétroliers
1959
3,05
3 ,35
7 ,95
5,02
0,19
1960
2.53
2,77
9,44
6,50
0,20
1961
' , ( , )
2,21
10, 12
6,38
0,20
1962
2,66
2,08
9,75
8, 13
0, 19
1963
2,68
2,26
Il , 51
7 , Il
0,19
1964
:.. , 10
2,33
10,65
7,20
0,19
1965
2,79
1 ,72
Il , 12
5,68
0, 13
1966
3,34
2 , Il
10,98
7,79
0,10
1967
J,41
2,64
10,90
9,62
0,10
1968
3,15
3,23
10,48
7 , 14
0,11
1969
3,46
4,50
Il ,45
8,22
0,10
1970
4,.4 2
3,79
13,46
6,01
0,11
1971
4,58.
3,08
1 3 , 71
10,93
0,14
1972
:3 r 92
2,87
16,54
Il ,03
0,12
1973
4, 1 2
3,92
16,67
7,52
0, 14
1974
4 ,84
6,26
19,67
12,55
0,38
1']75
4,84
5,61
21 , 16
19,87
0,44
1976
~,22
7 1 :,2
26,21
19, 15
o J 48
1977
17 ,;: El
12,46
1978
11,40
13 , 18
31 ,02
19,87
0 / 5 3
Source
d'aFrès
les
statistiques de l'INSEE et le bulletin mensuel
de
statistiques de
la Côte d'Ivoire.
344
Les exportations de cacao acheminées pour un tiers environ en
France et, pour le reste, principalement sur les Pays Bas, les Etats Unis
et l'Allemagne Fédérale, ont procuré 290,6 millions de francs contre 225,6
millions en 1963. Par contre, la même année c'est à dire en 1964, les
exportations de cacao vers les six pays du marché commun et les Etats-Unis,
niant guère varié en tonnages (124 millions de tonnes en 1964, contre 126
millions en 1965). Cela est due à des conditions climatiques médiocres, et à
une certaine désafection des planteurs, consécutive à la baisse des prix
à la production. La désafection est aussi valable pour le café, qui a vu ses
recettes, passées de 489,5 millions en 1963, à 634,5 millions de francs en 1964
a baissé pour atteindre 517,8 millions en 1965. A partir de 1967, les
échanges de la Côte d'Ivoire se sont développés modérément. Passant d'une
année à l'autre, de l 533 à l 605 millions de francs, les exportations ont
augmenté de 4,7 % seulement en raison de la faiblesse de la campagne caféière
1966-1967, qui a porté sur 131 000 tonnes au lieu de 272 000 tonnes en 1965-
1966. Les expéditions de café, ramenées de 182 000 tonnes à 149 000 tonnes,
ont procuré 509 millions de francs au lieu de 605 millions, donc une baisse
de - 15.9 %et a représenté 31,7 %des ventes extérieures contre 39,4 %
en 1966. Cette diminution a été causée par l'ensemble des clients tradition-
nels, en particulier la France (251 millions au lieu de 272) et les Etats
Unis (142 millions au lieu de 171 millions dans la même période: campagne
1966-1967), ainsi que certains pays non soumis au contingentement de l'accord
international, comme le Japon et la République du Soudan.
Par contre, le cacao. malgré une diminution en tonnage de 13.6 %
les sorties ont quelque peu augmenté en valeur (285 millions de francs au
lieu de 265 millions), grâce à la hausse des cours mondiaux. Les exportations
ont été spécialement dirigés essentiellement sur la France, les Pays Bas,
l'Allemagne Fédérale. et les Etats-Unis.
A la suite d'une vente favorable en 1968. due aux résultats de
la campagne 1967-1968, les exportations ont sens ib l ement régressé de 712,2
à 603,4 millions de francs, pour un volume de 178 300 tonnes au lieu de
214 400 à la suite de la médiocrité de la récolte de la campagne 1968-1969
(210 000 t contre 287 800 en 1967-1968). Quant au cacao, il a bénéficié de
345
la hausse des cours mondiaux, ce qui a profité d'un revenu substantiel à
l'économie de la Côte d'Ivoire. Il fallut attendre 1969, pour voir un accrois-
sement des exportations en café en volume (+ 9,5 %) 195 300 t au lieu de
178 300 en 1968, pour une recette de 863,6 millions de francs en 1969 contre
603,4 millions en 1968, grâce à la hausse des cours mondiaux. La France
demeurant toujours le premier client (78 900 t), suivi des Etats Unis
(76 400 t). Pour le cacao, une augmentation en volume, mais avec affaiblis-
sement des cours mondiaux, qui a limité la progression en valeur du cacao
à 2,7 % en 1969. Affectées par la baisse des cours, les exportations ont accru
en tonnage (310 260 t. au lieu de 300 100 t en 1968). on subit une baisse
très importante en valeur en 1970 ainsi que le café. En 1973. les ventes de
café ont progressé de 12.8 %en volume et de 18.9 % en valeur. Par suite de
la hausse des cours. la vente de cacao sur le marché mondial a augmenté de
plus de 20 %.
A la suite de la forte gelée au Brésil. malgré la baisse des
cours du café en 1975. les exportations ont été stimulées. mais en définitive.
non que peu varié par rapport en 1974 (1 234.1 millions de francs. contre
l 275,6 soit - 3.2 %. pour 254 800 t contre 263 400 t). Les exportations
de cacao ont fortement diminué au cours de la même année 1975. 169 700 t
contre 217 600 t (- 22 %). pour une,valeur de 952.7 mi11ions de francs contre
l 363.7 millions de francs (- 30.1 %). représentant 18,7 % (contre 23.4 %)
du total des exportations.
En 1977. le café. dont les expéditions. affectées par la contrac-
tion de la demande mondiale, ont été réduites de 32,5 % (217 800 t contre
322 800t en 1976). a procuré 3 760 millions de francs de ressources en 1977.
scit 41,6 % de plus qu'en 1976. A un degré moindre. les exportations de cacao
ont suivi la même tendance. diminuant de 18.7 %en volume (158 500 t en 1977.
contre 195 000 t en 1976), tout en progressant de 38,4 % en valeur (1 976 mil-
lions en 1977, contre l 427,9 millions en 1976). Le cacao, suivant son cours,
les Ex~ortations en 1978 sont passées de 158 500 t en 1977 à 244 000 t en
1978 (+ 53,9 %) et les recettes corr.espondantes ont atteint, grâce à la
fermeté des cours mondiaux, 3 218,1 millions de francs, soit 62.9 %de plus
qu'en 1977.
Pour les chiffres cités, voir le Côte d'Ivoire en chiffre années
1979-1geO : 1980-1981, édition Africaines
346
Par contre, si les exportations de café se sont accrues de 5,7 %
(217 800 t en 1977, contre 230 100 t en 1978), elles ont été beaucoup moins
rémunératrices, compte tenu du niveau moyen du prix sur le marché interna-
tional. Elles ont en effet fléchi en valeur de 3 760 millions à 2 622,8
millions en 1978, soit - 30,2 %.
Si nous faisons une analyse par année de la balance commerciale
de la Côte d'Ivoire, depuis 1959, nous constatons qu'en' raison de la forte
progression des importations, l'excédent de la balance commerciale globale,
se trouve ramené à 111 millions de francs, au lieu de 173 millions en 1958.
D'une année à l'autre, l'excédent de la balance commerciale i~oirienne,
passe de 112,3 (1961) à 171,1 millions, avec un taux de couverture des
importations de 115 %à 124 % (voir tableau). Le commerce avec la zone
franc est devenu bénéficiaire (+ 11,7 milll0ns au lieu de - 27,5) à la suite
de l'atténuation du déficit avec la France (- 39,7 en 1962, contre - 82,7
en 1961).
Quant aux échanges avec les pays extérieurs à la zone franc,
ils se soldent par un excédent élevé (159,4 millions au lieu de 139,8 en
1961), grâce à une amélioration de la balance avec les Etats-Unis, et
surtout avec les états de la C.E.E.
En 1962, l'augmentation de l'excédent de la balance commerciale,
résultant surtout de la contraction des importations (déjà analysé plus
haut), l'accroissement enregistré en 1963 (298,2 millions au lieu de 183,2),
est dû à l'essor des exportations. Le taux de couverture des importations
par les exportations, déjà favorables, s'est encore amélioré, passant de
124 % en 1962 à 136 % en 1963. Cette évolution est imputable essentiellement
au commerce avec les pays extérieurs à la zone franc qui a dégagé un solde
positif de 283 millions en 1963, contre 159,4 millions en 1962, en particu-
lier aux transactions avec la C.E.E. (+ 182,8 millions au lieu de + 100,8)
et dans une moindre mesure avec les Etats Unis (+ 115,8 contre 104,9 mil-
lions), déficitaire avec la France (- 21 en 1963, entre - 39,7 en 1962).
347
LE COMMERCE EXTERIEUR DE LA COTE D'IVOIRE DE 1959 à
1979
{valeurs en millions de F français N}
%
Exportations
Total
Total
Importations
de
:Reste
zone:
Reste du
OReste zo-:Reste du :
1 : F
:Reste zo-: Reste du:
France
France
:ne franc:
monde
.
Tota
:
rance
:ne franc:
monde:
franc
:
mondé
couverture
------------+------------+------------+------------+--
- - - - - - - - - - ~ - - - - - - - - - - - - - - - - -
--------- --------- --------- --------- -----------------------------
1959
352,7
94,5
246,8
676,4
371,2:
112,4:
151,9
565,2
18,5
+ 34,tl
+
94,9
T
58,5
120
1960
391,2
117
268,4
776,6
417,4:
94,7:
135,2
592,2
26,2
+ 47,B
+
133,2
+
128,9
126
1961
450,8
16~
331,2
912,1
533,5:
110,9:
191,4
759,8
82,7
+ 55,2
+
139,B
+
106,6
115
1962
443
142
368,6
954,4
482,7:
78,8:
209,2
723,3
39,7
+ 51,4
+
159,4
+
183,2
124
1963
532
103
501
1 136
5 5 3 :
67
:
218
838
21
+ 36
+
283
+
298,2
136
1964
534
136
820
1 490
7 5 5 :
90
:
332
1 177
221
+ 46
+
488
+
313
127
1965
515
127
726
1 368
7 2 8 :
83
:
356
1 167
213
+ 44
+
370
+
202
117
1966
595
127
811
1 533
7 3 4 :
125
:
413
1
272
139
+
2
+
398
+
261
121
1967
599,6
148,2
857,5
1 605,3
718,7:
134,2:
448,1
.
.
1 301
119,1
+ 14
+
409,4
+
304,3
123
1968
724,3
156,3
1 203,9
2 097,6
778,9:
201
:
572,6
1 552,5
54,6
+ 31,6
+
631,3
+
545,1
135
1969
742,2
173,2
1 449,1
2 364,5
799,3:
100,1:
826,3
1
725,7
57,1
+ 28,3
+
667,6
+
638,8
137
1970
850,5
149,3
1 604
2 603,8
995,8:
116,2: 1 042,1
2 154,1
145,3
+ 33,1
+
561,9
+
449,7
121
1971
844,2
148,6
1 538,4
2 531,2
1 035,6:
106,1: 1 075,1
.
.
2 216,8
191,4
+ 42,5
+
463,3
+
314,4
114
1972
813,3
226,4
1 751,1
2 791
1 077,4:
86
: 1 122,9
2 286,3
264
+ 140,4
+
628
+
504,5
122
1973
984,4
284
2 549
3 B17
1 394
:
102
:
1 654,4
3 150,4
409,6
+ 182
+
894,6
+
666,7
123
1974
1 522,8
515,9
3 796,7
5 835
1 B02,l:
143,5: 2 700,1
4 645,7
279,3
+ 372,4
+ 1 096,6
+ 1 189,7
126
1975
1 382,3
650,7
3 658,4
5 091,4
1 897,7:
150,3: 2 779,3
4 827,9
515,4
+ 500,4
+
278,5
+
263,5
106
1976
1 997,6
659
5 193,4
7 850
2 391
:
122,9:
3 71B,2
6 232,1
393,4
+ 536,1
+ 1 475,2
+ 1 617,9
126
1977
2 717,1
681,1
7 186
10 584,2
3 383,6;
102,8: 5 104,9
8 591,3
666,5
+ 5 7B, 3
+ 2 081,1
+ 1992,9
123
1978
2 449,7
671
7 3~6,B
10
487,6
4 104,1:
282,5:
6 063,4
10 450
1 654,4
+ 388,6
+ 1 303,4
+
37,6
100
Sources
Annuaires stat1stiques de la Zone Franc,
1979.
--
348
L'excédent de la balance commerciale ne reste pas moins substan-
tiel en 1965 avec 202 millions de francs, et un taux de couverture des
importations de 117 %. Le déficit avec la France est comparable â celui de
l'année précédente (- 213 millions, contre - 221 en ·1964), qui se trouve
légèrement compensé par l'excédent du commerce des autres pays, malgré le
recul très sensible des excéden~envers les autres états de la C.E.E. (+ 166
millions contre 232) et les Etats Unis (+ 149 millions contre 217).
Après avoir diminué en 1965, l'excédent de la balance commerciale
a de nouveau progressé + 261 en 1966, avec un taux de couverture des expor-
tations par les importations de 121 % par rapport à l'année précédente 117 %.
L'amélioration concerne â la fois, l'évolution des échanges avec la France,
envers laquelle le déficit s'est atténué en 1966 (- 139). En 1968, l'excédent
de la balance commerciale de + 304,3 (en 1967) â +545,1 millions en 1968
avec un taux de couverture des importations par les exportations de 123 %
en 1967 à 135 % en 1968.
Par contre, les échanges extérieurs de la Côte dlIvoire se sont
détériorés avec certains pays de la zone, en particulier l'Algérie (- 43
contre - 26,4 millions de francs) et le Sénégal. Mais le commerce avec la
France est moins déficitaire, - 54,6 mi11ions en 1968, contre - 119 en 1967).
Depuis 1969, le solde excédentaire de la balance commerciale a diminué de
plus de la moitié (314,4 millions en 1971, contre 449,7 millions en 1970,
et 638,8 en 1969). Le taux de couverture des importations par les exportations,
se trouve ainsi ramené de 121 %â 114 % (voir tableau). En 1974, supérieur de
près de 80 % â celui de 1973, l 1 excédent de la balance commerciale a atteint
un niveau record: l 189,7 millions en 1974, contre 666,7 en 1973, avec un
taux de couverture de 126 % en 1974, contre 121 %en 1973. Le déficit avec
la France - 409,6 en 1973.
Après un développement exceptionnel des échanges commerciaux de
la Côte d'Ivoire en 1976 et 1977, une stagnation a été enregistrée en 1978
au niveau des exportations, alors que les importations ont continué leur
progression. En 1979, les échanges ont connu une légère amélioration, grâêe
a une reprise des ventes, et une forte décélération des coOts des importations.
349
Les deux produits (café-c~cao) occupent une place prépondérante dans
les ventes à l'étranger (68,7 % en 1977, contre 69,3 % en 1978). Toutefois,
l'évolution n'a pas été la même pour chaque produit. Le café est redevenu
avec 31,1 % du total, le premier produit d'exportation, grâce à une produc-
tion en évolution, et à un redressement des cours sur le marché international.
,
Les 1ivraisons sont passées de 230 100 t en 1978 à 259 700 t en 1979
(soit + 12,9 % contre + 5,6 %) et 2 622,8 millions à 3 330,8 millions de
francs (soit + 27 % contre - 36,2 % en 1978).~)
Quant au cacao, les exportations ont subi une chute brutale de
224 000 à 178 000 t (soit - 30 % contre + 53,9 %), et les recettes sont
tombées de 3 218,1 à 2 324,6 millions de francs (soit - 27,8 % contre + 62,9 %)
Leur part dans le total des exportations est de ce fait revenu de 30,7 %
à 21,7 %~tette contraction est liée à la décision ivoirienne de se retirer
temporairement du marché du cacao à partir du quatrième trimestre 1979, et
de stocker provi~oirement sa pr6duction, pour tenter de faire remonter les
prix de ce produit, jugé trop bas.
Le graphique d~ la page sùivante démontre nettement la forte
poussée des exportations de la Côte d'Ivoire vers les pays de la zone
franc et le reste du monde (sauf la France), par rapport aux importations
ivoiriennes. D'une façon générale, la balance commerciale de la Côte d'Ivoire
est
ëxcédentaire comme le montre le graphique, puisque les exportations
sont supérieures aux importations.
Par contre, le deuxième graphique sur le commerce extérieur
entre la Côte d'Ivoire et la France présente un autre aspect.
Nous constatons depuis 1959 à 1978 un déficit de la balance com-
merciale de la Côte d'Ivoire vis à vis de la France.- le déficit varie
entre - 18,5 à - 1 654,4 millions de FFN, depuis l'indépendance. Cela est lié
au lien de domination historique entre les deux pays depuis la période
coloniale. Les importations de la Côte d'Ivoire passent de 371,2 millions
de FFN, en 1959 à 4 104,2 millions de FFN en 1978, alors que les exportations
en valeur étaient de 352,7 millions FFN en 1959 à 2 449,7 millions de FFN
en 1978.
=
(1)
Statistiques Douanières, 1980
(2)
1 J-t ,.,
350
En conclusion, les importations de laCOted(Ivoire sont supé-
rieures aux exportations. Si on en juge par les statistiques douanières,
le mouvement de décélération des importations, qui avait prévalu depuis le
début de 1978, semble avoir atteint un terme au deuxième trimestre 1979,
et faire place à une nouvelle phase d'expansion à partir du troisième
trimestre. Alors que les importations avaient connu une forte baisse au
deuxième trimestre (- 16 % par rapport au 2e trimestre 1978), elles ont
enregistré un début de reprise au troisième trimestre, et la diminution n'a
été que de 2,3 % par rapport au troisième trimestre 1978.
Sur l'ensemble de l'année, la croissance de la valeur des impor-
tations n'a été que de 1,2 % en 1979, contre 21,6 %en 1978. D'une façon
globale, le solde de la balance commerciale est excédentaire depuis 1959.
Par contre le commerce avec la France reste constamment déficitaire. Le taux
de couverture est passé de 126 en 1960 à 137 en 1969, pour atteindre 100 %
en 1978.
Le commerce extérieur, et les échanges avec la France, si nous
prenons comme année de base 1975, nous nous rendons compte que, la détério-
ration des termes de l~échange, liées à la baisse des cours des matières
premleres, à la hausse des prix de l'énergie et des biens d'équi~ement, s'est
ajoutée une baisse du volume des exportations, due en grande partie à la
chute de la demande de bois et au freinage de la commercialisation du café
et du cacao, dans l'attente d'une amélioration des cours.
La balance commerciale, déficitaire pendant la premlere moiti ~
de l'année 1975, est cependant redevenue positive au troisième trimestre,
sous le double effet d'une reprise des exportations de café-cacao, qui ont
bénéficié de l'effondrement des récoltes brésiliennes et des évènements
d'Angola, et de la stagnation des importations (+ 20 %en valeur, - 12.%
en volume). Celle-ci s'explique à la fois par le ralentissement de la·
conjoncture ivoirienne, et par la décision prise en juillet 1975, de soumet-
tre les importations au contrôle de la société générale de surveillance de
Genève, pour freiner la hausse des prix (1), en assurant une meilleure con-
currence entre les pays fournisseurs. Bien que sa part tende à diminuer, la
(1) La hausse des prix intérieurs a été de 17,6 %entre septembre 1974
et septembre 1975
351
France reste le premier fournisseur et client de la Cote d'Ivoire. En 1974,
la France a absorbé 26 % des exportations ivoiriennes (contre 29 %en 1972
et 40 % en 1963), et à fourni 39 % des importations ivoiriennes (comparé
à 47 % en 1972, et 66 %en 1963).
Si l'on ex1ut les importations de pétrole, la part de la France
"dans les importations de la Côte d'Ivoire diminue de 1,3 % en 1974 par
rapport à 1973.
La prépondérance de la France s'explique plus par les liens de
domination historiques entre les deux pays, que par des avantages tarifaires
préférentiels. L'importance des investissements en capitaux français, et
la solide implantation de grands groupes commerciaux (S.C.O.A., C.F.A.O,
OPTORG ... ) qui assurent une grande partie du commerce extérieur et de la
distribution locale, constituent certainement les facteurs les plus favora-
bles à l'exportation des produits français vers la Côte d'Ivoire.
2°) Analyse de la balance des paiements de la Côte d'Ivoire
La balance des paiements de la Côte d'Ivoire a confirmé en 1977
le redressement annoncé en 1976 : elle s'est soldée par un excédent de
30 471 millions de francs CFA, en net progrès sur celui de l'année précé-
dente, chiffré à 2 394 millions de francs CFA, qui succédait lui-même au
déficit de l'exercice 1975 (51 948 millions de francs CFA) voir tableau.
L'amélioration enregistrée en 1977 est due à une réduction du
déséquilibre de la balance des paiements courants (-43 200 millions, au lieu
de - 59 500 millions), et, dans une mesure plus importante, à l'augmentation
de l'excédent des opérations en capital (93 916 millions contre 65 039
millions de F CFA) ; le poste "erreurs et omissions", créditeur de 2 257
millions en 1976, est devenu débiteur de 5 969 millions en 1967.
Le redressement de la balance des paiements courants a été impu-
table à une progression de l'excédent de la balance des biens et services
(30 471 millions de francs CFA en 1977, contre 2 394 millions en 1976),
supérieure à l'accentuation du déficit des transactions unilatérales ou
transferts, de 73 708 millions en 1977, au lieu de 61 879 en 1976.
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352
Le commerce s'est à nouveau sensiblement amélioré t avec un
excédent de 200 200 millions t en augmentation de 46 %sur celui de 1976
(137 200 millions de F CFA). La couverture des importations, en dépit d'un
léger tassement des quantités vendues et ~ la faveu~ d'une forte hausse des
prix, particulièrement sensible sur le café et le cacaot s'est accru de
42t9 %en passant de 414 600 millions ~ 592 600 millions. La relance de
l'activité économique t et la chute de la production céréalière t ont entraîné
une hausse de 19 %du volume des importations quit en raison de l'infla~1on
mondiale s'est traduite par une augmentation en valeur de 41 t5 % (392 400
millions de F CFA t contre 277 400 millions).
Le déséquilibre des services a continué à s'aggraver (- 169 ?DO
mi l l ions , contre - 134 500 mi l l tons ) , ~ un rythme ralenti cependant (+ 25 t9 1-
contre + 34 tl %). Le déficit des frais de transport afférents au commerce
international t malgré l'augmentation sensible du tonnage des importations~
a progressé moins rapidement t grâce ~ un léger fléchissement des taux d~
frêt t et surtout de la part croissante prise par les transporteurs nationaux
dans l'acheminement des importations.
Les transferts Qnilatéraux
ont accusé un déficit aggrav~ ;
chiffré à 73 708 millions en 1977, contre 61 879 millions en 1976 t il stest
toutefois accru à un rythme ralenti (+ 19 t1 % contre + 104 t3 X). Les services
et les transferts unilatéraux t peuvent difficilement faire l'objet d'une
interprétation d'ensemble. Il est néanmoins utile de retenir que même si
leur solde s'est légèrement amélioré ~ partir de 1964 t suivant en cela le
redressement.des échanges de marchandises dans une certaine mesure t ce,rtains
des principaux postes qui les composent sont demeurés déficitaires ~ partir
de 1968 pour les transferts et 1970 pour les biens et services.
La Côte d'Ivoire est surtout déficitaire vis à vis de la
France.
Le déficjt des transferts unilatéraux n'a cessé d'augmenter
sous l'effet de la progression des dépenses gouvernementaux. La progression
des dépenses publics à partir de 1970 reflète l'alourdissement des grands
travaux entrepris par la Côte d'Ivoire.
353
La balance des paiements distingue les mouvements de capitaux
à long tenne et 1es mouvements de capitaux à court tenne. Seule l' évol ution
sur longue période des premiers apporte quelques enseignements sur les
modalités de l'insertion d'un pays dans l'économie mondiale.
Dans le cas de la Côte d' Ivoire, les opérations e·n capital,
·ont été pratiquement excédentaire de 1968 à 1977.
+
+
+
La Côte d'Ivoire a été intégrée dans le système mondial capita-
liste, comme un pays de réserve de matières premières, pour l'approvisionne-
ment des marchés impérialistes dominants. L'échange inégal se manifeste à
l'intérieur du pays par l'intennédiaire de la CSSPPA, et se prolonge sur
le marché mondial au niveau des importations et des exportations.
Il convient de rappeler que le prix est, dans l'univers économique
un simple outil de gestion. La théorie lui assigne quelques fonctions pré-
cises, comme celle de vider le marché, ou de constituer pour les agents
économiques, un signal apte à favor-iser une allocation favorable des res-
sources. A travers les prix des produits de base de certains pays africaiffS,
la Côte d'Ivoire par exemple, l'organisation actuelle du march~ est peu
satisfaisante. Le cloisonnement des marchés met fin au régime d'unicitêdes
prix.
Pour certains produits, surtout agricoles, comme le café et le
cacao, la séparation se situe entre le marché national isolé et protégé
par 1a CSSPPA et le marché mondial: Dans le premier, le prix est généralement
stable, mais n'a éventuellement qu'un rapport assez lointain avec ce qui
résultera it d'une 1i bre confrontati on de l'offre et de 1a demande.
Dans le second, le caractère du marché accroit inévitablement
l'instabilité des cours et ne pennet pas de constituer une bonne allocation
354
des ressources. Par ailleurs, l'instabilité des cours, non seulement a une
conséquence sur la balance commerciale et la balance des paiements, mais
aussi renforce l'inefficacité économique de l'organisation actuelle des
marchés et accentue la d~pendance des pays tiers VlS à vis des pays
développés.
La Côte d'Ivoire pour qui l'exportation du café. Cacao, constitue
la principale rentrée de ~evises, les effets néfastes de l'instabilité
des cours et des recettes d'exportation, représentent un frein à lteffart
de développement. La dépendance économique se manifeste en premier lieu
au plan des échanges.
La dépendance commerciale s'exprime également par le fait que,
les pays industrialisés peuvent offrir à l'échange une ganme considérable
de produits, les pays comme la Côte d'Ivoire et bien d'autres pays tiers,
ni en peuvent offri rqu 1 un éventail des pl us restrei nts , se l imitant souvent
à quatre, trois, deux (le cas de la Côte d'Ivoire: café - cacao - bois),
constituant la masse exportable surle marché mondial.
Pour tenter de stabiliser les prix des matières premières, des
accords ont été conclus sous l'égide de la FAO et de la CNUCED, dans le
cadre du programme intégré pour les produits de base.
La section III aura pour mission d'étudier les différents accords,
en partant de l'organisation inter africaine (1);
l'accord tnternatf onal
du cacao-café (II) ; le groupe de Bogota (III) et le fonds ré9ulat~.lir (IV).
355
Se..ction III
Problème de l'organisation du marché du cacao
et du café
De grands espoirs avaient été placés dans la possibilité d'une
entente entre les producteurs et les consommateurs, en vue de stabiliser
le cours du café et du cacao.
Lors de la réunion
du grou~e d'étude du cacao de la FAD à Accra,
à laquelle ont participé dix pays ~roducteurs et onze pays consommateurs, un
accord de principe était intervenu quant à l'élaboration d'un système de
contingentement des exportations. Ce projet devant être ensuite être étudié
par les gouvernements membres du groupe d'étude du cacao et du café et par
le comité exécutif de ce dernier.
Si, à la suite de ces constats, il devait apparaitre qu'une ba-
se de négociation satisfaisante se trouve dégagée, la convocation
d'une conférence sous les auspices des Nations Unies serait envisagée. A
l'occasion de la réunion de Rome, des experts formant le comité restreint
chargé de la rédaction du projet d'accord international sur le café et le
cacao, on devait constater que les dispositions favorables à l'égard d'un
tel projet de stabilisation ne s'étaient pas maintenues dans les princi-
paux pays consommateurs. Si, en raison des liens politiques Qui les unis-
sent à certains pays producteurs, la France et l'Angleterre ne sont pas
hostiles à de telles mesures de soutien, les Etats-Unis, l'Allemagne (1)
et les Pays-Bas en présence de la troisième augmentation armuelle de la
récolte mondiale, sont peu favorables à toute atteinte à'IJ libre jeu de
l'offre et de la demande.
Il reste encore à voir, dans le cadre des efforts de la CEE,
en vue de stabiliser les prix des matières premières, s'il serait possi-
ble d'amener les représentants de ces deux pays à modifier leur position.
En revanche, tous les intéressés semblent d'accord,sur l'oppor-
tunité de prendre des mesures de nature à stimuler la deman.e.
L'objet de l'organisation du marché du café et du cacao est d'at-
ténuer, dans un premier temps, les graves difficultés ëconomîqees Qui per-
(1) Les Allemands estiment, notamment que par la const i tuttcn de stocks plus
importants et par la conclusion de contrats de livraison à Jong terme ils
ont apporté une contri buti on importante en vue de renforce," 1a posf t i on des
pays producteurs.
356
sfsteraient, si l'équilibre entre la production et la consommation du café-
cacao, ne pouvait être assuré uniquement que par le jeu normal des forces
du marché; dans un deuxième temps, d'empêcher les fluctuations excessives
des prix du café et du cacao qui nuisent aux intérêts à long terme des pro-
ducteurs comme des consommateurs; dans un troisième temps, d'aider, par
les dispositions voulues, à maintenir et à accroitre les recettes que les
pays producteurs tirent de l'exportation des deux produits, contribuent
a1nsi à founir à ces pays, des ressources, en vue d'une croissance écono-
mique et d'un développement social accéléré, tout en tenant compte des in-
térêts des consommateurs dins les pays importateurs ; et dans un dernier
temps, assurer un approv1sionnement suffisant à des prix raisonnables, équi-
tab 1es pour les producteur-s et pour les consommateurs, en facil i tant l'ac-
croissement de la conso~tion.
Il s'agit, ~3ns cette section, d'étudier les différents accords
et organisation, pour mieux saisir les problèmes qui se posent au niveau
des marchés du café et du cacao.
Nous a11 ons anaIyser, successivement, l' organi sation i nterafri-
caine du café et du cacao et son fonctionnement (1) ; les différents accords
internationaux (II) ; le groupe Bogota (III) ; et le fonds régulateur (IV).
357
l - L'organisation interafricainedu café (l'DIAC)
Les pays africains de café disposent d'une structure de concer-
tation : l 'DIAC, l'organisation interafricaine du café. Créée en 1960,
l 'DIAC, dont le siège est à Abidjln (Côte d'Ivoire) compte 22 membres qui
. font tous partie de l'organisation internationale du café (l'DrC). Elle
a pour but d'étudier en commun l'ensemble des problèmes concernant les ca-
fés africains, notamment leur production, leur conditionnement, leur com-
mercialisation, de façon à assurer l'harmonie souhaitable du rythme d'écou-
lement de leur production et le niveau optimum de prix de vente, la consom-
mation de ces cafés et la propagande à entreprendre en vue d'accroitre la
demand~.
Les pays membres de l 'OrAC sont: l'Angola, le Bénin, le Burundi,
le Cameroun,le Congo, la Côte d'Ivoire, l'Ethiopie, le Gabon, le Kenya, le
Liberia. l'Ouganda. le Rwanda, le Sierra -Leone. la Tanzanie, le Togo, et le
Zalre. Hormis le Ghana et la Guinée, l'OIAC comprend donc tous les pays
africains membres de l'organisation internationale du café (DIC) réunissant
sous l'égide des Nations Unies, les producteurs mondiaux de café ainsi que
les consommate~rs.
L'DIAC est financé par les cotisations des pays membres calculées
au prorata de leurs exportations.
Mais chaque pays ne dispt}si! que d'une voix, ce qui garantit l'é-
ga1ité devant 1es presta-tions fournies par le secrétari at. LI DIAC entretient
une coopération très active, d'une part avec l 'organisation africaine et
malgache du café (OMCAF) qui regroupe les huit pays exportateurs francopho-
nes (Côte d'Ivoire. Gabon. Togo. République Centrafricaine. Madagascar. Da-
homey. Cameroun. Congo) et d'autre part, avec l'organisation internationale
du café (DIC) qui gère l'accord international sur
cette denrée.
L'OlAC a pour but de défendre les intérêts des pays africains
producteurs de caff.
Selon les membres s l'DIAt "représente le forum propre aux pays
producteurs de café africains po.urdiscuter des prblèmes généraux qui peu-
vent se poser depuis les di ff'êrents stades de la production jusqu'à la com-
mercialisation de leur produit. Ainsi, est débattue une position commune au
niveau des producteurs afrîcain~. qui est ensuite discutée avec les autres
358
groupes de pays producteurs dans leurs discussions avec les cûnsûmmateurs".
Un certain nombre de problèmes de production. de conditionnement.
de commercialisation et de consommation sont spécifiques aux types de cafés
africains, ainsi qu'aux producteurs de ce continent et il en résulte la né-
cessité d'une entente au sein de l 'DAIC.
Le café est d'une grande importance pour certains pays africains
où les recettes d'exportation de ce produit représentent parfois jusqu'à
sa % (1) des recettes totales.
A l'échelle mondiale. l'Afrique représente environ 1/3 de la pro-
duction de café et environ 25 %du total des exportations mondiales de ce
produit. Mais depuis quelques années, cette production caféière africaine
est en légère régression à la suite d'un certain nombre d'événements natu-
rels ou politiques.
Selon ~1.Worku (secrétaire général de l'OIAC) : "la hausse specta-
culaire des prix de café brut qui s'est reflétée dans les prix aux consomma-
teurs en 1975-77, s'explique par le mécanisme du marché où la demande et
l 'offre se rencontrent". Durant des années, les prix du café ont été très
bas, mais. à la suite du gel qui frappa la campagne caféière du Brésil en
juillet 1975, le mécanisme de la demande de l'offre a été déséquilibré par
un manque du côté de l'offre, ce qui a causé cette hausse des prix.
En ce qui concerne l'Accord international du café. la situation
est simpl e : "Tant qu 1 il aura une i nsuffi sance dans le marché du café. le
~~canisme prévu dans cet accord pour introduire des quotas dans une situa-
tfon de surplus ne peut entrer en fonction et celà jusqu'à ce que la pro-
duction caféière atteigne un certain niveau".
- L'organisation africaine et malgache
(1 '0 AMe A F)
La dépendance des producteurs de café vis à vis des consommateurs
conduit les pays prod~cteurs à coopérer entre eux. En se groupant au sein
de T'organisation afT;cà;ne et malgache du café, les pays africains peuvent
lutter d'une façon efficace contre cette dépendance vis àvis des consomma-
teurs.
(1) Dossiers-Organismes. le Courrier, juillet-août 1977, n044
359
Le 7 décembre 1960, avait été créé à Tananarive, le Comité de
liaison des caisses de stabilisation du café, entre la Côte d'Ivoire, le Ca-
meroun, la République Centrafricaine, le Dahomey, et Madagascar, le Togo
étant associé à l'Accord.
Le Comité avait pour but de coordonner sur le marché français la
- commercialisation du café des pays producteurs de la zone franc.
La France était alors le seul pays dans lequel ces Etats écoulaient
leur produit et il convenait d'éviter entre eux une concurrence(~,sordonnée
qui ne pouvait que leur nuire. Ces pays représentaient alors 98 %de la pro-
duction caféière d'Afrique francophone, qui était ainsi gérée comme un con-
tingent sur le marché français. En 1963, le Togo devenait membre à part en-
tière du comité, auquel adhéraient le Congo et le Gabon. Et dans le proto-
cole additif de juillet 1963, apparaissait, pour la première fois, le nom
de "l 'organisation africaine et malgache du café".
Celle-ci regroupait ainsi huit états représentant 100 %de la
production du café des Etats africains et malgache d'expression française.
A cette époque, de profonds changements politiques et économi-
ques étaient intervenus: le Traité de Rome était entré en vigueur et la
Convention de Yaoundé substituait le marché européen au marché français.
En même temps, le premier accord international sur le café entre pays pro-
..............
:
ducteurs et pays consommateurs était appliqué à~artirde 1963, et d~nnait
naissance à l'Organisation internationale du café (OIC) siègeant à Londres.
Les membres de l 'OAMCAF devenaient membres de l 'OIC et, tout na-
turellement, ils décidaient de poursuivre, au sein de la nouvelle organi-
sation, le ccopération qu'ils avaient pratiquée ensemble sur le marché fran-
çais.
L'OAMCAF (2) devenait ainsi un groupe au sein de l 'OIC, et ses
membres, qui conservaient leurs responsabilités individuelles comme membres
de l 'OIC, acquéraient, unis dans un seul groupe, la possibilité de défendre
leurs intérêts communs
d'une seule et même voix, avec un poids qu'ils n'au-
raient pas représenté isolément.
Ce choix était conforme aux termes de l'Accord de 1962 qui pré-
voyait la possibilité d'une participation en groupe.
(1) Dossiers-Organismes, le Courrier, juillet-août 1977, n044
(l'j.Marchés tropicaux, 15 mars 1981, n01853, p.1380
360
L'OAMCAF est le seul groupe de cette nature au sein de l 'OIC.
L'activité de l 'OAMCAF se développe dans deux directions: la coordination
des politques commerciales sur le marché européen et la négociation au
sein de l 'OIC.
- Le fonctionnement de l'OAMCAF
L'autorité suprême de l 'OAMCAF est le comité directeur qui est
composé de tous les membres. Chacun d'eux est représenté par un délégué,
un suppléant et un conseiller.
Chaque membre met à la disposition de l 'OAMCAF la part de son
contingent d'exportations qu'il nlest pas en mesure d'utiliser et qui est
réparti entre les autres membres par le secrétaire général, de façon que
le contingent global des Etats de l'OAMCAF soit utilisé.
Plus généralement, l 'OAMCAF coordonne les politiques des Etats
membres sur les marchés mondiaux dans le but d'assurer un niveau optimal
des prix de vente. Il apparait maintenant que le rôle de l 'OAMCAF pourrait
dépasser le cadre de l 'OIC et contribuer à une solution globale aux pro-
blèmes posés par le café et les autres productions agricoles. Dans les gran-
des négociations en cours, comme celle de la CNUCED à Genève ou celle du
renouvellement de la convention de Lomé (1), l 'OAMCAF pourrait aussi assurer
la coordination nécessaire pour que soient adoptées des dispositions com-
munes lorsque les intérêts de ses membres l'exigent.
11- L'Accord international du café-cacao
1/ le café
Pour quelques uns des Etats de la zone franc: Côte d'Ivoire, Ma-
dagascar, Cameroun, Togo, la production caféière constitue un élément es-
sentiel de prospérité économique; pour d'autres: Centrafrique, Dahomey,
des ressources d'appoint non négligeables. C'est dire l'intérêt que présen-
tent, pour les Etats de la zone franc, les efforts actuels pour aboutir à ~
accord international de stabilisation des prix du café.
L'idée d'un accord de stabilisation des cours mondiaux du café
est apparue à la fin des années 1950 en Amérique latine (2)
(1) Pour plus de détails, voir "CEE-ACP" la 2ème convention de Lomé, Afri-
~ue contemporaine, n0106, nov-déc.1979, la Documentation française, p.19-23
;~DtR)
,~) François Minin, les accords internationaux sur le café et le cacao, sous
:~ direction de Claude Mouton-Philippe Chalmin, in Commerce international et
n~tières premières, p.186, Année 1981, ed.Economica
361
Cet accord avait pour but d'éviter les baisses et les fluctuations exces-
sives des prix du café, dues à une surproduction mondiale et, partant d'es-
sayer de garantir un revenu plus ou moins stable aux pays producteurs.
Le premier accord sur le café a vu le j~ur en 1962. Il fut négo-
cié en 1968 et prorogé sans dispositions économiques en 1973. L'accord en
. vigueur date de 1976 : il se distingue des accords précédents en faisant
de la liberté du marché un principe général, le contingentement devenant
l'exception (1).
- Le fonctionnement de l'accord international sur le café
Au niveau de l'accord international sur le café, les gouvernements
des pays producteurs et pays consommateurs (surtout des pays consommateurs),
reconnaissent que le café à une importance exceptionnelle pour l'économie
de nombreux pays, qui dé~endent dans une large mesure de ce produit pour
leurs recettes d'exportation et par conséquent, pour continuer leurs pro-
grammes de développement économique et social.
Les pays producteurs considèrent qu'une étroite coopération in-
ternationale dans le domaine des échanges, permettra d'encourager la diver-
sification et l'expansion de l'économie des pays producteurs et des pays
consommateurs et éviter un déséquilibre entre la production et la consomma-
tion, qui peut donner lieu à des fluctuations de prix acCusées, préjudicia-
bles aux producteurs comme aux consommateurs.
Les pays producteurs sont convaincus que les mesures internatio-
nales peuvent aider à corriger les effets de ce déséqui1ibre et contribuer
à assurer aux producteurs des recettes suffisante~u moyen de prix rémunéra-
teurs.
- Quels sont les objectifs de l'accord international du café?
Les objectifs de l'accord international du café sont:
- de réaliser un équilibre judicieux entre l'offre et la demande de café
dans les conditions qui assureront aux consommateurs un approvisionnement
suffisant à des prix équitables et aux producteurs, des débouchés à des prix
rémunérateurs, qui permettront d'équilibrer de façon durable la production
et la conservation;
- d'éviter des fluctuations excessives de l'offre mondiale, des stocks et
des prix préjudiciables aux producteurs comme aux consommateurs
(1) François Mimin, idem, p.186
362
- de contribuer à mettre en valeur les ressources productives, élever et
maintenir l'emploi et le revenu dans les pays membres et d'aider ainsi à
y réaliser des salaires équitables, un plus haut niveau de vie et de meil-
leures conditions de travail ;
- d'encourager la consommation du café de toutes les manières possibles et
d'une façon générale, compte tenu des liens qui existent entre
le commerce
du café et la stabilité économique des marchés ouverts aux produits indus-
triels, de favoriser la coopération internationale dans le domaine des pro-
blèmes mondiaux du café (1).
Ses mécanismes économiques sont fondés tout d'abord sur l'établis-
sement de "pri x i ndicatifs Il qui permettent de prendre chaque jour 1a "tempé-
rature" du marché: un prix indicatif "composé" rend compte de l'évolution
de la moyenne des prix des principales catégories de café. M. François Mimin,
nous explique que les contingents d'exportation sont calculés à l'avance afin
de pouvoir entrer en application immédiatement si le niveau des cours (prix
indicatif composé) l'exige. Ainsi, le conseil du café établit chaque année
un contingent annuel global, qui rend compte du volume de café qui pourra
être absorbé par tous les importateurs pendant cette période. La réparti-
tion de ce contingent entre pays producteurs se fait sur une double base
préétablie: la part des exportations de chaque pays dans les exportations
mondiales sur une moyenne pluriannuelle; la part de ces stocks dans les
stocks mondiaux.
L'établissement du contingentement,explique M .François Mimin,
est subordonné au niveau du prix (2). L'accord de 1976 dispose tout d'abord
d·un mfcanisme automatique: les contingents entrent en vigueur si, pen-
dant 20 jours, le prix indicateur est inférieur de 15 % à la moyenne des
prix enregistrés pendant l'année précédente (3). En 1976, les pays importa-
(1) Extrait de l'Accord international de 1968 sur le café. Ce document peut
être consulté au BDPA, 202 rue de la Croix Nivert, 75 733, Paris 15ème, cote
D 1 6482.
(2) Fraftçois Mimi n, idem
(3) Pour les articles sur l'Accord international, voir document D 1648 2,
au B[}PA
teurs suspendaient l'application du système automatique: les contingents ne
sont pas établis si la moyenne dèS prix dépasse de 22,50 %les prix moyens
de 1975. D'après les explications de M. Jacques Rault : "après l'entrée en
vigueur des contingents, le conseil du café établirait· une fourchette des
prix avec des niveaux successifs de réduction, qui viseraient à augmenter
ou asuspendre les contingents en fonction des variations de prix (1).
A côté de l'Accord international du café (AIC), il y a 1 'Organi-
.sat ton internationale du café (OIC), qu'on surnonme "la gardienne de l'Ac-
cord i nterna ti ona l sur 1e c,af~".
- L'Organisation int~rna~1onale du café (OIC)(2)
L'Organisation internatiQnale du café (OIC), gère l'Accord inter-
national sur le café, dont l'un des objectifs, consiste à faciliter la coo-
pération internationale entre les pays producteurs et les pays importateurs
de ce produit, de manière a réaliser un équilibre raisonnable entre l'offre
et la demande, en garantissant des quantités suffisantes aux consommateurs,
a des prix équitables et des débouchês aux producteurs, a des prix rémunéra-
teurs, donc 1 'OIC remplit les mêmes fonctions que l'AIC (3). Selon cet Accord,
un système de contingentement a l l exportation peut être introduit pour régle-
menter le commerce international du café. Le Conseil international du café
est 1 'autorité suprême de 1 'orc et se compose de 67 Etats membres. Le Conseil
délègue la plupart de ses pouvoirs pour les affaires courantes de l'Accord,
a un conseil d'administration de 16 nations (huit pays exportateurs et huit
pays importateurs).
Après un certain nombre d'accords conclus entre les pays produc-
teurs (le premier accord international sur le café, signé en 1962, sfgnalé
plus haut), 1 IOle installe ses quartfers généraux a Londres. Cette organisa-
tion est créée a un moment où de grands changements se produisent dans le
monde et cela ne fait qu'accentuer les efforts de souplesse et d'adaptabilité.
L'OIC a fonctionné sans interruption a Londres assistant â l'avé-
nement de quatre accords: 1962, 1968, le renouvellement de l'accord de 1968
(1') Jacques Rault, sécrétaire général du syndicat des importateurs de café
(2) La présidence en est assurée par rL Donwaft;i, ancien ministre ete l'agri-
culture et de la coopération de Côte d'Ivoire
(3) AIC (Accord international sur le café) qui donna naissance à l'OrC (Or-
ganisation internationale du café)
364
et l'accord de 1976 sur le cafë.
Chacun de ces accords a été conçu de manière à faire face aux con-
ditions dominantes de sa durêe d'application.
Les deux premiers accords (1962-1968) sont intervenus, d'après
le directeur général de 1'OIC, à une époque où il y avait de larges excédents
de café. Grâce à l'utilisation de contingents d'exportation et à un système
de contrôle, le fonctionnement de ces accords, a permis de maintenir les
prix dans une stabilité relatîve de 1963 à 1972. En même temps, ces accords
ont assuré la promotion de Ta consommation, ont encouragé les pays à limiter
leur production aux besoins pour l'exportation, à ceux de la consommation in-
térieure et des stocks et à diversifier leurs économies agricoles (1).
Le système de contingentement permet jusqu'à une certronelimite
d'éviter de fortes fluctuations ascendantes. le problème se pose lorsqu'une
pénurie de café est en perspective. On peut augmenter les contingents mais,
si l'on prévoit d'autres augmentations de prî~, le phénomène d'accumulation
peut se produire comme en 1976-1977, ce qui entrainera d'autres augmentations
de prix. L'Accord international sur le café cherche à éviter celà en offrant
un droit d'exportation plus important aux pays qui ont un stock disponible
pour l'exportation et en compensant les déficits de disponibilité de cer-
tains pays au moyen des contingents des pays possesseurs de stocks. Pour
compléter ces mesures de contingentements par d'autres mécanismes, il a été
créé des stocks de réserve qui seraient plac~s sous contrôle international.
Ces efforts se sont révèlés valns 00 fait de l'opposition répétée
de quelques grands pays consommateurs (Etats-Unis, Royaume-Uni) à toute dé-
cision qui leur apparaissait devoir consolider une situation exce~tionnelle
ment favorable aux pays producteurs. En fondant le groupe de Bogota~)cartel
des exportateurs, ces derniers ont alors, à partir de 1978-79, entrepris de
défendre eux-mêmes les prix, à la fois en intervenant sur le marché à terme
de Londres et en achetant, si nécessaire, des stocks importants de café dis-
(1) Alexandre Beltrâo, directeur général de l'OIC, interview parue dans le
Courrier (Afrique, Caraïbes, Pacifique, Conununauté européenne), n050, janvier
février 1980
(1.) Les
1
.~.
-
,~
pays producteurs d'Amérique Latine
365
ponible, au risque d'un éclatement de l'Accord.
Selon l'article 113 du Traité de Rome, la politique commerciale
commune est fondée sur des principes uniformes, alors que l'article 116
préconise que pour les questions qui revêtent un i~térêt particulier pour le
Marché Commun, les Etats membres mènent une action commune dans le cadre des
organisations internationales de caractère économique. C'est donc sur la ba-
se de cette doctrine et en se fondant sur ces articles du Traité de Rome,
que la Communauté s'était engagée avec ses Etats membres dans la renégocia-
tion de l'Accord international
du café de 1968, prorogé en 1972.
Cet Accord, d'une durée de six ans, expire le 30 septembre 1982.
Une innovation juridique importante par rapport au précédent ac-
cord de 1968, a permis à la Communauté, en tant qu'organisation intergouver-
nementale ayant des responsabilités dans le domaine des accords sur des pro-
duits de base, d'en devenir membre et de mettre ce dernier en application
avec ses Etats membres. la Communauté, en application de cet accord à la
frontière communautaire des importations (système des certificats d'origine)
en vue de permettre à l 'DrC (1) de calculer les quotas debas~ des pays mem-
bres exportateurs pour la mise en place éventuelle des contingents d'expor-
tation (2).
le réglement à appliquer lorsque les contingents d'exportation
seront effectivement en vigueur a été adopté plus récemment par le Conseil
de la CEE (3) et il vise à empêcher que du café hors contingents d'exporta-
tion puisse pénétrer dans le territoire douanier de la CEE une fois le con-
tingentement établi sur la base d'une décision prise par l 'DrC.
Ces deux régleméflts tiennent compte notamment de la nécessité
d'éviter des entraves dans les échanges intercommunautaires de café et s'ef-
forcent de limiter au minimum indispensable les formalités à la frontière
douanière communautaire, tout en répondant aux impératifs de l'Accord inter-
(1) l'OrC : l'Organisation internationale du café a son siège à Londres
(2) Réglement CEE n02687/76 du tonseil du 19 octobre 1976, relatif à l'appli-
cation de certificats d'originè de , 'Accord international de 1976 sur le
café (JOl 309)
(3) D~cision du Co!,~.eil n0302 déjà en v;gu~ur pendant l'année caféière 1978-
1979
366
national du café qui a pour objectif d'enrayer une chute grave des prix mon-
diaux grâce à un mécanisme de régularisation de l'offre (contingentement des
exportations et contrôle des importations).
Il est à souligner toutefois, que dans 1a situation du marché ca-
ractérisée depuis quelques années par des prix mondiaux d'un niveau légère-
ment acceptable, les mécanismes de l'Accord international sur le café sont
restés inopérants.
Même si l'Accord international sur le café n'est pas aujourd'hui
réellement opérationnel, la Communauté continue de voir dans cet accord un
instrument de coopération internationale avec les PVD (1), vue l'importance
de ce produit dans leur économie.
2/ Le cacao
Depuis 1963, plusieurs conférences des Nations-Unies sur le cacao
ont été organisées, dans le but d'élaborer un accord international sur le
cacao, qui aurait l'assentiment des exportateurs et des importateurs.
Le premier accord international sur le cacao a vu le jour en 1972
et est entré en vigueur en juin 1973. Le fonctionnement de l'Accord de 1972
était basé sur des contingents et un stock régulateur pouvant atteindre 250
000 tonnes, intervenant suivant une échelle de prix.
L'Accord de 1972 fixait des contingents en pourcentage aux prin-
cipaux producteurs (produisant plus de 10 000 tonnes de cacao par an), à sa-
voir le Ghana, le Nigeria, la Côte d'Ivoire, le Brésil, le Cameroun, la Domi-
nique, la Guinée équatoriale, le Togo, le Mexique.
Le 20 octobre 1975, le deuxième accord fut négocié et signe a
Genève, reprenant l'essentiel du premier, tout en l'actualisant sur certains
points. Il est arrivé à échéance le 31 mars 1980, sans être remplacé.
Cet Accord international sur le cacao a été signé par un groupe
de pays représentant 95 %des exportations mondiales et 80 %des importa-
tions. Seul grand importateur, les Etats-Unis ont refusé de le signer.
L'Accord a, notamment, pour objectif d'empêcher des fluctuations
excessives du prix du cacao, de stabiliser et d'accroitre les recettes d'ex-
(1) PVD : Pays en voie de développement
367
portation. Plus précisément, l'Accord vise à maintenir le prix du cacao en
fèves entre un prix minimal (39 US cents/lb) et un prix maximal (55 US cents/
lb) (le premier accord avait prévu une fourchette 23/32).
Pour ce faire, l'accord prévoit la création d'un système de con-
tingents d'exportation, fixé au début de chaque année contingentaire en pro-
portion des contingents de base attribués à chaque pays. Les contingents de
base sont fixés sur le moyen terme. L'Accord prévoit aussi l'établissement
•
d'un stock régulateur dont la capacité max.male est fixée à 250 000 tonnes (1).
Les caractéristiques du deuxième accord sont été décrites par
François Mimin, administrateur civil au ministère de la coopération (2). Elles
sont les suivantes:
- "calcul des contingents: pour chaque année contingentaire (1er
octobre-3D septembre), le contingent de base attribué à chacun des 9 membres
exporta teurs, déj à énumérés plus haut, est 1e pourcentage que représente 1a
moyenne de sa production annuelle au cours des 5 campagnes de récolte anté-
rieures, par rapport au total des moyennes de tous les membres.
- défense d'un prix plancher et d'un prix plafond par l'action
conjuguée du contingentement et du stock régulateur. Une zone comprise entre
73 et 79 cts US/lb était considérée comme une fourchette de variation de
prix acceptable (zone libre de "non intervention ll ) .
Entre 73 et 68 cents les disponibilités sur le marché étaient
raréfiées par l'introduction des contingents tout d'abord et pour leur ré-
duction ensuite. En-deça de 68 cents, explique M. Mimin (3), les réductions
du contingent étaient prises en charge par le stock régulateur international
qui intervenait jusqu'à épuisement de ses ressources financières. En cas de
remontée des cours, les contingents étaient suspendus à partir de 73 cents.
Si les prix, en revanche, montaient au-dessus de 79 cents, le
stock vendait dans un premier temps, pour 7 %au maximum du contingent ini-
(1) Problèmes économiques, 13 décembre 1978, n01601
C2} M. François Mimin, les accords internationaux du café-cacao, in Commerce
international et matières premières, sous la direction de Claude Mouton-Phi-
lippe Chalmin, ed. Economica, année 1981, p.188-189
(3) M. Mimin, les accords internationaux sur le café-cacao, sous la direction
de C. Mouton-P. Chalmin, in Commerce international et matières premières,
P.186. année 1981, ed. Economica
368
tial, puis, s'ils continuaient à monter au-delà de 81 cents, la totalité de
ses ressources physiques.
M. Mimin, poursuit en disant que, ce système nia jamais fonction-
né, dans la mesure où les cours, lors de l'entrée en vigueur de l'Accord
(1er septembre 1976) se situaient à un niveau très supérieur au prix pla-
fond et où ils ne sont jamais redescendus avant la fin de l'Accord, en-des-
sous de 125 cents.
- respect des contingents d'exportation: certaines dispositions
étaient prévues, en particulier pour sanctionner le dépassement des contin-
gents ou, au contraire, organiser la redistribution des déficits.
- financement du stock: comme l'Accord de 1972, le stock était
financé par un prélèvement de 1 ct US/livre à l'exportation (10 %environ
au total). Au 31 mars 1980, l'Accord avait réuni quelques 230 millions de
dollars.
- durée : 5 ans, mais renégociable après 3 ans. La régénociation
de l'Accord de 1975 é été décidée en 1978, et a duré plus d'un an, exigeant
une prolongation provisoire de 6 mois (30/08/1979- 31/03/1980). Son échec
a entrainé la fin de l'Accord et de la coopération internationale dans l'é-
conomi e du cacao". (1)
L'Accord inclut plusieurs sortes de combinaisons de mesures de
régulation entrant en jeu à différents niveaux des prix. Quand le prix in-
dicatif se situe entre 47 et 53 cents, l'application des contingents d'ex-
portation est suspendue et le stock régulateur n'intervient pas; quand le
prix baisse entre 47 et 45 cents, les contingents d'exportation entrent en
vigueur à 100 % ; entre 45 et 42 cents, ils sont ramenés à 97 %de leurs
niveaux et le stock régulatdur absorbe le solde de 3 % ; quand le prix se
situe entre 42 et 39 cents, le stock régulateur absorbe 4 %des contingents
annuels; quand le prix est inférieur à 39 cents, le stock régulateur achète
a concurrence de sa capacité maximale si besoin est.
Au-delA le directeur du stock régulateur écoule ces excëdents de
cacao en fèves pour affectation à des usages non traditionnels.
L'Accord international sur le cacao réunit plusieurs innovations.
Par exemple, la vente obligatoire de la production en excès du contingent
d'exportation, et la liberté qu'a le directeur du stock une fois que les
(1) François Mimin, idem
369
250 DOC tonnes sont atteintes, d'affecter ces surplus à des usages non tradi-
tionnels.
Elle vise à assurer que le cacao ainsi acheté ne réapparaisse
sur le marché, ainsi qu'à décourager la production en excès car celle-ci est
vendue au rabais.
Les dispositions concernant le paiement partiel des achats de
stock visent à décourager la production en période d'abondance.
Par ailleurs, l'assurance qu'ont les producteurs de pouvoir ven-
dre des quantités plus régulières de cacao en période de faible consommation
et de chute des prix, devrait inciter chacun à observerscrupuleusement l'Ac-
cord, en particulier les quotas d'exportation.
En 1980, la négociation d'un troisième accord international, après
plus d'un an de travail préparatoire fut signé. Mais la Côte d'Ivoire (pays
producteur) et les Etats-Unis (pays consommateur) refusent de le ratifier et
se retirent de l'Accord international sur le cacao (1).
Depuis, la Côte d'Ivoire réclame sa part des cotisations versées
au stock régulateur depuis 1975 : près de 50 millions de dollars (2). Et
exige la revalorisation des prix d'intervention pour ratifier un nouvel ac-
cord international.
L'Europe peut-elle continuer à laisser chuter les cours du cacao,
tombés de 1,50 dollars la livre en 1979 à 70 cents, principale ressource de
certains pays du Tiers Monde sur lesquels elle table en partie pour organi-
ser sa relance? Telle est la question posée par la Côte d'Ivoire, premier
producteur mondial, qui refuse d'adhérer à l'Accord international élaboré
sous l'égide de la CNUCED. L'Accord prévoit des achats d'intervention par
un stock régulateur lorsque le prix du marché tombe en-dessous de 1,10 dol-
lars
la Côte d'Ivoire voudrait fixer ce prix plancher à 1,20 dollars (3).
Que peut-on attendre du marché du cacao dans les années à venir?
Il y a trois dannées de base: la consommation est stagnante du fait de la
crise économique dans les pays consommateurs. Les spéculateurs détournent
leurs capitaux du cacao pour obtenir une rémunération sans risque, proche
(1) Le nouvel économiste, n0290, du 15/06/81
(2) idem
(3) idem
370
de 20 % (1) sur les marchés financiers. Aucun pays producteur ne peut accep-
ter de suspendre unilatéralement ses livraisonsetde porter seul le poids
de la régulation du marché. Le cours ne pourra donc que continuer de baisser.
Dans ces conditions tous s'étonnent de 1'intransigeance de la
Côte d'Ivoire qui refuse un accord qui lui garantirait 110 cents pour une
livre de cacao, alors qu'elle doit vendre à 94 cents.
La Côte d'Ivoire a-t-elle raison de refuser de signer? Bien sûr,
puisque le cacao est couvert par l'Accord de Lomé (qui lui garantissait
ses recettes d'exportation).
La Côte d'Ivoire est le seul pays à n'avoir pas signé un Accord
international qui, au prix plancher de 1,10 dollar, satisfait tous les autres
producteurs. L'objectif de la Côte d'Ivoire, est non pas de signer un accord
qui se contente de refléter d'état catastrophique du marché, mais de parve-
nir à un accord vraiment régulateur qui tienne compte des prix de revient.
Le sujet de rupture majeure a cependant, été la fourchette de prix
initiale de l'Accord, et. singulièrement du prix d'intervention inférieur.
Dès le début des négociations, les producteurs demandaient la défense des
prix du marché tels qu'ils s'établissaient à l'époque (155 cents US environ)
ce qui aurait représenté plus que le doublement des prix de la fourchette
en vigueur dans l'Accord de 1975. Les consommateurs y répondaient par une
actualisation de ces derniers prix. Les perspectives croissantes de surpro-
ductton (2) et la baisse confirmée des cours les confortaient dans cette
position.
En août 1979, les négociations
ont cependant été rompues sur des
"positions de principe" alors que les deux parties n'étaient plus séparées
que par 2 cents (110-112). A la suite de quoi le contexte des discussions
n'a cessé de se détériorer jusqu'à la "rupture de mars 1980 et le retrait
de la Côte d'Ivoire de l'Accord international sur le cacao.
Pendant ce temps, la Côte d'Ivoire suspendait ses ventes et entre-
(1) Le Continent, n0158, 29 juin 1981
(2) Le marché du cacao est très sensible parce que la production et la con-
sommation coïncident: 1,5 MM de tonnes par an en moyenne. La Côte d'Ivoire,
le Brésil, le Ghana et le Cameroun assurent 80 %de la production mondiale.
Actuellement, c'est la surproduction: les besoins connus s'établissent à
1 544 000 tonnes pour une production attendue de 1 622 000 tonnes.
371
prenait de stocker son cacao (jusqu'à 150 000 tonnes, soit la moitié de la
récolte annuelle) entrainant progressivement les autres producteurs dans
l'idée d'une possible action unilatérale des pays producteurs.
Les fonds réunis par l'Accord de 1975 d~vaient revenir intégrale-
ment aux producteurs, au cas où l'Accord ne serait pas renouvelé. Ces der-
niers ont alors, devant l'échec d'un compromis, décidé de fonder une asso-
ciation de producteurs et de stabiliser les cours eux-mêmes à l'aide des
fonds libérés par l'extinction de l'Accord.
La fin de l'Accord a cependant précipité la chute des cours. Cet
élément, ajouté à la difficulté de stocker du cacao en zone tropicale, aux
difficultés de paiement des pays producteurs et aux dissensions apparues en-
tre pays producteurs, devait conclure M. François Mimin (1), ont récemment
amené ces derniers à accepter de renoncer à la liquidation du stock régula-
teur et à envisager une reprise des négociations.
Compte tenu de la position statistique du produit qui pèse sur
les cours, il y a danger pour la Côte d'Ivoire à ne pas signer l'Accord. Se-
lon le Financial Times, des pressions auraient d'ailleurs été exercées en
faveur de la signature par les créanciers internationaux, inquiets pour le
remboursement ultérieur de leurs prêts. Le FMI, notamment, qui vient de lui
,accorder une ligne de crédit de 580 millions de dollars (2), aurait consillé
à la Côte d'Ivoire de revoir son attitude.
Sun adhésion à l'Accord international devrait l'aider a stabiiiser
et, probablement à accroitre ses revenus provmantdu cacao qui constituent
et consituerront une part importante de ses rentrées en devises jusqu'à ce
que l'exploitation de pétrole offre de nouvelles perspectives.
Pour ces recettes d'exportation, la Côte d'Ivoire ne doit pas
attendre de miracles du STABEX (3), car elle n'est pas la seule partie pre-
(1) M. François Mimin, les accords internationaux, in commerce international
et matières premières, sous la direction de C. Mouton, ed Economica, p.189-90
(2) Banque Sudamerin, le marché mondial du cacao, études économiques, n04, mai-
juin 1981
(3) Système de stabilisation des recettes d'exportation mis en place par l'ac-
cord de Lomé entre la CEE et les pays ACP, le STABEX consitue le premier ac-
cord entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement, vi-
sant à neutraliser au moins partiellement l'effet sur les pays producteurs
des chutes brutales provoquées soit par les fluctuations des cours mondiaux,
soit par de fortes variations de production dues le plus souvent aux condi-
tions météorologiques
372
nante et le cacao le seul produit susceptible de recevoir une aide.
Le refus de la Côte d'Ivoire de se joindre à l'Accord internatio-
nal déjà manifesté fin avril à Abidjan, vient d'être réitéré à la réunion
de l 'OIC qui s'est tenue en juin à Londres et a été accompagné d'une demande
de restitution de sa participation au stock régulateur de l'ancien Accord,
soit 50 millions de dollars sur un total de 233 millions (1).
Les tentatives d'organiser les marchés du café et du cacao ont
été, surtout depuis quelques années, fort décevantes. Si l'on exclut la
période 1962-68, au cours de laquelle l'Accord du café eut une réelle in-
fluence sur le marché, les divers accords internationaux successifs n'ont
jamais fonctionné.
Ceci s'explique tout d'abord par l'intérêt inégal que les parte-
naires trouvent ou envisagent de trouver, dans de tels accords et cette re-
marque s'applique globalement à l'ensemble des tentatives d'organisation
des marchés des matières premières agricoles.
L'objectif des pays producteurs du Tiers Monde, est d'arriver
à stabiliser et à accroitre leurs recettes d'exportation.
Quant aux pays importateurs, notamment ceux d'Europe occidentale,
ils se partagent en deux tendances: l'une menée par les pays anglo-saxons
et l'Allemagne, favorable à la liberté des marchés. L'autre tendance à la-
quelle appartient la France, est par tradition économique et politique, plus
favorable à la stabilisation des cours, et dans une certaine mesure admet
la nécessité de garantir un revenu stable aux producteurs en développement.
Il n'y a donc pas d'accord fondamental sur le concept d'organi-
sation des marchés. A quoi s'ajoute selon les cas, le souci d'exploiter dans
les négociations une conjoncture haute (producteurs) ou basse (consommateurs).
A cet égard, le café et le cacao sont des exemples très illustra-
tifs. Si l'expérience du groupe de Bogota (café) a des chances de réussir,
essentiellement si ses partenaires savent taire leurs rivalités et conti-
nuent d'agir "en bons professionnels", celle du cacao est beaucoup plus fra-
gile, du fait même de la fragilité de ce produit, difficilement stockable et
de la consommation beaucoup plus fluctuante que le café.
(1) Le marché mondial du cacao, études économiqyes. n04, mai-juin 1981
~
---
373
II 1- Le Groupe de Bogota
La constitution d'un groupe de défense des intérêts des pays pro-
ducteurs a été lancée par les producteurs d'Amérique latine, notamment la
Colombie, le Brésil et le Salvador. Le siège social se trouve à Bogota (Co-
Ionbte ) . En sont membres: le Brésil, la Colombie, le Costa-Rica, le Guate-
mala, Le Honduras, le Mexique,
le Salvador et le Venezuela.
En fondant le groupe de Bogota, cartel des exportateurs d'Améri-
que latine, ces derniers ont alors, à partir de 1978-1979, entrepris de
défendre eux-mêmes les prix, à la fois en intervenant sur le marché à terme
de Londres et en achetant, si nécessaire, des stocks importants de café dis-
ponible, au risque d'un éclatement de l'Accord.
L'Accord international sur le café est apparu inopérant pour la
défense des producteurs; à partir du moment 00 d'un côté les producteurs
luttaient pour une amélioration des revenus et de l'autre, les consomma-
teurs rendaient responsables la hausse des prix de la chute de la consom-
mation, cetAccord, d'après le groupe de Bogota, était vidé de son contenu
et ses mécanismes pratiquement inefficaces.
La suite des bouleversements du marché du café explique M. Ber-
trand Bouvery (1), qui dit : "la consommation mondiale était plus elastique
que prévue, et qu'il existait un prix maximum à partir duquel la clientèle
américaine et européenne réduisait sa consommation". A partir de cette ana-
lyse les producteurs d'Amérique latine ont compris que la défense de leurs
revenus passait par la concertation et la coordination de leurs politiques
commerciales. Cette concertation suivie d'une coordination de politiques
commerciales, donnait naissance au groupe de Bogota en décembre 1978. Les
opérations du groupe et son action se limitent au soutien des cours sur les
marchés de New-York et de Londres.
Le groupe de Bogota dispose d'un fonds régulateur estimé entre
(1) M .Bertrand Bouvery (Directeur commercial des cafés Jacques Louis Dela-
mare), la politique commerciale exportatrice du Brésil en matière de café,
sous la direction de Claude Mouton et Philippe Chalmin, in Commerce inter-
national et maitères premières, p.128, ed. Economica, année 1981
374
300 et 400 millions de dollars (l)t provenant de participations initiales
de chacun des membres du groupe t au prorata de l'importance de leurs ex-
portations.
L'année 1979 aura été dominée t à propos.des prix du café t par la
position du "Groupe de Bogota". Ce point mérite d'être plus détaillée t car
les conséquences sont importantes et sans doute durables.
En 1979 t à défaut de faire admettre la constitution d'un stock
régulateur mondial à financement conjoint, les huit principaux pays pro-
ducteurs américains avaient créé t au lendemain duGonseil de l 'OIC t de sep-
tembre 1978 t leur propre fonds de soutient doté à l'origine de 140 millions
et porté à 400 millions de dollars (2). A la suite du dialogue de sourds de
l'OIC t le délégué colombien déclarait: "la tâche de diriger le marché est
mai ntenant entre les mains des seuls producteurs" (3). Et c'est bien ce qui
s'est produit tout au long de 1979. Le groupe de Bogota n'a guère cessé
d'opérer sur les marchés à terme de New-York et de Londres. Vite accusé
par les pays consommateurs et notamment les Etats-Unis t de manipuler les
prix sans raison statistique.
Dans le même tempst le Président de la République de Colombie
affirmait l'impuissance du CNUCED et le manque de coopération entre les
pays consommateurs en général. Les responsables du groupe déclaraient:
"devant la convention annuelle de l'association nationale du café des
Etats-Unis en février 1980 t que le groupe de Bogota a pour but de lutter
contre l'instabilité du marché, et il cessera d'intervenir quand les prix
justes et équitables auront été atteints".
Après les nouvelles gelées brésiliennes de 1979, les cours du
café ont connu une nouvelle et brève envolée, puis ont repris leurs oscil-
l ati ons, dues entre autres causes aux spéculations du "groupe de Bogota" t
sur les marchés à terme.
Depuis le début de 1980 t des divergences apparaissent au sein
de ce groupe, notamment entre le Brésil et la Colombie. Le Brésil t tout
(1) M. Bertrand BouverYt idem
(2) Marchés tropicaux et méditerranéens t 13 juin 1980 t n0180S, spécial
(3) Le Courrier t l 'OIC, année 1980
375
en préconisant une politique de fermeté des prix et en l'appliquant offi-
ciellement, se voit obligé de consentir à ses principaux acheteurs améri-
cains ou multinationaux, des ristournes occultes po~r "tenir" ses objec-
tifs annuels de vente. Ce sont ces conditions de vente que lui reprochent
ses partenaires latino-américains
Colombie en tête, tentés eux aussi
2
d'écouler leur production avec des rabais.
A travers cette analyse du groupe de Sogala, nous voyons mal
l'issue d'une situation déjà coûteuse pourle groupe par Te coOt du stoc-
kage et plus coûteuse encore, s'il doit finalement écouler ses stocks à
perte. Ces circonstances, brièvement décrites, n'ont pas seulement ramené
une instabilité, préjudiciable aux producteurs et aux consommateurs, mais
ont engendré trois ordres de conséquences indirectes:
- la première a été de nuire aux producteurs africains de robusta;
- la deuxième, le classement des prix dans l'ordre décroissant suivant
arabica doux Colombie, arabica lavé, robusta;
- la troisième, c'est l'impuissance de la concertation internationale à
satisfaire la difficile aspiration des producteurs et des consommateurs à
des prix '~ustes et rémunérateurs".
- Les techniques des accords
Ces accords prévoient de limiter les fluctuations des cours en-
tre deux limites, un prix plancher et un prix plafond.
L'institution d'un prix plafond tend à freiner l'incitation à
produire que peut créer un haut niveau de prix. Les producteurs hésiteront
à déclencher un investissement même en période de prix élevé, s'ils ne peu-
vent croire à la permanence de ce niveau.
Au contraire, ils hésiteront à renoncer à la production lorsque
le prix est bas puisque le prix plancher existe. Pour maintenir le prix
plancher, un conseil, où sont représentés les Etats qui font partie de l'Ac-
cord, peut recourir à la technique du contingentement des exportations qui
consiste à agir sur l'offre en assignant à chaque pays exportateur un quota.
- Le stock régulateur
Une des techniques d'intervention consiste en l 'établiss~ment
376
d'un stock régulateur. le principe revient à consituer un stock du produit.
On achète des quantitês supplémentaires lorsque le prix est bas (action de
relèvement du prix par la demande) et on vend, au contraire, lorsque le prix
est élevé (action de baisse de prix par variatton de l'offre). Mais ce prin-
cipe peut être assoupli. Par exemple, lorsque les cours dépassent le plafond,
le stock n'est plus dans l'obligation d'offrir son produit au prix plafond
mais peut le vendre au prix du marché.
Le stock ré~uTateur ne peut porter sur n'importe quel produit.
Celui-ci doit être stockable, ce qui exclut les denrées périssables. Pour
certains produits -dGnt les qualités peuvent être altérées par un trop long
stockage, le stock doit être renouvelé fréquemment, c'est le cas du CAFE et
du CACAO, qui peuvent perdre leur arôme.
Le financement du stock est à la charge des producteur-s et, par-
fois aussi des importateurs.
D'une façon générale, l'ordre selon lequel sont agencées les dif-
férentes mesures, dans chaque accord, dépend de 'Ta conjoncture du momentoù
a été signé l'accord.
Les deux premiers accords sur le café ont été signés dans une
atmosphère de surproduction de café.
Donc, on a insisté pour que des contingents d'exportation soient
établis. L'utilité de telles mesures s'est moins fait sentir dans les années
1976 (1) (date d'expiration du deuxième accord) quand cette surp~oduction
a disparu. Le troisième accord signé en juillet 1976, est donc différent des
deux autres. Il n'y a plus de quotas modulab1es, en fonct1on des parts de
marchés acquises par 1es:~ays exportateurs.
De plus, ces quotas sont suspensifs selon , 'état du marché du ca-
fé. La préoccupation de stabilité des prix ne vient qu'en second.
- L'efficacité des accords
Elle dépend non seulement de l'évolution du marché du produit
en question, mais de la participation ou non de tel exportateur ou de tel
(1) Marie Claude Jacmart, le commerce mondial des produits de base, in
Notes et études documentaires, n04589-4590, 20 octobre 1~80
377
exportateur important ou de tel importateur important. Le Brésil. par exem-
ple n'adhérait pas au deuxième accord sur le café. En conséquence. huit mois
après la signature (1968) cet accord ne fonctionnait plus. Les Etats-Unis,
qui représentent 26 % des importations, n'ont pas participé au deuxième ac-
cord sur le cacao, sans oublier
le retrait de la
Côte d'Ivoire dans la
. signature de troisième accord sur le cacao. La CEE est présente à titre
d'observateur au troisième accord sur le café.
On peut penser que les accords sur le cacao et le café n'ont
pas consitué un instrument de stabilisation des prix, don~de stabilisa-
tion des revenus des Etats producteurs, mais ont fourni un moyen de main-
tenir les prix de sorte que les recettes d'exportation sont plus rémunéra-
trices pour les producteurs. En plus, il est encore trop tôt pour mesurer
l'effet de l'accord sur le marché du café et du cacao, les prix prévus par
l'accord étant actuellement de moitié inférieurs au prix du marché.
Ce constat a suscité une remarque faite par deux économistes de
la Banque mondiale sur l'objectif de stabilisation de prix (1). Ces auteurs
insistent sur la nécessité de savoir exactement quels sont les buts que
l'on vise en voulant stabiliser les prix des produits de base: soit on dé-
sire stabiliser les recettes d'exportation. soit on veut en maximiser les
recettes et le bien-être des pays importateurs en développement ou non.
Ils montrent que si la stabilisation des prix vise à maximiser
les gains réalisés sur le plan des revenus par les pays en voie de déve-
loppement en tant que producteurs, ces pays devraient choisir les produits
dont les prix fluctuent par suite des variations de l'offre. Si, par con-
tre, l'objectif est de maximiser le bien-être des PVD en tant qu'importateurs.
ces pays doivent choisir les produits dont les prix fluctuent par suite des
vpriations de la denande. Ces derniers concluent que les pays en voie de
développement, en tant qu'exportateurs ne profiteraient de la stabilisation
des plix que pour les produits agricoles : le cacao et le café et, dans une
..
..
~
,.~~-~
certaine mesure, le maïs et la laine.
(1) Ezriel Met Enzo Grilli, la stabilisation des prix des produits de base
et le monde en voie de développement, in finances et développement, mars 1977
378
IV- Le fonds régulateur
La constitution d'un stock international négocié dans le cadre
d'un accord international par produit, supposait un arrangement spécial
sur son financement. Celui-ci était souvent à la charge des producteurs .
. De plus, les ressources en étaient souvent insuffisantes. La proposition
de création d'un fonds régulateur (commun) a pour but d'éviter l'échec pro-
venant de difficultés fiancières de tel ou tel pays participant à l'Accord
international sur le café et le cacao.
La création d'un fonds commun permettrait d'associer les pays
développés et les pays en voie de développement dans l'élaboration de déci-
sions sur les politiques du commerce international des produits primaires.
Le rôle du fonds serait de prêter aux organismes de stockage
existants qui opèrent les transactions concernant les produits. Le fonds
consentirait des crédits nécessaires aux achats des stocks et ces organis-
mes de stockage physique les rembourseraient à l'aide de fonds provenant
de la vente des stocks.
Le fonds pourrait fournir des crédits à la diversification ou
à l'amélioration de la productivité, s'insérant dans la coordination de
programmes nationaux de diversification faisant intervenir plusieurs pro-
duits de base. Le fonds régulateur aurait aussi un rôle catalyseur. Il
pourrait promouvoir des arrangements internationaux sur des produits ou bien
intervenir sur les marchés en cas d'urgence.
Le fonds serait alimenté, pour une faible part, par des capitaux
souscrits par les pays membres et en majeure partie par des emprunteurs,
assortis d'intérêts.
En janvier 1976, on estimait que le fonds devait ~iJpOser .ge 6
milliards de dollars (1). Un accord sur le financement du fonds régulateur
a été acquis après
de longues transactions en mars 1979, à la veille de
la réunion de la cinquième conférence sur le commerce et le développement à
Manille. Mais, les ressources du fonds sont bien en retrait par rapport aux
objectifs de départ: elles s'élèvent à 750 millions de dollars (2). En juin
(1) Marie Claude Jacmart, le commerce mondial des produits de base, in Notes
et études documentaires, n04589-4590, P.90-91, 20/10/1980
(2) idem
379
1980, le fonds n'avait recueilli autitredes contributions volontaires que
215 millions de dollars (1).
Le 28 juin 1980, un comité intérimaire avait été chargé de prépa-
rer la "conférence de négociations des Nations-Uni~s, sur le fonds régula-
teur commun", dans le cadre du programme intégré pour les produits de base
sur le règlement de certains
points
en litige (fongibilité (2), réparti-
tion des votes entre les groupes de pays, rôles respectifs dévolus au con-
seil des gouverneurs et au conseil d'administration).
Les pays développés avaient accepté le principe de la constitu-
tion d'un fonds régulateur commun à Nairobi en 1976 (quatrième CNUCED),
puis à Paris en juin 1977, au dialogue Nord-Sud, encore appelé conférence
sur la coopération économique international (3).
Les pays développés désireraient que le fonds régulateur, initia-
lement prévu comme une banque de produits de base et doté d'une autonomie de
décision, soit cantonné dans un rôle de compensation entre les recettes et
les dépenses des stocks régu1ateurs de produits de base.
+
+
+
(1) Le Ministre de l'économie a annoncé en mars 1980, que la France verserait
15 millions de dollars au titre de sa contribution volontaire au fonds ("2ème
guichet") (NDLR)
(2) Dans la fongibilité, il s'agit de savoir si le capital de garantie appor-
té par les participants à un accord ou arrangement international peut servir
non seulement à combler les déficits éventuels de l'accord, mais aussi à com-
penser les défauts de paiement du fonds en général
(3) Voir "vers l'établissement d'un nouvel ordre économique international"
Notes et études documentaires, n04412 à 4414, Paris, documentation française
1977, plus spécialement p.59 et suivantes (NDLR)
380
Depuis l'origine, la mise au point d'un accord international
sur le café et le cacao a été très difficile.
Plusieurs accords ont vu le jour:
En 1962, le premier accord sur le café, fut négocié en 1968 et
prorogé
sans dispositions économiques en 1973, le dernier date de 1976.
Pour le cacao, le premier accord a vu le jour en 1971, le deu-
xième en 1975.
Les tentatives d'organiser les marchés du café et du cacao ont
été surtout depuis une dizaine d'années, fortdécevante~ Si l'on exclut
la période 1962-1968, au cours de laquelle l'Accord du café eut une reélle
influence sur le marché, les divers accords internationaux successifs nlont
jamais fonctionné.
Ceci s'explique tout d'abord par l'intérêt inégal que les parte-
naires trouvent ou envisagent de trouver, dans de tels accords et cette
remarque s'applique globalement à l'ensemble des tentatives d'organisation
des marchés des matières premières agricoles.
Les accords n'ayant pas fonctionné, il est difficile d'évaluer
l'impact qu'ils auraient pu avoir, si, notammant, les fourchettes négociées
de prix avaie~t été à la fois plus réalistes et plus souples. Domine cepan-
dant, le sentiment que la connaissance des marchés accumulés par le truche-
ment de ces accords, comme les améliorations théoriques dont ils ont été
l 'objet au fil des ans devraient leur conférer une efficacité certaine,
pour peu qu'existe dans l 'avenir un consensus suffisant sur l'objectif à
itteindre : stabiliser les marchés.
La tendance la plus récente va en effet en sens inverse.
Dans le cas du café, comme dans celui du cacao, le refus de quel-
ques pays consommateurs importants de prendre en compte cet objectif a ame-
né les pays producteurs à la prendre eux-mêmes en main. Précaire et dange-
reuse, cette tentative peut se révéler efficace, si les intéressés savent
rester unis et modérer leurs prétentions au regard des réalités, non des
marchés (au sens étroit du terme) mais des économies des produits. A cet
égard, le cacao et le café sont des exemples très illustratifs. Si l'expé-
rience de Groupe de Bogota (café) a des chances de réussir, essentiellement
381...
si ses partenaires savent taire leurs rivalités et continuent d1agir
"en
bons professionnels", celle du cacao est beaucoup plus flexible, du fait
même de la fragilité de ce produit, difficilement stockable et de consom-
mation beaucoup plus fluctuante que le café.
La plupart des pays producteurs sont regroupés au sein d'organi-
~ations intergouvernementales, cherchant par tous les moyens à maintenir les
cours au niveau le plus élevé. Déjà la Côte d'Ivoire (cacao), qui prend le
rôle de leader,
a décidé de se retirer totalement du marché depuis le dé-
but de la campagne 1979-1980, mobilisant toutes les possibilités de stockage
dans le pays pour ne reprendre ses ventes que lorsque les cours seront jugés
suffisants.
La liberté totale et le libre jeu de l'offre et de la demande ont
toujours été la règle du marché international du café et du cacao. On peut
se demander si le moment n'est pas venu de prendre réellement conscience des
dangers qui en résultent, tant pour les producteurs que pour les consomma-
teurs, en espérant que tout sera mis en oeuvre pour parvenir enfin à un ac-
cord international, sauvegardant les intérêts à long terme des uns et des
autres (producteurs-consonmateurs}.
382
CON C LUS ION
G E N E R ALE
Au terme de notre étude sur la commercialisation des produits
agricoles d'exportation (café-cacao), il convient de tirer quelques conclu-
sions afin de dégager les enseignements qui s'imposent.
L'introduction du café et du cacao dans l'économie ivoirienne
est la conséquence d'une division internationale du travail introduite à
partir de la "révolution industrielle" en Europe et en Amérique du Nord,
qui attribue aux colonies (directes ou indirectes), la production de
matières premières agricoles, indispensables aux pays industriels. Les
agricultures furent donc dirigées vers la production de cultures d'exporta-
tion, au détriment des cultures vivrières.
L'économie ivoirienne, avant d'être agressée par le mode de pro-
duction capitaliste (dépendante, désarticulée, dominée) avait connu des
modes de production presque identiques à ceux d'autres pays africains.
Au niveau de la formation sociale précoloniale, l'organisation
économique de base, était la conmunauté clanique, fonnée de tous les membres
de la société. Le système de propriété dans la société était collective.
Quant à la terre, support physique des forces productives naturelles, cons-
tituait l'instrument fondamental et l'axe du rapport de production.
Dans la mesure 00 le niveau des forces productives était extrê-
mement bas, les conditions naturelles et les moyens techniques médiocres,
le sur~lus de production dans la société était aléatoire et limité. Le
383
surplus dans la formation précoloniale ne pouvait donc, en aucun cas être
extorqué, approprié et consommé individuellement par les couches supérieures.
Toute la production était basée sur la répartition égalitaire. Cette forma-
tion avait été détruite avec l'introduction des cultures de rente .
.L'introduction de ces cultures par les colonisateurs, ou plutôt,
le passa~e d'uneéconan:ie traditionnelle à une économie de rente a but
sDéculative, siest faite d'une façon brutale.
Ce typ~ d'e~ploitation requiert une main d'oeuvre agricole
abondante, recrutée s.oi t pa rmi l es autochtones, que l a mi sère et l' expropri a-
tion ont chassé de le~r campagne, soit parmi une main d'oeuvre étrangère,
a introduit de profoo~s changements dans le secteur traditionnel (travaux
forcés, im~ôts, etc .•. ). Ainsi, de l'économie de subsistance, nous passons
à une économie de marché, ou le mode de production capitaliste est dominant.
Au moment de l'accession de la Côte d'Ivoire à la souveraineté
nationale et internationale, le pays était connu comme exportateur de
matières premières agricoles suivant les clivages issus de la division
internationale du travail.
L'éconOl1li~ allait de ce fait, suhi r une évolution en dents de
scie, en raison d~ l'instabilité des, cours mondiaux des matières premières
agricoles.
Cette situation avait créé un êtatoe déséquilibre alimentaire,
suivie d'une malnutrition qui pèse actuellement sur la Côte d'Ivoire,
l'oblige
à tmpor ter des produits vivriers pour pallier à ce déséquilibre.
Le problème nutritionnel dans la société ivoirienne, n'est que l'un des
aspects de l'état de sous-développement, dû en grande partie à la réduction
des terres au profit des cultures de rente.
Le bouleversement de l'économie agricole n'est pas la seule
cause de l'aggravation continue du déficit alimentaire en Côte d'Ivoire,
et à l'échelle du monde sous-développé. Certains économistes se bornent
384
à dire que, la croissance démographique est le facteur déterminant de la
malnutrition. Elle peut être l'une des causes, mais pas le facteur le plus
important. Le facteur le plus important à notre avis de l'insuffisance
alimentaire s'établit à deux niveaux:
1°) au niveau des campagnes, où la proportion des surfaces con-
sacrées aux cul tures vi vri ères ne cesse " de dimi nuer, au profi t des
culturi$ d'exportations, et
2°} au niveau de l'élargissement des économies de marché, avec
la diversification des produits d'exportations, suivis de la déperdition
de la force de travail, due au détournement du temps de travail d'une partie
de la main d'oeuvre agricole dans les plantations industrielles.
A travers notre étude, nous~avons que, la politique agricole
de la Côte d'Ivoire, située dans les mouvances des pays impérialistes est,
à des degrés divers, fondée sur la production de denrées, nécessaires aux
économies des pais impérialistes développés. Le niveau de développement
de la Côte d'Ivoire est mesuré par sa capacité de satisfaire les bes6ins
exprimés par les pays nantis et non ceux de sa population.
Les conséquences de l'introduction des cultures commerciales
d'ex~ortation sur l'ensemble de la production agricole (au sens large
du terme), sont multiples et complexes (réduction des cultures vivrières,
accélération de l'exploitation forestière pour faire place aux cultures
d'exportation, importatiqn de produits vivriers, etc ... ).
La dégradation économique s'est effectuée lentement et, si la
situation est si grave aujourd'hui dans certaines régions de la Côte
d'Ivoire, c'est qu'elle est le résultat d'une longue évolution du système
mis en place depuis la période coloniale. Nous assistons à une dépendance
économique et commerciale. La dépendance économique se manifeste en premier
lieu au pl an des échanges. La dépendance commerciale Si expr-ime égal ement
par le fait que~ les pays industrialisés peuvent offrir à l'échange une
gamme considérable de produits. La Côte d'Ivoire quant à elle, n'en peut
385
offrir qu'un éventail des plus restreints. se limitant à quelques produits
principaux (café. cacao. bois. etc ... ).
La dépendance commerciale se trouve étroitement imbriquée avec
la dépendance financière. l'une et l'autre se conditionnent mutuellement.
L'impérialisme d'hier et celui d'aujourd'hui, ne portent leurs
intérêts dans les pays qu'ils dominent que sur les ressources et les
potentialités, susceptibles de répondre aux besoins de leurs économies.
L'extension des surfaces cultivées sans amélioration culturale
et sans te moindre gain de productivité, ou, l'exploitation saccageante
des richesses forestières, sans se préoccuper des lendemains, ont eu des
retombées sur le développement économique et social de la Côte d'Ivoire.
Faut-il chercher la solution dhez Lénine, Luxembourg, Baran,
Sweezy, Palloix, etc ... ? Y a-t-il tendance du primat du néo-impérialisme
aujourd'hui? Un témoignage éclatant semble en avoir été donné, déjà en
mai 1969 par le premier rapport à la C~UCED (conférence des nations unies
pour le commerce et le développement) de son secrétaire général, Manuel
GliERRERO, lequel, sur la base de la loi des coûts comparatifs affirmait
"qu'étant donné le niveau élevé de l'emploi dans les pays développés,
ces derniers auraient avantage à réorienter progressivement leurs ressources,
dans un certain laps de temps, vers les industries à haute productivité et
à a~oir en conséquence de plus fortes importations en provenance des pays
en ycie de développement, cela aurait pour effet de permettre à ces derniers
paJ' de leur acheter davantage. Les pays sous-développés devraient s'attacher
à développer la transformation de leurs produits agricoles, à la fois pour
les besoins de leur consommation, et pour l'exportation".
A l 'heure actuelle, le commerce extérieur reste d'une importance
exceptionnelle pour les pays sous dével oppës en général, et la Côte d' Ivoire
en particulier.
386
La spécificité de certains produits, l'insuffisance d'infrastruc-
ture vers l'intérieur, la faiblesse de l'industrie, le développement par
les anciens colons des zones côtières, o~fait que, les marchés intérieurs
ont eux une importance moindre, par rapport aux mar~hés extérieurs?
Mais l'importance accordée aux marchés extérieurs n'empêche pas
le fléchissement séculaire marqué des prix des produits agricoles. Tandis
que les prix des produits manufacturés se sont élevés dans de nombreuses
industries, ceux des produits primaires agricoles ne cessent de baisser.
Les variations des cours des matières premières agricoles, signifient
pour la Côte d'Ivoire, variations des flux de revenus provenant de ces
exportations et peuvent entraîner à long terme, des variations de la produc-
tion, des effets de dépendance accrue et de domination "technique".
Depuis la période d'après guerre, la spécialisation dans la
production des matières premières agricoles, maintenue dans l'Afrique en
général et la Côte d'Ivoire en particulier, s'est accompagnée d'une dévalo-
risation très importante des exportations.
Les données de la conférence des Nations Unies sur le commerce
et le développement (CNUCED) et celles de la banque mondiale, convergent
pour montrer la longue dégradation des termes de l'échange des produits de
base exportés par le tiers-monde. les structures des économies développées
ont atteint un stade de maturité qui exerce, nécessairement une domination
sur les autres économies, surtout sur les économies sous-développées, dont
la Côte d'Ivoire fait partie.
Comme les pays capitalistes avancés sont les premiers producteurs
et les premiers acheteurs de matières premières agricoles, cela leur confère
un~ importance particulière dans la fixation des prix mondiaux. D'une part,
le prix des matières premières est fixé compte tenu des substituts, ou des
besoins des économies industrielles. D'autre part, comme l'évolution du
niveau général des prix, dans les pays développés est déterminée par la
hau~se constante des coûts de production, cela influe sur les prix des
Drod~its manufacturés importés par les pays en développement. D'où, pour les
pay~ ~roducteurs de matières premières agricoles, aeux é1éments négatifs
387
se cumulent: d'abord, ils ne sont pas maîtres de la fixation du prix des
produits qu'ils exportent, de plus, ils subissent les variations de prix
des produits qu'ils importent. Il en résulte que les conditions économiques
prévalent dans les pays développés et peuvent avoir des conséquences béné-
fiques ou désastreuses sur l'économie des pays sous-développés, producteurs
exclusifs de matières premières agricoles.pour le marché mondial capitaliste.
Tous ces problèmes d'ordre économique, ont poussé les Nations Unies (1) à
prendre des décisions qui ont défini le rôle incombant aux états et aux
organisations internationales dans l 1 instauration d'un nouvel ordre écono-
mique international.
D'une façon globale, ce nouvel ordre économique peut être
décrit comme une rupture, dans la méthode des rapports économiques Nord-Sud
qùi , dans les conditions qui prévalent encore, privilégient l;es partenaires
détenant l 'infrastrastructure la plus développée et la technologie la plus
avancée, aux dépens des détenteurs de main d'oeuvre bon marché et de
matières premières agricoles pour les industries des pays développés.
En résumé de la conclusion,. nous pouvons dire que, la négocia-
tion entre les pays développés et les pays en développement doit se pour-
suivre pour étab 1i r des rapports pl us justes et pl us bénéfiques sur le pl an
de l'économie internationale. Ce qui implique notamment, la stabilisation
des prix des produits de base, l'ouverture des marchés des pays industria-
lisés aux produits du tiers monde et Ta réduction du coût du transfert
technologique.
Ce dialogue peut conduire les pays industriels à prendre peut
être conscience de ce que leur avenir ne saurait être dissocié de celui
des pays en développement.
Le développemerit ne sauralt donc être pour nous, le modèle de
vis matérielle des sociétés ~n compétition. C'est une illusion de croire que
nous rattraperons un jour le niveau de vie atteint par les sociétés
(1) Voir "ver-s l'établissement d'un nouvel ordre économique i nterne t ional "
notes et études documentaires, n° 4412, 4413, 4414, la documentation
française, Paris 1977 (NDLR)
388
capitalistes déve1oppées. Les progrès techniques auxquels nous accédons
étant chaque fois dépassés par le perfectionnement et les découvertes
des autres. Dès lors, les i ndicateurs socio-économi ques qui servent à
mesurer nos progrès par rapport aux sociét~s capitàlistes avancées, tel que
le produit intérieur brut (PIS), n'ont pas de signification réelle, et ne
-sauraient être la motivation de nos efforts, même s l i l s demeurent par
ailleurs des commodités de calcul à usage international.
Car la crise du pétrole et l'inflation qui sévissent dans le
monde depuis des années, ont rendu aléatoire l'utilisation aue l'on peut
faire de ces indications: les Emirats du Golfe Persique, llArabie Saoudite,
la Lybie, etc ... qui ont gagné des sOl1111es fabuleuses en vendant du pétrole,
se retrouvent classés parmi les pays les plus riches du monde, sans que
cela corresponde à une croissance réelle de l'ensemble de leurs économies
et encore moins à leur développement. Une question se pose: conunent la
Côte dlIvoire compte-t-elle sortir de cette dépendance?
389
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ARCHIVES, rue OUDINOT
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détournements de deniers publics
aux Chambres de çaa-
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n017 .
AFFAIRES POLITIQUES, ADF, activité économique, rénovation rurale, 1948-1957,
394
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III.
COTE D'IVOIRE, expansion territoriale et politique-indigène 1910, Dossier 9,
CÔ te d' 1vo i re, 1V.
'COTE D'IVOIRE, travail et main d'oeuvre 1890-1897, Dossier 1, 2, 3, Côte d'I-
voire, XIV.
395
•
INDEX ALPHABETIQUE DES SIGLES ET ABRE/ATIONS
A CP:
AFRIQUE CARATBES PACIFIQUE
B C E A 0
BANQUE CENTRALE DES ETATS DE L'AFRIQUE DE L'OUEST
B DI:
BUREAU DE DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL
1J.5
B 1 D 1
BANQUE IVOIRIENNE POUR LE DEVELOPPEMENT INDSYTRIEL
B N DA
BANQUE NATIONALE POUR LE DEVELOPPEMENT AGRICOLE
B SIE
BUDGET SPECIAL D'INVESTISSEMENT ET D'EQUIPEMENT
CFA :
COMMUNAUTE FINANCIERE AFRICAINE
C F DT:
COMPAGNIE FRANCAISE POUR LE DEVELOPPEMENT DES FIBRES
TEXTILES
CIe E
CENTRE IVOIRIEN DU COMMERCE EXTERIEUR
CID T
COMPAGNIE IVOIRIENNE POUR LE DEVELOPPEMENT DES FIBRES
TEXTILES
C N U C E D
CONFERENCE DES NATIONS-UNIES POUR LE COMMERCE ET LE DE-
VELOPPE~'ENT
CSS P P A
CAISSE DE STABILISATION ET DE SOUTIEN DES PRIX DES PRO-
DU rrs AGR 1COLES
F AC:
FONDS D'AIDE ET DE COOPERATION (FRANCE)
F A D =
FONDS AFRICAIN DE DEVELOPPEMENT (BAD)
1 RAT
INSTITUT DE RECHERCHES AGRONOMIQUES TROPICALES
1 R H 0
INSTITUT DE RECHERCHES POUR LES HUILES ET LES OLEAGINEUX
o 1 C :
OFFICE INTERNATIONAL DU CAFE
o N P R =
OFFICE NATIONAL DE PROMOTION RURALE
ORS T 0 ~~ :
OFFICE DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE DE L' OUTRE-
~~ER (FRANCE)
S AtM A C J
SOCIETE D'ASSISTANCE TECHNIQUE POUR LA MODERNISATION DE
l'AGRICULTURE EN COTE D'IVOIRE
396
S E R 1 C
SOCIETE D'ETUDE ET
DE REALISATION DE L'INDUSTRIE CAFEIERE
ET CACAOYERE
S 0 D E PAL M SOCIETE POUR LE DEVELOPPEMENT ET. L'EXPLOITATION DU PALMIER
A HUILE
S 0 DER 1 Z:
SOC1ETE POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA RIZICULTURE
S 0 DES U C R E:SOCIE1E POUR LE DEVELOPPEMENT DES PLANTATIONS DE CANNE A
SUCRE, L'INDUSTRIALISATION ET LA COMMERCIALISATION DU SU-
CRE
SON A F 1
SOCIETE NATIONALE DE FINANCEMENT
S T ABE X
SYST,~ME DE STABILISATION DES RECETTES D'EXPORTATION (CEE-
ACP)
'P'
397
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE.
2
1ère PARTIE: La priorité accordée aux cultures d'exportation
11
l ntroduct ion
12
Chapitre l : la spécialisation dépendante de la Côte d'Ivoire
pendant la période coloniale vis à vis de la mé-
tropo le
23
Section l
les mesures prises et l'expansion des cultures
d'ex portati on
23
l
de l'économie d'autosubsistance à l'économie de traite27
rr
les mesures par lesquelles l'administration coloniale33
détruit le système agraire traditionnel
.
III
le dëveIoppenent de la production en rapport avec le
conmerce col onial
38
IV : le bouleversement de la société traditionnelle
44
Section JI : le rôle de l'administration coloniale dans l'a-~:
- -- -
.......
---"-
cheminement de la main d1oeuvre
55
l
la ~~in d'oeuvre dans l 'organisation coutumière
56
II
la main d'oeuvre pendant la phase évolutive de l'a-
gri cul ture
58
III
abolition du travail obligatoire et création du SIA-
MO•.••..•. " •..•••.•••....••••••.•....•...••.••.•.•••••• 64
Chapitre .I).
Ac:centuati on de la pri orité accordée aux deux
cultures spéculatives après 1960
70
Secti on '1
la politique agricole de la Côte d'Ivoire après
l Jindépendance et les mesures qui favorisent la 73
398
priori té.
l
la politique de développement agricole et le rôle des
sociétés d'Etat à vocation agricol~
76
II
les mesures qui faorisent la priorité accordée aux
cultures d'exportation
94
Section Il ; la politique de diversification etla transfor-
mation des produits d'exportation
103
l
la diversification de la production
104
II
la transformation des cultures d'exportation
119
2ème partie
Les conséquences négatives de la priorité accordée aux
culture~ d1exportation sur les cultures vivrières
132
l ntroêucti on
133
Chapitre
les caractéristiqués du système agraire pré-
colonial axé sur les produits vivriers •...... .141
Section l
l a conmunautë villageoise et la terre dans le
système agraire précolonial
.143
l
Tes rapports sociaux de production
.144
II
les forces productives
'"
146
III
l
t -
e sys~eme l'19nager
152
.
~e~tio~ 11_: les méthodes culturales dans le système agrai-
~
l
. l
159
re preco onla
.
l
l 'organisation du travaiL
.163
II
les techniques culturales traditionnelles
.166
III
les associations et rotations culturales et leurs in
convénients .,
170
~e~t!.9~ !..I L :le systême agra ire prêco l on i al et les possi bi-
lités d'autosuffisan.ce al imentaire
)74
l
primauté des cul tures vi vrières dans le système a-
.
~
l
. l
176
gralre pr-eco o·nla
.
399
II
l'apparition d'une économie d'échange précoloniale .. 185
III
le commerce vers les pays de savane
187
Chapitre ~}
les conséquences de l'introduction du café et
du cacao en Côte d 'lvoire
192
Section 1 : le développement des cultures d'e~portation
....
---~
restreint les cultures vivrières
200
1
l·extension des surfaces consacrées au café-cacao ... 203
II
l'extension du café-cacao restreint les surfaces
consacrées aux cultures vivrières
210
III
l'ensemble entraine le désemploi d'une partie de la
main d'oeuvre
213
Section II
l'exploitation forestière contribue à accélé-
rer et rendre irréversible ces évolutions ..... 219
1
l 1 expl oitation foresti ère du boi s
220
II
cette exploitation entraine une réduction des surfa-
ces forestières (dont bénéficient les cultures d'ex-
po rta t i on) ..........................................•. 229
III
l'exploitation du bois entraine le risque d'un pro-
blème écologique et le risque d'un renouvellement
des sol s
,
,
231
Section III
l'insuffisance des productions vivrières et
ses conséquences
235
1
insuffisance des productions vivrières ...........••• 237
II
nécessité d'importer ........................•. ~ ....• 247
400
3ème PARTIE: l'impact sur les échanges commerciaux
256
Introducti on
" ..................•................... 257
Chapitre l : les caractéristiques de la commercialisation
du café et du cacao...................•....... 260
Section l
la formation des prix internes et le rôle de la
CSSPPA
262
I
le rôle de la CSSPPA
263
I I
l
f
t i
d
. . të .
269
a
orma lon es pri x ln eneurs
.
Section II : les sociétés agréées à commercialiser le café-
cacao et leurs liens avec la CSSPPA
"83
1=.
l
les formes d'intervention des sociétés agréées dans
la commercialisation
287
II
le financement de la commercialisation et l'origine
des capitaux des sociétés agréées
290
Chapitre II : l'échange i néga l : café-cacao
296
Section l
évolution des cours du café et du cacao sur le
marché mondial
29"6
l
la formation des prix du café-cacao sur le marché
mondial
298
II
évolution des cours mondiaux du café-cacao de 1955 à
1980
305
Graphique l
III
comparaison des cours du café-cacao et les cours du
pétrole
309
Graphique II
401
Section II
partage de la valeur café-cacao de Côte d'I-
voire à l'échelle mondiale
325
1
.
d
t"
. ' f~
325
prlx pro uc lon-prlx exportatlon ca e-cacao
.
Graphique 1II
II
prix production- prix consommation en France
330
Graphique IV
III
les conséquences sur la balance commerciale et la
balance des paiements
332
Graphique V
~eEt.:!.0!llll
le problème de 1Iorg~àt.TéfrC,du marché du
~>~~,\\ ,- ... ~~-"-........
'.
f ~ t d
,; -, / ' ,
355
ca e e
u cacao. './" ./",e::
\\:
.
i
/
~i/I
'-.
':
1
l'organisation interafritai~e du\\€::,afé
(l 'DIAC}
357
\\
\\
'.
\\
'
II
l'accord i nternati onal du'xcafê et du-cacao
360
~" >-..
,.,'
.
,:'r , , . '
373
111
le groupe de Bogota
' ,'-~
.
IV
le fonds régul ateur
378
CONCLUSION GENERALE
382
Bi bli ographi e
389
1ndex
395
Table des matières
397